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Recherches
sur la Poésie de
Dafydd ab Gwilym

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BARDE GALLOIS DU XIV^ SIECLE

par

Th. M. Chotzen

BIBLIOTHEEK DER
RIJKSUNiVERSITEIT
U T R E C H T.

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RECHERCHES SUR LA POESIE DE
DAFYDD AB GWILYM

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RECHERCHES SUR LA POÉSIE DE
DAFYDD AB GWILYM

BARDE GALLOIS DU Xm SIÈCLE

PROEFSCHRIFT TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN
DOCTOR IN DE LETTEREN EN WIJSBEGEERTE AAN DE
RIJKSUNIVERSITEIT TE UTRECHT, OP GEZAG VAN DEN
RECTOR-MAGNIFICUS, D
r A. NOORDTZIJ, HOOGLEERAAR
IN DE FACULTEIT DER GODGELEERDHEID, VOLGENS
BESLUIT VAN DEN SENAAT DER UNIVERSITEIT TEGEN DE
BEDENKINGEN VAN DE FACULTEIT DER LETTEREN EN
WIJSBEGEERTE TE VERDEDIGEN OP DONDERDAG 7 JULI
1927, DES NAMIDDAGS TE 3 UUR

door

THEODOR MAX CHOTZEN

geboren te amsterdam

H. J. PARIS
AMSTERDAM MCMXXVII

BIBLIOTHEEK DER
RiJKSUNiVERSlTElT

utrecht.

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ABREVIATIONS

Antîverpensch Liedboek (Chansonnier d\'Anvers), p.p. Hoflfmann von Fallersleben.

The Text of the Bruts from the Red Book of Hergest, p.p. Rhys et Evans.

The Bulletin of the Board of Celtic Studies.

Carmina Burana; p.p. J. A. Schmeller.

Lovesongs of Connacht, p.p. Douglas Hyde.

Y Cymmrodor, the Magazine of the Honourable Society of Cymmrodorion.
Detholion o Gywyddau Dafydd ap Gwilym,
p.p. Ifor Williams.
Barddoniaeth Dafydd ab Gwilym, édition princeps.
Cywyddau Dafydd ap Gwilym a\'t gyfoeswyr, p.p. Ifor Williams, e.a.
Recueil général et complet des Fabliaux, p.p. Montaiglon et Raynaud.
The poetry of the Gogynfeirdd, p.p. E. Anwyl.
Cywyddau lolo Goch ac eraill, p.p. Ifor Williams, e.a.
The Myvyrian Archaiology of Wales, seconde édition.
Les Origines de la Poésie lyrique en France, par Gaston Paris.
Les Origines de la Poésie lyrique en France, par A. Jeanroy.
Choix des poésies originales des troubadours, p.p. Fr. J. M. Raynouard.
Revue Celtique.

Report on Manuscripts in the Welsh Language, par J. Gwenogfryn Evans.
Romania.

Roman de la Rose, p.p. E. Langlois.

The Transactions of the Honourable Society of Cymmrodorion.
Zeitschrift fur celtische Philologie.

al.

bruts

bulletin

cb.

conn.

cymmr.

deth.

dg.

dgg.

fabl.

gog.
ige.
ma2.
orig.

origines.
rayn.

rc.
rep.
rom.
rose.

trans.

ZfcP.

I) V. rindex Bibliographique, p. 336.

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INTRODUCTION

Le barde qui sera la figure centrale des pages suivantes, Dafydd ab Gwilym, est un
des poètes dont la langue, peu comprise en dehors de leur patrie, fait obstacle à l\'apprécia-
tion de leurs oeuvres dans un cercle plus étendu.Malgré quelques travaux de vulgarisation,
malgré quelques traductions, dont celles de Stern sont certainement les plus agréables
a lire et en même temps les plus fidèles, les amateurs de la poésie, pour qui Bernard de
Ventadour, Adam de la Halle, Walther von der Vogelweide et Chaucer ne sont plus des
inconnus, ignorent Dafydd ab Gwilym et l\'ignoreront probablement toujours. On s\'expli-
que moins facilement que les spécialistes qui ont consacré leur vie à l\'étude comparée de la
littérature médiévale n\'aient toujours pas fait au barde gallois la place qui lui revient.
Gaston Paris, dont les savants anglais avaient appelé l\'attention sur quelques allusions
dans son oeuvre à l\'enlèvement de Gwenhwyfar par Melwas, lui a fait l\'honneur de le
ater dans son article célèbre sur Lancelot i), mais cet exemple n\'a pas trouvé d\'imitation.
Dans sa thèse magistrale M. Jeanroy a exposé dans les détails l\'influence du lyrisme
provençal et français en Italie, en Allemagne et en Portugal ; il n\'y a jusqu\'aux chansons
populaires russes et aux ballades scandinaves que lui et Gaston Paris n\'aient utilisées
pour en tirer des renseignements sur la poésie originale de la France. Ces études datent
de 1889 et de 1892, et depuis il n\'y a pas eu de travail d\'ensemble sur la poésie des trouba-
dours ou sur la littérature française en général où l\'on ne trouve un chapitre sur l\'imitation
de la poésie courtoise en Italie, en Allemape, dans la péninsule ibérique et en Angleterre.
Mais dans tous ces écrits on cherche en vain un mot sur cette riche poésie lyrique du Pays
de GaUes, qui est plus variée que celle de la Provence, plus artistique que celle de l\'Italie
et de l\'Allemagne, plus originale que celle du Portugal, et ce silence de la part des romanis-
tes est d\'autant plus remarquable que pendant tout ce temps les érudits gallois n\'ont pas
cesse de proclamer la subordination de leur poésie nationale à celle des troubadours.
A plusieurs égards ils peuvent être allés plus loin qu\'il ne fallait mais il y a au moins un
rait incontestable qui se dégage clairement de leurs études, et c\'est que le lyrisme gallois
ne peut plus rester indifférent à ceux qui s\'intéressent à la poésie courtoise. Aussi, quand
stimulés par l\'exhortation de M. Dottin „à déterminer avec précision l\'influence que les
troubadours provençaux ont exercée sur les poètes galloisquot; 2) nous abordions à notre tour
es recherches inaugurées par Cowell et Stern, notre unique préoccupation était de faire
pour les bardes ce que M. Audiau avait fait pour les poètes anglais et de diriger sur eux
attention des romanistes. A cette fin nous avons demandé et obtenu de la Faculté des
ettres de l\'Université d\'Utrecht la permission de rédiger cette thèse de doctorat en
rançais, tout en ne nous dissimulant pascequ\'ily avaitpresquedeprésomptueuxàprétendre

1)nbsp;Rom., vol. XII, p. 502.

2)nbsp;Revue de Synthèse historique, vol. VI, p. 336.

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traduire des fragments d\'une poésie aussi compliquée que celle des Cywyddwyr ou même
des Gogynfeirdd en une langue qui n\'est pas la nôtre.

Au fur et à mesure que nous pénétrions dans notre sujet, nous nous convainquions
cependant qu\'il y a tout un monde entre la poésie de Dafydd ab Gwilym et l\'art des trouba-
dours : nos recherches furent à refaire sur une autre base. Nous étudiâmes les chansons
latines des
clerici vagantes et ne tardâmes pas à y découvrir un esprit bien plus apparenté
à celui de la poésie galloise. L\'article remarquable de M. Ifor Williams,
Dafydd ah Gwilym
a^r Glêr
venu bientôt après entre nos mains, ne manqua pas d\'abord de nous confirmer
dans cette opinion. Pourtant il y avait des considérations qui s\'opposaient à regarder
les poètes latins du Xlle siècle comme les sources directes du barde du XlVe siècle, dont
l\'érudition devait avoir été assez limitée et qui traitait d\'ailleurs aussi des sujets qui leur
avaient été étrangers. Il devait y avoir eu une poésie en langue vulgaire qui joignait les
idées sur l\'amour des vagants aux situations propres aux fabliaux. Cette poésie-là, nous
croyons l\'avoir trouvée dans les chansons des puys des communes de Picardie et de Flandre,
dont surtout les pièces flamandes des siècles suivants permettent de nous faire une idée.
L\'examen historique des relations entre le Pays de Galles et le Continent confirma pleine-
ment ce résultat.

Pourtant, plus nous étudions la poésie galloise, plus il nous semblait que sous ces
éléments d\'origine étrangère, il devait y avoir un fond autochtone qui restait à déterminer.
A défaut de textes anciens non-courtois, nous nous mîmes à appliquer à petite échelle
aux littératures celtiques la méthode que M. Jeanroy avait suivie avec tant de succès
pour approfondir quelle avait été la poésie primitive de la France. Il se trouva que les
poésies populaires irlandaises et bretonnes et les
pennillion gallois d\'une époque plus
moderne ont en commun un certain nombre de traits et de motifs qu\'on rencontre égale-
ment dans la poésie amoureuse des bardes du XIVe siècle, et en partie déjà dans les
textes épiques.

C\'est ainsi que ces recherches sur les imitations galloises de la poésie des troubadours
allaient se transformer insensiblement en une étude des sources de l\'œuvre de Dafydd
ab Gwilym et de ses contemporains, bien plus volumineuse qu\'elle n\'eût été projetée
primitivement. Et pourtant nous aimerions à voir considérer cet écrit plutôt comme une
tentative d\'assigner, avec un peu plus de précision qu\'on ne l\'a fait jusqu\'ici, à Dafydd
ab Gwilym sa place dans la littérature médiévale. Il y a une double raison pour laquelle
les résultats que nous nous contentons de présenter ici au lecteur ne peuvent être que
provisoires.

La première raison tient à notre manque de compétence dans le domaine des études de
versification comparée. Evidemment les recherches des origines de la forme d\'une poésie
ne devraient jamais être séparées de celles qui ont le fond comme sujet, et l\'on sait quelle
belle unité elles forment ensemble par exemple dans la thèse de M. Jeanroy. On peut
s\'imaginer pourtant qu\'il y a des prosodies d\'une telle complexion que l\'explication de
leur formation devrait être cédée aux seuls spécialistes. C\'est en particulier le cas des
versifications irlandaise et galloise, et il n\'est pas du tout étonnant que les efforts de
rapprocher le
cywydd de Dafydd ab Gwilym des mètres irlandais n\'ont pas encore abouti
à des résultats définitifs. Ceux qui pourront juger ce problème en connaissance de cause

i) Trans. 1913—145 p. 83 et seq.

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comprendront sans doute que devant les nombreuses difficultés qu\'il présente nous nous
soyons effacés.

Un^ autre obstacle beaucoup plus grave, qui ne pourrait être éludé ainsi, résulte du
fait fâcheux que nous ne possédons aucune édition véritablement critique des œuvres
bardiques. Cette circonstance devait suffire pour faire qualifier toute recherche de sources
de tentative prématurée. Cependant il y a lieu de craindre que même la génération de
celtisants à laquelle nous appartenons et qui vient de descendre dans l\'arène ne vive
assez longtemps pour voir l\'achèvement d\'une bonne édition de l\'œuvre de Dafydd ab
Gwilym d\'après tous lesMSS. ! Dans ces circonstances il doit être permis de nepas attendre
execution d\'une entreprise gigantesque que seulement une équipe de travailleurs bien
préparés peut espérer de mener à bonne fin.

L\'édition princeps, publiée en 1789 par Owen Jones et William Owen, quoique fort
méritoire pour cette époque, ne peut être utilisée qu\'avec la plus grande circonspection ;
la réé^tion de Cynddelw (1873) marque à plusieurs égards, comme Stern et M. Vendryès
ont déjà observé, le contraire d\'un progrès. Depuis,M. Ifor Williams a publié, en 1914 et
^ 1921, 64 poèmes de Dafydd ; la première édition, entreprise avec la collaboration de
M. Thomas Roberts, contient en outre des chansons de quatre contemporains du
barde. Ces petits livres, enrichis d\'une introduction empruntée en grande partie à deux
articles du
Beirniad et des Transactions of the Honourable Society of Cymmrodorion, d\'un
commentaire précieux et d\'un glossaire, marquent sans doute une date dans l\'histoire
de la philologie galloise : c\'est là qu\'on trouve pour la première fois un utile apparei
critique. Il faut avoir lutté avec toutes les difficultés qu\'offre le texte de l\'édition princeps
pour pouvoir apprécier à sa juste valeur le service important queM. Ifor Williams a rendu
aux amis de Dafydd ab Gwilym. Tout de même on ne peut pas dire que ce soit déjà l\'édition
demandée avec tant d\'instances par tous les philologues qui s\'intéressent au barde. On
peut etre d\'avis que la critique un peu vive de M. Vendryès i) ne rende pas pleinement
justice aux mérites de cet ouvrage — ce qui fait le véritable intérêt de l\'introduction,
importance attachée à la poésie des
clerici vagantes, n\'est par example pas relevé — il
est incontestable que ses objections contre cette méthode d\'éditer un texte ne sont que
trop justifiées. Tant qu\'on ignore la fihation desMSS. l\'appareil critique le plus copieux
ne peut remédier à ce qu\'il y a d\'arbitraire dans l\'établissement d\'un texte. Seulement,
qui aura le courage et la patience de collationner les variantes dans deux-cents iVlSS. et
^n établir la filiation ? Stern, qu\'on ne saurait accuser de légèreté, parlait d\' „eine
noffnungslose Arbeitquot; 2).

En 1 absence d\'une bonne édition critique nous ne pouvons donc pas nous dispenser
e renseigner ici le lecteur sur la méthode que nous avons adoptée dans cette étude pour
citer les textes poétiques gaUois.

Les Gogynfeirdd seront cités ici d\'après la collection la plus complète de leur poésie,
a réédition de cette partie de la
Myvyrian Archaiology publiée par les soins de Sir Edward
nwyl. Nous tiendrons cependant compte des variantes dans les deux autres collections
e leurs poèmes que nous possédons à présent : l\'ancien MS. pubhé par M. Gwenogfryn
la
Revue Celtique^tt le texte du Livre Rouge, qu\'on doit à ce même paléographe

1)nbsp;RC., vol. XXXVIII, p. 211 et seq.

2)nbsp;ZfcP, vol. VII, p. 2.

3)nbsp;Vol. XL, p. 241 ; vol. XLI, p. 65, 413 et seq.

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infatigable. Quant aux chansons de Dafydd ab Gwilym, il est connu qu\'une grande partie
des 262 pièces imprimées sous son nom dans l\'édition princeps ne lui
appartient pas. Dix-
huit de ces pièces sont des forgeries manifestes (n°. 70, 80 et toutes celles de TYchwane-
giad) et ne seront par conséquent pas mises en considération ici. Quant aux autres, à
l\'état actuel de la philologie galloise il est presque impossible de séparer celles qui sont
apocryphes des autres. Même la présence de mots récents et de rimes suspects ne forme
pas un critère absolument sûr dans l\'ignorance oii nous sommes du texte original, et
l\'attribution dans les
MSS. est fort variée. Aussi Stern i), M. Glyn Davies 2) etiVl. Ifor
Williams 3), qui ont dressé indépendamment des listes de pièces douteuses, ne se sont pas
trouvés toujours d\'accord. C\'est la raison pourquoi nous avons résolu de les utiliser toutes,
marquant tout de même d\'un point d\'interrogation celles qui ne se trouvent dans aucun
MS. antérieur au XVIIe siècle. Il est vrai qu\'en tirant parti de toutes les données qu\'elles
nous fournissent nous risquons de tracer un portrait synthétique des bardes des XlVe
XVe et XVIe siècles plutôt que de Dafydd ab Gwilym, et peut-être même nous devrons
nous contenter de n\'y avoir pas admis trop de traits attribuables aux copistes et aux collec-
tionneurs du XVIIIe siècle. Soixante-trois des chansons de l\'édition princeps ont été
publiées de nouveau par M. Ifor Williams, et celles-ci seront citées en général d\'après le
texte de ses éditions, qui presque toujours mérite la préférence. Pourtant nous aurons
parfois recours à la leçon des MSS. que nous avons collationnés pendant un séjour à
Aberystwyth, quand ces variantes offrent un sens plus acceptable. Dans ce cas nous userons
donc du procédé que M. Vendryès a blâmé si vivement dans M. Williams. En vérité nous
n\'aimerions pas mieux que de pouvoir suivre des méthodes rigoureusement scientifiques,
mais il faut faire ce qu\'on peut. Au moins il sera rendu compte au bas de la page des libertés
que nous nous sommes permises avec le texte imprimé.

En dehors des pièces de l\'édition princeps il y a encore quatre poésies de Dafydd ab
Gwilym qui ont été imprimées. M. Williams a inséré dans son recueil le
Cywyddy Breudd-
wyd
que Stern avait déjà publié Glyn Davies a recueilU dans son livre sur la métrique
galloise une autre chanson du barde : F
ddyn oedd ddoe \'« yr eglwys (A) s).

Les éditions diplomatiques de quelques MSS. pubUées par M. Stanton Roberts ont
révélé l\'existence de deux pièces de Dafydd ab Gwilym encore inconnues :

Ni chwsg hun gidà\'i hunhen. (B) ®)
Cynghorjynt gwan Frytanyeid. (C)

Quatre autres cywyddau seront cités ici d\'après la copie faite par SirMarchand Williams
du MS. de Benjamins Simons (1754)

Hanfo well iti^ henferch.nbsp;(D)

Lluniais oed yn y goedallt. (E)

1)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 252 et seq.

2)nbsp;Welsh Metrics, p. 7.

3)nbsp;Deth., p. Ixxxv.

4)nbsp;Deth. 38 ; ZfcP., vol. VII, p. 131.

5)nbsp;Welsh Metrics, p. 51 (d\'après le MS. Cardiff 5).

6)nbsp;Llanstephan 6, p. 44.

7)nbsp;Peniarth 57, p. 2.

8)nbsp;MS. d\' Aberystwyth.

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Y gynilferch ganolfain.nbsp;(F)

Llawen ydwyf a llewych. (G)

Nous y ajouterons une cinquième pièce prise dans le MS. Llanstephan 133 :
Rhodiais er pan weîais Wen. (H)

On comprend en effet que les éditeurs aient volontiers ignoré ces dernières pièces qui

ne peuvent que nuire à la réputation de Dafydd. Il n\'en est pas moins vrai qu\'en laissant

de côté ces cywyddau qui ont une valeur documentaire, ils ont faussé l\'image du barde.

Aussi, n\'écrivant ni en premier lieu pour le grand public, ni pour les classes, nous n\'avons

pas cru devoir imiter leur discrétion. Tout de même, comme Stern i), nous nous sommes

défendu d\'utiliser ici les deux pièces dont les titres mêmes ne pourront être décemment
cités.

Quant aux bardes contemporains de Dafydd ab Gwilym et aux poètes qui viennent
immédiatement après lui, nous citerons naturellement leurs œuvres d\'après les éditions
qu\'on doit à MM. Ifor WilUams, Thomas Roberts et Henry Lewis.

Qu\'il nous soit permis d\'avouer ici publiquement notre dette de reconnaissance tant
envers les maîtres éminents qui ont guidé nos pas dans nos études universitaires qu\'envers
tous ceux qui nous ont aidés dans le présent travail qui en marque le terme.

En l\'achevant, nos pensées vont tout naturellement au temps déjà loin où M. K.
Sneyders de Vogel, à présent Professeur de la Faculté des Lettres de Groningue, nous ini-
tiait dans la poésie des troubadours, qui depuis n\'a cessé de nous intéresser.

Que M. J. J. Salverda de Grave, Professeur de la Faculté des Lettres d\'Amsterdam,
et M. K. R. Gallas, Maître de Conférences de la même Faculté, qui ensuite ont dirigé
nos études de philologie romane, veuillent bien agréer l\'expression de notre gratitude
respectueuse pour l\'intérêt bienveillant avec lequel ils ont suivi les progrès denos recherches.

Nous devons des remercîments tout particuliers à MM. T. Gwynn Jones et T. H.
Parry Williams, Professeurs au Collège d\'Aberystwyth de la jeune Université du Pays
de Galles, qui nous ont fait largement profiter de leurs vastes connaissances du sujet.
Nous tenons aussi à exprimer notre vive reconnaissance aux fonctionnaires dévoués de
la belle Bibliothèque Nationale du Pays de Galles, qui se lève comme monument d\'un
patriotisme ardent et éclairé au bord de la Mer irlandaise.

mm. Evan D. Jones B. A. et J. Sylvester Breeze B. A., qui ont vérifié pour nous bien
des citations d\'ouvrages qui ne sont plus à notre disposition et qui nous ont fourni,
er
mwyn yr hen iaith,
plus d\'un renseignement précieux, ont droit aussi à notre vive gratitude.
Nous nous rappelons avec reconnaissance tout ce que nous devons à l\'amitié de M. P.
A. van Rossem, qui a bien voulu lire les épreuves de cet ouvrage et nous a fait des remar-
ques utiles sur sa rédaction.

Mais avant tout notre gratitude va vers celui qui a inauguré dans notre patrie les
etudes celtiques et sous les auspices duquel cette thèse va être présenteé à la Faculté des
Lettres d\'Utrecht pour l\'obtention du titre de docteur ès lettres : nous parlons de M. A. G.
van Hamel. Jamais il ne nous est arrivé pendant les cinq années que nous avons été admis

I) ZfcP., vol. vu, p. 140

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à son cours privé de philologie celtique de faire en vain appel à sa bienveillance et à son
intérêt pour le sujet; jamais aussi nous ne pourrons dire tout ce que notre travail doit
d\'améliorations à sa critique et à ses suggestions. En nous rappelant la part qu\'il a prise
à notre formation scientifique, nous croyons ne pas pouvoir mieux exprimer nos sentiments
qu\'en répétant encore les paroles du vieux barde :

Disgybî wyf; ef a\'m dysgawdd.

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PREMIERE PARTIE

La poésie galloise eî les littératures étrangères
CHAPITRE I

La poésie amoureuse du Pays de Galles jusqu\'au XVe siècle

D après une classification traditionnelle on distingue la production de la muse galloise
au moyen âge en poésie des
Cynfeirdd (premiers bardes), des Gogynfeirdd (bardes de la
seconde époque) et des
Cywyddwyvs appelés ainsi du nom de la forme métrique dont ils
se servaient le plus, le
cywydd.

Nous ne voyons pas encore de raison pour renoncer à ces termes commodes et consacrés
par Fusage, qui remontent aux temps oti l\'on croyait aveuglément à l\'attribution d\'une
partie de la poésie conservée dans les „Quatre Livres Anciensquot; à des bardes plus ou moins
légendaires qui auraient vécu au Vie siècle ; tout de même nous ne pouvons nous dissimuler
que la valeur chronologique de ces termes n\'est pas aussi absolue qu\'on serait porté à le
croire Le problème de l\'âge de la poésie contenue dans ces manuscrits se trouve être
ces dernières années au centre de l\'intérêt des celtisants, et nous avons préféré réserver
notre opinion sur cette question compliquée jusqu\'au moment où la controverse, soutenue
aujourd\'hui avec une violence qui rappelle les discussions sur l\'origine de la „matière
de Bretagnequot;, se sera apaisée et les arguments apportés des deux côtés seront pesés à tête
reposee. Cependant, sans nous ranger du côté de l\'un ou de l\'autre des antagonistes,
nous pouvons considérer déjà comme assuré qu\'au moins une partie de la poésie des Cyn-
reirdd appartient à la même époque que celle des premiers Gogynfeirdd. D\'autre part,
les derniers de ce groupe de poètes (Llywelyn Goch abMeurig Hen et lorwerth ab y Cyriog
par exemple) étaient contemporains des grands Cywyddwyr du XlVe siècle et se sont
même essayés dans leur mètre. Quant au cywydd, il continue à être en vogue après la
fin du moyen âge.

Mais si les époques qu\'on doit assigner à chacun de ces trois groupes de poètes coïncident
partiellement, leurs poésies respectives se distinguent par une différence assez marquée
pour que ces appellations, illusoires à un égard, gardent toute leur utiUté pratique.

I — Cynfeirdd et Gogynfeirdd

La poésie des Cynfeirdd, historique, mythologique, religieuse et métaphysique, ne doit
pas nous retenir longtemps. Il est vrai que surtout dans la poésie attribuée à Llywarch

I) îjThe sooner the terms Cynveir\'S and Gogynveir\'S are given up the better for the understanding of
our early poetry, as well as for the sanity of thought and criticismquot; ( J. Gwenogfryn Evans,
Cymmr.,
vol. XXXIV, p. 98),

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Hen il y a des descriptions de la nature intéressantes, et que nous puiserons dans ces
poèmes des exemples qui contribueront à mieux comprendre l\'origine de certains traits
de l\'art d\'une date postérieure, mais on ne peut pas dire que la poésie amoureuse y soit
représentée. Tout au plus pourrait-on citer un poème de ce même Llywarch, intitulé
Baglan Bren, qui est inspiré en partie par le souvenir de ses anciens amours.

Il en est déjà autrement pour la poésie des Gogynfeirdd, qui sont avant tout des poètes
de cour. Jusqu\' à l\'année fatale 1282 les princes gallois ont protégé des dizaines de bardes
(prydyddion) hautement estimés dans leurs cours ; après la perte de l\'indépendance,
les chefs des familles illustres, surtout ceux qui résidaient enMôn, ainsi que quelques prélats
éclairés, ont imité dignement ce noble exemple Ce sont ces princes et ces seigneurs qui
ont inspiré les vers pompeux des Gogynfeirdd : les faits héroïques de leurs patrons et
les victoires remportées par ceux-ci sur les „Saxonsquot; font le sujet de leurs panégyriques
(arwyrein, moliant) ; leur générosité et l\'accueil honorable fait aux bardes aux banquets
les animait à leur adresser des supplications ; leur mort est pleurée par eux dans des
élégies pathétiques
(marwnad).

Ce qui nous intéresse ici surtout, c\'est le fait que les Gogynfeirdd ne se bornaient pas à
exalter leurs seigneurs mais se faisaient aussi un devoir de chanter les épouses et les
filles de ceux-ci. L\'Art poétique gallois, composé par le prêtre Einion dans la première
moitié du XlVe siècle, dont nous connaissons plusieurs remaniements contient sur
ce point-là des articles intéressants. Bien qu\'il ne soit nullement démontré que les bardes
de cour des siècles précédents aient eu déjà un code semblable, et qu\'il soit plus vraisem-
blable que même les versions anciennes et authentiques de cet Art poétique ne sont
qu\'une réglementation après coup, nous croyons pouvoir prendre en toute confiance
Einion et ses continuateurs pour guides dans la classification de la poésie amoureuse des
Gogynfeirdd. Si ce prêtre n\'a pas été le maître de ces bardes, il représente en tout cas pour
nous l\'idée que la génération suivante s\'est faite de leur poésie.

D\'après ces codes donc, les prydyddion avaient pour thème essentiel de leur poésie,
après la poésie religieuse
{gwengerdd) et les louanges des %€\\gXitMt%{uribengerdd\\\\^Yhieingerdd
(étymologiquement : „poésie de reinesquot;) Il se peut que ce terme ait ici le sens général
de poésie amoureuse qu\'il a de nos jours ; dans les autres articles du code cependant il

1)nbsp;On pourra difficilement exagérer le rôle très important que les descendants d\'Ednyfed Fychan,
les ancêtres de le dynastie des Tudors, ont joué comme protecteurs de la poésie nationale. Ednyfed lui-
même, pleuré par Elidyr Sais, marie sa fille Angharad au poète Einion, fils du fameux Gwalchmai. Dafydd
Benfras pleure la mort de son fils Gruffydd de Tregarnedd ; Bleddyn Fardd et le Prydydd bychan ont
composé des élégies sur son autre fils, Goronwy de Penmynydd. Tudur Fychan, arriére-petit-fils de ce
Goronwy, qui est chanté par lolo Goch, et son fils Goronwy Fychan, ont pour poète de cour Gruffydd
abMaredudd. Ce dernier Goronwy est encore loué par lolo Goch, par Goronwy Ddu et par Llywelyn
Goch ab Meurig Hen, sa femme Myfanwy par Rhisserdyn ; ses frères Ednyfed Fychan, Gwilym, Rhys
par lolo Goch. — Gruffydd Llwyd, chanté par Gwilym Ddu (sa femme Gwenllian est glorifiée par
Casnodyn), et le célèbre Rhys ab Gruffydd, loué par Dafydd ab Gwilym, par Llywelyn Goch et par
lolo Goch, appartiennent à la même famille.

2)nbsp;Voici les versions de l\'Art poétique que nous citerons ici : Einion Offeiriad, MSS. pubUés par
John T. Jones dans le
Bulletin, vol. II, p. 184 et seq.

Triodd Cerdd, dans MA^., p, 832, Dosparth „Edeyrn Dafawd Aurquot; {éd. John Williams ab Ithel, p. xvii
et seq.), et Pum Llyfr Cerddwriaeth, de Simwnt Fychan {Ibid., p. xlii et seq.).

3)nbsp;Tri phrifgerdd prydyddiaeth yssydd : Gwengerdd, Rieingerdd, a Unbengerdd {Pum Llyfr Cerdd-
wriaeth, éd. cit.,
p. cv).

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ne désigne qu\'un des types de la poésie de dames que le prydydd a pour fonction de chanter.

La première de ces subdivisions, l\'élégie (marwnad), est représentée dans l\'œuvre des
Gogynfeirdd par quatre pièces, dont trois sur la mort de Gwenhwyfar, fiUe de Madawg
et femme de Hywel ab Tudur i). Les poètes, se rappelant la bonté que la protectrice leur
avait toujours^ témoignée, expriment la douleur qui déchire leur cœur et font des vœux
pour que son âme puisse gagner le ciel. Il est clair que des sentiments d\'une autre nature
seraient déplacés dans les pièces de ce type.

Aussi ce genre n\'appartient pas plus à la poésie érotique qu\'une grande partie de îa
poesie laudative
(moliant) composée pour des femmes. Celle-ci est divisée d\'après les codes
en trois classes différentes qui correspondent aux trois groupes de dames qu\'on peut louer :
religieuses
(crefyddwraig), matrones nobles {gwraig ddd) et demoiselles (jhiain)

es louanges des religieuses, qui sans aucun doute ont été respectueuses, ne sont pas
conservees ; par contre on connaît au moins quatre panégyriques de matrones, dont
surtout les poèmes de Rhisserdyn pourMyfanwy ferch Hywel, femme de Goronwy Fychan,
et de Casnodyn pour Gwenllian ferch Cynan, femme de Gruffydd Llwyd, sont de bons
exemples. D\'après toutes les versions de l\'Art poétique il est défendu formellement au
P^y ydd de composer pour ces femmes mariées des chansons érotiques (gordderchgerd)

ussi 1 amour est presque absent dans les poèmes de ce groupe, qui laissent l\'impression
que les bardes tenaient biens moins à gagner les bonnes grâces de leurs protectrices qu\'à
jouir de marques plus matérielles de leur bienveillance.

en est tout autre pour un grand nombre de poésies qui pourraient être composées
pour de jeunes filles nobles.
Rhieingerdd semble être le nom de ce genre aristocratique
ce terme est effectivement appliqué dans les manuscrits à la chanson très caractéristique
que Cynddelw fit pour Efa, fille deMadog abMaredudd, prince de Powys % De là le mot
emble avoir étendu sa signification pour désigner dans la langue moderne indifféremment
oute poesie amoureuse, et dans ce sens plus général nous nous en servirons souvent dans
^ette etude. Dans ce genre les codes permettent expressément le mélange d\'hommages
atteux et de déclarations d\'amour et les pièces connues portent en effet ce double

caractère.

Le ton de ces poésies est en général assez sombre. Le plus souvent les bardes, mis au
esespoir par la froideur d\'une dame insensible, font étalage de leur douleur incurable

CloLnbsp;P^^ Gruffydd ab Maredudd {Gog., p. 190), Goronwy Gyriawg {Bid., p. 213), Mab y

yddyn {Ibid., p. 219) ; plus ancienne est l\'élégie sur la mort de Nest ferch Hywel par Einion ab

Gwalchmai {Ibid., p. ng).

Xri^ Dwy genedlaeth o wraig yssydd-gwreic da a riein. (Einion Offeiriad, Bulletin, vol. II, p. 200) —
rryw wraïc a volir, nid amgen, krevyddwraic, a gwreic dda, a morwyn ievank rianaidd
{Pum Llyfr,
cit.,
p. CI. Cf. p. xxxvii).

(K^nbsp;pourrait les rapprocher de l\'ancienne chanson irlandaise à Crinôg, la „virgo subintroductaquot;

unoMeyer, Sitzungsberickte der Preus. Akademie, 1918, p. 362 et seq.) Au XlVe siecle Dafydd ab Gwilym
J^esite plus à parler d\'amour aux religieuses.
(Ed ^^ P^erthyn moli gwreigdda o herwydd serch, a chariad ac ni pherthyn iddi ordderch Gerdd
eyrn Davod aur,
éd. cit., p. xxxvn). Cf. Pum Llyfr, Ibid., p. cil ; Einion Offeiriad, Bulletin,
p. 200).
S) Gog., p. 45.

cit^^ Tri pheth a ddyly bod or rieingerdd ; Moliant, Serchowgrwydd, a Chariad. {Pum Llyfr, éd.

-y p. cv.) ~ ac idi y perthyn serch a chariat (Einion Offeiriad, éd. cit., p. 200) Cf. Edeyrn, éd. cit ,
P- xxxvii ; Pum Llyfr, Ibid., p. cii.

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et la supplient d\'exaucer leurs prières. Très rarement ils trouvent des accents joyeux :
c\'est surtout le cas dans un poème assez court de Gruffydd ab Dafydd ab Tudur pour remer-
cier sa dame qui lui avait fait présent d\'une ceinture ou d\'une sorte de diadème
{cae)
comme marque de sa faveur i). Les deux états d\'âme alternent dans un genre très curieux,
non mentionné dans les Arts poétiques,
leGorhoffedd „vanteriequot;, littéralement : „délicesquot;,
représenté par deux pièces de Gwalchmai et du Prince Hywel ab Ovsrain Gwynedd %
et à certains égards par les chansons à Efa, par Cynddelw et à Gwenllian, par Llywarch
ab Llywelyn s), qui cependant ne portent pas ce titre. Dans ces poésies construites sur un
même modèle qui semble avoir été conventionnel, le poète exprime la joie qu\'il éprouve à
l\'aspect de la nature et se vante en même temps des beaux succès qu\'il a remportés au
service de Mars et de Vénus. Après ces réflexions réjouissantes il se souvient cependant
du peu de complaisance qu\'il a trouvé auprès d\'une seule beauté qui s\'est montrée farouche.
Ces sensations différentes qui se succèdent avec la rapidité de la pensée donnent à ces
poésies une vivacité qu\'on chercherait peut-être en vain dans d\'autres littératures «).

Après les genres cités jusqu\'ici, il faut faire une place à part à une courte pièce intéres-
sante mais très difïicUe à comprendre que Gwalchmai composa pour sa femme Efa

Le cadre d\'au moins quatorze de ces poésies est fort remarquable. Le poète semble
se présenter au moment où il va se rendre à cheval à la cour de la dame, car les exhortations
à son cheval et les considérations sur la course et sur le paysage qui se déroule devant
ses yeux alternent avec des épanchements sur son amour

Quant au style, toutes ces poésies ont la forme d\'un monologue, excepté une seule
de Gruffydd ab Dafydd, dontM. Gwynn Jones a clairement démontré le caractère drama-
tique. Dans celle-ci il s\'agit d\'un jeune homme consumé par l\'amour, d\'une jeune fille
et des juges de la cour d\'amour, qui prennent la parole à tour de rôle

Il faut ajouter aux poésies des Gogynfeirdd que nous avons analysées ici très succincte-
ment un grand nombre de pièces très courtes provenant peut-être de la même école et
citées comme exemples des mètres bardiques dans l\'Art poétique d\'Einion OfFeiriad et
dans ses remaniements. Leur contenu n\'offre pas beaucoup de nouveau après les observa-
tions précédentes s ils semblent appartenir en majeure partie à la
rhieingerdd propre-
ment dite.

pendance politique et que la plus grande partie de leur poésie amoureuse conservée date
cette dernière période, l\'an 1282 n\'en marque pas moins une borne dans l\'histoire

XI _ Dafydd ab Gvs^ilym

Quoique l\'art des Gogynfeirdd se maintienne encore longtemps après la perte de l\'indé-
endance politique et que la plnbsp;\'nbsp;^ \'

même de cette dernière période.

1)nbsp;Gog., p. 205.

2)nbsp;Ibid., p. 30

3)nbsp;Ibid., p. 86.

4)nbsp;Ibid., p. 45.

5)nbsp;Ibid., p. 94. Cf. Gwynn Jones, Rhieingerddi V Gogynfeirdd, p. 9 eî seq.

6)nbsp;Faisons exception pour la qaçîda arabe ; entre ce genre et le Gorhoffedd il y a des correspondances
frappantes, peut-être fortuites, mais en tout cas inexplicables.

7)nbsp;Gog., p. 37-

S)nbsp;Gog., p. 207. V. Gwynn Jones, Rhieingerddi\'r Gogynfeirdd, p. 17 et seqt,

9\'»nbsp;Ibid., p. 35 et seq

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de la poésie lyrique Avec les cours princières disparaissent les bardes supérieurs, pencerdd
et prydydd, qui s\'étaient tant prévalus de l\'estime dont ils jouissaient auprès de leurs
seigneurs puissants et généreux. Les derniers poètes de cour, protégés des familles nobles,
comme les descendants d\' Ednyfed Fychan en Gwynedd, semblent avoir joué déjà
un rôle moins important dans la société contemporaine. Ce sont ces derniers Gogynfeirdd
qui forment la transition aux Cywyddwyr du XIVe siècle et qui semblent avoir légué à
ceux-ci le titre de
teuluwr qui montre déjà leurs relations avec ces familles nobles
En effet, les Cywyddwyr et en premier lieu leur représentant principal, Dafydd ab Gwilym,
a qui le Pays de Galles doit la superbe éclosion de sa poésie érotique au XlVe siècle, ont
trouve comme leurs prédécesseurs dans
la gentry des patrons bienveillants et pleins d\'intérêt
pour la poésie, dont nous citons seulement Ifor Hael en Glamorgan et un peu plus tard
la famille de Gogerddan en Cardiganshire.

meme temps une troisième classe d\'artistes, qui existait probablement depuis
ongtemps, mais dont l\'œuvre antérieure au XlVe siècle n\'a pas été conservée, la
„clerquot;,
sorte d artistes vaganbondants, profite de la disparation des bardes d\'un rang plus élevé
pour se mettre au premier plan Quoique les traités d\'art poétique, toujours théoriques,
assent une grande distinction entre
„tetduwyrquot; et „derwyrquot;, l\'étude des poésies de Dafydd
et de ses contemporains nous apprendra que ces Cywyddwyr acceptaient l\'une et l\'autre
e ces dénominations et qu\'ils n\'étaient ni exclusivement poètes de cour ni vagabonds

déguenillés.

Comment caractériser et classifier maintenant l\'œuvre des Cywyddwyr et notamment
la poésie attribuée à Dafydd ab Gwiïym ?

Les éditeurs de l\'édition princeps avaient à cet effet adopté une méthode qui paraîtra
e nos jours peu recomm and able. Partant de la supposition que chaque cywydd avait
ete composé pour une femme existante et avait eu rapport à un événement très réel, ils
ont taché de grouper ces chansons par ordre chronologique autour des femmes qui les
auraient inspirées. Ainsi ils distinguaient un cycle de Gwenonwy, un autre de Dyddgu,
un troisième deMorfudd, un quatrième qui embrasse toutes les chansons composées pour

autres femmes, dont „Gwenquot; est nommée le plus souvent. Aujourd\'hui la stérilité de
ces tentatives est claire, et M. Ifor Williams a pu montrer sans peine le manque d\'unité
dans les différents portraits des femmes indiquées par un même nom En outre les
éditeurs ont incorporé dans le cycle de Morfudd bien des pièces où ce nom manque, et il
est clair qu\'ils ont fabriqué les titres des cywyddau arbitrairement. Dans la collection faite
par Benjamin Simons peu de temps avant celle qui forme la base de l\'édition princeps.

Il est très intéressant de remarquer que ces termes bardd teulu (barde de la maisnie), teuluwr
surtout une forme fréquente dans la langue du XlVe siecle, teuluwas (valet de la maisnie ; valet pris
ans 1 ancien sens du mot), correspondent exactement à la signification que
ménestrels ministerialis
prend à la même époque en France. L\'usage ancien de ce terme en gallois cependant nous défend de
tirer des conclusions risquées de cette correspondance qui doit être fortuite. V. Faral,
Les Jongleurs en
trance,
p. 103 et seq.

kainc yssyd ar gerd dauawt nit amgen clerwriaeth teulwriaeth a phryd[yd]iaeth. (Einion
p eunbsp;P- 191). Cf. Triodd Cerdd, MA^., p. 832 ; Edeyrn, éd. cit., p. xxv ; Pum Llyfr, Ibid.,

3) Beirniad, voL III, p. 41—42 ; Deth., p. xxvi et seq.

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le nombre des pièces àMorfudd est bien plus restreint, et beaucoup d\'autres sont intitulées
simplement
„Kywydd Merchquot;. Aussi nous renonçons à l\'instar deM. Williams à une classi-
fication d\'après les femmes chantées pour prendre comme seul critérium de notre groupe-
ment le sujet des cywyddau.

Pour commencer, Dafydd ab Gwilym s\'est essayé aux genres cultivés par les Gogynfeirdd
dans les mètres que ceux-ci avaient tenus en honneur. Dans ce domaine de la poésie il se
trouve d\'accord avec l\'article suivant de l\'Art poétique gallois : Trois matières sont du
répertoire des
teuluwyr : générosité, amusements et poésie religieuse, ou bien, quémandes
à la façon des
teuluwyr Par ces amusements il faut peut-être entendre les chansons
amoureuses, car dans une autre version on leur attribue „la
gordderchgerdd à la façon des
teuluwyr avec des paroles décentesquot;

Aussi dans la poésie attribuée à Dafydd la poésie religieuse est bien représentée et
les chansons composées pour glorifier ses protecteurs n\'y sont pas rares. Jamais il ne se
lasse de louer la libéralité d\'Ifor de Maesaleg, surnommé par lui le Généreux (Hael) ou
de sa femme Nest, ni des autres seigneurs qui l\'accueillaient avec bienveillance Après
la perte de ses bienfaiteurs il les pleure sincèrement et parmi ces élégies il y en a une
pour une matrone

Mais Dafydd n\'a pas méprisé les genres inférieurs qu\'on abondonnait aux clerwyr.
D\'après les codes ceux-ci avaient pour fonction de chanter des railleries, des supplications
ou des moqueries, ou bien de se quereller, de se disputer et d\' „imiterquot; \'\'). A l\'instar de
quelques Gogynfeirdd (Madog Dwygraig, Trahaiarn, Hywel Ystoryn), il composait des
satires sanglantes
{gogangerdd, duchangerdd), soit contre des confrères qui avaient engagé
une lutte poétique avec lui soit contre ceux qui se plaçaient entre lui et ses amours :
le Jaloux
{eiddig) % la duègne {gwrach) i»), ou le moine fanatique (brawd llwyd) quot;). Ce
n\'est pas par hasard qu\'il appelle le Jaloux
mah gogan, „fils de la raillerie !quot; 12).

C\'est cependant surtout la poésie amoureuse de Dafydd ab Gwilym, la gordderchgerdd^
qui doit nous intéresser ici. En général on peut ramener ces chansons à un certain nombre
de types déterminés quoique nous ne voulions pas nous dissimuler ce qu\'il y a nécessaire-

1)nbsp;Tri pheth a berthynant ar Deuluwriaeth, Haelioni, Digrifwch, ac Emynhacdd ; neu ervyn da yn
deuluaidd
{Triodd Cerdd, Edeyrn, éd. cit., p. xxxix ; Pum Llyfr, Ibid., p. cm).

2)nbsp;Gordderchgerdd deuluaidd drwy eiriau ymwys {Triodd Cerdd, MA^., p. 38 ; Pum Llyfr, éd. cit.,
p. cii).

3)nbsp;DG. 238, 239, 240, 241, 242 ?, 243 ?, 244 245.

4)nbsp;DG. I {Deth. 58) 2, 3, 4, 5, 6, 14, 228 ?, 229, 231.

5)nbsp;DG. 13, 232 {Detk. 62), 234, 237 ?

I)nbsp;DG. 233. Cf. les élégies sur la mort réelle ou supposée de ses confrères : DG. 128 {Deth. 63), 235
{Deth. 60), 236 {Deth. 61).

7)nbsp;Tri pheth a berthynant ar Glerwr ; goganu, ymbil, a gwarthruddiaw {Triodd Cerdd, Edeyrn,
éd. cit., p. XXXIX ; Pum Llyfr, Ibid., p. cm). Tair cainc a berthynant ar glerwriaeth : ymsènu, dyvalu
gair tra gair, a dynwared
{Triodd Cerdd., MA^., p. 832; Edeyrn, éd. cit., p. xxv ; Pum Llyfr, Ibid.,
p. cn).

8)nbsp;DG. 121, 123, 125, 127, 230.

9)nbsp;DG. 20, 66 ? 68, 73 {Deth. 6), 89 {Deth. 4)j 9©, 92 {Deth. 59), 94gt; 99 {Deth. 54), 100, 134, 163 ? ,218.

10)nbsp;DG. 108 {Deth. 53), 158, 165 ?

II)nbsp;DG. 64 {Deth. 56), 103, 149 {Deth. 57), 217, 224. Cf. DG. 207 {Deth. 16), une satire contre les
coquettes.

12) DG. 99, II {Deth. 54, 9).

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îiient d\'arbitraire dans ce groupement. Ainsi plus d\'une chanson se trouve à cheval sur
deux catégories, tandis que quelques autres poésies sont inclassables.

Un premier groupe de cywyddau a pour principal sujet les charmes de la jeune femme
Parfois, c\'est surtout la splendeur de ses cheveux, admirés avec transport et décrits
avec un nombre illimité de comparaisons de plus en plus fantastiques, qui a frappé l\'œil
de l\'artiste ; ces „chansons de chevelurequot; forment un genre à part dans la poésie celtique

Souvent aussi il s\'adresse à sa mie pour lui exprimer la passion qu\'il nourrit pour elle
et pour la supplier de répondre à son amour. Alors il lui arrive fréquemment de reprocher
a la belle sa froideur ou son inconstance et cela parfois assez durement

En d\'autres pièces Dafydd se plaît à analyser ses propres sentiments, à se lamenter
sur les peines que l\'amour lui fait souffrir, et à exprimer les pensées que son état d\'âme
lui suggère 4). Ce n\'est pas toujours pour attendrir une femme inexoraWe qu\'il composait
ces chansons piteuses : quelques-unes donnent l\'impression d\'avoir été destinées pour
amuser son public.

Comme un dernier groupe de poésies purement lyriques nous considérons ses chansons
d\'invectives contre
Eiddig dont nous avons parlé déjà.

Il faut distinguer de cette poésie un nombre encore plus considérable de cywyddau
dans lesquels le barde ne s\'adresse pas directement à sa bien-aimée, mais parle d\'elle
et des aventures qu\'il a eues en sa compagnie. Alors il se fait quelque fois le rapporteur de
la conversation qui s\'était engagée entre lui et une jeune femme qu\'il avait rencontrée
Plusieurs de ces dialogues ont un début purement narratif.

En d\'autres chansons Dafydd raconte les incidents qui lui seraient arrivés et qui pour-
raient bien amuser ses auditeurs. Tantôt il expose les mesures qu\'il prend pour gagner les
faveurs de la femme qu\'il aime % tantôt il s\'extasie devant les marques de bienveillance
qu elle lui a prodiguées Les rencontres fâcheuses avec le moine qui tâchait de le faire
renoncer à sa mauvaise vie ne sont pas les moins intéressantes des pièces de ce genre

Le plus souvent cependant il prend pour sujet le rendez-vous amoureux même.
Alors il relate le voyage périlleux qu\'il entreprend pour rejoindre la belle et l\'accueil
qu il trouve quand il se présente à la nuit tombante sous la fenêtre de sa maison pour lui
chanter sa sérénade i»). L\'issue de l\'aventure i^) et la séparation à la pointe du jour font le
sujet d\'autres pièces i^).

1)nbsp;DG. 7 ? 8 {Deth. 25), 14, 20, 29, 62, 105, 118 (Deth. 21), 119 {Deth. i), 186, A, G.

2)nbsp;DG. 7 ? 25 {Deth. 2) ? 26, 35 68.

8fi ?nbsp;\'\'nbsp;31 (Deîh. 18) ? 33» 40, 48. 56 (Deth. 23) 60, 61, 71 (Deth. 8), 74,

»6 . 117^ 136 (Deth. 15), 141, 143, 155, 156 ?, 157 {Deth. 12), 167 ? 168 ? 178, 199» 209, 214, 221 {Deth. 17),
222 ?, 223 225 ?

4)nbsp;DG. 22 {Deth. 22), 23, 24 {Deth. 10), 27, 30, 32 {Deth. 19) ? 36 ? 3% 67, 76, m ?, 148 15°, 169»
^70, 175 ?, 200 p^ 211, 212, 215, 216, 225 226 {Deth. 55), 230, Deth. 38, C, G.

5)nbsp;DG. 58 {Deth. 20), 109, 151 ?, 177, 180 ?, 191, 196, 197» F-

6)nbsp;DG. 21, 193 E, F.nbsp;I

7)nbsp;DG. 37, 43, 82, 85, 147» 202. ^

V-p. 6.

9) DG. 41 {Deth. 44), 51 {Deth. 48), 63, 104, I33» I73» I94» 208 {Deth. 40).

10)nbsp;DG. 53 {Beth. 7), 55, 131» 152 ?, 161.

11)nbsp;DG. 96, 108 {Deth. 53), 158, 165 ? 174 {Deth. 52) ?

12)nbsp;DG. 59, 97.

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En général toutefois la réunion des amants n\'a pas lieu dans la maison de la femme,
mais à un endroit solitaire du bois
{ped). Jamais Dafydd ab Gwilym ne se lasse de peindre
l\'angoisse qu\'il souffre alors, craignant que son amie ne vienne pas ou les délices qu\'il goûte
pendant les heures passées ainsi avec elle au milieu de la nature -). Malheureusement
des incidents fâcheux troublent parfois la joie des amoureux :
Eiddig prend ses précautions
et les surprend quelquefois au beau milieu de la fête % ou bien la nature elle-même se mêle
de mettre cruellement fin à leur félicité

En effet c\'est la nature, plus même que l\'amour, qui joue un rôle prépondérant dans
l\'œuvre du „Pétrarque galloisquot; et qui lui a donné sa valeur durable. On s\'en rend compte
facilement en lisant un nombre considérable de poésies qui commencent par une description
de l\'endroit de la forêt où le poète s\'est rendu pour rencontrer sa mie. Alors, un oiseau (ou
quelquefois une plante) y attire son attention, et dans les vers suivants de la chanson il
nous trace un portrait détaillé et remarquablement bien vu de l\'animal observé. Sur le
dénouement de l\'aventure, nous n\'apprendrons plus rien Parfois il raconte le discours
par lequel il tâchait d\'attirer la belle au bois ; bientôt les descriptions enthousiastes du
lieu lui font presque oublier le sujet de sa chanson De même il a fait trois glorifications
de l\'été deux poèmes sur l\'hiver «) et une seule pour opposer ces saisons % dans lesquels
l\'amour ne joue qu\'un rôle secondaire.

En outre, Dafydd sait l\'art de mettre la nature au service de son amour. C\'est notamment
le cas dans les pièces nombreuses où il envoie un animal (oiseau, quadrupède ou poisson)
comme messager
Qlatai) à sa belle i«).

Enfin, dans quatre chansons écrites dans la forme appelée „traethawdlquot;, d\'une authen-
ticité douteuse, une fable ou un conte joyeux est raconté dans lequel le poète n\'entre pas
personnellement quot;). Il est vrai qu\'une de ces pièces^-) est un
exemple de sa propre situation.

En somme, on constate qu\'en général Dafydd ab Gwilym a une prédilection marquée
pour le style narratif, et que sa muse se sent moins attirée par les effusions lyriques que
par le récit savoureux d\'aventures burlesques. Plusieurs de ses cywyddau sont de vérita-
bles forfanteries amoureuses, comparables aux
gabs de ses contemporains français et
quelques-uns sont même d\'une parfaite indécence. Alors le
teuluwr avec sa gordderchgerdd
convenable cède la place au clerwr et à son ffrost (vanteries) éhonté, indigne d\'un poète
qui se respecte

1)nbsp;DG. 34, 40, 46, 52 ?, 129.

2)nbsp;DG. 49 {Deth. 13), 87, 112, 135, 140, 195 {Deth. 15), 204 ? Cf. E, H.

3)nbsp;DG. 94, 106, 1143 218.

4)nbsp;D.G. 39 {Deth. 39), 44 il^eth. 47)» 5°. 54. 98, ii3gt; Cf. DG. 65.

5)nbsp;DG. 45 {Deth. 36), 47 {Deth. 45) ?, 78 {Deth. 43)gt; «4. 107, 115, 130 {Deth. 28), 132, 145 ? 182, 183,
184, 198
{Deth. 46), 218, 219 {Deth. 35). Cf. DG. 160, 171.

6)nbsp;DG. 19 {Deth. 24), 83, 179. Cf. DG. 203.

7)nbsp;DG. 144 {Deth. 49), 162 {Deth. 42), 201 {Deth. 50)

8)nbsp;DG. 98, 205 {Deth. 41). Cf. Deth. loi.

9)nbsp;DG. 116 {Deth. 51).

10)nbsp;DG. 16, 28 {Deth. 30), 69 {Deth. 31), 72 {Deth. 37). 75 {Deth. 29) ? 68 {Deth. 43), 95 {Deth. 32), iio
{Deth. 34), 164, 187 {Deth. 27), 189 {Deth. 33). 19° {Deth. 26), 206, 210. Cf. DG. 11, 79.

11)nbsp;DG. 172, 181 ?, 185, 192 ?

12)nbsp;DG. 181 ?

13)nbsp;Tri pheth anweddus ar Gerddor ; Ffrost, a Gogangerdd, a Chroesanaeth {Triodd Cerdd, MA^.,
p. 833 i Pum Llyfr, éd. cit., p. civ.

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III—-Contemporains e t Epigones

Autour de Dafydd ab Gwilym on trouve un cénacle de quatre poetae minores, Gruffydd
Benfras, Gruffydd Gryg, et Llywelyn Goch abMeurig Hen j immédiate-
ment après lui viennent à la tête d\'une longue série de Cywyddwyr, lolo Goch, Gruffydd
Llwyd, Llywelyn ab y Moel, Sippyn Cyfeiliog, Icuan ab Rhydderch, lorwerth ab y
yriog, avec qui se termine la période que nous nous proposons d\'étudier. Il est très\'intéres-
sant
d observer combien ceux-là s\'accordent par leur style et par les thèmes qu\'ils ont
^uUe^^nbsp;gpnd poète de Llanbadarn. Ce sont en effet exactement les mêmes sujets

qui es ont inspires. Laissant de côté les panégyriques et les élégies pour leurs protecteurs,
meme que leur
duchangerdd (le genre est bien représenté par la satire de lolo Goch
n re a vieille Hersdinhogl) nous indiquerons très brièvement les différents genres de
Poes^ie amoureuse cultivés par ces poètes :

Rb ^j^^^^^Pt^ous de la beauté de leurs bien-aimées ne sont pas rares i), et leuan ab
^ydderch a composé aussi une „chanson de chevelurequot; %
s nous ont laissé également des plaintes sur l\'insensibilité ou sur l\'inconstance de leur
aame préférée, et sur la douleur que celle-ci leur fait souffrir »).

^ ^^^ représentée par la marwnad de Lleucu Llwyd, par Llywelyn Goch, qui
E finbsp;le plus beau spécimen du genre

de ^ h\'nbsp;Llwyd se répand en invectives violentes contre Eiddig qui se permet

e garder sa femme trop attentivement à l\'avis du poète s).

lenbsp;genres objectifs, Gruffydd Llwyd et lorwerth ab y Cyriog n\'ont pas gardé

^^ence sur les bontés que leurs bien-aimées avaient eues pour eux®),
denbsp;iniportun et son zèle peu apprécié forme le sujet de deux chansons violentes

Benfrp et Gruffydd Llwyd ont amusé leur public en racontant comment ils
\' n pénétré sous un déguisement dans la maison gardée de leur amie et trompé la
vi^lance du Jaloux et des indiscrets«).

quot; accident amusant qui pouvait troubler le rendez-vous amoureux semble avoir
GocM\'^^^^^ .^quot;\'^cès dans la société contemporaine, puisque Llywelyn Goch ») et lolo
ont mis en vers, le second même dans trois chansons successives \'o). Ces poètes

I) DGG. : p. 124 (Madog Benfras), p. 133 (Gruffydd Gryg).
, r^^quot; ■ ^nbsp;Goch),
53 (Gruffydd Llwyd).

IGE. : 80 (leuan ab Rhydderch).
3)
DGG., p. 123 (Madog Benfras), p. 134 (Gruffydd Gryg).

IGE., 69 (Llywelyn ab y Moel), 74 (Sippyn Cyfeiliog), 75 (Id.).
4; DGG., p. 167.

5)nbsp;IGE., 50.

6)nbsp;IGE., 51 (Gruffydd Llwyd), 76 (lorwerth ab y Cyriog).

7)nbsp;IGE., 25, 26.

8)nbsp;DGG., p. 126, IGE, 52.

9)nbsp;DGG., p. 161.

v^?nbsp;^^ dernière de ces pièces est peut-être apocryphe.F. M. W. J. Gruffydd dans F Lîemr,

vui. IV, p. 63.

-ocr page 26-

se plaignent que leurs barbes hirsutes, piquantes comme les épines de l\'ajonc, avaient
chatouillé trop rudement les tendres joues de leurs amies, qui à cause de ce manque de
respect s\'étaient irritées et avaient laissé leurs amants barbus au désespoir.

Ajoutons encore que la nature a inspiré Llywelyn ab yMoel, qui dans un desescywyddau
plaint son bouleau favori que les tempêtes de l\'hiver avaient ravagé et leuan ab Rhyd-
derch, qui a composé une chanson sur le brouillard

On pourra se demander si ces poètes, qui se sentent si fortement attirés par les mêmes
thèmes dont Dafydd ab Gwilym s\'était inspiré, ne sont pas de simples imitateurs de
leur grand contemporain, avec qui du reste plusieurs d\'entre eux entretenaient des rela-
tions. Celui-ci aurait donc été le premier à chanter tous ces thèmes qui devaient jouir
d\'une si immense faveur chez des générations d\'épigones, et en effet Gruffydd Gryg le
nomme son maître L\'hypothèse est séduisante mais elle est indémontrable : on ne
peut pas rejeter sans plus la possibilité que les poètes cités aient puisé indépendamment
à la même source que lui. La question est de savoir quelle avait été cette source, et ce
problème n\'est pas si facile à résoudre : le grand nombre de réponses que la critique a
proposées et que nous allons faire passer la revue au chapitre suivant le prouve abon-
damment.

1)nbsp;IGE., 67; Cf. DG., 140.

2)nbsp;IGE., 78.

3)nbsp;Disgybl wyfj ef a\'m dysgawdd. {DGG., p. I54)gt;

-ocr page 27-

chapitre ii

Historique des théories sur Vorigine de la Poésie de Dafydd ah Gwilym

Hnbsp;bientôt un siècle et demi l\'étude des sources de la poésie amoureuse du Pays

e Galles en général et de l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym en particulier a été le sujet de
mamts travaux critiques dont le lecteur trouvera dans l\'Index Bibliographique les titres
e ceux qui sont venus à notre connaissance. Il va sans dire que la valeur d\'une production
SI considérable, s\'étendant sur une espace de temps aussi vaste et éparse en majeure
écrit^nbsp;iiitérêt scientifique bien différent, est fort inégale. Des articles

cnts par des dilettantes de mérite en un temps oii l\'étude scientifique de l\'histoire littéraire
paree était encore à son début s\'y trouvent à côté des recherches de savants de premier
or e. Parmi les dernières surtout l\'étude approfondie de Stern dans la
Zeitschrift restera
longtemps comme un modèle du genre.

onvaincus de la nécessité de mettre à profit les résultats des recherches de nos devan-
j nous avons cru utile de réunir dans ce chapitre aussi complètement que possible les
arguments et les faits sur lesquels ils ont bâti leurs systèmes. Comme nous allons entre-
pren re dans la seconde partie de ces recherches à notre tour l\'examen des origines de la
ceu^x^^^^\'^^\' ^^ importe d\'avoir alors à notre disposition tous les rapprochements établis par
qui se sont occupés avant nous de l\'étude de ce problème intéressant. C\'est là que
us trouverons l\'occasion de discuter pour chaque cas isolé si nous sommes en présence
^ une correspondance d\'idées ou d\'expressions fortuite, d\'un parallélisme dû à l\'analogie
^es conditions ou des conceptions de la vie des poètes, d\'une réminiscence ou peut-être
emprunt conscient ; ici nous nous bornerons en général à nous faire le rapporteur des
ressemblances constatées par d\'autres. Seulement si le plan de cette étude permet mal de
éprendre et de discuter plus tard un rapprochement, nous allons nous départir de cette
egle pour apprécier aussitôt la valeur de la remarque.

I — La Théorie italienne

ab^quot;^\'?^ ^^ ancienne de ces théories on peut considérer celle d\'après laquelle Dafydd
wiiym^se serait inspiré de la poésie de ses grands contemporains italiens, et l\'auteur
onyme d un article du
Cambrian Register paraît avoir été le premier à avancer cette
pmion. Le poète gallois aurait su l\'italien, étudié Pétrarque, et imité les sonnets à Laure
deT r-^ ^^^^^^^ à Morfudd 2). De même il aurait connu Boccace et sa
traethawdl
e a Cigale et de la Fourmi {DG. 192 ?), estimée généralement apocryphe de nos jours,

I) Vol. m (1818), p. Iio.

lui ontnbsp;époque que date le nom de „Pétrarque galloisquot; que ses admirateurs

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est citée comme une preuve concluante de cette thèse audacieuse comme si c\'était la
seule version existante d\'un récit aussi universellement répandu i).

Cette idée a été reprise par Wilkins dans son histoire littéraire. Celui-ci ajoute, sans
citer cependant des textes à l\'appui de cette affirmation, qu\'il était d\'usage chez les jeunes
Gallois de bonne maison de faire des études aux académies italiennes 2). Dans un temps
encore moins reculé elle a trouvé encore un défenseur en la personne deM. Hartwell Jones,
qui, tout en reconnaissant la possibilité d\'une influence exercée indirectement par la
littérature italienne et l\'universalité de la matière traitée, se base sur un conte joyeux
pas moins répandu, celui de l\'amant caché sous une baignoire, raconté par Boccace et
par Dafydd
{DG. 172) 3). Le même savant semble attacher quelque importance aux
descriptions des symptômes de l\'amour considéré comme une maladie chez Pétrarque
et chez le barde gallois ; heureusement il ajoute lui-même que peut-être ce n\'est qu\'un
trait commun à toute poésie érotique O- Avec cela, il remarque encore que comme Pétrarque
et Boccace, Dafydd se distingue des poètes du moyen âge par son grand amour pour la
nature, et par son mépris pour l\'idéal ascétique de son temps Sans contester la justesse
de ces observations nous espérons que l\'auteur n\'a pas voulu invoquer cette parenté
d\'esprit comme argument pour la subordination de la poésie galloise à la littérature
italienne. Admettre que Dafydd doit sa joie de vivre à l\'influence d\'une littérature
étrangère, cela nous semble méconnaître entièrement la mentalité de ce poète !

Avec M. Hartwell Joncs et M. M. H. Jones, qui a fidèlement reproduit la „théorie
italiennequot; Gruffydd s\'est encore prononcé pour la possibihté d\'une influence exercée
aux Pays de Galles par la poésie de la Prérenaissance italienne. Ce dernier savant, qui
va jusqu\'à représenter Dafydd ab Gwilym comme un fervent des lettres italiennes, fait
dériver le mot
llatai, „messagerquot;, si fréquent dans la poésie galloise, du nom de Galeotto,
qui jouait un grand rôle dans le livre qui perdait Francesca da Rimini

Nous croyons pouvoir passer sur une opinion qui ne s\'appuie pas sur des arguments
plus probants et dont la partisan le plus sérieux a formulé déjà lui-même les objections
qu\'on aurait pu lui faire.

II _ L a Théorie classique

Plus répandue encore que la „théorie italiennequot; est l\'opinion d\'après laquelle les bardes
devraient beaucoup à la lecture des auteurs classiques.

1)nbsp;Ibid., p. III—112 V. Stern, ZfcP., vol. V, p. 416 et seq.

2)nbsp;History of the Literature of Wales, p. 35-37- quot; ^ous semble que Wilkins fondait cette assertion
singulièrement exagérée sur le fait que plusieurs docteurs gallois, surnommés Wallensis ou Waleys, ont
séjourné en Italie ou à Avignon. (V. Hartwell Jones,
Trans. 1905-06, p. Xï%-ii9 l Histoire Littéraire

de la France, vol. XXV, p. 177 seq., vol. XXXIV, p. 574 et seq.).nbsp;. ^ . ,

3)nbsp;Trans. 1905-06, p. 136. Cf. Stern, ZfcP., vol. V, p. 187 et seq., où la version française de ce

conte n\'est pas mentionnée.

4)nbsp;Op. laud., p. 137-

5)nbsp;Ibid., p. 134.

6)nbsp;Y Geninen, vol. IX, p. 82.

7)nbsp;Encyclopaedia Britannica, sub voce : Celtic Literature et Dafydd ah Gwilym.

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Sir Edward Anwyl a cru pouvoir constater l\'influence de Virgile notamment sur les

«-ynteirdd Taliesin et Llywarch Hen % mais avant lui Stephens avait déjà émis l\'idée

que parmi les bardes postérieurs il y a eu également de véritables érudits classiques

rpT^nbsp;laisser indécise la question de savoir si la mention fréquente de Virgile

k eryllt) est le fruit des lectures personnelles des bardes ou seulement un écho des études

^as^ques très sérieuses auxquelles on s\'était adonné autrefois dans les pays celtiques.

• artwell Jones a déjà observe qu\'au IXe siècle les Gallois ont connu et commenté
i Ars amatoria

^^Mais quant à Dafydd ab Gwilym, si le bon poète s\'est tenu au courant de l\'appréciation
de c^nbsp;P^^ la postérité, il ne pourra pas se plaindre que la critique ait fait trop peu

cas de ses connaissances classiques. Personne n\'a encore mis en doute sa familiarité
e la
Lin, M. Hartwell ne rejette pas la possibilité qu\'il ait pu savoir également le
àT^nbsp;l\'estime un vrai savant s). D\'autres écrivains se sont plu même

TTnbsp;critique l\'assertion de Wilkins qu\'il connaissait fort bien Homère, Virgile,

thèse . ^ Il faut reconnaître cependant que les preuves invoquées à l\'appui de cette
audacieuse ne sont pas très convaincantes. Au dire de l\'auteur de l\'article cité du
Drchmnbsp;de Wilkins et de M. Hartwell Jones son cywydd intitulé
Y

(IV N ^^^ j Deth. 55) serait une paraphrase élégante d\'une des Epodes d\'Horace
î 10; j selon le dernier son œuvre contiendrait encore d\'autres passages imités plus
directement d\'Ovide et d\'Horace Sa
traethawdl de la Cigale et de la Fourmi
Lnbsp;^^ remonterait à la fable d\'Esope quot;). C\'est Homère qui lui aurait appris à per-

^onni er la nature inanimée ; au même auteur ou au moins aux adaptations latines
ses œuvres il devrait ses allusions à Polyxène, Diodema (Deiodameia), Hélène, Hercule,
Elector, Vénus et Troie i^).

cetî- °nbsp;bien tard, sous la critique péremptoire de Stern, que l\'échafaudage de

e „theone classiquequot; s\'est écroulé. Sans mettre en doute que Dafydd ab Gwilym ait
avoir quelques notions du latin, le savant allemand a dit tout ce qu\'il fallait à propos
ses connaissances prétendues du grec et de ses études approfondies d\'Homère, de
^rgi e et d\'Horace ; il a montré ce qu\'il y a de forcé dans le rapprochement entre
DG. 226

ï) Trans. 1903-04, p. 74-75, 77-

2/ Uteratme of the Kymry, p. 125.

Vnrnhnbsp;^33. C\'est le M5. Bodl. NED.2—19, maintenant Auct. F 4—34 5 V- Loth,

Vocabulaire vieux-breton, p. 22.

4)nbsp;Op, laud., p. 132.

5)nbsp;Op. laud., p. 82.

Societnbsp;P- 36. T. Marchand Williams, Transactions of the Liverpool Welsh National

Encv^j\'nbsp;1888—89, p. 50 — Machreth Rees, Trans. 1905—06, p. 43. — W, J. Gruffydd,

yciopaedia Britannica, sub voce : Dafydd ab Gwilym.
Vol. Ill, p. „0
op. laud., p. 37.
9) op. laud., p. 137.

Amn^ ^\'^T quot;quot;nbsp;Ep.\'X; DG. 34 = Hor., Epod. XV ou Ov., Amores, III, iii, ; DG. 108 = Ov.,

i^r A ;nbsp;p- ^37.)

Ibid., p. i38_i39_

12)nbsp;Wilkins, op. laud., p. 36.

13)nbsp;Hartwell Jones, op. laud., p. 132, - M. H. Jones, op. laud., p. 82

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et Hor., Ep. IV, lo, et indiqué la source des noms grecs cités : la traduction galloise de
Dares Phrygius, ou peut-être les triades qui en sont tirées i).

Cependant, tout insoutenable qu\'en général cette opinion ancienne peut paraître
de nos jours, elle s\'appuie encore sur un seul fait que les partisans de cette théorie ont
toujours invoqué et dont on n\'a pas encore donné une explication satisfaisante. La mention
fréquente d\'Ovide et de son livre
{Llyfr Of ydd) n\'a jamais cessé d\'intriguer les critiques
et les a amenés à attribuer au professeur de l\'art d\'aimer un grand rôle dans la naissance
de la rhieingerdd. L\'auteur de l\'article du
Cambrian Register voyait dans un cywydd où
l\'amour est personnifié 2) une imitation d\'un des poèmes mineurs d\'Ovide,
In Amorem
Cowell tenait Ovide responsable des allusions dans l\'œuvre de Dafydd aux héros de
l\'antiquité ; d\'après M. Hartwell Jones, le poète gallois aurait appris de lui l\'emploi
de noms fictifs pour désigner ses amies M. Lewis Jones semble partager leur opinion,
tout en se rendant compte de l\'abîme qui sépare la poésie fraîche et naturelle du Gallois
des badinages raffinés du Romain blasé Enfin M. Gruffydd, soumettant à un nouvel
examen le mystérieux
Llyfr O/^i/ii, croit y reconnaître une œuvre de jeunesse de Chrétien
de Troies, les
Commandements d\'Ovide, perdue et connue seulement par une allusion
dans le prologue du
Roman de Cligès. Nous devons avouer cependant que son unique
argument nous semble plus ingénieux que probant

Comme pour ce qui est de l\'influence des auteurs classiques en général, Stern se montre
sceptique à l\'égard de celle exercée par Ovide sur la poésie galloise. D\'après lui Dafydd
ne l\'a certainement pas imité et le fameux livre est probablement une source fictive comme
on en trouve mentionnées tant dans la littérature médiévale s). Cette idée a encore été
soulignée par Sir Edward AnwyP).

III — La Théorie provençale

Les résultats de la philologie romane et de l\'étude de la poésie des troubadours ne sem-
blent avoir pénétré qu\'assez tard dans le Pays de Galles, mais une fois connus, ils y ont
trouvé un accueil enthousiaste. Depuis le moment où Cowell a comparé la rhieingerdd à

1)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 155, p, 233—236.

2)nbsp;DG. 38.

3)nbsp;op. laud., p. iio.

4)nbsp;Cymmr., vol. II, p. 106.

5)nbsp;op. laud., p. 137.

6)nbsp;Trans. 1907—08, p. 124—125.

7)nbsp;Guild of Graduates, 1908, p. 33. Dafydd attribue à Ovide la paternité d\'une sentence très répandue :
Ond Cymro, medd llyfr Ofydd, Pa hynaf ynfytaf fydd.
{DG. 163, 17—18 ?) „Mais le Gallois d\'après le
livre d\'Ovide devient de plus en plus sot quand il avance en âgequot;. Or, chez Chrétien, non pas dans les
Commandements d\'Ovide, mais dans le Roman de Perceval, un chevalier se prononce fort désobligeamment
sur le compte des Gallois: Sire, or saciés bien entresait Que Galois sont tuit par nature Plus fol que bestes
en pasture,
{éd. Potvin, p. 49). Ces vers ont été cités par M. Loth, Mabinogion^, t. II, p. 51).

Ce n\'est pas Chrétien cependant qui a inventé l\'expression bruti Briîones (Geoffroy de Monmouth,
éd. San Marte, p. iio), et Dafydd n\'avait pas besoin de connaître l\'Ars ou une de ses adaptations pour
paraphraser un proverbe courant cité dans les
Diarhebion de la Myvyrian Archaiology : Po hynav vo
Cymro ynvytav vydd. (p.
858). Cf. ynuyt ynt y brytanyeit {Bruts, p. 168).

8)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 237.

9)nbsp;op. laud., p. 180,

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por^^^Hnbsp;^^ «théorie provençalequot; y a pris racine, et les érudits gallois ont été

troubadouSquot;^ ^^ ^ considérer Dafydd ab Gwilym comme un simple imitateur des

defnbsp;^^^^ grande similitude entre les „Natureingângequot; des chansons

il est?^ ^ ^^ ^^^ descriptions de la nature dans les cywyddau de Dafydd i). En ceci
les ^^^^^ P^^M. Lewis Jones qui citait deux chansons de Bernard de Ventadour pour
lanbsp;cywydd de l\'alouette 3). M. Glyn Davies admet que les descriptions de

Daf^nT^-^^^^^^^^ contiennent un élément étranger, c.à.d. le rossignol, car il doute que
ydd ait connu personnellement cet oiseau

douK^^f ^^ ^^^^ ^^ ^^ femme, on a prétendu, non sans exagérer, que comme les trouba-
Cowïl ^^nbsp;et les Cywyddwyr ne chantaient que des dames haut placées ;

mariées^sT^^^^^ ^^^^ légère inquiétude qu\'il s\'agissait le plus souvent même de fenmies
ees ) et M. Gruffydd voit dans la cour que Dafydd fait à une religieuse une marque
de la littérature continentale
la nat^^^H^ probantes semblent cependant les considérations métaphysiques sur
Jones «rnbsp;^^ manquent pas dans la poésie galloise : Cowell et M. Gwynn

pas sansnbsp;que ces analyses des symptômes de la maladie amoureuse ne sont

a com^^ P/^senter une certaine analogie avec des passages de la poésie courtoise, et Stern
Cenbsp;^^^ ^nbsp;rêves amoureux dans l\'œuvre d\'Arnaut de iVlaruelh 9).

peut-?*^quot; ^^ marque la plus sûre d\'imitation de l\'art courtois, le vasselage amoureux,
motC^^irnbsp;^aiis l\'œuvre des bardes ?iVl. Ifor WiïUams fixe l\'attention sur le

chez ks r ^^^^^ ^^^^ Dafydd Gwynn Jones compare le mot iolydd „suppliantquot;
Ipq ^Gogynfeirdd au terme
precador qui désigne le premier degré de l\'amant chez

St^ ^nbsp;\'\'\'\'\'\'\'

que sonnbsp;^ttscher quelque importance à la protestation de Dafydd ab Gwilym

idée fstnbsp;^^^nbsp;q^® ^^ possession de deux royaumes n est vrai que cette

H-moquot; ^^Priniée par plus d\'un troubadour ; ajoutons qu\'elle n\'est probablement absente
poésie érotique.

l\'influ ^^ ^^^ preuve tout à fait convaincante — et bien plus importante en effet — de
quenbsp;par la poésie courtoise sur la rhieingerdd, ce savant considère le fait

quinbsp;poètes gallois il s\'agirait seulement de relations fictives avec des femmes

de chnbsp;^^^ leur fantaisie (geuwawd). C\'est du Sud de l\'Europe que l\'idée

nanter des amours rêvés leur serait venue i^).

ï) op. laud., p. 108.
\' ^;iAppel, 39, 43

3nbsp;95, ^Detk., 32).

4nbsp;Trans. 1912-13, p. „4
S-) op. laud., p. 109.

op. laud., p. 37.

7)nbsp;op. laud., p. 107.

8)nbsp;Rhieingerddi \'r Gogynfeirdd, p. 41
10 ^^^^^ VII, p. 123.

i; Rhieingerddi \'r Gogynfeirdd, p. 41
I3J Kultur der Gegenwart, p. 122.

-ocr page 32-

Mais non seulement la façon dont les bardes envisagent l\'amour trahirait leur connais-
sance de la poésie du Continent. On a invoqué encore comme argument la présence de
quelques personnages qui jouent un grand rôle dans la rhieingerdd et qui n\'étaient
pas inconnus aux troubadours.

C\'est d\'abord le messager ailé de l\'amant, mentionné dans plusieurs passages provençaux
réunis par Stcrn qui aurait été le prototype des innombrables
llateion^ mis en scène
par Dafydd, mais avant lui déjà par Cynddelw, Hywel ab Owain et Llywarch ab Llywe-
lyn -). M. Gruffydd se base sur une chanson populaire isolée citée par M. Jeanroy
pour assurer que le nuage envoyé comme messager à la femme aimée serait un thème
traditionnel de la poésie française qui aurait fourni à notre barde le sujet du cywydd
sur le Vent ; M. Ifor Williams cependant n\'admet pas sans réserves cette hypothèse

Stern a observé encore que les arwyddion par lesquels les amants et leurs llateion se
font reconnaître correspondent à
Fensenha dont il est question dans la chanson bien
connue de Peire d\'Alvernha quot;).

Plus encore que le llatai, le mari jaloux (eiddig), bafoué très souvent par les poètes
gallois, a été invoqué par la critique. Déjà Cowell avait fait ressortir la correspondance
frappante entre la pièce où Dafydd ab Gwilym prie ses amis partant en campagne
de noyer pendant la traversée
Veiddig, qui les accompagne en France \'), et la prière de
Guilhem Adhemar aux chevaliers du roi de Léon dans une situation analogue :

Si\'I reys N\'Amfos cui dopton li Masmut,
E\'I mielher corns de la crestiantat
Mandesson ost, pus be son remazut.
Al nom de dieu farian gran bontat,
Sobr\'els Paians Sarrazins trahidors ;
Ab que l\'us d\'cls mènes ensems ab se
Marit geios qu\'inclau e sera e te.
Non an peccat non lur fos perdonatz

(Rayn, t. III, p. 197 8).

Surtout Stern s\'est prononcé avec un peu trop d\'énergie contre la celticité de ce trait
Mais c\'est aussi l\'idée deM. Gruffydd ^o) et deM. Ifor Williams, qui nous dit que l\'amour,
la nature et le Jaloux ont été les thèmes principaux de la poésie des troubadours

On a vu une autre marque d\'imitation dans le fait que Dafydd a été le premier au Pays

1)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 239 ; Kultur, p. 123.

2)nbsp;Gwynn Jones, Rhieingerddi V Gogynfeirdd, p. 21

3)nbsp;Origines, p. 208.

4)nbsp;op. laud., p. 37.

5)nbsp;„Go anaml oedd hyn yng nghanu Ffrainc, ond arferiad gan Ddafyddquot; {Trans. 1913—14, p. 118).

6)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 240 i Kultur, p. 123.

7)nbsp;DG., 99, Deth., 54.

8)nbsp;Cowell, op. laud., p. 107.

9)nbsp;„Das ist keine celtische Erfindung, denn {sic) bei den Troubadours komt der gilos „der Eifersüch-
tigequot;) als eine stehende Figur häufig vorquot;
{ZfcP., vol., VII, p. 241 ; Kultur, p. 123).

10)nbsp;op. laud., p. 36.

11)nbsp;Trans., 1913—14, p. 124 ; Deth., p. xliii — A la page suivante où M. Williams admet que la figure
du jaloux serait devenue connue au Pays de Galles par les contes joyeux
{Ghwedlau digrif), il nous semble
beaucoup plus près de la vérité 1

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de Galles à traiter des thèmes poétiques qui rappellent plus ou moins des genres de l\'an-
cienne poésie française. MM. Lewis Jones Gruffydd et Ifor Williams ont cru recon-
naître la pastourelle française dans plusieurs de ses cywyddau ; les deux derniers admettent
ga ement qu\'il imitait aussi la chanson de malmariée. Mais surtout les aubes et les séréna-
es dans son œuvre ont été citées souvent dans cet ordre d\'idées par MM. M. H. Jones %
öterns), Lewis Jones s), Gruffydd 7) et Ifor Williams s). En outre l\'influence provençale
se manifesterait encore dans les dialogues qui en effet sont assez nombreux dans la rhiein-
S\'^G \' •nbsp;^^^^^ Cowell 9), M. Lewis Jones met en parallèle un dialogue de Dafydd

wilym, dans lequel le poète et son amie échangent alternativement un vers ^o), et
une piece d\'Aimeric de Peguilhan, bâtie sur le même schéma M. Gruffydd à son tour
compare les dialogues entre Dafydd et l\'amour personnifié avec une poésie analogue de
eirol 12). Enfin Cowell suivi par MM. Lewis Jones i^) et Gruffydd a considéré les
les et les
partimens que les troubadours composaient les uns contre les autres comme
^es modèles de l\'altercation poétique
{cywyddau y mry s son) engagée par Dafydd ab Gwilym
^^ uitydd Gryg. Stern, adoptant leur avis, se prononce également contre la celticité
vr/\'i\'r ^^^^^ ^^ compare avec les sonnets qu\'échangèrent Dante et Bicci Forese Ifor
veut b^^ ^^P^^dant, justement réservé, n\'adhère pas à cette opinion erronée, mais il
len admettre que le cywydd
DG. 154 contient un écho d\'un problème de casuistique
ureuse, discutée dans une
tenso bien connue par le troubadour Savaric deMauléon
eux interlocuteurs. La question débattue, à savoir quelle est la plus insigne des
^nts^^^ ^^ faveur qu\'une dame avait accordées simultanément à trois admirateurs diffé-
rents, dont elle avait regardé le premier tendrement tout en serrant la main du second
où ^^ quot;^^^^^tiillant le troisième du pied, est modifiée dans la pièce attribuée à Dafydd,
famili^^quot;^^^ Jeune fille qui reproche à un vieux prélat de s\'être permis avec elle ces mêmes
larites. Aussi est-il d\'autant plus important queM. Ifor Williams a su produire une
lenne chanson anglaise, dans laquelle ce motif est représenté exactement comme dans

op laud., p. 135.

op laud., p. 36.

3)nbsp;Trans., 1913-14, p. 1205 Deth., p. xli.

4)nbsp;op. laud., p. 84.

5)nbsp;ZfcP., VOL VII, p. 241 ; Kultur, p. 123.
op. laud., p. 146.

7) op. laud., p. 36.

Trans,. 1913-14, p. 118 ; Deth., p. xl.
yj op. laud., p. 106.
DG., 180 ?

£)ƒ) 7nbsp;^^ chanson Domna, per vos estauc en greu türmen {Rayn. t. III, p. 425). — V. Lewis Jones,

\'■^^d., p.

^quot;■^d., p. 37 • c\'egt jg chanson : Quant amors trohet partit {Rayn., t. III, p. 279).
op. laud., p. 106.
^4) op. laud., p. 135

poésie quot;^\'snbsp;37- — Ces passages trahissent la connaissance imparfaite de ces auteurs de la

de rôle \'•^^^tiadours : dans les pièces des genres cités, les deux antagonistes prennent la parole à tour
aperçu\' ^ chantant une strophe, pour discuter un problème ! Aucun d\'entre eux par contre ne s\'est
/o^/am^^F^^^ troubadours connaissaient un genre bien plus proche des
cywyddau ymrysson, le serventes
T^r^^X r*nbsp;Provenzalische Chrestomathie nquot;.
80 et surtout 81).

ZfcP., vol. VII, p. 38; Kultur, p.

-ocr page 34-

le cywydd gallois Laissant de côté la question si la version provençale est vraiment
à la base de ce motif amusant (nous ne serons guère étonnés si on le découvre un jour dans
un conte joyeux plus ancien), on doit avouer qu\'il présente un exemple fort instructif
de la façon dont la poésie des troubadours, passant par plusieurs intermédiaires, pouvait
arriver enfin dans une forme bien modifiée et altérée chez les bardes gallois.

Dans sa petite contribution très précieuse pour l\'étude de la rhieingerdd des Gogynfeirdd
M. Gwynn Jones a mis en évidence quelques traits qui semblent trahir l\'influence que
la poésie courtoise a exercée déjà sur les devanciers de notre barde. Très intéressante est
l\'explication qu\'il donne d\'une pièce difficile de Gruffydd ab Dafydd ab Tudur % inter-
prétée comme un dialogue entre un amant comme demandeur et une dame comme défende-
resse devant la cour d\'amour, suivi d\'un verdict d\'acquittement rendu par les juges ®).
Il est vrai qu\'il n\'y a aucun texte français, à ce que nous sachions, qui corresponde complète-
ment à cette pièce (dans les tensons et les jeux partis, le jugement n\'est jamais indiqué ;
André le Chapelain au contraire ne fait pas mention de débats qui précèdent l\'arrêt ;
les deux éléments du procès se trouvent réunis dans les Débats du Clerc et du Chevalier,
qui ont trait cependant à une autre question), mais la conclusion de M. Gwynn Jones
que le poète de cette pièce montre une certaine connaissance de la poésie courtoise de
l\'étranger paraît bien fondée

Nous ne pouvons attacher autant de prix à un autre rapprochement établi par le même
auteur, qui remarque que les troubadours avaient l\'habitude de composer leurs poésies
dans plusieurs dialectes, tandis que Casnodyn nous apprend qu\'il chantait les louanges
de Gwenllian ferch Cynan dans les dialectes de Gwynedd et de Gwent Nous supposons
que M. Gwynn Jones pense au
descort de Rambaut de Vaqueiras Eras quart vey verdeyar,
et en ce cas nous ne comprenons pas quels seraient les rapports entre le désespoir du
troubadour, qui
l\'amène à exprimer par ce moyen bizarre le désaccord qui existe entre
ses sentiments et ceux de sa dame, et la prévenance du barde voulant glorifier sa protec-
trice devant tous ses compatriotes. De même la similitude constatée par M. Gwynn Jones
entre
l\'obscurité voulue du style de la plupart des Gogynfeirdd et le trohar dus nous
paraît être fortuite

Ajoutons que d\'après quelques savants les Gallois auraient imité les troubadours non
seulement dans la poésie amoureuse. Stern remarque que les sermons de Dafydd contre
l\'amour du faste des jeunes Galloises rappellent une poésie amusante du Moine d\'Auto-

1)nbsp;Trans., 1913—14, p. 121—12,-^, Deth., p. xli—xliii. Avant l\'étude de M. Williams ce parallèle
n\'avait pas échappé à l\'attention de Stern. F.
ZfcP., vol. VII, p. 142.

2)nbsp;Rhieingerddi \'r Gogynfeirdd, p. 35 et seq.

3)nbsp;On pourrait rapprocher cette pièce d\'un poème célèbre irlandais du XVIIIe siècle, Cûirt an
mheadhon Oidhche,
dans laquelle la reine des fôes, Aoibheal, tient cour de justice et juge les cas des
jeunes filles qui ne trouvent pas de maris, des maris jaloux et des célibataires endurcis. Toutefois, avant
de tirer des conclusions risquées de la correspondance de deux textes isolés séparés par cinq siècles, on
fera bien d\'attendre qu\'on ait publié d\'autres témoignages authentiquenient celtiques sur la cour
d\'amour. Pour le moment nous pensons qu\'il est plus prudent d\'admettre encore que c\'est un trait d\'origine
française.

4)nbsp;op. laud, p. 40.

5)nbsp;Ihid., p. 41.

6)nbsp;Ibid., p. 42.

7)nbsp;DG., 207 ; Deth. 16.

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parallèf^i)nbsp;^^ ^^ semble pas attacher lui-même une grande importance à ce

en est autre pour ce qui est de l\'esprit païen et souvent fortement anticlérical qui est
ommun aux bardes gallois et aux troubadours. Au lieu de chercher la cause de ce trait
^ ans 1 esprit de l\'époque, MM. Marchand Williams 2), M. H. Jones et Lewis Jones
^e^sont prononcés aussitôt pour l\'imitation. Mais c\'est surtout M. Grufîyd qui insiste
le ^ ^^^^^ preuve de l\'influence exercée par les poètes provençaux, citant comme exemples
et Mnbsp;^^ PeireCardenal et de Guillaume IX (??) s). Enfin, MM. M arch and Williams

le s \' \'nbsp;ont soutenu avec plus ou moins d\'assurance que les ressemblances entre

Stern^^quot;^^ bardique et les différents rangs des troubadours ne sont peut-être pas fortuites,
desnbsp;attaché également quelque importance à l\'analogie entre l\'hiérarchie

et les^^T^ lueGuiraut Riquier avait proposé d\'instituer dans sa Supplicatio à Alphonse X,
tgt;r dnbsp;^^ bardes. Ainsi pencerdd correspondrait à don doctor de trobar, bardd et

objecter ^nbsp;derwr à joglar et la cler y dom aux hufos A ces hypothèses on peut

gj ^^ , \'^^P^ndant d\'une part que cette hiérarchie provençale n\'a existé qu\'en théorie
que^ ^^Poridait à aucune réalité d\'autre part que les réglementations du système bardi-
ment*^^^ ^ reste a été encore plus élaboré dans les détails en Irlande, remontent probable-
Gallois ^^^ .époque ancienne. Au demeurant on ne comprend pas fort bien pourquoi les
lesnbsp;aient dû apprendre des Provençaux ou des Français des institutions que tous

eup es doués d\'aptitudes et de goût pour les distinctions juridiques ont su réglementer,
jourl^?nbsp;dénier ces dispositions aux Gallois du temps de Hywel Dda jusqu\'à nos

de^*\'^^\'^^ ^^^^ ^^ voulions pas nous perdre dans des considérations sur les questions
avancée^d^^\' ^^ pouvons pas passer sous silence sans être incomplets l\'hypothèse,
hentnbsp;^^^ Cowell, que le
cywydd deuair hirion serait une forme évoluée du vers

pri^erd ^ français Ce type existe en effet et M. Gruffydd en cite des exemples,
septnbsp;^^ poésie de Thibaut de Blason ; cependant quand il prétend que le vers de

Panciennnbsp;Roman de la Rose et des romances serait la forme la plus fréquente de

que l\'enbsp;fr anç aise, il compromet singulièrement s a thèse Aussi nous semble- t-il

français^^^^^ entreprendra un jour l\'étude comparée des mètres gallois, irlandais,
ais et latins du moyen âge attachera plus de prix à un rapprochement établi par

3)

4)

5)
Nous

I) ZfcP., vol. VII, p.
op. laud, p. 60.
op. laud., p 83.
op. laud., p. 135,
op- laud., p. ,8.

plus caracrnbsp;^^^ ^ quelle tenso provençale M. Gruffydd fait allusion quand il dit : „La partie la

condanbsp;^^ genre, en provençal et en gallois, était la fin, quand le poète et l\'ecdésiastiquc

op^^audnbsp;à souffrir les supplices de l\'enfer.»

7) op. laud., p. 218.

\' f^o vol. VII, p. 238.

cf F ^\'.^^\'quot;Sleurs en France, p. 70 ..g.

ïi) 7 ■nbsp;^^^ Wales, cité par Loth, Mahinogion-, t. I, p. 5.

J quot;P. laud., p. 109.

op. laud., p. 34.

152.

-ocr page 36-

ALVan Hamel : dans le cywydd, comme dans les romans français, ce n\'est plus la strophe
ou la laisse qui forme l\'unité, mais le couplet de deux vers rimant entre eux i).

Le lecteur a pu se convaincre qu\'en effet la critique a su dresser une liste assez imposante
de parallèles, de valeur bien inégale il est vrai, entre la rhieingerdd et la poésie des trouba-
dours. Tous ces faits nous donnent-ils le droit de considérer Dafydd ab Gwilym comme
un imitateur des troubadours ? La plupart des savants ont cru pouvoir répondre par
l\'affirmative. Cowell le fit déjà avec une prudente réserve : „Une partie de ses Odes offrent
une ressemblance si grande avec les chansons provençales par leur sujet qu\'on serait
presque tenté de croire que ce sont des imitations directesquot; Mais Stern s\'est exprimé
beaucoup plus positivement quand, parlant des chansons de Hywel ab Owain Gwynedd,
il dénie aux Celtes la possession d\'une poésie érotique autochtone : „Ici, un élément
est entré dans la poésie galloise inconnu aux anciens, la chanson amoureuse, qui ne fut
inventée ni au Pays de Galles, ni dans un autre pays celtiquequot;, ou bien : „Jugeant d\'en-
semble l\'œuvre de Dafydd, on ne peut se dissimuler que la littérature des Provençaux

a exercé sur lui une influence considérable.......L\'influence romane sur la poésie de Dafydd

peut-être n\'a pas été directe, mais elle est claire et assuréequot; % C\'est également l\'opinion
de M. Vendryès, qui jugeait dans son compte-rendu de l\'édition de M. Ifor Williams :
„Son inspiration paraît d\'une fraîcheur, d\'une spontanéité toute personnelle. En réalité,
il doit beaucoup à la poésie provençale et pas seulement dans la forme du vers, ou dans

l\'expression ; il lui a emprunté aussi plus d\'un motif......Dafydd appartient à la même

école que les troubadours et les minnesingerquot; 4), et encore récemment,en annonçant l\'étude
de M. Chaytor sur les Troubadours et l\'Angleterre : „Chacun sait combien la lyrique
galloise du même temps (c.à.d. du moyen âge) doit elle-même de motifs, d\'inspiration
aux modèles venus du Midi de la France. Pour le plus grand des poètes gallois Dafydd
ab Gwilym, le fait a été depuis longtemps signaléquot;

A l\'instar de ces savants, d\'autres celtisants qui se sont occupés en passant de Dafydd
ab Gwilym n\'ont pas hésité à le nommer un troubadour. C\'était l\'avis des auteurs de
VHistory of the Welsh People : „Le plus grand poète de cette période fut Dafydd ab Gwilym,
qu\'on peut considérer comme un troubadour gallois et qui avait consacré sa muse à la
glorification du sentiment que les Français nommaient l\'amour courtoisquot;«), comme de
M. Van Hamel : „Dorénavant on ne compose que dans le style roman et surtout provençali-
sant ... La poésie amoureuse également, qui prédomine dans l\'œuvre de Dafydd ab
Gwilym, est fortement empreinte de l\'esprit provençalquot;^). „Un poète tel que Dafydd
ab Gwilym — c\'est Stern qui a développé l\'idée—est comme un troubadour provençal qm
s\'exprimerait en sons gallois. Chaque image, chaque scène, chaque élément de son art
est par essence français, européen, cosmopolitequot; «). EtM. Dottin, adoptant cette opinion,

1)nbsp;Isolement en Gemeenschap p. 27—28.

2)nbsp;op. laud., p. 107.

3)nbsp;Kultur, p. 120; ZfcP., voL VII, p. 238—239-

4)nbsp;RC., vol. XXXVIII, p. 216.

5)nbsp;RC., vol. XLII, p. 180.

6)nbsp;p. 505-

7)nbsp;Inleiding tot de Kekische Taal- en Letterkunde, p. 59-

8)nbsp;Isolement en Gemeenschap, p. 28.

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la théorie provençalenbsp;21

se ^rt presque des mêmes expressions queM. Vendryès : „La poésie provençale a fourni
t â^ p ^^ Gwilym et à son école non seulement des modèles pour la forme du vers
et de 1 expression, mais aussi, sans doute, quelques idéesquot; i).

IV — La Théorie Moyen-latine

D autres savants cependant se sont rendu compte de l\'abîme qui sépare l\'esprit de
il^nbsp;précisément depuis Dafydd ab Gwilym, de l\'amour courtois, et parmi ceux-là

^ , nommer d\'abord M. Lewis Jones, qui le premier s\'est montré un peu sceptique
si du^ ^^ ^^ prétendue influence provençale : „La passion de Dafydd pour Morfudd,
ou ànbsp;® existé réellement, ne ressemblait guère à la courtoisie chevaleresque

dames ^ ^^^ P^^^ souvent sont caractéristiques pour les hommages rendus aux
le barde° ^^^ cours de Provence par leurs admirateurs, les troubadours. La façon dont
avant ^nbsp;courtise Morfudd, aussi bien que ses autres bien-aimées, est caractérisée

denbsp;admiration sincère de sa personne et par son désir franchement avoué

ex rim??^^^quot;nbsp;l\'opinion de M. Idris Bell et de M. Gwynn Jones, qui s\'est

bienveill ^^^^^^^^^nbsp;une étude inédite, mise à notre disposition avec une grande

tn tnbsp;\'nbsp;son amour il n\'y a ni sentiment courtois, ni profondeur, malgré

tout ce qu\'on a prétendu y trouverquot;.

que D^afquot;?^^^\' Pourrait admettre que cette différence d\'esprit s\'explique par le fait

poésie 1nbsp;^^ travaillant sur des modèles empruntés aux troubadours, a mis cette

e p us d\'accord avec ses propres sentiments et conceptions. Mais M. Ifor Williams,

sur une\'^^nbsp;aperçu de cette différence de ton, a préféré diripr l\'attention

netteme^^^^^ Poésie qui, apparentée à l\'art des troubadours par quelques traits, s\'en écarte

était ^^^ ^\'esprit général, celle des clercs vagants, et ainsi il a ravivé la critique qui

mentT ^^^^^ \'^f Perdre dans le chemin battu de la „théorie provençalequot;. Très claire-

Préf ^ montré où cette opinion se trouve en défaut et pourquoi la sienne mérite la

façon ^^^^ ■ \'\'Pafydd ab Gwilym se rapproche des troubadours, mais ce n\'est pas à leur

pour u*^^ aimait Morfudd. Par son amour pour les jeunes filles, pour le grand air et

homm^r^d^\'^nbsp;dans les bois et les plaines, par son antipathie pour les moines et les

QAr,o ^^^^^^ bigots, il appartient à la famille de Golias (ou du Primas), à la der au vrai
sens du
motquot; xt\' ltnbsp;v

donné le b ^^ oubhons pas cependant qu\'avant M. Williams, M. Lewis Jones avait
chent D-f^ ^ ^^^ études au Pays de Galles, et signalé déjà quelques traits qui rappro-
deu ^ ^ ^^^ auteurs des
Carmina Burana Les rapprochements établis par ces

Très^-^^^^^ présentent en effet un grand intérêt,
toujo^rsquot;^^^ ^ ^bord est la remarque que, comme les vagants, Dafydd ne composait pas
ses
cywyddau pour plaire à ses amies, mais plus souvent encore pour amuser

Il littératures celtiques, p. 49.

professeurnbsp;et son atmosphère il est leur antipode fc.à.d. des troubadours)......Dafydd — le

Worfudd ° ^^^^ remarqué — est un des poètes les plus réalistes du moyen âge. Son amour pour
vol. IIl/pnbsp;^^^ l\'amour courtois ; les sentiments platoniques n\'y enfent pasquot;
{The Nationalist,

P- 55.

4)nbsp;F Beirniad, vol. III,

5)nbsp;op. laud., p. 126-127\'

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un public de protecteurs ou d\'amis auquel il s\'adresse parfois directement Quant à ces
amis, il les rencontrait surtout dans les tavernes, où il a passé une grande partie de sa
vie, exactement comme l\'auteur de la
Confessio Goliae

Les sentiments qu\'il nourrit pour les femmes qu\'il courtise n\'ont rien de courtois et
ressemblent bien plus aux désirs sensuels et brutaux des clercs vagants. Tout de même,
les descriptions des symptômes des maux d\'amour et surtout la métaphore de la lance,
qui constitue une idée nouvelle dans la poésie galloise, lui auraient été suggérées également
par leurs chansons % Une autre idée bien courtoise, celle du vasselage amoureux, exprimée
très rarement par Dafydd, n\'était pas non plus inconnue aux vagants et aurait pu lui
venir par l\'intermédiaire de chansons anglaises : dans la
Chanson d\'Alysoun on lit par
exemple
Icham in hire haundoun Quant aux portraits de la jeune fille, les épithètes
gwallt melyn et aeliau duon correspondent aux crines flavi et aux supercilia nigrata des
Carmina Burana % et les noms fictifs comme JMorfudd et Dyddgu auraient été imités
de noms mélodieux tels que Lydia, Caecilia, Flora

Une figure empruntée certainement à la littérature latine serait la gwrachy la duègne
chargée de surveiller la conduite de la jeune fille, dont il est question dans deux chansons
des
Carmina Burana

Même M. Williams se demande si les belles descriptions de la nature qui abondent dans
l\'oeuvre du barde gallois ne doivent pas quelque chose au début printanier, thème encore
plus traditionnel dans la poésie des vagants que dans celle des troubadours «).

Encore n\'oublions pas sa remarque extrêmement intéressante que le cywydd DG. 58
(Deth. 21) trahit quelques notions des débats latins ou français sur la question contro-
versée lequel des deux mérite la préférence comme amant, le clerc ou le chevalier

M. Ifor Williams semble porté à attribuer à l\'influence de la poésie goliardique la
conception païenne de la vie de Dafydd et les tirades anticléricales qu\'il se permet non
rarement. Ainsi il rapproche le cywydd
DG. 45nbsp;36), qu\'il considère comme une

parodie de la messe, d\'une pièce connue des Carmina Burana, qui mérite bien mieux
ce titre Aussi bien que ces jeunes audacieux, les clercs errants, notre barde ne s\'attaque
pas seulement à ses ennemis jurés, les moines mendiants, mais même aux prélats de
l\'Eglise : dans
DG. 154 il viserait à frapper par l\'injure hen Glement (vieux Clément),
lancée par une jeune fille acariâtre contre un adorateur fâcheux, l\'antipape de ce nom
lui-même !

En dehors de ces rapprochements plus ou moins probants, M. Williams cite encore
deux allusions au Primas d\'Orléans i^) qui prouveraient que Dafydd ab Gwilym avait

1)nbsp;Trans. 1913—14, p. 151

2)nbsp;Ibid., p. 135—136 ; Deth., p. ra—iv.

3)nbsp;Trans. 1913—14, p. 159 et seq. ; Deth. p. Ixvii et seq

4)nbsp;Trans. 1913—14, p. 149-

5)nbsp;Ibid. p. 148—149.

6)nbsp;Ibid., p. 147.

7)nbsp;Ibid., p. 150—151.

8)nbsp;Trans. 1913—14, p. 133—134 ; Deth., p. lii et seq.

9)nbsp;Trans. 1913—14, p. 146—147 ; Deth., p. Ix.

10)nbsp;Trans. 1913—14. p. 152.

11)nbsp;Ibid., p, 122—124, 147.

12)nbsp;DG. 128, 22 {Deth. 63, 22); DG. 229, 30 (Deth. 35, 30).

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quelques notions de la poésie du fameux magister On se verrait certainement forcé
e reconnaître le bien-fondé de la thèse soutenue par lui avec beaucoup de virtuosité
a pierre angulaire de l\'édifice, l\'identification de la
cler avec les clerici vagantes, était
incontestable. Malheureusement le fond sur lequel s\'appuie cet argument principal,
etymologie du mot
der, provenant selon lui d\'un nom collectif français clerc(s), qui
® son tour à
clerus, ne nous semble pas aussi solide qu\'on pourrait le sou-

A ces recherches sur les motifs littéraires de la poésie de Dafydd ab Gwilym,M. Williams
ajoute une étude intéressante des mètres gallois, qui semble confirmer les résultats acquis
cités déjà. D\'après lui les formes métriques nommées
cywydd llosgyrnog,
® cywydd
et rhupynt remontent sans aucun doute à la prosodie latine du moyen âge,
s que l\'influence de cette poésie sur la formation du
cywydd deuair hirion n\'est pas

invraisemblable

V— La Théorie celtique

On ne nous accusera pas de manque d\'objectivité si nous faisons tout de suite quelques
.nbsp;^ thèse remarquable. Le grand mérite deM. WilHams est d\'avoir mis en

nient ^^ dafydd ab Gwilym n\'a pu connaître la poésie des troubadours qu\'indirecte-
ànbsp;i^^terrnédiaire de quelques générations de poètes qui avaient rajeuni et adapté

des d^nbsp;courtois. Mais au lieu de préciser la nature de cette poésie continentale

j^g ^roiers siècles du moyen âge, œuvre collective d\'une foule hétérogène, dans laquelle
ij^nbsp;coudoient les ménétriers et les jongleurs des foires les soldats, il s\'est laissé

latiner d^^^^ ^^^ ^^ prestige des Carmina Burana au point de demander à ces chansons
qu\'ilT ^^^^ siècle des renseignements sur les modèles directs des Cywyddwyr du XlVe
de ^^^^^^ P^ trouver ailleurs. Décidément, ce n\'est pas des auteurs de cette poésie savante,
co f \'nbsp;orgueilleux et pleins de dédain pour les laïques incultivés comme pour leurs

^^^^^ chantent pour ce public en langue vulgaire, qu\'on peut dire qu\'ils ont
courtois ! Si après les recherches récentes de M. Brinkmann il y a un
ties troub^^d^^\'nbsp;l\'indépendance entière de ces anciens
clerici vagantes de la poésie

Qnbsp;*

^ ous un autre rapport encore le système de M. Williams prête à la critique. On peut
de 1\' ^^ parmi les savants gallois, qui se sont montrés toujours si prompts à la défense
desnbsp;vénérables institutions nationales, contestée par des étrangers ou par

cette^^^^^^^^^^^ sceptiques, il s\'en soit présenté à peine un seul pour protester contre
la ■nbsp;suprématie étrangère sur leur plus grand poète lyrique. Il est vrai que

lité d^^ ^^ ^ ^^^ ^^^ placée en entier sur le point de vue extrême de Stern, mais l\'origina-
Datydd n\'a pas encore trouvé beaucoup de défenseurs si on laisse hors de consi-

S ^ Beirniad, vol. IH, p. 55 ; Trans. 1913—14, p. 130 ; Deth. p. xlix.

3nbsp;^913-14. p. 141, Deth., p. Ivi.

4) Ynbsp;P- ^71 et seq. ; Deth.., p. Ixxiii et seq,

iTranl\'nbsp;weddnewidiodd y ddadl gwrtais a thrwyddynt hwy y cyrhaeddodd Ddafyddquot;

• 1913—14, p. 147 ;nbsp;p. ixi).

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dération ceux qui vivaient à une époque oii une étude littéraire comparée n\'était pas
encore possible

Pour ce qui est des Gogynfeirdd, qui cependant écrivent dans un style bien plus cour-
tois que les Cywyddwyr, il est différent. Personne de moins que M. Joseph Loth s\'est
prononcé pour le caractère autochtone de leur poésie : „En revanche, les poètes gallois
n\'avaient rien à apprendre des trouvères français, et de fait nulle influence française
n\'apparaît à aucun point de vue dans leurs poésies. La poésie lyrique galloise est très
supérieure à la poésie françaisequot; % et ailleurs : „Si on étudie la poésie du Xlle et de
la première moitié du XlIIe siècle, on n\'y trouve, à part quelques mots empruntés très
rares dans le strict lyrisme bardique, aucune espèce d\'influence française. La poésie du
Xlle siècle continue la poésie des siècles précédentsquot;

On n\'a pas voulu reconnaître cette même originalité dans l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym.
iVlême ceux qui accordent que le fond de sa poésie est autochtone et qu\'il n\'a pas imité
lui-même les troubadours sont d\'avis qu\'elle contient beaucoup d\'éléments étrangers.
Seulement, il leur paraît que Dafydd avait trouvé ces traits déjà dans les chansons de
prédécesseurs restés inconnus, qui avaient subi cette influence étrangère avant lui. Cette
idée a été développée notamment par M. Gruffydd : „11 ne faut pas supposer que Dafydd
ab Gwilym fût le premier poète d\'une période nouvelle. Il est évident qu\'il représente
plutôt le point culminant d\'une période et qu\'une longue série de poètes oubliés, probable-
ment en Glamorgan, l\'avaient précédé...... Aussi n\'est-il pas nécessaire de supposer que

Dafydd ab Gwilym et ses contemporains aient puisé originalement dans tous les cas à
des sources françaises, mais plutôt qu\'ils aient suivi parfois ce qui était devenu déjà
traditionnelquot;

Tant que nous sachions il n\'y a eu qu\'un seul savant qui ait soutenu que la poésie amou-
reuse du XlVe siècle doit être considérée comme un art national par ses origines et par
son évolution. Nous parlons deiVl. Glyn Davies, qui dans un article précieux des
Transac-
tions
a démontré la présence de plusieurs traits caractéristiques pour cette poésie dans
les poèmes de bardes beaucoup plus anciens.

Ce sont en premier lieu les descriptions de la nature, dont le coloris celtique très remar-
quable ne peut manquer d\'impressionner le lecteur, et qui ne sont pas du tout rares au
début des poésies des Gogynfeirdd. A peine pourrait-on avoir quelques doutes à propos du
rôle traditionnel du rossignol, qui dénoncerait peut-être une légère influence de la conven-
tion continentale®). Cette même opinion a été exprimée encore plus énergiquement
par Sir Edward Anwyl : „C\'est une folie que de vouloir établir des rapprochements entre
Dafydd ab Gwilym et quelque poésie continentale quand il est évident qu\'elles, (se//;
ces descriptions) sont en majeure partie le résultat de son observation des produits carac-
téristiques de la nature de son paysquot; C\'était aussi l\'idée deiVi. Lewis Jones \'). Un autre

1)nbsp;William Owen assurait par exemple dans la Préface de l\'édition priiiC6ps Que dédaigneux des
inventions poétiques d\'étrangers, il sut y suppléer en personnifiant les différentes créatures animées
ou inanimées et en les parant d\'attributs nouveauxquot; (p. xxx).

2)nbsp;Mabinogion^, t. I, p. 60.

3)nbsp;RG., vol. XL, p. 444.

4)nbsp;op. laud., p. 33.

5)nbsp;Trans. 1912—13, p, 114.

6)nbsp;op. laud., p. 177.

7)nbsp;op. laud., p. 123

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^ ement que Dafydd a pu trouver déjà dans la poésie des ses devanciers est le llatai i),
^ œtte hypothèse de M. Glyn D a vies a été pleinement confirmée par les recherches de
Dafvdd^2^quot;nbsp;^ retrouvé ce mot dans un contexte peu clair chez Gruffydd ab

nnpl J ^^ démontré qu\'un rôle très semblable était rempH par le cheval dans les
pommes de Cynddelw et d\'autres Gogynfeirdd 3).

leur^rnbsp;^^^nbsp;lyrique galloise connaissait longtemps avant son meil-

drÎAi« ^f^^^^^^ant est Eiddig, le Jaloux, mentionné dans une pièce très courte de Cyn-
dddw 0 et dans l\'Awdl à Awd s).

de ses^^^quot;quot;nbsp;^ remarqué combien Dafydd reste dans le choix de ses épithètes et

a indinbsp;^dèle aux traditions créées par les Gogynfeirdd D\'autre part on

avai/v^^l sommairement les liens qui rattachent son art aux romans en prose. Cowell
princenbsp;— à tort, il est vrai — l\'Elen à qui il fait une allusion avec l\'ancienne

pas no^ 1nbsp;de ce nom \') ; M. Machreth Rees «) et Sir Edward Anwyl ne mettent

liste d quot;t Mv ^^nbsp;connaissances des traditions nationales, et on doit à Stern une

Enfirr ^^ ^^^^ ^^^^^^ ^^nbsp;^^^ allusions i«).

déjà pa dnbsp;Dafydd passait pour être le père, aurait été manié avant lui

de cette^f ^nbsp;inconnus d\'après M. Glyn Davies, qui a consacré à l\'étude

Gwilymnbsp;«métrique un livre intéressant Ainsi la poésie amoureuse de Dafydd ab

temps arnbsp;l\'aboutissement et le perfectionnement d\'un art cultivé depuis long-

un mètrc ^^ générations de bardes subalternes qui auraient chanté leurs amours dans
des genres^?^^^ ^ ^^^^ classe. Après avoir méprisé longtemps leur poésie, si différente
commencé ^ ^^^des supérieurs, les compositeurs des manuscrits auraient seulement
Gwilym ^f ^nbsp;les chansons écrites dans la forme du cywydd quand Dafydd ab

En - ^^ ^^^^ ^^nbsp;séduits tous par son génie,
pas trou^^-^ quoique l\'indépendance de la rhieingerdd des Cywyddwyr n\'ait
que pour e de défenseurs, les rares recherches qui partaient de l\'idée
déjà à quT^ gallois du XIVe siècle il faut interroger le passé national ont méné
Williams ^^^^ résultats. Aussi nous ne pouvons nous défendre de l\'impression que M. Ifor
nous ne c ^^^^^^^ peu d\'importance aux conclusions de M. Glyn Davies. Surtout
reflète deux^^^^^^^^ ^^^ ^^^^ pourquoi il rejette la possibilité que la poésie de Dafydd
nant du Co littéraires, l\'un représenté par la poésie du bardd teulu, l\'autre prove-
-—_ontment et passant par les grands monastères gallois, centres importants d\'acti-

montré claÎeme^^^^\'-^ ^^^nbsp;Rhieingerdd Efa par Cynddelw, mais ici M. Ifor Williams a

comme messnbsp;trompé et que les gwylein ne sont pas des goélands envoyés par le barde

P- IIS, note) ^^^^ ^ ^^ dame, mais une appellation poétique des pucelles de la princesse {Trans. 1913—14,

•^dynion A^T^ conjure son patron, Howel, de lui donner un arc : Er mwyn mirein son morwynawl
Rhnbsp;quot;^«ya (Gog. p. 206).

5)nbsp;Go^nbsp;\'nbsp;1912-13, p. 103.

6)nbsp;ft, j\'nbsp;\' Rhieingerddi\'s Gogynfeirdd, p. 15
\' P- 27 et seq.

7 laud., p.

« Trans. 1905-06, p. 43.

9 op. laud., rso

quot;J Welsh Metrics, p. 70.

-ocr page 42-

vité littéraire comme nous verrons : „Comment l\'art de Dafydd pourrait-il être un produit
de la muse monastique et en même temps l\'art du
bardd teulu ? A quoi bon prouver qu\'il
y a eu une production non écrite de pastourelles et de poésies d\'amour sous la domination
oppressive des Gogynfeirdd, qui était la préparation aux cywyddau de Dafydd, et consi-
dérer tout de même Dafydd comme un nourrisson des monastères ? Car, s\'il en était
ainsi, il serait le confrère du Goliardois, du Troubadour, du Trouvère, et la crème et la
lie seraient à sa dispositionquot; Nous avouons qu\'une pareille multiplicité de sources
littéraires au XlVe siècle n\'aurait pour nous rien qui ne soit extrêmement vraisemblable.
Quand on lit attentivement les oeuvres des poètes français les plus représentatifs pour
leur siècle, d\'un Adam de la Halle, d\'un Eustache Deschamps, d\'un François Villon même,
ne constate-t-on pas à chaque instant qu\'elles n\'appartiennent pas à une seule école
et que l\'esprit bourgeois y revêt fréquemment la terminologie courtoise ? Du reste
M.Williams lui-même, tout en s\'opposant à l\'opinion de M.GlynDavies, ne vapas aussi
loin que d\'exclure l\'influence de la poésie populaire : il montre que
Venglyn connu du
merle chantant dans les buissons, cité comme exemple de métrique dans la grammaire
du
Livre Rouge, a été imité par Dafydd Même il semble admettre l\'idée exprimée aussi
par M. Gwynn Jones que le débat bardique est un genre incontestablement autochtone
qui ne doit rien aux tensons et aux sirventes des troubadours

Sans parler des „théories italiennequot; et „classiquequot;, qui ont fait leur temps, on peut
dire en résumant qu\'à l\'état actuel de la science on s\'est prononcé en faveur des opinions
suivantes :

I La rhieingerdd du XlVe siècle est en majeure partie une production autochtone
du sol gallois (M. Glyn Davies).

II Elle est l\'imitation galloise de la poésie des troubadours. (Cowell, Stern).

IIInbsp;Elle est l\'imitation indirecte de cette poésie, portée jusqu\'aux bardes par l\'inter-
médiaire de générations de poètes restés inconnus de Glamorgan. (M. Gruffydd).

IVnbsp;A part de rares éléments populaires, elle remonte à la poésie courtoise, rajeunie
complètement et introduite au Pays de Galles par les clercs vagants. (M. Ifor
Williams).

V Dafydd ab Gwilym était pour son temps un savant considérable et un éclectique
qui, prenant son bien où il le trouvait, empruntait en même temps à toute poésie
qui lui était accessible, galloise, latine, provençale et française. (M. Lewis Jones) s).

Or, sur le point de faire notre choix entre ces théories ou d\'allonger la liste déjà considé-
rable des opinions en y ajoutant la nôtre, nous croyons utile de différer notre examen
au moment où nous nous serons renseignés aussi complètement que possible sur la nature
des littératures qui ont pu offrir des modèles aux poètes gallois. Ce n\'est pas sans une
grande hésitation que nous nous sommes résolus à insérer ici quelques chapitres qui ajoute-
ront à ce volume un nombre de pages peut-être plus grand que de raison. Mais il nous
paraît que l\'auteur qui veut mettre ses lecteurs en état de se former eux-mêmes une opinion

1)nbsp;Trans. 1913—14, p. 114—115.

2)nbsp;Ibid., p. 116.

3)nbsp;Ibid., p. 295—296.

4)nbsp;Ibid., p, 121.

5)nbsp;op. laud., p. 119.

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qu\'uT\'^^\'\'^^nbsp;probable d\'un Irt nouveau et de contrôler la démonstratif

pour ^^^ PJ^Pose, se voit imposer le devoir de leur fournir toutes les données qui leur
seulem être utiles. Avant tout il aura à se mettre en garde contre la tendance à avancer
richenbsp;faits qui confirment son argumentation; surtout pour le XIVe siècle, si

seulnbsp;littéraires qui naissent, se bifurquent ou meurent, la négligence d\'un

^^genre pourra fausser la théorie qu\'il est en train de bâtir i).

prédéc^^^\'^^ argument se joint à celui-ci. Nous ne croyons pas être ingrats envers nos
envers^^^^quot;^^-\'^quot;^^ utilisons les recherches, ni nier la dette que nous avons contractée
leurs ^nbsp;avouons ici franchement notre conviction qu\'ils n\'ont pas tous puisé

littératures étrangères aux sources mêmes. C\'est à ce fait qu\'il
ces POnbsp;certaine manque de précision dans les idées de quelques-uns d\'entre eux sur

avecnbsp;^^^ ^ amenés par exemple à identifier la poésie française du moyen âge

avec rnbsp;^^ l\'école provençalisante, et la poésie des vagants du XlVe siècle

poésies^nbsp;latines de l\'époque de la floraison de leur art. L\'étude préparatoire des

celui Q ^^^ influencer la rliieingerdd est donc à refaire, du moins en partie, pour
aimons ^^^^fP^^^\'l l\'examen de la question compliquée des origines de ce genre. Aussi
^nbsp;qu\'une analyse plus détaillée des littératures qui entrent en considé-

qui inte^quot;^ comparaison que nous projetons ne sera pas superflue, et que les digressions
auront^^^^quot;^^^^quot;^ ^^^ chapitres suivants le développement régulier de ces recherches
nliiQnbsp;^^^quot;Itat une plus grande précision dans l\'exposé en même temps qu\'une

pins grande exactitude dans les conclusions.

la placÎquMr ^ recherches la poésie lyrique anglaise des XlIIe et XlVe siècles ne tient pas
mée devra ^nbsp;î l\'investigateur futur qui désirera épuiser la matière que nous n\'avons qu\'enta-

probablement ajouter à nos analyses un tableau de cette poésie encore mal connue.

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CHAPITRE III

La poésie des Troubadours et l\'Amour courtois

C\'est une vérité universellement reconnue depuis longtemps qu\'on ne peut songer à
aborder sérieusement l\'étude d\'un problème qui se rattache â l\'histoire comparée de la
poésie lyrique du moyen âge sans s\'être préalablement familiarisé avec la poésie des
troubadours. On sait que cette poésie, quoique près de s\'éteindre à la fin du XlIIe siècle,
n\'est pas tombée en décadence avant d\'avoir exercé dans la plupart des pays de
l\'Europe occidentale une influence profonde dont on peut suivre les traces encore beau-
coup plus tard dans les littératures ; on n\'ignore pas non plus que celle-ci se trahit aussi
facilement dans le ton général, les idées et la terminologie de la poésie que dans la forme
des vers et, semble-t-il, dans la musique qui les accompagne. Or, si la prosodie et la musique
ne rentrent pas dans notre sujet, nous ne nous croyons pas dispensés du soin de passer
ici rapidement en revue les principes et les prescriptions de l\'ensemble d\'idées et de
conventions connues sous le nom d\'amour courtois.

C\'est dans les œuvres lyriques des troubadours que nous puiserons nos exemples,
car s\'il est vrai qu\'un bon nombre des idées qui semblent si caractéristiques pour leur
style ont été retrouvées dans Ovide et dans la poésie latine du moyen âge, et que d\'autre
part la „théorie arabequot; paraît jouir d\'un retour de faveur, c\'est sans doute dans le Midi
de la France que le code de l\'amour courtois s\'est développé sous sa forme la plus pure.
Cependant, comme Dafydd ab Gwilym, qui passe pour avoir été le premier au Pays de
Galles à imiter la poésie étrangère, n\'a pu rien emprunter directement aux troubadours,
nous devons examiner sommairement aussi comment cet amour courtois se manifeste
en France dans l\'œuvre de l\'école provençdisante d\'abord, et plus tard dans la poesie
lyrique du XlVe siècle. Pour cet examen, nous utiliserons surtout le genre prmcipal des
troubadours, la
canso, dans lequel les idées courtoises ont été exprimées avec le plus de
fidélité : sans méconnaître le fait que la pastourelle, l\'aube et la chanson de malmariee
sont imprégnées de l\'esprit courtois, le fond de ces genres nous semble assez different,
quant à la conception de l\'amour, pour justifier leur discussion dans un autre chapitre.

I— La Poésie des Troubadours

La plupart des savants qui se sont occupés de la poésie des troubadours ^ ont insisté
sur le fait que l\'état politique et social duMidi de la France vers iioo facihtait et préparait

I) et avant tous M. Wechssler, dont la belle étude Das Kulturproblem des Minnesangs nous a été d\'un

secours inappréciable pour la rédaction de ce chapitre.nbsp;^ „ . ^

On doit se demander même si ces auteurs ne sont pas allés un peu plus loin qu il ne fallait dans leurs
explications et s\'ils n\'exagèrent pas en quelque sorte l\'influence exercée par la société contemporame.
Assurément, le milieu est un facteur puissant, mais suffit-il à créer un art nouveau ?
Cf. Salverda de
Grave,
De Troubadours p. 21, et Neophilologus, vol. III, p. 250.

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même la superbe éclosion de Fart nouveau, qui reflète à son tour la plupart des idées du
temps. Les nobles, enrichis par une longue paix, commencent alors à prendre plaisir aux
mœurs raffinées et à la poursuite d\'un idéal de civilisation brillante
(cortezia) qui les dis-
tmguerait des moins cultivés ; ils rivalisent par les fêtes les plus magnifiques, les gaspillages
es plus fous
(Jargueza), et les poètes affluent de toutes parts. Grâce à un développement
special du droit de succession romain reste en vigueur dans le Midi i), les femmes y étaient
en état de posséder des fiefs, ce qui leur donne une place considérable dans la société et
® même d\'inspirer, sinon de créer, une poésie répondant à leurs aspirations,
ntin, une opposition sourde et séculaire contre l\'idéal ascétique de l\'Eglise éclate finale-
ment chez ces jouisseurs par une réaction consciente, qui se manifeste par une glorifica-
tion païenne de la beauté de la nature dans toutes ses œuvres. Tout ceci explique en effet
e ton en même temps aristocratique, galant et païen de la poésie des troubadours, qui
estinent leurs poésies qu\'à une élite jugée digne de les comprendre, s\'adaptent à
^^ ^^ leurs nobles protectrices et ne craignent pas d\'implorer le secours
leu pour l\'accomplissement de leurs vœux souvent riens moins que chrétiens -).

sont ^ facteurs principaux qui dominent la poésie érotique du moyen âge ; ce
abord l\'auditoire devant lequel l\'auteur chante ou fait chanter ses vers, et puis
^Le^^ ^^ femme aimée à l\'égard du poète.

tricenbsp;s\'adressant dans ses cansos le plus souvent directement à une protec-

^^ice qu il aime, (ou plutôt, qu\'il est censé d\'aimer), au milieu de sa cour, a dû restreindre
^^ poésie subjective. Non seulement le style narratif, mais même l\'esquisse
^api^e d une aventure personnelle semblent être bannis rigoureusement de cet art subtil
citer ^nbsp;de l\'âme seuls sont considérés comme intéressants. A peine peut-on

Peindrquot;quot;^quot;^^ exceptions quelques passages de Bernard de Ventadour, qui sait l\'art de
Car ^ en quelques vers une scène vivante sans abandonner pour cela le style lyrique
rhar ^^ ^^\'^éral la dame attend autre chose de lui, et avant tout l\'hommage dû à ses
quot; es et à ses qualités. Nous verrons que c\'est bien là le sujet principal des chansons

courtoises.

po^^^tl ^^ ^^ ^^^ permis d\'exprimer et d\'analyser longuement les sentiments qu\'il nourrit
et tou dnbsp;^^^ dissertations sur l\'amour, considéré comme une maladie douloureuse

Drenbsp;même chère au malade, et étudiée minutieusement dans tous ses symptômes,

ent une place importante dans cette poésie. Pour ce motif d\'une „pathologie
place ^^^ \'nbsp;plan de ces recherches nous oblige à remettre l\'examen à une autre

Proh \'ki ^ ^ donné peut-être le modèle mais plusieurs idées ont été empruntées très
à 1quot;nbsp;^ littérature mystique quot;) qui, elle aussi, semble devoir quelque chose

e ude des œuvres du professeur de l\'art d\'aimer D\'une façon quelquefois très

2) f\'nbsp;laud., p. 69 et seq. Cf. Fauriel, Histoire de la poésie provençale, t. I, p. 497.

w/ , Bernart von Ventadorn, p. LXXXVII, note.
3 Wechssler,
op. laud., p. 131.

5) L\'inbsp;P- 235.

Paraison^d^^^^^^^\'^ l\'amant, plongé dans ses méditations, aux impressions, {Ibid., p. 253), la com-
la lance ^ d\'amour avec la pénitence ou avec le martyre
{Ibid., p. 275 et seq.), la métaphore de

^^^^^ souvenir du martyrologequot; (De Morawski, Pamphile et Galatée, p. 173).
^ wechssier, op. laud., p. 250.

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heureuse, les troubadours ont associé souvent au début de leurs poésies la nature à leur
amour. Les meilleurs d\'entre eux étaient certainement capables de mettre gracieusement
en parallèle leur ravissement à l\'aspect du réveil de la nature au printemps et la joie
d\'aimer qui inonde leur âme, ou bien la désolation de l\'hiver et la tristesse qui accable
l\'amant malheureux ; très rarement, il leur est arrivé de peindre le contraste entre la
nature en fête et leur âme en deuil i). Malheureusement, cette idée très poétique en elle-
même s\'est figée de bonne heure pour devenir une convention tyrannique qui finissait
par soulever des protestations : Rambaut d\'Orange et Peire Raimon protestent
vivement que s\'ils chantent, c\'est l\'amour de leur dame et non pas la nature qui les inspire.
Le biographe du troubadour ancien Peire de Valeira a une phrase caractéristique pleine
de mépris pour cette mode littéraire surannée et pour ces
vers tais com homfazia adoncs,
de pauhra valor, de foillas et deflors, e de cans e d\'aussels
et longtemps avant luiMarca-
brun, toujours d\'un avis contraire, avait composé une chanson pour louer l\'hiver, qui
fait mourir les serpents et la vermine, au détriment de l\'été

Pour le reste le nombre des thèmes chantés par les troubadours est bien restreint.
Ils supplient la dame de répondre à leur amour, et à l\'occasion leur gratitude exaltée pour
une légère faveur obtenue (un regard bienveillant, un salut, une parole aimable, très
rarement, un baiser) fait le sujet d\'une chanson d\'allégresse ; le plus souvent, ils épanchent
leur cœur en plaintes amères sur son insensibilité, avec force imprécations contre les
envieux et les lausengiers, les souffre-douleurs conventionnels des troubadours. Quelque-
fois ils s\'oublient jusqu\'à accabler l\'inhumaine ou capricieuse de reproches (c\'est notam-
ment le cas dans les chansons composées pour renoncer publiquement à leur amour) pour
faire souvent amende honorable après.

Les relations qui existent entre la femme et le poète ont fortement marqué de leur
empreinte la manière dont cette matière a été traitée. Nous remarquions déjà que cet
art a été inspiré par des dames nobles, plus ou moins indépendantes, qui voulaient bien
accepter l\'hommage de leurs poètes de cour, généralement de naissance assez basse.
A la vérité, un genre pareil n\'avait rien de nouveau et ne différait pas en principe des
panégyriques latins dont plusieurs princesses avaient été l\'objet ; cependant, il conte-
nait déjà le germe d\'où une véritable poésie amoureuse devait se développer. Car, si
on louait dans un prince son courage ou ses qualités guerrières, quand il s\'agissait d\'une
femme, sa beauté et ses attraits étaient naturellement désignés pour être glorifiés par le
panégyriste, qui n\'oubliait guère d\'ajouter que ces charmes faisaient l\'admiration de
tout son entourage, et en premier lieu de lui-même. Alors il ne fallait qu\'un pas pour
faire passer ce sentiment pour l\'amour, et ce pas-là, les troubadours le firent décidément
dès que l\'étiquette toléra cette forme de flatterie. Le culte de la femme qui caractérise

1)nbsp;Can vei la lauzeta mover CBernard de Ventadour, éd. cit. no. 43).

2)nbsp;Non chant per auzel ni per flor (Rayn, t. V, p. 401).

3)nbsp;Vergiers, ni flors, ni pratz. {Ibid., t. V, p. 328).

4)nbsp;Chabaneau, Biographies des troubadours, p. 10.

5)nbsp;Pus la fuelha revirola (Rayn., t. V., p. 253). Jaufre Rudel (Belhs m\'es l\'estius e\'I temps floritz, éd.
Jeanroy, no. 4) et Peire Guilhem (No\'m fa chantar amors ni drudaria, Rayn., t. V, p. 315) protestent
également que Thiver les fait chanter aussi bien que la belle saison. Du reste il ne faut pas exagérer
l\'importance du début printanier : plus que la moitié des pièces du recueil de Raynouard commencent
autrement et l\'oeuvre entière d\'Uc de Saint-Cire n\'offre pas un seul exemple de ce thème conventionnel.

6)nbsp;V. p. 39.

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la poésie des troubadours est donc né du panégyrique professionnel que le poète doit
a sa maîtresse et cela explique suffisamment pourquoi un Guillaume IX, un Rambaut
range et tant d\'autres imitateurs nobles s\'écartent si souvent de principes qui con-
viennent mal à leur état.

Citons quelques textes à l\'appui d\'une manière de voir qui pourrait sembler d\'abord peu

vraisemblable :

Les reproches d\'Uc de Saint-Cire à une dame qui lui paraît connaître mal ses propres

inteiets nous montrent clairement qu\'au fond de leur cœur les troubadours se faisaient

peu d illusions sur les motifs qui amenaient leurs protectrices à tolérer leurs déclarations
d amour :

Si ma dompna n\'Alaïs de Vidallana
Saubes cant eu sai a dompna valer.
Ni cum eu sai
far semblât sobeirana
Tota dompna qu\'eu voilla mantener,
Ja no\'m fora de solatz tan loingtana
En son païs cant eu l\'anei vezer.

quf^mnbsp;encore nous semblent quelques passages des biographies des troubadours,

1 ^^ ^algré leur tendance manifeste au romanesque nous laissent quelquefois entrevoir

la venté prosaïque.

S agit-il des amours de Gaucelm Faidit et de Maria de Ventadorn ?

a precava en cantan, et en cantan prezicava e lauzava sa gran valor ; et ela lo sufria

Oub^quot;quot;^^^ lidonava^)
^ veut on savoir quel fut le commencement du roman tragique d\'un Guilhem
J estanh ?
E saup tan e n a n s a r, que mossenher Raimons vole que fos donzels

soyons donc pas dupe de la beauté de leurs vers : ces troubadours qui se consument

Jnbsp;,nbsp;— . ^ ou-M^ iu,ri c II cl 11

lt;iemadomna Margarida sa molher

d\'amor^\'\'\' \'ionc pas dupe de la b(

r pour leurs dames toujours inexorables, s\'acquittent tout simplement du devoir

* ------- uaiiic» Luujuurs inexurauicb, s at;quiLLCiiL luul siiupicxxiciiL uu ucvuu

efïet^lT?^^\'^ (^«aw^ar) et de répandre partout la gloire {pretz) de leur protectrices, et à cet
parfoisnbsp;d\'une chanson d\'amour semble avoir été considérée comme la plus efficace,

de x^^ ^r ^ ^^^ maris eux-mêmes. S\'ils aiment, c\'est parce qu\'ils se sont proposé auparavant
déditquot; ^^ devoir. „Nemo amat nisi amori prius sponte assensus est ac libenter manus

troub ^dnbsp;garderons de prétendre qu\'il soit entièrement impossible qu\'un

plus d\'^^^ réellement aimé la dame dont il chantait les louanges, comme on a affirmé
Ventado\'^^nbsp;^^^ ^^^^ ^^ généralisation Quelques pièces de Bernard de

on aurdt\'^ notamment donnent l\'impression d\'avoir été dictées par la passion même et
ai tort de mettre en doute la sincérité de ses vers bien connus sur la poésie qui

S rtnbsp;de Grave, XLI, 1-6

3nbsp;Biographies, p. 36.

Ibtd., p. loi.

5)nbsp;Museto, p. 24.

Jeanrov^r^ discussion de ce problème difficile, V. Appel, Bern, mn Vent. p. XXIV—XXIX ;
anroy et
Salverda de Grave, Uc de Saint-Cire, p. XV-XXXIV,

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vient directement du cœur i). La même remarque s\'applique (peut-être ! !) encore aux
chansons d\'adieu dominées par un sentiment peu respectueux à l\'égard de la dame et
à tant de passages où, dérogeant complètement aux prescriptions de l\'amour courtois,
il exprime des désirs sensuels mal dissimulés.

Assurément, Bernard n\'a pas été le seul dont on puisse dire cela. Mais sans examiner
de près le problème extrêmement délicat de la sincérité de l\'amour des troubadours,
nous croyons que feignant des sentiments qu\'ils n\'éprouvaient pas toujours, ils ont en
général joué assez bien le rôle qu\'on attendait d\'eux Les grands seigneurs qui imitaient
cette poésie pour leur propre plaisir se sont même contentés peut-être de développer
en vers gracieux des idées courantes qui pour eux ne correspondaient à aucune réalité.

Cette qualité de panégyriste professionnel se trahit clairement dans leurs chansons
par leur attitude envers la dame aimée, notamment par l\'idée de l\'infériorité de l\'amant
à l\'égard de la femme qu\'il aime, article fondamental de la doctrine de l\'amour courtois,
et par l\'allégorie du
vasselage amoureux, dont ils font un usage constant. Le poète d\'humble
naissance, quelquefois, comme c\'est le cas de Bernard de Ventadour, sujet de la prin-
cesse même qu\'il chante, lui reste en sa qualité d\'amant aussi assujetti qu\'il l\'était comme
serviteur d\'après le droit féodal, et c\'est dans une terminologie empruntée à ce droit
qu\'il proteste de son obéissance. Il se peut fort bien que quelques termes communs à la
poésie érotique et à la féodalité aient contribué à la formation de ces métaphores : le
mot
ami par exemple désignait le serviteur privilégié, né et nourri dans la maisnie du
seigneur, et le baiser faisait partie de la cérémonie de la prestation d\'hommage % Ainsi
c\'est sous le nom de
midons (du masculin meus dominus) que le troubadour adresse la
parole à sa dame ; c\'est à genoux, maints jointes, qu\'il lui prête le serment d\'allégeance %
se déclare prêt à la servir
{servir et onrar) et la supplie de le retenir en son service
Encore en des termes bien autrement humbles que celui de vassal il proteste de sa
soumission : il se nomme son prisonnier
{près) et même son serf, qu\'elle peut vendre ou
tuer à son gré Constatons encore que les troubadours nobles ne s\'expriment pas autre-
ment malgré le caractère inconciliable de ces métaphores avec leur rang

Il s\'ensuit de cette grande différence de condition que les troubadours, conscients
de l\'état désespéré de leur amour pour une femme trop haut placée pour eux, se plaignent

1)nbsp;Chantars no pot gaire valer {éd. cit., no. 15).

Non es meravelha s\'eu chan {Ibid., no. 31).

2)nbsp;F. Wechssier, op. laud. p. 195—197.

3)nbsp;F. Wechssler, op. laud. o. 157—158 ; p. 161—163.

4)nbsp;Midons sui om et amies e servire (Bernard de Ventadour, éd. cit., 35, 13).

Vostr\'om sui juratz e plevitz {Ibid. 33, 31)-

5)nbsp;Mas jonchas estau aclis A genolhos et en pes El vostre franc senhoratge {Ibid. 20, 39—4I-)

6)nbsp;Bona domna, re no\'us deman Mas que\'m prendatz per servidor Qu\'e \'us servirai com bo senhor
{Ibid. 31, 39—5i-)-

7)nbsp;Eu sui en sa merce, Si\'lh platz, que m\'aucia Qu\'eu no m\'en clam de re {Ibid. 25, 58—60.)

Si\'lh platz, que\'m don o que\'m venda {Ibid., 26, 28).

8)nbsp;Ans mi rent a lieys e\'m liuvre Qu\'en sa carta\'m pot escriure (Guillaume IX, éd. Jeanroy, VIII,
7-8).

Un autre terme par lequel le troubadour témoigne sa vénération à sa dame, azorar, est emprunté
plutôt au culte des saints qu\'au droit féodal ;
clamar merce provient de l\'un et de l\'autre (F. Wechssler,
op. laud., p. 270, 395-397-)

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souvent de la folie de leur vœux, qu\'ils osent à peine émettre en sa présence. La timidité
est d\'après la doctrine courtoise une attitude obligatoire pour tout „finquot; amant.
Heureusement, cette idée consolatrice leur reste que l\'amour lui-même sait effacer,
u moins en partie, les distances entre les classes sociales. Il s\'agit ici d\'un autre article
u code, un des plus caractéristiques, celui du pouvoir ennoblissant de l\'amour, d\'après
equel l\'amant, à force d\'aimer dans les règles, se perfectionne,
monte en pris, et se rend
en n digne de l\'amour de sa dame. Cet amour,
fons et origo omnium bonorum (André le
apelam), rend le sot savant et le vilain courtois, il rend l\'avare libéral et le lâche
courageux, il inspire le poète et lui donne la force de souffrir patiemment le martyre
un amour sans retour i). Grâce à l\'amour aussi, celui-ci apprend la vertu difficile mais
spensable de la
mesure; enfin, c\'est l\'amour encore qui lui défend d\'aspirer à tout ce
d^i^ ^^^ conciliable avec l\'honneur de la femme aimée, exigence dure qui exclut tout
^^ ir sensuel, et évidemment trop sévère pour la plupart des troubadours anciens, avant
^Sn^^ ^^ poésie fut devenue un jeu élégant avec des idées conventionnelles.

e troubadour peut donc s\'élever de quelques degrés vers elle, la dame ne se baissera
^ pour cela vers lui. Son honneur, qui doit aussi toucher de près son admirateur, s\'y
und\'^^ ^^ ceci explique pourquoi l\'état d\'âme ordinaire des troubadours semble être
• ^^Poir profond où ils sont plongés par la rigueur de leurs dames. Hommage nouveau,

ect mais peut-être pas inconscient, à l\'irréprochabiHté de leur conduite!
cenbsp;d\'entre eux, qui aimaient peut-être réellement, se sont rendu compte de

l\'a ^^ ^ y avait de tragique dans leurs souhaits, dont ils ne devaient pas désirer eux-mêmes
Pussement, et ceux-là ont cherché à concilier des vœux aussi contraires. Quelques-
réc \' ^^^^^ ^^ réalité, vivent dans leurs rêves
(cuda) un roman d\'amour qui finit avec la
de Tnbsp;la ^ie leur refuse. Comme exemples de cette conception, les chansons

les nV ^^ ^ti\'lel, dont le rêve est transposé par le biographe dans le monde réel, sont
certe ^^^^iines. D\'autres poètes, et parmi eux surtout Arnaut deMaruelh, éprouvent
ses braT^ ^^ songe, quand Us sentent la dame, si insensible en réalité, les presser dans
même^^\' ^^ ^^^^^ nombre de troubadours enfin, l\'amour désintéressé a déjà en soi-
«i\'autre^^f ^ ^^ charme qu\'ils le préfèrent de beaucoup à un penchant moins désespéré pour
mara ^^nbsp;Ceux-ci se contentent pleinement (par moments, il est vrai) d\'innocentes

mvsti ^^ ^bienveillance, et pour le reste de cette joy spirituelle, sentiment presque
énui-fi \' résulte de la forte conscience qu\'ils ont d\'augmenter leur valeur morale

On ^^^ ^^^ tourments de l\'amour 2).
^^^^^comprend aisément qu\'une poésie, basée sur ces conceptions raffinées encore plus

nescis hom del renh Que la veya ni remit Deuria esser al partir Savis e de belh captenh
SI\' rnbsp;t. III, p. 359).

Tu ^nbsp;^^ ^^^^ ^^ Cortes, e\'us porta bona fe (Pons de Capduelh, Ibid., t. III, p. 183),

Ibid r quot;ttt\' ^^^nbsp;Devon saber que d\'amor Mov\' larguez\'e guais solatz. (Gaucelm Faidit,

c. 111, p. 295).

Mos^ er pros ni cortes Qui ab amor no\'s sap tener (Bernard de Ventadour, éd. cit., 2, 15—16).
44, 7—
lo)nbsp;™ont\' e poya E mos chans melhura Tan ai al cor d\'amor De joi e de doussor (Ibid.,

Ravnnbsp;servir dezesperatz Que d\'autr\' aver totas mas voluntatz (Arnaut de Maruelh,
Mais

cité nnr WT-^^nbsp;^^ turmenz Que vostre pretz vailla menz, Dompna per re que\'m fassatz (Sordel,

par Wechssler,nbsp;op. laud., p. 170).

-ocr page 50-

^^nbsp;la poesie des troubadours et l\'amour courtol

^élevées ne pouvait jamais de^^d^^^^dnien^^^uld^nbsp;cet ésoté-

risme de leur art qui fait l\'orgueil des troubadours. Ils s\'estiment heureux d appartenir
au cercle restreint des adeptes d\'une véritable science amoureuse, dun code, dont les
articles sont au-dessus de la compréhension de l\'esprit positif de la masse. La peur d etre
compris en dehors de la petite éUte à qui ils destinent leur poésie les amene a considérer
le manque de clarté même comme un mérite spécial ; il y a eu des troubadours qui s effor-
çaient d\'écrire des chansons dont le style est aussi obscur que les pensees
{twhar dus).
Il est vrai que cette conception outrée n\'a pas été acceptée sans contestation ), mais
l\'idée que l\'amour n\'est pas un sentiment spontané, mais une science quil taut avoir
étudiée, et dont les problèmes se prêtent à être discutés (idée qui
remonte évidemment
aux badinages d\'Ovide, interprétés avec une gravité naïve tout à fait medievale), est
caractéristique pour toute cette poésie. On peut se figurer facilement Imdignation des
troubadours à la vue de tant de profanes, de vilains ignorants, qui obtiennent les faveurs

qu\'ils demandent toujours en vain P)

Il nous reste à relever ici un blâme que des moralistes austeres, de Cercamon et de
Marcabrun jusqu\'à Léon Gautier, n\'ont cessé de jeter sur cette poesie : savoir
que c\'est une poésie adultère. On ne saurait nier, il est vrai, que les troubadours ne chan-
tent comme objets de leur amour que des femmes mariées ; ajoutons qu ils ne pouvaient

faire autrement, vu la place insignifiante de la jeune fille dans la société contemporaine.

Mais nous avons vu déjà qu\'il ne faut pas prendre les sentiments exprimes dans leurs vers
au pied de la lettre ou être dupe des biographies. On a cité autrefois comme preuves du
caractère illicite de ces rapports le vague voulu dans les descriptions des dames avec
leurs épithètes presque invariables où les moindres traits individuels sont excessivement

rares - on a insisté également sur l\'emploi desnbsp;censés de pouvoir voiler leur iden-

tité Nous avouons avoir de la peine à nous défendre de l\'impression que tous ces soins
n\'ont au fond pas d\'autre raison d\'être que la prescription formulée ainsi par Andre le
Chapelain:
non cdat amare non potest^). Au demeurant, ne s\'agirait-il pas plutôt
d\'une affectation innocente d\'airs mystérieux que de précautions mdispensables contre
un danger imminent ? Et contre qui auraient-ils dû user de tant de circonspection ?
Croit-on vraiment qu\'un mari toujours aux aguets pour surprendre en faute le couple
coupable aurait été dupe de manœuvres aussi transparantes? Il nous semble qu en
réalité son rôle a été tout différent : s\'il ne favorisait pas ouvertement ceux qui flattaient
la vanité de sa femme (et en même temps la sienne), il les souffrait au moins ^^ D ailleurs,
il nous semble même permis de nier que cette figure stéreotypee du mari jaloux soit
un élément caractéristique, encore moins une invention, de la poesie des troubadours
disons même qu\'elle est inconcihable avec l\'esprit de l\'amour courtois. Admettre 1 existence
d\'un mari qui aurait le droit et le pouvoir d\'intervenir comme justicier dans les amour
de sa femme aurait été chez un panégyriste un peu désobhgeant pour ces princesses du

I) F.Guiraut de Bonxelh, dans sa tenson avec „Linhaurequot; (Appel, Pro..nbsp;^f

2 Cortezia, mont etz vilana C\'az aquesta fausa gen vana Fatz conoisser semblans m amistatz,
C\'ar\'es cortes lo plus mal essenhatz (Bernard de Ventadour,
éd. m., 22, 13-16)

Non es gen C amors fasa lui gauzen Que non sap los bens grazir E\'is mais, qan los sent, sofnr (Uc

de Saint-Circ., éd. cit., I, 27—30)-

3)nbsp;Rayn., t. II, p. cv.nbsp;. , . ,

4)nbsp;V. la biographie de Guilhem de Cabestanh, citee a la p. 31-

-ocr page 51-

Aidi quij fières de leur indépendance relative, se piquaient d\'imposer leur goût à la
littérature i). Pour se convaincre combien la figure du
gilos est déplacée dans cette poésie,
on n\'a qu\'à se rendre compte de l\'impression curieuse qu\'on éprouve, après avoir parcouru
l\'œuvre de Bernard de Ventadour, en lisant ces vers étonnants :

No\'us dolhatz plus qu\'eu me dolh
Qu\'eu sai c\'om vos destrenh per me.
Mas, si\'l gelos vos bat de for
Gardatz qu\'il no vos bat\'al cor
Si\'us fai enoi, e vos lui atretal,
E ja ab vos ne gazanh be per mal.

(éd. cit., 41, 43—48)

^Du reste, ce doute est pleinement confirmé par les autres textes. Le gilos tout court
n\'y désigne pas forcément le mari comme dans les fabliaux et dans les genres poétiques
dont nous parlerons dans un autre chapitre : plus d\'une fois ce mot est employé au pluriel
et^ associé aux envieux et aux
lausengiers et le poète peut encore l\'appHquer à lui-
°jeme % Aussi ceux-là sont les véritables ennemis des troubadours, qui les redoutent
plus que personne et attribuent à leur influence désastreuse toutes leurs déconvenues ;
quant au mari, on peut dire qu\'en général ils l\'ignorent
La ^ffo^e^ca, genre secondaire
d après les
Leys d\'Amors% dont nous ne connaissons pas d\'exemple, paraît avoir été
relativement récente et ne peut donc être invoquée comme argument contre cette opinion.

e même, cette étrange doctrine de l\'incompatibilité de l\'amour avec le mariage, érigée
en dogme par André le Chapelain «), ne semble guère provençale : on aurait de la peine
a trouver dans l\'œuvre des troubadours des textes à l\'appui de cet article qu\'il faut plutôt
considérer com.me une réglementation outrée de l\'amour courtois tel qu\'il avait évolué

descnbsp;^^^ ^^^^^^nbsp;^^^^^nbsp;^^nbsp;P®® question de lui : le poète, en le mentionnant,

pou/quot;»nbsp;hauteurs où il plane ; il craindrait de rappeler à sa dame des obligations humiliantes

D\'an - ^nbsp;fâcheusesquot; {Origines, p. 156).

51) O ^^ston Paris cette figure proviendrait de la poésie populaire, des chansons de mai {Orig., p.
cette rnbsp;supposer aussi que les troubadours l\'ont empruntée aux contes joyeux.
l\'influence de

merature sur Guillaume IX est incontestable. V. éd. Jeanroy, p. xvi.

micx, fa s\'elha, gilos brau An comestat tal batestau, etc. (Jaufre Rudel, éd. Jeanroy, III, 45)-
ç, ^^ar vostra companhia Es tota d\'omes gilos,
etc. (Cadenet, Rayn., t. III, p. 249).
t. III pnbsp;^^^^ tafura, E croy lauzengier Son d\'amor guerrier (Gaucelm Faidit,
Ibid.,

S\'

a frau pquot;nbsp;lauzengier C\'ab fais conselh gaston 1\' autrui sobrier E baisson joi a presen et

3) MaT ^^^nbsp;cal son li colp qu\'eu fier (Peire Vidal, éd. Anglade, XIV, 37—4o).

denbsp;D\'amar, eu m\'en don gran temor G\' am ailliors e\'n ai jelosia (Uc

leù \'

Malnbsp;\' E non crei pieier mortz sia (Gaucelm Faidit, Rayn., t. IV, p. 17)-

III r.nbsp;f«2est gelos Non fezi ren mas al vostre plazer (Peire de Barjac, iîa^n., t.

était untTTv ^^^ Guilhem Adhemar, dont les vers contre le Jaloux ont été cités déjà, (p. 16)
caractéristiquot; \' ^ hquot;quot;\'nbsp;Chabaneau, p. 63) et ne doit pas être considéré comme un représentant

\'i)nbsp;^^nbsp;troubadours professionnels.

6) Sufanbsp;\'\' P- 348.

tenorenbsp;^^nbsp;excusatio recta {Rayn., t. II, p. cv). Dicimus enim et stabilito

us amorem non posse inter duos iugales suas extendere vires {Ibid., t. II, Ps cvii).

-ocr page 52-

pas sans intérêt d\'observer que cet arrêt a été mis par André
ÄouThrdTMaL de Champagne, fruit d\'une union particulièrement malheureuse,

comme on sait.

II -- L\'école provençalisante

mSi p quot;d s dans?a France proprement dite, et que l\'influence P«—^eM -
t ipa^e — a été P- «

ne lui doit pas sedement lanbsp;,, premier roman vraiment cour-

pri\':srd:css rn^uirSiflUn des- p.» de courtoi.

Depuis lors, pendant plus dun lecle, la ponbsp;commeTMbaut,comte

des dizaines de trouver^,nbsp;l^Zr, mais aussi bien, et plus encore,

deChampagne et ro. deNavarre, et par ses^^^^^^^^^nbsp;concitoyens. Peut-être même

ont été reproduits avec «fnbsp;mate\'rialistes En vérité, on aurait

croirait volontiers, et nonnbsp;Nord un motif nouveau ou même

beaucoup de peine a trouver dans cette vaste p^nbsp;. ^^

une innovation d\'un themenbsp;Gaston Pons anbsp;^^nbsp;^nbsp;^^^

senhal semb e inconnu ». ^of quot;nbsp;quot; ^ ^ ^nbsp;d\'obscurité voulue, c\'est

poètes de l\'école P\'^-\'f;™\'\'.nbsp;fl ur avantage des troubadours. La poésie

probablement a seule ctoe ^ e ^stingue anbsp;^^gnbsp;^^^ ^^ ^^ ^^ ^^

méridionale elle-meme n étaitnbsp;\'nbsp;.nbsp;deux avec des idées

première jeunesse et lenbsp;pâle reflet des modèles que les

déjà cent fois répété^ quot;nbsp;quot; de t^te l\'Europe occidentale, les formes que

troubadours avaient fourms aux poetes ae touic nuwf

^n^phaB Hofer,nbsp;W»«-nbsp;quot;quot;quot;nbsp;quot;

2) Esquisse historique, p. 165-

-ocr page 53-

l\'école provençalisantenbsp;_ 37

l\'amour courtois revêt en français présentent ce caractère conventionnel à un degré
beaucoup plus haut encore. On chercherait en vain l\'accent de la passion d\'un Bernard
de Ventadour dans ces productions aussi élégantes que froides d\'un amour de tête. Le
désintéressement dans les sentiments, qui coûtait tant aux troubadours, ne semble plus
une vertu qui dépasse les forces humaines chez ces amoureux du Nord. De tous les clichés
de cette poésie, les descriptions printanières comme début presque invariable des pièces
manquent le plus d\'originalité ; c\'est peut-être la seule tradition poétique qui, comme
du reste dans le Midi, ait fini par irriter les trouvères eux-mêmes i). Enfin, la joie de
vivre, qui animait tant de chansons du Midi, prend beaucoup moins de place dans les
imitations françaises, et c\'est peut-être la cause principale pourquoi ces plaintes éternelles
d\'amants soupirants et désespérés, n\'étant neutralisées par aucun autre sentiment, au
lieu de nous toucher finissent par laisser l\'impression fade d\'une poésie larmoyante.

III — L\'école de Guillaume deMachaut

A. partir de la fin du XlIIe siècle la classe des jongleurs tombe en décadence et avec
elle disparaît la poésie provençalisante. Cela ne veut pas dire cependant que cette date
marque également la fin des conceptions de l\'amour qui ont été si caractéristiques pour
l\'époque précédente : au contraire, la plupart des idées dont l\'ensemble constitue l\'amour
courtois continueront leur règne sur les esprits encore pendant un siècle et demi, pour
recevoir après dans le milieu aristocratique le coup de grâce avec
l\'Histoire du petit Jehan
de Saintré 2). Un grand nombre des images et des termes que les troubadours avaient
quot;^is à la mode descendra plus bas dans le société bourgeoise des rhétoriqueurs où elle
restera en honneur même après la fin du moyen âge, et enfin le XVIe siècle voit le retour
triomphant des anciennes idées dans la forme modifiée qu\'elles ont prise en Italie. Les
poetes français du XIVe siècle qui doivent nous intéresser comme contemporains des
grands
Cywyddwyr gallois ont réformé complètement la technique de la poésie ainsi
qjie la musique, mais on ne peut pas dire qu\'une réformation dans les idées ait corres-
pondu aux innovations dans les formes. Les ballades amoureuses d\'Eustache Deschamps,
composées probablement sur commande % sont très instructives à cet égard : par les
sentiments exprimés et par les motifs développés dans ces pièces, elles ne se distinguent
presque en rien de la poésie du siècle précédent. D\'après Gaston Paris, „les éternelles
P amtes des amants et surtout leurs insupportables plaintes contre les médisants, disparu-
rent cependant cette remarque ne s\'applique nullement à l\'œuvre de Froissart,
pourtant bien représentative des productions de l\'école de Guillaume de Machaut, dans
aquelle une large place est faite au
lausengier, désigné par les noms mis à la mode par

com d^quot;^ chantent de flor ne de verdure Ne sentent pas la doleur que je sent : Ainz sont amanz ausi
ni aventure (Eustache de Reims, dans Mâtzner,
Altfranzôsische Lieder, p. 113).
même, Gace Brûlé et le Châtelain de Coucy {Ibid., p. 2, 113-)
W. Bedier, De Nicolao Museto, p. 27.
2
histoire de la Nation française, t. XII, p. 501.
3; hsquisse Historique, p. 224.
4) Ibid., p. 221.

-ocr page 54-

^gnbsp;la poesie des troubadours et l\'amour courtois

le Roman de la Rose i). La poésie garde son caractère aristocratique et exclusif : nul a
exprimé plus énergiquement que Froissart l\'indignité du vilain à l\'entendre Aucun
des maux de la „pathologie amoureusequot; n\'est épargné au malheureux amant. Le dogme
du pouvoir ennoblissant de l\'amour reste incontesté et s\'introduit dans l\'historiographie ;
c\'est dans leur amour que Froissart découvre la cause des faits héroïques, non seulement
des chevaliers français, mais également d\'un indigène de Tunis Les termes du vasselage
amoureux, et en
particulier le titre denbsp;restent tout désignés pour indiquer

la respect que le poète porte à sa dame.

A un égard seulement cette poésie surprend cependant par une innovation remarquable :
la femme mariée y est remplacée parfois par la jeune fille et le mariage y est considéré
quelquefois comme le dénouement désiré des amours Dans les comparaisons, la poésie
se distingue par un abus d\'allégories et d\'allusions mythologiques, qui dénonce l\'influence
exercée par le
Roman de la Rose. Quant aux situations développées par ces poètes, l\'hon-
neur leur revient d\'avoir introduit dans la littérature des pièces de longue haleine, comme
le
Voir Dît de GuiUaume de Machaut, VEspinette amoureuse et le Buisson de Jonece de
Froissart, dans lesquels les passages lyriques alternent avec des morceaux narratifs, et
qui sont de véritables romans autobiographiques. Surtout les deux pièces de Froissart
contiennent ces jolies scènes bien observées dont on regrette tant l\'absence dans l\'œuvre
des troubadours.

1)nbsp;Mal^uche dans VEspinette amoureuse, les trois compagnons Refus, Dangier et Escondit dans
le
Joli Buisson de Jonece. Dans ces deux poèmes comme dans les rondeaux et les virelais de Wenceslas
de Brabant, incorporés dans
sonMéliador, il est très souvent question des „faulz mesdisant plein d\'envie».

2)nbsp;Car, ensi m\'ayt sains Gillains ! Que je m\'avroie assés plus chier A taire et en requoi mucierQue
jà villains evist dou mien Chose qui li fesist nui bien. Ce n\'est fors que pour les jolis Qui prendent solas
et delis A l\'oïr, et qui compte en font
{Poésies de J. Froissart, éd. Buchon, p. 327).

3)nbsp;Et cil de leur côté qui faisoit le plus d\'armes et d\'appertises et qui en avoit le plus grand nom de
faire, c\'étoit Agadinquor d\'OIiferne, car il aimoit par amour la fille au roi de Thunis, pour quoi il en
étoit plus gai et plus joli et appert en armes.
{Chroniques, éd. Buchon, t. XII, p. 283).

4)nbsp;Dans VEspinette amoureuse, il s\'agit certainement d\'une jeune fille ; l\'héroïne du Roman de Méliador,
Hermondine, est une fillette de treize ans. La même évolution s\'observe dans la poésie bourgeoise
de Toulouse :

La cauza per que hom a acostumat cantar de donas. si es aquesta. que sies piucela. o autra que non
haia marit. que en aquest cas yeu puesca cantar de liey per dir e retrayre la gran amor qu\'ieu li port afi
que plus leu s\'encline que sia ma molhers
{Leys, éd. cit., t. III, p. 124).

Au demeurant Richard de Fournival, dans un débat pubUé par M. Jeanroy, avait donné déjà au
XlIIe siècle la préférence à la jeune fille
{Origines, p. 472).

-ocr page 55-

chapitre iv
Les clercs vagants et leur poésie latine

C\'est à M. Ifor Williams que revient l\'honneur d\'avoir été le premier à combatire les
exagérations de l\'opinion commune, qui avait de plus en plus la tendance à considérer
I^afydd ab Gwilym comme un simple imitateur des troubadours, et à diriger l\'attention
de la critique sur la poésie latine des
clerici vagantes. Pourtant nous ne pouvons nous
résoudre à lui emprunter sans modification ses conclusions finales, tout engageantes
qu\'elles sont. En effet, on ne peut nier que malgré toutes les ressemblances souvent
frappantes, les chansons savantes des vagants ne sont pas sans présenter un caractère
qui les distingue nettement des cywyddau gallois, tandis que les mêmes rapprochements
et d\'autres encore pourront être établis avec tout un domaine de la poésie française.
Ces considérations nous amènent à tracer ici un tableau bien sommaire, mais un peu
plus circonstancié que celui qu\'on trouve dans l\'article deM. Williams, de l\'œuvre poétique
de ces
scholares vagi, pour lequel les livres de MM. Süssmilch et Brinkmann nous ont
été fort utiles.

ï — Naissance, floraison et décadence de la poésie latine

des vagants

Nous avons constaté déjà que la poésie des troubadours n\'est au fond qu\'un hommage
poétique rendu à des dames illustres par des poète professionnels, où l\'élément érotique
n\'était probablement entré que graduellement. Cette probabilité devient une presque-
certitude pour les commencements de la poésie érotique latine du moyen âge. Une amitié
profonde, jointe à une grande reconnaissance pour la protectrice généreuse et une affection
toute spirituelle pour
la sainte femme sont les sentiments que Venantius Fortunatus
nourrit pour
Radégonde. C\'est par le même ton respectueux que se distingue la poésie
des poètes de cour de Charlemagne s\'ils s\'adressent aux princesses i).

Par le même caractère se distingue encore cette splendide éclosion de toute une poésie
courtoise latine en Angleterre et au Nord de la France à la fin du Xle et au commen-
cement du Xlle siècle, qui paraît avoir préparé les esprits à l\'art des troubadours. La
terminologie du vasselage amoureux s\'annonce déjà dans les épîtres adressées à Adèle
de Blois, fille de Guillaume le Conquérant, par Baudri de Bourgueil et par Hildebert

^nbsp;\' titre de domina est régulièrement donné à sa belle-fille, la reine Mathilde,

chantée par Hildebert, parMarbode de Rennes, par Serlo de Bayeux et par tant d\'autres

i) Brinkmann, Die Anfänge der lateinischen Liebesdichtung im Mittelalter (Neophilologus, vol. ix., p. 51)

-ocr page 56-

dêrcs lettrés qu\'elle attirait à sa cour comme à ces Benoite,Constance,Muriel, Emma,
ou Eva, Bona, Superba, Rosea, avec qui Baudri et plus tard Hilarius entretiennent

des correspondances poétiques

Mais d\'autres accents se sont déjà fait entendre. Dans les InvitaUones, composées en
Italie dès le IXe siècle, dans les pièces du M5.
de Cambridge (province rhénane, Xle
siècle) et dans les épîtres d\'un magister de Liège et d\'un prévôt de Ratisbonne à des
religieuses de la dernière ville (Xle siècle), des désirs sensuels sont assez souvent exprimés
clairement, et l\'influence non seulement d\'Ovide, mais aussi du
Cantique des Cantiques

se fait sentir

Dans la première moitié du Xlle siècle l\'évolution dans les sentiments s\'est accomplie
aussi en France. Les grands maîtres de cette époque brillante, Abélard, Mathieu de Ven-
dôme, Pierre de Blois, Gauthier de Lille, Hugues d\'Orléans (le Primas) et Serlo de Wilton
se sont tous essayés à la poésie amoureuse et les pièces, ou à défaut d\'eUes les témoignages,
ne laissent pas de doute que leur poésie ait été adressée à des femmes bien moins inaccessi-
bles ; celle des deux derniers nommés a même un caractère fort indécent. Ce n\'est donc
pas seulement l\'étude d\'Ovide, mais aussi l\'exemple personnel de ces professeurs qui
a exercé sur leurs éléves une influence puissante, et ce fait concorde parfaitement avec
la conjecture de Gaston Paris, appuyée par M. Faral, que le nom de Golias provient d\'une
invective lancée par saint Bernard contre Abélard, dont les élèves du dernier se sont
emparés pour en désigner le patron de leur ordre et l\'auteur supposé de leur poésie anti-
cléricale 5) Plus tard nous reviendrons à ces attaques furieuses de jeunes clercs tombés
dans la misère à la suite d\'une crise sociale et menacés longuement de l\'application rigou-
reuse des décrets sur le célibat, qui donnaient libre cours à leur mauvaise humeur contre
le haut clergé considéré par eux comme la source de leurs malheurs. Quant à la poésie
amoureuse écrite en latin qui nous intéresse ici, quoique revendiquée par plusieurs savants
pour leur patrie, elle paraît être l\'œuvre collective de cette même jeunesse internationale

réunie autour des chaires des maîtres précités®).

Pendant le Xlle et la première moitié du XIII siècle, l\'art des goliardois et des clercs
errants, illustré par les noms d\'un Primas d\'Orléans, d\'un Archipoète et d\'un Gauthier
Map, brille dans tout son éclat, mais dans la seconde moitié du XlIIe siècle déjà il tombe

1)nbsp;Turmatim hue adventabant scholastici tum canticis tum versibus famosi, felicemque se putabat,
qui carminis novitate aures mulceret dominae (Guillaume de Malmesbury, cité d\'après Süssmilch,
Die

lateinische Vagantendichtung des 12. 13. Jahrhunderts, p. 45)-nbsp;, ,,nbsp;^ -

2)nbsp;Rom , vol I, p. 32 etiseq.-. Histoire Littéraire, vol. XV, p. IV.; Hubatsch, Die Vagantenheder tm Mit-
telalter,
p. lOi Brinkmann, Neophil., vol. IX, p. 56 ^^ seq.; Id., Geschichte der lateinischen Liebesdichtung tm

Mittelalter, p. 10, 21 et seq.

3)nbsp;Ibid., p. 6—10, p. 12 et seq.nbsp;. ^ . ,nbsp;tt ^

4)nbsp;Histoire Littéraire, vol. XV, p. 381, 384 5 Hauréau, Notices et Extraits, 1.1, p. 302 et seq.-, Hubatsch
op. laud., p. 8 er seq.-, Süssmilch, Die lateinische Vagantendichtung des 12. u. 13. Jahrhunderts, p. 14;

Brinkmann, Geschichte, p. 20 et seq.nbsp;. . , . j.-i

5)nbsp;Faral, Les Jongleurs en France, p. 41- quot; paraît cependant que cette hypothèse a ete enuse de)à

en 1854 par Büdinger (F. Encyclopaedia Britannica, sub voce : goliard). M. Brinkmann combat cette
identification
{Neophilologus, vol IX, p. 209.). Cf. cependant Frantzen. Neophilologus, vol. V, p. 61).

6)nbsp;M. Brinkmann cependant a apporté des arguments très forts pour prouver que les commencements
de la poésie de ces
scholares vagi datent du Xle siècle déjà, et que la province rhénane, où il y avait alors
des écoles fameuses, doit être considérée comme son berceau
{Neophilologus, vol. IX, p. 209 et seq.)

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naissance, floraison et decadence de la poesie latine des vagantsnbsp;41

Vite en décadence. Il n\'est pas douteux que c\'est surtout à la lutte sans relâche engagée
par l\'Eglise avec tous ceux qui minaient son autorité qu\'il faut attribuer le prompt déclin
ûe cette littérature florissante. Les édits des conciles, des synodes et des évêques contre
les vagants se suivent alors à de courts intervalles et le décret de Boniface VIII de
1301 confirmé en 1310 par le concile de Salzbourg, qui prive les clercs qui se font goliar-
ois ou jongleurs des privilèges cléricaux (parmi lesquels la juridiction ecclésiastique
evrait etre surtout appréciée par ces mauvais sujets 1), semble lui avoir porté un coup
mortel. Si ces menaces ne sufiisaient pas encore à ramener nos pécheurs endurcis au
^it chemin, l\'Eglise ne manquait pas d\'obtenir un plein succès par des mesures autrement
emcaces. La défense de l\'archevêque de Brème aux prélats de son diocèse, les protecteurs
maires des vagants, de prodiguer désormais leurs faveurs à ces indignes, est un exemple
des mesures par lesquelles elle savait les frapper

out de même, les clercs errants survivent à la décadence de leur poésie latine, disparue
ilsnbsp;avant Dafydd ab Gwilym. Privés de leurs patrons et débuchés sans relâche,

u en continuent pas moins leur vie mouvementée plutôt que de capituler. Seulement,
des^f ^^^^nbsp;à vivre de leur succès auprès d\'un public bien moins distingué, celui

oires et des tavernes, ils se trouvent dans la nécessité de s\'adapter au goût de leurs
nouveaux auditeurs. Pour pouvoir soutenir la concurrence avec les trouvères, déjà des
nveaux redoutables dans la faveur des prélats, leurs mécènes d\'autrefois ces lettrés
gueuieux se résolvent d\'assez mauvaise grâce à chanter dorénavant dans la langue
pire tant méprisée par eux. Il résulte de cette circonstance que les clercs, associés
jongleurs dans les décrets répressifs de l\'Eglise et dans un passage remar-
^a e des
Grandes Chroniques de Saint Denis ne tardent pas à se confondre complète-
dequot;^ • ^^^ poètes vagabondants laïques. Le
goliardeis qui figure dans les visions
de C^^^ ^^o^man parle encore latin, mais l\'application de ce terme à un des Pèlerins
antorbéry, le moulinier, qui en état d\'ivresse égayé ou scandalise ses compagnons

de^^R ^^ \'quot;OQcile de Sens, 1227 Concile de Trêves, 1231 Concile de Tours, 1289 Synode de Cahors,
13ÏO C
^^• ^^ ^^nbsp;1292 édit de l\'archevêque de Brème, 1301 condamnation par Boniface VIII,

Hubatschnbsp;Salzbourg, et encore en 1440 Concile de Ficisingen (V. Bu Cmge sub voce Goliardus ;

2)nbsp;clnbsp;94—96 ; Faral, op. laud., p. 43 ; Gautier, Les Epopées françaises, t. II, p. 43).
faciunt
^^^ clericalis ordinis dignitati non modicum detrahentes, se joculatores seu goliardos

3)nbsp;itenbsp;privilegio clericali (cité par Gautier, op. laud., t. II, p. 43).

bus suisnbsp;et singulis praelatis ac clericis nostrae diocesis et provinciae prohibemus ne in domi-

quos ^^ ^^^ ^o^mestionibus scholares vagos qui Goliardi vel Histriones alio momine appellantur, per
latin J ™°dicum vilescit dignitas clericalis, ullatenus recipiant. (cité par DuMéril, Poésies populaires

nonum •nbsp;istrionum lam conformât tono tonum. Genus omne balatronum, Intrat ante diem

tnet^nbsp;sperat grande donum. Ego caput fero pronum Tanquam frater sim latronum (^rcfei-

Sienbsp;VIII, 8-14).

fii]i-rgt; o\'nbsp;video leccatores multos Penitus inutiles penitusque stultos. Nulla prorsus animi racione

VeLm f \'nbsp;cultos.

ornarnbsp;niilites eis ista darent. Et de nobis presules nostri cogitarent ; Non leonum spoliis asinos

ent, Sed dum querunt gloriam, pietate carent (Ibid.. VI, 23—24).
6) fl\'nbsp;goliardi seu bufonesquot; (Statuts de la synode de Cahors).

blent ^ ^^^^^^ aucune foiz que jugleor, enchanteor, goliardois, et autres maniérés de menesteriex s\'assem-
(Gr Ch^nbsp;P^^ces et des barons et des riches homes... pour avoir dons ou robes au autres joyaux

ron., éd. Dom Bouquet, t. XVII, p. 363, cité par Wright, Walter Map, p. XIV).

-ocr page 58-

assez indécent, montre clairement le changement de leur

\'^î^m^omnce de la littérature en langue vulgaire composée par ces épigones nous paraît
assez gLde pour justifier ailleurs un examen détaillé ; pour le moment c\'est de la poesie
latine seule qu\'il sera question.

II —Carastéristique

Cette poésie se distingue en ceci de l\'art des troubadours pe c\'est au plus haut degré
une littérature virile, composée par des hommes pour des hommes Quoique ce semble
Tp u paradoxal pour une poésie érotique, on peut dire que la femme n\'y partrcj
Tesque L rien. C\'est dans les tavernes où les étudiants errants se réumssarent pour boire
TpoiTouer que ces chansons sont nées, et c\'est dans les cours de quelques prélats
ZmZcl éclairés des lettres, d\'une humeur joviale et d\'un esp« remarquablement
CI comme Réginald de Dassel, protecteur de l\'Archipoète, et plus tard ce abbe de
Sdiktbeuern, coUectiomieur du lecueU fameux des Carm.mnbsp;qu elles ont

é^Ztées 3). 6n comprend que dans ces milieux la femme ne pouvait pas louer un rôle
Soondérant, et ceci explique le fait important que le derc vagant parle de femmes
S quot;te pas pour Ls. Il est vrai que dans pas mal de chansons le poète s\'adresse
quot; ec
force flatteries Lectement à sa mie, soit pour la prier d\'amour, sort pour se defendre
con re des inculpations infamantes«), soit pour lui faire des reprochesmars d nous
selle impossible de voir dans ce style subjecuf autre chose que de la rhetonque. Le
eÏÏTait qu
\'a lui parle en latin peut être considéré comme une preuve concluante de
cette asseLn, car il paraît que les femmes courtisées par les vagants sont presque
tou-
iZ Z condition ass^z basse. Souvent celles-d nous sont présentées comme des berge^
Tdes paysannes, mais même si leur rang sodal n\'est pas mdique aussi dairement, comme
cquot;est le cas dans les chansons subjectives, les sentiments que leurs amants nounssent
n génamp;al pour eUes nous défendent d\'admettre qu\'B s\'agisse de princesses du sang ou
de feligieusL savantes. M. SussmEch, qui s\'est prononce pour le haut rang d au mom
oLl^es-unes des femmes chantées dans ces chansons «), se base sur quelques expressions
qui en effet s\'approchent de la terminologie courtoise :

(C.B. II?)-

Hec processit de regia
Prole, maxima.

1)nbsp;Ibid., p. XV. W. Lewis Jones, Trans., 1905-06, p. I73-

T/ Pntatoria et Lusona des Carmina Burana.nbsp;. „nbsp;^t

2)nbsp;F. les 1 otatona etnbsp;\'nbsp;, ^nbsp;gi^g Ute Verba mea intellegere. Vos

conprobati, Ulis simus commendati (C.B. CXCVIII, i 2).

4)nbsp;C.B. 80.

5)nbsp;C.B. 83.

6)nbsp;op. laud., p. 45—46.

-ocr page 59-

Me rata vexât credulitas
Et voti crevit sedulitas,
Sed hésitât adhuc nobilitas
Cui mea dudum militât humilitas.

(C.B. 36, 17).

mais à la vérité ces expressions respectueuses en apparence ne nous autorisent nullement
a en tirer des conclusions sur la place sociale de ces femmes. Dans une autre chanson,
le vagant se déclare le
servulus d\'une bergère qui n\'a jamais connu son père ou bien
la victime d\'une agression brutale est qualifiée de
virgo nobilis La Venus du 49,
également une
virgo nobilis, est appelée domina par son visiteur, mais c\'est évidemment
une mere^rw et Ovide, leur modèle, ne procédait pas autrement quand il donnait
ce même titre à la courtisane Corinne. Qui d\'ailleurs saurait nous dire encore avec certi-
tude quelle place il faut faire à l\'ironie et au badinage dans ces témoignages de respect
^ il y a six ou sept siècles ?M. Brinkmann, qui partage l\'opinion de M. Siissmilch au sujet
des femmes dont il est question dans les chansons où l\'auditoire n\'est pas mentionné
l
^sônlichkeitslyrik), invoque comme argument des aventures amoureuses de clercs
avec une princesse allemande et une noble Anglaise, racontées par Guillaume de Malmes-
ury et par Giraldus Cambrensis % mais nous doutons que ces anecdotes méritent plus
e confiance que les biographies des troubadours, qu\'aucun critique n\'osera plus citer
comme preuves de la réahté de leurs amours.

Aussi, sans nier que les vagants aient pu courtiser aussi des femmes d\'un rang plus
e eve (les Débats du Clerc et du Chevalier sont là pour le prouver, mais ces vanteries de
c ercs encore ne doivent être interprétées qu\'avec une prudente réserve), nous préférons
a mettre que les femmes dont il s\'agit dans leur poésie, même dans la
Persônlichkeits-
^îchtung, sont des vilaines et même des jeunes filles s). Ceci explique suffisamment
^ absence de cette figure stéréotypée de la poésie du moyen âge qu\' est le Jaloux. Il est
au mention d\'un autre ennemi caractéristique pour la poésie médiévale, du
lausengier,
ans deux pièces de la Collection d\'Arundel s), tandis que la duègne paraît deux fois
ans les
Carmina Burana \'). Mais avant tout la vilaine craint la découverte de ses amou-
rettes secrètes par ses parents, surtout par sa mère, toujours prête à la fouetter®); l\'amant
e son côté devra se mettre en garde contre des rivaux plus heureux®).

1) Cur salutas virginem, Que non novit hominem, Ex quo fuit nata (C.B. 119» 4)-
2; C,B. 145,

3)nbsp;Stissmilch, op. laud., p. 46.

4)nbsp;op. laud., p. 55_56.

5)nbsp;C/. cependant : Ecce mulier Digna venerari (C.B. 50, 13).

Wilh 1 Mludere Dictis livor emulis. Nos obliquis ledere Gaudens lingue iaculis (7, 27—30, éd.
ni Meyer, p. ig). Dum erumpit in venenum Sinistro livor sibilo. Fame dampnatur iubilo Nostre
ver serenum
(9, 33-36, p. 22).

Est ^^^ quandam vetulam Rosa prohibetur Ut non amet aliquem, Atque non ametur (C.B. 50, 4).
pater, est mater. Est frater qui quater Die me pro te corripiunt Et vetulas per cellulas Et iuvenes
Députantes, nos custodiunt (C.B. 43gt; 5).
1 senserit meus pater VelMartinus maior frater Erit mihi dies ater ; Vel si sciret mea mater. Cum
^angue peior quater, Virgis sum tributa (C.B.
120, 6). Cf. C.B. 88, 2.

discit 1 ■nbsp;^^^ ^^^ oneri, lam subridet alteri, Morior, morior, morior. lam illum vult audire, lam

lascivire, lam parat consentire : Morior, etc. (C.B. 160, 3).

-ocr page 60-

Dès maintenant, vu d\'une part le public d\'amis enjoués que le vagant veut
d\'autre part la condition des jeunes vilaines qui lui adoucissent ses

université à l\'autre, on conçoit ce que doit être sa poesie amoureuse. En effet, a part les
Xes ou i^e plaî à analyser et à exposer les sentiments qu\'il éprouve en presence du
Svd de la Lture au printemps, à part encore les déclarations d\'amour dont nous avons
parlé déjà brièvement, la majeure partie de ses chansons a pour sujet -en™
lui sont arrivées et dont il aime à se vanter. On ne saurait attendre sans etre m,u te
de s fanfarons sémillants et de ces chansons visiblement inspkées par l\'at-^
de la taverne des sentiments délicats ou un souvenir attendri des bergeres aussi vite
abandonnées que conquises. Certes, cette poésie se caractérise par beaucoup de
gross^rete,
par un cynisme voulu et quelquefois même par une certaine émulation dans 1 accumu a-
tion de situations violentes ; tout de même ce n\'est nen moins qu\'une œuvre de lu™
pervertis, et elle se distingue très favorablement des elegantes obscemtes d Ovide et
L ses contemporains blasés par sa rude franchise et par son naturalisme mge^u

Assurément, il y a beaucoup de clichés dans ces chansons, et les ^n^^
d\'amour, plus prolixes ici que dans la poésie des troubadours meme, sont la pour prouver
queTr uLrs n\'ont pas éLié impunément leur Ovide. De même, dans les descriptions
pLanières (et quelquefois hivernales) et dans les rapprochements conventionnel
Stre l\'éveil des passions dans le cœur du poète et les scènes lascives de la reverdie de
î^nature, ils ont fait plutôt preuve de leur adresse à enrichir par des variations nouvelles
un thème traditionnel que de leur faculté de le rajeunir. Il est vrai que l\'auteur du N 6
des
Carmina Burana chante des amours en hiver, et proteste energiquement contre un
lieu commun dont il avait tant été abuse :

Dum torpescit ver a sole
Tepet amor pecorum.
Nunquam amans sequi volo
Vices temporum
Bestiale more.

Pourtant, malgré toutes ces conventions poétiques, ces chansons ne manquent p^
de faire une impression très réaUste ^ et à travers ce verms bien meieval de formes
Ïvariables, l\'amour nous apparaît comme un désir rmpetueux et efirene. comme un
appétit brutal qui ne s\'appaise pas avant l\'assouvissement complet des sens.
D une façon
fjlppante l\'autL d\'une petite chanson moitié latine moitié aUemande a compare œtte
passL aveugle, beaucoup plus proche de Vero. des anciens que des senüments des tirou-

badours, à la force des éléments :

Venit sive aquilo.

Der warf si verre in einen lo

Er warf sie ver in den wait

{C.B. 145)-

Après avoir rompu la résistance de sa victime, le vagant exulte :

Glorior victoria !nbsp;57)-

1)nbsp;Cf. la chanson de Marcabrun dont il a été question à la p. 3°.

2)nbsp;Süssmilch, op. laud., p. 43-

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Avec une conviction inébranlable ils savent défendre cet amour ardent contre les
instances de l\'idéal ascétique chrétien :

Non est crimen amor, quia, si scelus esset amare,
Nollet amore Deus etiam divine ligare.

(C.ß. 84a). 1)

Ce n\'est pas moins carrément qu\'ils maintiennent contre la doctrine de l\'Eglise leur
enthousiasme tout païen pour la beauté dévoilée du corps humain :

Impius ille quidem, crudelis et impius idem.
Qui vitio morum corpus vetat esse decorum

Mais il leur arrive aussi qu\'ils dépassent toutes les bornes, non seulement de la morale
ou de la bienséance, mais encore du bon goût. Il y a dans l\'œuvre des vagants des scènes
peintes avec une prédilection aussi prononcée pour les détails scabreux qu\'elles doivent
être attribuées moins à la joie de vivre débordante de libertins irréfléchis qu\'à un goût
dépravé pour les chansons dégoûtantes composées probablement de sang-froid. Le grave
quot;^agister Serlo de Wilton est passé maître dans ce genre ignoble mais les
Carmina
burana en présentent également quelques exemples. Par un excès d\'indélicatesse, le
récit naïf de l\'agression, dont le refrein était entonné probablement par la bande entière
de buveurs exultants, est prêté une fois à la victime de leur brutalité même

Si les vagants se montrent dans la plupart de leurs chansons brûlés de désirs effrénés,
ils trouvent chez les jeunes filles qu\'ils rencontrent aux pâturages, au bois, ou aux bals
champêtres parfois un abandon par trop volontaire. Il est vrai que souvent ils se plaignent
de la pruderie ou de l\'insensibiHté de leurs bien-aimées ; plusieurs pièces nous montrent
celles-ci en effet repoussant les galanteries et les familiarités des clercs, soit par crainte
de leurs parents soit par souci de leur réputation soit parce que peut-être par une
rare sagesse, elles savent ce que valent les serments de ces amants infidèles s). Plus souvent
cependant ces vilaines, gagnées aussi bien que les hommes par la lascivité générale du
printemps »), ne résistent que pour sauver les apparences ou pour se faire encore plus
prier et ne tardent pas à jeter le masque de pruderie ^o); d\'autres, plus impudiques ou

Cf. : Quod natura iubet fieri scelus hoc renuisse (Serlo de Wilton, chez Hauréau, Notices et
t. I, p. 3,3).

2)nbsp;de Zürich, cité par Süssmilch, op. laud., p. 39. Ces vers semblent appartenir à Marbode de

Rennes (F. Brinkmann, laud., p. ^sl

3 Hauréau, Notices et extraits., t. I p. 323-

Anbsp;-2\'m\'- Vagantendichtung, {Neophil., t. V., p. 71.).

^ed tractari refugit. In hoc est dampnanda {CB. 84, 3).
J respondet verbo brevi : „Ludos viri non assuevi. Sunt parentes mihi Suevi ; Mater longioris

7)nbsp;Parce nunc in hora» {CB. 52, 6).

8)nbsp;pf*^ ^nbsp;fabula (Du Méril, Poésies populaires latines du Moyen Age, p. 230).
i : Munus vestrum, inquit, nolo. Quia pleni estis dolo {CB., 120, 4).

xo)nbsp;florescunt arbores. Lascive canunt volucres, Inde tepescunt virgines {CB, 121, 2).

ardnbsp;^^^^^^nbsp;^^ Quid tu sis, Quod amare bene scis. Et amare valeo. Et iam intus

«ifoeo. (Cß. io4j

-ocr page 62-

la bergère,nbsp;l^rairtu^^^ brutales les sentiments délicats

cette vertu cardinale des troubadours :

Rusticitas, non pudor ille fuitnbsp;I\' ^72)

Dans le Pamphilus, Vénus donne à l\'amant le même conseil :

Stultum depone timorem.
Hic v»i. a sola rustidta.e pudor ^^^nbsp;^^

et c\'est ainsi que dans le Roman de la Ro^ la pudeur est représentée sous les traits d\'un

vUain, de Dangier quot;).nbsp;passages où le vagant fait à sa mie des compU-

—nombreux BUe

mcuLs tiii^nbsp;• • ,7nbsp;. pet son vassal obéissant:

est sa domina, domimcella, dea, u est buu

Non est qui pulchritudine

Hanc vincat cui me debeo.

(Du Méril, op. laud., p. 235}.

Cui pre cunctis virginum

OU

même son servulus ou son prisonnier :

Audi queso servulum.
Es to mihi benigna.

(CJB. II9gt; 3)-

comme un troubadour, il prie sa bien-aimée à genou, d\'avoir pitié de lui =

Tibi cedo,
Flexus dedo
Poplitum.

Parce supplici.

. ■nbsp;sedere • Quid tu facis, domine, Veni mecum ludere (CB. 63, 3)

s STLquot; r;rd»quot; w.: ic,«,.»» ro.

3) Langlois, Sources du Roman de la Rose, p. 30.

-ocr page 63-

Subveni oranti.
Parce precanti
Diu ploranti
Sub tuo carcere.

(CB. 154, 3» 9)

Doit-on admettre que les vagants aient imité ici la poésie contemporaine des trouba-
dours, comme on a cru longtemps i) ? Ce ne semble guère vraisemblable après les recher-
ches de M.
Brinkmann, qui ont mis en lumière la priorité de cette idée dans la poesie
latine 2). Il se peut que les vagants l\'aient prise dans les épîtres d\'Hilarius, qui a écrit
surtout à la religieuse Rosea des vers fort courtois % et dont d\'autre part l\'influence

sur la poésie des vagants est attestéenbsp;, ,

En dernier lieu toute cette terminologie remonte à Ovide qui s\'était amusé a conferer
à la courtisane les mêmes titres honorifiques
{domina, mea lux) que Venantius Fortunatus
va appUquer à sainte Radégonde et qui se propageront dans la smte dans la htterature.
Le même auteur s\'est déclaré son
servus^) ou praeda^) et a proclamé déjà, soit pour
badiner, soit par galanterie, la supériorité de la femme à l\'égard de son amant :

Tu quoque me, mea lux, in quaslibet accipe leges.
Te decet in medio jura dedisse toro.

{Amoresy II, XVII, 23-24).

Si donc ces clercs, si fiers de leur clergie, s\'abaissent à des demonstrations d\'humilité
aussi marquées, c\'est probablement moins par respect pour les femmes courtisées que
parce qu\'ils se souviennent des paroles du maître, qui, citant l\'exemple donné par Hercule
lui-même, leur avait conseillé de ne pas se laisser retenir par une fierté déplacée de se
faire l\'esclave de leur belle

De même, loin d\'être de l\'avis de M. Sûssmilch, d\'après qui l\'habitude de voiler l\'identité
de la femme sous un de ces noms comme Flora, Corinna, Glycerium, Phyllis, Niobe,
etc., ne se comprend que quand il s\'agit de dames d\'un haut rang % nous croyons que
cette convention a pour cause moins la préoccupation de ménager leur réputation que
d\'afficher les connaissances littéraires des poètes®).

1)nbsp;Sûssmilch. op. laud., p. 44.

2)nbsp;op. laud., p. 51 et seq.

3)nbsp;Cum sis potens et benigna, sicut esse sentio ;
Nunc susmitto, virgo signa, me tuo servitio ;
Corpus meum et res meas, jam tibi subicio j
Me deffendas, et res eas, mea sis protect,

{éd. Champollion Figeac, p. 14).

4)nbsp;Brinkmann, op. laud., p. 54.

5)nbsp;Accipe, per longos tibi qui deserviat annos, {Amoves, I, III, 5).

6)nbsp;Atque utinam dominae mitis quoque praeda fuissem Formosae quoniam praeda futurus eram
{Amoves, II, XVII, 5—6).

7)nbsp;Ars, II, 211 eî seq.

8)nbsp;op. laud., p. 44.

9)nbsp;Ce n\'était pas par souci de la réputation d\'une amie qu\'Ovide s\'était servi d\'un nom fictif. A l\'en
croire les dames romaines elles-mêmes donnaient à entendre qu\'elles étaient le modèle de Corinne :

Novi aliquam, quae se circumferat esse Corinnam {Amores, II, XVII, 29).

-ocr page 64-

chansons

An cours de ce chapitre nous avons tâché d\'esquisser rapidement la poésie érotique

cLnsoi latines fottnent «ne P^éJnbsp;Tn^

signale par le même esprit et par les mêmes idees.

~nbsp;^ .r.nbsp;où il soit question de ce dernier sentiment se trouve

X) Le seul passage venu anbsp;^^^^^^.^.ours prononcé par la Vieille pour séduire Galathea :

dans lenbsp;et, chose remarquablenbsp;dans le^nbsp;Pnbsp;^^^

Exercet corda juvenum Venusnbsp;^^ticiamque fugit. Narraret nullus quantum Veneris

animos, dat largis, odit avaros, Letxciam seqm ur tns

valet usus ; Huic nisi parueris, rustica semper ens ^ea.

-ocr page 65-

chapitre v
Chansons de Druerie

I — Amour Courtois et Druerie

En dehors de la poésie de l\'amour courtois dont nous avons analysé les principes au
chapitre III, il y ^ effet encore d\'autres chansons françaises qui ont pu offrir des
modèles aux bardes gallois. On peut détacher de cette vaste production poétique du
^oyen âge toute une partie importante qui s\'approche par son esprit beaucoup plus
c la poésie latine des vagants que de l\'art des troubadours et de leurs imitateurs ; c\'est
ce k-là que nous voulons étudier dans ce chapitre et qu\'il importe d\'abord de déhmiter.

yn sait que la divison des genres en poésie populaire et en poésie courtoise a fait le
sujet de maintes études et que c\'est surtout à M. Jeanroy qu\'on doit une meilleure intelli-
gence de cette question controversée. Or, si nous séparons de la poésie de l\'amour courtois
^ant de pièces qui s\'en écartent nettement, d\'abord par d\'autres rapports entre les poètes
une^^^ ^^^^oire, puis par des relations différentes entre les sexes, et en conséquence par
e conception de l\'amour complètement distincte (c.à.d. par le sentiment que les trouba-
ne^^d
nbsp;drudaria, l\'amour sensuel i), la ligne de démarcation entre ces deux domai-

eUa ^nbsp;lyrique ne coïncide nullement avec la limite entre la poésie populaire

niaisnbsp;Les chansons de druerie embrassent la poésie populaire en entier,

par^l^^nbsp;temps une partie des genres qui ont été cultivés par les troubadours et

qu\'ellT^^ ^^^^^teurs. Car en effet, un des signes caractéristiques de ces chansons, c\'est
rentes^ été destinées à divertir des auditoires, appartenant à des couches bien diffé-
ment^a^ ^ société, qui s\'accordent en ceci que les femmes, sans en être exclues absolu-
delanbsp;occupaient pas cette place prépondérante qu\'elles tenaient dans les foyers

biennbsp;courtoise. Ceci était le cas dans beaucoup de cours seigneuriales du Nord aussi

Vagante^TT^^^ ^^^ milieux purement bourgeois et dans les lieux fréquentés par les clercs
Profo d \' ^^^^^ ^^^ cultivé surtout dans ces cours, comme la pastourelle, estimprégné
de l\'esprit qui y règne et dénonce par plusieurs traits cette origine (citons

op\\Judnbsp;Nonbsp;que no\'s cove (Bernard de Ventadour, éd. cit., 25, 49—5o).C/. Wechssier,

2)nbsp;Nour ^

factice, ^f^^andons au lecteur la permission de nous servir ici et dans la suite de ce terme un peu
qui ne\' sont cenbsp;consacré par l\'usage, pour désigner l\'ensemble de ces genres différents

heureusement fT\' ^^^ ^^^ présenter une certaine unité. Il nous semble pouvoir exprimer assez
inférieurquot; est ancie^ ^^^ Allemands rendent par „Dichtung der niederen Minnequot;. Le terme „amour
courtois (tertz^^^^^\' ^^ ^^^nbsp;^ ^ l\'inconvénient de pouvoir embrasser à la rigueur aussi l\'amour

3)nbsp;V Ué^Ailnbsp;^^ Guilhem Montanhagol et de Guiraut Riquier).

• eaier. Les Fabliaux, p. 378 et seq.

-ocr page 66-

siidement le mépris du vBam) ; sous ce pd^e vue, on doit le considérer comme un
gen^S la poésie courtoise. D\'autre part, ne s\'adaptant nuUement au. --genc« du
Sût féminin, U échappe, notamment dans la conception de l\'amour qm Im est propre,
Inbsp;e la thé\'oL de l\'amour courtois. Nous constatons donc que ce terme co^

Lêl, admis comme e.ceUent par M. Jeanroy pourra prêter ^nbsp;™

Parerons donc à nous servir du mot aristocratiçue pour désigner les chansons de druergt;e

cultivées surtout dans les salles des châteaux

(Cant au second des traits caractéristiques de toute cette htterature que nous jns
inS déjà succinctement, les femmes qui en font
l\'objet sont tout au plus du meme
C que lis poètes e. très souvent elles appartiennent à une
classe mfeneure. Pour
n^s servir des termes de Guillaume IX, ce sont des
amiguas et non des damnas, ou en
français des
drues et non des dames

quot; sXc lUour fait également le sujet de ces pièces, les femmes
ment ne prennent pas place parmi le public qui les écouté : les poetes parlent d elles
Tnl îeur adressent pas directement la parole. Aussi l\'allure du style de cette poesre ne
peuTpas être la même que ceUe des chansons des troubadours. Les ventures ga ntes,
SdtéL en l\'absence des héroïnes, demandent par leur nature même un style plutôt narratif

dZ ces circonstances, d\'après le point de vue où se place »
trouvent être toutes désignées pour divertir les m.he« peu délicats qui, s Us ne mepnsent
pas Ouvertement la femme comme source de tous les maux, ne l\'estiment lt;1-^
^SuLment pour l\'homme. Il peut égayer son auditoire en racontant un conte d amour
rutTse fa!t simplement le rapporteur; c\'est le cas pour presque
tous es fabliaux

f\'attribuê le rôle principal dans l\'aventure qu\'il relate, c.a.d. dans le gab la glo\'^quot;quot;
tion de ses bonnes forLes pour l\'amusement de ses compagnons. On se rend compte
Tpe^ de dïïamp;ence entre ces deux types, et en effet, l\'œuvre de Guillaume IX nous
2e Sià un exemple de la faciUté dont un conte amoureux répandu P-t devemr un
gab da^s les mains d\'un poète encore plus indiscret qu\'imagmatif e). Aussi, si le gab
pur est à peine représenté dans les textes, nous verrons que c\'est a ce type que la plupart
des genres de druerie se laisent ramener.nbsp;^nbsp;„ •

■^^Zs ne nous dissi^;^ ni 1. «

ra\'rn\'i;r:itrdunbsp;-It f^ dépouiUer et . l\'absence d\'une

I) Mgines, P-nbsp;Wechssler emploie le terme ritterliches Liebeslied dont la traduction aurait

r—^de^ar.nbsp;unnbsp;non av«. . des as,„cia.ons d\'id..

précisément contraires à ce qu\'il doit

st/S—\'.rvli.: d?Lse„a,ion de G..,on Par.nbsp;«nbsp;^^ ^

. „ - J- „ nous contmuerons a nous servir de ce terme
qu\'on fera et non à ce qu\'on a tait
{Urig., p. 155

qui nous semble à présent admis par la critique.
6)
éd. Jeanroy, p. xvi.

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étude d\'ensemble du genre de celles que nous avons utilisées dans les chapitres précédents.
La poésie inspirée par l\'amour courtois, dont l\'unité saute aux yeux, a été étudiée dans
son ensemble maintes fois, mais les chansons qui nous intéressent ici, n\'étant pas malgré
la similitude d\'idées sur la femme et sur l\'amour des produits d\'un seul courant littéraire,
n ont pas encore été jugées dignes d\'un travail pareil. M. Jeanroy a traité dans son beau
livre quelques-uns de ces genres, il est vrai, mais en les examinant d\'un tout autre point
de vue. Le second volume de cet autre ouvrage fondamental, du
Kulturproblem de
M. Wechssler, qui nous aurait rendu ici des services aussi inestimables que le premier l\'a
fait pour la rédaction du chapitre III, paraît être resté inachevé. Aussi devons-nous
nous contenter des rares données que nous avons pu rassembler nous-mêmes sur cette
poésie qui nous semble avoir joué au lointain Pays de Galles un rôle beaucoup plus impor-
tant que celle des troubadours.

II — Les gabeurs nobles

Nous avons constaté déjà que dès le commencement de l\'art des troubadours plus
nn seigneur du plus haut rang s\'est complu à imiter, comme amateur une poésie qui
îomssait d\'une telle vogue dans les milieux cultivés. Pourtant il n\'en est pas moins vrai
qn au fond i ien ne correspond moins au goût et à la conception de la vie des chevaliers,
trop accoutumés aux conquêtes faciles pour pouvoir persister dans le ton humble et
suppliant qui convient aux panégyristes professionnels Qui s\'étonnerait donc que
ces troubadours nobles laissent si souvent le ton courtois et semblent avoir oublié parfois
complètement qu\'ils n\'adressent pas la parole à ces Sarrasines éhontées, toujours prêtes
se jeter au cou du premier chevalier venu s\'il faut en croire les chansons de geste,
^^XT^^ plus humbles de leurs confrères pèchent quelquefois sur ce point ?

e nous faisons pas une idée trop haute ni du ton de la conversation familière de ces
Ci evahers, hors des „chambres des damesquot;, ni de leur discrétion. Parmi les griefs bien
n^oreux que l\'amante du clerc formule contre les chevaliers, dans les Altercations,
reproche d\'ignorance dans l\'art d\'aimer ainsi que l\'inculpation d\'inconstance ne sont
celui^^nbsp;Les autres points d\'accusation varient dans les versions, mais de ceux-là

/ revient le plus souvent, c\'est de manquer complètement de discrétion, ce qui les
celles^ ^ vanter publiquement des faveurs qu\'ils ont reçues et à se moquer même de
qui ont eu la naïveté d\'avoir confiance en leur honnêteté :

Militum noticia displicet, et gratia,

Quibus inest levitas, et stulta garrulitas ;

Gaudent maledicere, secretum detegere

E quant il sunt ensemble assis
Les chivalers de grant pris.
S\'il comencent a parler.
Dune se weulent avaunter
Chescune a autre de sa amie.
E descovrir tout lur druerie

^^ M^r ^ ^^nbsp;vs. 152—154 (Oulmont, Les Débats du Clerc et du Chevalier, p. 98).

3; Mehor et Ydoirie, vs. 311-316 (Ibid., p. 193).

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Citons après ces exemples latin et français encore une chanson flamande d\'une date
postérieure qui nous raconte la punition du gabeur. Un reître se vante dans une taverne
devant ses compagnons du bon accueil qu\'il trouve auprès de sa mie ; malheureusement
ses fanfaronnades sont écoutées par la belle qui se venge la même nuit en lui refusant sa
porte quand il se présente sous sa fenêtre et la supplie de l\'admettre i). Ce menie therne
de l\'indiscret puni fait le sujet d\'une chanson populaire recueilUe par M. V. Smith

De tous ces passages cités le texte anglo-normand avec la scène des chevaliers se reunis-
sant pour gaber nous semble encore le plus intéressant; on y voit comment peuvent
naître dans un pareil milieu les gabs amoureux poétisés dont le
Pèlerinage de Charlemagne^
nous offre un exemple si frappant. On aurait tort à supposer que le pauvre diable qui
composait ce poème héroï-comique ne prétendît écrire qu\'une parodie sans contact aucun
avec la réalité. Tout au contraire porte à croire qu\'il a donné dans la fameuse scene des
gabs une description assez exacte des
passe-temps ordinaires de ses nobles contemporains,
et parmi ceux-là il y a du moins un seul dont quelques gabs amoureux nous ont ete con-
servés : c\'est Guillaume IX, comte de Poitou et duc d\'Aqmtaine.

Depuis longtemps, on a mis en évidence que l\'œuvre de ce premier en date des trouba-
dours connus se divise en deux groupes bien distincts, le premier formé par quelques
chansons écrites dans un style courtois et parfois même très délicat, le second contenant
des pièces d\'inspiration sensuelle. Ce caractère double du poète ne semble pas etre échappé
à son ancien biographe qui le signale brièvement«). L\'explication de ce fait cependant
est fort simple et dès le début la critique s\'en est rendu compte : c est que ses chansons
courtoises ont été composées pour les dames elles-mêmes qui les inspiraient, tandis que
les autres étaient destinées à divertir ses compagnons d\'armes, quil parait avoir amuses
follement avec ses plaisanteries énormes En effet, dans trois de ces pieces il se sert

du mot companho pour leur adresser la parole. ^ , . ^nbsp;^ ,nbsp;,

Or, toutes condamnables que ces poésies puissent etre du pomt de vue de la morale,
elles sont extrêmement précieuses comme spécimens du gab pur Le no. V
{Farat pas
mi somelh)
représente le mieux ce type, mais les no. VI {Ben vuelh que sapchon h plusor)
et I {Companho, faray un vers covinen), ceux-là aussi des souvenirs plus ou moins sinceres
de ses avLtures pendant les courses
per enganar las domnas, débités pour faire rire ses
compagnons de débauches, contiennent également des elements du gab. Enfin, JVIM. Pio
Rajna, Gaston Paris et Jeanroy ont supposé qu\'on peut conclure de que ques passages
de sa biographie à l\'existence d\'autres gabs de ce noble jongleur, malheureusement

^ Mds\'si Guillaume est le plus renommé des gabeurs, il est bien sûr qu\'il n\'a pas été
le seul des troubadours nobles qui dans une compagnie joyeuse ait manqué à la discretion,
cette vertu cardinale du code courtois. Ni Rambaut d\'Orange, m Guilhem de Saint-

i) Willems, Oudvlaemsche liederen, p. 189.

VieiUes chansons, recueillies en Velay et en Forez (Rom., vol VU, p. 54).

3)nbsp;Lo corns de Peitieus si fo uns dels majors cortes del mon, e dels majors tnchadors de dompnas

{Biographies, éd. cit., p. 6).nbsp;, vt t vttt

4)nbsp;Cf. Appel, Bernart von Ventadorn, p. LAI—

s-) Rom t VI, p. 249 ; Gaston Paris, Orig., p. 29 J éd. Jeanroy, p. ix.

A la vérité,\'ces anecdotes ne se trouvent pas dans la biographie, mais dans le récit de Guillaume de
Malmesbury
(Biogr., éd. cit., p. 6).

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Didier n\'ont tu devant leurs compagnons leurs avantures galantes, et dans une sphère
plus humble, un autre troubadour ancien, le peintre Bernard Martin, a égayé les siens
avec des réflexions rien moins que courtoises sur les femmes et l\'amour i). Devrait-on
ajouter foi à la biographie de Peire Vidal, celui-là aurait dû payer cher son goût indompté
pour les fanfaronnades amoureuses 2). Renonçons au plaisir d\'augmenter le nombre de
ces exemples pour nous borner à mentionner le fait curieux que presque deux siècles après
Guillaume, tout à la fin de la période de la poésie provençalisante, à la frontière diamétrale-
ment opposée de la France, vivait un autre prince poète, Jean I de Brabant, dont un
chroniqueur a dessiné un portrait qui correspond jusque dans les moindres détails avec
celui du premier des troubadours. Si Guillaume excellait dans le guerre le vainqueur
de la bataille de Woeringen ne lui cédait pas en courage et le surpassait de beaucoup

en capacités : dux militiae, Leo dictus et deus armorum...... miles erat tantus quod nescio

dicere quantus. En même temps, il égalait le fameux trichador de dompnas au service de

Vénus : Veneris dilexerat ictus, jostator hellis fuit ac domicellis...... multigamus fuit, hinc

pueros plures generavit. Enfin, si le prince méridional se plaisait à exercer le métier des
jongleurs et des bouffons % le duc de Brabant ne jugeait pas non plus ces plaisanteries
au-dessous de sa dignité:
se dominis, famulis, goliardis equiparavit; marchio, garcio,
minus et histrio myverat esse et joculator
s). Il est vrai cependant que les chansons de ce
dernier, conservées en allemand dans une forme remaniée, sont toutes écrites dans un
style provençalisant impeccable et que sa pastourelle même est assez décente; les
paroles du chroniqueur et la réputation que ce prince jovial laissait après sa mort justifient
cependant la supposition qu\'il s\'est essayé aussi à l\'autre genre.

Pour cette société de nobles poètes et de pauvres jongleurs qui jouissaient de leur
protection et s\'adaptaient à leur goût, un genre se trouvait être tout désigné si elle cher-
chait une forme poétique pour „donner libre-cours à la verve grossière qui sommeillait
dans chacun de ses membres, et qui eût souffert d\'être trop longtemps refoulée\'\' % Si
le gab tout pur est excessivement rare, la pastourelle, dont il constitue un des éléments
principaux est une des formes traditionnelles que la vanterie amoureuse a revêtue
pendant plus d\'un siècle et dans laquelle ces „finsquot; amants se sont montrés sous leurs
véritables traits. Quelles que soient les origines de ce genre très répandu, populaires selon
Gaston Paris, latines d\'après M. Faral, le type représenté dans la plupart des pièces du
Hord de la France n\'est rien moins qu\'une idylle rustique et sentimentale composée pour
satisfaire l\'esprit blasé de surcivilisés.

C\'est encore dans cette rubrique que nous faisons rentrer l\'aube, dont M. Jeanroy

1)nbsp;Appel, Bernart von Ventadorn, p. LXIII.

2)nbsp;e fo vers que us cavaliers de San Gili li fetz talhar la lenga, per so qu\'el dava ad entendre qu\'el
era drutz de sa molher
{Biogr., éd. cit., p. 64).

3)nbsp;hic audax fuit et probus. (Ordéric Vital, cité par Chabaneau, Biogr., p. 6).

4)nbsp;nimiumque jocundus, facetos histriones etiam facetiis superans multiplicibus (Id., Ibid., p. 6).
nugas porro suas falsa quadam venustate condiens, ad facetias revocabat ; audientium rictus

cachinno distendens (Guill. de JWalmesbury, Ibid., p. 6).

5)nbsp;Chronicon de Jean de Thilrode (Monumenta, t. XXV, p. 577), cité par Te mnkd,Ontwikkelings-
gang der Nederlandsche Letterkunde,
t. I, p. 431.

6)nbsp;Origines, p, 41.

7)nbsp;Ihid., p. 18.

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a démontré clairement le caractère aristocratique i). Il est vrai que ce genre se distingue
favorablement de la pastourelle, cynique et grossière le plus souvent, par le thème très
poétique et par la façon déHcate dont la situation est indiquée ; cela n\'empêche pas que
par cette situation même, qui comprend implicitement l\'acquiescement par la femme
aux désirs de son amant, l\'aube doit être considérée comme un véritable genre de
druene,
tandis que du reste plusieurs pièces se rapprochent par le prologue narratif de la pastourelle
et du gab. Cette remarque s\'applique encore avec plus de raison à la
sérénade; „la
chanson d\'amour et de prière que l\'amant vient chanter le soir sous les fenêtres de son
amante, en la suppliant de lui ouvrir sa porte ou du moins de lui accorder un mot ou un
regardquot; % De ce genre l\'ancienne poésie française ne nous fournit pas de spécimens ;
il est cependant certain que cette coutume n\'était pas inconnue en France, ni au moyen
âge, ni plus tard. Depuis le XVe siècle, les exemples ne manquent pas, tandis que les recueUs
modernes de chansons populaires nous offrent beaucoup d\'autres pièces de ce type.
A vrai dire, celles-ci ne sont pas des sérénades toutes pures, et revêtent encore souvent
la forme narrative du gab : dans la strophe initiale l\'amant nous apprend qu\'il se rend
le soir à la maison de sa mie, ensuite il raconte le dialogue avec la jeune fiUe qui se montre
souvent peu accueillante. Le dénouement varie dans les pièces ; parfois l\'amant se retire

découragé.

III — Le lyrisme bourgeois

La sérénade qui ne saurait être séparée de l\'aube, mais qui à vrai dire n\'a rien de
spécifiquement aristocratique nous sert de transition au lyrisme bourgeois. Sous cette
dénomination nous voulons réunir certains genres qui ont été cultivés surtout dans les
communes et qui ne présentent pas les traits que nous croyons plutôt propres à la poésie
goûtée par les seigneurs ou par les clercs vagants ; cependant il est évident qu\'il ne faut
pas attacher une importance exagérée à une ligne de démarcation tracée toujours un
peu arbitrairement. On sait qu\'au moyen âge aucun genre littéraire ne restait limité à
une seule classe de la société : l\'art des troubadours pénétrait dans les villes opulentes
de Picardie et de Flandre tandis que les fabliaux n\'étaient pas de nature à déplaire dans
les salles des châteaux. D\'autre part, les clercs prenaient une part active à la rédaction
de ces contes gras qu\'on a cru longtemps la propriété de la classe bourgeoise, et c\'est
encore à un clerc qu\'on doit la continuation du
Roman de la Rose, ce reflet fidèle des
idées et des tendances qui vivaient dans la bourgeoisie de la fin du XlIIe siècle.

Comme un de ces genres dont le caractère aristocratique ou bourgeois pourrait être
sujet de discussion, mais dont la conception
non-courtoise de l\'amour n\'est pas douteuse,
nous considérons la „chanson de personnagesquot;, et surtout celle de
malmariée.

La démonstration de cette dernière assertion ne nous donnera pas beaucoup de peine.
Remarquons tout d\'abord que les plaintes de la malmariée nous sont racontées par le
trouvère comme une scène burlesque dont il a été témoin, et parfois un témoin bien
intéressé. Dans ce cas il donne à entendre qu\'il avait voulu jouer le rôle de consolateur ;
il est clair que les pièces de ce type sont apparentées étroitement au gab. D\'ailleurs,

1)nbsp;Origines, p. 76.

2)nbsp;Ibid., p. 145.

3)nbsp;Bartsch, Ramanzen und Pastourellen, l, 49gt; 68, 69.

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les héroïnes de ces chansons, toujours maltraitées par des maris peu aimables qui les
soupçonnent, non à tort, de s\'abandonner de bon cœur aux caresses de leurs amis dès
qu\' elles peuvent saisir l\'occasion, ne ressemblent en rien aux dames hautaines et impassi-
bles chantées par les troubadours ; aussi les poètes ne les respectent pas plus que les
bergères.

Si donc la place que nous faisons à la chanson de malmariée dans ce chapitre nous
semble assez justifiée, nous avons encore à exposer les raisons qui nous amenaient à la
comprendre dans la rubrique de poésie bourgeoise. Car, en effet on ne pourrait nier que
la plupart des pièces imprimées dans le recueil de Bartsch sont empreintes de l\'esprit
aristocratique : le poète se présente souvent comme un chevalier, et le mépris du mariage
que les femmes professent si ouvertement doit certainement être mis sur le compte
du dogme mondain de l\'incompatibilité de l\'amour avec le mariage. Tout de même, nous
croyons que dans cette forme outrée, ces chansons ne sont que l\'adaptation au goût des
chevaliers d\'un genre qui est éminemment populaire. Sur ce point-ci l\'opinion de Gaston
Paris, qui les considérait comme une „modification jongleresquequot; des chansons de danse
du printemps nous semble préférable à l\'idée, soutenue par M. Jeanroy, que la chanson
de malmariée ne serait qu\'une évolution de la pastourelle Les chansons en question ne
sont pas rares ni dans l\'œuvre d\'Eustache Deschamps ce poète qui nous apparaît
dans sa poésie souvent très personnelle, malgré ses relations avec la cour, comme un
bourgeois pur sang quant à l\'esprit et au goût, ni dans les chansonniers français et flamands
du XVe siècle % ni sourtout dans les recueils modernes de poésie populaire où elles pren-
nent même une place très importante. Est-ce que tout cela serait dû à l\'infiltration d\'idées
propres à la poésie aristocratique dans la poésie du peuple ? Quant à nous, nous ne pouvons
nous défendre de l\'impression que M. Jeanroy a de cette dernière une opinion bien favo-
rable 5). Si vraiment dans la poésie populaire les idées sur le mariage étaient aussi rigoureu-
ses, on s\'explique mal pourquoi les frivolités immorales d\'une autre classe y auraient
trouvé un accueil si enthousiaste dans toutes les provinces. Il nous semble au contraire
que les chansons de malmariée dénoncent par ceci même leur origine qu\'avec la précision
qui est le propre des genres populaires elles sont restées tout près de la réalité. Quoi de
plus banal en effet que ces confidences entre commères qui se plaisent à faire des gorges
chaudes aux dépens de leurs maris, querelleurs ou buveurs, brutes jalouses ou infidèles,
selon les circonstances et le degré d\'expansion du moment ! Ce n\'est pas par pur hasard
que les auteurs de plusieurs de ces chansons ont prêté ces lamentations à deux femmes
dont ils disent avoir écouté l\'entretien «). Erasme n\'était rien moins qu\'un imitateur des
genres médiévaux, et ses
Colloques familiers font toujours l\'impression d\'être pris ^ sur
le vif ; pourtant son
Uxor mempsigamos est une figure qui pourrait être sortie d\'une

1)nbsp;Orig., p, 12,

2)nbsp;Origines, p. 91.

3)nbsp;Balades DCCCCLIII, MCCXXXII, MCCCCLXXIII.

4)nbsp;Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, no. CXVIII, CXIX, CXXI. Gasté, Chansons normandes,
no. XXVII. AL., no. XXVI, LXXXV. Parnasse Satyrique, no. CXVI.

5)nbsp;„Le mariage lui-même est respecté dans les chansons vraiment populaires, il est même considéré
sous l\'aspect le plus austère, souvent le plus tristequot;
{Origines, p. 154)- »la poésie vraiment populaire
en effet... repose toujours... sur un fond de sentiments honnêtes... si elle montre le ridicule et bas des
choses, elle ne prêche pas la révoltequot;
{Ibid., p. 155).

6)nbsp;Bartsch, op. laud., I, 36, 47, 48, 67.

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chanson de malmariée i). Les jongleurs, toujours mauvaises langues, ont pu prêter à
leurs interlocutrices des paroles et des plaintes qui dépassaient en impudence leurs plus
intimes épanchements, nous n\'en doutons pas, mais les jeunes filles ne s\'expriment pas
toujours avec beaucoup plus de pruderie dans beaucoup de chansons que M. Jeanroy
ne fait pas de difficulté à comprendre dans la poésie populaire

Nous avons remarqué déjà que dans les villes du Nord de la France et de la Flandre
la poésie était cultivée avec enthousiasme et restait longtemps fidèle à ses origines.
Tout de même, ces trouvères bourgeois ne tardèrent pas à mettre d\'accord avec leur
propre mentalité ces idées qui au fond n\'étaient ni de leur sphère ni de leur intelligence.
ColinMuset est certainement le plus intéressant de ces innovateurs peut-être inconscients
de la poésie provençalisante et ses chansons, connues depuis longtemps, présentent quel-
ques exemples curieux de cette poésie courtoise évoluée, dans lesquels l\'amour est associé
étrangement aux plaisirs de la bonne chère Depuis JVIM. Jeanroy et Lkgfors ont
publié quelques pièces caractérisées par la même particularité et attribuées pour cette

raison par les éditeurs au même trouvère

L\'exemple le plus frappant cependant de ce qu\'un sujet purement courtois pouvait
devenir entre les mains d\'un bourgeois nous semble la seconde partie du
Roman de la
Rose.
Jean deMeun désavoue l\'amour courtois et tout en traitant en son cours à l\'Amant
l\'amour céleste et l\'amour naturel, Raison, qu\'on peut considérer sans aucun doute
comme l\'organe des pensées de l\'auteur, passe sous silence, avec un haussement d\'épaules,
les idées illusoires auxquelles son élève ne peut pas s\'arracher, pour lui faire un large
exposé du sentiment qui n\'est autre que l\'amour charnel, la druerie authentique %

Cependant, si les poètes des puys ne mettaient que timidement la poésie courtoise
d\'accord avec leur propre esprit positief, narquois et sensuel, ils se montraient assez
innovateurs pour créer un genre qui répondait plus à leurs besoins. C\'est de la
sotte
chanson
que nous voulons parler, genre qui est d\'après la définition de Gaston Paris :
„la parodie souvent plate et ordinairement grossière, des chansons d\'amourquot; % „Aux
poésies conventionnelles où les poètes „courtoisquot; célèbrent les charmes et les vertus de
leur dame on s\'amuse à opposer des amours avec les créatures les plus hideuses ou les
plus abjectesquot; En effet c\'est une autre forme du gab dont elle présente tous les traits
distinctifs : le récit d\'une aventure galante, la femme méprisable et au fond bien méprisée
par son amant, et l\'amour sensuel, souvent bestial même.
Malheureusement, les textes sont rares, surtout dans les temps anciens. Hécard a

1)nbsp;V. p. ±.

2)nbsp;Cf. Origines, p. 215.

3)nbsp;De Nicolae Museto, no. I, IV, IX, X.

4)nbsp;Chansons satiriques et bachiques du XlIIe siècle, no. XXXIX, XL, XLI. La dernière pièce a été

publiée déjà par M. Jeanroy, Origines, p. 504-

5)nbsp;Amour, se bien sui apensee. C\'est maladie de pensee Entre deus persones annexe Franches entre
eus, de divers sexe. Venant aus genz par ardeur nee. De vision desordenee. Pour acoler et pour baisier. Pour
aus charnelment aaisier. Amanz autre chose n\'entent, Ainz s\'art et se dehte en tant
(Rose, vs. 4377—
4386 ; vol. II, p. 216).

6)nbsp;Esquisse Historique, p. 180.

7)nbsp;Gaston Paris, François Villon, p. 108.

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publié trois de ces sottes chansons couronnées au puy de Valenciennes, qui selon Dinaux
remontent au XlIIe siècle mais ces pièces, probablement mal éditées, sont assez difficiles
à comprendre. Au XlVe siècle l\'œuvre énorme d\'Eustache Deschamps nous offre quel-
ques exemples qui se distinguent par un ton aussi grossier et par la même prédilection
pour les situations obscènes Avant lui, Guillaume de Machaut, quoique un vrai poète
de cour, dont les chansons amoureuses sont en général d\'une fadeur écœurante, s\'était
déjà essayé au même genre Mais depuis le commencement du XVe siècle celui-ci
est représenté par un grand nombre de pièces du MS. 1719 de la Bibl. Nat., publié en
partie par Marcel Schwöb et dans l\'œuvre de Villon par la ballade mal famée de la
grosse Margot. Avec l\'introduction de l\'imprimerie en France leur nombre augmente
encore et on en trouve plusieurs dans la collection de Montaiglon. Aussi semble-t~il permis
de croire que ces chansons légères ont toujours été bien nombreuses, mais qu\'en général
on ne les a pas jugées assez importantes pout mériter l\'honneur d\'être déposées sur le
parchemin. Ajoutons que ce genre s\'est répandu aussi dans les foyers de la poésie bour-
geoise du Midi et de la Flandre. Les
Leys contiennent une porquiera, forme évoluée de
la pastourelle qui s\'en distingue par le portrait grotesque de la bergère tandis que
l\'auteur d\'une pièce d\'un manuscrit en langue flamande du XlVe siècle nous raconte
son aventure avec une jeune fille qui lui avait plû à la première vue, mais qui se trouva
être boiteuse et privée d\'une oreille Dans les recueils flamands postérieurs, tels que
le
Chansonnier d\'Anvers^ les chansons de cette nature tiennent encore une place impor-
tante.

IV — Les clercs vagants vers la fin du moyen âge

Après avoir passé rapidement en revue dans les pages précédentes les genres lyriques
d\'inspiration sensuelle destinés à plaire aux habitants des châteaux et des villes, nous
voulons consacrer une partie de ce chapitre à la poésie française d\'une autre couche
de la société. C\'est ici le lieu propre pour revenir à ces clercs vagants que nous avons
quittés au chapitre précédent au moment où, découragés par les persécutions et par la perte
de leurs protecteurs ordinaires, ils se virent forcés à renoncer à leur principal titre de
gloire, la poésie latine. Nous annoncions alors notre intention de démontrer plus tard
que ce fait ne les empêchait pas de continuer à chanter leurs amours passagers en langue
vulgaire, et dans l\'espoir que les résultats modestes de nos lectures amèneront un jour
un auteur plus compétent à les compléter, nous allons réunir ici quelques témoignages
disséminés qui jettent déjà un peu de lueur sur cette poésie des vagants de la
décadence

Celle-ci est en vérité encore plus internationale que la poésie latine de leurs devanciers.

1)nbsp;Trouvères, jongleurs et ménéstrels, t. IV, p. 396.

2)nbsp;p. ex. les balades, DCCCCXXVI, MLXVII.

3)nbsp;éd. Chichmaref, t. II, p. 637.

4)nbsp;Le Parnasse Satyrique du ^Fe Siècle.

5)nbsp;Leys, éd. cit., t. I, p. 256.

6)nbsp;Oudvlaemsche Liederen en andere Gedichten, t. I, p. 71.

7)

-^■^^oiuumscne L.ieaeren en andere UedtcMen, t. 1, p. 71.

La question a été examinée déjà succinctement par Hubatsch, op. laud., p. 96 et seq, ; Bédier

mv. THnbsp;______ T-,_____.nbsp;»T.T-7Tnbsp;IIT -^, ___

Pabltaux, p. 389 et seq. ƒ Frantzen, Neophilologus, vol. V, p. 76 et seq

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chansons de druerie

5° ___________—----

En AUemagne on les voit composer de très bonne heure des chansons bilingues ou entière-
ment en langue vulgaire (peut-être les chansons allemandes des
Carmina Burana appar-
tiennent aux mêmes auteurs que les célèbres pièces latines de cette collection) et au
XlVe siècle un clerc d\'Aix-la-Chapelle nous a laissé un petit recueil de chansons dans
les deux langues i). Il est vrai que ces pièces ne sont pas d\'inspiration amoureuse. Au
même siècle appartient le poème allemand de Jean de Nuremberg,
De vita vagorum,
écrit dans la forme traditionnelle d\'une confession :

Nu höret ein fremdes mere
Von mir wilden schulere

Quant aux clercs anglais, ils ne sont pas seulement les auteurs des chansons assez cour-
toises du MS. Harley 2253, mais il leur faut attribuer aussi le fabhau de
Dame Sinz,

qui est imbu d\'un tout autre esprit.

Il est moins connu que les pays celtiques ont eu également leurs clercs errants. Nous
ne nous arrêterons pas ici à l\'œuvre de Dafydd ab Gwüym et de ses contemporains, a
qui ce terme convient à merveille. Mais en Irlande Richard Ledrede, évêque d\'Ossory,
nous a laissé un témoignage précieux sur les chansons françaises et anglaises,
cantilenae
teatrales, turpes et seculares,
par lesqueUes son clergé le scandalisait^). Et en un temps
plus récent la poésie bretonne, qui fait une large place aux amours malheureux mais tendres
en général des jeunes séminaristes
(kloarek), connaît aussi fort bien le type du religieux
défroqué et de l\'étudiant raté. Les crimes et la punition de deux moines, ravisseurs et
meurtriers de jeunes filles, font le sujet d\'une des plus lugubres des Gwerziou tandis
qu\'un autre de ces libertins confesse ses étourderies dans une
Gwerz qm rappelle vivement
le poème célèbre de l\'Archipoète :

Ma zad, ma mamm ho defoa made.
Ma c\'hasas da Wengam d\'ar skolio.

Na en Gwengam hag en sant Briek,
En Landreger me\'m boa studiet.

En Landreger me \'m boa studiet
Ha pemp kant skoed eno \'m boa foetet.

Pa \'c\'h ee ar gloer ail da studia,
Hec\'h een-me d\'ann davarn da eva j

Da eva gwinn, kanjoli merc\'hed,
Setu eno dever ar c\'hloarek.

1)nbsp;Id., Neophilologus, vol. VI, p. 130 et seq.

2)nbsp;Hubatsch, op. laud., p. 98 ; Frantzen, Neophilologus, vol. V, p. 77-

3)nbsp;RC., vol. XXXVIII, p. 234 ; Ddnta Grâdha\\ p. xv.

4)nbsp;Ann dou Vanac\'h hag ar Plac\'hik iaouank, Gwerziou, 1.1, p. 272. Hersart de la Vxllemarqu: avait
transformé ces malfaiteurs en templiers {Ann tri Manac\'h ruz, Barzaz Breîz (1923), P- 184)-

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Na kousket en noz war ar pave
Da gaout kann, blasfemi Doue ;

Ha dispign m ado, heb konsians
O tarempred ar bal hag ann dans.

„Mon père et ma mère avaient du bien Et ils m\'envoyèrent à Guingamp aux écoles. A Guingamp
et à Saint-Brieuc Et à Tréguier j\'avais étudié
(bis). Et j\'y avais dépensé cinq cents écus.
Quand les autres clercs allaient à l\'étude. Moi, j\'allais boire à la taverne ; Boire du vin, caresser
les filles. Voilà le devoir du clerc. Puis coucher la nuit sur le pavé. Se battre, offenser Dieu.
Et dispenser le bien sans remors En fréquentant le bal et la dansequot;
(Olier Hamon, Gzversiou,
t. II, p. 292 et seq.).

Les vagants n\'ont pas non plus manqué dans les rangs des poètes érotiques français.
On sait qu\'un nombre considérable des troubadours appartenait au clergé, et à qui con-
viendrait ce terme mieux qu\'à cet Adam de la Halle qui allait étudier à Paris et mourir
au royaume de Naples vers 1288, si du moins, quelque vingt années après, il ne passait
pas la mer pour illustrer les fêtes de la cour de Londres i). Toutefois ce n\'est pas à ces
poètes plus ou moins courtois que nous pensons en premier lieu. La littérature française
nous fait connaître aussi le type de l\'étudiant raté et engagé dans les mauvaises com-
pagnies, si bien connu en Allemagne sous le nom de „wilde Scbûlerquot;. Un de ces mauvais
sujets était sans doute ce
cîers Golias qui volt roher s^ahdie :

Jadis ot un clerc en Egypte
Que l\'en apeloit lechefrite.
Pour ce que lechierres estoit ;
Du main jusqu\'au soir se boutoit
En tavernes li gouliars.
As biaus morsiaus et as hasars.
A son lechois tant entendi.
Que quanqu\'il ot i despendi.
Si que ne sot ne ne pot vivre
Ne sa lecher ie par sui vre

(Méon, Nouveau Recueil de Fa-
bliaux et de Contes,
t. II, p. 449)-

I^ans un autre conte du même recueil il est question d\'un ermite qui sur l\'instigation
du diable s\'est fait
cler{s) gouliardoiz :

En tavernes et en lechois
Estoit et la nuit et le jor.
N\'avoit cure d\'autre labor

{Ibid., t. II, p. 386).

C\'est sans doute aux clercs de ce type qu\'il faut attribuer une quantité importante
des fabliaux, et il y a longtemps déjà que M. Bédier a rapproché ces auteurs de la
jjFamille de Goliasquot; 2). Du reste, les chansons de druerie dont nous avons parlé jusqu\'ici

i) Chambers, Mediaeval Stage, t. I, p. 47 ; Faral, Les Jongleurs en France, p. 95-
2quot;)
Fabliaux , p. 389 et seq.

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dans ce chapitre ne sortaient pas toutes de mains laïques. Il y a lieu de douter sérieusement
que ces clercs, dont la discrétion est louée si hautement dans le
Débat de Melior etd Ydotne )
aient été en réalité des amants plus dignes de confiance que leurs nobles rivaux, et le
témoignage de Gautier de Coincy les dénonce comme auteurs de sottes chansons :

Chant Robins de rabardeles.
Chant li sos des sotes.
Mais tu, clers, qui chantes d\'eles.
Certes tu rasotes.

(Bartsch, op. laud,, p. xin).

Même les monuments de leur activité littéraire ne nous font pas complètement défaut,
et il vraiment frappant de constater combien ces textes se rattachent étroitement aux
genres latins des siècles précédents. Comme suite aux
Potatoria et aux parodies latines
nous avons le
Patrenostre aux Goliardois et le Laetabundus en latin macaromque signales
déjà par M Bédier. Plus intéressantes encore sont les pièces qu\'on peut comparer a la
Confession de l\'Archipoète. C\'est
notamment le curieux Département des Livres, confession
burlesque d\'un moine vagabondant qui avait dispersé avec une parfaite placidité la
plus riche des bibliothèques aux quatre coins de la France. Commençant par se defaire
Lcessivement de tous ses Hvres sacrés, il avait vendu, bu au vin ou joué ses autems
profanes, y compris „Ovide le grantquot;, avec la même sérénité, et i^mt son récit bouffon
L priant son public
reconnaissant de l\'indemniser de ces pertes. Par l\'etourderie enjouee
qui en est le motif conducteur, cette pièce égale les meilleures poesies latines C est
sans doute aussi à un goliardois qu\'on doit le dit amusant
Des Fames, des Dez et de la
Taverne,
écrit moitié en français, moitié en latin :

II n\'a homme an eet monde, tant soit ditissimus.
Se de femes servir soit ferventissimus.
Taverne et gen de dez, soit en certissimus,
C\'an la fin ne soit povres atque miserrimus.
Alea, vina, Venus, tribus his sum factus egenus

Et la chanson A definement d\'esteit provient probablement du même müieu :

Ribaudie m\'ait costeit
Et geteit de mon osteil.
Les femes m\'ont asoteit

Ou je me fioie ;
Cent livres m\'ont bien costeit
De bone monoie

{Origines, p. 508).

1)nbsp;vs. 325—328 (Oulmont, op. laud., p. I94)-

2)nbsp;Fabliaux, p. 394-395 J Jeanroy et Vangioxs, op. laud., p. 78-

3)nbsp;Méon, op. laud., t. I, p. 404 inbsp;gt; P-nbsp;„ . .nbsp;.nbsp;.

i Méon, Fabliaux et Contes, t. IV, p. 485 ; Wright, Rehqmae antiquae, t. I, p. 200, Haureau,

Notices et Extraits, t. II, p. 47-

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Remarquons que le même accent bouffon et poignant à la fois est reconnaissable dans
ia poésie de Rutebeuf, qui doit avoir eu des relations avec les étudiants de Paris et se
montre dans ses chansons contre les ordres un véritable goliardois. Mais aussi bien que
celui-ci on peut considérer sous certains rapports comme un continuateur de la poésie
des clercs vagants Eustache Deschamps, qui a étudié à Orléans, où le souveiùr du Primas
ne s\'était pas encore évanoui composait des ballades latines, traduisait des produits
de la poésie scolaire et se rapproche dans ses ballades amoureuses des pièces latines
des
Carmina Burana par le cynisme des sentiments et par la brutalité des situations.

Mais c\'est le siècle suivant qui nous offre, avec leMS. 1717 de la Bibl. Nat.,dontplusieurs
pièces semblent avoir été composées également par des clercs, la clôture brillante de
cette littérature par l\'œuvre d\'un vagant qui s\'est fait une place parmi les plus grands
poètes de France. On aura deviné déjà que c\'est de Villon que nous parlons, et pourtant
nous ne croyons pas que la critique l\'ait déjà examiné de ce point de vue. Cependant,
quoi de plus erratique que l\'existence menée par Maître François ? Qui l\'a dépassé dans
ce genre bien caractéristique pour cette littérature, la confession ? Où trouver une expres-
sion plus poignante de cet autre thème de la poésie des clercs vagants, la crainte de la
vieillesse qui met fin aux amours ? Enfin, par l\'idée cynique qu\'il se fait de l\'amour même,
ne s\'approche-t-il pas singulièrement des auteurs de tant de chansons latines ? Gaston
Paris, qui a voué de belles pages à un examen détaillé des genres poétiques dont l\'esprit a
pu influencer l\'œuvre de Villon, se prononce finalement pour les mystères, moralités,
farces et sotties, sans méconnaître cependant le fait que „beaucoup d\'écoliers certaine-
ment, s\'essayaient à des ballades amoureuses, descriptives, satiriques, qui naissaient
et mouraient sans laisser de traces. Villon fit d\'abord comme eux sans avoir d\'autres
modèles ni d\'autres viséesquot; N\'oserions-nous pas aller un pas plus loin et supposer que
précisément les chansons de ces écoliers inconnus des XlVe et XVe siècles, qui conservaient
les traditions des clercs errants, aient été le chaînon manquant entre la poésie latine des
Xlïe et XlIIe siècles et l\'œuvre de Villon ?

Si donc l\'existence de toute une poésie en langue vulgaire composée par des étudiants
ratés et par des religieux défroqués paraît assurée pour la France, ce sont les textes
flamands qui sont les plus probants. On sait que les pièces du
Chansonnier d\'Anvers
furent composées en majeure partie par des reîtres et des lansquenets, mais les auteurs
quelques chansons se présentent comme des clercs errants, qui du reste n\'ont jamais
manqué en Flandre :

2)nbsp;Geta et Amphitrion {éd. Queux de Saint-Hilaire—Raynaud, t. VIII, p. 212).

3)nbsp;François Villon, p. 102.

4)nbsp;On nous permettra de citer ici un texte gantois qui, si nous ne nous trompons pas, a échappé
lusqu\' ici à l\'attention des savants qui se sont occupés de la poésie latine des vagants :

Novi de quodam sacerdote goliardo, qui quum totam suberiam in comessationibus et potatio-
nibus expendisset, nihil habens, furatus est argenteas laminas de quadam imagine crucifixi, quas vendens
fecu magnum convivium sociis suis. Accusatus de hoc coram episcopo suo, et vocatus ab eodem et dure
ï\'eprehensus, per hos duos versus respondet :

Guido carens aere,nbsp;dum se vidisset egere,

Excoriando Jesum, largum sibi praebuit esum.

{Corpus Chronicorum Flandriae, éd. De Smet, t. I. p. 375).

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Ic was een clercxken ic lach ter scholen.
Den rechten wech hebbe ic ghemist.
Schoon ionghe vrouwen doen mi dolen
Weder te keeren dat dunct mi best

(AL., LXIX, 3).

„Quand j\'étais un petit clerc et j\'allais à l\'école, j\'ai manqué le droit chemin. De jeunes^et
belles femmes m\'ont fait errer ; rebrousser chemin me paraît le meilleur parti à prendre,quot;

Die ons dit liedeken eerstwerf sanck
Een cîerck van Lueven was hi ghenaemt.
Hi leer det in Venus scholen.
Die schoone vroukens die heeft hi lief
Daerom so moet hi dolen.

(AL., XCII, 17).

„Celui qui nous chantait Ie premier cette chanson, c\'était un clerc de Louvain. Il fréquentait
l\'école de Vénus ; pour avoir aimé les belles petites femmes, il doit errer maintenantquot;

Die ons dit liedeken heeft ghemaect
Hi heuet seer wel ghesonghen.
Dat heeft ghedaen een regulier moninck
Wt der cappen is hi ontsprongen.

(AL., LVII, II).

„Celui qui nous a composé cette chanson a chanté fort bien. Un moine régulier l\'a faite qui
a jeté le froc aux orties.quot;

lï se peut que le lecteur, justement soucieux de l\'exactitude historique, s\'inquiète
de la liberté que nous prenons ici, et que nous prendrons encore souvent, de nous servir
de textes des XVe et XVIe siècles pour nous renseigner sur l\'état de la poésie des provin-
ces septentrionales de la France et de la Flandre au XlVe. Nous avons prévu cette
objection et nous sommes heureux de pouvoir nous retrancher derrière un texte qui nous
trace un tableau de la vie de taverne en Flandre au XlVe siècle, correspondant jusque
dans les détails avec l\'impression qui se dégage de la lecture des chansons des siècles
suivants. Aussi allons-nous citer tout le texte en question qui est un passage du conte
du
Pardoner :

In Flaundres whylom was a companye

Of yonge folk, that haunteden folye.

As ryot, hasard, stewes and tavernes ;

Wher-as, with harpes, lutes and giternes

They daunce and pleye at dees bothe day and night.

And ete also and drinken over hir might,

Thurgh which they don the devil sacrifice

With-in that develes temple in cursed wyse.

By superfluitee abhominable ;

Hit othes been so grete and so dampnable,

That it is grisly for to here hem swere ;

Our blissed lordes body they to-tere ;

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Hem thoughte Jewes rente him noght y-nough ;
And ech of hem at otheres sinne lough.
And right anon than comen tombesteres
Fetys and smale, and yonge fruytesteres.
Singers with harpes, baudes, wafereres,
Whiche been the verray develes officeres.
To kindle and blowe the fyr of lecherye.
That is annexed un-to glotonye.

{Chaucer, éd. Skeat, t. IV, p. 305).

On voit que pour Chaucer la Flandre (et il aurait pu y associer la Picardie) était le
pays proverbial de la bonne chère, où les tavernes retentissaient de la joie bruyante des
ghildekens et des chansons des écornifleurs. C\'est là qu\'au commencement du XI Ve siècle,
quand les nobles commencent à se désintéresser de la poésie et que l\'âge des jongleurs
penche vers sa fin, leur art pouvait se réfugier. C\'est là aussi que les chansons poivrées
auxquelles nous avons fait allusion continuaient à trouver un accueil enthousiaste, et
nous ne croyons pas être bien loin de la vérité en admettant que dans ce milieu l\'indécence
du ton s\'est accentué de plus en plus. Avec cela, il paraît probable que l\'observation
faite par Snellaert au sujet d\'une grande partie des pièces du
Chansonnier d^Anvers,
savoir que „ces obscénités provenaient le plus souvent des armées et étaient les créations
authentiques des lansquenets et des reîtres, les successeurs dégoûtants des trouvères
d\'autrefoisquot;, s\'applique en partie aussi à la poésie de ces provinces un ou deux siècles
auparavant. Alors les seigneurs ont pu retirer leur protection aux jongleurs, mais les
honorables bourgeois des bonnes villes continuaient à applaudir aux récits d\'aventures
galantes, que les bandes de clercs errants et les compagnies de mercenaires français,
anglais et gallois ne tardaient pas à répandre dans le monde.

La taverne, qui est donc le foyer de tous ces genres de druerie de la fin du moyen âge,
qu\'Hs appartiennent aux soldats, aux bourgeois ou aux clercs errants, n\'a pas manqué
de les frapper de sa marque, et par ceci encore ils se distinguent nettement de l\'art des
siècles précédents, né et cultivé aux „chambres des damesquot;. C\'est dans ce milieu-là qu\'un
des traits caractéristiques de la poésie non-courtoise, le mélange des plaisirs de l\'amour
et de la bonne chère, a pu se développer librement. Colin Muset, qui associe dans ses
poésies „à la description de sa mie celle des bons repas que sa présence rendrait plus
savoureuse encorequot; passe encore pour le seul représentant de cet épicurisme un peu
grossier, et ce fait a amené MM. Jeanroy et Langfors à lui attribuer quelques chansons
qui présentent ce même trait Nous ne nous enhardissons pas à mettre en doute cette
hypothèse séduisante, qui du reste s\'appuie encore sur un autre argument ; seulement
il nous semble que „ce mélange bizarre de poésie légère et de grasse matérialitéquot; n\'est
que l\'expression la plus remarquable d\'une mentalité qui est propre à beaucoup d\'autres
auteurs de chansons de druerie.

i) Cité par G. Kalff, Het Lied, p. 465.
^ 2) liid,^ p.nbsp;Bédier observe à propos du Fabliau des trois Dames de Paris : „On se rappelle,

cette lourde kermesse, que l\'auteur, Watriquet de Couvin, est un Flamandquot; {Fabliaux, p. 352,

3)nbsp;Chansons satiriques et bachiques, p. xin.

4)nbsp;Ibid., p. xni ; Origines, p. 461, 505.

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Déjà Guillaume IX racontait qu\'avant de se livrer à l\'amour, ses hôtesses complaisantes
s\'étaient assises avec lui à une table abondante :

A manjar mi deron capos,
E sapchatz ac i mais de dos,
E no\' i ac cog ni cogastros,
Mas sol nos tres,
E\'1 pans fo blancs e\'1 vins fo bos
E\'1 pebr\' espes

{éd. Jeanroy, 5gt; 43—48)3

et l\'on sait que dans un grand nombre de fabliaux, les repas copieux de la femme adultère
et de son amant, le clerc gras, sont à l\'ordre du jour. Dans les pastourelles „desmteressees
la bonne chère joue également de temps en temps un certain rôle i).iVlais meme le
Irettie
de VEspinette amoureuse
du très courtois Froissart contient des descriptions charmantes
d\'un pic-nic avec la dame aimée :

Nous cinc ou nous sis d\'un éage
Y venimes de lie corage
Et mengames dou fruit nouvel
En solas et en grand revel.
Là estoit ma dame avec nous
Dont le contenemens fu douls.

{Ibid., p. 307-)

{éd. Buchon, p. 218.)

Et le desjun là destoursan
Pastés, jambons, vins et viandes
Et venison bersée en landes.

Cependant ce thème est plus fréquent et développé d\'une façon beaucoup plus grossiere
dans la véritable poésie de taverne. On trouve un exemple passablement reserve de ce
genre souvent ignoble dans la chanson des
CarminaBurana où un vagant raconte en
termes assez couverts sa visite au „temple de Vénusquot; :

Dixi, vellem edere.
Si quis inest victus.

Perdices et anseres
Ducte sunt coquine
Plura volatilia.
Grues et galline.
Pro placentis ductus est
Modius farine :
Pre paratis omnibus
Pransus sum festine.

{CB. 493 19—20),

I) Dont i vint Gauterel, Li filz Ie maistre Xavin, A son col un gastel. Por les compaignons diner
(Bartsch, op.
laud., II, 41, 29-32). C/. Jet^ J. «ot/« cr Mano«, éd. Langlois, vs. 65-68, ii9gt; 141-169.

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Mais parmi les pièces publiées par Du Méril on en peut citer une, glorifiant le vin,
qui montre un cynisme révoltant sans parler encore de la ballade infâme de la grosse
Margot.

Certes, la taverne n\'était nullement considérée en France comme un lieu peu propre
aux rendez-vous amoureux, et les allusions à ces réunions ne manquent pas, mais c\'est
de nouveau la Flandre, gastronomique et enjouée, où dès le temps de Chaucer les banque-
teurs rencontraient les danseuses et les fruitières aux cabarets, qui nous offre le plus grand
nombre de ces chansons érotiques et bachiques. Nous ne citerons ici qu\'une seule, prise
encore dans le
Chansonnier d\'Anvers, puisque\'il nous faudra parler de ce genre plus longue-
nient dans un autre chapitre :

Daer ick te nacht gheleghen hebbe
Daer was ic seer wel ontfanghen.
Men schencte mi daer den coelen wijn
le lach in mijns liefs armen.

{AL.gt; LVII, 7).

5jLà où j\'ai passé la nuit, j\'ai trouvé un merveilleux accueil : on m\'y versait le vin frais et
ma mie me berçait dans ses brasquot;.

On peut s\'attendre à ce que ces compaignons du cabaret......, veullant ygnorer les

femenines vertus, prenent sovant leur passe temps, après vin et espices, a deviser du noble
sexe
2). Mais dans cette phase de la conversation un autre personnage encore se trouve
être tout indiqué pour servir de point de mire à leur railleries. Nous avons avancé déjà
l\'opinion que la figure du Jaloux est originalement un élément étranger dans la poésie
des troubadours, où elle se laisse concilier bien mal avec l\'esprit de l\'amour courtois ;
hâtons-nous de dire que ce thème, qui du reste a ses racines dans la réahté, nous semble
être devenu si populaire grâce à la divulgation des contes gras et qu\'il s\'accorde par-
faitement avec la nature de la poésie esquissée ici. Entrer dans les bonnes grâces d\'une
coquette, triompher de la vertu d\'une bergère, c\'est déjà beaucoup pour en imposer
aux compagnons de plaisirs, mais si ces prouesses se font aux dépens d\'un mari qui ne
se doute de rien, ou mieux encore, qui est dévoré de jalousie, l\'aventure redouble de
saveur. Aussi est-ce un adversaire en général plutôt méprisé que redouté ou haï. Il n\'y
a que les épouses elles-mêmes, exposées à souffrir toutes les brutalités de ces aimables
jnaris, qui s\'expriment à leur égard avec cette haine féroce qui est caractéristique pour
les chansons de malmariée.

Nous ne voulons pas ici entrer trop dans les détails, puisque nous reviendrons dans
un autre chapitre sur cette figure intéressante et sur d\'autres encore que les bardes gaUois
ont empruntées aux poésies d\'autres peuples. Contentons-nous donc pour le moment

constater que la poésie étudiée ici les connaîttoutes.Maisnousseronsheureuxsilelecteur
yeut partager dès maintenant notre conviction qu\'il ne faut pas s\'adresser exclusivement
a l œuvre des troubadours ou des poètes latins pour chercher les modèles continentaux de la
riiiemgerdd.Tous les traits trouvés par M. Ifor Willams dans la poésie latine, quil\'amenaient

1)nbsp;Poésies populaires latines, p. 203.

2)nbsp;Le Triomphe des Dames, cité par A. Piaget, Martin le Franc, p. 61, note 2.

V. p. 34.

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porté à la connaissance des Gallois.

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chapitre vi

Les trois Ancêtres du Cywyddwr

Après avoir exploré dans les chapitres précédents les littératures étrangères proposées
par la critique comme sources de la poésie amoureuse du Pays de Galles, nous allons
essayer ici de retrouver des renseignements sur les origines de cet art dans le passé national.
En d\'autres termes, ne voulant nier à priori qu\'il soit possible que les peuples celtiques
aient eu l\'ancienne poésie érotique que Stern leur déniait, nous allons nous mettre à la
recherche de cette poésie hypothétique que les textes ne nous ont pas fait connaître.

La tâche que nous nous imposons est triple. Il nous faudra commencer par rassembler
les témoignages qui pourront jeter quelque lumière sur cette poésie disparue dans la
nuit des siècles et par apprécier leur valeur ; ensuite, si son existence nous est révélée,
nous tâcherons de tirer parti des faits qui sont à notre disposition pour déterminer
par approximation quel pouvait avoir été son caractère. Ce n\'est qu\'après avoir fait
tout cela que nous pourrons considérer s\'il y a moyen de rattacher les traits des chansons
des Xlle, XlIIe et XlVe siècles à l\'ancienne poésie celtique reconstruite sur les données
sur lesquelles nous avons pu mettre la main i).

I — Cywyddwr, Teuluwr et Clerwr

Nous avons constaté déjà que Dafydd ab Gwilym est à la fois l\'héritier des teuluzvyr
de la cler, qu\'il s\'adonnait à la gwengerdd, le moliant, les marwnadau, la rhieingerdd
la gordderchgerdd des uns sans mépriser pour cela la duchangerdd, le ffrost des autres,
et que c\'est à la désorganisation de la société galloise à la suite des années sanglantes
qui finissaient le XlIIe siècle qu\'on doit attribuer la disparition de quelques ordres bardi-
ques et la confusion de genres cultivés auparavant par des classes distinctes. Son contem-
^^^ain^^^welyn Goch abMeurig Hen, qui dans sa vieillesse fut obligé de vivre des bien-

C\'est à dessein que nous écrivons ici „ancienne poésie celtiquequot; et non „galloisequot;. Au cours de
\'^«s recherches nous aurons l\'occasion de constater plus d\'une fois l\'affinité étroite entre la littérature
galloise et celle d\'Irlande, et nos sources seront souvent irlandaises. En présence de ce fait on doit se
emander si un parallélisme aussi frappant doit être attribué au fond littîraire commun aux Irlandais
aux Gallois, à l\'évolution de ces deux peuples dans des conditions semblables, ou à des emprunts faits
a la littérature irlandaise, incontestablement plus riche que celle du Pays de Galles. La dernière solution,
proposée plus d\'une fois déjà, est très séduisante, mais à l\'état actuel de la philologie celtique on ne peut
pas encore ni l\'admettre, ni la rejeter avec certitude. Aussi préférons-nous le
mot„celtiquequot;,quineprétend
Pas trancher une question aussi délicate que celle-ci ; au demeurant, ce qui nous importe, c\'est de mettre
evidence l\'elément non-étranger de la rhieingerdd ■ quelle que soit son origine primitive, brittonique
oil gaélique.

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les trois ancetres du cywyddwr

68 ---------—

ïaiïTdTses neveux, a lai^é^énumération intéressante des fonetions .üverses d\'un
Ll^fson époque; on verra que des oceupations fort distinguées n\'excluent pas les

satires acerbes contre des confrères inférieurs :

Fy swydd gyda\'m arglwyddi,
Hyn a fydd, a hen wyf i :
Darllen cyfraith, rugliaeth raid,
A Brut hen y Brutaniaid,
Gwisgaw o befr law pob un,
Gwrdd roddwn gwyrdd o\'r eiddun ;
Glau ddychanu llu lledfrom,
Clywir ei dwrf, der y dom,
Rhuthr fal y\'m anrheithiwyd,
Rhugl debygu Lleucu Llwyd
i hardd flodeuros gardd gain,
i hael Fair, neu i haul mirain.

{DGG., p. 164).

Voici mes fonctions auprès de mes seigneurs, maintenant que je suis vieux :nbsp;^ f ^^^ quot;

quot;^rs j\'appelle à moi —

Snbsp;^^^^^^^nbsp;- la bassenbsp;dont on entend

rvec la même vivacité dont ils me déprécient, enfin, comparer eloquemment manbsp;Llwyd

soit à la jolie rose d\'un beau jardin, soit à la Vierge genereuse, sou au soleil bnllant .

En général ces poètes se donnent le titre de teuluwr (même ils s\'arrogent celui de

ou de^Wi) et c\'est surtout dans leur qualité de teuluwas^ f^TLtZZdZ
leurs poésies funèbres. Mais le nom de clerwr, quoique employe dans 1 Art poetique dans
un ^^ n\'est pas refusé par ces bardes, qui menaient en effet cette vie errante
^rtueïe ./.m est le\'terme technique. Certes, ils n^ura ent pas été contents d\'etre
Lmptés parmi les
croesaniaid, la cler ofer ou la der y Jorn^), et le mot dermwnt a cer-
Smenfpour eux la valeur d\'une injure 3), mais Dafydd ab Gwilym se laisse appeler

sans protester par le moine gris un derwr :

Nid oes o\'ch cerdd chwi y Glêr,
Ond truth a lleisiau ofer

{DG. 149, 31—32 ; Deth. 57gt; 29—30).
„Votre art à vous, la
cler, n\'est que flatterie et vaine déclamationquot;.

Même il applique de temps en temps ce terme à lui-même, etnbsp;^^^vS

XlVe siècle iLLt leurs patrons comme protecteurs genereux de la der. Enfin Dafydd
fb Gwilym est glorifié dans la
marwnad composée par Madog Benfras comme la „gloire

X) c/e. 3;nbsp;littéralement „der de la bouequot;, terme fort dépréciatif pour le dessous de cette classe,

3) lolo Goch désigne par ce terme son ennemi, le morne de Caerlleon {JGE., 26, 17).

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de la c/erquot; {moliant cler) i), dans celle de lolo Goch comme un „trésorier de la clerquot;
{trysorer cler) 2).

II — Le Teuluwr

L\'art des teuluwyr, l\'art de la cler, voici donc les éléments qui constituent, du moins
en partie, la poésie des Cywyddwyr du XlVe siècle. Aussi, quand la question des sources
se pose, notre tâche principale sera d\'examiner s\'il y a moyen de retracer ces deux ingré-
dients de la rhieingerdd dans un temps antérieur à la propagation de la poésie continentale
au Pays de Galles. Or, pour le premier, le doute n\'est pas permis : les lois de Hywel Dda
font déjà mention du
pencerdd et du hardd teulu {bardd stavell) et on sait en outre que
non seulement les rois irlandais mais aussi les chefs gaulois avaient leurs bardes de
cour : le bardisme est une des institutions les plus caractéristiques des Celtes. Ce qui
est encore plus important dans cet ordre d\'idées, c\'est le fait remarquable que la poésie
composée pour des dames était déjà connue au Pays de Galles longtemps avant que le
premier troubadour ait pu traverser la Manche. La preuve de ce fait est fournie par un
passage précieux de la Loi de Hywel Dda, rédigé ainsi dans la Version de Gwynedd :

O dervyd yr urenynes mennu kerd, aet ebard teulu ykanu ydy fcerd en dyvessur, ahynny en
yssel ual nat aflonetho [yn] eneuat kanthau.

(Dull Gwynedd, I, XIV, dans An. Owen, Ancient Laws, p. 16).

gt;,S\'il arrive à la reine qu\'elle désire entendre de la poésie, le bardd teulu doit allerluienchanter tant
qu\'elle veut, à voix basse, pour qu\'il ne dérange pas les gens qui sont dans la grande salle,quot;

et dans les versions latines comme suit :

îjCum regina uoluerit in sua camera audire carmina, poeta familie tria carmina de kerdamgau
debet ei cantare et hoc uoce moderata et sine clamore, ne aula disturbetur
(Leges Wallice, I,
XXIII,
Ibid., p. 779).

Malheureusement les versions différentes ne sont pas d\'accord sur la nature des chan-
sons qu\'il doit chanter à cette occasion ; il paraît cependant permis de supposer qu\'il
s\'agit de chants dont l\'amour est le thème, et la Version de Gwent, qui lui fait réciter des
poésies sur la bataille de Camlan (une des trois „frivoles bataillesquot;) offre peut-être la
meilleure leçon s). Il n\'est pas impossible en ce cas que 1\' intention du sage législateur
ait été que le poète privé de la reine, qui pouvait être en même temps son „professeur
domestiquequot;
{athraw teuluaidd)^) lui rappelât à tout propos comment jadis une reine

igt;G. p. xxxvii; DGG., p. 128.

2)nbsp;DG., p. xli J IGB., 16, 31. Cf. Ifor Williams, Trans. 1913—145 P. I53 et seq. -, Deth., p. Ixii et seq.;
^\'ern, ZfcP., vol. VII, p. 8-10.

3)nbsp;Gwynn Jones, Bardism and Romance, Trans. 1913-14^ P- 213 et seq.

4)nbsp;Dottin, Manuel, p. 360.

5)nbsp;Kerd o Gamlan, carmina de Kerdamgau, kerdamgaru, cerd amgen, cerd vangaw (Gwynn Jones,

^ans. i9I3_i4^ p. 2jg . Rhieingerddi\'r Gogynfeirdd, p. 3).

6)nbsp;Cf. Loth, Les Mabinogion^, t. I, p. 246, note. Agamemnon chargeait également un aède de sur-
veiller Clytemnestre en soc absence.

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adultère avait fait périr par sa faute son mari et la fleur de sa nation. En tout cas ce n\'est
pas par hasard que c\'est justement le
hardd teulu, chargé anciennement de chanter pour
la reine, qui se voit plus tard adjuger la
rhieingerdd pour l\'épouse et les filles de son

protecteur.

III — Le Clerwr

Quant à la cler et sa poésie, la question de leur origine est bien plus compliquée, et
avant de l\'aborder, il sera utile de rassembler les renseignements que les textes du XlVe

siècle nous fournissent sur eux.

En général, malgré le peu de répugnance que les grands poètes de cette epoque témoi-
gnent pour leur ordre, le portrait que les contemporains ont tracé deces jongleurs ambulants
et surtout d\'une classe qui leur est étroitement apparentée, celle des
croesamaid (bouffons),
est peu flatteur. Les auteurs des codes poétiques, qui les
méprisent profondément, les
mettent au même rang que les sorciers et les comptent parmi les artistes vains et disso-
lus i) Ils s\'étaient attiré ce mésestime en partie par les genres inférieurs de la poesie
auxquels ils s\'adonnaient et qu\'un poète d\'un rang supérieur ne devait jamais cultiver
d\'après les prescriptions de l\'Art poétique :

Trois choses inconvenantes pour un artiste : gabs, satires et tout ce qui est propre au croesan %
Il ne convient pas qu\'un prydydd soit satiriste et qu\'il fasse ce qui est du clerwr, car il appartient
au
prydydd de chanter des panégyriques j il ne doit railler personne avant qu\'on ait éprouvé

sa patience par trois foisnbsp;,nbsp;„ . j .nbsp;.

Il ne convient pas qu\'un prydydd s\'occupe de divination, de sorcellerie, de vaines chanson et

de tout ce qui est propre au croesan

On comprend en effet que notamment le dynwared\') devrait être peu propre à leur
gagner l\'estime de ces juges savants qui certainement se faisaient une idée fort élevee

de la dignité de l\'art et de l\'artiste.nbsp;.....

Cependant ce n\'est pas la seule raison pour laquelle les clerwyr sont juges si severe-

I) Tri over Gerddor ; Klerwr, a Bardd y blawd, a hudol (Trtodd Cerdd, MA% p. 833 ; Pum Llyfr,
éd. cit.,
p. cv). Bardd y blawd semble être synonyme de blotai et désigner un chanteur qui mendie de la

^^X\'Tri pheth anweddus ar Gerddor : ffrost, a gogangerdd, a Chroesanaeth (Triodd Cerdd, MA\\ p.

833 ; Pum Llyfr, éd. cit., p. civ).

3)nbsp;Ni ddyly prydydd vod yn oganwr a gwneuthur sswydd klerwr ; kans sswydd prydydd yw moh,
ni ddyly oganu neb, nés rroi brovi dair gwaith
(Pum Llyfr, éd. cit , p cn).

4)nbsp;Dewiniaeth a sswynau ac ofergerdd a chroessanaeth m pherthyn ar brydydd (Pum Llyfr, ed.

^ berthynant i glerwriaeth, ymsennu, ymdaualu, a danwaret (Einion Offeiriad, Bulle-
tin,
vol. II, p. 191 ; Pum Llyfr, éd. cit., p. cii ; Triodd Cerdd, MA\\ p. 832.nbsp;_

M Gwynn Jones traduit ce mot dynwared par mimicry, et nous croyons quil a raison (Trans.
1913-14, P 272). M. Ifor Williams y voit la preuve que les grammairiens mettaient les clerwyr au même
rang que les acteurs et les mimes
(Trans. 1913-14, P- 155-156 J Deth., p. Ixiv). Est-ce que le mot ne
désignerait pas tout simplement les plus modestes artistes de cette classe qui, comme leurs confreree
français, gagnaient leur pain en amusant un pubUc peu exigeant par l\'imitation de cris d\'animaux, ds
„cantilenae volucrum et voces asiniaequot; (Gautier,
Les Epopées françaises, t. II, p. 62) ?

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ment : il paraît qu\'à l\'avis des moralistes gallois ils ont mené une vie peu recommandable.
L\'association d\'idées de la triade suivante est significative sous ce rapport :

Trois choses qu\'un artiste {par. : prydydd) doit éviter : boire, forniquer, jouer aux dés {var. :
vivre comme un clerwr) i).

Ici, les codes d\'Art poétique se trouvent complètement d\'accord avec les traités édi-
fiants. Dans un passage instructif de
VHystoria o uuched Dewi, l\'ange dit au saint :

Ac (ael) aeilw ygyt athi ar rei avynnych ti.. oysgolheic. alleyc. gwiryon. A phechadur. Jeuang
ahen. mabamerch gwr a gwreic. croessan aphutein. Idew. asarascin
{Llyvyr yr Agkyr, éd. Rhys

Morris Jones, p. ii6).nbsp;,nbsp;. •

»qui appellera ensemble avec toi tous ceux que tu voudras des clercs et des laïques, des justes
et des pécheurs, des jeunes et des vieux, des adolescents et des jeunes filles, des hommes et des
femmes, des
croesaniaid et des prostituées, des Juifs et des Sarrasins.quot;

Les éditeurs ont observé qu\'ici croesan a évidemment le sens de „fornicateurquot; 2). C\'est
encore dans le même contexte que la
cler est nommée dans une des fables d\'Odo de Cbén-
ton traduites en gallois vers 1400 :

velly Ilawer or myneich ar ysgolheigion ar lleygyon pan darlleont neu pan glywont darllein
buchedeu seint neu ffrwythlawn ystoryaeu ereill clotuorus y chwaneckau synhwyr ac ymborth
yr eneit trwydunt diffrwyth vyd ganthunt wy hynny oll, ony bei gael ar dauarnau ymdidan
a phuteinieit ac ymdyalu a gwarandaw clerwryaeth orwac ac overgerd y leihau y synhwyr ac
y achwaneckau pechawt a gwahawd diaul yn ganhorthwy yn lie angel goleuni

{Aberystwyth Studies, vol. Ill, p- 49—50).

„Ainsi bien des moines et des clercs et des laïques, lisant ou entendant lire des vies de saints
ou d\'autres histoires louables, et pleines de profit et de nature à développer l\'intelligence et
à sauver l\'âme, ne trouvent aucun agrément dans tout cela comparé au plaisir qu\'ils éprouvent
quand ils trouvent l\'occasion de converser dans les tavernes avec des prostituées, de se railler
l\'un l\'autre ou d\'écouter des chanson vaines de la
cler et de la poésie mutile, propres a
diminuer l\'intelligence, à induire au péché et à appeler au secours le diable au lieu de l\'ange de
la lumièrequot;.

Ce passage est d\'autant plus curieux que dans le texte latin il n\'est pas même question
de jongleurs, mais seulement d\'
exercicium causarum quod totum est sterquilinium. La
seule mention des
puteinieit suffit pour faire penser le traducteur immédiatement aux
clerwyr avec qui elles sont si souvent associées et aux altercations de ceux-ci !
^ Le plus connu de ces jugements sévères cependant est l\'anathème souvent cité de
^\'Elucidarium, contre lequel Gruffydd Llwyd a protesté si éloquemment :

Pa obeith yssyd yr gler — Nyt oes yr un, kannys oe holl ynni ymaent ygwassanaethu ydiawl
{Llyvyr Agkyr Llandewivrevi, éd. cit., p. 40).

1)nbsp;Tri pheth a ddyly Kerddor {var.-. Prydydd) eu gochel ; Ilynna neu ddiota, puteinia, a Dissio, neu
dablera
{var.-. a chlerwriaeth) {Triodd Cerdd, MA^ ,p.S32, 870; Edeyrn, éd. cit., p. xxxix ; Pum
Llyfr., Ibid.,
p. cix).

2)nbsp;p. 276.

3)nbsp;IGE., 44.

-ocr page 88-

les trois ancetres du cywyddwr

72 ___________-_. —-----—

Habent spem joculatores ? — Nullam, tota namque intentione sunt ministri Satanae {Ibid.,

p. 203)

Voici donc l\'opinion du XlVe siècle sur le derwr et le croesan ; on voit qu\'elle n\'était
pas indulgente ! Mais en vérité, pourrait on attendre une autre attitude de la part de
l\'Eglise, qui s\'est montrée depuis le temps des Pères l\'ennemie acharnée des poètes
vagabondants, qu\'elle devait abhorrer comme un héritage du paganisme romain, redouter
comme des concurrents formidables dans la faveur du peuple et combattre comme spécu-
lateurs sur cette joie de vivre sommeillante sur laquelle elle venait de triompher au prix
de tant d\'elforts ? Aussi est-ce dans les innombrables décrets des synodes et des prélats
qu\'on trouve les renseignements les plus précieux sur les conditions des goliardois et sur
les „carmina turpissimaquot; qui sont les premières productions mentionnées de la poésie
française. C\'est donc dans les textes ecclésiastiques gallois que nous avons voulu nous
renseigner sur l\'état ancien de la poésie et des poètes dans ce pays. Malheureusement m
la littérature hagiographique, ni le
Libre de Lîandaf ne jettent aucune lumière sur ce
sujet de nos recherches. Nous ne connaissons pas de décrets de cette nature sortis des
temps reculés où les saints y tenaient leurs synodes ; on n\'y tint plus de concHes depuis
la reconnaissance de la suprématie de l\'archevêque de Cantorbéry sur les quatre diocèses
gallois. Comme unique résultat de nos lectures, nous présentons au lecteur un témoignage,
très intéressant du reste, trouvé dans l\'Epître de Gildas ; espérons toutefois que l\'étude
systématique des textes ecclésiastiq.ues par un spécialiste fera connaître un jour les faits

que nous n\'avons pas pu découvrir.

C\'est le passage où l\'éloquent prédicateur, fulminant contre les prêtres indignes de
son temps, leur reproche leur faiblesse honteuse pour la littérature profane :

ad praecepta sanctorum, si aliquando duntaxat audierint, quae ab illis saepissime audienda erant,
oscitantes ac stupidos, et ad ludicra et ineptas secularium hominum fabulas, ac si iter viae,
quae mortis pandunt, strenuos et intentos.

(éd. Stevenson, p. 73).

Or, le mot ludicra est employé en latin médiéval surtout pour désigner des poésies
amoureuses 2) ; l\'addition secularium hominum nous permet même de supposer qu\'il
s\'agit de pièces composées en langue vulgaire, quoique ce ne soit pas assuré pour une
époque encore si proche de la domination romaine. Du reste, ces prêtres ne sont pas
les seuls coupables et le roi Maelgwn Gwynedd ne se conduisait pas mieux qu\'eux :

arrecto aurium auscultantur captu, non Dei laudes canora Christi tyronum voce suaviter modu-
lante, neque ecclesiasticae melodiae sed propriae, quae nihili sunt, furciferorum refertae
mendaciis, simulque spumanti phlegmate, proximos quosque foedaturo, praeconum ore, ritu
bacchantium, concrepante
(Ibid., p, 44)-

Ce renseignement est également moins circonstancié que nous le souhaiterions, et on
se demande quelle pouvait bien être la condition de ces
praecones qui excitaient tant

1)nbsp;Le fait donc que la plupart des textes cités sont des traductions ne diminue que légèrement leur
autorité. Le Pays de Galles doit avoir eu une classe de poètes correspondant aux jongleurs, puisque
l\'ermite qui traduisait
VElucidarium pouvait rendre le terme joculatores par cler.

2)nbsp;V. Brinkmann, op. laud,, p. 36.

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l\'indignation du saint. Il n\'est pas à priori impossible qu\'il s\'attaque ici aux bardes de
cour et aux panégyristes dans l\'entourage du roi. Pourtant Nennius parle avec plus
d\'estime des bardes officiels et cela se comprend d\'autant plus que ceux-ci avaient aussi
la fonction de chanter des poèmes religieux Aussi nous paraît-il plus probable que Gil-
das avait ici en vue des artistes d\'un rang inférieur, satiristes et conteurs d\'histoires peu
édifiantes ou peut-être d\'origine païenne et tout au plus d\'une vanité intolérable :
ofergerdd
dira-t-on plus tard.

Quoi que ce soit, il est extrêmement curieux que c\'est précisément Maelgwn Gwynedd
qui joue dans la tradition galloise un grand rôle comme protecteur et réorganisateur du
système bardique, et que ce sont les
clerwyr de sa cour qui sont vitupérés pour leur con-
duite scandaleuse, pour leurs transgressions des commandements de Dieu et de l\'Eglise,
et pour leur poésie mensongère et inepte, dans un poème relativement récent mais
attribué à Taliesin dans la
Myvyrian Archaiology :

Cler 0 gam arfer a ymarferant
Cathlau aneddfol fydd eu moliant
Clod orwag^) ddiflas a ddatcanant
Celwydd bob amser a ymarferant
Gorchmynau deddfau Duw a dorant
Gwragedd priodol wrth ei moliant
Drwy feddwl drygbwyll a fawr dwyllant.

Ai hoes ai hamser yn ofer y treuliant
Y nos y meddwant y dydd y cysgant
Segur heb lafur yr ymborthiant
Yr Eglwys a gashânt a\'r Dafarn a gyrchant
Pob parabl dibwyll a grybwyllant

Pob pechod marwol a ganmolant......

(Fustl y Beirdd, MA^ , p. 29).

jjLes clerwyr ont des pratiques détestables. Leurs panégyriques consistent en chansons contraires
aux lois de la bienséance. Ils répètent en chantant des louanges vaines et ineptes et ne disent
que mensonges tous les jours. Ils transgressent les commandements de Dieu et de l\'Eglise, et
trompent ignomineusement par leurs flatteries, provenant d\'un esprit perverti, les femmes

niariées...... Ils passent en oisiveté leur vie, s\'enivrant la nuit et dormant le jour. Sans rien

faire ils se nourrissent en un désoeuvrement complet. Ils haïssent l\'église et fréquentent la
taverne. Il n\'est discours insensé qu\'ils ne débitent, il n\'est péché mortel qu\'ils ne
glorifientquot;.

I) Pan myner canu cerd, y bard cadeiriawg a decreu i a\'r canu cyntav o Duw, a\'r ail o\'r brenhin
Pieufo y iys : ng^ ^^^^ ^^ ^ caner, caned o brenin aral (Lois de Hywel Dda, MA^. , p. 968).

L Eglise tolérait et protégeait même les poètes qui mettaient leur talent en son service. On a pu con-
stater déjà que le
prydydd trouvait grâce aux yeux des codificateurs de l\'Art poétique, clercs en grande
Partie.Mais déjà Taliesin chantait: At [wyn] cleiric catholic yn eglwys
(Livre de TaHesinyed,\'Evsins(i9io),
• 12—13. La sympathie n\' aurait-elle pas été réciproque ?

Ll. 120. MA^ : orzvas.

Faut-il vraiment admettre que la tradition ait gardé un souvenir aussi fidèle de la cour deMaelgwn ?
es comcidences sont presque trop belles ; aussi sommes-nous tentés d\'admettre que l\'auteur de ce
poème connaissait les passages de
VEpisîola Gildae, et a remplacé le saint par Taliesin pour avoir eu
quelques notions du
Buarth Beirdd ou d\'un poème semblable. L\'étude de l\'évolution de la légende de
iahesin est un sujet fort attirant.

-ocr page 90-

■ C\'est cependant par les Lois de Hywel Dda que nous sommes mis en presence dune
preuve SgMe
et ^contestable de l\'existence de ces classes inférieures de poetes au
Smps où linfluence de la poésie française ne pouvait pas encore se faire sentir. Dan
«rdLments d\'une valeur inappréciable on trouve mentiomiynbsp;P™

une classe d\'artistes distincts du bardd cadenmwg, du pencerdd et du bardd te» « .les
cerddarion, appelés dans les versions latines joculatares. Mais dans un passage unique
quot;te me atin correspond dans toutes les versions gaUoises à un mot que non avon
rLontré déjà dans les textes du XlVe siècle, à
croesan, et le contexte prouve clairement
q^l^méprl qu\'on témoignait alors à ces bouffons vulgaires qui jadis ne recevait
pas leur re^compense avant qu\'on la leur eût fait payer par une humiliation degoutante,

n\'était ni nouveau, ni sans fondementnbsp;.nbsp;, j

Mais ce sont les textes irlandais qui achèvent de nous convaincre que les o^res inf le^s

d\'quot;tistes vagabondants sont d\'origine celtique aussi bien que lesnbsp;^ ^

il y a le terme croe^n qui est emprunté évidemment au mot crossan désignant en Irto^
peut-être primitivement un porte-croix, mais prenant bientôt a sigmfication de .mm
Lpudique! satiriste, bouffon.quot; Une phrase fort instructive atee P^\' ^ f ^^
iJ Colributions to Irish Uxicography nous met en presence ^e cen= a™
poésie
non-courtoise des Celtes que les textes gallois ne nous ont pas encore fait

connaître :

ô rodorchaig an adaig, tâncatar nônbur cross.ân ciabach cirdub co mbâtar forsan ùaig, ac cliarai-

eecht amail is bés do chrossânaib ôsin anall.nbsp;.

Ouand Tnuit fut devenue obscure, neuf croesaniaid aux longs cheveux très noirs venaient
quot;Tusqi à ce quîÏse trouvaient sur la tombe, chantant comme les
croesaniaid sont accoutumes

à faire depuis ce temps-là.

Les croesaniaid donc ne divertissaient pas seulement leur public par leurs b»quot;«™»^
ries mais ils avaient une poésie, satirique ou indécente, propre a leur classe. Et en effet
U exiTte un genre lyrique appelé
crossanacht (correspondant donc phonétiquement au
Lt
gll Lsanlthl donUes Amiales de Clonmacnois attribuent l\'^vention^
poète Mael Isu Ils semblent être comparables non seulement aux ir»,«/. (bouffons),
S^^s encore à d\'autres classes inférieures d\'artistes telles que lesnbsp;(loueurs de

Breint pen gwasnawt. Et M™ esty» y meirch [oil] a rodho y b«nhin peddr keinawc a gymer

lllvsl a fr march arother yr] chroessan; kanys rwymaw troei ^nbsp;^ / . t XTT

JuyM lt;1 . J ^ , T v\\7T f. Aftrienî Laws, p.nbsp;317). Cf. Version de Gwynedd, 1, Ali,

ac uelly yrodir^ (Version de Gwent, I, XVI, 6, Ancieni L,aws, vnbsp;6 u j

cantare, et cbos bened.cer. et de J^f™nbsp;ioctiatoti, quia iocularor debet

Dans\'ksTi»™.^.. Loti réussi, pat une saleté tout, pareille à faite tite la géante Skadi (GeHug, Di.

Edda, p. 354)-
2)
V. ZfcP., vol. II, p. 582 ; vol. VII, p. 287.

-ocr page 91-

fifre), anmid (satiristes), et sourtout fuirseôiri (mimes), qui étaient tellement amusants
que „si tous les hommes d\'Irlande étaient assemblés dans un lieu, chacun avec les corps
morts de son père et de sa mère devant lui, pas un n\'aurait pu se tenir de rirequot;

Nous voici donc arrivés à la même conclusion que M, Gwynn Jones, qui avait admis
que c\'est aux
clerwyr qu\'après la réorganisation du système bardique sur une base
chrétienne les anciennes matières furent abandonnées pour servir de sujet à leurs farces
C\'est aussi l\'opinion défendue récemment par Sir John Morris Jones : „Je ne sais pas
quelle est l\'antiquité du terme
cler, mais leur école a dû exister toujours quot; ^).Mais précisé-
ment l\'étymologie de ce mot et la date à laquelle il est entré dans la langue sont intimément
liées au problème que nous avons abordé ici, puisque le terme a fourni à M. Ifor Williams
l\'argument principal, comme il dit lui-même, pour l\'identification des
clerwyr aux clercs
vagants Examinons donc de près son raisonnement.

D\'après ce savant l\'ancienne étymologie, qui faisait dériver cler directement de clerus,
serait fausse, puisque en ce cas Ve aurait dû se diphtonguer, comme il l\'a fait en irlandais
(c//ar), et, ajoutons-le, en breton
{kloar, en vannetais kloér). Objectons aussitôt que cette
loi phonétique ne suffit pas à justifier une assertion aussi absolue. Toute règle comporte
des exceptions, et un peu de réserve est d\'autant plus recommandable quand il s\'agit,
comme ici, d\'un mot appartenant au culte (mot demi-savant), pour lequel la tendance
des croyants laïques à reproduire aussi exactement que possible la prononciation officielle
a été beaucoup plus grande que pour les noms des objets usuels. Nous reconnaissons
que l\'évolution de ces mots a été dans les langues celtiques beaucoup plus conforme
aux lois phonétiques qu\'en français, où presque aucun n\'a évolué „régulièrementquot; ;
tout de même la forme française
clers (elle aussi irrégulière), citée par M. Williams,
aurait pu le mettre en garde. Encore il ne nous semble pas à priori inadmissible que
derus ait pu faire naître en gallois une forme ancienne et étymologique, clwyr, et une forme
jeune et demi-savante
cler, exactement comme historia a donné le jour au doublet ystyr
et hystoria. Cependant pas plus que M. Williams nous ne voulons soutenir la dérivation
lt; derus; seulement, l\'impossibilité de cette étymologie ne nous semble pas
démontrée.

Rejetant celle-ci, il dérive cler de la forme française clers (cas régime clerc) lt; clericus,

ou plutôt de clers (cas régime cler) lt; derus, et invoque comme arguments, à ce qu\'il

semble, l\'homonymie de tous ces mots et le fait que y gler a un sens collectif, comme

le mot français cler{s) lt; derus. Ici cependant M. Williams se trompe, puisque ce dernier

niot n\'existe pas même et qu\'on ne trouve pas d\'autre collectif de cette signification en

ancien français que clergie Si donc en effet le mot collectif gallois remontait à une

forme française, celle-là devrait être le pluriel, clerc au cas sujet, clers au cas régime lt;!
derici.

1)nbsp;V. rénumération importante des différents rangs des artistes irlandais dans le Togail Bruidne
Dd Derga. Rc., vol.
XXII, p. 283 er seq.

2)nbsp;Trans., 1913—14, p. 298.

3)nbsp;Cerdd Dafod, p. 310, note.

4)nbsp;Trans. 1913—14, p. 141.

5)nbsp;M. Williams paraît s\'en être rendu compte puisqu\' il a corrigé la phrase „Y ffurfiau a geir mewn
quot;en Ffrangeg ar y gair
derus yw clers, cler yn ol rhif ac achos y gair,; ac o clericus, cafwyd clerc, a clersquot;
en : „Mewn Ffrangeg Hen ceid clers cler a clerc, yn ol rh if ac achos y gairquot;, dans l\'introduction de Deth
Amsi il renonce à l\'argument principal de son étymologie : le sens collectif du mot français et de cler.

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Nous convenons qu\'avec cette restriction son étymologie est à défendre et que nous
ne pouvons pas la réfuter avec plus de certitude que M. Williams n\'a pu renverser lui-
même l\'opinion ancienne. Toutefois il vaut la peine d\'observer que si pour les traducteurs
cler est adéquat à jongleurs, ce mot ne l\'est pas à clerc, ni dans sa signification primaire
de „prêtresquot;, ni dans le sens plus général d\' „hommes qui ont fait des étudesquot;. Dans les deux
significations on l\'a rendu au XlVe siècle en gallois
^^t ysgolheic. L\'anachorète de Llande-
wivrevi et le traducteur des fables d\'Odo de Chériton prouvent dans les passages
que nous avons cités la première adéquation quand ils
o^^o^amp;nt ysgolheic à lleyc (laïque),
le compilateur du Livre Rouge, qui connaissait le terme
cler pour avoir copié la satire
de Madog Dwygraig contre Addaf, donne la preuve de la seconde quand il traduit le
nom du roi Henri I Beauclerc par
henri ysholheic

Après avoir formulé ces objections contre l\'étymologie proposée, essayons d\'avancer
à notre tour une opinion sur l\'origine de ce terme important. Et puisque
clerus est la
source incontestée de cette famille verbale, il n\'est que juste de se demander s\'il n\'y
a pas une langue où une forme de ce mot avec un e non-diphtongué serait concevable.
Or, cette langue existe; c\'est l\'irlandais, qui a donné au gallois non seulement le mot
croesan, souvent associé à clerwr comme nous avons vu, mais même quelques vocables
appartenant à la même famille verbale que
cler : cleiriach et cleirch „vieillard décrépitquot;,
qui sont des réproductions du son d\'irl.
cléirech lt; clericus En irlandais Ve latin peut
se diphtonguer ou rester inaltéré et ainsi on y trouve les deux formes
cltar et clétr
(lt; clerus),
dont M. Williams a seulement cité la première.

C\'est la forme cléir qui d\'après nous a été l\'origine du mot gallois cler, exactement
comme
cléireck est l\'origine de cleirch, et cette étymologie s\'appuie encore sur une évolution
sémantique pour le moins aussi admissible que celle que M. Williams paraît soutenir :
I. prêtres, 2. étudiants, 3. ordre d\'étudiants vagants, 4. jongleurs vaganbondants,
5.
cler.

Voici comment nous nous figurons l\'évolution du sens du mot :

1.nbsp;prêtres (cf. anc. irl. cléirech).

2.nbsp;officiants. Ce sens particulier paraît être attesté par un passage du Saltair na
Rann :

In class, inchléir, bacert côir,
Toirnet coléir dondaltôir.

(ps. 4393—94gt; éd. \'Whitîey Stokes, p. 64).

„11 serait juste et convenable que le choeur, la cléir, s\'incline en entier devant l\'autelquot;.

3.nbsp;troupe de musiciens ambulants.

1)nbsp;Brut y Saesson, éd. Rhys-Evans, p. 397- Tout au plus pourrait-on citer comme exception les vers
du poème de lolo Goch sur Dewi Sant dans lesquels le chœur des anges est appelé
cam glêr :

Bu ar ei fedd, diwedd da. Gain glêr yn canu Gloria ; Angylion nef yng nglan nant Ar ol bod ei arwyliant

(IGE., 38, 87—90).nbsp;^ ,

2)nbsp;Pedersen, Vergleichende Grammatik der keltischen Sprachen, t. 1, p. 208.

3)nbsp;Cf. heist à côté de hiast (gall, seulement hwyst) lt; hestia -, céir (gall, cwyr) lt; cera (Ibid., p. 208).

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Cléraige dans ce sens de „musicienquot; se trouve dans un contexte très clair dans l\'ancienne
épigramme publiée par Kuno Meyer :

A fhëtanaigj a chornaire, a chleraige,
A fhiss fon tïr, a chriss cen sein, a scelaige !

{Bruchstücke der älteren Lyrik Irlands, t. I, p. 31).

„O joueur de flûte, o cornettiste, o chléraige, o homme connu par tout le pays, o ceinture sans
couteau, o conteur !quot;

Cliaraigecht, „chanter en chœurquot;, est dit à propos des croesaniaid dans le texte que
nous avons cité déjà ; c\'est le plus ancien exemple de l\'association des deux termes

Les membres de la cléir semblent donc avoir été en Irlande des musiciens, des artistes
exécutants plutôt que créateurs. Au Pays de Galles la récitation de chansons composées
par les bardes paraît avoir été également la fonction primitive de la
cler : Dafydd ab
Gwilym leur fait apprendre sa poésie pour la chanter jusqu\'à Ceri
4\' De là, par métaphore, on appHqué le terme aux oiseaux :

caistid céin re cléir na n-én

„écoutez un instant la cler des oiseaux !quot;

Ne pense-t-on pas aussitôt au rossignol, appelé par Dafydd clerwraig nant^) ou aux
oiseaux qu\'il nomme
clerwyr coed ?

5. Enfin cléir et cUar peuvent désigner les poètes en général, le Parnasse. Dans une
pièce plus moderne, l\'auteur invoque comme suit la Sainte Vierge :

Uch, a Mhuire, a bhuime sheang.
Os tù is ceann ar gach cléir

{Dânta Grddha% 38, 21—22).
sjHélas, Marie, nourrice svelte, puisque tu es patronne de toute cliar,..quot;

I) On trouve un exemple plus récent dans VIomramh churraig Hua gCûrra, dont Zimmer a donné
dans la
Zeitschrift Jur deutsches Althertum, vol. XXXIII, p. 182 et seq. une „traduction abrégée et peu
fadèle» (Whitley Stokes,
RC., vol. XIV, p. 22).

Au moment de s\'embarquer dans leur coracle, les Ui Corra, qui vont en pèlerinage, rencontrent une
troupe de bouffons,
cliar crosan :

Intan, tra, ba mithig leo dul ana curach atconncatar buidin sécha, ocus ba hi buidin boi ann, cliar
«osan {RC., vol. XIV, p. 38).
Ces bouffons mènent avec eux une sorte de clown spécial,
un fuir seoir, et enfuir seoir naclere se repent
e sa mauvaise vie. Aussi, malgré les efforts de ses compagnons de le retenir, il se joint aux pèlerins.
Or Zimmer, se basant sur un passage de la version irlandaise de Nennius où
crosan pourrait avoir le
®ens de „porte-croixquot; (cette signification cependant n\'est pas non plus assurée), n\'a pas hésité à faire
e cette
cliar crosan même une compagnie de pèlerins, et il va jusqu\' à affirmer que cette mention isolée
un
fuirseoir de la cliar crosan explique comment crosan a pu supplanter le mot fuirseoir (p. 187, note)

DG. 71, 23—25 (Deth. 8, 25—27).
3) AfS\'. 5057, 49 de Bruxelles, cité par Kuno Meyer,
Contributions to Irish Lexiography, sub voce : cliar.

-DG. 45, 27 {Deth. 36, 29).
5)
DG. 203, 16.

-ocr page 94-

Nous ne nous dissimulons pas qu\'un seul fait manque encore pour dissiper le dernier
doute que le lecteur pourrait avoir sur l\'étymologie du mot
cler que nous avons soutenue
ici : il aurait fallu indiquer ce mot dans un texte antérieur à l\'époque où les
clerici vagantes^
auraient pu exercer une influence sur la poésie galloise. Nous avouons ne pas avoir réussi
à démontrer que le mot pouvait être entré dans la langue avant le XlVe siècle. Quant
à la forme „régulièrequot;,
clwyr, on la trouve deux fois dans les textes anciens j ni dans
l\'un, ni dans l\'autre de ces passages elle n\'est assurée. La première se trouve dans le
Livre Noir de Carmarthen :

keluit d gan. cluir vir aedan

{éd. Evans 15 ; 8—9)
„des mensonges chante la
clwyr des hommes d\'Aedan.quot;

L\'association de poésie mensongère à la cler que nous trouvons ici de nouveau est
certainement séduisante, mais M. Gwenogfryn Evans Ut ici :
clywir Toutefois on ne
comprendrait pas en ce cas la lénition de
gwyr, à moins que vir ne représente wyr, „petit-
filsquot;. La seconde est dans le
Livre de Taliesin :

Ystyriem yn llwyr kyn clwyr cyfles

Dyfot yn diheu agheu nessnes

{■id. Evans, 33 : 13—14)-

„Considérons de toute notre âme avant de nous confesser à la clwyr que la mort s\'approche cer-
tainement de plus en plus de nous.quot;

Si l\'on pouvait considérer clwyr-cyffes (on plutôt clwyr-gyffes) comme un mot composé,
cela donnerait quelque sens ; M. Evans cependant voit dans cette forme une erreur du
scribe pour
hwyr „tardifquot; % et cette émendation est extrêmement plausible.

Pour le mot cler nous n\'avons pas été plus heureux. On Ht encore chez Taliesin :

At[wyn] cleiric catholic yn eglwys

{éd. cit., 9 : 12-13)-

„agréable est le clerc catholique dans l\'églisequot;.

Il y aurait dans ce vers une syllabe de trop et c\'est probablement la raison pourquoi
M. Evans veut lire ici:
cleir^). Ce mot, identique à la forme irlaindaise, serait précieux,
mais n\'oublions pas qu\'en proposant cette émendation, l\'éditeur jette la
cynghanedd du
vers. Outre cela, après ce collectif ne devrait-on pas s\'attendre plutôt à la lénition de
la consonne initiale de l\'adjectif?

1)nbsp;Livre de Taliesin, p. 93.

2)nbsp;Ibid.. p. 93

Un troisième exemple de clwyr se trouve dans le panégyrique de Llywelyn ab lorwerth par Emyawn
ab Gwgawn. Après avoir parlé des ravages que le prince de Gwynedd a fait en Deheubarth, il continue :
A chan Ilaw Iludwaw Llan Huadein, Kilgerran achlan a chlod goeluein, A chlwyr ar dyhet, mawret
mireinj Yn Aberteiuy tew oet urein vch ben
{Gog., p. 114).

3)nbsp;V. p. 128, 140, 150. C/. Poems hom the Book of Taliesin, 72 : 29.

-ocr page 95-

D\' ailleurs, même si le mot cler était attesté dans les poèmes de Taliesin, nous n\'oserions
pas encore assurer qu\'il soit antérieur à l\'âge d\'or de la poésie des vagants. Il est vrai
que ce serait un argument décisif pour les savants qui sont convaincus de l\'ancienneté
de ces poèmes.

Ajoutons, seulement pour être complets, qu\'on trouve des mots dérivés de cler dans
deux textes qui ont la prétention d\'être d\'une haute antiquité. Les triades de Dyfnwal
Moelmud comprennent parmi les trois
clud gymhorth : heirdd yn eu cylch clera i). Les
Englynion Misoedd, attribués à Llywarch Hen, qu\'on cherche en vain dans la poésie
des Livres Anciens, commencent ainsi :

Mis Jonawr, myglyd Dyfïryn,
Blin Trulliad, treiglad Clerddyn.

(MA^, p. 21).

«En janvier, la vallée est fumeuse, l\'échanson est fatigué et le clerwr est ambulant.quot;

Nous ne pouvons donc pas faire remonter le mot gallois cler plus haut que le commen-
cement du XlVe siècle, mais cette date même nous fournit une indication remarquable.
On a souvent étudié l\'écho des relations entre le Pays de Galles et l\'Irlande au temps
de Gruffyd ab Cynan et de Hywel ab Owain Gwynedd dans les
Mahinogion ttlc Livre de
Taliesin,
mais le contact politique et Httéraire de ces pays pendant les derniers siècles
du moyen âge est encore mal connu. Miss O\'Rahilly n\'en parle pas dans son livre, mais
il nous semble que ces relations n\'ont jamais été interrompues et qu\'elles ont été surtout
importantes à l\'époque où nous sommes arrivés ici. Après sa première révolte manquée
ï^hys ab Maredudd a vécu en exil en Irlande, de 1287 à 1290. En 1328 Sir Rhys ab
Gruffyd, un des partisans les plus fidèles du roi assassiné Edouard II, refuse de recon-
naître la régence, se joint aux ennemis de Mortimer et aux Ecossais, tâche de soulever
le î\'ays de Galles, et s\'enfuit
ad partes transmarinas % En 1330 il revient sous la protection
d\'une lettre de pardon N\'est-il pas probable qu\'il ait imité l\'exemple de tant d\'insurgés,
et que ces
partes transmarinae soient l\'Irlande ? Or, ce Rhys ab Gruffyd est un des plus
célèbres patrons des bardes et il n\'est pas impossible qu\'après son retour de l\'exil il ait
contribué à faire connaître l\'art de la
cléir en son pays. C\'est à la poésie irlandaise que
le Pays de Galles doit un grand nombre de ses mélodies
{cainc, cwlm, erddigan), dont
plusieurs portent un titre irlandais corrompu Une partie de cette musique au moins
semble remonter à cette même époque, car Dafydd ab Gwilym fait allusion à un composi-
teur Hildr, et une de ces
ceinciau est attribuée à un certain Adda Pildir (ab Hildr)
Nous avons vu que les membres de la
cléir étaient musiciens, et la cler galloise avait
aussi des airs spéciaux ; ne serait-il donc pas fort probable que le terme
croesan soit un
emprunt ancien, mais que le mot
cler soit venu d\'Irlande au temps de Rhys ab Gruffydd,
en même temps que les mélodies que les membres de cette classe introduisirent ?

1)nbsp;MA^., p. 919. V. pour l\'antiquité de ces triades Lîoyd, A History o} Wales, p. t. I, p. 318—319

2)nbsp;Rymer, Foedera, t. II, p. 796,

3)nbsp;Trans. 1913—14, p. i97_i98,

4)nbsp;MA^. p. 1072 et seq.

5)nbsp;Bulletin, vol. I, p, 142.

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IV — La poésie de la Cler

Nous aimons à croire que l\'origine celtique du clerwr ne fait plus de doute, mais la
question de savoir quelle pourrait être la nature des chansons qu\'il chantait sur la musique
de ses airs ne se trouve pas pour cela bien avancée. La raison de la disparition complète
de sa poésie n\'est pas difficile à trouver, et Stephens s\'en est rendu compte il y a déjà
longtemps :

„Les clerwyr de la tradition, et les „Rymours, ménestrels et vagabondesquot; des proclama-
tions (royales) doivent avoir eu des paroles mises en musique, et il est également évident
que ces chansons, qui doivent avoir été nombreuses, ne sont pas les poèmes qui sont arrivés
jusqu\'à nous. Elles ont été d\'une autre nature, d\'un caractère plus populaire que les
productions plus achevées des bardes. Comment se fait-il qu\'elles n\'ont pas été conser-
vées ? Je crois qu\'il faut chercher la raison dans la cherté du parchemin, dans le nombre
restreint d\'hommes capables d\'écrire, et dans les frais qu\'on devait s\'imposer pour faire
faire une copiequot; i). Assurément c\'est surtout la poésie légère, charmante souvent mais
éphémère, qui a dû souffrir du peu d\'intérêt que les collectionneurs de manuscrits témoi-
gnaient à tout ce qui n\'appartenait pas à la poésie bardique proprement dite % La perte
irréparable d\'un grand nombre de légendes galloises que personne n\'a pris la peine de
mettre par écrit a été souvent regrettée ; il en est de même pour la poésie lyrique. Mais
pas plus que ceux qui ont étudié sans idées préconçues la question des sources de la
„matière de Bretagnequot;, nous ne pouvons nous
contenter du jugementqui,semblantpéremp-
toire, au fond ne prouve rien du tout : Le poète que nous étudions avait des modèles cer-
tainement celtiques qui, malheureusement, sont perdus, et dont le caractère nous échappe
par conséquent. Si les textes conservés ne nous ont pas fait connaître la poésie chantée
par les
clerwyr, qui forme une des sources de l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym, il doit y
avoir d\'autres ressources pour nous en faire une idée.

Quelles que puissent avoir été les chansons chantées par ces artistes vagabondants,
il est clair que beaucoup plus que les bardes artistocratiques ils ont été toujours dans
un contact intime avec le peuple. Peut-être donc dans leurs chansons ils se sont inspirés
de la muse populaire. Dafydd ab Gwilym, leur descendant déjà plus distingué, ne craint
pas de paraphraser les légendes nationales, que les poètes de cour daignent à peine men-
tionner ; il semble qu\'en ceci il suivait les traditions de sa classe. Si donc il y a jamais
eu une poésie populaire au Pays de Galles, il n\'y a aucune raison de croire que les
clerwyr

1)nbsp;The Littérature of the Kymry, p. 355-

2)nbsp;M. Robin Flower observe à propos des débris de la poésie amoureuse d\'Irlande que M. O\'Rahilly
a exhumés des MSS. qu\'
„il n\'y a aucune raison pour douter qu\'en son temps cette poésie érotique ne
fût cultivée beaucoup plus universellement qu\'on ne dirait à en juger seulement d\'après les rares restes
qui sont parvenus jusqu\' à nous......Les poètes officiels ne pouvaient pas attendre que la poésie pure-
ment amoureuse leur procurât la récompense qu\'ils réclamaient comme leur dû. Les compilateurs des
MSS., même s\'ils n\'étaient pas bardes
eux-mêmes, partageaient en majeure partie leurs idées et avaient
eu la même formationquot;. {Dànta Gràdha% p. v.) M. Dottin pense de même : „La préoccupation des scribes
irlandais semble avoir été de recueillir tout ce qui avait un intérêt historique ou pédagogique, et de délais-
ser pour les poésies artificielles de cour ou d\'école, les fraîches et touchantes compositions de la muse
populairequot;
(Revue de Synthèse Historique, vol. HI, p. 82). Cf. aussi sur les pertes de la poésie galloise
M. Glyn Davies,
Welsh Metrics, p. 72.;

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l\'eussent méprisée. Rechercher les thèmes poétiques chantés par la cler veut donc dire
rechercher la poésie populaire des Celtes. Qu\'est-ce que nous pouvons savoir de
celle-ci ? i)

Le Calan Mai était pour les anciens Celtes un jour de fête comme pour les peuples
germaniques et romans : il est connu que ceux-ci le célébraient par des chansons de
danse spéciales. Aussi est-il à priori bien séduisant de rattacher des traits de la poésie
galloise postérieure à des chansons de danse, chantées à cette occasion et à d\'autres depuis
les temps les plus reculés. C\'est l\'opinion avancée récemment par Sir John Morris Jones :
sjLa poésie provient du chant, le chant du chant en chœur
{cydganu), et le chant en chœur
de la mimique de la danse primitivequot; D\'après ce même savant, la répétition des mêmes
paroles
{ail-adroddiad), assez fréquente dans la poésie galloise, serait un legs du chant
improvisé qui accompagnait anciennement la danse

Sir John ne cite pas de textes à l\'appui de cette opinion vraisemblable, mais nous
avons été heureux de constater que les récits des historiens de l\'antiquité affirment en
effet que les anciens Celtes ont connu la danse, et non seulement la danse guerrière^),
niais également la danse religieuse La danse de la reverdie n\'aurait-elle pas eu primitive-
ment un caractère sacré ? Les femmes et les filles des Bretons qui figuraient nues, le corps
teint avec du pastel, dans certaines cérémonies religieuses dont Pline nous parle \'), nous
rappellent déjà les chœurs de femmes du moyen âge. Aussi nous nous croyons autorisés
a considérer comme assuré que les anciens Gallois dansaient, quoique les encyclopédies
ninsicales anglaises que nous avons consultées prétendent qu\'à l\'inverse de l\'Irlande,
le Pays de Galles n\'a pas de danses nationales. Il est vrai que les historiens du moyen
age gardent encore le silence sur leur poésie de danse, et Giraldus, notre meilleure source
d\'information, qui parle avec tant d\'admiration de leur chant, ne nous apprend rien
sur cette poésie populaire, à part une note non dénuée d\'intérêt sur les exaltés qui dansaient
Q, ^^ ^^^^ de sainte Elined
in chorea quae circa coemiterium cum cantilena circumfertur^).
agirau-il ici d\'un vestige christianisé d\'une ancienne cérémonie païenne ?quot;
Sur la danse comme divertissement mondain et sur les amusements du
Calan Mai
nous nous trouvons cependant bien mal renseignés. Il en est question dans quelques
traditions notées dans les temps modernes qu\'on ne peut citer comme preuves qu\'avec
a plus grande réserve. William Owen prétendait, sans nommer sa source, que l\'enlève-
nient bien connu de Gwenhwyfar par Melwas avait eu lieu quand la première était allée
au bois pour y „chercher le maiquot;
(a-maying) % mais nous admettons avec Gaston Paris
que ce détail isolé provient de la lecture de Malory^«). Edward Jones, et après lui Lady

1)nbsp;Nous employons ici et dans la suite ce terme de „poésie populairequot; dans le sens de „primitive
«nieinschaftskunstquot; (Brinkmann,
op. laud., p. 66).

2)nbsp;Stern, ZfcP., vol. VII, p. 174,

3)nbsp;Cerdd Dafod, p. 121

4)nbsp;Ibid., p. 64.

5)nbsp;Dottin, Manuel, p. 269, 271.
Ibid., p. 346.

7 ttid., p. 347.

À Jî\'quot;^;;«:\'«\'« Cambriae I, ch. II (Rolls éd., t. VI, p. 32).
J (^ambrtan Biography. Cf.
R. Williams, A Biographical Dictionary of eminent Welshman.
Rom.,
vol. XII, p. 502-504.

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Guest 1), racontent que d\'après une légende galloise, Hueil (connu des Mahinigion
avait dû payer de sa vie une observation sarcastique sur l\'inélégance des pas de dance
d\'Arthur ; on se demande s\'il ne faut pas mettre ce trait sur le compte du gout de leur
temps D\'après un des contes populaires recueillis par Sir John Rhys les habitants du
château englouti dans les flots qui forment maintenant le Lac de Bala furent surpris
par la catastrophe au moment où ils dansaient aux sons de l\'instrument d\'un harpiste,

qui seul échappa®).nbsp;,

Tout cela n\'est pas encore fort convaincant, et on serait même tente de voir un argu-
ment pour l\'origine étrangère de la poésie de danse galloise dans le fait que les mots pour
danserquot; sont empruntés. Le mot ordinaire,
dawnsio, semble être relativement recent ),
mais il existe un autre terme plus intéressant,
caroli, qui remonte à une plus haute anti-
quité Aujourd\'hui,
carol a en gallois le même sens que le mot anglais, carrol, et il désigné
le plus souvent une poésie religieuse, quoique ce ne soit pas toujours le cas. Nous croyons
qu\'il est emprunté directement à l\'anglo-normand, et cela dans un temps ou carofe désig-
nait ces rondes de femmes qui étaient accompagnées par une chanson, le plus souvent
d\'inspiration amoureuse, chantée par l\'avant-chanteur, tandis que les autres reprenaient
le refrain C\'est de là que le mot a pu prendre le sens de „chanterquot;, oubiencelmde„danser.
La seconde signification a prévalu en breton, sous la forme
koroll; la première est attestee
en gaUois déjà dans les
Gorwynyon, poème attribué à Llywarch Hen :

Gwychyr gwynt gwyd ni gywain
Eiryawl ni garawl ni gyngain

(MA^. p. 98)-

„Le vent est impéteux ; il ne transporte pas la forêt. Jamais il ne caroU, ni ne chante en choeurquot;

Le sens de „chantquot; est clair dans le Cywydd du Renard de Dafydd :

Garw ei lais, a\'i garol ef

(DG. 182, 30).

„Sa voix est rauque et sa „carolequot; aussiquot;.

Mais voici un passage où le contexte semble indiquer la signification de „rôderquot;,
probablement donc une extension de „danserquot; :

1)nbsp;Mabinogiori^, t. II, p. 335-

2)nbsp;Traduction de Loth., t. I, p. 267, note i.

3)nbsp;Celtic Folklore, t. II, p. 409-nbsp;. .nbsp;, a ^^^ .^„„^oinp

4nbsp;II est très curieux que dans le plus ancien témoignage que nous connaissions sur la dance mondaine

aux sons des flûtes et du chant en chœur, lolo Goch se sert du mot anglo-normand dawns, et que cette

fête est donnée par l\'évêque de Llanelwy dans son palais :

Gerdd dafawd ffraeth hiraethlawn, Gerdd dant, gogoniant a gawn ; Cytgerdd ddiddan lan lonydd,

Pibau, dav?ns, a gawn pob dydd {IGE., 3I3 53—56).nbsp;. . „ ^nbsp;y. ■ e

M. Gwenogfryn Evans traduit pystalat twrwf (Livre de Tahesin, 58 :25) par „the noise of dancing
(Poems from the Book of Taliesin, p. 109). Nous pensons plutôt aux trépignements des buveurs ou peut

.wyd migyein. Le grand dictionnaire de Silvan Evans, malheureusement

inachevé, nous a mis sur la trace de ce passage et de quelques autres cites dans la smte.

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Carol maenol o\'r mynydd
Canmîwydd a\'i swydd fydd oes hydd

ilGE., 51, 5—6).

»Cent ans de „carolequot; dans son district, en sortant des montagnes, voilà l\'âge du cerf et son
occupationquot;.

Enfin, dans le Cywydd du Coq de bruyère Dafydd dit :

Gyd ac ieir cei dy garu,
Y ceiliog dewr a\'r clog du,
Cwrel ael yn caroli

(DG. iio, 1—3 ; Deth. 34, 1—3).

»Avec les poules tu goûtes les plaisirs de l\'amour, coq courageux à l\'habit noir, aux sourcils de
la couleur du corail, en „carolantquot;.

Stern traduisait ici le mot par „jodelnquot; i), mais une des particularités de cet oiseau
est d\'exécuter pendant la pariade de véritables danses devant ses poules en élevant la voix.

Il ne faut pas attacher une importance exagérée à ces termes empruntés, d\'autant
ïnoins qu\' une certaine danse rurale, le
twmpath, porte un nom qui paraît bien gallois.
Ne nous hâtons pas trop de conclure de l\'absence de témoignages dignes de foi et remon-
tant à un temps suffisamment reculé qu\'au moyen âge la danse était inconnue au Pays
de Galles. La cause du silence des textes nous échappe, mais nous en voulons un peu à ce
^rawd llwyd si décrié de ce que tout en sermonnant contre la poésie légère, les tavernes
et l\'amour licencieux, il n\'a jamais suivi l\'exemple donné par ses frères du Continent
pour prêcher contre cet autre abus, la danse Il nous a privé ainsi d\'un renseignement
précieux ; heureusement pour l\'historien de la poésie galloise, les successeurs qu\'il a trouvés
après la Réforme et qui continuaient sa mission avec le même zèle et la même intransi-
geance n\'ont pas reculé devant la tâche ingrate d\'une croisade contre les rondes populaires,
et cette fois-ci, les renseignements ne nous font pas défaut.

En 1630, en plein mouvement puritain, il paraît à Londres un petit livre édifiant
intitulé
Llwybr Hyffordd yn cyfarwydd yr anghyfarwydd i\'r nef oedd, contenant un catalogue
très intéressant de la bibliothèque qu\'un homme frivole, Antilegon, met à la disposition
n dévot Asunetus pour le guérir de sa mélancolie :

Chwedlau Arthur, Cerdd Taliesyn, daroganau JVlerddin, Cywyddau Dafydd ab Gwilym, Araith
Sion Tudur,
a chant o garolau merched, a llyfrau Saesonec digrif, a brintiwyd ganwaith fel
Befys o Hampton, a Gei o Warwic : a\'r hwndrwd miritals, a Ilawer eraill.

Le brave Asunetus cependant ne lui est guère reconnaissant de son offre aimable, et lui
lepond : „Vos livres vains, plains de frivolités, d\'insipidités, de vanités et de mensonges
iiugmen^aient plutôt ma douleur et feraient souffrir mon cœur encore davantagequot; %

vol. VII, p. 207.

P®^ exemple le jugement sévère de Jacques de Vitri, cité par Gaston Paris, On;?., p. 45-46-
fyn quot; Wyfrau ofer yn Ilawn gwegi, chwedleuach, coegni a chelwydd, achwanegent yn hytrach
y govid i, ac a barent fwy tristid i\'m calonquot; (p. 434-435). C\'est toujours le même reproche
d\'ofergerdd
«nsipide et mensongère!

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les trois ancetres du cywyddwr

__________-___—-—

Il se peut que nous nous fassions illusion et que ces „Caroles de jeunes fillesquot; ne soient
que des chansons amoureuses contemporaines ; tout de même elles nous font penser
irrésistiblement à des poésies telles que
Belle Aélts, et en tout cas l\'association de ces
chansons aux cywyddau de Dafydd est déjà remarquable. Ce bibliophile d\'un gout perverti

possède un chef d\'œuvre dans chaque genre profane !nbsp;. ,nbsp;,

Mais c\'est surtout après le grand Réveil nonconformiste du XVIIIe siecle que les
pasteurs ont déployé une grande activité pour détruire les amusements populaires qu üs
considéraient comme rien moins qu\'innocents. Dans un article du périodique
YGwyhedydd
de 1823, l\'auteur anonyme donne une description des fêtes de mai (dawnsio haf) qu on
célébrait encore de ses jours à la campagne. Après avoir fait dériver cette coutume populäre
des Floralia latins, constitués, d\'après ce qu\'il dit, en l\'honneur de la courtisane Flora ) ,il
se demande pourquoi on tolère encore une fête d\'origine aussi impure !

Dans un recueil de poésie, Blodeugerdd Gymry, publié la même année, on trouve un
poème intéressant intitulé
Cyngor yn erbyn dawnsio (y enwedig ar y Sul\\ „avertissement
contre la danse, notamment le dimanchequot;, dont nous citons les vers smvants :

Rhai sy\'n chwannog iawn i ganu,
Ofer rimyn i\'w dirymmu,
A rhai eraill gwaeth yn twysgo
Bob yn ddwsin myn\'d i ddawnsio.

„Plusieurs ont envie de chanter des vers vains, pour se perdre, tandis que d\'autres, pires encore,
s\'assemblent par douzaines pour aller danser.quot;

L\'admoniteur ne manque pas de leur présenter un exemple des suites funestes de
la danse :

Ffrwythau drwg a ddaeth o ddawnsio,
Matthew gywrain sydd yn gwirio,
Torri pen S ant loan oedd erwin
Am Iw annoeth Herod frenin.

(Jbid, p. 451.)

La danse porte de mauvais fruits; saint Mathieu, qui est digne de foi, l\'assure. Le serment incon-
sidéré du roi Hérode eut pour résultat la décapitation de samt Jean .

Enfin, nous trouvons des détails très importants sur la poésie populaire galloise
et sur son déclin sous les attaques des prédicateurs chez un contemporain, Edward
Jones, l\'antiquaire, qui a eu la bonne idée de recueillir non seulement des poemes
bardiques mais encore un grand nombre de ces courtes chansons qui nous
mteressent
ici Avec tout le mépris d\'un artistocrate et d\'un „Churchmanquot; et l\'indignation dun
amateur des traditions anciennes de „Cymru fuquot;, il décharge sa colère sur les zélateurs
qui ont tué toutes ces belles choses :

1)nbsp;Voici donc la théorie de l\'origine de la poésie populaire énoncée plus d\'un demi siècle avant Gaston
Paris par un Gallois inconnu!

2)nbsp;p. 306—307.

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„La décadence soudaine de la poésie lyrique nationale et des coutumes du Pays de Galles doit
être attribuée en grande partie aux imposteurs fanatiques ou prédicateurs illettrés et plébéiens
qu\'on a laissés trop souvent infester le pays, aliénant fallacieusement la majorité des gens du com-
mun de leur Eglise légitime, et les dissuadant de s\'adonner à leurs amusements innocents,
tels que le chant, la danse et d\'autres divertissements et jeux ruraux qui avaient été aupara-
vant leur joie ordinaire depuis les temps les plus anciens. Au cours de mes excursions à travers
la Principauté, j\'ai rencontré plusieurs harpistes et chanteurs qui avaient en eflet été per-
suadés par ces vagabonds de quitter leur métier en considération de ce qu\'il serait peccable. Le
résultat est que le Pays de Galles, qui était jadis une des contrées les plus enjouées, les plus
heureuses du monde, est de nos jours une des plus moroses.

(Bardic Museum, p. XVI

La guerre acharnée que les prédicateurs ont faite à la danse et à la poésie populaire
explique donc que celles-ci ont laissé si peu de vestiges, mais Jones avait connu encore
les amusements d\'autrefois :

Les jigs et les hornpipes, pleins d\'animation, sont dansés le plus souvent au Pays de Galles lors

des veillées et des noces, et le Twmpath, une danse rurale sur la verdure, pendant les soirs

d\'été, car ces réunions de danse avaient lieu jadis périodiquement durant 1\' été.

(^[bid., p. XV) 2).

Voici donc enfin des renseignements insoupçonnés sur l\'existence de la poésie populaire
galloise. Mais le témoignage de Jones gagne encore considérablement en valeur par la
riche collection de chansons populaires qu\'il a publiée Ces pièces, le plus souvent
de quatre vers, sont du genre qu\'on appelle
pennill, et on les chante en s\'accompapant
de la harpe
(telyn). Le sujet est le plus souvent l\'amour et nous verrons que ce sentiment
y est envisagé de la façon caractéristique pour la poésie populaire. De quelques-unes on
connaît le nom de l\'auteur, et celles-là sont des imitations modernes ; un grand nombre
des pièces anonymes au contraire doit remonter à une haute antiquité. C\'est l\'opinion
exprimée par Sir John Morris Jones : „Celles-ci — celles qui sont authentiques — sont une
création du peuple, et elles présentent beaucoup de traits du chant primitif ; quelques-
unes remontent à une époque reculée de plusieurs sièclesquot; et nous nous empressons
de nous ranger de son côté. Toutefois il importe d\'indiquer les motifs qui nous ont
déterminés à nous prononcer pour le caractère autochtone d\'une grande partie de cette
poésie, car, à la vérité, il ne serait pas du tout absurde d\'admettre que l\'influence du

1)nbsp;Ce passage très injuste pour les promoteurs du Réveil (ce sont ceux-là, traités ici d\'anti-nationa-
Jistes, à qui le Pays de Galles doit maintenant la persistance de sa langue, tandis que c\'est précisément

a noblesse, anglicisée pour la plus grande partie, qui était responsable du déclin de la poésie galloise)
egage pleinement les causes de ce changement profond de la mentalité de tout un peuple, indiqué par
Vendryès à propos de l\'insouciance de Dafydd ab Gwilym
(^RC., vol. XXXVIII, p. 218).

2)nbsp;Voici les genres populaires que Jones distinguait : chants solennels (cywyddoliaethau), lamentations

{galardonau), élégies {marwnadau), chants de guerre {tribanau, erddiganau), chansons gaies, pathétiques

ou amoureuses qu\'on chantait sur des airs connus (hoffeddau, mzoyneddau), caroles rurales de bergers
^olodau).

^ C\'est^le seul recueil que nous ayons pu mettre à profit.

depuis, l\'Art poétique de Sir JohnMorris Jones nous a fait connaître les titres de collections semblables
et plus modernes, et nous regrettons vivement de ne plus être en état de les consulter.

4) Cerdd Dafod, p. 66.

-ocr page 102-

lyrisme anglais, bien plus sensible aux temps modernes qu\'au moyen âge, ait été pour
quelque chose dans la naissance de ce genre, si non pour ce qui est de la forme, du moins
pour ce qui est du fond.

D\'abord, il y a au moins un de ces pennillion, dont nous savons avec certitude qu\'il
remonte au moins à la première moitié du XlVe siècle. C\'est la strophe bien-connue
du merle :

Chwerthid mwyalch mewn celli.
Nid ardd, nid erddir iddi.

Nid Ilawenach neb na hi.nbsp;(Jones, Relicks, p. 72),

„Le merle exulte (littéralement : rit) dans les buissons, et quoiqu\' il ne laboure pas et qu\'on ne
le fasse pas pour lui, nul n\'est plus gai que luiquot;,

que Dafydd ab Gwilym a imitée ainsi :

Chwerddid mwyalch dichwerwddoeth
Yng nghelli las, cathlblas coeth.
Nid erddir marlbridd iddi.
Nid iraidd had nid ardd hi.
Ac nid oes, edn fergoes fach,
O druth oil ei drythyllach.
Llawen yw, myn Duw Llywydd,
Yn Ilunio gwawd mewn llwyn gwydd.

(DG. 92, 33—40; Deth. 59, 21—28).

„Le merle doux et sage chante dans la verdure des buissons, — une jolie salle de concert. Personne
ne laboure pour lui la terre argileuse, et lui même ne confie pas non plus la semence succulente
à la terre. Nonobstant —o petit oiseau aux pattes courtes — nul ne le surpasse par la pétulance
de ses accords caressants. Par Dieu notre Seigneur, il est content de produire son chant dans
les buissonsquot;

On trouve cet englyn déjà dans plusieurs versions de l\'Art poétique gallois et deux
fois dans la
Myvyrian Archaiology. Dans le premier de ces passages ces paroles sont
attribuées à saint Eleri i), dans le second à saint Catwg 2). Nous ne savons pas quelle
peut être la date de ces deux pièces, mais il paraît que la sentence remonte à une source
ecclésiastique puisque c\'est évidemment une paraphrase de saint Mathieu, 6 : 26 :
Respice
volatïlia caeli, quoniam non serunt neque metunt, neque congregant in horreo : et Pater
vester caelestis pascit ïlla\'\\
ou de saint Luc. 12 :24 Ce pennill, qu\'on chante encore
de nos jours, doit avoir eu une grande popularité, car Jones en connaissait trois imita-
tions, ou plutôt, une seule imitation en trois strophes :

Dioval ydyw \'r aderyn.
Ni hau, ni vêd, un gronyn,
Heb ddim goval yn y byd,
Ond canu hyd y vlwyddyn.

I) MA^., p. 135-
z) Ibid., p. 755.

3) La même idée a été développée gracieusement par le poète hollandais Vondel,

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„Le petit oiseau ne connaît pas de souci ; il ne sème ni ne moissonne un seul grain ; pour lui il
n\'y a pas d\'autre préoccupation que de chanter toute l\'annéequot;.

Ve vwytty ei swpper heno,

Nis gwyr ym mh\'le mae i gin io ;

Dyna\'r modd y mae\'e \'n byw,

A gadaw 1 Dduw arlwyo.

»Ce soir il mange son souper, mais il ne sait où trouver demain son déjeuner ; c\'est ainsi qu\'il
passe sa vie, laissant à Dieu le soin de l\'approvisionner.quot;

Ve eistedd ar y gangen,

Gan edrych ar ei aden;

Heb un geiniog yn ei gôd,

Yn Ilywio bôd yn llawen.nbsp;(Relicks, p. 69).

est perché sur la branche et regarde sur son aile ; sans un sou dans sa poche il s\'empresse à
être gai,quot;

Nous avons averti déjà le lecteur qu\'il ne trouvera pas dans ces recherches des études
de prosodie galloise, quoiqu\'il ne nous échappe pas que ce serait là le moyen le plus sûr
pour résoudre le problème des origines de la rhieingerdd. Encore n\'est-ce pas sans une
grande répugnance que nous allons risquer quelques pas dans un labyrinthe où plus d\'un
explorateur bien mieux outillé que nous n\'a pu se retrouver, mais cette fois nous ne
pouvons pas faire volte-face devant un sentier qui semble nous mener tout droit vers
un terrain plus familier.

Les pennillion nous rappellent par leur caractère très fortement épigrammatique des
^nglynion tels que les Eiry Mynydd du Livre Rouge, ou les courtes pièces citées comme
exemples de la métrique galloise par Einion Offeiriad et ses continuateurs. Ces dernières
cependant sont écrites pour la plus grande partie dans les mètres bardiques, tandis que
la plupart des
pennillion du recueil de Jones sont mesurés. Or, nous ne nous occuperons
pas des autres types, mais il vaut la peine de nous arrêter quelques moments au quatrain
octosyllabique et trochaïque, représenté par un grand nombre de ces pièces, dont voici
^n exemple :

Trôs y môr y maé vy nghâlon.
Trôs y môr y maé vy \'chneidion.
Trôs y môr y maé v\'anwylyd,
S y \'n vy méddwl i bob mûnyd

(Relicks, p. 71)-

»Au delà de la mer est mon coeur, au delà de la mer vont mes soupirs, au delà de la mer est mon
bien-aiœé ; il est dans mes pensées à chaque instant.quot;

M. Ifor Williams le rapproche du n°. 168 des Carmina Burana, qui commence ainsi :

Lingua méndax ét dolôsa,
Lingua prôcax vénenôsa.
Lingua digna détruncâri,
Ét in igne côncremâri.

-ocr page 104-

Le plus ancien spécimen gallois connu de ce type est d\'environ 1600, et M. Williams
croit qu\'ici encore on est en présence d\'une imitation de la poésie latine des clercs
vagants C\'est cette conclusion que nous voulons mettre en doute, car, si nous ne nous
trompons pas, dans ce cas-ci la date plus ancienne du premier exemple latin conservé
ne prouve rien encore pour la priorité de cette forme métrique dans la poésie latine.
Les relations entre les prosodies latine et vulgaire sont encore enveloppées de ténèbres,
mais il ne paraît pas absurde d\'admettre que les clercs vagants, qui ont éprouvé tant de
plaisir à regarder les jeunes filles dansant sous les tilleuils, se soient amusés à imiter la
forme des rondes chantées par ces vilaines. Ce vers trochaïque avec son mouvement
très fortement cadencé s\'adapte excellemment à la ronde et il est intéressant d\'observer
que la pièce contre la danse que nous avons citée a le même rhythme. Sir John
Morris Jones admet également que les auteurs des hymnes latins l\'ont emprunté à la
poésie populaire Os et M. Gwynn Jones nous écrit que la coutume de chanter des
pennillion
remonte au moins au XVe siècle.

Mais si ce vers octosyllabique ne peut pas être attesté dans la poésie galloise d\'une
époque plus reculée, il est bien proche du
Rhupynt Hir, dont lorwerth ab y Cyriog entre
autres s\'est servi au XlVe siècle dans le petit poème commençant par les vers :

Mi a bâraf, i ddyn âraf
Or a garaf, ryw o gérydd

iGog., p. 216).

„Je ferai à la gentille petite que j\'aime quelques reproches.quot;

On trouve des exemples de ce dernier mètre dans le Gogodin déjà 3), mais les Gogyn-
feirdd ne s\'en servent pas avant le XlVe siècle ; aussi est-il très probable que la
cler l\'a
conservé et remis aux auteurs inconnus des
pennillion Voici donc un exemple de la con-
tinuité dans le poésie galloise qu\'on peut entrevoir malgré les pertes qu\'elle a faites !
En présence de tous ces faits nous aimons à croire qu\'une observation faite par Sir John
Morris Jones à propos de l\'origne de
Venglyn : „La tendance de faire dériver tout du
latin a été exagéréquot; s\'applique aussi aux
pennillion de ce type.

Il y a cependant d\'autres arguments qui nous confirment dans cette opinion, et ceux-
ci nous sont fournis par le fond de
quelques-unes de ces pièces. Grâce aux recherches
de M. Jeanroy nous sommes en état maintenant de nous faire une idée de ce que peut
avoir été le caractère de la poésie française qui a précédé l\'art courtois, et on sait qu\'elle
comprenait surtout des chansons mises dans la bouche de femmes, et en particulier de
jeunes filles. Or, c\'est également le cas pour plusieurs pièces du recueil de Jones. Cepen-
dant nous n\'aurions pas attaché tant d\'importance à ce trait s\'il ne se trouvait pas
confirmé
par la poésie lyrique de la même époque dans les autres pays celtiques.

1)nbsp;Trans. 1913—14, p. 191 et seq.

2)nbsp;„Y mae\'r mydr hwn yn gyffredin iawn mewn canu gwerinol, ac fe ganwyd Ilawer o hymnau
Lladin arno, yn lie ar y mesurau clasurol.quot;
{Cerdd Dafod, p. 129—130).

3)nbsp;Cerdd Dafod,\'yp.\'314—315.

4)nbsp;Ibid., p. 332-

5)nbsp;Ibid., p, 318.

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C\'est Strachan qui a remarqué que sans une connaissance approfondie de l\'ancien
irlandais, la grammaire galloise serait pour le linguiste comme un livre scellé de sept
sceaux i). Cette constatation, si exacte pour la linguistique, ne garderait-elle pas toute
sa valeur si on l\'applique à l\'étude de la littérature ? Même à un examen superficiel le
parallélisme étonnant entre l\'évolution de ces deux littératures nous frappe, et U est
bien démontré que les lettres irlandaises ont influencé plus d\'une fois les auteurs et les
poètes gallois. La poésie irlandaise a fait des pertes encore plus considérables que celle du
Pays de Galles, il est vrai, mais heureusement un petit nombre de poésies également très
courtes, quoique écrites dans un mètre plus compliqué, a été conservé ; depuis le
XVIIe siècle, beaucoup de chansons amoureuses populaires sont arrivées jusqu\'à nous,
et la supposition qu\'elles sont la continuation d\'un genre cultivé auparavant pendant
des siècles n\'a rien d\'audacieux. Cette poésie présente encore un autre intérêt : elle a
ete exposée très peu aux influences étrangères. Assurément, M. Dottin allait un peu plus
loin qu\'il ne fallait quand il affirmait que „jusqu\'au commencement du dix-neuvième
siècle, elle est restée exclusivement originale et nationale ; elle n\'a subi l\'influence d\'aucune
littérature étrangère ; l\'invention de l\'imprimerie, la renaissance des études classiques
n ont point eu, pour ainsi dire, de répercussion en Irlande\'\' Depuis que cela a été écrit,
Thomas O\'Rahilly a publié un recueil de chansons qui portent à un haut degré l\'em-
premte de l\'esprit courtois et précieux de la poésie contemporaine du Continent En
outre on sait que les poètes irlandais du XVIIIe siècle étaient souvent des maîtres d\'école,
qui ignoraient l\'anglais mais versifiaient en latin et en leur langue maternelle. Aussi
dans certaines chansons les allusions mythologiques abondent et elles ne manquent pas
non plus entièrement dans les pièces populaires recueillies par Douglas Hyde. Toutefois,
avec cette restriction, on peut admettre sans crainte que cette poésie nous renseigne
niieux que toute autre sur les thèmes des chansons populaires des Celtes.

Nous n\'avons pas voulu négliger dans cet ordre d\'idées les Sôniou bretonnes, quoique
dans l\'utilisation de ce genre la circonspection s\'impose beaucoup plus qu\'ailleurs. Quand
on a quelques notions de la poésie populaire française, on ne peut pas lire les poésies
bretonnes sans constater que le nombre de motifs et de thèmes qu\'elles ont en commun
avec cette poésie est un peu inquiétant.

Après ces observations préliminaires, passons à la recherche de l\'ancienne chanson
e jeune fille dans ces recueils de poésie populaire celtique. Le premier type établi par
\' Jeanroy est la chanson d\'allégresse de la jeune fille qui a trouvé un amant à son gré
est très probable qu\'on le retrouve dans un des
pennillion de Jones ;

Rhywun sydd ! a rhywun etto !

Ac am rywun \'r wy\' \'n myvyrio !

ï)nbsp;An Introduction to Early Welsh, p. ix.

\\nbsp;T\'nbsp;pièces publiées par Kuno Meyer, Bruchstücke, t. I, p. 69.

3Jnbsp;La littérature gaélique d\'Irlande {Revue de Synthèse historique, vol. III, p. 84).
4)
Ddnta Grâdha (1916) ; seconde édition amplifiée (1926).

5Jnbsp;Origines, p. 158 et seq.

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Pan vwyv drymma\' \'r nos yn cysgu,
Ve ddaw Rhywun ac am deffry.

(Relicks, p. 66)

„II y a quelqu\'un ! il y a quelqu\'un ! encore il y a quelqu\'un à qui je dois songer ! La nuit quand
je suis plongée dans le plus profond sommeil, quelqu\' un vient pour me reveiller.

Joyce a publié un exemple anglo-irlandais intitulé : F m going to he married on Sunday,
dans lequel on lit les vers suivants :

Oh my heart\'s full of joy, and I\'m frantic with glee
When I think of my wedding on Sunday

(Ancient Irish Music, p. iS),

tandis que parmi les poésies très anciennes recueillies par Kuno Meyer (IXe-XIe siècle)
il y a une chanson de jeune fille très courte inspirée par la même joie attendrie :

Cride hi, daire eno
Ocân ë, pöcan do

(Bruchstücke, t. I, p. 69).

„II est un coeur, une noix de la chênaie, un garçon très cher : un baiser pour lui !quot;

Cependant, la chanson de la fillette qui s\'impatiente de ne pas avoir trouvé encore
d\'amant, est beaucoup plus fréquente en France i). Voici un spécimen gallois :

Yn hên ac yn ieuangc, yn gall ac yn ffôl,
Y merched sy\'n gwra, a minnau ar yr ôl ;
Pam y mae \'r meibion i\'m gweled mor wael,
A minnau gan laned a merched sy\'n cael ?

(Relicks, p. 66).

„Les filles se marient, vieilles et jeunes, sages et folles, et moi, je reste en arrière. Pourquoi donc
les garçons sont-ils si négligents à me regarder tandis que je suis aussi jolie que celles qu ils

prennent ?quot;

La jeune Bretonne dans les mêmes conditions s\'exprime bien plus énergiquement:

Foei ! \'mezhi, d\'ar iaouankiz, \'n bâdan ket davantach ;
Ann noz a gavan hir ha ien,
Pa dishunvan, n\'am eus den.
En noz, da gozeal ganin.
Da dremen ma chagrin

(Sôniou, t. II, p. 18).

„Foin, dit-elle, de la jeunesse ! je ne puis durer davantage ; Je trouve la nuit longue et froide ;
Quand je me réveille, ie n\'ai personne, La nuit, pour causer avec moi. Pour me faire passer

mon chagrinquot;

z) L^f tr\'aducdons àJlôniou et des Gwerziou citées ici et dans la suite sont de Luzel et de Herrieu.

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Bien souvent elles montrent cette impatience dans les conversations avec leurs mères,
qu\'elles prient de leur procurer un mari i). On trouve un exemple fort curieux de ce thème
dans une pièce recueillie par Hyde :

A mhâithrfn dhileas tabhair mé féin dô,
Tabhair na bath a\'s na caoirigh go léir dô,
Téidh, thu féin, ag iarraidh na déirce
A\'s nâ gabh siar na aniar dom\' éiliughadh

{Conn,, p. 6.)

„O petite mère, donne lui moi-même, donne lui toutes les vaches et les brebis. Toi, va demander
la charité, et ne va ni vers l\'est ni vers l\'ouest pour me poursuivre.quot;

Le plus souvent les pièces de ce type prennent la forme d\'un dialogue entre la fille
qui insiste et la mère qui fait des objections. Ainsi nous en trouvons une chez Joyce, dans
laquelle la mère finit par se résigner :

Cheer up, cheer up daughter, and married you shall be

{op, laud., p, 20).

Les Sôniou offrent un exemple vannetais dont la fin est plus triste :

Petra vern d\'eing bud e ken brao,
Pa n\'am dimezet ket atao ?

(t. I, p. 220.)

„Que me sert d\'être si belle Puisque vous ne me mariez toujours pas ?quot;

OU bien un autre :

Petra dâl d\'in-me beza coant,
Pa na allan caout ma c\'hoant ?

{Ihid., t. I, p, 222.)

5quot;

,,Que me vaut d\'être jolie. Puisque je ne peux avoir mon envie

Dans la Son intitulée Ar Verc\'h hag ar Vamm une veuve et sa fille, voulant se marier
toutes deux, se querrellent et finissent par s\'injurier grossièrement

Nous n\'avons pas encore rencontré un exemple celtique de la chanson de la religieuse
enfermée au couvent malgré elle % mais comme c\'est le cas dans les chansons françaises
les jeunes Galloises et Irlandaises semblent s\'être plaintes fréquemment de l\'absence

Origines, p. 160 et seq.

2)nbsp;Sôniou, t. II, p. 4.

3)nbsp;Origines, p. 189 et seq. En revanche une Vannetaise impatiente, que ses parents trouvent encore
trop jeune pour le mariage, les menace de s\'en aller au couvent
{Chansons populaires du pays de Vannes,

IIj p. 88).

4)nbsp;Origines, p. 208.

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in^^amis. Nous avons cité déjÛl^î^o^i^V^TT^^
nant un exemple irlandais de ce motif :

Mo bhrôn air an bhfairrge

Is é ta môr.
Is é gabhail idir mé

\'S mo mhile stôr.nbsp;(^onn., p. 28).

„Ma douleur sur la mer qui est si grande ! C\'est elle qui s\'étend entre moi et mes „mille trésors.quot;
C\'est aussi le sujet de la chanson intitulée Drahareen-o-machree, publiée par Joyce :

My true lover\'s absence in sorrow I grief full sore

And each day I lament for my Jimmy, Moveel a sthore ).

(Ancient Irish Poetry, p. 40).

Les lamentations de la jeune fille abandonnée par un amant infidèle ^^^
plus vers elle forment cependant le thème favori de la poesie populaire française ), et
dans les
Lovesongs of Connacht, elles sont également très fréquentés :

Mallacht Mhic Dé do\'n té sin
Do bain diom mo ghràdh,
Agus d\'fhâgbhuigh liom féin mé
Gach aon oidhche fhada fâ chrâdh.

(Conn. p. 20.)

„La malédiction du Fils de Dieu sur celui qui séparait de moi mon amour et m\'abandonnait à
moi-même, chaque longue nuit en tourments quot;

Go bhfuil mo ghrâdh dom\' thréigin
A Dhia ghlégil \'s a Mhuire, nach truagh !

(Ibid., p. 24.)

„Que mon amour (c.à.d. : mon ami) m\'ait abandonnée, 0 Dieu brillant, o Sainte Vierge, n\'est-ce
pas une pitié 1quot;

Tuig a mhile stôr nach bhfuil peacadh ar bith chomh môr

Is measa agus is mô le deunamh

Nâ maighdean dheas ôg do mhealladh le (do) phoig

Agus fealladh uirri go deô \'nna dhéigh sm.

®nbsp;(Ibtd., p. 102.)

Sache o „mille trésorsquot;, qu\'il n\'y a pas de péché au monde aussi grand et plus exécrable et
plus gros qXn puisseJaire, que de séduire une jeune fille jolie avec un baxser et de la tromper

pour toujours après.quot;

Parfois dans ces chansons populaires U est clairement indiqué que la
raison de plus de se plaindre de l\'infidélité de son amant : U l\'a abandonnée encemte

1)nbsp;== mo mhile stôr, „mes mille trésorsquot;.

2)nbsp;Origines, p. 211 et seq.

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et exposée aux brutalités et aux injures de ses parents et de la foule hostile Dans les
Carmina Burana il y a une chanson où cette situation est traitée d\'une façon particulière-
ment poignante, et il nous semble que la pièce irlandaise que nous venons de citer appar-
tient à la même catégorie. Qu\'on lise seulement la strophe suivante :

Mo châirde uile go léir, an chuid aca nâr eug
Gur thugadar geur-fhuath dam,

Gan d\' fhocal ann a mbeul, acht „6 mhill tu thu féin
Fulaing do réir sin buaidhreadhquot;.

ilbid.i p. 104.)

„Tous mes amis qui ne sont pas morts, pas un seul excepté, m\'ont témoigné leur aversion cruelle.
Ils n\'ont pas d\'autre discours sur les lèvres que celui-ci : „puisque tu n\'as à reprocher ta chute
qu\' à toi-même, souffre le chagrin que tu t\'es attiréquot;.

Le contraste entre le ton de cette chanson et celui de deux Sôniou, dans lesquelles
une mère constate la grossesse de sa fille, ce qui amène une altercation des plus brutales,
est frappant 2). La poésie irlandaise, bien loin d\'avoir une prédilection pour les détails
précisés et souvent choquants, reste presque toujours très délicate.

Serait-il encore bien audacieux de supposer après tant de traits primitifs que ces
chansons du XVIIIe siècle nous permettent de nous faire une idée sur les thèmes qui
ont été traités dans la poésie non-bardique disparue du moyen âge ? Nous ne le croyons
pas et quand dans la suite de ces recherches nous aurons pu établir un rapprochement
entre un cywydd de Dafydd ab Gwilym et une des chansons que nous considérons dès
mamtenant comme représentatives pour l\'ancien lyrisme celtique, il nous semblera très
légitime de conclure que le trait qu\'ils ont en commun est autochtone et qu\'il est inutile
d\'admettre que les poètes du XlVe siècle l\'aient emprunté à une littérature étrangère.

Avant de quitter la poésie du derwr qui nous a occupés déjà trop longtemps, résumons
les faits que nous avons constatés dans les pages précédentes.

Les anciens Celtes connaissaient les danses exécutées par des femmes (Pline). Les
Gallois du moyen âge avaient encore des danses religieuses, peut-être un reste du paganisme,
et des chansons qui s\'y adaptaient (Giraldus). Déjà du temps de Maelgwn Gwynedd, ils
avaient des poésies amoureuses
(Judicra), récitées par des artistes qui probablement
n\'étaient pas bardes (Gildas), Leurs mélodies venaient en partie d\'Irlande ; c\'est de
ee pays aussi que leur sont venus les introducteurs de ces airs, artistes d\'un rang secon-
daire,
croesan et derwr. On sait avec certitude qu\'au XVIIIe siècle encore ils dansaient
des rondes aux sons de la harpe (Jones) et les chansons de cette époque portent la marque
aune certaine antiquité.

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LES TROIS ANCETRES DU CYWYDDWR

94nbsp;__________—

nouveau composé par Dafydd ab Gwilym qui, à l\'en croire, avait excité tant d\'enthou-
siasme auprès des jeunes filles et des garçons qui l\'entendaient, prendrait peut-être d\'une
certaine importance i). Contentons nous cependant de la certitude que nous avons acqui-
se sur l\'existence d\'une ancienne poésie populaire dans les pays celtiques ; il est de la
compétence des seuls musicologues de confirmer ou de rejeter l\'idée avancée ici que cette
poésie pouvait avoir étré liée à la danse.

V — Le Storiawr

Après avoir consacré tant de pages aux deux classes d\'artistes dont les Cywyddwyr
combinaient les fonctions, nous ne nous occuperons plus longtemps de leur troisième
ancêtre, du
storiawr (conteur), dontM. Gwynn Jones a du reste étudié déjà la condition
et le succès dans la société % Il a prouvé d\'une façon concluante que cet artiste apparte-
nait à une classe distincte de celle des bardes et en général méprisée par eux, sourtout à
l\'époque de floraison de leur art. Il n\'y a qu\'un seul texte qui semble contredire formelle-
ment cette constatation : ce sont les passages du
Mahinogi de Math ah Mathonwy ou
Gwydyon après s\'être présenté comme barde de Glamorgan, raconte à ses hôtes Pryden
et Aranrod des contes et des histoires
{chwedleu achyuarwydyt) »). Mais cette contra-
diction n\'est qu\'apparente : le rédacteur de ce conte,
storiawr lui-même, a probablement
pensé flatter son ordre en conférant à des confrères un titre au-dessus de leur condition.
Dafydd ab Gwilym ne faisait pas autrement quand il s\'arrogeait le titre de
pencerdd
et de prydydd.

Il est hors de doute que ce poète a connu — superficiellement, il est vrai — des légendes
nationales et on sait qu\'il ne dédaignait pas de faire de temps en temps des allusions
circonstanciées à Peredur, à Blodeuwedd, aux Animaux Anciens. Il faut ajouter à celles-ci
une allusion assez claire, que la critique ne paraît pas avoir relevée jusqu\'ici, à la situation
périlleuse d\'Owain ab Uryen, pris entre la porte du château de Luned et la herse baissée
sur son cheval :

Caru merch ni\'s cae \'r marchog,
A fu rhwng y porth a\'r ôg.

(Z)G. 152, 5—6-)

„Aimer une jeune fille plus désirable même que celle que le chevalier a conquis jadis qui a été
pris entre la porte et la herse.quot;

Dafydd était donc assez bien au courant de l\'art du storiawr. A-t-il voulu l\'imiter ?
On pourrait le supposer un moment sur quelques indices. D\'abord, des nouvelles amou-
reuses en prose de deux de ses amis ont été conservées : Gruffydd ab Adda a composé un
Breuddwyd qui porte son nom, lolo Goch un Araith. Puis, on reconnaît facilement dans
l\'œuvre de Dafydd quelques cycles de cywyddau qui présentent plus ou moins un caractère
d\'unité. Les éditeurs de l\'édition princeps ont compromis cette vérité par l
\'arbitraire

I) DG. 137.

2)nbsp;Tram. 1913—145 P- 283 et seq.

3)nbsp;Livre Blanc, éd. Evans, p. 42, 49.

-ocr page 111-

dont ils ont amplifié démesurément surtout le cycle de Morfudd et par la chronologie
illusoire dans la disposition des chansons, mais l\'idée dont ils partaient n\' était pas sans
fondement. Encore est-il vraisemblable qu\'il y a eu un lien entre les éléments de cette
sorte de roman autobiographique, et rien ne nous empêche en effet d\'admettre que le
poète reliait et expliquait ces cywyddau, parfois peu claires, par des commentaires en
prose, comparables au
razos des troubadours, qui probablement n\'ont jamais été écrits.
Ainsi on pourrait soutenir que Dafydd ab Gwilym a composé un Roman de Morfudd
dont la forme devait alors avoir été semblable à celle des anciens récits épiques des Celtes,
où la prose et la poésie alternaient, comme dans la nouvelle de
Curithir et Liadain, dont
la partie en prose n\'est connue que par quelques maigres restes. Dans la littérature galloise
on connaît également des fragments en vers qui semblent avoir fait partie de récits pareils,
tels que les dialogues entre Bronwen et le nain i), Arthur et Gwenhwyfar % Arthur et
Liwlod 3), et la conversation entre Arthur, Cai et Glewlud % tandis que les vers échangés
par Trystan et Gwalchmai % incompréhensibles à l\'état isolé, se trouvent appartenir
à la nouvelle de Trystan du XVe siècle.

L\'idée avancée ici«) paraîtra peut-être séduisante, mais empressons-nous de faire
aussitôt une restriction nécessaire. Quand on étudie les parties en vers des anciennes
épopées irlandaises, on se rend compte que celles-ci sont toujours lyriques ou dramatiques
et qu\'elles interrompent le récit à des passages pathétiques. Il en est tout autrement
des cywyddau de Dafydd, qui sont très souvent narratifs. Là les vers impiéteraient
donc sur la partie réservée à la prose, et sa technique serait donc toute autre que celle
du
storiawr.

Quoiqu\'il en soit, toujours est-il que la littérature épique est une source préckuse
de renseignements sur les conceptions des Irlandais et des Gallois aussi sur la vie en
général et l\'amour en particulier. Stern a refusé aux Celtes le droit de revendiquer kur
poésie érotique comme une possession autochtone, mais il n\'aurait pas nié qu\'ils avaient
en propre du moins des romans d\'amour. Nous avons cité déjà l\'exemple le plus représen-
tatif que nous connaissions de ce genre, la nouvelle de
Curithir et Liadain; à côté de
celle-ci ils avaient des romans qui ont pour sujet la quête de la fiancée (Kulhwch,
Tochmarc
Etdine),
le motif de l\'épouse persécutée (Bronwen, Rhiannon), des récits de maux d\'amour
^^rgîige Concluîaind), des histoires tragiques d\'enlèvements (Aitheda : Trystan, Noisi,
Alarmait) et de crimes passionnels (Blodeuwedd, Blâthnat), Dans la suite nous les utilise-
rons maintes fois pour déterminer si un trait considéré comme un emprunt à une poésie
^trangère ne s\'explique pas naturellement par l\'évolution de la littérature nationale.

I)nbsp;Livre Noir, éd. Evans, p. loo—loi.
p. 130.

3)nbsp;Ibid., p. 130.

4)nbsp;Ibid., p. 127.

5)nbsp;Ibid., p. 132.

6)nbsp;Nous la devons à une suggestion de M. Gwynn Jones.

7)nbsp;V. Gertrud Schoepperle, Tristan and Isolt, t. II, p. 39^ et seq., p. 545 et seq.

-ocr page 112-

chapitre vii

Relations littéraires entre le Pays de Galles et l\'Etranger
Dans la Grande-Bretagne

Depuis longtemps on a reconnu que le Pays de Galles n\'a jamais été le coin de terre
isolé du reste du monde où fleurissait dans l\'obscurité cette poésie vierge et pleine de
souvenirs des temps préhistoriques, qui était si chère aux Romantiques. La critique a
dissipé tous ces mirages et l\'on peut maintenant se faire une idée des relations
presque
ininterrompues qui ont existé entre ce pays, l\'Angleterre et le Continent pendant tout
le moyen âge. Dans les chapitres suivants nous nous proposons d\'examiner systématique-
ment les voies par lesquelles ce contact a pu se faire, et d\'utiliser les renseignements que
cette étude des relations politiques et sociales du Pays de Galles avec l\'étranger nous
fournit pour la solution du problème de l\'influence des littératures étrangères sur la
rhieingerdd.

En général nous ne nous faisons pas d\'illusion sur la nouveauté de la plupart des aits
que le lecteur trouvera réunis ici ; nous aimons à croire cependant que la façon dont
ils sont groupés, rattachés et commentés justifiera la place considérable que nous leur
réservons.

I — La Cour de Londres

Presque tous les savants gallois qui admettent que la poésie des Troubadours a été
pour beaucoup dans la naissance de la rhieingerdd ont appuyé cette opinion sur le fait
bien connu que la cour de Londres, notamment pendant le règne de Henri II et d\'Aliénor,
quand Bernard de Ventadour y séjournait, a été un des centres principaux de l\'art cour-
tois. C\'est donc de Londres que l\'influence méridionale se serait fait sentir sur le Pays de
Galles. Examinons de près la valeur de cet argument.

Certes, il est assuré que non seulement Bernard, mais probablement encore d\'autres
troubadours et plus d\'un trouvère ont trouvé à Londres l\'accueil dû à leur talent, mais
cela ne veut pas encore dire que leur poésie y ait pris racine ! Contrairement à ce qu\'on
attendrait et à ce qu\'on constate dans d\'autres pays, l\'influence de ces courtes visites
sur l\'évolution de la lyrique française dans la Grande-Bretagne se trouve être à peine
perceptible. Il est impossible d\'étudier le beau catalogue de la poésie
anglo-normande
dressé par M. Vising sans être frappé par la rareté extrême du lyrisme amoureux dans
cette littérature. Le très petit nombre de pièces de ce genre, perdues dans
la masse
d\'œuvres religieuses, morales ou didactiques, semble prouver déjà que l\'intérêt pour
cette sorte de poésie
a été bien faible en Angleterre. Dès 1887, M, PauliMeyer constata

i) Angîonorman Language and Literature, p. 41 et seq.

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que „de tous les genres de la poésie française celui peut-être qui a eu le moins d\'écho dans
la Grande-Bretagne, c\'est le genre lyriquequot; % et cette conclusion n\'est pas encore modifiee
sensiblement par les travaux des savants qui ont tâché récemment d\'expliquer l\'éclosion
du lyrisme anglais au XlIIe et au XlVe siècle par l\'influence directe de la poésie des
troubadours. Un de ceux-là du reste, M. Audiau, ne fait aucune difiiculté de reconnaître
le peu de retentissement que la poésie courtoise a trouvé chez les poètes anglais :„Elle
se heurtait iciquot;, dit-il, „plus que partout ailleurs, à de vives résistances. Les origines
du peuple anglais et son passé historique entravaient l\'éclosion et l\'essor d\'une littérature
à laquelle son tempérament ne le disposait d\'ailleurs que très médiocrement. Les Anglo-
Normands en effet, moins légers et moins indifférents à la religion que la plupart des
écrivains occitans, ne se laissèrent pas séduire tout d\'abord par des chansons où Tamour,
certe impardonnable faiblesse, s\'épanouit dans toute sa splendeurquot; 2). M. Appel nie même
catégoriquement que la poésie provençale ait trouvé un refugedurableàlacour\'deHenrill®).
Aussi serait-il bien étonnant si les bardes gallois avaient fait de bonne heure la
connaissance de cet art par l\'intermédiaire de ces poètes anglo-normands qui semblent
l\'avoir apprécié si peu.

Sans doute, si les rois anglais et les poètes qu\'ils menaient dans leur suite s\'étaknt
imposé la mission de propager au Pays de Galles la civilisation méridionale, les occasions
propices à cette tâche ne leur auraient pas manqué. A l\'exception d\'Etienne et de Richard I,
il n\'y a pas eu de roi qui n\'ait visité ce pays
au moins une fois. Déjà en 1081 le
Conquérant se fraye un passage à travers le pays ennemi pour se rendre à la métropole
de saint David. Guillaume II fait au moins deux expéditions, en 1095 et en 1097, contre
Gruffydd ab Cynan. Henri I dirige ses attaques en 1114 sur Powys, en 1121 sur Gwynedd.
Henri II éprouve
un grand échec en 1157 en Gwynedd et sur la côte de Mon; en 1163 il
obtient un succès peu durable en Sud-Galles. En 1165 au contraire, sa grande
armée,
composée de contingents venant de toutes ses possessions et embrassant entre autres un
grand nombre d\'Aquitains est forcée à Corwen de battre en retraite. En 1171 il traverse
tout le sud du pays pour s\'embarquer pour l\'Irlande; l\'année suivante il revient par
la même route. Jean-s ans-Terre se rend par le même chemin en Irlande en 1185, accom-
pagné de Giraldus Cambrensis. En 1211 il mène ses troupes en Gwynedd, en 1216 sur la
frontière. Henri III fait encore plus d\'efforts pour soumettre les princes gallois : en
1221,
en 1228 et en 1231 on le trouve avec son armée en Montgomeryshire, en 1223, en 1241
en 1245 et en 1257 en Gwynedd. Edouard I, qui avait croisé l\'épée avec Llywelyn ab
Gruffydd déjà du vivant de son père, réussit enfin en 1277 et en 1283 à rompre la résistance
des derniers princes indépendants. De 1282 jusqu\'en 1284, il séjourne avec la reine et
sa cour à Rhuddlan et à Carnarvon et visite tout le pays subjugué. La révolte de 1294 le
rappelle encore une fois en Gwynedd et en Powys. Edouard II de Carnarvon visite sa
principauté plus d\'une fois. En 1301 il reçoit à Chester l\'hommage des nobles gallois;
en 1321 on le revoit sur le Border poursuivant ses barons révoltés. Le dénouement tragique

1)nbsp;Rom., t. VII., p. 102.

2)nbsp;Les Troubadours et VAngleterre (Bulletin de la Société des Lettres, Sciences et Arts de la Gorrèze, 1920
P- 347).

3)nbsp;Bernart von Ventadorn, p. lvi.

^ detholedigyon ymladwyr lloegyr a normandi afflandrys ac angiw a gwasgwin a holl brydein {Brut
y Tyzaysogion, éd. Rhys-Evans, p. 324).

-ocr page 114-

d^^^ègne a pour scène le Glamorgan où il se cache en\'1326, prè^du monastère deNeath,
aux poursuites de sa reine vindicative et de Mortimer, son amant. Nous ne savons pas
si Edouard III a visité cette partie de son royaume, mais son fils, le Prmce Noir, qui y
était fort populaire, y séjournait plus d\'une fois. C\'est en Gwynedd que Richard II,

revenant d\'Irlande, trouve la trahison et la captivité.

Enfin s\'il faut ajouter foi au témoignage de la Chronique des quatre premiers Valois,
le Pays de Galles aurait même été visité une fois par un roi de France, bien maigre Im
à vrai dire Pour s\'assurer de la personne de son prisonnier, Jean le Bon, Edouard III aurait
fait mener celui-ci en
1360 à un château de ce pays au moment où la flotte française
menaçait les côtes anglaises i). Tout de même il nous semble qu\'on aurait tort d\'attacher
une grande importance au contact résultant de ces expéditions hostiles. Nous pourrions
répéter à propos des invasions du Pays de Galles ce que M. Jeanroy a répondu a ceux
qui admettaient que la pastourelle française avait été introduite dans le Midi par les
poètes qui avaient pris une part active à la Croisade des Albigeois : „il est certain qu ils
n\'allaient pas y faire de propagande en faveur de tel ou tel genre ; ce n\'est rien moins
qu\'une croisade poétique qu\'ils entreprenaientquot; Plus même qu\'à l\'expedition en
Languedoc cette remarque convient aux courtes campagnes galloises dont on connaît
le caractère presque invariable: arrivée de l\'armée anglaise; retraite des Gallois avec
leurs troupeaux dans la forteresse naturelle du Snowdon, après avoir dévaste le pays ;
disette chez les troupes ennemies ; commencement de la mauvaise saison ; retraite précipi-
tée du roi, couvert de honte et les mains vides, ou tout au plus, „emportant une seule

vachequot;

Au cours de deux expéditions cependant, les Gallois ont eu l\'occasion d\'entrer en
relations avec le roi et sa cour. En
1171, avant de s\'embarquer pour l\'Irlande, Henri II
donne
rendez-vous au Seigneur Rhys à Pembroke, et assiste à un dîner avec 1 eyeque
Dafydd ab Gerallt à Saint David. L\'année suivante, à son retour, le roi passe la fete de
Pâques à Pembroke et rencontre Rhys de nouveau % Il n\'est pas entièrement impossible
que ces fêtes aient eu un écho au Pays de Galles : les nombreuses anecdotes racontees
par Giraldus Cambrensis qui se rattachent à cette visite semblent prouver qu elle a
fait une vive impression sur ses compatriotes. Peut-être aussi ne faut-il pas négliger
l\'importance du long séjour d\'Edouard I dans le pays, de
1282 jusqu\'en 1284, quand il
organise des jeux et des tournois à Nefin. On ne semble pas encore avoir porté beaucoup
d\'attention sur le fait digne d\'intérêt qu\'en
1282 toute la noblesse gasconne prend part
à la campagne contre Llywelyn. Les seigneurs d\' Armagnac, de Bigorre, de Mauleon,
der Bergerac, de Gaveston, de Greilly, de Tarcazin, du Bourg y sont avec le Captai

1)nbsp;Etleroy Jehan de France, pour doubte que les Françoiz ne le rescouissent, fit mener en Galles
bien avant en ung chastel très fort où là fut estroictement gardé et tous ses gens emprisonnez,
{.ed.

Siméon Luce, p. 112).

2)nbsp;Origines, p. 28.

3)nbsp;Hanes Gruffydd ab Cynan, éd. Jones, p. 140.nbsp;,

4)nbsp;Ac yna ydaeth rys o gastell aber teiui hyt yggastell penvro yymdidan ar brenhm. y deudecuet dyd

ogSan hydref. aduw sadwrn oed y dyd hwnnw...... Ac ervynneit aoruc dauyd uab gerald y gwr aoed

escob ymmynyw yma. Yr brenhin bwytta ygyt ac ef y dyd hwnnw. A gwrthot y gwahawd aoruc y brenhin.
o achaws gweglyt gormod dreul yr escob, Dyuot eisoes aoruc ef ar escob athrychanwr
gyt awynt y gmawa...
A duw gwener y croclith y doeth ympenuro. Ac yno y trigyawd y pasc hwnnw. Aduw Ilun pasc ydyrn-
didanawd a rys yntalacharn ar y fîord.
{Brut, p. 328—330)»

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de Buch, et ont pour leur part dans le plan de campagne l\'occupation de Mon i). Or,
c\'est là que résidaient les descendants d\'Ednyfed Fychan, grands protecteurs des bardes
comme on a vu, et il semble que plusieurs d\'entre eux avaient trahi dans cette dernière
lutte la cause de Llywelyn, puisque Hywel ab Gruffydd ab Ednyfed conduit la flotte
anglaise Un grand nombre de ces Gascons, sous Luc de Tany, expient leur violation
de l\'armistice et leur étourderie dans les flots du Menai ; d\'autres sont renvoyés aussitôt
après la fin de l\'expédition, mais il y en a qui restent encore quelque temps au pays,
et parmi ces derniers on trouve le gentilhomme savoisien Othon de Grandison (grand-
oncle du malheureux poète de ce nom), qui est nommé par le roi Justicier de Nord-
Galles 3).

Si donc les rois venaient de temps en temps faire un petit séjour à la tête d\'une armée
au Pays de Galles, les chefs gallois se rendaient plus souvent encore aux résidences royales,
et ces visites nous semblent bien plus importantes déjà. Certes, ce n\'est pas de plein
gré ou par intérêt pour la civiUsation des
„Saxonsquot; détestés qu\'ils prenaient la route de
Londres, mais les querelles intestines et les guerres de succession continuelles, qui ont
été le malheur du Pays de Galles, obligeaient plus d\'un prétendant infortuné à s\'enfuir
pour chercher des alliés. Jusqu\'au commencement du Xlle siècle c\'est surtout l\'Irlande,
inépuisable en troupes auxiliaires, qui avait fourni à ces déshérités des flottes équipées
d\'aventuriers hardis ; après, avec un manque regrettable de discernement, ils vont implorer
le secours du voisin puissant de Londres. Parfois ils éprouvaient alors la satisfaction de
voir arriver à la cour du protecteur intéressé leurs rivaux, domptés et obHgés de remplir
les conditions de paix et de prêter le serment de fidélité. Le plus souvent ces derniers
devaient encore se résigner à laisser leurs fils comme otages entre les mains de l\'ennemi
anglais. On peut douter que ces princes humiliés et pleins d\'amertume aient été dans
l\'état d\'âme le plus approprié à apprécier le charme de la poésie qu\'ils pourraient y entendre

reciter\'

Ainsi, les princes de Powys, lorwerth, Maredudd etCadwgan, tous trois fils de Bleddyn,
sont retenus entre iioo et iiio plus d\'une fois à Londres par Henri I. Le turbulent Owain
ab
Cadwgan, tantôt traqué comme une bête sauvage, tantôt en grande faveur auprès
de ce roi, séjourne de iiii à 1113 à sa cour où, peut-être, il a pu rencontrer le troubadour
Marcabrun et les clercs lettrés attirés par la reine Mathilde dont parle Guillaume de
Malmesbury Son amie Nest, la fameuse „Hélène galloisequot;, tombée au pouvoir des
Anglais après la mort de son père Rhys abTewdwr, qui fut tué en 1090, y vivait long-
temps et donnait au roi un fils, Henri, qui devait tomber plus tard au service de Henri II
contre ses compatriotes sur la plage de Moelfre Gruffydd ab Cynan est mandé à la
D^ed^e^ pour tramer un complot contre son hôte Gruffydd ab Rhys, le prince de

I) J. E. Morris, The Welsh wars of Edward h P- l88-
\'\' ar kanhaiaf gwedy henne y doeth y brenhyn ay lu hyt en rudlan ac ar anvones Ilynges hyt en
g\'^ufud ap edneved en dywisauc en ev blaen ac wynt a goresgynassant von.
{Continuation

T\'wjflquot;nbsp;t. I, p. 343).

3; Welsh Wars, p. 199.

4)nbsp;Brut, p. 293—294.

5)nbsp;Ibid., p. 319.

6)nbsp;Ibid., p. 295.

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A la cour brillante de Henri H les princes gallois font de plus en plus souvent leur
apparition.
Owain Gwynedd y fait hommage en 1164, mais c\'est surtout Rhys ab Gruffydd
(Yr Arglwydd Rhys) qui se présente fréquemment à la cour, accompagné des autres
seigneurs de Deheubarth, et qui y est reçu après sa réconciliation avec le roi en 1171 avec
de grands égards i). Son fils Hywel, laissé comme otage dans la suite du roi, reste à Londres
de 1157 à 1171, et en 1173 encore son père l\'envoie en France pour assister Henri contre
son fils révolté, le jeune roi 2). Au cours de ce long séjour il paraît s\'être anglicisé (ou
plutôt francisé), à un tel point que ses compatriotes lui ont donné le surnom de
Sais.
Peut-être n\'était-il pas le seul prince gallois qui a passé sa jeunesse à la cour anglaise :
d\'après
VHîstoire de Foulques fitz Warin, Llywelyn le Grand, dont le père défiguré lorwerth
Drwyndwn avait été écarté du trône, y aurait vécu également en exil, ensemble avec
Jean-sans-Terre et Foulques lui-même =5), et cette assertion n\'a rien d\'invraisemblable
si l\'on se rappelle les persécutions que Dafydd I faisait subir à ses frères et à ses neveux.
Enfin, il n\'est pas absolument impossible que l\'entrevue des princes des trois contrees
du Pays de Galles, Dafydd I, le Seigneur Rhys et Owain CyfeiUog, avec Henri H à Oxford
en 1177 leur ait donné le goût de l\'art provençal.

Seulement, les troubadours illustraient-ils encore la cour anglaise à cette epoque ?
Cela n\'est nullement assuré. M. Appel a calculé que la visite bien-connue et souvent citée
de Bernard de Ventadour a eu lieu probablement au commencement du règne de Henri,
à la fin de 1155 ou au commencement de 1156, mais à cette date ce roi ne s\'était pas
encore occupé des affaires galloises. En
1177 au contraire, Aliénor,la protectrice de Bernard,
était tombée en disgrâce, et ses filles JMarie et Alice avaient déjà suivi leurs maris en
France. Il est vrai que Henri, le jeune roi, et Richard continuaient à accorder leur faveur
aux troubadours, mais rien ne nous permet de croire qu\'ils les aient invités à visiter
l\'Angleterre, quoiqu\'on sache que le chancelier Guillaume de Longchamps se cherchait
des panégyristes parmi les trouvères français et les attirait en grand nombre 4). Richard
du reste s\'occupait à peine des affaires anglaises et encore moins de celles qui concernaient
le Pays de Galles. Une seule fois, en
1189, le Seigneur Rhys l\'a visité et alors l\'accueil
que le roi lui faisait était de nature à lui Ôter toute envie de renouveler cette pohtesse

Sous Jean-sans-Terre au contraire le contact avec les princes gallois est rétabh. Deux
exilés de marque, Dafydd I de Gwynedd et Gwenwynwyn de Powys, chassés par Llywelyn
ab lorwerth, cherchent un refuge à sa cour. Llywelyn lui-même est obhgé en 1212 de faire
hommage au roi, son beau-père, à Cambridge, et peu de temps après seulement, le trouba-
dour et condottiere Savaric de I^auléon se trouve en Angleterre au service de Jean«).
Les nombreux jeunes otages gallois de ce roi auraient pu introduire sa poésie en leur

I) \'r arglwyd rys y gwr aoed garedickaf gyfeillt gan y brenhin yn yr amser hwnnw {Ibid., p. 333)-

3)nbsp;Foie^e sïï\'compaignons s\'en alerent de yleque vers Rothelan deparler ou sire Lewys, le prince
qu\'aveit esposée Johane, la fyle le roy Henré, suere le roy Johan
{sic); quar le prince e sire Fouke e ses
freres furent norys ensemble en la court le roy Henré
{éd. Wright, p. 52).

4)nbsp;Hic ad augmentum et famam sui nominis, emendicata carmina et rhythmos adulatons compa-
rabat et de regno Francorum cantatores et joculatores muneribus allexerat, ut de illo canerent m plateis,
et jam dicebatur ubique quod non erat talis in orbe. (Roger deHoveden, Rolls\'s éd., t. Ill, p.
143).

5)nbsp;Ibid., t III, p. 23.

6)nbsp;V. H. J. Chaytor, The Troubadours and England, p. 68 et seq.

-ocr page 117-

pays s\'ils étaient assez heureux de quitter la cour vivants ; malheureusement ceci était
rarement le cas.

Les relations entre Henri III et les princes des trois contrées galloises ont été particulière-
ment soutenues. Il reçoit l\'hommage de Rhys leuanc en 1218 et en 1224 ; il rencontre
Llywelyn ab lorwerth en 1218 à Worcester, en 1224 et en 1226 à Shrewsbury, et son
fils Dafydd II en 1228 à Londres, en 1234 à Westminster et en 1237 de nouveau à Londres.
Le successeur du dernier, Llywelyn ab Gruffydd, lui rend visite en 1247 à Woodstock.
Parmi ses prisonniers se trouve le malheureux Gruffydd ab Llywelyn, livré par son frère
Dafydd au roi et retenu depuis 1241 dans la Tour de Londres. Plus tard, deux de ses
fils, Dafydd et Owain Goch, exilés par leur frère Llywelyn, se réfugient chez le roi, de
1255 à 1257 et de 1263 à 1267, et sont même armés chevaliers ; Rhys leuanc, da Dyfed,
et Gruffydd ab Gwenwynwyn, de Powys, chassés également par Llywelyn, suivent leur
exemple en 1255 et en 1258.

C\'est pendant ce règne qu\'à la suite du mariage de Henri avec Aliénor de Provence
et de l\'invasion des huit oncles de la reine et de la foule d\'aventuriers aquitains, poitevins
et savoisiens i), la civilisation méridionale paraît avoir joui d\'un retour de faveur, peu
durable du reste, en Angleterre.

Edouard I voit arriver encore les derniers princes gallois plus d\'une fois a sa cour.
Dafydd ab Gruffydd et Gruffydd ab Gwenwynwyn, jaloux de la puissance de Llywelyn,
y séjournent de 1274 à 1277, Rhodri ab Gruffydd les rejoint en 1277. Llywelyn lui-même
et ses „baronsquot; sont forcés à aller au cours de cette même année à Londres pour faire
hommage ; Rhys abMaredudd et les autres seigneurs du Sud y viennent dans le même but
l\'année suivante. Cette même année encore, Llywelyn revient à Worcester où son mariage
avec Eléonore de Montfort est enfin conclu avec beaucoup de pompe en présence des
rois d\'Angleterre et d\'Ecosse. Sans doute, les jongleurs français qui se trouvaient alors
outre-mer sont afflués à cette solennité ; on aurait cependant peine à croire que le prince
de Galles et sa suite, pleins de noirs pressentiments, aient prêté beaucoup d\'attention
a l\'éclat d\'une fête au fond si morose.

Encore un siècle après la chute tragique des dynasties de Gwynedd et de Dyfed, la
cour des Plantagénets continue à jouer un certain rôle dans les relations entre le Pays
de Galles et le Continent. La poésie
anglo-normande tombe en décadence, il est vrai, mais
la cour de Londres reste française et les poètes qui y passent quelque temps sont encore
français pour la plus grande partie. Ce sont les meilleurs trouvères de France, et peut-être
Adam de la Halle, le Bossu d\'Arras, parmi eux, qui y accourent pour illustrer les fêtes
organisées en 1306 à l\'occasion de l\'adoubement du futur Edouard II et pour y porter
leur art, qui n\'est plus la poésie purement courtoise des troubadours, mais le lyrisme
plutôt bourgeois des puys 2). C\'est le Hennuyer Jean Froissart qui, un demi siècle plus
tard, y est en haute faveur auprès d\'Edouard III et de sa compatriote, la reine Philippe.
D\'autre part, si jamais les rois anglais ont pu exercer quelque influence sur la poésie
galloise — nous n\'avons pas dissimulé que cela nous semble fort douteux — le rôle joué
par ceux du XlVe siècle n\'a certainement pas été moins important que celui de leurs

I) Un de ceux-là, Guillaume de Valence, devient seigneur de Pembroke.
P
i 59.

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devanciers. Il paraît même qu\'après le gouvernement dur et despotique d\'Edouard I
ils n\'ont pas manqué tout à fait de gagner la sympathie de leurs nouveaux sujets. En
général ceux-là n\'ont pas eu à se plaindre d\'Edouard II de Carnarvon, qui tirait vanité
de sa naissance galloise et tâchait de redresser leurs torts ; aussi, d\'après Walsingham,
le bardes gallois avaient été seuls à pleurer sa mort i). Les exploits de son fils en France,
à Crécy et à Calais, firent une vive impression sur l\'esprit des troupes galloises qu\'il
avait menées à la victoire, et sur leurs compatriotes restés en arrière : on en trouve un
écho dans le cywydd de lolo Goch,
Edwart ah Edwart, gwart gwyr 2), composé sur la cam-
pagne de 1346. Le Prince Noir était fort populaire parmi les habitants de sa principauté,
qui gardaient une fidélité touchante envers son fils malheureux, Richard II, dont ils
vengèrent cruellement les malheurs sur les partisans de l\'usurpateur Bolingbroke

Il y a plus. Ce n\'est plus par l\'intermédiaire de princes gallois que le contact se fait
entre la cour de ces rois et la population du Pays de Galles, mais on voit appar^tre alors
une classe nouvelle de seigneurs gallois appartenant aux anciennes familles du pays,
qui exercent des fonctions importantes au nom du roi et vivent en relations étroites
avec sa cour. Par une coïncidence remarquable il se trouve que le premier de ces fonc-
tionnaires dont on connaisse le nom est Gwilym ab Gwrgared, sénéchal de Henri III à
Llanbadarn Fawr et ancêtre de Dafydd ab Gwilym Ils sont plus nombreux au
cours du XlVe siècle, et parmi ceux-là on trouve quelques-uns qui appartiennent à ces
descendants d\'Ednyfed Fychan que nous avons rencontrés déjà comme grands protec-
teurs des
teuluwyr et maris des dames chantées par ces poètes Les mieux connus d\'entre
eux sont Sir Gruffydd Llwyd, seigneur deTregarned et valet de chambre du roi, qui prend
part à la guerre d\'Ecosse et est emprisonné en 1322, et Sir Rhys ab Gruffydd, seigneur
de Narberth et „squire of the Chamberquot;, qui a été l\'objet d\'une étude importante de
M. Ifor Williams®); ces deux gentilshommes restent fidèles à Edouard II pendant la
révolte
des barons \'). D\'autres patrons des bardes sont Goronwy Fychan ab Tudur, constable de
Beaumaris, qui s\'est noyé en 1382, et son frère Rhys ab Tudur qui accompagne en
1399
Richard H en Irlande. Il y a encore une autre famille distinguée d\'où plusieurs fonc-

1)nbsp;Wallenses hunc coluerunt, dilexerunt, et eidem quantum poterant adhesetunt, vices eius tam in
vita quam morte dolentes, et cantilenas pro eo lugubres lingua patria componentes, quas vsque m
praesens ab eorum memoria nec metus aduersantium, nec diuturnitas temporum aboleuit (Walsmgham,
éd. Camden, p. 79).

2)nbsp;IGE., 5.

3)nbsp;Cf. les passages suivants peu connus du poème intéressant sur la déposition de Richard II :
mais ains qu\'ils y peussent venir, lui
{scil. Bolingbroke) firent les Galoiz moult de dommaiges

et de despit, et tuèrent grant quantité de sa gent et détroussèrent : aucune foiz venoient-ilz bouter le
feu où les Engloiz estoient logiez... Et quant ilz en povoient aucuns atraper, ilz les lioient de cordes à la
queue de leurs chevauls, et les traynoient parmy les chemins plains de pierres et d\'épines : ainsi les faisoient
mourir mauvaisement et a grant paine... (Froissart,
éd. Buchon, t. xiv, p. 416).

......car les Galloiz, pour nul avoir. Ne le tenroïent à seigneur. Ce cuidé-je, pour la douleur. Le mal

et le grant vittupère Que les Englois avec son père (scil. Bolingbroke) Avoïent fait au roy Richart... {Ihid-,
p. 436).

4)nbsp;Synysgal yr brenhin ar dir maelgwn jeuanc {Brut, p. 372)-C/. Trans. I9i3~i4gt; P- 92. ; Deth., P-
xxv et seq.

5)nbsp;V. p. 2, n. I.

6)nbsp;Trans. 1913—14, p. 94 et seq. ; p. I93 et seq.

7)nbsp;J. Conway Davies, The baronial opposition to Edward II, p. 197, 223, 233.

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tionnaires royaux sont sortis : le célèbre Sir Hywel ab Gruffydd (Hywel y Fywall), un
des héros de la bataille de Poitiers et plus tard constable de Criccieth, qui est chante
par lolo Goch dans le cywydd
A zvelai neb a welaf i), y appartient. Celui-ci a subi certaine-
ment l\'influence française, puisqu\'il a un étandard de sable avec trois fleurs de hs :
tri
ffiwr de lis oris erw Yn y sabl, nid ansyberw
Son frère, Einion ab Gruffydd, et son neveu,
leuan ab Einion, tous deux sheriff de Carnarvon, respectivement de 1351 à 1359 et de
1385 à 1390, ont été glorifiés par Gruffydd Gryg et par lolo Goch Nous rencontrerons
plusieurs de ces seigneurs quand nous étudierons le rôle des Gallois dans les campagnes
françaises.nbsp;,

Certes, il est impossible de déterminer jusqu\'à quel point ces hommes ont contribue
à répandre des idées nouvelles dans leur patrie et quelle est leur influence sur 1 eclosion
de l\'art de leurs protégés, les Cywyddwyr. Mais le fait même que ces gentilshommes,
dont les pères avaient été les compagnons d\'armes des Gascons en Mon et en Ecosse,
et qui
avaient vécu eux-mêmes à Londres à la cour et combattu en France, faisaient
un accueil
honorable aux bardes et encourageaient ou toléraient les panégyriques composes
par ceux-ci pour leurs épouses, ce fait-là n\'est assurément pas dénué de valeur et nous
semble le
résultat le plus important de notre examen de l\'influence exercée par la cour
royale.

II — Les Borderlords

En général la critique est portée à admettre que plus qu\'aux rois et qu\'à leur entourage,
l\'honneur d\'avoir introduit au Pays de Galles les idées qui jouissaient d\'une si grande
vogue sur le Continent revient aux seigneurs normands qui depuis 1070 s\'étaient conquis
de vastes fiefs dans toutes les parties du pays. M. Loth a démontré que les rédactions
galloises des romans arthuriens sont dues au contact très intime entre les sociétés galloise
et française dans les contrées à population mêlée et bilingue comme le Glamorgan :
des récits gallois, accueillis avec enthousiasme par les maîtres nouveaux, ont donne le
jour à des
romans anglo-normands que les storiawr du pays, stimulés par l\'interet qu on
prenait à leurs traditions, traduisaient à leur tour Gwenogfryn Evans est d\'opimon
que le
Livre de Taliesin avec ses nombreux sirventés porte l\'empreinte de l\'impulsion
donnée par l\'activité littéraire des Normands
aux poètes gallois s). M.Morgan Watkin
va plus loin encore : non content d\'avoir prouvé que les traductions galloises de cinq
chansons de geste, remarquables par leur caractère encore bien plus clérical que leur
modèles, sont l\'œuvre des Cisterciens de Sud-Galles, il assure que l\'éclosion de toute une
littérature galloise au commencement du Xlle siècle est l\'effet de l\'arrivée des Normands
C\'est également aux relations des seigneurs normands de Sud-Galles et de leurs trouveres

1)nbsp;IGE, II.

2)nbsp;IGE., 11, 49—50.

3)nbsp;DGG., p. 147.

4)nbsp;IGE., 12.

5)nbsp;Mabinogion\\ t. i, p. 57 et seq.

6)nbsp;Lwre de Taliesin, p. v-vi.

7)nbsp;»The rebirth of Wales at the close of the eleventh century and the beginning of the twelfth was
pre-eminently the work of Francequot;.
(The French literary influence in Mediaeval Wales, p. 8).

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avec leurs sujets gallois que MM. Lewis Jones i) et Gruffydd attribuent l\'origine
de la rhieingerdd.

Or, il ne fait pas de doute que ces Borderlords, sans s\'assimiler complètement à la
population comme les Fitzgerald faisaient en Irlande, entretenaient pourtant avec elle
des relations très soutenues et pas si hostiles qu\'on serait porté à le croire. Il y avait plus
d\'une raison pour rapprocher les chefs gallois des conquérants. D\'abord on comprend
que les premiers en venaient à invoquer contre leurs rivaux le secours d\'un voisin normand
plutôt que celui du roi puissant qui ne manquait jamais de tirer tout le profit de ces com-
plications. Il n\'en est pas moins vrai que le baron normand était souvent aussi de force
à duper son allié de la veille : la version d\'ailleurs assez suspecte que le
Gwentian Brut,
chronique sans grande autorité, donne de la conquête de Glamorgan en est un exemple
frappant. Après avoir aidé les tin ab Gwrgan et Einion ab Collwyn à triompher de Rhys
ab Tewdwr, et puis Einion à se venger sur lestin, Robert fitz Hamon et ses douze com-
pagnons auraient divisé le pays conquis, laissant à Einion seulement les parties les plus
arides I

D\'autre part, il arrivait aussi parfois qu\'un baron révolté et poussé à bout par le roi
se mettait sous la protection d\'un prince gallois.
UHistoire de Foulques fitz Warin,
qui, quoique embeUie d\'ornements romanesques et pleine de détails qui ne sont pas
confirmés par les chroniques, n\'est probablement pas dénuée de valeur historique, raconte
que Foulques, proscrit et traqué par Jean-sans-Terre, aurait cherché un refuge auprès
de Llywelyn ab lorwerth, l\'ami de sa jeunesse, et assisté celui-ci à repousser l\'armée que
Jean menait contre lui en Gwynedd. Malgré ce service, le roi aurait presque obtenu de
Llywelyn qu\'il lui livrât son allié Ce récit nous rappelle le procédé dont Gruffydd ab
Cynan avait usé un siècle auparavant dans des conditions très semblables envers son
hôte Gruffydd ab Rhys. De même, en 1264, les barons coalisés trouvèrent Llywelyn ab
Gruffydd à leur côté, et non seulement celui-ci restait fidèle à Simon de Montfort dans
sa lutte finale, mais même après la chute du grand chef, il continua à
entretenir des relations
avec les débris de son parti.

Ces mêmes rapports se présentent au cours du grand conflit entre les Borderlords
ambitieux et énergiques et le souverain jaloux de leur puissance qui domine le Xlle siècle.
Surtout aux moments où un baron génial visait consciemment à fonder un état occidental,
indépendant de l\'autorité qui siégeait à Londres, il avait de bonnes raisons pour tâcher
de gagner les Gallois à sa cause. Ceci est le cas en iioo quand Robert et Arnulphe de
Belême contractent une grande alliance avec les princes de Powys, lorwerth, Maredudd
et Cadwgan, fils de Bleddyn, avec le roi suprême d\'Irlande, et essayent de s\'associer
encore Magnus, le roi de Norvège. Cette fois, Henri I réussit à détacher les Gallois de cette
ligue formidable et récompense par la trahison leur manque de foi envers leurs alliés

On comprend que des deux côtés on n\'a négligé aucun moyen pour consolider des rap-
ports au fond si inconstants, et les mariages mixtes fort nombreux, dont on trouve

1)nbsp;Trans., 1907-08, p. 132.

2)nbsp;Guild of Graduates, 1908, p. 30 et seq.

3)nbsp;MA^., p. 699—700.

4)nbsp;ed. Wright, p. 57 et seq.

5)nbsp;Brut, p. 275 et seq.

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chez Stephens i) et dans la préface de la traduction des Mabinogion par M. Loth une
liste longue, mais pas encore complète, ont dû servir souvent à cimenter ces alliances.
Rappelons ici seulement que des cinq dernières princesses de Gwynedd, quatre étaient
Anglaises de langue française : Emme (Dam Ein) sœur naturelle de Henri H, mariée
à Dafydd I ; Jeanne (Giwan, Siwan) fille naturelle de Jean-sans-Terre et épouse
de Llywelyn ab lorwerth ; Isabelle de Breos, épouse de Dafydd II, et la veuve du Comte
de Derby, mariée par Edouard I à Dafydd III pendant son exil ; Eléonore de Montfort,
épousée par Llywelyn ab Gruffydd au prix de tant de sacrifices, était Française. L\'exemple
le plus frappant cependant de ces mariages mixtes est donné par cette fameuse Nest,
qui après ses relations avec Henri I a eu pour maris successivement trois nobles Normands :
Gerald de Windsor, Etienne de Cardigan et Hay de Pembroke.

Pendant la seconde partie du Xlle siècle la nombreuse progéniture qui sortait de
ces unions jouait un rôle important dans l\'histoire politique et littéraire du pays. Giraldus
Cambrensis, petit-fils de Nest, est le plus célèbre de cette race cambro-normande, mais
presque tous ses neveux ont pris une part active à la conquête d\'Irlande que le puissant
seigneur de Pembroke, Richard de Clare (Strongbow) entreprit dès 1169 avec ses vassaux
normands, gallois et flamands, mettant ainsi en exécution les vastes projets de Robert
de Belême % Par son intervention prompte et énergique, Henri II sut arrêter le triomphe
de cette politique individuelle et recueillir lui-même les fruits des efforts de ses vassaux ;
c était la seconde fois que l\'état
cambro-normand se trouvait détruit avant sa fondation.

Il vaut la peine de remarquer que plusieurs de ces barons n\'ont pas seulement entretenu
des plations parfois amicales avec leurs voisins gallois indépendants, mais qu\'ils ont
aussi gouverné les habitants des pays nouvellement conquis avec beaucoup plus de
tact et de bienveillance qu\'on n\'attendrait de ces Normands fort brutaux en général.
En premier lieu il faut citer ici Robert de Gloucester (Robert Consyl), fils naturel de Henri I
et seigneur de Glamorgan, qui aurait même d\'après le
Gwentian Brut attiré des artisans
de France pour enseigner des métiers aux jeunes Gallois «). Peut-être cette assertion est-
e le sans fondement, mais en tout cas il est assuré que Robert se montrait un cultivateur
es lettres et un protecteur dévoué pour son chapelain célèbre, Geoffroy de Monmouth
l.*aruffydd ab Arthur). Geoffroy cependant n\'est pas le seul lettré qui illustrait au Xlle
^lecle le Deheubarth. Deux des meilleurs auteurs latins du temps, qui ont joué un rôle
istingué à la cour et dans l\'Eglise, étaient également d\'origine galloise, du moins en
XIV^ • f^t Giraldus Cambrensis (Giraud de Barry), l\'autre Gauthier Map. Encore au
J ^nbsp;il y avait des seigneurs qui prenaient intérêt à la culture intellectuelle de

^eurs sujets gallois. La tradition rapportée par loloMorganwg, qui fait un Mortimer prési-
\' ou du moins patronner
VEisteddfod Dadeni, est fort suspecte, mais il n\'y a aucune

I) The Literature of the Cymry, p. 413,
J h p. 59.

3nbsp;Brut, p, 333. La forme ein est évidemment due à une mauvaise lecture par un copiste du nom Em.

4nbsp;Brut, p. 368, 369.

coloninbsp;discussion du rôle de la population galloise de Dyfed dans cette expédition et dans la

nisation d\' Irlande, voir Cecile O\'Rahilly, Ireland and Wales, p. 80 et seq.

ar »nbsp;^^ ^^nbsp;y dodes Robert Consyl fodd i wyr ieuainc ddysgu crefïteu a chelfyddydeu,

a ddug athrawon o Ff^ainc (M^^., p 709).

-ocr page 122-

7aTsônquot;^rdouter de l\'authenticité des vers composés par lolo Goch en l\'honneur de
Roger de Mortimer, le seigneur de sa terre, qu\'il exhorte à exterminer les Ulstériens

congénèresnbsp;^ .nbsp;. .nbsp;.

On comprend que dans ces circonstances les Borderlords ont fait une vive impression

sur l\'esprit des poètes gallois. Dafydd ab Gwilym préfère la beauté de la houssaie à celle
des parcs arrangés jadis par Robert Hael Stern admettait que c\'est une allusion a
Robert fitz Hamon, le conquérant de Glamorgan mais cette épithète ne conviendrait-
elle pas plutôt à son successeur, le modéré Robert de Gloucester ? A Gilbert fitz Gilbert
de Clare, seigneur de Pembroke, l\'honneur était réservé d\'entrer dans la htterature gal-
loise : il figure dans le
Songe de Rhonahwy sous le nom de Gilbert mab Katgyffro „qui
suscite la bataillequot; et son cheval fameux est mentionné dans les triades du
Livre
Noir
5) et du Livre Rouge L\' outlaw Foulques fitz Warin est cité très souvent par les
bardes sous le nom de Ffwc ; nous croyons avecM.Morgan Watkin que cette popularité
s\'explique moins par la connaissance de l\'Histoire française dont il est le héros que par la
transmission orale des traditions qui s\'étaient attachées à son nom«) et cela d\'autant
plus qu\'une tradition, relative à ce baron et locaHsée à Cardiff, a été recueilhe par l\'editeur
de la collection intitulée
Cymry fu^). Nous sommes portés à attribuer la persistance de

la mémoire de Robert Hael à la même cause i»).

D\'autre part, l\'auteur de cette Histoire fait preuve d\'une rare connaissance de la topo-
graphie galloise (il connaît la situation de Chastel Bran, Osewaldestre, Ewyas, Chastel
Key, Chastel Baudwyn, Rothelan, Chastel Metheyn, Dynan, Mochnant, Lannerth,
Chastel Balaham en Pentlyn, Gae Gymelen, Estrat, Dynorben, Aberconewey) et des
personnes de marque du pays comme Yweyn
de Goynez, Meredus fitz Beledyns, Yervard
Droyndoun, Ywein Keveyloc, Guenonwyn, Lewys (Llywelyn) le fils Yervard. Une fois
seulement il se trompe quand il nomme Johane, 1\' épouse de Llywelyn, la sœur du roi
Jean : c\'est sa fille.

De tous les faits cités jusqu\'ici on a pu conclure à l\'existance d\'une grande activité
littéraire en Glamorgan et dans la Marche galloise sous la domination normande. Aussi
est-il fort probable que M. Watkin a parfaitement raison en admettant que les jongleurs

% SuweU\'yïwnaeth Duw diwael Rhyw bare teg no Rhobert hael {DG., 132. 24-25).

3)nbsp;ZfcP., vol. VII, p. 39, d\'après Gorchestion Beirdd Gymru, p. 96, note.

4)nbsp;Livre Blanc., p. m.nbsp;. ^ ,r ■nbsp;• o o^

5)nbsp;Ruthir ehon tuth bleit m[arch] Gilberd mab kadgyfïro {Livre Notr, 28 : 8).

6)nbsp;Loth, Les Mabinogion^, t. II, p. 228, 269.

7)nbsp;V. p. 141-

8)nbsp;The French Literary Influence in Mediaeval Wales, p. 13).nbsp;, ,,

9)nbsp;Ffowc Ffitswarren, a elwid hefyd Ffowc o Forganwg, a Ffowc, is-iarll Caerdydd {Cymry Ju,

^lo^^Maud de Saint-Valéry, l\'épouse violente et malheureuse de Guillaume de Breos, paraît avoir fait
aussi une impression durable sur les Gallois. Le
MS. Peniarth 131 contient une tradition curieuse dans
laquelle „Malld Walbriquot; joue le même rôle que le gouverneur Gessler dans la legende de Guillaume 1 eu-
Sans doute ce récit de sa mort est basé sur le souvenir du supplice cruel que Jean
-sans-Terrre fit subir a
elle et à son fils dans la prison de Windsor. F. le passage cité par M. Gwenogfryn Evans dans
Rep., 1.

p. 819.

-ocr page 123-

^ rançais qui visitaient l\'Angleterre pendant des siècles ne se sont pas arrêtés devant la
Severn i). Il est également vraisemblable que les trouvères qui avaient compris tout
le profit qu\'ils pourraient trouver à propager la nouvelle „matière de Bretagnequot; si bien
en faveur sur le Continent, ont pris l\'initiative de s\'enquérir à la cour hospitalière de
Robert de Gloucester, tout près de la source de tant de contes merveilleux. Réunissons
ici quelques faits qui nous permettront de nous faire une idée sur leurs voyages au Pays
de Galles.

Il est assuré que les trouvères français suivaient de près les Normands dans leurs
nouvelles conquêtes. Le fameux Taillefer du
Roman de Rou est peut-être un personnage
légendaire % mais déjà dans le
Domesday Book il est question d\'une certaine „Adelina
joculatrixquot; qui tient un fief anglais ! La première mention d\'un jongleur français au
Pays de Galles date de l\'année 1136 : Giraldus nous apprend, plus de cinquante ans après,
que la nuit fatale de cette année quand Richard de Clare tomba près d\'Abergavenny sous
les coups de ses ennemis gallois, il était accompagné d\'un vielleur et d\'un chanteur
On aimerait à savoir quelle pouvait avoir été la nature des chansons françaises jouées
et chantées peut-être pour la première fois alors dans la patrie des bardes, et cela dans
des circonstances aussi dramatiques ! Il est vrai que M. Lloyd considère cette information
comme un embelhssement de la tradition orale

I^\'après la suggestion de M. Ezio Levi, le comte Guillaume à qui Marie de France,
nne des premiers adapteurs de la „matière de Bretagnequot; qu\'on connaisse, a dédié ses
j^bles, serait GuiUaume le Maréchal, seigneur de Striguil et de Pembroke (1146-1219)6).
Même si cette hypothèse était fondée cependant cela ne prouverait pas encore que la
poétesse eût visité ce chevalier brillant dans ses possessions galloises. Il paraît bien plus
probable qu\'elle l\'a rencontré à la cour de Londres, et que là il lui a fourni la matière de
ses lais.

. ^n revanche on connaît un trouvère de la fin du même siècle dont il est assuré qu\'il
vivait au Pays de Galles : c\'est Hue de Rotelande, très probablement natif de Rhuddlan\'),
ft
l\'auteur des Romans d\'Ipomédon et de Prothesilaus. Ce poète a pris le soin de nous
informer que son patron, Gilbert fitz Baderon, seigneur de Monmouth, possédait, en

1)nbsp;The French Linguistic Influence in Mediaeval Wales, p. I54-

2)nbsp;Eoissonnade, Du nouveau sur la Chanson de Roland, p. 435 et seq.

P 32)nbsp;Histoire de la Conquête de l\'Angleterre par les Normands, t. II,

4) Opera, t. VI, p. 47,

» -Jnbsp;. A., jj. ^y,

S) A History of Wales, t. II, p. 471.

xt\'nbsp;P- 131 et seq.

1) Nous

pe t . ^^ pourrions que difficilement partager l\'opinion avancée par M. Watkin que Hue serait
^u^tre même d\'origine galloise
{The French Linguistic Influence in Mediaeval Wales, p. 154)-
me .nbsp;^^nbsp;un Gallois de Nord-Galles, se serait-il jamais exprimé aussi irrespectueuse-

fisT*^ ^nbsp;de la personne vénérée du Seigneur Rhys que Hue quand il dit dans son Ipomédon : „Si

lanbsp;ë^^lsis iadis Jo quit keil lapelerent ris II fut mut larges de engleterre A ses hirdinans parti

erre Herefort e Glouecestre Salopesbirie e Worecestre Mes il en laua ben les mans II e li son eurent
meins Kar il furent vencuz e laidiz Vilement chacez e descumfiz. (Ward,
Catalogue of Romance, t.
P- 745).

seSble^d^ passage contiendrait-il une allusion aux déprédations de Rhys leuanc ? La chronologie
e defendre cette supposition: le Seigneur Rhys ne mourut qu\'en Ii97-

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pleine Marche galloise, une belle bibliothèque riche en livres latins et romans i). Même
en interprétant cette assertion, inspirée peut-être par le désir de flatter, avec toute la
réserve qu\'elle mérite, on ne peut s\'empêcher d\'être frappé par la rapidité dont la culture
française avait pris racine en une contrée où la poésie bardique avait régné souveraine-
ment encore peu de temps auparavant.

Au cours des Xlle et XlIIe siècles le Pays de Galles a encore produit quelques auteurs
de poésie édifiante écrite en français. Une Vie de Saint George par Simund de Freine,
une Vision de saint Paul par Adam de Ross, vivant tous deux en Herefordshire, ont été
conservées, tandis qu\'on connaît de Frère Simon de Kernerthin (Carmarthen?) quelques
sermons rimés qui ne présentent pas un grand intérêt littéraire Ainsi on constate que la
poésie française de ce pays se distingue par le même caractère que celle écrite en Angle-
terre : la poésie religieuse et didactique prédomine, le lyrisme y est à peine représenté.

Aussi serait-il d\'autant plus important si l\'opinion, soutenue déjà par La Curne de
Sainte Palaye, que l\'infatigable voyageur, grand historien et poète à la mode qu\' était
Jean Froissart avait visité le Nord-Galles, était fondée Non pas qu\'en ce cas l\'éclosion
de la rhieingerdd du XlVe siècle pourrait être attribuée à son influence directe : il est
impossible de placer ce voyage avant 1365, et à cette date Dafydd ab Gwilym avait
composé déjà ses meilleurs poèmes. Il reste tout de même que le contact personnel avec
un poète aussi fameux aurait pu inspirer les bardes contemporains et marquer l\'évolution
de leur poésie érotique. Discutons donc l\'historicité de cette prétendue excursion.

L\'opinion de Sainte Palaye semble s\'appuyer sur ces trois vers du Dit dou Florin :

N\' avés vous en Escoce esté.
Et là demi an arresté.
En Engleterre et en Norgalles.

(éd. Buchon, p. io8).

On pourrait du reste invoquer encore d\'autres arguments en faveur de cette inter-
prétation. Dans le
Joli Buisson de Jonece, Froissart cite comme un de ses protecteurs
le conte de Herfort % qu\'il aurait cependant pu rencontrer à Londres ou en France. Il
n\'est pas sans avoir quelques notions de la géographie de la Principauté : il sait par
exemple que
Cepsto est uns chastiaus en Galles qui siet sus. I. hrach de Saverne et que
Bristo est situé sur ce fleuve mais d\'autre part il croit que Signandon (le Snowdon) :

est uns chastiaus
Dedens Escoce, fors et biaus.
S\' adont le fu, il est encores :
Estruvelin (Stirling) est nommés ores.

(Méliador, vs. 14759—62).

1)nbsp;Cest lyure me comaunda feire E de latyn translater Dun lyure qil me fist monstrer Dount sis
chastels est mult manauntz E de latyn e de romaunz (Ibid., t. i, p. 728).

2)nbsp;Vising, Anglo-Norman Language and Literature, p. 40\'

3)nbsp;„Nous ignorons la date de ce voyage, et d\'un autre qu\'il fit dans la Norgalle (North Wales), que je
crois du même temps.quot;
(Mémoire sur la Vie de Jean Froissart, dans Buchon, Poésies de F., p. 15?\'

4)nbsp;Ihid., p. 335-

5)nbsp;Méliador, éd. Longnon, vs. 10432 et 10436s
Ibid., vs 11520.

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Cette mention de l\'Ecosse nous fournit un indice. Dans ses chroniques Froissart nous
a mis fort bien au courant de son itinéraire, mais nulle part il n\'y parle d\'une excursion au
Pays de Galles, tandis qu\'on sait en revanche qu\'en 1361 il a fait un voyage en Ecosse.
Pour y arriver il a dû passer par le Galloway (Gallowalia) ; aussi il y a de fortes raisons
pour croire que c\'est cette contrée qui est désignée par le nom de Norgalles ou Galles
tout court. De fait plusieurs auteurs presque contemporains se servent du même nom
quand ils parlent de cette province. Dans la Chronique de Jean le Bel, que Froissart a mis
largement à profit, on lit la phrase suivante : „Quand ce fut fait, le roy David (d\'Ecosse)
eu conseil qu\'il se retrairoit par devers la riviere deThyen (laTyne) et tireroit vers la ville
de Carduueil, qui est à l\'entrée de Galesquot; i). Au xve siècle, Regnault Girart, après avoir
échappé aux périls de la mer, fait un pèlerinage à
Sainct Treyney ou pais de Gale, et
M. Jusserand a montré que par
ce nom est désigné Saint Ninian de Whitehorn en Gallo-
way 2). Enfin, nos derniers doutes sur ce point sont dissipés par les vers du
Roman de Méliador, où il est question de

le marce de Galles
Entre Escoce et Northombrelande.

(»î. 8—9).

Ce passage achève de nous persuader que ce n\'est pas Froissart qui a appris aux bardes
la poésie amoureuse !

Les sources galloises n\'ajoutent pas grand\'chose à ce que les textes cités nous ont
^pris sur le contact entre les Gallois et les poètes d\'outre-mer. Il est vrai que la Loi de
Hywel Dda contient déjà un article qui règle l\'accueil à faire aux jongleurs étrangers :

Kylch (progressus) datur ministralibus ioculatoribus, id est, kerdorion, de aliéna patria, dum
exspectant donaria sua
{Leg. Wall, n, 14 ; éd. cit., p. 79°),

mais nous ignorons si le législateur n\'a pas eu ici surtout en vue les musiciens qui venaient
a Irlande. On sait encore que le célèbre Eisteddfod organisé par le Seigneur Rhys, l\'ami
ae Henri II, en 1176 à Aberteifi, fut proclamé une année d\'avance dans tout le Pays
f Galles, en Angleterre, en Ecosse, en Irlande et dans beaucoup d\'autres pays Aussi
quot; est-il pas impossible que des trouvères français se soient rendus à cette invitation,
m^s une chose est certaine : c\'est qu\'ils n\'étaient pas parmi les lauréats.

Nous voici donc arrivés à la même conclusion que quand nous étudions l\'influence
exercee par la cour royale : beaucoup de contact entre la population celtique et leurs
ominateurs normands ; assez d\'occasions pour prendre connaissance de la poésie française
en general, mais jusqu\'ici aucune évidence historique que les Gallois se sont en effet
lamiharisés avec leur lyrisme courtois.

tous ces résultats négatifs de nos recherches, nous pouvons opposer cependant un

I) éd Viard et Déprez, t. I, p. 284. Cf. „Carduel en Galesquot;, Froissart, éd. Luce, t. I, p. 50, 59. 77-
3nbsp;vol.
XIX, p. 58 et seq.

IwerHo!!nbsp;^ gyhoedet vlwydyn kynn y gwneuthur. ar hyt kymry a lloegyr a phrydein ac

«don a llawer o wladoed ereill. {Brut, p. 334.)

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seul renseignement inattendu et très précieux. Aussi bien que les rois anglais, les barons
ont eu, surtout en Glamorgan, des fonctionnaires gallois qui servaient d\'intermédiaires
entre les deux races, et ici encore ce sont eux qui satisfaisaient la curiosité des étrangers
en leur faisant connaître les traditions nationales et prenaient en même temps un vif
intérêt à leur poésie.

Du temps de Robert de Gloucester le plus remarquable de cette classe intéressante
est l\'interprète Bledri ap Cedifor (Bledricus Latemeri), chevalier de l\'honneur de Car-
marthen et bienfaiteur de l\'église nouvelle (Eglusnev?it) de saint Theuloc. Très probable-
ment c\'est le
latinier qui sot parler Roman, Englois, Gallois et Norman, dont il est question
dans le
Roman de Garin, et il semble permis aussi de l\'identifier au famosus fabulator
Bledhericus
de Giraldus, et au Breri ou Bleheris qui fournissait à Thomas la matière du
Roman de Tristan, et à un comte de Poitiers celle du Roman du saint Graal Plus
important encore que lui est Llywelyn Bren, intendant de Gilbert de Clare, qui se révolta
en 1316 et fut exécuté par Hugues Despenser le jeune en 1317. Celui-ci est un des très rares
Gallois dont on sait avec certitude qu\'ils ne s\'intéressaient pas seulement à la littérature
nationale, mais prenaient encore goût à la poésie française. Ce fait très curieux ressort
du catalogue extrêmement intéressant des possessions de Llywelyn confisquées après
sa révolte, que nous citerons ici en entier :

Fait a remembrer des biens Lewelyn Bren trouez en la Tresorie de Landaf Les queux Will\'am
de Mountagu ad lieure aMonsr. Payne Turberuill pr ceste Endenture. Ceo est assauer. j. aketon
j gaumbeyson. j peyre des quissens. j coleret de linge teille, v pozdarein.ijpeyles darein. j bacin.
j vel chapel de fer. iij cheys
galeys. j cofre oue Chartres et munemenz.j rowjcKZ tfe/a roje.
Hures Galeys. ivj aufres lyures. x aneus dor. j fermail dor. j fermail dargent. It\'m baille
par la mayn Dauyd ap Gronou. iij Haub\'gons. j couerture de fer, j targe, j peyre des gaunz de
plat, j peyre de quissens.ij Lauours. ij chaundelers darein. viij chefs de Eyuesham, j pece
de bocrel. j cote darme de bocram. j gaunbeyson vermail. j aketon nyent prfet. ij napes, j vele
sele. j sarge raie viij quillers dargent.

A tour ceux qi ceste l\'re verront ou orrunt William deMontagn lu tenant n\'re Seign\'r le Roi en les
partyes de Glam\' et Morgannok salutz en dieu. Sachetz nos auer resceu deMonsr PaynTurb\'uill
Gardein des dites prtyes dys aneus de or, vn fermaille de or. Vn autre dargent
Treys liueres
escriîz de Galeys et vn liure de Romaunce,
des bens qe furent a Lewelin ap Griffith [/. Res] con-
tenues en vne endenture faite entre le dit monsr Payn et nous. En tesmoinance de queu
chose à cestes Très auons fait mectre seal. Escrit a Kaerdyf le dysme iour de Maij, Lan du
regne n\'re seign\'r le Roi Edward, neofysme

III — Les monastères et les cours des prélats
L\'intérêt que les grands monastères du Pays de Galles, fondés en grande partie par

1)nbsp;Brut, p. 297 ; Du Gange, sub voce : latinarius ; Roman de Tristan par Thomas, éd. Bédier, vs.
2120 ; Giraldus Cambrensis,
Opera, t. vi, p. 202. Cf. Gaston Paris, Rom., vol. viii, p. 425 ; Histoire
Littéraire de la France, t.
xxx, p. lo jMiss Weston, Rom., vol. xxxiv, p. loo et seq; J. Loth, Contributions
p. 33 et seq. ; Edward Owen, RC., vol. xxxii, p. 5 seq. ; W. J. Gruffydd, RC., vol. xxxiii, p. i8o et seq-,
J. E. Lloyd, A History of Wales, t. n, p. 428 s Miss Weston, From Ritual to Romance, p. 181 et seq.

2)nbsp;Extraits des Miscellanea of the Exchequer dans Records of the Country Borough of Cardiff, t. IV, p. 55-
Nous devons la connaisance de ces textes précieux
à la bienveillance de M. Howell T. Evans, M.A.

Headmaster of Aberayron County School. Cf. son article sur Llywelyn Bren dans The Nationalist,
vol, m, p. 20.

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les Normands, et peuplés, surtout dans les premiers temps, de moines français, offrent
pour l\'étude de la civilisation galloise, est évident et incontestable. C\'est à l\'influence
exercée par ces maisons, et en premier lieu par celle d\'Ystrad Fflur (fondée en 1165),
que M. Morgan Watkin attribue la renaissance littéraire du pays au Xlle siècle, et
Glyn Davies la présence de thèmes propres à la poésie des vagants dans la
rhieingerdd de Dafydd ab Gwilym i).

Certes, nous sommes convaincus aussi que les Cywyddwyr et leurs prédécesseurs,
dont un nombre considérable semble avoir appartenu au clergé, sont entrés en relations
avec ces monastères. Les jongleurs français ne faisaient pas autrement quand ils fréquen-
taient l\'abbaye de Saint Denis et tant d\'autres maisons religieuses riches en souvenirs
épiques, où les moines leur fournissaient la matière de chansons de geste nouvelles qui
devaient avoir du succès auprès du pubUc des pèlerins. Mais assurément ni les religieux
de Saint Romain de Blaye, ni ceux des églises de Valenciennes n\'ont amené Guillaume IX
ou Jean Baillehaut à composer leurs gabs ou leurs sottes chansons. De même les bardes
gallois doivent aux grands travaux de traduction auxquels les moines cisterciens s\'adon-
uaient pour la propagande de la croisade et pour l\'instruction de leurs compatriotes quel-
ques notions assez superficielles de la poésie épique et de la littérature édifiante du Conti-
nent, mais on aurait peine à admettre que ces mêmes religieux aient contribué également
a repandre les chansons irrévérencieuses et légères des vagants condamnés par l\'Eglise.
N\'oublions pas que pour les Cywyddwyr, le moine — et surtout le moine mendiant, ascète
et convertisseur importun — est l\'ennemi. Toutefois, on doit se garder de générahser trop
et d\'exagérer l\'hostilité des rapports entre ces antagonistes, ou l\'austérité de ces monas-
tères au XlVe siècle. Owen Edwards, qui dans le chapitre intitulé
Bardjriar and lollard
de son livre fascinant Wales a brillamment mis en relief l\'abîme qui les séparait, nous
^mble avoir attaché une trop grande importance à l\'absence de la poésie érotique de
atydd ab Gwilym et de ses contemporains dans les manuscrits sortis de mains ecclésiasti-
ques. Il aurait pu se rappeler que le compositeur du
Livre Rouge ne faisait aucune scrupule
inserer dans cette compilation les productions infiniment plus grossières et parfois
même dégoûtantes d\'un Madog Dwygraig et d\'autres
clerwyr % et que le Livre Blanc
^ nergest,^ malheureusement perdu, contenait des poésies de Dafydd
Vuoi qu\'il en soit, il n\'est pas défendu de supposer que les membres du clergé séculaire
gallois ont accueilli les vagants chaleureusement et applaudi vivement à leurs chansons
s^i s ont jamais été dans l\'occasion de les entendre chanter. Les prélats gallois tels que
es textes nous les dépeignent sont souvent de grands seigneurs très cultivés, d\'humeur
joviale et pleins d\'intérêt pour les amusements mondains, qui peuvent soutenir la com-
paraison avec un Réginald de Dassel. Ce n\'était certainement pas sans une pointe d\'ironie
^le Jean-sans-Terre avait évalué la personne de l\'évêque de Bangor, tombé entre ses
^ ains, a la valeur de deux cents autours Ce sont des hôtes charmants que ces mécènes
^^gt;mme Hywel, doyen de Bangor, chanté par Dafydd ab Gwilym, Ithel ab Rhobert,
^^anmne^e Bangor, glorifié par lolo Goch, et surtout leuan, évêque de Llanelwy, dont

^ Trans. 19x2-13, p.

\' P- 87 « p. 128 «

4) fr*nbsp;P-

Brut r ^ ^^^^^ rotbert escob bangor yny eglwys. Ac y gwerthwyt wedy faynny yr deu cant heb awe
■J P* 347«)

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la grande salle du palais retentissait du chant et du bruit de la danse des banqueteurs
Si ce n\'est pas là que les bardes ont rencontré les clercs errants, ils ne les ont
trouvés nulle part au Pays de Galles ! Force nous est de remarquer toutefois
que ce séjour de vagants étrangers dans la Principauté reste hypothétique. Ni M. Glyn
Davies, ni M. Ifor Williams n\'ont apporté un texte qui puisse prouver leur présence au
Pays de Galles, et nous n\'en pouvons présenter que deux qui ne sont point probants.
Pendant la seconde moitié du XIVe siècle des émissaires du roi de France parcouraient
tout le pays, le plus souvent sous l\'habit de religieux errants Il n\'est pas impossible
que parmi ceux-là il y en ait eu qui s\'étaient déguisés en jongleurs, puisque les espions
pratiquaient ce déguisement commode depuis les temps les plus anciens, au Pays de
Galles comme ailleurs. C\'est dans le costume d\'un
erestyn {var : croesan) ou gwaryyd
que Baldwf le Saxon aurait réussi jadis à s\'introduire, à travers l\'armée d\'Arthur, dans
la ville assiégée de York 3). Il est plus étonnant que M. Wilhams ne parle pas du fait
digne d\'intérêt que Giraldus Cambrensis avait composé des poésies latines, et des poésies
fort bonnes encore, probablement au temps qu\'il faisait des études à Paris Il est vrai
que le Giraldus que le Pays de Galles revit en 1172 était devenu un zélateur qui aurait
peut-être rougi des vers lascifs de sa jeunesse.

IV — Relations commerciales — Influences anglaises et

flamandes

„11 ne faut pas exclure l\'influence exercée par les chansons anglaises sur lui (Dafydd
ab Gwilym), bien que ce fussent de pâles imitations des poésies françaisesquot;, voilà l\'opinion
de M. Ifor Wilhamsquot; „J\'étais persuadé que la période de l\'histoire du gallois littéraire
qui s\'étend entre le commencement du dernier quart du Xle siècle jusqu\'à l\'époque de
Dafydd ab Gwilym doit être regardée désormais comme une période oii l\'influence française
seule s\'est fait sentir,quot; ainsi s\'exprime M. Morgan Watkin e). Sur un point donc ces
deux savants se trouvent d\'accord, à savoir qu\'au moment où Dafydd débute dans la
poésie, disons en 1340, l\'influence anglaise a pu déjà se faire sentir sur la littérature
de son pays. Comme
terminus a quo de cette influence cette date nous semble toutefois
un peu tardive. Résumons et discutons donc en quelques mots le raisonnement de
M. Watkin.

Pendant les siècles précédents l\'aristocratie galloise avait été en relations permanentes
avec les classes dirigeantes de l\'Angleterre, qui se servaient exclusivement du français.
La poésie galloise, étant destinée uniquement à cette couche de la société, ne pouvait
par conséquent subir que l\'influence de la littérature française. Les gens du peuple des
deux nations galloise et anglaise continuaient à être en rapports dans la Marche, il est
vrai J seulement, ces relations ont été sans effet sur l\'évolution de la poésie. Nous avons

1)nbsp;DG, 238 ; IGE. 10, 19, 31, 32.

2)nbsp;Thierry, Conquête de l\'Angleterre, t. iv, p. 196.

3)nbsp;Ystorya Brenhined y Brytanyeit, éd. Rhys-Evans, p. 186. Strachan, Introduction to early Welsh,
. 259, sub voce : erestyn.

4)nbsp;Opera, t. I., p. 349 et seq.

5)nbsp;Trans., 1913—14, p. 127—128 ; Deth., p. xlvi—xlvii.

6)nbsp;The French linguistic Influence in mediaeval Wales, p. 148.

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constaté pourtant que le Pays de Galles a eu une poésie populaire, et nous verrons bientôt
qu\'une grande partie de l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym n\'était ni aristocratique, ni com-
posée en premier lieu pour le divertissement de ses nobles patrons. Cette poésie non-
courtoise a pu subir l\'influence anglaise dès le moment où les Gallois sont entrés en con-
tact régulier avec les Anglais „anglisantsquot;. Or, cet état de choses s\'est produit surtout
quand Edouard I peupla d\'Anglais et pourvut de chartes les nouveaux
boroughs du Pays
de Galles. Aussi prendrons-nous donc comme
terminus a quo plutôt l\'année 1276, date
de la fondation de la plus ancienne de ces enclaves anglaises au miheu d\'une population
galloise (Aberystwyth-Llanbadarn Fawr, le lieu de naissance de Dafydd !) pourvu qu\'il
soit prouvé qu\'à cette époque les Anglais possédaient déjà une poésie amoureuse.
^ Or, il a été démontré par M. Jean Audiau, et par M. Chaytor après lui, que l\'Angleterre,
SI rebelle à se ployer sous le joug de la mode courtoise tant que le français y dominait,
s\'est mise à imiter au plus tard à partir de l\'année 1300 les chansons de ce genre en sa
langue i). Quels pouvaient avoir été les modèles qui ont fait naître ce lyrisme anglais ?
M. Chaytor s\'est donné beaucoup de peine pour prouver que non seulement la poésie
des puys du Nord de la France, mais celle duMidi tout aussi bien a pu exciter à l\'imitation
les poètes anglais 2). Nous ne voulons nullement mettre cette opinion en doute, mais
remarquons seulement qu\'à cette époque la poésie méridionale ne devait pas être moins
imprégnée de l\'esprit bourgeois que celle qui fut cultivée dans les grandes villes de
Picardie et de Flandre. Comme le résultat le plus précieux de ses recherches nous considé-
rons la révélation de l\'existence d\'un Puy de Londres, fondée probablement par des
marchands de laine et de vin. Picards, Flamands et peut-être Gascons, en 1300 Ne
serait-ce pas une indication qui pourrait nous apprendre par quels canaux la poésie
nouvelle a pu entrer aussi au Pays de Galles ?

La critique a fait voyager Dafydd ab Gwilym beaucoup D\'après Stern, il parle de
a Gascope comme quelqu\'un qui y avait été ^ ; selon JVl. Vendryès, „il avait certaine-
ment visité l\'Angleterre ; les allusions qu\'il fait à Londres par exemple sont d\'un homme
qui a vu ce dont il parlequot; s). Tout cela nous semble indémontré et même invraisemblable,
^ous savons que les bardes avaient peur de la mer % et que la guerre, qui désolait la

rance, inspirait à Dafydd une crainte extrême ; en outre nous avouons ne pas com-
prendre quelles raisons urgentes auraient pu le mener à
Londres. Les arguments qu\'on a
mvoqués ne nous semblent pas bien convaincants. Certes, il connaissait les vins français,

1310 ^^nbsp;le plus important de poésies courtoises anglaises (le MS. Harley 2253) date d\'environ

dansnbsp;\'^^aignons que l\'exposé exact et très intéressant des allusions des troubadours aux rois anglais

d\'^jj second chapitre de son livre ne prouve rien de positif sur leur influence directe sur les poètes
a misT^^Anbsp;P^® l\'expédition anglaise de
1297 en Flandre, qui cependant

Gantois^^ Anglais pendant tout un hiver en rapports, pas toujours amiables il est vrai, avec les

Î fnbsp;^ et se,.

4nbsp;ZfcP., vol. vu, p. II.

5nbsp;«C., vol. XLII, p. 180.

Cywydd i\'r Lleuad, DGG , p. 139 ; lolo Goch, Cywydd i\'r Llong, ige. 28,

unbsp;58 Jnbsp;20.

-ocr page 130-

mais seulement parce que des patrons comme Llywelyn ab Gwilym, et ses amis, les
taverniers, en avaient pleines leurs caves Il fait allusion aux juments gasconnes 2),
mais Giraldus nous apprend que
Robert de Belème avait fondé déjà des haras de chevaux
de cette race en Herefordshire Il admire l\'architecture française % mais probable-
ment en pensant aux châteaux que les barons normands avaient construits partout en
sa patrie. Croit-on que pour connaître tout cela il ait dû visiter l\'Angleterre ou même
la France ? Autant vaudrait conclure du fait qu\'il parle plus d\'une fois
à\'aur Arafia ^
qu\'il avait entrepris un voyage en Arabie. Dafydd et d\'autres bardes avec lui font souvent
allusion aux belles choses qu\'on pouvait admirer dans les
siopau Sieh et plus d\'une
fois on a conclu de ces passages qu\'il connaissait la Cheapside à Londres \'). M. Gruffydd
observe toutefois que
chepe est un mot courant en moyen-anglais, signifiant „marchéquot; ;
aussi croyons-nous plutôt que Dafydd a en vue les grands marchés tenus dans les
boroughs
anglais de sa patrie. S\'il parle une fois expressément de la Sieh Lundain (et cela dans
les mêmes termes dont se sert lolo Goch quand il tâche de donner une idée de la splendeur
de la cour d\'Owain Glendower à Sycharth) % il faut attribuer probablement cette mention
spéciale à la réputation de magnificence que ce centre commercial devait avoir partout
dans la province. On sait que les poètes itinérants gallois fréquentaient ces marchés
{ffair, marchnad, sieh) en leur pays; rien ne nous empêche donc de supposer que c\'est
là, et non à Londres ou même en France, que Dafydd ab Gwilym a admiré et peut-être
même acheté des chandelles et de l\'or de Paris i»), des chausses de Chester des tissus
et du bois taillé anglais du
hlak de Lier et du batiste de Cambrai

Ces deux derniers noms d\'étoffes nous rappellent qu\'en outre des Anglais, il a pu
rencontrer au marché encore des marchands d\'un autre peuple, bien plus enjoué et depuis
beaucoup plus longtemps familiarisé avec la poésie amoureuse que les „Saxons morosesquot;!\'^).
Depuis leur immigration en Pembrokeshire et en Rhôs, dans la péninsule de Gower,
au commencement du Xlle siècle, les Flamands, colonisateurs peu scrupuleux et commer-

1)nbsp;Lie mae gwin Ffraingc ÇDG. 231, 33).

2)nbsp;Gwasgwynes y gwaisg ganawl {DG. 99, 30 ; Deth. 54, 28).

3)nbsp;In hac tertia Gualliae portione, quae Powisia dicitur, sunt equitia peroptima, et equi emissarii
laudatissimi, de Hispaniensium equorum generositate, quos olim Slopesburiae Robertus de Beleme m
fines istos adduci curaverat, originaliter propagati
{Opera, t. vi, p. 143)- Llywelyn ab lorwerth possédait
aussi des „Gwascwynueirchquot;
{Gog., p. 99),

4)nbsp;cwpl ffrengig {DG. 87, 17).

5)nbsp;DG. 197, 48 J Deth. 45, 46. CJ. Il ne douassent pas franchise Pour l\'or d\'Arabe ne de Frise {Rose,
vs. 9497—98 ; t. iii, p. 124), et Langlois, Table des noms propres des chansons de geste, p. 41-

6)nbsp;Bronbelau fal siopau Sieb {DG. 7, 15 ? J 25, 20 ; Deth. 2,20 ?). Aroglau siopau Sieb {DG. 163, 6 ?).
Tegach dy dop na siop Sais (DG. 218 20). Digipris gold seipris Sieb (leuan ab Rhydderch,
IGE. 80, 9)-
Cf. Deth., p. 117.

7)nbsp;Cymmr., voL il, p. 113 j ZfcP., voL p. 183. On comprend pourquoi ce mot tient une si
grande place dans le vocabulaire bardique : c\'est une rime commode à
wyneb !

8)nbsp;Y Flodeugerdd newydd, p. 231.

9)nbsp;Siop lawndeg fal Siep Lundain {DG. ici, 36 ; IGE., 15, 52).

10)nbsp;canhwyllau. . . pyrs addail Parys Eiddig {DG., I74j 25—26; Deth., 52, 25—26 ?). aur Ffraingc . . ■
aur o Gaer Baris
{DG. 26, 14 et 20).

11)nbsp;hosanau cersi o Gaer {DG. 133, 29—30).

12)nbsp;pan seisnig (DG. 76, 29) ; saerwaith Sais {DG. 76, 26).

13)nbsp;blac y lir {Deth., 28, 16) ; cambr {DG. 26, 16) ; caprig {DG. 222, 20 ?).

14)nbsp;sarug Sais {DG. 4, 56).

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çants âpres au gain, mais non sans intérêt pour les plaisirs de l\'esprit, s\'étaient main-
tenus dans leurs colonies en dépit des nombreuses razzias des princes gallois sur leurs
terres. Au XlVe siècle ils avaient des dépôts de laine à Carmarthen, et il paraît qu\'ils
ont toujours entretenu des relations avec leur mère-patrie.

Or, une des femmes aimées par Dafydd était Bien, la femme du capitaine de navire
ipenaig) Robin Nordd, des tissanderies d\'Eithindan. Le poète se moque du dialecte
de sa reine et princesse de la laine, qui s\'était montrée plus avide d\'argent que sensible
à sa poésie, puisqu\'il n\'avait obtenu d\'autre faveur d\'elle qu\'une paire de chausses de
motley ;

Gwraig rhyw benaig Robin Nordd.
Elen chwànog i olud,
Fy anrhaith ar lediaith lud ;
Brenhines, arglwyddes gwlan,
Brethindai bro Eithindan.
Dyn serchog oedd raid yno
Gwae hi nad myfi fai fo !
Ni chymmer hon, wiwdon wedd,
Gerdd yn rhad, gwrdd anrhyddèdd !
Ac os caf, liw gwynaf gwawn,
O fedlai byddaf fodlawn.

(DG. 17, 16—28).

Elen est un nom bien anglais, il est vrai, mais Robin était au moins aussi courant en
icardie. La dame semble avoir compris, sinon
apprécié, le gallois de son adorateur pratique;
elle même ne parlait certainement pas l\'anglais, puisque Dafydd qualifie son langage
dialecte
{llediaith). Ne serait-ce pas ce mélange de flamand, d\'anglais et de gallois qu\'on
pouvait attendre de ces colonistes établis depuis des siècles en pays gallois ? De nos
jours encore, on reproche aux descendants de ces Flamands de Pembrokeshire de parler
m anglais barbare qui contient encore un nombre de mots flamands En ce cas, nous
aurions dans cette cour faite par un poète gallois à une habitante des colonies flamandes,
J le mari faisait probablement le service de navigation entre le Pays de Galles et
e Continent, un exemple bien précieux des relations cambro-flamandes du XlVe siècle.
• S^ant aux Anglais que Dafydd ab Gwilym a connus personnellement, eux aussi sont
intéressés dans le commerce. Hiccyn, Sioccyn et Siac, les trois Saxons qu\'il effraye une
e^t^nbsp;auberge, sont des colporteurs qui se rendent à la foire Siancyn Eurych

lesnbsp;^^ propriétaire du siop d\'orfèvrerie qu\'il admirait tant à la foire Dans

denbsp;des Gallois à l\'égard de ces étrangers il y a eu certainement quelque chose

^^ c ange. Gruffyd Gryg peut se croire encore un moment en pleine guerre d\'indépendance
réc^^
T ^^ ^^^^ ^^^ comtes et des barons de la noire Angleterre % mais cet accent ir-
^^_onciliable et belhqueux est rarement entendu au XlVe siècle. Dafydd méprise cer-
Anglais, mais ils les trouve plutôt ridicules que haïssables, et parle d\'eux

2)nbsp;Jones, The Welsh People, p. 28-29.

^42, 34.

33-34.

4) B -\'d

farwn baTc^^T-^-^nbsp;~nbsp;~ ^

mfeinawl,Mae. rhagor i\'m [aerioganwn] Drannoeth ras drwy wneuthur iawn. (DDG., p. 151 ■)

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avec cette même ironie amusée qui nous a frappés dans le portrait d\'Elen. Un poète
du siècle suivant, Tudur Penllyn, daigne également conter fleurette aux filles des oppres-
seurs ; on connaît de lui une pastourelle bilingue assez grossière, mais fort remarqua-
ble 1). Nous ne croyons donc pas que les bardes aient évité ces étrangers quand ils les rencon-
traient à la foire ! Un Anglais qui savait rapporter des nouvelles du Continent ou raconter
un conte savoureux pouvait certainement être assuré d\'y trouver un auditoire attentif.

De tous les horoughs, celui qui paraît avoir été le plus important comme point de ral-
liement international, est Rhosyr (Newborough) en Mon. Originalement il avait été
formellement interdit aux Gallois de s\'établir dans cette colonie anglaise; toutefois
ils n\'avaient pas tardé à y supplanter les habitants primitifs Peut-être les colons
flamands n\'allaient pas si loin de leurs établissements et préféraient-ils fréquenter les foires
de Sud-Galles ; par contre Dafydd y pouvait rencontrer les marchands et les marins
de Chester qui faisaient escale dans les ports de Gwynedd quand ils revenaient de Bor-
deaux 3). Quant aux bardes, ils avaient une grande prédilection pour cette ville où ils
semblent avoir passé toujours quelque temps pendant leur
cylch clera Dafydd ab
Gwilym chante avec enthousiasme la gloire de ce „chaudron de rajeunissementquot; ;
lolo Goch l\'appelle un
borough paradisiaque construit de planches polies :

A\'r Dref Newydd, lifwydd lefn,

Bwrdeisdref baradwysdrefn

{IGE., 29, 23—24).

Plusieurs raisons expliquent cette préférence, et Dafydd les résume quand il loue :

I gwin, a\'i gwerin, a\'i gwyr

A\'i chwrw, a\'i medd, a\'i chariad,

A\'i dynion rhwydd, a\'i da \'n rhad

{DG., 138, 4—6).

„son vin, sa population, ses hommes, sa bière, son hydromel, son amour, ses habitants
prospères et ses productions peu dispensieusesquot;.

On comprend en effet que les Gallois vivant au milieu d\'une population anglaise ont
offert aux poètes qui venaient les visiter une hospitalité exceptionnelle même pour le
Pays de Galles. Rhosyr est à la fois un château, un caveau plein d\'hydromel et un verger
renommé pour ses boissons :

Castell a meddgell i mi,

Perllan clod y gwirodydd {DG., 138, 26—27).

Ces artistes devaient éprouver un grand plaisir à l\'aspect de la foule bariolée, composée

1)nbsp;Kywydd y Saysnes, Llanstephan 6 {éd. Stanton Roberts, p. 125).

2)nbsp;E. A. Lewis, The mediaeval Boroughs of Snowdonia, p. 255 et seq.

3)nbsp;Ibid., p. 211.

4)nbsp;lie diofer i glera {DG., 138, 11). Le Débat de l\'Ame et du Corps, de lolo Goch (JGE., 29) con-
tient l\'itinéraire d\'un
cylch clera.

5)nbsp;pair dadeni {DG., 138, 28).

-ocr page 133-

de plusieurs nations, qui affluait au marché de la fête de Saint Pierre i). Mais ce n\'était
pas tout : la ville offrait encore d\'autres attractions. Les femmes de Mon passaient pour
peu farouches et surtout pour beaucoup plus ingénieuses que partout ailleurs quand il
s agissait de détourner les soupçons d\'un mari jaloux :

Nid oes dychymig ym Mon
Am wragedd gwyr eiddigion
Fel y mae mewn gwlad arall
Am gwragedd cyfannedd call.

(DG. 185, 1—4.)

Sans doute dans ces ports de mer les femmes d\'une réputation douteuses étaient nom-
breuses, et une de celles-là paraît avoir été cette Mailt contre qui Madog Dwyfraig et
lolo Goch ont lancé leurs satires ordurières Peut-être était-elle identique à cette
Swreigan o Fon, Mailt, la mère de Gruffydd Gryg, dont Dafydd ab Gwilym se vante
d\'avoir obtenu les faveurs Mais c\'étaient assurément des exceptions, et Dafydd devait
jour essuyer l\'humiliation que les galanteries d\'un Don Juan aussi expérimenté que
Jui ne triomphaient pas si facilement de la vertu d\'une certaine jeune beauté qu\'il ne
i avait cru

On trouvait encore à Rhosyr des tavernes où, animés par la compagnie joyeuse de
buveurs renommés comme un Madog Hir et un Einion Dot, les poètes passaient la nuit
a boire et à débiter des aventures amoureuses Car ces foires devaient être au Pays
de
Galles comme en France des centres de vie littéraire. Le harpiste anglais y venait
avec son instrument moderne, et le barde, dont il
avait blessé les oreilles, se détournait
en frissonnant
% Probablement on y montait des mystères, dans lesquelles Dafydd pouvait
remarquer le personnage de „l\'homme à la boursequot;, c.à.d. Judas\'). Tout porte donc à croire
que c\'est surtout dans ce milieu-ci qu\'il s\'est mis au courant de la poésie légère et des
contes grivois qui amusaient depuis longtemps
les bourgeois des grandes villes picardes
^flamandes et qui devaient alors faire la joie des Gallois.

„ nnbsp;y bum yn edrych Yn Rhosyr, lie ami gwyr gwych, Ar drwsiad, pobl anr drysor, A

Sallu Mon, ger ilaw mor (OC?. 21, 1-4).

) ^vre Rouge, p. 87 et seq, ; IGE., p. liv,
DG. 127, 33 et seq.

7)

4) ÛG. 21.quot; —\'

S) DG. 21, 59—62.

£gt;G. 139.

ÛG. 149, 50. V. Cowell, Cymmr., vol. n, p. II4-

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chapitre viii

Relations littéraires entre le Pays de Galles et l\'Etranger
Sur le Continent

I — Croisades et Pèlerinages

De même que les romanistes ont essayé autrefois d\'expliquer la propagation de la
poésie méridionale dans la France du Nord par le contact des croisés des deux peuples
en Terre Sainte, quelques savants, et avant tous M. Hartwell Jones, ont été portés à
attribuer aux croisades une grande influence sur l\'évolution de la littérature galloise.
Nous ne croyons pas toutefois que la rhieingerdd soit venue directement de l\'Orient
et en tout cas ni le prince Morgan ab Cadwgan, qui, parti pour Jérusalem pour expier
un meurtre, mourut en 1125 à Chypre i), ni les pèlerins qui se noyèrent en 1144 % n\'ont
pu l\'introduire auprès de leurs compatriotes. Quelques Gallois ont pris part à la grande
croisade de 1190, car
VIter Hierosolytanum a conservé la mémoire d\'un archer gallois
qui s\'y était distingué % et Albéric des Trois Fontaines parle d\'un prince gallois qui
accompagnait alors Richard Cœur-de-Lion % mais en général il paraît que la propagande
faite par l\'archevêque de Cantorbéry et par les moines d\'Ystrat Fflur n\'a pas eu de grands
résultats, et que l\'enthousiasme inspiré par l\'éloquence de Giraldus à des foules qui ne
le comprenaient pas même a été plus chaud que durable. Quant à la
Croes Naid, morceau
de la vraie Croix et palladium de la liberté galloise, qu\'un pèlerin aurait apportée de Terre
Sainte et dont les Anglais s\'emparèrent avec beaucoup de peine en 1283, Dafydd ab
Gwilym feint de croire qu\'elle ne venait pas de plus loin que de l\'Italie

Les pèlerinages à des lieux saints moins éloignés et surtout celui à Compostelle
ont eu une plus grande signification pour le Pays de Galles. M. Hartwell Jones a déjà
remarqué que la voie lactée y est appelée „le chemin de Saint Jacquesquot;
(Hynt Sant lalm)
comme en Provence et en beaucoup d\'autres régions de la France. La traduction de la
chronique du Pseudo-Turpin traliit l\'intérêt que les moines gallois prenaient à la littérature
qui se rattache à cette route, et nous supposons que
VArastagnus rex Britonum n\'est
entré dans le
Guide des Pèlerins, instrument de propagande pour ce pèlerinage, et de là

1)nbsp;Bruts, p. 308.

2)nbsp;Ibid., p. 312,

3)nbsp;cap. LVii (Historiae Anglicanae Scriptores, t. Il, p. 286). Hartwell Jones, Celtic Britain and the
Pilgrim Movement, Cymmr.,
vol. xxni, p. 121).

4)nbsp;cum Rege Richardo fuit unus Rex Hiberniae, unus de Wallia {éd. Leibnitz, p. 390),

5)nbsp;Croes Naid o fro Eidial (DG., 26, 9).

6)nbsp;Sain Siam {DG. 10, 34 ; Deth. 3,34 ?) ; Sain Siam dy Galis (Gruffydd Gryg, DDG., p. 140).

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dans la chronique attribuée à Turpin, que pour être agréable aux pèlerins gallois i).
Tout de même il est remarquable que dans toute la littérature galloise on ne trouve pas
une seule allusion à Aymeri de Narbonne, à Guibourc, à Renouart au tinel ou aux
autres héros du cycle de Guillaume d\'Orange. Les pèlerins gallois en effet ne semblent
pas avoir suivi entièrement la vieille route riche en légendes pieuses et épiques sur laquelle
les jongleurs fourmillaient, et paraissent avoir préféré prendre la voie de mer au moms
jusqu\'à Bordeaux. Gruffydd Gryg parle de sa navigation à Compostelle et le poète leuan
ab Gruffydd Goch a composé une chanson d\'adieu pour les nobles de Brycheiniog et
pour leurs dames, Gwenllian ferch Gwilynn wyr Hywel
Grach,Mawd ferch Rosser Fychan
et Elen ferch Rhys, qui s\'embarquent pour
Seinsiam en Tir lago
^ Compostelle et les étapes principales de la voie de Saint Jacques étaient au moyen
âge des centres de relations littéraires presque sans pareils dans toute l\'Europe, et encore
au XlVe siècle c\'était là que les Anglais, partis pour conquérir l\'Espagne, ont appris
la
moorish dance, qui eut un grand succès jusqu\'au Pays de Galles 3). En outre le Gahce
et le Portugal possédaient une poésie lyrique abondante et unique à beaucoup de points
ue vue. Cependant à l\'époque de Dafydd ab Gwilym les périls du voyage devaient effrayer
plus d\'un pèlerin. Les flottes française et espagnole, coaUsées contre l\'Angleterre, infes-
taient la mer, et le Galice même avait été le théâtre de la guerre. Aussi y a-t-il lieu de
se demander si Dafydd ab Gwilym, Gruffydd Gryg et lolo Goch, qui décrit les désagre-
ments causés par le tangage d\'un navire ont vu Compostelle réellement, ou s\'ils feig-
nent seulement d\'avoir visité les lieux que surtout l\'expédition de Jean de Lancaster,
en 1386, avait mis au centre de l\'intérêt. Le doute nous semble permis, surtout dans le
cas de Dafydd, dont nous citerons les vers, puisque nous croyons que la véritable pensee
du poète a échappé aux commentateurs de cette pièce. Voulant attirer une chaste rehgieuse
au bois, le barde finit ses persuasions par l\'argument suivant :

Ai gwaeth i ddyn gwiw ei thaid
Yn y llwyn ennill enaidj
Na gwneuthur fal y gwneutham

Yn Rhufain ac yn Sain Siâm ?

(DG. 10, 31—34 ; Deth., 3gt; 31—34 ?)

Il nous semble que Dafydd fait dans ces vers allusion à la réputation douteuse que
les pèlerinages avaient acquise vers la fin du moyen âge à cause des nombreux scandales
causés par les pèlerins et les pèlerines qui s\'y donnaient rendez-vous sous le masque de la
P^®)- Probablement il a voulu dire ceci : le culte de l\'amour au milieu de la nature

I) Bédier, Légendes épiques, t. ni, p. 136, 340, 341. C\'est 1\' astarangus vrenhin de la rédaction galloise
P^bhee par R. Williams,
Selections, t. il, p. 32.

) Pemarth 57, ^.d. Stanton Roberts, p. 35-36.

4nbsp;P. III.

4; VGG., p. 138 eî seq.

5)nbsp;IGE., 28.

6)nbsp;Dans la poésie portugaise le thème du rendez-vous au pèlerinage est fréquent (.Cf. Jeanroy, Ori-

u\' ï\'nbsp;^^ iQsgwcrziou bretonnes les jeunes filles sont averties de se méfier des pèlerms :

Me ho ped, merc\'hed iaouank, m\'ho ped hag ho suppli Pa eet da Sant Jakes, na et ket re disousi

^^werziou, t. II, p. 20.)

Na fiët ket er belerined, Ar re-se \'zo potred aroutet (Ibid., t. II, p. 150). Dans le Roman de la Rose, le

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serait-il moins salutaire à l\'âme d\'une jeune fille de bonne famille que d\'aller en pèlerinage
à Rome et à Compostelle, comme nous autres hommes avons l\'habitude de faire, pour des
motifs qui n\'ont rien à faire avec la dévotion ? Cette arrière-pensée n\'a pu rester cachée
à l\'honorable auditoire, qui riait peut-être sous cape en se rappelant quelque scandale
récent, mais une remarque
aussi générale ne prouve nullement que Dafydd ait fait lui-
même ce pèlerinage.

II ■—Campagnes en France et en Flandre — Les mercenaires

g allois

Parmi les Gallois qui ont visité le Continent et pouvaient contribuer à introduire en
leur patrie la poésie étrangère qui leur avait plu à leurs voyages, les pèlerins n\'occupaient
pas cependant la première place. Les nombreuses guerres entreprises par les rois anglais
pour maintenir ou pour agrandir leurs possessions françaises jetaient les Gallois par
milliers sur les lieux où fiorissait la poésie amoureuse, courtoise ou légère, qui de tout temps
a trouvé dans le guerrier son meilleur propagateur.

Il n\'y a rien d\'étonnant à ce que les chefs d\'armées en quête de mercenaires aguerris
jetaient l\'œuil sur les Gallois, incontestablement hardis à l\'attaque, quoique avides de
pillage après la bataille et assez mauvaises têtes dans les campements. Dès qu\'ils entrete-
naient des relations avec leur pays, les barons normands les menaient hors de leurs mon-
tagnes. Robert de Gloucester et Ranulphe de Chester se servent contre le roi Etienne
largement de troupes galloises sous Madog ab Maredudd de Povs^ys Plus tard, en 1312,
quand les barons font exécuter à Warwick Piers de Gaveston, ce sont des Gallois en
leur service qui font la besogne ; on trouve seize noms gallois, dont un est porté par
un clerc,Meistre Johan ap Ada, dans la lettre de rémission arrachée au faible Edouard II

Les rois anglais ne restaient pas en arrière ; ils menaient leurs auxiliaires gallois même
plus loin. Le traître Einion ab Collwyn aurait noué les liens avec Robert fitz Hamon et
ses chevaliers, qui devaient être si fatals pour son pays, quand il se trouvait avec le roi
au delà de la mer Nous ne voulons pas attacher à cette tradition plus d\'importance
qu\'elle ne mérite ; le fait au contraire qu\'Owain ab Cadwgan, armé chevalier par Henri I
dont il était alors le favori, a accompagné ce prince en 1112 en Normandie, paraît être

Jaloux soupçonne sa femme de faire : nouveaus pelerinages Selonc ses anciens usages (vs. 9351—52,
t. m, p. 118). L\'auteur de la
Clef d\'Amours conseille à ses disciples : Aprendre devez les usages De ces-
petits pelerinages
{éd. Doutrepont, vs. 2661—62), ou : Bien sevent esploitier les sages De ces petits
pelerinages
(Ibid., vs. 3085—86). Les moralistes du xive siècle au contraire condamnent ces „usagesquot;
vivement. D\'après le Chevalier de la Tour Landry, les pèlerinages „ne sont que prétextes pour prendre
esbatements et foloyerquot;. Une autre contemporaine de Dafydd ab Gwilym, la très dévote Christine de
Pisan, en parle avec presque autant de réserve. (F.Mathilde Laigle,
Le Livre des Trois Vertus, p. 127-128).

1)nbsp;V. Lloyd, A History of Wales, t. il, p. 489-

2)nbsp;et ibidem fuit decollatus, circa horam meridiei, per manus cujusdam Britonis {Annales Lon-
donienses de tempore Edœardi secundi,
dans Chronicles of the reigns of Edw. I and Edw. 11, Roll\'s éd., 1.1, p.
207); et statim jussu comitis traditus est Walensibus duobus, de quibus transfodit hic corpus,
amputavit ille caput.
(Vita Edw. 11, Ibid., t. II, p. 180).

3)nbsp;Rymer, Boeder a, t. Ii, p. 230—231.

4)nbsp;Einion a fuassai yn wr swydd yn ryfela gyda Brenin Lloegr ai farchogion yn Ffrainc a gwledydd
eraill, a charedig mawr rhyngddo a\'r Brenin ai Farchogion.
(Gwentian Brut., MA^. p. 699).

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historique i). A cette époque, Owain a pu y entendre chanter peut-être la Chanson de
Roland, mais il y aurait trouvé difficilement la poésie courtoise, inconnue encore au Nord.
Henri II se sert régulièrement d\'une infanterie galloise dans ses guerres françaises. Les
chroniqueurs racontent qu\'en 1174, pendant la guerre du roi contre ses fils révoltés, elle
lui aurait rendu de bons services en infestant les forêts autour de Rouen et en coupant le
ravitaillement de l\'armée française Encore en 1188, avant le début des hostilités même,
ces troupes galloises franchissent la frontière pour faire des déprédations et des ravages en
pays français ; dans la suite de cette campagne, la dernière de Henri II, les négociations
de Gizors auraient été rompues en conséquence d\'une querelle entre ces mercenaires et
un chevalier français %
Bien plus importante cependant que ces expéditions au Nord de la France est celle
f^\'^tmée II59, quand Henri conduit contre Toulouse une grande armée composée
Anglais, de Normands, d\'Aquitains, d\'Angevins, de Gascons, menant avec lui
Malcolmus
et quidam rex Gualiae
M. Barbier a proposé d\'identifier ce roi gallois à
Madog ab Maredudd, prince de Powys et père de cette Efa glorifiée par Cynddelw
^^ous supposons plutôt que le prince qui a eu une si belle occasion de se familiariser avec
a poésie des troubadours a été Hywel, livré deux années auparavant par son père, le
eigneur Rhys, comme ôtage au roi. C\'est ce Hywel ab Rhys, et non le poète de ce nom,
^ s d Owain Gwynedd, que Thomas Wikes nomme
Howellum inter Wallienses poten-
^sstmum^)
; ses compatriotes au contraire lui ont donné l\'épithète Sais, probablement
parce qu\'il avait adopté des mœurs étrangères. Ce ne serait pas alors la seule visite de
g ywel à la France : en 1173 son père l\'y envoie de nouveau pour assister Henri contre
^on fils révolté, le jeune roi Hywel Sais mourut assassiné en 1204 après avoir eu
emps de faire part de ses impressions de la lyrique méridionale aux bardes de Dynefor.
possédons encore un témoignage sur l\'emploi de troupes galloises que Richard I
^a^is^t dans ses guerres avec Philippe Auguste et une lettre de Henri III à Dafydd II
e *^TWynedd pour lui demander des Gallois pour la guerre qu\'il entreprit en 1242 contre

aorLa^d\'-^^^^^quot; ^ brenhin awnaeth drwy y mor... y vlwydyn rac wyneb y ymchoelawd y brenhin o

2) Gu-lf\'înbsp;kadwgawn gyt ac ef {Brut, p. 294)-

Vita ^ . Neubrigensis, De rebus Anglicis (Bouquet, t. xiii, p. 117) J Benedict! Petroburgensis,
P iiT\'^\'
Wd., p. 160); Chronicon Walteri de Hemingburgh, éd. English Historical Society, t.
distortnbsp;Gervasii Dorobernensis (Bouquet, t. xvii, p. 671) J Radulfi de Diceto Imagines

arum {Ibid., t. xvin, p. 631).

P Mevernbsp;intéressa:

yer, t. I, p. 267.

5)nbsp;édquot; P- ^67).

M Llr. ƒnbsp;Owain Gwynedd, p. 90. A-t-on observé déjà que dans les tables généalogiques de

• oyd aucune des filles de ce prince ne porte ce nom ?

7)nbsp;vlk fnbsp;Scriptores, vol. 11, p. 30.

yny Ilys a ^ ^^^ ^ynny ydanuones howel y uab hytt att yr hen vrenhin tu draw yr mor ar vedyr trigyaw
y rys onbsp;ar y brenhin ahaedu y gedymdeithas o bei vyw. Ac ual y gallei y brenhin ymdiret

8)nbsp;vtJ] ^^ brenhin a aruolles y mab yn enrydedus. {Brut, p. 331).

9)nbsp;En

terre de Gd ^nbsp;^^ \'i\'Engleterre une autre manière de gent que on apeloit Galois, qu\'il amena de sa

traire parnbsp;^^^ ^o^toient molt li François quant il estoient logié près de forest ; car cil venoient à els

P- 758)nbsp;^^ faisoient molt de maus. {Chronique d\'un anonyme de Béthune, Bouquet, t. xxiv

une relation intéressante de cet incident dans l\'Histoire de Guillaume le Maréchal, éd.

-ocr page 138-

la France i), mais en général on a l\'impression que dans la première moitié du XlIIe
siècle on les a laissés tranquilles dans leurs montagnes. Edouard I en revanche remet
en honneur l\'ancienne tactique de Henri H. Les plus vigoureux et les plus turbulents
de la population sont menés loin du pays ; les conditions économiques (la peste ravageait
le Pays de Galles deux fois au XlVe siècle) et l\'espoir du butin étaient deux ressorts
puissants qui contre-balançaient le peu d\'enthousiasme qu\'ils éprouvaient pour la cause
anglaise 2). Désormais on trouve sur tous les champs de bataille de l\'Ecosse, de la Flandre,
de la France, de l\'Espagne et jusqu\'en Allemagne les Gallois, avec toute leur impétuosité
à l\'assaut, leur dérèglement après la bataille et leur manque absolu de disciphne dans

toutes les circonstances.nbsp;^ .

Quinze mille Gallois prennent en 1296 part à la campagne ecossaise d Edouard 1,
dont la trahison du courrier Lewin est une épisode remarquable L\'annee suivante
trois cents d\'entre eux tombent au combat malheureux du pont de Stirlmg En
1298
quarante mille guerriers gallois auraient suivi le roi d\'après Walter de Hemingburgh,

qui fait un récit peu flatteur de la conduite suspecte de ces auxiliaires ivrognes et querel^-

leurs à la veille de la bataille de Falkirk Ce chiffre paraît être démesurément amplifie ),
et en tout cas il est fort douteux que ces Gallois turbulents aient entretenu des relations
amicales avec les Gascons, arrivés en grand nombre sous la conduite du Captai de Buch

pour prendre part à cette expédition\'\').

Au XlVe siècle les rois suivent l\'exemple que Edouard I leur avait donne. En 1309
et en 1316, Griflinus ap Res (Gruffydd Llwyd) et d\'autres seigneurs lèvent au nom
d\'Edouard H des troupes galloises contre les Ecossais»); en
1314 Gilbert de Clare
tombe à Bannockburn à la tête des gens de Glamorgan. Froissart fait mention des Gallois
qui se trouvaient en
1328 à Cardueil (Carhsle), sous le sire de Mowbray et le comte de
Hereford, ensemble avec les Hennuyers de Jean de Beaumont«). En
1332 Rhys ab
Gruffydd lève six cents soldats de Nord-Galles pour une campagne en Irlandequot;). En 1333
on demande de nouveau cinq cents archers, et au cours de cette année ceux-ci commettent
des ravages en Ecosse ii). Il paraît qu\'en
1346 les Gallois ont combattu à Neville sCross,
car Dafydd ab Gwilym fait allusion à la folie de ses patriotes qui partaient pour la France
et pour „Prydynquot;, et à une guerre entreprise pour gagner deux royaumes a la fois )■
Enfin, Geoffroy le Baker nous apprend qu\'en 1353 le comte de Northampton avait mene
des Gallois en Ecosse 1®).

1)nbsp;Rymer, Foedera, t. i, p. 246.

2)nbsp;Owen Edwards, Wales, p. 236 et seq.nbsp;. . ■ . r. n. ^ » r „ •

3)nbsp;Walter de Hemingburgh, t. ii, p. 105, ii3 ; Chromeon Henrici Kmghton, Roll s éd., t. i, p. 312 \'

Nicholai Triveti Annales, éd. English Historical Society, p. 3475 Holinshed, Chronicles, t. III. p. 299-300-

4)nbsp;Walter de Hemingburgh, t. n, p. 139 i Henri Knighton, t. I, p. 381-382.

5)nbsp;t. II, p. 176.

6)nbsp;J. E. Morris, Welsh Wars, p. 285 et seq.

7)nbsp;Ibid., p. 289.

8)nbsp;Rymer, Foedera, t. 11, p. 82, 299.

9)nbsp;éd. Luce, t. I, p. 51-

10)nbsp;Rymer, Foedera, t. Il, p. 842.

11)nbsp;îhid., p. 857; Holinshed, t. ni, p. 35i-nbsp;_

12)nbsp;Brwydr yng ngwlad Ffaingc neu Brydyn. (DG., 58, 32 J Deth. 20, 30). V. Trans. 1913-14^

p. 99—100 ; Deth., p. xiii.

13)nbsp;Roll\'s éd., p. 123.

-ocr page 139-

Il se peut que ces campagnes, dans lesquelles les hommes du Pays de Galles s\'étaient
battus côte à côte avec les Gascons et avec les Hennuyers, aient eu une certaine réper-
cussion dans leur pays. Mais elles n\'ont pas pu avoir la même importance pour l\'évolution
de leur poésie que les complications politiques qui ont eu pour effet que les Gallois se
sont trouvés plusieurs fois pendant une suite de mois dans les villes mêmes oii le lyrisme
bourgeois avait ses foyers. De toutes ces expéditions, surtout celle qu\'Edouard entreprit
en 1297 pour attaquer le roi de France dans ses nouvelles conquêtes flamandes demande
notre attention, et cela pour plusieurs raisons.

D\'abord la date même est intéressante, puisque cette campagne précède immédiatement
la fondation du Puy de Londres et l\'éclosion de la poésie anglaise. Nous avons cru pouvoir
attribuer ce dernier fait, du moins en partie, au plaisir que les soldats anglais avaient
éprouvé à entendre chanter une poésie nouvelle pour eux dans les lieux où elle était
cultivée le plus ; il n\'y a aucune raison pour admettre que leurs compagnons d\'armes
gallois aient pris moins de goût aux chansons et aux fabliaux qui faisaient depuis plus
^nbsp;^^ des Picards, des Hennuyers et des Flamands.

Puis, il vaut la peine d\'observer qu\'un grand contingent des 8500 Gallois qui prenaient
part à cette campagne était fourni par Carmarthenshire et par Cardiganshire, et que les
chefs, Rhys Fychan, et Gruffydd et Cynan ab Maredudd, étaient aussi originaires de
cette dernière contrée i). Aussi se peut-il fort bien que Dafydd ab Gwilym ait connu
encore des vétérans de cette campagne ; le vieux guerrier leuan ab Gruffydd, le père
de Dyddp, pourrait être un de ceux-ci.

Il est à priori peu vraisemblable que tant de Gallois aient pu camper pendant plus
de six mois (d\'août 1297 jusqu\'en février 1298) dans un centre de vie sociale aussi intense
que Gand était alors sans entrer en relations intimes avec leurs hôtes et alliés, banque-
teurs incorrigibles, buveurs intrépides, convives charmants et chanteurs infatigables
comme on sait. La vie que ceux-ci menaient ne devait pas être pour déplaire à ces Cam-
riens, qui n\'appréciaient rien rant comme la bonne bière suivie de bons coups. Aussi
es coups ne tardaient-ils pas à pleuvoir sur les têtes des bourgeois et de leurs hôtes.

semble que les richesses immenses amassées dans les palais des marchands
gantois ont fini par exciter le désir des Gallois, pillards déjà par respect de la tradi-
tion, qui étaient fort désappointés de voir leur échapper le butin qu\'ils avaient
compté conquérir sur l\'ennemi. Il n\'est pas moins probable que les bons calculateurs
qn étaient les Gantois se lassaient à la longue d\'une hospitalité coûteuse qui n\'était pas
contre-balancée par les fruits qu\'ils s\'étaient imaginé de cueillir de cette alliance. Quoi
qn il en soit, les Gallois „firent de mauvais gloutonsquot; d\'après l\'expression du bourgeois
e Valenciennes, les communiers se montrèrent de rudes adversaires, et le vieux roi
-quot;ï^^^ut passer un mauvais quart d\'heure

J. E. Morris, Welsh Wars, p. 280. Rhys Fychan possédait le cymwd Pennard, Cynan ab Maredudd
^^cymwd Perved, en Cardiganshire. En 1274 ces deux seigneurs avaient fait l\'échange de leurs terres
en\'^quot;^\'nbsp;Cynan et de Gruffydd est probablement le Maredudd ab Owain qui mourut

^ 1265 à Llanbadarn Fawr, où Dafydd ab Gwilym devait naître un demi siècle plus tard. Comme le
poète II repose à Ystrad Ffiur
(Brut, p. 378).

an 1 .nbsp;^et incident diffèrent considérablement entre eux. D\'après les chroniqueurs

^g ais (Nicolet Trivet, p. 370 j Walter de Hemingburgh, t. Il, p. I70~I73 J Holinshed, t. m, p. 306 ;
celle^^^^ \' P-
74), les Flamands auraient commencé à attaquer les troupes du roi, sous le prétexte que
es-ci les avaient maltraités. Pour se défendre, les Gallois auraient voulu incendier la ville. La plupart

-ocr page 140-

Toutefois ce malattendu regrettable ne prouve pas que pendant cet hiver les relations
entre Gallois et Gantois aient toujours été aussi tendues. Le Frère mineur de Gand et
Meyerus mentionnent expressément les bienfaits que les Gantois avaient rendus à leurs
hôtes 1). Il se peut donc fort bien que plus d\'un Gallois ait profité de cette occasion pour
se familiariser avec la poésie du pays. N\'attachons pas une importance exagéréee à la diffé-
rence de langue. Les habitants gallois de Pembrokeshire et de Rhôs pouvaient a voit
appris un peu le langage de leurs voisins flamands, établis dans le pays depuis deux siècles.
D\'autre part le français était compris à Gand même par beaucoup de„ Klauwaertsquot;,
et le comte Guy de Dampierre, qui suivait alors une politique si anti-française, ne s\'entou-
rait que de poètes français.

Mais il y a mieux que tout cela. Nous n\'aurions pas consacré ici tant de place à l\'expédi-
tion de 1297 si nous ne pouvions pas présenter un texte à l\'appui de notre thèse que le
séjour de ces milliers de Gallois à Gand a été un fait important dans l\'histoire de la
poésie galloise. On sait avec certitude qu\'un homme de lettres flamand au moins est
entré en relations avec ces étrangers : c\'est Lodewijk van Velthem, historien insigne,
qui nous apprend qu\'il avait visité leur camp au faubourg Saint-Pierre :

Van wapenen werd ic nie becant
Dat dit volxcken anedroech

Nochtan mere \'t ick \'er om vele ende genoegh ;
Ende wandelde onder hem oec daer
Om van hem te weten waer
Maer dat si hem wapinen souden ?
Oft si op yement striden wouden ?

{Spieg4 Historiael, éd. Le Long, p. 216).

„Je ne pouvais apprendre quels armes ces gens portaient, mais j\'y remarquais beaucoup de
choses en me promenant parmi eux pour les interroger pourquoi ils avaient pris les armes
et s\'il était leur intention de faire la guerre à quelqu\'un.quot;

Il est vrai que Van Velthem n\'était pas poète lyrique et qu\'on ne connaît de lui, en
outre de sa chronique, qu\'une compilation de romans arthuriens. Mais ce fait prouve

des chroniqueurs flamands et français au contraire prétendent que les Gallois avaient commencé à mettre
le feu aux maisons dans l\'espoir de profiter de l\'alarme pour piller la ville
{Annales fratris minoris Ganda-
vensis, Sd.
De Smet, t. i, p. 376 ; Chronique attribuée à Jean Desnouelies, éd. Bouquet, t. XXI, p. 189 J
Chronographia regum Franciae, éd. Moranvillé, t. i, p. 75 5 Meyerus, p. 100—lOi ; Oudegherst, LeJ
Chroniques et Annales de Flandres,
p. 222—223 ; Chronijkevan Vlaenderen, 1.1, p. 406—407. L\'auteur de
la
Chronique artésienne {éd. Funck-Brentano, p. 19) croit que les Gallois avaient incendié la ville pour
s\'échapper sans payer leurs hôtes; celui des
Anciennes Chroniques de Flandres, éd. Bouquet, t. xxii p. 361.\'
se contente de constater que les Gantois et les Anglais s\'étaient armés les uns contre les autres.
D\'autres
chroniqueurs
{Chronicon comitum Flandrensium, éd. De Smet, t. I, p. 163 ; Adrianus de Budt, Ib\'d., t.
i, p.
306 ; le bourgeois de Valenciennes, éd. Kervijn de Lettenhove, p. 102, et surtout Lodewijck van
Velthem, un témoin oculaire,
éd. Le Long, p. 216, 219), ne parlent pas non plus d\'une incendie, mais disent
que les Gallois avaient causé ces bagarres par toutes sortes d\'iniquités, refus de payer ce qu\'ils avaient
acheté, vols et pillages, actes de violence contre les femmes, brutalités contre les pères et les maris, etc.

i) de fidelitate et beneficiis et cordiaHtatibus Flamingorum et potissimum Gandensium............

pro hospitio omnique genere humanitatibus.

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déjà son intérêt pour la matière de Bretagne, et dans sa chronique on lit un récit cuneux
de la dernière expédition d\'Edouard I contre Llywelyn qui, malgré les légendes fantastiques
qui l\'embellissent, contient des détails précis qu\'il n\'a pu tenir que de ces guerriers gallois i).
N\'est-il pas vraisemblable que les Gallois dont Van Velthem cherchait la compagnie
aient interrogé leur interviewent à leur tour ?

Le contact entre Flamands et Gallois ne restait pas borné à cette expédition de 1297-
Pendant toute la premiere période de la Guerre de Cent Ans (la phase néerlandaise, de
1337 à 1345, qui est dominée par la grande figure d\'Artevelde), il y a eu entre les deux
peuples des relations suivies. Or, c\'est aussi à cette époque que Dafydd ab Gwilym débute
dans la poésie. La seule chanson amoureuse que nous puissions dater avec plus ou moins
de certitude,
DG. 99 {Deth. 54), a été composée en 1346 % et alors la figure du Bwa Bach,
le mari jaloux et grotesque, était créée déjà. On est ici en présence d\'un fait qui mérite
toute attention : l\'éclosion du lyrisme anglais suit de près la première campagne en
Flandre, tandis que l\'année après la dernière de ces expéditions on trouve le plus grand
des poètes d\'amour gallois dans toute la force de son talent.

Déjà en 1337 Rhys ab Gruffydd et d\'autres fonctionnaires ont à lever des troupes
dans les différentes parties de la Principauté et quand, Gautier de Mauny défait les
Gantois francophiles à Cadzand, il a des Gallois sous ses ordres
% L\'année suivante,
Edouard III les fait lever en grand nombre, et en juillet ils débarquent avec lui à Anvers
On possède un renseignement sur leur conduite pendant les mois que le roi négociait
avec l\'empereur et les princes néerlandais, et que l\'armée était immobilisée dans les
campements : au dire de Walsingham, Edouard a dû les renvoyer comme
in omni loco
mportabiles et nociui%
Peut-être cette assertion n\'est pas sans fondement, car on ne
les trouve mentionnés ni à l\'occasion de l\'expédition de
1339, ni à la bataille navak
de Sluys en 1340. En 1345 au contraire le roi demande de nouveau des guerriers gallois
pour l\'expédition que l\'assassinat d\'Artevelde fit échouer. Il n\'est pas généralement
connu, croyons nous, qu\'au moment de sa mort celui-ci avait une garde de cinq cents
^llois sous John Matrevers et William Sturine, qu\'Edouard avait mis à sa disposition
d\'après quelques chroniqueurs, pour couper la gorge à ses adversaires politiques—,
f.nbsp;grand nombre d\'entre eux tombait ensemble avec lui S\'il faut ajouter

à l\'information de la Chronique française de Londres qu\'en 1341 un certain
Griffyn de Gales s\'est évadé de la Tour de Londres où il avait été incarcéré

I) Lodewijk van Velthem parle de l\'arrestation du chef des révoltés, Pierlewerd, qui aurait été fait
diffi^T^\'\' après un combat sur une montagne et décapité sur l\'ordre du roi
{éd. cit., p. I93)- H est
Daf
HH ^^ ^^\'^onnaître le nom d\'un des princes gallois dans cette forme bizarre. Est-ce Llywelyn,
^yd(^ou Rhys ab Maredudd ? Ces épisodes font penser le plus au sort du second de ces princes.

4 crquot;\'- P- 993-997.

«^wîswe de Londres, éd. Aungier, p. 71 ; Walsingham, éd. Camden, p. 146.
gt; Kymer,
Foedera, t. 11, p. ioï6—1018, 1034, 1062, 1063 i Knighton, t. il, p. 4-
ed. cit., n. t.6.

P. 146.\'nbsp;---------------- \' \'

ceternbsp;quingentos homines ut secrete posset interficere Gerardum Dionisii et

de Budtnbsp;contrarios, (Chronographia regum Francorum, éd. cit., t. Ii, p. 212. Cf. Adrianus

t, ed. De Smet, t. i, p. 329; Meyerus, p. 169 ; D\'Oudegherst, p. 270 ■ Chronijke van Vlaenderen,
■ P- 535, Holinshed, t. ui, p. 368.

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pour avoir assassiné la femme et le frère d\'Artevelde on doit se demander si le tribun
gantois s\'est trouvé bien à l\'aise sous la protection de tels gardes contre ses ennemis
acharnés. Ce fait serait un commentaire inattendu sur les raisons qui ont amené Edouard
en 1339 à éloigner des auxiliaires aussi nuisibles à sa popularité auprès de ses alliés. On
comprendrait aussi pourquoi il fit dépendre en 1342 son ordre d\'embarquer le contingent
gallois pour la Bretagne de la condition expresse qu\'on trouvât pour eux „un bon et
sage cheveteinquot; 2),

La mieux connue cependant des campagnes dans lesquelles les Gallois ont joué un
rôle important est celle de 1346 à 1347, qui eut pour résultats la victoire de Crécy et
la prise de Calais, et sur laquelle nous sommes par exception fort bien renseignés
C\'est de nouveau Rhys ab Gruflfydd qui avec d\'autres seigneurs a été chargé de la levée
des contingents gallois et qui les a conduits lui-même comme „capitalis ductorquot; contre
les Français Les chroniqueurs donnent des chiffres fort différents sur le nombre des
Gallois dans l\'armée, mais les comptes de Walter de Wetewang, le trésorier du roi, nous
informent qu\'il n\'y en avait pas moins de 4572 au siège de Calais Pendant les mois
que l\'armée anglaise était campée devant cette ville, l\'occasion s\'est offerte
abondamment

1)nbsp;éd. Aungier, p. 69.

2)nbsp;Chronique de Jean le Bel, éd. Viart et Déprez, t. il, p, 329 Cf. Rymer, Foedera, t. Ii, p. 1216.

3)nbsp;D\' après les historiens du Pays de Galles, cette victoire aurait été due aux archers gallois de l\'armée.
Il paraît cependant que ces archers n\'étaient pas tous Gallois et que d\'autre part les Gallois ne
maniaient
pas tous cet arme redoutable: la moitié du contingent demandé par le roi devaient être des lanciers, et
l\'Eiddig de Dafydd portait le Bwa Bach, c\'est à dire l\'arbalète. Un spécialiste militaire comme l\'Anglais
Wrottonley ne parle qu\'avec le plus profond mépris de la valeur de ces troupes qui d\'après lui n\'étaient
bonnes qu\'à achever les blessés
{Crécy and Calais, p. 29). Cette opinion désavantageuse repose probable-
ment sur un passage de Froissart, qui s\' exprime en effet fort désobligeamment sur le compte des Gallois
et des Cornouaillais qui prenaient part à la bataille de Crécy, armés de grands couteaux
{éd. Luce, t. III)
p.
187). Geoffroy le Baker au contraire nous apprend que c\'étaient eux qui avaient forcé pour l\'armée
la traversée de la Seine
{éd. cit., p. 80). Un fait tout de même paraît assuré : les Gallois n\'avaient pas la
coutume de donner quartier. C\'est probablement à ce fait qu\'il faut attribuer qu\'avec la bataille de Cour-
trai, une quarantaine d\'années auparavant, le combat de Crécy se distingue de toutes les rencontres du
moyen âge par le nombre excessif des tués de marque, dont un roi. Le passage suivant de la
Chronographia
regum Francorum, peu connu, si nous ne nous trompons pas, est fort instructif dans cet ordre d\'ideés
par la vive description de la conduite des mercenaires gallois envoyés par Edouard I au secours du duc
d\'Autriche contre l\'empereur Adolphe de Nassau, à la bataille de Göllheim
(1298) : et licet rec Radulphus
[/, Adolphus] illa die vigorose se habebat, in fine tamen quidam Walensis saliit supra equum suum
retro
et conabatur sibi guttur abscindere ; cumque hoc facere nequiret, armis obicientibus, prostravit eum io
terram
(t. i, p. 80). Ce n\'était pas là la façon dont Jean le Bon et ses chevaliers ou Froissart entendaient
faire la guerre ! Aussi n\'est-il pas étonnant que dans les comptes de Wetewang (cités par Buchon, Chron. de
Froissart,
1.11, p. 478, note, et par Wrottonley, Crecy and Calais, p.203—204) les troupes galloises figurent
à la dernière place, même après la ribaudaille. Devant Calais, le roi donnait des lettres de pardon à uo
très grand nombre de malfaiteurs qui s\'étaient engagés sous ses drapeux et s\'étaient bien conduits
pendant la campagne. Or, dans la liste des noms des soldats graciés, qui tient presque soixante pages dans
l\'étude de Wrottonley (p.
220-278), nous n\'avons pu trouver que deux noms incontestablement gallois :
un certain John Goch ap Lewelyn, et un Yevan le Treresone d\'Everesholt. Est-ce que cela veut dire

que les Gallois aient été tous avant leur enrôlement d\'une vie exemplaire......ou bien, que ces deux

étaient les seuls Gallois dont la conduite eût été de nature à motiver la rémission de leurs anciens péchés ?

4)nbsp;Rymer, Foedera, t. m, p, 60, 67, 79. V. aussi les documents du French Roll, chez Wrottonleyj
Crecy and Calais.

5)nbsp;liid., p. 203—204.

-ocr page 143-

aux troupes galloises de se familiariser avec les chansons qui étaient alors en vogue chez
leurs compagnons d\'armes de langue française. Ils ne menaient pas comme les Anglais
des jongleurs avec eux, il est vrai (en revanche il ne fallait pas moins de 220 cantiniers
a ces 4572 Gallois!), mais le théâtre de la guerre était tout près des confins du pays picard,
il paraît possible que des poètes du puy d\'Amiens se soient mêlés aux assiégeants et
y aient trouvé un auditoire attentif. En ce cas tout porte à croire qu\'ils ont propagé les
chansons du régiment et des campements en leur pays après leur retour, car beaucoup
plus que toute autre expédition celle de 1346 a eu de retentissement au Pays de Galles,
lolo Goch montre dans son panégyrique d\'Edouard III une connaissance remarquable
de tous les incidents de cette campagne glorieuse i). La chanson de congé de Dafydd ab
pwilym à ses amis qui accompagnent Rhys ab Gruffydd a été citée déjà ; nous ajouterons
ICI un argument à ceux qui ont amené M. Ifor Williams à considérer cette poésie comme
composée immédiatement avant le départ du contingent gallois en 1346. Dafydd nomme
le vaisseau qui doit transporter les troupes une Gasconne
(Gwascwynes) % non seulement
parce que la comparaison du navire roulant avec un cheval gascon cabrant s\'était
présentée à son esprit % mais aussi,
pensons-nous, parce qu\'il le savait être à destination
de Bordeaux 5). Or, cette année précisément, Edouard IH avait voulu débarquer en
^ascogne, et ce n\'était qu\'à cause du vent contraire, bien malgré lui, qu\'il résolut de
cingler vers la Normandie. Au moment du départ Dafydd ab Gwilym devait ignorer
naturellement encore cette modification inopinée du plan de campagne.

Ce n\'est pas la seule allusion de Dafydd à la guerre en France. Voici les vers dont il
termme sa seconde
sirventes contre Gruffydd Gryg :

o bydd heb sori, cri cryf,
Digynnen ydyw gennyf,
O syr, lie gwesgir Gwasgwyn
O\'m dawr, Gwyn ab Nudd i\'m dwyn.

(DG, 122, 51—54)-

^ Stern déclarait n\'avoir pas compris le sens de ces vers % qui cependant nous semblent
^sez clairs : si (mon antagoniste), dont la renommée est puissante, se tient coi, je ne
^e prendrai pas de querelle avec lui ; si au contraire il se met en colère, que (le démon)
wyn ab Nudd m\'emporte aux champs de bataille où la Gascogne est (maintenant)
domptee, si je m\'en soucie.

^^ omme ou a vu déjà, les bardes étaient en relations suivies avec plusieurs gentils-
mmes gallois qui s\'étaient distingués à ces campagnes. On a rencontré dans les pages
ge!i^ 1 ^^^^ déjà souvent le nom de Sir Rhys ab Gruffydd, dont Dafydd ab Gwilym
chat-
t les soldats d\'une commission si peu philantropique. Llywelyn Goch abMeurig Hen

^mme ce seigneur un vainqueur de châteaux français {curwr Ffrengig castell) \'), lolo
54.

4) E^nlT^\'\'^\' ^nbsp;(^G., 99, 30; Deth,, 54. 28),

5 eI^! quot;quot;nbsp;Willi«quot;^^^ Deth., p. 156.

7 gZ \'nbsp;P- ^38 note 3.

Gog., p. 226.

-ocr page 144-

Goch s\'extasie sur ses exploits àCrécy D\'autres Tudors n\'attiraient pas moins l\'attention
des Cywyddwyr. „N\'était-elle pas sage, sa contenance devant l\'armée
française?quot;, demande
Gruffydd Gryg à propos de Rhys ab Tudur 2). Au dire de Llywelyn Goch, Goronwy ab
Tudur, le futur constable de Beaumaris, se serait signalé par
le carnage qu\'il avait fait
des Français :

Péris ym Mharis ammhuredd riddfan

Gwaedd yn narogan gweddwon wragedd.

(Gog., p. 226)-

„11 fut la cause de lamentations impures à Paris. Une voix prophétisait que les femmes seraient

veuves.quot;

La Flandre et la France du Nord cependant n\'étaient pas les seules régions oii les
mercenaires gallois acquéraient pendant ces années agitées de la gloire et
ils recevaient
des impressions nouvelles qu\'ils pouvaient communiquer après leur retour aux poètes
restés arrière. La Gascogne aussi paraît les avoir impressionnés fortement. Dafydd ab
Gwilym parle avec enthousiasme des orgies qu\'on faisait dans cette contrée
fortunée,
le pays du bon clairet et nous croyons pouvoir interpréter ces vers comme un écho
des forfanteries des guerriers revenus
du Midi. En effet, on sait qu\'en 1355 le Prince Noir,
partant pour Bordeaux, menait avec lui un grand nombre de troupes de sa Principauté
L\'année suivante, un seigneur gallois. Sir Hywel ab Gruffydd (Hywel y Fwyall), se
signale
à la bataille de Poitiers. Au dire des historiens gallois, tout l\'honneur de la prise du roi
Jean lui revient, et c\'est cette épisode qui
a inspiré à lolo Goch les vers pleins d\'ardeur
belliqueuse qui suivent :

Pan rodded, trawsged rhwysgainc,

Ynbsp;ffrwyn ym mhen brenin Ffrainc,

Barbwr fu mal mab Erbin

A gwayw â chledd, trymwedd trin ;

Eilliaw a\'i law a i allu

Bennau a barfau y bu ;

A gollwng, gynta gallai,

Ynbsp;gwaed tros draed — trist i rai.

(IGE., II, 59—66)-

„Quant le frein fut mis à la bouche du roi de France—traitement difficile à porter pour une
personne aussi fastueuse -il était un barbier dans la bataille,comme jadis(Geraint)le fils d\'ErbiD
avait étéj jouant de la lance et du glaive. De sa main, de toutes ses forces, il rasait les têtes
en même temps que les barbes, laissant couler le sang sur ses pieds, aussi vite qu\'il
pouvait —\'
c\'était dur pour plus d\'un (adversaire)quot;.

Avec cette victoire éclatante des Anglais et l\'état chaotique de la France pendant

1)nbsp;Gwae a\'i gweles yngresi {IGE., 6, 7).

2)nbsp;Pand oedd ddoeth...... ei ffriw gar bron teulu Ffraingc ? (DG., 237, 39—40).

3)nbsp;Pettaem ddyw pasg yn Gwasgwyn... didiawd oedd... o\'r clared yn (DG. 213, n—14).

4)nbsp;Avesbury, Roll\'s éd., p. 424—425. Encore en 1370 on trouve un Resus ap Griffyth miles en la
compagnie du Prince Noir,
in partibus Aquitaniae. V. lé sauf-conduit dans Rymer, Foedera, t. m, p- 888-

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régence du Dauphin, la guerre entre dans une nouvelle phase, qui n\'a pas été sans con-
séquences pour les relations entre les mercenaires gallois et français. Ceux d\'entre les
premiers qui ont pris le goût du pillage se jettent après le paix de Bretigny, à défaut
de campagnes régulières, dans le brigandage. Les Grandes Compagnies se forment dans
lesquelles les Gallois jouent un rôle important. Un certain Ruffin (Grulfydd) devient
le chef d\'une bande qui infeste longtemps tout le pays entre la Seine et la Loire i). Une
autre troupe a pour capitaine un certain Gregory Seys, appelé aussi Dagorissès et Degory
Says, dont le dernier élément du nom trahit l\'origine cambro-anglaise.
Ces compaignons
^^ la Galle
prennent une large part à l\'expédition entreprise en 1366 par Du Guesclin
afin de détrôner Pierre le Cruel et d\'éloigner en même temps ces troupes turbulentes
de France ; puis, rappelés l\'année suivante par le Prince Noir, ils retournent en Espagne
pour chasser Don Enrique à son tour 2). Les mouvements de ces compagnies internationales
ont dû contribuer sensiblement à rapprocher les Gallois des Français, qui pendant ces
années désastreuses mettaient à sac sans la moindre hésitation leur propre pays. Aussi,
après avoir partagé le butin et les revers de fortune, à la reprise des hostilités en 1369
les mercenaires des deux nations se sont déshabitués de se considérer uniquement comme
ennemis. Des fraternités d\'armes ont été formées et les adversaires, se souvenant des
aventures de la veille, continuent à entretenir des relations amicales. L\'époque des Grandes
Compagnies annonce la décade suivante, qui sera dominée par la figured\' Ywain de Galles,
et forme une page intéressante dans l\'histoire des relations
cambro-françaises. C\'est
a la suite de ces rapports avec la France, hostiles d\'abord, plus sympathiques ensuite,
que les Gallois, encouragés par leurs succès à Crécy, à Poitiers et plus tard à
»juernesey et à Soubize, retrouvent leur énergie d\'autrefois et communiquent leur
patriotisme renaissant aux bardes restés chez eux. Ywain de Galles et ses aventuriers
au service des rois de France préparent la voie à Owain Glendower et à sa politique franco-
phile. Ce rapprochement a été sans aucun doute d\'une grande importance aussi pour les
relations intellectuelles entre les deux pays ; on pourra le constater dans le paragraphe
que nous consacrerons à cette figure intéressante.

III — Emigrations et relations diplomatiques

^ Ce n\'était pas seulement pour servir les rois anglais que les Gallois s\'étaient jetés en
jasse sur la France. Il paraît qu\'après la conquête, et même avant 1282, des patriotes
rreconciliables avaient préféré se réfugier sur le Continent plutôt que de vivre sous le
p des „Saxonsquot; détestés. Ce fait a été afiirmé, non sans une certaine exagération,
par Thierry, qui assurait que „beaucoup d\'hommes, forcés par la conquête à s\'expatrier,
f^asserent en France ; ils y furent bien accueillis, et l\'émigration continua durant tout
quatorzième siècle : c\'est de ces réfugiés que descendent les familles françaises qui

faire ch ^nbsp;cil dit compagnon fait un chapitainne d\'un Gallois que on clamoit Ruffin, et le lisent

éd 1 nnbsp;devint si riches et si poissans d\'avoir que on n\'en pooit savoir le nombre (Froissart,
2) ^ t. F,
p.

Chandos^quot;^^^nbsp;compaignons de la Galle Retournerent en Acquitaine (Poème du héraut d\'armes

Moult as ^nbsp;P- i34).Là furent pris, à voir juger, Hastynges et Degory Says (Ibid., p. 190).

-î^/Ffinbsp;^^ d\'Englois, de Galois, de BcQtoas et de Gascons. (Chronique normande du

Auguste et EmUe Molinier, p. iSa).

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portent les noms aujourd\'hui si communs de Gallois et Le Galloisquot; i). Cette dernière
assertion va certainement trop loin, puisqu\'au XlIIe siècle déjà on rencontre un jongleur
nommé Jehan le Gallois d\'Aubespierre, qui sans aucun doute était Français 2). Il n\'en
serait pas moins intéressant de savoir où Thierry a trouvé des renseignements sur cette
émigration galloise, — il ne cite pas de textes à l\'appui de cette information ^—car le fait
même est exact et confirmé par un témoignage de John Peckham, archevêque de Cantor-
béry, qui en 1282, irrité par l\'accueil froid que ses propositions conciliatoires, bien inten-
tionnées, mais fort maladroites, trouvaient auprès de Llywelyn, lui écrivit avec force
paroles outrageantes : „major pars vestrum torpet otio et lasciviis, ut pene nesciat mun-
dus vos esse populum, nisi per paucos ex vobis qui videntur ut plurimum in GalHis
mendicarequot; Il est vrai aussi que d\'autres Gallois vont rejoindre ces réfugiés pendant
la première moitié du XlVe siècle, et le plus insigne de ceux-là est Owain ab Thomas
ab Rhodri ab Gruffydd, mieux connu sous le nom d\'Ywain de Galles, et prétendant
à la succession de ses grands-oncles, les derniers princes indépendants de Gwynedd.

Ce n\'est pas par hasard que ces émigrés ont cherché tous un refuge en France. S\'ils
ont arrêté leur choix sur ce pays, c\'est parce qu\'ils ne pouvaient pas ignorer les relations
diplomatiques qui avaient existé depuis plus d\'un siècle entre les rois de France et les
princes gallois. Owain Gwynedd avait pris l\'initiative en envoyant, du temps de ses
démêlés avec Henri II, un prêtre de son pays comme ambassadeur à Louis VII pour
conclure avec lui une alliance offensive et défensive et pour se déclarer son „homo et
amicus fidehsquot;. Cette fois le roi français, peu au courant de l\'état politique de la Grande-
Bretagne, avait renvoyé le messager gallois comme un imposteur Son successeur
Philippe Auguste au contraire, ayant envoyé en 1212 son fils Louis en Angleterre pour
seconder les barons contre son ennemi Jean-sans-Terre, entre en négociations avec Llywelyn
ab lorwerth et tâche de former une grande ligue avec lui, et avec les Ecossais Philippe
le Hardi envoie à Llywelyn ab Gruffydd des lettres scellées „in testimonium federis regni
Francorum et Norwallie principatusquot; ; le prince gallois le reconnaît alors comme sei-
gneur et lui promet de ne conclure ni
trêve ni paix avec les Anglais sans sa permission®).
En 1295 Thomas de Turberville, baron anglais révolté, essaye de cimenter une coalition
entre la France, Morgan, chef des insurgés gallois de Glamorgan, et les Ecossais \').

Toutes ces ligues avaient été assez stériles en résultats. Il n\'en est pas ainsi pour les traités
conclus en 1372 entre Charles V et Ywain de Galles, et en 1404 entre Charles VI et Owain
Glendower. Mais le rôle joué par le premier prétendant dans l\'histoire de son temps,

1)nbsp;op. laud., t. IV., p. 190.

2)nbsp;C\'est l\'auteur du fabliau de La pleine bourse de sens (Fabl., t. m, p. 88.) Ces familles ne descen-
draient-eUes pas en partie plutôt de Bretons ? En Bretagne le nom Ar Gall (Le Gall) = le Gaulois, le
Français, est courant.

3)nbsp;Lettres, Roll\'s éd., p. 503.

4)nbsp;Thierry, op. laud., t. m, p. 90 et seq.

5)nbsp;Ch. Petit-Dutaillis, Etude sur la vie et le règne de Louis VIII, p. 32—33.

6)nbsp;Voir le texte de cette lettre de Llywelyn dans les pièces justificatives de Thierry, op. laud., t. iv,
p. 398.

7)nbsp;Cf. la phrase suivante de la lettre de Turberville „a noble beer e seynur provost de Parisquot;, dans
l\'appendix de la
Chronique de Londres, éd. Aungier (p. 99) ■ „si ceus de Escoce se relevent contre le rey
de Engleterre,
le Gualeys se releverunt autresi, e ceo ay jeo bien fest, etMorgan me ad ceo bien encovauncé.

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comme soldat et comme intermédiaire entre son pays et la France, est d\'une impor-
tance qui justifie une discussion à part.

IV— Les compagnies galloises au service des rois de France
Le Prétendant et le Poursuivant

Nous réunirons ici par ordre chronologique les principales données sur les compagnies
galloises au service des rois français et sur leurs chefs que nos lectures nous ont fait

connaître.

Owain ab Thomas doit être né avant 1340 et émigré bien jeune en France, où il fut
élevé à la cour i).

^351. Combat des Trente. Jean Win (leuan Wynn ?), dit le Poursuivant d\'Amours,
probablement un des parents d\'Ywain, y aurait pris part dans les rangs anglais au dire
e
Christine de Pisan On ne trouve pas son nom toutefois dans les listes des
combattants du Poème français composé sur cette rencontre fameuse

Ï356. Bataille de Poitiers. Ywain de Galles y prend part du côté français
1360 ? Il se bat en Lombardie

1363. Mort de son père Thomas ab Rhodri. „Audoenusquot;, fils du défunt, passe alors
en Angleterre où il réclame et obtient son héritage

^305- Nichol de Tamworth et Johan Wyn esquier sont chargés par le roi anglais de
quot;lener hors du territoire français les compagnies qui y étaient restés, probablement pour
^^ommettre des brigandages

366. Ywain de Galles retourne de nouveau en France s).

^^^Paignons de la Galle suivent Du Guesclin en Espagne contre Pierre le Cruel,
son^ \'nbsp;par le Prince Noir, ils retournent en Aquitaine pour prendre part à

on expedition contre Don Enrique. Degory Sais est fait prisonnier par celui-ci 9).
^1369. Reprise des hostilités entre la France et l\'Angleterre. Ywain réussit à raUier
\' parti français Jean Win, qui était alors châtelain du château de Beaufort en Cham-

au

I)

Pheli ^^f\'^nt, liquels en sa jovenesse s\'en vint demorer en France et remonstra ses besoignes au roi
de sa^^^ Prance, qui volentiers y entendi et le retint dalés lui ; et fu, tant comme il vesqui, des enfans
t. IXnbsp;avoecq ses nepreus d\'Alenchon et autres, et ossi fist li rois Jehans. (Froissart,
éd. Luce,

P- 261) ^ ^\'^\'^istine de Pisan, Le Livre des fais et bonnes meurs du sage roy Charles {Panthéon Littéraire»

du cost^r^^^ parent et compaignon, moult vaillant escuyer, qui jadis a voit esté de la bataille des trente,

3)nbsp;p^ Angloiz, appelé Jehan de Vuin, dit le Poursuivant d\'amours {Ibid., p. 261).

4)nbsp;etr^^quot;\'nbsp;appendix, p. 301—302.

sarr t*^ ^ bataille à Poitiers, mais point n\'y fu pris, mieux ou ottant lui vausist à estre mort (Frois-
- Luce, t. IX,
p. 77).

^^ ^^^^ ^^ faicte, il s\'en alla en Lombardie, et la continua les armes {Ibid., t. IX, p. 77-)
Gallec Anbsp;Office, Ancient Petitions, no. 67 (cité par Edward Owen, Owain Lazogoch-Iwain de

7)nbsp;^«99-1900, p. 48-52).

^lariae annonbsp;Owynus discessit a partibus Angliae circa festum Annunciatioms beatae

adhuc est ^dh\'^^^^nbsp;luadragesimo et postea cum dictis inimicis conversatus est et eis adhesit et

i8qo—Tn^^nbsp;intelligunt {Public Record Office, Inquisitiones post mortem, 43 Edw. iii, dans Trans.

^ ^900, p. 57)

^^ P- 129, note 2,

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pagne 1). Il paraît que la compagnie d\'écuyers gallois qu\' Ywain commande depuis
est l\'ancienne compagnie de Jean, cédée par celui-ci à son parent aîné. Projets man-
qués d\'une invasion au Pays de Galles par une flotte française sous Ywain et Jean
Les autorités anglaises, au courant du rôle joué par Ywain, confisquent ses terres et
ses biens

1370. Gruffydd Says, partisan d\' „Owinus Lawegochquot;, perd pour punition de sa

trahison ses biens en Gwynedd

1372. „Evain de Galesquot; reconnaît avoir reçu de Charles V 300 000 francs d\'or pour
équiper une flotte et pour tenter de nouveau de reconquérir le Pays de Galles, son héritage\'^).
L\'expédition a un grand retentissement en France. Ywain et Jean s\'embarquent à Harfleur
avec Jacques et Morelet de Montmor et Jean de Ray, et conquièrent une partie de
Guernesey sur les Anglais Charles V ne permet pas de continuer cette expédition
et envoie Ywain avec une mission diplomatique à Santander, où il a une altercation
avec le comte de Pembroke, fait prisonnier par les Espagnols Il tâche en vain d\'intéres-
ser le roi d\'Espagne à ses projets et s\'embarque de nouveau avec l\'amiral espagnol Radigo
de Rous pour prendre part au siège de La Rochelle s). A Soubize il défait le célèbre Captai
de Buch et le fait prisonnier. Thomas Percy, sénéchal de Poitou, se rend à Hywel Flint,
chapelain d\'Ywain Celui-ci conduit le Captai à Paris i«).

1)nbsp;quant cilz escuiers vei que la guerre estoit renouvelée entre le roys d\'Engleterre et le roy de
France, il avoit si énamouré le royaume de France qu\'il se tourna Françoys et jura foy et loyauté à
tenir comme bons Françoys au roy de France (Froissart, eJ.Luce, t. VU, p.
115). — Christine de Pisan,

Le livre des fais, éd. cit., p. 261.

2)nbsp;Item, en celi temps, le roy de France ordena de envoier gens en Angleterre, par le Pays de Gales,
et les y devoient conduire nGalais, l\'un appelé Yvain de Gales, et l\'autre Jacques
{sic) Win, autrement
le Poursigant d\'Amours, les quelz se disoient estre ennemis du roy d\'Angleterre ; et dorent estre à Her-
fleu le vie jour de décembre mil CCCLXIX dessus dit, pour entrer tantost en mer
{Chroniques des règnes
de Jean II et de Charles V, éd.
R. Delachenal, t. Ii, p. 137—Froissart, eU Luce, t. vu, p. Lxxxiv, note.

3)nbsp;Public Record Office, Inquisitiones post Mortem, 43 Edw. m, p. 2, citées dans Trans., 1899-1900,
p. 54 et seq.

4)nbsp;Gruflf Says... convictus fuit coram praefato justiciario apud Conewayde seditione super appeilo
de eo quod adherens fuisset Owino Lawegoch inimico et proditori praedicti domini principis et de con-
silio praedicti Owyni ad mouendam guerram in Wallia contra praedictum dominum principem
{Mm.
Account
450, no. 4, dans le Record of Caernarvon. Cité dans Trans., 1899-1900, p. 5-)

5)nbsp;Cette lettre e^t citée par Thierry, op. laud., t. iv, p. 407- Cf. Delisle, Mandements de Charles V,
p.
502. Jehan Wyn reconnaît cette année avoir reçu d\'Estienne Braque, Trésorier des guerres du Roy,
les gages de Euain de Gales et des genz d\'armes de sa compagnie
{Titres scellés, t. 114, no. 69). Ce docu-
ment inédit de la Bibliothèque Nationale, resté inconnu à Thierry, aussi bien que quelques autres quit-
tances et revues citées ici, a été signalé déjà dans
VArchaiologia Cambrensis, me série, t. vu (1863), p. 62.

6)nbsp;Compte des recettes et des despenses de Jacques et de Morelet de Montmor (Arch. Nat. j475gt; no-
100), cité dans 1\'appendix des Chroniques des règnes de Jean II et de Charles V, éd. cit., t. m, p. 163 et
seq. — Froissart, éd. Luce, t. viii,p. .—Chronique des quatre premiers Valois, eULuce, p. 230-232-

7)nbsp;Froissart, éd. Luce, t. viil, p. 47-49. — Chronique de Sire Bertrand duGuesclin {Panthéon littéraire,
p. 74) _ Chronique de Bertrand du Guesclin par Cuvelier, éd. E. Charrière, t. Il, p. 186-187.

\' 8) Chronique des quatre premiers Valois, éd. cit., p. 235 — Froissart, éd. Luce, t. viii, p. 64 — Chronique
de Sire Bertrand du Guesclin, p. 86. — Cuvelier, t. il, p. 273.

9) ......li senechaus de Poito, messires Thumas de Persi ; et le prist uns prestres de Galles, chapel-

lains dou dit Yewain, qui s\'appelloit messires David House... (Froissart, éd. Luce, t. viii p. 69). Luce cite
un acte de ce Thomas Percy dans lequel il reconnaît être pris par Hywel Flint (Arch. Nat, J.
362, no. 2),
dans son édition de Froissart, t. viii p. xxxvni, note. — Chronique des quatre premiers Valois, p. 239-

10) Froissart, éd. Luce, t. viii, p. 84.

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1373. Ywain de Gales, Jean Win et leur compagnie prennent part pendant la guerre
en Guyenne à la bataille de Chisey sous Du Guesclin Ywain est cette année capitaine
de la Tour de Broue en Saintonge

1375. Ensemble avec l\'amiral Jean de Vienne, Jean de Ray et Radigo de Rous, il
prend part au siège de Saint-Sauveur en Normandie La même année cependant
on rencontre parmi les aventuriers qui envahissent la Suisse sous Enguerrand de Coucy
»Herzog Yffo von Calis mit sim guldinem Hutquot;
^376. On retrouve sa compagnie à Limoges

1377.nbsp;Jean de Menstreworth, déserteur anglais, ayant conçu de concert avec Ywain
le projet d\'une nouvelle descente en Angleterre, est pris en Navarre et exécuté en Angle-
terre 6). Ywain fait sous le duc d\'Anjou, Du Guesclin et le connétable Louis de Sancerre
la guerre aux Anglais en Périgord Il Hvre bataille à Thomas Felton, sénéchal de Bor-
deaux, et le fait prisonnier s). Charles V ordonne de payer deux cents francs à son „amé
escuier d\'escuierie le Poursieugant d\'Amoursquot;

1378.nbsp;Ywain met avec une armée de Bretons, de Poitevins et d\'Angevins le siege
devant Mortaigne sur mer iquot;). Le gouvernement anglais de Bordeaux lui envoie John
Lambe, probablement un Gallois du Border, avec deux autres agents, un Cok et uri
William Scot, qui gagnent sa confiance et l\'assassinent dans son camp Il est enterré
dans l\'église de Saint-Légier 12) ; les Gallois indignés mettent à mort les parents des assas-
sms 13). Une troupe des Bretons et des Gallois d\'Ywain reste à la forteresse de Saint-
Legier Charles retient en son service Jean Win avec les 95 hommes d\'armes de son
ancienne compagnie dont il reprend le commandement 1®).

1)nbsp;Froissart, éd. Luce, t. vni, p. LXIX, 122. -Cuvelier, t. II, p. 293- - Quittance de Jehan Wyn dit
Poursuîgnant damours escuier et procureur de Yuain de Gales escuier (MSS. Bibl. Nat., Titres

t. 114, n^ 70).

2)nbsp;Froissart, éd. Luce, t. vni, p. LXin, note.

3)nbsp;Ibid., t. vni, p. 190.

4)nbsp;Chronique de Tschudi, citée dans Tram. 1899—1900, p. 70.

5- Trois revues de la compagnie d\'Ywain de Galles ecuier, à Limoges. (MS5. français. Nouvelles
lt;^lt;^misittons, de la Bibl. Nat., n\\
8604, fo. 48, 49, 50. Le premier de ces documents a été publié défectu-
eusement par Thierry,
op. laud., t. IV, p. 399 ^^ seq.

Chronique du Moine de Saint Alban, dans Trans., 1899—1900, p. loi—103. — Froissart, éd. Luce,
p. xvm, note.

7) Chronique des rhgnes de Jean II et de Charles V, t. Ii, p. 185 - Cuvelier, t. Il, p. 314. quot;quot; Christine
e^iisan.
Le Livre des fais,, p. 264.

iroissart, éd. Luce, t. ix, p. 8. — Chronique des règnes de Jean n et de Charles V, t. II, p. 186. —

8)
Chro

-------L. XA, p. O. - XjnrVniLlUli weo lt; «s^/tc-o «t-nbsp;—--

Bertrand du Guesclin, p. 92. Cuvelier, t. il, p. 316—317-
9; Dehsle,
Mandements de Charles V, p. 379.

ITnbsp;ix^ P-

iJ Ibid., t. IX, p. 74-.79. On trouvera tous les documents sur cette affaire publiés dans Trans.
1899-1900, p. 17

12) Froissart, éd. Luce, t. ix, p. 79.

3; pour laquele mort lesdiz Johan [Lambe], Cok \'t Will\'m ont perdu de leurs cosins \'t parentz que
nt estez mys a mort pour cause de la mort dudit Yuan
(Public Record Office^ dans Tram. 1899—1900,

J4) Froissart, éd. Luce, t. ix, p. 88.
15} Dehsle,
op. laud., p. 895-896.

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i3yç_\'8o. Jean Win continue à se battre sous Louis de Sancerre, maréchal de
France i).

1380. Bleddyn ab Einion demande et obtient son pardon pour avoir demeuré „en
la compaignie de Owayn Retherrik qui se disoit prince de Galesquot;

1383. Jean Win suit le roi „en ceste chevauchee ou il est de present sur les champs
du pais de flandres contre ses ennemisquot;

1387. Il se trouve avec sa compagnie de 99 écuyers, parmi lesquels on rencontre de
nouveau le prêtre Hywel Flint, à Bourgneuf

C\'est le dernier témoignage connu sur le Poursuivant d\'Amours, qui cependant n\'a
pas été le dernier chef de mercenaires au service de la France : en 1389 encore on trouve
devant Ventadour trois petites compagnies galloises commandées par Robin apledin
(Robin ab Bleddyn), Edouard ap Yvain et Yvain ap Greffin Dans les revues de
ces compagnies on lit les noms de quelques vétérans qui avaient combattu déjà sous le
Prétendant et sous Jean Win : un Einion ab Dafydd Sais (Eygnon ap Davy Sais, Eignon
adavasez), un Tegared ab Goronwy (Thoelbaret ap Grano, Tegaret ap Grono), un Philib
Fychan (Philippe viglan, Bachan), un Morgan ab Dafydd (Morgant de Davis, Morgan
Davi). Nous croyons reconnaître le nom du capitaine Robin ab Bleddyn sous la forme
Robin Maledin, qui figure dans la revue de la compagnie de Jean Win de 1387. Un
autre vétéran gallois, Dafydd ab Adda (David Abaza), qui se marie en France et s\'établit
en Touraine ®), est très probablement identique au David ap Da de la revue de 1376
et au Davy ap Ada de celle de 1387.

Il ressort de ce qui précède qu\'Owain ab Thomas n\'a pas été l\'aventurier obscur que
Lavisse l\'avait cru et qu\'il a fait bonne figure dans l\'histoire militaire contemporaine.
Toutefois nous ne lui aurions pas consacré tant de pages de ce chapitre s\'il n\'y
avait pas lieu de croire que lui et ses compagnons d\'armes ont joué un rôle pas moins
important dans les relations intellectuelles entre les Français et les Gallois. Commençons
par envisager cette question du côté français.

Il est fort improbable que pour un homme qui avait été du vivant du roi Philippe
„des enfans de sa cambre avoecq ses nepveus d\'Alenchon et autresquot; ®), la littérature
française de l\'époque eût passé inaperçue. Tout obsédé que le jeune Ywain devait avoir
été du rêve de délivrer sa patrie, il ne pouvait guère être insensible aux charmes des

1)nbsp;Six quittances dans lesquelles il reconnaît avoir reçu ses gages de Pierre Couchon, Trésorier des
guerres du roi
(.Titres scellés, t. 114, fo. 8921, n°. 71—76).

2)nbsp;Voir la confirmation de la lettre de rémission de Blethin ap Ynian Galeis dans le Calendar of Patent
Rolls,
5 mars 1383, publiée dans Trans. 1899—1900, p. 23.

3)nbsp;Deux quittances dans lesquelles il reconnaît avoir reçu ses gages de Guillaume d\'Enfernet, Tréso-
rier des guerres du roi
{Titres scellés, t. 114, fo. 8927, n°. 78—79).

4)nbsp;Revue de sa compagnie {Titres Scellés, t. 114, fo. 8925, n°. 77), publiée défectueusement par
Thierry,
op. laud., t. IV, p. 401 et seq.

5)nbsp;Les revues de leurs compagnies ont été publiées par Thierry, op. laud., t. iv, p. 403—406. On
trouve une revue inédite de la compagnie de Robert apledin de cette année dans
MS. français 25766?
n°. 560.

6)nbsp;V. Simeon Luce dans RC., vol. m, p. 447.

7)nbsp;Histoire de France, t. IX, i, p. 238.

S) Froissart, éd. Luce, t. ix, p, 76.

-ocr page 151-

poésies courtoises, un peu mièvres il est vrai, du poète à la mode Guillaume de JVlachaut,
qui du reste ne faisait pas toujours fi d\'une chanson grossière ou légère. Quant à son parent,
Jean Win le Poursuivant d\'Amours, son surnom, dont il fait parade jusque dans ses
quittances, nous prouve que les Gallois, raillés toujours par les Anglais à cause de leur
manque d\'urbanité, allaient prendre le goût des idées courtoises.
^ Froissart, cet autre poète mondain, qui a fait au chef de bande gallois Dagonsès
l\'honneur de le choisir pour parrain d\'un des héros du
Roman de Méliador, a connu sans
doute le Prétendant personnellement, car il nous donne sur lui des renseignements inconnus
aux autres chroniqueurs, et après avoir raconté sa mort pitoyable, il trace de Im un
portrait sympathique i). Christine de Pisan, femme de lettres de la cour de Charles V,
parle aussi d\'Ywain, de Win et des autres Gallois, „moult beauls hommesquot;, en termes
qui font supposer qu\'elle les a vus de ses propres yeux % Eustache Deschamps, esprit
plus grossier, a eu des rapports avec des Gallois également. Il a composé une ballade
sur un patron Ogiles le Galoiz, probablement le capitaine d\'un navire ancré à Harfleur ;
ne serait-ce pas un des compagnons d\'Ywain qui s\'embarquèrent en 1372 à ce port ?
Il reproche également à un certain Galois d\'être parti sans avoir pris congé de ses amis
et ne lui ménage pas les bons conseils :

Or vous gardez d\'Artus et des barons.
Car ilz sont fors, mais se la guerre dure.
Ramenez moi deux couples de Bretons

Ywain de Galles jouissait aussi d\'une grande popularité chez le peuple parisien, sem-
hle-t-il, car en 1369 un orfèvre, Andriet le Maître, vendit tout son avoir et acheta deux
chevaux et un équipement pour l\'accompagner dans son expédition

Tout cela ne présente cependant qu\'un intérêt médiocre comparé à l\'impression pro-
fonde et durable que ses soldats ont fait sur les Français. Dans les textes du XVe siècle
et encore plus tard il est souvent question des
compaignons galloys, joyeux compagnons,
veurs, et même avec un sens nettement péjoratif, débauchés. Cette dernière sigm-

fication paraît clairement dans le sens qu\'avait pris la forme féminine du mot,

qui est synonyme de „meretrixquot;. Nous en citerons quelques exemples, prises en grande
partie dans le Dictionnaire de Godefroy :

A vous parle, compaings de galle

Mal des ames et bien du corps.

(Villon, éd. Longnon, Test., 1720—21).

Il estoit grans et haus, gentis durement et bon bomme et vaillant as armes......il fu grandement

^ oses et amés dou roi de France et de tous les Seigneurs, (éd., Luce, t. IX p. 77)-

2 j^^re des Fais, éd. cit., p. 261.nbsp;^ ^

3) Tous jours seroiz sur le fait de l\'armée A Harefleur, Ogiles le Galoiz, Comme patron de bonne
renommée (Balade Dcccxxii,
éd. cit., t. iv, p. 342).

-l\'i T3 1 J -----^^AjLx, eu. (.11., L. J.V, y.

4J Balade dccclxxxii (Ibid., t. F. p. 66).
5) Froissart, éd. Luce, t. VII, p. lxxxiv - RC., vol. III, p. 446.

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Je souloye rire et danser
Avec ces
compaignons galloys ;
Mais maintenant me fault chanter :
„Bon temps, reviendras tu jamès ?quot;

(Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, xiv, 17—20).

Je suis bon Virois
Et
Compaignon Gallois

(A Gasté, Etude sur Olivier Basselin, p. 19)-

Une des chansons populaires collectionnées par Weckerlin a pour refrain les deux vers :

Compagnon galois
O compagnon galois 1

{Vancienne chanson populaire, p. 94).

On connaît encore un synonyme un peu plus ancien de cette expression. C\'est la forme
gaîeis, galois :

Bertrand [du Guesclin], qui bon galoys estoit

(Cuvelier, vs. 153).

Il fault que ie vous dye
D\'ung très gentil
galoys
Qui cuydoit son amye
La femme d\'ung bourgoys

(Le Parnasse saryrique du XVe sièecle, p. 202).

Cette dernière forme existe encore en provençal moderne. C\'est ainsi qu\'on lit dans
le Chant des Félibres :

Sian tout d\'ami galoi e libre.

(Julian et Fontan, Anthologie du félibrige provençal, p. 4).

Quelle est l\'origine de ces mots ? Faute d\'avoir apporté l\'attention nécessaire au rôle
trop peu connu des compagnies galloises dans la Guerre de Cent Ans, on n\'a pas encore
réussi à en donner une explication satisfaisante. Gasté a essayé de démontrer qu\'ils
avaient été appliqués originalement à une association patriotique et anti-anglaise duVau-de
Vire en Normandie au XVe siècle, dont le poète bachique OUvier Basselin était l\'âme
mais cette hypothèse ne tient pas debout, puisque l\'expression
compaignons de galles est
bien plus ancienne que Basselin, comme on verra. Gaston Paris, qui la combat, a vu
les rapports qu\'il y avait entre ces compagnons et le Pays de Galles, et admet que
cette dénomination avait été adoptée comme nom distinctif par une confrérie joyeuse
du XlVe siècle qui „prétendait faire revivre les mœurs gaies et brillantes de la cour
d\'Artusquot; 2). Longtemps avant lui cependant Du Cange avait été plus près de la
vérité
quand, citant le vers de Cuvelier, il avait assuré : „quibus verbis alludit ad Gallensium

1)nbsp;op. laud., p. 19 et seq.

2)nbsp;Chansons du XVe siècle, p. 16, note.

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virtutem bellicam vel certe quod ita nuncupari ambirent viri nobiles qui pro Wallensibus
militandi causa, expeditionem sumpserantquot; i). A quelle expédition l\'ancien lexicographe
a-t-il fait allusion ? Peut-être à celle de 1405, entreprise sur l\'instigation d\'Owain Glen-
dower ? En ce cas nous préférons rattacher le terme en question aux expéditions d\'Ywain
de G^les de 1369 et de 1372. Mais nous croyons qu\'il a été mis à la mode non pas en
premier lieu par les auxiliaires français de ces Prétendants, mais par les
compaignons
«e Galles proprement dits, c\'est à dire par les mercenaires gallois, bons vivants et Don
Juans, comme le Poursuivant d\'Amours, qui possédaient assurément toutes les qualités
pour passer en proverbe.

Les textes en effet justifient ces présomptions. Sans aucun doute ce sont les routiers
gallois de Degory Sais et d\'autres chefs de bande qui sont désignés dans le vers déjà cité
u Héraut de Chandos, le plus ancien passage connu où il soit fait mention des
Compaignons
^ la Galle
2). Le sens que cette expression prend dans les textes français postérieurs
nous apprend mieux que tout autre témoignage quelle avait été la vie de ces mercenaires
patr^^^^^ devait être la poésie française qu\'ils ont introduite de préférence dans leur

Quant au moxgalois, il est antérieur à la Guerre de Cent Ans. Seulement, il est significa-
^ que dans le plus ancien texte où ce mot soit attesté, dans le
Roman de Fauvel (commen-
cement du XIVe siècle), il est déjà associé au Pays de Galles :

Un jour estoit en son paloys
Fauvel qui ne pert pas galoys.
Tout ait il eu pais de Gales
Chasteaux, danjons, manoirs et sales.

ted. A. Langfors, vs. 1245—48).

il . ^^^^^ époque il n\'y avait pas encore de compagnies de mercenaires gallois en France,
fôt vrai, mais les exilés y avaient trouvé déjà un refuge, et il paraît ressortir de la lettre
qu\'en général ils n\'y jouissaient pas d\'une excellente réputation. La signifi-
lon du mot
gale „amusementquot; et du verbe galer „s\'amuser, se débaucherquot;, dont le
participe présent,
galant, s\'est imposé dans un sens sensiblement modifié aux langues
e tous les peuples civilisés, a sans doute influencé encore l\'évolution des expressions

et compaignons de galles.
Pj, occasion de propager en leur patrie les genres poétiques qu\'ils avaient goûtés en
BlÏÏrnbsp;ni à Ywain de Galles, ni à ceux de ses soldats qui comme ce déserteur

aus ^^ Einion ») ont obtenu après la mort de leur chef leur pardon et probablement
rechnbsp;de retourner dans leur pays. Grâce à M. Edward Owen et à ses belles

Il se ^^^^ savons qu\'Ywain lui-même a séjourné dans ses terres de 1363 à 1366 «).
late^ H ^^^^^^ ^^^ ^^^^^ courte visite a été la cause directe de l\'éclat du patriotisme
un ^^nbsp;^^ Principauté presque aussitôt après son départ. On pourrait faire

ven^^^^^ volume de toutes les poésies et de toutes les prophéties sur le retour d\'Owain,

--^r^emessie de la race bretonne persécutée, composées par lolo Goch ?, par Llywelyn

ï) sub voce .. galletus.

traduit \'nbsp;^ue l\'éditeur Francisque Michel a compris l\'expression, qu\'il a

^Par : „the companions of Wales.quot;
^^ p. 134.
4) p. 131.

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ab Kynfrï^Ddu?, paridda FrasT^^^ffydd abMaredudd et par d\'autres encore i).
On connaît aussi les tradition relatives à Owain Lawgoch, qui attend, endormi avec ses
guerriers dans une grotte, l\'heure annoncée pour courir sur les oppresseurs saxons. Tout
cela ne suffit pas encore pour prouver que les bardes restés au Pays de Galles, qui pour-
raient avoir été inspirés par les nouvelles qui venaient du Continent, aient subi l\'influence
personnelle d\'Ywain. M. Henry Lewis cependant a eu parfaitement raison en observant
qu\'il serait inadmissible que le Prétendant eût vécu quatre ans dans ses terres enMechain
Is Coed sans que les bardes fussent venus visiter le petit-neveu de leurs derniers princes ).
Il est remarquable en effet que le poème de Gruffydd ab Maredudd (poète connu aussi
par sa poésie amoureuse !) est un peu différent des autres pièces composées en l\'honneur
du Prétendant Pour ce poète Ywain n\'est pas seulement le justicier attendu, mais
aussi un patron généreux, „un Canon pour les bardes, une corne à boire pleine d\'hydromel
{kanon beird Gwyned ved buelin) et „un protecteur des bardes convenables Qlochwr
beird giwet).
Cette poésie donc n\'a pas été composée sur Ywain, mais pour lui, et cela
probablement quand il avait développé au barde ses projets hardis. Un argument reste
insoupçonné jusqu\'ici peut être allégué en faveur de cette interprétation. Gruffydd exhorte
son protecteur à assembler une armée o
dir Dzolffin, et il n\'y a aucune raison pour croire
que par ces mots il
entende précisément le Dauphiné d\'Auvergne. Evidemment le poete
désigne ainsi la France en général, et c\'est aussi l\'avis de M. Lewis Mais pour qu il
nomme la France la terre de Dauphin, il faut qu\'il ait écrit ce poème à une epoque ou
il n\'y avait pas de roi régnant sur ce pays. Il s\'ensuit de là que c\'était pendant la regence
du
futur Charles V, ou très peu de temps après, avant que la nouvelle de son avenement
fût
arrivé au Pays de Galles. La chronologie nous défend de penser ici à la régence orageuse
de 1356 à 1360 pendant la captivité de Jean le Bon. Mais on sait qu\'en 1364 Jean s\'est
rendu de nouveau en Angleterre où il mourut peu de temps après, et que Charles mon-
ta sur le trône la même année encore. C\'est donc en 1364, ou au plus tard en 1365, que le
poème de Gruffydd abMaredudd a été composé, lors du séjour d\'Ywain au Pays de Galles.
Celui-ci, qui ne cachait
donc pas même ses projets politiques aux bardes, ne leur aurait-ii
pas aussi parlé des chansons qu\'il avait entendu chanter en France ? En revenant an
Pays de Galles, il doit avoir trouvé la rhieingerdd déjà toute formée, mais il
arrivait
encore assez tôt pour contribuer par ses encouragements^et peut-être aussi par l\'apport
d\'idées nouvelles au développement de ce genre plein d\'avenir.

Nous finirons ici nos recherches sur les rapports littéraires entre le Pays de Galles
et le Continent. Nous n\'avons pas réussi à produire un texte qui permette de
constater
avec une certitude absolue que d\'un tel moment, du concours de tels facteurs, date l\'origine
de la rhieingerdd, comme on a pu conclure îjue des mariages des filles d\'Aliénor date l\'mtro-
duction de la poésie courtoise dans la France duNord.Nous n\'avons pas non plus ete en
état
de déterminer qui ont fait Iq\'plus pour la propagande de la littérature étrangère dans la patrie
des bardes ; des princes du sang comme Hywel Sais ou Owain ab Thomas, des
prélats
comme l\'évêque de Llanelwy, des fonctionnaires comme Bledri ab Cedifor, Llywelyn

1)nbsp;J. H. Davies, Trans., 1899—1900» P- et seq.

2)nbsp;IGE., p. L

3)nbsp;Kasgyl allu kywir o dir Dwlffin (Livre Rouge, p. 107).

4)nbsp;IGE., p. xlix.

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Bren ou Sir Rhys ab Gruffydd, des capitaines de bandes comme les fils de Maredudd
ab Owain et Degory Sais, des mercenaires obscurs revenant des villes florissantes de
Flandre et de Gascogne, des pèlerins de Rome ou de Saint Jacques, des marchands
flamands et anglais. Il est même probable que toutes ces classes de la société ont contribué
a cette oeuvre de propagande. Et encore deux autres résultats de cet examen sont à
retenir : d\'abord que ce contact a pu se faire aussi bien sur le Continent que dans la
Grand-Bretagne, et puis que de toutes les contrées où les Gallois se sont répandus, ks
bonnes villes de Flandre et de Picardie leur ont offert la meilleure occasion pour se familia-
riser avec la poésie d\'outre-mer.

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CHAPITRE IX
Les Bardes et les Littératures étrangères

Jusqu\'ici nous avons examiné par quels canaux les littératures d\'autres peuples ont
pu arriver à la connaissance des Gallois, mais il sera utile d\'envisager la question qui nous
occupe encore du côté des bardes. Aussi nous demanderons-nons dans ce chapitre de
quelles oeuvres étrangères ceux-ci prétendent avoir quelques notions, par l\'intermédiaire
de quelle langue ils ont pu en prendre connaissance, et comment ils les ont appréciées.

I — Les Allusions

Comparé à la foule d\'allusions aux traditions nationales, orales ou écrites, le nombre
des allusions à la littérature française dans l\'oeuvre des bardes est insignifiant. Parfois
ils mentionnent des pairs de Charlemagne, comme Rholant, Olifer, Amlyn et Amig
ou un héros de la Table Ronde, comme Glahath (Galahad) % mais pour savoir ces noms-la
une connaissance superficielle des traductions galloises des chansons de geste et du Roman
du Graal suffisait pleinement. Pour connaître les noms de glaives Durendardd, Hawty-
clyr (Hauteclair) ou Cwrseus il n\' était pas même nécessaire qu\'ils eussent lu ces tra-
ductions : il y avait des listes de glaives fameux, comparables aux triades des chevaux,
et composées probablement comme celles-là à l\'usage des poètes Nous avons émis
déjà l\'opinion que Ffwg Morganwg (Foulques fitz Warine) leur est connu par la
tradition
locale et orale Il n\'est pas encore suffisamment éclairci ils ont pris la figure d\'Es-
gwyr Gwy (Guy de Warwick) «) ; peut-être y a-t-il eu une version galloise de son roman
qui a été perdue En tout cas ces allusions ne prouvent pas que les bardes connaissaient
le roman anglo-normand ; elles peuvent tirer leur origine encore des adaptations anglaises

de cette matière répandue.

Quant à la littérature latine du moyen âge, les bardes, parmi lesquels il y a toujours
eu un nombre considérable de clercs, étaient assez bien au courant des écrits hagiogra-

1)nbsp;Gog., p. 164. 175, 180, 182, 186, 187, 188, 189, 212, 216, 226. DG. 234, 15 {Deth. 62, 15-16). IGB-
4, 51
-, 17, 60; 65, 25.

2)nbsp;IGE. 18, III.

3)nbsp;DG. 134, 44 ^ IGE. 21, 38 et ,eq.

4)nbsp;p. ex. dans Llanstephan 28 (Rep. t. 11, p. 464)-

5)nbsp;DG. 5, 37 ; IGE. 12, 41 ; 28, 50 J 45, 57 5 Livre Rouge, p. 107.

6)nbsp;DG. 74, 31 ; IGE. 69, 19.nbsp;. ^ ^ rnv,

7)nbsp;On en connaît une traduction irlandaise, V. ZfcP., vol. vi, p. 9 et seq. La femme de
Félice, figure dans la liste des dames célèbres.
V. Peniarth 10 {Rep. t. i, p. 321) ; Llyma henwe merchet..-

Felis cariat Gy o warwic.nbsp;^

Les neuf preux (y naw kwngkwerwr) étaient connus aux Gallois. V. Rep., t. I, pag. 775gt;

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Phiques, théologiques, édifiants et moraux et aimaient à en faire étalage. Seulement,
cette fois encore on constate qu\'ils n\'ont pas fait une seule allusion à une personne dont
ils n\'aient pas pu trouver le nom dans les adaptations galloises, assez nombreuses, de
cette littérature. Ce sont surtout les évangiles apocryphes de Nicomède et du pseudo-
Mathieu, la Vision de saint Paul, les prophéties de la Sibille, l\'histoire de Judas et
VHis-
toria septem Sapientum
dont ils semblent avoir exploité les traductions i).

Avaient-ils aussi quelques notions de la poésie amoureuse écrite en latin ? On pourrait
le croire en considérant les allusions de quelques bardes au Primas. Dafydd ab Gwilym
nomme Gruffydd Gryg un
Primas ac urddas y gerdd (DG. 128, 22) ; lolo Goch appelle
Llywelyn Goch abMeurig Hen un Primas cywydd Ofydd {IGE. 17, 43)- Nous admettons
avec M, Ifor Williams, qui le premier a dirigé l\'attention sur ces passages intéressants
que ces poètes font ici en effet allusion au fameux magister Hugo d\'Orléans. lolo par con-
tre se sert du mot
primas dans son sens usuel quand il adresse à l\'évêque de Llanelwy
les paroles :
Primas wydyn lie Asa {IGE. 32, 5). et nous hésitons sur la signification que
ce terme
a dans les vers de Dafydd sur la grive :

Prydydd cerdd Ofydd ddifai,

Prif urddas vw, primas Mai.

(DG. 219, 29—30 ; Deth. 35gt; 29—30.)

»C\'est un poète du premier ordre dans l\'art irréprochable d\'Ovide, un primas du mois de maiquot;

Le fait cependant que Dafydd et lolo connaissent le nom du Primas, tout remarquable
qu il est, ne prouve pas encore qu\'ils aient étudié sa poésie, et en effet ce sont seulement
es deux poèmes du magister sur une courtisane infidèle qui présentent une analogie très
iegere avec quelques cywyddau de Dafydd. La renommée de ce poète peu sympatique
^, Persoma quidem vilis, disait le Continuateur de la Chronique de Richard de Poitiers —
^ était répandue un peu partout :
fama sui nominis per diversas provincias divulgata res-
Pienduit.
Henri d\'Andéli le mentionne au XlIIe siècle «), Boccace et Eustache Des-
cftamps B) au XIVe.Mais il paraît que la gloire du nom de ce „type légendairequot;, devenu
«la personnification de l\'écolier farceur et quelque peu mauvais sujetquot; a dépasse de
t^eaucoup la connaissance de ses poèmes, car déjà le chroniqueur Salimbene le confond
avec
l\'Archipoète i«). Aussi ne nous semble-t-il pas recommandable d\'attacher une impor-

Trans., 1913-14, p. 130 i Deth. p. xlix-1.nbsp;,

3; On verra dans la suite que la comparaison d\'un oiseau chanteur avec un prêtre qm célébré la messe
ïa nt ^ ^^^^^^ ^^^^ ^^^ ^^^^^^^ ^^ ^^^nbsp;^^^^^^ ^^ ^^^^ légèrement different en

rï,nbsp;o V.eban, le henafgwr or flemhissieit, qui fut tué en 1107 par Owain ab Cadwgan (Brut

J^\'^y/fSion, éd. cit., p. 288), est appelé primas 0 flandrys dans le Brut y Saesson de la MA. (p. 671).
4 ed Wilhelm Meyer, 7, 8.
5J Ibid., p. 80.

6) Le Primat d\'Orliens et Ovide {éd. Héron, p. 55).
/; Meyer,
p. 77

0\\ -nbsp;tr t f •

tous Profo, faicta m, com Primat (.éd. cit., t. F, p. 53)-

-ocr page 158-

tance exagérée aux passages cités. Ce n\'est pas le Primas, certes, qui a fourni des modèles
aux Cywyddwyr gallois.

Nous avons déjà adopté l\'opinion de Stern pour ce qui est de la prétendue influence
de la poésie classique en général sur la rhieingerdd, et le lecteur sait ce que nous pensons
des allusions à Echdor, Ercwlfî, Policsena, Diodema et Elen Fanawg. Il y a
cependant
un problème moins facile à résoudre, celui de l\'importance qu\'il faut attacher à la men-
tion très fréquente d\'Ofydd (associé au Primas par Dafydd et par lolo, comme par Henri
d\'Andéli), et de son livre mystérieux

Dafydd ab Gwilym n\'était pas le premier au Pays de Galles à citer le nom du professeur
de l\'Art d\'aimer. Déjà les Gogynfeirdd le connaissaient comme un poète d\'amour :

Ked bwyfy karyadawc kerted ouyt

Gobwylled uy nuwy uy nihenyt.

(Hywel ab Owain, Gog. p. Seh

„Quoique je sois un amateur du „chemin d\'Ovidequot; {scil. de l\'amour), que mon Dieu considère
mon destin.quot;

Ys mawr uy angof na bum ouyd !

Ys mi ysy yn merwi mor angheluyd

Ys blwyddyn am ne ysblennyd gawat

(lorwerth Fychan, Gsg., p. 167^

„Grand est l\'oubli de moi puisque je ne suis pas un Ovide ! Depuis un an c\'est mon destin de mourir
aussi dépourvu de talent pour l\'amour de celle dont le teint est comme une giboulée de neige étin-
celante.\'quot;

Mais Dafydd a des notions plus précises sur l\'art du poète latin. A la cour de leuan de
Mon, la véritable poésie d\'Ovide
{gwir Ofyddiaeth, DG. 229, 22) était un des amusements
les plus estimés ; Ifor Hael lui-même excellait dans l\'art doré d\'Ovide (euriaeth Ofydd,
DG.
5,15). Peut-être s\'agit-il ici encore des panégyriques pompeux en vogue aux banquets
somptueux de ces cours hospitalières. En général cependant il entend par ces termes
la poésie amoureuse. La grive, prydydd cerdd Ofydd ddifai (DG. 219, 29 ; Deth. 35, 29)3
excelle dans cet art que le moine mendiant a en horreur :

Ni thalai fïaen gwyrdd flaen gwydd,

Na thafarn, na iaith Ofydd

(DG. 64, 21—22).

„Ni les cimes verdoyants de la forêt, ni la taverne, ni la poésie d\'Ovide ne valent une fèvequot;.

1)nbsp;Les bardes gallois avaient une prédilection spéciale pour le nom du poète latin qui fournit une
bonne rime en -ydd. Sur les seize fois que Dafydd se sert du mot Ofydd, on le trouve douze fois à la fio
du vers, et quatre fois dans la rime intérieure de la
cynghanedd sain.

2)nbsp;...eithr iaith Ddofydd {Deth. 56, 16).

Cf. Je ne pris le don un pois {Ro^e, vs. 2263, t. 11, p. 116); Mais sachiez qu\'il ne me prisait Un peJS
Ibid., Vi. 14483 ; t. IV. p. 64) ; Je ne priseraie treis chiches Socratès {Ibid., vs. 6909, t. m, p. 22) ; Dixit
unus ex latronibus: „Et quid valet ista crux? Non darem fabam unamquot;. (Hauréau, Notices et Extrait^)
t. III, p. 300) ; Al this worldes blisse Nis nout worth a peose (Bôddeker, AUenglische Dichtungen,
p. 243)j Het en scaedt mi niet een boone {AL., cxcvili, 6).

-ocr page 159-

Bien plus importants que les vers cités jusqu\'ici sont les passages où Dafydd invoque
le „Livre d\'Ovidequot;. Il ne faut pas croire qu\'ils témoignent
tous d\'une grande connaissance
des prescriptions de l\'Art d\'aimer, au contraire. Dafydd attribue à Ovide des vers qu\'on
aurait beaucoup de peine à trouver dans ce célèbre traité. Quand le barde gallois assure
que le rossignol a été mentionné avec attendrissement par Ovide il se peut encore qu\'il
fasse allusion à la métamorphose de Philomela, qui avait été racontée déjà plusieurs fois
en français. Mais quand pour persuader une religieuse de ne pas se laisser retenir par
des scrupules de piété, il invoque les prescriptions d\'Ovide, qn\'elle doit tenir présentes
a 1 esprit il ne réussit pas à nous faire croire que le professeur de l\'art d\'aimer, tout
bon casuïste qu\'il était, avait réglé déjà le cas d
\'une religieuse enamourée. Enfin, quant
a l\'adage du Gallois vieillissant, queM. Gruffydd a voulu faire remonter
zux Commun-
demants d\'Ovide
de Chétien de Troies, nous avons déjà montré quelle est la valeur qu\'il
laut attacher ici au
Llyfr Ofydd % Dans ces cas on est en présence d\'un procédé caracté-
ristique pour les auteurs du moyen âge, qui pensent étayer leurs écrits en les appuyant sur
une autorité généralement reconnue. Ici le Livre d\'Ovide a rendu à Dafydd ab Gwilym
les mêmes services que la fameuse chronique du moutier de Saint-Denis aux auteurs des
Chansons de geste.

Il faut rapprocher de ces passages quelques autres allusions au Llyfr Ofydd qui sont
fop vagues pour permettre des conclusions. De celles-là, le suivant surtout est curieux :

Gwyddost ! Gadi, deg wiwddyn,
Lyfr Ofydd mewn glaswydd glyn.

{DG. 199, 3-4).

a appris ce que c\'est que le livre d\'Ovide, Cadi, ma belle, dans la forêt verte de la vallée.quot;

Est-ce que cela veut dire qu\'elle y a pu constater que son amant n\'est pas un ignorant
qui ÎA avait pas su profiter des célèbres prescriptions ? Il semble plutôt que l\'expression
employée ici métaphoriquement pour l\'amour même.
Les exemples précédents pourraient nous amener à réléguer ce
Llyfr Offydd, dont Dafydd
P^rie comme d\'une source d\'inspiration, au domaine des fictions. Pourtant il y a un
petit
mbre d\'allusions au livre fameux dont le contexte n\'est pas sans présenter une analogk
que^ ^^ ^^^^^ prononcée avec des passages de
VArs ou des Amores, et ces passages-là,
e nous discuterons plus tard, nous imposent une certaine réserve.

^^^^nbsp;résulter de ces rapprochements que Dafydd connaissait

le te 1nbsp;cela ne voudrait pas encore dire qu\'il l\'ait étudié dans

probesnbsp;Gruffydd avaient admis déjà qu\'en ce cas il serait bien plus

Nou^nbsp;avait connu une des nombreuses adaptations françaises de l\'^r^ama^orza.

d\'n ƒnbsp;leur opinion et rappelons ici le fait qu\'un grand nombre des cc^quot;»quot;\'\'^

a été paraphrasé, commenté et discuté dans le Roman de la Rose, qui, nous 1\'

Snbsp;Ofydd (DG. 84, 15).

Noushésitnbsp;A phaid a gormodd of fydd {DG. ic, 25-26 ; Deth. 3, 25-26 ?)

sont lues d^ ^ admettre que Dafydd ait connu le Concile de Remxremont, ou les prescriptions du maure

F ,,nbsp;religieuses au lieu de l\'Evangile.

• P* 143 note 7.

conseils
avons

-ocr page 160-

VU, était connu au Pays de Galles au XlVe siècle. Il paraîtra^ue la plupart des vers qui
seront étudiés correspondent à des passages de ce roman allégorique. D\'autre part rien
ne nous autorise à admettre qu\'il y ait eu une traduction galloise de
VArs queDafydd avait
pu mettre à profit. Le traducteur du Caton gallois parle d\'un
llyfr ovyd yr hwn a elwtr
naset,
dont il conseille la lecture à ceux qui désirent s\'instruire dans l\'art de gordderchu ),
mais ce passage figure déjà dans le texte latin, et ne prouve par conséquent rien pour
l\'existence d\'un Ovide gallois. Le nom Naset, formé évidemment par analogie avec Esopet,
Avionnet, etc., est intéressant et montre que cette traduction a été faite
indirectement
d\'après une version française ou peut-être anglaise

Il y a encore une autre possibilité que nous ne voulons pas négliger. Dafydd cite
comme son mdtre dans la poésie son oncle, le sous-constable Llywelyn ab Gwilym Fychan,
qui lui aurait passé toutes les connaissances qu\'il possédait lui-même :

Ys difai y\'m dysgud

Fob meistrolrwydd a wyddud.

(DG. 232j 22—23).

Llywelyn avait été un poète {prydydd) et un grammairien {ieithydd) et en cette dernière
qualité Dafydd le nomme le Donate de Dyfed {llyfr dwned Dyfed) % Si nous pouvons
nous fier à cet aveu du barde — et pourquoi croire qu\'en écrivant cela il a seulement
cédé au désir d\'honorer la mémoire de son oncle ? — il est très probable que Dafydd devait
toutes ses connaissances littéraires à l\'enseignement direct et oral de Llywelyn. Aussi
vient-on à se demander si cet oncle inappréciable, qui avai
éténbsp;Llyfr Dwned,

pas été en même temps son Llyfr Ofydd? Nous verrons dans la suite qu\'il y a encore
d\'autres raisons pour croire que c\'est par la voie orale que la poésie étrangère était com-
muniquée aux bardes.

II — La connaissance de langues étrangères au Pays de Galles

L\'étude des allusions dans la rhieingerdd ne nous a donc pas convaincus que lesCywy^\'
wyr étaient très bien au courant
de la poésie écrite en d\'autres langues que la leur. E»
réalité ce fait n\'a rien de surprenant et le contraire aurait été plutôt de nature à
nous
étonner. Qui croirait à une influence littéraire exercée par des poésies étrangères devrait
nécessairement admettre que les langues dans lesquelles celles-ci avaient été composées
étaient généralement comprises au Pays de Galles, et il nous semble que cette conditio»
indispensable n\'était remplie que partiellement.

M. Morgan Watkin a insisté sur le fait que la connaissance du français devait avoir
été très répandue, bien plus même que celle de l\'anglais, dans tous les milieux de la popu-
lation qui entretenaient des relations avec les fonctionnaires royaux. En outre, les
moines

1)nbsp;Rep., t. l, p. 355.nbsp;, , ^-jit

2)nbsp;La forme Dwned „livre de grammairequot; lt; Donatus, qui n est pas reguUere, nous semble egaiemc
formée par fausse analogie avec
ces diminutifs français. La bonne forme,nbsp;lt;/î6er Dowaf/, se trou
chez Cynddelw : ym pryssur llavur Ilyvyr doneit
(Gog., p. 70.) ,

3)nbsp;Tudur Aled nous apprend également d\'un protecteur que „sa bouche était un livre de grammair
(ei ddwned oedd o\'i enau).

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LA CONNAISSANCE DE LANGUES ETRANGERES AU PAYS DE GALLES^_

cisterciens d\'Ystrad Ffiur et des autres monastères, grands traducteurs comme on s^t,
possédaient sans doute parfaitement le français et le latin. Giraldus nous apprend qu
\'un
prince civilisé comme le Seigneur Rhys s\'entretenait même avec beaucoup d\'esprit avec
s barons normands, ses adversaires, naturellement dans leur idiome. Un siècle auparavant
Gruffydd ab Cynan avait su parler plusieurs langues ; peut-être le français en était une i).
Il va aussi sans dire que les fonctionnaires gallois s\'exprimaient aussi assez facilement
dans la langue de leurs maîtres, et on sesouvientdupolyglottequ\'étaitl\'interprèteBledriab

Cedifor. Quant au peuple, il devait l\'ignorer complètement, et on connaît le récit amusant
de
Giraldus qui, prêchant la croisade devant les sujets de Rhys ab Gruffydd en latin
en français, les émut jusqu\'aux larmes et eut un succès énorme quoiqu\'ils n\'eussent
pas compris un seul mot de ce qu\'il avait dit Cela s\'était passé au Xlle siècle et il est
vrai qu\'au XïVe l\'état des choses n\'était plus le même. Les mercenaires devaient avoir
appris assez de français pour pouvoir apprécier les chansons qui se chantaient dans les
campements et en marche. Ceci semble assuré pour les compagnons d\'Ywain
de
Galles, dont plusieurs, comme le capitaine Edouard ap Yvain et un certain Jeuan
Leclerc de la revue d\'Ywain de Galles, qui peut-être est le même que le Jouan Scolart
ûe la revue de Jean Win, francisaient même leurs noms. Quant aux bardes, nous ne faisons
aucune difficulté d\'admettre que ceux qui comme Dafydd ab Gwilym avaient pour pro-
tecteurs des fonctionnaires royaux, avaient appris quelques bribes de français, mais
cela ne veut pas dire que leur
vocabulaire embrassait la terminologie subtile de l\'art
courtois, provençal ou français. JM. Ifor Williams, qui croit que Dafydd ne savait pas mal
ae trançais et de latin, cite l\'exemple de leuan ab Rhydderch, qui se vante d\'avoir appris
français, langue belle et éloquente :

Dysgais yr eang Ffrangeg
Doeth yw ei dysg, da iaith deg.

{IGE., 79, 25-26) 3).

J^^^® ne peut pas sans être injuste comparer Dafydd à ce gentilhomme, qui n\'était
un bon poète gallois, mais semble s\'être familiarisé aussi avec le latin et
sod- ? ^^ ^^^ ^^^^^ ^ait, s\'il faut le croire sur parole, des études de grammaire, de pro-
Péo droit, de philosophie, de théologie, d\'histoire, de littérature, d\'astronomie, de
ë metrie et d\'arithmétique. Le fait même que ce savant universel met la connaissance
et Qun^^\'quot;nbsp;q^e celle des écrits de „Tolmeusquot;, d\' „Aristotlesquot; et d\' „Awgrimquot;

QU\' 11nbsp;considère pas comme un de ses moindres titres à la gloire, nous prouve déjà

de t ^T^nbsp;générale en son pays, même dans sa classe. Nous nous garderons

senbsp;conclusions inconsidérées de la foule de mots étrangers dont les Cywyddwyr

duit^^^^^*^ qui demandent une étude à part. Disons seulement que des mots intro-
Probabl^ ^^^^nbsp;^^nbsp;de
mots d\'origine anglaise est le plus nombreux, et que

Wement il sera fort difiicile de citer un emprunt d\'origine française qui n\'ait pas

îones^^^^B^)^ ^ huaudel en amravaellyon yeithyoed (History of Gruffydd ap Cynan, éd. Arthur
1913-14,
p. 126-127 ; Deth., p. XLVI.

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passé également dans le moyen-anglais et n\'ait pu arriver par conséquent aux bardes
par l\'intermédiaire de cette dernière langue.

Savaient-ils du moins le latin ? et pouvaient-ils imiter directement la poésie des vagants ?
Voilà une autre question à laquelle on a répondu par l\'affirmative et que nous voulons

examiner à notre tour.

Nous tombons d\'accord avec la plupart des critiques que Dafydd, lolo Goch et beaucoup
d\'autres bardes ont été des clercs, dans le sens un peu vague que ce mot avait en leur
temps. Ce fait explique qu\'ils se sont approprié tant de mots d\'origine
latine afférents au
culte, mais il ne suffit pas à prouver qu\'ils possédaient parfaitement le latin littéraire.
Le niveau intellectuel du clergé baissait en général partout en Europe vers la fin du moyen
âge d\'une façon inquiétante, et peut-être au Pays de Galles encore plus qu\'ailleurs. Vou-
lant humilier les princes gallois, l\'archevêque Peckham leur avait reproché l\'iporance
du clergé de leur pays ; il semble donc qu\'en dehors des monastères le latin y était mal
connu. Interrogeons maintenant les poètes eux-mêmes.

Or, quant à Dafydd ab Gwilym, il y a en effet lieu de croire qu\'il n\'était pas sans avoir
quelques notions du latin. Stern
a cité une strophe d\'un poème pas encore publié, dans
laquelle il paraphrase une oraison latine
Un renseignement bien plus précieux nous est
fourni par le cywydd
DG. 117, où Dafydd parle lui-même de ses études latines. Malheu-
reusement aucun passage de son oeuvre nous fait regretter autant que celui-ci l
\'absence
d\'une bonne édition critique basée sur l\'étude de la généalogie des manuscrits, car précisé-
ment pour ce témoignage important les leçons des différents
MSS. ont un sens dia-
métralement opposé.

Le texte imprimé, devenu à peu près imcompréhensible par l\'interpolation et l\'mver-
sion de vers, ne peut pas servir pour résoudre ce problème. Nous faisons donc suivre ici
le passage connu, dans lequel Dafydd se défend contre les reproches de Morfudd, qui
ne veut pas aimer un clerc tonsuré
{gwr a chorun), d\'après le texte donné par Mostyn
212, Llanstephan 133 et le manuscrit de Benjamin Simons :

Ni byddwn, Dofydd difai,
Na bum no vis un mis mai.
15, O
ddysgais, gwbl drais o drin
Ar v)iw ledr eiriau Ladin,
Nid llwyd fy marf, arf erfai.
Nid lied fy nghorun, nid liai
Na phan ydd oeddem, gem gu,
20. Einym gur, yn ymgaru

A\'th freichiau, hoen blodau haf,
Em, yn dynion amdanaf

„11 n\'y a pas eu un seul mois de mai, o Dieu sans tâche, que je n\'aie été comme un novice, depuis
le temps où j\'apprenais des mots latins — travail écrasant ! — du parchemin
vénérable-
Ma
barbe, une arme irréprochable, n\'est pas (encore) grise, et ma tonsure n\'est ni pI«®
large, ni plus petite qu\'elle n\'était, ma perle chérie, le jour où nous tombâmes amoureux Tuo
de l\'autre — quelle angoisse c\'était pour nous ! — et que tu jetas, o perle dont le teint est celu»
des fleurs d\'été, tes bras comme des liens autour de moiquot;.

1)nbsp;ZfcP., vol, VII, p. 215.

2)nbsp;vs. 13 : ni bydd, un (M. 212, Ll. 133)- vs. 16 : air o ladin (M. 212). vs. 18: lleddf (BS.). vs. 19 : P««quot;
oeddem (M. 212, Ll.
133). vs. 22 : em y vyn (Ll. 133). Cf. DG. 117, 29—38.

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Dans quelques-uns des meilleurs MSS. on lit cependant dans le troisième vers rnîi/c^y^^azV,
et alors le sens serait : je n\'ai appris aucun mot de latin. Cette variante nous semble moins
plausible, car pourquoi Dafydd gémirait-il sur les terribles difficultés d\'une étude qu\'il
prévaudrait d\'avoir négligée ? Toutefois ce n\'est pas sur des spéculations toujours
subjectives sur l\'enchaînement plus ou moins logique des idées, mais sur l\'examen des
amilles de manuscrits qu\'il faut baser la reconstruction d\'un texte !

L\'étendue des études de Dafydd reste donc douteuse et il semble encore permis de
croire qu\'il s\'est borné à s\'approprier ces „quelques mots
latinsquot;, comme il dit lui-même,
requis pour l\'intelligence des oraisons principales. Heureusement nous nous trouvons
mieux renseignés sur les connaissances de lolo Goch, que la critique galloise a longtemps
considéré comme un bachelier en droit i), et que Stern croyait encore supérieur à Dafydd
par son érudition scolastique Et pourtant, si ce même savant a eu raison en admettant
que le premier vers de son cywydd sur saint Joachim, sainte Anne et la sainte Vierge
^^nty Cait a Sant Cytus {IGE. 35, i) est une corruption de sanctus sanctificatus % lolo
aurait été qu\'un ignorant qui connaissait les formules les plus ordinaires seulement
par ouï-dire.
On trouvera un autre argument en faveur de cette opinion dans les vers
suivants de la
Marwnad des fils de Tudor :

Un o\'r tair morwyn, mwyn mawr,
Fu ei lysfam aflesfawr :
Tropos, dewistlos dwywes,

Cletis, Leteisis liw tes.nbsp;{IGE., % 73—76)-

déeÎ^^nbsp;bonnes et majestueuses a été pour lui une marâtre persécutante : Tropos, la

preferée, Cletis ou Lateisis, qui a le teint du soleilquot;

cl^\'-^^^^^ tire de ces vers la conclusion que lolo avait quelques notions de la mythologie
ind^T^^\' ®ais qu\'il ne savait pas le grec Ce nous semble encore un jugement bien
qu\'il ^^^^ quot;nbsp;\'^ous il ressort de cette corruption barbare des noms des Parques

plus d^ ^^\'^^aissait pas non plus la poésie latine du moyen âge, où il avait pu trouver
___ une allusion à ces déesses, et que la source de cet étalage d\'érudition était orale

3)nbsp;Ibid

4)nbsp;T^ry\'\'nbsp;P- ^73) note. Les éditeurs de IGE. n\'expliquent pas ce vers singulier.
P. Ixxvi.

fxérie de^Gnbsp;^^^ Parques dans des poèmes latins que lolo, s\'il a appartenu réellement à la Con-

^unquirtTi^^\' ^^ Pouvait pas ignorer. Voici deux exemples :
pos, nec fnbsp;^^\'quot;lat illi colum Cloto; Cesset filo Lachesis
tracto nondum toto ; Filum rumpat Atro-

Walter HAnbsp;\'^otOj Et miser presbytero corruat remoto. (GoUas in raptorem suae bursae, Wright,

Cloto

Laches°im^ ^iligat, que baiulat colum...... saluto puerum non per ipotesim, Sed firmo pectore deprecor

éd.nbsp;Atropos, ne curet heresim. (O admirabile Veneris idolum, dans les Cambridge Songs,

^reui, p. 65).

deus pe ^^^ ^^ quenoille porte, E Lachesis, qui les fils tire.Mais Atropos ront e descire Quanque
auteurt^^\'^r ^^^^ 19768—71 ; t. F., p. 15). Du reste, ces déesses étaient connues avant lolo
ryd. y rei ael^ • ^ quot; ^^^ ulwydyn dymhestlawl honno ydymdangosses antropos
(sic) oechwio-
veint arder dwywesseu y tyghetuennoed ykygoruynnus wenwynic nerthoed yn erbyn y
cnawc dywyssawc fRhys ab Gruffydd)......
(Brut, p. 339)-

-ocr page 164-

148nbsp;_

Aussi l\'assertion du copiste du MS. Llanstephan 14 que lolo avait traduit la version pl-
loise du
Dialogus inter Corpus et Animam du latin i) ne fait sur nous qu\'une médiocre im-
pression. Supposé que lolo en soit réellement l\'auteur, ce fait ne prouverait pas encore
qu\'il ne se soit pas servi d\'une traduction anglaise de ce traité très répandu, qui,
cela soit dit
entre parenthèses, n\'a rien de spécifiquement goliardois. Ce ne serait pas le premier
exemple d\'une petite supercherie littéraire au moyen âge, et nous rappelons ici
seulement
que la version irlandaise du Livre de Maundeville, traduit au dire de l\'auteur de ^anglais,
du latin, du grec, et de l\'hébreu, remonte tout simplement à une version anglaise

Décidément, ni Dafydd ni lolo ne nous semblent les poètes les mieux qualifiés pour
s\'inspirer directement des productions des latinistes distingués qu\'avaient été les clercs
vagants de jadis. En revanche nous ne doutons pas un moment qu\'ils savaient fort bien
l\'anglais, ou plutôt cette sorte de
lingua franca en laquelle les différentes races de la Princi-
pauté, Gallois, Normands, Anglais et Flamands, s\'entretenaient entre eux et avec les
commerçants qui venaient d\'outre-mer. Espérons que des études sur le vocabulaire du
XlVe siècle jetteront un jour plus de lumière sur cette langue véhiculaire, qui devait se
prêter à merveille à la transmission orale des contes amusants internationaux et des chan-
sons légères dont la forme offrait un intérêt moins grand que le sujet.

m — L\'accueil fait au Pays de Galles aux littératures

étrangères

Nous avons donc constaté que les bardes n\'ont pu imiter directement les poésies cour-
toise et latine sans avoir eu à surmonter des difficultés probablement au-dessus de
leurs
forces. Ont-ils eu du reste cette prétention?

Jusqu\'ici la critique est partie de l\'idée que les Gallois du XlVe siècle ont été des gens
d\'un esprit extrêmement éveillé et curieux, qui scrutaient avec intérêt et sympathie
l\'horizon intellectuel pour s\'emparer aussitôt de tout ce que l\'étranger produisait de nou-
veau. Cette manière de voir, sans doute exacte pour ce qui est des derniers siècles, quand
les grands mouvements d\'idées trouvent aussitôt des fervents au Pays de Galles et les
poètes gallois s\'empressent de mettre à la portée de leurs compatriotes les
chefs-d\'oeuvre
de la littérature d\'autres peuples, demande une revision pour ce qui est du moyen âge.
Pendant tout ce temps, les fiers descendants de Brutus et de Camber joignent à un patri-
otisme égalé seulement par leur désunion regrettable à un attachement sans pareil
aux institutions et aux coutumes anciennes, à une fois inébranlable en leur propre supé-
riorité, une méfiance contre toute nouveauté venue de l\'étranger. L\'histoire de cette nation
toujours vaincue est un défi perpétuel à la suprématie de ses vainqueurs. Assujettis par
les Romains, dont ils subissent à leur corps défendant l\'influence politique et sociale, les
Gallois se consoleront plus tard par le souvenir des conquêtes de Brennus et des
insuccès
de César, par les fables inventées des victoires de Beli Fawr, deMaxen Wledig et d\'Arthur.
L\'Irlande, moins éblouie par la puissance de Rome et plus versée dans la littérature
classique, a trouvé même une expression merveilleuse pour traduire cette négation du

1)nbsp;lolo Goch a\'i troes o\'r Llading yng hamberaec. V. Trans. 1913—14^ P- 185 et seq. ; ZfcP., vol.
Il, p. 178.

2)nbsp;ZfcP., vol. II, p. I.

3)nbsp;Cf. les proverbes : Nid mad un ni bu Gymro, et : Ni bydd dyun dau Gymro.

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triomphe du monde antique sur la race celtique : imitant la vengeance exercée par Achille
«ur le corps d\'Hector, Cuchulainn traîne dans la poussière, attaché à son char. Hercule
lui-même, après l\'avoir vaincu en champ clos i). Battus par les Saxons, par les Normands,
par les Anglais, les Gallois, dans une attente qui,
croyons-nous, n\'a rien de mystique, se
frottent les mains en pensant à la vengeance sanglante qu\'un jour unCadwaladr,un Arthur,
un Owain Lawgoch prendront sur les vainqueurs du moment. Dans leur histoire ecclé-
siastique cette même opposition aux prétentions d\'hégémonie d\'une puissance étrangère
se révèle. On connaît la longue résistance opposée par le christianisme celtique à l\'Eglise
f Rome, par le clergé de Saint-David aux prétentions de Cantorbéry. Le seul fait que
c est par l\'intermédiaire des Anglais que la Réforme arrivait chez eux suffisait pour lui
lermer pour longtemps les coeurs des Gallois, et pour jeter les Irlandais plus que jamais
dans les bras de l\'Eglise. La preuve la plus curieuse cependant de ce mépris souverain
pour tous ceux qui étaient étrangers aux„compatriotesquot;(Cymry) est fournie pas ces pluriels
intéressants
Ffranc-od, Gwyddel-od, formés au moyen du suffixe qui sert pour la formation
Jiu pluriel des noms d\'animaux. N\'aurait-il donc pas été étonnant si les poètes, peut-être
les plus chauvinistes de leur nation, avaient fait un accueil enthousiaste à la littérature
que leur offraient les „bêtes françaisesquot; ?

a cité comme un exemple de l\'empressement dont les Gallois se seraient jetés sur la
poésie française les traductions en prose des chansons de geste qu\'on a faites au Pays
e Galles. Cet argument a perdu beaucoup de
sa valeur par les recherches deM.J^organ
atfan ; on sait maintenant que ce n\'était pas par admiration pour leur beauté littéraire,
^ais pour en faire un instrument de propagande pour la croisade que ces travaux de tra-
uction ont été entrepris par les moines. Quand aux bardes, ils ont été pour rien dans
^es^ adaptations d\'oeuvres étrangères, auxquelles ils ne payaient qu\'un faible intérêt.

est caractéristique que la seule figure de cette longue galerie de héros des chansons de
geste qui ait fait une impression durable sur les Gallois a été ce Hugue le Fort, qui joue
n role si pitoyable dans le
Pèlerinage de Charlemagne, mais à qui l\'honneur était réservé
e survivre au Pays de Galles, métamorphosé en Hu Gadarn, inventeur de l\'agriculturç.
^ - est vrai encore que quelques romans arthuriens ont été retraduits en gallois. Mais ici
»core il est certain qu\'on doit ces traductions non pas aux bardes, mais aux conteurs,
leu^r^\' comprend que l\'orgueil national de ces derniers a été flatté
quand ils retrouvaient
propres traditions dans une rédaction étrangère,
n pourrait supposer qu\'au moins la poésie courtoise de France, après avoir conquis les
avec une étonnante
rapidité, n\'a pu manquer de séduire les bardes
ë lois. Tout porte à croire cependant qu\'il n\'en est rien. On a constaté que partout les
F ncessesfrançaises ont été les meilleures propagandistes de l\'art nouveau, et que l\'influence
dtnbsp;d\'Aliénor de Poitou et de ses filles Marie, Alice et Mathilde (la „Saxonnequot;

■Bertran de Born) avait été d\'une importance incalculable dans l\'introduction de cette
F esie en
Angleterre, en France et en Allemagne. Pas moins de quatre princesses cependant

fairfnbsp;® (Windisch, Irtsche Texte, p. 290). Le rédacteur du Roman deCulhwch s\'est amusé

Twll a ^^^^nbsp;^^^ victimes duTwrch Trwyth, avec force autres héros étrangers, Echel Forddwyt

C\'est •nbsp;n\'est autre qu\' Achille au talon percé ! (V. Livre Blanc p. XXII).

voisins QU\'ri?\'\'^ ^^^ Espagnols, blessés dans leur orgueil national par l\'assertion mensongère de leurs
champio ^nbsp;avait conquis toute l\'Espagne, se sont vengés en créant de leur imagination un

n espagnol, Bernardo del Carpio, qui aurait vaincu Roland.

-ocr page 166-

qui étaient Françaises de langue ont siégé au trône d\'Aberffraw, et néanmoins on se voit
obligé d\'admettre que leur influence directe a été nulle. Il n\'y a pas un seul barde de cour
qui ait même eu l\'idée de composer un panégyrique en l\'honneur d\'une d\'entre elles. Au
contraire, Einiawn ab Gwgawn, dans son ode à Llywelyn le Grand, passe sous silence
Jeanne, l\'épouse de son prince, mais parle avec respect d\'une certaine Hunydd, dont
Llywelyn est le support et le possesseur vénérable :

Hunyt nenn perchen parchus uad.

{Gog., p. 114).

Evan Evans n\'était problablement pas loin de la vérité quand il soupçonnait qu\'il
s\'agit ici d\'une maîtresse de Llywelyn D\'après une tradition un peu suspecte
le
bardd teulu de Llywelyn se serait même moqué cruellement de Jeanne après l\'exécution
infamante de son
amant, Guillaume de Breos Il faut sans doute attribuer cette attitude,
qui serait étonnante à cette époque dans tout autre pays, en grande partie à l\'indignation
que ces mariages impopulaires, contractés en considération de calculs politiques, élevaient
dans les coeurs des Gallois, si jaloux de la pureté de la race. Mais il faut aussi bien tenir
compte du conservatisme de ces poètes, que M. Gwynn Jones, dans sa belle étude sur le
Bardisme, a si nettement mis en évidence. Qui croira que ces
prydyddion, si fiers des
privilèges de leur ordre et de la possession de connaissances communiquées
seulement
à quelques rares initiés, si conscients de la supériorité de leur art surpassant toutes les
poésies contemporaines par sa recherche et par la complication de ses lois, se soient em-
pressés à reconnaître l\'hégémonie artistique de la France ?

Dafydd ab Gwilym n\'était plus un prydydd de l\'ancienne école, et en son temps le
bardisme ofliciel était déjà tombé en décadence, mais il avait hérité tous les partis pris
de ses prédécesseurs contre l\'art étranger. Non seulement qu\'il déteste les harpistes anglais
et leur instrument moderne, contre lequel il
a composé une satire amusante {DG. 139),
mais il juge aussi sa musique très supérieure à celle des joueurs de fifre français {pibydd
ffraeth 0 Ffraingc, DG.
137, 27). Il devait goûter un conte salé bien raconté en compagnie
joyeuse, même s\'il le savait d\'origine française ou anglaise, et les chansons peu préten-
tieuses répandues par les mercenaires et les marchands n\'étaient certes pas pour le scan-
daliser. Mais si on avait osé lui proposer d\'imiter cette poésie courtoise que tous les pays
civilisés avaient accueillie avec empressement etenthousiasme,etàlaquellelesbardes gallois
seuls, par une négligence vraiment inexcusable, refusaient de rendre l\'hommage qui lui
était dû, nous tenons pour assuré que Dafydd, indigné d\'une arrogance aussi folle,
aurait
répliqué avec un aplomb non indigne d\'un Gwalchmai ou d\'un Cynddelw que les Gallois
n\'avaient rien à apprendre des poètes d\'un autre pays et qu\'ils les dépasseraient toujours
dans tout genre poétique qu\'ils cultiveraient !

1)nbsp;Some specimens of the poetry of the ancient Welsh bards, p. 23, note.

2)nbsp;Hanes Gymru, par Carnhuanawc, p. 654—655.

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SECONDE PARTIE
Les Eléments de la Poésie de Dafydd ab Gwilym

CHAPITRE I

Les Genres et le Milieu

Nos recherches préliminaires nous ont appris que dans toute la poésie du moyen âge
composition du public auquel le poète destine ses chansons et le rang de la femme
qui mspire ses vers sont les deux facteurs dominants. Aussi est-il tout indiqué de com-
inencer cette étude des origines de la
rhieingerdd par l\'examen de 1\' influence du milieu
sur les différents genres de la poésie amoureuse galloise, comparée à la façon dont
ces facteurs ont déterminé ailleurs l\'évolution de la lyrique.

^ — Poèmes composés pour de nobles matrones (Moliant

Gwraigdda)

^ Pour que les poètes gallois se soient avisés de composer des poèmes en l\'honneur des
^Pouses de leurs seigneurs, il faut qu\'ils aient eu la certitude que ces dames apprécieraient
ur hommage et qu\'elles auraient les moyens de les en récompenser.

il ne fait pas de doute que la société galloise remplissait ces deux conditions indis-
pensables à la formation d\'une poésie véritablement courtoise. Il est vrai que les prin-
cei?^ étaient loin de jouer toutes ce rôle dominant que d\'après les traditions
^^tiques Medb aurait joué en Irlande, Elen Luyddawg au Pays de Galles, et qu\'une
^^udicca avait en effet joué dans l\'histoire. La condition juridique de la femme galloise
sédquot;^^\'^^\'^ âge paraît avoir été un peu flottante, mais il semble qu\'en général elle ne pos-
cett^^-^^^\' ^^ ^^ succession auquel les dames nobles du Midi de la France devaient
^^ e mdépendance et cet ascendant dans la société qui leur auraient permis de créer
lés ^°^^®spondant à leurs prétentions Occasionnellement, une Rhiannon dans la
bell r ^^^ Jeanne, femme de Llywelyn ab lorwerth, dans l\'histoire, pouvaient faire
prot comme conseillères éprouvées de leurs maris (la première aussi comme
fisa\'^^^quot;^^^ ^^^ bardes), mais ni ces mérites très réels, ni leur illustre naissance ne suf-
En ^^^^ ^ ®^gager un seul poète à prendre leur parti quand la disgrâce les avait frappées,
pers^^^^^^\' seulement dans la politique, mais aussi dans les plaisirs mondains, la
son ^^ princesse s\'effaçait derrière celle de son époux, et la poésie composée en
Il est^^^^^\'^-^\'^^^ considérée comme futile comparée aux poésies inspirées par le prince.
_^^ctéristique que dans l\'article de la Loi de Hywel Dda dont nous avons parlé

lenbsp;trefîadhetwydgwyrGwyned (Ancient Lam, p. 84). Edouard I donne aux Galloises

de succession dans le Statut de Rhuddlan.

-ocr page 168-

il est formellement ordonné au hardd teulu de prendre soin qu\'il n\'incommode pas par
ses chants pour la reine les hommes assemblés dans la salle du palais Si peut-être
Jeanne a été choquée par des moeurs aussi contraires aux doctrines qu\'on professait,
du moins en théorie, dans les milieux où elle avait vécu avant son mariage, elle était
bien la personne la moins qualifiée à opérer une émancipation de la femme dans les cours
galloises.

Tout cela n\'empêche pas qu\'au moins dans les affaires purement domestiques, l\'autorité
des dames galloises fût incontestée, et nous croyons que c\'est surtout à cette circonstance
qu\'elles doivent le respect que les bardes leur témoignent 2). La possession des clefs de
la cave à vin devait leur donner un prestige qu\'elles ne pouvaient pas fonder sur leur
position politique, et les poètes ne se donnent pas même la peine de dissimuler les motifs
assez prosaïques qui les amènent à porter tant d\'intérêt à la persoime de la dame de la
maison. Dans presque tous les panégyriques et élégies composés pour de nobles matrones,
les
teuluwyr se rappellent avec attendrissement les verres pleins de vin étincelant — lluch-
•win o wydr
— et les cornes remplies d\'hydromel — we^/i o/waf/— (DG. 13, 29—30)
que les dames leur avaient versés en abondance. A Maesaleg, dans la cour hospitalière
d\'Ifor et de Nest, le vin d\'Alsace (ou d\'Auxois) coulait comme les flots dans une vallée
et formait de véritables lacs :

Osai dir, yn wir, fal naint geirw donau,
Yn Ilawn rhadau, yn Ilynau rhedaint.

(DG. 13gt; 41—42).

A Sycharth, l\'épouse d\'Owain Glendower, la meilleure des femmes, ne faisait pas un
accueil moins chaleureux aux bardes qui la visitaient ; lolo se félicite d\'avoir reçu son
hospitalité :

A gwraig oreu o\'r gwragedd,
Gwyn \'y myd o\'i gwin a\'i medd!

(IGE., 15, 79—80).

Très probablement ces louanges sortent chez Dafydd et lolo du fond de leur coeur, et
nous nous garderons de mettre en doute la sincérité de leur gratitude. Il n\'en est pas
moins
vrai que l\'idée exprimée dans ces vers était déjà traditionnelle au XlVe siècle. Sefny»
n\'avait pas été moins éloquent qu\'eux en se rappelant la générosité, comparable à la
délivrance de l\'âme, qu\'Angharad avait eu la coutume de prodiguer à la foule de bardes
quand elle leur versait avec sa belle main du vin de son verre :

Gwared yw rwydded y rhydd o\'i gwydrin
Gwin o\'r Ilaw iessin i\'r lliossydd.

(Gog., p. 214)-

1)nbsp;V. p. 69.

2)nbsp;La mère de Culhwch, mourante et pleine d\'inquiétude sur le sort de son fils, le constate en termes
qui font croire que cet état de choses était récent : recdouyd ynt y gwraged
zaeMon (Livre Blanc, p. 226)-
Dans la poésie des Gogynfeirdd ce mot recouyt „arbitre des largessesquot; (Loth) est appliqué couramment a
Dieu ou à la Vierge. V. Gog, p. 69, 115, II9_, 127.

-ocr page 169-

POEMES COMPOSES POUR DE NOBLES MATRONESnbsp;^53

J\'I^s de cent fois Gwenhwyfar de Mon avait versé à Mab y Clochyddyn du vin et de

hydromel bleuâtre (a\'m rhoes ganwaith...... gwin a glasfedd) ; elle avait été pour lui

«un soleil prodigue de vinquot; (gwindraul haul, Gog., p. 219). La dame chantée par Goronwy

Ddu est également une „distributrice de vinquot; {gweheniawdrgwin,Gog.,^. 2i%y,GtMfiyà.à

^^^aredudd n\'hésite pas à proclamer la sainte Vierge une „chaire des maisons de vinquot;

KMeir windei gadeir, Gog. p. 203). Enfin, remontant plus haut dans l\'histoire on retrouve

dans le portrait détaillé que le biographe de Gruffydd ab Cynan trace de la princesse

Angharad l\'assertion qu\'elle était „bonne pour ce qui est du boire et du mangerquot; (da o

^quot;^yt a Ilynn) i), ce qui achève de nous convaincre que nous sommes ici en présence d\'un
trait ancien.

Sans doute, ce n\'est pas à la poésie des troubadours que les bardes l\'ont emprunté, mais
on pourrait admettre un instant qu\'ils le devaient à leurs rapports avec les Germains
nordiques ou saxons, et en effet Geoffrey de Monmouth nous apprend que c\'était Ronwen,
a belle fille de Hengist, qui la première avait versé à boire à Vortigern et qui lui avait
appris le toast
Wassael Il n\'en est rien cependant : de l\'histoire de Camma et de
inorix, racontée par Plutarque, comme du récit connu de la fondation de Marseille et
„svayamvaraquot; de Gyptis % il ressort qu\'il était d\'usage chez les anciens Celtes que
^a temme présentait une coupe d\'hydromel à l\'homme qu\'elle choisissait ou acceptait
ornme mari. Il y a donc aussi lieu de croire que de bonne heure la coupe offerte par la
, ^^tresse de la maison elle-même était devenue la récompense traditionnelle réservée

a son panégyriste.

^ y a une autre conclusion à tirer de cette mention continuelle de la corne à hydromel
^ans les poésies composées pour les dames : ce fait ne nous laisse aucun doute sur l\'occasion
c\'ét^^^^^^^ les poètes récitaient leurs poèmes et recevaient leur récompense. Assurément
gçj ait aux banquets somptueux tenus dans la grande salle du palais, en présence du
Sneur et de tous ses hommes, que les louanges de l\'hôtesse généreuse étaient chantées,
sent\'^^nbsp;que dans ces circonstances les bardes n\'ont pas pu lui exprimer des

que^quot;^^^^^ illicites, même s\'ils l\'avaient voulu, ce qui paraît peu probable. Aussi semble-t-il
ditio^^ qni est vraiment courtois au sens propre du mot, est né dans les mêmes con-
étra^\'^T^ les panégyriques des princes. Il se peut fort bien que des idées d\'origine
cett^^^^^ soient glissées dans les pièces les plus récentes, et nous aurons à envisager
- e possibilité, mais cela ne touche en rien le fait incontestable que le genre même est
autochtone au Pays de Galles.

^^ — Poèmes composés pour des demoiselles nobles {Rhieingerdd)

prop ^^^^nbsp;^^^^ constatation pour ce qui est de la rhieingerdd

auxnbsp;^^nbsp;q^® troubadours ne payaient pas la moindre attention

surto^^T^ ^^^^^ nobles, et que les panégyristes latins comme Hilarius leur adressaient
aussi^^ hommages après qu\'elles avaient pris le voile. L\'idée qu\'on peut chanter
beauté pour la gagner en mariage ne s\'est présentée que bien tard aux

3)nbsp;brenhined y Brytanyeit, éd. Rhys-Evans, p. 135-

témoignagenbsp;P- 184—185. Cet usage paraît s\'être conservé en Irlande. On en trouve un

S Clans l\'histoire de Tomâs Lâidir Coisdeala, racontée par M. Douglas Hyde (flonn., p. 52).

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poètes bourgeois de Toulouse, presque deux siècles après que Cynddelw avait composé
son poème sur la belle fille deJVladawg de Powys i). On comprend en effet qu\'au Pays
de Galles les demoiselles attiraient l\'attention des poètes bien plus tôt qu\'au Continent.
Loin d\'être réléguées comme leurs soeurs françaises dans de tristes gynécées, elles accueil-
laient les hôtes de leur pères avec une désinvolture quelquefois vraiment surprenante.
Les romans sont très instructifs à cet égard, et l\'on se souviendra des coquetteries de
la fille du roi que Peredur visite en cherchant le Château des Merveilles 2). Assurément
on doit se garder de tirer de cet incident des conclusions défavorables sur la retenue des
nobles Galloises en général, mais il semble bien sûr que ce trait n\'est pas d\'origine française.
Dans le
Tdin, Findabair, la fille deMedb, ne se conduit pas avec plus de réserve à l\'égard
de Ferbaeth : elle lui remplit sans cesse sa corne à boire et lui donne à chaque trait un
baiser Ces demoiselles, qui jouissaient d\'une si grande liberté ne devaient pas avoir
peur des banquets tenus dans les châteaux de leurs pères et comme trait de moeurs
il est caractéristique que Peredur ne se gênait pas du tout de s\'enivrer devant la fille du
Du Trahauc dans la cour de son père % En effet on les voit aussi bien que leurs mères
assister aux banquets et offrir des coupes d\'hydromel aux poètes. La récompense accou-
tumée du panégyriste d\'Efa ferch Madawg était une grande corne, longue d\'une coudée,
et pleine d\'hydromel:

Gortawn ked kyrtuawr kertawr kyureith
Gortyfnyad bual buarth metueith.

(Gog., p. 46).

Myfanwy, la fille de Hywel ab Gruffydd, faisait même trépigner d\'ivresse toute la
compagnie Hlustre de la
cler à force de leur passer la corne polie pleine de la boisson
nourrissante :

Koeth y gwnaeth y maeth a med bueilsathyr [/. llathyr]
Klaer eurvreîsc gorff llathr [/. sathr] der ar brwysged.

{Gog., p. 178).

Comme nous verrons, les femmes dont il est question dans les cywyddau de Dafydd
ab Gwilym sont en général d\'une condition sociale bien moins élevée, et pourtant on
trouve dans son oeuvre encore plusieurs chansons qui forment la continuation directe

1)nbsp;V. p. 38 note 4.nbsp;.

2)nbsp;A pheth bynhac a dywettei Peredur wrthi. wherthin awnai hitheu yn vcheL Mal y clywei pawb

or Ilys. (Livre Blanc, p. 86).

3)nbsp;Tucad ind ingen Findabair ar a leth lâim. Isi doirtes curnu fair, isi dobeir phôic la cech n-oendig dô,

isi gaibes lâim for a chuit. {éd. Windisch, p. 293).

4)nbsp;Souvent ces dames reçoivent l\'éloge qu\'elles sont „nourries de vin et d\'hydromelquot;, et qu\'elles
savent estimer ces boissons à leur juste valeur :

llin gwinuaeth pennaeth pennaf o Gymry (Llywarch ab Llywelyn, Gog., p. 97)-
gwawn wedd, gwin a medd a\'i maeth (Gruffydd ab Maredudd,
Ibid., p. 191).
oedd gwingar (Mab y Clochyddyn,
Ibid., p. 219).
Nest wengoeth winddoeth
{DG., 13, 27).

Y ferch addfwyn o Wynedd, Sy\' ym mysg osai a medd {DG. 156, 1—2 ?).

5)nbsp;Livre Blanc, p. 77, 307-

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de cette rhieingerdd ancienne, et qui sont consacrées à des demoiselles peintes sous les

niemes traits que les princesses chantées par les Gogynfeirdd. C\'était à la cour de son père,

an banquet que celui-ci offrait à son hôte, que Dafydd vit sa Dyddgu pour la première
lois :

Dy aur a gawn, radlawn rydd,
Dy loyw win, dy lawenydd,
Dy fedd, glwys difaddau i gler,
Dy fragod du ei friger,
Dy ferch, gwn nas gordderchai,
Feinwen deg, o\'th faenwyn dai.

{DG. 14, 9—14)-

hvdnbsp;°nbsp;généreux et munificent, ton vin étincelant, ta réception courtoise, ton

de)nbsp;^quot;llant, irréprochable aux yeux de la cler, ta bière dont la surface est noire, et (la compagnie

a belle fille blanche et svelte de ta maison de pierre blanche, qui, je le sais, n\'a jamais poursuivi

Q amourettesquot;.

^ Une autre demoiselle que Dafydd courtisait était la fille d\'un juge, qui donnait des
anquets avec une générosité parfaite, mais dont la complaisance se bornait hélas à
ces marques de bienveillance i).

est clair que les bardes n\'ont pas tardé à se rendre compte de tout le profit qu\'ils

pouvaient trouver à flatter l\'amour-propre des filles de leurs hôtes, et il paraît même qu\'ils

considéré de bonne heure l\'amusement des demoiselles comme une de leurs fonctions
Pquot;ncipales. Dafydd le déclare au Brawd Llwyd :

Cerdd a genir ymhob gwledd
I ddiddanu rhianedd.

{DG., 149, 69—70; Deth, 57, 67—68)
jjDes chansons sont chantées à chaque banquet pour divertir les jeunes demoisellesquot;.

d\'am ^^ ^^ ^^^^^^ d\'accord avec l\'article de l\'Art poétique gallois qui prescrit au prydydd
soedP^^
^^^^^ ^^ ^^ divertir les gentilshommes et les demoiselles (i ddigrifhau llys-
liée ^\'^K ^\'^^ddanu gwyrda a rrianedd) La rhieingerdd aussi est donc intimement
l\'haMt dnbsp;^^ ^^^ ^^ conversation spirituelle qui animait ces réunions. Comme

ancien ^^ ^^^^^ Périodiquement des banquets et d\'y admettre des poètes est une

Il coutume celtique, l\'origine autochtone de ce genre ne fait pas de doute.
--qu\'il y a encore lieu d\'être étonné de la liberté dont les bardes parlaient d\'amour

ynad yn^h ^^ ^^^^^ heilwin rhwydd...... ufuddgamp leddf i feddgell...... yn hael iawn, un hil

2) \'nbsp;yn haul gwlad. {DG. 221, 17, 21, 41—42 J Deth. 17, 17, 25gt; 41—42).

terme solat hnbsp;{ym)ddiddan présente la même évolution qu\'en provençal le

Maesaleg (ûG ^^afydd ab Gwilym se sert pour désigner les entretiens fascinants avec ses hôtes de

particulier 1\' quot; ^^nbsp;signification „réconfortquot;, ces mots veulent dire „conversationquot;, et en

logue à ce!nbsp;séduisant du poète avec sa dame, et finissent par prendre un sens tout à fait ana-

«le Peredurquot;^ T attache au mot moderne „flirtquot;. C\'était déjà un véritable flirt que la conversation

pression vwrflv^^^ hôtesse. Un sens encore plus marqué du mot ymddidan a été attesté dans l\'ex-

avons ci ^ , P^uteinieit {cornersari dans le texte latin) dans la fable d\'Odo de Chériton que nous
«-uee a la page

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aux princesses sous les yeux de leurs pères, et on peut être tenté de voir dans ces rap-
ports extraordinaires une marque de l\'influence exercée par les idées mises en vogue par
la poésie courtoise. N\'oublions pas cependant que les rapports entre les sexes étaient au
Pays de Galles assez libres et que du reste des
prydyddion comme Gwalchmai et Cynddelw
jouissaient de beaucoup d\'estime. Einion, le fils de Gwalchmai et lui-même un bon poète,
pouvait marier Angharad, une fille du ministre Ednyfed Fychan, l\'ancêtre des Tudors.
Considérons aussi que ces poètes ne franchissaient jamais les limites de la décence, ce
qui est d\'autant plus remarquable que ces poésies étaient chantées à un banquet, peut-
être en état d\'ébriété. Au demeurant, si les poètes se bornaient à célébrer la
générosité et les autres vertus de leurs jeunes hôtesses, à glorifier leurs charmes et à
peindre l\'impression profonde que tant d\'attraits faisaient sur leur coeur, ils ne devaient
offenser l\'orgueil ni des belles, ni de leurs pères. Il est même probable qu\'elles étaient fort
contentes de cet hommage payé à leurs personnes, et que les princes mêmes en tiraient
vanité. Ce caractère de panégyrique que la rhieingerdd a toujours gardé ne s\'accuse
nulle part mieux que dans les poèmes de Llywarch ab Llywelyn et de Rhisserdyn où les
filles sont associées aux pères dans les mêmes louanges. Dafydd ab Gwilym a imité ce
type dans son cywydd sur leuan ab Gruffydd (ou ab Llywelyn) et sa fille Dyddgu
{DG. 14). Quel troubadour au contraire aurait eu l\'idée de louer le père ou le mari dans
une chanson composée en l\'honneur de sa dame ? Aussi rien ne nous oblige jusqu\'ici à
croire que ce genre doit son caractère de panégyrique sous la forme d\'une déclaration
d\'amour à l\'imitation d\'un art étranger.

HI-— Gabs en général {Ffrost)

La grande salle des palais princiers du Pays de Galles était donc le foyer des panégyri-
ques des seigneurs, des matrones et des demoiselles, et le banquet périodique l
\'occasion
où ces poèmes étaient récités. Il y a encore un autre genre qui tire son origine de ces
réunions, et c\'est de celui-là que nous avons à nous occuper maintenant.

On comprend qu\'après avoir écouté avec intérêt et orgueil les vers lourds, d\'un style
ampoulé et d\'une perfection artistique fatigante à la longue, composés en leur
honneur,
les seigneurs gallois éprouvaient parfois le besoin impérieux de se récréer l\'esprit lassé
par des amusements plus légers.
Ils faisaient venir alors, au grand mécontentement des
prydyddion qu\'ils venaient de congédier, les croesaniaid, pour que ceux-ci les amusassent
avec leurs farces vulgaires, et les clerwyr, qui devaient lancer des satires contre les ennemis
de leur hôte ou s\'injurier réciproquement pour la plus grande joie du noble auditoire.
Dans des circonstances pareilles la célèbre altercation de Dafydd ab Gwilym et de Gru-
ffydd Gryg doit avoir eu lieu ; cela ressort de vers comme ceux-ci :

Dyna ddyn ynfyd anhael
l\'ch gwydd ar gelwydd i gael.

{DG. 127, 31—32)-

„Voici un homme sot et peu généreux en votre présence, qu\'on peut surprendre à mentirquot;.

Ils pouvaient aussi rivaliser en forfanteries et en gasconnades, et cela devait être notam-
ment le cas quand le vin et l\'hydromel avaient échauffé les esprits et délié les

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langues. Si les nobles buveurs étaient poètes eux-mêmes, ils mettaient leurs gabs en
vers ; si au contraire la faculté poétique leur faisait défaut, ils ordonnaient aux
clerwyr
presents de leur chanter une pièce dans ce genre.

Cette habitude était ancienne en France — JVl. Jeanroy l\'assure i) — où on la trouve
décrite d\'une façon vivante dans la scène bien connue du
Pèlerinage de Charlemagne ).
Elle y avait donné naissance à un grand nombre de chansons de druerie, et nous avons
observé que les poésies des clercs vagants se rattachent en grande partie aussi a des
reunions pareilles. Ce ne sont pas eux cependant qui l\'ont introduite ni au Pays de Galles
ni ailleurs. On trouve des gabs très caractéristiques dans
VEdda, et il ne sera pas difficile
de montrer que les Celtes gabaient longtemps avant d\'être entrés en relations avec les
Français. Au Xlle siècle la nature de leurs propos de table frappait les étrangers, et
auteur du poème intitulé
Cambriae Epitome en parlait en ces termes :

Potando gens haec garrula
Vix cessât fari frivola.

(Wright, Walter Mapes, p. i35) )•

La matière des gabs pouvait être variée. Dans une société primitive les gabeurs devaient
se vanter surtout de leur force musculaire et de leur adresse, et ce sont là les qualités qui
jont le sujet de presque tous les gabs de Charlemagne et de ses pairs dans la scène fameuse.

Jeanroy a renvoyé déjà aux vanteries de Cet mac iVlatach dans le Scél mucci Mtc
^Jatho 4) ; il est question d\'une scène de gabs galloise dans l\'épisode de la visite de Peredur
^^ château de la larlles y Campau, où les trois cents hommes de la maison sont assis

^ntre l\'hôte et la comtesse pour qu\'ils puissent raconter au premier plus facilement leurs

prouesses s). On pouvait aussi bien se glorifier de sa naissance et de son état ; la littérature
riandaise nous fournit un exemple de vantardises de cette sorte dans les vers chantes par
d-ttr^^®^ deshérosLoegaire,ConalletCuchulainn au banquet offert par Bricriu«). „Mais,quot;
delnbsp;«qnand la société se fut un peu pacifiée, que les femmes y eurent pris plus

f„ P^ace, que l\'amour enfin y fut devenu une mode, il dut être le thème préféré de ces
antaronnadesquot;. Nous croyons avoir montré qu\'à part l\'adoucissement des moeurs, qui
e nous semble pas une condition indispensable pour les gabs amoureux, cet état de choses
■ait au Pays de Galles antérieur aux rapports des habitants avec les Normands, et nous
\'^pelons ici les
ludicra dont Gildas parle avec tant d\'horreur. Enfin, dans une société

^ Pl^s civilisée, où la culture de l\'esprit prend une place prépondérante, on peut
^attendre à des chansons dans lesquelles le poète se vante de ses connaissances variées.
^^^Jean- ^^^^^^^ ^^^^ ^^nbsp;^^^ d\'Aquitaine dans les vers suivants, cités par

1) Origines, p. i8.

3) ^^\'^aptateur gallois traduit gaber par hwaryeu „jouerquot; {Selections, t. li, p. ii).
Thev tnbsp;anglaise du XlVe siècle ces vers sont traduits ainsi : Whan they drynke atte taie,

y ^le many a lewd tale ; For whan drink is an hondling. They ben full of jangling {Ibid., p. 35i).

gjnbsp;Blanc, p. 78 et 307.

^\'■«crencf, dans Windisch, op. laud., p. 261-264, 267-268.

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Eu conosc ben sen e folor
E conosc anta e onor,
E ai ardiment e paor,
E si\'ra partetz un joc d\'amor.

No sui tan faz
No sapcha triar lo meillor
D\'entr\'els malvatz.

{éd. cit., VI, 8—14).

La regrettée Miss Schoepperle a montré dans un article posthume qu\'en France on
peut poursuivre ce genre du „gab intellectuelquot; jusqu\' à Villon, et qu\'il est aussi
représenté
dans les littératures anglo-saxonne et Scandinave. C\'est en effet dans les poèmes de VEdda
qu\'on trouve des exemples intéressants des différentes sortes de gabs qui correspondent
plus ou moins à des phases de civilisation.Thor,le rustre, se vante de ses prouesses dans
ses luttes avec des monstres et des géantes, tandis qu\'Odin, sous la forme du passeur
Harbard, lui répond par des bravades sur ses succès auprès des femmes. Avec Vafthrûthnir
au contraire, Odin se mesure dans une noble lutte de sagesse 2). Elle avait pu ajouter
qu\'on trouve des „gabs intellectuelsquot; également dans le Livre de Taliesin, à savoir dans
les poèmes intitulés
Buarth Beirdd et Angar Kyvyndawd % et que ce sont les poètes gallois
qui ont eu l\'idée de combiner ces différentes sortes de gabs dans un genre qui leur est propre,
le Gorhofedd.

Il ne peut échapper à l\'attention de personne qui s\'arrête un moment aux poèmes de
Gwalchmai et de Hywel ab Owain qui portent ce titre que ces deux pièces se
distinguent
par une complexité au point qu\'il est difficile de déterminer quel est le sentiment
qui a inspiré les poètes le plus : la joie qu\'ils éprouvent à l\'aspect de la nature, ou l\'exu-
bérance qui les porte à proclamer hautement leur supériorité. Déjà dans le nom
du genre
ce caractère double paraît. Les savants anglais traduisent
Gorhoffedd généralement par
„Boastquot;, et il semble que le mot avait pris ce sens de bonne heure, car l\'imitation
curieuse faite par leuan ab Rhydderch est intitulée
Y Post. Cependant le mot gorhoffedd
signifie à vrai dire „délicesquot; et est synonyme du terme addwyneu, qui est le titre d\'un poème
dans lequel Taliesin
a énuméré toutes les choses — et en premier lieu toutes les merveilles
de la nature — qui charmaient son âme. Nous croyons donc que les Gorhoffedd des Gogyn-
feirdd
se rattachent directement à cette pièce de TaUesin. Ce poète d\'ailleurs avait
composé des poèmes expressément pour se vanter de sa supériorité sur ses rivaux, et on
comprend que les Gogynfeirdd, pour lesquels il faisait autorité, avaient eu l\'idée de
fondre
ensemble ces thèmes divers dans les pièces d\'un type devenu conventionnel dans la suite.
Sous ce point de vue, les cywyddau de Dafydd ab Gwilym, où la nature ne prend pas une
place moins importante que les vanteries amoureuses, sont encore de véritables
Gor-
hoffedd.
Le genre paraît s\'être conservé dans la poésie populaire, car E. Jones cite parmi
les genres populaires qu\'il avait connus encore les hoffeddau et les mwyneddau, „or Delights
and Pleasantriesquot;

1)nbsp;Rom., vol XLIX, p. 113 et seq.

2)nbsp;V. Gering, Die Edda (traduction), p. 42 et seq., p. 59 et seq.

3)nbsp;par ex. les vers : wyf kerdolyat. wyf keinyat daer...... pan gan keinyeit canu yg kof. nyt ef wnafut

wy ryfed uchon {éd. Evans, p. 7) gogwn dedyf radeu awen pan deffreu. am geluyd taleu. am detwyd dieu,
am buched ara, am oesseu yscorua. am haual teyrned. py hyt eu kygwara
{Ibid., p. 20).

4)nbsp;Bardic Museum, p. xv.

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On doit à M. Gwynn Jones une analyse détaillée des deux Gorhoffedd de Gwalchmai
et de Hywel ab Owain, comme des poésies analogues à plusieurs respects de Cynddelw
et de Llywarch ab Llywelyn. Nous pouvons renvoyer le lecteur à ces pages intéressantes
pour les nombreux passages où ces poètes tirent vanité de leur vaillance dans la bataille
Constatons seulement que Dafydd ab Gwilym, tout pacifique qu\'il est en général,
s enflamme d\'une ardeur martiale dès qu\'il sent un glaive entre ses mains
{DG. 134), et
qne leuan ab Rhydderch s\'étend avec complaisance sur son excellence dans tous les
sports
{campau) nationaux (IGE., 79, m—122). Mais déjà Taliesin s\'était vanté devant
Ugnach ab Mydno de ses combats avec les Juifs (Jutes ?) à Seon (Segontium ?) :

Ban deuaw o caer seon

oimlat ac itewonnbsp;(Livre Noir, 102 : 1—2) ),

et dans le poème Angar Kyvyndawt, il assure que le bruit des glaives ne lui est pas inconnu :

Gogwn trws llafnawr

ara rud am lawr

{Livre de Taliesin, 20 : 24—25).

Comme nous avons remarqué déjà,Taliesin avait donné le modèle du „gab intellectuelquot;,
g
^ype manque dans les Gorhoffedd du Xlle siècle, inspirés par un esprit plus martial, mais
au
nbsp;^\'est le thème essentiel du poème de leuan ab Rhydderch. Dafydd aime

\' ® vanter de temps en temps de sa supériorité dans la musique et dans la poésie,
tom^^^^ au gab amoureux,
il n\'est pas représenté dans l\'oeuvre de Taliesin, et selon
ute apparence Gwalchmai et
Hywel ont été parmi les premiers à élever un genre reserve
^ Paravant probablement aux artistes d\'un rang inférieur à une forme de poésie courtoise.^)
ils ^^^^\'^ver en effet que ces poètes distingués savent garder la mesure, même quand
et Tu^\' ^^ ^^^ ^^ de leurs poésies contraste agréablement avec celui du gab
d\'Olivier
jjQ^® ^^dinages de Guillaume IX. Hywel peut s\'oublier un moment jusqu\' à révéler les
de c^nbsp;neuf femmes dont il avait obtenu les faveurs, mais il se repent aussitôt

les d^^ indélicatesse et finit son poème abruptement en avouant qu\'il est fort bien que
rac ^n^Pêchent la langue de commettre encore d\'autres indiscrétions : da deint
P\' Comme lui, Gwalchmai dédaigne les succès de scandale. Une
générale lui tient lieu de détails indiscrets :

Lliaws a\'m golwch nym gwelsant ermoed,

O rianedd Gwent gwyllt ym crybwylleid.nbsp;{Gog., p. 31)-

d\'unnbsp;m\'adore sans m\'avoir jamais vu ; les demoiselles de Gwent parlent de moi comme

fougueuxquot;.

S fnbsp;Gogynfeirdd, p. xo

^«e ici kerd^^^- ^^ ^\'agisse pas ici d\'une lutte bardique. M. Gwenogfryn Evans suppose qu\'il faut
position dequot;?^^nbsp;^ l\'inintelligence du copiste, natif de Carmarthen, qui ignorait la

3) On 1nbsp;(Introduction, p. xvii). L\'hypothèse nous semble séduisante.

gan jV^®quot;^® représenté dans le Gorhoffed de leuan ab Rhydderch seulement par ces quatre vers :
quot;anedd
Cyfun gariad, mad a\'i raedd, Cefais serch er fy mherchi, Caffwn \'r hwn a fynnwn i.

{IGE., 19gt; 129—132).

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C\'est sur ce même ton que Cynddelw parle de ses succès auprès des demoiselles de la
princesse Efa :

Amgall [/. angallj a bwyllad a bellbwyllynt,
Am Gynddelw brydyt y bryderynt.

(Gog., p. 46)-

„Elles déraisonnent comme si elles étaient tombées en démence ; à cause du poète Cynddelw elles
s\'angoissentquot;

Pourtant c\'est bien au banquet, et plutôt à la fin qu\' au commencement de la fête, que
ces poèmes étaient récités. leuan ab Rhydderch a pris le soin de nous informer de ce
détail :

Hywel a wnaeth, mab maeth medd
Awen gain Owain Gwynedd,
Gerdd hydr fydr-fawl gwrawl gyrf,
Gwrdd gledd, gorhoffedd hoew-fïyrf,
I ddangos, myfyrglos mawl,
Ei ragorau, ri gwrawl.
Gwnaf finnau
cyn maddau medd
Gwawd gair hyfïawd, gorhoffedd

(IGE., 79, 1—8)-

„Hywel, le fils nourri d\'hydromel d\'Owain Gwynedd, dont l\'inspiration était aussi élevée que
le glaive redoutable, a composé jadis un poème puissant, éloge poétisé, appui vigoureux, ui»
gorhoffedd vivant et robuste, vrai parc de pensées louables, pour faire parade de ses supériori-
tés, le prince viril. Moi aussi je ferai avant de quitter l\'hydromel une chanson avec des
paroles pleines de grâce, un
gorhoffeddquot;.

IV — Chansons de druerie „aristocratiquesquot; (Gordderchgerdd)

Une bonne partie de l\'oeuvre de Dafydd ab Gwilym est la continuation directe de ces
poèmes de ses devanciers. Comme eux, il avait affaire à des protecteurs qui attendaient de
temps en temps autre chose de lui que les panégyriques officiels. Le jovial Ifor, le „pèr^
des orgiesquot;
(tadyfed, DG. 3,34), n\'a assurément pas été homme à s\'offusquer d\'une chansoU
gaie dont une aventure amoureuse, vécue ou inventée, faisait le sujet. Il est même très
problable que ce bon „arbitre des moeurs joyeusesquot;
{ynad hoyw foes, DG. 3,35^)gt;qui paS\'
sait pour un expert dans la science de l\'amour —
rhagod synwyr wyhod serch, lui dit Dafyd\'^
{DG. 3,18) — a encouragé son poète favori à développer son talent dans ce domaine de
poésie. Aussi croyons-nous que les poèmes narratifs de Dafydd ab Gwilym ont été com-
posés non pas pour plaire à sa Morfudd, mais pour l\'amusement d\'Ifor Hael et de ses
autres patrons. Ce sont eux et leurs hôtes, assemblés au banquet, qu\'il désigne
quand d
interrompt le récit de ses poésies pour s\'adresser directement aux nobles
{gwyrda, DG.

1)nbsp;V. Rhieingerddi\'r Gogynfeirdd. p. 12 et seq.

2)nbsp;Ne dirait-on pas que Dafydd ait voulu traduire l\'expression censor morum ?

-ocr page 177-

„aristocratiquesquot;nbsp;__i^i

51), barons Qjrehyrion, DG. 99, 7) et banqueteurs renommés (cyfeddachwyr cof, DG. 150, i)
qui correspondent aux
companhos de GuiUaume IX.
Cynddelw s\'était encore vanté des tendres sentiments qu\'il avait inspirés aux dames
donneur de sa princesse i les femmes dont Dafydd prétend avoir été l\'amant appartien-
nent cependant à d\'autres couches de la société. Certes, comme ses devanciers, Dafydd les
honore souvent du titre de „distributrice de vinquot; i), mais il est clair que cètte épithète
^ a pas plus de valeur dans sa bouche que celle d\' „exterminateur des Angles et de Deifrquot;
quand il la confère, à l\'instar des Gogynfeirdd, au bon Ifor Hael 2). Peut-être qu\'il faut
aire exception quand il s\'agit de Dyddgu ou de la fille du juge, mais que penser du propre
e cette expression quand elle est appliquée à une religieuse ? Il est de même pour les
^eaux titres
d\'argîwyddesy d\'unbennes, de iarlles, pour les adjectifs boneddig, urddedig,
cenedlog,
dont les Cywyddwyr sont aussi prodigues que les clercs vagants quand ils don-
^ent à leurs bergères les titres de
puella nobilis, de regia proie nata. En réalité tout cela
^aare assez mal avec le monde où la poésie de Dafydd et de ses contemporains nous
ransporte. L\'étude attentive de leurs pièces ne nous laisse aucune illusion sur la position
qu occupent la plupart des femmes chantées dans les cywyddau destinés à divertir les pro-
cteurs des poètes. Les plus respectables d\'entre elles sont des marchandes comme cette
grSd^^ ^^ndait des chausses (DG. 17), ou Madrydd, la cordonnière (DG. 169) ; la plus
vo 1 quot; ^^^^^ semble appartenir à la classe agricole, comme celles qui déclarent ne
chanTd^^\'^— ^^^^nbsp;™ laboureur
{arddwr, hwsmon, DG. 200 ?) ou à un mar-

bétail (porthmon buwch), prêts à les marier :

Meddai, ni fynnai, f\'anwylnbsp;Un bardd, oni bae arddwr

Ddyn Iwys, llathrfrain aelfain wylnbsp;Neu hwsmon gwirion i\'w gwr

{DG., 200, 7—10 ?)

«Elle disait, ma mie jolie et modeste, aux sourcils minces, pareils à deux corbeaux luisants, qu\'elle
ne voulait pas comme mari un barde, à moins qu\'il ne fût
un laboureur ou un paysan simple.quot;

des 1nbsp;extrêmement intéressant dans lequel Dafydd décrit les réunions du dimanche

Person^^^^ ^^^^^ ^^ paroisse et les railleries cruelles qu\'elles se permettaient sur sa
réalist^^H ^ complexion amoureuse (DG. 136,
Deth. 15) est une des meilleures peintures
le ter^^ 1 - ^^ ^^^ \'Rustique au moyen âge. Ce sont sans doute ces filles-là qu\'il désigne par
n\'est ^^gèrement dédaigneux de
merched y gwledydd et il

ched y^wil^^H?.^\'^ ^ gwledydd (DG. 115, 27) ; canwyll merched y gwledydd (DG. 169, 5) 5 rhai o fer-
fercheHnbsp;I) ; merched y gwledydd (Madog Benfras,
DGG., p. 125) ; lie \'r

Autrementnbsp;(G^nSydà Llwyd, IGE., 51, 35).

auprès de la n blnbsp;\' l\'auteur du Cyugt;ydd y Llafurwr {IGE. 30), Dafydd, clerc très considéré

injures courant«nbsp;monde paysan. Taeog et milain sont dans ses poèmes des

-ocr page 178-

Le terme technique de ce genre moins distingué que la rhieingerdd proprement dite,
mais encore assez réservé pour convenir au
hardd teulu, est gordderchgerdd „aux paroles
convenablesquot; Ce mot
gordderch présente cependant des difficultés, car le sens que les
Gallois attachent à ce terme semble assez flottant. En tout cas il n\'avait pas encore au
moyen âge le sens exclusivement péjoratif qu\'il a dans la langue moderne. Récemment
encore M. Mûhlhausen a soutenu contre M. Zenker une opinion très analogue à propos de
la signification que le mot a dans le conseil de la mère de Peredur :
O gwely wreig deg
gordercha hi,
„si tu vois une belle femme, fais en ta gordderchquot; % Voici comment nous
comprenons l\'évolution du mot :

Dans l\'ancienne société galloise ce terme est employé presque exclusivement pour
désigner les maîtresses du prince, et dans les Bruts
mab o ordderch{iat) veut toujours dire
„bâtardquot;. Dans le
Hanes Grujfydd ab Cynan le messager Einion demande et obtient comme
récompense des bonnes nouvelles qu\'il porte Delat, l\'ancienne concubine du roi Bleddyn
{gordderch y vledyn vrenhin kyn no henne) Jamais dans les textes de ce genre gordderch
est employée pour désigner l\'épouse légitime^). Il paraît cependant que ces femmes jouis-
saient d\'une certaine considération et que le mot n\'avait nullement un sens péjoratif.

La valeur de ce terme est bien moins précise dans les adaptations galloises des romans
courtois. On sait que dans les romans français l\'amour désintéressé que le chevalier
accompli d\'après le code courtois devrait porter à sa dame, prend peu de place, et que
notamment dans les romans où Gauvain, le Don Juan des chevahers de la Table Ronde,
est la figure centrale, l\'élément sensuel n\'est jamais absent. Nous croyons que ce senti-
ment-là surtout a été compréhensible aux traducteurs gallois, et que c\'est le côte extra-
conjugal de ces rapports qui les a frappés le plus. Aussi, ayant à traduire le mot
dame,
auquel aucune idée galloise ne correspondait, ils se sont souvenus des gordderchau de leurs
princes et les ont mises à tort au même rang que les dames des chevaliers. Dans ces romans
donc gordderch se trouve encore en opposition avec gwraig „épousequot; :

nyt oed yna neb heb dristau o gwbyL ac yn enwedic y rei aoedynt wraged a gorderchadau y gedym-
deithon y vort gronn.

„il n\'y avait là personne qui ne s\'affligeât, notamment parmi celles qui étaient femme ou gor-
dderch
des compagnons de la Table Rondequot;.

ar sawl y buassei wreic tec idaw eiroet. neu ordderch vonhedic yn mynet yna ygyt ar brenhin y luffl-
bardi

„et celles qu\'il avait possédées comme belle épouse ou comme noble gordderch allèrent alors
ensemble avec le roi en Lombardiequot;.

I) F. p. 6. 2) Livre Blanc, p. 60, 287. V. Zeitschr. f. frans. Spr. u. Litt., vol. XLiv, p. 483 et seq-

3)nbsp;éd. cit., p. 114.

4)nbsp;On pourrait être porté à voir une preuve du contraire dans le passage du Brut 3; Tywysogton ou
Mathilde, la fille du roi d\'Ecosse, que Henri I épousa en 1098, est nommée 3;
wreic a aruerasseiyn wastat
o orderchu
(p. 305). Et pourtant cette conclusion ne tiendrait pas debout : en Angleterre 1\' opinion publique
considérait ce mariage de Mathilde, qui passait pour avoir pris le voile en sa jeunesse, comme
non-valable.
C\'est donc à dessein que l\'auteur ecclésiastique du Brut se servait de ce mot pour stigmatiser celle qu 1
condamnait comme une religieuse apostate.

5)nbsp;Y seint Great, Selections of the Hengwrt MSS., t. I, p. 11.

6)nbsp;Campeu Siarlymaen, Ibid., t. II, p. 65*

-ocr page 179-

L auteur de V Ystorya Brenhined y Brytanyeit traduit l\'expression facetae mulieres,
par laquelle les dames de la cour d\'Arthur sont désignées, par gordderchwragedd Dans
^^Passage suivant de l\'adaptation du
Roman d\'Otinel, unique, croyons-nous, dans la litté-
galloise, le
tamp;imQ gordderch est employé cependant pour exprimer l\'idée très cour-
Ch^^l ^^nbsp;valoir son chevaUer par les sentiments nobles qu\'elle lui inspire,

nariemagne adonné au héros païen, qui vient de se convertir, sa fille Belisent, évidem-
nt en mariage. Alors, ce chevalier lui dit :

A chanys bydy orderch ditheu imi.oth gariad ti minheu a haedaf glot. ac enw

5gt;et puisque tu seras ma gordderch, par l\'effet de ton amour j\'acquerrai gloire et renomméequot;.

On

deP\' ^^^^ ^ne les éditeurs des Selections et même Strachan ont méconnu les conceptions

époque en traduisant dans leurs glossaires un peu ctnmtntgordderch par „concubinequot;
danu est maintenant la valeur du mot dans les articles de l\'Art poétique gallois et
damnbsp;des Cywyddwyr ? Evidemment il ne désigne ni la femme du poète, ni une

devrnbsp;au noble titre de rhiain et aimée d\'un amour platonique. La gordderch

maît^^^ i^^Pi^er à son poète les mêmes sentiments que les princes avaient portés à leurs
être ^^ ^^^ chevaliers de la Table Ronde, dans l\'idée des Gallois, à leurs dames, sans
il a la ^ ni des unes ni des autres. En somme nous croyons que dans la poésie lyrique
hoel ^ fignification qu\'en ancien français le mot drue, et en ancien hollandais le mot
^^^^^ ^^^^ ^^nbsp;P®quot; équivoque, et parfois légèrement dépréciatif. La

»chan^nbsp;correspondrait donc aux poésies françaises que nous avons intitulées

sons de drueriequot;, mais encore aux plus décentes de ce genre.

V—Chansons de taverne

d\'Ifornbsp;cependant quelques chansons très brutales dans lesquelles le poète de cour

le teulu ^ \' ^\'^^niirateur déUcat de la nature, se montre passé maître dans un genre dont
tant denbsp;^\'al^stenir rigoureusement. Or, si le même poète qui fait preuve de

l^le, se 1 ^ ^^^^ ^^ moliant, dans la rhieingerdd et même dans U gordderchgerdd convena-
Pouvoir^^^^^ parfois dans ces chansons avec une désinvolture incroyable, nous croyons
^\'abordnbsp;contraste à deux causes qu\'il importe de déterminer nettement,

conduite ^^. . dont il s\'agit dans ces pièces ne paraissent pas s\'être signalées par une
semblent^^-^^ ^niposait beaucoup de respect à leurs poètes. Puis, dans ces chansons ceux
-ci
accueilli
nbsp;adaptés au goût d\'un public qui n\'était pas le même que celui qui avait

Lesnbsp;genres dont il a été question jusqu\'ici,

quoique ^^^ ^^^^ l^i figurent dans les cywyddau inédits et dans beaucoup d\'autres qui,
inférieure 8^o®sières, appartiennent à la même catégorie, sont encore d\'une condition
d\'Ifor Hanbsp;^^^ vilaines dont les aventures avec le poète faisaient rire les convives

Quelquefois leur état est clairement indiqué. C\'est le cas par exemple de la

slllcti^Vquot;^ ^quot;\'ïa^n/ae, éd. San Marte, p. 134- ; Bruts, p. 203.
ni chawn f hnbsp;64- 3) Introduction to early Welsh, p. 261.

dderch {DG 65nbsp;^^dderch yt {DG. 12, 64) ; gwn nas gordderchai {DG. 14, 13) J a gerddod neb er gor-

ordderch (ÛG gs \'nbsp;dda {DG. 64, 30 ?) ; merch a\'i gordderchwas {DG. 78,5 ; Deth 43gt; 9) 5 gwych

cerdded coedquot; a \' ^^^ddawr gordderch (DG. 147, 40) ; dewrddyn yw dy ordderch (DG. 177» 28) ; cyd
9-10).
nbsp;eordderch (DG. 195,36 ; Deth. 14, 34) ; ai cymryd gordderchwr... ai priodi gwr {DG. I97gt;

-ocr page 180-

j54nbsp;les genres et le milieu

fille d\'auberge qui se prête à un rendez-vous nocturne dans sa chambre pour un peu de
vin et de rôti (DG. 142), ou de la „comtesse vêtue d\'or, aux cheveux brillants, de la taver-
nequot; Cette autre belle qui s\'offre sans vergogne au barde résistant (DG. 151 ?) appar-
tient certes à la classe des femmes appelées dans la Loi de Hywel Dda „femmes des buissons
et des hayesquot; % et sans aucun doute celle dont le tarif détaillé est mis en vers dans le
cywydd :
Ni chwsg bun gyda\'i hunben en fait également partie, aussi bien que MalU,
la mère de Gruffydd Gryg, avec qui Dafydd ab Gwilym se vante d\'avoir eu autrefois des
relations intimes 4). Mais les amantes dont la condition n\'est pas aussi clairement indiquée
se conduisent aussi d\'une façon qui ne laisse pas beaucoup de doute sur la place qu\'elles
occupent dans la société. Les dames des Gogynfeirdd et aussi celles qui sont chantées
dans les poésies convenables des Cywyddwyr régalaient leurs poètes ou leur
donnaient
de petits cadeaux comme signes de leur satisfaction ; les femmes qui figurent dans le genre
discuté ici au contraire ne donnent leur amour qu\' à celui qui veuille les payer en
espèces oi»

leur faire bonne chère. Voici les moyens auxquels Sippyn Cyfeiliog, poète de la première

moitié du XVe siècle, avait eu en vain recours pour séduire une blanche beauté malign®
aux yeux de la couleur des airelles : le vin, l\'or, les bijoux superbes, et enfin les
chansons
flatteuses composées en son honneur :

Ni chaid, perchen Ilygaid llus,
Dwyllo fy mun deallus
Er cynnig, pendefig poen.

Gwin ac aur, gwen ei gorhoen,
A main, a thlysau raanawl,
A myrdd o gywyddau mawl.

(IGE. 75. 31—36)-

Dafydd disposait des mêmes ressources pour triompher de la vertu des objets de ses
désirs. Tantôt il finit ses persuasions avec l\'argument irrésistible „voici un livre d
\'arge»
pour toiquot; % tantôt il a affaire à une créature d\'une sordide cupidité qui ne vend pas ses
faveurs pour moins de cent sous d\'or et qui lui arrache ce gémissement :

Rhyfedd yw natur rhuddaur.

Maint yw bryd fy myd am aur.nbsp;(DG. I97gt; 53—54gt;

„Elle est vraiment étonnante, la vertu de Ter rouge, tant ma mie le convoitequot;

Parfois il se plaint aussi d\'avoir prodigué des cadeaux précieux et des robes de four-
rure et de soie à des ingrates qui se montraient infidèles :

Gwe deg, liw gawad ôd,
A sirig a rois erod ;

Ni roit ti erofi faint
Y mymryn, gwenddyn gwynddaint.

(DG. 105, 13—16)-

„Je t\'ai donné des tissus et de la soie, ma chérie dont le teint a la couleur d\'une giboulée de neig«
toi ne m\'as donné le moindre rien, o belle aux blanches dents.quot;

1)nbsp;Mae un iarlles mewn eurllin Difwrn wallt o\'r dafarn win (DG. 35,1-2 ?). La noble épithète hetl^\'
(prodigue de vin) ne serait donc pas appliquée hors de propos aux femmes de sa condition ?

2)nbsp;Gwraig llwyn a pherth (V. ZfcP., vol vii, p. 134)- 3) Llanstaphan 6, éd. E. Stanton Roberts, p- 4.-

4)nbsp;DG. 127, 38. V. sur cette dame mal famée, que Madog Dwygraig et lolo Goch ont également vi
pendée, le poème
Avallen Beren, Livre\'Jîouge, p. 87 et seq., et IGE. p, liv. Il est curieux que dans

y Buttain wenfain fwynaf ohonoch quot;(cité dans DG., p. xiii—xiv), qui appartient certainement a u ^^
époque postérieure, Dafydd se serait exprimé en termes aussi brutaux devant ses amantes
assemble
La tradition galloise n\'a donc pas idéalisé ces relations !

5)nbsp;Hwde bunt i\'th law (DG., i43î28).

-ocr page 181-

M Je lui ai donné quand elle était encore vierge un trésor de grands bijoux, achetés de ma belle ga-
lette. Hélas, je t\'ai donné toujours encore des bagues, ma rose d\'or fin lquot;

Qn peut rapprocher ces vers des plaintes indignées d\'un trouvère du XlIIe siècle dans
^ne situation analogue :

Et tot quank\'ele despent.
Et que cele ait de l\'argent.
Qui lo plaint fait autrement,
N\'i trueve l\'on nul samblant
Amoreus,
Ne piteus
Ne plaisans ne deliteus.
(Chansons satiriques et bachiques, xxxiix, 15—28).

obterv\'^^^^^^ ab Gwilym faisait encore un autre emploi de son argent. Ovide déjà avait

Vina parant animos, faciuntque caloribus aptos.

(Ars, I, 237),

les vagants chantaient cyniquement :

Bachus saepe visitans mulierum genus
Facit eas subditas tibi, o tu Venus.

(Du Méril, Poésies populaires latines, p. 203)

lenbsp;savait aussi bien qu\'eux combien peu de coquettes de l\'espèce qu\'il courtisait

galb ^nbsp;résistaient à un amant qui n\'était chiche ni de vin, ni de bons repas. Deux

Propr ^nbsp;^^ d\'assez mauvaise grâce % lui semblent le cadeau le plus

Cette^/-^^-^^!^ ^^^ faveurs de la belle de Mon qui l\'avait mis en extase, un jour de foire,
les co ^^nbsp;trompé, mais dans beaucoup d\'autres chansons il nous dépeint sous

quenta\'t^f ^^^ ^^^^nbsp;donzelles gourmandes encore plus que cupides, dont il fré-

Nous quot;

et cie ^^^^^ P^ montrer dans un chapitre précédent que le „mélange de poésie légère
considé matérialitéquot; n\'était nullement propre au seul Colin Muset, et qu\'il peut être
Pouvor^ \'^^mme caractéristique pour la poésie picardo-flamande du moyen âge. Ici, nous
Contine^nbsp;que ce trait curieux n\'était pas borné à la poésie non-courtoise du

nouvellenbsp;^^ ^^ rencontre aussi fréquemment dans la poésie des Celtes. Dans la

déjà, nonbsp;^^ poétique de Curithir et Liadain, qui est du IXe siècle, nous lisons

sensible^ quelque étonnement, que Curithir offrait un banquet de bière à la poétesse
\'rr3rstannbsp;^^^^^ P^s s\'en être offusquée Dans la version galloise du Roman de

forièt cal\'d • ^^ ^^^^ ^^^nbsp;parodie — les deux amants tragiques, exilés dans la

auxquel^nbsp;^^ semblent pas encore pouvoir se passer des raffinements de la table

—avaient été adonnés dans leur vie mondaine, et ils se font pourvoir par une

on cuirm di-si le Cuirithir (éd. Kuno Meyer, p. 12).

Qui vuet avoir la baillie
De s\'amie a son talent
Bien gart k\'avers ne soit mie.
Mais penst que il doint sovent
Cotte, mantel a s\'amie,
Peliçon et sosquenie
Et chascun mois garnement

Rhois ermoed, rhos aur man,
Fodrwyau, gwae fi druan.

(DG. 7ij 19—22)

Rhois ystôr iddi yn forwyn,
Tlysau mawr o\'r mwnai mwyn.

-ocr page 182-

suite dévouée de vin et même de pâtés i). Dafydd ab Gv?ilym parle avec le mépris le plus
profond des goinvreries des „Saxonsquot; voraces^), mais pour lui-même les joies de l\'amour
et le charme du chant du rossignol sont imparfaits si l\'hydromel n\'est associé à ces plaisirs^)-
C\'est aussi la conception de la vie du poète irlandais qui dans une poésie populaire
dépeint
avec enthousiasme à sa mie les déHces du pic-nic au milieu de la nature :

A Neilidh, mo ghrâdh-sa, an dtiocfâ liom faoi shleibhtibh
Ag ôl fiona a\'s bolcâin a\'s bainne an ghabhair ghlé-gil ?
Ceôl fada a\'s imirt do thabharfainn le d\'raé dhuit
A\'s cead dul a\'codladh i mbrollach mo léine.

(Conn., p. 70)-

„0 Nelly, ma mie, n\'aimerais-tu pas à venir avec moi sous les montagnes pour boire le vin et le
„bolcânquot; et le lait de la chèvre blanche ? Toute ma vie je te divertirais de musique et de jeuXj
et je te laisserais dormir sur ma poitrinequot;.

Certes, le sensualisme celtique s\'exprime ici d\'une façon plus gracieuse et poétique»
mais au fond il ne diffère pas de l\'esprit des vers bien connus de Colin Muset :

Quant je la tieng ou prael
Tout entor dos d\'arbrissels
En esté a la verdour
E j\'ai oies et gastel,
Poissons, tartes et porcel,
Buef a la verde savor.
Et j\'ai le vin en tonel,
Froit et fort et friandel.
Por boivre a la grant chalor,
Miels m\'i aim k\'en un batel
En la mer en grant poour.

(éd. Bédier, ix, 49—59)

Ma bele douce amie,
La rose est espanie ;
Desouz l\'ente florie.
La vostre conpaignie
M\'i fet mult grant aïe.
Vos serez bien servie
De crasse oe rostie
Et bevrons vin sus lie.
Si merrons bone vie.

(^Ibid., X, 37-54)-

Cependant, s\'il est vrai que les poètes gallois n\'avaient pas besoin de connaître les
chansons d\'un Muset pour exprimer des sentiments qui peuvent sembler un peu prquot;\'
saïques, on ne peut plus croire à l\'originalité de cette poésie amoureuse et bachique à
fois quand elle est encore marquée par l\'esprit d\'une institution qui au Pays de Galles
n\'était pas ancienne : la taverne.

On peut tenir pour assuré qu\'avant la perte de l\'indépendance, dans la société aristo-
cratique et agricole de ce pays, dont les habitants étaient du reste renommés pour le^^

chevaliers de l\'univers se sont donné rendez-vous pour prendre part aux tournois organises
par l\'impératrice de Constantinoble, il ne trouve pas une auberge il puisse descendre?
mais il s\'installe chez un meunier % Mais aussitôt après que les Anglais ont fondé dan»

1)nbsp;a Golwg Hafddydd yn llawforwyn iddi a\'r Bach Bychan yn bayts gidag ynte yn dwyn pasteiod ä
gwin gidag wynt
(Rep. t. I, p. 920; t. Il, p. 105).

2)nbsp;Nid gwahodd gwyw a\'th gydfydd. Nid gwahodd glwth i fwth fydd. Ni gorchwy elw medelwa«
Nid o yd gloyw amyd glas. Nid tam o giniaw amaeth. Nid i ynyd ciglyd caeth. Nid gofwy Sais a\'i gyfa^
Nid neithior arf mab aillt
(DG. 19, 6—12 ; Deth., 24, 6—12).

3)nbsp;Nid addawaf, da ddiwedd, I\'m aur, ond eos a medd (DG. 19, 15—16 ; Deth. 24, 13—14)- ^

4)nbsp;Livre Blanc, p. 81, 311. Dans le Roman deGeraint, qui est le plus français des trois romans arthurieO gt;
le héros descend au contraire dans un hôtel
(Ibid., p. 213).

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leurs nom^dîês^conquêtes des boroughs, la taverne, avec sa suite d\'habitués aimant à boire
et à chanter et de Gwens comparables aux
tomhesteres amp;t fruytesteres flamandes, y fait son
entrée, et y influence fortement la littérature. Jusqu\'ici la cour seigneuriale avait été le
berceau de la poésie amoureuse ; après 1282, dans la société plus moderne qui commence
a se constituer, avec ses formes de civilisation nouvelles, c\'est la taverne qui devient le
foyer de la poésie, comme elle l\'était déjà depuis quelque temps dans la France septen-
trionale. On pourrait difficilement exagérer la place qu\'elle tient dans la vie de Dafydd
ab Gwilym. C\'est là qu\'il fait la connaissance des jolies filles d\'auberge toujours prêtes a
gagner un bon repas i). C\'est là qu\'il trouve les Gwens d\'une complaisance un peu inquie-
^ante 2)nbsp;^e^te aimable fille de juge, qui certainement

ypartenait à une autre classe de la société C\'est là qu\'il régale ses favorites du moment
de vin sucré et que le bon clairet de Bordeux coulait à flots % C\'est là enfin qu\'il ren-
contre les joyeux buveurs
comme Madog Hir et Einion Dot et les confrères, les betrdd
P^nceirddwiw
(DG. 25, 25 ; Deth. 2, 25 ?) et les gzoyr (DG. 28,26) à qui il adresse directe-
«ient la parole en déclamant ses chansons. En effet la taverne n\'est pas seulement étroite-
nient liée à ce genre poétique comme scène de l\'action, mais c\'est aussi la place où cette
poésie a trouvé son public intéressé.nbsp;,

Déjà M. Ifor Williams reconnaissait dans la mention fréquente de la taverne dans
ies cywyddau de Dafydd ab Gwilym l\'influence d\'une poésie étrangère 8).Malheureusement
quot; croyait trop tôt avoir trouvé les modèles de cette poésie de taverne galloise dans les
Chansons latines des vagants. En vérité, la chanson
Meum est propositum, qu\'il cite a
^appui de sa thèse, n\'offre qu\'une ressemblance très légère avec les vers de Dafydd. Sans
ûoute, la taverne occupait une place des plus importantes dans la vie agitée des clercs
^^ants, mais il paraît que M. Williams ne s\'est pas rendu compte du fait que dans les
.nbsp;des vagants il n\'est jamais question d\'aventures amoureuses, et que leur poésie

erotique au contraire a presque toujours pour scène un milieu pastoral »). Nous avons
nonce déjà plus d\'une fois l\'idée que de toutes les littératures étrangères, c\'est le lyrisme
noii-courtois de la France septentrionale et de la Flandre qui a trouvé le plus de résonance
n 1 ays de Galles. Ici c\'est le lieu propre pour avancer un des arguments les plus probants

«^r lesquels se base notre opinion

^len de plus frappant en effet que la similitude entre cette poésie de taverne du Con-

nent et celle de Dafydd ab Gwilym. Ce sont exactement les mêmes situations qui
^rent aux poètes les mêmes idées et leur font éprouver les mêmes sensations 1«).

2) D^f^quot; ^nbsp;bostiaw A gwin drud i lliw gwawn draw (DG. 142, 11-12).

gN ° ^ Lanbadarn Dywsul, Neu i\'r dafarn, wr diful {DG. 177» 21—22).

Ànbsp;brys i dafarn {DG. 221, 30 5 Deth. 17, 34^-

^tr. 64, 39—42 ?

Er cl.nbsp;^^^^ yn Gwasgwyn Buan fyd, mi a\'m bun fwyn, Didlawt oedd, pai\'n diawdlyn

daer dwf, o\'r clared yn (DG. 213, 11-14).
mewn d-nbsp;diletpai, Madog Hir, \'y myd, a\'i cai, Hwyr y gwnai hagr westai hy Eimon Dot,

7)nbsp;d ^rquot;^nbsp;59-62).

8)nbsp;J 30» 22 : myr{ ?) _ gUdiwyr {IGE. 70, 6). Cf. le mot flamand ghildekens.

9)nbsp;nwnbsp;P- ^35-136 ; Deth., p. liii-liv.

10) st^rnbsp;la chanson CB. 49.

de Villon ■nbsp;quand il rapprochait un cywydd inédit de Dafydd de la poesie

\' \'lui est en effet très représentatif pour cette classe de poètes {ZfcP., t. vii, p. I35).

-ocr page 184-

L\'avidité et la gloutonnerie de leurs amies forment le sujet de nombreuses plaintes des
poètes bourgeois français. La strophe suivante, qui est de Gobin de Reims, en offre un
bon exemple :

En fait on sa volenté ;
Ce n\'est raie chiere vile
Quant por un pasté d\'anguile
Puet on tel marchié trover.

En non Dieu, ce dit Gobin :
Mainte feme fait par le vin
Assez de desloiauté ;
Por un pasté de conin
Ou por l\'ele d\'un poucin

(Chansons satiriques et bachiques, xxxi, 37—45)-

C\'est pour cette même raison que Dafydd refuse de suivre les conseils du moine gris
et de fuir la taverne. S\'il ne continuait pas à y régaler son amante de vin sucré, elle ne
consentirait jamais à lui accorder la récompense désirée si ardemment :

Rhaid rhoi draw, o daw o i ?] dâl,
Groesaw i ddeuliw\'r grisial :

Llenwi mewn gwindy Ilawen
Siwgr ar win i ddyn segr wen.

(DG. 64, 39—42?)-

Pourtant, les poètes eux-mêmes aiment beaucoup trop la bonne chère pour faire la
sourde oreille aux insistances de leurs amantes, du moins quand ils sont en fonds. Les
jeunes gens aiment à jouer et à inviter les jeunes filles sur les bancs de la taverne, dit
Dafydd ab Gv^filym :

Gwareau a gar gwyr ieuaingc
Galw ar fun, ddyn gwyl, i\'r faingc

(DG. 142, 13—14)-

Les trouvères français ne montrent pas moins d\'empressement pour régaler leurs amies
et pour contenter leurs désirs les plus extravagants :

La tousette es blans muteaus.

Es chevous Ions,
Celi donrai mes joiaus
Et mes granz dons ;

Sejornons,

Ensi s\'en va mes avoirs a grant bandon.
Or maignons
Et bevons et solaçons et déportons.

(Origines, p. 504 : Chansons satiriques et bachiques, XLI, 9—16).

C\'est surtout dans la chanson DG. 213 que Dafydd ab Gwilym a tâché d\'exprimer la
joie que ces orgies avec sa Gwen lui font goûter, et il est intéressant d\'observer combien
ce cywydd remarquable ressemble à une chanson à boire populaire, d\'une date assez
moderne, de la Flandre française. Dans ces deux pièces on trouve, plus encore que chez
Muset, la bonne chère associée à l\'amour. Dafydd formule nettement cette conception
de la vie dans le vers final : Bien boit celui qui en buvant regarde sa bonne amie ; le
poète anonyme flamand a besoin de toute une strophe pour exprimer la même idée :

1)nbsp;Een ruyter al vander banck (AL., Lxxix, 9); Die ruyters vander banck (AL., cxLvni, 6); Een
geselleken vander banc
(AL. ccix, 8) ; Ghi ruyters gesellen van auontueren Die gaerne sitten op den
wijnbanc
(AL. Lil, i); Hi sidt so gaerne op die banck Als hi mach drincken goeden dranck Schoon vrou-
kens heeft hi nv wtuercoren (AL. xxxix, 8); Met schoone vroukens sidt hi op die banck Te biere oft te
wijne
(AL. xxxvni, 6).

2)nbsp;Hawdd yf a wyl ei hoywddyn (DG. 213, 28).

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3Je bois le vin nouveau, je ne demande pas ce qu\'il coûte, il me suffit de pouvoir le boire. Et quand
3 ai ma belle près de moi, je ne demande pas ce qu\'il coûte, car le regard de mon amie m\'est si
doux ; je me sens transporté dès que je la regarde ; tant son air charmant me plaît i)quot;.

^^Dans ces^ gabs joyeux il y a une circonstance dont les poètes ne manquent jamais de
aud^nbsp;^^^^ ^^ mauvais goût parfait, ils prennent toujours soin d\'informer leur

jjç ^^^pire combien ils se sont mis en frais pour l\'amour de leur belle. Ce jour de prodigalité
a coûté pas moins de deux marcs, calcule Dafydd ab Gwilym :

Ef a bair, dyn gywair ged,
Fy nwy fore i ddyn yfed.

(DG. 213, 21—22).

rôk^ flamand, qui répète jusqu\' à deux fois que pour lui l\'argent ne joue pas de
gt; évalue sa générosité même à une somme bien plus exorbitante encore :

Want haer gezicht is mij al te zoet :
Ik ben verrukt zoo haest ik ze aenschouwe,
Haer lievelijk gelaet.
Dat mij zeer wel aenstaet.

Ik drink den nieuwen most,
k En vraeg niet wat hij kost,
t Is mij genoeg als ik hem drinken mag,

En vraeg niet wat het doet.

Haer oogskens, als kristael.
Hebben mij menigmael

Mijn ziel gekwetst, mijn jeugdig hert doorwond
En mij gekost zoo menig honderd pont.

«

quot;nbsp;brillants comme le cristal ont plus d\'une fois blessé mon âme, percé mon coeur ; ils

ont coûté maints cents livresquot;.

de^eu ^^^^^^ munificents ont-ils pensé pouvoir captiver éternellement le coeur volage
giste^^\'nbsp;P®^ ces gaspillages inconsidérés ? On le dirait, et en tout cas les auber-

téristi\'^ ^^^ ^^^ négligé de les confirmer dans cette assurance assez téméraire. Il est carac-
import^^ ^^^^^ ^^^^^ d® poésie que les poètes, au lieu de tenir à distance ces témoins
fâcheux^^ ^^^^ ^^^^ familiarité indiscrète, souffrent que ceux-ci montrent un intérêt
à «r«. Jnbsp;affaires. L\'auteur de la chanson flamande invite même le tavernier

prendre part à sa joie :

Zit wat bij ons en laet ons vrolijk zijn !

s\'es?^«^^\'^.^^ Gwilym accueille favorablement l\'observation approbative que son hôte
permis de lui faire sur sa générosité :

Herwydd barn y tafarnwas,
Hir i\'m car, a hwyr i\'m cas

(vs. 15—16).

»Au ,ugement du tavernier, elle m\'aimera longtemps, et il durera longtemps avant qu\'elle me
prenne en haine.quot;

fallacieuse d\'un conseiller trop intéressé pour être sincère ne se réalisera
femm ^^ \' ^^ants crédules qui ont eu la faiblesse d\'avoir foi en la gratitude durable
ni
Isabell ^^nbsp;prix de tant de sacrifices s\'exposent à un cruel déboire. Ni Gwen,

Ladin et dnbsp;^ ne savoir plus aucun gré à leurs poètes de ces libations de Golden

- -—^liin. On connaît de Dafydd un cywydd curieux, tout vibrant d\'indig-

e Coussemaker, Flamands de France, p, 358 et seq. (Texte et traduction).

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nation, sur l\'infidélité outrageante d\'une des femmes qu\'il a courtisées. Ces chansons
d\'adieu et de reproches n\'étaient pas rares dans la poésie des troubadours, mais quei
poète courtois aurait osé adresser à sa dame des vers comme ceux qm smvent ici :

Treuliais daim, trwy loes dylyn,
O gerdd dda i garu\'r ddyn;
Treuliais hefyd, nid byd bâs,
Tefyrn meddgyrn, gormoddgâs.
Treuliais fynghlod wrrh rodio.

(DG. 71, 9-18 ; Deth. 8, 9—10, I7~i8gt; 21—22, 15—16, 23—24) )•

„J\'ai gaspillé mon talent en composant dans ma peine insensée beaucoup de belles chansons
pour l\'amour de ma mie. J\'ai vidé des cornes à boire - ce n\'étah pas

d\'épuiser la provision d\'hydromel de plusieurs tavernes, o exces de rage ! J ai perdu ma bon
réputation en errant; j\'ai compromis
la renommée que je m étais acquise. J ai consom^
des tavernes pleines de vin - j\'ai pu le constater avec certitude -; que lenbsp;^

un jugement équitable! Au jugement du monde, j\'ai gaspillé comme un fou ma fortun

dans la tavernequot;.

C\'est ce passage que M. Ifor Williams a voulu rapprocher de la célèbre ch^son Meufn
est propositum. Nous croyons qu\'il olfre des ressemblances bien plus grandes avec 1
chansons françaises contemporaines. Là, le thème de la chanson d\'adieu a ete
en ette
traité plus d\'une fois dans un esprit qui est exactement le même que celm du cywydd a
Dafydd ab Gwilym. Voici comment un amant délaissé se plaint^e la venahte de 1 amo
dans une des poésies curieuses publiées par MM. Jeanroy et Langfors :

Treuliais a gefais o go\' ;
Treuliais, gwelais yn gywir,
Defyrn gwin, nef a farn gwir,
Treuliais fal ffol fy ngolud,
l\'r dafarn, fo\'i barn y byd.

Bien me remembre
De vostre grant deloialteit.
Acolei m\'avez

Par faucetei
Tant que donei
Vos ai tout n\'an dout mie.
{Chansons satiriques et bachiques, xxxvij 42—47)\'

ief

Voici deux strophes d\'une chanson normande du XVe siècle, dans laquelle le grie
principal du poète contre son amante infidèle est formulé en termes qm rappellent sing
lèrement le passage cité du barde gallois :

Despenser m\'a faict mon argent
A la maison d\'vng tavernier.
Payer l\'escot de maincte gent.
Dont je n\'en auoys pas mestier.
(Gasté,
Chansons normandes du XVe siècle, p. 49? )\'

Assurément, si la poésie de taverne galloise a eu des modèles étrangers, ce n\'est ni d^®
le lyrisme courtois, ni dans l\'oeuvre des vagants, mais dans la poésie bourgeoise qu
doit les chercher.

1)nbsp;Nous avons cité ici le texte de DG.

2)nbsp;Cf. aussi la quatrième strophe de cette même chanson :

Chauses de verd m\'a faict porter Et souliers à poullaine. Et par devant son huys passer Mamctes
la sepmaine,

avec les vers suivants de Dafydd( ?) :nbsp;, jja,

Os heibio rho\', glo y gler, Gwas gwechdon, gwisgo gwychder. Ni fyn Morfudd ddeurudd a

Aelod main, weled mona\' {DG 64, 43—46 ?).nbsp;_

V. aussi la sotte chanson analogue de Guillaume deMachaut, éd. V. Chichmaref, t. 11, p. 637.

Or, voys je bien que c\'est follye
D\'y mectre sa pencée.
Quant el m\'a diet en plorant :
Nos amours sont finées.

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Toutefois, ne trouverait-on dans cette poésie de Dafydd ab Gvpilym pas la moindre

trace de quelques connaissances de la littérature latine ? Sans souscrire sur ce point à

a théorie de M. Williams, nous n\'oserons pas rejeter cette supposition sans plus, et en

ont cas il nous paraît indispensable d\'envisager la possibilité qu\'il ait enrichi le genre

par des pensées empruntées, sinon à la poésie latine du moyen âge, du moins aux oeuvres
u Ovide.

On pourrait en effet invoquer en faveur de cette opinion deux passages, dont le premier
cependant ne résiste pas à un examen approfondi. Dans un de ses cywyddau Dafydd expri-
jne son mécontentement de ce qu\'une partie de sa famille se plaint que ses pieds ont
aissé de profondes traces près de sa caisse d\'argent, tellement souvent il était allé y
puiser des pièces pour régaler sa belle. Loin de nier cette accusation, le poète tire vanité de
sa largesse et se glorifie de n\'avoir jamais reculé devant l\'accomplissement de la près-
ription d\'Ovide, qu\'il garde gravée dans sa mémoire: qu\'un coeur amoureux soit
toujours généreux :

Talm or tylwyth a\'m diaur,
Tew fy ol ger tai fy aur.

Ciliawdr cof nid wyf Ofydd :
Galon serchawg syberw fydd.

(DG. 1343 49—52)-

(juu. 134, 4y—

les^ dire, cette „citationquot; n\'est pas pour nous étonner médiocrement, car parmi
com^^^^^^^ indispensables à un amant le professeur des amoureux pauvres i), qui pleurait
obli^^^H^^^v^^^^ aïer l\'anniversaire de son amie et le jour de malheur où il se vit
par^^ f l\'indemniser de ses propres déniers de la perte d\'une robe, déchirée d\'après elle
cont^^\' ^^^ mettait assurément la générosité au dernier plan. C\'est précisément le
raire de la libéralité qu\'il conseille à ses disciples :

Nec dominam jubeo pretioso raunere dones :
Parva, sed e parvis callidus apta dato

(Ars, II, 261—262).

eu^n?^*^^^,^ pourrait croire qu\'en composant cette poésie, Dafydd ab Gwilym avait
de /a?^^ ^ l\'esprit un passage de la plus célèbre adaptation de VArs
amatoria, le Rornan
ton mnbsp;conformément au code courtois, il est en effet ordonné à l\'Amant d\'être

\'ours prodigue de cadeaux :

^^ te fai tenir por aver,

ar ce te porroit moult grever ;
quot; ^vient bien que li amant
quot;oignent dou lor plus largement

ul vilain entulle et sot.
Onques onrien d\'amer ne sot,
C^i 11 n\'abelist a doner.

Se nus se viaut d\'amors pener
D\'avarice trés bien se gart.
Car cil qui a por un regart
Ou por un ris douz e serin,
Doné son euer tot enterin.
Doit bien, après si riche don.
Donner l\'avoir tot a bandon.

{Rose, vs. 2211—-\'24, t. n, p. 114) *)•

Ingenium ^^^itibus venio praeceptor amandi. Nil opus est illi, qui dabit, arte mea. Secum habet
; quia\'^^^\'nbsp;Accipe, dicit. Cedimus : inventis plus habet ille meis. Pauperibus vates ego,

2) Macn^^quot;^^^ amavi. Quum dare non possem munera, verba dabam (Ars. u, 161—166).
n,nbsp;superstitio tibi sit natalis amicae : Quaque aliquid dandum est, illa sit atra dies. (Ibid.

quot;ec sensi tun**^quot;^nbsp;dominae turbasse capillos : Haec mihi quam multos abstulit ira dies 1 Nec puto,

4) Icinbsp;\' IPsa Dixerat : et pretio est illa redemta meo (Ibid., il, 169—172).

continuer l\'ou^ quot; quot;^^^eun se permet de faire donner par la Vieille un démenti à celui dont ii prétend
uvrage : Beaus fiz, ja larges ne seiez (vs. 130375 t- iv, p. 3)-

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Et pourtant cette supposition serait encore inadmissible. En vérité Dafydd n\'a pas
fait autre chose que de citer tout simplement un proverbe gallois qu\'on rencontre déjà
dans les
Gorwynyon, maximes de morale attribuées à Llywarch Hen Comme c\'est le
cas dans la citation du proverbe sur le Gallois vieillissant
(DG. 163, 17—18 ?),
il a jugé opportun d\'appuyer une sentence existante sur l\'autorité du professeur de l\'Art
d\'aimer.

Le second passage au contraire paraît plus probant. Dans un cywydd resté encore inédit
pour des raisons faciles à comprendre, le poète reçoit de sa vieille conseillère l\'avis de
suivre l\'exemple donné jadis par Ovide, et d\'attirer son amie dans une taverne pour la
régaler de pain, de fromage et de boissons fortes. Apprivoisée ainsi, la belle se laissera
entr^ner dans les buissons sans faire des difficultés :

Dofa\'r riain i\'r dafarn
A gwna fal y gwnai Ofydd :
Ei dwyn i dewlwyn y dydd.

Bara a chaws a bair ei chael,
A diod, fain ei dwyael.

(D, 12—16).

Sans doute, on chercherait en vain dans l\'oeuvre d\'Ovide la preuve qu\'il croyait utile
d\'impliquer la taverne dans son plan de conduite pour les amoureux. Mais il se peut que
Dafydd ait pensé au conseil de fréquenter les banquets, que le poète latin avait donné à ses
disciples :

Dant etiam positis aditum convivia mensis :
Est aliquid praeter vina, quod inde petas.

Saepe illic positi teneris adducta lacertis
Purpureus Bacchi cornua pressit Amor.
{Arsy I, 229—232).

En outre Ovide ne dédaignait pas de spéculer sur la gourmandise des femmes qu\'il
courtisait, et peut-être est-il permis de voir dans les vers de Dafydd encore un écho du
passage de
l\'Ars où Ovide conseille aux amants de ne pas prodiguer des cadeaux précieux
à leurs amies et de gagner leur amour plutôt par des
rustica dona :

Dum bene dives ager, dum rami pondéré nutant ;

Afferat in calatho rustica dona puer.
Rure suburbano poteris tibi dicere missa.
Ilia tibi in Sacra sint licet emta Via.

Afferat aut uvas, aut quas Amaryllis amabat;

Et nunc castaneas, nunc amat ilia nuces.
Quin etiam turdoque licet missaque columba
Te memorem dominae test ficere tuae.

(II, 263—270).

Mais il n\'est pas nécessaire d\'admettre que le poète gallois se soit inspiré directement
des vers latins. Il est possible qu\'il ait connu par une des nombreuses adaptations du
traité célèbre le passage en question, qui est paraphrasé comme suit dans le
Roman de
la Rose :

Il afiert bien que l\'en present
De fruiz nouveaus un bel present
En toailles ou en paniers ;
De ce ne seiez ja laniers.
Pomes, peires, noiz ou cerises.
Cormes, prunes, fraises, merises,

Chastaignes, coinz, figues, vinetes,
Pesches, parmainz, ou alietes,
Nefles entees, ou frambeises,
Beloces, davesnes, jorreises.
Raisins nouveaus leur enveiez.
Et des meures fresches aiez.

{Rose, 8207—18, t. III, p. 73) \')•

1)nbsp;gorwyn blaen brwyn brigawc vyd pan danner dan obennyd ; medwl serchawg syberw vyd
{Livre Rouge, p. 10 ; MA^ p. 98). Cf. golwg serchawg syberw fydd, dans les Proverbes de la MA^., p. 846.

2)nbsp;Cf. La Clef d\'Amors, vs. 1497—1506, éd. Doutrepont, p. 58.

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Le cywyd gallois ne serait pas alors un des exemples les moins intéressants de la façon
Dizarre dont le moyen âge a interprété et conformé aux idées de l\'époque les célèbres pré-
ceptes !

Résumant les résultats de ces recherches sur l\'influence exercée par le milieu sur la
poésie amoureuse du Pays de Galles, nous pouvons dire que Dafydd ab Gwilym, qualifié
tant de fois d\'imitateur des troubadours, a trouvé précisément pour les genres courtois,
»loliant et rhieingerdd, le terrain tout préparé dans les milieux aristocratiques de sa
patrie. Dans ce domaine de la poésie il n\'avait qu\'à se conformer aux traditions que des
gestations de prédécesseurs avaient observées et transmises jusqu\' à lui.

De même, quand dans Idi gordderchgerdd il transporte son noble auditoire dans le monde
quot;jstique et l\'amuse avec ses aventures burlesques avec les vilaines, il ne faisait pas oeuvre
p innovateur. Très probablement, il continue dans ce genre la poésie populaire qui était
^apanage de la
cler, mais qui avait trouvé des amateurs dans les châteaux longtemps

avant lui.

Une partie très importante de son oeuvre au contraire, dans laquelle il s\'écarte nettement

u style de ses devanciers, porte la marque d\'une société entièrement différente, caractérisée
par la place prépondérante que la taverne y occupe. Ce genre-là avait à peine pu se déve-
opper au Pays de Galles avant l\'époque de Dafydd, et devait par conséquent être bien plus
que les genres précédents sujet à l\'influence de la poésie qui avait pris racine aux milieux
^«t état social était déjà ancien.

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CHAPITRE II
Le Cadre rustique

Une partie considérable du chapitre précédent a été consacrée à l\'étude des cywyddau
de Dafydd ab Gwilym qui avaient pour scène la taverne. Dans les pages suivantes au
contraire nous nous occuperons en particulier des chansons de ce poète dont l\'action se
passe au milieu de la nature, et nous nous proposons de rechercher ici quelle est l\'origine
des descriptions de ce cadre.

I — La Reverdie

Ce qui frappe le plus à la lecture de la poésie de Dafydd ab Gwilym, c\'est assurément
la place prépondérante que la nature occupe dans son œuvre. Nous avons constaté déjà
que plus d\'un savant, frappé par des ressemblances plus ou moins prononcées entre les
descriptions de la nature chez Dafydd et chez les poètes provençaux ou latins du moyen
âge, s\'est empressé de conclure de ce fait que notre auteur n\'a pas été sans connaître la
poésie étrangère. Il nous semble recommandable de soumettre ce jugement à un examen
attentif.

Déjà à la lecture la plus superficielle il paraît que le sentiment de la nature s\'exprime
autrement dans la poésie continentale que dans le lyrisme gallois contemporain. On ne
peut se dissimuler que même les meilleurs troubadours n\'ont pu ou voulu mettre que bien
peu d\'individualité dans leurs descriptions du printemps. C\'est invariablement dans la
première strophe de la
canso, dans ces éternels Natureingânge, qu\'on trouve réunies quel-
ques remarques gracieuses et pourtant presque banales sur les sensations que les poètes
amoureux disent avoir éprouvées à l\'aspect des prés qui reverdissent, des fleurs qui
s\'épanouissent, et des oiseaux qui gazouillent et s\'accouplent.
On finit par s\'impatienter
d\'un début aussi stéréotypé, et ni quelques heureuses exceptions, comme les chansons
de l\'alouette d\'un Bernard de Ventadour et d\'un Peire d\'Alvernha, ni les protestations
contre cette convention despotique dont nous avons parlé, ne peuvent effacer cette impres-
sion défavorable.

Cette même remarque s\'applique à la poésie latine des clercs vagants, quoique à un moin-
dre degré. Il est vrai que les descriptions de la nature renaissante prennent une plus grande
place dans leurs chansons et que parfois elles sont mieux observées, mais en général ce
sont
les mêmes clichés qu\'on y rencontre. Le vagant aussi s\'intéresse à la nature uniquement
en tant qu\'elle est en harmonie ou en opposition avec ses propres sentiments amoureux,
et ses strophes initiales ne sont que des variations sur le thème :
Temporis nos ammonet
lascivia

i) Refrain de CB. 164.

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^len de tout cela dans les descriptions de Dafydd ab Gwilym, qui se distinguent par
^ur technique comme par leur fidélité profondément des lieux communs des poètes conti-
^^ntaux. D\'abord, le thème de la reverdie, qui sert d\'introduction à la moitié des chansons
^ nnues des troubadours à peu prés, et à presque la totalité des poésies amoureuses des
d\'u^T-\' ^^^ ^^^^^^ P®^^ ^aut dans l\'oeuvre du barde
gallois. L\'unique exemple
ren^nbsp;^^nbsp;dans lequel quelques observations générales sur la splendeur du

servent, à la façon des chansons d\'outre-mer, d\'introduction à l\'expression
p^J^^^n^ents^de l\'auteur sont les vers initiaux du cywydd
DG. 229, qui du reste est le
Syrique d\'un protecteur et non pas une ode amoureuse :

Neud mai, neu erfai, dar feirdd iraeth [/. hiraeth ?],
Neud meinwyrdd coedwyrdd, wydd weuyddiaeth ;
Neud meinwedn yw gân edn, ganiadaeth hawdd,
Neud mi ai heurawdd, neud mau hiraeth.

{DG. 229, i~4)-

»Voici le mois de mai, mois irréprochable, o chêne après qui les bardes soupirent ! Le feuillage
des bois est tendre et frais, tisserand du tissu (poétique) ! Le chant des oiseaux, gazouillement
elicieux, est doux et incessant. Moi, je l\'ai exalté ; moi, je languis après luiquot;.

Et

directquot;^^quot;^^ ^^ ^^^^ passage de Dafydd ab Gwilym qui puisse faire l\'impression d\'être traduit
étran^^^^^^ d\'un
Natureingang courtois ne remonte probablement pas à une source
un an^T\'^quot; ^^^^ Davies, qui a consacré au sentiment de la nature dans la poésie galloise
poésies 1nbsp;1), a pu démontrer facilement que la coutume de commencer des

aux banbsp;avec ces descriptions sommaires d\'une saison n\'avait pas été inconnue

gallois beaucoup plus anciens que Dafydd. Il est même caractéristique pour la poésie
amour! ? Procédé, restreint dans les littératures profanes du Contient à la poésie
l\'élégie ^H ^^^ insolite dans les élégies. On en trouve un exemple intéressant dans
ue Nest ferch Hywel, par Einion ab Gwalchmai, dont nous citons ici le début :

^ser mei, meith dyt, neud ryt roti,

T^nbsp;I^einlliw keUi

^«d llauar adar, neud gwar gweilgi.

Neud gwaetgrec 2) gwanec, gwynt yn edwi,
Neud arueu donyeu goteu gwedi,
Neud argel dawel, nyd meu dewi.

{Gog., p. ii8).

\' forV^ fnbsp;journées sont longues ; c\'est le temps propre à donner largement. La

et nest plus emprisonnée (par l\'hiver) ; les buissons étalent des couleurs splendides. Les
^ eaux gazouillent, la mer est tranquille. Le bruit des flots est rauque, le vent s\'est abattu,

armes sont des dons, sujets de prière (?). Ma retraite est silencieuse j à moi il ne convient
i^as de me tairequot;.

I^ien de^^T^\'^^^^^nbsp;heure dans la poésie amoureuse des Gogynfeirdd.

vagants a inbsp;aux débuts traditionnels des chansons des troubadours et des

mélodieux dnbsp;sur le soleil montant rapidement en été à l\'horizon, sur le chant

de Gwalchmai^^^^^^^ ^^ ^^nbsp;superbe, qui forment l\'introduction du Gorhoffedd

Mochdwyreawg huan, haf dyfestin,
Maws llafar adar, mygyr hyar hin.

--{Gog., p. 30).

The Welsh B a j

^^ ftC vol Vnbsp;external Nature {Trans. 1912—13gt; P- 81 et seq.%

p. 428. - Gog. : gwaethrec.

-ocr page 192-

Hywel, le fils d\'Owain Gwynedd, ne s\'est pas non plus affranchi complètement de cette
convention, mais dans la description suivante, ce poète distingué fait déjà preuve d\'u»
talent plus personnel et d\'une plus grande imagination :

Karafy amsser haf, amssathyr gorwyt,
Gorawenus glyw rac glew arglwyt.

Gorewynawc tonn tynhegyl ebrwyt,
Gorwisgwys auall arall arwyt.

{ßog., p. 87).

„J\'aime l\'été quand le destrier trépigne comme un noble guerrier exulte devant son seigneur vai^
lant, quand les flots rapides.... sont couverts d\'écume et le pommier se pare d\'un nouvel habit

S\'il était vrai que le début printanier ne pouvait pas être attesté dans la poésie gallois^
antérieure à Gwalchmai et à Hywel, on pourrait donc se croire en droit de maintenir qu ]
doit être regardé comme un trait emprunté à la poésie continentale à l\'époque où elle venait
de pénétrer dans le Pays de Galles. Mais puisque au contraire des traces de ce thème sofl^
reconnaissables jusque dans la poésie des Cynfeirdd, cette opinion doit être
abandonnée-
Plus encore que les Eiry Mynydd, les Gorwynyon, les Kaïan gaeav, maximes de moraj^
précédées de remarques monotones, quoique parfois bien observées, sur l\'aspect de i®
nature, ce sont deux poèmes de Llywarch Hen que nous avons ici en vue.

Dans sa poésie sur ie Coucou d\'Aber Cuawg, ce barde associe déjà le chant de cet
oiseau aux douces pensées dans lesquelles l\'amant est plongé :

Yny vann odduwch lion dar
Ydd endewais i lais adar
Côg vàn côv gan bav?b à gâr

(MA^., p. loo).

A l\'endroit au-delà du chêne en fête, j\'ai écouté le chant des oiseaux et le coucou sonore, préseo*^
à la mémoire de tout amantquot;.

Plus intéressants encore sont trois englynion du poème de vieillesse du même Llywarch
dans lesquels le vieux poète, regrettant les jours passés, met en opposition en ce mêi^^
style lapidaire ses impressions de la nature et ses méditations moroses sur son état
actuel\'

Neut diannerch vy erchwyn.

Baglan brenn neut gwannwyn,
Rud cogeu, goleu ewyn.
Wyf digaryat gan uorwyn.

Baglan brenn neut fcynhayaf,
Rud redyn, melyn kalaf.
Neur digereis a garaf.

Baglan brenn neut gayaf hynn,
Yt uyd Uauar gwyr ar lynn.

(Livre Rouge, p. n)-

O ma crosse, voici l\'automne ; la fougère est rougeâtre, le roseau est jaune. J\'aime mainteoaigt;\'\'
ce(lle) que j\'ai pris(e) en antipathie.

O ma crosse, voici l\'hiver ; les buveurs sont bruyants. On ne fait plus de cas de mon lit J\'
O ma crosse, voici le printemps ; les coucous sont roux, l\'écume est d\'une blancheur lumin®^
La jeune fille n\'éprouve plus d\'amour pour moi.

On peut donc soutenir que ce thème conventionnel de la description d\'une saison ^^
début d\'une poésie lyrique, tel qu\'on le rencontre une seule fois chez Dafydd ab Gwily^\'

1)nbsp;Il est vrai que ce poème archaïque, mais d\'une date incertaine, ne se trouve pas dans le Livre RouS^^

2)nbsp;Nous n\'ignorons pas la date tardive que M. Gwenogfryn Evans assigne à ce poème

vol. xxxiv, p. 98) mais rappelons au lecteur notre intention de ne pas entrer en discussions sur
question délicate.

3)nbsp;littéralement : du bord de mon lit.

-ocr page 193-

remonte dans la poésie galloise à une époque où elle ne pouvait pas encore avoir subi l\'influ-
ence des littératures profanes d\'autres peuples. Quelle est alors son origine ? Serait-ce une
creation indépendante de l\'esprit celtique ? i) Faut-il le rattacher à cette masse perdue
p poésie populaire dont nous avons tâché de prouver l\'existence, exactement comme
es descriptions du printemps au début des chansons des troubadours seraient des modi-
eations des chansons de danse populaires ? Nous hésitons à l\'aflirmer, et cela d\'autant
PAUS que cette dernière hypothèse accréditée de Gaston Paris paraît avoir soulevé depuis
^^Ique temps des contradictions sérieuses. Surtout M. Brinkmann conteste catégorique-

ent que reverdie ait jamais été un thème propre à la „primitiveGemeinschaftskunstquot;,

hU u continue à considérer comme une des sources principales de la poésie artistique
u moyen âge 2). Quant à la
véritable poésie non-bardique des Celtes, nous avouons
^ë^ement n\'avoir trouvé nulle trace de ce thème dans les chansons populaires irlan-
pSdu ^^^ regardons comme la meilleure source pour la connaissance de ce lyrisme

com^^!^quot;^^\'^^ l\'investigation méthodique des textes latins du moyen âge pourra éclaircir
^mpietement le problème des origines de ce thème. On ne saurait nier que les néo-lati-
produit déjà des arguments fort soHdes à l\'appui de cette opinion. Déjà en
quinbsp;Oulmont a fait une tentative intéressante de rattacher le thème du verger,

Canr^^^^^ une si grande place dans l\'ancienne poésie française, au cadre pastoral du
ceux-T^ ^^^nbsp;et il a conjecturé non sans fondement que des versets comme

Pl^es\'^quot;^nbsp;transiit, imber abiit, et recessit.

Ficusnbsp;in terra nostra, tempus putationis advenit ; vox turturis audita est in terra nostra,

et ven-nbsp;; vineae florentes dederunt odorem suum. Surge, amica mea, speciosa mea,

{Cant. Cant. II, 11—13),

poètes lyriques le modèle de leurs descriptions du printemps Mais c\'est
cane ^^^^nbsp;qu\'on doit un examen minutieux de l\'hymnologie mozarabique et galli-

rare d^^^ ? ^^ résultat la conclusion importante que le début printanier n\'est pas
fane d r ^nbsp;religieuse, et qu\'il a passé très probablement de là dans le lyrisme pro-

uon Plunbsp;N\'y aurait-il donc pas de bons motifs pour croire qu\'il n\'était pas

ecclésia V ^^^^ ^^ liturgie de l\'ancienne Eglise celtique, et que c\'est dans cette poésie
ventionnbsp;^^^ ^^^ bardes ont trouvé de bonne heure les modèles des descriptions con-

uelles des saisons qu\'on trouve sporadiquement dans leurs poèmes ?

II — Poésies détaillées inspirées par la nature

Si d

l\'influen^^ exception nous avons cru reconnaître dans le début du cywydd DG. 229
à la poés? T^- \'^\'^nvention d\'origine étrangère, qui s\'était imposée dès une époque reculée
—__^Salloise,nous adhérons avec conviction à la protestation énergique de Sir Edward

^quot;^ançait lunbsp;supposition n\'aurait rien d\'absurde : ce thème n\'est d\'aucune façon spécifiquement

^\'ancienne po\'^^\' ^^^^^^nbsp;descriptions sommaires de la saison des pluies sont de tradition dans

2)nbsp;06nbsp;amoureuse des Indous. V. Leopold von Schroeder, Reden und Aufsätze, p. 163—164-

3)nbsp;Us D

ceptjLquot;^quot;nbsp;Chevalier, p. 6 et seq.

ant déjà Du Méril, Poésies populaires latines, p. 50gt; 52-

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Anwyl contre l\'opinion erronée qui considère les belles descriptions de la nature dans
l\'oeuvre des bardes comme une marque d\'imitation des chansons provençales ou latines
En vérité c\'est méconnaître singulièrement le caractère de la poésie
continentale du
moyen âge que de supposer que Dafydd ab Gwilym dût sa pénétration de la beauté de
la nature à sa connaissance d\'une littérature étrangère oii elle occupe une place au fond
si insignifiante. iVlême les jolis vers de Bernard de Ventadour sur
l\'alouette semblent
presque secs comparés aux cywyddau que Dafydd a consacrés à ses oiseaux favoris, et
ce ne sont assurément pas les descriptions invariables du verger qui lui ont servi de modèles
pour ses peintures vivantes de
Voed dans la forêt. Le poète latin connaît en général beau-
coup plus d\'animaux que le troubadour et le trouvère, peut-être
grâce à ses
lectures des Bestiaires, et le MS. célèbre de Benediktbeuern nous
a conservé une liste
bilingue fort curieuse de noms d\'animaux, dressée probablement à l\'usage des poètes
Dans leurs chansons amoureuses les vagants ne se contentent pas toujours de
constater
que l\'hiver a passé et que les oiseaux chantent sur les branches, et les Cambridge Songs
(Xle siècle) contiennent déjà deux pièces dont la glorification de la nature est le véritable
sujet. La première est le poème répandu De Luscinia, ode au rossignol qui se termine
par une invocation du tribus Deus in personis, unus in essentia; l\'autre est un Carmen
Estivum, dont l\'énumération détaillée d\'oiseaux est intéressante ®). Et pourtant cette
poésie latine paraît peu sentie à côté des cywyddau de Dafydd et de tant d
\'autres bardes,
pour qui la nature n\'est pas seulement une source de métaphores plus ou moins
originales,
mais le principe de toute inspiration poétique. C\'est précisément ce sentiment fortement
développé de la nature qui donne à la poésie des peuples celtiques sa place à part dans
la littérature médiévale. Les chansons de Dafydd ab Gwilym surtout abondent en petits
traits marquants que seulement l\'oeil expérimenté d\'un observateur attentif et d\'un grand
ami de la nature avait pu saisir. Il a vu réellement le corbeau fondre d\'en haut, le croupion
étendu, sur le rossignol qui ne se doute de rien ; il évoque l\'image du renard, atteint par
une flèche dans les reins et s\'élançant par bonds devant la meute furieuse Dans ces
snapshots inimitables, dans ses descriptions brillantes des saisons, pleines d\'images expres-
sives, Dafydd se montre le digne successeur du poète inconnu de l\'admirable poème
Llym awel llum brin du Livre Noir % et un congénère des anciens poètes irlandais
dont Kuno Meyer a publié les poésies.
Un trait distinctif de la poésie érotique de notre
barde est en effet qu\'il a pris le soin de situer l\'aventure amoureuse qu\'il raconte, et qui
pouvait être de tout temps et de tout lieu, dans le cadre nettement déterminé du paysage
gallois. Dafydd ab Gwilym est le chantre des pentes de collines dorées par l\'éclat du
genêt et de l\'ajonc, d\'où le promeneur voit déferler sous lui les vagues écumeuses de la mer,
sur laquelle le goéland se détache comme un gant blanc

Dafydd toutefois n\'a pas découvert la nature. Durant des siècles avant sa naissance
des générations de bardes avaient erré dans ces mêmes campagnes et éprouvé les mêmes

i) V. p. 24. 2) CB. 97, Nomina avium. De Nominibus ferarum.

3)nbsp;éd. Breul, p. 63. Voici une liste des oiseaux chers à Dafydd ab Gwilym qui figurent déjà
dans les reverdies latines, provençales et françaises : le rossignol
(passim), l\'alouette (CB. 54, 4 ; 108, \'
Carmen Estivum, Bernard de Ventadour, Peire d\'Alvernha), la corneille (CB. 108, i, Carmen Estivumï,
le cygne (CB. 108, 2), l\'hirondelle (CB. 108, 2 ; Carmen Estivum), le coucou (CB. 108, 2), le merle (Carmen
Estivum), l\'aigle, le milan (Ibid., Froissart). Cf. le genêt fMarcabrun).

4)nbsp;DG. 84, 29—32. 5) DG. 182, 45—52. 6) p. 89 et seq. 7) DG. 28, 4 {Deth. 30, 4).

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^ïnpressions à l\'aspect de la scène qui se déroulait devant eux. Dafydd n\'était pas plus
n ^ ^on pays, de Ceredigion, que Hywel ab Owain ne l\'avait été du paysage deJWLeirion-
j ydd 1). De l\'autre côté de la Mer irlandaise, une nature similaire s\'était révélée depuis
temps les plus reculés aux poètes de l\'Ile d\'Emeraude, doués d\'un esprit aussi éveillé,
^nne faculté d\'observation aussi brillante, d\'une imagination aussi féconde. Aussi n\'y
d\'tnbsp;d\'étonnant à ce qu\'on trouve chez Dafydd ab Gwilym tant de descriptions

d^^ f ^^ d\'animaux et de plantes indigènes qui occupent également une grande place

s les poèmes fort anciens irlandais,
la f ^^^^^^nbsp;^^^ ^^ vouloir refaire ici l\'étude minutieuse de Stern sur la flore et

taune dans l\'oeuvre du barde gallois. En revanche il ne nous semble pas hors de propos
lustrer par quelques exemples l\'affinité frappante entre les peintures de la nature
J^s la poésie de Dafydd et dans les débris du lyrisme irlandais des IXe et Xe siècles,
ab cnbsp;des chanteurs ailés sont fort nombreuses dans les cywyddau de Dafydd

counbsp;\' ^^^^ ^^^^^ oiseau ne lui est aussi sympathique que le quatuor suivant : le

seul^^^ ^^thlydd), le rossignol le merle {mwyalch) et la grive {bronfraith). Non
ÛGnbsp;a composé pour chacun d\'entre eux un poème spécial, mais dans le cywydd

de 1 f ^^ ^^^^ ensemble comme les animaux qui contribuent le plus aux charmes

Eos gannos a gynnail,
^wyn ei dy o fewn y dail,
Ceihog mwyalch, clog miwail,
«-oedwr du, wyr cadw\'r dail.

Bronfraith goedfaitb fagad-ddail,
Brenhines hudoles dail.
Cethlydd, lasddydd ar Iwysddail,
Clochyddes a duwies daiL

(oî. 17—24)

«Le rossignol occupe pendant cent nuits sa maison iolie dans le feuillage. Le merle mâle, à la robe
lisse, est un forestier noir qui sait garder le feuillage. La grive dans la forêt vaste et touffue est
ia reme et l\'enchanteresse du feuillage. Le coucou, perché dès l\'aube dans les feuilles brillantes,
la sonneuse et la déesse du feuillage.quot;

dèsnbsp;et le coucou demanderont bientôt une discussion à part, mais constatons

les att^^quot;^^^^^^ ^^^ ^^^^^ oiseaux nommés ici les derniers sont comptés aussi parmi
sonnbsp;principales de la vie forestière par l\'ermiteMarbân dans son dialogue avec

tïouPir^M ^^^^\'^e 3). Dans une chanson populaire plus récente du beau recueil de
merle f/nbsp;également le gazouillement de ces mêmes oiseaux, coucou
{cuach),

parée .nbsp;^^ grive {smôilin), auquel la suavité de la voix d\'une jeune fille est com-

Budh bhinne liom i naoi n-uaire \'nâ an chuach ar an gcraoibh,
S \'nâ lon-dubh an bhéU bhuidhe,
^^ an chéirseach le n-a thaoibh,

an smôilin bina breugach do ghéar-loirg mo chroidhe. *)•

^^^^nbsp;mélodieuse que le coucou perché sur la branche, et que le merle

ec jaune, et sa femelle à ses côtés : elle est la grive harmonieuse et trompeuse qui a enflammé
—-^^^loureusement mon coeur».

ynbsp;(Go^., p. 86).

3) lon-d \' - ^^ -nbsp;S—I4)j où ces quatre oiseaux sont glorifiés ensemble avec 1 alouette.

King and Hermit, p. 12, 16). câi for barraib, bind

^ quot;quot; ^ of Carolan, éd. Tomas O\'Mâille, 11, X7gt; 570—572).

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quot;Quant aux auii^^nimaux favoris du barde gallois, le goéland (/aî7.«n), le cygne (ela),
le saumon (èrata\'n) et la truitenbsp;ont obtenu aussi une mention speciale d^nsles ver^

enthousiastes prêtés àMarban^). Les Chants de VEté et de Hiver y ajoutent l\'alouet e
chère déjà aux légionnaires de César, et la mer tranquille,que nous avons rencon^^
chez
Lion ab Gwalchmai Dans les chansons populaires plus modernes, les amoure^
n\'éprouvent pas un moindre plaisir que l\'amant deMorfudd«) à ecouter a leur rendez-vous
écarté la voix mélancolique du corbeau
{fiach) dans les vallees ou a observer les ,eux du coq
de bruyère {coileach feadha) :

Teannam go dti an sliabh
Ag éisteacht leis an bhfiach.

\'S na gleanntaibh deunamh lionn\'dubh
Mar ar chailleas mo chiall

......Gan neach a bheith d\'âr gcôimhdeacht

Acht cearca-fraoich no\'n coileach feadha

Dans ces exemples le coloris éminemment celtique des chansons de Dafydd ab
Gwilym se manifeste clairement. Mais si ces rapprochements ne laissent pas la moindre

incertitude sur la celticité de cette partie de son oeuvre, cette prédilection pour les

mêmes animaux chez le barde gallois du XlVe siècle d\'un côté et les poemes anonymes

irlandais du IXe siècle d\'autre coté est de nature à faire naître des doutes sur la complete
originalité de sa façon de voir et de dépeindre la nature autour de lui. Certes, la nawr
irlandaise ne diffère peut-être pas essentiellement de celle qui charmait le barde plloi^
mais pourtant nous avons de la peine à admettre que l\'égalité du milieu seule eut sum
à produire indépendamment des formes d\'art presque identiques a des epoques tellemen
éldgnées entre elles, même chez des peuples appartenant à la même
race Maigre tout
notre admiration pour la pénétration exceptionnelle du regard de
Dafyddet pour 1 exu
bérance si peu médiévale de son imagination, nous doutons que le poete eut
esquisb
ainsi ses descriptions remarquables des merveilles de la nature si ses predecesseurs n
lui avaient pas laissé des modèles, que son génie, plutôt innovateur que createur, n aval
qu\'à développer. Cecile O\'Rahilly a rendu probable l\'opinion que l\'auteur des strophe
du
Livre Noir commençant par le vers Kintevin keinhazv amsser s\'est inspire des descrip
tions irlandaises publiées par Kuno Meyer, ou de pièces semblables«). Nous croyon
que Dafydd ab Gwilym n\'est que le représentant le plus brillant de cette ancienne ecoi
poétique galloise, qui tire peut-être ses origines du lyrisme irlandais, et dont il a introdm
les thèmes avec une régularité probablement inconnue avant lui dans la poesie erotiqu •

Qu\'il n\'ait pas été sans connaître la poésie inspirée par la nature de ses devanciers, et qu

n\'ait nullement dédaigné de la mettre à profit, cela est prouvé d\'une façon tout a ta
concluante par les passages suivants de son cywydd célèbre sur le vent, et d une aut
chanson dont la truite fait le sujet, qui sont des imitations mamfestes de quelques vc
du poème sur le vent de Taliesin :

i)nbsp;p. i6, i8. 2) sûanaid 1er Ion lîac[h] (p. 20).

3)nbsp;F. DG. 84, 107? iio {Deth. 34)-

4)nbsp;Conn., p. 80 = Poems of Carolan, éd. cit.. Il, I7j 567—568.

5)nbsp;Walsh, Irish popular Songs, p. 97 = Hardiman, Irish Minstrelsy, t. X, p. 222

Lequot;nbsp;a ét. établi déià p., ZJ.P.. vol. VII. p C/ u„e note

sur le poème de Taliesin, qui est une devinette et a eu peut-être to modèles launs, chez S.r Jo

Morris Jones, Cymmr, vol. xxvni, p. 255.

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Creadur kadarn
Heb gic, heb ascwrn,
Heb wytheu, heb waet,
Heb pen, aheb traet.

(36 : 22—24)

» Créature puissante, qui n\'as ni chair, ni os, ni
«nés, m sang, ni tête, ni piedsquot;.

Gwr eres wyd, garw ei sain,
Drud byd, heb droed, heb adain
Uthr yw mor aruthr y\'th roed
O bantri wybr heb untroed.

(DG. 69, 3—6; Deth. 3igt; 3—6)-

„Tu es une personne remarquable, à la voix
rauque, un brave d\'une renommée mondiale,
qui n\'as ni pied ni aile.Ilest vraiment merveilleux
que tu sois doué aussi prodigieusement de la
trésorerie du firmament sans avoir un seul pied.quot;

ymaes, ef yg koet

tt ,nbsp;\' js

quot;eb law aheb troet.

(37 : 3-4)

«Dans la campagne, dans la forêt, il n\'a ni
mpiedquot;

„Sans mains, elle nage vers le ciel, sans pieds,
elle rentre chez elle.quot;

Ni\'th wyl drem, i\'th wâl dramawr,
Y\'th glyw mil, nyth y gwlaw mawr.

(DG. 69, 29—30; Deth. 3Igt; 29—30)

„Aucun regard ne te perçoit dans ton gîte
gigantesque; des miUiers t\'entendent, o nid
de la pluie forte.quot;

Ni\'th glyw neb yn gohebu
Ni\'th wyl llwfr yn y dwfr du.

(DG. 206, 15—16)

„Personne ne t\'entend parler ; le lâche (jaloux)
ne te voit pas dans l\'eau noirequot;.

ny welir.

Ef

vor, ef ar tir

Ny wyl

(37 : 8)

vu Z^ ^^^nbsp;il ne voit rien, il n\'est

«e personne.quot;

^^ yn anamlwc

^anys gwyi

(37 : 16).

ne le

peïSi?nbsp;aucun regard

la tTn-^T ^^^^^ ^PPquot;® ^ regarder les belles descriptions de Dafydd ab Gwilym comme
de la ffnbsp;où l\'attachement à un thème poétique déjà traditionnel s\'est uni

originaiv^^^ Plus heureuse à son sentiment profond de la beauté de la nature et à son
foi^ la \' incontestable dans le traitement d\'une matière connue. Mais puisque une
assurée^\'\'^\'^^^\'^^ quot;^\'^l^n^ents traditionnels dans les chefs-d\'oeuvre du poète nous a paru
traits d ^^^^ ^^ pouvons nous dispenser de soumettre à un examen critique les
^^^ opposition à ceux qui nous ont occupés jusqu\'ici, l\'origine celtique

Ef

Diddwylaw ar nawf i\'r nef
A didroed y daw adref.

(DG., 206, 33-

-34)

demand ^^ mention très fréquente du rossignol dans les chansons de Dafydd qui
\'quot;dnae unenbsp;____, . ___________________fgu

demande • quot;^^uuon très trequente du rossignol aans les cudusun:»
par le ch ^^^ ^i^^nssion spéciale. Troubadours, trouvères et clercs vagants, mis en
ant voluptueux du petit oiseau, le glorifient à l\'envi :

Lo rossinholet salvatge
Ai auzit que s\'esbaudeya
Per amor en son lenguatge,
E\'m fai si mûrir d\'enveya.

(Gaucelm Faidit, Rayn., t. m, p. 282).

Cantat philomena.
Sic dulciter
Et modulans auditur,
Intus caleo

(CB., 140,2).

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La dolce vois del roisignor salvage
Qu\'oi nuit et jor cointoicr et tentir.
Me radolcist mon cuet et rasoage ;
Lors ai talent que chant por resbaldir

(Le Châtelain de Coucy, Brakelmann, p, 113)-

Les Bretons le connaissent aussi. Dans une chanson vannetaise, commençant par la
description conventionnelle de la reverdie,
Vestig est nommé à côté du mouialh argant^)-
Dans la littérature irlandaise au contraire, nous n\'avons pas rencontré une seule mention
de
cet oiseau, et cela pour la bonne raison qu\'il n\'y a pas de rossignols en Irlande. Quant
à Dafydd ab Gwilym, il ne parle pas seulement assez souvent de Veos avec une grande
sympathie, mais il lui a consacré même deux chansons dans lesquelles il fait preuve d\'une
connaissance trop précise de sa figure
et de son chant pour qu\'il soit permis de douter
qu
\'il ne l\'ait observé réellement. Et pourtant on a affirmé que le rossignol n\'est pas à présent
indigène au Pays de Galles, à l\'exception de quelques localités du Border, et même il
paraît ressortir du passage de Giraldus que nous allons citer ici qu\'il ne l\'a pas non plus été
au moyen âge :

Ad haec agitur quodam dicente, nunquam philomenam partes istas intrasse, subjunxit archiepiSquot;
copus modesta quadam subrisus significantia : „Philomena quidem sapienti fréta est consilio»
quae Kambriae fines non intravit ; nos autem insipienti, qui Kambriam et penetravismus et
circuivimus.quot;

(Opera, t. vi, p. 125)-

On comprend que M. Glyn Davies en est venu à attribuer la présence de Veos dans
la poésie galloise à l\'influence exercée par la poésie continentale où le rossignol était une
figure conventionnelle 2). Toutefois, même le passage de
VItinéraire, qui doit être inter-
prété avec une certaine réserve, ne semble pas trancher la question. Remarquons que
l\'interlocuteur de l\'archevêque Baudouin ne prétendait nullement que le rossignol ne
vienne jamais au Pays de Galles. Il y a lieu de croire qu\'il ne parlait que de la
contree
montagneuse de Carnarvonshire qui causait tant de fatigues aux voyageurs, et l\'on peut
s\'imaginer que Baudouin, qui était étranger dans la Cambrie, ait mal compris ce qu\'n
entendait par
partes istas. Un nom comme Nant Eos, porté par un manoir ancien pres
d\'Aberystwyth, atténue sans doute la valeur du témoignage de Giraldus. En outre, Dafyûquot;
ab Gwilym n\'avait pas été le premier à introduire le rossignol dans la poésie
amoureuse-
Dans leur Gorhoffedd, Gwalchmai et Hywel ab Owain avaient témoigné de leur sympathie
pour ce chanteur infatigable, et déjà Taliesin l\'avait associé à cet autre oiseau
du prin-
temps, le coucou, dans le vers :

Atwyn mei y gogeu ac eawsj

(9 : 7-8)-

„Le mois de mai est cher aux coucous et au rossignol.quot;

Sa complexion amoureuse et son sommeil léger sont passés en proverbe en gallois \'

Nid serchawg ond eos. (MA^., p. 856).

Hun yr eos. (MA.^, p, 863).

1)nbsp;Chansons populaires du Pays de Vannes, t. i, p. 36.

2)nbsp;„Whatever nucleus of fact there may have been, there can be no doubt that it was the Europe
convention that kept the nightingale so much to the fore in Dafydd\'s love-poetryquot; (Trans. 1912— 13»

p. 114).

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Si après tous ces témoignages de la familiarité des Gallois avec cet oiseau on persiste
pourtant à accorder une confiance absolue aux paroles du compagnon de voyap de
1 archevêque Baudouin, prises au sens le plus large, nous ne voyons qu\'une seule possibilité
de concilier ces faits contradictoires. Peut-être l\'oiseau appelé eos par les Gallois n\'est pas
Identique à
luscinia philomena. Il revient cependant aux seuls ornithologues de seprononcer
ce petit problème, que nous recommandons à leur attention.

Il y a un autre qui se rattache au coucou, l\'oiseau dont la voix sonore annonce le prin-
temps et qui, au dire de Llywarch Hen, occupe une large place dans le coeur de tousles
amants. Dans une églogue latine de l\'époque carolingienne, attribuée parfois à Alcum,
est complimenté de la façon la plus chaleureuse :

Salve dulce decus, cuculus, per secula salve!

dans une des plus anciennes chansons anglaises il est sollicité de faire entendre son chant
«mélodieux le plus haut possible :

Sumer is i-cumen in,
Lhude sing cuccu!

Nulle part on porte cependant au coucou plus d\'affection que dans les pays celtiques
es anciens poètes irlandais ne manquent pas de mentionner les coucous sonores (eût
ruatd) dans leurs descriptions des saisons ; dans les poésies très analogues du Ltme
commençant par Kintevin, ceinhaw amsser, et par Kalan gaeaf, la cog van n\'est
pas non plus oubliée :

Ban ganhont gogev ar blaen guit guiw
Handid muy vy llauuridet.

(Livre Noir, 33 : 4—8)-

»Quand les coucous chantent sur les cimes des arbres desséchés, la mélancolie S) m\'accable de
de plus en plusquot;.

Kein gywrev adar,
Hir dit, bann cogev.

(^Ibid. 83 : 18 î Livre Rouge, p. 8).

»Le chant des oiseaux est mélodieux, les journées sont longues, les coucous sont sonoresquot;.

le!^^^nbsp;vu déjà que Taliesin le citait à côté du rossignol comme l\'oiseau qui aime

n» n 1 ^ ^^^ avant tous les mois de l\'année. Mais c\'est surtout Dafydd ab Gwilym qui
hns ^^^^nbsp;chanter le plumage gris et la voix agréable de la „garde-forestier des

»pr^J^^^^^^ d\'étéquot; 6), et qui mérite pour cela plus que tout autre poète le surnom de
\'^y ydd de la forêt du coucouquot; qu\'une de ses amantes lui donne\').

2) y • ^^^\'^\'lardt. Der Kukuk, Z.f. deutsche Mythologie und Sittenkunde, vol III, p. 217.

=0 II n .^\'\'^^Se History of English Literature, t. i, p. 360.
derson c toutefois qu\'en Ecosse on le craint comme un oiseau
de mauvais augure. V. George Hen-

\'5) Le °nbsp;old Irish Songs of Summer and Winter, p. 8.

quot;lot doitnbsp;traduisent ainsi llawfrydedd, et le contexte suggère en effet ici ce sens, mais le

6)nbsp;swvd?nbsp;^^ Ilawrudd, llofrudd, „meurtrierquot;.

7)nbsp;Dr A A ^nbsp;hafddydd hir (DG. 210. 54). Le coucou (,cog) est féminin en gallois,
prydydd gwyddnbsp;y gog po. 180, 2).

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Toutefois ce n\'est pas uniquement ou même en premier lieu comme annonciateur du
printemps que le coucou a gagné une si grande sympathie chez les Celtes. Comme son
congénère indienne
kokila, dans la poésie érotique sanscrite, le coucou, qui n\'est pas nommé
une seule fois dans la poésie courtoise du Continent i), prend une place prépondérante
dans la poésie amoureuse d\'Irlande et duPays de Galles. Le vieux Llywarch, plongé dans
ses pensées mélancoliques, écoute la voix sonore des coucous bruyants à Aber Cuawgj
et médite tristement sur les sensations que leur voix avait éveillées dans son âme au temps
où il aimait encore. Dafydd au contraire, qui est à un âge plus apte aux plaisirs de l\'amour,
n\'éprouve que joie et bonheur quand le cri de son oiseau favori lui rappelle sa passion.
Il le mêle même tant de fois à ses aventures amoureuses qu\'on dirait que le titre d\'oiseau
de l\'amour
(edn y serch) lui revient avec au moins autant de droit qu\'au merle
Dans cette prédilection des poètes celtiques pour le coucou des vestiges de croyances fort
antiques sont encore clairement reconnaissables. Mannhardt, qui a consacré, il y a déjà
longtemps, une étude très intéressante à cet oiseau, nous apprend qu\'il représentait la
puissance génératrice chez les anciens Germains, qui à cause de cela lui vouaient un culte
divin N\'est-il pas extrêmement curieux qu\'encore au XIVe siècle Dafydd ab Gwilyffl
tâche de persuader une religieuse de ne pas écouter les scrupules résultant de sa foi et
d\'aller sous les bouleaux pour pratiquer le „culte de la forêt et du coucouquot; :

Dyred i\'r fedw gadeiriog
I grefydd y gwydd a
\'r gog.

(DG.i 10, 21—22 : Deth. 3, 21—22 ?)

Dans le Kalevaïa, l\'épopée nationale finlandaise, et par les poètes esthoniens, „tout ce
qui est gracieux et qui ravit le coeur est comparé au coucou, et avant toute chose la bien-
aimée.quot; C\'est ce que font aussi les poètes des chansons populaires irlandaises quand ils
nomment leur amie „un petit coucou sur le sommet de la montagnequot; et
assurent
que sa voix est neuf fois plus douce que celle du coucou chantant sur la branche ou que la
musique de l\'orgue :

\'S gur budh bhinne liom naoi n\'uaire i \'nâ cuach a\'s \'nâ orgâin.

(Conn., p. 72).

Is binne do bheôl

\'Nâ \'n chuach \'s i seinm go binn.

(Ibid., p. 96).

Rudh bhinne liom 1 naoi n -uaire \'nâ an chuach ar an gcraoibh.

(Ibid., p. 98).

Mais Dafydd aime également cette comparaison. Lui aussi nomme sa bien-aimée une

1)nbsp;On le trouve mentionné dans la description de la reverdie de CB. 108 : Cuculat et cuculus Fei
nemora vernata.

2)nbsp;DG., 130, 34 ; Deth. 28, 34.

3)nbsp;op. laud., p. 246.

4)nbsp;Dans un autre cywydd le coq de bruyère, l\'oiseau amoureux par excellence, est appelé un „fervent
de la religion de l\'amourquot; (crefydd serch crefyddus wyt DG. iio, 20; Deth., 34, 20).

5)nbsp;Mannhardt, op. laud., p. 295.

6)nbsp;a chuaichin bhairr an tsléibhe (Conn., p. 124),

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«niècle du coucouquot; i), une „soeur de la fille de Gwganquot; % et le barde Sippyn Cyfeiliog
appelle un „coucou modestequot;

Sur le Continent au contraire le coucou est loin de jouir de la même sympathie que les
poètes irlandais et gallois éprouvent pour lui. Là, on lui reproche sévèrement la coutume
peu louable qu\'il a de ne pas couver lui-même ses oeufs, mais de les déposer sans scrupules
ans les nids d\'autres oiseaux, qui naïvement les reconnaissent comme les leurs. Aussi
y est-il devenu surtout le type de l\'adultère et du ravisseur de femmes, et son nom seul
y suffit à épouvanter les maris jaloux Dans l\'art courtois le vilain oiseau ne figure pas
^ncore dans ce rôle, mais dans la poésie plus populaire, dont l\'esprit ne diffère pas tant
^e celui des cywyddau gallois du XlVe siècle, une place plus considérable lui est réservée,
oici par exemple en quels termes une mal-mariée parle du mari qui lui déplaît :

Je veux à ce vieux fou
Faire chanter le coucou.

(E. Rolland, Recueil de Chansons populaires, t. i, p. 88).

V.X1.nbsp;XVCt-MCtl. titnbsp;--------- —nbsp;ir -

^Jgt;ans la Messe des Oiseaux, poème curieux du trouvère hennuyer Jean de Condé, dont

us parlerons tout à l\'heure, le coucou tâche de perturber l\'assemblée par ses insinuations
perfides :

Ce fu li kuqus de pute aire,

a maint home a dit grant lait

Deseure iaus vint volant atant.
Durement de l\'aile batant :

......................................^ „Tout cukuquot;, fait il, „tout cuku 1quot;

{Dits et contes de Baudouin de Condé et de son fils Jean de Condé, p.p.

Auguste Schéler, t. ni, p. lo)-

Eustache Deschamps nous parle d\'un mari soupçonneux qui vient lui demander conseil
conduite, fort inquiet.

Car li cucus pourra pour moy chanter,
^ .nbsp;(Balade DCCCC,
éd. cit., t. V, p. gi)-

heu ^^ ^^^^^ raconte aussi comment, s\'étant levé lui-même un jour de mai de bonne
ehant écouter le gazouillement des oiseaux, il fut tout irrité de n\'entendre que le

coucou :

Adonc me pris forment a esbahir.
Et de son chant durement me courçay.
Qu\'en lieu d\'amer me rouvoit a hair.

(Balade CCCCLXXVI, éd. cit., t. lU, p. 296).

?) ch ^ ^nbsp;^77, 38).

est lenbsp;^^^^......i ferch Wgan farchoges {DG., J19, 29-30 ; Deth. i, 27-28). La „fille de Gwganquot;

101,^^34)\'nbsp;parle ailleurs de „coucous comme la fille de Gwganquot; (a chogau fal merch Wgon;

4Ïnbsp;^^^^^ 75. n).

mUan et 1\' ^^^^^nbsp;originalement dans la poésie galloise par les oiseaux de proie, surtout par le

Galles ennbsp;Jaloux, voulant chasser le poète qui s\'est glissé dans sa maison, éveille tout le Sud-

Madog Be\'^Tquot;\'^\'nbsp;filles!quot; (Y Deheu ef a\'i dihun Dan ddywedyd: barcud bun! DG., 20,43-44)-

de Sud? ^^ loloGoch nommentDafydd abGwilym dans leurs élégies respectivement un„bon autour
contrnbsp;^^^^^h Deheubarth, DG., p. xxxix, vs. 69—70) et „l\'autour des fillesquot; de

célèbre r f Hierched Deheubarth, DG., p. xli, vs. 13 ; IGE., 16, 13). Dans l\'élégie composée par
ûommeéeal^^ irlandais Carolan pour pleurer la mort supposée de son confrère MacCabe, ce dernier est
ement „l\'autour d\'Irlandequot; (ba tù seabhac na hÉirne,
The poems of Carolan, éd. cit., l, 50,1020).

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Ainsi le coucou devient la personnification de la jalousie. Dans le temple de Vénus,
érigé par Thésée, dont parle chez Chaucer le Chevalier à ses compagnons de
voyage,
il y avait une statue de Jalousie, qui portait un coucou perché sur sa main :

......lelousye

That wered of yelwe goldes a gerland
And a cokkow sitting on hir hand.

(éd. Skeat, t. iv, p 56).

Or, c\'est cette appréciation-là du coucou, si profondément différente des sentiments
qu\'on lui portait dans le monde celtique, qui a fini par s\'introduire aussi dans la poésie
galloise.
Eiddig, l\'ennemi de Dafydd ab Gwilym, n\'a pas moins d\'horreur de l\'oiseau fatal
que ne l\'a Eustache Deschamps :

Na châr nag eos, na chog

(DG. 89, 15 ; Deth. 4, 15).

,,I1 n\'aime ni le rossignol, ni le coucou\'

Crych fyr yw, y crach feriog,
Cryd gwern, nid cariad y gog.

(DG. 90, 13—14)-

„II est petit et tout ridé, il a les jambes galeuses, il tremble comme une aune, et il n\'est pas
l\'ami du coucouquot;.

Dans une autre chanson fort burlesque (DG. 100), le poète nous trace un tableau très
vivant des persécutions que le Jaloux exaspéré fait subir à son bourreau i). Rien de plus
caractéristique toutefois dans cet ordre d\'idées que le conseil donné par le milan à
Dafydd.
Si le poète est sage, jamais il ne conclura un mariage, mais il fera l\'amour à la façon du
coucou dans le bois :

A gwrthod pob priodas

Ond gwaith y gog dan y glog glas.

(DG., 115, 29—30).

Le barde ne demandait pas mieux. Malheureusement il devait à son tout essuyer l\'humi-
liation d\'être remplacé dans les bonnes grâces d\'une jeune beauté par un rival, et
alors
c\'était lui qui fut raillé impitoyablement et traité de „sale coucouquot; :

Yn gwcwallt salw i\'m galwant.

(DG. 71, 39; Deth. 8, 43).

Ce terme czocwallt, dérivé de la forme moyen-anglaise cokwold % montre que nous sommes
ici en présence d\'un trait originalement étranger à la poésie gaUoise.

Est-ce aussi le cas pour la coutume propre à Dafydd ab Gwilym d\'attribuer des fonctions
sacerdotales à ses oiseaux favoris ? Ainsi le coucou chante les heures, le pater et les psaumes

1)nbsp;Parmi les oiseaux, le pauvre Eiddig a cependant encore un ami : c\'est la corneille (edn eiddig DG-
84, 49). Quand le barde le trompe dans sa maison, il crie comme une corneille qui a perdu son frère :
fal brân am ei brawd.
(DG. 20, 38).

Observons que le poète de l\'ancienne chanson flamande de l\'alouette connaît la graille comm®
l\'attribut de l\'envieux : Nider boos, onreine vilein. De roue die es wel dijn compein, Neimt dien in u
bedwanc
(Oudvlaemsche Liederen en andere Gedichten, t. i, p. 206).

2)nbsp;V. aussi le poème appelé The Cokviolds Daunce (XlVe siècle).

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et sonne les vêpres i). Le rossignol chante les psaumes, sonne la messe et la célèbre

également 2). Le merle chante les hymnes La grive chante les matines ; c\'est un primat

qui lit l\'évangile, prêche le sermon et célèbre la messe 4). L\'alouette chante les heures

^J^^rle, le cygne et le coq de bruyère portent l\'habit de la religion

M. Ifor Williams, qui rapproche ces chansons et surtout le cywydd DG. 45 d\'une parodie

ort irrévérencieuse de l\'office de la messe dans les Carmina Burana (no. 189), les invoque

eomme preuves des relations de Dafydd avec les clercs vagants Nous doutons cepen-

ant fortement qu\'en les composant il ait voulu faire oeuvre de parodiste. La littérature

^ediévale est pleine d\'allusions très familières au culte et à la religion par des auteurs qui

paient de bons catholiques. Du reste la comparaison de l\'oiseau chanteur au célébrant

^e la messe est très courante dans la poésie. Gaston Paris a observé que dans la poésie

^rançaise les oiseaux et avant tous le rossignol „étaient regardés non seulement comme

chantres, mais en quelque sorte comme les prêtres de l\'amourquot; «). Dans les chansons

retonnes aussi les oiseaux font fonction de prêtre. Voici par exemple deux strophes de
Son

Me iel\' ive\' \'me \'r vioc\'h,
Evit zicour da zon ar c\'hloc\'h.

curieuse des noces du roitelet :

Me ier ive, \'me \'r c\'hefelec,
Hac a raïo coant ar bêlec.

ànbsp;«iit la bécasse Et je ferai gentiment le prêtre. J\'irai aussi, dit la sarceUe Pour aider

sonner la cloche.quot;

(Sônîou., 1.1, p. 56, 57)-

sem^r^ l\'on croit que le barde gaUois a eu des modèles étrangers, il paraît fort invrai-
nat ^^^^ ^^ inspiré de cette pièce latine des
Carmina Burana, qui est d\'une
^ \'^^e toute autre que les siennes. Il existe cependant un travestissement de l\'office de
Lanbsp;composé au commencement du XlVe siècle par Jean de Condé sous le titre

aux^^^^^ ^^^nbsp;et li plais des chanoinesses et des grises nonains, qui ressemble déjà plus

jQ^^y^yddau en question Dans ce poème curieux, qui est une parodie complète de
teor ^^ ! ^^rémonies de la messe, le rossignol, obéissant aux ordres de Vénus, dit le confi-
ant
nbsp;avec la calandre chantent l\'introït. Après que le choeur des oiseaux a
suiv\'^d ^ ^^ ^^ rossignol chante le
Gloria in excelsis et puis il dit le dominus vobiscum,
l\'ain • ^^ ^^ inauvis ensuite lit l\'épître;la calandre et l\'alouette entonnent ensemble
le ch ^^^^^ 1® ^erle a fini la lecture de l\'évangile, le rossignol chante le crédo, et
l\'offrande. C\'est le perroquet qui fait le sermon et qui offre le pardon aux

1)nbsp;A 5

Uais arall m® ^^^^ f\'enaid a gân Ar irgoed fal yr organ Paderau ac oriau \'n gall A llaswyrau,

2)nbsp;gnbsp;32^ 45—48 ; Deth., ig, 45—48 ?). Cloch osber hyd banner haf (DG. 201, 24).

cloch ab ^^ ^nbsp;31—32)- Cloch aberth y serchogion (DG. 114, 35)-1 gant a gân...

^4522—23quot;^nbsp;^7—28 ; Detfi. 36, 29—30). Ofieren dan ddeilen deg Gan laswyrwraig y cariad (DG.

f) pl?\'quot;\'-nbsp;\'^\'^rayn di (DG. 130, 3 i Deth. 28, 3-

^fengyl ^^ ^ darllain (DG. 219, 15 ; Deth. 35, 15) Primas mai (Deth. 35. 30). Darllain l\'r plwyf......

219 ,nbsp;^^ f^yn...... afrlladen o ddeilen dda (DG. 45, 21-24 ; Deth. 36, 23-26). Pregethwr (DG.

35, 27).

S) ^TlYquot; 95, I ; Deth. 32, I).
iio^ 19 ;nbsp;...... gasul
(DG. 130, 29—30 ; Deth. 28, 29—30). Crefyddwisg it a wisgwyd (DG.

7)nbsp;Tran^ \'nbsp;Salch, fal abad gwyn (DG. 190, 2 ; Deth. 26, 2).

8)nbsp;OriJ^quot;nbsp;14, p. 152 ; Deth., p. Ixii.

P- 14, note. 9) éd. cit, t. m, p. i et sei\'.

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vrais amants, qui battent leur coulpe. Après, le rossignol chante la préface et les oiseaux
chantent le
sanctus. Ensuite l\'officiant fait l\'élévation, non pas de l\'hostie, ou d\'une feuille,
comme le fait la grive chez Dafydd, mais

D\'une flour plaisant a merveille,
Ki nommée est rose vermeille.

Puis, le rossignol chante le pater, et le choeur Vagnus Dei. La colombe porte la paix aux
amants. Enfin, après que les oiseaux ont chanté ensemble la postcommunion, et que le
rossignol a dit la dernière quête, le merle prononce
Vite missa est. Les oiseaux répondent
Deo gratiaSi le rossignol leur donne la bénédiction et finit par la lecture de l\'évangile.

On aura constaté que chez le trouvère hennuyer et le barde gallois le rossignol s\'acquitte
des mêmes fonctions. En général l\'intention
du premier est bien plus nettement parodique,
et le ton de sa pièce est plus irrespectueux.

Le Messager {Llatai)

C\'est ici que nous voulons aborder à notre tour une des questions les plus intéressantes
qui se rattachent à l\'étude de l\'oeuvre de Dafydd ab Gwilym, nous voulons dire l\'origine
de cette figure caractéristique pour la rhieingerdd et invoquée sans cesse par les partisans
de la théorie provençale qu\'est le messager d\'amour {Llatai). En réunissant péniblement
les matériaux qui peut-être nous permettront de proposer une solution nouvelle et satis-
faisante de l\'ancien problème, ce que nous avons regretté le plus, c\'est qu\'il
n\'a pas été
donné à Gaston Paris de publier l\'étude sur
l\'histoire poétique du rossignol que vers la
fin de sa vie il s\'était proposé d\'écrire

Le mot déjà offre des difficultés aux étymologistes, car les textes ne permettent pas de
le poursuivre plus avant que le commencement du XlVe siècle. Tout ce qu\'on peut assurer,
c
\'est qu\'il paraît être plus ancien que la poésie de Dafydd ab Gwilym, car les triades
suivantes, insérées dans plusieurs rédactions de l\'Art poétique gallois, ont été attribuées

dès le XVe siècle à......ap Adaf ap dayd, qui est probablement identique à Gruffydd ab

Adda ab Dafydd, un contemporain un peu plus âgé de Dafydd ab Gwilym :

Tri ymlynyat serch. kywyd ac eglyn a llattei. Tri hydyp serch ouereireu bocsachus. a mynycb
olygon a Ilawer o latteion

Quant à l\'étymologie du terme, nous croyons que Stern a eu raison d\'y reconnaître le
mot
Had „don, faveurquot; 3). Seulement nous supposons que le llatai n\'est pas un porteur de
cadeaux, mais au contraire un messager qui demande un don pour son commettant, oU
peut-être pour soi-même comme récompense pour sa commission
{coeljain). Le gallois
forme au moyen d\'un suffixe
-ha, qui implique souvent l\'idée de „demanderquot;, des verbes
dénominatifs, comparables aux verbes irlandais en -aigim. Ainsi de cardawd „charitéquot; on
a formé un verbe
car dota „demander la charitéquot;, de blawd „farinequot;, blota „demander de

1)nbsp;Ong., p, 14, note i).

2)nbsp;Ces triades se trouvent inscrites par une main du XVe siècle dans le Llyfr yr Ancr., p. 2B. (é»-
Rhys-Morris Jones, p.
xni). Cf. Pum Llyfr, éd. cit., p. CVI. Cf. aussi le vers de Gruffydd ab Dafydd cité
à la page 25, note 2.

3)nbsp;Z/cP., vol VII, p. 129.

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(LLATAI)nbsp;_^

la farinequot;. Comme nomina agentis de ces verbes on trouve des substantifs en -hai, qu\'on
peut comparer aux substantifs irlandais en
-aige. Ainsi on trouve cardotai „mendiantquot;
^ côté de
cardawd et de cardota, bîotai „demandeur de farinequot; à côté de hlawd et de hlota.^ Il
^st vrai
qu\'un verbe * llata n est pas connu, mais llatai nous semble pourtant formé de
Ti\' P^^t-être par analogie avec les substantifs cités, au moyen de ce suffixe
-hai, dont le
déyocalise la consonne précédente i). Le nom est donc incontestablement d\'ongme
galloise ; la chose le serait-elle aussi ?

On peut distinguer plusieurs types de llateion dans les chansons de Dafydd. Le cas le
simple se produit quand il envoie une personne avec une commission à sa bien-aimée.

le page à qui il a commandé d\'offrir deux gallons de vin de sa part à la belle de Rho-
se fait connaître à elle comme le
llatai du poète fameux :

Dafydd, awenydd wiwnwyf,
Lwytu-wr a\'i latai wyf 2).

^.Dafydd, le poète passionné aux cheveux grisonnants % dont je suis le llatai.quot;

Probablement il s\'agit aussi de personnes dans les passages où il est question d\'un llatai
que sa qualité soit précisée Or, rien de plus conforme à la réalité qu\'un amant
peut disposer d\'un serviteur ou d\'un ami dévoué dont il se sert comme postillon
amour. AussiDafyddn\'a nullement eu besoin de connaître des littératures étrangères pour
venter ce personnage du
llatai humain. D\'ailleurs celui-ci figure longtemps avant lui
la littérature celtique.
Curithir envoie le bouffon Mac Dà Cherda à la poétesse Lia-
am pour lui indiquer un rendez-vous s) ; la fée Fand députe son frère Oengus et sa soeur
^it^an
à Cuchulainn, dont elle est tombée amoureuse ; du temps de Colum Cille il y
ait en Irlande des écoliers qui entretenaient des relations avec des femmes de clercs
^ inoyen d\'intermédiaires
\'). Au Pays de Galles, le poète Gruffydd ab Dafydd, qui vivait
^^^a fin du XlIIe siècle, se plaint que sa dame n\'a pas envoyé d
\'Eittun, où elle demeure,
®^essager (cennad) pour répondre à ses compliments réitérés :

Yt oedd cam llwrw, cytgam llif,nbsp;O Eittum gennad attaf

Nad anfonud, hud hoywdwf,nbsp;Hyd tra gaid enaid ynof.

m\'aye^f un méfait, un jeu navrant, o femme à la figure enjouée et ravissante, que vous ne
envoyé d\'Eittun un messager tant q

(Gog., p. 206).
ante,

messager tant que mon âme ne s\'était pas encore envoléequot;.

Oe^loiT\'nbsp;Keltische Grammatik, t. Il, p. 23 i Morris Jones, A Welsh Grammar, p. 232, 383- On

denbsp;P^® nonplus nn vexht* hawa k coté àtbawai (bawheion, Pemarth 57, éd. cit., p. 2) „salaud\'

»ordures.quot;

3)nbsp;Irjf ^^ ^^\'\'»\'tephan 6, p. 15. Cf. DG. 21, 39-41-

chose d 5 - •nbsp;Dafydd est en effet appelé mabgmmu (DG. 191, 20,39). S il y a quelque

langues ,nbsp;Pour un étranger, c\'est la signification flottante des noms des couleurs dans les

les vernbsp;^^^^le-t-il quen\'est pas seulement „grisquot;, mais également „brunquot;. Cf.

yw Rholnbsp;^^ lolo Goch : Llwydion fu\'r saint, geraint gu, Llyw disyml, llwyd yw lesu, Llwyd

4)nbsp;rhylew Llwyd fydd yr eryr a\'r llew (IGE. 4, 49—52).

6) Ser r^ \'nbsp;34- 5) Liadain and Curithir, éd. Kuno Meyer-, p. 14.

mge Conculaind, cap. 11-14 (Windisch, Irische Texte, p. 208 et seq) 7) ZfcP., vol. V, p. 34-

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Nous ne nous occupons pas ici du type de la Vieille, qui fait parfois aussi fonction de
llatai. Quand à sainte Dwyn, à qui Dafydd ab Gwilym adresse la prière bizarre de lui
procurer un rendez-vous avec sa Morfudd
{DG. 79), elle appartient également à cette
catégorie de
llateion humains. Elle vivait comme la patronnesse des amoureux dans la
tradition locale de JMLon, dont le poète s\'est manifestement inspiré.

Très souvent la tâche du llatai était de transmettre à la dame le poème composé en
son honneur que le poète lui avait confié. Déjà Cynddelw avait chargé les demoiselles
d\'honneur de la princesse Efa de lui réciter sa belle
Rhieingerdd et celles-là s\'étaient em-
pressées de s\'acquitter de cette tâche :

{Gog.y p. 46).

Rienit iti a dywedynt
Rieingert Eua a vawrheynt.

De même les troubadours aimaient à donner des recommandations à leur messatge
sur la transmission et l\'exécution de la chanson. Peu à peu la canso même, destinée à
rappeler le poète dans les bonnes grâces de la dame, assume dans l\'idée du troubadour
cette fonction de messager et ainsi on trouve souvent des
tornadas comme celles qui sui-
vent :

Chanso, vai t\'en a la Mura ;
Mo Bel Vezer me saluda.

Chansoneta, ar t\'en vai
A Mo Frances, l\'avinen,
Cui pretz enans* e melhura :

Qui c\'aya valor perduda,
La sua creis e melhura.
(Bernard de Ventadour,
éd. cit., 8, 53—56)-

E digas li que be\'m vai.
Car de Mo Conort aten
Enquera bon\'aventura.

{Ibid. y 16, 49—54)

Or, dans un cywydd où Dafydd ab Gwilyn fait la comparaison entre l\'amour et l\'agri-
culture, il y a un passage où il donne à sa chanson le titre de
,,llatai d\'un Ovide (c.à.d.
de l\'auteur) modestequot; :

Llatai, hwyl difai hael Dad,
Ofydd gwyl, a fydd geilwad.

{DG. 200, 25~28 ?)

,Et toi, chanson tissée, qui es, grâce au Père généreux, le résultat irréprochable du travail d\'un
seigneur sous les cimes des arbres,
llatai d\'un Ovide modeste, tu seras le bouvierquot;.

Serait-ce une invention du barde gallois ? Nous n\'oserions l\'aflamp;rmer, et en tout cas
il n\'est pas nécessaire d\'admettre qu\'il doive aux troubadours cette idée qui à leur instar
a été développée aussi par les poètes artésiens, et notamment par Adam de la Halle :

Canchons, va t\'ent ou aller n\'oseroie ;

Soies saluans

De par mi les ius rians

Pour cui mes cuers me renoie !

{éd. Berger, ix, vi).

De ceste canchon jolîe
Feïsse a li messagier.
Mais mius le me vient laissier
C\'on le me ëust renvoie.

{Ibid., xv, vi)

i) L\'idee avait été exprimée plusieurs fois par Ovide, par exemple dans les vers suivants : Vade
liber, verbisque meis loca grata saluta. Contingam, certe, quo licet, illa pede. Si quis, ut in populo nostri,
non immemor illo. Si quis, qui, quid agem, forte requiret, erit, Vivere me dices ; salvum tamen esse
negabis {Tristia, I, l, 15-19). Cf. Manda liet, manda liet. Min geselle chumet niet fCß. 141, refrain)^
et Chaytor,
op. laud., p. 138, 140.

A thithau, cerdd blethiedig,
Gwaith unben dan bren a brig.

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Cependant les chansons de llatai les plus caractéristiques pour le genre dont Dafydd
passe jusqu\'ici pour l\'inventeur sont celles où un de ses animaux favoris remplit le role
du messager. En général il recrute ses postillons d\'amour parmi les oiseaux, et ainsi on
Jfouve en son service le goéland, le merle, la grive, le rossignol, le coucou, la becasse,
1 alouette, le coq de bruyère, l\'hirondelle, l\'aigle, la pie, le cygne. Pourtant il ne dédaigné
pas non plus les services des autres animaux renommés pour leur vitesse, tels que le che-
vreuil et même le saumon et la truite.nbsp;,
^ Il est fort bien concevable qu\'à un poète qui se sent aussi proche de la nature comme le
^a« Dafydd ab Gwilym,
l\'idée de se servir comme messagers des amis ailes
voyait autour de lui a pu se présenter spontanément. On peut en effet mdiquer
dans son oeuvre des passages qui autorisent la supposition
que parfois les choses se sont
passées ainsi. Le cywydd
DG, 78 en est un bon exemple. La vue de la boulaie le fait penser
combien ce site serait approppré à un
rendez-vous avec sa mie, et il se complaît a 1 avance
dans cette idée. Alors le rossignol attire son attention, et aussitôt il s\'avise que ce serait
nu messager excellent :

Yr eos fain adeinllwyd.nbsp;Bid i) nerth ar ael corbertm, _

Llatai ddechrau mai im wyd.nbsp;G^na ddydd rhwng Morfudd a mi.

(DG. 78, 33—36 ; Deth, 43= 33—35).

»Petit rossignol aux ailes grisâtres, tu es mon llatai au commencement de mai Elève-toi avec
force au-dessus des broussailles et fais tant que j\'aie un rendez-vous avec Morfudd .

Une autre fois quand il souffre de ce que sa belle le boude, l\'idée lui vient qu\'il convien-
rait à l\'alouette d\'aller apaiser sa colère, pour l\'amour de la forêt :

Gweddied i\'r ehedydd

Llaesu \'r gwg, er lies i\'r gwydd.

(dg. 157, 13—i4î Deth. 12, 13—14?)-

Cela n\'empêche pas cependant qu\'il est absolument inadmissible que les chansons de
««^az typiques aient été composées ainsi. Rien de moins spontané, de plus conventionnel
rn ^^^^^^ les cywyddau de ce genre, qui tous ont été construits sur un meme se ema,

^nie il paraîtra des exemples qui suivront ici :
^^i^afydd commence en général ces chansons par saluer l\'animal en question, qm le plus
nvent est décrit en détails alors :

Dydd da i\'r \'deryn gwarynlais,

Y cyfTylog lidiog lais.nbsp;^^^^^^ ^ ^

»Bon-our, oiseau aux cris heurtés (?), bécasse à la voix irritéequot;.

Dydd da i\'r gog serchog fwyn

Ei Uais ar ganghen-frig llwynnbsp;^^^ ^^^ ^^^

»Bonjour coucou amoureux, dont la voix sonne doucement sur les bouts des branches des arbresquot;,
^suite il lui donne en quelques mots l\'ordre d\'aller à la demeure de sa mie :

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192nbsp;LE CADRE RUSTIQUE

Dos i ymweled a\'m dyn.

(DG. 164, 34)-

Dwg ruthr mal gwynt, helynt hwyl,
I Feirionydd, f\'aur annwyl.

,Va visiter ma chérie.\'\'

(DG. 189, 17—18 ; Deth. 33,17—18).
„Elance-toi, comme le vent, à voiles déployées, à Meirionydd, cher amiquot;,
Dos i Gemais i dir.

(DG. 190, 40; Deth. 26, 40).

„Va au pays de Gemais.quot;

Nofia gyfair Ilys Grairwy,
„Nage vers la résidence de ma Creirwyquot;nbsp;i).

(DG. 206, 31).

Parfois le poète s\'avise que cette indication sommaire n\'est pas assez claire pour le
messager et alors il y ajoute des détails pour que celui-ci puisse reconnaître plus facile-
ment la belle ou sa demeure ;

Henw\'r ferch a annerchir

Hyn yn wawd yw ei henw\'n wir :

U sy\' fry, H hy hoywen,
A thair D, ac Y, ac N.

(DG. 190, 43—46 ; Deth. 26, 43—46. Cf. DG. 166, 9—10 ?).

„Voici comment on peut mettre correctement en vers le nom de la jeune fille qu\'il faut saluer
d\'abord il y a un U, puis un H, belle lettre agréable, le troisième est un D et ensuite viennent Y et
Nquot;. (Hunydd).

Hawdd y medrwn, gwn gan glwyf,
Henwi Gwen, dihunawg wyf !

S ac E ac Ilythyr hefyd,
N ac A, dwg hynny gyd.

(DG. 210, 17—20).

,Je pourrais facilement indiquer la belle par son nom — ah ! je souffre de cent blessures, je meurs
d\'insomnie ! Il y a un S, un E, une autre lettre, un N et un A : combine tout celaquot;. (Annes) quot;)•

1)nbsp;Cf. DG. 16, 23—24 ; DG. 72, 13—14 ; DG. 75, II—16 ; DG. iio, 41—44 (Deth. 34, 41—44) 5
187, 9—12 (Deth. 27, 9—12).

2)nbsp;Stern a déjà rapproché ces deux passages d\'une chanson provençale et d\'une poésie arabe où
respectivement les noms d\'une dame et d\'un garçon aimé sont indiqués de la même façon
(V. ZfcP-t
vol. VII, p. 60, note 2). On trouve d\'autres exemples gallois de ce jeu poétique dans la Bîodeugerdd
Gymry, p. 179 et 216, où respectivement les noms Palendein (?) et Margaret Anwyl sont décomposés ainsi-
On pourra du rexte rencontrer ces tours de force dans toute poésie où l\'adresse technique et le
souc»
de la forme sont considérés comme essentiels. Voici un exemple irlandais :

Nion, ruis, dâ onn, agus ailm A hainm ni chuireabh i gcruas, Ise ni cheilfeam ar châch „Un N, un R»
deux O, et un A, voici son nom que je ne veux pas endurcir, et que je ne cacherai pas devant tout le
mondequot;
(Ddnta Grâdhaquot;^, 89, 13—15). Un poète anglais joue ainsi du nom de la Vierge :

Of M AR Y syng I wyll a new song Of this iiij letters purpose I, OfM, and A, R and I, They betokyquot;
maydMary. (Wright, Songs and Carols, p. 31). Un poète flamand ne se contente pas de moins de cini
strophes pour combiner de différentes façons les trois lettres qui forment ensemble le mot
Mey „mai •
(Oudvlaemsche liederen, t. i, p. 102—103). Çf. aussi la ballade DCCLXV d\'Eustache Deschamps :
P. H. et E. L. I. P. P. E. trace. Assemble tout ; ces vu lettres compassé, S\'aras le nom de la fleur de
valour Qui
a gent corps, beaux yeux et douce face (éd. cit., t. iv, p. 260).

-ocr page 209-

«Quand tu seras venu, prince bicolore, au delà du gué ridé et de la pente, tu pourras voir
à travers l\'eau claire comme un verre, — tourne - toi seulement pour regarder — de belles
maisons, des clairières et des vergers, un lac à un ou deux endroits.
C\'est là que demeure la belle
dont le teint est comparable à celui de l\'hirondelle sur les flotsquot;.

En donnant ses ordres au Hatai, le poète se fait parfois des soucis à cause des dangers
qui menacent ce messager en route, et il ne lui ménage pas ses bons conseils. Le chevreuil
doit se garder de Buli et de lolydd, les chiens du long baron, qui peuvent le poursuivre
J^n sa marche à Towyn i). La bécasse doit être sur ses gardes pour éviter le chasseur qui
. guette et les filets qu\'on lui a tendus, et tant pis pour elle ! ses craintes ne se trouvent
^tte que trop légitimes 2). Le Jaloux aussi fera de son
mieux pour intercepter les commissions
la part de l\'amant de sa femme ; aussi l\'alouette aura à esquiver sa flèche Il n\'y a
que le vent et sainte Dwyn qui puissent se croire à l\'abri de cet ennemi redoutable

Quant au contenu du message, parfois le llatai n\'a qu\'à transmettre une lettre à la
^emme aimé^ -

aimée

A ddygi yn ddiogan,
Llathr o glod, fy Ilythyr glan
At ferch sy\' a\'i serch yn saeth ?

(DG. 28, 7—9 ?)

«Veux-tu porter sans t\'attirer des reproches, o messager d\'une réputation intacte, ma belle lettre
à la jeune fille dont l\'amour est comme une flèche ?quot;

Dyro, a hed ar fedwlwyn
Lythyr i\'r ferch lathrair fwyn

(DG. 210, 49—50).

«Porte, volant au-dessus de la boulaie, une lettre à la jeune fille dont les paroles sont agréables
et doucesquot; 5).

Le plus souvent cependant il s\'agit de lui présenter les compliments du poète :

Dwg i liw Nyf
Ddeg annerch oddigennyf.

(DG. iio, 45—46 ; Deth., 34^ 45—46)-

«Porte à la belle dont le teint égale celui de Nyf (ou de la neige) bien des compUments de
partquot;.

Dwg i wraig Ddafydd dydd da.

(DG. 189, 20 ; Deth. 33, 20).

«Souhaite le bonjour à l\'épouse de Dafydd.quot; «).

denbsp;^^ a pour mission de faire savoir à la belle combien son amant souffre

pour elle et combien il est digne de pitié :

(ûinbsp;25-28. 2) DG. 72, 27-36. Cf. DG., 210, 35-44- 3) DG. 95gt; 51-62 ;

6) Drnbsp;^^ 69, 13-14; DG. 19, 27-30. 5) Cf. DG. 16, 3-4-

15-18^nbsp;; DG. 75, 39-40 {Deth. 29, 39-40) ; DG. 95, 15-18 {Deth.

gt; ; DG. 130, 23—24 {Deth. 28, 23—24) ; DG. 164, 50.

A llennyrch a pherllannau,
Llyn o ddwr mewn lie neu ddau.
Lie mae\'r dyn a\'r lliw mor deg
A\'r wennol ar y waneg.

(DG. 75, 17—24; Deth. 29, 21—26).

Pan ddelych, penna\' ddeuliw,
Goruwch y rhyd grech a\'r rhiw,
Tra gloyw wydr, treiglia i edrych,
Ti a gai weled tai gwych

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194nbsp;^^ CADRE rustique

Dywed na byddaf,
Fwynwas coeth, fyw oni\'s caf.

(DG. 28, 23—24 ; Deth. 30, 19—20).

„Dis lui, cher ami, que je ne serai vivant avant que je ne la possèdequot;.

Gofyn, oedd gyfion iddi,
Ddyn fain deg, ddwyn f\'enaid i

(DG. 75, 61—62; Deth. 29, 65—66).

„Demande si c\'était juste de la belle svelte de m\'enlever mon âmequot;.

Addef fy nolur iddi
A maint yw fy amwynt i.

(DG. 190, 49—50 ; Deth., 26, 49—50)-

„Fais lui connaître ma douleur et combien ma maladie est gravequot;.

Mais il semble que le souhait le plus ardent du poète est que son messager réusisse
à effectuer un rendez-vous avec la bien-aimée :

Dywed i Wen ysplennydd
Deled i oed, deuliw dydd.

(DG. 110, 51—52; Deth. 34, 51—52).
„Dis à la blanche resplendissante, dont le teint est deux fois plus clair que le jour, qu\'elle
vienne
au rendez-vous.quot;

A dwg wen eurwallt bennoeth
Allan i\'mddiddan, em ddoeth

(DG. 210, 63—64).

„Amène moi dehors la belle à la chevelure dorée, la perle sage, nu-tête, pour que je puisse parler
avec ellequot;.

Il arrive aussi que Dafydd profite de l\'occasion pour lui donner des conseils sur son
attitude à l\'égard de son mari :

Gwnaed y naill, gwynn a\' dyn yw,
Ddyfr fain, o Ddofr i Fynyw :

Ai dwyn f\'enaid, dyn wan feinwr.
Ai meddylio gado\'i gwr.

(DG. 75gt; 63—66 ; Deth. 29, 67-70)-

„Qu\'elle fasse l\'un ou l\'autre, la Dyfr svelte, qui est la plus blanche de Douvre à Saint David : ou
bien qu\'elle m\'enlève mon âme, l\'épouse d\'un homme faible et chétif, ou bien qu\'elle pense
quitter
son mariquot;.

Nad êl na lliw nos na dydd,
(F\'ail enaid, fraisg euraid frig,
Wyl oedd) ar wely Eiddig.

(DG. 189, 24—26 ; Deth. 33, 24—26).

„Qu\'elle ne monte — c.à.d. mon autre âme, à la chevelure épaisse aux points dorés, qui est si
modeste — ni la nuit ni le jour sur la couche du Jalouxquot;.

Enfin, variant gracieusement le thème conventionnel, il prie le llatai quelquefois de
transmettre ou de demander un baiser à la dame :

1)nbsp;DG. 69, 54 (.Deth. 31, 54) ; DG. 72, 41—42 ; DG. 75gt; 49—53 iDeth. 29, 51—55) î DG. 187, 23—28
(Deth. 27, 23—28); DG. 189, 33—38 (Deth. 33, 33—38).

2)nbsp;DG. II, 8, 16, 28—30; DG. 79, 43—46; DG. 164, 51—60.

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^Ij^f^SAGEl^ATAl)nbsp;__^

A cliusan i\'m bychan beth.
Dyddgu liw gwynblu geinbleth.

(DG. ï6y 33—34)-

»Et donne un baiser à ma petite, à Dyddgu aux belles tresses, au teint comparable au duvet
blancquot;

A chais un o\'i chusanau,
Yman i\'w ddwyn ym, neu ddau.

(DG. 95, 19—20; Deth. 32, 19—20).

»Et demande lui un ou deux baisers pour me les porter iciquot;.

Mwyn dy gais, myn dau gusan

(DG. 187, 38 i Deth. 27, 38).

»Ta requête est charmante, demande deux baisers.quot;

Avant de s\'acquitter de sa commission, le llatai se fera connaître à la femme comme
n personnage digne de foi au moyen de signes convenus. A cet effet il se sert
à\'arwyddion,
^^ots d\'ordre connus des deux amants, comme Yr haf hwn „cet étéquot; Au coucou, qui
^ i porte un message, Dafydd demande le mot, qui est alors : 3;
gog adeiniog o\'r dail „le
^oucou ailé du feuillagequot; % Il y a aussi des
arwyddion d\'une autre nature, comme celle
ont se sert la truite : celle-là porte sur elle une
arwydd muni du „sceau de l\'amourquot;
p f son identité
mes^ag^ ^^afydd finit parfois ses exhortations en implorant la protection divine sur son

Duw i\'th gadw, doeth geidwad,
A braich Cynfelyn rhag brad.

(DG. 16, 45—46).

»Que Dieu, le sage protecteur, et le bras de Cynfelyn te préservent contre toute trahisonquot;.

tirig pen, uwch ben y bydnbsp;Ond rhadau y deau Dad,

^^ gynnail, iaith dda gennyd,nbsp;A\'i firagl ami a\'i fwriad

(DG. 95, 45—48 ; Deth. 32, 45—48).

»Ce ne sont pas les sommets des arbres au-dessus de la surface de la terre, dont tu aimes le lan-
gage, qui te protégeront, mais la grâce du juste Père et ses miracles innombrables et ses

dispositionsquot;.

Duw ren arglwydd rhagod rhwydd.

(DG. 206, 27).

»Que Dieu le Seigneur aplanisse les difficultés devant toiquot;.

ventin ^nbsp;seule chanson de llatai qui se distingue légèrement de la forme con-

lequelTnbsp;cywyddau que nous venons d\'analyser. C\'est le cywydd DG. 210, dans

le salu ^nbsp;raconte comment le coucou, qui vient avec un message de sa mie,

connaître au moyen de Varwydd, lui transmet les compliments de la dame

f^\'f- 37-38.

3) Varfnbsp;a wyddwn Rhof fi a hi yr haf hwn (DG. 187, 21—22 ; Deth. 27, 21—22).

variante denbsp;ni-nbsp;, .

Erof fin, --DG: y gog ardymiog.

® aussi le se hnbsp;cariad, brofiad braw, O air orn a roir arnaw (DG. 206,28-30). Arwydd

couteaux»nbsp;d\'ordre dans l\'Vstorya Brenhinedy Brytanyeh. A l\'occasion de la „trahison des longs

donnentnbsp;^^ Hengist était : Nymyth awr saxys {Bruts, p. 139)? Dans la rhieingerdd les amants

aussi des arwyddion comme témoignages de leur amour. V. Stern, ZfcP-, vol. VIL, p. 240.

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et rend compte de l\'issue fatale de la mission de la bécasse. Aussitôt après le poète lui
commande de retourner immédiatement à son amante avec une lettre et une
commission.

Il est tout à fait improbable que Dafydd ab Gwilym ait été au Pays de Galles l\'inventeur
de la chanson de llatai et qu\'il se soit plû à imiter jusqu\'à quinze fois un modèle ébauché
par lui-même. Il est évident qu\'on est ici en présence d\'un type littéraire qui était déjà
conventionnel à son époque ; la question est seulement de savoir à quelle source le barde
a puisé. Ce n\'était probablement pas la poésie latine du moyen âge, dans laquelle la chanson
Philomena, praevia temporis amoeni, attribuée longtemps à saint Bonaventure, constitue
un exemple isolé de ce genre Il est également invraisemblable qu\'il se soit inspiré
directement ou indirectement des rares spécimens de la chanson du messager dans la
poésie courtoise, provençale ou française. En effet, la chanson
Estornel, cueil ta volada,
et sa suite, deMarcabrun % l\'imitation faite de celles-là par Peire d\'Alvernha comme
la poésie française intitulée Le sort des dames % sont d\'une structure qui est toute autre
et même plus compliquée que celle des cywyddau de Dafydd. Dans les poésies provençales,
les instructions données par l\'amant à son messager ne forment que l\'introduction;
la relation du voyage de l\'oiseau et de son retour, et surtout son dialogue avec la dame
forment la partie essentielle. Nous ne croyons pas non plus que l\'identification, faite
par Stern, de
Vensenha dans la chanson de Peire d\'Alvernha avec Varwydd de Dafydd
ab Gwilym constitue un argument très fort pour sa thèse. Chez Peire, le rossignol
s\'envole tro qu\'en troh Vensenha. Il ressort du contexte qu\' ensenha n\'est ici ni un mot
d\'ordre, ni une marque d\'identité, car c\'est seulement après l\'avoir „trouvéequot; qu\'il voit
paraître la dame. La chanson française est un éloquent plaidoyer prononcé par le rossignol
en faveur de l\'amant.

Ces pièces courtoises très compliquées postulent l\'existence d\'une poésie plus ancienne
dans laquelle ce thème avait été traité d\'une façon plus simple. En France c\'est dans
la poésie pré-courtoise, reconstituée si ingénieusement par M. Jeanroy, qu\'il faut chercher
les origines de ce genre, et en effet, dans la poésie populaire d\'une époque
postérieure
qui a été conservée, la chanson du messager est représentée par un nombre considérable
de pièces qui portent en partie
des traits assez archaïques. Les instructions données
à l\'oiseau messager forment le sujet de la pièce, et la personne qui donne ces ordres est
très souvent une jeune fille séparée de son ami ou même abandonnée par un amant infidèle.
Le plus ancien exemple de ce type est la strophe finale d\'un débat publié par M. Jeanroy
dans les Appendices de son livre. L\'esprit de cette pièce
n\'est pas du tout courtois :
c\'est la femme qui souffre de son amour et se rappelle au souvenir de son ami qui, à l\'en
croire, ne trouvera jamais plus belle amante qu\'elle. Sa sollicitude pour lui
s\'exprime
d\'une façon tout à fait curieuse :

De moi n\'avra il mie ;
Di li qu\'il avra assés
Puis que je sui s\'amie.
Qu\'il ne laist pas por deniers
A mener bone vie.

{Origines, p. 467—468).

Rosignol va, si li di
Des maus que je sent por lui,
Et si ne m\'en plaing mie ;
Di li qu\'il avra m\'amor,
Car plus bele ne meillor

i) Hauréau, Notices et Extraits, t. VI, p. 273—275. 2) éd. Dejeanne, no. XXV, XXVI.

3)nbsp;Rossinhol el seu repaire {Rayn., t. V, p. 292 ; Appel, Provenzalische Chrestomathie, p. 97).

4)nbsp;Jubinal, Jongleurs et Trouvères, p. 182. 5) ZfcP., vol. VII, p. 240.

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le messager (llatai)nbsp;_____^

I^ès le XVe siècle on connaît beaucoup de ces chansons de messager prêtées à des
femmes. Parfois le but du message est de solliciter l\'ami de venir au rendez-vous, comme
par exemple dans les strophes suivantes :

Roussignolet du boys joly.

Que je me recommande a luy

Va a mon amy et luy dynbsp;Et qu\'il viengne parler a my.

(Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, LXXVII, 21—24).

Va à mon amy, et luy dy
Que je l\'attens au vert boccaige.

(Weckerlin, L\'ancienne chanson populaire en France, p. 434) )•

^ On aura constaté que ces chansons, à l\'inversion des rôles de la destinatrice et du
destinataire près, ressemblent bien plus aux cywyddau de Dafydd ab Gwilym, et la
conclusion que c\'est alors à la poésie dite populaire de France que le dernier doit le theme

de la chanson du messager semble s\'imposer. Cela reviendrait à croire que cette poesie se
serait répandue au Pays de Galles tout aussi bien qu\'en Italie, en Allemagne et en Portugal,
« cette supposition, qui ne serait qu\'un développement de la thèse deM. Jeanroy, n aurait
rien d\'absurde. Pourtant nous donnons la préférence à une autre explication.

Il nous semble qu\'un genre aussi universellement répandu,que la chanson du messager
avait pu être représenté dans cette poésie populaire autochtone des Celtes qui, nous
avons vu, n\'ignorait pas la chanson de jeune fille. Certes, c\'est une affirmation dont
ies textes ne nous fournissent pas de preuves directes et palpables, car cette ancienne
poésie a disparu presque entièrement et le genre n\'a pas laissé de traces dans la poesie
^oderne d\'une époque plus récente Mais nous pouvons produire en faveur de notre
n^e un argument qui ne paraît pas être dénué de force.

On sait quel rôle extrêmement important les animaux, et surtout les oiseaux, jouent
dans les contes populaires, en France comme ailleurs. C\'est un motif des plus répandus
qne celui du héros assisté dans la quête de la princesse inconnue par un oiseau sage (peut-
originalement la métempsycose d\'une âme amie), qui tantôt lui montre son chemm
f lui prodigue des conseils utiles, tantôt prend une part active aux épreuves qu il doit
soutenir. Or, nous croyons que cet oiseau sage des traditions populaires est le prototype
1 oiseau messager de la poésie érotique, que ni les poètes anonymes des chansons de
emmes, ni les troubadours n\'ont créé de leur imagination.

^gt;ans le folklore celtique, les animaux serviables ne prennent pas une place moins
P^^P^érante
qu\'ailleurs, et ce motif a laissé des traces dans les anciens textes en prose.

foi?nbsp;f^^^çaise c\'est presque uniquement le rossignol qui fait fonction de messager. Une

coi ■nbsp;expressément que l\'alouette n\'est pas un messager discret : Si j\'ia donne a 1 alouette Ma

omission se saura (Rolland, Recueil de Chansons populaires, t. n, p. 243)- Une autre fois le choix tombe
(Ibid., t. n, p. 245). La diversité de llateion dans la poésie de Dafydd ab Gwilym, qui
J^l \'\'\'\'nbsp;contraste avec cette uniformité, doit être attribuée en partie à sa famiUarite bien plus

L . avec la faune indigène. Mais quand il fait choix de quadrupèdes et de poissons pour transmettre
commissions, ce n\'est pas une variation originale et hardie. Comme nous verrons, c\'est au contraire
^rait fort archaïque.

rolL^quot;\'\'\'\' quelques chansons bretonnes dans lesquelles l\'oiseau messager joue un rôle: Sihestnk
PoTu^\'quot;\' \'\' P-nbsp;Nicolas (Sôniou,
t. I, p. 156), Disul de vitin, mitin mat (Chansons

meVc \'\'\'nbsp;t-1» P- 32), Disul dé hantérnoz (Ibid., t. Ii, p. 64). Nous n\'oserions pas affir-

ependant que ces pièces-là ne doivent rien à l\' influence française.

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On se souviendra de l\'étourneau de Bronwen qui porte d\'Irlande un message à Bran
dans la Grande-Bretagne Dans le
Lai de Milun, de JVLarie de France, qui est peut-
être d\'origine celtique, un cygne joue le rôle du messager. Mais l\'exemple le plus précieux
est la quête d\'Olwen, dans laquelle les Animaux Anciens, le merle de Cilgwri, le cerf
de Redynfre, le hibou de Cwm Cawlwyt et l\'aigle de Gwernabwy, avec le saumon de
Llynn Llyw se rendent utiles comme guides et conseillers 2). Or, ce n\'est certainement
pas par hasard que Dafydd ab Gwilym ait choisi précisément quatre de ces cinq animaux,
le merle, le cerf, l\'aigle et le saumon, pour lui servir de messagers Probablement les
poètes d\'un rang secondaire, bien mieux au courant des traditions nationales que les
bardes de cour, ont été les premiers à s\'emparer de ce thème poétique pour en faire le
sujet de leurs chansons. Les pertes irréparables de la littérature galloise ne nous per-
mettent pas malheureusement de préciser quand il a été introduit dans cette poésie-là,
mais il ressort du moins des recherches intéressantes de M. Gwynn Jones sur la place
du cheval dans la poésie des Gogynfeirdd que le motif du cheval messager était connu
aux bardes eux-mêmes à une époque où l\'influence de la poésie française ne commen-
çait qu\'à se faire sentir au Pays de Galles Tous les passages cités ne sont pas également
concluants, car le plus souvent le cheval à qui le barde adresse la parole se trouve être
la monture dont il se sert lui-même pour aller visiter sa dame. La
gorwynawc (l.gorfynawg)
drythyll
de Cynddelw au contraire paraît aller tout seul à la cour de la princesse Efa,
car le poète le charge d\'un message et l\'exhorte à lui porter sa réponse sans tarder :

A dywed yno eniwed o honaf,

A dywan attaf ac attep ked.

{Gog., p. 46)-

jjEt dis là-bas que je suis blessé (par son amour) et retourne vers moi aussi vite qu\'une flèche avec
une réponse favorable.quot;

Très probablement il s\'agit aussi d\'un cheval messager dans une des petites chansons
de Hywel ab Owain Gwynedd :

Petestric iolyt, am byt y eilwyt ?

Pa hyd yth yolaf ? Saf rac dy swyt 1

{Gog., p. 87).

„Suppliant pédestre, aurai-je le rendez-vous ? Combien de temps encore faut-il que je te
prie ; fais ton devoir !quot;

Et en effet ces vers sont presque identiques à la fin de la pièce de Cynddelw :

Petestres wedeit yn hydreit hir [/. dir ?],

Petestric yolyd, pa hyd yth yolir ?

{Gog., p. 47).

„Jument pédestre, propre pour un terrein pénétrable, „suppliant pédestrequot;, combien de temps
encore faut-il que je te prie ?quot;

1)nbsp;Livre Blanc, p. 25.

2)nbsp;Ibid., p. 245—246.

3)nbsp;Il est remarquable que Dafydd semble dédaigner les services du hibou, tandis que dans la triade
„Trinbsp;pheth sydd i gael einioes hir, y carw, a physg ac eryrquot; (F.
IGE., p. Ixxxii) et dans le cywydd de

Grufïydd Llwyd intitulé Estynnbsp;(/G£. 51), cet oiseau est également rayé de la liste des animaux

qui vivent longtemps. Le hibou était-il tombé dans le discrédit par suite du crime de Blodeuwedd ?

4)nbsp;Rhieingerddi \'r Gogynfeirdd, p. 17—26, 41—42.

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^[^J^ess^r (llatai)____^

„suppliantquot; surtout est intéressant, puisque sa signification correspond

fort bien au sens ordinal de llatai, du moins si l\'on veut admettre 1 etymologie^^^^

nous avons proposée de ce mot^). Comme nous avons fait pour le llatat de Dafydd ab
Gwilym, M. Gwynn Jones avait rattaché le
peddestr iolydd aux anciennes traditions
galloises dans lesquelles le cheval peut avoir joué un rôle actif,
telles que celles relatives
a Trystan et à March Ajoutons que parmi les nombreuses Triades de Chevaux du
Li^re Rouge, on en trouve une qui contient les noms des chevaux d\'amoureux {gordderch
•\'^^ch) de l\'île de Bretagne Y a-t-il peut-être là un souvenir de ces chevaux aquatiques
WcAnbsp;grands ravisseurs de femmes comme on sait, qui occupent une grande place

dans les contes populaires surtout d\'Ecosse ?

^ Dans notre quatrième et dernière catégorie de llateion nous trouvons encore un exemple
frappant des rapports entre la poésie amoureuse et les traditions populaires au Pays
de Galles. Nous parlons de ces rares chansons où le poète charge de sa commission non
pas un être animé mais un des éléments. La mieux connue de ces poesies est le cywydd
f r le vent (DG.
69 ^ Deth, 31), mais Dafydd nomme aussi la Dyfi une messagere .
^fgain lateiwraig aig wyd% tandis que Gruffydd Gryg demande aux flots de la mer
des nouvelles sur la conLte de sa mie pendant son absence Pins tard un imitateur,
Sion Tudur, confiera ses commissions à un autre fleuve de son pays, la Clwyd.

On n\'a pas manqué de chercher des parallélismes dans les littératures etrangeres^Stern
et M. Williams, citant respectivement les ordres donnés aux eaux du Rhone par Petrar-
et les questions inquiètes dont les jeunes filles pressent les ondes de la jn^r de
y^go dans une chanson portugaise citée par M. Jeanroy les rapprochent des pieces
de Sion Tudur et de Gruffydd Gryg. Toutefois ils ne semblent pas avoir attache une
importance excessive à ces rapprochements, pourtant incontestablement remarquables.

Gruffydd, moins réservé, se base sur une chanson populaire française, tout a fait isolee,
dont on trouve cité un vers chez M. Jeanroy pour assurer que le nuage messager ^t
nn motif favori des poètes continentaux et que ces poésies ont ete les modeles
àn Cywydd
y Qwynt
L\'argument nous semble peu convaincant, et s\'il avait voulu prouver 1 origine
étrangère de ce
cywydd, il aurait mieux fait, paraît-il, de citer l\'ancienne chanson anglaise
avec le refrain :

Blow, northerne wynd.

Sent thou me my suetyng !

Blow, northerne wynd, blou, blou, blou.

(Böddeker, Altenglische Dichtungen, p. 168).

Dafydd ab Gwilym connaissait ce terme iolydd comme nom de chien (DG., 16, 26).
op- laud., p. 25.

Loth, Les Mabinogion^, t. xi, p. 269 ; MA^., p. 394-
Deth. 44, 36- rgt;G. 41, 40.
Cywydd i\'r Don, DGG., p. 137.
ynbsp;P- 130, note.

„ ^^^Stnes, p. 171. 17. Trans. 191^—14, p. 140, note 3.nbsp;. , ,

J^^^rigines, p. 308. Voici la strophe telle qu\'elle est donnée par Tiersot dans l\'H^r^^^^

Populaire en France, p. 89 : Arrivé de Bordeaux j\'écrirai des lettres Sur les nuages blancs Passant dessus
champs.

9) Trans, of the Guild of Graduates, 1907—08, p. 37-

-ocr page 216-

Mais les exemples du Meghadûta de Kâlidâsa et du zéphir dans les chansons d\'Al Hafîz,
cités bien a propos par Cowell déjà i), suffisent pour montrer que le motif en question,
loin de provenir de l\'ensemble de thèmes poétiques mis en vogue par les troubadours,
appartient au fonds d\'idées commun aux peuples. Aussi n\'y a-t-il aucune raison pour
croire qu\'il ne dût pas être connu des Celtes, et cela d\'autant moins qu\'il est
possible
de le signaler dans la poésie populaire d\'Irlande :

Ta mise tinn, nl\'l mo léigheas ag aon neach

A\'s brôn ar an ngaoith nac dtugann duinn sgeula......

......Ma ghabhann tu an bealacfa so siar, no an bôithrin,

Beir mo bheannacht mar a bhfuil mo stéidn,
Dâ mbeidhinn \'nna h-aice bheurfainn p6g dî,

Acht nuair nach bhfuilim silim deôra......

......Beir mo bheannacht go bonn Shleibh Beachla

Mar éirigheann grian \'s mar luigheann an ghealach.

{Conn.i p. ii6—ii8).

„Je suis malade, personne ne prend soin de moi, et malheur au vent qui ne me porte pas de nou-
velles...... O vent, si tu suis la route vers l\'ouest, ou le sentier, porte ma salutation là où est

mon trésor ; si j\'étais près d\'elle je lui donnerais un baiser, mais puisque je n\'y suis pas, je verse

des larmes......... Porte ma salutation jusqu\'au pied du mont Beachla, où le soleil se lève e t

la lune se couchequot;.

Voici donc la celticité de notre dernière catégorie de llateion rendue vraisemblable,
et celle-ci se trouve avoir également ses racines dans les traditions nationales. Quant
au vent, nous rappelons la faculté merveilleuse de Math ab Mathonwy et de la race
des Corianneid qui paraissent avoir eu un certain empire sur cet élément, de sorte
qu\'il leur transmettait les conversations de leurs ennemis, à moins qu\'il ne faille interpréter
ces passages tout simplement que ce roi et ces oppresseurs avaient l\'oreille
extrêmement
fine. Pour ce qui est des flots, il n\'y a pas question de doute. On se souviendra assurément
que dans les romans français, Tristan a la coutume d\'envoyer à Iseult des messages sur
des copeaux que le ruisseau lui fait parvenir, et que tous les savants qui se sont
occupés
du problème de l\'origine de ce roman sont tombés d\'accord que c\'est là un trait qui appar-
tient à la forme primitive du conte celtique. Aussi a-t-on pu retrouver des
incidents
pareils dans les contes relatifs à Fionn et à ses compagnons Il est très probable que
cet épisode
a été présent à l\'esprit des poètes postérieurs, qui aimaient à se comparer
dans leurs chansons à Trystan et aux autres amants héroïques du passé.

1)nbsp;Cymmr., vol. ii, p. 117. Comme Dafydd, qui se lamente que le pays de sa bien-aimée lui est interdit^
(caeth yw\'r wlad a\'i maeth imi, DG. 69, 16;
Damp;th. 31, 16), le pauvre yaksha du poème de Kâlidâsa est un
exilé, séparé de sa femme.

2)nbsp;kynedyf math uab mathonwy ba hustyng bynnac yr yuychanet or auo yrwng dynnyon or ykyuarfo
yguynt ac ef. ef ay guybyd.
(Livre Blanc, p. 41).

3)nbsp;achymeint oed eugwybot ac nat oed ymadrawd dros wyneb yr ynys yr isset y dywettit or kyuarflei
ygwynt ac ef nys gwypynt.
(.Ibid., p. 97).

4)nbsp;Kuno Meyer, dans Z.f. rom. Phil., vol. xviii, p. 353. Cf. F. Lot, dans Rom., vol. xxiv, p. 323.

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CHAPITRE III
Les Personnages
La Femme et l\'Amant

I^ans les deux chapitres qui suivent nous nous proposons d\'examiner dans quelle
mesure les Cywyddwyr du XlVe siècle se sont inspirés de modèles étrangers pour creer
les personnages qu\'ils ont mis en scène dans le cadre déjà étudié.

I_LaFemme

, a vu que ces bardes représentent les femmes qu\'ils prétendent aimer tantôt sous
les traits de dames distinguées, dignes d\'imposer du respect à leurs admirateurs, tantôt
comme des beautés d\'une condition assez basse, souvent prêtes à contenter les désirs
ûe leurs galants en échange d\'un peu d\'argent, d\'un bon repas ou de quelques flatteries,
quot;ans les deux cas il était dans l\'intérêt des poètes de célébrer les charmes des fenames
courtisées. Les dames nobles devaient leur savoir gré de cet hommage rendu a leurs
personnes, les compagnons de la taverne devaient être plus fortement impressionnes
par h bonne fortune échue à leur ami. Il importe d\'observer que chez les poètes gallois
y y a pas de différence sensible entre les descriptions des belles de l\'une et de l\'autre
classe. Ce sont ces peintures de la beauté féminine dont nous voulons determiner ici

ia mesure d\'originalité.

, Al est bien connu que les troubadours et les trouvères courtois visaient bien moms
! ^^acer un portrait fidèle de leur dame qu\'à donner une impression de la façon dont leur
^nie réagissait sur tant de charmes. Aussi n\'apprenons-nous que quelques generahtes
jur leur beauté extérieure. Il n\'y a qu\'Arnaut de Maruelh i) et Bertran de Born, le
germer dans le portrait synthétique de la dame idéale, formée des beautés appartenant
^e douzaine de femmes réelles % qui se sont essayés à la poésie purement descriptive.
iJans les genres français non-courtois au contraire les descriptions sont plus nombreuses
, surtout plus détaillées. M.
Pierre Champion remarque que c\'est surtout au XVe siecle,
^vec Villon, que l\'ennuyeuse „poupée gothiquequot; disparaît de la littérature et que des
portraits plus réalistes y font leur entrée Cependant dès le XlIIe siècle on rencontre
^ez Adam de la Halle, dans les dits, dans les fabliaux, des descriptions assez detail-

^nbsp;t. III, p. 139 et seq,

François Villon, t. ii, p. 205.

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lées, inspirées en partie par la poésie latine qui deviennent de plus en plus naturalistes—■
nous dirions presque, anatomiques — et reçoivent leur forme la plus complète dans
le catalogue de beautés féminines commençant par le vers
Trois Ions, trois cours, trois
blancs

Les poètes latins du moyen âge ont toujours fait une grande place aux descriptions.
Mathieu de Vendôme, l\'auteur d\'une Ars versificatoria à qui ils doivent deux modèles
du genre, avait formulé la règle:
Descriptio femine dehet ampliari^). On en trouve
plusieurs dans les Carmina Burana, dont surtout celle du no. 56 est remarquable ; des
portraits très détaillés nous ont été laissés par Giraldus Cambrensis par l\'auteur du
poème pseudo-ovidien
De Vetula % parMatheolus le Bigame Quoiqu\'on ne puisse dénier
à ces poètes une certaine faculté pour la représentation plastique
des formes observées,
ils se sont contentés le plus souvent de suggérer la beauté des différentes parties du corps
au moyen de métaphores traditionnelles. C\'est surtout le Cantique des Cantiques qui leur
a fourni ces images copiées et amplifiées sans cesse pendant tout le moyen âge et même
après.

Quant aux Cywyddwyr, eux aussi ont dressé, à côté des comparaisons qu\'on rencontre
disséminées dans leurs chansons, des catalogues complets des charmes deleurs amies^). Eux-
aussi se servent constamment d\'images conventionnelles, dont ils possèdent
une trésorerie
inépuisable. Ils disposaient de modèles dans l\'ancienne littérature en prose : on connaît
les portraits détaillés d\'Olwen®) et d\'Angharad, la femme de Gruffydd ab Cynan
comparables à ceux de Fedelm^\'\') et d\'Etâin dans l\'épopée irlandaise. Mais l\'art de
trouver des métaphores heureuses, l\'habileté dans le choix d\'épithètes brillantes
avaient
été déjà caractéristiques pour la poésie des Gogynfeirdd, qui pendant deux siècles avait
toujours roulé sur un nombre fort restreint de sujets. Pendant ce temps leur technique
avait atteint un très haut degré de perfection, et quand enfin ils cédaient la place à une
autre classe de bardes, ils laissaient à ceux-ci le legs d\'un vocabulaire poétique et d\'une
richesse d\'images
pendant des générations ils n\'auraient qu\'à puiser pour trouver
les plus beaux ornements de leurs chansons

Certes, Dafydd ab Gwilym n\'était pas un imitateur servile. Il tâchait de nuancer les
comparaisons consacrées, et ainsi il nous parle de beautés blondes, brunes et noires,
de femmes aux yeux bleus et d\'autres qui les ont noirs ; même il attribue à une de ses
amies des sourcils roux ! Dans ces tentatives d\'individualisation il se montre en
avance

1)nbsp;Adam de la Halle, Jeu de la Feuillêe, éd. Langlois, vs. 87—152. Fabliau de Guillaume au Faucon,
Fabl.i t. II, p. 94—95. Des deux Amants, dans Jubinal, Jongleurs et Trouvères, p. 120—122. La Lande do-
rée,
dans Jubinal, Nouveau Recueil, t. Ii, p. 179—180. Traduction des Lamentationes, par Jehan
Fèvre,
éd. Van Hamel, t. i, p. 18. Traduction du poème De Vetula, par le même, éd. Cochéris, p. 129-

2)nbsp;Méon, Nouveau Recueil, 1.1, p. 407;Marcel Schwöb, Parnasse Satyrique du XVe siècle, no. LXXVlH*

3)nbsp;Hauréau, Notices et Extraits, t. I, p. 395—398. Cj. Brinkmann, op. laud., p. 90 et seq.

4)nbsp;Descriptio cujusdam puellae (Opeia, t. i, p. 349 et seq.).

5)nbsp;F. la traduction française par Jehan le Fèvre, déjà citée. 6) éd. Van Hamel, t. i, p. i8 et seq-
7) DG. 8 {Deth. 25), 25 (Deth. 2 ?), 29, 35 ? 118 (Deth. 21), 163 ? 193 ? ; Gruffydd Gryg, DGG. p.

lolo Goch, IGE. I). 8) Livre Blanc, p. 238. 9) Hanes, éd. cit., p. 138—140. 10) Tâin, éd.
Windisch, p 29. Ii) RC., vol. XXII, p. 14—15; Windisch, Irische Texte, p. 119—120.

12) Encore à un autre point de vue les Cywyddwyr continuent dans leurs descriptions la tradition créée
par les Gogynfeirdd. Malgré leur faible pour des situations risquées, ils se distinguent à leur avantage des
poètes continentaux par leur stricte observation des lois de la bienséance dans ces portraits détailles-
Ce sont sans doute les
prydyddion distingués à qui ils doivent une discrétion à vrai dire un peu inattendus

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son siècle, mais en général le type conventionnel lui suffit. Lui et ses contemporains
rendent bien compte qu\'ils copient des clichés et on dirait presque qu\'ils en sont parfois
^^ peu humiliés. Le vieux Llywelyn Goch dit qu\'il est de son devoir de comparer sa
l^feucu Llwyd soit à la jolie rose d\'un beau jardin, soit à la Vierge, soit au soleil resplen-
^jssant 1). Dafydd tâche de fléchir le fleuve Dyfi, qui l\'arrête, en lui assurant que pour
Siorifier le teint et la beauté resplendissante de sa mie il ne se sert pas d\'autre comparaison
que de celle avec ses vagues écumantes :

Ni chair yr ail gair gennyfnbsp;Ond galw ei thegwch golau

Am f\'enaid, brad naid bryd Nyf,nbsp;A\'i phryd teg yn lle\'r flfrwd tau.

{DG. 41, 23—26 ; Deth. 44, 23—26).

En Irlande seulement le poète de la chanson Fir na Fodîa ar ndul d\'éag {Ddnta Grddha% 5)
®®era protester qu\'une femme qui ne possède pas tous les attraits du type conventionnel
^e beauté peut encore être très désirable, et cette protestation semble être inspirée encore
u partie par des passages de
VArs amatoria et des Amores
Al s\'agit donc ici de réunir les images et les épithètes d\'usage chez les premiers Cywydd-
yr et de les classer de façon à permettre la comparaison avec celles qui constituent les
jscriptions de femmes dans d\'autres littératures. C\'est ce que nous avons fait, et voici
s conclusions qui se dégagent d\'après nous des tableaux synoptiques que nous présentons
^^^ au lecteur

l^on seulement la plupart des images dont se servent Dafydd ab Gwilym et ses contem-
^rains se trouvent déjà chez les Gogynfeirdd, et même parfois aussi chez les Cynfeirdd,
ais elles sont également en usage dans la poésie irlandaise. Plusieurs de ces comparaisons,
omme celles de la splendeur du teint avec l\'écume de la vague, avec la chaux, avec la
andre ou avec beaucoup d\'autres images empruntées à la nature, sont communes aux
fai^^ ^^^^^^atures celtiques et ne se trouvent peut-être que là. Cela s\'explique par le
que les Celtes étaient bien plus familiers avec la nature que les autres peuples au
05;en âge, et
qu\'en outre il existait évidemment un idéal celtique de la beauté féminine,
stmct de celui que les poètes continentaux s\'étaient créé. Ainsi par exemple dans la
^ esie erotique galloise, comme dans le lyrisme irlandais, la chevelure de la femme prend
des ^nbsp;ailleurs inconnue dans la poésie occidentale. On peut même dire que la

cription de la chevelure forme un genre à part, réprésenté dans la littérature galloise
^ r plusieurs cywyddau de Dafydd ab Gwilym, de leuan ab Rhydderch % et, à une époque
d \'nbsp;de Rhys Goch, de Dafydd Nanmor, de Dafydd ab Edmwnd, de leuan Deulwyn,

^^Ja poésie irlandaise par la pièce A bheanfuair an faîachân {Ddnta Grâdhâ\\ 13)

3)nbsp;aquot;nbsp;^^nbsp;641 et seq. -, Amores II, iv.

rencontnbsp;trouvera pas cependant réunis ici tous les exemples des différentes comparaisons qm se

Jones Anbsp;\'ïquot;^ avons dépouillés. Une liste complète, pareille à celle que M. Gwynn

sansnbsp;quot; Poésie des Gogynfeirdd seule {Rhieingerddi\'r Gogynfeirdd p. 27—31) aurait ete

à noJT^nbsp;de pages disponible pour cette partie de nos recherches nous obhge

=faison anbsp;seulement aux traits caractéristiques et à limiter les exemples. C\'est pour cette même

4)nbsp;pnbsp;nous sommes départis de notre règle de traduire les citations celtiques.

5)nbsp;O ^

irishM-\'^\'\'nbsp;^^^^ ^^^ Arabians, have delighted in description Of female hairquot; (Hardiman

S\'^ant exnT • ■ \'\'nbsp;„One notes particularly the deUght in the beauty of hair which finds con-

P ession in the poetry of all periodsquot; (Robin Flower, dans Ddnta Grddha\\ p. xv).

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Or, il est extrêmement curieux que la seule poésie de chevelure écrite en provençal est
d\'un Irlandais, William Bonaparte-Wyse, qui s\'est essayé dans la langue des
Félibres
et a même retrouvé une comparaison courante dans la poésie celtique, celle avec la flamme
(rousso flamo) i).

Toutefois les Cywyddwyr ont incontestablement aussi beaucoup d\'images en commun
avec les poètes courtois et les clercs vagants. En ce cas il ne faut pas croire toujours qu\'il
y ait eu imitation de la part des bardes. Souvent il s\'agit de comparaisons qui par
toute
la terre pouvaient se présenter à l\'esprit des poètes. Parfois aussi bardes et poètes conti-
nentaux peuvent s\'être servis pour leurs portraits de femmes indépendamment des mêmes
modèles. On sait en efi\'et que les littératures sacrée et classique étaient étudiées de bonne
heure dans les pays celtiques. Sur le Continent les poètes érotiques exploitaient le Caw^î^w^
des Cantiques et VArt d\'aimer ; les bardes de leur côté s\'emparaient également de beautés
célèbres, comme Hélene et la Sulamite, pour comparer à elles leurs dames :

\'S é samhail-seo do moladh
Léis an g-céud rfgh Solamh,
\'S is aici-so ta an rose is àilne.

(Walsh, Irish Popular Songs, p. 56; Hardiman, op laud., t. I, p. 356).

„Tu es semblable à celle qui fut exaltée jadis par le roi Salomon, seulement, il y a plus de beauté
dans ses (tes) yeuxquot;.

Ce sont surtout les descriptions de cette dernière beauté (et aussi celles de son amant)
qui ont fourni aux poètes celtiques un modèle dont ils ont fait un usage à peine moins
fréquent que les poètes latins du moyen âge.

A — Formules générales

Surtout chez les poètes courtois, avec leur aversion prononcée contre les spécificationSs
les vagues formules générales tiennent une grande place. Cependant elles ne manquent
nulle part dans la poésie érotique.

1)nbsp;La dame est la plus belle, la meilleure du monde, ou du moins du pays.

Pulcherrima inter mulieres. {Gant. Cant. I, 7) Omnibus formosior {CB. 136, 3). Praeminens
puellulis. (DuMéril, Poésies pop. lat., p. 231). Sub throno aethereo Non est qui pulchritudioe
Hanc vincat cui me debeo {Ibid., p. 235).

La plus bel\'e la melhor (Bernard de Ventadour) La melher qued el mon sei {Id.).

La millor de France (Châtelain de Coucy). La meillor ki soit jusc\'a Paris (Colin Muset).

One of hem ich herie best From Irlond in to Ynde (Bôddeker, op. laud., p. 166).

Tegwch try chantref (Grufïydd ab Maredydd). Eurdegwch Cymry {Id.).

Bun fach fwyna\'n y byd {DG. 168, I ?) Goreu fun yng Nghaer {DG. 233, 29). Gorau gwraig byd
Gaer Geri
{DG. 4, 7). Gwynna\' dyn yw... o Ddofr i Fynyw (DG. 75, 63—64 : Deth. 29, 67—^8)-
Drych i tri phlwyf (DG. 19, 3).

2)nbsp;Le chef-d\'œuvre du Créateur, ou de la Nature.

i) La Cabeladuro d\'Or {Anthologie du Félibrige provençal, par Ch. P. Julian et P. Fontan, 1.1, p. 344 •)•
Cette expression semble empruntée.
Cf. cunctis speculum Eras et fenestra {CB. 50, i2).Chescun d\'el®
en li se myre (Chaytor,
op. laud., p. 142). Pour d\'autres exemples, V. Ibid., p. 144—145. La source est
peut être Térence.

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In hac pre ceteris Totius operis N^^ii^^ucent opera. (CB. 40, 2). In cuius figura Laboravit deitas

Elhnbsp;La\'jeîz de sa eissa beutat. (Guilhem de Cabestanh). De cor y entend^

Dieus, quan formet vostre cors amoros. (Guiraudet le Roux). Gensor de leis no poc faire Beltatz
(Bernard de Ventadour). Leis cui Beutatz vole formar Que corn Natura poc tnar Del melhs

es SOS cors establitz (W.),nbsp;_nbsp;^ t ___; «„^„p«

Coin Diex la fist sanz desmesure Et Diex la fist et bone et pure. (Maître le;.

Nature Ne fourma voire si belle créature (Froissart). En laquele Diex et nature Avoient grant
biauté assis. (Id.^nbsp;, , .

Jesu hael a roes i hon O degwch mwy no digon. (DG. 35, 5-6 ?)Mwyn y gosodes Jesu Am eiry

dâl y mwrai du (DG. 8, 17—18 ; Deth. 25, 17—18 7),

3) Trop belle pour le poète ; un roi serait à peine digne d\'elle,
love digna (CB. 154, 8).

En cui lo reis séria saus. (Bernard de Ventadour). Si\'l reis l\'enqueria Auria faih gran ardimen.

(W.) Es tant pros q\'us reys en for\' honratz (Guilhem Adhemar) ).
Uns rois en fust toz honorez.
(Fabliau du Bouchier d\'Abeville).

I^afydd ab Gwilym paraît connaître ce lieu commun de la poésie courtoise, et malicieuse-
il l\'a parodié ainsi :

Rhyfalch oedd i Bâb Rhufain

Fod genyd, gwyn fy myd mainnbsp;^^^^ ^^^

(^UVJ. 00, -

4) Comparable à une des beautés célèbres de jadis.

A l\'instar des Gogynfeirdd, Dafydd ab Gwilym et ses contemporains se contentent
souvent d\'assurer que la beauté de leurs dames égale celle des héroïnes des traditions
Rationales Olwen, Bronwen, Gwenhwyfar, Essyllt, Eigr, Indeg, Tegau, Nyf, Euron,
^yfr, Fflur^ Luyddawg, Enid, Luned. Les noms de quelques-unes de ces dames,
comme d\'Iseult et d\'Enide, devenus célèbres par la vogue des romans arthuriens, sont
c^tes dans le même ordre d\'idées par les troubadours. Mais les poètes celtes citent aussi
Partois comme types de la beauté parfaite Vénus et Hélène :

Vidi unam solam Facie Tyndaride Ac Veneris secundam (CB. 31,3). O verecunda Tyndaris (CB 36,
ïo). Ave mundi rosa, Blanziflor et Helena, Venus generosa ! (CB. 50, 8). Est ne illa Helena,
Vel est dea Venus ? (CB. 50, 14). Virgo par Tyndaridi (CB. 154, 5)-
Bus blanca es que Elena (Arnaut de Maruelh).

Ail Bien (Mab yClochyddyn).Mawredus Veinus (lorwerth Fychan).Gweddus hael Veinus (Gruffydd

ab Maredudd).

Elen feinwen Fanawg (DG. 29, 12). Fenws ber (DG. I59, 9)- Ail Fenws (DG. 170, 4i)-
^o Hei,^nbsp;(Hardiman,
op. laud., t. I,p.2i2). O Hélen rug bârr (Conn. p.82). Ni hi

Bhénus (Ibid., p. 78). Rug buaidh ar Bhénus (Ibid., p. 122).

^ Très caractéristiques pour la poésie galloise sont cependant les comparaisons fréquentes
ce la beauté de la Vierge et des saintes :

Cares haul Caerussalem (DG. 55, 3). Lliw Mair (DG. 72, 14). A\'th fwyned (wenned) fal nith Anna
118,
15-, Deth. 21, 15). Unlliw a Non a Ilun Anna (DG. 9, 2). Pryd Anna (DG. 35, 24 .)•
~--Anna (DG. 191, 5). Tirion siriol dwrn Sara (Llywelyn ab y Moel,
IGE. 12, 50).

\'^^«iment ce compliment a été parodié par le troubadour Arnaud Sabata : leu no die ges
Pernbsp;^^nbsp;domna, no\' us per, Quar ieu no sui coms ni ducx m marques,

pro jov quot;quot;nbsp;t\'^lb per retraire Que ieu ames del mon la plus valen ;Mas pro avetz beutate

en E pro valetz, tan qu\' autra non dezire. (Rayn., t. V. p. 50)-

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5) Elle défie toute description.

Parfois les poètes protestent qu\'ils sont incapables de donner même une idée approxima-
tive des charmes incomparables de leurs dames :

Quam proferre poteris Cantibus nec prosa, Nec voce nec litteris, Quam sit preciosa ÇCB. 125, 4)-

En toîz temps hom non poiria dir La gran beutat, ni escriur\' en un brieus Del sieu cors clars plquot;®
que rosa ni nieus (Aimeric de Belmont).

Pwy a allai, pei pensaer, Peintiaw â chalch pwynt fy chwaer ? (lolo Goch, IGE., I, 49—

En général cependant les bardes ne sont pas aussi timides. Ce n\'est que dans une lettre
bizarre d\'une époque postérieure que nous avions retrouvé cette idée, délayée avec
cette
prolixion et ce faible pour les comparaisons par lesquels la poésie bardique se distifl\'
guait déjà :

Tv ag at am drevthv eich pryd chwi ach kampav nid oeddwni abl pe i bae y mor yn ink ar ti\'
yn bapvr ar ser yn wyr ar gwyr yn skrifenyddion ag adenydd gwydde ag alarchod a
phevnod
ag adar yr holl ddayar yn binav chwaethach bod y pinn yn rrwth ar papvr yn llaith ar lla^
yn grynnedig ar korff yn gwywo och kariad dirfawr.
(Rep. t. i, p. 1042).

B — Splendeur

L\'idéal de beauté celtique, avec ses yeux rayonnants, ses cheveux brillants, son tei»^
clair, est avant tout une beauté radieuse,
goleuddyn. C\'était du reste l\'idéal commun à^
moyen âge, et déjà les poètes classiques avaient appelé leurs amies mea lux. Pour décrire
cette clarté qu
\'elle répand autour d\'elle, les poètes la comparent de préférence aux astres :

Quae est ista quae progreditur quasi aurora consurgens, pulchra ut luna, eclecta ut sol. (Ca»^\'
Cant., VI, 9).

i) L\'aurore et la clarté du jour i).

Consurgenti cernitur similis aurore (CB. 132, 2). Velut aurora (CB. 147). Et respondent tacie
luci matutine. (CB. 65, 3). Surgit ut Eois cum sol emergit ab undis Ut premit astra dies, siC
premit illa diem. (Giraldus). Decor prevalet Candori etheris.
(CB. 166, 4).

E sa beutatz resplan tan fort, Nuegz n\'esdeve jorns clars e gens. (Peire Rogier). Tot atressi coin
la clartatz del dia (Faidit de Belistar).

Heo is briht so dales liht. (Bôddeker, op. laud., p. 172).

Aranrot drem dot tra gwawr hinon (Taliesin. 36 : 14—15).

Gorne gwawr vore ar vor diffeith (Cynddelw). LHw gwawr uore. (Llywarch ab Llywelyn). Lli\'®\'\'
gwawr. (Gruffydd ab Maredudd).

Lliw gwawr aurym (DG. 154, 41). Gwawr ei gwedd (E, ig).

Er plah kaer èl en dé. (Chansons populaires du pays de Vannes, t. 11, p. 85).

Noms hypocoristiques :

Gwawr wir hafdyd (lorwerth Fychan). Gwawr Faelawr (Gruflydd an Dafydd). Wynedd wa^r
(Gruffydd ab Maredudd) Gwawr ddydd Meirionydd (lorwerth ab y Cyriog).

Fy ngwawr (DG. 154, 23). Gwawr haf (DG. 163, 32 ?). Gwawr y bobl. (DG. 62, 9) Gwawr brenbi\'
niaeth (DG.
17, 39). Gwawr Garedigiawn (DG. 233, 66). Gwawr y wig (Gruffydd ab Adda)

I) Cynddelw donne le titre de Gwawr Cymry à un prince (Gog., p. 47) ; Dafydd ab Gwilym appelé®
Ifor Hael
cadarn wawr (DG. i, 15 ; Deth. 58, 15).

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femme

Le soleil, et surtout le soleil d\'été.

Tui lucent ocuU Sicut solis radii (CB. 141, 6). Eius vultus. Forma, cultus Pre puellis. Ut sol

stelUs, Sic prelucet. (CB. 43. I)-
Plus bela que bels joins de may, Solelh de mars... (Arnaui de Maruelh).
Ciere ke soleus ou rai (Adam de la Halle). Vo béalté semblable au mois de may (Gower).
Ase sonnebem hire bleo ys briht. (Bôddeker,
op. laud., p. i55)-nbsp;, ^nbsp;, u

Lleufer... heul yn haf (Llywarch ab Llywelyn). Gne heul hafdyd (Id.)\' Lliw hafin (Hywel ab

Owain). Gorne heul ure ar vrohyd glasuor (lorwerth Fychan).
Goroen huan haf
(DG. 73. 36 ; Dah. 6, 38) Deune\'r haf (DG. 61, 12). CeinUiw haf oroen (DG.
13,
24). Deuliw haul at y dolydd (DG. 169, 3)- Lliw\'r tes ar y twr (DG. 90, 3)- Lhw yr hmon

(Grufïydd Llwyd, IGE., 52, 53)nbsp;a- u t ■ i,

Indar lais bâ grian ag turgbhâil a misMhâi soillsi a gnùisi (Coir Anmann, dans Wmdisch, Irtsche
Texte, X. m. p. 320). A samhuil sùd mar ghrian an tsamhraidh (Conn.: p. 12). Is aille 1 na gnan
an fhôghmhair
(Ibid., p. 10). Stuadh na féile ar shnuadh na gréine (Ibid., p. 122).
Bnllantoc\'h \'wit an heol, pa bar war an douar (Sôniou, t. I, p. 152)-

^oms hypocoristiques :

Haul winglawr Mon (Grufïydd an Maredudd). Haul Wynedd (Grufïydd ab Maredudd, Mab y
Clochyddyn)

Haul yr ynys hon (DG. 115, 17). Haul y Fel Ynys (Gruffydd Gryg). Haul yDeau (DG. 209,4)-Haul

Wynedd (DG. 21, 5).

Hafddydd (Ysîorya Trystan).

3)nbsp;La lune.

El ne fu oscure, ne brune, Ainz fu clere come la lune (Rois).

The mone with hire muchele maht Ne leueth non such lyht anaht... Ase hire forhed doth m day

(Bôddeker, op. laud., p. 156).
J-uw lloer pan ddwyre (Mab y Clochyddyn). Lloer wyneb (Gruffydd ab Maredudd).
^euliw\'r lloer (DG.
190, 42 ; Deth. 26, 42). Lloer wyneb (lolo Goch., IGE. i, n).
Caeroc\'h
Vit al loar. (Sôniou, t. i, p. 152).

^oms hypocoristiques :

Lloer Gymry (Gruffydd ab Maredudd). Lloer y glod (îd.). Gwenlloer Vawrth adoer (lorwerth Fy-

chan). Lloer morynion Ilawr Meirionydd (lorwerth ab y Cyriog).
Ueuad Wynedd (DG.
95, 18 ; Deth. 32, 18). Lloer byd (DG. n, 12). Lloerdyn (DG. 63, 46). Lloer
rhianedd (Gruffydd Llwyd,
IGE. 52, 53). Fy lloer Mawrth (Id., IGE, 53, 4)-

4)nbsp;Les étoiles et notamment l\'étoile du matin.

Lucens ut Stella poli (CB. 158, 8\\ Siderea luce micant ocelii (CB. 40, 3). Nitidior sidere (CB. 36,
28).
In iocunda facie Stelle radiabant (CB. 50, 16). Matutini sideris lubar preis (CB. 35,16).
n\'a ou firmament estoile Tant soit clère ne reluisans. Ne pour moi propisce ou nmsans. Qui
la vertu de cesti passe (Froissart).
quot;euhwr ser. (DG.
207, 30-, Deth. 16, 34). Hoywliw ser (DG. 50. 72). Seren oleuwen o hw (DG.
74î isy

Is âilne\'nâ réilteann tu (Hardiman, Irish Minstrehy, t. i, p. 212). ^Gur samhail duit-se réult-
maidne Ag éirgidh gach la
(Ibid., p. 206).

daoulagad \'zo brUlant evel diou steredenn (Sôniou, 1.1, p. 134). C\'hui\'zo kaer \'vel ur steredenn
iGv^erziou, t. u,
p. 142).

hypocoristiques :

Sidus clarum (Hilarius). Stella matutina (CB. 50, 9).
»s mi)n morghensterre
(AL. LXXII, 4)-

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2o8nbsp;la femme et L\'AMANT

Seren serch (DG. 23, 42).

Réult eôlais na tire {Conn., p. 78). Réult an eôlais {Ibid., p. 126).

Dans le lyrisme celtique d\'autres sources de lumière, dont il n\'est pas du tout question
dans le
Cantique des Cantiques et très peu dans la poésie latine, jouent encore un rôle •

1)nbsp;Le feu et l\'éclair.

Come sperulas Tue eliciunt {CB, 166, 2). Tui lucent oculi Sicut splendor fulguris {CB., 14I\'
Rousso flamo (WilUam Bonaparte-Wyse, op. laud., p. 344).
Gorflamliw lorwerth Fychan).

Frig yn debig i dan {DG., 7, 30 ?) Lliw tan y Gad Gamlan (DG. 7, 22 ?). Uwch \'r plethau na
tonau tan (DG. 163, 10 ?). Fal goddaith yn ymdaith nos (DG. 7,7 ?). Lliw o\'r mellt (DG. 7,
Cyfliw\'r mellt (DG. 35, I2 ?) Llewych mellt ar y lluwch mân (Dafydd ab Edmwnt).

2)nbsp;La chandelle.

Noms hypocoristiques :

Canwyll gaen (JViab y Clochyddyn). Cannwyll Ilyssoedd (lorwerth Fychan). Cannwyll Gadua»
(Einion ab Gwalchmai) Eurganwyll Bentraeth (Gruffydd ab Maredydd). Canwyll Bowys
(Gruffydd ab Dafydd).nbsp;.j

Fy nghanwyll {DG., 92, 65 ; Deth. 59, 41). Canwyll merched y gwledydd (DG. 169, 5). Canwy ^
gwlad Gamber (DG. 105. 70). Canwyll Gwynedd (DG. 22, 22 ;
Deth. 22, 22). Canwyll ffl^^\'
gwyr (DG. 81, 30).

3)nbsp;La lampe.

Yn loywach na\'r lamp (DG. 29, 40). Fy nghariad oleuad lamp. (DG. 15, 2). Lliwlamp (Grufïy\'^\'^
Llwyd,
IGE. 50, 19). Radd Ilugyrn (Sippyn Cyfeiliog, IGE. 75, 4).

Noms hypocoristiques :

Mygr hoewlamp Bowys (Rhisierdyn).
Gwiwlamp (DG. 82, 17).

C — Les Cheveux

On a déjà souvent observé que les beautés du moyen âge sont toujours blondes, ^^
fauves :

Crines eius adamavi Quoniam fuere flavi (CB. 168, 9). O quam crines fîavi {CB. 118, 3).
Sauras cris (Arnaut de Maruelh). La vostra bella saura cris
{Id.).

Les beaus crins blondeianz {Rose). Crins Plus sors que ors espanois (Thibaut de Champagne). C _

velés blons, un petit sors (Froissart). Hire her is fayr y-noh (Bôddeker, op. laud., p.
Si heeft een geluwe hayr
{AL. CIV, 2).

En général la poésie celtique ne fait pas exception à cette régie. Là aussi les dame®
ont le plus souvent les cheveux blonds ou même blanchâtres :

Gwalltwen {Hanes Gruffydd ab Cunan, éd. cit, p. 138).

Gwallt melyn (DG. 7, 5 ?) Tasel o wallt melyn (DG. 35, 7 ?) Cangau gwynion (DG, 209, 8)
Folt findbudi
{Tâin, p. 29). Muirnin na gruaige bâine, Cuilfhionn {passim).
Melen he bleo {Sôniou, t. i, p. 152).

I) Origines, p. 183; Langlois, Le Jeu de la Feuillée, p. 56.

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Pour décrire la lueur de leur chevelure, l\'éclat de l\'or fin est une image commune à tout
lyrisme européen.
Les bardes cependant, qui ne se lassent jamais de s\'extasier sur
^ne belle chevelure, ont encore d\'autres comparaisons à leur disposition :

I) L\'or.

o faciès, faciès ter cocto purior auro (Théodulphe à Charlemagne)

Auro respondet coma (Mathieu de Vendôme). Furo rutilantior auro (Werner, Beiträge, 49, 22)

Aurea cesaries (Giraldus).nbsp;^

Saura crin pus que aur esmeratz (Elias Cairel). Relicle d\'or rous (William Bonaparte-Wyse, op.
^aud., p. 346).

Cheveus... de fJn or {FaUîau deGuillaume au Faucon). Plus que fin or sont reluisant Ses cheveulx

et bien deduisans {De Feïw/a, traduction par Jehan le Fèvre, éd. Cochéns, p. 129).
Ei haur coeth {DG. 24, 21 ; Deth. 10, 23). Man aur {DG. 1, 19 ?)• Dan eurdo hed {DG. 75, 4i ;

Deth. 29, 41), Dy wallt fal cawad o aur {DG. 118, 6; Deik., 21, 6).
Folt findbudi fata forôrda {Tàin, p. 29). Ba cosmail leo dath in fhoilt sin fri... dergor lar ndenam
a datha
{Dâ Derga, RC. vol. xxii, p. 14). D\'fholt mar 6r {Conn., p. 138)- Gac dlaoïgh mar an
t-ôr léithe
{Ibid., p. 122).

La soie.

JJwynbleth manblaid main sidan (GruflEydd ab Dafydd).

Mando sidan (Llywelyn Goch DGC. 87, 29). Dwy ael sidan {DG. 163, 9 ?)■

A bharr siodh {Dànta Grddha^, 11, 10). Is gur mine \'nâ \'n sioda Gach dlaoi (Con«., p. 96).

3)nbsp;L\'ambre.

Gwefr o liw (DG. 7, 17 ?) Dyn goleu wefr {DG. 40, 25).nbsp;, , ^

Nôra an chuil ômraich (Hardiman, op. laud. p. i, p. 300 ; Walsh, op. laud., p. 76). Abhlâithna
nalaoidh ômra
{Conn., p. 58). Stuaidh ômra {Ibid., p. 102).

4)nbsp;La cire.

Cwyr neu aur {DG. 7, 20 ?) Llwyn o gwyr {DG. 68, 9).

y en^^^ ^^^^^^ préférées cependant sont empruntées à la flore, et parmi celles-là il
flei,. ^^^^ ^^^ cs^ caractéristique pour la poésie celtique. C\'est la comparaison avec les
neurs du genêt et de l\'ajonc :

Oedd melynach y fenn no blodeu y banadyKLivre Blanc, p. 238). Ac yna y kymeryssant wy blodeu
y den, a blodeu y banadyl. a blodeu yr erwein ac or rei hynny asswynaw yr un uorwyn deccaf
^atüelediwaf a welas dyn eiroed
{Ibid., p. 50).
B«^nbsp;a melyn eithin (Hywel ab Owain).

{DG °nbsp;^^ • Banadl-lwyn {DG. 25, I9 5 Deth. 2, 19 ?)• Banadlesgyb

Mushnbsp;®^^^dlwallt (leuan ab Rhydderch, IGE. 80, 28).

Aninchairchech. (Kuno Meyer, Deathtales, p. 22).

Le souci.

{DG 25, 17 ; Deth. 2, 17 ?). Goldliw (DG. 68, 18) Fy nyn goldwallt (DG. 213, 6).
Cite par M. Bédier, Légendes Epiques, t. iv, p. 439-

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LA FEMME ET L\'AMANT

3) Les cerises.

Sirian ym mysg y manaur (DG, 7, 19 ?). Fal coed sirian (DG. 35, n ?).

Dans la description fameuse d\'Etâin dans Dâ Derga, ses cheveux sont comparés a
l\'iris : Ba cosmail leo dath indfoilt sin fri harr n\'ailestair hi samrad (RC.,vol. XXII, p. 14)-

Cependant, par opposition aux poètes continentaux, les poètes celtiques ne gardent pas

toute leur admiration pour les blondines et ne refusent pas de payer leur hommage aux
noires et aux brunettes :

Morwyn wineu telediw {Livre Blanc., p. 60). Gwreic wineu telediw {Ibid., p. 66).
Un wendeg neu hudol gwineu hoywdeg (DG. 167, 10 ?). Gwineufleth fain (SippynCyfeiliog, IGE-
75, 8). Lleian ddu (DG. 11, 34)- Gwallt gloywddu glân (DG. 14, 54)- Gwallt lliwddu lleddf
(DG.
19, 2 Deth. 24, 2 ; DG. 20 16).
An spéarbhean dhonn ghlégea {Conn., p. 78). Ceann dubh dileas {Ibid., p. 72).

Les bardes ont une image curieuse pour leur chevelure bouclée : ils aiment à la coamp;r
parer aux branches des arbres d\'une forêt :

Gwiail aur (DG. 7, 2 ?). Goleu dan gangau gwynion (DG. 209, 8). Gwiail unllath (DG. 25, 18 \'
Deth. 2, 18?) Brig euraid (DG. 35, 8 ?). Coed o aur rhudd cyd a raff (DG. 25, 24 ; Deth. 2, 24 ?)•
A
fholt géagglan, {Dânta Grâdhâ^ 39, 3). A bharr sîodh {Ibid., 11, lO. Sur ces branches sont
perchées des
cuaich, c.à.d. des boucles ou des coucous : Até ar do chéibh chleachtsholuis Ealt^
chuach
{Ibid., 13, 5—6).

D Les Sourcils

Comme les dames du Continent, la beauté celtique a les sourcils noirs :

Supercilia nigrata {CB. 118, 3).

Sorciels brunis traitis mout soutilment dorés {De Venus la Déesse d\'Amours, chez Ouïmont, op-

laud., p, 220).
Hire browe broune (Bôddeker, op. laud., p. 148),
Gwrmael (Grufïydd ab Maredudd).

Gwrm ei hael (DG. 221, 20 ; Deth. 17, 20). Gwrmael (DG. 233, 67). Duon dwyael (DG. 18, 4)-

Gwineu ael wiw (DG. 15, 32). Ael winau (DG. 165, 40 ?).
Mais aussi : Dyn rhuddael (DG. 12, 6). Y wiw ael rudd (DG. 92, 55).

Comme toujours le barde a encore d\'autres images à sa disposition ; il les compare •

1)nbsp;Au jais.

Ygwallt hithev ay dwyayl duach no muchud caboledic {Livre B^anc, p. 296).
Muchudd ael fun (Hywel ab Einion Lygliw).

Main fuchudd (DG. 193, 13 ?). Muchudd o liw (Grufïydd Gryg, DGG. 71, 19). Muchudd ael (Gtu
fïydd Llwyd,
IGE. 53, 6).

2)nbsp;Aux plumes du merle.

Mwyalchliw ddwyael (Grufïydd ab Maredudd).

210

Mwyalchod teg ym mylch ton (DG. 8, 25 ; Deth. 25, 25). Asgell y fwyalch esgud (DG. 14, 49)\'

i) Il est vrai que leur idéal de beauté est blond : Muna raibh eire ôir ar a folt Dar leô f^i®
is
Ole an dath {Dânta Grâdha^ 5, 3—4). La femme rêvée de Peredur devait avoir cependant l^s
cheveux aussi noirs qu\'un corbeau {Livre Blanc, p. 46).

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Asgell mwyalch ar galch gwyn (Sippyn Cyfeiliog, IGE. 74gt; 6). Mwyalchod ym margod mur

(Gruffydd Llwyd, IGE. 53, lo).
Smôl-mhala fKeating,
V. ZfcP., vol. ni, p. 621).

3)nbsp;Aux élytres des coléoptères.

Badar duibithir druimne daeil na da malaich {Dd Derga, RC., vol. xxii, p. 14)-

4)nbsp;A différentes espèces de baies.

Mwrrai du (DG. 8, 18 : Deth. 25, 18). Moreiddfyw mwyar addfed (Gruffydd Gryg, DGG. 71, 20).

5)nbsp;A l\'encre:

Ael fal ingc {DG. 193, 12 ?).

^^Quant à la forme, ces sourcils sont naturellement fins et dessinés comme d\'un trait
pinceau. Par opposition aux poètes continentaux, les bardes ne nous parlent jamais
leur forme arquée :

Pulcra supercilia Cum canone ducta decenter (Matheolus le Bigame). Prodit in arcum forma super-
«lù (Giraldus). Ad Iris formulam In fine recurvata
{CB. 118, 3). Arcus supercilia Discriminant
gemelli
{CB. 40, 3).

cilz ac niers et arzonatz, Loncs et espes {Flamenca, vs. I594).\' Lo sils voutz e delguatz (Elias
Cairel).

Sorciz voutiz {Rose). Les sourchieus par sanlant avoit Enarcans, soutiens et ligniés De brun poil
con trais de pinchel (Adam de la Halle,
Jeu de la FeuiUée, vs. 94—96)-

eo hath browes bend an heh (Bôddeker, op. laud., p. 156). Fui smale y-pulled were hir browes

Tale).

aelfain, culael (passim) .M.3in eu tro (DG. 8, 24; Deth. 25, 25).
^hala chael (Walsh,
op. laud., p. 44). Na malaidh ngann mar sgrîb pinn (Conn. p. 140). Do
\'«l^-alaidh caola
(IMd., p. 138)

^ Les Yeux

aux^yej^nbsp;courtoise du Continent, l\'adjectif presque invariable qui se rapporte

\\l xi Y^^nbsp;bardes, et les poètes anglais également, sont ici encore plus près

a lté : ils distinguent des dames aux yeux noirs, gris, ou bleus.

Le^ «culorum aurea (CB. 42, 4).

Sinbsp;®nbsp;(Arnaut de Maruelh).

100)nbsp;Si noir oeil me sanloient vair (Adam de la Halle, Jeu de la Feuillée, vs.

Hyre equot; ^^^ simple et attraiant (Froissart).

Dyn Iv^^r^^nbsp;(Bôddeker, op. laud., p. 155)- Hire eye blake (Ibid., p. 148).

46, 56)nbsp;^ \'nbsp;^^^^^nbsp;^^^^^^ llwygedig liw (DG.

^NaÏTnbsp;^^^nbsp;nglas (Ddnta Grddha^, 5, 2). Do rosg gorm (Conn, p. 138)-

Gla? h^^f ^^^ P- 140).

he lagadnbsp;t. i! p. xjo).

Les poètes H

au moyen âge aiment surtout à les comparer aux yeux du faucon :

(L\'Evêaue de Bazas).

laux vairsnbsp;faucon (Bartsch, Romanzen und Pastourellen, l, 52, 25—26).

(Wrilt;.K.nbsp;faucons (Rose). Femmes portent les oyls veyrs e regardent come faucoun

\'ignt, specimens, p. 4),

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Si heeft twee vakken oogen (^L. Lxxii, 4 3 en, 5)-nbsp;.j.nbsp;t,, . „

Na golwg hebawc mut na golwc gwalch trimut nyd oed olwc tegach nor exdinbsp;\' P-^^^

Golwg gwalch dwythualch o brit deirhi (Einion ab Gwalchmai). Llary dremyn gwalcheidd (Ma
y Clochyddyn). Hebogeid lygeid eureid araf (GruflEydd ab Maredudd).

2)nbsp;A certaines fleurs :

Perchen Ilygaid llus (Sippyn Cyfeiliog, IGE. 1Sgt; 3i)-

Batar glasithir bugha na di shuil {Dâ Dcrga, RG. vol. xxn, p. 15).

3)nbsp;Au cristal et même au verre (!) :

Haer oochskens claer, Si blincken als cristal, {AL. xci, 3)-nbsp;.nbsp;,

An rosg coinnleach mar chriostal {Dânta Grâdha\\ 61, 18). A ghéag mhiolla an ruisg ghlom {Ihrd

42, 26). Do rosg chomh réidh re gluine {lbid.gt; 16, 53) )•
Ils parlent souvent avec attendrissement de l\'expression douce et aimable du regard
de leur dame :

Oculi tui columbarum {Cant. Cant. I; 14 : IV. I).

Na Dous-Esgar (Bernard de Ventadour) Dous esguart amoros (Bertran de Born).
Doulc regard (Froissart). Douls yeuls humains
{Id.).
Golygon hwyr (Gwalchmai).

Golyglon (DG. 137, 33)gt; Wyl fwynaidd olwg (DG. 210, 26).nbsp;^^„„rrnntt.

A Tosg mall {DântaGrddha\\ 38, 14). \'S an dâ shùil agad budh chiùine d\'à ndecaidh i g-ceann(C.««

p. 58).

On a attribué aux troubadours l\'honneur d\'avoir inventé la belle métaphore des yeu^î
riants :

Huels vairs et rizens (Arnaut de Maruelh).nbsp;, j t

Les ius rians (Adam de la Halle). Si vair uel de dous ris {Id.). Euz rians (Bartsch, op. laud., h

29). Clair, simple et riant (Froissart).

Cependant déjà dans le Tâin il est dit de Fédelm : Rose glass gairectach le (p. 29).
F. Le Teint.

C\'est dans les descriptions de la blancheur et de l\'incarnat du vis clair, du cler viair^^
que l\'influence du Cantique des Cantiques sur la poésie érotique occidentale se mon

le mieux :

i) La rose, le lis et l\'ivoire :

Ego flos campi et lilium convallium {Cant. Cant, il, i). Sicut lilium inter spinas, sic amica Kie^

inter filias (11, 2). Collum tuum sicut turris eburnea (vn, 4). Venter eius eburneus (v, 14;-
Illa quidem nostro subiecit eburnea collo Brachia
{Amores, ni, vil, 7—8)-nbsp;^.^g

Rosam maritans lilio {CB. 40, 5)- Rosa rubicundior, Lilio candidior {CB. 136, 3)-nbsp;g),

liliis, Rosa genis est similis {CB. 143. 3). Sic emergunt lilia, Sic rose novelle {CB. 65gt;
Contendit Hlio... Frons nivea {CB. 40, 3)-Manus vincences UUa {CB. 42, 4).nbsp;g

Que roza de pascor Sembla de la color E lis de sa blancor (Peire Vidal). Sa fatz frescha com
par (Bernard de Ventadour). Roza de may, Flors de beutat (Arnaut deMaruelh). 1 Vos«^
plus blanc que lis
{Id.), Plus etz blanca qu\'evori (Guillaume de Poitiers). Corn avori dx
(Peire Vidal).

I) On dirait que les poètes irlandais aient mal compris l\'expression uelhs vairs ! L\'homonymie des mot
irlandais et anglais glas et glass a-t-elle peut-être contribué à cette confusion ?

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LA FEMMEnbsp;^_^

La face coulourée Ou la rose est au lis mellée (Maître Elie). Le cler vis et la face Ou rose et lis
fiorissent (Châtelain de Coucy). Les soupples bras et les mains blanches Plus H«^
d\'espine sur branches Ne que Us ne que fine yvoire
(De Vetula, trad, citée, p. 130). Boutme

avant et rains vauties, Ke manche d\'ivoire entaillies (Adam de la Halle,nbsp;laFemlUe,vs.

144-145).

Lylie whyt hue is. Hire rode so rose on rys (Bôddeker, op. laud., p. 150).

Ces images ne sont pas inconnues à la poésie celtique :

Grudd fel rhosyn y Grog (DG. 25, 6 ; Deth. 2, 6 ?), Dwyros yn ei deurudd (DG. 75, 3i ; Deth 29,

31). Fal lili yw\'r tâl (DG. 32, i ; Deth. 19, i ?) LUw lili lan (DG. i97, 5i).
Mar rôs i ngâirdin thu (C.«n., p. 58). Is deirge do ghruadh \'Nâ an rôs do thig air an crainn
{Ibid.,

P- 96). Grâdh dâ geilchigh is gile gné Mar lite ar li (Dânta Grâdha\\ 30, 13-14).
Salut d\'ach c\'hui, fourdelizen C\'hui \'zo ker koant hag ur rozen
(Gwerziou, t. it, p. 474)-

Pourtant ces fleurs exotiques n\'ont pas pu supplanter dans la poésie des Celtes les
productions de la flore indigène. La digitale et le nénuphar y tiennent souvent lieu de
a rose et du lis, plantes introduites de l\'Orient :

Oed kochach y deu rud nor fion (Livre Blanc, p. 238). Deuvann gocheon aoed yny devrud cochach

oydynt no fion (Ihid., p. 296).nbsp;^ ^^ u f aa\\

Grudd ffion (Grufïydd ab Maredudd ;Mab y Clochyddyn). Pryd alaw (Grufïydd ab Dafydd)^
Grudd fïion deg (DG. 8, 58 ;
Deth. 25, 58). Dail ffion (DG. 8, 43 = Deth. 25, 43);

(Llywelyn Goch).Talm o alaw (DG. 49, 5 : Deth. 13, 3)- UnUiw alaw (Gruffydd Llwyd, IGE. 50,24).
Batar
dergithir sian slébe na da gruad nglan ailli (Dâ Derga, RC. vol. xxii, p. 14)- Sian gruadi
gormchorcrai
(hische Texte, p. 69).

^ais nullement cette résistance se trahit plus clairement que dans le passage dn Brut
y^renhinedd où le traducteur compare la blancheur d\'Essyllt à l\'os des cétacés, c.a d. a
J^^voire du narval, substituant cette matière très estimée par les Gallois à l\'ivoire dont
\'Geoffroy avait parlé :

Candorem carnis ejus nec nitidum ebur, nec nix recenter cadens, nec lilia ulla vincebant (II, 2,

San Marte, p. 21).

Gwenachoednorychtywynedic asgwrnmorvil. acnodimor aellitdiaerhebuamdanaw(BrMïs,p.6o) ).

La fleur d\'épine.

de spina (CB. 51, 2).
anca com neus e flors de spina (Arnaut de Maruelh).
^es mains blanches Plus que flours d\'espines sur branches
(De Vetula, trad, citée, p. 130)

oen blodau blawd ysbaddad (Hywel ab Einion Lygliw).
^nlhw blodau-r drain (DG. 67, 14).nbsp;, - ^

^a chich gheala mar bhlâth na dtom (Conn., p. 66). Mar bhlâth an âirne air an droighnean donn
p. 30). Do chiogh rôgheal mar bhlâth dos (Dânta Grâdha^, 26, 20).

.Les Celtes cependant se servent encore de comparaisons dont ni les poètes courtois,
vagants n\'avaient aucune idée :

que les poètes anglais se servent également de cette comparaison pour don-
A wavl^nbsp;^^ blancheur d\'une belle femme:

Lady Gunbsp;(Bôddeker, laud., p. 161).

est a réuni d\'autres exemples de cette image (Mabinogion, t. I, p. 105)-
\'nbsp;Chaytor, .p. i^ud., p „3, 142.

ni

ner

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1)nbsp;Différentes sortes de baies et de cerises et leurs fleurs :
Hoen blodau sirian (Hywel ab Einion Lygliw).

Grawn gwingoed (DG. 8, 38 ; Deth. 25, 38). Ceirioe« addfed (DG. B, 39 J Deth. 25, 39). Lliwgrawo
celyn (DG. 8, 41 ; Deth. 25, 41). Dwy ogfaenen (DG. 8, 44 ; Deth. 25, 41). Lliw criawol llwyn \\.Dö-
8, 40 ; Deih. 25, 40). Cwrel rudd criawalryw (lolo Goch, IGE. i, 2). Aeron gwineuon newyda
(Gruffydd Llwyd,
IGE. 53, 14). Eirin per ar wyneb bun (Idem., IGE. 53, 16). Drem
fwyar falch wrmrudd
(DG. 233, 22).
Si blâth geai na smér is blâth deas na subhcraebh (Brooke,
Reliques of Irish Poetry, p. 232). A
bhlâth na sùgh-chraébh
(Conn., p. 80). A ghruaidhe air dhath na gcâorchon (Carolan, éd. cit;
I, 12, 284).

2)nbsp;La fleur du pommier.

Tebic afallulawd (Hywel ab Owain).

A ciocha geala mar bhlâth na n\'ùbhall (Hardiman, op. laud., 1.1, p. 216). Is tu blâth na n\'ùbha»
(Ibid., t. I, p. 296). A chneas mar bhlâth (Dânta Grâdha^, 42, 33).

3)nbsp;Le trèfle.

Oed gvynnach y falueu ae byssed no chanawon godrwythoblith man grayan fynhawn fynhonus
(Lime Blanc, p. 238).
Mae ar y tàl mawr araul Meillion calch (Gruffydd Gryg.,
DGG. 71, 13—14)-

4)nbsp;L\'ail, épithète bien galloise :
Gwen cenhinen (DG. 74, 2).

Le règne animal a fourni encore un nombre important de métaphores.

1)nbsp;La blancheur du cygne est proverbiale aussi en dehors des pays celtiques.

...coul et gorge... plus blanche que nege ne que cisne (De Vetula, trad. citée, p. 133). La chaf

blanche plus ke cyne (Chaytor, op. laud., 114, 143).
Hire swyre is whittore then the swon (Böddeker,
op. laud., p. 148).
No bronn alarch gwynn oed gwynach y dwy uron
(Livre Blanc, p. 238).
Kin buyf. aelav hetiv. gan eiliv eleirch
(Livre Noir, 50 : 7—8).

Lliw\'r alarch (DG. 105, 72). Alarchwedd (lolo Goch, IGE. I, 28). Lliw plu \'r alarch (Llywelyo
Goch).

Dâchichbhreaghadheasabhânamhine geala Mar eala bhéidheadh air an linn \'nnah-aonar (Cow«., P\'
14). \'S a piob mar eala air lân mhuir. (Hardiman,
op. laud., t. I, p. 204). \'S a piob mar aö
eala lâ Mârta
(Conn. p. 66 ; cf. p. 72, 116). An phfob bhân snuadh de \'n ngéis (Ibid., p.
An t-ucht mar ghéis
(Ibid., p. 138).
Noms h y p o c o r i s t i q u e s :
Alarch mwyn
(DG. 177, 7)-
Mo ghéis (Conn., p. 140).

2)nbsp;Le goéland :

Lliw gwylan befr (DG. 105, 66). Lliw \'r wylan wych (DG. 49, 9). Gwynach no\'r gwylanod (DO-

75, 38 ; Deth. 29, 38).
Gile \'na \'n eala, \'s an fhaoilean
(Conn. p. 62).
Noms hypocoristiques:

Atwen yn Dinbych gorwen gwylan (Taliesin, 43 : 16-17). Trybehd wylein (Cynddelw).
Essyld wen serchog wylan
(Yitorya Trystan).

Yr wylan fwyn arafaidd lariaiddlân(DG. 115, 34)- \'M lleddf wylan (DG. 33, 44) Gwylan hy (Sippy
Cyfeiliog,
IGE. 75, 44)-nbsp;v

An bhfaoileân mhódhmhar mhânla min (Conn., p. 122). An fhaoileann bhân dùinn (Ibid., p-

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femme

3)nbsp;L\'hirondelle.

Pal gwennawl ar fol gwaneg (DG. 8, 32 ; Deth. 25, 32)- Bronnau fal bai \'r wennaul.nbsp;36 ;

Deth. 29, 36). \'R dyn a\'r lliw mor ddeg A\'r wennawl ar y waneg. {DG. 75. 23—24 ; Deth. 29,

17—18).

4)nbsp;Le coucou (nom hypocoristique)

5)nbsp;Le verdier et le pic (noms hypocoristiques) :

Llinos aur (DG. 67, 4). Fy Uinosen (DG. 75. 43 J Deth., 29. 45)-

Cegiden (lolo Gocb, IGE. i, 7\\

Enfin Gruffydd ab Maredudd, et Dafydd ab Gwilym à son instar, comparent leurs
dames à une biche :
iyrcheU, elain {DG, 12, 46), ewig wen {Deth. 38, 41). H est question
^ans les contes écossais, comme dans le
Lai de Guigemar, peut-être d\'origine bretonne,
fees qui savent se métamorphoser en une biche blanche Toutefois la comparaison
I ^st pas seulement propre à la poésie celtique : dans le
Cantique des Cantiques il est dit
e 1 amant :
similis est dilectus meus capreae, hinnuloque cervorum (ii, 9)-
^ans un cywydd remarquable Dafydd raconte à sa vieille conseillièrc un songe qu il
I « celle-là lui explique que la biche blanche qu\'il a cru poursuivre represente la
t
I unbsp;la meute ses llateion {Deth. 38. 37-42) Presqu\'un siècle avant lui,

Jhibaut de Navarre avait comparé sa dame à un cerf blanc, difficile à chasser a cause
es loups (se sont les envieux) qui l\'entourent :

cers est aventureus
Et si est blans conme r
«t SI a les crins andeus
sors que or espanois.
cers est en un defois.

nois

A l\'entrer mult perilleus.
Et si est gardez de leus.
Ce sont felon envieus
Qui trop grievent aus cortois.

{éd. Wallenskôld, xvil, m).

Mais déjà Ovide avait fait un songe pareil {Amores, III, V) et l\'augure lui avait exphque
ét
^l ^^nbsp;hlmchc qu\'il avait vu quitter le pâturage de son taureau après avoir

DerfiHnbsp;par un corbeau, symbolisait son amante, qui, corrompue par les conseils

rîides d\'une vieille, allait le trahir.

I^ans toute la poésie érotique de l\'occident le teint de la belle est comparé à la neige :

Erachia, Sithonia candidior nive {Amores, III, VII, 7-8)-nbsp;^ ^ . .

r^acies est nivea, Miranda decore {CB. 132, 2). Leta frons tam nivea {CB. 42. 4)- Certant

nivi, micaut lene. Pectus, mentum, colla, gene (CB. 40.5)-
Mento e gola e peitrina Blanca com neus e flors d\'espina (Arnaut de Maruelh). Neus blanca non

es aitals Cum sos cors ries de joven (Uc de Saint-Circ).
Planche ot la gorge et le menton Plus que noif sur gelee (Bartsch,
op. laud., n, 28, 9-10)- Gorge
ot plus blanche Que
n\' est la noif desus la branche (Jubinal, Nouveau Recueil, t. II. P- I79).
(
mT\'\'nbsp;abMaredudd). Lliw eiry caen (Id.). Frydnyf (Id.). Hoewliw manod lonawr.

ysblennyd gawat (lorwerth Fychan).

P- 184-185,,

Alari.^\'nbsp;Szirvivals in Belief among the Celts, p. 124-128 : Warnke et Kohier, Die Lais

®P- LXXX.

ans sa confession Dafydd s\'accuse d\'avoir eu foi aux songes: Coelio breuddwydion (DG. 245. 53)-

-ocr page 232-

Lliw ôd, manôd, dry nyf (pamni). Lliw ôd lân (DG. 97. i?)- Ll\'w gawad ôd (DG. 105, ^S)-
myr eiry (DG. 8, 16:
Deth. 25, 16). Dwy fron mor wynion a\'r ôd (DG. 75, 37 î Deth. 29, 37)- ^
eiry lonawr (lolo Goch, IGE. i, n). Eiry nawnyf oerhin lonawr (lorwerth ab y Cyriog, JGi^-

GihL^Sechta sniged M oenaidchi taidlech a cniss ocus a colla sech a timthach sechtair (Tâtn,
p. 29). Batar gilithir sneachta n-6en aidche na di doit (Dd Derga, RG., vol. xxii, p. 15). A h-eaaa
mar shneachta
(Çonn., p. 116).

Pour les bardes ce n\'est pas une image vague qu\'ils appliquent méchaniquement.
On sent qu\'ils ont eu réellement présent à l\'esprit l\'aspect de montagnes détermmees,
couronnées de neige pendant une grande partie de l\'année :

Kyfliw eiry gorwynn gorwyt Epynt (Cynddelw). Gwen lliw aryen ar Eryri (Einion ab Gwalchmai)-
LHw eiry cynnar pen Aran (Hywel ab Einion Lygliw). Lliw eiry bronnyd (lorwerth Fychany-

Llyw nyf gorthir (Gruffydd ab Maredudd).nbsp;, .nbsp;,„0,

\'R eiry ar fryn yr Aran (DG. 222, 6 ?)• Modd eiry craig (DG. 169, lo). Lliw eiry gorthir (DG-

51). Hoen eiry ar orthir (Madog Benfras, DGG. p. 123).
Do chum is mine \'nâ an sioda air Shliabh Ui Fhloinn
(Conn. p., 30). Mar shneachta cnuic g
clôdh
(Ddnta Grâdha^ 5, 34). A taobh mar an sneachta sl^ibhe. (Carolan, éd. cit.. Il, 15. 47

Voici maintenant deux autres comparaisons empruntées à la nature qui semblent
caractéristiques pour la poésie celtique :

1)nbsp;La filandre ou la goutte de rosée :

Gwenned gwawn (Einion ab Gwalchmai). Gwawn wedd (Gruffydd ab Maredudd). Gne gwaj»
(Hywel ab Einion Lygliw). Gwawn lliw (lorwerth ab yCyriog). Gwedd gwawn gweunydd (i^^\'
Lliw gwynaf gwawn (DG. 17, 27). Wythliw y gwawn
(DG. 58, 8 ; Deth. 20, 8). Eglur waw

(67, 5). Lliw gwawn oror (DG. 97, 25). Loywne gwawn (DG. 60, 26).
A sûil mar drùcht an fhôghmhair
(Conn. p. 126). Is breaghachta nâ an rôs, A dhriùcht na maïui
is âille (Carolan,
éd. cit., I, 69, 1469). Mar dhriùcht air mhaidin shamhraidh (Ibid., l,
1489). A\'s a shùil bhreagh ghlas mar dhrùcht air an bhfaith (Ibid., II, 145 475) )•

2)nbsp;L\'écume des vagues :

Oed gwynnach y chnawd no distrych y donn (Livre Blanc, p. 238).nbsp;,

Bun dec liu guanec gro (Livre Noir 7 : 8-9). Lliw ton am rwyf (Cynddelw). Goroen tonn am rwy
(Gruffydd ab Maredudd). Lliw amaerwy ton (Cynddelw). Tebyc gwenyc gwynlas (Hywel
Owain). Hartliw gwanec
(Id.). LIeuver ebyr myr morveyd dylan (lorwerth Fychan). Hoen gei ^
creignaint glwys (Gruffydd ab Maredudd). Lliw bas
(Id.). Gwendonn gwyndirMechyd do^^J

Fychan) Gwaneg loewder gwynfrig aber gwenfro Gybi (Gruffydd ab Maredudd). Delw be

Caswennan (Hywel ab Einion Lygliw).nbsp;ps

Eihw ton (DG. 110, 32 ; Deth. 34, 32). Wythliw ton (DG. 88, 4). Deurudd y don (DG. 222, 2
Cofl aur deg cyfliw a\'r don(DG. m, 22?) Wyneb ewyn
(DG. 148, X5?). Ewyn gorff (DG. 188,
Gwaneg wedd (DG. 88, 29). Hoen waneg
(DG. 19, 413 Deth. 24,41). Unne geirw (DG. 77\' »
Lliw ton geirw pan feirw ar for (DG. 29, 36). Lliw berw hardd bas (DG. 60, 55)- Deuliw
d

dwfr llafarlas (DG. 18, 9). Aelgeth liw ffrwd gweilgi (DG. 8, 51; Der/z. 25, 51). Gorne gwen
Meirionnydd (DG. 189, 23 j
Deth. 33, 23). Gorfre bron hoywdon ehediad Gwyndraeth (DG.
49). Bylchdon bryd rhyd rhaeadrflaen (Madog Benfras, DGG. p. 123).
Ba gilithir uan tuinde in taeb seng
(Dd Derga, RC., vol. xxii, p. 15). A chneas mar chu^ ^
(DântaGrâdha^ i-j, 6). Dâcorpghlan mar chlâr cùbhair (Ibid., 23, 8). A cneas mar chuip
5, 33). Do thaobh mar chuip
(Conn. p. 138). Geal-phiob mar an cùbhar (Ibid., p. 78)-

Enfin le teint de la dame est comparable à la couleur de toutes sortes de matief^s
brillantes, blanches et rouges.

i) Cf. aussi ; Consurgenti cernitur Similis aurore Irriganti cUmata Matutino rore (CB. 132» 2)-

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FEMME

La chaux :

Groen gwyngalch (DG. 8, 38 ; Deth. 25, 38). Lliw \'r gorph o\'r peillwy a\'r calch (DG. I93gt; 8 ?) Fy

™un galchUw (DG. 156, ii Sippyn Cyfeiliog, IGE. 75, I3)-nbsp;- -jr 3 ^ tt^

A brâgaid mar aol (Walsh, op. laud., p. 170). Ait Horn li cailce ar a corp {Danta Gradha , 5,
An t-ucht mar aol
(Conn. p. 140). A piob mar an aél (Ibid., p. 80).

Le cristal :

Cristalli guttur amenum (Matheolus le Bigame).

Vostre beutat qu\'es aitals Cum belha rosa et belhs cristals (Elias de Barjols).

Plus blanche que cristal (Jeu d\'Adam). Neïs la gorge contre val Sanbloit de glace ou de cri. tal

(Fabliau de Guillaume au Faucon).
Hire loueliche chere as cristal (Böddeker, op. laud., p. 169).

^^«^hnawt...... gwynach oed no blawt y crissant gwynhaf (Livre Blanc, p. 67, 296).

Gealghnùis^SnlSfmÎr rôT(ûâ«ra Grâdha\\ 30, I7). A taobh mar an gcriostal (Carolan, éd. cit.,
12, 281). Do ghnùis dheas mar an gcriostal (Ibid., l, 16, 376)-

3)nbsp;Le papier et le parchemin (1).

Blanche comme un parchemin (Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, vu, 5)-
Lliw papir
(DG. 149, 24 ; Deth. 57, 22).

4)nbsp;Le vin :

Gruddiau gwin (DG. 56, 24 : Deth. 23, 16). Lliw \'r gwin (DG. I93. 9 ?)•

5)nbsp;Le pourpre, le vermillon et le corail :

Sicut fragmen mali punici ita genae tuae (Cant. Cant, iv, 3)-. Sicut cortex mali punici, sic genae
tuae
(Ibid., VI, 6). Liha puniceo vernant comitata rubore (Giraldus).
fassa fresca de colors Blanca, vermelha plus que flors (Arnaut de Maruelh).
la colors naturals En la face que vi C\'est fins rubis et cristals (Gautier d ^^P;«^ ^
ajenoit sor son vis Le vermeil sor le blanc assis Que le synnople sor l\'argent
(Gmllaume au
Paucon).

^edd grudd gwrel (Gruffydd ab Maredudd).nbsp;^ _ . , ,

Cwrel lUw (DG. 8, 40 ; dJ. 25, 40). Cwrel ac eur (Gruffydd Gryg, DGG.nbsp;^^

Goch, IGE. I, 2). A\'i chorfî megis y porfïor (DG. 163, 3 ?)• Deurudd ysgariad (DG. 118, 11 ,Deth.
21, 9). Sinoblrudd (DG. 117, 2 ; leuan ab Rhydderch, IGE. 80, 4).
grùadi gormchorcrai
(Irische Texte, p. 69). Na gruadha corcra (Conn, p. 138)-

G- La Bouche.

I) Les lèvres sont vermeilles :

Sicut vitta coccinea, labia tua (Can^ iv, 3). Labia rotunda, Atque »^^bicunda (CB 118, 4
ßouche petite vermeillete ( Jubinal, Nouveau Recueil, t. H, p. 180). Les lèvres un poi grossetes Tr^s
tout entor sont vermeilletes (Id.,
Jongleurs et Trouvèn., p. 120). Buche vermayle fete cume
teint En greyne (Chaytor,
op. laud., p. I55)-
J^weusgoch (lolo Goch,
IGE. i, 46). Gweüs sinobl (Ibid. 3. 34).nbsp;^ -wn - n .. RC

Cosmail do nuapartaing a beóil (Tâin, p. 29). Batar dergithir partaing na beoil (Da Derga, RC.,
vol. XXII, p. 15). A be^i, partardeirg (Irische Texte, p. 69^

Jf\' ^^lles dents blanches (gwenddyn gwynddainU DG. 209, 42; gmnddoeth gmn-
ÖG. 13, 27), que les poètes latins comparent à l\'ivoire, les troubadours au cristal.

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les poètes anglais à l\'ivoire du narval et les anciens conteurs irlandais aux perles, les
bardes gallois n\'ont pas d\'images spéciales.

Dans leurs nombreuses digressions sur la bouche savoureuse et odorante de leurs
belles se trahit l\'influence des descriptions voluptueuses, lourdes de parfums, du
Cantique des Cantiques. Il est curieux de constater que chez les Celtes, et aussi chez les
Anglais, le baume et le miel ont fait place peu à peu à des matières moins
poétiques?
à la bière et au brandevin. Mais cette comparaison se trouve également déjà indiques
dans le poème oriental :

Favus distillans labia tua, sponsa, mel et lac sub lingua tua {Cant. Cant, iv, 12). Emissiones tuaS
paradisus malorum punicorum cum pomorum fructibus. Cypri cum nardo ; nardus et crocus
j
fistula et cinnamonum cum universis lignis Libani, myrrha et aloe cum omnibus primis ungueO\'
tis
(IV, 12—13). Labia eius Ulia distillantia myrrham primam (v, 13). Guttur illius suavissimuR^
(v., 16). Guttur tuum sicut vinum optimum (vu, 9)-nbsp;.

Ista vincit balsamum odore (JCB. 109, 3). Felix est qui osculis mellifluis Ipsius potitur (CE. 1275

Odor roseus spirat a labiis {CB. 166, 3).
Il est avis de sa gorgete De l\'odor que ce soit droit mirre (Jubinal,
Jongleurs et Trouvères, P\'

120). La bouche Qui tant est savoureuse et douce {Ibid., p. 122).
Haer mont zoet meer dan balzums lucht
{Oudvlaemsche liederen en andere gedichten, t. 1, no. cXlX;-
Hir mouth was swete as bragot or the meeth Or hord of apples, leyd in hey or heeth
{Miller\'s TaM-
Afal Awst O felysder (DG. 159, 10). A\'r anadl oil a\'r wyneb Fal aroglau siopau sieb (DG. 163, 5\'°^\'

Mor felus yw gwefus (DG. 165,46 ?). Gwin o\'r pint yw\'r genau pêr (SippynCyfeiliog, IGE. 74,
A bhéilin mheala, bhfuil boladh na time air (Hardiman,
op. laud., t. i, p. 262). A bhéal cumhra
{Ddnta Grâdha^, 42, 33). An béai bionnfhoclach balsaim {Ibid., 16,48). A bhéilin an tsiucra, m»
leamhnacht, mar fhion \'s mar bheóir
{Conn. p. s8).Millse bias a póg \'nâ an siùcra beach aij^
bord, \'S a bheith dâ \'ól air bhrannda craorag
{Ibid., p. 14). Budh mhillse liom a phóigin Na
an bheóir \'s \'nâ an sciùra bân
{Ibid., p. 26).

H. Le Corps.

Lateri parva mamilla sedet (Mathieu de Vendôme). Arctatur laterum descensus ad ilia, donec
Surgat ventriculo luxuriante tumor
{Id.) Colli forma teres et longa decenter et ampla Sustioe^
hoc tanquam fida columna caput (Giraldus). A tenello tenera Pectusculo Distendantur later

{CB. 56, 4)-nbsp;. -1

\'L cors a gras, delgat e gen ( Jaufre Rudel). Cors be faihz, delgatz e plas (Bernard de Ventadour;\'

Los flancs grailes et escafitz {Id.). Delgat, graile, e fresc a lis (Bertran de Born).
Le col blanc, rondet par derrière
{Lamentations, trad, de Jean le Fèvre, éd. cit., t. i, p. 18)- ^
gorgette polie et pleine {Ibid.. p. 18). Les costés longs, le corps faids {Ibid., p. 19). Des rai»^
la compasseure Ne trop large ne trop estroite
{Ibid., p. 19). Les mameletes Sont petites e^
rondeletes. Un pou plus grosses que pommetes (Jubinal,
Nouveau Recueil, t. Ii, p. 179). Boutsn^
avant et rains vauties (Adam de la Halle,
Jeu de la Feuillée, vs. 144). Les espaules ben assi
(Chaytor,
op. laud., p. 143)-
With middel smal and wel y-make (Bôddeker, op. laud., p. 148).

Mynyglwen yn lien (lorwerth Fychan).nbsp;,

Mwnwgl hir feinwyn (DG. 8, 53, ? DerÂ.25,53)-Dyfwnwgl yn dwf uniawn (DG. 118, 9; Deth.2i,l^

Main fynwaur (DG. 147, 24). Llathrgnawd(DG.i4,3i)-Hirllathr gorfï (Madog Benfras, DO- \'

p. 125). Bron afaltwf (lolo Goch, IGE. I, 30). Dy fronau \'n bellenau Ilawn (DG. 118, 10 ; De
21, 8). Gwiwgefn wych (DG. 91, i3).Mainwasg (DG. loi,
19). Y gynilferch ganolfain (F,
Mynwes dlos fain ystlysir (Llywelyn ab y Moel,
IGE. 6g, 6).
Batar forarda mine maethgela na da gualaind
{Dâ Derga, RC., vol. xxii, p. 15). Taeb sengW ^
tlaith, min, maith amal olaind
{Ibid., p. 15). Do chom seang (Walsh, op. laud., p. 44 ? ^on
p. 70). A dâ chich corra cómh-chruinn
{Conn. p. 126).

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Les Extrémités.

Sublatis phaleris perpulcre brachia forme Ludebant humeris (Matheolus,

cum digitis fulsit manus alba, polita (Id. p. 255). Nec vacua fluitat pelle pohtanbsp;^^^

de Vendôme). Brachia longa (Giraldus Cambrensis) Femorum caro lac ea,nbsp;^^

brevis (W.). Excepta forma pedis albi celte politi, Quem recte norma sibinbsp;^

Tibia cum femore nivis instaurata colore (Matheolus le Bigame). Pes brevis, artxculus directus,

carnea crura (Mathieu de Vendôme).
Vostras bellas blancas mas E\'is vostre detz grailes e plas (Arnaut de Maruelh).
La main blanche, les dois traitis
^Lamentation., trad, cit., vs. 581). Si don sont
lées
(Jubinal,nbsp;Tro^^èr.., p. 122). Le bras estoit desous

(t. II,p. 179).... lonc bras... gros grailleou il aferoit... chd bel on^^^^^^^^

jointe, graille et fin. Couvert d\'un bel ongle sanguin Près de la car onm et net (Adam

Feuillée, vs. 130-137). La cuisse bien faicte (Gaston Paris, Chansons du XVe
Plate hanke, ronde gamLte, Gros braon, basse kevillete, Pié vauric, haingre, a peu de car (Adam,

Ant fyngres feyre forte folde... Theyes legges, fet ant al

y-wraht wes of the beste (Bôddeker, op. laud., p. 169)-nbsp;.nbsp;(Hanes

Aetodeu grymus, ac esgeiryeu hyduf, ar traet goreu, a byssed hiryon, ac ewmed teneu {Hanes

quot;w^n y hesSrvquot;ch^y hesgid (lorwer.h Fychan). Llaw iesin (Sefnyn). Llawhir (Gruffydd ab

Maredudd).

I^wylaw a byssedd hirfeinion, ac ewinedd gwynion {Breuddwyd Gruffydd ab Adda, dans G. lenar

Griffiths, Rhyddiaeth Cymreig, p. 14)-nbsp;^ ^ rnr-

Aelod main (DG. 64, 46 ?) Pefr. fraich (DG. 49. 32). Braich hir wybr uwch haul (DG. 75, 35,
29, 35). Llawir ebrwydd (DG. 159. 6). Llaw wych (DG. 75. 33nbsp;33)- Baslar^

nir, bys hoylary teg, Ewin ballasarn arnaw (lolo Goch IGE. I, 32 33)- P ei we
ooed bvr
{Ibid i 38)

^«ar gelgiana siifhota na mera... Batar fota na lama {Dd De-ga, RC., vol. xxn, P^^f - A bhas

bbarr chaol {Ddnta Grâdha\\ 16, 90). Gealghlaic leabhra lùith (Zô.d, 30,nbsp;Tra gthi seta

^^hgela ; ingni corcra côri cruindgéra lé (rim, p. 29). An troigh réidh

Troigh ghealmhàlla {Ibid., 16, 99). Sâl is seangmhâlla séaghainn {Ibid., 16,100). Do shal chrumn,
cholpa réidh
{Conn., p. 158).

^ — La stature et la démarche

La beauté celtique, elle-aussi, est svelte, délicate et élancée comme les statues gothiques.

Bychan y mae hyn no dyn degmlwyt (Hywel ab Owain). Twf mein (id.). ^eindeg (W. K GwanUun
Llywarch ab Llywelyn).M^gan (Cynddelw). Gwandwf (Gruffydd ab Mareddud). Twf
gwan gwar
{Id.). Hwyrdwf {Id.).nbsp;. ,,

Meimr, meinwen, meindeg, meingu, meinferch, meinllun, meinwar, meinwyl, memwedd {passim).
iJyn fach (DG. 29, 40). Twf coeth (DG. 221, 48 ; Deth. 17, 50 ?)•

C\'e^s^^nbsp;sa démarche élégante les poètes celtiques ont trouvé des images gracieuses,

a peine que les brins d\'herbe ou les rameaux secs plient sous ses pas :

^rth gamu brwynen breit na dygwyt (Hywel ab Owain).

ti^yr crinbren, dien dwyll, Dan droet i\'m dyn drud ammwyll (DG. i53gt; 9—10).

Ysgafodtortest dite dans le Roman de Culhwch du cheval du héros et de Scilte

Ny chwynes ulaen blewyn arnaw rac yscawnhet tuth y gorwyd y danaw {Livre- Blanc, p. 228)
ïn hyt y oes ny flygwys konyn dan y draet. anoethach torre rac y yskafned
{Ibtd., p. 232).

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Mais ce trait se rencontre aussi dans le lyrisme irlandais :

Shiùbhailfinn se air an n-drùchd leat A\'s ni bhrùighfinn leat an feur (Walsh, op. laud., P- 7^)-

On se souviendra de l\'étymologie poétique du nom d\'Olwen : Pedeir meillonen gwytinyo^^
a dyuei yny hol mynyd elhei. Ac am hynny y gelwit hi Olwen {Livre Blanc,
p. 238)-
trait charmant a son pendant dans une poésie populaire publiée par M. Hyde : \'S g
bhfâsann mil \'nna diaigh Air lorg a cos \'san tsliabh {Conn. p. 10). L\'image fait pense^
à la croyance répandue parmi les anciens Indous que seul le contact avec le pied d\'un
femme amoureuse peut faire éclore les fleurs de l\'arbre dit
açoka.

L La toilette

A C

Il est impossible de lire, même superficiellement, les récits en prose celtiques sans êtr
frappé par les longues digressions sur les vêtements, qui interrompent sans cesse le reci^
Nous n\'apprenons par exemple rien, ou presque rien,sur la physionomie d\'une Elen Luy \'
dawg, mais sa toilette nous est décrite dans tous les détails, et le costume d\'Étâin intéres-
sait le conteur au moins autant que sa beauté. A cet égard surtout le
Songe de Rhonabm^
est caractéristique pour le style du storiawr. Cependant les Celtes montrent cette mêm
prédilection pour les descriptions de costumes brillants aussi dans leur poésie lyrique, et
elle est encore plus frappante. Un troubadour aurait pensé manquer de respect à ^
personnalité de sa protectrice s\'il s\'était arrêté longuement à la beauté de sa figure, encor^
moins à celle de sa toilette. Les poètes latins sont déjà moins fermés à la splendeur d «
costume superbe, et parfois ils nous en parlent avec admiration :

Chlamys, multifario Ni tens artificio, Dependebat vertice ; Cotulata vario, Vestis, erat tyrio Colo
rata murice Opere plumario (Du Méril,
op. laud., p. 227).

Mais à Dafydd ab Gwilym il faut un cywydd entier {DG. 26) pour exprimer toutesoO
admiration pour la coiffure de Morfudd, et à l\'instar des Gogynfeirdd il nous inform-
exactement de quelles étoffes précieuses ses amies sont vêtues :

Bun... a gérais dan frig urail Ac aur mal uwch ei gwrm ael (Grufïydd ab Maredudd). Gwelai^
symud sud sidan ac awmael Ac urael ac arian Ac asur drwg a gusan Ac aur mâl am hoen gei^^
man.
(Id.). Dyn aur a fu\'n dwyn urael (id.). Cannwyll Caduan lann o lenn bali (Einion
Gwalchmai). A phall syndal a phali (Grufïydd abMaredudd). Lien lliw ehoec (Hywel ab Owai ^
Llewych lien afallwyd kann (lorwerth Fychan). Dillyn porphor dillad (Hywel ab ^i» .
Lygliw). Gwisc lassar (Casnodyn). Gorduawc p ail eurawc (Cynddelw). Gorthorch
eurin (Hy

ab Owain).nbsp;jgg

Gwiwra bebyll (DG. 62, 9). Aur ganwyll mewn urael (DG. 233, 26). Pefrwisg ferch, sida»w
dent (DG.
154, 32). Dyn syndalwe (Grufïydd Gryg, DGG, 71)- Gwen dan len loywlwys (Gr
fydd Llwyd,
IGE., 51, 45). Porfïor ei thoryn (DG.zzi, i; Deth. 17, i). Aur ar wregys ei gwn (
158, 10). Dyn wisg euraid (DG. 225^ 21 ?).

M Talents et qualités

Dans l\'Art poétique gallois, le bardd teulu est engagé à glorifier non seulement la beauté
de la matrone ou de la demoiselle, mais de se souvenir aussi de leur chasteté, ^^^^
noblesse, de leurs talents, de leur générosité, de leur
sagesse, de leur modestie et de le
autres bonnes qualités :

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bryt a thegwch

aphetheuereillgLigolyL anrydedus... Riein a volir o bryt a thegwch a ^ab a morwy
dawt a
haelder a lletneisrwyd a phetheu ereill rieinieid (Bulleun, vol. I, p. 200) ).

^ Un modèle de toutes ces vertus avait été la princesse Angharad, dont le bj^g^
d^son mari dit qu\'elle était d\'un bon
caractère, éloquente, „bonne pour ce qu est du
et du
mangerquot;, sage et prudente, bonne conseillère, clémente pour ses su)ets, chari
able pour les indigents et juste en toute chose :

Hynaws, a huaudd, a da o uwyt a llynn ; a doeth a chall a chynghorwreic da ; trugarauc urth y
chyuoeth, a chardodus urth achanogyon, a chyfreithus ym pob peth (Hams, p. gt;

Sans doute ces vertus étaient appréciées partout et n\'ont rien de
Aussi nous croyons-nous dispensés du soin de comparer toutes les expressions P^^ ^^
bardes louent par exemple la sagesse de leurs dames aux termes
littératures étrangères, et nous
Lus contenterons ici de montrer que les Cywyddwyr
ont bien observé les prescriptions citées :

Chasteté et modestie.

ï^iweirddoeth (DG. 49, 24 ; De... 13, 24). Crair ddiweirbwyll (DG.53, xxnbsp;^^

ddyn (DG. 73, 24). Dyn ddiell (DG. 168, 7?)- FY ^^am wyl (D^- 9, ^^^J^fOG 71 5) Lled-
X7, 4). Bun gwiwlun wyl, (DG. 37,
28).Meinwyl (DG. 87, 58). Uednais wawr (DG. 71,
nais ddyn (DG. 151, xx ?) Llednais ferch (DG. i97, 5 ; 20X, 41). E^ dawel (DG. 33, 4)-
Merch dawel (DG. 56, i ;
Deth. 23, i). Dyn foddus fwyn (DG. 154, 66;.

Noblesse.

Cenedlog rhywiog rhiain (DG. X53, 23). Boneddig wyd (DG. 156, 3)- Eigr

I^a ei hachen (DG. 16^ i ?). Lrch urddolwaed (DG. 191, 47)- Efa fonheddig

I). Bonheddigddoeth ferch (DG. 216, 9). Boneddig urddedig ddyn (Madog Bentras, DGU.
p. 124). Pennes uchel ei bonedd {Id., DGG. p. 125).

3)nbsp;Talents et sagesse.

Gwen gymmengall (DG. 106, 4 ; DG. 156, 21?). Gwen gymmengamp (DG. 175, 35

quot;^enddysg (DG. X96, 41). Gwen gymmengu (DG. 225, 5 ?)• Ddyn SY^^^fnbsp;\'ti

Cellweirus {DG. 199, 2). Callaidd ym mhob cellwair (DG. 199, i5).Gem ddoeth (DG. 210, 64).)

4)nbsp;Générosité et amabilité.

Ey myd hael (DG. 131, 34). Chwaer hael (DG. 147, 7 J«). Haelferch (DG.nbsp;Hae^

f^n {DG. 211,2).Merch dinag (DG. ii3,i2).Llariaiddlan(DG. 115,4).Llanaidd gu(DG. 151,12.).

faci ^nbsp;q^elq^es qualités de la dame sur lesquelles il nous faut revenir d\'une

rei.nbsp;«rconstanciée, puisque sous aucun autre rapport l\'idéal de la poesie galloise

e emble autant à la damna de pretz e de valor chantée par les troubadours. Si
W
\'nbsp;P^^ «on e saher, doctrina e conoissensa, si elle est sim e razttz d ensen-

ab n ^nbsp;de .Maruelh), celle-là ne se signale pas moins par son mabdysg (Hywel

^ Owain) et est également cyflawn o\'r dawn a\'r dysg {DG. 20, 10). Si Bernard de Venta-
pen commun que sa dame sait même lire
{Ela sap letras e enten,
j;^53^hisserdyn dit aussi de Myfanwy, la femme de Goronwy Fychan : Llythr ae

^^ Cf. Edeyrn Dafod Aur., éd. cit., p. xxxvn j Pum Llyfr, Ibid., p. ci -cii.

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dysgawd {Gog. p. 178). Le talent le plus indispensable à une dame accomplie du Mi\'i^\'
était le
bel aculhimen et le gai solas, l\'aptitude à accueillir parfaitement ses hôtes et
à les entretenir agréablement :

Azauta a totas gens (Uc de Saint-Cire). Ries gais captenemens {Id.). De bela companha (Bernard
de Ventadour). Gent parlar e francx ris (Uc de la Bachellerie). Adreg parlar gaban
(Bertran
Born). Sos parlars fis et aperceubutz E\'I respondre plazens et abelhitz (Aimeric de
guilhan).

Les Gallois attachaient peut-être encore plus de prix à ces qualités. Dans les triades
de la
Doethineb y Cymry, parmi les trois qualités par lesquelles la femme peut gagner
l\'amour de son mari est comptée une conversation affable. Une des trois choses qui portent
honneur à une femme mariée est un discours sensé :

Tripheth ar wraig briawd a bair iddi gariad gan ei gwr, serchusder ymadrawdd, uvuddawd y^
ei hymddwyn, a diwydrwydd yn ei gorchwyl. Tripheth a ddygant urddas i wraig,
ymadroddio^
pwyllgar, boddlondeb i\'r byd a vo arni, a bod yn heddychgar ymhlith eichymodogion (MA^. p. 823^ •

Dans les versions de leur Art poétique publiées par Ab Ithel, les bardes sont exhortes
à ne pas oublier dans leurs louanges la conversation courtoise {disimlder ymadrawd^
des matrones. Aussi les poètes ne tarissent-ils pas en éloges sur leur conversation chaf\'
mante, sur leur rire discret et convenable et même, trait caractéristique, sur la pureté
de leur langage ;

Dawel y chyuaryeith (Cynddelw). Gweteit wovec (Hywel ab Owain). Dec y gostec
Chwerthin egwan
{Id.). Gwen laes chwerthin (Goronwy Ddu). Kymraec laesdec (Cynddelw)-
Dy goeth Gymraec (Hywel ab Owain). Mein virein riein gein Gymraec (Casnodyn).

Claer ddidaer ddadl (DG. 8, 49 ; Deth. 25, 49?). Crair gair gywraint (DG. 13, 22). Ceinddadl
(B, 10). Hoyw \'dameg (DG. 24, 12 j Deth. 10, 12). Digabl cron barabl croyw (DG. 22, 2 ; Dethquot;
22, 2). Gweniaeth brydferth a chwerthin (DG. 56, 25 ; Deth. 23, 13). Dyfr loewieithlyfr (leaaii
ab Rhydderch,
IGE. 80, 16). Parabl dwys glwys gloywber (Sippyn CyfeiHog, Ibid., 74, 9)- ^^^
dafod parodiaeth (Gruffydd Gryg,
DGG. 71, 27).

On pourrait croire qu\'ici du moins les bardes ne se sont pas soustraits à l\'influence
de la poésie des troubadours. Pourtant nous croyons pouvoir expliquer cette analogie
d\'expressions autrement. La dame accomplie, qui sait s\'entretenir avec ses hôtes ave\'\'
tant de facilité, est une figure qui paraît partout
s\'est formée une société courtoise
dans laquelle la conversation tient une large place. Or, il ne fait pas le moindre doute
que cet état de choses, qui sur le Continent date
de la fin du Xle siècle, était très ancie^^
au Pays de Galles,
oti les cours princières étaient alors depuis longtemps déjà des centre®
de vie intellectuelle. Cette phase de la vie sociale nous apparaît déjà dans la Loi de Hy^^\'*^
Dda et dans les traditions relatives à Maelgwn Gwynedd, qui sont en partie
confirmees
par les invectives de Gildas. Aussi les dames sachant bien parler y étaient appréciées
depuis les temps les plus anciens : Rhiannon, la meilleure causeuse {ymddidanWTcid
du monde, avait par cette faculté inspiré de l\'amour à Manawyddan, quoiqu\'elle fût
la mère de son compagnon Pryderi Sous ce rapport les amies des Cywyddwyr seraient
donc restées fidèles à la belle tradition nationale.

Elles ont un don qui ajoute un charme de plus à leur conversation : c\'est leur VOiX
mélodieuse, qualité universellement appréciée.

i) Livre Blanc, p. 31, 32.

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femmenbsp;223

Vox dulcis, vox flexibilis, jocunda, sonora. Gratia cantandi, non mediocris adest In cantu reso-
nant lyra, tibia, tympana, plusquam Sirenum modulos organa vocis habent (Giraldus). iua

vox cantus philomene (CB. 147)-nbsp;, o ^

Harpe, n\'autre menestransie Ne oysel que chaunt u boys. Ne sount si noble melodie, Come de

femme oyr la voix (Wright, S^ecmews, p. 5)-nbsp;t

But of hit song, it was as loude and yerne As any swalwe sittinge on a berne {Miller s Tale).

Cyson air (DG. 46, 50). Glwys lais (DG. 50, 54)- Lief aur {DG. 131, 12)-

Is binne\'i \'nâ an bhéidhHn \'s \'nâ an liùit \'S na ceileabhar na ccéirseach thâciarr (Hardiman,

L p. 226). \'S gur budh bhinne liom naoi n-uaire i \'nâ cuacha \'s\' nâ orgâin(Co««. p. 72)-
S gach siolla d\'à glôr mar chlâirseach chaoin
{Ibid., p. 122).

^ J^éfauts

Malheureusement tant de bonnes qualités sont contre-balancées par quelques graves

«auts qui aux yeux des bardes déparent le caractère de leurs dames. Nous ne pensons

pas meme en premier lieu à la vénalité des créatures infidèles dont Dafydd ab Gwilym
et 1nbsp;ce sont précisément les dames respectables auxquelles les Gogynfeirdd,

pl^^^\'^^ywyddwyr après eux, adressent tout comme les troubadours leurs reproches les

^^ qu\'ils leur reprochent surtout, c\'est qu\'elles sont si lentes à répondre à leur flamme :

^iW refragari Nititur que petitur {CB. 160, 2).nbsp;, . „ ^ ^

Anc no vi cors melhs talhatz ni depens Ad ops d\'amar sia tan greus ni\'lens (Bernard de Ventadour).
C^^^^^^awc ynt am rin (Hywel ab Owain).
y yodes am neges nwyf (DG. 221, 24;
Deth. i7gt; 22).

orgueilleuses qu\'elles ne daignent pas avoir pitié de leurs pauvres
tions \' ^^^ cruelles les méprisent et leur savent mauvais gré de leurs supplica-
de leurs souffrances :

Virgo tu pulcherrima. Cum non sis acerrima. Verba das asperrima, Sicut sis deîerrima {CB. 104. 2).
POIS es orgolhos Lai on es poderos (Bernard de Ventadour). Celeis qui vas me s\'orgolha (/d.).
«eha de dura merce
{Id.). No\'n fatz mas gabar e rire, Domna, can eu re \'us deman {Id.).
\\ tel orgeuil fait son fin cuer manoir Que je ne truis ne pitié ne franchise (Gautier d\'Espina^.
^os ttuis tous tens^^sauvage et dure (Châtelain deCoucy). Ele me rit, et je l\'ai tant plorée (W.).Ma
oame, qui a tant de savour No voelt avoir merci ne pitié De moi, qui sui son cremetous servans

V^roissart).

gwenn riein (Cynddelw). Gweleis ar vorwyn vwyn vawr rydic, Golwg diserchawg
yoerw keinmic {Id.). Diuanw am goreu kyn nom gwared {Id.). Hoet yrddi a mi genti ^as
RhvJquot;^^^
nbsp;Llidiawg fu genti Beiddiaw ei henwi pan y henwais (Grufïydd ab Dafydd).

yoraws yw ei warafun (DG. 150, 21). Nid amcan gan Fyfanwy Na\'m caru, na\'m mynnu mwy
^^adog Benfras,
DGG., p. 124).

fait bim\'\'-nbsp;accusent leur dames de trahison, de félonie. Elles leur ont

visage, et quand ils nourrissaient de folles espérances, ils se virent bientôt déçus :

^PhvTn ^^ ^^^^ ^^nbsp;(Bernard de Ventadour). Traïritz de mal linhatge m\'a trait {Id.).

Maniafgt;!!înbsp;hi^dwyU hi (GruSydd ab Maredudd),

Maw ^y^ysosaeth twyll (DG. 53, 12 ; Deth. 7, 12). Twyll y pryddyddion wyt ti (DG. 61, 4)-
^25- 6)^\'\' hystryw (DG. 62, 15). O ddyad twyll ydd wyt ti, Anfoes ami, yn fy siomi

^ïinl^Jm^es\'^.^^^^nbsp;^^^ moments de dépit leurs dames comme de véritables

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M\'es mala enemia (Guilhem de Saint-Didier).

Ycham hire frend, ant heo my fo (Bôddeker, op. laud. p. 163).

Gweddaidd elynaidd wyl lun (Grufïydd ab Datydd). Gelynes (Gruffydd ab Maredudd).

Gelynes, mau afles maith, Wyd imi (DG. 56, 29—30 ; Deth. 23, 31—32). \'M gelynes (DG. 136\' ^ \'
Deth. 15, 16). Gelynes y fynwes fau (Sippyn Cyfeiliog, IGE. 74, 14). Gwinfaeth elynes gwa»\'
fardd
(Id., IGE. 75, 43).

Et pourtant même ces reproches ne sont à vrai dire souvent que des complimeö^®
adroitement tournés. Si ces dames ne daignent pas accorder leur amour aux poètes?
c\'est parce qu\'elles sont d\'un rang trop haut placé ou parce que la pudeur le leur défenquot; -

Lleduryd yw gouyn dyn diweiraf (Llywarch ab Llywelyn).

Ni chair Morfudd i chwarae, Na, chair ! cary Mair y mae (DG, 31, 15—16 ; Deth. i8j 15
Rhy ddiwair ei heirioes, Yn ddyn mwyn, dda iawn ei moes (DG. 221, 45—46 ; Deth. 16, 47quot;quot;\'^
Dibwyll i\'w bardd hardd heirddryw Dybiaw ei chael, dibech yw (DG. 221, 15—16 ; Diith-
15-16).

Dafydd ab Gwilym assure alors que quoiqu\'il ne cesse pas de lui consacrer sa poési^\'
autant lui vaudrait tâcher d\'atteindre les étoiles avec une flèche :

Gwydn wyf, bwrw gwawd yn ofer.

Ai gwaeth ym fwrw saeth i\'r ser ? (DG. 209, 35—36).

Cette même idée avait déjà été exprimée par le Châtelain de Coucy :

Empris ai greignor folie
Que li fols enfes qui crie

Por la bele estoile avoir.
Qu\'il voit hait el ciel seoir

(Brakelmann, op. laud., p. lO?)\'

Ou bien, elles sont si bien conscientes de leur incomparable beauté qu\'elles se croient
au-dessus de leurs adorateurs. Madog Benfras par exemple en veut au miroir d\'avo ^
fait connaître à sa Myfanwy tous ses charmes, de sorte que, pleine d\'orgueil, elle ne s«**
plus aucun gré à son amant de les avoir chantés si éloquemment :

Ban ddywawd wawd Wyndodeg,
Bu dawn Duw, ei bod yn deg,
Bwrw a wnaeth olwg wg wyl,
Bunglaer, o ben ei gloywrwyl,
A childrem, a chael y drych
O wydr, ac ynddo edrych.

A lleddf alw, ddyn syndalwe,
Ei Ilawforynion, i\'r 1 e,
A ddywedud, mau hud hir,
Wrthynt, hoen eiry ar orthir,
„Anniolch Mair, air arab,
Er \'y mod yn deg, i\'r mab.quot;nbsp;j,

(DGG., p. 123, vs. 7—18).

„Quand ma chanson, composée dans le dialecte de Gwynedd (c\'est un don divin), lui
qu\'elle était belle, ma mie brillante jeta du coin de l\'oeil un regard irrité et modeste à la
du fond de sa belle salle, prit le miroir de verre,
s\'y regarda, et, dans son enveloppement ^^
dal, appela doucement ses femmes de chambre. Alors ma belle, dont le teint est comme la 0
sur les colUnes — ah ! quel long enchantement que celui que j\'endure ! — leur dit en
plaisanta
Vraiment, je n\'ai aucune raison pour implorer la bénédiction de la Vierge sur ce jeune hoio
parce qu\' (il m\'informe que) je suis bellequot;.

Dans cette pièce Madog développe un motif connu, qui dans la littérature

irlandais^

fait le sujet de la chanson Féach orm, a inghean Eoghaîn 2). Là, la dame est exhorte^

1)nbsp;Dafydd ab Gwilym dit également à son amie attifée : Nag edrych draw\'n y gwydryn {DG-
33; Deth. 6, 15).

2)nbsp;Ddnta Grâdha^, i6, 61—72.

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g souv^HirSTd^in de Narcisse quI^^^iT^éri^time du même défaut. Mais déjà
ernard de Ventadour s\'était inspiré de cette idée :

Be deuri\' aucirenbsp;Ja \'1 jorn qu\'ela \'s mire

Qui anc fetz mirador !nbsp;Ni pens de sa valor,

Can be m\'o cossirenbsp;No serai jauzire

No\'n ai guerrer peyor.nbsp;De leis ni de s\'amor.

(éd- cit., 25, 41—48)-

Probablement la source de cenbsp;motif sont les vers suivants de la dix-septième élégie
second livre des
Amores :

Dat faciès animos ; facie violenta Corinna est.

Me miserum 1 cur est tam bene nota sibi ?
Scilicet a speculi sumuntur imagine fastus ;nbsp;/V — ^

Nec nisi compositam se videt illa prius.nbsp;(Vs. 7

et noms hypocoristiques

I^ans la poésie distinguée des Celtes les équivalents des titres domina, domna, dame

1P^^sies latine et courtoise ne manquent pas. Il y a même des listes complètes d appel-
dations
J__________. ^ .. ƒ ^ . _o„T t^ TnTC^ T.enoete

r ; poésies latine et courtoise ne manquent pas. Il y a même des listes completes u app..
ions
de dames, comme par exemple celle dans Peniarth 189 {Rep. 1.1, p. 1015). Le Poete
omme la femme qu\'il courtise
arglwyddes (DG. 214, 2); unhennes {Deth Ai)\\
{iariies zoen DG.
47, 26; Deth. 45, 26 - larlîes eurllin DG. 78, 7;

lliî 5 - larlles eiry un orlîiw DG. 105, 9 -nbsp;^^^^nbsp;35 -

\'^îles hael DG. 187, 14; Deth. 27, 14 - larlles y mangoed DG. 200,4?); l\'amant irlandais

^iûir-cheart iarla Anntruim {Conn., p. 98). Les demoiselles sont appelees
oT^ (Gwalchmai, Hywel ab Owain),
manon (Rhisserdyn), ^«^eo^ manon (Hywel ab
warn, Cynddelw),
edlingferch {DG. 137, 7), rhiain, rhiainferch, rhiainfun, morwyn;
^ irlandais\'ainnir, stuadh, stuadh-chaiUn, stuadhhhean% Merch macwy mad
vernbsp;^^ correspond peut-être au titre macaoimh mnâ, qui est traditionnel dans le

10,nbsp;de la poésie courtoise irlandaise {Dânta Grddha^ n°. n, 12, 26, 39, 48, t^oi,

3, 104) ; Cynddelw désigne probablement par l\'expression metuaeth uakwy {Gog., p. 46)
l^evTT\'^ Efa et non pas son échanson. La dame est une perle {fy ngem, passtm
« aeas. Conn...
n. iRaY vrgt;ïi*fgt; la -nfrlf» H PS ieiines filles : (gem rianed, Rhisserdyn ,

laiiflnbsp;--------------i o.

T p rquot; f\' le reître flamand tlieffste greyn (AL., XII, i).
comr^ 1nbsp;donnent même des titres qui ne conviennent pas aux mortels, tout

--^ÜÏliüPoètes du Continent. Hilarius nommait la religieuse Rosea diva (éd. Cham-

^^e le miroir rend orgueilleuses les jolies femmes, mais encore il Ôte toute con-
^^firx Q^^\'nbsp;^\'y regardant par hasard, ne se reconnaissent pas d\'abord et comprennent

niiroir Lnbsp;Pour eux est passé ! Dafydd ab Gwilym a traité ce pendant du motif du

syniais v^nbsp;^^^nbsp;55) : Ni thybiais, ddewrdrais ddirdra Na bai deg f\'wyneb a da Om

Serait-ce r ® ^nbsp;quot; ^^^^^ ^rwg ! (vs. 1-4).nbsp;, . . ^

des reereî! ^ ?nbsp;originale de Dafydd ? Nous croyons plutôt que ce motif, apparente au theme

Tnbsp;dont nous parlerons,remonte à une source littéraire. Cf. Canterbury Tales, vs.

^it aunbsp;arabe de Grangenet de Lagrange contient une pièce dans laquelle le miroir

petit aminbsp;reconnaît plus son visage : Jadis, Soléima, ta bien-aimée, te disoit : O mon

2) St Jn^V aujourd\'hui elle te crie : O vieux papa (p. 95)-nbsp;^

\'^«quot;imeun nnbsp;Il est curieux qu\'en gallois enfys est une injure ; Dafydd abGwilym

omimcain,qui l\'irrite, eK/j;^ oedranfoel{DG. 217,13), son ombre un enfys bawaidd {DG. 171,27).

-ocr page 242-

LA FEMME ET L\'AMANT

226nbsp;________________^

i^Sterfi^a^r^r^Anbsp;de Lorris et Froissart adorent leur dame comme u»

quot;a re préclux\'% et le dernier lui dit : Tu es mon Dieus corporeus, ou mon sou.^«
quot;ZuTZiel
Dafydd ab Gwilym et leuan ab Rhyddereh l\'appellent tantôt leur dees^

bert, DG. 159, 9 -fy nuwies hael, DG. .64, 26 - ^quot;.\'esy da^n BG. 2
dv,ywes dlosbryd destlusbropr, IGE. 80, 46), tantôt leur samte ( m santés ,, DG 168 IIW
S .reUquequot;, est un des noms hypocoristiques les plus courants dans la poesie galloise

Goch, DGG. 87, 41)- G™ oleugiait (M.. DGG. 87, 46)-
La belle est une orfèvrerie du Fils de la Vierge, sacrée avec l\'huile Çétete un sceau
au! meTd ns sa grâce, a scellé pour être une relique :
Euryeh^aM M^ Man uMgt;
^n^ar^.. W, 5./, . DU. aH Hinseilia^dd, Yn srair o\'i quot;f^^ f^l^^t
(DG
XI, ,9-22). Cf. l\'expression irlandaise très fréquente speirbUan, „femme celeste
\' Mai 1 nLbri de ces termes respectueux est insignifiant à c6t de la q^^te ^ PJ«
noms affectueux qui n\'ont pas d\'équivalents dans

les pages précédentes nous avons eu dé à l\'occasion de citer beaucoup de ces term
h\'pSXiues, si caractéristiques pour le lyrisme celtique ; ici nous en reumron enco
ufgrand nLbre d\'où ressort fort bien l\'air tendre et protecteur que les amants gallo.
et irlandais aiment à prendre en général à l\'égard de leurs amies :

Bun (P«.»»),nbsp;(Llywarch ab UywCyn). MeH„ (Gwalchmai. Hywel ab Owain). VJ»

de^s (Hywel ab Owai»). Dewis.yn (M.). Bechann.gen wen (Id.) Fy m«n

anrhaik enaid.»yd, anwyl (P«.™). Gwentonbsp;f^S si .4)-

n, 22). Eutddyn (DG. 19S, 24 i D.rt. 14.22)- Mwynddyn (DG. 83, l). Dynes Wyn

d;„ bach (i3G. 91. 20). Dynyn deg (DG. 98, 24). Fynbsp;\'ff\'.ï\' atwferch

Aucun i ces «imes cependant n\'est aussi remarquable que celui de „soeurquot;, qui est
commun à toute la poésie lyrique celtique :

Oencn ,ae. ny chwae. (Hywel ^^^nbsp;Jî\'

■■y^rircLS jB:4)quot;r.1 ■ d«.. aquot; Fy Chwae. «ydd («g.

A!ir(c;,t P lOcV \'si mo shiùr 1nbsp;p. 72). Mo dheirhh-shiùi. amhâmnbsp;P. 6«.

Ma c\'hoatik finn (Gmrziou, t. II, p. 43°).nbsp;^

De même Dafydd ab Gwilym se nomme le frère deses amantes : thfra^d(DG. i8,

déià que cette appellation était aussi d\'usage da^a poéde
orS^, ayant peut-être présent à l\'esprit le
Cunttçue des Cantzgues, ou 1 amante

The Library, New Series, voL X (1909)5 P- 52.

-ocr page 243-

La femmenbsp;_____

\'\'^^^^^é^^^iv^eT^ponsa (IV, 12 ; V, i). De là probablement le terme est passé à la
poésie latine du moyen âge, où il était d\'autant plus à propos quand il était applique a des
Religieuses. Ainsi dans l\'ancienne
Invitatio Amicae, la dame est appelee Soror electa^n
Méril, op. laud., p. 196). On rencontre les expressions doulce suer et hiaus dous frères
aussi fréquemment dans la poésie française, c\'est à dire dans les fabliaux et dans les
chansons assez familières, comme celles du recueil du XVe siècle publie par Gaston Pans,

quot;lais presque jamais dans le lyrisme courtois.nbsp;.nbsp;. .

I^ans la poésie bardique les noms de quelques héroïnes de la tradition, surtout ceux
^\'Eigr, Tegau, Dyfr, Gwenhwyfar, Essyllt, Luned, Indeg, sont devenus^
fppellatifs. Peut-être le nom Morfudd, porté anciennement par une eau e pnbsp;5

la fille d\'Urien Rheged, appartient à la même catégorie, quoiqu\'il fût sans doute aussi
gourant au XlVe siècle. Le nom ordinaire cependant donné dans la poésie erotique galloise
a n\'importe quelle jolie fille,
comme Marion dans l\'ancienne poésie populaire française,
est Gwen, abréviation de Gwenllian ou de Gwenhwyfar.

II _ L\'Amant

^ Les bardes, cela va sans dire, ne se sont pas décrits eux-mêmes avec le même luxe
fe détails dont ils ont dépeint la beauté de leurs dames, et
leur propre physique, doiit il
enr arrive très rarement de parler % offre d\'ailleurs bien moins d\'interet que leur

condition.

Les plus anciens des Gogynfeirdd, comme un Gwalchmai et un Cynddelw, étaient
guerriers ; plus tard on trouve parmi eux aussi des religieux, comme Ma awg anbsp;•

^est encore au clergé qu\'appartiennent plusieurs des meilleurs poètes amour^x c^u
siècle, comme Gruffydd ab Dafydd ab Tudur, lolo Goch et Dafydd ab Gwilym lui-

quot;leme. Surtout lolo, qui se nomme lui-mêmenbsp;«clerc\'\'o^efrzW „pretre , urddol

quot;quot;^ remarquables, et même ce poète d\'amour étourdi, ce transgressent enauri^x uc.

le célibat, sait parler au besoin avec onction des péchés et des folies de son maître,
;! Llywelyn Goch ab Meurig Hen Dafydd ab Gwilym ne nous a pas laisse des
renseignements aussi précis sur son état. Certes, il ressort du cywydd
DG. 117 qu il était
^lerc tonsuré (^.or a
chorun), et nous croyons avec M. Ifor Williams que les éditeurs
Je 1 édition princeps n\'ont pas bien compris le poème quand ils y voyaient une allusio^n
I la calvitie précoce du poète Il est vrai que plusieurs vers du texte corrompu qu ils
imprimé semblent confirmer leur impression, mais ces vers-là
sont mterpoks )
H est vrai aussi que dans le cywydd
DG. 238 un revenant dit à Dafydd que de son vivant
a été un guerrier comme le barde l\'est encore«), mais l\'authenticité de cette piece est

S ^ cependant DG. 226 (Deth. 55).

rr^î\'nbsp;\' 37 ; 26, 30 ; 26, 53-72.

■\'GB. 17, 89—96.

A) 7.nbsp;quot;nbsp;yquot;.

1913-143 p. 144 ; Deth. p. Iviii-lix.nbsp;^

Penlarfhnbsp;breuddwydiaw braw, Wyth gur, ei wallt o\'th gariad (vs. 23-24). Us manquent dans

6) pV^\' Mostyn 212, Llanstephan 133, dans le M5. de Benjamin Simons.
tlt;Uwr taith, fal \'r wyt tithau (DG. 238, 28).

-ocr page 244-

la femme et l\'amant

228nbsp;________----------

Toutefois, s\'il est assuré que Dafydd appaiteualt a
l\'état de ctec était mal défini au moyen âge - il est bien plus difBalenbsp;quot;

était son rang dans l\'hiérarchie. Il est certain qu\'il n\'était n. ^es momes m^tont

le chœur de l\'égUse de sa paroisse pour y chanter les psaumes ^^ «nbsp;f f j ,e

probable qu\'on lui a permis de mettre sa bdle voix »
taction qu\'il a pu fonder son droit au titte de clerc, et on a observe de,a que
d^tTesTquestL dans le
Maiinogi deManawyddan revenait d\'Angleterre, ou il etoi

allé chanter, c\'est à dire, chanter dans le chœur de^ églises ).nbsp;^^

Ré,mislt;!ant en eux les deux quaUtés irréconciUables de clerc et d am^t, iJ^y
ses quot;e Ifex^osés à des ex^riences fort désagréables. Dans

r, »„»lais« les clercs qui s\'étaient enhardis de courtiser ouvertement les dames avale
nœntTde rivtx dlg^Lx dans les chevaliers, et certes rivalité avait donné naissa»
quot; unfsS d\'altercations intéressantes sur la question de savoir qui ment nt U

quot; omme amants. Dafydd ab Gwilym, lui aussi, devait ^Pf?.--
Tue l\'amour d
\'un guerrier, un arbalétrier qui prenait part aux expeditions d Edouard U

?ut pr^fau ZI et dan\'s le cywydd DG. 58 (D.tk .0)nbsp;\'wtnTc lui t

d\'a4. M. WiUiams a été le premier à rapprocher le sujet de =

altercations, sans préciser cependant\') Qu\'U no^ soit P-^^f^J/l^^rd j cette
idée et d\'étabUr ici quelques rapprochements. Car en effet Dafydd P\'^^mt \'Ims
pièce quelques-uns des arguments qui reviemient toujours dans les formes latines

françaises du genre. Les voici :nbsp;. ,nbsp;j ^Tkxrîri^.

Le clerc sait mieux aimer que le chevalier, grâce a ses etudes d Ovide.

Nid gwas, lie bo gwyrddlas gwydd,

Uwte «y. arnbsp;11,.. Ofydd^nbsp;^ ^^^^

la tort. v.r« e, traiche. ie ne sms pas ua jeune ho„,n,= ,ui .ecule devant la besog»\'

enseignée par le livre d\'Ovidequot;.

Li livre lor monstre et enseigne

Tout bien et tote cortoisie.nbsp;-3).

(Jugement d\'Amours, vs. 305-306 J Oulmont, op. laud., P-

quot;IT^i- fy-d fal gwr Yn feudwy, swydd anfadwr (DG. 136, 37-38 3 DetH. .5, 37-38)-

4) Gwys ym Mon mae gwas mynaich Fum i (DG. 119, 39-4° Deth. i, 37 38).
O Cvd bwvf daim er salm o\'r Sul Fewn glwysgor (DG. 48, 25—20;.nbsp;chanter

6 Lté Blanc, p 38. Dans le Roman de Flamenca, le petit Nicolau, qm assiste le prêtre

le Confiteor, est appelé clergue. 7) Tram. 1913-14, P. I47 ; Deth. p. 1k.

-ocr page 245-

, 229
l amantnbsp;______-_-——

Le guerrier au contraire, trop grossier, ne sait pas aimer :

,.Nad da garu

......I\'N au

Gwas dewr fyth, a gwst oer fu,
Rhag bod, nid cydnabod cain.

Rhyfelwr yn rhy filain,
Rhinwyllt fydd, a rhy anwar,
Rhyfel ag oerfel a gar.
(DG. 58, 25—30 ; Deth. 20, 23—28).

»11nbsp;nenbsp;faitnbsp;pasnbsp;toujoursnbsp;bonnbsp;aimernbsp;unnbsp;bravenbsp;-nbsp;c\'estnbsp;mêmenbsp;unenbsp;triste

guerrier est par trop vilain, fait qui n\'est pas bon a reconnaître. Il est
il n\'aime que guerre et misèresquot;.

.nbsp;De déduit ni de courtoisie

Chevalier ne sevent riennbsp;^^^ ^^^ ^^^^ q^i a s\'amie.

De cortoisie ne de bien,nbsp;^^^^^^^^^nbsp;, jud., p. ISD-

Si le guerrier ne reste pas sur le champ de bataille, il revient souvent de guerre couvert
de blessures :

OHnbsp;Creithiog fydd, saethydd a\'i sathr,

of. ^^nbsp;^nbsp;A chreulon, ddyn wych rylathr.

Oddiyno wedi fïrwyno Ffranc,nbsp;^^^nbsp;.nbsp;^o, 33-36).

gt;gt;S\'il est assez heureux pour échapper de là-bas après avoir dompté la ^

tout cicatricé - les archers l\'auront foulé au pied, ma mie jolie et brillante .

Quant de turnoiment est repeiré,nbsp;^^^ ^^ndequot;

Batue, ledement defoulee,nbsp;Toute la nuyt se P -^«a

En fens covient que l\'em li couche;nbsp;««nbsp;^

A peine n\'avéra fraunche la bouche.nbsp;. - j too).

{Mélîor et Ydoine, vs. 199-205. Ibtd., p. 190;.

Le guerrier ne se soucie pas de la réputation de son amante :

Ni\'th gêl pan dêl poen dolef. ^^^ ^^^ ^^ ^nbsp;^^^ ^^^

»11 ne te protégera pas quand viendra la peine de la diflamationquot;.

Les clercs au contraire sont discrets et plus fidèles :

Da\'i gwn, trwsiwn wawd trasyth,

Degle ferch, dy gelu fyth. ^^^^ ^^^nbsp;,nbsp;,0, 45-46).

»Ecoute, ma chérie, - j\'ai composé un poème élevé ! - moi je saurai bien te protéger toujoursquot;.

S\'il eime feme de myere néenbsp;Meuz veulent la mort sufïrir

Ou si nul sdt par eus amée,nbsp;Q-^nbsp;p 194).

\'^Meîior et Ydoitie, vs. 325—328 , Ibid., P- I94;

I^afydd connaissait-il donc les altercations ? On le dirait presque, et en effet U ^
a aucune raison pour douter que les versions
anglo-normandes du genre n aient P^
a sa connaissance. Nous avom eu un moment l\'idée qu\'il avait rencontre ce dans
1 H^foire des sept Sages, car il y a des versions latines et françaises de ce recueil dans les
quelles les mérites des clercs et des chevaliers comme amants sont discutes par une mere
^onnmt ce n\'est pas très probable, car on en trouve a peine de trace

I) Oulmont, op. laud., p. 76, 77,

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dans la version galloise i). L\'antagonisme entre civils et militaires au demeurant n\'est
pas propre ni
à une seule époque, ni à un seul pays, et un poète irlandais assure égalemen
que les filles de son village ne veulent pas d\'un brave avant qu\'il se soit battu avec le
gars du roi :

Ni ghlacfaidh siad sgafaire d\'fhearaibh na tuaithe,
Go dtéidh siad \'san ruaig le buachaillibh an righ.

{Conn. p. 62).

Cependant les guerriers n\'étaient pas encore les adversaires les plus redoutables qu^
les bardes amoureux trouvaient sur leur chemin. Etant clerc, Dafydd ab Gwilym étal
soumis à la jurisdiction ecclésiastique, et ses supérieurs ne pouvaient pas tolérer son
inconduite. On comprend maintenant pourquoi il s\'inquiète que ses intrigues amoureuse
ne pénètrent jusqu\'à l\'archidiacre ou jusqu\'à l\'abbé Beuno, qui pourraient l\'excommunier.

lui infliger une forte amende, ou même l\'exiler

C\'est ce conflit qu\'il nous faut mettre en lumière. Car quand Dafydd raconte ses dis-
putes avec les moines ou avec son confesseur sur le caractère peccable de ses
amourettes,
et quand lolo, plus violent encore, les accable d\'injures pour avoir tâché de persuade
sa gordderch de le quitter, il ne sont pas encore pour cela précurseurs de la Réforme gt;
mais leurs chansons ne sont pas non plus de simples imitations de la poésie goliardiq^i
d\'il y a deux siècles. Il nous semble qu\'on n\'a pas encore porté assez d\'attention sur le foo
historique de ces chansons, et pourtant on ne peut les comprendre qu\'en les considéran
comme l\'écho des idées qui remuaient le monde même dans lequel ces poètes
vivaient-
On sait que l\'obligation de chasteté absolue, imposée au clergé par les conciles d\'Elvir^
et de Nicée, n\'a pas toujours été observée rigoureusement 4). Quand cependant
l\'espri
de Cluny pénètre dans l\'Eglise, il est
défendu à plusieurs reprises formellement aux clerc
des ordres majeurs de prendre femme, et Grégoire VII interdit même à tous les
clerc
le mariage ou le concubinat. En 1215 le concile de Latran menace de punitions severe
tous les uxorati praeshiteri qui refusent de se séparer de leurs compagnes. Surtout en Ang-
leterre les mesures prises contre
Its focariae produisent dans le clergé une grande agitation,
et l\'on connaît les trois pièces satiriques De concuhinis sacerdotum, Consultatio sacerdotum,
De convocatione sacerdotum,
dans lesquelles cette actualité est commentée fort irréveren-
tieusement. Un demi-siècle plus tard, la „sanctio Gregorianaquot;, par laquelle les lt;;ler
„bigamesquot; sont privés de leurs privilèges cléricaux, frappe nombre de clercs en
Picara

1)nbsp;A gwedy gofyn o\'e mam idi pwy a garei, hitheu a dywawt nat marchawc oed, namyn P
efleirat plwyf, ac
na wnaei vocsach {Chwedleu seith Doethon Rufein, éd. Henry Lewis, p. 76).

2)nbsp;Y mae archdiacon mawr, Rhygid a fyn ei ragawr. Gwela\' nad gwell na gelyn, O i fodd ysgY®quot;

a fyn, Fi oni chaiff yn ei fro O ddogn nawdd ddeugain iddo {DG. 151, 49-54 ?)• Ni ad Beuno, tro trerny ^
Abad hael, fyth wybod hyn, Gymro dig, heb Gymru dir, Y byddaf, o gwybyddir {DG. 188, 47-5

3)nbsp;„He has never wrote anything against true Religion, and only to ridicule imageworship
confessionquot; (LewisMorris,
Rep., t. H, p.8io). M. Idris Bell a protesté éloquemment contre cette «nda
à faire du chanteur léger un réformateur convaincu : The whole idea is of cause ridiculous : there Js
even any indignation at the undoubted abuses of the contemporary Church which roused the indigna ^^
of so good a Catholic as Gower. Dafydd\'s quarrel with the Friar is simply the old quarrel of the r
less youth with the stern moralist, of the gospel of joy with the gospel of renunciation
{The Nationa

^ 4!\' Pour ^historique de la question, voir Oulmont, op. laud, p. 22 et seq.. Encyclopaedia of Rehg^o^
and Ethics, éd.
James Hastings, et The catholic Encyclopaedia, sub voce : Celibate et Concubinage.

-ocr page 247-

^^l^ursuites y ont d^^iJ^an^à un poème remarquable, les Lan,er^tiones

\'^K^coup moins connu que le Pays de Galles a été ausd ^ par ce—
^our du célibat, et toutefois cette période de son lustoxre ^\'^des.asttque est d un E

-térèt pour la bonne intelligence de la Uttétaturenbsp;o^JlS

®quot;oir le mariage des prêtres y était anciennement a 1 «at de règle ou pm ,
y pouvaient encore reLoir les ordres. On connaît des ffls denbsp;f

tarch était fils de l\'évêque Sulien. Dans le Mahinos,

quot;«que marié, Llwyt ab CUcoed. A la fin du Xlle siècle Grraldusnbsp;^\'ToSes

toute son indignation sur l\'état de choses dans l\'évêché de «^»^f ^trJ eurf^
avaient conclu presque sans exception des
alliances ùtates quot; f — quot;se»;

»mme en mariage. auK fils de leursnbsp;fnbsp;S ce diocèse

succéder plus facilement dans leur dignité •). Encore en 1452 eveque ®
»»■^ait reçu quatre cents marcs annuellement des prêtres a qu. il avait permis gard

;quot;pXtT Lt tâché plus d\'une fois de mettre fin à .s anodes. Les conseillers
Hywel Dda,
religieux probablement, qui l\'aidaient a codifier
le ffls d\'un clerc, né après que son père avait été ordonne
pretre, Pouv^ P^^
prêtre qui avai pris femme après son ordination ne devait pas
justice, pas plus qu\'un parjure ou qu\'un voleur notoire. Dans ^ auue article le prett
»arié es, compté parmi les treize
maux éternels qui corrompent le monde et auxquel
quot;s n\'y a pas de rémède :

Tri m«bnbsp;„y dylyant gyvr,m otir y gan eu brody. vn vam ™

kymry, oysgottdc wreic o tod fenedyl a chaflel mab o honenbsp;,,ahat kynnoc

«den ofieiradach ac odyna caM mab o, n„ ««c or ƒ e,ra »y dyly ymnbsp;^

et kyvtanu tii ahwnnw cannys yn erbyn dedyf y cahat rVenw» W™

216). C/. Cyvdihim, X, XIX Ubtd., p. SS«)-nbsp;meudwy na Mb ryw

Pwy byaac dyn a doro y brofles o gtdyd na manach na brawd nanbsp;?nbsp;„gd.

a,. ™ymedi= ygwasanen.h Duw »-„quot;«-X^quot;//\'™\'; Te \'o S^\'eliZys vyn-
nadasth ; ny dylk kredy eu tystolyaeth yn un lie euthut y gadel y maes
nan, gan y pab neur esgob drw benyd kyhoedawc
iCyvrenh.au XI, II, XV,

Ci. Cyvr.i,Mau VIII, XIX,nbsp;p. 49^)! XI, XXVIIInbsp;P\' ff \'nbsp;......

T.id»c pea ys.yd yn Ilùg.u y byt a byth y bydant yndaw i ac ny elbi byth y gware. ohonaw

ofieitat gwreigawc. ICyvreithiau X, IX ; ^hid., p. 5lt;54) ).

, ^ais il ressort de ces textes qu\'on tolérait les mariages conclus pat ces clercs avant
leur ordination. L\'archevêque Anselme se plaça en
1103, au synode ^e Londres sur le
point de vue le plus rigoureux et exigea que même les membres des ordres
Pays de Galles comme en Angleterre, vécussent dans le célibat A a fin du f ile siede
G^.^aldus se donne la mission de combattre les abus dans l\'Eglise plloise et c ^st de on
fai^kvieil archidiacre de Brycheiniog, qui avait refusé de se separer de sa concubine,

P De Jure et Statu Menevensîs Ecclesiae, Opera, t. III, P- 128—129.

2J Encyclopaedia of Religion and Ethics, sub ■voce : Concubinage.nbsp;H^fense aux

3) Walter, Das alte Wales, p. 245. D\'après le témoignage suspect du Gwentian Brut
f-naia de se marier désormais sans la permission du Pape aurait jeté en 961 l\'alarme dans le cierge
andaf. Aussi aurait-on dû révoquer cette mesure impopulaire
(.MA ., P- 690).
4 B. B. Woodward, The History of Wales, p. 300.

-ocr page 248-

est suspendu de ses fonctions Toutes ces mesures cependant n\'ont pas été couronnées
par le résultat désiré. Mais au XlVe siècle on constate une recrudescence nouvelle de
la longue lutte, et cette fois ce sont les moines mendiants qui s\'y jettent avec
une énergie
inconnue jusqu\'ici. Ceux-ci ont clairement reconnu leurs adversaires les plus
redoutables
dans les poètes érotiques, clercs souvent eux-mêmes, qui non seulement transgressent
les décrets de l\'Eglise, mais corrompent encore leurs admirateurs par leurs poésies per-
nicieuses et on sait combien ils ont exaspéré Dafydd ab Gwilym en
l\'engageant a
renoncer à sa mauvaise vie et à sa poésie profane Quand on pense combien les ordon-
nances
des Papes sur le célibat, propagées par ces prédicateurs infatigables, dominent
l\'époque, on comprend mieux nombre de passages dans la poésie bardique, comme pai^
exemple la plainte suivante de Gruffydd ab Dafydd :

Y gorug pawb ei garedd
A\'i gares yn ddigerydd

ÇGog., p. 207) •

„Après Adam, qui a été un seigneur passionné, et avant l\'ordonnance du Pape, et l\'agitatio»
qu\'elle produisait, chacun péchait et se choisissait sa mie sans être frappé de blâmequot;.

C\'est encore à ces ordonnances que Dafydd ab Gwilym fait allusion quand il dit :

Ni pheidiaf a Morfudd, hofï adain serch,
Pe\'s arch ai Pâb Rufain.

(DG. 36, 9—10?)-

„Je ne laisserai pas de Morfudd, mon joli oiseau d\'amour, même si le Pape de Rome me 1®
demandaitquot;.

Ni pheidiwn, pe byddwn Bâb,

A Morfudd, tra fum oerfab,nbsp;(DG. 103, 25—26)

,Je ne laissais de Morfudd tant que j\'étais un jeune homme chétif ; je ne le ferais pas même si
j\'étais Papequot;.

Mais les frères étaient trop bons psychologues pour ne pas comprendre que s\'ils voulaient
mettre fin à ces relations ilhcites, il serait bien plus efficace de faire la morale aux femmes
qu\'à leurs amants. L\'opinion publique se moquait cruellement des „prestressesquot; ^^
celles-là avaient déjà une peur extrême de la réprobation générale et des mauvaise®
langues
(testun). Aussi n\'opposaient-elles qu\'une faible résistance aux moines qui venaient
les convertir, et se laissaient elles facilement persuader qu\'une femme qui s\'était donner
à un clerc tonsuré ne pouvait gagner le ciel :

1)nbsp;De rebus a se gestis. Opera, t. I, p. 27.

2)nbsp;Nid oes o\'ch cerdd chwi, y Gler, Ond truth, a lleisiau ofer, Ac annog gwyr a gwragedd I becho»
ac anwiredd (DG. 149, 31—34 ;
Deth. 57, 29—32).

3)nbsp;Sur le Continent les moines mendiants se signalent auss i comme ennemis acharn-îs des trouvères •

Jacobin et frere mineur, Veulent conquerre grant houneur Quant sus les menestrez sermonnent

dient que cil qui leur donent Font au deable sacrefice {Li dis des Jacobins et des f remeneur s, dans Dits ei
contes de Baudouin de Condé et de son fils Jean de Condé,
p. p. Auguste Schéler, t. m, p. 249).

4)nbsp;La „prestressequot; est une des figures stéréotypées des fabliaux. La forme latine se trouve dans
Débat du mauvais prêtre et du logicien errant, chez Wright,
Walter Mapes, p. 256, et Hauréau, Notic^^
et Extraits,
t. vi, p. 310 : Et prae tot innumeris quae fréquentés malis Est tibi presbytera plus exitiali®\'
{De Presbytero et Logico, vs. 167—168). A ces termes correspond la forme galloise morwyn offeiriad {V- P\'
235, n. 2). Dans une
Son bretonne nous avons rencontré l\'injure manac\'hès, „moinessequot;, appliquée à ufl^
femme qui s\'est donnée à un moine : Balean dre-hol dre ma bro Lârer manac\'hès ac\'hanon
{SônioU,
I, p. 274, 278). Cf. Bédier, Fabliaux, p. 336.

Yn ôl Addaf, naf nwyf radd,
Cyn cyfraith Pab nae drabludd.

-ocr page 249-

i-\'amantnbsp;233

Nid âi nef, raeddai ef, un
O charai wr â chorun.

(IGE. 25, 21—22).

^^orfudd craignait que le prêtre ne leur refusât l\'absolution, et Dafydd - clerc lui-
même - s\'est donné beaucoup de peine pour la persuader que même en ce cas elle Im
ferait aussi chère dans la boulaie qu\'auparavant :

Os gwrihod fïurf ammod flfyddnbsp;Bodlon wyf îs bedwiwyn îr

Gorug, rwyf gwr 0 grefvdd,nbsp;Etto fun iti, feinir !

(DG. 117. 49—50, 53—54)

^ais du cywydd DG. 103 il semble même ressortir que touchée par les paroles du

elle a pris le voile 1nbsp;. .

Ce n\'était cependant pas seulement dans leurs prédications que les rigoristes agissaient
contre les abus : il savaient manier la plume avec autant de talent que la parole, et nous
croyons reconnaître leur main dans cette littérature anti-féministe galloise, si riche et
peu étudiée encore.nbsp;. . ,

On connaît depuis longtemps les nombreux poèmes latins contre les femmes, inspires
P^f les fragments conservés de
\\\\,Aureolusquot; de Théophraste et composés, semble-t-iI,
^dans un but moral, nous dirons même religieux, afin
de détourner les clercs du mariage
quot;-.est bien la séduction qu\'elles exercent sur les jeunes membres du clergé qm est le prin-
cipal grief de ces auteurs contre le sexe :

Femina prelatis adimit nomen probitatis,
Femina ditatur, cum prespitero dominatur,

Femina multorum claustrum subigit monachorum. ^^^^^^^^ ^^^^^^^^^^

Sur toutes les chaires de la chrétienté, les sermonneurs fulminent contre la fragilité
fe la femme et
contre son amour du faste, qui la rend encore plus dangereuse ). Sous
influence des écrits latins et de cette éloquence de la chaire, ce meme esprit
^ ilite paraît aussi dans la poésie vulgaire. Dans la littérature d inspiration
bourgeoise l\'infériorité de la femme est un dogme; dans les fabliaux on donne des
^^emples sans nombre de leurs ruses ; dans le Roman de la Rose, Raison, Nature, le Jaloux
^^Genie tiennent à tour de rôle un réquisitoire impitoyable contre elle.Matheolus le Bigame
veut au sexe entier de ses mauvaises expériences et accumule les exemples de femmes
malfaisantes et perfides. Déjà le Moine d\'Autodon s\'était moqué des femmes qui se tar-
le XlIIe siècle produit un grand nombre de petites pièces dans lesquelles leur
^t^on et leur coquetterie sont ridiculisées :
Li Epystles des Femes, VEvangile des

I) Les vers 51—52 nous semblent interpolés.nbsp;4toipni-

relSnbsp;P- 179, notes. On L souvient du „book of wikked wyvesquot;, le volume ou etaien

ÏS, quot;nbsp;^^ Valerias! de Theoph aste, de Tertullien, 1\' 7« lovinianum de saint J rome, les lett es

fe cnbsp;^^^ P-^^-^es de Salomon,îes oeuvres d\'Ovide et beaucoup de fabliau., dont ^^^

«^mqmeme mari de la Vieille de Bath, avait fait sa lecture favorite, au grand deplaisu de sa femme
ven.tnbsp;des plus intéressants de ces sermons : Mundus est
la garanne

or^nbsp;tendit ibi laqueos infinitos. Unus laqueus ejus est pulchntudo corporahs

i^TTnbsp;^^^^^nbsp;q-ae tam pulchrae videntur esse et tam, bene

dansT\'\'\'\'\'°^^\'^™^-ditaLapiendumfatuos; ipsae sunt la r.rièr. a. ^ (Jean d Annay,
\' «aur^au, Notices et Extraits, t. iv, p. 154). Q. un sermon de Nicolas de Biard, Ihd., t. Vi, p. 3-4-

-ocr page 250-

fames. Le Bîastenge des Fames, Le Blasme des Fames, Des Cornetes Li Mariages des
Filles au Diable, De la Femme et de la Pye, Des Femmes
Encore Eustache Deschamps
compose une
Balade sur VEstrangeté de Fatour et du chief que pluseurs Dames font a
présent %
En Angleterre, Wilham de Wadington écrit un Manuel des Péchiez, traduit
ensuite en anglais sous le titre de Handlyng Synne par Robert Mannyng, dans lequel il

remontre leur tort aux prestresses

Les Gallois n\'ont pas moins vilipendé la femme. Le MS. Peniarth 121 contient deux
satires intitulées
Gogan y Merched et Araith ddichan ir Gwragedd s). Dans les Tnodd
Doethineh de la Myvyrian Archaiology, qui cependant ne sont pas sorties d\'une plume
monacale, la femme fastueuse n\'est pas jugée moins sévèrement que dans la
littérature
continentale :

Tri pheth nid ydynt ond rith a lledrith : diweitdeb merch bine drwsiasgar, etc. (MA\'^. p. 895).
Tri pheth o châr gwraig weled y ddau cyntav, hi a gâr weled y trydydd : wyneb ei hun mewn
drych, cevn ei gwr o bell, a gordderchwr wrth ei gwely ÇMA^., p. 896).

„Trois choses qui ne sont qu\'illusion et enchantement : la chasteté d\'une jolie fille qui aime les

beaux vêtements,ete.nbsp;.

Trois choses dont une femme aime à voir la troisième si elle aime à voir la premiere et la seconde •
son propre visage dans le miroir, le dos de son mari de loin, et un amant près de son lit .\'

Et Dafydd ab Gwilym lui-même, si peu de sympathie qu\'il ait pour les moines miso-
gynes, n\'imite pas mal le ton des prédicateurs quand il compare fort peu
galamment
les merched y gwledydd attifées à un arc de bois d\'orme pourri, qui tombe presque en
deux moitiés et qu\'on couvre d\'or pour le vendre cher :

Y bwa yw ni bo iach,
Rhier dau hanner haeach,
I gyfranc, ddidranc ddodrefn.

Ag aur y lliwir ei gefn,
Ag er mawrwerth y gwerlhir
Y bwa hwn, gwn mai gwir.
(DG. 207, II—16; Deth. 16, 17—22)-

Si ces diatribes ne peuvent être attribuées aux moines, il en est autrement pour les
traductions. Exactement comme au Xlle siècle ceux-ci avaient mis leur plume au
service
de la propagande pour les croisades et traduit plusieurs chansons de geste, aux XlVe
et XVe siècles ils se sont emparés
de quelques écrits latins qui leur semblaient utiles
dans leur lutte contre l\'immoralité. VElucidarium est la première en date de ces œuvres
de traduction. Nous ne nouvons nous défendre de l\'impression que pour l\'anachorete
de Llandewivrevi la condamnation sans restriction de toute la cler a été l\'essentiel du
traité, et en tout cas c\'était là le passage qui avait déplu le plus aux bardes ^^ Dans
le même recueil les descriptions horribles de l\'enfer dans la
Vision de saint Paul étaient
bien propres à faire revenir les pécheurs de leurs égarements. Si le prêtre Llywelyn, le
traducteur de
YHistoria septem Sapientum, avait cherché à dessein pour mettre en gallois
une
œuvre inspirée du commencement jusqu\'à la fin par le mépris de la femme, il n\'avai

1)nbsp;Jubinal, Jongleurs et Trouvères, p. 2i, 26, 75^ 19= 82, 87.

2)nbsp;Id., Nouveau Recueil, t. I, p. 287, t. ir, p. 326, 330-

3gt; Mcci (t. VI, p. 199). V. aussi la pièce anglaise pubhée par Böddeker, op. laud., p. 106.

4)nbsp;éd. F. J. Furnivall, p. 253 et seq ; Histoire Littéraire de la France, vol. XXVIII, p. I79 et

5)nbsp;Rep. t. I, p. 1041, 1042.

6)nbsp;V. Gruöydd Llwyd, IGE. 44.

-ocr page 251-

tgt; 235
L\'amantnbsp;_ _______^

pluTheui^^^nbsp;a fait. Par le même esprit rigoureux

se signalent les fables du Cistercien Odo de Chériton, tradmtes également en gallois )
î^ous avons cité déjà la morale de la fable du Scarabée; voici mamtenant celle de la
fable du Loup qui s\'était fait moine :

Velly y myneich yr awr honn pan dylynt wy wnenthur eu creuyd yn ^wywawl deilwng wynteu
a edryXnt ar y deueit. Sef ynt y rei hynny y gwraged tec ar gwin melys ar
ar y ryw betheu massw hynny gan ebryuygu eu reol ae creuyd yn llwyr (Aberystwyth Studies,

t. Ill, p. 49)-

„C\'est ainsi que les moines de nos jours, quand ils devaient pratiquer leur reUgion Jivi^^
et dignement, regardent les moutons, c\'est à dire les jolies femmes et le vm doux et les fruus
sucrés et la luxure, complètement oublieux de leur règle et de leur rehgion.

On doit au grammairien J. David Rhys la conservation d\'un fragment très intéressant

d\'un débat entre deux pasteurs sur la question de savoir qui est le plus malfaisant des deux

le diable ou la prestresse Nous croyons y reconnaître l\'influence du

ou de sa traduction anglaise.Mais un des trésors peut-être les plus precieux de

galloise est la traduction du célèbre traité perdu de Théophraste, De Nuptns, du MS.

I^eniarth 182nbsp;, . j \' 1 \'

Les poètes cependant, menacés par les prédications et par l\'activité ^^^^^^^^
par les moines dans leurs amours comme dans l\'exercice de leur metier, se met^nt en
défense. Ils protestent contre la persécution de leur art et contre le mepns de la femme
ils revendiquent hautement le droit de poursuivre
leurs amourettes. Des le comrnen-
^ement du XlIIe siècle „Goliasquot; s\'était élevé contre les decrets sur le célibat. Au cours
du
siècle les champions des dames en France produisent de courts poemes comme L.

des Fames % Le Dit des Femmes % Du Bounté des Femmes % la piece commençant
par le vers O.., tignor, je n\'otroi pas pour réfuter les calomnies qu\'on a lancées contre
^lles«);
Jean de Condé apprend un peu plus tard au public Pourquoi on doit Femes
honorer^) H y a même quelques conversions retentissantes. Nicole de Bozon, quoique
PranciscL, et Jean le pLe, anti-féministes repentis, désavouent

Le Char d\'Orsueil et la traduction des Lamentationes, et composent le Dit de la Bonté
Femmes ^ et le Livre de Leesce pour faire amende honorable ; Chaucer, repris par
dieu
d\'amour lui-même d\'avoir traduit un livre „hérétiquequot;, le Roman de la Rose, ecnl
lanbsp;of good Women. A la fin du XlVe siècle la querelle se rallume, mais grace a

Christine de Hsan et à sa CY.\' Dam.., les femmes gagnent la cause

Dans toutes ces œuvres de controverse c\'est toujours le même nombre restreint d argu-
«^ents qui est invoqué. Dans un MS. de Cambridge ils sont resumes ainsi :

V^bhles par M. Gwynn Jones dans Aberystwyth Studies, vol. III. Depuis il y a une nouvelle

uanstephanss. ....

\' UyT\'Theophrastesor Neithiorav yn yr hwn y sdynnir A ddyly gwr doeth 0 ysgolhaic gymryd
S^raig yn briawd (Rep.,
t.I, p. 1006).nbsp;, , rj ^nbsp;Rom. vol

,u.,„a,nbsp;p. 83, 5) \'f\'7rafTn:p ^ l ^Z Z.

p. 316 n\') Wrisht, Anecdota Literana, p. 97-nbsp;P\'

P. 449 xo) C^^Xoraiisés, p. p. Lucy Toulmin Smith et Paul Meyer, p. xxxxu.

-ocr page 252-

Mulier prefertur viro, scilicet :
Materia: Quia Adam factus est de limo terre, Eva de costa A de.
Loco : Quia Adam factus extra paradisum, Eva in paradiso.
Jn conceptione : Quia muHer concepit Deum, quod homo non potuit.

Apparicione : Quia Christus primo apparuit mulieri post resurrectionem, scilicet Magdalene^
Exaltaiione : Quia mulier exalta est super choros angelorum, scilicet beata Maria {Rom., vol. V gt;

p. 501).

Il paraît que ce résumé était connu au Pays de Galles, car on trouve dans leMS. Cardiff
6 un plaidoyer intitulé : Pum achos i dyîir vrddasv gwraig yn jwy na gwr {Rep., t. Ih
p. 107). Voici maintenant quelques exemples de ces arguments dans la poésie française •

II n\'est en cest mont nus hom.
Pour que il ait sens ne reson

Por I\'honor à la haute dame
Que Jhésu-Christ tant d\'honor fist
Que dessus les angles assist.

Ne doie honor porter a famenbsp;Que dessus les angles assist.

(Le Bien des Fames, dans Jongleurs et Trouvères, p. 83)

II n\'est vivant qui ce ne croie
Que femme doit avoir le los

Jean le Fèvre, Livre de Leesce, vs. 1210—1213 ; éd. cit., t. n, p. 38)-

Or, il est intéressant d\'observer que Dafydd ab Gwilym a repris le cinquième arguffle^^
dans son altercation avec son confesseur :

Merch sydd deccaf blodeuyn
Yn y nef ond Duw ei hun !

(DG. 139, 47—48 ; Deth. 57gt; 43—44)-

„C\'est une Vierge qui est la plus belle fleur dans le ciel, à l\'exception de Dieu lui-mêmequot;.

Dans une petite pièce de la Myvyrian Archaiology, Caradog de Llancarfan (?), l\'historié^
du Xlle siècle, consulte un certain Gwgan Varvawg pour savoir s\'il est permis d\'aim
les jeunes filles et est rassuré par le premier argument du MS. de Cambridge :

Pour ce que fu faite de l\'os
Et l\'omme fu fait de la terre.

Duw a wnaeth merch yn nghyntav
O asswyn assen Addav
Mal a\'i carai \'n anwylav.

Ac am hyn, wr cerddgyvrain,
Man y bo beirdd cyvurddain
Bodd Duw caru gwenriain.

(MA^., p. 837)

„La jeune fille que Dieu a créée la première, il l\'a formée par incantation de la côte d\'Ada^^
puisqu\'elle lui était la plus chère, et pour cela, artiste, où il y a des bardes d\'un rang égal, u
approuve qu\'ils aiment les jolies demoiselles quot;

Mais quand Dafydd apporte la raison suivante :

o wraig y ganed pob dyn
O\'r holl bobloedd ond tridyn.

„De tous les peuples du monde, chaque homme, à l\'exception de trois personnes, est ne a
femme, et pour cela il n\'y a rien d\'étonnant à ce qu\'on aime les jeunes filles et les femi«

il ne fait que donner une nouvelle tournure à l\'argument principal produit déjà maintes
fois pour confondre les dénigrants de la femme :

E die vos be que non l\'es grans honransa
Selh que ditz mal d\'aisso don nays enfansa

(Raymon Jordan de Sant Antonin, Rayn., t. V., p. 379

Ac am hynny, nid rhyfedd
Garu merched a gwragedd.
(DG. 149, 49—53 ; Deth. 57, 45—48)

-ocr page 253-

^\'amant

Rusticus est vere qui turpia de muliere

nam vere sumus omnes de muliere.
{Facetus, cité Rom., vol VI, p. 500\').

-..Tuit grand et menor
Et I et autre, haut et bas,
î^essons de fame, n\'est pas gas :
Por ce n\'en devroit nus mesdire
Se il n\'est des mauvès II pire.

{Le Bien des Fames, op. laud., p. 84).

, lolo Goch dispose de tout un arsénal d\'arguments contre le célibat, contraire d\'après
^^^ à la loi divine :

I amlhau ymyl heol
Pobl fyd anwylyd yn ol.

{iGE. 26, 23—26).

»La destination du corps, voire sa seule, - quelles paroles engagea^ quot; ^ dî^ndî \'
progéniture, pour que se multipUe après sur les chemms la population aimee

Longtemps avant lui, cette idée avait été développée par les Goliards :

^on est Innocentius, immo nocens vere,

quod Deus docuit, studet abolere ;
^ussit enim Dominus foeminas habere,
^nbsp;noster pontifex jussit prohibere.

^ignere nos praecipit Vêtus Testamentum,

Novum prohibet, nusquam est inventum ; v^.squot;--, --------------------,

CD. concuhinis sacerdotum, vs. 29-40. dans Wright, WalterMapes, p. 172 )-

lean le Fèvre lui-aussi avait insisté sur le fait que l\'amour avait été institué par Dieu
pour assurer la persistance du genre humain :

Dieux, qui voult generacion
L\'omme fourma et puis la femme
Et en leurs corps inspira l\'ame.

Amour y mist en compaignie

eomme pères :

•••Y gelwir yn ddigelwydd
Ifan degan Fendigaid
Ofi!eiriad ei dad a\'i daid.
Beth oedd yntau, gorau gwr.

fiapp,

Ifan diddan Fedyddiwr ?
Mab hofï o gorft ofïeiriad,
Ffwrdd y doeth un fîordd a\'i dad.

{IGE. 26, 36—42).

\'CUU yntau, gorau gwr,nbsp;, . ,, 1nbsp;if nJre

On cite comme incapable d\'un mensonge Jean le Béni (l\'apôtre), une ^^^^^
et le grand-père avaient été prêtes. Et qu\'est-ce qu\'était doncnbsp;3on

saint Jean Baptiste ? C\'était le fils agréable d\'un prêtre, qm smvait le meme chemin qu
pèrequot;,

\'est aussi au père de Saint-Jean-Baptiste que s\'étaient rapportés les clercs mécontents

quot;Hf^Cnbsp;1_nbsp;^nbsp;1nbsp;quot;XrXTTa.nbsp;•

M.W OaAXll. JWCIJ^nbsp;1--

\'és^r les ordonnances papales du XlIIe siècle :

G/. Consuhatio sacerdotum, vs. 157—160 {Ibid., p. I79).

237

Herbergez sûmes dedeinz lur flaunc.
De els ewon char e saune.
Ausi nurrist femme home
Come arbre fet peire ou poume.
Ni est dune encuntre nature
Si le fruit deit l\'arbre desîruire.

(Du bountè desfemmes,Rom., vol.XV,p,ii).
Pour ce que feme fu ta mère
Et que nouris fus de son lait
Ne dois dire de femme lait.
(Jean de Condé,
éd. cit., t. in, p. 205).

Anian y corflt, ai unig,
I greü plant, geiriau plig.

A modernis latum est istud documentum.
Ad quid nullum ratio praebet argumentum.

Dédit enim Dominus maledctionem
Viro, qui non fecerat generationem ;
Ergo tibi consulo per hanc rationem
Gignere, ut habeas benedictionem.

Pour faire et pourcreer lignie,
Et ne fait pas a oublier
Qu\'il commande multiplier
Et croistre pour remplir la terre

{Livre de Léesce, vs. 826-833, éd. cit., t. n, p. 26-27).
I^\'ailleurs la Bible fournissait des exemples de saints hommes qui avaient eu des prêtres

ITTlmc. -.«i____

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Zacharias habuit prolem et uxorem.
Quae Johannem genuit, filium majorem.

Praedicentem totius mundi Redemptorem i
Non credo quod peccat, servans istum morerti-

(Consultatio Sacerdotum vs. 149—152, op, laud., p. 178)

Gruffydd ab Dafydd ab Tudur invoque un autre argument théologique en faveur de
la liberté du mariage pour les clercs :

...Efa, cyd bai gofuL
A roes o\'i merched fedei
I\'w meibion doethion dethol.

(Gog. p. 207)-

„Eve,, toute modeste qu\'elle était, donnait à ses fils sages le choix entre ses filles.quot;

L\'allusion n\'est pas très claire, mais nous soupçonnons que le barde a pensé à Lamecb,
qui, sans être un fils du premier couple d\'hommes, s\'était pourtant permis encore de
leur vivant de prendre deux femmes 2). C\'est l\'exemple de ce premier en date des bigame®
qui a été cité souvent dans les œuvres de controverse :

Ergo de Lamech quid vobis dicere possim
Nescio, cum varius propter nexus varios sim.
Primus enim bigamus fuit iste miserrimus, unde
Mors, pestis, strages, maledictio sunt oriunde.

(Lamentationes, vs. 161—164 ; éd. cit., t. I, p. 13).
What rekketh me, thogh folk seye vileynye
Of shrewed Lameth, and his bigamye
(Prologue du Conte de la Vieille de Bath, vs. 53-54 f^à- Skeat, t. IV, p. 321)-

Ni Dafydd, ni lolo ne conçoivent la moindre inquiétude sur leur salut ou sur cel^^
de leurs amantes :

Ni chyll Duw enaid gwr mwyn
Er caru wraig na morwyn.

(DG. 149, 43—44; Deth. 57, 39—40)-

„Dieu ne condamne pas l\'âme d\'un honnête homme pour avoir aimé une femme ou une leuflS
fille.quot;

Gwell y peirch, gwiw allu pwyll
Duw Dad, yn ei dy didwyll,
Wraig ysgolhaig, os gwyl hi

Urddol, a mwy gwnâi erddi
Nag a ddywawd y Brawd brau
Llwyd o Gaer, llidiog eiriau.

(IGE. 25, 35—40)-

„Dieu le Père omniscient a plus de considération dans sa maison oii il n\'y a pas de perfidie po^r
femme d\'un clerc ordonné, et il fait plus pour elle, pourvu qu\'elle soit modeste, que ne dit
moine gris de Chester, prompt aux paroles irritées.quot;

Il est remarquable que dans une chanson anglo-irlandaise, intitulée Dialogue het-weef^
a priest and a ràke,
le libertin professe la même insouciance :

The lectures of priests and bishops can never now me persuade
But I can be pardoned for loving an innocent charming maid.

(Joyce, Old Irish Music, p. 222)-^

Cette confiance en l\'indulgence de Dieu pour les amants est commune à toute la poésie
érotique. Le troubadour Daude de Pradas avait chanté déjà :

1)nbsp;Cf. De Concubinis sacerdotum, vs. 49—52, Ibid. p. 173.

2)nbsp;Genesis, IV, 19.

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ï-\'amant

Ja non creirai que Dieus obîitnbsp;quot;quot;^Tp^T^^^eccat major
Bon drut ni belh dompneyador P^«nbsp;no 1 a auzit

^nbsp;(Cité par Wechssler, op. laud, p. 430).

André le Chapelain avait protesté aussi : Credo tamen in amore Deum graviter offendi
Posse {Ibid.,
p. 431). Dans la chanson O.0, seignor, je n\'otroi pas il est dit également.

N\'est pas de Deu desesperez
Qui famé fait ses volantez.

(Wright, Anecdota Literana, p. 9^).

si dans la pensée des bardes Dieu permet l\'amour aux clercs et n\'est pas trop
\'f^ère pour les prestresses, la poésie amoureuse, qu\'il a instituée lui-même pour réjouir
l^umanité, ne lui sera certainement pas désagréable :

O\'r nef y câd digrifwchnbsp;Cerdd a bair yn ilawenaeh

Ac o ufïern pob tristwch.nbsp;Hen ac ieuanc, claf ac lach

(DG. 149. 53—56 ; Deth. 49~5V-

quot;Toutes les choses plaisantes viennent du ciel, et toute tristesse de l\'enfer. Or, c\'est la poésie qui
réjouit les vieux et les jeunes, les malades et ceux qui se portent bien.

C\'est aussi l\'idée de Gwgan Varvawg :

Duw a wnaeth cân ac awen
Er péri nev yn Ilawen

Ac am hyn da cerdd gymhennbsp;^^^^^ ^^ ^^^^

-Dieu a créé le chant et l\'inspiration pour réjouir le ciel. C\'est pour cela que la poésie accomplie
n\'est pas condamnable.quot;

Ces bardes ont vraiment la mentalité du Moine d\'Autodon, qui avait fait dire à Dieu :

Ans am ieu lo chant e\'1 ris,
E\'1 segles en es plus pros
E Montaudos y guazanha

(Appel, Provenzalische Chrestomathie, p. 132).

uj-\'^^igine divine de l\'inspiration {awen) est du reste pour les bardes un dogme. Dans
\'^\'Pum LZ^i/r il est dit:

R\'^an o ddoethineb anianawl yw prydyddiaeth, ac ethrylith ; kans un or ssaith gelvyddyd yr

henyw, ac awen a henyw or ysbsyd glan {éd. cit., p. cii).
»Le don poétique appartient à la sagesse infuse et au génie de l\'homme, car il provient d\'un des
sept arts, et l\'inspiration provient du Saint Espritquot;.

poètes avaient exprimé cette même idée déjà fréquemment :

Yspryd Glan a\'m cyfyd cof,nbsp;Awen a rydd o\'i iawn ras

I^ifai enw, a dyf ynof

Duw o\'i law i\'w deuluwas.
(Grufïydd Llwyd,
IGE., 44. 23—24, 29-30).

\'ie Saint Esprit - mot irréprochable - éveille les souvenirs qui se développent en moi

Dieu, dans sa grâce, donne de sa propre main l\'inspiration à son teuluwas.
Jw awen, befr oreuwaith,nbsp;O\'r Ysbryd, iawngyd angerdd

A roed imi, radau maith,nbsp;Glân, y\'i câd, goleuni cerdd.

(Llywelyn ab y Moel, IGE. 61, 45-48).

-ocr page 256-

la femme et l\'amaîît

240nbsp;__________—quot;quot;^xx

-„L\'inspiration, chose sublime, m\'est donnée, faveur insigne. Elle provient, cette verve,

Saint Esprit, pour illuminer mon chantquot;.

Pour défendre sa poésie contre les attaques, Dafydd ab Gwilym a encore un autte
argent théologique à sa disposition : il se réclame de son homonyme dlustre, le

Yw llaswyr Dafydd Broflwyd ?
(DG. 149, 59—62 ;
Dah. 57, 57—60-

David :

, .nbsp;A chywyddau i Dduw Iwyd

Pand englymon ac odlaunbsp;« ^ jnbsp;_ _

Yv? \'r hymnau a\'r segwensiau ?

Mès je tien que li rois Davis
Ouvrast de tel service envis

„Quelle différence y a-t-il entre les englynion et les cywyddau d\'une part,

séquences d\'autre part? Et le sautier de ^ David le prophète, que contient-ü donc smon

cywyddau à notre Seigneur vénérable ?quot;
Aussi lolo Goch, dans son élégie de Llywelyn Goch ab Meurig Hen, assure-

prophète sera charmé quand il entendra le barde réciter au ciel la poesie qu il a compo
ici-bas pour sa Lleucu Llwyd :

Hofï fydd gan Ddafydd Brofïwyd.

Ddatganu cerdd Lleucu Llwyd.nbsp;0,^84)

{IGE. 17, »3

Et Rhys Goch, dans sa marwnad de Gruffydd Llwyd, souhaite au poète de la Vierge
que ce même patron aimable intercède en sa faveur pour qu\'il gagne le Paradis .

Yn Ilaw hofï Dafydd Brofïwyd,nbsp;I\'w fj^n dan addwyn dwys,

Yn y llei rhoir GrufEydd Llwyd,nbsp;Brydydd Mau, 1 Bar^dwy. ^

N\'est il pas remarquable que le trouvère hennuyer Jean de Condé, incommodé ^
aussi par les Dominicains et les Frères mineurs, s\'en rapporte également a 1 harpiste
de l\'histoire sacrée :nbsp;^

Qui harpa. Moult mal garde y prenne^
Quant itiex paroles reprennent !

(éd. cit., t. m, p. 249)

Comment interpréter maintenant tous ces parallélismes frappants ? Faut-il adm
que Dafydd ab Gwilym se soit inspiré directement de la littérature femmiste, que ^^
Goch ait étudié la poésie goliardique dans les
textes ? Nous hésitons y^Pondre F^^
l\'affirmative ! N\'oublions pas que la lutte autour du célibat et la querelle des ten ^^^
qui s\'y rattache sont des faits d\'importance internationale. Les deux partis avaien

I) On ne peut pas dire que ces poètes manquent de respect pourlepsalmiste quand ils l\'invoquent co^in^
protecteur L leurs chansons frivoles. Un de leurs adversaires, le célèbre prédicateur Brugman,
réloquence est encore proverbiale en Hollande, se permet une familiarité bien plus grande encore q
il compare dans un de ses sermons l\'harpiste, qui égayé avec sa musique le Chnst et ses d-c Pl ^
à un banquet mystique, au boufïon du comte : Ende sij droncken, dat si, ^orstten, ende daer sP ^^^^^^
David met sijnre herpen voer der tafelen, recht of hij mijns heren dwaes waer. (Cité par M. H«

Herfstîij der Middeleeuwen, p. 330^nbsp;j» cnn adv^quot;^\'

On ne s\'étonne pas que les partisans de „Goliasquot; aient invoqué également le patronage de son

saire sur leurs amouis illicites :nbsp;. . , .nbsp;^ în oroph®^®

David rex sanctissimus, frigidus senecta, Lusit cum juvencula, quae fuit electa ; Quae res m p
non fuit suspecta. Nobis peccatoribus facile est recta
{Consultatio sacerdotum, vs. 153-156 ; éa. eu., y

-ocr page 257-

Si^our motiver le^^^oiiiTiT^^^r^^^^^^^e le nombre desnbsp;^^^^

\'«treint! il devait arriver que partout où ils en venaient aux
fe^ mêmes raisonnements. En tant qu\'il y a eu propagatron ^^ f f quot;P^verS
^^ faire bien plus encore par la parole parlée que par

^vons parlé L sermons et des témoignages des poètes qm nous P^™quot;;;quot; ® ^^^

idée de l\'activité développée par les moines pour fatre
de vue embrassé par le Concile de Latran. Mais de l\'autre co e, s i ^ quot;quot;
«semblées de prêL mécontents pour protester contre cesnbsp;\'j™^

Pquot;le „GoUasquot; - et ce fait n\'aurait rien d\'invraisemblable, quoique nom ^^ons a crmre
^«■en ce cas ils on, discuté la question plus dignement que ce

nous faiie croire - c\'est de ces réunions que sont sortis les arguments preates dont

les poètes se sont emparés ensuite.nbsp;„ . . ,nbsp;Hans un des

Novs nous sommes Lêtés un peu longuement au rôle ,oue p^
Ptas importants conflits du moyen âge.Mais
peut-être cette

fait à un mouvement d\'idées ecclésiastique nous aidera a mieux
«l^\'ils ont prise à l\'égard des courants mondains internationaux de leur temps.

I6

-ocr page 258-

chapitre iv
Personnages Secondaires
1 — Le Jaloux (Eiddig)

La figure la plus intéressante de la poésie des Cywyddwyr est peut-être celle du vieux
mari jaloux,
Eiddig. Pendant des siècles il est le point de mire des poètes gallois, de
sorte que ceux-là même, si peu innovateurs qu\'ils soient, finissent par se lasser d\'un thème
aussi rebattu et essayent de le rajeunir par quelques variations : Risiart ap Howel com-
pose une Apologie du Jaloux et satire de sa femme, GrujBFydd Hiraethog et un anonyme
s\'en prennent à la Jalouse Cette figure conventionnelle est-elle une invention de la
poésie galloise ?

Le mot en tout cas est bien gallois et même brittonique. Il faut partir de l\'idée de
„désir ardentquot;,
aidd (cf. le verbe eidduno) en gallois, oaz en breton De là le sens de „désir
d\'être seul possesseur de quelque chosequot; est proche. C\'est ainsi qu\'en breton
baizic « gou-
oaz-ic)
se dit d\'une mère qui est jalouse de son enfant L\'évolution sémantique est donc
la même que présentent en irlandais les mots
ét et étaid, qui cependant n\'appartiennent
pas à la même racine :

Ro m gab ét im do tegdais a Dé. „zelus domus tuae comedit mequot;

In uair thréices in duine he er lennân utmall mbrégach, .i. er mâinib in t-shaegail, hingnad
ét ocus ferg do dùscad air sium ?

„Quand l\'homme l\'abandonne {scil. Dieu) pour l\'amour d\'une amante inconstante et mensongère,
c\'est à dire des biens du monde, quoi d\'étonnant si la jalousie et la colère s\'emparent de lui ?quot;

Cf. aussi en grec Cn^otvntagt; à côté de C^Xâœ, en latin zelosus (gt;- gelos et jaloux) à côté
de
zelus, en allemand Eifersucht à côté à\'Eifer.

Mais si le nom donné au Jaloux est bien authentiquement celtique le personnage
l\'est-il aussi ?

1)nbsp;Mol.i eiddig a gogan iw wraig (Cardiff 12, Rep., t. II, p. 147) 5 Ir eiddiges (Peniarth 104, Rep. t. I,
p. 647) ;
K. dychan i\'r eiddiges a mol. i\'r wraig dieiddiges (Peniarth. 112, Rep. t. I, p. 677)

2)nbsp;Le mot eiddig dans ce sens de „personnage ardentquot; se trouve-t-il dans les textes anciens ? Dans
le poème sur le Vent de Taliesin, on lit : Heb eidigaf adoet (éd.
cit., 37 :4), et M. Evans a proposé de

corriger ce vers en : ev eiddig addoed „he is impatient of delayquot; (PoewsyrowjiAefioo^S: 0/ Taliesin, 2: 20).

3)nbsp;Ernault, Glossaire moyen breton, t. I, p. 51.

4)nbsp;The Passions and the Homilies from Leabhar Breac, êd. R. Atkinson, p. 167.

5)nbsp;Ibid., p. 256.

6)nbsp;II y a cependant un autre nom donné au mari dont l\'emploi nous semble d\'origine française :
c\'est le mot
unben, dans le vers Ni chwsg bungyda\'i hunben (B, i). Kynwrig ab Ednyfed donne à son ami
Ding Moel l\'avis de gagner la belle de force et de ne pas se conduire comme un mari : na vydd vnben-

-ocr page 259-

le jaloux (eiddig) _________--------------

^^nbsp;du caractère celtique et

iC^ZTl que dans\'la littérature des Irlandais et des Gallois les

commun AiliS, un Arawn d\'Anwfn, sont rares Leur ^^t pour les

tragiques et pour les contes d\'enlèvements leur a fait creer ces figures denbsp;f,

co^rHonl Conchobar, March. Quand les poètes levaient

mariées, ils devaient trouver les maris sur leur chemm. Aussi Vonv^^^^^^^

contre le Jaloux sans avoir aucune notion de poésies etrangeres. De,a Llywarch Hen

dans les Gorwynyon, parle de lui avec peu de sympathie :

.,Tt.e:°Lthquot;e:\'so„.ts e«,édités „.«e ; U poUronnbsp;de coeur, les i..ou. son.

xor S-cl\'es\'î:: r etr:;.: du= . .nbsp;es. »„.on.. .. es, ..e ,ue.,ue

Chose lui suffise ; il est sage d\'aimer comme xl faut.

Cynddelw regrette que sa Gwen ait monté sur la couche du Jaloux :

Ny mat gyrchawd Gwenn gwely eidic.

(Gog., p. 71 )*

etDafyddabGwilyms\'exprimeraplus tard presque enlesm^

arch iddi...... nad êl na lliw nos na dydd...... ar wely Eiddtg {DG. 189, 21 26, Detn.

33, 21—26).nbsp;„

Demande lui pour l\'amour de moi qu\'elle ne monte, ni le jour, ni la nuit, sur la couche du Jaloux.

Hywel ab Owain Gwynedd menace son rival de son glaive, et on dirait que Dafydd
dans le cywydd sur l\'épée se soit souvenu de ce passage :

r,nbsp;T Ipiicu slaer, uy chwaer, yn chwerthin,

Moch gwelwyf. am nwyf yn etam y wrthawnbsp;Lleucu gla«,^ y ^^^ ^^^

Ac ym llaw uy llamnbsp;p. 86).

Tra\'th feddwyf, angerddrwyf gwrdd,
Er ei fwgwth, arf agwrdd,
Oerfel uwch ben ei wely,

A phoeth fo dy feisrr o fïy
Nag ar farch, dibarch dybiaw,
Nag ar draed, er ungwr draw,

(dg. i34gt; 15—20;-

tion abjecte ! - soit à pied, pour ce seul homme la-bas.

Encore une fois Dafydd revient sur cette pensée belliqueuse:

;:;;::;;::(Peniarth 57, e. stanton Roberts p. x.) Ce «tt^\'o^éernquot;^^^^^^^^^^^

les dictionnaires. En français, mais seulement dans les fnbsp;n^ediéval :

de la femme est appelé souvent par plaisanterie son baron, ^^^^^^^^nbsp;.encontre aussi

ÎI^l^^tl^d^^L-nbsp;Quelle ironie que de

qualifier un mari trompé d\'unèen „monarquequot; de sa femme .

-ocr page 260-

Trechj le\'r yinddrychaif glaif glas,
Wyf nog ef, ofn a gafas.

(DG. 73, 31—32 ; Deth. 6, 33—34)-
„Quand je lève sur lui un glaive bleuâtre, je suis plus fort que lui ; aussi a-t-il pris peur.quot;

Dans ces passages il n\'y a aucune idée qui n\'eût pu être inspirée par la réalité. D\'autres
traits pourraient remonter aux traditions relatives aux célèbres jaloux de jadis. Les poètes
aimaient à comparer leurs amies à Essyllt et eux-mêmes à Trystan ; le roi March ab
Meirchiawn ne devrait-il donc pas être pour eux le prototype du mari jaloux ? Seule-
ment, March, Conchobar et Fionn avaient été des jaloux terribles, implacables, mais „le
mari bafoué et content n\'est pas un personnage des vraies traditions celtiquesquot; 2). Aussi
quand on rencontre dans la rhieingerdd Eiddig, figure toujours burlesque et ridicule,
on peut tenir pour assuré qu\'alors le type du Jaloux, qui avait pu naître au Pays de Galles
aussi bien qu\'ailleurs, a été orné de traits d\'origine étrangère. Mais on aurait tort de
chercher la source de cette création de l\'esprit gaulois dans les genres où cet esprit s\'est
à peine manifesté !

La comédie antique déjà n\'avait pas ignoré le mari trompé. Mais surtout au moyen
âge, le „thème du sot mari qui, tenant en main les preuves de la faute de sa femme, s\'en
laisse encore conter, est au centre de tout un cycle comiquequot; de contes latins en vers,
comoediae. Un des principaux sujets des fabliaux est le motif du mari soupçonneux qui
enferme ou épie sa femme et n\'en est pas moins trompé, ou qui, même quand il la surprend
en faute, ne rapporte le plus souvent de l\'aventure que honte et coups C\'est aussi un
des thèmes favoris des romans courtois et même le type du
gelos a passé dans la poésie
des troubadours, où du reste il n\'occupe pas une place très importante.

Dans les poésies populaire et latine au contraire où il s\'agit surtout de jeunes filles, le
Jaloux ne joue pas de rôle — tout au plus l\'amant a-t-il affaire à des fiancés
envieux—mais
il figure d\'autant plus dans les chansons de malmariée qui, depuis le moyen âge jusqu\'à
nos jours, jouissent d\'une grande popularité. L\'œuvre de Dafydd ab Gwilym offre un seul
spécimen de ce genre
{DG. 196), mais il n\'est pas facile de déterminer quelle a été la source
directe de cette chanson. Ce genre qui, comme nous croyons avoir montré, est de tous
peut-être le plus proche de la réalité, pouvait naître partout indépendamment, et de
fait il est représenté dans les poésies bretonne et anglo-irlandaise Cependant
Dafydd
a pu connaître aussi des pièces étrangères. Mais en tout cas il n\'a pas ignoré les fabliaux,
et le plus probable est que ces contes joyeux lui ont fourni le modèle du Jaloux tel qu\'il

1)nbsp;V. Gruffydd abMaredudd (Gog. p. 193):. Hywel ab Einion Lygliw (Ibid., p. 220), DG. 153 et Dafydd
ab Edmwnd dans son cywydd sur la femme d\'un vieillard (Llanstephan 6,
éd. cit., p. 76) : Trystan wyf
yn trosti yn wyllt Yn ymosod am Esyllt ; March yw hwn a merch yw hi Amhairchion yw amherchi.

2)nbsp;M. Loth a fait cette remarque à propos du caractère de March tel qu\'il est conçu dans l\'Ystorya
du XVe siècle (RC.,vol. xxxiv, p. 383). Cette observation s\'applique aussi bien au type du Jaloux dans
la poésie lyrique.

3)nbsp;M. Faral, Rom., vol. L, p. 361. V. surtout les comoediae de Lydia et du Miles Gloriosus.

4)nbsp;Aloul, Le Cuvier, De la Borgeoise d\'Orléans, Du Prestre crucefié. Le Prestre teint. Du Chevalier qui
fist sa femme confesse, Estormi, Bérangier au long cul. Du Chevalier à la Corbeille,
etc.)

5)nbsp;Flamenca, Castia Gelos, la biographie de Guilhem de Cabestanh, les lais de Guigemar et de Yonec,
Le Chastelain de Coud,
etc.

6)nbsp;Gwerziou, t. n, p. 170, 396, 400 j Sôniou, 1.1, p. 230 ; t. Il, p. 18, 20, 34, 38i Joyce, Old Irish Polk
Music and Songs,
p. iii.

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le jaloux (eiddig) --------- ,-

on «cuve P^\'^ ^^^^^^ t d^\'^elqTs

r;^: rJt-£ ^S^SS f ^nbsp;otL nne —.

Elfe :srn;m«rfois la fille d\'nn pauvre vavaseur ; son «a„ est un vdam .

Alous estoit uns vilains riches,

Mès moult estoit avers et ciches. ^^^^^^^ ^^^^^ ^^ ^^
Or suis donnée a un villain

Oui est uns rudes paisansnbsp;, vt r. -».in^

CDeschamps, Balade MCCXXXV, éd. at., t. VI,. p 240).

(DG. 89, 34 ; Deth. 4, 34 ; 94,nbsp;marchand ou un artisan,

te Fabliaux, comme dans le R.ma» quot;nbsp;169).

^irift^e^^erSpr^:^^^^^^^^^^^ \'a do^nne . un tanneur (S..»,

Et li chastelains li devoit
Tant que paier ne le pooit,
Ainz dona à son filz sa fille
(De BérengUr, Pabl, t. Iiij P- 253).nbsp;^^

,.„3 m. do„„.«« u„ viem»d. e, pour l\'amour d. la galelle, i= cou^nds à ce mariaBe.

\'Maisct\'lin est riche, et c\'est ce qui l\'a décidée à l\'accepter comme mari.

Si gauen mi eenen ouden man.

Al om dat goeyekens wille

Ginc ic dat houwelic an

(AL. Lxxxv, 2).

C\'est cette même cupidité que Dafydd reproche a son amie :

âtSd^r, rrûWda,nbsp;3-4..

..BSI-U vrai .ue lu peuses . le marier - „..ml.eme„.dou,„ureuxgt; -parcouvolUsedericbesse,.quot;

quot;quot;nbsp;„ N n AJ t T n 126 ef seq. 3) Rom., vol. L, p. 354-

I) ZfcP., voL F, p. 187. 2)nbsp;P.nbsp;rnodification de ce motif.

4) Le Fabliau des Tresses (FabL, t. v, p. 67) n est qnbsp;^^^^^^ , ^^straethodlau

Il est digne d\'intérêt que Dafydd a v:senbsp;^^^^^^nbsp;, dans sa fable de la Cigale et

d\'origine étrangère. Le conte desnbsp;et de l\'Eryri. Quand la cigale entre chez

-ocr page 262-

Elle ne tarde pas à s\'en repentir profondément. L\'homme qu\'elle a accepté est vieux :
il a soixante ou quatre-vingts ans, c\'est même un nonagénaire i) ! Madog Benfras le
nomme un décrépit
(cîeiriach, DGG., p. 126); Dafydd ab Edmwnd dit de lui qu\'il est
plus âgé que le grand-père de sa femme, qu\'il est l\'aîné de Llywarch Hen ou même de Noé :

Anoeth iawn yw, hyn no y thaid,

Hyn no Llywarch Hen(w) Ilaw ir,

A hyn no Noe Hen yn wir.nbsp;(Lanstephan 6, éd. cit., p. 75)-

Aussi ne ressent-il pas des sentiments qui ne sont pas de son âge, et surtout dans les
malmariées la femme se plaint avec une impudence incroyable de la froideur qu\'il lui
témoigne. Dafydd ab Gwilym ne s\'exprime pas si crûment, mais il se moque également
d\'un vieillard qui a eu la folie de prendre une jeune épouse :

Gwell oedd i gleiriach gwrachan

A thy, a chlydwr a than.

(DG. 163, 15-16 ? 2).

„Mieux conviendrait à ce décrépit une vieille sorcière, et une maison avec un coin confortable
eî un bon feu.quot;

Lui aussi qualifie le mari âgé de „chose impossible entre la jeune femme et le bord
du litquot; :

Un drwg rhwng merch ac erchwyn

(DG. 163, 23 ?).

Ce n\'est pas cependant son pire défaut. Le Jaloux est encore laid à faire peur, il est
parfois bossu, il est maigre et pelé, il tousse, il est d\'une malpropreté écœurante. Mais
Eiddig est encore plus repoussant que ses compagnons d\'infortune français ; c\'est un
nain
{cuchiad cor, DG. 66, 16 ? ; \'r cor, DG. 85, i ; gzor anhardd, liai na gwreinin, DG.90,
19), couvert de gale {gwegilgrach, DG. 68, 29 ; crych fyr yw, crach feriog, DG. 90, 13).
Pour décrire la saleté de ses cheveux Dafydd a besoin de tout un cywydd (DG. 68). Avec
prédilection il s\'arrête à la malpropreté du
hawai (JDG. 94, 21) ; dans quelques satires
d\'un goût douteux, composées d\'un bout à l\'autre dans le style de la
cler, il fait preuve
d\'une rare maîtrise dans le choix d\'invectives ordurières. Dans le cywydd
DG. 76 il
se plaint de ce que le teint incomparable de son amie se flétrit par l\'eff\'et de l
\'haleine
fétide de son mari. C\'est encore un trait qui se rencontre également dans les malmariées
françaises :

Vilains, car vos traites an lai

Car vostre alainne m\'ocidrait.

(Bartsch, op laud., 1,2$, 9—10).

Le caractère de ce vilain personnage ne vaut guère mieux que l\'extérieur. Dans plusieurs
malmariées il est dit expressément qu\'il n\'observe pas lui-même la fidélité conjugale
qu\'il exige de sa femme. Il fréquente les mauvais lieux, il y dépense son bien et la dot
de sa femme, il rentre ivre :

1)nbsp;Tarbé, Romancero de la Champagne, t. II. p. 104.

2)nbsp;Cependant dans le cywydd DG. 198 (Deth. 46) le barde vieilli reçoit à son tour de la pie le conseil de
s\'asseoir plutôt auprès du feu ou de se faire ermite que d\'attendre à son âge une ieune fille dans la forêt

humide.

-ocr page 263-

LE JALOUX (EIDDIG)

Car (\'ay assez qui m\'en estole
Et qui ses faiz m\'est rapportant.
Et comment il baise et acole
Les fillettes, et va donnant
Nostre avoir...

(Deschamps, Balade MCCXXXII, éd.

cit, t. VI, p. 236.».
Mes maris a ce qu\'il lui fault
En son hostel sanz querrir hors.
S\'il voulsist, mais rien ne lui vault.
Car ailleurs va aisier son corps.

(Id., Balade MCCCCLXXIII, Ibid., t.
VIII, p. 175)-

Ce sont exactement les mêmes plaintes
Öafydd ab Gwilym :

Treulio ei dda wna y nos,
A\'i guddio i wrageddos :
Er nas dygen\' o\'i anfodd
Yr eiddo, fo rydd o\'i fodd 1
Yn llwyrddig gwna\'n Ilawr ei dda,

„La „.i. il dépense son Hen « i. .e cache pon. .es

malgré Ini ce qn\'il possède. 11 le donnenbsp;„verne. taisant nne

Pourtant nous croyons que ces vers sont plutôtnbsp;ef

scortis, alea. {Colloquia Familiaria, Leipsick 1872, t. i, p. 171J.

Et la malmariée bretonne ne reproche pas autre chose à son mari :

Et ê ma goaz d\'ann hostèléri.
Ha ma lest ma c\'hunan en ti.

Pa deuio d\'ar gèr, \'vo en coler,
Carget he corf a
laudevi.

na ma iwi^u quot;—------

„„ es. aUé. mon mari, à ranber^e. Et i, m\'a laissée senle à la maison. Qnand i. revendra an logis,
i! sera en colère. Le corps plein d\'ean-dc-v.e.nbsp;^ ^^ ^ 3^-39)-

Les commères

O, le meschant mary, commère
Il me causera la mort :
Quand il revient de la taverne,
Estant soul comme un pourceau.
Je ne lu y ose rien dire
De peur d\'avoir du tricot.

(E. Rolland, Recueil de Chansons popu-
laires,
t. II, P- 8C).
Les joujoux de mon mariage,
Coquin d\'ivrogne, qu\'en as tu fait.
Tu les as donc portés à gage
Dans quelqu\' endroit, au cabaret ?

(Tarbé, op. laud., t. II, P- 96).

que celles confiées par la malmariée galloise à

Heibio tyn i buteinia,
Oddiyna daw, yn ddyn dig,
I\'r dafarn, fal pendefig.
Wtres rhodres gwrhydri
Y\'nghas dull ar \'y nghôst i.

{DG. 1965 13—22).

Savés vous ke je ferai.
Jamais n\'ere vers li douce

Mais si bien le baterai.
Jamais ne mangera de pain.

(Bartsch, op. laud., i, 67, 41—44)-

Xannppe : Imo vicissim ego corripiebam rripodem , si continsse, me digi.0, sens^se. mihi non

deesse manus {Colloquia éd. cit., t. I, p. I7i)-

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Kemerret ganthan stripen fagot
Ha roëî d\'han a dreuz he gorf.

Ken a gommanzo \'r c\'hoz totillon
Abouez he benn da grial forz.

„Armez-vous contre lui d\'une trique de fagot, El donnez-lui en à travers le corps, Jusqu\' à ce que
commence le vieux grognon A tue-tête, à crier à la force.quot;
(Sôniou, t. ir, p. 38—39).

C\'est aussi le conseil que Dafydd, prenant le rôle de la commère, donne à la pauvre
Mis 1) :

Dod gwlbren ar nen ei ael,
O lonaid dy law, wenhael :
A dod whap, megys clap cledd.

Er Dduw ar ei wàr deuwedd ;
Cur yno fyth, cair efo
Yn was doeth oni \'stwytho,

(DG. 196, 49—54)-

„Donnez-lui un pochon au-dessus de ses sourcils, avec le plat de la main, ma chérie généreuse, et
par Dieu, frappe le deux fois, comme d\'un coup d\'épée, sur la nuque. Ne cesse pas de le battre
jusqu\' à ce qu\'il soit amolli, et il sera un garçon sage dorénavant.quot;

Cependant le plus souvent ce ne sont pas les femmes qui donnent les grands coups
de bâton ou de poing ; elles paraissent plutôt faites à les recevoir. Nulle part les coups
tombent plus dru que dans les Fabliaux, et c\'était probablement un des agréments
principaux
du genre. Il y a des Jaloux qui rossent leurs femmes pour les punir de leur
infidélité, il y en a d\'autres qui préfèrent les battre d\'avance pour leur en ôter toute
envie, comme par exemple le Vilain Mire. Jean deMeun décrit avec satisfaction le châti-
ment brutal qu\'un Jaloux inflige à sa femme, dont la conduite lui semble suspecte.
Ces corrections maritales sont encore un des griefs principaux des malmariées, qui s\'en
montrent justement révoltées :

Por coi me bait mes maris,
Laisette !

(Bartsch, op. laud. 1, 23, refrain).

Ne me bâtez mie

Maleuroz maris !

(Ibid-, l, 45, refrain).

Pour quoi me va chastoiant,
Ne blamant.
Mes maris ?

(îbid., I, 51, 17—19) *)•

Il n\'y a jusqu\'aux troubadours qui ne fassent parfois allusion à la dureté des maris
ombrageux. Bernard de Ventadour s\'inquiète de ce que sa dame est brutalisée par le
Jaloux :

Eu sai c\'om vos destrenh per me,

Mas,si\'l gelos vos bat de for,

Gardatz qu\'el no vos bat\' al cor.

(éd. cit., 41, 44—46).

Cadenet, moins délicat, aimerait au contraire qu\'elle fût maltraitée :

El maritz volria
Bates midons a sazos,
Qu\'adoncs la \'m daria ,

Quar per aitals flors
Las an li gilos peiors

(Rayn., t. II, p. 232).

1)nbsp;Leçon duMS, de Benjamin Simons : vs. 3 Alis ferch i Elis fwyn. — DG : Y ferch a welais yn fwyn.
vs.
7 : Dywaid AUs ddewisferch. — DG. : Dywaid y fun, lun loywferch.

2)nbsp;BS. — DG.-. Er da. 3) DG .: y fo. 4) V. Origines, p. 93 ef seq., p. 151 et seq.

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Le jaloux (eiddig)nbsp;-------------~

Si:nbsp;S«\'=

de la frapper :

Ar d\'ên nag yngen un gair,
O gellwair un gair ag ê\',

Amnaid rhywiog. ie \'m ftawe Inbsp;^^

Quand elle ne réussit pas à dissiper ses soupçons trop bien fondés, il redouble de coups :

Gael o Eiddig, farfddig fïerf
CronfEon wialenflon lownflerl.

Rhoi pwys y flon ar honno,
Ar hyd ei phenn — bu rhaid fïo.

(lolo Goch, IGE. 23, 39—42).

Quant je siec a la fenestre.

(Ibid., I, 67, 20—21).

Je n\'ose aller en bois, ville ne plaine.
Dancer, chanter, manger, boire de vin.
Que le villain, a guise d\'un mastin.
Ne m\'abbaie : que fais tu la ?

(Eustache Deschamps, Balade DCCCLIU.

t.V, p. 29)-

L, JalouK. la ba,be .» colère, prend le bâ.on cou« e. soUde, e, lu, .ait sennr tout »„
quot; poids sut sa tête ; elle se voit obligé de ptendte la fuite.

SeSjlXn plaignait:nbsp;..V, irnposito tenerae custode puellae ^^^^^^^

et GuilheL Adhémar souhaite la mort au marit gelos quHnclau e sera ete). Dans la poesie
française cette malédiction revient sans cesse :

Mauditz soyent ces maris j aïeux

Qui sur leur femmes font le guet.nbsp;, ., ,nbsp;YV^

(Gaston Paris, Chansons du XVe siede, no. XV) )•

Les femmes s\'expriment avec la même aigreur :

1 • »nbsp;Inbsp;II siet tote jor à l\'uis

Kant li vilains vaint a marchiet,nbsp;il

Il n\'i vait pas por berguignier.

Mais por sa feme a esgaitier

Que nuns ne li for voie.

(Bartsch, op. laud. I, 25, 3—6)-

Li miens plains de jalosie

Me garde et guete et espie :

Toz jors me guet il.

(Ibid., I, 48, 17-19.
Eiddig ne montre pas moins de sdUcitude PO- —

d1 16) tit^si a u/œil ouvert sur sa conduite, partout ou elle va :

I) Variante de troisnbsp;„„e chanson, dans laquelle le ttonbadour supplie le roi

V. p. 16). On atapproche plus d ^ f ~nbsp;DG. 99 (Dak. 54). dans lequel

Alphonse d\'emmener le f.hs dans s. smte quot;quot; « ^^^^^^^^nbsp;Msant le B»« Bach à la mer.

Dafydd prie ses amis qui partent pour la guerre en Fiance de ,et»nbsp;^^ ^^^^

L\'analogl est en effet frappante, et P-\'»quot;\'\'idée n\'eût pas pu M être

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Fo ddaw, nid nés gorawen
Bwch yn ei hol, bychan hên.

(DG. 90, 9—12).

j,Si la belle qui est chère au poète vient à la foire, événement qui fait naître de grandes espé-
rances, le vieux petit bouc marche sur ses talons, et mon bonheur ne s\'en trouve pas avancé.quot;

Y bob Ile ar yr heol
Yr â gwr hên ar y hol.

(Dafydd ab Edmwnd, Llanstephan 6, éd. ch., p. 76).

„Où qu\'elle aille sur le chemin, le vieillard la suit de près.quot;

Et en effet, cette vigilance n\'est que trop bien motivée, et maintes fois le Jaloux réussit
à attraper le couple amoureux. Mais nous reviendrons dans le chapitre suivant sur cet
incident souvent raconté.

Toutefois dans le portrait d\'Eiddig la note caractéristiquement celtique ne manque
pas. Les Gallois aimaient passionnément la joie, la musique et le chant ; ils étaient très
sensibles à la beauté de la nature. Quoi de plus naturel que pour ajouter un trait odieux
de plus au caractère déjà repoussant du Jaloux, les bardes le représentent comme un rustre
morose qui déteste la poésie et qui a en aversion le chant des oiseaux :

Nid cerddgar cymar dyn cain.nbsp;(Grufïydd Llwyd, IGE. 50, 40).

„11 n\'est pas un amateur de la poésie, l\'époux de la bellequot;.

Ni châr Eiddig chwaryddiaeth,
Chwerw o ddyn, dros chware \'dd aeth.
Ni châr nag eos, na chog,
Na llinos mwy no llwynog,
Na diau Iwyn godywyll,
Na chanu cerdd, na chnau cyll.

Clywed cân adar mân mai
A dail îr, a\'i doluriai,
Siarad bronfraith is irwydd
Ac eos falch ei gas fydd.
Casbeth gan Eiddig fethiant
Glywed bytheied a thant

(DG, 89, 13—24 ; Deth., 4, 13—24).

„Le Jaloux, homme maussade, n\'aime pas les jeux, il ne s\'arrête pas aux amusements. Il n\'aime
ni le rossignol, ni le coucou, et le verdier pas plus que le renard, ni vraiment la forêt plongée
dans une demi-obscurité, ni le chant, ni les noisettes. Il souffre d\'entendre le ramage des petits
oiseaux en mai et de voir le jeune feuillage. II a en horreur la voix de la grive dans le bois frais
et celle du fier rossignol. Le Jaloux décrépit abhorre entendre la meute ou les instruments à
corde.quot;

Y ferch wen at awenydd
O daw i\'r ffair, da yw\'r flfydd.

Il n\'aime pas non plus l\'été :

Eiddig, cyswynfab Addaf,
Ni ddawr hwn oni ddaw\'r haf.

Rhoed i\'w gyfoed y gaeaf
A rhan serchogion yw \'r haf

{DG. 201, 31—34; Deih. 50, 31—34),

„Si l\'été ne faisait pas son entrée, le Jaloux, fils bâtard d\' Adam, ne le regretterait pas. Que
l\'hiver soit donné à ceux qui sont de son âge ; l\'été est la part de ceux qui aiment.quot;

Ces vers font penser au choix de March qui, dans l\'Ystorya du XVe siècle, consent
à céder Essyllt à Trystan pendant l\'été, pourvu qu\'il la possède à son tour pendant l\'hiver.
Mais déjà Gruffydd ab Maredudd paraît avoir rapproché Eiddig de l\'hiver :

i) Madog Benfras nomme Eiddig également un dezvr Jwch dig (DGG., p. 126).

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le jaloux (eiddig)nbsp;_____________

Syw dymmawr rwyvawr yr haf arbennic
Sorredic h Eidic, elwic alaf [/. gaeaf ?]

(Gog., p. 197)-

L\'été sublime est une saison prineiére. mais le Jaloux, qui a la figure de l\'hiver, est en cofee.quot;

Eiddig menace l\'alouette de son arc (DG. 95, 53 ; ^H. »nbsp;^^

tous les animaux, surtout le coueou, l\'oiseau de l\'amour par

a à sufFrir de ses poursuites. Illui fait des gestes menaçants et casse des rameaux pour

les jeter à la pauvre bête, qui crie de peur du nez de son ennemi (DG. lOo)

I est intéressant que ce trait, qu\'on croirait très celtique, ne manque pas tout a fai
dam la pquot;és e ftançle. On se soLendra du Jaloux dans le
Lai de LausHc, qui ne peut

q^eTaLL se lève la nuit pour „écouter le chant du ross çioP
pas de repos avant qu\'il ait pris à la glue et tué l\'imiocent animal La, le mottf peut
Se encrd\'origine breton^. Mais la même idée est aussi exprimée dans une chanson

française du XVe siècle :

La belle a qui il desplaisoit

Luy a dit par injure :

„Hellas ! que t\'avoit il mesfait,

Meschante creature ?quot;
Pour luy tirer ung matteras.nbsp;ivicbi-ua

^nbsp;(Gasté, Chansons normandes du XVe siècle, p. 21 ,

Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, cix, 13-20).

xMais le contempteur de la nature se signale encore par une autre habitude odieuse
dot n n\'~s question ni dans les fabUaux, ni dans Jes — ^^
sottes chansons Souvent Dafydd se félicite d\'avoir dans la foret un refuge ou la colere
de on rÏÏrtaW^^^^^^^^nbsp;ne pourra jamais l\'atteindre. Il était trop optimiste : prease-

ment surttois Eiddig décharge sa colère. C\'est une véritable

Pas laisser un seul arbre debout, et c\'est aussi la raison pourquoi Llywelyn ab y Moel appelle
mve quTrSlé de feuilles sa boulaie favorite, un partisan du Jaloux, pleidiwr
(Tf t ^^ Ce vandalisme révoltant est le sujet de plusieurs satires violentes
St fnbsp;.iB) et nous offre une -rque^ de »

lité dont les bardes ont fait preuve, même en traitant un motif aussi peu origmal que

celui du Jaloux.

II

— La Vieille (Gwrach)

Plus encore que le Jaloux, sa vieille alliée dans la lutte inégale avec Amant est un
tvpe arriXu êt e inventé indépendamment au Pays de Galles, mais qui en real te
^ffaT son entr^ que dans la poésie érotique du XlVe siècle, paré alors de to^ es
traitsquot; tradition littéraire, depuis Ovide jusqu\'aux fabHaux, lui av. de)a ^ ^s
ail W II doit avoir son utilité de comparer un instant la
Gwrach gd^ a a
continentale telle qu\'on connaît maintenant la dermere
grace a 1 etude detaillee de
r^tVLl^ dans son édition de la version française du Pa*.

Warnke et Köhler, op. laud., p. CXXVII et seq.

Le roussignol est sur un houx
Qui ne pence qu\'a ses esbaz ;
Le faulx jaloux sy est dessoubz

-ocr page 268-

M. de Morawski distingue plusieurs formes de cette figure intéressante, qui toutes
ont leur pendant dans la littérature galloise.

La première est la vieille sorcière qui possède des capacités surnaturelles, et connaît
des charmes et les vertus des philtres. Thessala dans le Roman de Cligès, la Vieille
dans le
Lai des deux Amants de Marie de France en sont des exemples. Celle-là appartient
au domaine des contes de fées, et en cette qualité elle n\'était pas inconnue aux traditions
celtiques. Sans penser gwiddonod et à la famille de Scâthach, sorte d\'amazones malfai-
santes en général, on peut citer l\'exemple de Ceridwen et de la
gwrach édentée que dans
le
Roman de Culhwch comme dans le début de la version galloise de VHistoria septem
Sapientum
la marâtre du héros vient consulter Elle ne nous intéresse pas ici.

Différente de celle-là est la vieille nourrice de la dame, qui joue un rôle dans l\'Epître
d\'Hero
(Heroides XIX), dans les contes courtois (Gondrée dans La Violette, Alotru dans
Le Comte de Poitiers) et dans quelques fabliaux (Hersent dans Aloul). Souvent aussi est-il
question de confidentes plus jeunes. C\'est en premier lieu la chambrière, qui est toujours
censée prendre un vif intérêt au succès de l\'Amant, Ovide déjà avait conseillé à ses
disciples de commencer par la gagner à leur cause :

Sed prius ancillam captatae nosse puellae

Cura sit, accessus molliet ista tuos.nbsp;(.Ars, I, 351—352).

Elle pourrait en effet leur donner d\'utiles renseignements sur l\'humeur de sa maîtresse,
transmettre des tablettes et parler en leur faveur. Seulement sur la question de savoir
s\'il est opportun de commencer par lui faire la cour, le professeur de l\'Art d\'aimer réserve
son jugement : c\'est en tout cas un jeu très dangereux Lui-même le savait par expérience,
car son intrigue avec Cypassis n\'était pas restée cachée à Corinne et celle-ci
lui avait
montré clairement combien cette trahison lui déplaisait Dans les adaptations françaises
de VArs, ce problème de la casuistique amoureuse est discuté longuement Froissart
raconte également dans VEspinette amoureuse qu\'il avait trouvé un appui inappréciable
dans
la chambrière de sa dame, une femme qui savait De ses secrés une partie {éd. Buchon,
p. 223). Cette personne pitoyable lui avait suggéré de composer des ballades pour sa belle,
qu\'elle lui portait ensuite. Quand la dame avait résolu de se marier, elle avait fait de son
mieux pour consoler le poète désespéré.

On peut comparer cette figure à la Ilawforwyn qui dans la rhieingerdd aussi paraît être
dans les secrets de sa maîtresse. Quand Dafydd ab Gwilym ou Madog Benfras s\'appro-
chent furtivement de la maison de leur amie, c\'est avec cette confidente que la belle
tient conseil pour savoir s\'il est possible de les introduire en cachette Avant eux Gwalch-
mai avait déjà profité de l\'impression profonde qu\'il faisait sur les ^ztjy/em de la princesse
Efa pour lui faire réciter les poésies composées en son honneur. La
Ilawforwyn, dont il
est déjà question dans les Lois, occupait en effet une place importante dans la société cour-
toise du Pays de Galles avant que celle-ci avait subi l\'influence de la civilisation française,
et pourquoi n\'y aurait-elle pas joué en réalité son rôle dans les intrigues de sa maîtresse ?

1)nbsp;Livre Blanc, p. 227; Chwedleu seith Doethon Rufein, éd. cit., p. 44.

2)nbsp;Ars, I, 375 et seq. 3) Amores, II, VII et VIII.

4)nbsp;Jakes d\'Amiens, éd. Taisma, vs. 397 et seq; Maître Elie, éd. Kühne et Stengel, vs. 330 et seq. i
La Clef d\'Amors, éd.
Doutrepont, vs. 653 et seq.

5)nbsp;DG. 96 -, 131 ; Madog Benfras, Cywydd y Halaenwr, DGG. p. 126.

-ocr page 269-

la vieille (gwrach)nbsp;______---r:—

étrangères. Tont de même nous croyons qu \'nbsp;^ ^ ; On peut hésiter

seulement, de traditions qui remontent anbsp;quot;f ^la consente ; en

sur l\'origine du personnage de Luned,nbsp;(tXn), qui dans les v^

revanche il est à peine douteux que lanbsp;^^

françaises introduit Tristan mamtes fmsnbsp;^^nbsp;deiWath ab

déjà dans le roman gallois »^^heureusement perdu Dans k ^

Mathonwy, la perfide Blodeuwedd demande \'avs de se J^»«nbsp;„ ab Don,

Pebyr, et^es malheureuses sontnbsp;-—a^n^ gt; ^ ^^e de DéJdriu, se fait

qui les pousse en panique dans le lac i^eDarcud ,

également son compUce dans le Longesnbsp;^^nbsp;probablement rien

Mais si

dans la poésie gallo.se la sorcere et anbsp;- -- ■ \'nbsp;dite, la

à la Uttérature continentale, il en est ounbsp;antérieure, et

dans les proverbes gallois elle est connue pour sa vigilance.

Bit chwyrnyat colwyn bit wenwyn gwrach. ^^ ^^^^^^

„11 appartient au manchon d\'être rapide, à la Vieille d\'être venimeuse.quot;

Haws twyllaw maban no thwyllaw gwrachannbsp;^^^^^^ ^^

„11 est plus facile de tromper un jeune homme qu\'une Vieille.quot;

La seconde\'citation surtout est intéressante, -^t^tl^^\'sZ^\'^\'^^T^
mettre des conclusions. Ma.s un

DMsHenchas du Livre de Leinster,m \'f\'f\'^fyZl c\'eTun ^de - ne serait-ce pas
plus tard par Marie de France dans le
La, denbsp;^^^^ ^^ révèle au mari,

le pendant de VatHra. S^o^^^nbsp;compatriotes =),

Marie substituera à ce personnage ^^nbsp;y yi^H^ dent à distance

Ceux-ci en effet ne connaissaient que tropnbsp;Peut-être

les amants les plus -—a-^quot;^^

dans le poème latm Amicus et Arnica {Xltnbsp;ƒnbsp;. dans la poésie lyrique

la UttérLre-). Les cleres

française U est rarement question d elle ya mere y gar
italiens maugréent d\'autant plus

aimer en troublant l\'amour des autresquot; quot;/Jnbsp;dL KcningAinderen,

les romances A-andes, comme par exem^^^^^^^^nbsp;^^^ fabUaux cependant

adaptation naïve et gracieuse ^u d h\' I it Le est dessiné de la façon la plus
^Le chevalier a la Corteitte, La Grue, Lenbsp;.^^.^^\'^^iela« Je/. gaUoise.

circonstanciée ; aussi croyons-nous que ce genre-ci a fourm le modele de l «

I) Livre Blatte, p. 51. 55- 2) P\' ^ . , „ „ ,„ ,, s„. T. P. Cross, The Celtic ongit

S)nbsp;«quot;^-/t^xStnbsp;B— : ! P. 79. 5) F. P. 43.

of the Lay of Yonec, RC., vol. XXiil, p. 459-

-ocr page 270-

L\'analogie entre cette dernière et la Vieille de la poésie continentale est en effet frappante.
D\'abord la duègne française est souvent une des parentes les plus proches du mari, et
cela explique pourquoi elle lui est si dévouée. Dans le
Lai de Yonec c\'est sa sœur, dans
le Fabliau du Chevalier a la Corbeille c\'est sa mère. Hermondine est confiée dans le Roman
de Méliador
par son père à la garde d\'une cousine, Florée,

Pour lui duire et endoctriner

Et en lettre plus pourfiter. (vs, 99—100 ; éd. cit., t. I, p. 4),

Aussi cette sage parente se fait-elle un devoir de contrarier le chevalier amoureux
Camel. Il est intéressant que la
gwrach est appelée une fois par Dafydd modryb i Eiddig,
la tante du Jaloux (DG. 158, 19).

Le portrait de la Vieille esquissé par Dafydd ab Gwilym est fort repoussant. Elle est
édentée
{gwrach ddygn fantach ddig, DG. 158, 20 ; fantach fain, DG. 158, 21 ; fantach
faw, DG.
158, 35), tout comme la sorcière dans le Roman de Culhwch {henwrach a oed yny
dref heb dant yny fenn. Livre Blanc,
p. 227 ; Chwedleu seith doethon Rufein, éd. cit., p. 44).
Elle est couverte de vermine
{y nyth, lie chwyth llau a chwain, DG. 158, 22) et de gale
{y phalfais yn glais, aH glin {DG. 108, 22 ; Deth. 53, 22) ; elle souffre de rhumatismes de
sorte que ses doigts semblent des serres
{ewinog grafangog, DG. 165, 16). Ces descriptions
rappellent le portrait horrible tracé par Mathieu de Vendôme, où les mots
scabies et tabes
reviennent presque dans chaque distique :

Tibia vermescit tabie, cogitque chiragra
Reciprocos digitos esse, podagra pedes.

(Hauréau, op. laud., t. I, p. 398 et seq. i).

Ce qui la rend particulièrement redoutable à l\'amant, c\'est l\'insomnie dont elle souffre :

Un awr mew^n gwâl chweinial chwyrn
Ni chwsg, am nad iach esgyrn.
_
_{DG. 108, 15—18 ; Deth. 53, 15—18),

I) Le moyen âge aimait à opposer les charmes de la jeune beauté à l\'horreur qu\'inspire la mégère
hideuse qui la surveille ou tâche de la corrompre. Mathieu de Vendôme avait donné le modèle dans sa
Descriptio Vetulae qu\'il donne comme pendant de ses deux Descriptiones Puellae. Ace genre se rattache
encore
VAntérotique de la Vieille et de la jeune Amie, de Du Bellay. Bientôt on a eu l\'idée de ramener
cette opposition au contraste entre la beauté passée et la laideur actuelle de la même personne. Autant que
nous sachions le premier qui ait développé ce thème est Uc de Saint-Cire : Passada es la sasos Que fatias
col e cais. Et ja no\'us gensera mais Lo blanques ni\'l vermeilles Ni\'l gluz ni\'l estesinos, Qe la cara \'us ru\'
e framg. Que no po [t] penre color ; Ni no \'n po [t] traire douzor Nuill hom c\'ab vos s\'acompaing. Ni mais
de vos non venra alegriers A vostre drut, si no\' ill davas deniers,
(éd. cit., xxm).C/. aussiConondeBéthune,
éd. Wallenskôld, X. Après luiMatheolus le Bigame (vs. 290 et seq). et Adam de la Halle (Jeu de la Feuillée,
vs. 8r et seq.) se plaindront de „l\'irréparable outragequot; fait par le temps à la beauté de leurs femmes, et
Deschamps en fera le sujet de la
Balade contre une vieille femme médisante (no.MCCXXXI, t. VI,p.234).
Dafydd exhorte son amie à penser toujours qu\'elle aussi sera un jour une
gwrach (DG. 222 ?). Cette
idée est encore plus poignante quand elle est mise dans la bouche de la vieille courtisane elle-même, qui
compare sa beauté admirée jadis avec l\'horreur qu\'elle inspire maintenent à tout le monde. La Vieille
du
Roman de la Rose, la Vielle a present, jadis juvencula de-Dtschamps (Balade MCLXXXV, t VI,
p. 140). la belle Heaulmière et l\'hétaïre que Du Bellay fait parler dans les
Regrets de la vielle Courtisane
1 expriment tour à tour j c\'est aussi le sujet d\'une des pièces les plus réalistes et les plus saisissantes du
Chansonnier d\'Anvers (AL. clxxi). Le pendant de ce motif est le thème des regrets du Don Juan vieilli,
que nous avons rencontré déjà chez Dafydd ab Gwilym
(V. p. 225) et qui est surtout représenté dans
1 oeuvre de Deschamps.

Pei cyhyd y nos, pei caid nef,
A dengnos, wrach ddidangnef.

-ocr page 271-

de (la douleur dont elle souffre dans) se. os, qui ne sont pas sams.
En ceci l\'ennemie du barde ressemble à la Vieille du FMiau du Chevalier a la Corteille :

Petit dort et longes veyle
Si a pat tro clere l\'oreyle

Auxi de nuytz come de jurs.nbsp;iP^^l., t. I, p. i86).

On connaît des portraits semblables de mégères répudiantes par Madog Dwydraig
{Livre Rouge, p. 87) et par lolo Goch.

Plus intéressante encore que la duègne est cependant ^^
qui a eu également une fortune briUante dans la Utterature du moy^nbsp;^^^r

U n\'y a pi une différence très prononcée entre ces deuxnbsp;^^^

qu\'uL duègne ne résistait pas aux cadeux ou aux paroles -»f »

avoir été le modèle de ce type htterairenbsp;en effet directe-

La plupart de ces PO^aitsnbsp;Squot; ™ quot;s^ar

ment à cette création immortelle d Ovide. Le poeme ^^ ƒ ^nbsp;attribué • la

Jean le Fèvre), qui est inspiré peut-être p- ^l^P^^^^^l^ts ^
VieiUe du Koma« de la Rose répète ses preceptes . Richest es ensei^e
sonnet. Dans les comoediae latines du moyen age, elles ouent
BauA
nbsp;Baucis et Thraso)\') et l\'anus subtilis et tngemosa du Pamphlus, un des

e!Tequot; tlpTont eu le plus de succès, rappellent la P-^ - ~
Dansl^L la VieiUe aniL l\'amant à avoir recours à un stratagème
qui forme l\'intrigue de

par exemple à leur tante ou à leur mère comment faire pour gagner leur amie .
quot;T^r^inXmann, «p. P. 80. .) ^»»«s, I. vn. 3) F«»\', m, 6,7-694. 4) vol.

-ocr page 272-

Ma moereb coz, d\'in-me lâret

Penoz galloud debauch merc\'hed.

„Ma vieille tante, dites moi Comment m\'y prendre pour débaucher les filles.quot; {Sônîou, t.

III, p. 126—127).

0nbsp;va mamm gêz, d\'in-me lavaret

Penoz ober \'wit gonid Jannet.

„0 ma mère chérie, dites-moi, comment faire pour gagner Jeannette ?quot; {Ibid., t. II, p. 130—131)-

Or, la ruse que ces bonnes dames leur enseignent alors est celle que la Vieille de VAlda
avait enseignée à l\'amant ! C\'est une commère {cymydoges) qui conseille à une femme
surprise en faute par son mari de substituer à son manteau marqué le sien, et Stern a
reconnu dans ce cywydd le sujet d\'un conte répandu, raconté par Apulée et par Boccace
Et la Gwerfyl (ouMorfudd) ferch lorwerth wyrMadog de Dafydd est une figure qui
mérite
une place dans la longue galerie d\'entremetteuses du moyen âge.

Sans doute, Dafydd avait rencontré les dames de cette profession dans les ports de
mer de Nord-Galles dont il fréquentait les tavernes. Mais le type qu\'il nous dépeint est
traditionnel et porte tous les traits que la tradition littéraire lui avait prêtés ailleurs.
Comme les auteurs des fabliaux, il distingue la Vieille qui entreprend pour
une récompense
de rompre, soit par ruse, soit par son éloquence, la résistance de la femme aimée, et celle
qui consent à faire profiter les amoureux de sa longue expérience. En général il ne
veut
pas des services de la première. Il connaît la vieille maquerelle qui exploite une maison
de rendez-vous et y attire les jeunes filles, comme l\'Anus du
Pamphiîus, Aubérée, et
Berthe dans la traduction française du poème
De Vetuîa % mais il ne lui arrive que rare-
ment de se servir moyennant une récompense de son recoin
fermé :

Gobrin ym roddi gwobrau

1nbsp;hen wrach am gilfach gau. (DG. 203, 33—34),

Il lui répugne également de lui confier un message et de la voir exercer la fonction du
llatai, comme Hersent le faisait dans le Fabliau du Prestre teint :

Pell yw i\'m bryd obrwyaw
Llatai drud i\'w llety draw.

Na rhoi gwerth i wrach serth swydd
Orllwyd daer er llateirwydd.

(DG. 51, 5—8; Deth. 48, 5—8).

„Loin de moi la pensée de salarier un llatai exigeant pour qu\'il aille là-bas à sa demeure,
ou de donner une récompense à une vieille chenue et persuasive, d\'un métier honteux»
pour qu\'elle me serve de
llatai.^\'

1)nbsp;DG. 185. V. ZfcP., vol. V. p. 187.

2)nbsp;Il est curieux tout de même que déjà dans la Roman de Culhwch la femme du berger Cus-
tenhin fournit au héros, qui est son neveu, l\'occasion de rencontrer Olwen dans sa maison^
oùelle vient pour se laver les cheveux
{Livre Blanc, p. 238). C\'est dans ce même but que la
dame se rendrait chez Berthe dans le poème
De Vetula.

3)nbsp;Fabl. t. IV, p. II. Dans la traduction galloise d\'un des Colloques d\'Erasme, conservée dans
le MS. Llanstephan 113, le convertisseur Soffron représente à la courtisane Luwkres que quand
elle sera vieille et laide il ne lui restera que se faire maquerelle ; Beth yna a wnai di ? Pa
domen yna ddistyrach na thydi ? Gad yt dy wneuthur dy hun yn
lleteuwraig {lena). Ce mot semblé
une contamination de
llatai et de llety „logisquot;. Voilà le sort de la belle invention poétique du llatai !

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tA VIEILLE (GWRACH) _ __________

quot;T^a Vieille experte qui „endoctrinequot; est au contraire consultée scrupuleusement et
écoutéitt LS Déjà le titre qu\'il confère à cette Gwerfyl ^-chJo-er^ signifi-
catif : il l\'appelle d\'un terme qui rappelle les
Remédia Amans, meddyges y serch (U, 2).
Chaucer dit également de la Femme de Bath :

Of remedyes of love she knew per-chaunce
For she coude of that art the olde daunce

(Prologue, vs. 475—476 ; ed. cit. t. iv, p. 14)-

Et en effet elle est toute imbibée de sagesse ovidienne. D\'abord die sait interprto
le songe d^a chasse à la biche blanche, et nous avons vu déj à que le Poe-la-
demandé l\'avis d\'un .«^.rpr.. sur son songe de la gémsse
française du
Pamphilus, l\'amant se fait également exphquer par
qu\'il\'a fait du conflit des sens et du cœur ^).Mais ces dames -«-Pl^^^f
?out à prodiguer des conseils d\'une moralité singulière Avant

et cela en termes particulièrement grossiers, que son disciple profite de ^ ^^
il est seul avec son amie dans la forêt, et qu\'il ne se laisse pas rebuter par la resistance

qu\'elle lui opposera :

Gwell nerth glin ac ewineddnbsp;21—22)

Myn Mair, no hir lenwi medd.

„Par la Vierge, il te servira mieux de jouer des genoux et des ongles que de lui verser longtemps
de l\'hydromel.quot;

Dans un cywydd de DingiMoel, l\'ami du poète, Cynwric ab Ednyfed, lui donne exacte-
ment le même conseil :

Gwell hwrdd glin ac elineddnbsp;-, „ t-,\'»

Y Meir, no hit brynu medd.nbsp;(Peniarth 57, ed. at., p. 12),

et il l\'exhorte encore à se souvenir qu\'il est homme : Bydd ^r !

Il est difiicile de ne pas reconnaître dans ces admomtions 1 influence des preceptes

d\'Ovide :

Oscula qui sumsit, si non et caetera sumsit

Haec quoque, qua data sunt, perdere dignus erat. ^^^^^ ^^ 669-670).

Plus brutalement que le poète latin, qui toujours vise à l\'élégance, se sont exprimés
ses nombreux imitateurs :

modicae saltem coactionis medela praecedat ipsarum opportuna pudoris (Andre le Chapelam,

cité par Brinkmann, op. laud., p. 87—88).

Ne soies mie adies honteus.
Quant veras que boins ert li leus.
Mais keurt li sus com esragiés

(Jakes d\'Amiens, L\'Art d\'Amours, vs. 1241—43) 3)-

in, V. F. p. 215. 2) .U DeMorawski, vs. 1374 ^^ 3) Cf. La Clef

d\'Amours, vs. 1125—1160.

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Aucun cependant ne surpasse en cynisme Guiart, l\'auteur d\'une petite Ars amandi
suivie d\'une adaptation assez originale des Remedia Amoris

Longtemps avant Dafydd on a eu l\'idée de prêter ce discours, qui paraît avoir eu un
grand succès, à l\'entremetteuse. Pour aiguillonner Pamphilus, l\'Anus lui dit :

Si vos nostra simul solercia collocat ambos.
Cum locus affuerit, te precor esse virum.

{éd. Baudouin, p. 157),

et Aubérée, se faisant un devoir d\'encourager son client, ne recule pas devant des termes
dont la clarté ne laisse rien à désirer

Toutefois, les amants ont-ils eu encore quelques restes de scrupules ? hésitaient-ils
à agir d\'après ces conseils perfides ? On le dirait, car la Vieille redouble d\'ardeur pour
les faire revenir de cette
rusticitas honteuse. C\'est avec un cynisme révoltant qu\'elle
tâche de les convaincre que les femmes n\'aiment pas mieux que d\'être vaincues de force,
et qu\'elles ne font qu\'une faible résistance pour sauver les apparences. Certes, la belle
ne manquera pas de jurer ses grands dieux que jamais de sa vie elle ne pardonnera à son
agresseur, mais avant la nuit c\'est elle qui fera les avances :

A rhoi can cred diledryw
O\'i bodd na chymmyd i\'w byw.

Cyn y nos lliw caenen od
Cymmell a wna hi\'r cymmod

(D, 35-38)-

Gwerfyl se souvient encore combien la solitude lui a pesé autrefois et comment elle
y remédiait ; aussi se fait-elle fort que l\'amie de son client n\'est pas moins impatiente
d\'avoir un amant :

Da yr adwaen chwaen chwerwhaint,
— O\'m Ilaw fy hun liai fy haint, —

Meindeg riain o\'r maendwr.
Maint angen meinwen am wr.

(D, 39—40)-

L\'Anus ne croyait pas non plus à la sincérité de la pudeur de ses sœurs :

Non sinit interdum pudor illi promere votum,
Sed quod habere cupit, hoc magis ipsa negat.

Pulchrius est illi vi perdere virginitatem
Quam dicat : de me fac modo velle tuum.

{Pamphilus., éd. cit. p. 136\'».

Evidemment elles ne font que répéter les idées exprimées dans le passage mal famé
de
VArs commençant par les vers :

Pugnabit primo fortassis, et. Improbe, dicet ;

Pugnando vinci se tamen illa volet.nbsp;{Ars, I, 665—666)

Les entremetteuses ont eu un plein succès, et les bardes n\'ont pas tardé à mettre ces
beaux conseils en pratique. Dans le chapitre suivant nous verrons quels ont été les fruits
de leur enseignement.

III — L \' A m i

Dans le poème de DingMoel déjà cité Cynwric ab Ednyfed s\'était chargé du rôle de

1) Zeitschrift f. rom. Phil., vol. XLiv, p. l8i er seq. 2) FabL, t. V, p. 13.

3) Cf. aussi VArt d\'Amours de Jakes d\'Amiens, vs. 1200 et seq. et la Clef d\'Amours, vs. 1135 et seq-

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grand rôle dans ces chansons rVest plutôt une figure caractéristique des
(cf. Cai et Bedwyr dans le Roman de Culhwch) que de la poesie amoureuse i). Dafydd ab
Gwilym a un ami et confrère Madog Benfras qui vient l\'avertir qu Biddig a fattu la
boulaie mais c\'est à peu près tout ce que nous apprenons de lui, car le cywydd
DG. 70,
dans lequel il célèbre le mariage de Dafydd et de Morfudd selon les „rites bardiques e t
une forgerie manifeste. Aussi ne parlerions-nous pas même de cenbsp;° ^

pas dans l\'œuvre de Dafydd un passage où il est question de l\'ami et du „Livre d Ovide

dans un ordre d\'idées très remarquable :

s alw yw \'nghof am lyfr Ofydd
— Son am serch a ferch a fydd — )
Heb gael cydymaeth gar llaw
I addef f amcan iddaw.

olémiser avec Ovide lui-même. Il est vrai qu\'il n\'a pas été le premier a mettre en aoutc
li-même avait conseillé à l\'Amant de confier ses difficultés a un ami digne de foi.

Mae un mal y dymunwyf,
Brawdyn ym i brydydd nwyf,
Cymhorthiad i\'m «) cariad caeth
Cynghoriad cangau hiraeth.

(DG. 42, 1—8).

Oue me servirait ma connaissance du Livre d\'Ovide - c\'est un écrit qui traite de l\'amour et de
quot;Ïferme - si je ne disposais pas d\'un compagnon à qui je pourrais commumquer -s dessems^
J\'errun comme je le désire, un frère pour le poète érotique ; c\'est un appm dans mes
tourments amoureux, un conseiller dans mes langueurs.quot;

On se rappellera cependant que précisément Ovide avait fortement dissuadé aux

amants d\'admettre un ami dans leur confiance :

Hei mihi ! non tutum est, quod ames, laudare sodali.
Quum tibi laudanti credidit, ipse subit.

Cognatum fratremque cave, fidumque sodalem :

Praebebit veros haec tibi turba metus. (Ars, I, 741-742, 753-754) -

Aussi dirait-on presque que Dafydd connaissait ce passage et qu\'il s\'était enhardi de
potZef avec OvL lui-m\'ême. Il est vrai qu\'il n\'a P-^^é le premier^

lebiei
lui-

Sovent plorai, sovent me plains
Car de moi ne soi chevissance.
Tant qu\'il me vint en remembrance
Qu\' Amors me dist que je queïsse
Un compaignon cui ge deïsse
Mon conseil tot outreement.

Ce m\'osteroit de grant torment.
Lors me porpensai que j\'avoie
Un compaignon que je savoie
A moult loial : Amis ot non ;
Onques n\'oi meillor compaignon.

(,Rase, vs. 3100—31 lO 5 î- P- ^^S^).

amours avec des confrères.

3)nbsp;Mo;tyn\'2Z2, Peniarth 49, B5. - DG., Llanstephan 6 : serchog annifeiriog [/. anniweiriog gt;] fydd,
ce qui est peu probable dans sa bouche.

4)nbsp;M. 212, P. 49» BS. — DG.: addaw.

5)nbsp;P 49 — DG., M. 212, Ll. 6, BS. : brydu.

cependant à l\'Amant d\'avoir un confident (vs. 1201—1220).

-ocr page 276-

Entre ces vers et ceux de Dafydd il y a des correspondances qui sont presque littérales.
Il est donc assez séduisant de conclure de ce passage que la figure de l\'Ami dans la rhi-
eingerdd provient directement du
Roman de la Rose, où il joue d\'ailleurs un rôle bien
plus important.

IV — Les Parents

La duègne, quoique fréquente dans les fabliaux aussi, figurait surtout dans la haute
société ; dans le milieu dépeint dans les chansons plus ou moins populaires ce sont les
parents eux-mêmes, et surtout les mères, qui surveillent la conduite des jeunes filles.
Dans les pastourelles latines et dans les chansons françaises anciennes ou
modernes,
la crainte des verges maternelles retient plus d\'une bergère insouciante d\'une faute, et
c\'est un argument auquel le séducteur le plus expérimenté sait à peine répondre :

Sire, je n\'os faire ami

Por ma meire Perenelle

Ke sovent me bat le dos.

(Bartsch, op. laud., II, 3, 31—33).

Mater est inhumana

Regrediar

Ne feriar
Materna virgnla.

(Du Méril, op. laud., p. 229).

Le plus souvent ces mères clairvoyantes soupçonnent dès le commencement les petites
intrigues que leur filles ont nouées à leur insu, et alors elles redoublent de zèle pour les
empêcher de rejoindre leurs amis au rendez-vous indiqué :

Par Dieu, fille, vous n\'ires ;

Trop i a de bachelers.

(Bartsch, op. laud., II, 90, 5-6).

Mais en général toutes ces sollicitudes maternelles ont pour unique résultat que la
fille s\'obstine à en faire à sa tête. Enfermées à la maison, les impatientes s\'avisent à ad-
mettre leurs amants chez elles quand les parents dorment, ou en leur absence. Alors
parfois
les conséquences que la mère a prévues ne manquent pas d\'arriver, et en ce cas toute la
famille s\'acharne contre l\'imprudente :

Hinc mater me verberat
Hinc pater improper at
Ambo tractant aspere.

(JCB. 88, 2).

Dat ic hem in ghelaten heb
Den alderliefifste mijn
Dat moet ic nv misghelden
Met vloecken ende met schelden
lek arm bruyn maechdelijn

(AL. LViii, 7).

Or, si Dafydd ab Gwilym fait dans ses chansons jusqu\'à trois fois allusion à des parents
inexorables qui contrarient ses amours, il ne faut pas croire pour cela qu\'il se soit inspire

1)nbsp;Il est curieux que Jean de Meun fait ici allusion à un précepte manquant dans les comma®quot;
dements de l\'Amour dans la partie composée par Guillaume de Lorris.

2)nbsp;V. Origines, p. 192 et seq.

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ou latines dont nous ayons cité ici quelques exemples

Certes, il a pu entendre raconter des fabHaux dans lesquels Ünbsp;X

gardent inutilement leurs filles, et nous savons en effet que le Fahhau ^^ ^^^
deux Clercs
(c\'est le Revers Taie de Chaucer) a été connu dans les pays celtiques Les

Bretons en ontfaitune5.^«^)etles Irlandais ontraconté le même motif da^^^^^^^

tulé Parrach Mha \'/ Bhrigda, où la mère féroce porte le titre de ^^^
sorcière de là-basquot; 3). Mais Dafydd n\'avait pas besom de connaître ces fabhaux pour
introduire dans sa poésie les personnages des parents malveillants, qui appartiennent
aux chansons populaires celtiques aussi bien qu\'à celles de France
Dafydd reproche par exemple aux parents de son amie qu\'ils ont la desobhgeance

d\'empêcher la belle de lui donner rendez-vous :

Ei rhieni, rhai anhardd,

A geidw bun rhag oed a\'i barddnbsp;(OG. 8i, 47-48)-

C\'est là un trait qui, s\'il n\'était pas suggéré par la réalité, n\'était
Il ne semble du reste pas trop audacieux de supposer que les poetes popu aires gallois
qm chaSaient l\'amour des jLes filles avaient fait déjà allusion à ce n.eme manque
de complaisance. Les auteurs des
Sôniou en tout cas ne manquent pas de le taire .

Me mamm, tapet d\'ein mem broh lin,
Gé!

Me mamm, tapet d\'ein mem broh lin (2 huéh)
Hag é han-mé bean d\'er velin.
Lala !

Hag é han-mé bean d\'et velin

Me merh, hou proh lin n\'hou po ket,
Na d\'er velin nen deet ken.

„Ma mère, attrapez-moi ma robe de lin. Gai!Ma mère, attrapez-moi ma robe de lin,nbsp;Que

je m\'en aille, vite, au moulin. Lala ! Que je m\'en aille, vite au mouhn . . ^

......Ma fille, votre robe de lin vous n\' aurez-pas. Et au mouhn vous n Was-

{Chansons populaires du pays de Vannes, t. Ii, p. loi;.

N\'in ket hennoz da Voazhamon,
Eman er gèr ma breur Guyon :
Mar gouvezfe hech afenn di,
E vreofe d\'in ma izili.

„,e „..ai pas. cet»nbsp;à Goasbamon A U maison s. «onve

j\'aille là. Il me broierait les membres).nbsp;^.aonwu, , y

Les parents de la jeune fille aimée par Dafydd ab Gwilym ne se bornent Pas à ^
obstacle à ce qu\'elle rejoigne son ami : ils la gardent aussi de pres dans leur maison et
ne permettent pas que le barde vienne la visiter :

Ni âd hwn fynd i\'w hannerch,
Nid da i\'w mam gadw ei merch

(DG. I93gt; 17—20 ?).

1) Fahlnbsp;t I pnbsp;et seq. 2) Ar Chloarec hag he vreur labourer {Sôniou, t. Il, ç. 202 et seq).

3) ztp., ll\\l\'Zsi. 4) on sait que dans la poésie populaire le meunier, avec le tailleur,

est le type du séducteur.

Ei thad ei ungwaith ydyw
Gadw \'r lloer, deged ei lUw !

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„La seule préoccupation de son père est de surveiller celle qui est belle comme la lune_ab !

comme son teint est brillant ! Celui-là ne souffre pas que j\'aille la saluer. Quant à sa mère, elle a
mauvaise grâce à garder sa fille.quot;

Si l\'amant se glisse nonobstant pendant la nuit dans la maison de sa chérie, celle-ci
est dans les transes que les parents ne les entendent :

Fy nhad a ddeffry yn hawdd

Fo \'m clyw fy mam, cam a gaf,
Esgeirwen, os egoraf.

(DG. 152, 26, 29—30 ?) ï)

„Mon père s\'eveille facilement...... Si ma mère aux jambes blanches m\'entend, je subirai une

rude correction pour t\'avoir ouvert la porte.quot;

Voilà encore une situation propre à la poésie populaire et que les poètes irlandais con-
naissent aussi. Un harpiste raconte par exemple la mésaventure qui lui était arrivée un
jour qu\'il était venu voir sa bien-aimée, quand la
cailleach rusée, irritée de cette visite
fâcheuse, l\'avait mis gentiment à la porte en le priant de tordre un lien de paille en
rétrogradant :

Thâinig me asteach i dteach a raibh grâdh geai mo chroidhe
A\'s chuir an chailleach amach ar chasadh an tsugâin mé.

(Conn., p. 74).

Il est plus curieux encore que ce motif dc la mère qui se fait la gardienne de sa fille
et défend l\'entrée de la maison aux amoureux fait déjà le sujet de l\'épisode de
VOrgain
Dind Rig
que nous citerons ici :

IngenlaScoriath,Mon\'athahainra. Nobithe \'co a forcomét coHéir, uair na frith céili ding-
bala di fochetôir. A mmathair oca comét. Ni rochotlaiset a dâ sûil nam acht indala n-ai oc
aire a ingine.
(ZfcP., vol. in, p. 5.)

„Scoriath avait une fille, appelée Moriath. Ils la gardaient soigneusement, car un mari convenable
n\'était pas trouvé aussitôt pour elle. Sa mère la surveillait. Jamais ses deux yeux ne dormaient
sans que l\'un des deux veillât sur sa fille.quot;

Evidemment dans les chansons où Dafydd ab Gwilym parle de ses amours avec les
jeunes filles et des obstacles que des parents hostiles lui opposaient, il se tient le plus près
de la réalité et des traditions populaires.

V — Les Médisants

Si dans les fabliaux le Jaloux et la Vieille sont les ennemis redoutables de l\'amant,
et dans les chansons populaires les parents inexorables jouent ce rôle ingrat, dans la
poésie courtoise les personnes qui lui causent le plus d\'inquiétude sont incontestablement
les médisants.

On sait ce que sont ces gelos, enveyos, enoyos, lausengiers, falhs devinadors, malvolenz,
jaloux, mesdisans, jangleors, nijders, dappaerts,
qui font le sujet de tant d\' „insuppor-
tables plaintesquot; 2) des troubadours et des trouvères, ou plutôt, on ne sait pas du tout

I) BS. — DG.\\ Fei \'n clyw. 2) Gaston Paris, Esquisse historique, p. 221.

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quot;ÎTi sont ces ennemis mortels et quellesTaisons mystérieuses les poètes ont pour leur
en vouloir tant. Il est vrai que les griefs que ceux-ci formulent contre ces adversaires
redoutés sont clairs. S\'ils aiment et ne sont pas payés de retour, c\'est le fait des médi-
sants :

Se ne fussent la gent maleürée,
N\'eüsse pas sospiré en pardon ;
Amors m\'eüst done son guerredon
Mas so en reire \'m trainbsp;(Le Châtelain de Coucy, dans Brakel-

(Bernard de Ventadour, 37, 41-44)-nbsp;-

Si en outre, tôt ou tard, il y a refroidissement entre la dame et son amant, ce sont
encore les
lausengiers qui leur ont valu ce chagrin. Car il paraît que ces mdividus decries
consacrent leur vie à empoisonner l\'esprit des dames par de vilains propos et par des
conseils perfides dans le but de séparer les amoureux :

Si no fos gens vilalia
E lauzenger savai
Eu agr\' amor certana ;

Sa grant cortoisie
M\'a randu la vie.
Mais gent plain d\'envie

Quan mi soven, domna genta
Com era nostre jois verais,
Tro lauzengiers crois e savais
Nos longer an ab lor fais brais...
(Rambaut d\'Orange,
Rayn., t. v, p. 414)-

M\'en font esloignier.
Ades se painent d\'encuser
Ceuls ki bien aimment sens fausser.
(Colin Muser,
éd. Bédier, V, 9-14)-

On aimerait à connaître les accusations qui avaient pour résultat un revirement si
complet dans les sentiments que les dames portaient à leurs poètes, mais ceux-ci ont
pxéfété nous laisser dans l\'incertitude. Ce n\'est pas le seul point dans la condmte des
lausengiers qui est mystérieux. Les raisons par exemple que les troubadours donnent pour
cet acharnement que ces médisants leur montrent ne sont rien moms que plausibles.
A les en croire, l\'esprit de persécution maladif dont ceux-ci sont possèdes n aurait d autre
cause que leur naturel pervers qui ne peut souffrir que d\'autres jouissent de leur jeunesse
et de leur amour. Ce serait une

avol gens savaia

Cui desplatz jois e »ovens

(Uc de Sainr-Circ, éd. cit., V., 45—46i5

(Elias Cairel, Rayn., t. ni, p. 434)»

OU bien des

Desconoyssen enueyos
A cuy desplatz
îoy e solatz

et Froissart assure également :

Il n\'ont aultre désir
Que grever et escarnir

Tous loyaus amans.nbsp;(éd. Buchon, p. 409)-

On a suggéré que les objets de ces malédictions sont peut-être les rivaux des poetes
qui tâchent de les supplanter dans les bonnes grâces de leurs dames i). Mais s ils etaient
amants eux-mêmes, le titre
d\'ennemis de joy et de joven leur conviendrait fort mal, et

ï) V Wechssler, op. laud., p. 200.

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en outre il semble que dans l\'idée de Bernard de Ventadour ces médisants sont désintéres-
sés et ne médisent que pour le seul plaisir de calomnier :

Enoyos ! e que \'us enansa
Si \'m fatz enoi ni pesansa ?

Chascuns se vol de so mestier formir
Me cofondecz, e vos no \'n vei \'quot;auzir.

(i, 29—32).

Le plus probable est que ces envieux, dont les troubadours nous ont caché si soigneuse-
ment l\'identité, sont des créations de leur imagination, mises en scène seulement pour
donner une explication plausible de leurs revers amoureux.

Or, nous ne pouvons insister trop sur le fait que ces envieux-là, si caractéristiques pour
la poésie courtoise, sont presque absents dans l\'œuvre des bardes. Nous ne connaissons
qu\'une seule exception et c\'est le cywydd
Cynghorfynt gwan Frytanyeid i), dans lequel
Dafydd ab Gwilym développe l\'idée courtoise que l\'amour est comme un château qu\'il
doit défendre contre l\'assaut des envieux 2). Dans cette chanson Dafydd se plaint de
ce que plus que personne il a à souffrir de la jalousie. Puisque des personnes puissantes
lui ont prodigué des faveurs, il est le pierre d\'achoppement des habitants misérables d\'une
certaine paroisse qu\'il n\'ignore pas, et il n\'y a qu\'un cri sur lui chez ces vilains personnages
qui lui font tout le mal possible :

Mae arnaf o warafun
Myn y Groc ! mwy noc ar un.
Rus hydr o rryw was ydwyf
Gan bobl oer gwnn o ba blwyf.

Rai grym rrywyawc arymes

Roddant, amlaant ym les,

A\'r bawheion a sonyant.

Och am nerth a cham a wnant ! (C, 9—16).

Mais c\'est aussi le seul exemple de l\'envieux traditionnel de la poésie courtoise dans
ses chansons. Partout ailleurs, les médisants auxquels il fait allusion sont d\'une toute
autre nature que les pâles fantômes des troubadours. D\'abord leurs vilains propos nous
sont rapportés en termes dont la clarté ne laisse rien à désirer. C\'est pour l\'avoir vu dans
la forêt avec la religieuse qu\'il aime, que ces calomniateurs trompettent partout qu\'il
y a entre eux des rapports illicites Il paraît donc que loin de s\'insinuer à la façon
des
lausengiers dans la confiance des dames et de profiter de l\'occasion pour les exciter
contre leurs adorateurs, les médisants dont il est question dans la poésie galloise s\'attaquent
à la réputation des femmes et que les poètes ne souffrent qu\'indirectement de leurs
calomnies. Aussi sont-ce les femmes qui, soucieuses de leur réputation et inquiètes de
donner prise à la calomnie, se montrent plus réservées que les bardes le désireraient,
et ce sont eux qui essayent de les rassurer. Une jeune fille par exemple, qui n\'éprouve
pas grande répugnance à donner rendez-vous à Dafydd dans la forêt, stipule que personne
ne doive savoir qu\'ils se trouveront là au même endroit, car il en pourrait résulter de
mauvais bruits :

Ni fynnwn, rhag cael gogan,
Wybod fy mod mewn un man.

(.DG. 177, 25—26).

Le barde de son côté se souvient qu\'autrefois, quand lui et son amie se comportaient

1)nbsp;Peniarth 57, éd. cit., p. 2,

2)nbsp;Avait-il quelques notions du Chastel d\'Amors, poème allégorique dont il y a des versions fran-
çaises et anglo-normandes (par Robert Grosseteste) ?
V. Bartsch, Chrestomathie provençale, p. 271;
Chaytor,
op. laud., p. 131. 3) DG. 12, 25 et seq.

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^s^z imprudemment, les mauvaises langues avaient flétri leur bonne réputation et
débité des calomnies sur leur compte, ce qui avait été une affaire fort desagreable :

Difa \'r un drwg ei dafod
Drwy gwlm o nych, dryglam nod.

Yn Ile bwrw enllib eiriau
Arnam enw dinam ein dau.
(DG. 195, 15
—16, 19—20; Deth. I4j 15—

C\'est par suite de cette triste expérience qu\'ils ont pris le parti de se conduire dorénavant,
tant qu\'ils sont observés par la foule, de façon que personne ne puisse s\'apercevoir de
leur bonne intelligence :

Heb neb, ddigasineb- son.

Tra fuom mewn tyrfaau
Fi a\'r ddyn, ofer o ddau.

Yn tybiaid ein attebion.

(DG. 195, 7—10 ; Deth. 14. 7—lo)-

Morfudd craint le tare qui s\'attache au nom de la prestresse et le barde deploie toute
son éloquence pour la persuader que jusqu\'ici personne n\'a encore médit d\'elle ). Quant
à la religieuse compromise par lui, Dafydd promet solennellement qu\'il donnera un dementi
formel aux calomniateurs :

Herod wyf i\'th ddiheuraw

Yfory y gwnaf erod

Ar gelwydd beunydd eu bodnbsp;iDG. 12, 12-14).

„Moi je serai le héraut qui te réhabilitera. Dès demain je ferai tant pour toi qu\'ils auront toujours
la réputation d\'être menteursquot;.

Et même il est possible d\'entrevoir l\'identité de ces „gens du commun qui portent
des mots vilains sur le bout des lèvresquot;
{poU a gwerinAgair mail ar gwr eu mm, DCr.
12, ^^A^ Ces mots nous font penser déjà aux habitants de cette paroisse que le poete
ne conndssait que trop bien et qui ne lui pardonnaient pas l\'estime dont il jomssait
auprès des puissants. Il ne semble pas douteux que par ces paroles Dafydd désigné sa
propre paroisse, Llanbadarn Fawr, et en effet il ne nous a pas cele
que les jeunes filles
de ce village, qu\'il maudit collectivement, ne lui ménageaient pas les observations des-
obligeantes Mais si elles étaient déjà si dures pour lui, quel
ressentiment haineux ne
devraient-elles pas nourrir contre une de leurs compagnes qui eut eu Imprudence
d\'agréer les hommages d\'un jeune homme qui leur déplaisait ? Aussi croyons-nous que
c\'est surtout parmi les femmes qu\'il faut chercher les mauvaises langues qm se sont
acharnées contre les amantes de Dafydd ab Gwilym, et il paraîtra que c est en effet
une situation propre à la poésie qui est restée dans un contact intime avec la vie.

C\'est déjà le cas dans la poésie latine, beaucoup plus réaliste comme on sait que celle
des troubadours et de leurs imitateurs. Les vagants n\'ont guère peur des médisants,
mais leurs amantes vivent dans une crainte constante de l\'opinion pubhque. Galathea
se laisse tout d\'abord retenir par le souci de sa renommee :
Sepius immeritas incusat fama puellas

{Pamphilus, éd. cit., p. 151).

Cette crainte n\'est pas sans fondement. Un clerc quitté par son amante pour d\'autres
amis lui reproche les mauvais bruits qui courent sur elle :

I) DG. 117, 4?—48. 2) DG. 136; Deth. 15

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Novis in hymeneis
Irrevocata,
Ruit in plateis

{CB. 83, I, z).

Et la pauvre abandonnée fait une description poignante de l\'hostilité dédaigneuse
qu elle rencontre partout où elle va :

Cum foris egredior,
A cunctis inspicior.
Quasi monstrum fuerim.

Acsi mirum fuerim.
Nutibus me indicant,
Dignam rogo iudicant,
Quod semel peccaverim.

Ego sum in fabula
Et in ore omnium.

„Ha !quot; dist on, „estes vous alée
En un voiage avec cesti
Qui vous a maint enoi basti.
Par foi ! ce fu uns grans oultrages
Et uns abandonnés ouvrages ;
Il fault que vous le fourjugiés.quot;

Alter puisât alterum
Silent dum transierim.
Semper pulsant cubito.

Me désignant digito,nbsp;gg^

On voit que nous sommes loin ici des lausengiers conventionnels des chansons des
troubadours.Mais même dans la poésie courtoise, et en général assez mièvre, de Froissart,
ceux-ci apparaissent sous leur véritable jour. Dans
VEspinette amoureuse, qui n\'est pas
entièrement fiction et contient sans doute des souvenirs d\'un amour de jeunesse, ce
poete a levé une seule fois le voile qui couvre les traits de cette personne allégorique
msupportable,Male-Bouche, et alors elle se trouve représenter les femmes qui importunent
son amie et critiquent sa conduite envers lui :

Là fui-je mortelment jugiés
De
celles qui point ne m\'amoient
Ains leur ennemi me clamoient
Et leur jura ma dame chière
Paoureuse et à simple chière
Que plus a moi parroit elle.

{éd. Buchon, p. 309-3 lo).

Mais c\'est surtout à la poésie populaire, avec ses situations „pius nettes, plus déter-
minées, plus riches en circonstances précisesquot; i) que le motif des femmes jalouses et
malveillantes, qm jugent impitoyablement la conduite de leurs compagnes, est propre 2).
La jeune fille impatiente ne craint pas moins les mauvaises langues, la /a ma, que la mariée
le courroux de son époux. Aussi ne comprenons-nous pas que M. Jeanroy ait pu déclarer
que „la crainte des médisants à l\'origine n\'est qu\'une conséquence de la crainte du mariquot;
et conclure de ce fait et d\'autres traits que les femmes qui dans l\'ancienne poésie allemande
exprimaient cette crainte, devaient être mariées En tout cas ce motif ne manque
pas du tout dans les poésies populaires celtiques.

En Bretagne, les jeunes filles qui ont fauté (et c\'est le thème d\'une partie considérable
des
Gwerziou ; on sait combien le motif de l\'infanticide y est fréquent) ne trouvent pas
plus de commisération qu\'ailleurs. Pensant d\'avance au martyre qui l\'attend quand elle
ira a l\'eglise, à travers le peuple impitoyable, une de ces malheureuses trouve des accents
qm font penser vivement à la plainte de l\'abandonnée dans les
Carmina Burana :

1)nbsp;OrigitîÉS, p. 216.

2)nbsp;Dans la chanson AL. ccxiv ce sont deux „clappeyenquot; qui calomnient la jeune mariée aux noces.

3)nbsp;Origines, p. 284.

Invida fama
Tibi novercatur

Fama letata

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P\'antreinn, ar zul, en ilis.
Me \'vo diskouezet gant ar bis.

Ma lâro ann eil d\'egîle :

Sell serc\'h an aotro Koadriou aze.

{Gwerziou, t. Il, p. 230).

Mais de tous les persécuteurs ce sont naturellement les femmes, et surtout les vieilles
filles, qui se montrent les plus féroces :

Ar re wassa da dicrianbsp;E ar goz wrac\'hed didandet,

Ar re êt \'bars ar fortun,nbsp;Merc\'hed chomet hep mcun.

„Les plus acharnées à décrier, Celles qui ont trouvé à se faire un sort. Ce sont les vieilles fées
édentées. Les filles restées sans parti.quot;

(Sôniou, t. n, p. 184—185).

Et c\'est Mari Bec Arac, „Marie Bec en avantquot;, qui préside, accroupie sur le seuil de
sa porte, le „conseil sans culottequot; :

Eno conter ped plac\'h litousnbsp;Ha ped ail \'zo stad en- hê,

Ez ia bemdez d\'ar c\'hafe.nbsp;Ha ped ozac\'h a \'zo mezwier,

Ped plac\'h a deus tri amourous.nbsp;Ha ped a bil ho groage-

„Là on compte combien il y a de filles „licheusesquot;, Qui vont chaque jour au café. Combien il y a
de filles qui ont trois amoureux. Et combien d\'autres qui sont vaniteuses. Et combien il y a
de maris ivrognes. Et combien il y en a qui battent leurs femmes.quot;
{Ibid., p- 182—183).

En Irlande c\'est la même chose. Là aussi il y a de ces „conseils sans culottequot; qui
tyrannisent les villages, et nous croyons que ce sont eux que les poètes désignent par
le terme
lucht na mbréag, „peuple des mensongesquot;. Ils sèment la discorde entre les

amants :

Ni bhfuil bean dâ bhfuil mo ghrâdh
Is ni bhiaidh tcâth acht thû féin

(Dànta Grâdha ^ 12, 1—4)-

„Retiens tes larmes, jeune femme, et n\'ajoute pas foi, d\'ici jusqu\' au jour du Jugement, à ce que
dit le peuple des mensonges. Il n\'y pas de femme à qui je porte de l\'amour si ce n est toigt; et il
n\'en sera jamais autrement.quot;

On y poursuit d\'injures ou brutalise même les filles qui paraissent avoir été malheu-
reuses dans l\'amour :

Is ann an fuaireas guth gan éadâil.

Agus focal trom ó lucht an bhiodâin

{Conn., p. 4)\'

Is mithid damh-sa an baile seó fhâghbhâil,
Is geur an chloch \'gus is fuar an lâib ann,

„11 n\'est que temps pour mo ide quitter cet endroit où les pierres sont aiguës et la boue est froide.
J\'y ai acquis une mauvaise réputation sans gagner de l\'argent, et des paroles blessantes de la
part des calomniateursquot;.

Et là aussi il paraît que les femmes sont les pires. Les jeunes filles amoureuses prévoient,
sans s\'en laisser effrayer toutefois, tous les mauvais traitements de la part de leurs sœurs
auxquels elles vont s\'exposer :

Nior bhfada liom an oidhche
Bhéidhinn sinte le na bhrollach min bân,
\'S go dtiûbhrainn cead do shiol Éabha
\'Nna dhiaigh sin a rogha rud a râdh

{Conn., p. 20).

Coisg do dheór, a mhacaoinh mnâ
\'S nâ creid go brâth lucht na mbréag ;

-ocr page 284-

„La nuit ne serait pas longue pour moi où je serais étendue contre sa poitrine lisse et blanche, et
] autoriserais les filles d\'Eve à dire après tout ce qu\'elles ont de plus choisi.»

Ce sont là les cliques dont il faut rapprocher, si nous ne nous trompons pas, les médisant
de cette paroisse qm causaient des désagréments à Dafydd ab Gwilym. Et si cette iden-
tification semble admissible, nous croyons avoir réfuté un des arguments principaux
que les partisans de la „théorie provençalequot; ont pu invoquer. Encore par ailleurs cette
these ne trouvera que peu d\'appui dans ce que nous avons appris au cours de ce chapitre.
Nos conclusions sur l\'origine des personnages mis en scène dans la rhieingerdd confirment
en general assez bien les résultats de nos recherches antérieures : l\'élément celtique
et populaire y est plus considérable qu\'on n\'a pensé, et ce qui a été emprunté par les
bardes aux htteratures étrangères remonte plutôt aux fabliaux, aux adaptations d\'Ovide
et aux chansons de druerie qu\'à l\'art courtois.

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CHAPITRE V

Les Situations

Ni bu Sui yn Llanbadarn
Na bawn, ac eraill a\'m barn.

Il n\'a pas échappé à la critique que la poésie narrative de Dafydd ab Gwilym se laisse
réduire à un certain nombre de types correspondant à autant de situations différentes.
Les partisans de la „théorie provençalequot; n\'ont pas manqué de comparer ces genres a des
formes de la poésie des troubadours et des trouvères, telles que la pastourelle, 1 aube,
la malmariée. Il est temps de soumettre à notre tour ces rapprochements a un examen
systémathique.

I— Première entrevue — L\'église et la foire

Jusqu\'à trois fois Dafydd nous a fait un rapport vivant de la première entrevue avec
sa bien-aimée et de l\'impression profonde que ses charmes avaient faite alors sur son cœur
sensible 1). Nous ne pouvons pas déterminer s\'il s\'agit de trois evenements différents
de sa vie, ou d\'une seule rencontre qui l\'a inspiré trois fois de suite - la dernière supposition
est la plus probable - mais l\'important est que dans toutes ces narrations la scene s est
passée dans les mêmes circonstances. C\'est dans l\'église que la
beaute ravissante lui
apparaît et l\'éblouit au point qu\'il ne peut pas même chanter la moitié du pater ). On
dirait presque que Dafydd avait des raisons à lui pour aller régulièrement a 1 eglise, et
en effet il avoue lui-même qu\'à Llanbadarn les paroissiens le blâment de ce que chaque
dimanche il tourne la face vers la belle, la nuque au bon Dieu :

A\'m wyneb at y fun goeth
A\'m gwegil at Dduw gwiwgoeth.

(DG. 136, 17—20 ; Deth. 15, 17—20).

En lisant ces vers on ne peut s\'empêcher de penser au passage de la Jf^a^a
ou davantage encore, à la scène intéressante du Roman de Flamenca ou Guilhem de
Nevers voit pour la première fois l\'épouse d\'En Archimbaut. Ne croyons
pas cependant
que Dafydd ait eu quelques notions de ces épisodes de poésies étrangères. Les scenes
auxquelles nous faisions allusion font l\'impression d\'être prises sur le vif, plus qu aucune
autre partie de son œuvre, et d\'ailleurs c\'est un fait bien connu que leglise au moyen
âge était le centre de la vie sociale dans toutes ses formes. Nombre de morahstes s mdi-
gnent des scènes qui se passent entre ses murs et il n\'y a aucune raison pour supposer

1)nbsp;DG. 22 (Deth. 22)-gt;00,29\', A.nbsp;.

2)nbsp;Ni chanwn drist ochain draw Hanner pader heb beidiaw (A, 17—18).nbsp;^ . .

3 atons seulement le témoignage de Matheolus le Bigame, qui parlait ennbsp;-

Querunt ecclesias mulieres ut videantur. Non ut reliquias videant nam plus venerantur Ecdesie clerum

-ocr page 286-

que ces abus fussent inconnus au Pays de Galles. S\'il est permis de croi^îl^T^^S^
Ils subsistaient dans les autres pays celtiques encore longtemps, et là aussi dans la poésie

on voit les jeunes gens, et même les clercs, aller à l\'église pour regarder les jolies filles à
leur aise :

Triallfaidh mé chum aifrinn mar a mbéidh mo stôr-sa
„J\'irai à la messe où sera mon trésorquot;.

{Conn., p. 74;

Na p\'ec\'h an-me d\'an offern-bred
Me na lâran pater a-bed.

Nemet seilet dreist bec ma scoa,
Da gât ar vestrès coant am oa.

„Et, quand je vais à la grand\'messe, je ne dis aucune prière ; (Je ne fais) que regarder par
dessus le bout de mon épaule. Du côté de la maîtresse jolie que j\'aiquot;
(Sôniou, t. I, p. 324-327;.

En dehors des dimanches les fêtes de saints, et surtout celles qui sont célébrées par
une foire, offrent aux bardes l\'occasion de s\'approcher de leurs amies. Nous avons
parlé
deja plus d\'une fois de l\'aventure burlesque qui était arrivée à Dafydd à la foire de saint
lierre, a Rhosyr i) ; ajoutons ici que dans le cywydd DG. 25 (Deth. 2 ?) il nous trace un
portrait de la belle qu\'il venait de voir la veille, à la saint-Jean. Une autre (ou est-ce la
meme ?) était à cette fête tellement éblouissante de beauté que le poète lui assure que
sa splendeur est passée en proverbe. 2) Cependant il condamne vivement l\'ostentation
des vilaines qu\'il avait vu parader à la fête de la Nativité de la Vierge dans un attife-
ment mconvenant lolo Goch profite de la même fête et du Mercredi des Cendres pour
donner rendez-vous à une femme mariée dans une meule ou dans une grange 4).

Dans les chansons populaires françaises et portugaises et dans celles des clercs vagants
Il est également souvent question de cette façon de célébrer les fêtes de saints % Seule-
ment il y a cette différence que dans ces poésies-là les amoureux se rencontrent
surtout
au bal tenu sous les tilleuils ou aux pâturages, tandis que dans la poésie galloise des
reunions de fête semblables ne sont jamais mentionnées. Dans les
Gwerziou bretonnes au
contraire il est très souvent question d\'événements tragiques lors du bal sur l\'aire
-neuve,
ou rodent les gentilshommes séducteurs «). Les pèlerinages fournissent une autre occasion
tavorable aux mtrigues amoureuses. Dafydd ne l\'ignorait pas, mais il paraît qu\'il n\'en
a pas profiténbsp;^

988-

1)

2)

3)

4)

ascivum quam cruafixum, Quam sacra, presbiterum : cor habent hic. non ibi fixum. Querit in ecclesiis
leno Venens sabi predam, Venales sociis quoniam prostant ibi quedam, etc.
{Lamentatioms, vs.
-993). Pour d autres exemples,
V T. Huizinga, Herfsttij der Middeleeuwen, p. 261-262.
DG. 21.

Drwy \'r byd un diareb oedd Ei \'leurwydd noswyl leuan {DG. 7, 28—20
DG. 207 {Deth. 16).

frJtnbsp;^^^nbsp;\'y ®nbsp;Ac a\'th welad nos Ynyd, Ti ac ef, mewn

ty ac yd {IGE., 23, 29—32).nbsp;\'

Properat en sexta Quod te in tripudio Quadam die festa Vidi {CB. 50, 12).
.
Oif . 34 ; 48, 3 ; 105, 2 J 114, 3, et Origines, p. 164, 203 et seq.

6)nbsp;Gwerziou, t. II, p. 448, 460, 466, 472, 490.

7)nbsp;V. p. 119—120.

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II ~ Rencontres fortuites — Dialogues et Pastourelles

Dafydd ab Gwilym allait donc à dessein à l\'église pour y voir les jolies filles, mais quel-
quefois le hasard lui ménageait des rencontres imprévues qui n\'étaient pas pour lui déplaire.
tgt;ans deux cywyddau il raconte comment par une belle matinée il allait son chemin
quand il vit une femme dont la beauté l\'impressionna vivement. Ces circonstances rappel-
lent le début traditionnel des pastourelles, et comme dans ces pièces françaises, le poète
engage une conversation avec la belle, lui prodigue des compliments et la prie de faire
ses volentés ; elle cependant lui offre une résistance inattendue. Là toutefois la ressem-
blance s\'arrête. Le dénouement violent des pastourelles manque aux cywyddau de ren-
contres : dans la première pièce le poète et la femme se séparent après être convenus
de se revoir le dimanche suivant à la taverne de Llanbadarn et d\'aller ensuite dans la
forêt, et dans le second cywydd elle le quitte tout humilié du mauvais état de ses finances.
H y a encore d\'autres différences. Le cadre pastoral est complètement absent dans la
poésie galloise et l\'unique berger dans l\'œuvre de Dafydd est le trouble-fête qui effraye
le couple amoureux avec sa crécelle Une seule fois le barde propose de mettre le costume
du berger et de garder le feuillage ensemble avec sa mie et cette idée fait penser aux
Vers Pour
vous que tant par ai chiere Voudrai je devenir pastor (Bartsch, op. laud., II,
68, 20—21) et aux idylles rustiques de Franc Gontier, mais ce passage isolé se trouve dans
Un tout autre contexte. Aussi nous semble-t-il encore permis de considérer les deux pièces
discutées plutôt comme le reflet de la réalité que comme des imitations de pastourelles
françaises.

La question des origines n\'est pas aussi simple pour ce qui est des dialogues. Le meilleur
exemple dans l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym est
DG. 180, dialogue sans introduction
narrative entre le barde amoureux et une femme qui répond dédaigneusement à tous ses
fades compliments et à ses protestations de dévouement, jusqu\'à ce qu\'il lui propose
de l\'épouser devant le prêtre. Chacun dit un vers à tour de rôle. Plus remarquable encore,
quoique très ordurier, est le dialogue de Tudur Penllyn avec une Anglaise bien affilée,
dans lequel chacun des interlocuteurs dit à son tour deux vers dans sa propre langue %
Le cywydd
DG. 191 se laisse rapprocher de ces pièces, quoiqu\'il commence par une intro-
duction narrative.

On ne peut nier que dans les littérature diverses du Continent il y a de nombreuses
chansons qui auraient pu servir de modèles à ces cywyddau. Le débat amoureux est
l\'élément essentiel de la pastourelle, mais on le rencontre aussi à l\'état isolé. Nous avons
parlé déjà du dialogue d\'Amicus et d\'Amica. Un autre spécimen connu et très archaïque
est le
Contrasta de Cielo d\'Alcamo, imité d\'après M. Jeanroy de pièces françaises. Mais
dans la poésie provençale on rencontre deux débats amoureux qui correspondent exacte-
ment aux cywyddau cités de Dafydd et de Tudur. Le premier est le dialogue d\'Aimeric de
l\'eguilhan entre un Senhor et une Domna qui lui répond aussi caustiquement que le
fait la femme courtisée par le barde gallois :

1)nbsp;DG, 177 et 197.

2)nbsp;DG, 65.

3)nbsp;Gwisgo hug, bod yn fugail Gyda\'r dyn i gadw \'r dail {DG. 83, 29—30).

4)nbsp;Llanstephan 6, éd. cit., p. 125.

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_______SITUATIONS

Domna, per vos estauc en greu türmen.
Senher que fols faitz qu\'ieu grat no \'us en sen !

{Rayn.y t. iii, p. 425)

L\'autre, plus curieux encore, est la tenso bilingue de Rambaut de Vaqueiras avec une
Genoise i). La littérature française fournit encore l\'exemple du débat d\'un amant avec
une begmne 2), et plusieurs spécimens dans l\'œuvre d\'Eustache Deschamps Dans la
poesie flamande on connaît le dialogue de seigneur Wouter et de Lyskin dans leMS.
Harley 2253 celui d\'un clerc et de sa bien-aimée Des chansons pareilles auraient pu
etre les sources directes des pièces galloises.

Pourtant M. Jeanroy lui-même accorde que ce genre „n\'est pas propre aux littératures
romanes, et que c\'est peut-être une des formes élémentaires de la poésie populairequot;
{Origines, p. 14), et ailleurs „qu\'il y a des rédactions de ce thème partout où a pénétré
notre poesie lyrique et même probablement ailleurs ; il est si simple qu\'il a pu naître
spontanément sur bien des pointsquot; {Ibid., p. 134). On trouve en effet trois „Carmina Amoe-
bea dans
les Lovesongs of Connacht et surtout le dernier, le dialogue de Tadhg etMâire,
qui repond aux louanges de son admirateur avec des compliments probablement
ironiques,
se l^sse rapprocher fort bien des débats gallois. Le büinguisme de la pièce de Tudur
Fenllyn tient à son caractère fortement dramatique. Déjà les dramaturges de
l\'Inde
antique setaient servis de ce procédé et faisaient parler leurs personnages en
sancrit et
en pracrit, selon leur rang^ dans le
Ludus paschalis des Carmina Burana ils se servent
un peu au hasard du latin et de l\'allemande).

Le pendant des débats que nous venons d\'analyser est le dialogue entre une fille impu-
dique qui s\'offre et un homme peu enthousiaste qui donne des réponses évasises ou nette-
ment negatives. Les cywyddau
DG. 151 ? et 153 appartiennent plus ou moins à cette
categone, qm en France est représentée par la pièce intitulée
Marguetconvertie\'). Plus
tard Erasme s\'inspirera de ce motif dans son Colloquium iuvenis et scorti, out Its GaVLoïs
jugeront digne d\'être traduit en leur langue s).

III

Le lieu du rendez-vous (Oed)

Nous avons vu qu\'il pouvait résulter de ces rencontres fortuites que le barde et la
femme se donnaient le mot pour se revoir dans la taverne et d\'aller ensuite dans la forêt.
Il a ete déjà question de la place importante de la taverne dans la vie de Dafydd ; les
rendez-vous dans le bois demandent maintenant notre attention.

Le terme technique pour ces réunions au milieu de la nature, et aussi du lieu ou elles
se font, est
oed, mot qui veut dire originalement „période dé terminéequot;. Dans les Mabinogion,
ou 11 se renœntre assez souvent, ce terme n\'a pas encore le sens de „réunion amoureusequot;,
mais cette evolution sémantique s\'annonce déjà dans une phrase comme gwna oet ami,

1)nbsp;Bella tant vos ai pregada (Appel, Provenzalische Chrestomathie, p 131)

2)nbsp;Origines, p. 91, note 2.

3)nbsp;Oudvlaemsche Liederen en andere Gedichten, t, I, n. LXXI.

4)nbsp;Bôddeker, op. laud., p. 172.

5)nbsp;p. 38 er seq., p. 68, p. 88 et seq.

6)nbsp;CB., CCIII.

7)nbsp;Jubinal, Nouveau Recueil, t. I, p. 317 et seq.

8)nbsp;Llanstephan 113, p, i. (Rep. t. 11, p. 567).

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^ue Rhiannon dit à Pwyll {Livre Blanc, p. 9—10). Dans la poésie des Gogynfeirdd il
® déjà sa signification spéciale :

Da y gwnaeth Mai dai o\'r dailj
Deu oed dan goed y dan gêl i)
I minnau mi a\'m anwyl.

(Gruffydd ab Dafydd, Gog., p. 207).

„Le mai a construit excellemment des maisons de feuillage, deux oed, dans un lieu secret du bois
pour moi et pour ma mie.quot;

Dafydd ab Gwilym connaît encore deux autres mots pour le rendez-vous qui paraissent
plus anciens,
eilwydd et dadl :

Ddywsul y hi addawsai

Ddyfod ,i eilwydd ofyn (DG. 40, 4—5).

„Dimanche elle m\'a promis de venir pour me demander un eilwyddquot;.

Arlwy dadl, erlyd oedau
Er mwyn a fynych o\'r fau.

(DG. 164, 31—34)

„Prépare moi une dadl, obtiens pour moi des oed, moyennant tout ce que tu désires de mon avoirquot;.

Ces mots se trouvent également dans la poésie antérieure à Dafydd, surtout eilwydd,
^ui désigne alors uniquement les réunions amoureuses :

Petestric iolyt, am byt y eilwyt ?

(Hywel ab Owain, Gog, p. 87).

„Suppliant pédestre, aurai-je un eilwydd ?quot;

Lleblliw [/. lleuliw] ardai gwiw gwydyrblas yd af.
Lie uym nym] Iwyd eilwyd, arwyd araf.

Llywarch ab Llywelyn, Gog., p. 97)-

„C\'est à la belle cour vitrée du district brillant que je vais, où 1\' eilwydd, terme qui m\'est cher,ne
m\'avance pas.quot;

Yscwn am eilwyd molyant derllyd

(lorwerth Fychan, Gog., p. 167).

„Je sais les éloges qui conviennent à un eilwydd,quot;

Dadl, mot qui désigne originalement une réunion contradictoire, a le sens spécial
„rendez-vous amoureuxquot; dans les
Gorwynyon et chez Hywel ab Owain :

Gorwyn blaen banadyl, kynnadyl y serchawg

{Livre Rouge, p. 9).

„Toutes-blanches sont les extrémités du genêt, lieu approprié à la dadl des amoureux.quot;

Y haeddu daddyl ueith kyn lleith lleas

(Hywel ab Owain, Gog, p. 85).

„Pour obtenir une longue dadl avant que la mort ne me détruisequot;

En Irlandais dâl et comddl ont en général la même signification.

1)nbsp;Livre Rouge, p. 83— Gog. : goel.

2)nbsp;Cf. Cynnadl {DG. I55gt; 22).

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Comme nous avons vu déjà c\'est surtout au bois que les amants se donnent rendez-vous
dans la poésie galloise. Dans la poésie populaire du Continent on se voit le plus
souvent
à la fontaine, où les jeunes filles vont laver le linge et s\'attardent dans l\'espoir de voir
passer leurs amis i), et ce trait d\'ailleurs n\'était pas inconnu dans les pays celtiques.
Giraldus Cambrensis a composé un poème latin en éloge de la beauté d\'une jeune fille
qu\'il avait vue se baigner dans une source % mais longtemps avant lui Curithir
avait
mandé Liadain à la fontaine tandis que Culhwch voit Olwen pour la première fois
dans la maison de Custenhin où elle allait chaque samedi pour s\'y laver les cheveux
et Eochaid surprend Étâin dans la même occupation s). Mais on comprend qu\'en
général les amants ont donné la préférence au sites solitaires de la forêt. Déjà Ovide
avait dirigé l\'attention de ses disciples sur le
suburbanae templum nemorale Dianae {Ars,
ïj 259), et les vagants savaient par expérience combien la solitude du bois était favorable
à leurs amours :

Oscularer cum gaudio.
Dulcis amor !

{CB., 121, 4)-

Même les troubadours, tout différent que l\'esprit de leur poésie précieuse est de celui
des chansons qui nous occupent ici, ont exprimé parfois timidement le désir de jouir
de l\'amour de leurs dames sous la verdure :

Morrai, pel cap sanh Gregori,
Si no\'m bayz\' en cambr\' o sotz ram

(Guillaume IX, éd. Jeanroy, VIII, 17—18)

Dans la poésie plus populaire de la France il est moins rarement question de ces rendez-
vous dans les buissons :

Je m\' estoie en ung buisson mys
Ou la belle me commanda.

(Gaston Paris, Chansons du XVe siècle, xxxv)

Mais nulle part la réunion dans la forêt a été chantée plus souvent et plus éloquemment
qu\'au Pays de Galles. Cela tient sans doute à l\'intimité plus grande des Gallois avec la
nature, constatée déjà plus d\'une fois, mais encore ces descriptions n\'y auraient pas
tenu une si grande place s\'ils ne reflétaient pas une coutume répandue déjà à l\'époque
où Hywel Dda qualifiait les bâtards de „fils des bosquets et des buissonsquot;
Dafydd
nous a laissé ainsi toute une série de descriptions enthousiastes des sites qui abritaient
ses amours, qu\'on aurait grand tort de considérer comme des imitations d\'une poésie
étrangère.

Il distingue par exemple des bosquets favorables aux rendez-vous en été et d\'autres
qui peuvent rendre aussi de bons services en hiver. La boulaie {llwyn bedw), qui est citée
toujours dans ses chansons avec les plus grand éloges, est le refuge des amoureux paf

i) Origines, p. i6i et seq. -, p. 199 et seq. 2) De Subito Amore {Opera, éd. cit., t. I, p. 357 et seq)-
3) M. Kuno Meyer, p. 14, 4) Livre Blanc, p. 238. 5) RC., vol. xxii, p. 9 ^ Windisch Irische
Texte, p. 119. 6) Ce trait ne manque pas non plus dans l\'ancienne poésie nordique. Gerd par exeio-
dle promet un rendez-vous au fils de Njord dans un bosquet confortable appelé Barri, qui leur est
qien connu
{Edda, trad, de Gering, p. 58). 7) V. p. 164.

Se tenerem quam capio
In nemore sub folio.

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excellence ; aussi Eiddig lui a-t-il juré une haine implacable et y cause de formidables rava-
ges, Malheureusement cer arbre inappréciable perd ses feuilles en hiver — Llywelyn ab y
Moel le constate à regret — et alors les amants ont à chercher un autre site. La chênaie
{derwgoed, DG. 159, 2) et la coudraie (cyîl, DG. 12, 25) également ne les protègent que
pendant la belle saison. Mais la houssaie
{celynllwyn, DG. 132) garde sa Hvrée verte pen-
dant toute l\'année et sert même en hiver de tour à la belle pour l\'attendre
(twr ifeinwar
i\'m
arail, vs. 5) ; cette quaUté lui vaut un éloge spécial. Le genêt {clos ofanadl DG. 47,18),
que Llywarch Hen connaissait déjà comme lieu cher aux amants, est un autre abri aussi
confortable l\'hiver que l\'été, et Dieu l\'aurait offert expressément au barde et à son amie
(vs. 13—14) ! Dans la poésie bretonne cet arbuste joue le même rôle :

Hag hen kregi em dorn, m\' chass gant hen d\'ar valanek.

„Et lui de me prendre parla main, et de me conduire dans une genêtaie.quot;(GeyÊraîOM, t. I,p. 270-271)

Mais Dafydd a secondé la nature en construisant une sorte de tonnelle sous les bouleaux
pour que lui et sa mie puissent se reposer plus confortablement. Cette maison de feuillage
{deildy) est le centre de tout un cycle de poèmes. Dans les pièces DG. 83, 87,179 {Deth. 9),
il parle avec orgueil de la belle construction qu\'il a faite pour sa bien-aimée ;
DG. 112 et
203 sont consacrés entièrement à sa description ;
DG. 49 {Deth. 13) est inspiré par un
rendez-vous dont le
deildy a été le témoin muet. Malheureusement cette cabane ne résiste
pas à la violence des tempêtes de l\'hiver, et dans
DG. 140 le poète se décrit soi-même tout
consterné devant les débris d\'un lieu peuplé de tant de doux souvenirs. Ce poème est
sorti du même état d\'âme que celui de Llywelyn ab y Moel quand il revoit le bouleau
dépouillé de son feuillage qui l\'avait abrité pendant tout l\'été
{IGE. 67). Il vaut la peine
d\'observer que le
deildy n\'est pas non plus absent dans la poésie amoureuse irlandaise,
Dans une pièce anglo-irlandaise du recueil de Joyce, l\'amant se félicite de posséder une
jolie cabane dans le bois que son père avait construite pour lui et sa Nelly Peut-être
Is
lûihin joli derrière la coHine où le poète anonyme d\'une autre chanson populaire
Voudrait caresser ses „cent mille amoursquot; est quelque chose comparable au
deildy :

Tâ lùibin deas cùbhartha agam
Air chùl an chnocâin.

Le mo chùlfhionn do bhreugadh
A\'s mo cheud mile grâdh

(Conn., p. 28).

Enfin, trait caractéristique pour le milieu rustique où les bardes de son temps vivaient
quand ils ne visitaient par les
boroughs, Dafydd reconnaît avec gratitude l\'hospitalité
qu\'une meule avait offerte à lui et à son amie % et Eiddig soupçonne sa femme d\'y donner
rendez-vous à lolo Goch aux jours de fête En Flandre on appréciait également ces
lieux discrets et confortables. Dans un dialogue qui date peut-être du XlVe siècle, un
certain seigneur Wouter exprime le désir d\'y attirer sa Lyskin :

Lys kin, bi deis Heren doot,
Haddic u op den coren tas, etc.

(Oudvlaemsche Liederen en andere Gedichten, t. I, no. LXXi).

1) IGE., 67. 2) Cf. Ibid, t. II, p. 164—165. 3) Ancient Irish Music, p. 62. 4) DG. 135,
204. 5)
V. p. 270, n. 4.

-ocr page 292-

IV — Les Invitations

Les conventions faites avec les femmes rencontrées sur les chemins n\'étaient pas
toujours observées de leur côté, et plusieurs fois on voit le barde y revenir dans des
invitations formelles qu\'il leur envoie. Parfois il charge ses
llateion de les leur porter, mais
le plus souvent il n\'est pas dit expressément comment il se figure la transmission de
ces poésies, et il est même permis de croire qu\'en réalité ces chansons n\'étaient pas desti-
nées aux amantes elles-mêmes. Ces pièces forment un genre à part dont il nous faut
examiner ici l\'origine

Dans ces invitations il fait tout d\'abord une description séduisante des délices du site
où il attendra sa mie. Les bouleaux feuillus les protégeront contre la chaleur, les oiseaux
perchés sur les arbres feront entendre leur chant ravissant, on y pourra observer les
chevreuils et les faucons, et enfin — ce n\'est pas le moindre des mérites du lieu — Eiddig
ne saura pénétrer dans ce paradis sur terre, pas plus que Seth,le fils d\'Adam, dans l\'évangile
apocryphe du pseudo-Mathieu, n\'avait pu entrer dans Eden 2). C\'est dans ce lieu de délices
que Dafydd invite ses amies à venir cultiver l\'amour et boire l\'hydromel :

Dy wahawdd, drycb i dri phlwyf^),
I Ddol Mynafon ydd wyf...

Nid addawaf, da ddiwedd,
I\'m aur ond eos a medd.
(DG.
19, 3—4, 15—46 ; Deth. 21, 3—4, 13-14)-

„Je t\'invite, o beauté qui sers de miroir à trois paroisses, à venir dans la vallée de Mynafon......

Mais, belle fin, je ne promets à ma mie (.Im. : à mon or) que (la joie que donnent) le rossignol
et l\'hydromel.quot;

Ce genre n\'est certes pas inspiré par la poésie provençale, française ou flamande, où,
tant que nous sachions, il n\'est représenté que par une seule pièce, la première chanson
de l\'étourneau de Marcabrun M. Brinkmann cependant a montré que le thème de
l\'invitation est au contraire caractéristique pour les commencements de la poésie moyen-
latine et il est incontestable que l\'ancienne
Invitatio Amicae {lam, dulcis arnica, venito,
IXe siècle), la première pièce des Versus Eporedienses {Cum secus ora uadi placeat mihi
ludere Padi,
Xle siècle) et les invitations d\'un prévôt de Ratisbonne aux religieuses
(Xle siècle) ressemblent à plusieurs égards aux chansons de ce type de Dafydd ab Gwilym.
Les poètes latins par exemple promettent également à leurs amies tous les plaisirs de
la musique et de la table :

Est ibi mensa apposita,
Universis dbis onusta;
Ibi clarum vinum abundat

Et quidquid te. Cara, delectat.
Ibi sonant dulces symphoniae,
Inflantur et altius tibiae.

(Du Méril, op. laud., p. 196).
Quod parat alma Ceres numquam mutabile queres
Nec licet inde queri quod uehat urna meri.
Vis de mille meris potum ? Potando frueris,
Absit ab hac solus condicione dolus

1)nbsp;DG. 10} (Deth. 3), 19 {Deth. 24), 47 iDeth. 45), 83, 118 {Deth. 21), 222 ?

2)nbsp;DG. 222, 36—38 ? 3) dg. — Deth. : cawddnawdd cyddnwyf. 4) ^d. Dejeanne, XXV.
5) Brinkmann, op. laud., p. 6 et seg. \', Du M^ril, op. laud., p. 196 et seq. 3 Z.f. deutsches Alter-
tum,
vol. XIV, p. 245 et seq.

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Vis cythare neruum de nostris tangere serumn.
Mille dabunt sonitum per facilem monitum.
Si reputas carum, sonet ut genus omne tubarum.
Hoc sit in hora qualibet absque mora.

{Versus Eporedienses, I, 51—54; 95—98)-

Et pourtant, malgré ces ressemblances, nous ne croyons pas que ces poèmes-ci aient
été les modèles des cywyddau gallois. Il y a d\'abord certaines différences. Ces rendez-
Vous par exemple ne devaient pas avoir lieu sur l\'herbe :
Intra in cuhiculum meum, écrit
l\'auteur de
VInvitatio amicae à sa Soror electa (vs. 3). Mais surtout il semble difficile
d\'admettre que ces poèmes latins des IXe et Xle siècles, qui n\'ont laissé presque aucu-
ne trace dans les chansons des vagants du Xlle, aient été connus du barde du XIVe
siècle. Il est concevable tout au plus que les cywyddau en question et les
invitationes
latines ont eu une source commune, le Cantique des Cantiques, dont un passage présente
Une grande analogie avec ces pièces :

Veni in hortum meum, soror mea sponsa, messui myrrham meam cum aromatibus meis ; comedi
favum meum cum melle meo, bibi vinum meum cum lacté meo : comedite, amici, et bibite,
et inebriamini clarissimi
{Cant. Cant. F, i).

Quoi qu\'il en soit, le genre est commun à toutes les littératures celtiques. Dans un
chapitre précédent nous avons cité déjà des vers irlandais par lesquels le poète exhorte
son amante à venir avec lui observer les corbeaux et les coqs de bruyère dans les vallées,
et d\'y boire le lait de la chèvre et le
holcdin i). Voici maintenant comment un amant breton
engage sa dame à passer en sa compagnie des heures inoubliables dans le bois ou au
jardin:

Deut c\'hui ganin, ma mestrès, da vordic ar c\'hoajo,
E-lec\'h ma ve an awel o hija an deillo ;
E-lec\'h man al lapoussed o canan ho fredon,
Rejouissan ma speret, ober gai ma c\'halon.

Deut-c\'hwi ganin, ma mestrès, da vordic ar rivier,
Da vale v?ar an ieot glaz, \'wit tremen an amzer ;
Da barlant war ar ieot glaz, \'bet\' an heur a greiz-de,
Pe ôtramant \'n ho jardin, dindan eur bout lore,

„Venez avec moi, ma maîtresse, à la lisière des bois. Où l\'on entend le vent faire bruire les feuilles;
Où les oiseaux chantent leurs fredons. Pour me réjouir l\'esprit, m\'égayer le coeur.

Venez-avec moi, ma maîtresse, au bord de la rivière. Nous promener sur l\'herbe verte, pour
passer le temps; Causer sur l\'herbe verte,
jusqu\'à l\'heure du midi, Ou bien dans votre jardin
sous un buisson de laurier.
{Sôniou, t. I, p. 206—207).

Et enfin ce thème paraît être aussi propre à la poésie populaire galloise et c\'était peut-
être là que Dafydd ab Gwilym l\'a trouvé. On en trouve un exemple remarquable dans
la collection
d\'englynion d\'Edward Jones :

I\'r llwynbedw tecca\' erioed
Dan gysgod llingoed
Ll angar.

(E. Jones, Relkks, p. 16).

Ow v\'anwylyd, rhêd ar gais
I wrando ar lais
Yr adar

,0 ma chérie, hâte-toi de te rendre à ma prière et d\'aller écouter le chant des oiseaux dans la
plus belle boulaie qui fût jamais, sous l\'ombre des rangées d\'arbres de la forêt de Llangar.quot;

I) V. p. 166, 180.

-ocr page 294-

V — Rendez-VOUS dans la forêt

La convention une fois faite et l\'invitation envoyée, le barde amoureux brûle d\'impatience
et peut à peine attendre le jour du rendez-vous. Surtout dans le cywydd
DG. 129 Dafydd
a exprimé ce désir fiévreux du samedi qui décidera de son bonheur :

Hir yw \'r haf ei harofyn.nbsp;Mis i Ddywsadwrn i mi

Hwy hyd Dywsadwrn yw hyn.nbsp;....................................

Mae o Ddywsul, gui geli,nbsp;O Fair, ai Dywsadwrn fydd ?

(DG. 129, 5—8, 16).

„Longue est l\'attente de l\'été, plus long il m\'est d\'attendre le samedi. De dimanche à samedi.
Père céleste l), il me semble un mois. O sainte Vierge, le samedi viendra-t-il jamais ?quot;.

Le même sentiment éprouve un amant irlandais dans une des pièces du recueil de
M. Hyde :

Fâgaim ar m\' fhallaing gur fada liom uaim an Dômhnach
Go bhfeicfidh mé an ainnir ag éirighe amach ar na bôithribh

(Co««., p. 74).

„Je parie mon manteau qu\'il m\'est long d\'attendre le dimanche où je verrai paraître la jeune fille
sur la route.quot;

Enfin le jour attendu avec tant d\'impatience arrive et bien avant l\'heure convenue
le poète se rend au bois. Là une première déception cruelle lui est réservée : la beauté
volage n\'est pas à l\'endroit indiqué.
L\'amant se résigne, le cœur serré, à attendre sa
venue, et le lecteur prévoit déjà que c\'est de la peine perdue. Finalement il se lève et
rentre en méditant une chanson dans laquelle il décharge son coeur.

Nous ne connaissons pas moins de quatre chansons qui traitent ce thème du galant
déçu. Dans la première Dafydd s\'emporte contre une certaine Dianis, qui de mardi à
dimanche avait remis le rendez-vous de jour en jour, et chaque fois de nouveau
l\'avait
fait attendre en vain. Dans deux autres pièces il exprime toute son angoisse que la belle
ne s\'acquitte de sa promesse. Un lundi il attend pendant toute la journée, du matin
jusqu\'au soir, une infidèle qui la veille lui avait promis de le rejoindre à un endroit solitaire.
Le plus intéressant de ces cywyddau est peut-être
DG. 52 ?, où le barde nous fait une
description plastique de la persévérance dont il a fait preuve à une de ces occasions.
Tant
il reste dans la forêt que des arbres semblent pousser de son corps et qu\'il paraît
être tout couvert d\'écorce. Le peuple l\'appelle un fagot vivant {gwialwr) ou le croit un
saint ermite ; lui-même se compare aux Animaux Anciens qui vivaient durant des généra-
tions d\'hommes dans la forêt.
La pénitence que cet amoureux s\'impose fait penser vivement
à certaines formes de tapas des ascètes indous.

Toutefois son inquiétude ne l\'empêchait pas d\'observer fort bien la nature autour de
lui. Dans le cywydd
DG. 46 il nous parle d\'un petit oiseau chanteur qui n\'avait quitté le
buisson pas plus que lui ; peut-être celui-ci aurait mieux fait d\'aller chercher sa Gwen.
Une autre fois quand il attend, le milan descend du ciel comme un devin et traite de
fou l\'amant patient, ou bien la pie vient blâmer sa conduite et lui donner des
conseils
salutaires à son âme La merveilleuse description du renard est également un fruit
de ces heures passées dans une attente pénible.

1)nbsp;Cul celi, litt. : „ciel étroit,quot; Mais ne serait-ce pas une corruption de Duw Celi ?

2)nbsp;DG. 115, 198 {Deth. 46). 3) DG. 182.

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Ces cywyddau qui constituent ensemble le cycle de l\'attente font fortement l\'impression
d\'être l\'écho d\'événements réels. C\'est encore un thème incontestablement celtique,
et si nous ne nous trompons pas, toute la poésie continentale du moyen âge n\'a rien
d\'analogue à offrir. En revanche c\'est de nouveau dans la poésie populaire irlandaise
que nous rencontrons aussi les plaintes de l\'amant déçu qui ne trouve pas sa mie au lieu
qu\'elle-même lui avait indiqué :

Do gheall tu dhamh-sa, \'s do rinn\' tu breug liom.
Go mbeitheâ liom-sa ag crô na g-caorach.
Do leig mé fead agus mile glaodh ort
\'S ni bhfuaireas ann acht uain ag méidhligh

iflonn.i p, 76).

„Tu m\'avais promis — c\'était me duper — que tu serais ensemble avec moi à la bergerie. J\'ai
sifflé et j\'ai jeté mille cris vers toi, mais je n\'y trouvai que les agneaux qui bêlaient.quot;

Parfois cependant la femme n\'avait pas eu l\'intention de le tromper mais les circon-
stances s\'étaient déclarées contre le couple amoureux. Elle s\'était mise en route, mais
Une brume obscurcit soudainement les routes et empêcha le rendez-vous. Une autre
fois un écho malicieux fit perdre son chemin au poète, de sorte qu\'il ne put la rejoindre.
Il arrivait aussi qu\'ils s\'étaient trouvés sans adversités au lieu convenu et qu\'ils s\'apprêtai-
ent à passer ensemble des heures heureuses, quand un accident inopiné fit tout manquer.
Les amantes de Dafydd ab Gwilym paraissent avoir été bien peureuses — ne se sentaient-
elles pas la conscience bien nette ? — car le moindre rien les jetait dans un effroi mortel.
Passe encore que Gwen n\'osait pas braver l\'orage, manque de fermeté pardonnable,
puisque le barde lui-même en était fort consterné, mais même l\'apparition soudaine d\'un
lièvre ou d\'une bécasse, les cris d\'un hibou ou les sons peu harmonieux de la crécelle
d\'un berger inoffensif suffisent à lui faire prendre la fuite. Ces chansons qui toutes ont
pour sujet la perturbation de
Voed sont très caractéristiques pour l\'inspiration poétique
de Dafydd ab Gwilym. Elles montrent combien il aime à revenir à un thème qu\'une
fois il a chanté ; elles révèlent surtout combien au fond l\'amour est chez lui subordonné
au sentiment de la nature. Il a beau s\'engager dans la narration d\'une aventure amoureuse ;
la peur de son amie une fois rapidement constatée en deux ou quatre vers, il détourne
son intérêt d\'elle pour le concentrer sur la cause de son effroi, que, tout en le chargeant
de malédictions burlesques, il décrit avec un torrent de comparaisons, les unes encore
plus originales que les autres.

Tous les rendez-vous cependant n\'avaient pas un dénouement aussi fâcheux et à en
juger d\'après les nombreuses allusions assez vagues dispersées dans son œuvre, le plus
souvent ils s\'étaient passés à souhait. Toutefois les pièces dans lesquelles il entre en parlant
de son bonheur dans les détails sont rares, et il faut le dire à son honneur, dans ces descrip-
tions il n\'y a rien, ou presque rien, qui soit contraire au bon goût. Certes, il ne s\'agit pas
d\'amour platonique, et le barde donne clairement à entendre que son amie lui avait
accordé toutes les faveurs qu\'il désirait % mais il faut lui savoir gré d\'avoir gardé dans
les termes une discrétion remarquable. Il se borne à évoquer le souvenir de leurs étreintes
passionnées au coin du
deildy ; il aime à se rappeler la sensation des beaux bras neigeux
Morfudd passés comme un lacs ou une chaîne autour de son cou, mais c\'est tout :

3) Cependant : Chwaneg ni chawn er chwenych (DG. 49î 10) ; manque dans Deth.

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Am wddw\' bardd, bun harddlun i).
Liai no baich oedd befrfraich bun.
Goris dust goreuwas clod
Gorthorch, ni wnaf ei gwrthod.

(DG, 49, 31—34i Deth. 13, 25—28).nbsp;(DG. 140, 17—20).

On voit qu\'il n\'y pas la moindre raison d\'identifier ces idylles aux pastourelles françaises
ou latines, dont l\'esprit est suffisamment connu. Ce n\'est du reste pas la seule différence :
observons encore une fois que dans les pastourelles il s\'agit toujours de rencontres fortuites,
tandis qu\'un oed — le mot le dit déjà — ne peut avoir lieu qu\'après un arrangement
préalable. Du reste dans la poésie celtique antérieure à Dafydd ab Gwilym on rencontre
déjà ces allusions discrètes à des réunions amoureuses. Hywel ab Owain savait fort
bien l\'art d\'évoquer en deux vers l\'image du rendez-vous avec la belle sur la plage
de iVleirionnydd, oii des bras blancs lui avaient servi d\'oreiller :

Caraf y morua y Meirionnyt,

Men ym bu vreich wenn yn obennytnbsp;(Gog., p. 86)

Dans la poésie irlandaise également ces allusions ont plutôt le caractère de souvenirs
attendris que de bravades cyniques. Délicatement un poète rappelle à son amante le
souvenir
d\'une certaine nuit qu\'elle paraît avoir complètement oubliée :

An cuimhin leat-sa an ôidhche bhfdh tu-sa agus me-si,
Fâ bhun an chrainn chaorthainn a\'s an ôidhche ag cur chuisneadh
Ni raibh foscath ô\'n ngaôith aguinn nâ didean ô\'n bhfearthainn,
Acht mo chôta chur fùinn agus do gûna chur tharainn.

(Hardiman, op. laud, t. I, p. 252).
„Te souviens-tu encore de la nuit quand nous étions ensemble sous le tronc d\'un frêne et que
le
brouillard nocturne s\'étendit ? Nous n\'avions ni abri contre le vent ni protection contre la
pluie, si ce n\'était mon manteau étalé sous nous et ta robe étendue sur nous.quot;

Il y a cependant un groupe de cywyddau relatifs à Voed dans l\'œuvre de Dafydd ab
Gwilym qui forment un contraste violent avec tous les précédents, et dont nous ne
voulons
pas soutenir l\'originalité. Ce sont ces gabs inédits auxquels nous avons fait déjà allusion.
Dans ces chansons on voit Dafydd se servir d\'un vocabulaire qu\'il semble juger déplacé
dans tous ses autres récits d\'aventures, et c\'est aussi la raison pourquoi nous avons cru
être ici en présence d\'un répertoire composé pour un public différent de celui qu\'il
amusait
ordinairement. On pourrait attendre ce langage des croesaniaid dont la loi de Hywel Dda
nous fait connaître les bouffonneries et on trouve en effet cette même terminologie
ordurière dans les satires du clerwr Madog Dwygraig. iVlais la comparaison avec la poésie
continentale nous apprend également quelque chose. Dans la poésie populaire on ne
trouve rien de pareil, car on sait que celle-ci a une prédilection pour les situations
scabreu-
ses, mais recule devant le mot cru et a en général recours aux métaphores 3). Les clercs
vagants, moins scrupuleux, n\'hésitaient pas à profiter de la grande liberté que l\'emploi
du latin leur permettait. iViais un langage volontairement obscène est surtout propre
à la poésie bourgeoise et facétieuse, aux fabliaux et aux sottes chansons, et dans ces
genres on trouve aussi les thèmes des trois cywyddau en question plus d\'une fois traités-

1)nbsp;DG. — Deth : Llathr ieuaw\'r bardd, gem harddlun.

2)nbsp;La même idée a été exprimée par Matfre Ermengaut dans le Breviari d\'Amor : E l\'aurelhiers tOS
de blanc bras (cité par Wçchssler, op. laud., p. 336). 3) V. Origines, p. 205,

Braich meinir, briw uwch manod,
Goris dust goreuwas clod,
A\'m braich innau, gorau gwawd.
Am feingorph yr em fwyn gnawd

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Quant au sujet, ces pièces-là forment suite à la chanson Hanffo well iti henferch (D),
et on pourrait les grouper ensemble sous le titre : Les fruits de l\'enseignement de la Vieille.
Dans toutes les trois on voit Dafydd ab Gwilym mettre en pratique les conseils cyniques
que Gwerfyl lui a donnés, et cela avec des résultats bien différents. H est la relation d\'un
oaristys comme on en trouve tant des les pastourelles françaises et latines. L\'aventure
racontée dans E se termine d\'une façon moins satisfaisante pour le barde, car la femme
lui oppose une résistance inattendue et dans le pugilat qui s\'ensuit l\'agresseur n\'a pas
le dessus. Le sujet de F est encore plus dégoûtant : sans penser à son âge, le poète évidem-
ment vieilli s\'est engagé dans une aventure où il se couvre de honte et s\'expose aux

railleries de la donzelle désappointée.

Il n\'est toutefois ni assuré, ni même probable que Dafydd ait été en réalité le triste
héros de ces aventures scabreuses. On pourrait croire un moment que des obscénités
comme celles-ci nous présentent un tableau fidèle de la vie de l\'époque, telle qu\'elle était
en réalité derrière la façade brillante et fallacieuse que les poètes courtois ont élévée.
En vérité ce sont aussi bien que ces représentations trop idéales des formes littéraires
et traditionnelles qui ne permettent pas sans plus des conclusions sur l\'état des mœurs.
Très probablement c\'est à Ovide que le moyen âge est redevable de ces grivoiseries qui
dans certains milieux ont eu un énorme succès. C\'est lui qui dans l\'épisode de Philomélai)
(traduit en français peut-être par Chrétien de Troies leur a donné le modèle des scènes
d\'agressions ; son imitateur Guiart, remaniant
VArt d\'aimer, s\'étend sur ce thème démesu-
rément ; le magister Serlo de Wilton le traite dans un long poème les auteurs des
pastourelles et des sottes chansons ne cessent de le développer pendant des siècles et
enfin nous le voyons représenté dans le cywydd de Dafydd ab Gwilym. Ovide aussi, en
composant la lettre d\'Oenone % semble avoir conçu le premier l\'idée de faire raconter
par la femme l\'incident dont elle a été victime, et cette inventions paraît avoir ajoute
au piquant de la situation aux yeux des clercs vagants et d\'Eustache Deschamps e).
Il y a un autre détail qui n\'était pas pour déplaire à un public peu délicat: c\'est que
l\'aventure ne s\'était pas passée sans quelques horions et quelques mèches de cheveux
arrachées. Il est question d\'un pugilat entre un amant trop entreprenant et sa belle
dans une sotte chanson couronnée à Valenciennes^). Ce trait est également déjà indiqué
dans l\'Epître d\'Oenone»). Inutile de dire que ces situations se rencontrent aussi dans
les fabliaux. Ce n\'est pas cependant le cas pour le sujet du cywydd F, qui a par contre des
pendants dans une ballade de Deschamps et plus tard dans une des pièces du
Chansonnier
d\'Anvers^).
Mais nous croyons encore que la source de ce type a été la septième élegie

du troisième livre des Amores.

Nous ne sommes pas non plus loin d\'admettre également une origine étrangère pour
une dernière catégorie de cywyddau afférents à
Voed, bien plus décente au demeurant
que celle que nous venons d\'analyser. Llywelyn Goch ab Meurig Hen raconte dans une
de ses poésies comment un jour il s\'était attiré le mécontentement de son amie à cause
de sa barbe hirsute qui lui avait râpé le visage i«). Cette scène très vivante, spécimen

I) Métamorphoses, VI, 426nbsp;2) éd. C. de Boer, p, cix. 3) Zeitschrift f-rom, Phil

vol XLIV, p. 183. 4) Hauréau, Notices et Extraits, t. i, p. 323- 5) Heroldes, ep. V. 6) O^.
146;
Deschamps, Balade CCCCXXVI, (t. HI, p. 231-232). 7) Hécart, op. laud., p. 79 et seq. Cf
Schwöb, op. laud., XCV. 8) Vs. 141-142- V. Brinkmann., op. laud., p. 18, 85. 9) Balade
DCLXX (t. IV,
p. 129); DCCCCXXVI (t. V, p. 132): AL. CXCIII. 10) DGG. p. l6i.

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excellent de l\'art de conter des bardes, est assurément fort intéressante, mais elle ne
nous semble pas inspirée par un événement réel. C\'est que lolo Goch a traité exactement
la même situation et y est revenu par deux fois % et quoiqu\'il soit possible qu\'il ait imité
le cywydd de Llywelyn, il est tout aussi probable que l\'un et l\'autre de ces bardes se
sont plu à traiter indépendamment un motif connu peut-être depuis peu de temps au
Pays de Galles. Ce serait en effet un sujet excellent pour une sotte chanson, mais nous
n\'avons pas réussi à le découvrir dans la poésie française ou flamande. En revanche un
texte bien postérieur nous montre qu\'il n\'était pas inconnu en Angleterre : dans une
des pièces du chansonnier de Henri VHI un garde-forestier se plaint de ce que Vénus l\'a
banni de son règne parce que sa barbe piquante faisait peur aux dames :

Lady venus hath comaundyd me owt of her courte to go

Ryght playnly she shewith me that beawtye ys my foo

My berd ys so hard god wote when I shulde maydyns kysse

Thay stand abak and make it strange, lo age ys cause of this.

(Anglia, vol. xii, p. 244).

VI — Accidents de la route

A 1\'avis des bardes les rendez-vous dans la forêt sont préférables aux visites nocturnes,
toujours périlleuses, à la maison de la dame Néanmoins ils avaient fréquemment recours
à cette dernière façon d\'agir quand la dame n\'était pas libre dans ses mouvements.
Un des désagréments de ces visites paraît avoir été le long voyage que l\'amant avait
à accomplir avant d\'arriver à sa maison. Ce voyage et ses inconvénients fait encore le
sujet d\'une autre catégorie de cywyddau caractéristiques pour la poésie amoureuse
galloise

Dans la-chanson DG. 63 Dafydd expose en détails son itinéraire. L\'obscurité de la
nuit qui lui cache son chemin est une des choses qu\'il craint le plus; aussi rend-il grâces
à Dieu d\'avoir allumé les étoiles pour lui éclaircir sa route
(DG. 208 ; Deth. 40). Une
autre fois la lune lui rend ce bon office
(DG. 51 ; Deth. 48). Mais dans DG. 104, qui est
le pendant de ce dernier cywydd, il ne sait aucun gré à l\'astre de la nuit ; au contraire,
il se présente comme un larron, et les larrons n\'aiment pas les nuits trop claires.

Dafydd éprouve encore d\'autres désagréments en chemin. Il se voit par exemple arrêté
par la Dyfi et n\'ose pas traverser ce fleuve avant d\'avoir imploré sa bienveillance
(DG. 41 ;
Deth. 44). Ou bien il raconte son voyage à travers la glace et la froidure vers la belle de
Mon et s\'apitoie sur ses malheurs
(DG. 194). Il lui arrive encore de tomber chemin faisant
dans les ronces qui le maltraitent cruellement
(DG. 173). Il raconte en détails une autre
mesaventure encore plus fâcheuse dans le cywydd
DG. 133 : une nuit Ü avait perdu son
chemin et failli se noyer avec son cheval dans un marais tourbeux.

Il ressort de cette dernière pièce qu\'il faisait ces équipées nocturnes parfois à cheval,
et ce trait nous rappelle que nous sommes ici en présence d\'un genre autochtone, représenté
déjà dans l\'œuvre des Gogynfeirdd On connaît maintenant, grâce à M. Gwynn Jones,

i) IGE, 2, 3, 4. 2) DG. 165, 31—34, 49—50 ? 3) V. p. 7.

4) Dans la poésie continentale on pourrait citer tout au plus l\'allusion suivante de Jaufre Rudel à
la marche de son cheval : Quant ieu vau ves lieys corren Vejaire m\'es qu\'a reüsosM\'en torn e qu\'ela \'s
n an fugen; E mos cavals i vai tan len Greu er qu\'oimais i atenha S\'amors no I3\'m fa remaner fe^.
Jeanroy, I, 23—28).

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le rôle traditionnel du cheval dans la poésie amoureuse de ces poètes, toute pleine d\'excita-
tions à la monture, qu\'on croirait presque composée pendant la chevauchée même i).
Il semble inutile de citer ici des exemples et nous pouvons nous contenter de renvoyer le
lecteur à l\'étude très documentée de M. Gwynn Jones ; constatons seulement que les
Gogynfeirdd connaissaient aussi le thème des obstacles du voyage.JVlême dans la
rhieingerdd
d\'Efa, où pourtant le cheval est représenté comme un llatai qui va tout seul, on lit un
vers comme celui-ci :

Neud Ilutedic glann rac glas vordwy

{Gog., p. 46).

„Voici la rive qui m\'est interdite par le ressac glauquequot;,

qui évoque l\'idée d\'un bras de mer qui se trouve entre le barde et le but de son voyage.
Plus explicite est un passage d\'un poème attribué à Gruffydd ab JVlaredudd :

Men ymaen vynkovyon,
Myrd yn wyrd o Iwerdon,
Mor a\'u gwlych mewn amgylch Mon.

{Gog., p. 196).

„Elle m\'est une source de tourments, la rive d\'Afon Rhin, sur laquelle est située la cour de ma

dame svelte et modeste, en Mon....

Des vagues imposantes se plient autour des couches de pierres du Heu où demeure l\'objet de mes ^
pensées, des myriades, toutes glauques, venant d\'Irlande ; la mer les mouille, sur toute la cir-
conférence de Monquot;.

VII — Visites nocturnes

Le barde finit cependant, malgré ces obstacles, par arriver au lieu où demeure
sa favorite du moment. La suite de l\'aventure varie selon les circonstances. Dans le
cywydd amusant DG. 142, qui pourrait être un fabliau, elles semblent par exemple
particulièrement favorables. Il s\'agit d\'une fille d\'auberge peu scrupuleuse dont il peut
s\'approcher facilement. Il lui offre un bon repas, et deux mots suffisent pour se faire
comprendre. Seulement, quand la nuit est tombée, il a la malechance de se tromper de
chambre et d\'entrer dans un appartement où dorment des colporteurs anglais. Ceux-ci
s\'éveillent et prennent le noctambule suspect pour un voleur. Aussi lui donnent-ils la
chasse, assistés par l\'aubergiste, et Dafydd prend la fuite dans un vacarme effroyable.

Dafydd se heurte à des difficultés d\'une autre nature quand il entreprend de visiter
sous l\'ombre de la nuit des jeunes filles dans la maison de leurs parents. Alors il lui faut
les réveiller discrètement et les décider à lui ouvrir la porte. A cet effet il leur chante une
longue sérénade sous leur fenêtre, dans laquelle il se lamente des rafales et des giboulees
de neige qu\'il brave pour l\'amour d\'elle et se plaint amèrement de ce qu\'il trouve la porte
fermée. Nous possédons deux chansons de ce type qui pourraient avoir été chantées dans
ces circonstances : ce sont les cywyddau
DG. 53 {Deth. 7) et 55- A côté de celles-ci on
connaît un groupe de chansons d\'un autre type — on pourrait les appeler „serenades
narrativesquot; — représenté par les cywyddau DG. 152 ?, 161 et 194. auxquels on peut
ajouter
DG. 131, quoique dans celui-là il s\'agit d\'une femme mariée et non pas d\'une

1)nbsp;Ce paraît avoir été la coutume en Irlande. V. Dânta Grddha^, p. xxii.

2)nbsp;Rhieingerddi \'r Gogynfeirdd, p. 17 et seq.

Ran oval lann Rin Avon,
Rwyl y mae meinwyl a Mon.
Mygrwenyg a blyc am oblygyon mein

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jeune fille. Dans ces chansons Dafydd raconte comment, après un voyage pénible, il
arrive sous la fenêtre de sa mie et gémit jusqu\'à ce qu\'elle s\'aperçoit de sa présence.
Alors un dialogue s\'engage ; il la supplie de lui ouvrir sa porte ce qu\'elle refuse par crainte
de ses parents. Le plus souvent il paraît qu\'il ne réussit pas à vaincre sa timidité ; seule-
ment dans la première de ces pièces elle l\'admet dans sa chambre. Mais à peine entré, il
va un peu vite en besogne et elle s\'écrie aussitôt : „Que tu es peu courtois de me deman-
der cela. Par Saint Asaf ! jamais je ne l\'oseraiquot; (vs. 43-44). De là, nouvelles plaintes
du poète.

Il va presque sans dire qu\'on n\'a pas manqué de proclamer que ces chansons encore
sont des imitations de la sérénade française, mais il ne sera pas difficile de montrer combien
cette opinion est contestable. M. Jeanroy a déjà constaté que la sérénade est un genre
dont l\'ancienne poésie française ne nous fournit pas de spécimens i). C\'est curieux, puisque
l\'habitudede chanter le soir sous les fenêtres de labien-aimée, connue aux anciens Romains^),
s\'était conservée pendant tout le moyen âge et que dans le
Roman de la Rose l\'Amour
conseille à l\'Amant de la suivre Mais les poètes courtois semblent avoir jugé ce genre
au-dessous de leur intérêt, et M. Jeanroy n\'a pu trouver qu\'un seul refrain qui doit avoir
rapport à cette situation Depuis le XVe siècle seulement des sérénades françaises
nous ont été transmises, et alors Villon fait allusion à une chanson
Ouvrez vostre huys,
Gmllemette,
qui, à en juger d\'après ce vers, appartient au genre en question s). Les deux
pieces de Dafydd ab Gwilym, supposé au moins qu\'elles lui appartiennent réellement,
sont donc dans l\'Europe occidentale parmi les plus anciennes qui ont été conservées
et ne pourront donc plus être négligées par ceux qui voudront étudier le genre.

C\'est également dès le XVe siècle qu\'on voit paraître en France, et surtout en Flandre,
les „sérénades narrativesquot;, qui ont le caractère d\'un gab :

Een ionck meysken reyn van seden
Hadde mi tot haren bedde gedaecht.

.nbsp;{AL. XXXIX, I).

„Une jeune fille de bonnes moeurs m\'a cité devant son lit.quot;

Een ionghe maecht, heeft mi gedaecht
Te comen in haer camerkijn.

.nbsp;{AL. XL, I).

„Une jeune fille m\'a mandé de venir dans sa chambre.quot;

Dans la plupart de ces chansons populaires plus modernes l\'amant n\'est pas si heureux,
car alors, tout comme chez Dafydd, son amie n\'ose pas l\'admettre par peur de ses parents,
et le laisse se lamenter sous la pluie et la neige :

Je m\'y levay par ung matinet

Que jour n\'est mie,
Je m\'en allay tout droit chanter

A I\'huys de ma mie.
Tout aussitost qu\'elle m\'a ouy chanter
Elle a pour moy son huys fermé.

—__B. Weckerlin, L\'ancienne chanson populaire, p. 205)

1)nbsp;Origines, p. 145.

2)nbsp;DuMéril, Poésies populaires latines antérieures au douzième siècle, p. m, note 4.

3)nbsp;Vs. 2513—25343 t. n, p. 128—129. 4) op. laud., p. 146, note, i

5)nbsp;éd. Longnon, Test., vs. 1782. Cf. Pierre Champion, François Villon, t. i, p. 117-118

6)nbsp;AL., XXVIII, XCIV, ; Willems, op. laud., LXXIII, LXXV, LXXVI, XCLII ; E. de Cousse-
maker.
Chants populaires des Flamands de France, p. 65 ; J-B Weckerlin, L\'anciennec hanson populaire
p. 398 ; E. Rolland, Recueil de Chansons populaires, t. I, p. 33—34 ; t. V, p. 1—2.

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II lui arrive même qu\'elle ne lui sait aucun gré de sa sérénade et lui ordonne de se
taire :

Hi sal zijn singhen la ten,
Voorwaer segge ic hem dat.

{AL. XCVI, 2).

„Qui est-ce qui chante là-bas et ne me laisse pas dormir? J\'ai un mot à lui dire : „qu\'il cesse
aussitôt de chanter !quot;

Parfois même elle lui signifie qu\'il perd sa peine, puisqu\'un rival a pris l\'avance sur lui :

Wie ist die daer singhet
Ende mi niet slapen en laet ?

\'k En doen voorwaer nie open
Ik en laet ye voorwaer nie in.

Gae naer huys en legt u tot rusten ;
Daer is een ander lieftje in.

„Non certes je n\'ouvre pas et je ne te laisse pas entrer. Retourne dormir à ta maisonj un autre
amant est ici.quot; (E. deCoussemaker,
Chants populaires des Flamands de Flandre,^. 65 elsei).

Dans une des plus anciennes pièces françaises, du recueil de Marcel Schwöb, la femme
et l\'amant admis s\'amusent follement de la sérénade que le pauvre rival leur fait dans
la rue

Les ressemblances entre ce type de sérénades continentales et celles de Dafydd ab
Gwilym sont donc assez frappantes, et l\'on pourrait être porté à
croire que le barde
gallois doit peut-être quelque chose à la poésie populaire et bourgeoise antérieure a celle
que les textes nous ont fait connaître. Et pourtant nous hésitons à l\'affirmer. Le genre
que nous étudions ici en effet n\'est pas propre à une seule littérature et à une seule epoque.
A-t-on observé déjà que le commencement du cinquième chapitre du
Cantique des Cantiques
est pour la forme une „sérénade narrativequot;, racontée cependant, ce qm est fort rare,
par la femme ? Réveillée de son sommeil, elle entend son amant frapper à la porte et la
supplier de lui ouvrir. Elle donne des réponses évasives, tout comme les femmes dans les
pièces profanes du moyen âge, et quand enfin elle se résout à l\'admettre, il a disparu.
Elle sort après lui et est brutalisée par les veilleurs
{custodes qui circumeunt cimtatem),
que nous rencontrerons bientôt en étudiant l\'aube.

Notre conviction est que la sérénade est intimement liée à l\'ancienne coutume connue
en Angleterre sous les noms de
nightcourtship, courting on the hed et bundling up % en
Allemagne sous celui de
fenstern, et que partout où celle-ci existe ou a existe on peut

Parnasse Satyrique du XVe siècle, Liv. Cf. Audiat exclusi verba receptus amans {Amores,

^r^tolkep in one\'s clothes on the same couch with (as was formerly customary with persons of
opposite sex, in
Wales and New-England)quot; {A New English Dictionary).

On assure en général que ces réunions nocturnes se passent en tout bien et tout honneur, et nous
n\'avons aucune raison pour mettre en doute ces protestations. On sait cependant que une autre viedle
coutume, celle du mariage d\'essai, était aussi connue au Pays de Galles. Giraldus le témoigné de,a :

Matrimoniorum autem onera, nisi expertis antea cohabitatione, commixtione, morum quahtate
et praecipue fecunditate, subire non soient. Proinde et puellas, sub certo parentibus pecumae pretio,
et recipiscendi poena statuta, non ducere quidem in primis sed quasi conducere antiquus m hac gente

tnos obtinuit. (Opera, t. vi, p. 213—214).nbsp;. „ ;\'„,

Cette coutume est blâmée sévèrement dans le proverbe : Y ferch a ddel l\'w phrofi hwj^r y del 1 w
Phriodi. La coutume appelée car« ar wely ne trouve pas non plus grâce chez les moralistes. Nous croyons
du moins que dans le proverbe: Ni bydd moesawg merch a glywo geiliog ei thad, il s agit de jeunes filles
qui pendant la nuit introduisent leurs galants et sont averties par le chant du coq de les congédier
^vant que leurs parents
ne se réveillent.

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admettre que ce genre poétique est né spontanément. Or, cette coutume est ou était
très répandue au Pays de Galles, où elle est appelée
cnocio, streicio, caru ar y wely, et
déjà les auteurs du Welsh People, à qui nous devons ces renseignements, l\'ont rattachée
aux cywyddau de Dafydd i).

Pour achever de prouver l\'origine celtique des sérénades de ce barde, appliquons au
genre la démonstration à laquelle nous avons eu recours déjà tant de
fois. Dans la poésie
populaire galloise, où d\'après nous Dafydd a trouvé ce thème, il a laissé des traces encore
à une époque bien postérieure. Il ne peut s\'agir que d\'une jeune fille attendant la visite
nocturne de son amant dans le pennill cité à la page 89. Mais on chante des „séré-
nades narrativesquot; aussi en Bretagne. Voici un exemple:

Hanter cant nozvès ez on betnbsp;Ar glao, ann avel ma foetad

En toul he dor, na wie ket.nbsp;Ken a zivere ma dill ad.

„Cinquante nuits j\'ai été Au seuil de sa porte, elle ne le savait pas. La pluie, le vent me fouettant
A tel point que dégouttaient mes vêtements.quot; {Sôniou, t. I, p. 138—141).

Et en Irlande également, ni la coutume ni le thème poétique ne sont inconnus. Dans le
conte
Parrach Mha H Bhrigda, dont nous avons parlé déjà, la fille promet à son amant
de lui ouvrir la porte quand ses parents dormiront, trait qui manque dans les versions
française et anglaise du récit. Dans la version de Connacht d\'une des chansons les plus
répandues.
An Chûilfhionn, il y a une strophe dans laquelle l\'amant rappelle à sa bien-
aimée une nuit qu\'ils ont passée ensemble, évidemment dans sa chambre :

An cuimhin leat an oidhche ùd do bhfomar ag an bhfuinneôig ;

Ann a rug tu ar lâimh orm \'s gur phaisg orm borôg [/. barrôg] ;

Do shin mé le do thaoibh, \'s ann mo chroidhe ni raibh urchôid,

A\'s do bhi mé ann do chômhluadar no g-cuala mé an fhuiseôg.

{Conn., p. 72)

„Te souviens-tu encore de cette nuit quand nous fûmes près de la fenêtre, et que tu mis ta main
sur moi et m\'embrassas fortement ? Je m\'étendis à tes côtés et il \'y avait pas de tristesse dans
mon coeur ; j\'étais ensemble avec toi jusqu\' à ce que j\'entendis l\'alouette.quot;

Faut-il donc encore d\'autres preuves de la celticité du genre ?

VIII — Visites à des femmes mariées

Mais si ces chansons sur des réunions nocturnes avec de jeunes filles reflètent les mœurs
populaires, nous nous garderons de dire la même chose des poésies qui ont pour sujet une
visite secrète faite à une femme mariée, motif qui nous mène plutôt dans le monde des
fabhaux que dans celui de la chanson populaire,
la jeune fille règne souverainement.
Il est vrai que les deux chansons dans lesquelles Dafydd ab Gwilym parle d\'une tentative
infructueuse de pénétrer dans la maison du Jaloux semblent être inspirées par une
aventure
reelle. La première, DG. 102 {Deth. 11) est gracieuse et presque recueillie. Le barde, rôdant
autour de la demeure de Gwen, a une vision rapide de sa belle, assise derrière la fenêtre.
Sa beaute radieuse le frappe vivement; il lui fait un signe et, quelle joie, elle lui
rend
son salut! Ils n\' échangent que trois mots, et le poète pousse deux grands soupirs ; aussitôt

1)nbsp;p. 583 et seq.

2)nbsp;Cf. la version citée à la p. 280, où il s\'agit d\'un rendez-vous nocturne à la belle étoile.

-ocr page 303-

aprèTlTrideau baisse sur eu^TL^tout forme une scène qui, tant que nous sachions, n\'a
pas de pendant dans la Uttérature médiévale. La seconde,
DG. 174 (Deth. 52 ?), est écrit
dans un style tout différent. Quelques jours après Noël, Dafydd sort légèrement grise de la
taverne - trait remarquable ! ~ et passe devant la porte de son amie, où les chandelles
de glace, démesurément grandies, paraît-il, par suite des fumées montées dans sa tete,
l\'impressionnent fortement. Quand il est revenu de son ébahissement et pense enfin
à frapper à la fenêtre, il est déjà trop tard : Eiddig l\'a vu le premier, il se lève et Im donne
la chasse. Le barde réussit, non sans peine, dit-il, et nous le croyons sur parole, à se retirer
dans sa boulaie, et alors il est tout étonné de n\'y voir ni le feuillage épais, m les oiseaux,
ni l\'amie qui était accoutumée à l\'y attendre au printemps ! Ce cywydd peu cite, peut-
être unique dans la littérature comme expression de la façon dont l\'ivrogne voit le monde
extérieur, est une des chansons les mieux réussies de Dafydd et certainement une de ses

poésies les plus caractéristiques.nbsp;, . , , 1 . ^

On ne trouve pas cette même originalité ni cet accent de smcerite dans les gabs de
Madog Benfras et de Gruffydd Llwyd sur des visites rendues à leurs bien-aimees sous
la protection d\'un déguisement. C\'est un motif de conte bien connu. Madog raconte
comment sous l\'habit d\'un marchand de sel il avait trompé la vigilance du Jaloux et
était
entré dans sa maison. Les domestiques s\'étaient moqués de lui, mais la llawforwyn 1 avait
reconnu et introduit auprès de sa maîtresse, qui lui avait su bon
gré de sa venue ). Le
sujet de ce cywydd est donc le même que celui des
Folies de Tristan, dans lesquelles le
héros, déguisé en bouffon, est exposé aux railleries de la cour et reconnu par Brangien.
La chanson de Gruffydd Llwyd (IGE. 52) a pour sujet un thème encore plus répandu.
A l\'en croire, il s\'était glissé dans la chambre
à coucher d\'une jeune veuve ou il se disait
un ange du Paradis envoyé par l\'âme de son mari pour lui ordonner d\'exaucer les vœux
de son amant ! Ce cywydd fait penser
à l\'ancien conte du Pancâkhyânaka sur le tisserand
qui s\'était montré
à une princesse sous la forme du dieu Vichnou et avait gagne ainsi son
amour Le
pseudo-Callisthène avait raconté une histoire pareille sur la naissance d Alexan-
dre, fils d\'Olympe et d\'un roi exilé d\'Egypte, qui s\'était donné pour le dieu Ammon,
et dans une des pièces du
Chansonnier d\'Anvers, un jeune clerc de Louvam, qui craint
les parents de sa mie, leur en fait accroire qu\'il y a un esprit qui tourmente kur fille,
de sorte qu\'ils exhortent eux-mêmes la belle
à ne s\'opposer en rien aux volontés de son
persécuteur On dirait queMadog et Gruffydd se soient faits les héros de contes generale-
ment connus, comme Guillaume de Poitiers l\'avait fait jadis en composant le gab
En
Alvernhe.
Cette impression se dégage encore plus fortement des chansons de Dafydd
ab Gwilym qui ont pour sujet le dénouement fâcheux de ces escapades, amene par :

IX—La rentrée du Jaloux

La plus simple de ces pièces est DG. 106. A peine jouissant de la compagnie de la dame,
le barde est forcé par le mari furieux qui se jette sur eux de chercher son salut dans la

fuite II se cache dans une cage aux oies où cependant la locataire l\'attaque et — quelle

honte» - le terrasse. C\'est encore un trait propre aux fabliaux ; là aussi les amants
effarouchés cherchent un refuge dans toutes sortes d\'asiles ridicules. Le prêtre par exemple

1)nbsp;DGG. p. 126 et seq.

2)nbsp;AL. cxcn. Pour d\'autres versions, V. Bédier, Les Fabliaux, p. 118.

-ocr page 304-

qui fait la cour à la femme d\'Aloul se cache parmi les brebis. Nous avons vu déjà que les
fabliaux de ce type ont été connus au Pays de Galles : la
traethawdl DG 172 est très
voisine de la version française du conte de l\'amant caché sous une baignoire

Une autre mésaventure galante de Dafydd nous est transmise dans quatre versions
différentes, DG. 96, 108 (Deth. 53), 158 et 165 ?, dont les trois premières ont comme
personnages principaux les trois cerbères qui interdisent l\'accès à l\'amant : la porte grin-
çante, le chien de garde et la duègne, ou bien, la serrure, la porte
et le Jaloux lui-même.

Le barde a fait un long voyage, de six ou de huit lieues ; enfin il arrive vers minuit
à l\'habitation du Jaloux. Aussitôt le mâtin sort en grognant de la porcherie et sans autre
avertissement il se jette sur l\'amant, dont il déchire le manteau. Celui-ci déplore cette
première mésaventure dont il prévoit qu\'elle l\'exposera aux moqueries de ses amis ;
pourtant, cachant son dépit, il continue son chemin. Mais quand il ouvre la porte
de chêne, le grincement réveille la duègne, qui ne tarde pas à appeler le maître de la
maison. Dafydd prend précipitamment la fuite poursuivi par le chien, qu\'il envoie à
tous les diables, avec la porte et la Vieille. Dans d\'autres versions
(DG. 158, 165 ?), il
va plus plus loin. Il réussit, non sans s\'être heurté violemment contre le mur de l\'étable,
à se glisser dans la chambre de sa bien-aimée et celle-ci lui fait bon accueil. Mais cette
joie ne dure pas longtemps. A son effroi il voit se dresser devant lui une figure terrifiante.
C\'est la troisième de ses ennemis, la duègne, qui dort dans la même chambre, appuyée
sur son bâton, repoussante, horrible. Elle demande compte à la belle des choses qui se
passent, et alors s\'engage un dialogue des plus curieux, car la dame a la langue bien
pendue et sait répondre à tout ce que la Vieille soupçonneuse lui objecte. La figure près
d\'elle est son ombre. Ce que sa gardienne prend pour un manteau blanc est le clair de
lune. Le cliquetis du glaive sur le bouclier est causé par le loquet de la porte.
D\'autres
bruits suspects sont produits par le chat ou par les souris dans une caisse. Dans DG. 165 ?
Dafydd profite de cette querelle pour s\'esquiver en maugréant contre la duègne trop
vigilante, dans l\'autre version la dame sait détruire les soupçons de la mégère et le
barde
plus entreprenant ne se laisse pas rebuter par si peu. Mais au milieu de la fête le couple
entend Eiddig qui frappe à la porte et exige qu\'on lui ouvre instantanément. Aussi?
sans perdre un moment, Dafydd sort par la porte de derrière, sa chemise dans la main.
En fuyant il décharge sa colère sur le coq qui ne l\'a pas averti à temps et lui promet qu\'il
le livrera au renard dès qu\'il pourra mettre la main sur lui Si l\'alouette avait été là?
elle aurait mieux fait son devoir.

Il y a dans ces chansons quelques traits qui ne sont pas tous également concluants,
mais qui dans l\'ensemble suffisent à rapprocher ce type de gab des fabliaux. Le chien
de garde
par exemple devait être partout redoutable aux galants qui exécutent le projet
hardi de visiter leur mie dans la maison du mari même, et de fait il figure aussi bien
dans les formules d\'exorcisme
de la Rgveda à l\'usage des jeunes filles qui s\'apprêtent
à recevoir tranquillement leurs amants que dans le dialogue du Chansonnier d^Anvers
entre une demoiselle impatiente de profiter de l\'absence de son mari et un seigneur qui

1)nbsp;V. p. 245-

2)nbsp;Rhys Goch Eryri exhorte également Madyn, le renard, à dévorer le paon de son rival Dafyd\'î
Nanmor, qui sert de
llatai à son maître. {IGE., 115).

3)nbsp;V. Zimmetj Altindisches Leben, p. 308—309.

-ocr page 305-

iSitTrcéd^TT^mstances de peur de ses mâtins hargneux i). Mais quand ce chien
eratsocie fune charnière grinçai et on voit le visiteur nocturne, qm b.entot sera
chasTpar le mdtre de la mJson prendre toutes sortes de précautions contre ces rappor-
teuTde sa présence, comme c\'est le cas dans le
Failiau d\'Ahnk cela donne de,a a penser ).
Et quïnïdquot;s un\'autre fabUau, celui du «r
a la CorieilU «n -nconquot;=nbsp;\'

troilme des ennemis, la .eele tahace, qui dort dans la meme quot;e que a da,^^^^
une toise d\'elle, et qui se lève également, prise par des soupçons

de dissiper on est près de croire que c\'est là la source des cywyddau de Dafydd. Ce
ÏrÎrZ téméraire tout de même, car on connaît encore d\'autres poes.es medievale
dont cfm^oLrdes cerbères forme le sujet. Dans une poésie plus stmple par fe-\'-ge du
CkàZnier d\'Anvers encore, c\'est le guetteur qui vient accourtr » ^^^
fait en jetant une corde à son ami en bas. Elle veut Im en faire accrone qu il a entendu
le clTquement des volets et qu\'elle se trouve devant la fenêtre pour regarder 1 aube,
?quot; laisse pas prenne «). . Le motif des prétextes s\'est conserve a l\'état isole

Z 1 poésie populL, sous fonne d\'un dialogue qui s\'exé^te encore dr^anq™

dans Plusieurs provinces de la France. „C\'est la chanson de Manon, ou une femme, sur
tTe pa quot;rLi en compagnie illicite, trouve a^ toutes lesnbsp;^

imnrovisées avec une assmiance et une présence d\'esprit qui confondent le jaloux ).
Po^rdon^Ir une idée nous citerons ici quelques strophes de la version -ueiUie pa
Roïand à Lorient. On verra qu\'à la substitution du Jaloux anbsp;^^^^^

populaire a gardé intact le motif qui au moyen âge avait trouve son chemin au Pays

de Galles :nbsp;. , ■ •

Morbleu ! ventrebleu ! dis-moi donc, toi Manon
A qui était cette canne, morbleu,
Qui était derrière la porte, nom d\'un bleu.

Sainte Vierge ! mon mari, mon bel mari
C\'était la manche à balai, mon Dieu,
Qui était derrière la porte, j\'aime Dieu.

Morbleu! etc.
Qui est-ce qui couche avec toi, morbleu.
Quand je ne suis pas à la maison, nom d\'un bleu.

Sainte Vierge ! etc.
C\'est une fille de mon village, mon Dieu,
Qui a couché à ta place, j\'aime Dieu.

Morbleu! etc.
Si les filles de ton village, morbleu
Portent la barbe au visage, nom d\'un bleu.

Sainte Vierge! etc.
Eir a été cueillir des mûres, mon Dieu,
EU\' s\'est barbouillé la figure, j\'aime Dieu.

Morbleu ! etc.
Entre mars et février, morbleu,
Y a-t-il des mûres au mûrier, nom d\'un bleu.

Sainte Vierge ! etc.
Dans le jardin de mon père, mon Dieu,
On les conserve tout l\'hiver, j\'aime D.ieu, etc,

(E. Rolland, op. laud., t. il, p. 208-209) «).

^TTTTTc 2) Fabl, t. I, p. 262. 3) Ihid., t. II, p. 189-190. 4) CXL. 5) Gaston
Park 0% p.
efcf. Ibù!^. n, p. 209-2x9 ; J- Tiersot,nbsp;cf. C..«..« populaire en

France, p. 54 et seqr, Tavhé, Romancero de Champagne, t. 11, p. 98 er s.q.nbsp;^^

-ocr page 306-

Enfin, dernier rapprochement, dans les fabliaux comme dans les cywyddau gallois
le comique semble consister pour une grande partie en le dénouement ridicule, la fuite
précipitée du Don Juan, surpris dans une toilette moins que sommaire ou dans un
accoutrement impossible, et poursuivi par le chien. Le triste héros du fabliau du
Prestre
Teint se sauve après être tombé dans une cuve de teinture i) ; les trois amants de la
femme vertueuse de Constant du Hamel se sauvent tout nus et couverts de plumes,

avec tous les chiens du village à leurs talons

Nous croyons que ces rapprochements suffisent pour montrer que le cywydd gallois
sur la rentrée du Jaloux a ses sources dans la poésie facétieuse et bourgeoise du Nord
de la France. Pourtant il y a encore une seule difficulté : c\'est la différence du style.
Quand Dafydd imite le
Fabliau du Cuvier ou une forme voisine de ce conte, il le raconte
dans un style impersonnel ; l\'aurait-il donc abandonné ici à dessein ? Ce n\'est pas que
cette supposition se heurte à des difficultés insurmontables ; seulement, une autrepossibihte
est encore imaginable qui la rendrait superflue. Il se pourrait qu\'en France déjà on eût
remanié ces fabliaux très goûtés pour en faire des gabs, et en effet ce procédé est démon-
trable pour une seule chanson du XVe siècle que nous citerons ici en entier puisque
celle-ci au moins correspond exactement aux cywyddau en question, non seulement
pour le fond, mais aussi pour la forme :

Je fuz l\'aultrier o la belle sourprins
Du faulx jalloux dont point ne me guectoye.
Hellas ! pourquoy ne prenoys je la voye
De m\'en aller a travers ces jardrins ?

Le faulx jalloux avoit des gens commys
Pour espier s\'en sa maison iroye :
Certes j\'y vins tout ainsy que souloye ;
Incontinant je fuz saysy et pris.

Il apella trestouz ses bons amys
Tant qu\'ilz ont faict une grande assemblée ;
Ils ont sur moi faict une grant huée
Comment on faict au loup quand il est pris.

Croyez de vray que je n\'eusse pas prins
Cent escutz d\'or ne au Itant de monnoye
Pour desployer une bource de soye 1
La mercy Dieu, j\'eschappay et m\'en vins.
(Gasté,
Chansons normandes du XVe siècle, p. 125 ; Gaston Paris,

Chansons du XVe siècle, LViii).

X — L\'Aube

Dans les cywyddau de la catégorie précédente nous avons rencontré déjà les oiseaux,
ie coq et l\'alouette, qui, dans l\'idée de Dafydd, avaient la fonction spéciale de veiller
sur les amoureux et de les avertir quand le jour s\'annonce et le danger d\'être surpris
devient imminent. Ici nous parlerons de deux chansons où ces oiseaux, avec d\'autres
avertisseurs favorables aux amants, s\'acquittent en effet de ce devoir. C\'était d\'ailleurs
déjà le cas dans la poésie irlandaise citée à la page
286.

Ce sont encore des pièces d\'une allure narrative, dans laquelle le dialogue cependant
tient une place importante, et dont le dénouement d\'une réunion nocturne dans la maison
de la femme en l\'absence d\'Eiddig fait
le sujet. A un moment donné l\'un des amants
s\'aperçoit à certains signes que le jour commence à poindre et il fait part de ses appréhen-
sions à
l\'autre, qui pourtant refuse de croire à l\'évidence et tâche de se suggérer quil
s\'agit d\'autres choses qui n\'ont rien
d\'inquiétant. Ce qui est fort curieux, c\'est que ces
deux chansons se font pendant. Dans le cywydd
DG. 59 c\'est la femme qui s\'mquiete

I) Fahl., t. VI, p. 21. 2) Ibid., t. IV, p. 195.nbsp;^

3) Très souvent les pièces flamandes commencent comme un gab et continuent dans le style narratu.

-ocr page 307-

l\'aube

la première en voyant le jour et en entendant un corbeau qui s\'éveille, et c est le barde
qui essaye de la convaincre que la lumière qu\'elle voit est celle de la lune et des etoiles,
et que l\'oiseau se démène tellement à cause de la vermine qui l\'empeche de dormir

et le tue presque :

291

......fal dacw ddydd ! !

— Lleuad a roes Duw Llywydd
A ser yn ei chylch y sydd.

Paham y can y fran fry ?
— Pryfed y sydd yn profi
Lluddiaw ei hun a\'i lladd hi.

(DG. 59, 16, 25—26, 31—34)

Dans DG 97 les rôles sont changés. Cette fois, quand ils sont au comble de la joie,
Dafydd est pris de crainte, et sa Gwen tâche en vain de le calmer en lui rappelant qu\'avant
le jour ils entendront le chant du coucou et le coquerico clair
que lancera le coq vigilant :

Clywir cyn dydd cethlydd cog,
Croywgan y gwiwlan geiliog

Peu rassuré, il croit voir le jour à travers la porte entre-bâillée, mais elle prétend cette
fois que ce sont les rayons de la nouvelle
(sic) lune et des étoiles dardés a travers les piliers

de la maison :

Gwelaf ddydd drwy gîl y ddor !

»nbsp;Lleuad newydd sydd, a ser,

A\'u pelydr drwy bob piler.

(DG. 97gt; 26—28).

Les deux pièces se terminent par le départ précipité de l\'amant, naturellement de

nouveau dans une toilette des plus sommaires.nbsp;j ,, 77

Comme d\'habitude on a regardé ces deux cywyddau comme des imitations de 1 a/amp;a
courtoise Pourtant il y a des différences notables entre ces types de poesies. D abord le
veilleur
(gayta\\ que nous avons rencontré déjà dans le Cantique des Cantiques, et qm
joue un rôle important dans
Valha provençale, dans la chanson française Gaite de la tor,
dans la plupart des pièces allemandes et même dans toutes les ballades flamandes de ce
type, quoique celles-ci aient un caractère beaucoup moins aristocratique, est absent
dans l\'aube galloise, bien que
legwylgwr, le sixième en rang des officiers de la cour dans
la Loi de Hywel Dda, soit une figure bien connue au Pays de Galles % Il est vrai que les
signes qui lui apprennent dans les spécimens continentaux que le jour est proche sont
les mêmes que ceux qui alarment les amants gallois : ce sont l\'aurore ou letoile du
matin et le chant matutinal des oiseaux :

1)nbsp;Dans DG. 107 ? le barde remercie le corbeau de l\'avoir averti à temps de quitter sa mie :Cenaist
ymyCyn y dydd rhag ewyn o dy Ag erchi, drwy nawgorchestFfo oddiwrthf\'eurddyn ynffest(vs. 17-20)
Dans DG 165 ? la dame, interrogée sévèrement par la Vieille au sujet des bruits suspects, tâche de
donner une autre direction à sa curiosité en dirigeant son intérêt sur le vacarme d
\'un jeune chien importune
lui-aussi par la vermine dans ses oreilles : Os y cenau ni\'s cwynwn, Glew ei sud, mi glywais hwn,Mawr
ei anfEawd yn ymfïust A\'r pry\' yn glynu \'n ei glust (vs. 23—26).

Cette substitution du corbeau qui s\'épuce au chant matutinal des oiseaux est fort caractéristique

Pour le réalisme des poètes gallois !

2)nbsp;MA^., p. 972.

(DG. 975 19—20).

-ocr page 308-

Drutz, al leuar !
Qu\'ieu vey l\'alba e\'I jorn clar

(Appel, Prov. Chrestomathie, 54, 78).

Sus ! qu\'ieu vey lo iorn venir
Apres l\'alba.

(Bertran d\'Alamanon, Ibid., 55, refrain).

En orien vei l\'estela creguda

Qu\'amena \'1 iorn, qu\'ieu l\'ai ben coneguda

Et ades sera l\'alba.

(Guiraut de Bornelh, Ibid., 56, 8—10).
Non dormatz plus, qu\'eu aug chantar l\'auzel
Que vai queren lo iorn per lo boscatge

ild., Ibid., 56, 12—13).

Déjà Ovide d\'ailleurs s\'est plaint de l\'arrivée intempestive de la blonde Aurore qui
l\'arrachait aux tendres bras de son amie, et une autre fois le
ianitor sourd à ses prières
lui refuse l\'entrée jusqu\'à ce que Lucifer pardt et le coq fait entendre son chant i). Mais
dans la poésie courtoise ces constatations fâcheuses ne reçoivent pas de démenti ;
tout
au plus les amants maudissent l\'aube qui vient trop tôt :

Or ne hais rien tan com le jour.
Amis, ke me depart de vous.

(Bartsch, Chrest. de Vanc. jr., p. 282).

Quant à la forme, le type de l\'aube narrative de Dafydd est à peine représenté dans
la poésie courtoise, qui est toujours d\'un style bien plus lyrique. On y rencontre des mono-
logues de l\'amant et de l\'amante, des dialogues des veilleurs avec l\'amant ou avec l
\'amante,
et des dialogues des amants racontés objectivement. Seulement la pièce très courte
Quan lo rossinhols escria, le gab Ab la gensor et la chanson française Entre moi et mon amh
rapport de l\'événement fait par la femme, rappellent plus ou moins les pièces galloises )•
Se basant sur des pièces populaires italiennes et portugaises, M. Jeanroy
a conclu que
l\'aube primitive a été „le monologue d\'une femme congédiant son amant au point du
jourquot; Cependant Gaston Paris, tout en adhérant à cette opinion, lui
a opposé que „de

très bonne heure, ces plaintes de la femme...... ont fait...... partie d\'un dialoguequot;, et

que l\'interprétation conforme à ses vœux par un des amants des avertissements que
leur donne la nature est un trait fort ancien qui était déjà propre à l\'aube pré-courtoise
Et en effet les refrains nous font connaître encore ce thème archaïque du démenti que
les poésies courtoises conservées ignorent :

Il n\'est mie jors, savoreuse plaisant ;

Si me consent Dex, l\'aloete nos ment ®),

tandis que la poésie populaire moderne en offre précisément la forme qu\'il a prise aussi
dans la poésie galloise. On peut citer comme exemple, à côté des vers célèbres et toujours
cités de Roméo et Juliet, imités à ce qu\'il paraît d\'une ballade française perdue s), U
réponse d\'un amant trop assuré à son amie inquiète dans une vieille chanson bas-
allemande :

Amores, I, XIII; I, VI. Cf. Heroïdes, XVIII, 111-X12. 2) V. Origine:, p. 64, note 3. Pquot;
77, note I.
3) Ihid., p. 144. 4) Orig., p. 36. 5) Citénbsp;p. 68. 6)On^.,p.37-

-ocr page 309-

-nbsp;- o nein, mein Lieb, dich hat deiiT^ betrogen :

Nicht ist es Tag, es kommt der Mond gezogen

On peut encore la rapprocher du dialogue remarquable entre une fille impudique et
qui œmprend mal ses intentions, dans une piece flamande.

Die vogelen v?ecken mij.quot;
„Ten is soe na den daghe niet.
Het is die manescijn.quot;

Tsnachts, omtrent die middernacht,
Ontspranc dat maechdeken:
„Staet op, O ridder boude,
Vaert jagen in den woude.

(Willems, Oudalaemsche Liederen, lxt, s-6).

Même M. JeaBroy ne fait pas de dfficulté à

par Athénée que le thème en question „n\'appartient pas en propre aus utte

, et\\ne la —n Pent être de
meilleur argument pour ce pomt de vue est la precienbsp;r acharme et que nous

=T:renbsp;-.

pièce qui montre le plus d\'affinité avec les chansons de Dafydd.

Regni Tsi regina maritum suum ad surgendumnbsp;;

X „ Cantavit gallus : ^am fréquentes in regxas «^^js convenere- ^^

. -nr^^rr. ^^^^^^^^^^^ —

„Fallor, non aurorae, sed lumen est orientis lunae , eîc.

mrnmmm

Anglais :

„Tâ \'na lâ, ta \'na là, ta \'na lâ agus \'na mhaidin !quot;

NU \'na lé, a chara mo ghrâdha, acht solus ârd -ta \'sa ghea atgh
„XN.U lia ,nbsp;{Ancient Irish Music, p. 57—5»;-

„volei le iou,. 1= iou. le iovr et le maün lquot; „Ce n\'es, pas le chet ..ni, c\'e« le clai. de lune

d\'en haut !\'

Mais on possède encore «n te.te très difficUe et inœhérent d\'une époque bxen plus
\'VESTpar Banseh,nbsp;Vonrâse, P- ^95- O\'««quot;- P-nbsp;3) ■ P-

t Défà\' M/llar, a donné à entendre ,ue la ttadncüon/,«» est suspecte, P«is,ue c\'est manl-
festement un dialogue. 6) Orig., p. 36, n. 8.

-ocr page 310-

reculée, où au milieu d\'obscurités et d\'aphorismes nous croyons reconnaître des vers
qui ne peuvent se rapporter qu\'à la séparation des amants à la pointe du jour. C\'est la
poésie que l\'ancien Gwalchmai a composée pour sa femme Efa i).

La pièce commence par un „Natureingangquot; : aux calandes d\'octobre les matinées sont
belles et les eaux coulent tranquillement (?) dans leur lit. Immédiatement après le poète
se vante qu\'il n\'ignore ni le vrai amour ni les chagrins dont l\'aube est la cause :

Cyfarwar ac wyf ar gywir garu
Ac afar gynwyre

(vs. 3—4).

Par les quatre vers suivants le poète semble vouloir dire que c\'est un terme que Dieu
a fixé à ses déduits. Alors apparaît le second advertisseur, l\'oiseau, à qui il est donné de
voir le premier le jour :

Gnaws edyn adnabod borenbsp;(vs. 9)

Trois dictons commençant également par gnaws ou gnawd et sans rapport avec les vers
précédents viennent ensuite (vs. 10—12) ; le quatrième, qui semble une parodie du pro-
verbe
Gnawd rygas gwedy ryserch ®) convient mieux à la situation. Puis Gwalchmai
revient de nouveau aux ennuis de l\'aurore et nous apprend qu\'il est accoutumé à
soupirer et à gémir pendant le matin :

Sylwed gwyth gwrth y dwyre.

Gnawd erof hiraeth, edgyllaeth echen,
Ac uchenaid fore.

(vs. 14—16).

La fin du poème est de nouveau extrêmement décousu. Il y a là une allusion obscure
au cheval traditionnel (vs. 17—18) et après une observation désobligeante sur la femme
en général (vs. 19—20) il rappelle à son
addas, qui ne peut être autre que son épouse,
que si le déluge est passé, le jour du jugement viendra encore. Aussi est-elle
engagée
à prendre soin qu\'alors elle ne soit pas brûlée sur les pierres ardentes, car ce serait une
perte lamentable ! (vs. 21—25).

Voilà ce que nous avons compris de cette pièce curieuse, qui représente une forme
archaïque et en même temps très personnelle du genre autochtone qui deux siècles après
tentera Dafydd ab Gwilym.

XI — Dénouements dramatiques

Les éditeurs de l\'édition princeps des œuvres de Dafydd avaient publié en tête des chan-
sons un récit captivant de la vie mouvementée de ce barde, dont le rapt de Morfudd, les
poursuites auxquelles il s\'exposa et le secours généreux que lui portèrent alors les gens
deMorganwg forment les incidents les plus romanesques. On sait maintenant que comme
les biographies des troubadours, ce beau roman est tiré des allusions interprétées
avec
beaucoup d\'imagination qui se trouvent disséminées dans les chansons du poète et même

1)nbsp;Gog., p. 37.

2)nbsp;Dans son Gorhoffedd Gwalchmai proteste de sa sympathie pour le rossignol, quoique celui\'Ci
l\'empêche de dormir: Carafi eos fai forehun lud
(Gog., p. 31). 3) MA^., p. 128, 845.

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dans des pièces forgées expressément par les éditeurs. Cette biographie donc n\'a pas la
moindre autorité et l\'historicité de toutes les aventures dont Dafydd prétend dans ses
chansons avoir été le héros n\'est pas non plus au-dessus du doute. Nous avons appris
à les considérer comme des motifs littéraires dont il est parfois possible de rechercher
les sources, et ceci n\'est pas en dernier lieu le cas des incidents romantiques que nous

allons discuter ici.nbsp;. r. • tn r jj 1

Voici brièvement les allusions à cette aventure fameuse. Par trois fois Dafydd parle

de son intention d\'enlever la belle de force ; la troisième fois il assure même que quarante
hommes, engagés pour cette entreprise, se tiennent prêts (DG. 193 Pourtant ilhesite,
car la peur de la colère des parents puissants le retient. Dans le cywydd DG. 81 cepen-
dant il exulte d\'avoir exécuté ses projets hardis, mais il a déjà de noirs pressentiments
sur le sort qui l\'attend quand les parents se seront aperçus de l\'événement. Bientôt
ces appréhensions se trouveront n\'être que trop fondées. Dans une chanson d adieux
(DG.
91) il jure à la dame qu\'il n\'a jamais eu l\'idée de lui faire violence. Le ton d\'une autre
pièce (DG 88) est encore plus abject : il paraît qu\'on le poursuit, et très peu chevaleresque,
il va jusqu\'à lui en faire un reproche d\'avoir fait ses volontés. Dans le cywydd
DG. 92
enfin il tâche de se consoler de la punition sévère que le mari outragé Im a fait infliger.
Il est clair que ces pièces forment une unité, bien qu\'une unité assez artificielle.

Qu\'est-ce qu\'il y a de réel dans tout ce cycle de l\'enlèvement ? A présent il est impos-
sible de le déterminer et probablement on ne le saura jamais, mais une chose est certaine,
et c\'est que ce roman poétique est éminemment celtique. Les histoires d\'enlevements
étaient parmi les plus goûtées dans les pays celtiques : l\'Irlande avait ses
Aitheda le
Pays de Galles ses contes sur Gronw Pebyr et Blodeuwedd, sur Melwas et Gwenhwytar,
sur Trystan et Essyllt, et l\'on comprend que les bardes aient été dans leurs reves les

héros d\'aventures analogues^).

Dans la littérature française du moyen âge au contraire ce thème est a peine connu
si l\'on fait abstraction de quelques histoires d\'enlèvements de belles Sarrasmes dans les
chansons de geste, exploits louables après tout, puisque ces aventures aboutissent sans
exception à une conversion et un mariage. Aussi est-il d\'autant plus remarquable que
Dafydd, qui dans ses chansons s\'accorde au type de l\'enlèvement criminel et tragique
des traditions nationales, semble avoir imité en un détail une des formes françaises du
genre. Nous parlons du récit du rapt de Morfudd dans DG.
81 :

Gwedi cael, neud gwawd a\'i ewyn,
Gwin a medd, gwen em addwyn,
Meddwon fuon\' fy meiddwyr
iVlau boen gwych ! meibion a gwyr.
Cysgu, wedi symlu son,
A wnaethont, bobl annoethion.

Twrf eirth-grwydr, fal torf wrth groch,
Talm mawr, megis teulu moch.

Ar hyn meddyliais ei cheisiaw
O\'r gwâl drwg i\'r gwiail draw.

(vs. 15—20, 35—36).

„Après avoir cherché du vin et de l\'hydromel - ah ! elle est le sujet de mes plaintes, la belle perle
aimable - ils s\'enivrèrent, mes braves, adolescents et adultes. Quelle peine déHcieuse c etair pout

1)nbsp;A-t-on observé déjà que Bledri ab Cedifor a eu une double raison pour s\'intéresser a 1 histoire de
Trystan gt; En sa jeunesse il avait été témoin de l\'enlèvement retentissant de la belle Nest, 1 „Helene gal-
loisequot;, par Owain ab Cadwgan, qui avait bouleversé tout
le Sud-Galles, et en 1130 sa propre fille fut
enlevée par un certain Bleddyn ab JWabudrydd et ses frères (Lloyd,
A History of Wales, t. Il, p. 428).

2)nbsp;bG. — Peniarth 49 : fau eiddwyr. Ce mot serait synonyme d\'eiddtgton „envieux .

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moi ! Alors, après avoir fait beaucoup de bruit, les sots s\'endormirent et ce furent longtemps

des grognements comme d\'une troupe d\'ours errants ou de la gent porcine...... A ce moment je

m\'avisai de la mener de son grabat à la forêt là-bas.quot;

Il ne nous semble pas impossible qu\'ici Dafydd se soit souvenu du passage de la version
galloise du
Roman de Beuve de Hamtone où le rusé Bonffei conseille au héros d\'enivrer
les Sarrasins et de profiter de l\'occasion pour enlever lossian :

„Mi a vpassanaethaf arnaw ae getymdeithon or gwin hwnnw yn ehelaeth didlawt. Ac yno y gwely
di efo ae getymdeithon yn dygwydaw yr Ilawr o veddawt. ac yn kyscu vegys moch pagan.quot;
{Selections, t. I, p. 144—145).

„Je verserai ce vin à lui et à ses compagnons abondamment, libéralement. Et alors tu le verras
avec ses compagnons tomber par terre, gagnés par l\'ivresse, et dormir comme des porcs païens.quot;\'

Il y a un autre trait digne d\'intérêt dans les supplications du barde menacé par la
justice à son amante vindicative pour qu\'elle lui épargne une mort infamante :

o buost, riain fainir,
Fodlon imi dan fedwlwyn ir.

Na phair, ddyn deg waneg wedd,
Grogi dillyn y gwragedd

{DG. 88, 27—30).

„0 fille svelte à 1\' air délicat, puisque tu t\'es donnée de plein gré à moi dans la boulaie fraîche, ne
fais pas pendre le chéri des dames, belle dont le teint est comparable à l\'écume des vagues !quot;

En lisant ces vers nous avons pensé un moment aux nombreuses ballades flamandes
qui ont pour sujet l\'exécution du Don Juan i). Parfois en effet celui-ci proteste dans les
mêmes termes contre un supplice qui lui semble immérité puisque le crime dont il est
coupable est une séduction et non pas un viol :

Staet in Overlant so hoogen boom,
Sal ick daer laten mijn leven ?

lek heb het niet tegen haer wil gedaen,
Sy heeft my vry consent gegeven,

(Willems, op. laud., lxxxiv, 8).
,Y a-t-il un arbre si grand à Overlant ? Faut-il que
j\'y laisse la vie ?Mais je ne l\'ai pas fait contre
son gré, c\'était au contraire avec son plein consentement !quot;

Et pourtant il n\'est pas nécessaire de conclure que le barde gallois ait entendu
chanter ces ballades étrangères, quoique ce ne soit pas impossible. Nous croyons plutôt
que c\'était encore un des thèmes qui appartenaient en propre à la poésie populaire de
son pays, puisque celle de la Bretagne et de l\'Irlande nous en fournit des exemples.
On le recontre dans plusieurs
Gwerziou tandis dans le Son d\'Yvonaic% lann Raizon
enlève la belle au moyen d\'un philtre, et n\'échappe que grâce à son intervention au sort
que le père lui prépare. M. Douglas Hyde a publié dans son beau recueil les débris d\'une
ballade analogue dont un scélérat bossu
{cleathire cam) est le triste héros. Il paraît qu\'une
jeune fille, émue par les plaintes de sa sœur que ce malfaiteur menace de ravir, consent
à mettre ses vêtements (autre motif répandu !) et est enlevée par conséquent. Probable-
ment cette perspective lui avait inspiré moins de répugnance qu\'à sa sœur. Aussi quand
la justice vengeresse s\'empare du coupable, celui-ci prononce au pied du gibet la plaidoirie
traditionnelle :

1)nbsp;AL. XV, CLIV; Willems, op. laud., Lxxxii, Lxxxm, lxxxiv, lxxxV^ lxxxvi, lxxxix,

2)nbsp;Sôniou, t, I, p. 236.

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Cad do bh\' âil daoibh mo chrochadh fâ \'n Bhfâistin Fionn.
A\'s gur ar mo neamh-thoil tugadh mé ann.
Ni éigin d\'à n-aimh-dheôin do rînne mé ann,
Acht le lân-thoil a h-athar \'s a mâthar.

(Conn., p. 66).

„Quelle satisfaction pourriez-vous avoir de me pendre à cause de l\'Enfant Blanche, puisque
je me suis embarqué dans cette aventure à mon corps défendant ? Je n\'ai pas use alors de vio-
lence contre leur gré, mais c\'était avec le plein consentement de son père et de sa mere !

Il est aussi possible que Dafydd ait eu présent à l\'esprit la fin lamentable de Guillaume
de Breos, l\'amant de la princesse Jeanne. Peut-être cet événement sensationnel dont la
légende s\'est emparée i) a donné naissance des à
chansons d\'actualité qui se chantaient
encore un siècle plus tard.

Nous croyons avoir mis en évidence dans les pages précédentes qu\'il y a certainement
dans l\'œuvre de Dafydd ab Gwilym des traces d\'influences étrangères, mais que ce ne
sont pas les courants littéraires étudiées le plus jusqu\'ici qui ont influé sur sa poesie.
S\'il y a quelque chose dans ses chansons dont l\'esprit est absolument oppose a celm de la
poésie courtoise, c\'est bien la partie narrative. Pourtant ces éléments courtois que nous
n\'avons toujours pas rencontrés n\'y font pas complètement défaut et c\'est dans le chapitre
suivant, le dernier de nos recherches, qu\'ils seront enfin exposes.

I) V. p. 150.

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CHAPITRE VI
Les Sentiments

Dans un de ses poèmes de vieillesse i) Dafydd ab Gwilym jette un dernier regard
mélancolique sur la poésie frivole à laquelle il vient de renoncer, La jeunesse est passée,
l\'inspiration de sa dame est éteinte, la passion ne s\'allume plus dans son cœur. Désormais
plus d\'imprécations contre le perturbateur de ses amours, plus de propos plaisants sur
ses aventures et sur les sentiments qu\'il a éprouvés i).

Dafydd lui-même considère donc les analyses de la passion {son am angerdd) comme un
genre poétique, aussi bien que les descriptions de la beauté de ses amies
{awen am wenferch)
et les conflits avec le Jaloux {son am darfzor serch). Ces analyses avaient été presque le
seul sujet de la poésie des troubadours ; aussi est-ce bien dans cette partie de son
œuvre
que nous pourrons nous attendre à constater enfin cette prétendue influence de l\'art
courtois.

I — L\'Attitude de l\'Amant

Un des problèmes les plus difliciles à résoudre qui se rattachent à la poésie de Dafydd
ab Gwilym (et de tous les poètes érotiques !) est celui de la sincérité des sentiments qu\'il
professe. Il faut se garder de la crédulité de William Owen, qui utilisait sans la moindre
critique toutes les chansons comme matériaux biographiques, aussi bien que du scepti-
cisme exagéré de l\'auteur d\'un article du
Cambrian Register et de Cowell, qui ont fait
de notre
clerwr un „respectable gentlemanquot; chantant des sentiments immoraux qu\'il
n\'avait jamais éprouvés, soit pour plaire à la foule, soit pour imiter les troubadours
La vérité est entre ces deux points de vue extrêmes, chez les bardes comme chez les
troubadours, dont Cercamon avait dit qu\'ils chantaient
entre ver e mentir Sans doute
les aventures dont Dafydd dit avoir été le héros sont souvent des thèmes connus de la
poésie facétieuse, et les portraits d\'une Morfudd et d\'une Dyddgu manquent d\'unité,
mais cela ne prouve pas encore que Dafydd n\'ait pu mêler ses expériences à beaucoup

1)nbsp;DG. 227, 19—24 {Deth. 64, 19—24).

2)nbsp;...he was a man of an irreproachable conduct, modest manners, and a studious disposition.
His looser poems were sacrifices made on the altar of the deified taste of the time, in order to soothe the
prejudices and gain the applause of the vulgar. They were descriptions of passions which he never felt,
and of beautiful dulcineas whom he never saw
{Cambrian Register, vol. in, p, no).

Cf. cependant M. Lewis Jones : His love-songs, to any unsophistical reader, bear every mark of
beeing the records of very real, and often enough very lively, episodes in the career of an exceedingly
impressionnable and reckless gallant
{Trans. 1907—08, p. 125).

3)nbsp;éd. Jeanroy, V. 19.

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de fiction. Et en tout cas le nom de geuwawd donné par lui-même à sa poésie, argument
invoqué par Stern i), ne tranche pas la question :

Nid liai urddas, heb ras rydd
Na gwawd, geuwawd o gywydd

(DG. 121, 5—6).

„Le geuwawd dans le mètre du cywydd n\'est pas nécessairement moins élevé que le gwawd qui
manque de grâce.quot;

Le terme n\'est pas nouveau. Déjà Phylip Brydydd avait traité ses ennemis, les cîerwyr,
de geuveirdd % et avant lui Taliesin avait dit de ses concurrents que les louanges qu\'ils
chantaient d\'Uryen n\'étaient que du
geugant :

Beird ®) yn geugant
Itti yt wedant

{Livre de Taliesin, 58 : 20—21,.

Il paraît donc que geuwawd et geugant n\'ont pas le sens de fiction, mais qu\'ils sont
synonymes de
celwydd et d\'ofergerdd et qu\'ils désignent les genres de la der, la poesie
profane et vaine, par opposition aux genres essentiels et élevés des poètes de cour. C\'est
ainsi que Llywelyn Goch ab Meurig Hen dans son Ode à Dieu confesse qu\'il s\'est rendu
coupable de la composition de
geuwawd amoureux :

Gwnaethum ar draethawd geuwawd
Lleucu yn eilfar lliw caen elfydd

(Gog., p. 233).

„Moi j\'ai composé du geuwawd pour décrire la beauté de Lleucu, la cause de mes souffrances, dont
le teint égale les flocons de neige.quot;

Et Dafydd lui-même reçoit du frère mendiant le conseil de mettre sa voix d\'or au
service de l\'inspiration divine et de ne plus chanter de gau :

Dod ar awen d\'aur enau,
Nawdd Duw, ac na ddywed au.

(DG. 64, II—12 Deth. 56j 9lo)-

Assurément tout n\'est pas fiction dans le roman de Morfudd et la tentative de
M. Machreth Rees de l\'expliquer comme une allégorie peut rester ici mdiscutee ).
Dafydd ab Gwilym n\'était pas du tout un „respectable gentlemenquot; et nous le croyons
incapable de se contenter de l\'amour de tête qui suffisait aux troubadours. C\'était une
nature enjouée, étourdie, sensuelle et versatile qui a aimé beaucoup et ardemment, sinon
très profondément. Peut-être M. Vendryès allait un peu plus loin qu\'il ne fallait quand
il assurait que Dafydd est absolument vide de pensée sérieuse et que pour cette raison
il ne peut être appelé un grand poète % L\'idée de la mort par exemple, qm parait avoir ete
une véritable obsession pendant les derniers siècles du moyen âge, et qm a prodmt en France

I) ZfcP., vol. VII, p. 122.

% Sendati?J proposée par M. Gwenogfryn Evans, Poems of Taliesin, 106 : 20 ~ MS : byt.
4) Trans. 1905—06, p. 49 et seq.nbsp;, ,, . .nbsp;vt tt

s)nbsp;RC vol XXXVIII, p. 238. DepuisM. Vendryès semble avoir changed avis; dans iîC., vol. XLll,

p. 207 il l\'appelle du moins „le plus grand poète de l\'Europe au XlVe siècle.quot; Ce n\'est pas faire un mediocre
compliment à un contemporain de Pétrarque !

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des chefs-d\'œuvre comme les danses macabres et les ballades de Villon, n\'a pas manqué
de l\'impressionner. Gruffydd Gryg rentre en soi-même à la vue d\'un crâne, Dafydd ab
Gwilym écoute en frissonnant un sermon sur l\'instabilité des choses de ce monde que
lui fait un revenant, et notamment dans la pièce du dernier on sent le poète saisi des
horreurs de la putréfaction i). Mais bien moins austère qu\'un Sion Cent 2), Dafydd ne
tire de ce
memento mori que des conclusions frivoles. Puisque la jeunesse et la beauté
ne durent pas éternellement, il faut en profiter autant que possible :

Edrych yn y drych dy dro,
A\'th wyneb yn cethino ;
Ni\'th eilw cerdd, na thelyn,
Ni\'th gâr ar y ddaear ddyn :
Câr fy ddyn rhyfedd heddiw,
Tra fych i\'th lewych a\'th liw

(DG. 222, 19—30 ?).

„Quand tes longs cheveux dorés seront devenus aussi blancs que la batiste, quand tes joues auront
perdu leur éclat d\'or, et ta nuque et tes joues seront ridées, alors, ma mie, tu seras une vieill e
cloîtrée dans ta maison, et moi, hélas, je serai un vieillard décrépit ! Regarde donc dans ton
miroir comme ta beauté passe et ton visage noircit ! Ni le chant ni la harpe ne te célébreront
plus et il n\'y aura personne au monde à qui tu inspireras de l\'amour. Aussi, beauté merveilleuse,
aime maintenant tant que conservant ton teint éblouissant, tu seras dans toute ta splendeurquot;.

Ces accents rappellent les vers bien connus de Ronsard et plus encore les conseils de
la Vieille Heaulmière ou cette autre effusion de Villon :

Pan êl y gwallt hirfelyn
A\'i frig fal y caprig gwyn,
A gorlliw\'r aur o\'r deurudd,
Ac yn grych mwnwgl ac grudd,
Gwrach a fyddy i\'th dy tau,
Och f anwyl ! a chlairch finnau !

Vng temps viendra qui fera dessechier.
Jaunir, flestrir vostre espanye fleur ;
Je m\'en risse, se tant peusse maschier.

Lors,; mais nennil, ce seroit donc foleur :
Viel je seray; vous, laide, sans couleur.

(Test., éd. cit., vs. 958—962) ®).

C\'est là une idée d\'inspiration évidemment païenne et nous sommes fortement tentés
de voir la source de cette pensée mille fois répétée et toujours également jeune dans
le passage bien connu du maître païen de l\'amour :

Dum licet, et veros etiam nunc editis annos,

Ludite, eunt anni more fluentis aquae......

......Tempus erit, quo tu, quae nunc excludis amantem,

Frigida deserta nocte iacebis anus.

Nec tua frangetur nocturna ianua rixa,
Sparsa nec invenies limina mane rosa.

Quam cito, me miserum ! laxantur corpora rugis.
Et périt, in nitido, qui fuit ore, color.

(Ars, III, 61 et seq.) 3).

Tout à fait païenne aussi est l\'habitude commune à presque tous ces poètes de demander
sans cesse à Dieu ou aux saints l\'accomplissement de leurs désirs les plus sensuels, et il
faut n\'avoir aucune notion de l\'esprit de la poésie médiévale pour considérer la mission
bizarre confiée par Dafydd à sainte Dwyn comme un symptôme qui annonce la Réforme.
Dans leur familiarité avec le céleste et le sacré ces poètes confondent sans cesse la religion,
la mythologie païenne et l\'amour. Nous avons vu déjà qu\'ils comparent leurs dames aux

I) DG. 238. 2) IGE., 89, 91, 93gt; 96, 99» 102, 105.

3) Cf. Jakes d\'Amiens, L\'Art d\'Amours, vs. 1806—1830; Clef d\'Amours, vs. 2121—2160 ; Rose,
vs.
13475 et seq. (t. IV, p. 22).

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^^i^seTo^rq^îirafcment qu\'elles ont la beauté des saintes i) ; inversement un lolo
Goch appelle sainte Anne
heichioges y dduwies dda {IGE, 35, 34), ,4a génératrice delà
bonne déessequot;. Ils ne s\'arrêtent pas là. Plusieurs n\'hésitent pas à professer que pour eux
la félicité céleste ne vaut pas les joies d\'amour :

Voluptatis avidus magis quam salutisnbsp;(Archipoète, éd. Manitius, III, 5)-

...tan non dezir paradis
Mas qu\'ab son gent bratz blanc m\'acuella. (Guilhem d\'Albi,
Rayn, t. V, p. 200).

Os nef a geisiwn ofyn,nbsp;■yc—26

Fy nef oedd weled fy nynnbsp;(DG. m, 25 26.).

„Si j\'osais demander le ciel, le ciel serait pour moi voir (ainsi) ma mie.

^ ^ ,,nbsp;(DG. 177. 18).

Y fynnai fi, fy nef oedd

„Si elle voulait de moi, ce serait goûter les joies célestes.

B\'fhearr liom-sa bheith ar leabaidh léi \'gâ sior-phôgadh

\'Nnâ mo shuidhe i Bhflaitheas i gcâthaoir na Trionôide.nbsp;(Oo««., p. 00;.

„J\'aimerais mieux être avec elle sur une couche pour l\'embrasser sans fin que d\'être assis dans
le royaume céleste sur le trône de la Tnnite.quot;

Mais sans doute il y a dans ces aveux plus de naïveté que de scepticisme. Il y a seule-
ment révolte consciente chez Dafydd quand il soutient contre ^^
les seules choses qui donnent à la vie sa valeur sont la femme, la santé e le beau temps )
D\'ailleurs lui aussi a des moments où il se rend pleinement compte de ce qu ƒ ^ ƒ
gieux dans cette attitude et alors il lui arrive de reprocher a son amie que sa beaute m
a fait perdre sa foi. Les poètes irlandais éprouvent le même sentiment douloureux et un
parmi eux soupire que son Una s\'est placée comme un mur entre Dieu et Im :

Dy gorff hardd a\'m dwg o\'r ffyddnbsp;(^G. xx8, 14 5 Deth. 2X, X4).

A Una, is tù chuaidh go dlûth idir mé \'gus Dianbsp;iConn., p. 58).

On sait que beaucoup de troubadours ont fini leur vie dans un couvent où il^ «\'étaient
retirés Dafydd ab GwUym se repent en sa vieillesse de ses péchés, et dans sa belle con-
f\'s^on n s\'accuse d\'impiété Mais avant cette fin édifiante il -™ ^^^^^^^^^^^
sans se laisser retenir par des scrupules moraux ou religieux. Meme les troubadours
::Sert parS quot;happer des vœux indiscrets dont ils senbsp;~ ^^^^^^^^^^

aussitôt • Dafydd, qui comme les clercs vagants a le plus souvent affaire a des femmes
TtTa Condition\'ne lui impose pas tant de réserve, se laisse aller avec encore plus de
désinvolture qu\'eux. Il ne voile pas le dénouement de ses aventures et
ne fait pas un
quot;e^ désirs ; il en parle comme de choses naturelles.Mds il -t J-i ^
faite du groupe de cywyddau où il est volontairement obscene û
de
grossièreté^u de descriptions lascives que de pruderie ounbsp;quot;Its

se permet dans ses chansons réservées, c\'est d\'attacher un sens special a des mots courant

et inrcents. Stern a déjà observé que cae/ est un terme technique de la l^^\'^TcZn^k
cela nous semble aussi le cas de
chware, de nemdto, de pnodt, de ^^ ^^anS
d^ychwaneg, mots très fréquents dans sa poésie.Mais il

cette réserve relative. Les „vilainesquot; de sa paroisse, qm devaient le connaître anient
l\'attention de leurs compagnes sur ses regards voluptueux
{DG. 136, 27), lui-meme

quot;T^pTos, 226. 2)DG.X49.45-46;D.r;..57,4X-4- 3)^^.245. 4) Z/cP. vol, VII, p. 56, note 3.

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s\'excuse de sa complexion amoureuse en disant que depuis sa prime jeunesse il a été
un Gallois pour le monde :

Cymro i\'r byd o febyd fumnbsp;(DG. 142,4) i).

Parfois en effet la sincérité de la passion est évidente. Le poète, qui a raillé si impitoyable-
ment le pauvre Eiddig, se montre alors rongé lui-même par la jalousie :

Gwae a wyr, a gwe fflamgwyr wedd.
Glas ei ddeigr, gloes eiddigedd.

,, ,, , , . . .nbsp;(DG. 60, 7—8).

„Malheur a celui qui éprouvé les tortures de la jalousie, tandis que les larmes coulent toutes
glauques le long de son visage qui ressemble à un tissu de cire flamboyante.quot;

Dafydd souffre de l\'idée que la femme qui a maintenant repoussé son amour porte
peut-être un enfant dont son rival est le père % Mais ces accents sont rares. En général
l\'amour n\'est qu\'un jeu pour lui, toujours également fascinant du reste.Dafydd abGwilym a
à un haut degré le sens de l\'humour, qui est rare au moyen âge, mais n\'a jamais fait défaut
aux poètes celtiques. Un certain penchant au bas-comique le rend très sensible au ridicule
des personnes et des situations, et il ne ménage pas même à ses amantes ses sarcasmes.
On se souviendra du portrait ironique qu\'il trace d\'Elen, la reine de la laine et quant
a Morfudd, entre son mari et son amant, il la compare à une balle que deux joueurs se
renvoient % comparaison qui rappelle le mot cruel de Conchobar à Dérdriu, qui regardait
comme une brebis entre deux béliers. C\'est sur ce même ton leste que les auteurs des
sottes chansons parlent de leurs amies boiteuses ou difformes D\'ailleurs Dafydd ne
s\'épargne pas non plus soi-même ; il se montre terrassé par une oie chiffonné par un
chien berné par une coquette qui lui donne de l\'argent et puis le lui dérobe adroite-
ment«). Il ne lui est pas non plus possible de prendre toujours ses propres sentiments
au sérieux. Les plaintes amoureuses, si insupportables chez la plupart des troubadours
par leur excès de sérieux, sont chez le barde gallois pleines d\'exagérations burlesques,
de saillies bouffonnes. Cet amant navré consacre un cywydd entier aux gémissements
lamentables que les maux d\'amour lui arrachent, et au beau milieu de ces soupirs déchi-
rants il raconte froidement qu\' au dire des témoins de son chagrin seulement l\'enseigne-
ment lui manque pour faire un fameux joueur de flûte s) ! En général Dafydd ab Gwilym
est trop enjoué pour trouver beaucoup de plaisir à l\'attitude du soupirant. S\'il a peut-
etre aimé sans interruption pendant toute sa vie, il semble avoir eu trop de gros bon sens
pour consentir à languir longtemps d\'un amour désespéré. Sans doute, tous les poètes
d\'amour sont prodigues de serments de fidélité éternelle, et Dafydd l\'a été peut-être
encore plus que tout autre. Lui aussi assure qu\'il est resté fidèle à sa dame pendant
cinq, ou sept, ou neuf ou même dix-huit années^), mais ces protestations réitérées sont
deja de nature à éveiller nos soupçons. Même les troubadours ne restaient pas toute leur
vie fidèles à une seule dame et on connaît d\'eux des chansons d\'adieux très amères dans
lesquelles ils annoncent leur intention de chercher une autre protectrice qui sache mieux

I) Giraldus et l\'archevêque Peckham trouvent beaucoup à redire aux moeurs galloises. 2) DG 71,
31-34; Deth. 8, 33-36. 3) V. p. 1x5. 4) DG. 74, 17-20. 5) Leys d\'Amors, t. I, p. 256; Oud-
vlaemsche liederen en andere Gedichten,
t. I, p. 7X.6) DG. 106. 7) DG. 10%-, Deth. 53 8) DG.
167 ? 9) DG. 27, 19-20. 10) DG. 148, 41 ? ; 97, 2 ; 48, 4 ; 77, 32.

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îèThonorer. Les poètes latins, qui pouvaient invoquer l\'autorité d\'Ovide i), avouaient
franchement leur inconstance :

lam nunc prior contemnitur

Quia nova diligitur.nbsp;I)-

Diligo dum spernor, dilectus sperno faventes.

(Serlo de Wilton, dans Hauréau, op. laud., t. î, p. 313)-

Un prévôt de Ratisbonne se permet même d\'écrire dans une épître à sa bien-aimée,
une religieuse !, qu\'elle est la septième qui lui a accordé ses faveurs et qu\'il croit bien
qu\'elle ne sera pas la dernière Ce cynisme est caractéristique aussi pour la poésie non-
courtoise de la France. Jean de Meun fait dire à la Vieille que la souris qui n\'a qu\'un
seul refuge est bien à plaindre, et que la nature n\'a pas voulu queJVlarote fût seulement
à Robichon, ni Robichon seul àMarote Dafydd ab Gwilym, quand il jette le masque,
professe la même doctrine. Comme Ovide et son imitateur irlandais, l\'auteur de la chanson
Fir na Fôdla ar nduld\'éag (Da«toGraJ/?aS5)4ebarde gallois est d\'opinion que toute femme
vaut la peine d\'être aimée. Aussi n\'y a-t-il pas de fillette de qui il ne consente a chanter
les louanges, et malheur à lui si jamais il refuse dix belles par jour :

Mi a eura\' bob morwyn
O eiriau mawl er ei mwyn.

Mefl ym, o gwrthyd Dafydd
O rai teg, deg yn unddydd.

(DG. 224, 29-30).nbsp;3-4).

Faut-il donc s\'étonner encore de l\'aveu effronté du „chéri des damesquot; {dillyn y gwragedd,
ÖG. 88, 30) que tout en continuant de composer des poèmes en l\'honneur de l\'ingrate
Dyddgu, le cœur n\'y est pour rien et qu\'il ne fait que poursuivre son inconstance :

Hefyd, cyd bo fy nhafawd
I Ddyddgu yn gweu gwawd.

Nid oes im\', myn dyn o swydd,
Ond olrhain anwadalrwydd

(DG. 17, 35—38).

Sans doute il y a beaucoup d\'ostentation dans cette attitude, mais de cette façon il
ne devait pas lui coûter beaucoup de rester pendant dix-huit années fidèle à une seule

femme!nbsp;. .

Il n\'est pas impossible que ces bravades soient inspirées en partie par Ovide, qui a bien
voulu donner la justification de cette conception de l\'amour, mais d\'autre part celle-ci
est parfaitement d\'accord avec l\'esprit de la poésie galloise antérieure. Quand Dafydd
chante dans une seule poésie deux ou même quatre de ses amantes à la fois il imite
l\'exemple donné jadis par Hywel ab Owain Gwynedd, qui dans son
Gorhoffedd n\'en célèbre
pas moins de neuf, et les poètes irlandais n\'étaient pas plus discrets. Un d^entre eux
du moins s\'indigne naïvement qu\'on ose dire que son amour pour les femmes soit excessif,
attendu qu\'il ne l\'a donné qu\'à cinq :

Ta cuid ata dâ râdh

Gur môr mo ghean air mhnâibh,

Nior thugas-sa mo ghean acht do chùigearnbsp;{Conn., p. 18).

I) Nec mea vos uni damnat censura puellae : Di melius! vix hoc nupta tenere potest. Ludite,
sed furto celetur culpa modesto ; Gloria peccati nulla petenda tui est
{Ars, II, 387-390). Cf Amores,
II3 IV. 2) Brinkmann, op. laud., p. 13. 3) Rose, vs. 13879—84i t- IV, p. 39- Cf. le proverbe gallois :
^evyl i\'r Ilygoden untwll {MA-. 851). 4) DG. 20; i?-

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Surtout dans les chansons d\'adieux cette légèreté joviale se manifeste. Les troubadours
se croient encore obligés d\'excuser leur conduite. S\'ils manquent au principal devoir
du code courtois, la fidéHté, c\'est parce que leurs dames ont provoqué cette félonie par
leur cruauté et leur arrogance, et du reste ils les quittent encore avec un cœur navré.
Dafydd au contraire se sépare d\'elles avec une parfaite placidité, ou plutôt, comme il
dit lui-même, il leur échappe i). Si elles lui sont infidèles il sait se consoler, car n\'y a-t-il
pas une johe fille dans chaque contrée ? A une de ces insensibles il représente qu\'il
ne la regrette plus puisqu\'il a trouvé une nouvelle amante moins fière ; ce qu\'il regrette,
ce sont les frais qu\'il a faits inutilement pour elle ! Le cywydd
DG. 76 nous révèle d\'une
façon inattendue la véritable cause d\'une de ces ruptures. La femme qu\'il a adorée a
perdu tous ces charmes ; à quoi bon donc lui rester fidèle maintenant qu\'elle n\'est plus
désirable ? Il est vrai que cette fois-ci, se souvenant de sa beauté passée, Dafydd s\'atten-
drit et semble revenir de sa résolution, mais encore, quel troubadour aurait osé avouer
des pensées si vilaines !

On comprend qu\'avec une constitution pareille Dafydd n\'était pas fait pour se contenter
d\'un amour platonique, dont les exigences avaient été trop rigoureuses même pour la
plupart des troubadours. L\'abnégation de l\'amant qui ne demande que la permission
d\'adorer dévotement un être idéal et se félicite de pouvoir ainsi „monter en prisquot; ne
pouvait pas exercer une grande attraction sur une nature exubérante comme la sienne.

Même en France ce dogme du pouvoir ennobhssant de l\'amour, cet article fondamental
du code amoureux, n\'était plus universellement reconnu en son temps. Il est vrai que
Froissart et même Eustache Deschamps, si sceptique en général, le professent encore 4),
mais le chevaleresque Jean de Beaumont aurait soumis cette phraséologie à une critique
des plus impitoyables à la cour d\'Edouard III même s). Chez Guillaume de Lorris, Amour
avait exhorté l\'Amant à aimer dans les règles
{par ce porras en pris monter, vs. 2124),
mais son continuateur s\'était chargé de lui faire opposer par Raison le plus catégorique
des démentis :

Ce qui te fait a dolor vivre,
C\'est li maus qui amors a non,
Ou il n\'a se folie non.
Folie, se m\'a\'st Deus, voire !
On qui aime ne puet bien faire.

Nea nul preu dou monde entendre :
S\'il est clers, il pert son aprendre.
Et se il fait autre mestier.
Il n\'en puet guieres esploitier.

(Vs. 3040—48, t. II, p. 153).

Au Pays de Galles cette doctrine n\'a jamais pris racine. Geoffroy de Monmouth, sous
l\'influence des idées en vogue à la cour de Henri I % avait écrit que les chevaliers d
\'Arthur
valaient mieux par l\'amour des dames de la cour, et son intention n\'avait pas échappé
à Wace, mais les Gallois, gabeurs incorrigibles, avaient compris que leur amour
accroissait

1)nbsp;Dewisaf, oedd gyhoedd ged, Ei diangc rhag ei daed ! (DG. 150, 27—28). Peire Cardenal, dans la
poésie où il raille l\'amour conventionnel de ses confrères, avait dit également : Ans die qu\'ieu li suy esca-
patz
(Rayn., t. III, p. 439).

2)nbsp;Megir ym mhob tir ddyn teg (DG. 222, 14 ?).

3)nbsp;A myfy cywely call, Unne geirw, neu ac arall (DG. 77, 25—26).

4)nbsp;Balade CCCCLIX, t. III, p. 274.

5)nbsp;Chronique de Froissart, éd. Buchon, t. I, appendice, p. 419.

6)nbsp;Rom., vol. XII, p. 521.

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la gloire de ces seigneurs On a vu déjà que les traducteurs rendaient „damequot; par
gordderch. Dans la poésie courtoise une des vertus que l\'amour peut provoquer est la
générosité, et Dafydd accorde que le cœur de l\'amoureux est toujours généreux, mais il
cite cette sentence dans un contexte bizarre Les troubadours n\'ont certainement pas
pensé à la libéralité dans la taverne en compagnie de filles d\'auberge !

Sommes-nous injustes pour les Cywyddwyr si nous soupçonnons qu\'au fond la seule
chose dans l\'amour qu\'ils estiment est le bien-être matériel ? Toujours est-il que Dafydd
avoue franchement que toutes ses amourettes ne valent pas l\'affection d\'un protecteur
généreux :

Mawrserch Ifor a\'m goryw,
Mwy na serch ar ordderch yw

{DG. 2, 13—14)-

Ecouter le rossignol dans le bois en fleur, avec une bouteille pleine d\'hydromel
à leur portée et une jolie fille à leurs côtés, c\'est là leur idéal de la vie, et il est clair que
les sentiments qu\'ils éprouvent en cet état de félicité n\'ont rien en commun avec la
joy
mystique d\'un Jaufre Rudel. Leur rêve, c\'est celui d\'un Colin Muset ou d\'un François
Villon : eux-aussi auraient aimé être un „gras chanoinequot; et jouer avec Dame Sidoine
dans une chambre „bien natéequot;. Seulement, jamais ils n\'auraient consenti à donner
pour ce bonheur „tous les oyseaulx d\'icy a Babiloinequot;. C\'est dans leur amour profond
pour la nature que se révèle ce qu\'il y a d\'élevé dans leur âme ; leur poésie purement
érotique au contraire ne peut donner une idée très favorable de leurs principes moraux.

Il existe donc entre les bardes et les „fins amantsquot; une différence aussi grande qu\'on
pourrait se l\'imaginer. Ovide s\'était intitulé la
praeda de sa Corinne, les troubadours
tenaient honneur à être le
serf, le près de leurs dames ; Dafydd ab Gwilym applique le
terme
anrhaith au contraire à ses amantes. Un homme comme lui devait se sentir peu
disposé à s\'humilier devant une beauté capricieuse. Et pourtant le fait singulier s\'est
produit que même dans sa
gordderchgerdd il a recours parfois à la terminologie d\'un part
plus distingué.

Ce n\'est pas un cas isolé. Nous avons cité déjà l\'exemple d\'Ovide, qui s\'était amusé
à donner le titre
domina aux courtisanes, et des vagants qui avaient imité le style du
maître. Adam de la Halle compose des chansons très humbles pour des bourgeoises d\'Arras
qui sont tout au plus ses égales ; Villon lègue une ballade pleine d\'idées courtoises
à une donzelle insensible et invite en même temps le messager qui la lui transmettra à
l\'insulter grossièrement

La terminologie courtoise, descendue depuis le XlIIe siècle jusque dans les milieux
bourgeois, n\'y a perdu rien de son prestige. C\'est donc dans cette poésie bourgeoise que
les bardes du XlVe siècle ont pu l\'avoir apprise. Mais les éléments courtois dans leur
poésie peuvent provenir aussi bien d\'un autre courant littéraire. N\'oublions pas que les

1)nbsp;Milites amore illorum meliores {éd. San Marte, p. 134).

Li chevalier miax en valoient {éd. Leroux de Lincy, p. iio).

Ar gwyr yn glotuorussach oc eu karyat {Bruts, p. 203).

Ceci correspond à la différence entre valor et prsts chez les troubadours. Cf. Wechssler, op. laud.,
p. 123.

2)nbsp;V. p. 171.

3)nbsp;Test., vs, 473 et seq. ; éd cit., p. 43.

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Cywyddwyr continuent les traditions des anciens Gogynfeirdd et que l\'art de ceux-ci
est à bien des égards apparenté à celui des troubadours.

On est de nos jours en général tombé d\'accord sur le fait que les relations entre ces
poètes du Midi et leurs dames ont été le plus souvent des rapports d\'intérêts réciproques
auxquels les sentiments étaient subordonnés. Le troubadour répandait dans ses
chansons la gloire de la dame et celle-ci de son côté le „retenaitquot; à sa cour. Seulement
il éprouvait le besoin d\'idéaliser un peu ces rapports, et avec la permission de la dame
il „feignaitquot; d\'être amoureux d\'elle. Alors il transférait le respect qu\'ils portait à la
protectrice à l\'„amantequot; haut placée.

Les Gogynfeirdd étaient également panégyristes d\'origine et par essence. Eux aussi
se posaient en amants respectueux des princesses dont ils chantaient les louanges, mais
très différents des troubadours, ils ne se faisaient pas illusion sur leur place à la
cour et ne dissimulaient pas leur fonction de panégyriste des dames dont ils cherchaient
à gagner l\'affection.

Dafydd ab Gwilym au contraire respecte ses amantes fort peu, mais il sait à merveille
s\'adapter au goût de son auditoire. Grossier à souhait à la taverne en compagnie de
ses amis, il s\'observe quand il se trouve dans un milieu oij les indécences sont mal vues.
Alors, même en gabant et à plus forte raison en adressant la parole à la fille de la maison,
il cède au désir d\'idéaliser un peu ses sentiments. Devant les seigneurs et les demoiselles
du XlVe siècle qui se piquent d\'imiter tant bien que mal l\'exemple donné par les princes
généreux et par leurs épouses lors de l\'indépendance, l\'humble
clerwr que Dafydd est
au fond se peut croire un moment le successeur direct des anciens poètes de cour et l\'héritier
de leurs traditions poétiques. Il se souvient que les Gogynfeird avaient chanté jadis
des princesses et leurs filles ; lui aussi fait de ses amies complaisantes son
arglyddes, son
unhennes, sa iarlles i), et la fille d\'auberge vulgaire se métamorphose en une noble „distri-
butrice d\'hydromelquot;. Les bardes de jadis s\'étaient glorifiés d\'appartenir comme poète
attitré à une princesse ; Dafydd se proclame le
teuluwas privilégié de quelque Gwen
obscure et tire vanité de cette fonction :

Gwartvart wyf iti o dylyed

(Cynddelw, Gog., p. 46).
Am bryd ewyn wyn ym gwein(d)id, am gwyl
(lorwerth Fychan,
Ibid., p. 166).
Swyd ditlawt o wawt a weinydaf
(Gruffydd ab Maredudd,
Ibid., p. 196)

Prydydd i Forfudd wyf fi,
Prid ei swydd, prydais iddi...

(DG. 119, 1—3 ?).
Do(?) \'n fy swydd lawer blwyddyn

{DG. 170, II).

Les Gogynfeirdd s\'étaient vantés auprès de leurs protectrices qu\'ils répandaient partout
leur gloire ; Dafydd aime aussi
à rappeler à Morfudd et aux autres belles que si elles
sont fameuses dans tout le pays, c\'est grâce
à lui et à son art :

Eilieis hynot glot gloywdec Wenlliant
Eiliawd y molyant mil ychwanec

(Casnodyn, Ibid., p. 170).

Kyt gwnelwyf ar ddyn vrdd o uolyant
Nym gwna poen rwydyant.

(Hywel ab Owain, Gog., p. 85).

Lliaws ae cammawl or mawl mwyaf
...nyw cenir ual y canaf
(Llywarch ab Llywelyn,
Ibid., p. 97)

i) V. p. 225.

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Meu geiryeu goleu gwyl Wyndodeg,
Mi a wyr moli hil ri, hawl rec ;
Meithir y cludir dot, anrec tavawt,
Mor ddidlawt yggwaut, yg Gwenhwyssec.

(Casnodyn, Ibid., p. 170).

Digloff i molyant hyt wlad Ogled

(Rhisserdyn, Ibid., p. 178).

Eiliaf o\'m iaith, gwaith gwenglod,
I liw geirw o loyw gariad
(Gruffydd ab Maredudd,
Ibid., p. 192)-

Megais llwyr, gludais Ilawer gwlad, yn ddwys,
Dy glod Iwys, cynnwys pob atceiniad

(Hywel ab Einion, Ibid., p. 220).

Moli a wnaf hi, nwyf hoen,
Hoyw ei Ilun, a holl Wynedd
A\'i mawl ; gwyn ei fyd a\'i medd !

(DG. 17» 56—58).

Dygura yt well na deugae,
Dogn mawl, da y gwn y mae.

(DG. 18, 13—14).

Tyfodd ei glod chlod] hyd Teifi

^DG. 38. 35)-

Heais fal mal orehian

Ei chlod yng Ngwynedd achlân.

(DG. 119, 15—16 ; Deth. I, 13-14).

Ferais, o iawngais angerdd,
Frydu a chanu ei cherdd,
I\'r glêr hyd eithaf Ceri.

(DG. 71, 23—25 ; Deth. 8, 25—27)
A dwyn ei chlod drwy Gymry
A bod hebddi er hynny
(DG.
149, 17—18; Deth. 57, 15—16).

O flaen neb dy fawl a wnaf

(DG. 191, 4)-

Malheureusement il y a aussi des donzelles assez sottes pour ne pas comprendre leurs
propres intérêts et pour décliner l\'hommage poétique et la gloire que leur amant leur

offre :

Ni fynnai Gwen fawl gennyf

(DG. 75. 57 i Deth. 29, 61).

Rhag mor derwyn gynhwynawl
Y gwrthyd fy myd fy mawl.

(DG. 150, 7—8).

O gwrthyd liw eicy gorthir
Y fau wawd, hon a fu wir,
Gwrthodiad y marchnadoedd,
Gwrthodiaeth f\'anwyl wyl oedd î

(DG. 209, 51-54)-

Devant un tel mépris inexplicable de ses talents et une méconnaissance si morne
de ses bonnes intentions, Dafydd s\'irrite énormément et ses vers courrouces rappellent
le passage d\'Uc de Saint-Cire dans une situation analogue que nous avons cite de) a ).
Mais on a l\'impression que ce troubadour sort de son rôle, car la plupart de ses con-
frères ne veulent être qu\'amants et se gardent de parler avec la même franchise des
véritables relations entre leurs dames et eux. Cette préoccupation a toujours ete
étrangère aux Gogynfeirdd qui s\'extasient sur leurs récompenses matenelles

2Î T\'idée que le poète donne l\'immortalité à celle qui l\'inspire et qu\'il a par conséquent des droits à
sa reconnaissance, est bien classique :nbsp;, - ,nbsp;r

Est quoque, carminibus méritas celebrare puellas Dos mea, quam volui, nota su arte mea

No\'s quTqS\'per totum pariter cantabimur orbem ; Junctaque semper erunt nomina nostra tuis

;ro;quot;\'encorTfam la poésie ladne du moyen âge. par exemple dans le premier poème des Versus

JhÏs: ™e qu\'elle doit sa gloire à Abélard, dont les vers sont chantés
et
sur les places, est souvent dté ; on pourrait le rapprocher de l\'opimon énoncee par les rehgieuses de

Remiremont à leur concile imaginé :nbsp;. x^ , • • • „

LTdTnt nos in omnibus rithmis atque versibus. Taies, jussu Veneris, diligo pre cetera. Dales armacu,

clericis est et gloria Cvs 140—142).

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Nous serions plutôt portés à reconnaître l\'influence de la poésie des troubadours dans
la soumission que les bardes, subordonnés à leurs dames en leur qualité de panégyristes
professionnels, leur témoignent également en la qualité d\'amants. Il y a en effet dans
la poésie des Gogynfeirdd des expressions qui rappellent la terminologie du vasselage
amoureux, et Dafydd ab Gwilym, tout éloigné qu\'il est dans son for intérieur d\'adhérer
à cette doctrine, la professe du moins par la bouche et leur emprunte leurs formules.
Le troubadour s\'intitule avec fierté le vassal, le prisonnier ou même le serf de
sidons,
le barde reconnaît être legwas, le macwy, le caeth de la dame qui est l\'objet de ses pensées :

Bona domna, re no\'us deman
Mas que \'m prendatz per servidor
(Bernard de Ventadour,
31, 49—50).

firs sers remaing
A l\'adreich gai cors plazen

(Uc de Saint-Circ, I, 17—18).
Vos serfs devien et vos homs ligement
(Eustache Deschamps, Balade CCCCXLVIII,
t. III, p.
261).
Vostre servant voeil estre en loyauté
(Froissart,
éd. Buchon, p. 161).
Moi, qui sui son cremetous servans

{Id., Ibid., p. 232).
Icham in hire baundoun

(Bôddeker, op. laud., p. 147).

Gwenlliant a\'m gwnaeth rygaeth o ryd

(lorwerth Fychan, Gog., p. 167).
Wyr larddur... a\'m gwnaeth gaeth
(Gruffydd ab Maredudd,
Ibid., p. 193).
Trymmaf yw cariad tramwy, hoen eurnef,
Hwn arnaf, dy faccwy
(Hywel ab Einion Lygliw,
Ibid., p. 220).
Am ladd ei gwas dulas dig

(DG. 33, 9).
Gwanfardd addfwyndwf gwinfaeth,
Oeddwn gynt iddi yn gaeth.

(DG. 49, 13—14; Deth. 14, II—12).
A minnau, y gwr mwyniaeth,
Iddi yn gweiddi yn gaeth.

(DG. 64, 31—33 ?).

Dy gaeth wyf, ddyn deg ei thaï.

(DG. 91, 16).

Comme les troubadours et leurs imitateurs français Dafydd se déclare prêt à obéir
à sa bien-aimée aveuglément :

E\'I vuoill onrar e blandir

(Uc de Saint-Circ, éd. cit., I, 18).
AI sieu cornant sui e serai
Ou qu\'ieu m\'an

(Peire Raimon, Rayn., t. ni, p. 125).
Car je voeil vostre servant estre
Obéissans a tout vo gré.

(Froissart, éd. cit., p. 479).

Nym gorfïeirch morwyn mor wyf vuyd

(lorwerth Fychan, Gog., p. 166).
Na wrthod ferch, dy berchi

(DG. 56, 27).

Erchi ym a gorchymyn

(DG. iio, 48 ; Deth. 34, 48).
Ufudda\' dyn wyf iddi

(DG. 168, 12 ?).
Or vos voel je toutdis servir
De parfayte foy, loyaument.

{Id., Méliador, vs. 13732—33, t. II p. 129).

Il nous paraît impossible de contester qu\'il y a là enfin des traits originalement étrangers
au lyrisme gallois. Déjà Gaston Paris a soutenu que l\'idée de la soumission volontaire de
l\'amant à sa bien-aimée était inconnue aux Celtes avant leurs relations avec les Français,
et cette assertion semble toujours exacte Dans l\'ancienne littérature le panégyriste
s\'humilie comme de raison devant sa patronne, mais l\'amant ne le fait pas devant l\'objet

1)nbsp;DG, : rhygaeth.

2)nbsp;Ram., vol XII, p, 459

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de ses désirs, et par contre on n\'y rencontre pas rarement la femme amoureuse qui fait
des avances auxquelles l\'homme daigne bien répondre. Dérdriu s\'offre à Noisi, Grâme
à Diarmait,Uathach et Fand àCuchulainn, Rhiannon à Fwyll, et une jeune fille impatiente
encore à Dafydd ab Gwilym i). Mais la situation inverse n\'appartient pas encore pour
cela en propre à la poésie des troubadours, et le type de la femme supérieure qui tient
la dragée haute aux suppliants timides et les oblige à s\'humilier et même à s\'avilir devant
elle se rencontre bien ailleurs dans la littérature. Le lecteur aura pensé sans doute déjà
aux amours d\'Hercule et d\'Omphale et il se souviendra que le professeur de l\'art d\'aimer
lui-même avait accordé à sa
domina le droit de donner des lois du haut de sa couche.
Tous les termes que nous avons jusqu\'ici relevés chez Dafydd ab Gwilym et ses devanciers
se trouvent également chez les poètes latins du moyen âge, qui —M. Brinkmann vient
de le prouver — ont subi l\'influence d\'Ovide bien plus que celle des troubadours. Humbles
suppliants, eux aussi, ils prient leurs dames avec ferveur d\'être clémentes envers leurs
prisonniers et de détacher leurs chaînes 2). En présence de ces faits nous admettrons
cette fois que les Gogynfeirdd ont pu s\'inspirer indirectement de leur poésie.^ Et de fait
le barde gallois se présente plutôt comme un serf que comme un vassal, quoiqu\'il s\'intitule
parfois
dy was; il a adopté la terminologie de l\'assujettissement amoureux latin bien
mieux que celle du vasselage amoureux féodal. On ne trouve nulle trace dans la poésie
galloise de toutes ces allusions si caractéristiques pour l\'art courtois aux cérémonies de
la prestation de foi et d\'hommage. Le barde ne se jette pas à genoux devant sa belle,
mains jointes et tête inclinée, il ne lui offre pas son gant, il ne lui demande m l\'anneau
ni le baiser consacré, il ne l\'autorise pas à l\'inscrire dans sa charte. Il y a une idée très
courtoise en apparence chez Dafydd ab Edmwnd, barde du XVe siècle :

Gwae finnau, gan gof anwych,nbsp;Yr awr, ar frig yr orallt,

Na bawn siambrlen i Wen wych,nbsp;Y bo Gwen yn cribo \'1 gwallt ).

„Hélas, quel souvenir attristant! que ne puis-je servir de chambellan à ma belle Gwen quand
sur le sommer de la colline eUe peigne ses cheveux

On a observé déjà plus d\'une fois que les troubadours, cachant une sensualité ardente
sous l\'allégorie du vasselage amoureux, avaient exprimé souvent le voeu d\'être admis
au lever de la dame Mais les vers cités ici auraient pu être tout aussi bien un écho du
passage où Ovide conseille à ses diciples de n\'avoir nulle honte de s\'abaisser jusqu\'à
assister à la toilette de leurs amies et à lui tenir le miroir :

Nec dubita tereti scamnum producere lecto :
et tenero soleam deme, vel adde, pedi.

Saepe etiam dominae, quamvis horrebis et ipse,
algentis manus est calfacienda sinu.

Nec tibi turpe puta, (quamvis sit turpe, placebit,)
ingenua speculum sustinuisse manu.

{Ars, II, 211—216).

~ I) Ni d^wn i oed i\'r goed fryn Erod fab, ddîwybod ddyn, Ond ar hyder y rhyddwy\', Y mvd, fod
yn forwyn mwy
{DG. 151. 29—32?). Dafydd dit lui-même à une autre impatiente: Na fydd salw... ar
by fryd... yn ol hir... ymaros ym mraint morwyn (DG.
153, 17—20).

2)nbsp;V. p. 43,47.

3)nbsp;Passage cité par M. Gwynn Jones, Llenyddweîh y Cymry, p. 88.

4)nbsp;Ces passages ont été discutés par Fauriel {Histoire de la poésie provençale, t. II, p. 31-32),
M. Wechssler
{op. laud., p. 164—165) et par M. Appel {Bernard von Ventadorn, p. lxxv).

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Peut être c\'est là aussi la source de ce lieu commun de la poésie des troubadeurs !

Il n\'y a qu\'une seule expression chez Dafydd ab Gwilym qui semble provenir de la
poésie des troubadours même, à moins qu\'on ne préfère admettre que les bardes l\'ont
empruntée indépendamment à la littérature mystique où d\'après M. Wechssler les
poètes de l\'amour courtois l\'ont pu trouver i). C\'est le terme
dy nawdd! qui correspond
au
cîamar mer ce des troubadours :

Bona domna, merce
Del vostre fin aman !

(Bernard de Ventadour, 36, 46—47).
Bernartz clama sidons mercei

(Ihid., 7, 57).

Merchi, dame, li cui biautés sourvaint
Men cuer ki vous a fait loial oumage.

(Adam de la Halle, éd. Berger, IV, V).
Dyddgu, liw dydd goleuaf,
Dy nawdd, er unmab Duw Naf !

(DG. 18, 1—2).

Ces amants soumis pouvaient-ils demander directement la récompense de leur
fidélité ? C\'est une question très controversée par les troubadours déjà.

Il va sans dire qu\'un panégyriste professionnel au service d\'une dame noble avait
droit à une récompense matérielle pour sa peine, et sans doute les troubadours „retenusquot;
à la cour l\'ont reçue. Seulement, leur prétention d\'être autre chose que des fonctionnaires
payés les a empêchés d\'y faire allusion.

Les Gogynfeirdd et les Cywyddwyr après eux n\'ont pas ces scrupules et réclament
sans hésiter un dédommagement dans les termes les plus prosaïques ; ils demandent leur
payement
{tâî), leur récompense (pwyth), leur salaire (sa/), leur rémunération (gwerth),
leur don {rheg\\ leur faveur (ced\\ leur présent {coeljain). Ils ne sont pas ingrats d\'ailleurs
et parlent avec une reconnaissance touchante, surtout dans les élégies, des coupes pleines
de vin et d\'hydromel que leurs bienfaitrices leur ont versées. Gruffydd ab Dafydd et
lorwerth ab y Cyriog se vantent même d\'avoir reçu de leurs dames des diadèmes incrustés
de pierres précieuses comme marques de bienveillance \'-), mais un matérialisme pareil
déplaît fort à Dafydd ab Gwilym et à Madog Benfras, qui reprochent acerbement à leur
confrère lorwerth de n\'être qu\'un vil trafiquant de poésie
,trysorer cerdd, maelier y gerdd^).
Eux s\'estiment heureux d\'avoir reçu des dons moins précieux, comme un chapelet de
plumes de paon ou de rameaux dc bouleau, qui cependant dans les coutumes bardiques
sont les symboles de l\'amour. Dans la poésie non-courtoise de la France la
ceinture de
druerie
et le chapelet de roses ont la même signification symbolique :

D\'amours faisoit ung chapelle t
Vray Dieu ! qu\'il estoit bien fait !
Par amour lu y demanda y
Et elle me l\'octroye.
iG3i%XonVa.xis,ChansonsduXVesiècle, IV, 9-12)

Et au Xlle siècle Hilarius avait demandé à sa Rosea également une ceinture :

1)nbsp;op. laud., p. 395 et seq.

2)nbsp;Gog., p. 205 ; IGE. 76.

3)nbsp;DG. 147, 20, 58.

Cf. le passage du Trompeter von Sâckingen où le maître d\'école et le jeune trompette, qui ont exécuté
ensemble un hymne au printemps, reçoivent de la belle demoiselle respectivement un gros poisson et
une branche fleurie.

4)nbsp;Ci. Origines, p. 130, 316 | Berger, op. laud., p. 400 et seq.

Par druerie et par solaz
Li ot s\'amie fait chapel.
De roses, qui mout li sist bel.

{Rosey vs. 828-830, t. II, p. 43).

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Quam dedisîi mihi zona bona fuit primitus ;
Nunc jam vetus ne jam bona sed deficit penitus.
Bona fuit, sed jam périt, jam me vult dimittere,
Successorem sibi querit, si digneris mittere

(éd. Champollion-Figeac, p. 4).

En général cependant Dafydd ne se contente pas du symbole et demande hardiment
un baiser —ou même plus encore—, toujours comme récompense de ses poésies laudati-
ves. On dirait qu\'il surestime un peu le prix de ses chansons, mais pour un successeur des
Gogynfeirdd il devait être particulièrement difficile de se poser en amant pur et simple.
Même un prince comme Hywel ab Owain Gwynedd, qui sans doute disposait d\'autres
moyens de séduction que de chansonnettes, prétend que les dames lui ont accordé leurs
faveurs „en rétribution d\'un peu de poésiequot; :

{Gog., p. 86).

Keueisy wyth yn hal pwyth peth or wawd yr geint

Peu à peu seulement l\'idée commence à prévaloir qu\'un amant peut fonder aussi des
titres à la reconnaissance de sa bien-aimée sur la fidélité qu\'il lui a gardée. Cynddelw dit
que quoique tourmenté d\'insomnies, il a supporté jusqu\'ici qu\'elle gardait le silence
sur le „prix de ses douleursquot; ; maintenant il changera de tactique. Gruffydd ab
Dafydd ne demande plus
à la belle de lui payer son chant, mais le „prixquot; de ses nuits
passées sans sommeil, comme si c\'était chose très méritoire. Dafydd ab Gwilym la somme
sans cesse de lui „payerquot; les nuits blanches dont elle est la cause, et les maux qu\'elle lui
fait souffrir; Sippyn Cyfeiliog se prévaut de la gloire qu\'il donne, mais il attend avec
impatience qu\'elle lui sache gré de ses douleurs :

Ym pwyllad newid neud adwyf am vun,
Yn anhun anhed, kyd rys porthwyf,
Gorthewisi wrthyfy gwerth uy hirglwyf,
Nyd gorthaw a wnaf wrth a garwyf.

{Gog., p. 46)

Cymmered haeled hoyw lun o\'m dolur
Am dalu pwyth fy hun.

{Ibid., p. 206).

Mynais ym dâl am annun,
Gael bod yn gywely bun.

(DG. 44. 5—6)

Nous sommes loin ici du panégyriste de tantôt. Mais si parfois Dafydd ab Gwilym
s\'approche du point de vue des troubadours, il y a pourtant encore une différence énorme
entre les deux façons d\'envisager l\'amour. Dès que ceux-ci en effet s\'étaient érigés en
amants, ils aimaient à être considérés comme tels. Malheureusement dans leur condition
il leur était impossible de demander sérieusement la réalisation de leurs folles prétentions
et ils devaient se contenter du rôle de soupirants. Dans ces circonstances ils ont eu l\'idée
de proclamer l\'incompatibilité de l\'amour avec le mariage et d\'exalter le sentiment qui
ne demande qu\'à adorer en silence, le seul digne du nom d\'amour. N\'étant p^ admis
aux joies de la „drueriequot;, ils protestent qu\'ils ne cherchent pas le „guerredonquot; de leur
fidélité et qu\'un regard affable, une parole affectueuse de leur dame leur suffit pleinement :

Neithwyr y bum mewn uthrbwyll,
Nwyf gain, gyda nef ganwyll,
Yn mynu tâl am anhun.

(DG. 59gt; 7—9).

Cefais tâl o\'m gofalon.

{DG. 97. S)-

Enw o fawl, ni wnaf fi.
Nid yw addas, ond iddi
Disgwyl tâl am ofal glwyf.
Nés ei gael anwesog wyf.

{IGE. 74gt; 39—44).

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Amors no\'n pot ges dechazer
Si non es amors comunaus.

(Bernard de Ventadour, 15, ly—ig).
Aitan rich\' amor envei.
Pro n\'ai de sola l\'enveya.

(Ibid., 7, 39—40).
Ans la vuelh mais servir dezesperatz
Que d\'autr\' aver totas mas voluntatz.
(Arnaut de Maruelh,
Rayn., t. m, p. 214),

Tant me piaist vivre en amereus dangier
Ca paines ai pensee a gueredon

(Adam de la Halle, éd. cit., XV, I).
Trop font chil amant a haïr
Ki rekierent hardïement.
(Ibid., XX, IV).
En vos douls regars me soloie
Consoler, ne mieuls ne voloie
Que la presence et le regart.

(Froissart, éd. cit., p. 479).

De midons ai lo guap e\'1 ris,
E sui fols s\'ieu plus li deman

(Peire Rogier, Rayn, t. m, p. 32).

Et même les troubadours sont tellement intimidés en la présence de la dame idéale
et tellement consternés de leur hardiesse de vouloir aimer „en si haut lieuquot; que s\'ils
avaient voulu émettre des vœux indiscrets, ils ne l\'auraient pu devant elle •

E si ja \'m pose enardir que \'1 desire
Qu\'ieu ai de lieis li mostre, ni l\'aus dir

(Uc de Saint-Cire, éd. cit. IV, 14—15).
E sui volpils, quar no l\'aus enquerer,
E trop arditz, quar tan rie joy esper
(Rambaud de Vaqueiras,
Rayn., t. III p. 256).
Je doi bien frémir

Et trebukier au dessous
Cant en liu si pressions
M\'osai d\'amer enhardir.
Mais forche d\'amour m\'i fist encaïr.

(Adam de la Halle, éd. cit., XII, III).
Ne sçai comment porai ma bouche ouvrir
De vous monstrer mon désir et m\'entente
(Froissart,
éd. cit., p. 166).

Il est clair qu\'une pareille attitude ne souriait pas aux amants gallois, qui, malgré

tout ce qu\'on a dit et répété d\'eux, sont bien trop positifs pour se contenter d\'un beau

reve. Les distances sociales n\'étaient peut-être au Pays de Galles pas si prononcées qu\'un

amant ardent n\'ait pu espérer les franchir, et il semble en outre que le sentiment de la

mesure, vertu cardinale des „fins amantsquot;, n\'a été que faiblement développé chez nos

bardes. Certes, eux aussi avaient parfois à surmonter une timidité naturelle, et en cela

ils paraissent se distinguer des poètes latins. Les jeunes filles de Llanbadarn, qui devaient

connaître Dafydd ab Gwilym plus que superficiellement, s\'amusent du contraste entre

sa timidité et les regards ardents qu\'il jette sur elles à travers ses longs cheveux i). Il

a des moments où il semble prêt à renoncer à son amour pour Dyddgu, fille d\'un seigneur %

et lolo Goch se reproche en termes bien plus crus son arrogance de prétendre à l\'amour

d\'une femme aussi belle que celle qu\'il courtise iVlais ce sont là des considérations

exceptionnelles chez eux. Dans la taverne ou sous les bouleaux, en présence de femmes

d\'une condition probablement inférieure, leur assurance ne les abandonne pas et nous

avons constaté que quand ils ont encore des scrupules, la Vieille se charge de les dissiper.

On peut dire que les Gallois ont été rebelles à la doctrine de l\'amour désintéressé des

troubadours, et tant que nous sachions l\'ancien Cynddelw a été le seul à l\'adopter, du

moins en théorie. Celui-ci proteste en eifet que ce n\'est pas pour obtenir une récompense

qu\'il chante sa princesse Efa, et qu\'un signe bienveillant est la seule faveur qu\'il demande
d\'elle :

1)nbsp;Y mab llwyd wyneb mursen, A gwallt ei chwaer ar ei ben ! Godinebus fydd golwg (DG. 136,25-38)-

2)nbsp;Nid wyf wr, ac nid affj fyth I geisio merch naf gwaywsyth (DG. 15, 5—6).

3)nbsp;Pond trahaus ym Dybiaw cael, bu hael baham, Gytgwsg a\'m dyn lygatlam ? (/GiE., 1,52-54).

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l\'attitude de l\'amantnbsp;313

Cadyr amneid, ganneid ged, ath iolwyf
Nyd yr keisyaw tal tros a ganwyf

(Gag., p. 46).

Et pourtant ce prydydd dit à la fin de cette même pièce qu\'il sera hors de son bon
sens tant qu\'il ne sera pas „payéquot; :

Pell yt wyf ym nwyf ony thelir.

{Ihid., p. 47).

Dafydd ab Gwilym surtout a peu de sympathie pour ces conceptions élevées et brutale-
ment il demande son salaire sous le feuillage :

Is dail ir, a oes dâl ym^nbsp;{DG. 58, 4).

Oes dâl, ferch, am dy garu?nbsp;{DG. 180, 21 ?).

Même il donne à entendre à une dame trop réservée que ses paroles affables (c\'est le
solatz que les troubadours considéraient comme une faveur inappréciable, le guap e\'/
ris dont un Peire Rogier se croyait bien payé) ne sont pas un grand bien pour son cœur
passionné :

Deg ddadl, digio ydd wyf,

Da bychan i\'m dibech nwyf

{DG. 215, 45—46).

En vérité on ne pourrait attendre des Gallois sans être injuste qu\'ils eussent consenti
à se conformer à un précepte dont l\'observation rigoureuse a été au-dessus des forces
des troubadours eux-mêmes. Il est suffisamment connu que dans la pratique bien peu
de ces poètes-ci sont restés fidèles à la doctrine qu\'ils ne cessaient de professer en théorie.
La
joy mystique inspirée par l\'amour désintéressé n\'était manifestement pas assez parfaite
pour les empêcher de regretter douloureusement la froideur de leurs dames impeccables
en des chansons toujours plaintives et souvent très amères. Bernard de Ventadour lui-
même, dont nous venons de citer les vers glorifiant l\'amour non partagé, a condamné
ce sentiment dans un autre arrêt non moins péremptoire :

Aitals amors es perduda

Qu\'es d\'una part mantenguda

(30, 12—T3).

Mais pour les bardes ce n\'est pas même un problème et Dafydd proclame que le privilège
de l\'amoureux est de demander qu\'on réponde à sa flamme :

Cyfraith serch sydd yn ei erchi.nbsp;(DG, 48, 39).

Les troubadours et leurs imitateurs se contentent en général de reprocher à une dame
qui les a désappointés sa froideur ou sa versabilité, et puis ils cherchent tranquillement
les faveurs d\'une nouvelle protectrice. Seulement un Uc de Saint-Cire va jusqu\'à la
maudire brutalement :
mal focs vos arda! i) et Froissart aimerait à voir sa belle changée,
comme Dane (Daphne), en un laurier % Aussitôt après cependant, se repentant de ce

1)nbsp;éd. cit., XXV, I.

2)nbsp;éd. cit., p. 243-245.

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mot vilain, celui-ci lui demande humblement pardon, et les révocations de ce type sont
presque d\'usage chez les troubadours qui alors s\'en prennent le plus souvent à leur langue
étourdie :
Lenga, per que potz tan parlor}.... Ara folei de trop gàbar Et es dreihs qu\'en
fos desmentitz ! Domna, no\'us pes si\'lh lenga ditz So c^anc mos cors no pose pessar, Tatz
hocha ! nems potz lengueyar. Et es fen grans mais aramitz
(Bernard de Ventadour, 40,
18,43—48). On rencontre ces mêmes élans de repentir chez les poètes latins et Matheolus
le Bigame, sur le point de se permettre des indécences dans la description de l\'ancienne
beauté de sa femme, se contient également avec un
sile lingua ! (vs. 267). Probablement
les uns et les autres se sont inspirés d\'Ovide, qui s\'oublie aussi parfois pour s\'interrompre
ensuite par un
me miserum 1

Il y a encore une grande différence entre le ton de ces reproches et la façon violente
dont Dafydd ab Gwilym éclate contre les donzelles qui ne font pas assez de cas de lui.
Il donne l\'une, qui pourtant l\'avait averti de l\'arrivée du Jaloux, à tous les diables et
compare son amour à celui d\'un dragon du désert il souhaite la peste sur la tête d\'une
seconde et toutes sortes de malheurs à une troisième à moins qu\'elle ne le paye % il
annonce à une quatrième qu\'il a un compte à régler avec elle, et suppose même qu\'elle
avait été ivre quand elle lui avait donné sa promesse il voudrait torturer et tuer une
cinquième, mais s\'imaginant que c\'en est fait d\'elle, il s\'en repent bruyamment Si ces
algarades sont bien plus grossières et burlesques que celles que se permettaient les trou-
badours, ces derniers vers rappellent leurs révocations. Peut-être faut-il considérer
aussi le dialogue curieux de lolo Goch avec sa langue bavarde comme un écho lointain
des réprimandes faites par les troubadours à cet organe. Les indiscrétions de la langue
font aussi le sujet du poème anglais
Off all the enemy s that I canfynd The tong is most
enmy to mankynd^).
II est vrai que Hywel ab Owain déjà, au milieu de ses gabs, s\'était
souvenu brusquement „qu\'il est bon que les dents se trouvent devant la langue.quot;

Ce n\'est pas là la seule hardiesse de Dafydd ab Gwilym. Il ne se borne pas à faire à
ses amies des reproches, mais il les avertit même que leur amant excelle dans la satire
comme dans la poésie laudative et qu\'il tient à elles de se garder des
englynion terribles
qu\'il pourrait lancer contre les infidèles :

Na haedd ogan, fal anhael....

O anglod gwylia englyn

(DG. 214, 19, 22).

Une autre fois il menace son amie inconstante que si elle ne se conduit pas mieux
dans la suite, les bardes la compareront partout au gué de pierres dans le ruisseau :

Beirddion, cred, a ddywedant
____Wrthyd, mae carregryd nan t.nbsp;(DG. 60, 49—50),

1)nbsp;F. aussi Brinkmann, op. laud., p. 46.

2)nbsp;Amores, l, m, 3 ; i, xiv, 51 ; in, xi, 44.

3)nbsp;Dos i ddiawl (DG. 59, 22). Draig ynial dy garennydd (DG. 59, 21). Cf. Peire Vidal : Cor a de drago
(ed. Anglade, XX, 35).

4)nbsp;Pla am ei phen (DG. 209, 56).

5)nbsp;Oerfel... i\'r ferch... oni thaï (DG. 38, 45—47).

6)nbsp;Gwna\' o flaen tyst... ymUw a thi (DG. 214, 3—4). Och, ai meddw, wych em, oeddyd ? (DG. 209, 7)

7)nbsp;Wb gwae fi ! Ai byw gwiw fun ? Os marw fydd, ys mawr wae fi (DG. 150, 22—23).

8)nbsp;IGE. 24, attribué aussi à Dafydd ab Gwilym (DG. 146 ?).

9)nbsp;Thomas Wright, Songs and Carols, p. 78.

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et il est à peine douteux que par ces mots désobligeants il entende la même chose que Jean
de Condé par ,,sentier batuquot; Ici cependant nous n\'avons pas affaire à des imitations
d\'une poésie étrangère. Ces cywyddau de menaces,
DG. 60 et 156?, contiennent plutôt
quelques survivances de l\'ancienne croyance, très répandue aussi chez les Celtes, que
le poète satirique possède la faculté surnaturelle de tuer par l\'effet de ses incantations
et de ses malédictions. Jadis le barde Aithairne et ses deux fils avaient fait mourir ainsi
de honte la femme de Conchobar, qui n\'avait pas voulu de leur amour 2), et d\'après la
tradition Dafydd lui-même aurait foudroyé par sa satire terrible son confrère Rhys Meigen®).
Cet événement tragique pourrait bien apprendre aux dames à user de circonspection
dans leur
conduite envers un amant aussi irascible et redoutable. Il est vrai que celui-ci
ne tarde pas à avoir honte de sa violence et à composer des cywyddau
{DG. 61, 157 ?)
pour leur demander pardon de ses menaces et de ses mots vilains. Peut-être a-t-il pensé
alors aux
Bygythion suivis d\'Awdlau cymod (menaces et conciliations) qu\'on connaît
de Llywarch ab Llywelyn •*).

II—Les Symptômes de l\'Amour

Nous avons donc pu constater que la façon dont les Cywyddwyr comprenaient l\'amour
n\'était pas la manière de voir des troubadours, et que les rares locutions dans le langap
bardique qui rappellent leur terminologie ne nous autorisent pas encore à conclure qu\'ils
les ont imités. Il nous reste à examiner l\'argument toujours invoqué, la présence d\'analyses
des effets psychiques et physiques de l\'amour dans la poésie de Dafydd ab Gwilym.

Il est en effet exact que la conception de l\'amour comme une maladie de l\'esprit et
du corps lui est très familière. Ajoutons cependant aussitôt que ce n\'est pas Dafydd
ab Gwilym qui a introduit cette idée féconde au Pays de Galles. S\'il se plaint de son
haint, de sa cîefyd, de son ammwynt, Gruffydd ab Maredudd se lamente que sans sa
dame rayonnante il est faible et malade :

Heb vy chwaer wenglaer mor wyf wanglafnbsp;Maint wyf fy amwynt i

{DG. 190, 50 : Deth. 26, 50).

Hiraeth sydd bob dydd i\'m dwyn,
Haint serch, am lasferch Iwysfwyn

{DG. 175. 1—2 ?gt;

{Gog., p. 197)-

Heinus wyf heno o\'i serch

{DG. 24, 4 ; Deth. 10, 4)-

Claf wyf o serch, clyw fyfy.

{DG. 533 2 ; Deth. 7, 2).

Aussi y a-t-il bien peu de traits dans ses énumérations des effets de l\'amour qu\'on
ne puisse signaler déjà dans le poésie des Gogynfeirdd. Si donc les bardes étaient véritable-

1)nbsp;éd. cit., t. III, p. 299.

2)nbsp;Tochmarc Luaine, RC., vol. xxiv, p. 278. V. aussi Dottin, Les Littératures celtiques, p. 146,

3)nbsp;DG. 230.

4)nbsp;Gog., p. 88, 89, 92.nbsp;J J 1 A

5)nbsp;Remarquons toutefois que les contrastes caractéristiques pour le style courtois, le dotz mais des

troubadours, les jolis maulx des trouvères, le dulcis morbus et le blandus dolor des vagants {Collection
d\'Arundel, éd.
Wilhelm Meyer, 2, 11 ; 7gt; 9 J CB. 167, i), n\'ont pas d\'équivalent gallois. Une seule fois
Dafydd parle de son
poen gwych {DG. 81, 18), et alors il entend les sensations contraires qu\'il éprouve en
observant l\'orgie de ses ennemis, à laquelle il ne peut pas prendre part puisqu\'il veut profiter de leur
ivresse pour enlever son amie.

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ment allés à l\'école chez les poètes d\'outre-mer, soit chez les troubadours, soit chez les
vagants, cette influence devrait remonter à une époque bien reculée. Mais nous verrons
que malgré tous les rapprochements qu\'on peut établir, ce fait est encore sujet à dis-
cussion !

Il est vrai que l\'amour se manifeste dans la poésie galloise à peu près comme dans
les chansons des troubadours et de leurs imitateurs. Perdus dans leurs pensées, les bardes
ne se distinguent pas toujours par une conduite bien sensée, et ils sont fortement embarras-
sés en la présence de l\'objet de leur flamme. La passion
{nwyf) les fait pleurer de chaudes
larmes et pousser de grands soupirs ; le désir
{hiraeth) les empêche de dormir, et quand
ils sont assez heureux pour trouver le sommeil, l\'image de leur bien-aimée les poursuit
même dans leurs rêves. Elle leur apparaît en songe et alors ils croient obtenir d\'elle toutes
les faveurs qui leur sont refusées en réalité. Aussi le réveil leur est-il d\'autant plus pénible.
Ce n\'est pas encore assez : non seulement les poètes courtois, mais même nos bardes
enjoués font peu de cas d\'un amour dont le corps et le cœur ne sont pas affectés plus violem-
ment. S\'ils aiment, ils se croient obligés d\'éprouver des souffrances autrement atroces.
Quelle folie que de prétendre aimer tant qu\'on jouit encore d\'un bon appétit et ne de\'périt
pas visiblement ! Quoiqu\'il y ait eu des troubadours qui se sont vantés de cacher une
âme navrée sous un masque riant i), on peut dire qu\'en général la grandeur d\'une douleur
muette courageusement supportée est au-dessus de leur conception. Il faut
absolument
que tout le monde voie à leur visage décoloré qu\'ils aiment. Leur maître à tous, Ovide,
n\'avait-il pas dit que la pâleur est le teint propre à l\'amant ? Heureusement chez les
bardes au moins on voit parfois percer l\'ironie à travers l\'air affligé qu\'ils se donnent.

A. Manque de bon sens :

Non ai de sen per un efan

(Bernard de Ventadour, 31, 45).
La gran beutat...

m\'embleron si mon sen
(Guilhem de Cabestanh,
Rayn., t. in, p. 106).
Parole te faudra e sens

(Rose, vs. 2396, t. II, p. 122).
Pellynig fy nghof y nghyntefin
Yn ethryb caru Caerwys febin

(Gwalchmai, Gog.-, p. 30).

B. Embarras :

Pellynnic vyg cof yg Caerwys dir.
Pell yt wyf ym nwyf ony thelir

(Cynddelw, Ibid., p. 47).
Adwyfy yn anuedret o ynvydrwyt caru.

(Hywel ab Owain, Ibid., p. 87).
Aerh dy wedd, Gwynedd a\'i gwyr,
A\'m hoes innau, a\'m synnwyr

(DG. 56, 17—18 ; Deth. 23, 23—24).
Gariad a wnaeth, caeth yw\'r cof,
Annoethineb nyth ynof

(DG. 188, II—12).

Omnis consuevit amans in coamantis aspectu pallescere (André le Chapelain, Rayn., 1.11, p. cvi).
Amorosus semper est timorosus
(Id., Ibid., t. 11, p. cvi).

Mentis in affectu sibi dicere plura notavi,

Sed timor excussit dicere que volui ;

Non bene vox sequitur, sed tamen ipse loquar.

(Pamphüus, éd. Baudouin, p. 138).

i) Per melhs cobrir lo mal pes e\'I cossire Chan e desport et ai joi e solatz ; E fatz esfortz car sai chan-
tar ni rire Car eu me mor e nul semblan no \'n fatz (Bernard de Ventadour, 35, l—4). Viu com cel qui
mor en flama E si tôt no\'m fatz parven Nulhs om menhs de joi no sen
(Id., 3, 64—66). Atressi cum la
candela Que si meteyssa destruy, Per far clardat ad atruy. Chant on plus trac greu martire (Peire Rai-
mon,
Rayn., t. m, p. 127).

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......\'Ih kngua m\'entrelia

Can eu denan leis me prezen.

(Bernard de Ventadour, 39—4o)-
Tan soi d\'amor entrepres
Quan remir la vostra beutat,
Tot m\' oblida quant m\'ai pensât.
(Arnaut deMaruelh,
Rayn, t. in, p 198)-

Colleis gall attep y nep am nwyf

(Cynddelw, Gog., p. 46)-

Mau drennydd medru annerch,
Madws oedd, bum mud o serch.

(Gruffydd ab Maredudd, JUd., p. I93)-
O\'i serch braidd y medrais i,
Ferch weddus, gyfarch iddi.

(DG. 191J 9—lo)-

Sa bialtez me fait si esbahir
Que je ne sai devant li nul langage.
Ne regarder n\'os son simple visage.
(Châtelain de Coucy, Brakelmann,
op. laud..

p. 113)quot;

C. Soupirs :

Circa mea pectora
Multa sunt suspiria
De tua pulchritudine
Que me ledunt misere.

Millies et millies
Inde suspiravi

(cb. 141» 5)-

iCB. 50, 19)
e velh.

Noih e jorn pes, cossir
Planh e sospir

(Bernard de Ventadour, 7, 33—34)-
En sospiran vau endormitz
(Arnaut de Maruelh, cité par Wechssler
op. laud., p. 231).

E soupirras de cuer parfont
Car saches qu\'ensi le font
Cil qui ont les maus essaiez
Dont tu es ores esmaiez
{Rose, vs. 2295—98, t. II, p. 117-
A chenaf ucheneid gyfrin

(Hywel ab Gwain, Gog., p
Echwynawdd bardd ar harddlun
Uchenaid Uthr a Chynon
(Gruffydd ab Maredudd,
Ibid., p.
Dwy uchenaid a roesom
A dorrai\'r rhwym dur y rhom
(DG.
102,27—28 ; Deth. 11, 27

Dygum gwynfan amdanad

(DG. I99gt; II)

-118).
. 86).

192).

.28).

Tuchan yn daer wrth gaer galch
A gruddfan am Eigr ruddfalch

(DG. 131» 7—8).

D. Larmes :

Nil restât nisi flere

{CE. 35gt; 7)-

Hinc mihi fletus abundat,
Hinc fletus inundat

(CE. 44» 6).

Soven ma cara \'s muella
Ab l\'aigua que nays de mon vis
(Guilhem Hue d\'Albi,
Rayn., t. F, p. 200)
Soven plor tan que la chara
N\'ai destrech\' e vergonhoza
E\'1 vis s\'en dezacolora

(Bernard de Ventadour, 3, 56—58).

Là de plorer fai-je

En actendant de vous secours
Je ne soustiens ne plains ne pi ours

(Parnasse satyrique, LI).
Dy fardd mad, yn anad neb
Digroenes deigr ei wyneb

(DG. 18, 15—26).

Wylaw \'r ol y wiw ael rudd
Swfr hallt a dyr ei elltydd

(DG. 92, 55—56).

Afon a\'i llif o fewn llaid,
Mae awch hon i\'m uchenaid

(DG. 148, 9—10 ?).
assés mon dévoir(!)
(Froissart,
éd. cit.., p. 167).

E. Insommie :

Vacuus somno noctem, quam longa, peregî

{Amores, I, II, 3-)

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Nulla dies merito dabit et nox nulla quitem {Pamphius, éd. cit., p. 154).

Dieus, qual enueg
Mi fai la nueg.
Per qu\'ieu dezir I\'alba.
(Ucdela Bachellerie, Kajy«., t. m, p. 342).
Je n\'ai nul repos
Ou pour ne en la nuitie

(Froissart, ed. cit., p. 319).
So hote he lovede, thab by nightertale
He sleep namore than dooth a nightingale
(Canterbury Tales, Prologue, vs. 97—98).

Na wna ui, veinwen, val na hunwyf
(Cynddelw,
Gog., p. 46.)
Ni chaf hun am fun, em falch

(Gruffydd ab Maredudd, Ibid., p. 193).
Digwsg fum am eil Degau

(DG. 211, I).

Hanner hun yr aderyn
A gysgaf, o hunaf hyn

(DG. 170, 5-6)

Gruffydd ab Dafydd appelle la belle „l\'élément de l\'insomniequot;, agwyddor anhun (Gog.,
p. 206), Mab y Clochyddyn „l\'insomnie des foulesquot;, Uu anhun (Ibid., p. 219), Dafydd ab
Gwilym la proclame „reine du pays de l\'insomniequot;,
brenhines hro anhunedd (DG. 103, 33).
Le dernier assure aussi que même le chant de saint David (ou plutôt du roi de ce nom)
ne pourrait l\'endormir :

(DG. 221, 3-4)

(André

Anodd im gysgu un dnn,
Be canai Dewi ei hun

F. Songes et Réveil:

Si coamantcm somnium repraesentet amanti, oritur inde amor et ortus sumit augmenta
le Chapelain, cité par Wechssler,
op. laud, p. 231)

Adoncs estauc en tan rie jauzimen
Qu\'ieu non volgra ja esser rissidatz.
Tan cum dures aquel plazenz pensatz
E quan m\'esvelh, cug mûrir deziran
(Arnaut de Maruelh,
Ibid., p. 331).
Domna ! ar ai eu tan de ben
Que, quan revelh e m\'en soven.
Per pauc no\'m volh los olz crebar
Car s\'entreme ton del velhar

(Folquet de Romans, Ibid., p. 231).
Et après ce quant li sens me revient
Et je voi bien qu\'a tot ce ai failli.
Lors me corroce et laidenge et maudi.
Car je voi bien qu\'il ne li en souvient
(Thibaut de Champagne, cité par Langlois,
Rose, t. n, p. 318)

Lors comenceras a plorer
E diras : „Dieus, ai je songié ?quot;

(Rose, vs. 2448—49, t. II, p. 125).
Your grete bewte ! me thynketh than y fynde
You as gripyng in myn armes twey -,
Bute whan y wake, ye are away

(Chaytor, op. laud., p. 137).
Dihirach, afrwyddach fry,
Dihuno wedi hynny
A bun wrth fy rhaib innau,
Dydd a fu nid oedd fau

(DG. III, 27—30 ?).
Tybiaswn, o\'m tyb isod,
Gan fy mun gynnau fy mod :
Pell oedd rhyngof, trym-gof trais,
A\'i hwyneb pan ddihunais !

(DG. 216, 21—24).

G. Manque dquot;*Appétit :

Minus dormit et edit quem amoris cogitotie vexât (André le Chapelain, Rayn., t. 11, p. cvi).

p. 849).

1)nbsp;Cf. les proverbes Hun yr aderyn ; Hun yr eos (MA^.

2)nbsp;Deth. : Dduw huw ei hun.

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Fugit a me bibere,
Cibus et dormire

(CB. 50, 20).

Qu\'aissi \'m punh al cor e\'m toca
E\'m tolh manjar e dormir
(Uc de la Bachellerie,
Rayn., t. m, p. 343)
Boivre, mengier, dormir, jouer
Entreîesse pour le pensser
(Le Chastiement des Dames, chez Méon, op.

laud., t. Il, p. 205). \'

H. Amaigrissement, pâleur et langueur :

Palleat omnis amans, color est hic aptus am anti
Atténuant juvenum vigilatae corpora noctes
Decrescitque color, visque decorque meus

Roseus effugit ore color

(CB. 167, I).

Amors, saber volgra com er

De nos dos, si \'us plazia, ueimais

Que per re engraissar no \'m lais

(Peire d\'Alverha, éd. Zenker, 5gt; 29—31)

Ici! veilliers, ici! parlers

Fait as amanz soz les drapiaus

Durement ameigrir les piaus......

......Car bien saches qu\'amors ne laisse

Sor fins amanz color ne graisse

(Rose, vs. 2544 et seq., t. n, p. 130)-

Neud adwen ar dyn rydwyn uygne
(Llywarch ab Llywelyn,
Gog., p. 95).

Medraist - aur delaist er adeilad gwawd -
Ym nychdawd ddifrawd ddyfrys golliad
(Hywel ab Einion Lygliw,
Ibid., p. 221)

Melynu am ail Enid
Mae \'r grudd, ac nid mawr y gwrid
(DG. 226, 7—8 ; Deth. 55. 7—8)

Yn nychu, yn wan a chul
G serch ar y feinferch fui

(DG. 215, 17—18).

Je senc mon corps, mon s anc, mes ners
Tout afoiblis, pales e pers

(Froissart, éd. cit., p. 252).

Dafydd dispose encore d\'autres images expressives pour donner une idée de sa langueur,
n ressemble à un bouleau nain dépérissant, tant l\'amour le fait amaigrir, et ses vetements
ne lui vont plus :

Caru dyn lygeitu Iwyd
Yn ddyfal a\'m gwnai\'n ddifwyd

(DG. 10, 1—2 ; Deth. 3, 1—2 ?).

Lliw ei grudd oil, fo \'i graddiwyd
Wnâi i Iwys fardd lysu ei fwyd

(Sippyn Cyfeiliog, IGE. 74» 7—8)-
Heb gysgu, heb garu gwin

(Id., IGE. 74gt; 23).

(Ars, I, 729)-
(Ibid., I, 735).
(Pamph ilus, éd. cit., p, 133)-

Dyn fal corfedw yn edwi,
Deune ton, amdanad ti

(DG. 18, 15-

-16).

Profais fy mhais a\'m hosan.
Ni wn eu maint yn un man

(DG. 148, 27—28 ?).

Nous ne voudrions pas soutenir que tous ces traits soient également spontanés. Certes,
la douleur est bruyante au moyen âge, mais nous doutons par exemple un peu que ks
Celtes aient eu ce même don des larmes qui nous frappe toujours dans la poesie courtoise
du Continent et même dans les chansons de geste. Les troubadours tirent vamte des
pleurs qui témoignent d\'une âme sensible, mais nous avons l\'empression que meme les
Irlandais, dont la mélancolie passe - à tort ! - pour le trait de caractère le plus saillant,
ont eu honte de cette faiblesse. Dérdriu meurt sans un mot, sans une larme, et dans les
chansons amoureuses populaires, toutes plaintives qu\'elles sont le plus souvent, nous
n\'avons pas non plus rencontré cette ostentation de la sensiblerie. Il y a par contre xm
passage chez Dafydd ab Gwilym où ce barde dit nettement d\'où lui est venue 1 idee de
verser tant de larmes. S\'irritant contre une donzelle qui jusqu\'ici a su se soustraire a

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ses poursuites, il énumère tous les moyens dont il dispose pour rompre sa résistance et,
avertissement d\'une loyauté un peu exagérée, lui annonce que jamais elle ne pourra
éviter de lui appartenir dès qu\'il aura recours aux „larmes ovidiennesquot; :

Dan gur afael deigr Ofydd

Dy gael, ferch, diogel fyddnbsp;(DG. 143, 7—8)-

Or, il nous semble impossible de ne pas reconnaître dans ces vers significatifs une
allusion dont la clarté ne laisse rien à désirer à la recommandation d\'Ovide à ses disciples
de donner libre cours à leurs larmes, dussent-ils les tirer de leurs yeux artificiellement :

Et lacrimae prosunt : lacrimis adamanta movebis.
Fac madidas videat, si potes, illa gênas.

Si lacrimae (neque enim veniunt in tempore semper).
Deficient, uda lumina tange manu

(Ars., I, 659—662) 1).

S\'il était encore utile d\'insister sur la nécessité d\'envisager les protestations de sincérité
des bardes sceptiquement, cet aveu pourrait nous en dispenser!

Le motif du songe pardt avoir également une origine littéraire et étrangère, mais
de celui-ci du moins il est assuré qu\'il a été connu aux pays celtiques de très bonne heure,
longtemps avant l\'éclosion de la poésie courtoise. La
Vision de saint Paul est le prototype
de cette vaste littérature visionnaire, qui du reste a plus souvent un caractère religieux (ou
politique) qu\'érotique.

Les autres rapprochements que nous avons établis paraîtront cependant à la réflexion
bien peu probants. Tout d\'abord il importe de constater que les troubadours et les vagants
manifestent leurs émotions encore par nombre de démonstrations que les poètes gallois
n\'ont pas tenu à imiter, et ces différences sont peut-être encore plus significatives que
les correspondances. Les Cywyddwyr ne se pâment pas, ils ne disent jamais qu\'ils sont
consumés par un feu intérieur et grelottent de froid un moment après, ils ne rougissent
et pâlissent pas alternativement, et surtout ils ne sont pas sujets à ces ravissements
périodiques pendant lesquels le monde extérieur n\'existe plus pour eux L\'absence
de ce dernier trait, symptôme par excellence de l\'amour dans la poésie médiévale, est
d\'autant plus remarquable qu\'il était connu au Pays de Galles grâce à Peredur, chevalier
accompli dans l\'amour courtois, qui avait passé fréquemment par ces crises d\'extase.
Pour ce qui est des autres signes d\'émotion plus ou moins spontanés, ils ne permettent
aucune conclusion sur l\'influence exercée par la poésie courtoise. N\'oublions pas qu\'il
s\'agit de sentiments communs à l\'humanité entière®). Les Gallois n\'étaient pas insensibles ;

1)nbsp;Cf. Jakes d\'Amiens, L\'Art d\'amours, vs. 1095 et seq. -, La Clef d\'Amors, vs. 1085 et seq. ; Rose, vs.
7452
et seq,, t. III, p. 43.

2)nbsp;Il est vrai que plusieurs de ces traits se trouvent encore dans la poésie des Gogynfeirdd. Pensant
au mariage qu\'il désire ardemment, Hywel ab Einion Lygliw croit se pâmer : Meddwl ofeiliaint braint,
braidd o\'m gad llesmair
(Ibid., p. 321).

3)nbsp;On trouve un exemple frappant de l\'universalité de ces observations dans la façon invariable
dont les femmes amoureuses dans les contes d\'amour trahissent leurs pensées. Uathach, amoureuse de
Cuchulainn, se trompe en brodant et prend un fil d\'argent au lieu d\'un fil d\'or, et Whitley Stokes a
déjà observé que le même trait se trouve dans une ballade danoise
(RC., vol. XXXIX, p. i20-i2i).Mais

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lïn\'étaient pas non plus aveugles et longtemps avant d\'avoir soupçonné même l\'existence
d\'une littérature méridionale ou latine ils doivent avoir fait certaines observations sur
eux-mêmes et sur leur entourage. Nous croyons pouvoir admettre tranquillement que
tous ces traits, qui ne manquent ni dans les
englynion du XVIIIe siècle, ni dansles chan-
sons populaires irlandaises et bretonnes, ont été déjà présents dans la poésie populaire
antérieure à Dafydd ab Gwilym. Mais pour prouver l\'ancienne familiarité des Celtes avec
ces études de „pathologie amoureusequot;, il ne nous faut pas même avoir recours à cette
poésie hypothétique ; elles abondent déjà dans une des formes de la littérature en prose

communes aux Irlandais et aux Gallois.

Nous avons pu constater déjà qu\'il y a une certaine connexion entre la partie narrative
de la poésie bardique d\'une part et les
Aitheda irlandais et les types correspondants de
la prose galloise d\'autre part. Ici c\'est le lieu propre pour remarquer qu\'à côte de ces
histoires d\'amours tragiques, la littérature celtique comprend un groupe de contes plutôt
tragi-comiques, qu\'on pourrait désigner par le nom donné au plus intéressant de ces
récits,
Serglige. Dans ces histoires en général moins violentes «t à dénouement souvent
moins tragique, les analyses des sentiments tiennent beaucoup de place, et en cela elles
ressemblent assez à la poésie purement lyrique des Cywyddwyr. Le
Serglige Conculaind
est l\'exemple le plus parfait de ce genre, mais plusieurs Tochmarc, comme ceux d\'Etam
et de Luaine, rentrent aussi dans ce cadre, tandis qu\'on peut considérer comme spécimens
gallois
VAraith de lolo Goch, le remaniement du Roman de Trystan du XVe siècles et
sous quelques rapports aussi la première partie du
Mahinogi de Math ab Mathonwy.
Quant aux Songes
{Aislinge et Breuddwyd), ils ne forment à vrai dire qu\'un sous-genre
de cette catégorie de contes.
UAislinge Oengusso est la forme en prose la plus caractéristique,
mais dans la poésie lyrique irlandaise on peut citer deux pièces deTadhg Dali O Huigmn
et la
Cûirt an Mheadhonn Oidhche s\'y rattache encore ; dans la prose galloise on connaît
le Songe de Maxen, celui de Gruffydd ab Adda et un troisième attribué dans le MS.

Panton 40 à Llywelyn Goch ab Meurig Hen

Les conteurs. Irlandais comme Gallois, se servent parfois d\'une seule image conven-
tionnelle pour dépeindre la violence de la passion qui emporte leurs héros. Ils se bornent
alors à remarquer que ceux-ci aimaient tant qu\'il n\'y avait ni un os ni une articulation
de leur corps qui ne fût rempli de leur amour :

Ni bai cnaim met n-ordlaig ann na ro lin searc sirbuan na hingine {Tochmarc Luaine, RC., vol.

efJImlan cadi\'alt ocus cach aidhi de o mullach co bond dia sere ocus dia handsacht ind uair

sin (Version irlandaise de Percival, RC., vol. XXVII, p. 83).
Nid oet gyueir arnei hi ny bei yn Ilawn oe garyat ef
(Math ab Mathonwy, Livre Blanc, /gt;. 51)-
Mynet a oruc serch y uorwyn ym pob aelawt itaw {Culhwch, Ibid., p. 227).
Kygwn vn ascwrn yndaw na mynwes vn ewin anoethach lie awei uwy no hwnnw nyt oed ny bei
gyfiawn ogaryat y vorwyn
(JBreuddwyd Maxen, Ibid., p. 91).

on le rencontre en France dans une ancienne chanson de toile : Devant sa dame cousoit et si tailloit ;
Mes ne coust mie si com coudre soloit- El s\'entroublie, si se point en son doit. La soe mere mout tost
s\'en aperçoit (Bartsch,
op. laud., I, 2, 6-9), et au XIXe siècle il paraît de nouveau dans les plamtes
de la belleMarguérite, dans le
Trompeter von Säckingen : Und mit blau und roter Wolle Ist am weiszen
Netz gestrickt. Und mit weiszem Garn ist die Bunte Stickerei gestickt.

I) éd. E. Knott, 39, 40. Ci. aussi Hardiman, op. laud., t. i, p. 304 5 G- Dotti^^. Les htteratures

celtiques, p, 100. 2) Rep., t. II, p. 847.

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Mais en outre de ce cliché un peu sommaire on trouve dans ces contes l\'état des amou-
reux décrit presque dans les mêmes termes que dans les cywyddau du XlVe siècle. Ils
ont perdu le sens : Loeg, le charretier que Cuchulainn a envoyé au royaume de la Si\'d,
informe son maître que la femme dont il parle ferait perdre la raison à des armées entières :

Acht in ben atberar sund
Beres na sluagu asa cund

Oengus et Maxen se réveillent à grand regret et ne demandent qu\'à dormir parce
qu\'alors ils voient en songe les belles dames dont la résidence leur est inconnue 2). Cuchu-
lainn, inconsolable d\'avoir perdu Fand, reste longtemps dans les montagnes sans boire
et sans manger :

Bi fri ré fota cen dig cen biad sechnon slebtenbsp;(Irische Texte, p. 226).

Le champion d\'Ulster cependant n\'était pas le seul héros des anciennes traditions
celtiques qui avait dépéri d\'amour. Oengus refuse également à manger, et Ailill, consumé
par sa passion pour sa belle-sœur Étain, tombe dans un état dangereux sans que les
médecins sachent le guérir. Quant à Gilfaethwy, follement épris de la belle Goewin, il perd
sa couleur et a la figure altérée au point qu\'il est difiScile de le reconnaître :

Ac nachaf yliw ay ansawd yn atueilaw oy charyat hyt nat oed hawd yadnabod (Livre Blanc,

p. 41)

L\'étude des romans en prose peut donc nous apprendre qu\'il n\'y a aucune raison
impérieuse pour attribuer les digressions de Dafydd ab Gwilym sur les effets de l\'amour
à l\'influence de la poésie des troubadours ou des vagants. Mais en outre ces textes nous
aident à mieux comprendre la nature d\'un autre lieu commun de la poésie galloise qu\'on
pourrait être porté à expliquer d\'après la même méthode souvent si peu justifiée.

Dans l\'idée des poètes l\'amour dont ils souffrent est un mal sans remède, car seulement
la dame insensible et cruelle a le pouvoir de guérir les agonisants par ses faveurs. C\'est
là encore une conception qu\'on pourrait croire d\'origine étrangère, et en effet elle se
rencontre assez souvent dans les diverse littératures du Continent :

(Irische Texte, p. 220)

Galatea meus dolor et medecina doloris
Causa mee mortis hec est et causa salutis

(Pamphilus, éd. cit., p. 160).

(Ibid., p. 153)-

Tu, si placet, itaque
Fac ut sim sanatus

(CB. 50, 22).

Ses leis no serai gueritz

(Bernard de Ventadour, 40, 77).

Nus hom ne me porroit medecine doner
Fors que vous, douce dame, nus ne me puet tenser
(Guiart,
L\'Art d\'Amors, Zeitschr. f. rom.

Philologie, vol. xuv, p. 182).

1)nbsp;D\'fhâg tu m\'intinn claoidhte buaidhrighte Mar an crann criothain \'s an ghaoth g\'â luasgadh
(Conn., p. 76).

2)nbsp;Cf. \'N dé-all da dec heur noz, pa oan êt em guele. Cous ket ganin eun unv, me am boe eun unvre ;
(bis) Oa ma muian caret ganin ouz ma c\'hoste. Allas ! pa zifunis, ha gwelet na oa ket,Me commans goelan
evel eun oan bihan
(Sôniou, t. I, p. 154).

Il y a un adage gallois : Ni bydd hunawg serchawg byth (MA^., p. 852). Cf. : An neb a choaz mestrès na
gousc na de na noz
(Sôniou, 1.1, p. 152). Agus codladh ciûin ni fheudaim Go n-éugfad, faraor (Conn., p. 8).

3)nbsp;Créde, dans ses plaintes sur son amant Dinertach, gémit que l\'amour a décoloré son visage
(Ériu, vol. II, p. 15).

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LES SYMPTÔMES DE L\'AMOUR

323

Daer is so schoonen vrouwe

Mawr yw dy glwyf, ddeunwyf ddwys ;

In mijnen armen beuaen

Mi a\'th wna, gwirdda gorddwy.

Si heeft mijn herte genesen

Yn iach.

Twelc was so seer doorwont

(Gruffydd Llwyd, IGE., 51, 46—48) i)

(AL. LXXIV, 6).

Yn iach, \'y mun, wnewch a mi

(DG. 9, 20).

Mais les Serglige irlandais nous mettent en garde contre des conclusions incon-
sidérées. Dans le
Tochmarc Luaine, il est reconté que Conchobar était tombé dans un
état dangereux de langueur et que ses messagers cherchaient en vain dans toute l\'Irlande
une jeune fille qui pût guérir son mal :

Ni fuaradar intib mnai n-aentuma ro coisced cuma Conchobair (RC., vol. XXIV, p. 272).

Ailill, ne pouvant plus se contenir, avoue à Etâin les sentiments qu\'il lui porte et la
supplie de le guérir de la maladie qui l\'oppresse :

Ocus a ingen, ar sé, ro bud urusa deit m\'ic-sa do denam dom ghalar (Irische Texte, p. 124 J
RC. vol. III, p. 344)-

Bien plus explicite encore est le conte des maux d\'amour de Cuchulainn. Le héros
dépérit longtemps sur son lit, ensorcelé sans qu\'il le sache par Fand, la princesse des
fées, qui désire qu\'il réponde à son amour. Enfin son charretier, qui est parti pour le
royaume de son amante inconnue, lui informe quel est le mal qui l\'a atteint et qu\'il ne
tient qu\'à lui d\'être guéri :

A Cuculaind fot galar ni bo sirsan an t-anad

Not icfitis, diamtîs iat, ingena Aeda Abratnbsp;(Irische Texte, p. 208).

C\'est ce récit-ci surtout qui nous explique d\'une façon inattendue la véritable signi-
fication de cette métaphore des maux d\'amour et de la guérison par l\'amante. Il nous
rappelle que d\'après la conception primitive l\'amour est l\'effet d\'un ensorcellement par
une force extérieure qui seule a le pouvoir de rompre le charme. MM. Bédier et Wechssier
ont déjà observé que cette croyance-là a été répudiée formellement par les troubadours
et leurs imitateurs, qui n\'ont cessé de protester qu\'ils aiment parce qu\'ils veulent aimer
et adorer la perfection physique et morale
{valor) de leurs dames Un Chrétien de Troies
affirme avec emphase qu\'il aime mieux que Tristan puisque „bone volontésquot; lui fait adorer
sa dame, tandis que cet amant illustre n\'aimait qu\'à son corps défendant, sous l\'influence
d\'un philtre. En Picardie seulement, au pays de Hellequin, cette conception plus élevée
de l\'amour n\'a pas complètement triomphé des idées primitives. Pour Adam de la Halle
l\'embarras qui en la présence de sa bien-aimée lui „lie la languequot; est un tour que lui joue

1)nbsp;Dafydd ab Gwilym, ami de la nature, ajoute un trait caractéris tique pour son style en suppliant
la dame de le guérir „avec la rapidité dont poussent les fougèresquot; : Gwnaed bellach fi\'n iach, fy nyn,
Ar hyder tyfu rhedyn
(DG. 157, 19—20; Deth. 12, 19-20?). lorwerth ab y Cyriog au contraire, esprit
plus terre-à-terre, est guéri par le diadème que son amie lui a donné non seulement de son affliction, mais
encore des rhumatismes dont il souffre
(IGE. 76, 29 et seq.) ! Aussi la compare-t-il aux célèbres médecins
de JVlyddfai.

2)nbsp;De Nicolao Museto, p. 24 5 Kultur problem des Minnesangs, p. 310.

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lafaàrie et c\'est la féeMaglore qui le ramène dans les bras de sa femme et lui fait renon-
cer à ses projets d\'aller étudier à Paris Mais aux pays celtiques, en Irlande comme
au Pays de Galles, où le
Tylwyth Teg a encore un grand prestige, ces idées ont été particu-
lièrement vivaces. Le demi-dieu jaloux Midir avait ensorcelé Ailill, une femme surnaturelle
et invisible avait entraîné par ses enchantements Condle le Bossu, la fée Fand avait
fait tomber malade Cuchulainn pour le guérir ensuite, la femme de Cilydd avait jeté
un sort sur son beau-fils Culhwch pour qu\'il s\'éprît d\'une femme introuvable, et encore
pour Dafydd ab Gwilym son amie est une enchanteresse comparable aux trois sorciers
célèbres de jadis, son état de langueur est l\'effet de ses incantations, et elle seule a le
pouvoir de le guérir de sa faiblesse physique et mentale Lui même d\'ailleurs pourrait
aussi se faire aimer par sa nigromancie
(nigmars) La passion est pour lui le résultat
de ces
brichta ban tant redoutés déjà par saint Patrice et c\'est une preuve nouvelle
qu\'il partage sur l\'amour charnel bien plus les idées du paganisme celtique (et de l\'Eglise
qui, elle aussi, le considère comme une instigation de l\'esprit malin) que celles des poètes
courtois.

III—Métaphores de l\'amour

Maintenant que nous croyons avoir démontré le caractère autochtone de la conception
de l\'amour comme une lutte entre l\'amoureux et la belle enchanteresse, nous ne ferons
plus de difficulté à accorder que la façon dont elle est développée trahit ça et là des in-
fluences étrangères.

On comprend que les poètes ont tenu à spécifier la nature du mal dont ils prétendaient
souffrir. Le troubadour Peire Vidal et Guillaume de Lorris ont cru ne pas pouvoir
mieux faire que de le comparer au mal de dents, comparaison qui peut-être ne paraîtra
plus très poétique au goût moderne En général cependant on le localise dans le cœur,
centre des sentiments, et l\'on se représente cet organe affecté par la passion ou même
enlevé tout entier par la belle qui l\'a enflammé. Il nous semble inutile d\'alléguer ici des
exemples de ces métaphores dans les littératures continentales, vu qu\'elles sont propres
à toute l\'humanité \') ; il suffira de montrer qu\'elles avaient été toujours connues aux
poètes celtiques :

1)nbsp;éd. Berger, XI, V. Pour d\'autres exemples de cette croyance dans la poésie des trouvères, V. Ibid.,
p. i86 et seq.

2)nbsp;Jeu de la Feuillée, éd. cit., vs. 674—691.

3)nbsp;Déliais fal ar hudoliaeth, Dilyn serch arnad, ferch faeth (DG. 18, 5—6) I Heuodd i\'m bron,
hon a hyllt. Had o gariad, hud gorwyllt (DG. 24, 5—6).
Cf. DG. 105.

4)nbsp;DG. 143, 17.

5)nbsp;Hymne de saint Patrice, vs. 48. (Irische Texte, p. 56). F. aussi Arbois de Jubainville, U Epopee
celtique en Irlande,
p. 390.

6)nbsp;Peitz me fai, e ges no s\'en melhura. Que mais de dens, quan dol en la maissela (éd. cit.,
VII, 15—16). Tu comenceras a frémir, a tressaillir, a demener ; Sor coste t\'estovra torner, E puis
envers, e puiz adenz, Gome ome qui a mal as denz
(Rose, vs. 2428—32, t. II, p. 124).

7)nbsp;Dans une poésie en sanscrit, traduite par Leopold von Schroeder, l\'amant reproche son malheur
au célèbre grammairien Pânini, dont l\'enseignement pernicieux lui avait fait considérer son coeur
comme
un neutre. Aussi lui a-t-il permis de visiter sa mie, et hélas ! maintenant il ne veut plus rentrer en son
corps
(Reden und Aufsätze, p. 163).

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Ydwyf yn kelu kalon yssic

(Cynddelw, Gog., p. 71)-

Klywaf uyg callon tonn val tande
Yn llosgi yrdi ar detyf kynne.

(Llywarch ab Llywelyn, Ibid., p. 95)
Am f\'eniwaw wyf fronfriwaw
(lorwerth ab y Cyriog,
Ibid., p. 216).
\'Y mron oer, am yr unferch

Y sydd yn ysig gan serch

(DG. 79, II—12).

Deilm ndegae
Rotetaind mo chride-sae,
Rofess nicon biad cenae.
(Liadain and Curithir, éd. K. Meyer, p. 24),
\'Si do chrâdhaigh mo chroidhe go lâr

(Conn., p. 136).

Dans la pensée des poètes il ne s\'agit pas d\'une simple maladie de cœur, mais cet
organe serait effectivement percé d\'outre en outre, et c\'est cette blessure horrible
(clwyf)
qui ferait tant souffrir l\'amant. I^ême ce terme s\'applique par métaphore à la dame elle-
même : Llywarch ab Llywelyn l\'appelle
clwyf cant uyrd, Dafydd ab Gv^ilymfunfarddglwyf
(DG 42, 27). Ici nous touchons enfin à l\'image répandue plus que toute autre du style
érotique, celle des flèches de l\'amour. Nous croyons qu\'on s\'est un peu trop pressé d\'inter-
préter sa présence dans la rhieingerdd comme une marque de l\'influence de la poesie
classique ou méridionale. L\'image en effet est universelle, et Cupidon n\'est pas le
seul dieu qui lance des traits : Kâma les darde aussi sur ses fidèles. La simple mention
de la
saeth donc ne permet pas encore des conclusions, mais d\'autre part il est bien vrai
que la métaphore développée du regard sortant d\'un œil radieux pour
percer comme une
flèche le cœur de l\'amant trahit son origine courtoise :

Tua facies

Ensis est quo necor

(CB. 166,1).

Nafret mon cor d\'un esgart amoros

(Peire Raimon, Rayn., t. V, p. 329)-
Un regard a pour traire
Un coer et percier parmi

(Froissart, éd. cit., p. 323).

Mon las coer qui tous jours pleure

Si est playés
D\'un ardant dart qui fu forgiés
D\'un douls vairs yex.

(Id., Ibid., p. 251).

Ces doulx regars et beaux semblans
De tres decevante saveur.
Me trespersans iusques aux flans

(François Villon, Test., vs. 26—28).

Ye sleen me with your eyen, Emelye
(Knight\'s Taie, vs. 709).

Dy olwg treiswg trosof, wyf alltud
A a filldir hebof
(Grufïydd ab Dafydd,
Gog., p. 206).

Dyn a roes, dan yr as au,
Drem gynt na \'r adar yn gwau

(DG. 148, 5—6 ?).

Ef aeth ei threm, Gem Gymry,
A\'i chariad, ehediad hy,
Dyn fain wengain ewyngorph,
Drwy \'mron, a\'m calon, a\'m corph.
Mal ydd ai, gwiw ddifai gofî,
Gronsaeth drwy ysgub grinsofl.

(DG. 188, 41, 46)-

Golwg seithwaeth no gelyn,
Laesdeg i liasu dyn
(Gruffydd Llwyd,
IGE., 53, 19—20).

La belle adversaire dispose encore d\'autres projectiles, et M. Ifor Williams notamment
a attaché beaucoup d\'importance
à l\'emploi fréquent que les bardes font de la métaphore
de la lance
(gwayw) dans leur poésie % Ici encore nous voulons proposer une légère modi-

1)nbsp;Variante de Stern. — DG. : unchwydd.

2)nbsp;Trans. 1913—143 P- I59 i Deth., p. Ixvii et seq.

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fication à l\'opinion qu\'il a soutenue. Certes, on rencontre cette image très souvent dans
la poésie des vagants, et elle se trouve également chez les troubadours, chez les trouvères
et chez les poètes anglais, mais tout cela ne suffit pas encore à notre idée à décerner
l\'honneur de l\'invention aux poètes latins, et en tout cas il n\'est pas possible d\'attribuer
son mtroduction dans la poésie galloise à Dafydd ab Gwilym. Sans parler de Gruffydd
ab Maredudd et de lorwerth ab y Cyriog, qui sont ses contemporains i), nous ne pouvons
pas négliger que Gruffydd ab Dafydd, qui appartient au siècle précédent, proteste que
seule de toutes les femmes, la belle d\'Eittun l\'avait frappé avec le „glaive de la douleurquot; :

Ni\'m gwnaeth gwayw alaeth gwiw eilun, hyd hyn
Onid hon yn 2) Eittun

{Gog.y p. 206).

Et même Gruffydd n\'avait pas été au Pays de Galles le premier à se servir de cette
image. On ne semble pas encore avoir observé que non seulement les maux d\'amour,
mais toute souffrance navrante est comparée par les poètes gallois à la douleur causée par
un coup de lance, et de fait cette comparaison n\'était pas plus difficile à inventer que
celle avec la flèche % Toutes deux se rencontrent aussi dans les élégies. Dafydd ressent
la perte de ses hôtes généreux de Maesaleg comme si pour sa pénitence ii était percé par
le fer d\'une flèche ; la mort de son maître Madog Benfras le fait souffrir comme une lance
dont il serait frappé :

Henaint anghywraint, ing, hiraeth, a phoen
A phenyd fal blaensaeth

{DG. 13, 1-2).

Uthr ym gwayw athro gwyr

{DG. 235, 21)

_ Dans ce dernier vers gwayw est presque synonyme de dolur, et il importe de constater
ici que dans ce sens le mot se trouve déjà dans
VHistoria Peredur. Quand ce héros a pris
congé de sa mère, „une lance saute en celle-ci, qui lui donne la mortquot; :

Pan gychwynneist ti oe hanuod y ymdeith y llamwys gwayw yndi hitheu ac o hynny y bu varw

{Livre Blanc, p. 66).

^ Pourtant nous accordons que cette métaphore-ci, originale à l\'état isolé, se trouve
également dans la poésie amoureuse parfois dans une association d\'idées spéciale qui
constitue un lieu commun probablement emprunté. Nous croyons cependant que celui-ci
ne remonte pas à la poésie des vagants, mais à la littérature où ces poètes, et les trouba-
dours avec eux, sont allés le chercher.

MM. Wechssler et De Morawski ont donné une autre direction à l\'étude de la poésie
des troubadours en mettant en évidence l\'influence que la littérature mystique a exercée
sur l\'amour courtois. Surtout le premier de ces savants a étabh un grand nombre de
rapprochements en général très suggestifs, et de tous ces textes qu\'il a cités le passage

1)nbsp;Megaist ym boen hoen hunglwyf, Megais gwayw dan ais, gwydn wyf {Gog., p. 193).

Gwant fi\'n druan Gwayw nwyf buan {Ibid., p. 216).

2)nbsp;Livre Rouge — Gog : yw.

3)nbsp;En italien ghiado a aussi le sens de „douleur cuisantequot;.

4)nbsp;Ci. Gwayw trwy\'r alarfron (Gruffydd ab Maredudd, élégie de Gwenhwyfar, Gog., p. 189),

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de Hugues de Saint-Victor sur les traits de ia charité et les plaies suaves des mystiques
est parmi les plus intéressants i). Tout aussi digne d\'intérêt est la remarque de M. De
Morawski, qui considère la métaphore de la lance chez quelques troubadours comme „un
vague souvenir du martyrologequot;

L\'idée du martyre d\'amour (et celle de la pénitence de l\'amant), est en effet très
courante dans la poésie courtoise et elle se rencontre jusque dans les chansons flamandes
du XVIe siècle Froissart surtout a formulé plus d\'une fois la pensée que l\'amant ne
peut faire une fln plus glorieuse que de mourir d\'amour, et il parle de la vie exemplaire
d\'unTibulle,
vrès amans et vre s martirsjrans et loyaus,,comme s\'il s\'agit d\'une hagiographie
des plus édifiantes :

Moult belle en est l\'escripture et la bule
A recorder de la vie Tubule ;
Car Tubulus sa dame tant ama
Que pour s\'amour à la mort se pasma.
Ce fut pour lui une honnourabîe fin

{Poésies, éd. cit., p. i8o)

C\'est aussi l\'idée de Dafydd ab Gwilym. Lui-aussi semble convaincu que cette mort
pour l\'amour de sa belle sera salutaire à son âme :

Glân oedd i\'m enaid o glod,

Fy aur eirian, farw erod !

{DG. 131, 35-36) 5).

Et lui aussi se prévaut de la pénitence que la dame, qu\'il compare à un confesseur
sévère, lui a imposée et qu\'elle ne veut pas adoucir, tandis que Goronwy Ddu s\'appelle
un vrai pénitent, et Llywelyn ab y Moel se présente comme un autre Guy de Warwick,
qui dans l\'ascétisme expie ses péchés :

Gwir benydiwr, gwael fy nghyflwr.nbsp;{Gog.. p. 218).

1)nbsp;op. laud., p. 250.

2)nbsp;Pamphile et Galatée, p. 173.

3)nbsp;le sterue een martelaer {AL- XII, 2).

4)nbsp;Dans le Roman de Méliador, Narcisse est appelé le vrai martire (vs. 19265, t. II, p. 292).

5)nbsp;Les amants acceptent donc la mort glorieuse que l\'insensibilité de leurs dames leur donne. Toute-
fois même à cette belle résignation il y a des limites et alors il n\'est pas rare qu\'ils leur représentent plus
ou moins respectueusement qu\'elles commettent un crime qu\'on lui reprochera plus tard :

Mout m\'es grans cortezia C\'amors per midons m\'aucia -, Mais a leis non estara gen(Bernard de Venta-
dour, 17, 30—32),

Bona domna, vostr\'ome natural Podetz, si \'us platz, leugierament aucir. Mais a la gen vo\'n faretz
escarnir E pois auretz en peccat criminal (Peire Vidal,
éd. Anglade, XXIV 9—12).

En vostre puing tenés ma vie. Toute ma joie et mon confort. Et d\'autre part tenés ma mort : J\'arai
le quel qu\'il vous plaira. Mais si Diu plaist,
ja n\'avenra Que si tres biele dame face Coze don Jhesucris
le hace. Car se la mort m\'aviés dounée, A droit en sériés blasmée
{Art i\'Amours vs. 550—58, éd. cit.,
p. 27—28).

Se g\'iere por uostre amor morz. Donc en seroit uostre li torz. Que de m\'ocirre n\'auez droit. Que plus
uos aim que rien(s) qui soit (Maître Elie, vs. 99—102,
éd. cit., p. 43).

O\'m lleddi, amwyll wiwddyn, Yr em wen hardd, er mwyn hyn, Geuog y\'th wnair, grair y gras, Ymgel,
Wen, o\'m galanas (DG. 32, 9—12 j
Deth., 19, 9—12 ?).

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328

LES SENTIMENTS

Ni wyr dyn o\'r byd

Ni fyn Gwen leihau \'y mhenyd

Yma hanner \'y mhenyd

{DG. 223, 7 ?).

{DG. 52, 21—22 ?).

Yr wyf 0 haint ar fy hyd

Gwn beunydd benyd

Ym mhoen fal ancr ym mhenyd.

{DG. 108, II ; Deth. 53, 11).

{IGE-, 69, 17—18).

Ici cependant la ressemblance s\'arrête. Car les troubadours se plaignent fréquemment
des traits dont ils sont percés, et ils aiment à se comparer aux martyrs, mais autant
que nous sachions ils n\'ont pas mis ces deux idées en rapport dans les mêmes vers, et
c\'est ce que Dafydd ab Gwilym et Llywelyn ab y Moel ont fait sans hésiter :

Gw(a)ewyr serch gwaeth no gwyr saint
A gefais drwy ddigofaint !

{DG. 105, 17—18).
„Les lances de l\'amour, pires que celles connues
des saints, je les ai reçues (dans mon corps)
avec beaucoup de douleur.quot;

Même Dafydd paraît avoir égalé son martyre d\'amour à la Passion. Il nous semble
du moins que la lance à sept faces,
seithochr waew (DG.22,11 ; Deth. 22, 11), qu\'il porte
dans son corps est une allusion à l\'arme dont le centurion a\\ ait percé le flanc du Christ.
La légende de Longinus était connue au Pays de Galles i) et Dafydd lui-même y fait
allusion dans ie cywydd
DG. 61. En présence de ces textes le soupçon s\'éveille que les bardes
peut-être n\'ont pas emprunté les métaphores en questions à la poésie courtoise, mais
qu\'ils se sont inspirés indépendamment de la littérature ecclésiastique. Et cette manière
de voir trouve un appui nouveau dans le fait que tout aussi bien que les métaphores de
la flèche et de la lance, celle de la pénitence paraît d\'abord dans les élégies, qui de toutes
les pièces profanes approchent le plus de l\'esprit de la poésie religieuse. C\'est Gruffydd
ab Maredudd qui jusqu\'à trois fois se lamente dans la
marwnad de Gwenhwyfar de la
penyd qui lui est imposée, et c\'est Einion ab Gwalchmai qui longtemps avant lui, dans
la meme élégie dont le
Natureingang — autre motif provenant peut-être de la poésie
religieuse — a attiré déjà notre attention, avait protesté après la mort de sa protectrice
Nest qu\'il n\'y a jamais eu pénitence comparable à ce chagrin :

o Fair wen, o fawr annerch,
A wyr y saint wewyr serch ?

{IGE. 69, 35—36).
„Avé, Vierge bénies les saints connaissent-ils
les lances de l\'amour ?quot;

Ny ryvu docnach yr y docni poen
Penyd a uo mwy nor meu hebdi

{Gog., p. 118).
Och hir dir diffwys rhac pwys penyd

{Ibid., p. 191).

Gwae ddig boenedig a benydir

{Ibid., p. 192).

Gwae ef ym myd o fewn penyd a fai\'n poeni
Yn ol bun deg...

{Ibid., p. 192).

^ On ne peut pas non plus conclure du persiflage amusant par Gruffydd Gryg des plaintes
éternelles de son antagoniste sur les blessures mortelles que ses amies lui ont faites que
Dafydd est le plus important, sinon le premier en date, des poètes qui au Pays de Galles
se sont servis de cette métaphore développée. Pensons seulement à la parodie curieuse
d\'un poète plus ancien, Gruffydd ab Dafydd, et du procès que ce dernier avait intenté à une
donzelle pour l\'avoir „tué sans armesquot;, procès qui finissait par l\'acquittement de l\'inculpée,
puisque la présence du plaignant prouvait l\'irrecevabilité de sa plainte La critique

1)nbsp;Rep., t. I, p. 562.

2)nbsp;Gog., p. 207 ; Gwynn Jones, Rhieingerddi\'r Gogynfeirdd, p. 35 et seq.

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de Gruffydd Gryg nous semble prouver tout au contraire qu\'en son temps la métaphore
était déjà rebattue ! Quand ces images poétiques étaient nouvelles on ne les critiquait
pas amsi, et seulement quand les poètes les ont mille et mille fois répétées, le public finit
par s\'en lasser. Nous connaissons du reste des jugements analogues sur cette même méta-
phore dans d\'autres pays. A la fin de l\'âge d\'or des troubadours, un PeireCardenal tourne
en dérision la plupart des lieux communs de leur poésie et chante :

Ni die qu\'ieu muer per la gensor

Ni die que\'l belha \'m fai languir......

.........Ans die qu\'ieu li suy escapatz.

(Rayn., t. m, p. 439)-

Après plus de deux siècles de poésie courtoise, Eustache Deschamps écrit sa Balade
sur ceuls qui faingnent estre amoureux de chascune et jurent qu\'ilz ont tant de maulx pour
amer quHl les convient mourir, chascun jor, de diverses mors
i). Au siècle suivant Erasme se
moque de ces balivernes au début de son
Colloquium Prod et Puellae, et les poètes irlandais
écrivent également des pièces amusantes pour ridiculiser ces plaintes amoureuses devenues
insupportables A cette classe de protestations appartient le cywydd de Gruffydd Gryg.

Discutons pour finir encore brièvement quelques autres métaphores érotiques qu\'on
rencontre ça et là dans les chansons de Dafydd ab Gwilym. Quelques-unes de celles-ci
se trouvent aussi dans d\'autres Httératures sans qu\'on puisse dire pour cela que le poète
gallois les a empruntées. C\'est par exemple le cas de la comparaison de l\'amour avec un
nourrisson ingrat (maamp;mae^/î), que l\'amant a élevé sans être récompensé de cette charité»).
On a prétendu qu\'il a trouvé cette image chez Ovide,mais notre barde aurait pu la recontrer
aussi chez les trouvères. Cholars li Bouteilliers par exemple parle de
Bone amours qui
en moi sest nourrie Nous ne croyons pas cependant qu\'un poète vivant dans une société
où les enfants de bonne maison étaient généralement élevés par des nourriciers n\'ait
pu inventer cette comparaison spontanément.

La comparaison de la dame, qui fascine par sa beauté les amants, avec un oiseleur %
est-elle empruntée ? Il est vrai que la
lena Dipsas avait conseillé Corinne sur la façon
de tendre ses rets ®) et que cette image se trouve aussi chez Peire Vidal :

Ane no \'m gardei tro qu\'eu fui près
Col fo\'ls auzels, quant au la bres
Que\'s vai coitozamen aucir.

(éd. Anglade, XXV, 10—12).

Mais elle semble bien universelle puisque Kalidâsa s\'en est servi également

1)nbsp;Balade MCLII (éd. cit., t. VI, p. 84).

2)nbsp;Dânta Gràdha^, 9 ; Conn., p. 139.

3)nbsp;DG. 38.

4)nbsp;Mätzner, op. laud., p. 39. Le barde a paraphrasé le proverbe : Magu chwileryn yn mynwes
(MA^., p. 850).

5)nbsp;DG. 155, 186.

6)nbsp;Amores, I, VIII, 69.

7)nbsp;Leopold von Schroeder, Reden und Auf ätze, p. 158. La ressemblance parfaite entre un autre pas-
sage du même troubadour et les vers de l\'ancien poète indou sont bien de nature à appendre
de la circonspection à ceux qui pourraient être tentés à tirer vite des conclusions de rapprochements
pareils :

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L\'idée inverse est encore plus fréquente dans la poésie érotique. Ovide compare les
Don Juans qui fréquentent les lieux visités par les jolies filles aux chasseurs, aux oiseleurs,
aux pêcheurs qui n\'ignorent pas les endroits giboyeux et poissonneux i). Jean deMeun
compare la femme inconstante à un poisson dans un filet, à un oiseau dans une cage ;
Peire Vidal use à l\'égard de sa dame de la même patience que l\'oiseleur prend quand il
dompte un autour sauvage Guiraut de Bornelh rêve d\'un épervier qui se met sur son
poing et s\'y apprivoise Or, Dafydd ab Gwilym affirme qu\'on perd sa peine à nourrir
un lièvre, ou un écureuil, ou un chevreuil : tous préfèrent la liberté à une capitivité confor-
table, et son amie inconstante ne lui sait pas non plus gré de ses libéralités

Dans un autre cywydd ce barde assure que l\'affection que sa mie lui porte est égale à
l\'amour de la guenon pour ses petits :

Y câr fi rhi rhywogaeth
O châr yr ab ei mab maeth

{DG. 37, 9—10).

M. Gwynn Jones a reconnu le premier dans ces vers une allusion au Bestiaire provençal
et il a conclu de ce fait que ce passage est une preuve nouvelle de la familiarité de Dafydd
avec la matière mise en vogue par les troubadours Dans cette forme la conclusion est
trop audacieuse, car les troubadours n\'ont été pour rien dans la répansion de l\'anecdote
connue sur l\'amour maternel de la guenon, qui se trouve déjà chez Babrios et Avien
et qu\'on rencontre dans la plupart des Bestiaires \'). Il y a encore d\'autres indices que
cette matière était connue au Pays de Galles % et du reste Dafydd n\'a pas été le seul
barde qui y ait fait allusion. En remerciant un protecteur qui lui a fait présent d\'une
belle dague, lolo Goch dit que cette arme est plus chère à lui, l\'amant amaigri, que le
petit singe à sa mère :

Gwychach gan serchog achul
No chan yr ab ei mab mul

{IGE., 21, 83—84).

Il nous semble que Dafydd et lolo n\'ont fait que paraphraser un proverbe connu proba-
blement déjà à leur époque :
Mal yr âb am ei chenau (MA^., p. 850).

Ane no vist nulh arquier Tan dreg ni tan prim traisses ; E\'m fier al cor ses falhensa Ab un cairel de
plazensa... E l\'olh e\'1 cil negre espes E\'1 nas qu\'es en loc d\'arbrier, Ve \'us l\'arc de qu\'aitals colps fier Ab
un esgart demanes
{éd. Anglade, XXXV, 19—22 25—28).

Mein Mädchen ist ein Jägersmann, Kommt stolz daher gezogen. Die Augenbrauen schlank und kühn
Die sind des Jägers Bogen Die Seitenblicke Pfeile sind, Sie treffen gar so schnelle. Mein Herz das ist die
flüchtige, Verwundete Gazelle (trad, de Von Schroeder)

1)nbsp;Ars I, 45—50 ; Maître Elie, vs. 84—90, éd. cit., p. 37. Cf. Decidit in casses praeda petita meos
{Ars, II, 2).

2)nbsp;Rose, vs. 13941 et seq., t. IV, p. 41 et seq.

3)nbsp;éd. cit., XLIII, 9—16.

4)nbsp;Rayn., t, III, p. 310.

5)nbsp;DG. 77.

6)nbsp;The Welsh Outlook, t. iv, p. 134.

7)nbsp;Appel, Prov. Chrest, p. 203; Catalogue of Romances, t. II, p. 335. 340 ; Brunetto Latini, Le
Livre dou Tresor, éd.
P. Chabaille, p. 250; Jacob vanMaerlant, Der Naturen Eherne, éd. Verwijs, t. I,
p. 147-

8)nbsp;Rep., t. II, p. 426.

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Voilà donc enfin une métaphore qui remonte, quoique indirectement, à la littérature
classique, mais il y a encore une autre dans l\'œuvre de Dafydd pour laquelle c\'est vrai
et qui n\'a pas encore été relevée. C\'est la comparaison de l\'amant déséquilibré avec un
navire désemparé, qui sort de sa route et finit par s\'échouer sur un banc de sable :

Yr wyf eisoes ar faswedd,
Allan o gwrs, Ilun a gwedd.

Un swydd fum y nos heddyw

A nofio mor yn fy myw,
Fal llong foel a ollyngir
I b\'ie tyn, heb weled tir.

{DG. 148, 33—34. 45—48 ?).

Il semble peu probable que les Gallois, qui, autrement que leurs frères bretons et leurs
neveux irlandais, n\'ont jamais été, du moins au moyen âge, des navigateurs, aient inventé
indépendamment cette image, qui est très fréquente dans la poésie continentale. Loin
d\'être de l\'avis de M. de Morawski, qui a soutenu contre M. Schroetter l\'originalité de
cette comparaison chez Guiraut de Bornelh i), nous croyons que les troubadours, tout
comme les vagants et les bardes, la doivent en dernier lieu à la source inépuisable
de la poésie amoureuse médiévale, aux œuvres érotiques d\'Ovide :

Auferor ut rapida concita puppis aqua

{Amores, t. I, IV, 8).
Quid faciam ? media navem Palinurus in unda
Deserit : ignotas cogor inire vias.

{Remedia Amoris, vs. 577—58).
Non miser evadam : me nauta reliquit in undis
Et portum quero, nec reperire queo

{Pamphilus, éd. cit., p. 137).
Feror ego veluti
Sine nauta navis

{CB. CLXXVII, 3—4)\'

Sicut in arbore
Frons tremula, navicula
Levis in equore.
Dum caret anchore
Subsidio, contrario
Flatu concussa fluitat.

Sic agitat.
Sic turbine sollicitât

Me dubio
Hinc amor, inde ratio
{Collection dquot;Arundel, éd.Meyer, 14, 19-28).
E d\'autra part sui plus despers

Per sobramar
Que naus, quan vai torban per mar
(Guiraut de Bornelh, cité par Schroetter).
Atressi \'m ten en balansa
Com la naus en I\'onda.

(Bernard de Ventadour, 44,39—40)-
Atressi co\'1 perilhans
Que sus en I\'aiga balansa
Que non a conort de vida.
Tan sofre greu en escarida

(Peire Vidal, éd. cit., H, 1—4)-
Si com la nief quant le fort vent tempeste

Par halte mer se torne ci et la
Ma dame ensi mon coer maint en tempeste
(Gower,
Cinkante Balades, éd. Stengel^ p. n).

Nous terminerons ici nos enquêtes sur l\'origine des idées de Dafydd sur l\'amour par
une dernière image qui semble remonter, sinon à la poésie d\'Ovide lui-même, du moins
à celle de ses adaptations qui a le succès le plus durable et la seule dont on puisse dire
avec certitude qu\'elle a été connue dans la patrie des bardes. Nous parlons de la comparai-
son très développée de l\'amour avec l\'agriculture dans le cywydd DG. 30. En automme
le contre sillonne le cœur du poète et en attendant le temps propre à herser et à semer,
il souffre pendant le printemps des douleurs atroces. Le blé mûrit cependant, mais quand
il s\'apprête à le faucher, le vent tourne a l\'ouest, les pluies (ce sont les torrents de larmes
qu\'il verse !) gâtent la récolte et l\'empêchent de la rentrer, de sorte que toutes les provi-
sions qu\'il avait espéré amasser se perdent. Dafydd revient à cette métaphore dans

i) Schroetter, Ovid. und die Troubadours, p. 42 ; De Morawski, Pamphile et Galatée, p. 166.

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une chanson plus optimiste, DG. 200 ?, où il s\'appelle le premier laboureur deMeirionnydd.

Il semble peu probable que ces images se soient présentées spontanément à l\'esprit
d\'un de ces montagnards gallois qui, exception faite pour les habitants de Mon, la mère
féconde du Pays de Galles, n\'ont été pas plus agriculteurs que navigateurs, et dont le
mot pour laboureur,
hwsmon, semble même emprunté au flamand. Dans ces circonstances
il doit être permis d\'attacher quelque importance au fait que toute cette comparaison
intéressante se trouve déjà dans le
Roman de la Rose :

Je resemble le païsant
Qui giete en terre sa semence
Et a joie quant el comence
A estre bele et drue en erbe ;
Mes, avant qu\'il en cueille gerbe.
L\'empire tel eure est e grieve
Une maie nue qui lieve

Quant li espi doivent florir.
Si fait le grain dedenz morir,
Et l\'esperance au vilain tost
Qu\'il avoit eue trop tost.
Ge crien ausi avoir perdue
E m\'esperance et m\'atendue...
(Vs. 3960—72. t. II, p-

198).

Assurément, nous ne pouvons fournir la preuve rigoureuse que c\'est précisément dans
ce roman fameux que notre barde a cherché son inspiration. Les recherches de sources
mènent rarement à des vérités absolues, et les rapprochements les mieux établis se trouvent
être souvent illusoires dans l\'ignorance où nous sommes sur l\'existence de formes inter-
médiaires peut-être irrémédiablement perdues. D\'ailleurs, que savons-nous de la trans-
mission par voie orale ? Il reste toujours que dans ce chapitre encore nous avons pu consta-
ter que les idées originalement étrangères à la rhieingerdd proviennent indirectement tan-
tôt de la poésie érotique d\'Ovide, ou de la littérature religieuse, tantôt de l\'art courtois
du Midi, ou bien de la poésie bourgeoise du Nord de la France, tandis que tous ces cou-
rants se reflètent dans l\'ouvrage hétéroclite de Guillaume de Lorris et de Jean deMeun,
dont plusieurs passages pourraient sembler la source directe de vers correspondants de
Dafydd ab Gwilym.

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CONCLUS IONS

Les résultats des présentes recherches peuvent se résumer en peu de mots.

Au Pays de Galles la poésie érotique n\'a pas été suscitée par les troubadours ou par
les poètes latins du moyen âge. Les Gallois avaient leur propre poésie courtoise, et dans
deux genres notamment, le panégyrique et l\'élégie, le
hardd teulu s\'est exercé dans la
description de la beauté féminine et dans 1\' expression du deuil, applicable sans modifi-
cation profonde aux analyses des tourments amoureux.

Ils avaient aussi leur prose narrative, l\'art du storiawr, dans lequel la passion, souvent
fatale, parfois moins tragique, règne sur le destin des héros, dont les aventures merveil-
leuses (quêtes, messages surnaturels, enlèvements, poursuites, châtiments) frappaient

l\'imagination des poètes.

Mais en outre les Celtes possédaient une poésie populaire autochtone, et, dans les
poésies de jeunes filles comme dans les vanteries d\'amants indiscrets, les points culminants
du drame passionnel (première rencontre,
oed, nightcourtship, abandon) étaient chantes
fréquemment dans des formes qui correspondaient à ces situations différentes : dialogue,
invitation, sérénade, aube, regrets, chanson d\'adieux. Quand l\'état politique de la Princi-
pauté se transforme radicalement et que la
gentry se voit impartir la protection de l\'art
national à laquelle les princes avaient mis leur honneur auparavant, le monde rural de la
chanson populaire paraît dans la littérature bardique. Les
merched y gwledydd supplantent
les belles princesses, et au lieu d\'obéir aux suggestions des pères généreux et des fiers
maris, le
clerwr apprend à se méfier des marchands de bétail, qui pourraient devenir

des rivaux redoutables.

Sans avoir donné l\'impulsion à la naissance de cette poésie, les littératures etrangeres
n\'ont pas été pourtant sans y laisser quelques traces. Il faut en premier lieu tenir compte
de la Bible et de la littérature classique, anciennement étudiée, qui sont à la base de la
civilisation médiévale au Pays de Galles comme ailleurs. Leur influence sur la sagesse
populaire est incontestable, et l\'étude méthodique et comparée des adages gallois aura
peut-être un jour des résultats intéressants. Le prestige de la poésie des troubadours
et des poètes latins nous paraît moins grand qu\'on ne le croit en général ; tout de meme
certains souvenirs de la doctrine de l\'assujettissement amoureux et quelques comparaisons
précieuses semblent provenir indirectement de ces sources. La littérature ecclésiastique a
été d\'une plus grande importance que ces poésies mondaines. C\'est à elle que les élegiaques
d\'abord, les poètes érotiques ensuite, ont emprunté des idées telles que la pénitence et
le martyre de l\'amour, et peut-être encore le motif de la. reverdie. Les questions qui
préoccupaient le clergé entier, comme celles du célibat et de l\'anti-féminisme, ont eu un
grand retentissement au Pays de Galles et y ont été discutées dans la poésie.

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L\'influence étrangère s\'étend encore à un plus haut degré sur la poésie galloise quand
la société se réorganise et que, avec la fondation des
boroughs, elle prend une forme nouvelle
à laquelle une autre civilisation correspond. Plusieurs allusions donnent lieu à la supposition
que le Livre d\'Ovide, dont les préceptes ne sont applicables qu\'en un miheu urbain, était
pour les poètes gallois plus qu\'un vain nom, et de la plus célèbre de ses adaptations nous
savons même avec certitude qu\'elle était connue en leur pays. Les chansons des clercs
et des bourgeois des grandes villes du Continent, transmises par les marchands et les
soldats, se chantent dans les communes galloises ; les complications entre la Femme,
l\'Amant, le Mari et la Vieille, les situations propres aux fabliaux (ruses, surprises, excuses,
fuites aventureuses) éveillent l\'intérêt du pubUc cambrien, habitué probablement jusqu\'ici
à applaudir aux incidents moins variés des relations du couple amoureux.

Tous ces courants littéraires se réflètent dans l\'œuvre considérable du barde qui, par
opposition à ses prédécesseurs aristocratiques, pour qui les milieux de cour d\'Aberfifraw
er de Dynefor étaient les seuls existants, a entrepris de dépeindre la société contemporaine
dans toutes ses couches et de mettre en scène dans ses cywyddau les dames nobles de
Maesaleg comme les paroissiennes de Llanbadarn et les bourgeoises de Rhosyr. En cela
il fait penser à Chaucer et semble déjà très moderne. Et pourtant on ne rendrait pas pleine
justice à Dafydd ab Gwilym en le représentant comme un annonciateur des temps
nouveaux ou même de la démocratie et de la Réforme. Dans la poésie religieuse d\'un Sion
Cent, une cinquantaine d\'années après lui, le génie gallois se manifeste sous son aspect
le mieux connu des modernes ; Dafydd ab Gwilym par contre a la nostalgie de la Cambrie
enjouée d\'antan et du temps où les tournées des bardes rapportaient encore et où les
arts nationaux florissaient. Parmi ses vers les mieux sentis on peut compter ceux où il
supplie Dieu de faire encore lever l\'aurore sur cette „vigne précieusequot; dans laquelle il
ne lui était plus donné de travailler i). Malgré sa prédilection pour Rhosyr et ses bourgeois
hospitaliers, il regrette les cours seigneuriales de jadis, et le père de la poésie érotique galloise
reconnaît fort sérieusement que pour lui l\'amour des femmes ne vaut pas les faveurs des
grands. Dafydd a fourni des modèles aux poètes des générations suivantes, mais lui-même
se rattache par cent liens aux traditions de
Cymru ddigrij gynt qui s\'évanouissent.

Le moyen âge finissant a produit un autre grand poète qui, abordant génialement des
genres déjà traditionnels, a su faire une œuvre éternellement jeune. La personnalité de
Dafydd ab Gwilym, aussi éloignée de la physionomie fausse et bête (et encore trop
répandue !) du barde créée par un siècle épris du mystérieux, que celle de Villon, plus
familière, ne l\'est du trouvère conventionnel des romantiques, n\'est pas sans présenter
quelque analogie avec la figure de poète parisien du siècle suivant. Admis dans l\'intimité
des seigneurs et perdus dans les bas-fonds de la vie urbaine, l\'un et l\'autre ont fait revivre
un milieu particulièrement intéressant dans une littérature qui le plus souvent ne s\'intéresse
qu\'à une seule classe de la société. Si le clerc joyeux, qui court d\'aventure en aventure et ne
demande qu\'à ne pas être inquiété par les moines à une époque où les puissances luttent
pour l\'hégémonie et où son pays se relève péniblement de son abattement, n\'a ni la douce
mélancolie, ni le patriotisme du chanteur des dames du temps jadis et des médisants

i) Rho, Duw hael rhadau helynt, Gwawr ar Gymru ddigrif gynt ! Gorau man a gwinllan gost Ar fyd
o fywyd fuost, Tra fu amser i glera A dysg yr hen Gymry da ! (DG. 139, 1—6, variantes de Stern,
ZfcP.,
vol. II, p. i6i).

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de la France, en revanche le citadin français est dépourvu du sentiment de la nature
que le montagnard gallois possède à un si haut degré. Tous deux ont à se faire pardonner
des grossièretés, mais tandis que la gloire deMaître François est irréfutablement et univer-
sellement établie, Dafydd ab Gwilym, dont le Pays de Galles, et encore le Pays de Galles
non-conformiste et puritain d\'aujourd\'hui, est légitimement fier, est encore un inconnu
en dehors de sa patrie. Si ces pages pouvaient contribuer à donner une idee, meme
superficielle, de l\'intérêt que son œuvre présente à ceux qui s\'adonnent à l\'étude comparée
de la littérature médiévale, elles n\'auraient pas été écrites inutilement.

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sur le Pamphilus latin. Thèse Paris, 1917.
Oulmont, Charles. Les débats du Clerc et du Chevalier dans la littérature poétique du

moyen âge. Thèse Paris, 1911.
Paris, Gaston. Chansons françaises du XVe siècle publiées d\'après le manuscrit de la

Bibliothèque nationale de Paris (Anciens Textes), Paris, 1875.
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publiées d\'après le manuscrit de la Bibliothèque nationale (Anciens Textes), I—XI,

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Rolland, E. Recueil de chansons populaires, I—V, Paris, 1883—87.
Schéler, Auguste. Dits et contes de Baudouin de Condé et de son fils Jehan de Condé,

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Talsma, D. L\'Art d\'Amours van Jakes d\'Amiens. Critische tekstuitgave met inleiding

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Wallenskôld, A. Les Chansons de Conon de Béthune (Classiques français), Paris,
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Ward, A. L. D. Catalogue of Romances, I—III, Londres, 1883—1910.
Weston, Jessie. From Ritual to Romance, Cambridge, 1920.

VIII — Poésie flamande

Coussemaker, E. de. Chants populaires des Flamands de France, recueillies et publiés

avec les mélodies originales, une traduction et des notes, Gand, 1856.
Fallersleben, Hoffmann von. Das Antwerpener Liederbuch vom Jahre 1544, nach dem
einzigen vorhandenen Exemplare herausgegeben (Horae Belgicae XI), Hannover,
1855.
[AL.]

Willems, J. F. Oude Vlaemsche Liederen, ten deele met de melodien uitgegeven, Gand,
1848.

(Anonyme) Oudvlaemsche Liederen en andere Gedichten der XlVe en XVde eeuwen
(Maetschappij der Vlaemsche Bibliophilen) I—II, Gand, s. d.

Etude.

Kalff, G. Het Lied in de Middeleeuwen, Thèse Leyde, 1884.

IX — Poésie anglaise

Bôddeker, K. Altenglische Dichtungen des MS. Hari. 2253. Mit Grammatik und Glossar

herausgegeben, Berlin, 1878.
Skeat, Walter W. The complete Works of Geoffrey Chaucer, edited from numerous
Manuscripts^, t. IV (Canterbury Tales), Oxford, 1900.

-ocr page 361-

WrigiTtrThomas^ Songs and Carols from a Manuscript of the XVth century, Londres,
1847.

Etudes.

Voir Littérature méridionale.

X—Chroniques, Pseudo-Chroniques. Biographies, Descrip-
tions géographiques

Chroniques, etc. relatives au Pays de Galles.

Galfredi Monumetensis, Historia regum Britanniae, p.p. San Marte (A. Schulz), Halle,
1854.

Gildas, De excidio Britanniae, p.p. Jos. Stevenson (English Historical Society), Londres,
1838.

Giraldi Cambrensis, De Rebus a se gestis, p.p. J. S. Brewer (Opera, Roll\'s Series, 1.1),
Londres, 1861.

Giraldi Cambrensis, De Jure et Statu Menevensis Ecclesiae, p.p. J. S. Brewer (Opera,

Roll\'s Series, t. IH), Londres, 1864.
Giraldi Cambrensis, Itinerarium Kambriae, p.p. James F. Dimock, (Opera, Roll\'s Series

t. VI), Londres, 1868.
Giraldi Cambrensis, Descriptio Kambriae, p.p. James F. Dimock (Opera, Roll\'s Series^

t. VI), Londres, 1868.

Anonymes :

Ystorya Brenhined y Brytanyeit. Brut y Tywysogion. Brut y Saesson, p.p. John Rhys
et J. Gwenogfryn Evans, The Text of the Bruts of the Red Book of Hergest, Oxford,

1890.

„Brut y Saessonquot;, „Brut y Tywysogionquot; (Gwentian Brut), p.p. Owen Jones, Edward

Williams et William Owen, Myvyrian Archaiology^, Denbigh, 1870.
The History of Gruffydd ap Cynan, p.p. Arthur Jones, Manchester, 1910.

Chroniques, etc. relatives à VAngleterre.

Adami Murimuthensis Continuatio Chronicarum, p.p. Thomas Hog (English Historical

Society), Londres, 1846.
Benedicti Petroburgensis Vita Henrici II, Rerum gallicarum et francicarum Scnptoresj

t. XVII.

Chandos (le héraut d\'armes de). The Life and feats of arms of the Black Prince, p.p.

Francisque Michel, Londres, 1883.
Geoffroy le Baker de Swinebrooke, p.p. E. Maunde Thompson (Roll\'s Series), Londres^

1887.

Gervasii Dorobornensis Chronica, Rerum gallicarum et francicarum Scriptores, t. XVII.

-ocr page 362-

Guillelmi Neubrigensis De rebus Anglicis, Ihid., t. XIII.

Johannis Peckham Registrum epistolarum, p.p. Charles Price Martin (RoH\'s Series).
Henrici Knighton Chronicon, p.p. J. R. Lumby (Roll\'s Series), Londres, 1889—95.
NicholaiTriveti Annales sex regum Angliae, p.p. Thomas Hog (English Historical Society),
Londres, 1845.

Radulphi de Diceto Imagines Historiarum, Rerum gallicarum et francicarum, t. XVIIL
Raphael Holinshed, Chronicle^, Londres, 1586—87.

Roberti de Avesbury De gestis mirabilibus Edwardi Tertii, p.p. E. Maunde Thompson

(Roll\'s Series), Londres, 1889.
Rogeri de Houedene Chronica p.p. W. Stubbs (Roll\'s Series) I—III, Londres, 1868—71.
Thomas Wikes Chronicon (Historiae Anglicanae Scriptores), Oxford, 1687.
Thomas Walsingham, Chronicon, p.p. Camden (Anglica, Hibernica, Normannica, Cam-

brica, a veteribus scripta), Francfort, 1602.
Walteri de Hemingburgh Chronicon de gestis regum Angliae, p.p. H. C. Hamilton (English
Historical Society), I—II, Londres, 1848—49.

Anonymes.

Annales Londonienses de tempore Edwardi secundi, p.p. W. Stubbs, Chronicles of the

reigns of Edward I and Edward II, t. I (Roll\'s Series), Londres, 1882,
Chroniques de Londres, p.p. G. J. Aungier (Camden Society), Londres, 1844.
Histoire de Foulques fitz Warin, p.p. Francisque Michel, Paris, 1840.
Histoire de Guillaume le Maréchal, p.p. Paul Meyer (Société de l\'Histoire de France),

I—II, Paris, 1891.
Iter Hierosolytanum (Historiae Anglicana Scriptores), Oxford, 1687.
Vita Edwardi II, p.p. W. Stubbs, Chronicles of the reigns of Edward I and Edward II,
t. II (Roll\'s Series), Londres, 1883.

Chroniques, etc. relatives à la France.

Alberici monachi Trium Fontium Chronicum, p.p. G. G. Leibnitz, Leipsick, 1698.

Christine de Pisan, Le Livre des fais et des bonnes meurs du sage roy Charles (Le Panthéon
Littéraire, Choix de Chroniques et Mémoires sur l\'histoire de France au XlVe siècle).

Cuvelier, Chronique de Bertrand du Guesclin, p.p. E. Charrière, Paris, 1839.

Jean le Bel, Chronique, p.p. Jules Viard et Eugène Déprez (Société de l\'Histoire de France),
Paris, 1905.

Jean Desnouelles, Extraits de la Chronique attribuée à —, Rerum gallicarum et franci-
carum Scriptores, t. XXI.

Jean Froissart, Chroniques, publiées avec notes et éclaircissements, par J. A. Buchon
(Collection des Chroniques nationales françaises) I—XV, Paris, 1824—26.

Jean Froissart, Chroniques, p.p. Siméon Luce et Gaston Raynaud (Société de l\'Histoire
de France) I—....... Paris, 1869—.......

-ocr page 363-

Anonymes.

Chronique artésienne, 1295—1304, p.p. F. Funck Brentano, Paris, 1899.

Chronique de Sire Bertrand du Guesclin (Panthéon Littéraire).

Chronique d\'un anonyme de Béthune, Rerum gallicarum et francicarum Scriptores,
t. XXIV.

Extraits d\'une chronique anonyme intitulée anciennes Chroniques de Flandre, Rerum
gallicarum et francicarum Scriptores, t. XXII.

Chroniques des règnes de Jean II et de Charles V, p.p. R. Délachenal (Société de l\'Histoire
dc France) I—IV, Paris, 1910—1920.

Chroniques normandes du XlVe siècle, p.p. Auguste et EmileMolinier (Société de l\'Histoire
de France), Paris, 1882.

Chroniques des quatre premiers Valois, 1327—1393, p.p. Siméon Luce (Société de l\'His-
toire de France), Paris, 1862.

Récits d\'un bourgeois de Valenciennes (XlVe siècle), p.p. le Baron Kervijn de Lettenhove,
Louvain, 1877.

Chroniques, etc. relatives a la Flandre.

Adriani de Budt Chronicon Flandriae, p.p. J. J. de Smet, Recueil des Chroniques de
Flandre, t. I, Bruxelles, 1837.

Despars, Chronijke van Vlaenderen, I—III, 1726—36.

J. Meyerus, Historiae rerum Flandricarum, dans Annales s. Historiae rerum Belgicarum,
Francfort, 1580.

Lodewijk van Velthem, Spiegel Historiael, of Rijm-Spiegel, zijnde de Nederlandsche
Rijm-Chroniek, p.p. I. de Long, Amsterdam, 1717.

P. d\'Oudegherst, Les Chroniques et Annales de Flandres, Anvers, 1571.

Anonymes.

Annales fratris minoris Gand.avensis, p.p. J. J. de Smet, Recueil des Chroniques de
Flandre, t. I, Bruxelles, 1837.

Chronicon comitum flandrensium, Ihid., t. I.

XI — Ouvrages sur l\'h i s t o i r e du Pays de Galles e t les rela-
tions
c a mb r o-c o n tin en t a 1 e s

Barbier, A. The Age of Owain Gwynedd, Londres, Newport, 1908.

Dehsle, L. Mandements et actes divers de Charles V, Paris, 1874.

Edwards, Owen M. Wales Londres, 1925.

Jones, G. Hartwell. Celtic Britain and the Pilgrim Movement {Cymmr., vol. XXIII),
Londres, 1912.

Lewis, E. A. The mediaeval Boroughs of Snowdonia, Londres, 1912.

Lloyd, J. E. A History of Wales, from the earliest time to the Edwardian Conquest
I—II, Londres, 1912.

-ocr page 364-

Morris, J. E. The Welsh wars of Edward I, Oxford, 1901.

Owen, Edward et J. H. Davies. Owain Lawgoch-Yeuan de Galles. Some facts and sug-
gestions
{Trans. 1899—1900).

Petit-Dutaillis, Ch. Etudes sur la Vie et le règne de Louis VIII, Thèse Paris, 1894.

Price, Thomas (Carnhuanawc), Hanes Cymru, Crughywel, 1842.

Rahilly, Cecile O. Ireland and Wales. Their historical and Literary Relations, Londres,
1924.

Records of the County Borough of Cardiff, t. IV (1903).

Rhys, John et D. Brynmor-Jones. The Welsh People ^ Londres, 1906.

Thierry, Augustin. Histoire de la Conquête de l\'Angleterre par les Normands ^ Paris,
1838,

Walter, Ferdinand. Das alte Wales, Bonn, 1859.

Woodward, B. B. The History of Wales, I—II, 1852.

Wrottesley, G. Crecy and Calais from the Public Records (The WiUiam Salt Archaeo-
logical Society), 1897.

Rymer, Thomas et Robert Sanderson, Foedera, etc. Londres, 1816.

XII —Manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris

Manuscrits français, 25766.

Manuscrits français, nouvelles acquisitions, 8604.

Titres scellés, t. 114.

-ocr page 365-

TABLE DES MATIERES

v
vi

Abréviations
Introduction

PREMIERE PARTIE

La Poésie galloisë et les Littérature» étrangères

I— La Poesie amoureuse du Pays de Galles jusqu\'au XVe Siecle

I _ Cynfeirdd et Gogynfeirdd.......... i

II — Dafydd ab Gwilym ............. 4

III — Contemporains et Epigones.......... 9

Chapitre

Historique des Theories sur l\'Origine de la Poesie de

Dafydd ab Gwilym
I
— La Théorie italienne .
II — La Théorie classique. .
m — La Théorie provençale
IV — La Théorie moyen-latine
V — La Théorie celtique .

Chapitre II

11

12
14
21
23

Chapitre III — La Poesie des Troubadours et l\'Amour courtois

Inbsp;— La Poésie des Troubadours..........28

IInbsp;— L\'Ecole provençalisante...........

m — L\'Ecole de Guillaume de Machaut.......37

Chapitre ÏV— Les Clercs Vacants et leur Poesie latine

I — Naissance, Floraison et Décadence de la Poésie latine

des Vagants ...............39

IInbsp;— Caractéristique ..............4^

Chapitre V — Chansons de Druerie

I — Amour courtois et Druerie..........49

II — Les Gabeurs nobles............

IIInbsp;_ Le Lyrisme bourgeois............54

IVnbsp;— Les Clercs vagants vers la Fin du Moyen Age . ... 57

-ocr page 366-

Pag.

Chapitre VI — Les trois Ancetres du Cywyddwr

Inbsp;— Cywyddwr, Teuluwr et Clerwr.........67

IInbsp;— Le Teuluwr...............69

IIInbsp;— Le Clerwr................70

IVnbsp;— La Poésie de la Cler ...........nbsp;80

V — Le Storiawr .............94

Chapitre VII— Relations littéraires entre le Pays de Galles et l\'Etranger

dans la Grande-Bretagne

Inbsp;— La Cour de Londres............96

II — Les Borderlords..............103

IIInbsp;— Les Monastères et les Cours des Prélats......110

IVnbsp;— Relations commerciales — Influences anglaises et fla-

mandes .................1X2

Chapitre VIII — Relations littéraires entre le Pays de Galles et l\'Etranger

sur le Continent
I — Croisades et Pèlerinages...........118

IInbsp;— Campagnes en France et en Flandre — Les Mercenaires

gallois.................120

IIInbsp;— Emigrations et Relations diplomatiques..... 129

IVnbsp;— Les Compagnies galloises au Service des Rois de France.

Le Prétendant et le Poursuivant........131

Chapitre IX

Les Bardes et les Littératures Etrangères

I — Les Allusions...............140

II — La Connaissance de Langues étrangères au Pays de

Galles.................144

III — L\'Accueil fait au Pays de Galles aux Littératures étran-
gères .............. ... 148

Chapitre

SECONDE PARTIE
Les Eléments de la Poésie de Dafydd ab Gwilym

Les Genres et le Milieu
I — Poèmes composés pour de nobles Matrones (Moliant

Gwraigdda)...............151

II — Poèmes Composés pour des Demoiselles (Rhieingerdd)nbsp;153

IIInbsp;— Gabs en général (Ffrost)...........156

IVnbsp;— Chansons de Druerie „aristocratiquesquot; (Gordderchgerdd)nbsp;160
V — Chansons de Taverne............163

-ocr page 367-

Pag.

II — Le Cadre Rustique

I — La Reverdie...............^74

II — Poésies détaillées inspirées par la Nature.....I77

III — Le Messager (Llatai)............188

Chapitre

III — Les Personnages — La Femme et l\'Amant

I — La Femme.........

II — L\'Amant..........

Chapitre

201

227

Chapitre IV— Personnages secondaires
I — Le Jaloux (Eiddig)
II — La Vieille (Gwrach)

IIInbsp;— L\'Ami.....

IVnbsp;— Les Parents . . .
V — Les Médisants . .

Chapitre V

Les Situations
I — Première Entrevue — L\'Eglise et la Foire . .
II — Rencontres fortuites—Dialogues et Pastourelles

IIInbsp;— Le Lieu du Rendez-vous (Oed)

IVnbsp;— Les Invitations.....

Y — Rendez-vous dans la Forêt .

VI — Accidents de la Route . . .
VII — Visites nocturnes ....
VIII — Visites à des Femmes mariées
IX — La Rentrée du Jaloux . .

X — L\'Aube........

XI — Dénouements dramatiques .

Chapitre VI — Les Sentiments

. I — L\'Attitude de l\'Amant . .
II — Les Symptômes de l\'Amour
III — Métaphores de l\'Amour . .

Conclusions

Index Bibliographique

242
251
258
260
262

269

271

272
276
278

282

283

286

287
290

294

298

315

324

332
336

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STELLINGEN

De Roman de Méîiador is in 1384, wanneer Jean de Vienne zijn expeditie naar Schot-
land
voorbereidt, geen „véritable anachronismequot;, doch behandelt integendeel een op-
jjieuw actueel geworden onderwerp.

Gasron Paris, Esquisse Historique de la Littérature française au moyen âge\\ blz. 212.

II

Tuit ansamble comunemant
Anpristrent un tornoiemanî.
Mes sire Gauvains s\'avança.
Qui d\'une part le fiança
Antre Evroïc et
Tenebroc

{Erec, vs. 2127—2131) •

Bedoeld is Pembroke (Zuid-Wales).

III

Hanneman, benaming van den aap bij Jan Nomsz, is te beschouwen als een verbastering
van den naam van den apenraadsheer uit het Ramayana.

Fabelen van J. de la Fontaine, in Nederduitsche vaerzen overgebracht (Amsterdam, 1786), dl. I,
blz. 16; dl. V, blz. 80.

IV

De hoofdstukken 27 tot 37 van het derde boek van de voortzetting van den Spiegel
Historiael door Lodewijk van Velthem zijn een naklank van de historische vondst van
de kroon van Arthur (?) en de zoogenaamde Croes Naid in 1282—83.

V

Het Renaissance-element in het Antwerpensch Liedboek is door Dr. S. Eringa overschat.

iieophilologus, dl. IV, blz. 100—103.

VI

Cymx. hwsmon „landbouwer» en misschien ook gwely 0 stad „staatsiebedquot; zijn aan
het mnl. ontleend.

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Het is waarschijnlijker dat de voorbeelden van de Engelsche erotische poëzie uit
MS. Harley 2253 Picardisch-Vlaamsche dan Zuid-Fransche gedichten zijn geweest.

K. Bôddeker, Altenglische Dichtungen, blz. 144—180. H. J. Chaytor, The Troubadours and
England, blz. 135.

VIII

De satire van Sion Cent op de leugendichters is in de eerste plaats gericht tegen de
poëzie van Llywelyn Goch ab Meurig Hen.

Henry Lewis, Thomas Roberts ac Ifor Williams, Cywyddau lolo Goch ac Eraill, blz. 182-184, 368.

IX

......na allei ystoryaeu Ystas ystoryawr na chathleu Fferyll uard menegi y veint

gwynuan a dolur a thrueni a doeth y holl genedyl y Brytanyeit......

De bedoelde geschiedschrijver is Statius, niet Tacitus.

John Rhys and J. Gwenogfryn Evans, The Text of the Bruts of the Red Book of Hergest, blz. 339-34°.

X

Uit de episode van den dood van den usurpator Trahaearn in de biographie van Gruffydd
ab Cynan mag geenszins besloten worden dat anthropophagie in de elfde eeuw nog in
Ierland voorkwam.

Arthur Jones, The History of Gruffydd ap Cynan, blz. 128.

XI

De wereldverovering door Arthur is geen bedenksel van Geoffroy van Monmouth;
beïnvloeding door de Alexanderlegende is echter denkbaar.

XII

Hoc Art[h]uri patruus velit impetrare,
sanctus
Dam maximus anglum ultra mare ;
scimus festum martis [1. martiis] kalendis instare,
ad natale solum Britones studeat revocare !

(E. Du Méril, Poésies populaires latines du moyen âge, blz. 275-276).

Lees : Dauifd).

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