-ocr page 1-

;i.. ; ■■■:■ ■

-ocr page 2-
-ocr page 3-

EXPOSITION INTERNATIONALE D'AMSTERDAM.

Vèinc SECTION.

CONPÉKENCES ET CONGBÈS SCIENTTKIQUES.

LA

PAK

JOSÉ DEL PEEOJO.

(Conférence du lO Septembre 1883.)

AMSTERDAM, S C H ROD !•: R F 11 È R I-: S. 1883.

-ocr page 4-
-ocr page 5-

M ESS 1 F. V It s

En me rendant a 1'invitation de faire nne conférance sur la Colonisation Espagnole, je compte sur votre indulgence. Votre hospitalité et votre amabilité si connus, me fortifient dans la tache difficile que je me suis posée. Car, Messieurs, le fait de la Colonisation Espagnole, est nn des plus grands de l'histoire moderne et je vais m'eftbrcer a vons l'exposer dans tont son eclat et toute son importance, qui malheurensement out óté si souvent méconnus.

Qnelqnes rernarques sur la colonisation en generale, me paraissent cependant nécessaires, avant d'aborder la question purenient Espagnole.

On a dit de tout temps que les Romains etaieut des maitres inimitables pour définir et classifier. C'est une verité bieu établie, et même si elle ne l'était pas, nons anrions a l'admettre en ce qui concerne lenr classification des colonies, qui reste tonjours la meilleure et qui n'a pas été surpasses par aucuu des ecrivains modernes.

Les Romains distinguèrent deux sortes de Colonies.

1°. Colonias ex seccessione conditas.

2°. Colonias ex consilio publico.

-ocr page 6-

4

Les premières comprenaient celles, qui avaient ctó formées par des besoins particnliera on lies intéréts privés. Les secondes sont celles dues a 1'etat même, ponr sorvir a ses intéréts généranx.

(Jette classification claire et precise a été suivio d'antres classification innombrables, telles que cellos que nous dcvons a Robertson, Heeren, Boscher, Merival, Beaulien etc., qni embroidllent plntot qn'elles n'éclaircissent le sujet.

En outre, leur système est bien loin d'etre celui (|ue l'on clioisirait corarae le pins juste.

Tons ces auteurs tombent dans la même errenr, en ce qn'ils se basent sur la condition extérieure des colonies dans uu certain moment de lenr histoire, errenr evidente, pnisque la classification devrait être remodeléc chaqne fois que ces conditions changent, et personne n'osera affirmer, que les colonies soiont condamnées a roster eternellement dans le même état.

Même la méthode propose par ITubbe Schleiden, qui base sa classification sur les degrés de developpement iu-térienr de la colonic lie pent nons satisfaire qnoiqn'elle marque nu progrès; car lui aussi oublie qu'nne colonic ne se forme pas par elle même etqn'elle n'est(|n'nn pro-duit, nn résultat d'antres facteurs.

La colonisation, Messieurs, c'est tont simplement 1'en-semble dos moyens employés par nn peuple supérieur, ponr inocnler sa culture a nn ponple qui lui est inférieur sous ce rapport, inferiority provonant do ce quo ce peuple se trouve hors du courrant de la civilisation, on bien, parceqn'il n'a pas lui-même les moyens nécessaires ponr sortir de son état primitif.

Coloniser est done synonyme avec civiliser, et la colo-

-ocr page 7-

5

nisiition avec la civilisation, paisqne la colonisation a toujours pour but, il'elever un peuple relativement inférieur au niveau supérieur de culture et tie progrès, auquel se trouve celui qui colonise. II y a done uue evolution ascendante, par laquelle la colonie passé successi-veuient par tout les degrès de civilisation, qui séparent le peuple indigene de celui qui le pousse dans la voie du progrès; c'est un chemin moutant qu'il gravit plus ou moius rapidement, suivaut ses dispositions ii accepter la civilisation et suivant les facultés du peuple colonisa-teur, qui les lui trausmet.

Eu resumé done, coloniser c'est laire l'éducation d'un peuple inférieur, le préparer a la grande vie de la civilisation, c'est uue oeuvre de pedagogie sociale.

Kieu de ceci u'était tout a fait inconnu de Roscher, lorsqu'il uxpliqua la formation des colonies, comme étant la prise de possession d'un nouveau t e r-r i t o i r e par u n peuple plus o u m o i n s a u-cien; ui ïi Hubbe Öclileiden, lorsqu'il signala les trois degrès de la vie coloniale. Tous deux cependant out commis des erreurs dans leurs classifications; le premier, en admettant Immigration comme second principe de colonisation, le second, en chercliaut les causes de Involution d'une colonie dans la colonie même.

Vous comprendrez done, que ja iie peux admettre, que les colonies se divisent en militaires et emigrantes comme le voulait Robertson, ui en quatre catagories compliquées, comme celles de Heereu, ui en colonies de couquête, colonies mercautilles, agricoles et de plantations, suivaut Roscher; encore moius puis-je accepter la division de Le Roy Hau-lieu qui n'aduiet que les trois demières catégories établies

-ocr page 8-

6

par Rosclier. Eu uu mot je dois rejeter touto classilicu-tiou qui laisse de cóté, les deux priucipaux facteurs de toute colouisatiou: les couditious du colonisateur et la uature du colonise.

Je vous ai dejïi dit. Messieurs, ce que j'euteuds par colouisatiou. Eh bieu, si coloniser est, comiue tout le monde doit l'admettre: faire l'éducation d'un peuple jeuue, gaguer, pour aiusi dire, des coutrés a la cause de la civilisation ; c'est une eutreprise si grande et si clifBcile, qu'il n'y a que I'Etat qui puisse la tenter. Dans une telle eutreprise I'Etat peut être guide, soit par des motifs d'interêts privés, ou par des motifs plus élevés: les interets permanents de sa politique. Dans le premier cas, 1'état a égard seuleiueut aux exigences des particuliers, dans le second cas, c'est 1'interêt general qu'il considère. D'uu coté done, il cause le bien-être de certains individus; de l'autre, celui de l'humauité eutière. II crée des colonies mercantiles ou des colonies p o 1 i t i q u e s. Vous voyez done qu'avec ime legére amplification de la classification des anciens, nous arrivons ïi uu système parf'ai-tement applicable aux colonies modernes.

La colonisation, qui vient en quelque fajon combler les vides, que la marche de la civilisation a laissés dans l'histoire de l'liumauité, nous montre daus sa propre histoire, l'histoire de la colouisatiou, l'existence continuelle de ces deux motifs qui pousseut les peuples ii colonisei-, le motif mercantile et le motif politique. Cette histoire nous fait voir, qu'un peuple ne peut pas coloniser alors qu'il le desire, mais seulement a de certains moments de sou developpemeut et ces moments sont ceux, daus lesquels il se trouve dans la plenitude de sa vitalité nationale.

-ocr page 9-

7

de même, (jue tlau.s hi vie des êtres, la uature lixe l'epoque de la reproduction.

Je n'ai aucument l'iateutiou, de vous entreteuir, de Thistoi-re des peuples qui out colonisé, ui des moments histoiriques dans lesquels ils Tout fait. Tout le monde sait, ce (jue les historiens nous disent, concernant les colonies des Pliéniciens, des Grecs et des Romains; vous me permet-trez pourtaut, que je m'arrête quelques instants, a l'exa-meu d'un grand peuple colonisateur. J'y suis contraint par deux raisons: celle de payer une dette ïi l'histoire, et celle de poser Tantecedent ethnographique des principes, que j'ai Tiuteution de vous exposer plus tard.

Eu parlaut des peuples colonisateurs les écrivains out tous commis une impardonuable omraission. eu ne pas con-sidérant les Arabes et l'aptitude de ce peuple pour la colonisation. Cet oubli parait d'autant plus extraordinaire quand on considère que les Arabes sont ceux, qui out propagé, avec la plus grande éficacite, leur culture, leur civilisation et leur race, et qu'il est difficile de trouver dans l'histoire un autre peuple, qui eu si peu de temps, ait civilise un plus grand nombre de peuples inférieurs et qui ait ré-pandu, avec taut de succes, les germes de sa civilisation sur Ie surface du globe.

La race arabe, est une race colonisatrice de premier ordre, elle possede des conditions et des facultés que l'on ue trouve pas ailleurs.

La part que la race arabe a prise dans I'liistoire est de la plus haute importance et sou influeuce a été mafe-rielle, dans la marche de la civilisation.

Imagiuons pour nu moment que les Phénicieus, les ilomains et les Grecs, n'aieut ens auciine Colonie; quelles

-ocr page 10-

8

seraient les consequences ? Nous ven ious les progrè.s de 1'humanité restreiuts ii uue surface moius grande, mais au fond il u'y aurait aucuue moditicatiou esseutielle. Grèce et liome seraient les memos avec ou saus colonies.

Par contre saus les colonies arabes eu Europe et plus encore sans sa civilisation; que serions nous ? Que serait notre culture ? Et la civilisation grecque, n'est-ce pas les Arabes qui nous Tout fait counaitre ? ÜÜ eu serait riiumauité sans eux ? Dieu sait, quel cheniiu elle aurait suivi et nous tons, nous ne sorious peut-étre encore que les esclaves des premières uecessités de la hitte pour l'existeuce.

Au moment de la chute de rEmpire Uomain, 1'Eu rope, aujonrdhui si civilisée, fut en proie a la barbarie. Souveuez-vous de l'etat intelectuel deplorable dans lequel se trou-vèreut les peuples dans les premiers siècles du moyeu-age. Un epais brouillard couvrait toutes ces coutrés. Le barbare u'était instigué que par ses appetits grossiers; sa scule loi était l'égoisme, ses idees Tinstinct et sa raison la force. Les combats continus, semblaient devoir être Ia condition normale de 1'Europe. Au milieu des teuèbres surgit, dans l'extrème Occident, la lueur d'une nouvelle civilisation emanaiit des Arabes Espaguols et ses vifs reflêts devaient rompre le nuage, oü tout était euseveli.

Combien ue devons nous pas ii ces fils de l'Islam et a Cordoue, la capitale Espagnole, répandaut par toute 1'Europe la science et le feu sacrc des arts. Comparer cette l)ril-lante civilisation avec l'etat des autres parties de 1'Europe !

Parcourrez les pages des Aualectes d' Al-Makkari, que je cboisis, pour vous exprimer la recounaissauce

-ocr page 11-

9

que tons les E.spuguoi.s garclent pour la meiuoii-e de votre illustre professeur 1 )ozy et pour votre Uuiversite de Leyde, tie tout ce (ju'ils out fait, afiu de répaudre, daus le moiide savaut, la couuaissance de I'iufluauce de la civilisation arabe,, ,/de cette civilisation, dout i'iuiportauce, //ii'est pas eucore assez appréciée de ceux, qui etiidieut //le developpemeut de 1'esprit luuuaiuquot;, comme dit Gustave Dugat.

Daus les pages des ces aualectes uous voyous ce que Cordoue était déja l'au 950. Seulenieut le catalogue de sa bibliotlièque, se composait de 44 forts volumes iu folio. Ou y tronvera uue description de la sage admiuistratiou de justice de I'epoque, de toute I'orgauisatiou politique, et surtout de Tétat Üorissaiit des lettres, de la scieuce et des arts. Nous voyous que Cordoue était uue ville de plus d'uu uiilliou d'habitants, d'après les calculs (jue Ton pent faire en se basaut sur les donnés de 100,000 niaisons, 80,455 boutiques, 1UOO inosquées, 700 bains publics et 30,000 d li i r a s (coudées) de circoutéreuoe. II nous a fallu ueuf sciècles, pour batir de nouveau, des villes qui puisseut se comparer a celles (pie les Arabes out créées, lorsqu'ils avaieut a, peine occupé la pejiiusule pendant deux sciècles. Quelle ville, Messieurs, que celle de Cordoue, au milieu du dixième sciècle. 11 y florissait la jurisprudence et la philosophie, la medicine et I'astrouomie, 1'architecture, la poesie, la musique, en uu mot toutes les sciences et tons les arts. La, les uuiversités et les momiments, la scieuce et Tart pronostiquaieut ïi 1'Europe barbare, que I'hnmauite ne devait pas perir dans la terrible crise, par laquelle elle passait; 1 Europe, qui sembl.iit u'avoir d'autre occupation que d'achever la destruction

-ocr page 12-

10

dn cmlavre de 1'Euipire Rumuiu, aiiquel les doctrines du Nazariu mèiues, ne pouvait rendre la vie.

C'est cette civilisatiou, Messieurs, qui répaud dans 1'Europe le culte de la science et 1'amour de Fart. üaus les ecoles arabes 1'Europe, étouuée, appreiid lujuris-prudence, la philosophie et les autres scieuces.

Eli bien, Messieurs, qu'est-ce qu'ils etaient ces Arabes ?

Ces Arabes Espaguols etaieut tout simplemeut les colo-uisateurs, les civilisateurs de la Péuiusule Iberique. Leur établissement en Espague a tons les caractères que 1'ou peut deiuander ïi mie veritable colonisation et il est une grande injustice, d'oublier les Arabes, en parlant des peu-ples colonisateurs. Car en Espague, et partout ailleurs, ils ont demontré plus d'aptitude, que tons les autres peuples. Nous ne pouvous pas nous expliquer que des ecrivaius comme Adam Smith amp; liosclier aient gardé le sileuce sur ce grand peuple Arabe, lorsqu'ils nous parient même des colonies qu'Alexandre a établies en Perse.

La race arabe possède des qualités, partagées par aucun autre peuple avant eux, et ces qualités sont tellement apparantes, qu'elles sautent iinraediatement a la vue dans tous les pays qu'ils ont colonisés et civilises. La première de ces qualités, est celle de ne pas rester[etranger au peuple qu'ils assnjetisseut, sans se reserver de privileges et sans établir de séparation. Au contraire, ils ont tou-jours une tendance de s'amalgamer et de s'adapter aux indigenes des pays qu'ils dominent. Et cette fusion d'nne race supérieure a uue race inférieure ne pouvait avoir d'autre resultat, que la predominance de la plus forte. Les lois sociologiques etablissent du reste, que dans

-ocr page 13-

11

hi coucurrence sociale, c'est toujours la race la plus intelligente et la plus civilisée qui cloit domiuer.

La race A,quot;ube a uu dou subtil, tout a fait extraordinaire, pour s'introduire daas la plus grande iutimité des peuples (ju'ils assujetisseut, et nous les voyous, comine ancun autre peuple, propager sa langue, implanter sa religion et imposer sou code. Ceci coustitue déjïi une trés grande faculte, que les Arabes doivent ii leur nature niéine, et :i laquelle vient se joiudre un autre avantage, non moins important, qui provieiit de leur religion.

Le fait que le Koran, qui coutient tout un code social et politique, sufisant nou seulement, pour tous les actes de la vie, mais encore pour les actes religieux, leur a donné une trés grande force pour leur mission civilisatrice. Le Koran eu effet, n'etait pas seulemeut pour eux le moyen de propager leurs rites religieux, mais aussi de provoquer dans les esprits, uue adhesion compléte ïi toute leur civilisation, et par consequence aussi, a toute leur organisation sociale et politique.

Les Arabes possédaieut aiusi, dans les dous qui sont inhérents a la race et dans le caractére spécial du Koran, deux mo37eus trés puissants, contre lesquels ancun peuple inférieur ne pouvait resister. Aiusi partout oü ils se sont implautés, que ce soit par des motifs mercautils ou qu'ils y furent poussés par leur ardeur de couquéte, partout et toujours, ou les voit prédominer parmi les peuples.

C'est en Espague surtout que 1'on peut le mieux juger toutes les qualités des Arabes, la peuinsule étaut la mieux conditiouée, pour leur developpment. Consi-derons done, uu instant, les Arabes en Espague et laissons

-ocr page 14-

12

de cóte les mitres centres tie leur civilisation. Qui sait luieux que vous, eu llolluiulc, par vns colf)uies, jusqu'oü cette civilisation s'est éteudue, et aussi les facultés qu'elle a de resister, inêuie de nos jours, a de grandes races et de gtaudes civilisations. En considérant, specialeineut, les Arabes Espagnols, il ne nous restera plus de doute de leurs f'actultés de colonisation et nous verrons en meme temps, comment ils out transmis ces facultés a leurs heritiers les Espagnols.

La première période de roccupation des Arabes, est uue période coloniale, dans le sens le plus rigoureux du mot. ün y voit l'Bspague, assujetie aux Emirs de l'lfrikia et aux (Jalifes de Damas. Gouverneurs, fonctionaires publics, administration, armee, tout enlin qui coustitue 1'organisnie d'un état, tout cela se trouve dans la dépen-dence la plus compléte, d'uu pouvoir étranger, liors du territoir dans lequel il ibuctionne. Les contributions, les impots et les g a v e I a s (charges) sont elevés pour la mère-patrie, au delïi du détroit. Uien ne se passé dans cette première periode, qui ne soit cousistant avec tout gouvernement colonial, et ceci dure jusqu'au jour, oü ils se declarent independent du pouvoir central et erigent, avec Abd-ar-rahman, le califat de Cordoue.

Maintenant, je vous demande, comment et pourquoi, les Arabes Espagnols, sont deveims indépendants.

Cette indépendance est une phase naturelle dans toute histoire coloniale, et nous la voyons se repeter dans toutes les colonies Arabes, et cela d'une manié re plus certaine qu'ailleurs, vu la nature même de leur colonisation.

L'Arabe en se fusionant plus que tout autre avec le peuple qu'il domine, donue a sou déscendant toute la force

-ocr page 15-

13

et l'énergie de sn nature ; son indomptable fierté, et ce ferme attachement a la terre oü il efit ué. II arrive done, nn jour oü ce descendant oublie les liens, qni nnissaient ses pères a la mère-patrie.

C'est mie errenr de supposer, comme le font beanconp d'historiens, que l'Espagne, était seulement occupé mili-tairemeut, par les Arabes. Au contraire, fideles il leur traditions, ils se sont mêlés aux idegènes, formant un nouveau peuple, dont la civilisation était Arabe sous tons los rapports. S'il faut mie autre preuve de ce que nous souteiions, nous ii'aurions qu'ïi ajonter, qu'il yavait dans ja peninsule environ vingt millions d'liabitants, conside-rés Arabes et qu'il est impossible de supposer, qu'eux tons on mêmc 1(! plus grand nonibre d'enx, soient venns de 1'Orient.

Messieurs, après tont ce qui a été dit, il ne peut plus vons rester de doute sur les facultés essentiellenient colo-nisatricc du peuple Arabe, dn peuple Arabe qui n une tendance marquee a se croiser avec les penples con-quis; et de menie, sur le fait, que ce peuple possède un des elements les plus puissants pour civiliser. Que les Espagnols soient les descendants et heritiers des Arabes et en aient conserve les graudes ((ualités colonisatrices, cela se dednit de ce que nous avons dit, et ne necessiste pas d'antre commentaire.

Neanmoins, quelques historicus ont consideré cette fusion impossible, ii cause do la difference des religions; nons pourions ponrtant dire, que cette difference ne s'ac-centua, que lorsque la fusion s'était déja accomplie, qu'elle fut plutöt une difference de forme, cpie de fond.

La lutte, entre 1'Islamism et le Christianism, en Espagne,

-ocr page 16-

14

dura, comme vons le savez, prés de liuit sciècles etcette dnrée même est une preuve qu'il ne s'agissait pas d'nne lutte de race, ttmis bien de deux idi'nls réligieux entre lesquels il devait avoir, et eü'ectivement il y avait, des points intermédiaires; cette lutte n'affectait en rien la race même.

Les M udejares et les M u z a r a b e s, norus ])ar lesquels 011 désignait ceux qui étaient les plus refractai-res aux doctrines de ceux parmi lesquels ils vivaient, ne sont autre chose, que les stages de transition. La fin de cette lutte a été la conquète de Granada, qui doit être considerée, comme la victoire decisive du Chris-tianism sur l'Islamism, dans la Peninsule. Après ce triomphe, notre race ne croit plus a Mahomed, mais seu-lement au Christ; mais pour cela, nous ne sommes pas moins Arabes dans nos sentiments et dans nos idees. Dans tout ce qui suit dans notre histoire, dans nos habitudes, ainsi que dans nos arts, partout, vous trouverez que le trait fondamental de notre caractère, est Arabc. Une des meillenrs preuves, c'est l'existence dans notre langue, de milliers de mots et expressions arabes, comme 1'a si bien constaté Engelman, votre savant si regretté.

Quel changement. Messieurs, que celui, qui se fait dans les opinions acceptées! II n'y a pas longtemps, que les ecrivains Espagnols, s'efforcaient encore, a trouver des raisons artificielles pour nier cette orgine si glorieuse.

Nous voici arrivés, au moment, oft je crois ponvoir vous parler du system e colonial de l'Espagne, et vous ne vous etonnerez pas que je commence par me plaindre, non seulement de ce que ce système ait été méconnue, mais encore, des erreurs faites par les écrivains, qui trai-tent avec autorité de ce système, quoiqu'ils n'en possé-

-ocr page 17-

(lent pas les connaissances les pins élémentaires; ignorant la langne, l'histoire et les lois, des pays dont ils parlent. Comment s'expliquer autrement, qu'il a été possible, qn'nn antenr des plus en renom, ait pu oser affir-mer, qu'ancun penple n'etait moins fait pour coloniser, que le peuple Espagnol? II parle, Messieurs, de TEspagne sous Charles V! Ou, que 1'on ait dit aus?i, que I'Espagne n'avait voulu que fonder Tine socicté vieille dans une contree neuve '

Heurensement, Messieurs, il y dans le monde quarante sept millions d'individus, qui dans une raêrue langue, celle que nous leur avons apprise, donneront le démenti le plus eloquent a de telles affirmations. Ce fait seul suffit, et je n'ai done pas besoin, d'y ajouter Tautorite de Macaulay, et de tant d'autres grands penseurs.

En étudiant la colonisation Espagnole, la première chose qui nous frappe, e'est son analogie avec celle des Arabes. Nous remarquons desuite, que I'Espagnol pos-sède toutes les qualités que nons avons signalées chez ses aticètres les Arabes, et que son premier élan, est aussi de s'approclier des indigenes des eoutrés, qu'ils occu-pent. ITn de nos pins illustres capitaines en a donnis I'exemple en epousant la Rile de Moctezuma, Grand Empereur des Astèques, du Mexique.

Les marriages entre Espagnols et indigenes devirent habituels et bientot, il se forme un nouveau peuple, pro-dnit de ces races.

Oe nouveau peuple se developpe et bientöt l'hunianité doit enregistrer l'existence, dans le monde civilisé, d'une multitude de nouvelles nationalités, sous les noms de Mexicain, Pernvien, Chilien, Brézilien etc., ayant noire

-ocr page 18-

1(3

langae, uotre religion, notre code et nos raoeurs et qui out dans leurs veines, notre sang et notre genie.

De cette Espagne, qui, seulc au monde, a pu réaüser le prodige de produire taut de civilisations, changeant et transformant les races les plus varies sur la surface de la terre, de cette Espagne ou osé dire, qn'elle ne sait pas coloniser. Cette Espagne, ((ui a su transporter au dela des mers, sa langue, sou code et sa religion, qui s'est taut reproduite et qui a répandu son genie avec uue telle prodigalité, (|u'a un moment donné, epuisée, elle a risque de s'extenuer elle-même; dire qu'elle ne sait pas coloniser, e'est lui faire un affront semblable ii celui que 1'on ferait a une mêre, acusée d'etre sterile, alors qu'elle sacrifie la vie de ses enfants, sur l'autel de la patrio. Non, e'est une grande dette que la civilisation doit a ce pays, et ?i cettc noble nation.

flonsiderez. Messieurs, le.s differents points du (llobe qui ont été colonises par la race Espagnole et dites moi, o\i vons pouvrez en tronver un autre qui, comme elle, a en les facnltés de créer de nonvelles civilisations? Partout, vous tvouverez le ge'uie de uotre civilisation, mais d'nn autre cóté, vous tronverez, que chaque colonisation porto son caractère spécial suivant l'element ethnograpbique indigene au territoire. Getto variation dans nos differontes colonisations nous est telleinent propro, qu'aucun autro peuple n'a pu arriver a la produire.

Mo basant sur ceci senl, je peux déja affirmer, que la nation Espagnole est, au point de vue ethnograpliique, la plns grande nation coionisatrice des temps modernes. Vu ses qualités ethnograpliique notre peuple a un des plus grands avantages pour la colonisation, et eet avantage il

-ocr page 19-

17

letientde son origiae Arabe, c'est de prévaloir par sa force et son energie quand il .se trouve en concurrence avec les races inferienres. La race est done nu des elements pricipaux dont nons devons tenir coinpte pour com-prendre la philosophic de notre histoire coloniale.

Cet element ethnographique est d'une si grande importance, que quoiqu'il ne suffise pas par lui-même a accomplir toute l'oeuvre de la colonisation, il y a des cas oü il y entre pour une telle part, et s'impose d'nne telle fa^on, qu'on dirait qu'il est suffisant.

Nous n'avous pas a aller loin pour trouvrer un exemple. Je veux parler de 1'Algerie, oü 1'element espagnol est envisage avec alarme par les Francais,

Entendez ce que je vais vous lire dans les oeuvres de Mr. Leroy Beaulieu, temoin qui ne peut pas ètre aoupconné de partialité envers les Espagnols:

z/La multiplication du uombre des Espagnols (en Algèrie) inspire des craintes a beanconp de publicistes et de politiques. Ou est tenté de nous appliquer le fameux dicton : Sic ros non vobis. Les conquête que nous faisons, les capitaux que nous prodiguons, d'autres en profitent, les Espagnols, les Italiens, L'Espagnoi, a t'crit un statisticien, est avant tout le colon né de notre Algérie. A l'appui de ces observations pessimistes ont fait remarqner qui de 1872 a 1876, le nombre des Espagnols s'est accru de 21,144, tandis ijue celui des Francais gagnait seulement 26.764. Or le chiffre initial des Francais était presque double de celui des Espagnols. Dans Ia période de 1876 a 1881, si les massacres de Saïda n'étaient intervenus, qui out fait refluer en Espagne une partie des immigrants de cette contrée, il

2

-ocr page 20-

18

est fort probable que raugmeutation du uombre des Espaguols aurait dépassé celle du nombre des Fran pais. Les ehiffres du recensement de 187G suffisent cependant anx previsions alarraantes. Dans le territoire civil de la province d'Oran les Francais ne comptaient que pour 43,510, tandis qn'il ne s'y trouvait pas raoins de 69,131 étrangers. En localisant encore d'avantage, dans I'arron-dissement d'Oran il y avait 45.107 étrangers, en grande raajorité Espagnols, contre 22.717 Francais.quot;

Pins éloquent encore que ce que vous venez d'entendre sont les statistiqnes du doctenr Beanfunié par lesqnelles nous pouvons faire une comparaison entre la race Es-pagnole et les autres races, qui se trouvent en concurrence vitale en Algérie. Snr chaque 1000 colons en Al-gérie, voici les decès et les naissance par ans.

Naissanees Decès

Espagnols.......46 .... 30

Maltais........ 44 .... 30,

Ttaliens ........ 39 ... 29

Francais.......41 .... 43

Allemands .... .. 31 .... 56

Tl se trouve en Algérie 135.000 Espagnols, 200.000 Francais et environs 80.000 habitants d'autres nation al ités. L'emigration et 1'immigration seules empêchent, done que I'Espagnol, soit la race dominante de 1'Algérie.

.Ie vous ai cité eet exemple, pour vous raontrer la vi-talité de notre race, hors de la mère patrie, element si essentiel a la colonisation. Mais il n'est pas le seul facteur dans notre colonisation ; j'ai a vous signaler main-tenant le facteur fondamental sur leqnel notre sysfèm colonial repose c'est: Le principe politique.

-ocr page 21-

19

Ce principe u'.a d'autre but cpie iea intéréts généraux de l'état, de rinimanité, dans le sens le pins large, dn mot auqnels tous les intéréts privés sont secondaires. Cenx qui cherchent dans tont systéme quot;l'utilité personnelle et immediate, ne peuvent facilement se rendre eompte de bnt gonverneiuental si elevé et il leur arrive ce qni est arrive a Adam Smith ; ils ne peuvent pas se penètrer do notre systéme colonial.

Dés le premier moment oü nous nous sommes fixus en Amérique et que par conséquent notre systéme commen-(,;ait ii se former on voit dans toutes les dispositions legislatives nn desinteressement si prononcé, qn'il n'estpas facile au premier moment de se rendre eompte du but. a moins que Ton ne se place an point de vue politique. Dés le premier moment, on voit l'état, jalonx de tous les élements individuels qui l'entourent, leur oèder aucnn privilege qui puisse d'ancune farou amoindrir son influence sur le nouveau territoire. On dirait que l'état agit avec la phis compléte conscience de ce qn'il n'a qn'une mission puremeut civilisatrice et non pour causer la richesse des individus ou des corporations qui tentent a s'imposer a Ini. Le but de l'état était de civi-liser, de lever le niveau intellectuel des habitants de ces contrés, et les conduire au progrés d'une civilisation qu'ils ne possédaient pas.

A coté de l'état, Fambition et Ia cnpidité des particu-liers s'agitaient ainsi que le prosélitisme du clergé et la fierté des conquérants. 11 snt resister a toutes les invasions que les uns et les antres voulaient faire dans le domaine de ses prerogatives.

Les principe politique du systéme colonial Espagnol se

-ocr page 22-

20

trouve tout entier contemi ilans la série des OrJenan-x a s reales, proraulguées par la couronne sur l'avis du Conseil Royal et suprème des ludes. Ces lois out été compilées sous le noms de L e y e s de I n d i a s en 1681, sous le rêgna de Charles II, le deruier des Habs-bourg en Bspagne.

Ce sont les Leyes de Indias cpi il laut etudier si on vent bien connaitre notre système colonial. On pent dire que l'esprit general de toutes ces lois est ton-jours le même; celui de la civilisation.

C'est dans I'ecole, la corainnne et l'église, que notre système trouve ses trois points d'appui fondamentanx pour communiquer la civilisation aux peuples gonvernes.

La première chose était de proteger les indigenes eontre la rapacité des uns et des autres et d'en faire les égaux des Espagnols. Ces lois mettent des barrières infranchis-sables eontre les attaques sur 1'etat et elles égalisent anssi la position de 1'indigène et de l'Espagnol, au lieu de faire d'eux une race privilegiee et une race desheritce, qui, sui-vant une phrase classique, ne ponrrait jamais s'assoir au grand banquet de riuiraanité.

Nous avons nommé les trois bases du système colonial espagnol: Tenseignement, 1'ad ministration et la religion. Presque toutes les lois des Indes out été faites pour fortifier ces grands leviers de la civilisation, ces grauds principes de notre colonisation. Ces lois sont faites avec une telle sagesse que 1'on y a pris les plus grandes precautions pour que ni I'ecole ni 1'ad ministration ni l'eglise ne dépasse sa sphere d'action, comme il a été si souvent le cas avec le clergé, qui, plus d'une fois, essaya d'etablir une préponderance absolue et d'implanter un

-ocr page 23-

21

régime tont it fait théocrutique, coiume le voulait, Las Casus. L'étit sa^ait ténir compte de l'importauce de l'église daus l'oeuvre de la colonisatiou, mais il u'iguo-roit pas, qu'il s'exposait a des dangers s'il admettait uu clergé trop preponderant. La couroiine mit douc le clergé dans la dependence la plus absolue par lepatronuge royal, par lequel le Roi devenait le seul chef veritable de l'eglise anx Indes.

Un des défensenrs les plus jaloux de cette suprêmaoie c'etait précisement Philip II. Voici la loi qui s'y rapporte:

„Vu que le droit de patronage éclesiastique Nous ap-„partient absolument dans tous les états des Indes, aussi ,/bieu parceque ces nouveaux moudes ont été découverts „et conquis et que Ton y a bati et doté des eglises et „des mouastères a uos frais, et a ceux de Sieurs les „Rois Catholiqucs nos prédecesseurs ; ainsi que parcequ'il „nous a été donné des bulles par les grands Pontifs de ,/propria motu pour sa conservation et pour „exercer la justice qui nous y incombe. Nous „ordonnons que ce droit de patronage dans les „Indes, unique et in s o 1 i d u m soit toujours reservé ii ,/Nous et a Notre couronne royale de laquelle elle ne „pourra jamais être detachée ni en totalité ni en partie „etc. etc.

II menace de peines terribles „toute personne laïque „on éclesiastique, ordre on convent, religion on communauté „peu n'importe quel etat, condition, qualité on position „judiciaire ou extrajudiciaire, dans n'importe quelle condition „ou pour quelqne cause, qu'elle ait osé se mêler des affaires „qui out rapport ou susdit patronage royal eclesiastique.quot;

(Vide Ley. I. Lib. I. Tit. G.).

-ocr page 24-

22

Les lois des ludes se préoccupeut tortement de la conversion des Indiens au Christiauisme, mais elles ne per-niette ut pas qu'on se serve de moyens violents, mais senlement de la persuasion ; et lorsque le clergé, trop zelé, veut aecélérer cette conversion par des moyens de l'inquisition, il se heurte contre des lois aussi politiques que celle qui portent le numero IV dans la compilation dans laquelle il leur est absolument iuterdit d'employer la force avec les indiens iniidèles, on recommande au contraire la plus grande douceur et on essaye de les attirer par des fêtes et de bons traitements ii des endroits on il se trouvent d'autres indieus convertis. //Afin que //una fois tons réunis, on pnisse leur précher la doctrine //chrétienne; et qu'ils puissent l'entendre avec une plus ,/grande veneration et admiration, qu'ils (les prêtres) soieut //revetus ou moins de l'anbe ou du surplis avec le stolle //et la sainte croix entre les maius, et que les chretiens //s'y trouvent dans le plus grand receuillemeut et avec la ,/plus grande veneration, pour que les indigenes infideles ,/désirent les imiter et être aussi enseignés. Et si I'ou //Croyait, que ce serait utile, on pourrait, pour augmenter //I'admiration et I'attention, employer la musique d'artistes ,/et de chanteurSj afin de causer des reunions d'Indiens et /lt;par ces moyens les faire sortir de leur état barbare, les z/adoucir, les pacifier et attirer ceux qui se trouvent en (/guerre avec nous. Et que par ces moyeus et tout autres //inoyens aussi convenables, le clergé s'efforce de pacifier ,/et de convertir les naturels de faijon a ce qu'ils ne ,/puissent soutt'rir aucun mal, eu aucune fafon et en aucu-„ne occasion; car tout ce que nous désirons c'est leur ,/bieu et leur conversion.quot;

-ocr page 25-

23

Cette ordonance eminieiiient politique et tolerante, est sigué par Ie rol Philip II le 13 Juillet 1573, au mo-meut menie oü dans ces pays ui il moutrait l'intransi-gence la plus féroce. Ce document avec bien d'autres, dec-retés par lui pour les ludes, sout uue preuve pour les historiens de ce que Philip 11 u'est pas encore suffisa-inent counu, si on veut voir dans ses actes sou caractère personnel. — Aux Indes et en Europe, il a toujours été guide par des calculs et des intéréts dynastiques ou poli tiques.

Vous pouvez juger par vous mêmes, Messieurs, qu'elle est l'esprit general de ces Lois des Indes. Eu même temps qu'eües indiquaient les moyens a employer dans une grande colonisation, elles formaient par elles mêmes, une digue a laquelle se heurtèrent le particularisme, ainsi que les maux et les abus qui existent toujours a une telle période historique.

11 est curieux de voir comment dans toutes ces lois, les intéréts privés de toutes sortes restent subordonnés an but supérieur que l'Etat se propose d'atteindre. La con-stauce de ces lois est due en grande partie a la nature de la constitution dn conseil que le Roi avait auprès de lui, pour toutes les affaires colouiales, le Conseil Royal et suprème des Indes. Ce Conseil fonctionnait depuis 1511 et la majorité des membres, élait des jurisconsultes, des hommes loin de l'arène des luttes et qui s'inspiraient dcnc plutót des idéés humanitaires et de justice, que de motifs de béuéfices ou d'intéröts personnels. Cette cir-constauce vous explique 1'uniformité du plan politique des Lois des Indes.

En outre, la couronue cousidérait que le gouvernement

-ocr page 26-

24

et la legislation des linies lui appartenait absolument, parceque o'était elle qui tlevait réaliser 1'oeuvre de la civilisatiou du Nouveau Monde. Nos rois se disaient: liois des ludes, Reyes de las ludias.et Rois des Espag-ue.s, Reyes de las Espanas. Ils se cousidéraient comme gardiens des prerogatives de ces territoires et se raou-trèreut jaloux de tout personalisme et de tout particularisme, même chez les grands conquérants comme Colonib, Cortes et Balboa, auquels ils crureut nécessaires d'envoyer les émissaires Bobadilla, Meudoza ei Pedrarias, pour leur rappeler leur dependence.

Vous comprendrez facilement maintenant, Messieurs, qu'il était incompatible avec uotre système, qu'il y eut des compagnies mercautiles. Non seulement l'Etat n'avait pas besoin d'avoir recours ïi l'entreprise privée, pour coloniser les pays découverts et conquis; mais il aurait consideré la moindre concession de ce genre, comme portant atteinte a ses plus hautes prerogatives et contraire a la mission civilisatrice ii laijuelle il se croyait appelé.

Le but constant de la conronne de Castille était d'accélérer par tous les moyens possibles l'éducation morale et intellectuelle des naturels du nouveau monde. Au lieu de les livrer demi-sauvages encore a la merci de la cupidité des exploiteurs, l'état les prend en tutelle et déclare nuls et invalides tous les coutrats dont'ils auraient pu être dupes. De tont coté il repend la lumière de l'instruction comme la meilleure de toutes les garanties et comme le moyen le plus sur pour avan-cer dans le chemin du progès et de la civilisation.

Je venx. Messieurs, vous lire une loi, de laquelle, je vous prie de remarqeur le contenu et la date, car elle procédé

-ocr page 27-

25

dn grand Empereur Charles Quint, en 1551 et decrète la formation de deux Universites:

z/Pour servir Dien notre maitre et le bien public de z/nos royaumes, il convient que nos vassaux, sujets et „naturels y aient des Üniversités et etablissements d'études //generales, oü ils puissent s'instruire et gradaer dans ,/toiites les facultés. Et par le grand amour et affection ,/que nous portons a nos royaumes des Indes, que Nous „désirons honorer et f'avoriser en exilant les tenêbres de //l'ignorance, Nous créons, fondons et construisons dans la z/ville de Lima du royaume du Pérou et dans la ville de z/Mexique, dans la Xouvelle Espagne, des üniversités et „études générales; et Nous le considerons bon et accor-„dons a toutes les person nes qui auront été gradué a ces „üniversités la jouissance dans nos Indes, Hes et Con-,/tinents de FOeean, de toutes les libertés et avantages z/dont jouissent daus ce Royaume ceux qui viennent de z/l'üniversité et études de Salamanca.

II est impossible, Messieurs, de trouver dans l'histoire de la colonisation d'aucun peuple un document aussi glorieux que celui que nous venons de citer. Mais il y a encore quelque chose de plus important que Tétablissement de ces üniversités dans nos colonies, c'est le soin que Ton a mis d'empêcher que l'enseignement ne tombat exclusivement entre les mains des prêtres. En effet, c'est Philip II encore, qui est l'auteur des lois qui doivent y rémedier. (Le y VI, et LIL Lib. I. Tit. 22) en faisaut que les recteurs de ces üniversités soient, tour a tour, une année laïque et une aunée ecle-siastique et déclarant nuls et sans valeur les grades confèrés par le Collége de la Compagnie de Jesus.

Je crois qu'il suffit, de ce que nous avous dit, pour que

-ocr page 28-

26

vous puissiez vous former une idéé de nos Lois des [ndes.

Si aux principes politiques contenus daus ces lois, vous ajoutez les qualités etbuographiques que nous avous d'abord sigualées, et que vous appliquez Taction de ces deux facteurs aux pays conquis, vous aurez, Messieurs, uue explication de tout uotre système colonial. Ceci peut se résu-mer ainsi; l'origiue sémitique de notre race et l'esprit politique de notre code des ludes.

Notre oeuvre colonisatrice étant arrivé a son terme nous pouvons examiner froidement toute la portee qu'elle a ene. Vous me permettrez done de vous dire qu'en la coutemplant il est parfaitement légitime pour tout Es-pagnol, de sentir battre sou coeur de fierté et que c'ost avec satisfaction qu'il porte sa vue sur ['immense con-tient Americain, peuplé par cette quantité de nations civilisées, qui sons leurs differents drapeaux, conserveut ce qu'ils ent de nous. Nous nous y retrouvons nous meines, nous y parlous notre langue, nous y pratiquons uotre religion, nous y suivons nos propres lois. De quel pou-voir n'-at-il pas fallu qu'un peuplé soit imbu pour arri-ver a un tel résultat. Si nous avons eu des Eroillas et des Camoens pour immortaliser les gloires de nos con-quêtes, il faudrait un autre Homère pour chanter cette grande epopée de la civilisation.

Si l'Espagne est arrivée a un aussi grand re.sultat, comme celui de donner au monde et a la civilisation un nombre si important de natioualités elle le doit exclusi-vements a ses grands dons colonisateurs. Ces nombreux foyers de la culture qui n'ont pas encore atteint tout le developpement dont ils sont capables arriveront dès qu'il pourront épanouir tons les germes de civilisation

-ocr page 29-

27

qui se trouvent eu état latent daiis la période que ces peuples traversent eu ce moment. Quoique ces peuples se trouvent encore dans les premières aunées de leur vie autononiique, l'humanité a. déja oueilli chez eux bien des fruits clans les champs des arts, de la science et de l'histoire.

La suoeriorité, du système colonial Espagnol consiste done en ce qu'il est entièrement politique et qu'il se tient a l'écart de tout ce qui est mercantil. Je ne voudrais pas que mes paroles vons fassent croire que je suis un enemi declare des tendences mércantiles, au contraire, je suis le premier a reconnaitre tonte ['importance qu'a le commerce dans la vie des peuples mais cela n'empêche pas que je trouve que dans les colonisations celle qui se fait d'une manière mercantile est inférieure a celle qui est purement politique.

L'histoire nous prouve en outre que la oü il s'etablit une colonie mercantile une nouvelle nation ne se developpe que trés rarement, fait coustaté par Roscher et d'autres ecrivains en matière coloniale. Par contre une colonie politique ne developpe pas senlement uu peuple qui peut exister de lui même mais qui arrive a uu moment a présenter les avantages materiels d'une colonie mercantile. Comme preuve on n'a qu'a voir rimportance commerciale des pays qui n'ont été au commeucement que des colonies purement politiques. lis nous presentent le chiff're énorme de 4,482.467.000 francs de mouvement commercial.

Quel meilleur argument puis — je vous offrir !

II est done bien evident qu'un système coloniale politique n'est pas un obstacle a la richesse mercantile d'une colonie, mais que plutót au contraire c'est le seul

-ocr page 30-

28

suplème qui eu déyeloppant la force totale du pays le met a même de se consacrer avec plus d'iutelligence et de superiorite a exploiter les sources de richesses qu'il possêde. De quelque manière du reste que 1'ou compare le système politique et le système mercautile, ce deruier restera toujours inférieur au poiut de vue de la justice et de l'humanité.

Faisous uue brève comparaison eutre cee deux systèmes comme nous les voyons representés par les deux peuples: les Espagnols et les Anglais. Disons d'abord que ces peuples ue choisissent pas le système qu'ils adoptent et que leurs tendences ue sout pas dües a leur vouloir ear ils y sont contraints par leur nature même et leur idios-cyncratie.

Mon but, en faisant eette comparaison, est de faire resortir la difference qui existe eutre les deux colonisations et non pour exposer des theories.

Dans la colonisation, comme elle a été entreprise par les deux nations vous voyons avant tout les differences des deux races. La race Espagnole se fond avec l'indi-gène et forme par ce croisemeut un peuple tout a fait nouveau. On remarque aussi en elle la trés grande faci-lité avec laquelle elle s'adapte partout. On pourrait dire que pour elle : o m n e solum forti p a t r i a est, ut piscitur equor. La race anglaise au contraire ne s'adapte pas aux changements de sol, elle reste toujours la même 011 peut dire d'elle : coelum non animum mutant qui trans mare currant.

Pour l'Anglais en Amérique, en Australië et partout, l'indigène n'est non seulement pas un élément de fusion pour sa race; mais au contraire il voit en lui un obsta-

-ocr page 31-

29

cle ii ses plans uolouisateurs. Duns les uouvelles contrées oil il se iixe il fait mie application tie l'aucien principe hospes, hostis. Ce principe est tellemeut iustmctit aux Anglais que même Lord Bacon signalait comme idéa^ de colonisation, comme desideratum, un territoire oü il n'y aurait aucune race indigene et que par conséquent on n'aurait pas a les extirper. Mais ceci qui n'a i'té que 1'expression d'im désir, la race anglaise a cherclier a le réaliser, le plus possible. L'Anglais ne se lie done pas aux indigenes, ne se croise pas avec eux et les exclue de la vie coloniale, agissant comme s'ils u'existaient pas et f'aisant son possible pour que ce soit ainsi.

Ceux qui sont nés dans les colonies anglaises sont aussi anglais que s'ils etaient venus au monde a Lon-dres, et ils en conservent les caractères. La colonisation auglaise done, sous le rapport de la race est simplemeut uu changement de lieu et nou d'idées, et encore moins de sang. La colonisation n'a pas servi ïi la race Anglo-Saxonne ïi modifier d'autres races et, sauf les constitutions moditiées des milieux oü ils se trouvent, leur nombre reste le même que s'ils u'avaient pas quittés la mère patrie.

Le colon anglais ne fait que se déplacer, saus subir lui-même un changement d'importance. II emporte avec lui les lois et les droits de sa patrie, le c o m m o n law le suit partout. L'Espagnol, au contraire, qui quittait la peninsule, savait qu'il laissait tout derrière lui et qu'ïi l'avenir il avait a se tenir et ii se soumettre aux lois des Indes, ainsi que le faisaient les naturels du pays oü il allait vivre.

II y a cependant des pays oü les Anglais se trouvent en face d'un nombre si considerable de naturels, qu'ils ne peuvent pas en ignorer la presence, mais alors en les

-ocr page 32-

30

admettant ilaus la viu coloniale, ils leurs designent une place inférieure, et uiettent eutrc le conquéraut et le coiiquis nne barrière iufraucliissable. II y a toujours 1'administration de la justice, qui difiêre pour les deux races et les tient toujours ïi part. C'est ce que nous voyons aux Indes Anglaises, dent la colonisation est nne des plus graudes anomalies de l'histoire, ainsi c|ue le dit 'Cotton et Payne. The connection between England an India is a political anomaly that has no parallel in history (Le rapport qui existe entre l'Angletterre et les Indes est une anomalie qui n'a pas son pendant dans rhistoire.)

Si maintenant des races, nous passons a 1'exanien des systèmes eux luêmes, nous y remarquerons des differences encore plus grandes. La colonisation n'a pas d'autre-but que le mercantile. Ceci a toujours etc sontenu par les ecrivains anglais et execute par ce peuple. An dernier sciècle Lord Sheffield disait. The only use of American colonies orWest-India islands is the monopoly of their consumption and the carriage of their produce (le sen! avantage que nous tirons de nos colonies de TAmerique et des iles des Indes occidentales, c'est le monopole de leur consomation et du transport de leurs produits.)

Ce système mercantile produit necessairenient des privileges an profit des compagnies auxquelles on livre toute la gestion des colonies et par conséquent les prerogatives de l'Etat.

Dans le système Espagnol eet abandon de hi part de l'Etat de ses prerogatives, était tout a fait impossible. Quel-ques écrivains ont commis l'érreur incomprehensible de

-ocr page 33-

31

dire, que la celebre Casu, de coutracion de S e v i 11 a resemblait aux compagnies des Iiides. La Casa de coutrataciou u'etait. Messieurs, qu'uu tribunal, une Real Audiencia, coraposée d'uu president, six juges, uu procureur, uu trésorier et un comptable dont 1» mission était de juger les iitiges' de régler tout affaire ayant rapport aux Colonies. Ce tribunal était soumis, en tout, au Conseil Royal des ludes, et par conséquent aussi a, la couroune de Castillt. Rien dans la constitution de cette Casa no resemble aux Compagnies, mais au contraire son existence et ses statuts sont une autre preuve dn soin politique que la couronue mettait a toutes les affaires coloniales.

Dans le système colonial Anglais, nous voyons l'état abandonuer ses plus hauts droits an profit de Compagnies d'exploitation qui devaieut, par leur. nature même, exagerer la tendence mercantile dn svstèmo. II sera done impossible de trouver dans l'liistoire des Colonies Anglaises des principes politiques et bien moins encore des propos aussi élevés que ceux contenus dans rordonnance de Charles V, que j'ai en I'honneur de vous lire.

Nons ne trouvons done, ni dans la race, ni dans la legislation dn peuple Anglais, ce qu'il faut pour créer de nouveaux peuples et de uouvelles civilisations. Ses colonics ne servent qu'a I'exploitation mercantile et ue produs-sent au point de vue de rhumauité aucun changement. Si vous voulez me permettre de résumer en un mot les avautages des deux systèmes, je dirai que, celui des Anglais realise nu progrès topograph ique, celui des Espaguols un progrès psychologique.

Sir Standford Raffles disait: Our object is not

-ocr page 34-

32

territory but trade, („uotre but u'est pus la couquète mais le commercequot;) voila le système Anglais; uous disous: uotre objet (but) u'est pas I'iuteret mais la civilisation, voila le système Espaguol.

Nous avous déja sigualé la difl'ereuce entre les colonies juercantiles et politiques. Nous voulous cependaut avant de terminer consacrer quelques remarqnes au systèmehollandais.

Ce système, quoiqu'il rentre nécéssairement dans une des deux classes de colonies que nous avous ótablies, a cependaut certains caractères, qui lui sont propres, et qui uecessitent une consideration speciale.

Dans votre première periode, Messieurs, on n'y voit rien qui ne aoit absolument mercantille. Privilèges, mouopoles, compagnies tout enfln qui caracterise le système mercantille. Dans la seconde periode, qui commence avec votre grand Van Buscli eu 1825 on remarque une tendance (yès singulière et trés appreciable. Je ne vous dirai pas, qu'elle soit la base d'nn système politique colonial, ni qu'il vous servira a fonder une future civilisation, mais vous réaiisez au moins un but pbilantropique.

Je m'explique: Le Hollandais eomme colon ne se mêle pas eomme TEspagnol avec la race indigene du territoire qui lui appartient, mais d un autre cote il ne le chasse pas et ne Texclut, pas eomme le fait I'Anglais. La cause de ceci est a chercher soit en ce que les colons ne sout pas iissez nombreux poiir former une race dans la colonic, ou peut-être, et ceci me parrait le plus probable, par raison de sou tempérament calme et ses sentiments humanitaires.

Le Hollandais u'est pas 1'enuemi de 1'indigène mais au contraire il lui facilite la realisation de toutes ses aspirations, et l'eutoure de tous les moyeus nécessaires a son deve-

-ocr page 35-

33

lopperaent. Toiite votre rêgle de conduite envers les naturels, est contenue dans les mots de votre savant pro-fesseur, mou ami, Monsieur Van der Lith : «N u I p e n-ple n'a iedroit d'imposer ses idees et ses institutions ïi moins qu'il n'y soit oblige par les besoins de se eonserver, on a la suite de ces idéés élémentaires de morale, qui sont accep-tées par tons dans le monde civilisé.quot;

Vous respectez avec une f'erveur réligieuse les institutions des races que vous dominez, et n'osez pas même leur imposer votre code. Vous procédez avec la plus grande prudence, et vous gouvernez les indigenes par les lois, que vous avez trouvées chez eux. Vous avez ajonté a leurs movens de vivre, vous avez enlevé les obstacles qui empêchaient leur developpement. En un mot vous avez centuplé les moyens de conservation de l'indigène dans sa lutte pour l'existence. Ainsi il y avait a Java en 1824 un peu audela de six millions d'habitants et ansourd'hui ce chiffre dépasse vingt millions.

Dans un demi sciècle environ vous avez vu tripier le nombre de naturels de votre principale colonie. Vous avez realise l'iutention noble de Van den Bosch qui a dit en 1831: Ik wil het lot van den gemeenen Ja vaan ver z ach te u. (//Je veux adoucir le sort du simple Javanais.quot;) L'humanit(', Messieurs, doit vous étre reconnaissante pour ce que vous avez fait pour une de ses races.

Vous voyez comment j'ai pu qualifier votre système comme philantropiqne. Votre système seraitdonc un système modèle pour le peuples coionisatenrs, (jui n'ont pas les elements necessaires pour se mêler aux races indigenes.

-ocr page 36-

34

Si on le considère corame systèrae de civilisation en general, il se prête ti tontes les objections que 1'on peut faire anx systèmes qui ne sont pas pnrement politiques, comrae le système Espagnol, qui peut par exemple vous présenter ses resultats aux Ties Pliilipines.

La nature des cette Colonie Espagnole est presque la

même que celle de vos possessions dans 1'Archipel Malay, et

pourtant dans le notre, il n'y a que 1'esprit de la civilisation moderne. La langue Espagnole y est universelle, la justice est la même pour tous, et la religion est celle d'un peuple civilisé. Oeci est dü a notre race et a nos

lois des Indes.

Vous de votre cóté vous avez fait tont ce qu'il vous a été possible, et comme système, et comrae technique, vons pouvez être snrs d'avoir les hommages de tous les

hommes impartiaux.

II y a pourtant nn danger dans tonte votre colonisation que je crois devoir vous signaler en homme loyal. Vous vous occupez ti fortifier la vie d'une plante valetn-dinaire et exotique, qui se flétrissait, pour céder sa place a d'antres plus fraiches plus vigoureuses. Proches a tomber, vous l'arrosez nvec la sève dn progrès pour la faire revivre. Que la fortune veuille qu'en gagnant de nouvelles forces, cette plante, dans sa splendeur, ne deasèche pas, sous l'ombre de son feuillage, les frêles tiges, que vous avez transplantées dans ces parages.

Messieurs, me voici a la fin de ma tache et je vais terminer.

J'ai fait tout ce qne j'ai pu pour vous exposer le système de la Colonisation Espagnole. Vous comprendrez que je me sois servi parfois d'expressions nn pen trop

-ocr page 37-

35

enthousiastes ces expressions, vons voudrez hien les par-donner a quelqu'uu, qui est aussi convaiucu, qne je Ie suis, de la grandeur de ce système, et qui n la male chance de se heurter a tont d'opinions coutraires.

En considéraut les peuples ainsi que les individus les vulgaires, ne les admireut, qn'autant qu'ils sont favorisés par la fortune. Mais une nation, coninie la nation es-pagnole, qui représente avec tant d'éclat le principe colo-nisateur, aurait-elle des moments d'eclipses, n'en mérite pas moins d'attirer 1'attention de l'historien.

L'Espagne, placée a l'extrême Occident de 1'Europe, semble avoir une mission historique, en harmonie avec sa position geographique. Nous ne savons pas ce que l'ave-nir lui réserve. Ce n'est qu'a présent qu'elle commence a sortir de la prostration dans la quelle elle était tom-bée, par le malheur des temps. Elle regague le chemin dans lequel elle a été distancée par les autres peuples de l'Enrope. Elle semble se preparer convenablement, pour la nouvelle ère, que nous tons voyons s'approcher. Si c'est ainsi, qne Dien veuille que son influence a cette époque soit si grandiose et aussi humanitaire qu'elle I'a été au commencement du moyen age avec sa civilisation Arabe et au commencement de l'age moderne, avec la déconverte du Nouveau Monde.

-ocr page 38-
-ocr page 39-
-ocr page 40-