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''
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LA VIE
E T
DE
GHRISTOFLE BERNARD
VAN GALEN,
EvêquedeMutifter.
Tirez, d'excellent Manufcrits, dff
qnelqms autres Originmx,
Par M. G,
A L E 1 D E,
^îiez Jean Mokti ES..
«f.
-ocr page 15-w.
preface.
IL fCeß pint à'homme qui
n'ait fes défauts, Un'en eß
point miß qui n'ait fis bonnes
quahtez. On convient même
me le vice eflphts commun que
wtu^ ^ quni eß tr es-peu
7 rnbsp;il eß difficile
^'m^otr ceuxquißnt dumm-
amp;re. Chacun par laut pour l^ or-
ätnmre fmvant qu'ileß préoc-
^J^pé îl eß prèfque impojßble
^iie^l^renomméefoitßdelle, ^
W^on puiß^e connoître à fond
^eux qui fi font rendus celebret,
jriinJiiiMj^nbsp;......., »
-ocr page 16-PREFACE.
remment toutes chofes n'étoit
jpas Jlcommune, on en uferoit de
la forte, ^ le ;^ublk n'auroit
rien que deveritablei maisj^ar
malheur U ne fe faffe rten, quel-
que fade amp; rampant qu'il foit,
qu'on ne fajfe imprimer fur de
mauvais Mémoires., ^ fur de
frêles conjeBures.
C'eft pur éviter cêt écueil
que je ne me Jim refolu décrire
la Vie ^ les ABions de l'Evê^
que de Munfîer, qu^après en
avoir fçû de témoins oculaires
tout ce que Von en peut fçavoir,
Tlus de la moitié de fa vie s^efi
pajfée dans Pobfcurité: ou du
moins fi peu de perfonnesy ont
pris intereft qu'Une s'en trou-
ve prefque rien. Tgt;e vint-huit
ms qu'il a vécu depuis fin
éleclion, il en a emploié la plu-
part
w
PREFACE
f^rt à faire la guerre à fes fU-
jets ou à fes votfms, ce qui Va
rendu tout enfemble odieux ^
redomable. Son ejprit remuant
^ afttfétoîtfipropreauxexpe'
dmonsdifficiles, qu'ilt^yena
torn eu de fin temps dont il
IZl 'ff^'fp-'^iers , ^ dont
f^-etretlföt forti avecfuc-
tTâ 5nbsp;de fermer
te^ deconfiance: maü autant
qu'il étott facile à s'engager
mx Monarques qui lerecher^
cfJGient, autant étoit-il prompt
pmer leur parti, ^ à tourner
J^s armes contre eux, fans fe
•nbsp;de fa reputation : ni de
J^i^yer les apparences. Dans
Jesmtervales de Taix, c'efl-à-
^^re dans les momens où il fi a-
^^'tpoint d'occafwn de rien dé-
* %nbsp;doms'^
-ocr page 18-p % E F A c 1.
■dûmefiques q^il fufcitoit, ou
qu^Hré've'tUoit, le tenoient ety
mleinèy farce que le reps lui
émt funefté ^ mortel Ces deux
temps de faix ^ de guerre font
exprimez afez au long dans fin
Mfiôirefour le connohre, Afrés
' m ajfiz long récit de fes ex-
ploits amp; de fes intrigues, j'en-
tre dans le détail, ^faü votr
jiMà fbn humeur^ fin tem-
perament. T^e-làjepajfeàfes
paroles, amp; à quelques répmfes
mmorahles qui marquent fin
lt;}enie, ^ font lire jufqu'enfin
x^me quelque dijfimulé qu'il
fût î en forte que pour peu que h
Beêiurme fuiveavec appkca.
fión.illMi fera aîf^de compren-^
drequtimitPefritdec^rtîP-
ۏlt;^ommilafintpkidefgurj
^^^ ^^^^ ^ fon
p K E F A C %
Jon Qàra^ere ; fay crû que k
LëBeur mefç aur oit gré d'avoir
recueilli fes aBious, afin qu'il
àit le flaifir de les cônferer
nvec celles qu'il a apprijes en •
tant de diverJes rencontres^
Maispour le faire avec quelque
forte de fruit, il le s faut lire de
la maniéré qi/elles ont été écri-
tej^c'eft^à-dire d'un e^rit libre
fe dêsmtereffé. Ce n\(îpas icy
unEloge,ce n'efipa^ âuffltmeSa-
tire je km je blâmé ^ dû nette-
ment mapenféeJùivant lâ natu-
^^ du fujet, mais fans époufer
par ft, ^e fi Pon trouve en
^^elque Auteur le contraire de
que Je fer is., ilfautconfiderer
que les Hifioriens different en-
tre eux enplufieurs chofes, mais
dans cette diverfitéfay fuivi
meilleurs, ^ r^ay rien avan-
4nbsp;^
cé dont n'aye de tres-bonsga--
rans. Tour k fiile ,fofe ejpe-
rer que ceux qui ont un peu le
goût de nôtre Langue n'en fe-
ront pas mal-fat is fait s ; au
moins fay pris grand foin que
mon difcours n'ait rien qui cho-
que , è il ferait àfoubaiter que
tous les Ecrivains eujfent la
même exactitude. On n'êcri-
roit pas tant ^ mais on injirui-
roit davantage ; ^ tel qui ne
lit aujourd'huy que des bagatel-
les infipides .apprendrait alors
enfe jouant la délicatejfe dufi-
le, amp; à difcerner le bon fens.
LE
-ocr page 21-LE
AU
SI je nUnois que mon intérêt, il y
a long-temps que cette Vie eût pa-
^ ru en François, mais la paffion que
j ay de ne rien donner au Public qui ne
loitachevé, m'a kk attendre de meil-
ieurs Mémoires que ceux fur lefquels
Clic a été imprimée en Flaman. L'Au-
teur qui l'a faite en cette Langue avoiic
ûans fa Préface que n en ayant que
5«telques fragmens, il nefongeoitpas
^ y travailler, mais que les importuni-
tez d'un Libraire de les amis lyavoienc
^^gagé. Cet aveu ingénu eft un témoi-
guap évident que fon Ouvrageeftim-
parfait j auffi uay-je pâ me refoudre à
le
-ocr page 22-LE LIBRAIRE
le faire traduire par la raifon fiisditc,
Cependantpour nerien omettre de ce
qui paît divertir le public, amp; pourfi-
tisfàireaux emprelïemens de quelques
perfonnes de mérité qui ont tout pou-
voir fîir mon elpfît, je me fois mis en
peine d'apprendre exactement, amp; de
Içavoir d'original tout ce qui fepeut di-
re de de la Vie de l'Evêque. Mes feins
ayant eu le fuccez que je m'étois pro-
mis, je tùis tombé dans un embaras
iniprêvù, ne fçachant àquimadrelîèr
pouf mettre mes Mémoires au net j 8i
pour en faire un Corps qui eût toutes
les proportions. Ce n'eftpas que je né
connulle quantité d'Hiftoriens, amp; une
infinité de gens qui lè mêlent d'écrire :
mais des per fonnes intelligentes qni ont
vû mes Mémoires, m'ont dit que ce
{èroit dommage qu'ils eûlïènt le fort de
tous les Livres qu on imprime en Hot-
lande, c'eft-à-dire qu'ils ftillèiu écrits
en tres-inaiiyais langage, amp; d'un ftilc
fade amp; négligé. Je IçaVois déjà bien
■qu'on eft las du mauvais François, amp;
que nôtre Province eft maijncenant auffi
délicate en cela , quelle left en routé
autre chofe: xmis. la difficulté étoit de
Jouver un homme plus exarque hs.
tcnvams ordinaires, amp; qui répondît à.
^P'-p avoir long-temps -
cherche, le Cid a benimesSuhait^,
1 Auteur de ce petit Ouvra-^e eft un
interetaumien, nayantnbsp;dT
v^c. les frais de ce^LivFek^^^^^^^^^^
q-^jerçuffeque le. fragmens de I'aI
été traduits enFfan-
y a t^itde difference delun à iautrê,
que pour peu qugt;on ait le goût fin
nesnnbsp;toutes^'les pei-
S T ' Pf'®- Afin qu'on n'y Toit
îÎvStïfnbsp;en François,
»^veritable eft toute enriçhie de Rgu-
-ocr page 24-LE LIBRAIREjl^c,
ses, amp; porte le nom de TAureur qm
me fçauroit tres-mauvais gré, fi je ne
prenois pas toutes les précautions pol-
fibles pour empêcher qu'on neconfoiv
defes Ouvrages avec ceux des iucchans
Auteurs.
h K R A T A.
.page ligne îp. amp; ao. mais les grantk
froids qui furvinrent, lifex. mais le grand
froid qui furvint.
pageé3 lignedernicre, oins, Ufeic foins.
LA vie.
de l'Evcque dcMunfter.
kAmais rien ne fit mieux
'comprendre labifarrerie de
; la fortune, que la vie de Ce-
?lui dont nous entreprenons
A confiderer fa
de toute 1 Europe, cependant nôtre fierle
^ a vu peu, ou il n'ait eu la meilleure part,
dont il n'ait été un des princioaux Âr-
Imfeul , Vaucun
PmcedefesVoifins: d'où j'infeique ce
n elt point le hazard qui conduit les hom-
^^ ïoï^une fe regie fuivant
genie, amp;qu'im iiomme
aet.tetaîtlaimêmefaDeftinée. le trouve
^quot;^Ghriftophle Bernard Van-Galen
pS ™ ^quot;^Pie Gentil-homme , né Sei-.
d une Terre nommée Bifping ,en
w eitphahe, mais dontil ne pfitheriter par
„'^^^^quot;'^ure qui mérité d'être icy remar-
louvent fes chiensfur les Terres de fgs
Anbsp;Yoifins,
z La Vie ^ les AB'ioni
voifins 5 fe brouilla avec eux, particulîe-
remenr avec le Maréchal Morien, qui le fit j
avertir que celaneluiplaifoitpas; Bifping !
nonobftant cétavisnelaifîa pas de chaffer |
, à fon ordinaire, Morien touché de ce mé-
pris mét des gens aux aguets, qui fefaifif'
îenr de fort veneur amp; de fes chiens; après
avoir mal-traité le veneur, il le laifia aller,
amp; fit mourir les chiens de faim: Bifpingfe
fentanr outragé dans une partie fi fenfble
refolut d'en tirer raifon ; amp; comme il y
penfoit fans cefie , il en trompa bien tôt
l'occafion. Vn jour le Marefchal amp; lui s'é'
tant rencontrez àMunfter , après quel-
ques paroles fur l'afiront qu'il avoitreceu,
il l'obligea à tirer l'épée, amp; le pouffa fi vi-
vement qu'il le renverfa fur la place. A- ;
prés la mort du Marefchal, Bifping ayant ;
été faifi, fut mis en garde dans le GhâreaU,
deBevergeerde, où, l'affairetrarnanten^
longueur, fa femme l'alla trouver, amp;fe' -
voyant groflè quelque temps après, fe re- ;
tira for les terres de Bisping, où étant ac-'
couchée d'un fils, il fut nommé Chrifto-
phle Bernard, amp; élevé parles foins de fa
Mere j usqu'à l'a ge de cinq ou fix ans, qu'il
demeura fanspere, fans mere , amp; dénué
de tout^ tous les biens de fon!Pere, qui mou- j
mtenprifon quatre ans après la naifTance
4e fon fils Chriftophlej ayant e'té confis-
que?
parvenujusqu'àla dignité d'Evêqu\
fpc aV quot;nbsp;quot;quot; remarquoit en toutes
les Ad aons un prélude de ce grand feu qui
a {^m depmsdans un âge plus avancé : amp; à
mefurequ'ilcroiffoit, ceVeu croiflbit auffi
m Srfnbsp;formidable à fes plus fa-
nimoit, ImfaifoitentrepLdre ce Z fl
foit trembler les autres; les exercices les
^usvïolens etoientfa paffion dominante,
ce qm lui fuccedoit en forte que perfonne ne
tre ^^^ commença à fe comioî-
fnn u ■ quot; ^quot;'^^epi'enoitrien qui ne marquât
jon humeur boüiilante amp; aûive, les diW-
«lemens communs n'avoient rien de char-
mant pour lui, amp; l'on peut dire qu'il n'en-
icprenoit rien où il n'envifageât quelque
noie d extraordinaire. Malinkrot, qui
• aunbsp;l'ambition de fon Neveu étoit
delius de fa formne, ne manquoit pas
dnsies rencontres à lui rabattre fon or-
gjeii J il lui reprefentoitquele Ciel l'avoit
^auit a un état où il avoit befoin d'amis, amp;
A tnbsp;que
4: La Vie ^ les AElions-
que fon humeur fiere y étoit un tres-grand
obftade , que la neceffité devoit regier
fön ambition ^ amp; qu'enfin s'il aimoit les ar-
mes, il n'étoit pas homme à l'y pouffer.
Ces raifons fouvent rebatués touchèrent
l'efprit de Chriftofle , il les goûta, ou
fit femblant de les goûter, amp; fe refo-
lut à l'étude ; amp; foit par diffirnulation,
ou qu'il aimât efFedlivement les Lettres, il
s'y appliqua tout de bon. Son Oncle emeu
defadocdité, amp; de la deference qu'il té-
moignoic pour fes avis, n'épargna rien pour
l'avancer. Pour lui donner courage, en for-
te néanmoins que fes Etudes n'en fuffent
ps interrompues, il commença par lui fai-
re donner de petits benefices qu'on appelle
à fimple tonfure,amp; continua à l'avancer jus-
qu'à-cc qu'il parvint à la Dignité Epifco-
pale.
De fçavoir quelle Charge il exerçoit lors
qu'on l'élut Evêque 3 : c'eitde quoy l'on ne
convient pas. Les uns difent qu'il étoit
Clvanoine, les autres qu'il n'étoit que Sa-
criftain du Chapitre de Munfter : quoy
qu'il en foit, il le devint par la mauvai-
fe intelligence amp; du Chapitre amp; de fon
Oncle, lesquels ne pouvant s'accorder,
jetterent les yeux fur Chriftofle, à l'ex-
emple des Cardinaux , qui voyant leurs
jbrigues égales, de peur d'avancer un enne-
mij.
-ocr page 33-de fEvêque de Mmfler. j
S' en avancent un indifferent amp; font un
J^ape par aepit: Ce qui arriva comme il
Ferdinand Duc de Baviere, Archevêque
Padän^^l-T^^''^quot;quot;Hildesheim
xmnbsp;échût àMa-
Srfnbsp;deBaviereaprésavoir
leivulurant huir jnc r-^-j-^ 1
ténbsp;ûunage, lacapacî-
aVoifv. i ^^smœurs, amp; les Offices qu'il
Snbsp;Chapitre, autorifoient fon
giten,pecherquefonNeveunelmfdt pre-
ami^' ,nbsp;changer fon
j^^e en haine , il ne regardoit plus fon
riennbsp;, amp; n'ômic
jn pourluî oterla poffeffion d'une Dignité
La haine de
Ser '^quot;Neveu partagea les efprits tant
^e^iers^qu'Ecdefiaftiques; les Bouigeois
tonri^^®^quot; mélerent: ils murmuroienc
'^iiaut contre l'éiedion du nouvel Evê-
.A3nbsp;que
^ La Fie ^ les AElions
que par l'apprehenfion qu'ils avoient de fon
humeur altierej Malinckror au contraire
leur paroiffoit plus doux, joint qu'étant
vieux ils efpsroient s'il abufoit de fon pou-
voir, d'en être bien-tôt délivrez. Dans
cette confideration, ils s'animerent de for-
te contre leur Evêque , qu'ils en vinrent
jusqu'àl'infolence. Us difoient qu'il n'eroit
pas juftequ'unfimple Gentilhomme, Fils
d'unPeie mort en prifon,, fat élevé à une
îelie dignité, à l'exclufion de tant d'illu-
ftres Perfonnages qui la meritoieat mieux
que lui, tant à l'égard de la naiilance que
des mœurs : L'Evêque averti des difcours
qu'on femoit contre lui , les prit d'abord
pour un effet des complots de fon Oncle,
mais en étant mieux informé, amp; voyant
qu'ils parloicntplus d'eux-mêmes que par
autruy, il s'enflamma contre eux, inais il
diffimula fa haine. Entre les Magiftrats, les
uns étoient pour le Neveu, amp; les autres
pour l'Oncle : ceux-là fe mirent en devoir
de punir les coupables, maisceux-cy enfe-
crecs'oppoferentà leur colere. De l'autre
côté Malinkrot vouloir qu'on rompit l'ele-
dlion par des raifons qui ne manquoient pâs
d'apparence. Il alleguoit que les Conftitu-
tions portoient, Qu'après le deceds de l'E-
vêque il tfappartenoit qu'au Doyen d'af-
femblerle Cha|gt;itrepoui une nouvelle éle-
âion.
-ocr page 35-de tEvèque de Munfler. 7
ction, que fon Neveu ayant été élu contre
les termes ordinaires, fon éleftion n'étoit
^int Canortique, amp; qu'il falbit par con-
leqiîent reprendre les fuffrages. Pour enten-
dre la cliofe il faut la prendre de plus haut.
Lorsquel^.yêqueeftmort, les Chanoi-
cnbsp;fe déterminer fur le
nW fon Succeffeur, après lesquels ils
quot; (maisie Pape en-
nS Tnbsp;tel qu'il loi
P»ait : les Chanoines voyant que Malin-
etoit le feul
vu.e eiection ne leur parlo t de rien ils s'en
.riaigmrent d'abord'afïez
mMsvoyantlefixiémemois, amp; le peu de
tempscjuileutreftoit pour conferver leurs
dSSinbsp;contre le Doyen, amp;
gotefterentdepafferoutrefansfonconfen-
Dnvnbsp;convoquoit le Chapitre. Le
ëm;. J ^ ^^PJ^nbsp;moyen de reuffir
a'^f differer; en effet les anciens lui
voient promis leurs fuffrages, amp; ne dou-
^ -ntpasmeme que les jeunes ne les fui-
vanr ï 'nbsp;Malinkrot quelque fca-
éclairé qu'il fat étoit néanmoins' fi
ù '' chapitroit rigoureufement les
fenr^nbsp;P^« qu'ils s'oubliaf-
i'îi-,^ ^^quot;e feventé étoit pour eux un joug
^-^pporcable, amp; jugeant le temps propre
A 4nbsp;pour
8 La Vie les AElions
pourfevangerdelamauvaife humeur d'un
wcillai'dqui leur déplaifoic, ils firent une
Cabale , où les plus hardis rapellant les
mauvais rraitemens qu'ils avoient receus du
Doyen, firent apprehender l'avenir, fi le
hazard vouloir qu'il montât à l'Epifcopacj
Dans cette apprehenfion, tous d'une voix
reiblurent de l'en priver : amp; de peur que le
-temps ne diffipât leur brigue, ils le hâtèrent
de la pouffer. LeDoyen informé de rour,amp;
que l'air du bureau ne valoit rien pour lui..,
ne vouloir point permettre qu'on en vint à
la conclufion , plus il la diiferoit, plus ces
jeunesEfpritsfecabroient contre lui, jus-
«ques-là qu'ils ferefolurent de faire un Evé-
quemalgrélui. ^es plus bouillans, amp; les
plus emportez d'entre eux firent un grand
îeftinoùfe trouvèrent la plupart des Cha-
noines. Mes Mémoires ne difent point fl
c'étoit la coutume de ces Chanoines de boi-
re en tenant leur Chapitre, mais ils portent
que ce jour-là il fut bû d'importance, amp;
qu'après quantité de brindes, on entendit
ces cris de joye, paimi lesquels tous les con-
viez s'écriérent, Vive l'Evéque Bernard.
Cette proclamation fuivie d'un nombre iiv
fini de fantez alla jusques-à-Malinkrot, qui
renommant auffi Bernard, fe crût Evêquc
durant un bon demi quart dTieure. A peine
avoit'il eu le temps de goûter le plaifir de fe
voir
-ocr page 37-forte oui fn^quot;^ compliment l'étourdit de
drefnbsp;fàns y répon-
Wris un Snbsp;été
eftfonfam £ ' ^ P^'
beau?o^ènbsp;amp;facreature] a
éclat. 4linkrot SS
Ta profonde érudit of amp;
venannbsp;P^^^^ntes lui
verti Anbsp;qu'il fi^t a»
Neveu, bien-loin
putey^^S' quot;quot;^^P^rtit rudement à cesDe-
qu'on l'^f ■nbsp;étoit nulle puis
front
ftulflnbsp;decelm,auquel
_ de fEvêquede Mutifler. ^
Pour ^quot;'quot;^^'^.'i'^embler le Chapitre
qu'ils retournafenc
les nomSquot;^ ^mphces {car c'eft ainfi qu'iî
^^jommoit delà faute qu'ilsavoientcL-
^ » quils fongeaflènt à s'en repentir.
A 5nbsp;Les
-ocr page 38-10nbsp;La Vie amp; les Anions
Les Chanoines fans fefouder des raifons
du Doyen s'en tinrent à leur eieâion , ils en
écrivirent au Pape , amp; le prièrent de la
confirmer. Malinkrot irrité de l'obftination
des Chanoines,s'y oppofà vigoureufementj
11nbsp;alleguoit que l'onavoit violé les conftitu-
tions du Chapitre, amp; qu'outre que Chri-
ftofleavoitété élu contre les formes ordi-
naires , il y avoit une tache dans fa Famille
qui le rendoit indigne d'être Evêque i Qu'il
etoit défendu d'élever à la Mitre, non feu-
lement un homme qui fiit en decret, amp; fur
qui la juftice eût droit, mais que fes enfans
mêmes y étoient inhabiles ; Q^ie le Pere de
fon Neveu avoit tué un homme, qu'il étoit
mort dans la prifon, amp; qu'on avoit confe-
qué tous fes biens, amp; partant que fon Fils
Chriftofle étoit indigne d'un tel honneur. A
qjoy les autres repliquoient , Que s'ils
avoient procédé à cette éleâion fans atten-
dre fes ordres, fa negligence en étoit caufe,...
que e'étoit à lui à la vérité d'affembler le
Chapitre, mais que le temps fixé par les
Conftitutions étant presque expiré, ilsn'a-
voientpû moins faire que de fe conferver
leurs droits ; Que pour le Pere de l'Evêque,
il n'étoit point mort par arreft; que pouré-
tre mort en prifon avant la fin de fon pro-
cez, cet accident ne rendoit point fon Fils
inliabile à l'F-pifcopat.
Pour
-ocr page 39-de i'Evêque de Munfter. r i
I^our invalider ces raifons, Malinkrot re-
P-'^rçoit, qu'il reftoit encore plus de temps
^ il n'en failoit pour fauver les droits du
«apitre, amp; qu'ils nepouvoient fe laver
avoir péché contre leur Regie en l'ex-
ijant d'une éleâion qu'on ne pouvoit £ii-
eianslui- qu'au refte, encore que le Pere
^ l'Evêque élu fi.it mort de fa mort
aturelle , il n'en étoit pas moins coupa-
une moderation de juftice n'effaçant
Pa? un crime. Ces raifons bonnes ou mau-
jailes prévalurent à la Cour de Rome, elles
euremtant de poids fur l'efprit d'Inno-
cent X. que pendant fon Pontifirat,qui dura
encore cinq ans depuis, cette éledion na
jut point approuvée. Pendant le Schifmc
^Munfter, les Ennemis de nôtre Evêque
venus infolens par le pouvoir que MaUn-
triel^^?quot; à Rome, l'infulterent ouverte-
quin'' - '^ffifi'^ulation de nôtre Evéquc
quintr^^iP^®^^*^? mauvais politique, amp;
iiravp^quot; 1 meilleur temps pour pu-
^»foleS r^nbsp;leur
^rre^^ ' '^^^'^i^erablesquis'étoienten-
îorsnbsp;, fiirent bien étourdis,
lis apprirent nîi'A If^Ya,,^.« TsrjT/:, '
Vllfuc--
^bon Tnbsp;avoit approuvé l'éle-
leurEvAnbsp;^^ la bonté de
Prisle -nbsp;honteux d'avoir
mauvais parti, deferterent bien-tôt
^nbsp;après.
-ocr page 40-xz La Vie ^ les Avions
après. Pour Malinkror, il demeura ferme,
amp; fe crut même encore aflêz fort pour refi-
fter à fon Neveu, amp; même pour le traver-
fer. Il ne trouvoit point d'occafions de me'-
dire de fa conduite, qu'il ne le fit avec cha-
leur. L'Evêque fe reflouvenant du bien qu'il
en avoit receu, fouffrit tout quelque temps,
ne faifant pas femblant d'apprendre (jue fon
Oncle le flétriflbit. Le Doyen enflé du_fi-
lence que gatdoit fon Neveu , s'imagina
qu'illecraignoitj là-deifus il gagne, il en-
traîne les fujets du nouvel Evêque. Ceux-
cy ne demandoient pas mieux que d'enten-
dre fes médifauces i ils aimoient Malinkrot
?arce qu'il fembloit être plus populaire que
'Evêque i ils haiffoient l'Evêque , qui leur
paroiffoit plusaltier, moins irréprochable
en fes mœurs, amp; tres-peu verfé dans les
Lettres : il eft vray que l'Evêque n'avoit
pas mené étant jeune une vie innocente,
mais je ne fçais fi e'étoit un jufte prétexte
au Doyen pour le décrier s qui peut répon-
dre que cdui-cy fiit meilleur au même â-
ge, amp; qui ne voit que e'étoit plutôt lapaf-
fion , que l'amour de la vérité qui faifoit
parler le Doyen ? Après quelques années
paffées dans ces desordres domeftiques ; le
mal croiflànt toujours, amp; les efprits s'éloi-
gnantpeuàpeudel'obeiflànce de l'Evêque
parles pratiques defonOnclei Le Neveu
crnt
-ocr page 41-âetEvêi^Hede Mmnfler. 1.3
î^t avoir fàtisfait à fon devoir en diffimu-
lant tant d'années une haine fi dangereufe :
pour éviter la fuite de plus grands maux
qu'il çrévoyoit, il exila fon Oncle qui fe re-
^gia à Cologne, où trouvant le Nonce du
il s'alla jettera fes pieds , lui fit fes
plaintes avec tant de force , amp; plaida fa
cairfe avec tant de vehemence, que le Non-
^^ pgea abfous, annula fon exil, amp; le
^tablit ^ns fa Charge. Le retour du
Doyen réveilla la mutinerie, fes Partifans
ravis de le revoir, le fuivirent ouvertement,
amp; repnrentlearinfolence. Ontï'entendoit
parler que du mente du Doyen, qu'on op-
pofoit aux défauts de l'Evêque, mais avec
plus de malice que de vérité. Ainfi le credit
du Doyen diminuoit celui de l'Evêque,
^ais ce qui acheva de gagner les efprits en
d^'ïï!^ du premier, ce fut de le voir revêtu
à la tête de fes amis,
Fêf^ trouvez de concert un jour de
loi ^ PEghfe Cathedrale , où toutes les
I^^quot;gesétoientpour Malinkrot, les ma-
^aiChons pour l'Evêque, ces troupes ani-
es fe répondant de temps en temps,
' ^onhmc, fed
aS ^^^ profanes faifoient aUufion
, Cftoix des Juifs qui préfererent Barrabas
des S 'nbsp;demandalequel
«eux ois vouloient qu'on leur relâchât.
A 7nbsp;Un
-ocr page 42-14 La Fie ^ les ABions
Urîfcandale de cette nature fit perdre pa-
tience à l'Evêque 5 d'un côté il voyoit l'ob-
ligation qu'il avoitàfbhOncle, de l'autre
il le confideroit comme fon plus grand En-
nemi , qui faifoit fes'efforts pour lui alliener
les efprits, fans nul refped pour fa perfonne,
pour fon {kng, pour fa dignité j dans cette
confîderation il conceut contre lui amp; con-
tre les Bourgeois une haine irréconciliable,
amp; pour mieux fevanger amp; des uns amp; des
autres , il commença par demander une
garnifon dans la ville, allegant pour raifon
que fans cela il n'étoit point en fureté, qu'il
fçavoit les confpirations qu'on braflbit con-
tre lui, amp; .qu'il n'étoit pas jufte que leur
Evêque legitime fut expofé à la rage des
mécontens. L'Evêque avoit raifon, mais
comme il parloit à des fourds , il n'avoit
garde d'étré écouté ; on lui refufa fa de-
mande, amp; même avec outrage : Lui fans
fe rebuteroppofala haine à la haine, amp;nc
fongeapus qu'aux moyens d'avoir par for-
ce ce qu'on lui avoit refufé.
Avant que de pourfuivre, nous donne-
rons icy le plan de la ville de Munfter. Get
Evêchéeftfifué enWeftphalie, douze au-
tres vil s en relevent, dont les Gouver-
neurs amp;les Magiftrats font de la commu-
nion Romaine, Les habitans de la ville de
Munfter fout laboureurs pour la plupart,
L .nbsp;amp;
-ocr page 43-de l'Evêque de Munfler. 15
^nourrifTent force bétail, en quoy con-
lifte presque tout leur trafic, principale-
ftient en jambons, dont ils fourniffent la
plus grande partie de l'Europe. Les Nobles
'Ont autant de petits Tyrans abfolus dans les
VUages oil ils demeurent, les païfans qu'ils
Ont fous leur domination, y font traitez
comme des beftes, 8e: peut-être qu'il n'eft
point de pais plus rude pour ces miferables
que celui-là , amp; même que toute l'Alle-
magne ; il faut qu'ils obeïflfent aveuglément
a ces Maîtres-bmtaux qui leur comman-
dent fans difcretion , fans ordre, amp; fans
mefure. Le lieu où Munfter eft fitué fe
nommoit autrefois Mimgarden^ ou felon
d'autres Mimingarvorde , Memingero-
3amp;C. lenomdeMunfterluieft demeu-
^de celui de Monafterium, c'eft à dire
Monaftere, que l'Evêque Germain fit bâtir
^ i nonneur.de la Vierge l'an 785. ayant
^^ïenuJoi^Charles-Magne qu'il fut érigé
quot; Evêché. Tout le terroir, comme en
ye la Weftphalie, eft aux environs de
^^unfter un pais de pafturage pour toute
de bétail. Ses portes font neuf en
pombre, dont les trois qui font à l'Orient
^nomment S. Maurice, S. Servais, amp; la
^rtede Horfter : les deux du Midy font
^J-eger amp; S. Gilles ; elle en a deuxà l'Oc-
^«ent, qui font la porte-Nôtre Dame , amp;
celle
-ocr page 44-'La Vie ^ les AElions
celle de la prairie aux Juifs : deux au Septen-
trion , fçayoir de la Croix amp; duPont-neuf j
elle a doubles remparts Se: doubles folîèz,
que la riviere d'Aa fournit d'eau ; d'ail-
leurs elle femble affez forte amp; affez regu-
Iiere._ S.Paul, S.Leger, S.Maurice, S.
Martin amp; un autre, font les cinq couvents
qu'on Y voit.
Cependant Malinkrot après avoir jette
les femences de divifion parmi les fujets de
l'Evêque s'ètoit reriré à Cologne, où cha-
cun lui mandoit ce qui fe paifoit à Munfter,
amp; comme il e'toit à propos qu'il fe montrât
de temps en temps pour animer la Cabale
defa^prefence, il fe refolut d'y aller j mais
l'Evêque qui ne dormoit pas, ayant eu avis
de fa marche, le fit prendre fur le chemin,
amp; amener en fon palais. Sans perdre le
refpeft, ni oublier l'obligation qu'il lui a-
voit, il lui reprefentaqu'ilavoit un chagrin
mortel de fe voir l'objet de fa haine, qu'il
cherchoit en toute rencontre les moyens de
le fatisfaireamp;même de lui plaire, amp;que
lui au contraire s'éforçoit dele ruiner, au
lieu de lui aider à foutenir le rang où le Ciel
l'avoit élevé; Qu'il failoit bien que fon é-
leâion vint de Dieu, le S. Pere l'ayant ap-
pi-ouvée, amp; ne fe trouvant plus que lui qui
la lui (hfputât. C'étoit parler avec affez de
tetenuë pour unEvcque qui avoit la puif-
fance
-ocr page 45-de l'Evêque de Munfter. 1-7
^nce en main, amp; une fi belle occaiîon de
svangerdefonplus mortel ennemi, nîaîs
^^ parloir à un homme outragé de voir fon
manqué d'une maniéré fi impreveuë,
ûe fe voir Iiors d'état de revenir à une Ciiar-
ge qu'il croioit meriter : amp; de s'en voir en
par fon propre Neveu 5 Ces con-
fonbsp;l'occu|3oient tellement, que fans
j^^ger au peril où il fe mettoit en irritant
^vequs, il lui dit mille injures aorésliii
«voir reproché le malheur de fon Pere Sr le
avoit fait. Il ajouta que aiioy
qu il lui put arriver, il fentoit bien qu'il ns
poavoit ni moderer fa haine, m s'empêcher
de jiu nuire autant qu'il pourroit.
Après cette declaration, l'Evêque eût
ans-doute paffé pour un tres-mauvais poli-
^^nbsp;^^ Onde, quel-
juc Obligation qu'il lui eût, il ne pouvoir le
cacher, fans donner pied à tous les maux
SUi en refulteroient i amp; c'eft ce qu'il com-
F enoit bien , n'ayant pas plutôt veu fon
Ptoiatreté, qu'il commanda de l'arrefter. •
fonnbsp;il étoit habile, il avoit parlé à
u ijncie en prefence de gens qui pou-
Juftifier fon procédé amp; fa conduite i
, Jefuites avoient vu avec combien de
avoit tâché de l'a-
' r • achever de les gagner, il les
' quot;a de fuiyre fon Oncle , amp; de ne rien
mettr?
-ocr page 46-I s La Vie C^ les AEtions
mettre pour l'attirer à la raifon. Ces fà-
meuxPolitiques qui font toujours du côté
des plus forts, reprefenterent à Malinkrot
qu'il refîftoit en vain au malheur de fa con-
dition, que fes plaintes pou voient être juftes
fuivant le cours amp; les apparences mondai-
nes, mais qu'à l'égard du ciel dont les ref-
forts font inconnus aux hommes, il ne pou-
voit fs roidir contre fon Neveu fans s'en
fgt;rendre à Dieu même, le quel abaiflë amp;
éleve qui il lui plaît. Malinkrot étourdi
d'unarrefb, amp; d'un compliment aufquels
il ne s'attendoit poiut ne daigna leur répon-
dre, amp; les renvoyant brusquement, ceux-
cy firent un rapport qui obligea l'Evêque à
refoudre ce qui s'enfuit. Premièrement il
Qta à fou Oncle toutes les charges qu'il
pOiTedoit, puis, ill'enfermadans un Châ-
teau fous une bonne garde où il finit fes
jours. Tel fût le fort de Malinkrot homme
grave, fçavant, habile à s'infinuer dans les
efprits, mais extrêmement ambitieux, amp;
opiniâtre au dernier point j il avoit du dépit
que fon Neveu l'eût fupplanté, mais )e m'é-
tonne qu'un homme de fon âge fut fajec
à tant de foiblefTe, amp; fçeûr fi peu fe mode-
rer. Le refte du temps qu'il vécut, il ne
manqua point d'occafîons à procurer des
ennemis à fon Neveu : nul de tous ceux qui
ralioient voir ne s'en retouijnoit les mains
vuides^
-ocr page 47-de r Evêque de Mmjler. 19
^quot;des, il f;-avoit que c'étoit le moyen de
gagner les hommes, amp;'de corrompre les
esprits ; C'eft pourquoy il ne man quoit pas
gens qui le plaignoient amp; qui peftoient
contre l'Evêque. Sur tout il avoit foin de
^ptiver les écoliers, qu'il inviroiî par fes
o'-enfaits à fe reiTouvenir de l'état ou ils le
^oyoïent lors qu'ils feroient dans un âge
Pius avancé, g^dans les Dignitez: que
toujours fon Neveu fût l'objet de leur haine
comn-ie un ame ingrate amp; perfide qui ne
Içavoit que desobliger fes amis, amp; outra-
ger fes bien-faiteurs.
L'Evêque fe voyant en repos de ce côté-
la,ne fongea plus qu'à s'aflurer du refte; Les
bourgeois n'ayant plus de Chef, fembloient
^i^re plus fouples -aux volontez de leur Evê-
oralieroient toujours l'occafion de le per-
_ fe, L'Evêque pour les prévenir, leva des
poupes de tous cotez, amp; fitun Corps d'Ar-
^eequi effi-ayafes ennemis. Outre fes for-
ci/c l'f ^ ^^oient grandes, il receut du fecours
«es Eleveurs de Treves, deMayence, amp;
^^ologne, lesfeulsEvêquesd'Ofnabrug
mêi ^^'^ei'born n'ayant point voulu s'en
que de commettre aucun
rêSnbsp;l'Evêque dépêcha leMa-
^lai Monen pour traiter avec les bour-
geois.
20 La Vie ^ les AElions
geois. Ceux-cy ayant tenn confeil remon-
trèrent qu'ils avoient raifon de fe défier des
préparatifs de leur Prince, que fes armes
les effrayoient, mais ques'illuiplaifoitde
leur donner des afltirances qu'ils n'avoient
rien à craindre, ils étoient prefls à le rece-
voir avec toute la foumifîion, amp; lerefpefl
qu'ils lui dévoient ; qu'ils demandoient une
trêve de quelques jours pour vacquer aux
moyens de traiter avec lui avec plus de foli-
dité : que cependant ils le prioient d'em-
pêcher les desordres amp; de ne point punir
les innocens pour les coupables. Le Maré-
chal fit fon rapport, amp; fur ces entrefaites, le
Syndic de la Ville nommé Dragter fut pris
par les gens de l'Evêque au retour de la
Haye : fa prife aclieva d'éfïrayer les bour-
geois de Munfter, qui fe mirent dés lors en
défence, ne doutant plus que l'Evêque n'eût
deffein de les affieger. Après quelques ho-
ftilitez faites de part amp; d'autre, l'Evêque
plit tout d'effroy, amp; de la terreur de fes ar-
mesj Cependant les Bourgeois receurenc
fes premiers efforts avec gra'nde refolution :
ils avoient tous juré de facrifierleur vie à
la défenfe de leurs droits, amp; de ne rien ô-
mettre pour conferver les privileges qu'ils
avoient receus deleurs Ancêtres.
Les
-ocr page 49-de l'Evêque de Munjler. i i-
Les Affiegeans qui faifoient neuf mille
nommes tant Cavalerie, qu'infanterie5
hrent tonner l'artillerie de forte , qu'ils
ébranlèrent les murailles dés la premiere
jittaque. Cependant on jeaoit tant de bom-
bes fur les maifons qu'il y en eut beaucoup
ûe conliimées en peu de temps. Dans cette
chaude alarme, les EcclefialHques étourdis
0 quot;n fracas qui interrompoit la douceur de
leur vie, coLiroient de Chapelle en Chapelle
latisfçavoirni ce qu'ils cherchoient, ni ce
qu jls deinandoienr. Les moines fuivis des
enfaiisamp; des vieillards, qui n'étoientbons
a rien, faifoient des procelEons publiques ^
prioient, chantoient, pleuroient, tandis que
les filles, amp; les jeunes femmes remplif-
loient de terre des tonneaux que l'on mer-
Joit aux brèches des murailles qui s'ébou-
oient5 on ne manquoit pas de precautions,
^ais elles étoient toutes inutiles, amp; malgré
jes torrents amp; les cuirs mouillez qu'on jet-
toit lur les bombes amp; fur les grenades, on
on ^^^nbsp;que jambes,
Hue bras emportez , amp;que marques d'un
^rand carnage. Dans une telle confterna-
Saf Vnbsp;ne fçachant plus à quel
aintlevoUer, ni où fe mettre pour éviter
' il fantaifie à un prê-
re de fé garentir de l'hoftie, dans la penfée
^ - ies bombes Se les boulets auroient pour
îz La Vie ^ les ABions
lui quelque relped tandis qu'il feroit à l'au-
tel, mais à peine y fut-il, qu'un coup de
canon l'emporta comme il levoit l'hoftie.
Dans cette extrémité, les bourgeois à demi
troublez, par un refte de refolution s'expo-
ferentàunéfortie, amp; fondant fur les enne-
mis eurent quelque avantage, mais qui fut
de peu de durée, les affiegeans ayant ren-
forcé leur baterie, amp; donné fur la ville avec
beaucoup moins de relafche.
Les forces commençant à s'épuifer par-
:nii les afliegez, le Clergé, amp; les Chevaliers
tinrent confeil pour avifer aux moyens
d'appaifer l'Evêque : ou plutôt de lui faire
lever honteiifement le fiege 5 après plufieurs
injures, amp; emportemens inutiles, ils drelTe-
rent des plaintes contre la cruauté amp; l'in-
juftice de l'Evêque, qu'ils lui envoyerent
„voientfouvent fupplié de mettre bas les
„armes,amp; qu'il entrât à la bonne heure
„dans une ville où il trouveroitdesfujets
5, prefts à lui obeïr,. qu'au lieu de les enten-
„ dre,il avoit levé une armée contre les loix
3, du païs ; qu'après quantité d'extorfions, il
„ obligeoit les païfans à prendre les armes ;
„ qu'il les tenoit malheureufement affiegeZj
„ contre toute juftice , amp; contre leurs fta'
jjtuts qui défendoient de contraâier al-
„liancfi
-ocr page 51-del'Evêque de Mmjfer. 2 f
«iianceofTenfive nidéfenfive, amp; de faire
quot; ƒ guerre à perfonne que le Chapitre n'y
quot;nbsp;• l^i'à l'aiTemblée de Coei-
quot; il avoit été arrêté que l'on diftére-
'' ÏÏn quot;quot;uT ^^ de guerre ; que
.= nonobftant ces conftitutionsTces déSn-
«-^iapropreconfciencequifansdoute
'^.reprochoit le mal qu'il leur faifoit, il
» avoit levé une armée , piUé amp; ravagé
='ie pais encore à-demi abîmé par les trot
es des dermeres guerres : qu'il avoit
« mine les cloîtres, détruit les hôpitaux,
..répandu lefanginnocent, que kUrZs
. avoient fait une infinité d'orphelins rie
..veuves amp; de miferables qui reclamoient
-facompaffion qu'ilelTuyâtenfinleurslar-
. eW = licentiâtlesfoldats
=nbsp;qquot;ilnedépouiIlâtpointfon
..trS.nbsp;privileges , qu'il les
Tyran,en
.. renffnbsp;enPere,amp; en Pafteur à
jgt;c A yattee du i. de Sent lecr
Qu'iln'aSjS
.. fesfi2. Paffion que de vivre avec
quot;i^^ocurer une tranquillité parfaite, qu'U
-ocr page 52-Z4nbsp;^^^ ^^^ ASlions
5j ne les avoic regardez qu'avec des yeux de
3, pere, mais qu'ils s'éroient toujours rnon-
„trez enfans rebelles , amp; indignes de fa
„ bonté : qu'ayant tâché inutilement de les
5, gagner par la douceur, il n'avoir pîi moins
„ faire que de prendre des voyes plus rudes
pour leur apprendre leur devoirjque s'il les
,, 'traittoit en Prince fevere, il n'a voit point
„de traittement plus doux pour des fu-
„ jets rebeUes amp; pour destêtes] li revêdies :
„que fi fes armes plongeoient le païs dans
5,lamifere, c'étoit un mal qu'ils s'étoient
„attiré, amp; dont eux feuls êtoient coupa-
„bles; que pour les droits dont ils par-
loient, ils en êtoient décheus, en deman-
„dant de fecours contre lui à leurs voifins ,
aux Etats des Provinces Unies, puis
„qu'êtantleurPrincenamrel, ils ne pou-
„ voient lui désobéir fans pedié, ni lui em'
J, pêcher l'entrée de la ville, fans enfraindrc
„ les loix les plus faintes amp; les plus facrées.
Depuis ce temps-là les efprits s'enflamC'
rent de plus en plus, les affiegez à la révolte?
l'Evêque à fe faire obeïr, amp; à ranger bon
gré mal gré ces rebelles à leur devoir. O»
lançoit jour amp; nuiâ: des boulets ardents
dans la ville qui mettoient tout en feu, ^
plus le mal croiflbit, plus la haine des aflie'
. gez croiflbit contre leur Prince, n'omettapi^
îien ds ce qui pouvoir ccaitribuer à flétri
de l'Evêque de Munfier. x 5
reputation, amp; à rendre fon nom odieux,
I erreur du grand embrafement caufé par
les boulets fit une impreflGon fi profonde,
qu après avoir vomi mille imprecations
contre lui , ils plantèrent des étendarts fur
les lieux les plus éminents avec cette infcri-
pion galen est un in-
cendiaire. Les plus mutins
quot; étant pas fatisfaits de ne voir que quel-
ques etandarts plantez par-cy par-là, firent
quantité de drapeaux avec cette même in-
«-nption, amp;fe promenant par la ville, amp;
lurles remparts mêmes, crioient à pleine
tete ce que la rage leur infpiroit 5 il fembloit
que les femmes ftiflent plas emportées amp;
plus ardentes que les hommes à témoigner
«leurreflentiment contre luij Allez, di-
''nbsp;maris, vous êtes indi-
quot;gnes de vivre fi vous ne vousvangez au
quot; peril même de vôtres vie du plus mê-
quot; ^quot;ant de tous les hommes, après la perte
quot; quot;^otre pais, de vos femmes, de vos en-
quot; dd T^ ^ 'î™ empêche
g ^ ^ ^ pouvez-vous craindre
temn ^ tommes de a partie ? En même
Quinbsp;aux brèches, amp; aux endroits
qui
de
a^giffoient
fulTen. quot;'y point d'hommes qui
'^nt d un plus grandfecours.,nbsp;-
cependant le Pape ordonna par un Bref
Bnbsp;exprés
3?lt;)' La Vie ^ les Aäims
exprés à l'Evêque qu'il eût à mettre bas les
armes, amp; à lever lefiege,.fur peine d'eiv
courir fonindignationamp; fa haine; L'Evê-
que qui fçavoit que les foudres du Vatican
lîe ibnt pas fi à craindre, que ceux qu'il
avoit en fes mains, mêprilacesmenaces,
amp; perfifta dans fon deflein; montrant par
là, que pour peu que l'on ait de force amp; de
çefolution, Rome ne peut faire aucun mal,
ni intimider que les foibles; Il commanda-
que r©n preßat les aifiegez, il fit redoubler
lès attaques, amp; jetter tant dé bombes amp; de
granades dans la ville qu'on là crut embra-
zée : fpedacîe affreux, qui fit penfer aux
habitans qu'ils étoient perdus faflsrefîbur-
ce : TEvêque informé de leur trouble, les
envoya fommer de recevoir une garnifoo
de mille hommes , de fe défaire de leur
Goinmandani Wittenberg ,. amp; qu'à ces
conditions, il leur offroit fon amitié; Les;
habitans commençoient fort à felaffer, amp;
les fatigues d'un long fiege avoient: rallenti
leur courage; mais les conditions étoient
rudes, amp;1a crainte en les acceptant de fe •
mettre la corde au cou, fît qu'ils les refûquot;
lêrent.
Les Eleveurs Ecclefiafti^ues voyant leur
©piniâtreté les exhortèrent a fe reconnoitre,
„leur firent voir. Le peril qu'ils couroietif
„ eo des-obeiflànt à leur Prince, : amp; que plp^
-ocr page 55-îiïr a des conditions raifonnables, niais
que s'ils tardoient davantage, ils en des-
«peroient. Tout cela ne flit pas capable
ae les mater à fe rendre; La populace tv
^ue eft difficile à perfuader , amp; depuis
^e^e eft animée, les meilleures raifons
ont pour eUe un poifon moael. Les habi-
jans au keu de croire l'avis des Eledeurs
^animèrent à k revoke,amp; jurerent de périr
Pmtot,que d'obeir à un fi méchant homme;
Ils attendoient de jour en jour le fecours de
Hollande, amp; dans cette efperanee ils refii-
»oient tous moyens d'accommodement;
J-ependant la mifere, les incendies, les per-
«augmentoientladefolation; tout etoit
^«que ruiné, amp; les attaques redoubloient:
ÏGur- rendit infolens, ce fut d'avoir un ^
repouffé les gens de l'Evêque, qui les
8cnbsp;5 fans ordre,
rednnbsp;Ce petit avantage
tend^^^quot;^quot;^'^quot;^ affiegez : bien4oin d'en-
cfaaîn^ ^ quot;quot; accord, ils ne parloient que de
enp;^^'1^^'^evangeances, amp; de mettre
lérnbsp;ceux qui parloient de capitu-
pe^^nbsp;l'infolence amp; la furie du
depa'^'^ ■C'^apitre ne laiffa pas de parler
convcnir'^^Hquot;^' Le jour pris pour en
, il fut conclu, Que tout ce qui
B znbsp;s'étoitquot;
28 Là Vie ^ les AElions
s'étoit paffé de part amp; d'autre feroit fans
confequence ; que l'amniftie feroit gene-
rale amp; perpétuelle, amp; que toutes chofes
feroient comme elles étoient avant la guer-
re ; que l'on élargiroit les prifonniers de
part amp; d'autre ; qu'il feroit permis aux
Magiftrats d'entrenir trois cens hoinmes
pour leur fervice, mais qu'en revandieily
en auroit dans la ville cinq cens autres pour
l'Evêque, fans y comprendre fes domefti--
ques, ni fes gardes gt; que le Chef de la mi-
lice feroit ferment de ne rien entreprendre
contre les droits amp; les privileges de la ville,
que l'Evêque donneroit le mot, mais que
les Magiftrats le donneroient en fon abfen-
ce. Que pour le dirferent des clefs, l'affaire
étantalaCourImperiale, on attendroitfa
refolution là-deffus ; que cependant la villes
feroit toujours prête a recevoir l'Evêque
quand il lui plairoit d'y entrer, oii les ha'
bitans lui rendroient tout le refpedt, amp;
tout l'honneur qu'ils lui devoient. En fuite
les Magiftrats ayant prété le ferment défiquot;
délité, on ne fongea plus qu'à goûter le®
fruits d'une paix qu'on avoit ardemment
fouhaitée.
L'Evêque ayant eu l'avantage, amp; l'ap-
parence promettant quelque chofe de plf-'^
que ce qu'il venoit d'accorder, quelque^'
uns sVtonnoient qu'il eût voulu capituler^
cepefl'
-ocr page 57-de r Evêque de Âdunfier. x 9
quand ils fçeurent quelafecours
i^tatsétoit en chemin, qui faifoit crois
^ lue nommes tant Cavalerie qu'Infante-
teri ^^^cefTerent de s'étonner, amp; nedou-
de lïP. la capacité U de l'experience
fenllnbsp;Il eft vray que cette adion
QuiV^^ftoit de fonder la haute eftime
à quot; 'nbsp;avoir de lui ; Scavoir ce qui
érr?f les Cours étrangères, amp; en
Tf ri r 'nbsp;marque une bonne
re: Il tous les Souverains en ufoient de
lien cpaiper pour fçavoir tout ce qui fe
Pauç lis fe rendroient amp; redoiïtables amp; in-
nouJ.nbsp;Plquot;Paquot;fonttropavares
finsnbsp;amp;'lejGuetdeieurs\^i-
8c fro^i Evêque étant mieux inftruit,
Cj^'p ^^'^'i'^ieax ufer de la fortune où le
Pe^'^^oi^ aucune oc-
quesdenbsp;il hâtoit fes atta-
^■vec ranfquot;^^'il craignoit,mais
marcL. Pi'ecaution qu'il fut averti de fa
lohliot^^^''^ l'^bi^ans , c'eft ce qui
fouhatrnbsp;quot;quot;quot; P^^quot;^ de ce quils
ruinâtnbsp;de peur différant il ne
^eshahlnbsp;la'capitulation,
^onefie?quot;^quot;quot; peu remis deia fatigue d'un
^ se, preparerentàleurEvequenne
B 3nbsp;encrée
JO La Fie amp; les JSiions
entrée magnifique Tout marquoit dans
la ville une affez belle apparance de paix,
mais le cœur n'y répondoit point, amp; quoy
quefifièntlesMagiftrats, ils ne purent in-
duire les Bourgeois quiavoient pris les ar-
mes pour recevoir leur Prince, à tirer un
coup de moufquet en figne de réjouiflance i
TEvêque étoit trop penetrant pour ne pas
lire dans leur cœur, mais il écoit trop po-
litique pour éclater fur l'heure, amp; il lui fuffi-
foitalors d'entrer triomphant dans la ville,
amp; d'avoir domté les rebelles. Ainfi finit
la guerre de l'an i (îs 7« où il demeura 2000
hommes du côté de l'Evêque, amp; 80 des
affiegez. L'Evêque quoy qu'on fut en paix,
nelainâ pas d'entretenir des troupes beau-
coup plus qu'il n'étoit porté par le dernier
Traité, amp; de faire alliance avec quelques
Princes, même à Tinfçeu des Magiftrats
quiozerent le lui reprocher, luifoùtenant
qu'il en ufoit de mauvaife foy, amp; que ce
n'étoit pas merveille fi fes fujets fe rebel-
loient : ils ne difoient rien à l'Evêque dont
il ne fût fort bien inftruit, amp; c'eft ce qiû
l'obligeoit à tenir des troupes fur pied, amp; à
faire de grandes alliances. La haine croif-
fant tous les purs entre les deux partis, amp;
nul des deux ne pouvant fe fier à l'autre, il
furvenoit de temps en temps de petits trou-
bles domeftiques, qui donnoient à con-
noitr?
-ocr page 59-de l'Evêque de Munfi er. 31
ipîfre que la paix ne ferait pas longue. On
iientendoitque murmures de tous cotez ,
on^fe plaignoit de l'injuftice de l'Evêque ,
qR'i! avoit fait un Traité qu'il n'obfervoit
pas , qu'enfin puis qu'il y manquoit,
Ils n etoient plus oblige?, à lui obéir. A-
P'î^s, on chercha les m.oyens d'oppofer
torce à îa force , amp; de fe mettre
^rs d'état de furprifc en cas qu'ils fiiiTent
traitez. Les Magiftrats députèrent
^îs les Etats des Provinces Unies qui leur
'î-omirent ce qu'ils fouhaitoient, amp; de
leur envoyer des troupes plus prompte-
ment qu'ils n'avoient fait. Cette bonne
nouvelle enfla le cœur des habitans, amp;
^heva de leur gâter l'efprit : au lieu de là
«Cher , ils publioient par tout qu'ils ne
cr^gnoient plus leur EvêqUe , amp; qu'ils
Patrons qui les vangeroient de
jatîront qu'il leur avoit fait ; en fuite fe
vin ^ ^^^^quot;ges ^es Etats des Pro-
qu Unies , ils exaltoient leur politi-
Jl^e,ieur conduite, amp; leur Religion mê-
j. gt; l«fques-là que le bmit coumt que la
^fgence de Munfter alloit fecouer le Pa-
H une a l'exemple de leurs Protedeurs.
ërn, ^^ qui leur étoit funefte fut bien-tôt
outte par l'adreiTe des Magiftrats qui pu-
^^^srent le contraire. ° ^ ^
^ar le dernier contraftpalTé entre l'Evê-
B 4nbsp;qae
La Vie les AEiîons
que amp; fes fujets, on êtoit convenu que le
Confeil de Spier jugeroit en dernier rsf-
fort le different touchant le mot, amp; la
garde des clefs de la ville ; fuivant quoy
il fat ordonné l'an 1659. que les habirans
de Munfter étoient mal fondez à y préten-
dre , .amp; comme tels renvoyez hors de
Cour, que le droit de donner le mot amp; la
garde des clefs étoit due à l'Evêque leur
Prince legitime , amp; qu'ils devoient s'en
déporter. A quoy les Magiftrats ne voulant
point acquiefcer, reprirent requête civile,
requérant qu'on revit les pieces, avant que
deveniràl'executionde la fentence: l'E-
vêque au contraire s'adreflant à Sa Maje-
fté Imperiale,demanda qu'elle eût fon effet,
ce qu'il obtint m cas que la ville deux mois
après refusât de lui obéir. Ce que n'ayant
pas fait, l'Evêque entra en pofTefîîon de
ces deux droits , amp; de plus obtint un Man-
dement de l'Empereur, par lequel il étoit
étrangères, amp; d'annuler ce qu'ils y auroient
negotié gt; que dans deux mois ils euflênt à
fe reprefenter à la Cour Imperiale pour fe
juftifier de leur rebellion, amp; protefter de
lepr obeiifance à venir ; Ainfi l'Evêque ob-
tint tout ce qu'il foahaitoit, domta l'orgueil
de fes fujets, amp; .devint le Maître abfolu,
La
-ocr page 61-de l'Evêque de Munfter. 3 3
La Ville nonobftant ce choc ne perdit pas
oute efperance , les bourgeois faifoient
rond fur l'alliance, amp; fur l'amirié des Pro-
vinces Unies j Les Etats leui- avoient pro-
^iis de les proteger envers tous, amp; contre
cous leurs ennemis, ce qu'ils leur avoient
™rmédepms la perce de leur procès à la
yourll-noerîalp : rjponr^vPMnri-f^nnic i-i-ai-
I ^--'-'-Ui'-lJl-V-IICUIC clld.1. jiciy
anbsp;prièrent l'Evêque d'avoir égard
^l eqmté dans fon gouvernement, amp; de
«•aiter fes fujets de forte, qu'ils ne fuflent
point obligez de fe mettre de la parrie.
L'Evêque profitant d'une occafion fi fa-
vorable pour faire voir que fes fujets ne
rffpiroient que la revoke, fit fes plaintes à
iiimpereiîrde leur desobeiflance, lui en-
Lettre des Etats, amp; fupplia Sa Ma-
jette de les citer par devantElle pour rendre
conte de leur conduite , amp; fe purger du
^itne qu'ils venoient de commettre, en
demandant du fecours contre lui aux Puif-
^yçes Etrangères. Les hfbitans de leur
te avoùerent que les Etats leur avoient
F omis dufecours , mais que c'étoit fans
cune inftance de leur part, depuis qu'on
cg^'j^voitdefendu de s'allier avec les Prin-
étrangers; qu'ils ne pouvoient donner
foû^^^gi-ande nnarque .d'obeiffance amp; de
quot;'Million envers leur Prince, qu'en rap-
B 5nbsp;pellam
54 La Vk ^ les Allions
pellant comme ils avoient fait leurs Dépu-
tez de la Haye amp; d'ailleurs; qu'au refte, il
étoitimpoffihle de les convaincre d'avoir
rien fait qui contrevînt aux ordres de Sa^
M .I.Leurs défenfes furent receuès,ou plutôt
on remit cette affaire à un autre temps. Les
efprits s'aigriffant toujours , chacun crai-
gnoit de fon côté ; L'Evêque avec toutes
fes troupes redoutoit la fureur du peuple :
Gelui-cy n'ayant point de Chef craignoit
de fuccomber s'il entreprenoit quelque
chofe ; cela tenoit les partis en balance,
mais enfin l'Evêque éclata, amp; fe guérit de
toutes fes apprehenfions en tenant la ville
bloquée. Les habitans n'eurent point de
plus prompt remede, que celui d'implorer
l afTiflance de l'Empereur, ils enreceurent
un favorable accueil, amp; un Mandement à
l'Evêque de fe defifter de fon entreprife, de
cefïèrleshoftilitez, ScdelaifTerafes fujets
la liberté de leur negoce. l'Evêque écrivit
à la Cour, y fit paroître la j uftice de fes ar-
mes, amp;nefe relafcha en rien. Les boui*.
geoisquilehaiffoient, ne pouvoient fe're-
foudre de fe mettre à fa difcretion, amp; ai-
mant mieux éprouver encore une fois le
fort des armes, que de chercher à l'adou-
cir , ils fe mirent fur la défenfive. Us écri vi-
rent à la Haye l'état oii ils étoient , prefîê-
îcnt le fecours, amp; firent cependant tout ce
qu'ils
-ocr page 63-de VEvêque de Afunfier. 3 ^
•ï^Hls purent pouramufer l'Evêque , mais
S^oy qu'ils frffent. ils étoient trop foibles
pour fofitenir les efforts d'un Maître irrité,
fe vouloir vanger, amp; qui avoit la force
Tandis que le fecours s'apprêtoit en Hol-
ande, les Etats deputerent pour tenter la
quot; yoye de douceur. Ils reprefentoient à
quot;Evêque que fes fujets proteftoient de-
vant tout le monde de leur innocence à
fon égard, que Ton en croioit quelque
gt;3 chofe, amp; que cette creancelui pourroit
attirer d'autres ennemis furies bras : que
5, fi le Ciel comme il fe pouvoir faire, pre-
noit leur caufe en main, amp; leur donnât
« quelque avantage, il lui feroit honteux
» de fuccomber fous leurs efforts, amp; dç
quot; s'accommoder à de fâcheufes condi-
» tions. L'Evêquerépondit,quefifesfu-
jets étoient fages, il n'auroit garde de
quot; »es mal-traiter, que ce qu'il en faifoit,
netoit qu'en vûédeleur revolte,amp; qu'iï
ne croioit pas que des PuifTances juftes amp;
« ï'atfonnablesfongeafl'ent à les proteger:
^ gt; qu'en tout cas il verroit ce que le Ciel en
L^^neroit. Enfiiîte il fit piller les de-
la ville, gâter les bleds, amp; defo-
^ outela campagne d'alentour. Les ha-
Px^ ^o ^^^^Poiiquot; de fe voir ferrez de fi
^ ï 8c que les forces leur manquaffent
B 6nbsp;dans
-ocr page 64-3 6 La Vie ^ les AElions
daîis une telle extremité , redoublerent
leurs inftances envers les Etats Généraux
enleurfaifantconnoître qu'ils êtoient per-
dus fans reffource s'il les abandonnoient;
Le lîeur Aitzma leur Député y avoit fait
confentir toutes les Provinces excepté la
Hollande, Celle-cy avoit peine à donner
un fecours dont on pourroit fe repentir, amp;
dont il y a\îoit tres-peu d'honneur à efpe-
rer. Aitzma écrivit à Munfter qu'on lui
donnoit peu d'efperançe, que la Province de
Hollande leur étoit contraire, amp; qu'il voioit
peu d'apparence de la pouvoir néchir. La
ville fans fe rebuter lui manda d'infifter,
amp; gu'ils ne doutoient point que la Hollande
n'eut égard àleuroppreffion-Ils écrivoient
en même temps une lettre aux Etats qui
portoit ce qui fuit : Très-Hauts, amp; Tres-
„ Puiftans Seigneurs, La haute eftime que
,, nous avons de vôtre generofité , nous
35 oblige d'avoir recours à vôtre proteâion
,, contre un Tyran qui nous oppreftè, nous
„ l'appelions Tyran puis qu'il nous perfecu-
3, te, quelques efforts que nous ayons faits
i, pour lui plaire, amp; toate la terre eft té-
3, moin que s'il étoit bon Ma'tre noys fe-
3, rionsdes fujets heureux-j Mais fans vous
55 informer d'une vérité fî connue , nous
„ vous prions de vous rellbavenir que vous
3J avez toujours été k refuge des affligez, amp;
„l'afile
-ocr page 65-de I Evêque de Munfier. 37
» l'afile des iniiocens , amp; que jamais fe-
35 cours ne fut plus jufte que celui que nous
55 demandons. Cette lettre ébranla un peu,
ne fit pourtant rien conclure : la mi-
^re des habitans touchoit bien la HoUan-
' mais elle apprehendoit les fuites, joint
l'Eledteur de Brandebourg lui confeilla
e ne point entendre à leurs plaintes, de
eméler leur différend comme ils voudroi-
amp; de ne rien entreprendre cointre l'E-
La ville fe voyant fruftrée de fa meilleure
derniere efperance refolut de fe rendre à
la difcretion de l'Evêque, amp; d'accorder ce
qu'il voudroit. Après plufieurs delibera-
tions là-defTus , les Magiftrats allèrent au
qi^rtier de l'Evêque, lequel leur envoya
deux de fes Confeillers pour entendre leurs
'l'opofîtions : mais ayant infifté qu'ils ne
^es feroientqu'à luimeme, il les fit venir
.:»enfà prefence. Où ils le fupplierent de
pardonner aux innocens : qu'en apparen-
33 ce ils étoient tous coupables, mais qu'en
53ettetla|gt;Iupartne l'éroient que pour n'a-
voir pu arrêter une populace effrenée:
quot;^u'ilétoit aisé de le prouver, amp;fur tout
a 1 égard des Magiftrats amp; des notables ,
gt;:gt; desquels n'avoit trempé dans la re-
B7
„reprit
-ocr page 66-3 8 La Vie ^ les ABiotis
î, reprit l'Evêque qu'une obeïiîànceraifon-
5, nable, vous êtes mes fujets, vous vous
„ revoirez fans raifon, vous irfurpez mes
35 droits, amp; fiêtrilTez ma reputation par
„ tout : tous ces crimes vous rendent indi-
j, gnes du pardon que vous demandez ; ce-
3, pendant pour vous te'moigner que j'aime
,, mes fujets tout criminels qu'ils font^qu'on
„ m'apporte les defe de la ville , qu'on en
,, licencie les foldats , amp; nous aviferons au
refte. Les Magiftrats ayant fait leur rap-
port, on trouva les conditions rudes j les
„mutins s'écrioientqu'ilsaimoient mieux
55 périr que de faire une paix homeufe, que
33 c*e'toit fe lier les mains que de rendre les
„ clefs à un homme qui en abuferoit fans
„ doute, amp; qui ne demandoitqu'à renëre
J, leur condition pire que celle des délaves.
Pour peu de munitions qu'on eût eu dans
la viUe , il eft certain qu'on n'eut point
accepte les offres de l'Eveque, quoy qu'il
dît, il étoit à craindre qu'il ne les mal-trai-
tât, amp; Inexperience faifoit foy(]^u'onne s'y
devoit point fier ; Mais les vivres, l'ar-
gent, les provifîons, tout y manquoit en
même temps., 8c l'on n'avoit point de ref-
fource, il y avoit deux mois que les foldats
n'avoient touché d'argent, ils commen-
çoientà murmurer, amp; l'on craignohquel-
que fedition de leur parti toutes ces confi-
^erations
-ocr page 67-LI-
-ocr page 68-àe l'Evêque dt Mmfier. 5 ^
derationsles firent rentrer en eux-mêmes j
us arrefterent qu'ils iroient retrouver l'E-
veque , devant qui le Traité fut fait aux
«ondicionsfuivantes.
Premièrement, queT'Evêque mettroit
aux portes de la viUe telle garde qu'il lui plai-
Qu'ils jureroiént de renoncer à la
Protedtion des Etats. 3. Qu'ils payeroient
comptant à l'Evêque 45 000 écus, amp; 8 000
tous les ans. 4. Que fix perfonnes de la
ville feroient exclufes de l'amniftie , fans
toutefois qu'ils eufîènt rien à craindre pour
leur vies ni pour leur perfonnes. ç. Que
l'Evêque mettroit dans la ville telle garni-
fon qu'il voadroit. 6. Qu'on ne lui difpute-
roit plus la garde des clefs de h ville. 7. Et
de lui.
L'Evêque ayant ainfi domté le courage
fie ces rebelles, ne fongea plus qu'aux
moyens d'appuyer fes droits amp; fon autoii-
? : Le premier pas qu'il fit pour cela, fot
lt;ie taire conftroire un Fort, nommé la Lu-
nette de Munfter. Ce Fort conftniit avec
autant d'artifice que de lt;^ligence épouven-
a les habitans : mais ils avoient les mains
vf f ' ^^ ^'^^ok plus temps de trouver à
e^re a la conduite de leur Prince. Quel-
^«etemps après, îi caffa toates les Cou-
frairies,
-ocr page 69-40 La Vis £5f les ABiofis
frairies, ouCommunautez de la ville: il
iit de nouveaux Magiftrats amp; exigea des
fommes tres-confiderables de ceux qui fu-
rent de'pofez ; il en fit emprifonner quatre
quis'étoient enrichis des taxes, amp; des de-
niers publics, fit rendre gorge à d'autres,
qm après avoir épuifé les trefors de la ville,
faifoient paroître qu'elle leur e'toit rede-
vable. Un Confeiller amp; un Bourguemaî-
tre furent taxez, l'un à 2000 e'cus, l'autre
à quelque chofe de plus : En un mot il y en
eut peu qui fiiflent exempts de payera amp;
pas un qui ne fût bien-tôt hors d'état de fe
rebeller. De quelque côté qu'ils tournaf-
fent, ils ne voyoient plus de refuge, les
forces leur manquoient, leurs coffres étoi-
ent épuifez , amp; nul Prince ne les prote-
geoit, ainfi ne leur reftant que le defir de
la revoke, l'Evêque jouiffoit paifiblement
de fon autorité, amp;eût été un Prince heu-
reux s'il eût fceu borner fes defirs, ou plutôt
s'il n'eût pas trouvé plus de félicité dans l'a-
élion que dans le repos.
A peine l'avoit-il goûté qu'il redemanda
Borculo aux Etats Généraux; Ilprétendoit
que ce domaine lui étoit dû par arreft de la
Cour de Spier qui l'avoit déclaré des dépen-
dances de MunftenLe Comte deStirom s'y
oppofoit comme en étant pourvû par un au-
tre de laCour deGueldres:quelque temps fe
paiTa
-ocr page 70-de l'Evêque de Munfier. 41
paflh en manifeiles de part amp; d'autre, cha-
^p^oîi'-rant la nullité des pretentions de
/ ' ^ fondant fon droit fut des rai-
ons aifez plaufibles en apparence : ce qui
quot;î^ra jusqu'à l'année 1662, que l'Evêque
envoya vers les Etats le Doyen de Muniter
ayecunMemoirequi portoit que Borcuto
^Pi^artenantjcomme ayant été du domai-
ne de les Predece{feurs,il les croioit aflez gé-
néreux pour Im aider à le recouvrer, d'au-
tant plus que c'étoient les armes des Pro-
vinces Unies ^ amp; principalement de Guel-
dres, qui l'avoient arraché au veritable pof-
feifeur pour le remettre au Comte de Lim-
burg l'année 1(316. M.d'Eftrades Ambaf-
ladeor de France fe joignit au Doyen, amp;
pna les Etats au nom du Roy fon Maître
■d avoir égard à i'uiftance de l'Evêque qui
«oit un de fes Alliez. Les Deputez de
^ueldres repartirent au nom des Etats que
cette affaire les regardoit particulièrement,
quecetoit à eux d'en connoître, amp; qu'ils
atjsferoient l'Evêque : L'année s'étant
Paii^ fans qu'on vît l'effet des promelfes
^^s Deputez de Gueldres, la fuivante le
^oyen revint à k Haye, s'adreiïa aux Etats
^ demanda des Commiffaires qui exami-
l^lT f'^^aire, amp; la jugeaifent felon les
ot^^ r rnbsp;• ^^ Gueidres intervenant
Fpoiales droits a cette requête, difant que
Borçulo
-ocr page 71-La Vie les AElions
Eorculo étant un fief qui lui appartenoit ,
la Généralité n'avoit point de droit d'en iu-
ger.
En même temps le Duc de Lichtenftein
redemandoit au Prince d'Ooft-Erife les
Terres d'Efens amp; Stedesdorp enWitmond
qui lui étoient écheuës de par fa femme ,
maisdontilnejouïifoit point depuis quel-
lt;.que-temps , le Prince de Frife s'en étant
emparé fur quelques prétenfions dont la
Cour de Spier l'avoit débouté. L'Evêque
fe croyant interefle dans cette affaire, ob-
tint commiffion de l'Empereur pour faire
rendre les Terres conteftées fuivant les pre-
tenfionsdu Ducj Pour cet effet l'Evêque
iît un parti de chafTe oii le Prince d'Ooft-
Frife fe trouvant, il lui parla de cette debte,
amp; lui promit que s'il vouloir lui ceder Ey
derland , il fatisferoit Lichtenfteia ; Le
Prince fe defiahtdes rufes de l'Evêque lui
repartît ques'ileâtétéfeulintereifédans cet-
te afraiTe,il lui eût cédé Eyderland, mais que
les Etats.Generaux s'en étant rendus Prote-
Rieurs., ou plutôt ne le tenant d'Eux que
Jpar engagement , il ne pouvoir s'en des-
feifir fans leur confentement, fans celui des
■Etats de Frife même de fon Frere , qu'a-
près les en avoir inftruits., il lui rendroit
rewnfe , amp; fur cela ils fe feparerenf.
Six jours après , l'Evêque envoya Schuy
laibuig
-ocr page 72-de VEvêqne de Mmijler 45
lesjurg fugitif de Groningue pour difpofer
le 1 rince à fe défaire d'Eyderland aux con-
ditions fusdites, avec ordre de lui rappor-
ter une réponfe politive : les Magiftrats de
Groeningen ayant eu avis de la commiffion
^ Scliuylenburg, le firent épier en chemin,
P donnèrent ordre au Conimandant du
^ort de Langeracker de l'arrêter , mais
ochuyiemburg pour éviter de tomber dans
^P-ége, fedéguîfa, prit un autre chemin^
«fefauyadansla charette d'un paifan qui
■le mit en lieu propre pour s'acquiter de fa
commiffion. Il fit tout ce qu'il pàt pour in-
duire le.Prince à ce que defiroit l'Evêque ,
mais il ne pût rien obtenir. Mais pour élu-
der les facheufes fuites que cette affaire pou-
voit avoir,le Prince promit àLichtenftein de
lui payer dans un temps prefix 135000 e'cus
comptant amp; de continuer dans lafuite-à lui
aonner le revenu des Terres conteftees,
moyennant que l'Evêque fit accepter ces
conditions à Lichtenftein. Sur le rapport de
ûcnuyienburg, l'Evêque voyant que le pre-
mier terme du payement étoit écheu amp;
que le Prince d'Ooft-Frife nepayoit point,
lelaifit du fort dr^ y mit une bonne
^rnifon,amp;lepourveutde toutes fortes de
munitions tant de guerre que de bouche. A
joir l'ardeur que témoignoit l'Evêque dans
cette affaire , il étoit aifé de juger qu'il n'a-
giffoit
-ocr page 73-44 La Vie les AElions
giflbit pas tantpour Lichtenftein ,,que pour
lui-même. En effet ces deux Terres étoient
fort à fa bien-feance, amp;il ne pouvoir pas
trouver de plus belle occafion de les annexer
à fes Domaines.
Auffi-tôt que ce bruit fat répandu, on en
parla diverfement, mais tous concliioient
que l'Evêque étoit un peu, afpre à fes in-
terefts, amp; que pour les faire reuffir , il ne
gardoit point de mefures. Peut-être y
avoit-il quelque vray-feœblance en cela,
mais tant de gens le mêlent de juger de ce
qu'ils ne connoiffent point , qu'il fe peut
faire auffi que l'Evêque n'étoit point tel
qu'on le dépeignoit, quoy qu'il en foit, les
Etats s'en formaliferent amp; prirent le parti
du Prince; pour cet effet, il leverent des
troupes dont ils firent un Coïps d'armée ,
qu'ils envoyerent pour faire déloger la gar-
nifon du Fott, en faveur du Prince de
Fnfè. La raifon fur quoy ils fondoient cette
f^etite guerre, étoit, premièrement qu'ils
etoient Protedleurs du Prince. %. (^'il
«toit dangereux de donner pied dans leurs
frontières à un Prince Etranger. 3. Que
l'Evêque leur ayant déjà difpaté Borculo, il
ne cherchoit qu'à s'encrer peu à peu dans
leurs Provinces pour les quereller plus
commodément. 4. Et qu'enfin il etoit
appuyé de la France, ce qui étoit le plus à
craindre.nbsp;Cette
d-s l'Evêque de Mmfier. 45
^^^niée compofée de quatre à cinq
hommes avoit pour Chef le Prince
J^uillaume deNaflau, qui éroitLieutenant
»général de la Province de Frife. Avant
^e de n^rcher, on tenta fipar la douceur,
Kians effi^jon defangon pourroit s'accor-
vv'' o pourquov les Etats prefierent
Jf amp; Lichtenftein d'envoyer des De-
ez a Lewarden pour convenir avec les
e Jrs des moyens de s'accommoder ;. Mais
Dien-lom d'y entrendre , l'Evêque donna
ordre au commandant du Fort d'Eyder de
lommer tous les treforiers , amp; receveurs
de çontparoître devant lui, afin d'y produi-
re les rôles des contributions amp; revenus des
dçcndances dudit Fort , amp; que perfonne
nnJi^ ^ J payer qu'aux gens étabMs de fa
PartoudecelledeLichtefftein.
j-ette refolution fit perfifter les Etats
Îonbsp;' donnèrent ordre à leure
fr^nbsp;^^ prêtes pour mardier
contre le Fort d'Eyder, mais avec tant de
rv?fnbsp;encore le temps d'é-
^r. a 1 Eveque,que fi dans le lo.du mois de
Vn J P-fnbsp;ne fortoit pas du
^«rt ilsLiferoient des nn'ik
-ocr page 75-4lt;î La Vie ^ les ABionr
amp; beaucoup moins au Prince d'Ooft-Frife
qu'à nul autre, ayant attendu long-temps
après l'écheance du premier terme : que fi
nonobfiant les Etats levenoienr attaquer
il fongeroit à fe défendre, Incontinant après
Parmée ,desEtats s'approcha, amp; prenant
poffeffion des places qui dépendoient du
Diocefe de Munfter, ils mirent l'ailarme au
quartier ; l'Evêque fe voyant prefle, envop
à la Haye pour avifer avec les Etats des
moyens de s'accommoder. Le Prince de
Fi ife infiftoit fur les premieres conditions,
amp; offroit de payer comptant à l'Evêque ou
à Lichtenftein ; après plufieurs contefia-
rions de part amp; d'autre l'offire fut acceptée,
amp; le jour pris pour toucher l'argent. Ainfi
le de May, le Prince deFrife fit porter
à Meppen 270000 ècus pour le premier amp;
le fécond terme, amp; 15000 pour l'interefl,
mais avec ordre de ne le délivrer qu'on ne
fût convenu des termes de la quittance, 8c
de la reddition duFort cinq jours après ledit
payement. Gependatit le Prince Guillau'
me qui tenoit le fort affiegé, amp; qui l'in-
commodoit beaucoup, eut ordre de ceflïèr
jufques-à-la fin du Traité, fans néanmoins-
lever le fiege j le jour de l'accord étant
écheu', cinq ou fix Cavaliers, efcortez d'un
Trompette du Prince de Tarente, General
de la Cavalerie des ProviiKes Unies/e ren-
dirent
'^^l-'Evêqmde Mmjter. 47
fSquot;^^ Stapelmoer, où les Députez des
lnbsp;fçeu qui ils êtoient lesal-
firen-V'®'''quot;^' ' Le froid accueil qu'ils fe
fiiGœ ^^nbsp;d'abord juger d»
chacun fe difoit député de la part
ovâZ^r^T'nbsp;produifoitfes
'^ansla crainte de fe commettre, fi
- que .e jour amp; la trêve fe pafferentfans
votir''quot;'^^^,' pourquoy les Etats
qtie l'encreveiie de ces pretendus-
à rien, firent eon-
^naer les attaques avec tant de chaleur,
qu apparemment les ennemis nepouvoient
loatenn long-temps. Sur ces entrefaites
arrivèrent d'autres Députez de l'Evêque
^ec une quittance poiir le Prince de Frife,
daÏÏ P'^'^^i^ foi-t limité, joint que les
ceh fi^ rnbsp;éroient fort ambiguës,
affîeo ^^ à preffer plus vivement ieamp;
qui-quot;^^' P^^i'les obliger à fe rendre, ce
^T-l'^^.aquelouesiours après.
à qui il impor-
avoif les forces de l'Evêque affoiblies,
avec rnbsp;que l'on eut compofé
tenbenbsp;gt; Heiren,Brunfwick, Wur-
qu'or.?gt; ^ quelques-autres euffent voulu
vêque ^^'ttailléé en piece, difant que l'E-
veille meritoit pas qu'on leur fit un
jMfte TP^quot;^ ' que fon procédé étoit in-
^ ^ que fi de . bonne heure on ne lui
coupoit-
-ocr page 77-48nbsp;Vie ^ les AElions
œupoit pied , nul Prinee-de fon vcâfinage
n'étoit en fureté.
Cette guerre finie, ni lés prétenfions, ni
la haine des Parties ne finirent pas ; Sur
tout l'Evêque fe trouvoit grevé , amp; pro-
teftoit ouvertement de s'en vanger dans
l'occafion : Ce n'étoient plus le Prince de
Frife, les Comtes deBenthem, de Stirom,
de Flodorf à qui il en vouloir : lés feuls
Etats étoient dignes de fa colere, mais com-
me les forces lui manquoient pour une fi
haute entreprife, il cherchoit à s'unir avec
de plusPuiffansque lui, amp; qui euifent la
mêmeliaine, en quoy le Ciel féconda fes
vœux plutôt qu'il n'efperoit.
Le Roy d'Angleterre animé contre les
Etats Généraux leur déclara la guerre , èC
pour cét effet mit en mer unepuiffante ar-
mée navale, Pour les fatiguer de tous cô^
tez, il fit alliance avec que ques Princes qui
les attaquaflent par terre. Entre tous ceu*
dont il pût s'aliurer, il n'en crut point de
plus propre que nôtre Evêque gt; B étoit voi'
fin des Etats, il avoit fujetdeles hair, Si
ne cherchoit que l'occalion d'en venir au^
mains avec eux, ces confiderations l'ind'
terent à l'engager dans cette guerre : quel-
ques-uns difent que l'Evêque s'y offrit de
luy-même, qu'il prévint le Roy d'Angl^'
terre , amp; qu'il envoya fes Députez avarquot;''
que d'en être requis.nbsp;î^'
de l'Uvêque de Mmfler. 49
Janiais il n'y eut d'occafion plus favora-
ble que celle-cy, il fembloit que le Ciel ne
eut fait naître que pour lui donner jour à
le vanger de fes Ennemis, Sitôt qu'il fe vit
^Ppuyé de la protedion, amp; des finances
Q Angleterre, il fit de fi grands préparatifs,
«ieva une armée fi lefte amp; fi nombreufe,
q^U donna de la jaloufie, non feulement à
^ s voifins, mais même à quelques autres,
plus il tenoit fon deffein caché, plus on en
concevoir d'ombrage. Le pais de Frife amp;
Q Oldenburg étoient les lieux où l'on ap-
prehendoit le plus, amp; comme on n'enten-
doit parler que de bombes , que de gre-
nades, de canons, de feux d'artifice, amp;
d'autres munitions de guerre, chacun s'^f-
^ayoïtpar avance , . amp; quelques-uns mê-
quot;lefuioient.
Les Etats Généraux au bruit de ces pré-
paratifs leverent une armée de quelque 7..
u Sooo hommes qu'ils deftinerent à s'op-
P?ier aux efforts de l'Evêque en cas qu'il les
mt attaquer; Et pour remplir leurs places
^'^^leres de fortes garnifons, ils demande-
du fecours au Duc de Lunebourg qui
fe'^'^ envoya. Avec tout cela les Etats ne
ç^^'^Qyoient point affez forts pour refifter
ave^^quot;^^ '^^'quot;P® ^ P^quot;^ i^er amp; par terre
a.vgt;nnbsp;de fuccez ; dans cette
t'Pi^cnenfion, ils firent fçavoir au Roy de
Cnbsp;France
50 La Fie ^ les ABions
France l'armement de l'Evêque, amp; le priè-
rent en même temps d'envoyer fur fes ter-
res un Camp volant pour le traverfer dans
fes levées, amp; qui fit diverfîon quand iife
„feroit déclaré. Le Roy leur remontra
qu'en prévenant l'Evêque , ils couroient
5,rifque d'irriter les Princes voifins, amp; de
5, s'attirer fur les bras les armes de l'Em-
3, pire ; que le meilleur étoit de voir à qui il
3, en vouloir, amp; dele laifler commencer.
„ Qii'en l'état où ils étoient, ils avoient
„ plus befoin d'amis, que d'ennemis ; que
,, eur Provinces étant enviées de tout le
„ monde, amp; attaquées de plufieurs endroits
„ à la fois, il leur devoitfuffire de fe tenif
„furla défenlîve, amp; que l'Evêque n'étoit
„ pas un Ennemi fi redoutable qu'il ne pût
3, être aifément repoufTé. Ce confeil parut
falutaire , amp; les Etats y défererent quoy
que depuis on en ait )ugé autrement.
L'Evêque quelque'temps après écrivit
aux Etats par un Trompette, qu'après
„ l'affront qu'ils lui avoient fait, ils ne pou-
„ voient douter qu'il n'en eût du reffenti-
„menr, qu'ils lui avoient fait une guerre
„ extrêmement injuffe , amp; caufé de n-es-
„ grandes pertes dont il vouloir reparation :
„ que s'ils aimoient la paix autant que lui,
,5 i s le fatisferoient d'eux-mêmes, fans l'o^
„ligerd'uferdeforce pour les y eontrain-
drf;
-ocr page 80-de VEvêque de Munfier. ƒ î
dre, que j^jçy quJi^i ^y^jj donné de qyoy
quot; jjanger d'eux, étoit témoin de la juftice
'quot;rnbsp;fufcitéun
jl pUxflant fecours que pour condamner
n?nbsp;que tout le monde condam-
^^ n ', Qu'ils avoient ravagé fes terres
quot;ninbsp;P^^®nbsp;avoir choquez,
quot; ?nbsp;qui les pût induire à ufurper
'' es biens, à ruiner les Nobles, à dépouïl-
quot; j^r, amp; à mal-traiter les païfans jufques-à
les taire rôtu-par une cruauté barbare amp;
inouïe ; Que leur rage avoit été telle
.,qu'ik n'avoient épargné ni les Eglifes ni
:gt;3les hôpitaux ; Que ce qu'ils y avoient
«trouvé de plus faint amp; de plus facré, ils
1 avoient profané, déchiré, amp; foulé aux
quot; le^^i^ ' ^'ils avoient brifé les images,amp;
quot; renbsp;même que les Turcs auroient
evere - qu'ils avoient fait mille infultes
la fainte Hoftie , blalphemé contre
Ties o ' ?nbsp;imprecations contre
r éno r*' ^ ^^^^ P®quot;'^'
? ri ^^^ mauvaife caufe, amp; pris le par-
,'dpf gt;nbsp;à quiieFortd'Ey-
ilf P jamais été de droit, amp; qu'ainfi
f^^^^tinjiiftes de le lui avoir enlevé
approprier fous pretexte de pro-
; qu'il avoic
^jpIuD-f ^^q^'^-s-^îlors à le redemander, la
i art de fes forces étant occupées con-
C 2 ■nbsp;,.tre
52. La Vie ^ les AElions
3,tre le Turcs pour le fervice de l'Empe-
„rèur, mais que depuis Dieu ayant pris fa
„caufe en main, amp;fufciié des Monarques
pour Proteâeurs qui lui offroient amp; leurs
„ forces amp; leurs finances pour fe faire ren-
dre raifon , il étoit refolu de la leur de-
„mander, premièrement pour le Fort
„ d'Eyder, amp; enfuite pour Borculo qu'ils
lui detenoient depuis fi long temps, fon-
„ dez fur je ne fçais quels droits qui ne pa-
„roifibientpoint, amp; qui ne fervoient que
5, de pretexte à leur mauvaife foy ; que c'é-
53 toitles principaux chefs dont il avoit à lé
3, plaindre d'eux, amp; fur quoy ils eulTent à le
îàtisfaire, avec promelfe de ne le plus in-
„ quieter ; faute de quoy il alloit mettre
„ fon armée en campagne, dans l'efperan-^
J, ce que le Ciel qui aime les juftes feroit de
„fon côte.
Les Etats répondirent, Qu'ils n'avoient
point pouffé leurs armes fur fes Terres,
5, ni dans un pais qui lui appartînt pour
,, ravager, cju'ils n'avoient fait que ce qu'ils
„ devoient a un de leurs Alliez en lui aidao'^
3, à repouffer fes troupes qui s'étoient enJ'
3, parées du Fort : qu'avant que de rien eO'
„treprendre, ils l'avoient averti que s'il
„lerendoit, ils aideroient à le reprendre ?
qu'ils avoient fait des manifeftes qui jufti'
j^hoient k'or entrepnfe , étant obligez
3}
S3
g. J, —^^IIX avvjil uiUiL u cil UiipUlCFj
quel on s'étoitmisen devoir defatisfai-
quot; fo conditions desquelles on étoit
on^venu, qu'il n'avoit pas voulu s'y tenir,
ȍ eit pourquoy ils n'avoient rien fait qu'on
'.ieur put reprocher; Que fi leurs foldats
avoientavancéfurfes Terres, ce n'étoit
,, pas pour les piller, mais pour paffer con-
.. tre la garnifon du Fort, ayant défendu ex-
prelfement à leurs foldats de voler, de pil-
quot;S: S'^ïfleur paffage aucun
fhoftihté, ce qui n'étoit out trop
^'^vereparle fuppliced'un cavalier-qui a-
^'^oit tranfgrefl'éces ordres; que pour les
''C uaut lesblafphemes, les profana-
J^quot;^ ?. les facrileges, amp; chofes femblables
r, gnquot;^ 'nbsp;qquot;i Plai-
^'fiit*^' ^ qu'ils ne doutoient pas que ce ne
pretexte pour colorer fes in-
y quot;l-ia P^cs de
.»dupnbsp;s'étoient rendus maîtres
-rationquot;nbsp;P^^l^ i-^P^'
' de pillage, ni d'aucune fatisfa-
^^mie-îvnbsp;^^ contraire étoient bien
, ^^ tondez a lui redemander le dé-
C 3nbsp;„dom-'
54 La Fie amp; les Allions
„ dommagement des frais qu'ils avoient
„ faits pour repeter ce qui leur étoit dû.
„ Que pour Borculo, ils s'étonnoient qu'il
5, en parlât comme d'un bien qu'on lui re-
5, tenoit, puifque cette affaire étoit encore
„entre les mains d'arbitres du confente-
„ ment des Parties, amp; qu'on s'en remettoit
„au jugement qu'ils enferoient, ainfi que
„ de la fomme de 15000 écus qu'il devoir
„au Comte de Stirom. Que bien-loin
„qu'il fe fût rien fait contrc la Religion,
„ils avoient pourvû avec foin à cet incon-
„ venient, amp; défendu rigoureufement aux
„ foldats d'entrer dans les Eglifes, ni de pro-
„ faner les autels ; qu'ils étoient prefts a vi-
„ vre avec lui en bonne intelligence, mais
„ que s'ils étoient attaquez,ils fe ferviroient
„ des moyens que Dieu leur donnoit pour
„fe défendre. L'humeur bouillante de
l'Evêque ne lui permit pas d'attendre le re-
tour de fon Trompette, pour fe jetter fur les
Provinces Unies. Lors que l'on y penfoic
le moins , l'Overyffel fut inondé de fon
armée , amp; l'on apprit plutôt la prife d'En-
fchede, d'Oldenzeel, d'Ootmerfum, d'Al-
melo , amp;deDiepenheim, qu'on nefçeut
qu'il étoit en marche. La garnifon de Bor-
culo en fut tellement allarmée, qu'elle prit
la fuite de bonne heure : il n'y eut que cent
hommes fous la conduite d'un Enfeigne
nom'
-ocr page 84-de TEvêque àe Mmfler, '5 5
nomme Eck, qui eurent le courage de te-
wyerme dans le Château. Ces Braves fe
'^rendirent avec tant de vigueur, qu'ils e'-
Çarterentles ennemis, amp; les obligèrent à
wcher pied,ce qui leur eût fans doute reûffi,
1 ^^^quot;quot;tedefaccom.ber fous ce petit nom-
j^^j® Graves en la prefence de leur Prince
tanbsp;l'etourner au combat avec
/quot;^de fhrie que le Château leur fut rendu
us d honnorables conditions ; apre's quoy
quot; leur fut aifé de fe rendre maîtres de Lo-
«lum, des Châteaux de Wildenberg, de
Keppel, de Dorts , de Deutecom , amp;
de toutes les Places qui étoient le long de
1 Ylfel.
Cette invafion donna du chagrin aux
wats, d'autant plus qu'ils avoient aifez de
'einearefifter aux forces d'Angleterre, vu
ƒ peu de monde qui leurre^loit, tant pour
emplir leur armée navale, que leurs fron-
amp; leurs fortereifes. Outre les nou-
eues levées qu'ils fe mirent à faire, ils de-
mandèrent fix mille hommes aux Ducs de
unebourg, mais ils ne les pûrent obtenir,
^ ^ A. E. de Brandebourg n'y confentît,
qUeTquot;* ^^^ conditions fuivantes, fçavoir
lui inbsp;recevant les 6000 hommes,
cederoientOrfoy avec toutes fes dépen-
lui ' qu'après la paix avec l'Evêque on
'^emettroit pareillement le château de
C 4nbsp;Gen-
5nbsp;5 La Vie ^ les ABions
Gennipj amp;Emmerik ouWefel : que les
^arnifons que les Etats entretenoient dans
a Reeence de Cleves, ne feroient aucun
aâ:elt;Phoftilitéfur les Terres de Munfter,
L'Evêque ayant promis que fes troupes au-
roient le même égard pour le païs de Cle-
ves. Au même temps que ces 6000 hom-
mes marchoient contre les Munfteriens,
on en receut fix mille autres tant cavalerie,
qu'infanterie de la part du Roy de Trance
qu'on pofta le long de l'Yflel. Ceux-cy
êtoient fournis de bas amp; de fouliers, amp; de
bled même qu'on leur enTOyoit de Hollan-
de, celui du pais qui n'eft que dufegle
n'étantpas à leur goût: mais quelque bien
qu'on leur pût faire, leur mauvaife con-
duite obligea quantité de païfans à aban-
donner leurs maifons : ils n'etoient gueres
moins à craindre que les ennemis memes,
6nbsp;foit qu'ils nevouluffent pas, ou qu'ils ne
le puffent en effet, ils ne firent pas grand
fervice: auffi eft-ilbien rare que l'on en ti-
re des troupes auxiliaires qui ne font don-
nées pour la plupart que pour la montre,
avec ordre fecret aux Chefs de fe ménager
dans les rencontres. D'autre coté les fol-
dats de l'Evêque ne recevant ni paye, ni
prêts êtoient contrains de vivre de rapi-
nes : par_ tout oii ils avoient pafïe , 00
ne trouvoit que des mazures, des deferts,
Si
-ocr page 86-de I Evêque de Mmfler. 57
^ des marques fenfibles d'une defolation
extreme,
L Empereur qui en fut touché écrivit
Etats, amp; leur offrit fa mediation pour
pacifier leur different. Les Etats répon-
'rent que pour préliminaire du Traité
«ont il leur parloit, il Êilloit que l'Evê-
^e quittât les Places qu'il avoit ufurpées,
^ qu enfuite ils aviieroienr aux moyens
s'accommoder , ce qui ne pouvoir
être qu'en les rembourfant des grands
itais, amp;dcs dommages exceffifs que cet-
ce guerre leur caufoit. Ils écrivirent la
même chofe aux Etats de Munfter , les
avertirent des cruautez barbares amp; inhu-
^ines que les foldats de leur Evêque
raifoient à leurs fujets , leur remontrè-
rent qu'ils étoient obligez de l'exhorter
a y mettre ordre , à reparer leurs per-
5 à leur rendre leurs Places , amp; enfin
^ceffer de leur faire une guerre injufte,
que s'ils y manquoient , ils ne man-
queroient pas dans les rencontres d'ufer
contre eux entant que fes fujets du droit
que leur donnoient les armes contre leurs
«nnemis.
tr ^ jP^quot;dant les gens de l'Evêque étant en-
^^^ dans la^ Province de Groningue, amp;
trouvé les moyens de paffer les ma-
emportèrent d'emblée un lieu nom-
C 5nbsp;nié
58 La Fk ^ les AElions
mêle Cloître d'Appel, ce qui donna l'e'-
pouvante aux voifins : mais peu à peu ils fe
raffiirerent, amp; ayant fait un Corps com-
posé de douze cens hommes, dont le tiers
étoit deCavalerie,ils allèrent attaquer entre
Sellingen amp; Lipzinhuyfe feizecens Mun-
fteriens, dont ils firent mille prifonniers amp;
battirent le refte qu'ils obligèrent à quiter
le Cloître d'Appel, aâ:ion d'autant plus re-
marquable , qu'il n'en coûta que treize
hommes aux Hollandois.
L'Evêque quelque temps après détacha
encore cinq mille hommes qui pafferent par
Drenthpour aller furprendre Groningue,
mais leur marche étant découverte, on leiir
difputa le pafTage proche de Punter-Brugg'
qu'ils quiterent fans s'opiniâtrer puis fei-
gnant de s'en retourner, ils paiîerent prés
de Zuydlaren, où ne trouvant rien qui les
arrêtât, ils'donnèrent jusqu'à Winfchote
amp; à Heyligerlée. Comme ils fui voient leur
route, amp; qu'ils ne doutoient plus que leur
deffein ne reûfsît, ils furent avertis que le
Prince Maurice les venoit inveftir avec un
Corps confîdcrable, amp; qu'il avoit déjà pafj-
fé à Scheente amp; à Miende, d'où jufcju'à
eux le trajet n'étoit pas bien longrqu'il étoit
temps de s'avifer, ou plutôt de prendre la
fuite , les- forces n'étant pas égales; avis
qui vint fi à propos,qu'ils trouvèrent moyen
de
-ocr page 88-deïEvëque àe Mnnfler. jc)
s'enfuir avant que ce Prince les pût at-
teindre.
Le gros de l'Armée de l'Evêque fe tenoit
toujours fur l'Yffel : amp; l'Evêque en per-
lonne à Deutecom au païs de Twent, où il
o Wigeoit les Païfans de le reconnoitre pour
^ur Prince, prenant les deux tiers de leurs
quot;leds, amp; de tout le refte à proportion. Ce
procédé étoit fi furprenant, amp; les maniè-
res de l'Evêque fi extraordinaires que peu
de Princes les approuvoient : fur tout le
Ivoy de France en étoit fi fort indigné qu'il
lui fit dire par fon Ambafladeur , Qu'il
3, étoit homme de mauvaife foy ayant man-
35 que à la parole qu'il lui avoit donnée, de
3, n'attaquer point la Hollande qu'après l'en
J5 avoir averti, qu'il ne meritoit pas que
S.J les Princes le confiderafiTent, puis qu'il
33 n'a voit de refped pour perfonne, amp; qu'il
33 fçavoit fi peu connoître le mérité de ceux
35 a qui il donnoit là parole.
L'indignation du Roy fit impreffion fur
Ion efprit, amp; l'obligea de fe precautionner
cas que le Roy continuât d'envoyer du
l'énfort contre lui ; il écrivit à la Diète ge-
nerale, amp;fupplia. Qu'on lui envoyât du
quot;fecours, qu'il avoit fur les bras les Hol-
3 3 landois, amp; un puiiTant Monarque à crain-
quot; quot;te, qu'il étoit de leur intereft de foutenir
»Unp rin de r Empire, amp; d'époufer fes
-nbsp;Cenbsp;démélez
/Jo La Vie ^ les Atlions
„démélez, lors qu'ils étoient auffi juftes
„qu'étoit le fien. A quoy l'on répondit,
„Quen'ayantconfultéperfonne avant que
„ de fe mettre dans l'embaras où il étoit,
„ nul n'étoit obligé de lui aider à en fortir,
,, qu'avant que de s'y engager, il devoir en
„prévoir les fuites, amp; ne rien entrepren-
„ dre qui pût reiiffir à fa honte ; Qu'au re-
„ fie cette guerre étoit injufte amp; fans rai-
„ fon, puisque les Hollandois ne lui avoient
„fait aucun tort : amp; que l'Empire enfin
„n'étoit nullement difpofé à fe mêler d'af-
5, faires de cette nature.
Comme les armes de l'Evêque avan^oi-
ent infenfiblement fur les terres de fes enne-
mis,beaucoupdes fujets desEtats,fur tout les
Catholiques feretiroient fous fon obeïfftn-
ce, la plupart à delfein de s'enrichir des
confifcations amp; des dépouilles de leurs
compatriotes, amp; quelques-uns, mais peu
parunzele de religion , afin d'étendre le
Papifme , amp; renverfer pour parler à leur
mode, l'herefieamp; les hereriques. Ce qui
obligea les Etats d'ordonner parEdidl à tous
amp; c lacun de leurs fujets s de retourner dans
quinze jours fous la Domination de leurs
Souverains legitimes, fous peine de la vie,
ou de banniffement perpetuel.
L'Evêque ayant e^té chaffé de la Province
deGroningue,s'aUa jetterfur des villages fans
défenfc
-ocr page 90-de r Evêque de Mmfler. Gi
defenfe qu'il ruina de fond-en-comble : Et
les troupes manquant de vivres dans Heyîi-
gerlée amp; dans Winfchoten. fe répandirent
d^ns le pais de Weftv/oldinge, ce qui don-
na jour aux Etats pour reprendre Lochum.
Ees forces de Lunebourg s'approcliant, amp;
f armée d'Hollande groffiflant, amp; fe ren-,
forçant tous les jours, les Etats de Munfter
commencèrent à apprehender. Voyant
qu'ils couroienr risque de voir bien-tôt tout
leurrais couvert d'ennemis, ils confeille-
rent a leur Prince de fe défifter d'une guerre
dont le fuccez ne pouvoir être avantageux :
leurs forces difoient-ils étoient trop inféri-
eures à celles de leurs ennemis, non feule-
rnent pour les attaquer, mais même pour
s'en défendre, amp; qu'enfin le plus feur étoit
de les inviter à la paix. Ces humbles re-
montrances euflènt fait impreflîon fur un
Prince moins belliqueux , mais l'Evêque
n'étoit pas homme à fe rendre fi aifément.
îgt; Vôtre confeil,repliqua-t-il à fes fujets,part
35 d'un excez de lafcheté, vous êtes fi timi-
des que vous avez peur de vôtre ombre :
35 mais fi c'eft vôtre humeur fçachez que ce
35 n'eft pas la niienne : je ne fuis point enco-
35 te en l'état où vous me croyez, amp; quoy
33 qu'il en arrive, je neveux point de paix
35 qui foit à mon desavantage. Vous crai-
quot;gnez dites vous l'approche de nos Enne-
C 7nbsp;mis.
ét La Vie ^ les AUions
5, mis, fi vous avez du cœur, vous pouvez
l'empéciier : fi vous n'en avez pas, vous
êtes indignes de vivre cependant en re-
„vanclie du confeil que vous me donnez:
„ j e vous en donne un autre qui n'eft: pas des
5, moins falutaires , fi vous n'avez pas le
J, courage de voir les ennemis, foyez les pre-
.„ miers à piller vôtre propre pais,n'y laiiTez
•3, rien qui foit propre à leur fubfiftence, amp;
3, vous verrez que s'ils y viennent, ils s'en
J, retireront bien vite. Apres cette répon-
fe, il n'y eut plus perfonne qui osât lui par-
ler de paix ; chacun fe tenoît fur fes gardes,
amp;prefts à fiiir lors qu'ils s'y verroient obli-
gez.nbsp;^
Cependant l'armée des Etats etoit toute
îrête à marcher : Ils deftinoient 17000
lommes contre lesMunfteriens, amp; pour
inonder la Weftphalie , mais les grands
froids qui furvinrent en ce temps-là retarda
leur deffein, amp; leur fit mettre toutes ces
troupes en garnifon. Quelque rude que fût
la faifon , l'Evêque fit quelque ehtreprife
qui ne lui reûflit pas mal. Ayant eu avis
que les Etats envoyoient 1200 hommes
pourfepofter dans Twickelen, il marcha
contre eux en perfonne, amp; les défit entre
Delde amp; Enfchede, en forte qu'il n'y en
eut pas loo qui êchapalTent la mort ou
prifon : e'étoit l'opinion des Munfteriens,
mais
-ocr page 92-de l'Evêque de Mmfler,
mais non des Hollandois qui foûtenoienc
que la perte n'éioit pas li grande : quoy
qu'il en foit, ce fut fur la fin de l'année 166?^.
que ce petit choc arriva.
L'année fuivante l'Ele£l:eur de Brande-
bourg voulut être de la partie, ou du moins
-attirer les Intereffez a la paix s les Etats
Généraux y avoient affez de penchant, l'E-
vêque même confiderant que les armes
êtoient j ournalieres, amp; que la chance pou-
voir tourner, ne s'en eloignoitpas : fes
troupes avoient été contraintes de quiter le
pais de Groningue, celles des Etats êtoient
fraîches, amp; n'attendoient que le beau
temps pour fe mettre en campagne : ces rai-
fons i'obligerent à confentir à une bonne
paix, amp; même à faire des avances pour y
parvenir.
Cependant on ne perdoit point l'occafion
de fe nuire, des deux cotez on voyoit la mê-
me chaleur : il n'y avoit que les François
paruffent de glace, leur fecours jusques-
là avoit été fort inutile, amp; quoy-que l'on
pût faire pour les induire à fe trouver dans
les rencontres, ils n'etoient jatnais prêts : ils
allegiîoient que l'intention du Roy étoit
qu'ilsn'obeïHent qu'a leurs Chefs, qu'ils
i^'en reconnoilToient point d'autres; amp; qu'en
un mot ils n'êtoient pas là pour fe battre.Les
fOms 5c les offices de S.. A. E. furent fi puif-
fans
-ocr page 93-6\ La Vie ^ les ABions
fans amp; fi heureux 5 qu'au mois d'Avril de
la même année, la paix fut conclue amp; fi-
gnée à Cleves aux conditions fuivantes.
I. Qu'il y auroit une paix générale amp;
perpetuelle entre leT.E. amp; T.LS. le
Prince de Munfter, amp; les T. H. amp; T. P.
Seigneurs les Etats Généraux des Provin-
ces Unies des Pais-bas, lefquels procure-
roient, amp; avanceroient le bien amp; la profpe-
rité l'un de l'autre comme bons Voifins,
par tout fupport, aide , confeil, amp; affi-
ftances reelles, en toutes occafions amp; en
tout temps. %. Que tous a£les d'hoftilité
ceflèroient tant de paitque d'autre, amp;
qu'on publieroit amniftie pour tout ce qui
s'étoit pafle pendant la guerre, fans néan-
moins y comprendre les traîtres qui feroi-
ent traitez amp; punis fuivant que le crime le
requerroit, 3. Qu'incontinant après la pu-
blicatioii de la paix , le Seigneur Evêque
rendroit aux Seigneurs Etats Généraux tou-
tes les Villes, Forts, amp; en general toutes
les Places qu'il auroit prifes pendant cette
derniere guerre, fans les endommager, ni
permettre qu'on les endommageât, ou
qu'on emportât aucune chofe appartenant
aux habitans. 4. Que le Seigneur Evêque
retireroit fes troupes de demis les Terres
des Seigneurs Etats, fans y caufer aucun
dommage. 5. Que les Seigneurs Etats fe-
roient
-ocr page 94-de l'Evêque de Munfier*
■roient fortir reciprequement toutes leurs
' ttoupes de deflùsles Terres, Seigneuries,
dé}?endances amp; appartenances du Seigneur
Evêque. 6. Q_ae tous prifonniers de guerre
ftroient délivrez de part amp; d'autre fans di-
fiindion ou refer u'e, amp; cefieroient toutes
contributions après le dernier jour d'Avril.
7' Qu'après l'éc-hange de la ratification, le
Seigneur Evêque s'obligeoit de licentier fes
troupes, amp; de ne referver de mondé que
■ce qu'il cn falloir pour fes garnifons ordinai-
res : ce que Meffieurs les Médiateurs, amp;
le Seigneur Evêque même jugeoit fe pou-
voir faire avec trois mille hommes feule-
ment. De plus, que le Seigneur Evêque
ne leveroit aucunes troupes que pour les be-
foins de l'Empire, ou pour d'autres allian-
ces non contraires à cette paix. 8. Que le
Seigneur Evêque renonceroit à toutes al-
'liances contraires à la prefente paix, ne s'al-
lieroit plus à l'avenir avec aucun Prince au
prejudice des Seigneurs Etats, amp; ne feroit
plusla guerre à leur Republique. Que les
Seigneurs Etats s'obligeoient reciproque-
ment de ne plus attaquer le Seigneur Evê-
que ni fes Etats avec tous leurs domaines,
appartenances amp; dépendances. lo. Qu'il
n'y auroit que ceux defquels les noms fe
trouveroient dans l'original qui euifent part
a cette alliance. II. Que pour ce qui ton-
choie
-ocr page 95-66 La Vie amp; les AStions
choit la Seigneurie de Borculo, elle demen-
reroit à ceux qui en jomfïbient avant la
guerre, fans que ledit Seigneur Evêque y
eût aucun droit, à quoy il renonceroit,tant
de fonChef,que du confentement duChapi-
tçe deMunfter, fauf néanmoins les droits amp;
les interefts de l'Empire, dont les Seigneurs
Etats quot;s'obligeoient de convenir amiable-
ment avec Sa MajePcé Imperiale. ix. Qiie
toutes pretenfions feroient nulles de part amp;
d'autre du confentement du Chapitre. 13.
Que le Seigneur Evêque, ni fes SuccefTeurs,
ni fes fujets ne femêleroient plus de ce qui
concernoit les Seigneurs Etats , foit pour
donner lettres de reprefailles, ou droit de
faifie fur quoy que ce foit : amp; qu'en cas qu'il
furvint quelque different entre le Seigneur
Evêque amp; les Seigneurs Etats Généraux,
on l'appaiferoit à l'amiable , amp; que ceux
des particuliers feroient decidez par les
loix ; amp; qu'enfin le Seigneur Evêque évi-
teroit de bonne foy tant qu'il lui feroit pof^
fible le dommage des Seigneurs Etats,. amp;
ne leur feroit )amais la guerre. 14. Que le
prefent Traité feroit approuvé amp; ratifié de
part amp; d'autre dans le terme de quinze
jours, après quoy le Seigneur Evêque li-
centieroit fes troupes fuivant ce qui eftoit
contenu dans le 7, article.
Dés le 20. Avril on commença du côté
de
-ocr page 96-de l'Evêque de Munfier.
lt;3e l'Evêque à publier les articles de cette
paix 5 y ajoutant que toutes les claufes y
mentionnées fortiroient leur effet , amp; fe-
roient gardées inviolablement; belles pa-
roles, mais fans effet comme nous verrons
dans la fuite.
L'humeur de l'Evêque étoit telle qu'il ne
pouvoit vivre en repos : s'il n'étoit occupé
contre des Puiffances éloignées, il l'étoit
contre fes voifins J .Avant la guerre contre
les Etats, il avoit inquiété George Guil-
laume Duc de Bronfwicic touchant laChar-
ge de Herbftad amp; quelques autres, amp; n'a-
voit pas eu plus d'égard pourErneftAugufte
Evêque d'Ofnabmg touchant la ville de
Höxter ; fes pretenfions qui êtoient gran-
des contre ces deux Princes étant allbupies
pendant la guerre fe fuffent réveillées fans
■doute après la paix, fi elles n'euffent été
comprifes dans les articles du Traité, en
forte que l'Evêque ne pouvoit plus y reve-
nir ; mais étant borné de ce côté là, amp; ne
fçachant à qui s'en prendre, il chicana en-
core lesEtats lors qu'il fallut retirer fes trou-
pes de leurs Places. Il prétendoit qu'on ne
l'avoit pas Gitisfait fur ce qui concernoit les
prifonniers, amp; les contributions, qu'il n'é-
toit point porté par aucun des articles qu'il
dûtceder es Places qu'il occupoit dans le
Comté de la Frife Orientale: amp; qu'enfin
il
-ocr page 97-La Fie ^ les AEtions
il avoit foufTert de grands dommages aux-
quels on n'avoit point pourvû. Four tâ-
cher de le fatisfaire , on confentit à une
nouvelle affemblée qui fe tint à Nordhorn
dans le Comté de Benthem, ou l'on fit des
articles exprés qui terminoient ces diffé-
rents. Pour la reddition de Borculo, il pro-
mit tout ce qu'on voulut pendant la der-
niere Affemblée, mais après, il dit qu'il
avoit tant de raifons pour le garder qu'il au-
roit peine à s'y refoudre. Le temps de le
rendre étant écheu., amp; fe voyant fommé
de le faire, il éleva les yeux au Ciel, amp;le
prit à témoin que Borculo lui appartenoit,
mais qu'il auroit foin dele rendre.
l^rs qu'on eut mis la derniere main à la
paix, les Etats faifant reflexion fur la mau-
vaife foy des troupes Efpagnoles, qui fe di-
foientdeWeftphaliepour autorifer les ra-
vages qu'ils commettoient fur les frontie-^
res des Etats , s'en plaignirent au Roy
d^Efpagne par Renswoude leur Ambaffa-
deur qui étoit alors à Madrid. Ces plain-
tes portoient , qu'auffi-tôt que les Efpagnols
fçeurent que l'Evêque de Munfter eur al-
loit declarer la guerre, ils avoient levé des
foldats à Louvam, à Bruge, à Anvers, à
Gand, à Aloft, à Santvliet, à Lier, à
Geelamp; autres lieux pour le fervice de l'E-
vêque, amp; contre les Etats. Que Quantité
d'Ôflicieis
-ocr page 98-de L'Evêque de Munfier. 69
d'Officiers Efpagnols ayant pris parti dans
lès troupes avoient été les plus cruels, amp; les
plus emportez contre les Hollandois aus-
quels ils avoient fait fouffrir tout ce qu'une
rage barbare leur pouvoir infpirer. Qu'ils
avoient maifacrè dans leurs maifons les per-
fonnesles plus qualifiées. Qu'ils s'étoient
faifîsdes plus riches, dont ils avoient mis
les biens au pillage , après leiu- avoir
payer des rançons prodigieufes. Qu'après
avoir volé, pillé, amp; faccagé fous les au-
fpices des Munfteriens, ils fe retiroient dans
les Places dépendantes de l'Efpagne, où ils
vendoient publiquement, amp; impunément,
ce qu'ils avoient pris amp; volé aux fujets des
Etats. Que rien n'égaloit les cruautez, les
maux amp; les ravages qu'ils avoient exercez
ûir les frontières de Gueldres, dans le ter-
ritoire de Bois-le-duc, danslaBaronie de
Breda amp; delà laMeufe. Un certain Gas-
par Bafelier demeurant proche de Breda
ayant eu fa maifon pillée, amp; quelques-uns
de fes domeftiques tuez, pourfuivit les vo-
leurs jufques dans la ville d'Anvers , où les
ayant fait prendre, amp; trouvez faifis de fes
biens , n'en pût néanmoins avoir raifon ,
tant ces fortes de gens étoient appuyez des
PuifTances. Un Gentilhomme en reputa-
■ ^lon d'être riche fut mafîàcré dans fa mai-
on la pilla, ^ k butin fut porté à
Anvers,
70 -La Vie ^ les AElions
Anvers, amp;expofé fur le marché, où ilfîit
vendu avec railleries.
Outre les plaintes qu'on en fit à Madrid,
l'Ambaflàdeur d'Efpagne qui étoit à la
Haye en écrivit encore à fon Maître, amp;
promit de fa part de fatisfaire les Etats.
Mais bien-loin de voir les effets de ces bel-
les promeffes, le mal augmentoit tous les
jours s On n'entendoit parler que de trou-
pes , que de recrues qui avoient leurs quar-
tiers fur les terres du Roy d'Efpagne, avec
pouvoir de faire payer des rançons amp; des
contributions aux fujets des Etats, pour les
afFoiblir amp; détruire autant que l'on pour-
roit. Il fortit au même deffein un Parti
de Bruxelles qui occupa le long du Canal
qui va à Willebroek , pour faire reufîir
la confpiration qu'ils braflbient contre quel-
ques villes des plus importantes des Pro-
vinces Unies, fçavoir Breda, Klundert,
Willemftad, Lillo, les Châteaux de Valc-
kenbourg amp; Dalheim, mais qui fut décou-
verte lors-qu'ils étoient fur le point de l'ex-
ecuter: On fçavoit même que Caftel-Ro-
drigo appuyoit toutes ces menées, amp; que
les menaces qu'il faifoit contre les Mal-fai-
teurs, n'étoient que des menaces vaines
dont on ne voyoit point d'effet. Cepen-
dant on fecontentoit de lui faire connoî*
trequ'il avoit mauyaife intenrion pour les
Etats
-ocr page 100-de l'Evêque de Munfier. 71
Etats desProvincesUnieSjqu'on étoit infor-
mé des ordres qu'il donnoit contre eux, amp;
qu'ils ne le tenoient que comme un Enne-
mi d'autant plus dangereux qu'il frappoit
»ans fe declarer. On fçavoit que ces trou-
pes deftinées au pillage n'étoient pas plûtôt
ramaffées fur les Terres d'Efpagne, qu'on
les eri retiroit de peur d'incommoder le
pais, amp; qu'on les tranfportoit fur celles des
■1 rovinces Unies, où les barbares n'auroient
^s fait plus de cruautez qu'ils en faifoient.
yn fçavoit dis-) e de la bouche des prifon-
iiiers qu'on fit à Oudenbofch, que les Efpa-
gtiols avoient defTein de faire un Corps de
.S- à loooo. hommes, aufquels fe devoient
joindre 4. ou lt;5000. Anglois, qu'on avoit
débarquez à Oftende amp; à Nieuport pour
Venir fondre inopinément fur les Terres des
Etats.
. On coupoit pied à la plupart de ces pra-
tiques , mais il s'en faifoit tant qu'il etoit
'mpoffible d'empêcher que quelques-unes
'^e reuffifi'ent. Six ou fept cens hommes
commandez par le General Cop donne-
p^nt jufques-à Breda par l'entremife des
apiftesjoù après avoir ravagé tout ce qu'ils
rencontrèrent, excepté les terres de ceux
êtoient de leur communion, ils fe faifi-
rent d'Oudenbofch amp; de Santerbuyten :
^ ow le Prince de Tarente les chalTa, les tail-
la
72- La Vie Çj les ABionr
k prefijuetous en piece, amp; fit les autres pri-
fonniets. Leur butin fut trouvé dans la mai-
fon d'iui prêtre, amp; rendu aux propriétaires.
Quelque diligence qu'on fit pour s'oppofer
^a rage des Efpagnols, à peine étoit-ou
hors d'un mal qu'on r'entroit dans un autre:
Il ne fe trouva point de troupes proche
d'Anvers, de Bruxelles, ni dans le Brabant
qui ne vouluifent être de la partie ; Le
Comte de Van-der-Nat fortit àu même
temps des environs d'Anvers avec les Trou-
pes qu'il commandoit, amp; fe jetta dans le
Château de quot;Wou des dépendances de Ber-
gen-op-zoom d'où ilfut chalTé peu après.
Ces invafions fi fréquemment réitérées
aiigmentoient les plaintes des Etats, d'au-
tant plus juftement que les Efpagnols ne
pafibient point pour Ennemis , amp; qu'ils
n'avoient nulle raifon d'en ufer de la forte.
Pour en avoir làtisfaéèion on écrit de nou-
veau à Madrid, on parle à Caftel-RodrigOj
amp; à l'Ambaffadeur d'Efpagne qui étoit à
k Haye : on veut fçavoir la raifon de leur
procédé, amp; pourquoy ils donnent paifage
aux Anglois pour venir troubler les Provin-
ces Unies ? De tous cotez on répond una-
niment qu'on n'a rienfceu de ces desordres,
que le Roy d'Efpagne amp; fon Gouverneur es
Païs-bas étoient prêts de prouver qu'ils n'sr
voient pour k bien amp; pour le falut des Etats
que
I
A
-ocr page 102-d^ l'Evêque de Munfier. 7 3
que de finceres intentions : que bien qu'ils
fceuffent que leurs frontières e'toient tres-
ttialpourvues, ilsn'a\'pientpourtant point
fouftèrt que l'on y fit des couifes, ni laiffé
paiTer les Anglois, ni aucun autre à ce def-
fein. Les Etats repliquoient qu'il étoit im-
poffible que telles irruptions fe fîlfeutà leur
infceu, que les foldats ne inarchoient point
fans l'ordre de leur General, joint qu'on
^Çavoit que tout le mal venoit de ceux qui
s'étoient détachez des environs d'/ nvers
amp; de Bruxelles. Qu'on en avoit fouffert
jufques-aIorspour\'oTr quel étoit leur dei^
fein, mais qne puis qu'on ne les payoit que
de froides raifons, ils fe ferviroient de leurs
forces qui étoient affez grandes, non feule-
®ent pour les repouffer, mais même pour
aller jufques chez eux pour fe re^^^ancher de
leurs pertes par droit de reprelàilles.
Quelque refolution qu'on fit dans l'af-
Semblée des Etats Généraux de repouffer la
force par la force, ôn avoit peine à s'y re-
foudre, De peur de s'embarquer trop lege-
rement dans la guerre, on différa encore
quelque temps à pourliiivre les ennemis,
avec ordre néanmoins de renforcer les gar-
^ïfons, amp; de tenir de bonnes troupes ilir les
quot;quot;ontieres pour empêcher les incurlions.
^ependant tout étoit rempli des cruau-
des Efpagnols ; on apprit aue dans-Qu-
D ' den-
74 La Fie les AElions
denbofch outre leurs vols amp; leurs pillenes
ordinaires, ils avoient profané les Temples,
brûlé la Sainte Bible, amp; pollué le refte par
des aéiions que la pudeur défend de dire.
Et afin qu'on ne doutât point à qui ils en
vouloient, tout l'orage tomboit fur ceux
de la Religion reformée, au grand conten-
tement des Papiftesqui rioientde leur in-
fortune.nbsp;, r n- r
Dans le Brabant les Ecdefiaftiques le
vantoient que l'on verroit bien-tôr la ruine
amp; la deftruâ;ion de tous les Reformez,
^p'il étoit temps qu'ils cedafent à la force,
amp; que le Ciel ne les avoit que trop fouf-
ferts. A Colc^ne, on faifoit des feftins pu-
blics , où en bevant à lafanté de TEvêque,
des Prêtres amp; des Moines, on celebroit les
vêpres Sidlienes, amp; la S. Barthdemi de
France. L'entiere deftrudion de la Religion
reformée occupoit les efprits ; On trouvoit
tous les jours desPropheties amp; de nouvpux
Pafquins contre elle:Ondifoit que l'Evêque
étoit un Ange,, que Dieu envoyoit pour la
perdre, amp; qu'on étoit au temps de la deftm-
dion de la bête dont TApocalypfeparloit,
que les préparatifs de l'Ange deftrufteur
(c'eft-à-dire de l'Evêque ) étoient d'un bon
augure, amp; pronoftiquoientfa ruine. Que le
fecours que le Roy de France envoyoit aux
Provinces Unies ne témoignant que trop
que
-ocr page 104-de l'Evêque de Munfier 7 5
que ce Prince écoit parmi eux ce que IV
vroye eft dans le bled, il le failoit cribler,
amp; le jetter liors de l'aire de Sa Sainteté. Je
n aurois jamais fait,fi je voulois reciter tou-
tes les fadaifes qu'on débitoit fur ce fujet i
mais auffi pour ne rien omettre de ce qui
peutfervir d'éclairciffement à l'hiftoire,
voicy les Prophéties dont on faifoit le plus
de bruit.
anno cut tria 6. L'Année defîgnée par
ttois lt;5. doit être triplement fatale.
Obl-uetur Rex, difpergctur Orex, evertetw
^ex. A un Roy, à un Troupeau, amp; à
Une Loy.
Tgt;ic mihifatalis Regem quem dénotât Annus ?
^ quel Prince, à quel Roy cette fatale tannée
Mm-que-t-eUelaDepnée ?
Hmc cuj-m Romen tria Sex involvit, ^ U-
^'im. 1(566.
C efi fans doute à Celui dont le Nom eflpréfix
ParunPilier, lér trois fix. 1666.
LVDoVICVM fcilicet Almum. M.DC.LXVI, '
Après tant défaits inouïs
Ce ne peut être qu'à LOUIS.
^mI efî le Troupeau malhereux
doit tomber ? Celui des {*) Gueux.
D 2
riaLP quis'oppoferent à Plnquifition en
tJiirnbsp;cruautez qu'y cxcrcerent le
refirl:nbsp;autresMiniftres de Philippe II,
'«hiem appellerez,«,,..nbsp;quot;
-ocr page 105--jG La Fie les ABiom
dif^erget emn hoflis ?
Hé ! cotmnent nouspomToit-en dire »
amp;gt;^E7ine7ni les peut détruire}
Rex Anglic.
Ce Mo7iari^ne Uu]0',ti-s vainqueur
Charles fera leur Defirucveur.
Sed die, qute Lex evertetur ?
Mais, quelle J^oy fera détruite ?
ïsx nef aria HoUandorwm.
Des HoUandeis î(t Ley maudite.
At qmmsdo, aut à quo ?
Mai/spar quelle main, ^conment ?
Sera-ce par enchantement ?
fndujiriâ, laboreqiie EpifiapiMonafrrienfs.
Ron, ce fer a par l'indMfirie,
D'un Ge^ieral qui fait, équot; qui porte? Hojfie,
D'm Prêtre à'. ourte robe, ^ d'tin Soldatfieffé gt;
Tantôt bien, tantôt mal coiffé :
€^dit par fois fon Breviaire.,
Mais pour mire à fin Adverfaire ,
^i^lefçaitbienaujfiquiter.
Et quife nomme enfin l'Evêque de Mmfter-. •
Voilà les bagatelles à quoy l'on s'ocai-
poit en ïlandres, tandis que là France fon-
geoit à leur faire prendre un autre ton, a
s'emparer de leurs plus belles amp; plus fortes
villes, ee qui fut arrivé fans doute dés ce
ten^s-là, h la Hollande q^u'ils haiflbient ne
s'y fut oppofée, amp; n'eût détourné ce grand
©rage qui alloit fondrefur leurs têtes.
Un an après que la paiy fut conclue avec
de r Evêque de Mmfier. jy
l'Evêque de Munfter., on apprit en Hollan-
de qu'il recommençoit à lever du monde,
^^ qu'il en avoit déjà beaucoup. Sur cét
avis on refolut de s'en plaindre à lui même,
amp; de le faire reiTouvenir des articles du
dernier Traité. Ils le prièrent de penfer
que ces levées leur donnoient de l'om-
brage, qu'ayant été ponctuels à l'obfer-
ver, il devoir avoir le même égard, amp; ne
leur donner point fujet de fe défier de fa
conduite. L'Evêque répondit, que ce qu'il
35 amaffoit des troupes , ce a'etoit point
5, pour marcher contre les Etats, qu'il n'a-
5, voit point perdu la memoire du dernier
5; Traité, ni manqué en quoy que ce fût qui
i5 pût leur donner de l'ombrage, qu'il ar-
gt;5 moit à la venté, mais quec'étoit a l'imi-
î5 tation de fes voifins, qui l'obligeoient à fe
^. precautionner, amp;àfetenir preft fuivant
les ftatuts de l'Empire pour fe défendre
au cas qu'ils le vinflènt attaquer. Encore
fond fur les paroles
^ 1 Eveque,on fit femblant d'y ajouter foy,
^ a attendre fans s'émouvoir le refultat de
»es levées.
PrPi^quot;^''? le Roy d'Angleterre lui re-
I ociioit d'avoir fait la paix à fon infceu, lui
connoître qu'il en avost du reffentiment,
fon r ce temps-là ne voulut plus voir
Envoyé. L'Evêque ne répondit rien
D 3nbsp;aux
7 8 La Fie amp; les ABiom
aux menaces du Roy d'Angleterre, mais il
fit entendre à quelques Anglois, que leur
Roy étant heretique, fa confcience lui re-
prochoit d'avoir pris fon parti.
Cette année étant deftinée pour elire un
Coadjuteur, il différa à exécuter fes deffeins
après cette éleélion. Comme la chofe le
touchoit, il crut qu'il y falloir donner la
plupart de fes foins, d'autant plus qu'il a-
voitentête presque tout le Chapitre, qui
prétendoit que l'Archevêque de Cologne
fût préféré à Ferdinand de Furftenberg E-
vêque de Paderborn, Prince du S.Empire,
Comte de Pyrmont amp;c. pour qui l'Evêque
fe declaroit. B étoit fi accoûtumé à trouver
le premier eut un reffentiment, que Celui-
cy, tout grand comedien qu'il étoit, ne put
effacer avec le temps.
Cependant pour fe difculper, amp; pour
éblouir le oublie amp; les Mécontens, il ht
courir des Manifeftes, où il prouvoit que
jamais éleftion ne fut plus innocente, ni
moins extorquée que celle-cy ; qu'il avoit
laiffé au Chapitre toute la liberté que Içs
Coniquot;-
-ocr page 108-de l'Evêque de Munfier. -jc)
' Conftitutions lui donnent, amp; e'vite' autant
qu'il avoit pû les partialités amp; les brigues
dans une affaire de cette importance. En
fuite il produifit un Bref du Pape, qui lui re-
commandoit de s'élire un Coadjuteur,dont
nous avons crû à propos d'inferer icy la co-
pie.
Bref du Pape envoyé k M. l'Evê-
que de Munfier,
35 Mon Venerable Frere Salut amp; Apo-
5, flolique Benedidion. C'a été pour Nous
J, une grande joye d'apprendre avec quel
„ zele vous avez eu foin d'avancer la verita-
3,bleReligion, amp;deveillera la conduite
55 des Brebis, que Dieu vous a commifes.
35 Auffi avez vous la fatisfaâion de voir, que
35 Dieu bénit vos foins, vous ayant fait la
35 grace de rapeller à fbn devoir une ville re-
'35 belle J en forte que vous n'ayez plus de
33 flijets desobeïfTans, Cependant l'expe-
gt;5 rience,qui nous apprenà,que rien n'eft fta-
35 ble dans ce monde, que le mal paffé
35 peut revenir, à moins qu'il ne foit pré ve-
35 nu, ^ isfous invite à vous exhorter d'éviter
'3les inconveniens qui ont troublé votre
j'Oercail, depuis que Dieu vous en a fait
35 ie Pere amp; le Pafteur : Et comme le choix
a un Coadjuteur qui vous aide à porter
35 ce lourd fardeau, y peut beaucoup con-
D 4nbsp;tribuer.
So La, Vis ^ les AEllons
„tribuer. Nous vous exhortons à choîfir
„ un homme digne de cét employ , afin
„ qu'apprenant de bonne heure ce qu'il doit
5, fçavoir pour bien gouverner après vous,
„il'nes'éleve après vôtre mort ni brouïlle-
„ rie, ni diffention qui fcandalife fon Trou-
„peau. Et parce qu'il n'eft rien de fi fort
„que le bon exemple , on ne verra que
„paix, amp; qu'union parmi vos fujets ; fi
„ vous êtes toujours un^ avec vôtre Clergé :
„ c'eft de quoy Nous ne doutons point, amp;
„quevousnefoyezponéluel à Nous don-
„neravis tant du fuccez de cette affaire,
que de ce qui concerne le bien amp; le repos
de vôtre Eglife. Que fi par hazard vous
étiez demeuré d'accord avec vôtre Cha-
pitre de ne point prendre de Coadjuteur,
„ en vertu des Prefentes ce contrail foit de
nul effet. Du refte Nous aurons beaucoup
„ de joye de vous voir répondre à l'efpe-
„rance que Nous avons conceuë de vous.
„Donné à Rome le 1(5 Septembre
„de Nôtre Pontificat, le ii.
Signénbsp;I. Florentin. ^
L'Evêque ayant beaucoup moins d'amis
que d'ennemis, il ne manqua pas de Criti-
ques , qui publièrent, l. Que ce Bref étoit
unefiêtde la Politique del'Evêque, qui
pour avoir un Succeffeur tel qu'il le Ibubai-
toit, amp; pour fçavoir qui gpuverneroit après
lui,
-ocr page 110-de HE vêque de Munjler. S r
lui, avoir prié le Pape de lui écrire de la
forte, La 2 remarque qu'on faifoit fur ce
Bref étoit, que les Lieatenans de Je fus
Clirift étoient d'opinion bien contraire, le
Pape Innocent X ayant reflifé durant
cinq ans amp; même )ufques-à-la mort de
confirmer l'Evêque dans fa Charge, amp;
d'approuver fon élection , au lieu qu'Ale-
xandre VII ne fe vit pas plutôt Succef-
feur d'Innocent, qu'il approuva fans re-
pugnance ce que Celui-cy improuvoit : Il
eft vray que quelques-uns difent qu'Inno-
cent y eiit confenti fi la mort n'étoit furve-
nué, mais les Alemans qui aflùrent fçavoir
la chofe d'original, foutiennent que ce Pa-
pen'y auroit jamais confenti, 3. On ob-
fervoit qu'il y a peu de fond à faire fur la pa-
role des Ecdefiaftiques, ayant un Pape qui
les dégage comme il lui plaîtde l'obeïffance
qu'ils doivent à leurs Souverains , de ce
qu'ils fe promettent les uns aux autres, amp;quot;
des vœux même qu'ils font à Dieu.
Pour revenir à nôtre Evêque , Après la
reception du Bref, il ne fongea plus qu'aux
f^pyens de faire indiner les Chanoines à
1 éledionde Ferdinand, amp; lors qu'il crut
^oir gagné en fa faveur la plupart des fiîf-
J^ages, il fit affembler le Chapitre, où il
^eduifîç les difficultez qu'il avoit effuyées
«les l'entrée de fa Charge , l'ordre qu'il
D 5nbsp;avoit
8znbsp;Vie ^ les Anions
avoit mis pour empêcher les irruptions
qu'on eut pii faire fur leurs frontières ; la
peine qu'il s'étoit donnée pour appaifer les
diifenfions; les foins, ladépenfe , les fati-
gues que lui avoit coûté la desobeiifance de
la ville. Qu'enfin il avoit le bonheur de voir
la paix bien établie; Que fes fujets jouiflbi-
ent du repos que fes fueurs leur avoient ac-
quis, amp; qu'ils étoient dans un Etat à ne rien
craindre ni fouhaiter. Qu'il étoit refolu de
continuer jusqu'à la mort dans les finceres
intentions, qii1l avoit toujours eues pour
eux , mais que fon âge ne lui permettoit
plus de porter feul un fi lourd fardeau que le
fien; Qu'étant fexagenaire, amp; ne pouvant
plus efperer de vivre déformais long-temps,
ils fongeaifent dés-lors à lui donner un ' Suc-
ceifeur, pour obvier aux inconveniens ar-
rivez après la mort de fes PredecelTeurs,
faute d'avoir pourvu de bonne heure à cette
importante éledhon. Que les malheurs
pafl'ez les invitoient à fe precautionner,' ce
qui leur étoit tres-facile, y ayant parmi eux
quantité de grands Perfonnages d'un mérité
extraordinaire, amp; d'une vertu confommée;
Qu'il n'avoit rien à leur prefcrire touchant
le choix qu'ils devoient faire, mais qu'il les
exhortoit de demander ferieufement les lu-
mières du S. Efprit, afin que leursfuffrages
tombafient fur le plus capable. Qu'après
cela
-ocr page 112-de l'Eveque de Afunflçr. S ?
cela il n'avoit plus qu'à les prier de fe rendre
acteudfs à la ledure d'un Bref, que le S, Pe-
l'e leur envoyoit fur ce fujet.
^ref du Pape au Chapitre de Munfier
tmchant réleUion dun Coadju-
teur four tEvêque.
quot; /k Nos Fils bien-aimez du Chapitre de
Xl.Munfter falut, amp; Apoftolique Be-
5, nedidion , Tres-chers-fiis en nôtre Sei-
35 gneur Îefus-Chrift, Vous ne vous eftes
jj pas acquis une petite gloire en prêtant la .
3gt; main à vôtre Evêque pour reduire fes fij-
5i jets rebelles à fon obeiffance , amp; pour
gt;5 avancer la pieté amp; la^Religion Catholi-
3 5 que : Mais vous l'augmenterez encore, fl
35 vous ne dégenerez point de ce grand zele
35 qui vous rend fi recommendables ; c'eft
35 de quoy Nous ne doutons point, fi vous
33 continuez à fuivre le bon exemple, que
3 5 vous a donné vôtre Evêque, amp; fi vous
33 cherchez les moyens de vous maintenir
33 dans la paix, qu'il vous a procurée. Nous
33 n'en fçavons point de meilleur, que de lui
.53 choifir de bonne heure un fidelle Coadju-
33 teur, amp; qui mérité de lui fucceder. C'eft:
33 a quoy Nous vous exhortons pour éviter
'3les troubles, qui ont ébranlé vos Etats
33 après la mort de fes Predeceflèurs. Et
w comme Nous ne l'avons étabU dans cette
D anbsp;„dignité
§4 La Vie ^ les AElions
3, dignité qu'après avoir été fuffifàmment
initruirs de fa capacité, defonzele amp; de
„fa vertu ; auffi ne devez vous jener les
55 yeux que fur celui qui aura les mêmes ta-
lens. En quoy vous ne manquerez pas, fi
5, vous invoquez là-defllis les lumieres du S.
,,Eforit d'un cœur pur amp; fincere. Donné
3, à Rome le aé Septembre Jdé'y amp; de
53 Nôtre Pontificat le 11.
.Signé I.Rorentin.
Après la leélure du Bref, les efprits de-
meurèrent partagez comme auparavant.
Ceux à qui l'humeur de l'Evêque êtoit in-
fuportable n'approuvoient point cette éle-
ction : Ds )ugeoient bien qu'étant abfolu
comme il étoit, les fuffrages feroient ex-
torquez. Cette penfée donnoit la géne à
leur efprit, amp; les faifoit fe plaindre qu'on
anticipât fiir. leurs droits , Qu'en vain on
leur donnoit la hberté de lui élire un Suc-
celTeur s'il en étoit le Maître. Que les Sta-
tuts Ecclefiaftiques, amp; leurs propres Con-
ftitutions êtoient violées |gt;ar ce procédé ty-
rannique. Que le Pape etoit prévenu,, 6c
que ces ordres ne leur ctoient donnez que
par l'adreffè de l'Evêque, afin d'avoir la li-
berté de fechoifir un Coadjuteur à fa mo-r
de. Qu'il failoit au moins differer autant
qu'on le pourroit pour prendre de juftes
mefBresfiu'une affaire qui détruifoit leurs
defEvê^nede Mmfier. §ƒ
privileges, amp;qui les touchoit de fi prés.
Ceuxquitenoientleparàde l'Evêque, amp;
quifaitoientleplus grand nombre, oppo-
foient que le Pape étant le Chef vifible con-
ftitué de Dieu fur PEglife avoit droit de
leur commander, qu'on devoir à fes ordres
amp; le même refpeâ:, amp; la même venera-
tion qu'â ceux de Jefus Chrift, Que l'on
ne pouvoir pas fans }gt;éché y trouver à redi-
l'c, amp; que fur une affaire qiii demandoit une
-OteifTance aveugle, on n'avoit déjà que trop
raifonné. Qj'iisfiflênt comme ils l'enten-
droient, mais que pour eux ils étoient ré-
solus d'ojséir fans répliqué à Sa Sainteté amp;
a l'Evêque. Enfuite ce parti convint du
temps auquel on publieroit dans les dépen-
dances de Munfter la refolution du Chapi-
tre. On infera dans la publication qu'il y
avoit deux ans qu'ils avoient ordre de Sa
Sainteté de choifîr un Coadjuteur, Que
grand nombre des afEiires qui étoient fur-
^'enues avoient empêché d'y obéir jufques
^ors, mais que par la grace de Dieu ces af-
faires étant terminées, le Chapitre avoit
arrefté qu'on procederoitàl'éledtion le 19
Juin.
p Jufques-à ce temps-là, l'Evêque amp; fon
A arti mirent tout en ufage pour attirer les
^ix des autres, mais ils n'y prirent rcuflir.
petit nombre d'opiniâtres avoit fait
D 7nbsp;bande
86 La Vie ^ les Avions
bande à part il y avoit long-temps, amp; ne
pouvoir fouffrir qu'on lui parlât à l'avanta-
ge de l'Evêque ; c'êtoitaflèz, qu'il propo-
sât quelqu'un pour être l'objet de leur hai-
ne,amp; bien qu'ils reconnuiïent,qu'ils étoient
les plus foibles, ils protefterent de confer-
ver autant qu'ils pourroient les privile-
ges du Chapitre, amp; de défendre leur li-
berté.
Sur ces entrefaites Maximilian Henry
Archevêque de Cologne relîgna le Cano-
nicat qu'il avoit àMunfter à Erneft Leopold
deBockenforde.M. de NeflTelrod le fien à
Herman Theodore de Bockenforde : amp;,ile
Sieur de L'herat le fien à Henri Guillaume
de quot;Wendt. Suivant la coûmme du Chapi-
tre on affigna le mois de luin à ces trois nou-
veaux Beneficiers pour faire preuve des Ar^
rties de leurs Patrons ; le jour de la compa-
rition tout le Chapitre de concert donna
l'exclufion aux deux derniers. Premierer
ment parce qu'il fe trouvoit dans leurs aâres
derefignation quelques claufes opppfées aux
Ordonnances de Pie V. Et en fécond lieu
àcaufe, que les formes de l'accord croient
défedueufes. Pour le premier, il fut admis
envueducaraiaere amp; du mérité de l'Ar-
chevêque , qu'on ne vouloir pas desobliger.
Trois jours après, Herman Theodore de
Bockenforde, Se Henry de Wendt à l'in-
ftance
-ocr page 116-de l'Evêque de Munfier. 87
ftance de leurs Patrons fe portèrent appel-
ons contre le jugement amp; la conclufion des
Chanoinesdemandans que leurs Armes
fuffent attachées au rang des autres. Le
Doyen inclinant à les favorifer r'aflêmbla le
Chapitre,lui remontra l'importance de l'ex-
clufion , amp; reprit de nouveau les voix :
puis les voyant égales, il prononça qu'on
pouvoir attacher les armes, ajoutant, que
s'il les avoit, il les attacheroit lui-même.
La fentence du Doyen irrita le parti con^
traire, amp; d'autant plus qu'on le confide-
roit comme la creature amp; le favory de l'E-
vêque. Oninfiftoit, non feulement qu'on'
s'en tînt aux premiers fuffrages, mais mê-
tne qu'on ôtât au Doyen le droit de fécond
fuffrage, à caufe que ce privilege rendoit fon
î'ard le plus fort. Ils s'appuioient fur ce que
les Stamtsportoient, qu'il n'y eîlt que les
Prêtres qui pûffent avoir voix en Chapitre ;
Que le Doyen ne Pétant point, il n'avoit
pas laiffé depuis deux ans qu'il étoit enChar.
ge, de la donner comme s'il l'eût été : Que
c'étoit une tolerance, qu'ils ne vouloient
pli« avoir pour lui, amp; qu'il ne devoit plus
Prétendre jufqu'à ce qu'il fût Prêtre. La
clialeur des conteftations paffa jusques-à
--nbsp;t-utnbsp;j^aiiv, ^uui auLiivui-ivjuv,,
^ dans Içs formes, on y trouva depuis tant
de
-ocr page 117-8 s La Fie ^ les Aclions
dechofesàredii-e, qu'on difpura à Ernefl:
Leopold tout ce qu'on difputoit aux autres.
Quelques-uns difent que l'exclufion de
ces nouveaux Clianoines étoit une rufe de
l'Evêque, lequel en prévoyant les fuites,
les traverfoit fous main, amp; d'une façon dé-
licate. Qiie le Doyen n'étoit interdit con-
tre les loix amp; les coutumes qu'en cette con-
fîderation, amp; que l'on voioit bien que
beaucoup d'autresauroient le même fort,
mais qu'on auroit peine à y femedier. ^
Cependant les Chanoines qui s'étoient
liguez contre l'Evêque , crai|;nant que le
Doyen, amp; le Vicaire nomme Bucholtz ne
s'obftinalfent en«faveurdes nouveaux venus,
fupplierent l'Evêque de tenir fei-me dans fa
refokition, amp; de ne point pennettre que
ces deux-là euîfent voix en Chapitre, de
peur que le parti contraire qui en prenoit
ombrage, nele foupçonnât de partialité, amp;
de quelque intrigue fecrete au préjudice de
fa reputation. Lacliofe e^oit fi jufte, que
l'Evêque en la jrcfiifant péchoit vifiblement
contre les Canons de l'Eglife ; fes Ennemis
quicherchoientà le chicaner, ne deman-
àiient pas mieux qu'à trouver lieu de l'ac-
cuferenCourdeRome : l'Evêque qui n'en
doutoit pas accorda ce qu'ils demandoient,
amp; priva le Doyen de voix tant aétive que
paflivejufqu'à ce qu'il eût fait paroître fes
defEveque de Munjler. 8p
lettres de Prêtrife. Ce Doyen fe nommoit
Joffe Etmand de Brabeck, homme affez in-
trigant, amp; que l'Evêque pour ce fujet a-
Voit dépe'ché vers les Etats fur le dififerent
de Borculo. Depuis que l'Evêque l'eut in-
terdit , il fut accufé de Simonie, dequoy
n'ayant pu fe purger, il fiit dépofé de fa
Charge, où il ne pouvoir être réintégré
que par le Pape.
En même temps, le Fifcal Apoftolique
fe mit à rechercher tous ceux qui avoient
iTialverfé depuis quelque temps dans leurs
Charges. Entre les p us coupables, l'Ar-
chidiacre fut accufé d'avoir eu durant qua-
tre ans un commerce illicite amp; fcandaleux
avec des femmes ; que depuis quelques re-
primendes qu'on lui en avoit faites, il avoit
continué fon crime au mépris des Canons quot;,
Se au fcandale du Cierge. Que dans là
Charge d'Archidiacre, il faifoit l'Evêque
amp; le Pape, amp; donnoit des difpenfes pour
fe marier aux degrez défendus. Q^e nod
content de s'attribuer ce qui ne lui étoit pas
dû, il autorifoit de fimples Prêtres à doniier
les mêmes difpenfes, ce qui rempliffoit tout
d'inceftes, amp; de crimes abominables. Qu'il
y avoit quantité d'autres chefs, dont il étoit
aifé de convaincre ledit Archidiacre, amp;à
Pfopos de le punir depeur d'autorifer le
v^ce, amp; de donner pied au fcandale, c'eft
pourquoy
-ocr page 119-50 La Vit ^ les AEtions.
pourquoy il requeroit qu'il fût dépofé de fa
Charge,
L'Evêque foufcrivit à la requête du Fif-
cal, amp; en dépofa encore deux autres, qiâ
furent accufez de crimes dont ils ne purent
fe purger.
Le même jour ifî.Juin l'Evêque revêtu
de fes habits Pontificaux, fe difpofant à
celebrer l'Anniverfaire de fon PredeceiTeur,
vit entrer dans fa chambre le Doyen fuivi
d'un Notaire, amp; de quelques témoins, qui
lui prefenta un papier, ou il étoit certifié
que ledit Doyen étoit véritablement Prê-
tre 5 quoy qu'il ne fût pas obligé de l'être
par le dû de faChargejamp; qu'on ne marquoit
pas d'exemples dans leDiocefe de Munfter,
amp; dans tous les autres, que laPrêtrife n'di
point annexée au Doyenné ; Que cepen-
^nt fur un préjugé, amp; fur de fimples con-
jeftures, on lui avoit défendu de donner fa
voix, on l'avoit dépofé, calomnié, amp; outra-
gé fans l'écouter fur fes faits juftificatift,
dont il demandoit reparation. L'Evêque
indigné contre un homme , qui fans au-
cun refpefl du temps, du lieu, amp; de fa
Dignité , l'avoit abordé fans permiffion,
prit fon papier fans lui rien dire, différant
à une autre fois à lui apprendre fon devoir,
L'occafion de le faire s'étant prefentée le
même jour, il le reprit fort aigrement à la
face
-ocr page 120-de l'Evêque de Munfier. 5?i
face de tout le Chapitre, amp; après l'avoir
menacé de le punir s'il retomboit dans la
même faute, il lui fit entendre que fon pa-
pier n'étant qu'une copie , ce n'étoit pas
aflez pour le convaincre de faPrêtrife, amp;
qu'il vouloir voir l'original. Deux jours a-
gt;rés, le Doyen retourna chez l'Evêque avec
a même effronterie; amp; fans attendre, qu'on
lui en donnât permiffion. L'Evêque furpris
de fon infolence, fe tourna vers le's Gentils-
hommes , Chanoines amp; Beneficiers, au mi-
lieu defquels il étoit , leur demanda s'ils
fouffriroient qu'on les abordât de la force,amp;
ce que meritoit un homme qui etitroit chez
Un Prince avec tant de témérité ? A enten-
dre l'Evêque, il fembloit qu'il fiit en co-
lère, amp; qu'il allât s'emporter contre le
I^oyen : mais il fe contenta de lui faire un
léger reproche de fon peu de civilité, amp;
commanda que déformais, quand il auroit
quelque chofe à lui dire, il s'adrelfàt à fon
Vicaire General. La fin de cette affaire,fut
qu'on ne receut point le Certificat du Doy-
en, amp; que la fentencc que l'Evêque avoit
■prononcée contre lui, eut fon plein amp; en-
tier effet. Il eft certain que le Doyen en a-
^oit mal ufé à l'égard de fon Supérieur, de
fon Evêque, de fon Prince, mais il eft vray
^uffî que les maniérés de l'Evêque n'étoient
pas innocentes ; amp; pour peu qu'on fiit pe-
netrant ,
5 2. La Vie ^ les AElions
netrant, il étoit aifé de juger que tous ces
changemens qui fe faifoient dans le Chapi-
tre, ne tendoient qu'à intimider amp; à écarr
ter ceux qui refufoient de lui donner leurs
vbix pour l'éledion qu'il meditoit. Quel- -
que puiffante que fixt la brigue de l'Evêque,
elle étoit néanmoins fort traverfée dans fes
defieins, amp; fur tout lors qu'il s'agiffoit de
quelque affaire d'importance. L'éleélion
d'un Coadjuteur lui donna plus de peine
qu'il ne s'en étoit figuré. Ses AdverÉiires
qui faifoient le plus petit nombre, n'avoient
paslaifîê d'obtenir que l'on en feroit l'éle-
(ftionle 19 de Juillet, jour célébré dans le
Diocefe , amp; confacré cette année-là à la
mémoire du Martyr S. Maxime. Les Re-
liques de ce Saint avoient été données par
le Pape à l'Evêque avec de grandes Indul-
gences qui durerenc Tefpace de fix ans.Tous
les ans ces Reliques êtoient portées aux plus
beaux endroits de la ville avec pompe amp;
magnificence,amp; reverées comme les Prote-
étricesdelaville, amp; de tout le Pais. J'ay
dit que cettePête étoit celebrée cetre années-
là ie 19. de Juillet : ce que j'ay dit expreffé-
ment, parce que les autres années c'étoit le
iS amp; que la raifon pour laquelle la Fête de
S. Maxime étoit transférée au lendemain,
c'eft que la Fête-Dieu fe rencontroit le mê-
raejour, à laquelle il étoit bien jufte que ce
bon
-ocr page 122-âe l'Evêque de Munflen. 9 3
bon Saint cédât r joint que c'eût été trop
de peine pour M. M. les Ciianoines d'aller
de^ fois en Proceffion le même jour. Ain-
fi l'on fit cette anne'e à Munfter deux jours
de fuite les mêmes pompes amp; les mêmes
ceremonies. Giiacun fçait que la Fête-Dieu
eft une des plus grandes Fêtes de l'Eglife
Romaine, on tapiffe les ruës ce jour-là par
toutou l'Hoftiedoitpaffer, on les jonche
de fleurs, amp; l'on fait dans tous les Carre-
fours de riches repofoirsoii l'on pofe l'Ho-
ftie en paflant, que l'on regale d'un Motet
amp; de toutes fortes d'inftnimens : Comme
cette fête eftfolemnelle, c'eft au plus II-
luftre du Clergé à faire la Cérémonie, amp;
^rconfequentà l'Evêque dans les Eglifes
Cathedrales. Toutes les fois que l'Evêque
Va à l'Eglife, certain nombre de Chanoi-
»es doit aller au devant de lui, amp; l'amener
au Choeur, où fuivant que la fête eft gran-
de on lui porte un refpeft qui va jufqu'a l'a-
doration.
Ce jour rEvêque allant au Choeur fe
trouva efcorte' de fi peu de Chanoines qu'il
p fiit tout fcandalizé, amp; d'autant plus que
«Nobleffed'alentour, amp; une infinité de
Peuples étoient venus de toutes parts pour
affifterà la Ceremonie. Il n'y a point de
gens qui fçachent mieux ce que peut la re-
Potation que les Ecclefiaftiques, auffi n'y
a-t-il
-ocr page 123-5j4 I-a Vie les AEliotis
a-t-il point de gens qui en foient plus jaloux:
comme ils fe difent les Miniftres de Dieu,
peu s'en faut qu'ils ne s'approprient l'hon-
neur, qui lui eft dû. C'eft d'où vient cet é-
clat, ce fafte amp; cette pompe, qu'on voit
^nsl'Eglife Rom.aine, afin que le peuple
ébloui de la veneration, pour ne pas dire de
l'idolâtrie, qu'on a pour eux dans leurs fo-
lemnitez , les revere en toute rencontre
comme des hommes extraordinaires. La
malice des Chanoines (car e'étoit pour lui
joûer pièce qu'ils ne l'avoient pas efcorté )
tenoit fort au cœur à l'Evêque : comme il
ne doutoit pas,qu'ils ne l'euflent faite à-def-
fein,il eut peur que,le lendemain on ne lui fit
le même affront. Ce jour n'étant gueres
moins célébré que le précedent,étant,com-
me nous avons dit, deftiné à la Fête des Re-
liques de S. Maxime, il fit dire aux Cha-
noines dés fix heures du matin, qu'ils fe gar-
daffent de tenir Ch^itre ce jour-là : Qu'ils
n'avoient point d'afteire, qui les y obligeât
dans une Fête fi folemnelle, qu'ils fe fou-
vinffent, qu'il s'agifToit d'honorer les Reliquot;
ques d'un Saint que le Pape leur avoit don-
née en la place de celles, que les Anabapti-
ftes avoient brûlées il y 'avoit cent ans ; Que
pour fe rendre dignes de la faveur que le Pa-
pe leur avoit faite, amp;de la protection du
quot;Saint 3 ils devoient employer tout le;,our
en
-ocr page 124-de l'Evêque de Munfier. c) j
en prieres amp; en oraifons : amp; qu'enfin il les
atcendoit pour l'accompagner à l'Eglife.
l^s Chanoines, qui avoient pre'vû une telle
Ambaffade, s'étoient afièmblez des cinq
hem-es,ceitx qui tenoient le party du Doyen
étant refolus de n'en point fortir que les
Chanoines fufdits n'euifent e'té admis:
niais les Partifans de l'Evêque, qui n'y étoi-
ent que pour empêcher, qu'on n'y 0t rien à
on pre) udice,fe mirent en devoir de fortir
pour aller au devant de lui, aufquels les au-
tres s'oppofantdirent, qu'il fuffifoit qu'on
aeputât vers lui pour l'informer que l'Af-
lemblée ne fe pouvoir rompre,que l'on n'eût
enninécequis'y étoit proposé; amp; cette
opinion fut fuivie. Lorsque l'Evêque en-
^ejiàtleurrefolution, il en fit fiùre procez
srbal par un Notaire Apoftolique, amp; les
Jiommer cependant de fortir du Chapi-
d^oi^, ^^nbsp;P^iquot;^ d'être
délibéré là-delfus, les opiniâtres
l^riilterent à lui désobéir contre le fenti-
. autres, qui opiiioient à rompre
A^emblée amp; à fkire ce qu'il defiroit, puis
qunnbsp;Supeneur, mais on repli-
l'Evêque exi- .
gt;res quot;nbsp;= qu'étant li-
Comm ^ Jnbsp;il n'avoit rien à leur
quot;n^der, principalement au Chapitre,
-ocr page 125-La Vie ^ les: AÛiom
où il n'avoir aucnn pouYoir, amp; d'où ils ne
fortiroientpoint qu'on n'eût admis fes trois
fufdits Chanoines amp; un nouveau-venu de
France.
Pendant cette conteftation , J'Evêque
las d'attendre entre l'Evêchéamp; l'bglife fiit
contraint de fortir, amp; d'aller au Chœur
fans cortège : ce qu'il apprehendoit le plus,
à caufe du concours du peuple, qui s'arête à
Pécorce, amp;qui n'admire que ce qui lui
frappe les yeux. Pour achever de le perdre
dans l'efprit du peuple, pendant qu'il offi-
cia les Chanoines ne parurent point, étant
ravis d'avoir trouvé cette occafion pour
mieux faire éclater leur haine. C'eft une
chofe étrange que Panimofité des hom-
mes ; depics qu'ils en veulent à quelqu'un,,
il n'eft point de raifon affez forte pour l'ar-
rêter ; mais ce qu'il y a de plus étrange,
c'eft qu'il femble que la vangeance, la hai-
ne, l'orgueil, le mépris, en un mot tous
les vices prennent de plus fortes racines
dans les Ecclefiaftiques ,. que dans ceux
qu'on nomme Laïcs. Vice qui vient à mon
avis de l'autorité qu'ils ont prife de repren-
dre les autres, amp;de ne point fouffrir qu^
perfonne les reprenne comme s'ils ctoient
impeccables, d'où vient que s'enflant peu a
peu de l'honneur qu'on leur fait., amp; s'en
prévalant dans la fuite 5 ils deviennent p
.-fch
-ocr page 127-de t Evêque de Munfier.
Qelieats qu'ils croient e'tre an deffiis des au-^
très, amp; qu'on doit reverer jusques-à-leur
fotifes 3 amp; leur plus hautes impertinences.
Au lieu que s'ils étoient ce qu'ils tâchent de
perfuader, ils n'auroient pas la honte qu'ils
ont de voir que ceux qu'ils prêchent, font
înfiniment plus vertueux : amp; moins vifs
qu'eux dans leurs paffions.
Pour revenir à nôtre Evêque, à peine
ftit-il hors de l'autel qu'il fit éclater fa colè-
re. Il remontra dans îa Sachriffie aux Cha-
noines, qu'après l'aéfion qu'ils, venoienc de
faire, ils étoient indignes de leurs Char-
ges , qu'ils fçavoient bien mal leur devoir gt;
s'ils ne comprenoient pas encore qu'étant
leur Evêque amp; leur Supérieur il tenoit la
place de Dieu. Que s'ils le fçavoient, ils
étoient d'autant plus coupables qu'ils pé-
choient contre leur confdence. Où eft le
^ele, continua-t-il, que vous devez avoir de
^amaifon de Dieu? où eft l'exemple que;
Vous devez donner au peuple ? où eft le
refpe^lquinn'eft dû en qualité de Lieute-
nant de Dieu dans mon Diocefe ? il faut
que vous foyez bien méchans ou- bien igno-
ans; De quelque façon que ce foit, vous
es refponfablesdufcandalequi eft arrivé.
«eu du bon exemple que le peuple s'e-
quot;Jt promis en venant à l'Eglife, il s'en re-
quot;uineaial édifié de vôtre indevotion,. amp;
E.nbsp;perfuads
5 s La Vie ^ lerABiom
perfuadé que les Ecclefiaftiques n'ont que
l'ombre de la vertu. A ces paroles il fortit
briîsquement faifant entendramp;qu'il punit oit
exemplairement les coupables.
Le lendemain les Chanoines e'tant au
Chœur, amp; attendant qu'on dit laMefle
du S. Efprit, qui eft le preludeordinaire des
ëledtions qui fe font parmi les Romains j
l'Evêque dépofa publiquement quatre
Chanoines , amp; leur ôta toute efiperance
d'être remis, qu'ils ne fiffent paroïtre par
des témoignages fenfibles la foùmiffion
qu'ils lui devoient. Dés le matin ils s'étoi-
ent encore affemblez à l'infceu de l'Evêque,,
où ceux qu'il avoit dépofez proteftoient de
leur innocence, qu'ils en appelloient com-
ine d'abus , amp; qu'ils fé çourvoiroienr
devant qui il appartenoit. La-deflus l'Ar-
chidiacre fortit du Chapitre, amp; fut fuivi
de tous les mécontens qui êtoient en afièz.
grand nombre.
Après quelques difficultez fur de fembla-
bîes matiereSjOn vint dire à l'Evêque ce qui
fe pafToit au Chapitre ; aue le Vicaire avojt
protefté, qu'il appelloit de la fentence qu'il
avoit donnée contre lui, amp; qu'il avoit été
fiiivi de^huit ou dix autres qui refufoient
de donner leurs voix en fon abfence : qu'on
en étoit Ùxr le chapitre des trois nouveaux
Chanoines, pour qui les voix êtoient par-
ta^êes^
-ocr page 129-de rEvêque de Munfier. cj^
Gagées comme auparavant, amp; que l'on cou-
roit rifque de ne rien faire encore ce jour-là
tant la divifion étoit grande. L'Evêque ré-
pondit^qu'il entendoit que la dépofîtion des
quatre premiers fubfiftât, mais qu'ils pou-
voieat nonobftant concourir à l'ékaion da
Coad)uteur.' Ce qu'il faifoit d'une maniè-
re alfezfubtile : ne doutant pas qu'étant ir-
ritez comme'ils étoient, ils ne refùfalTent
dele faire : amp; cependant il évitoit par là
^ reproche qu'on lui eût pû faire d'avoir
rait procéder à une éleaion défetlueufe,
puisque c'étoit leur faute s'ils n'y avoient
pas concouru,
Lapermiffionqueleurdonnoit l'Evêquç
leur ayant été fignifiée, amp; pas un ne com-
paroiflàntpour reprendre fes droits, ceux
qui étoient prefens ne laiflèrent pas de paf-
ler outre, amp; d'élire pour Coadjuteur te
f res-Haut, amp; Tres-Illuftre Seigneur Fer-
dinand Evêque de Paderborn, Trince du
^■■ Empire, Comte de Pyrmont amp; Cha-
noine de cette Eglife. Les Conciles défen^
«ent qu'un Evêque ait deux Evêchez, mais
le Pape qui eft au defliis, ou qui prétend de
être, en difpenfe comme il lui plaît. L'E-
qui n'ignoroit pas, que rien n'eft im-
poffible à quiconque a un peu d'eforit, âvoit
ggnélePape , amp; la plupart des voix de
quot; Chapitre, avant que de faire paroître
E anbsp;qu'il
îoo Lit Vie ^ les AElions
qu'il voulût un Coadjuteur, c'eft pourquoy
ilyreûffit, au lieu qu'on tient que s'il eût
pris d'autres mefures, l'Evêque de Pader-
born ne lui eût jamais fuccede.
Il en fut de cette éleélion comme des au-
tres entreprifes qui reûffilfoient à l'Evêque,
on le blâmoit d'être trop ambitieux,amp; trop
attaché à fes interefts, d'avoir de fecretes
intrigues, d'être trop vigilant, trop aélif
amp; trop penetrant, en un mot d'avoir trop
ii'efprit, comme fi un homime du monde
croit digne des grandes affaires fans être
tout cela, où que ces belles qualitez qu'on
exige dans les grandes ames, fût un vice
dans notre Evêque. îcy l'auteur de l'origi-
nal demande pardon auLefteur de s'être un
peu trop étendu fur une matiete fî féche, n'y
ayant dans cette éleétion que ce qui fe voit
dans les autres : ils'excufefur ce qu'il pré-
tend qu'il y étoit en quelque façon obligé
pour peindre l'Evêque plus au naturel, pour
faire connoitre fon humeur, amp; qu'il avoit
plus de vices que de vertus. Etmoy je foii-
tiens que cét Auteur eût encore fait plus ju-
dicieufement s'il eût mis en cinq ou fix Hquot;
gnes ce qui fait dix ou douze pages; ou du
moins s'il l'eût étendu avec plus d'ordre 8f
de methode, ouplûtôt s'il eût eu l'efprit
de ne fe point mêler d'une chofe qu'il n'eO'
rend pas, tant il eft vray que fon livre eft
de l'Evêque de Mmfier. i o i
»al fait, mal conceu , amp; mal ordonné.
JJn me doit pardonner cette petite digref-
quot;on contre un fi méchant Ecrivain : i'ay
tant de peine à corriger fes feutes, amp;à re-
parer fes bévues qu'il en eft quite à bon
marché.
Pour reprendre ou nous en étions , l'E-
ledeur de Cologne ne pÛt diffimuler le ref-
lentiment qu'il avoit de fe voir rebuté. L'E-
vêque qui le fceut lui écrivit amp; à l'Evê-
que de Strasbourg: Qu'il redoutoit peu
5, leurs menaces : Ç^ie fi malgré leurs me-
5, nées fourdes qui tendoient à le perdre
d'honneur amp; de reputation, amp; mêmes
55 lui ravir fon bien il avoit reiiffi, il ne dou-
15 toir point que le Ciel ne continuât à le be-
55 nir; .Que fous de fi heureux aiifpices ii
55 viyoït en repos d'autant plus qu'il fçavoit
55 qu'a ne fe trouvoit point de Princes à
55 qui cette éledion déplikquot;; Que l'Eledeur
55 deBrandenbourg amp; qnelques-autres qui
551 en avoient felidté étoient garens de ce
^.qu'ildifoit: amp; qu'enfin fi leurs armes le
55Contraignoient à fe défendre, tout con-
55 ipiroit à Im promettre un bon fuccez. Il
encore quelques paroles de part amp;
autres fur le même fujet, mais les affaires
Muiiurvmrent firent fonger à d'autres cho-
comme étant de plus d'importance.
^ An le Roy de France ayant at-
E 3nbsp;taquc
m
î^i La Vie ^ les ABions
taqué les Païs-Bas Catholiques , y fit de
tels progi-ez, que la Hollande en pnt om-
brage. Pour fe mettre à couvert des fra-
yeurs que donnoient fes armes, on y leva
des troupes qu'on difperfa fur les fronneresj
amp; comme eÙes ne fuffifoient pas, les Ducs
de Bronswick amp; de Lunebourg leur en-
voyèrent un renfort de quatre à cinq mille
hommes. Ces Troupes ne pouvant pafTer
que l'Evêque n'y confentit, on depeclia le
Sieur d'Ameronge pour le prier, que le che-
min leur fut libre fur fes terres ; qu'on ne
demandoit cette grace qu'à condition que
fesfujets n'enreceuirent nulle incommodi-
té , amp; qu'ils la demandoient avec d'autant
plus de confiance qu'il croit leur Confe-
deré.nbsp;^nbsp;lt; j n
Ces inftances furent appuyees de celles
des Ducs de Lunebourg, mais d'abord fans
aucun fuccez. L'Evêque répondit que fui-
vant le Traité qu'il avoit feit avec les Ele-
veurs de Mayence, de Cologne, amp; avec le
Duc des Nieubourg, il ne pouvoir m laifler
pafler des troupes fur fes terres, ni donner
fecours à perfonne qu'auparavant lefditsAl-
liez n'y confentiffent, qu'il leur dépéche-
roitun Courrier, amp; qu'il en uferoitfuivanc
ce qu'ils lui répondroient. D'Ameronge
répliqua que ce qu'il demandoit au nom
des Etats Généraux ne concernoit point fes
Alliez i
-ocr page 133-4ê TÉvêque de Munfier' î
Alliez ; Qiie l'Armée de fes Maîtres n'en-
vifageoit aucun Parti que celui de la paix ,
amp; que la guerre n'étoit point leur but à
moins qu'ils n'y fufTent contrains j Qu'il
lui plût de fe fouvenir que par la paix fignée
«ncre lui amp; fes Maîtres, il devoit accorder
le pafTage dont il s'agifîoit, amp; qu'enfin leur
■demande ne bleflôit ni fes interefts, ni ça»
defesAUiez,
, que pût dire l'Envoyé des Etats,
^Evêque ne permit le paifage qu'il deman-
uoit, qu'après qu'il fceut que la paix étoit
arrêtée entre les deux Couronnes , amp;
qu'Aix-la-Chapelle étoit le lieu où elle'fè
devoit figner. Que les Troupes paffent dit-
mais qu'elles prennent garde de fouler
ïnes fujets, ni de rien faire qui les grève. Au
^efte il traita l'Envoyé affez civilement, amp;
tacha deluiperfuaderque fon deffein étoit
d entretenir avec fes Maîtres une bonne amp;
■durable paix.
Nonobftant ces belles paroles, il eft cer-
tain qu'il eût fait la guerre aux Etats, fila
paix ne fiit furvenuë. Outre les grands
idices qui pouvoient fonder ce foupçon,Oft
avis de toutes parts qu'il étoit uni avec
^^irance ; que celle-cy ùy avoit envoyé de
S«oy lever des Troupes, qu'il en avoit dé-
y^FPîed, amp;qu'i les payoit largement;
u ne falloir point efperer qu'il confentît
E 4nbsp;au
104nbsp;V^e ^ ^^^ Anions
iupalTagedes Luneboarg , que la France
n'en flit d'accord, Qii'aulieude depecher
vers les Eleéteurs comme il difoit, ilavoit
envoyé en France pour avertir de la de-
mande des Etats , amp; qu'infailliblement il
avoit du deffein contre eux.
Tous ces avis s'étant verifîez dans la fui-
te, on découvrit que fi la guerre eut conti-
nué entre les deux Couronnes, 1 Evêque
l'eût déclarée aux Etats Généraux, pour tâ-
cher de r'avoir la Seigneurie de Borcdo:
Encore qu'il y eût renoncé par le Traite de
• Cleves , il ne perdoit pas efperance d'y
r'entrer quelque jour. Il avouoit que c'e-
toit un rempart pour la Gueldres , pour la
Frife, pour le Pais de Groningue, amp;pour
celui d'Embde : qu'il étoit néanmoins en-
core plus à fa bien-feance qu'à celle des
Etats ; qu'étant leur Allié comme il étoit,
ils ne couroient aucune rifque cn le lui met-
tant entre les mains, amp; que cette reftitu-
tion étoit d'autant plus julte, qu'elle avoir
été de tout temps à fesPredeceffeurs. C'etoit
les raifons qu'il femoit pour ai^puyer fes
prétentions, mais qui furent de nul effet a
caufe du Traité.
L'Europe étant en paix, amp; ne pouvant
rien de lui-même, il fiit contraint de fe re-
pofer jusqu'à-ce-qu'il vît plus de jour a
pourfuivre fes interefts. Cependant corn-
de l'Evêque de Munfier. i o f
tne le repos lui étoit contraire amp; £ital, il
embrafloit toutes les occafions qui fe pre-
fentoientdele rompre, ainfi il étoit difli-
cile qu'il ne fut toujours en alt;5lion. Peu
après e Traité qui fut figné à Aix, il arriva
en Weftphalie un petit incident auquel l'E-
vêque s'occupa faute d'en avoir de plus
grand. Le Comte de Benthem ayant paifé
de la Religion Reformée à la Romaine, la
qualité du Perfonnage incita à chercher 1 es
raifons de fon changement. Les uns difoi-
ent qu'étant las de la Femme, il cherchoit
a la répudier afin d'en pouvoir prendre une
autre; ce qu'il ne pouvoir faire qu'il ne fe
rendît Catholique, les Reformez n'ayant
point de Papes, ni perfonne par confequent
qiiis'ingerededifpenfer de tout droit Di-
vin , amp; humain. Les autres difoient que
VEvêque avoit moyenné ce diangement
pour infulter en quelque façon les Etats
en leur enlevant, ce Comté. Ce qui ap-
Puye ce préjugé, c'eft que le Comte n'eut
pas plutôt abjuré l'herelie ( je parle à la fa-
çon Romaine ) que l'Evêque prit fon party
avec une extrême chaleur, Benthem eft
Château fitué fur un Roc aflèz élevé, amp;
efc^rpé de toutes parts, ce qui le rend fi fort
qu'un Gouverneur un peu habile le défen^
®roit long-temps contre un armée entière.
^ Comtefle y étant avec toiK fesenlans,
E 5nbsp;te
io6 La Vie ^ les Allions
le Comte qui ne la voioit plus, ne douta
point qu'ayant appris fon changement, elle
ne s'obftinât à lui en refufer l'entrée. C'eft
pourquoy il pria l'Evêque , ou l'Evêque
s'offrit à lui, de lui donner main forte pour
lui en faire ouvrir les portes; fi bien qu'a-
vec quelque mille hommes des troupes de
l'Evêque , 14 pieces de Canons , quatre
mortiers amp; quelques autres munitions, ils
marchèrent tous deux dans le deffein de 1'^-
ïîeger : Dequoyla Comteffe étant avertie
elle prit des moyens feurs amp; fecrets. pour
faire évader fes enfans qui furent conduits à
la Haye, amp; elle envoya en même temps
les Clefs à fon Mari qui fe vit Maître du
Châteauplutôt qu'il ne croioit.
Les portes étant ouvertes, l'Evêque amp;
leComteyentrerent, y mirent garnifon,
amp; donnèrent ordre que l'on n'y parlât pltis
deMiniftres, ni de Reformez, mais de la
feule Religion Romaine dont l'exercice de-
vint d'orenavant public. C'eût été peu
pour un Evêaue d'avoir anéanti la Re-
forme dans un lieu Reformé, amp; d'y avoir
planté la Religion Romaine, s'il n'eût en
même temps pourvû aux moyens de l'y
confirmer. Ce n'étoit pas affez d'avoir
donné les Charges à ceux de cetteCommu-
nion, d'y avoir étabh des Prêtres, amp; des
Ecclefiaftiques qui tinÎTent le haut bout: Il y
failoit
-ocr page 137-de F Evêque de Mm fi er. 107
falloir des gens'plus fins, amp; apparêinmeht
plus zelez pour étendre la gloire amp; la domi-
nation du Pape 5 enfin il y falloir des Moi-
iîesj amp; fur tout des lefuites, à l'établiffe-
ment defquels il fut pourvû d'abord par or-
dre de PEvêque. Et pour ne rien omettre
qui pût afTurer leur conquête, ils emmene-
rentlaComtelTe à Munfter : où nonobftant
■^a fermeté, l'Evêque prétendoit de la re-
fondre â choifir un Couvent. Mais la fuite
a bien fait connoître qu'elle avoit du coura-
ge, amp;une vertu à l'épreuve, l'efperance
ni les menaces n'a)'ant pû ébranler fon
zele.
Pendant que ces chofes fe paflToient, quel-
ques-uns s'étonnerent que les Etats fe vif-
fent enlever ce château, amp; qu'ils fouffrif^
fcut que leur creance y fut aneantie fans en
témoigner du reffentiment. D'autres ad-
tniroientleur prudence, étant vifible que
l'Evêque cherchoit un pretexte de guerre.
Ou l'on ne doit jamais s'engager que dans
l'extrême necefïïté.Quoy-qu'il enfoit,dés le
premier pas de l'entreprife, l'Evêque fît di-
35 te aux Etats,Que fon deffeinfur le château
53 n'étoit ni à leur préjudice , ni au desavan-
33 tage de la Religion Reformée, dont l'ex-
33 ercice en feroit continué dans Benthem
33 comme auparavant, mais qu'il ne pou-
5j Voit refufer fon fecours à un homn:ie qui
E Önbsp;ne
io8 La Vie amp; les AUions
„ncledemandoit que pour y r'entrer plus
5, aife'ment.
En effet il fe contenta de s'emparer 4'une
petite ville nommée Steinfurt, oii le feu
Comte étoit decedé depuis peu de temps,
allegant qu'elle étoit diirei [fort de fon Evê-
ché, ne touchant point au bas Comté, ni à
aucune ville des dépendances d'Overyfïel.
Pource qui regarde la Comtelïè, cex|ui lui
arriva enfui te ne touchant point l'Eveque,
ce n'eft pas icy le lieu d'en parler. L'Au-
teur Flaman promet dans fon Journal Hi-
ftorique oii il rapporte ce qui fe paffe dans
l'Europe, de n'en omettre aucunedrcon-
ftance : j'y renvoye le Leâeur, mais en
même temps je l'exhorte à s'armer de pa-
T;ience, fî cét Ouvrage efl de la trempe de
la vie de l'Evêque qu'il a faite en Flaman.
L'Experience fm foy que l'on fe doit
toûjours défier d'un ennemi reconcihé :
quelque bonne mine qu'il fàffe, le dépit
d'avoir fuccombé, amp; receu un affront ima-
ginaire ou veritable, eft un fecret levain qui
corrompt fon cœur peu à peu, amp; qui l'em-
pêche d'avoir autant de bonne foy amp; de
fincerité qu'il en avoit auparavant. Cette
vérité eft fenfible en toutes fortes de condi-
tions , mais fur tout parmi ceux qui ont
l'autorité en main , parce qu'étant plus fen-
fibles que le commun ^ ils cmt aulïi plus de
moyens
-ocr page 139-de l'Evêque de Munfier. 105)
Wïoyens de fe vanger. L'Evêque ayant été
contraint de ceder auxEtats laSeigneurie de
Borculo, ne leur avoit cédé fon droit qu'en
attendant qu'il eût moyen de le reprendre ,
fuivant la coutume des Princes, dont les
alliances ne fubfillent qu'autant qu'ils y
trouvent leur compte. Les Etats qui le con-
Qoiffoient faifoient épier fes démarches,afin
de n'être pas furpris, ne doutant point que
s'il levoit des troupes ce ne pouvoir être
que contre eux. Ils faifoient en bons Politi-
ques tout ce qui fè doit faire pour éviter
la guerre , mais ils n'en pûrent venir à
bout.
L'an mil fix cens foixante neuf, l'Evêque
las du repos où il fe trouvoit, fe mit à faire
des recreuës, amp; lors que l'argent lui man-
qua, il convoqua l'afïemblée des Etats du
5gt;Pais , où il reprefenta la neceflSté où il
55 étoit de lever de nouvelles troupes, amp; les
motifs , qui le preflfoient d'armer pour
J3 leur défenfe, que n'entreprenant rien que
53 pour leur intereft, il étoit jufte qu'ils lui
Maidaffentàporter un fi lourd fardeau que
quot;Celui de la guerre, amp; qu'ilscontrîbuaf-
fent par de légers impofts à leur- fureté, 3
33 laquelle il veilloit fans cefle par une bon-
S3 té paternelle : Que ne doutant point de
'3 Ion zcle pour le repos public, amp; de fa
M retenue à faire des taxes nouvelles, il
E 7nbsp;sAok
r lo La Vie ^ les ABions
^jétoit perfuadé qu'ils donneraient aveuglé-
5, ment ce qu'il leur demandoit, amp; d'auta:nr
„ plus qu'il n'exigeoit rien,qu'ils ne pulTent
„faire aifément,puis qu'il ne demandoit
„que 175000 écus depuis la Chandeleur
„jufc^u'à Pafques ; amp; depuis Pàfques jiif-
„ qu'a la S. Michel, autant.
La harangue de l'Evêque ne perfuadà
point les Etats : ils fe fencoient encore des
contributions précédentes, amp; firent voir
l'impoffibilité oit ils êtoient de traiver par-
mi euxdesfommesficonfiderables. Même
pour lui bter toute efperanee de fé laifler
fléchir, ils refuferent de fe feparer, que le
Prince n'eut calfé quelques Compagnies de
Cavalerie, amp; licenrié tous les Officiers re-
formez.Leur raifon étoit qu'ils craignoiertt,
qu'il ne voulût former une armée dont ils
feroient les premiers mal-traitez, amp; qu'ils
nefuflènt enfuite obligez de faire ce qu'ils
pouvoient alors éviter.
L'Evêque ne témoigna point être mé-
content de leur refus : mais difÏÏmulànf fon
defTein, il fit femblant d'acquiefcer à leurs
raifons, d'être preft à faire ce qu'ils de-
firoient. En même temps il commença
par Ucentier quelques Ôfficiers d'Artillerie,
fçavoir le Colonel dés Gardes, trois Capi-
taines , fix Lieutenans, amp; quatre Enfeignes.
Î^Iais comme on s'apperceut bientôt apr^
qu'ii
-ocr page 141-de r Evêque de Munfher. m
qu'il avoit fait reprendre fous main Une
partie de ces Officiers, on fe défia de fon
peu de fincerité. D'ailleurs l'argent de
France roulant dans le pais plus abondam-
îïient qu'à l'ordinaire , amp; quelques-uns
ayant remarqué qu'il recevoir inceflàm-
ment des lettres de Paris, on fe confirma
dans la penfée qu'il étoit refolu à la guerre ,
amp; allié a la France. On fondoit encore ce
préj ugé fur l'ordre qu'il donna aux courriers
de prendre une autre route que l'ordinaire
pour Paris; amp;pour fauver les apparences
du côté de Fîambourg qui fe plaignoit de ce
changement, il fit courre le bruit qu'a-
yant trouvé un chemin plus court, on ne
Revoit pas trouver étrange qu'il quitât la
route ordinaire, puifque les affairespubli-
delaiflfer paffer ni lettres, ni pacquetspour
les Païs-Bas, que par les Courriers ordi-
naires. L'Evêque ne pouvant fouffrir que
l'on refiftât à fes ordres,ou plutôt cherchant
Un prétexte pour venir à fon but, publia la
neçeflité ovi il étoit de lever des troupes
puifque fes voifins le menaçoient de le faire
|ubir leurs loix, par ce m.ot de voifins enten-
dant les Ducs de Bronfwicauffi-bienque
lesHambourgois.
Les préparatifs de la France, amp; ceux de
l'Evê-
-ocr page 142-Hi Lu Vie t3Avions
l'Evêque de Munfter firent croire aux Etats
que ces deux Ennemis leur alloient fondre
fur les bras. Bsfçavoient qu'ils étoient les
feuls qui edfent empêché le Roy de fe ren-
dre Maître de la Flandres : même ils ne
doutoient point cm'il n'en eût du reflenti-
ment. Pourl'Ev^ue, ils l'avoient forcé
de rendre Borculo, amp; c'étoit affez à leur
avis pour avoir fujet de le craindre ; fon
ardeur à lever des troupes, amp; les nouvelles
qui venoient de ce côté-là, augmentoient
l'allarme en Hollande; quoy^jue la marche
des Munfteriens fût encore incertaine, on
difoit qu'ils étoient par tout, que leur cru-
auté étoit extrême, que toutfuecomboità
leur rage fans diftindlion de fexe ou d'âge ,
amp; qu'on les rencontroic par tout ; Enfin la
terreur fîit fi grande qu'on fiuoit d'Aern-
hem à Doesbourg, 8c de ce lieu-cy dans
un autre où l'on trembloit comme aupar-
avant. Tantôt le bruit couroit qu'on avoic
vu les ennemis marcher vers Borculo, d'au-
tres vers Holten , amp; quelques-uns qu'ik
étoient déjà à Hoogheim. L'Evêque étoit
pat tout quoy-qu'il ne fe vît qu'à Munfter,
amp; jamais jufqu'à lors on n'avoir tant ap-
préhendé les Canons de l'Eglife, lesquels
néanmoins on n'entendit point cette année,
foit que les affai res euffent changé, ou que
ces briûts de guerre ne fuflent que des pr-
jugez.nbsp;V'
ire-
'an
fix lieuës de Caflel. Cette ville des dépen-
lt;^nces de l'Abbaye de Corvey fiit caufe
d'une guerre du vivant de Luther entre
l'Abbe, amp; le Duc Rodolf de Bronfwic:
mais la Diète furvenant, on y accorda les
Parties, de forte que la paix dura autant dç
îemps que vécut l'Abbé, après la mort du-
quel , les Moines élurent en fa place l'Evê-
que de Munfter. On s'étonne qu'un Prin-
ce inquiet eût différé jufques-alors à renou-
veller cette affaire. D y alloit de quinze
mille livres de rente, que cette ville amp; fes
dépendances valoient à leur Propriétaire.
Aparemment ce n'étoit pas qu'il crût la
chofe indigne de fes foins, mais c'eft que
l'occafion ne s'en étoit pas prefentée,ouque
»e temps n'en étoit pas encore venu. Com-
me le zele de Religion amp; de pieté eft le
; prétexte le plus fpecieux que les grands Po-
étiques prennent pour venir à bout de leurs
deffeins, l'Evêque qui étoit du nombre
^mmença la querelle par* demander au
^uc de Lunebourg qu'il eût à permettre
^ux Cathohques de Höxter de s'affembler
dans une des Eglifes qui êtoient inutiles, amp;
quot; y faire librement les exercices de leur Re-
quot;gion. Le Duc lui fit réponfe qu'en qua-
„Uté
-ocr page 144-X14' La Ft-e ^ les AElions
„lité de Protedeur de cette Place, îl ne
„ pouvoit fouffrir que Ton violât fes anciens
privileges : qu'en vain on faifoit des
„ Traitez fi on ne les executoit. (^e par
„ celui de l'an 1649- les chofes étoient de-
„ meurées conmieon lesvoicit, amp; qu'on
„ n'y pouvoit rien changer , fans exdter
,, des troubles, qui auroient de fâcheufes
3, fuites.
L'Evêque indigné de cette réponfe, ou
feignant de Fétre parce qu'il voaloit que-
reller, ne fongea plus qu'à fe difpoferàla
guerre ; amp; fuivant la coûtume qui fe pra-
tique dansl'Alemagne, il écrivit aux Ele-
fteurs, amp; aux autres Princes de l'Empire,
,5 excepté au Duc de Nieubourg, Que c'égt;
„toit à regret qu'il fe voioit contraint dé
.„troubler Ton repos pour reprendre les ar-f
„mes, ftiais que fa Charge i'yappelloit,:
. J, amp; qu'à moins de s'en rendre indigne, il
„ devoir fe mettre en devoir de faire rendre
3, à Dieu ce qui lui étoit dû, amp; procurer
„ que fon Regne fût étendu : Que le Duc
„deBronfwics'yoppofant, C'étoit à lui à
„luy faire tête, amp; à tâcher de rétablir le
3, culte divin dans un lieu, oii depuis quel-
„ que temps il avoit été aboh par la haine
„desReformez; Que le Duc incitoit fes
„propres fujets à la révolté, amp; qu'il étoit
„ de l'intereft des Princes de lui aider à
„ré'
-ocr page 145-deTEveque de Munfier. 215
i, l'étouffer dans fa naiffance, depeur qu'un
55 fi mauvais exemple n'aîfoiblît leur auto-
rite. Qae ce Prince lui avoit caufé des
55 pertes tres-confiderables, quel'amour de
« la paix lui avoit fait fouffrir, mais qu'où rl
s'agiffoit de l'intereft de Dieu, amp; du falut
des ames, il étoit refolu de faire ce qu'un
ix Prince Chrétien ne fçauroit omettre fans
«crime.
Après avoir informé les Princes d'Aile-
niagne du fujet de fes armes, il fit un Mani-
fefte où il en inftruifoit le peuple, amp; par de
fpecieufes raifons prouvoit l'injuflice du
Duc, de lui refiifer une chofe qui impor-
toit à la gloire de Dieu, amp; au falut de fes
fujets,
A ce Manifefte de l'Evêque, où le fond
de l'affaire n'étoit point éclairci, le Duc en
oppofa un autre , Où il fondoit le fait
-fur un differend arrivé entre les habitans
d'Hoxter les Moines de Corvay tou-
chant le droit de brafferie : que le procès
iutenté fur ce fait avoit été pouffé fi loin que
^eux de Höxter étoient décheus de tous
leurs privileges tant Ecclefiaftiques^que
Laïques : que leur negoce en avoit été in^
'^errompu, amp; la mifere fi publique amp; fi ge-
nerale que tout y étoit au deâefpoir, parla
quot;^aifonquela brafferie, que les Moines leur
^voient ôtée, étoit le feul moyen qui les pût
faire
-ocr page 146-î I ^ La Vie les Aciîons
faire fubfifter. Qu'encore que le Roy de
Suede amp; Lui euffent prié l'Evêque de per-
mettre que fes fujets jouïfTent en paix de
leurs anciens droits amp; privileges, il n'avoit
ceffé de les mal-traiter qu'il ne les eut ré-
duits à la derniere extrémité ; Qii'il avoit
fait en forte que les Magiftrats ne l'écoient
que de nom, fàifânt accroire qu'ils étoient
décheus de leurs droits par engagement
volontaire, amp; qu'ils ne pouvoient plus
connoître des caufes de leurs dépendan-
ces; Que les Bourgeois étoient fi pauvres
qu'on leur avoit ôté leurs provifions, leurs
meubles , amp; même jufques-à leurs lits j
Que leur bétail paiflânt dans les prairies y
avoit été enlevé ; Qu'on étoit allé de Cor-
vayles armes à la main prendre les princi-
paux Bourgeois dans la ville d'Hoxter, pour
les mettre dans des prifons qu'on avoit fai-
tes exprés.
Que nonobftant que par le Traité de
Munfter en l'an 1549. on leur eût confir-
mé le privilege de braflèr, on leur avoit
défendu d'en ufer , fous pretexte qu'on
tranfportoit la bierre de Höxter au territoi-
re de Corvay. Que contre le contrat^
paflfc l'année iç^d, amp; confirmé l'année
1049. eaure les habitans de Corvay amp; ceu*
de Höxter, on avoit établi un étranger dans
la derniere, qui feul avoit droit de braffer,
afin
-ocr page 147-de r Evêque de Munfler. 117
afin de brider les Bourgeois, ou pour mieux
Qire, pour les rumer tour-à-fâic. QLu'a-
Pï^és plufieurs plaintes qu'ils avoient faites
ïnutîlement^aux Juges deCorvay, ils s'c-
toientadreffez à'PEvêque même, amp; l'a-
Voientfijpplié d'avoir égard à leur mifere ^
^ de borner l'infolence de leurs ennemis,
ce quiprouvoit leur foûmiffion, amp; le re-
qu'ils avoient pour leurs Supérieurs,
^'^à la vérité les bourgeois avoient couru
^ux armes pour empêcher les Magiftrats
établis par l'Evêque de s'emparer de leurs
effets , mais que c'étoit moins pour refi-
fter aux ordres de ces Magiftrats, que
pour éviter les infultes des païfans de Cor-
'vay qu'ils voyoient fous les armes. Voilà
peu de mots ce que portoit leManifefte
lui courut de la part du Duc,amp; le fujet de la
querelle.
^^ L'Evêque dans le fien infiftoit fur les
quot; grands égards qu'il difoit avoir eus pour
quot; les fuj ets, amp;■ fur tout pour ceux de Hox-
ter depuis la mort de l'Abbé fon Pre-
deceflèur : qu'il les avoit exemptez des
taxes ordinaires, amp; foulagez dans leurs
^^befoins avant même qu'il en fit re-
quis. Qije bien loin d'avoir vû en eux
marques de reconnoiffance, il avoit
jjObferve' que la douceur les rendoit in-
quot; Wiens, opiniâtjesamp; ïefraftaires, mais
„qu'un
-ocr page 148-118 La Vie ^ les AUions:
„ qu'un peudefeverité les rangeroit à leur,
„ devoir.
Les habitans de Höxter repliquoieiit,
qu'ils tonfeflbient n'avoir point été mal-
traitez les premieres années de ia Domi-
nation 3 mais qu'en revanche ils avoient
fait tous lèurs efforts pour lui plaire en
toute rencontre, amp; pour fe rendre dignes
des bontez qu'il avoit pour eux : mais que
pour les fubfides qu'il difoit avoir relâ-
chez 3 ils n'en avoient point de memoi-
re. Qii'au contraire i s fe fouvenoient
que dés l'entrée de fon Gouvernement,
il avoit impofé certain tribut fur le bé-
tail, qu'on n'avoit jamais exigé. Qy^
quoy qu'ils fuffent exempts de loger les
foldats fous fes PredeceflTeurs, il les en a-
voit furchargez , fans aucune diminution
des impôts ordinaires. Qi'au moindre'
bruit de guerre, il avoit exigé des con-
tributions exceffives , témoins les mille
ecus qu'il leur avoit fallu payer pour l'ar-
mée de Turquie, Que nonobftant qu'öö
eût ruiné leur negoce, ils n'avoient pas
laiffé de payer le centième verre contre la
difpenfe qu'ils en avoient, amp; que jamais
ils n'avoient fait leurs plaintes ni montre
leurs griefs qu'ils n'en fuffent plus irial-
traitez.
Le point qui les rendoit plus criminels eO
ar
-ocr page 149-öf^ rEvêque de Mmßer. 119
yparence, amp; fur lequel l'Eveque infiftoit
«avantage , c'eft qu'ils euflent couru aux
armes pour empecher que l'on n'executât
les ordres. Mais parle Traité de Munfter
^aTOitétéarrefté que ,fi , l'Evêque .amp; ceux
«e Höxter ne fe pouvoient, accorder dans
^rois ans, il feroit libre aux parties de pren-
les armes pour maintenir leurs droits»,
c'eft fur quoy ils s'étoient fondez, ne
Coûtant plus qu'il n'en fallut venir aux
quot;i^ns puis qu'on rej'ettoit leurs prieres.
Déplus, ils avoient futgt;plié le Duc Ro-
«olfe de Bronswic d'être leur Proteaeur,ce
que ce Prince avoit accepté : c'eft pour-
quoy ils prétendoient que l'a6tion qu'on
leur reprochoit n'étoit point une rebe lion.
Mais l'Evêque oppofoit, que dés-là
un fujet reclame un Proteâeur fans la
permiffiondefon Prince, il devientunfu-
rebelle, amp; comme tel eft puniflTable : ce
^ne les Bourgeois impugnoient par la De-
^'^rationdel'an où l'on confirme le
j/oit de prendre un Proteäcur à ceux qui
^^ eu de tour temps.
g D'ailleurs l'Evêqve foûtenoit au Duc de
^r^fwic qu'il ne pouvoir proteger la ville
^ Höxter fans lezer fon autorité , amp; qu'on
.^^^'oit point d'exemple d'une femblable
LT . ^ais le Duc faifoit voir que
■^etresOtton öf Magnus avoient pro-
tégé
no La Vie ^ les ASltctis
tegé cette ville l'année 1332. amp; que l'Aîa-
bé Timon qui vivoit l'année ilö^. avoit
laifTé un témoignage fort authentique que
cela s'étoit quot;toujours fait, outre ceux Ses
années 1410,143.4,1450- amp; de plufieurs
autres. Et pour furcroît de preuves , on
montroit par l'accord paifé l'année 1(^34,
entre les Moines de Corvay amp; les Bour-
„ geois de Höxter , C^e nul Abbé n'en
„pourroitêtrereconnuGouverneur, qu'il
,, n'eût autorifé, amp;figné ces vieux privile-
ges ; que cependant l'Evêque s'en étoit
mocqué, ne fe fondant que de tondre fes
pauvres brebis, amp; même de les écorcher.
Que e'étoit un motif affez préfixant pour re-
chercher un Proteéleur , amp; ques'ils l'avoi-
entfait, ils ne pouvoient s'en repentir; que
les coutumes amp; les loix autorifoient leur
procédé, amp; qu'enfin ils n'avoient rien fait
que leur illuflire Protecteur n'eût approuvé
amp; garenti
Icy l'Auteur Flaman fait encore une paii-
fe pour demander pardon du temps gu'il
met à exprimer ce démélé, amp; en même
temps il continué comme s'il n'en avoit
rien dit. Certes je fuis bien-malheureuï
d'être obligé de fui vre un guide qui ne fait
pas un pas làns broncher; ou fans s'égarer?
amp; qui court néanmoins comme s'il avoiquot;:
de bons yeux. Quoy que je faffe pour
redreffer
-ocr page 151-de f Evêque de Mmjfer. i x i
redrefîèr, amp; pour me tenir ferme, leche-
quot;^ineflfi raboteux qu'il faut malgré moy
que je tombe, ne pouvant éviter de paffer
médians endroits, qui ne fe peuvent eor-
quot;gerqu'en les fuppriniant tout à fait; Et
ces endroits font en fi grand nombre, que fî
^ les vouloir omettre, treize ou quatorze
Veuilles que le Flaman contient, fe redui-
toient à dèux ou trois. Mais comme ce ne
'eroit pas le profit du Libraire, nous allons
Continuer avec la mêmepre'caution, que
nous avons euequot; jufqu'icy, amp; lapermiffioni
au Leéteur.
L'Evêque d'Osnabrug comme un Prélat
|?geamp; prudent vit où tendoit ce démélë
époufer aucun parti : il offrit feulement
^'Médiation pour l'appaifer, mais nôtre
jpv^ue la refufa parce qu'il lui étoit fu-
Pea, amp; ne lui demanda finon qu'il ne s'op^
Poiat point au deffein qu'il avoit de dom-
des fujets rebelles,
ppl^our les articles que la ville donna contre
^veque à la Diete de Regensbourg, il y en
^y^Jtcinqconcernansle Clergé, amp; 321e
jg'j^Etat. Nous ne jugeons pas neceffaire
les rapporter tous , mais auffi eft-ilà
l^'^pos d'en dire quelques-uns. Premiere-
enti l'égard des Ecdefiaftiques: contré
accord paffé l'année 1649. ( où la ville de
■loxcer fut rétablie dans fe,s vieux privilè-
Fnbsp;ges
Ill La Vie Çj les AElions
gesrantfeculiers que reguliers, ainfi qu'il
avoit été fait en l'annéenbsp;on avoit
permis aux Romains l'exercice de leur Re-
ligion , amp; ôté aux Evangeliques PEgHfe de
S.Nicolas pour la donner aux Francifcains,
aufquels on transporta les amendes pecuni-
aires, amp;ledroirde)urifdi6tionfurles Ec-
clefiaftiques,qui n'appartenoient qu'à la vil-
le; jusques-là que les Bourgmaitres amp;ies
Miniftres mêmes furent citez devant l'Of-
ficial de cetre nouvelleMagiftrature,pour fç
voir condamner à payer d^es taxes exceffi-
ves, faute dequoy on executoit tout ce qui
fe trouvoit chez eux: joint qu'on esigeoit
des Magiftrats,qu'ils n'éluffentpour Bouh g-
maîtres que ceux qu'on nomme Catholi-
ques.
Un jour conlacré à S. Viâor^les Moines
de Corvay obligèrent fous de groffes peines
rous les villageois d'alentour de venir aux
ceremonies tambour battant , enfeignes
déployées, amp; chacun une image en main,
afin de faire aux Evangeliques d'autant pluS;
d'où:
mé-
de r Evêque de Munfier. i
^nt de tout temps, pour le transferer à Cor-
vay i D'o^ naiflbient les guerres civiles, amp;
infolence de la populace, les Juges ordi-
naires n'ayant plus droit de la punir. Que
quelquefois le mal prelfant, les Bourg-
^'aitres jr remédioient, ils étoient con-
damnez à de groifes amandes qu'ils ne pou-
Voîentfouventpayer, faute dequoy on en-
eyoït de leurs maifons tout ce qui s'y trou-
^^o^t. L'Evêque y avoir créé un Juge, qui a-
^Olt infpedion fur les a6lions des Bourg-
niaîtres, amp; aufquels ils rendoient raifon de
ce qu'ils ordonnoient. Après avoir payé
Une fomme confiderable pour avoir droit
de bralfer de la biere, qui fe pût vendre dans
la ville, on leur avoit ôté, non feulement
endroit, mais mêmeceluy des vieux im-
ports : in) uftice d'autant plus grande amp;
plus vifible , que les habitans de Coi-vay
avoient quelques biens aux environs de
^oxter , étoient libres de tout import.
I^artialité qui avoit dépeuplé la ville, en
forte que de deux ou trois milles Chefs de
^'''iTiiHe, qui étoient aflez à leur aife, il n'y en
^eftoit pas trois cens, que la rigueur de l'E-
^equeivoit appauvris. Ainfi la viUe étoit-
^eu à peu anéantie, tant à l'égard de la po-
^ce, que de la Religion , n'y ayant tléja
pms dequoy entretenir ni ' Miniftres, ni
^iaitres d'école. JaiHais Abbé n'avcàt
%■nbsp;entre-
1 i'4 La Vie ^ ks AEtions
entrepris de loger des foldats dans Hoxter,
lors même que les habitans le pouvoient fai-
re avec moins d'incommodité ; mais fouS
l'Evêque, ils avoient toûjours à noiu^rir ou
Cavaliers ou fantaffins, dont ils étoient fi
Tnal-traitez que la vie leur étoit à charge. ]e
kifife à part quantité d'oppreffions que ces
Cependant fur la fin de l'année 1670. l'E-
vêque envoya à la Haye le General Ben-
tinck pour informer les Etats Généraux,
que s'il amioit, c'étoit au fujet de Höxter,
ville dépendante de Corvay, amp; que fes ar-
mes n'avoient autre but que d'en châtier les
rebelles : ajoutant que malgré lés bruits
que fes ennemis divulgoient, rien ne l'o-
bligeroit à rompre la bonne intelligence
qu'il avoit avec les Etats. Que comme il ne
prenoit les armes contre les Ducs de Brons-
wic amp; de Lunebourg que pour maintenir
fes interefts, il les pofero i^ auffi-tôt qu'il
feroit fatisfàit.
De la Haye l'Envoyé paflà par Utrecht
amp;parAmfterdam, oùilfitprovifion d'ar-
tillerie, amp; d'autres munitions de guerre.
Ce grand amas pour reduire une feule vilte,
fit foiipçonner que c'étoit pour toute autre
chofe : amp; comme on n'avoit pas fujet de
iè Ser aux proteftations de l'Evêque , 00
écrivit
-ocr page 155-, àetEvêcjue de Munfler. j^r
ecnvic d'Utrecht amp; d'Amfterdam qu'on
^caroit point bon augure de la grande
quantité d'armes que l'Evêque faifoit ache-
amp; qu'apparemment fon deffein étoit
^«t autre ^ue celui qu'il faifoit entendre
l^^^etoitaproposde fortifier le long de
à^-i fr ' P^n^Palement Doesbourg,
enwnbsp;troupes aSx
pemin de Höxter, mais des Provinces
^nies. Sur quoy Jes Etats affemblez fe re-
lolurent de renforcer de 4000 hommes, les
prnifons de Gueldres, de Zutphen, d'O-
vervffel, amp; de Grom'nm,« s, .. J, V
^ifferentd'entrelesDucsamp;IuMlnedoutoîc
pas quilne fût bien-tôt terminé; c'eft
P^irquoy il leur mandoit, que fiaprés l'ac-
cord fes troupes leur plaifoient, il les leur
jnvoyeroir: offreque l'on receut en appa-
rence avec remerciment , mais furquoy
* on fit peu de fond.nbsp;^ ^
Uans laFrance tour étant en armes,lesPrin^
, « yoifins s'alarmoient, l'Efpagne appre-
J^ndoitque cétorage n-'aUât tomber fudes
Pon.inbsp;Les Etats craignoient
W rafuire l'Efpagne. Cependat c és le mois
F î ■nbsp;d,-
irë :La Fie ^ les AElions
de May, le Roy s'alla promener en Flan-
dres dans lès villes de conquête, d'otis'en
retournant au mois de Juillet, le cœur re;-
vint au voifinage , qui recommença a
trembler la campagne iuivante. Cette groi-
-fe nuée de gens de guerre, dont il étoit envi-
ronné, allacrever fur la Lorraine, qui en fut
inondée de forte qu'il s'en rendit Maître
abfolu. Mais on découvrit par la fuite que
la conquête de ce Duché n'étoit pas fon bitf
principal, plus il vainquoit, plus il armoit,
amp; jettoitl'effroyde tous cotez. Les Hol-
landois qui le craignoient dans l'ame, pen-
foient cacher leur crainte en défendant les
vins de France. Bravoure qui leur coûta
cher, amp;dontprefque toute l'Europe leur
a fceu mauvais gré; Le Roy furpris de leur
audace, leur défendit fes eaux de vie: ^
rehaulTal'impoft du hareng qui venoit de
Hollande de vingt quatre francs argent
de France par chaque charge -: trois
mois après de trente deux , amp; troîS
mois enfuite de quarente. Outre leS
vieuximpofts , il ordonna 30. pourceRt
fur les epiceries. Mais n'entrons poio«
dans le détail de ce qui précéda une df
folation, dont la memoire eft toute fraî-
che ,amp; revenons à notre Evêque.nbsp;,
Aumois d'Avril de l'an 1671. Je f^J
de France , George Guillaume. ^^
de l'Evêque àe Mmfter. izj
Meric Ducs de Bronfwic amp; de Lune-
^ui-g ^ mandèrent à leurs Arnbaffadeurs
de moyenner la paix entre le Duc Rodolfe
Augufte^ amp; l'Evêque de Munfter ; ce qui
hit conclu en même temps provifonelle-
nient par les offices des Eledeurs de Colo-
pe amp; de Mayence. Le Traité portoit que
JeDucrenrgj-Qjj fes troupes de la ville de
k; ^^ •nbsp;l'Evêquelaifferoit aux ha-
®^tans leurs anciens privileges, à condition
qu ils portaffent leurs lettres en un lieu défi-
^né , oti elles feroient examinées par des
perfonnes desinterelïées : amp; qu'en cas qu'ik
jugeaifent leurs griefs exceffifs, ils en pûffent
appeller devant tel Juge, qu'ils voudroient.
^ De plus,que pendant qu'on travailleroit
a une paix durable, l'Evêque ne pourroit en-
' '^'^etenir dans la dite ville que 60 hommes,
ou 70 au plus. L'accord paffé entre les
=iarties, les foldats de Wolffenbutel forti-
^ent de la ville, dont ceux del Evêque pri-
rent la place avec leurs femmes amp; leurs en-
cans , ce qui caufa une nouvelle fedition, amp;
Une efpece de revoke, les bourgeois ne pou-
'^aiuibuftrir ces femmes amp; ces enfans, qui
n'étoient capables difoient-ils que d'incom-
moder , amp; qui au refte n'étoient point
compris dans l'accord. Ils fe plaignoient
aerinfolencedecesderniers foldats, amp;fe
loùoient delà moderation des autres. Ils lie
F 4nbsp;pou-
î i8 La Vie.^ les AElions
gt;ouvoient fe confoler qu'apre's avoir été
sien payez des premiers, ceux de l'Evêque
devoraflent toute leur fubftance, amp; filfent
de leur ville ce qu'auroient fait les plus info-
lens ennemis; les outrages qu'ils en fouf-
froient, réveilloient leurs douleurs paffe'es:
de là venoient les plaintes, les murmures,
les imprecations, qui n'adoucifloient point
leurs peines, ayantaffaire à unPrince feve-
re, amp; qui fe croioit outragé par leur des-
obeiffaïKie.
Les pratiques de l'Evêque fe découvroj-
cntdejouren jour. Les moins intelligens
s'appercevoient defes funeftes intentions,amp;
que tous ces grands remûmens ne fe faifoi-
ent point fans delfein ; mais ce qui confirma
ces conjectures, ce fur l'avis que le Prince
Maurice donna aux Etats Généraux. Ce
Prince mandoit de Wefel, que 800 che-
vaux des troupes de Munfter ocGupoient le
bourg deDingen,amp; qu'encore que ce bourg
dépendit del'Evêque , il étoit néanmoins
li proche de Wefel, que tant de Cava-
liers n'y pouvoient être à bonne intention.
Comme un bmit eft fuivi d'un autre, on
ajoûtoit qu'on avoit furpris un berger
fondant les foffez de cette ville ,
les conjedures des projets de l'Ei/êqoe
augmentant d'heure à autre , il étoit
temps de fe precautionner contre un En-
de l'Evêque de Munfier. \ i ^
quot;etni fi ruféj amp;dont on connoi/Ioit Te-
iprit.
Durant qu'on fe precautionnoir du côté
des Etats, l'Evêque s'aflùroit d'un fonds
pom-foudoyer fes troupes. Dans la Diete
de fes Etats , on s'obligea de lui payer cenc
tîiille écus en quatre termes : ce qui fe fit de
fi bonne grace que l'Evêque en futfatisfait.
Ce prefent valoir quelque chofe, mais on
peut dire que ce n'étoit rien au prix de ceux
de France. Ce fut à l'odeur de ces tréfors
que coururent tant d'Officiers. Le bon a.c-
cueil du Prince , amp; les belles efperances
dont ils étoient flatez, ou dont ils fe flatoi-
ent eux-mêmes, remplirent fon armée de
quantité de bons Chefs amp; de bons foldats,
dont il feroit trop ennuyeux de rapporter
icy les noms.
Ces grands préparatifs étonnoient les
Princes voifins. On ne doutoit pas que fon
but ne fut d'attaquer les Etats j mais on
difoit qu'en attendant que la France fiit prê-
te, il iroit à Cologne avec quelque trente
mille hommes pour faccager le pais , amp;
pour amufer le foldat. Ce qui appuyoit cet-
te conjecture, c'eft qu'il avoit fait faire
deux mille caiftes de bois de fapin, chacune
de fix pieds tant en longueur qu'en profon-
deur. On les avoit remplies de jonc, amp;
difpofées en forte, qu'elles puflènt fer-
F 5nbsp;vir
130 La Vie les AStions
vir de pont à une armée confiderable.
Lorsque l'Evêque fe préparoit à mettre
le feu de la guerre chez les Princes voifins,
le Ciel en alluma un autre dans la ville de
Munfter, qui n'étoit pas fi dangereux que le
premier, mais qui ne laiffa pas de caufer
de tres-grands dommages.Sur le commen-
■ cement de l'Efté, après un long orage, le
tonnerre tomba fur le clocher d'un Mona-
ftere qu'il embrafa, amp; toutes les maifons
voifines : l'incendie fut fi grand , qu'on
croioit la ville perdue , mais par bonheur
il n'y eut de brûlé que trois ou quatre cens
maifons.
Ce malheur donnalieu à quantité de pro-
noftics que faifoient les fuperftitieux : Les
uns difoient qu'au commencement de l'o;;
rage, on avoit vû trois ou quatre nuées qui
partirent de Ueux différents , amp; s'afTein-
blerent fur la ville , où le tonnerre étoit
tombé fans s'être presque fait entendre : ce
qui fignifioit à leur avis que tous les Princes
à qui leur Evêque avoit fait la guerre fe re^
iiniroient pour le perdre, mais qu'il ne lui
_________t___ ^^
/
del'Evêque deMMnfter, 151
^esCatholiques, fans néanmoins s'opiniâ-
trer à les détruire. Quelques-uns même
3-voient l'effronterie de dire que leur Evê-
que reffembloit à Néron , amp; qu'il feroit
périr fa mere, c'eft à dire l'Eglife de Rome
dans fes Domaines amp; Seigneuries à force
lui faire des ennemis de tous cotez..
D'autres difoient, que c'étoit un tres-grand
malheur d'être gouvernez par des Prêtres
^ des EcclefiafHques, qui n'étoient pro-
pres qu'à émouvoir des feditions, amp; à met-
tre le feu par tout ; taais fans examiner
s'ils difoient vray ou non reprenons le fil de
rhiftoire.
La même année fut employée du côté
de la France à répandre de toutes parts. Il
fembloit que fon Roy eût une fource in-
épuifable, amp; que l'or crût dans fon Royau-
me. L'Angleterre, la Suede, l'Allema-
gne, amp; prefque tous les Etats de l'Europe
receurent en même temps des marques de
fes profufions ; amp; fçachant où il répandoit,
d ne répandit point en vain, Ainfi toutes
les forces s'étant tournées de fon côté, il
n'eut qu'à paroitre pour vaincre. Cepen-
dant ce Monarque étoit extrêmement fe-
rret. Quoy qu'on fceût à pen prés à qui
d en vouloir ; ce n'étoit que par conjedu-
amp; l'on manquoit d'intelligence pour
«'en bien ^urer. L'incertitude où ils
F Snbsp;étoient.
ijz La Vie^ les ABions
étoient, ne les empéchoit pas de faire de
grandes levées 3 mais la difficulté étoit d'é-
lire uii General. Quelques Provinces é-
toient pour le Prince d'Orange, amp; les au-
tres n'en vouloient point : de quelque fa çon
que ce fiit, le fort étoit égal, ou plutôt il
pouvoit devenir pire qu'il n'étoit , en éli-
fànt un Chef qu'ils ne connoiflTcaent pas
encore.
L'Evêque fur ces entrefaites augmenta
le foupçon qu'on avoit de fes armes en abu-
fant de la bonne foy des Etats j il les crut
fi peu penetrans, qu'il pourroit faire entrer
ies François fur fes Terres fans qu'ils en prif-
fent aucun ombrage. Un jour fe trouvant
feul avec l'Envoyé des Etats ; Après mil-
le proteftations de Pamitîé fincere qu'il
difoit avoir pour fes Maîtres, amp; la refolu-
tion oîi il étoit d'executerponfluellement
les articles du dernier Traité : il lui fit en-
3, tendre Qu'il ne pourroit refufer pafîa-
3, ge aux troupes de fes Alliez s'il en étoit
„ requis , mais qu'il auroit bien foin de
3, conferver leur intereft : 8c que rien ne fs
3, fit au préjudice de l'alliance qu'il avoit
3, avec eux ; qu'ils fe repofaffent fur fa pa-
3, role, fans ajouter foy à de faux bruits qui
3, n'avoient point de fondement j qu'il i-
,, toit vray qu'il y avoit quelques François
„ dans fon Diocefe, mais que c'étoient
„des
-ocr page 163-de l'Evêque de Munfter.
3j des artifans qu'il avoit fait venir pour re-
»parer les desordres de l'embrafenaent.
pcpuis ce temps-là on ne douta plus de
jes mauvaifes intentions : amp; de le voir
Dien-t5t avec la France fur les Terres des
Etats.
Eri effet peu de temps après, ces grands
deffeins que l'on avoit tenus cachez avec
^ntde concert, éclatèrent d'eux-mêmes :
^ l'on connut enfin que les armes de Fran-
ce, d'Angleterre amp; de Munfier, avoient
la Hollande pour obj et. Les deux premie-
res fe déclarent en même jour. L'Angle-
terre allegoit pour autorifer la rupture°de
l'alliance qu'il avoit faite avec les Etats Gé-
néraux, quelques raifons qu'on n'examine
point icy. Mais le Roy de France n'en
donnoit point, fa déclaration portant feu-
lement ; Que Sa Majefté n'avoit pas lieu
33 depuis quelques années d'être fatisfàite
33des Etats, qui fembloient avoir oublié
33 le refpeét qui lui étoit dû. Que ce peu
33 de refpe(S flêtriroitfa reputation, s'il n'en
33 avoit point de reffentiment j amp; qu'enfin
33 leur ingratitude meritoit fon indignation.
33 Qu'ils avoient bien peu de memoire, s'ils
33 ne fe fouvenoient de l'obligation qu'ils
33 avoient à fes Ancêtres amp; à lui-même.
'3 Que s'ils s'en fouvenoient : le peu de cas
'3 qu'ils témoignoient en faire, l'obhgeoit à
F 7nbsp;„fe
154 La Fie amp; les AElions
5, fe fervir des moyens propres pour leur ap-
j, prendre leur devoir, amp; qu'il leur décla-
„ roit la guerre tant par mer que par terre.
En ce temps-là es François firent des
médaillés à la gloire du Roy : amp; entre aU'
très une, où d'un côté le Soleil attiroit les
vapeurs d'un mareft, amp; enfuite les difTipoit
avec ces mots, qui fervoient d'ame à la de-
vife ; Evexi, fid dificutiam , c'eft à dire 5
comme je les ay élevées, de même je les
puis difTiper. De l'autre côté. Le Roy te-
noit en un endroit un Lion armé fous fes
pieds, amp; vis à vis le même lion étoit atter-
ré , desarmé amp; enchaîné. Sur quoy l'Ab-
bé de Brianville fit un Sonnet lî ingenieux,
qu'il mente d'être inféré dans toutes les hi-
ftoires qui parleront de cette guerre.
SONNET
de l'Abbé de Brianville liir la Devile
précedcnte.
Lorsque pw foudroyer les Monts audacieux-,
Dont l'ombre affoibUjfioit mon pouvoir fiir la terre »
ïélevay ces -vapeurs, quiportoient mon tonnerre,
Du plus bas des Marêts, jusqu'au plus haut des
deux.
CeshromUards éclatons Jurpriretzt tous lesyeux,
^ bien que leur éclat fût un éclat de 'verre,
Jaloux de ma fiplendeur ils me firent la guerre,
S éforçant d'obfcurcir mes rayons en tous lieux.
PmiS^
-ocr page 165-de f Evêque de Munfler. t 3 ƒ
Pouffez an gre des vents du Dieux au nouveau
monde,
i-egnantfièrement far la terre amp;fir l'onde,
P«quot; tout avec l'orage ils portèrent l'effroy.
Mais par tout vainement ils voulurent me nuire,
^ils f^achent les mgrats qu'ils nefont rien fans
moy :
1 aypû les élever, je fçauray Us détruire.
Outre la jufteffe de ces vers, le fens s'eft
trouvé veritable. Si la Hollande n'a pas
fuccombé tout à fait fous les armes de Fran-
ce, au moins l'a-t-on domtée, amp; découvert
fon foible, qui n'avoit point encore paru.
Comme cette Province ne manque pas de
beaux Efprits : il s'en eft trouve un qui ré-
pondit à ce Sonnet, amp; qui rencontra ad-
mirablement , mais qui par malheur n'étoit
'asfibonProphete,que 'Abbé de Brianvil-
e J le fuccez n'ayant pas répondu à fa pre-
didtion,
Rélponlc au precedent Sonnet.
'France, nous Havouons-, l'éclat de ton pouvoir
Te donne du Soleil quelque vaine apparence,
Mais d'un Soleil de Mars dont la moUe influence,
Sans jamais rien meurtr, ne f^auroit s'émouvoir.
J'iufteurs tremblent d'éfroyfeulement à te voir y
S,blouts du hriUant de ta faujfe Puiffance ;
Mais ceux qui de ton foible ont plus de connoijfancey
S^avent que pour te vaincre il ne faut que vouloir.
te
-ocr page 166-13 La Vie ^ les AElions
Le jeune Phaëton qui conduit ta îumiere,
Po)- un excex, d orgueil s'égare enfa carriere,
Lors oji^il veut jusqu'à nous porter l'embrafe-mertl-
Mais après les dégâts qu'il a faits fur la terre,
Rswverfé de fon char par un coup de tonnerre,
Il -viendra dans nos eaux chercher fon mmument.
Pour répondre aux plaintes du R07, on
allegoit que fes Ancêtres, bien-loin de faire
ces fanglans reproches aux Etats, avoient
reconnu en quelques rencontres, qu'ils leur
étoient redevables de quelques bienfaits ;
qu'ils n'en perdroient jamais la memoire :
amp; qu'ils feroient toujours leurs Bons amp; fi-
delles Alliez. Témoin difoient-ils la ha-
rengue faite par M. de Mourlac Ambaflà-
deur de S. M. T. C. dans l'affemblée
des Etats Généraux le itfd'Aouft de l'art
1-^93. laquelle eft conceué'en ces termes :
„I'ay ordre exprés de Sa Majefté Tres-
„ Clvétienne d'afliirer Vos Hautes Puif-
„fances que l'amitié fincere , amp; le zele
„ qu'elles ont fait parottre pour l'avance-
„ ment de fes affaires, ne peuvent être effa-
„cezdefon fouvenir. Sa Majefté avoue
„ que Vos Hautes Puiffances font les meil-
„ leurs Amis qu'il ait éprouvez dans fes be-
„ foins, qu'il fait fond fur leur bonne foy •
5, amp; qu'il ne doute plus que vous n'ayez^
„ une veritable amitié pour fa Perfonne
jj pour fon Royaume, n'ayant rien épargne
pour
-ocr page 167-de [Evêque de Munfier. 13 -y
« pour lui aider à diffiper les troubles qui le
55 divifoient, amp; à le remettre en fplendeur.
55 qu'il voit bien que fes forces, amp; là puif-
53 iance ne vous font point d'ombrage, que
55 Vous ne demandez que fon exaltation, amp;
55 qu'enfin il vous met au rang de fes meil-
33 leurs Amis, dont il reconnoitra le zele
5gt; amp; la fincerité dans toute forte de rencon-
L'AmbaflTadeur ayant prononcé fa
narengue la donna par écrit, afin que les
Etats fondaffent fur fa reconnoilfancé.
Cela fait voir, qui fi la France a affifté les
Etats Généraux , ceux-cy l'ont aulfi alÏÏ-
ftée, amp;que fi l'on pefoit'les bienfaits des
uns amp; des autres , on les trouveroit fort
égara. Monfieur de SuUy dit dans fes Mé-
moires que Henry IV emprunta des E^
tats avant que d'être paifible en fon Royau-
me 9275400 florins. Cette fomme efl coii-
liderable, amp; peut-être que fans cela, on
neverroit pas aujourd'huy fa pofl:erité fur
ïesLys. Ainfi les reproches du Roy n'ont
pas des fondements fi folides qu'il s'ima-
gine.
Enfin les Provinces Unies furent atta-
quées en mefme temps par deux puiflâns
Monarques ; La Terre amp; la Mer étoient
couvertes des Armées de ces Rois qui s'é-
toient unis pour les perdre : amp; néanmoins
lis s'eftimoient encore trop foibles pour en
venir
-ocr page 168-î 3 § La Vie les ABions
venir a bout. La Fête n'eût pas été bonne.
Il nôtre Evêque n'en eût été, amp; même ce-
lui de Cologne. Ces deux Croffes étant aP
fociées aux Sceptres des deux Rois : on
commença à foupçonner que la Hollande
n'étoit pas l'unique but où ils vifoient, ni
le feul objet de leurs ArmeS:. On difoit que
la France afpiroit à la Monarchie de l'Eu-
rope Chrétienne : qu'Elle avoit un DaU'
phin qu'il étoit temps de couronner, amp; que
tous les Princes voifins s'étoient unis pour
lui chercher un pofte qui fût digne de fa
■naiflÊince. Qu'il Mloit pour y reûffir, de
fortes brigues amp; de très-puilfantes Allian-
ces : mais que l'on devoir commencer par
attaquer les Provinces Unies, pour les met-
Jxe hors d'état de pouvoir fecourir les au-
■ tres, d'où l'on paflêroit chez les Voifins,
avant qu'ils fulTent en défenfe.
Dés le premier pas de la guerre, le Duc
de Luxembourg, amp; l'Evêque de Strasbourg
àllerent en Weftphalie pour deiiberer avec
î'Evêque de Munfter des moyens de fur-
prendre ou d'emporter de force les Provin-
ces d'Utrecht,de Gueldres,d'Overyffel, amp;
pourfçavoir quel étoitle plus court chemif»
pour entrer enHollande. La refolution étant
prife, la France amp; l'Angleterre commen-
cèrent à agir au mois d'Avril de l'an
La divifion des Etats étoittelle que la Fran-
ce
âe ['Evêque de Mmfler. 159
: en eut bon marché; paroître amp; vaincre,
fut pour Elle une même chofe. L'Angleter-
re de fon côté faifoit de tres-pui0àns elforts.
Mais laiifons ces deux grands Monarques
rompre leurs lances contre une feule Repu-
blique, amp; revenons à nôtre Evêque.
Ledix-huitiémedeMay, fes troupes é-
tant prêtes à marcher, il fit fignifier aux
35 Etats : Qu'il avoit découvert leurs çonfpi-
33rations contre lui, amp; contre fes îu-
' 33 lets : que par un coup du Ciel, les Of-
„ficiers qu'ils avoient {libornez pourmet-
3, tre le feu dans fes villes amp; dans fes ma-
„gazins, étoient tombez entre fes mains.
, Qiie ces gens avoient déclaré, qu'ils étoi-
9j amp; pour corrompre leur fidélité,afin qu'ils
pûlTent fe rendreMaîtres de fesChâteaux,
3 J de fes villes amp; forterelfes, Qu'ils avoient
35 fait attenter à fa Perfo5ne,amp; mettre le feu
3, en plufieurs villes amp;: villages de fonDioce-
, à celui de fes fujets : c'eft pourquoy il a-
3, voit armé, amp; donné ordre à fes foldats de
35 faire main baife fur ces vagabonds amp; in-
î3 cendiaires, de prendre vifs leurs Chefs,
33 amp; de les mener dans les prifons des plus
»3 proches villes de fes domaines. Que ce-
pendant
140 La Vie ^ les Avions
J, pendant il défendoit à fes fujets fous peine
„de confifcarion amp;même de prifon, d'a-
jj voir aucun commerce avec ceux des Pro-
evinces Unies.
Il eftaifé devoir, que ces plaintes e'toi-
entfrivoles, nulalfaffin , incendiaire, ni
fulxjmeur n'ayant été'execute' pour de tels
critnes fur les terres de l'Evêque, ce qui
n'eut pas manqué d'arriver, s'il étoit vray
qu'il eut fait arrêter quelqu'un de ces fortes
de gens. Mais il rejettoit fur autrui ce que
fa confcience lui reprochoit. On n'étoit
pour corrompre les Gouverneurs qui lui
rendoient les villes amp; les Provinces toutes
cntieres aufFi-tôt qu'il en approciioit.
Ainfi l'Evêqne avoit û peu de bonne foy
Î[u'on ne pouvoir s'en affiirer : quelque aî-
tance qu'il eût faite, quiconque M offroit
les moyens de faire la guerre, étoit toûjours
le bien-venu. Comme il n'y avoit rien qui
fût plus felon fon humeur, il n'y avoit point
de ferment qu'il ne violât pour fe fatisfaire
fur ce point. Cela efl: fi vifible que nul Prin-
ce n'a fait la guerre qu'il n'ait été de la par-
tie fans raifon, fans obligation, amp; fans ne-
ceffité, par exemple dans celle-cy il ne te-
noit qu'à lui de garder le Traité qu'il avoit
fait depuis peu avec les Etats, ou du moins
d'être
-ocr page 171-de t Evêque de Mttnfler. 14 r
d'être neutre, s'il ne leur vouloir pas aider
contre le Roy de France, mais comme nous
^Qns dqa dit, le repos lui étoit fatal, amp; la
^eilles^e paix du monde valoir moins à
fon gré que la plus malîieureufe guerre :
)oint qu'il êtoit inconfolable d'avoir été
contraint de ceder aux Etats laSdgneurie
Borculo.
Le Roy étant en perfonne dans fon ar-
mée ne trouvoit nulle reliftance par tout
il palToit, ou du moins il en trou-
voit peu. Pendant qu'il vainquoit d'un
qui
autre
côté, fes Généraux étoient de______
avoient le même avantage. Orfoy, Rhiri-
berc , Wezel, Buric fe rendirent pref-
que en même jour. La diligence étoit fi
grande , amp; les attaques étoient fi vives
on entendoit plutôt la prife que lefiege
des places. Les troupes de l'Evêque entre-
gent par le Comté de Benthem dans le païs
de Twent, oiî il lui fiit aifé de fe rendre
Maître d'Enfchede, d'OIdenzeel, d'Ot-
»iarffen,d'Almelo, deBôrcuIo, de Lochem,
de Deutecom,. amp; de plufieurs autres petites
Villes. De là il tira vers Grolvilleplus for-
te que les precedentes mais comme il
^toit renforcé des troupes de Cologne , il
ernporta le 9 du mois de Juin.
Si les Princes Laïcs reffembloient aux
'^clefiaftiques, il feroit inutile de faire fond
fur
-ocr page 172-ï4t La Fie ^ les AElions
fur leur parole : ils en ont tous fi peu, qu'ils
femblent avoir fait vœu de ne la tenir à per-
fonne , au lieu que l'on voit peu d'exem-
ples d'une telle impieté parmi les véritables
Princes. Entre une infinité d'exemples que;
riiiiioire fournit : un des plus fignalez eft
celuy de François Premier. Ce Prince fut
fait prifonnier à la bataille de Pavie, amp; me-
né en Efpagne , oii Charles V, ie traita
moins en Frere qu'en Particulier. Cepen-
dant ce dernier ayant appris que la ville de
Gand s'étoit mutinée prit la pofte lui qua-
trième , amp; ne balança point à paffer par Pa-
■ ris pour empêcher les fuites de la révolté,
çe qu'il fit en privant ces rebelles de leurs
privileges, en aboliftant la loi qui lui don-
noit pouvoir de créer des Magiftrats : en
leurfeifant bâtir une citadelle à leurs dé-
pens , amp; en les obligeant de fouffrir une
garnifon c^ui y a toûjours été depuis. Il fal-
loir que cet Empereur eût beaucoup de con-
fiance en la probité de François I. de pafTer
par Paris,où il avoit fujet de craindre d'être
retenu prifonnier, amp; ce qui eût pû arriver
s'il eût eu affaire à un Roy de l'humeur de
„l'Evêque: mais bien-loin de cela. Il y
„ fut reçu, dit Mathieu, avec toutes fortes
„ d'honneurs, amp; la generofité de ces deux
„Princes fur admirée de tous; car l'un fe
,, fioit à fon Ennemi au'il avoit offenfe, amp;
l'âu-
-ocr page 173-de l'Evêque às Munfler. i^j
l'autre, préferoit l'honneur de fa parole
« au refTenrimenr de fes offenfes, defquelles
u ne lui parla point durant qu'il fiit en
r rance. C'e'toit alors la coutume des
Grands Seigneurs de garder leur parole ,
niaîsaujourd'huy ceneT'eftpIus, A peine
y avoit-il deux mois que l'Evêque de Co-
fogne avoit feit entendre aux Etats, Que-
3' s il avoit des Troupes Françoifes fur fes
33 r erres, ce n'étoit pas pour les furpren-,
33 are, mais pour défendre fes propres fujets
33 en vertu de l'alliance qu'il avoit faite
33 avec fa Majefté : Qu'il étoit refolu de
3, garder la neutralité, qu'il avoit gardée juf-
33 qu'alors : C'eft pourquoy il commandoit,
33 a tous les Officiers amp; foldatsFrançois,qui
33 avoient ordre de lui obéir durant qu'ils
33 leroient fur fes Terres, de ne rien faire au
'3 préjudice des Provinces-Unies fur peine
3' d'être punis comme refrailaires amp; rebel-
33 les. Et afin, ajoûtoit-il, que perfonne ne
33 prétende ignorer nôtre Edit, nous avons,
33 pris grand foin de le faire publier dans nos
33 Etats amp; dans nôtre armée, Nonobftant
^es belles paroles, cét Eleéieur fe déclara,
femaines après contre les Etats Gene-
: mais avec cette différence entre
j^^^^hevêque amp; l'Evêque , que celui-cy
Ottntde lui-même à la France pour con-
^ibuer à la ruine des Etats, amp; que l'au-
tre
-ocr page 174-r44nbsp;Vie ^ les ASiions
tre attendit d'en e'tre requis plufieurs fois.
De Grol l'Evêque mena fon arme'e de-
vant Brevoort qui fe rendit peu de jours
après. Quelque douceur qu'ayent les Etats
pour leurs fujets , on dit qu'il s'en trouva
beaucoupdans la Province d'Overj'lfel qui
fe loûerent du changement de Maitre, di-
fâns tout haut qu'ils efperoient de vivre plus
heureux fous la domination de France,
qu'ils n'avoient fait fous les Etats. Ce
qui n'eft pas fi étrange qu'on s'imagine,
l'homme étant conftitue de forte, que
ce qui plaît aux uns déplaît aux autres, Si
que de tous les animaux c'eft Je plus in-
docile.
Les 13 de Juin l'Evêque vint aux envi-
rons de Deventer. On avoit pourvû à
cette Place avec alTez de foin, amp; rien ne
lui manquoit pour fe défendre allez long-
temps , auffi d'abord fut-il vivement re-
pouné j mais foit qu'il eût intelligence avec
ceux qui ladéfendoient, ou que la peur les
eût faifis, ce qui eft le plus vray-femblable gt;
elle lui fut rendue huit jours après qu'il eut
eomtnencé à l'affieger. Les affiegez mal
confeillez ou mal inftruits avoient fait rom-
pre le pont de la ville, ce qui leur ôta tout
moyen de faire des forties, amp; fit dire à l'E-
vêque Ç s'il en faut croire le Meraire Hol-
-landois. ) Je vois bien que les traîtres
„me
-ocr page 175-de r Evêque âe Munfier. 145
3j me tiendront leur parole,. On dit que la-
ville fe rendit à l'infceu du confeil de guerre,
des Bourgmaitres, de beaucoup de bour».
geois, amp; fons aucune neceffité. Quoy qu'il.
feit, les habitans furent pillez, tk de plus
condamnez à 65000 florins, amp; les foldats
^^îtsprifonniers.
-Delà l'Evêque paffa à Swol, où tout étoic
« mal-reglé amp; en tel desordre, qu'il y entra
'ans refiftance.. Les Officiers de la garnifon
^Voient demandé du renfort, amp; fait voir
qu'il étoitbefoin defortifîer la ville, mais
on ne les écouta point, foit qu'il y eût des
traîtres fecrets qui l'empêchaffent, ou que
lesOfBciers de Swol euffent parlé trop tard.
Les Députez de Groningue donnèrent un
confeil falutaire , qui étoit de faire une
chauffée à Swarte water, moyennant quoy,
il eût été treS'facile d'inonder Svv'ol : mais
Oîi fe contenta de lever l'argent pour la fai-
^e, amp; de le mettre en bourfe : Les Officiers
V-oyant le desordre tâchoient d'y remedier ,
lors qu'ils s'empreffoient le plus, un
Bourgmaitre de Deventer nommé l'Efpire,
Se Bentinc de Brokelincampentrerentdans
ville avec un Trompette de l'Evêque,
l'Efpire fit une harangue pour remontrer
^ux habitans les forces des affiegeans, amp; la
foiblelfe de leur ville ,quot; amp; qu'après avoir
tomber des Places fi bien fortifiées ^ ils
Gnbsp;étoienï
La Vte^ fes ABiofir
êtoient ridicules s'ils prétendoient que la
leur demeurât debout. Ce't Orateur eut
tpt de pouvoir fur les efprits, qu'il en ob-
tint ce qu'il voulut. D fut arrête' que la
ville fe rendroit à l'Evêque aux mêmes con-
ditions que Deventer s'étoit rendue ; après
quoy il fut régalé avec humble remerci-
înent. Quelques Officiers de la garnifon
étant allez peu après à l'hôtel de ville, fu-
rent priez de boire à la fanté de leur nou-
veau Prince, amp; du bon fuccez de l'accord-
„ qu'ils venoient d'arrêter.. Ceux-cy furpris
3, d'un complinnent auquel ils ne s'atten^
„doient point, répondirent qu'il n'étoit
„ que temps de s'amufer à boire : que quel-
„ pas accord qu'ils euiïbit fait, il étoit nuf
„s'ils l'avoient fait fans le confentement
des Officiers , amp; qu'il étoit honteux,
„de^rendre dés la premiere attaque ce
„qu'on pouvoit garder fans rifque cinq ou
„fixfemainesamp;d'avantage: qu'après s'è-
„ tre bien défendus, ils pourroient faire un
„ accord pltîS-avanrageux, amp; que fans cela
„ils ne voyoient pas qu'ils pufTent éviter
„d'être accufezde lafcheté. A quoy urt'
Bourgmaïtre nommé Crans repartit
„ Que Deventer ville forte amp; munie de'
„tout n'ayant pû foutenir huit jours, iln'y
„avoitpoint d'apparence qu'avec unegar-
jyfflfon de millê a douze cens hommes il^
„pulfent-
-ocr page 177-de l'Evêque de Munfler. r^f
55 puflènr tenir bon liuit heures : que pour
33 ce qui étoit de détruire les faux-bourgs-,
33 ils ne le pouvoient faire que le peuple n'y
33 confentît : amp; que le lendemain on pto-
33 poferoit cét avis. On eut beau répliquer
que dans ces- rencontres les délais étoient
dangereux, amp; qu'il ne falloir point de remî-
mes où le mal étoit fi prefllant, les Bourgmaî-
^es perfifterent dans leur refolution, qui
®roit d'envoyer prier l'Evêque que fes foi^
^ats neTniffent point le pied dans Swol, ce*
qu'ils fe faifoient fort d'obtenir pourvu qu'il'
îe prévinffent : que pour les Officiers amp; lés-
foldats ils ne feroient point prifonniers de-
guerre s'ils pou voi ent fe refoudre à figner la
^pimlation. Les Officiers s'étant retirez,
tinrent confeil de guerre, où il iiit arrête
qu'ils s'évaderoient la nuit fuivanre avec la
garnifon, amp; cela fut executé. Je ne fçais fi
'^es, amp; fans approfondir la chofe, je penfe
que fans s'amufer à perdre le temps en pa-
rles , ils euifent mieux fait de tenir ferme i-
^ de montrer plus de vigueur. Auffi les
Magiftrats fe voyant deftituez de ceux
qu'on avoit commis à leur défenfe, s'écrie*
^ent qu'ils étoient trahis, ou qu'il falloit qué
ces Officiers qui faifoient tant lès braves ,
n euffent pcànt de cœur en effet,
G 2nbsp;ÏIs
-ocr page 178-148 L(t Vie les ABiom
Ils n'étoient pas les feuls qui les foupçon-
nafiènt de trahifon ou de molieffe, tout le
monde les condamna, amp; les Etats devant
qui ils fe juftifierent,trouverent leurs raifons
fî foibles qu'ils leur ©terent leurs emplois.
Mais fans nous arrêter à une difeuffion que
plufieurs autres ont déjà faite, il eft certain
que Deventer, Swol, Kampen, Haffelt,
Swarte-SIuySjBlœk-zij), Steenwijk, Mep-
pel, le Fort d'Ommer, amp; même celui de
Kupder, une des Frontières de Frife : il eft
dis-je certain que ces dix Places ne lui coû-
gne, il fe vit Maître de la Province d'Over-
yfièl en moins de trois femaines. Dans le
partage de ces conquêtes Deventerécheut
a l'Eleéteur de Cologne j Campen amp; El-
bbrg au Roy de France, lefquelles Places
il s'obligeoit de rendre après la guerre à
l'Evêque de Munfter, amp; Swol demeura en
commun.
Le Roy de Franceau même tempss'étoÏE
làifi en peu de jours de Doesburg, deZut-
phen, d'Ambem, de quot;Wick, de Montfort,
d'Oudewater, d'YfTelftq-n, d'Amersfort,
^'Utrecht, amp;: de Woerden. Quelques-
uos difent qu'Utrecht avoit tort de s'être
, rendue fi lâchement: amp; d'autres difent que
Éi prife étant inévitable, elle eût mal fait de
refi-
-ocr page 179-de rEvêqfîe de Munfier. 149
refifter. On s'offrit d'y admettre autant
de renfort que le Prince y en envoyeroit,
proraelfe de fe défendre jufqu'à l'ex-
trémité , on envoya des vivres à fon armée
qui fe tenoit aux environs : mais l'armée
étant parrie, amp; fans lui laifîèr même lés
quatre regimens qui étoient de fa reparti-
tion 3 lui ayant enlevé fes poudres pour les
envoyer à Nimegue , amp; fe voyant enfin,
^î^andonnée, amp; comme feparée du refte
des Provinces, que lui eut fervi de refifter ?
D'ailleurs la plupart des bourgeois s'étoient
retirez à Nimegue : joint que ceux de la
}vlefre,ravis de fe voir fur le point d'avoir un
Maître de leur creance^intiinidoient les Re-
formez, amp; ruinoient tous leurs deifeins.
Mais revenons à nôtre Evêque.
Après avoir fortifié fes conquêtes, amp; mis
des garnifons par tout, il fit quelques déta-
chemens qu'il envoya fur les frontieres.de
Frife. Enfuite il alla devant Hattem; peti-
te ville dont les ramparts étoient à-demî
tuinez, amp; dont les forces confiftoient en 80
foldats amp; quelque deux cens habitans. Il
ti'y avoit ni munitions de guerre ni de bou-
che, mais en revanche le courage n'y man-
quoit pas. Si-tôt que l'Evêque en appro-
cha , il la fit fommer de fe rendre, avec me-
nace de ne point faire de quartier fi elle re-
fîftoit, C'étoit là les plus fortes armes,
G 3nbsp;dont
La Vie ^ les ABims
dont il s'étoit fervi pour entrer dans les au-
tres villes : c'eft pourquoy il ne doutoit pas
que celle-cy étant plus foible ne fuivît leur
exemple. Cependant on lui répondit :
J, Qu'on ne fçavoit ce que c'étoit que de fe
„rendre, après avoir juré de vivre amp; de
J, mourir pour la patrie : qu'ils beniffoient
„le Ciel de leur offrir une occafion fi favo-
rable pour lui prouver leur zele, amp; qu'ils
3, mouroient contents puis qu'ils mouroient
„ pour fon ferv'ice. En même temps ils fe
défendent fi vigoureufement qu'ils laffertt
l'armée de PEveque. Ce Prince tempête,
foudroyé, amp; pointe de l'Artillerie en plu-
lieurs endroits à la fois : mais quoy qu'il
fefle cette poignée de Braves foûtient ce
clioc fans s'effirayer , amp; rediiit l'Evêque
à appeller devant une bicoque autant de
gens qu'il en avoit devant les villes les
plus fortes. Comme il n'eft point de force
ni de courage inépuifable,la multitude l'em-
porta: amp; faute de fecours, cepeudevail-
Lms hommes manquèrent à relever l'éclat
amp; la gloire de leur patrie. D'où l'on infers
que fi le Roy de France amp; l'Evêque avoient
trouvé la même refiftance ailleurs, les Pro-
vinces-Unies ne feroient pas fi humiliées:
ni déchues tout d'un coup de la gloire qui
avoirooûté tant de peine amp; de fang -à leurs
Ancêtres. L'Evêque perdit dans ce fiege
âe tEvêque âe Munfier- ijï
plus de 700 foldats , ce qui n'e'coit point
encore arrivé, amp; qui le furprit extrême-
n^enr, lors qu'il vit qu'un fi grand car-
avoit été caufé par un fi pent nom-
bre d'hommes.
Avant que d'aller devant Coevorden, il
^voit fait deffein de tirer vers la Frife, mais
%ant appris que les Frifons étoient refolus
fe bien défendre, il s'alla jetter fur d'au*-
ttes-Places où il trouva des gens mieux dî-
fpofez à le recevoir 5 Le Fort d'Eyler, le
vieux Fort, le Fort neuf^ le Winfcotér-zijli
amp; le Château de Wede fe rendirant fans
refi^ftance. Mais comme tous les Officiers
n'étoient pas corrompus, ni lâches, il s'en
trouva un dans Bourtangh qui fit tête à
l'Evêque. Ce vaillant homme nommé
Prot voyant les approches de l'Ennemi am-
ttia fes folda ts de forte qu'il c'y en eut pas
tin qui ne fouliaitât de le voir. L'Evêque
ne doutant point que cette Forterefle ne
fuivît l'exemple des autres envoya Martel
l'alTieger. Celui-cy fit d'abord à Prot le
«omplimentquefon Maître avoit fait ail-
« leursgt; Il lui reprefenta que ce feroît une
J, témérité que de prétendre refifter à l'E-
3j vêque : que fes armes étoient trop heu-
53 reufes pour douter que le Ciel ne fût de
33 fon côté : mais que ne pouvant fe refoiî-
33 dre àPeiTufion du fang humain qu'il n'eût
G 4nbsp;«tenté
-ocr page 182-15 i Lâ Vie ^ les AElims
„ tenté des voies pdus douces, il lui ofFroit
3,200000 francs pour cette Place, ou telle
„ Seigneurie qu'il voudroit dans fon Evê-
j, ché : amp; 5000 francs argent comptant à
„chaqueCapitaine. Je ne fçais,lui répon-
5, dit Prot, de quelle humeur eft vôtre Mai-
,,tre , amp; je ne m'en mets pas en peine,
„qu'il foit liberal ou cruel, cela ne mere-
„ garde point : mais il ne fçait peut-être pas
„ que cette Place n'eft point a vendre, ni
fôn Commandant corruptible allez lui
„ dire que fa tendreflê eft hors de faifon, amp;
„ que nous ne femmes icy que pour répan-
„ dre nôtre fang, mais qu'il coûtera cher
„ à quiconque l'entreprendra. En même
temps il fait executer fes ordres, amp; donne
furlesaffiegeans avec tant de furie qu'il les
contraint de reculer amp; enfin de lever le
fiege : a£Hon qui eut peu de pareilles dans
tout le cours de cette guerre.
Pendant que Martel levoit le fîege,I'Evê-
que alla devant Coevorden qui eft la clef
des païs de Frife amp; de Groningue. Cette
Place eft fituée dans un tnareft inacceffible
ifequinelaiffe que trois avenues fortifiées
de fept baftions nommez du nom des fept
Provinces : ces baftions font revêtus de
pierre dure jufques-au cordon, le refte étant
fait de tres-honncs terraffes avec double
foffé, deux portes, amp; un Château entouré
de
-ocr page 183-de t Evêque de Munfier. 153
de cinq baftions, avec un bon foffé du côté
de la ville. Cette Place étoit autrefois des
plus fortes de tout le païs ; Mais depuis
quel'Efpagneneluifàit plus la guerre, 0«
l'a négligée comnae beaucoup d'autres : de
fone que l'Evêque la trouvant prelque ruï-
nee,amp; niai pourvue de munitions,s'en ren-
dit Maître comme des autres.
Le dernier jour de |uin , la Cavalerie
Ffançoife commença a l'inveftir. Le 4
juillet, l'Evêque y alla en perfonne avec
dix mille hommes de Cavalerie, amp; 6000
d'Infanterie. Le 7 il la fit fommer, mais
On lui répondit, qu'ayant encore de quoy fe
défendre, on ne pouvoir capituler : jufques-
là on pouvoir fe louer de la garnifon : mais
que trois jours après, elle ait donné du nez
en terre, c'eft une tache dont elle ne fe peut
laver, ^elque ruinée que fiit cette Place,
elle étoit forte de fituation, amp; ne pouvoir
UianquerfousunbonCommendant de dé-
truire l'armée ennemie, ou du moins de la
^tiguer: mais fous des lâches, tout périt.
Les trois qui la rendirent fe nommoient
Rollers, Bachman, amp;Terhoeve, lefquels
''Evêque recompenfa comme ils le meri-
^oient. Auffi-tôt qu'il fut dans la Place,
les fit arrêter, difant qu'ils ne meritoient
P3s un plus honnête traitement. Cette
ï^ûion de l'Evêque à l'égard 4e ces Offi-
G 5nbsp;eiers
IH ta Vie ^ les ABions
ciers partagea les efprits ; les uns difoient
que leur lâcheté ne le difpenfoit pas de leur
tenir parole : D'autres qu'ils ne meritoient
pas de vivre en liberté, amp; que fi le Prince
ne les faifoit que prifonniers de guerre, il
les traitoit trop humainement. Il eft cer-
tain qu'on ne peut trop punir les lâches î
mais violer fa parole eft quelque chofe qui
n'eft gueres moins criminel. L'Evêque ne
tint rien de ce qu'il avoit accordé, amp; c'eft
en quoy il eft blâmé : étant à craindre que
fous couleur de punir des lâches, il ne fuivît
fon inclination qui le portoit à profiter de
tout. Contre les articles du Traité qui por-
toit que la garnifon fe retireroit à Harlin-
gen, il la fitmeneràOverj'iîel, il fe faifit
de l'Artillerie, garda les Canonniers par
force, amp; fit fortir la garnifon fans Enfei-
»nes, fans tambour,amp; iouffrit même qu'on
a pillât. Après avoir nommé les laches
(s'il eft vray qu'ils le fuffent, car je fuis mes
Mémoires fans être garent de ce qu'ils por-
tent) il eft bien jufte que ceux qui s'oppo-
ferent àla reddition de Coevoorden ayent
la gloire qui leur eft due. Ces Braves fe
nommoientBurum, Carbor, Beaumont ,
Borcliorft amp; Teragum, ces deux-cy Lieute-
nans, amp; les trois premiers Capitaines. On
dit que fi les autres avoient eu même cœur,
Coevoorden n'eue point été prife , ou
qu'on
-ocr page 185-de l'Evêque de Munfter. i j ^
qu'on ne l'eût rendue qu'à des conditions
honorables.
^Enfuite on mit en deliberation, de quel
■côté on tourneroit. Le Confeil de guer-
reaifembléj l'Evêque étoit pour Delf-zyl,
amp; d'autres opinoient pour Groningue.
L'Eleâeur de Cologne ayant pris le der-
f^ier parti, fondé fur l'efperance que lui
avoient donnée les creamres qu'il difoit y
avoir ; on s'en tint à fon opinion.
Jufques-icy l'Evêque avoit toûjours eu le
Vent en poupe, amp; l'heureux fuccez de fes
armes lui fit croire ( tant il eft vray que trop
de bonheur éblouit) qu'il étoit invincible.
Ce-n'eft pas (ju'il négligeât rien de fes pre-
cautions ordinaires, mais pour un habile
homme, îl jugeoit trop legerement de l'a-
venir par le pafte, comme nous le verrons
enfuite.
Le Roy de France avançoit toûjours, amp;
^aifcàt de fi grands progrés, que ceux-mê-
mes qui les ontvûs, avoient de la peine à
les croire. En fix femaines lui amp; l'Evêque
enlevèrent aux Etats plus de 80 Places, tant
Forts, que Villes amp; Citadelles : dont nous
avons fait la lifte fui vante pour fatisfaire k
curiofité duLeéteur ;
J 5 ^ La Fie ^ les AElions
Des conquêtes que le Roj de France Ö
fes jîUiez, firent fur les Etats des Provinces
Ufùes en moins de 6 femaines.
DAns le Duché de Cieves : Orfoy,
Rhynberc , Buric, Wefel, le Fort
de Lippe, Rees amp; le Fort; Emmeric.
Dans le pais deGroningue: WinfdioO'
ten, Oude-Schans, Bonner - Schans, amp;
Nieuwe-Schans.
Dans les deux Frifes, l'Orientale, amp; la
Septentrionale , le Fort de Dyler, Slyc-
Jkenburg, ou le Fort de Kuynder,
Dans le païs de Gueldres; Spyckfort, le
Fort de Schenck, Tolhuys, Yflel-oord ,
Hattem, Elburg, Harderwick, Arnhem,
Wageningen, Knodfenburgh, Nimegue,
Graef, Tiel, Bommel, le Fort de Voo-
ren, le Fort S.André, le Retranchement
de la Riviere de l'Yffel.
Dans le Brabant, Grevecœur, leFort-
de-l'Ange, le Fort-de-l'Orte.
Dans le Comté de Zutphen : Yfelburg,
Anholt, Heerenbergh, Zevenaer, Huef-
fen, Deutecum, Brevoort, Grol, Lochum,
Doesburg, Zutphen.
Dans la Province d'Over-Yiïèl, Deven-
ter, Hardenberg, le Fort d'Ou-uner,le Fort
de
-ocr page 187-de î Evêque de Mnnfl-er. 157
Rooveen, Swol, Campen, avec leurs
Foits, Haffelt, Swarte-Sluys, Geeîmuy-
, Vollenhove, Blockzyl,Steenwick.
Dans le Drent, Meppel, Coevoor-
den.
Dans le Twent, Enfchede, Oldenzeel,
Degnecam, OcmanTen, Almelo, Delden,
Goor, Diepenhem, Ryfïen.
Dans l'Evêché d'Utrecht, Rheenen,
%ijck, Amersfort, Utrecht, Montfon:.
En Hollande, Oudewater, Woerden,
Naerden,Bueren, Culenburgh, Vianen,
Heucklom, Afperen, Leerdam.^
Tout ce grand amas de Trophées entaf-
fez les uns fur les autres, éblouît tellement
l'Evêque, qu'il crut que les Provinces ne
ftreuniroient jamais : amp; que chacun des
Conquerans demeureroit paifible polTef-
feur des conquêtes qu'il venoit de faire. Un
noble orgueil fied bien à une ame grande
amp;.genereufe, mais on ne lui pardonne
point ces railleries fades amp; ameres que
font les ames du commun; c'eft pourquoy
nôtre Evêque ne peur être exculable d'a-
Voir raillé des Souverains dans leur adverfi-
)gt; té. Leurs Hautes Pui(ïànces,dit-il un jour
35 à fes Mipiftres, en difcoarant des fes con-
S, quêtes, peuvent prendre déformais le ti-
3, tre de Baffes Puiffances : Ce ne ferotit
plus les Etats des Provinces-Unies, mais
G 7nbsp;des
La Vie les AUions
„desProvinces desunies : c'eft ainfi qu^
J, ces Heretiques devoient être traitez :
,5 mais il falloir que je fuffe de la partie, ^
5, que mes armes fuflent jointes aux ar-
,, mes de France, autrement on n'eût jâ'
j,mai,g pu démembrer l'herefie. Ainquot;
l'Evêque s'oublioit dans la profperité juf
ques-à dire quelque fois des chofes baffes amp;
gt;ueriles. Sa liaifon avec le Pape devint tel'
e après ces progrés qu'il en obtint des pri-
vileges que nul autre n'eût pû obtenir. Sa
Sainteté lui accorda fur tous ces peuples de
conquête un pouvoir abfolu : avantage que
Rome ne cede jamais à perfonne, depeur
de donner pied à quelque indépendence
quienerve fon autorité, ou qui affoibliflè
en quelque maniéré les prétentions qu'elle
a fur tous les Royaumes du monde. En ef-
fet cette Bule que le Pape venoit d'accor-
der, étoit un pas pour l'Evêque au Patriar-
chat : amp; je ne fçais comment Rome pût
alors oublier, qu'un ambitieux armé amp; vi-
élorieuxeft capable de tout entreprendre,
D faut ou que le Pape fçût par revelation
divine la moderation de l'Evêque : ou que
lajoyedevoir fon Empire étendu, lui fit
rifquer aveuglément un fi cher intereft,
C^ov-qu'il en foit, l'Evêque étoit confide-
ré à Rome comme le Fléau des Fleretiques:
amp; comme tel, il n'y avoir point de Prélat,
ni
-ocr page 189-de t Evêque de Munfler. 159
nideTêteMitréequi n'écrivît à fon Con-
ftere pour le feliciter.
^L'Evêque pour Élire valoir le titre qu'il
s'étoit acquis J fit aflembler les Nobles de
35 la Province d'Over-Yffel : Les exhorta à
bénir Dieu de n'être plus fous k Domina-
35 tion de Princes dévoyez, à fe rendre di-
gnes d'une grace qu'il ne làit jas à tout le
jjtnonde; amp; à montrer un zele ardent
35 pour la vraye Religion : que e'étoit là le
35 fujet pour lequel il les avoit feit affem-
35 bler : mais qu'il vouloir de plus qu'ils re-
Jînonçaflent par ferment à l'union desau-
très Provinces, amp; fuivant le modèle qu'il
jjenavoitdreiTé, Sçavoir que tous enge-
33 neral, amp; chacun en particulier, renon-
jîçoient pour toûjours, tant pour eux que
33 pour leurs enfans à l'Union des autres
33 Provinces ; qu'ils ne reconnoilfoient pour
33 leur vray amp; legitime Prince que l'Evêque
33de Munfter, auquel ils juroientd'obéir
33 comme bons amp; fidelles fujets, amp; s'y en-
33 gageoient corps 8c biens fans avoir aucun
33 droit de plaintes quoy-qu'il leur voulût
33 commander. Ce contrad: fut figné de
^'Evêque, amp; de fes fujets comme une cho-
fe fort raifonnable, quoy-qu'il n'y eût ja-
mais de plus injufte prétention du côté de
l'Evêque, ni de plus frêle engagement de
la part des fujets, celui-là demandant ce
qu'il
-ocr page 190-Ï éo La Vie les ABions
qu'il ne pouvoir exiger: amp; ceux-cy accor-
dant ce qu'ils ne pouvoient engager foits
cefferd'être ce qu'ils étoient, c'eft-à-dite
fans ceffer d'e'tre hommes.
Tant-s'en-fautque le Roy de France aie
exigé rien de femblable des'habitans d'U-
trecht, qu'il s'offirit de lui-même de les
comprendre dans le Traité qu'il feroit avec
les Etats. Mais quelque précaution que
prît l'Evêque pour regner en maître abfo-
lufur les efprits amp; fur les corps, il n'euf
pas long-temps le plaifir de fe repaître de
ces vaines idées. Sa gloire étoit montée au
plus haut point de fon élévation , amp; la
profperité l'aveugîoit de forte, qu'il n'étoit
plus capable de connoître le bon chemin.
Après avoir affurc fa Domination fur fes
nouvelles Terres, il alla à Groninguequi
futl'écueil de fes projets. Au lieu qu'ail-
leurs il n'avoit trouvé que des femmes, icy
il rencontra des hommes qui firent avorter
fes deffeins, amp; qui bornerent fes conquêtes.
Cette Place étoit fortifiée avec affez de
foin, mais la garnifon étoit fi foible, qu'il
n'y avoit de compte fait que laoo hommes
defenice, mais cette foiblefïè étoit repa-
rée par le courage des bourgeois amp; des éco-
liers , qui avoient appris à obeïr à des Chefs
confommez, amp; qui entendoient le mê-
der.
Le
-ocr page 191-de l'Evêque de Munfier. i è r
. Le 9, de Juillet, lesFauans qui fe refu-
gioient donnèrent avis de la marche de
^'Ennemi; le lo on le vit paroître ce qui
i^'empêcha pas que Ton n'executât deux
quot;^l'aitres, l'un qui étoit portier de la ville,
pour avoir laiffé une barriere ouverte;
i'aucre qui n'étoit qu'un paifan, pour avoir
^té convaincu d'être corrompu par l'Evê-
que. Le n. il commença par foudroyer
la ville d'une maniéré épouventable : ce
qui continua jufqu'au 17 en forte qu'un
quart de la ville en fut prefque réduit en
gt;oudre. Le même jour les plus confidera-
iles des Officiers amp; des bourgeois, mon-
tèrent fur les remparts, y firent la débau-
■che, amp; fe réjouirent jufqu'à la nuit au mi-
lieu des fanfares des trompettes amp; des tam-
bours.nbsp;quot;. . '
Quelques-uns penfent que cette a£Hon
eftoit faite fort à propos pour marquer l'in-
ttepidité amp; la fermeté, de la ville : mais ne
leur en déplaife, c'étoit plûtôt une faute de
jugement, qu'une veritable bravoure. Ri-
re amp; fe réjouir durant qu'on fait voler les
brasamp; les têtes de nos amis, eft quelque
ehofede monftraeux.: amp; jamais homme
de bon fens n'a crû que la diffolution, l'in-
tempérance amp; la débauche fuffent une mar-
que de fermeté. Fendant que ces faux bra-
ves bevoient amp; fe divertiffoient, un coup de
canon
-ocr page 192-I Z,A Vie ^ les AElions
canon emporta la tête d'un enfant entre les
quot;bras de fa mere qui le portoit : une autre
d'un e'dat de bombe eut I'epaule rompue-
Ce n'eft pas mon defîèin de faire le détail
jdes malheurs qui y arrivèrent, amp; je ne rap'
porte ceux-cy que pour faire toucher aU
doigt 4e dérèglement d'une adion qu'oo
veut faire paffer pour belle.
Le IS. les armées de l'Evêque amp; de ] 'Ar-
chevêque qui avoient eu quelque froideur
revinrent en bonne intelligence , amp; atta-
quererit de concert avec tant de vigueur,
que ce n'étoient que -débris defolarions.
tes bombes dont ils fe fervoient, pefoierJt
% à 400 livres : elles avoient quatre doi^t
d'épais, le refte étant rempli, de poix, de
foufre, de falpétre, amp; dé poudre à canon.
De leur feule pefanteur, elles perçoient tous
les étages, amp; tomboient dans la cave, où
fcifant leur effet, on voioit en moins d'un
quart d'heure toute une maifon renverfée.
Celles qui tomboient dans la rue ne fai-
foient gueres moins de mal , les éclats
qui fe difperfoient , brifant aux environs
tout ce qui étoit à leur portée. Sur le point
de crever, amp; de faireJeur plus grand eifort_,
elles s'éleyoient un peu de terre, ce qui
donnoit lieu de l'éviter pourvû qu'on fe
panchât alors. Sur le foir on jetta certaines
machines de fer , lesquelles étoient rem-
plies
defEvêquede Mmfier, yg^
P^^esd'unemaderecombuftible, qui s'en-
^ammoit par des reffbrrs qui fe dcbatj-
doient dans la chûte, amp; faifoient rejalir
quantité de ferrailles qui tuoient tout aux
environs. Outre cette incommodité, ces
Ipachines en avoient une autre, qui étoit
de répandre une odeur prefque infupporta-
We. Peu à peu on apprit à éteindre ces feux,
Padreffe des Anabapdftes y contribua
beaucoup.
L'Evêque n'ayant point encore fait de ft
grands efforts, ni trouvé tant derefiftance,
commençoit à s'en ennuyer : mais il ne
Oianquoit pas de courage ni d'efperance: amp;
-comme il n'étoit pas apprentif à manier
jj les efprits des gens de guerre : Il leur fit
35 entendre qu'il avoit appris d'un efpion
gt;5 que les affiegez fe rendroient bièn-tôt : amp;
J5 qu'avec un peu de conftance, de vigueur
M amp; de fermeté, ils fe verroient les maîtres
35 de ces ennemis obftinez. Après, ilcom-
mandoit aux Officiers d'encourager les fol-
dats , d'empêcher les murmures, amp; que
tout fik bien difpofé. D'autre côté les af-
fiegez ne s'endormoient pas, faifant tout
ce qu'on pouvoit faire tant pour fe revan-
cher que pour détruire les travaux. Lezo.
on jetta plus de bombes qu'à l'ordinaire j
la ville en fut extrêmement incommodée,
amp; les jours fuivans encore plus. Le
l'Evê-
-ocr page 194-j-6'4 Lé Vie (3 les JUions
l'Evêque leur envoya dire qu'ils eufiênt 3
fe rendre fur l'heure, ou qu'ils s'atrendifleoc
d'être bien-tôt les viâimes de fes foldats.
Les dernieres incommoditez quoy-que vi-
ves amp;• preflàntes ne troublèrent point les
J5affiegez5 ils répondirent, qué s'il avoif
,, encore des bonnbes, ils e'toient prêts à les
„recevoir, qu'ayant appris à les éteindre,
ils ne les craignoient plus, amp; que s'il pléu-
3, voit dans leur ville, il grêleroit dans feS
5, trenchées. L'Evêque outré de cette ré-
wnfe fit donner fi furieufement, amp; fans re-
âche, qu'il ne doutoit point que les affiegez
ne fe rendiffent à cette dmrge ; mais feS
conjectures le trompèrent : cette furie aU
Heu d'abattre affermit leur courage, amp; leur
fît retrouver des forces.
Outre la confiance des affiegez, l'union
étoit fi grande entre eux qu'on ne doutoit
point du fuccez. Les querelles particuliè-
res, lesanimofitezfecrettes, amp; ces petites
divifions qui caufent les guerres civiles y
étoient étouffées. Ces grandes differences '
dequalitez amp; de richeffes fi incommodes
dans les Societez, fembloient être abolies.
Les canons amp; les bombes ayant ruiné les
belles maifons, ou étant fur le point de l'ê-
tre, les riches amp; les pauvres étoient pêle-
mêle dans les plus chétives, comme étant
les moins expofées, Lesopulens affiftoient
ceux
-ocr page 195-de r Evêque de Mur.fier. jë^
ceux qui ne l'écoienr pas, les forts aidoient
aux foibles, amp;t(Xislçavoient fi bien s'ac-
commoder au temps, qu'on ne voioit par
tout que paix, union, amp; charité.
Une fi bonne intelligence entre les bour-
geois amp; les foldats, entre les grands amp;
petits adoucifiôit leurs fatigues amp; leurs
^eilles, amp; leur donnoit bonne efperanee.
Les femmes mêmes avoienti du* cœur au
®eflusdeIeurfexe, amp;travaiIloient avec ar-
deur, La ruine de leurs maifons, amp; de ce
qu'elies avoient de plus cher, amp; de plus pré-
cieux ne les furprenoit point. Et quelqu'un
s étonnant de voir avec quelle confiance une
t)ame fouffroit la mort de fon mary, amp; la
perte de tout fon bien par un feul coup de
bombe, eut pour réponfe , Qu'elle s'y
étoit refolué dés le commencement du
ii fiege, amp; qu'ayant facrifié dés lors fon ma-
33 ri, fes biens, amp; foy-mêmeaufalutdela
33 patrie, elle ne fondoit plus que fur l'affi-
35 fiance du Ciel. Une autre n'ayant pû
fauver que quelque vaiffelle d'argent :
35 C'efî: dit-elle tout ce qui me refte, mais je
33 le donne de bon cœur pour encourager
35 les foldats. Ainfi tous étpient refolus de
tout fouffrir plutôt que de rendre la ville,
fi^ de ne rien omettre pour s'animer les uns
les autres.
Sur la fin daniois de Juillet, on trouvoit
dans
-ocr page 196-tSC^ La Fie ^ les AB'tons
dans les bombes certains caraCïeresGôrhiquot;,
ques dont les fuperftitieux furent d'abor'lquot;
„ fort effrayez. Ah ! difoient-ils, fi le Di^quot;^
js ble s'en mêle nous n'avons garde de re^
J J fifter ; nous avons été affez forts, lors que
j^nous n'avons eu que des coups de canon y
„ amp; des bombes à effuyer : auffi l'Evêque
n'a-t-il rien avancé, lors qu'il ne s'eft fervi
„ que de ces moyens naturels. Mais le per-
„ fide ayant recours aux Puiffanees invi-
„ fibles, de s'en fervant contre une ville quJ
„ fe défend de bonne foy, amp; parles règles
„ordinaires : comment lui faire tête nous
5, qui n'avons point de commerce avec ces
„ malheureux efprits ? Tantôt les uns di-
foient qu'ils étoient demeurez perclus,pour
avoir touché ces figures : d'autres, qu'eA-
fes lifant ils fe fentoient tentez de rendre la'
ville à l'Evêque; mais les plus malades a-
voûoient que c'étoitun fainthomme qu'on
avoit tort d'accufer d'un fi grand péché.
Enfin la plupart concluoient qu'il y avoit
quelque diablerie fous ces chifres; amp;que
1 Evêque n'ayant pû les vaincre avec les ar-
mes de Simon Pierre : il fe fervoit de celle
de Simon le Magicien. Ces rêveries firent
telle impreffion fur l'efprit de la populace
qu'un fçavant homme faillit à fe faire aP
fommer pour avoir tâché de la guérir par
„de bonne raifons. Quoy-qu'ilfôt dire
„on
-ocr page 197-àe TEvêque de Mtinfler. . lèy
«on lui allegoit l'Ecriture où il eft dit
3J qu'il s'eft vu de tout temps des forciers
udes Magiciens : c'eft-à-dire, de ces gens
33 qiii ont cc«îimerce avec le Diable, amp; qur
3i lui aident à damner les Hommes : que
=3 c'étoit à elle qu'ils s'en rapportoient, amp;
33 non pas à un homme qui raîfonnoit com-
33 nie un Athée, amp; en Philofophe moderne
33qui donne tout a la nature; qu'outre le
3gt;temoignage de l'un amp; de l'autre Tefta-
33 nient, ils avoient pour eux l'experience,.
33 amp; l'hiftoire des derniers fieclés qui por-
33 toit que du temps des guerres entre l'E-
■'sfpagne amp; la Hollande, on trouvoit des
33 billets où le nom de Dieu étoit écrit, où
33 ii y a\^oit des Croixpeintes, amp; mille au-
33 très colifichets , que les Ecdefiaftiques
gt;3 vendoient aux foldats amp; aux bourgeois
33 pour les garentir des coups de mouf-
33(}uets, amp; de la noirceur dès heretiques.,
L'Auteur Flaman qui à le don de bien écri-
^Pj renTOyeleLeâeuràundefes livresin-
titulé, fardin des hijioires choiftes-, amp;àla 2..
partie du l. Tome de fon Theatre hiprique,
il fait voir les figures amp; les caraéteres
dont ufent les forciers, équot; où il traite enfuite
plufieurs matieres du même genre-, quoy-qti étran-
^ ér abomivahles-,mais très dignes d'admiration.
Ce font les termes de cétAuteur à qui lePu-
Wic a obligation des grands voliunes qu'il
(*} I Sam.i^. 1.2. jm. 9-. Itù
168 La Vie les AElions
lui donne, mais à qui je confelTe d'en avoJf
de particulières pour m'avoir exempté de
redire fes niaiferies. Ce qu'il rapporte àf
l'Evêque, eft fi plat amp; fi mal choifi, qu'quot;
n'eût jamais été traduit, fi jen'avois eiil'^
bon-heur de recouvrir de meilleurs îvfc'
moires que les fiens. Nôtre Langue eft un
peu plus fevere que la Flamande, amp; If^
froides remarques y font fi mal receués
qu'un livre fait comme le fien ne trouveroit
point de Lefteur. II eft tout femé de fadai'
fes, mais je n'ay garde de m'y amufer j ceu)t
qui les aiment les peuvent lire dans ce celé'
bre Auteur, étant refolu de continuer com'
me j'ay commencé, c'eft-à-dire de choifif
ce qui peut plaire aux gens fenfez, amp; de mc
prifer tout le refte.
Pour reprendre où nous en étions j il y
avoit dans la figure de ces caraâeres des
mots lifibles,amp; d'autres qui ne l'étoient pas?
ou qui ne l'étoient qu'à-demi, 8c tels qu'ils
font marquez dans la page qui fuir.
l'Evêqj s'étonnât du courage des affiege^j
envoya un Trompette, qui fous pretexte de
vouloir payer la rançon de quelques prif®n'
n iers, tâchât d'épier leur contenance y 8c de
fçavoir quelle étoit leur refolutiôj en fécond
lieu, pour les prier de lui envoyer quelques
confitures amp; autres rafraichiflemés ppur des
Dames de fon armée qu'il vouloit régaler.
Enfiiï
-ocr page 199-de PEtjique de Munfier. lé'p
quot;^^TZZ fjûci ^
•nv/vi 'UfiEXciM
(dinuys SPtXlT
^^Mr-o (f^XctiEMC
oèc^'^cz'
à
Enfin qu'ils traita/Tent humainement les
Prifonniers , s'ils ne youloient pas les
iquot;elacher. La re'ponfe des affiegez fut
qu'ils ne fçavoient ce 'que c'e'toit que de
prendre rançon de leurs prifonniers pen-
dant un fiege : que pour ce qui étoit d'ê-
tre bien traitez , cela ne leur manque-
Hnbsp;roit
h-
Tyo La Vie les AElions ■
roit pas étant parmi des gens qui avoient
de riionnêteté : amp; que fes Dames éprou-
veroient leur civilité fi elles vouioient pafler
dans la ville: mais qu'ils n'auroient point
de douceur pour elles durant 'qu'elles fe'
/roient'du coté de leur Ennemis. Après
certe réponfe ils coururent fur le rempart,
où ils firent montre de tant de valeur, qu^
^-Evêque commença à craindre un fucceZ
peu favorable.
tes Ecoliers qui s'acquitoient admira-
blement de leur devoir , crioient au^
„Munfteriens, qu'il faifoit beau voir ces
„ conquerans fi renommez pour les beaUJi
„exploits qu'ils avoient faits dans cette
■ „guerre, être fi long-temps devant cetre
\ „ Piace : qu'il failoit bien que celles qui ve-
' noient de fè rendre, fiilîent extrêmement
foibles ou lâches, puis qu'ils ne fall'oît
„pourleurrefifterque des forces commit'
,,nes, amp; un peu de refolution : que leur
„ Evêque femêloit d'un métier qu'il n'en'
„tendoitpas, amp;quekcrofle en main a'J
„ milieu de fes gros Chanoines,il avoit biei^
„ meilleure grace , qu'avec le bâton ds
„ Commandant, amp; l'épée au côté à la tête
„ d'une armée. Ces traits de mocquerie
enHamm.oient l'Evêque qui les enrendoit
des trenchées,il faifoit tirer fur ces infolens,
dont il juroit de fe vanger,
Quoy-
-ocr page 201-de ï'Evêque de Munfier. \ jt
Q_ioy-que l'Archevêque de Cologneeûc
opiné pour l'entreprife de ce fiege, il fut le
premier à s'en ennuyer. Il reprefenta à
« 'Evêque que l'armée étoit fatiguée : amp;
53 que les affiegez paroiffoient encore auffi
35 frais que s'ils n'euffent rien fait : qu'on
35 n'entendoit ferler que de deferteurs, amp;
35de transfuges qui quitoient leur parti, à
3gt;quoy on ne pouvoit remédier qu'en le-
33Vantpromptementlefiége, ce qu'ils pou-
53 Voient faire fecrettement, amp; fans que la
53 ville s'en apperçût. L'Evêque répondit,
55 qu'il ne voioit pas que ce fiege eut fort
33 affoibîi fon armée, qu'il y remarquoit en-
33 core beaucoup de vigueur amp; de courage,
53 amp; qu'avec un peu de conftance, ils en
35 viendroient à leur honneur. l'Archevê-
9'ie ne répliqua point : mais fa mine fit af-,
léz comprendre qu'il n'avoit, point changé
d'avis. Depuis ce temps-là ces deux Mitres
ft regardèrent aflèz froidement, tant que
les chofes devenant pires de jour en jour,
ils en vinrent enfin aux reproches.L'Evêque
ft plaiL»noit que l'Archevêque étoit caufe
33 des Irais immenfes de ce fiége. Cêlui-cy
33 repartoit que tout le mal devoir' être im-
55 p'jté à la bravoure de l'Evêque, qui fe fioit
53 îlir le courage de fes foldats, fur l'adreffe
55 de fes mineurs, amp; fur les prodigieux effets-
35 de fes feux d'artifice ; rien de tout' céla,
H 2nbsp;„difoit-
La Wie ^ les AEiions
difoit-il ébranlé la fermeté des habï-
,,.tar!S , ou plutôt il faut que vos foldats
3j,ne foient pas tels que vous diliez : puis
qu'ayant poulfé les travaux jufques-auJf
5, courtines , amp; rempli les folfez , vous
n'avez pas ozé'donner l'alfaut de peur d'y
„ faccomber.
Pendant ce petit démêlé, le jeune Prince
de Naffau intercepta une lettre adreifant aU
Duc de Luxembourg, pour l'informer de
l'état du fiége de Groningue, amp; de ce quc
, les Munfteriens en pouvoient augurer; Le
commencement de cette Lettre étoit con-
çu en termes ambigus , qui fuivant l'inter-
prétation qu'en donnoient les intelligens ne'
regardoient ni l'Evêque , ni fon armée '
c'eft pourquoy nous n'en dirons rien : fe
„ refte portoit ce qui fuit : Pour le fiege ?
„ nous le preflbns autant que nous pouvons,
„ mais ceux du dedans s'opiniatrent à mê-
„prifer nos coups, ce qui enflamme nôtre'
3, courage ;, hier nôtre Artillerie foudroya
3, la viUe de forte, que de fix batteries, il ne
lui en. refte plus c^u'une : l'alarme y eft
„depuis ce temps-la, amp;les nouvellesq«'-'
„ en viennent nous convient à bien efperer:
„ce qui la fortifie, c'eft le difcours d'uff
„ moine qui en eft échappé ; li on l'en croit,
„ les Catholiques nous y attendent avec
„.beaucoup de dévotion» ildir,qu'il ne faut
„qu'un;
-ocr page 203-y Mc V '^rcmu^tunbsp;''
-ocr page 204-de l'Evêque de Munfier. 173
qu'un aflàut pour emporter la ville ; nous
35 7 fommes aïTez difpofez, amp; Monfieur^
35 l'Evêque n'y répugné pas : il pretend y
35 dire la MelTe le jour de S. Louis, mais il
33 rnefembleque le terme eft un peu trop
■35 court : amp; qu'il ne doit point y penfei; qu'il
35 n'ait fermé la bouche a quatre vingt ca-
nons qui rompent toutes nos mefures :
33 nous nous confolerions s'ils ne rompoient
■33 que nôtre filence, mais ils éboulent conti-
.33 nuellement nos travaux, ce qui fatiguele
■3,foldat. Nous avons appris que les An-
3! glois font fur le point de faire une décente
3, en Frife, cette nouvelle nous réjouit, amp;
J3 nous y fondons même par avance, ne pou-
33 vant croirequeMonfieur de Turenne, de
S3 qui nous la tenons, prenne plaifir à noi^
35 tromper. Lors qu'elle fera confinmée,
3, je vous en donneray avis, auffi-bien que
J3 des changemens qui nous arriveront.
Le 17. le filence des affiegeans étonna
.fort les affiegez, d'abordon-crutqu'il fàl-
ioit fe tenir d'autant plus fur fes gardes :
amp; qu'il fe pouvoit faire qu'ils machinaffent
quelque rude attaque : mais quelques heu-
res s'étant paffées fans rien entendre du
côté des trenchées, les plus bouïllans for-
cirent, amp;• donnèrent jufques dans le camp
qu'ils trouvèrent abandonné: tout y étoit
feiîié de bombes, de grenades, de mouf-
H 3nbsp;quets.
'174 La Vie ^ les Avions
quets, de bruîots, amp; de toutes fortes de
munitions, dont les habitans fe chargèrent.
Cela fitfoupçonner que les ennemis fuioi'
enten desordre, cnfeffetonfçut peu après
qu'ils étoient fi épouvantez qu'on eut beau-
coup de peine à r'allier l'Infanterie. H®
demeurerent trois jours de fuite derrière
Galgenbergh, d'où ils délogèrent le
laifferent la ville libre.
Quelques jours devant que l'Evêque IC'
vâtl^fiége, le feu de la ville fut fi grand
qu'il démonta tout fon canon : du moins
i efl: certain qu'il lui en refta peu qui fuiTenî
en état de fervir. Pour les mortiers, ils
étoient en pieces à la referve de cinq ou fix,
n'ayant pû refifter à une double charge que
l'Evêque en colerey avoit fait mettre mal-
gré les canonniers. On n'a pas fçû au vrayquot;
avec combien de. gens il avoit entrepris
ce fiége ; mais on foupçonne qu'il avoit
quelque 25000 hommes, amp; qu'il ne lui ef
reftoit que 12 à 13 000 lors qu'il fe retira^
On en a donné au public des liftes différen-
tes fur lesquelles on ne peut fonder, par ce
que ceux qui les ont données n'y étoient
pas prefens : celle-cy m'eft venue d'une
perfonne qui en a vu le commencement
amp; la fin, c'eft-pourquoy je la crois plus
feure.
Lifte
-ocr page 206-de l'Evêque de Munfler. j
ï^ifle des morts des hlejfez, de l'Ar-
mée de l'E-vèque au fKge de Groningue
l'aimée ï6jz.
De 14 à 150G0 hommes il en demeura de-
vant k villenbsp;. . 45 3 (ï
DenfutblelTé ... . i^zé
Uendeferta , . 5000
Les transfiîges,ou ceux qui fe donnèrent aux
affiegez furent au nombre de . . 6qo
Entre les morts on compe ,
Capitaines .nbsp;, , (ÎJ
Priibnniers dans k villenbsp;. , 2
11532
. Le ^ Août, après avoir levé le fiege,
l'Evêque fit pafTer montre, amp; ne fe trouva
îôrt que de 13 3 d S hommes, ce que re vient
au nombre de 24 à 25000 hommes.
- Ce qui fit que l'Erêque fe hâta de lever
le fiége, ce fut l'approche des troupes Im-
periales, amp; de celles de Brandebourg : joint
qu'il manquoit de munitions de guerre amp;
de bouche, amp; quê les pluies avoient pres-
que rempli les trenchées.
H 4nbsp;Du
-ocr page 207-x-jG La Vie ^ les ABions
Du côté de la ville il ne fut tué pendant
tout le fiége qu'environ S operfonnes tant
foldats que bourgeois, quoi-que les ennemis
y euifent jetté une infinité de bombes, gre-
nades , pots à feu, amp; tiré encore plus de vo-
lées de canon. Le trouble de ceux à quila
foudre confume l'argent fans offenfer la
bourfe, n'eft pas plus grand, que la peur que
les boulets rouges donnèrent à quelques af-
fiegez. Ceux qui reçurent de ces coups
favorables ayant été écrits fur le régiftre
des miracles, peuvent bien l'être dans l'hi-
ftoire.
Le premier de ces bien-heureux, fut un
Anabaptifte dont la place du nom eft en
blanc. Un boulet rouge e'tant entré par une
ouverture de fes ChamTes, fortit par l'autre
fans lui caufer que le friflbn.
Un autre nommé Bothenius ne fiit pas
fortidefonliél, qu'un boulet rou^e le mit
tout en feu: le miracle eft que cet homme
n'eut point de mal, parce qu'il n'étoit plus
au liél.
La femme d'ÂntOine -van Effen étant
couchée avec fa fille., un boulet rouge paf-
fa amp; repaftâ, au milieu de ces deux per-
fonnes fans brûler que les couvertures ; paf-
fer ainfi en droite Hgne, amp; repalfer par le
îTiême chemin par la rencontre d'une mu-
raille, eft quelque chofe de Divin.
Une
-ocr page 208-de l'Evêque de Munfier. ijj
Une femme étant à fa porte ne s'apper-
ÇUt qu'un boulet rouge lui eût paffé entre
les jambes qu'à la froiffure de fes juppes qui
fe voient encore aujourd'buy à un clou de
fon cabinet.
Un étudiant étant dans fa chambre, un
boulet rouge en perça la muraille, brifa la
chaife oii il étoit affis, amp; le fit tomber de
fon long fa plume d'un côté, amp; le livre qu'il
tenoit àe l'autre, c'eft quelque chofe de fur-
prenant.
Le valet d'un braffeur ayant grand' foif
amp; portant un verre à fa bouche, un boulet
rouge le lui cafla, fans lui faire autre mal
que de lui ôter l'envie de boire pour quel-
que jours. La chûte de certaines bornbes ne
rut pas moins miraculeufe que ce que nous
venons de dire.
Quinze ou feize transfuges étant dans
une cave, une bombe jettéefiirletoîtper-
ça jufques-à-eux, amp; y creva fans les incom-
moder : onprétend que c'eft un miracle,
amp; que le Ciel ne pouvoit mieux autorifer
la fuite de ces miferables qui quitoierit le ,
fervice de leur Prince naturel pourfe don-
ner aux étrangers : le raifonnemenr eft fort
jufte. Le Flaman fait mention d'autres
miracles de même trempe, où ceux qui les
aime les peuvent voir : car pour moy quel-
que envie que j'aye de fa'ire un hvre d'une
H 5nbsp;jufte
ï 7 8 La. Vie ^ ies AElions
jufte groffeuir, ilm'eft impoffible de pour-
fuivre. Ce que je viens de rapporter eft
quelque chofe de fi fade, qu'il n'eft point
d'efprit fain qui n'en puiffe être de'goûté j
mais comme a plupart du monde n'eft pas
fi délicat, amp; que ces fortes de lectures amp; de
chetives amourettes font mieux reçues que
le foiide, c'eft à ceux-là que j'ay voulu plaire
par ce récit,fans néanmoins pre'tendre qu'ils
m'en ayent nulle obligation.
Le fiége étant levé , l'éloignement des
troupes de l'Evêque fit venir l'envie auxFri-
fons de reprendre Blok-zijl. Cette Place
qui eft fituée fur le bord de la mer du Sud,
ne pouvoit être prife ni affiegée commodé-
ment fans le fecours de quelques vaiflèaux;
c'eft-pourquoy ils s'adreiïèrent aux Câpres
qui croifoient cette Mer, amp; dont ils furent
fecondez dans le delTein qu'ils meditoient.
Toutes chofes étant prêtes du côté de terre
amp; de mer, quelque cinq cens hommes mar-
chèrent , amp; allèrent dêcendre entre Vol-
lenhoven amp; Kuynder, amp; aflèz prés des
deux êclufes qui fourniffent de tourbes l'O-
veryfîèl, Drent amp; la Hollande. Quel-
ques heures devant que les Frifons paruf-
fent, le Commandant de la ville ayant dé-
couvert quelques marques de la revoke,
affembla les bourgeois, amp; les preffa de lui
prêter ferment d'obeïiTance : ce que ies
bour-
-ocr page 210-de l'Evêque de Munfier. \-jlt;)
bourgeois refufant 3 il les mal-traita de pa-
roles, amp; les menaça qu'à ravenir,il n'auroit
plus les mêmes égaras qu'il avoir eus pour
eux, amp; qu'ils auroienttoutloifir deXe re-
pentir du mauvais deffein qu'ils trampient.
Comme il parloit encore, la petite flote
gt;arut, ce qui donna coeur aux bourgeois.
: .^e Commandant furieux, amp; mêprifant fon
ennemi, fit une fortie en desordre, où ayant
eu du pis ,■ il r'entra dans la ville, dont les
habitans qui le haiffoient , le poufferent
battant jufques-auprés de l'hôtel de ville,
où ils l'afibmmerent à coups de croffes de
moafquets. Le refte de la garnifon cher-
chant à s'évader : un Anabaptifte voyant
fuir do ou 70 foldats les fit entrer chez luy,
amp; promit de les dérober à la rage de la po-
:5ulace : mais fi-tôt qu'ils y furent, il les
•ivra tous aux Frifons qui les firent prifon-
niers de guerre. Ainfi Blok-zijl eft la pre-
miere Place qui fut reprifefurl'Evêt^ue.
Les Frifons tout fiers d'une A6hön qui
leur acquit beaucoup de gloire, donnèrent
jufqu'à Kuynerfchans , amp; l'emporterent
fans grandepeine. L'exemple des Frifons
incita les autres à la revoke : Si bien'quË
plufieurs villes fecoUerent le joug de l'Evê-
que, qui depuis ce temps-là futprefque toû-
jours malheureux.
Ses troupes continuante ravager, amp; a
U6nbsp;ff
ï So La Vie ^ les ABions
fe faire craindre par tout où ils e'toient les
maîtres : on les crut fur le point de gâter
les tourbieres des quartiers d'OId-Ampter
Mieden, amp; même d'y mettreâe feu : ce qui
étoit craint d'autant plus que l'hyver ap'
prochoit ; c'eft-pourquoy on y envoya ufl
jperit nombre de foldats qui raffurerent les
païfans , mais qui ne les gardèrent pas.
Ceux-cy ravis d'un fecours qu'ils n'atten-
doient point, firent bonne chere à leurs
hôtes jufqu'à les enyvrer : Les ennemis qui
curent avis de leur débauche, les furprirent
es uns
dans cette yvrelfe, Sr chargèrent_______
amp;les autres; les païfà'ns firent ferme dU'
rant que les foldats fuioient, amp; fe défen-
dirent quelques temps avec affez de cœur,
mais enfin ils furent batus, amp; tous ceux qui
ne purent fuir demeurerent fur la place.
Cette furprife fit refoudre à envoyer plus
de monde qu'auparavant fous la conduite
du Colonel Jorman, qui y mena quelques-
unes des Compagnies , avec lesquel es il
étoit encré à Groningue pendant le fiége,
Ceux-cy marchèrent vers Winfchoten où
les Munfteriens s'étoient retirez. Lespre-
.mieres heures fe pafferent en efcarmouches
ôù l'avantage étoit égal : mais dans la fuite
les gens de l'Evêque furent chaffez de
Winfchoten, duFortdeWinfchoten,de
,Wînfchoter-zijl, amp;:deWedei d'où ils
aile-
-ocr page 212-de t Evêque de Munfier. i § r
allèrent fe retrancher dans les deux Forts/
le vieux amp; le neuf ; ^ant inondé le pais
d'alentour , il étoit aflez difficile de les y
attaquer ; Jorman néanmoins ne laiffa pas
de faire inveflir le vieux Fort^ mais étant
^andé de Hollande, il n'eut pas le temps
^'y reiiffir. L'ouvrage commencé ne de-
J^ieura pas imparfait : M, de Rabenhaupt
ihrvint qui donna ordre de le pourfuivre
Colonel Eybergen : celui-cy avec un
i^enfort qu'il avoit amené, ferra la place de
plus prés. Sur ces entrefaites arriva un dé-
tachement de quot;Weftphalie, que l'Evêque
^nvoyoit pour foutenir ceux du vieux Fort ,
amp; pour faire lever le fiege. AufTi-tôt que
ces gens parurent, le Colonel Wy 1ers qui
eut ordre de les attaquer, pofta fes gens
fi à propos , amp; les chargea avec tant de
coeur amp; de conduite , qu'il pouflà 1400
nommes avec , en tua 200 fur k place,
obligea le refte à fe retirer au Fort-neuf,
de forte que ceux du vieux-Fort étant defti-
tuez4u fecours où ils fondoient leur efpe-
ranee , le rendirent à fes anciens maîtres amp;
fe rerirerent à Coevorden : non pas tous
néanmoins, car de 400 qu'ils êtoient, il
en deferta prés de 3 00. Le ~ Oûobre on
alla bloquer le Fort-neuf. Lef« Novembre
îes Munfteriens à l'arrivée des troupes de
H 7nbsp;Cour-
i8z La Vie ^ les AElions
Courknd abandonnèrent d'Yler-SchanS J
On détacha 120 hommes de Bourtang
qui allerent prendre leur pkce. Aufem^
jeune liomme, mais courageux eut or-
dre de les commander: au fortir de Bour-
tang 5 il étoit tout blanc de fon épée, ^
les ennemis paroifîbient il ne vouloir point
de quartier, mais ce grand feu n'étant que
de paille on n'en fentit que la fumée. Trois
jours après qu'il fut établi dans fon pofle :
auffi-tôt qu'il apprit que les Munfîeriens
revenoient, il le quitta, amp; n'eut pas feu-
lement la force d'attendre qu'ils parufTent-
Ainfi l'Evêque redevint le Maure de ce
Fort, qui fut gardé par une partie de ces
3 000 hommes qui venoient de chaffer Au-
fema : l'autre partie alla renforcer le Fort-
neuf, d'où l'on avoit levé fiege par la vio-
lence de l'hyver. Au même temps zoo
Courlandois furent défaits en Weftphalie
dans un combat où il n'en demeura pas
moins du côté de l'Evêque.
Durant que les troupes de ce Prince ra-
vageoient la Hollande: celle de l'Eledteur
de Brandebourg qui avoit déclaré la guerre
à l'Evêque amp; à l'Archevêque, gâtoient la
Weftphalie; Les munitions, les vivres de
quelque nature qu'ils fuffent y étoient enle-
vez , amp; encore ne laifToit on pas d'y payer
des contributions.
Aces
-ocr page 214-deîEvêque de Munfier. i8|
A ces.nouvelles l'Evêque fe réveilla, (car
ilcommençoitàs'aflbupir) amp; r'alliantfes
'troupes difperfées , il en fit un affez bon
Corps qu'il dépêcha vers le pais de Bergue,
^vec ordre d'aller d'abord dans le Comté
de Mark, amp; d'exiger de tout le pais de grof-
fes contributions. Cét ordre étant execu-
ces mêmes troupes fe faifirent de Lunen^
d'Ulsde, amp; de Rede; tout ce pais étant pillé
Sfdefolé, ils facrifierent les paifansà leur
en maffacrerent quantité, après leur
svoir fait fouffrir des tourments inouis. Les
Brandebourgs étant venus au fecours de ces
miferables, les Munfteriens abandonnèrent
la ville d'Ulsde après l'avoir pillée.
Ainfi les forces de l'Evêque diminuoient
tous les jours, amp; ne battoient plus que d'une
^le.Le Roy deFrance q^ui s'en apperçut,ap-
prehenda qu'il ne perdit cœur, ou plutôt
Ju'àfon ordinaire il ne prît un autre party,
our prévenir fon inconftance, amp; l'attacher
'ar quelque forte cha'nejil lui promit l'Ab-
baye de S.Germain des Prez à la fin de la
guerre , pourvû qu'il allât jufqu'au bout :
triais fon humeur ne lui permettant pas d'ê-
tre fi long-temps d'un côté, toutes les Ab-
bayes de l'Europe ne l'euffent pû changer.
C^elque foible que fût^ l'Evêque, fes
garnifons de Coevorden, amp; de Steen-
^yck étoient encore fi fortes, qu'il en for-
toit
-ocr page 215-1^4 La Vie ^ les AElions
toit continuellement des partis, dont non
feulement les voifins étoient incommodez-
mais encore beaucoup d'autres qui en Ç'
toient aflèz éloignez.Le pais qui en foufii oir
le plus étoit celui deDrent : amp; malgré le fe'
cours qu'on envoyoit de Groningue, il s'y
faifoit tous les jours de nouveaux ravages-
Ce^ui rendoit ce fecours inutile, c'eft que
les Munfteriens avoient des efpions fi liabi-^
les qu'ils les informoient à point nommé
des démarches de ceux deGroningue^fibien
que ceux-cy étant d'un côté, ceux-là étoient
toujours d'un autre, amp; trouvoient ainfi
l'occafion de ravager impunément : cequî
dura jufques-à ce que le païfan fût ruiné de
fond en comble. Pendant que l'Evêque
étoit le Maître de Steenwyck amp; de Coe-
vorden, le remede étoit difficile : amp; la for-
ce de ces deux Places faifoit desefperef
qu'on put les reprendre fur eux. Sur tout
Coevorden fembloit imprenable amp; par fa
fituation, amp; par fes travaux amp; fes dehors ;
amp; quoy-qu'on l'eût un peu négligée depuis
la paix avec l'Efpagne, elle étoit encore en
état de foûtenir long-temps devant les plus_
fortes armées. Un General d'Efpagne qui
l'affiegea l'an 15 94 fut obligé de fe retirer
làns la prendre après un fiege de huit mois :
L'Evêque plus heureux que ne futVerdugOj
c'eft le nom de ce General, s'en eft ren-
du
de r Evêque de Munfier. i S j
âu le maître en l'an 16'ji au bout de quatre
jours de fiege. La conquête de cettePlace efl
telle importance,que quiconque y domi-
ne , peut faire trembler les païs de Drenth ,
de Frife, amp; de Groningue : auffi l'Evêque
s'en croioit-il déjà leMaîrre;amp; déjà par fon
Ordre les ruines de laCitadelle êtoient repa-
yées de telle forte qu'on n'y pouvoit rien
ajoûter. Ces grandes précautions de l'Evê-
que étoufoient les deffeinsque l'on eût pu
former fur el]e,amp; l'on ne croioit pas que cet-
te Place dût fi-tôt retomber entre les mains
de fes premiers amp; legitimes poileffeurs.
Lorsque l'on y penfoit le moins, Mey-
nard van Thynen homme de peu, mais qui
avoit le fens fort bon, aborda îvl. Raben-
haupt^ amp; lui dit que Coevorden étoit plus
en état d'être reprife qu'on ne penfoit. Ses
raifons êtoient que la garnifon n'étoit pas
des plus fortes : amp; que la plupart des fol-
dats étant malades amp; incommodez, on n'y
làifoit pas bonne garde. Il ajoûtoit en mon-
trant le plan de la ville, que la gelée la ren-
doit acceffible malgré fes plus profonds
toarêts: amp; que le Ciel fembloit en mon-
trer le chemin, le froid étant alors extré-'
rne; que les ouvertures des folTez fe pou-
voient franchir fur des ponts de corde ou de
jonquine, amp; qu'il s'offroit d'affifter à cet-
•te entreprife en telle qualité qu'on vou-
droic
-ocr page 217-l 8(J Lanbsp;les ABions
•droit. M.Rabenhauptl'écoura avec quelquot;
que plaifir fecret, d'autant plus qu'il pafToit
pour être alTez bon ïngenieur, mais il
cela fa penfée : amp; alla de ce pas communi'
quer cette pi-opofition à quelques-uns de
Meffieursles Etats de Groningue. La cho-
fe leur femblant poffible, ils'confentirent
qu'il l'entreprît : à quoy il veilla fur le
champ de la maniéré lliivante.
La refolution étant prife, il fit appeller
le Sieur,Meindert, amp; ie trouvant ferme
dans fon délTein, il lui dit qu'il fongeât à
pr^arerles ponts amp; autres machines ne-
cefiaires^uiconcernoientfon Art. Lapaf-
fion de cét homme, pour le fuccez de cette
entreprife, le fit voler aux moyens de l'exe-
cuter : tout étant prêt de fon côté 5 lealt;f
Décembre on fit fermer les portes de la vil-
le dés 3 heures après midi,de peur que quel-
que traître n'allât averrir les ennemis de ce
qui s'y palfoit, amp; en même temps ce qu'il
y avoit de Dragons aux environs duLeck,
eut ordre d'aller joindre les troupes de la
ville 5 on détacha 3 6 hommes de chacune
des Compagnies qui y étoient en garnilbn,
avec ordre de fe tenir prêts à marcher le
lendemain i amp; comme on êtoit perfuadé
de l'experienceamp; de la bravoure du Colo-
nel Eybergue, onlui confia la conduite de
cette expedition j le commandement- de
rin-
-ocr page 218-àe TEveque de Mmfler. 187
l'Infanterie échut au Colonel 'Tylers, amp;
celui de la Cavalerie au Major Sikinga. La
nuia fe paîfa à charger les chofes neceffaires
aufucce.^de cette entreprife: le choix des
Canonniers, amp; de ceux qui devoient jet-
ter les Grenades amp; pots à feu étant prêts
des premiers. Le lendemain à une heure
après midi, la Cavalerie fortit par la porte-
Steenwick: amp;1 Infanterie à 3 par lapor-
te-Steentii, ceile-cy n'étant forte que de
90s hommes. Il y eut plufieurs Volontai-
res qui voulurent ^tre de la partie, quantité
de bourgeois, amp; d'écoliers, mais tous à
pied: les Volontaires qui étoient à chèval
ayant été arrêtez à la porte, depeur qu'il
n'y en eût quelqu'un'qui allât avertir les en-
nemis de l'entreprife. ux environs de
Calgenberg, on vit fortir de Helpen un
Cavalier, qui voyant tant de monde en-
femble s'écarta du chemin , courant vers
Haar en à toute bride. Le Major Sikinga
détacha quelques Cavaliers quilefuivirentj
mais en vain : ce qui l'obligea de courir lui
même; amp; comme il étoit mieux m.onté, il
l'atteignit incontinant. C'étoit un Trom-
pette qui alloit à Groningue porterdes. let-
tres de l'Evêque, ou du Prince de Furften-
berg, qui étoit paffé avec fonRegiment du
fervice de France à celui de l'Eledeur de
Cologne. Oismenale Trorfipette à Gro--
ringue^
-ocr page 219-j S8 . Larie^ les ABions
ningue, où on le de'tint quelquesjours pour
la fureté de l'entreprife. Cependant la
Cavalerie s'étant rendue à Gieten, y at-
tendit l'Infanterie. Toutes les troupes s'y
repoferent une nuid, amp; en partirent le
lendemain de grand matin, après avoir bù
chacun un verre d'eau^e vie, que leut
donna le folliciteur Wildervanck, qui les
fuivoit exprés avec un poinçon de ce bre-
vage. Enfuite onalla àExfeld, de là à Sieen,
àErrem, à Wachten amp; à Dalenjla Cava-
lerie prenant le devant .afin de fe faifir de
tous ceux qu'elle rencontreroit, amp; .que la
îTiarche fut plus fecrette : mais non ob-
ftant la peine qu'on prit pour cela, trois
Dragons deferterent^ .amp; allèrent avertir
le Gouverneur de Coevorden, qu'il cou-
roit rifque d'être attaqué. Cette nouvelle
refroidit d'abord le courage , mais un mo-
ment après l'ailùrance des Chefs réchaufa
îe cœur des foldats: amp; la fuite fit voir que
la mauvaife foy de ces Dragons avoit faci-
lité la prife de Coevorden. Aufïi-tôtqua
îe Gouverneur fçût le peril où il étoit, il fie
mettre fous les armes toute la garnifon, qui
étant fatiguée d'y avoir été fi long-temps
pour une alarme qu'ils croioientfauffe, le
Gouverneur leur en donnant fouvent de
telles pour les tenir en haleine, ne fe pref^
ferentpas de courir à la veritable. Le ^^le
de l'Evêque de Mmjî-er. iS^
Siquot;. Eybergue, homme auffi pieux que vail-
lent, exhorta fes foldats à prier Dieu qu'il
lui plût bénir le deffein. Apres la priereil
donna le mot, amp; voulut que chacun mît
^n bouchon de paille au chapeau pour fe re-
connoitre. Enfuite il tint confeil de guer^
te, amp; ayant exhorté tous les Officiers a
kien faire, il les partageaen,3 Corps. Le
'remier qu'il commandoit devoir attaquer
e Château. Le Major Wyler comman-
doit le fécond qui devoir attaquer le quar-^
tier de Hollande. Le Major Sikinga com^
iiiandoitletroifiéme, amp; devoir aller atta-
quer le quartier nommé d'Over-Yffel, où
étoit le Magazin. Meindert van Thynen
qui accompagnoit le Lieutenant Colonel
Êybergueluifervoit de guide dans la mar-
che , amp; devoir jetter les pontons ; les gui^
des des autres Commendans devoient a-
Voir le même foin. Les ordres ainfi don-
nez, amp; tous étant prêts à marcher, le Sol-
liciteur Wildervank, qui les fuivoït avec
fon eau de vie, en donna un verre à chacun,
puis ils fè remirent en marche entre il amp;
la heures de nuiCt, amp; arrivèrent fur les
trois heures du matin auprès des dehors de
Coevorden. Alors il fembla que le Ciel
fiit de concert pour faire reùffir l'entrepris
fe, car il s'éleva un brouillard des plus épais
qu'on puiffe voir, ce qui donna lieu d'ap-
procher
i 5gt;o La Fie ^ les ABiom
prpclier dcla contrefcarpe fans erre vûsde®
ennemis. Le Lieutenant Colonel Eyb^'^'
gue, amp; le Major Wylers quoy-que gen^
de cœur amp; de conduite , envifageant
peril où ils s'engageoient, furent faifis de
quelque frayeur : mais par un retour
eux-mêmesamp; comme indignez de leuf
foiblefle, ils en devinrent plus hardis ;
guides les ayant conduits où ils dévoient
pafier, ils jetterentleurs pontons, amp;paf'
ferentfans être vus, mais non pas fanse'tre
entendus; lesfentinelles donnèrent ralatquot;
me : on fait grand feu far les rempars, mais
nos braves avancent toujours : van Thyneti
marche le premier jufqu'à ïa contrefcarpe,
où le bruit de quelques foldats lui faifant
€onnoitre qu'il n'étoit pas où il psnfoit,
il reprit fon chemin à la faveur du grand
brouillard qui conrinuoit, amp; arriva à
barriere de la contrefcarpe qu'il cherchoit ;
les autres cependant étant arrivez aux p-^quot;
liflàdes, ils s'y firent paffage, le bruit con-
tinuel du qui va là empêchant que ceux de
la Place-n'entendiiTent les coups de hachesj
amp;rnalgré le canon amp; la moufqueterie
tiroientfans relâche , ils montèrent fi;r
remparts, que le dégel rendoit difficiles à
monter, joint qu'ils èiOientbien défendus.
L'ardeur de g! imper étoit égale, mais la ter-
re étoit fi glilTante qu'il en tomboit beau-
coup;
de l'Evêque de Munjler. i ^ j
; entre ceirx-là le Sieur Chiton qui
commandoit l'avangarde du Sieur Eyber-
|Jea.yantfaituncryen tombant, le cœur
«es îbldats fe ralentit: mais un moment
aptes, ce Lieutenant n'étant qu'étourdi
^efa chute, ils recommencerent à grim-
amp; nonobftant la relîftance du dedans,
a difficulté du terrein, Séeent autres in-
comraoditez, ils gagnerent lesrempars,
e-iioncerent les Munfteriens, amp; ferendi-
^nt maîtres des portes du Château ; les
Cfficiers amp; les Soldats firent d'incroyables
efforts : ceux-là ayant pour but la gloire, amp;
Ceux-cy étant animez par l'efperance du
butin ; le Gouverneur de Moys fiit tué des
'remiers : amp; quelque aoo hommes voyant
es remparts emportez s'enfuirent par une
ues portes.
Lorsque le Major Sikinga fut reconnu
des ennemis, le feu de ceux-cy fut fi dru,
qu'il en tomba quantité des nôtres : mais
fens s'éfrayer nullement, il poiilTe, ilren-
quot;verfe, il entraîne, amp; fe fait demander
quartier. D'autre côté le Capitaine Klingh
Courant à la porte de Frife, gagna le Corps
de garde, fit rompre la ferrure par un fer-
turier qui s'y trouva muni d'un gros mar-
teau : amp; par ce moyen la Cavalerie eut en-
trée dans la ville. La plupart de la garnifon
s'étoit r'alliée au plus bel endroit de la ville
dans
-ocr page 224-Îf 2; La Vie ^ les ABions
dans le deffein d'y faire ferme ; quelque®
Officiers au desefpoir qu'une fî forte PlaÇ^
fe fût rendue en fi peu de temps, fe défendi-
rent en braves, amp; refifterent vigoureufc'
ment : mais enfin étant les plus foibles il®
mirent bas les armesamp; fe refugiereflt
dans l'Eglife oii ils furent enfermez.
cette Place qu'on eftimoit la plus forte de^
dix-fept Provinces fut prife en moins d'uo^
heure. Après, les foldats fe mirent à pil'
1er, aulTiétoit-iljuftedeneles pasfruftr^i^
d'une fi douce recompenfe ; comme ils a-
voient bienfait, le pillage leur étoit dû-
mais il ne fut permis qu'une heure, Pl'^''
fieurs bourgeois ravis de fe voir délivrez de
Pefclavage de l'Evêque donnoient d'euX'-
mêmes ce qu'ils avoient de pluspretieuXî
Les Polonois qui avoient été fi retifs dans
laxTiarche, êtoient les plus afpres au bU'
tin.: amp; tous enfin trouvèrent dans ce peu de
temps qu'ils eurent à piller, dequoy ado«-quot;
cir toutes leurs peines.
Les Officiers ayant mis ordre 2 tout, ^
faifant refiexion fur la difficulté de l'entre-
prife qui venoit de leur reûffir, ne pou-
voient croire ce qu'ils voioient. Le lende-
main fut confacré aux avions de graces
qu'on rendit à Dieu pour une fi grande yi-
éloire; enfuite on dépêcha un Courrier
qui en porta k nouvelle aux Etats, d'où elle
de t Evêque de Mmfier. i
fedivulga dans toutes les villes delaHoUan-
de. Il eft aifé de fe figurer la joye qu'on en
teçut : avoir recouvré en fi peu de temps
^nePlace de cette importance étoit un coup
d'état J amp;même un coup du Ciel, d'où
1 pn conjeduroit un meilleur temps à l'ave-
^itj les fauxfreres étoient feuls qui en euf-
ftnt un dépit mortel: cesPartifansde Ro-
'ïieletcmoignoient en toute rencontre, amp;
Oiêmeaffezinfolemment, dans la creance
qu'ils étoient encore affez forts pour avoir
leur revanche.
Plus le vainqueur fongeoit que l'entrepri-
fe avcàt penfé manquer fur le point de l'exe-
eution, plus il rendoit de graces au Cieï
d'en avoir beni le fuccez j le renfort étant
arrivé bien plus tard qu'on ne l'attendoit, il
pHut différer l'affaut jufques au point du
jour, qui étoit,difoit-on,un temps mal pro-
pre pour cela, mais qui fe trouva au contrai-
re bien plus commode que celui de la nuit
auquel on le penfoit donner : car outre que
les fentinelles croiant n'avoir plus rien à
Craindre s'étoient prefque toutes- endor-
mies, ce brouillard épaisqui les couvroit,
leur laiffeit néanmoins allez de-jour pour
fe reconnoitre, amp; pour donner où il falloitj,
ainfi il fembloit que le Ciel fiit vifiblement.
delapanie.
Cette nouvelle épouventa i»us les Mm-
lnbsp;fterieqg.
La Vieilles ABions-
fteriens d'alentour, jufques -la que ceux de
Nienhuys, deBenthem, deTwentquite-
fënt ces poftes d'eux-tt\êmes : amp; peu s'en
fellut que ceux de Swol , déDeventer, ^
de toutes les autres places de la Province
d'Overyffel, ne fe retiraïTent fur l'heure.
■nbsp;D'ailleurs le païs de Munfter n'étoit g«^quot;
tes plus affuré; ils croioient à toute heiî^e
que les Frifons fondoient fur eux, amp;
dans la rage où ceux-cy étoient d'avoir été
fi mal-traitez de leur Evêque y ils ne fe re-
vancliaffent au double. Mais fur tout l'Eve'
quefedesefperoit : amp; comme il n'y avcit
perfonne à qui la chofe touchât de fi P^é^ '
nul n'en fut fi outré que lui ; il n'eft pas pof'
fible d'exprimer fes emportemens amp; fa r^'
ge : car quoi-qu'on lui pût dire pour chaf''
mer fon reffentiment, il ne répondoit qu'en
■nbsp;quot;Wasphemantàlamode de fon païs. H de-
meura dans cette attaque 150 dé fes foldats?
le commandant nommé de-Moy : le Lieii''
tenant Golonel Heus , 4 Capitaines, ^
quelques autres Officiers. On fit 400 p^iquot;
fônniers , y ccHïipris un General Majot r
« Capitaines,n Lieutenans, 14 Erjfei'
gnes, un Jefuité amp; deux Cordeliers.
tîôtre côté ii fiit tué 5 0 ou do hommes aU
plus, amp; 3 Officiers furent fort blefiez.
trouva dans le Magazin 41 pieces de canon
(debrtsize, zodefer, 9 mortiers de bron-
ze.
de rUvêque de Mm fi et. ï ^ y -
15 de fer, 14 perards de bronzé amp;
Itf de fer 5 949 moufquets bons amp; mauvaisj
7i S piques ou demi-piques : 544 barils de
poudre : I277 bombes préparées, 171 d qui
ne l'étoient pas ; 2113 ^ots à feu : 1772, gre-
nades: 12853 boulets a canon , outre une
Infinité de plufieurs autres munitions qui
lont necefiâires à k guerre.Nous nous fom-
lîies un peu étendus fur la reprife de Coe-
vorden, amp; peut-être plus que les regies de
1 hiftoire ne le permettent: mais l'aétion
fut fi belle, amp; fi importante âu bien des
Etats, qu'un récit de cette namre ne peut
jamais être importun.
L'Empereur voyant que le Roy de Fran-
« faifoit des progrés furprenans , amp;qu'in-
lenfiblement il approchoit de fes domaines,
qu'après la conquete des Païs-Bas il y entre-
roit aifémentrque plufieursPrinces de l'Em-
pire éblouis des tréfors amp; des promeffes de
ce Monarque fe détachoiem: de fon parti,
amp; fe déclaroient pour la France ; voyant
dis-je que tous ces pas vifoient à un but dif-
ferent de celui que l'on faifoit voir, il fit
refolution de s'oppofer à fes conquêtes:- Et
parce que les Princes qui fe desuniifoient
deS.M.I. y étoientmcitez, tantparl'ex-
emple de l'Evêque , que par fes preffantes
inftances : il chercha les moyens de lere-
»lettre en fon devoir, ëi. de lui faire re-
I 2.nbsp;connoitre
i5)lt;j La Vïe ^ les ABiom
„ connoitre fon Prince naturel. Il luy fit di-
„reamp;àrEleéleur de Cologne, qu'apr^
„avoir cru jufqu'alors que les armes de
„ France ne fe remuoient que pour détrôner
„ l'herefie : il avoit enfin découvert que ces
„ belles paroles n'étoient qu'amufement,amp;'
„qu'ellescachoientun poifon fecret; qU^
„Dieu lui ayant fait îa grace de lui ouvrir
„les yeux, il leur faifoit part de fes lumis'
g,resquiIesremettroient dans le bon che-
„ min s'ils êtoient gens à en profita ; que le
,, Roy de France fongeoit moins à étendre
„ la yraye Religion, que les bornes de fon
„Empire : Que fon intereftl'obligeoit às
, 5 s'oppofer à fes conquêtes: que leur devoir
„ lesGonvioitàlefuivreamp; à l'imiter:' amp;
„ qu'enfin il leur commandoit de prendre
3, fon parti; Que li dans quinze jours ils n'o-
„ béiflbient à fes ordres, il feroit procéder
„3, contre eux fuivant lesStatuts de l'Empire.
Le temperament de l'Evêque, amp; le pofte
où il fe voioit, ne lui permettoient pas une
obeiffapce fi aveugle ; il lailfa paffer ce
temps-là fans fe foucier de ce que difoK
l'Empereur , ni craindre fa colere. C'en:
pourquoy le Duc de Bourneville fit publier
par ordre exprés de S. M. L que tous les
fujets naturels de l'Empereur amp; del'Empi'
re, euflènt à pafler fans delay du fervice de
Î'Evêque amp; de PArehevêque à celui
S.M.1^
-ocr page 229-de t Evêque de Mmfier. 157
Si M. I. fous peine d'encourir fon indigna-
tion amp; autres peines.
L'Evêque apprit cette publication, non
feulement fans y de'ferer , mais même fars
en être émû ; de crainte que les Officiers ne
fijffent pas de fon humeur : amp; qu'il ne leur
prît fantaifie de quiter fon fervice pour obéir
a l'Empereur,il fit afficher un contrédit,qui
3j portoit, que le Mandement qui avoit
ij couru fous le nom de S.M.L étoit une
3j rufe de Bourneville , qui prenoit mali-
J3cieufement le nom de l'Empereur pour
33 intimider fes foldats, amp;Ies induire à le
35 quitter par un efprit de jaloufie amp; de hai-
3, ne particulière; Que fes foldats amp; Offi-
3, ciers étant tous fujets de l'Empire, il les
3,entretenoitfurcepied, qui étoit d'être
3, toujours prêts à marcher, oîi fes ordres
3, les appelleroient ; que par là on voioit îa
3, malice de Bourneville : amp; qu'enfin il les
33 affuroit qu'ils ne couroient aucune rifque
33 en demeurant fermes à fon fervice.
Ainfi l'Edit derEmpereur fut inutile non
feulement de la part de l'Evêque, mais des
Officiers même, amp; des foldats de fon ar-
mée 5 amp; pour le braver davantage, ayant
obtenu quelques troupes de M. ae Turen-
ne, il marcha contre Ham, qu'il emporta
fans coup ferir,quoi-que la garnifon fiit foite
de iooo hommes ou plus. Dans le partage
19 s La Vie 'Çj les JUions
de cette place, k garde en échût aux FraO'
çois, les Munfteriens fe répandant aux en-
virons qu'ils defolerent entièrement.
L'Evêque n'étoit pas fi puiflànt dans lé
païs de Frife : il y faifoit tous les jours de
nouvelles pertes par la hardieife desFrifons-
Ceux-cy amorcez de l'avantage qu'ils avoi-
ent eus fur lui, ne perdoient point d'occa-
fiondél'accroitre, amp; de reprendre pied a
pied ce qu'ils avoient perdu. Au mênie
temps que l'Evêque s'emparoit de Ham j
ils fe jetterent dans les Châteaux de Schuy-
lenburgh amp;deReghteren, où ilslaiflerent
de bonnes garnifons, amp; capables d'inquie-
ter les troupes de l'Evêque ; La fituation de
ces deux places y contribuoit beaucoup^ car
outre qu'elles font bâties de tres-dures pier-
res , amp; qu'elles ont des folfez fort larges :
d'un côte elle bornent Swol, amp; de l'autre
le Fort d'Ommer, dont elles ne font éloi'-
gnées que d'environ deux lieues. Cela raf-
furaun peu les nôtres , qui fatigoient les
Munfteriens par de continuelles alarmes,
ce qui mit ceux-cy hors d'état de s'oppofer
au pillage d'Otmarfum.
Le peu de cas que l'Evêque avoit fait des
ordres de S, M. L avoit fcandalifé quelques
perfonnes qui en murmuroient ouverte-
ment ; amp; comme chacun en parloit avec
affez de liberté, il échappa au Secretaire
du
-ocr page 231-de tEviqm de Munfier. r^ç
«uComtedeHarmeh, fils du Sieur Kette
J^olonel de Cavalerie, certains mots am-
qui le firent foupçonner de quelque
^auvaife intention. Le bruit courut qu'il,
^uerchoitl'occafion de faire tomber l'Evé-
q^ieamp;la ville de Munfter entre les mains
'^e l'Empereur ; mais ce bruit mal fondé fe
^î^ouva bien-tpt faux, amp; fe diffipa de lui
Cependant les François qui fe di-
yertiîîent de tout, profitèrent de l'occafion;
«s écrivirent au Marquis de Grana Refi-
rent à Cologne de la part de l'Empereur,
^ lui mandèrent au nom du Baron de
Schwerin , que la ville de Munfter avoit
' ecé livrée à l'Eledeur de Brandebourg; tou-
tes le circonftances du fait, étoient dédui-,
■tes en cetçe lettre avec affez de vray-fem-
biance ; elles étoient écrites delà main d'un
nomme qui avoit été dans le fervice de l'E-
jeéteur de Brandebourg, qui étoit fingu-
'ieramidu Marquis ; joint que le porteur
qui étoit habile joiia fort bien fon rôle; A-
prés toutes ces précautions, il étoit difficile
que le Marquis ne fût la dupe, auffi non
feulement il prit cette nouvelle pour con-
Cercles, avec toute la joye que les. hommes
I 4nbsp;ont
2 00 La. Fie ^ les ABions
ont d'ordinaire div mal qui arrive à leurs
ennemis : mais par malheur la renommee
les détrompa bien-tôt , de forte qu'il ne
leur refia que le chagrin d'avoir crû trop
gerement.
Cependant les foldats de la garnifon de
Groningue aîloient tous les jours en -parti,
amp; faifoient fur les Munfteriens un butin
tres-confîderable ; ceux de Coevorden de
leur côté n'y êtoient pas moins afpres; Us
ks harceloient jour amp; nuit, amp; foavent avec
avantage:le Comté de Benthem leur payoit
d'afrezgrofTescontributions; ainfi ils fere-
compenfoient des pertes précédentes , amp;
commençoient à oublier leurs miferes par-
fées. Comme ils êtoient toujours en cam-
pagne , rien ne leur échappoit, ce qui 6i-
toit desefperer les Munfteriens; Ceux-cy
E enfant que le grand nombre empécheroit
:s nôtres de paroître, chargèrent à Swol
quantité de chariots de toutes fortes de mu-
nitions J qu'un convoy de loo hommes
vouloir faire entrer au Fort d'Ommer:maigt;
la garnifon de Coevorden en ayant eu avis,
les alla attendre fur le chemin, les attaqua,
les défit, amp; enleva tout l'équipage. Envi-
ron ce temps-là, un parti deBourtang
tailla en pieces 200 autres ; mais comme les
armes fcHBtiournalieres, ceux de Groniu-
gue amp; d6 Coevorden s'êtant unis potir de-
de l'Evêque de Munfler. 201
faire 700 Munfteriens, ils manquèrent leur
coup, ou plutôt ils eurent du pire.
Sur ces entrefaites on apprit que quel-
ques troupes de l'Evêque s'étoient faifies de
Hervort , où S 00 hommes furent laifléz
en garnifon, au grand déplaifir des bour-
geois qui en étoient extrêmement incom-
tnodez. La ville ne fufîifant pas pour aOTou-
vir ces affamez , ils ravagèrent toute la
campagne de Minden, laiffant par tout où
îls alloient des marques de leur cruauté.
D'autre côté l'Evêque qui ne pouvoir fe
confolerdela perte de Coevorden, avoit
encore quelque efperance d'y pouvoir r'en-
trcr i ainfi pendant que les u'oupes de Bran-
debourg mettoient Höxter fous l'obeiffance
de leur Maître , amp; qu'elles faifoient des
courfes continuelles dans les Etats de nôtre
Prélat : il commanda que chaque païfan eût
à lui apporter une claie de 12 pieds de long
fur 6 de large,pour faciliter la marche de fon
armée dans les endroits que les pluyes con-
tinuelles amp; le mauvais temps avoient rom-
pus J fon deifein étoit de s'approcher infen-
fiblement de Coevorden, amp; il efperoit que
la faifon y contribueroit d'autant plus qu'el-
le étoit incommode. Ses troupes s'étant
rafraîchies dans le Comté de Benthem, il
leur envoya ordre de s'aller porter dans
Gramsbergen qui n'en eft c^'à qeux lieües.
1 5nbsp;La
-ocr page 234-i o i La Fie amp; les ABms
La garnifon de ce Château qui n'étoit que
de 3(ïliommes qu'un Enfeigne commafl'
doit, ne pût foufirir que quelques attaques
fans fe rendre, amp; fans pouvoir attendre le
fecours deCoevorden qui étoit déjà en che-
min; ces braves au desefpoir de n'avoir pU
courir plus vite penferent aux moyens de fe
vanger d'une entreprifefi précipitée; ils
convinrent qu'il étoit aisé de dreifer une
embufcade amp; d'y faire tomber l'ennemi -,
en même temps ils marchent, amp; cxecu-.
tentfiheureufement leur projet, qu'ils en
tuent quantité, amp; font 70 prifonniers qu'ils
emmenerent avec eux.
Les Munfteriens qui tenoient encore le
Fort-neufétoient une épine qu'il falloir ô-
ter avant le retour de l'Evêque : cette gar-
nifon quoy-que petite tenoit tout le pais en
haleine ; c'eft pourquoi M. de Rabenhaupt
fe refolut de lui ôter un pofte fi avantageux.
Pourlefeire avec moins de rifque, il en-
voya ordre à l'Infanterie de Block-ziil amp;
des autres places voifines de le venir joindre
à Groningue, d'où avec la Cavalerie qui y
étoit en garnifon, il tira en perfonne vers le
Fort-neuf ; amp; afin de rendre la marche:plus
-fure, amp; nerienlaifferderriere lui qui pût
l'inquieter , il prit le Fort de Bone en paf-
fant: puis, s'étant rendu auprès des fiens
qui tenoient le Fort-neuf bloqué, il forrna
de tEvêa ue de Munfier. io^,
le fiege, amp; le battit vigoureufement avec
fix pieces de canon amp; quatre mortiers, en
forte que les enneiTiis perdirent bien-tôt
efperanee de pouvoir foutenir long-temps.
L'Evéque ne voulant pas perdre une Place
de cette importance, tâcha d'y faire entrer
looo hommes Dragons amp; Fantaffins, fous
la conduite du Colonel Meynertshagen ;
mais Monfieur de Rabenhaupt qui avoit
l'œil à tout, leur coupa chemin, les défit,
amp; obligea ceux qui refterent à retourner
d'où ils venoient. L'Evêque fans fe rebuter
détacha ce qu'il pût de toutes fes garnifons,
amp; fit un Corps de 5000 hommes qu'il en-
voya contre les nôtres fous la conduite du
Comte de S. Paul, des Colonels Nagel,
quot;Wedel, amp; de quelques autres. Le premier
quartier qu'ils attaquèrent fut celui duSieur
Aquila ; ils fondirent fur lui avec grande
impetuofité : mais ce Colonel plein de feu,
de coeur,amp; d'experience rompit ces grands
efforts, en tua quantité, amp; les eût tous dé-
faits fila nuit n'étoit furvenuë. Le lende-
main lesMunfteriens s'etant r'alliez retour-
nèrent à la charge , mais avec le même
fuccez. Les morts amp; les blefîez qui de-
meurerent fur la place faifoient le nom-
bre de 400. Entre les morts fe trouvèrent,
le Colonel Wedel, a Lieutenans Colonels,
le Major KefTel, le Major Swart, amp;18
I 6nbsp;Capi-
i0 4 La Fie ^ les ABions
Capitaines, outre le Colonel Kalkar qui
mourut quelque temps après des bleflurcs
qu'il avoit reçues. Apres, les nôtres n'ayant
plus que le Fort en tête, ils le preflèrent fans
relâche, mais Monfieur de Rabenhaupt
voyant que la Redoute de la digue en retar-
doitlaprife , fit tourner de ce côté-là une
partie de fes batteries, s'en rendit maître,
amp;du Fort même peu après, dont les 400
hommes qui le gardoient, le Commendant
Nitzauw, 2 Lieutenans Colonels amp; 5 Ca-
pitaines forent faits prifonniers de guerre ;
on y trouva de toutes fortes de munitions,
beaucoup d'argent monnoyé.
L'Evêque pour fe rembourfer des pertes
qu'il faifoit impofa de nouveaux fubfidesà
fes villes de conquête : amp; pour fe vanger en
même temps avec qu-jlque plaifir, il exem-
pta les Catholiques de payer ces fubfides, amp;
voulut que tout le fardeau tombât fur les
feuls Reformez. Tout habile qu'étoit ce
Prélat, il avoit le vice des ames bafies en
jïiatiere de Religion : il haiflbit ceux qui
n'étoient pas de la fienne, amp; n'y recon-
îîoilïbit, quelque probité qu'il y vît, que
l'apparence de la vertu ; il croioit rendre
fervice à Dieu lors qu'il les mal-traitoit ; amp;
pour
ee fut fur ce pied, amp; peut-être auffi ^
gagner quelques mille années d'induîgen-
ces, qu'il exigea des Reformez delà ville
d'Olden-
-ocr page 237-de J^Evêque de Munfler. 105
d'OIdenzeel 1400 écus 5 de ceux d'Otmar-
fumioooécus: deceuxdeGoor idooe'cusi
amp; ainfi des autres qui étoient tombez fous
domination. C'eft pourquoy le fort de
ces pauvres gens étoit pire, que celui des
autres qui étoient tombez entre les mains
des Généraux de l'Armée de France : ceux-
cy, quoi-que grands exaâeurs, amp; zelez
pop: leur Religion, ayant fait payer pêle
mêle les Papiftes amp; les Reformez : aufli
etoit-ce dequoy les Prêtres fe plaignoient,
de n'avoir pas plus d'avantage fous un
Maître de leur creance, que fous ceux qui
35 n'en étoient pas. Où étoient,difoient-ils,
3, ces privileges qu'on leur vantoit avant
qu'ils fuftênt fous un Prince de leur Com-
33munion,dontles Ecdefiaftiques jouifîbi-
3, ent fous les Rois Catholiques ? amp; que fer-
3, voit d'être d'un fi faint Corps, fi leur fort
5, n'étoit pas meilleur que celui des Laïcs.
Après ces plaintes qui ne furent point écou-
tées, onfollicitalesPuiflances, amp; princi-
palement l'Evêque, d'obtenir de ces Gé-
néraux qu'ils fuffent exempts des tributs or-
dinaires : mais on leur répondit qu'étant
tous fujets d'un même Maître, 8er jouïflàns
des mêmes privileges à l'égard de la Socié-
té amp; de la fureté publique , ils devoient
payer également, ce qui fut execute.
Au commencement du mois d'Août,
toéquot; La Kie ^ les Avions
l'Evêque affembla quelques troupes entre
Swol amp; Haffelt ; mais comme après tous
fes efforts il ne put faire que 7000 hommes
qui ne rçpondoient pas à la grandeur de fon
deflein,le Prince de Condé lui envoya 2000
Chevaux, 4000 fantaffins, qui joignirent
le IS aupre's de Roveen les 7000 hommes
de l'Evêque ; de là ils marchèrent vers
Steenwiek,amp; ravagèrent le païs de Drenth:
non pas toutefois entièrement, la Cavale-
rie amp; les Dragons qu'on y envoya de Gro-
ningue s'y étant oppofez. Le a 5 ils quite-
rent Steenwick, amp; tirèrent vers le Drenth,
où ils s'emparerent de quelques petites For-
tereffes qu'on avoit négligées.
Le but des Munfleriens étant d'entrer en
Frife, ilsdécendirentàSchooten, oùiisfe
pourvurent de toutes les chofes neceflàires
pour fe rendre maîtres d'Heereveen 1 cette
Place leur fembloit comme une clef qui
leur ouvroit le chemin de cette Province :
mais les Etats mirent tant de gens en
campagne, qu'ils ne purent s'en faifir. Ce-
pendant ils portoient la defolation amp; le des-
ordre par tout où ils alloient ; les païfans
d'alentour s'en étant fuis avec leurs biens
dans les Places fortes, le dépit de ne rien
trouver leur faifoit brûler les maifons amp; les
villages tout entiers; amp; fî par malheur il
en tomboit quelqu'un entre leurs mains, ils
ne
-ocr page 239-de l'Evêque de Munfier. 207
ne luy faifoient nul quartier. Enfin ne trou-
vant que des deferts quelque part qu'ils al-
laffent, amp;le bon ordre des Etats de Frife
rompant leurs mefures par tout, ils retour--
fièrent fur leurs pas,les François à Zutphen,
àArnhem,à Doesbourg; amp; les Munfteriens
à Zwol, à Steenwick amp; aux environs : ainfi
leur marche ne fervit de rien qu'à s'affoibHr
eux mêmes de quelque mille hommes, amp;
qu'à accroître le chagrin de l'Evêque qui
fondoit fur cette entreprife.
Le 2 S Août l'Empereur déclara à lai
t)iéte de Regensbourg que ce qu'il avoit
dépéché des troupes vers la Rhin c'étoit
1 (^le la France, depuis la guerre mûë entre
eUe amp; les Provinces-Unies, avoit entre-
tenu une Armée, amp;pris plufieurs Places
de l'Empire, contre le Traité de Weftpha-
lie. II Que cette Armée faifoit payer des
contributions fans diftindtion de Pais amp;
d'Etat: qu'ils fe mettoient en quartier oii
bon leur fembloit, amp; qu'ils avoient même
brûlé un pont jufques aux portes de Stras-
bourg. III Que les François êtoient en-
trez à main armée dans le Diocefe de Tre-
ves , oil ils avoient commis autant d'a6l:es
d'hoftilitez, que s'ils avoient été fur les
Terres des ennemis. I V Qu'après le
Traité d'Aix-là Chapelle ils avoient gâté Bc
pillé quelques Places des Pais-Bas, V Que
contre
-ocr page 240-■ La Vie amp; les ABions
contre k Paix deWeftpiulie, ils avoient
paffé fur les Terres qui relevent dei'Ew
pire pour fe faifir de plufieurs Places.
„ VI Que n'étant permis à aucun Meff*;
„ bre de l'Empire de déclarer la guerre, 3.
„qui que ce foit ni de faire paffer dans le
„ pais des Troupes étrangères, que du con-
„ fentemcnt de l'Empereur amp; de l'Empire;
„l'Archevêque de Cologne, amp; l'Eveque
„ de Munfter avoient néanmoins querelle
„ les Provinces-Unies, amp; contribué à leur
„ defolation, fans en avoir donne avis à
„l'Empereur ni à l'Empire ; que nonol^
„ftant qu'il leur eut commandé d'obéir à
„ fes ordres, amp; de r'entrer dans leur devoir,
„ ils avoient pourfuivi leur pointe, amp; con-
„ tinué dans leur desobeiffance au mépris
„ des loix de l'Empire, amp; de la dignité m-
„periale. L'Empereur allegoit encore
beaucoup d'autres raifons, que la breveté
de cette hiftoirene me permet pas de rap-
porter.
Le grand feu des Francis commençoit
àfe ralentir, amp; quoi-qu'ils fulfent encore
au milieu du Pats, ils n'y faifoient plus de
conquêtes ; l'inondation de la Hollande les
bornoit de telle forte, qu'ils ne pouvoient
former que quelques parris de peu d'inv
pomnce. D'ailleurs î'Evêque n'avoit plus
en Frife, ni darjs le païs de Groningue l'a-
van-
-ocr page 241-âe l'Evêque de Mmfler. 205»
Vantage qu'il y avoit eu i le bon ordre qui
étoit partout coupoitpiedàfes efperances
du côté de Coevorden, dont la perte lui
tenoit au cœur. Il mit tout en ufage pour
la reprendre nonobftant nos grandes pré-
cautions , amp; peut-être que û la Fortune
ïi'eût été lafie de le fuivre, fon deffein lui eût
^eiiffî. Il entreprit d'arrêter le courant du
Vecht, par une digue qui le faifant replier
fur lui-même s'en alloit inonder la ville ;
l'incommodité qu'elle en recevoir, étoit fî
grande, qu'il falloir moins craindre la mort
que la domination de l'Evêque, posr la
fouffrir fi conftamment. Cette digue où il
avoit feit travaiûer tout l'été, avoit trois
îieuésamp; demie de long: fa bafe étoit large
de 90 pieds, amp; fafiiperficie de 8, elle étoit
gardée de deux petits Forts que les Munfte-
riens avoient nommez , l'un nargue de
Coevorden,l'autre le dépit de Coevorden :
elle étoit bordée aux endroits par où le fe-
cours pouvoit venir, de 60 pieces de canon :
i'eauquis'élevoitàvûë d'oeil couvroit dé-
jà la contrefcarpe; l'Evêque ravi du fuccez
fe croioit déjà dans la ville : amp; goûtoit par
avance la joye de fe revoir dans un lieu,
dont il prétendoit fe fervir comme d'uu
fléau pour battre k Frife amp; Groningue.
D'autre côté les habitans fe croioient per-
dus fans reflource, à moins que Dieu auquel
feul
-ocr page 242-x I o La Vie ^ les ABism
feul ils avoient recours n'écoutât leurs priè-
res ; ils lui en firent de fi ardentes, qu'enfin
il fe laiffa fléchir, amp; les délivra de leurs
craintes, Au mois d'Odohre ils'élevauO
vent fi impétueux, qu'il rompit la digue efl
quatre endroits, par où le Vecht reprit fQf
cours malgré les efforts des ennemis qui tâ-
chèrent de l'en empêcher. Un feeours
du Ciel fi vifible fit éclater les habitans en
adions de graces amp; en cantiques ; amp; pen-
dant que les Temples retentiffoient des
louanges qu'ils donnoient à Dieu, on en
tendoit du côté de la digue les cris amp; les ge-
miifemens de ceux que le Vecht entraînoît
fans pouvoir être fecourus, c'étoient quel-
.que 500 foldats qui y avoient la garde,, amp;
un Colonel nommé Horflmar qui s'y pro-
menoir en caroffe avec quelques Denioifel-
ies lors que l'inondation furvint, , Après ce
rude coup du Ciel que l'Evêque n'attendoit
point, tout fut tranquile de ce ccté-là : Si
l'on ne fongea plus qu'à reparer les dom-
mages qu'avoit caufez un fi mauvais voifîn.
D'autre côté les François avoient perdu
Naerden: amp; la reprife de cette Place fai-
foit avorter les deffeins qu'ils machinoient
■ contre la Hollande, ce voifinage les bornant
de forte , qu'ils ne pouvoient rien entre-
prendre que nous n'en euffions connoiffan-
ce. Ce qui acheva deles étourdir, c'eft
qu'on
-ocr page 243-de l'Evêque de Munfier. -i x t
qu'on reprit Bonne quelque temps après,
^ quelques autres Places dont la perte ies
încommodoit ; Outre cét avantage que
i^ous avoins fur eux, on jettoit la vûëfur
quelques autres, d'où npjus les euffions en-
fermez, amp; c'eft ce qu'ils apprehendoient.
Ainfi ces Conquerans qui venoient de jet-
ter la terreur dans l'Europe, craignoient amp;
tretribloient à leur tour. Dans la frayeur
où ils êtoient, ils offrirent à l'Evêque de lui
lt;:eder la Province d'Utrecht pour la Pro-
vince d'Overyffel ; mais foit que l'Evêque
y répugnât, ou qu'il furvint quelques dif-
ficu tez fur les articles du contraa, cété^
change ne relilTit pas.
Quelque temps après leE.oyde France
envoya ordre à fes troupes de fe retirer, amp;
de quiter les Places qu'il avoit ôtèes aux
Etats. La garnifon de Woerden fut la pre-
miere qui obéit; celle d'Utrecêt la fuivît
de près, de quoy les habitans eurent une
joye incroyable, cette Province ayant été
extrêmement foulée, amp; prefque rainée par
les fiibfides extraordinaires que les Gouver-
neurs exigeoient. Mais quoi-que la perte
y fût grande, elle n'étoit pas generale ; il
s'en trouva que la prefence des François en-
richit, amp; qui regreterent leur abfence. A-
près , ils quittèrent Amersfort, Wage-
ningen, Rheenen, Wick, amp; les autres.
pans
-ocr page 244-112. La Vie les ASlions
Dans les autres Provinces, ils abandonné'
rent Campen, Bommel amp; Harderwick'
amp; cette fortie fi fubite amp; fi inopinée
donna pas moins de fiirprife, que leur ir^'
ption en avoit caufé. Tel eft le fort deS
chofes du monde, tout y eft dans rincertiquot;
tude, amp; rien n'eft plus fujet aux revolution«
ordinaires, que ce qu'on croit fixe amp; dura-
ble. Ces Provinces que le R07 quittoit»
étant le fruit des grands préparatifs qui It^^
coûtoient tant de millions, ne devoient être
abandonnées, fuivant les apparences, q«^
gt;ar un Traité avantageux : 8c cependant w
es quita de la maniéré qu'il y étoit entré,
c'eft-à-dire comme un éclair.
Les raifons principales qui cauferent cS
changement, furent I La marche de nôtre
Armée vers Cologne. II L'Alliance en-
cre l'Empire, l'Efpagne, amp; les Etats des
Provinces-Unies. 111 Le peu d'apparen-
ce qu'il y avoit, que les Armes du Roy fufquot;
fent auffi heureufes en Hollande qu'elles
l'étoient ailleurs. Sans la conquête cle cette
Province toutes les autres lui étoient à char-
ge, parce qu'ilfelloity entretenir de gref-
fes garnifons qui lui coûtoient infiniment, amp;
qui ne lui fervoient de rien. IV II voioic
que le Roy d'Angleterre commençoit à fe
rebuter des raifons dont il le berçoit, ce qui
le faifoit craindre qu'il ne renouvellât al-
liance
de r Evêque de Munfier. z ï
liance avec les Etats Généraux ; _ en quoy il
fe trompoit pas, ce qu'il craignoit étant
arrivé l'an 1674. V II ne voioit rien d'af- .
feré du côté des Prélats : l'experience lui
^yant appris que la Fortune n'a point d'ef-
claves plus fideHes que les Ecdefiaftiques.
Les François s'étant retirez, on crut leurs
affaires ruinées, on blâma leur conduite, on
les accufa d'inconftance , on fe confirma
dans la creance que leur feu n'eft qu'un feu
de paille, qu'ils n'ont qu'une faufîe bravou-
re : un peu d'éclat amp; gt;tfc babil. De ces pa-
roles de mépris on en vint bien-tôt aux ef-
fets ; leurs Alliez ne fongerent plus qu'à
les abandonner ; amp; fi dés lors l'Evêque a-
voit trouvé fon conte à quiter leur parti, il
n'en eût point fait de fcrupule. Cependant
les fujets de l'Archevêque de Cologne é-
toientfortmal-trairezj les François les a-
voient grevez: les nôtres les pilloient, amp;
faifoient prefque contribuer jufques aux
portes delà Capitale ; ajoutez que les Im-
périaux étoient fur le point d'y décendre
par le chemin que les François leur avaient
frayé : c'eft pourquoy ce Prélat fongeoit
à changer de parti : ce qui arriva bien-tôt
après.
Comme il y avoit quelque tem{Kquele
Roy d'Angleterre cherchoit à renouer l'a^
liance qu'il avoit rompue avec les Etats, il
arriva
-ocr page 246-2'! 4 . La Vie les ABions
arriva enfin que le Traité en fiit conclu l'ari-
née 1574. La France à qui il importoit
que l'Angleterre fiit de fon cÔlé, n'avo/t
rien omis pour l'empêcher ; mais certaW
intereft d'état qui entraîne les Souverains'
auffi-bienque les autres l'emporta fur
fprit du Roy, amp; fit refpirer lès Etats, q^^*
ne furent plus obligez d'équiper une hxxd^
navale.
Quoy-que l'Evêque fat dans le defl^ein de
fuivrecét exemple, amp; dans l'impuiflânce
lt;i'incommoderfes ennemis , il'ne laifibi^
pas de lés menacer, il avoit un regret fenfi'
oie d'avoir fi peu profité en cette guerre j
c'eft pourquoi il eût bien voUlu faire une ra-
fle confiderable avant que de rompre avec
la France. Pour un dernier effort il amaflà
•au mois de Février 4006 Chèvaux, qu'il
envoya dans la Province de Groningite
noncèftant l'incommodité de la faifon Si
des marêts. Auffi-tot qu'on en eût avis, ôO
fc difpofa à leur faire tête : amp; pour les arrê-
ter en chemin: M. de Rabenhaupt mar-
cha avec les troupes de fa garnifon amp; de
Fnfe, amp; paffa par Coevôiden pour allef
dans le Comté de Bentheni, où il Pp^
Nordhorn en tres-peu de temps : il ylaif^
en garnifon lô Compagnies de Cavalerie,
(S d'Infanterie. De-là , il tira vers le
Twent, où il prit auffi quelques Places
qu'il
-ocr page 247-de r Evêque de Munfier. zj ^
H^'il Fortifia, amp; où il laifla garnifon. Après,
î marcha vers Nienliuys , où ayant reçu
nouvelle que cinq Regimens de Cavalerie,
^'ois Compagnies de Dragons, amp; trois cens
fantaffins des troupes de l'Evêque avoient
ïnvefti Noordhorn, amp; qu'ils avoient re-'
poufle les nôtres qui êtoient accouras au fe-
Ó3urs, il pnt if Regimens de Cavalerie,
! d'Infanterie, amp; les alla attaquer le 5 A-
vrilfur ie minuit; la furprife de fe voir fi
prés d'un ennemi qu'ils croioient bien loin,
ftiit d'abord le defordre entre eux, dont
M. de Rabenhaupt fçut fi-bien profiter,
qu'il en tua 60, fit 50 prifonniers , amp; mît
fe refte en fuite , fans qu'il y perdit que
S hommes. Deux jours apre's on prit Nien-
huys amp; le Chateau ; ainfi les nôtres avoient
Pavantage fur les propres terres de l'Evê-
que,
Ce Prélat voyant que les François contî-
nuoient à fe retirer, qu'il n'en tiroit plus
de fecours,amp; que fes füjets couroient rifque
de porter le faix de la guerre ; voyant dis-je
que fes troupes êtoient prefque toûjours
batuës , amp; que là chance êtoit tournée: il
s'accommoda avec l'Empereur , rompit
avec la France, amp; promit de fui vre les re-
folutions qui avoient été arrêtées à la Diè-
te de Regensbourg. Les articles du Traité
qui fut conclu à Cologne entre l'Evêque amp;
les Etats portoieîjt,nbsp;I Qu'il
z 16 La Vie les ABionr
I Qu'il y auroit une paix ferme amp; dura^
ble entre les Seigneurs Etats Généraux, ^
le Seigneur Prince amp; Evêque deMunfteif '
amp; que cette paix s'obferveroit avec uo^
telle fîncerité , que chaque Partie tâche*
roit de procurer Futilité, l'honneur amp;
vantiage de l'autre.
11. Qiie le Traité deCleves feroit rétabli
en fa vigueur en tous amp; chacun de fes points?
amp; q^u'il y aui'oit une amniftie amp; perpétuel
oubli de tout ce qui auroit été fait depuis
le commencement des derniers troubles, efl
quelque lieu que les hoflilitez fe fuffent exer-
cées, en forte que ni pour ce fujet, ni pour
aucun autre pretexte, nul n'en pût eftre i»quot;
quieté en fes biens ni en fâ perfonne ; faos
néanmoins comprendre en ce pardon ceuX
qui auroient été convaincus du crime de le-
ze Majefté , lefquels feroient punis de part
amp; d'autre fuivant la qualité du délit, mais
fans confifquer leurs biens, qui feroient con-
fervezàleurs femmes, à leurs enfans, ^
à leurs héritiers.
IIInbsp;Que l'Evêqtie rendroit aux Etats
toutes les Places qu'il avoit prifès dans cette
guerre fans y rien démolir, ni les endooa-
mager en aucune maniéré.
IVnbsp;Que l'Evêque rendroit auComte de
Waldeck la ville amp; le Château deWe^^
amp; en general aux Nobles amp;aux romriers
tout
-ocr page 249-de l'Evêque de Munfier. iiy
qui leur appartenoir , remettant tous amp;
chacun des propriétaires dans la pofièffion '
de leurs biens meubles amp; immeubles;à quoi
lesEtatsGeneraux s'obligeoient reciproque-
ment i amp; à relâcher les prifonniers.
y Que le Traité de Cleves demeure-
roit en fon entier, excepté toutefois les
points , aufquels il feroit expreffément
dérogé par ,1e prefent Traité.
VInbsp;Que le Conîte de Benthem, fes pa-
rens, fes Officiers amp;fes fujets, feroient
pleinement rétablis dans le même état,
amp; dans tous les^biens dont ils jouifibient
avant qu'ils en fuffent dépouillez à l'oc-
eafion de la prefente guerre, amp; qu'ils tra-
vailleroienf unanimement à maintenir
ledit Comte dans fes droits.
VIInbsp;Qae l'Empereur amp; le Roi d'E-
fpagne feroient requis de figner le prefent
Traité.
VIIInbsp;Et que cette paix feroit ratifiée
15 jours après la- fîgnature du Traité.
Les François qui tenoient encore quel-
ques villes dans ces Provinces, ayant appris
ce qui fe paffoit entre l'Evêque amp; les Etats,
fe difpoferent à en fortir, après leur avoir
fait payer,fçavoir àWoerden i iSooo francs,
à Bommel 3 lt;îooo francs,à Utrecht 450000
francs , y compris ce qu'ils devoient dés
Vieilles taxes J mais à condition de payer
Knbsp;iooooo
îiS; LaVie^lesABions-
looooo ecus comptant, Campen fut taxe
3 80000 francs : Thicl à aoooo, amp; 2000 de
plus pour empêcher la démolition des rem-
parts: Zutphen à 27000 francs , amp; pour
obtenir qu'on n'abattit point leurs fortin-
cations , à 70000 autres. Arnhem fut con-
damnée à 14000 pour le Gouverneur, amp;
à I (îoooo pour le Roy : amp; encore à fournir
là ville de Graef de 4000 mefures de farine,
bled, amp; autres grains : Nimegue à 5 5000
francs.. Et parce que ces villes etoient telle-
ment incommodées, qu'il étoit impofli-
ble de payer comptant de fi grolfes fommes,
les François emmenerent deux des Princi-
paux de chacune qui devoient leur fervir
d'Otages jufques-à un entier payement. Le
Roy de France rendit à l'Eleiâeur de Bran-
debourg les villes de Wefel , deRees, amp;
d'Emmeiick, fans fereferver de toutes leS'
Places du'ilavôitprifes fur les Etats que leS-
villesdéGraefamp;de îylaftrick: de la pre-
miere defquelles les armes de Hollande les
ehafferent au mois d'O ftobre de l'an i tf 74)
amp; l'autre a été depuis rendue par le Traite
de Paix figné entrela France amp; les Etats, le '
10 d'Août 1678. Aumême temps que les
François abandonnoient leur pais de coi^
quêtes , l'Eledeur de Cologne confentit
^aufllàquiterla ville de Deventer moyen-
'aant k fomme de 40000 francs argent
comptant}
-ocr page 251-àe l'Evêque àe Munfler. x j^:
comptant, amp; Sooooàunautre terme; amp;
ks Munfteriens ayant cédé aux Etats Gene-
^ux en execution du dernier Traité Swol,
Haflèlt, amp; Swarte'Sluys, toutes les Provin-
ces fe trouvèrent auffi libres qu'auparavant,
niais un peu plus incommodées.
Ce changement de Maîtres étoit une
grande douceur pour les véritables fujets,
«lais les faux freres fe plaignoient de leur
mauvais fort; ils accufoientle Ciel d'inju-
ftice, amp; témoignoient en toute rencontre
le déplaifir qu'ils en avoient; j'entends par
les faux freres ceux de la Communion de
Rome.Ces gens s'étant imaginez que Dieu
leur avoit envoyé les François amp; les Mun-
fteriens pour les tirer de la pouffiere, amp; les
mettre fur le pinacle, fedemandoient les
),uns aux autres , Quand viendroit donc
î, le regne de Chrift ? amp; jufques-à quand fes
Elus gemiroient-ils fous le joug des Babi-
Ioniens : qu'ils étoient comme enfevelis^.
«amp; menoientunevie obfcure, durant que
«les enfans du fieclevivoient dans les deli-
ces, amp; triomphoient de leurs miferes;
i,puisfe comi^arant (a) aux ames de ceux
gt;, qui avoient été égorgez pour la parole de
33 Dieu, amp; pour le témoignage qu'ils avoi-
33 ent maintenu. Quelques-uns s'écrioient
3gt;jufques-à quand,Seigneur,qui es amp; fainr amp;
K 2nbsp;verita-
(a) c^»«*-. 6-9. îO. u .
-ocr page 252-3. iO La Vie ^ les ABions
„ veritable ne )ages-tu point, amp; ne vanges-
„ tu tes Elus de ceux qui dominent en ces
„Provinces? D'autres leur répondoient
g, qu'ils fe reçofaflènt encore un peu de
„temps jufqu'a èe que fut accompli le nom-
5, bre de leurs compagnons de fervice, amp;
qu'alors ils feroient vangez. Sur ces paroles
qu'ils s'approprioient, amp; qu'ils prenoient
pour autant d'oracles que Dieu leur infpi-
roit, ils fondoient le retour des François,
ou d'autre Puilfances qui fuflènt de leur
communion: amp; fur ce pied ils s'obftinoîent
a ne point rendre les Eglifes qu'ils avoient
otées auxReformez lors qu'ils étoient les
Maîtres: jufques-là que ceux qui habitent
le longdelaMeufe amp;du Wael gourman-
detent les Miniftres, amp; ceux de leur créan-
ce, avec menaces qu'au retour des Fran-
çois, ce ne feroit plus avec des fouets {b}
5, qu'ils feroient batus, mais avec des ver-
j, ges de fer. Ces infolences, qui ne fentent
rien moins que la veritable vertu, n'étoient
rien d'extraordinaire; les Cathohques étant
enfans d'un Pere qui s'éleve aux deflfus des
Rois, fe rendroient indignes de lui, s'ils
avoient moins d'orgueil, d'ambirionamp; de
vanité.
Les Catholiques des Provinces Unies
a'étoientpas les feuls qui fouhaittalTent le
retour
ih)Klt;iis /.^i. IX, 14.
-ocr page 253-de r Evêque de Âlmfier. af
Jferour des François, leurs Freres qui vivent
fous la croix dans le Païs de Brandebourg
•avoient îa même inclination, amp; la te'moi-
»noient avec audace ; Son AiteffeEledora-
e ayant ordonné un jour de priere le lo
Aoiit de PAn 1671, ëc commandé aux
Mmiftresde prêcher fur les 6 premiers ver-
fots du zo Pfeaume : ce Texte déplut aux
Pafteurs de l'Eglife Romaine, parce que
e'étoit une priere que le peuple éiifoit à
Dieu pour la profperiré des armes de fon
Prince legitime ; eux qui avoient un autre
but, amp; quifouhaitoientle contraire, pri-
rent pour texte les 6 premiers Verfets du
Pfeaume 21, afin de rendre des aâions de
graces à Dieu pour les conquêtes que le
Roy de France venoit de faire : amp; quand
on leur demanda raifon de leur desobeïflàn-
ce, ils répondirent que les Reformez ayant
troublé l'ordre naturel delà Bible, ce qui
devoir être le 2o Pfeaume étoit le 2i , c'eft
pourquoy ils l'avoient pris, dans l'intention
d'obeir aux ordres de S. A.E. c'eft en ces
fortes de fubtilitez que confifte leur Reli-
gion, amp; dequoy ils payent leurs adveriài-
res.
Quoi-que la paix fi\t faite entre l'Evêque
amp; les Etats, elle ne Pétoir pas avec l'Ele-
fteur de Cologne. Ce Prince écoutoit les
confeils de l'Evêque de Strasbourg qui ten-
K 3nbsp;doienC:
■ît i La Fie amp; les AElions
doientàle décacher des interefts de l'Eni'
pereur: D'autre côté Sa Majefté Impériale
A-ouloit qu'il fe déterminât à quiter le parti
de France, faute de quoy il feroit agir con-
tre lui fuivant les Statuts de l'Empire ; L'E-
ditions avantageufes ; 11 demandoit qu'ils
lui cedaffent pour le de'dommager des frais
de la guerre, e Comté de Meurs, la ville de
Rhj'nbercq, amp; qu'ils lui donnaiTent 400000
ecus comptant ; De plus, il demandoit qu?il
fiit permis à ceux deRome de faire ouverte-
ment amp; librement dans laProvince d'Over-
yfiel l'exercice de leur Religion. De toutes
-ces demandes il n'en fut accordé aucune, ex-
cepté celle de mettre dans Rynbercq telle
garnifon qu'il voudroit, à condition qu'il re-
nonçât aux pretentions qu'il avoit fur le
Comté de Meurs. Quoy-que cette réponfe
lut d'alfez dure digeftion,il n'eut pas le coeur
d'y repliquer: l'état de fes affaires ne lui pro-
mettoit rien de bon, c'eft pourquoy il fe refo-
lut à faire alliance avec les Etats Généraux
aux conditions fuivantes :
I Qu'il y auroit une amirié fincere amp;
perpetuelle entre lui , amp; les Etats Géné-
raux des Provinces Unies. 11 Que tous
aétes d'hoftilité ceiferoient de part amp; d'au-
tre. Ill Que l'Archevêque rendroit tou-
tes
ds'l'Evêque de Munjler. 215
tes les Places qu'il avoit prifes fur les Etats
durant les derniers troubles, dans le même
état Oit elles étoient lors qu'il s'en rendit
Maître, amp; qu'il n'en tireroit aucune ran-
çon diredlement ni indireamp;ment. IV
Qu'on ne lui demanderoit point conte des
exadions qu'il avoit faites, mais que les
Otages qu'il retenoit pour lui répondre de
l'avenir, feroient délivrez fans rançon.
V Qii'il rétabliroit les fuj ets des Etats dans
leurs dignitez, droits, revenus, amp; generale-
ment dans tous les biens qu'ils polïedoient
lors qu'il leur déclara la guerre. VI Que
les Etats s'obligeoient réciproquement de
rétablir les fujets de l'Archevêque dans tous
leurs biens amp; revenus. VII Et qu'ils rc-
nonroient à tous les droits, amp; pretentions
qu'ils pouvoient avoir fur la yille de Rhjoî-
'bercq , amp; fur les Forts qui y font joints.
Quelque experience d^s diofes du mon-
de qu'euffent l'Evêque amp; l'Archevêque,
leurs conjectures les avoient lourdement
trompez ; au fort deleurs conquêtes ils ber-
noientles Etats, amp; foutenoient que leur
Horofcope portoit qu'ils avoient régné ce
qu'ils regneroient, amp; que l'abîme ou ils fe
voioient, étoit trop profond pour en for-
,,tir: Ainfiperi{fent,ajoûtoitl'Evêque par
„ les Canons de Mars,ceux qui refufent d'o-
.3, beïraux Canons de l'Eglife : ainfi perif-
K 4nbsp;«fent
ZI4 La Fie ^ les ABions
fent les enfans rebelles amp; les ennemis àc
„ la foy, amp; que le Ciel ne leur donne ja-
„ mais les moyens de s'en relever. H etoit
fi fort perfuadé que fes prédictions arrive-
roient, qu'il ne gardoit plus de mefures avec
les Etats Généraux : il difoit, qu'autrefois H
„ failoit des armes pour les vaincre , mais
3,qued'orefenavantilne faudroit plus que
„des paroles. C'eft dans cét efprit de pre-
fomption qu'il avoit exigé l'année précé-
dente, que les habitans d'Embden vinftènt
conferer avec lui des moyens de leur fureté.
Jufques-là cette ville étoit demeurée neutre,
maislevoifinagede l'Evêque la convioit à
prendre parti ; les Magiftrats s'étant af-
femblez pur avifer à la réponfe qu'ils lui fe-
roient ; ils jugèrent qu'il n'étoit pas feiir de
s'oppofer aux volontez d'un Prince viflo-
i-ieux, imperieux, amp;qui avoit la force en
main: del'autre côté i étoit rude de rom-
pre la neutralité dont ils fe trouvoient bien,
à quoytendoient les Conferences que de-
mandoit l'Evêque ; pour fe tirer de ce mau-
vais pas, ils nommèrent des Députez, mais
qui ne feroient qu'écouter les propofitions
de l'Evêque, amp; dont ils leur feroient rap-
port ; ils l'allerent trouver au Fort-neuf, amp;
„ confererent avec fes Confeillers ^ ^ qui ta-
j, cherent de leur perfuader de fe défaire de
'„lagarnifon Hollandoife , amp; de recevoir
de l'Evèqtie de Munfter. 21 ƒ
3j en fa place 2000 hommes qu'il leur don-
3, neroir. Les Députez répondirent qu'ils
J, ne le pouvoient que les Etats n'y confen-
jjtifiènt. A ce mot d'Etats les Confeillers
33 demandèrent d'un ton railleur, de quelles
■35 gens ils leur parloient : ajoutant qu'ils
3, avoient outdire que les Etats avoient été:
5, mais qu'on ne les connoiffoit plus. Ceux
d'Embden outrez de ces paroles, ne voulu-
rent plus rien entendre, amp; fe retirèrent fur
l'heure. A leur retour ii fut arrêté qu'ils
n'auroient point d'autres Protèéleurs que
les Etats, ce qu'ils firent entendre à l'Evê-
que,
Le Roy de France n'avoit pas fait grand
fond fur la conftance de ces deux Prélats, il
connoiflbit le genie des Ecdefiaftiques, qui
eftdefacrifier toutes chofes à leur intereft;
il fçavoit que l'Evêque y avoit autant de
penchant qu'aucun autre de fon Caraélere,
c'eft pourquoi il ne doutoit point qu'il ne
tournât au premier vent : mais il ne croioit
pas qu'il fiit de fi maavaiiè foi que de fe
mettre du côté de fes ennemis j il eft vrai
que l'Evêque pouvoit fuivre l'exemple du
Roi d'Angleterre qui ne donnoit point de
fecours aux Etats Généraux quoi-qu'il eût
traité avec eux : mais il ne croioit plus que
le Roi de France fût de force à le foûtenir j
d'ailleurs il craignoit l'Empeïeur, amp; quel-
K 5nbsp;qi^f
-ocr page 258-zz6 La Vie ^ les AElions
Sues Princes de l'Empire : l'Elefteur de
randebourg avoit déjà fait quelque rava-
ge fur fes terres ; le Duc de Lunebourg le
menaçoit : fes troupes ne faifoient plus
rien; enfin il eût été en quelque façon ex-
cufable s'il fût demeuré neutre, ou s'il eût
été moins ardent à declarer la guerre, amp; à
nuire à fon bien-faiteur. Après fa rupture
avec lui,il envoya toutes fes troupes à l'Em-
pereur , avec promeflé de lui donner enco-
re dix mille hommes l'année fuivante:
mais comme il étoit en poifelîion de fe dé-
dire,. ou de tenir mal fa parole, ces i oooo
hommes ne vinrent point au temps préfix,
parce, difoit-il, que fes troupes avoient été
toutes défaites d^s l'Alface.
Ce fut environ ce temps-là, que le Roî
de Suede de neutre amp; de Médiateur qu'A
étoit, fe rendit Partie en cette guerre, amp;
joignit fes armes à celles de France; Mon-
fieur de Brandebourg qui en fentit les pre-
miers coups pria les Etats de le fecourir, ce
qu'ils lui accordèrent, tant en vûë de l'al-
liance qu'ils avoient faite enfemble, que
pour leur propre fureté. Au commence-
ment de l'Année l lt;575 le Roi de Suede cn-
wia à l'Evêque un AmbafTadeur pour le
jrier de ne point laiffer paffer fur fes terrés ,
es troupes que les Etats avoient deiîein
4'envoier à Bremen, mais il n'obtint pas ce
;nbsp;■ qii'il
-ocr page 259-de ÎEvêcjue de Munfler. -^xj
3,qu'il fouhaitoit; Je n'euflè pas crû, ré-
3, pondit l'Evêque, que îa Suede amp; les Etars
3,pûffent devenir Ennemis après l'alliance
35 qu'ils avoient jurée avec tant de folemni-
35 té : mais puifque cela eft, étant lié avec
3,eux comme je le fuis, s'ils demandent
paflàge pour les troupes dont vous parlez,
5, je ne pourray me difpenfer de fuivre les
3, ordres de l'Empereur. Cette réponfe é-
toit pofitive contre la coutume de l'Evê-
«que : mais il n'étoit plus en état de former
de nouveaux defleins , ni par confequent
de diflimuler , ou de répondre à double
fens.
Quelque',temps aprésle bruit courut que
^------1----— ---------T,---- -----—- •
adrelTe du Prélat qui prétendoit couvrir par
là fes infidelitez paffées, amp; faire valoir fa
conftance dans l'efprit des derniers Alliez;
D'autres difoient que la chofe étoit verita-
ble , amp; que Pargenr qu'on deftinoitpourle
corrompre étoit déjà dans le pais. Le Sieur
Fifcher Ambafladeur de l'Empereur apuy-
oit ce dernier foupçon : il difoit, que l'Evê-
que lui avoit confié ce fecret dans une con-
ference qu'il avoit eue à Coesvelt avec lui,
amp; que de plus fon Maître l'avoit fçû d'ail-
leurs , ce que la fuite confirma , l'argent
qu'on lui offroit pour reprendre le parti de
K 6nbsp;France
2X8 La Vie ^ les AElions
France, ayant été emploié à le rer des troit*
pes en Italie, en Suiffe amp; en Portugal.
L'Evêque paroiffoit fi ardent au bien de
fes Alliez qu'il les fecouroit de toutes fes
forces i outre ce qu'il avc^t donné à S. M-
Lil fit prefent de 8000 hommes à Monfieur
de Brandebourg qui les envoia au pais de
Bremen. Cependant l'Empereur lui en-
voia ordre de marcher vers le Comté de
Lippe; il obéit, amp; alla fur l'heure contre
Blomberg qu'il invertit; amp; parce que ceux
lt;ie Lemgouw lui fermerent les portes de
leur ville, illesaffiegeaamp;s'en rendit Maî-
tre : ces deux Places amp; une troifiérae qu'on
nomme Waerenholtz, ne lui ayant coûté
que la peine de les fommer. Après avoir
jeduit ce Comté, amp; s'être fait payer laoQO
écus en argent, il chercha les moyens d'af-
foiblir le parti de Suede: Le Duc d'Hanover
qui en étoit, fut follicité à le quiter ; amp;
pour la France, il embraflbit avec chaleur
toutes les occafions de lui nuire, jufques-là
qu'on lui attribue amp; la perte de Treves, amp;
ia prife du Duc de Crequi ; puis,fans perdre
un moment de temps, il s'empara de Wil-
deshuyfen, des appartenances de Bremen,
amp; avec l'aide du Danois amp; du Brande-
bourg , il chaffa les Suédois de la ville
de Tegenhuyfen , prit Verden, Otters-
berghj ScBoxtehoedc, au fiege defquelles
il
-ocr page 261-de r Evêque de Munfter. zif
U n'épargna ni les bombes , ni les pots
à feu.
Les conditions du dernier Traité qu'il
avoit fait avec l'Elpagne amp; les Etats por-
toient J qu'il ferait obligé de lever 3000
hommes pour certaine fomme d'argent
■qu'on lui délivreroit, lefquels feroient toû-
jours en état de fe joindre aux troupes Im-
périales, amp; de marcher contre les François,
amp; contre les autres ennemis des Princes al-
liez ; Que s'il arrivoit qu'ils euffent befoin
de plus ae troupes, alors l'Evêque feroit
obligé de fournir 8000 Fantaffins Se 4000
Chevaux, qu'on lui devoir payer fur le pied
des premiers 3000, Que fi durant les lo
années de cette Alliance un des alliez étoit
attaqué, les deux autres, fçavoir l'Efpagne
amp; les Etats, en cas que l'Evêque fiit l'of-
fenfé, iroientàfonfecoursaveczooo Che-
vaux , amp; 4000 Fantaffins 3 amp; que l'Evêque
réciproquement lors qu'ils auroientbeloin
de fon aide, leur fourniroit 1000 hommes
de pied, amp; 500 Chevaux,
Ce qui refte de fes A6lions étant mêlé
avec celles des autres Princes qui ont eu
part aux dernieres guerres : il faudroit faire
pour les rapporter, non feulement fa vie,
mais l'hiftoire des derniers troubles, ce qui
nous meneroit trop loin ; ce que je me fuis
propofé dans ce petit Ouvrage, étoit d'en
K 7nbsp;faire
5nbsp;3 o La Vie ^ les ABions
faire un portrait fidelle5amp; je crois m'en être
acquité; amp; quoi-que je n'aye commence à
le dépeindre que depuis fon Exaltation, j 'efl
ay néanmoins affez dit pour le faire con-
noître : pour peu qu'on étudie un homme .,
il eft aifé de voir quel eft fon genie amp; fon
efpritj Etfi je ne me trompe, b rigueur qu'il
eut pour fes fujets après être devenu leur
Prince: La guerre qu'il fit à fes voifins Sc
aux Etats Généraux; Ce qui fe paffa dans
Péledion de fon Coadjuteur : La manière
dont ilfe donna à l'Angleterre amp; à la Fran-
ce : Toutes ces chofes font autant de traits
qui reprefententaunamrel, l'humeur, les
mœurs, amp; l'inclination de nôtre Evêque.,
6nbsp;l'ona droit d'en inferer qu'il avoit beau-
coup d'ambition, de vanité, amp; d''avaricej
Ï1 étoit brave amp; vaillant autant qu'on le
peut être, amp; l'on n'a jamais remarqué qu'il
ait craint les perils , au contraire dans les
rencontres les plus mortelles, comme dans
lesfiegesoii il s'eft trouvé, il êtoit fouvent
dans les trenchées : il donnoit fes ordres
lui-même, les faifoit obferver, amp; encoura-
^eoit le foldat ; Il étoit fecret dans fes entre-
prifes, il avoit le don de difTimuler, amp; d'a-
mufer fes ennemis jufqu'à ce qu'il fut prêt
à leur faire fentir fes coups ; La guerre é-
toit fon fort, amp; il eiï certain qu'il s'aimoit
mieux l'épée à la mainquelaCroffe j amp; à
la
-ocr page 263-de l'Évêque de Munfler. x ^ £
^a tête d'une Armée qu'à la queue d'une
proceffion. Il étoit vif, bouillant, inquiet,
aimant peu le repos, amp; n'en donnant gueres
a fes fu)ets ni à fes voifins : Toûjours prêt
a prendre parti, mais principalement dans
'les intrigues embrouillées, oii il trouvoit
toujours fon conte ; Il avoir beaucoup de
fermeté dans fes mauvais fuccez, mais peu
de confl:ance amp; de bonne foy dans fes Al-
liances, ceuîc qui en ont feit avec lui s'en
étant toûjours mal trouvez, amp; ayant eu lieu
de s'en répentir ; La furieufe paffion qu'il
avoit d'amaffer de grands tréfors pour fes
beritiers, étoit caufe de ce desordre : Oii il
alloit de fon honneur amp; fon intérêt, s'il pou-
voit fau ver celui-cy, il fe mettoit fort peu
en peine du premier, dilânt que l'honneur
eft une chimere, un peu de vent amp; de fu-
mée dont fe repaifTent les ames fbibles, amp;
iafatuées des préjugez; mais que l'argent
étoit l'être des êtres, le pere du bon fens, le
fel du monde, en un mot le feul tout-puif-
fant. Il étoit peu fenfible aux miferes d'au-
truy, non feulement de fes ennemis, mais
de fes fiijets mêmes, fouffrantque les fol-
dats les outrageaffent dans leurs perfonnes
Se dans leurs biens, après les avoir épuifez
lui-même à force de fubfides : allegantpour
raifon à ceux qui lui reprefentoient le mal-
33 heur de leur condition, Qu'un Prince de
„fa
-ocr page 264-2.52- LaVte^Ies AElions
jî Ta (|uaîité ne pouvoit maintenir fon auto-
3, rite amp; fon credit fans entretenir des gens
3, de guerre, Que pour cela il falloir de l'ar-
35 gent, qu'il pouvoit équitablement exiger
3, de fes fujets, puis, qu'il l'emploioit à leur
3, défenfe amp; à leur furete' ; Qu'il étoit diô'
J, cile de plaire à ceux à qui l'on demande,
jjfur tout au peuple qui a l'efprit trop mal
„ tourné pour fçavoir ce qui lui eft bonjQue
„ fi fes fujets êtoient bien inftiiuts, ils beni-
„ roient Te Ciel de leur avoir donné un Prin-
„ ce, qui fçavoit foutenir fon rang, fon hon-
„ neur amp; fa qualité.Il aimoit lefafte amp; l'ap-
parence,amp; tout ce qui frappe les yeuxamp; l'i-
magination.;Il avoit beaucoup de herté,mais
encore plus de ce fade orgueil qui eft le vice
du Climat, Sa férocité namrelle l'avoit
rendu infupportable à fes fujets, amp; terrible
à fes ennemis : Quiconque le connoiflbit
bien devenoit cruel pour lui plaire, ou il n'a-
voit point fon amitié; c'eft ce qui fomen-
toit la cruauté de fes foldats, amp; ce qui obli-
Çeoit les peuples dans ces dernieres guerres
à trouver doux le joug des François, qui
quelque dé reglez qu'ils fuflènt, ne commet-
toient rien qui approchât desinfolences, amp;
des vices des Munfteriens. Il ne pouvoit
fouffrir qu'un foldat fut doux amp; humain.
„ Il faut, difoit-il,qu'un homme de guerre fe
„ faffe un plaifir du carnage, de l'effisfion du
y, fang 3
-ocr page 265-de r Evêque de Munfter • 135
33 feng, amp; qu'il foie infenfible aux gemiiTe-
sî mens des bleffez : Quiconque n'eft pas de
« cette humeur, n'a difoit-il que de la mol-
35 leflè, amp; ne mérité pas de paffer pour hom-
33 me de cœur. C'eft cét efprit de trouble
qui le poufià à ruiner fes propres fujets, afin
d'avoir de quoi inquieter fes Voifins,amp; ren-
dre fon nom redoutable ; Il s'imaginoit que
la belle gloire confiftoit à fe faire craindre :
c'eft pourquoi il fouffroit qu'on l'appellât
le fléau de Munfter, de Drenth, de Twent,
d'Overyffel amp; de Groningue. Comme il
ne fe foucioit ni de l'amitié,ni de la haine de
perfonne, il n'étoit fervi que par intérêt :
amp; nul ne n'époufoit fon parti lors que la po-
pulace déchiroit fa reputation. Tous les
malheurs qui furvenoient étoient,difoit-on,
des préfages que fon regne fertât funefte : 8c
file Ciel manquoit de donner de la pluie à
chaque chofe en fa faifon gt; c'étoit l'Evêque
qui en étoit caufe. L'Année icS^y un des
plus beaux jours de l'Eté fur les deux heures
après mi^, on entendit dans l'air un effroy-
able bruit de plufieurs milhers dliommes
qui en étoient aux mains ; les coups de ca-
non amp; de moufquets, le cliquetis des Ai^
mes, les fanfares des trompettes, le fondes
tambours, les gemiffemens des bleffez: tout
cela s'entendoit auffi diftinókment que
dans les batailles orainaires, ce quifemble-
rcàt
-ocr page 266-'2.3 4 La Vie ^ les AElions
roit incroiable, fi une infinité de perfonnes
de Deventer, de Munfter, de Grol amp; de
Zutphen n'aflui-oient l'avoir oui : On augu-
roit de ce combat celefte de fatales fuites
fur terre qu'on imputoit à nôtre Evêque.
On difoit que ces fignes confirmoient une
prediétion qui avoit été faite l'année
■des malheurs qu'il devoir caufer. Onl'ap-
puioit fur un coup de foudre qui abbatit k
tour oùles poudres étoient enfermées, biïô
les toits de toutes les maifons d'alentour:
fendit les cloches de S. Ludgar, de S. Lam-
èert, de S. Servais : amp; fit tomber une par-
tie du dôme de l'Eglife de Sainte Ckire^
fous la chute duquel il fe trouva quelques
ÎReligieufes qui furent ou tuées ou bleffées.
Mais le plus grand malheur arriva parles
Îoudres embrafées,, qui ayant élevé dans
air une grêle de groflTes pierres , écraferenc
en tombant une infinité de perfonnes. Le
peuple difoit que l'Evêque étoit caufe de
tous ces maux, amp; a feit depuis ces reflexions
fur fa conduite amp; fur fa vie, fçavoir i que
toutes fes grandes entreprifes n'ont point
augmenté fes domaines, amp; ne lui ont fervi
de rien, fi ce n'eft peut-être pour amaffer
quelques .tréfors qui ne paroifTent point;
Qti'il étoit vrai que fur fes derniers jours il
avoit ôté à la Suede les villes de Bremen amp;
4e Verden, mais que ces perites conquêtes
gui
-ocr page 267-de rEvêque de Munfitr. 2. ^ |
■qui ont pe ri après fa mort, n'étoient point
com.parables aux fommes immenfes qu'el-
les lui coûtoient, ou plutôt à fes peuples
qu'il avoit ruinez pour ce fujet. ' 2 On a rc-
nurqué, que quoy-qu'il fût de peu de méri-
te, amp; de qualité fort mediocre, il avoir
' fait en forte queles Rois étoient obligez de
rechercher fon amitié, amp; de lui ouvrir leurs
tréfors pour le mettre dans leurs intérêts.
3 Qu'encore qu'il eût fur les bras quantité
d'ennemis, il avoit néanmoins garenti fon
pais de courfesamp; d'irruptions. 4'Qiril ne
manquoit peint de foldats fidélles , quoi-
qu'il les payât-aflfez mal : à quoi l'on difoit
que la liberté qullleur donnoit de faire tout
■ ce qu'ils vouloient, pouvoit avoir beau-
coup contribué. 5 (^'encore qu'il eûîpaf-
ié la plupart de là viedans les ferigues de b
guerre, il étoit neanœioins parvenu à une
vieilleffe vigoureufe, amp; avoit joui durant
tout le cours de là vie d'une fanté parfaite.
Nous avons donc montré le tempera-
ment de nôtre Evêque en faifant voir qu'il
étoit bouillant amp; aftif ; nous avons dit aulH
que fon humeur étoit Martiale, amp;quek
: guerre étoit fes plus cheres delices. ^'é-
tant une fois otfenséil ne pardonnoit point,
revenant toujours à la charge )ufqu'à çe
qu'il fût fansfait, témoin la haine qu'il
portoit aux Etats Généraux , parce-qu?ils
n'avoieuc
-ocr page 268-z^S La Vie ^ les ABions
n'avoient pas voulu lui ceder Borculo. Aquot;
prés, nous aVons vû qu'il étoit ennemi inot'
tel de la Religion reformée : qu'il avoit un
orgueil extrême amp; une ambinon démefu-
rée 5 amp; que le but de toutes fes grandes en-
rreprifes étoit d'étemifer fon nom. Déplus
nous avons remarqué qu'il étoit ibrt avare ,
amp; que cette paffion étoit caufée par une en;
vie defordonnée d'avancer fes parens:ce qui
peut appuyer le bruit qui couroit que le Pa-
pe lui avoit promis leChapeau de Cardinal
en recompenfe du grand zele qu'il avoit
pour PEglife Romaine , amp; des efforts ex-
traordinaires qu'il avoit faits pour détruire
l'herefie. II avoit fî fort les grandeurs amp; la
vanité pour objet, que fes difcours les plus
ordinaires êtoient, Qu'un grandcoeur de-
3, voittoûjours tendre à s'élever de plus en
3, plus en quelque élévation qu'il fût : parce
3, difoit-il qu'encore que cous les grands def-
5i feins ne reiiffiffentpas, il eft glorieux de
„les entreprendre , que la Fortune fe
,, plaît à feconder les temeraires.
Vn jour un de fes Confidens le voulant
diffuader de faire la guerre aux Etats Géné-
raux , amp; lui remontrant qu'il y avoit peu
d'apparence, qu'avec fî peu de forces, il
pût rien gagner contre des Puiffances qui
avoient refifté à l'Efpagne l'efpace de So
ans ; l'Evêque répondit que les petits faints
fai-
-ocr page 269-de l'Evêque de Munfter. 457
feifoient quelquefois des miracles.
Vn autre lui reprefentant que fes fujets
étoient prefque réduits à la derniere mifere
à force de fubfides : il dit que c'étoit le feul
moyen de les rendre fouples amp; obeifrans5amp;
qu'un Prince n'eft point le Maître où les fu-
jets font dans l'opulence.
Après le premier Traité de paix qu'il fit
avec Meifieurs les Etats des Provinces-
Unies , quelq;u'un lui faifant toucher au
doigt que cette guerre lui coûtoit plus qu'il
n'y avoir gagné : il en eft de même, repfi-
qua-t-ilj de ceux qui jouent aux dez, ils ne
font pas maîtres de la chance, ni les Prin-
ces du fort des Armes.
Voilà une prtie des paroles amp; des avions
de l'Evêque de Munfter, fa vie eft mêlée
comme on voit de vices amp; de vertus, mais
où font les hommes fans reproche 'quelques
vertueux qu'ils foient, ils ont toûjours des
ennemis, amp; ces ennemis les déchirent ; amp;
comme on aplas de penchant au mal qu'au
bien, on aime à entendre médire, amp; à fc
divertir aux dépens de la reputation d'au-
trui; fur tout des Princes, dont les aûions
font plus expc^ées que celles des particu-
liers : ceux-cy tâchant de les déprimer pour
fe confoler en quelque maniéré d'être fi fort
audeflbus d'eux; ainfi la renommée n'eft
pas toujours un bon garent de tout le mal
qu'on
-ocr page 270-2-38- La Vie 0 Iss AElions
qu'on en publie, l'envie, la haine amp; la van^
geance y ayant plus de part que la fincerite
amp; la bonne foy. Je n'ay rien dit des mœurs
amp; de la conduite de l'Evêque que je ne tien-
ne de bonne part, mais fi je m'étens un peu
plus fur fes vices que fur fes vertus, il n^
s'enfuit pas que ce les-cy ne foient peut-être
en auffi grand nombre que ceux-là ; car il
eft certain que l'Evêque avoit de beaux
talens, mais par la malice des hommes , je
nelesconnoispasfibienque je fais fes dé-
fauts : amp; comme, mon devoir m'oblige à
ne rien avancer qui ne foit avéré, je me fuis
contenté de fuivre mes Mémoires J amp; de
ne rien dire qui n'y fût.
Dans fa dernière maladie, il dit fouvent
qu'ilfe repentoit d'avoir accablé fes fujets
dé taillés amp; de fubfîdes , amp; qu'il jugeoit
bienmalheureufeîà condition des Princes
qui n'ont point d'autre voie pour foûte-
nir leur autorité amp; leur rang que Poppref-
fion des peuples.
Sur tout il recommanda aux executeurs
de fon teftament d'avoir bien foin de payer
fesdebtes, amp; que rien n'y fut épargné; il
ajoûtoit que toutes grandes qu'elles étoi-
ent , ilavoit dans fes coffres de quoy y fatis-
faire, amp; même beaucoup au delà ; amp; juf-
ques-à la mort, il donna toûjours de grands
hpes d'une pieté fineere amp; d'un veritable
Chrétien.nbsp;Auflt-
de tEvêque de Munfier. lyp
Auffi-tôt qu'il fiit décédé toute fa mai-
son fiat pillée, amp; principalement fa cham-
bre où on le laifTa prefcjue nii.. Quelques-
Unspenfcntque c'étoit le deshonorer, amp;
que Dieu permettoit qu'il fût dépouillé
après fa mort, amp; qu'on lui fît ce qu'il avoit
fait à tant d'autres ; mais ne leur en déplaife
e'eft une chofe qui arrive à beaucoup d'au-
tres Ecdefiaftiques,, amp; même lors qu'il efl
encore tout plein de vie amp; de fanté. A l'é-
ledion d'un Pape on pillé jusques-à fon lit ;
que fi on m'allegue qu'il n'en a plus brfoin
à caufes des grandes richeffes dont il va
prendre pofTeffionjje réponds que les morts
en ont encore bien moins affaire qu'ain-
fîl'ona tort d'imputer cette aâion à une
permiffion divine.
Ainfi finit Bernard van Galen Evêque de
Munfier le 1Septembre i lt;ï7 8, âgé de 71
an, amp;le 28 defon regne; Il a trouvé des
Panegiriftes, mais non pas parmi fes fujets,
qui fuivant leur paffion ainfi que tout le
monde fait, n'enparlentque comme d'un
Prince qui a dévoré leur fubftance.
Quelques jours après fon décés,ilfnt por-
té dans la Chapelle où devoit repofer fon
Corps julques-au jour de fa fepulture qui fut
le 4 Oaobre. Pendant cét intervale, il y eut
jour amp; nuit quatre gros cierges allumez
dans quatreCbandeliers d'argent du prix de
mille
-ocr page 274-î4o La Vie ^ les Avions
mille écus chacun; Déplus on fit appendre
un navire d'argent, en memoire d'un vaiP
feau François que l'Evêque avoit pris en
Frife, Cette Chapelle ardente étoit encore
ornée de Figures, avec les Eloges amp; les Ar-
^ mes du Défunt ; dont la dépenfe fiit prife
fur les vingt mille écus qu'il avoit ordonnez
pour fes obfeques.
Quelques jours après fâ mort, fon Suc-
cefTeurfit une Lettre circulaire, afin d'ex-
horter tous fes fujets àprierDieupour l'â-
me de leur Défunt Prince : amp; cette Lettre
étoit conçue dans les termes fuivans ;
DEI ET SANCT^ SEDIS
APOSTOLIC^ GRATIA E-
PISCOPVS MONASTERIEN-
SIS ET PADERBORNEN-
SIS, BURGRAVIUS STROM-
BERGENSIS , SACRI RO-
MANI IMPERII PRINCEPS,
COMES IN PYRMONT, ET
DOMINVS IN BORCULOamp;c.
Venerabili Clero, amp; dileélo populo Civi-
tatis , amp; Diœcefis Monafterienfis Salu-
tem in Dominofempiternam.
Vlfam efi ei, qui nt juxta Pfalini-
fiam urribilis ßt apud omnes
rm liai mill ifflil im m
-ocr page 276-de tÈvêqtitde Mttnfier. i^t
^es terra , aûfert [piritHm Principum
cum voluerit gt; Charißimum Frutremy
Confanguineum, ^ Pramp;decej[oremNo-
ftrum , Celfipmum Ç3 Reverendißi-
mum Princifem, Dominum Christo-
ph or v M Bernardvm, Epifcofum
Monafterienfem , AdmimHratorem
Corbejenjem, Burgravium Stromber-
genfem, S. R. /, Principem, Dornte
num in Borckelo, poftquam Epißepa^
tum Monafterienfem annispro^e vigin-
ti oElo adferenneriiJSTominüJui famam
verè paternA fothcitudine gubernavit,
décima noua ïabentis nunc menfis Sep-
tembrii, ex hac vit à ad meliorem evo-
care. Et quamvismn dubitemus quin
ßibditi omnes ?ßcut viventem amave-
tunt ut Patrem, veneratifunt ut Prin-
cipem, itk jam morte defunflo débita
ChriHiana pietatis folatia, nequaquant
pajjkriftntinft deftderari^ voluimus ta-
rnen ( refervatâ defuturis Exequiis ut-
teriore dijpoßtione ) de Conßlto 0 af
fenßu Fenerahilis CapituU NoHri Ca-
thedralis adhortari demandare^
prout adhommur dmmdmw per
Lnbsp;pr^quot;
La, Vie ^ ï es Aäkns
frtzfentinm tenorem , quatenus omnes
0 ßnguli Saceràotes , tàm Saculares
^uam Reguläres, quomoàolibet ad Dice-
ceßn MonaHerienfem JpeEiantes in
^uotidianâ fanäißtmi Mißk facrißcii
ohlatiane, reliqui vero devetißimisfuis
frecibm animam tanti Principis, miß-
ricordißmlt;e Redemptoriipietati humil--
Imecommendent, ut quem tot eximiis
'virtutibus ^ faBis gleriofum reddidit
in^terris, sterna beatas inter mentes glo-
ria ßf^i concédât in Cœlis. Et quia tm~
menß Omnipotentes DEI bonitati
flacuitypoß Cahonicamde Ferjona No-
^flra eleBionem, auBoritate Apoftohc4
Imperialijam dudum confirmatam
^ receptam-^Succeßionis munus onm
humeri^ noßris imponere,, Nos conß-
derantes tantiponderiô difficultatem,
iniquam pr^fintium temporum condi-
tionem, quAque undique urgere im-
penderepojfentmala^ tarnet ft non deß-
nimtis afiduis ipßmet precibm tllim au-
xiliumimplorare, qui cdeßiaßmul^-
terrenamoderatur\ necpramp;termittemta
^mcquid iu nobis eÜvtrmm ^ huma-
de r Evêque de Munfter. 245
Krf ofis ,prompto femperammo conferre^
fîdelîum tarnen fubditorum D e v m
timentium , quorum tpfe m [feramus
vduntatemfactet, orationes etiam, ÇS
bona oßeraexpetimm, quihuf imbecUk-
tas noßra viribus a Cœlefti Regefubmù
niftratis abundantiùs fuffulta, commif-
ß nobis cur£y amp; officii partes orantisfi-
mulfopulimïlantiâ promerentefortiter
valeat fitfltnere, Ç3 gregent Diving
Provt-denmfillkitudim noftra concre-
ditu?n ad majorent Nominis ejm glo^
riam, Ö communem omnium Milita-
ternfit'aviter gubernare. Quod ut Eafta-
Concionatores audttoribus,
eommißofibipopmo fedulo proponant
inculcent , ferih yanter aemandamus.
Quorum in fdem pramp;fentes dedimm
Manuls Sigillo mHris roboratas. In,
ArceNoïîrà Neuheufanâ^ z 8 Septem«
brisdie. All. lé/S.
ExMandato SS. P.
j. Alpen Vic. gen»
tinbsp;PER-
-ocr page 279-144 ii^i Fie ^ les JBions
PAR LA GRACE DE DIEU
ET DV SAINT SIEGE APO
-STOLIQVE^, EVEQ.VE DE
MVNSTER ET DE PADER-
BORN , VICOMTE DE
, STROMBERGH , PRINCE
DV S. EMPIRE , COMTE
D E P Y R MONT , SEI-
^ GNEVR DE BORCVLO, amp;c.
Veneralfles Ecclejtafiiqttef 3 ^ lgt;îetuai*
ntez.fujets delà villes ÇS du Dioce-*
fedeMmfiert lapdx de Notre Seu
^^enr demeure sterneîlement
vous,
'„TL a^plû à Celui qui enlevé Pelpric
„ X des Princes quand il veut, afin, comme
j, dtt lePfalmifte,defe rendre terrible à to^
„les Monarques de la Terre : ilaplû dis-je
„à ce Grand Dieu de retirer de cette vie le
. ,nbsp;jpSeptem-
de l'Evêque de Munfier.
9519 Septembre, Nôtre tres-dier Frere,
J, Parent, amp; Prédecefleur, le Très-Haut,
i, amp; Reverendiffime Prince C H R l S T o-
„FLE Bernard, Evêque de Mun-
„ fter, Régent de Corvay, Prince du S. Ern-
3, pire, Seigneur de Borculo, pour lui en
„ donner une meilleure, après avoir gou-
j, verné fon Diocefe avec des foins tout pa-
„ ternels, ce qui a rendu fon Nom célébré
„ amp; fa gloire imrnortelle .Encore que Nous
„ ne doutions pas que fes fujets qui l'ont
J, aimé durant fa vie comme leur Pere , amp;
„révéré comme leur Prince, bien-loin de
3, l'oublier maintenant qu'il n'eft plus,, ne
„ s'aquitent en bons Chrétiens , amp; en fu-
ajjets reconnoiflamp;ns de l'obligation qu'ils
j,lt;înc de prier Dieu pour le repos de fon
jjAme; Noasnelaiflbns pas néanmoins
en attendant le jlt;Hir de fes obfeques, dû
confentement amp; de l'avis du Venerable
it Chapitre de nôtre Cathédrale, d'ordon-
„nerparcesPrefentes à tous, 8c chacun
„ des Prêtres tant Seculiers que Reguliers
„de nôtre Diocefe de Munfter, de fe ref-
„ fouvenir en celebrant le S. Sacrifice de la
^»Meffe, de recommander à la bonté de
î, Nôtre Redempteur l'Ame de ce Grand
„Prince: ce que Nous enjoignons auflîde
,3 faire à tous les Eaïcs nos fujets en leurs
î, prieres amp; oraifons, afin qu'il pî^e a.ce
L Inbsp;Di-
Vie Û? les AElions
J, Divin Sauveur de mettre dans le Ciel au
„nombre de fes Bien-heureux, Celui qu'il
3,arendufur terre fi célébré pour fes vertus
s, tout extraordinaires, amp; pour tant de faits
„ memorables.Et comme il a plû à ce grand
„Dieude Nousapeller à lui fucceder par
„ une éleâion Canonique, que le S. Siege
„ amp; l'Empereur ont confirmée ; ce fardeau
„ qui Nous eft commis eft d'un tel poids,amp;
3, les calamitez prefentes qui Nous y pour-
„ roient traverfer font telles, que fans cet-
3, fer d'implorer nous-mêmes le fecours de
„ Celui qui gouverne le Ciel amp; la terre : amp;
3, quoi-que Nous foyons dans ie deflèin de
„ ne rien omettre pour bien reufïïr dans
33 cette Charge î nonobftant cela, dis-je, le
55-poidsde ce fardeau eft tel, qu'il Nous
„oblige de demander que les bonnes ames
a, dont Dieu écoute les prieres, fe fouvien-
,, nent de Nous dans leurs plus ferventes
„oraifons, afin qu'étant aidez de la grace
9, du Roi Celefte, Nouspuiffions foûtenir
„le faix de Nôtre dignité , 8c gouverner
„le Troupeau qui Nous eft commis, à la
3, gloire de Dieu au lâlut de nos fujets.
„ C'eft pourquoi Nous voulons , amp;com-
„ mandons expreifémcnt,que nulPafteur ni
3, Predicateur ne manque d'expofer au peu-
„ ple,amp; de lui repeter fouvenc la teneur des
sjPrefentes.Enfoydamp;quoyNous les avons
«fignées
-ocr page 282-de l'Evêque de Mmßer. 1.47
'„fignées de Nôtre propre Main, amp; fellées
de nôtre Sceau. En Nôtre Fc»tereffe de.
3, Nienhuys, le 28 Septembre 1^78«
FERDINAND.
Par m-dr£ dtt Seremfsime Prince
1. Alpen Yic. Gen.
Apres qu'on eut rendu les derniers de-
voirs au Défunt, on jetta les yeux fur fc«î
Succeffeur comme fur un Ange de paix que
le Ciel envoioit pour adoucir les amertu-
mes du Regne précèdent. Après vingt-huit
années de guerre, trouver un Prince pacifi-
que qui donne à fes fujets le temps de repa-
rer leurs pertes,amp; de reprendre leur embon-
point : c'eft difoit-on dans le Diocefe, une
faveur particulière qui merite:qu'on en loue
Dieu, amp; qu'on Ki en rende avec ferveur
de tres-humbles adions de graces. Enfuite
ons'étendoitfurles loiia^es du Prince re-
gnant, auquel on fouhàitoit avec mille be-
nedidlions un regne de longue durée. Que
fi l'on me demande comment il fe peut faire
que Ferdinand foit fi aime , ayant été élu,
comme ncais avons dit, malgré la plupart:
des Chanoines; je-répons que ceux-cy ne
s'étoient oppofez à fon éleaion que pour
conferver leurs privileges que le Défiint
fembloit leur ôter 3,en les forint de donner
leurs.
-ocr page 283-i48 La Fte 'Ç^ les AElions
kurSYoix, dont feConftitutions kurî^^
i^rtt uneentiereliberté; Que pour la Per-
fonne du Prinee, bien-loin d'y trouver à re-
dire, ils l'eftimoient,amp; le fouhaitoient pour
leur Evêque, mais qu'ils prétendoient que
ee fiit fans prejudider à leurs droits. De-
imis, la chofe étant arrivée comme ils la de-
iroient,ils s'eftiment heureux, amp; fe prépa-
rent à goûter fous fonRegnelatranquilite
amp; le repOs qui a été banni du Diocefe
Felice detrcnte ans.
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