SUR L\'IMPORTANCE D\'UN OUVRAGE ARABE DU XME SIÈCLE INTITULE ■« g M gt;^_gt;Lsx_c ULA-T
OU
LIVRE DES MERVEILLES DE L\'INDE
PUONONCl\' PAR
Tiré du vol. II des Travaux de la 6e session du Congrès international des Orientalistes a Leide.
L E IDE.- E. J. B R1 L L. 1884.
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SUR L\'IMPORÏANCE D\'UN OUVRAGE ARABE DU XME SIÈCLE INTITULE
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OU
LIVRE DES MER VEILLES DE LINDE..
PRONONCÉ PAR
Tiró du vol. II des Travaux de la 6e session du Congrès international des Orientalistes a Leide.
LEIDE. - E. J. BRILL. 1884.
SUR r/lMPORTANCE DU
„LTV RE DES M RH VEILLES DE L\'INDEquot;.
Vous le savez, Messieurs, la littérature arabe est trés riche en ouvrages de géographie. Dans le nombre il y en a beaucoup qui présentent un grand intérêt, surtout lorsqu\'ils contiennent des données plus ou moins scientifiques sur le monde connu, comme ceux de Mas\'oudi, d\'Edrlsi et même d\'Abou\'lféda, dont M. S. Guyard vient de raener a bonne fin la traduction; — lieureux événement dont il faut fóliciter et l\'auteur et la science, qui lui a déja tant d\'obligations. Mais iw.rmi ces ouvrages, il en est d\'autr.es encore dont, l\'impor-tance est assez grande, quoiqu\'on n\'y trouve que des relations de voyage dans les pays lointains fort décousues, voire même de simples contes de matelots. La plupart de ces ré-cits se transmettent de bouche en bouche, jusqu\'a ce qu\'ils soient recueülis par quolquo auteur, savant ou simple amateur, qui les reproduit avec tous les ernbellissements dont la tradition orale les a brodés. 11 va sans dire que 1\'intérêt d\'nn recueil de ce genre est d\'autant plus grand, que le moment oü il a éte rédigé est plus rapprocbé de l\'époque a laquelle les conteurs originaux out vécu. Sous ce rapport, les „Mer-
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veilles de l\'Indequot;, (lont le texte arabe a maintenant étépublié pour la première fols\'), est d\'une trés grande importance, puisque ce livre a été compose par quelqu\'un qui vivait au Xième siècle, et qui a Irayé avec des marins arabes, persans, et autres. Ce recueil d\'envlron 130 récits, relatifs aux mers de l\'Inde et de la Chine et aux regions voisines, reproduit les contes de ces marins, que l\'auteur dit avoir puisés dans beaucoup de cas aux sources mêmes; il les a recueillis de la bouche des marins et les donne tels qu\'il les a entendus. Si done notre auteur dit la vérité — et nous n\'avons aucun motif d\'en douter1) — nous avons affaire a un recueil presque contemporain des meilleurs ócrits des géograpbes arabes. 11 renter me de nombreux indices qui peuvent contribuer, soit confirmer ce que nous savons déja par ces géograpbes, au sujet des villes de l\'Inde, du Cambodge, de 1\'Archipel malais, du pays des Zendjs, et de la Chine, soit a fournir des données nouvelles. Tel étant le cas, il me semble, inöme après la publication de la traduction de M. Devic, que le texte arabe méritait d\'être publié peur attirer 1\'attention de ceux qui s\'intéressent k\' la géographie de ces pays aux IXme et XInf\' siècles. Vous me permettrez, Messieurs, de vous donner quelques détails, qui vous mettront en état do juger de la nature de eet ouvrage.
Conime l\'indique le titre du livre, — et comme, du reste, c\'est presque toujours le cas quand il s\'agit de récits de marins des anciens temps, — le merveilleux joue un grand röle
Depuis que ee discour» a ctë prononcé, M. C. Schumann a public dans ./Pc-termann\'s Mittheilnngcn Erganzungshcft Nr. 73 un travail inte\'ressaut sur les pays qui produiscut la canclle (Kritische Untersuchungen iiber die Zimtliinder). II y fait mention (p. 46) des //Mervcillesquot;, qu\'il ne connait que par la traduction publiee par M. Uevic en 1878, et il en contestc rimportance, parce que Fouvrage, suivant lui, ne aerait qu\'une compilation datant tout au plus du XlVrae siècle. Je ne doute pas que M. Schumann nc reeonnaisse son erreur, lorsqu\'il aura pris eonnaissance du texte arabe qui repose sur iiue copie de Pan 10] 3.
dans notre recueil. Les histoires fabuleuses, les contes de serpents et d\'oiseaux monstrueux, ne font done pas défaut. Mais il s\'en trouve aussi d\'autres qui frappent par leur sim-plicité et par leur accent de vérité. Ceux-ci .sans doute nous inspirent le plus d\'intérêt, mais les fables elles mèmes nem\'en semblent pas tout a fait dépourvues, car il n\'est point impossible qu\'en cherchant bien on puisse y découvrir commc des grains cachés de vérité. Dans certains cas il so détachera une lueur de la comparaison de plusieurs redactions de la même fable, indépendantes les unes des autres, et ce rayon aidera peut-être il retrouver la source originale d\'oü la fable est sortie. Permettez mol d\'en donner l\'exemple suivant, signalé déja par M. Devic.
Vous connaissez l\'histoire de ces serpents de mer — ianni-nin —, créatures terriflantes aux yeux des marins de l\'orient, que Ton retrouve un peu partout. Mas\'oudi, tout en doutant bien un peu de leur existence, n\'en rapporto pas moinsbeau-coup de récits extraordinaires qui avaient cours de son temps sur leur compte. Mais parmi tous ces on-dit il y en a un qui suggère la solution naturelle du phénomène, et que Mas\'oudi nous donne en même temps que les récits les plus extravagants. „Les unsquot;, dit-il1} „pensent que le tannin est un vent „noir, qui se forme au fond dos eaux, monte vers les cou-„ches supérieures de l\'atmosphère et s\'attache aux nuages, „semblable au zoubaah (trombe de\'terre) qui se soulève sur „le sol et fait tournoyer avec lui la poussière et tous les dé-„bris de plantos desséchées et arides. Ce vent s\'étend sur „un plus grand espace a mesure qu\'il s\'élève dans les airs, „de sorte qu\'en voyant ce sombre image accompagné d\'ob-„scurité et de tempêtes, on a cru que c\'était un serpent noir „sorti de la merquot;. Et voila que notre auteur, qui croitbion.
Mas\'oudi, Les Prairies (Vor T, ch. XIV, 266, Je nc fais que reudre la traduction cxcellcnte de Mrs. Barbier de Meynard et Pavet de Courteille.
lui, au serpent de mer, nous clonne une description du tannin, qui conflrme de tons points l\'opinion mentionnée par Mas\'oudi, et qui démontro bien clairement que ces affreux tanninin ne sont que des trombes maritimes. „II yaquot;dit-il \') „dans la mer des serpents monstrueux, énormes, nommós „tannin. Au milieu de l\'hiver, quand les nuages rasent la „surface de I\'eau, ce tannin, gêné par la chaleur de la mer, „sort des flots, et entre dans la nue;... Saisi par le f\'roid „du nuage, il y reste emprisonné; et les vents venantasonf-„fler a la surface de I\'eau, le nuage monte et entraine le tan-„nin. Ce nuage, s\'épaississant, voyage d\'un point de I\'hori-„zoE a 1\'autre; mais quand il a répandu toute I\'eau qu\'il con-„tenait et qu\'il n\'est plus (pi\'une vapeur légere comme les „atonies de poussière que le vent éparpille et disperse, alors „le tannin, que rien ne soutient plus, tombe tantöt a terre „et tantöt dans la mer.... Des marins .... m\'ont raconte „qu\'iis l\'avaient vu plus d\'une fois, passant sur leurs têtes, „noir, allonge dans les nuages, descendant dans les couches „infórieures, quand les nuées se relachaient, et parfois alors „laissant pendre dans 1\'air le bout de sa queue; mais dès qu\'il „sentait la fraicheur, il se repliait dans la nue et disparais-„sait aux regardsquot;. II va sans dire que notre auteur ne manque pas de raconter les prouesses de ce tannin, qui dé-vore tout le bétail dans les pays ou Allah le fait tomber; mais la description est prise sur le vif, et démontre qu\'il s\'agit en réalité d\'un phénomène tout ordinaire.
Les „Merveillesquot; elles-mêmes fournissent un exemple de la manière dont un récit merveilleux pent naitre d\'un fait trés simple, mais resté incompris d\'observateurs trés superficiels. On y raconte2) que des voyageurs qui s\'avane-ent vers les parages de la Chine, ayant été surpris par une tempête formidable, se voient entralnés vers un feu effrayant qui en-
1) Merveilles de I\'Inde, p. 41.
2) Merveilles de Tlnde, p. 20.
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flamme l\'horizon tout entier. L\'effroi leur fait perdre leur présence d\'esprit; plutót que de bruler lis veulent faire cha-virer leur navire. Heureusement pourtant il se trouve parmi cux un marchand de Cadiz. „Calmez-vousquot; leur dit-il „ce spec-„tacle, que j\'ai vu d(jja une fois dans mon jiays d\'Espagne, „u\'a rien d\'eftrayant. Ce feu n\'est qu\'une He bordée et en-„tourée de montagnes, sur laquello se brisent les flots de „l\'Océan; durant la nuit, cela produit l\'eftet d\'un feu prodi-„gieux, qui effraye rignorantquot;. Supposez ces raarins sauvés du naufrage sans que le mystère leur eüt été expliqué, voila lancés les légendes décrivant des mers de feu!
Ainsi que j\'ai déjè, eu 1\'honneur de vous l\'indiquer, notre auteur parle surtout des pays de l\'Inde, du Cambodge, de la Chine, de 1\'Archipel malais, même du pays des Zendjs. 8es amis ont vu Sindan, Soubto, Tanah, Seimour, Sindabour, Koulam et Ttle de Sérendib et en parient. Sanderfoulat, Senf, Komar ou Khmer, Khanfou et Khamdan ne leur sont pas inconnus. Les iles de Waq-Waq, que notre ami de Goeje \') a identiflées avec le Japon, sont visitées par eux; le Kam-baloh est le théatre de quelques-uns de leurs récits. Épars dans tout l\'ouvrage se trouvent des traits de moeurs et de caractère, dont quelques-uns sont émouvants, d\'autres fort amusants, quoique parfois un peu lestes. On y trouvera, — mais curieusement brodée — l\'histöire des Balanjan\'ya de Mas\'oudi8) (nommés, dans les „Merveillesquot;1) BaMoudjer), gens qui se sacrifient a la mort de leur roi, connus déjt\\ d\'Abou
P. 115.
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Zeyd 1), mentionnés par Marco Polo 2). Les bhikshu, ou moines mendiants de IMnde se reconnaissent. facilement sous le nom de Bikours), que leur donne notre auteur, mieux encore que les bairagi sous celui de baykardjy employé par Abou Zeyd 3); — mème on ne regrettera pas Terreur de notre auteur, qui confond les sara-bha\'s avec les girafes 4), puisqu\'elle suggère un rapprochement entre le nom de l\'animal mythique et celui du quadrupède connu. J\'aurai, d\'ailleurs, l\'occasioii de traiter de tout cela dans la seconde partie de notre publication, et do toucher aussi è beaucoup d\'autres questions. Mais ce qui vous in-téressera le plus peur le moment, Messieurs, puisque nous sommes ici dans la section Polynésienne, ce seront sans doute les communications de notre auteur par rapport a 1\'Archipel malais, lesquelles ne torment pas la partie la moins intéressante du recueil.
On sait déja, depuis longtemps que les] états du Maha-radja de Zabedj ótaient situés da.us TArchipel indien, et que Tile de Java en aurait été le centre. II y avait done grande probabilité que la véritable üe de Zabedj n\'est autre que Tile de Java. II restait pourtant encore des doutes. Mais il me semble, d\'après ce que nous en dit notre auteur, qu\'il n\'est plus permis d\'hésiter, et qu\'il est bien certain que Tile de Zabedj et Tile de Java ne font qu\'un. Je désire être bien compris. Je ne prétends pas que les géographes arabes, en parlant des iles de Zabedj, aient toujours en vue Tile de Java, puisque on sait trop bien comment ils confondent ensemble les pays de Textrême Orient; mais je soutiens que le vérita-ble Zabedj, qui donnait son nom aux états du Maharadja, ne peut être que Tile de Java. Voici pourquoi j\'ose le pré-
Reinaud, Relation des voyages I, 121 et note.
The book of Ser Marco Polo cd. by Col. H. Yule II, 323.
P. 133.
6) P. 125.
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tendre, — indépendamment des laulres ^preuves qui ont déja été produites.
Notre auteur paiie trois fois\') de Tile de Zabedj. La première foiss) 11 ne s\'agit que d\'un conto, qui démontre, — comme d\'ailleurs bien d\'autres histoires concernant le Zabedj — qu\'une partie de 1\'Ile était trés peuplée et florissante. Mais une autre histoire 3) présente beaucoup plus d\'intérêt. Je vous en donnerai le texte arabe avec la traduction de M. Devic.
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„Un personnage nommé Abou Taher, de Bagdad, contait „qu\'il avait fait le voyage du Zabedj et visité une des villes
„de 1\'ile du Zabedj appelée.........oü l\'ambre (gris) abonde.
„Mais quiconque s\'en va du pays avec une provision de eet „ambre dans son navire s\'y voit bientöt ramené. Les indigenes font de leur mieux pour en vendre aux étrangers, et „ceux qui ignorent cette particularity de l\'ambre en achètent „beaucoup a vil prix. Et eet Abou Taher en avait emporté „une certaine quantité dans le navire, a l\'insu du patron, „mais le vent devint contraire et les ramena dans rile.quot;
Vous remarquerez. Messieurs, qu\'il s\'agit ici d\'une villede Java, que l\'auteur nomme iXj^Lï^, Markawind. Quelle peut être cette ville? II me semble qu\'on ne peut lire que
1) II en fait encore mention 2 on 3 fois en passant, raais sans que ce quMl dit donne lieu a quelque remarque.
2) P. 137.
3) P. 150.
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Mazafawid, évidemmenfc le célèbre Madjapahit , la
capitale d\'un royaume hindou a Java. II y a quelques années, cette solution eüt été jngée bien i)eu probable, puisqu\'on croyait, d\'après les chroniques (babads) javanaises, (jue la l\'ondation du royaume de Madjapabit ne dafcait que du 13rac siècle. Mais notre ami Kern \') a déja prouvé d\'une ma-nière qui ne laisse plus de place au doute, que d\'après des documents trouvés a Java memo, il y avait déja en 840 un Outtounga-déwa — roi suprème — a MadjapAhit. Notre conjecture n\'est done point du tout hasardée puisque le copisto, ne connaissant ])as le nom du pays, a trés bien pu transporter le point du j sur le s, et écrire ï,, au lieu de ij. II restera done Mazafawind, et même si l\'on n\'accepte pas la conjecture qui lalt lire au lieu de oüjlj, (ce qui pour-tant pourrait trés bien s\'expliquer en admettant que le copiste a ócrit j pour j) le nom de Madjapahit est trés reconnaissable. Notre conjecture est d\'autant plus admissible qu\'il s\'agit ici d\'un article de commerce, l\'ambre, qui était trés recherché a Java, comme nous l\'apprend la relation suivante, tirée des chroniques malaises 2): jUgt; hJj ^
LCitw J0 o\'0 cr^-5\' )0
oLuUw OsOljt\'O \' 3 ;lx^5
f^.Lo éyij/ 0b 0b 0iJaj y ja\\cgt; y ^ 0b
. . . . j f *Xi jö } wAjIJ 0b
11 Vcrsliigcll en Medcdenliiigen van de Kon. Akademic van Wetenschappen, A ld. l/ettcrkunde reeks I, p. 233. Tijdschrift v. Ind. taal- land- en volkenkunde XX , 328. 11 faut remarquer, — c\'cst M. Kern qui m\'a fait l\'olservation — que l\'auteur arabe rends le ax (dj) javanais parj, ce qui est aussi le cas ailleurs, comme Zabedj pour Djawa...., Zendji pour Djenggi (Kern dans Versl. cn Med. v. d. Kon. Akad. v. W. Afd. Lett. 2e R. X. 92.)
2) Collection des principales chroniques malayes publiee par Uulaurier, Chronique de Paseih t«gt;. La traduction se trouve Journal asiatique, Juin 1849, p. 629,
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„A Java,, les populations du littoral qui relevaient de lui, „occupaient tout l\'ouest et tout Test, et celles de l\'intérieu)1„s\'étendaient jusqu\'a la mor meridionale. Toutes venaient lui „ofl\'rir lenrs hommages ot leurs fcributs. On voyait accourir „de 1\'est les pen pies de Bandan, de Siran, de Larantouka, „apportant chacun leurs redevances, le cire, le bois de San-„dal, le salpêtre, la cannelle, la noix do muscade, les clous „de girofle par monceaux, ainsi que de l\'arnhre. ..
La légende, (jue notre auteur applique a Zabedj est une de celles qui ne se rapportent pas du tout a un pays deter-.liné, mais qui se transmettent de bouche en bouche et font, pour ainsi dire, le tour du monde. On la retrouve déja dans le Périple de la Mer Erythrée, mais, comme on ya le lire, I\'auteur grec qui la raconte, la fait se rapporter a une des villes de 1\'Arabie même.
.... xa) (act\' xurovq op/tolt;; xKodsdsiyyJvot; toü quot;LxxxXtTOu Xtfixvou npb; iftfiolyv , , fl; yjv onrh Kxviis
(niv/i6alt;; TrXoloi Tréfiverxl tivx, tea.) irxpxTrtJovrx xtto Aipmptxyj^ yj Bxpuyx^uv tywoU xaipols TTxpxxsiftxvxvTX ■jrxpx rüv (ixatXiy.üv Trpot: óóoviov xx) trlrov xx) shxiou Xl(3xvov xvTiQopTifyvvi Trxp\' OAfll/ tov Xxxxhlrtiv xuftxtri xsi^e^ov xx) xtyuXxxrov, luvx^et dsüv
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xvpjs fixaiXixvii; èuvecos fi? ttXoIov s/tphyöyivai Svi/xtxi ■ xav xov-Spai/ t/? ov li/vxrxi ttï.svctxi to ttKcIov xno [tov) hi^kvoc, \').
D\'après cette tradition, on entasse des monceaux d\'encens arabe sur les bords du golfe Sachalite, sans qu\'il soit nécessaire de les garder, paree qu\'un dieu protégé cette contrée. Personue ne peut emporter dans son navire la moindre par-celle de eet encens, sans la permission du Hoi, füt-ce un grain, paree que dans ce cas, le dieu rempêche de quitter le pays.
11 faut admirer la persistance de cette légende, qurse per-
Geographi Graeci Minores ed. C. Muller I, 282, Fnbricius, l)er Periplua des Erytliraeischen Meercs p. 71.
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pétue jusque dans le Xmc siècle, et qui alors est racontée par des marins arabes, qui ue se doutent pas qu\'un auteur grec avait déjè, rapporté cette même tradition plusieurs siècles auparavant et qu\'il 1\'avait rapportée a leur propre pcninsule.
Je crois, Messieurs, qu\'après ce que j\'ai dit, vous me per-mettrez de soutenir, que le royaume de Madjapahit n\'était pas inconnu a notre auteur, — que nos „Merveillesquot; prou-vent de nouveau que M. Kern a raison en attribuant a la fondation de ce royaume une date de beaucoup antérieure a celle admise par Eaiïles — et que le vrai Zabedj est File de Java. Quant a ce dernier point, nos Merveilles fournis-sent une nouvelle preuve.
En parlant du pays de Zabedj notre auteur raconte qu\'il y existe une coutume d\'après laquelle personne, soit indigene soit étranger, soit musuiman, ne peut s\'asseoir en présence du roi autrement que les jambes croisées; — dans la posture qu\'il nomme „bersilaquot;. Eh bien! Messieurs, ce mot est un mot malais, bien connu et en même temps — quoique sans le préfixe ^ — javanais (£, m), et il désigne justement cette manière de s\'asseoir. Dans cette même liistoire, 1\'auteur fait mention du roi javanais, dont notre manuscrit a écrit le nom de différentes manières LU lX.-o et LL yo. Quel pouvait bien être ce nom? Le mot de Kala U,»«,/) est bien connu comme un des noms de Siwah, emblême de la force destruc-trice: comme tel, il ne fait pas mauvaise figure dans un nom de prince javanais, car beaucoup de ces noms étaient emprurités a la langue et a la mythologie des Hindous Dans LL il n\'est pas difficile de retrouver Nata Un««), le titre de Prince par excellence, qu\'on rencontre aussi dans les listes des rois
1) P. 154.
2) Depuis que ce discours a étó prononce\', mon ami M. Vreede m\'a indiqné une listc de rois javanais antéricurs a la fondation de Madjapahit, dans laquelle se re-trouve le nom de Kala. Voir, Bijdragen tot de taal-, land- en volkenkunde v. Ned. ludië, N. volgr. VII, p. 264.
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de Madjapahit, communiquées par Raffles\'). Restent^ et «A-O, — mots saus doute fort corrompus, mais que peut-être on pourrait identifier avec le titre royal indien de Sri tó,
ou le Brillant, porté par des personnages royaux de Java, et d\'après quelques chroniques javanaises, par des souverains de Madjapahit1). Je proposerai done de lire Sri Nata Kala, — nom qui u\'a rien d\'étrange. II est vrai, que les listes des rois de Madjapahit publiées par Raffles et d\'autres auteurs ne font aucune mention de ce roi; mais ou sait le peu de conflance que méritent ces listes, qui donnent des dates impossibles, et ne contieunent même pas les noms des rois dont 1\'existence a été révélée par les documents retrouvés et expliqués dans les derniers temps.
Ce n\'est pas exclusivemont de Java, que parle l\'auteur du Livre des Merveilles; les marins qui lui out fourni ses récits out aussi visité Sumatra. Entre autres pays il mentionne ceux de Lameri et de Fansour, et nous fournit a leur sujet de précieuses données, qui confirment de tons points les conclusions que M. Groeneveldt2) a tirées desAnnales chinoises, et ne laissent plus aucun doute sur la situation de Lameri.
Déja M. Yule, dans sou édition magistrale des Voyages de Marco Polo3), jugeait trés probable quo la situation de Lameri aurait été prés d\'Atjeli, k 1\'extrémité septentrionale de Sumatra. J\'avoue qu\'il me restait des dóutes. II mo semblait que Marco Polo, en traitant des pays de Lameri et de Fansour, en parlait comme de pays limitrophes. Or, il est bien certain que ce dernier pays, qüi produit le meilleur camphre
Voir entre autres,, Journal asiiiUqui;, Juin 1816, 548.
Notes on the Malay Archiiielago and Malacca, compiled from Chinese sources by W. P. Groeneveldt dans -/Verhandelingen van het Bat. Genootschaj) van Kunsten en Wetens. XXXIX, 1880.
1! P. 283. Compare/, du même auteur, An endeavour to elucidate Rashiduddin\'s Geographical Notices of India, dans ilournal of the Asiatic Society , new Series IV, 351.
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du monde, n\'est autre que le pays de Baros, sur la cöte occidentale de Sumatra et assez éloigné d\'Atjeh. Les clironi-ques 1) malaies citées par Yule no donnent pas de leur cuté de renseignements précis. Elles racontent comment la première mission mahométane entreprise pour convertir Sumatra quitta Malabar, arriva k Fansour ^jG) et partit de
la pour l\'lle de Lambri ou Lameri (x=:A ou ^^4 ^Jo). On pourrait done supposer que ces deux pays étaient situés trés prés l\'un de l\'autre et douter de la position assignee au second par M. Yule. De Barros, qui donne la nomenclature des différents pays de Sumatra, désigne Atjeh et Lameri comme des pays adjacents, mais, ainsi que M. Yule l\'a fait observer, il commet certainement quelque erreur.
On en était lè, lorsque les annales chinoises publiés par M. Groeneveldt vinrent fournir de nouvelles données et rendre certain ce qu\'avait été avancé par M. Yule. „The country of „Lambri is situated due West of Sumatra, at a distance of „three days sailing with a fair wind.... On the east, the „country is bordered by Litai, on the West and the North „by the sea, and on- the South by high montains, at the „South of which is the sea again.... At the Northwest of „this country is the sea, at a distance of half a day is a „flat mountain, called the Hat-island; the sea at the West „of it is the great ocean and is called the Ocean of Lambri. „Ships coming from the West, all take this island as a landmarkquot; J).
D\'après cette description, il faut bien admettre que Lfimori n\'a pu être situé ailleurs que sur la cóte septentrionale de Sumatra, non loin de l\'endroit oü actuollement se trouve la capitale d\'Atjeh. Lo „Hat-islandquot; serait done, suivant M. Groeneveldt, Tile de Bras ou Poulou Bras qui maintenant encore sert
Collection ilos chron. Sheiljnrat Miiliiyou 11..
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de point de repère aux navires. On hésitera d\'autant moins a admettre cette conclusion, que, d\'après ces mêmes annales, il ne se trouve que deux petits états entre Lameri et le royaume, autrefois célèbre mals maintenant dispara, do Sa-mouthra. Ce pays était situé non loin de Paseih, dans la partie orientale de la cöte septentrionale de Sumatra. Un village du nom de Samoudra, qu\'on a retrouvé de nos jours prés de Paseih, est peut-être un reste de ce royaume.
En rapprochant ces données des récits des „Merveillesquot;, on pourra se convaincre qu\'ils se donnent pour ainsi dire la réplique, et se conflrment réciproquement. Les Merveilles \') s\'expriment ainsi:
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„Le même m\'a appris que, dans Tile de Lameri, il y a „des zardfa (sarabha) d\'une grandeur indescriptible. On rap-„porte que des naufragés, forces d\'aller des parages de Fan-„snur vers Lflmeri, s\'abstenaient de marcher la nuit par „crainte des zarafa. Car ces bêtes ne se montrent pas le „jour. A l\'approche de la nuit, ils se réfugiaient sur un „grand arbre; et, la nuit venue, ils les entendaient roder
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„autour d\'eux; et le jour ils reconnaissaient les traces de „leur passage sur le sable.
„11 y a aussi dans cos ties une multitude effroyable de „founnis, particullèrement dans l\'lle de Laraeri oü elles sont „énormes.
„Le même m\'a conté qu\'il avait entendu dire par un „marin, qu\'a Loulou bilenk\'), qui est uue baie de la mer, „il y a un peuple mangeur d\'hommes. Ces anthropophages out „dos queues, lis demourent entre la terro de Fansour et la „terra de Lameriquot;.
Vous remarquerez, Messieurs, que notre livro parle de nau-fragés (jui n\'ont pas d\'embarcation, puisqu\'ils sont forces de marcher. Cost done par terre qu\'ils font le trajet d\'un de ces deux pays a I\'autre. Done, il ressort de nos „Merveillesquot; que le pays de Lameri est situé sur la terre ferme de Sumatra, ce qui, autant que je sache, n\'est mentionné par aucunautre auteur. Au contraire, les géographes arabes1) parient de l\'ilc de Lameri. Mais comme M. Devic 3) l\'a déjèi observe, lo mot do isy^s- peut ainsi bien se dire d\'une presqu\'ile quo d\'une iln, et dans certains cas, comme dans la Relation du frère Üdoric de Frioul4), e\'est Tile de Sumatra même qu\'on dé-signe par ce nom.
Nos „Merveillesquot; nous apprennent aussi que Lameri et Fansour ne sont pas limitropbes, puisqu\'elles disent que des anthropophages demeurent entre la terre de Fansour et celle de Lameri. lis ne sont autres que les Bataks — qui sans doute sont aussi les Litai des annales chinoises, — et qui
1) II m\'a i\'U\'i impossible do détermiiier la situation de cettc linie, qu\'on iloit chercher ^ l\'occident de Sumatra. Lc mot «poulouquot; ile, fait sans douto partie du nom.
2) Géographie d\'Aboulfëda II, 2. p. 130. Sir H. Elliot, History of India T, 70.
3) Dans sa traduction des Merveilles. Paris 1878, 103.
4) Louis de Backer, I/exirfime orient au moyen-age, 105.
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de nos jours encore habitent les contrées de 1\'intérieur do Sumatra, assez proche de Baros. Et ce qui prouve qu\'on peut trés bien admettro que des uaufragés out fait a pied le trajet de Baros a Atjeh, c\'est que cela se fait encore maintenant, puisqu\'il existe dans rintérieur du pays un ancien chemin, fort mauvais, employé par les indigenes. En 5 ou 6 jours 11 mène d\'Atjeh a Analabou \'), sur la cöte occidentale de Sumatra, d\'oü le reste du voyage jusqu\'ci Baros est assez facile. Le nom même de LAmeri semble indiquer que ce pays se trouve au nord de Sumatra, puisqu\'on y rencontre des noms de villages composés avec „Lamquot;, comme Lam-barou 1), Lamkali etc. M. M. J. C. Lucardie, lieutenant de vaisseau, m\'a même signalé un village du nom de Lamreh, situé a Atjeh prés de Toungkoup, dans les XXVI Moukim. II se pourrait trés bien, que ce village fflt un reste du pays, autrefois si connu, de Lameri.
II faut, au reste, que le pays de Lameri ait été autrefois assez important et d\'une grande étendue, puisqu\'il avait donné son nom a une partie de la nier qui baigne l\'ile de Sumatra, et que cette ile même fut nominee d\'aprés lui. Mais a l\'épo-que oü les annales chinoises out été écrites (1416), cette importance avait déja diminué de beaucoup, puisque le pays no contenait plus qu\'environ mille families.
On ])eut done conclure, sans crainto d\'erreur, quo le pays de Lameri connu des Arabes était situé sur la terre ferme de Sumatra, non loin dAtjeh, et que dans le X,nc siècle 11 exis-tait déja des voies de communication entre ce pays et Fan-sour. Quand on parle de la grande 11e de Lameri, c\'est Sumatra qu\'on vent dire.
Ce point acquis, 11 reste encore beaucoup a dire au sujet
Barou signifio vuouveau . Ija aigniticatiuu de «Lam2 in\'est iucoumic.
Voir P. A. v. d. Lith, Nederlandsch-Oostindië 81.
18
de l\'ilu de Sumatra d\'après les „Merveillesquot;. Vous observerez que les naufragés dont il est question se réfugient sur les arbres, de crainte des bêtos féroces que notre auteur nomme II est impossible qu\'il parle ici de girafes, puisque ces animaux no se trouvent pas a Sumatra, et puisque les girafes étaient connues des Arabes, qui savaient bien que ce no sont pas des botes dangereuses. Sans doute il est question ici do ranimal mytlüque dont le nom sanscrit est sarabha; animal connu des Arabes, puisqu\'al-Birouni \') en parle sous
le nom de charau (Jrvo). „Tl marchequot; nous raconte eet auteur „sur quatre jambes, et a de plus sur le dos quatre jambes, „s\'élevant dans Fair. Get animal est armé d\'une petite trompe „et de deux grosses cornes, avec lesquelles il frappe l\'éléquot; „phant et le coupe en deux morceauxquot;. II faut remarquer que nes naufragés ne l\'ont pas vu; ils n\'en rencontrent que les traces, de sorte que leur imagination a beau jeu.
Observons encore un curieux rapprochement entre notre récit et ceux des chroniques malaies Celles-ci racontent qu\'un certain Marah Silou, en chassant avec son chien dans le nord de Ulo de Sumatra, y rencontra une fourmi grande comme un cbat, la prit et la mangea; après quoi il fonde dans eet endroit sa résidence, qu\'il nomme Samoudra, ce qui signifierait „grande fourmi j-j
II est bien évident que nous n\'avons ici qu\'un essai, mal réussi, pour expliquer le nom de 1\'ile Sumatra, qui, il va sans dire, a une autre dérivation. Mais eet essai prouve en même temps que les légendes parlant de fourmis énormes n\'étaient pas inconnues a Sumatra. Est-ce que notre auteur s\'en fait l\'écho? Cost trés difficile a décider, mais on avouera au moins qu\'il est bien curieux de retrouver la même légende,
i) Reinaud, Fragments Arabes et Persans, relatifs a l\'Inde, p. 86, 109. 3) Chron. de Paseih, Ia.
19
ayant rapport au merae pays, dans deux écrits qui, pour sur, n\'ont aucune dépendance entre eux.
J\'aurais encore bien des choses a dire sur les pays malais a propos de notre publication. J\'aimerais surtout a fixer votre attention sur Sérira, ou plutót Sarbaza, qu\'il faut chercher prés de Palembang, sur la cóte orientale de Sumatra. L\'étude comparée des „Merveillesquot; et des annales chinoises le prou-vera. J\'aurais de plus a traiter de Qaqola, de Perlak, de Kalah, des lies de Nias et de Si Berout; pays mentionnés dans nos Merveilles, et de quelques particularités relatives aux habitants de Sumatra. Quant aux autres pays baignés par les mers de l\'Inde et de la Chine, le livre ofïre de quoi faire mainte remarque qui ne serait pas dépourvue d\'int\'érêt. Mais je ne dols pas oublier que j\'ai déja de beaucoup dépassó le temps qui m\'a été accordé. Du reste, je me propose de traiter de ces matières dans la dernière partie des „Merveillesquot;, qui ne tardera pas a paraitre. Mais ce que j\'ai dit suf-lira, j\'espère, amp; vous convaincre que les „Merveilles de l\'Indequot; sont d\'une importance trés grande pour tous ceux qui s\'inté-ressent a la géographie de l\'Orient au moyen-age.
üuelquos communications au sujet
par
ïiré des Act.es du 8« Congrès International des Orientalistes, tenu en 1889 a Stockholm et amp; Christiania.
L E [D E. - E. J, BRILL 1890.
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^ \'ü-Wiy?
(juelques communications au sujet du Livre des Merveilies de i\'inde (j^i
Messieurs!
Le Livre fles Merveilies do l\'Inde \'), sur lequel je voudrais solliciter votre attention pendant qnelques Instants, est une puhlication arabe, contenant des récits de marins et de navi-gaten rs persans et arabes qui out vécu ent re les années 900 et 950 de notre ore. 11 va sans dire qu\'un livre remontant a une époque si reculée peut nous fburnir de précieuses données sur l\'ancienne topograpbie des ]iays étraugers que ces marins ont visités: o\'est a dire l\'Inde, rindo-Chine, la Oliine, la Polynésie, Oeylan el même l\'Afrique. En effet, ces données sont nombreuses dans les „Merveiliesquot;; le Qlossaire, l\'lndex géographique et les Excursions ajoutés a la publication du texte en font foi. Mais comme je suis convaincu que le dernier mot n\'est pas encore dit a propos de ce livre, je prends la liberté de vous en parler dans ce Congrès international, puisqu\'il s\'agit de questions qui n\'intéressent point exclusivement les arabisants, comme s\'en ont ])u apercevoir cenx qui ont lu les „■Merveiliesquot;. l\'ermet-te/.-moi d\'abord de vous dire que le livre n\'est point assez connu, et qu\'il est a regret ter que ceux qui étudient la géographie du moyen-age ne semblent pas s\'étre assez occupés de cette publication. Cette assertion ne vous paraitra pas risquée quand vous saurez qu\'un savant d\'un mérite aussi éminent que le célèbre professeur de Berlin, M. Sachau, en publiant le livre
1) Livre des Merveilies de l\'Inde pnr le capitainc Bozorg, lils de Chahriyflr de Rilmhorraoz. Texte arabe public par lJ. A. van der Lith. Trailuction tran9ai8e par L. Marcel Devic, Leide, E. t7. Brill, 1883—1886.
P. A van (1 e r I/ i t h.
d\'al-Birouni sur 1\'Inde semble lie ]ia.s avoir oonsulté le Livre des Merveilles de I\'lnde. Ce livre aurait pu pourtant lui donuer une explication qn\'il a cherchée en vain. Al-Birouni, en parlant des personnes méprisées par les Hindous, fait mention des Hadi, Doma, Candala et Badhalnu \'). M. Wachau, dans sa traduction et annotations, dit qu\'il ignore la valeur de ce der-
0 * * O *
nier mot9). Or il est bien certain que ces Badhatau ne sont autres que les gens d\'une caste particulière, désignés dans les „Merveillesquot; soiis le nom de bahind1) „qui est
le nom qu\'on donne aux personnes en dehors de la loi, inhabiles par faiblesse , impuissance on bassesse de remplir leurs obligations, comme sont les chanteurs, les musiciens et autres gens de tel acabitquot;. D\'après M. Kern il s\'agit sans doute du mot sanscrit „bbandaquot;, signifiant une personne d\'une classe inférieure, paillasse, bouffon. Je constaterai en passant qu\'il parait de nouveau que 1\'auteur des „Merveillesquot; était trés bien informé en rendant correctement le son du mot sanscrit qui, dans le texte d\'al-Birouni a été pris de travers.
Les „Merveillesquot; prouvent en outre que dans le Xme siècle déja il existait des relations assez fréquentes entre les n?iviga-teurs arabes et persans d\'uu cóté et les marins des pays que nous avons cités plus ,haut et même du Japon. On peut en conclure que les ])reiniers ont pu puiser dans des sources étran-gères et rapporter des récits propres a éveiller l\'intérêt même\' des savants non arabisants. Je voudrais par une nouvelle citation démontrer les tentatives de bonne foi et de la véracité de l\'auteur des „Merveilles de l\'Indequot;.
Oelui-ci nous raconte\'\') que le tombeau du prophéte Solei-man se trouve dans un temple d\'or s\'élevant sur une des iles Andaman. Comme ce tombeau, d\'après les legendes Musulma-nes, est situé dans un lieu inaccessible 6), dont elles n\'indiquent ni le nom ou la situation, je me suis parfois demandé pour-quoi les iles Andaman avaient été choisies pour le scène de cette légende? .T\'avais émis la conjecture que la imputation
4
P, 117. M. de Goeje jmrtage cctte opinion. V. son edition dMbn Khordadbch,
Quelques communications au sujet des vMerveilles de l\'Iudequot;. 5
d\'authropophagie des habitants des lies Andaman avait fait naitre cliez les navigateurs la croyance qn\'on devait chercher ce tom-beau dans une de ces iles. Le pseudo- Oallisthène raconte dtja 1) que des indigènes de la cóte de l\'Inde avaient montré autrefois a Alexandre le Grand une üe lointaine, riche en or et convenant le tombeau d\'un vieux roi. Quoiqu\'il soit trés peu probable qu\'ils aient voulu viser a une des ties Andaman qu\'il est impossible de distinguer de la cóte, néanmoins il ne serait pas impossible que le récit des „Merveillesquot; se rattachat a cette légende. On peut très-bien admettre que les navigateurs arabes , ayant entendu raconter la légende du tombeau de ce vieux roi, se sont imaginé que ce tombeau devait être celui du roi Soleiman et que dans le cours des années, ces iles, presque in-abordables et évilées des marins, se sont, par analogie, identi-fiées avec le lieu inaccessible oü repose le prophéte Soleiman.
Une communication que je dois a M. Serrurier m\'a, procuré a ce sujet de nouvelles données. Dans un ouvrage japonais: Wa-kan-sau-sai-dzu-é (1714) l\'auteur raconte qu\'un sage des temps anciens a été couché aprés sa mort sur un lit d\'or dams une des ties Andaman. II existe done ehen les Japonais une tradition ofi\'rant les mêmes traits caractéristiques que le récit des „Merveillesquot;, toutefois avec cette difference que le sage innommé du récit japonais devient dans le récit arabe le sage par excellence des traditions hébraïques et arabes: le Roi Soleiman.
Ce fait peut être expliqué de différentes manières qui ont chacune leur raison d\'être et prouvent également que l\'auteur des „Merveillesquot; a puisé aux bonnes sources. On peut admettre qu\'il ait tenu cette légende du „Tombeau dans une des iles Andamanquot; des navigateurs arabes, lesquels, a leur tour, l\'au-ront tenue de bien d\'autres marins, mème de Japonais, et c\'est ainsi que la légende se propageant, sera devenue une tradition parmi les navigateurs arabes. Comme en outre il était de no-toriété publiqne dans le monde musuiman que Soleiman était enseveli dans un lieu inaccessible et que les lies Andaman pas-saient pour inabordables, il est probable que l\'auteur lui-même ou bien les marins arabes ont combiné et fondu ces deux his-toires, croyant avoir retrouvé Soleiman dans le sage inconnu.
III. 17. Ed. Muller, [). 120. 38.
P. A van (1 c r Lith.
11 est regrettable que nous ue saohous pas pertinemment a, quelles sources s\'est adressó le narrateur japonais; s\'agit-il d\'une vleille tradition japouaise? a quelle date la faire remonter? i\'récède-t-elle la tradition arabe on est elle d\'une date plus récente? O\'est ce que nous ig-norons. Quoi qu\'il en soit, l\'in-certitude a eet égard n\'empêche pas de loner l\'auteur des „Merveillesquot; sur rexactitude de ses informations; il ne com-muniquait que des récits qu\'il avait entendus de la bouche des marins, tout en les alterant quelque pen d\'après ses pro-pres idéés.
üne autre solution pourtant me semble pour le moins aussi plausible que la première. Je serais disposé a admettre qu\'au Xmo siècle les navigateura musulmans croyaieut généralement que le tombeau de Soleiman cherché depuis longtempa, se trou-vait dans les lies Andaman; cette croyance était, croyons nous, si universellement admise parmi eux que les marins d\'autres nations, et parmi eux les Japonais en relation avec les naviga-teurs arabes l\'avaient aussi adoptée. O\'est la probablement qu\'il faut chercher la source on l\'auteur japonais a pulse. Oomme la personne de Soleiman, si sacrée pour les musulmans, n\'avait pas d\'importance populaire pour les Japonais, on ne pent pas s\'étonner que son nom ne soit pas mentionné dans leurs récits. liaison de plus pour nous de conclure que l\'auteur des „Merveillesquot; n\'a rien inventé d\'essentiel et qu\'il n\'a rien fait (| ue de reproduire les récits que lui fournissaient les marins de son époque. Ajoutons encore que le discours intéressant de M. Schnorr von Oarolsfeld prononcé ici-même, confirme sous tous les rapports l\'assertion de l\'autenr des „Merveillesquot;, a savoir que les lies Andaman étaient autrefois pen fréquentées et presque isolées. Dans le cours de sa communication M. v. Oarolsfeld nous a raconté qu\'il existe dans ces iles un animal qu\'on ne trouve pas en dehors de ces iles — c\'est le palinurus andamensis] — preuve peremptoire de I\'isolement complet des iles Andaman daus ces temps reculés.
A ce propos je rappellerai ici que M. Serrurier a bien voulu me communiquer le renseignement suivant: D\'après quelques auteurs japonais, l\'oiseau Roc vit a Madagascar. L\'identité de eet oiseau légendaire avec l\'apyorna (v. Livre des Merveilles, Préface, XIII) est done parfaitement coustatée.
Quelques communications au sujet des .. Merveilles de Tlndequot;
Gifoiiri encore une particularité dont fait mention l\'auteur des „Merveillesquot; „Les Indiensquot;, dit-il, quot;portaient autrefois leurs cheveux dresses sur la tête coiume des mitres et se servaient de sabres droits. A la suite d\'uue guerre, les vainqueurs direnf aux vaincus; «Nous ne vous épargnerons pas, a moins que vous ne portiez les cheveux baissés devant nos cheveux et les sabres courbés devant nos sabres». Les vaincus durent done ra-battre leur chevelure et recourber leurs sabres.... Et cette coutume dure encore parmi ces tribusquot;. - 11 est impossible de determiner de quelle tribu il est ici question; néanmoins cette particularité, bieu que n\'ayant done pas une grande valeur historique offre sans doute un exemple de cette coutume géné-ralement repandu, que les vaincus, en sigue de soumission, de-vaieut porter les cheveux rabattus. M. Wilken a traité largo-ment de ce sujet: voici un passage de son article dans la Revue Coloniale internationale1). II y dit: „Durch den Besitz dei\'Haare ist man fürs Jenseits des Besitzes versichert desjenigen, dem diese Haare entnommen sind. Nichts ist daher natürlicher als dass man, aucli selbst als es bereits gebrauchlich geworden Kriegs-gefangenen das Leben zu schenken und sie als Sklaveu zu be-nutzen, dieser Ursache halber dabei beharrte, dem Besitz ihrer Haare grossen Werth beizulegen, und daher aucli fortfulir dieselben abzuschneiden. Auf solche Weise muss audi hie und da das Tragen kurzgeschiiitteuer Haare eiu Kennzeichen der Sklaverei geworden sein, welches spater auf diejenigen ausgedehnt wurde, welche, in Folge anderer ürsachen als Kriegsgefangenschaft, ihre Freiheit verloren hattenquot;. De telles coutumes ont la vie tenace: de nos jours encore dans quelques ües de la Pulynésie (e. a. dans l\'tle de Serang2) les- femmes regardent comme laches les hommes qui portent les cheveux rasés.
L\'usage de coaper la tête aux ennemis vaincus (koppensnellen), nous ramène a l\'ile ile Neyan, oü, suivant le Livre des Merveilles,3), cette coutume était en pleine vigueur. Si,
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1887. I, 409. (üeber das Haaropfer.)
13) Riedel, De sluik- en kroesharige rassen tusschen Selebes en Papua, \'s Graven-hage-, M. Nyhoff, 1886.
p. 126.
P. A. van der L i t h.
outre les preuves alléguées \') eu faveur de l\'ideatité de cette ile avec celle de Nias, il eu fallait encore d\'autres , ou pour-rait citer une publication du Dr. E. Modigliaui, membre cor-respoudant de la Société Géographique italieune. Get intrépide voyageur a séjourné plus d\'uue auuée daus l\'ile de Mas: les particularités de sou séjour qu\'il a publiées 1) coufirment l\'exi-steuce des couüimes, dont parlaient déja les „Merveillesquot; sous el-Neyau, coutumes qui I\'ou trouve encore de nos jours dans l\'ile de Nias. II a vu lui même des cranes humains attachés aux poutres des habitations (Dappertutto osservai .... case prpsso le quali erano legati ad un palo crani umani in numero due, tre et perfino sette). Et ailleurs; „In og\'id kampun di quelli che ebbi occasione di visitare, accanto alla cosidetta casa di guardia, si trova una piccola tettoia sotta la quale vidi es-positi due e perfino venti teste, che furone tagliate ai prigio-uieri di guerraquot;.
Les „Merveillesquot; mentionnent encore une singularité propre aux indigenes de l\'ile de Neyiln. „Quant\'a l\'orquot;, disent-ils, „les habitants de cette ile le regardent comme sans valeur et u\'en font pas plus de cas que nous du cuivrequot;. Dans mes annotations (p. 246), j\'ai reconnu que je ne pouvais guère expliquer cette citation: un examen plus approfondi me porte a émettre ]\'explication suivante. L\'ile de Sumatra et les iles euvironnantes passaient depuis longtemps pour contenir d\'abondantes richesses en or. M. Kern a allégué de fortes raisous pour identifier Sumatra dans Suwanja-dwipa, l\'ile d\'or des Katliasarit sagara 2j. Et 11 est évident que pendant quelque temps du moins, les Portugais out cru a, l\'abondance aurifère de Nias puisque sur les anciennes cartes portugaises l\'ile d\'or (de ouro) est souvent indiquée, occupant a pen prés la situation actuelle de Niasquot;). II y eut en 1520 sous le commandement de D. Pacheco une expédition ayant pour l)iil d\'aborder dans quelques ties riches
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Bolletino della societri geografica italiana. Oct. et Nov. 1880.
Java en het goudeiland volgens de oudste berichten, dans * Bijdragen tot de taal- land- en volkenkunde van Ned. Indiëquot;, III, 4, p. 641.
Quelques ccraraunications au sujet des //Merveilles de l\'Inde/\'
en or et situóes au sud-ouest de Sumatra \'). Cette expédition fut infructueuse puisqu\'on ne parvint pas a les trouver. Je ne prétends pas ([ue Nias soit l\'ile d\'or si longiemps cherchée; seulement il lue semble certain ([ue pendant quelque temps on a cru que Nias, ou quelque autre ile analogue prés de Sumatra était aurifère. Les légendes même de Nias en font foi. M. Modigliani m\'a communiqué la légende suivante, qu\'on lui a racontée a Nias, comme autrefois on l\'avait racontée au mission-naire M. Sundermann ^). L\'or, selon cette légende, est venu a Nias, apporté par un cerf tout composé de ce métal, mais il n\'y resta pas longtemps; — il passa la mer, et se retira dans les caverues ou git l\'or, nommées dans leur langage „Toghi ana\'aquot;.
Oette réputation aurifère peut déja justifier l\'origine du récit des „Merveillesquot;. M. Modigliani ajoute plus loin: „Aujourd\'hui même on peut dire que les habitants de Nias apprécient plus le cuivre que l\'or; bien qu\'ils n\'ignorent pas la \'valenr de l\'or, c\'est pourtant le cuivre dont ils importent une plus grande quantité. Une statistique de commerce donne les chif-fres suivants:
1884 1885
Or en poudre fl. 120. fl. 1410
Fil de cuivre „ 1853. „ 2224
Pour l\'année 1853 il est entré a, Nias de l\'or en poudre pour une valeur de 630 fl., tandis que la quantité du fil de cuivre représentait une valeur de fl. 7440quot; 1). A cette communication M. Modigliani ajoute: „Si done les marebands arabes tenaient aujourd\'hui le journal de leurs excursions et s\'ils affirmaient que les Niassais apprécient plus le cuivre que l\'or paree qu\'ils importent une plus grande quantité de cuivre que d\'or, personne ne les accuserait d\'exagérationquot;.
Après avoir tenu compte des exagérations, inséparables a ce qu\'il parait des récits des navigateurs, on peut done avoir le droit de souteuir que les récits des „Merveillesquot; au sujet de
9
Rosenberg, Verslag omtrent het eiland Nias dans Verhandelingen van het Bat. Gen. v. K. en W., XXX, p. 54.
P. A. van der L i t h.
Tile de Neyslii se rappoiient trés bien a l\'lle de Nias et que tout nous porte a les accepter comme authentiques.
Ajoutons encore quel(|ues exemples a l\'appui de la véracité de notre auteur. Quand il nous parle d\'une mer en feu, qui effraie beaucoup les marins 1), c\'est un Espagnol qui les tranquillise en leur disaut qu\'il s\'agit de ce qu\'on nomme la phosphorescence de la mer. 11 ajoute: „Ce feu s\'aperqoit du pays d\'Espagne; j\'y suis passé line foisquot; etc. Or, nous savons tons que la bale de Biscaye offre le phénomène fort ordinaire de la phosphorescence. N\'oublions pas de citer les scènes d\'en-chantement operó sur les crocodiles a Serboza2), sur la cote orientale de Sumatra. Des scènes analogues se passent encore de nos jours dans beaucoup d\'iles de Tarcbipel indien. M. le missionnaire Bieger raconte 3) qu\'on trouve dans le voisinage de Macassar (ile de Celebes) des rivieres pleines de crocodiles et qu\'aucun Europeen ose passer avant l\'arrivée du dompteur de ces monstres. A Soumba on assure qu\'en se frottant les mains du jus des oiguons on est sur de maitriser ces animaux. Je ne puis préciser si on a essayé ii Sumatra d\'adoucir ou d\'apprivoiser les crocodiles par ce moyen; néanmoins cela me parait biên probable. Depuis un temps reculé on se livre dans ce pays a des conjurations ayant pour but d\'enchanter les pois-sons afin de les prendre plus facilement i).
Nous allons maintenant en venir a une objection faite par un savant trés compétent, le Dr. Brandesr\') a propos d\'une hypothése émise dans mes annotations du Livre des Merveilles.
1Ü
P. 26.
Merveilles, p. 158.
Mededeelingen van het Ned. Zemlelinggenootsehap, XXXIV, 8.
(^uelques comraunications au sujet des •Merveilles de I\'lnde»
Commengons par dire que cette objection n\'attaque pas eu quoi que ce soit la véracitó de l\'auteur arabe. Dans le Livre des Merveilles \') il est t\'ait mention d\'uti royaume de l\'tle de Zübedj, que l\'auteur nomine Jójliyo. J\'avais proposé de lire Mazatawid, et de trouver ce pays parfaitement identique avec le oélèbre royaume de Modjopahit1). Je me croyais d\'autant plus autorisé il émettre cette conjecture, puisque M. Kern avail prouvé, d\'une manière concluante a mon avis, — que d\'après un document, trouvé a Java même, il y avait dója en 840 un rei suprème a Modjopahit. Mais M. Brandes est d\'avis que rinscription, déchiffrée par M, Kern, ne prouve pas que la fondation de l\'empire de Modjopahit remonte avant le 13quot;™ siècle. Dans une note, insérée dans les „Notulen van het Bat. Genootschap van Kunsten en Wetenschappen, Tome XXIV, 1886, fase. I., p. 45quot; il a allégué quelques raisons et mis en doute 1\'authenticité de rinscription mentionnée; d\'après lui, elle est bien certainement d\'une date ancienne, mais pourtant plus récente que l\'année 84ü et par suite antidatée. De plus, les traditions javanaises, balinaises, ainsi que les écrits cliinois sent d\'accord pour assigner une date plus récente d la fondation de l\'empire de Modjopahit.
Ces observations m\'étant parvenues trop tard je n\'ai pu les mettre a profit dans mon livre. Et comme M. Brandes ne don-nait ses observations que comme des hypothèses, je n\'ai pas jug\'é nécessaire de les soumettre a la discussion dans le gt;Su])-plément. Mais il m\'écrit que des investigations postérieures lui ont donné la certitude que I\'inscription mentionnée ne peut plus ètre citée a l\'appui de ma conjecture.
Tout en admettant que robservation de M. Brandes, si elle est fondée, infirme mon hypothèse je ne crois pas encore qu\'il faille la rejeter comme erronée. Oar rien ne prouve qu\'un royau-
11
P. 232. J\'avais remarqué qu\'on trouvait h\\ un example de la transition du ik javanais en arabe. On a eu Ia bonté de me faire remarquer que cela etait assez connu, et que p. e. le öL-arabe devient ik un nsnji en javanais. Mais ce sont \\h des exemples du cas contraire qui ne prouvent que le fait, qui m\'était parfaitement connu, que lej arabe exprirae le ^ javanais. Je ne crois done pas avoir fait une remarque inutile en fixant Tattention sur ce fait.
P. A. van der L i t h.
me de Modjopahit, ou une ville de ce nom, n\'ait pas existé an-térieurement dans la contrée dont parient les traditions citées plus liaut. En outre, M. Brandes m\'a éerit qu\'on pourrait même citer quelques arguments, selon lui d\'une valeur douteuse, té-moignant que la fondation de Modjopahit est antérieure a celle que mentionnent ces traditions.
Je me permettrai de faire intervenir dans le débat M. Kern \'). Selon lui il n\'est pas du tout prouvé que le document cité est falsifié. Voila ce que ce savant dit a ce sujet:
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„Les raisons que M. Brandes a fait valoir contre l\'autlienticité de la pragasti de l\'année 8G2 gaka ont trait a, quelques inexactitudes Mstoriques. Admettons que les fautes soient assez graves pour nous persuader que le document est antidaté, s\'en suit-il que I\'auteur du document fut tout a fait ignorant de I\'histoire ? Point du tout. II est impossible, 11 me semble, que le document ait été fabriqué entre 1275 et 1478. Oar quel faussaire, vivant au premier siècle de l\'empire (nouveau) de Modjopahit, aurait osé représenter Modjopahit comme existant déja en 840? II est impossible aussi que I\'inscription ait été faite un peu plus qu\'un siècle depuis la fondation de l\'empire nouveau, car nous possédons des inscriptions de Modjopahit de 1397, les-quelles nous montrent la langue déja tenant le milieu entre I\'ancien javanais et le javanais moderne. Si done le document a été fabriqué après date, il a du être composé avant 1275 — 1280, — e\'est-a-dire avant la fondation du Modjopahit des chroni-ques javanaises. Mais le prétendu faussaire, n\'étant pas un prophéte, n\'aurait pu pressentir qu\'il y aurait un Modjopahit futur. II ne pouvait connaitre I\'existence d\'un Modjopahit que par I\'histoire. Ses connaissances historiques étant incomplètes il s\'est peut-être mépris en datant un document de 840 a Modjopahit, mais en tout cas il doit avoir connu une residence de ce nom avant ou pendant son époque; or ce temps est fixé en tout cas avant 1275. Ajoutons qu\'il n\'y a rien d\'étrange dans la renais-
1) Comme il s\'agisaait ici d\'une question dans laquelle je suis incompétent, j\'avais averti M. Kern que je parierais des ^Merveillesquot; au Congres, en le priant de nous donner alors son opinion sur la question traitée par M. Brandes. 11 a en la bonté non seulement de se contbrmer ma demande, mais aussi de me remettre le compte-rendu de son discours, qu\'on lira plus haut.
(^uelques communicationa au sujet des vMerveilles de l\'Tnde*
sance d\'uu nom historique a Java; •— un exemple éclatant noria en est fourni par le nom de Mataramquot;.
Je n\'ai rien a ajouter a ces remarques si fines de mon savant ami et, malgré les objections de M. Brandes, qui du reste témoignent de sou grand savoir, je crois avoir le droit de main-tenir mon hypothèse et de donner par la plus de poids a la véracité de l\'auteur des „Merveilles de l\'Indequot;.
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