LES
COLLECTION COMPLÈTE
DES
PEINTS A FRESQUE,
QUI omim LES VOUTES DU VATICAN ET REPRÉSENTENT DES SUJETS DE LA BIRLE,
dessinés à FaquareEe ef graves en taiEe-douce
PAR J. C. DE MEULEMEESTER,
AHcjF?: i\'ETsio:sx.\\iEE OB rr^ASCE A RO:»!E, ETC ;
TERMINÉS sous LA DIRECTION DE M. L. CALAMATTA,
professeur de gravure,
ET ACCOMPAGNÉS D\'UN TEXTE
PAR LE BARON DE REIFFENBERG,
CnjI.HiDi:i!B ET ClIEV*I.Ii;!i DE PHIsmUKS ORBIilîg.
184S
PURLIÉS PAR A. LACROSSE.
-ocr page 2- -ocr page 3-LES
l^xoBptclm.
De tous les chefs-d\'œuvre de Raphaël, le plus e\'ionnant sans doute par la grandeur de la
conception, l\'harmonie, la richesse et la variété\', est cette suite de peintures connues sous le nom
de Bible de Raphaël, et qui ornent, au nombre de cinquante-deux, les trave\'es de l\'une des
galeries du Vatican.
La galerie dite des Loges fait partie du portique donnant sur la superbe cour de Saint-
Damaze. Elle est partagée en treize voiites, dans chacune desquelles Raphaël a peint ou fait
peindre par ses principamx élèves, et d\'après ses propres cartons ou dessins, quatre tableaux à
fresque, de moyenne grandeur, dont les figures ont généralement deux pieds et demi de pro-
portion , et le fond environ six pieds sur quatre. Ils représentent cinquante-deux épisodes de
la Bible, depuis les premiers temps de la Genèse jusqu\'à la Cène de Jésus-Christ avec ses apôtres.
Cet admirable sujet d\'études pour les artistes, source inépuisable de jouissances pour
les amateurs, transfiguration subhme des livres saints, si propre à intéresser les âmes
religieuses, ce monument légué par le génie à l\'humanité tout entière exerce depuis plus de
trois siècles le crayon, le pinceau et le burin. Que d\'inspirations heureuses on a du à ces
divines peintures ! que d\'emprunts on leur fait tous les jours ! Afin d\'en répandre la connaissance
et d\'en perpétuer la durée, la gravure a essayé plusieurs fois de s\'emparer des Loges. Badalochio
et Lanfranchi, Borgiani et Villamena, Chapron et Avehne, Aquila et Fantetti, Landon et
Tommaso de Vivo, etc., etc., les uns en taille-douce, les autres au trait, ont entrepris de donner
une idée de cette collection prodigieuse, en la gravant, seul procédé de reproduction réellement
intelligible, dans l\'impuissance absolue de la description écrite. Mais de toutes ces tentatives plus
ou moins dignes d\'éloge, aucune n\'est complètement satisfaisante. On aurait pu craindre que
ces peintures, sur lesquelles le temps a répandu une couche brumeuse, et qui ont beaucoup
souffert de l\'inclémence de l\'air ainsi que de la négligence des hommes, ne s\'anéantissent avant
qu\'on en eût obtenu une copie fidèle, s\'il ne s\'était rencontré un artiste qui, doué à la fois d\'un
talent remarquable et d\'une persévérance laborieuse, consacra les plus florissantes années de sa
vie à ce travail immense.
Joseph-Charles De Meulemeester, ne à Bruges, était fort jeune encore lorsque Bei vie
iadmit au nombre de ses disciples et le logea avec lui au Louvre. Meulemeester y resta trois
ans, et fut compté parmi les élèves les plus distingués d\'une école justement renommée pour la
beauté et la pureté du burin.
Le besoin d\'achever son éducation l\'appelait à Rome. En 1806, il partit pour cette ville, dont
le nom seul agit si puissamment sur les imaginations d\'artiste ; il y lut reçu avec un empresse-
ment marqué par le peintre Suvée, directeur de l\'école française, auquel il avait emprunté le
modèle d\'une estampe qui lui valut les premiers applaudissements des connaisseurs, celle où est
représenté le saint vieillard Siméon.
Bientôt cet excellent guide, cet ami précieux mourut dans ses bras. Malgré ses regrets,
Meulemeester fut très-utile à M. Paris, successeur provisoire de Suvée. Mais après plusieurs
mois écoulés dans les occupations de la charge toute gratuite de secrétaire de l\'école française,
il songea à quitter Rome.
Afin d\'emporter un souvenir de son séjour dans la capitale du monde chrétien, et surtout
des merveilles du Vatican, qui avaient constamment excité son enthousiasme, il se mit à copier
à l\'aquarelle une des fresques des Loges de Raphaël : Moïse sauvé des eaux.
Doué de plus d\'exactitude et de patience que de verve et d\'invention, Meulemeester rendit
cette peinture avec une vérité si frappante, une fidélité si minutieuse et en même temps si naïve
de dessin et de couleur, que les connaisseurs auxquels il montra son essai en demeurèrent
fî-appés. Ils l\'engagèrent à copier une seconde fresque qui ferait pendant à la première.
Ce fut alors qu\'entraîné par l\'attrait d\'une occupation dont les difiicultés étaient un charme
(le plus pour un esprit comme le sien, il conçut le vaste projet dont laccomphssement devait
absorber le reste de sa vie. A l\'exemple de Volpato, qui se consacra particulièrement à la repro-
duction des tableaux des Stanze et des arabesques des Logcjie, Meulemeester entreprit de
dessiner à l\'aquai-elle, en un format plus grand qu\'on ne l\'avait tenté jusqu\'alors, et en imitant
avec une exactitude inouïe le ton et l effet de la fresque, les cinquante-deux peintures histo-
riques de la galerie de Saint-Damaze, pour les transmettre ensuite sur le cuivre au moyen de
la gravure.
Perché pendant douze années sur une longue échelle qui est devenue elle-même un monument,
il n\'eut de pensées et de regards que pour Fœuvre de Raphaël. Ces tableaux dont le temps.
I humidité et mille causes différentes ont amorti et effacé les couleurs, et qui, dans maintes parties,
sont presque indéchiffrables, occupèrent seuls son opiniâtre attention. A force de les contempler
et d\'en étudier les moindres détails, il avait acquis en quelque sorte le don d\'une seconde vue .
c\'est-à-dire qu\'il était parvenu à distinguer des formes arrêtées et des nuances précises là où
d\'autres n\'auraient aperçu que la confusion et le chaos. Mais superstitieux dans sa fidélité, il ne se
contentait pas de deviner, il traduisait littéralement : il rendait trait pour trait, teinte pour teinte,
ces peintures lancées par le génie vers le ciel. Rien ne put le détourner de cette application
pénible. Les révolutions passèrent au pied de son échelle sans le distraire un moment.
Les services qu\'il avait rendus à 1 ecole française pendant l intérim de M. Paris lui valurent la
-ocr page 5-moitié de Ja pension que le gouvernement impe\'rial assignait aux e\'ièves de cette acade\'mie. D un
autre côté, le pape Pie Vil lui accorda un logement au Vatican,
Cependant son travail avançait avec lenteur. L\'Europe avait changé de face, et Meulemeester
ne désertait point son poste. 11 l\'occupait déjà depuis dix années lorsque le monarque qui venait
de réunir les Pays-Bas sous son sceptre, lui fit offrir la place de professeur de gravure à l\'aca-
démie d\'Anvers. Meulemeester, résolu à consacrer encore deux années à la révision de ses
dessins, refusa d\'accepter immédiatement ces fonctions. Le roi Guillaume comprit sa noble
résistance et lui donna des marques d\'estime. Ce ne fut donc qu\'après douze années que
Meulemeester regarda comme entièrement achevée sa collection de copies à l\'aquareHe, et sa
première tâche comme remplie. Mais quelque grandes, quelque pénibles que fussent les diffi-
eultés qu\'il avait à vaincre, l\'espoir que ses efforts seraient un jour utiles aux artistes de tous
les pays soutenait son zèle et son ardeur.
Tous les artistes, les juges compétents, les personnages de distinction qui, dans la galerie
même du Vatican, purent comparer les copies avec les fresques originales, lui exprimèrent
hautement leur surprise, et déclarèrent qu\'elles étaient les seules vraiment exactes dans tous leurs
détails. A ces témoignages non équivoques s\'en joignit un bien imposant, celui du vénérable
Pie VU, qui plusieurs fois prit plaisir à voir travailler l\'artiste, et il lui fit expédier un privilege
qui lui conférait pour trente ans le droit exclusif de graver en taiile-douce, d\'imprimer et de
vendre dans les Etats romains des copies de la Bible de Raphaël.
En 1819, Meulemeester, riche d\'un portefeuille unique, quitta Rome et revint dans sa
patrie pour s\'occuper de la seconde partie de son œuvre, la gravure.
Dès que son prospectus parut, presque tous les souverains et les personnages les plus émi-
nents de l Europe voulurent être au nombre des souscripteurs. Le ministère à Paris souscrivit
pour cinquante exemplaires. xMeulemeester commença donc la gravure de son recueil gigan-
tesque , en adoptant avec goût un proeédé d\'eau-forte et de burin qui reproduit merveil-
leusement le genre de peinture de son modèle ^ ce sont les tailles nettes et fermes de l\'école
de Bervic, mais aussi le ton calme de la fresque, qui ne comporte pas la chaleur et le fini de
la peinture à l\'huile.
Dans le courant de 1823, il fît à Londres une exhibition de ses dessins, dans le but d\'y
recueillir des souscripteurs. En passant le détroit, comme dans tous ses voyages, le portefeuille
qui contenait son trésor ne l\'abandonnait jamais. Il le portait en bandoulière, et s\'il lui fallait
un instant le déposer, il le couvait des yeux ainsi qu\'une mère qui craint de perdre de vue
l\'enfant sur lequel repose toute sa tendresse. On ne pouvait s\'empêcher, en le considérant, de
se rappeler ce sage de l\'antiquité dont le mot est devenu d\'une trivialité célèbre : Omnia mea
mecAim porto.
En Angleterre, en France, partout il reçut les offres les plus brillantes, soit pour l\'acquisition,
soit pour la publication de ses dessins. Les avantages qu\'on lui présentait de toutes parts
étaient tels, qu\'ils assuraient sa réputation et sa fortune, Lariiste, dont le désintéressement
passait toute croyance, et qui s\'était d\'ailleurs identifié avec l\'objet de ses continuelles pensées,
refusa toutes les propositions. On pouvait tracer à bon droit sur son portefeuille la singulière
inscription qu\'on lit dans le prologue de Gil Bias; ce portefeuille renfermait aussi son âme.
En 182S, parut en couleur et en taille-douce le premier cahier des Loges, qui se composait de
quatre estampes accompagne\'es chacune d\'un texte explicatif.
Les hommes de goût louèrent beaucoup le graveur d\'avoir rapproche\' autant que possible sa
manière de celle du peintre, de ne s\'être permis aucune liberté\' avec son modèle, et d\'en avoir
respecte jusqu\'à ces ne\'gligences où le talent le plus extraordinaire tombe lui-même, mais qu\'il
fait servir quelquefois dans le but calcule\' de donner plus de saillie, par les de\'gradations et les
contrastes, à certaines parties de sa composition.
Meulemeester distribua successivement plusieurs livraisons en couleur; mais ce ne fut
qu\'en 1831 que parut la seconde livraison en taille-douce.
Cependant il paraissait impossible qu\'un homme seul et avec des ressources borne\'es, voulant
tout graver lui-même, pût venir à bout d\'une si colossale entreprise. Quoique dès 1829
Meulemeester eût renonce\' à la place de professeur à l\'acade\'mie d\'Anvers, pour s\'occuper
exclusivement à Paris de la publication de son ouvrage, et que son zèle, loin de faiblir, grandît en
même temps que les obstacles, il sentait lui-même avec amertume qu\'il aurait peine à remplir la
tâche glorieuse qu\'il s\'était imposée. Il espérait au moins terminer en couleur une œuvre à laquelle
il avait tout sacrifié. En janvier 1856, les souscripteurs en reçurent le neuvième cahier; le
troisième des gravures était promis pour l\'année suivante. Malheureusement, il n\'était pas donné
à l\'auteur d\'aller plus loin. Le 5 novembre 1836, il mourut presque subitement à Anvers, dans
un voyage qu\'il y faisait.
Laisser inachevé ce splendide monument, anéantir le fruit de tant d\'efforts, c\'eût été un mal-
heur pour l\'art. A cette époque où l\'on va si vite, ou l\'on est emporté malgré soi dans un tour-
billon rapide, quel homme aurait le courage et la volonté de refaire ce qu\'a tenté Meulemeester?
Bientôt même il sera inutile d\'y songer, car les ravages du temps et la nature même de la fresque
menacent les peintures de Raphaël d\'une destruction prochaine, ou du moins d\'une altération
telle qu\'elles deviendront pour le copiste un désolant hiéroglyphe.
Nous avons donc, après quelques années d\'interruption, songé à recueillir le legs de l\'artiste.
Les plus honorables suffrages nous y exhortaient, et il nous semblait que le moment où les
arts tendent à reprendre le caractère religieux qu\'ils n\'auraient jamais dû abandonner, était
convenablement choisi.
Après nous être préalablement assuré qu\'il était possible de terminer promptement cette
œuvre, si péniblement enfantée, d\'une utilité si inappréciable pour les études esthétiques, et
destinée à enrichir les cabinets de tous les amateurs, nous avons fait l\'acquisition des dessins,
des cuivres et des notes qui forment l\'héritage du graveur brugeois, naturalisé aussi en France
par le talent et par l\'affection.
Les cinquante-deux cuivres auxquels il travailla constamment depuis 1819 jusqu\'en 1836 sont
très-avancés ; indépendamment des huit gravures qui forment les deux premières livraisons,
plusieurs autres sont terminées; le reste est plus qu\'ébauché, et tous les contours en sont tracés
de ia main de Meulemeester lui-même. Les planches non terminées ont été confiées à des
artistes distingués, sous la direction de M. Galamatta, dont le nom seul est une garantie.
On s\'est fait un devoir de conserver à ces gravures leur caractère primitif, et on n\'a pas eu la
maladroite prétention de rajeunir Raphaël ni de le corriger dans la personne de celui qui l\'a en
quelque sorte décalqué.
Toutes les mesures sont prises et aucun sacrifice ne sera épargné pour justifier l\'attente du.
public et pour que l\'ouvrage soit entièrement livré aux souscripteurs dans l\'espace de trois années.
La dimension des gravures, d\'après les dessins de Meulemeester, est plus grande que celle
de toutes les publications antérieures. Elle est prise à l\'échelle du neuvième des fresques
originales, c\'est-à-dire d\'environ 20 pouces de France de long, sur iO de large. Les recueils de
Lanfranchi et de Badalochio, de Fantetti et Aquila, de Chapron, etc., non-seulement sont tous
de moindre format, mais la configuration des tableaux y est souvent [tronquée au point de
nécessiter le retranchement d\'utiles accessoires, de fausser les proportions et de nuire à la per-
spective. Quant à l\'exécution et à l\'exactitude, objets plus importants encore, elles ne permettent
aucune comparaison.
€onbition0 îre la 0ott0mption :
Les Loges de Raphaël sont publiées par livraison de quatre planches.
Chaque planche est accompagnée d\'une feuille de texte contenant une notice explicative et critique dans
laquelle on a mis à profit les observations qu\'un long examen avait suggérées à Meulemeester.
Le texte et les gravures sont imprimés sur beau papier grand-aigle in-folio.
Le prix de chaque planche sur papier blanc avec la feuille de texte, est de.......10 fr. 00
Sur papier de Chine, lettres blanches...................12 fr. 50
Quelques exemplaires sont peints à l\'aquarelle, à l\'imitation des fresques, le prix de chaque
planche est de...........................100 fr. 00
Une livraison supplémentaire, contenant une introduction sur l\'œuvre de Raphaël et une notice sur
Meulemeester, sera fournie gratuitement aux souscripteurs, avec la liste de leurs noms.
MM. les anciens souscripteurs voudront bien nous faire connaître le nombre des planches qu\'ils ont reçues
du vivant de l\'auteur, afin que nous puissions leur fournir le complément de l\'ouvrage.
On peut se convaincre au simple aperçu de ces conditions que notre entreprise n\'est pas
circonscrite dans les étroites limites d\'une spéculation de commerce. Un sentiment bien diflPé-
rent nous anime; c\'est avec une juste fierté que dans notre sympathie pour les beaux-arts,
nous essayons de perpétuer un de leurs plus glorieux monuments.
L\'appel que nous faisons à tous ceux qui protègent et aiment les arts sera certainement
entendu. Les princes qui avaient daigné accorder leur appui à la publication de Meulemeester,
nous continueront leur auguste patronage et les anciens souscripteurs ne repousseront pas une
œuvre qui leur offre de nouveaux gages de perfection. Nous pouvons dire sans présomption
que notre entreprise s\'adresse au monde entier, à la postérité comme au temps présent.
On n\'a pas besoin de recourir aux précautions insidieuses d\'une vaine modestie quand on
parle au nom de Raphaël.
Voici l\'indication sommaire des cinquante-deux sujets que représentent les treize Loges de Raphaël :
1. La iumicre est séparée des ténèbres.
\'à. Création de la terre.
3.nbsp;Création du soleil et de la lune.
4.nbsp;Création des animaux.
b.nbsp;Dieu présente Eve à Adam.
6.nbsp;Désobéissance d\'Adam et d\'Ève.
7.nbsp;Adam et Ève chassés du paradis.
8.nbsp;Adam et Ève hors du paradis.
9.nbsp;Noé construit l\'arche,
lO. Le déluge.
îl. Sortie de l\'arche.
12. Sacrifice de Noë.
/ 13. Abraham et Mekhisédech.
. ,nbsp;I H. Promesses de Dieu à Abraham.
LOGE. lt; , . . , .nbsp;, , ,
lo. Apparition des trois anges a Abraham.
16 Loth s\'enfuit de Sodômc.
LOGE.
6® LOGE.
LOGE.
( Dieu apparaît à Isaac.
18.nbsp;Isaac et Rebecca.
19.nbsp;Isaac bénit Jacob.
20.nbsp;Isaac et Esaii.
âl. Songe de Jacob.
22.nbsp;Rencontre de Jacob et de Rachel.
23.nbsp;Jacob réclame Rachel à Laban.
\\ 24. Retour de Jacob en Chanaan.
\' 2S5, Songes de Joseph.
26.nbsp;Joseph vendu par ses frères.
27.nbsp;Chasteté de Joseph.
28.nbsp;Joseph explique les songes à Pharaon.
LOGE.\'
LOGE.
a« LOGE.
29. MoiVe sauvé des eaux.
ôO. Le buisson ardent.
31.nbsp;Passage de la mer Rouge.
32.nbsp;Moïse frappant le n cher.
33.nbsp;Les premières tables de la loi.
34.nbsp;Adoration du Veau d\'or.
35.nbsp;La colonne de nuée.
36.nbsp;Les nouvelles tables de la loi.
37.nbsp;Passige du Jourd lin.
38 Prise de Jéricho.
39.nbsp;Josué arrête le soleil et la lune.
40.nbsp;Partiige de la terre de Chanaan.
41.nbsp;Sacre de David.
42.nbsp;David lue Goliath-
43.nbsp;Ti iomphe de David.
44.nbsp;David et Bethsabée.
45.nbsp;Sacre de Salomon.
46.nbsp;Jugement de Salomon.
47.nbsp;Construction du temple de Jérusalem.
48.nbsp;La reine de Saba.
/ 49. Naissance de Jesus-Chrisl,
j SO. Adoration des Mages.
SI. Baptême de Jésus-Christ.
La Cène.
* 15® LOGE.
Nota. Les Loges marquées d\'un astérisque, formant les
cinq premières livraisons (20 planches), sont mises en vente.
Toute facilité sera donnée aux souscripteurs, pour retirer
les livraisons,
8® LOGE.
9® LOGE.
10® LOGE.
11® LOGE.
12« LOGE.
On 0ou0crtt :
/ chez LACROSSE, éditeur, à la librairie de PÉRICHON, rue de la Montagne, 26.
A Bruxelles, |nbsp;à la Société des Beaux-Arts, Grand-Sablon, H.
(nbsp;chez MUQUARDT, libraire. Place Royale, H.
Anbsp;chez DE BUSSCHER frères, imprimeurs, Avenue de la Place d\'Armes.
A Paris ,nbsp;chez GIDE et C^, libraires-éditeurs, rue des Petits-Augustins, S.
Et chez ioi/s les libraires et marchands d\'estampes de la Belgique et des pays étrangers.
-ocr page 9-DES
PEINTS A FRESQUE,
QUI ORNENT LES VOUTES M VATICAN ET REPRÉSENTENT DES SUJETS DE LA BIBLE,
DESSINÉS A L\'AQUARELLE ET GRAVÉS EN TAILLE-DOUCE,
i 1/
PAR JOSEPH-CHARLES DE MEULEMEESTER,
5
ancien pensionnaire de france A rome, etc.,
ET ACCOMPAGNÉS D\'UN TEXTE
PAR I.E BARON DE REIFFENBERG
COMMANDEUR ET CHEVALIER DE I\'LUSIECS ORDRES.
Anbsp;^
DEDIE A SA MAJESTE LEOPOLD T, ROI DES BELGES.
LACROSSE, ÉDITEUR, A LA LIBRAIRIE PERICHON,
rue de la montagne, n° 26.
mm^
g...
...... T ^^.mn.
ES DE
DES
PEINTS A FRESQUE,
OUI OBNEAT LES VOUTES DU VATICAN ET REPRÉSENTENT DES SUJETS DE LA BIBLE,
DESSINÉS A L\'AQUARELLE ET GRAVÉS EN TAILLE-DOUCE,
PAR JOSEPH-CHARLES DE MEULEMEESTER,
ancien pensionnaire de france a robie, etc.
ET ACCOMPAGNÉS D\'UN TEXTE
PAR LE BARON DE REIFFENBERG
COJIMAIVDEKR ET CIIEVAI.IEH 1)E PLIISIEL\'RS ORDRES.
DÉDIÉ A SA MAJESTÉ LÉOPOLD T, ROI DES BELGES.
LACROSSE, ÉDITEUR A LA LIBRAIRIE PERICHON,
RUE DE LA MONTAGNE, 26.
-ocr page 11-ER
DES SCIE^TCES, DES LETTRES ET DES ARTS.
-ocr page 12-Tandis que des novateurs minaient les fondements du sanctuaire, Rome, à qui les souvenirs, les
beaux-arts et la religion avaient conservé Fempire du monde, ne s\'occupait que d\'orner ou de
construire de nouveaux édifices. II semblait que FÉglise, au moment de perdre une partie de sa
puissance, voulût conjurer le danger en redoublant de splendeur et d\'éclat. C\'était le temps où des
pontifes, peut-être trop adonnés aux choses du siècle, convoitaient avec la même ardeur d\'opulentes
provinces et un bijou ciselé par Benvenuto Cellini, où les merveilles conçues par Bramante et Michel-
Ange s\'élevaient avec une magique célérité, lorsque dans maintes contrées de l\'Europe les autels du
catholicisme croulaient à la voix des sectaires.
Protecteur et parent du jeune Raphaël, Bramante l\'avait présenté au pape Jules II et lui avait fourni
l\'occasion de déployer son génie dans les quatre immortelles compositions qui tapissent la salle délia
segnatura. On se souvient qu\'un peintre belge, qui avait plus d\'esprit littéraire que de talent pittoresque,
mais qui a joui longtemps d\'une brillante renommée, a retracé cet événement dans le moins médiocre
de ses tableaux. Raphaël, après avoir débuté par une imitation fidèle et presque timide du Pérugin,
s\'étah élevé bientôt à une originalité dont l\'étude de l\'antiquité et de l\'école de Florence n\'affaiblit
point la hardiesse. 11 savait, privilège unique, combiner et s\'assimiler les différentes qualités qu\'il
découvrait dans autrui, en restant toujours lui-même; si Fra Bartolomeo lui apprit à donner plus
de vigueur à ses teintes, plus de largeur à sa manière, s\'il profita du grand style de Michel-Ange, s\'il
y a quelque chose d\'antique dans sa façon de comprendre l\'arabesque, on ne peut pas dire qu\'il
imite; et même, quand il semble se choisir un modèle, c\'est alors qu\'il s\'en éloigne davantage. Ces
modèles ne font que donner l\'essor à sa pensée en lui laissant toute son indépendance; c\'est le point
sur lequel voulait s\'appuyer Archimède pour soulever l\'univers.
Les personnes qui ont été à Rome, et quel est l\'homme d\'imagination et de foi qui ne considère ce
pèlerinage comme le complément de sa vie intellectuelle? ceux, dis-je, qui ont visité la ville éternelle,
la ville de Romulus et de Léon X, auraient peine à reconnaître, dans le plus vaste des musées qui
existe, le Vatican d\'autrefois. Cet autre Capitole, d\'oii partaient les foudres qui pulvérisaient les trônes
et consternaient les peuples, n\'est plus voué qu\'à des études pacifiques. Au lieu de ces cardinaux
étincelants de pourpre et qui s\'égalaient aux rois, au lieu de cette foule de prélats, de chefs d\'ordre,
d\'ambassadeurs arrivés de toutes les extrémités du monde pour prêter foi et hommage, au lieu de
ces politiques dont la finesse et l\'habileté ont sauvé Rome dans ses mauvais jours et la défendent encore
par une tradition constante de principes et de vues, au lieu de cette muhitude de courtisans, de gardes
et de serviteurs, de tout le bruit et du faste qui remplissaient les onze mille salles de ce palais sans
pair, on ne voit plus que des voyageurs désœuvrés ou curieux, des peintres, des sculpteurs, des
architectes, quelques érudits qui traversent silencieusement les cours et les immenses corridors. Les
livres, les manuscrits, les statues, les tableaux, laissent peu de place à un pontife qui, préférant aux
pompes extérieures la simplicité et la modestie, consacre à la prière et aux austérités le temps que les
Borgia et les Médicis donnaient aux fêtes et aux vanités.
Lorsque For des nations affluait à Rome, que là se réglaient leurs destinées, à Fépoqne oii l\'Italie
renaissait anx lettres, Fartiste le plus étonnant qui ait jamais tenu la palette et le pinceau enfantait
coup sur coup des merveilles que les trésors des plus opulents monarques ne sauraient payer aujourd\'hui.
Successeur de Bramante, qui avait à peine jeté les fondements de la cour du Vatican, appelée la cour-
des Loges, Raphaël continua la construction des galeries et les porta à trois étages. Ces galeries ouvertes
en portiques et en colonnades furent disposées pour recevoir un nouveau genre cFembellissement.
On venait de découvrir les thermes de Titus, et il ne faut pas douter que Raphaël, qui professait pour
Fantiquité ce respect sans lequel il ny aura jamais dans les arts de succès solide ni durable, nait dû
à ces précieux restes le plan d\'une décoration où, sans tomber dans la bizarrerie, Fimagination
s\'abandonne à d\'ingénieux caprices, à d\'élégantes fantaisies, à des badinages pleins de grâce, et jeue
à travers For, les stucs et les couleurs, les détails les plus frais et les plus variés. Déjà un certain Morto
da Feltro, diligent investigateur des tombeaux et des ruines, avait essayé d\'attirer Fattention sur cette
espèce d\'ornement. Mais il appartenait à Raphaël d\'y attacher Fautorité de son nom et de son exemple,
et de pousser à la perfection de faibles et impuissantes tentatives. Dans ce but, il se garda bien de
copier les thermes de Titus, cette servilité ne pouvait convenir à la richesse et à la liberté de son génie;
c\'est Finspiration qu\'il chercha dans ces reliques du passé; il s\'en appropria Fesprit et le goût, en les
soumettant à un ordre d\'idées dont Fantiquité ne lui avait point fourni le type, et dont l\'allégorie
forme le fond.
Le second étage des loges, qui ouvre sur la cour de Saint-Damase, est une suite de treize arcades
soutenues par des pilastres et des contre-pilastres. Chaque travée a son plafond particulier, et ces
espaces, multipliés et de peu d\'étendue, offrent aux légèretés de l\'arabesque le champ le plus favorable.
Tout, dans ces travaux si divers, n\'est pas de Raphaël; mais ce qu\'on ne saurait justement lui contester,
c\'est le dessein général, la puissance de coordination de chaque partie, le choix des détails, Fensemble
et l\'unité de motif et d\'effet.
Les arabesques furent exécutées sous la direction de Jean d\'Udines. Il excellait à peindre les fleurs,
les fruits et les ornements de tout genre. Ce fut lui, dit-on, qui retrouva le secret du stuc antique,
c\'est-à-dire de la matière dont les anciens se servaient pour entremêler aux peintures de légers bas-
reliefs, accessoires rendus dans les Loges avec un fini si extraordinaire qu\'on les prendrait pour des
camées. D\'autres font honneur à Bramante de cette innovation.
Quelle ne devait pas être, dans les premiers temps, Fillusion produite par les arabesques de Jean
d\'Udines, s\'il est vrai qu\'un palefrenier du pape, courant prendre un tapis pour son service, se précipita,
dupe d\'une imitation frappante, sur un pilastre des Loges?
Raphaël possédait au plus haut degré la facuhé d\'embrasser dans sa plénitude un objet, si vaste qu\'il
fût. Il communiquait au moindre des individus qu\'il employait à réaliser ses immenses créations,
la supériorité qu\'on admire dans tout ce qui est sorti de ses mains. Sous ses yeux, sous sa conduite,
Fouvrier devenait artiste, et Fart éclatait jusque dans les labeurs les plus vulgaires. Les portes en bois
des Loges, qu\'il confia à Jean Barili, sont demeurées les chefs-d\'œuvre de la menuiserie. De même le pavé,
avant qu\'il fût endommagé par le temps, Fincurie et la brutalité des hommes, présentait les compar-
timents les plus somptueux et les plus diversifiés.
Mais la gloire des Loges, ce qui fait leur impérissable célébrité, ce sont les cinquante-deux tableaux
peints à fresque, et connus sous la désignation de Bible de Raphaël, parce qu\'ils sont tirés de l\'Ancien
et du Nouveau Testament.
Ces tableaux, répartis dans les compartiments des petites voûtes de chaque travée, ont environ six
pieds sur quatre, et les figures deux pieds et demi de proportion.
Le choix de quelques-uns des sujets de ces magnifiques annales du peuple de Dieu ne laisse aucune
incertitude sur le désir qu\'éprouvait Raphaël de lutter corps à corps, sur le même terrain, avec Michel-
Ange. L\'envie, passion étroite des petites âmes, n\'entrait pour rien dans cette rivalité. C\'était un
noble combat, où Raphaël cherchait à exercer ses forces, sans blesser son adversaire, sans même
vouloir le désarmer.
Les larges panneaux, les voûtes spacieuses de la chapelle Sixtine appelaient en quelque sorte les
colossales peintures de Michel-Ange, dont le génie superbe se complaisait dans les conceptions
p,igamesques. Forcé de se bo mer à des tableaux de chevalet, Raphaël ne pouvait viser à des proportions
si imposantes. Mais s\'il est borné, quant à l\'espace, il n\'en est pas moins grand sous le rapport de la
pensée, du caractère et de l\'action. Sa grandeur ne réside pas dans les dimensions surhumaines, ni
dans la mukiplicité des figures, dans une expression parfois exagérée, dans une fougue que le goût
ne sait pas discipliner toujours; e^lle ressort d\'une simplicité noble et pure, d\'un naturel plein de
dignité, d\'une intelligence lumineuse de la poésie sublime des livres saints, et d\'un sentiment religieux
aussi profond que vrai. Mais à la grandeur s\'unit aussi la grâce qui n\'abandonne jamais Raphaël, la
grâce qu\'il savait marier à l\'énergie, surtout quand la jeunesse semblait se refléter dans toutes les
œuvres du peintre, avec sa fraîcheur, son coloris, sa tendresse et sa confiance.
Raphaël n\'a peint lui-même qu\'une faible partie des Loges. Le reste a été exécuté, d\'après ses cartons
et sous ses yeux, par plusieurs de ses disciples, Jules Romain, Perrin del Vaga, Buonacorsi, Pellegrin
de Modène, Francesco Penni, surnommé II Fattore, Polydore de Caravage, Mathurin de Florence,
Raphaël dal Colle.
A peine avaient-ils mis la dernière main à ces peintures, que Rome fut assiégée, prise et saccagée
par les troupes du saint-empire romain. Les bandouliers de Charles-Quint se jetèrent sur le Vatican ,
comme sur la plus belle part de leur butin, et y commirent des dégâts horribles. Le temps fit le reste,
car ce ne fut qu\'en 1814 que Joachim Murât, alors roi de Naples, étant venu à Rome, ordonna de
garnir de vitrages le côté du portique exposé à l\'action dévorante de Fair. Quelques jours plus tard,
le soldat couronné tombait du trône, et Raphaël restait encore sans défense contre le vent et la pluie.
Malgré d\'aussi cruels outrages, ces compositions incomparables sous le rapport de l\'abondance, de
l\'harmonie, de la propriété, de l\'élévation du style, de la beauté du plan et de la perfection des
détails, n\'ont pas cessé un seul jour de fournir des sujets d\'étude à quiconque cuhivait la peinture.
Que d\'airs de tête, que de poses, de groupes, d\'idées de toute espèce, on retrouverait dans les productions
des meilleurs maîtres, et qui ne sont que des emprunts faits à Raphaël! Que de fois il a été répété,
et plus souvent travesti! De son côté, la gravure a essayé à plusieurs reprises de reproduire les Loges.
Jamais, il faut le dire, elle n\'y est parvenue d\'une manière complète et satisfaisante. Il était réservé
à notre artiste de rendre à Fart un service de cette importance \\
Avant de parler de son entreprise, qu\'on nous permette de réunir quelques renseignements sur sa
vie. Celui qui en consacra la meilleure part à suivre obstinément la trace de Raphaël, a besoin d\'être
connu du public, pour se faire pardonner son audace.
II y a en Flandre une cité qui, malgré les maçons modernes, les restaurations maladroites, les
constructions plus gauches encore, est restée une espèce de musée du moyen âge; une cité où la
beaute, ce premier élément de Fart, brille dans la plus humble bourgeoise, charmant triomphe qui
excita jadis la jalousie d\'une reine de France, belle et attrayante elle-même; une cité où mourut
Hemling, où Jean Van Eyck découvrit non pas la peinture à l\'huile, connue longtemps avant lui, mais
un siccatif qui, en rendant cette peinture d\'une pratique fecile, a donné réellement aux peintres une
faculté nouvelle. Là, dans une rue obscure, au fond d\'une de ces maisons singulièrement découpées,
et telles qu\'on en voit dans la patrie de Durer, naquit le avril 1771, Joseph-Charles de Meulemeester.
cc En Flandre, disait avec une brusquerie bienveillante le peintre des Horaces et des Thermopyles,
qui, pour le remarquer en passant, faillit perdre la peinture en Belgique, les enfents viennent au
monde un pinceau entre les dents. . C\'était un burin que la nature avait déposé dans le berceau de
Meulemeester.
Ses parents étaient pauvres. Ils Fenvoyèrent à une école gratuite, puis au collège des Pères Augustins
de Bruges, où il fit ses humanités et remporta quelques prix. Cette éducation modeste et bornée ne
laissa pas de lui ouvrir Fesprit, et si elle ne lui procura pas un grand savoir, elle Faida du moins à
comprendre plus tard beaucoup de choses qu\'il ne savait pas. Sa véritable vocation Fauirait ailleurs.
A l\'âge de seize ans, il fut inscrit comme élève à l\'Académie de dessin et de peinture, et placé en
apprentissage chez un orfèvre-ciseleur. Dès ce moment il avait trouvé sa carrière.
Au moyen âge, Forfévrerie n\'était pas un simple métier. Elle supposait la connaissance de la sculpture
et de toutes les ressources du dessin. Ses œuvres étaient moins des ustensiles que des objets d\'art,
moins des meubles que des monuments. Elle permettait au talent d\'effectuer ses conceptions les plus
hardies. Les premiers graveurs en taille-douce ont été des orfèvres.
Voir la notice bibliographique placée à la fin de cette introduction.
-ocr page 15-Meulemeester annonça par ses essais qu\'il était né pour la gravure. Il avait accompli sa vingt-sixième
année quand des amis et des protecteurs éclairés le déterminèrent à se rendre à Paris. Recommandé
à la maison Basan, surnommée la Providence des graveurs, à M. de Bure, qui s\'est fait un nom dans
la bibliographie, et à M. Suvée de Bruges, peintre d\'histoire et directeur de l\'école française à Rome,
il entra chez le célèbre Bervic, qui jugea favorablement de ses dispositions et ne tarda pas à l\'aimer à
cause de la loyauté de son caractère.
Après trois années d\'application assidue, Meulemeester fit paraître sa première gravure remarquable,
le Prophète Siméon. Bervic se reconnut dans cette estampe, qui reproduisait son burin libre et pur, la
rondeur, la fermeté et l\'éclat argentin de ses tailles.
L\'Institut national des arts ayant ouvert pour 1804 un grand concours de peinture, sculpture,
architecture et gravure, Bervic engagea son élève à se mettre sur les rangs, et Meulemeester entreprit
son Achille, qu\'il ne termina pourtant qu\'à Rome en 1807, quoique cette planche porte la date
de 1806; car, informé que l\'on intriguait sous main, il ne voulut point présenter ce travail au concours,
malgré les vives instances de son maître, qui lui prédisait un succès assuré. Cette pièce est belle, eu
effet; le dessin en est d\'un style noble et sévère, et l\'exécution révèle encore, à un degré supérieur,
l\'école classique de Bervic. Meulemeester donna en cette circonstance une première preuve de cette
ténacité de résolution, et de cette méfiance ombrageuse qui plus tard mirent souvent obstacle à son
avancement et à sa fortune.
Néanmoins, pour montrer que ce n\'était point la crainte de ses rivaux cjui rempéchait d\'entrer en
lice, il exposa au salon de 1804 sa Vierge d\'André Solari, suave composition qui tient à la fois du
faire de Raphaël et de celui de Léonard de Vinci, et qu\'il avait terminée en 1803 pour la chalcographie
du Musée de Paris.
Cette estampe plaça tout d\'un coup Meulemeester parmi les bons graveurs modernes; on y loua
généralement la finesse et le moelleux de la coupe, et l\'on vanta, entre autres qualités, la légèreté de
la chevelure de l\'Enfant Jésus et la souplesse des draperies. Si Meulemeester avait continué à se
perfectionner dans ce genre de gravure, il n\'aurait cédé à personne dans l\'art de manier le burin.
A la fin de 1806, Meulemeester fit un voyage qui décida du reste de sa vie. Il se mit en route pour
l\'Italie, avec son compatriote le peintre Ducq, qui le quitta à Milan. Italiam! Italiam!... En observant
son allure allègre, son regard plein d\'espoir, son impatience d\'arriver, on devinait que l\'artiste brugeois
allait à Rome. Rome est le songe doré de quiconque a reçu du ciel l\'influence secrète. Meulemeester
avait peu de poésie dans la tête; il n\'était pas fait pour créer, mais pour copier; néanmoins il sentait
vivement ses modèles; et le tableau des grandes scènes de la nature, ce modèle suprême des arts, lui
causait de profondes émotions. Dans une lettre qu\'on a conservée, il rend compte de ses impressions
de tourist avec une simplicité prosaïque et naïve qui est bien loin d\'être sans charme. Point d\'exagé-
ration, point de sentiments affectés; du bon sens, de la rectitude et quelquefois de renthousiasme :
il adorait surtout ces montagnes si élégantes dans leur irrégularité, où se jouent d\'une manière ravissante
la lumière et l\'ombre, et que devait lui rendre Raphaël.
Meulemeester fut accueilli comme un fils par M. Suvée, qui s\'était enfin installé à Rome et avait réussi,
malgré de puissantes résistances, à réorganiser l\'école française. Il obtint un logement à la villa Médicis,
chef-lieu de l\'école, et eut bientôt une triste et douloureuse occasion de prouver sa reconnaissance à
cet homme respectable, son guide et son appui. M. Suvée tomba dangereusement malade : il mourut,
le 9 février 1807, entre les bras de Meulemeester, qui lui avait prodigué les soins les plus touchants
avec une sollicitude vraiment filiale.
Depuis longtemps Meulemeester, frappé de la beauté des Loges, avait conçu le désir d\'en faire une
étude particulière et suivie. Mais M. Suvée, qui songeait à l\'avenir de son élève, l\'aurait probablement
détourné d\'une entreprise qui exigeait une vie d\'homme tout entière et promettait moins d\'avantages
positifs que d\'estime. Privé des avis d\'un bienfaiteur et d\'un ami qui exerçait sur lui une irrésistible
influence, il put donner carrière à ses idées et s\'abandonner à la seule passion capable d\'agiter son âme
paisible et un peu froide. Chaque jour on le trouvait en admiration devant la Bihle Raphaëlesque. Ce
Flamand si raisonnable, si régulier, devenait presque un Italien passionné en présence des chefs-
d\'œuvre qui font l\'orgueil de l\'Italie.
L\'art, cette émanation de la Divinité, aime, comme elle, les cœurs simples et sincères. Meulemeester
ne se posait pas en artiste frénétique, il ne cherchait pas à éblouir la foule et à bâtir sa fortune sur des
singiilarités calculées. Son culte pour Raphaël était candide, franc, plein de ferveur. A Texemple de
Volpato, qui se consacra particulièrement à la reproduction des tableaux des Stanze et des arabesques
des Loggie, Meulemeester entreprit de dessiner à Taquarelle, en un format plus grand qu\'on ne l\'avait
tenté jusqu\'alors % et en imitant avec une exactitude inouïe le ton et l\'effet de la fresque, les cinquante-
deux peintures historiques de la galerie de Saint-Damase, pour les transmettre ensuite sur le cuivre,
au moyen de la gravure.
Perché pendant douze années sur une échelle de vingt-cinq pieds, qui est devenue elle-même un
monument, il n\'eut de pensées et de regards que pour l\'œuvre de Raphaël. Ces tableaux, dont mille
causes différentes ont amorti et effacé les couleurs, et qui, dans maintes parties, sont presque
indéchiffrables, occupèrent seuls son opiniâtre attention. A force de les contempler et d\'en étudier les
moindres détails, il avait acquis en quelque sorte le don d\'une seconde vue; c\'est-à-dire qu\'il était
parvenu à distinguer des formes arrêtées et des nuances précises là oii d\'autres n\'avaient aperçu c[ue la
confusion et le chaos. Mais, superstitieux dans sa fidélité, il ne se contentait pas de deviner, il traduisait
littéralement; plus d\'une fois le désir de restituer un contour le retint plusieurs journées l\'œil fixé
sur la voûte. C\'est ainsi qu\'à force de persévérance, d\'aptitude et de réflexion, il rendit trait pour trait,
teinte pour teinte, ces peintures lancées par le génie vers le ciel. Rien ne put le détourner de cette
application pénible, ni sa santé, ni la modicité de ses finances, ni les événements. Les révolutions
passèrent au pied de son échelle sans le distraire un moment.
Une fois, cependant, le nouveau stylite fut obligé de descendre de ce périlleux piédestal, et faillit même
n\'y plus remonter. Son travail était plus d\'à moitié terminé, lorsque des ordres supérieurs, provoqués
par je ne sais quelle influence jalouse, firent retirer l\'échelle. C\'était anéantir d\'un coup son labeur
passé et ses plus chères espérances. Meulemeester réclama avec énergie; ses plaintes ne furent pas
écoutées. Il s\'avisa heureusement qu\'il y avait près de lui une femme puissante et aimable qui le
comprendrait mieux que les bureaux. Mais quel langage tenir à une reine jeune et belle? Un artiste
devait-il lui présenter un fastidieux papier timbré? Non. Meulemeester, quoiqu\'il sût médiocrement
le français, recourut à un placet d\'un genre neuf et mieux approprié au sexe et au caractère de la
personne à laquelle il s\'adressait : un moment l\'indignation le fit poëte, et il envoya à Fépouse de
Murât une pétition en trois couplets sur un air vulgaire. Nous pensons qu\'on la lira volontiers pour
son originalité, et c(u\'on traitera avec indulgence le versificateur improvisé :
Je possède une échelle de bois,
Je possède une échelle,
Et ne possède plus, je crois,
Guère autre chose qu\'elle.
Voilà-t-il pas qu\'au nom du roi
On s\'en vient me chercher querelle,
Pour m\'ôter mon échelle de bois,
Pour m\'ôler mon échelle?
Perché sur mon échelle de bois,
Perché sur mon échelle ,
Dans ce Vatican où je vois
Mainte fresque immortelle,
Je vivais plus heureux cent fois
Que ne fut le vainqueur d\'Arbelle
Ah ! laissez mon échelle de bois ^
Ah! laissez mon échelle.
Hélas ! pour mon échelle de bois,
Hélas ! pour mon échelle ,
Priez cette reine, à la fois
Et si bonne et si belle ;
Peignez-lui bien mon désarroi.
Car je meurs de peine cruelle
Si je perds mon échelle de bois,
Si je perds mon échelle.
Il est probable qu\'une requête raisonnée, parfaitement logique, n\'aurait eu aucun succès. Au lieu
de l\'ennuyer par des arguments illisibles, dire à une femme, à une reine, qu\'elle était belle et bonne,
et le dire d\'une manière imprévue et plaisante, c\'était le comble de l\'adresse dans un homme qui n\'était
rien moins qu\'adroit selon l\'esprit du monde. Des couplets franco-tudesques lui donnèrent gain de
cause, et en cette rencontre tout finît encore par des chansons. Caroline trouva fort aimable et fort drôle
le Brugeois qui lui tenait un langage si peu conforme à une étiquette cjui la gênait et qu\'elle ne savait
pas bien elle-même : l\'échelle de Meulemeester fut rétablie.
Du haut de cette station, Meulemeester ne jetait point des regards indignés sur le monde. Il ne
connaissait ni les dédains ni les colères, élément essentiel de nos génies contemporains : le plaisir que
lui procurait son échelle n\'avait rien de chagrin ni d\'amer. Quand il détachait un moment les yeux des
arcades des Loges, il pouvait les promener sur le plus splendide panorama. Rome, avec sa croix et
sa tiare, qui sanctifiaient les ruines de l\'antiquité païenne, s\'étendait à ses pieds; plus loin, les montagnes
pittoresques d\'Albano et de l\'Abruzze, couronnées de villes et de délicieuses habitations champêtres,
lui offraient de ravissantes perspectives sous le soleil d\'or et le ciel bleu de l\'Italie. Aussi cette échelle
était-elle devenue, pour ainsi dire, son principal domicile : pendant les grandes chaleurs, lorsque le
La dimension des dessins de Meulemeester est d\'environ un neuvième des originaux, c\'est-à-dire d\'environ 20 pouces de France de long, sur 10 de large.
-ocr page 17-sommeil s\'appesantissait sur lui, il y faisait même la sieste; et alors, pour ne pas en tomber, il s\'entourait
le corps d\'une courroie fortement attachée aux deux montants.
Heureux l\'artiste tout entier à Fart et assez sage pour se faire, loin de l\'intrigue et du bruit, un
modeste abri dont l\'obscure fraîcheur entretient dans son âme un calme et une sérénité qui se répandent
sur ses œuvres en leur donnant un charme inexprimable! Il fallait que cet attrait fût bien fort pour
Meulemeester, puisqu\'il lui fit oublier la gêne et les dures privations d\'une position précaire. Quatre
années d\'une chétive demi-pension payées par le gouvernement impérial , et un logement au Vatican
que lui accorda le Saint-Père, furent les seuls secours qu\'il reçut pendant dix années consécutives.
Pour suppléer à ces minces ressources, il dut sacrifier ses petites épargnes et recourir à son burin, ce
qui retarda encore son entreprise.
Cependant Fempire français était tombé, et avec lui le royaume d\'Italie et le trône royal de Rome
érigé en faveur d\'un faible enfant. Toutes les fières créations de Forgueil et de la politique s\'écroulaient
les unes sur les autres. Au milieu de ces débris, Féchelle indigente de Meulemeester restait debout.
Après dix années de persistance, ses copies des Loges étaient enfin terminées, et, loin d\'être épuisé
de lassitude, il voulait consacrer encore deux ans à la minutieuse révision de ses dessins ^ Le roi
Guillaume était peu sensible aux beautés des arts, et sur ce point il se rendait justice. Mais il savait
quelle place les arts tiennent dans la civilisation, quelle dignité ils communiquent au pouvoir, et on
ne peut nier qu\'il se montra leur protecteur généreux. Il fit offrir à Meulemeester la place de professeur
de gravure à l\'académie d\'Anvers. Instruit des motifs sur lesquels celui-ci fondait son refus, il se chargea
de le défrayer à Rome pendant les deux années qu\'il réclamait comme une grâce. L\'opiniâtreté courageuse
du graveur était de nature à plaire à un monarque qui mit volontiers son honneur dans la constance,
j\'allais dire dans Fobstination.
Ce ne fut donc qu\'après douze ans de préparatifs que Meulemeester songea à la seconde et à la plus
importante partie de son projet, la gravure en taille-douce. Un,autre eût reculé devant les lenteurs qui
menaçaient de l\'entraver; lui se disposait gaiement à cette nouvelle épreuve. Qu\'étaient-ce que les
fatigues et les contrariétés pour un caractère de cette trempe? il ne demandait que du temps, un coin
à Fécart et un peu de pain.
En \'1817, il obtint du pape Pie VII le privilège exclusif de graver, d\'imprimer et de vendre dans les
Etats de l\'Eglise les copies des fresques de Raphaël. Le pontife avait plus d\'une fois donné des marques
de sa bienveillance dm fiamingo, et était venu voir travailler dans le Vatican celui qu\'il appelait agréablement
Vartista délia scala. Il lui avait même décerné de vive voix l\'Éperon d\'or; mais le cardinal Consalvi oublia
de lui délivrer son brevet, et Meulemeester se consola de ne pouvoir signer eques, comme son compatriote
Odevaere, qui puisait ce droit dans la décoration du Lion belgique.
Meulemeester quitta définitivement Rome le 2 octobre 1819. Ce ne fut pas sans un serrement de
cœur qu\'il dit adieu au Vatican et à la galerie de Saint-Damase. Après avoir visité Naples encore une
fois, comme pour emporter un peu de cette chaleur vivifiante d\'Italie qui semble passer du ciel sur la
toile et sur le marbre, il se remit, vrai pèlerin, en marche pour son pays natal. Le 20 janvier 1820
il arriva à Bruges, après une absence de plus de vingt-deux ans, seulement interrompue par un court
séjour qu\'il y avait fait en 1804. Reçu en audience particulière par le roi et par la reine des Pays-Bas,
qui avait en peinture un talent très-rare dans les personnes de son rang, il en fut accueilli avec une
affabilité famiUère et séduisante; et le 19 juillet 1820, le roi Guillaume le nomma professeur de
gravure à Facadémie d\'Anvers, place honorable qu\'il lui destinait depuis longtemps. Meulemeester
remplit pendant quelques années ses fonctions avec le zèle le plus louable. Il n\'y renonça que pour se
livrer sans partage au travail auquel il avait dévoué sa vie.
Le moment était venu de remettre la main à Fœuvre. Tous les artistes, les juges compétents, les
personnages de distinction qui, dans la galerie même du A^atican, avaient pu comparer les copies avec
les fresques originales, exprimèrent hautement leur surprise à Meulemeester, et déclarèrent qu\'elles
étaient les seules vraiment exactes dans tous leurs détails. Partout ses dessins excitèrent la même
admiration. Aussi, dès que son prospectus parut, les plus illustres suffrages répondirent à cet appel,
et la plupart des souverains de FEurope figurèrent parmi les souscripteurs.
Meulemeester fit preuve d\'un goût exquis en adoptant pour la taille-douce une manière différente
Ces 52 dessins originaux que possède l\'éditeur actuel forment une espèce de musée d\'un genre unique et qui mérite, à tous égards, de devenir une
propriété nationale.
de celle qu\'il avait pratiquée jusqu\'alors. Il ne voulut pas de cette gravure rayonnante et colorée
qui rend bien la vigueur de la peinture à l\'huile; il choisit un procédé large, simple et pur,
tenant à la fois du genre de Bervic et de celui de Schelte à Bolswert, et parfaitement adapté au
ton cal aie et mat de la fresque. Au mérite de la fidélité, se joignait celui d\'une plus grande célérité
d\'opération.
Pendant l\'année 1823, il fit à Londres une exhibition de ses dessins, dans le but d\'y recueillir des
souscripteurs. En passant le détroit, comme dans tous ses voyages, il n\'abandonnait jamais le portefeuille
qui contenait son trésor et qu\'une boîte en liège devait préserver d\'un naufrage. Il le portait en
bandoulière, et s\'il lui fallait un instant le déposer, il le couvrait des yeux, ainsi qu\'une mère qui
craint de perdre de vue l\'enfant sur lequel repose toute sa tendresse. On ne pouvait s\'empêcher, en
le considérant, de se rappeler ce sage de l\'antiquité dont le mot est devenu d\'une trivialité célèbre :
Omnia mm mecum porto.
En Angleterre, pays de la spéculation, le génie lui-même s\'exploite comme une industrie. M se
trouva des calculateurs qui firent à Meulemeester les offres les plus séduisantes, soit pour la cession
de ses aquarelles, soit pour la publication des Loges en société. 11 en fut tellement assailli que son
inexpérience et son caractère, naturellement soupçonneux, en prirent l\'alarme. Meulemeester se crut
entouré d\'intrigants et de fripons, et alla jusqu\'à s\'imaginer que son portefeuille, évalué par experts
à 150,000 francs, n\'était pas en sûreté : il se sauva en le serrant contre son cœur.
Le premier cahier des Loges, en gravure et en couleur, parut à Paris en 1825, et fut d\'un bon augure
pour la suite de l\'entreprise.
Retenu à Anvers par ses devoirs de professeur, Meulemeester voulut s\'affranchir d\'un obstacle qui
retardait une entreprise dans laquelle il plaçait toutes ses espérances de fortune et de renommée; il donna
donc sa démission, et , libre de ce côté, alla se fixer à Paris, afin de s\'occuper exclusivement de la gravure
et de la direction de son œuvre.
Il avait alors atteint sa cinquante-cinquième année, et il lui restait à graver au burin quarante-huit
planches de grande dimension. Ses meilleurs amis, effrayés de sa témérité, essayaient de l\'arrêter dans
une route qu\'ils jugeaient sans issue. Meulemeester ne les écoutait qu\'avec méfiance; il en suspectait
quelques-uns d\'envie, et se figurait qu\'on arrachait de son front le laurier qui commençait à s\'y épanouir.
Il résolut d\'aller jusqu\'au bout.
Un de ses amis était parvenu à organiser à Paris une société de capitalistes, pour exécuter, avec le
concours des meilleurs graveurs de l\'Europe, sous la direction spéciale et au nom de Meulemeester,
tout l\'ouvrage en six années. Les avantages qu\'on lui assurait étaient considérables, et par la combinaison
qu\'on avait trouvée, l\'entreprise était devenue possible. Poussé par la fatalité, Meulemeester n\'acquiesca
point à ces propositions.
Environ deux ans après, M. Firmin Didot lui offrit, pour la cession de son portefeuille, de ses
souscripteurs et de toute l\'affaire telle qu\'elle était alors, une somme de 300,000 francs, payable en
six termes, d\'année en année, également sous la condition expresse de lui conserver l\'honneur et la
direction des travaux. Au moment de conclure et de se séparer de son cher portefeuille, il ne put s\'y
l\'ésoudre, repoussa brusquement For étalé devant lui, et partit le soir même de Paris, dans la crainte
de se laisser tenter.
Il exposa alors au gouvernement des Pays-Bas sa position et son dénùment. Le directeur des beaux-arts
et des lettres, M. Van Ewyck, fut chargé de lui proposer un prêt de 10,000 à 15,000 florins, dont la
garantie serait prise sur Fouvrage en voie de publication et sur son portefeuille. Son portefeuille! Dans
sa terreur d\'enfant, il sen voyait déjà dessaisi, dépouillé, et il refusa tout net.
Ne nous en plaignons pas, mais disons, pour rendre hommage à la vérité, que si Meulemeester, au
lieu de s\'attacher à cette colossale entreprise, et de s\'opiniâtrer à terminer seul ce qui exigeait le concours
de plusieurs talents réunis, s\'était mis à graver quelques tableaux choisis de Fécole flamande, il serait
devenu un des plus célèbres et des plus riches artistes de l\'Europe. La Femme hydropique, gravée par
Glaessens d\'après Gérard Dow, n\'a-t-elle pas produit près de 100,000 francs?
Gependant, s\'il ne marchait qu\'avec peine, il faisait quelques pas en avant. La gravure des planches
du deuxième cahier fut achevée à la fin de 1829; mais le cahier ne parut qu\'en 1831, avec la neuvième
livraison en couleur. Le canon de juillet n\'avait pu le détourner de son occupation journalière. La
vieille dynastie des Bourbons avait reçu une grave atteinte, mais celle de Raphaël restait intacte. La
révolution de 1850 ne touchait point aux Loges et n\'intéressait Meulemeester que pour autant qu\'elle
lui enlevait un ou deux souscripteurs.
Le 8 août 1856, il quitta Paris. Ainsi qu\'il en avait chaque année l\'habitude, il confia son portefeuille
de dessins originaux au bon et savant Van Praet, conservateur de la Bibliothèque du Roi, son compatriote
et son ami. Van Praet seul était réputé digne d\'un tel dépôt; lui seul n\'inspirait pas de soupçons à
un esprit aigri par les contrariétés, et disposé à se laisser aller insensiblement à cette susceptibilité
farouche, à cette inquiétude sauvage, supplice bizarre, qui tortura les dernières années de fauteur à\'Émik.
On pouvait tracer à bon droit sur ce portefeuille la singulière inscription qu\'on lit dans le prologue
de GilBlas; ce portefeuille renfermait aussi son âme.
Il s\'était rendu successivement à Bruges, à Gand, à Bruxelles, à Anvers. Vers le mois d\'octobre il
alla en Hollande, d\'où il gagna avec un fort rhume le château du prince de Salm-Salm, dans les provinces
Rhénanes. De retour à Anvers, en repassant par Bruges, il fut bientôt obligé de garder le lit. Pour un
artiste ingambe et alerte, toujours courant, sautillant, quelle cruelle extrémité! Il se trompa cependant
sur son état, et lorsqu\'on jugea nécessaire de lui administrer les secours de la religion, il les reçut avec
ferveur, avec onction, mais sans prévoir sa fin prochaine.
Le 5 novembre, la suffocation fit des progrès rapides. Meulemeester expira vers quatre heures en
étendant les bras. Il semblait chercher encore ce portefeuille où il avait concentré toutes ses pensées,
ses affections les plus chères, ses rêves les plus séduisants, et sur lequel il aurait dû mourir, comme un
Spartiate sur son bouclier.
Ainsi finit cet artiste qui, de même que le prophète dont il a reproduit admirablement la grande
physionomie, ne fit qu\'entrevoir la terre promise. On ne pouvait lui reprocher que l\'honorable maladresse
de ses compatriotes; car en Belgique ce n\'est pas le talent qui manque, mais l\'habileté à le faire valoir,
à le mettre en œuvre. Meulemeester gaspilla sa vie. Toutefois il y avait dans cette gaucherie apparente
quelque chose de noble et d\'élevé : le graveur flamand était doué d\'un désintéressement trop réel pour
s\'évaluer exactement en monnaie courante, de même qu\'il avait trop de mœurs pour partager les
désordres que bien des artistes croient inséparables du génie. Naïf, loyal et pur, il se trouvait en quelque
sorte en dehors de son siècle; faute de le comprendre, il usa ses rares capacités d\'une manière impro-
ductive, et légua à d\'autres le soin de le défendre contre l\'oubli qui s\'empare si vite aujourd\'hui des
réputations les plus éclatantes. C\'est au public à nous donner les moyens de faire fructifier cet honorable
et difficile héritage.
1.nbsp;Uisloria del Testamento Vecchio, depinta in Roma nel Valicano da Ita-
faelle di Urbino, et intagliata in rame da S. Badalocghio (Sisto Rosa et Gio.
Lanfranchi, Parmigiani. Al Sig. Annibale Caracci. Roma, appresso a Giov.
Orlandi, 1607.
Un titre et cinquante et une feuilles, que M. Passavant, II, 206, et Bartscli,
XVIII, 345, trouvent spirituellement gravées; vingt-huit sont de Lanfranchi
et vingt-trois de Badalocchio. Les quatre dernières feuilles appartiennent au
Nouveau-Testament. Hauteur, 4 pouces 11 lignes; largeur, 6 pouces 7 lignes.
Barlsch,XVin, pp. 345, 354.
La seconde édition contient après le titre trois feuilles avec une longue dédi-
cace, datée du janvier 1607. La troisième édition porte la date du 5 août 1608.
La quatrième offre cette adresse : Excudit Michael Colyn. Amstelodami, Aquot; 1614.
La cinquième : Excudit C. J. Visscher, anno 1638. Cette dernière contient de
plus trois planches relatives à la création, avec le texte correspondant de la
Bible. Là où le Jéhovah hébreu se tient debout, Dieu le Père apparaît toujours
dans une gloire.
Une copie en contre-partie se vendait, vers 1661, à la chalcographie de la
Chambre apostolique.
2.nbsp;Historia..... Urbino. Al M\'quot; ill\' Sig. D. Giuseppe Bernagli Giov. Orlandi
D. D. D. — Baldass. Aloisi Bon. fe. — Si stampa in Roma appresso Giov.
Orlandi, 1613.
Titre et cinquante feuilles, avec un texte tiré de la Bible. H. 5 p. .^il L.
6 p. 81.
La première et la seconde planche sont en contre-partie, comme dans la
deuxième édition du nquot; 1.
3.nbsp;Les 52 sujets gravés par Orazio Borgiani, de différente dimension, in-4quot;
allongé et in-Squot;. H. B. 1615.
Les quatre premières et les quatre dernières planches sont hexagones. Dans
la représentation de la Cène, on a ajouté un petit chien.
2quot; édition. Geo. Jacomo Rossi formis Romae alla Pace, etc. Bartsch. XVHI,
p. 316, 1-52.
4.nbsp;La Sacra Genesi figurata da Rafaele d\'Urbino, intagliata da Francesco
villamena, dedîcata al.....Card. Aldobrandino. Roma appresso gli heredi del
dquot; Villamena, 1626.
Dans la dédicace, la veuve de Villamena dit que son mari, qui avait dessiné
toutes les loges de Raphaël, avait été interrompu par la mort tandis qu\'il s\'ap-
pliquait à les graver.
Vingt feuilles et un titre. Les quatre premières et les quatre tirées du Nou-
veau-Testament sont hexagones. Les trois dernières planches représentent des
ornements accessoires. Villamena avait dessein de donner 64 feuilles.
2\' édition. In Roma appresso Gio. Batt. di Rossi, Milanese, 1626.
3\' édition. In Roma, pressa Carlo Losi, 1773.
5. Sacrae historiae acta a Rafaele Urbinale in Vaiicanis xijslis ad pictnrae
miraculumexpressaa\'Nm. Chapron, Gallo, et a se delineata et incisa. D. D. D.
Romae, 1649, in-fol. oblong. H. 19 p. L. 8 p. 21. 1.
Ce recueil contient 54 feuilles, y compris un titre gravé, représentant Nico-
las Chapron au pied de la statue de Raphaël, et le prophète Isaïe, peint par
Raphaël, dans l\'église de Saint-Augustin, à Rome. Il a joui longtemps d\'une
grande estime. « Ce sont, dit le Manuel des curieux et amateurs de fart (par
« Hubert et Rost), d\'assez bonnes copies des excellentes peintures de Raphaël,
« Elles sont en général assez bien dessinées; mais on y chercherait vainement
« cette correction de style, cette pureté de dessin, surtout cette noble vérité
« d\'expression qui caractérisent les originaux. »
Ce jugement est trop favorable. En effet, le volume de Chapron est d\'une
défectuosité désespérante pour l\'artiste qui voudrait, d\'après ces gravures,
donner une contre-épreuve des compositions de Raphaël, ou pour l\'amateur
désireux de s\'en faire une idée juste, par l\'étude et la coordination des détails
et des accessoires, qui le plus souvent servaient au peintre à caractériser son
sujet, et à instruire les spectateurs de la pensée historique, poétique ou allégo-
rique qui l\'avait inspiré. Il serait facile de relever une à une toutes les inexacti-
tudes de Chapron ; mais elles sont trop nombreuses et allongeraient démesui-é-
ment celte notice. Pour prouver néanmoins que nous n\'exagérons pas, nous
consignerons ici quelques preuves irrécusables de ce que nous avançons.
En décrivant la Création du ciel et de la terre et la création des animaux,
nous avons relevé des infidéhtés choquantes de Chapron.
Dans la planche représentant la Sortie de Varche, beaucoup d\'animaux sont
omis, le rhinocéros, deux lézards qui précèdent les singes, et des oiseaux à la
gauche et à la droite de l\'arche.
Dans Moïse sauvé des eaux , la princesse manque complètement de grâce, et
ses jeunes suivantes sont des femmes sur le retour. Quant à la sœur de Moïse,
une Israélite de seize à dix-sept ans, Chapron, peu familiarisé probablement
avec la Bible, en a fait une vieille matrone, et le pied que l\'on en aperçoit, et qui,
par la position évidente du corps, devrait être un pied droit, est un pied gauche.
Le Passage de la Mer Rouge présente encore de ces métamorphoses malheu-
reuses : le burin de l\'artiste, comme le temps qui vieillit tout, grave des rides
sur les plus jeunes fronts.
S\'agit-il de la Nativité de Jésus-Christ? la Vierge elle-même ne peut échap-
per à cette manie de la décrépitude; elle a perdu à la fois sa jeunesse, son
expression et sa dignité.
Dans la dernière Cène, la beauté majestueuse et divine du Christ a disparu,
et les apôtres semblent être tous du même âge.
Malgré ces défauts, Chapron l\'emporte encore de beaucoup sur Lanfranchi et
Badalocchio et sur ceux qui le suivent immédiatement : c\'est une justice que
nous lui rendons volontiers.
Autre édition avec cette adresse : Lutetiae Parisiorum, apud P. Mariette.
54 feuilles. —En 1782^ Desnos acheta 20 hvres les planches de Chapron, sans
celle d\'Isaïe.
6. Imitation, mais en plus petit. 50 feuilles. H. 4 p. 88 1. Gravé L. 5 p.
Paris, par A. Aveline sc. 8, chez lui. Titre en français, texte en latin.
On y a ajouté 3 feuilles : la Mort d\'Abel, le Sacrifice d\'Abraham et Samson au
milieu des ruines, estampes qui n\'ont point Raphaël pour modèle.
T. Imagines Velerisac Novi Testamenli a Raphaële Sanctio Urbinatein Vati-
cani palatii xystis expressae, Jo. Jac. de Rubeis (Rossi) cura delineatae et
incisae. Romae, 1674, in-fol. obi. H. 11 p. 8 1. L. 15 p. 11 l.
Recueil contenant 55 planches, y compris le frontispice et la dédicace. La
première feuille offre le portrait de la reine Christine de Suède ; la seconde,
celui de Raphaël.
Les 36 premiers sujets sont gravés par César Fantetti, et tous les autres par
Pierre Aquila; ces derniers sont d\'une exécution infiniment supérieure à celle
de Fantetti. La dernière feuille représente le prophète Isaïe gravé par Fan-
tetti, 1675.
8.nbsp;Gravé en petit par un artiste français anonyme dans l\'ouvrage intitulé :
Bibliorum sacrorum latinae versiones antiquae. Reims, 1743, 3 vol.
9.nbsp;La colle zione inter a dei 52 quadri, etc., disegnate dapiexro Rartolozzi et
intagliateda Secondo Rianchi. In-fol. allongé
10.nbsp;Picturae Perystili Vaticani. Avec une dédicace au pape Pie VI par Monta-
gnani.— Venit Romae apud Pelrum Paulum Montagnani, 1790. 53 feuilles. H.
8 p. 8 L L. 10 p. avec encadrement. Dessiné par Luigi Agricola, gravé par
Luigi Cunego, Gio. Petrini, Girol. Carattoni, G. Morgiien, Mochetti, Pozzi,
CocHiNi, Rossi , etc.
édition, 1795.
11.nbsp;Loggie di Rafaele, gravé par J. Volpato et J. Oïtaviani, d\'après les des-
sins de C. Savorelli et P. Camporesi. Roma pressa Marco Pagliarini, 1782,
43 feuilles, gr. in-fol. royal, publiées en 3 parties. La seconde porte ce titre :
Seconda parte delle Loggie di Rafaele nel Vaticano, che contiene XIH volte e i
loro rispettivi quaddri,publicata in Roma, Vanno 1774, gravé par J. Ottaviani.
Volpato avait pour objet spécial de représenter les arabesques, les stucs et
les plafonds des Loges.
Des exemplaires de l\'ouvrage de Montagnani (n° 10) portent ce titre : Quarta
ed ultima parte delle Logge di Raffaele nel Vaticano che contiene ifatti piii cele-
bri délia sacra Biblia dipinti nelle volte di esse Logge in cinquanta due quadri.
In Roma, l\'anno 1790.
12.nbsp;Les loges du Vatican peintes par Raphaël, contenant 52 sujets avec le
texte explicatif de la Bible, in-4quot;, chez David, graveur (à Paris) (t chezTreut-
tel et Wurtz {Journal général de la littérature de France, 1808 , p. 60).
13.nbsp;Collection des 52 fresques du Vatican, connues sous le nom de Loges de
Raphaël, et représentant les principaux sujets de la Bible (lith. par Engelman),
publiée par H. Gastel de Codrval. Paris, 1825 , in-fol. obi.
Lithographies très-médiocres, copiées sur Chapron, et accompagnées des
textes de la Bible correspondants à chaque sujet.
14.nbsp;Au trait, in-8\'\', dans le Musée de peinture et de sculpture, dessiné et gravé
à reau-forte par Réveil, atiec des notices descrip., critiques et hist, par Duchesne
aîné,ïn-S\'\'.
15.nbsp;Les 52 sujets gravés par Carlo Lasinio, d\'après les dessins de Luca
CoMPARiNi, in-4\'\' oblong.
16.nbsp;Les mêmes, gravés par Alex. Mociietti et Jacopo\'Rossi. Chez Agapio
Frauzctti, à Rome, in-4quot; oblong.
17.nbsp;Dans VHistoire de l\'art parles monuments de Seroux d\'Agincourt, Paris,
1823, in-fol., on voit, t. VI, pl. CLXXXVI, représentés au trait et en très-
petite dimension, dans les nquot;quot; 2, 1, 3, Jéhovah débrouillant le chaos. Moïse
sauvé des eaux et le Songe de Pharaon. Pour l\'explication, recourir au t. Il,
p.179-180.
18.nbsp;Les 52 sujets des Loges, très-bien gravés au trait, avec un texte explicatif
en italien, dans le tome VIII du bel ouvrage intitulé : Il Vaticano descritto ed
illustrato da Erasmo Pistolesi, con disegni e contorni, diretti dal pittore Cav.
Tommaso de Vivo. Roma, calcografia del nuovo Acquirente, anno 1838,
in-fol.
La vue de la galerie des Loges est gravée par Giac. Fontana, les loges mêmes
par G. Wenzel, G. Mittepeck, G. Marcucci, L. Cerom, A. Mannelli, G. Vitta,
L. PiROLi, G. Ferretti, g. Albani, p. Marghetti, R. Puccinelli, L. Penna,
G. Lepri, p. de Carolis, P. Gatti, R. Rullica , A Costa, etc., d\'après les
dessins de Paolo Guglielmi.
19 et 20. Les 52 sujets gravés au trait dans les Vies et œuvres des peintres les
plus célèbres, par C. P. Landon , ainsi que dans la Galerie complète des tableaux
des peintres les plus célèbres de toutes les époques. Paris, FirminDidot, 1844,
in-4quot;. Ce dernier recueil n\'est jusqu\'ici qu\'un tirage nouveau du premier.
21. Raphael\'s Bibel. Scripture prints edited by J.-lî. Hope. Old Testament
series from the frescocs of Raphael; in the Vatican. L. Gruner, direx. N. Con-
seni lith., gr, in-fol. allongé.
Voir la Biographie de J.-C. De Meulemeester, par einiono de Russciier. Gaud,
s-, d., in-8\'\' de 133 p,, fig.
LES
J.
LOGES DE RAPHAEI
-ocr page 23-%
quot;•\'It-
ou
PEINTS A FRESQUE,
QUI ORNENT LES VOUTES DU VATICAN,
ET REPRÉSENTANT DIVERS SUJETS DE LA BIBLE,
DESSINÉS EN AQUARELLE, GRAVÉS EN TAILLE-DO,UyCE, ËT PUBLIÉS PAR
HII:^
PROCESSEUR PE\'GRAVURIÎ A. L\'ACADÉMIE ROYALE D\'ANVERS, MEMBRE DESOCIÉTÉS DE BELLES-LETTRES ET DE BEAUX-ARTS.
\\ it\'/
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: Ht:- i\'\' \' ^v.. \' lt; ■
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\'-^Al- .
BE L\'IMPRIMERIE DE FIRMïN DIDOT, IMPRIMEUR DU ROLET DE L\'INSTITUT,
RUE lAOOB, N® 24.
•Hnbsp;quot; i
. -
-ocr page 24-Au commencement des temps, l\'eau, le ciel et la terre étaient confondus dans le chaos. Dieu les en retira
successivement, et sépara la lumière et les ténèbres: c\'est ce qui fit la distinction entre le jour et la nuit; et ce fut
le premier jour. Gen. Cap. I.
EXPLICATION DU TABLEAU.
Première Loge , Sujet. Peint à fresque, en entrant à gauche, placé
au-dessus de la porte par laquelle on entre présentement. La grandeur
de la figure est plus que demi-nature, et moins que grandeur naturelle.
C\'est le moment même de la séparation des ténèbres et de la lumière
que le peintre a choisi pour sujet du tableau. Cette idée se trouve rendue
d\'une manière très - énergique par la pose majestueuse du Créateur,
qui^ avec les bras étendus, et porté sur la nue, repousse, avec force,
des nuages épais ^ indiquant les ténèbres.
La figure de Dieu, malgré la petite échelle du tableau, parait de
grandeur naturelle; c\'est celle d\'un vénérable Vieillard, avec sourcils,
barbe et cheveux gris: le vêtement est une tunique laqueuse, attachée
par une ceinture de la même couleur, et une partie flotte derrière la
tête, gracieusement tournée vers son côté gauche. La chair parait un
peu rougeâtre.
Des observations exactes ont fait découvrir, par les jointures dans
les fresques, que ce tableau a été peint en deux jours, et qu\'il est du
au pinceau de l\'immortel Raphaël. La forme du tableau est sexagone.
En 1819, ce tableau se trouvait passablement conservé, sauf la partie
des nuages, la main gauche et la draperie abîmée par l\'humidité pénétrée
dans la voûte, sur laquelle il pleuvait pendant quelle était endommagée.
Il semble que cet endommagement est arrivé dans le premier siècle qu\'il
fut peint, à juger selon les petites gravures à l\'eau-forte faites par Ho-
race Borgiani en 1615, et par celles de Sixte Badalocchi et Jean Lanfranc.
MESURE DE FRANCE.
pieds, ponces, lijines.
Longueur en hauteur.................. 3. 6. 2.
Id. au miUeu................... 5. 6. 9.
Id. en bas...................... 3. 9. 8.
Hauteur au miheu..................... 2. 5. 6.
La profondeur du courbe............... » » 5,
pieds, pouces, ligues.
I. 5. II.
Longueur de la ligne droite, à droite.......
Id. id. id. à gauche..............i.nbsp;5.nbsp;6.
Id. ligne courbe, à droite........................i. 7.nbsp;4-
Id. ligne courbe, à gauche du spectateur,nbsp;i.nbsp;8. 10.
-ocr page 25-WoAoH). MoBXCCXIX.
nirifTi
Ic
Dieu élevait le firmament, comme s\'il voulait couronner son grand ouvrage, et, en le tempérant d\'une douce
humidité, le rendait en état d\'aider de son influence à féconder la terre: ce fut le deuxième jour. Dieu faisait
paraître la terre, et la divisait de l\'eau qui l\'inondait, et la rendit fertile en fruits, en plantes et en semence de
toutes sortes : le troisième jour. Gen. , Gap. I.
EXPLICATION DU TABLEAU
Première Loge, 2quot; Sujet. La figure est grande demi-nature. Ce ta-
bleau représente le Créateur, qui, avec l\'index de la main droite, in-
dique l\'espace que l\'eau doit occuper sur la terre. II plane au-dessus
du monde 5 fixant attentivement les confins de la mer, qu\'il indique, et
étend gracieusement l\'autre main vers le côté droit du tableau. Le
Seigneur est représenté sous la forme d\'un très-vénérable Vieillard, à
barbe longue, sourcils et cheveux gris. Son vêtement, de couleur
laqueuse, est en forme de tunique, descendant jusqu\'au commencement
des pieds; les manches sont longues. Au milieu du corps, une écharpe
de la même couleur, flottant de gauche à droite du tableau, et formant
presque un ovale, qui encadre la téte du divin Créateur. La carnation
est d\'un ton clair; et le ciel, derrière, clair-jaunâtre, et en s\'éloignant,
un peu plus pâle. La terre près de l\'eau, au milieu, est rouge comme
la terre appelée vierge. Vers l\'extrémité du monde, à droite du ta-
bleau , le terrain est verdâtre. La forme du tableau est sexagone, deux
fois la longueur de sa hauteur. G. Vasari attribue l\'exécution de ce
tableau à J. Romain, d\'après le Carton de Raphaël. En 1819, ce ta-
bleau était bien conservé, sauf un peu de couleur tombée, qu\'on
voit sur les cheveux et sur le ciel à gauche. La figure se détache en
vigueur sur le ciel, et l\'on admire l\'idée grandiose de cette composition.
pieds, pouces, lignes.
Longueur du tableau en haut............ 3. 4. ii.
Id.nbsp;id. en bas............. 3. 8. 11.
pieds, pouces, lignes.
Longueur au milieu du tableau.......... 5. 4. 7.
Hauteur,............................. 2. 8, 8.
-ocr page 27-ID^B.B O JJo Co IDE MTEXT]LEMEESTEm,
-ocr page 28-Dieu fit deux grands corps lumineux, l\'un plus grand pour présider au jour, l\'autre moins grand, pour présider à la
nuit. Il fit aussi les étoiles le quatrième jour. Gen., cap. I.
EXPLICATION DU TABLEAU.
Première Loge ou Voûte. Sujet. La figure est grande demi-
nature. On ne peut pas assez admirer l\'idée poétique et grandiose
qu\'on remarque dans cette simple et belle composition de la créa-
tion du soleil.
Le Créateur place le grand astre du jour au firmament pendant
qu\'il y place en même temps la lune. Le Seigneur, soutenu en l\'air
au-dessus du monde, est représenté comme un respectable vieillard
à barbe et cheveux blancs flottants, vêtu d\'une tunique longue
jusqu\'aux pieds, à larges manches, enveloppé dans un manteau. La
tunique et le manteau sont d\'une couleur laqueuse. La carnation
est un peu rougeâtre : cette figure se détache entièrement en vigueur
sur le fond.
Le soleil, un peu bleuâtre, est entouré de grands rayons. La lune
est pâle, et le ciel, bleu^ est parsemé de petits nuages blanchâtres
et orné de quelques étoiles. Le globe du monde, dont on voit une
partie demi circulaire, est de couleur verte et bleuâtre. Sur le bord,
l\'eau de la mer est bleue et le terrain est rougeâtre. Le Créateur
s\'élance vers la droite du tableau et regarde fixement le soleil : cette
figure se présente tournée de dos vers le spectateur.
La forme du tableau est hexagone; sa hauteur est de moins que
moitié de la longueur. On remarque aux différentes jointures dans
le tableau qu\'il a été peint en deux jours. En l\'examinant atten-
tivement, on croit y reconnaître le pinceau de Pierin del Vaga,
d\'après les cartons de RaphaëL Ce tableau était bien conservé en
1819, sauf une tache blanche sur la prunelle de la figure. On re-
marque aussi au-dessus de la téte et de la main droite, et dans les
ombres de la draperie, quelques petites taches parsemées, parce que la
couleur est tombée, par l\'effet de l\'humidité qui a pénétré la voûte.
Longueur du tableau en haut......
Id.nbsp;Id. en bas......
Pieds. Pouces. Lignes.
3. 5. ii.
3. 9. 8.
Pieds. Pouces. Lignes.
5. 6. 3.
au milieu.
Id.
Longueur
Hauteur
6.
2.
/Bo Jo (C.BE METLJILEMEESTEMo
nio
Dieu créa, le cinquième jour, les poissons qui nagent dans les eaux et les oiseaux qui volent dans l\'air, en ordonnant
qu\'ils se multipliassent dans lëurs espèces.
Le sixième jour, Dieu créa tous les autres animaux et pourvut à leur conservation, en divisant toutes les espèces en
deux sexes, auxquels il accorda la faculté de se reproduire. Gebt. , cap. L
EXPLICATION DU TABLEAU.
Première Voute. Sujet. La figure est grande demi-nature.
A la vue de cette belle et riche composition, on croit entendre le
Seigneur prononcer la parole divine par laquelle tout Était, et qui
fait sortir de la terre, au moment même, les animaux qui se grou-
pent autour d\'un palmier.
Dieu, placé entre la chouette, indiquant la sagesse, et la cigogne,
emblème de la religion, occupe la place la plus visible et la plus
dominante du tableau; sa tête est rayonnante; il porte les cheveux
gris et la barbe grise : le manteau flottant qui l\'enveloppe est de
la même couleur laqueuse que sa longue tunique. Il étend ses bras
d\'un côté à l\'autre du tableau, en regardant ce qui est produit par
sa volonté. A sa droite est le roi des quadrupèdes (i) et à sa gauche
la licorne (2). Les autres animaux se mêlent diversement.
On ne voit encore que la tête du chien, le castor grimpe à un
arbre sur lequel le paon se repose, le faisan y dirige son vol. Deux
escarbots au-dessous de l\'ours forment l\'emblème de la génération
en roulant la boule qui contient leurs rejetons que la bienfaisante
chaleur du soleil doit faire éclore. Au bas du tableau, sur le bord,
on remarque une quantité de coquillages. Quelques poissons se
voyent dans l\'eau qui coule dans le lointain.
(i) Le lion, le renard, l\'ours, le porc noir, le singe babouin, le chien, le porc-épic, le castor, la chouette,
le paon mâle et femelle, le faisan, le cygne, le coq, la cigogne, l\'oiseau de St-Sylvestre, l\'autruche, le corbeau
et autres oiseaux sur le bord de l\'eau, les sauterelles, les escarbots, le limaçon blanc, le hanneton, la cigale,
les coquillages vénéricarde, vis et nucule, ovule, moules, bucarde, porcelaine, cérite, corbule, trigonie, etc., etc.
(a) L\'éléphant, la girafe, le chameau, le dromadaire, le rhinocéros, le buffle, le bœuf, l\'âne, le cerf, l\'écu-
reuil, le bouc, la chèvre, la sirène, le loup, la panthère, la salamandre, la fouine, le lapin, le lièvre, le dragon
volant, le rat, la grenouille, le crapaud, le tigre, le cheval, le lévrier, le chat-loup-cervier, la tortue, la hyène,
le crabe, l\'ëcrevisse, le lézard, le canard, la grue, sept canards et quelques insectes volants, etc.
La forme du tableau est hexagone; la hauteur a moins de la
moitié de sa longueur. On remarque aux différentes jointures dans
ce tableau qu\'il a été peint en quatre jours.
G. Vasari attribue l\'exécution du tableau à Jules Romain, qui
l\'aurait peint d\'après les cartons de Raphaël.
Ce tableau se trouvait bien conservé en 1819, sauf la couleur, qui
est altérée dans les pattes du lion; dans l\'animal à côté et derrière le
lion, les ombres sont affaiblies par la pluie qui a pénétré au travers
de la voûte. La figure se détache en vigueur sur le fond, dont on
admire le lointain.
Longueur du tableau en haut......
Id.nbsp;Id. en bas......
pieds. Pouces. Lignes.
3. 6. 0.
3. 7. 6.
pieds. Pouces. Lignes.
Longueur au milieu................... 5. 4-
Hauteurnbsp;Id..................... 2. 7. 5.
-ocr page 32-FECIT BIETS BE.STIAS
G-eiio IO
m,
rr^
:iiTo
-ocr page 33-SUJET.
Vquot;«\' TABLEAU.
« Le Seigneur Dieu forma l\'homme du limon de la terre et répandit sur sa face un souffle de vie, et l\'homme devint vivant et animé. ........
lt;( Le Seigneur Dieu prit donc l\'homme et le mit dans un jardin de délices, pour le cultiver et le garder.
« Et il lui fit ce commandement : Mange de tous les fruits des arbres du Paradis. Mais ne mange point du fruit de l\'arbre de la science du bien et du mal; car
clt; du moment que tu en auras niangé, tu mourras de mort. —
« Le Seigneur Dieu dit aussi : Il n\'est pas bon que l\'homme soit seul ; faisons-lui un aide semblable à lui. —...............
« Le Seigneur Dieu envoya donc à Adam un profond sommeil, et, lorsqu\'il l\'eut endormi, il lui tira une de ses côtes et la remplaça par de la chair.
« Et Dieu, de la côte qu\'il lui avait tirée, forma la femme et l\'amena à Adam.
« Alors Adam dit : Voilà l\'os de mes os et la chair de ma chair. Celle-ci s\'appellera d\'un nom pris du nom de l\'homme, parce qu\'elle a été prise de l\'homme.
« C\'est pourquoi l\'homme quittera son père et sa mère et s\'attachera à sa femme, et ils seront deux dans une seule chair.
« Or, Adam et sa femme étaient nus, et ils n\'en rougissaient pas. »
Genèse, ch. I, v. 7—25.
On est confondu en lisant ces lignes qui expliquent en deux mots l\'origine de la famille et de la
société. Tout commence, ainsi que l\'a dit Bossuet, et tout commence par Dieu. Devant cette révélation
s\'évanouissent les hypothèses de la philosophie, les systèmes de la science : la logique de l\'homme est
hien petite à côté de ces vérités écrites sous la dictée du Créateur même. L\'auteur du Génie du Christianisme
l\'a remarqué, cela ne tombe point naturellement dans l\'esprit, et cette manière d\'écrire l\'histoire, qui
sort de toutes nos règles littéraires, ne peut venir que du ciel.
Baphaël comprenait admirablement la Bible : son imagination n\'était point refroidie par le scepticisme;
une foi vive et sincère étendait sur sa palette des couleurs que nous avons perdues.
Qu\'elle est belle et chaste cette Ève qui vient de naître! quelle pureté de formes! comme la vie se
répand à longs flots dans ce corps d\'une correction irréprochable! que ces contours sont harmonieux,
que cette chair paraît élastique et ferme ! A Baphaël a été donné par excellence de peindre ces pudiques
figures, ces nudités ravissantes qui seraient voluptueuses, si elles ne respiraient la plus parfaite innocence.
Ève occupe le milieu du tableau : elle est debout, croise modestement les mains sur sa poitrine ou
sur son cœur, comme si elle comprenait déjà que là est le foyer principal de l\'existence de la femme,
et elle regarde avec tendresse celui dont elle se sent destinée à faire le bonheur.
On est d\'accord que
Raphaël n\'a rien fait de mieux à Rome dans ce genre. Quelques critiques
ont trouvé seulement que la figure d\'Ève n\'offre pas un caractère assez féminin. Mais ce n\'est pas encore
la femme dont le sang est a|)pauvri par les artifices ou la mollesse de notre civilisation.
E nala appena fu innocente e pura :
Che non eran menlili i primi incanti,
Ma un\' aima aveva semplice e sicura
INegli occhi d\'innocenza lampeggianti.
A tal visla sorrise la natura,
Vista, che rese e ironchi e belve amanti,
Che a fronle cli prodigio cosi caro
E le belve e i Ironchi si curvaro.
Dieu, la main droite appuyée sur lepaule d\'Ève, présente à Adam la compagne de sa solitude. Il
contemple ces époux d\'un air satisfait : les prodiges des sept jours venaient d\'être surpassés. L\'univers
est une œuvre divine; mais la vie, l\'intelligence et l\'amour sont plus divins encore.
Adam, qui se réveille, parait plus charmé que surpris; il semble continuer un sonpe délicieux et
entrer dans un ordre d\'idées et de sentiments qui n\'est pas entièrement nouveau pour lui. On dirait
qu\'il prononce les paroles sacramentelles qui ont déterminé les devoirs fondamentaux du mariape. A
ses pieds est un lapin blanc, emblème de la génération. Le génie symbolique du moyen âge a caché le
développement du genre humain dans un simple et timide animal.
Un paysage d\'une perspective enchanteresse couronne de verdure et de soleil cet hyménée contracté
en présence de rÉternel, sur le seuil du monde.
Cette page devait plaire à Raphaël et lui fournissait l\'occasion de montrer tout ce que son pinceau
a de fort et de suave à la fois.
Dans les quatre épisodes de l\'histoire d\'Adam, il a représenté la première femme sous quatre aspects
différents : Ève jeune lille belle et innocente; Ève femme et dominée par la passion; Eve femme et
dégradée par le péché; Ève, enfin, mère et soumise aux infirmités de son sexe, aux soucis et aux travaux
qui furent la suite de sa désobéissance. Cette quadrilogie est rendue avec une vérité frappante.
Les figures sont de dimension demi-nature. Dieu a la chevelure et la barbe blanches ; son manteau
et sa longue tunique sont pourpres à reflets grisâtres. Le ton des chairs du Créateur et d\'Adam pousse
un peu au rouge; la chevelure d\'Adam est blonde et dorée, mais Ève a les cheveux cendrés et sa carnation
est plus pâle et plus moelleuse.
Le ciel bleu grisâtre présente quelques nuages vers la gauche et une teinte rosée à droite.
Le sol au premier plan, à l\'endroit oii est couché Adam, s\'empreint d\'un gris verdâtre fortement
ombré vers la gauche. Le feuillage des arbres est d\'un vert nuancé, sans trop d\'éclat. Le fleuve réfléchit
l\'azur du ciel.
Ce sujet, sur lequel Milton a répandu sa poésie sévère et Buffon la pompe de son style, a été traité
maintes fois. Vers l\'année 1401, Lorenzo Ghiberti l\'a ciselé avec un goût qui faisait présager Raphaël,
sur la porte du Baptistère de Florence, cette porte digne, au sentiment de Michel-Ange, de fermer le
paradis. Michel-Ange lui-même a peint, dans la chapelle Sixtine, la création de l\'homme, et il l\'a fait
avec plus de mouvement et sur des lignes plus hardies que son émule. Adam est un torse d\'une
incomparable beauté. Dieu, porté par un groupe d\'anges, rappelle moins Jéhovah que Jupiter, j\'entends
ce Jupiter de Phidias qui ajoutait à la religion des peuples. En retraçant la naissance de la femme,
Michel-Ange est encore plus loin de Raphaël. Adam est plongé dans un sommeil léthargique; Ève, sortie
de son côté, rend grâce au Seigneur qui a repris les traits du Dieu de Moïse.
La fresque de Raphaël est un carré long. Elle est endommagée, surtout vers la droite. Vasari, Félibien,
l\'abbé Taja, M. Bunsen et ses collaborateurs en attribuent l\'exécution à Jules Romain; mais De Seine
et Richardson affirment que la figure d\'Ève n\'a pu être peinte que par Raphaël; plusieurs connaisseurs
et artistes appuyent cette assertion.
Une esquisse à la plume est lavée et désignée, sous le n° 453, dans la collection d\'Â. Rutgers. Voir Henri Reveley, Préface de ses Notice illuslralive of the drawing
Loud., 1820, iii-8quot;.
à Pans, elle/. GIDE, line ies PeUls-Aucrustins. o.
Piibhe par A LACROSSK, a Bruxelles.
imprimé pf-r C.;r\'.rdcTinbsp;el Av.c.
•2™« SUJET.
V]n,e tableau.
DÉSOBÉISSANCE D ADAM ET D EVE.
« Or, le serpent, le plus rusé de tous les animaux que le Seigneur Dieu avait formés sur la terre, dit à la femme : Pourquoi Dieu vous a-t-il défendu de manger
« du fruit de tous les arbres de ce jardin? —
« La femme lui répondit : Nous nous nourrissons du fruit des arbres de ce jardin ; mais pour le fi uit de l\'arbre qui est au milieu du jardin , Dieu nous a
« commandé de n\'en point manger et de n\'y point toucher, de peur que nous ne mourions. —
« Le serpent repartit à la femme : Assurément vous ne mourrez pas de mort. Mais Dieu sait que le jour où vous aurez mangé de ce fruit, vos yeux s\'ouvriront
« et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. —
quot; La femme considéra donc que ce fruit était bon à manger, qu\'il était beau et agréable à la vue. Et, en ayant pris, elle en mangea.
« Et elle en donna à son mari, qui en mangea comme elle. »
Geisése, ch. III, v. 1—6.
L\'ensemble de ce tableau offre les qualités de la fresque précédente, s\'il ne les surpasse : simplicité,
expression, clarté.
Adam est assis au pied de l\'arbre de la science du bien et du mal, et son attitude permet à l\'artiste de
déployer toutes les ressources du dessin. Il accepte sans empressement le fruit que sa compagne vient
de cueillir; toutefois, un éclair de plaisir brille dans ses yeux, tandis que l\'ange déchu, serpent à tète
humaine, suit leurs mouvements et calcule le résultat de ses perfides conseils. Son regard laisse percer
la joie qu\'il éprouve intérieurement, mais qu\'il cache à ses victimes.
Eve, de la main gauche, abaisse une branche de l\'arbre; de l\'autre, elle tend le fruit fatal à son mari.
Ce double geste fait épanouir ses grâces les plus cachées.
Entre evix point d\'insistance ni de refus. Ève a mangé du fruit défendu, elle se contente d\'en donner
à Adam, et Adam en mange aussi : c\'est l\'histoire de nos éternelles faiblesses.
On a prétendu que Raphaël avait emprunté à Masaccio l\'idée et la disposition de ce tableau ; mais
Raphaël ne dissimulait jamais les rares emprunts qu\'il trouvait bon de faire à d\'autres. Il reprenait
son bien en maître, au vu et au su de chacun, sans rien déguiser, car le déguisement ne convient qu\'au
larcin, et ici Masaccio et Raphaël ne se ressemblent aucunement. D\'ailleurs, la supériorité manifeste de
sa composition sur la peinture analogue de Masaccio, principalement sous le rapport du mouvement
et de la variété, ne permet pas de croire à l\'imitation. Masaccio a traité le sujet de la désobéissance de
nos premiers parents avec toute la bonhomie de l\'école de son temps, toute l\'insignifiance d\'un art
qui, suivant la remarque de M. Ouatremère, ue sait ou n\'ose pas encore parler. Raphaël, au contraire,
s\'est distingué par la vivacité de l\'expression. 11 n\'a pas imité non plus Michel-Ange, chez qui l\'homme
devance la femme dans le péché, et qui, fondant ensemble les deux actes du drame, sans craindre de
violer la loi de l\'unité, a rapproché sur un même plan le crime et le châtiment, la transgression et l\'exil.
Adam, dont les cheveux sont blonds, a la peau plus colorée qu\'Eve. La tête de celle-ci est couverte
de cheveux ambrés; mais, par une anomalie inexplicable, ils sont noués d\'un ruban blanc-laqueux.
Cette réminiscence du costume grec ou romain forme un singulier anachronisme, que Chapron a fait
disparaître.
L\'ange déchu est beau de visage; sa chevelure est brune, et son corps de reptile, qui se roule en
anneaux écaillés, est gris, glacé de laque et rehaussé de coups de lumière jaunâtres.
Au lieu d\'être une pomme, comme on le croit vulgairement, le fruit défendu est une ligue
longue et pourprée. Le ciel, d\'un gris bleuâtre, est traversé de lignes et de nuages blancs ou légèrement
orangés. Le tronc et les branches de l\'arbre de la science sont d\'un gris tirant sur le vert. Le tronc
de l\'avant-plan, à droite, est d\'une teinte bitumineuse foncée.
Le paysage très-agreste est vert comme une émeraude, à l\'exception des roches bistrées qui, à droite,
plongent leur pied dans une eau sinueuse et fort transparente.
Cette fresque, en forme de parallélogramme, est d\'une assez bonne conservation. Elle a été peinte
par Jules Romain.
A. P. Tardieu l\'a gravée, in-Squot;. D\'après Richardson, il s\'en trouve au cabinet de Paris une esquisse à la sanguine. Passavant, II, 599, nquot; 474 A.
Elle a été copiée d\'une manière très-médiocre par un anonyme dont Rartsch a donné le monogramme dans son quatorzième volume, pp. 3—4, iiquot; 1 , j»!. iiquot; iv.
Une des plus belles et des plus rares estampes de Marc-Antoine, d\'après Raphaël, représente ce sujet un peu modifié.
Voyez Galerie des peintres les plus célèbres, Didot, 184i, in-4quot;, OEiivros de Raphaël, p!. cccxm et cccxvm, au trait.
-ocr page 38-§Y(Î
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à .Paris, rlic/ (lll)h\',luio (k\'snbsp;Auo\'usUiis,
1/il.lió par A.l.ACUOSSK, a liruxollcs.
priLdOn a-iir\' A/,o
3\'»\'^ SUJET.
ADAM ET ÈVE CHASSÉS DU PARADIS TERRESTRE.
« Et le Seigneur Dieu appela Adam et lui dit : Où es-tu ? - Adam lui répondit : J\'ai entendu votre voix dans le jardin, et j\'ai eu peur, parce que
j\'étais nu et je me suis caché... —
« Alors Dieu lui dit : Et d\'où sais-tu que tu es nu, à moins que tu n\'aies mangé du fruit de l\'arbre dont je t\'avais defendu de manger? —
« Adam répondit : La femme que vous m\'avez donnée pour compagne m\'a présenté du fruit de cet arbre et j\'en ai mangé. —
« Et le Seigneur Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela? —
« Elle répondit : Le serpent m\'a trompée et j\'ai mangé de ce fruit. —
« Alors le Seigneur Dieu dit au serpent : Parce que tu as fait cela, tu es maudit entre tous les animanx et toutes les bêtes de la terre : tu ramperas sur le
ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie... —
« Il dit aussi à la femme : Je multiplierai tes misères et tes enfantements : tu engendreras dans la douleur, et tu seras sous la puissance de l\'homme, et
il te dominera... —nbsp;\'
« S\'adressant à Adam, il lui dit : Parce que lu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fr^it dont je t\'avais défendu de manger, la
terre est maudite à cause de toi, et tu n\'en tireras chaque jour ta nourriture qu\'avec un grand labeur... _
« Le Seigneur Dieu le fit sortir ensuite du paradis de délices, afin qu\'il allât travailler à la culture de la terre dont il était sorti.
clt; Et l\'ayant chassé, il plaça à l\'entrée du jardin de délices un chérubin qui brandissait sans cesse son glaive flamboyant pour empêcher l\'accès de l\'arbre
de vie. »
Genèse , ch. III, v. 9— \'.
Thomas Guidi, plus connu sous le nom de Masaccio, était né à Florence en 1401 ; précurseur de
Raphaël, il donna à la peinture une nouvelle direction; il visa au style, au nombre, à Fampleur,
au mouvement, à l\'expression; et, avec un peu plus d\'audace et de science, il aurait pleinement
réussi dans sa tentative. La chapelle del Carmine, peinte par lui à Florence, n\'en était pas moins
le rendez-vous de tous ceux qui entrevoyaient un vaste avenir pour l\'art, dans les progrès que Masaccio
avait fait faire à l\'imitation. Raphaël vint y étudier à son tour, et, soit reconnaissance pour un artiste
auquel il devait des leçons utiles, soit respect pour une pensée frappée au coin du génie, il prit
sans hésiter à Masaccio, lorsqu\'il travailla aux Loges, le groupe complet de la punition d\'Adam.
L\'arrêt formidable du Seigneur est prononcé. Le chérubin exécuteur de la sentence poursuit de
son glaive les deux coupables. La douleur de l\'homme et celle de la femme ne pouvaient pas avoir le
même caractère : l\'une et l\'autre sont rendues par la pantomime la plus noble et la plus touchante.
Adam, en proie à la honte et au désespoir, se cache la figure des deux mains; ce qui rappelle
l\'artifice de ce peintre de la Grèce qui avait voilé la tête d\'Agamemnon, au moment du sacrifice
de sa fille. Le repentir d\'Ève s\'exprime avec plus de douceur et de résignation : ses yeux osent
encore se lever vers le ciel où elle espère vaguement un appui.
Ces exilés sont déchus, mais non pas avilis. Ils conservent Tempreinte de leur origine. Le monde
s\'ouvre tout entier devant eux; à pas lents et irrésolus, ils suivent, à travers l\'étendue, leur route
solitaire.
rhe world was a\'l before ihem......
They... with wandering steps and slow
Through Eden took their solitary VTay.
Milton, B. XII.
Vlais si Masaccio a le droit de revendiquer l\'idée et le dessin de cette peinture , l\'exécution appartient
à Raphaël; et c\'est en dire assez.
La critique, muette devant ce chef-d\'œuvre, ne peut cependant approuver cette porte maçonnée et ce
perron en pierre placés à l\'entrée du paradis terrestre. L\'effet pittoresque de la menaçante lumière
qui s\'épanche au travers ne suffit pas pour faire excuser ce choquant anachronisme.
L\'ange est blond ainsi qu\'Adam; sa tunique est rouge-orangé, hachée de brun et de blanc. En dessus
ses ailes sont nuancées de vert, en dessous de gris-bleuâtre à l\'extrémité supérieure, et d\'une teinte
terreuse à l\'extrémité inférieure.
Le sol est brun-foncé au premier plan, verdoyant au second, bleuâtre vers le fond. La lumière qui
environne l\'ange se reflète sur tout l\'avant-plan et pénètre même les nuages qui bordent le haut du
tableau. A l\'horizon, cependant, le ciel est azuré, semé de petits nuage s laineux.
La nature est calme et riante. Il n\'y a du trouble et de l\'orage que dans le cœur de l\'homme.
Ce contraste poétique et qui provoque la réflexion n\'a pas été manqué par le peintre.
La fresque, selon Vasari, a été exécutée par Raphaël même. L\'abbé Taja et M. Bunsen affirment que
toute cette arcade est l\'ouvrage de Jules Romain,
Elle a souffert de l\'humidité, principalement vers la gauche.
Une esquisse originale de Raphaël est dans l\'ancienne bibliothèque privée des rois d\'Angleterre. Elle a été gravée par C. Metz en 1798, dans son ouvrage
intitulé : Imitations of ancient and modem draivings, London, 1798, 1 vol. in-fol. Voy. Passavant, II, 212 et 541, nquot; 284.
11 existe une gravure par un anonyme des Pays-Bas, du seizième siècle, avec cette inscription : Ejicit Dominus Adam. Hauteur, 7 p. 8 lig.; largeur, 8 p.
S lig. Marc-Antoine a gravé le même sujet d\'après Raphaël, mais conçu d\'une autre manière. Ici Ève, tournant la tête vers Adam, porte les deux mains à
sa chevelure, comme pour l\'arracher par excès de douleur. Ce geste violent convient mieux à l\'homme. Yoy. Rartsch, XIV, 4, n° 2.
[):in liACIUJSSI\'L â iJnixclles.
i V\'lils - AliO\'iislins,
i\'l\',, iliii- (
« Dieu avait dit à Adam : La terre te produira des épines et des ronces, et lu te nourriras de l\'herbe de la terre.
« Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu\'à ce que tu retournes en la terre dont tu as été tiré; car tu n\'es que poudre et tu retourneras
« en poudre. —
« Et Adam nomma sa femme Ève, parce qu\'elle devait être la mère de tous les vivants...
« Et Adam connut sa femme Ève, laquelle conçut et enfanta Caïn... Puis elle enfanta son frère Abel,
« Or, Abel fut pasteur de brebis, et Caïn laboureur. »
Genèse, ch. III et VI, v. 18-20, 1-2.
Le site n\'offre ni Faspect riant, ni la riche végétation du paradis terrestre. En voyant le terrain
sablonneux contre lequel luttent les efforts d\'Adam, on conçoit que Dieu ait imposé comme une
expiation, au premier homme et à sa race, de rendre fertile cette terre aride et rebelle, et d\'en
arracher une précaire subsistance, à la sueur de leur visage.
Aussi combien Adam est changé! Ce n\'est plus cet homme brillant de jeunesse et de vigueur : son
front, sillonné par des rides et brûlé par le soleil, son poil inculte, attestent le travail rude et opiniâtre
auquel il a du se livrer depuis sa sortie de l\'Eden. Tout en confiant à la terre, qu\'il a péniblement
])réparée, les semences dont il attend la nouriiture de sa famille, il regarde avec intérêt sa compagne
qui s\'occupe à filer, tandis que ses deux enfants, Caïn et Abel, reconnaissables dans les tableaux de
vierges du peintre, sous les noms de Jésus et de saint Jean, se disputent un fruit que l\'un d\'eux s\'est
approprié, et en appellent à leur mère de ce débat ingénu. Un chien, le premier des animaux qui
se soit associé aux misères de l\'homme, repose à leurs pieds.
Ce tableau est superbe de couleur et d\'effet local. La déchéance de l\'homme et de la femme, expulsés
du paradis terrestre et condamnés au travail et aux infirmités, est exprimée avec une précision et une
simplicité inimitables. Un charme mélancolique est répandu sur cette scène, à la fois grande et vulgaire,
à laquelle remontent toutes nos souffrances, et qui est la condamnation de nos plaintes séditieuses, de
nos vengeances impies.
Dans ses mordantes et spirituelles satires sur la peinture en Italie, Salvator Rosa, qui passe
condamnation sur la quenouille d\'Ève, a reproché à Raphaël d\'avoir donné à Adam un instrument
aratoire (une pioche en fer). Cette circonstance est effectivement une faute de costume, mais qui se
perd et se cache au milieu d\'une foule de beautés.
].e ton des chairs est généralement hriqueté, comme dans les peintures de Pompéi et d\'Herculanum.
Adam a la barbe et la chevelure brunes; il porte un vêtement grossier qu\'il s\'est fait de peaux de
brebis, et qui, à l\'exception de la laine, est de couleur grise, éclairé de jaune et ombré d\'une teinte
laqueuse. Ève, quoique vieillie, a gardé les cheveux d\'un châtain vif; elle est à moitié enveloppée d\'une
étoffe d\'un brun laqueux. L\'enfent de droite a les cheveux châtains, et l\'autre blonds. Le chien couché
près d\'eux est blanc.
Le terrain ensemencé est sablonneux, le reste du paysage vert nuancé, mais sans éclat. Derrière Ève
se voit l\'habitation de la première famille humaine : un peu de paille étendue sur des branches, la
paille qui remplira plus tard la crèche du Sauveur. Et voilà pourtant le trône primitif de notre orgueil!
Le ciel est azuré; à l\'horizon se balancent des nuages blancs et jaunâtres. Dans le fond coule une
rivière.
Les critiques qui se sont occupés des Loges ne sont pas d\'accord sur le peintre de cette fresqu^e.
L\'abbé Taja et M. Bunsen la mettent sur le compte de Jules Romain, pendant que François de Seine,
l\'abbé Titi et Pinaroli, en attribuent rexécution à Raphaël.
Ce qui est certain, c\'est qu\'elle a beaucoup souffert. L\'humidité, en pénétrant la muraille contre
laquelle elle est adossée, lui a causé un tort irréparable.
Suntaclî l\'a gravée, iii-fol. oblong.
-ocr page 44-^rn.
par LACIïOSSI-:, a \'liriixclU^s
.a Paris. rliC/, Cd Dlv lUic dos Priils-\\iioiislins, à.
-ocr page 45-0 -iT o --------
« Or, Dieu, voyant que la malice des hommes qui vivaient sur la terre était extrême, et que toutes les pensées de leur cœur étaient en tout temps
appliquées au mal, se repentit d\'avoir fait l\'homme sur la terre.
« Et touché d\'affliction jusqu\'au fond du cœur, il dit : J\'exterminerai de la face de la terre l\'homme que j\'ai créé; j\'exterminerai tout, depuis l\'homme
jusqu\'aux animaux, depuis les reptiles jusqu\'aux oiseaux du ciel^ car je me repens de les avoir faits. —
« Mais Noë trouva grâce devant le Seigneur...
(c Dieu dit donc à Noë : La fm de tout ce qui est chair est venue pour moi, car la terre est remplie d\'iniquités par la présence des hommes, et moi je
les perdrai avec la terre.
« Fais-loi une arche de pièces de bois équarries; lu y ménageras divers logements, et tu l\'enduiras de bitume à l\'intérieur et à l\'extérieur...
« Et voilà que j\'amènerai sur la terre les eaux du ciel, pour détruire toute créature en qui est l\'esprit de vie. Tout ce qui existe sur la terre périra.
« Mais j\'établirai mon alliance avec toi; tu entreras dans l\'arche, loi, tes fils, ton épouse et les épouses de tes fils avec toi.
« Et de tous les animaux tu en feras entrer deux dans l\'arche, mâle et femelle, afin qu\'ils vivent avec toi. —
« Noë fit tout ce que Dieu lui avait ordonné. »
Genèse, ch. VI, v. 5—22.
Dans un site montagneux et boisé, s\'élève sur le second plan la charpente de l\'arche. Les trois
fils de Noë, Cham, Sem et Japhet, y travaillent sous sa direction. Ils sont nus, et Raphaël a fait
preuve ici de grandes connaissances en anatomie, non pas cette science incomplète et trompeuse
qui ne sait interroger que des cadavres, mais celle qui étudie les organes dans les fonctions de la
vie. Les contours des corps sont parfaits, le jeu des muscles visible, les raccourcis exacts et sans
bizarrerie calculée, les attitudes et les mouvements justes et pleins de vigueur.
Le personnage qui scie péniblement une énorme planche est surtout remarquable. 11 est impossible
d\'approcher davantage de la réalité.
Noë est un beau vieillard à la barbe chenue. Il est largement drapé d\'une tunique violâtre, rehaussée
de bleu pâle à lumières blanches, et d\'un manteau rouge carminé, frappé de reflets argentins. J.a
dernière figure à droite porte aussi sur l\'épaule une espèce de manteau d\'un brun mêlé de carmin,
éclairé en dessus par des reflets bleuâtres. Cette figure a la chevelure fauve, tandis que celle du milieu
a la barbe et la chevelure grises et l\'autre les cheveux bruns. Tous trois sont fortement basanés; leur
carnation annonce à la fois une chaude température et une constitution mâle et robuste.
Le paysage est traïuiiiille et verdoyant, trop verdoyant pent-etre pour le climat. Les montagnes
reculent vers riiorizon leurs sommets bleuâtres, sous un ciel nuancé de teintes blanches, azurées et
laqueuses. La carcasse de Farche est posée dans une plaine gazonnée, au bord d\'un ileuve qui
rafraîchit la campagne. Elle est d\'une couleur bistre, tantôt éclairée de jaune, tantôt très-ombrée. Un
brun rougeâtre fait ressortir le premier plan, où est placé Noë.
Cette fresque, de forme carrée, est peu détériorée.
Elle a été peinte par Jules Romain, selon Vasari; d\'autres disent par Jean-l^\'rançois Penni; et cette
opinion paraît mieux fondée à MM. Passavant et Bunsen.
Un dessin de c€lte composition est à la villa Pamfdi, près de Rome. Passavant, II, 490.
Parmi les estampes de Marc-Antoine, on on trouve une qui représente, d\'après Rapliaël, Dieu ordonnant à Noë de construire rarclie. Rartsch en signale
deux copies, XIV, 4—5, nquot; 3.
L. riri n (v\'^i
rr
znbsp;Mi^r^ J,nbsp;va^\'M i, vpA,:,;. !nbsp;O
Publ\'u\'^ |-)n P I.ACIïOSSI-;, I\'ti\'ii
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Ir;; t:ri.:iic pa.T vgt;.s.pdc:i aivi^L 8:\' A\'ze.
« Et Noë entra dans l\'arche, et avec lui ses lils, sa femme, et les femmes de ses fils, pour se sauver des eaux du déluge.
« De chaque espèce d\'animaux purs et impurs, des oiseaux et de tout ce qui se meut au-dessus de la terre, un couple, le mâle et la femelle, entra aussi
« dans l\'arche avec Noë, comme Dieu le lui avait ordonné.
« Et lorsque sept jours furent passés, les eaux du déluge inondèrent la terre ..
« Les profondes sources de l\'abîme s\'épanchèrent violemment et les cataractes du ciel furent ouvertes.
« Et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits...
« El les eaux se multiplièrent et soulevèrent l\'arche bien au-dessus de la terre...
« L\'eau crût de quinze coudées au-dessus des montagnes qu\'elle avait couvertes...
« Et tout ce qui sur la terre avait un souffle de vie fut anéanti.
K Et le Seigneur détruisit toutes les créatures qui étaient sur la terre; depuis l\'homme jusqu\'à la bête, depuis le reptile jusqu\'aux oiseaux du ciel, tout fut
exterminé sur la terre : Noë resta seul avec ceux qui étaient dans l\'arche.
lt;( Et les eaux demeurèrent en possession de la terre pendant cent cinquante jours. »
Genèse, ch. VII, v. 7-24.
Des ténèbres (biniidables couvrent le ciel, qui n\'est éclairé que par la foudre. Les nuages se fondent
en torrents. De larges et livides éclairs guident seuls Farche, autour de laquelle s\'agitent vainement
une foule de malheureux que la vague enlève les uns après les autres. Des barques légères, de frêles
esquifs se soutiennent encore sur l\'abîme qui va les engloutir. Dans ce moment suprême, Famour
de la vie met aux prises des infortunes pareilles et joint à l\'horreur de la catastrophe celle des passions
déchaînées. Une lutte furieuse, acharnée, s\'engage entre deux hommes pour la possession d\'une auge
flottante qui chavire et s\'enfonce. D\'autres croient trouver leur salut sur une planche fragile.
Le sommet d\'une montagne escarpée n\'a pas encore été atteint. Là, des mères se sont réfugiées avec
des enfants pour qui leur sein ne sera plus un sûr asile. L\'espérance, qui ne meurt jamais dans le
cœur des mortels, fait croire à quelques infortunés que ce coin de terre pourra les sauver. Voilà
qu\'un père y touche, le gravit et fait des efforts désespérés pour y traîner ses jeunes fils; un époux
aspire à y déposer son épouse expirante; un vieillard, d\'autant plus attaché à l\'existence que le terme
en est moins éloigné, hâte vers ce port trompeur son cheval submergé et qui hennit de crainte.
Mais l\'eau monte, elle monte toujours, et bientôt, sur le gouffre sans bornes, sur Focéan sans rivages,
il ne surnagera que Farche, dont la sécurité impitoyable et majestueuse accroît la tristesse de cette
universelle destruction.
Dans un cadre si resserré, était-il possible de rapprocher des scènes plus diverses, de mieux choisir
les accidents susceptibles d\'émouvoir le spectateur et de produire un effet général plus vrai, plus
grandiose et plus pathétique? Non, certes, l^a peinture .a fait tout ce qu\'elle pouvait faire. Mais le
déluge est-il un sujet dont il lui soit permis d\'exprimer l\'immense désolation ? Nous ne le pensons
pas. Le pinceau le plus savant représentera bien des épisodes du déluge, une inondation partielle avec
ses conséquences les plus déchirantes, mais le monde entier absorbé par les eaux, jamais! Voyez le
Poussin : malgré la poésie de son imagination, il n\'a recueilli que quelques traits épars et n\'a produit
(ju\'une toile mélancolique et un peu froide. Voyez Girodet : toute sa composition se réduit à un groupe
d\'une allégorie étudiée et d\'une beauté de dessin extraordinaire, dans le goût de la statuaire polychrome
de l\'école de David. Mille autres peintres ont après eux broyé du vert, contourné des figures, esquissé
des désespoirs académiques; mais si, dans une occasion si grave, ce style est admissible, ils se sont
tous noyés dans leur propre déluge.
Il n\'y a peut-être que l\'Anglais Martin qui ait embrassé le sujet dans sa grandeur; Martin, peintre
médiocre, dont la présomption a essayé de reculer les limites de l\'art et de rendre visible ce que
Timagination seule est en état de rêver. Dans ses tableaux, l\'intérêt ne sait où s\'arrêter; l\'exécution
est faible et confuse; mais le sentiment de l\'infini leur donne un certain mérite. Son déluge est
une image gigantesque : des figures innombrables y excitent la curiosité; une nature fantastique et
sombre s\'y révèle; on comprend qu\'il s\'agit d\'un épouvantable malheur. Les monstres, les animaux
sauvages, oubliant leurs instincts cruels, se mêlent aux hommes; tous les êtres vivants sont frappés
de la même stupeur. Martin est vaste, démesuré, et sans doute, à cause de cela même, bien moins
touchant que Raphaël. Il a composé un mélodrame à grand fracas, tel qu\'on les aime aujourd\'hui;
Raphaël une tragédie régulière, à la manière d\'Euripide ou de Racine.
Venons aux détails de la composition. Le ciel et les flots sont d\'un gris noirâtre. Le tonnerre qui
éclate jette sur la scène une clarté blafarde et sinistre, et illumine jusqu\'au premier plan. L\'époux,
qui soulève sa femme mourante, est placé au milieu et vu par le dos. Le corps de la femme représente
à merveille la défaillance et l\'affaissement de la mort. Il forme une courbe naturelle et bien rompue.
A droite un vieillard, dont la tête est singulièrement recouverte d\'un bout de son manteau rouge orangé
à lumières jaunes, presse son cheval blanc, bridé de pourpre. A gauche, un homme à la barbe noire et
j\'ude, le corps nu et briqueté, autour duquel flotte une écharpe violette, tient d\'une main un de ses
enfants et en saisit par les cheveux un autre qui porte le troisième sur ses épaules. Il pose le pied sur
une éminence d\'un vert cru, à l\'extrémité de laquelle on aperçoit, dans l\'obscurité du second plan,
sous un bouquet d\'arbres et de draperies étendues, plusieurs femmes et des enfants. Le coloris des
figures parait négligé ou altéré. La plupart, vêtements et chairs, sont en bistre ou d\'une teinte
bitumineuse; une des femmes tranche pourtant sur le tout, par sa tunique rouge-ponceau.
L\'arche vogue dans le fond; mais derrière elle on aperçoit encore des barques. A l\'horizon, une lueur
ténébreuse trace une ligne qui sépare à propos les nuages des ondes, puisque le ton en est semblable.
D\'après les jointures du stuc, on calcule que ce chef-d\'œuvre n\'a exigé que cinq jours de travail.
Savons-nous aussi pertinemment quel en a été le peintre? L\'abbé Taja nomme Jules Romain; l\'abbé
Titi et Pinaroli, Raphaël dal Colle; Vasari, d\'accord avec la plupart des peintres, Raphaël Sanzio!
Il n\'est pas mal conservé; toutefois, à gauche, on y remarque quelque dégradation.
Gravé par un artiste des Pays-Bas, avec cette inscription : Offensus homimm, etc.; in-folio oblong.
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à Paris, chez. GlDli, Brie des Petits - .Ariôuslms. 5 .
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VvM\\h par A,LACROSSE, à Bruxelles.
« Or, Dieu, s\'étant souvenu de Noë et de toutes les bêtes sauvages et de tous les animaux domestiques qui étaient avec lui dans l\'arche, envoya un souffle
« sur la terre; et les eaux furent diminuées.
« Et les sources de l\'abîme et les cataractes du ciel furent fermées, et les eaux, poussées de côté et d\'autre sur la terre, commencèrent à baisser, après cent
cinquante jours. Et le vingt-septième jour du septième mois, l\'arche se reposa sur les montagnes d\'Arménie.
« Gependant les eaux allèrent toujours décroissant jusqu\'au dixième mois.
« Le premier jour du dixième mois apparurent les sommets des montagnes.
« Et lorsque quarante jours furent passes, Noë ouvrit la fenêtre qu\'il avait pratiquée dans l\'arche et lâcha un corbeau, qui partit et ne revint plus jusqu\'à
« ce que les eaux fussent séchées sur la terre.
« 11 envoya aussi une colombe, pour voir si les eaux ne s\'étaient point retirées de la face de la terre. Mais, ne trouvant pas oii poser le pied, elle revint vei-s
« lui dans l\'arche; car les eaux couvraient encore toute la terre. Noë, étendant la main, prit la colombe et la remit dans l\'arche.
« Il attendit sept autres jours et envoya de nouveau une colombe hors de l\'arche. Cette fois elle revint à lui sur le soir, portant dans son bec un rameau
« d\'olivier dont les feuilles étaient toutes vertes.
« Noë comprit donc que les eaux s\'étaient retirées de la terre. Il attendit néanmoins encore sept jours, et il lâcha la colombe, qui ne revint plus à lui.
« Ainsi, Tau de Noë six cent et un, au premier jour du premier mois, les eaux disparurent de la terre.
« El Noë, ouvrant le toit de l\'arche, regarda et vit que la surface de la terre s\'était séchée.
« Le vingt-septième jour du second mois, la terre fut toute sèche.
« Alors Dieu parla à Noë et lui dit : Sors de l\'arche, toi et ta femme, les fils et les feuunes de tes fils avec toi. Fais-en sortir aussi tous les animaux qui y
« sont, quelle que soit leur espèce, tant les oiseaux que les bêtes et les reptiles qui rampent sur la terre.
« Allez sur la terre et croissez et multipliez sur la terre. —
« Noë sortit donc avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils.
« Et tous les animaux sauvages et les animaux domestiques et les reptiles qui ranjpenl sur la terre, chacun selon son espèce, sortirent aussi de l\'arche. »
Genèse, ch. VIII, v. 1—19.
La porte de 1 arche est ouverte. Noë, sorti le premier, est entouré d\'une partie de sa famille, sa
femme, deux de ses brus et son plus jeune fils. Il est appuyé sur un bâton, et l\'on dirait qu\'il passe
eu revue, en bénissant le Seigneur, tous ces êtres qui doivent repeupler la terre. Les oiseaux couvrent
l\'air; la colombe tient encore dans son bec le rameau d\'ohvier qui annonçait la fin du délupe: les
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quadrupèdes s\'avancent deux à deux; les animaux sauvages, qui, en entrant dans l\'arche, avaient quitté
leur caractère craintif, malfaisant ou féroce, ne l\'ont point encore repris; tous passent paisiblement
devant Noë; et il est impossible de reproduire cette circonstance essentielle, indiquée d\'une manière
expresse par la Bible, avec plus de justesse et d\'exactitude.
Quelle ordonnance ingénieuse dans cette confusion si pittoresque ! Quelle science de l\'histoire
naturelle dans la reproduction vivante des espèces et des variétés du règne animal ! Cependant l\'effet
serait peut-être plus uet, si l\'arche était moins rapprochée du spectateur, si lair circulait davaiUage
entre elle et le groupe oii se trouve Noë, et si tous les oiseaux ne semblaient pas voler dans un seul
plan, presque perpendiculaire. Peut-être aussi aurait-on le dioit d\'élever quelque chicane sur la
pers|)ective et le rapport des proportions avec les distances.
Les animaux sont, au reste, très-exactement représentés; chaque couple se distingue facilement,
mais tantôt le mâle et la fenielle sont de même couleur, comme les porcs-épics, les lévriers, les
chevaux, la plupart des volatiles; tantôt ils sont de couleur difrérente, tels que les deux chats-tigres,
l\'un blanchâtre, l\'autre brun fauve; les deux ours, l\'un noir, l\'autre brun.
Le groupe formé de deux figures d\'hommes et de trois figures de femmes est supérieurement dessiné
et disposé. Raphaël, ainsi qu\'il l\'a fait dans plusieurs autres de ses fresques et tableaux, notamment
dans la fiesque célèbre appelée l\'Ecole d\'Athènes^ s\'est mis lui-même en scène, en donnant ses traits
au fils de Noë. La ressemblance est frappante.
Noë est revêtu d\'une longue tunique ocre-jaune, ombrée vers le bas, et d\'un manteau laqueux à
lumières crayeuses. Sa femme, qui s\'appuie sur lui, porte une tunique vert-clair et un manteau blanc
ombré de bleu. Les autres figures à droite sont habillées de laque, de vert et de blanc ombré de violet.
Toutes ont les cheveux châtains, à l\'exception de Noë, vieillard blanchi par les siècles. Les chairs
sont briquetées.
Ce groupe se détache sur les flancs rougeâtres et gris de l\'arche. Le sol est nuancé de bistre, de jaune,
de vert et de teintes laqueuses au premier plan. Le ciel est serein, coupé d\'azur et de blanc.
Cette belle fresque, de forme carrée, a été exécutée par Jules Romain; elle est peinte dans le
compartiment de la voûte qui aboutit à la muraille extérieure de la galerie; aussi se troiive-t-elle
endommagée par l\'humidité, au point que, vers la gauche, une grande partie de la couleur est tombée.
Ce n\'est donc que par des recherches persévérantes que Meulemeester est parvenu à reconnaître et à
retrouver les contours efliicés d\'environ quarante oiseaux qu\'on n\'aperçoit plus d\'en bas. Heureux de
cette importante restitution, mais ne voulant pas être accusé d\'y avoir mis du sien, il en a fait constater
la fidélité par un certificat signé : Pietro Lucœni, le 9 janvier 1818. Les oiseaux effacés sont, entre
autres, les aigles, les chouettes et les tourterelles.
Gravé par Jules Bonasone, en 1544. Bartsch, XV, 113, nquot; 4. — Par Jean-Baptiste de Cavalleriis. — En contre-partie par le maître au monogramme IHS,
en 1356. Passavant, II, 213.
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a Paris. I\'llez GIDE. Rxif dos-PcUls -\'Vuo-LLst.ii.iy, ö.
-ocr page 54-« Or, ^\'oë éleva un autel au Seigneur, et, prenant de tous les animaux et de tous les oiseaux purs, il offrit un holocauste sur l\'autel.
« El l\'odeur en fut agréable au Seigneur, qui lui dit : Désormais je ne maudirai plus la terre à cause des hommes; car l\'esprit et les pensées de l\'homme
« sont mchnés au mal dès sa jeunesse : je ne frapperai donc plus à l\'avenir toute créature vivante, comme je l\'ai fait.
« Tant que la terre durera, les semailles et la moisson, le froid et le chaud, l\'hiver et l\'été se succéderont sans interruption...
« Je mettrai mon arc dans les nuées, et il sera le signe de mon alliance avec la terre. — »
Genèse, ch. VIII, v. 20—22, et ch. IX, v. 13.
Un autel, de forme trop régulière et trop architecturale pour l\'époque, est érigé dans une plaine
au bord de la mer; la flamme s\'élève vers le ciel, qui s\'entr\'ouvre comme pour recevoir les émanations
du sacrifice. jNoë, debout et les mains jointes, adresse sa prière au Dieu qui l\'a excepté avec les siens
de la sentence fulminée contre le genre humain. Autour de lui est sa famille et une partie des animaux
sortis de l\'arche, l\'éléphant, le chameau, le cheval, le sanglier, la génisse et le taureau, l\'âne et le
bél ier. Ses fils font les préparatifs de l\'holocauste.
Noë porte encore un de ces vêtements de couleur laqueuse qu\'aimait Raphaël; sa tunique, éclairée
de bleu et de blanc, flotte sur une espèce de pantalon vert. Deux autres personnages sont vêtus
également de tuniques vertes, mais de différente nuance. Les fils de Noë ont la carnation égyptienne;
ses belles-filles, la peau brune et le galbe moresque, ce qui n\'est pas d\'accord avec la fresque précédente.
Les attitudes sont variées, libres, naturelles; feffet plein d\'harmonie; et tout concourt, par une
savante unité, à l\'action principale. Au milieu du rayonnement combiné de la lumière du ciel et de
celle de la flamme de l\'autel, le clair-obscur est traité avec une adresse singulière.
Le sol, au premier plan, est bistre grisâtre, à peu près comme l\'autel et le bélier qu\'on égorge; le
fond du paysage, peu accidenté, est d\'un vert mat, le ciel gris, traversé d\'un double sillon lumineux.
Jules Romain est Fauteur de cette fresque, qui, à droite, ne déguise point les ravages de l\'humidité.
Sa forme est un carré oblong.
Gravé par Marc de Ravenne. Bartsch, XIV, nquot; 4. - Copie en contre-partie. - En clair-obscur, par Â. M. Zanetti, 1740, in-fol. obi. Bartsch, XII, 186, n» 65.
-ocr page 55-U\'S l\'oliLs-.Vil
ij oil
OUATRIÉME LOGE
1er SUJET
XIIIquot;quot;\' rABLEAU.
. Ov. n arriva dans ce .en,ps-là qu\'Amraphel, roi de Sennaar, et Arioeh, roi de Pont, et Chodorlahomor, roi des Élami.es et Itadal, roi des Nations .firent la
guerre eo.ttreBara, roi de Lome, eontre Bersa, roi de Gomorrhe, eontre Sennaab, roi d\'Adama, contre Semeber, ro, de Sebo.m, contre le ro, de Bala, qn,
Tlt\'n avLÎrque Lot. son frère, avait été pris, compta ses serviteurs en état de combattre, et en trouva trois cent dix-huit, avec lesquels il poursuivit
les ennemisVisqu\'à Dan... Et il ramena tout le bntinquils avaient enlevé, et Lot, son frère, avec ses biens, et les fe^^^^^^nbsp;„.nbsp;,nbsp;«nbsp;.
.Mc^ le roi de Sodome sortit au-devam de lui, lorsqu\'il revenait après la défaite de Chodorlahomor et des rots qu, eta.ent avec 1«, dans la vallee de Save,
tTàîTMeThiléS\'! roTdé Salem, offrant du pain et du vin, parce qu\'il était pontife du Dieu très-haut, bénit Abraham, et dit : Qu\'Abraham soit béni du Dieu
puissant qui créa le ciel et la terre, et béni soit le Dieu puissant dont la protection a livré les ennemis entre tes mams. -
« Et Abraham lui donna la dixième partie de tout ce qu\'il avait pris. »
Genèse, ch. XIV, v. 1—-21.
Depuis Noé, de grands changemeiils se sont accomplis sur la terre. Ce nest plus une solitude infinie
qui étend ses déserts autour d\'une seule famille; le monde s\'est peuplé, des villes se sont élevées, les
arts ont pris naissance ; les tribus, les peuples ont reconnu des chefe. Mais la corruption qui avait
provoqué le déluge a fait de nouveaux progrès, et la guerre a tourné les uns contre les autres des hommes
sortis du même sang. Dieu alors se choisit un peuple, dépositaire des vraies traditions, et Abraham
est élu pour devenir la tige et le père de tous les croyants.
Abraham est une des phis grandes figures de la Bible. Boi-pasteur, il habite sous la tente et offre le
modèle du gouvernement patriarcal. Juste entre tous les justes, plein de foi, de docilité et de candeur,
il converse avec Dieu, qui lui fait de splendides promesses, et qui résene à sa postérité la gloire de
produire le Sauveur du monde.
Il faut le dire : si la composition du tableau dans lequel Baphaël introduit pour la première fois
Abraham, est riche, animée, savante, on a de la peine à reconnaître le patriarche d\'Hébron dans ce
vieux guerrier cuirassé, coiffé d\'un casque et qui semble détaché de la colonne trajane ou de quelque
autre monument de l\'antiquité. Mais, à part l\'arbitraire du costume, le dessin et l\'exécution sont
au-dessus de tout éloge.
Le tableau se compose de quatorze personnages. Au centre sont les offiandes symboliques de
Melchisédech à Abraham; le milieu est exactement occupé par une énorme amphore bleue, d\'un
effet singulier sans être bizarre.
Melcliisédecli, le sacrilicaieiir-roi, a le iTont ceint d\'une couronne antique. Son manteau pourpre-
laqneux foncé peut-il être réellement éclairé de bleu turquin et de blanc pur.? J\'ose en douter, à moins
que le temps, en pâlissant et en décomposant les couleurs, n\'ait fait disparaître la gradation des
teintes et la délicate transition d\'une nuance à l\'autre, ou que l\'on ne se contente d\'une raison que
je dirai tout à l\'heure.
Les gens d\'Abraham expriment la surprise; ceux de Melchisédech poussent des exclamations de joie
et témoignent au vainqueur leur respect et leur reconnaissance. Le vieillard, placé sur le premier plan
à droite, est surtout de ce style noble et calme qu\'on retrouve dans tous les chefs-d\'œuvre du génie,
soit plastiques, soit littéraires. Il n\'y a que la médiocrité qui croie toucher au sublime par des contorsion!
étudiées et des fureurs d\'emprunt.
Le lieu où se rencontrent Abraham et Melchisédech est un frais paysage, trop frais, je le crains, pour
l\'Orient; le soleil n\'en a point jauni la verdure, il n\'en a point banni le frigus opacum du poëte. Une
rivière coule doucement dans une vallée agreste; au fond fuit une plaine immense, et des deux côtés
montent des collines verdoyantes; sur celles de gauche, on remarque quelques fabriques qui, bien que
d\'une époque plus récente, ornent agréablement cette partie du tableau.
Des montagnes bleuâtres saillent du blanc mat de l\'horizon.
Cette fresque a été peinte par Francesco Penni. Sa forme est un carré long cintré du haut.
Gravé par un anonyme, chez Edelimk, in-fol. obl. - De même, c/ics ValM, gi-ande feuille.
Voir le sujet tel que l\'avait conçu Rubens, et gravé d\'après lui, en 1638, par H. \'Wiflouc. liassan (1707), 13, nquot; 10 (9).
-ocr page 58-SE.«
en,
à. Paris, che/gt; GID}\', , Rae äcü Pctiis-Augiisüiift,
Tiuprijiu\' par Cliavi.loTi d;nó amp;
Pvü)]ic pai; 1, .LACROSSE, A IWelles,
a La parole du Seigneur s\'adressa à Abraham dans une vision, disant : Ne crains pas, Abraham; je suis ton protecteur, et la récompense sera des plus grandes,
a Et Abraham lui dh : Seigneur Dieu, que me donnez-vous? Je mourrai sans enfants, et l\'intendant de ma maison, Eliezer, a un fils ; il est le père de Damasc.
(( Puisque je n\'ai pas de postérité, ajouta-t-il, il arrivera que mon serviteur deviendra mon héritier.
« Le Seigneur lui répondit : Celui-là n\'aura point ton héritage, mais quelqu\'un qui sortira de toi sera ton héritier.
« Et l\'ayant fait sortir, il lui dit : Lève les yeux au ciel et compte les étoiles, si tu peux; c\'est ainsi que je multiplierai ta postérité,
ce Abraham crut en Dieu, et cela lui fnt imputé à justice. »
Genèse, ch. XV, v. 1—6.
Chodorlahoinor et les rois alliés iiue ibis vaincus, la vie d\'Abraham n\'est plus qu\'une succession de
prodiges. Dieu se manifeste fréquemment à ce saint patriarche. L\'homme pur et plein de foi soutenait
alors la présence de Celui qu\'au temps de Moïse les mortels ne pouvaient envisager sans mourir. Abraham
marchait devant le Seigneur, sous ses yeux, à sa voix. La vision à laquelle nous admet ici Raphaël
est la première qui, selon l\'Écriture, arriva après l\'entrevue d\'Abraham et de Melchisédech.
Il est nuit : l\'Éternel, soutenu par deux anges et porté sur une nuée, au milieu d\'une éblouissante
lumière, montre à Abraham les innombrables étoiles qui scintillent dans un ciel uni : symbole de la
postérité du chef des Hébreux, déjà centenaire, et dont l\'épouse, presque aussi vieille, était restée stérile
jusqu\'à ce jour. Mais Abraham croyait fermement en Dieu; aussi l\'étonnement qu\'il témoigne n\'est
pas de l\'incrédulité, et c\'est ce que Raphaël a su taire comprendre.
L\'effet produit par le dais étincelant du l\'rès-Haut et par la flamme qui s\'élève de l\'autel, cet emblème
de la fidélité d\'Abraham au culte du vrai Dieu, est extrêmement remarquable. La clarté terrestre est
distincte de la lumière du ciel, comme un être périssable d\'une essence absolue et incréée.
L\'attitude et la physionomie du Seigneur sont majestueuses, son regard plein de bonté. Abraham,
vu par le dos et prosterné vers la droite, fait, pour regarder le firmament, un mouvement en sens
contraire, avec cette liberté d\'actian noble et classique, dont on peut dire aussi :
C\'est avoir prolilé que de savoir s\'y plaire.
Sur sa tunique bleue rayonne, en reflets jaunes, l\'auréole divine. Son manteau est de pourpre violette,
ainsi que le vêtement de Jéhovah. Une teinte laqueuse pénètre également en partie le sol du premier
|)laii, à la gauche duquel s\'élève rhabitatioii du patriarche, cabaue eu bois, d\'un brun foncé, qui ne
répond pas tout à fait à l\'idée du tahernaculmn ou tente des tribus nomades. Un fleuve azuré unit avec
le ciel les dernières lignes de l\'horizon. Quelques arbres et des touffes de gazon d\'un vert terne et
sombre complètent l\'harmonie, au milieu du partage des ténèbres et de la clarté.
La carnation des figures est brunâtre. Tout le tableau est vigoureusement peint. Vasari dit qu\'il l\'a
été par Perrin del Vega, mais l\'abbé Taja et Petit-Radel, d\'accord avec la plupart des connaisseurs, lui
substituent Francesco Penni, qui a exécuté les autres épisodes de la quatrième arcade.
La fresque, carré long cintré du haut, est presque entièrement détruite. Ses couleurs ont été rongées
par le sel nitreux que distille l\'humidité. L\'eau a percé lavotite contiguë à la muraille extérieure donnant
sur la cour de Saint-Damaze, et s\'est infiltrée dans le stuc. Au reste, cette affligeante détérioration date
de loiu. En 1615, Horace Rorgiani avait déjà peine à copier d\'en bas un tableau dont les contours étaient
presque entièrement effacés ou couverts de taches brumeuses.
D\'après Richardson [Traité de la Peinture et de la Sculpture, Amsterdam, 1728, 3 vol. i 11-8quot;), une esquisse à la plume et lavée se trouve au Musée de Paris.
Passavant, 11, 544, nquot; 474. Cependant, le libretto n\'en parle pas.
TFiRMlNE SOUS ],A DIÖ\'.C/J\'ION DF, L, GAI.AMATTA,
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Paris cliex OIDK Kiic des IVliU Auu-iislins ,■gt; ,
^iililir ii.ir L.VCIÏdSSK lt;i liriixrïU-:
I iiiijruiic nar (\'rdnii aiiió l{- .\\y.o
APPARITION DES TROIS ANGES A ARRAHAM.
\'( Or le Seigneur apparut dans la vallée de Manibré, à Abraham, assis à l\'entrée de sa lente, duranl la chaleur du jour.
« El comme il eut levé les yeux, trois hommes se montrèrent debout près de lui, et aussitôt qu\'il les eut aperçus, il courut de la porte de sa tente à leur
« rencontre et se prosterna devant eux.
« Et il dit : Seigneurs, si j\'ai trouvé grâce à vos yeux, ne passez point, sans vous arrêter, devant votre serviteur. Je vous apporterai un peu d\'eau, lavez vos
« pieds et reposez-vous sous cet arbre; je vous servirai un morceau de pain; reprenez vos forces, et vous continuerez ensuite voire route : car c\'est pour cela que
« vous êtes venus vers voire serviteur. —
« Ils lui répondirent ; Faites comme vous avez dit. —
« Et quand ils eurent mangé, ils lui dirent : Oii est Sara, votre fennne? — Il répondit : La voilà dans la tente, — L\'un d\'eux dit : Je reviendrai chez vous à
K pareil jour, je vous retrouverai en vie et Sara aura un fils. — »
Cenèse, ch. XVIll, v. 1—10.
Ainsi que l\'a remarqué M. Quatremère de Quiney, il est peu de compositions plus sages, plus
heureuses que celle-ci. Raphaël a réellement deviné le costume et surtout l\'esprit des sujets de la
Bible. Il y a dans ces jeunes hommes on ne saurait dire quel caractère d\'élégance qui n\'est pas celui
des figures grecques. C\'est une beauté d\'un ordre à part, une beauté plus mâle, plus sévère, mais
également gracieuse. On sent qu\'elle est descendue d\'un autre ciel que l\'Olympe. Ces messagers du
Très-Haut, en prenant la figure humaine, ont dû revêtir les apparences du pays où ils vont, et rien
qu\'en les voyant, on se croit transporté en Palestine. Les deux premiers, en se tenant par la main,
rappellent les paroles d\'Horace :
Juncla3que ..... graliaî decentes
Ces trois figures, qui expriment la même pensée, la même action, diffèrent cependant d\'attitude et
de mouvement. Elles forment une triade ravissante, et donnent, entre autres, aux jeunes peintres,
un remarquable modèle de l\'art de combiner les lignes et de marier les couleurs. L\'ange du milieu est
vêtu d\'une tunique ocre jaune avec des brodequins bleus à lumières argentées. Celui qui est placé à sa
droite, et qui sert à la faire ressortir, porte une tunique brune, tandis que le troisième, plus près du
spectateur, serre agréablement autour de sa taille les plis d\'une draperie bleu de ciel éclairée d\'un
blanc vif et ombrée de laque. Ses brodequins sont ocre jaune. Tous trois ont la chevelure dorée.
Leur carnation, quoique celle des climats chauds, est cependant fine et transparente.
Abraham est prosterné suivant les rites de FOrient. Fout en lui dénote Fliuniilité et la foi; Sara,
au contraire, trahit, par sa physionomie, Fincrédulité avec laquelle elle accueille la promesse d\'une
conception prochaine. Cette figure à demi cachée derrière la porte de Fhabitation d\'Abraham, car
cette fois encore une maison en planches a remplacé la tente, est beaucoup moins achevée que les
autres.
L\'habillement d\'Abraham offre une particularité remarquable. Sa tunique, d\'un bleu velouté, est
éclairée d\'un jaune éclatant; il indique peut-être le reflet de ces émanations radieuses qui annoncent
la présence des êtres célestes.
Le milieu du jour est indiqué par la chaleur des tons et le fluide lumineux dont Fair est imprégné,
l^e paysage représente la riante vallée de Mambré.
Avant Raphaël, on ne considérait le fond des tableaux que comme un accessoire très-secondaire, et
l\'on ne savait pas tirer parti des beautés de la nature inanimée. Si l\'on peignait des sites, on les peignait
sans harmonie, et toute la perspective se bornait au fuyant des lignes et à la diminution des corps,
décroissance qui s\'opérait rarement dans un rapport exact. Raphaël mit plus d\'air et d\'espace dans ses
fonds; ses paysages présentent de la fraîcheur de ton, de la dégradation dans les teintes, de la vérité
dans la couleur et, en outre, un choix de détails fait avec goût et sobriété. Raphaël est certainement
lin de ceux qui contribuèrent le plus puissamment à populariser l\'opinion que le paysage pouvait
constituer un genre à part.
Cette fresque, de forme cintrée, est de Francesco Penni. L\'humidité ne Fa pas ménagée.
Elle a été gravée en petit par Jean Alexandre, avec cette inscription : Très vidit, unim adoravit; — par Suntach, à Vienne, in-fol. obi. — En bois et dans
la manière du clair-obscur, par A. M. Zanetti; Bartsch, XII, 187, nquot; 66. — Une imitation libre de cette composition a été essayée par un artiste français
anonyme. Paris, chez Cars fils, grand in-fol. oblong. — Un dessin à la sépia, rehaussé de blanc et sur papier brun, se trouve dans le cabinet de Tarchiduc
Charles à Vienne. Il provient des collections de De la Noue et d\'A. Rutgers. Passavant, II, 500, n° 172.
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Imprimé par Ckardoii aine 8\' Azc ,
Publié par A I.ACROSSK , A Bruxclle;
« Sur le soir ariivèjent deux anges à Sodonie, lorsque Loi élait assis aux porles de la ville.
« Les ayanl vus, il se leva, alla au-devanl d\'eux el leur rendit hommage en se prosternant.
K Et il leur dit : Venez, je vous piie, seigneurs, dans la maison de votre serviteur, el demeurez-y. Vous y laverez vos pieds, el demain vous continuerez
(( votre chemin. —
(( Ils lui répondirent : Point du tout , nous resterons dans la rue. —
« Lot les pressa de nouveau avec instance et les força de loger chez lui.
« Après qu\'ils furent entrés, il s\'occupa de leur repas el fil cuire du pain sans levain. El ils maugèrent.
u Mais avant qu\'ils allassent se coucher, la maison fut assiégée par les habitants de la cité, depuis les enfants jusqu\'aux vieillards, en un jnot par le peuple entier,
« El ils appelèrent Lot et lui dirent : Où sont ces hommes qui sont entrés ce soir chez loi? il faut nous les aniener... —
« Lot sortit de sa maison, et, ayant fermé la porte derrière lui, il leur dit : Ne songez point, je vous prie, mes frères, ne songez point à leur faire mal... —
« Mais ils lui répondirent : Retirez-vous. — El ils ajoutèrent : Vous êtes venu parmi nous comme étranger; est-ce afin d\'être notre juge? Nous vous
« tiailerons vous-même encore plus mal qu\'eux. — El ils se jetèrent sur Lot avec grande violence.
« Ils étaient au moment d\'enl\'oncer les porles; mais les deux anges prirent Lot par la main, le firent rentrer dans la maison, en fermèrent l\'issue el frappèi-enl
u d\'aveuglement tous ceux qui étaient dehois, depuis le plus grand, de manière qu\'ils ne purent plus trouver la porte.
« Ils dirent ensuite à Lot : Avez-vous ici quelqu\'un de vos proches, un gendre, ou des fils ou des filles? Tous ceux qui vous appartiennent, faites-les sortir
« de celle ville, car nous allons détruire ce lieu, parce que le cri des abominations de ces peuples s\'est élevé de plus en plus devant le Seigneur, qui nous a
« envoyés pour les perdre. —
« Lot, étant donc sorti, parla à ses gendres qui devaient épouser ses filles el leur dit : Levez-vous et quittez promplement ce lieu, parce que le Seigneur va
« détruire la cité. — Mais ils s\'imaginèrent qu\'il parlait ainsi pour se moquer.
« Lorsque le matin fut venu, les anges pressèrent Loi en lui disant : Lève-toi, enlève la femme el tes deux filles, afin que lu ne périsses pas avec celte cité
a du crime. —
« Voyant qu\'il ne répondait pas, ils le prirent par la main, ainsi que sa femme el ses deux filles, car le Seigneur voulait l\'épargner. Et ils l\'emmenèrent et
« le menèrent hors de la ville.
lt;( Et là ils lui dirent : Sauve ta vie, ne regarde point derrière toi, ne t\'arrête point dans toute cette contrée, el réfugie-toi sur une montagne, de peur de
« périr avec les autres... —
« Le Seigneur fil donc descendre du ciel, sur Sodome et sur Gomorrhe, une pluie de soufre el de feu, el il détruisit ces cités et toute la contrée qui les environne,
« et tous les habitants des villes et tout ce qui verdit sur la terre.
« Et la femme de Loth, regardant derrière elle, fui changée en une statue de sel. »
Genèse, ch. XIX, v. 1—24.
L\'action est triple, elle se compose de trois épisodes parlaitement liés et coordonnés : la fuite de
Lot et d\'une partie de sa famille hors de Sodome la maudite; l\'entière destruction de cette infâme cité,
et la punition non moins terrible dont le Seigneur frappe l\'épouse de Lot, pour avoir enfreint sa défense
et regardé derrière elle.
Comme le grand artiste a exprimé d\'une manière claire et naturelle la simultanéité de la désobéissance
et du châtiment! la pose de finfortunée révèle l\'étonnement et l\'effroi qui l\'ont saisie à la vue des
effets de la vengeance divine; elle regarde, elle marche encore, et déjà le changement est consommé.
Cependanl Lot et ses deux filles pouisuiveut leur eliemiu sans oser lever les yeux, et sur leurs
physionomies se lit une douloureuse résignation, Lot est un de ces merveilleux vieillards créés par
imagination de Raphaël; sa tête est du plus beau caractère. Les murs et les tours crénelées de Sodome
se fendent, s\'écroulent et se détachent en noir sur les flammes sanguinolentes et sulfureuses.
Ces formidables ruines bornent presque tout le tableau. Le reste contraste, par Faspect d\'une nature
paisible et riante, avec ces images de destruction.
La femme de Lot, dont on n\'aperçoit point la figure et qui est peinte d\'un gris verdâtre, n\'est pas
sans ressemblance avec la Niobé antique. Les couleurs employées dans les draperies sont l\'ocre jaune
et le bleu de ciel à reflets blancs, le vert et le pourpre laqueux; le rouge pur est rarement mis en usage
par Raphaël. Les chairs sont briquetées.
Un ciel serein, traversé de larges bandes jaunes, brille sur cette scène de deuil.
Les personnes difficiles diront peut-être que l\'architecture des murailles et de la porte de Sodome
décèle la moderne Europe.
Francesco Penni a encore prêté cette fois ses pinceaux. La peinture est assez endommagée vers
la droite.
Gravure sur bois en clair-obscur, par A. M. Zanetli, en 1741. Bartsch, Xll, 177, n» 167. - Petite planche sur cuivre de J. Alexandre, avec cette inscription :
Plus quam. — Esquisse à la plume et lavëe dans l\'ancienne collection de sir Thomas Lawrence, à Londres, laquelle provient des cabinets de la reine de Suède,
de Crozat, de Mariette, n° 5, d\'Antoine Rutgers, n» 452, de R. Willet, de F. J. Duroveray et de T. Dimsdale. - Copie dans le cabinet de l\'archiduc Charles,
à Vienne.
Pour apprécier la différence des écoles et le génie des peintres célèbres, il ne sera pas sans intérêt ni sans utilité de comparer à la composition de Raphaël
le même sujet, traité par Rubens et gravé par Luc Vorsterman, en 1620. F. Rasan, 2, n° 3 (4). C\'est une des planches rares de l\'œuvre gravé de Rubens.
Lry. lAii
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JJThV Nip
.7 en
a I\'aris, chc/, C IDE, Rue dcs Pelils Aviguslins, o
Imprinic pjvr Chard on ai\'no amp; A 7,0.
Public par A, LACROSSE, a Bru\\c!!cs.
XVllquot;\'« TABLEAU.
SUJET.
« Cependant la famine s\'étant répandue sur la terre, comme cela était arrivé du temps d\'Abraham, Isaac s\'en alla à Gerara, vers Abimelech, roi des Philisiins.
« Et le Seigneur lui apparut et lui dit : Ne descends pas en Égypte, mais demeure dans le pays que je te montrerai. Parcours-le, je serai avec toi et je te
bénirai : car à loi et à ta race je donnerai toutes ces contrées, pour accomplir le serment que j\'ai fait à Abraham, ton père.
« Et je multiplierai ta postérité comme les étoiles du firmament, et je donnerai à tes descendants toutes les régions que tu vois, et toutes les nations de la
« terre seront bénies dans celui qui sortira de toi, parce qu\'Abraham a obéi à ma voix, qu\'il a gardé mes préceptes et mes commandements, et qu\'il a observé
« le culte et les lois que je lui ai donnés. —
« Isaac demeura donc à Gerara. »
VI. de Fontanes Ta dit avec bonheur :
Qui n\'a relu souvent, qui n\'a point admiré
Ce livre par le ciel aux Hébreux inspiré?
Là, du monde naissant vous suivez les vestiges
Et vous errez sans cesse au milieu des prodiges.
Et quelle source plus féconde pour les arts, quoi de plus capable de les ennoblir, qu\'une tradition
sacrée qui associe sans cesse la Divinité aux œuvres de Thomme, et nous montre dans un simple
mortel une image du Très-Haut ?
Mais, pour bien sentir et reproduire vivement ce genre de beautés, il faut une imagination à la fois
jeune et chaste, naïve et grande, et dont le doute n\'ait point refroidi l\'enthousiasme. Or, c\'était
précisément là le mérite de Raphaël.
Dans ce tableau, il éclate d\'une façon nouvelle.
j igt;
Isaac et Rebecca, fuyant une terre frappée de stérilité, se rendent dans la fertile Egypte. Arrivés sous
les murs de Gerara, où règne Abimelech, roi des Philistins, la fatigue les oblige de s\'arrêter. Rebecca,
assise au pied d\'un arbre, se repose sous son ombrage, tandis qu\'Isaac, qui s\'est un peu éloigné
d\'elle, a vu tout à coup le Seigneur lui apparaître.
C\'est la septième Pois que, clans les Loges, lUiphaèl avait à peindre Dieu se rendant visible aux
regards de l\'homme. Mais il ne se répète pas, et s\'il se rapproche du Jéhovah créant le soleil et la
lune, il en varie le dessin et l\'exécution par des accessoires et des circonstances différentes.
Dieu, dont Tsaac seul aperçoit le visage, est porté sur un nuage, parmi des torrents de lumière. De
la main gauche il montre au fils d\'Abraham la cité de Gerara, que l\'on aperçoit dans le fond sur un
coteau boisé, et lui ordonne d\'habiter la contrée où il se trouve, au lieu de descendre en Égypte : ses
bras ouverts semblent étreindre le vaste et riche pays dont il promet la domination à la postérité d\'Isaac.
Celui-ci, un genou en terre et appuyé sur son bâton de pasteur, reçoit avec respect l\'ordre de l\'Éternel;
et son bras droit, qui s\'étend en raccourci dans la direction de Gerara, fait décrire à tout son corps
une courbe gracieuse et hardie. L\'air insouciant et tranquille de Rebecca indique clairement que
l\'apparition est invisible pour elle, car autrement elle serait aussi prosternée. Le paysage est agréable
et la perspective s\'élève en amphithéâtre avec des collines couvertes d\'arbres et de quelques fabriques.
Dieu, père et monarque, conserve sa tunique de couleur pourpre, qui devient presque d\'un rose
tendre dans les endroits éclairés. La tunique d\'Isaac est bleu-pâle avec des ombres brun-rougeâtre,
union de teintes qu\'il faut étudier dans Raphaël et qui indique l\'impression particulière que foisait
sur lui la lumière. Rebecca est revêtue d\'une robe ocre-jaune, à reflets clairs tirant sur le blanc. Sa
carnation est plus basanée que celle des deux autres figures. Le ton général du paysage est un peu
terne. Tout s\'efface devant l\'éclat de l\'Être par excellence.
Cette fresque, séduisante, bien empâtée, peinte d\'une manière résolue, est de Francesco Penni.
L\'humidité en a aUaqué les couleurs, mais légèrement.
Gravure de Marc de Havenne, Barlscli, XIV, uquot; 7. - Copie à rebours daus la manière d\'Augustin le Vénitien. — Copie, également en contre-partie, par
un anouyme, avec une inscription latine et française, à Paris, chez ./. MaricUc. — Gravé en clair-obscur, par T. M. Zanetti, en i74i. Bartsch, XII, 188,
n« 68. —■ Gravé en aquafmla, par II. Benedicti, avec la date do 1805, d\'après un dessin qui est à Vienne dans le cabinet de l\'archiduc Charles; in-fol.
oblong. L\'esquisse originale aj^partenait au baron Otlon de Stakelberg. Il en existe deux dessins-copies, l\'un, dont on vient de parler, est chez l\'archiduc
Charles; l\'autre faisait partie de la collection de Lawrence, à Londres. Passavant, IL f. 38, nquot; 280.
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« Isaac demeura donc à Geraï a.
« Interrogé par les habitants de ce lieu sur sa femme, il répondit : C\'est ma sœur. — Car il avait craint d\'avouer qu\'elle était sa femme, de peur qu\'il ne
« leur vînt dans l\'idée de le faire mourir, parce qu\'elle était belle,
« Or, il arriva qu\'Isaac étant resté là plusieurs jours, Abimelech, roi des Philistins, regardant par une fenêtre, le vit qui se jouait avec sa femme Rebecca,
« Et l\'ayant fait venir, il lui dit : Il est visible que c\'est votre femme; pourquoi avez-vous fait un mensonge en disant qu\'elle était votre sœur? —
« Il répondit : J\'ai craint d\'être mis à mort à cause d\'elle. —
a Et Abimelech répliqua : Pourquoi nous en avoir imposé? quelqu\'un de nous aurait pu abuser de votre femme, et vous nous auriez fait tomber dans un
« grand péché? —
« Il fit ensuite cette défense à tout son peuple : Quiconque touchera la femme de cet homme-là, sera puni de mort. — »
Genèse, ch. XXVI, v. 6—11.
Isaac et Rebecca ont reçu rhospitalité dans le palais du roi de Geraia, ce cju iudique assez l\'architecture
de rappartemeut ou du vestibule dans lequel le peintre a placé son sujet; elle semblerait prouver
qu\'Abimelech était logé à peu près comme les papes Jules 11 et Léon X, et qu\'on bâtissait, en Palestine,
dans ces époques primitives, comme en Italie au temps de la Renaissance.
Les deux époux sont seuls : après de longues journées de contrainte, croyant n\'avoir d\'autre témoin
de leurs épanchemeuts que l\'astre brillant qui les inonde de ses flots de lumière, ils se livrent à
l\'expression de leur attachement. Mais Abimelech a tout vu; il est frappé d\'étonnement et comprend
qu\'Isaac l\'a trompé, en affirmant que Rebecca était sa sœur.
La situation était scabreuse et délicate. Raphaël en a sauvé les apparences et s\'est arrêté à temps sur
la limite exacte qui sépare la décence de la liberté. Avec quel art il a disposé cet épisode! avec quelle
adroite retenue il a soulevé le voile discret dont l\'hymen s\'enveloppe! comme Isaac est beau, animé!
quelle langueur passionnée dans Rebecca! que l\'heure et le moment sont convenablement choisis! Le
soleil, à son couchant, enflamme de ses derniers rayons le lieu où se trouvent les jeunes époux; tout
semble inviter à la tendresse, le calme, le silence, le gazouillement d\'une fontaine, et le murmure de
cette forêt dont les arbres caressent de leur cime le balcon du palais.
Il est impossible de porter plus loin les elTets de hunière et de clair-obscur, et c\'est une perfection
que TAnsaldi a louée dans ces vers :
Per ben posar gli atteggiauieiiti e d\'uopo
Anliveder raniioiiioso effetto
Dei lumi ed ombre e dei color diversi
Che iinpiegar si dovran; sempre da quesli
Coglieiido cio, che (U piu bel si affaccia.
l.es figures sont un peu moindres que demi-nature, l^es deux principales, vêtues de bleu pâle et
d\'ocre jaune ombré de laque, s\'harmonient de la manière la plus lieureuse avec les teintes ardentes
cjue le soleil répand sur tout le tableau. Le disc|ue de cet astre est cependant d\'un blanc mat.
Abimelech, qui apparaît dans une galerie supérieure, est presque caché dans l\'ombre. Il porte une
couronne dentelée.
Cette fresque, en forme de parallélogramme, a été peinte avec beaucoup de vigueur par Francesco
Penni; aujourd\'hui la couleur en est altérée en plusieurs endroits; l\'humidité de la muraille extérieure
l\'a effacée ou couverte de rouille.
\\ \\
-ocr page 74-« îsaac deviul foit vieux el ses yeux s\'obscur-cirent el il ne pouvait plus voir. 11 appela doue Esaû, son fils aîné, et lui dit : Mon fds? — Me voici, répondit Esaù.
« Son père ajouta : Tu vois que je suis fort âgé et que j\'ignore le jour de ma mort. Prends tes armes, ton carquois et ton arc, et sors ; et quand tu auras pris
quelque chose à la chasse, tu l\'apprêteras connue tu sais que je l\'aime, et tu me l\'apporteras, afin que je le mange, et que mon âme te bénisse avant que je
« meure.
« Rebecca entendit ces paroles, et Esaû étant allé dans les champs pour obéir aux oidres de son père, elle dit à Jacob, son fils : J\'ai entendu ton père qui
« parlait à ton frère Esaû et qui lui disait : Apporte-moi de ta chasse el prépare-moi manger, et je te bénirai devant le Seigneur avant que je meure.
« Maintenant donc, mon fîls, suis mes conseils; va-t\'en au troupeau et apporte-moi les deux meilleurs chevreaux, afin que j\'en prépare à ton père un mets
« dont il se nourrit volontiers, et qu\'après que lu le lui auras présenté et qu\'il en aura mangé, il te bénisse avant de mourir. —
« Jacob lui répondit : Vous savez que mon fière Esaû a le corps velu el que moi je n\'ai point de poil. Si mon père vient donc à me loucher avec la main, j\'ai
« peur qu\'il ne croie que je l\'ai voulu tromper, et qu\'ainsi je n\'attire sur moi sa malédiction, au lieu d\'en être béni. —
lt;t Sa mère lui répondit : Qu\'elle ne tombe que sur moi, mon fils, celle malédiction! écoute seulement ce que je te conseille, el hâte-loi de chercher ce que je
« l\'ai dit. —
« Il y alla, l\'apporta el le donna à sa mèr-e, qui en prépara à manger à son père comme elle savait qu\'il l\'aimait. Elle fit prendre ensuite à Jacob les meilleurs
« babils d\'Esaû, qu\'elle gardait elle-même au logis, et lui enveloppa les mains de la peau de ces chevreaux et lui en couvrit toute la partie du cou. Puis elle
« lui donna le ragoût et les pains qu\'elle avails cuits.
« Jacob porta le tout à Isaac et lui dit : Mon père! - J\'entends, répondit Isaac. Qui es-tu, mon fils? ^
« Jacob lui dit : Je suis votre premier-né Esaû; j\'ai fait ce que vous m\'avez prescrit; levez-vous, mettez-vous sur votre séant et mangez de ma chasse, alin
« que votre âme me bénisse. —
« Isaac dit encore h son fils : Gommeni as-tu pu sitôt trouver du gibier, mon fds? — Il répondit : La volonté de Dieu a voulu que je rencontrasse sans tardeiquot;
« ce que je désirais... —
« Et Isaac dit : Approche-loi d\'ici, mon fils, afin que je touche et que je reconnaisse si tu es mon fds Esaû ou non. —
« Jacob s\'approcha de son père, et Isaac l\'ayant tàté, dit : C\'est bien la voix de Jacob, mais les mains sont les mains d\'Esaû. —
lt;( Et il ne le reconnut point, parce que ses mains, étant couvertes de poil, lui avaient donné l\'apparence de son frère aîné. Isaac, le bénissant donc, lui demanda :
« Es-tu mon fds Esaû? -— Je le suis, repartit Jacob.
« Mon fds, ajouta Isaac, apporte-moi à manger de ta chasse, afin que je te bénisse. _
« Jacob lui en présenta, et après qu\'Isaac en eut mangé, il lui offrit aussi du vin.
« Son père l\'ayant bu lui dit : Approche, mon fils, et viens me baiser. —
« Il s\'approcha donc de lui et le baisa. Et Isaac, aussitôt qu\'il eut senti le parfum qui s\'exhalait de ses habits, lui dit en le bénissant : L\'odeur de mon fils
« est comme celle d\'un champ fertile que le Seigneur a béni. Que Dieu, par la rosée du ciel et la fécondité de la terre, te donne une abondance de blé el de
« vin. Et que les peuples te soient assujettis et que les tribus te rendent hommage. Sois le seigneur de tes frères el que les enfants de ta mère se courbent
« devant toi. Que celui qui te maudira soit maudit lui-même, et que celui qui te bénira soit comblé de bénédictions. — »
Ici rordonnance et rexpressioti sont encore éminemment remarquables. Hien d\'énigmatique, rien
d\'équivoque. Un grand intérêt est en jeu, la bénédiction d\'un père, ce droit d\'aînesse qui soumettait
toute une race à un individu. Rebecca veut, par la ruse, procurer cet avantage à l\'enfant de sa
prédilection. Elle le conduit au pied du lit d\'Isaac. Jacob, que cette fraude rend craintif, n\'obéit
qu\'avec répugnance. Isaac le bénit au milieu de l\'anxiété de Rebecca et de ses femmes, qui suivent
des yeux tous les mouvements du patriarche. Il était temps, car déjà Esaii revient de la chasse, et on
Tapercoit qui monte dans l\'appartement.
Le sujet, comme on le voit, est rendu d\'une manière très-intelligible et très - attachante ; il pèche
cependant par le costume, l\'espèce de luxe de l\'habitation de Jacob répondant peu à la simplicité des
mœuis décrites dans le récit de la Bible. H pèche aussi par un détail historique très-essentiel. Jacob
n\'est point couvert de cette peau de chevreau qui doit faire croire à Isaac qu\'il touche la peau velue de
son lils aîné. Cette circonstance est complètement omise, quoiqu\'elle fasse, pour ainsi dire, le nœud
du petit drame que Raphaël a développé dans ce tableau et dans le suivant. Mais elle pouvait nuire à
la vraisemblance.
Isaac est un vieillard aveugle et vénérable, dont le buste est entièrement nu. Sa carnation et celle
des autres personnages est plus ou moins brune; les draperies du lit sont blanches, ombrées de gris
et de nuances laqueuses. Un jour vif vient de la droite et traverse diagonalement la scène. La tunique
orangée de celle des femmes de Rebecca qui est la plus proche d\'elle, est éclairée de blanc sur la
poitrine; la couleur fondamentale a disparu, la lumière en a absorbé toutes les molécules, ce qui n\'est
pas tout à fait conforme à la léalité physique, si le temps n\'est pour rien dans ce divorce de couleurs.
Le vêtement d\'Esaù est encore de nuance violette à reflets argentins. Une teinte laqueuse se mêle aussi
au gris-noiratre des mui^s de l\'appartement.
Cette fresque est carrée; l\'exécution en a été confiée à Francesco Penni. La peinture est surtout
détériorée vers la gauche, c\'est-à-dire du côté qui est contigu au mur extérieur.
Giavë par Augustin le Vénitien, avec la date de 1522 et de 1321. Bartscb, XIV, nquot; 6; mais comme cette estampe diffère en plusieurs endroits de la peinture
même, il est à croire qu\'elle a été gravée d\'apiès un dessin ou une première idée de Raphaël.
Il existe de la seconde épreuve, c\'est-à-diie de celle de lo24, une copie gravée dans le même sens, par un anonyme peu exercé. Elle est sans aucune marque.
— Un dessin dans la collection Crozat, au bistre relevé de blanc, nquot; 124 du catalag\'io de Mariette. Voyez Passavant, II, 613. nquot; 557.
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Pi iivi 1n.rn A T. A TR 0 S SA,. à Br uxoll.rs.
-ocr page 77-ESAU RECLAME LA BÉNÉDICTION DE SON PÈRE.
« A peine Isaac avait-il cessé de parler et Jacob fut-il sorti, qu\'Esaû revint et présenta à son père le produit de sa chasse qu\'il avait préparé, disant : Levez-
« vous, mon père, et mangez de la chasse de votre fils, afin que votre âme me bénisse. —
« Et Isaac lui demanda : Qui donc es-tu? — Esaû lui répondit : Je suis votre fils aîné Esau. —
« Isaac fut frappé d\'une stupeur profonde, et admirant au delà de ce qu\'on peut croire ce qui était arrivé, il dit : Quel est donc celui qui m\'a déjà apporté le
« butin de sa chasse et qui m\'a fait manger de tout, avant que tu vinsses? Je lui ai donné ma bénédiction; et il sera béni. —
« A ces mots, Esaû rugit de colère; il poussa un grand cri, et, tout consterné, dit : Et moi aussi, bénissez-moi, mon père. —
« Isaac répliqua : Ton frère est venu par ruse et il a reçu la bénédiction qui t\'était destinée. —
« C\'est avec raison, repartit Esau qu\'il a été nommé Jacob (c\'est-à-dire qui supplante), car voici la seconde fois qu\'il prend ma place. Il m\'a ravi auparavant
« mon droit d\'aînesse; et présentement il vient encore de me dérober la bénédiction qui m\'était due. Mais, mon père, ajouta-t-il, ne m\'avez-vous point
«( réservé aussi une bénédiction? —
« Isaac lui repartit : Je l\'ai établi ton seigneur, et j\'ai assujetti tous ses frères à sa domination. Je l\'ai affermi dans la possession du blé el du vin. Après cela,
« mon fils, que puis-je faire pour loi? —
« Esaii lui dit : N\'avez-vous donc, mon père, qu\'une seule bénédiction? Bénissez-moi aussi, je vous en conjure. —
« Et, comme if se lamentait hautement en versant des larmes, Isaac ému lui dit : C\'est dans la fécondité de la terre et la rosée du ciel que sera ta bénédiction;
« lu vivras du glaive et lu seras soumis à ton frère, et un temps viendi\'a où tu secoueras son joug el le repousseras de ton front. —
lt;( Esaii haïssait donc toujours Jacob, à cause de cette bénédiction. »
iNous sommes au second acte et nous touchons au dénoûment du drame qui précède. Cependaut,
pour éviter la monotonie, il y a quelques changements dans la décoration; le lit de Jacob, par
exemple, n\'est plus drapé de la même manière, et les costumes ont varié. Le patriarche est couché;
quoiqu\'on ne puisse lire dans ses yeux éteints, toute sa physionomie exprime rétonnement. Esaii est
un homme rude, plus accouturné à passer sa journée dans les bois qu\'auprès de sa mère : il
n\'apporte pas à Isaac un mets préparé, comme le dit la Bible; coctos de venatïone cihos. Il a jeté à
terre une bête sauvage qu\'il vient de tuer; cela est plus brusque, plus violent, plus signilicatif.
Pendant qu\'il se plaint avec amertume, Jacob, resté dans le fond et redoutant le ressentiment de son
lî\'ère, témoigne sa crainte par des gestes; Rebecca, femme expérimentée et qui connaît mieux la
portée de sa démarche, s\'efforce de le rassurer.
J^a tête d\'isaac offre un caractère moins patriarcal que dans l\'autre composition; elle est cependant
noble et belle. J^e peintre n\'a pas cru pouvoir reproduire avec succès, à l\'égard d\'Esaù, le texte de
l\'Ecriture; de peur de tomber dans le bas et d\'offenser les yeux par des objets que l\'esprit admet
moins difficilement, il ne l\'a point représenté velu comme un chevreau; il s\'est contenté de lui donner
une organisation robuste. Esaii n\'a pas la grâce moelleuse de la jeunesse; ses membres musculeux
portent rempreinte des rustiques travaux, des pénibles fatigues.
Le ton des chairs continue d\'être rougeâtre; il manque de ceue touche délicate que Raphaël a su
employer en d\'autres circonstances; ce n\'est pas ce blanc onctueux, égal sans être pâle ni mat, ce
mélange de carmin et de bleu qui transpire imperceptiblement, et laisse soupçonner le sang et la
vie sous le tissu d\'une peau transparente; mais remarquons, une fois pour toutes, que d\'abord la
couleur adoptée est d\'exactitude locale, et qu\'ensuite Raphaël, dont les peintures sont destinées à être
vues à une grande élévation, a pu exagérer une nuance que leloiguement doit nécessairement affaiblir.
C\'est ainsi que les acteurs mettent du rouge pour ne point paraître trop blêmes à travers l\'éclat des
lustres et la perspective théâtrale.
Giavure sur bois, dans la manièie du clair-obscur, par A. M. Zanelti. Bartsch, Xll, 188, nquot; G9.
-ocr page 79-mah, a,\\
J A ;
« Jacob, son! de Bersabée, poursuivait son chemin vers Harau, et étant arrivé en un certain lieu, comme il youlait s\'y reposer après le coucher du soied,
a il prit une des pierres qui étaient là, la plaça sous sa tête et s\'endormit dans ce même lieu.
« Alors il vil en songe une échelle, dont le pied était appuyé sur la terre et le haut touchait au ciel, et le long de laquelle montaient et descendaient des anges
« de Dieu.
c( II vit aussi le Seigneur appuyé sur l\'échelle et qui lui dit : Je suis le Seigneur, le Dieu d\'Abraham, votre père, et le Dieu d\'isaac. Je te donnerai et a la race
« la terre où lu dors; et la postérité sera nombreuse conune les grains de sable; vous vous étendrez à l\'orient et à l\'occident, au septentrion et au midi; et
toutes les nations seront bénies en loi et dans la descendance, et je serai ton protecteur paiiout où lu iras, et je te ramènerai dans celte terre, et je ne te
« quitterai point que je n\'aie accompli tout ce que j\'ai dit. » —
Genèse, ch. XXYIII, v. 10—IS.
Celui qui doit être la souche d\'une longue lignée de rois, et qui comptera parmi ses descendants
le divin Sauveur du monde, s\'est acheminé seul vers des contrées ignorées; il marche à pied appuyé
sur un bâton, et quand, à la fin d\'une journée de fatigue, il veut goûter quelque repos, c\'est sur une
pierre qu\'il appuie sa téte. N\'importe, car cette indigente simplicité cache de sublimes mystères; et il
est des prandeurs dont Dieu seul a le secret. Ce pèlerin pauvre et solitaire s\'élèverait-il davantage par
CJ
le feste et la richesse? il est le favori et le confident du Seigneur qui le couronne dé sa grâce et de
son amour.
L\'écueil des arts plastiques est de matérialiser les rêves de l\'imagination, de rendre visibles et
palpables les conceptions pures de la pensée. Se tiennent-ils trop près de la réalité? ils manquent de
poésie, de vague et de hardiesse; accordent-ils une part trop large à la fantaisie? ils cessent d\'être vrais
ou vraisemblables.
Raphaël s\'est tenu dans un juste milieu, et, en traitant un sujet sur lequel s\'était exercé bien souvent
son pinceau, il s\'est encore montré neuf et original.
Jacob est endormi. Son attitude est élégante et gracieuse; son corps souple et nerveux. Le sommeil
tient tous ses membres enchaînés; cependant, à voir son profil, on devine qu\'il se passe devant lui
quelque chose d\'extraordinaire; ses paupières sont fermées; mais l\'œil interne discerne un magnifique
spectacle.
A droite, à gauche, le tableau est plongé dans Tonibre, qui laisse cependant apercevoir quelques
traces de paysage. Le ciel s\'ouvre vers le milieu, et une splendide lumière est versée sur Jacob, entre
deux colonnes d\'épais nuages.
A travers ce torrent lumineux, apparaît une échelle, ou plutôt un immense perron dont les derniers
degrés s\'effacent et se perdent dans l\'éclat de l\'Empyrée, et que montent et descendent les plus ravissantes
figures d\'anges qui se puissent voir.
Jéhovah, conformément au texte de la Bible, en occupe le sommet. L\'éloignement a forcé de
réduire ses proportions.
Cette fresque est un modèle du merveilleux en peinture et de la manière de représenter des scènes
idéales sans sortir de la vérité. Les ePPets de lumière sont inimitables, le choix des couleurs est plein
d\'adresse et de goût. Le perron est tout allumé des rayons célestes; de larges reflets blancs irisent les
tuniques verte et rouge des deux premiers anges. La pourpre est réservée au Très-Haut. Jacob, revêtu
d\'une étoPPe rouge-clair argenté, oPfre la chaude réverbération de cette lueur ineffable et magique.
Raphaël a traité différemment ailleurs le même épisode biblique. Ici ses cartons ont été copiés ,
selon toute apparence, par Pellegrin de Modène, celui de tous les élèves du maître qui, dans ses
propres compositions, lui ressemble le plus par les airs de tête, l\'art de grouper les figures et de les
faire mouvoir\'.
Gravure sur bois de Hugo de Carpi. Bartsch, XH, p. 25, uquot; 5. — Gravure eu conire-parlie et siguée Jdc. IL IL [Jacob. Bosiits lîehja), iii-lbl. allonge. _
Esquisse originale daus la collection de Lawrence, après avoir ai^pnrlenu à Crozai, an marquis Lcgoy cl à T. Dinisdaie. Passavant, IL p. 552. uquot; 320.
-ocr page 82-n
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c o oX^O Mv^iiJ
à Pans, chez GIDt^,.Rue d.es Peli Is--A.uôuslinR, 5.
Piiiyiic p;ip A, I.A.CROSSI\';, Ä ßnixelLes,
Imprimé par Chardon aine et Aze.
RENCONTRE DE JACOR ET DE RACHEL.
« Jacob, poursuivant donc sa roule, arriva dans la terre d\'Orient,
« Et i! vit un puits dans un champ et trois troupeaux de brebis qui se reposaient auprès, car c\'était à ce puits que les troupeaux s\'abreuvaient, et l\'entrée
« en était fermée par une grande pierre.
« Et c\'était la coutume de ne relever la pierre que lorsque toutes les brebis étaient rassemblées, et, après que les troupeaux s\'étaient désaltérés, on la remettait
« sur l\'orifice du puits.
« Et Jacob dit aux pasteurs : Frèies, d\'où êtes-vous? — Ils répondirent : De Haran. —
« Continuant de les interroger ; Ne connaissez-vous point Laban, fils de Nachor? leur demanda-l-il. — lis lui dirent : Nous le connaissons. —
« Se porie-l-il bien? dit Jacob. — Ils répondirent : Il se porte bien., et voilà sa fille Kachel qui vient ici avec son troupeau. —
«... Ils parlaient encore, quand Rachel arriva avec les brebis de son père, car elle menait paître elle-même le troupeau.
« Jacob, l\'ayant vue et sachant qu\'elle était sa cousine et que ces brebis appartenaient à Laban. son oncle, ôta la pierre qui fermait le |)uits
.( Et ensuite, ayant fait boire le troupeau, il embrassa Rachel, et, élevant la voix, il pleura,
« Et il lui dit qu\'il était le frère de sou père et le fils de Rebecca.
« Rachel courut aussitôt le rapporter à son père. »
Genèse, ch. XXIX, v. 1—12.
Baphaël avait fait un grand pas dans la science du paysage. Le site qu\'il met sous nos yeux est
délicieux, d\'une nature variée, opulente et hardie. Des rochers empanachés de verdure, rudement
ciselés, aux contours romantiques, comme celui d\'ischia, fabrique italienne de la grande marine
méditerranée, des ruines, des édifices parmi lesquels on aimerait à ne pas rencontrer plusieurs
clochers à flèches, des eaux limpides, un ciel serein, des buissons, des arbres, sont distribués avec
une entente singulière. Il semble que la terre s\'est revêtue de ses plus frais ornements pour célébrer
les fiançailles de Jacob et de Bachel.
Auprès d\'un puits, vers lequel se précipite avidement un troupeau de béliers, qui a été devancé
par de tranquilles brebis, se tiennent debout, les mains entrelacées, deux jeunes filles charmantes.
Lia, malgré le défaut que lui donne l\'Écriture % peut le disputer à sa sœur. Mais l\'attitude noble et
naïve à la fois de celle-ci annonce que le principal rôle lui est réservé.
\' Lia lippis erat ociilis.
-ocr page 84-Au surplus, les regards de Jacob eu disent assez : il arrive, il regarde, il est frappé d\'admiration à
la vue de tant de beauté et d\'innocence.
... Stupet, obluliique ha^ret defixus in uno
Cependant sa surprise est contenue, son émotion réservée et grave. Les émotions désordonnées,
l\'entraînement des passions charnelles sont étrangers aux acteurs de la Bible.
Si Bachel et Lia enchantent les regards, Jacob a conservé sa mâle beauté. Seulement Baphaël a
jugé à propos de lui donner de la barbe, ce qui rompt l\'identité du personnage.
IJ est remarquable que Baphaël, contrairement au soin qu\'il prend d\'ordinaire d\'indiquer scrupu-
leusement les moindres détails historiques ou de localité, ait négligé la circonstance de la levée de
la pierre du puits. Jacob vient au moment où déjà les brebis de Bachel sont occupées à se désaltérer.
Mais Baphaël s\'est attaché avant tout à rendre l\'impression que l\'aspect de Bachel produisait sur
Jacob, et il a écarté tout ce qui pouvait nuire à la spontanéité de ce mouvement sympathique.
Lalande attribue l\'exécution de cette belle fresque à Francesco Penni; De Seine, l\'abbé Titi et
Pinaroli la disent peinte par Baphaël lui-même, trompés qu\'ils étaient par le faire de Pellegrin de
Modène, auquel la restituent avec raison Vasari, Taja, Bunsen et Meulemeester.
Elle a essuyé quelques altérations sans importance.
Gravure par Camillo Tinli, in-fol. oblong. - Gravure en clair-obscur, par A. M. Zanetti. Bartsch, XIl, p. 188, n» 70. - Gravure en aqua-tinta, par
H. Benedicti, 1805, petit in-foL ou in-4° allongé. — Dessin original dans la galerie de Tarchiduc Charles, à Vienne. Il a appartenu à J. Walraven d\'Amsterdam,
à la vente duquel il fut payé 46 florins.
^ Yirg. JEneid., lib. I.
-ocr page 85-TiibliC par A.I.ACL^OSSK.a Im\'iixgt;
a L\'aris, chez, CTDR, Rue clcs-?etils-AiicnisliaK, 5.
-ocr page 86-JACOB DEMANDE A LABAN SA FILLE EN MARIAGE.
« Jacob servit Lallan duraiU sept années pour Rachel, et ces années ne lui paraissaient que peu de jours, tant l\'affection qu\'il avait pour elle était grande.
« Et il dit : Donnez-moi l\'épouse qui est à moi, puisque le temps oii je dois ni\'unir à elle est accompli. _
« Alors Lahan, ayant invité à un festin ses amis qui étaient en fort grand nombre, célébra les noces. Et le soir il introduisit Lia, sa lille, près de Jacob, lui
« donnant, pour la servir, une fennne appelée Zelpha.
« Jacob... reconnut le matin que lt;\'était Lia. Et il dit à son beau-père : Qu\'avez-vous prétendu faire? Ne vous ai-je point sarvi pour Rachel? Pourquoi m\'avoir
« trompé? —
« Laban répondit : Ce n\'est p;.s la coutume de ce pays de marier les fdies les plus jeunes avant les aînées. Passez la semaine avec celle-ci, et je vous donnerai
« 1 autre ensuite, pour sept autres années que vous me servirez. —
« Jacob consentit à ce qu\'il désirait, et au bout de sept jours il épousa Rachel. )gt;
Genèse, ch. XXIX, v. 20—28
Au foud d\'une oasis pleine de fraîcheur et d ombrage, où 1 on semble respirer ce frujus opamm, si
délicieux surtout dans les climats de FOrient, quatre personnages, rassemblés au lever du jour,
paraissent animés des passions les plus diverses.
L\'unité, le laconisme et la clarté de l\'action sout remarquables. Il est impossible de s\'y tromper.
Ne voit-on pas, en effet, par le geste de Jacob et le sentiment qui est empreint sur sa physionomie,
qu\'il se plaint avec amertume à Laban de la ruse dont il a été victime, et qui a trahi ses affections les
plus chères? Son bras, étendu en raccourci vers les bois qui tapissent les collines à l\'horizon, semble
indiquer le lieu dont il est venu et l\'époque de son admission dans la famille de Laban; son autre
main, dirigée vers un troupeau de brebis, rappelle ses travaux et sa vigilance. La tristesse de Rachel
placée près de son père, la jalousie et l\'humiliation de Lia, cachée derrière Jacob et osant à peine
lever les yeux vers lui, tout cela n\'est-il pas admirablement caractérisé? La réponse de Laban, enfin :
Sept ans tu mas servi pour Lia, sept ans tu me serviras pour Rachel, peut-elle être signifiée plus
nettement qu\'elle ne l\'est ici par le mouvement arithmétique de ses doigts, par l\'intention de son
regard où brille le calcul intéressé et non la tendresse paternelle? Laban est un de ces Arabes rusés et
avides, dont le type est connu; Jacob, au contraire, la franchise et l\'honnêteté animées par une juste
indignation.
Avec une exposition si lucide et en (jnelque sorte parlante, comment un écrivain judicieux comme
l\'abbé Taja a-t-il pu commettre la bévue de prendre ce sujet pour les remontrances de Laban à Jacob,
après qu\'il se fut enfui de chez lui? Indépendamment de toutes les autres indications, l\'âge de Jacob,
qui, lors de sa retraite, avait, selon l\'Ecriture, près de quatre-vingt-douze ans, n\'aurait-il pas du lui
épargner une telle erreur?
Cette composition mérite d\'être curieusement étudiée dans son ordonnance et sa simplicité.
Jacob est un jeune homme robuste qui n\'a plus la barbe qu\'on lui avait donnée dans le tableau
précédent. Ses bras sont musculeux, ses jambes fortes, sa poitrine large et puissante. Rachel et Lia
n\'offrent pas non plus cette gracilité que nos peintres recherchent. C\'est la femme développée sans
le raffinement de la civilisation.
Cette fresque, peinte par Pellegrin, n\'a pas été respectée par l\'humidité, qui a imprégné la voûte
et l\'a étoilée de taches grisâtres, tout en affaiblissant les couleurs.
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à Paris, che/. G I OM,! lue des PeliLs --\\aâii.alij\'is, 5
.iio pai\' ;V, LACnOSSI-;. a lïi-iixrücs.
« Jacol) eiilendil les lils de Lakin qui s\'entredisaient : Jacob a ravi tout ce qui élait à notre père, et\'en s\'enricbissant de son bien, il est devenu puissant. —
« Il remarqua aussi que Laban ne le regardait plus du même œil qu\'auparavant.
« Et de plus, le Seigneur même lui dit : Retourne au pays de tes pères et vers ta famille, et je serai avec loi. —
« Il envoya donc quérir Rachel el Lia et les fit venir dans le champ où il paissait ses troupeaux, et il leur dit : Je vois que votre père ne me regarde plus
du même œil qu\'auparavant; cependant le Dieu de mon père a été avec moi, et vous savez vous-mêmes que j\'ai servi votre père de toute ma force. Mais il
a usé envers moi de tromperie, en changeant dix fois ce que je devais avoir pour salaire, quoique Dieu ne lui ait pas permis de me faire tort...
« Et l\'ange de Dieu m\'a dit en songe : ... Sortez... promptement de cette terre et retournez au pays de votre naissance... —
« Et Rachel et Lia répondirent : Nous reste-t-il quelque part dans le bien et l\'héritage de la maison de noire père? Ne nous a-t-il pas traitées comme des
étrangères? Ne nous a-t-il pas vendues, et n\'a-l-il pas mangé le prix de notre labeur? Mais Dieu a pris les richesses de notre père et nous les a données ainsi
qu\'à nos enfants : c\'est pourquoi exécute tout ce que Dieu t\'a commandé... —
« Jacob se leva donc, et faisant monter sur des chameaux ses enfants et ses femmes, il s\'en alla.
« El il emmena avec lui tout ce qu\'il possédait, ses troupeaux et géîiéralement tout ce qu\'il avait acquis en Mésopotamie, poursuivant son chemin vers son
père Isaac, dans la terre de Chanaan. »
Cette scène respire la joie et le bonheur : la fin de Toppression, le retour vers la terre natale, le
plaisir de Tenfance et de la jeunesse à Faspect d\'objets nouveaux, lui communiquent une sérénité
ravissante.
Le cortège de Jacob est presque entièrement composé de femmes et d\'enfants. Le vénérable patriarche,
monté sur un mulet, dirige la marche et donne des ordres à deux serviteurs, qui le précèdent en
chassant devant eux d\'innombrables brebis engagées dans une gorge étroite qui monte, en tournant,
entre des coteaux fièrement sculptés. Sur les chameaux se dessinent dans tous les sens les plus gracieuses
figures. A gauche, une jeune mère, vêtue d\'une robe verte, tient un de ses fils entre ses bras, tandis
qu\'un autre est attaché sur ses épaules avec une ceinture; vers la droite, un second groupe Tempo rte
encore sur celui-ci par le charme et la suavité. Une femme, qui appartient à la classe des vierges de
Raphaël, par sa beauté pure et sa jeunesse innocente, porte son nourrisson sur les genoux, tandis
qu\'un enfant moins frêle, et que lutinent ses deux frères aînés, se cramponne à elle avec les signes de
la peur. La mère sourit avec tendresse et s\'amuse elle-même de cette douce espièglerie. Toutes les têtes
sont d\'une perfection antique, toutes les attitudes déterminées par la situation particulière des
personnages; le mouvement la vie sont partout : l\'ordre dans l\'abondance, dans la science la vérité.
Les figures humaines sont au nombre de quatorze; trois chameaux, dressant leurs têtes fauves et
pittoresques, ajoutent à la variété des ligues et des teintes. La couleur dominante des habillements est
le rouge à reflets clairs. La carnation, un peu brunâtre, se modifie selon le sexe et fâge. Le site inculte
forme un fond d\'un vert terne, éclairé par un ciel mêlé d\'azur, de jaune pâle et de gris. La lumière
vient de droite et tombe d\'aplomb sur Jacob, dont elle blanchit la tunique.
De cet ensemble si compliqué résulte un accord parfait.
Pellegrin de Modène, en exécutant cette fresque capitale, a voulu se surpasser; et il a réussi.
-ocr page 91-e.n.A/\'^
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Tmprimè pm Chardon ainè 8.: A\'/,e,
« Jacob demeura dans la terre de Chanaan, où son père avait été comme étranger. Et voici l\'histoire de sa lamdle.
« Joseph, dans sa seizième année et encore eufant, faisait paître un troupeau avec ses frères; et il était avec les fils de Bala et de Zelpha, épousés de son
« père. Il accusa alors ses frères devant son pèr.î d\'un crime énorme.
« Or Israël aimait Joseph par-dessus tous ses autres enfants, parce qu\'il l\'avait engendré dans sa vieillesse; et il lui fit une tumque de plusieurs couleurs.
« Ses frères, vovant donc que leur père le chérissait plus que tous ses fils, le haïssaient et ne pouvaient lui parler sans aigreur.
11 arriva aussi^ que Joseph rapporta à ses frères un songe qu\'il avait eu et qui fut encore la semence d\'une plus grande hame.
« Écoulez, leur dit-il, ce que j\'ai vu en songe. Il me semblait que nous étions occupés à lier des gerbes dans les champs, que ma gerbe se levait et se tenait
« debout, et que les vôtres, qui étaient autour, adoraient ma gerbe. —
« Ses frères lui répondirent: Est-ce que vous serez notre roi? serons-nous soumis à votre puissance?
(( Ces songes et ces discours ne faisaient donc que fomenter davantage l\'envie et la haine.
« Il eut encore un autre songe qu\'il racoma ainsi à ses frères : J\'ai vu, pendant mon sommeil, le soleil, la lune et onze étoiles qui m\'adoraient. -
« Lorsqu\'il eut rapporté ce songe à son père et à ses frères, son père le réprimanda et lui dit: Que signifie ce songe que tii as eu? Est-ce que moi, votre
« mère et vos frères nous vous adorerons sur la terre? — »
Gf.nksk, ch. XXXVll, v. 1 — 11.
Lliistoiie de Joseph est une des phis touchantes de la Bible. On y retrouve la tendresse pénétrante
qui règne dans le Nouveau Testament. Il était naturel que celui qui figure si visiblement le Verbe
lait chair, Tamour divin incarné, révélât à Moïse le style de l\'Évangile. Cet épisode, qui arrachait des
larmes à Voltaire lui-même, malgré sa moqueuse incrédulité, a inspiré un poëme Janséniste et ridicule
au bénédictin Dom Marillon, une épopée classique et ennuyeuse à Bitaubé, un drame un peu fade à
Baour-Lormian. C\'est aux livres saints qu\'il faut toujours en revenir.
Une plaine Fertile du pays d\'Hébron s\'étend entre des collines, au bas desquelles paissent de
nombreuses brebis. Joseph, avec l\'air de la candeur et de l\'innocence, explique à ses frères ses
deux songes, pronostics mystérieux de sa grandeur future et qui excitent encore davantage la jalousie
et l\'aversion que leur inspirait la préférence de Jacob pour ce fils de ses vieux jours. Il n\'a point la robe
bigarrée que lui donne la Bible, mais une tunique jaune ombrée de gris laqueux. Les feuilles en
aiceaux d\'un palmier, forment prophétiquement au-dessus de sa tête une espèce de dais. Les fils de
Jacob, rangés autour du jeune narrateur et séparés en deux groupes, les uns debout, les autres assis,
dans des poses variées, IVanches et naturelles, laissent percer, malgré l\'ironie apparente qui contracte
leurs lèvres, les sentiments d\'envie amassés dans leurs cœurs. Aucune de ces têtes ne semble sortie du
même moule; à chacune son expression particulière, son caractère individuel. Il est remarquable que
toutes sont cependant vues de profil. Les altitudes et les j\'estes n\'attestent pas une invention moins
riche. Siméon surtout, reconnaissable à sa harbe crépue, à sa face bronzée et à sa robe jaune terne,
comme un venimeux reptile, respiie une haine implacable, lin considérant toutes ces physionomies
irritées, tous ces regards ennemis qui se croisent et s\'interrogent, on soupçonne qu\'un orage se
prépare et que bientôt il va éclater. Il y a un crime à demi consommé au fond de ces colères sourdes
et concentrées.
Joseph, pour le désespoir des méchants qui méditent sa perte, est d\'une ravissante beauté. Ses cheveux
blonds retombent en boucles sur son cou, dont la carnation, ainsi que celle du visape est délicate
diaphane, mais pleine de vie, tandis que les traits de ses frères sont fortement ombrés de ce rouge
torréfié et sombre qui s\'accorde bien avec l\'énergie des mauvaises passions.
Pour mieux faire comprendre le sujet, Raphaël a eu recours à un moyen employé pai\' les peintres
des premières écoles, lorsqu\'ils voulaient présenter dans un moment unique des faits accomplis «i
certains intervalles. Il a représenté dans deux médaillons, placés vers le haut du tableau, les visions
de Joseph. Ce procédé, d\'une naïveté peut-être trop nue, rappelle les tableaux à compartiments et à
volets et les théâtres doubles.
Jules Romain a été cette fois l\'heureux truchement de Raphai\'l. La fVesque n\'a subi que fort peu
de détérioration.
Gravure daus la nia.iiere de Philippe Saie, de lecole de Marc-Âutoiue. Barlseli, XV, 10, uquot; 3. Celle estampe, qui u\'est pas eonlbruie ii la peinture en
plusieurs endroits, semble avoir été gravée sui\' quelque dessin. Exemplaires tirés \\m- Vilhunena. — Gravure de Nicolas Beairizel, 1541. Bartsch, XV,
Üquot; 9. — Gravure anonyme, en contre - partie, chez Edelinck, puis chez Brevet, gr. iu-lol. allongé. — llem, chez Hecquet. — Suntach, in-fol. oblojig. —
Tauriscus Eubœus cite encoi-e, p. 85, une petite gi-avure in-8quot; ainsi qu\'une copie par un ancien niaîlre anonyme, avec quelques variantes. Dessin à la
jiliinie et à la sépia, dans la collection de sir Thonias l.awrence; auire dans le cabinet de l\'archiduc Charles. Passavant, II, 552, nquot;\' 174 et 321.
jen, AAÂ
à Pai\'.it^ \'^licx Gini^i, Ruc dos Poïilsnbsp;5
Publie par A. I.ACROSSK à Brnvoües
M[.t-ilt;t)o par Clia.rcfon aliió Sr Ay.c .
« llu jour que les frères de Joseph s\'élaieut arrêtés daus le pays de Sichem pour faire paître les troupeaux de son pèi\'e , Israël lui dit : Tes frères font
paître leurs brebis dans le pays de Sichem, viens et je t\'enverrai vers eux. — Je suis prêt, répondit Joseph. — Pars donc, ajouta Jacob, et vois si tout va
bien pour tes frères et les troupeaux, et rapporte-moi ce qui se passe. —
« Envoyé de la vallée d\'Hébron, il vint à Sichem, et un homme l\'ayant trouvé errant dans la campagne, lui demanda ce qu\'il cherchait.
« Et il repartit: Je cherche mes frères, dites-moi où ils paissent leurs troupeaux. —
« Et l\'étranger lui dit : Ils se sont retirés de ce lieu et je les ai entendus qui disaient : Allons en Dothaïn. —
« Joseph alla donc après ses frères, et les trouva en Dothaïn.
« L\'ayant aperçu de loin, ils pensèrent, avant qu\'il se fût approché, à lui donner la mort. Et ils se disaient l\'un à l\'autre : Voici notre songeur qui vient ;
allons, tuons-le et le jetons dans cette vieille citerne. Nous dirons qu\'une bête sauvage l\'a dévoré, et alors on verra à quoi ses songes lui auront servi. —
« Ruben, les -ayant entendus, tâchait de le délivrer de leurs mains et disait : Ne le tuez pas, ne répandez point son sang; mais jetez-le dans cette citerne
qui est dans le désert et conservez vos mains innocentes. — Il parlait ainsi dans le dessein de le délivrer de leurs mains et de le rendre à son père.
« Aussitôt donc que Joseph fut arrivé près de ses frères, ils le dépouillèrent de sa longue tunique de diverses couleurs et le descendirent dans la vieille citerne,
où il n\'y avait pas d\'eau.
« Et, s\'asseyant pour manger leurs pains, ils virent des voyageurs ismaélites qui venaient de Galaad avec leurs chameaux, portant en Kgypte des aromates, de
la gomme et de l\'ambre.
« Or, Judas dit à ses frères : Que nous servira de tuer noire frère et de cacher sa mort? vendons-le plutôt à ces Ismaélites et ne souillons point nos mains. —
« Ses frères se rendirent à son discours , et voyant ces marchands madianites qui passaient, ils tirèrent Joseph de la citerne et le vendirent vingt pièces
d\'argent aux Ismaélites, qui le menèrent en Égyple. gt;\'
Gkxèse, lt; h. XXXYII, v. 12—28
Jlnben est absent, Ruben le protecteur de Joseph. Ses frères viennent de tirer leur victime de la
citerne où ils voulaient la laisser périr, et la livrent à une caravane madianite. Joseph, tout en larmes,
obéit sans résistance. Le chef des Amalécites, qui dirige sur lui un regard d\'intérêt, compte à Juda le
prix du fratricide. Les physionomies des enfants de Jacob, beaucoup plus vieillies que dans l\'autre
tableau, ne portent plus une empreinte si marquée d\'aversion et de ressentiment. Peut-être qu\'en
ce moment suprême la voix du sang parle à leur cœur. L\'un d\'eux, qui s\'appuie sur Juda, baisse même
la tête et semble en proie au repentir. Les ligures des marchands sont calmes et d\'un beau caractère.
Trois chameaux, dont l\'un est vu entièrement, achèvent de donner une couleur locale à cette scène,
dont toutes les parties sont disposées avec une adresse infinie et une étonnante diversité d\'expressions.
Le jour, qui vient de la gauche, passe à travers les groupes, rougit les épaules d\'un des frères de
Joseph et produit, sous le pinceau de Raphaël, de ces accidents de lumière que nous avons déjà
remarqués. Ainsi, la tunique bleue de Joseph est éclairée de blanc et offre des reflets rose carminé,
et la robe azurée du chef des Madianites est ombrée de rouge laqueux foncé. Peut-être que le
splendide soleil d\'Italie a révélé aux yeux du peintre des effets dont nos astres pâles et froids ne
sauraient nous donner une idée. Un coteau boisé, couronné par les murs d\'une ville, pyramide à
gauche. L\'horizon se découpe en bleu sur un ciel partagé en zones jaune, rose et azurée. La citerne,
qui ouvre sur le premier plan sa tombe bistrée, complète l\'impression générale.
Ceue fresque, peinte par Jules Romain et de forme carrée, est un peu endommagée vers la gauche.
(iravure par le Maître au dé, d\'après une première pensée du tableau de Raphaël. Au bas sont les lettres B. V. et \\e millésime 1533. Il est à remarquer
qu\'il y a dans cette estampe trois figures de plus que dans la peinture, et que le fond en est très-différent. Bartsch, XV, 184, n° 1. — Autre en clair obscur par
J. Skippe, 1783. — Un dessin provenant d\'Ant. Rutgers, f. 5, nquot; 318, était dans le cabinet de Jabach à Cologne; il avait appartenu au duc de Tallard et h
Géraid Hoet, à La Haye, en 1760.
Un dessin de Raphaël, rapidement tracé à la plume, qui représente les frères de Joseph au moment de le descendre dans la citerne, se compose de onze
figures, et fait partie de la galerie des Ufjizie, à Florence, a dû servir probablement au cycle des Loges. Passavant, U, 479, nquot; 105.
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gt;( Joseph ayant donc été emmené en Égypte, l\'Égyptien Pntiphar, eunuque de Pharaon el général de ses troupes, l\'acheta aux Ismaélites, qui l\'y avaiejvt conduit.
« Et le Seigneur était avec lui el tout lui réussissait heureusement; il demeurait dans la maison de son maître, qui savait très-bien que le Seigneur était avec
« hii, et que tout ce qu\'il faisait était dirigé par la main de Dieu.
« Joseph trouva donc grâce devant son maître, qui lui donna l\'autorité sur tous ses serviteurs; il gouvernait la maison qui lui avait été confiée et tout ce qui
(( avait été remis à ses soins.
« El le Seigneur bénit la maison de l\'Égyptien à cause de Joseph, et il multiplia tous ses biens à la ville et à la campagne; en sorte que son maître n\'avait
« d\'autre souci que de prendre ses repas.
« Or, Joseph était beau de visage et d\'un aspect séduisant.
« Longtemps après, sa maîtresse jeta les yeux sur lui et lui dit : Dors avec moi. — Mais Joseph, se refusant à une action si criminelle, lui répondit : Vous
lt;( le savez, mon maître, m\'ayant tout abandonné, ignore ce que renferme sa maison. Il ne s\'y trouve rien qui ne soit en ma puissance ou qu\'il ne m\'ait livré?
« excepié vous qui êtes son épouse. Comment donc puis-je commettre ce mal et pécher contre mon Dieu? —
« Chaque jour cette femme affligeait Joseph par de semblables discours, et il repoussait ses sollicitations infâmes.
« Or, il arriva un jour que, comme Joseph rentrait dans la maison, et qu\'il s\'y occupait sans témoin de quelque tiavail, l\'épouse de son maître le saisit par
« le bord de son manteau et lui dit : Dors avec moi. —
(( Mais Joseph, lui ayant laissé son manteau entre les mains, s\'enfuit et sortit.
(1 Celte femme, se voyant le manteau entre les mains et dans le dépit d\'être méprisée, appela les gens de sa maison et leur dit : Voilà que mon mari a
« inii\'odnit ici cet Hébreu pour nous faire insulte. Il est venu à moi pour m\'outrager, mais lorsque je me suis mise h crier et qu\'il a entendu ma voix, il m\'a
« laissé son manteau que je tenais, et s\'est enfui dehors. — »
Le nioraent est décisif : la femine de Putiphar ne garde plus de ménagement; la passion f emporte,
passion luxurieuse et effrénée. Elle est assise sur le bord d\'un lit antique, son buste est penché en
avant; ses beaux bras saisissent le manteau de Joseph; son pied gauche s\'appuie sur un tabouret, et
tout son corps, qui décrit une courbe gracieuse, semble frissonner de volupté. Sa peau brune, fortement
colorée, annonce la fougue du tempérament. Le sang brûle l\'épiderme. Ce n\'est pas une de ces natures
frêles et étiolées, hypocrites et minaudières, dont la mollesse trompe la perversité, dont l\'usage du
inonde déguise les excès; c\'est une organisation puissante et indomptée. Joseph fuit; dans ses traits se
lisent à la fois l\'horreur du crime et un sentiment douloureux, une sorte de pitié pour cette femme
coupable et pour le mari, auquel il donne une nouvelle preuve de fidélité.
Cette situation, que l\'on ne comprend bien qu\'après avoir lu la Phèdre de Racine et la scène admirable
dans laquelle Hippolyte indigné se retire, laissant son épée entre les mains de l\'épouse adukère de Thésée,
cette situation, où quelques historiens ont placé l\'empereur Baudouin de Constantinople, est traitée
avec une mesure extrême. 11 était impossible de peindre l\'effronterie avec plus de chasteté.
Le tableau est bieu éclairé et la vivacité des tehites n\'eu lonipt point rharnionie. Il y règne une
couleur ardente, comme le désir qui égare la femme de Putiphar.
. I^umiue veslil
Pui\'piireo.
A la vérité sévère de la couleur s\'allie le moelleux de l\'exécution. Les vêtements sont drapés avec
une vérité frappante; les plis, froncés avec beaucoup d\'art et de goût, accusent tous les mouvements
du torse et s\'inondent de nuances transparentes. Rien de mieux choisi que les accessoires. Ils annoncent
la richesse et la puissance. De magnifiques courtines, un lit somptueux, couvert d\'un voile diaphane,
signalent la demeure d\'un ministre des Pharaons.
Que de peintres se sont jetés sur ce sujet commesur une proie facile ! Les uns n\'ont été qu\'obscènes,
les autres que ridicules; beaucoup se sont contentés de plagiats maladroits : ils n\'avaient pas étudié
Raphaël.
Cette fresque, de Jules Romain, est placée dans le compartiment de la voûte qui touche à la muraille
extérieure; aussi l\'humidité l\'a endommagée en plusieurs endroits où des taches grisâtres ont marbré
la couleur primitive.
Gravure par Marc-Antoine, d\'après un dessin de Raphaël un peu différent de la peinture. — Il en existe une copie en contre-partie, gravée par un anonyme
assez habile et dont on connaît deux sortes d\'épreuves, les premières tirées avant que la planche ait été retouchée, les secondes après les retouches. Une autre copie
en contre-partie est l\'œuvre de Dom Vito, moine de Vallombreuse, en 1578. Bartscb, XIV, 10, nquot; 9. — Gravure par Jacques Valegio ou Valesio. ~ Gravure en
manière noire, par Bernard Lens.
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Paris, chez GIÜE . Rue des Pedts Auenstlns, 5.
Imprimé ]Dar Qiai\'don anic amp; j\\/.e .
P^bl-le pa;r A LACROSSE, a, Bruxelles,
SUJET
SEPTIÈME LOGE.
JOSEPH EXPLIQUE LES SONGES A PHARAON
« Le maître de Joseph, trop crédule aux accusations de sa femme, entra dans une grande colère el fil mettre Joseph dans la prison où l\'on gardait les
prisonniers du Roi, et il y fut renfermé.
« Mais le Seigneur fut avec Joseph : il en eut compassion el lui fil trouver grâce devant le gouverneur de la prison, qui lui remit la surveillance de tous ceux
qui y étaient retenus.
« Pharaon, ayant entendu parler du jeune Hébreu qui était dans la prison et y avait interprété les songes de son grand panetier et de son grand échanson, le fit
rendre à la liberté, pour lui exposer deux songes qu\'il avait eus et que les devins de V Egypte ne pouvaient lui expliquer.
clt; Pharaon lui raconta donc ce qu\'il avait vu : Il me semblait, dit-il, que j\'étais debout au bord d\'un fleuve, d\'où montaient sept vaches belles et grasses qui
paissaient dans les marécages; et voilà que sept autres vaches les suivaient, si difformes et si maigres que jamais je n\'en vis de pareilles dans la terre d\'Égyple.
Et, après avoir dévoré entièrement les premières, elles ne témoignèrent par aucun signe qu\'elles étaient rassasiées, mais demeurèrent engourdies dans leur
hideuse maigreur.
« Je m\'éveillai, et m\'étant endormi j\'eus un autre songe. Sept épis pleins et très-beaux sortaient d\'une même tige; sept autres épis, grêles et rongés par la
louille, s\'élevaient ensemble et dévorèrent la beauté des premiers....
« Joseph répondit : Les deux songes du Roi signifient la même chose. Dieu a montré à Pharaon ce qu\'il fera.
« Les sept vaches si belles et les sept épis si pleins sont sept années d\'abondance et marquent la même chose. Les sept vaches maigres et décharnées qui
montèrent après les premières et les sept épis maigres et frappés d\'un vent brûlant, sont sept années d\'une prochaine famme....
« Maintenant donc, que le Roi choisisse un hounne sage et habile, à qui il donne autorité sur toute TÉgypte, afin qu\'il établisse des officiers dans toutes les provinces,
et qu\'il amasse dans des greniers la cinquième pai tie des fruits de la terre, durant les sept années d\'abondance qui doivent venir. Que tout le blé ainsi recueilli
soit mis sous la puissance du Roi et qu\'on le conserve dans les villes, afin qu\'il soit tout préparé pour les sept années où la famine accablera l\'Égypte, et que ce
pays ne soit pas consumé par la faim.
« Ce conseil plut à Pharaon et à tous ses ministres, auxquels le Roi dit : Où pourrions-nous trouver un homme pareil, rempli comme lui de l\'esprit de Dieu? —
« Il dit donc à Joseph : Puisque Dieu t\'a inspiré tout ce que tu as dit, où pourrai-je trouver quelqu\'un plus sage que toi ou même qui te ressemble? tu auras donc
l\'autorité sur ma maison, et quand tu ouvriras la bouche pour conuiiander, tout le peuple t\'obéira. »
Genèse, ch. XXXIX, v. 19—22, et ch. XLI, v. 17—40.
cc Le tableau de Joseph expliqiiaut les songes devant Pharaon est, dit M. Quatremère de Quincy,
un de ceux qui suffiraient pour placer Raphaël à la tête de tous les peintres, dans la partie de la
composition. Il y a en peinture, comme en poésie, un certain laconisme de description, qui a la vertu
de donner à penser d\'autant plus qu\'il en dit moins : tel est le mérite du sujet dont il s\'agit. On n\'y voit,
pour ainsi dire, que Joseph et Pharaon. Ce qu\'il y a de personnages accessoires ne joue aucun rôle, et
n\'est là que pour la convenance. Mais que ne donne point à entendre Fattitude simple, la contenance et
la physionomie prophétique de Joseph? qui ne lit point dans toute sa personne l\'influence de l\'inspiration
divine, dont Feffet se communique au Roi d\'une manière visible? La pantomime la plus claire y
exprime, par Fabsence même de mouvement, la profonde méditation qui l\'absorbe. L\'index de la main
gauelie, qiril a porlé sur sa bouche, est le signe de rattention. On voit, par la position de Fautre jnain
et de ses doigts, que le Roi compte et suppute, avec Finterprète, les années de fécondité et de stérilité
dans leur rapport avec ce qu\'il a vu en songe. ^^
Cette appréciation de M. Quatremère est juste, excepté à Fégard des personnages accessoires qui
loin de ne jouer aucun rôle, sont étroitement liés à Faction, y prennent une part animée et concourent
à l\'expliquer.
L\'attitude de Joseph répond bien à ce que nous appiend la Bible de sa modestie et de son humilité :
« Dieu, sans moi, rendra à Pharaon une réponse favorable. « Néanmoins on sent qu\'il parle au nom
du Ciel, à l\'assurance de sa parole, à l\'autorité de son peste.
Derrière le Roi plongé dans ses réflexions, est un de ses officiers, dont la figure traduit également
l\'attention et la surprise. A gauche est un groupe de trois personnes, au milieu desquelles le grand
échanson parait raconter comment Joseph expliqua les songes que lui et le grand panetier eurent dans
la prison , et confirmer ses interprétations actuelles. Les auditeurs sont frappés d\'étonnement et se
montient avec admiration le jeune prophète.
Les songes de Pharaon sont représentés dans des médaillons entourés d\'auréoles scintillantes. Le
palais de Phaiaon n\'est pas tout à fait de l\'architecture égyptienne; on se croit plutôt au Vatican qu\'à
Memphis, et le Nil, qu\'on aperçoit par une fenêtre, pourrait passer ])our le Tibre. Mais l\'intérieur et
le paysage n\'en sont pas moins richement peints.
La couleur est vigoureuse et chaude. On remarque encore les reflets d\'un jaune vif qui sillonnent
la tunique bleu foncé de Joseph.
Jides Romain a peint cette fresque, qui n\'offre point de sérieuses dégradations. Cependant, à la jambe
de la dei\'nière figure de gauche, un morceau de plâtre d\'environ cinq ou six lignes s\'est détaché.
Gravé par im anonyme, avec le nom de Raphaël el celte inscription : Somnium regis imum esl.
Rarlsch, XV, 11, nquot; 6, cite, parmi les estampes de l\'école de Marc-Antoine, celle de Joseph se faisant reconnaître à ses frères. « Cette estampe, dit-il, est
« gravée dans le goût d\'Énée Yico, d\'après un des sujets peints par Raphaël dans les Loges du Vatican; mais il paraît qu\'elle n\'a été faite que sur un dessin de
« ce peintre; car elle diffère de la peinture en plusieurs endroits. »
Cette gravure n\'a pas été prise sur une des Loges; elle ne l\'a été que d\'après une des douze peintures en camaïeu, qui servent d\'ornement à la galerie, et qui
ont été gravées par Pietro Santi-Rartoli. Passavant, II, et 227, nquot; 186.
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Amenosis, ou Pharaon, selon l\'Écriture, Roi d\'Egypte, exerça la plus dure tyrannie sur le peuple d\'Israël, dont
il résolut d\'exterminer la génération entière, parce qu\'il avait été prédit que, sous son règne, un enfant hébreu
délivrerait sa nation de l\'esclavage, et détruirait le Royaume d\'Egypte.
Les Israélites reçurent donc l\'ordre de jeter dans le Nil tous les enfants mâles qui leur naîtraient ; mais Dieu
rendit inutile cette barbarie, en sauvant, par la fdle même du Roi, celui qui était le seul redoutable. La Princesse,
se promenant sur le bord du fleuve, y aperçut un enfant exposé dans une corbeille de jonc ; elle le fit aussitôt
retirer, et, vivement touchée de sa beauté, voulut en prendre soin, et le remettre ensuite à une nourrice israélite-
Une jeune fille, qui était présente, s\'offrit à lui en trouver une; et cette jeune fille, la propre sœur de l\'enfant,
le porta à sa mère Jocabeth. Moïse, ainsi nommé pour avoir été sauvé des eaux, fut élevé et instruit sous les yeux
de la Princesse, adopté par elle, et revêtu ensuite de charges considérables à la cour de Pharaon. Exon., Cap. I.
EXPLICATION DU TABLEAU
Huitième Loge, Sujet. Les figures sont de demi-nature. Ce
tableau représente un groupe de sept jeunes filles, témoignant
toutes le plus grand intérêt à l\'enfant qu\'on va retirer du Nil ; deux
d\'entre elles, à genoux, retenant le berceau d\'où l\'enfant, en étendant
ses bras, paraît vouloir sortir. A la couronne, à la majesté de son
air, on distingue aisément, au milieu du tableau, la fille de Pharaon.
Elle cherche, par ses gestes, à attirer l\'attention de l\'enfant, que trois
femmes de sa suite, gracieusement inclinées, regardent avec em-
pressement en se tenant ensemble. Derrière celle-ci est une jeune
fille, dont l\'attention5 plus particulièrement fixée sur la Princesse, fait
reconnaître la sœur de Moïse, laissée par sa mère dans les environs
pour savoir le sort de son frère. Un beau paysage, terminé par un
admirable lointain, forme l\'accessoire du tableau.
Le R. P. Ange George Pofi, Missionnaire, revenant d\'Egypte à Rome,
en 1818, reconnut, dans ce paysage, les lieux où Moïse fut exposé, et
si fidèlement représentés, qu\'il ne doutait pas que Raphaël ne les eut
copiés d\'un dessin d\'après nature.
Au premier plan, le Nil se dirige de droite à gauche, avec le bras
qui serpente vers le lointain, à travers la province de Eajume, au mi-
lieu des fertiles collines du pays de Jessé. Non loin de ce bras du Nil,
appelé Fajume, c\'est-à-dire ouvrage d\'un seul jour (ainsi nommé
parce que Joseph, Vice-Roi d\'Egypte, le fit creuser à force de bras en
un seul jour), cette partie d\'Egypte, plus couverte de verdure que
les autres, abonde aujourd\'hui en roses, et nous fournit l\'essence de
cette fleur, si recherchée en Europe. Elle est à trois journées de
distance du Grand-Caire et de l\'ancienne Memphis. On admire dans
ce tableau le lointain, la limpidité de l\'eau, le soleil levant dans la
belle saison, à l\'heure où ses premiers rayons atteignent à peine les
sommets des montagnes, la distribution des couleurs (i), la pose
simple et gracieuse des figures, et la belle harmonie.
G. Vasari, écrivain du temps, attribue l\'exécution de ce tableau à
J. Romain, d\'après les Cartons de Raphaël. C\'est une des compositions
les plus notables de ce grand maître.
On remarque aux différentes reprises, ou jointures dans la fresque,
que ce tableau a été peint en six jours de temps.
En 1819, ce tableau se trouvait bien conservé, sauf un peu de
couleur tombée, qui forme une tache blanche sur les arbres à droite
du tableau, grande de huit pouces du haut en bas, et treize petites
taches claires, qui n\'altèrent point l\'effet delà peinture. On remarque^
par dix-huit petits trous au bord du tableau, qu\'il a été copié aux
carreaux de la grandeur de trois pouces, vraisemblablement pour
M. Volpato, habile graveur,qui a gravé treize de ces tableaux du côté
du mur latéral : on n\'en trouve que treize qui ont subi cette opé-
ration.
pieds, pouces, lignes.
Longueur du tableau en haut............. 4- 6. o.
Id, en bas du même................ . 4- 6. 6.
pieds, pouces. lignes.
Hauteur à droite du tableau.............. 3. 6. i.
ïd. à gauche du id................. 3. 5. 9.
(i) Les cheveux des six premières figures sont blonds; et ceux des deux autres, bruns. La couronne, la ceinture
et les manches de la Princesse sont jaunes, et sa tunique bleu-pâle; celle qui retient le berceau a tunique laqueuse,
ceinture rouge et une draperie bleue descendant par terre; celle à côté d\'elle a tunique verte, avec ceinture
laqueuse ; la figure à côté de la Princesse a tunique jaune, lumière verte et ombre rouge. Un ruban vert, avec
un nœud clair, est ajusté dans les cheveux. Celle qui est avant a tunique jaune, ombre rouge et lumière argentine.
La figure qui avance un bras a tunique verte et lumière grise. La dernière figure a tunique et ceinture bleues-
laqueuses. Un nuage clair est au milieu, à demi-teintes jaunes. Le ciel est bleu-pâle, ayec petits nuages clairs-jaunes-
laqueux. Les rayons du soleil, pâles ; les dernières montagnes, bleues ; la colline qui avance est verte, les fabriques
laqueuses; celles fuyantes sont bleues. L\'eau, au premier plan, verte, reçoit les reflets des figures, et au lointain répète
le ciel avec variété de sa couleur. Le terrain, au premier plan, est gris, puis jaune, vert et bleu au lointain. Le
berceau est vert-obscur. La carnation de la dernière figure est rougeâtre, mais plus claire, et variée dans les
autres figures.
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Moïse, faisant un jour paître le troupeau de son beau-père Jéthro sur le mont Oreb, vit un buisson tout en feu,
sans que les branches, les feuilles ou les fleurs fussent atteintes par les flammes. Une voix, sortant du buisson, lui
apprit qu\'il se trouvait en présence du Dieu de ses pères, dans un lieu dont il n\'était permis d\'approcher que les
pieds nus. La même voix lui récita qu\'il était choisi pour délivrer le peuple de Dieu de l\'oppression des Égyptiens,
et pour le conduire dans l\'heureux pays d\'Abraham.
Moïse, s\'accusant de son inexpérience, reçut la promesse que Dieu ne l\'abandonnerait jamais, et ferait des pro-
diges en sa faveur. Pour l\'en convaincre, il lui fit ordonner de laisser tomber son bâton, qui aussitôt se changea en
serpent, qui revint à la première forme dès que Moïse voulut le reprendre. Sa main se couvrit de lèpre, et fut
guérie à l\'instant même qu\'il Ueut mise sur son sein, ainsi qu\'il lui était commandé. Moïse alors n\'hésite plus, prend
congé de son beau-père, et part avec sa femme Séphora et ses deux fils, Gerson ( pèlerin ) et Éléazar ( secours de
Dieu). Il trouva, sur les frontières d\'Egypte, son beau-frère Aaron, qui, par l\'ordre de Dieu, venait l\'aider et
lui servir d\'interprète. Exode , Cap. III.
EXPLICATION DU TABLEAU
Huitième Loge, 2\' Sujet. Les figures sont de demi-nature. Moïse
à genoux et le beau paysage du fond fixent d\'abord les regards,
qui s\'arrêtent ensuite, avec une attention plus recueillie, sur le véné-
rable Vieilkrd placé à droite du tableau, au milieu des flammes : c\'est
la Divinité qui, le bras droit tendu vers Moïse, semble le bénir.
Cette figure est vue tournée vers le dos, tandis que Moïse, appuyé
sur le genoux gauche, le visage baissé et caché sous ses mains, est
pénétré du plus profond respect à la voix de son Dieu ; car c\'est le
moment qui parait avoir été choisi pour sujet du tableau. Le bâton
qui, dans la suite, fut si fécond en merveilles, est devant Moïse. Der-
rière lui, est un grand arbre sur le sommet de la montagne; plus loin,
sur le second plan, le troupeau paissant; puis, près de la mer Rouge
et sur une hauteur, la ville habitée par Moïse et son beau-père,
nommé Madian, du fils qu\'Abraham avait eu de Rétura.
Moïse porte une tunique d\'un jaune-pâle, dont les ombres sont
bleues, garnie d\'un capuchon sur le dos, descendant aux genoux, et
laissant les bras à découvert jusqu\'au-dessus des coudes ; un cuir brun
lui sert de ceinture ; ses cheveux sont blonds, et bouclés aux extré-
mités ; la carnation est un peu brune, comme les habitants d\'un pays
chaud. Dieu, vêtu de pourpre d\'une couleur laqueuse, avec des lu-
mières argentines, est vu jusqu\'à la partie inférieure de la poitrine;
la barbe et les cheveux sont blancs.
Dans les flammes, on distingue trois masses principales en forme de
triangle, emblème de la Divinité, une sur chaque bras, et la troisième
plus bas, au commencement des flammes.
Un massif d\'arbre orne le bord de la mer Rouge ; la verdure indique
plutôt l\'automne que le printemps. Le ciel est clair et d\'un blanc-ar-
gentin; les nuages, un peu chargés, sont mêlés d\'une couleur laqueuse.
On remarque, par différentes reprises dans les fresques, que ce ta-
bleau a été peint, en deux jours, par Pierrin Delvaga, dit Chattard,
page i34, d\'après le Carton de Raphaël. Ce tableau se trouvait bien
conservé en 1819, sauf quelques petites crevasses.
pieds, pouce«, lignes.
Longueur du tableau en haut........ • • • • 4- 6. 6.
Id.nbsp;en bas.............. 4- 6. 6.
pieds, pouces, lignes.
Hauteur à droite du tableau............ 3. 7. 8.
Id. à gauche..................... 3. 8. o.
-ocr page 109- -ocr page 110-« Quand donc Pharaon eut laissé partir les Israélites..., Dieu les conduisit par la voie du désert qui est près de la mer Rouge.
« Dieu les précédait pour leur montrer le chemin, le jour, en colonne de nuée, la nuit, en colonne de feu...
« Les Égyptiens, s\'étant mis à la poursuite des Hébreux, les trouvèrent campés sur le bord de la mer...
« Lorsque Pharaon se fut approché, les Hébreux, levant les yeux, virent les Égyptiens derrière eux, et ils furent dans l\'effroi et ils crièrent vers le Seigneur.
« Mais Moïse ayant étendu la main vers la mer..., les eaux se divisèrent et les fils d\'Israël y entrèrent à pied sec, car les eaux s\'élevaient à droite et à gauche
« comme une muraille.
« Les Égyptiens, attachés à leurs pas, entrèrent après eux au milieu de la mer, toute la cavalerie de Pharaon, et ses chars et ses chariots.
« Alors, Moïse ayant étendu la main vers la mer, elle retourna en sa place au point du jour; les Égyptiens, qui voulaient fuir, ne virent devant eux que l\'eau,
« et le Seigneur les engloutit dans les flots. »
Exode, ch. XHI. v. 17—21, et ch. XIV, v. 9—20.
Deux routes s\'offraient aux Hébreux pour sortir de rÉgypte et se diriger vers le pays de Chanaan ;
Tune, la plus courte y par le pays des Philistins; rautre, beaucoup plus longue, par les déserts et les
défilés d\'Etham. Ce fut cependant cette dernière direction que suivit Moïse, d\'abord pour éviter aux
Israélites une guerre avec les Philistins qui leur auraient disputé le passage, et ensuite parce que Dieu
voulait donner à son peuple une leçon de persévérance et un témoignage éclatant de sa protection
toute-puissante.
Ainsi l\'âme, retenue dans les liens du péché, ne peut les briser sans une lutte prolongée et ne sort
de la servitude qu\'à force de constance et de résolution.
La confusion et la lenteur, conséc[uences nécessaires de la marche embarrassée et de l\'agglomération
d\'une multitude de plus de onze cent mille individus, hommes, femmes, vieillards, enfants, emmenant
r
avec eux leurs troupeaux, et chargés de tout ce qu\'ils avaient pu emporter, firent que les Egyptiens qui
s\'étaient mis à la poursuite des Hébreux, les atteignirent bientôt.
Les Israélites s\'étaient engagés dans les défilés longs et étroits qui aboutissaient à la mer Rouge, quand
ils aperçurent ia lormmame arniee qui les cernait, ils se crurent perclus, mais iVloïse, étenaant sa
verge, leur fraya un chemin dans la mer. Les flots obéissants se retirèrent et laissèrent aux Hébreux
un passage à pied sec.
Us iVétaient plus éloignés du rivage opposé, quand arriva Pharaon. Dans sa confiance aveugle, il
s\'imagina que cette voie miraculeuse était faite aussi pour lui. Mais Moïse, se retournant avec autorité,
commanda aux vagues de se rejoindre. Les deux murailles humides retombèrent sur les Égyptiens et
les engloutirent aux yeux des Israélites.
Tel est Fépisode choisi par Raphaël et qui est uiie contie-épieuve du déluge.
A gauche, au premier plan, un gioupe d\'Hébreux, principalement composé de jeunes femmes et
d\'enfants, va gagner la terre où déjà quelques-uns sont parvenus. Leurs gestes, leurs physionomies
expriment l\'admiration ou la crainte. Derrière eux l\'abîme s\'est refermé et Fonde semble courir sur
leurs pas. Quelques-uns des personnages transportent sur leurs épaules les vases et autres objets empruntés
aux ligyptiens; une femme, une mère, s\'avance chargée d\'un trésor plus précieux, le berceau de son
nouveau-né; deux autres, à peine sur la rive, se jettent à genoux et rendent grâces à Dieu de leur
délivrance. Moïse ferme la marche, exerçant à la fois le châtiment et la protection. La mer, déchaînée
à sa voix, s\'arrête devant lui. Il est placé à l\'extrémité de la diagonale formée par les flots amoncelés
et qui coupe le tableau pour ainsi dire en deux parts. \\^is-à-vis sont les colonnes de nuée et de feu qui
servent de guide aux Israélites, et la scène se passant au lever de l\'aurore, la colonne de feu teint les
eaux du premier plan, à droite, d\'un redet rouge et jaune. Là se remarque un des chefs de l\'armée
égyptienne qui était près d\'atteindre les fugitif, mais dont le cheval, épouvanté à la vue des montagnes
d\'eaux qui fondent sur lui, se cabre et renverse son cavalier. Cet animal est d\'une fière et superbe
encolure. Plus loin, deux coursiers, terrifiés par l\'éclat de la colonne enflammée, s\'emportent et
entraînent dans le gouffre le char auquel ils sont attelés et le conducteur qui s\'efforce en vain de les
retenir. Partout la destruction et la mort; hommes, chevaux, chameaux, chars et chariots de guerre
s\'enfoncent et disparaissent dans la mer.
Il y a dans ce tableau une extrême abondance sans profusion, un grand mouvement sans fracas, une
sagesse enfin bien préfcu^able aux hyperboles de Martin, ce peintre jaloux de reproduire l\'immensité,
fous les détails en sont calculés avec une sagacité exquise; les traits de sentiment qui y sont discrètement
jetés rendent plus poignantes les images de la destruction et du désespoir.
L\'aube naissante est peinte avec une fidélité magique. Cette lumière douce opposée aux sombres
nuages qui dirigeaient les Hébreux pendant le jour, pénètre toute la composition, l\'anime, l\'étend et
l\'agrandit.
Le jaune rougeâtre, la laque et le vert dominent dans les vêtements. Les carnations sont toujours
briquetées.
La fresque, de forme carrée et oblongue, n\'est pas mal conservée. Elle a été peinte par Perrin del
Vaga. Les principales figures sont moins grandes que demi-nature.
Gravure sur bois en clair-obscur, d\'A. M. Zanetti, 1740, Bartsch, XII, 189, n» 71. — Dessin original dans la collection de sir Thomas Lawrence, à la plume,
à la sépia, rehaussé de blanc. Il a passé par les cabinets de Jabach, Crozat, Willet, F. J. Duroveray et T. Dimsdale. Une copie au bistre de ce dessin était chez
W. Roscoe. Une autre est dans le cabinet de l\'archiduc Charles, à Vienne. Passavant, II, 553, nquot; 323.
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Tous les enfants d\'Israël... campèrent àRaphidim, où il ne se trouvait point d\'eau...alorsils murmurèrent contre Moïse.
Moïse cria au Seigneur, et le Seigneur dit... : Prenez en votre main la verge dont vous avez frappé le fleuve et allez jusqu\'à
la pierre d\'Horeb... vous frapperez la pierre et il en sortira de l\'eau, afin que le peuple ait à boire.
Moïse fit devant les anciens d\'Israël ce que le Seigneur lui avait ordonné. Exod., cap. XVII.
EXPLICATION DU TABLEAU.
Huitième Voûte. Sujet. Les figures sont grandes demi-nature.
Le peintre a représenté le moment où l\'eau commence à sortir ;
les expressions d\'étonnement sont admirablement peintes sur les
figures des vieux Israélites qui se trouvent présents.
Moïse touche avec la verge la pierre d\'où l\'eau sort en abondance;
il tient de la main gauche son vêtement ( i ), comme s\'il craignait de
se mouiller. Dieu est représenté dans une vapeur bleuâtre claire,
au-dessus du rocher. On remarque quelques verdures, des arbris-
seaux, et au loin quelques rochers. On admire l\'exécution vigou-
reuse de ce tableau tracé par le pinceau de Jules Romain, d\'après
les cartons de Raphaël, selon G. Vasari.
La forme du tableau est un quarré alongé d\'un quart. En 1819
ce tableau se trouvait bien conservé ; cependant sur les nuées on
voyait quelques taches de lumières qui sont tombées et paraissent
obscures au heu d\'être claires ; de plus on voit 43 autres petites
taches, mais elles n\'altèrent pas beaucoup l\'effet du tableau, qui,
comme les autres, est placé à 26 pieds d\'élévation.
Pieds. Pouces. Lignes.
Longueur du tableau en bas............ 4- 6. 9.
Id.nbsp;Id. en haut............ 4- 6. 7.
Pieds. Pouces. Lignes.
Hauteur à droite du tableau............. 3. 7. 5.
Id. à gauche Id................. 3. 7. 8.
( I ) Le vêtement de Moïse est une tunique de couleur laqueuse, avec manteau jaunâtre à lumières bleuâtres, ombré
de rouge. On voit dans les six figures, derrière Moïse, que les tuniques sont toutes de la même couleur laqueuse;
mais les lumières sont très variées: tantôt elles sont jaunes, tantôt elles sont verdâtres, claires, blanchâtres. Les
tons, toujours rompus, sont harmonieusement mêlés. La couleur de leur manteau est plus variée. Le manteau
de la dernière figure, à gauche du tableau, est jaune: la figure à côté porte un manteau vert, et l\'autre à côté, au
premier plan, un manteau rouge avec des lumières très claires laqueuses.
Les nuages sont d\'une couleur laqueuse à lumières jaunes. Le ciel est couleur gris-clair dans le lointain. Moïse
et les deux dernières figures ont la barbe et les cheveux gris, et les quatre autres figures ont des cheveux blonds
variés et des barbes brunes. Les chairs en général sont un peu rougeâtres. Le rocher est couleur brune, à lumières
jaunâtres; le terrain et les rochers du lointain sont de la couleur laqueuse, variés faiblement plus ou moins,
selon la distance, parsemés de buissons. Les pointes des rochers ressemblent quelquefois à des ruines.
LES PREMIERES TABLES DE LA LOI
»-Q^S^-
« Alors le Seigneur dit à Moïse : Monte vers moi sur la montagne el sois là, et je te donnerai des tables de pierre el la loi el les commandements que j\'ai écrits,
« afin que tu enseignes ton peuple. —
« Moïse et Josué, son serviteur, se levèrent; et Moïse, gravissant la montagne de Dieu, dit aux anciens : Attendez ici jusqu\'à ce que nous revenions vers vous.
« Vous êtes avec Aaron el Hur; s\'il s\'élève quelque difficulté, c\'est à eux que vous vous en référerez. —
« El Moïse étant monté, une nue couvrit la montagne, el la gloire du Seigneur reposa sur le Sinaï, le couvrant six jours de nuages, et le septième. Dieu appela
lt;f Moïse du fond des ténèbres.
« Or, la gloire du Seigneur apparaissait aux fils d\'Israël, comme un feu ardent au sommet de la montagne.
« Et Moïse, franchissant la nuée, parvint au sommet de la montagne et demeura là quarante jours et quarante nuits. »
Exode, ch. XXIV, v. 12—18.
Ce tableau occupe le compartiment de la voûte immédiatement au-dessus de la première porte de
communication avec les Stanze, que Raphaël a décorées d\'autres chefs-d\'œuvre; de sorte qu\'on ne peut
foire un pas dans ce lieu sans rencontrer le génie du peintre d\'Urbin. On y marche, pour ainsi dire,
dans sa gloire.
Dieu se manifeste encore une fois à des yeux mortels. Mais Raphaël ne se répète jamais : rien ne
peut épuiser les ressources de son imagination. Cette faculté féconde est chez lui comme le soleil, qui
chaque jour éclaire le monde et chaque jour produit, aux mêmes lieux, des aspects nouveaux.
La cime abrupte du Sinaï remplit presque toute la scène. Moïse, pénétré d\'une crainte respectueuse,
est agenouillé devant le Seigneur et reçoit de ses mains les tables de la loi. Le tonnerre gronde, fair est
en feu, de sombres nuages forment un sanctuaire autour de Dieu qui est environné d\'anges et de
séraphins : ses pieds posent sur un socle ou piédestal de saphir, ainsi que le dit la Bible : sub pedibus
ejus quasi opus lapidis saphirini.
Deux anges font retentir la trompette céleste : ces sons menaçants remplissent de terreur les Israélites,
dont le camp se déploie au pied du Sinaï.
Aaron, Nadab, Abiu et Josué ont seuls accompagné Moïse jusqu\'à une des crêtes les plus hautes
du rocher, d\'où il leur e$it permis de contempler la majesté du Tout-Puissant.
La composition se partage donc en trois parties, échelonnées suivant leur importance : le camp des
Hébreux dans Féloignement; les compagnons de Moïse au premier plan, et la vision du Sinaï, sujet
principal qui couronne rensemble.
Raphaël y donne un modèle de la peinture fantastique et merveilleuse et s\'élève par delà le réel,
sans sortir de la vérité. Les fortes oppositions d\'ombre et de lumière sont ménagées de façon à ne point
produire de ces brusques passages du blanc au noir, sur lesquels nos peintres médiocres basent leurs effets.
Le fond du paysage laisse apercevoir des constructions qui annoncent une ville. Nous ne répéterons
pas la remarque que nous avons déjà faite à cet égard.
Les auteurs qui ont écrit sur Raphaël, et en particulier sur les Loges du Vatican, ne s\'accordent
point au sujet de f artiste qui a exécuté, d\'après son carton, Ja promulgation des premières tables de
la loi. Vasari, Lalande et Meulemeester inclinent pour Perrin del Vaga, et l\'abbé Taja pour Raphaël
dal Colle, qui, après la mort de Raphaël d\'Urbin, son maître, s\'attacha à Jules Romain, dont il devint
le digne émule.
La fresque est encore en bon état.
Une esquisse originale se trouve au musée de Paris. Elle est à la plume et lavée. Passavant, II, 599, n° 474.
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A Paris, chc/. GIDE, Rue dcs Pclits-Aiig^istiivs. 5,
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NEUVIÈME LOGE.
2«quot;\' SUJET.
XXXIV\'« TABLEAU.
« Le peuple voyant que Moïse tardait à descendre de la montagne, se rassembla avec menace autour d\'Aaron et lui dit : Lève-toi, fais-nous des dieux qui
« marchent devant nous; car pour Moïse, cet homme qui nous a tirés de l\'Égypte, nous ne savons ce qui lui est arrivé. —
« Aaron leur répondit : Otez les pendants d\'oreilles d\'or de vos femmes, de vos fds et de vos fdles, et apportez-les-moi. —
« Et le peuple fit ce qu\'Aaron avait commandé et lui apporta les pendants d\'oreilles.
« Aaron, les ayant pris, les jeta en fonte et il en forma l\'image d\'un veau.
« Alors les Israélites dirent : Voici vos dieux, ô Israël, qui vous ont tiré de l\'Égypte. —
« Ce qu\'ayant vu Aaron, il dressa un autel devant le veau, et fit crier par un héraut : Demain sera la fête solennelle du Seigr
clt; S\'étant levés le matin, ils olfrirent des holocaustes et des hosties pacifiques. Le peuple s\'assit pour manger et pour boire, et il se mit ensuite à danser...
« Moïse revint donc de la montagne, portant à la main les deux tables du témoignage.
« Or, Josué, entendant le tumulte et les cris du peuple, dit à Moïse : On entend dans le camp le hurlement des combats. —
« Moïse lui répondit : Ce n\'est point là le cri de personnes qui s\'exhortent au combat, ni les vociférations de gens qui poussent leur ennemi à la fuite; mais
« des chants frappent mon oreille. —
« Et, s\'étant approché du camp, il vit le veau et les danses.
« Et emporté par la colère, il jeta les tables qu\'il tenait; à la main et il les brisa au pied de la montagne. »
Qui ne se souvient des vers sublimes que Racine, ce Raphaël de la poésie, met dans la bouche de
Joad, indiffné de Fin^ratitude des Hébreux :
7nbsp;{Jnbsp;vJ
Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir,
Peuple ingrat? quoi! toujours les plus grandes merveilles
Sans ébranler ton cœur frapperont tes oreilles ?
Telles sont les paroles que semble prononcer Moïse, lorsque, descendant du Sinai et encore ébloui
de la majesté divine quil lui a été accordé de contempler, il aperçoit les Israélites qui s\'abandonnent,
dans une folle ivresse, aux superstitions de l\'Égypte, et oublient le Dieu vivant pour une insensible idole.
Il s\'est arrêté avec Josué sur le premier plateau de la montagne, et de là il est frappé d\'un spectacle
qui lui perce le cœur. Un pareil délire le révolte : au moment où Dieu donne à son peuple un gage
éclatant de sa protection, ce même peuple l\'outrage et l\'abandonne! Moïse ne peut maîtriser sa colère,
et il brise avec violence les tables où le doigt du Tout-Puissant a tracé la loi d\'Israël.
Sur le devant du tableau, autour d\'un autel qui supporte l\'image du bœuf Apis, se presse une
population égarée. Les uns à genoux adorent le simulacre impie, les autres entonnent de joyeux
cantiques et forment des danses profanes; car c\'est plutôt une orgie qu\'une fête religieuse que célèbrent
les Hébreux. Il y en a deux, pourtant, qui ne paraissent point partager ces transports criminels : un
vieillard, un digne descendant de Jacob, lève les bras au ciel pour déplorer tant d\'aveuglement; un
autre gémit en silence et se laisse aller à une morne douleur.
Sur vingt figures distribuées autour de Fautel, la plupart sont des jeunes gens, des enfants et des
femmes; des femmes surtout, car, par leur nature mobile, impressionnable et passionnée, elles sont
disposées à accueillir et à propager tous les fanatismes.
Les choses sont disposées de manière à faire deviner, derrière les groupes que l\'on voit, une multitude
immense; autrement le sujet ne représenterait qu\'une faute partielle et non Fapostasie d\'une nation
eutière.
Le paysage est plein de fraîcheur et le ciel serein. Dans cette nature si riche et si riante, les Hébreux,
à peine délivrés de leurs fers par une puissance surhumaine, ne retrouveraient plus Dieu!
La variété des poses et des caractères, Fart de lier les personnages les uns aux autres, d\'en former
comme une chaîne et d\'iudividualiser les expressions, sont toujours, pour ceux qui savent regarder,
une source d\'étonnement. Au premier plan, une mère montre Fidole à son enfant, et la charmante
créature, tendant ses faibles bras vers Fautel, commet innocemment un sacrilège dont elle ne peut
avoir conscience. Cette idée est délicieusement rendue.
L\'abbé Taja prétend que cette fresque, qui a peu souffert, a été peinte par Raphaël dal Colle, et son
opinion est appuyée de l\'autorité de l\'abbé Titi et de Pinaroli. Lalande l\'attribue à Perrin del Vaga.
Elle a été gravée par Cornelius Bos, en 1551, in-Squot; allongé, d\'après un dessin original de la galerie de Florence. Passavant, 11, 220 et 479, nquot; 104.
-ocr page 120---1 K
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a Paris, c.hcy, Cini\'i,,Ruc des Pctils - Aiiçruauns. 5.
T.:-[gt;r\'inv^ ni?.- Ch.-.vdo.D ainc amp; Ay.
Pu bi 10 par A,1,.\'\\CR0SSM , n Bnuxdles,
Quand Moïse était entré dans le tabernacle de l\'alliance, la colonne de nuées descendait et se tenait à la porte , et le
Seigneur parlait avec Moïse. Tous les enfants d\'Israël voyant que la colonne de nuées se tenait à l\'entrée du tabernacle,
se tenaient aussi à l\'entrée de leurs tentes et y adoraient le Seigneur. Exod. , cap. XXXIII.
EXPLICATION DU TABLEAU.
Neuvième Voûte. Sujet. La figure principale est grande en-
viron de dix-huit pouces. Une nuée blanche en forme de colonne
au miheu du camp de Moïse, descendue devant le tabernacle, répand
une grande lumière dans ce tableau. Moïse à genoux, les bras
ouverts, parle au Seigneur et le peuple d\'Israël est en adoration.
On voit dans le lointain, à gauche du tableau, la mer Rouge où
l\'on distingue six barques; à droite on voit quelques monticules
bleuâtres derrière un buisson, auprès duquel sont placées les tentes
de différentes couleurs rayées de jaune et de rouge, blanc, vert, etc.,
formant une belle harmonie. On compte douze tentes rondes et
deux en forme de cône; elles se terminent en pointe ornée d\'une
boule d\'or.
Au premier plan, à droite de la tente couleur verte, sortent
deux femmes dont une, blonde, tient un enfant nu dans ses bras :
sa tunique est rouge, les lumières sont jaunes, claires: plus loin
on voit une mère, vêtue d\'une robe verte à lumières jaunâtres,
tenant un enfant; à côté un vieillard à genoux, vêtu d\'une tunique
verte; derrière lui un jeune homme en tunique bleue: ils sont
en adoration. Du côté gauche de la nuée on distingue six autres
figures dont la première est prosternée.
Le tabernacle, au premier plan, est en forme de tente rayée de
jaune-laqueux gris. Moïse, placé devant, est vêtu d\'une tunique
verte et d\'un manteau laqueux : cette partie se trouve placée dans
l\'ombre et produit un excellent effet. Le ciel est bleu^ pâle,
laqueux, jaunâtre au lointain: le terrain est couleur de sable de désert
La scène semble se passer avant le lever du soleil, au commence-
ment de l\'automne. Chatard dit, page 124? que l\'exécution du tableau
est de Raphaël del Colle, d\'après les cartons de Raphaël d\'Urbin.
En 1819 ce tableau était à moitié altéré par l\'humidité qui a
pénétré dans la voûte, principalement du côté du tableau dans le
paysage, dans la nuée et sur les cinq tentes du dernier plan : la
majeure partie de la couleur verte est tombée de la première tente,
laissant des taches claires dont la plus grande est de quatre pouces.
Les petites figures sont mieux conservées à la droite qu\'à la gauche
du tableau.
Les différentes reprises qu\'on voit dans ce tableau font croire
qu\'il a été peint en trois jours.
Pieds. Pouces. Lignes,
Longueur du tableau en haut........... 4. 11. 6.
Id.nbsp;Id. en bas.......... id. id. id.
pieds. Pouces. Lignes.
3. 2. 7.
3. 3. o.
Hauteur du tableau à droite.
Id.nbsp;Id. à gauche.
DESCETOEBAT COLVMNA- WIBIS» „ , = „ CEMEWTIBVS WÏVEESIS. XXXIII.
T:ai5. iwv.
NEUVIÈME LOGE.
4\'»« SUJET.
XXXVI\'quot;^ TABLEAU
LES NOUVELLES TABLES DE LA LOL
„ Le Seigneur dit ensuite à Moïse : Taille-toi deux tables de pierre, à l\'imitation des premières; et j\'y écrirai les paroles qui étaient sur les tables que tu as
quot; !tÏé\'lama donc deux tables de pierre, telles qu\'étaient les premières; et, se ,levant avant le jour, il gravit le mont Sinaï, comme le Seigneur le lui avait
quot; —nu,ts avec le Seigneur snr la .nontague; il ne mangea point de pain, „ ne but point d\'eau, et le Seigneur écrivit
quot;nbsp;ilfdS^^^^^^^^nbsp;ii tenait les deux tables du témoignage; et .1 ne savait pas que deu. rayons lumineux s\'échappaient de son front,
« depuis son entretien avec Dieu.
. Aussi, Aaron et les flls d\'Israël, voyant étinceler ainsi la fece de Moïse, craignaient de l\'approcher.
Mais Moïse les ayant appelés, Aaron et les princes de la Synagogue revinrent, et après qu\'d leur eut parle, tous les fais d Is.ael vn.ent a leur
« et il leur prescrivit toutes les choses que le Seigneur lui avait dites sur le mont Smai. »nbsp;^^^^^^ ^^ ^^^^^ ^^
Voici un admirable poëme.
Moïse est au pied du Sinaï. Son visage rayonne d\'une lumière céleste; en approchant de la Divinité,
il est devenu plus qu\'un homme ; il a été marqué du sceau de la puissance et de la majesté. Le prophète
présente aux Israélites, stupéfaits du prodige qui s\'est opéré en sa personne, les nouvelles tables de la
loi. Sa belle tête blanche, sa physionomie douce et paisible, son attitude noble et simple, inspirent
le respect. A sa droite, Aaron et deux princes de la Synagogue, surpris de la clarté miraculeuse dont
la lace de leur chef est illuminée, semblent craindre de l\'approcher.
Le groupe des Israélites qui se sont rendus à l\'appel de Moïse est composé de treize figures, également
remarquables par l\'expression et par le naturel. Tous ces personnages rendent avec une éloquence
incroyable les sentiments qui les agitent. Les uns se livrent à une reconnaissance expansive; les autres,
possédés par des émotions moins vives, n\'éprouvent qu\'une admiration réfléchie. On pourrait même
surprendre du doute et de l\'envie sur les traits des deux Hébreux placés dans le fond, près de la montagne.
L\'Israélite le plus rapproché du spectateur, et dont on ne voit pas le visage, entièrement tourné vers
Moïse, s\'est jeté à genoux : il s\'appuie sur un bâton; sa pose est pleine d\'abandon, d\'élasticité et de vie.
Le jeune homme qui est à côté, et qui joim les mains dans l\'attitude de la vénération, appartient à ce
genre de beauté correcte et gracieuse, sans afféterie et sans affectation, dont Raphaël a été le créateur.
Le paysage, d\'une bonne perspective, s\'est revêtu de la verdure de l\'automne. Le ciel chatoyant
marque le commencement du jour. On voit se dissiper dans l\'air les vapeurs blanchâtres qui ont
enveloppé discrètement le sommet du Sinaï, pendant que Moïse s\'y entretenait avec le Seigneur. A
l\'horizon, des montagnes d\'un bleu turquois pâlissant et les premières lueurs de l\'aurore, qui jettent
sur les vêtements de ces reflets singuliers et cette moire mouvante et trompeuse dont Raphaël a fait si
souvent usap,e.
Selon Taja, cette fresque, qui a subi peu de détérioration, a été peinte, ainsi que les trois autres
épisodes de la neuvième arcade, par Raphaël dal Colle; mais Lalande ( Voyage en Italie en 1766 ) substitue
à cet artiste Perrin Buonacorzi ou del Vaga.
Ce n\'est pas tout. Trois autres auteurs viennent contredire l\'une et l\'autre de ces assertions : l\'abbé
ïiti, Pinaroli et De Seine lisent dans la peinture de ce tableau le nom de Raphaël lui-même.
Gravure maniérée et d\'un ton mou par J. B. de Cavaleriis, in-fol. oblong. — Autre par Cornelius Bos, 1551, in-Squot; allongé. — Suntach, à Vienne, in-fol. obi.
— J. Moses, avec cette inscription : The delivering of ihe laiv, in-fol. obi. A. P. Tardieu, in-8°. — Grande feuille, chez Velleret, à Paris. \'
o o\' o -L
à, Paris chp7. Q^\'\'quot;\' , Ru.e des Petits-Auguslms, 5.
Imprimé par Chardon . \';ic H\' A/.c.
Pii!)]io -d;vp A/JACROSSl\'i a BriixoTIcs,
« Alors Josué dil aux enfants d\'Israël : Approchez-vous et écoulez la parole du Seigneur, votre Dieu. —
« Puis il ajouta : A ceci vous reconnaîtrez que le Seigneur, le Dieu vivant, est au milieu de vous, et qu\'il exterminera à vos yeux les Cliananéens, les
Héthéens, les Hévéens, les Phérézéens, les Gergéséens, les Jébuséens et les Amorrhéens. Voilà que l\'arche de ralliance du Seigneur de toute la terre marchera
devant vous au travers du Jourdain. Tenez prêts douze hommes des tribus d\'Israël, un de chaque tribu. Et lorsque les prêtres qui portent l\'arche du Seigneur,
le Dieu de toute la terre, auront mis le pied dans les eaux du Jourdain, les eaux d\'en bas s\'écouleront et laisseront le lit du fleuve à sec; mais celles qui viennent
d\'en haut se formeront comme une masse liquide. —
« Le peuple sortit donc de ses lentes pour passer le Jourdain, et les prêtres qui portaient l\'arche marchaient devant lui. Et aussitôt que les prêtres furent
entrés dans le Jourdain el que l\'eau commença à mouiller leurs pieds (c\'était le temps de la moisson, où le Jourdain avait inondé ses rives), les eaux qui
descendaient s\'arrêtèrent en un même lieu, et s\'élevèrent comme une motilagne; elles s\'apercevaient de loin, depuis la ville qui s\'appelle Adom, jusqu\'au
lieu appelé Sarthan; mais les eaux inférieures s\'écoulèrent dans la mer du désert (aujourd\'hui la mer Morte), jusqu\'à ce qu\'elles eussent disparu.
« Cependanl le peuple s\'avançait contre Jéricho, et les prêtres qui portaient l\'arche de Talliance du Seigneur se tenaient debout sur la terre ferme, au
milieu du fleuve, el lout le peuple passait à travers son lit resié à sec. »
Jo.suÉ, ch. 111, V. 9—16.
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Après un séjour de (|uarante années dans le désert, les Hébreux vont entrei\' dans la terre promise;
mais conduits dans la solitude au milieu des prodiges, c\'est encore un miracle qui les en fera sortir.
Le Jourdain coule devant les murs d\'Adom et tourne autour d\'une langue de terre à l\'extrémité
de laquelle s\'élève un coteau festonné d\'arbres.
Les Israélites sont descendus dans le lit du fleuve; l\'arche sainte marche en tête, suivie de rainiée
d\'Isiaël. A l\'aspect du gage sacré de falliance du Seigneur avec son peuple, les eaux qui coulaieiU
avec impétuosité fuient d\'un côté vers leur embouchure, et, refoulées de l\'autre sur elles-mêmes, se
dressent comme un rempart ou plutôt comme une montagne dont la neige aurait blanchi le sommet.
Les Israélites, frappés d\'étonnement, se hâtent de passer à l\'autre bord. Au milieu des guerriers,
Josué à cheval rend grâce au Seigneur de ce témoiguage éclatant de sa protection.
Cette composition offre une particularité qu\'on ne rencontre que deux fois dans la série des l.oges
de Raphaël : la personnification mythologique et païenne du Jourdain, que l\'on voit assis au milieu
du fleuve, et qui, saisi de respect devant Farche, retient ses ondes écumeuses. Nous aurons l\'occasion
de signaler une allégorie à peu près semblable dans le sacre de Salomon.
. On leniarquera aussi qu\'un des étendaids |)orte les ai ines des Médicis , la tiare et les clefs du
poiUife l\'oiuain. Des deux lévites qui portent Tarche, Tun est un vieillard, fautre un jeune hornine;
celui-ci est revêtu d\'une tuni(|ue de nuance rouge-brun à rellets verts; la tunique de l\'autie est d\'uji
jaune vif en barnionie avec la lumière qui rayonne dans le ciel, et qui se réfléchit sur les casques
d\'airain des guerriers et la cuirasse cuiviée de Josué.
Le chef qui marche à pied, à côté de l\'arche, se tourne vers ses gens d\'un mouvement brusque et
résolu, et leur montre le chemin de la main gauche. De sa tête on ne voit que les panaches qui flotteiu
sur son casque. MM. Passavant et Bunsen ont fait observer que cette figure hardie rappelle un des
persomiages que Raphaël a placés dans sa retraite d\'Attila.
l.es deux soldats qui suivent ce chef marchent la lance en arrêt et avec précaution, comme si l\'ennemi
les attendait.
Josué domine la scène entière. Pistolesi lui applique ces vers du Tasse sur une peinture du palais
d Armide :
Mânca il parlai\' di vivo allro non chiedi,
Nè maiica queslo ancor se agii occhi credi.
La perspective se perd dans le lointain bleuâtre qui se détache de l\'aube du ciel. Tout le tableau est
fortement éclairé.
Vasari et Lanzi le mettaient au premier rang des créations de Raphaël; le premier dit formellement :
Non poter farsi ne Immafjmarsi di fare pih heUa opera.
Il est de forme carrée et cintré du haut. Les auteurs qui ont écrit sui\' les Loges attjvibuent au gracieux
|)inceau de Perrin del Vaga l\'exécution à fresque des épisodes tirés du livre de Josué. Le ])assage du
Jourdain est celui des quatre sujets qui a le moins sonITert de l\'humidité.
Ciavé par un anonyme, à Paris, chez Hecquel, gi-ande feuille. — D\'après une note de l\'ouvrage intitulé : Serie degli uomini ill. nella .pillura, IV, 201, feu
M. William Lock retrouva le carton original de cette IVesque à Florence, dans la maison Gaddi. M. Passavant n\'a pu se procurer en Angleterre aucuns
renseignements sur le sort de ce morceau précieux, II, 221.
lai\' \\. :, ■\\( li\'iSSK, l;r;i\\.\'i!cs.
-ocr page 130-lt;( Cependant Jéricho était close et bien foriifiée, dans la crainte des enfants d\'Israël, et nul n\'osait sortir ni entrer.
« Et le Seigneur dit à Josué : Voilà que j\'ai livré en tes mains Jéricho et son roi et tous les vaillants hommes qui y sont. Faites le tour de la ville, tous tant
« que vous êtes de gens de guerre, une fois par jour. Pendant six jours vous ferez la même chose. Mais que le septième jour les prêtres prennent les sept
« trompettes dont on se sert à l\'époque du jubilé, et qu\'ils marchent devant l\'arche de l\'alliance. Vous ferez sept fois le tour de la ville, et les prêtres sonneront
« de la trompette. Et quand le son de la trompette sera plus prolongé et plus éclatant et qu\'il retentira à vos oreilles, tout le peuple jettera un grand cri : alors
« les nmrailles de la ville, arrachées de leurs fondements, s\'écrouleront, et chacun entrera par l\'endroit qui sera devant lui. —
« ..... Ils prirent ainsi la ville et ils tuèrent tout ce qui s\'y rencontra, depuis les hommes jusqu\'aux femmes, depuis les enfants jusqu\'aux vieillards. Ils firent
« passer aussi au fd de l\'épée les bœufs, les brebis et les ânes. »
.ïosuÉ, ch. VI, v. 1—5, 20—21.
Jéricho se confiait dans ses hautes murailles et croyait pouvoir braver le Dieu des armées.
Afin de confondre son orgueil et de donner eu même temps aux Hébreux une leçon d\'humilité,
le Seigneur a décidé que cette ville leur sera livrée sans combat.
Pour triompher de ces remparts superbes, il suffit de la foi dans Fappui du Très-Haut; Farche,
ce symbole pacifique, est plus fort et plus puissant que les armes et les machines.
Le moment fatal est arrivé : sept fois les Israélites ont entouré la ville ennemie, les sept trompettes
ont sonné le glas funèbre, Israël a jeté des cris formidables : aussitôt les tours donjonnées et les
remparts crénelés de Jéricho se fendent, se déchirent et tombent au milieu de tourbillons de
poussière; elles engloutissent et écrasent leurs défenseurs.
Cependant Farche s\'avance d\'un pas tranquille et majestueux, tandis que les Hébreux s\'apprêtent
à envahir la ville.
Deux jeunes Israélites battent la charge sur leurs tambourins, et une foule de soldats s\'approchent,
couverts de leurs boucliers et faisant la tortue.
Les figures du premier plan, un peu moindres que demi-nature, ont beaucoup d\'analogie avec
celles de certains bas-reliefs de la colonne Trajane.
Au fond, Josué, tenant un étendard, indique aux siens la route qui leur est ouverte.
-ocr page 131-Cette ])einliii\'(! est pleine de monvenient et de \\erve. Toutes ces attitudes si variées, si élégantes, d\'un
goût si aiiticpie, |)iésenteut une étonnante correction de dessin. La pei\'specti\\e aérienne est parfaite
et centuple l\'espace. L\'art d\'assortir les couleins est porté au |)lus haut degré. En décrivant ces chefs-
d\'œuvre, on redoute la monotonie de l\'éloge, le retour fastidieux des mêmes formules d\'admiration,
et l\'on serait tenté de se borner à écrire sous chaque tableau ces mots qui, selon A^oltaire, pouvaient
servir de commentaire à Racine : Beau, harmonieux, sublime!
La fresque n\'a pas été défendue par sa perfection contre les injures du temps. Elle offre, surtout à
droite, plusieurs taches produites par l\'humidité.
Un dessin à la plume de cette composition est dans le cabinet de l\'archiduc Charles, à Vienne. S\'il a été commencé par Raphaël, la plus grande partie est d\'une
autre main, F. Eybl en a fait une lithographie qui ne se trouve pas dans l\'ouvrage de Mansfeld. Passavant, II, 500—501, nquot; 175.
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Ju^
JOSUE ARRCTE LE SOLEIL ET LA LUNE.
« Adonisedec, roi de Jérusalem, ayant su que Josué avait pris et saccagé la ville de Haï (car il avait traité Haï et son roi comme il avait traité Jéricho et le
« roi de cette cité), et que les Gabaonites étaient passés du côté des Israélites et s\'étaient confédérés avec eux, il fut saisi de crainte, car Gabaon était une grande
« ville, une des villes royales, et plus grande que celle de Haï, et tous ses guerriers étaient très-vaillants.
« Adonisedec, roi de Jérusalenj, envoya donc vers Oham, roi d\'Hébron, vers Pharam, roi de Jérinioth, vers Japhia, roi de Lachis, vers Dabir, roi d\'Eglon
« et leur fit dire : Montez vers moi et me donnez du secours, afin que nous nous rendions maîtres de Gabaon, parce qu\'elle a passé du côté de Josué et des fils
« d\'Israël. —
« Ainsi ces cinq rois des Amorrhéens s\'unirent ensemble, le roi de Jérusalem, le roi d\'Hébron, le roi de Jérimoth, le roi de Lachis, le roi d\'Églon, et ils
« marchèrent avec toutes leuis troupes; et ayant campé près de Gabaon, ils l\'assiégèrent.
« Or, les habitants de Gabaon, voyant leur ville assiégée, envoyèrent à Josué, qui était dans son camp près de Galgala, et lui dirent : Ne relirez pas à vos
« serviteurs le secours de votre bras; venez sans tarder, et délivrez-nous par l\'assistance que vous nous donnerez : car tous les rois des Amorrhéens, qui
« habitent dans les mOiiUagnes, se sont ligués contre nous. —
« Et .losué partit de Galgala, et avec lui tous ses guerriers, hommes très-vaillants.
« Et le Seigneur dit h Josué : Ne les crains pas; car je les ai livi-és entre tes mains, et nul d\'eux ne pourra te l\'csister. —
« .losué, ayant donc quitté Galgala et marché toute la imit, fondit sur eux; et le Seigneur jeta le désordre parmi eux à la vue d\'Israël, et Israël en fit un grand
carnage près de Gabaoji; il les poursuivit par le chemin qui monte veis Beth-Horon, et les tailla en pièces jusqu\'à Azeca et Maceda.
« Et lorsqu\'ils fuyaient devant les fils d\'Israël et qu\'ils étaient d^ns la descente de Beth-Horon, le Seigneur fit tomber sur eux de giosses pierres jusqu\'à
lt;( Azeca, et cette grêle de pierres en tua beaucoup plus que les fils d\'Israël n\'en avaient passés au fil de l\'épée.
« Alors Josué parla au Seigneur, en ce jour oii il avait confondu rAmorihéen à l\'aspect des enfants d\'Israël, et il dit devant eux : Soleil, arrête-toi sur Gabaon.
« Lune, navance pas sur la vallée d\'Aïalon! —
« Et le soleil et la lune s\'arrêtèrent jusqu\'à ce que le peuple fût yeiigé de ses ennemis. »
.losi É, ch. X, v. 1 —13.
Quelle largeur, c|uelle invention, (|uelle richesse! que d\'épisodes variés, pathétiques, dans un
espace aussi borné! Ici, c\'est un Amorrhéen terrassé, et à qui un Israélite va porter le dernier coup.
Que ce bras nerveux pfesse bien contre le sol la téte froissée et meurtrie du vaincu ! comme ce corps
est disloqué, rompu par sa chute! Là, c\'est nu guerrier à qui l\'on enfonce line pique dans le liane; il
se tord convulsivement dans la poussière; son bras droit, presque brisé à l\'épaule, est violemment
détourné de sa direction naturelle, et sa physionomie exprime les souffrances atroces de l\'agonie avec
une effrayante vérité.
Plus loin, des barbares, renversés et n\'opposant pour défense que leur inutile bouclier, prennent
des poses où se déploient la science anatomique du peintre et son étude profonde de la sculpture des
(irecs, qui ne se réduit point, sous son pinceau, à la statuaire polychrome de l\'école de David, mais
s\'anime de tout ce que la vie a de puissance et de feu.
Sur les plans plus éloignés, uii vénérable vieillard invoque la pitié de Tenneini, un père embrasse
son fils avec désespoir et lui fait un lempart de son corps. Le roi de Jérusalem Adonisedec tend aussi
des mains suppliantes : il comprend qu\'il a cessé de régner.
Au-dessus de ces scènes de carnage, entouré de guerriers et de prêtres qui portent rarche d\'alliance,
plane Josué; il étend les mains d\'un ton d\'autorité, que n\'inspire point rorgueil, mais la confiance
dans le Seigneur : Soleil, arrêtez-vous; lune, n avancez-pas! l\'élu du Dieu d\'Israël a besoin d\'achever
son éclatante victoire.
Le coursier de Josué est encore un de ces fiers animaux que Raphaël a peints comme Job les
décrivait.
Les figures, dont plusieurs sont nues, ont à peu près la grandeur demi-nature, et dans ce cadie
étroit on peut en compter distinctement environ quarante, dont aucune ne ressemble à une autre, ni
par l\'auitude, ni par l\'expression. Pour l\'originalité et la vigueur du dessin, Michel-Ange n\'a rien
produit de mieux; et la bataille des Amorrhéens peut être proclamée un chef-d\'œuvre.
La fresque a considérablement souffert de l\'humidité, attendu que la partie de la voûte qui la
contient est adossée à la muraille; aussi y distingue-t-on d\'assez fortes taches grisâtres.
Gravé par A. P. Tardieu, in-8quot;. Le carton original, exécuté par Jules Romain, fut trouvé dans la maison Gaddi, à Florence, par William Lock. Nous ne
savons ce qu\'il est devenu.
1,.\\;\'I!!)SS.K, Urn
-ocr page 136-XL\'quot;«quot; TABLEAU.
SUJET.
PARTAGE DE LA TERRE DE CHANAAN.
« Josué étant d\'un ;ige avancé, le Seigneur lui dit : ïu as vieilli et tu es plein de jours, et il reste une très-vaste contrée qui n\'a pas encore été divisée par
lt;( le sort.... Partage donc maintenant la terre aux neuf Ij\'ibus et à la moitié de la tribu de Manassé.,.. —
« Ainsi la terre de Chanaan fut donnée aux fils d\'Israël par le grand prêtre Éléazar et par Josué et par les princes des familles de chaque tribu; ils la
« dislril)uèrent par le sort, ainsi que le Seigueur l\'avait prescrit à Moïse; car Moïse avait donné aux deux autres tribus et à la moitié de la tribu de Manassé, des
« terres au delà du Jourdain, sans compter les lévites, qui ne reçurent point de terres, comme tous leurs frères. »
•losiiÉ, ch. Xlll et XYI, V. 1—7, 1—.\'{.
Voici Fimportante conclusion de Fhistoire de Josué.
Le peuple de Dieu, après quarante années\'d\'épreuves, a pris enfin possession de la terre promise,
et Josué, arrivé au bout de sa longue carrière, accomplit le dernier acte de sa haute mission.
Docile à l\'ordre du Seigneur, qui a purifié la conquête et sanctifié le droit du glaive, il partage entre
les tribus d\'Israël toute la vaste et riche contrée, soumise par la protection manifeste du Dieu d\'Abraham
et de Moïse.
Ceint de la couronne royale et assisté du grand prêtre Éléazar, il a fait comparaître devant son trône
tous les chefs des tribus, et un enfant entièrement nu, symbole d\'innocence et d\'irrécusable équité,
tire d\'une urne les billets de partage, qu\'il donne à lire successivement à l\'un des chefs, debout au
centre des diverses tribus.
Josué et Eléazar examinent attentivement les impressions de joie ou de mécontentement qui se
peignent sur les visages des Israélites, à mesure que leur lot est désigné par le sort.
Les Hébreux sont habilement groupés; mais il s\'en faut que leurs physionomies aient la noblesse
et la distinction des deux belles têtes de Josué et d\'Éléazar.
Josué, qui porte une couronne, on ne sait pas bien pourquoi, est assis sous un dais vert et bleu,
dont le baldaquin oOire, sur une bande festonnée et de couleur rouge carminé, cette singulière
inscription qui nous rejette loin du monde biblique, pour nous replacer sous les souvenirs de la
Rome païenne :
SEXA T us-CONSULTO.
-ocr page 137-A gauclie est im bouquet d\'arbres. Le paysage est accidenté à l\'ancienne manière ; ce sont des
montagnes de forme conique , et une colline qui se dresse toute droite aux bords d\'un fleuve ,
surmontée d\'une des constructions bizarres de l\'époque féodale.
Le vert et le jaune sont les nuances les plus tranchantes et les plus générales.
Cette fresque a moins souffert de l\'humidité que la bataille des Amorrhéens; mais le temps ne l\'a
cependant pas épargnée.
Gravé par J.-F. Raveiiet, à Londres (Tauriscus, p. 89, nquot; 40). Un bean dessin original a la plume el lavé ensuite était dans l\'ancienne collection [)rivée
du roi d\'Angleterre Guillaume IV. Passavant, II, 543, n° 268.
mm 11quot; A
K^Kinii^ (s
OS
« Et le Seigneur dit ;i Samuel : .lusques à quand pleureras-tu Saiil, lorsque je l\'ai rejeté et qu\'il ne doit plus régner sur Israël? Remplis ta corne d\'huile, et
« viens, afin que je t\'envoie à Isaï de Bethléem; car je me suis choisi un roi entre ses fds. —
« Et Samuel répondit : Gomment irai-je? car Saûl l\'apprendra et me fera mourii-. —
« Et le Seigneur dit : Tu prendras avec toi un veau de ton troupeau et tu diras : Je suis venu pour sacrifier au Seigneur. Et tu appelleras Isaï à l\'holocauste,
\'( et je te montrerai ce que tu aui\'as à faire, et tu sacreras celui que je t\'aurai indiqué. —
« Samuel fit donc connue lui paria le Seigneur. Et il vint à Bethléem, et les anciens de la ville en furent étonnés; ils allèrent au-devant de lui et lui dirent :
« Ton entrée est-elle pacifique? — Et il répondit : Elle est pacifique. Je suis venu pour sacrifier au Seigneur; purifiez-vous et venez avec moi, afin que j\'immole
« la victime. —
« Samuel purifia donc Isaï et ses iils et les appela au sacrifice. Et lorsqu\'ils furent entrés, Samuel dit en voyant Eliab : Est-ce que devant le Seigneur est son
« (]hrisl? — Et le Seigneur dit h Samuel : Ne fais attenfion ni à son visage ni à sa haute stature, parce que je l\'ai rejeté et que je ne juge pas les choses d\'apjès
« ce qui en païaît aux regards de l\'homme : car l\'homme ne voit que ce qui paraît au dehors; mais le Seigneur regarde au fond du cœur. —
« Isaï appela ensuite Abinadah... et Semma...
« Alors Samuel dit h Isaï : Sont-ce là tous vos enfants? — Isaï lui répondit : Il en reste encore un petit qui garde les brebis. — Envoyez-le quérir, dit Samuel,
« car nous ne nous mettrons point à table qu\'il ne soit venu. —
« Isaï l\'envoya donc chercher et le présenta à Sanuiel. Or il élait roux, d\'une mine avantageuse, et il avait le visage fort beau. El le Seigneur lui dit :
« Sacrez-le présentement; c\'est celui-là. —
« Samuel prit donc la corne pleine d\'huile, et il le sacra au milieu de ses frères, et depuis ce soir-là l\'esprit du Seigneur fut toujours en David. gt;.
Les Rois, liv. 1, ch. XVI, v. 1—1.3.
Les juges out fait place aux rois, et une ère nouvelle s\'ouvre pour les Hébreux.
Raphaël, qui ne devait toucher qu\'aux sommités de l\'histoire sacrée, a choisi, dans cette période,
les deux renommées les plus éclatantes, celles de David et de Salomon.
Saiil, le premier roi d\'Israël, n\'a point marché dans les voies du Seigneur. Une réprobation terrible
pèse sur lui; il est rejeté, et Samuel a la mission de lui donner un successeur.
Quel sera ce roi, élu par Dieu même et qui accomplira les desseins de l\'éternelle sagesse? Saûl
avait reçu le diadème en cherchant les ânesses de son père. Un jeune pâtre sera revêtu du pouvoir de
l\'iupj\'at Saiil.
Ces mœurs antiques, dont on retrouve un reflet affaibli dans Homère, déconcertent nos idées de
convenance et de grandeur. Que nos splendeurs factices sont pâles à côté de cette simplicité sublime!
Raphaël nous conduit à fiethléeni, dans la demeure d\'un cheC de tribu, le vénérable Isaï. Cette
demeure est modeste et nue, comme la vie de ceux qui riiabitent. Nul ornement n\'en recouvre les
murailles indigentes; un autel de pierre s\'élève seulement à droite; une table, d\'un style trop riche
pour le temps et pour le lieu, occupe le fond. Une large fenêtre laisse errer la vue dans la campagne,
oil l\'on aperçoit quelques constructions.
Quatre des fils d\'Isaï sont prêts pour le sacrifice; l\'un d\'eux tire à lui la victime, un autre tient la
hache qui va l\'immoler.
Au centre, David reçoit sans orgueil l\'onction sainte que Sanuiel répand sur sa tête. Isaï est frappé
de surprise et d\'admiration, et ses fils, dont quelques-uns forment avec lui un second groupe à gauche,
expriment par le jeu divers de leurs physionomies le regret, le désappointement, la colère ou l\'envie.
Les figures sont à peu près de proportion demi-nature, les carnations hâlées, le jour vif et pénétrant.
JAattitude de David est celle de l\'obéissance et de l\'humilité. Samuël est le prophète, le pontife
agissant sous l\'œil du Très-Haut, inspiré par son esprit, dirigé par ses commandements.
].a disposition du tableau en deux groupes opposés n\'a rien de symétrique ni de forcé. Elle procure
à la composition une clarté extrême et une régularité majestueuse. On sent qu\'il se passe là quelque
mystère dont le mot est dans le ciel.
La fresque est carrée; Perrin del Vaga l\'a peinte, et le temps l\'a tiaitée avec ménagement.
Grave par J. H. Lips.
-ocr page 141-jiË^il o o
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à Paris cliez GIDE, Rue dcs Petits-Auœastins,
Palibe par A.IACROSSE iBnixelies.
Im.pruuè par Î\', Clicxdon aijic ,5o, Fue H^vatefenille à Paris ,
SUJET.
XLii\'quot;« tabj J:AÜ
« Or les Philistins, assemblant leur armée pour le combat, se réunirent à Socho en Judée, et campèient entre Socho et Âzeca, sur les conlins du pays de
Dommim...nbsp;•nbsp;n-
,, Les Philistins étaient d\'un côté sur une hauteur, et les Israélites sur une hauteur de l\'autre côté : et d y avait entre eux une vallee.
« Et il sortit du camp des Philistins un homme de naissance suspecte, nommé Goliath de Geth, qui avait six coudées et une palme de haut. Il portait en tete
un casque d\'airain; il était revêtu d\'une cuirasse écaillée qui pesait cinq mille sicles d\'airain : ses jambes étaient défendues par des cuissards dairam, et un
bouclier d\'airain lui couvrait les épaules. La hampe de sa lance était comme ces grands bois dont se servent les tisserands, et le fer de cette lance pesait six
cents sicles de fer.
a Et son écuyer marchait devant lui.
„ Et se présentant devant les bataillons d\'Israël, il leur criait ; Pourquoi venez-vous livrer baUiille? Ne suis-je pas Ph.hstm et vous serviteurs de Sanlî
Choisissez un homnte entre vous et qu\'il vienne se battre seul à seul; s\'il ose se mesurer avee moi et qu\'il me lue, nous serons vos esclaves : s,, au contraire^
j\'ai l\'avantage sur lui et que je le lue, ce sera il vous d\'èire nos esclaves et de nous obéir... —
,, Saul et tous les Israélites, entendant ce Philistin parler de la sorte, étaient frappés d\'étonnement et tremblaient de peur...
« Cependant ce Philistin se présentait au combal le matin et le soir, et cela dura quarante jours...
„ David, ayant élé envoyé au camp par Imi, avec des vivres pour ... frères, arriva au moment où les Israélites, épouvantés des provocations du PM.stm,
s\'enfuyaient à sa vue.nbsp;.nbsp;..
« Et David demanda à ceux qui étaient près de lui : Que donnera-t-on à celui qui tuera ce Philistin et qui elfacera 1 opprobre d Israe^? -
On lui répondit que le roi le comblerait de richesses, Ud donnerait sa fille en mariage et exempterait sa maison de tout M. Il s\'offrU alors pour combattre
celui qui insultait les Hébreux. Ne pouvant se servir des armes dont Saul Valait revêtu, il prit le bâton qu\'il avait toujours à la main, cho.s.t dans le torrent
cinq pierres très-polies et les mit dans la panetière qu\'il avait sur lui ; et, tenant sa fronde, il marcha contre le Phdistm...nbsp;, _ , .
:lt; David remporta la victoire, rien qu\'avec une fronde et une pierre; il le renversa par terre et le tua. Et comme il n\'avait pou.t depee a la man., d courut et
se jeta sur le Philistin, s\'empara de sa propre épée, la tira du fourreau el acheva de lui ôter la vie en lui coupant la tete.
« Les Philistins, voyant que le plus fort d\'entre eux était mort, s\'enfuirent... »
Les Rois, liv. I, ch. XVll, v. 1—t»l.
Ce n\'était point assez que David eût reçu la consécration mystérieuse, le jeune pâtre devait prouver,
en face d\'Israël, qu\'il était digne de conduire un grand peuple.
Un Philistin, fier de sa taille colossale et de sa force extraordinaire, vient braver les tribus qui
marchaient en bataille au nom du Seigneur.
Dans ces temps anciens, une haute stature était une marque de supériorité; Saill lui-même, disent
les livres sacrés, dépassait tous les siens de l\'épaule. Presque toutes les traditions mythologiques placent
au berceau de l\'espèce humaine des géants dont nous ne sommes que la postérité dégénérée.
-ocr page 143-Le Pliilistin s\'avaoce, einre les deux arsiiées, tout couveit d airain. Ce tableau réveille à la fois des
souvenirs homériques et la mémoire des fictions des baides. Le Goliath d\'airain de rÉcriture i^appelle,
jusqu\'à un certain point, le Charlemagne de Fei- dn moine de Saint-Gall, qui a cependant renforcé les
couleurs de la Bible.
David, lui, David, le faible enflmt, n\'a pour déli^ise que la protection divine, une fronde, une
pierre prise dans le torrent.
Et pourtant il est vainqueur. Comme une tour altière qui s\'écroule, comme un chêne superbe
déraciné par la foudre, le Philis^tin,, frappé au front, est tombé la face contre terre. Le peintre nous
le montre couvrant le champ de bataille de son corps, immense. Mais ce coi^ps est-il contourné d\'une
manière assez naturelle? le dos. est-il bien attaché à la partie inférieure? les retouches de Sébastien del
Piombo ne sont-elles, pas ici pour quelque chose?
David presse du genou les flancs du vaincu, et, sonlevant le large cimeterre dont il l\'a dépouillé,
il s\'apprête à lui couper la tête.
A cette vue, les Israélites reprennent courage et px)ursuivent les. infidèles qui tiemblent à leur tour.
La belle figure d\'un guerrier qui est sur l\'avant-scène, à droite, est de grandeur demi-nature; la
proportion entre celle-ci, David et le géant Goliath est bien observée. Les autres figures y répondent
selon le plan qu\'elles occupent.
l.e peintre, en représentant Goliath, n\'a patgt; suivi scrupuleusement les indications de la Bible; mais
David répond tout à fait à l\'idée qu\'elle en donne, excepté qu\'il n\'est pas roux {nifus). Loin de blâmer
Raphaël de cette petite infidélité, il faut plutôt l\'en applaudir, car nos idées sur la beauté ne sont plus
exactement les mêmes que celles des anciens.
La mêlée est acharnée, impétueuse; mais point d\'encombrement ni de confusion. Sans multipliei\'
les personnages, Raphaël sait hïve deviner la multitude, et la multitude n\'écrase pas les individus.
Le sol est entièrement gazonné et d\'un vert trop cru peut-être. Le ciel, jaunâtre à l\'horizon, se teint
de rose vers le milieu, et d\'azur à la zône supérieure. L\'avant-dernier plan est une plaine sablonneuse,
et le fond du tableau offre des éminences rocailleuses et d\'une teinte ardoisée.
Perrin del Vaga a peint cette fresque de forme carrée et qui est encore d\'un bon coloris. Cependant
l\'humidité a beaucoup altéré les couleurs, vers la gauche.
Le sujet de la défaite de Goliath a été traité par une foule d\'artistes. Je me bornerai à citer Rubens,
dont le tableau a été gravé, en 1630, par son élève Guillaume Panneels.
Un beau dessiu des principales figures de notre fresque est dans !e cabinet de l\'archiduc Charles, à Vienne. Passavant, 11, 501, nquot; 176. — Estampe par Marc
Antoine, une des plus considérables qu\'il ait gravées d\'ai)rès Raphaël. Il l\'a faite avec beaucoup de soin dans le temps qu\'il était parvenu à manier le burin
avec le plus de liberté. Bartscb, XIV, 12, n° 12. Marc Antoine a encore gravé ce sujet traité autiement par Raphaël. Ib., nquot; 11. ^ Copie dans la manière
d\'Augustin le Vénitien avec la tablette et les lettres M A F. — Gravure sur bois par Hugo de Carpi. Bartscb, XII, 26, nquot; 8. — Gravure par Dan. Hopfei-.
Bartscb, VIll, 473, nquot; 3, — Par Étienne de Laune, de petite dimension et signée S. — Mauvaise imitation de Marc Antoine, en contre-partie, avec ces mots :
€um ergo surrexil Pliilislœus. — Autre ayec cette inscription : Ex Ubris Jlrgvm Samuelis,
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à Paris clicz GIDE line Pelilfl-Augustms 5,
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l\\il)lie par A.L,AC1:^0SSE à Bruxelles
Imp^ F. Qiai \'doa aine 3o r BaiilcfeLi\'iile, Paris .
XLIIl™« TABLEAU.
Squot;quot;« SUJET.
lt;lt; 11 arriva ensuite que David battit les Philistins, les hunnlia et affranchit Israël de la servitude du tribut qu\'il leur payait.
\'( Et il frappa les Moabites, et les mesura au cordeau, les faisant coucher sur la terre : et il en fit deux parts, l\'une destinée à la mort et l\'autre à la vie. Et
« Moab fut assujetti à David et lui paya tribut.
\'( Et David frappa Adarezer, fils de Rohob, roi de Soba, lorsqu\'il marcha pour étendre sa domination jusque sur l\'Euphrate.
lt;( Et lui ayant pris dix-sept cents cavaliers et vingt mille fantassins, il coupa les nerfs des jambes à tous les chevaux de trait et n\'en réserva que pour cent chariots.
« Les Syriens de Damas vinrent aussi pour secourir Adarezer, roi de Soba, et David en tua vingt-deux mille. Et il mit des garnisons dans la Syrie de Damas,
(( et la Syrie lui fut asservie et lui paya tribut.
a Et le Seigneur le conserva dans toutes les guerres qu\'il entreprit.
«( Et David prit les armes d\'or des serviteurs d\'Adarezer, et les porta à Jérusalem.
« Et de Bété et de Beroth, villes d\'Adarezer, le roi David enleva une énorme quantité d\'airain.
« Or Thoii, roi d\'Émath, entendit que David avait défait toutes les troupes d\'Adarezer, et il lui envoya son lils Joram, pour le saluer, le féliciter et lui rendre
« grâces de ce qu\'il avait vaincu Adarezer et anéanti sa puissance. Car Thoû était ennemi d\'Adarezer, et il possédait des vases d\'or, d\'argent et d\'airain que le
« roi David consacra au Seigneur avec ce qu\'il lui avait déjà consacré d\'argent et d\'or, pris sur toutes les nations qu\'il avait soumises, sur la Syrie, sur Moab,
« sur les Ammonites, sur les Philistins, sur Amalec, avec les dépouilles d\'Adarezer, lils de Rohob et roi de Soba.
« David s\'acquit aussi un grand renom, lorsqu\'il revint dans la vallée des Salines, après avoir subjugué la Syrie, ayant taillé en pièces dix-huit mille hommes.
-( 11 mit de plus des officiers et des garnisons dans l\'Idumée, et toute l\'Idumée lui obéit.
« Et le Seigneur le conserva dans toutes les expéditions où il alla. »
Les Rois, liv. 11, ch. VIll, v. 1—li.
Le triomphe de David est une supposition du peiutre. Cest un emprunt (kit aux traditions de Rome
ou d\'Athènes, une imitation sévère et magnifique des anciens bas-reliefs, dans lesquels la sculpture se
plaisait souvent à retracer des scènes analogues.
Le style mâle de Raphaël, la grandeur et la richesse de son ordonnance, la correction du dessin,
l\'agrément des détails, la fécondité de l\'invention, tout concourt à placer ce tableau à côté de ce que
nous a laissé de plus parfait le ciseau des artistes de l\'antiquité.
David, ainsi qu\'un de ces triomphateurs dont la Rome républicaine tressait l\'immortelle couronne,
est debout dans un char doré, pareil à ceux des jeux olympiques, et traîné par deux chevaux blancs,
coursiers de large encolure, mais que rien ne dirige, qu\'aucun lien n\'unit au char auquel ils devraient
être attelés : oubli singulier, dont les monuments grecs et romains offrent plus d\'un exemple.
l.e front de David est ceint du diadème, sa main droite s\'appuie sur son luth, ce luth qui calmait
les terribles agitations de Saïil et qui accompagnait plus tard les pieux cantiques du saint roi et les
chants de douleur qu\'il adressait à Dieu.
David n\'est plus ce jeune pâtre qui vainquit Goliath; c\'est nu monarque à qui Fâge a donné une
gravité auguste. Deux chefs syriens sont attachés à son char, et leur maintien farouche exprime à la
fois la honte et la colère de la défaite.
En tête, sont portées les dépouilles des rois vaincus, des casques ailés, ornés de couronnes et de
masques, des cuirasses, des drapeaux marqués de figures bizarres, des vases précieux.
A la suite du roi se pressent les guerriers israélites, tout fiers de leur victoire et manifestant une
satisfaction sérieuse et contenue.
Ce cortège imposant traverse une contrée montueuse et boisée. Le ciel, calme et riant, s\'étend comme
une tente azurée sur la tête des vainqueurs.
Le Poussin, ce génie rêveur et philosophique, a peint aussi le triomphe de David. Mais à un fait
réel et vivant il a préféré une abstraction , une allégorie toute païenne. David , charmante statue
grecque, est couronné par une V^ictoire prise dans la mythologie profane, et des génies de même
origine célèbrent la valeur du fils d\'Isaï. Cette manière de concevoir le sujet est sans doute vicieuse;
et si Raphaël s\'est trop rapproché du costume classique, il est du moins beaucoup plus vrai et plus
intéressant que Poussin.
Ce tableau est carré; et l\'on y reconnaît aisément la touche fine et suave de Perrin Buonacorsi; mais la peinture est fortement endommagée; l\'humidité y a
laissé sa fatale empreinte.
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a Paris t:hez GIDE Bue des reli\\squot;/\\iLiMisVinp
amc, r.o.r.Haiajefomlle.Par;« .
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« ... Au temps où les rois ont coutume d\'aller à la guerre, David envoya Joab et avec lui ses serviteurs et tout Israël; et ils ravagèrent la terre des enfants
« d\'Ammon et assiégèrent Rabba. Mais David demeura à Jérusalem.
« Pendant que ces choses se passaient, il arriva un jour que David, s\'étant levé de son lit après midi, se promenait sur la terrasse de son palais, et vis-à-vis
K de lui il aperçut une femme qui se baignait sur la terrasse de sa maison, et cette femme était fort belle.
\'( Le roi envoya donc demander qui elle était, et on l\'informa que c\'était Bethsabée, fille d\'Éliam, épouse de l\'Hétéen Urie.
« David envoya des gens pour l\'enlever; et, quand elle fut venue devant lui, il la reçut dans sa couche... »
Les Rois, liv. II, ch. XI, v. 1—4.
Deux palais sont en Face Fun de Fautre, celui d\'Urie FHétéen et celui de David. Une rue les sépare;
Farniée d\'Israël y défile sous les yeux de son roi, placé à une des arcades d\'une galerie ouverte.
Pendant qu\'il passe ainsi ses troupes en revue, ses yeux se portent sur la terrasse d\'une habitation
somptueuse qui occupe le premier plan. 11 reste frappé d\'étonnement et d\'admiration.
Une femme, d\'une rare beauté, Fépouse d\'Urie, s\'y baignait et apprêtait sa chevelure.
D\'après la disposition du tableau et la perspective qui y règne, les soldats peuvent, aussi bien que
David, voir Bethsabée, et il n\'est ni vraisemblable ni bienséant qu\'elle se donne en spectacle dans un
pareil état. Raphaël a oublié la loi des convenances, dont il s\'écarte si rarement.
Bethsabée est la figure principale, celle sur laquelle se porte toute Fattention. Il fallait, en quelque
sorte, justifiei\' la faiblesse de David, faiblesse qui le conduisit à un crime et qui le fit tomber dans
la disgrâce du Seigneur.
VIeulemeester, malgré son enthousiasme pour Raphaël, estimait moins cette composition que les
autres, et la trouvait défectueuse sous plus d\'un rapport, principalement sous celui de la pensée qui
Fa créée. Ce jugement nous semble un peu sévère. Il nous paraît difficile, en effet, à l\'invraisemblance
près que nous avons signalée, de mieux conserver l\'unité sur un triple théâtre et de montrer plus
clairement dans Favenir, à Faide de tout cet appareil de combat, quelle sera la triste destinée d\'Urie
et la chute déplorable de David.
La fresque est l\'ouvrage de Perrin del Vaga. Un brouillard nitreux Fa presque entièrement recouverte;
en plusieurs endroits, Fenduit coloré est tombé en poussière.
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rr;:;;:: rXi:nbsp;- Pe„da„. ,ue vo«s pa,W e„c„.e au .ci, je surviendo\', e. rappu.e.. tout ce ,„e vous aurez c„.. -
: Lrïlnîp^trsi: \'Itau do„c avec le prophMe Na.han, Bauaias, fils de loiada, les «re.hi„s e. ,es «ins : e, Us «.-em .ncuer Salomon s,,
la ,nule du roi David, el remmenèrent à Gihonnbsp;^^nbsp;^
Ce tobleau nous apprend de nonveau comment le gérùe peut vaincre des difficultés qu- paraissent
.nsurmontables. Il semblait impossible, en effet, de grouper une quantité de figures, presque tot,tes
sur une même ligne, et, pour ainsi dire, sur le premier plan : personnages unis seuletnent par un
lien invisible, l\'intérêt qu\'inspire le sacre du jeune lils de David, du vivant de son pere.
Les sentiments exprimés par toutes ces physionomies, dans les att.tudes de tous ces acteurs qu.
om tant de similitude entre eux, ne sont cependant pas uniformes. La joxe a ses degres et ses
manifestations diverses : l\'individualité a sauvé la monotonie.
Cette fresque présente encore une autre particularité fort remarquable, que nous avons deja eu
l\'occasion de signaler. C\'est l\'image allégorique de l\'étendue et de la richesse du royaume que Dav.d
transmet à Salomon : le Tigre, appuyé sur l\'ammal terrible dont tl porte le nom, tenant ttn sceptre
de roseau, et enveloppé daus sa glauque tunique, est couché sur l\'avant-plan. Or, on sait qu ,1 lormau
dans tout son cours la limite orientale de cet empire. Malheureusement, le Tigre, am., reigt;resente,
n\'appartient plus à la poésie hébraïque et sacrée; il entre dans la famille idolâtre du I.bre, de
l\'Èridan, de l\'Alphée.nbsp;i j i « •
Salomon est richement vêtu; c\'est le lils d\'un roi. Le grand prêtre Sadoc est ce Joad de Kactne,
vieillard austère, pénétré de la sublime importance du sacerdoce.
La mule qui a amené le successeur de David se voit à droite, entourée de serviteurs.
-ocr page 151-La perspective est bornée par des colUnes rocheuses, semées de quelques fabriques et de bouquets
d\'arbres.
Selon Taja, Lanzi et Passavant, les quatre épisodes de l\'histoire de Salomon sont dus à Pellegrin
de Modène; l\'abbé Titi et Pinaroli les attribuent, avec moins de fondement, à Jules Romain.
Cette fresque, placée au-dessus de la seconde porte de communication avec les salles de Raphaël,
est assez bien conservée.
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a;j,ac:koss/ , à :i3!\'iixciics.
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XLVI\'™ TABLEAU.
SUJET
« Deux lemuies de mauvaise vie, efant venues Irouver ie roi, se (iurenl devant lui, et l\'une dit : Seigneur, failes-moi jusiice. Nous demeurions, celle lemnie et
« mo., dans une même maison, et je suis accouchée dans la chand3re où elle était. Trois jours après moi, elle est accouchée à son lour : nous étions ensend)le et
« dans la maison il n\'y avait que nous deux.
« Or, le fils de celle femme est mort pendant la nuit, parce qu\'elle l\'a étouffé en dormant. Et, se levant dans le silence des ténèbres, pendant que je
« sommediais, elle a enlevé mon fils qui était ii côté de votre servante, et l\'ayant mis sur son sein, elle a placé près de moi son fils qui était mort. Levée de bonne
« heure pour allaiter mon fils, il m\'a paru qu\'il était privé de vie, et, le considérant avec plus daltenliou au grand jour, je reconnus que ce n\'était point celui que
« j\'avais enfanté. —
« L\'autre femme répondit : Ce que vous dites n\'est point vrai, mais c\'est votre fils qui est mort, et le mien est vivant... — Et elles disputaient ainsi devant le roi.
« Alors le roi dit : .... Apportez-moi une épée. —
« Lorsqu\'on eut apporté une épée devant le roi, il dit à ses gardes : Coupez en deux cet enfant qui est vivant, et donnez la moitié à l\'une, et la moitié à l\'autre. ^
« Alors la femme dont le fils était vivant, dit au roi (car ses entrailles furent émues pour son fils) : Seigneur, donnez-lui, je vous supplie, l\'enfant vivant, et ne
« le tuez point. —
« L\'autre disait au contraire : Qu\'il ne soit ni à moi ni à vous, piais qu\'on le divise, ~
« Alors le roi prononça cette sentence : Donnez à celle-ci l\'enfant vivant, et qu\'on ne le lue point, car c\'est elle qui est sa mère. —
« Tout Israël ayant donc su la manière dont le roi avait jugé celte alfaire, il n\'y eut personne à qui il n\'inspirât de la crainte et du respect, voyant que la
« sagesse de Dieu était en lui pour rendre justice. »nbsp;\' J i
Les Rois, liv. 111, ch. 111, v. 16—28.
se
Le jugeiiieiii de Salomon est un de ces épisodes qui ne réclament point le secours de la description.
Au premier coup dœil jeté sur le tableau de Raphaël, ce petit drame, si pathétique, s\'explique et
ppe
On croit entendre le cri déchirant arraché par Famour maternel à la pauvre femme qui s elance pour
arrêter le glaive prêt à frapper son fils bien-aimé, tandis que la fausse mère, dont l\'imposture est trahie
par sa cruelle impassibilité, attend froidement la pan horrible qui lui est adjugée.
Mais le roi a tout deviné : il a lu dans le cœur de ces deux malheureuses : son bras royal s\'est levé
pour révoquer l\'ordre de mort; la véritable mère est connue, et les Israélites, qui avaient eu peine à
se rendre compte de la sentence barbare prononcée par Salomon, ne peuvent retenir leur surprise,
en comprenant enfin l\'ingénieux stratagème qui lui a fait découvrir la vérité.
Ce sujet célèbre, devenu peut-être d\'une vulgarité un peu triviale, n\'a été traité par aucun peintre
avec autant de clarté et de précision. Le Poussin est moins simple et moins hébraïque, si je lose
dire; Rubens, moins noble et moins pur.
Raphaël avait déjà peint le jugement de Salomon, d\'une autre manière, dans la Stanza délia Segnatura,
La fresque, exécutée par Pellegrin de Modène, est détériorée vers la droite, l\'humidité ayant
attaqué la partie contiguë de la voûte à la muraille extérieure.
^. ., J_L 1nbsp;j1 J i gt;1
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DOUZIÈME LOGE.
5™quot; SUJET.
XL vil™quot; TABLEAU
CONSTRUCTION DU TEMPLE DE JÉRUSALEM
« Il arriva donc, .jualre cent quatre-vingts ans ai„-ès la sortie des enfaïUs d\'Israël de la terre d\'%ypte, le quatrième du règne de Salomon , au mois lt;le .io, le
« second de l\'année, que ce prince commença à bâtir la maison du Seigneur.nbsp;j, , .nbsp;„
. Or le temple que le roi Salomon érigeait au Seigneur avait soixante coudées en longueur, vingt coudées en largeur et trente coudees de haut 11 (ut
,lt; construit avec des pierres déjà taillées et polies, et l\'on n\'entendit dans l\'édifice ni marteau, ni cognée, ni le brnit d\'aucun instrunient. pendant qnon I devait...
„ Les fondements de la maison du Seigneur furent posés la quatrième année, an mois de zio; et la onzième année, au mo,s de bul, qui est le hu.t.eme ,«o,s ,
. elle fut entièrement achevée, et dans toutes ses parties et dans tout ce qui devait servir au culte de Dieu ; el ainsi Salomon fut sept ans a la batir.
Les Rois, Iiv. ÏII, ch. VI, v. 1—2, 7, J7—38.
Le temple de Salomon, tel qu\'il est décrit par l\'Écriture, est la base de l\'architecture sacrée. Les
premiers architectes chrétiens ont cherché à en découvrir le sens mystique; la poésie du moyen âge
a puisé égalemem à la même source, et l\'église du Saint-Gréal, dans le poëme allemand de Titurel,
n\'est guère qu\'une restauration gothique du monument construit par Salomon.
Baphaël, architecte lui-même, pouvait-il ne pas comprendre la grandeur du sujet? Cependant, sa
composition n\'offre que deux groupes bien distincts et formant comraste, mais qui sufTisent pour
rendre nettement la pensée du tableau, la construction immense du temple de Jérusalem.
Ici, c\'est le génie qui invente et dispose, la volonté qui ordonne, Salomon et son architecte; là,
c\'est l\'exécution aveugle, la machine humaine, l\'ouvrier et l\'instrument.
L\'effet qui résulte de cette antithèse ingénieuse est des plus pittoresques. Les deux personnages sont
très-bien dessinés; chacun est tout à ce qu\'il fait; il ne pose pas, il agit.
Le premier groupe, placé sur un portique élevé au second plan, ressort parfaitement sur un fond
bistre noirâtre; il est caractérisé par le travail intellectuel et par le caractère réfléchi des physionomies.
Le second plan l\'est par le mouvement, la force musculaire et une anatomie fidèle et hardie. Parmi
ces travailleurs qui présentent des raccourcis surprenants, quoique vrais, il y en a un qui scie une
planche et qui rappelle une des figures employées dans le tableau de la construction de l\'arche.
11 règne dans toute la composition une activité extraordinaire : les animaux le disputent aux
hommes dans leurs efforts, et deux bœufs qui tirent un bloc de pierre semblent épuiser leur vigueur
contre ce poids énorme. C\'est la peinture de Virgile :
Miralur iiiolem..........
Miratur portas, strepitumque et strata viaruni.
histaiii ardentes, . . : pars ducere inuros,
Molirique arcem et manibns subvolvere saxa. . . .
Fundamenta locant alii , immanesque columnas
Rupibus excidunt.........
Qualis apes aestate nova per florea rura
Exercet sub sole labor, cum gentis adultos
Educunt fœtus, aut cum liquentia mella
Stipant, et dulci distendunt nectare cellas,
Aut onera accipiunt venientum, aut, agmine facto,
Ignavum fucos pecus a prîesepibus arcent :
Fervet opus, redolentque thymo fragrantia mella.
i^e fervet opus anime tout le tableau, dont la couleur est chaude et pleine d\'oppositions heureuses.
C\'est toujours le pinceau de Pellegrin de Modène qu\'on y reconnaît. Vers 1819, la fresque était
déjà en partie couverte par le sel de nitre que l\'humidité y avait déposé depuis longtemps. C\'étaient
de petits iils blancs ou gris, minces comme des cheveux et longs de près d\'un pouce. Ce sel, en
se fondant, a laissé sur les parties souffrantes des taches grisâtres qui ont souillé les couleurs et
affaibli les teintes.
Gravé par A. P. ïardieu, in-8quot;.
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LA REINE DE SARA REND HOMMAGE A SALOMON
« Mais la reine de Saba elle-même, ayant appris tout ce que Salomon avait fait au nom du Seigneur, vint pour l\'éprouver par des questions obscures.
« Et étant entrée dans Jérusalem avec une suite nombreuse, de grandes richesses, des chameaux qui portaient des aromates, de l\'or en abondance infinie et
« des pierres précieuses, elle se présenta devant le roi Salomon et lui découvrit lout ce qu\'elle avait dans le cœur.
« Et Salomon l\'instruisit sur tontes les choses qu\'elle lui avait proposées, et il n\'y en eut aucune qu\'il ignorât et sur laquelle il ne la satisfît par ses réponses...
« La reine, frappée d\'admiration, donna au roi cent vingt talents d\'or et quantité de parfums et de pierres précieuses. On n\'a jamais apporté depuis à Jérusalem
« tant de parfums que la reine de Saba en donna au roi Salomon.
« La flotte d\'Hirain qui apportait l\'or d\'Ophir apporta aussi en même temps beaucoup de bois très-rares et de pierres précieuses. Et le roi fit faire de ces bois
« rares les colonnes de la maison du Seigneur et de son propre palais, des harpes et des lyres pour les musiciens. On n\'apporta et on ne vit jamais de cette sorte
« de bois jusqu\'à ce jour.
« Or, le roi Salomon donna à la reine de Saba tout ce qu\'elle désira et ce qu\'elle lui demanda, outre les présents qu\'il lui fit de lui-même avec une magnificence
« royale ; et la reine s\'en retourna et s\'en alla dans son royaume avec ses serviteurs. »
Les Rols, liv. Ill, ch. X, v. 1—13.
Le trône de Salomon est dressé dans une des galeries de ce palais magnifique dont la Bible fait
une description si pompeuse. Une des arcades ouvre sur la campagne et laisse entrer le jour qui se projette
vivement sur les principaux personnages, tandis que les murs, laissés dans Tobscurité, les font ressortir.
La reine de Saba monte avec empressement les degrés du trône et indique de la main les présents
destinés à Salomon. Le roi de Jérusalem, dont la vieillesse accroît la majesté, se lève et fait à Fillustre
étrangère un accueil paternel.
Les serviteurs éthiopiens, au nombre de neuf, chargés des splendides offrandes de leur souveraine,
paraissent animés d\'une curiosité mêlée de respect. Trois Israélites sont debout près du trône de
Salomon. Celui qui est à droite, dans le coin du tableau, et que Ton n\'aperçoit que par le dos, laisse
voir, en étendant le bras vers la reine, un raccourci de toute beauté.
Les costumes sont riches et variés, les carnations, celles du climat de l\'Afrique et de l\'Asie, à
l\'exception de l\'esclave qui, sur le premier plan à gauche, répand sur le sol des pièces d\'or. Quoicjue
faisant partie de la suite de la reine de Saba, il a le ton ordinaire des chairs d\'un Européen.
Cette fresque, peinte, comme les trois précédentes, par Pellegrin de Modène, est dans un assez
bon état de conservation, bien qu\'affaiblie par la vétusté.
Gravée par un ancien artiste des Pays-Bas, de Fécole italienne, avec cette inscription : r. vriîin. inve. Quam tua longinquis Arabum, etc., in-fol. allongé.
— Par A.-P. Tardieu, in-8°. — Par A. Benoît, in-fol. (Tauriscus, p. 92, nquot; 48.)
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des
SUJET.
XLIXquot;^ TABLEAU.
« 11 advint alors qu\'on publia un édit de Cësar-Âugusle, pour faire un dénonibrenienl des habitants de toute la terre.
« Ce premier dénombrement fut fait par Cyrinus, préfet de Syrie, et tous allaient se faire inscrire, chacun dans sa ville.
« Or Joseph partit, de son côté, de la cité de Nazareth, en Galilée, et vint en Judée, dans la ville de David, nommée Bethléem^ parce qu\'il était de la maison
« et de la famille de David, pour se faire enregistrer avec Marie, son épouse, qui était enceinte.
« Pendant qu\'ils étaient là, il ari-iva qne le temps auquel elle devait accoucher, s\'accomplit. Et elle enfanta son fds premier-né, et, l\'ayant enveloppé de
« langes, elle le coucha dans une crèche, parce qu\'il n\'y avait point de place pour eux dans Thötellerie.
« Or, il y avait dans le même canton des bej-gers qui gardaient leurs troupeaux pendant les veilles de la nuit.
« Et tout d\'un coup un ange du Seigneur leur apparut, et une lumière divine les environna, ce qui les remplit d\'une crainte extrême.
« Alors l\'ange leur dit : Ne craignez point; car je viens vous apporter une nouvelle qui sera pour tout le peuple le sujet d\'une grande joie; c\'est qu\'aujourd\'hui,
« dans la ville de David, il vous est né un sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici la marque à laquelle vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant
« enveloppé de langes et placé dans une crèche. —
« Au même instant il se joignit à l\'ange une grande troupe de l\'armée céleste, louant Dieu et disant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre
« aux hommes de bonne volonté ! —
« Après que les anges se furent retirés dans le ciel, les bergers se dirent l\'un à l\'autre : Poussons jusqu\'à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, et ce que le
« Seigneur nous a lait connaître. — S\'étant donc hâtés d\'y aller, ils trouvèrent Marie et Joseph, et l\'enfant couché dans une crèche, et l\'ayant vu ils reconnurent
« la vérité de ce qui leur avait élé rapporté touchant cet enfant. Et tous ceux qui l\'entendirent admirèrent ce qui leur avait été dit par les bergers.
« Or, Marie conservait toutes ces choses en elle-même, les repassant dans son cœur; et les bergers s\'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de toutes les
choses qu\'ils avaient entendues et vues, selon ce (jui leur avait été annoncé. »
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liaphaël, qui a détaché de l\'Ancien Testament tant de pages sublimes, n\'a emprunté au Nouveau
que quatre épisodes. L\'espace lui a manqué, et c\'est vraiment dommage. Car, si les annales du peuple
hébreu l\'ont admirablement inspiré, le peintre de la grâce était peut-être plus propre encore à rendre
le style plein de tendresse et d\'onction des Evangiles.
Ne 1 a-t-il pas prouvé en s\'appropriant, pour ainsi dire, cette conception charmante de la
Vierge, type religieux de beauté et de pudeur, de pureté virginale et de maternité, de sainteté
et de miséricorde? Raphaël s\'est bien gardé de rien emprunter à l\'idéal d\'une Vénus, d\'une Junon,
d\'une Minerve antique. C\'est dans un autre ordre d\'idées qu\'il a cherché des formes et des couleurs,
et qu\'il a trouvé ce mélange de modestie et de noblesse, d\'humaine faiblesse et de divinité que
personne n\'a mieux saisi que lui. A^ingt fois il s\'est complu à reproduire cette image ravissante, et
chaque fois il a été neuf, chaque fois il a rencontré des traits inattendus. Voyez la Vierge à la Chaise,
la Vierge au Linge, celle qu\'on appelle la Jardinière, la Vierge au Berceau, la Vierge au Rideau, la
Vierge au Baldaquin, la Vierge au Poisson, et tant d\'autres. C\'est toujours le caractère général que
nous venons d\'indiquer, mais modifié par l\'imagination du peintre, diversifié par d\'heureux accessoires.
Quelle est suave et touchante cette A^ierge-Mère agenouillée devant son céleste enfant! quelle
tendressse attentive et respectueuse! Aiarie n ignore pas qu\'elle vient de meure au monde le Rédempteur
des hommes, et rintelligence surnaturelle qui brille dans le regard de Jésus, je ne sais quoi de
merveilleux dans sa pose et dans son geste, annoncent assez que ce n\'est point un enfant ordinaire.
(Combien est naturelle l\'expression du naïf étonnement de ces bergers, que Joseph encourage à
s\'approcher! Ces hommes simples et grossiers sont les premiers courtisans d\'un roi né dans une
étable! Cette simplicité extérieure, en raison inverse de la magnificence des faits, est le plus éclatant
témoignage de l\'intervention divine.
Le lieu de la scène est connu : mais ce lieu si humble est inondé d\'une clarté éblouissante. Le
Seigneur a laissé tomber quelques rayons de sa face sur le rustique abri de son Fils, et des anges
suspendent, au-dessus de Jésus et de Marie, des guirlandes de roses blanches, emblème de la
conception immaculée, symbole de la rose mystique destinée à briller sur un trône de candeur. Ils
chantent : Gloire à Dieu dans le ciel, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! mot digne des
anges, dit excellemment l\'auteur du Génie du Christianisme, et qui est comme l\'abrégé de la religion
chrétienne.
Cette fresque, de forme hexagone, ne présente point de détérioration très-notable, selon Meulemeester,
et a beaucoup souffert, au contraire, au dire de M. Passavant. D\'après Taja, de Piles et Lélibien, elle
a été peinte par Perrin del Vaga; mais Meulemeester la croyait en partie exécutée par Raphaël lui-même,
opinion défendue aussi par De Seine, l\'abbé Titi et Pinaroli. Adoptant une opinion diamétralement
opposée, AI. Passavant, dans toute cette arcade, excepté le baptême du Christ, reconnaît la main d\'un
écolier peu exercé : Das bild hat sehr gelitten, indessen zeight es gleich der andern dieser arcade, mit
ausnähme der taufe, die hand eines noch ungeübten schülers. II, 224, n^ 176.
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« Jésus, ilonc, éL\'iul né dans Bethléem, eu Judée, du temps du loi Hérode, voilà que des mages vinrent de rOrient à Jérusalem et demandèrent : Où est le roi
« des Juifs qui vient de naître? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l\'adorer. —
« Ce que le roi Hérode entendant, il se troubla et tout Jérusalem avec lui.
« Et, ayant assemblé tous les princes des prêtres et les scribes ou docteurs du peuple, il s\'enquit d\'eux où devait naître le Christ.
« Ils\'lui répondirent que c\'était dans Bethléem, de la tiibu de Juda; car il a été écrit par le prophète : El loi, Bethléem, terre de Juda, tu n\'es pas la moindre
« parmi les premières villes de Judée, car c\'est de toi que sortira le chef qid conduira Israël, mon peuple.
« Alors Hérode, ayant ftiit venir les mages en particulier, il les interrogea attentivement sur le temps auquel l\'étoile leur était apparue : et, en les envoyant
« à Bethléem, il leur dit : Allez, et informez-vous avec soin de l\'enfant, et, lorsque vous l\'aurez trouvé, faites-le moi savoir, afin que j\'aille aussi moi-même
« l\'adorer. —
« Ayant entendu ces paroles du Roi, ils partirent; et voilà que l\'ctoile qu\'ils avaient vue en Orient allait devant eux, jusqu\'à ce qu\'elle s\'arrêta sur le lieu où
« était l\'enfant.
.( Lorsqu\'ils virent l\'étoile arrêtée, ils furent transportés d\'une extrême joie, et, entrant dans la maison, ils trouvèrent l\'enlant avec Marie, sa mère, et se
u prosternant en terie, ils l\'adorèrent, et ayant ouvert leurs trésors, ils lui offriient en présent de l\'or, de l\'encens et de la myrrhe. »
Saint Mathieu, ch. H, v. 1—11.
j;opposilioii de la pauvreté et de la grandeur est marquée de la manière la plus éloquente.
Le Dieu des affligés, un faible enfant, abrité par charité sous le même toit que de vils animaux,
reçoit les hommages des rois de FOrient. C\'est ainsi que devait commencer une religion d\'humilité,
de sacrifice, d\'abnégation personnelle.
Le nombreux cortège des mages, leurs riches offrandes, l\'admiration, le respect dont ils sont saisis,
rendent plus frappant encore le dénùment où le Christ a voulu naître.
Dans le groupe des mages et de leurs serviteurs, dont deux sont à cheval et achèvent bien les
dernières lignes, il y a huit têtes de profil, et cependant, loin de nuire à Feffet, cette similitude
ajoute à Fintérêt de l\'unité d\'action : tous ces hommes n\'ont qu\'une pensée, ils semblent aussi n\'avoir
(pi\'un seul regard.
La légende, cette épopée du moyen âge, a voulu compléter le récit des Evangiles. Jean de
Hildesheim, mort à la fin du quatorzième siècle, écrivit en allemand une histoire des trois rois où la
fiction absorbe les rares données de l\'apôtre. Jacques de Voragine semble avoir employé les mêmes
éléments; dans sa docte ignorance, il nous révèle les noms des mages, et nous dit magistralement
qu\'en hébreu ils s\'appelaient Appellius, Amerius et Damascus; en grec, Golgolat, Malgalat et Sarathin;
en latin, Gaspar, Balthasar et Melchior.
La Vierge et son nou\\ean-jié, devant lequel se prosternent ces mages, sont des modèles du beau-
idéal clnétien. Des connaisseurs ont cru y reconnaître le faire du Corrége, conjecture contredite par
l.anzi.
A di\'oite est Joseph, qui a reçu Toffrande de Fun des rois.
Dans ce tableau on doit louer, en outre, la justesse des expressions, le naturel des poses, Félégance
et la souplesse des draperies, la force et Fharmonie des couleurs.
Il est placé au-dessus de la porte du fond de la galerie par oii Fou entre dans les appartements du
Saint-Père. Quoique endommagé vers la gauche par Fhumidité, il n\'est pas mal conservé.
Meulemeester le croyait peint par Raphaël, avec la coopération de Perrin del Vaga. Nous avons déjà
remarqué que ce sentiment était contraire à celui de M. Passavant, bon juge néanmoins en ces matières.
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« Comme iJ csl écrit dans le prophète Isaïe : Uenvoie mon ange devant ta face, qui le préparera le chemin; une voix s\'est écriée dans le désert : Préparez
« la voie du Seigneur, rendez droits ses sentiers. —
« Jean était donc dans le désert, baptisant et prêchant un baptême de pénitence pour la rémission des péchés.
« Et tout le pays de la Judée et tous les habitants de Jérusalem venaient à lui, et, confessant leurs péchés, ils étaient baptisés par lui dans le tleuve du Jourdain.
« Et Jean était vêtu de poil de chameau; il avait une ceinture de cuir autour des reins et vivait de sauterelles et de miel sauvage. Il prêchait en disant : 11
« en vient après moi un autre qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier les cordons de sa chaussure. Pour moi, je vous ai baptisés dans l\'eau;
« lui, il vous baptisera dans le Saint-Esprit. —
« En ce même temps, Jésus vmt de Nazareth, qui est en Galilée, et fut baptisé par Jean dans le Jourdain. Et aussitôt qu\'il fut sorti de l\'eau, il vit les cieux
« s\'ouvrir, et l\'Esprit descendre comme une colombe el demeurer sur lui. Et une voix se fit entendre du ciel : Vous qui êtes mon fils l)ien-aimé, c\'est en vous
« que j\'ai mis toute mon affection. »
Saim Marc, ch. Iquot;, v. 2—11.
Le Sauveur s\'est mêlé avec humilité parmi la foule des néophytes. Dépouillé de ses vêtements, il
s\'avance dans le fleuve, dont les eaux, peu profondes, mouillent à peine ses pieds; mais le précurseur
l\'a reconnu. Pénétré d\'une vénération profonde, il verse l\'eau lustrale sur l\'Homme-Dieu. Le fleuve
des patriarches, dont les rives furent consacrées par tant de prodiges, semble tressaillir d\'orgueil;
les cèdres du Liban s\'inclinent; les cieux s\'ouvrent et les anges viennent assister à ce touchant mystère
de la rédemption.
Raphaël a trouvé l\'occasion de peindre, dans ce tableau, les formes les plus belles et les plus nobles.
Les Israélites qui ont déjà reçu le baptême sont nus comme le Christ. Les anges ne le sont point; au
contraire, des draperies, d\'un effet imposant, les enveloppent. Mais quelles têtes enchanteresses!
comme on sent bien c}ue ces existences n\'appartiennent pas à l\'empire de la matière ! comme cette
nature plus haute est spiritualisée !
Sur les dix figures qui entrent dans cette composition, si grandiose et si suave, huit sont encore
de profil.
Cette fresque, hexagonale comme les autres, a été peinte par Perrin del Vaga. Depuis de longues
années, elle est endommagée en plusieurs endroits par des ramifications nitreuses et par l\'espèce de
végétation parasite que l\'humidité y a fait croître. Le duvet qu\'elle y a déposé a rongé les couleurs
et changé les teintes.
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« Le premier jour des azymes, les disciples sapprochèreiil de Jésus, disant : Oi^i voulez-vous que nous préparions la pàque? —
« Et Jésus leur\' répondit ; Allez à la ville chez l\'homme dont je vous ai parlé, et dites-lui : Le maître envoie vous dire : Mon temps est proche: je fais la
« pâque chez vous avec mes disciples. —
« Et les discip\'es firent ce que Jésus leur avait commandé, et préparèrent la pàque.
« Or, le soir étant venu, Jésus élait à table avec les douze disciples, et en mangeant il leur dit : Je vous le dis en vérité, l\'un de vous me trahira. —
« Et, vivement contrislés, ils commencèrent à demander, les uns après les autres : Est-ce moi, Seigneur? —
« Et il leur répondit : Celui qui porte la main dans le plat avec moi me trahira. Le Fils de l\'homme s\'en va, selon ce qui est écrit de lui; mais malheur à
« celui par qui le Fils de l\'homme sera trahi; il vaudrait mieux pour lui qu\'il ne fût pas né. —
lt;( Judas, celui qui le trahit, lui demanda : Est-ce moi qui suis le traître? — Jésus répliqua : Vous l\'avez dit. —
« Or, pendant qu\'ils soupaient, Jésus prit du pain, le bénit, le rompit et le donna à ses disciples, disant : Prenez et mangez : ceci est mon corps. —
lt;( Et prenant une coupe, il rendit grâces et la leur passa, disant : Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu
« pour un grand nombre, afin que leurs péchés soient remis.
« Or, je vous dis que je ne boirai plus désoi niais de ce jus de la vigne, jusqu\'au jour où je le boirai lout nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. — »
Saint MATunai, ch. XXVI, v. 17—29.
Ce tableau, le dernier de la Bible rapbaélesque, a été exécuté par Perrin del Vaga, selon Taja,
Félibien et De Piles; mais d\'autres, et notamment Meulemeester, ont prétenda y retrouver positivement
le pinceau de Raphaël lui-même. L\'assertion des uns et des autres peut facilement s\'expliquer : pour
les premiers, en ce que Perrin del Vaga était celui des disciples de Raphaël qui imitait le plus exactement
le style et la pratique de son maître; et pour les seconds, par les fréquentes et soigneuses retouches
que faisait Sanzio aux fresques peintes par ses élèves, d\'après ses cartons, principalement aux
compositions les plus importantes. M. Passavant professe une opinion que nous avons déjà rapportée
et qui ne s\'accorde avec celle d\'aucun de ses prédécesseurs.
La Cène est un sujet traité mille fois, un lieu commun de la peinture. Aussi est-il difficile de se
l\'approprier et de s\'y montrer original.
Une table presque carrée est placée transversalement. Sur des bancs, les disciples sont placés par
quatre à chacun des côtés. Le haut bout, au fond du tableau, est occupé par Jésus, dont rien ne
dérobe la vue; tandis que, dans la magnifique fresque du réfectoire des Dominicains à Milan, peinte
par Léonard de Vinci, Jésus et ses apôtres sont rangés sur une ligne horizontale, devant une longue
table faisant face au spectateur.
L\'artiste a choisi l\'instant où le Sauveur dit à ses convives : L\'un de vous me trahira.
Aussi, voyez quelle agitation produisent ces paroles! L\'un se récrie avec indignation ou incrédulité;
l\'autre lève avec douleur les yeux au ciel; celui-ci demande vivement au Christ : Est-ce moi. Seigneur?
celui-là interroge ses voisins sur la possibilité d\'une action si noire. L\'hypocrite Judas, qui déjà a
reçu le prix de sa trahison, détourne la tête, ne pouvant soutenir le regard attristé et pénétrant de
son divin Maître. Devant lui est Jean, le disciple bien-aimé : l\'amour en face de l\'ingratitude!
Le tableau est chaudement éclairé du devant et d\'en haut. L\'harmonie des couleurs est surprenante;
les draperies ont la sévérité et l\'élégance de l\'antique.
Toutes les têtes sont remarquables de caractère et de vie; celle du Christ est admirable. Raphaël a
épuisé toutes les ressources de son art pour représenter le Verbe fait chair, et pour terminer dignement
cette longue série de chefs-d\'œuvre.
Peut-être qu\'un peintre chrétien et catholique aurait dû préférer, dans la sainte Cène, l\'instant où
Jésus prononça ces paroles : Ceci est mon corps; oracle inexplicable devant lequel s\'abîme la raison
humaine, qui sépare à jamais Fancienne loi de la nouvelle , et qui sert de base à une morale
jusqu\'alors inconnue au monde.
Grnvé par J. Bapt. de Cavalleriis, 1372. — P..r un anonyme, ii Paris, dicz Valid, avec celle inscriplion : Pidum a Rafaele Urbinale llomœ in palalio Valicano,
;gt;rantl in-^. — Copie libre, chez M. Bonnart, avec ces mois : Jésus ayant pris du pain, in-fol. oblong. — Jean Teil exc. Accipil... leslamenli, in-Squot; oblong.
— Joh. Bapt. S:nlos sc., in-8quot;. — Un dessin à la plume, lavé de bislre, étail dans la collection du duc de Tallard; un autre, également à la plume, dans celle
de Gérard Hoel, à La Haye, oii il l\'ai vendu IG llorins.
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