EXEMPLE
DE VERTU
ET
INSTRUCTION ÉLÉMENTAIRE: POUR TOUS LES PEUPLES,
|
||||||||||
•
|
||||||||||
---------------------->..■ . .
|
||||||||||
. .......-...._ . ; .
|
|||||||||
iec
|
|||||||||
EXE M P L E
DE VERTU
ET
INSTRUCTION ÉLÉMENTAIRE POUR TOUS LES PEUPLES.
Pas A. T. CHEVIGNARD,
|
|||||||||
A PARIS,
|
|||||||||
Chez Deterville, Libraire, rue du Battoir,
N° 16. AN XIV — 1 8o5i-
|
|||||||||
<M»—i»—)i—————Wl————^— I II
|
||||||
PRÉFACE.
|
||||||
U N grand moyen de procurer aux hommes-
une vie plus heureuse, est de leur faire goû- ter les principes d'une morale pure, en met- tant sous leurs yeux des exemples de vertu. La vie de Jésus ofre un modèle rare. Mais cette vie édifiante n'est conue que localement dans une seule religion ; et le bien qu'elle doit produire ne peut devenir général, qu'en la présentant d'une manière simple et pure- ment historique. Alors ne contrariant au- cune opinion religieuse , elle poura être lue avec intérêt et avec fruit dans tous les cultes et par tous les peuples de la terre. Les manières d'honorer la Divinité et les
croyances sur ce grand mistère, qui sur- passe notre intelligence, ne peuvent être le» mêmes. Mais toutes les religions s'acordent à reconaître l'existence d'un Être suprême, et lui rendent Fhomage et le respect qui lui sont dus.Elles enseignent toutes, comme un point de doctrine essentiel, l'espérance des récompenses, et la crainte des punitions. Ces grands motifs nous font poster no* vue» |
||||||
-
|
||||||
"VJ PRÉPACK,
au-delà de notre existence, et garantissent
la sûreté, l'ordre et l'harmonie dans la so- ciété. La morale est la même pour tous les hommes. Les diférentes religions forment un parterre émaillé de fleurs, dont les parfums sont tous agréables à l'Auteur de la nature. Jésus répétait souvent que tous les hommes
sont enfans de Dieu, et qu'ils doivent natu- rellement s'aimer les uns les autres. Il ne res- pirait que l'union et la paix.L'humanité, la douceur, la patience étaient ses vertus favo- rites. Ennemi de l'hypocrisie, il saisissait toutes les ocasions d'en faire conaître la faus- seté. Il élevait les hommes à Dieu , en leur montrant le raport de la créature au Créa- teur. Il ne pensait qu'à faire rendre à l'Être souverain l'homage qui lui est dû, et à pro- curer aux hommes les moyens d'être heu- reux. Il enseignait, comme une vérité con- solante , que Dieu étant parfait, et par consé- quent juste, doit récompenser les bonnes actions, et punir les mauvaises.il conaissait le cœur humain, et semblait lire dans la pen- sée. Son génie pénétrant lui faisait, par de justes combinaisons, prévoir des événemens: il voyait ainsi la ruine de Jérusalem. Il res- pectait les lois et 1 es usages établis, mais il en blâmait les abus. Il haïssait les superstitions, |
||||||
*v. . . .......-—...<_~—
|
||||||
PRÉFACE. VÎj
cl désaprouvait les sacrifices sanglans que
ies Juifs ofraient à Dieu. Après avoir opéré dans son pays le bien
qu'il désirait faire, son projet était d'étendre «a doctrine parmi d'autres nations. Il était averti qu'on voulait le faire mourir; mais, toujours plein de l'esprit de Dieu et de l'amour des hommes, il les instruisit jusqu'à ses derniersmomens, enseignant la morale, comme la source du bonheur. Enfin,les Mi- nistres du culte, ofensés et fatigués de l'en- tendre blâmer leur conduite et leui's supers- titions , le firent condamner par les Juifs à mourir sur la croix, qui était le suplice des, séditieux. |
||||
PORTRAIT DE JESUS.
|
||||||||
Jésus était d'une taille hante, et la nature avait ob-
servé en lui les plus belles proportion». Tout ce qui cons- tiluaitsa personne formait un ensemble parfait. Lestrails de son visage étaient réguliers ; ses cheveux descendaient en boucles sur ses épaules, et se partageaient sur sou front. On ne se lassait pas de le voir cl de l'admirer à cause de sa grande beauté : un regard doux et imposant, une démarche aisée et majestueuse, une contenance libre, un son de voix sonore et agréable,des gestes faciles et signifians, tout en lui alirait et fixait l'atention. Ses manières afables et prévenantes captivaient les cœurs; son éloquence naïve et simple persuadait les esprits : un air gracieux était répandu sur son visage, et semblait in- viter à l'aimer. Lorsqu'il parlait, une graee nouvelle embellissait encore sa figure, et enchantait ses auditeurs. |
||||||||
tJt
|
||||||||
LA VIE
DE JÉSUS. |
|||||||
Naissance de Jésus. Ses parens se conforment aux
lois et aux usages établis. Jobs l'empire d'Augusteet le règne d'Hérodc, il y
avait un charpentier nommé Joseph , qui vivait avec Marie son épouse à Nazareth , ville de Galilée. Auguste ordonna qu'il fût fait uu dénombrement des habitans de l'empire. Joseph partit avec Ma- rie , quoiqu'elle fût près de sou terme, et ils allèrent en Judée, dans la ville de David, nommée Beth- léem , pour s'y faire inscrire , parce qu'ils deseen-- daient de David. Ils y trouvèrent toutes les hôtel- leries si remplies, qu'ils furent réduits à se loger dans une étable. Marie accoucha d'un fils, qu'elle emmaillota et mit dans une crèche. Huit jours' après, suivant la loi, l'enfant fut circoncis, et nommé Jésus. Lorsque le teins de la purification de Marie fut arivé , elle alla avec Joseph à Jénisa- ' lem, où ils firent dans le temple les ofrandes acou- tumées, et présentèrent Jésus, selon l'usage des Juifs d'ofrir à Dieu les premiers nés. |
|||||||
A
|
|||||||
9 tA V tB
Ses Mages atirês par une ancienne tradition ,
viennent à Jérusalem pour voir Jésus. Une ancienne tradition acréditée dans tout
l'Orient (i) faisait croire que , dans ce tems , il de- vait sortir de Judée (2) un Maître du monde. Des Docteurs philosophes , que les GreCSapehtient Ma- ges , c'est-à-dire Devins, ayant entendu dire qu'il Tenait de naître à Jérusalem un enfant de la race de David , et pensant que ce pouvait être ce chef qu'ils atendaient, vinrent dans cette ville , et paru- rent très-empressés à chercher le logement où ils pouraient le trouver. Cette nouvelle ébruitée par- vint jusqu'à Hérode , qui en fut troublé. Il s'informa du lieu où était nécet enfant si désiré. On luirépon- dit que c'était à Bethléem , de la tribu de Juda. Sur cette réponse, Hérode chargea les Mages de (i) Il existait une tradition fort* ancienne , et conue
même, ailleurs que dans la Judée. Suétone dit qu'une opinion ancienne et constante était répandue dans tout l'Orient; que les destins avaient ordorté que, dans ce tems , il sortirait de Judée un Maître du monde. Tacite, en parlant des Juifs dans le cinquième Livre de ses His- toires , dit que la plupart étaient persuadés de ce qui était contenu dans les vieilles écritures de leurs Prêtres; que dans ce tems-là, l'Orient devait comander au reste de la terre, et qu'elle serait soumise à un Sage de la Judée. (2) Quoique toute la Palestine s'appelât Judée, on
n'entendait comuuément par ce nom , que la province à laquelle il était particulièrement afecté , Jérusalem et ses environs jusqu'à la ïamarie et au Jourdain. Les habi- tans de ce pays mettaient une grande diféreuce entre eux et ceux des autres provinces. |
||||||
DEJÊSTJS. S
l'avertir, lorsqu'ils auraient trouvé l'enfant, aBn
qu'il allât lui rendre hommage. Ces Docteurs (1) trouvèrent Jésus, et luifirent des présens; mais ils ne retournèrent point chez Hérode. Joseph ayant entendu dire que Ce Prince ne cherchait son fils que pour le faire mourir, s'enfuit avec sa femme en Egypte , asyle ordinaire des Juifs daus des teins de persécution. Quelque teins après, Hérode mourut ; et Joseph n'osant revenir en Judée, parce qu'Ar- chélaiïs, fils d'Hérode, y régnait, fut demeurer à Nazareth. Sagesse prématurée de Jésus dans le temple avec
les Docteurs de la loi. Joseph et Marie aiaient cependant toujours à Jé-
rusalem , au temsdelaPâque. Une fois Jésus, qu'ils y menèrent, et qui avait alors douze ans, les ayant quitéssur la fin delà fête, ils crurent qu'il était dans la compagnie de leurs parons , avec qui ils étaient venus; mais ils furent bien surpris, quand ils les turent rejoints eu chemin , de voir qu'il n'y était pas. Ils revinrent aussi-tôt à Jérusalem ; et le troi- sième jour de leur arivéc , ils trouvèrent leur fils assis dans le temple au milieu des Docteurs- de la loi (2) : il les écoutait, les interogeait, et ravissait (0 Les Docteurs philosophes dont il est fait mention,'
étaient appelés Mages par les Grecs, du mot grec MagéuS, qui signifie exercer l'art magique ou divinatoire. II» s'apliquaient à l'astrologie, à découvrir les causes cafehées des effets que nous voyons, et à pénétrer dans l'avenir par leurs combinaisons. Cette espèce de Savans était en grand crédit dans la Judée et parmi les peuples voisins. (2) Les fonctions de cesDocteurs étaient de lire la loi au peuple dans le temple et dans les synagogues , et dç A 2
|
||||||
é IA VIE
tous les auditeurs par la sagesse de ses discours.
Marie lui reprochant avec tendresse la peine où il les avait mis : Pourquoi me cherchiez-vous, leur dit-il ? Ne savez-vous pas que je suis dévoué au service de mon Père (i) ? Joseph et Marie ne com- prirent pas alors qu'il parlait de Dieu, père com- mun de tous les hommes. Jésus retourna à Naza- yeth avec son père et sa mère, et leur Fut parfaite- ment soumis pendant la vie retirée qu'il mena au- près d'eux , jusqu'à la trentième année de son âge , et la quinzième de l'empire de Tibère. l'expliquer, quand il était nécessaire. Il y avait aussi un
chef de la synagogue qui n'était point Lévite, et qui était chargé de présider l'assemblée, de lire et interpré- ter la loi , de faire les prières en l'absence des Docteurs. Chacun pouvait, dans le temple, conférer avec les Doc- teurs de la loi , et comuniquer publiquement ses ré- flexions. Des douze tribus d'Israël, celle de Lévi était seule et toute destinée au service du culte religieux. Le Grand-Prêtre était le chef de l'ordre ecclésiastique, qui était très-nombreux. Los fonctions de Sacrificateur étaient réservées à la race d'Aaron , frère de Moïse , et arière- petit-fils de Lévi. Cette descendance était divisée en vingt-quatre familles, qu'on appelait sacerdotales. Elles avaient chacune un chef, et ces vingt-quatre chefsétaient les Pontifes, Par Lévites , on entendait tout le reste de cette tribu, qui n'était point de la race sacerdotale. (i) Une loi ordonnait que tous les enfans mâles pre-
miers nés seraient censés dévoués au service de Dieu, Les parens pouvaient les racheter, mo venant une légère somme d'argent, qu'ils donnaient aux Prêtres. L'enfant Jésus avait sans doute entendu parler de cette loi. |
||||
"
|
|||||
D E J É S U 8. 5
Jean quitte le désert où il vivait, et instruit ses
auditeurs dans la morale. Il anonce Jésus comme un homme juste et favorisé de Dieu. Dans ce tems, Jean, fils de Zacharie , vivait dans
un désert de Judée , où il s'était retiré dès son jeune fige. Il était vêtu de peau de chameau ; il avait une ceinture de cuir autour de ses reins ; du miel et des nouritures sauvages étaient toute sa subsistance. Il quita sa solitude, et parut sur les bords du Jour- dain. La singularité de son vêtement et de ses ma- nières lui atîièrent beaucoup de monde. Voyant qu'on l'écoutait, il entreprit d'instruire ses audi- teurs dans la morale, et dans les choses qui ont le plus de raport à Dieu. Il leur prêchait le repen- tir de leurs fautes , etleur anoncait, sous des figures terribles , les peines qui les menaçaient , s'ils ne travaillaient de tout leur pouvoir à se coriger de leurs défauts. 11 leur donnait, selon leurs diférentes conditions, les conseils nécessaires pour y vivre sagement. Ceux qui s'avouaient coupables se la- vaient dans l'eau dufleuvc , suivant cette ancienne cérémonie, qui était un signe de purification inté- rieure, et de changement de vie de mal en bien (î). Plusieurs Pharisiens et Saducéens (2) ,les plus or- (j) U n'était point rare , dans la nation juive, da voir
des personages extraordinaires ,même parmi les femmes, s'ériger en docteurs, en moralistes, et prêcher publi- quement. Les uns se bornaient à une instruction simple ; a autres, par un langage énigmatique , en imposaient au vulgaire crédule, qui les croyait inspirés. (^-) Les Pharisiens étaient très-austères et fort supers-
titieux. H y en avait dans toutes les conditions , mai» A 2
|
|||||
G U TIB
gueilleuses sectes qui fussent parmi les Juifs , étant
Tenus aussi pour entendre Jean , et se laver comme les autres ; Hommes trompeurs , leur dit-il, qui ■vous a avertis d'éviter la colère de Dieu qui devait tomber sur vous ? reconaissez vos fautes , et ne vous contentez pas de dire: Nous avons Abraham pour père ; car je vous déclare que Dieu peut choisir d'autres enfans plus dignes d'Abraham. Jésus vint de Galilée , et fut aussi trouver Jean pour l'entendre et se laver. Jean, frapé de l'aspect imposant qui distinguait Jésus , s'humilia devant lui.Mais Jésus lui dit : Laissez-moi faire; je dois agir ainsi. Alors quelqu'un élevant la voix, s'écria : Cet homme est mon bien-aimé ; je mets en lui mon affection. Ce- pendant le peuple s'étantmis dans l'esprit que Jean pourait bien être celui qu'ils atendaient, les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem, des sacrificateurs et deslévites Pharisiens, pour s'en éclaircir. U leur ré- pondit : Je ne suis point celui que vous demandez. Comme ils insistaient pour savoir ce qu'il était : Je suis, leur dit-il, la voix qui crie dans le désert: Préparez les chemins de l'homme juste; redressez les sentiers. Pourquoi donc lavez-vous, reprirent- ils? Je ne lave, leur dit Jean, que dans l'eau ; mais il est parmi vous quelqu'un que vous ne conaissez point; il est préférable à moi, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers. Il vous lavera dans l'esprit de Dieu et dans le feu divin. Depuis, ■voyant Jésus qui revenait du désert : Voici, dit-il, le doux objet des faveurs de Dieu. Plus puissant que moi, il peut faire reparaître la justice parmi les hommes. plus encore parmi les Ministres du culte. Ils étaient en-
nemis des Saducéens.Ces deux sectes formaient des par- _tis puissaus dans l'Etat. I |
||||||
]..........-.......■.....■
|
|||||
D E ï É SUS. 7
Jésus va en Galilée. Il assiste à des noces. Son
éloquence persuasive lui atire ïatention de ses auditeurs. Deux disciples de Jean , charmés de voir Jésus,
le suivirent jusqu'au lieu de sa demeure, et res- tèrent avec lui une partie de la nuit. L'un s'apelait André; l'autre, qui était son frère, se nommait Si- mon , et prit depuis le nom de Pierre. Us étaient de la ville de Bcthsaïde , ainsi qu'un autre Juif ap- pelé Philippe , à qui Jésus proposa de l'acompa- gner eu Galilée , où il voulait aler. Philippe ayant rencontré Natanael, l'assura qu'il avait trouvé celui qui était alendu par la nation , Jésus de Nazareth. Natanael lui dit : Peut-il venir quelque chose de Lon de Nazareth 'Venez, répondit Philippe, et voyez. Jésus voyant venir cet homme avec Phi- lippe, dit : Voici un vrai Israélite, sans déguisement et sans artifice. Natanaé'l lui demanda d'où il le cc- naissait;et frappé de l'air de grandeur et de ma- jesté répandu sur la personne de Jésus, il lui dit: Enfant de Dieu , vous êtes digne de gouverner Israël. Jésus fut ensuite à des noces, à Cana en Galilée, avec des Disciples qui s'étaient atacbés à lui ; puis il alla à Capharuaiim ;et oomme la Pfique aprochait, il parlitpour Jérusalem. Son éloquence persuasive et la conviction de ses paroles lui atirè- rent l'ateution de beaucoup de Juifs; mais il s'en défiait, parce qu'il les conaissait. Un des principaux de la ville, norné Nicodérne, qui était Pharisien, étantvenu letrouverde nuitpoursefaireinstruire, Jésus lui déclara que personne ne pouvait avoir part au bonheur promis aux justes, si, renonçant à ses mauvaises habitudes, on ne devenait nu A 4
|
|||||
8 U VIE
homme nouveau. Il l'entretint de choses fort subli-
mes, et ajouta : Je ne condamne point les hommes , mais je désire les voir daus le bon chemin. Jean se réjouit d'aprendre que l'on s'empresse d'en-
tendre Jésus. Il est arête par les ordres d'Hé- rode. Amis la fête, Jésus retourna de Jérusalem au
Jourdain avec ses Disciples. Ceux de Jean furent le chercher , pour l'avertir que Jésus était de l'autre côté du fleuve, et que tout le monde y courait pour entendre ses instructions et se laver. A cetle nou- velle , Jean, transporté de joie , leur dit : Mes dé- sirs sont acoinplis; il faut qu'il croisse et que je diminue. Celui qui lire son origine de la terre est terrestre, et ses paroles sont toujours rampantes; mais celui dont vousîn'anoncez la renomee semble tout céleste : Dieu lui a donné une intelligence su- périeure à celle des autres hommes.Ce que Jean disait deson abaissement ne tarda pasà ariver. Outre Ar- ehélaiis qui régnait en Judée , Hérode avait laissé deux fils , l'un roi de Galilée ,nomé Hérode comme son père , et l'autre norné Philippe, qui eut d'autres provinces en partage. Ce Philippe avait épousé Hé- rodiade, fille d'un de ses frères ; mais Hérode en étant devenu amoureux, la lui avait ôtée , et l'avait prise pour femme. Jean, qui voyait Héiode, lui reprocha avec force son incontinence. Hérode esti- mait Jean , et avait même des déférences pour lui; jnaisne pouvant à la fin suporter ses remontrances réitérées, il lefitarêter , et l'aurait fait mourir aussi- tôt , s'il n'eût été retenu par la crainte du peuple, qui regardait Jean comme un Prophète. |
|||||||
.
|
|||||||
f
|
|||||
D fi JÉSUS. 9
Jésus converse avec une femme de Samarie. Il
prêche publiquement, et enseigne dans les syna- gogues. Jésus aprenant cette nouvelle, et sachant que les
Pharisiens murmuraient de ce qu'il était encore plus suivi que Jean , sortit de Judée , et retourna en Galilée par la Samarie. 11 s'assit de lassitude sur le bord d'un puils qu'on apelait la fontaine de Ja- cob. Pendant que ses Disciples alèrent à une ville voisine acheter de quoi manger , une femme étant venue prendre de l'eau, il lui demanda à boire. Comme il était défendu aux Juifs d'avoir aucun cpmerce avec les Samaritains (i) , elle fut fort sur- , prise qu'il lui demandât quelque chose. Jésus lui parla long-tems sur la diférence de leurs cultes in» ligieus ; mais elle ne comprit pas ses raisorinemens, et dit, en montrant le mont Garizin , oùlesSama- ritains faisaient leurs sacrifices : Depuis long-tems, nos pères adorent Dieu sur cette montagne , et les Juifs disent que c'est dans Jérusalem seulement qu'il faut adorer. Jésus lui répondit : un tems viendra où on n'adorera plus sur cette montagne, ni dans Jérusalem. Dieu est esprit, et ses vrais adorateurs l'adoreront en esprit et en vérité. Les Disciples ari- vant , furent très-surpris de voir Jésus en conver- (1) Les Samaritains avaient qnité le culte des Juifs en-
viron trois cents ans avant la naissance de Jésus, et ils avaient bâti un temple sur une montagne, pouroposer à celui de Jérusalem. Ils rejetaient tous les livres de la- Bible excepté les cinq de Moïse. De-là vint cette baine si violente entre eux et les Juifs anciens, qu'ils n'avaient point de romerce ensemble , et se croyaient même réci- proquement souillés lorsqu'ils s» touchaient en passant. A 5
|
|||||
*0 LAVIS
sation avec cette femme; mais ils n'osèrent alors
lui demander le sujet de son entretien. La Samari- taine les quita , et alla publier dans la ville qu'elle avait trouve un homme incomparable. Les Disci- ples de Jésus le pressèrent de prendre quelque nou- jriture. Mais il leur dit, que sa principale nouriture était de faire la volonté de Dieu , et d'enseigner la véritable manière de lui plaire. Peu detems après , ceux de la ville, excités par le raport de celte femme, l'étant venu prier de faire chez eux quelque séjour, il y alla, et s'y arêta deux jours. Tous furent en admiration de la sublimité de ses discours, et le considérèrent comme un homme raie. Jésus reprit cusuile le chemin de la Galilée , où il comença à instruire publiquement et dans les synagogues. Il y fut bien reçu , parce que la plupart des gens de ce pays s'étaient trouvés avec lui à Jérusalem pen- dant la dernière fête de Pâque. Jésus monte dans une barque , et prêche de là au
peuple. Pêche abondante. Les pêcheurs quitent leurs filets, et suivent Jésus. Quelques jours après, Jésus passant près du lac
de Génézarelh , se trouva bientôt entouré d'une foule de peuple, qui venait pour l'entendre. Il vit deux barques arétées sur le bord du lac, dont les pécheur* étaient descendus et lavaient leurs filets. L'une appartenait à Simon et André, frères: Jésus les conaissait, parce qu'ils étaient venus quelques teins auparavant le trouver dans sa demeure ; l'autre barque aparlenait à deux autres frères, Jacques et Jean, qui étaient avec Zébédée leur père. Il en- tra dans la barque de Simon ,*et le pria de s'éloi- gner un peu de la terre. Alors il s'assit et il prêcha |
||||
D E ï É S Û S1.' fi
AU peuple qui était sur le rivage. Lorsqu'il eut fini
son discours, il proposa à Simon de s'éloigner da- vantage et de jeter le filet. Simon répondit qu'ils avaient travaillé toute la nuit sans rien prendre. Jésus lui. dit d'avancer en pleine eau , et qu'ils se- raient une meilleure pêche. Sur sa parole, ils prircn t le large , et jetèrent le filet ; mais ne pouvant le re- tirer parce qu'il était trop plein , ils firent promp- tement signe à ceux de l'autre barque de venir les aider. Tous furent dans le plus grand élonement de voir une aussi grande quantité de poissons; et Simon se jetant aux pieds de Jésus ,lui dit : Homme de Dieu , éloignez-vous de moi , je ne suis pas digne de votre présence. Mais Jésus les rassura , et fuisaut allusion à la pêche, il les invita à l'a- coinpagner , pour travailler avec lui à l'instruc- tion des hommes. Ces quatre pêcheurs, saisis d'ad- miration de voir et d'entendre Jésus, ramenèrent leur barque à bord et le suivirent. Ils nièrent en- semLie à Capharnaïim, où Jésus faisait sa demeure ordinaire ; et il y enseigna quelques jours de sa- bat dans la Synagogue. Ce que les Capharnaïte» admiraient le plus en lui, était qu'il leur parlait comme ayant autorité , bien diféremment de leurs- Docteurs. Instructions de Jésus. Prière simple et courte qu'iï
enseigne au peuple. Un jour Jésus sortit de grand matin , et se retirât
dans un lieu écarté pour prier Dieu ; mais ses Dis- ciples l'étant venu trouver presque aussi-tôt, lui dirent que tout le monde le demandait. Allons donc , leur répondit-il, allons instruire : je suis Tej»u pour cela. Le peuple qui le cherchait s'era- A 6
|
||||
-
|
||||||
i
|
||||||
J 2 LA rit
pressa de se rendre auprès de lui ; et comme ris ue
voulaient pas le laisser aller, il leur représenta qu'il devait répandre ses instructions dans d'autres ■villes que la leur. Jésus fut à Corozain et à Beth- suïde , et parcourut toute la Galilée , prêchant et enseignant. Pour éviter la foule qui devint trop grande, il lui fallut une fois traverser le lac de Génézareth. Comme il allait s'embarquer, un Doc- teur de la loi vint lui dire qu'il le suivrait, quel- que part qu'il allât. Tous les animaux , lui répon- dit Jésus, ont chacun quelque retraite qui leur est propre; mais celui que vous voulez suivre n'a pas où reposer sa tête. Un de ses Disciples lui de- manda la permission d'aller ensevelir son père. Vous savez, lui dit Jésus, que, suivant la loi, les impurs (i) sont chargés du soin d'ensevelir les morts. Allez et annoncez la puissance de Dieu. Un autre le priant de trouver bon qu'il allât dire adieu à ses païens , il lui dit : Celui qui met la main à l'ouvrage , et qui regarde derrière lui, n'est pas propre au travail. Lorsque Jésus revint, le peuple qui l'atendait se trouva en plus grand nombre encore. Comme il vit tout ce monde as- semblé , il s'assit sur une hauteur, et ses Disciples l'ayant entouré, il se mit à enseigner , et dit : Le véritable bonheur consiste à jouir avec modération des biens terrestres. La douceur, l'humanité , la pureté d'intention, la patience à suporter les aflic- tions, les persécutions, la haine et les malédic- (l) Suivant la loi des Juifs , les Ministres du culte ne
devaient pas même assister aux funérailles de leurs pa- ïens ; et les Juifs se croyaient souillés en touchant un mort, jusqu'à ce qu'ils se fussent purifiés. Ceux qui étaient chargés d'ensevelir les morts étaient regardés cunime impurs. |
||||||
|
|||||
PE JÉSUS. 13
tions, sont des vertus nécessaires pour être heu-
reux. Lorsque vous éprouverez des maux ou des malheurs, tâchez de mériter, par votre résigna- tion , d'être récompensés par notre divin Maître Des gens de bien ont éprouvé des traverses, et souvent des imposteurs ont été loués et bien re- çus. Ne pensez pas que je veuille anéantir la loi, elle doit être exécutée , et je suis d'avis qu'elle soit acomplie; mais ce n'est point assez de ne pas violer la loi: si votre vertu n'est plus parfaite que celle des Pharisiens ou des Docteurs, qui se con- tentent d'observer à la lettre ce que la loi ordonne, et qui négligent des devoirs auxquels tout homme est obligé d'ailleurs , vous n'aurez point de part au bonheur que Dieu promet à ses fidèles servi- teurs. Vos Docteurs vous disent que la loi défend seulement de tuer; et moi je vous déclare qu'un mouvement de colère , une parole de mépris sont aussi très-blâmables , parce qu'il peut en résulter des suites fâcheuses. Si donc vous vous souve- nez , étant à l'autel, que votre fière a quelque chose contre vous , laissez là votre ofrande , et courez vous réconcilier avec lui , si vous voulez qu'elle soit agréée. On a dit encore à vos pères que la loi ne punit que l'adultère consomé ; et moi je vous aprends que celui qui regarde une femme avec des désirs impurs, a déjà comis in- térieurement l'adultère. Si votre-oeil ou votre main sont pour vous des moyens inévitables de faire le mal , il vaudrait mieux vous en priver , et qu'une partie de votre corps périsse plutôt que de descendre tout entier dans l'abîme. On vous a défendu le parjure; et moi je vous dis : Ne jurez point. Diles simplement oui ou non. Ce que vous ajouterez, fera douter de votre bonne foi. Œil pour œil,' |
|||||
..-...■■ . .— . - - .
|
|||||
l4 1 A v IB
et dent pour dent, a dit Moïse; et moi je vous
dis de ne vous défendre contre ceux qui vous inaltraiteut , qu'en oposant la douceur. Si l'on veut vous donner un souflet, modérez-vous, et ne vous vengez pas. Si on vous demande votre habit en justice , défendez votre cause sans hu- meur : vous pouriez perdre encore votre manteau-. Il est écrit enfin : Vous aimerez vos amis et vous haïrez vos ennemis; et moi je vous dis: Vous aimerez vos ennemis, vous bénirez ceux qui vous maudissent; vous ferez du bien à ceux qui vous persécutent, vous prierez pour ceux qui vous ca- lomnient , si vous voulez vous rendre dignes d'être les enfans de notre père comun , qui fait paraître son soleil sur les bons et sur les méchans , et pleuvoir sur les justes comme sur les injustes. Si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, et si vous ne faites du bien qu'à ceux qui vous en font, ou de qui vous en espérez, quelle récompense mériterez-vous? Ceux qui ne conaissent pas la jus- tice de Dieu, s'en tiennent à des pratiques minu- tieuses. Soyez compalissans comme notre père, même pour les ingrats. 11 est parfait; travaillons autant qu'il dépend de nous à diminuer nos im- perfections; faites aux autres ce que vous voudriez qu'ils vous fissent : tel est l'esprit de la loi et de la divine morale. Ne jugez point les autres , si vous ne voulez pas en être jugés. Quelquefois on voit une paille dans l'œil d'un autre , tandis qu'on a une poutre dans le sien. Sur-tout ne faites point vos bonnes œuvres devant les hommes-, afin qu'ils vous considèrent davantage, si vous voulez que Dieu vous récompense. Ne donnez pas l'aumône paterutnenl, comme les hypocrites, pour être vus, et que votre main gauche ignore ce que fait voire |
|||||
DEJÉSITS. l5
main droite ; alors notre père , qui conaîtles choses
les plus cachées, vous en récompensera devant tous. Au lieu d'afecterun visage pâle et défait, pour faire voir que vous jeûnez, faites eu sorte, s'il se peut, que personne ne s'en aperçoive. Gardez-vous de ces faux déclamateurs; à leur extérieur ils semblent des bre- bis, et au fondée sont des loups dévorans : ils prient dans les carrefours, ou debout dans les assemblées , pour eire remarqués de plus de monde : je vous as- sure qu'ils n'auront pas d'autre récompense. Quand vous voudrez prier, retirez-vous dans le lieu le plus caché de votre maison , et fermez la porte pour n'être vus que de Dieu: demandez, et it vous donnera ; cherchez , et vous trouverez ; frapez , et il vous ouvrira. Un père donne-t-il une pière à son fils , quand il lui demande du pain? Si, malgré nos mauvaises habitudes, nous donnons de bonnes choses à nos enfans , com- ment notre père nous refusera-t-il les vrais biens, si nous les demandons? Il sait tout ce qui vous est nécessaire, avant que vous parliez; et vous n'avez pas besoin de lui faire de grands discours, comme ces ignorans , qui croient qu'à force de paroles ils obtiendront ce qu'ils désirent. Vous prierez ainsi : Notre Père, tjui êtes présent par- tout ; que votre nom soit honoré r que tous les- peuples reconaissent votre empire ; que votre vo- lonté soit faite parmi les hommes, comme dans- l'univers. Donnez-nous notre nouriture journa- lière. Pardonnez-nous nos ofenses, comme nous pardonons à ceux qui nous ont ofenses. Aidez- nous à résister aux tentations; et préservez-nous* de tout mal. Après cette prière, ne vous inquié- tez point de l'avei.ir. A chaque jour sufit sa peine r sans prévoir celle au lendemain. Nul ne peut sw- |
||||
10 LA VIE
Tir deux maîtres; il contentera l'un et négligera
l'autre. Si vos idées se portent toutes aux biens de la terre , vous ne penserez guèrcs à Dieu. Les oiseaux ne sèment ni ne moissonnent; ils trouvent cependant leur nouriture. Voyez les fleurs des champs, elles ne travaillent ni ne filent, cepen- dant Salomou , dans sa plus grande pompe , ne fut jamais si bien vêtu. Cherchez donc à plaire à votre père; employez les facultés qu'il vous a do- uées ; il conaît vos besoins , et ne vous laissera pas manquer. Après ce discours, Jésus retourna chez lui; mais toute la ville se rendit aussi-tôt à son logis pour l'entendre parler: ceux qui ne pou- vaient y entrer, restaient devant la porte ; la mai- son ne désemplissait pas , et les Disciples ne pou- vaient trouver seulement le teins de prendre leur» repas. Il y avait, entr'autrcs personnes, plusieurs Pharisiens et Docteurs de la loi , venus des pays voisins, et Jésus les enseignait étant assis. Jésus est invité chez Mathieu, receveur des im-
pôts. Des Pharisiens en .sont scandalisés. Ré- ponse de Jésus. Eloge qu'il fait de Jean. Les parens de Jésus croient qu'il a perdu V'esprit. JÉsns au sortir de son logis, vit, en passant,
nn receveur des impôts nommé Mathieu , assis à son bureau ; il l'invita à l'acompagner. Cet homme se leva aussi-tôt , et quitant ses afaires , il mena Jésus dans sa maison'", où il lui donna un repas avec plusieurs gens de son état, et d'autres qui passaient pour mener une vie scandaleuse. Des Pharisiens et des Docteurs le trouvèrent mau- vais (i) , et étant entrés, ils dirent auxDisciples de (i) Les Juifs avaient horreur des impositions, et de
|
||||
DE J É S U S. 1/
Jésus : Votremaître est un gourmand , un ivrogne ;
à quoi songe-t-il, et vous aussi, de manger avec des personnes aussi difarnées? Jésus les ayant entendus, leur répondit : Ce sont les malades qui ont besoin de médecins, et non ceux qui se portent bien. Les justes peuvent se passer de mes conseils; je désire seulement remettre dans le vrai chemin ceux qui s'en sont écartés. Des Disciples de Jean ayant en- tendu dire que Jésus était à un festin, vinrent lui demander pourquoi ceux qui s'étaient ataehés à lui faisaient bonne chair, tandis qu'eux passaient leur vie dans le jeûne et la prière. Voudriez-vous, leur dit Jésus, que les amis d'un nouveau marié soient tristes , pendant qu'il est avec eux ? En tems viendra où ils en seront séparés; alors leur joie sera diminuée. La renomée de Jésus ayant pé- nétré jusque dans la prison de Jean, il envoya deux de ses'DiscipIes pour lui en raporter de pins grands eclaircisseinens.Ils demandèrent à Jésus s'il n'était point celui qui devait venir ? Allep , leur répondit Jésus , rendez à votre maître ce que vous avez vu et entendu. Quand ils fuient partis, Jésus dit au peuple qui le suivait : Que croyez-vous que soit cet homme que vous alliez voir dans le désert? Un Prophète peut-être? Oui, sans doute, et plus que Prophète; entre les en fan s des hommes il n'y en a pas eu de plus grand. Ceux qui l'ont écouté ont acompli les desseins de Dieu ; mais ceux qui ont méprisé ses avis, ont résisté' au cri de leur con- science. Jean est venu ne mangeant ni buvant ; c'est un démon, a-t-on dit : un autre est venu man- ceux qui étaient préposés pour les recevoir. Ils ne
croyaient même pas devoir en conscience les payer , et ils ne s'y soumettaient que parce qu'ils y étaient forcé». |
||||
18 L A V I E
géant e< buvant comme tout le monde; c'est un
gourmand, un ivrogne, qui n'aime que les gens de mauvaise vie. Avez-vous remarqué ces enfans qui jouent dans les places publiques ? comme ils se plaignent, lorsqu'ils ont pris inutilement toutes sortes de tons pour plaire aux passans; de même les diférentes voies que la sagesse divine a prises en vain pour vous aptier à elle, la justifient sur tous ses enfans. A ces mots , une femme élevant la voix, s'écria: Heureuses les eutrailles qui vous ont porté et les mamelles qui vous ont nouri ! Heureux plutôt, reprit Jésus , ceux qui écoutent la parole de Dieu, et la pratiquent! Les parens de Jésus ayaut apris ce qui se passait, vinrent pour se saisir de lui, croyant qu'il avait perdu l'esprit; mais le peuple, qui en était enthousiasmé, s'y oposa. Des Pharisiens et des Docteurs l'acu- sèrent d'être possédé du démon ; mais Jésus leur répondit : Un état divisé touche à sa ruine. Si les démons se font la guerre, ils détruisent leur empire ; mais si Dieu les combat, il fait éclater sa puissance; la révoquer en doute , est un blasphème impardonable. Que ne jugez-vous d'un arbre par son finit ! c'est que vous parlez suivant que vous êtes afectés. Un méchant homme ne peut produire rien de bon. On dit à Jésus que ses parens vou- laient absolument lui parler; il répondit: Mes pa- rens sont ceux qui font la volonté de notre divin Père qui gouverne tout. allégorie sur la parole de Dieu, qui se fait
entendre intérieurement. Jésus sortit de la ville où il était, et alla sur
Je bord du lac. Dans la foule qui le suivait , it |
||||
D E J É S V S. 19
y avait des femmes qui ne le quitaieut point, et
qui contribuaient de leur bien à sa subsistance. Entre autres étaient Marie Madeleine, et lu femme de l'économe d'Hérode.Il monta dans une barque, d'où il enseignait le peuple. Un jour, dit-il, un laboureur étant allé semer, une partie du grain tomba dans un chemin qui bordait son champ, et fut perdue ; les passans le foulèrent aux pieds. Une autre partie tombée dans des lieux où il y avait beaucoup de pierres et peu de terre, poussa d'abord; mais faute d'humidité, elle ne prit pas assez de racine, et fut bientôt desséchée ; une autre tomba dans des épines qui l'étoufèrent ; le reste tomba sur de la bonne terre, et le grain multi- plia jusqu'à rendre cent pour un : il est facile de comprendre ce que je veux dire. Les Disciples de Jésus étant en particulier avec lui, demandèrent le sens de celte allégorie, et pourquoi il parlait au peuple en sens figuré ? C'est, dit Jésus, qu'il ne comprend pas aisément les choses spirituelles ; son cœur est endurci et ses yeux sont fermés. Voicï le sens de l'allégorie : le grain est la parole de Dieu qui se fait entendre intérieurement ; ce qui tombe dans le chemin , représente le comun des hommes, qui ne la reçoivent qu'en passant; elle ne peut leur profiter. Le grain qui tombe dans les pierres, qui pousse d'abord et sèche peu après, signifie que quelques-uns écoutent cette parole avec plaisir, mais faute d'y faire atention , les moindres peines qu'elle leur cause, l'efacent de leur mémoire. Ce- lui qui tombe dans les épines , nous donne l'image d'un grand nombre qui reçoivent la parole de Dieu dans leur cœur ; mais elle y est bientôt étoufée par l'ambition , l'avarice , la volupté , et les autres, passions. La bonne terre représente ceux qui écou- |
||||
20 ti VIE
tent cette parole, la méditent, soufrent avec joie
les peines où elle les expose , pour en recueillir abondarncnt les fruits (i)< La science de Jésus étone ses auditeurs. On lui
demande des prodiges. Sur sa réponse on le chasse de la synagogue, et on veut le précipiter. Jésus prit le chemin de Naïm , et fut de là à Na-
zareth , où il avait été élevé. Au premier jour du sabat, il entra, selon sa coutume, dans la syna- gogue. On lui présenta le livre d'Isaïe ; il l'ouvrit, et lut ces mots : L'Esprit de Dieu demeure en moi ; il m'a rempli de son onction ; il m'a envoyé pour instruire les pauvres , consoler les aBigés, anoncer ia liberté à ceux qui n'en jouissent pas , la lumière à ceux qui ont besoin d'être éclairés, publier le tems des grâces divines. Après qu'il eut achevé de lire , il ferma le livre , le reudit, s'assit, et tout le monde ayant les yeux sur lui, il dit : Ces paroles doivent s'acomplir. Il est tems de profiler de la. lumière pour adorer Dieu avec simplicité , et cha- cun doit contribuer, autant qu'il est en lui, au bonheur des hommes. Puis il se mit à enseigner d'une manière insinuante, persuasive et convain- cante. On admirait l'excellence de sa docuirje, et sur-tout le ( -narine de ses paroles. Mais , disait-on, d'où lui est venue cette science et ce pouvoir? N'est- ce pas le fils de ce Joseph , charpentier, et de Ma- rie ? et toute sa pu rente n'est-elle pas parmi nous? (i) L'u^aise était, chez les Juifs et les antres peuples
orientaux , lorsqu'ils [parlaient d'une chose sérieuse , de s'exprimer par allégorie , ou en sens figuré ; et cet usage subsiste encore parmi ces nations. |
|||||
■—
|
|||||
DE JÉSUS. 21
Ils ne pouvaient comprendre qu'il fût devenu , en
aussi peu de tctns ,si diférent de ce qu'ils l'avaient vu. La curiosité ayant amené quelques personnes auprès de Jésus , plutôt que le désir de s'instruire , elles 'uideinandèreutdeleur faire voir des prodiges. Mais Jésus leur répondit : Nul n'est prophète dans son pays. Ils se levèrent aussi-tôt , transportés de colère, le chassèrent de la synagogue, et le menè- rent vers un rocher , pour le précipiter. Mais Jésus s'évada du milieu d'eux , et sortit du pays. Mort de Jean. Disciples de Jésus. Instruction qu'il
leur donne. Le jour de la naissance d'Hérode étant venu , il
fit préparer un festin aux principaux de sa cour. Une fille de cette Hérodiade qu'il avait enlevée à son frère , y vint danser; et elle le fit de si bonne grâce, qu'Hérode, au comble de sa joie, lui dit de demander ce qu'elle voudrait, jurant de le lui douner , fût-ce la moitié de la Galilée. Cette fille , instruite par sa mère, demanda la tête de Jean. Hé- rt>de fut afligé de cette demande , et se repentit d'avoir juré. Mais son serment était trop solennel ; et d'ailleurs il n'eut pas le courage de désobliger cette jeune personne. Un garde aporta la tête dans un bassin ; la fille en fit présent à sa mère. Les dis- ciples de Jean vinrent prendre son corps pour lui rendre les derniers devoirs , et en furent porter la nouvelle à Jésus. Us le trouvèrent qui instruisait les siens ; il en avait choisi douze ; c'était Simon , surnomé Pierre ; André , son frère ; Jacques et Jean, fils de Zébédée , qu'il avait trouvés ocupés à la pèche ; Philippe , de Bethsaïde, le receveur Ma- thieu , un autre Jacques et un autre Simon , Bar- |
||||||
22 1A VIE
thelemy, Tliadce, Thomas et Judas. Il leur dit:
Soyez la lumière du monde. Il faut que vos bonnes œuvres éclatent devant les hommes, afin qu'ils en rendent gloire à notre Père ccmuu. N'allez point d'abord chez ceux qui ne voudraient pas vous rece- voir. Quand vous entrerez dans une maison , sou- haitez-y la paix : si cette maison en est digne, vos désirs seront exaucés; ceux qui vous recevront mé- riteront les grâces de Dieu; et un secours donné pour l'amour de lui ne sera pas sans récompensé. Si l'on ne veut pas vous recevoir ou vous écouter, sortez à l'instant. Je vous envoie comme des brebis nu milieu des loups. Lorsqu'on vous persécutera dans une ville , retirez-vous dans une autre. Dé- fiez-vous des hommes; s'ils m'ont acusé d'être pos- sédé du démon , ils en diront autant de vous; ils pourront même vous maltraiter; vous serez acusé», et votre défense sera l'exposition de la vérité : ne vous inquiétez pas alors de ce que vous direz; péné- trez-vous de l'idée de Disu , il vous inspirera une sa-gesse et une éloquence qui confondront vos -ad- versaires. Publiez patemment ce que je vous en- seigne, et ne craignez point ceux qui ne peuvent tuer que le corps : craignez plutôt la puissance qui peut précipiter le corps et l'ame dans un abîme de tourmens et de regrets. Il n'arive rien dans l'univers que parla permission du Créateur.Renoncez à vous- mêmes, et que votre fermeté soit à toute épreuve: si vous ne persévérez jusqu'à la fin , vous ne rece- vrez point de récompense. Celui qui abandonne Dieu pour conserver sa vie, périra misérablement. Quand vous aurez agi suivant votre conscience, vous n'aurez fait que ce que vous deviez faire. La morale que je vous charge d'enseigner est si mé- conue sur la terre, qu'elle ocasionera des divi- |
||||
' ■ - —'—■
|
|||||
DE JÉSUS. aS
jtons. Les préjugés et les habitudes s'oposeront tou-
Ifcurs au bien que je désire. Après ce discours, les Bisciplcs se séparèrent de Jésus, et parcoururent ■es villes et les bourgades, prêchant par-tout la mo- Bale qu'ils avaient aprise, et exhortant le peuple Mu repentir de ses fautes. Secours que Jésus donne à un malade. Les Juifs
I l'acusent d'avoir ocasioné une transgression de
f la loi le jour du sabat. '*, Le tems delà fête des Juifs étant arivé, Jésus alla
à Jérusalem. Il y avait près d'une des portes de la iille un réservoir d'eau, où des malades descen- iaient pour soulager leurs infirmités. Un d'eux ne jbouvant descendre, Jésus l'aida à se mettre dans le pain , et à remonter. Le malade voulut emporter sa couchete; mais les Juifs lui dirent qu'il ne lui ■tait pas permis , parce que c'était le jour du sa- |>at (i). Il leur répondit qu'il se trouvait mieux, «races au secours de celui qui l'avait assisté. On lui demanda qui il était; mais H ne le conatssait pas. Jésus l'ayant rencontré depuis dans le temple, «avertit de rendre grâces à Dieu , puisqu'il était jpjulagé , de peur qu'il ne lui arivât un plus grand anal. Cet homme l'ayant reconu , s'informa de son îiom , et fut le raporter aux Juifs. Aussi-tôt Us cher- chèrent Jésus, et lui reprochèrent d'avoir ocasioné Ime transgression de la loi le jour du sabat; mais II leur répondit : Dieu , mon Père, ne cesse jamais
■'agir; puis-je suivre un plus grand exemple ? Mais I (0 Le Sabat était le septième jour de la semaine. La
loi défendait , pendant ce jour , toute espèce de travail, et même les voyages. Ce uréceute était exécuté jusqu'à
la minutie.
|
|||||
24 LA VIE
celle répartie tie fit que les irriter encore, sur-tout
voyant qu'il parlait de Dieu comme de son Père, Jésus leur dit : Je ne fais rieu de moi-même ; Dieu me dicte ce que je dois dire et ce que je dois faire. Je ne parlerai point de moi, vous ne seriez pas obli- gés de me croire; mais un autre en a parlé. Vous; avez envoyé vers Jean, et vous savez qu'il a aprouvé mes discoirrs, mes sentimens et ma conduite. Je n'invoque l'autorité d'un homme, que parce que vous y avez déféré ; mais je me fonde sur une auto- ri é bien plus grande : c'est Dieu qui m'a inspiré d'agir comme je fais pour le bien de mes sembla- bles. Mes paroles et mes actions témoignent pour moi. Examinez vos écritures et vos lois , et vous en comprendrez le vcritablesens. Mais je vous conais; l'amour de Dieu n'habite point en vous; vous me rejetez quoique je parle en son nom , et vous rece- vrez bien un autre qui parlera de lui-même. Cepen- dant je ne vous acuse pas; et si vous faites mal, vos lois vous condamneront. Les Disciples de Jésus lui rendent compte de leur
< mission. Le peuple admire l'éloquence de Jésus. Il veut le faire Roi. Beaucoup de Juifs ne corn- prenent pas ses discours. Plusieurs le quitent. Après la fête, Jésus prit le chemin de Galilée;
et scsDisciplesl'ayant rejoint, lui rendirent compte de ce qu'ils avaient fait. Entre autres choses, Jean lui dit qu'ils avaient trouvé un homme qui ensei- gnait aussi; mais qu'ils lui avaient défendu de continuer parce qu'il n'était pas avec eux. Jésus leur répondit : Vous avez mal fait; car celui qui n'est pas contre vous, est pour vous. Hérode ayant entendu parler de Jésus, ne savait qu'en penser. J'ai
|
||||
DE JÉSUS. 25
JVi fait, disait-il, mourir Jean; serait-il ressus-
cité? II souhaita de voir Jésus, et donna ordre qu'on le cherchât, pour le lui amener. Jésus ayant apris cette nouvelle à son retour de Jérusalem en Galilée , traversa le lac de Tibériade , pour se retirer dans le désert de Bethsaïde , au lieu d'aller à Caphainaùrn. Le peuple qui l'avait déjà rejoint, l'ayant vu s'embarquer, fit le tour du lac, et ariva presque aussi-tôt que lui au lieu où il devait abor- der. Jésus fut ému , en voyant tout ce monde , et dit : La moisson est grande, et il y a bien peu d'ouvriers. Prions le maître du champ de vouloir bien en envoyer. Ensuite il leur parla des choses spirituelles; Cl son éloquenceordiuairecaptiva long- tcins leur atcutiou. Le charme de son ton , de sa voix, de ses discours les saisit d'enthousiasme ; et ils voulurent l'enlever pour le faire Roi. Mais Jésus en étant averti, obligea ses Disciples de s'em- barquer sur le champ , et leur dit d'alcr l'atendrc à la ville de l'autre côté du lac. 11 crut qu'étant seul il lui seroit plus aisé de s'échaper ; en effet i\ s'évada, et fut se cacher dans une montagne voisine, où il passa une partie de la nuit en prières. Le peuple ne voyant plus Jésus , fut le cherchera Capbarnaum, lieu ordinaire de sa résidence. Ils le trouvèrent qui enseignait dans la Synagogue , et lui ayant demandé cornent il était venu : Vous me cherchez , leur dit-il, et peut-être est-ce la simple curiosité qui vous atire : puissiez-vous écouter avec Fruitla morale que je vous enseigne. C'est une nou- iiture spirituelle qui alimente l'esprit, et qui fait conaître aux hommes le raport qu'ils ont avec Dieu. Les Juifs ne comprenant pas ce qu'il disait,' répondirent que leurs pères avaient autrefois \éc\x c manne dans le désert, et que Moïse leur avait B
|
||||||
26 LA VIE
doné le pain du ciel à manger. Jésus dit : Ce
n'est point Moïse qui vous a doné ce pain ; c'est Dieu lui-même ; mais le véritable pain du ciel est celui qui vous est ofert au nom du Seigneur. Eh! s'écrièrent - Us, donnez-nous toujours de ce pain. Jésus répondit : Je vous présente ce pain de vie ; c'est la morale divine et naturelle que je vous enseigne. Ceux qui m'écouteront seront satisfaits, et je ne rejeterai personne ; car je ne cherche pas à faire ma volonté , mais celle de Dieu ; et sa volonté est que je ne perde aucune ocasion de rapeler à lui ses en fan s. Ce discours fit murmurer les Juifs. Ne conaissons-nous pas son père et sa mère , disaient-ils entre eux ? cornent donc peul-il dire qu'il vient au nom de Dieu ? Ne soyez pas étonés, reprit Jésus, vous ne pou- vez profiter de ce que je vous dis, qu'autant que Dieu vous en inspirera le vouloir. Il a gravé ses lois dans le cœur de tous les hommes ; mais ceux qu'il favorise de sa grâce, peuvent seuls profiter des instructions. Oui, je vous ofre ce vrai pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts ; mais ceux qui se nouriront de ce pain spirituel , vivront éternellement; et ce paiu soutient mon existence, que je douerais pour le salut du monde. Les Juifs douaient divers sens à ces paroles, mais ils n'y comprenaient rien ; plu- sieurs Disciples même trouvèrent ce discours bien étrange , et l'écoutaient impatiemment. Pourquoi, leur dit Jésus , vous scandalisez - vous ? l'homme doit naturellement retourner d'où il est venu: l'esprit ne meurt point, et le corps passe promp- tement. Les paroles que je vous dis sont esprit et vie ; mais il y en a parmi vous dont la croyance est obscure, et ;'ai raison de vous dire que mes |
||||
d e i k s u s. 27
discours ne peuvent être écoutés que par ceux
que Dieu inspire. Comme celte manière de s'ex- primer était trop abstraite pour le comun des Juifs, la plus grande partie quita Jésus. 11 de- manda alors à ses Disciples s'ils ne le quiteraient pas aussi? A qui irions-nous? répondit Simon , * vous avez la parole de vie. Cependant, dit Jésus , 'j
quoique vous soyez en petit nombre, l'un de vous
est un traître. Les Pharisiens acusent encore Jésus de violer le )
sabat. Sage réponse de Jésus.
Comme Jésus enseignait dans la Synagogue tin
four de sabat, il s'y trouva un malade. Des Phari- siens lui demandèrent s'il était' permis de guérir j quelqu'un pendant ce jour. Jésus leur répondit en les regardant avec pitié et indignation : Qui > de vous ayant une brebis ne la relire pas d'un fossé , quelque jour qu'elle y tombe ? Hypocrites que vous êtes, nul d'entre vous ne se fait scrupule de délier aujourd'hui son bœuf pour le mener boire ; uu enfant d'Abraham ne vaut-il pas mieux qu'un boeuf ou une brebis ? Les Pharisiens furent hon- teux decette réponse, voyant que lepeuplcy aplau- dissait. Ils se plaignirent aux llérodiens (1) quo * Jésus était un violateur de la loi, et cherchèrent des moyens de le perdre. Comme Jésus passait le long des blés, un jour de sabat et des plus solennels, ses Disciples prirent des épis qu'ils hroyèrent dans leurs mains, et les mangèrent. Aussi-tôt des Pha- (1) Les Hérodiens formaient une espèce de confrérie ,
instituée à l'honneur d'Hérode , surnonié le Grand , dés son vivant : ils pensaient à-peu-près comme les Sadu- céens. B 2
|
|||||
•/
|
|||||
^8 L A V I E
risiens qui l'avaient suivi, lui remontrèrent que
c'était violer la loi. Mais Jésus leur dit : N'avez- vous pas lu ce que fit David du tems du grand prêtre Abiatar, et ceux qui étaient avec lui un. jour de sabat, se trouvant pressés de la faim? Ils entrèrent dans le temple, et mangèrent les pains de proposition , ce qui n'était permis qu'aux sa- crificateurs. N'avez-vous point lu aussi dans le livre de la loi, que les sacrificateurs peuvent violer le sabat dans le temple? Si vous faisiez atention qu'une afection mutuelle est plus mérilable devant Dieu, que vos pratiques minutieuses et les sacri- fices sanglans que vous lui ofrez, vous ne me con- damneriez pas comme vous faites , en vous bor- nant à la lettre de la loi : le sabat est fait pour l'homme , et non l'homme pour le sabat. Allégorie sur l'aveuglement des Juifs. Jésus dé-
tiare à ses Disciples qu'il faut qu'il aille à Jérusalem, quoiqu'il prévoie qu'on l'y fera sou~ frir< Jésus s'embarqua, et aborda à un pays nomé
Magedan , où ou le pria , comme on l'en avait déjà prié a Nazareth, de faire voir des prodiges. Il répondit : Ne pouvez - vous pas discerner de ■vous-mêmes ce qui est bon d'avec ce qui ne l'est pas ? Vous pouvez même pénétrer l'avenir par vos conjectures et vos combinaisons? Et à quoi vous servirait devoir des prodiges ?Un pauvre mendiant couvert d'ulcères, se tenait ordinairement à la porte d'un homme riche, etqui faisait bonne chère ; il ne souhaitait que quelques resles de sa table, mais on ne lui donnait rien : ils moururent tous deux. Le riche, privé de la vue de Dieu, vit le |
||||||||
D ft J É S IJ 9. 29
pauvre dans le sein d'Abraham : Père Abraham ,
s'écria-t-il, ayez pitié de moi; envoyez-moi par cet homme une goûte d'eau pour soulager ina langue du feu qui la dévore. Eh ! mon fils , lui dit Abra- ham , souvenez-vous que vous n'avez eu que des biens dans votre vie , et que vous avez refusé de soulager ce pauvre, qui n'a eu que des maux; il est juste qu'il soit consolé , et que vous soyez puni : l'espace qui est entre nous ne peut se traverser. Du moins , reprit le riche , envoyez-le chez mon père , pour avertir mes frères. Ils ont la loi, répondit Abraham, qu'ils la pratiquent. Ils seraient bien mieux persuadés, insista le malheureux, si quel- qu'un des morts allait leur donner des conseils. Non , reprit Abraham; s'ils ne croient rien , ils ne croiront pas plus quand ils verraient ressusciter des morts. Depuis ce tems , Jésus ne fit plus que voya- ger dans la Galilée et les pays voisins , sans sY.rêtcr nulle part, ni vouloir être conu ; mais il lui était bien diGcile d'être long-tems caché. Il passa à Tyr et à Sydon , et fut aux environs de Césarée de Phi- lippe. 11 déclara à ses Disciples qu'il falait qu'il allât à Jérusalem , quoiqu'il prévît qu'on l'y ferait scu- Inr. A Dieu ne plaise , reprit Simon, que rien de semblable vous arive! mais Jésus se retournant vers les autres Disciples, dit : Vous ne vous conduisez que par la prudence humaine , et vous ne conaissez point la sagesse et les décrets de Dieu. Il leur parla souvent depuis sur le même sujet ; mais ils ne com- prenaient point, et ils n'osèrent lui demander plus d'explications. |
|||||
B 3
|
|||||
5ô IA VIÏ
|
|||||
Jésus mange avec toutes sortes de personnes. Allé-
gorie sur le pardon de Dieu pour celui qui se repent et se corige de ses fautes. Pendant que Jésus voyageait dans la Galilée , il
mangeait indiféreminent chez toutes sortes de per- sonnes; et comme les Pharisiens s'en scandalisaient toujours, il leur dit : Qui de vous ayant perdu une des brebis de son troupeau , ne Tirait pas chercher? Si vous la trouviez , ne la chargeriez vous pas avec plaisir sur vos épaules, et ne vous causerait-elle pas plus de joie que toutes les autres qui ne se se» raient point égarées? Je vous dis de même que le retour de celui qui se repeut de ses fautes, et s'en corige, est plus sensible à Dieu que la persévérance des justes dans le chemin de la vertu. Le plus jeune desenfans d'un homme riche, ayant persuadé à Bon père de lui donner une part de son bien, rem- porta en pays étranger , où il le dissipa eu débau- ches. Peu de teins après, il y eut une famine dans le. lieu où il était; et le pain y devint si rare, que pour en avoir, il fut réduit à garder les pour- ceaux; encore lui en donnait-on bien peu. Un jour que dans ses réflexions il portait envie à ces ani- maux de ce qu'on ne leur épargnait pas leur nou- riture, il fut frapé de la comparaison de son sort actuel avec le bonheur dont il avait joui dans la maison paternelle , où tout était en abondance , et où tous les jours il y avait beaucoup de restes , tan- dis qu'il éprouvait une disete cruelle. Aussi-tôt il résolut de partir pour y retourner. Son père s'étant trouvé sur le chemin , le reconut de loin , et alla à sa rencontre. Je suis coupable , lui dit son fils , devant Dieu et devant vous. Je ne mérite plus ■il
|
|||||
D E J Ë S U S. 31
d'être apclé votre fils. Mais le père, joyeux de son
retour, luifitaporter des habits et préparer à man- ger. Jl ordonna une fête pour se réjouir, disoit-il , de ce que son fils était ressuscité. Comme ils étaient à table , l'aîné de la maison , qui revenait des cliamps, entendit, en approchant du logis, le son des instrumens, et en ayant apris le sujet, il en fut si indigné, qu'il refusa d'entrer, malgré les ins- tances de son père, qui sortit pour l'en prier. Il y a tant de tems , lui dit-il, que je vous sers avec sou- mission et atachement, sans que vous m'ayez ja- mais donné de quoi me réjouir avec mes amis; et votre cadet n'est pas si-tôt revenu de manger hon- teusement tout le bien que vous lui avez donné , que vous prodiguez le reste pour honorer son re- tour. Mon fils, répoudit le père, tu as toujours été avec moi, et ce que j'ai est pour loi ; mais j'avais perdu ton frère, et je me réjouis de l'avoir retrouvé. Réponse de Jésus sur te divorce. Il recomande
l'humilité à ses Disciples. Les Pharisiens cherchant toujours à compro-
mettre Jésus, lui demandèrent s'il était permis à un homme de répudier sa femme. La loi le permet- elle, dit Jésus? Ils répondirent que Moïse le leur avait permis. Il est cependant dit dans vos écri- tures , reprit Jésus, qu'un fils quite son père et sa mère pour s'atacher à sa femme. Mais Moïse a dé- claré que ce lien n'était pas indissoluble, parce qu'il connaissait la faiblesse humaine. Jésus ayant entendu ses Disciples se disputer dans le chemin , voulut en savoir le sujet, lorsqu'ils furent arivés. Ils n'osèrent d'abordle dire; mais enfin ilsavouèrent qu'il était question de savoir lequel d'entre eux serait »4
|
||||
52 L A V I B
le plus grand. Si quelqu'un de vous , leur dit-il, veut
rire le premier, il faut qu'il se croie le dernier et te serviteur de tous les autres ; et apelant en même tems un petit enfant, il le prit par la main , le mit ^u milieu d'eux, et l'ayant embrassé, il dit : Celui qui s'humiliera et se fera petit comme cet enfant , sera le plus grand , et vous ne serez point agréables a Dieu , si la simplicité ne règle pas vos démarches : il proposait toujours cet âge comme le modèle de l'humilité et de l'innocence. Un jour qu'on lui en présenta plusieurs , Jésus voyant que ses Disciples les repoussaient, leur témoigna de l'indignation ; et rapelant ces enfans, il les embrassa , et dit : laissez- les a piocher de moi, et ne les méprisez pas; Dieu aime ceux qui leur ressemblent, il en prend un soi* particulier; si quelqu'un les scandalise , il vaudrait mieux pour lui qu'il fût au fond de la mer. i Les Pharisiens se scandalisent de ce que les Dis-
ciples de Jésus ne se lavent pas les mains avant leur repas. Réponse de Jésus. Reproche qu'il fait aux Pharisiens. Allégorie sur F humilité. Une femme parfume les pieds de Jésus. Les Pharisiens le trouvent mauvais. Réponse de Jésus par une allégorie. Entr'autres superstitions queles Juifs tenoient
de leurs anciens , ils croyaient que c'était un acte agréable à Dieu de se laver souvent (i). Les Phari- (1) L'usage des Juifs était de se laver souvent; mais
ce n'était pas seulement laver, il fallait le faire avec certains gestes et certaines cérémonies superstitieuse». Les Pharisiens sur-tout croyaient que si une personne souillée de quelque impureté déclarée par la loi, tou- chait quelque chose , cette souillure se comimiquait à |
||||||
CE jÉsus. 35"
siens et les Docteurs, quicherebaieiit toujours des
prétextes pour attiser Jésus de violer la loi ou la tradition , ayant remarqué un jour que ses disciples s'étaient mis à table sans avoir lavé les mains, le trouvèrent fort mauvais, et lui en demandèrent la raison. Jésus leur dit : Pourquoi préférez-vous, dans bien des circonstances, votre tradition à la ! loi ? Vous ne pouvez pas ignorer à quel point la loi recoinande d'honorer ses pères et mères; et vous croyez cependant que si un fils ofre au temple ce qu'il pourait employer à assister son père dans le besoin . il satisfait au comandement, et n'est plus obligé envers son père ou sa mère (i). Vous dites encore que si quelqu'un jure par l'autel ou par le teinpie , il ne s'engage à rien; mais que s'il jure par l'ofraude qui est sur l'autel, ou par l'or du temple, il est obligé par ce serinent. Combien de choses JKcnibhibles peut-on reprocher à votre tradition ? Hypocrites, qu'Isaïe vous a bien dépeints, quand il a dit : Ccltenation m'honore des lèvres , mais sou cœur est bien éloigné de moi , et rien ne leur sera celui qui la touchait ensuite , et souillait l'ame. C'était
pour éviter ce malheur, qu'ils avaient si grand soin île se laver. ■ (i) Jésus reproche, aux. Pharisiens et aux Docteurs de
la loi une opinion que les Ministres du culte avaient imaginée et acréditée , pour s'atirer le bien des familles. C'était une maxime , que tout ce qui était donné au temple était dès-lors hors de toute puissance humaine. Lorsque des créanciers ne pouvaient se faire payer, ils Jonnaient au temple ce qui leur était dû. Les débiteur» loi consacraient leurs dettes, lorsqu'ils voulaient en frustrer les créanciers ; 6n sorte qu'il en résultait des )busénorine«;;Les Sacrificateurs recevaient tout, et (rou- iraient bien le moyen de se faire payer. B 5
|
||||
54 LA VIE
pltts inutile que le culte qu'ils ont inventé pour me
rendre hommage ! Puis Jésus s'adressant au peuple, dit : Sachez que ce qui entre dans l'homme ne le souille point, mais ce qui en sort. Malheur à ceux qui se contentent de nétoyer le dehors , tandis que le dedans est plein d'injustices, de noirceur et d'im- pureté ; semblahles à ces sépulcres blanchis , qui présentent unebelle aparence et ne contiennent que delà pouriture! Malheur à ceux qui croient avoir rempli leurs devoirs, en payant exactement ta dixme des moindres légumes, et qui négligent les préceptes les plus importaus de la loi! Malheur à ceux qui font des bonnes œuvres pour être vus , et qui, à l'abri de longues prières , usurpent le bien des veuves ! Que sert d'invoquer le nom deDieu, si l'on ne fait rien de ce qu'il cornande? Malheur enfin à ceux qui obligent les autres à des devoirs auxquels ils n'ont jamais songé de satisfaire eux-mêmes , et qui ne loucheraient pas du bout du doigt les far- deaux dont ils chargent les épaules de ceux qu'ils croy ont faits pour les porter! Notre souverain maître ne peut aprouver la conduite de ceux à qui l'ins- truction a été confiée , et qui , loin d'édifier les autres , les détournent du bien par leurs mauvais exemples; qui reprennent des fautes légères , et ne se font point scrupule des choses les plus crimi- nelles, qui veulent ocuper par-tout les premières places, être salués et respectés de tout le monde , Être apelés maîtres , pères et docteurs , tandis qu'il n'y a qu'un seul maître et docteur,'qui est notre comun père. Jésus ajouta : Un pharisien et un commis d'impôts se trouvant un jour dans le tem- ple , le pharisien se tenait debout , et'priait ainsi;: Seigneur, je vous remercie de ce que je ne suis ni Toleur, ni adultère, ni ivrogne, comme beaucoup |
||||
DE JESUS.- $5
d'autres, ni même comme cet homme; au cou traire,
je jeûne deux fois la semaine , et je donne la dixme dénies revenus. L'autre , relii é dans un coin, n'osait lever lesyeux,etfrapant sa poitrine , il disait : Mon Dieu , ayez pitié de moi, je in'acuse devant vous de mes fautes. Je vous assure qu'il fut justifié avant de sortir , et le pharisien ne le fut pas. Car celui qui se glorifie sera humilié, et celui qui s'humilie, sera glorifié. LesDisciples de Jésus lui dirent qu'il avait fort scandalisé les Pharisiens par ses discours ; il leur répondit: Laissez-les dire, ce sont des aveugles qui. en conduisent d'autres, ils tomberont avec eux dans le précipice. Ensuite Simon-Pierre ayant prié Jésus d'expliquer ce qu'il avait dit, que ce qui entre dans l'homme ne le souille point, mais ce qui cii sort. Quoi! dit Jésus, vous ne comprenez pas encore? Ne concevez-vous pointquece n'est pasau cœur que vont les choses que l'homme mange, et qu'il n'en peut être souillé. Les choses qui , en sor- tant, souillent l'homme, sont les mauvaises pen- sées , l'orgueil, la malignité , la fraude, l'envie , la jalousie , le blasphème, les désirs impurs, l'a varice, le vol , le meurtre, le faux témoignage; voilà ce qui somlle l'homme, et non de ne pas se laver le* mains. C'était ainsi que Jésus saisissait toutes lei ocasions pour condamner l'orgueil et la superstition des Pharisiens. Un jour qu'il était à table chez l'un d'eux , nommé Simon , une femme publique vint se jeter à ses pieds, elle les baisa en versan t des larmes, cl les ayant arosés avec une huile de parfums qu'elle avait aportée, elle les essuya avec ses chevaux. Le maître du logis scandalisé de cette action , dit à Jésus qu'il ne. devrait pas soufrir que cette femme le touchât, puisqu'il savait qu'elle menait une vie honteu e. Jésus lui répondit : Simon , j'ai une ques- B 6
|
||||
...-----------.;—.^'"'f*^:
|
|||||
56 L A V I E
tiou à vous faire. Un créancier avait deux débi-
teurs , l'un de cinq cents deniers , l'autre de cin- quante , il leur remit leurs dettes : lequel des deux eut plus de sujet d'être reconaissant ? Ce fut, dit le Pliarisicu , celui qui devait davantage. Sans doute, reprit Jésus; jugez donc en conséquence. Je suis eiïtré dans votre maison, et vous ne m'avez pas oferlà laver (i). Cette feinmea même parfumé mes pieds , et elle les a baisés. Cet acte d'iuimililé prouve le regret de ses fautes , et ce qu'elle fait est en vue de Dieu , qui cotiaît son intention. Jésus témogne de l'horreur contre un souhait in-
humain. Allégorie sur ceux que Dieu tarde à éclairer par sa grâce. Le tems de la fête des tabernacles étant arivé ,
les parens de Jésus , qui n'avaient pasconliance en lui, vinrent le trouver, et lui dirent : Puisque vous cherchez à vous faire une réputation, quitez ce pays, et allez en Judée « la féle, afin que votre puissance éclate devant tout le monde; vous ne cous rendrez pas célèbre eu vous cachant toujours. Jésus leur répondit : Mon tems n'est pas encore i.enu : pour vous j à qui tous les tems sont égaux , (1) C'était une coutume parmi les peuples de l'Orient
(le laver et baiser les pieds aux étrangers qui arivaient liiez eux. Cette cérémonie se faisait plus ordinairement à l'entrée des repas ; et lorsqu'on voulait témoigner plus d'égards pour quelqu'un , on employait dej huiles odoriférantes et des parfums. Pour plus grand honneur encore, les enfans de la maison étaient charges de rendr» ce service, Jésus répond au Pharisien , en lui faisant une espèce de reproche de ne s'être pas conformé à J'usitge. " . _.• . . . • • .. |
|||||
DE JÉSUS. %f -
vous pouvez y aller. Il demeura donc encore en
Galilée; mais il parût peu après pour Jérusalem, et il ne se fit point conaître dans le chemin. Etant près d'ariver dans une ville de Samarie, il envoya quelques Disciples pour chercher un logis ; mais les habitons ayant apris qu'ils allaient à Jérusalem, pour la fête , refusèrent de les recevoir , parce que leur religion leur défendait de cornuniquer avec les anciens Juifs, et même de les toucher. Les fils de Zébédce témoignèrent leur indignation , en sou- haitant que le l'eu du ciel consumât cetteville. Jésus eut horreur de cette idée , et dit : Vous ne savez pas à quoi vous êtes apelés. Loin de faire périr les hommes , nous devons chercher à les sauver. Jésus alla plus loin. Arivé en Judée , il continua d'ensei- gner. Il faisait remarquer aux Juifs leur croyance superstitieuse , et l'excès de leur confiance en eux- mêmes. Il leur parlait des autres peuples, moins remplis de préjugés, et plus capables qu'eux d'écou- ter et de suivre la saine morale. Il y a d'autres brebis, leur dit-il un jour, prêchant dans le temple , qui ne sont pas de cette bergerie ; il f;.ul que je les amène; alois il n'y aura plus qu'un troupeau. Comme il vit que les Juifs ne pouvaient soufrir qu'il assi- milât les autres nations à la leur , il leur reprocha leur orgueil et leur inhumanité par cette allégorie: Un homme envoya de grand malin des ouvriers à sa vigne, et convint avec eux d'un denier pofarleuf journée ; trois heures après , il en trouva d'autres qui n'étaient pas ocupés , et il les envoya aussi, en leur prometantde les satisfaire ; il eu prit ainsi plu- sieurs à diférerites heures du jour : comme le soir aprochait, en ayant rencontré qui ne faisaient rien , il leur demanda pourquoi ils étaient oisifs; ccsgciisayautrépondn qu'ils n'avaient point trouvé |
||||
38 I, A V I E
d'ouvrage , il les envoya à sa vigne avec les antres.
La journée étant finie, il les fit tous apeler pour les payer : ceux qu'il avait loués les derniers furent les premiers satisfaits, et reçurent chacun un denier; les autres qu'il avait loués dès la pointe du jour , ne recevant aussi qu'un denier, furent surpris, et murmurèrent; mais le maître leur dit : Quel tort vous fais-je? ne sommes-nous pas convenus du prix que je vous donne? Prenez ce que je vous ai pro- mis. Si je veux donner à ceux que j'ai envoyés tard autant qu'à vous, ne suis-jc pas libre de faire ce que je veux de mon bien ? et faut-il que vous soyez mécbans, parce que je suis bon ? Je vous dis de même , continua Jésus , que Dieu, suivant ses vues, peut traiter les derniers qui retournent à lui comme les premiers. Opinions diverties des Juifs sur Jésus. Les Pon-
tifes envoient des gardes pour le prendre ; mais Us n'osent pas à cause du peuple. La fête des tabernacles durait sept jours. Comme
Jésus était parti tard pour y aller , les Juifs le cher- chèrent inutilement pendant les trois premiers jours: ils n'étaient point d'acord sur sou sujet; les uns en disaientdu bien , d'autres le traitaient desé- ducteur ; mais ce n'était encore que des bruits sourds , et personne n'osait l'acuser, à cause de la réputation dont il jouissait parmi le peuple. Il parut au quatrième jour , et se mit à enseigner dans le temple; on l'écoutait avec admiration et étone- ment. Cependant on disait toujours : Cornent cet liomme peut-il être si savant sans avoir étudié ? Jé- sus l'ayant entendu , répondit : Ma doctrine n'est pas de moi, elle est de celui qui m'a envoyé ; s» ' ' '■ - ?•-. :•.'.. . * ..-. . -•/'' : ■•■:• ";.,-:.!ï.
.. . . ■ ■■'■■■■ . ■ ■ ■ ■
■
|
|||
DE JÉSUS. 5û>
Tous êtes disposés à faire sa volonté, vous conaî-
trczsi je parle de moi-même , ou si c'est lui qui me fait parler. Quand on cherche sa propre gloire , c'est une preuve que l'on parle de soi-même ; mais quand on n'a pour but que la gloire de Dieu , on ne peut s'écarter de la vérité : pourquoi donc voulez- vous me faire mourir ? Vous êtes possédé du dé- mon , lui dit-on : qui est-ce qui songe à vous faire mourir? Vous in'acusâtes à la dernière fête , reprit Jésus , d'avoir ocasioné une transgression de la loi un jour de sabat ; cependant vous n'avez jamais cru faire mal en continuant de circoncire dans ce jour comme aux autres. L'action du malade, en emportant sa couchete, est-elle plus blâmable que la vôtre? Quelques-uns se demandaient : N'est-ce pas là cet homme que nos Pontifes veulent faire mourir? le voilà qui prêche publiquement, et ils ne lui disent rien : auraient-ils reconu qu'il est ce maître du monde que nous atendons ? D'autres di- saient que quand celui qui devait venir paraîtrait, il ne pourait s'anoncer d'une manière plus sédui- sante. Ces discours étant venus à la conaissance des Pharisiens, ils envoyèrent, de concert avec les Pontifes, des soldats pour prendre Jésus; mais il leur parla ainsi : Je ne prévois pas être long-tems avec vous , et je retournerai bientôt vers celui de qui je viens. Vous me chercherez alors , et vous ne pourez venir où je serai. Ces gens et les autres Juifs ne purent comprendre le sens de ces paroles. Les uns disaient : C'est un Prophète , d'autres , c'est celui qui nous est anonec. Les gardes envoyés pour se saisir de Jésus, voyant une grande partie du peuple bien disposée pour lui, n'osèrent s'aquiterde leur comission , et étant retournés sans rien faire , ils dirent pour excuse, qu'il était impossible d'entendre |
||||
4o h A VIE
un homme aussi savant. Vousa-t-il donc aussi ga^
gués, dirent les Pharisieus? Voyez si quelqu'un de nous ou des Pontifes en a cette idée. Il n'y a que cette foule ignorante et maudite qui le suit. Mais , dit Nicodènic , il me semble que notre loi ne per- met pas qu'on juge personne sans l'avoir entendu. Etes-vous aussi Galiléen , reprirent-ils ? Lisez nos écritures , vous verrez que jamais Prophèlene sor- tit de Galilée. Ils se séparèrent à ces mots pour se retirer chez eux, et Jésus sortit de Jérusalem pour aller passer la nuit sur la montagne des Oliviers. Jugement de Jésus sur une femme adultère.
Discours de Jésus. Le lendemain Jésusrevint au temple dèsla pointe
du jour. Le peuple s'assembla de nouveau autour de lui ; et comme il les enseignait , les Pharisiens et les Docteurs lui amenèrent une femme qu'ils venaient de surprendre en adultère. Maître , lui dirent-ils , selon Moïse elle doit être lapidée: qu'en pensez-vous? Jésus était trop doux pour la con- damner, et s'il la renvoyait absoute , les Docteurs allaient I'aeuser d'avoir transgressé la loi; il se baissa , et traça une ligure sur la poussière. Etant pressé de parler, il se releva , et dit : Que celui de vous qui ne se sent coupable de rien , lui jeté la première pierre ; puis il se rebaissa et continua à tracer. A ces paroles ils furent interdits, et leur couscience leur faisant des reproches qu'il n'avait pas voulu leur faire lui-même, ils sortirent tous insensiblement du temple , les plus vieux les pre- miers, et les autres ensuite. Alors Jésus se releva et dit: Femme, que sont devenus vos acusateurs? Personne ne yous a-t-il condamnée ? Personne, dit- |
||||
DE JÉSUS. 4l
elle. Je ne vous condamnerai pas non plus, reprit
Jésus : allez , et gardez-vous de tomber à l'avenir dans de pareilles fautes. Quelques jours après, en- seignant encore dans le temple , comme il disait qu'il «portait la lumière au monde, les Pharisiens lui reprochèrent qu'il se louait lui-même, et que son témoignage n'était pas recevable. Il leur dit : Mon témoignage est véritable; je sais d'où je viens et où je vais ; mais vous l'ignorez. Vous jugez selon Tos idées. Je ne vous disque ce que Dieu me dicte de vous dire ; il est sans cesse avec moi , et il ne m'abandonera pas , parce que je ne cherche qu'à lui plaire. Jésus voyant que plusieurs prenaient confiance en ses discours, leur dit: Si vous écoutez mes paroles, vous conaîtrez la venté, et elle vous tirera d'esclavage. Mais ils répliquèrent : Nous descendons d'Abraham , et nous ne conaissons point la servitude. Comment donc dites-vous que nous serons tirés d'esclavage? Celui , dit Jésus , qui fait le mal, est esclave du mal. Si vous êtes véritablement enfans d'Abraham , faites des œu- vres dignes de lui , au lieu de me persécuter , moi qui ne vous dis que les vérités que Dieu m'a aprises. Qui de vous peut me reprocher un crime ? Je nc- cherche point ma gloire, mais celle de Dieu , et je vous dis que celui qui m'écoute et suit mes conseils, vivra éternellement. N'avions-nous pas raison de dire, s'éciièrent les Juifs , que vous êtesunSama- ritain et un possédé ? Abraham et les Prophètes sont morts , et vous dites que celui qui vous écoute vivra toujours. Etes vous plus qu'Abraham ? que prétendez-vous donc être ? Si je me glorifiais moi- même, dit Jésus , ma gloire ne serait rien , c'est Dieu qui me glorifie , et vous ne le conaissez pas ; si vous le couaissiez , vous sauriez que ceux qui |
||||
42 tA VIE
obéissent exactement à ses comandemens, jouiront
éternellement de sa présence.
Jésus honore Dieu , et le glorifie. Il exhorte ses
Disciples à l'humilité. Allégorie sur le pardon des injures. Outre les douze disciples , Jésus en avait choisi
soixante-douze autres , qu'il avait envoyés en Ju- dée dans les lieux où il devait passer. Etant revenus satisfaits de leur ministère, Jésus leur dit : Réjouis- sez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel ; ne craignez rien , Dieu notre père vous protégera toujours. Ensuite il s'écria : Je vous reconais , 6 mon père , maître du ciel et de la terre ; je vous glo- rifie de ce que vous avez caché les œuvres de votre sublime sagesse aux grands du monde , et que vous les avez révélées aux petits. Oui, mon père, vous l'avez voulu ainsi : vous m'avez donné quelques conaissances , et mou grand désir est de répandre parmi vos enfans la lumière que vous m'avez co- muniquée. Puis se tournant vers ses Disciples , il leur dit : Venez à moi, vous qui êtesacablés, et je vous soulagerai ; soumettez-vous au joug divin que je vous impose , et vous trouverez le fardeau bien léger ; vous le porterez avec joie. Soyez doux et humbles de cœur, si vous voulez posséder vos âmes en paix. Comme Jésus parcourait la Judée , quel- qu'un du peuple qui le suivait, lui dit : Maître , obligez mon frère à faire nos partages. Qui m'a éta- bli juge entre vous , répondit Jésus ? Peu après , Simon-Pierre lui ayant demandé combien de fois il falait pardonerà ceux de qui on avait été ofensé, il lui répondit : jusqu'à l'infini. Il en est de Dieu comme d'un Roi, qui voulut faire rendre compte a |
||||
DE J Ë S U S. 43
eeux qui avaient soin de ses trésors : il s'en trouva
un qui lui devait dix mille talens, et n'ayant pas de quoi payer , le Prince voulait le faire punir rigoureusement ; mais ce misérable s'étant jeté à ses pieds pour le prier de l'atendre quelque tems, le Roi en eut pitié , et lui remit sa dette. Un moment après , cet homme ayant rencontré un de ses col- lègues qui lui devait cent deniers , il le saisit, et refusant de lui doner le tems qu'il demandait pour s'aquiter, il le fit conduire en prison. Le Roi en ayant été informé , fit venir devant lui ce créan- cier impitoyable. Méchant que tu es, lui dit-il, Je t'ai remis une grande somme, et pour une si mo- dique tu traites ainsi ton collègue ! Il le livra aux tourmens jusqu'à l'entier aquitement de sa dette. C'est ainsi, continua Jésus, que notre père nous traitera, si nous ne pardonons à ceux qui nous ont ofensés. Conseils de Jésus à ceux qui lui demandent des
instructions. Allégorie sur F assistance mutuelle. Jésus rencontra un jeune homme qui fléchissant
le genou devant lui, lui dit : Bon maître , que fe- rai-jepour obtenir la vie éternelle? Pourquoi m'ape- lez-vous bon, répondit Jésus? il n'y a que Dieuseul qui soit bon. Si vous voulez être sauvé, gardez les comandemens. Eh ! quels comandemens, reprit le jeune homme ? Ne les savez-vous pas , dit Jésus î Vous ne tuerez point ; vous ne déroberez point ; vous ne porterez point de faux témoignages, et les autres. Le jeune homme répondit : J'ai observé religieusement toutes ces choses dès mon enfance ; ne faut-il rien faire davantage ? Jésus lui dit : Il vous manque encore une chose pour être parfait ; |
||||
44 LA VIE
c'est de partager votre bien avec les pauvres, et dé
vous détacher des choses terrestres pour l'amour do Dieu; car le ciel est comme un trésor qu'un homme trouva dans un champ. Il fut aussi-tôt vendre une partie de ce qu'il avait pour acheter ce champ pré- cieux. A cette réponse, le jeune homme se retira fort triste, car il avait de grands biens. Alors Jésus se retournant vers ses Disciples, leur dit : Qu'il est diOcile qu'un riche entre dans le ciel! un chameau passerait plutôt parle trou d'une aiguille.La porte est petite, et le chemin qui y conduit est étroit. Il y aura donc bien peu de sauves , dit un de ceux qui l'écoutaient ? Tâchez, dit Jésus , d'entrer par cette petite porte : beaucoup désireront y passer , qui ne le pouront pas; et quand le père de famille l'aura fermée, vousfraperez inutilement : il vous dira qu'il ne vous conaît pas. Ce sera alors que le regret et la douleur s'empareront de vous, quand vous verrez entrer dans cet heureux séjour des hom- mes de tous les endroits de la terre , et que vous serez les derniers, après avoir été si lorig-tems les premiers. Les Disciples de Jésus , éfrayésdece dis- cours, lui dirent : Qui pourra donc être sauvé ? Jé- sus répondit : Beaucoup de choses sont dificiles aux hommes ; mais rien n'est impossible à Dieu. Et nous autres, dit Simon-Pierre, qui avons tout quitépour entendre vos instructions, quelle récompense en aurons-nous ? Ceux , répondit Jésus , qui renon- ceront à eux-mêmes, ei quiteront les illusions du monde pour l'amour de Dieu, seront récompensés dès cette vie, et à plus forte raison dans la vie fu- ture. Et moi, reprit un Docteur , que faut-il que je fasse pour obtenir ce bonheur ? Vous savez , dit Jésus , que notre loi nous comaude d'aimer Dieu de tout notre cœur, et de nous aiuicr les uns les |
||||
—- -Vf**?
....... . î
utres. Mais , dit le Docteur , qu'entendez-vous par '
iûmer tous les hommes? Alors Jésus lui fit cette allégorie. Un voyageur allant de Jérusalem à Jéri- t rho , fut dépouillé par des voleurs , blessé et laissé
pour mort. Un Sacrificateur, puis un Lévite, l'ayant ■perçu , passèrent outre sans le secourir. Un Sama- ritain l'ayant vu ensuite, s'aprocha de lui , banda S, |ses plaies; et l'ayant mis sur son cheval , il le con- duisit à sa maison , et prit soin de le faire guérir. [Jésus ajouta : Le Samaritain considéra ce blessé 1 comme son frère , quoiqu'il ne le connût pas. Imi- tez son exemple. Discourt) de Jésus aux Juifs. Ils veulent le lapi- (
der. Jésus sort de Jérusalem. Les Pontifes et J
les Pharisiens s'assemblent, et prennent des /
mesures pour le faire mourir. \
La fête de la Dédicace ariva ; et Jésus seprome->
naut dans le temple sous le portique de Salomon , les Juifs s'assemblèrent autour de lui pour lui de- mander jusqu'à quand il les tiendrait eu suspens, et s'il était celui qu'ils atendaient, et qui devait re- nouveler la face de la terre ? Jésus leur répondit : Vous ne me croyez pas , je vous parle au nom de Dieu ;mais vous ueconaissezpointma parole, parce que vous n'êtes pas de mes brebis : Dieu me les a confiées; ce sont ceux qui écoutent la morale di- viue que j'enseigne ; Dieu est en moi , et moi en lui. A ces mots les Juifs prirent des pierres pour les lui jeter. Je n'ai fait, dit Jésus, que de bonnes ac- tions , pour laquelle voulez-vous me lapider ? Ce n'est point, lui dirent-ils , pour aucunes bonnes œuvres , mais pour vos blasphèmes, et parce que 11'étaut qu'un hopunc , vous osez vous faire égal à |
|||
46 L A VIE
■ Dieu. Vous ne me comprenez pas, répondit Jésus,
et vos reproches soûl mal fondés. Au reste , je ne crains que Dieu que j'adore et que je sers de tout mon pouvoir. Le pasteur mercenaire s'enfuit à l'aproche du loup; mais le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis : je ne l'abaudonerai que pour passer à une autre , qui me réunira à notre Dieu. Tous ces discours de Jésus ne faisaient qu'exciter de nouvelles dissensions à son sujet parmi les Juifs, Les uns disaient toujours qu'il était possédé du dé- mon ; les autres , qu'il exlravaguait; d'autres , qu'il était ridicule de s'amuser à l'écouter. Quelques uns cependant soutenaient que ses discours étaient très- sensés, et qu'on ne pouvaitluireproeber rien. Mais Jésus sachant que la plupart étaient d'avis de se saisir de lui, sortit de Jérusalem , et prit le chemin du Jourdain. En passant par Béthanie, il logea chez une femme de sa conaissance , qui s'apclait Marthe. Pendant qu'elle se douait des soins pour le recevoir, sa sœur Marie était aux pieds de Jésus, et l'écoutait. Marthe, étonée de son inaction , pria Jésus de dire à sa sœur de l'aider; mais Jésus lui ré- pondit : vous vous donnez bien de la peine , mais ne blâmez point Marie, qui préfère d'écouter les vérités sérieuses dont je l'entretiens; elles ont rap- port à Dieu : est-il un sujet plus important ? Il sortit de Béthanie , et passant le Jourdain , il alla au lieu où Jean s'était arrêté. Il y fut bientôt entouré d'un grand nombre de personnes qui écoutaient ses ins- tructions. On l'élevait au-dessus de Jean , dont la mémoire était encore récente , et en grande véné- ration : on disait qu'il était préférable à lui , et que ce que Jean en avait dit, était bien véritable. Le pays où il était, dépendait d'Hérode; et quelques Pharisiens lui ayant conseillé de se retirer ailleurs, |
||||
--■
|
|||||
DE JÉSUS. 47
arce que ce Prince voulait le faire mourir : Alez ,
ur dit-il , j'ai encore des instructions à faire. Il oura se contenter : j'irai à Jérusalem. La vérité est éconue ; on persécutera ceux qui l'enseignent, on es maltraitera , ils soufiiront la mort ; mais leur ang retombera sur leurs boureaux , et Dieu vén- éra ses serviteurs. Quels soins n'ai-je pas pris pour amener les hommes dans la bonne voie ? Mais , uoique vous m'ayez toujours rejeté, l'évidence e la vérité vous forcera de reconoître que je vous aile au nom du Seigneur. A Jérusalem on s'entre- tenait de Jésus : plusieursavaientconfiauceen lui, et le considéraient comme un homme extraordi- naire , aimant le bien, et zélé pour la gloire de iDieu ; mais d'autres ne voyaient en lui qu'un homme turbulent, un chef de parti, capable d'oca- siouer du trouble; ils furent le dénoncer. Les Pon- tifes et les Pharisiens s'assemblèrcntpour délibérer. Si nous le laissons faire, disaient-ils, tout le monde à la fin croira en lui, et le suivra. Les Romains nous imputeront tout le mal, et confondant les inocens avec les coupables , ils se vengeront sur notre pays et sur toute la nation. Est-il si diucile de l'empêcher, dit le grand-prêtreCaïphe? Ne vaut- il pas mieux qu'un seul homme périsse pour sau-» ver la nation ? Cet avis fut adopté, et l'assemblée prit des mesures pour faire périr Jésus. On ordoua que celui qui saurait où il était , eût à le déceler, pour le faire arêter. Mais Jésus étant averti, ne se montra plus guère depuis; et il se retira dans une ville nomée Ephrem , près du désert de Judée, où il demeura avec ses Disciples jusqu'au teins de Pâque. |
|||||
48 LA VI E
Assurance et fermeté de Jésus , en alant à Jérusa-
lem. Il reromande toujours l'humilité à ses Dis- ciples. Zackée le consulte sur sa conduite. Judas acuse de profusion une femme qui arose les pieds de Jésus avec une huile de parfum. Réponse de Jésus. Le teins de Pâque étant arivé , Jésus se déter-
mina , et partit d'un air tranquile pour Jérusalem. Ses Disciples étonés de son assurance , ne le sui- vaient qu'en tremblant; car il marcha toujours le premier pendant le voyage. Nous voilà bientôt ari- des, leur dit-il; je dois être livré aux Pontifes , aux Docteurs et aux Anciens. Ils me feront toutes sortes d'outrages, et me condamneront à mort ; mais je suis content d'aler rejoindre Dieu dans le sein de sa gloire. Aces mots, la femme de Zébédéclui de- manda que ses deux fils fussent placés auprès de lui, quand il serait dans sa gloire. Mais Jésus lui dit : 11 n'est pas en mon pouvoir de satisfaire vos désirs; notre père est l'arbitre souverain de nos destinées. Lesautres Disciples étant indignés de cette préten- tion, Jésus ajouta : Celui d'entre vous qui, par une humilité sincère, se croira au-dessous des autres , méritera d'être glorifié. Je me suis dévoué au ser- vice des hommes , et je donerai ma vie pour leur être utile. Jésus étant arivé à Jéricho , un homme ïiomé Zacliée , chef du bureau des impôts, qui ne pouvait le voir , parce qu'il était fort petit, monta sur un arbre. Jésus l'ayant aperçu , le pria de des- cendre , et lui proposa d'aler loger chez lui.Ou fut très-scandalisé qu'il préférât cet homme à tous les autres. Jésus cuira dans sa maison, et son hôle le recevant avec joie , le consultait sur sa conduiic. Je
|
||||
~^_~-~-?-^-
|
|||||
«
D E I B S V S. 49 Je donne, disait-il, la moitié de mon revenu aux
pauvres ; et quand je m'aperçois que j'ai fait tort h quelqu'un, je lui rends quatre fois autant. Jésus dit : Cette maison est bénie , et Zachée est un digne enfant d'Abraham.Mon désir est de rapeler à Dieu ceux de .'es enfans qui peuvent Être égarés. Jésus alla de Jéricho à Béthanie, et logea chez Simon. Comme ils étaient à table , une femme nomée Ma- rie , aporta un vase de parfum très-précieux ; elle en arosa les pieds de Jésus, et répandit le reste sur sa tête. Ses Disciples la désaprouvèreut, et dirent : A quoi bon cette profusion ? et pourquoi perdre inutilement une chose d'un si grand prix ? On au- rait trouvé , ajouta Judas , plus de trois cents de- niers de ce parfum , qui seraient bien mieux em- ployés à secourir des pauvres. 11 gardait la bourse coinune , et était chargé des dépenses. Jésus reprit ses Disciples, et leur dit : Laissez cette femme en. paix : ce qu'elle vient de faire pour moi est une bonne couvre. Elle m'a sacrifié ce qu'elle avait de plus précieux. Vous aurez toujours des pauvres parmi vous , et vous ne m'aurez pas toujours. Elle u prévenu par cette cfusion lé tems de ma mort, en préparant d'avance mon corps à être mis dans le tombeau (1). Les Juifs vont chercher Jésus à Béthanie. Ils le
font monter sur un âne, et l'amènent en triomphe à Jérusalem. Les Pharisiens en sont scandali- sés. Jésus chasse les banquiers et marchands des portiques du temple. Il ne restait plus que six jours jusqu'à la Pâque J (1) C'était une cérémonie religieuse parmi les Juifs et
d'autres peuples voisins , de froter les morts avec de» onguens précieux avant de les ensevelir. C
|
|||||
5<> L A V I E
• et beaucoup de Juifs qui étaient déjà arivés à Jé-
rusalem pour la fête, cherchaient Jésus avec em- pressement. Ils l'atendaient dans le temple, où il enseignait ordinairement, et ils se demandaient pourquoi il ne venait pas ? Ayant apris qu'il était à Béthanie , ils furent l'y trouver. Jésus en partit le lendemain avec tout ce monde; et passant par Bethfagé, il s'arêta près de la montagne des Oli- viers. On lui amena un âne, sur lequel on mit un manteau. Jésus monta dessus, et marcha avec son cortège vers Jérusalem. Au bruit de son arivée , le peuple sortit en foule avec des branches de pal- mier. Ils le rencontrèrent à la descente de la mon- tagne , et se joignirent à la troupe qui l'acompa- gnait. Ils jetaient devant lui des rameaux d'arbres, et étendaient leurs vêtemens sous ses pas. Une par- tie marchait devant; l'autre après. Tous louaient Dieu à haute voix , et criaient, transportés de joie : Vive le fils de David ! Paix sur la terre et gloire au ciel! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Béni soit le chef d'Israël , et le règne de David, l puisque le tems en est venu ! Jésus étant ainsi en- touré du peuple , les Pharisiens disaient entre eux:
Nous n'avançons rien contre cet homme. Tout court après lui. L'un d'eux demanda à Jésus pour- quoi il n'empêchait pas ces aelamations. S'ils se taisent, répondit - il, les pierres parleront. Quand il fut près delà ville , il versades larmes, et s'écria : O Jérusalem, tu ne prévois pas les malheurs dont tu es menacée ! Ville superbe, un tems viendra où tes ennemis t'environeront. Ils t'ataqueiont aveG furie, et il ne restera pas pierre sur pierre clans ton enceinte.Tu éprouveras cette désolation , parce que tu n'auras pas su conaître le bonheur que Dieu te préparait. A l'arivée de Jésus, toute la ville fut |
|||||||
._:._..... _ _........ _ _ _ ^. .....I
|
|||||||
!
n e j é s u s. Si.
émue; et comme on s'informa du sujet de ce grand
mouvement, le peuple qui l'acompagnait répon- dait que c'était Jésus le Prophète de Nazareth en Galilée. Il fut droit au temple ; et ayant trouvé sous ses portiques des marchands de bêtes propres aux sacrifices , et des banquiers qui étaient là pour ce trafic (i) , il renversa les tables , et dispersa les sacs d'argent. Il chassa avec des cordes les marchands, les banquiers et les bêtes, et dit : Loin d'ici, pro- fanes ; la maison de mon père est une maison de prière, et vous en avez fait une retraite de voleurs. Il avait déjà fait la même chose la première fois qu'il était venu à Jérusalem , mais avec moins de violence. Plusieurs d'entre les principaux Juifs le regardèrent comme un homme véritablement ins- piré de Dieu ; mais ils n'osaient le dire , de peur d'être chassés de la Synagogue. Ccpcndaut le peuple l'aplaudissait, et les enfaiis criaient : Vive le fils de David ! Les Sacrificateurs, outrés de douleur, lui ayant demandé s'il les entendait ? Oui, dit Jésus j je les entends. N'est-il pas écrit dans vos livres : Les louanges les plus sincères sortent de la bouche des eufans ? (1) Les Juifs étaient obligés, par leur loi, d'aler troi«
fois l'année au temple de Jérusalem , et personne ne devait s'y présenter les mains vides. Il y avait eu de tout tems des marchés dans cette ville , destinés à vendre aux étrangers les animaux et les denrées qu'ils voulaient pré- senter au temple. Mais les Ministres du culte., voyant un gain à faire , établirent ces marchés dans l'enceinte extérieure du temple , qu'on apelait le vestibule : et comme ceux qui venaient à la fête n'avaient pas tous de) la monaie du pays, ou n'avaient point d'argent du tout, ces Ministres établirent encore au même lieu des ban- quiers , qui changeaient les espèces, ou prêtaient à usure , sous bonne caution» C 3
|
||||
5n la vie
|
||||||
Résignation de Jésus à la volonté de Dieu. Ques-
tion embarassante de Jésus aux Docteurs. Allé- gorie sur la punition due aux mèchans. JÉstJS fut à Béthanie avec ses Disciples, et revint
le lendemain à Jérusalem. Etant entré au temple, il se mit à enseigner comme il avait coutume. Le tems est venu, disait-il, que Dieu doit être glori- fié ; mais il faut que le grain soit dans la terre avant qu'il fructifie, et c'est pourquoi mon arne est trou- blée. Prierai-je mon père de me délivrer des maux qui me menacent ? Je dirai plutôt : Mon père, faites éclater votre gloire, dût-il m'en coûter la vie. La lumière , ajouta-t-il, est encore avec vous pour un peu de tems. Si vous voulez en profiter, marchez pendant qu'elle éclaire , de peur que les ténèbres ne vous surprennent. Je fais mon possible pour vous comuniquer cette lumière , afin que vous ne de- meuriez point dans l'aveuglement. Celui qui croit en mes paroles , croit en Dieu , parce que je parle en son nom. Je ne juge ni ne condamne personne; mon seul désir est le bonheur de tous. Dieu lui- même vous jugera ; il m'inspire ce que je vous dis , et mes discours ne tendent qu'à le faire conaîtrc. Tout le peuple était ravi d'admiration en l'écou- tant; mais comme il était tard, Jésus, après avoir regardé de tous côtés, comme pour voir si personne ne voulait lui rien dire, sortit du temple , et re- tourna à Bélhauie , d'où il revint le lendemain à Jérusalem. Comme il se promenait dansle temple, les Docteurs et les Anciens lui demandèrent d'où lui venait le pouvoir qu'il semblait avoir sur le peuple. Je vous le dirai, répondit Jésus, si vous voulez m'éclaircir sur une question que j'ai aussi à. |
||||||
v.............................._......... __,../ ~ip
|
||||||
d E jé s v s. 55
vous faire, La doctrine de Jeau était-elle de Dieu ,.
ou parlait-il de lui-même ? Les Docteurs , ernbaras- sés de leur réponse, raisonèrent ainsi : Si nous di- sons qu'elle est de Dieu , il nous demandera pour- quoi nous n'y avons pas cru. Si nous disons qu'elle était de Jean , le peuple qui le considérait comme un Prophète, nous lapidera. Ils répondirent qu'ils n'en savaient rien. Je ne vous dirai pas non plus , dit Jésus, d'où vient le pouvoir que vous me su- posez. Mais peut-élre répondrez-vous mieux à ce que je vais vous dire. De deux fils à qui leur père comanda d'aller travailler à sa terre, l'un dit d'a- bord qu'il n'irait pas ; mais il se repentit peu après , et y alla. L'autre dit qu'il y allait, et n'y fut point. Lequel des deux obéit à son père? Les Doc- teurs répondirent que c'était le premier. Je vous dis de même , reprit Jésus , que ceux qui suivant les conseils de Jean , se sont corigés de leurs fautes, auront plus de part aux faveurs divines, que ceux qui ne l'ont pas écouté. Et se tournant vers le peuple , il dit : Un père de famille planta une vi- gne. Il y bâtit un logement avec un pressoir , et y mit des vignerons. Au tems de la vendange, il en- voya un des gens de sa maison pour partager la récolte. Mais cet homme fut maltraité et renvoyé. Plusieurs autres successivement ne furent pas mieux reçus. Les vignerons ne voulurent pas les reconaitre, et les chassèrent hors de la vigne. Que fera £j.oi's le maître de la vigne ? 11 viendra lui-même. 11 punira les méchans , et en choisira d'autres , qui lui ren- dront les fruits dans la saison. A Dieu ne plaise, dirent les Docteurs , comprenant bien que par cette allégorie il leur reprochait le peu de cas qu'ils fai- saient de ses paroles, et que ses instructions pou- raient être portées ailleurs. Mais Jésus , en lès vc- C 3
|
||||
M LA. VIE
gardant fixement, leur dit : Je vous déclare que la
vérité que vous refusez d'écouter , sera anoncée à des nations plus dignes de l'entendre. Les Pharisiens et les Docteurs de la loi cherchent
inutilement à surprendre Jésus dans ses paroles. Réponses de Jésus. On n'ose plus l'interoger. Les Pharisiens et les Docteurs auraient bien
voulu se saisir de Jésus. Mais ils craignaient le peu- ple , qui l'admirait ; et ils désespérèrent de le faire périr , s'ils n'y intéressaient les Romains. Pour réussir , il fallait tirer de lui quelques paroles qui fournissent un prétexte pour le calomnier auprès de Pilate, qui comandait en Judée pour les Ro- mains. Ils envoyèrent à Jésus quelques-uns des leurs avec des Hérodiens, qui lui dirent : Maître , nous savons que vous êtes sincère, que votre doc- trine est invariable, que vous enseignez la voie du salut en toute vérité, et que vous ne faites accep- tion de personne. Dites-nous, devons-nous ou non payer le tribut à César ? Jésus conaissant leur ma- lice, leur répondit : Faites-moi voir la monnaie avec laquelle on paye ce tribut. De qui est cette figure et celte inscription? De César, dirent-ils. Rendez donc , reprit Jésus, à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui aparlientà Dieu. Us n'osè- rent donner de mauvais sens à cette réponse , à cause du peuple qui l'écoutait, et ils se retirèrent en l'admirant. 11 vint ensuite des Saducéens lui proposer une autre dificulté. C'était une secte qui ne croyait pas à l'immortalité de l'ame (i). Comme (1) Moïse ne s'est pas expliqué clairement sur la résur-
rection des morts : ce qui fit naître diverses opinions parmi les Juifs. |
||||
- -<
|
|||||
DE JÉSUS. 55
notre loi, dirent-ils, ordonne que si quelqu'un,
meurt sans enfans, son frère épouse sa veuve, il s'est trouve parmi nous une femme qui a été ainsi successivement mariée àsept fières. Elle est morte, et nous voudrions savoir duquel des sept elle sera la femme à la résurrection. Jésus leur répondit : Si vous étiez bien persuadés de la puissance de Dieu, vous ne seriez pas dans l'erreur qui vous trompe. Le mariage est un engagement particulier aux en- fans du siècle , pour la multiplication de l'espèce , suivant le comandement de Dieu ; mais à la résur- rection ,1e mariage n'aura pi us lieu. Cette nouvelle vie n'ayant plus de terme, on n'aura plus besoin de se perpétuer. Suivant vos écritures, Dieu est le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob : ces Patriar- ches sont donc vivans devant lui. Des Docteurs de la loi, qui étaient présens à ce discours, ne purent s'empêcher d'y aplaudir, et les Saducéens mêmes na surent qu'y répliquer. Mais les Pharisiens,qui ne se rebutaient point, lui firent encore demander quel était le plus grand comandement de Dieu. Voici le premier , leur dit Jésus : Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de tout votre es- prit , et de toutes vos forces. Le second est : Aimez- vous les uns les autres. Le peuple écoulait toujours Jésus avec la même admiration , et personne n'osa l'interroger depuis. Réflexion de Jésus sur l'aumône. Il anonce encore
la ruine de Jérusalem y et parle de la fin du monde. Je sus étant entré dans le temple, se tint quel-
que tems près du trésor (i) , à considérer ce que (0 Le trésor du temple était d'une très-grande opu-
C4
|
|||||
chacun y venait ofrir. Ayant remarqué parmi plu-
sieurs personnes qui donnaient beaucoup, une pauvre veuve qui ofrit deux petites pièces de mon- naie , il dit à ses Disciples : Cette femme a donné i plus que tous les autres , parce qu'elle s'est privée d'une partie de son nécessaire , et les autres ont
donné de leur superflu. Jésus ne retourna pas cette nuit àBéthanie, commelesprécédentes, et ils'arêta à la montagne des Oliviers. En sortant du temple pour se mettre eu chemin , quelques-uns de ses - Disciples s'étant arêtes à considérer la grandeur et (. ia magniBcence de ce bâtiment, il leur dit qu'un
jour il n'en resterait pas la moiudre trace. Comme
il avait déjà anoncé cet événement, les Pharisiens lui demandèrent dans quel lems il devait arivef, et quand viendrait le règne de Dieu. Jésus leur ré- pondit : Le règne de Dieu dont vous voulez savoir le teins , n'a point de marque sensible qui le fasse reconaître, de manière qu'on puisse dire, il est dans un lieu plutôt que dans un autre. H est, si vous voulez , au-dedans de vous. Et il dit plus po- sitivement à ses Disciples : Ce tems n'est pas éloi- gné. Je vais soufrir, et être couvert d'oprobres. Vous serez persécutés à cause de moi. Vous serez trahis par vos amis et vos parens. On verra des perfidies et des scandales. Tâchez de posséder vos âmes en paix. Mais prenez garde de vous laisser séduire. Vous entendrez parler de séditions , de guerres, de com- Ibats. Ne vous troublez point. 11 faut que toutes ces
choses arivent, et ce ne sera pas la fin des mal- heurs. Notre nation sera livrée aux. fureurs de la lence. Les Juifs y envoyaient tous les ans des o fraudes
de tous les endroits de la terre , où ils comerçaient ; et tous regardaient comme un acte religieux d'augmenter ee trésor. |
||||
DE JÉSUS. 5j
guerre. Dans ces terribles monieus , malheur aux
femmes grosses et à celles qui nourirout! Jérusa- lem , cène grande et superbe ville, sera détruite par des étrangers (i) , qui eux-mêmes seront ren- verses par d'autres bouleversemens dans la suite des tems. Il s'opérera de grands changemens et de grands événernens sur la terre jusqu'à la fin des siècles. Il y aura des guerres , des tremblernens de terre , des pestes, des famines. Entin ari vera ce jour redoutable, que Dieu a fixé pour être le terme de la durée du monde. Tout ce qui constitue ce su- perbe édifice de l'uuivers , sera ébranlé. Dans ce dernier moment, Dieu jugera les hommes. Les bons , dans l'excès de la joie , recevront la récom- pense de leurs bonnes actions; et les méchans , dans des regrets continuels, seront punis de leurs crimes. Réjouissez-vous, justes, qui mourez avec une con- science pure. Et vous, hommes pervers, reprochez- vous, en mourant, de n'avoir pas suivi le flambeau de votre ame. Je vovis le dis , à vous et aux géné- rations futures; vivez purement et simplement, afin que vous soyiez trouvés dignes d'échaper à cet horrible malheur; et n'alendez pas un instant pour vous préparer à paraître devant Dieu. Veillez et priez , parce que vous ne pouvez prévoir l'époque de ce fatal moment, Les Pontifes, les anciens et les Docteurs s'assem-
blent pour délibérer sur les moyens de faire mourir Jésus. Judas ofre de le leur livrer. Jésus employa la plus grande partie de la nuit
(i) La ruine de Jérusalem ariva environ trente-cinq
ans après Jésus sous l'empire de Vespasien , empereur romain, et sous la conduite de Titus, son fils aîné. C h
|
||||
.. . ..__.._............---------------------------------------------------------. ..-■ - ■ ■ . ■
|
|||||
58 LA VIE
à parler à ses Disciples; et le lendemain les Pon-
tifes , les Anciens et les Docteurs s'assemblèrent pour la dernière fois chez Caïphe le Grand-Prêtre, pour délibérer cornent ils feraient mourir Jésus. Comme ils craignaient le peuple , ils conclurent qu'il fallait s'en saisir par surprise. Ils disaient même qu'il était à propos d'atendre que la fête fût finie, de peur d'exciter du tumulte , lorsque Judas , un «'es Disciples de Jésus , parut dans l'assemblée, et ofrit aux Pontifes de le leur livrer. Ils reçurent son ofre avec plaisir, et lui promirent ce qu'il vou- drait. Mais il se contenta de trente deniers. Depuis ce tems , cet homme ne songea plus qu'à chercher le lieu et le moment où Jésus ne fût pas accom- pagné du peuple, qui avait coutume de le suivre. Jésus prend son dernier repas avec ses Disciples.
Il leur recomande de remercier Dieu des nouri~ tures qu'il nous donne. Il lave les pieds à ses Disciples. Il déclare que Judas doit le trahir. Le jour suivant, Jésus chargea Simon-Pierre et
Jean du soin de préparer le repas de la Pâquc. Lorsquç tout fut prêt , il s'y rendit avec ses Dis- ciples. Etant à table il leur dit : J'ai souhaité ar- demment de prendre ce repas avec vous, avant de mourir ; car ma tin s'aproche. Ensuite il prit le pain; et après l'avoir oBert à Dieu , en le remer- ciant de ses bienfaits, il le distribua à ses Disciples, et leurdit : Ceciest mon corps.II fitde même pour le vin , en disant : Ceci est mon sang. Fuites la même ehose en vous souvenant de moi (i). Après avoir (i) Lns Juifs avaient coutume de se traiter aux jours
qui précédaient leur fête de Pâques. Les femmes n'étaient ]>oiut de ce repas : cliesy servaient seulement, Les repas |
|||||
DE lÉSÏ S.' §§
soupé, il se leva de table. Il quita une partie de
ses vêtemeiis; il versa de l'eau daus un bassin, et Ilava les pieds à ses Disciples; puis il les essuya avec
Un litige qu'il avait mis autour de lui. Quand il fut à Simon-Pierre, ce Disciple s'en défendit avec confusion. Vous ne savez pas à présent ce que je fais, lui. dit Jésus, mais vous le saurez bientôt. Simon persistant toujours à dire qu'il ne le soufri- rait pas, Jésus lui dit : Si vous refusez de moi ce service, vous n'êtes donc pas des miens. Non.-seu- lement les pieds, reprit Simon , mais encore les mains et la tête. Après que Jésus eut achevé , il reprit ses vêteincns. Il se remit à table, et dit : Savez- vous ce que je viens de faire ? Vous m'apelez maî- tre , et vous voyez que je vous ai lavé les pieds. A plus forte raison devez-vous vous servir les uns les autres. J'ai voulu vous donner cet exemple, afin que vous fassiez comme vous m'avez vu faire , puis- que vous ne vous croyez pas plus que moi. Si vous m'imitez , vous serez heureux , mais non pas tous. Jésus parut troublé , et ajouta ; Je vous assure que l'un de vous doit me trahir. Ces paroles jetèrent les Disciples dans une profoude tristesse; et se re- començaient, chez les Grecs, les Juifs et les Romains , par remercier Dieu des nc-uritures qu'il nous donne. Le plus aparent lui ofrait le pain et le vin , en lui rendant grâces : puis il les distribuait aux convives ; et avant de se séparer, ils se recueillaient, et chantaient ensemble l'hymne 4' action de grâces : ce que Jésus a observé très- exactement. Il exhorte ses Disciples à ne pas oublier cette pratique si naturelle , lorsqu'ils prendraient leurs repas. Il leur dit que le pain et le vin sont notre corp» et notre sang. En effet, le changement des alimens qui s'identifient avec nous, est une merveille qui a toujours frapé d'admiration les hommes qui ont réfléchi et excité leur reconaissanee envers notre connu Père. C 6
|
||||
60 l a v r e
gardant les uns les autres, chacun lui demanda :
Est-ce moi? Il répondit à Judas , c'est vous-même. Mais dans le trouble où étaient les Disciples, ils ne firent pas atention à cette réponse. Cependant Jé- sus reprit : Il faut que je m'en aille. Mais malheur à celui qui doit me trahir! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne fût pas né- Alors Simon-Pierre ayant fait signe à Jean , qui était auprès de Jésus et pen- ché vers lui (i) , de lui demander qui ce serait, il répondit tout bas à oe Disciple, que ce serait celui à qui il allait présenter un morceau de pain trempé ; et il le présenta à Judas, eu lui disant de faire au plutôt ce qu'il avait à faire. Les au très n'entendirent poitit ce que signihaient ces paroles ; et comme Ju- das était dépositaire de l'argent, ils crurent que Jésus le chargeait d'acheter quelque chose pour la fête, ou de faire quelque aumône. (i) Une explication est nécessaire pour comprendre
aisément le texte , où il est dit que Jean étant à table , était penché vers Jésus. Les Juifs et d'autres peuples de l'Asie prenaient leurs repas étant couchés sui des lits ; et les Romains , après avoir conquis ces nations , adop- tèrent cet usage. On rangeait trois lits devant trois côtés de la table ; le quatrième côté était pour le service. Cha- cun de ces lits tenait ordinairement trois personnes , quelquefois quatre et cinq, mais rarement. Ils étaient couverts de tapis. Les convives, avant d'y monter, qui- taient leurs souliers, pour la propreté. Dans les parties de plaisir ou de fêtes , ils usaient d'essences et de par- fums- La table était nue , et à chaque service on avait soin de l'essuyer. Les lits étaient un peu plus basque la table. On avait la partie supérieure du corps un peu éle- vée et soutenue sur des coussins, et la partie inférieure , en long sur le lit , derrière le dos de celui qui suivait. S'apuyant sur le coude, ou avait une main libre pour |
||||
-
|
|||||
DE JÉSUS. 6l
Jésus recomande de s'aimer les uns les autres. Sert
dévouement à la mort. Prière qu'il fait à Dieu. . Il était déjà nuit, et Judas sortit. Alors Jésus
dit à ses Disciples : Je n'ai plus guère de teins à être avec vous, et vous ne pouvez venir où je vais. I.a dernière chose que je vous recomande , est de vous aimer les uns les autres. A cette marque on vous reconaîtra pour mes Disciples. Eh ! où allez- vous donc , lui dit Simon-Pierre? Vous nepouvez me suivre présentement, répondit Jésus. Vous me suivrez avec le teins. Simon , la grande curiosité est un mal. Puis se tournant vers ses autres Disciples , il ajouta : Croyez en Dieu et en ce que jevousaidit. Afermissez vos frères dans cette croyance. Je vous serai bientôt un sujet de scandale. Le Pasteur sera frnpé; les brebis se disperseront. Quand tous les autres vous abandoneraient, reprit Simon-Pierre, j'irai avec vous , et en prison , et à la mort même , s'il le faut. Vous ne conaissez pas la faiblesse hu- maine, dit Jésus; vous me, méconaîtrez dans le danger. Mais Simon et les autres persistèrent à dire qu'ils ne l'abandoneraient pas. Jésus leur dit : Je manger et pour boire. Ainsi celui qui était le second
avait la tête vis-à vis la poitrine de celui qui était le premier, et il était penché vers lui. Dans les tems de deuil et de calamité, 011 mangeait assis sur des bancs. On peut se figurer ainsi la situation de Jean vis-à-vis de Jésus , dans le dernier repas qu'il prit avec ses Dis- ciples, et comment Marie pouvait répandre ses parfums sur 1 es pieds de Jésus. Le tableau delà Cène par Poussin, dont il y a plusieurs copies , et dont les estampes sont très-multipliées, représente fort bien la disposition des lits et des convives , et la situation particulière d* Jean. |
|||||
62 LA VIB
vais préparer vos places dans la maison de mon
père, où nous nous réunirons tous. Vous voyez à présent où je vais, et cornent je dois y aller. Tho- inas lui dit qu'ils ne le voyaiei tpas. Je vous ai en- seigné , dit Jésus , le chemin pour aller à mon père , el l'on ne peut y aller que par cette voie. Philippe répliqua : Dites - nous seulement où est votre père. Quoi ! leur dit Jésus, il y a si long-tems que je suis avec vous , et vovis ne me conaissez pas ! Dieu est mon père, et le père comun de tous les Lommes. Vous n'êtes donc pas persuadés que je suis en lui, et qu'il est en moi ? La parole que je vous ai anoncécest la sienne, et je vous instruis en son nom. Observez ses comandemens , si vous m'ai- mez; je le prierai de vous envoyer un esprit de consolation, qui supléera à mon absence. Alors réfléchissant sur tout ce que je vous ai dit , vous aurez des idées plus précises sur ce que vous dési- rez savoir. Je vous souhaite la paix. Ne vous trou- blez point, et réjouissez-vous plutôt de ce que je vais trouver mon père ; je l'aime , je fais ce qu'il m'ordone. Le tems s'avance, levons-nous , et mar- chons. Après ce discours, ils chantèrent tous en- semble l'hymne d'action de grâces , et sortirent de la ville du côté de la montagne des Oliviers. Jésus les entretint encore pendant la route , et leur dit : Je vous ai aimés comme mon père m'a aimé. Vous prouverez l'atacbement que vous avez eu pour moi, en vous conformant aux avis que je vous ai donés : sur-tout aimez-vous les uns les autres. Je vous en douerai l'exemple en sacrifiant ma vie pour vous. Si vous suivez mes conseils, vous êtes mes amis : je dis mes amis , et non mes serviteurs , car le ser- viteur ne sait pas le secret de son maître ; et je' tous ai dit tout ce que j'ai su de mon père. Lorsque |
||||
JE lises. 65
je n'y serai plus , on reconaîtra l'injustice de m'a-
voir condamné sans sujet , et de n'avoir pas écouté mes instructions. J'aurais encore bien des choses à vous dire, mais vous ne me comprenez pas assez: la réflexion assurera la manière dont vous devez penser. Encore un peu de tems, et vous ne me ver- rez plus. Les Disciples, Fort en peine , se deman- daient les uns aux autres ce que signifiaient ces dernières paroles. Je veux dire, reprit Jésus, que je veusquiterai bientôt. Vous serez dans la tristesse; mais vous vous consolerez , en vous rapelant la vérité que je vous ai enseignée. Je vous ai parlé jusqu'à présent d'une manière allégorique ; mais actuellement je vous parle clairement de Dieu notre1 père. Je le prierai pour vous ; il vous aime, parce que vous croyez que je vous instruis en son nom • je suis venu de lui, et je vous laisse pour retourner à lui. Les Disciples dirent à Jésus qu'ils voyaient bien qu'il leur parlait d'une manière précise, et que sa science venait de Dieu. Vous croyez main- tenant, leur dit Jésus ; mais l'heure est venue que vousm'abaudonerez tous. Cependant je ne serai pas seul ; mon père sera toujours avec moi. Mon père , s'écria-t-il, le moment est arivé de glorifier votre fils , afin qu'il vous glorifie aussi, en faisant vivre éternellement ceux que vous lui avez confiés. La vie éternelle est assurée à ceux qui vous reconais- sent pour seul Dieu , et qui observent vos coman- demens. J'ai accompli l'œuvre dont vous m'aviez chargé : ils ont écoulé les paroles que je leur ai anoncées de votre part ; maintenant je les quite pour retourner à vous. Père saint, conservez-les, et qu'ils n'aient qu'un même esprit pour votre gloire, qui a été mou unique but. Ils sont aussi vos enfans : je ne vous demande pas de les oter du. |
|||||
■
|
|||||
64 i, a 'V i e
monde , mais de les préserver du mal. Sanctifiea-
lesen leur faisant comprendre votre vérité , que je leur ai enseignée. Je vous prie encore pour ceux qui l'aprendront par eux. Qu'ils ne soient tous qu'un Biêmc cœur, et que nous soyons unis avec vous. Mon père , je désire qu'ils participent un jour à votre gloire. Père juste , éclairez l'esprit de ceux qui vous méconaissent, afin que vous aimant d'un amour sincère, ils puissent jouir du bonheur que vous offrez aux hommes. Jésus se retire dans un jardin, où il s'abandonne
à la frayeur. Il tombe dans une espèce d'agonie. Quand Jésus eut achevé cette prière , il traversa
le torent de Cedron , pour se retirer au même lieu où il avait passé les nuits précédentes. C'était dans un jardin de la montagne des Oliviers , appelé Gelhsemani. Ayant pris avec lui Simon-Pierre , Jacques et Jean , il dit aux autres de l'atendre , pendant qu'il irait prier. Aussi-tôt qu'il les eut quités , il s'abandona à la frayeur, et parut très- tourmenté. Mon aine, dit-il à ses trois Disciples , est acablée d'une tristesse mortelle ; ateudez-moi ici, et ne dormez pas. Il se fit violence pour se sépa- rer d'eux, et s'éloigna de quelques pas; puis il se mit à genoux , et prosternant sa face contre terre : Mon père , s'écria-t-il, si vous voulez éloigner de moi les malheurs qui m'atendent, il vous est pos- sible ; cependant que votre volonté soit faite, et non la mienne. Après cette prière, il retourna vers ses Disciples, et les trouvant assoupis , il leur dit : Quoi ! vous dormez ? et vous aussi, Simon , vous ne pouvez veiller un peu pour l'amour de moi ? Levez-Yous ; veillez du moins pour vous , et priez. |
||||
DE IÉ8US, 65
ta chair est faible ; l'esprit doit être fort. Puis il.
alla encore prier. Mon père, dit-il, si ce que je sou- haite est impossible , acomplissez votre volonté; et revenant à ses Disciples , il les trouva presque tous endormis. Il retourna une troisième fois , et fit la même prière avec plus d'ardeur encore. Alors il tomba dans une espèce d'agonie, et il sortit de son corps une sueur abondante. Judas entre dans le jardin avec des Pontifes, des
Oficiers du temple et des Anciens. Il baise Jésus pour signal, et le livre aux soldats. Leur stu- peur à son aspect. Discours de Jésus à cette troupe. Jésus fut ensuite rejoindre ses Disciples , et leur
dit : Dormez à présent, si vous pouvez. L'heure est venue , et je vais être livré ; mais plutôt levez- vous , et marchons: celui qui me trahit n'est pas loin d'ici. Comme il parlait encore , Judas parut dans le jardin. Il y avait à sa suite des Pontifes , des Officiers du temple , et des Anciens , acompagnés d'une troupe de soldats romains , avec des torches et des flambeaux. 11 marchait quelques pas devant eux , comme s'il n'eût pas été de leur compagnie ; et abordant Jésus , il l'embrassa , et lui dit: Maître , je vous salue. C'était le signal qu'il était convenu de doner pour le reconaître parmi ses Disciples. Il ne s'était engagé à rieu davantage. Jésus lui dit: Que venez-vous faire? Vous ne me baisez que pour me trahir: et s'avancant vers ces gens armés, il leur demanda ce qu'ils cherchaient. Ils répondi- rent : Jésus de Nazareth. C'est moi , dit Jésus. A son air majestueux et imposant , ils reculèrent, et plusieurs dans le trouble tombèrent par terre. Lors- |
||||
66 L A V I E
qu'ils furent revenus, Jésus leur fit encore la même
question , et sur la même réponse , il leur dit : Je vous ai déjà dit que c'est moi ; et ils se saisirent de lui. Jésus ayant prié les gardes de laisser aller ses Disciples , ils le conjurèrent de leur permettre de le défendre ; et Simon-Pierre , plus prompt que les autres, lira son sabre, et blessa àl'oreille un homme de la maison du Grand-Prêtre. Mais Jésus lui dit : Modérez-vous , Simon : celui qui frapc a toujours lieu de se repenlir. Voulez-vous m'einpêcher de faire la volonté de mon père ? Puis s'adressaut à la troupe , il dit : Pourquoi venez-vous avec des armes me prendre comme un voleur, tandis que Tous m'avez vu tous les jours dans le temple ocupé à vous enseigner? Qui vous empêchait dem'aréter alors ? Mais vous avez voulu choisir un moment propre à l'action que vous vouliez faire , et c'est dans les ténèbres qu'il vous faut acomplir une œuvre de ténèbres. Jésus est abandonê de ses Disciples. Il est lié par
les soldats, et mené au Grand-Prétre. Il reçoit un souflet. Il est acusè. On le juge digne de mort ; et il soufre toutes sortes d'outrages. Cependant tous les Disciples s'enfuirent. 11 ne
se trouva plus auprès de Jésus qu'un jeune gar- çon des maisons voisines , qui s'était levé au bruit. Il était couvert seulement d'un linge. Les soldais ayant voulu le saisir, le jeune homme s'échapa , et le linge resta entre leurs mains. Us lièrent Jésus , et le menèrent d'abord chez Anne , beau-père de Caïplie le Grand - Prêtre , et qui avait été lui- même Grand-Prêtre auparavant; mais il le ren- voya à son gendre, chez qui les Pontifes, les Dot- |
||||
- -..... .....
|
|||||
DE JÉSUS, 67
teurs et les Anciens s'assemblèrent. Un Disciple conu.
deCaïphe,entrachezluiavec la troupe; rnaiss'aper- cevant que Simon-Pierre qui était avec lui, était resté dehors, il alla prier la portière de le laisser entrer. Jé- sus intérogé sur sa doctrine parCaïphe,assisté de» autres Pontifes, répondit : Pourquoi m'intérogez- vous ? J'ai parlé devant tout le monde, j'ai enseigné dans les synagogues et dans le temple , en présence d'un grand nombre : je n'ai point parlé en secret. In- térogez ceux qui m'ont entendu ; ils savent ce que j'ai dit. A peine eut-il parlé , qu'un soldat lui doua un souflet, en'lui disant, Est-ce ainsi qu'on doit répondre au Grand-Prêtre? Si j'ai mal parlé , dit Jésus, faites-moi conaître en quoi ; sinon, pour- quoi me frapez-vous?Les Pontifes étaient en peine de trouver quelque témoignage contre lui. 11 se présenta des acusatcurs, mais ils se contredisaient tous. On lui demanda s'il était le persouage fa- meux anoncé par la tradition. Si je vous disais cela, répondit Jésus, vous ne me croiriez pas; et quand je m'étendrais en discours, vous ne me répondriez rien , et vous ne me laisseriez pas aller. Enfin le Grand-Prêtre lui comanda de la part du Dieu vivant de lui dire qui il était. Jésus répondit : Je suis fils de Dieu (1), et au jugement dernier vous me verrez justifié. A ces mots , Caïphe déchirant ses vêtemens (2) , s'écria : Vous l'entendez blasphémer. Qu'avons-nous besoin (1) Jésus disait qu'il était fils de Dieu; mais il disait
aussi que tous les hommes sont eufans de Dieu, notre créateur , notre comun père. (a) Cette manière de témoigner de l'horreur, en dé-
chirant ses vêtemens, était comune à presque tous le» peuples de l'Orient. |
|||||
68 LA TIB
de témoins ? Il ne reste qu'à délibérer. Tous le
jugèrent digne de mort; et aussi-tôt les soldats se mirent à se moquer de lui et à lui faire toutes sortes d'outrages. Ils le battirent, crachèrent sur lui, lui bandèrent les yeux , et le frapant au vi- sage , ils lui disaient : Fils de Dieu , devine qui t'a frapé. Simon-Pierre regrète d'avoir abandonê Jésus. Ju-
das , désespéré d'avoir trahi Jésus , se pend à un arbre. Pendant ce tems , Simon-Pierre était dans le
Testibule, atendant la fin de l'assemblée. Comme il se chanfait avec les gens de la maison , la por- tière l'ayant reconu, vint lui demander s'il n'était pas des Disciples de Jésus de Nazareth. Il répon- dit qu'il ne savait ce qu'elle voulait dire. Peu après, un autre assura que Simon était un Disciple de Jésus, et parent de cet homme qu'il avait blessé dans le jardin ; qu'il l'y avait vu , et qu'il était aisé de conaître à son langage qu'il était Galiiéen. Mais Simon persista à dire qu'il ne conaissait point celui dont il lui parlait. Alors Jésus, qui du lieu où il était pouvait voir dans le vestibule, ayant regardé Simon , ce Disciple ne put soute- nir sa vue, et sortant de la maison, il pleura amère- ment. Le jour vint, et l'assemblée étant finie , Jé- sus fut conduit chez Pilate. Judas l'ayant apris , jugea aussi-tôt que Jésus avait été condamné, et se repentit alors de l'avoir trahi. 11 raporta les trente deniers aux Pontifes et aux Anciens dans le temple, et leur dit : J'ai fait un crime en vous livrant un inocent. Mais ils lui répondirent : C'est Votre afaire. Judas ne pouvant tirer d'eux aucune |
||||
DE J É S U S. 69
autre réponse, leur jeta l'argent, et se retirant déses-
péré , il se pendit à un arbre. Les Pontifes ayant ramassé cet argent, délibérèrent sur ce qu'ils en feraient, et décidèrent qu'il ne convenait pas de le mettre dans le trésor, parce que c'était le prix de la vie d'un homme; mais qu'il faluil en ache- ter un champ, pour servir de sépulture aux étran- gers. Pilate cherche à disculper Jésus. Les Juifs acu-
sent Jésus d'avoir excité le peuple à la sédi- tion. Hérode méprise Jésus , et le fait revêtir par moquerie d'une robe de pourpre. Les Juifs se firent scrupule d'entrer chez Pilate,
parce qu'il n'était pas de leur culte; et craignant de se rendre indignes de célébrer la fête du jour, ils remirent Jésus aux soldats , lorsqu'ils furent à la porte du prétoire , et ils restèrent dehors. Pilate sortit quelque teins après, pour leur demander de quoi ils acusaient l'homme qu'ils lui avaient amené* S'il n'avait point fait de mal, répondirent - ils, nous ne vous l'aurions pas amené. Reprenez-le , dit Pilate, puisque vous ne voulez pas dire quel est son crime , et jugez-le suivant votre loi. Mais ils lui représentèrent qu'il ne leur était pas per- mis de faire mourir personne, ajoutant que c'était nn séducteur, qui voulait empêcher qu'on ne payât le tribut à César, et qui se disait Roi et Fils dé Dieu. Pilate rentra, et demanda à Jésus s'il était Roi des Juifs. Me faites-vous, répondit-il, cette question de vous-même , ou quelqu'un vous a-t-il dit de me la faire ? Me crois-tu Juif, répliqua Pilate, pour m'inquiéter de tes prétentions ? Tes Pontifes et les Principaux de ta nation me deman- |
||||
^O L A V I E
dent justice contre toi. Qu'as-tu Fait ? Jésus dît : Je
ne suis rien dans le monde ; si j'étais Roi , mes gens m'auraient empêché de tomber entre les mains des Juifs. Tu es donc Roi, reprit Pilate ? C'est vous qui dites que je suis Roi, répondit Jé- sus. Je ne suis né et Tenu que pour rendre té- moignage à la vérité , et ceux qui la chérissent écoutent ma voix. Qu'est-ce donc que cette vé- rité, dit Pilate? et sans atendre de réponse, il sortit pour parler aux Juifs. 11 leur dit qu'il ne trouvait point de sujet de condamner celui qu'ils acusaient ; et comme les Juifs renouvelaient avec grand bruit ces mêmes acusations , sans que Jé- sus , qu'il fit venir en leur présence , y répondît rien; Pilate, surpris de son silence, lui demanda s'il ne les entendait pas, mais ce fut inutilement; Pilate n'en put avoir aucune réponse, et ne sut qu'en pense*. Le silence obstiné de Jésus rendit les Juifs plus hardis. Il a excité le peuple à la sédition , disaient-ils , dans toute la Judée , de- puis la Galilée jusqu'ici. Quoique Pilate fût brouillé avec Hérode, aprenant que Jésus était Galiléen , il le lui envoya sur le champ , comme étant sous «a domination. Hérode était venu à Jérusalem pour la fête, et souhaitant depuis long-tems de conaître Jésus , il fut fort aise de le voir ; mais n'en ayant pu tirer une seule parole , il le mé- prisa; et s'en étant moqué avec ses courtisans, il lui fit mettre par moquerie une robe de pourpre , et le renvoya ainsi à Pilate, avec qui il se ré- concilia le même jour |
||||
-
|
|||||
DE JÉSUS. 71
Pilate persiste à vouloir délivrer Jésus , qu'il croit
innocent. Mais les Pontifes persuadent au peuple de demander plutôt la délivrance d'un voleur , et que Jésus soit crucifié. C'était la coutume aux grandes fêtes des Juifs,
do délivrer à leur choix quelque criminel con- damné â mort. Le peuple étant venu demander cette grâce pour la Pâque , Pilate crut avoir trouvé l'ocasicn de sauver la vie à Jésus. 11 savait que les Pontifes ne le persécutaient que par en- vie. Comme il était en son tribunal, sa femme lui envoya dire de ne point se mêler de l'afaire de cet homme, parce qu'elle avait fait la nuit, à son sujet , un songe qui l'inquiétait extrême- ment. Pilate dit aux Juifs: J'ai intérogé en votre présence l'homme que vous m'avez amené , et que vous acusez de séduire le peuple; mais comme je n'ai rien reconu en lui qui mérite punition , et qu'Hérode , à qui je l'avais renvoyé , ne le trouve pas plus coupable , je vais le délivrer, après qu'il aura reçu la corection que vous croyez qu'il a méritée. Les Pontifes et les Anciens, alar- més de cette proposition , persuadèrent au peu- ple de demander plutôt la grâce d'un criminel , nomé Barabbas, qui avait comis plusieurs meur- tres dans une sédition. Mais Pilate leur dit : Que voulez-vous donc que je fasse de Jésus? Qu'il soit crucifié, s'écrièreut-ils. Que je fasse crucifier votre Roi! Nous n'avons, reprirent les Juifs, point d'autre Roi que César. |
|||||
?2 LA VIE
Pilote fait battre Jésus de verges. On le mène au
prétoire, où il reçoit les plus mauvais traite- mens. Pilate , ne pouvant rien gagner sur les Juifs , se lave les mains devant eux , protestant qu'il ne veut pas contribuer à la mort de Jésus. Pilate se contenta de faire battre Jésus de ver-
ges (i); et les gardes s'en étant saisis, le menèreut du prétoire dans la cour, où chacun aida à le dés- habiller. Ensuite ils le revêtirent d'un manteau d'écarlate. Ils lui mirent une couronne d'épines sur la tête , et lui ayant donné un roseau en guise de sceptre , ils fléchissaient le genou devant lui, et lui disaient: Je vous salue, Roi des Juifs. Puis ils cra- chaient sur lui; ils lui ôtaient de tems en teins son roseau pour lui en donner des coups sur la tête ; ils le frapaient au visage , et se remettant tout à coup à genou , ils le saluaient comme auparavant. Pilate voulut le faire voir aux Juifs en cet état, et leur dit : Voilà l'homme. Mais ils criaient toujours qu'il devait être mis à mort... Prenez-le, leur dit-il, et faites-le mourir vous-mêmes. Quel est donc son crime? Suivant notre loi, répondirent les Juifs , il mérite la mort parce qu'il s'est dit Fils de Dieu. A cette acusation Pilate craignit beaucoup pour lui. II le ramena dans le prétoire , et lui demanda d'où il était; mais Jésus persistant à se taire , Pilate lui dit : Ne sais-tu pas qu'il est en mon pouvoir de te faire mourir , ou de te délivrer? Vous n'auriez au- cun pouvoir sur moi, répondit Jésus , s'il ne vous ( r ) La punition de ceux qui troublaient l'ordre public,
en anonçant des dogmes nouveaux , était, par les lois romaines, remise à la discrétion du magistrat. Le fouet était censé la peine la plus douce. avait
|
||||
de jèstj. </5
avait été donné d'en-haut. Mais ceux qui m'ont
livré sont plus coupables que vous. Cette réponse augmenta encore le désir que Pilate avait de le sauver! Mais les Juifs criaient, que s'il le délivrait, il manquerait à la fidélité qiril devait à César: car, disaient-ils, c«lui qui se dit Roi, est eneini de l'Em- pereur, A ces cris , Pilate sortit pour la dernière fois; et voyant qu'il était tard, que loin de rien gagner , le tumulte augmentait toujours, il se fit aporter de l'eau, et se lava les mains devant le peuple, protestant qu'il ne contribuait en aucune manière à la mort de cet innocent, et qu'ils en ré- pondraient (i) ; mais ils s'écrièrent : Que son sang retombe sur nous et sur nos enfans. Pilate crut à la fin. devoir finir cette afaire. Il leur livra Jésus et Barrabas. Jésus éprouve de nouvelles insultes qu'il suporte
avec la même patience. Il est crucifié entre deux voleurs. Les soldats partagent ses vêtemens. Set dernières paroles à sa mère et à Jean , son dis. ciple. Il remet son ame à Dieu, et meurt. Jésus fut aussi-tôt remis entre les mains des
soldats. Us lui ôlèrent son manteau d'écarlate; et après s'en être moqués , ils lui firent reprendre ses vêtemens, puis ils le chargèrent de la croix où il devait être ataché (2) , et le menèrent ainsi hors de (1) Pilate avait apvis parmi les Juifs cette manière de
protester en se lavant les mains, qu'on ne se mêlait d'une chose en aucune façon. (2) La croix était le suplice ordoné par les lois
romaines contre les séditieux. Il était d'usage, comme la potence en Europe. La coutume était que le pa- D
|
||||
74 u vie
Jérusalem , dans un lieu apelé Calvaire, avec deux
voleurs qu'on allait aussi faire mourir. Au sortir de la ville , ayant rencontré un cyrénéen, nommé Simon, qui revenait des champs, ils l'obligèrent d'aider Jésus à portersa croix. Une grandefoulede peuple les suivait. Jésus remarquant entre .autres des femmes qui pleuraient, leur dit : Ne pleurez point sur moi, filles de Jérusalem , pleurez plutôt pour vous et pour vos enfans. 11 viendra un terns où vous porterez envie aux femmes stériles et à «elles qui n'ont jamais alaité. Si l'on traite ainsi vin innocent, que sera-ce du1 coupable? Quand Jésus fut au lieu du suplice , ou lui donna du vin , où on avait mêlé de la myrrhe (i) , selon la coutume. Mais les soldats y ayant mis du fiel, Jésus se contenta d'en goûter. Ensuile , comme on l'atachait à la croix , il s'écria : Mon père , par- donnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font: On plaça au-dessus de sa télé un éeriteau en hébreu, en grec et en latin (2), qui déclarait le sujet de sa mort : Jésus de Nazareth , Roi des Juifs. Les Pon- tifes y trouvèrent à redire. Ils furent trouver Pilate, et voulaient l'obliger à faire mettre , soi-disant Roi des Juifs. Mais il leur dit que ce qui était écrit était écrit. Les soldats partagèrent entre eux ses vête- tient portait lui-même sa croix, qu'on lui donait eu
vin en arivaut au lieu de l'exécution , que les soldats partageaient ses vêtemens, etc. (i) Les Juifs croyaient qu'une infusion de myrrhe étour-
dissait le p tient, et qu'il souffrait moins. (2) Le grec était la langue de la plupart des pays voi-
sins , d'où il venait toujouis beaucoup de monde à la fête. Le latin était la langue des Romains, qui étaient maîtres du pays. j
s ■ |
||||
D E J K S tT Si 75
mens; et comme sa robe était d'un seul tissu , sans
coutures (1), ils ne voulurent pas la couper, et ils la tirèrent au sort. Puis ils s'assirent au pied de la croix pour garder. Ceux qui passaient se mo- quaient de Jésus , en disant : Si tu es fils de DieUj comme tu dis , descends de la croix , et nous n'eu douterons pas. Les soldats l'insultaient aussi. Un des deux voleurs , qui étaient eu croix à côté de lui, lui dit que, s'il était le fils de Dieu, il se délivrât, et eux avec lui. Mais l'autre le reprit, en disant : Quoi ! tu ne crains pas non plus d'irriter Dieu , en insultant à cet innocent, toi qui soufres le même suplice que lui, et qui reçois, comme moi, le juste châtiment de tes crimes! Puis s'adressant à Jésus , il lui dit : Maître , souvenez-vous de moi quand vous serez dans le séjour des bienheureux. Je vous assure , répondit Jésus, que vous y serez avec moi dès aujourd'hui. Marie , mère de Jésus, était au pied de la croix , avec Marie Magdeleine, et une sceur qu'elle avait, qui s'apelait aussi Marie. La femme de Zébédce et quelques autres, qui avaient suivi Jésus de la Galilée à Jérusalem , et qui le ser- vaient d'ordinaire, étaient un peu plus éloignées avec le reste des gens de sa conaissance. Jésus aper- cevant parmi eux Jean, son disciple , dit à sa mère: Voilà votre fils, et à Jean :Voilà votre mère. De- puis ce tems ils demeurèrent ensemble. Ensuite Jésus s'écria : Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m'avez- vous abandoné? Puis comme il dit qu'il avait soif, (1) Une robe sans coutures n'avait rien d'extraordi-
naire en ce tems-là. Il est certain que les ouvriers en laine d'alors avaient l'ait de faire des habillemens en- tiers , sans employer ni aiguilles ni ciseaux. Cet art s'est ]ierdu, comme beaucoup d'autres. D 2
|
||||
76 ï. A VIE DE JÉSUS.
on lui présenta au bout d'une canne une éponge
trempée dans du vinaigre. Il en but , et aussi-tôt il dit : Tout est consomé. Ensuite élevant la voix, il |
|||||||||||||||
s
|
|||||||||||||||
s'écria : Mon père, je vous remets mon ame; et
baissant la tête, il rendit l'esprit, |
|||||||||||||||
FIN DE LA VIE DE JESUS.
|
|||||||||||||||
p-
|
||||||
L'ECOLE
DES MOEURS.
|
||||||
D 3
|
||||||
..
|
|||
L'ÉCOLE
DES MIURS.
INSTRUCTION ÉLÉMENTAIRE.
|
||||||
\/u'nNTENi>EZ-roi's par instruction élémentaire ?
C'est un enseignement qui fait conaître d'une
manière simple , claire et précise , les élémcns ou les principes de ce que l'on peut savoir sur les objets qui nous intéressent. Cet enseignement est-il nécessaire ?
Il est nécessaire pour conaître Dieu et ses lois ,
pour conaître l'homme et ses devoirs. Quels avantages peut-on retirer de ces conaissances ?
La persuasion qu'il existe un Être suprême, et
la croyance qu'il punit et récompense, sont la con- solation de l'homme vertueux, et le désespoir des méchans. La conaissance des lois divines, de l'homme et de ses devoirs , est le lien de la société et des empires. Les avantages que l'on doit retirer de ces notions importantes , sont la tranquillité d'esprit par l'espérance en la justice divine, la sû- reté de sa personne et de ses jouissances , la dou- ceur et l'agrément delà vie, l'innocence des mœurs. DE L'ÊTRE SUPRÊME.
Qu'est-ce que l'Être suprême?
Un être est ce qui est: ce qui existe. L'Être su-
prême , que nous apelons Dieu , est l'être essentiel, le principe et la fin de tout ce qui peut exister. Cet être souverain est un esprit pur , simple et parfait. I>4
|
||||||
8o l'école
Cette idée sublime surpasse infinimenll'intelligerjce
humaine; et nous ne pouvons parler delà Divinité, qu'en exprimant nos pensées sur ce que nous ima- ginons de plus parfait. Qu'est-ce qu'un esprit ?
Un esprit est un être intelligent qui, n'ayant point
de corps , ne peut être visible. Son essence est de penser, de comprendre , de discerner , de raisoner. L'esprit qui est eu nous se fait conaître par ces fa- cultés; mais il est borné.Dieu est l'esprit universel : il n'a point de limites. Pourquoi dites-vous que Dieu est parfait?
Parce'que l'idée sublime que nous nous formons
de cet être immense nous fait croire qu'il doit pos- séder toutes les perfections. Quelles sont ses principales perfections ?
' Les principales perfections de Dieu sont, qu'il est indépendant, immuable , qu'il est présent par- tout , qu'il voit tout, qu'il est éternel et tout-puis- sant. Pourquoi dites-vous que Dieu est indépendant ?
Parce qu'il existe par lui-même, et qu'il ne peut
dépendre d'aucune cause. Qu 'entendez-vous par immuable ?
J'entends que Dieu, n'étant point composé,parce
que son essence est pure et simple, n'est sujet à aucun changement. Comment Dieu peut-il être présent par-tout?
L'intelligence suprême n'étant point limitée , est
immense, et comprend nécessairement tout Ce qui peut être , même les espaces où il n'existe rien. Comment Dieu peut-il voir tout ?
Puisque Dieu est présent par-tout, il s'ensuit qu'il
voit tout et conaît tout. |
|||||
J,
|
|||||
DES MŒURS. 8l
Qu'est-ce qu'éternel?
C'est n'avoir point eu de commencement , et
n'avoir point de fin. Comment cela peut-il se comprendre ?
Nous ne pouvons comprendre l'infini, parce que nous ne voyons rien que de borné en nous et au- tour de nous. Mais puisque le néant ou le rien , n'ayant point d'effets , n'a pu donner l'existence à Dieu , et que , son essence étant pure et simple, il ne peut être détruit par aucune cause, nous croyons qu'il est éternel. Qu'est-ce que tout-puissant ?
C'est avoir une puissance sans bornes. Rien n'est
impossible à Dieu , et il n'existe point de puissances que par sa permission. Cependant, on conçoit aisé- ment que l'absurdité répugne à son pouvoir. Ainsi, Dieu ne peut être injuste , ni avoir des passions ; il ne peut faire un corps sans dimensions, un bâton sans deux bouts , et autres choses pareilles. Y a-t-il plusieurs Dieux ? Non: et il ne peut y en avoir qu'un. Si dans l'im-
mensité des espaces il y avait plusieurs dieux , ces puissances seraient imparfaites, parce qu'elles 11'au- raient pas la plénitude du pouvoir. Alors elles poli- raient n'être point d'accord , et l'harmonie serait troublée. Le monde a-t-il toujours existé ?
11 serait déraisonable de penser que la matière a toujours existé. Comme elle suit constament les mêmes mouvemens et le même ordre, il faudrait la suposer intelligente dans toutes ses parties , in-> finie par son essence, parfaite dans son acord. Alors ce serait un mystère beaucoup plus incompréhen- sible que celui de l'existence de Dieu. On peut dire la même chose d'un chaos qui aurait formé , D 5
|
||||
82 l'école
par un arangement lent ou subit, cet ensemble que
nous admirons. Il est plus satisfaisant et plus con- forme à l'esprit humain , de croire qu'un Etre suprême , souverain et tout - puissant, a créé la matière, et lui a donné des lois, qu'elle suit cons- tamment et uniformément. • DE LA CRÉATION.
Qu'est-ce que créer?
Créer est faire une chose de rien.
Comment cela peut-il se faire ?
Nous ne le comprenons pas; mais nous pensons
que Dieu étant le seul être qui existe par lui-même, sa puissance est infinie. Comment Dieu a-l-il créé le monde?
La création du monde est un éfet de la -volonté
suprême. Diecj veut : l'Univers existe. Tout est créé : tout est dans l'ordre. Qu'est-ce que ['univers ?
L'univers comprend le soleil, la terre , la lune ,
les étoiles, tous les autres globes célestes , et ce qui les compose. Dieu a donc fait au même moment tout ce qui existe ?
Cette opinion estla seule digne de l'Etre suprême.
Toute idée de chaos , de complication , de hasard , est contraire à la Toute-Puissance; et des opéra- tions successives ne s'accorderaient poim avec les atribnts et les lois que le Créateur a donnés à la matière. Chaque peuple s'est formé des idées sur ce grand ouvrage; et les générations les ayant reçues par tradition ou par écrit, une longue habitude les retient dans leur manière de voir et de penser. Mais tous les détails que l'on peut donner sur la création ne sont que des dévelopemens , faits pour aider l'imagination dans l'étude de ce mystère. |
||||
DES M >3 U R S. 8$
Avant la création , Dieu était donc tout seul dans cet
espaces -vides de matière ? C'est eh vain que notre esprit s'ocuperait de ces
choses abstraites. Contentons-nous de penser que Dieu, étant'l'être essentiel, l'être parfait, se sufit à lui-même, et que les créatures ne lui sont point nécessaires. Combien y a-t-il de tems que le monde a été créé?
Tous les peuples ne sont point d'acord sur cette
grande époque. Les uns la croient très-raprochée , et d'antres beaucoup plus reculée. Les effets que nous voyons sur notre terre , nous persuaderaient qu'elle doit être très-ancienne; mais nous n'avons pas de moyens assurés pour en déterminer la fixa- tion; et nous ne pouvons rien décider atirmative- rnent sur cet objet. Dieu n'a-t-il créé qu'un seul homme et qu'une seule
femme ? Pour afirmer que Dieu n'a créé qu'un homme et
une femme, une couple d'animaux brûles , et urr sujet de chaque végétal , il faudrait pouvoir ré- soudre les diiicultés que ce système présente. Lors- que nous considérons les diférentes peuplades d'hommes chevelus ou crépus, barbus ou sans barbe, leur population dans tous les pays de la terre, la diversité dé couleurs dans l'espèce humaine , plus grande encore dans les bêtes ; les fleurs, les fruits, les végétaux et les minéraux, nous sommes portés à penser que Dieu; eri''créant la terre , l'a peuplée et ornéë'au même instant de toutes ses créatures, et qu'il les a diversifiées et constituées selon la tem- péraluretlefs climats où il les a placées. Cette opi- nion semble conterifer"'mteux le désir que nous avons de savoir. D 6
|
||||
"V/^"
|
|||||
84
Dieu a-t-il créé des esprits sans corps ?
Cette idée nous vient naturellement, en nous
considérant comme très-éloignés de l'Être suprême, quoiqu'il soit présent par-tout ; et pour nous rapro- eher de lui par quelque médiation, nous croyons que Dieu ayant fait des esprits unis à des corps , a fait aussi des substances spirituelles , isolées et absolument dégagées de matière. DE L'EXISTENCE DE DIEU.
Comment peut-on conaître que Dieu existe?
Dieu ne se fait point conaître immédiatement â nos sens , qui sont la vue, l'ouïe, l'odorat, le tou- cher , le goût. Nous le conaissons par le sentiment intérieur et par ses ouvragés. Comment conaissons-nousDieu parle sentiment inté-
rieur? Notre faiblesse et nos maux nous prouvent notre
dépendance , et nous implorons naturellement l'as- sistance de l'Etre souverain, dont nous reconais- sons la nécessité. Comment conait-on Dieu par ses ouvrages?
L'étendue de l'univers , l'ordre et L'harmonie de tout ce qui le compose, élèvent notre esprit à l'idée du Créateur. La nature, dans son ensemble et dans ses détails , le renouvellement des saisons, des jours et des années , la reproduction constante des tires de mêmes espèces, nous portent à penser que ces effets suivis et uniformes ne peuvent ê,tre opéré* que par une puissance suprêjme., : . Nous ne sommes donc pas absolument assurés de
l'existence de Dieu ? Le peu d'étendue de l'intelligence humaine ne
jious permet point de sonder ce mystère profond • mais tout ce qui s'ofre à nos yeux, tout ce que |
|||||
DES MEURS. 85
Bous sentons intérieurement , nous prouve la né-
cessité de l'existence de Dieu ; et nous osons expri- mer nos Faibles idées sur cet Etre immense. DE L'HOMME.
De quoi l'homme est-il composé ?
L'homme est composé , comme les autres ani-
maux , de corps et d'esprit. Quelle diférence y a-t-il entre t homme et les autres
animaux ? Les facultés spirituelles, plus restreintes dans les
bêtes, paraissent se borner à leurs besoins. Celles de l'homme sont beaucoup plus étendues. Il peut varier ses ocupations et ses usages: il peut élever ses idées au-delà de lui-même ; de plus, son ame ou sa conscience lui donne un raport plus direct avec le Créateur* Pourquoi Dieu a-t-il donné à l'homme des facultés
plus étendues ? Les bêtes naissent avec des vétemens ,'avec l'in-
dustrie nécessaire pour se procurer facilement la subsistance et lèlogeinent , avec le discernement de ce qui leur convient, même dans leurs mala- dies. Elles ont plus de vigueur que les hotnmes.Elles suportent mieux les excès de chaleur et de froid. Elles ont les sens plus fins. Elles ont naturellement des moyens ofensifs et défensifs. Leurnouriture est toujours prête ; et elles jouissent d'une liberté abso- lue. Ces avantages sont refusés à l'homme ; mais ils sont compensés par le haut degré-d'intelligence et d'industrie que Dieu lui a donué , et qui le fait jouir de tout ce qu'il trouve à sa convenance. De quoi sont composés les corps?
Les corps sont composés de matière. La matière
est ce (jui tombe sous les sens. Ses élémcus sont le |
||||
86 l'école
feu , l'air , l'eau , et la matière terrestre , qui com-
prend , sous cette dénomination générale , les terres , les pierres , les métaux , les sels , etc. Ces principes constituent nos corps , et tous les corps qui existent dans la nature. Comment l'esprit est-il uni mi corps? . ',
Nous ne pouvons comprendre l'union de l'esprit
avec le corps, ni eu général tout ce qui est trop loin et trop près denous. L'intelligence de l'homme semble bornée à ce qui lui est nécessaire, utile et agréable. Nous savons seulement par l'expérience , que les facultés spirituelles dépendent des organes du corps, de la configuration du cerveau , del'équi«- libre des parties qui composent la machine; qu'elles croissent et décroissent avec le corps ; qu'elles sont troublées dans le sommeil ; qu'elles s'afaiblissent par l'âge et les maladies ; et "qu'elles paraissent même quelquefois anéanties , comme dans des ac- cès de fièvre , par des coups violens, dans l'imbé- cilité ou la vieillesse. Qu'est-ce que l'aine ?
Dieu a donné des lois à la matière : il en a don-
né aussi à l'esprit; elles sont présentées sans cesse et invariablement à l'homme, par un sentiment intérieur que nous nouions ame ou conscience , pour se conduire suivant les vues du Créateur. Comme cette conaissance distincte est le plus bel atribut de l'esprit, parce qu'elle nous donne un raport plus direct avec la Divinité ? nous nous ex- primons d'une manière plus relevée, et nous ape- lons ame en général, l'intelligence qui est en nous. Ainsi ; dans ce sens , l'homme est composé de corps et d'ame. On dit qu'une personne est bien née , quand elle obéit naturellement et saus eforls aux •■■ lois divines, qui constituent la morale ; et lors» |
||||
DES MISÏÏRS. 87
qu'elle ne s'y conforme pas , on dit qu'elle n'a point
d'aine. Les bétes ont-elles aussi une ame ?
Les bêtes ont de l'esprit , puisqu'elles ont la fa- culté de penser , de comprendre , de discerner, de raisoner : ce qui se voit dans toutes leurs actions, et sur-tout dans les soins inquiets et prévoyans qu'elles prennent pour leur progéniture. Mais elles ne peuvent, comme l'homme , s'ocuper de choses abstraites et étrangères à leur essence. Ellesnesont point libres de changer ou varier leurs manières et leurs visages ; et elles obéissent naturellement aux lois qui leur ont été données. Les végétaux , encore plus bornés, n'ont que la faculté de discerner les sucs nouriciers , propres à leur entretien et à leur reproduction. Cette marche constante et uniforme nous fait voir que les bêtes , suivant malgré elles , l'impulsion de la nature, ce que nous a pelons ins- tinct, n'ont pas besoin d'un sentiment intérieur, qui dirige leurs actions. Qu'est-ce qu une faculté ? Une faculté est une puissance , un pouvoir, par
lequel nous agissons spirituellement et corporelle- ment. Ainsi , toutes les opérations de l'esprit et du corps sont des suites de nos facultés. Elles sont très-bornées ; mais elles nous suûsent pour notre bien-être. Dieu a-t-ilfait les bétes et toutes ses autres créaturet
pour l'homme ? Dieu a fait ses créatures les unes pour les autres,
suivant leurs besoins. Toutes ont droit sur la terre. L'homme et toutes les espèces d'animaux se pro- curent ce qui leur convient, par la force, l'adresse ou l'industrie. |
||||
88 I.' É C O L E
// semble, cependant, que l'homme soit maître de
tout ce gui est sur la terre. L'homme est uu être faible. Parmi les bêles , les
unes ont plus de force que lui : d'autres ont plus d'adresse ou d'agilité. Mais l'homme a beaucoup plus d'intelligence et d'industrie. Il se forge des instrumens et des armes. Il réparc sa faiblesse avec usure : il devient tyran ; et pour se procurer le né- cessaire , l'utile et l'agréable , il met tout à contri- bution. 4 -
DU PRINCIPE DE LA VIE.
Qu'est-ce qui nous fait -vivre?
Ce n'est point l'âme qui donne la vie au corps,
lie feu est le seul principe matériel, qui ait reçu la vie dans son essence. Il la comunique aux corps , en procurant , par son action et son agitation con- tinuelles , le mélange des élémens qui, suivant le» vues du Créateur, produisent une,végétation gé- nérale. Chaque être organisé , soit animal , soit végétal, a en lui une portion de feu , qui entretient son existence. Mais les organes s'usent et s'afaiblis- sent. Le feu se condense , ou se dilate à l'excès ; il dissout la machine, et lui donne la mort. DE LA MORT.
Qu'est-ce que la mort ?
La mort n'est point un anéantissement. Rien ne
s'anéantit, ni ne se perd dans la nature. Nos corps végètent et croissent pour se reproduire. Mais après un tems sufisantpour cet ouvrage , nous nous sen- tons décroître ; et l'équilibre n'existant plus, la vie se perd. Alors les matières qui composent nos corps , sont livrées à une fermentation putride , qui eu divise les parties , et les réunit aux clémeus. |
||||
DES H8VB9. 89
La même espèce d'hommes , les mêmes espèces
d'animaux et de végétaux subsistent toujours , et ne font que changer d'individus. Devons-nous tous mourir?
Puisque nous croissons , nous devons décroître J
et faire place à d'autres êtres de même espèce. Ne pouvons-nous pas savoir le lems de noire mon?
Dieu nous a très-sagement laissé ignorer le tems
précis de notre mort. Nous en sommes sufisament avertis , par un dépérissement successif, et par les accidens que nous voyons ariver. La terrefinira-l-elle d'exister?
Le mélange et l'agitation des éléuiens sont néces-
saires pour la végétation et l'entretien des corps. Mais ces corps ne durent qu'un tems. Ils finissent en se décomposant, après s'être reproduits. Il n'eu est pas de même de la terre. Ces causes ne contri- buent point à son entretien. Elle ne se reproduit pas : elle ne perd rien de sa substance. Elle n'é- prouve que des changemens ou déplacemens dans les matières qui la composent. Mais en général elle demeure toujours la même. La terre ne peut finir que par l'anéantissement : ce qui dépend unique- ment de la volonté du Créateur. Si Dieu a créé , il peut anéantir. DES LOIS DIVINES.
Çu est-ce que les lois divines que notre ame nous fait
tonaître ? Ce sont des règles de conduite, que Dieu a don-
nées à l'esprit , comme il a donné des lois aux corps. Pourquoi Dieu a-t-ildonné une ame à thomme?
L'homme paraissant jouir delà liberté de faire le bien ou le mal, ne pourait se conduire sûrement > |
||||
(JO L'ÉCOLE
s'il n'avait pas une conaissance réfléchie des lois
\ divines. Son ame ou sa conscience les lui présente
\ continuellement, et lui ocasione du regret, lors-
J qu'il s'écarte de ses devoirs.
Que suit-il de là?
Il s'ensuit que nous devons écouter les conseils de
\ notre ame ou notre conscience,nous conformer aux
1 • *
intentions du Créateur, et espérer que Dieu étant
juste , récompensera la vertu, et punira le crime.
? Quelles seront ces récompenses et ces punitions? 11 nous est impossible de savoir quels sont les
"1 moyens dont Dieu doitse servir , pour rendre jus- tice aux hommes. 11 nous sufjt d'obéir avec con-
fiance aux lois qu'il nous a douées ; et vivant dans J l'espérance , nous jouirons de la tranquilité et de la S paix.
J Sur quoi Dieu nous juge-t-il?
Dieu étant juste ne nous juge point sur nos opi-
nions dogmatiques, ni sur nos manières de l'hono- rer , parce qu'elles n'ont pas dépendu de nous, ( et qu'elles sont l'effet des préjugés locaux , qui nous | sont comuniqués dans l'enfance. Ils maîtrisent si
despotiquement l'esprit de l'homme , qu'ils le ren-
j dent presqu'incapable de se persuader , même mal- gré l'évidence , une vérité contraire à sa manière
de penser. Dieu nous juge sur l'observation des \ lois qu'il a prescrites à l'esprit humain , et qui constituent la morale.
|
||||||||||
DE LA MORALE.
Qu'est-ce que la morale ?
La morale est la doctrine ou la science des
mœurs. Qu'entendez-vous par les mœurs?
Les mœurs sont les habitudes naturelles ou
|
||||||||||
V
|
||||||||||
DES MŒURS. 91
acquises pour le bien ou pour le mal , dans tout ce
qui concerne la conduite de la vie privée ou pu- blique. La morale est-elle la même pour tous les hommes ?
Les mœurs sont diférentes dans chaque pays ,
parce qu'elles sont déterminées par l'influence des climats, des gouvernemens et des religions. Mais la morale est la même : elle est universelle. Puisque tous les hommes sortent de la même origine, qui est le Créateur , ils doivent avoir les mêmes prin- cipes naturels. Quels sont ces principes ?
Le premier est que , Dieu nous ayant créés , nous
devons l'aimer et l'honorer couirne notre auteur et notre père. Le second est que , Dieu étant le père de tous les hommes, nous devons nous aimer les uns les autres. PREMIER PRINCIPE DE MORALE.
Qu'est-ce qu'honorer Dieu ?
C'est lui rendre le culte suprême que nous lui de-
vons, comme à notre Créateur et notre souverain Seigneur. En quoi consiste le culte suprême que nous devons à
Dieu? A reconaître intérieurement et extérieurement
que tout dépend de Dieu ; à être entièrement rési- gnés à sa volonté. Comment devons-nous aimer Dieu ?
Nous devons l'aimer plus que toutes les créatures, parce qu'il est notre principe et notre fin , et que les créatures sont passagères. Comment devons-vous honorer Dieu ?
La meilleure manière d'honorer Dieu est la plus simple : elle s'acorde avec la simplicité de l'Être |
||||
ga l'école
. suprême et de ses ouvrages. C'est lui rendre ho-
raage , lui adresser nos vœux , admirer son pouvoir et sa magnificence , le remercier de ses bienfaits , le prier , publier ses louanges , penser que nous sommes continuellement en sa présence , obéir à ses lois , espérer ses récompenses, craindre ses pu- nitions , et en conséquence éviter le mal et faire le bien. Pourquoi dites-vous au il faut prier Dieu, puisqu'il
Voit tout et qu'il sait tout ? Quoique Dieu conaisse tous nos besoins , et qu'il
y pourvoie journellement par sa sagesse et sa toute- puissance , cependant la dépendance absolue dans laquelle nous sommes de cet Être souverain , nous porte nalurellemeut à lui adresser nos prières ; et dans nos malheurs nous éprouvons de la consola- tion , en implorant son secours. Dans quels terris et dans quels lieux faut-il prier
Dieu? Dans tous les tems de la journée , nous pouvons
élever notre pensée vers le Créateur. Il est présent par-tout ; et en quelque lieu que nous le priions , soit seuls , soit plusieurs, il nous voit et nous entend. Comment doit-on prier Dieu ?
Ce ne sont point les prières vocales qui font le
mérite de l'oraison , ïii la multiplicité des mots , qui nous obtiennen t les secours du Créateur. L'aten- tion ne peut sufire à des prières trop longues. Prions avec ferveur , pénétrés du plus profond respect. Que peut-on demander à Dieu ?
La prière suivante est très-simple , et renferme
l'essentiel des demandes que nous pouvons faire à Dieu, en lui rendant nos homages. IVotre père , qui êtes présent par-tout , que votre
|
|||||||
_ii *:<-._
|
|||||||
DES MŒURS. 0,5
nom soit honoré : que tous les peuples reconnais-
sent votre empire : que votre volonté soit faite parmi les hommes comme dans l'univers. Donnez- nous notre nouriture journalière. Pardonez-nous nos ofenses , comme nous pardonons à ceux qui nous ont ofenses. Aidez-nous à résister aux tenta- tions ; et préservez-nous de tout mal. fl/j a-l-il point d'autres manières d'honorer Dieu ?
Comme les idées de l'homme sont très-bornées ^ et qu'il ne peut les élever jusqu'à l'intelligence su- prême , il cherche à s'aprocher d'elle par quelque médiation. C'est pourquoi chaque nation a ima- giné des croyances mystérieuses et des manières diférentes d'honorer Dieu, qui ont été maintenues pour ne pasocasioner du trouble dans les empires. Mais tous les cultes religieux ont le même principe à qui est Dieu. Ils s'acordent à rendre à notre comun. pire l'homage et le respect qui lui sont dus , à le remercier de ses bienfaits et lui témoigner notre reconaissance. Ils ont aussi le même but? ils en- seignent tous , comme un point de doctrine essen- tiel , l'espérance des récompenses et la crainte des punitions. Ces deux grands motifs nous font porter nos vues au-delà de notre existence, et garantissent la sûreté, l'ordre et l'harmonie dans la société. Lorsque nous voyons des cultes , ou des cérémonies re-
ligieuses qui nous paraissent ridicules , ou qu'on noué expose des dogmes qui nous semblent absurdes, n'avons- nous point le droit de nous eu moquer ? Non : nous ne devons jamais troubler personne
dans son culte, ni dans sa croyance. L'homme peut se tromper dans ses opinions; mais il n'adore que Dieu ; et la morale est la même pour tous. Ces dog- mes , quoiqu'ils paraissent invraisemblables , élè- vent l'esprit vers le Créateur, et peuvent procurer |
||||
§4 .. l'école
de l'utilité par leurs effets. Le comun des homme»
croit sans réflexion ce qu'il ne comprend pas. Se reposant sur sa foi, qui signifie confiance, il né pense pas qu'on veuille le tromper : il vit tranquille et une crainte salutaire le retient dans le respect et le devoir. La faiblesse de l'esprit humain est même telle, qu'il préfère à la simplicité l'obscurité mystérieuse , et même l'illusion. Qu'est-ce qu'un mystère ?
Ge que l'on apèle mystère est une cause ou un
effet dont l'explication est impossible à l'homme , comme l'essence de la Divinité, ses atributs, l'es* prit, son union avec le corps, et d'autres choses abstraites, qui existent nécessairement, quoique nous ne puissions les comprendre. Mais il est d'au- tres mystères inutiles et même absurdes, qui ont été imaginés dans plusieurs cultes religieux , pour en imposer au vulgaire. Qu'est-ce que le ■vulgaire ?
On entend par le vulgaire ceux qui, dans quel-
que état qu'ils soient , n'ont pas assez d'instruc- tion , ni de lumière , pour réfléchir sur ce qui leur est enseigné, pour le combiner, l'aprécier, et se con- vaincre eux-mêmes de la vérité , ou de l'invraisem- blance. C'est le commun des hommes. Les pre- mières idées décident ordinairement en eux la ma- nière habituelle de penser et d'agir. Qu'est-ce que des superstitions ?
Ce sont des pratiques minutieuses ou des croyan-
ces erronées , auxquelles on s'atache avec trop de crainte ou trop de confiance. Ces idées fausses, très-contraires à la manière simple d'honorer Dieu , maintiennent les esprits faibles dans l'ignorance, en arêtant l'essor de la pensée. Ainsi,ce soutdes superstitions d'avoir confiance
|
||||
DES IICRJ, g5
eux prétcndus.devins; de croire à l'astrologie , aux
prédictions, à ce qu'on apèle des revenans; de penser que des images , des statues ou d'autres, ob- iets , ont des vertus pour guérir des maladies ; K maginer que l'on sera plus agréable à Dieu en ob.-fSJàant certaines petites pratiques ou cérémo- nies PPÎ mille autres absurdités , comme de croire que l'àparition de phénomènes ou de météores extraordinaires , la rencontre d'un objet hideux ou d'aulrts accidens imprévus présagent des mal* heurs. Lorsqu'on voit des superstitions, que faut-il faire ?
Si on croit pouvoir les dissiper par la persuasion, on Fait bien de l'entreprendre. Mais lorsqu'on voit qu'on n'y réussira pas , on doit se contenter de plaindre ceux qui sont superstitieux. En voulant leur Faire conaître leur erreur, on ne Ferait que les aigrir. Les anciennes préventions, les vieille» traditions ne peuvent se détruire que par le moyen de la raison. Mais le comun des hommes est peu susceptible d'aprécier ce qu'elle enseigne. Pourquoi represente-t-on Dieu avec un corps? Pour-
quoi lui suppose-t-on des bras , des mains, de la co- lère , de la haine, de la vengeance et d'autres passions? C'est un abus reçu jusqu'à présent, pour fixer, dit-on , l'esprit du vulgaire. Toutes ces idées sont absurdes et blâmables , même dans les hymnes et les cantiques. Le Créateur est bien diFérent de la créature, il ne peut être représenté sous aucune" forme, ni figure , parce qu'il est espril. Il ne peut avoir de passions, parce que son essence est sim- ple et pure. Cependant la raison tolère ces abus , à cause du bien qui peut en résulter. Est-il vrai qu'iljr a des peuples qui adorent des idoles ?
Adorer signifie adresser des prières ; et le mût |
||||
96 l'ÉCOtE
. idole veut dire un objet honoré comme un Dieu.
On voit en effet des peuples qui semblent honorer comme Dieu le soleil , la lune , ou des figures d'hommes et d'animaux, dont quelques-unes ontj des formes singulières. Des voyageurs sages & "clai» rés ont parfaitement reconu qu'ils adorenjBJieu par ces médiations , et que ces figures ou autres objets encore plus matériels , en vénération , ne sont que des emblèmes pour représente' des atri- buts de l'Etre souverain, pour rapeler des bienfaits reçus de Dieu , de grands événemens , ou d'autres choses dont le souvenir est utile. L'Être suprême est si élevé au-dessus de l'intelligence humaine, que dans presque tous les cultes religieux on arête sa pensée sur des objets qui semblent nous con- duire vers lui. Les idées que l'on a comunément des diférentes religions, sont très-dificiles à rec- tifier. Ceux qui se prosternent devant des images, et qui
leur adressent leurs prières, paraissent cependant les adorer? Ceux qui paraissent adresser leurs prières à des
images, à des statues, croient que les personages qu'elles représentent , ont été agréables à Dieu ; et qu'existant spirituellement, ils les entendent, et peuvent leur obtenir ce qu'ils demandent au Créa- teur. Mais ils ne les considèrent point comme des Divinités. Jamais personne n'a été assez dépourvu de sens comun , pour regarder un ouvrage fait de ses mains, ou une autre matière comme son Dieu, comme sou Créateur. Il y a des images ou statues des mêmes objets , plus révérés dans certains lieux que dans d'autres, à cause d'une réputation qu'on leur a donnée. C'est une superstition. |
|||||
SECOND
|
|||||
DES B«VRS. {J7
SECOND PRINCIPE DE MORALE.
Comment entendez-vous que nous devons nous aimer
les uns les autres? Parce que nous sortons de la même origine , qui
est . ' tre Créateur, et que nous sommes tous de la mu me espèce. Comment peut-on se convaincre de ces vérités ?
Elles nous paraîtront évidentes, en considérant
que dans tous les pays et dans tous les siècles, la même intelligence , le même esprit, les mêmes fa- cultés ont existé parmi les hommes. Les passions, les vertus et les vices out été de tous les tenis; et Jes préceptes donnésanciènernent, s'apliquent à la race présente. Les hommes sont les mêmes par-tout, à quelques nuances près , pour le physique et pour le moral , suivant les climats , les gouyeriiemeus et les religions. Que devons-nous faire en conséquence?
Nous devons ne point faire aux autres ee que
nous ne voudrions pas qu'on nous fît. Nous devons faire coustament aux autres le bien que nous vou- drions en recevoir. Si nous remplissions exacte- ment ces devoirs, nous jouirions de la paix et de la tranquillité, et nous serions plus heureux. Pourquoi tous les hommes ne se conforment-ils point
à ce principe ? Chacun ayant ses idées propres,ses passioris , s'en
tempérament, sa manière devoir et d'agir, raporte ù soi tout ce qu'il voit dans les autres, et désaprouve ce qui ne s'acorde point avec sa constitution. Delà Tiennent les jalousies, les haines, les discordes, et l'impossibilité physique et inorale de vivre jamais dans une parfaite union. |
||||
9»
Il est donc bien malheureux que tous le; hommes ne
puissent être d'acord pour concourir au bien comun ? C'est la source de nos malheurs; et de ce désordre habituel il suit que, pour entretenir la société, il est indispensable qu'il y ait des lois qui encoura- gent le bien et repliaient le mal. Si, étant réunis, nous sommes incapables de nous gouverner nous- mêmes , suivant les lois naturelles , uous devons nous assujétir à des lois générales et particulières, que le gouvernement, dont le devoir est de proté- ger le peuple , fait exécuter. Quel est le meilleur gouvernement ?
Le meilleur gouvernement est le plus simple. C'est
celui qui est si bien ordonné dans tous les rouages, qui font aller la machine, que rien ne s'embarrasse ni ne se nuit; où tous les ressorts sont si bien adap- tes , que l'objet mis en mouvement semble se conduire tout seul. Ainsi, l'on peut dire être bien gouverné , lorsque, jouissant libremtnt, on ne se sent pas pressé sous le poids de l'autorité; lorsqu'on ne s'aperçoit point du travail de cetlx qui gou- vernent. DE LA SOCIÉTÉ.
Qu'est-ce que la société?
C'est un assemblage d'hommes réunis par un in-
térêt comun. Quel est cet intérêt ?
La propriété, parce que, à l'abri des lois, on peut
jouir et disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. La sû- reté, parce que le concours de tous assure les droits de chacun. Les hommes n'ont donc pas toujours vécu en société ?
La population et les besoins réciproques ont
|
|||||||||||
;
|
|||||||||||
i
|
|||||||||||
■^-^k ; ^i*i»H^>--u*^fe-.. wijr~
|
|||||||||||
■ %
d e s m m u r s. 99
Formé les sociétés. Les hommes voyant leurs familles
s'i.ugm enter, et présumait t qu'ils auraient de l'avan- tage à se réunir, ont formé ces grandes sociétés, que l'on nomme nations. Comment les hommes onl-ils formé ces sociétés?
Ils se sent arétés dans des lieux où , chacun s'ocu-
pant suivant sou goût et ses inclinations , il s'est établi des gouvernemens , qui ont été conGés ù des chefs, chargés uniquement du soin de maintenir l'ordre, et de pourvoir à la sûreté du peuple. Alors les citoyensqui composaientcesnalions ,se voyant protégés par des lois , ne pensèrent plus qu'à vivre tranquilles, et à travailler pour leur propre utilité et pour le bien général. Comment se conduisait-on dans les premiers tems ?
On se conduisait suivant les lois naturelles. Les
familles étaient gouvernées par le plus ancien. Les propriétés reposaient sur la bonne foi. Le mariage consistait en une simple promesse de vivre en- semble; et on honorait Dieu simplement. Depuis rétablissement des grandes sociétés , on a fait des lois générales. Des familles réunies ont composé un état. Les propriétés ont été assurées par des titres. Le mariage et le droit aux successions ont été cons- tatés par des actes publics ; et ou a formé des cultes religieux pour honorer Dieu , et contenir l'homme dans ses devoirs. BU MARIAGE.
Qu'est-ce que le mariage ?
Le mariage est un engagement conforme au vœu
de la nature, aux vues du Créateur, et à l'intérêt de la société; par lequel deux personnes de dite— •rens sexes promettent de s'unir et de donner tons leurs soins aux eufans qu'ils espèrent avoir. Es
|
||||
100 L'ÉCOLE
Ett-om lilr» de ne point se marier?
On est libre de ne point se marier. Mais ceux qui ,
pouvant se marier, aiment mieux rester dans le célibat, sont des Êtres isolés qui, sujets aux mêmes passions que les autres , ne peuvent se satisfaire qu'en troublant l'ordre de la société. Peut-on faire vœn de ne point se marier?
Les vœux religieux «t autres etigagemens pareils
«ont contraires à la nature, qui nous porte à la mul- tiplication , aux droits de l'homme, qui doit tou- jours être libre , aux vues du Créateur et à l'in- térêt de la société. DU RESPECT DU AUX PÈRES ET MÈRES
ET A LA VIEILLESSE. Doit-on honorer ses pères et mires ?
Le sentiment naturel nous porte à honorer nos
pères et inèrea. Cet honeur consiste à les respecter , à écouter leur» conseils, à reeonaître les peines et les soins qu'ils se sont donnés pour nous, à veiller à leur conservation, à leur procurer de l'agrément dans la vie , à leur prodiguer nos services , et les assister dans leurs besoins. Doit-on aussi honorer la vieillesse ?
La nature nous inspire de même du respect pour
les vieillards. L'expérience les rend saiges , et capa- bles de donner de bous conseils. D'ailleurs , la fai- blesse de leur âge invite à avoir pour eux des égards. C'est une horreur de voir des enfans et des jeuues gens insulter à leurs parens et à la vieillesse. Ce!» dé- sordres scandaleux sont des suites d'une mauvaise éducation , oh de la dépravation des mœurs. Ya-l-il encore d'autres personnes que l'on doit res-
pecter ? Oui: nous devons respecter les hommes sages et
|
||||
DES MŒURS. ÏOÏ
Tertoeux, ceux qui ocupent des places supérieures,
ceux qui sont ou ont été utiles à l'humanité par leur génie , leurs ouvrages, leurs travaux , leurs inventions et leurs services ;ceux qui se dévouent à l'instruction publique et au soulagement des pau- vres et des malades , les pères et mères de famille qui remplissent bien leurs devoirs, les gouvernans qui s'ocupent sérieusement et conslament dubon- heur de la société et de l'humanité. Kous devons aussi nous respecter nous*mèmes ,
en évitant de faire aucune action qui puisse avilir la condition humaine , et avoir des conséquences nuisibles pour nous et pour les autres. DES DEVOIRS DE L'HOMME.
Quels sont les devoirs de Thomme?
Tous nos devoirs dérivent de l'obligation natu-
relle , qui nous engage à ne point faire aux autres- ce que nous ne "voudrions pas qu'on nous fît ; à iaire constament aux autres le bien que nous vou- drions eu recevoir. En réfléchissant sur ce principe , nous voyons qu'il doit être la règle de notre con- duite, et qu'il nous prescrit la manière dont nous devons agir dans tous les états et situations de la vie. Si nous suivons cette règle , nous ferons le bien, et nous éviterons le mal. En quoi consiste le mal que nous devons éviter?
Le mal est tout ce qui est contraire aux lois di-
vines et humaines, toulcequi peut nuire aux autre» et à soi-même. Ainsi nous ne devons ni tuer, ni f râper, ni blesser personne, même dans son honeur et sa réputatiou ; nous ne devons point porter de faux témoignages, ni faire de faux sermeus, ni même jurer inutilement. Nous ne devons point prendre , E 3.
|
||||
ÎO^ l'ÈCOIB
ni retenir le bien des autres, ni le désirer à leur
préjudice.
Comment peut-on se nuire à soi-même?
On se nuit à soi-même , lorsqu'on se laisse maî- triser par ses passions , qu'on s'abandonne à des excès de corps ou d'esprit, qu'on néglige ce que l'on doit faire pour sa conservation , qu'on perd un tems précieux, qu'on se fatigue inutilement à vouloir comprendre ce qui est au-dessus de l'intelligence humaine ; enfin , loisqu'on sort des bornes de la modération , de la sagesse et de la prudence. Est-on toujours coupable, lorsqu'on blesse ou qu'on
tue quelqu'un ? Si on est ataqué injustement, comme lorsqu'un
assassin ou un voleur se présentent pour ôter la vie, il est naturel dese défendre ; et quoiqu'on n'ait pas l'intention de blesser ou de tuer son adversaire, ce malheur peut ariver: alors on n'est point coupable. 11 en est de même si on est la cause innocente d'un accident funeste. Mais lorsque de propos délibéré , ou tue ou on blesse quelqu'un , c'est un excès de scélératesse. " Y a-t-il du mal à se tuer soi-même ? Se tuer soi-même de sang-froid, est le comble delà folie. On ne se sent pas laforcedesuportersesmaux, et on perd toute espérance d'y remédier. Mais quelle afreuse ressource ! Pour éviter un malheur , peut- être passager, on a recours au plus grand des maux, qui est la mort. Le courage nous fait suporter avec patience ce qui peut nous ariver de désagréable : la lâcheté nous prive de tous les moyens qui pou- raient améliorer notre sort. Est-on coupable des meurtres que Von cornet à la
guerre ? Les maux ocasionés par la guerre , doivent être-
|
||||
DES M <B V R S. 103
\ * .
imputés à ceux qui en, sont les premières causes.,
en la provoquant injustement. Mais il est des cri- mes dont ou se rend coupable particulièrement par la licence, la cruauté et l'oubli des sentiuieus naturels. Nous devons faire la guerre , uniquement pour servir notre patrie et la défendre contre l'in- vasion ou les insultes des puissances qui la me- nacent. Nous devons, en observant exactement l'ordre, la subordination et la discipline, faire paraître toute l'énergie et le courage dont nous sommes capables. Mais c'est perdre le mérite de sa bravoure et de ses services , q*ue de s'abando- ner à des excès qui révoltent l'humanité, et que l'on croit bien faussement autorisés par la guerre. JVe peut-on pas espérer que les hommes, en se condui-
sant suivant les lumières de la raison, parviendront à ■vivre en paix S Malheureusement, la raison n'aura jamais sur
l'homme qu'un empire très-borné. Cette passion de se batre est naturelle dans tous les animaux, et sur-tout dans l'espèce humaine : elle est indes- tructible. 11 est afreux de voir que cette fureur , qui surpasse de bien loin la vengeance des brutes, ait alligé de tout teins le genre humain , et qu'elle continuera , malgré les réclamations des hommes sages, de le tourmenter et de s'oposer à son bon- heur , parce que les passions des hommes seront toujours les mêmes. Qu'est-ce qu'un faux témoignage?
C'est une déposition faite sur-tout en justice ,
contre la vérité. Il peut en résulter beaucoup de mal, ainsi que du mensonge, de la médisance, de la calomnie et des jugemens téméraires. Le faux témoignage est un crime prémédité. Le refus E 4
|
|||||
...
|
|||||
io4 t'scoii
même de rendre témoignage à la vérité , par
l'éfrei d'une menace , est criminel lorsqu'il oca- «ione la condamnation de celui qui est faussement acnsé. L'homme lâche, qui cause ainsi la mort de l'iuoceut, est coupable d'assassinat. Qu'est-ce que mentir?
C'est parler contre la vérité.
If y a-t-iï'point des pensions où l'an peut mentir,
tarif mal faire ? Il y a des mensonges oficieux, qui ne nuisent
à personne, et dont il peut même résulter du bien, comme lorsqu'on parle à un malade, ou à une personne qui est dans la peine. Mais le mensonge réel est une chose abominable , et sujète à des con- séquences très-dangereuscs. Qu'est-ce que médire?
C'est découvrir sans nécessité les fautes ou, les
défauts des autres. La médisance est-elle toujours un mal?
La médisance est essentiellement un mal. Mais
elle est excusable, lorsque la faute est publique, ou lorsque celui qui l'a comise, a l'impudence de se montrer sans remords. Qu'est-ce que la calomnie?
C'est imputer à quelqu'un des défauts qu'il n'a
point, ou des fautes qu'il n'a pas comises. Un
calomniateur est un très-méchant homme. Mé-
conaissaut les lois de la probité, il est capable des
choses les plus horribles.
■ '■ '
Qu'est-ce que juger témérairement? C'est juger mal des autre» sans fondement légi-
time. |
||||
DES MŒURS. 100
Quel mal peut-il ariver des jugement téméraires ?
Us blessent l'faoueur et la réputation, et peuvent «voir de très-mauvaises suites. Qu'est-ce qu'un faux serment ? Le faux serment ou parjure est un serment con-
Ire la vérité , en atestant qu'une chose fausse est vraie. C'est aussi le violement d'un serment juste et raisonable. Ce sont des espèces de mensonges. Dans quelles ocasions peut-on jurer ou prêter ser-
ment? Quand le supérieur ou le juge , usant légitime-
ment de leurs pouvoirs, cornandent de prêter ser- ment ou de jurer, alors ou promet de s'engager dans une cause qui paraît juste , ou on jure de rendre témoignage à la vérité. Mais ou est tou- jours blâmable de jurer iuutilcmcnt. Quant ans expressions triviales , que l'on apèle aussi jure- m en s , il est au moins très-malhonéte de s'en sei> vir parce qu'elles ofensent les bonnes moeurs. Quelles sont les manières les plus ordinaires de
prendre le bien des autres ? Par violence, par adresse, par fraude, par usur-
pation. Comment retient-on le bien des autres?
En ne restituant point ce que l'on a pris, et en
ne payant pas ce que l'on doit. Y a-t-il encore d'autres manières de retenir le bien des
autres ? On retient encore le bien d'autrui, en s'apro-
priant un dépôt, en ne rendant point exactement les comptes auxquels on est obligé, en ne cher- chant pas à qui apartieut une chose que l'on a |
||||
106 l'école
■trouvée, en diférant de payer les ouvriers et le»
autres personnes , dont on a employé le tems ou la peine, en ne remplissant pas les conditions des marchés dont on est convenu, en livrant des marchandises mauvaises, ou des ouvrages défec- tueux , comme s'ils étaient bons. Pour éviter de tomber dans ces fautes , que faut-il
faire ? On doit s'apliquer à aquérir les vertus morales,
et à coriger les vices et les défauts auxquels on peut être sujet. DES VERTUS MORALES.
En quoi consiste la vertu ?
La vertu consiste à cultiver conslamcnt des qua-
lités naturelles ou aquises, qui sont utiles à soi- même et à la sociélé , et à éviter tout ce qui peut y être contraire. Qu'entendez-vous par vertu morale ?
J'entends les vertus qui règlent nos moeurs et
nous donnent de la facilité pour bien faire. Quelles sont les vertus morales?
On les réduit à quatre , parce que les autres
vertus morales eu dépendent. C'est la prudence , la justice, la foi ce d'esprit et la tempérance. Qu'est-ce que la prudence ?
C'est une vertu qui éclaire notre esprit , et nous
fait prendre les moyens les plus sûrs pour nou» bien conduire. ■. Que résulte-t-il de la prudence ?
11 en résulte la sagesse dans toute sa conduite,
le bonheur de ne point tomber dans des fautes |
||||
DES M8URS. 107
que l'imprudence nous ferait comettre , la réserve.
et riionèteté dans ses paroles et ses actions : ce qui est un grand moyeu de se faire aimer. Qu'est-ce que la justice ?
C'est rendre à Dieu et aux hommes ce que nous
leur depons. En quoi consiste encore cette vertu ?
A ne pas retenir le bien des autres ; à bien
remplir ses engagemens; à s'aquiter de ses devoirs avec exactitude et probité ; à faire l'aumône autant qu'on le peut. Qu'est-ce que faire l'aumâne?
L'aumône est un devoir et une sui te derobiigation
naturelle de faire aux autres tout le bien que nous voudrions qu'on nous fît. Faire l'aumône est assister les pauvres dans leurs besoins , dans leurs malheurs , dans leurs maladies. 11 est douloureux pour un nomme sensible, devoir celui qui a du superflu, qui est même dans l'abondance, ne point en faire part à ceux qui éprouvent les horreurs de la nécessité. 11 est nfreux de voir l'indiférence d'un riche, endurci dans la molesse, pour un pauvre qui n'ose implorer son secours. Doit-on considérer tous les pauvres également?
Non : on doit faire entre eux uue grande di-
férence. Ceux qui sont estropiés , blessés , aveugles, hors d'état de travailler , exigent notre assistance. 11 en est d'autres aussi, que des malheurs ont ré- duits à un état misérable : ils ont droit à nos secours. Mais il est des gens qui , avec de la santé et de la vigueur, sont naturellement pa- resseux : leur fainéantise habituelle leur donne de l'aversion pour le travail ; ils aiment mieux |
||||
,.. __.------------------------------------------— ;■ - -. ..
|
|||||
108 l'école
ne rien faire , et vivre d'aumône». Il y a même
eu des mcndians qui, jouissant sourdement d'une fortune sutisante, ont choisi par goût cette ma- nière de vivre libre et indépendante. Ceux-là sont méprisables et indignes de l'atention de leurs con- citoyens. Il faut faire l'aumône avec discernement, secourir les véritables pauvres , et ne pas encou- rager la fainéantise. Qu'est-ce que la force d'esprit ?
C'est une vertu qui donne de l'énergie à l'esprit,
et le rend capable de former et d'exécuter une résolution prompte, ferme et sage. Elle nous fait combiner et aprécier les préjugés et les idées vul- gaires, pour les réduire à leur juste valeur. Elle nous soutient aussi dans l'adversité, et nous rend patieus dans nos maux. Qn'est-ce que la tempérance ?
C'est une vertu qui réprime nos inclinations
déréglées, et nous porte à mettre de la modéra- tion dans nos actions et dans nos paroles, et dans toutes nos jouissances. II en résulte la so- briété en toutes choses, même dans la sagesse. Elle répand de l'agrément dans la vie, en adoucissant nos passions. La tempérance nous fait même évi- ter des maladies, et contribue à la sauté. DES VICES PRINCIPAUX.
En quoi consiste le vice?
Le vice consiste à se laisser entraîner par de»
inclinations mauvaises, naturelles ou habituelles, qui portcut à des excès toujours nuisibles. Quels sont les vices principaux?
Les vices principaux sont l'orgueil, l'avarice 3
|
|||||
DES MCBUHS. 109
l'incontinence, l'envie , la gourmandise, la co-'
1ère et la paresse. Pourquoi les nomme-l-on principaux ?
Parce que chacun de ces vices est la source de
plusieurs autres. Qu'est-ce que l'orgueil?
C'est une opinion trop avantageuse de soi-même,
qui fait qu'on se préfère aux autres. Ce vice pro- duit la vainc gloire, la présomption , le mépris, l'ambition et l'hypocrisie. Les orgueilleux , pour se maintenir dans leur prétendue supériorité , sont gênés dans leurs actions et leurs manières ; et ils éprouvent souvent des désagrémens. C'est aussi un effet de l'orgueil ou de l'amour-propre , de ne point vouloir convenir de sa faute , lorsqu'on a évidemment tort. Avouons naïvement nos fai- blesses : on ne peut pas être parfait. JVe mépri- sons personne: aprécions-nous nous-mêmes; et croyons que les autres peuvent penser et agir mieux que nous. C'est un moyeu de vivre heureux. Qu'est-ce que Vavarice? C'est un atachement excessif à ce que Ton pos-
sède , et un grand désir d'augmenter ce que l'on, a. L'avare fait de son trésor l'unique objet de ses pensées et de ses soins. 11 désire le bien d'autrui, et souvent, pour l'avoir , il emploie le mensonge, la fraude et l'injustice. Ce vice détruit toute sensi- bilité au malheureux sort de ceux qui ont besoin de secours. Qu'est-ce que l'incontinence ?
C'est une inclination déréglée pour les plaisirs des
sens, sur-tout pour les plaisirs lascifs. Ce vice aveuple l'esprit : il maîtrise la pensée , et rend incapable |
||||
..................
|
|||||||
I ÎO L'ÉCOLE
d'aplicalion. II porte le trouble dans la société.
II énerve les facultés intellectuelles : il afaiblit la
constitution du corps. Qu'est-ce que l'envie?
C'est un sentiment in terne,par lequel nous sommes
envieux du sort de ceux qui sont dans une posi- tion plus heureuse que nous , de ceux qui nous sont préférés. 11 fait goûter une secrète satisfaction, lorsqu'on entend parler mal d'eux , lorsqu'ils fout des faules , ou qu'il leur arive quelque désagrément. Ce vice conduit à la médisance et à la calomnie. 11 peut ocasioner beaucoup de mal , lorsqu'on s'y arête; il altère même la tranquililé de ceux qui s'y abandonent. Les envieux n'ont jamais de repos: ils sont toujours tourmentés. Lorsque l'envie et la jalousie sont des vices dominans dans les gouvernemens , il en résulte, pour les peuples, des maux qui deviennent incalculables. Qu'est-ce que la gourmandise ?
La gourmandise et l'ivrognerie sont des vices
qui portent à manger et à boire avec excès. Ils troublent les facultés de l'esprit et du corps. Ils «faiblissent la raison et le tempérament. Le gour- mand, tandis qu'il se livre avec sensualité à son apétit déréglé, ne réfléchit pas, qu'il y u des malheureux qui soufrent de faim et de misère. L'ivrogne s'abrutit, et se rend indigue de la société. Ou le fuit, et on craint ses extravagances. Qu'est-ce que la colère ?
C'est un mouvement intérieur et impétueux ,
qui fait rejeter subitement , et avec violence , ce qui nous déplaît. Ses effets sont, la discorde , les disputes , les injures, les jurcmens , les coup* |
|||||||
DES MŒURS. 111
et même les meurtres. La colère est une courte..
frénésie. Défions nous de ses mouvemeus. Si cette passion n'obéit, elle comande en tyran. Qu'est-ce que la paresse ?
C'est une lâcheté liabituclle et une répugnance
invincible pour le travail et Implication, qui rend incapable d'être utile à soi-même et aux autres. Elle cause la négligence de ses devoirs , la perte du tems et des lalcns pour la société. Les pares- seux n'étant propres à rien , sont toujours dépen- dais et méprisés. 11 y a cependant une paresse excusable. Elle vient d'une faiblesse de tempéra- ment , qui ôte la force et le vouloir de faire tout ce qui demande un peu d'action. Elle peut se ré- former avec l'âge ; et si le corps devient j.lus fort, ou se trouve plus d'aptitude à prendre du mou- vement. DES FAUTES.
Combien y a-t-il de sortes de fautes l
Il y en a de deux sortes , la faute pardonable et
la faute punissable. Qu'est-ce que la faute pardonable ?
C'est celle que Ton cornet dans des choses lé-
gères , ou même graves, sans intention de nuire ou de mal faire. Qu'est-ce que la faute punissable?
C'est celle d'où il peut résulter du mal, et que l'on cornet avec un parfait consentement. DE LA VERTU ET DU VICE EN GÉNÉRAL.
Celui qui mène une vie pure et irréprochable ,
jouit de la trauquilité et de la paix au milieu même |
||||
? ui$25
|
||||||||||||
tl2
de* médians. La vertu n'a pas besoin d'armes pour
se faire respecter. Toujours modeste , elle n'ofense personne : elle craint jusqu'à l'aparence du mal. Elle ne se trouble point, et marcbe avec assurance , malgré l'envie et la jalousie de ceux à qui elle fait ombrage. Le vice prend quelquefois les dehors de la vertu.
Il se dissimule: il se compose; et sous certains aspects, il peut paraître aimable. Mais une per- sonne bien née reconaît l'illusion , et découvre Je poison caché sous des aparences trompeuses. Tout Je monde a naturellement horreur du vice, lors- qu'il se montre tel qu'il est. Cependant, comme il flate par des plaisirs séducteurs, qu'il émeut les sens, il faut avoir bien de la vertu pour s« garantir aisément de la contagion. |
||||||||||||
F I »,
|
||||||||||||
DE L'IMPRIMERIE DE CRAPELET.
|
||||||||||||
itmç
|
||||||||||||
.-- v"-■
|
||||||||||||