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ÉVOLUTION DU BASSIN DE LA TET
DANS LES PYRÉNÉES ORIENTALES
PENDANT^LE NÊOGÈNE

A. J. PANNEKOEK

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ÉVOLUTION DU BASSIN DE LA TET
DANS LES PYRÉNÉES ORIENTALES
PENDANT LE NÉOGÉNE

ÉTUDE DE MORPHOTECTONIQUE

PROEFSCHRIFT

TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN
DOCTOR IN DE WIS- EN NATUURKUNDE
AAN DE RIJKS-UNIVERSITEIT TE UTRECHT,
OP GEZAG VAN DEN RECTÖR-MAGNIFICUS
Dr. H. BOLKESTEIN, HOOGLEERAAR IN
DE FACULTEIT DER LETTEREN EN WIJS-
BEGEERTE, VOLGENS BESLUIT VAN DEN
SENAAT DER UNIVERSITEIT TE VERDEDI-
GEN TEGEN DE BEDENKINGEN VAN DE
FACULTEITEN DER WIS- EN NATUURKUNDE
EN DER LETTEREN EN WIJSBEGEERTE
OP DINSDAG 9 APRIL 1935, DES NAMIDDAGS
TE 3 UUR

DOOR

ANTONIE JOHANNES PANNEKOEK

GEBOREN TE LEIDEN

UTRECHT - 1935

N.V. A. OOSTHOEK\'S UITGEVERS-MAATU.

BIBLIOTHEEK DER
RIJKSUNIVERSITEIT
UTRECHT.

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Allen, die leiding hebben gegeven aan mijn studie, zoowel aan de Utrecht-
sche als aan de Amsterdamsche Universiteit, dank ik hiervoor ten zeerste.

Gedurende mijn eerste studiejaren waart Gij het. Hooggeleerde Dubois,
die mij met de Geologie deed kennismaken. Uw oorspronkelijke gedachten hebben
mij steeds geboeid; Uw voortdurende belangstelling stel ik zeer op prijs. De
lessen van wijlen Prof.
Sluiter zullen steeds in mijn herinnering blijven. U,
Hooggeleerde
Stomps, ben ik zeer erkentelijk voor Uw hulpvaardigheid ge-
durende de tijd dat ik in 1930 op Uw laboratorium werkzaam was.

Groote dank ben ik verschuldigd aan U, Hooggeleerde Rutten, die mij
hebt geleid bij mijn verdere geologische studie. Ik beschouw het als een bijzonder
groot voorrecht dat ik gedurende zoo vele jaren Uw assistent mocht zijn. Uw
critisch geologisch denken en Uw practische en snelle wijze van werken zijn
een voorbeeld voor Uw leerhngen; op elk gebied behartigt Gij voortdurend
hun belangen. Steeds meer besef ik hoe Gij mij altijd de juiste weg hebt gewezen.

Hooggeleerde Schmutzer, van Uw groote beminnelijkheid heb ik bij her-
haling de blijken mogen ondervinden. Hooggeleerde
Brouwer, aan Uw bezielende
invloed dank ik mijn voorliefde voor de tectoniek. Gij, Hooggeleerde
Nierstrasz,
maakte de Dierkunde tot een voor mij levende wetenschap.

Hooggeleerde Obstreich, hooggeschatte Promotor, voor Uw hulp tijdens
mijn studie in de Physische Geographie ben ik in het bijzonder erkentelijk. Van
de ruime wetenschappelijke belangstelling, die Gij bij mij hebt gewekt, is dit
proefschrift het gevolg. Een diepe indruk maakte op mij de liefde, waarmee
Gij de ons omringende wereld beschouwt. Ik zal mij die dikwijls tot voorbeeld
stellen.

Hooggeleerde Van Vuuren, dat de Sociale Geographie een belangrijke plaats
bij mij inneemt is vooral het gevolg van Uw stimuleerende invloed; ik hoop
daarvan ook in de toekomst nog te mogen profiteeren. Hooggeleerde
Van
Everdingen
, de helaas te korte tijd dat ik onder Uw leiding werkte, zal bij mij
in prettige herinnering blijven. Hooggeleerde
Vening Meinesz, dat ook Gij tot
mijn leermeesters behoort, is voor mij een reden tot groote dankbaarheid. Zeer-
geleerde Mejuffrouw
Hol, altijd stondt ge klaar met Uw raad of hulp, waarvoor
ik U bijzonder erkentelijk ben.

U dank ik, waarde Van Dijk, voor de prettige samenwerking; ook gij hebt
veel bijgedragen tot de goede geest, die op het Geologisch Instituut heerscht.
Ook aan velen, die ik niet heb genoemd, zal ik dankbare herinneringen bewaren.

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En terminant ce travail j\'éprouve le besoin de remercier chaleureusement
tous ceux qui, tant en France qu\'aux Pays-Bas, m\'ont appuyé de leur secours.

Parmi les premiers je nomme avant tout M.M. Astre et Mengel, ensuite
M.M. les ingénieurs
Blanchère et Genèr, M. le docteur R, Nussbaum, enfin
les professeurs, les autorités et tant d\'autres personnes qui m\'ont rendu des
services à plusieurs reprises. Je ne veux pas passer sous silence les innombrables
gens du pays qui m\'ont facihté le travail, ou bien, me l\'ont rendu agréable.
Je garde les meilleurs souvenirs de mes compagnons de voyage, avec qui j\'ai
partagé les agréments des excursions faites au Midi de la France.

Dans mon pays j\'ai profité en premier heu du précieux secours de M. le
professeur
Oestreich qui, souvent, a différé d\'autres travaux pour être utile
au mien. Je lui sais gré de s\'être intéressé si vivement au progrès de ma thèse.
Bien d\'autres personnes m\'ont également rendu des services. Je remercie mon
ami
Boissevain de ses bons conseils, M. van Dijk de son aide sur le terrain
photographique et surtout Mlle
Boissevain du grand soin avec lequel elle a
corrigé le texte français.

Le présent mémoire paraît comme no. 10 des:

GEOGRAPHISCHE EN GEOLOGISCHE MEDEDEELINGEN

Publicaties uit het Geographisch en uit het Mineralogisch-Geologisch
Instituut der Rijks-Universiteit te Utrecht.

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CHAPITRE I
INTRODUCTION.

MÉTHODE ET POINT DE VUE ADOPTÉS.

L\'étude des périodes relativement récentes de l\'histoire de la terre diffère
quant à ses méthodes de celle des temps plus anciens. Pour ceux-ci les dépôts
marins sont les sources principales de nos connaissances, les surfaces des conti-
nents contemporains ne s\'étant plus ou presque plus conservées. Quant au
Néogène, les conditions sont plus favorables. Premièrement c\'est à cause des
dépôts continentaux qui se sont mieux conservés à mesure qu\'on monte dans
l\'échelle stratigraphique. Mais, ce qui est le plus important, la surface-même
des continents tertiaires elle aussi s\'est plus ou moins conservée dans plusieurs
régions.

Vu que l\'ensemble des sédiments nous révèle surtout l\'histoire de ces parties
du globe où ils ont été déposés, il faut recourir à la morphologie pour obtenir des
données sur les parties où les sédiments font défaut. Seule la combinaison des
méthodes morphologiques avec les méthodes stratigraphiques et tectoniques
permet donc de reconstruire assez complètement l\'histoire géologique d\'une .«égion.

Que les sédiments soient traités suivant les méthodes stratigraphiques oti
tectoniques, au fond il résulte de leur étude — abstraction faite des phénomènes
clunatologiques et biologiques — l\'établissement d\'une suite de mouvements
de l\'ecorce terrestre, c. à. d. l\'histoire dynamique dans l\'espace et le temps. Ce
sont ces mouvements qui déterminent les transgressions et les régressions, la
répartition des sédiments, leur épaisseur et leur faciès, aussi bien que leur tecto-
nique, leur diagénèse et leur répartition actuelle. Mais ces mêmes mouvements
déterminent aussi en dernier lieu les formes des surfaces continentales. L\'action
érosiye est, il est vrai, celle qui façonne directement la surface. Mais ces forces
exogènes sont déterminées et mises en action par le mouvement endogène,-qui
est la force active et variable dans la genèse du rehef. C\'est en vue d\'établir ces
mouvements qu\'il faut analyser morphologiquement le rehef. Examinons comment
et ]usqu à quel degré la géomorphologie peut y réussir.

La géomorphologie avait d\'abord comme but exclusif l\'interprétation de
tous les éléments dont le relief est composé, c. à. d. de la genèse du relief. Les
elements (vallées, pentes, sommets, plateaux, etc.) qui forment une unité génétique
furent groupés en un cycle érosif, et opposés aux éléments d\'un autre cycle. C\'est
ainsi que la morphologie établissait des séries de cycles successifs. Mais, parce
que cette suite de cycles est déterminée par une succession de mouvements,
donc par le rythme tectonique, on se sert à présent de la morphologie pour obtenir

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une histoire des divers mouvements qui ont affecté la

une étude dti Néogène n\'est Bas comnW. r fnbsp;Aussi

montagneux, qui extïeS enf^ïnbsp;* morphologique des massifs

nique l\'une montage quot; IL ,quot;quot;\' ^«»»tet\'on- Une étude tecto-

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Cependant, l\'analvse mZ^l^rnbsp;{morphotectonique).

seule. Ce sont deux cZ snbsp;™ .■^quot;\'/^^»quot;dre ces questions toute

logie précise permettant d- d ^ \'nbsp;morphologie: une chrono-

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laformoestl splus^enrqurS^^^^^nbsp;quot;^^P« disloqué:

contemporaine ou enc^e êtrrdil,/. quot;quot;vP\'\'quot;\'

pourront être rattachés également\'k\'de:

tache de trouver pour tous les cycles leurs sédiments synchron^fnbsp;™

2 Le faciès des sédiments est une source de connaissances sur les condition,
qm existaient lors de leur déposition dans l\'entourage du territdre 1, ?
tation. Les sédiments situés près des aires d\'érosiofont I f de sedimen-
au relief de l\'entourage. Le sédiment est, pournbsp;qui consent

du relief entourant. Chaque étage sédim^ntaire côtp ndT^c
contemporam, donc avec quelque cycle érosif dont il esî le .,sédimenrcorrL«r
1 histoire des montages se fait lire dans l\'histoire sédimentaire prelml
une marne ou un calcaire httoral ne s\'est
certainement f \'^\'^.«^quot;P\'«
Côte rocheuse d\'une grande hauteur; il ^^ H rL^ufe^x^

jamais le sediment corrélatif d\'un relief de faibles collines mûres? marplutô
celui d un escarpement accusé voisin.nbsp;^

3.nbsp;La répartition des sédiments indique souvent les contours des terres
fZ^lermaS^^^^^^nbsp;^^^^^^ ^^^ ^^^^nbsp;ont

4.nbsp;Enfin la tectonique et les discordances, ou-s\'il n\'y a pas eu de déformati
ons - l\'altitude des sédiments indiquent les mouvements qui soÎ

a la sedimentation, mouvements qui ont affecté les masses montagneuses vc^re
sans sediments, aussi bien que les bassins sédimentaires. Ainsi on peut en Z;
des conclusions sur les mouvements des montagnes aussi.

Il faut, du reste, remarquer que l\'appui donné par les sédiments et la tecto-
nique a la morphologie, est mutuel: la connaissance du relief d\'une certaine
période étant a son tour indispensable pour comprendre la formation d\'un dépôt
ou d un accident tectonique.

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CHOIX DU TERRAIN.

Pour faire des études dans le sens indiqué ci-dessus, les régions où des
sédiments d\'âge peu ancien sont situés aux bords ou dans l\'intérieur de massifs
montagneux, procurent le plus d\'avantages.

Dans les Alpes orientales, par exemple, où ces conditions sont très favorables,
une série de travaux ont largement augmenté nos connaissances sur la paléo-
géographie tertiaire et le méchanisme de l\'orogénèse. D\'autres régions où ces
études ont été faites, se trouvent hors de l\'Europe. Ce sont par exemple l\'Asie
Mineure et l\'Argentine, avec leurs successions de chaînes de montagne et de
bassins tertiaires, où feu W. Penck a exécuté ses travaux importants qui ont
contribué au mêmes problèmes.

La région choisie par nous est également assez favorable pour faire de telles
recherches. Des sédiments néogènes s\'y trouvent dans une dépression, parcourue
de la Tet. Elle s\'ouvre vers la Méditerannée et divise la zone centrale des Pyrénées
orientales en deux chaînes parallèles. Les sédiments y pénètrent donc jusque
dans le massif montagneux.

Bien que les sédiments du bassin n\'aient jamais fourni de fossiles, et que leur
âge ne puisse donc être déterminé exactement, on peut recourir aux couches de
la plaine côtière méditerranéenne, du Roussillon. Grâce à ses riches faunes la
stratigraphie en est bien étabhe (Depéret). Du côté W, la région étudiée par nous
touche à un autre bassin néogène, la Cerdagne. Celui-ci a été étudié suivant les
mêmes principes par M. Boissevain, dont les résultats ont été d\'une grande
importance pour nos recherches.

Le bassin de la Tet offrait en outre des problèmes qui se rattachent à la
question de la nature des bassins intra-montagneux en général. Partout où
ceux-ci se trouvent se posent les questions concernant leur extension ancienne, leur
groupement en zones rectilignes, leur rapport avec la division des montagnes en
massifs isolés, et concernant les mouvements qui les ont formé. Ainsi les bassins se
prêtent à établir l\'histoire géologique des grandes chaînes de montagne après
leur plissement. Les mouvements, que révèle l\'étude des bassins, ont souvent un
style tectonique qui est particulier aux montagnes pendant le temps après leur
plissement.

Voilà quelques-uns des problèmes des bassins dans l\'intérieur des montagnes,
problèmes auxquels, on pouvait s\'y attendre, le bassin de la Tet pourrait
contribuer.

DÉLIMITATION DE NOTRE SUJET.

. Le territoire étudié par nous peut être défini comme suit: c\'est la dépression
du bassin de la Tet en amont du Roussillon et sa bordure montagneuse immédiate.
C\'est à dire qu\'il coïncide plus ou moins avec l\'ancien pays du Confient, nom
qui évoque déjà le caractère morphologique. Bien que notre région constitue plus
ou moins une unité bien définie, son caractère limité a ses désavantages. D\'abord
parce que ce bassin tertiaire n\'est pas le seul de ce genre dans les Pyrénées orien-

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tales. Il y en a d\'autres, par exemple ceux d\'Estagel, de Tuchan et Paziols etc.,
dont l\'étude aurait fourni des documents de comparaison.

Puis, les unités morphologiques que nous avons étabhes, sont répandues
sur un territoire plus vaste que celui du Confient seul. Je ne dissimule pas que
dans l\'étude d\'une région plus grande — que j\'espère entreprendre un jour —
on pourrait mieux faire ressortir la valeur et les rapports des unités morpholo-
gigues. Toutefois je crois que même dans son étendue restreinte le bassin de la
Tet contient des données qui pourront contribuer au problème posé au début.

Quant à la délimitation dans le temps, nous nous sommes bornés, comme
l\'indique le titre, à l\'évolution pendant le Néogène, et plus spécialement pendant
le Phocène. C\'est dans le Pliocène que les sédiments du bassin se sont formés
qu\'ils ont été déformés et que l\'érosion post-tectonique a commencé, à condition
qu\'on englobe le Villafranchien dans le Pliocène. En adoptant une telle définition
du Pliocène nous n\'envisageons que la facilité d\'expression et ne voulons pas nous
prononcer sur la question de la limite plio-pleistocène.

Nous n\'avons pas voulu étendre notre étude sur les terrasses quaternaires
et sur les phénomènes de glaciation. C\'est d\'abord parce que les actions, qui
sont le vrai but de cette étude, ont presque fini à se produire à cette époque,
d\'autre part parce que ailleurs on s\'en est occupé ou s\'en occupe encore aujour-
d\'hui.

HISTORIQUE.

Les sédiments du bassin de la Tet ont été maintes fois le sujet de discussions.
Après la belle revue critique des travaux antérieurs, donnée par la bibhographie
de Carez, nous n\'avons qu\'à mentionner quelques-uns qui nous semblent d\'une
importance spéciale.

Des opinions variées ont été émises pour expliquer l\'origine des dépôts.
Ch. Martins {14, 1854), qui les a décrits, considère une partie des sédiments comme
des résidus sur place des roches anciennes sous-jacentes. Son opinion n\'a guère
trouvé d\'adhérents.

Plusieurs fois les dépôts ont été considérés comme des moraines, dont ils
ont, sans doute, plus ou moins l\'aspect. Parmi ceux, qui les considèrent comme
des moraines d\'un glacier du Canigou il faut compter Wickersheimer
{43, 1885),
M. Braun
{4, 1843), Ch. Martins (pour une partie des dépôts) et J. Roussel (qui ad-
met une origine en partie torrentielle, en partie glaciaire,
39,1896). D\'abord (en 1883)
A. Penck
{35) a accepté lui-aussi l\'hypothèse d\'un glacier du Canigou, Cependant,
après des études assez détaillées, A. Penck
{37, 1894) s\'est prononcé en faveur
d\'un dépôt torrentiel. Plus tard, F. Nussbaum
{30, 1925) admet l\'existence d\'un
glacier venant du massif du Carhtte qui aurait déposé les sédiments.

Ch. Depéret, après ses études du Roussillon {9, 1885), s\'est également occupé
du bassin de la Tet {10, 1905) et en considère les sédiments comme datant du Plio-
cène, comme ceux du Roussillon. C\'est là l\'opinion que nous avons adoptée.

Quelques années plus tard, M. O. Mengel {15, 1907) a publié son premier
travail sur ce sujet, suivi d\'une série de notes dans lesquelles ce grand connaisseur

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du pays décrit ses observations nombreuses faites dans cette région. Il nous
a été impossible de consulter tous ses travaux; aussi espérons-nous être excusés
d\'avoir oublié de mentionner quand quelque fait fut déjà signalé par lui,

M, Mengel adopte (en 1907) en partie la détermination de l\'âge des sédiments
faite par M. Depéret, mais fait-il une exception pour quelques dépôts près de
Vernet qu\'il considère comme des moraines, bienqu\'il n\'ait pas trouvé des blocs
striés. En même temps il signale les blocs à Hippurites etc., discutés p. 13. Aussi
la carte, publiée par lui dans la même année
{16, 1907) désigne tout le bassin
comme étant rempli de Pliocène, excepté les gisements près de Vernet. Plus tard,
en 1913, M. Mengel signale la découverte de quelques blocs striés dans les allu-
vions du bassin, mais ne mentionne pas les observations sur les blocs striés et
les remarques sur leur origine, faites par M. A. Penck.

Des indications stratigraphiques plus détaillées furent pubhées par M. Mengel
en 1915 (22) et en 1920
{23). Enfin, en 1925, a paru sa carte géologique (feuille
de Prades), résultat des longues recherches. Le glaciaire y occupe une plus grande
surface que sur la carte provisoire de 1907, seulement les parties inférieures sont
encore attribuées au Pliocène i).

Quant à la partie adjacente du Roussillon, M. Mengel s\'est surtout occupé
des anciens rivages, qu\'il attribue à plusieurs mouvements eustatiques
{21, 1914;
24, 1920; 29, 1930).

La tectonique, elle aussi, a attiré l\'attention de M. A. Penck; c\'est lui qui
a reconnu le caractère tectonique des inclinaisons des couches. M. Mengel mentionne
également des déformations tectoniques, d\'abord en 1911 (77), puis en 1913
{20)
en 1915 (22), et surtout en 1921 (25). Toutefois, des données graphiques sur la
tectonique (cartes, coupes) n\'existaient pas jusqu\'ici.

Enfin il faut faire mention des études de M. Mengel sur les rapports entre
la sismicité et la tectonique.

L\'étude de la morphologie ne fut abordée qu\'après celle de la stratigraphie
et de la tectonique. Déjà Depéret, en 1885, avait émis là-dessus des idées fort
justes, en admettant un relèvement successif du massif du Canigou.

Des observations sur les vallées furent faites par M. Penck, mais surtout
par M. Mengel
{15, 1907) qui y reconnut des pahers superposés, qu\'il a mis en
rapport avec les débâcles phocènes et glaciaires (voir surtout 18, 1912). M. Sorre,
dans son étude de géographie biologique
{41, 1913), a fait des contributions impor-
tantes à la morphologie; il a reconnu les hauts plateaux de plus de 2000 m comme
étant des pénéplaines soulevées. C\'est aussi l\'opinion de M. Blanchard (2, 1914—
1915). Les travaux postérieurs, surtout ceux de M. F. Nussbaum
{31, 1928;
32, 1930), se sont surtout occupés des formes glacières.

Nous avons déjà dit, que la monographie de la Cerdagne par M, Boissevain
{3, 1934) â été un appui précieux pour l\'étude morphologique du bassin de la Tet.
Il est curieux de remarquer que presqu\'en même temps des idées analogues à
celles de M. Boissevain furent pubhées par M. W. Panzer, bien que très sommaire-
ment, dans une étude sur la Catalogne
{34, 1933).

1) Nous n\'avons pu consulter le résumé de ses travaux antérieurs que M. Mengel
préparait lors de notre dernier séjour à Perpignan,

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CHAPITRE II
SÉDIMENTATION NÉOGÈNE.

FACIÈS ET SUBDIVISIONS.

Les sédiments dont le bassin de la Tet s\'est rempli sont presque tous d\'un
caractère clastique très grossier. Seules quelques argiles situées près de la base
forment une exception. Il y a donc une différence considérable avec les sédi-
ments d\'âge pontien en Cerdagne, composés en majeure partie d\'argiles et de
sables fins.

Le faciès est très variable, comme il est naturel pour des dépôts clastiques.
Car, si deux ruisseaux apportant des matériaux proviennent de deux vallées
dont des roches différentes forment la surface, les cônes de déjection sont d\'un
caractère différent; cependant les conditions de sédimentation sont les mêmes.
Il y a p. e. des torrents qui n\'apportent que des matériaux granitiques, dés-
agrégés en partie, tandis que d\'autres ne fournissent que des fragments de schiste,
décomposés en partie en argiles. Voici donc qu\'on a obtenu deux dépôts d\'appa-
rence très différente et d\'origine pareille.

Vu les changements de faciès, il est assez difficile d\'en établir une strati-
graphie quelque peu nette. Aussi la parallélisation avec des dépôts d\'âge connu
n\'était pas complètement possible. Naturellement l\'étude de la tectonique a
également souffert de l\'absence de niveaux reconnaissables. Souvent il a été
impossible de déterminer d\'une manière exacte la position stratigraphique d\'un
affleurement, car des roches pareilles se rencontrent aussi bien près du sommet
que près de la base de l\'échelle stratigraphique.

Pourtant, à plusieurs endroits où une série assez complète est visible, on
peut néanmoins distinguer une subdivision en deux sous-étages. Cependant les
étages observés quelquepart, ne correspondent peut-être pas tout à fait à
ceux observés à quelque autre endroit. Il se peut, au-contraire, que, par exemple,
le dépôt supérieur de tel endroit englobe une partie du dépôt inférieur de tel
autre endroit. Ensuite, dans une partie du bassin, le dépôt inférieur est absent,
ou bien ne diffère pas du dépôt supérieur.

Dans chacune des deux subdivisions nous avons distingué deux faciès-type,
qui, naturellement, passent graduellement l\'un dans l\'autre, aussi bien en direction
latérale qu\'en sens vertical. Les quatre ou cinq types sont indiqués par des
lettres et, en outre, ont été dénommés d\'après les localités où ils se rencontrent
le plus clairement.

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7

Est

Ouest

Assise supérieure , . .

e. Faciès de Ternère.

c. Faciès d\'Escaro.
b. Faciès de transition.
a. Faciès de Codalet.

Assise inférieure . . .

d. Faciès de Marqui-
xanes.

DESCRIPTION DES SÉDIMENTS DU BASSIN.

Assise inférieure.

Faciès „aquot; de Codalet.

Les assises de ce faciès (voir fig. 1) sont bien stratifiées et composées ou bien
de fragments de schistes tendres, ou bien d\'argiles, qui comprennent généralement de
petits fragments de ces mêmes schistes. Le tout est d\'une vive couleur rouge lie-de-vin.

Les fragments de ces schistes sont aplatis et aigus, très peu roulés, mais très friables;
ce sont les schistes du silurien. La grandeur des fragments change de couche en couche:
dans quelques-unes ils sont en moyenne de 1 cm, dans d\'autres ils sont de quelques milli-
mètres, dans les couches grossières par contre de 1 dm en moyenne avec un maximum de
2 dm. Outre ces schistes on trouve de rares fragments d\'une autre origine: de petits galets
arrondis de quartz bleuâtre, de quartzite, etc. Les couches elles-mêmes ont des épaisseurs
qui varient de 1 dm à plusieurs mètres.

L\'argile se trouve entre les galets dans
toutes les couches; celles qui consistent en
éléments fins se composent même en majeure
partie d\'argile. Des argiles à peu près pures,
avec de rares écailles minuscules de schiste,
sont exploitées entre Codalet et Ria; de scou-
ches argileuses moins pures, avec cimenta-
tion par de l\'oxyde de fer (ce qui leur donne
parfois un lustre métallique), se trouvent
près de S. Michel de Cuixa. La couleur rouge
peut passer au brun, surtout vers le sommet,
où les galets étrangers deviennent plus fré-
quents (faciès
b, de transition). Exceptio-
nellement la couleur rouge est remplacée
par le gris (environs de Taurinya).

L\'épaisseur observée à Villerach (fig. 7,
p. 26) est de 30 à 35 m, le maximum atteint
probablement une cinquantaine de mètres.
Là où la base de l\'assise est visible, on
peut observer un léger ravinement irrégulier
des schistessous-jacentes.
„ .......nbsp;Répartition (comparer fig. 5, p. 22). Le

Fig. 1.. Assise mférieure (faciès a) près de Sirach. faciès a (de Codalet) représente l\'assise infé-

Au bas-fonds faciès h—c. Le trait à gauche rieure dans la plus grande partie du bassin
mdique 1 m.nbsp;^e Prades, notammant dans le S et l\'W.

Seulement dans l\'angle NE il est remplacé
par le faciès
d (de Marquixanes). Vu la disposition en S3mclinal des couches du bassin, le
faciès affleure surtout près des bords, On. peut l\'observer ^yeç une grande netteté au N

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de Villerach (bord S du bassin, voir fig. 7, p. 26), à l\'W de St. Michel deCuixa (bord occi-
dental), à l\'E de Sirach (fig. 1), entre Sirach et Codalet (angle NW).

Dans le bassin de Vernet ce faciès occupe la base des dépôts seulement à l\'extrémité
orientale, où il est clairement exposé à l\'E de Corneilla.

Faciès ,,bquot; de transition.

En montant dans la série au-dessus de l\'assise a, la quantité de cailloux divers augmente,
tandis que les morceaux de schiste silurien, tout en formant encore la majorité, sont moins
anguleux et plus usés que dans les assises inférieures. Parmi les éléments étrangers on
remarque surtout des cailloux de gneiss, de quartzite, de schistes cristallins foncés, de
phyllites et de calcaires cristallins.

Les couches les plus fines sont composées de sables anguleux, mais tendres, à cause
des fragments de schiste silurien. Les couches grossières sont très épaisses et contiennent de
grands blocs (jusqu\'à y^ m), assez mal arrondis, qui sont surtout caractéristiques pour les
dépôts
c.

Ce faciès se trouve au-dessus de celui du type a, partout où celui-ci se rencontre
p. e. à Sirach. sur la crête à, l\'^V. de St. Michel de Cuixa.

Faciès ,,dquot; de Marquixanes.

Le long du bord NE du bassin de Prades, entre Marquixanes et Bouletemère, le dépôt
rouge semble être absent.
A plusieurs endroits près du bord affleurent des graviers anguleux
et des sables grossiers à grains aigus, alternant avec des couches à caiUoux peu arrondis de
granite. C\'est le dépôt qui forme la base de la série dans cette partie du bassin.

Les sables résultent de la décomposition de ce même granite; outre le quartz les éléments
sont le feldspath, la biotite et même de petits morceaux de granite. Des morceaux d\'autre
provenance (schiste) y sont plus rares. Quelquefois de minces couches ou des lentilles d\'argile
y sont intercalées. La couleur est généralement celle du granite, gris-clair, mais souvent elle
est devenue bleuâtre ou verdâtre.

Les lits grossiers, souvent cimentés, contiennent des cailloux qui, mesurant de 1 à 2 dm
en moyenne, atteignent parfois % m. Mêlés aux cailloux de granite se trouvent ceux de roches
filoniennes et de schistes métamorphiques qui tous les deux abondent dans le massif grani-
tique avoisinant.

A première vue on pourrait confondre ces dépôts avec ceux du type c. Peut-être il y a
même synchronisme partiel entre les dépôts
c et d. Mais la grande uniformité de compo-
sition, la prédominance des sables, le caractère anguleux et peu roulé de tous les éléments
constituants, sont des traits qui distinguent le dépôt
d nettement du faciès c.

Les meilleurs affleurements se trouvent dans la pente des collines à l\'E de Marquixanes
et aux pieds de la colline à l\'W de Vinça.

Assise supérieure.

Faciès ,,cquot; d\'Escaro.

Ce dépôt, qui est, sans doute, le plus important du bassin, à cause de sa grande extension
et de son épaisseur considérable, occupe de beaucoup la plus grande surface. C\'est le dépôt
qui a comblé le bassin depuis l\'assise inférieure jusqu\'au sommet, exception faite des allu-
vions quaternaires. Tous les rides qui traversent le bassin en direction nord-sud entre
Escaro et Estoher montrent ces couches meubles dans les ravins torrentiels de leur\'flancs.

Les dépôts consistent en une succession de couches de sables grossiers et de graviers
et de couches composées de gros blocs. Les dépôts sont bien lités; la stratification se dis-
tingue partout avec grande netteté si les affleurements sont frais (malgré l\'épaisseur des
couches). Si, au contraire, ces couches très meubles sont depuis quelque temps exposées
aux actions atmosphériques, la stratification disparaît par le ruissellement et on ne voit

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qu\'un amas chaotique de blocs et de sables, qui peut être confondu avec des moraines.
Seulement si la stratification était bien visible, nous avons considéré les affleurements
comme étant du pliocène incontestable, afin d\'être sûrs de ne pas avoir affaire à des moraines.

Ce qui est curieux c\'est que la stratification n\'est pas torrentielle: tous les plans de
stratification sont parallèles, toutes les couches ont une assez grande étendue; on peut les
suivre à l\'oeil sur quelque distance sur des pentes à bons affleurements.

Les couches de sables et de graviers
consistent en grains anguleux d\'une grande
variété de composition: outre le quartz on y
trouve des fragments de gneiss, de granite,
de feldspath, de diverses roches métamor-
phiques etc. Les sables sont généralement
grossiers, çà et là quelques lits d\'argile sont
intercalés.

Ce qui est le plus remarquable de ce
dépôt c\'est la présence des blocs qui se
distinguent aussi bien par leur fréquence que
par leurs dimensions. Ils sont généralement
concentrés dans des couches épaisses, dont
quelques-unes sont composées de cailloux
d\'une moyenne de 2 dm, d\'autres de % m,
mais ceux de 1 m et davantage ne manquent
presque jamais parmi les plus petits cailloux.
(Les plus grands que j\'aie observés atteignent
plus de 3 m de diamètre.)

Les blocs sont généralement assez angu-
leux, mais leurs arêtes sont bien arrondies.

Fig. 2. Assise supérieure (faciès .) au NE denbsp;des plus variées. Je

Corneilla-de-Conflentnbsp;n ai qu à renvoyer aux études de M. Mengel

Le trait à droite indique 1 mnbsp;^

sité. Les calcaires à Hippurites et à Nummuli-
tes en sont les plus remarquables, parce que ces roches n\'affleurent pas dans les environs du
bassin. Toutefois il faut les compter parmi les exceptions, la majorité étant formée de roches
provenant des alentours du bassin. Les gneiss et les granites prédominent, on trouve égale-
ment en abondance des schistes, des quartzites et des roches métamorphiques, des calcaires
paléozoïques, etc.

Epaisseur. L\'épaisseur est très grande, ce qui, d\'abord, est surprenant pour un dépôt
qui s\'est formé pendant un temps relativement court. En tenant compte de l\'inclinaison des
couches on arrive à une épaisseur de plus de 300 m (valeur pour le mUieu du bassin).
Le maximum pour tout le pliocène peut, au moins, être évalué de 400 m. Il est impossible
de donner un chiffre plus exact à cause du manque de sondages profonds.

Répartition. Ce faciès constitue tout l\'étage supérieur dans le bassin de Prades, excepté
dans l\'angle NE. Le bassin de Vernet renferme ce faciès de la base jusqu\'au sommet, excep-
tion faite pour les couches inférieures de l\'extrémité orientale près de Corneilla.

Faciès „equot; de Ternère.

Le faciès e remplace latéralement le faciès c dans l\'angle NE du bassin de Prades et y
constitue 1 assise supérieure, qui forme dans cette partie la transition aux sédiments du
Roussillon.

Le passage du faciès c en e se manifeste dans le caractère des cailloux devenant de plus
en plus roulés, à mesure qu\'on se dirige vers l\'E. Aussi le type e est-il un dépôt fluviatile
typique, avec stratification torrentielle.

Les sables sont clairs, généralement plus fins (et plus tendres) que dans les dépôts du
type
c, souvent plus argileux aussi, et comprennent parfois des couches d\'argile.

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Les couches de graviers fins bien-roulés y sont intercalées en lentilles se terminant en
biseau.

Les conglomérats grossiers se trouvent en couches épaisses et consistent, nous l\'avons
dit déjà, en cailloux bien roulés, ne dépassant généralement pas quelques dm de grosseur.
La provenance en est aussi variée que celle des conglomérats c.

Répartition. L\'endroit le plus occidental du territoire de ce faciès est la colline à l\'W
de Vinça, où les conglomérats surmontent les couches de l\'assise inférieure dans le faciès
d. Une légère discordance ou un ravinement n\'est pas improbable, mais à cause de la structure
diagonale on ne peut pas le démontrer nettement.

Toutes les collines à l\'E de Vinça, entre cette localité et Bouletemère, sont constituées
de couches du type
e, dont la grande diversité se voit partout dans les affleurements
Au Col de Ternère, où se fait observer la base, le sous-sol schistuex estfortement raviné!

Évidemment ici, comme à l\'W du bassin, les couches inférieures, développées dans le
faciès
a ou d, sont absentes, de sorte que le faciès supérieur, y remplaçant peut-être en
partie le dépôt inférieur, forme la totalité du pliocène présent. La situation plus compliquée
près de Bouletemère sera discutée p. 26, en traitant les relations du bassin de la Tet avec
le Roussillon.

MODE DE FORMATION DES SÉDIMENTS DU BASSIN.

Généralités.

Les conditions qui ont causé la déposition des sédiments décrits ci-dessus
ont pour nous une importance considérable. Les sédiments pourront nous
fournir des données sur les conditions qui ont existé au temps de leur formation,
et nous renseignent sur quelques mouvements très importants qui complètent
nos connaissances du mécanisme tectonique de cette période.

Avant de faire des conclusions sur l\'origine des dépôts, il faut se demander
quels sont les changements qu\'ont subi les sédiments après leur déposition,
c. à. d. ceux d\'origine tectonique aussi bien que ceux dues à l\'érosion.

Le Pliocène dont il est question a subi un „phssementquot;, de sorte qu\'il forme
un grand synclinal, montrant plusieurs irrégularités et ondulations secondai-
res. Par places les bords ne sont pas seulement relevés, mais le Pliocène y est limité
par des failles plus ou moins verticales, dont le caractère sera traité dans le cha-
pitre sur la tectonique.

Ensuite l\'érosion a créé une plaine d\'érosion, c. à. d. un large fond de vallée
sur l\'endroit du synclinal. Cette plaine s\'étend même sur le sous-sol ancien (voir
fig. 11, p. 32). Ainsi, seulement les parties du Phocène qui se trouvaient au-dessous
de la base d\'érosion de cette plaine, donc celles près de l\'axe du synclinal, se sont
conservées, tandis que tout ce qui se trouvait au-dessus de cette plaine fut
détruit. Or, des deux côtés du bassin, les limites primitives et les parties péri-
phères des sédiments ne se sont pas conservées. Ce n\'est donc qu\'une partie
restreinte des sédiments qui peut être observée. Le croquis 14 (p. 36) peut
éclaircir cette situation.

Faciès „aquot; de Codalet.

Dans le faciès a deux faits surprenants attirent l\'attention. C\'est première-
ment la grande uniformité de ses éléments constituants (schistes siluriens),
dont on peut conclure une provenance très locale. Le deuxième fait est la forme

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anguleuse à peine arrondie des morceaux, qui prouve qu\'il s\'agit d\'un transport
sur une petite distance.

Il est plus difficile de préciser le milieu où la déposition a eu lieu. Aucun
reste organique ne nous en donne d\'indications. Le seul fait d\'importance dans
cette question est la stratification marquée, qui ne montre pas d\'allure torren-
tielle, les plans des couches restant toujours strictement parallèles. Il est évident
que des couches si nettement parallèles ne pourront être sédimentées sous une
inclinaison originale d\'une trentaine de degrés, inclinaison qu\'elles montrent
aujourd\'hui. L\'inclinaison est certainement en grande partie d\'origine tectonique,
tant pour le faciès a que pour les autres dépôts. Il en résulte que ce dépôt a été
sédimenté en couches plus ou moins horizontales, ce qui exige une aire d\'accumu-
lation avec un fond à peu près plat.

Aussi plusieurs auteurs l\'ont-ils décrit comme un lac, où les matériaux,
apportés par des ruisseaux, se sont déposés. Ayant observé l\'existence d\'un ride
paléozoïque transversal entre Fillols et Villefranche-Ria qui divise le bassin
de la Tet en deux, on a parlé du „lac de Vernetquot; et du „lac de Pradesquot;.

Il nous paraît que certains faits ne s\'accordent pas absolument avec cette
manière de voir. C\'est surtout la grande étendue horizontale des couches congloméra-
tiques. D\'après ce qu\'on sait des lacs, les matériaux grossiers ne sont pas trans-
portés vers le milieu et se précipitent dès que la rivière, qui les emporte, est entrée
dans le lac. On verrait alors des argiles qui passeraient seulement aux bords à
des dépôts deltaïques. Or, telle n\'est pas la situation des dépôts en question.
Il faut admettre plutôt un transport des éléments grossiers jusque dans le centre
de la région d\'accumulation. Si, d\'ailleurs, un lac avait vraiment existé, la
profondeur en aurait été presque nulle, ce qui permettrait aux forts courants de
répandre les gros morceaux sur tout le territoire. Aussi croyons-nous plutôt qu\'il
s\'agit d\'une plaine d\'accumulation fluviale, qui peut très bien avoir été immergée
pendant les temps des crues et qui s\'est rapprochée alors du caractère d\'un lac.

Pendant les périodes plus cahnes, les argiles, qui se forment aisément
et bien vite par la décomposition des schistes très tendres, se sont déposées
dans l\'eau plus tranquille. Mais des débris de schiste y sont toujours mêlés.

Nous avons constaté que l\'origine des matériaux doit avoir été très locale
et que le transport doit avoir eu lieu sur une très petite distance, vu le caractère
anguleux des éléments constituants. Il faut donc chercher les Ueux de provenance
dans le voisinage immédiat du sédiment. En vérité, le terrain occupé par le
schiste silurien touche presque partout au territoire du faciès a.

Afin de pouvoir fournir une telle quantité de matériaux, il faut que l\'érosion
s y soit opérée avec grande intensité, entaillant des escarpements. Mais il faut
également que l\'érosion des cours supérieurs de ces ruisseaux ait été faible,
parce que, hors des schistes, il ne s\'y trouve pas d\'autres cailloux, sauf quelques
rares galets roulés de quartz, de quartzite, etc.

Voici donc la situation qui existait à cette époque: dans un paysage où
l\'érosion ne s\'était pas rajeunie, il existait une région en dépression, entourée
d\'escarpements dans les schistes tendres du silurien où des ruisseaux exerçaient
une érosion intensive.

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Il va sans dire que de nos jours aucune trace de ces escarpements ne s\'est
conservée. Ce sont des formes éphémères; nous verrons qu\'un peu plus tard
elles n\'éxistaientplus. D\'aiheurs, depuis lors les bords originaux du bassin ont
été relevés par le „plissementquot; et sont devenus la proie de l\'érosion.

Nous interprétons cette dépression comme un commencement de l\'effondre-
ment du bassm. Les escarpements sont la suite des failles ou des flexures
suivant lesquelles s\'est produit l\'effondrement et dont les sédiments du tvoe
a sont les dépôts corrélatifs.

Faciès „dquot; de Marquixanes.

Déjà dans la description de la sédimentation nous avons dit que ce faciès
bien que d\'apparence différente, a une grande ressemblance avec le faciès«\'
quant à toutes ses propriétés essentielles: stratification très nette, couches dé
blocs peu roulés, provenance uniforme des matériaux (mais différente de celle du
faciès
a, étant granitique). Aussi pouvons-nous appliquer l\'interprétation de l\'origine
du dépôt « à l\'explication ce celle du type ^^.le dépôt
se composant ici comme là
presque uniquement de roches touchant au bassin. Comme là, il doit y avoir
eu une dépression, bordée d\'escarpements qui furent entaillés par l\'érosion
surtout locale.

Faciès „cquot; d\'Escaro.

Une partie des conclusions sur le faciès a a aussi de la valeur pour l\'explica-
tion du faciès
c. Il y a, d\'ailleurs, à plusieurs endroits un passage graduel entre les
deux. Dans ces couches de transition, la quantité de blocs de provenance variée
augmente. Évidemment, l\'érosion des ruisseaux qui aboutissent au bassin
s\'étend peu à peu sur un plus grand territoire.

Mais, au temps où le type c pur s\'accumulait, des changements considérables
ont dû s\'opérer. La quantité relative des fragments de schiste a fortement diminué,
la majorité des constituants dérive des formations les plus diverses qui entourent
le bassin, mais plus spécialement du Canigou. Conformément à la distance plus
grande de ces gisements les cailloux sont mieux roulés que ceux du type
a,
quoique pas encore complètement arrondis.

Les deux traits prédominants de ce dépôt, qui occuperont naturellement
une place dominante dans notre interprétation, sont la grosseur des blocs et
l\'épaisseur considérable du dépôt. Pour expliquer ces blocs étranges on les a
attribués à la présence de glaciers. Mais, à plusieurs reprises on a déjà affirmé
que le dépôt lui-même n\'est pas une moraine. Je me range
complètement à cette
opinion. La stratification très nette et la concordance avec les dépôts inférieurs
en sont, à notre avis, des preuves incontestables

1) Cependant, qu\'il y ait eu des glaciers contemporains sur les sommets n\'est pas
tout à fait impossible. Ils auraient contribué alors à arracher et à transporter les gros blocs
Le dépôt
c serait alors contemporain de la glaciation la plus ancienne. Toutefois, cette hypothèse
nous semble fort improbable; l\'admission de glaciers n\'est pas du tout nécessaure pour
expliquer l\'origine des dépôts du bassin.

Ensuite, on pourrait supposer l\'existence d\'une couche de moraines (a^^gl) au-dessus

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Nous croyons qu\'une autre conclusion se présente, celle d\'une origine torren-
tielle. n faut, en ce cas, que les voies de transport aient eu une pente extrêmement
raide, donc quelles aient été des torrents sauvages. A condition de précipitations
suffisantes, de tels torrents ont eu certainement une énergie suffisante pour
le transport des blocs. On pourrait le confirmer partout dans la haute montagne
après des crues.

^ Mais une condition indispensable est l\'existence d\'un relief accidenté, jeune,
a pentes raides et aiguës, où des blocs étaient fréquemment arrachés. L\'origine
d un tel escarpement, qui, semble-t-il, n\'existait pas auparavant, doit être
attribuée a la tectonique. C\'est celle-ci qui a rajeuni l\'érosion en relevant forte-
ment le Canigou et les autres massifs environnants, tandis que le bassin s\'effon-
drait. La quantité énorme des matériaux arrachés et déplacés s\'explique ainsi
tacdement i). Aussi le dépôt à blocs en question peut être défini comme le
sediment corrélatif de ces mouvements, donc comme dépôt syntectonique.

Plus tard nous allons voir que le mouvement a été celui qui créa en partie
1 escarpement énorme, séparant le Canigou du bassin de la Tet. Cette pente
s est conservée, après maints changements, jusqu\'à nos jours et forme un des
traits morphologiques prédominants 2).

Pour le dépôt c les limites originales ne nous sont pas plus connues que pour
1 assise mfeneure. Les contacts actuels sont les suites d\'actions tectoniques
plus recentes. Néanmoins, on peut faire des suppositions là-dessus. Si, vraiment,
escarpement septentrional du massif du Canigou s\'est formé alors en partie,
les sediments auront peut-être atteint le pied de cet escarpement; en tout cas
Ils n en etaient pas très éloignés. Par d\'autres raisonnements nous allons arriver
plus loin exactement à la même conclusion.

Les schistes tendres ont diminué par rapport à la quantité totale de maté-
riaux. Evidemment, les escarpements dans le schiste ont été enfin nivelés
peu à peu et ensevelis sous les accumulations de l\'étage supérieur. Celui-ci couvre
- on le sait — une plus grande superficie que le dépôt inférieur.

guant au bassm d\'accumulation, plusieurs changements se sont produits
depuis la deposition des couches rouges. Nous venons de démontrer comment
aire de sédimentation s\'est agrandie. Cet agrandissement s\'observe dans toute
la partie W du bassin de Vernet. où le dépôt c surmonte immédiatement le
Paléozoïque.

Mais ce qui est plus important, c\'est l\'épaisseur excessive qui surpasse cdle
aes cones de déjection ordinaires. Le dépôt c est le type d\'une accumulation

^nt^TS ^iqilr?;nbsp;moraines pourraient provenir les blocs striés trouvés par

tendant à expliquer ^or^^ \'quot;^^^nbsp;^^^nbsp;^^ M- A- Penck.

tenaant a exphquer l origine des stries sans l\'intermédiaire des glaciers.

) Cette hypothese semble représenter aussi l\'opinion de M. A. Penck

) Un ce qui concerne l\'origine des blocs de roches mésozoïques et nummulitiques
nous ne pourrons que mentionner une hypothèse qui nous fut communiquée pa^
M. Astre. Selon cette opmion les blocs proviendraient d\'étroits synclinaux d\'âge pyrénéen
qui se seraient rattachés aux dislocations du même âge dans le massif granitique de Millas
(Ragum, 1933). L\'érosion très forte au N du bassin les aurait détruits plus tard

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dans un bassin s\'affaissant pendant la sédimentation. Cet affaissement a dû
diminuer la pente des rivières. Aussi les fleuves furent forcés de déposer leur
produits fermes dans le bassin, dès leur perte de vélocité. Les eaux coulantes ont
réagi au mouvement du sol en comblant toujours la dépression, qui était en train
de se former. Ainsi elles s\'assuraient d\'un affluent vers la mer, quoique ce fût
avec une pente beaucoup moindre.

Dans de telles conditions on conçoit qu\'il peut y avoir eu des temps où
l\'abaissement du fond surpassait l\'accumulation. Alors un état lacustre temporaire
s\'interposa, pour prendre fin aussitôt que l\'accumulation l\'emporta sur le
mouvement descendant.

Il résulte de la discussion sur les sédiments du type c, qu\'ils sont les sédiments
corrélatifs de deux mouvements. C\'est d\'abord l\'élévation du Canigou et celle
du bord nord du bassin, qui ont subi une érosion intensive, et deuxièmement
un affaissement du bassin qui devenait ainsi lieu de déposition de sédiments.
Ces régions ont donc fait des mouvements contraires: entre deux massifs (ou
blocs) montants se trouvait un bloc allongé qui s\'était abaissé au-dessous du
niveau de base local du système fluvial. Nous donnerons plus loin des précisions
sur la nature des dislocations entre les masses, soit des failles, soit des flexures;
au premier cas nous serions en présence d\'une structure faillée(„Horst et Grabenquot;),
dans l\'autre cas d\'une ondulation à grande portée.

Faciès „equot; de Ternère.

Les alluvions de l\'angle NE du bassin consistent surtout en les mêmes
matériaux que le type
c, mais transportés plus vers l\'E. Le fait que les cailloux
deviennent de plus en plus roulés et les sables de plus en plus fins, à mesure
qu\'on se dirige à l\'E, est, naturellement, la conséquence du transport sur une
plus grande distance. Toutefois, le synchronisme des dépôts
c et e n\'est pas
établi avec une certitude parfaite. L\'un des deux, le type
e par exemple, pourrait
très bien contenir près de son sommet des dépôts un peu plus récents que les sables
à blocs
c; leur caractère beaucoup plus arrondi serait un témoignage en faveur
de cette supposition.

L\'épaisseur des sédiments conservés jusqu\'à nos jours diminue en aval.
Près de Vinça elle doit être considérable encore, mais entre Rodes et Bouletemère
l\'épaisseur actuelle est moindre. Même en supposant qu\'une assez grande quan-
tité a été enlevée par l\'érosion par suite d\'un soulèvement, la série n\'a probable-
ment jamais atteint un tel développement qu\'au milieu du bassin. En tout cas,
une assise inférieure, se trouvant à l\'W de Vinça, ne se retrouve plus au Col de
Ternère. Nous nous figurons que cet angle NE du bassin a été une large vallée
par laquelle s\'écoulaient les eaux après s\'être répandues sur toute la surface
du bassin. Celui-ci se rétrécit quelque peu, ayant eu peut-être une sorte de seuil
près de Bouletemère. Donc, tandis que l\'affaissement s\'est produit surtout en
amont de ce rétrécissement, celui-ci n\'a subi qu\'un affaissement de moindre
profondeur. C\'est ce qui permettait à la rivière drainant le bassin (la Tet pliocène)
d\'y déposer son charge superflu.

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SÉDIMENTS DE L\'ANGLE NW DU ROUSSILLON.

Introduction.

Les sédiments de l\'extrémité occidentale du Roussillon, qui forment le
prolongement du bassin de la Tet, pourront fournir des données précieuses sur
l\'évolution néogène du bassin. Non seulement, parce que cet estuaire ancien fait
plus ou moins partie du bassin, mais surtout, parce que la série de sédiments
y est beaucoup plus complète et mieux connue que dans le bassin de la Tet. En
outre, les sédiments du Roussillon nous permettront d\'en discuter les rapports
avec ceux du bassin et d\'en tirer des conclusions concernant l\'âge de ceux-ci.

Après la monographie de Depéret (P, 1885) nous n\'avons qu\'à relever
ici quelques traits particuliers à ce coin du bassin, qui ont un intérêt spécial pour
notre sujet. Pour une plus ample description on est renvoyé à ce mémoire.

L\'âge des divers étages pliocènes est très bien défini. Le Plaisancien, l\'Astien
inférieur et supérieur sont représentés par des sédiments fossilifères. Nous
n\'entrerons pas dans des discussions sur les diverses définitions de ces étages;
nous nous bornerons à appliquer la terminologie de Depéret.

Stratigraphie.

Plaisancien (p,). La série commence par un conglomérat de base, qui est
important pour notre point de vue. Depéret l\'a décrit pour une localité en
face de Neffiach; à plusieurs endroits dans le voisinage il s\'observe aussi.
A part les couches brèchiformes à éléments très anguleux, décrites par Depéret,
d\'autres sont composées de graviers plus arrondis (voir fig. 10, p. 29). On peut
y observer une alternance de couches graveleuses avec l\'argile sableuse qui le
surmonte. Les amas de grands blocs désignés par Depéret font vraiment l\'im-
pression d\'un conglomérat côtier, dû à l\'action des vagues.

Ces faits sont importants pour nous, parce qu\'ils indiquent des actions
tectoniques, dont les conglomérats sont les sédiments corrélatifs. Déjà on a
attiré l\'attention sur la transgression rapide de la mer plaisancienne, due à
un effondrement du Roussillon. Mais l\'existence des dépôts côtiers indique que
des côtes assez élevées ont arrêté l\'envahissement. L\'apport de cailloux grossiers
par des fleuves est aussi un argument pour un relief d\'une certaine élévation
dans le voisinage de la mer. Il résulte de ces faits qu\'au moins pendant la partie
du Plaisancien dans laquelle les conglomérats furent formés, la mer ne s\'est pas
étendue au dehors des limites actuelles des dépôts marins. Mais, d\'autre part,
comme nous allons le voir plus loin (Ch. III), la plupart des limites actuelles du
Plaisancien ne sont pas les limites primitives, mais elles sont d\'ordre tectonique.

Donc, ces premiers dépôts sont probablement corrélatifs à un effondrement
du Roussillon et à un relèvement des massifs, qui entourent le bassin effondré.
Pour le reste, le chapitre de Depéret (p. 130 de son mémoire) sur l\'histoire géo-
logique de la contrée donne une synthèse des phénomènes.

Aux descriptions de Depéret des célèbres argiles sableuses fossilifères nous n\'avons
guère rien à ajouter. Seulement la concordance entre ces couches fines et les conglomérats
sous-jacents n\'est pas partout absolue. Dans des ravins près de l\'ancien chemin de Neffiach

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à Belesta p. e., une discordance s\'observe. Ce n\'est pas étonnant, du reste puisque les
graviers inférieurs ont été déposés comme des deltas ou des cônes de déjection à\'stratification
entrecroisée. Ils n\'étaient donc pas absolument horizontaux au moment de leur accumulation.
Une transgression marine a dû les abrader avant le commencement de la sédimentation de
l\'argile.

Des changements considérables se sont fait sentir dans VAstien (voir op.
cit. p. 131). D\'abord les sédiments deviennent plus sableux (sables jaunes), mais
en montant dans la série des couches épaisses de graviers apparaissent qui
prédominent enfin sur les sables. Leur stratification est fortement torrentielle:
des couches superposées plongent souvent dans des directions contraires, et
plusieurs couches coupent et ravinent les couches sous-jacentes du même étage.
A cause de toutes ces pseudo-discordances il devient fort difficile d\'établir les
vraies discordances ainsi que la structure tectonique.

VAstien inférieur (pquot;«) i) du Roussillon est, généralement, rangé dans le
pliocène marin, comme l\'indiquent les rares fossiles marins, trouvés à quelques
endroits. Mais cette conclusion ne s\'applique pas nécessairement aux dépôts de
l\'estuaire de la Tet au N de Millas. Déjà Depéret accepte un comblement progressif
du Golfe du Roussillon, qui devenait lagune et s\'exhaussait lentement. Aussi
je crois que ces graviers et sables, deltaïques d\'abord, se sont en grande partie
formés comme cône de déjection supramarin. Mais, pour expliquer le nouvel
apport de matériaux grossiers, je ne crois pas qu\'il faille penser en premier heu
à des changements chmatériques, dont, bien-entendu, il n\'est pas impossible
qu\'ils aient existé. Il s\'agit plutôt de mouvements du sol, qui sont, comme tou-
jours, l\'action renouvelant sans cesse l\'oeuvre de l\'érosion.

Les événements qui se passaient entre l\'Astien inférieur et supérieur seront
discutés plus loin. Ici il suffit de mentionner que Dépéret a observé que les
couches du Plaisancien et de l\'Astien inférieur, concordantes entre elles, ont une
inclinaison d\'une dizaine de degrés, et qu\'elles sont couvertes en discordance des
dépôts de l\'Astien supérieur. Cette disposition peut se présenter çà et là, mais
il n\'en est pas partout ainsi, parce que l\'Astien supérieur aussi montre des incli-
naisons, abstraction faite d\'une stratification parfois torrentielle. Il saute aux
yeux que, dans ces conditions-là, une telle discordance ne s\'observe que rarement.
La discordance du milieu de l\'Astien n\'a pas une grande dimension et les mouve-
ments de cette époque auront été certainement moins intenses que ceux de la
fin de l\'Astien.

Les dépôts de VAstien supérieur (pquot;\'\') montrent la succession d\'argiles, de
sables et de graviers, décrite soigneusement par Depéret. Sur le total de la série,
les graviers dominent moins que dans le sommet de l\'Astien inférieur. Mais,
tout de même, leur quantité est plus considérable qu\'on ne croirait d\'après la
description de Depéret; c\'est parce que leur quantité paraît augmenter en amont.
C\'est, du reste, tout naturel: on y approche des vallées d\'où les matériaux pro-
viennent.

1) Si l\'on considérait, suivant l\'opinion de M. Gignoux, que l\'Astien et le Plaisancien ne
fussent que des faciès différents d\'un même étage, la désignation des dépôts du Roussillon
serait différente.

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Sables d\'Ille.

L\'Astien supérieur, occupant une grande surface en aval de Millas, est
interrompu en amont par les couches phocènes plus anciennes. Celles-ci s\'abais-
sent plus loin en amont, et en face d\'Ille un dépôt réapparaît que Depéret consi-
dère (bien qu\'avec des réserves) comme l\'équivalent de l\'Astien supérieur. Les
couches qui le composent sont assez variables en sens latéral, de sorte que la
description de Depéret ne s\'applique
pas pour toute son étendue.

Des argiles en font partie et y sont
exploitées par des briqueteries, comme en
face de Millas. A part ces argiles, qui se
trouvent surtout dans la partie inférieure,
on en trouve des lentilles dans tout le dépôt.
Les graviers forment des bancs puissants
dont les cailloux, ayant souvent un diamètre
de 1 dm, sont de provenance variable. Les
graviers alternent avec des graviers plus
fins et des sables.

Plus en amont d\'Ille quelques pe-
tits lambeaux isolés de graviers gros-
siers sont adossés à la paroi gauche de
la vallée de la Tet. Leur âge et origine
seront discutés dans la description
tectonique. Ce sont les derniers dépôts
meubles en aval des graviers du col
de Ternère qui ont été décrits comme
appartenant au faciès g du bassin de
la Tet.

Sédiments post-astiens.

Avant de discuter l\'âge des sédiments du bassin de la Tet, il faut nous
occuper des alluvions plus récentes du Roussillon et des dépôts de la rive droite
de l\'estuaire à Thuir.

Les sédiments succédant en age a l\'Astien supérieur sont d\'un caractère
tout à fait différent, quant à leur mode de gisement. Ce sont les ,,alluvions
anciennesquot; dont l\'âge a été déterminé par Depéret comme sicilien (p^). Elles
forment un dépôt de terrasse d\'une épaisseur modérée, dont la base, ainsi que
le toit, surmontent régulièrement la rivière. Ils se distinguent à cet égard de
Astien, qui s\'étend verticalement depuis une profondeur plus grande que
e ht de la rivière jusqu\'aux hauteurs au-dessus des terrasses siciliennes. En
outre, l\'Astien est disloqué jusque dans son étage supérieur, en opposition avec
les alluvions anciennes.

Gisements de Thuir.

Ils font partie d\'une grande nappe de terrains pliocènes, adossée aux promon-
toires des Aspres paléozoïques. On y a reconnu plus loin de la montagne l\'Astien

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supérieur, couvert des alluvions anciennes („pliocène supérieurquot;). Mais plus
proche des Aspres, le faciès change et devient phis grossier. Aussi l\'Astien supé-
rieur n\'y peut plus être distingué des alluvions anciennes. L\'ensemble de ces
cailloutis a été désigné par Depéret comme pipquot;\'\'.

C\'est à ce dépôt qu\'appartient le gisement de Thuir, qui en constitue
l\'extrémité occidentale. Les couches inférieures, surtout argileuses, pourront
être déterminées comme de l\'Astien supérieur, et sont indiquées comme telles
sur la carte. Mais au-dessus viennent les brèches, qui en 1885 furent considérées
par Depéret comme équivalentes aux alluvions anciennes. Son explication
ultérieure selon laquelle elles représentent un faciès du pquot;quot; (comprenant en outre
le pl) est préférable, aussi bien pour ces dépôts-ci que pour un conglomérat
brèchiforme sous Força-Réal.

Le conglomérat de Thuir est composé en majeure partie de morceaux anguleux du
calcaire dévonien, contre lequel repose le dépôt (fig. 10, p. 29). Les fragments sont emballés
dans une argile rouge et sont souvent cimentés par du calcaire. Les couches argilo-sableuses
pénètrent jusque dans ces brèches, ce qui prouve leur synchronisme, du moins partiel.

AGE DES SÉDIMENTS DU BASSIN DE LA TET.

En exécutant les levées pour la feuille de Prades, M. Mengel a adopté pour
ces sédiments la même désignation que celle des conglomérats de Thuir. Du reste
les couches rouges inférieures du bassin ressemblent plus ou moins aux dépôts
de Thuir.

Le seul moyen d\'essayer une détermination de l\'âge est de les comparer
avec les sédiments du Roussillon. Nous venons de dire que les gisements qui
sont le plus rapprochés de la fin du bassin (à Bouletemère) sont ceux des sables
d\'Ille. C\'est en premier lieu avec ceux-là qu\'il faut comparer les sédiments du
bassin. On verra alors que le faciès
e, si largement développé au col de Ternère,
est tout à fait pareil aux sables et graviers d\'Ille. Seulement les argiles, qui se
trouvent à Ille au-dessous de la plus grande partie des graviers, ne sont pas
visibles à Bouletemère. La ressemblance des deux dépôts, ainsi que leur mode
de gisement, sont de fortes indications pour leur attribuer le même âge. Tout
comme les sables d\'Ille, notre faciès
e du dépôt supérieur du bassin date probable-
ment de l\'Astien supérieur (l\'Astien inférieur, notamment sa moitié supérieure
grossière, est, du reste, le seul autre étage auquel il ressemble).

La même conclusion doit être admise, toutes réserves faites, pour le reste
de l\'étage supérieur, développé dans le faciès
c. Cependant, ces dépôts recouvrent
des couches du faciès
d ei a. Par conséquent, celles-ci appartiennent ou bien à
la moitié inférieure de l\'Astien supérieur, ou bien à l\'Astien inférieur. En faveur
de la première possibilité témoignent deux faits. C\'est premièrement que l\'assise
à Ille et à Millas contient dans sa partie inférieure des argiles, qui seraient contem-
poraines du sous-étage inférieur à argiles du bassin. En second lieu c\'est la
concordance entre les assises inférieures et supérieures du bassin, tandis qu\'il y a
une légère discordance entre l\'Astien inférieur et supérieur dans le Roussillon.

Un synchronisme partiel des couches du bassin avec les alluvions anciennes

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pl n\'est pas probable i). Dans le Roussillon, l\'Astien supérieur est disloqué, et
se prolonge au-dessous du niveau actuel de la Tet, tandis que la terrasse des
alluvions anciennes occupe une hauteur bien déterminée au-dessus du fleuve.
Les sédiments du bassin sont disloqués, eux aussi, plus encore que ceux du Rous-
sillon, et ils s\'étendent verticalement depuis presque 500 m au-dessus du niveau
de la Tet jusqu\'à plus de 100 m au-dessous. Toutes les terrasses sont évidemment
plus récentes que les sédiments du bassin. Comme conclusion on peut définir
que les sédiments du bassin datent probablement de l\'Astien supérieur, et
qu\'ils englobent peut-être une partie de l\'Astien inférieur. Leur désignation
devrait être pquot;\'\' ou pquot;quot;-quot;«\'.

Les sédiments des terrasses (aUuvions anciennes et quaternaire^) ne sont
plus traités ici. Ils tombent hors du cadre de notre étude. Du reste, ils sont
soigneusement désignés sur la feuille de Prades par quatre couleurs, représentant
respectivement a^\'\'^), a\'^ a\'^ et a\'\'^-^. Quant au dépôt a\'quot;gl. nous l\'avons discuté
auparavant à l\'occasion de la mode de formation du faciès
c.

1) Seulement en supposant une origine en partie glaciaire des dépôts du bassin, on
serait forcé d\'admettre pour ceux-ci un âge plus récent que l\'Astien.

Nous admettons pour cette terrasse une moindre étendue que celle figurée sur
la carte.

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u

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CHAPITRE III
TECTONIQUE DES SÉDIMENTS.

CARACTÈRE GÉNÉRAL.

Les inclinaisons des couches remplissant le bassin de la Tet sont en grande
part\'e d\'origine tectonique. En traitant la mode de formation des sédiments
nous avons remarqué que les sédiments du bassin (en tout cas leur couches in-
férieures) ont été déposés presque horizontalement. Toutefois, des inclinaisons
de quelques degrés pourront très bien avoir existé primitivement. Mais les fortes
pentes, atteignant souvent 25°, quelquefois 40° et même plus de 50°, sont certaine-
ment d\'ordre tectonique. Ce fait, prouvé pour les couches inférieures très régulières,
doit s\'apphquer aussi aux couches grossières supérieures, qui sont en général
en concordance avec celles-là. Seulement au NE du bassin, où une strati-
fication torrentielle prédomine, il n\'est plus possible de déterminer d\'une
manière nette les effets de la tectonique.

En général les couches plongent vers le milieu du bassin, avec une inclinaison
d\'autant plus grande qu\'on se trouve plus près\' du bord. Vu que le territoire est
divisé en deux par une bande transversale de sous-sol ancien, les deux parties
du bassin représentent chacune un large synclinal. Aussi les couches inférieures
ne se rencontrent généralement qu\'aux bords. En effet, c\'est donc une espèce
de phssement que le bassin a subi. Nous disons „espècequot;, parce que le mot
„phssementquot; n\'est pas tout à fait applicable à ces dislocations. Nous allons le
démontrer au dernier chapitre.

A plusieurs endroits le plan de base des couches, qui, naturellement, est
parallèle aux plans de stratification, ascend régulièrement vers les bords du
bassin et y forme la limite visible entre le Phocène et le sous-sol. C\'est là le type
du contact normal. Mais à plusieurs endroits, par contre, les couches sont coupées
par un plan presque vertical, qui a tous les caractères d\'une faille. Aussi, à quelques
endroits, des miroirs de faille ont été observés, et les roches anciennes adjacentes
y présentent souvent un chvage parallèlement à la faille (fig. 9, p.28). Des zones
fracturées se trouvent aussi à une plus grande distance des failles parallèlement
a celles-ci, témoignant l\'existence de dislocations semblables en-dehors du bassin.

Le fait que le bassin est entouré en partie de failles n\'est pas, du reste,
surprenant, depuis qu\'elles ont été observées par M. Boissevain en Cerdagne.
Dans ce bassin-là les contacts perpendiculaires ont été interprétés d\'abord
comme les rives verticales du lac dont le bassin serait rempli. Ils auraient existé
pendant tout le comblement de ce lac. A première vue, on pourrait interpréter
de la même manière les contacts verticaux dans le bassin de la Tet, mais les

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Coupe longitudinale et coupes transversales à travers le bassin de la Tet. Les coupes transversales ont leur situation et direction exactes par rapport à la coupe

longitudinale. Échelle 1: 60 000.

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Fig. 5a.

Suite de fig. 5. La petite carte indique les situations des coupes.

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arguments énumérés témoignent en faveur de leur caractère de faille. Ils sont,
en effet, un phénomène accompagnant le pUssement: le flanc du synclinal a
perdu à plusieurs endroits sa cohésion et a été fracturé. Sur un même bord du
bassin, le caractère de la limite peut changer facilement: un contact normal peut
passer à une faille, tandis que, plus loin, celle-ci peut diminuer son rejet et enfin
passer de nouveau à un contact normal.

La distinction devient plus difficile, parce que les plans de faille sont géné-
ralement inclinés vers le bassin. Comme les couches s\'inclinent dans la même
direction, l\'angle entre ces deux peut être assez petit; cependant par places il
peut atteindre presque 90°.

Aux endroits, où le Pliocène est enfermé à ses deux bords par des failles,
on peut très bien désigner le bassin comme un fossé, dont les couches sont inclinées
en surplus. A d\'autres endroits il représente plutôt un synclinal; aussi il faudrait
le désigner par le nom de synclinal-fossé. Le caractère général de cette tectonique
sera discuté dans le dernier chapitre.

L\'âge qu\'il faut attribuer aux dislocations dépend de l\'âge présumé des
sédiments supérieurs du bassin. En admettant que ceux-ci datent surtout de
l\'Astien supérieur on arrive à la conclusion que les dislocations se sont produites
à la fin de l\'Astien ou au début du Villafranchien. Un âge plus récent n\'est pas
probable, vu qu\'une histoire érosive comphquée s\'est déroulée après cette phase
orogénique, mais avant le Sicihen.

DESCRIPTION DE LA TECTONIQUE DU BASSIN.

Nous allons commencer notre description au point le plus occidental, où le Pliocène se
rencontre, c\'est à dire sur le plateau entre Nyer et Escaro. Sur ce plateau, dont la surface est,
du reste, assez accidentée, un lambeau de terrain meuble forme quelques-unes des collines.
La composition de ce terrain est tout à fait celle que nous avons décrite comme le faciès
c, le
faciès à grands blocs. Il affleure, du reste, à une distance de 1/2 km, à peine, de l\'extrémité
occidentale du bassin de Vernet. Aussi je crois que rien ne s\'oppose à regarder ce lambeau
comme un témoin de Pliocène, indiquant l\'ancienne plus grande extension du bassin de Vernet
D\'ailleurs, cette extension plus grande des sédiments au moment de leur formation sera
discutée p. 36.

Le lambeau de Nyer est non seulement l\'endroit le plus avancé vers l\'W de la répartition
actuelle du Pliocène, mais aussi l\'endroit où les dépôts atteignent leur plus grande altitude
(1100—1200 m). D\'ailleurs, l\'extrémité occidentale du bassin proprement dit, près d\'Escaro,
englobe des altitudes presque pareilles (1035 m). L\'importance de ces faits sera discutée en
parlant de la morphologie.

La tectonique du lambeau n\'est pas très clairement visible, la stratification des affleure-
ments ayant été effacée presque entièrement. Une inclinaison des couches est plus ou moins
indiquée par le plan de base, qui s\'abaisse vers le S. Mais, à son bord S, le dépôt se termine
de façon abrupte par un contact à peu près vertical; le prolongement méridional de la rangée
de collines aboutissant au Col de Llauze, consiste en roches paléozoïques. Le contact étant
plus ou moins parallèle à la faille d\'Escaro, on peut supposer qu\'il s\'y agisse aussi d\'une
faille (fig. 6A).

Après une petite interruption le Pliocène du faciès c réapparaît pour former l\'extrémité
occidentale du bassin de Vernet. Celui-ci commence sur le même plateau de Nyer par un
contact normal, où le Pliocène superpose le sous-sol suivant un plan de couche, qui s\'incline
vers le centre du bassin. Aussi, en arrivant au bord nord, l\'inclinaison tourne vers le S et au
bord méridional vers le N.

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La superposition normale du bord nord est visible dans plusieurs ravins qui s\' éœulent
vers la Tet (figurée par A. Penck,
31, 1894). Le bord S en est différent: de ce côté le Pliocène
se termine contre une faille qui passe par le village d\'Escaro et qui est visible dans le ravin
au-dessous du village (fig. 6 B). Cependant le caractère de synclinal existe tout de même:
partout dans le voisinage de la faille les couches plongent vers le milieu du bassin. Amsi la
faille est un phénomène dte détail, subordonné à la grande structure synclinale (coupe no. 2).

La faille d\'Escaro se fait poursuivre vers
l\'E sur quelque distance en passant par Aytua.
En s\'approchant de Sahorre le contact lui-
même n\'est pas très bien visible, mais proba-
blement son caractère reste le même. On y
voit plonger toujours vers le N les entasse-
ments énormes des couches du type
c, ravinés
profondément par des torrents, dans lesquels
les blocs, tombés de leur places, forment des
amas chaotiques.

Le ride entre Sahorre et Vernet présente
quelques complications. Il s\'agit de deux
failles plus ou moins parallèles dont l\'une
substitue l\'autre pour former le bord du
bassin. Une zone de broyage dans les roches
crystallophylliennes marque le prolongement
d\'une d\'eux.

Jusqu\'ici les couches du flanc S du bas-
sin s\'inclinaient vers le N. Il n\'en est plus
ainsi près de Vernet : des couches parfaitement
horizontales touchent au bord sud du bassin,
tandis que plus on s\'avance vers le N, plus
la pente des couches vers le S augmente.
Évidemment, la partie la plus profonde du
bassin s\'est rapprochée du bord sud du bas-
sin (coupe no. 3).

Bientôt après, au méridien de Vernet,
les couches assument une inclinaison vers
l\'W, indiquant que le bassin devient moins
profond. Il est enserré ici entre une faille
au S et un contact normal (en flexure) au N.
(voir fig. 12, p. 33). Aussi à l\'E de Cor-
neilla les couches rouges de la base font leur
apparition et un peu plus loin à l\'E une butte
de calcaire paléozoïque apparaît. Cependant
cette extrémité orientale du bassin présente
des complications: au N et au S de cette butte paléozoïque le Pliocène se prolonge plu»loin
vers l\'E. La base s\'abaisse de nouveau, ce qui est indiqué par les inclinaisons vers le N et
l\'E. Le lambeau le plus au N est limité des deux côtés par des failles (coupe no. 5). Comme
celui du S, il prend fin au fond de la vallée suivante; puisque la rive droite de
cette vallée consiste tout à fait en roches paléozoïques, un contact de faille, suivant le fond
de la vallée, est bien possible.

C\'est donc ici le ride paléozoïque qui divise le „bassinquot; (synclinal) de Vernet de celui de
Prades. Il est donc surtout d\'origine tectonique et non pas un barrage séparant les deux
bassins lors de la sédimentation. Toutefois il serait possible que déjà à ce moment-là un léger
ridement transversal eût commencé à se produire.

Après cette interruption le Pliocène recommence au sommet de la rive droite de la même
vallée, formant l\'extrémité occidentale du bassin de Prades, naturellement avec une pente

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vers le NE Un contact normal se présente aussi au commencement du bord sud à Taurinva
coupe no. 6). Mais plus loin à l\'E, par exemple à Villerach, le contact passe à une faille DaL
toute cette partie du bassin le faciès rouge des couches inférieures accompagne le bord du
bassm. A Villerach le profil est très net (fig. 7): en venant du centre du bassin on rencontre
d abord les couches supérieures à forte pente vers le N, puis les couches rouges enfin
coupées par une faille à pendage de 75° vers le N, contre laquelle les couches sont retroussées
Le plan de base n apparaît donc pas dans le profil; mais au fond de la vallée un petit rocher
montre ce plan en position presque horizontale, due probablement à des irrégularités des
fractures.nbsp;\'\'

Le bord nord ou plutôt NW est visible à Sirach, où il est à peu près vertical, séparant les
couches rouges du Paléozoïque. Plus loin il disparaît sous les alluvions de la Tet et reste
longtemps invi^ble. Le tracé de la limite se prolonge probablement d\'abord dans la direction
de la faille de Sirach, plus ou moins indiquée par le cours de la Tet. A l\'embouchure de la
Castillane se trouvent encore quelques lambeaux de Pliocène (près de Cattlar), ceux mention-
nés par A. Penck
{37. 1894). Puis la limite tourne, comme la rivière, dans une direction orientale
et suit la base de l\'escarpement au N de la Tet, pour réapparaître enfin à Marquixanes

Dans la partie sud du bassin oriental le bord est normal, partout où je l\'ai observé (coupe
no. 9). Le bord nord l\'est peut-être par places, mais à deux endroits une faille-limite s\'observe

entre le pliocène et
le granite. C\'est le
cas à S . Pierre de
Vinça et à Rodes,
où une zone brè-
cheuse dans le gra-
nite accompagne le
contact.

A Rodes le bas-
sin se rétrécit for-
tement; la faille au

Coupe du bord sud du bassin près de Villerach. s: Silurien; a, b, c N et le contact nor-
indiquent les faciès du Pliocène; F: faille.nbsp;mal au S se rappro-

. , . . , ,nbsp;chent. Il y a lieu

de signaler ici les découvertes de M. Mengel aux collines de roches paléozoïques près du
Col de Ternère. Sur ces hauteurs des fossiles marins et des traces de l\'action d\'orga-
nismes marins ont été trouvés. Ils sont attribués par cet auteur à une invasion de la
mer datant après la formation des autres sédiments pliocènes. Tout en admettant qu\'une
telle origine ne serait point impossible, je crois que plutôt il faut penser d\'abord aux couches
marines du Plaisancien ou de l\'Astien inférieur. En s\'imaginant le synclinal au col de Ternère
complété dans sa partie détruite, le plan de base de l\'assise conglomératique serait situé
au-dessus de ces vestiges marins. En ce cas ils pourraient représenter des restes de la
transgression pré-astienne. Quoi qu\'il en soit, c\'est le point le plus occidental d\'où les traces
de la mer sont connues et jusqu\' où la mer a envahi le Roussillon, que ce soit la mer plaisan-
cienne-astienne, ou bien, selon l\'opinion de M. Mengel, la mer post-astienne.

Le rétrécissement se manifeste encore plus nettement dès l\'entrée de la rivière dans la
plaine. On y trouve un îlot formé par la terrasse a^b situé dans la plaine aie, dont le noyau,
affleurant aux rebords, est composé de Silurien (bien visible dans la tranchée du chemin-de-
fer). La Tet passe directement au N de cet îlot et à la rive gauche la paroi est en grande partie
granitique. Ces deux points sont éloignés l\'un de l\'autre de km environ, ne laissant guère de
place pour des sédiments pliocènes enfoncés. Aussi il est plus probable qu\'ici la base du
Pliocène s\'est élevée un peu au-dessus du niveau actuel de la Tet, qui aurait creusé ainsi sa
vallée dans les schistes paléozoïques et le granite. Toutefois, un ride quelque peu élevé n\'a
jamais existé ici, comme il est démontré par l\'existence de quelques lambeaux de conglomérats
sur la rive gauche. Ces lambeaux sont considérés par Depéret comme fragments d\'une terrasse
qui serait la terrasse la plus élevée du Roussillon, située à 100 m au-dessus de la Tet et désignée

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par lui ( / / ) Cependant, la base est
située à des niveaux tout à fait dif-
férents dans les lambeaux successifs.
La base de ceux à l\'E est élevée
très haut au-dessus de la rivière
(fig. 8), mais plus à l\'W elle
s\'approche du niveau de la Tet; enfin
le lambeau occidental, coupé par
le ruisseau aboutissant aux ruines
de Cazenove, consiste en cailloux
jusqu\'audessous du niveau de la
rivière. Tout l\'escarpement y
consiste donc uniquement en
conglomérats. Si c\'était un dépôt de
terrasse, il faudrait que la base se
fût fortement ondulée après, et que
l\'épaisseur eût été énorme. Aussi
je serais tenté de considérer ces
graviers comme appartenant à
l\'Astien supérieur, dans lequel des
graviers épais sont abondants et
dont on connaît les déformations
tectoniques.

Voici donc les restes du Pliocènenbsp;^ .

qui. jadis, occupait la lacune entre Bouleternère et Ille. Une fois admis que c\'est de 1 Astien
déformé, il n\'est plus improbable que les contacts presque verticaux à forte pente vers le bas-
sin (voir fig. 8) représentent des faUles au lieu d\'être les parois d\'un fleuve ayant accumulé
les graviers. La disposition serait alors la même que partout ailleurs dans le bassin.

BORDURE DU ROUSSILLON.

L\'estuaire du Roussillon, qui pénètre jusqu\'à Bouleternère entre les deux
chaînes au S et au N, consiste en grande partie en une large plaine fluviale
quaternaire de la Tet. Seulement le long du bord N, et assez loin au S de la Tet,
le Pliocène est conservé. Sur le bord nord jusqu\'au delà de Millas, la hmite du
Pliocène montre les mêmes caractères que dans le bassin de la Tet: alternance
de contacts normaux et de contacts de faille. Par deux faits la détermination de
leur nature présente de plus grandes difficultés. C\'est d\'abord la stratification
torrentielle de plusieurs dépôts, qui défend de considérer l\'inclinaison des couches
comme résultat de la tectonique seule. Ensuite, c\'est l\'existence d\'une discordance
entre l\'Astien supérieur et inférieur, celle reconnue par Depéret. Deux phases
de dislocations se sont donc succédées. Nous avons prononcé déjà comme notre
opinion que la phase après l\'Astien surpasse en importance celle du milieu de
l\'Astien. L\'étude du Roussillon tombant hors du sujet proprement-dit de
notre travail, nous n\'avons pas suivi systématiquement toutes les limites du
Pliocène dans le Rousillon NE, mais nous nous sommes bornés à en établir le
caractère général, qui affirme nos observations dans le bassin de la Tet.

Un premier exemple est fourni par les sables d\'Ille, c\'est à dire: par tout l\'ensemble des
terrains sableux en face de cette ville, si connu par ses formes d\'érosion merveilleuses (fig.
3, p. 17). Depéret a fondé en partie sa détermination de l\'âge de ces sables (d\'ailleurs, détermi-

Fig. 8.

Graviers sur la rive gauche de la Tet entre Cazenove
et Ille.

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nation avec des réserves) sur la prétendue horizon-
talité absolue. Mais cette horizontalité ne peut être
affirmée que pour une partie de ces sables, bien que la
plus grande. Surtout dans l\'angle sud-ouest les couches
alternantes de sables, de graviers et d\'argiles sont
ondulées; dans l\'escarpement de la rivière elles plongent
vers le NW, dans le ravin un peu plus au N
on obsLe
une disposition en synclinal, une partie des couches
s mchnant vers l\'E, une partie vers le SE (voir fig 3
p. . .). C\'est surtout près de la limite avec le granité
que les couches ont été déformées, tandis que le
nulieu du terrain est sensiblement horizontal H ne
s agit pas d\'une stratification torrentielle qui aurait
causé 1 mclinaison, car l\'inclinaison des sables d\'Ille
peut affecter les couches sur toute leur épaisseur de
presque 100 m, englobant des terrains des plus divers
C est bien là un effet de la tectonique.

La limite du Pliocène avec le granite démontre
cette action d\'une manière très nette. Le contact est
bien visible dans les tranchées de la route de Montalba
(lig. 9). C\'est un contact raide, souvent un peu incliné
vers les sables, avec par places des miroirs de faille. Le
T- lt; ,nbsp;granite est souvent clivé plus fortement nrès Hi,

ou meme brecheux et broyé, comme, par exemple, dans l\'extrLité occidental In ^^^^^^

A me, œmme dans l\'intérieur du bassin de la Tet, la limite actuelle des
depots pliocenes, étant une faille, ce n\'est pas leur limite primitive qui existait
lors de leur sédimentation. Ici, comme dans le bassin de la Tet il faut qu\'il v ait
une bande au N de la faille où autrefois il y avait du Pliocène. C\'est là que sa
limite primitive a dû se trouver. Au moment de la dislocation, le massif granitique
a ete surélevé tout en emmenant une bande du Pliocène, tandis que le reste du
P iocene restait en arrière. Celui-ci s\'est conservé (en face d\'Ille), tandis que le
1 hocene eleve fut bientôt attaqué par l\'érosion, qui y taillait dans le granite les
surfaces d erosion. Toutefois, il est bien possible que le Pliocène surélevé n\'ait
occupe qu une étendue très limitée. C\'est des couches pliocènes plus profondes
de la base du Plaisancien que même le Uttoral primitif s\'est conservé. Ces
couches ne se sont donc jamais étendues plus loin qu\'aujourd\'hui.

L\'affaissement relatif du Pliocène par rapport au granite ne s\'est pas produit
partout avec le même rejet, ni avec le même caractère. Les différences de rejet
se montrent sur la carte géologique.

En aval d\'Ille l\'Astien inférieur apparaît au-dessous de l\'Astien supérieur qui bientôt
n\'est plus conservé; un peu plus en aval le Plaisancien apparaît et l\'Astien inférieur n\'occune
que les parties supérieures. En face de Neffiach le sous-sol ancien approche de la Tet plus
omil réapparaît sous la forme d\'un îlot isolé de granite au milieu du Pliocène. Ensuite en
face de Millas le Plaisancien disparaît sous l\'Astien inférieur, celui-ci sous l\'Astien supérieur
qui occupe plus en aval une grande surface.

Ces ondulations dans les couches pliocènes, qui sont accompagnées de plu-
sieurs ondulations secondaires, ne sont certainement pas contemporaines du
dépôt. Il est impossible que, par exemple, les rivières ayant déposé l\'Astien
inféneur aient coulé en face d\'Ille dans un niveau bien au-dessous de la Tet

le

-ocr page 41-

actuelle, et en face de Neffiach près du sommet des plateaux actuels. C\'est,
évidemment, l\'effet de l\'affaissement qui s\'est effectué le plus profondément à
nie et à l\'E de Millas, où les couches plus anciennes ont été affaissées au-dessous
de la Tet actuelle. L\'affaissement se produisit moins profondément, donc avec
un moindre rejet, en face de Neffiach où les couches marines montent au-dessus
de la Tet et où l\'Astien a, en partie, disparu.

A côté des différen-
ces de rejet il y a des dif-
férences de caractère,
c\'est à dire une alter-
nance de failles et de
flexures, qui passent
l\'une dans l\'autre sur de
petites distances. Des
contacts normaux, donc
des flexures, se rencon-
trent p.e. en face de
Neffiach, où les conglo-
mérats de la base du
Pliocène s\'inclinent vers
la Tet, en couvrant le
granite. Également au
NW de Neffiach, où le
conglomérat littoral du
Plaisancien affleure et
au NW de Millas, où le
granite apparaît sous
des marnes fossilifères,
qui plongent avec 20°
vers la Tet.

A plusieurs endroits
le caractère du contact
est difficile à déter-
miner, parce que le fa-
ciès du Pliocène devient
plus grossier près du
contact, consistant seu-
lement en fragments
des roches auxquelles il
touche. C\'est le cas p.e.
à l\'E de Millas au pied
de la Força Réal. Un
contact normal me sem-
ble beaucoup plus pro-
bable qu\'une faille, vu que le faciès grossier est lui-même un dépôt formé tout à fait à la
limite du bassin sédimentaire.

Il faut que les phénomènes du contact entre le Pliocène et le Dévonien au
S de la Tet soient maniés avec la plus grande précaution. Le Dévonien est
formé de calcaires épais, à circulation souterraine (phénomènes karstiques),
couverts de lapiés à la surface. Un contact vertical dans ce terrain karstique

Fig. 10.

A.nbsp;Base du Pliocène en face de Neffiach. a\\ sous-sol ancien, b:
conglomérat de base, c: marnes plaisanciennes. A droite: vâllée
de la Tet.

B.nbsp;Limite du Pliocène près de Thuir. d: calcaire dévonien, e: con-
glomérat pliocène de Thuir, /: zone disloquée.

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peut se former par suite d\'effondrements, dans des poehes, ou des entonnoirs
et, n est pas, en ces cas, l\'effet de la tectonique, mais de la ;olution Z

-ocr page 43-

chapitre iv
GÉOMORPHOLOGIE DU BASSIN.

traits généraux.

En sens morphologique le bassin de la Tet est une dépression dans le versant
oriental de la chaîne des Pyrénées. C\'est dans ce talus qu\'est enfoncé un secteur
moins élevé, situé entre deux massifs plus hauts. Sa largeur moyenne est de
5 km, sa longueur d\'une quarantaine de km.

En regardant le bassin et son cadre montagneux d\'un point élevé, la première
impression est qu\'on se trouve en présence d\'un modelé sur lequel la tectonique
a exercé une influence prédominante. Cette impression est due surtout aux deux
escarpements souvent rectilignes qui enserrent le bassin.

Ce n\'est pas qu\'il s\'agisse d\'une alternance de roches de résistance différente,
donc d\'une structure ancienne, révélée par l\'érosion différentielle. Au contraire,
le bassin de la Tet est situé en pleine zone centrale où l\'uniformité assez grande
des roches ne justifierait pas un tel relief accidenté. Aussi les traits directeurs
du rehef n\'ont aucun rapport avec la structure ancienne. En vérité, il s\'agit
d\'une tectonique beaucoup plus récente, se rattachant aux accidents néogènes
que les sédiments nous ont fait connaître.

La „dépressionquot; de la Tet n\'est, du reste, que relative, c. à. d. que l\'intérieur
du bassin même est un pays montagneux, lui-aussi, seulement d\'une altitude
inférieure à celle des massifs montagneux voisins. Ces montagnes du bassin sont
.surtout formées par une série de rides parallèles; c\'est que la Tet suit généralement
le bord nord et que ses affluents venant du S traversent donc toute la largeur
du bassin avant de se déverser dans la Tet.

Seulement au NE le bord n\'est pas constitué par un escarpement accusé.
Aussi la limite n\'y est pas aussi bien définie. Le bord sud, par contre, forme sur
toute sa longueur un escarpement impressionnant; c\'est celui-ci que nous
désignerons dé.sormais comme le „grand escarpementquot;.

Quelles sont les relations entre la dépression orographique (le bassin en sens
morphologique) et le synchnal-fossé (le „bassinquot; tectonique)? Ce que la carte
géologique montre à première vue, c\'est que le bassin tectonique (le territoire
occupé à présent par le Pliocène) est compris partout dans le bassin orographique.
A quelques endroits leurs limites coïncident à peu près, mais généralement
la dépression dépasse les limites du Pliocène et occupe un plus grand territoire
que celui-ci.

Au S, le Phocène ne touche donc pas le grand escarpement (A, fig. 11)
du massif du Canigou. Une bande de terrain paléozoïque (AB) appartenant

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tout à fait, par sa situation peu élevée, à la dépression de la Tet, y sépare le Plio-
cène du grand escarpement, qui représente la limite méridionale\'de la dépression.

Au nord, au moms dans la partie supérieure du bassin, une autre bande
de paléozoïque (CD) sépare le bassin pliocène de la Tet (D). Cette rivière coule

à une distance de quel-
ques kilomètres au
nord du bassin dans
une étroite vallée tail-
lée dans le terrain pa-
léozoïque, parallèle-
ment au bord nord.

La surface élevée
passe ainsi du Pliocène
au Paléozoïque, sans
qu\'aucune différence

se fasse sentir. Par rapport à une telle surface le Pliocène (BC) est une
formation plissée quelconque, aussi bien que le Silurien ou le Rouiller. Insensi-
blement la surface passe d\'une formation à l\'autre, sans être influencée par les
failles (B) séparant les terrains.

Il est évident qu\'une telle surface d\'érosion est, sans doute, postérieure
au „plissementquot; du Pliocène, et, forcément, postérieure à la formation de l\'assise
plissée. Or, les sédiments ont été déterminés comme datant (au moins dans leur
partie supérieure) de l\'Astien supérieur. Par conséquent, le plissement s\'est
effectué à la fin ou après l\'Astien. Il en résulte que l\'âge de la surface en question
peut être défini comme Villafranchien ou plus récent. Mais, puisque les
terrasses
plus récentes que le Villafranchien (terrasses du Quaternaire, y compris le
Sicilien) se trouvent dans une situation de beaucoup inférieure à la surface
décrite, celle-ci doit être formée principalement pendant le Villafranchien.

Toutes les surfaces du bassin et celles de la bordure qui leur sont contempo-
raines pourront donc être indiquées comme post-tectoniques. Ce sont celles-ci
qui seront traitées dans ce chapitre.

PARTIE SUPÉRIEURE DU BASSIN.
Description. (Comparer fig. 18 pag. 48)

En abordant la description morphologique à l\'extrémité occidentale du bassin, comme
nous l\'avons fait en décrivant la tectonique, on a l\'avantage d\'aborder en même temps une
des parties les plus importantes pour la morphologie. C\'est le plateau entre Nyer et Escaro
que nous appellerons désormais simplement plateau de Nyer, bien que ce village lui-même
soit situé à son pied dans une profonde vallée.

La surface de ce petit plateau est une surface ondulante qui porte des collines dont les
sommets atteignent selon la carte 1:200 000 des altitudes entre 1160 et 1200 m. Elles ont
entre elles des dépressions qui se rapprochent de 1100 m. Celles des bords passent graduel-
lement aux pentes du plateau. Tout de même, il s\'agit certainement d\'une surface d\'érosion
ancienne. Elle n\'est nullement en rapport avec la structure ancienne et n\'est pas influencée
par les différences des roches sur lesquelles elle s\'est développée. Ainsi de différents étages du

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Silurien, le Dévonien et le Pliocène (dont une des collines est composée) affleurent sur le

..plateauquot; de Nyer (voir aussi fig. ^-«^P« ^nbsp;^^^ f^j^le dépression où elle est

Au S la surface de Nyer abou^t a.Co^nbsp;,,

attachée au grand escarpement du Canigou. JJu cote in w
pentenbsp;vers les vallées profondes de

La surface d\'érosion, dont le plateau de Nyer estle témoin pnbsp;consécutive

désormais comme le niveau de Nyer. Les vestiges en sontnbsp;//Xe allude ^^^

l\'ayant détruit en grande partie. En amont un tout petit replat

la Lrface de Nyer se retrLve, adossé aussi au grand escarpement. En aval un reste en est

conservé au-dessus de Sahorre, situé également au bord sud du bassin. Il sera question plus
loin de quelques fragments au N du bassin.

Le deuxième niveau est taillé dans celui de Nyer, à une altitude d\'un peu plus de 1000 m.
Le mamelon de 1035 m, formé de Pliocène, immédiatement au N d\'Escaro, appartient à ce
replat (fig. 12). De petits lambeaux appartenant à la même surface se trouvent adossés à
l\'E du village. Nous l\'appelons Niveau d\'Escaro. A ce même niveau appartiennent plus à l\'E
une série de petits replats. Ils sont tous situés au pied du grand escarpement et s\'interposent
donc entre celui-ci et le troisième niveau. Ils s\'élèvent d\'une centaine de mètres environ au-des-
sus du troisième niveau, ce qui facilite de déterminer qu\'ils appartiennent au niveau d\'Escaro
(voir fig. 13, p. 34 à gauche). Une particularité est qu\'ils présentent tous un léger ensellement
tout à fait au pied de l\'escarpement. Ce sont les „Colsquot; par lesquels passent d\'anciens
chemins reliant les différentes vallées parallèles. Plus loin nous allons voir que ces cols ont
un intérêt spécial pour expliquer l\'origine de l\'escarpement.

Le troisième niveau est surtout important à cause de sa grande étendue. Nous l\'appel-
lerons celui de Villefranche, d\'après l\'ancienne cité, située dans les défilés au-dessous du
plateau Une particularité de cette surface est son altitude peu variable. Aux endroits les
plus typiques près de Villefranche, son altitude est d\'un peu plus de 800 m. Plus en amont
cependant les altitudes varient de 780 à 850 m, (pourvu qu\'il ne s\'agisse pas de plusieurs
niveaux superposés!). Il est difficile d\'y distinguer les niveaux à cause de la nature du terrain
pliocène (voir fig 12) Dans cette formation si meuble les altitudes des rides, même s ils

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portent d\'assez grands
replats sur leur sommets,
pourraient avoir été abais-
sées à cause du ruissel-
lement très facile auxquels
ils sont soumis. Ainsi le
niveau de Villefranche, si
net à sa localité-type, est
souvent très vague plus
en amont.

Malgré ces points dou
teux. la pente de cette
plaine soulevée (tout com-
me celle d\'Escaro et peut-
être celle de Nyer) paraît
être moindre que celle de
la Tet. Aussi ces surfaces
sont-elles plus élevées au-
dessus de la rivière en
aval qu\'en amont; il y a
donc divergence en aval
entre ces niveaux et la
Tet actuelle.

La surface de Ville-
franche a un grand déve-
loppement à l\'E de la val-
lée de Vernet (fig. 13). Près
de la Tet elle englobe les
sommets des rochers cal-
caires (813 m) qui s\'élè-
vent à pic au-dessus du
défilé de Villefranche. Le
niveau s\'y présente com-
me un vrai plateau ondu-
lant, qui passe sans aucun
changement du calcaire
au Pliocène.

Enfin le niveau de
Villefranche se retrouve à
quelques endroits encore
plus en aval, bien que gé-
néralement la partie in-
férieure du bassin soit
occupée de formes moins
élevées. C\'est d\'abord un
petit promontoire à l\'W
de Taurinya, puis un som-
met de 766 m entre Tau-
rinya et Clara, attaché au
moyen d\'un col au pied du
grand escarpement (fig. 13
à gauche). Dans une situ-
ation pareille se trouvent,
encore plus àl\'E, bien que

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-ocr page 47-

modifiés et abaissés, quelques replats qui, peut-être, sont des vestiges du même niveau. Ce
sont les replats entre Clara et Estoher à une altitude moyenne de 700 m. _

Origine.

Dans la surface qui couvre la partie orientale du bassin orographique de la
Tet abstraction faite de l\'érosion plus récente qui l\'a découpée, nous avons
pu distinguer trois niveaux d\'érosion. Nous les considérons comme des anciennes
plaines fluviales successives, qui, par des mouvements postérieurs à leur forma-
tion ont été soulevées au-dessus de la base d\'érosion.

Le fait qui surprend d\'abord est l\'apparition brusque d\'une surface d\'érosion
tellement large, tandis que la vallée en amont ne présente que de très faibles
vestiges de replats.

La Tet parcourt de Mont-Louis jusqu\'aux Bains de Thuès une vallée très rectiligne
serrée entre deux massifs montagneux qui s\'élèvent à forte pente au-dessus de la val ée. Il
n\'y a que de petits replats qui interrompent ces pentes raides. Les premiers (1560 m) sont
évidemment des témoins de la surface de la Perche (1577 m). De petits replats se rencontrent
à 1330 et à 1350 m qui, à cause de la forte pente de la rivière, sont situés respectivement à 250
et à 400 m au-dessus de la rivière. Enfin un replat à 1135 m, se trouvant à 350 m au-dessus de
la rivière, pourrait être rattaché au plateau de Nyer.

Aux bains de Thuès la Tet qui, jusqu\'ici, gardait une direction constante
de N 70° E, change brusquement de direction et tourne plus vers le N. Mais à
peu près dans le prolongement de sa direction primitive se trouve le grand
escarpement, c. à. d. le bord sud du bassin. La Tet, par contre, coule sur environ
3 km au N 30° E, mais reprend ensuite (à Olette) un cours parallèle à sa direction
primitive. Tout ce territoire entre la Tet au N et l\'escarpement au S est occupé
de la surface du bassin.

Afin de parvenir à une interprétation de l\'origine du bassin, il est utile de
tracer en quelques mots les événements antérieurs. Le premier est la sédimen-
tation dans un bassin, dont l\'étendue surpassait l\'étendue actuelle du Pliocène.
Alors, le bassin sédimentaire était entouré d\'un rehef accidenté et escarpé.
Les matériaux de remplissage ont été apportés par des rivières dont une occupait
l\'emplacement actuel du cours supérieur de la Tet (fig. 14, croquis 1; voir aussi

fig. 21, croquis 2, p. 56).

Ensuite, le plissement a eu lieu, qui a transformé le bassin plus ou moins
plat en un „synclinal.quot; Par ce mouvement les bords du bassin pliocène furent
relevés plus haut que le centre et devinrent les flancs du synchnal. Seul le
miheu avait une situation plus profonde (croquis 2, représentant la déformation
totale, non pas un état qui n\'a jamais existé).

Ces dislocations furent accompagnées d\'un soulèvement au-dessus de la base
d\'érosion. Donc les rivières commençaient à s\'entailler (voir fig. 21, croquis 3).
Naturellement l\'érosion commençait dans l\'axe profond du bassin et avançait
vers les bords. Il est évident que l\'érosion s\'opérait facilement dans la masse\'de
Pliocène phssé. Dans un temps relativement court la rivière y avait fortement
élargi sa vaUée, tout comme la Tet l\'a fait plus tard à Prades (fig. 14 croquis 3;

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voir aussi fig. 21, croquis 4). Peut-être cette première vallée est celle dont les
vestiges se sont conservés dansla surface du plateau de Nquot;yer. Même s\'il n\'en est

pas ainsi et que la première vallée
élargie soit située plus haut, les
conclusions n\'en seront pas mo-
difiées.

En élargissant sa vallée la
rivière avait bientôt atteint les
limites du Phocène et touché le
Paléozoïque ou le cristalhn (fig. 14
croquis 3). Celui-ci forme aux
deux flancs dû synchnal le sou-
bassement du Pliocène. Ici l\'éro-
sion latérale se serait interrompue
presque entièrement, si cette paroi
paléozoïque avait été très élevée.
Mais il n\'en est pas ainsi: ce sou-
bassement paléozoïque ne s\'éle-
vait que peu au-dessus du niveau
de la rivière de cette époque.
Dans ces conditions l\'érosion la-
térale, bien que retardée, se con-
tinuait. Elle enlevait sur une as-
sez grande surface la masse de
Paléozoïque, qui, couverte de
Phocène, s\'élevait au-dessus de la
plaine fluviale. Enfin la rivière
arriva à un point où se trouvait
l\'escarpement, qui pendant l\'As-
tien entourait le bassin sédimen-
taire. Arrivée à cet endroit, l\'éro-
sion latérale ne s\'est guère con-
tinuée, ayant eu à éroder une
pente énorme, peut-être d\'un
millier de mètres.

Ainsi, tout en élargissant sa vallée, la rivière a atteint les escarpements qui
jadis entouraient le bassin sédimentaire. Donc la nouvelle plaine aura plus
ou moins les mêmes dimensions que la répartition primitive des sédiments:
elle est limitée par les mêmes escarpements.

Un témoignage en faveur de cette manière de voir pourrait être
fourni par deux petits lambeaux de sédiments près de Jujols, sur la pente au
nord de la Tet. Ils se trouvent entre 8(X) et 1000 m d\'altitude et sont indiqués
sur la carte géologique comme du Pliocène. Ce sont des masses stratifiées com-
posées en majeure partie par des morceaux de schiste. S\'il s\'agit vrai-
ment de Pliocène et non pas d\'un dépôt de pente plus récent, ces lambeaux

1.

-ocr page 49-

démontrent clairement l\'extension du Pliocène jusqu\'à la paroi au N de la Tet )
Les escarpements ont donc une origine complexe. Leur premiere appanti^
date d\'avant la sédimentation astienne et sera par consequent discutee plus lo^
Dans l\'Astien l\'affaissement s\'effectuait suivant des failles ou des Aexuresjquot;
créaient des escarpements entourant le bassin sédimentaire; c est ce Q^^e prouve
le faciès des sédiments. Et, puisque le bassin de sédimentation de 1 Astien e
le bassin orographique actuel coïncident plus ou moins ces escarpemen sont
les mêmes que ceux qui entourent actueUement le bassin o^aphique. Ce
que nous voyons aujourd\'hui, ce sont donc des escarpements-de-faille ou -de-
Lure. Mais ils ont été modifiés plus tard. Comme nous l\'avons decnt /e ^
astien se trouvait plus haut que le pied des escarpemen s actuels. C est grace
-à l\'érosion du Villafranchien que leur partie inféneure s y est ajoutee. Ils ont
donc augmenté de hauteur. A ces différents procédés le grand escarpement

rectiligne du Canigou doit son existence.nbsp;xt ^ l\'F ppI H

li en est de même des autres bords du bassm superleur. Au N et a l E celui-ci

est séparé par la Tet des escarpements au N de la rivière. Mais il ny a aucun

doute qu\'autrefois les plateaux de Nyer, d\'Escaro etc. aient touche cette parois

au N de la rivière. Celle-ci les a séparé plus tard en creusant sa vallee actuelle
Le bassin était donc limité au N aussi par des escarpements rectihgnes, suivant
lesquels l\'affaissement astien s\'est produit. Le cours de la Tet mdique plus

ou moins la direction de cette dislocation.

Naturellement les niveaux décrits dans ce chapitre se retrouvent comme
des fragments de terrasses dans les vallées affluentes. Toutefois, ces vallees
contrastent singulièrement avec le bassin lui-même par la surface très restreinte
qu\'occupent ces terrasses; ou, en d\'autres termes, par la faible largeur qu ont
eue les vallées appartenant aux stades de Nyer, d\'Escaro etc. Ce fait affirme une
fois de plus que seulement par une disposition spéciale (l\'ancienne étendue
du Pliocène dans un bassin d\'affaissement) les niveaux du bassin supérieur ont
obtenu leur extrême largeur.

Mouvements postérieurs. ^

La partie supérieure du bassin, décrite jusqu\'ici, permet en même temps
de tirer quelques conclusions sur les mouvements qui se sont opérés après la
formation de cette première plaine fluviale de Nyer. Les vestiges de cette ^)lame
se trouvent à présent à une hauteur de 500 m environ au-dessus de la Tet. On
pourrait donc supposer un soulèvement de 500 m au moins depuis ces temps-là-
Mais le soulèvement doit même avoir été plus grand. C\'est que l\'ancienne rivière
coulait dans une large plaine fluviale où elle pouvait serpenter librement. Elle
n\'avait donc certainement qu\'une faible pente. La Tet actueUe, par contre,
parcourt entre Olette et Ria une vallée étroite où sa pente est encore plus forte
-qu\'elle ne fut jadis sur le plateau de Nyer. Le même phénomène est montre
nettement par les surfaces d\'Escaro et de Villefranche. Sur elles aussi la pente

^quot;^etit lambeau de terrain meuble, peut-être pliocène, se trouve aussi à l\'E de Vernet,
dans une poche du calcaire dévonien.

-ocr page 50-

de la Tet doit avoir été faible. Aussi ne descendent-elles aujourd\'hui que très
lentement en aval (voir fig. 18, p. 48). Il en résulte qu\'en prolongeant en aval
la surface la plus élevée, c. à. d. celle de Nyer, la distance verticale entre celle-ci
et la Tet actuelle augmente. Il faudrait donc admettre un soulèvement de plus
de 500 m, depuis la formation de la plaine de Nyer. Pourtant encore plus en
aval il n\'en est plus ainsi. Nous verrons bientôt comment la vallée de Nyer
pourrait se prolonger hypothétiquement en aval, et quels ont été les mouvements
depuis les dislocations astiennes.

Emplacement de la Tet.

Quel a été l\'effet de ces soulèvements sur les rivières? Pour connaître le
caractère des rivières sur la plaine fluviale de Nyer ou de Villefranche, on peut
les comparer avec toutes les plaines semblables dans les montagnes. Évidemment
la rivière y formait jadis tout un système de cours qui s\'entrelaçaient ensemble
avec les affluents, tandis que les lits changeaient de place incessamment (voir
fig. 21, croquis 4). Généralement, dès qu\'un soulèvement a lieu, le creusement
recommence là où la rivière se trouve au moment du soulèvement. Cela veut
dire que la nouvelle vallée peut avoir un emplacement quelconque, c. à. d.
quelque part dans la vallée ancienne.

Il n\'en est pas ainsi au cas de la Tet. Contrairement à ce qu\'on pouvait
attendre, la rivière s\'est enfoncée tout à fait au bord nord du bassin. On dirait
presque que la Tet ait été, pour ainsi dire, pressée contre l\'escarpement qui
forme la bordure septentrionale. Rarement sur tout le parcours de Thuès-les-
Bains à Villefranche des vestiges d\'un des niveaux du bassin se retrouvent au
N de la Tet (fig. 14, croquis 5).

Ce fait ne peut être accidentel. Une explication tout à fait naturelle se pré-
sente, si le soulèvement du bassin a été accompagné d\'un léger mouvement de
bascule, qui aurait soulevé le bord S plus que le bord N. Dans de telles con-
ditions la rivière aurait choisi le cours le plus septentrional possible pour trouver
l\'emplacement le plus profond, et c\'est là qu\'elle s\'est creusée dans la surface.
Un tel mouvement de bascule est, du reste, tout à fait plausible, puisque — nous
allons le voir plus tard — la chaîne au S du bassin s\'est élevée jusqu\'à une plus
grande altitude que celle au N du bassin. Le bassin a donc participé à ce mouve-
ment. Du reste, cette tendance se montre de nouveau dans les périodes successives
jusque dans les derniers temps. Déjà le mouvement en bascule s\'est manifesté
pendant la formation de la surface de Villefranche, puisque la Tet de cette
époque a laissé seulement au S de la rivière les restes des niveaux plus élevés.

Voici comment on s\'explique également que le cours de la Tet n\'est pas
situé dans le bassin pliocène, mais à côté de celui-ci dans le Paléozoïque. La
rivière a dû quitter le Phocène en cherchant l\'emplacement le plus profond,
qui, grâce au mouvement de bascule, se trouvait au nord sur le terrain paléozo-
ïque. Ainsi la rivière s\'est creusé avec peine une vallée étroite (fig. 13, p. 34,
à droite) dans les roches du Silurien et du. Dévonien et elle a laissé intact le
bassin pliocène où l\'érosion auraitété infinement plus facile et rapide.

-ocr page 51-

La vallée de la Tet entre Thuès-les-Bains et Ria peut être appelée vallée
épigénétique pour deux raisons. Premièrement elle doit son origine à la repar-
tition d\'une ancienne plaine d\'érosion (celle de Nyer, d\'Escaro, etc.). Si cet e
plaine ne s\'était pas étendue jusqu\'à l\'emplacement actuel de la riviere, elle
n\'aurait pas pu s\'enfoncer là où elle est. En second lieu, cette plame doit son
origine à son tour à l\'ancienne extension d\'un dépôt, celui de l\'Astien qui, depuis,
a disparu. C\'est de la répartition primitive de ce dépôt que l\'emplacement de
la Tet dépend. N\'oublions pas, cependant, que la rivière suit une dislocation
ceUe qui Umitait le bassin astien du côté nord, et qu\'elle occupe donc au fond
une vallée tectonique.

PARTIE INFÉRIEURE DU BASSIN.

Traits généraux.

On serait tenté de chercher en aval les prolongements des niveaux de la
moitié supérieure du bassin. Cependant, on n\'y réussira guère: au lieu des niveaux
rencontrés jusqu\'ici, des surfaces moins
élevées s\'y rencontrent. Plusieurs raisons
en sont la cause.

Une première est que la Tet coule en aval de Ria dans le Pliocène. L\'érosion
est teUement facihtée dans ce terrain meuble que la Tet y a fortement élargi sa
vaUée aux différentes époques succédant à la formation du niveau de Ville-
franche. Elle a créé ainsi une série de nouvelles plaines fluviales et enlevé ce qu\'iï
y restait de niveaux plus hauts. Cette action s\'est continuée pendant le Quater-
naire jusqu\'aux temps récents.

Aussi, dès que la Tet est entrée près de Ria dans le Phocène, l\'aspect du bassin
change complètement (voir fig. 13, p. 34). Au lieu d\'un plateau élevé coupé
par des vallées étroites et profondes, on y trouve une plaine alluviale et des
terrasses quaternaires peu élevées d\'une grande largeur. Les trois terrasses
près de Prades, par exemple, sont respectivement larges de P/4, de 2 et de plus
de 3 km. C\'est aux terrains paléozoïques et granitiques des deux côtés du Plio-
cène qu\'on peut s\'attendre à retrouver les mêmes surfaces que dans le bassin
supérieur. Cependant, plus loin, un autre raisonnement montrera qu\'il n\'en est
pas tout à fait ainsi, parce que les surfaces du bassin supérieur n\'ont pas con-
servé en aval leur hauteur primitive au-dessus de la rivière actuelle. Elles se sont
approchées de la Tet en descendant plus fortement que la rivière. Aussi l\'érosion
a pu les y détruire plus facilement à cause de leur moindre élévation au-dessus
de la base d\'érosion.

L\'effet en est encore renforcé, parce que plus en aval l\'érosion agit plus
vite à cause du volume plus grand des rivières. Ainsi dans la partie inférieure
du bassin des surfaces plus récentes ont substitué les surfaces plus anciennes
du bassin supérieur.

Description.

Quant aux surfaces d\'Escaro et de Villefranche, on n\'en retrouve que de faibles restes
dans cette partie du bassin. Ils sont situés contre le bord sud (voir p. 33).

-ocr page 52-

-nbsp;• - -Un niveau moins élevé se rencontre dans une partie des collines des environs de Clara,
de Villerach, d\'-Estoher. Leur sommets aplatis atteignent souvent une hauteur jusqu\'à 570 m
environ. Quelques sommets cependant atteignent un peu plus de 600 m. C\'est là probable-
ment l\'altitude d\'un ancien niveau d\'érosion, celui de Villerach, les autres collines ayant été
abaissées par ruissellement, (voir fig. 13, p. 34).

Ces hauteurs descendent à peu près régulièrement jusqu\'à la terrasse a\'quot; de Prades et
de Los Masos. Les traces des degrés sont presque effacées dans ces collines de Pliocène meuble
à formes arrondies. Mais plus en aval, un long ride s\'étend loin vers le N jusqu\'à Marquixanes,
formant un barrage qui termine le bassin de Prades. Sur ce long ride un niveau de 440 à 460
m, celui de Marquixanes, peut être distingué, bien que vaguement.

L\'existence de ce ride transversal se comprend aisément: le sous-sol, en ce cas le granite,
traverse la Tet et affleure près de Marquixanes sur la rive droite. Évidemment pendant la
période où la Tet coulait sur le niveau de Marquixanes elle a formé une large vallée qui
dépassait au nord la limite du Pliocène et s\'entaillait dans le granite. Même à présent un
replat portant le point 444 m, donc appartenant à la même surface, s\'est conservée sur la rive
gauche en face de Marquixanes. Après le soulèvement la Tet s\'est creusé une vallée dans la
surface de 450 m, laissant exister un petit lambeau de granite sur la rive droite. Ce lambeau

a empêché la rivière
d\'exécuter une érosion
latérale de grande im-
portance.Le ride trans-
versal a donc été pro-
tégé par le granite.

La surface de Mar-
quixanes se retrouve
encore à quelques en-
droits plus en aval.
Conformément à la
pente de la rivière, les
collines y diminuent
d\'altitude, jusqu\'à
moins de 350 m. Elles
représentent peut-être
un niveau qui est dé-
veloppé au N de la
Tet où nous l\'avons
appelé Niveau de Cala-

droi. Enfin on rencontre la ,,terrasse de 100 mquot;, celle de Los Masos sur le troisième ride
transversal, celui de Rodes, à 280 m. Probablement les collines auxquelles la pittoresque
bourgade de Bouletemère est adossée, appartiennent à cette terrasse i).

Tous ces niveaux se rencontrent en aval de Marquixanes sur trois autres rides trans-
versaux, qui sont tous attachés à un lambeau de granite s\'avançant au S de la rivière. Les

-nbsp;rides sont sépaxés par de basses plaines fluviales à terrasses peu élevées.

r Le ride en amont de Vinça n\'a qu\'une faible étendue (a, fig. 15). Celui qui vient en aval
de cette ville est plus important. Il est attaché au rocher granitique qui porte la chapelle St.
Pierre (b, fig. 15). Celui-ci barre la vallée de la Tet à un tel degré que la rivière est obligée de
la traverser dans un défilé étroit. Enfin la vallée est barrée une dernière fois par les collines de
Rodes (c, fig. 15; voir aussi fig. 16). Le rocher granitique du château de Rodes est séparé du
massif de la rive gauche par un dernier détroit profond de la Tet.

Les plaines fluviales séparant les rides sont formées en grande partie par les affluents de

1) L\'étendue de cette terrasse est cependant moins grande qu\'elle n\'est figurée sur
la carte géologique (feuille de Prades). Le ride de Marquixanes (450 m), par exemple, n\'y
appartient pas.

Fig. 15.

Vallée de la Tet en aval de Vinça, vue vers l\'E. a, b, c: rochers gra-
quot;nitiques de la rive droite. Vi: Vinça, S.P.: Chapelle St. Pierre,

R: Rodes.

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la Tet, tandis que la rivière elle-même n\'a eu qu\'une petite part dans leur formation. La
première est celle de Vinça (fig. 15, 16). L\'action combinée des rivières venant d\'Espiraet de
Finistret l\'a formée, en enlevant le ride pliocène qui les a séparées autrefois. La colline isolée
à l\'W de Vinça en est un témoin. Probablement la rivière de Rigarda s\'est primitivement
déversée dans cette plaine (pendant la période a^\'\') mais elle a été dérivée plus tard vers l\'E.
Elle aboutit dans la rivière de Glorianés et sépare le deuxième ride transversal du bord sud
du bassin.

PLATEAUX AU N DE LA TET.

Dans la partie inférieure du bassin au S de la rivière seuls des niveaux
peu élevés se sont conservés. Ceux qui sont plus anciens ont été détruits, surtout
par l\'érosion facile dans le terrain pliocène. C\'est dans le massif ancien en partie
granitique, au N de la Tet, qu\'il faut en retrouver les vestiges, puisqu\'ils s\'y sont
taillés également.

En effet, plusieurs replats plus ou moins horizontaux accompagnent la
Tet, quelques-uns ont une telle largeur qu\'ils se présentent comme des plateaux.
Généralement ils sont taillés comme des paliers dans des élévations plus anciennes
situées plus en arrière.

Cependant des difficultés se présentent, quand on cherche à les identifier
avec les surfaces anciennes du bassin supérieur. Seulement dans la région au
N de Prades, que nous décrirons d\'abord, la paralléhsation est à peu près possible.
Mais en aval de Marquixanes les niveaux ne pourront être rattachés que difficile-
ment à ceux du bassin supérieur, car une interruption y sépare les deux groupes
de surfaces.

Région au N de Prades.

Les niveaux d\'érosion sont peu développés aux pentes du grand massif calcaire, qui sur-
monte le bassin du côté nord, jusqu\'à Villefranche et Ria. Il y a un petit replat de 1025 m
environ (appartenant peut-être au niveau de Nyer), de petits mamelons de 900 et de plus de
800 m (qu\'il faut rattacher alors aux niveaux d\'Escaro et de Villefranche,) et enfin un éperon
de 650—660 m, appartenant peut-être au niveau de Villerach.

A cette chaîne calcaire succède une autre, contrastant singulièrement avec la précédente.
Elle se compose de schistes siluriens, dans lesquels les rivières ont été capables d\'exécuter une
forte érosion latérale. Aussi les différents niveaux d\'érosion de la Tet s\'y étendent plus loin
vers le N. Voilà pourquoi l\'extrémité S de la chaîne a été abaissée assez fortement. Un replat
de 1060 m pourrait appartenir au niveau de Nyer comme celui de plus de 1000 m au-dessus
de Villefranche. Le replat, situé sur le faîte entre les deux vallées doit être formé par
les deux ruisseaux latéraux, ensemble avec la Tet. Le replat indiqué 803 m est évidemment
un vestige de la surface d\'érosion de Villefranche. Au versant S de la chaîne suivante, celle
du Roc de Jalère, on n\'en trouve, au contraire, que des traces peu distinctes, au-dessus de
Cattlar et près de Comes. Leur indication sur la carte ne peut être que provisoire.

Sur une étendue plus grande, de la même manière que sur la rive droite de la Tet, des
niveaux inférieurs sont répandus, surtout celui de Villerach. A Molitg il forme des plateaux
qui se poursuivent dans le fond de la vallée de la Castillane. Cette rivière, qui d\'abord coule
sur l\'ancien fond de vallée, occupe, plus en aval, une gorge profonde taillée dans cette surface.
Le creusement en arrière n\'a pas encore atteint la partie supérieure de la vallée. Enfin,
immédiatement au-dessus de la Tet, on rencontre à 400 m environ les vestiges d\'une terrasse
surmontant la rivière d\'une centaine de mètres. C\'est évidemment la terrasse a^quot; de Los
Masos, qui dans le terrain pliocène sur la rive droite s\'est développée beaucoup plus

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Au N de Marquixanes le promon-
toire 1024 m de la chaîne du Roc Jalère
s\'approche de la Tet. Son versant est
plus raide, et bien qu\'il soit irrégulier,
on n\'y peut distinguer nettement les
niveaux décrits jusqu\'ici. A cause de
cette interruption, les replats qui suivent
en aval sont difficiles à rattacher à ceux
en amont de ce promontoire. Aussi ils
seront traités à part.

Plateaux proprement-dits.

Le premier est celui d\'Arboussols,
qui s\'étend au N de Vinça (comparer
fig. 16). Il a là environ 580 m d\'altitude.
Bien que coupé en éperons par des ruis-
seaux taillés profondément dans le granite,
il a une surface sensiblement horizontale.

La paroi montagneuse qui se dresse
au N porte sur ses flancs quelques pro-
montoires de plus de 700 m. Un d\'eux est
une masse rocheuse atteignant 765 m, à
profil concave, aboutissant dans un
rocher nu. C\'est le type d\'un témoin forte-
ment attaqué d\'une extension ancienne
de masses plus élevées (Rocher de Mar-
ceval).

En prolongeant la surface d\'Arbous-
sols en amont on éprouvera des diffi-
cultés. En admettant une pente normale,
on arriverait au-dessous du niveau de
Villefranche et au-dessus de celui de
Molitg-Villerach. Il s\'agit peut-être de
l\'effet d\'un abaissement postérieur du
niveau de Villefranche. Autrement la
surface d\'Arboussols serait une surface
intermédiaire taillée dans celle de Ville-
franche. C\'est à celle-ci que pourraient
appartenir les replats de 670 m au SE
de Molitg. Le Rocher de Marceval se ratta-
cherait au premier cas au niveau d\'Escaro,
au second à celui de Villefranche.

L\'éperon oriental, celui du Mas de
Llusanes, permet une vue étendue vers
l\'aval (fig. 16). Un paysage très remarqua-
ble se présente à cet endroit. En direction
orientale un vaste plateau s\'étend jusqu\'au-
delà de Montalba, d\'une altitude inférieure
à celle du palier d\'Arboussols. Sur ce
plateau sont parsemées ça et là de
curieuses collines peu élevées à pentes
concaves. Sur une d\'elles le village de
Montalba est bâti. Plus proche s\'élèvent

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des collines plus étendues et des rides, entre lesquels le plateau se prolonge en forme de
larges vallées. Les sommets de ces collines sont de la même altitude que le niveau
d\'Arboussols et en sont évidemment les vestiges. Les larges vallées sont le résultat d\'une
période de creusement de longue durée. Les eaux se sont entaillées alors dans le plateau
d\'Arboussols et y ont érodé latéralement de larges vallées mûres. Plus en aval elles ont créé
une nouvelle plaine, le plateau de Montalba actuel, ne laissant exister que des collines
isolées. Le plateau d\'Arboussols est séparé de la zone à collines du plateau de Montalba
par la vallée de Tarerach. Les larges vallées mûres, prolongements du plateau de Montalba,
aboutissent dans cette vallée transversale à de larges terrasses dans le même niveau de 470 m
environ. Le ruisseau actuel a creusé une vallée plus profonde dans ce fond ancien. Mais en
amont en s\'approchant de Tarerach, le ruisseau actuel coule dans cette ancienne vallée
eUe-même. Il écoule du curieux cirque de Tarerach à fond plat de 500 m d\'altitude, appar-
tenant au niveau de Montalba, et entouré en hémicycle des parois escarpées de la chaîne de
la Roc Jalère.

Le bord sud du plateau de Montalba est découpé, comme celui d\'Arboussols, par les
affluents de la Tet, formant tous des gorges profondes dans le granite. L\'altitude de 480 m
à rw diminue à 420 m à l\'E de Montalba, et à 400 à l\'extrémité orientale du plateau, où il
est coupé par la vallée de la Gabarysse. Mais au-delà de cette vallée, des vestiges du plateau
de Montalba sont conservés dans la forme de buttes isolées ou de rides dont les sommets
atteignent environ 400 m (une seule même 431 m). Entre ceux-ci se trouvent de nouveau
de larges vallées mûres, qui plus loin à l\'E se réunissent en une nouvelle surface d\'érosion,
encore moins élevée que celle de Montalba. Les surfaces comme celles d\'Arboussols et de Mon-
talba sont groupées comme gradins l\'un au-dessus de l\'autre: ce sont des replats de pied-
mont; leur origine sera expliquée plus tard.

Les difficultés de parallélisation de la surface d\'Arboussols se présentent également
pour celle de Montalba (comparer fig. 18, p. 48). En la prolongeant en amont on arrive un
peu au-dessous de celle de Molitg-Villerach et au-dessus de celle de Marquixanes. De nouveau
s\'offre le choix entre un niveau intermédiaire ou une légère déformation (abaissement) du
niveau de Villerach. Nous sommes plutôt inclinés à adhérer à la deuxième hypothèse, vu que
la même déformation se présente pour plus d\'un niveau.

Les vallées anciennes du dernier niveau que nous ayons rencontré, taillées dans la
surface de Montalba, se réunissent en direction orientale pour former un plateau plus cohé-
rent. Ce plateau de Caladroi est bientôt interrompu par le massif du Força Réal, entourés
d\'un paysage de collines irrégulières; ça et là des vestiges du plateau de Montalba s\'y recon-
naissent. Seulement à l\'E de ce massif un plateau étendu, celui de Calce, réapparaît, apparte-
nant probablement au même niveau. Ses extrémités occidentales s\'élèvent jusqu\'à 270 m,
mais il n\'a en moyenne que 240 m d\'altitude, et s\'abaisse lentement vers l\'E. A son bord il
est entouré de la terrasse des „alluvions anciennesquot; (pi). Souvent celle-ci s\'est taillée avec
une pente plus forte dans la surface de Calce. A quelques endroits, cependant, la descente
du plateau est très lente, formant un plan incliné qui indique le bombement de la chaîne.
Dans le plateau de Calce aussi, quelques chaînons s\'élèvent, qu\'on pourrait rattacher au niveau
de Montalba.

Le plateau de Calce est, dans le territoire étudié, le seul qui se soit développé en
partie sur le terrain mésozoïque (liasique). Ce fait n\'a pas, du reste, d\'autre Influence
morphologique que la production de quelques phénomènes karstiques, vu que le terrain
mésozoïque s\'y compose de calcaires.

Conclusions.

Les plateaux au N de la Tet et les paliers du bassin inférieur sont du même
genre que ceux du bassin supérieur. Ils doivent leur existence aux mêmes

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processus: aux relèvements successifs de la montagne; aussi faut-il les considérer
comme des replats-de-piedmont, rangés en escalier l\'un au-dessus de l\'autre.
Chacun d\'eux est un système fluvial concave se taillant dans une surface plus
élevée, qui s\'est bombée et soulevée au-dessus de la base d\'érosion du système
fluvial (fig. 17, premier croquis).

Déjà après ou pendant le premier mouvement l\'érosion s\'entaillait dans
le massif soulevé. Le réseau fluvial s\'y creusait et élargissait ses vallées,
qui enfin devinrent si larges qu\'on peut mieux les désigner comme des plaines
fluviales. Une telle plaine a été bombée et soulevée ensuite, et de nouveau le système
fluvial s\'est entaillé dans cette plaine soulevée (fig. 17, deuxième croquis).

Pour avoir une idée du caractère de ces mouvements se faisant à chaque
endroit et à
chaque époque, il faudrait connaître les différents niveaux sur toute
leur étendue. La distance entre eux indiquerait alors les déformations subies
par les différents niveaux l\'un après l\'autre. Cependant, les niveaux supérieurs
étant détruits en aval par les niveaux moins élevés et plus récents, il n\'est plus
possible d\'observer leur prolongement vers l\'aval. Cherchons donc entre toutes
les déformations (prolongements courbés) possibles celle qui est la plus pro-
bable.

quot;. On pourrait, par exemple, prolonger en aval un niveau quelconque, comme
celui de Nyer (ou de Villefranche) en conservant la même hauteur au-dessus
de la rivière. Il serait alors descendu vers la plaine avec une forte pente. Mais
qu\'une telle pente forte ait jamais existé, voilà ce qui est très improbable. Une
telle terrasse de 500 m au-dessus de la rivière dans le bassin inférieur n\'aurait
jamais permis à l\'érosion de l\'enlever complètement en un temps limité, ni d\'y
creuser à sa place de larges plames fluviales peu élevées. Il est donc infinimerit
plus probable que le prolongement du niveau en question soit descendu en aval
un peu plus fortement que la rivière, qu\'il s\'y soit donc rapproché des niveaux
inférieurs. Qu\'une telle pente d\'une surface élevée soit plus forte que celle de
la rivière, se comprend aisément.

Un système fluvial se creuse, comme on sait, plus profondément dans
une surface élevée que celle-ci ne s\'élève au-dessus de la nouvelle base d\'érosion.
Or, au cas d\'un bombement d\'une montagne, ce sont les parties plus à l\'intérieur
de la montagne qui se sont élevées plus haut que les parties périphères.
Aussi la surface bombée se rapproche plus de la nouvelle base d\'érosion, à mesure
qu\'on s\'éloigne du centre de la montagne. Il se peut même que le bombement
n\'ait pas affecté la partie tout à fait périphère de la montagne (fig. 17, deuxième
croquis a^—b^). Cette partie reste alors dans sa position primitive, et le nouveau
système fluvial ne s\'y entaille pas. Aussi deux surfaces fluviales successives, qui,
dans l\'intérieur de la montagne, s\'élèvent l\'une au-dessus de l\'autre, pourront
coïncider aux bords du massif montagneux.

AppHquons ces considérations à notre région. La surface d\'Arboussols
par exemple s\'élève d\'une centaine de mètres au-dessus de celle de Montalba
dans la zone où elles se touchent. Mais il est bien possible que le prolongement
- théorique de ce niveah d\'Arboussols ne s\'élève, plus en aval, que d\'une cinquan-
taine de mètres au-dessus de celui de Montalba. Il se peut même que quelque

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part en aval l\'une se réunisse à l\'autre. Aussi ne s\'étonnera-t-on pas de ne
pas trouver les vestiges du plateau d\'Arboussols comme un palier distinct à
une hauteur constante au-dessus de celui de Montalba.

Les mêmes considérations s\'appliquent aux niveaux du bassin supérieur ,à
ceux de Nyer, d\'Escaro et de Villefranche. Ces niveaux étant conservés en amont
de Marquixanes comme de petits replats, surtout au N de la Tet, c\'est en aval
où ils pourront s\'être rapprochés l\'un de l\'autre ou même avoir coïncidé (fig. 17
troisième croquis). Ils s\' y sont sans doute inclinés, de sorte qu\'ils se sont rap-
prochés en même temps de la surface de Villerach; peut-être un ou plusieurs
d\'entre eux se sont réunis à celle-ci plus en aval. Il en est de même pour

le plateau de Calce, par exemple: son extrémité coïncide peut-être avec plusieurs
des niveaux plus élevés du bassin.

En cherchant suivant les mêmes principes le prolongement hypothétique
de la plus ancienne surface du bassin (celle de Nyer), on arrive à un tracé qui
ne s\'élève que peu au-dessus des points les plus élevés des replats-de-piedmont
successifs. Car plus la surface de Nyer et les autres surfaces anciennes
s\'élevaient au-dessus de celles du bassin inférieur, plus les rivières ont dû enlever
de matière en les formant. Ou, en d\'autres termes: plus était le travail que les
rivières ont dû exécuter en taillant les surfaces inférieures, et plus était le temps
dont elles avaient besoin. Or, le temps disponible à la formation de ces larges
plaines fluviales (taillées dans le granite) a été très limité. Aussi une descente
régulière, donc une élévation faible au-dessus des niveaux inférieurs, représente
la déformation la plus probable de la surface la plus ancienne du bassin. Cette
déformation ne s\'est pas produite à un moment donné, c\'est le total de tout les
mouvements successifs que le bassin a subis au cours des temps. Les autres replats
ont pris chacun à leur tour la fonction de la partie d\'aval des replats précédents.
Aussi ils n\'ont subi que les mouvements qui ont été postérieurs à leur formation,
et qui, d\'ailleurs, avaient tous le même caractère de bombements réguhers.

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La conclusion à laquelle ces discussions ont mené a aussi quelque importance
pour l\'interprétation des chaînes de montagne qui entourent le bassin inférieur.
Ce sont p. e. celles au N des plateaux d\'Arboussols et de Montalba et celles du
pays des Aspres. Elles s\'abaissent toujours dans une direction orientale et leur
altitude devient moindre que celle des surfaces du bassin supérieur. A première
vue on serait tenté de les considérer comme appartenant à ces surfaces; les
sommets des chaînes qui surmontent le plateau de Montalba (de 540 et 507 m)
seraient alors les prolongements de la surface d\'Arboussols par exemple, les
chaînes de 700 m dans les Aspres représenteraient une des surfaces du bassin
supérieur, etc. Mais il n\'en est pas ainsi: suivant l\'opinion émise ici ces sommets
surmontent les surfaces plus anciennes, abaissées et détruites ici, aussi bien que
le niveau de Montalba et les autres surfaces inférieures. Il s\'agit donc de mon-
tagnes plus anciennes; par conséquent elles seront traitées au chapitre sur le cadre
montagneux du bassin.

C\'est surtout par rapport au plateau de Calce (surface de Caladroi) que se
pose la question des mouvements eustatiques. M. Mengel admet l\'existence
d\'un littoral qui, à présent, se trouve à 280 m d\'altitude. Le système fluvial qui y
correspondrait aurait pu former le niveau de Caladroi, les autres niveaux étant
trop élevés. Ce niveau ne serait pas formé, selon cette hypothèse, par un soulè-
vement particulier à cette région (aux Pyrénées orientales). Le plateau de Calce
serait alors d\'une origine un peu plus récente, se trouvant au-dessous de 280 m.
Cependant, nous n\'avons pas cherché à résoudre cette question, qui s\'écarte
trop loin de notre sujet; toutefois il fallait la signaler.

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CHAPITRE V
CADRE MONTAGNEUX.

INTRODUCTION, COMPARAISON AVEC LA CERDAGNE.

Les formes du relief décrites jusqu\'ici, avaient toutes un rapport bien visible
avec les sédiments néogènes: elles étaient plus jeunes. Leur formation a été
séparée de celle des sédiments par un laps de temps dans lequel le plissement
se produisait.

Quant au cadre montagneux entourant ce bassin, le rapport avec les sédi-
ments ne peut être établi directement. Toutefois, vu le caractère des sédiments
on s\'attend à ce que ce cadre existe déjà au moment de la sédimentation. Plus
tard nous pourrons confirmer cette première impression; alors les rapports avec
la sédimentation en seront établis i).

En outre, le cadre a assisté au plissement du Pliocène et l\'on se demande si
cet événement n\'a pas laissé ses traits sur l\'aspect de la montagne.

Pour ces questions, nous pourrons profiter des résultats de l\'étude morpho-
logique de la Cerdagne. Dans ce dernier bassin M. Boissevain a réussi à déterminer
l\'âge des éléments morphologiques élevés dont le bassin de la Tet ne fournit
pas de données.

Dans la description suivante il a paru utile de commencer par les éléments
morphologiques les plus élevés, et d\'aborder ensuite la question de ses rapports
avec le bassin, pour terminer avec les promontoires s\'étendant vers la Médi-
terrannée.

La Cerdagne.

Il faut résumer en quelques mots la morphologie de la Cerdagne et de sa
bordure. Dans ce bassin des couches argileuses (avec des lignites) et sableuses
d\'âge pontien ont été déposées, passant vers le sommet en des sables et des
graviers plus grossiers. Ces dépôts néogènes ont été disloqués, comme ceux du
bassin de la Tet, mais surtout suivant des failles. Le bassin est situé à une plus
grande altitude que celui de la Tet: l\'endroit le plus élevé où le terrain néogène
se rencontre, est à peu près de 1600 m. Cet endroit fait partie de la vaste plaine

1) Le bassin se rapproche donc du second des deux types de bassins définis par MM.
Gignoux et Fallot
(12, 1927). Toutefois il s\'en distingue dans plusieurs respects;
notamment le caractère disloqué et la disparition des bords primitifs sont des traits qu\'il
a en commun avec le premier type de ces auteurs.

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Fig. 18. Coupes orographiques des massifs montagneux au N et au S de la Tet. Les coupes, exécutées d\'après la carte 1 : 200000, n\'indiquent, par
conséquent, qu\'assez schématiquement les formes principales. Échelle des longueurs 1 :
300 000, hauteurs exagérées 5 x. Les lettres indiquent
les surfaces de Nyer, d\'Escaro, de Villefranche, de Villerach, de Marquixanes, d\'Arboussols, de Montalba et de Caladroi.

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ondulante du Col de la Perche, de 1600 m en moyenne, qui couvre aussi bien le
Pliocène disloqué que le sous-sol. Donc cette plaine peut être datée comme plus
récente que les derniers sédiments. Aussi M, Boissevain lui a attribué un âge
plaisancien.

Puis, des soulèvements se sont produits, pendant lesquels une partie du bassin
s\'est enfoncée de nouveau. C\'est ainsi que les surfaces d\'érosion de 1470 et de
1420 m furent créées. Seuls les bords du bassin et la plaine de la Perche, dans
laquelle un petit lambeau de Phocène mentionné ci-dessus s\'est conservé, ont
échappé aux nouveaux affaissements. Ce sont ces parties-là qui ont à présent
l\'altitude de 1600 m environ.

Autour du bassin, dans le cadre montagneux, il faut chercher les éléments
morphologiques qui seraient synchroniques aux sédiments pontiens. Puisque,
pendant une longue période, il ne s\'est déposé que des couches extrêmement
fines, sans intercalations grossières, il faut que la sédimentation ait eu lieu dans
un pays fortement dénudé. Les montagnes, s\'il y en avait, y étaient éloignées
des rivières. En effet, les traces d\'une telle surface se rencontrent partout dans
les massifs montagneux environnants. Ces massifs sont en majeure partie com-
posés de plateaux étendus de 2000 à 2400 m, qui constituent le „Niveau des
Fonds des Cirquesquot;. Celui-ci est surmonté seulement des sommets les plus élevés,
atteignant 2800 à 2900 m („Niveau des Crêtesquot;). Les plateaux ne sont pas tout
à fait homogènes, mais composés quot;à leur tour de différents pahers successifs;
aux bords de la Cerdagne plusieurs de ces surfaces, dont la plus ancienne a 2300 m
d\'altitude, sont superposées. Dans l\'intérieur du massif du Carhtte, les plateaux
sont encore plus élevés, de sorte que les sommets ne les dépassent que de 400
à 500 m.

L\'ensemble de ces plateaux, donc le Niveau des Fonds des Cirques, est con-
sidéré depuis longtemps comme une pénéplaine (ou mieux: une série de replats-
de-piedmont) soulevée. Selon M. Boissevain c\'est dans celle-ci que les argiles
à lignites se sont formées. Toutefois, l\'altitude égale de tous les sommets de cette
région indique l\'existence d\'une pénéplaine encore plus ancienne (Niveau
des Crêtes).

NIVEAU DES FONDS DES CIRQUES AUTOUR DU BASSIN DE LA TET

Le cadre montagneux du bassin de la Tet n\'est que le prolongement de celui
de la Cerdagne. Par rapport aux masses au-dessous de 2000 m les deux bassins
ne forment qu\'un seul, car ils ne sont séparés que par la Plaine de la Perche
qui, elle-aussi, est un lambeau effondré au-dessous du Niveau des Fonds des
Cirques. Les deux bassins ne forment qu\'une seule longue dépression dont le
segment le plus élevé est la Perche. Cette dépression sépare donc complètement
les deux massifs montagneux, qui l\'accompagnent des deux côtés.

Comme en Cerdagne on distingue dans les hauts plateaux plusieurs
replats-de-piedmont. Sur la carte morphologique il en a été indiqué deux, mais
probablement ceux-ci ne sont pas homogènes non plus.

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Les hauts plateaux au S de la Tet.

Les hauts plateaux de 2000 m et davantage ne sont pas très répandus au S de la Cer-
dagne, beaucoup moins qu\'au massif du Carlitte. Sur la carte de M. Boissevain ils sont indiqués
jusqu\'au Pic de Gallinas, où seuls quelques promontoires en témoignent la présence.
Il en est de même dans la chaîne qui suit à l\'E. Quelques replats à l\'E du Pic des Cimbeils,
près du Col de la Pale etc., indiquent que le niveau a existé également ici.

Plus à l\'E les sommets du Niveau des Crêtes font défaut: nous sommes arrivés
dans la région des hauts plateaux. Ces plateaux sont conservés sur de grandes surfaces
dans la chaîne principale et également sur les chaînes latérales. Mais plus celles-ci s\'éloig-
nent de la chaîne principale, plus elles deviennent aiguës et plus les restes des plateaux
deviennent restreints. C\'est facile à comprendre : tout le massif est entaillé par des ruisseaux qui,
depuis la source jusqu\'à l\'embouchure, s\'enfoncent de plus en plus profondément dans

Fig. 19. Le Niveau des Fonds des Cirques au S. de la Tet, vu vers le S. A: au fond de la vallée de Mantet.

B: au fond de la vallée de Py.

l\'ancienne surface. Donc, dans leur cours supérieur, les vallées laissent entre elles les plateaux
intacts, tandis que plus en aval les pentes raides de deux vallées voisines se touchent, (ou
à peu près) sur la crête qui les sépare, ne laissant exister rien ou presque rien d\'une surface
aplatie.

Un premier groupe de hauts plateaux est situé dans le fond de la vallée de Mantet,
d\'abord à plus de 2400 m (Porteille de Mantet), puis s\'abaissant jusqu\'à 2300 m (fig. 19A).
Seuls des sommets isolés surmontent d\'un peu ces plaines ondulantes (Cime de Pomarole
2457 m, Puig de Collade Verde 2520 m). Ce sont de faibles monticules dénudées et attaquées
de toutes parts, restes de sommets plus élevés.

Dans le fond des vallées de Py (fig. 19B), la série se prolonge en l\'Esquerde de Routja,
et enfin en la vaste Pla Guillem, ayant une altitude moyenne de 2300 m. Sur les chaînes
latérales le plateau s\'abaisse et l\'on peut y distinguer nettement le niveau inférieur (fig.
18B au premier plan). Celui-ci comprend, par exemple, le vaste plateau du Pla Segala (2100 m,
sommet 2227 m), le Bois de Sacaillouse et la Collade de la Roquette (2048 m—2100 m).
Même sur la crête à l\'extrémité du Pic des Très Estelles (2096 m), de petits fragments de cette
plaine ancienne se retrouvent.

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Le Canigou.

Après la plaine du Pla Guillem la chaîne se relève jusqu\'au Niveau des Crêtes à 2650 m
(fig. 19 B). Elle s\'y présente comme une large crête arrondie et ondulante, comprenant
le Pic de Rougeat de 2700 m, et se prolongeant jusque dans la Serre de Roc Nègre (2708 m).
Mais, d\'abord, un embranchement se dirige au N, aboutissant au sommet du Canigou
(2785 m), qui avance ainsi comme un contrefort dans des environs plus bas.

De tous côtés il a été attaqué par l\'action torrentielle et par les glaciers qui n\'en ont
laissé exister que des arêtes aiguës. Néanmoins, l\'existence antérieure des mêmes systèmes
aplatis peut s\'observer encore: les arêtes entre les cirques profonds ont toutes, sur une
certaine étendue, la même altitude (2422 m, 2413 m, ± 2460 m). Si on les réunissait par
une surface tangente, on obtiendrait une plaine de plus de 2400 m, surmontée des sommets
du Niveau des Crêtes auquel appartient le Canigou (comparer fig. 18). Un niveau d\'érosion
encore moins élevé, entourant aussi le Canigou, est faiblement indiqué par des ruptures de
pente aux altitudes 1847 m, 1805 m, 1847 m („Niveau intermédiairequot;, voir p. 60). Après
ces dernières interruptions, la montagne plonge rapidement vers le bassin: c\'est le grand
escarpement.

Le Massif du Pic Madrés.

Par ce nom nous indiquons le massif montagneux au N de la Tet, dont le Pic Madrés
est la culmination (2471 m).

Les chaînes occidentales, formant la bordure de la plaine du Capcir et de la Quillane,
appartiennent toutes aux plateaux de 2000 m. Il en est de même de la chaîne du Pic de là
Tausse, chaîne qui accompagne la profonde vallée de la Tet entre Mont-Louis et Thuès-les-
Bains (voir fig. 18 et fig. 21). Sa crête très arrondie ondule à une altitude de 2000 m environ
et contraste avec les arêtes déchiquetées de l\'autre versant de la vallée de la Tet. Le centre
de la chaîne du Mont Cornât atteint également une altitude de plus de 2000 m, et se rattache
à la même surface d\'érosion.

Dans le groupe du Pic Madrés et les chaînes qui en rayonnent^ se trouvent aussi des
plateaux plus élevés (surtout Planai de la Pelade, 2360 m), correspondant avec les plateaux
dans l\'intérieur du massif du Carlitte. Le Pic Madrés ne s\'élève que peu au-dessus et ne semble
pas appartenir au „Niveau des Crêtesquot;.

Conclusions.

Il résulte de cette description premièrement que la bordure montagneuse
du bassin de la Tet a tous les caractères des massifs entourant la Cerdagne. Les
mêmes plateaux (Niveau des Fonds des Cirques) s\'y rencontrent: ceux de 2400 m
dans le fond des massifs, descendant jusqu\'à 2000 m vers les bords. Seulement
les plateaux sont beaucoup plus coupés par des vallées, à cause de la situation
plus profonde de la base d\'érosion. Principalement les plateaux qui, se trouvant \'
dans les fonds des vallées, sont éloignés des rivières et des bassins, sont conservés,
tandis que dans les chaînes latérales il ne reste rien que de petits lambeaux.

Dans cette plaine des sommets s\'élèvent atteignant 2800 ou 2900 m („Niveau
des Crêtesquot;). A l\'W il y en a tant que les plateaux n\'y sont plus visibles; à l\'E
le Canigou et les sommets au S de celui-ci appartiennent au Niveau des Crêtes.

La détermination de l\'âge des plateaux autour de la Cerdagne s\'applique
également à ceux de la Tet. Ceux-ci ont été soulevés de la même manière et
jusqu\'à la même hauteur que ceux-là: ils forment des blocs homogènes avec le
pourtour de la Cerdagne. Aucun d\'eux n\'a subi en direction longitudinale de
bombements ou d\'affaissements importants.

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Ce n\'est qu\'à l\'E du Canigou qu\'a eu lieu la déformation qui, nécessairement,
accompagne les bords d\'un bloC soulevé. Ce fait a une importance spéciale pour
le bassin aussi. Le bassin a également une zone de déformations: les niveaux
soulevés, se trouvant assez horizontalement dans la partie supérieure, se sont
infléchis, de sorte qu\'ils atteignent la plaine, eux aussi. Le massif du Canigou
n\'ayant pas été déformé à l\'W du Canigou, il en est de même du bassin. (Autre-
ment, il faudrait admettre que le massif du Canigou et le bassin eussent subi in-
dépendamment l\'un de l\'autre des mouvements jusqu\'aux temps récents. C\'est
ce qui est très improbable.)

C\'est donc seulement en aval du méridien de Marquixanes et du Canigou
que la zone de déformations du bassin se sera trouvée. Voilà la même conclusion
à laquelle nous sommes venus dans la description des niveaux au N de la Tet
(p. 45).

Les extrémités des chaînes latérales au-dessus du bassm s\'abaissent égale-
ment. C\'est là l\'effet ou bien d\'un infléchissement des plateaux, infléchissement
qui accompagnait les divers effondrements postérieurs, ou bien de l\'existence
d\'un niveau intermédiaire. Nous l\'avons indiqué provisoirement par ce dernier
nom sur la carte morphologique.

Il est curieux de remarquer que l\'emplacement des vallées dans le Niveau
des Fonds des Cirques était plus ou moins le même que celui des vallées actuelles.
Les hauts plateaux s\'abaissent — on le sait — vers les vallées actuelles; c\'est
donc en partant de vallées sur le même emplacement que les paliers successifs
entre 2000 et 2300 m se sont taillés. C\'est, du reste, ce que les bassins pontiens
démontrent encore plus clairement.

Probablement le soulèvement ne s\'est pas produit au N et au S de la Tet jusqu\'à
exactement la même hauteur. Au S les altitudes des hauts plateaux sont généralement plus
élevées que celles des plateaux au N de la Tet. Ce fait pourrait indiquer un relèvement du
massif au N par rapport à celui au S, tendance que nous avons indiquée déjà en expliquant
(p. 38) le cours de la Tet.

NIVEAU DE LA PERCHE (Fig 21i ).

Ensuite l\'histoire est devenue plus mouvementée: toute la montagne s\'est
soulevée, mais une partie restait en arrière, donc s\'affaissait par rapport au
massif montagneux, peut-être suivant des failles. Des parties de ce fossé, ren-
fermant les dépôts miocènes, s\'effondraient même plus bas. Celles-ci sont les
bassins de la Cerdagne et de la haute vallée de l\'Aude: du Capcir.

Bientôt un nouveau système de plaines fluviales s\'est formé dans la partie
affaissée, surtout en Cerdagne (Niveau du Casteillou, 1720 m, suivi du Niveau
de la;Perche, 1580 m). Ce réseau fluvial doit avoir été bien tranquille, vu la largeur
et la pente faible des vallées (voir fig. 21^, p. 56). Aussi la composition hthologique
des sédiments marins du Roussillon, étant surtout des marnes, est en parfaite
harmonie avec ce fait: aucun dépôt grossier ne fut apporté par ces rivières.

Quel était ce système fluvial, dans quelle direction se déversait-il? Pour
répondre à cette question il faut examiner la vallée de la Sègre (comparer fig. 20).

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A présent la Sègre et ses afflùents ont creusé des vallées avec de larges terrasses
dans une grande partie du niveau de 1600 m. Celui-ci est conservé comme un
palier élevé autour de ces formes plus récentes. Mais plus à l\'E, près du Col de
la Perche, la Tet, à peine plus large qu\'un ruisseau, coule sur la surface-même

de ce plateau de 1600 m. Il n\'y a donc pas la moindre crête entre les deux réseaux;
seulement la Sègre se trouve à un niveau plus profond que la Tet.

Voilà ce qui n\'est pas une disposition primitive. Il faut donc chercher l\'ancien
partage des eaux entre la Tet et la Sègre. D\'abord on pourrait supposer que la
plaine de la Perche fût formée par la Sègre. Alors la Tet aurait captivé le ruisseau
qui, à présent, en forme le cours supérieur (de la source jusqu\'à Mont-Louis).
Mais ce serait contraire à la direction de ce ruisseau, qui se trouve dans le pro-
longement supérieur de la Tet en non pas de la Sègre.

Au contraire, à côté de cet argument-ci, il y en a d\'autres qui témoignent
en faveur de l\'autre hypothèse: la Sègre aurait captivé le cours supérieur de la

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Tet. Ce serait donc la Tet qui aurait formé la plaine de la Perche et le niveau
de 1600 m en Cerdagne. L\'argument le plus important pour cette hypothèse
est fourni par la direction des vallées latérales au nord de la Cerdagne. Les cours
supérieurs de nombre d\'entre elles sont dirigés vers le SE, contrairement à la
direction de la Sègre (voir surtout le Carol, fig. 20 à gauche). Un ou deux affluents,
qui n\'ont pas cette direction, forment un angle droit avec la Sègre, sont donc
indifférents, ainsi que la plupart des affluents du versant sud. Il va sans dire
que les cours inférieurs sont dirigés plus à l\'W, donc dans la direction de la Sègre.

Par cette hypothèse, les difficultés sont loin d\'être écartées. La horizontaUté
du niveau de 1600 m est presque aussi énigmatique au cas d\'un écoulement vers
l\'E, que vers l\'W. Et le problème de savoir oii se trouvait l\'ancien partage des
eaux entre la Sègre et la Tet s\'est déplacé, mais non pas résolu. Il ne faut plus
chercher celui-ci dans le voisinage de la Perche, mais à l\'W de la Cerdagne ou
même au-delà de Seo de Urgel.

Le nouvel affaissement qui succédait à la période de la Perche, et auquel
seule la plaine de la Perche échappait, aura soumis la Cerdagne au régime de la
Sègre. A cause de l\'effondrement celle-ci pouvait aisément conquérir cette région,
en partant du bassin de Seo, qui, lui aussi, est un bassin d\'effondrement. La direc-
tion de l\'écoulement fut ainsi retournée et les affluents furent soumis à la Sègre.

Il faut que le même phénomène se soit passé au N du Col de Casteillou.
Là aussi, tous les cours supérieurs étant dirigés vers le SE sont contraires à la
direction de l\'Aude. Ils sont évidemment capturés par l\'Aude, ce qui exphque
le coude aigu que ces affluents font en arrivant dans la plaine du Capcir. Dans
le prolongement de leurs vallées, on peut retracer dans le massif du Madrés leurs
cours inférieurs, restés tributaires de la Tet.

Ce sont, par exemple, les ruisseaux de Railleu et de Sansa. Les vallées de ceux-ci sont
séparées de l\'Aude par des cols, tronçons des anciennes vallées; par exemple le Col de Creu.
de 1712 m, et le Col de Sansa, de 1791 m. Également à l\'W de l\'Aude les vallées supérieures
ne sont barrées que par des hauteurs de moins de 1800 m. Les rivières, avant d\'être
capturées par l\'Aude, ont pu se déverser librement sur elles vers l\'E.

L\'affaissement et les captures dans la plaine de l\'Aude ont dû se produire à un moment
plus reculé que\'en Cerdagne. Car les anciens cours, quittés par les rivières, y sont plus élevés.
Ils appartiennent à un système au-dessus de la plaine de la Perche, peut-être même au-
dessus du Niveau du Casteillou.

La Tet, jadis une rivière plus importante qu\'aujourd\'hui, n\'a conservé
qu\'un seul affluent. Celui-ci lui sert à présent de cours supérieur, le cours supérieur
primitif ayant disparu.

Où sont les restes de cette plaine fluviale du système de la Perche dans
la région du bassin de la Tet? Une première raison qu\'on n\'en trouve que rare-
ment des vestiges, est que les vallées de 1600 m n\'avaient pas nécessairement
la même largeur que dans la plaine de la Perche. Surtout dans la vallée en aval
de Mont-Louis la surface de la Perche n\'a eu qu\'une faible largeur. Un tel
rétrécissement n\'est pas très surprenant. La surface de la Perche, étant dû à un
affaissement, s\'est largement développée en Cerdagne. Mais là où un affaisse-
ment ne s\'est produit que plus faiblement ou pas du tout, la même vallée n\'a
pas atteint une même largeur.

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Puis, plus on se dirige vers l\'E, plus les vallées plus jeunes deviennent pro-
fondes et ont effacé les restes du niveau de 1600 m. D\'ailleurs, ces restes ne s\'y
trouvent plus, nécessairement, à la même altitude, par suite du bombement de
la chaîne (voir p. 60).

Une dernière raison est celle-ci: la vallée principale elle-même s\'est affaissée
postérieurement à cette période, donc elle n\'est plus dans sa position originale
par rapport à la bordure du bassin. Aussi le fond de la vallée de la Tet plaisan-
cienne devrait plutôt être cherché au-dessous des couches pliocènes du bassin.
Or, le soubassement des couches inférieures rouges est, en effet, assez plat, donc
représente une espèce de fond-de-vallée large. Toutefois, il pourrait représenter
une vallée un peu plus jeune que celle du réseau de la Perche, précédant immédiate-
ment la sédimentation.

Seulement dans les vallées latérales les traces du système de 1600 m pourraient être
rencontrées. En effet, dans les vallées affluentes venant du NW (région de Railleu et Sansa),
elles sont bien nettes. Plus à l\'E, dans le fond de la vallée de Nohèdes, rien que des traces
douteuses se font voir, ainsi que dans les étroites vallées venant du S; l\'érosion consécutive
trop profonde en a effacé les vestiges.

FORMATION DU BASSIN DE LA TET (Fig.

Une nouvelle phase d\'activité tectonique produisit de profonds changements
dans l\'aspect du pays. Une partie de la Cerdagne s\'effondra de nouveau par
rapport à la bordure. Seule une bande du pourtour et la plaine de la Perche
ont été soulevées ensemble avec le cadre montagneux. Le moment de l\'affaisse-
ment nouveau a été déterminé comme étant astien, la plaine de la Perche datant
du Plaisancien.

Par suite de cet affaissement la Sègre s\'empara de la Cerdagne. A partir
de ce moment, la plaine de la Perche est devenue un col, formant le partage des
eaux entre la Sègre et la Tet. Aussi, depuis ce moment, les formes d\'érosion de la
Sègre se trouvent à des niveaux plus élevés que les formes contemporaines de la
Tet qui atteint la mer sur un parcours beaucoup moins long. Ces mouvements
s\'étant produits probablement pendant l\'Astien, il est évident que c\'est la forma-
tion du bassin sédimentaire de la Tet qui correspond à l\'affaissement en Cerdagne.

Toutefois, le bassin de la Tet s\'est enfoncé beaucoup plus profondément
que la Cerdagne, Celui-ci n\'est pas descendu au-dessus de la base d\'érosion de
la Sègre; aussi les rivières y ont continué d\'éroder, de sorte qu\'une nouvelle
terrasse se formait (celle de 1470, puis celle de 1420 m). Le bassin de la Tet,\'
par contre, s\'enfonça au-dessous du niveau des rivières et devint un bassin de
sédimentation au lieu d\'érosion. C\'est donc un mouvement complexe qui se pro-
duisit: relèvement des bords, effondrement du bassin.

Il est difficile de déterminer précisément de quel genre ont été les dislocations
suivant lesquelles le bassin sédimentaire s\'est effondré. On pourrait supposer
qu\'elles aient été des failles. Alors le bassin, étant un fossé, serait du même genre
que, par exemple, le fossé qui, en Cerdagne, contient le Miocène. Un autre argument
serait fourni par la morphologie. Au pied de l\'escarpement qui, on le sait, est le
successeur direct de ceux qui entouraient le bassin sédimentaire, se trouve une
série d\'ensellements dans les rides adjacents du bassin (voir p. 33). Évidemment

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les endroits au pied de l\'escarpement ont moins résisté à l\'érosion; aussi pourrait-
on y supposer le passage d\'une zone fracturée de moindre cohésion. C\'est là la
façon suivant laquelle souvent une faille se manifeste dans le relief. Cependant,
une telle faille ne s\'est pas rencontrée jusqu\'ici dans les mines de fer situées au
pied de l\'escarpement

Si, par contre, la dislocation a été une flexure au lieu d\'une faille, il faut
que cette flexure ait été très raide. C\'est ce que prouve l\'existence du grand
escarpement. Celui-ci n\'a certainement plus la pente primitive de la dislocation
à laquelle il doit son origine. La dislocation, même si elle a été une flexure,
a donc été plus raide que l\'escarpement actuel.

Les faits relatés jusqu\'ici nous permettent de préciser la hauteur du soulève-
ment des bords du bassin et le niveau qu\'occupaient les rivières de l\'Astien,
celles qui ont apporté les matériaux pour le bassin. Il n\'est pas facile d\'en retrouver
les traces. En Cerdagne se formaient pendant l\'Astien les paliers de 1470
et de 1420 m, mais dans le bassin de la Tet, les rivières ayant une pente plus forte
vers la mer, leur niveau était probablement moins élevé.

Il faut se demander si les gisements des sédiments en fournissent des in-
formations. A l\'endroit le plus élevé oii les sédiments se trouvent (plateau de
Nyer) ils sont situés à une altitude de 1100 à 1200 m. Pourtant, même là, les
déformations ultérieures n\'ont pas laissé le dépôt à son emplacement primitif.
Le „plissementquot; de la fin de l\'Astien a affaissé partout le Pliocène par rapport à
son encadrement: il en a fait un synclinal-fossé. Donc l\'altitude de 1100 à 1200 m
est certainement au-dessous du niveau primitif oii l\'Astien s\'est déposé. Les points
culminants du plateau qui dépassent d\'un peu l\'altitude de 1200 m, ont été
couverts de Pliocène, comme tout le reste du plateau; la base se trouvait donc
plus haut. Puisqu\'il était inférieur à 1470 ou 1420 m, on pourrait admettre une
valeur approximative de 1350 m pour le niveau des rivières astiennes dans le
voisinage de Nyer et d\'Olette.

Vu que les rivières du Plaisancien coulaient à un niveau qui à présent
serait élevé probablement de 1550 m, on peut évaluer le soulèvement des bords
de 200 m environ. Le vrai rejet cependant de ces dislocations était plus grand:
c\'est que le bassin s\'est abaissé au-dessous du niveau des rivières astiennes.
Les escarpements-de-faille ou -de-flexure, ceux qui entouraient le bassin sédimen-
taire, avaient également une hauteur totale plus grande. Aux 200 m, résultat
des dislocations astiennes, s\'ajoutait la hauteur des parois moins raides (fig. 212)
qui existaient déjà au Plaisancien.

Cette conclusion est affirmée par les conclusions auxquelles l\'étude des
sédiments corrélatifs a mené: l\'existence d\'un escarpement accusé et d\'un relief
vif et jeune entourant le bassin. C\'est ainsi que nous avons confirmé le rapport
de cet escarpement avec des dislocations, rapport supposé déjà dans l\'étude des
sédiments. En outre, la place de ces dislocations dans l\'ensemble des phénomènes
et dans la suite des mouvements a été établie.

1) Toutefois, une faille rencontrée dans le bassin en-dehors du territoire occupé par le
Pliocène, pourrait appartenir à la phase post-astienne, celle qui disloquait le bassin sédi-
mentaire.

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On serait tenté de chercher des terrasses appartenant à ce niveau, c. à. d.
aboutissant dans la Tet à l\'altitude de 1350 m. Mais il n\'est pas du tout certain
que, pendant la sédimentation, de larges fonds de vallées se soient jamais formés.
C\'est que toujours au cours de la sédimentation des éléments très grossiers sont
amenés au bassin; donc, une forte érosion s\'est effectuée par des rivières à
forte pente, qui étaient capables de transporter des cailloux volumineux.

Aussi les terrasses trouvées sous celles de 1600 m ne seront probablement pas équiva-
lentes aux sédiments. Du reste, elles sont généralement plus élevées qu\'un niveau de 1350 m
ne fait supposer. Ce sont p. e. les replats de 1450 à 1500 m au N d\'Olette et de Jujols, de
1400 m au-dessus d\'Oreilla, de 1500 m au SE de Nyer. Je suis incliné à les attribuer à un
stade un peu plus reculé que la sédimentation: à l\'Astien ancien par exemple.

Pendant la sédimentation le bassin continuait de descendre, de sorte que les
dépôts devinrent de plus en plus épais. Toutefois, cette descente ne se produisit
pas partout jusqu\'à la même profondeur. Au milieu du bassin de Prades, par
exemple, au moins 400 m de sédiments furent déposés, non compris la partie
détruite par l\'érosion. Au plateau de Nyer, par contre, le dépôt actuel, qui, en
outre, s\'est enfoncé encore une fois après l\'Astien, ne se trouve que moins de
200 m au-dessous du niveau des rivières astiennes.

Dans cette même période le cadre montagneux a continué probablement
de s\'élever. Aussi les rivières s\'y sont toujours entaillées. C\'est ce qu\'indique le
manque de terrasses bien nettes et la production guère interrompue de matériaux
grossiers.

Enfin le mouvement s\'est intensifié en devenant un „plissementquot; accompagné
d\'un soulèvement qui, cette fois-ci, soulevait le bassin ensemble avec son cadre
montagneux (fig. 2P). Au troisième chapitre nous avons décrit les effets de ces
dislocations sur les sédiments; au quatrième ceux sur l\'érosion. Le dernier cha-
pitre sera consacré à en définir le caractère.

Le bassin, bien que se soulevant ensemble avec le cadre, est resté en arrière,
cette fois aussi. Il est bien possible que ce ne soit pas seulement suivant les
flexures et les failles-limites visibles qu\'il s\'est enfoncé. C\'est que des zones
fracturées, parallèles à ces failles, se trouvent dans le sous-sol ancien en dehors
du Pliocène. Même suivant la faille ou la flexure au pied de l\'escarpement le
mouvement peut s\'être produit de nouveau.

L\'EXTRÉMITÉ ORIENTALE DES CHAÎNES: „PLISSEMENTquot; ET
MORPHOLOGIE.

Les promontoires.

Sous ce nom nous désignons toutes les chaînes de moyenne montagne, qui
à l\'W s\'attachent aux massifs du Madrés et du Canigou. Elles s\'étendent, tout
en s\'abaissant, jusque loin vers l\'E, dans la direction de la mer.

Ces régions sont les parties qui opposent le plus de difficultés à l\'analyse
morphologique. C\'est dans ces deux extrémités des massifs qu\'est située la zone
de déformation qui, nécessairement, est intercalée entre les massifs montagneux
soulevés et la plaine côtière où les roches anciennes sont enfoncées au-dessous
du niveau de la mer.

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Une première difficulté est qu\'une telle déformation peut se produire en
formes différentes: en faille, en flexure, en pente régulière, en série d\'ondulations
etc. D\'autre part, le phénomène ne s\'est pas produit à un moment donné, mais
au cours d\'une longue évolution. Pendant cette évolution quelques phases à
mouvements plus intenses se sont marqués; dans ces phases le caractère du mou-
vement peut avoir varié. Toutefois, en vue de la descente assez régulière des
chaînes au N de la Tet, une déformation en pente quelque peu régulière est le
plus probable et nécessite d\'admettre une histoire érosive assez simple. Mais à
cette déformation simple se sont ajoutés de temps en temps des phénomènes
de détail plus complexes, comme par exemple des ondulations.

Il résulte de cette considération que les différents niveaux d\'érosion ont été
tous déformés, mais pas nécessairement de la même manière. La ligne indiquant
leur infléchissement peut avoir une courbure différente. Ensuite, il se peut
que la déformation ait eu Heu dans des zones plus ou moins différentes. Donc la
distance absolue et relative des surfaces a pu être très variable. Dans ces condi-
tions il ne serait pas, utile d\'établir quelque évolution hypothétique, qui n\'aurait
d\'autre valeur que celle d\'une supposition quelconque. Aussi les chaînes au N de
la Tet sont indiquées sur la carte morphologique comme des unités pas plus
différenciées.

Description du promontoire au N (comparer fig. 18, p. 48).

Trois chaînes rayonnant au SE du Pic Madrés sont importantes. Leur extrémités
s\'abaissent jusqu\'à 1800 m et 1700 m. Il est difficile de dire s\'il s\'agit d\'un niveau à part
(„Niveau intermédiairequot;). On pourrait en douter, vu la répartition limitée de replats à ces
altitudes-là. Ils pourraient aussi bien être la suite de l\'infléchissement des niveaux plus
élevés, phénomène qui aurait accompagné l\'affaissement du bassin.

La troisième dès trois chaînes, la principale, ne se détache pas du Pic Madrés lui-même,
mais en est séparé par le Col de Jau. Celui-ci, à 1513 m, représente peut-être, comme les
cols plus à l\'W, l\'ancien réseau de la Tet plaisancienne.

Autour de Mosset, le caractère des chaînes change considérablement. La chaîne au N
est couronnée sur une grande longueur d\'une plaine ondulante (la Clauze) d\'une altitude
moyenne de 1100 m. Dans cette plaine des chaînons plus élevées sont répandues. Celles-ci
atteignent 1200 et 1300 m (Roc de Roussillon etc.). Le chaînon le plus au NW est attaché
aux hauteurs de 1600 à 1700 m.

Dans l\'autre direction la plaine ondulante s\'abaisse et en même temps les sommets
diminuent d\'altitude (1170 m. Roque Jalère 1104 m). Enfin la chaîne devient un dos arrondi,
à crête aplatie, qui descend lentement. Au point 1024 m (voir p. 42) elle est le plus approchée
de la Tet, puis la direction devient NE. Au-delà du cirque de Tarerach, l\'altitude, devenue
d\'abord de 850 m, descend jusqu\'à 700 m, de sorte que la chaîne ne peut plus y être distinguée
des terrasses avec lesquelles elle se soude plus ou moins.

Dans ces conditions on n\'a pas de données suffisantes pour ranger le plateau de la
Clauze dans un des niveaux connus dans l\'intérieur de la montagne. On ne pourrait faire
que des suppositions. Pourtant, en voyant la large plaine, on pense involontairement aux
larges vallées du.niveau de la Perche. Si, vraiment, ces deux phénomènes sont contem-
porains, les chaînes du „niveau intermédiairequot;, descendant jusqu\'à 1600 m, pourraient
représenter le niveau de 2000 m infléchi. Nous venons de le supposer plus haut. Il nous
semble impossible et indésirable — vu les données à notre disposition — de pousser plus loin
la comparaison de ces surfaces. Peut-être une étude des Corbières adjacentes permettra-t-elle
une conclusion plus satisfaisante.

Au nord de la chaîne du Roc Jalère, parallèlement à celle-ci, est située une autre, qui

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en présente en grands traits le même caractère. Elle s\'approche de plus en plus de la Tet,
de sorte que son extrémité orientale fait partie de la bordure du bassin de la Tet. Cette chaîne
est plusieurs fois interrompue et ne consiste qu\'en montagnes isolées. Après l\'interruption
dePézilla, la chaîne regagne l\'altitude de 807 m (Col St. Jean); après elle s\'abaisse en ondulant
à 590 m. Une nouvelle interruption, de 440 m, fait le Col de Belesta.

Après le col, le terrain s\'élève en une large colline de formes adoucies, arrondie de toutes
parts, dont le sommet a 540 m. Elle est entourée de quelques témoins du plateau de Montalba
et du plateau de Caladroi.

Enfin, après le plateau de Caladroi, la Força Réal se dresse jusqu\'à 507 m, formant un
cône isolé à parois souvent concaves.

Conclusions.

Pour cause nous avons poussé notre description de la bordure montagneuse
du bassin jusqu\'aux derniers chaînons loin à l\'E, quoique leur altitude soit
inférieure
aux niveaux de la Tet dans la partie occidentale du bassin même.
En expliquant l\'origine de ces niveaux de la Tet, tous postérieurs au „plissementquot;,
nous avons cherché le prolongement vers l\'aval de ces hauts niveaux de Nyer,
d\'Escaro et de Villefranche. Ceci nous a conduit à l\'hypothèse qu\'en aval les
anciens niveaux s\'approchent des niveaux inférieurs et coïncident peut-être
avec eux en certains cas. Tout ce qui les surmonte fait alors partie des chaînes
anciennes.

Le caractère des chaînes est en harmonie avec ces faits: elles s\'abaissent,
sans que des pahers très nets se distinguent. Leur formes mûres (par places mêmes
concaves) font penser à des éléments exposés depuis longtemps à l\'action de
l\'érosion.

Si ces prolongements des chaînes appartiennent vraiment au cadre ancien
du bassin, il en résulte qu\'ils ont été témoins du plissement post-astien et qu\'ils
en ont subi l\'influence. Un ,,plissementquot; des éléments morphologiques n\'existe
pas dans les hauts massifs montagneux: la grande horizontalité des plateaux de
2000 m en est la preuve. Du reste, le Néogène entre ces massifs, celui de la Cerdagne,
n\'est pas non plus vraiment plissé, seulement affaissé suivant des failles. Mais
plus près de la fin de la chaîne la situation est différente. Le Pliocène du bassin
de la Tet est plutôt ondulé qu\'affaissé verticalement; par conséquent, les mon-
tagnes enserrant le synclinal ont plus ou moins participé à ces mouvements et
représentent alors des anticlinaux plutôt que des „Horstquot;. L\'existence d\'un
deuxième bassin néogène, celui d\'Estagel, au nord de la chaîne, prouve la nature^
anticHnale de la chaîne, située ainsi entre deux syncHnaux.

Cette nature anticlinale explique premièrement que les chaînes se sont
conservées malgré l\'érosion qui les attaquait des deux côtés: c\'était une région
à tendance de surélévation. En second lieu on comprend facilement que des
niveaux bien définis ne se trouvent plus sur sa crête.

Les Aspres.

Le promontoire méridional a beaucoup d\'analogies avec celui au N; mais
aussi quelques différences qui en font un pays d\'un autre caractère. Les difficultés
de l\'analyse en sont les mêmes.

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Les niveaux de 2000 m se prolongent dans deux chaînes qui s\'abaissent tout à fait
comme au N de la Tet: ce sont le Puig des Bessis (1777 m) et le Puig de l\'Estelle (1738 m).
Comme là ils proviennent ou bien d\'un infléchissement du Niveau des Fonds des Cirques
ou bien ils représentent un niveau intermédiaire. Le premier d\'eux est séparé des Aspres
par une vallée profonde, leurs rapports ne sont donc plus visibles. Les chaînes, qui sont
attachées au second, sont toutes considérablement moins élevées, ce qui pourrait indiquer
une déformation à descente rapide. Au N se rattache tout un massif dont les crêtes ont en
moyenne 1100 m d\'altitude. Elles constituent une surface, ondulant irrégulièrement, culminant
dans le sommet arrondi de 1346 m au Col de Montporteil. Ce sommet a l\'aspect d\'une mon-
tagne ancienne dans un pays plus aplati qui s\'élève à présent de 1100 m (premier niveau
des Aspres). Peut-être pourrait-on le comparer avec le niveau de la Clauze au N de la Tet,
qui est à la même altitude, et qui, lui aussi, est surmonté de chaînons atteignant plus de
1300 m. En ce cas, les mouvements des massifs au N et au S de la Tet auraient été les mêmes.
Mais la preuve que les deux formes sont contemporaines ne peut être donnée.

La chaîne centrale des Aspres s\'abaisse régulièrement vers l\'E. Des culminations
atteignent 897 m et 871 m. Puis vient une série de sommets formant le deuxième niveau
de moins de 800 m. Le Mt. Ste. Hélène, qui y appartient, est déjà une montagne isolée dans
une contrée moins élevée, grâce à sa composition de calcaire dévonien dans un pays de
schistes siluriens. Aussi dans ces schistes un troisième niveau se trouve à moins de 700 m.
Ces chaînes s\'y abaissent ensuite régulièrement à partir de 680 m.

L\'extrémité du NE près de Thuir présente quelques particularités qu\'il faut mentionner.
C\'est là que le calcaire dévonien réapparaît, ce qui a exercé une grande influence sur le relief.
Les derniers promontoires seraient attaqués facilement, s\'ils se composaient de schiste
tendre. Mais dans le calcaire l\'ancienne surface est conservée jusqu\'à la plaine. Le promon-
toire lui-même n\'est guère attaqué par les ruisseaux dans le schiste, tendant à le séparer du
corps de la montagne (à CasteInau). Depuis son sommet à l\'W, de 446 m, il s\'incline avec
une pente régulière vers l\'E.

Dans le plan incliné de cette „causse de Thuirquot; il faut voir, sans doute, une ancienne
surface, penchée plus tard; elle est indépendante des couches du calcaire qui y sont, en partie,
presque verticales. (Seulement à son pied, à 300 m environ, une des surfaces plus récentes
s\'est incisée.) Naturellement, il est impossible de dire laquelle des surfaces anciennes se
manifeste à Thuir; il est aussi probable que c\'est l\'une que l\'autre; ou plutôt: l\'une et l\'autre
en même temps. C\'est que la causse pourrait coïncider avec plusieurs d\'elles.

Qu\'il s\'agisse d\'une surface ancienne, c\'est ce qui est prouvé également par l\'existence
de lambeaux de dépôts grossiers sur la pente même de la causse. Ces dépôts sont considérés
par M. Mengel (selon la feuille de Prades) comme représentant l\'Astien du Roussillon oriental
(voir: Gisements de Thuir, p. 17).

Voici comment la montagne se termine suivant une flexure assez prononcée.
Les hauts niveaux descendent rapidement et se prolongent dans les plans de
stratification des couches pliocènes du Roussillon au-dessous de la surface du sol.
Les niveaux plus récents, moins élevés dans l\'intérieur de la montagne, se pro-
longent, par contre, dans les dépôts
supérieurs du Roussillon et ont, par conséquent,
une moindre pente. C\'est ici l\'endroit où les anciens niveaux déformés croisent
les niveaux moins anciens et plus horizontaux.

Les Aspres ne sont nullement une chaîne étroite entre deux bassins comme
le promontoire au N de la Tet; ils ne sont donc pas voûtés en anticlinal. C\'est
plutôt un massif plus homogène, qui, sans doute, a subi plusieurs mouvements,
mais qui n\'est pas „plisséquot;. C\'est donc un bloc, bordé de flexures (de part et
d\'autre peut-être de failles). Mais, bien que très large, ce bloc joue le rôle d\'un
anticlinal, puisque au S il est bordé à son tour d\'une nouvelle dépression syn-
clinale, celle de la Tech.

-ocr page 75-

CHAPITRE VI

REMARQUES GÉNÉRALES SUR LES CONCLUSIONS.

CHRONOLOGIE COMPARÉE.

Avant de comparer la succession d\'accidents du bassin de la Tet avec la
chronologie tectonique plus générale d\'ailleurs, il est utile de résumer la répar-
tition chronologique des mouvements du bassin, donc leur succession dans le
temps.

Le Pontien était une période de tranquiUité tectonique. Toutefois, les
épaisses couches de sédiments miocènes indiquent qu\'une zone élongée s\'est
abaissée régulièrement.

Une première phase de mouvements plus violents se produisit au commen-
cement du Plaisancien: c\'était l\'affaissement de la Cerdagne et du Roussillon.
La période plaisancienne elle-même, par contre, était de nouveau un temps de
tranquillité. Celui-ci se continuait peut-être pendant l\'Astien inférieur; cependant,
vu le caractère des sédiments du Roussillon, on dirait que des mouvements se
seraient produits.

Vers le milieu de l\'Astien l\'affaissement du bassin de la Tet devint plus
intense: ce ne fut pas seulement un affaissement relatif (par rapport aux massifs
voisins), mais cette fois-ci le bassin descendit au-dessous du niveau d\'équilibre
des rivières. Toutefois, cette descente s\'est poursuivie régulièrement pendant
le reste de la période astienne.

Ce n\'était qu\'à la fin de l\'Astien que le ,,phssementquot; eut lieu. Ce „plissementquot;
fut accompagné d\'un soulèvement de la chaîne toute entière, y compris le bassin.
Depuis lors, le bassin forme plus ou moins une unité avec le corps de la montagne
et en fait les mêmes mouvements.

En comparant la suite de ces divers mouvements dans le bassin de la Tet_
avec le schéma de M. Stille
{42, 1924), on observe un accord partiel avec
les phases orogéniques de ce schéma. Toutefois, des différences ne manquent pas.

La tranquillité tectonique des Pyrénées Orientales pendant le Pontien
s\'accorde très bien avec celle des autres pays. Des accidents orogéniques font
défaut: l\'enfoncement lent du bassin à lignites de la Cerdagne est un phénomène
d\'ordre épirogénique.

A la phase rhodanienne appartient évidemment la formation des failles
en Cerdagne et dans la plaine de la Perche. Dans le Roussillon elle se mani-
feste dans l\'envahissement marin et la formation des escarpements côtiers.

En ce qui concerne la période post-pontienne, M. Stille n\'admet qu\'une

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seule orogénèse à la fin du Pliocène, donc après l\'Astien, bien qu\'une „Vorphasequot;
ne lui semble pas impossible.

Dans notre région cependant, on distingue en tout cas deux phases de
mouvements plus intenses. La première est celle entre l\'Astien inférieur et supé-
rieur. C\'est la phase qui a causé la discordance entre les deux divisions de l\'Astien
dans le Roussillon, ainsi que l\'affaissement du bassin de la Tet par rapport à
sa bordure. En Cerdagne des effondrements du même genre se sont produits.

Le „pUssementquot; des sédiments du bassin de la Tet, ainsi que la formation
de failles dans le Roussillon, représentent évidemment la „phase walachiennequot;.

LES DIRECTIONS NÉOGÈNES.

Les directions des dislocations néogènes, comparés avec celles de l\'orogénèse
varistique et de l\'orogénèse pyrénéenne, ne coïncident avec aucune de ces deux.

Qu\'il y ait un angle entre les directions varistiques et néogènes, c\'est ce qui
est bien naturel. Cet angle s\'observe nettement, le bassin étant entouré de plis
varistiques qui butent contre les bords du bassin.

La divergence entre les directions pyrénéennes et néogènes est plus difficile
à démontrer. C\'est seulement depuis que M. Raguin (38, 1933) a trouvé

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des dislocations pyrénéennes dans le massif granitique de Millas, qu\'elle est bien
visible. L\'angle entre les deux directions est d\'une quarantaine de degrés. Les
dislocations du massif granitique sont, du reste, parallèles à celles des terrains
mésozoïques dans les Corbières et dans les environs d\'Amélie.

La divergence entre les dislocations pyrénéennes et néogènes démontre une
fois de plus l\'indépendance des phases orogéniques néogènes. Celles-ci forment
dans leur ensemble une évolution tectonique qui diffère complètement des phases
plus anciennes. Mais les phases néogènes entre elles constituent plus ou moins
une unité, les mouvements qui se sont succédé étant tous du même genre. C\'était
donc plutôt un seul mouvement qui se continuait toujours. Aussi les „phases
orogéniquesquot; de Stille
[42, 1924) ont ici surtout la valeur d\'une plus grande
intensité des mêmes mouvements qui se produisirent aussi bien, mais plus lente-
ment, dans les périodes „épirogéniquesquot;.

Depuis que les argiles à lignites furent accumulées pendant le Pontien
dans une dépression longitudinale, celle-ci s\'est de plus en plus accentuée. Tantôt
ce fut la Cerdagne, tantôt le bassin de la Tet, la Perche ou le Roussillon qui furent
enfoncés par rapport aux massifs environnants. Aussi, bien que le fossé longitudi-
nal Sègre-Tet soit le résultat d\'une longue histoire tectonique, il constitue une
unité structurale.

Il est à remarquer que ce fossé longitudinal ne coupe pas seulement les
directions des phs pyrénéens, mais aussi la direction de la chaîne montagneuse
comme telle. C\'est que celle-ci suit à peu près la direction de la grande orogénèse
pyrénéenne et y est évidemment hée en quelque sorte. C\'est là un fait assez curieux,
puisque le relèvement de la chaîne de montagnes date en grande partie d\'après
le Pontien. Il semble qu\'une tendance de surélévation s\'est préservée dans les
racines des plis pyrénéens, malgré la longue période de tranquillité tectonique
pendant laquelle tout le massif fut fortement dénudé.

Le système de dislocations néogènes était donc un trait nouveau, superposé
au relèvement suivant les directions anciennes. Un nouveau système de forces
a dû coopérer avec les forces du soulèvement pour former ce curieux fossé sémi-
longitudinal, coupant la montagne en direction oblique.

La tectonique néogène du fossé de la Tet fait, du reste, partie de celle de
toute la Catalogne. Je n\'ai qu\'à mentionner, quant à la Catalogne, les failles,
le volcanisme, les ondulations à grande courbure (Panzer,
33, 1926), et surtout
le fossé de la chaîne côtière catalane qui ressemble beaucoup à celui de-la Sègre
Tet et y est parallèle (Schriel,
40, 1929) i).nbsp;,nbsp;. ■ ,

CARACTÈRE DES MOUVEMENTS.

Pendant l\'évolution du fossé, le caractère des mouvements, tout en restant
le même dans son sens général, a varié quant à la forme des dislocations. Aux

1) Les tremblements de terre prouvent que l\'action tectonique se continue jusqu\'à
nos jours. Il faut les rattacher aux dislocations néogènes, plutôt qu\'aux dislocations plus
anciennes. Nous nous sommes abstenus de traiter ici les travaux de M. Mengel à ce sujet.

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formes les plus simples appartiennent les failles qui entourent le terrain miocène
de la Cerdagne. D\'un autre type sont les ondulations à grande courbure comme
celle du bassin de la Cerdagne, se remplissant d\'argiles et de lignites pendant
le Pontien. D\'une partie des dislocations le caractère n\'est pas connu avec
exactitude: c\'est le cas de l\'affaissement au milieu de l\'Astien du bassin sédimen-
taire de la Tet (voir p. 55). Il en est de même de l\'affaissement de la Perche
avant le Plaisancien, bien qu\'un caractère de faille y soit le plus probable, l\'effon-
drement contemporain de la Cerdagne s\'étant produit aussi suivant des failles.

Le plus important pour nous sont cependant les dislocations, à la fin de
l\'Astien, des sédiments du bassin de la Tet. En parlant de la tectonique du
bassin, nous avons démontré que, par suite de ces dislocations, le bassin sédimen-
taire s\'est transformé en un synclinal. Seulement la partie centrale en fut
préservée, tandis que les parties périphères furent enlevées par l\'érosion. Une
telle disposition se rapproche de celle d\'un „Beckengrabenquot; (bassin-fossé).
C\'est qu\'un tel bassin-fossé est composé lui-aussi d\'un bassin sédimentaire,
résultat d\'une longue descente régulière, s\'étant ensuite enfoncé suivant des
failles. Toutefois, ce ne sont pas seulement des failles qui ont produit la disloca-
tion du bassin de la Tet.

Auparavant nous avons parlé provisoirement de ,,plissementquot;. Bien que
les couches de l\'Astien forment vraiment une espèce de synclinal, celui-ci a
quelques traits qui le distingue d\'un vrai synclinal ordinaire. C\'est que les
flancs passent souvent à des failles qui sont inclinées vers le bassin, ce qui est
contraire au caractère d\'un plissement. Un plissement, étant généralement une
réaction de la matière plissée contre une poussée, tend à diminuer l\'étendue hori-
zontale, et effectue donc un raccourcissement. Or, une faille „normalequot; avec
pente vers le bloc enfoncé tend évidemment à étendre un massif quelconque.
Une combinaison des deux dislocations contraires exige donc une explication.

Un tel phénomène s\'explique plus ou moins, si 1\' on considère l\'affaissement
relatif du fossé comme l\'action principale. C\'est, du reste, en accord avec les faits,
vu que cet affaissement fait partie d\'une longue suite de mouvements analogues,

interrompus une fois seulement par le
„plissementquot;. Les failles plongeant vers
l\'intérieur du bassin sont également la
règle dans ces types de fossés (Haut-
Rhin, Catalogne, etc.). Si le relèvement
des deux massifs à côté se poursuit et
que le fossé continue à descendre par
rapport à ces deux massifs, le bloc
enfoncé (donc le bassin) sera de plus
en plus serré, puisque le fossé devient
plus étroit, à mesure qu\'on descend.
Aussi, au cas d\'une descente prolongée,
seul le milieu s\'affaisse plus profondé-
ment et les bords, restant plus hauts,
Fig. 23.nbsp;auront une inchnaison vers le bassin.

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C\'est seulement de cette manière-là que la descente peut se poursuivre, puisque
les couches inchnées occupent une moindre étendue horizontale que des couches
horizontales.

Selon cette hypothèse le „plissementquot; serait dû surtout à des forces verti-
cales: soulèvement des deux massifs voisins, enfoncement du bassin dans un
fossé devenant de plus en plus étroit vers le fond. Bien entendu à ces forces verti-
cales se sont ajoutées d\'autres qui ont eu la tendance d\'éloigner les deux blocs
l\'un de l\'autre. Mais l\'action principale était tout de même l\'enfoncement relatif
du fossé.

Rapports avec la „Grossfaltungquot;.

On serait tenté de rapprocher le type tectonique décrit des „Grossfaltenquot;,
ondulations à grande courbure, ou mégondulations („Undationenquot;). Sous ce
nom furent décrits — surtout par les morphologues — des phénomènes variés
depuis de vagues ondulations faibles jusqu\'aux phssements intenses. W. Penck
y englobe de vrais plissements; aussi il l\'attribue à une poussée horizontale.
M. Stille, par contre, considère le phénomène comme épirogénique; les plissements
intenses seraient dûs, selon lui, à une orogénèse qui interrompit la „Grossfaltungquot;.

Cependant, les dislocations du bassin de la Tet diffèrent de ces types-là.
C\'est que les affaissements suivant des failles inchnées en sont le trait prédominant
et que les bombements et la formation d\'un large synclinal n\'en sont que des
phénomènes accompagnant cet affaissement. Toutefois, la bordure orientale
des Pyrénées a des rapports aussi avec la „Grossfaltungquot;: surtout en ce qui
concerne la divison en une série de chaînes de caractère anticlinal, séparant des
bassins de sédimentation d\'un caractère synclinal.

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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE.

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C. Rend. 14e Congr. Géol. Int. (Espagne 1926), 1927.

13.nbsp;1930. Ch. Jacob, Zone axiale, versants sud et nord des Pyrénées. Livre Jubilal^re

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11, 1854 (répr. dans: „Du Spitzberg au Saharaquot;, Paris 1866).

15.nbsp;1907. O. Mengel, Essai sur le creusement des vallées de la Tet et du Tech (Notes

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16.nbsp;1907. — Feuilles de Prades et Céret: Tertiaire. B. C. G. F. 17 (no. 115), C. R.

Coll. 1906 (1907).

77. 1911. — Feuilles de Prades etc.: Tertiaire du Roussillon et de la Cerdagne.

B.C. G. F. 21 (no. 128). C. R. Coll. 1910 (1911).
18. 1912. — Études de Géographie Physique sur les Pyrénées Catalanes. Bull. Section
Canigou Cl. Alpin Fr. 1911 (1912).

-ocr page 82-

Chapitre V. Cadre montagneux...................47

Introduction, Comparaison avec la Cerdagne...........47

Niveau des Fonds des Cirques autour du bassin de la Tet ....nbsp;49

Les hauts plateaux au S de la Tet .............50

Le Canigou........................51

Le massif du Pic Madrés .................51

Conclusions........................51

Niveau de la Perche......................52

Formation du Bassin de la Tet.................55

L\'extrémité orientale des chaînes: plissement et morphologie ...nbsp;59

Les promontoires......................59

Description du promontoire au N..............60

Conclusions........................61

Les Aspres........................61

Chapitre VI. Remarques générales sur les conclusions......63

Chronologie comparée .....................63

Les directions néogènes ....................64

Caractère des mouvements...................65

Bibliographie Sommaire .....................69

-ocr page 83-

EXPLICATION DE LA CARTE MORPHOLOGIQUE

Equidistance 200 m (traits interrompus: équidistance 100 m).
Le Nord se trouve à 25° à droite de la direction verticale de la carte.

a: Limite du Pliocène; dislocations de la fin de l\'Astien.
b: Limite supposée du Pliocène.

c: Emplacement approximatif des dislocations ayant formé le bassin
sédimentaire.

1.nbsp;Niveau des Fonds des Cirques supérieur.

2.nbsp;Niveau des Fonds des Cirques inférieur.

3.nbsp;Niveau intermédiaire.

4.nbsp;Niveau de la Perche.

5.nbsp;Premier niveau des Aspres; niveau de la Clauze.

6.nbsp;Deuxième niveau des Aspres.

7.nbsp;Troisième niveau des Aspres.

8.nbsp;Niveau de Nyer.

9.nbsp;Niveau d\'Escaro.

10.nbsp;Niveau de Villefranche.nbsp;13. Surface d\'Arboussols.

11.nbsp;Niveau de Villerach.nbsp;14. Surface de Montalba.

12.nbsp;Niveau de Marquixanes.nbsp;15. Surface de Caladroi.

-ocr page 84- -ocr page 85-

STELLINGEN

I

De achterwaartsche erosie wordt door de meeste onderzoekers, ook b v
door
Philippson, onvoldoende verklaard.

II

bprni^\' TTquot;quot;!nbsp;^^^nbsp;^^^ de zeespiegel steeds

hernieuwde diepte-erosie tengevolge heeft, is in haar algemeene vorm onjuist.

III

De meetkundige behandeling van tectonische vraagstukken dient uit te
gaan van de ware „tectonische stijlquot; der objecten en niet van te sterk vereen-
voudigde geconstrueerde vormen.

IV

De Sociale Geographie dient het landschap te zien als de uiting van het zich

m verband met structuur en ontwikkeling der bevolking, omLmende pro^

duct^proces. Daardoor kan het landschap voor haar soms begin, maar looit
einddoel van het onderzoek zijn.

V

Productus sumatrensis is geen gidsfossiel voor het Perm.

VI

De variabiliteit dj gesteenten van het „Bushveld Igneous Complexquot; is het
gevolg van magma-differentiatie; ten onrechte echter is
Daly van meening dat
de differentiatie-producten betrekkelijk kort na elkaar geïntrudeerd zijn.\'

VII

niet quot;°^7l^ï^^™^ftsveranderingen. in het bijzonder de diluviale, door Brooks
met geheel afdoende zijn verklaard, verdienen zijn opvattingen de volle aandacht.

VIII

Turn^Vruquot;quot;^\'^quot;nbsp;Plooi-ketens in de Westelijke

Jura te hebben aangetoond, dat zij door een tweede plooiïng zijn ontstaan.

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De Penninische dekbladen zijn in hoofdzaak in prae-tertiaire tijd gevormd.

X

Heliopora en Heliolites vertoonen geen dimorphie.

XI

Het als „Grossfaltungquot; beschreven plooiïngstype der Andine-ketens in NW-
Argentinië sluit zich aan bij de „Rahmenfaltungquot;.

XII

Het is gewenscht om bij het onderwijs in de Aardrijkskunde niet uit te gaan
van de Landbeschrijving, doch van de afzonderlijke verschijnselen, die voor de
Geographie van belang zijn, in hun samenhang en verspreiding over de geheele
aarde. De landbeschrijving dient hieruit, deels door
zelf-werkzaamheid der
leerlingen, te worden afgeleid.

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