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LE COMTE DE ZUIJLEN DE NYEYELT
A LA RËCIIEROilK
DUN PAHTI POLITIQUE
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Je n\'aime pas les prefaces. Déspréaux dit:
üii auteur i\\ genoux dans uuc hamblo preface,
Au lecteur qu\'il ennuie a beau demauder gruce,
Airnez-vous la museadeP Ou eu a mis partout.
Saus meutir, ces pigeons out uu merveilleux gout.
Ge n\'esl ni pour plairc aux uns, ni pour froisser les aulres, que j\'ai pris la plume; c\'est dans un but exclusivement patriolique, celui de contribuer a faire cesser une agitation religieuse, qui pourrait devenir fatale au pays. Dans des vues politiques on prépare une deuxième edition de l\'agitation d\'Avril de 1853.
Au commencement du 17quot; siècle, a l\'époque oü la puissance llollan-daise grandissait d\'une manière si merveilleuse a rintérieur et a l\'exté-rieur, l\'élóment religieux — Arminius el Gomarus — amena dans notre propre communauté de si funestes déchiremenls, que les traces n\'en ent pas encore complétement disparu. On veut nous conduire de nouveau vers cetle époque.
Pour atteindre le but que je poursuis, je serai souvent obligé d\'entrer dans des détails d\'évènements qui datent de loin; souvent j\'ai du mêler la muscade avec le poivre, la politique avec la théologie, mais l\'impar-
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tialité ne m\'a pas un instant fait défaut. Je ne dcmande done que d\'etre lu, d\'etre lu sans prejugé.
Get opuscule devait d\'abord paraitre en langue hollandaise, ma langue materrtelle; mais un ami m\'a fort judicieusement fait observer, qu\'ii serait preferable de le faire traduire en allemand et en francais, attendu que la presse étrangère avail reproduit les écrits qu\'il est destine a refuter. J\'ai suivi son conseil, tout en me réservant de 1c publier ultérieurement en langue hollandaise.
LA QUESTION LUXEMBOIJUGEOISE ET L\'ÜLTRAMONTANISME.
Lc comlc de Zuylen dc Nycvelt, ancien Minislrc des Affaires Etran-gères, qui a represenlé S. M. Ie Roi des Pays-Bas a Conslanlinople, a lierlin et a St. Pétersbourg, a publió une letlre politique, qui a clc suivie d\'une brochure. La position de l\'auteur et plus encore Ie sujet qu\'il a traite, devaient donner a ses écrits une certaine importance. L\'opinion publique s\'en est vivement préoccupce, mumc au dela de nos frontières. Je suppose que tous ceux qui s\'interessent aux affaires du pays en ont pris connaissance, pour pouvoir me dispenser de les repro-duire in extenso.
La lettre se divise en deux parlies bien distinctes. La première est une rectification d\'un article de journal, qu\'on dirait avoir etc inspire dans un but hostile. La concentration des troupes prussiennes sur nos frontières, en 1866, n\'était pas la consequence de la question Luxem-bourgeoise, ni celle de l\'épizoolic, qui règnait alors dans la Néerlande, — et on peut-èlre ctonne que M. de Zuylen se soit contenté a cette époque d\'une pareille réponse de la part du gouvernement prussien. — Pourquoi chercher midi a quatorze heures? La Prusse a cru devoir con-centrer un corps d\'armée a nos frontières en vue de la dissolution de la confédération Germanique, dont le Roi des Pays-Bas élait membre. La guerre contre 1\'Autriche étant résolue, la Prusse devait a tout prix
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empêcher les Élats conféderós de lui opposer leurs 1\'orccs réunies, comme Tont fait les rois de Ilanovre et de Saxe.
Ce que M. de Zuylen dit a propos de la question Luxembourgeoise est de la plus rigoureuse exactitude. II a jouó un assez grand role dans cette affaire pour la connaitre. II aurait pu ajouter cependant, que la convention verbale de la cession du Grand-duchó fut conclue a Biarritz, et devait servir de compensation de la neutralité de la France dans la guerre de 1866 et de son concours pour la formation de l\'alliance entre le roi de Prusse et le roi d\'ltalie. II était done complètornent inutile d\'informer le cabinet de Berlin des négocialions entre la France et le Roi des Pays-Bas. Mais comme I\'engagement était verbal, il n\'était pas difficile de s\'y soustraire au moyen d\'une interpellation de M. de Bennigsen. II aurait pu ajouter encore, que l\'accession a Ia confederation du nord avait été déja résolu, qu\'il n\'y manquait que le contre-seign du baron de Tornaco, mais que celui-ci le refusa, ne voulant pas que Ie Roi Grand-Duc fut un vassal de l\'AUemagne. Du roste, c\'cst la de l\'histoire ancienne! Le cabinet de 1866 a eu a supporter de bien plus graves attaques que rien ne justifiait, sans que le comte de Zuylen ait jugé a propos de les dementir. Aussi est-il permis de croire, que toute cette partie de la lettre n\'est qu\'une sorte d\'introduction pour la seconde partie, qui se résumé ainsi:
«La politique étrangère est dominéé par cette question: Pour ou contrc «.Rome. Déja dans les guerres de 1866 et de 1870 les sympathies cléricales «jouaienil un grand róle, el dans Ia procbaine guerre, qui tót ou tard cparait inévitable, elles joueront le róle principal. Notre intéret dans «cette lutte veut que nous restions neutres. Mais le fils fidele de l\'Eglise «Catbolique pourrait-il se placer sur un pareil terrain? Ne croira-t-il «pas que la victoire de son Eglise ne puisse être subordonnée a l\'intérêt «du pays? L\'étranger sait aussi bien que nous avec quel dévouement «les catboliques Hollandais envoient leur denier de St. Pierre a Rome et «avec quel empressement leurs fils se sont fait enróler sous les drapeaux «du pape, dans I\'espoir de sauver son pouvoir temporel. Or, si la Néér-
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«lande ne pourra olFrir aux puissances étrangères la garantie d\'une «parfaite indépcndance de toule influence de rullramontanisme, elle «court le grand danger d\'etre considéree comme hostile et hors d\'ctat «de maintenir sa neutralité. n
Que de points d\'interrogation, que de questions ne se presentent a rimagination en lisant ces quelques lignes!
En disant que dans la guerre de 1866 des sympathies clcricales avaient jouc un grand róle, M. de Zuylen a-t-il bien réfltchi, que c\'est la une accusation grave contre la Prusse, qui a fait cette guerre contre l\'Autriche. II y aura peu de diplomates qui soient de cette opinion. Pour preuve, c\'est que tous les pays annexes par la Prusse, le llanovre, la Ilesse, le Nassau et Francfort sont eminemment protestants. Non, ie clóricalisme y a si peu jouc un róle, que le seul Etat catholique, l\'Autriche, n\'a pas perdu un pouce de terrain.
L\'IMMINENCE DE LA GUEUltE.
Limminence de la juerre prochaine. J\'ai beau passer en revue tous les grands Ktats de l\'Europe pour découvrir la raison, qui a pu suggérer a M. de Zuylen la certitude que nous sommes a Ia veille d\'une guerre, et encore d\'une guerre de religion. Je ne crois mème pas a une guerre d\'Orient en faveur de l\'indópendance de la Rumanie. L\'invention d\'une alliance enlre les Puissances Catholiques contre les Etats Protestants ne vaut par la peine d\'etre prise au sérieux. Les grands politiques qui l\'ont inventée, oublienl que I\'Ilalie se trouve dans I\'impossibilité d\'en faire partie. Efiectivement lors de sa visite au Roi d\'Italie, l\'Empereur d\'Autriche et le Roi Victor Emmanuel sont convenus, qu\'aucune action collective ne devra avoir lieu a regard du Vatican pour les affaires ecclésiastiques;
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Du reste, l\'intérêt de l\'Italie est de faire tous ses efforts pour mainlenir la papauté.
Et encore toutes ces guerres, fussent-elles même possibles, ne presen-teraient aucun danger imraédiat pour nous. II ne reste done qu\'une nouvelle guerre entre l\'Allemagne et la France, et c\'est probablement celle-la que M. de Zuylen a eu en vue. Si cette guerre n\'est pas impossible, elle n\'est pas non plus imminente. Gomme la Uussie après la la guerre de Grimée, la France se recucille, et rien ne la fera sortir de ce recueillcment. II sera difficile do lui chercher une querelle d\'Allemand, et plus difficile encore de trouver un casus belli, qu\'on pourrait justifier devant l\'Europe.
Voyons maintenant quelles chances se présentent pour le établissement du pouvoir temporcl du Pape. Ni l\'Autriche, ni la Bavicre, ni le Portugal, ni l\'Espagne tiroront l\'ópóe pour le Pape. Le voudraient-ils qu\'ils no pourraient pas, car dans ce cas l\'alliance entre la Prusse et l\'Italie se renouvelerait plus fortement encore qu\'on 186G ot, au lieu do gagner, lo Pape ne pourrait que pordre dans cette entropriso. G\'cst probablement encore la France que M. de Zuylen a eu en vue. Mais je demandorai: la Franco est-elle vonue au secours du Pape lorsque Victor Emmanuel et Garibaldi se sont emparós de ses Etats? N\'a-t-elle pas en dernier lieu encore, en rappelant rOrénoque do Givita-Vecchia, donné une preuve formello a l\'Italie, que la soulo chose qu\'elle domando c\'est, de vivre en bonno amitió avec ses voisins. Mome si le comte de Ghambord arrivait jamais au Tróne de ses pores, il sorait incapable de toucher a la liberie de conscience ou de faire la guerre a l\'Italie. Au surplus, la majorité de l\'assomblée nationale n\'est pas composée de ces elements, qui se protent a lancer le pays dans une aventure plus grave que la récente guerre.
Je no veux pas disconvenir que la nouvelle legislation Allemande sur les affaires ecclésiastiquos ne rcagisso d\'une manière ou de l\'autro sulles esprits en France, ot qu\'il y a grand nombre de catholiques Alle-.mands, qui croiont que leur salut doit arriver de ce cóté. Mais on
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peut être certain, qu\'on rencontrera dans l\'assemblée nationale un stoïcisme tel, que le gouvernement n\'osera songer a une entreprisc aussi hasardée.
Ce sont des roves, rien autre chose, et il faut ctre bien borné pour les prendre au sórieux.
Du raste je crois très-scrieusement que ceux, qui parient constam-ment de l\'imminence de la guerre, calomnient l\'AUemagne. Sa situation intéricure n\'est pas si mauvaise pour qu\'elle doive faire une diversion au dehors, et par des nouvelles annexions au-dela des frontièrcs allemandes, elle dcmolirait complétement ia grande oeuvre d\'unite, consommóe au prix de tant de sang et de sacrifices. L\'AUemagne s\'est couverte de gloire ct elle s\'est agrandie. Ses dcsirs peuvent être satisfaits ei je suis sur que le prince de Bismarck devra bien rire, en apprenant tous les projets de conquêtes qu\'on lui prcte si gratuitement. On peut-êlre heros sans ravager la terre. Voulez-vous savoir qui fait la guerre? Cc sont les journaux! Sans eux la guerre serait impossible. G\'est la presse qui se charge d\'inventer les casus belli.
PÉRIL POUR LA IIOLLANDE.
J\'arrivc a la partie de la lettre de M. de Zuylen, qui s\'occupe de la Ilollande, et du danger que court son indépendance a cause des catho-liques remains, qui envoient le denier do St. Pierre a Rome et leurs fds au Pape.
De deux choses l\'une. Ou M. de Zuylen a voulu donner au Gouvernement un conseil de circonspeclion, ou il s\'est lout bonnement fait I\'ccho de quelques organes de la presse, qui s\'elTorcent a faire accré-diter des insinuations, qu\'on n\'ose pas avouer hautement.
Dans un cas comme dans l\'autre, la démarche de M. de Zuylen n\'est ni patriolique, ni politique. Dans une question aussi grave que celle
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qui nous occupe, il nc doil pas y avoir d\'equivoque. Je dirai done a M. dc Zuylen : Vous avez dit Irop ou trop pen. La lumière doit se faire. A cet effel je vous poserai franchement ce dilemme: Vous savez quelque chose ou vous ne savez rien. Si vous n\'en savez pas plus que les journaux, qui repetent depuis quelque temps les mèmes insinuations, vous avez agi d\'une manière fort peu patriotique. II n\'est un secret pour personne, que rAllemagne surveille activement tout ce qui se passe sur le doraaine religieux dans les autres Etats. Tout récemment encore la Belgique en a ressenli la consequence. N\'est-ce pas manquer a toute idee de patriotisme, que d\'insinuer direclement ou indirectement, que le gouvernement Néerlandais appuie 1\'ultramonlanisme? Suffit-il de lancer gratuitement une pareille accusation, qu\'on n\'est pas en état de justifier, pas mome par les mandements de l\'Episcopat néerlandais? Suffit-il dc dire que 1\'intention est excellente, pour qu\'un homme d\'Etat, sans en calculer les conséqucnces, jette un brandon de discorde clans l\'intérieur el risque dc nous compromettre vis-a-vis l\'étranger?
Dans tous les cas, les journaux allemands n\'ont pas tenu compte de I\'intention en rcproduisant la lettre de M. de Zuylen; ils ont affirmé que le gouvernement néerlandais accorde den UUramonlanen geheime Unlerslülzung. M. de Zuylen a-t-il réfléchi dans quel embarras le gouvernement pourrait se Irouver, si on lui demandait de fournir la preuve, que toutes ces insinuations ne sont que le produit d\'imagi-nations vulgaires? Quel moyen aurait-il de produire une preuve negative? M. de Zuylen n\'a pas non plus réfléchi qu\'il commet un acte des plus impolitiques. II a brülé ses vaisseaux. II s\'est rendu impossible aux fonctions qu\'il a remplies autrefois, parce que dans toutes les ques-lions poliliques il ne verrait qu\'une soutane. Oh, Grotius, tes cendres doivent s\'indigncr, de ce que dans la palrie ou veut inlroduire dans le droit des gens un article sur la neutralilé, assimilant la curie romaine a la contrebande de guerre!
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L\'AGITAXIOM UELlGlEUSE.
Dans lo dernier temps l\'agilalion religieuse est dovenue a la mode. Sous le gouvernement de M. Thorbecke ou parlait ioujours de papo-Thorbeckianisme, paree qu\'il avait l\'appui des catlioliques. Aujourd\'hui cette agitation contre l\'Eglise catholique se continue; mais, comme on n\'ose pas l\'avouer hautement, on dit qu\'on fait la guerre a Tultramon-tanisme. C\'est une denomination de nouvelle invention. Autrefois on parlait de Romanesques, de miliciens de I\'Antechrist, de Pontificiens, de Papistes. Maintenant ce sont les ultramontains, c\'est-a-dire des hommes dévoués a la Papauté. Je me permettrai ici une petite digression. Ou\'est-ce qu\'un catholique, qui ne suit pas les dogmes de son Eglise? II cesse d\'etre catholique, tout aussi bien que le protestant, qui va règulièrement a l\'Eglise entendre les sermons d\'un rationnaliste, mais qui nie la Divinité du Sauveur, cesse d\'ètre chrétien. Or, sans en convenir, on fait la guerre a l\'Eglise catholique. Car en Hollande il n\'y a que des ultramontains. Ileureusement ce n\'est pas la nation, cc sont seulement quelques journalistes, qui font ce triste métier. lis croient avoir bien mérité de la patrio, lorsqu\'ils ont rempli les colonnes de leurs journaux avec des invectives centre le Pape et contre le clergé. Les journaux ultra-libéraux, qui se croient chargés de cette nohle mission, oublient que la constitution de 1848, qui est une oeuvre libérale, a corrigé ce que celle de 1840 avait d\'anti-catholique. Qui ne se souvient qu\'en 1847 la Seconde Chambre rejeta le projet de Code Pénal, paree qu\'il proposait la suppression du placet\'? Une année plus tard il fut supprimé sans contcstalion par la constitution.
Ce n\'est pas la nation qui est intolérante, et je suis sur que M. de Zuylen n\'a pas exprimé le sentiment national. Ce n\'est pas dans notre habitude de combattre le fanatisme par l\'inlolérance. 11 faut ctre tolérant, même pour les intolérants, et ne haïr que les persécuteurs. L\'inlolérance est une faiblesse d\'esprit et nécessairement égoïste. La
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faule, pourquoi 1c cacher, en est a uno partie de Ia presse, qui dcpuis quelques années ne cesse d\'exciler aux dissensions religieuses. On dirait, qu\'en parlant du pape et du clergó catholique, ils ont devant eux les tristes souvenirs de l\'inquisition. lis oublient que par ce moyen ils travaillent a fonder de nouveau une religion d\'Elat, a abolir la separation de l\'Eglise de I\'Etat, a réagir contre la constitution et nous con-duire aux temps du moyen-age.
Qu\'ils y prennent garde; on ne joue pas impunément avec les libertcs; la liberté de la presse n\'est pas aulrement garantie que la liberie de conscience, et du moment qu\'on porte alteinte a un grand principe, aucun autre n\'est plus garanti.
La presse hoilandaise en general est loin d\'etre a la hauteur de sa mission. Lord Byron a fait un petit poëme, intitule üarekness {les Tcnèbrcs); il suppose que le solcil disparaisse et avec lui la société devra disparaitre. On a voulu I\'appliquor a la presse, mais si lord Byron n\'avait connu que les journaux hollandais, il se serail bien gardé de faire cetle comparaison; il se serail fait unc triste idee du langage grossier qui y règne, du gros sel qui y lient lieu d\'esprit. On dirail, si on ne savait mieux, que la langue hoilandaise ne s\'y prele pas. La presse doit ctre un flambeau qui enseigne; le levier du pouvoir; mais cc devoir exige une grande fermelé d\'ame, une supériorilé d\'esprit, une pure\'lé de coeur, auxquelles nous sommes loin d\'approcher.
Encore un seul mot pour finir ce chapilre. Ce qui se passe en ce moment est tellcmcnt grave ou du moins le pourrail devenir, que nous ne serons pas loin de sc voir renouvclcr la loi des suspects du 28 Mars 1793; du moins tout y tend.
On pcrd surlout de vue, qu\'en agissant ainsi envers les catholiques de ce pays\', nous autorisons lacitement les pays catholiques par excellence a opprimer nos correligionnairs. Voyons ce qui se passe dans cette France ullramontaine. Le general Chabaud-Lalour, ctait Ministre de I\'inlcrieur et M. de Will, gendre de M. Guizot, sous-secrétaire d\'Etat; M. Say, Ministre des finances; MM. Baudel, Waddingion et autres, tous
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Protestants, tour a tour Ministres. A-t-on jamais entendu paiicr de leur religion? II y a plus. A Fassemblée nationale de Versailles siègent 70 deputes protestants; ainsi la dixième partie, et parmi lesquels il y a des pasteurs, entre autres M. de Pressensé; tandis qu\'ici, oü les oatho-liques comptent au dela de 1,300,000 ames, ils n\'ont que \'16 deputes. La loi fondamentale stipule qu\'il y aura un depute sur /p5,000 ames, par conséquent ils devraient y avoir 27 catholiques.
LES PKEÜVES.
Les preuves propres a justifier les insinuations, sent enfin fournies par une leuille, qu\'on dirait avoir pour tache de servir de succursale a la Nord-Deutsche Zeilung de Berlin. Rien n\'y manque, ni I\'approbation de lout ce qui sc fait en Allemagne, ni I\'animositc contre tout ce que la France a de plus noble. Elle n\'a même pas épargné Madame Mac-Mahon, dont la couleur de la robe présentait un indice hostile. Or, cetle feuille a trouvé les preuves les plus irrécusables de I\'alliancc mon-strueuse entre les conservateurs et les ultramontains. Ges preuves sont si palpables que jo crois devoir les reproduire ici. Je copie textuellement:
«En arrivant aux afi\'aires, le ministère paraissait prendre cours dans «la direction libérale, aussi le parti ultramontain s\'en montrait furieux, «Ge n\'était qu\'un rève de courte durée; car bientót cette fureur se «changea subitement en sympathies Irénétiques, el M. Heemskerk se «plafait sur le pied le plus hostile avec les libéraux. (?) On n\'a qu\'a con-« sulter la presse ministérielle pour savoir d\'oïivientle vent. Lesjournaux «catholiques sont satisfaits, étonnammenl satisfaits. Leur confiance n\'est «troublée par aucun nuage; ils nc voient pas de mal, paree qu\'ils ne «veulent pas le voir, tout est couleur de rose pour eux. Heemskerk
«doit ctre allé bien loin! La presse minislérielle nc reste pas enarrière. «C\'est a l\'envi qu\'on se montrc bienveillant.» etc.
Ne croirait-on pas rover en lisant ces lignes? En les résumant, on arrive a cette conclusion:
Par ce que moi — le Nieuwe Itollerdamsche Courant — ,je fais une opposition acharnóe a M. Heemskerk, celui-ci ne saurait être liberal, pas plus que M. de Roo d\'Alderwereit, donl j\'ai combattu la candidature. Mais comme les journaux catholiques ne font pas cause commune aver, moi, M. Heemskerk doit ètrc dóclarc franc ultramontain. Et comme la presse ministérielle nc fait aucune opposition a M. Heemskerk, elle est cgalement ultramontaine.
Macchiavel n\'aurait pas trouvé celle-la. Pour vous, cher lecteur, je n\'ai pas de secret. Je vous expliquerai la veritable tendance de ce non sens en apparcnce. Au mois de Juin prochain des elections devront avoir lieu, on veul regagner le terrain perdu. Le ministère a montré une telle activilé dans toutes les branches de I\'administration, qu\'il n\'y a pas un seul électeur raisonnable, qui prendrait au sórieux les criailleries ordinaires; il fallait done inventer un griel quelconque. On a trouvé I\'alliance entre les conservateurs et les catholiques, et M. de Zuylen a bien voulu prcter ses bons offices.
Pour le prouver, il suffira de citer cette resolution votée ces jours-ci dans un meeting de pasteurs protestants: Tous les efforts devront ctre faits afin de ne faire clire que des deputes rationalistes a la Seconde chambre. On ne dédaigne pas l\'influence cléricale lorsqu\'elle est dirigée contre les doctrines du christianisme. Oil allons-nous\'.\' Oil veut-on nous conduire ?
II est temps, plus que temps, de mettre un frein il ces menées, qui finiront par jeter le trouble dans le pays. Ne trouvera-t-on pas undéputé ■qui voudrait nous rendre le service signalc d\'en faire le sujet d\'une interpellation!
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LÉG1SLAT10N ANULA1SE.
M. de Zuylen cherche ü excuser sa démarche insolite en se référanl a ce qu\'ont fail en Angleterre lord John Russell e?, M. Gladstone. Ma foi, il a bien choisi sa sociélé; mais la situation est-elle bien la mcmc cn llollande qu\'en Angleterre? Non certes, au contraire leut les sépare: culte, constitution, legislation et administration.
Le cuite: grace a la protection de la Royauté, qui est chef de l\'Eglise, Ia hiërarchie anglicane conserva, a quclque légere difference prés, tous les honneurs, tous les titres et toutes les richesses de 1 ancien culte romain. II a ses pairs, ses archevêques, ses évéques, ses ohanoines, ses chapitres etc. G\'est pour cette raison qu\'au fond de toutes les luttes poliliques, qui se sont livrces pendant deux siècles en Angleterre, Ia religion a joué son róle. Sous la domination des Stuarts, 1\'Angleterre a été précipitée dans les horreurs de la guerre civile; c\'est pour avoir Irop bien soutenu la cause de I\'Episcopat Anglican, ou pour s\'ètre aliéné sa confiance, que Charles 1quot; est mort sur l\'échafaud et Jacques II dans I\'exil. L\'alliance de l\'Eglise et de l\'Etat est si intime, qu\'en voulant rompre violemment leurs liens politiques, ou porterait une atteinte mor-telle a I\'une ou a I\'autre.
La suprematie sacerdotale du Roi et Ia centralisation de l\'autorité ecclésiastique dans le corps des évéques, donnent une grande forcc d\'unité au gouvernement. Les universités d\'Oxford et de Cambridge, oü l\'ou ne peut entrer qu\'en adhérant aux doctrines de la foi Anglicane, maintiennent les professions libérales sous leur dépendance. A la Chambre des Lords siégent deux archevêques et 20 évéques, avec lesquels tout gouvernement doit compter. Sur les 10,718 benefices ecclésiasliques du royaume, 5090 sont a la disposition des classee priviligiées; le reste est a la nomination de la Couronne, des évéques, de l\'université, etc. On évalue a 90 millions de florins le revenu de l\'Eglise Anglicane. Dans cette somme Ie produit des dimes figure pour 75 millions de florins.
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La conslilulion politique de TAnglclerre n\'a pas été formée dans un ensemble unique a la suite d\'un mouvement politique. Elle est pour ainsi dire faite de toutes pieces, et chacun de scs articles appartient a des epoques diHcrentes. II n\'y a ni unité, ui méthode, ni prcvoyance de l\'avenir. A rexception de Guillaume d\'Orange, chaque règne y a contribué.
Ge fut Henri Ier qui, pour maintenir son usurpation, redigea une charte pour adoucir les rigueurs des lois féodales. Henri II y fit des changements en 1164; le Roi Jean signa a Nuning-Mead en 1215 la charte forestiere, et la grande charte, que les Anglais considèrent encore comme la base de leur constitution. Sous le règne de Henri III un élement nouveau, l\'élement représentatif, a été introduit dans la charte. Et ainsi de suite.
On voit a quelles époques remontent les articles fondamentaux de la constitution Britannique. Mais par quels evénements l\'Angleterre a-t-elle dü passer avant que la constitution s\'affermit: toutes les guerres avec la France, les querelles sanglantes de la rosé rouge et de la rose blanche, les tyrannies des Tudors, les caprices des Stuarts etc.
Quoi qu\'il en soit, la constitution britannique a eu son utilité pour les autres élats, mais il n\'est entre dans l\'idée de personne de la prendre pour modèle.
La législation Anglaise est également une mozaïque bizarre a laquclle chaque epoque a fourni quelque chose. Lois saxonnes, lois normandes, lois de I\'Eglise, lois de la réforme, lois des Tudors et des Stuarts, sont entassées les unes sur les autres sans régie, sans méthode, sans analogie. Ce ne sont pas les principes qui ont fait les lois, ce sont les évene-ments. La loi est une puissance de fait, reconnue, sanctionnée comme lait, mais nc reposant en aucune fagon sur le droit. Les droits de pro-priété, de sécurité personnelle, sont inhérents a la personne de tout Anglais. Ce n\'est pas comme homme, c\'est comme Anglais, qu\'ils ont ces droits.
Par cela meme s\'explique TindifTérence des Anglais pour lout cc qui
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concerne la législation et la politique des nations élrangères. lis ne se sentent rien de commun avec les autres hommes. Leur politique c\'est risolement, a ne s\'occuper que d\'eux el de leurs affaires.
L\'administration de la justice offre dans la Grande-Bretagne le même caractère que les lois politiques et la legislation civile, c\'est-a-dire qu\'elle a retenu quelque chose de chacun des siècles écoulés. L\'Ecosse a une jurisdiction séparee, une procédure distincte et mcme une législation différente.
J\'arrive ainsi a la question principale: a l\'Irlande. Je presume qu\'il y a peu de mes lecteurs qui ne connaissent les tristes évènements que la raalheureuse Irlande avec ses 8 millions d\'habitants a traversés, depuis que Henri VIII prit le titre de Roi d\'Irlande. Qui ne connait l\'acte pour prévenir le développement du papisme? On sait qu\'en vertu de cette loi, tout heritier d\'un catholique, qui se déclarait protestant, acquérait la propriété paternelle au vivant de son pcre. Nul catholique ne pouvait hériter d\'un Protestant. Le pcre catholique ne pouvait ctre tuteur de ses enfants. Cette oppression se continua jusqu\'en 1793, alors que le fameux bill de soulagement fut accordé sous le nom de relief-bill. Les Irlandais devenaient électeurs, mais ne pouvaient être députés. En 1802 seulement 100 députés Irlandais furent admis dans le parlement Anglais, et ce n\'est qu\'un quart de siècle après, en 1825, qu\'on a cru devoir émanciper les catholiques. L\'honneur en revient aux torys.
LÉGISLATION NÉEKLANDAISE.
Je demande a ceux de mes lecteurs, qui ont eu le courage de me suivre, quelle analogie y a-t-il entre l\'Angleterre el la Néerlande? Aucune.
La constitution Néerlandaise, la législation Néerlandaise, 1\'administra-
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«
tion Neerlandaise, n\'ont ricn de comvnun avcc celles de la Grande-Bretagne. II n\'y a aucune analogie. Le chapitre VI de la loi fonda-mentale de 1848, qu\'on trouve plus loin comme annexe, n\'a élé dicté que par la tolerance réciproque et le grand préceple de toutes les Eglises: l\'amour du prochain. Protection égale pour tous les cultes; égalité pour tous los habitants a occuper des fonctions publiques. L\'Etat n\'a ricn de commun avec l\'Eglise.; il doit rester en dehors de tout ce qui touche au dogme. Mais comme toutes les libertés, la liberté de la presse el autres, cellc des cultes n\'esl pas illimitée. La constitution a sagement prévu qu\'a la tule des Eglises se trouvent des hommes et ces hommes peuvent commetlre des excès. C\'cst pour cela qu\'elle a confié au Roi la mission de veiller a ce que toutes les communions religieuses obéissent aux lois du pays.
II y a plus. La constitution permet non seulement des mesures repres-sives, mais aussi des mesures préventivcs. Cette question a été résolue dans ce sens en 1853, lors de Tétablissement de l\'hiérarchie episcopale et qui a eu pour résultat la loi du 15 Septembre 1853 règlant la surveillance des différentes communions religieuses, qu\'on trouve égale-ment plus loin dans les annexes.
Est-il besoin de parler de notre législation et de notre administration? II sera difficile d\'y trouver quoi que ce soit, qui fut contraire a une communauté religieuse. Si nous avons eu a nous reprocher une injustice, c\'cst d\'avoir maltraité l\'ancicnne Eglise réformée, qui encore aujourd\'hui est une sorte de paria, exclue des bienfaits, dont jouissent tous les autres cultes.
N\'est-on pas en droit de demander a M. de Zuylen et a tous ceux qui ne cessent de répéter les insinuations, de quelle maniére et a propos de quoi les catholiques pourraient-ils exercer une influence prédominante sur les affaires du pays? ,1\'avouc que je ne le devine pas. Serait-ce par des nominations aux fonctions publiques, que le gouvernement se serail montré partial? Qu\'on les désigne. Il est vrai que de mauvaises langues attribuent l\'humeur du comte de Zuylen a la nomination du
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Baron Gericke d\'IIerwynen, au poste d\'envoyé du Roi a Bruxelles. II est a espérer qu\'il n\'aura pas un instant songé a remplacer M. van der Does de Willebois en qualiló de gouverneur de la province du Limbourg.
ANTÉCÉDENTS DU COMTE DE ZUYLEN.
M. de Zuylen met en perspective le póril imminent que courent notre neutralité et notre indépendance. J\'ai mis M. de Zuylen au défi de justifier les insinuations qu\'on s\'eflbrce d\'accréditer. Je vais plus loin et je demande: de quelle autorité s\'arroge-t-il le droit de se poser en prophéte de mauvais augure; sur quel parti politique s\'appuie-t-il? ■Ie ne saurais donner une réponse plus exacte a cette question, qu\'en consultant les antecedents de M. de Zuylen.
Je ne m\'occuperai pas de sa jeunesse. Jeunesse passe. Nous tous nous avons été jeunes. J\'ai fait la première fois sa connaissance a Péra, lorsqu\'il était chargé d\'affaires Néerlandais prés la Porte Oltomane. M. van Hall, en formant son cabinet de i860, l\'appela pour le mettre a la téte du département des affaires étrangères. Quelques mois a peine aprés avoir pris possession du portefeuille, il annonpa déja son intention de quitter le ministère. Savez-vous pourquoi? Je vous le dirai. M. van Hall n\'était pas assez libéral pour M. de Zuylen. M. van Hall ne se méprit pas un instant sur les véritables intentions de son collégue, el il ne se trompait pas. La retraite de M. de Zuylen était le commencement de la dislocation du cabinet, mais ce ne fut pas lui, qui a été appelé a former le nouveau Ministère. II devait se contenter d\'un siège a la Seconde Chambre et attendre que le moment propice arrival.
Le libéralisme du comte de Zuylen a été dignement récompensé par M. van der Maesen de Sombreff, qui lui promit la mission do Berlin. Mais pour cela il fallait rappeler le Baron Schimmelpenninck. Cel homme chevaleresque était tellement persona grata a la cour de Berlin,
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que le Hoi fit demander son maintien. On s\'y refusa, il fut rappelé et remplacé par le comte de Zuylen.
Sou séjour a Berlin n\'était pas de longue durée. Je ne sais pas pourquoi; il redevint membre de la chambre et forma avec M. Myer le cabinet de 1806. L\'bistoire du renversement de ce cabinet est de trop récente date, pour que j\'aie besoin de m\'y arróter longternps. Tout le monde sait, que ce fut le rejet du budget de M. de Zuylen, qui détermina le cabinet a se retirer.
II avait la chance d\'etre de nouveau nomme membre de la chambre et fit si bien sa cour a M. Roest van Limburg, qu\'il oblint de lui la mission de St. Pétersbourg. Vous le croyez maintenant au comble de ses désirs? Pas du tout! II quitte ses fonctions pour redevenir membre de la chambre, grace au concours des ólecteurs catholiques du district d\'Arnhem.
Je crois apres cela étre autorisé a soutenir, que M. de Zuylen n\'a pas le droit de parler au nom d\'un parti politique quelconque, attendu qu\'il a appartenu a tous les partis. Et si aujourd\'hui il a l\'air de risquer son siege a la chambre en faveur d\'une idee, c\'est qu\'il n\'est pas impossible, que secrétement il nourrit l\'espoir, que les électeurs d\'Arnhem feraient en sa faveur ce qu\'ils ont fait, il y a sept ans, en faveur de M. Keuchenius. L\'avenir prouvera si les journaux libéraux, qui le prónent tant aujourd\'hui, qu\'il se fait leur organe anti-catholique, soutiendront sa candidature a Arnhem au mois de Juin prochain.
ORIGINE DE LA PAPAÜTÉ. — CAUSES DE SA DECADENCE.
Je suis arrivé a la question religieuse. Sans étre timide de caractére, j\'avoue que j\'éprouve une certaine hésitation a l\'entamer, craignant qu\'il ne se trouve peu de lecteurs, qui consentiraient a lire ce chapitre avec cette abnegation de prejugés que j\'ai mise en l\'écrivant.
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Ne soyons un instant ni Protestant, ni Gatholique. Soyons seulement chrétiens el remontons aux premiers siècles de I\'ère Clirótienne, sans trop nous occuper de raffiliation d\'Augusün a Luther, de Pelage a Calvin. Je laisserai de cótó le rógne du stoïcisme, proscrivant les jouissances sensuelles, de même que les principes de la Grcce, qui niaient presque les Dieux au profil de l\'homme. Je dirai seulement que le christianisme reconcilia les deux syslomes, Dieu cl l\'homme furenl rapprochós.
A la mort Dieu attend I\'liomme pour lui faire rendre compte de scs oeuvres, de l\'usage qu\'il a fait de sa liberie, de robservation exacte ou infidèle des préceptes qu\'il lui a révélés au jour do sa creation et que son fils Jcsus-Chrisl le Verbe, e\'est-a-dire la parole divine incarnóe, est venu confirmir et dcvelopper. Ainsi le Chrótien voit loujours au-dessus de lui Dieu donl I\'oeil suit loules ses oeuvres: dans le livre révélé son! les préceptes; dans le Christ, le modcle qu\'il doitimiler; dans sa liberló, le pouvoir de choisir enlrc le bien ou le mal, de se rapprocher ou do s\'éloigner du Christ.
Tel est dans sa plus haute expression le dogme Chrótien; le restc n\'esl plus que la partie extérieure, dramatique, de la religion. Par ce dogme se Irouve enfin conslituée pour la première fois la moralité, qui unit ce qui avail été jusqu\'alors séparé, lo. createur et la creature, le ciel et la lerre.
Quelques hisloriens, qui se sonl hcurtes a un libéralisme, borné dans ses vues, illogique dans sa méthode, se sonl posé la question : s\'il n\'aurait pas été plus profitable au développement du Christianisme, qu\'aucune autorité papale n\'eül élé conslituée ? Afin d\'évilcr une discussion superilue, je me bornerai a établir cel axiome, que toutcs les associations humaines aspirent a l\'unilé. C\'élail surlout une vérilé lors de l\'origine du christianisme.
De nombreux missionnaires parcouraienl le monde pour prêcher l\'Evangile. Entre ces missionnaires, séparés les uns des aulres par d\'im-menses inlervalles, il élait indispensable qu\'il y eül des rapports constants sur les dogmes de la foi nouvelle, l\'explicalion des mystères, l\'amplifi-
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cation de la lellre sacrée. II fallul done avoir un centre, lequel put recevoir les observations et communiquer des avis. C\'étaient d\'abord les anciens, mais bientót se forma le federalisme episcopal, plus tard absorbé par les palriarches qui, a leur tour, abdiquaient leur omnipotence pour etablir dans l\'Eglise un représentant visible de l\'unité mystérieuse, un chef suprème de la communauté : l\'évêque de Rome.
II sera inutile de rappeler de quelle manière l\'évêque do Rome est devenu plus puissant que tous les évêques; on sail qu\'il existait une divergence d\'opinions trés prononcée sur les doctrines d\'Arius. Tandis que les éveques de l\'Occident excommuniaient le philosophe, ceux d\'Orient lui donnaient acte d\'adhésion. En présence de ces difficultcs, un concile general fut convoqué, vers Ie milieu du quatrième siècle, a Sardique, en Illyrie, aux confins des deux empires d\'Orient et d\'Occident. Les éveques d\'Orient s\'y rendirent, mais désespérant, dès l\'ouverture du concile, d\'attirer Ia majorité dans leur parti, ils s\'éloignèrcnt sous divers prétextes. Après leur départ, Osias, évèque de Gordoue, quiavait été I\'ame du concile de Nicée, soumit le décret suivant a I\'acceptation de ses collogues:
«Si un évèque, condamné dans quelque cause, et néanmoins pensant c avoir raison, veut faire appel de son jugement, vous plait-il, mes «frères, d\'accorder eet honneur a la mémoire de Saint Pierre, que les «éveques qui Tont condamné, en écrivent sur le champ a Tévèque de «Rome; et que, si l\'évêque de Rome demande que Ie jugement soit «renouvelé, il !e soit, et lui-mème fournisse des juges; que s\'il declare, «au contraire, le jugement valable, il le soit comme ils I\'ont voulu? 4 Si cela vous plait a tous, mes frères, dócretons le.»
Et tous les évèques assemblés répondirent d\'une seule voix: «II nous plait; placet. tgt;
Sans examiner jusqu\'a quel point ce concile était un concile oecumé-nique en régie, toujours est-il, que depuis cette époque l\'évêque de Rome a été constitué l\'arbitre infaillible de loutes les controverses, ayant le dogme pour objet. II s\'est fait pape.
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On pout divisor I\'liisloiro do la papaulé on quatrc périodos. Dans la promicro lo Papo no possèdo que lo gouvornomcnl interieur de I\'Eglisc, dans les matièros de foi; mais dans toules les questions, oü les intórcls de l\'Église se confondaiont avee les intéréts de l\'Etat, c\'était de la com-pótence de César. Nous voyons co mème óveque Osias, qui a fait los Papes, écriro a l\'Enipereur Constantin:
«Dieu t\'a confié a toi l.\'Empire, a nous I\'Egiisc. II no nous est pas «permis, a nous, do posseder le gouvernement do la terrc, et toi, tu «ne possèdes pas celui du tabernacle.» Malheurousoment les papes tinrent plus lard un tout autre langago.
Charlemagne et Pépia modifièrent cette situation. Lo pouvoir temporol passa pou a peu des mains dos Empereurs dans cellos dos Papes.
Faudra-t-il ontrer dans tout co qui a precede et motive la reformation? Tons les historiens sincèros, catholiques comme protestants, sont d\'accord sur co point, que les désordres intérieurs de rEgliso et les scandales des moeurs Romaines, ont renvorses co gouvernement, qui avait remplacé le sceptre de la paix par le glaive (\'). Le sort de la Papauté a éte celui de tous les établissemenls humains; olie a oté, elle n\'est plus 1 La mème loi préside a l\'érection et a la mine de tous les pouvoirs. Durant l\'accomplissoment de la mission, qui leur a été pré-dostinée, ils étorinent le monde par la splendour de lour majosté, par l\'audaco do leurs entreprises, par la magnificence de lours onvrages; et puis cette majosté s\'elï\'ace, cetto vigueur tombe, et la décrépitudo suc-cède a la virilité.
(\') Hudéc, le grave Budee dit: «J\'ai visite la plupart des monasteres qui se sont trouvés sur //ma route ik Rome, et partout j\'ai trouvé la licence des moeurs et le mépris de la règlo. Ou no //s\'oceupe ni de I\'dgliso ni d\'une réforme dans ses coutumes, et je erains bieu que cela ue lluissc »par un coup de tonnerre.«
Le cardinal Bellarmier, dont 1\'aveu n\'est eertaincment pas suspect, dit lui mêmc: » Quelques //anuées avaut Luther et Calvin, il n\'y avait plus, snivant les témoignages de tous les auteurs «contemporains, ni séverite dans les tribnnanx ecclesiastiques, ni discipline dans les moeurs du «clergc, ni connaissancc des sciences saerées, ni respect pour les choses divines; il ne restait // enfin presque plus de religion. •
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Vainement la curie Romaine s\'efforfa de relenir sa déchóance spiri-tuelie par Tacceptation de l\'acte pragmalique et du concordat. C\'était dója l\'aveu de sa faiblesse. Elle élait entraince par un courant rapide, qui ne lui permettait pas de jeter l\'ancre et les vents contraires la poussaient irrésistiblement vers Tabime.
II me semble inutile d\'exposer ici les developpenients successifs du principe de liberté depuis Wicleff jusqu\'a nos jours. Ge qui ne peut être nié c\'est, qu\'il a triomphé de tous les obstacles qu\'on opposait a la liberté de conscience, au libre examen. La sociétó n\'a pas été dis-soute le jour ou elle s\'est affranchie de la tutelle de Rome; la liberté de conscience a triomphé.
Je constate les fails dans leur plus grande simplicité, sans exagiration. Faut-il en conclure que le Protestantisme, dans sa formule la plus absolue, est un principe hostile au catholicisme? Non, je crois au contraire que les deus, principes pourront, grace d la civilisation, marcher ensemble dans la plus parfaite unité, dans iaquelle ils coexistent.
Peut-on en vouloir au Pape, de chercher a sauver la dernière parcelle du pouvoir, qu\'on lui a laissé? Non. II est seulemenl a regretter que des conseillers mal-avisés lui aient inspire le syllabus et le dogme de rinfaillibilite qui, au lieu de lui être profitables, ont eu pour consequence un nouveau schisme dans l\'Eglise catholique.
Mais il est puóril de vouloir nous faire accroire que vers la fin du 19e siècle, ces dogmes puissent exercer une influence quelconque sur les affaires politiques du pays.
Sans contredit Tautorité d\'un chef de l\'Eglise produit l\'unité dans l\'églisele défaut d\'une autorite supérieure chez les Protestants fait naitre tous les jours de nouvelles sect es, qui ne font que l\'afïaiblir. II n\'est pas necessaire que le chef d\'une Eglise règne sur les consciences, mais il peut et doit les guider pour maintenir Ia foi unique el seule possible dans la communaulé.
On ne peut que regretter que le Pape ait pousse son non possumus
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jusqu\'a rejeter les lois Allemandes sur rétat-civil, qui existent en France, en Belijique, ici, dans tous les pays civilises. A la vcrile, depuis que ces lois sont en vigueur, grand nombre de manages ne sont plus con-sacrés par l\'Egiise — pas plus protestante que catholique, — mais l\'Etat n\'a pas a\'s\'occuper des consciences. Le Pape et les évêques ont de plus perdu de vue, qu\'en se pronon^ant contre rétat-civil, ils risquent de perdre nombre de catholiques qui, en ne se rnariant pas dans l\'Egiise, en sont exclus, ainsi que leur fostérilé.
Je terminerai ce chapitre en recommandant a mes concitoyens les paroles d\'un homme d\'état, dont les conservateurs aussi bien que les liberaux ont conserve un bon souvenir. Voici ce qui disait Tborbecke a propos des dissensions religieuses:
«Le moyen de mettre l\'Etat a l\'abri des conséquenses des discordes «de sectes et des baines de religion, c\'est la liberté religieuse et eccle-«siastique. Restreindre cette liberté c\'est le moyen de troubler 1\'ordre «et la tranquillité publique. A des contestations ecclésiastiques et a «l\'intolérance, il ne faut accorder aucune influence prépondérante. Que «notre dévise soit la belle sentence de nos ancètres: Concordia res aparvae crescunt, discordia maxirnae delabunlur.
«II est temps que sur le terrain politique nous substituons la science «certaine d\'une nation une et Néerlandaise a l\'hnage d\'une nation Pro-«testante. Le gouvernement et la representation nationale ne doivent «avoir qu\'un but, celui de londer l\'unité et la\'force morale.»
LE MINISTÈRE ET L\'OPPOSITION.
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Je pourrais au besoin considérer ma tacbe comme terminée. Je crois avoir démontré qu\'il n\'existe pas une ombre de péril pour noire pays d\'etre jamais subjugue d\'une manière quelconque a l\'influence du calho-
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licisme. II sulïirait, cc qu\'a Dicu ne plaise, qu\'on l\'essayat pour voir
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de nouveau réuni comme un soul homme pour s\'y opposer, le pays tout entier, de meme que cela a eu licu en 1853, lorsquc ia precipitation avec laquelle on a cherciié a elablir la hierarchic episcopale dans ce pays, for^a le gouvernement de se retirer, ou plutót il fut renversé par la voix du peuple.
Cependant, la brochure de M. de Zuylen m\'oblige de suivre ses idécs sur le domaine politique. II est difficile de deviner Topinion sincere dc l\'auteur sur le ministère. Si Ton en croit aux protestations d\'amitió, ou pourrait la qualifier de favorable. II n\'en est pas dc mêmc en consultant les fails. M. de Zuylen parait lui-même fort embarrassé de s\'cxprimer claireraent a eet égard. 11 a préfcré le passer sous silence, m\'abandonnanl la tachc de combler cette lacune.
Pourquoi el comment le ministère actuel est-il arrivé aux affaires? Le professeur Buys a répondu a cette question mieux que je ne le saurais faire moi. Aprcs avoir parlé du désordre qui caractérisait dans le dernier temps les discussions dans Ie parlement, qui ont souvent dégénéré en querelles mesquines, M. Buys ajoute (\'):
«Le parti libéral a du déposer le pouvoir, qu\'il a eu dans ses mains «pendant six années; il n\'a pas élé renversé, il s\'est suicidé lui-mcmc. «\'friste déeès, ses amis les plus sincèrcs n\'en ont mème pas porté le «deuil. II est inutile de renouveler 1\'acte d\'accusation contrc Ie parti «libéral, comme parti gouvernemental. L\'opinion publique, qui pendant «de longues années a considéré la majoritc de la chambre comme «inviolable, el n\'avait de critique que pour le gouvernement, est tombée «dans un extréme opposé. Tous ses coups retombent sur Ia représen-«talion nationale, et quand l\'opinion publique frappe, elle frappe fort. «La chambre elle-même doit étre pénétrée de son impopularitc, et «celui qui en doute n\'a qu\'a consulter les annales parlementaires. II
(\') Les passages suivants sont extraits d\'un article du professeur Buys dans le Gids, sous le titre; • Een casus positie.»
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«faut faire l\'impossible pour rélablir la confiance dans nos institutions «politiqucs, que nous ne voudrions cchanger poiir rien au monde. Quoi-«quelles n\'aient pas servi a édifier dans la dernière période décennale, «elles ne sont pas néanmoins les protectrices de nos libertés civiles el «poliliques.»
Je nc suivrai pas l\'honorable professeur dans riiistorique qu\'il fail du dernier cabinet. Je préfère soumeltre au lecteui\' scs appreciations sur le cabinet Heemskerk, arrivé aux affaires sans avoir une majorité cerlainc a la Seconde Cbambre. «L\'arrivée seule du ministère, dit-il, «prouve sa confiance clans le succès de son entreprise » et il pose cette question: «si on peut s\'attendre a ce que la nouvelle période sera une «période de régcnération? Les partis poliliques ne sent pas plus avancés «dans l\'arl de faire Topposition, que dans rarchileclure. Les exigences «déraisonnables el impraticables de l\'opposilion sont autant de lettres «de change, dont l\'échéance devienl au jour oü Topposition devient gou-«vernement. El Dien sail avec quelle légèreté on a signé les lettres «de change!»
M. Buys croit qu\'on ne renouvellera pas la Uitte, paree que la con-voitise des portefeuilles n\'exisle plus; et que M. Heemskerk rendrait un service signalé a ses adversaires, en les dispensant dans les premières années de l\'obligation de gouverner; el il ajoute: «si, contre toute «attente, on jugeait les produits du ministère non d\'après leur «qualité, mais d\'après le certificat d\'origine, que M. Heemskerk engage «courageusemenl la lutte; il aurait choisi un terrain aussi favorable «pour lui que défavorable pour ses adversaires. Le pcuple appelé a «l\'urne électorale, sera pour lui.»
Posanl la question: si l\'opinion publique est favorable au nouveau ministère, M. Buys dit que la réponse a cette question est facile a donner.
«La Néerlande, dit-il, a un grand besoin d\'un gouvernement fort el «énergique, el surlout pour ce qui concerne les affaires intérieures. «Des questions matérielies de toutes sortes se sont amoncelées dans
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«les dernières annóes ot leur soluiion ne saurait se difierer sans «danger; elles doivent ètre résolues par une main de fer avec une «grande perspicacité, une activité incessante. On ne connait personne «mieux en élal de salisfaire ces exigences que M. Heemskerk.-»
Touleibis M. Duys met une condition a laquelle seule il promet S M. Heemskerk et ses collogues unc chance de succes: l\'abandon de ses amis de 1866. Eh bien, M. Buys a ócrit son article en Octobre, et au mois de Juillet déja M. Heemskerk était du möme avis. 11 a choisi ses collogues parmi les hommes, que nous sommes habitués a appeler modérés; il n\'avait en vue qu\'un but: d\'avoir des collègues capables, pas de médiocrités. A-t-il réussi?
M. Heemskerk n\'est pas l\'homme qui permet qu\'on lire sur lui a longue échóance; il a l\'habilude do payer comptant. II vaudrail la peine d\'énumórer ici lout ce que le Ministère a fait dans le peu de temps qu\'il est aux affaires. Je no menlionnerai que les principales lois: enseignement supérieur; enseignement a l\'académie militaire; Ia police des chemins de fer; reglement des pensions de la marine; la loi sur la rnilice; les traités conclus avec le Portugal, la Suisse, le Port Natal et la loi modifiant un article du Code de Commerce sur les assurances; la loi règlanl les conditions d\'extradition; Torganisation judiciaire, la loi sur les sociétés coöpératives; loi monetaire; l\'exemption du foncier des habitations d\'ouvriers, ainsi que la suppression du droit de phare etc.; M. van der Heim a mis aussi en perspective une nouvelle édi-lion du tarif douanier en sens liberal; il met la dernière main a la loi sur la comptabililé el travaille a son plan financier. Ge que M. Heemskerk a fait pour les intéréts malériels, en assurant 1\'achèvement du Canal d\'Amslerdam a la mer, rendiguement du Dollard et le dessèche-ment d\'une parlie du Zuiderzee, a fait dire a un journal étranger, que la poslérilé donnera a M. Heemskerk lopithète de grand dessècheur Hollandais. Si Ton y ajoute encore que le Ministre des colonies a fait voter un projet de chemins de fer a Java, il est permis de croire que les ministres ne sont pas reslés les bras croisés.
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Le pays attend encore de M. Heemskerk de nouvelles lignes de che-mins de fer. Cette attente no sera pas défue. Le plan est murie et sera soumis sous peu a la sanction legislative.
Pour être juste on doit convenir, qu\'a I\'exeeption d\'une petite mino-rité, qui a cherché a exploiter de misérables questions du cimeticre a Stryp, de la tour de Druten et 1\'opérette ia Vie Parisienne, la majorité a montré qu\'elle apprécie raclivité, avec laquelle le ministère cherche a regagner tant de temps perdu.
En arrivant aux affaires M. Heemskerk n\'a pu se faire illusion sur sa position. 11 savait qu\'il n\'avait pas une majorité faite, qu\'il devait s\'en faire une. A-t-il réussi?
J\'ai dit que jusqu\'ici la majorité a suivi le ministère. Quel espoir pour l\'avenir les partis nous permettent-ils de nourrir? Comme le ministère, Topposition se trouve dans une position anormale; elle se divise et se subdivise en une multitude de fractions, de coteries, de nuances et d\'individualités, suivant que les circonstances, les antipathies ou les sympathies personnelles et surtout rambition ont l\'empire sur la politique. Ce phénomène est plus rare en Angleterre que chez nous; les moeurs poliliques y sont plus honnèles; l\'opposilion est une opposition de principes, qui exclut la mesquinerie. Faut-il parler de I\'oppo-sition intèressée, qui pour tout mobile a les portefeuilles en perspective? Celle-la se cache le plus souvent sous l\'enveloppe de l\'amitié. N\'a-t-on pas vu qu\'a la première rencontre du Ministère avec la chambre, M. de Zuylen seul s\'élevait pour ressuciter le premier jour la question brü-lante de renseignement primaire, exploilée pendant trois mois par son ami Kuyper. L\'indignation de toute la chambre etait grande. Le masque commeneait a tomber. Dans la séance du 19 Mars il a comblé la mesure, en prenant pour son compte un amendement de non-confiance, qui peu auparavant avait été retiré par M. de Roo de Aldervverelt. II donna en cette circonstance a M. Fransen van de Putte l\'occasion de se mettre a la hauteur réelle d\'un homme d\'état, qui dédaigne cette politique a coups d\'épingles et qui ne subordonne pas les intéréts du
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pays a l\'esprit de parli. M. Fransen van de Putte étail a la fois noble el grand en prononeant ces quelques paroles sévères:
«Si je volais eet amendement je preterais ma cooperation d une «politique d\'opposition, qui existe depuis quelques années et dont «M. de Zuylen de Nyevelt — malgre toutes ses protestations — fait «partie. Ce n\'est pas une opposition cdifiante; c\'est une opposition « destructive.»
M. van Zuylen avait beau protester de ses intentions, l\'hilarité génó-rale de la chambre a dü lui prouver qu\'on n\'y attachait pas grande confiance.
Ce n\'est pas ainsi que je comprends l\'opposition. A mon avis, c\'est par les principes que Topposition doit devenir majorité et non par les hommes. Toute autre opposition est immorale. «11 n\'est pas loyal, «dit Bentham, qu\'un homme parle contre son opinion; il n\'est pas «loyal que trouvant une mesure bonne, il la combatte par haine pour «ses auteurs, ou que. Ia trouvant mauvaise, il la soutienne paree « quelle vient de ses amis.»
11 n\'est pas donné a tout Ie monde d\'avoir cette grandeur d\'ame et alors mème que ce n\'est qu\'un calcul, on doit convenir que M. Fransen van de Putte a le don d\'unc haute perspicacitc. Pemain, aprés-domain il redeviendra premier Ministre et forcera l\'opposition d\'etre gouvernementale.
C\'ótait une severe lefon pour M. de Zuylen. Malheureusement il n\'en a pas profile; il a oublié la maxime: Felices nimium qui sua bona novnnt.
LES PARTIS POLITIQUES.
Cela nous mono a la question des partis, que M. de Zuylen veut reformer. II n\'est pas assez clair, il est mcme trop confus pour que je puisse le suivre dans ses observations. La seule chose qui soit
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évidente c\'esl, que les 16 deputes catholiques devront former un parti a part. II ne leur sera pas défendu de voter pom on contre le Ministère, mais on devra grouper les autres partis de manière a ce qu\'on puisse les considérer comme n\'existant pas.
II y a longtemps que d\'autres, plus populaires que lui, se sont occupés de cette question. M. Godefroi, qui est une grande lumiere, et qui jouit de la confiance et de 1\'estime de tous les partis politiques sans exception, s\'était occupé de la reunion des centres. M. van Ree-nen, l\'intégrité politique personifice, et jouissant a un haut dégré de l\'estime publique, a fait indirectement une demarche dans ce sens. Leurs démarches sont restées sans résultat.
En dernier lieu c\'est M. le professeur Buys, qui a traité cette question, prenant pour point de départ le programme, que M. Pynappel a soumis aux électeurs d\'Amersfoort, en posant sa candidature contre celle de M. van Asch van Wyck. Le professeur aussi est d\'avis que sur les grands principes gouvernementaux, il n\'y a pas de difference entre les deux grandes fractions de la chambre; mème en ce qni con-cerne les réformes coloniales on voit les vues se rapprocher et la solution des complications coloniales devenir de plus en plus une question de personnes, plütot qu\'une question gouvernementale. Et si les électeurs d\'Amersloort s\'étaient demandé: qui sommes nous ? il n\'y a pas de doute qu\'ils se seraient déclarés pour M. Pynappel.
«II faut, continue M. Buys, biiïer désormais du programme les mots «.liberal et conservateur; ils ent perdu leur sens dans la vie politique «de la Néerlande; il en est comme de ces vieilles monnaies, tellement usées, qu\'on a de la peine a y retrouver la légende primitive.»
D\'excellentes théories! Tranquillement assis dans son cabinet de travail, on gouverne quelquefois de cette manière le pays et mème le monde. Autre chose est quand il s\'agit de les mettre en pratique. Lisez les journaux des différents partis politiques, et dites-moi franche-ment, si vous croyez a la possibilité d\'opérer un rapprochement quel-conque. La haine va si loin, qu\'on a vu, dans une élection de Gorcum,
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les électeurs libéraux voter pour M. Teding van Berkhout, non par sympathie, mais pour évincer M. Tleemskerk de la chambre. Dans tous les pays du monde il y a des hommes, dont le siège est marqué dans le parlement, et même en Belgique les conservateurs n\'opposeront aucun candidat a M. Rogier, pas plus que les libéraux n\'en opposeront a M. Dumortier. Voila ce que je voudrais qu\'on fit ici. Mais je suis sur, que ce sera la un voeu qui no se réalisera pas de sitót.
Et a la chambre méme. Prenons au hasard les matadors, M. Kappeyne van de Coppello, homme d\'esprit, homme de talent, excellent orateur, en un mot il réunit toutes les qualités nécessaires au deputé. Quel autre usage en a-t-il fait que pour contrarier et ses amis et ses adver-saires? Lors de l\'examen du budget dans les sections, il a dit, et cela se trouve constaté dans le rapport politique, que la nation doit être reconnaissante au ministère d\'avoir consenti d se charger des affaires du pays. Qu\'on compare ces paroles aux discours qu\'il a prononcés, et au quasi-programme liberal qu\'il a opposé au programme ministériel, non pour 1\'exécuter — M. Kappeyno ne veut pas étre Ministre — mais pour avoir le plaisir de contrarier. Ghez lui l\'habitude est devenue une seconde nature.
J\'ai beau chercher et a droite et a gauche, je ne trouve pas — pas même avec la lanterne de Diogène — les hommes qui voudront se prêter a faire abnégation d\'esprit de parti pour former un corps un et indivisible, sur lequel le gouvernement pourrait s\'appuyer. Ce sera impossible aussi longtemps, qu\'on forcera les électeurs d\'élire des votants et non des députés, et qu\'on préférera les médiocritcs, qui promettent leurs voix, aux hommes de talent, qui jugent par eux-mêmes.
Abandonnons done cette illusion ot espérons qu\'il se trouvera toujours dans le parlement assez d\'hommes dévoués, qui par patriotisme prête-ront leur cooperation a préserver le pays de l\'anarchie et de nou-velles crises.
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CONCLUSION.
Quel sera le resullat des elections partielles du mois de Juin? Verra-t-on se renouveler celle lulle enlre les candidats, qui appartiennent au fond a la même opinion et qui ne différent que du nom, qu\'on se plaira a leur donnar\'? Ce sont la des questions, que les électeurs auront a résoudre. Mais il y a pour moi une certitude, que le grand danger nous vient bien moins des catholiques que des anti-révolutionnaires. Le parti catholique n\'a pas même de programme et ne demande rien, tandis que M. Kuyper remue ciel et terre, publlquement et secrètement, pour atteindre un ideal, dont tous les partis doivent s\'efforcer d\'empêcher la realisation. M. de Zuylen dit bien, qu\'il ne faut pas mêler la politique avec les affaires de l\'Eglisc, mais si c\'était le cas, le parti anti-revolutionnaire n\'aurait pas de raison d\'etre. Pris individuellement, le parti anti-revolutionnaire se compose d\'hommes des plus honorables. Malheureusement c\'est I\'interet de I\'Eglise, qui en lait un parti; et quant a M. Kuyper, qui a jeté le Iroc pour se faire chef de ce parti, il a manqué son but. En dehors des questions religieuses, il est dans le plus complet isolement, paree qu\'il ne dissimule guore ses sympathies démocratiques el, pour parler avec M. Buys, «si rintérêt de I\'Eglise «le permel, il devancerait même les radicaux.»
Je termine avec ces paroles du professeur Buys:
«L\'apparition du second Ministère Heemskerk exercera une grande «influence sur le développement ultérieur de noire vie politique. Sous « des circonstances favorables, il sera une benediction pour la Néerlande. «II pourrait anéantir l\'esprit faclieux et poser les fondements d\'un
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«nouveau parti, en parfaite harmonie avec les idéés et les besoins de «la nation Néerlandaise. Sous des circonstances défavorables, le poison «s\'infiltera dans des blessures saignantes, dont les consequences ne «sauralent être prévues. II n\'y aura pas seulement stérilité, mais tout «notre organisme gouvernemental sera attaqué dans ses bases et blessé « mortellement. »
Ge sont ces paroles ou plutót ces conseils que je prie los électeurs de prendre en sérieuse consideration.
CONSTITUTION DE 1848. CHAP1TRE VI.
Abticle 164.
Chacun professe ses opinions religieuses en toute libcrtc, sauf la protection accordéo ;i la société et it sea membres individuels contre toute transgression de la lol pénale.
Article 165.
Protection égale est accordée a, toutes les communions religieuses du royaume.
Auticije 166.
Tous les Néerlandais sans distinction de croyance religieuse, jouissent des mêmes droits civils et politiques, et sont également habiles a remplir toutes dignités, fonctions et emplois.
Article 167.
L\'exercice public de tout culte religieux est permis dans l\'intérieur des batiments ou enceintes fermées, sauf les mesures nécessaires pour assurer 1\'ordre et la tranquillité publique.
Sous la même réserve l\'exercice du cultc est accordé hors des batiments et des enceintes fermées, IA, oü les lois et les règlements l\'accordent présentement.
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«nouveau parti, en parfaite harmonie avec les idéés et les besoins de «la nation Nóerlandaise. Sous des circonstances défavorables, le poison «s\'infiltera dans des blessures saignantes, dont les consequences ne «sauraient être prévues. 11 n\'y aura pas seulement stérililé, mais tout «notre organisme gouvernemental sera attaqué dans ses bases et blessé « mortellement.»
Ge sont ces paroles ou plutót ces conseils que je prie les électeurs de prendre en sérieuse consideration.
CONSTITUTION DE 1848. CHAPITRE VI.
Chacun professe ses opinions religieuses en toutc liberté, sauf la protection accordéo ii la société et A ses membres individuele contre toute transgression de la lol pénale.
Article 165.
Protection égale est accordée a, toutes les communions religieuses du royaume.
Akticle 166.
Tous les Néerlandais sans distinction de croyance religieuse, jouissent des mêmes droits civils et politiques, et sont également habiles ti remplir toutes dignités, fonctions et emplois.
Article 167.
L\'exercice public de tout culte religieux est permis dans Tinterieur des batiments ou enceintes fermées, sauf les mesures nécessaires pour assurer l\'ordre et la tranquillité publique.
Sous la même réserve l\'exercice du culte est accordé hors des batimeuts et des enceintes fermées, la oil les lois et les règlements 1\'accordent présentement.
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Article 168.
Les traitements, pensions et autres revemis quelconques, dont jouissent actuellement les différentes communions et leurs ministres, sont garantis k ces communions.
Aux ministres qui jusqu\'ici ne touchent point de traitement du trésor public ou auxquels il n\'est accordé qu\'un traitement insuffisant, il peut être alloué un traitement ou un supplément.
Aktiolb 169.
Le Roi veille h ce quo tous les cultes se contiennent dans l\'obéissance qu\'ils doivent aux lois de I\'Etat.
Aeticle 170.
Les différentes communions religieuses ont le droit de correspondre avec leurs supérieurs et de publier les préceptes religieux sans l\'intermédiaire du gouvernement, sauf la responsabilite déterminée par la loi.
Annexe n.
du 15 Septembee 1853 règlant la surveillance des différentes communions religieuses.
Nous GUILLAUME III, etc.
Considérant qu\'il est nécessaire de règler par la loi la mise h exécution de différentes prescriptions du chapitre VI de la constitution, et afin de remplacer par de nou velles dispositions les ordonnances existant sur eet objet, pour que Nous puissions accorder une égale protection h toutes les communions religieuses dans le Royaume, et veillcr a ce qu\'elles se tiennent dans les limites de l\'obéissance due aux lois de l\'Etat;
Notre conseil d\'Etat entendu et d\'accord avec les Etats-Généraux, Nous avons statué et statuons par les présentes:
Abt. 1.
A toutes les communions religieuses est assurée et reste maintenue la pleine liberté de régler tout ce qui concerne leur culte et l\'exercice de ce culte dans leur propre sein.
Celles des dispositions, relatives a 1\'organisation et :i l\'administration desdites communions, dont Nous n\'avons pas encore eu connaissance, Nons seront com-muniquées par leurs directeurs ou leurs chefs, dans le mois qui suivra la promulgation de la présente loi. Les dispositions nouvelles seront portées a Notre connaissance de la même manière, soit avant, soit lors de leur mise en vigueur.
Si parmi les dispositions, que eet article a en vue, il s\'en trouve quelqu\'une qui exige le concours de l\'autorité de l\'Etat, ce concours ne sera accordé que pourvu que la disposition soit approuvée par Nous.
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Los étrangers n\'accepteront de fonctiona ecclésiastiques, qu\'après avoir obtenu Notre aiitorisation ;Y eet effet.
Cette autorisation ne pourra etre refusée que dans 1\'intérêt de 1\'ordre et de la tranquillitó publique.
Les titres donnés dans les communions religieuses aux ministres dn culte, ne confèrent ni titre, ni rang, ui prérogative, soit par rapport au pouvoir tcmporel, soit par rapport aux autres communions religieuses.
Dans les communications avec le pouvoir tcmporel, ces titres ne seront jamais énoncées qu\'cn adjouction avec le nom de familie des titulaires.
Les noms de provinces ou de communes, employés par les communions religieuses, pour désigner leurs circonscriptions, sous considérés comme de nature exclusivcment ccclésiastique et n\'ont pas d\'autre consequence.
Les assemblées synodalcs et les chefs qui représentent ou dirigent des communions religieuses, ont besoin de Notre approbation en cc qui eoncerne le lieu d\'établissement.
Si cette approbation n\'a pas encore été aceordée lors de la promulgation de la présente loi, Nous prononcerons sur la eonvenanee du lieu d\'établissement proposé, après en avoir délibéré et Notre conseil d\'Etat entendu.
Ce n\'est que dans 1\'intérêt de 1\'ordre et de la tranquillité publique et par un arrêté motivé et rendu public, qu\'un lieu d\'établissement proposé, peut être déclaré par Nous non convenable.
Les ministres de la religion ne revèteront les habits destinés aux cérémonies du culte on nsités d\'après le rite de leur communion, que dans 1\'intérieur d\'uu batiment, l\'cnceinte d\'un enclos, on dans un lieu oü l\'exercice public du culte est admis par le § 2 de l\'art. 1G7 de la constitution.
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Abt. 7.
Toute construction ou appropriation d\'un batiraent pour l\'exercice du culte, faite a la distance de deux cents mètres d\'une óglise déji\'i existante, exige, dans rintéret de l\'ordre et de la tranquillité publique, une enquête relative au lieu d\'ctablisscment.
A eet égard, et préalableraent k l\'autorisation de la construction ou de l\'appropriation, Tad ministration communale prend une décisïon, susceptible d\'appel aux Etats députés. La décision de ccux-ci Nous est soumise en dernier ressort. L\'arrcté a prendre par Nous, Notre Consei) d\'Etat entendu, sera motivé et rendu public.
Sera fermé tout batiment dont la construction ou l\'appropriation pour le culte n\'aura pas été permise.
Abt. 8.
La sonnerie des cloches pour la célèbration des solennités religieuseo ou pour appeler les habitants a rcxercice du culte, dans les communes oü il y a des églises de plus d\'une communion, pourra, dans 1\'intérêt de l\'ordre et de la tranquillité publique, être interdite par Notre commissaire dans la province.
Les sonneries pour un autre motif n\'onl lieu qu\'avec l\'autorisation de la police locale.
Abt. 9.
Quiconque ne satisf\'ait pas a la présente loi, transgresse ses prescriptions ou exerce publiquement le service divin, en un lieu nou autorisé par 1\'art. 1G7 de la constitution, est déclaró avoir aji conlrairemenl d la loi et condamné aux dépens.
Abt. 10.
Les officiers de justice prés les tribunaux d\'arrondissement ont, aux termes de l\'art. 854 du code de procédure civile, voix de requisition devant le tribunal, en séance civile, pour l\'application de I\'article précédent.
Aucune poursuite ne pourra être intentée par eux, qu\'avec l\'autorisation du procureur-général, sous lea ordres duquel ils sont placés, ou en vertu de l\'ordre du juge, dans les cas prévus par l\'art. 31 du code d\'instruction criminelle et par l\'art. 73 de la loi sur l\'organisation judiciaire et l\'administration de la Justice.
Abt. 11.
Le jugement est susceptible d\'appel, et l\'arrêt peut être attaqué en cassation.
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Abt. 12.
Quiconque, après une prémière condamnation pour infraction ;ï la présente loi, s\'est rendu coupable de récidive, sera condamné k la suspension de 1\'exercice de ses droits civils pour une durée de trois a dix ans, et ii un emprisonnement d\'un mois deux ans, cumulativement ou non cumulativement.
Am. 13.
Les procés intentés pour récidive, en vertu du précédent article, sont traités dans la forme ordinaire devant le juge ordinaire.
La prescription pour les transgressions k la présente loi est acquise par le laps de deux ans.
Abt. 14.
A date du jour de la promulgation de la présente loi, et sauf les dispositions des lois et réglements, dont parle 1\'art. 1G7 de la constitution, sont abrogées la loi du 18 Germinal, an X, et toutes autres dispositions contraires
Mandons et ordonnons etc.
Donnée au camp de Zeist, le 10 Septembre 1853.
GUILLAUME.
Lc Ministre dc la justice, D. Donker Cubtius.
Promulguée le 15 Septembre 1853.
Le. Conseiller d\'Etat, Directeur du Cabinet du Hoi, A. 6. A. tan Rappaed.
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