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RlJKSUNIVltSITEIT
U T R e C H T.
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LE PROBLÈME DE LA JURIDICTION SUPREME.
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le problème de la
juridiction suprême
TER VERKRIJGING VAN DEN GRAAD VAN
DOCTOR IN DE RECHTSGELEERDHEID AAN
DE RIJKS-UNIVERSITEIT TE UTRECHT. OP
GEZAG VAN DEN RECTOR-MAGNIFICUS
Mr. C. W. STAR BUSMAN N. HOOG-
LEERAAR IN DE FACULTEIT DER RECHTS-
GELEERDHEID, VOLGENS BESLUIT VAN DEN
SENAAT DER UNIVERSITEIT TEGEN DE
BEDENKINGEN VAN DE FACULTEIT DER
RECHTSGELEERDHEID TE VERDEDIGEN OP
VRIJDAG 1 JUNI 1934. DES NAMIDDAGS TE
3 UUR
DOOR
GEBOREN TE ROTTERDAM
KEMINK EN ZOON N.V. — OVER DEN DOM — UTRECHT
BIBLIOTHEEK DER
RUKSUNIVtlïSITEIT
U T R É C H T.
AAN MI]N OUDERS
-ocr page 10- -ocr page 11-PRÉFACE.
Une thèse est-elle une profession de foi scientifique ou bien
l'analyse minutieuse d'une question quelconque? Est-elle la con-
clusion de l'éducation académique ou l'inauguration d'une période
nouvelle, libre de la contrainte universitaire?
Quelle que soit la réponse, soutenir une thèse, cela veut dire
se souvenir des maîtres qui nous ont appris les connaissances ac-
quises et nous ont préparés à les approfondir. C'est pour cela. Mes-
sieurs les professeurs de la Faculté de Droit ainsi que les Mes-
sieurs les anciens professeurs MM. Naber et Suyling que je demande
la permission de rendre hommage à votre enseignement. Si je n'ai
pas eu l'honneur d'avoir eu un contact personnel avec chacun d'entre
vous, pourtant votre exemple m'a été et me restera une stimulation
de vénérer l'Université d'Utrecht.
Permettez-moi de nommer spécialement M. le professeur Rengers
Hora Siccama qui dès ses premiers cours que j'eus l'avantage
de suivre, devint un de mes principaux guides spirituels. Vous,
monsieur le professeur, vous avez donné à vos élèves à la fois
l'esprit historique et l'idée philosophique. Grâce à votre inspiration
et à votre aide j'ai pu entamer le sujet de ma thèse et je vous
remercie respectueusement de tout ce que vous avez bien voulu
faire pour moi.
Il me serait impossible de témoigner ma reconnaissance à tous
ceux qui m'ont assisté dans mes recherches.
Mon désir étant de n'oublier aucun de ceux qui me témoignèrent
leur intérêt, qu'il me soit permis de nommer les noms suivants:
MM. les professeurs Lévy-Ullmann, et Olivier-Martin de la Fa-
culté de Droit de l'Université de Paris, M. le procureur général près
la Cour de Cassation Paul Matter, M. le professeur Lemaire de
l'Institut catholique, M. le professeur R. W. Lee de l'Université
d'Oxford ainsi que M. le professeur Ernst Heymann de l'Université
de Berlin.
Je veux également attester ma gratitude envers ceux qui m'ont
facilité les enquêtes bibliographiques, parmi lesquels je nom-
merai: M. Saleilles de la Bibliothèque de la Faculté de Droit à
Paris, M. Severn de la Gray's Inn Library, et M. Schulz, directeur
de la Bibliothèque de la Cour Impériale à Leipsic ainsi que le
personnel de la Bibliothèque Nationale et de la Bibliothèque Ste-Ge-
neviève à Paris, du Reading Room of the British Museum, de la
Staatsbibliothek à Berlin, des Bibliothèques universitaires à Berlin
et à Leipsic, de la Bibliothèque Royale et de la Bibliothèque du
Palais de la Paix à la Haye.
INTRODUCTION.
§ 1 Le sujet de i etude présente. § 2 Les rapports mutuels entre le développe-
ment historique des pays examinés. § 3 Justification de la méthode adoptée.
§ 4 Exclusion de la comparaison de jurisprudence. § 5 Les difficultés de la
méthode historique. § 6 L'emploi des mots et leur signification. § 7 La valeur
du droit comparé. § 8 Exclusion du droit des gens. § 9 Le caractère de l'ouvrage.
§ 1. L'étude suivante veut être un examen du problème de la
juridiction suprême d'un double point de vue. Dans la première
partie elle tâchera d'élucider le développement historique de la
juridiction suprême dans quelques pays de l'Europe i) tandis que
dans la deuxième partie elle essayera de systématiser les résultats
historiques et de les générahser du point de vue dogmatique.
Par conséquent le mot: ,.juridiction suprêmequot; est employé dans
ses deux sens: sa signification d'organe décidant en dernière in-
stance les confhts juridiques d'un certain territoire est la base
de l'examen historique, sa signification fonctionnelle de fixer irré-
vocablement la solution de conflits juridiques 2 ) est le sujet de
la deuxième partie. La tâche semblera peut-être trop vaste pour
que nous puissions nous en acquitter dans une thèse académique,
^t nous avouons dès maintenant que nous n'avons pas réussi
comme il faudrait, mais pourtant nous avons cru pouvoir légitime-
ment entamer le sujet quelques grandes que fûssent les objections
contre son étendue.
§ 2. Un ouvrage comme le présent doit nécessairement continuer
1 ) Le choix a été plus ou moins déterminé par un voyage d'étude que nous
avons eu le privilège de faire. Pourtant on verra plus tard qu'il y a aussi
des raisons historiques qui nous ont conduits à traiter le sujet tel que
nous l'avons fait.
2) Nous reconnaissons que ces termes sont assez vagues mais nous les
préciserons dans la deuxième partie.
de construire sur ce qui a été fait 3) et employer les résultat d autres
livres II essaye de résumer ce qui a été publie séparément.
Squot; fet la connexité des institutions des différents pays de
rEu^op a été. selon nous, souvent négligée. On a trop oub .
a^au moyen.âge les relations et les influences mutuelles des tern-
aires Tient non moins et peut-être encore plus grandes qua
Îh^ure actuelle malgré l'absence de moyens de communication
%tsTeurs causes l'expliquent: D'abord l'idée de la catholicitéquot;
de 1 dent ne s'était pas encore affaiblie par la Reformation^ce
n'est qu'à la fin du quinzième siècle que l'état individualiste mo-
derne prendra naissance t).nbsp;^„mme
Ensuite, les juristes, attachés au consed souverain, qui, comme
nous le verrons plus loin (II§ 4, § 8, II § 4, § 8, III § 3, § 5 IV § 4.
V% 7 II Intr. § 6 et 7). ont contribué le plus à la formation mo-
derne ' des institutions gouvernementales, avaient, presque sans
exception, reçu leur éducation dans un de ces centres internatio-
Taux'par excellence, qui étaient les universités du -y^
restaient par conséquent en relation avec les idees de leurs amis
lersitaires quand ils retournaient dans leur pays natal. Tous^
imprégnés des mêmes conceptions acquises a 1 universite et en
premiL lieu de celles du droit romain, ils les appliquaient
chacun dans sa fonction particuhère. aux situations de leur ter
ritoirc ^ ).
Par ces phénomènes, qui seront prouvés dans la première partie,
nous nous croyions justifiés, en montrant des paralleles parfois
frappants, de tirer des conclusions générales relatives au develop-
pemLt du problème pour lequel nous avons demande 1 attention
la preuve était facilitée par le fait que le développement ne s est
pas accompli sur le même rythme dans les pays étudies. La ou
Je lien entre le présent et le passé n'a été brisé à aucun moment )
3)nbsp;Comp. Ross p. V: Jedes Geschlecht musz an der Stelle seine Arbeit
aufnehmen, wo es sie findet.
4)nbsp;Hintze Ent. 58 e.s.
5)nbsp;Comp. Walther B.Z.B. 191.
6)nbsp;L'Angleterre: Glasson I 44.
-ocr page 15-pouvaient être trouvé plus facilement les causes de l'existence d'in-
stitutions qui dans des pays, comme la France, où l'on avait pensé
pouvoir rompre avec le passé, étaient difficilement explicables ^ ).
§ 3. Le grand désavantage de cette méthode est qu'on doit se
fier aux données d'autrui sans pouvoir les contrôler suffisamment s).
Pourtant, la multitude des publications, leur contrôle réciproque,
1 analogie dans le développement du problème dans les différents
pays étaient autant de raisons qui nous inspirèrent la méthode
adoptée.
D'ailleurs il nous a semblé qu'un résumé pourrait être utile
attendu qu'on avait déjà projeté sur le problème de la juridiction
suprême diverses lumières.
Quant à la description du développement historique, il y a,
outre les nombreux ouvrages sur l'histoire de l'organe juridique
suprême d'un pays spécial, des livres comme celui de Calamandrei
(première partie) qui donnent un aperçu historique général du
problème 9). Dans d'autres livres soit de procédure lo), soit traitant
un sujet historique spécial n), on mentionne incidemment des ana-
logies avec d'autres pays.
Quelqu'abondante que fût la littérature consultée 12). nous
n avons pas pu adopter la même méthode pour la description de
1 organe judiciaire des quatre pays examinés. Ainsi l'aperçu his-
torique sur la France en référera plus aux livres faisant autorité
sur la question que celui sur les Pays-Bas, parce que les recherches
7)nbsp;Comp. Hintze 56: ,,Manche von den englischen Besonderheiten sind . . .
„für eine vergleichende historische Betrachtung besonders wertvoll, indem
..sie sich nämlich als historische Reliquien darstellen zu denen wir
„manches Seitenstück in den früheren Entwicklungsstudien der kon-
..tinentalen Zentralbehörden aufweisen können.quot; Comp. Baldwin 6.
8)nbsp;Ainsi nous nous sommes bornés en général à consulter des livres im-
primés sans faire des recherches d'archives.
9)nbsp;Al exception des pays anglo-saxons.
'0) Par ex. Harrasowsky et Magnus.
11)nbsp;Par. ex. Walther.
12)nbsp;Nous nous sommes bornés à donner une bibliographie alphabétique à la
fin de l'ouvrage dans l'opinion que les notes de chaque chapitre formaient
une bibliographie systématique suffisante.
françaises ont progressé beaucoup plus que celles sur les organes
centraux néerlandais i^).
Egalement plusieurs livres ont paru examinant la jundict.on
suprême du point de vue dogmatique 14) de même qu il y a plu-
slTurs ouvrages soit de philosophie de droit X5) soit des mono-
graphies sur les nombreuses questions que le problème de la jun-
ction suprême soulève de sorte qu'également dans la deuxieme
partie nous avons pu nous orienter suffisamment.
S 4 Le fonctionnement concret de la juridiction suprême ou
plus exactement la jurisprudence de la cour suprême sur la déhmi-
Ltion de son activité est traitée très amplement pour plusieurs
paysiT). Comparer et résumer les résultats de ces conceptions dif-
férentes sur la fonction de la cour suprême, comme elles se mani-
festent dans la jurisprudence aûrait pu être une matière convenable
pour le titre de cette thèse. Pourtant nous y avons renonce parce
qu'il nous semblait qu'il faudrait une connaissance si approfondie
des systèmes juridiques, de la législation et de la doctrine des
pays examinés qu'elle eût dépassé nos forces. En outre il serait
Lngereux de conclure à des analogies ou des contrastes mutuels
de la jurisprudence sur le même point attendu qu on ne pourrait
jamais contrôler suffisamment l'application et le développement de
règles apparemment identiques.
C'est pour cela que nous avons préféré traiter la partie dog-
matique d'une façon plus abstraite tout en nous référant aux
règles positives de chaque pays, quand cela paraissait nécessaire.
13)nbsp;La manière de citer des livres sera également différente selon la richesse
de littérature sur la question traitée.
14)nbsp;Par. ex. de la Grasserie, Calamandrei {2e partie).
15)nbsp;Par. ex. Ross.
16)nbsp;Par ex. Boyens dans 25 jahre R. G.; Wach.
17)nbsp;Par ex. l'Allemagne: Manigk dans Reichsgerichts-praxis VI 94 e.s.;
Mannheim; la France: Marty; les Pays Bas: Witteman; Fockema
Andrae 10 Jaren; l'Angleterre: les collections de la jurisprudence de la
Chambre des Lords (Law Reports: Appeal Cases) et les livres traitant
sa juridiction.
§ 5. Décrire le développement historique d'une institution n'est
jamais exclusivement l'énumération d'une succession de faits sé-
parés. Chaque méthode de description est éclectique et l'énumé-
ration de faits n'est jamais purement désintéressée. Quelqu'impar-
tiale que semble la constatation de faits, une certaine appréciation
en forme toujours le fondement i«). Cette difficulté fondamentale
de chaque science ne semble peut-être pas si apparente dans la
science historique où l'on s'attend à pouvoir contrôler aisément la
véracité des faits. Mais c'est précisément à cause de la multitude
des faits qu'il faut en négliger et généraliser leur signification.
11 n'y a peut-être pas de période plus riche en événements/et en
même temps plus étudiée que celle de la Révolution française:
pourtant, on ne peut pas la caractériser par quelque unité de
pensée 19). H y a tant de courants contraires qu'il faut faire un
choix et se hmiter à poursuivre le développement de l'idée choisie.
Une autre raison rendant difficile l'indépendance de la science
historique c'est que les motifs pohtiques jouent un plus grand
rôle que l'on s'imagine dans les ouvrages historiques 20): on déduit
alors des conséquences de principe qui sont acceptées comme
dogmes irréfutables.
§ 6. Pas plus que la description historique ne doit être in-
fluencée par des considérations politiques, elle ne doit être fascinée
par la suggestion des mots. Surtout l'historien doit se persuader
que chaque mot peut représenter des idées différentes et que chaque
idée peut être représentée par des mots différents 21).
Ainsi, on doit éviter autant que possible d'opérer avec des
18)nbsp;Hartmann 24/25.
19)nbsp;Par ex. Meyer V 355 e.s.
20)nbsp;En Angleterre c'est la thèse du développement insulaire du pays contre
celle qui admet une influence plus ou moins grande du Continent: comp.
Baldwin 2, Me. Ilwain 7, Freeman N.C. I 69; dans la République des
Provinces-Unies celle de la primauté des Etats à celle du Comte: comp.
de Groot, Kluit, Wagenaar, Boeij; en France et en Allemagne: l'in-
fluence plus ou moins grande des peuples germaniques sur la culture
générale: comp. Chénon I 117, Beauchet 2, Sohm etc.
21)nbsp;V. les exemples de Gruys 124 e.s. Comp. Round 338 e.s.
-ocr page 18-conceptions actuelles, quand on essaye de décrire le développement
d'une institution qui a évolué dans l'histoire.
„Transporter dans des temps reculés les idées du temps où l'on
„vit, c'est des sources de l'erreur celle qui est la plus féconde 22)quot;.
On ne peut pas, selon nous, décrire le développement d'une in-
stitution dans l'histoire, quand on l'interprète avec des idées mo-
dernes. Rien ne semble plus dangereux que de chercher dans le
passé les origines d'un certain phénomène en partant de sa forme
actuelle.
Ces considérations expliquent le titre de notre sujet: voulant
montrer le développement de la juridiction suprême, nous avons
évité l'erreur de nous lier à un moyen de droit de dernière instance
déterminé, par exemple le pourvoi en cassation. Par le choix du
titre nous avons voulu indiquer que la juridiction suprême ne doit
pas être identifiée avec une conception moderne fixe du système
des moyens de droit.
Nous avons tâché de rechercher comment l'organe déterminant
ultérieurement ce qu'on devait faire ou ne pas faire dans chaque
territoire, a évolué et avec quels moyens il a rempli sa tâche.
Il va sans dire que, quoique la manière de traiter notre sujet
aît été déterminée par la notion abstraite de la juridiction suprême
ce qui impliquait que nous faisions nos recherches après une idée
préconçue, nous n'avons pourtant pas oublié que les institutions
modernes sont les résultantes de celles du passé et que c'est juste-
ment la tâche de la science historique de montrer cette continuité.
Que le lecteur juge si nous nous sommes abstenus d'accentuer trop
le passé dans le présent ou bien le présent dans le passé.
Enfin, qu'une dernière remarque sur l'emploi des mots nous soit
permise. Le vocabulaire moderne est souvent inadéquat aux notions
traditionnelles: la signification moderne d'un mot ne correspond
parfois pas à l'idée ancienne. Si l'on dit par exemple que la tâche
principale du seigneur féodal était la juridiction, on s'exprime
22) Montesquieu, cité par Fournier 113. Comp. Dicey 147: ........the annals
„of a past can never be understood till men have ceased to apply to them
„terms and conceptions which are themselves the products of later
„periods.quot;
assez inexactement. Comme on le verra dans la première partie,
l'activité gouvernementale n'était pas différentiée dans le moyen-
âge. La plupart des mesures étaient prises incidemment (1 V § 5)
et la séparation des pouvoirs était inconnue. L'intervention du
gouvernement était invoquée par des requêtes et leur procédure
ressemblait le plus à l'activité juridictionnelle moderne. Alors, ce
n'est qu'en attachant au mot juridiction un sens plus large qu'à
présent, que son emploi est permis.
Comme règle nous nous tenons à la signification moderne du
mot. annonçant d'avance quand nous l'employerons dans un sens
plus large ou plus restreint.
§ 7. Outre la continuité verticale de l'histoire, il faut fixer l'at-
tention sur la continuité horizontale du droit comparé qui est par-
ticuhèrement intéressante pour notre sujet.
Quoique l'intérêt pour le droit comparé soit déjà de vieille
date 23) c'est surtout depuis soixante années qu'il s'est développé
de plus en plus.
On ne s'est pas borné à rassembler beaucoup de matériaux de
droit positif 24), mais on y a voué aussi beaucoup d'études géné-
rales 25).
A présent son intérêt semble incontestable 20). Son étude fait
mieux comprendre les autres systèmes de droit, elle peut corriger
la législation propre, elle est la condition de l'unification de droit
mutuelle 27 ), même on a prétendu 28 ) qu'elle pouvait construire
23)nbsp;Montesquieu (fin du ISième siècle), Meyer (Commencement du
19ième siècle).
24)nbsp;Par ex.: les publications de la société de législation comparée et d'autres
sociétés .semblables: v. Harrasowsky, Fuld, Zivilprozess der Kukurstaaten,
Magnus etc.
25)nbsp;Par ex. pour notre sujet: de la Grasserie.
26)nbsp;Com.p. Lambert (V. Ross 54), Gutteridge.
27)nbsp;Ainsi que pour l'interprétation des traités internationaux: Gutteridge 29
e.s. Comp. Vallindas.
28)nbsp;Alvarez 176 e.s. Comp. Report on Codification: The International Law
Association, Report of the 37th conference p. 27 e.s.
avec l'histoire du droit la vraie science juridique. En tout cas la
synthèse internationale dans le droit est impossible sans lui 29).
§ 8. On pourrait croire que notre sujet surtout fût indiqué
pour traiter les conditions de cette unité parce que l'unité de droit
est impossible si elle n'est maintenue par une cour suprême. Toute-
fois nous nous sommes abstenus d'élucider le problème de la juri-
diction suprême du point de vue du droit des gens, préférant poser
les fondements d'une unité internationale par l'esquisse du déve-
loppement unitaire national.
11 est curieux en effet que dans l'histoire territoriale de la juri-
diction suprême on trouve tant d'analogies remarquables. Nous
essayerons surtout de montrer ces points, déjà relevés d'ailleurs
par beaucoup d'autres 30), dans notre résumé historique, afin qu'on
puisse fonder sur cette base l'unité supra-nationale future.
§ 9. Tandis que l'examen historique accentue la transition gra-
duelle de notre sujet, la deuxième partie nous pose des questions
dogmatiques.
Autant que possible nous avons essayé d'éviter les problèmes
philosophiques fondamentaux quoique cela soit jusqu'à un certain
point impossible 31). Nous avons pensé inopportun qu'une thèse
fût plus qu'une analyse de questions et nous n'avons pas essaye
de donner des solutions définitives. Ainsi nous sommes d'avis que
„le plus grand éloge que mérite un livre, c'est d'en préparer de
meilleursquot; 32).
29)nbsp;Levy-Ulmann S.A. I 45 e.s. V. aussi le rapport du même auteur pré-
sentée à l'Académie international de droit comparé du 17 août 1926.
(Mém. de l'Ac. I 1925/27).
30)nbsp;Par ex. Baldwin; Walther; Hintze etc.
31)nbsp;Comp. Schölten Inl. 91, Stahl Ph. II 5.
32)nbsp;Picard 503.
-ocr page 21-CHAPITRE I.
LE PROBLÈME EN FRANCE.
§ 1 Précision de l'objet de l'examen. § 2 L'organisation primitive. § 3 Les
premières traces de la cour du roi. § 4 La composition du conseil. § 5 L'établis-
sement du Parlement à Paris. § 6 Les ordonnances du Hième siècle. § 7 Les
conflits entre le Parlement et le Conseil. § 8 La procédure du conseil. § 9 La
différenciation des voies de recours. § 10 Le démembrement du conseil.
§ 11 Le développement du conseil pendant le 17ième et le 18ième siècle.
§ 12 L'influence révolutionnaire.
§ 1. Le manque de précision du titre de notre sujet rend pos-
sible de traiter le développement de la juridiction suprême sans
nous borner à poursuivre l'histoire d'un moyen de droit déterminé
de dernière instance. Par là nous pouvons éviter la faute commise
parfois en France, d'identifier le problème de la juridiction suprême
avec celui de la cassation.
Au lieu de rechercher comment s'est formée la juridiction
suprême dans son sens large et vague d'instance, fixant ultérieu-
rement la solution des conflits juridiques d'un certain territoire, on
prend comme critérium de son examen la conception moderne de
la cassation de „voie extraordinaire et extrême par laquelle on
demande l'annulation pour contravention à la loi des décisions
judiciaires définitives et en dernier ressortquot; i). On tâchait de
trouver l'origine de cette idée dogmatique moderne tandis qu'on
négligeait les nombreux éléments historiques et philosophiques qui
ne rentraient pas dans le cadre de cette conception et qui pourtant
ont contribué à la formation de la juridiction suprême.
La substitution de la recherche sur l'origine de la cassation à
celle sur le développement de la juridiction suprême conduisait à
1) Dalloz 1. p. V. aussi Chénon Or. p. VU, Henrion de Pansey II 220,
Merlin 359, Encyclopédie 470, Glasson et Tissier 253.
la faute que, démontrant l'ancienneté plus ou moins grande du
pourvoi en cassation, on expliquait les institutions anciennes à
l'aide des idées modernes. (Intr. § 6).
C'est pour cela que nous tâcherons de poursuivre l'évolution de
la juridiction suprême en France en faisant abstraction de la notion
dogmatique de la cassation actuelle.
§ 2. Dans l'organisation judiciaire primitive 2) des peuples
germains le tribunal était formé par les „jugeursquot; (oordeelvinders,
wijzers, Urteiler) sous la présidence du „rapporteurquot; (rechter,
maner, Richter); les premiers devaient être congénères des par-
ties 3) et faisaient témoignage du droit existant dans leur milieu,
le dernier „demandait le jugementquot; et l'exécutait.
En général le témoignage des jugeurs était définitif, la seule
manière de connaître de droit étant cette méthode de „trouver le
jugementquot; (oordeelvinden, Urteilfinden). Pourtant il était possible
qu'un plus grand nombre de jugeurs fussent mieux informés du
droit existant que ceux qui avaient rendu le jugement. Plus les
territoires formaient une unité, plus était encouragé ce moyen de
recourir à une plus grande assemblée de congénères, qui pouvait
être invoquée soit par les parties soit par quelque tiers intéressé.
Il est significatif pour l'état primitif de cette institution que ce
recours ne pouvait être introduit que par l'accusation des jugeurs
comme „faux traîtres et menteursquot;, qui ont jugé „déloyaumentquot; 4).
La possibilité de trouver un jugement absolument vrai et juste
semblait si évidente qu'on pensait que seuls des jugeurs partiaux
et de mauvaise foi pouvaient avoir une opinion erronée.
La manière primitive de décider ce faussement de jugement était
2)nbsp;Par ex,. Planck passim notamment p. 268 e.s. et Lenel 440 e.s.
3)nbsp;Nous hésitons à dire que les jugeurs devaient être également les „pairsquot;
des parties. La condition d'appartenir à la même tribu se transformait
en celle d'appartenir au même état (Stand) par la féodalisation (v. II I
§ 3 D.) V. Luchaire I 301, Pardessus 44, Bernardi: „Origine de la
Pairie en France et en Angleterrequot; (Nouveaux Mémoires de l'Académie
des Inscriptions X 64 e.s.).
4)nbsp;Chénon Or. 12, Plassard 36, Henrion de Pansey I 27, Déclareuil 686,
Fournier 140 e.s., Luchaire I 291, Ganshoff (Communication à la
société d'histoire du droit, juin 1932).
le combat judiciaires) entre le „fausseurquot; (oordeelschelder) et le
jugeur accusé, ordonné par le tribunal invoqué, mais l'amélioration
des moeurs et l'union croissante entre les cercles de droit originai-
res sous un gouvernement central 6 ) menèrent à une forme plus
cultivée de contester la justesse d'un jugement: le recours au seig-
neur (roi).
§ 3. La procédure primitive telle qu'elle est esquissée ci-dessus,
avait beaucoup de désavantages: elle était lente et compliquée, elle
était très formelle et dans plusieurs cas, ne donnait pas de secours.
Dans ces circonstances, le souverain comme personnification du
gouvernement central, élargissait son activité. C'était sa tâche de
maintenir le droit, de sorte que, du moment où la justice ne pouvait
pas être réalisée complètement par le droit formaliste, il devait y
suppléer par son administration personnelle de justice ''■).
Ce complément était nécessaire, soit pour les cas où les tribu-
naux traditionnels ne voulaient ou ne pouvaient pas juger pour
quel que motif que ce fût, soit pour altérer les jugements rendus
par eux qui étaient considérés comme injustes. C'est la deuxième
catégorie qui nous intéresse ici.
Comme une des premières traces de la juridiction souveraine en
France est considérée une Pracceptio de Clotaire II (584—628) 8)
qui montre le roi ou, en son absence, ses ,,episcopiquot; comme l'organe
auquel on s'adressait pour se plaindre de jugements rendus par le
tribunal invoqué.
5)nbsp;Par. ex. Chénon Or. 12, Chénon I 251, Henrion de Pansey I 25 e.s.
Pardessus 80 e.s.
6)nbsp;Viollet I 217 e.s.
7)nbsp;On pourrait examiner l'accroissement de la juridiction souveraine dans
son entier comme par ex. le développement des évocations ou du déni
de justice, mais nous nous bornerons à l'examiner pour autant qu'elle a de
l'intérêt pour notre sujet.
8)nbsp;Marty 37 note 1) en donne le texte: ,,Si iudex. aliquem contra legem
,,iniuste damnaverit in nostra absentia ab episcopis castigetur ut quod
„perpere iudicavit versatim melius discussione habita emendare procuretquot;
(Mon. Germ. Legum sectio II I c. 6). Elle est considérée comme
l'origine de la cassation par Chénon Or. 9, Pardessus 151, Bardot 84,
Gazier col. 2, Comp. Thonissen 46, Allen 189.
Ce document prouve que le roi, comme juge suprême, n'est pas
une notion nouvelle paraissant au commencement de la décadence
de la féodalité, mais que déjà dans la période franque le roi était
„l'unité primitive, l'autorité une et simplequot; 9) et que la „reclama-
tioquot; à son „placitum palatiiquot; est connue iquot;).
Pourtant, cela dura encore longtemps avant que le souverain eût
assez de pouvoir pour obliger les parties procédantes à invoquer
exclusivement sa cour et à abandonner des moyens primitifs comme
celui du combat judiciaire. St. Louis (1226-1270) encore doit les
défendre, les remplaçant par la „supplicationquot; à lui-même et son
conseil n).
Il est vrai que le pouvoir royal avait été considérablement dimi-
nué par la féodalisation des territoires, mais, en somme, tandis
qu'„au début la féodalité est toute puissante et la royauté n'a encore
„des espérances, à la fin la royauté est toute puissante et la féoda-
„lité n'a plus que des souvenirsquot; 12).
§ 4. „Le roi, faisant acte de roi, était rarement seul. 11 était
entouré,quot; d'un petit groupe qui délibérait avec luiquot; 13). Voilà en
quelques mots caractérisée la cour du roi (le conseil du roi; curia
regis) qui „formée de ses vassaux, convoqués quand et ou il lui
„plaisait, concourant aux actes de gouvernement et de l'admini-
„stration, délibérant sur les lois et les règlements, exerçant le pou-
9) VioUet I 217.nbsp;^ ^
10)nbsp;Chénon I 227 e.s., Fournier 120, Pardessus 6 e.s., Beauchet 49 e.s.
C'est, nous semble-t-il, une façon de formuler peut-être trop moderne que
de dire avec Chénon (I.e. 233) qu'un véritable appel pour mal )uge......
n'existait pas dans le droit francquot; et que de qualifier la „reclamatio
comme une „prise à partiequot;, quoiqu'il soit vrai que selon les idees
primitives, un jugement ne pouvait être faux qu'à cause de la mauvaise
foi des jugeurs, parce qu'on se représentait le droit si évident qu il
pouvait être appliqué sans aucune difficulté à chaque cas.
11)nbsp;Etablissements de St. Louis, éd. Viollet 1881. I 487 et II 7 (cité par
Chénon Or. 14 e.s., Marty 38 note 1). V. Henrion de Pansey I 57,
Chénon I 262, 676 e.s.. Déclareuil 688, Fournier 172, e.s.
12)nbsp;Chénon I 485.
13)nbsp;Viollet I 229.
-ocr page 25-„voir judiciairequot; partageait avec le souverain tout son pouvoir.
La compétence du roi au moyen-âge était incidente et se déve-
loppait selon les cas; elle n'était pas à vrai dire déterminée par des
principes généraux mais plutôt chaque intervention dépendait des
circonstances particulières. Seulement, quand on tient compte de
cette particularité du pouvoir royal, on peut dire que ,.la tâche la
„plus importante et la plus régulière peut-être de la cour du roi......
„consistait à aider le souverain dans l'application de sa préroga-
„tive judiciairequot; is) (y. Intr. § 6).
La composition du conseil était aussi flottante que sa compé-
tence 16); primitivement c'était son entourage immédiat, ses proce-
resi7) dans la période féodale ses vassaux, auxquels se joignait
déjà très tôt l'élément professionnel i®) devenu nécessaire par la
complexité croissante des affaires à traiter.
§ 5. Comme ailleurs la curia regis suivait le roi partout et
tenait séance dans la présence immédiate du roi. L'augmentation
des affaires rendait difficile le fonctionnement régulier du conseil
et le besoin d'une cour sédentaire se fit sentir: l'ordonnance de
Philippe le Bel du 23 mars 1302 y répondit et devenait ainsi la date
de naissance du Parlement de Paris
Cette expression est à la fois dangereuse et inexacte: inexacte
parce que déjà sous St. Louis une section du conseil était plus ou
moins sédentaire à Paris 20). dangereuse parce qu'elle pourrait
faire croire que la séparation entre le conseil et le Parlement fut
dorénavant rigoureuse.
14)nbsp;Ainsi est la description, trop moderne, par Pardessus 20 e.s. V. la
description ancienne de Hincmarus notamment cap. 9 e.s. Comp. Aubert
Rev. hist. 1888. 433.
15)nbsp;Luchaire I p. IX.
16)nbsp;Pardessus 21, Luchaire I 191 e.s., 244 et passim, Viollet L 228 e.s.
17)nbsp;Chénon I 227 e.s.
18)nbsp;Pardessus 104 e.s., Beauchet 49 e.s., Valois E. Ch. 614 e.s., Comp.
Viollet II 104.
19)nbsp;Aubert I 5, Bos 5, Chénon I 529, 694, Henrion de Pansey I 82 e.s.,
Meyer III 147 e.s.
20)nbsp;Valois A. C. d'E. p. VI e..s.
-ocr page 26-Le dernier point surtout est d'une extrême importance parce qu'il
est un exemple d'un phénomène général. Tous les démembrements
successifs du grand corps de gouvernement central ne coupent pas
tous les liens avec le conseil générateur, partout on trouve des
compétences communes ou analogues 21).
§ 6. L'ordonnance de 1302 22) admettait les „lettres de grâce
de dire contre arrêtquot; contre les jugements du Parlement de Paris,
la cour la plus élevée du royaume. Les jugements étaient réexaminés
devant le conseil du roi. La distinction du fait et du droit ne for-
mait pas la base de cette procédure de dernier recours, mais l'injus-
tice comme telle du jugement était la seule condition d'admission.
Par l'ordonnance de 1331 23) ce recours était remplacé par les
propositions d'erreur qui, comme les lettres de grâce, étaient une
continuation de la supplication des Etablissements de St. Louis.
Les ordonnances du quatorzième siècle réglant la procédure
devant le conseil du roi 24) sont intéressantes parce qu'elles pres-
crivent déjà des mesures qui encore maintenant sont en vigueur à
la Cour de Cassation: par exemple la consignation d'une amende
avant le commencement de la procédure, l'obligation de présenter
une requête contenant les moyens de cassation, la force non-sur-
soyante du pourvoi en cassation etc.
§ 7. Les confhts entre le Parlement de Paris et le Conseil du
21)nbsp;Cela explique par ex. le droit d'enregistrement; (Chénon 1 527 e.s. et
Il 345 e.s.). (Comp. Glasson III 309 e.s.). Originairement une manière
de publication des ordonnances du roi par l'inscription aux rôles de son
conseil, le droit d'enregistrement demeurait au Parlement quand il se
séparait du conseil. Il en usait pour influencer le roi refusant d'inscrire
les ordonnances avec lesquelles il n'était pas d'accord, mais une lettre
de jussion et si ce moyen ne réussissait pas un lit de justice rendait
vain son refus.
22)nbsp;Ordonnances des rois de France, Paris 1723 I 359 (citées par Chénon
Or. 16).
23)nbsp;Isambert IV 401.
24)nbsp;Outre celles déjà mentionnées: l'ordonnance de 1320 — Receuil du
Louvre I 732 e.s., l'ordonnance de 1344 — Isambert IV 495. Comp.
Gazier col. 2.
Roi 25), pendant toute la durée de la monarchie, ont leur origine
dans cette procédure développée par les ordonnances du quator-
zième siècle.
Quoique primitivement des sectionnements équivalents, ils repré-
sentaient dans le cours des siècles des idées divergentes: le conseil
continuait d'être recruté par des serviteurs personnels du roi
tandis que l'autre était en quelque sorte la soupape de sûreté des
opinions du peuple. Bien que le Parlement dépendît également quant
à son recrutement du roi, il défendait son indépendance contre le
dernier et remplaçait en quelque sorte la représentation tradition-
nelle du peuple, les Etats-Généraux qui, eux aussi un démembre-
ment de l'ancienne assemblée générale, ne réussissaient pas à se
maintenir. Le Parlement était le seul contre-poids à l'absolutisme
royal et contrairement à son homonyme anglais, ne pouvait con-
trarier le roi que par le maintien de sa juridiction qu'il défendaic
plus vivement à mesure que le roi et son conseil tentaient de le
limiter davantage.
D'une part, le Parlement prétendait à juste titre qu'il pouvait,
comme faisant part de l'organe central souverain 26), juger en
dernier ressort, d'autre part le conseil du roi soutenait avec autant
de droit que le roi en son conseil était le noyau de la justice suprême
et que tous les sectionnements de celui-ci lui étaient soumis.
Comme nous l'avons déjà indiqué (§ 5 de ce chapitre) le corps
de gouvernement central évoluait lentement et tous ses démembre-
ments retenaient un peu de son ancien lustre. Dans d'autres pays
nous verrons les mêmes confhts et il devait dépendre des circon-
stances particulières quel démembrement pourrait imposer sa
volonté aux autres: en France, la partie qui était le plus intimement
liée au roi, c'est à dire son conseil devait obtenir la victoire.
§ 8- Le besoin d'une procédure moins formelle et plus efficace
que celle des tribunaux populaires, né surtout de raisons économi-
ques étendait de plus en plus la compétence de la curia regis.
En première instance, elle jugeait dans tous les cas auxquels les
25)nbsp;V. Flammermont, Aubert. Comp. Meyer III 221/222, Chénon II 436 e.s.
26)nbsp;Ses arrêts de règlement étaient également en vigueur hors de son
ressort: Chénon I 529,
tribunaux ordinaires ne pouvaient remédier ou qui avaient un inté-
rêt spécial pour le roi, comme par exemple ceux qui regardaient la
paix publique, les étrangers, les veuves, les domaines et la personne
du roi 27). Même quand un autre tribunal était déjà saisi de telles
affaires, la curia pouvait les évoquer devant elle, soit par crainte
qu'elles fussent injustement jugées ou bien que le tribunal ne tien-
drait pas assez compte des intérêts du roi 28).
Pour les mêmes motifs elle réexaminait les jugements des tribu-
naux inférieurs, si l'une des parties ou le fonctionnaire fiscal royal
l'invoquait.
Cette compétence nous montre que l'intérêt personnel du roi
était intimement lié à son fonctionnement salutaire de défenseur de
la justice par excellence. Primitivement sa compétence s'élargit par
la nécessité de maintenir mieux le droit, sans qu'on puisse dire
qu'il y ait une antithèse entre le maintien de la justice par les
organes traditionnels et par le souverain, mais à mesure que la
compétence du dernier s'élargit il obtient en même temps plus de
pouvoir de poursuivre sa volonté.
L'influence grandissante des légistes 29), l'élément professionnel
du conseil du roi (§ 4). contribuait à augmenter le pouvoir royal:
le roi devenu ..une sorte de juge de paix universel au milieu de la
„Francequot; 30) commençait à être considéré, sous l'influence du droit
romain qu' importaient ces légistes, „comme empereur dans son
„royaumequot; si), appréciation qui était également exprimée par le
proverbe ,,que veult le roy si veult la loyquot; ^2).
Les légistes ne modifiaient pas seulement la procédure et l'élabo-
ration des jugements donnés par le conseil, ils altéraient également
le recrutement du conseil. Par le grand nombre des requêtes 32a),
27)nbsp;Les cas royaux Chénon I 491, Déclareuil 693, Aubert 263 e.s., Viollet
II 220.
28)nbsp;Aubert I 130 e.s., Pardessus 152 e.s., Marty 38/39.
29)nbsp;Beauchet 49 e.s., Pardessus 104 e.s., Aubert Rev. hist. 1888, 433.
30)nbsp;Guizot, Cours d'histoire moderne IV 412.
31)nbsp;Par ex. Lemaire 77.
32)nbsp;Chénon I 526 e.s., 816 et passim, emprunte de l'adage romain: quod
principi placuit habet legis vigorem
32a) V. par ex. Luchaire Actes 97 e.s.
-ocr page 29-manière par laquelle on s'adressait au conseil, il était devenu néces-
saire d'instituer un comité chargé de les examiner avant que le
conseil ne statuât sur elles.
Ainsi, les ,,maîtres des requêtes de l'hôtel le royquot; 33) régulière-
ment recrutés parmi l'élément professionnel et ayant une situation
plus ou moins permanente, recevaient les requêtes et donnaient
leurs avis au conseil ou bien décidaient indépendamment les ren-
voyant à d'autres tribunaux.
Ce comité devait donner naissance à la Chambre des Requêtes
actuelle de la Cour de Cassation.
§ 9. Dans le cours du quinzième et du seizième siècle les recours
légaux se différensiaient et se précisaient: Tandis que l'ordonnance
de Montils - les - Tours 34 ) essayait de limiter les affaires portées
devant le conseil du roi à celles qui étaient ,,civiles et raisonnablesquot;,
celle de Blois (1579) 3.5), confirmée par l'édit de Rouen (1597)
36), montrait dans son article 92 37) l'idée originale de la cassa-
tion moderne: la défense de l'autorité suprême, c'est à dire le main-
tien des ordonnances 38), Si l'on indique la correction de l'erreur
de fait comme une ,,rétractationquot; et la correction de l'erreur de
droit comme une „réformationquot; 39) on peut distinguer, dans l'arti-
cle cité, que la première pouvait être obtenue par la requête civile
et la proposition d'erreur et la deuxième par la cassation („la forme
33)nbsp;Chénon I 812, II 416, Dédareuil 498, Valois A. C. d'E. p. XXV et
LVI. Glasson III 302 e.s.
34)nbsp;Isambert IX 228. V. Chénon Or. 23, Chénon II 293, Plassard
Crépon I 7, Bos 7, Gazier col. 3.
35)nbsp;Isambert XIV 404.
36)nbsp;Chénon Or. 36. Gazier col. 4, Comp. Dalloz 929.
37)nbsp;Reproduit entre autres par Marty 45. Gazier 1: „Déclarons que les
„arrêts de nos Cours souveraines ne pourront être cassez ne retractez
„que par les voies de droit qui sont la requête civile, la proposition
„d'eireur et par la forme portée par nos ordonnances.quot;
38)nbsp;Garraud V 263 e.s., Bonnecase 34, Plassard 43. Le dernier montre que
cette idée, représentée par l'article 208 de l'ordonnance de Blois est
répetée par l'art. 32 de l'édit de Rouen, l'art. 54 de l'ordcnnance de
1629 et de l'art. 8 de celle de 1667.
39)nbsp;Plassard 37.
-ocr page 30-portée par nos ordonnancesquot;) 40). Cette formule serait le point de
départ du développement suivant des différents moyens de recours,
quoique la séparation entre la rétractation et la réformation ny
ait pas été rigoureuse même jusqu'à present 43).
§ 10. La prééminence du conseil du roi était renforcée par
plusieurs causes.
Une des principales, c'est que depuis le quinzième siècle les par-
lements provinciaux commençaient à se développer, entre lesquels,
étant tous souverains, il n'y avait pas de hiérarchie pas plus qu ils
n'etaient soumis au Parlement de Paris. De là naquit le besoin d une
cour suprême pour eux; comme tel était naturellemont désigne le
conseil du roi non seulement à cause de son origine mais aussi a
cause de son influence royale 42).
Ensuite, à côté de la précision dogmatique des moyens de
recours, les démembrements successifs de la curia 43) contribuèrent
également à établir une hiérarchie.
Par la tendance générale de la spécialisation des fonctions 44)
les devoirs multipliés du conseil faisaient naître des comités sépa-
40)nbsp;Chénon Or. 35, opp. Marty 45/46: quoiqu'il soit d accord avec les
autres auteurs français à voir dans la cassation le moyen de maintenir
l'autorité législative du roi il ne voit pas son organisation legislative
dans les ordonnances royales, mais dans les règlements et les arrets
du conseil.nbsp;.
41)nbsp;La requête civile n'a jamais été limitée aux erreurs de fait mais est
aussi désignée pour une partie des erreurs de droit: les „errores m
procedendoquot;. Selon Plassard 46 et passim la raison en est la manque
de précision de l'ordonnance de 1667. Cet écrivain a examiné très a
fond le problème de la séparation des moyens de recours de reformation
et de rétractation. Nous l'examinerons de plus près dans la deuxieme
partie (II II § 4, VII § 3). Comp. Marty 44/45, Henrion de Pansey 11
209, de la Grasserie 6/7, Garraud V 263 e.s.
42)nbsp;Chénon I 825, 875, II 500, Chénon Or. 24, Henrion de Pansey II
Bos 14, Fournier 277, Déclareuil 604 e.s., Lemaire 309 e.s.
43)nbsp;Ils étaient „pour la plupart une transformation (des) juridictions
supérieures qui...... s'étaient établies dans les grands fiefs (Chénon î
875 e.s.). Ils étaient organisés d'après l'exemple du Parlement de Paris et
avaient le droit d'enregistrement pour leur ressort.
44)nbsp;Viollet II 104, Chénon I 840, Fournier 14.
-ocr page 31-rés, c'était un „fractionnement et démembrement continu du pou-
„voir royalquot;, de sorte que „les parlements et les conseils du roi, les
,,branches si variées de l'administration ne sont pas autre chose
,,que le développement et le démembrement du pouvoir royalquot; 45),
Au commencement, on peut distinguer seulement une assemblée
générale à côté d'un comité plus ou moins permanent, sans qu'on
puisse dire que les deux soient séparés rigoureusement l'un de
l'autre. Mais, après le démembrement du Parlement de Paris
(1302) se détachent successivement le Grand Conseil en 1497 46),
le conseil des parties en 1578 47) etc.
Chaque nouvelle fonction donnait naissance à un nouvel organe
qui souvent lui-même, devenait de nouveau l'origine d'autres sec-
tionnements.
Nous ne pouvons indiquer ici que sommairement ce développe-
ment: cependant, les indications données ici suffisent à mettre en
relief les liens entre les différents organes suprêmes 4S).
Autant il est difficile de déterminer quand un démembrement
s'est constitué définitivement comme organe indépendant, autant
il est vain de délimiter strictement sa compétence: partout on
aperçoit des doublures et il dépend parfois du hasard quelle partie
de la compétence royale échoit à un démembrement du conseil 49).
Cela explique notre manque de précision dans l'emploi des mots
conseil, curia etc., car nous voulons faire comprendre par cet
45)nbsp;Viollet I 217 e.s.
46)nbsp;Valois A. C. d' E. p. XXV e.s., Henrion de Pansey II 185 e.s.,
Gazier col. 3.
47)nbsp;C'est lui qui est en vérité le prédécesseur de la Cour (Tribunal) de
Cassation. Chénon Or. 34.
48)nbsp;Nous reviendrons sur ce phénomène dans le chapitre V de la première
partie. Un schéma particulièrement intéressant des filiations du conseil
se trouve chez Valois p. XI, une énumeration des différents conseils
chez Chénon II 416, Bos 25 e.s.. Pardessus 140, Valois A. C. d.'E.
p. LXXIX.
49)nbsp;Quoique le Parlement se fût, déjà de très bonne heure séparé de la curia,
il retenait pourtant la compétence de juger des affaires ecclésiastiques
et domaniales, qui pourtant rentraient davantage plus dans la com-
pétence du conseil du roi personnel: Aubert Recherches 32.
emploi variable qu'il est impossible d' attacher une signification
constante à ces mots.
§ 11. La défense des ordonnances royales contre le refus des
Parlements de les appliquer, comme but de la cassation est égale-
ment prouvée par l'ordonnance de 1667 sur la procédure civile
qui prescrit: „Déclarons tous arrêts et jugements qui seront donnés
„contre la disposition de nos ordonnances, édits et déclarations,
„nuls et de nul effetquot; quot;O).
L'évolution du moyen de recours suprême français nous montre
combien il est dangereux de se fier au son du mot: Dans le § 9
nous avons vu que l'on prétend de trouver l'origine de la cas-
sation comme moyen de recours distinguant rigoureusement le
fait du droit dans l'ordonnance de Blois et qu'elle apparaît
également dans celle citée ci-dessus. Si nous regardons de plus
près cependant, ce sont seulement les ordonnances royales qui
sont défendues par ce moyen de recours et non le „droitquot; en
général, tandis que depuis la Révolution ce n'est que la loi qui
constitue l'objet de défense du pourvoi en cassation.
Par conséquent il semble assez inexact de dire que ce moyen
de recours distinguait strictement le droit du fait parce que per-
sonne ne prétendra que le droit puisse être identifié avec les
ordonnances ou bien avec la loi. Nous référant à la deuxième
partie, (IL Vil § 7 e.s.) nous n'avons ici qu' à attirer l'attention
sur le phénomène que, quoique le nom de „droitquot; fût conservé,
l'objet de défense du moyen de recours suprême changeait néan-
moins de contenu.
Cela nous mènerait trop loin de poursuivre plus en détails
l'histoire de la juridiction suprême dans le dix-huitième siècle si),
mais néanmoins nous mentionnerons quelques indications qui
marquent la continuité.
Un écrivain très influent écrivait en 1762: „On n'écoute que
„les moyens qui sont fondés sur une contravention claire et pré-
50)nbsp;Chénon Or. 41, Gazier col. 4.
51)nbsp;Ce qui a été fait récemment, d'ailleurs de façon excellente, par Marty
48 e.s.
„cise aux ordonnances. C'est l'intérêt public et le respect de la
,,loi plus que l'intérêt de la partie que l'on consultequot;
Le fondement sur lequel repose l'organisation de la cassation
actuelle est le règlement de 1738, l'oeuvre de Daguesseau: là on
trouve beaucoup d'éléments qui encore maintenant sont en vigueur
à la Cour de Cassation 53).
§ 12. Quoiqu'il faille admettre qu'il est extrêmement difficile
de distinguer dans les opinions contraires des assemblées légis-
latives de la Révolution française une unanimité absolue 54). on
peut pourtant dire que toutes les mesures prises au sujet de la
cassation avaient pour but de défendre la loi.
En instituant le Tribunal de Cassation au lieu du conseil des
parties on voulait substituer à la volonté arbitraire souveraine
l'inflexibilité et l'impartialité pour tous devant la loi.
Une des premières mesures de l'époque du droit intermédiaire
était l'interdiction au conseil de décréter des arrêts de propre
mouvement, ainsi que les évocations avec retenue du fond des
affaires 55).
C'était une réaction contre les empiétements du pouvoir royal.
Le Tribunal de Cassation était institué auprès du corps légis-
latif 56) et ne pouvait ,,connaître du fond des affaires sous aucun
,.prétexte et sous aucun casquot; 57).
Le tribunal était ainsi une part du pouvoir législatif, c'était
,.un régulateur du pouvoir judiciairequot; (Clermont - Tonnerre) et i]
lui fallait réprimer la violation de la loi (Barrère), il devait em-
pêcher la rébellion des juges réactionnaires, etc.
52)nbsp;Cité par Henrion de Pansey II 232 e.s., Marty Le.
53)nbsp;Marty 46. note 1, Chénon Or. 48 e.s., Gazier col. 4 etc.
54)nbsp;Comp. Marty 57 e.s.
55)nbsp;Page 2: décret de l'Assemblée Constituante du 20 octobre 1789.
56)nbsp;Décrets du 27 novembre/1 décembre 1790. Par ex. Marty 57 e.s.
57)nbsp;Article 3. On voulait briser avec l'ancien régime mais pourtant l'art. 28
déclarait que le règlement de 1738 resterait en vigueur ,,provisoirementquot;,
provision qui encore aujourd'hui doit être remplacée par une mesure
définitive.
Tandis qu'au commencement le but de la Cour de Cassation
était la défense de la loi on fit vite l'expérience que l'unité de
droit ne se limitait pas à l'application restreinte de la loi et que
pour la maintenir il fallait l'unité de jurisprudence. A cause de
1' intérêt doctrinaire de cette évolution nous la traiterons dans la
deuxième partie (H V § 5 et VI § 6).
58) Le Tribunal reçût ce nom par la loi du 28 floréal, an XII (Tarbé 301).
-ocr page 35-CHAPITRE II.
LE PROBLÈME EN ANGLETERRE.
§ 1 La période anglo-saxonne. § 2 Le witenagemot. § 3 Les conséquences de
la conquête normande. § 4 Le changement dans la composition du conseil.
§ 5 La position du souverain. § 6 La compétence du conseil. § 7 Son démembre-
ment. § 8 Les maîtres des requêtes. § 9 La séparation du Conseil et du
Parlement. § 10 La séparation de la Chambre des Lords et de la Chambre des
Communes. § 11 L'élément professionnel de la Chambre des Lords. § 12 Son
renouvellement au 19ième siècle. § 13 L'évolution du conseil privé.
§ 1. Après la conquête de l'Angleterre par les Anglo-Saxons
se constituèrent plusieurs petits royaumes correspondant à peu
près aux comtés actuels: ils formaient une unité purement imagi-
naire, la heptarchie qui n'avait pas d'organisation centrale i).
Chaque royaume cependant, avait son propre organe suprême le
witenagemot, l'assemblée des ,,witanquot;, les sages du pays 2).
Dans le cours du temps l'unité d'abord idéale des sept royaumes
devint plus forte et les tentatives d'unification, commencées dans
le neuvième siècle mais entravées par les luttes contre les Nor-
mands, eurent somme résultat la soumission de la heptarchie à un
roi unique: Athelstane fut le premier roi d'Angleterre 3).
Après la réunion de la heptarchie sous un seul roi, la forme du
gouvernement ne se modifia pas. Ainsi que dans les anciens
royaumes l'organe suprême de l'Angleterre était le witenagemot.
§ 2. Rien n'est plus difficile que de décrire exactement la
composition du witenagemot et son fonctionnement.
Quant à la première, il y a une grande différence à travers tous
les pays entre les assemblées suprêmes avant et après l'adoption
1)nbsp;Kemble II 20, Pike 5. Holdsworth I 3.
2)nbsp;Par ex. celle de Northumbria (627): Liebermann N A 4
3)nbsp;Pike I.e.
-ocr page 36-de la féodalité 4). Pour l'Angleterre nous pouvons accepter que
le système féodal y était déjà connu avant Guillaume le Conqué-
rant et que par conséquent le witenagemot était devenu une as-
semblée féodale 0).
Tandis que primitivement le witenagemot se composait de tous
les membres du peuple, qualifiés comme propriétaires, il se modifia
dans le cours des temps et seulement les notables assez riches et
capables de consacrer leur temps aux affaires d'état prenaient
part à ces assemblées c). Plus le roi devenait puissant, plus il
pouvait user d'influence sur sa composition'^).
La compétence du witenagemot était flottante et était en quelque
sorte illimitées); comme ailleurs chez les peuples d'origine ger-
manique 9) elle était administrative ainsi que judiciaire 10 ).
D'une part le witenagemot faisait fonction d'assemblée consul-
tative du roi 11) et relevait du souverain, d'autre part il était plus
stable que lui parce qu'elle avait le droit de l'ébre^s).
Le roi et le witenagemot se complétaient l'un l'autre et leur
collaboration se montrait partout. Tous les actes de gouvernement
étaient ordonnés par eux ensemble 13).
4)nbsp;Cette différence est particulièrement instructive dans les Pays-Bas où
les provinces anciennes (par ex. Drenthe) et les provinces modernes
(par ex. La Hollande) ont conservé jusqu'à la Révolution leurs
assemblées suprêmes tout à fait dissemblables.
5)nbsp;Liebermann N. A. 78, Holdsworth I 32, Freeman N. C. 89, Pollard 6,
Adams p. VII, Smith Se. L. 38, Denison p. XXI e.s. opp. Baldwin 2.
6)nbsp;Kemble II 194, Freeman N. C. 62 e.s., 99, de Franqueville I 139. Comp.
Gneist I 7 e.s.
7)nbsp;Comp, de Franqueville G. 399 e.s.
8)nbsp;Glasson I 40 e.s.. Comp. Liebermann N. A. 59, Sohm 27 e.s.
9)nbsp;Stubbs I 6 e.s., Glasson I 21 e.s., Hallam II 332, Liebermann p. XLIII.
10)nbsp;Stubbs I 146, Kemble II 229, Masson 22, opp. Liebermann N. A. 68 e.s.
qui est d'avis qu'il faut distinguer le witenagemot du tribunal royal.
11)nbsp;Pike 5, Stubbs I 141, Kemble II 204.
12)nbsp;Liebermann N. A. 54 e.s., Kemble II 214.
13)nbsp;V. Liebermann qui publie beaucoup de textes par ex. (p. 141): II
Edward (901—924). Lex à Exeter, Quadripartitus 1: Edwardus rex
admonuit omnes sapientes suos quando fuerunt Exonie......... (p. 47).
Lex d'Alfred (871—899) Intr. 49. 10 Quadripartitus: Ego Aelfredus,
Westsaxonum rex omnibus sapienfibas haec ostendi et dix.erunt omnes:
Placet ea custodire.
Les opinions parfois se contredisantes des auteurs nous semblent
pouvoir être expliquées par le fait que la reclamation entre le
souverain et le witenagemot se modifiait beaucoup et que ce qui
est vrai à l'instant où le dernier est le plus puissant ne l'est plus
aussitôt que le premier devient plus fort ).
§ 3. 11 n'y a pas unanimité entre les auteurs sur la question
s'il y a une rupture définitive entre la période anglo-saxonne et
la période normande, commençant par la victoire de Hastings
(1066) de Guillaume le Conquérant.
Nous associant à l'opinion d'un historien moderne très influent i6)
nous sommes d'avis qu'une affirmation ou une négation absolue
de cette question ne témoignerait pas d'un esprit historique et
que les éléments de tradition et de renouvellement sont mêlés
dans les institutions de la période suivante à celle de la conquête
normande.
On peut voir une indication de la continuité dans la décla-
ration de Guillaume le Conquérant de se considérer comme suc-
cesseur d'Edouard le Confesseur et dans sa promesse de res-
pecter les anciennes lois des Anglais i^).
Ainsi on peut dire que la curia regis était le successeur du wite-
nagemot is), mais que le roi y avait une plus grande influence,
chose compréhensible, vu le prédicat de ,,Conquerorquot; du premier
roi normand.
14)nbsp;Le pouvoir royal commençait à se développer sous le règne d'Alfred le
Grand (871). Liebermann N. A. 27.
15)nbsp;Outres les écrivains cités ci-dessous Stubbs I 2 e.s., Prynne 5. de
Franqueville I 125, Lords' Rep. 1826 VI 4 et 15, Bigelow 2, Lambard 9
sont des partisans, Beven 155, Reeves I 53 e.s. (contesté par son
éditeur Finlason 58 note a) sont des adversaires de la continuité. La
question est obscurcie par des considérations politiques. (Intr. § 3
note 20).
16)nbsp;Holdsworth L. Q. R. 307.
17)nbsp;Holdsworth I 33, Pike 20, Glasson II 3, Freeman 72, Meyer I 238,
Comp. Taylor (H.) „The Origin and Growth of the American Con-
„stitutionquot; (Boston and New York 1911) 66 e.s.
18)nbsp;Liebermann N. A. 75 opp. Gneist I 256, Round 326 e.s.
-ocr page 38-Quoique „la cour restât sous Guillaume ce qu'elle était sous
„Eadgarquot;i9) elle avait un plus grand pouvoir centralisateur 20 )
et précipitait l'évolution des institutions anglaises sans imposer
pourtant un système complètement nouveau 21), mais fusionnant
des éléments saxons avec des éléments normands 22).
§ 4. Bien que le féodalisme influençât déjà pendant la période
anglo-saxonne la composition du witenagemot 23) la curia regis,
après la conquête normande, était plus rigoureusement féodale,
phénomène causé par la conception plus doctrinaire du féodalisme
en vigueur en Normandie dans le recrutement de la curia Ducis 24 ).
On peut distinguer dans la curia une cour restreinte et une
cour plénière25): la première, un petit comité plus ou moins per-
manent, était l'élément technique et judiciaire, la dernière, la
grande assemblée, ne tenait séance que quelques fois par an 26)
et était plutôt le corps général administratif 27).
Jusqu'au règne d'Edouard 128) cette divergence n'était pas
encore si nette et les deux institutions sont inséparables 29). Pour-
tant cette distinction est la première indication des démembrements
successifs de la curia regis dans le cours des siècles 30).
Tout en devenant l'autorité unique si) le roi avait besoin de
19)nbsp;Freeman N. C, 69; Comp. Freeman 66.
20)nbsp;Holdsworth I 33, Freeman 72.
21)nbsp;Freeman N. C. 69, Carter 24.
22)nbsp;Glasson I p. V et p. XIII.
23)nbsp;V. ci-dessus § 2 note 5.
24)nbsp;Blackstone I 1 e.s., Holdsworth I 32, Pike Publ. Rec. 10. Adams 56.
25)nbsp;Glasson II 321 e.s.. Carter 34, Dicey 5/6, Stubbs I 418, Baldwin 3,
Lords' Rep. 1826 IX 30, Liebermann N. A. 17, Maidand p. XXXVI.
26)nbsp;Glasson I 182, Holdsworth I 39/40. Ces assemblées coïncidaient régu-
lièrement avec les grandes fêtes religieuses: Blackstone IV 484, Glasson
II 156.
27)nbsp;Comp. Adams 164, note 14 et 345.
28)nbsp;Baldwin 307, Pollock I 199.
29)nbsp;Holdsworth I 67.
30)nbsp;Anson I 51, Baldwin 343.
31)nbsp;Gneist I 250.
-ocr page 39-la collaboration de ses vassaux pour être capable d'administrer
son royaume et de dispenser la justice 32).
En ce sens il y a une analogie avec les autres pays de l'Europe
où le pouvoir souverain s'étendait mais, d'autre part l'évolution
en Angleterre a été déterminée par des facteurs différents.
Un roi étranger avait conquis le pays et par sa qualité de con-
quérant il avait pu plus rapidement agrandir le pouvoir souverain;
les tribunaux populaires avaient été remplacés par des juridictions
royales culminantes dans la curia regis.
En revanche le pouvoir royal a été régularisé 33) p]us tôt qu'ail-
leurs, où il évoluait vers l'absolutisme. La Magna Charta déjà le
limitait 34 ) et par ce fait un développement graduel a été possible.
§ 5. ,,La rigidité prédominante de pensée incapable de com-
,.prendre la flexibilité extrême des institutions dans une période
..formatricequot; 35) est la difficulté principale d'être à même de dé-
montrer l'évolution de l'organe du pouvoir suprême.
Il faut voir dans le conseil du roi (King's Council) un corps
vague quant à sa compétence et sa composition, dont ne se détachent
qu'insensiblement les institutions modernes 36 ) ; le witenagemot est
,,le tronc commun d'où sont sortis le Conseil privé, le Parlement et
,,les Cours de Justicequot; 37).
Le roi étant la ..source de la justicequot; 38)_ distribuait dans son
conseil la justice comme juge suprême 39) il était „gardien de la
paixquot; 40) et dans cette fonction il devait maintenir le droit. C'était
là une conséquence de l'organisation germanique de l'Angleterre
32)nbsp;Baldwin 3.
33)nbsp;Holdsworth I 4. Comp. Lords' Rep. 1826 VI 389 e.s.. Me. Ilwain 54 .:.s.
34)nbsp;Pike 33, Holdsworth I 54.
35)nbsp;Baldwin 1.
36)nbsp;Holdsworth I 353 e.s., Baldwin p. VI et 102.
37)nbsp;de Franqueville I 113.
38)nbsp;Fountain of justice: Hale 189, 202, Palmer p. I, Anson II 251, Denison
p. XXV, de Franqueville I 29, Palgrave K. C. 16, Blackstone I 305.
39)nbsp;Allen 88 e.s. Denison p. LXI.
40)nbsp;Anson II 253, Stubbs I 198, Gneist I 26 e.s.. Carter 13, de Franqueville
I 30, 129.
selon laquelle „la fonction de cour de justice était et restait l'es-
„sentiel même de toute forme teutonique de constitutionquot; 41).
§ 6. 11 s'ensuit que plus le pouvoir royal s'affermissait plus la
compétence de son conseil s'étendait. Primitivement sa juridiction
était restreinte aux biens de la couronne, de l'église, en général à
toutes les affaires qui pour une raison quelconque n'étaient pas
examinées par les tribunaux populaires 42).
La curia remédiait à tous les cas où les cours ordinaires man-
quaient à leur tâche soit qu'elles déniaient justice parce qu'il y
avait un trop grand „pouvoir à l'un côté et une trop grande faiblesse
„à l'autre côtéquot; 43). soit que le droit commun (common law) était
insuffisant et que ses lacunes devaient être supplées par le droit
extraordinaire du roi (equity) 44).
Le recours au roi contre les jugements des juges inférieurs se
développait également. D'abord sous la forme d'une action
pénale contre le juge ayant rendu le jugement attaqué 45) que l'on
accusait d'avoir rendu un „falsum indiciumquot; 46), plus tard, au
quatorzième siècle, le „writ of errorquot; était employé. On y énumérait
les erreurs commises par le juge, qui étaient examinées par le
conseil: l'admission des requêtes, la forme par laquelle elles étaient
présentées, dépendait exclusivement du pouvoir souverain 47).
41)nbsp;Gneist I 255.
42)nbsp;Gneist I 179, Me. Ilwain 16 e.s., Anson I 27 e.s., V. déjà sur la com-
pétence de la curia regis.: Glanville I cap. 1 e.s.
43)nbsp;„There was too great might on the one side and too great unmight
„on the other sidequot; Dicey 13, Holdsworth I 366, Lambard 167, Palgrave
K. C. 47 qui cite Rot. Pari. 1 Henr. IV No. 169, p. 446, Rot. Pari. 2
Henr. VI vol. IV p. 201. La cour royale est dit en vérité le „forum
miserabilium personarumquot; (Gneist I 26, II 187).
44)nbsp;Holdsworth I 478.
45)nbsp;Holdsworth I 213 et les écrivains cités !à.
46)nbsp;Beven 156, Pollock II 664 e.s. En Ecosse on parlait de „falsing of
doomsquot; (Rait 30) selon la formule suivante: ,,This doom is fais,
„stynhand, and rotten in the self, and tharto I streik a borch and that
„1 will preiffquot; (Acts of the Parliaments of Scotland, Record Edition 11
246). On l'appelait aussi „protestation for remeid of lawquot; (Austin 99).
47)nbsp;Comp. Hale 133, Pollock II 666, Jusqu'en 1705 le roi pouvait admettre
ou refuser ces „writsquot; (Holdsworth I 215).
§ 7. Le démembrement du conseil 48) commençait déjà au
douzième siècle: à cette époque le comité financier (scaccarium.
Exchequer), une sous-division de la cour restreinte, se séparait du
comité judiciaire (Council) 49).
Le texte de la Magna Charta (1215): „communia placita non
„sequantur curiam regis sed teneantur in ahquo loco certoquot;50)
annonce la fixation du tribunal royal à Westminster tandis que les
„Justices itinerantquot; (Justices in Eyre) si) distribuaient la justice
royale dans les provinces 52).
Au treizième siècle la Banque du Roi (King's Bench) et le
Parlement se détachaient du conseil 53) mais il serait impossible de
donner des dates exactes à cause du développement graduel de
ces filiations diverses.
Laissant de côté l'histoire des autres organes centraux nous
tâcherons de donner dans les paragraphes suivants un aperçu de
l'évolution des deux tribunaux actuels de juridiction suprême: la
Chambre des Lords et le Conseil privé.
§ 8. Entendre des plaintes et recevoir des petitions (requêtes)
avaient été la tâche principale de l'ancienne curia, nommée à bon
droit „le plus franc lieu d'Angleterrequot; 54); cette fonction continuait
de préoccuper le Conseil et le Parlement 55).
La méthode générale dans le moyen-âge (comp. Intr. § 6) et
encore actuellement caractéristique pour l'Angleterre, d'instituer un
48)nbsp;V. En général, outre les auteurs mentionnés ci-dessous: Pike 28, Pollock
I 199, Pollard 27 e.s.'278 e.s., Dicey 10 e.s., Denison p. XXIII, Carter
72, 85 e.s. Pike Publ. Rec. donne à la fin de son livre une table synoptique
du procès du démembrement ainsi que Adams 343 e.s. Le démembrement
est contesté par Stubbs 1 406.
49)nbsp;Holdsworth 41 e.s.. Pike 28, Baldwin 7.
50)nbsp;Blackstone 111 461. Comp. Glasson III 248 e.s., 298, Pike 33.
5Î) Comp. les missi dominici institués par Charlemagne: Pike Publ. Rec. 14,
Boutmy 13, Kemble II 41/42.
52)nbsp;Holdsworth I 49, Carter 63 e.s.. Comp. Pike 31, Gneist I 259, Beven
158/159.
53)nbsp;Holdsworth I 477 e.s., Baldwin 62 e.s.. Carter 72 e.s.
54)nbsp;Pollard 52.
55)nbsp;Palgrave K. C. 21, Holdsworth I 359.
-ocr page 42-comité pour chaque tâche spéciale, était déjà en vigueur au temps
d'Edouard I qui, dans la trente-troisième année de son règne
(1295) nommait des ,,Receivers and Triers of Petitionsquot; (appelés
également ,,auditorsquot;) correspondant à peu près aux maîtres des
requêtes de la monarchie française 56). Etant nommés directement
par le roi ces „curialesquot; 57) favorisaient le développement du pou-
voir souverain. N'étant pas liés par des devoirs féodaux, ils pou-
vaient se spécialiser dans les questions techniques du gouvernement
et, à cause de leur expérience, ils avaient une position permanente.
Ces comités adjoints au Conseil ainsi qu'au Parlement, en tant
que les deux institutions avaient une existence séparée, examinaient
les requêtes reçues, présentaient leur rapport à la séance plénière
ou bien renvoyaient l'affaire à un des tribunaux inférieurs 58).
§ 9. La séparation du Parlement et du Conseil a son origine
dans l'influence croissante de l'élément représentatif dans l'assem-
blée consultative du roi. La participation au conseil n'était plus
exclusivement un devoir féodal 59) dépendant du ,,writ of sum-
monsquot; du roi, mais c'était devenu un droit de l'élément non-
féodal du peuple: en d'autres termes, le roi n'était plus l'élément
prédominant dans la formulation des régies de droit 60).
Par suite de ce renouvellement partiel du conseil les membres
professionnels (§8) dépendant exclusivement du roi et, par là, les
défenseurs de son pouvoir commençaient à se séparer de plus en
56)nbsp;Macqueen 5, Haie p. VI. En Ecosse les „domini auditores ad causas
et querelas audiendasquot; sont mentionnés pour la première fois en 1341:
Rait 457 e.s.
57)nbsp;Holdsworth I 356.
58)nbsp;Baldwin 283, Gneist I 400/401, Me. Ilwain 200, Selden 2, Pollard 37 e.s..
Haie 69.
59)nbsp;Pasquet 1, 224, Dicey 4, Round 354, Pike 234. Comp. Hallam III 121 e.s.,
Adams 158 e.s.. Pollard 81, Huizinga 178. On trouve des exemples de
„writs of summonsquot; chez Anson I 57, Lords' Rep. 1826 Vol. VII et VIII.
Selon Macqueen 3 les „communesquot; étaient déjà représentés dans le
Parlement en 1265. En tout cas le Parlement-modèle (Model-Parliament)
de 1295 contenait des membres élus (Holdsworth I 352). V. sur ce sujet
pour plus de détails le livre de Pollard.
60)nbsp;Holdsworth I 54, V. la fin du § 4 de ce chapitre.
-ocr page 43-plus, des lords et des membres élus, tous opposés à un pouvoir
trop grand du souverain: ce fut l'origine de la séparation du
Conseil privé et du Parlement.
Comme, en France, le Parlement et le Conseil, quoique dérivés
tous deux du même pouvoir souverain, devenaient des rivales aussi-
tôt qu'ils étaient devenus indépendants ^i): le premier était le
défenseur du droit traditionnel (common law) contre le droit
arbitraire (equity) émanant du roi 62).
Ne considérant la juridiction du conseil ou bien plus tard de ses
démembrements: la Chancellerie (Chancery) et la Chambre Etoilée
(Star Chamber) que comme une preuve des efforts autocratiques
du roi, le Parlement oubhait les avantages réels de cette
jurisprudence extraordinaire qui complétait et corrigeait le droit
commun 63).
§ 10. La différenciation 64) entre la Chambre des Lords et la
Chambre des Communes a son origine, elle aussi, dans la spéciali-
sation des fonctions: tandis que la dernière devenait de plus en plus
un corps purement politique, s'intéressant surtout aux intérêts
législatifs et fiscaux, la première tout en restant un Conseil de la
Couronne, retenait sa juridiction d'appel traditionnelle des tribu-
naux de droit commun notamment de la Banque du Roi 65).
Cette juridiction en erreur 66) varia dans le cours des temps:
61)nbsp;Les premières indications de leur séparation commencent sous Henri IIL
La séparation est définitive sous Edouard II (Holdsworth I 356), nous
Richard II (selon Pike 280) ou sous les rois de la maison de Lancaster
(selon Palgrave K. C. 83).
62)nbsp;Dicey 21 e.s. 69, Baldwin 334, Holdsworth I 360/361, Denison p.
XXVIII, Palgrave K. C. 69, Lévy-Ullmann S. A. I 361.
63)nbsp;Glasson IV 360, Baldwin 224 e.s.
64)nbsp;Elle commence déjà sous Edouard III (Hallam III 37). Sur la délimitation
en général de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes;
Holdsworth I 362 e.s., Bagehot p. I e.s. 89.
65)nbsp;Sur les appels irlandais: Beven 362, Haie 124, Pike 300 e.s. La Cour
suprême de l'Ecosse a une histoire analogue, d'abord elle était également
un comité du Parlement (Stair 543 e.s., Rait 460 e.s., Hewart 241 e.s.,
Juridical Review XLIV 87 e.s.).
66)nbsp;,.Juridiction in errorquot;. V. en général Holdsworth I 370, Baldwin 48 et
pass. Pike 287 e.s., Palgrave 48 e.s., Blackstone III 65, de Franqueville
I 113 e.s., de Franqueville G II 225 e.s., Turberville quot;W III 94 e.s.
à mesure que le roi devenait plus puissant, et par conséquent son
conseil, le recours à la Chambre des Lords était moins usité 67).
La Chambre des Lords gardait pourtant des vestiges de ses
relations avec le conseil du roi. Comme tel on peut considérer sa
juridiction civile de première instance ( § 6 note 43 ) qui tombait de
plus en plus en désuétude et qui finissait par le célèbre procès de
Skinner v. East India Company 68).
Depuis la fin du dix-septième siècle la Chambre des Lords
s'était emparée aussi de la juridiction d'appel de la Chancellerie, la
cour qui dispensait la justice extraordinaire du roi.
Cela prouve que l'influence du Parlement devenait de plus en
plus prépondérante. La Chambre des Lords et celle des Communes
se disputaient violemment de cette juridiction 69). mais vers 1800 la
première était restée victorieuse et ainsi la cour d'appel suprême
de tous les ,,courts of law and equityquot;.
L'énumération de la compétence de la Chambre des Lords ^o) ne
serait pas complète si l'on ne mentionnait sa juridiction criminelle
pour ses membres et celle comme cour de privilèges''i ).
§ IL Déjà sous Edouard III ce n'étaient pas tous les pairs qui
jugeaient comme tribunal, mais un petit comité de jurisconsultes
examinait les affaires, à l'opinion duquel se conformait en général
l'assemblée (§ 8) 72).
Les liens avec les tribunaux 73) n'avaient jamais été rompus
complètement et encore à présent les juges sont formellement les
67)nbsp;Surtout d'environ 1450 jusqu'au règne de Jacques I; Haie quot;V, Stubbs III
494, Macqueen 10, Baldwin 337.
68)nbsp;Beven 169, Pike 279 e.s., Haie p. CIII, Anson I 381, de Franqueville I
117, Turberville W III 94 e.s.. Carter 104.
69)nbsp;Pike 295 e.s., Macqueen 70 e.s.. Haie défend la Chambre des Communes,
Prynne la Chambre des Lords, Comp. Palmer p. IX e.s.
70)nbsp;V. en général sur sa juridiction: Halsbury IX 19 e.s.
71)nbsp;Comp. Holdsworth I 377 e.s.
72)nbsp;Beven 165, Baldwin 325 e.s., Denison p. II e.s.. Haie 59, 155, Pike 194
indique comme date précise 1341.
73)nbsp;Encore sous le règne de Guillaume III les juges étaient régulièrement
consultés dans la Chambre des Lords: Turberville W III 94 e.s.
assistants de la Chambre des Lords et reçoivent un „writ of atten-
dancequot; 74) à chaque Parlement nouveau.
Quoiqu'on constate que l'élément professionnel fût toujours
représenté et qu'il eût une influence prépondérante dans l'admi-
nistration de la justice par la Chambre des Lords, l'assemblée
générale n'a jamais renoncé à la fiction que c'était la séance
plénière qui rendait le jugement et que chaque lord non-juriste
pouvait assister à une réunion du comité judiciaire 75).
§ 12. Dans le dix-neuvième siècle on a essayé maintes fois
de moderniser la procédure compliquée, lente et chère de la Chambre
des Lords 76).
La grande réforme judiciaire de 1873 abolissait la juridiction
d'appel de la Chambre des Lords. Mais la troisième instance fut
considérée si importante qu'on la restaura en 1876 77) sans qu'elle
eût été supprimée un moment.
Jusqu'à ce moment les Lords s'étaient toujours refusés d'admettre
dans leur Chambre des membres purement juristes qui n'étaient que
74)nbsp;Anson II 294 donne comme l'exemple le plus récent de l'assistance des
juges: Allen v. Flood [1898] A. C. 1, Pollard 307 e.s., fait dater le
dernier cas de 1857. Comp. Macqueen 34 e.s., Baldwin 75 e.s., Denison
19 e.s.. Coke IV 4, Pollard 24, Palgrave 50, Mcllwain 31, 186,
Turberville XVIII 9, Lords' Standing Orders 6, 7, Palmer 357 note 11,
Huizinga 163.
75)nbsp;Cette théorie est encore soutenue à présent par Anson I 239 e.s. qui dit
que seulement les „conventionsquot; de la Chambre des Lords empêchent
un lord non-juriste de prendre part aux travaux judiciaires. V. aussi
Denison 17 e.s., Holdsworth L. Q. R. 327, Carter 105 et May (Parlia-
mentary Practice 13th Ed. p. 356/357) donnent comme dernier exemple
une affaire de 1834 (reportée par Hansard 3rd Series 2121), Beven
369 e.s. cite comme dernier effort d'un lord non-juriste à la participation:
[1883] 8 A. C. 354.
76)nbsp;Pour plus de détails: Holdsworth I 643 e.s.. Pike 304 e.s., Holdsworth
L. Q. R. 327 e.s., Beven 369 e.s., Denison p. LIX e.s., Lords' Rep.
1856 VIII.
77)nbsp;Appellate Jurisdiction Act (39/40 Vict. c. 59). Comme s'exprime
Denison p. LVI „in accordance with the constitutional maxim that the
„sovereign is the fountain of justice the Act recognizes that the House
„of Lords sits in its judicial capacity as the adviser of the King.quot; V. les
livres Wilson et Andrews ô Stoney.
des membres à vie ^8). Les Lords ne voulaient pas que la qualité
de „Lordquot; fût employée comme moyen d'adjoindre à leur Chambre
des personnes qui, seulement par leurs capacités juridiques entre-
raient en ligne de compte pour une nomination.
Pourtant leur admission était nécessaire pour rendre possible un
fonctionnement régulier des procès devant la Chambre des Lords.
C'est pour cela que les Lords se résignaient, de sorte que des
membres professionnels nommés pour la durée de leur vie pouvaient
être institués par cette loi avec le titre de Lord d'appel en service
ordinaire (Lord of Appeal in Ordinary).
§ 13. Après le démembrement des tribunaux et du Parlement
le conseil du roi continuait à dispenser la justice équitable, le roi
„exerçant sa prérogative de donner justice à tous ses sujets dans
„les cas où les tribunaux ordinaires n'étaient pas capables de la
„donnerquot;quot;9).
Depuis le quinzième siècle la Chancellerie, dont le Chef était le
Lord Chancelier, prenait une grande partie de la juridiction équi-
table 80) à son compte et, pendant le règne de la Maison Tudor, la
Chambre Etoilée si ) se chargeait également des fonctions judiciaires
du conseil qui lui-même devenait de plus en plus administratif.
La justice arbitraire royale par la Chambre Etoilée, exercée en
collaboration avec la Chancellerie, quoique salutaire par sa
souplesse, pouvait mener à de grands abus sous des rois tyran-
niques, de sorte qu'elle suscita la haine des tribunaux ordinaires et
du Parlement. Le dernier, devenu assez puissant, contribua à l'abolir
en 1641 82).
Jamais absolument séparé de la Chambre Etoilée, le conseil avait
78)nbsp;En 1856 on avait refusé Lord Wensleydale. V. sur la pairie personnelle
(life-peer): Pike 376, Anson I 223, Bagehot 123. En Ecosse cette in-
stitution était déjà connue en 1428: Rait 189.
79)nbsp;Holdsworth I 477 e.s.
80)nbsp;Franqueville I 38 e.s., Palgrave 14.
81)nbsp;„Fondéequot; en 1422: de Franqueville I 100. V. sur son histoire: Anson I
36. Dicey 93. Gneist II 183 e.s.. Carter 136 e.s., Reeves III 152 e.s.,
Palgrave K. C. 98 e..s.. Finlason 5 e.s.. Coke IV 60 e.s.. Lambard 88.
82)nbsp;Holdsworth I 515, de Franqueville I 34, Glasson V 291 e.s.
-ocr page 47-toujours retenu quelque juridiction notamment pour les colonies.
Celle-ci prit un nouvel élan par l'institution en 1833 du Comité
judiciaire du Conseil privé (3/4 W. IV c. 41) comme tribunal
d'appel suprême pour les colonies et plus tard pour les domi-
nions ^3).
En outre elle est le tribunal d'appel des affaires ecclésiastiques
et de la marine.
83) Pour plus de détails: Holdsworth I 518 e.s., de Franqueville G. i 339 e.s.,
Halsbury IX 27 e.s., et les livres de Macpherson, Finlason et Selborne.
CHAPITRE III.
LE PROBLÈME EN ALLEMAGNE.
§ 1 Les organes de la juridiction souveraine. § 2 La réception du droit
romain. § 3 Suite. § 4 La composition de la cour royale et de ses avantages.
§ 5 Le démembrement de la cour au quinzième siècle. § 6 Suite. § 7 La fondation
de la cour aulique impériale. § 8 Son organisation et sa compétence. § 9 L'histoire
de la cour aulique impériale jusqu'à sa dissolution. § 10 L'histoire du conseil
curial. § 11 L'évolution dans le 19ième siècle. § 12 Suite.
§ L L'organisation germanique primitive ne connaissait pas
de pouvoir central dans le sens moderne, de sorte qu'une juridiction
suprême faisait défaut i).
Les rois francs cependant, évolués des chefs germains 2) étaient
déjà capables de s'ériger en défenseurs de l'ordre de droit 3), ce
qui prouve que la centralisation avait gagné en influence. Comme
protecteurs de la paix 4), la base de leur juridiction, ils s'effor-
çaient de réprimer l'abus de la guerre privée (veete, Fehde) 5).
Ainsi, le roi devenait, aux temps de la deuxième dynastie, le
dispensateur de la justice; il était aidé par ses assistants, membres
de sa cour 6).
La forme originale de la composition de la cour était, comme
dans tous les tribunaux d'origine germanique, la séparation rigou-
reuse entre le rapporteur, réclamant le droit et exécutant le juge-
1)nbsp;Schroeder 26 e.s.
2)nbsp;Schroeder 112 e.s.
3)nbsp;Planck I 4 e.s.. 155, Franklin I 1 e.s., II 3 e.s., Tomaschek 526 e.s.,
Reissenstein 42.
4)nbsp;Poetsch R. A. 3/4. La „paixquot; est „le rapport dans lequel se trouvaient
„tous quand et autant que tous restent dans la relation mutuelle et dans
„le droit, sur lequel repose la communautéquot; (Waitz I 421). V. en
général le livre de Datt.
5)nbsp;Schroeder 712 e.s.
6)nbsp;Schroeder 184 e.s.
-ocr page 49-ment et les jugeurs témoignant le droit existant le souverain
n'avait que la première fonction et la composition de sa cour
changeait selon le caractère de l'affaire et la position des liti-
gants 8).
§ 2. L'idée d'un appel moderne était inconnue dans le droit
primitif germanique 9). Le moyen le plus important de s'opposer
contre un jugement était la „Urteilsscheltequot;, accusation personnelle
des jugeurs d'iniquité ou de fraude iquot;).
Cette accusation s'adressait d'abord à une assemblée plus grande
de jugeurs, l'assemblée de la tribu entière, mais, à mesure que le
souverain devenait plus puissant on commença à faire appel à
sa cour. C'était d'autant plus compréhensible dans un temps oii
la puissance représentait la justice et la richesse la noblesse, en
d'autres termes où la qualité et la quantité n'étaient pas distinguées
si nettement.
La prééminence de la cour était renforcée par l'influence crois-
sante du droit romain. Il n'était pas seulement invoqué comme par-
tout, pour motiver l'intervention du pouvoir central dans le droit
traditionnel n), mais il faisait plus autorité en Allemagne par la
continuité idéale des empereurs romains et des empereurs alle-
mands.
Le droit romain était importé par les tribunaux ecclésiastiques.
Au commencement, sa réception se manifestait par la dénomination
latine des institutions germaniques et ensuite, plus tard, par
le remplacement d'établissements d'origine germanique par ceux
de droit romain la première phase est celle de la réception
théorique, la deuxième celle de la réception pratique.
7)nbsp;Sur cette question: le livre de Planck, notamment 87 e.s., Stintzing I 50.
8)nbsp;Franklin II 93 e.s., 125 e.s.. Stobbe 3.
9)nbsp;Stölzel I 137 e.s., Planck I 44 e.s.
10)nbsp;Schroeder 352, 400, Planck I 268 e.s., Skedl 8 e.s.
11)nbsp;Tomaschek 547.
12)nbsp;Schwartz 25 e.s., Stölzel I 22/23.
13)nbsp;La dernière s'accomplissait au quinzième siècle Stölzel I 166 e.s.,
Stölzel Gei. Rechtspr. II 115 e.s., v. Berg 13, Spangenberg 259 e.s.,
Tomaschek 546 e.s.. Comp. Franklin II 207 e.s., Samanek 24 e.s..
§ 3. On comprend que la réception une fois commencée, l'appel
romain ne tarda pas à être introduit en Allemagne, notamment
dans la cour royale. Par cette circonstance la cour était raffermie
dans sa position comme sommet de la hiérarchie judiciaire.
Comme ailleurs, l'ancienne organisation judiciaire traditionnelle
ne pouvait pas s'adapter aux besoins modernes gt, là, la cour
royale pouvait aider par son fonctionnement plus souple et moins
formel.
Quoiqu'en Allemagne, en contraste d'autres pays, la distinction
de rapporteur et de jugeur se maintint dans le cours des siècles
l'avènement des juristes professionnals réforma le droit sur plu-
sieurs points.
Les légistes divulguaient le droit romain, le seul qu'ils avaient
étudié à l'université et qui leur servait d'appui pour le pouvoir
souverain.
Dans le conseil qui lui-même ne siégeait que quelques fois par
an !■''). ils formaient un comité permanent (consiliarii) se char-
geant des affaires quotidiennes.
§ 4. La compétence de la cour du roi continuait d'être flottante
Schwartz 426 e.s. Il n'y a pas unanimité sur la date; l'explication en est
peut-être qu'on ne s'est pas représenté le danger (remarque de Stôlzel
I 23) de conclure à la réception de telle ou telle institution de droit
romain, à cause de l'emploi de mots latins pour des institutions de droit
germanique. Schroeder 852 cite une constitution de l'an 1173 où l'on
trouve déjà le mot „appellatioquot; (Mon. Germ. hist. Const. I 355 § 7)
mais il serait inexact de conclure de ce seul fait à la réception de l'appel
romain en Allemagne à ce moment.
14)nbsp;Stintzing I 47 e.s.
15)nbsp;V. l'article particulièrement intéressant de Lenel 440 e.s. qui montre que
jusqu'au dix-neuvième siècle cette séparation se manifestait. Encore
actuellement le président de la Cour Impériale n'est pas nommé selon
l'ancienneté ou recruté parmi les membres de la cour, comme c'est
l'habitude dans beaucoup d'autres pays.
16)nbsp;En général sur les juristes professionnels Stôlzel Gel. Rechtspr. V. aussi
Stôlzel I 28 et passim, Spangenberg 248; pour l'Autriche: Luschin V.
Ebengreuth 99.
17)nbsp;Samanek 14.
-ocr page 51-et universelle i®); le conseil n'était pas sédentaire, mais voyageait
avec le roi^s), il était composé de son entourage immédiat, de
ses conseillers et des grands du pays (optimates, antrustiones) 20).
Très souvent il était présidé par le représentant du roi 21). le
maior-domus, plus tard l'intendant du palais (Hofmeister) 22), par-
fois aussi la juridiction royale était délégués à des commissaires 23).
L'activité juridictionnelle du roi reçût un nouvel élan par la
célèbre ,,paix de dieuquot; (Landfrieden) de Mayence de 1235.
C'était une formulation renouvelée de la tâche principale du pou-
voir central: le maintien du droit et de l'ordre 24).
Cette formulation impliquait une certaine reconstitution de la
cour royale, qui devenait plus stable et plus indépendante du
roi 25) Quand on sait que la Magna Charta date de 1215 et la
fixation du Parlement de Paris de 1302, on peut placer ce fait
dans le cadre général: c'est un des premiers sectionnements de la
cour suprême allemande.
§ 5. L'opposition entre l'élément traditionnel et l'élément mo-
derne dans le conseil donna naissance à une division: la cour curiale
(Hofgericht) se sépara de la cour aulique ( Kammergericht) 26).
18)nbsp;En général: le livre de Barchewitz, Tomaschek 560 e.s. On ne pouvait
pas invoquer le conseil sans s'être adressé à son juge habituel: Barchewitz
95 e.s. (L. L. I 31, Cap. Pippini. incerti anni cap. 7: L. L. I 127, Cap.
missi Baivario, a. 803 c. 7).
19)nbsp;V. Berg 9.
20)nbsp;La formule de ses arrêts était: „placuit nobis et nostris fidelibus, in
praesentia fideliumquot; (Bouquet 9, 336 cité par Barchewitz 77).
21)nbsp;Comp. Spangenberg H. Z. W. 172 e.s., Walther B. Z. B. 140 e.s.
22)nbsp;Sur cette fonction: le livre de Seeliger.
23)nbsp;Lechner 23, Schroeder 600 e.s.
24)nbsp;Sur la compétence du roi contre ceux qui transgressaient la paix de
dieu: v. Berg 330 e.s., Danz 449 e.s.
25)nbsp;Tous les écrivains ne sont pas d'accord sur la signification de 1235.
Selon V. Berg 17, Thudichum 151 e.s.. le tribunal curial (Hofgericht)
fut établi par le „Landfriedenquot;; Schroeder 598 prétend qu'en 1235 le
Tribunal n'obtint qu'un représentant permanent du roi (iustitiarius
curiae regiae) V. en général: Lechner 21, Stôlzel Gel. Rechtspr. II 41
e.s.. V. Reissenstein 43.
26)nbsp;Sur ce point il y a une grande diversité d'opinions dans la littérature:
V. le sommaire chez Lechner 6. Spangenberg 231 e.s.
C'est que les mêmes facteurs qu'en France ou en Angleterre
causaient cette divergence entre le conseil comme ancienne assem-
blée populaire et comme cour souveraine influencée directement
par l'empereur et composée de ses conseillers personnels.
11 est vrai que, si l'on compare superficiellement l'évolution alle-
mande à celle des autres pays, on s'attend à trouver très peu
d'analogies, mais la raison est, selon nous, non pas l'absence de
causes analogues, mais le fait que celles qui ailleurs ont contribué
à un gouvernement central composé principalement de fonction-
naires nommés par le souverain et dépendants de lui, n'ont pas
été assez fortes en Allemagne pour que cette évolution piît s'accom-
plir là dans le même rythme.
Parmi ces causes absentes en Allemagne on peut nommer en
premier lieu l'impuissance relative du souverain; l'empereur n'a
jamais réussi, même lors de la formation de son conseil personnel,
à se soustraire à l'influence traditionnelle qui exigeait la séparation
entre les jugeurs et le rapporteur, de sorte que jamais son conseil
ne fut si dépendant de lui comme il le fut en France.
Ce sont ces considérations qu'il faut retenir en décrivant l'évo-
lution du gouvernement central dans la période suivante.
Selon le droit germanique primitif l'empereur n'était que le
défenseur du droit. En 1235 les princes territoriaux, opposés à
un trop grand pouvoir central, accentuaient alors cette fonction
en n'attribuant au conseil qu'une compétence limitée dont l'empe-
reur serait l'exécuteur plus ou moins passif.
Par contre l'empereur soutenu par les légistes, ses conseillers
personnels, qui appliquaient les principes de droit romain, le pro-
clamaient ,,legibus solutumquot; comme successeur des empereurs ro-
mains 27) tâchait de substituer sa juridiction équitable, au droit
rigide et formel non seulement parce qu'il voulait agrandir son
pouvoir par un sentiment égoïste, mais aussi parce que justement
27) L'idée de cette succession a toujours été accentuée; par ex. „Frankfurter
Reichsabschiedquot; de 1342 (Neue vollständige Sammlung der Reichs-
abschiede I Frankfurt a/M. 1747 p. 44): „allermänniglich zu richten
„nach kunig und kaisern seiner vorvare am dem römischen riche ge-
setzen und ire geschriben rechtenquot; (cité par Poetsch 3 et Franklin I
150 e.s. Comp. Merriam 12).
sa fonction lui imposait de donner son appui là où le droit et la
procédure traditionnelle restaient impuissants.
Ce n'est qu' au quinzième siècle pourtant que la différenciation
entre le corps central comme cour traditionnelle et celui comme
cour moderne apparaît clairement.
Négligeant cette divergence 28) dans le développement de
l'organe central, plusieurs écrivains 29) acceptent comme date ap-
proximative de la fondation de la cour aulique personnelle, c'est à
dire de la cour qui exerçait la juridiction équitable de l'empereur
(königliches Kammergericht) 30) ]'an 1415, tandis que d'autres
nomment comme fondateur Frédéric III parce que la cour aulique
personnelle n'est signalée qu'en 1442 3i).
Il serait plus exact, selon nous, de dire que dans le cours du
quinzième siècle le conseil royal s'est divisé, sans donner une date
exacte: la partie où l'influence populaire était plus grande se
sépara de la partie influencée plus directement par l'empereur
pour les raisons mentionnées ci-dessus.
Il est compréhensible que la faiblesse relative du pouvoir im-
périal en Allemagne n'ait pas tellement fixé l'attention sur ce fait
et que l'on n'ait pas compris que les mêmes causes qu'ailleurs,
quoique plus faibles, se sont produites en Allemagne et là aussi,
ont fait naître un sectionnement du conseil souverain 32)^ qui a
son origine dans l'incomptabilité de l'élément moderne avec l'élé-
ment traditionnel dans le conseil.
28)nbsp;Lechner 24, Smend 13, Spangenberg 236, Schroeder 601 opp. Stölzel
Gel Rechtspr. II 29 e.s.
29)nbsp;Seeliger 113 e.s., Tomaschek 539 e.s., Schroeder 601.
30)nbsp;Elle ne peut être confondue avec la Cour aulique de l'Empire fondée en
1495 (Reichskammergericht) qui est une continuation du tribunal tra-
ditionnel (Hofgericht). La cour aulique personnelle (königliches Kam-
mergericht) est continuée par le tribunal personnel de l'Empereur, le
conseil curial (Reichshofrat). Ainsi, les institutions et leurs dénomina-
tions se sont croisées. V. en général sur l'histoire de la cour aulique
personnelle: Lechner 65 e.s., Franklin K. G. 1 e.s., Vogel 152 e.s.,
Schwartz 67 e.s.
31)nbsp;Franklin 327 e.s., Franklin G. 1 e.s.
32)nbsp;Spangenberg I.e. nous a principalement inspiré dans les considérations
de ce paragraphe et les suivants.
§ 6. La représentation habituelle que donnent les auteurs est
que la cour de droit traditionnel (la cour curiale, Hofgericht), celle
qui devait défendre l'indépendance des territoires contre le pouvoir
central, étant limitée quant à sa compétence à la fonction de tri-
bunal de droit germanique primitif, continuait de fonctionner à
côté de la cour aulique 33) jusqu'à environ 1450, le moment où
cette dernière avait usurpé toute sa compétence 34).
Quoiqu'il en soit, il est sûr que dans le quinzième siècle le pou-
voir autoritaire de l'empereur était très étendu, de sorte qu'il
pouvait exercer une véritable „justice de cabinetquot; (Kabinetts-
justiz) 35) dont la procédure était exempte de beaucoup de for-
malités 36).
Une fois de plus on voit ici que l'évolution historique n'est
jamais abrupte et que surtout dans cette période de formation les
institutions n'ont pas encore cette existence distincte qu'elles auront
plus tard: au quinzième siècle le tribunal traditionnel s'affaiblis-
sait de plus en plus sous l'influence prépondérante impériale pour
renaître dans le seizième.
§ 7. La lutte entre la juridiction autoritaire de l'empereur et la
juridiction traditionnelle de l'empire finissait par une victoire de
la dernière.
Les défauts de l'organisation judiciaire dont on se plaignait
maintes fois au quinzième siècle ^7) exigeaient une solution défi-
nitive. Maximilien I 38) et son prédécesseur voulaient remédier à
ces défectuosités par l'institution d'un organe central monarchique,
mais les princes territoriaux sous la direction de Berthold de
Henneberg considérant l'empire comme un état fédératif plutôt
33)nbsp;Par ex. Seeliger 117 e.s.
34)nbsp;Reissenstein 44, Lechner 53 e.s., Franklin I 325, Schroeder 601.
35)nbsp;Thudichum 156. Stobbe 5, 50 Jahre R. G. 1. Comp. Baumann 69 e.s.
36)nbsp;Lechner 60 e.s., Tomaschek 523 e.s., 581 e.s. Selon le premier il y avait
un développement analogue en Autriche et également en Brandenbourg
(Stôlzel Gel. Rechtspr. II 586 e.s., Holtze, Holtze K. G. I—IV, Spangen-
berg H. Z. W. 183 e.s.). Pour la Bavière Stôlzel Ged. u. App. 7 e.s.
37)nbsp;Smend 1 e.s., Poetsch 6 e.s., v. Reissenstein 44 e.s.
38)nbsp;Sur .ses réformes en général: Mayer pass. Rachfahl 433 e.s., Walther
M. I 335 e.s., Winter 101 e.s. etc.
que comme une monarchie, étaient partisans d'un organe répu-
bhcain aristocratique 39).
Obligé de céder aux voeux des princes à cause de difficultés
externes 40). l'empereur ne réussissait pas à poursuivre ses desseins
et la cour aulique impériale fut instituée par le „Reichsabschiedquot; de
Worms le 16 octobre 1495 comme une organisation contre le pou-
voir personnel de l'empereur.
La continuité avec le passé était conservée 4i) comme le prouve
le règlement de 1495 de la cour aulique (K.G.O. = Kammerge-
richtsordnung) qui était emprunté à celui de 1471 42). mais d'autre
part il y avait des changements considérables: la cour était devenue
sédentaire ^3). ni la nomination de ses membres ni leur traitement
ne dépendait plus exclusivement de l'empereur 44) 45)
La cour aulique inaugurait la réception pratique du droit romain.
Quoique l'influence de l'organisation judiciaire de l'empire sur celle
des territoires soit contestée 46) on peut pourtant accepter que le
K.G.O. fut l'exemple de la procédure de beaucoup de tribunaux
souverains territoriaux 47) et par le fait que le K.G.O. de 1495
déterminait qu'il fallait juger ,,selon le droit commun de l'em-
pire 48) il est clair que ce renvoi au droit romain fut suivi par
les tribunaux territoriaux 49).
39)nbsp;Mayer 80 e.s.. Schroeder 863. A la diète d'Augsbourg de 1530 on
disait que l'empereur n'était qu'un doge ou consul et fEmpire qu'une
aristocratie (Stintzing I 227).
40)nbsp;Thudichum 157 e.s.. v. Berg 28 e.s., Smend 23.
41)nbsp;Smend 43 et pass., Stobbe passim, 50 Jahre R. G. (Lobe) 1 e.s.
42)nbsp;Par ex. Poetsch 55 e.s., Endemann 166 e.s., Smend 23 e.s.
43)nbsp;D'abord à Francfort, puis à Spire (depuis 1526) et ensuite à Wetzlar
(depuis 1693).
44)nbsp;Poetsch 38, Smend 914.
45)nbsp;La cour était, au moins nominalement, entretenue par une taxe payée
par l'empire entier, le „Kammerzielerquot;. V. également ci-dessous les
notes 50 et 51.
46)nbsp;Entre autres par Spangenberg 251 e.s.
47)nbsp;Thudichum 174. Seeliger 121, Vogel 152, Franklin II 121 et passim,
Smend 296 e.s.. Schroeder 848. Poetsch 66.
48)nbsp;„Nach des Reichs gemeinem Rechtequot; Stintzing I 54 e.s., Poetsch 3,
Eichorn III 339 e.s., opp. v. Reissenstein 46.
49)nbsp;Schroeder 870/871. 948.
-ocr page 56-§ 8. L'organisation de la cour aulique était celle de l'ancien
tribunal germanique avec sa séparation de rapporteur (Kammer-
richter) 50) et de jugeurs (Beisitzer) 5i). La cour était tribunal
de première instance et d'appel 52); tribunal de première instance
pour ceux qui relevaient immédiatement de l'Empire (reichs-
unmittelbar) c'est à dire pour tous les princes, la haute noblesse
et certaines villes 53), tribunal d'appel pour les habitants des terri-
toires et de ces villes de l'Empire (Reichsstädte) en tant qu'ils
n'avaient pas obtenu le „Privilegium de non appelandoquot; 54).
Ce privilège, ainsi que le „Privilegium de non evocandoquot; 55)
était un reste de l'ancienne organisation germanique où le pouvoir
central était très faible; le particularisme de la juridiction tradi-
50)nbsp;Il était nommé par l'Empereur ainsi que plus tard les 2 (pendant quelque
temps 4) présidents de sénats qui furent institués après la division de
la cour en deux chambres vers 1522 (Brandis 1 e.s.). Le président
devait appartenir à la haute noblesse et était souvent un ecclésiastique
(la dernière fois en 1721: Endemann 67 e.s.). V. sur sa fonction, Smend
40, 52, 248 et pass., Schroeder 914.
51)nbsp;D'abord au nombre de 16 augmentés jusqu'au maximum de 50 et réduits
à la fin à 18, ils étaient nommés, en partie par l'empereur comme
seigneur de ses propres pays, en partie par les électeurs, en partie par
les „cerclesquot; („Kreisequot;). V. sur leur fonction Smend 79 e.s., 259 e.s.,
sur leur élection v. Kamptz pass.
52)nbsp;Pütter 187: „A quolibet immediate iurisdictioni caesareae subiecto iudice
„appellatio ad cameram imperialem deferri potest tamquam ordinarium
„et commune quorumlibet in inferioribus foris litigantium beneficium.quot;
53)nbsp;Dans ce cas la cour aulique comme continuation de l'ancienne cour
royale (Planck I 12), était compétente pour des affaires de violation de
la paix, d'affaires fiscales, déni de justice etc. Stintzing I 54 e.s.,
Schroeder 915 e.s.
54)nbsp;V. en général sur ce privilège Perels 1 e.s., Tomaschek 599 e.s.,
Schroeder 914 e.s., Stölzel Gel. Rechtspr. II 139 e.s., v. Berg 41 e.s.
On peut distinguer le priv. d. n. app. limitata qui limitait seulement
l'appel soit aux affaires d'une certaine valeur (summa appellabilis), soit
à celles de certains sujets, soit en rendant les formalités plus difficiles.
Comp. Fischer 10, Seyffart 492.
55)nbsp;V. un exemple cité par Franklin II 6: „... ut nullus iudex secularis...
„cives extra civitatem possit trahere ad indicium suum vel in eos
„iurisdictionem suam extendere vel exercere... salva in omnibus reverentia
„et iudisdictione culminis imperialisquot; (privilège de Mayence de 1236:
Huillard-Bréholles IV 892, Paris 1852 e.s.).
tionnelle était opposé à l'intervention de la justice impériale et se
défendait contre elle par ces privilèges.
La ,,Bulla aureaquot; (1356) avait déjà accordé aux pays des élec-
teurs la „privilegium de non evocandoquot; se).
A mesure que ces privilèges étaient accordés plus souvent et à
plus de personnes et de territoires et qu'ils pouvaient être réalisés,
plus grande devenait l'indépendance des territoires, ce qui prouve
qu'une juridiction suprême puissante aurait contribué considéra-
blement à l'unification de l'Empire.
En effet, le privilegium de non appellando, devenu général au
quinzième siècle favorisait l'érection de tribunaux suprêmes terri-
toriaux et augmentait l'aversion des princes de reconnaître la cour
aulique comme tribunal d'appel suprême 57).
§ 9. L'histoire de la cour aulique est liée intimement à l'his-
toire politique de l'Allemagne. Influencée au commencement de son
existence par le problème du mode de gouvernement de l'empire,
après la mort de Maximihen I (1519) ce sont les relations entre
les Catholiques et les Protestants qui déterminent son dévelop-
pement 58).
L'activité de la cour a été souvent interrompue et alterna avec
des périodes'de presque non-existence. Après une époque de pros-
périté relative de 1507 jusqu'à 1519 59) les confhts de rehgion
empêchèrent l'accroissement de son influence.
La cour atteignit sa plus grande importance politique au temps
56)nbsp;........ut nulli comités, barones etc....... ad cuiuscunque actoris instantiam
„extra territorium et terminos ad quodcunque aliud tribunal seu cuiusvis
„alterius citari vel trahi seu vocari debeant sive possintquot; (c. VIll et X
par. 1 et par. 5 cités par Franklin II 9/10). Comp. Herchenhahn I 375
e.s., Lechner 21 e.s., Poetsch 3, Schroeder 594, Smend Br. Pr. 168 e.s.
57)nbsp;Pour les relations de la Cour aulique et le Brandenbourg v. Smend Br.
Pr. notamment 163 e.s. Il y a une analogie curieuse entre le droit de
veto que l'Electeur s'était réservé quant aux appels interjetés par ses
sujets à la Cour Impériale et ce même droit lequel se réservaient les
états souverains à la deuxième conférence de la paix qui adoptaient
l'institution d'une cour des prises supra-nationale: Berthon „La jurir^iction
des prises maritimes.quot; (Th. Lyon 1910) 166 e.s. V II II § 4 note 20.
Pour les relations de la Cour aulique avec les Pays-Bas: Tadama 138 e.s.
58)nbsp;Smend 101 e.s.
59)nbsp;Smend !.c.
-ocr page 58-de l'alliance des Protestants (Schmalkaldischer Bund: 1531) 60)
mais ensuite, elle subit une interruption de sa juridiction de 1544
jusqu'à 1548 ei).
Après l'arrangement provisoire des Protestants et des Catholi-
ques elle connut une nouvelle période d'activité (1555—1613)
mais elle n'était pas à la hauteur de sa tâche: sa procédure com-
pliquée ne pouvait pas expédier les 5000 affaires nouvelles qui
se présentaient chaque année. L'arriéré augmentait sans cesse et
était encore accru par le manque de conseillers dont on ne pou-
vait pas salarier un nombre suffisant 63).
La situation devenait de plus en plus difficile: les conflits de
religion, il est vrai, avaient été réglés définitivement par la paix
de Westphahe (1648) et par le „Jüngste Reichsabschiedquot; (1654)
mais la cour ne pouvait plus récupérer sa position de jadis parce
que les territoires étaient devenus trop indépendants et en 1806
le 7 août elle finissait son existence peu glorieuse 64).
La faiblesse du pouvoir central est la cause principale de sa
décadence, sa position isolée, son recrutement défectueux, son
manque d'argent continuel n'en étaient que des conséquences.
A côté de ces raisons politiques il y avait des raisons maté-
rielles. Constituée comme tribunal germanique, elle ne pouvait pas
s'adapter aux besoins modernes: sa procédure était lente 65). ses
recours nombreux et compliqués «6) bien qu'on eût vainement
tenté de les limiter.
60)nbsp;Smend 160 e.s., v. Ranke III 219 e.s.
61)nbsp;Smend 171 e.s., Harpprecht Gesch. pass.
62)nbsp;Smend 181 e.s., Stintzing I 478 e.s. Le K. G. O. de 1548/1555 est la base
de son organisation ultérieure: Smend 173 e.s., Brandis 20 e.s.
63)nbsp;La tentative de diminuer le nombre des affaires par l'introduction de la
„summa appellabilisquot; (l'admission unique d'affaires d'une certaine valeur)
resta aussi sans résultat: Opet passim.
64)nbsp;Smend 200 e.s.
65)nbsp;Simons 1 raconte qu'il faisait en 1895 les dernières formahtés d'un
procès devant la cour aulique qui avait duré quelques siècles: Stobbe 14
mentionne un procès où 684 témoins furent entendus et dont le dossier
occupait 10.864 pages. Comp. Opet. 2.
66)nbsp;On avait la „ResHtutionquot; recours à la Cour elle-même, la ,.Revisionquot;
(revisio actorum) recours à la „Visitationquot; (une députation de la
Diète qui contrôlait de temps en temps la cour aulique) et le „Recursusquot;
Pourtant, si l'efficacité pratique de la cour ne fut jamais grande,
elle a représenté pendant des siècles l'unité de l'empire et il est
probable que, sans sa tradition, l'Empire se serait désagrégé com-
plètement.
§ 10. Avant de continuer l'histoire de la juridiction suprême
au dix-neuvième siècle il nous faut dire quelques mots du concur-
rent de la cour auhque le conseil curial de l'Empire (Reichshof-
rat)' 67).
Il avait été „fondéquot; par Maximilien I en 1497/8 pour retenir
sa juridiction personelle mais en réalité il n'était une conti-
nuation de cette juridiction (la cour aulique personnelle) 69).
Réorganisé par Ferdinand Mo) il était l'instrument de l'empe-
reur pour agrandir son pouvoir: sa compétence était illimitée, judi-
ciaire ainsi qu' exécutive '^i), sa procédure libre et sans beaucoup
de formahtés 72). son recrutement dépendant exclusivement de
l'empereur 73).
L'empereur se basait sur la tradition de ses ancêtres romains
pour justifier son tribunal personnel 74) et il continuait d'intriguer
contre la cour aulique.
à la Diète: Mohl 391 e.s.,-Moser 15 e.s., Danz 449 e.s.. 650 e.s., Seyffart
493, 561 e.s. Werner pass., v. Berg Visit, pass. V. aussi Fischer 10,
Thudichum 195 e.s., Danz 293 e.s.
67)nbsp;Smend 77 e.s.. Hercheshahn pass. Comp, sur leur relation mutuelle:
Meyer V 145 e.s.
68)nbsp;Schroeder 900 dit que l'organisation était empruntée au gouvernement
bourguignon que l'Empereur avait appris à apprécier dans les Pays-Bas.
Cette théorie de réception est une des plus contestées dans la littérature
allemande: Rachfahl 433 e.s., Bachmann 364 e.s., Hintze 58, Luschin
V. Ebengreuth 273 en sont des partisans mais la réception est contestée
par Mayer 84 et passim, Walther pass., Walther B. Z. B. 68 e.s.
V. aussi note 38 de ce chapitre.
69)nbsp;V. note 30 de ce chapitre.
70)nbsp;Winter 103 e.s.
71)nbsp;Schroeder 602. V. aussi Malblanc III 1 e.s., Thudichum 177.
72)nbsp;Danz 659 e.s., v. Berg 177 e.s., Mohl 196 e.s. Contre ses arrêts il y avait
un recours à l'empereur: remedium supplicationis: Seyffart 566 e.s.,
Mohl 375 e.s.
73)nbsp;Le conseil se composait d'un président et de 18 membres (Mohl 1 e.s.).
74)nbsp;Smen.' 171/172: „Wie bei unseren Vorfahren am Reich Römischen
-ocr page 60-Ainsi que celui de la cour aulique, le pouvoir du conseil était
très influencé, par les fluctuations politiques et comme il était très
lié à la personne de l'empereur un accroissement d'autorité dc
celui-ci le favorisait également; ainsi, la période de la Contre-
Réformation fut aussi une recrudescense pour lui 'S).
La différence principale avec la cour aulique était que les états
de l'empire n'y étaient pas représentés, tous les membres étant
nommés personnellement par l'empereur, ce qui prouve d'autant
plus qu'il était le successeur du Kammergericht du quinzième
siècle 76).
L'histoire du conseil curial est très instructive quand on la
compare aux institutions analogues dans d'autres pays. Quoique
le pouvoir central fut relativement faible en Allemagne, nous
voyons que pourtant un conseil personnel et autoritaire du sou-
verain pouvait se maintenir là où législation, juridiction et exécu-
tion n'étaient pas séparées rigoureusement; cela provient du fait
peut-être partiellement que le territoire sur lequel l'empereur
régnait comme seigneur, était si étendu qu'il fallait déjà pour lui
seul un organe suprême.
Si son influence ne fut pas aussi grande que dans d'autres pays,
il étendait cependant sa juridiction partout dans l'Empire.
§ 11. Après l'échec de la juridiction suprême en 1806 les efforts
pour la reconstruire au dix-neuvième siècle furent longs et diffi-
ciles 77).
Dans cette même année de 1806 la Confédération du Rhin
déclarait dans sa constitution (articles 25 et 26) que la juridiction
en dernière instance appartenait exclusivement au territoire (Em-
„Kaiser und Königen gebräuchlich und herkommen istquot; (R. A. 1546
§ 9) ou bien „weiland Kaiser Justianian unser Vorfahr am Reich
„strenglich gebotenquot; (Aller des heil. röm. Reichs Reichstagordnungen
vom 1356—1641, Mainz 1642, p. 35).
75)nbsp;Smend 195.
76)nbsp;Comp. Mohl p. IX. Sur les influences mutuelles de la cour aulique et du
conseil curial; v. Berg 95, Stintzing Gel. Rechtspr. II 107 e.s.. Malblanc
IV 1 e.s. V. en général Reusz I/III, v. Senckenberg, Pütter R. G.,
de Cramer.
77)nbsp;Un aperçu exellent donne le livre de Solbrig.
-ocr page 61-zelstaat) et qu'il n'y avait pas de place pour une cour centrale ''8)
Les particularistes l'emportaient également à l'occasion de la
conception des articles de la fédération germanique (Deutscher
Bund); dans sa loi fondamentale du 8 juin 1815 on instituait seule-
ment une sorte de procédure d'arbitrage (Austrägalinstanz)
pour les conflits de ses membres ^o).
Tandis que pendant la première moitié du dix-neuvième siècle
on désirait plutôt un tribunal suprême pour la défense des droits
politiques, après 1850 on commençait à reconnaître l'importance
d'une unité économique de l'Allemagne ^i) et, par suite, de lois
civiles et commerciales uniformes. Ces idées nouvelles se réflé-
chissent dans les projets d'une loi fondamentale de 1848 et de 1850.
dans lesquelles on demandait l'unification du droit commercial et
civil 82).
Le traité de la confédération germanique septentrionale (Nord-
deutscher Bund 1867) ne contenait aucun article sur l'unité de
droit 83) mais entre 1857 et '61 le droit commercial avait été
unifié, de sorte qu'on avait beson d'un tribunal suprême.
Par la loi du 12 juin 1869 le tribunal suprême de droit commer-
cial de la confédération (Bundesoberhandelsgericht) fut établi 84).
§ 12. Même après l'unification de l'Allemagne en 1870 l'influ-
ence du particularisme restait très grande 85). C'est pour cela qu'il
78)nbsp;Binding III.
79)nbsp;Elle était déjà connue sous l'ancien Empire: v. Berg 70 e.s.. Malblanc IV
420 e.s., Franklin II 22 e.s.
80)nbsp;Wiener Schlussakte: art. XVIII, Bundesbeschluss vom 3. August 1820
(Binding III), Endemann 221. (Zachariä, Deutsches Staatsrecht II
§ 270 e.s.), Solbrig 34 e.s., Eichorn Beitr. 1 e.s., 68 e.s., Harrasowsky
332 e.s.
81)nbsp;Solbrig 9/10.
82)nbsp;Frankfurter Reichsverfassung du 27 avril 1848, Erfurter Unionsver-
fassung de mars/avril 1850: Binding II, Purgold I, Solbrig 14 e.s..
Luden 133 e.s.. Comp. Mittermaier 286 e.s.
83)nbsp;Binding I, Solbrig 85 e.s., Schroeder 1013 e.s., Endemann Nordd. B.
p. XLVII e.s.
84)nbsp;V. Marschner, Endemann Nordd. B. p. XLVII e.s. et Comm. de la Loi du
12 VI 1869 passim.
85)nbsp;Comp. Frantz pass., Vierhaus 57 e.s.
-ocr page 62-fallut encore quelques années avant qu'un tribunal suprême, avec
une compétence générale, pût être institué.
Puisque le moyen allemand de maintenir l'unité de droit est sur-
tout intéressant au point de vue dogmatique nous ne donnerons
ici que quelques remarques sur l'histoire externe »6) du nouveau
tribunal suprême (H V § 7 et VII § 9 B).
Après la fondation de l'Empire (Reich) le Bundesoberhandels-
gericht devint l'instance suprême de droit commercial pour l'Empire
entier (loi du 16 avril 1871).
Il fallait d'abord une loi de procédure »7) et d'organisation judi-
ciaire pour toute l'Allemagne avant que le tribunal impérial
(Reichsgericht) pût être fondé.
Le remplacement eut heu par la loi du 1 octobre 1879. Le
tribunal ne pût se déployer entièrement qu'après l'unification du
droit civil (le 1 janvier 1900).
86)nbsp;V. par ex. Simons 1 e.s. 50 Jahre R. G. pass.
87)nbsp;Pour son histoire v. Hahn pass.
-ocr page 63-CHAPITRE IV.
LE PROBLÈME DANS LES PAYS-BAS i).
§ 1 Les facteurs spéciaux de son développement. § 2 La délimitation du pro-
blème. § 3 La cour comtale de Hollande. § 4 Son démembrement. § 5 L'origine
du Grand Conseil. § 6 Suite. § 7 L'institution du Haut Conseil de la Hollande.
§ 8 Les relations entre la Hollande et la Zélande. § 9 La compétence du Haut
Conseil. § 10 La juridiction suprême pendant la période intermédiaire. § 11 Suite.
§ 12 L'institution du Haut Conseil des Pays-Bas. § 13 Suite. § 14 L'évolution
au 19ième siècle.
§ 1. Pendant plusieurs siècles les Pays-Bas ne formaient qu'une
partie de la monarchie franque, de sorte que pour montrer les
premiers vestiges de leur juridiction suprême il faudrait répéter ce
qui a été dit en retraçant l'évolution franque dans le premier
chapitre (§ 2. e.s.) 2).
Pourtant ils gardaient toujours une position plus ou moins indé-
pendante, parce qu'ils étaient si éloignés du pouvoir central.
De là naissent des difficultés spéciales pour décrire l'évolution
de leur juridiction suprême.
Etant plus ou moins libres, les différents territoires pouvaient
mieux se développer séparément sans former une unité qui, après
avoir été atteinte quelque temps, disparaissait dès que le pouvoir
central avait perdu son influence. Ainsi, d'abord après la débâcle
de l'Empire de Lothaire, ensuite après celle de la monarchie bour-
guignonne et enfin après l'abjuration de Philippe II comme seigneur
des Pays-Bas, les territoires reprirent leur ancienne indé-
pendance 3 ).
1) Le titre fait présumer plus que le contenu de ce chapitre. Pour des raisons
qui s'expliqueront ci-dessus nous nous sommes bornés à poursuivre
l'histoire du Haut Conseil actuel des Pays-Bas et de ses prédécesseurs.
2)nbsp;V. par ex. Lasonder 21.
3)nbsp;Nous n'essayerons pas d'esquisser la formation des Pays-Bas comme
unité politique ou idéale: v. Huizinga 1 e.s.
§ 2. C'est pourquoi il est très difficile de décrire l'évolution
de la juridiction suprême dans les Pays-Bas.
Il ne rentrerait évidemment pas dans le cadre de ce livre d'exami-
ner les différentes cours suprêmes territoriales et c'est pour cela
que nous devons faire un choix4).
Pour des motifs qui s'expliqueront dans le cours de ce chapitre
nous nous bornerons à étudier spécialement le développement en
Hollande tout en tenant compte des moments caractéristiques et
importants dans les autres territoires.
A côte de cela nous esquisserons toutes les tentatives d'unifica-
tion des Pays-Bas par l'institution d'une cour suprême au-dessus
d'eux.
§ 3. L'organisation judiciaire germanique primitive était aussi
la base sur laquelle celle des Pays-Bas se développa s).
La fonction du roi franc était adoptée par le comte hollandais
et leurs procédures avaient une analogie frappante 6).
L'évolution du pouvoir central en Hollande était analogue à
celle des autres pays d'origine germanique: .,1a plupart des cours
„(des provinces des Pays-Bas) étaient issues du conseil seigneu-
„rial et d'après le modèle du tribunal royalquot;
Pendant la République des Provinces Unies ce fait a été obscurci
par des considérations politiques et les historiens de cette période
4)nbsp;Une courte bibliographie des cours suprêmes des autres territoires: Le
Luxembourg: v. Werveke; le Brabant: Loovens, Gaillard C. de Br.,
de Bavay C. d. Br.; la Gueldre: v. Hasselt, Geradts „Bijdrage tot de
„geschiedenis van den Souvereinen Raad in het overkwartier van
„Gelderland te Ruremondequot; (cité par Scheyven 12); la Zélande: Gosses,
Fruin Zeeland. Lasonder; la Flandre: Ganser; le Hainaut: Pinchart
„Histoire du Conseil de Hainautquot; (cité par Scheyven 12); l'Utrecht:
V. Wassenaar. V. en général: Fockema Andreae Bijdrage IV, Fruin
115 e.s., 254 e.s., 349 e.s., Defacqz I 20 e.s., Lameere p. XXIX e.s.,
Scheyven pass.
5)nbsp;Fockema Andreae Bijdr. IV 12 e.s., Poullet I 88 e.s., Wttewaal van
Stoetwegen 1 e.s.
6)nbsp;verLoren 30, 1), 55 n. 1), 73 e.s. etc.
7)nbsp;Fockema Andreae IV 451.
-ocr page 65-se sont efforcés de démontrer la souveraineté absolue originaire
des Etats-Provinciaux 8).
Comme ailleurs, l'organe principal du comte était son conseil
dont les premiers vestiges se trouvent déjà sous Guillaume II et
Florent V (fin du treizième siècle) 9).
La jurisprudence de la cour comtale publiée i») montre claire-
ment que la juridiction suprême ne se développait que lentement.
D'abord le comte n'était que le protecteur de la paix publique et
exécuteur des jugements rendus par le tribunal populaire n), plus
tard à mesure qu'il devint plus indépendant sa juridiction put se
développer de plus en plus.
La juridiction du souverain commença par être extraordinaire,
elle ne s'occupait pas des matières oii les tribuneaux locaux étaient
compétents, mais dans certains cas (par ex. dans des procès ovi
étrangers, veuves, orphelins, bref des „personae miserabilesquot; étaient
impliquées), où il était probable que ces parties ne seraient pas
convenablement jugées à cause de la partialité du tribunal, commen-
çait la tâche du souverain comme juge extraordinaire 12)^ justement
parce que c'était lui qui devait réaliser la justice pour tous.
§ 4. L'extension graduelle de la cour comtale devait conduire
à sa différenciation; pour les fonctions spéciales divers comités
8)nbsp;Graswinckel, v. Leeuwen, Kluit, de Groot, Huber II 21 e.s. et d'autres
prétendaient que les états avaient été toujours souverains absolus dans
la Hollande aux dépens du comte; opp. v. Son, Boey, v. Slingelandt et
d'autres. 'V. Intr. § 4 note 20.
9)nbsp;V. Mieris „Groot Charterboekquot; II 471, 477, 813 et pass, (cité par
Wttewaal v. Stoetwegen 39 e.s.). V. en général v. Slingelandt I 1 e.s..
Blok 198 e.s. Comme ailleurs le comte était souvent représenté dans le
conseil, s'il ne présidait pas lui-même; Wagenaar III 365 e.s. Comp.
Raepsaet 20 e.s.
10)nbsp;Les livres de verLoren, Schadee, v. Riemsdijk Rechtspraak, Memoriale
Rosa.
11)nbsp;v. Spaan I 73, Gosses 206.
12)nbsp;Il faut accentuer ce mot; extraordinaire parce que la juridiction centrale
a été considérée comme telle jusqu' en 1795. La cour de Hollande
n'était compétente que pour des causes qui lui étaient déléguées ou
qu'elle avait usurpées, et les tribunaux inférieurs demeuraient les juges
ordinaires. V. Martens 394 note 1) (I V § 5.).
s'étaient constitués, qui se séparèrent dans le cours des siècles pour
former un organe plus indépendant.
Au commencement du quinzième siècle le comité spécial pour la
juridiction se détachait du comité financier 13) et recevait une
organisation nouvelle vers 1428.
Il serait moins exact de prétendre qu'on puisse fixer précisé-
ment 14) la date de la fondation de la Cour de Hollande (Hof van
Holland) car c'est ainsi que le comité judiciaire fut nommé plus
tard. Il y a eu toujours une grande continuité entre le conseil
général des siècles premiers et de ses démembrements succes-
sifs 15). On peut, il est vrai, nommer des dates certaines par les-
quelles l'évolution à été marquée, mais ces instructions ou ordon-
nances ou fondations étaient toujours les conclusions ultérieures
d'un développement de longue durée 16), de sorte qu'au lieu de
faire dater la fondation d'une institution de sa première instruc-
tion, il faut conclure qu'elle existait déjà avant que fussent for-
mulées ses fonctions.
La Cour de Hollande reçut un règlement nouveau en 1462 de
Charles de Cha'rolais, plus tard Charles le Téméraire, (approuvé
en 1463 par Philippe le Bon) qui confirmait sa suprématie comme
cour centrale et supérieure qui pourtant n'était acquise complète-
ment que vers 1446 i^).
La juridiction de la cour restait ce qu'elle avait été dans le
conseil comtal: c'étaient surtout les grands crimes, les attentats à
13)nbsp;Wagenaar III 356 e.s., v. Son 266 e.s.
14)nbsp;Comme le fait Memoriale Rosa p. I e.s.: le 13 août 1428. V. aussi v.
Riemsdijk 331 e.s.
15)nbsp;Outre par l'introduction du Memoriale Rosa la continuité est (plus
ou moins) méconnue par v. Riemsdijk Oorspr. H. v. H. 183 e.s., Meyer
IV 197 n. 2), V. Breugel pass., Wagenaar pass. etc. Au contraire elle
est (plus ou moins) reconnue par v. Son 184 e.s., Boey Oudh. pass.,
Boey te e.s., Kluit IV 404, V 285 note 35, Wttewaal 57 e.s., Fruin 61,
verLoren pass.
16)nbsp;verLoren 183, 402, 526, 581 et pass.: les Instructions de la Cour de
Hollande sont toutes des enregistrements de procédures usitées depuis
longtemps.
17)nbsp;verLoren 724.
-ocr page 67-la sûreté de l'état, les affaires de personnes qui n'obtenaient pas
justice devant les juridictions ordinaires et les cas d'appel
Bien qu'étant en premier lieu un corps judiciaire, la cour conser-
vait quelques droits politiques comme preuve qu'elle était issue du
conseil comtal ).
Cependant, elle n'était que tribunal suprême pour une province
et elle-même devenait dépendante d'une plus grande unité pendant
les tentatives d'unification des Pays-Bas.
§ 5. Les Pays-Bas tombés sous la puissance de la Maison des
ducs de Bourgogne ne formaient qu'une faible unité, parce que,
quoique toutes les provinces fussent sous un seul seigneur, chaque
province avait conservé sa propre juridiction suprême. Pour la
renforcer les ducs bourguignons avaient besoin d'une cour générale
qui fût le sommet de la hiérarchie judiciaire 20).
Ils essayèrent de restaurer l'empire de Lothaire par l'amalgama-
tion de tous leurs pays. La seule méthode d'y réussir était d'im-
poser aux provinces particularistes un tribunal au-dessus d'elles,
composé exclusivement de leurs partisans de la centralisation, les
membres professionnels de leur conseil qui, eux, étaient imbus de
droit romain 21).
Ils renouèrent à l'organe présent, leur conseil, pour fonder une
cour suprême centrale: en 1446 un comité de celui-ci était désigné
sous le nom de grand conseil comme corps judiciaire et financier
général, afin d'unifier ainsi les organisations divergeantes de leurs
territoires 22).
18)nbsp;V. Son 234 e.s. V. les arrêts publiés par Boey 89 e.s.. Memorale
Rosa etc.
19)nbsp;Une énumération chez Fruin 61: un autre exemple chez v. Zurck I 523
e.s. § XXVII comp. Kluit III 491, Meyer IV 214 e.s., Plakk. Hof
V. Holl. Pour la procédure de la cour v. Merula IV, v. d. Linden Jud.
Pract. 42 e.s., v. Zurck II 909 e.s.
20)nbsp;Meyer IV 198 e.s., Alexandre 5 e.s.. Fruin R. O. 406 e.s., de Bavay 6.
21)nbsp;Déjà Philippus de Leyden prévoyait comment il fallait établir un pouvoir
souverain: ........ illi qui erunt circa expeditionem et executionem prin-
„cipis debent esse personae et viri htterati, qui leges noverint et iura
,,maiorumquot; (Casus XI 10). Comp. Blok 543, Fruin 136, Frédéricq 168.
22)nbsp;Avec Braband 145 e.s., Gaillard 279, Lumeere I 14, 123 e.s. nous con-
-ocr page 68-§ 6. En 1454 (1455) environ la section judiciaire commençait
à se dissocier de la section financière, elle se fixa à Malines en
1464 et, en 1473, la séparation était confirmée par l'édit de Thion-
ville qui instituait le Grand Conseil (Parlement) à Malines comme
cour sédentaire 23).
La centralisation était rendue difficile pour plusieurs raisons: les
provinces qui mouvaient en fief de la couronne française 24 ) étaient
soumises au Parlement de Paris 25).
D'ailleurs l'influence du dernier se manifestait également dans
l'organisation du Grand Conseil qui, en grande partie, était organisé
d'après lui 26). On était tellement habitué au recours au Parlement
de Paris que parfois même malgré le jugement du Grand Conseil,
on interjetait appel pour la deuxième fois au Parlement de Paris 27).
L'unification était également entravée par la position économique
et culturelle extrêmement divergente des provinces dont le parti-
cularisme avait été confirmé par des privilégia de non evocando et
de non appellando 28).
sidérons le grand conseil de 1446 comme un sectionnement du conseil
privé originaire bourguignon. Les écrivains anciens (par ex. Neny 114
et également Frederichs 432 e.s. se rapportant à Wielant (publié dans
Corpus Chron. Flandriae IV) y voient une institution tout à fait nouvelle.
Sur la pratique des maîtres des requêtes au Grand Conseil: Ordonn.
Grand Conseil 1559 32 e.s.
23)nbsp;V. en général: Braband, Gaillard, Alexandre C. pr. 12, Frédéricq 182,
Meyer IV 260. Matthieu 184 e..s., Defacqz 22 e.s., Poullet II 255 e.s.,
Gosses en Japikse 253 e.s., Blok 43 e.s., v. Maanen 61 e.s., de Bavay
2 e.s.
24)nbsp;Par ex. la Flandre et l'Artois (Huizinga 27). En 1457 le roi de France
protestait contre les tentatives d'indépendance absolue du duc de
Bourgogne (qui personnellement ne relevait plus du roi depuis 1433):
par le traité de Péronne (1468) la Flandre était devenue à peu près
indépendante du Parlement de Paris, situation reconnue définitivement
par la paix de Madrid (1523) et celle de Cambrai (1526). V. Ganser
1739 e.s., Defacqz 22, Frederichs 443 et pass., v. Maanen 58, Lameere
126 e.s., Fruin 136 e.s.
25)nbsp;Damhouder cap. 231.
26)nbsp;Blok I.e., Meyer IV 227, Alexandre C. pr. 11, Damhouder cap. 6.
27)nbsp;Lameere 159.
28)nbsp;V. Son 258, Damhouder cap. 193, Fruin 137 e.s.
-ocr page 69-Pour toutes ces raisons le Grand Conseil n'a jamais réussi à
soumettre toutes les provinces à sa juridiction: le Brabant, le Hai-
naut et la Gueldre par exemple restaient parfaitement indé-
pendants 29).
En 1477 la monarchie bourguignonne s'écroulait par la mort
de Charles le Téméraire. Son successeur, sa fille Marie, devait
renoncer à la souveraineté absolue par l'acceptation du Grand
Privilège (1477), de sorte que le Grand Conseil de Malines perdit
sa compétence générale sur tous les conseils provinciaux.
Il fut restauré en 1503 30) quand les princes de la Maison de
Habsbourg se sentirent de nouveau assez forts. Son organisation
fut renouvelée en 1531 3i) et son instruction de 1559 ^2) resta la
base de son développement jusqu'à la Révolution.
§ 7. De toutes les provinces des Pays-Bas septentrionaux seules
la Hollande et la Zélande 33) s'étaient soumises à la juridiction du
Grand Conseil de Malines 34). Aussi furent-elles privées de leur
juridiction de deuxième appel au commencement de l'insurrection
des provinces Protestantes contre leur seigneur, le roi d'Espagne,
parce que Mahnes ne choisissait pas le parti des insurgés.
En 1572 les membres de la cour de Hollande s'enfuyirent de
Haye à Utrecht 35 ) ce qui supprima également le tribunal de
premier appel.
Après avoir vainement essayé de les révoquer, Guillaume
d'Orange fut obhgé d'instituer une cour nouvelle afin de remédier
29)nbsp;Scheyven 12.
30)nbsp;Meyer IV 203, opp. de Blécourt 435 qui dans la suppression du grand
Privilège en 1494 par Philippe le Bel (G. P. B. IV 8) voit déjà la
restauration du tribunal suprême.
31)nbsp;Poullet II 317 e.s., v. Maanen I.e., de Bavay 4 e.s., Fruin I.e., Alexandre
C. pr. 15 e.s.
32)nbsp;Ordonn. Gr. Cons. 1559: G. P. B. II 790 e.s., VIII 866 e.s. Sur sa
jurisprudence: Christinaeus.
33)nbsp;Lameere 149, Vreede 1839 3/4.
34)nbsp;D'ailleurs au quinzième siècle ces deux provinces avaient p:us dc
relations culturelles et économiques avec la Flandre qu'avec les autres
provinces du nord: Huizinga 70 e.s.
35)nbsp;V. la description chez Smit 179 e.s.
-ocr page 70-à cette lacune de procédure (le 3 novembre 1572); elle tint sa
première séance à Delft (le 13 février 1573) 36). Provisoirement
elle devait juger selon l'instruction de 1531 quot;jusqu'au moment ou
„le Grand Conseil de Malines serait ouvert de nouveauquot;.
On n'excluait donc pas le deuxième recours et l'on tenait compte
de la possibilité d'un tribunal suprême pour toutes les provinces.
Cependant l'échec de la Pacification de Gand (1576) rendait
évident que l'idée d'une restauration de l'ancienne unité devait
être abandonnée, en suite de quoi la cour de deuxième appel dût
être constituée ailleurs.
Dans l'attente d'un arrangement définitif on institua une com-
mission de réviseurs 37) (ordonnances du 12 décembre 1577 et du
16 janvier 1579) composée de trois membres de la Cour de Hollande
et de six autres 38) nommés par les Etats Provinciaux (ordonnance
du 16 février 1579).
Quoique Malines eût été reprise en 1580, on avait une telle
aversion d'aller en dehors de sa province pour interjeter appel que
la commission se constitua de plus en plus comme un tribunal
permanent.
Celui-ci tint sa première séance comme cour d'appel le 13 février
1582 et le 31 mai de cette année il recevait son instruction 39) du
Prince d'Orange quot;comme représentant le pouvoir souverainquot; 40).
36)nbsp;Nous empruntons beaucoup dans ce paragraphe à de Blécourt 428 e.s.,
Vreede 1839—1843 pass. V. en général: Wagenaar VII 323, Fruin 255
e.s., Quarles v. Ufford 3 e.s., v. d. Linden Jud. Pract. 38 e.s., Gras-
winckel 1027 e.s. Comp. verLoren 228, 2).
37)nbsp;Une première indication se trouve déjà dans l'ordonnance du 20 avril
1575 (Opricht. H. R. in Holl. p. 2): les jugements d'une certaine valeur
ne peuvent être exécutée „dan met voorgaande kennis en Ordonnantie
„van zyn Excellentie of van die geene die tot een sommaire revisie van
„deselve sententie by zyn Exc. en de Staten van Holland en Zeeland
„respective gecommitteerd zullen mogen worden, zowel uit de Rade
„Provinciaal als andere......quot;
38)nbsp;La révision est originairement le recours ultérieur au prince qui même
au tribunal suprême n'était jammais exclu. Nous examinerons ce moyen
de recours de plus près dans la deuxième partie (II, I § 4 e).
39)nbsp;G. P. B. II 79, V 866 e.s.
40)nbsp;,„Als representeerende ende Ons gedefereert zynde de Hooge Overigheydt
-ocr page 71-L'institution rapide de cette deuxième cour, nommée le Haut
Conseil, en Hollande a été parfois expliquée comme une tentative
d'en faire une cour suprême générale des Provinces Unies 4i)
tandis que d'autres n'y voient qu'une manoeuvre de la Hollande
de se reserver son indépendance des autres provinces 42 ).
§ 8. Les relations entre la Hollande et la Zélande 43) étaient
de très ancienne date, la dernière, étant un territoire contesté entre
la Hollande et la Flandre, fut donnée en fief au comte hollandais
en 1256 44).
La Zélande avait une propre cour, le quot;Hooge Vierschaarquot; 45),
dans laquelle le comte était représenté, de sorte qu'il restait tou-
jours le recours à lui-même et à son conseil.
Cette tradition d'interjeter appel à la Cour de Hollande se pour-
suivit après 1568, bien qu'il y eût continuellement des tentatives
de fonder une cour indépendante 46).
Déjà en 1576 quelques villes zélandaises s'étaient soumises à la
juridiction de la cour de Hollande et après des négociations com-
pliquées, la Zélande était devenue une partie du ressort du haut
conseil à la condition de pouvoir nommer une partie de ses
membres 47).
„en Regeringe der Landen van Hollandt, Zeelandt en Vrieslandtquot;.
(Instr. H. V. H. No. 30).
41)nbsp;Meyer IV 205, de Blécourt 452. Une ordonnance du 21 novembre 1579
en effet recommande une telle constitution que la Frise et Utrecht
pourraient également se soumettre à lui (Opricht. H. R. in Holl. 6, de
Blécourt 443/4). Une deuxième tentative de créer une cour centrale
était proposée par la Frise en 1603: Verh. P. E. I. P. I 316/318 (cité
par Thorbecke 64).
42)nbsp;Wagenaar VII 449 e.s.. Fruin R. O. 406.
43)nbsp;Lasonder pass. Fruin Zeeland 56 e.s., Fockema Andreae Bijdr. IV 393
e.s.. Bos 407 e.s.
44)nbsp;Lasonder 24.
45)nbsp;Comp. L. P. V. d. Spiegel ,,Over de opkomst, het gezach en de onder-
„gang van de aloude hooge Vierschaar van Zeelandquot; (Verh. Zeeuwsch
Genootschap v. Wetenschappen 2e deel).
46)nbsp;Lasonder 47.
47)nbsp;Le 30 mai 1579 un zélandais était admis pour la première fois à la
Commission des réviseurs. V. en général Fruin 255 e.s., Vreede 1839
Le premier accord date de 1587 48) et fut conclu pour trois ans;
à son renouvellement chaque fois des difficultés surgissaient, mais,
presque toujours, elles étaient arrangées à l'amiable 49).
Les appels de Zélande étaient limités dans ce sens qu'ils étaient
seulement admis s'il y avait „un grief irréparablequot; s»), ce qui prouve
la compétence extraordinaire du tribunal.
§ 9. Il faut souligner formellement que le Haut Conseil était
le successeur du Grand Conseil de Malines 5i), dont le règlement
de 1559 52) servait d'exemple pour son ordonnance de 1581 53).
Sa compétence 54) était analogue à celle du Grand Conseil,
comme à celle de tous les tribunaux suprêmes, dérivés du conseil
souverain.
Pourtant il y avait une différence en tant qu'il partageait la
compétence originaire du conseil central avec la Cour de Hollande,
de sorte que le nombre des matières portées à sa connaissance en
première instance, était relativement petit.
En effet, tous les deux étaient des cours souveraines avec une
compétence analogue. Le Haut Conseil était en quelque sorte une
doublure de la Cour de Hollande parce que la dernière, restée
longtemps indépendante, avait retenu beaucoup de matières de la
20 e.s., Id. 1841 3 e.s., Quarles v. Ufford 16 e.s., v. d. Linden Jud.
Pract. 38 e.s., Bijnkershoek No. 11.
48)nbsp;G. P. B. 2, 838 Opricht. H. R. 42.
49)nbsp;Par ex. Provisioneel Accoordt 1674. V. aussi Wagenaar VIII 357 e.s. etc.
50)nbsp;V. Zurck Voce Appel etc. § 12.
51)nbsp;Bijnkershoek No. 1: „Certum est...... Senatum Supremum post abdicatum
„Hispaniarum regem imo post Pacificationem (quam vocant Gandenscm)
,,successisse in locum magni Mechliniensis Consilii quod antea supremum
„Hollandorum Zelandorumque tribunal fuitquot;. Temple 108 e.s.: „and this
,,court seems to have been instituted by way of supply of imitation
„to the Chamber of Mechlyn to which before the Revolt of the Pro-
„vinces there lay an appeal by way of revision from al or most of the
„provincial Courts of Justicequot;.
52)nbsp;Ordonn. Gr. C. 1559.
53)nbsp;Vreede 1839, 19.
54)nbsp;V. Zurck 523 e.s., Vreede 1843/1844 7 e.s., v. d. Linden lud. Pract. I
80 e.s., V. Leeuwen R. H. Regt 571.
juridiction souveraine, et le Haut Conseil pas plus que le Grand
Conseil de Malines ne pouvait lui ôter des compétences qu'elle
voulait conserver elle-même.
Le Haut Conseil jugeait en première instance les procès de
marchands étrangers, des procédures maritimes, celles sur la pos-
session, elle donnait le bénéfice d'inventaire, etc.
Comme juge d'appel il était compétent pour les affaires de la
Cour de Hollande au-dessus d'une certaine somme et à la con-
dition qu'une certaine amende fût consignée. Il avait également la
juridiction sur quelques catégories de fonctionnaires 54a).
Il n'était pas exclusivement un corps judiciaire mais conservait
quelques droits politiques 55) qu'elle défendait dès ses premières
origines 56). Pourtant quand les Etats-Provinciaux se considé-
raient assez puissants ils lui défendaient de s'occuper de ces
affaires 57).nbsp;*
On comprend qu'il y eût beaucoup de conflits de compétence 58)
entre le Haut Conseil et la Cour de Hollande. Ces différends
exigeaient parfois l'intervention des Etats-Provinciaux, ils étaient
réglés par l'accommodement du 26 juin 1725 59).
La tentative de 1662 de réunir les deux cours échoua 60) et ils
continuèrent d'exercer leur juridiction séparée jusqu'à la Révo-
lution qui abolissait le Haut Conseil le 20 septembre 1795 6i) par
un commun accord de la Hollande et de La Zélande 62).
54a) Sur sa jurisprudence v. van Zutphen, van Nieustad, Meijers Rechtspr.
H. R.
55)nbsp;Par ex. l'enregistrement des traités étrangers (Opricht. H. R. in
Holl. 212).
56)nbsp;de Blécourt 229 e.s.
57)nbsp;Ordonnance du 12 juillet 1674 (G. P. B. III 683).
58)nbsp;Opricht. H. R. in Holland 204, v. Zurck 531 (§ XXXV).
59)nbsp;V. Zurck I.e., Merula IV I I note a.
60)nbsp;Vrèede 1839 29/30, Fruin 35 e.s., de Blécourt 454.
61)nbsp;„tot ménagement van 's Lands Financiën en teffens tot bekortinge der
..processenquot;: v. d. Linden I.e.
62)nbsp;Martens p. XVIII, v. d. Linden Jud. Pract. II 339 e.s., Memoriale Rosa
p. XXVI, Nieuwe Nederl. Jaarboeken 1795 p. 5683/5699: Accoordt
Holland-Zeeland 18 Sept. 1795 over de mortificatie van den Hoogen
Raad.
La compétence de la Cour de Hollande fut élargie avec celle du
Haut Conseil, en retenant la possibilité de révision comme moyen
ultérieur contre ses arrêts.
Quoique l'accord déterminât que la révision devait être présentée
au gouvernement de la province le décret du 14 mars 1796 du
gouvernement provisionnel de la Hollande conservait l'ancienne
procédure usitée devant le Haut Conseil, c'est à dire la réexamina-
tion devant la coure elle-même (H II § 4 e).
§ 10. Le problème de la continuité se pose une fois de plus;
si l'on part d'une conception formelle des institutions, on peut dire
en effet qu'il y a une discontinuité entre l'époque ancienne et
l'époque moderne, si, au contraire, on est d'avis qu'il faut examiner
les fondements du bâtiment historique et non seulement sa façade,
il y a tant de vestiges anciens qu'on pourrait dire en vérité que
l'importation française et son influence sur notre organisation judi-
ciaire ne furent pas si grande comme on se l'imagine parfois 63).
On peut caractériser la période du droit intermédiaire (1795—
1813) comme la lutte du particularisme provincial contre les idées
unitaires modernes dans laquelle la dernière finit par vaincre.
Dans le premier élan révolutionnaire en 1796 on proposait déjà
une ,,cour suprême de justicequot; 64); dans ce projet cependant rien
n'était dit sur l'unité de droit et la juridiction d'appel (art. 662)
lui était défendue; la cour aurait exclusivement un but politique 65)
comme le prouve l'article 661 qui lui donnait la défense de la
Constitution 66).
63)nbsp;Les auteurs sont divisés en deux camps. V. par ex quant à notre sujet:
de Pinto II 194, de Bosch Kemper III 211, de Blécourt 455/456,
Memoriale Rosa p. XXVI e.s., Tonckens 66/67, Fruin Verspr. Geschr.
VI 315 (Fokker 9) opp. Vreede 1843/1844 4 e.s.. Vaillant 8, Pois 352 e.s.
64)nbsp;. Vreede 1843/1844 6.
65)nbsp;Dagverhaal III 330: le projet, IV 9 e.s.: les discussions. Elle était sous
beaucoup de rapports une reproduction du haut conseil ayant de la
juridiction sur certains fonctionnaires, .sur la piraterie etc. (art. 560h ±
89 R. O., art. 6601 ± 93 R. O., Art. 660g 91 R. O.).
66)nbsp;„Het Hof zal by p7aeventie oordeelen a. Over alle opzettelyke over-
„tredingen van de voorzieningen in de Constitutie begrepenquot;. Dans ce
sens elle était le „Palladium der Republicqquot;. (J. v. Manen 122).
La constitution de 1798, malgré le fait que les unitaires s'étaient
emparés du gouvernement, ne connaissait pas non plus une cour
suprême défendant l'unité de droit, connue depuis 1790 en
France 67) mais n'instituait que la haute Cour nationale pour des
crimes politiques, laquelle était formée par les membres des cours
départementales et ne siégeait pas de façon permanente (art.
294) 68).
§ IL L'idée de l'unité était exprimée plus clairement dans la
constitution de 1801; elle inaugurait une cour nationale comme
tribunal suprême de toutes les provinces. Elle devenait en quelque
sorte ce qui le Haut Conseil avait été pour la Hollande 69); comme
celui-ci elle était composée de neuf membres (art. 89), faisait fonc-
tion de juge d'appel des jugements de première instance des cours
provinciales (art. 94), avait une juridiction pour certains fonction-
naires (art. 91) etc.
Sa fonction de défenderesse de la Constitution (projet de 1796,
art. 661 a) était'maintenue (art. 99 clause 3) mais la Cour était
également chargée de suspendre ou d'annuler les jugements et les
actes autant qu'ils étaient contraires aux lois sur l'administration
de la justice et de la forme de la procédure, sans pouvoir cependant
se mêler du fond de l'affaire (art. 93).
Les constitutions suivantes n'altéraient presque rien dans cette
déhmitation des fonctions de la Cour suprême ^o) 7i).
67)nbsp;On avait gardé l'ancienne méthode de révision (art. 85) V. sur ce
moyen de recours la deuxième partie.
68)nbsp;V. J. v. Manen 115 e.s. Instr. Nat. Ger. art. 42—53 (Rv. en Ss. 1799
p. 537 e.s.). V. v. d. Poil 66.
69)nbsp;Mem.oralia Rosa p. XXIX dit la même chose de la Cour Impériale de
1811 qui serait la continuation de la Cour de Hollande pour toutes les
provinces.
70)nbsp;Art. 93 (const. 1801) = art. 83 (Const. 1805) = art. 76 (Const. 1806)
= art. 107 (Const. 1814). V. aussi Instr. Nat. Ger. 1802 art. 44, Wetb.
Regterl. Instell. 1809 art. 19, v. d. Linden III I 1, de Pinto I 1 e.s.
71)nbsp;Il est evident qu'on ne peut pas assimiler ce contrôle à celui d'une cour
de cassation. Ici il n'est pas question de la distinction du fait et du
droit, mais exclusivement du contrôle sur la procédure et de l'organisa-
tion judiciaire. Par suite cet article ne peut jamais servir d'argument pour
Seulement en 1810, à l'occasion de l'annexion du Royaume de
Hollande à l'Empire français il y eut une rupture temporaire:
l'article 53 du décret impérial du 18 octobre 1810 abrogea l'organi-
sation judiciaire hollandaise et l'article suivant remplaça la cour
nationale par une cour impériale relevant de la Cour de Cassation
française qui, elle, était augmentée de trois membres hollandais '^2).
§ 12. De même qu'en 1795 on s'imaginait tout renouveler, tout
en conservant beaucoup du passée, de même en 1813 on prétendait
tout restaurer tout en conservant beaucoup du présent.
Sous ce jour il faut voir l'institution d'une nouvelle cour suprême
pour les Pays-Bas. L'esquisse de van Hogendorp, le fondateur de
la constitution de 1814, voulait étendre les fonction du Haut Conseil
de Hollande à la haute Cour des Pays-Bas (art. 53 des deux pre-
mières versions, art. 47 de la troisième) 73).
Pendant les délibérations rien n'indiquait qu'on vouliit une alte-
ration des articles connus ( § 11).
Il est vrai qu'en 1815 73a) la compétence du Haut Conseil avait
été étendue jusqu'au pouvoir d'annuler les actes et jugements con-
traires à une juste application des lois (article 180 répété jusqu'à
maintenant 74) tandis qu'avant seulement une violation des lois de
prouver, que le pourvoi de cassation a été introduit dans les Pays-Bas
déjà avant 1811. Comp. Pois 355 e.s.
72)nbsp;Vaillant 16, Fortuyn III 179 e.s.
73)nbsp;„De Hooge Raad van Holland en Zeeland wordt vervangen door een
„Hoogen Raad van de Nederlanden welk beroep ontvangt van alle de
Hoven Provintiaalquot;. V. Colenbrander I 1 e.s., 248 e.s., Vreede 1843/1844
4 e.s. Le principe général de la loi fondamentale quant à l'organisation
judiciaire était: „de oude eerwaardige instellingen; en ook bierin den
,,geest der nieuwigheden, die ons land bedorven heeft, zooveel mogelijk
uit te roeijenquot;. (Colenbrander I 75). La continuité est particulièrement
claire si l'on considère la „iurisdictio voluntariaquot; actuelle avec la
compétence du haut Conseil de Hollande: comp. les thèses de Corver
Hooft en v. Velzen Wiersma.
73a) Colenbrander II 275 e.s., notamment 284 e.s., 405 e.s. Les membres
hollandais étaient opposés à une extension de la cassation à celle pour
fausse application de la loi: pour le maintien de l'unité elle était con-
sidérée comme „harsenschimmigquot; (van Maanen).
74)nbsp;art. 180 (1815) = art. 178 (1840 = art. 162 (1848) = art. 165
(1887) = art. 165 (1917) = art. 166 (1922).
procédure donnait lieu à une cassation; néanmoins il est incontes-
table que l'institution présente de Haut Conseil ne peut être expli-
quée sans celle de l'ancienne cour suprême hollandais du même
nom.
Evidemment c'est l'influence belge qui le rédigeait ainsi, mais,
comme nous verrons, le reste de la procédure de dernière instance
est tellement opposé à la conception dogmatique française que nous
croyons avoir le droit de conclure à la continuité matérielle avec
l ancien régime ''5).
§ 13. Après l'organisation judiciaire suprême de la Hollande
qui était née de mesures provisoires, cette même situation se repro-
duisit, lors de la Restauration de 1813 quant au royaume des
Pays-Bas.
Le décret royal du 11 décembre 1813 (art. 19) abolissait la
cassation et créait la „loco-cassatiequot; une réexamination par la cour
impériale, devenue maintenant royale à la Haye (§ 12) en cas de
nullités essentielles (art. 20) 'i'®).
L'élaboration du code de procédure et de la loi sur l'organisation
judiciaire était sujette aux mêmes influences que celle des autres
codes: l'influence conservative hollandaise luttaitcontre celle
des belges, partisans d'une réception intégrale des institutions
françaises.
La commission pour la législation, installée le 18 avril 1814 désigna
quelques membres pour les projets de la procédure cfvile, auxquels
quelques membres belges furent adjoints en 1815.
75)nbsp;Comme Pois passim.
76)nbsp;art. 20: „dat het Hof, bevindende dat de behandeling der zaak aan
„wezenlyke nulliteiten laboreert of dat in de toepassing der Wet kwalyk
„is gehandeld, het vonnis waarvan geappelleerd is, zal annuleeren, de
„geheele zaak opnieuw onderzoeken, en daarin zoodanig uitspraak doen
„als hetzelve in goede justitie zal bevinden te behooren.quot; Comp de
Pinto I 14 e.s.. Vaillant 16. Pour la Belgique Birnbaum III 5 e.s..
Merlin (Cassation) IX 420 e.s.. Id. (Cour de Cassation) VIII, Id.
(Haute Cour) 358.
77)nbsp;V. en général: Schooneveld, Frets, Fokker, Asser R. O., Uitwerf-Stelling,
Lagemans et Voorduin I.
Ils présentèrent leur projet en 1820, remplacé par un autre la
même année'î'«), qui était rejeté à cause de son caractère trop
traditionnel.
En 1827 on introduisit un nouveau projet également remplacé
par un autre la même année. Les Chambres l'adoptèrent enfin et
il fut promulgué par la loi du 18 avril 1827 (St. 20).
Cette loi s'était principalement inspirée des principes de la
procédure française
La révolte belge empêcha son introduction et aussitôt le gouver-
nement proposa de nouvelles modifications 80 ) dans un sens plus
traditionnel abolissant les conséquences extrêmes de l'importation
française qui furent adoptées le 28 avril 1835, de sorte que l'arrêté
royal du 10 avril 1838 put prescrire l'introduction de 1 octobre 1838.
§ 14. Dans le cours du dix-neuvième siècle la troisième instance
a souvent été menacée. L'organisation judiciaire, introduite en 1838
78)nbsp;L'article 11 (12) du projet sur le Haut Conseil dit: „Ingevalle een
„vonnis of andere regterlijke dispositie door den H. R. vernietigd wordt
„wegens eene verkeerde toepassing der wet zal de Raad dadelijk bij
„dezelfde uitspraak opnieuw regt doen over de zaak zelve, daarbij in
„acht nemende dat geen nader onderzoek naar feiten zal mogen plaats
„hebben maar dat het onderzoek zich blootelijk bepale tot de eenvoudige
„kwestie van regten of bij het beklaagde vonnis de wet wel of ver-
„keerdelijk is toegepast of miskend.quot; V. les différents projets Org. R. M.
Comp. la formulation de 1827 (art. 113/114) „Indien het arrest of
„vonnis vernietigd wordt terzake van verkeerde toepassing of schending
„der wet of van overschrijding van rechtsmacht zal de H. R. zonder
,,in een nieuw onderzoek te kunnen treden naar het al of niet bestaan
„van de daadzaken in het beklaagde vonnis of arrest vermeld, ten prin-
„cipale regt doen.quot;
79)nbsp;Elle connaissait la chambre des requêtes, la consignation d'une amende,
le système des chambres réunies, la cassabilité des jugements de paix
uniquement à cause d'excès de pouvoir etc. Noordziek 170, de Pinto I
196/197. Comp. Meyer H. C. et Noodt, qui, complètement sous l'in-
fluence française rejetaient tous les éléments traditionnels. Un exemple
curieux de l'influence française est la question longtemps discutée si
le débat contradictoire serait permis devant le Haut Conseil: Adv. regt
V. verdedig, in cass., et de Wal pass.
80)nbsp;K. B. 5 ]uli 1830 prescrivait son introduction pour le 1 février 1831
mais le K. B. du 3 janvier 1831 la différait.
avait conservé le provincialisme traditionnel et institué des cours
d'appel provinciales.
Depuis lors on hésitait entre la conservation entière de cet appa-
reil coûteux et inutile et son abolition radicale et l'institution d'une
cour d'appel unique.
Cela nous mènerait trop loin de discuter tous les projets de
réforme 81), mais mentionnons ici seulement le résultat du com-
promis: la fondation de 5 cours d'appel par la loi du 10 novembre
1875 (St. 204) et les changements dans le recrutement et la pro-
cédure du Haut Conseil par les lois du 10 novembre 1875 (St. 202
et 203) et du 26 juin 1876 (St. 124) qui accentuaient son caractère
de cour d'appel entre autres par la suppression de la requête comme
introduction à la procédure de cassation 82 ).
Nous renvoyons à la deuxième partie pour les considérations
dogmatiques qui jouèrent un rôle dans cette réorganisation 83).
81)nbsp;V. l'analyse des différents projets de réforme chez de Pinto I 21 e.s.
Sur celui de 1848/1851: L. Asser; sur celui de 1855: Tydeman et le
pamflet „H. R. en 't nieuwe ontwerp R. O. quot;; sur celui de 1872; Olden-
huis Gratama. V. en général Friedreich pass.
82)nbsp;Faure V 238 e.s.
83)nbsp;Comp. H. N. J. V. 1870.
-ocr page 80-CHAPITRE V.
CONCLUSIONS.
§ 1 Explications préliminaires. § 2 Suite. § 3 L'évolution de l'appel. § 4 Les
changements dans la position du souverain. § 5 La compétence de la cour
centrale. § 6 Les causes de son extension. § 7 Son recrutement. § 8 Le dévelop-
pement du conseil. § 9 Son démembrement. § 10 Les raisons spéciales de la
divergence dans les pays examinés. § 11 Conclusions.
§ 1. Il pourrait sembler dangereux de conclure vite à un paral-
lélisme des institutions de droit dans les pays traités ici.
Pourtant, sur les traces d'autres écrivains i) plus expérimentés
que nous, nous croyons être en droit d'éclaircir les traits caracté-
ristiques de la juridiction suprême d'un pays par ceux d'un autre
dans l'opinion que „le rapprochement de deux pays permet assez
„souvent de combler des lacunes ou d'expliquer des questions
„restées obscuresquot; 2).
En effet il y a une analogie parfois frappante dans l'évolution
des institutions examinées dans les différents pays si au moins on
tient compte des éléments spéciaux qui ont influencé le développe-
ment d'un pays particulier.
Dans les paragraphes suivants nous expliquerons pour quels
motifs et dans quel sens l'évolution de la juridiction suprême est un
exemple excellent pour faire comprendre cette analogie générale.
§ 2. La raison pour laquelle le problème de la juridiction suprê-
me se prête si bien à une comparaison, c'est que là l'évolution de la
juridiction ancienne à la juridiction moderne apparaît le plus claire-
ment.
1)nbsp;Comp. Intr. § 8 note 30. Blackstone I 22 et passim parle d'imitation
(Comp. Levy-Ullmann S.A. I 91).
2)nbsp;Glasson I p. II.
-ocr page 81-La juridiction suprême pouvait évoluer d'une manière analogue
dans les pays examinés, parce que d'une part le droit germanique
formait partout le fondement du développement suivant 3) et
d'autre part parce que le droit germanique était également partout
influencé par le droit romain répandu par les membres profession-
nels, l'élément moderne, du conseil 4).
Examinons maintenant successivement ces deux thèses de plus
près.
§ 3. Dans l'organisation judiciaire germanique 4a) la distribu-
tion de la justice était, attribuée à tous les membres intégraux du
peuple qui, sous la présidence du rapporteur, ,.trouvaient le juge-
mentquot; c'est à dire appHquaient au cas donné le droit coutumier,
transféré de génération en génération 5).
Une hiérarchie de tribunaux dans le sens moderne y était incon-
nue, ce qui n'empêchait pas qu'il y eût une instance qui rendait
définitivement un jugement 6).
Dans ce sens l'appel n'est pas une institution moderne: il existait
un recours, mais il était motivé par des raisons différentes des
raisons actuelles. L'unique possibilité de réformer le jugement était
de prétendre que les jugeurs n' avaient pas été de bons témoins,
soit à cause de leur ignorance, soit à cause de leur partialité 7).
3)nbsp;Ce fait a été déjà remarqué par: Meyer I p. LTV, Stubbs I 6 e.s. Comp.
Glasson I 21, 39.
4)nbsp;Walther B. Z. B. 191.' On pourrait même prétendre que seulement le
premier phénomène suffise à expliquer le parallélisme général parce qu'en
Angleterre où l'influence du droit romain fut certainement beaucoup
moins grande que dans les autres pays l'évolution est pourtant analogue.
4a) V. sur elle en général: Thonissen 31 e.s., Schroeder Ssp. pass.
5)nbsp;V. I I § 2, II § 1, m § 1. IV § 3.
6)nbsp;Comp. les „familles de droit urbainquot;. V. Brunner Rechtseinheit 8. e.s.,
Fruin 118.
7)nbsp;Comp. la formule „Vous avès fet le jugement faux et malvès, comme
malvès que vous estesquot;. (Beaumanoir, coutume de Beauvaisis Ch. LXI
p. 393, Ed. Beugnot 1843, cité par Bos 2). Comp. les exemples cités
par Chénon I 674 et Mannheim 18.
„L'idée d'une plainte contre un jugement autre qu'une accusation
„contre le juge ne s'est pas formée facilementquot; 8).
Tandis que d'abord l'instance d'appel était une plus grande
assemblée de jugeurs présidée par le chef de la triboi ou du peuple,
dont le nombre faisait plus autorité, l'importance de cette instance
se déplaçait à la personne de ce président et de son entourage
immédiat à mesure que celui-ci devenait plus puissant et que sa
puissance l'emportait sur le nombre.
§ 4. Primitivement le chef du peuple était le ..primus inter
paresquot; qui présidait le tribunal populaire comme rapporteur et
exécutait son jugement ne s'occupant que de la préservation de la
„paix publiquequot; 9).
Dans le cours des temps il obtint une position plus indépendante
et supérieure en réunissant sous son autorité plusieurs tribus origi-
nairement indépendantes l'une de l'autre lo).
Dans une évolution lente dans laquelle chaque phase conservait
les traces de celles de la précédente la fonction originaire du
souverain s'étendait. Ses soins et son devoir en vue du bien de
tous ne se limitaient plus à un rôle passif n), mais pouvaient
devenir par l'accroissement de son pouvoir une intervention active;
n'exécutant plus les jugements d'autrui, il les donnait lui-même i-).
8)nbsp;Pollock 6 Maitland 2nd. Ed. p. 668, Holdsworth I 213, 520, Esmein
„Histoire de la procédurequot; 24 e.s,, Brunner „Deutsche Rechtsgeschichtequot;
572 e.s.
9)nbsp;Olivier-Martin 7. Comp. Gosses 206 e.s., verLoren 54 e.s., Poullet 88 e.s.,
Lemaire 1 e.s., 572 e.s., 604 etc. Déjà Bracton donne la formule: „Ad
,,hoc autem creatus est et electus Rex ut iustitiam faciat universis et
„in eo dominus sedeat et per ipsum sua iudicia discernit et quod iuste
„iudicaverit, sustineatquot;.
10)nbsp;Par ex. la transition de la heptarchie au royaume d'Athelstane (I II § 1).
Comp. Chénon I 175.
11)nbsp;Comp. Anson II 253. Stubbs I 198, Gneist I 26 e.s., Poullet 88 e.s.,
Fockema Andreae Bijdr. IV 33 etc.
12)nbsp;Comp. Constitutiones Wormatiensis anno 829: „Regale namque mi-
„nisterium est specialiter populum dei gubernare et regere cum equitatê
„et iustitia, defensor esse ecclesiarum et servorum Dei, viduarum
„orfanorum...... Et ideo oportet ut ipse qui iudex est iudicium, causarum
En effet le pouvoir souverain central ne se formait pas comme
antithèse de la procédure ancienne mais comme son complément:
le devoir du chef était que tous, sans exception obtinssent justice
et non seulement les membres intégraux du peuple (I I § 8, II § 6,
III § 5). Par là il soutenait ceux qui, pour quelque raison que ce
soit, avaient à craindre d'être traités injustement par les tribunaux
ordinaires.
A côté de cela il est évident que son administration de justice
n'était pas totalement désintéressée parce qu'en jugeant, devant sa
cour, la plus grande nombre de justiciables il renforçait en même
temps son propre pouvoir.
§ 5. L'activité gouvernementale primitive est casuistique (Intr.
§ 6, I I § 4, II § 8): on ne donnait pas tant règles générales, on
appréciait et jugeait plutôt chaque cas particulier. Ainsi, chaque
mesure qui était prise avait le caractère d'une disposition sur une
requête. Avec cette restriction on peut dire qu'également l'admini-
stration de la justice semble être par tous pays „l'attribut essentiel
du pouvoir royalquot; i^).
La deuxième restriction doit être que le tribunal du souverain
comme cour moderne avait une juridiction extraordinaire (I IV
note 12), de sorte qu'on ne peut pas s'adresser à lui en évitant son
tribunal habituel 14) dans les cas où ce dernier avait continué à
„pauperum ad se ingredi facial et diligenter inquirat ne forte illi qui
quot;,sub eo constituti sunt et vicem eius agere debent in populo iniuste aut
„negligenter pauperum oppressionis pati permittantquot; (cité par Beauchet
329).
13)nbsp;Viollet I 222, Gneist 255, verLoren 14: „oorspronkelijke taak als rechter
„in Germaanschen zin....... de(n) grondslag waarop zich het moderne
„rechterschap ontwikkeld heeftquot;.
14)nbsp;Comp. III Eadgar à Andover 2 (Quadripartitus) „Et nemo requirat
„regem pro aliqua causa nisi domi negetur ei omne dignum recti vel
„rectum impetrare non possitquot; (cité par Lubermann 201). V. aussi
verLoren 40. Alors si parfois la juridiction suprême était considérée
comme un danger contre lequel on se défendait par les privilégia de
non evocando et de non appellando, quelques fois son intervention était
tellement appréciée que l'on s'assurait un privilège d' „oranisso medioquot;
afin que le tribunal suprême jugeât sans intermédiaire.
juger après que la juridiction souveraine avait pris naissance. II
n'était pas une doublure du tribunal populaire mais il avait une
compétence tout à fait différente.
Pourtant, il faut être prudent quand on utilise le mot extraordi-
naire. Il est vrai, qu'au commencement de son développement, la
juridiction centrale était extraordinaire, parce qu'elle s'écartait de
la procédure traditionnelle, mais à mesure qu'elle étendait sa com-
pétence et qu'on s'accoutumait à son intervention, elle n'était plus
considérée comme extraordinaire. Il dépend alors de sa puissance
et de la fréquence de ses jugements qu'on puisse dire que pour un
certain pays, à un certain moment la juridiction suprême était extra-
ordinaire ou non 15).
L'activité du souverain est là ou la cour ordinaire ne peut être
d'aucun secours, soit qu'elle n'est pas impartiale envers les litigants
(l'église, les veuves, les orphelins, les étrangers) goit qu'elle
manque de volonté, de force i^), ou de connaissance 18).
§ 6. La cour royale était extrêmement populaire parce qu'elle
donnait une solution pour toutes les difficultés, étant plus libre dans
son fonctionnement que les tribunaux anciens i»),
La structure traditionnelle des institutions ne correspondait pas
à la complexité de la vie économique moderne et c'était les organes
centraux non liés à ces formes vieillies, qui pouvaient porter remède
aux confhts qui avaient pris naissance.
La procédure de la cour était plus souple et l'exécution de ses
jugements plus efficace. L'autorité du souverajn 20) permettait
15)nbsp;Comp. verLoren 115,
16)nbsp;Sur les cas royau.v,: v. Son 248.
17)nbsp;La défaute de droit: Pardessus 27 et passim, Déclareuil 233, Baldwin 263,
Stubbs I 421, II 267, Holdsworth I 366 e.s. Dicey 13, v. Spaan II 22,
verLoren 39 e.s. 202. Egalement levoaction est dérivée de cette fonction
du souverain d'avoir soin que chacun obtienne droit. Comp. Loovens II
234, v. Zurck I 523 e.s. § XXVIII, Damhouder cap. 193.
18)nbsp;V. l'exemple curieux cité par verLoren 371.
19)nbsp;Holdsworth I 4, verLoren 212 note 1.
20)nbsp;Justement par son autorité il était considéré comme juge suprême:
Tomaschek 526 e.s. Spangenberg 264, Franklin pass., Luchaire passim etc.
d adapter le droit aux besoins et par là se formaient des règles de
droit plus pratiques à côté du droit formel du peuple 21).
Dans beaucoup de cas difficiles 22) les parties se soumettaient
d'un commun accord au conseil 23) et ces contrats d'arbitrage
étaient une des causes principales de l'extension de la juridiction
souveraine.
La juridiction du souverain avait la tendance de s'étendre par-
tout oîj la justice ne pouvait pas être réalisée complètement. Par
cette extension l'antithèse du droit souverain et du droit populaire
devenait de plus en plus vague à mesure que le premier pouvait
s'occuper de matières pour lesquelles le dernier s'était montré im-
propre (comp. § 4).
C'est là surtout l'intérêt d'un examen de la juridiction suprême
comme nous essayons de l'esquisser ici parce que la méthode actu-
elle de l'administration de la justice prit son origine dans le conseil
souverain. Là, la tâche gouvernementale commençait à se spécia-
liser dans ses différents sectionnements, là on peut remarquer pour
la première fois la transition graduelle du gouvernement par des
laïques qualifiés soit selon l'ancien droit territorial soit selon le droit
féodal comme membres du peuple, à celui par des spécialistes nom-
més par le souverain et qualifiés par leur éduction technique 24 )_
Par conséquent l'évolution de la juridiction suprême explique en
premier lieu la méthode gouvernementale actuelle.
§ 7. L'absence de formalisme dans le conseil se rattachait à sa
composition. Ses membres n'étaient plus exclusivement qualifiés
comme membres du peuple dans le sens indiqué ci-dessus, mais il
suffisait d'avoir une certaine éducation juridique.
Partout 25) le souverain commence à se servir de membres pro-
21)nbsp;En Angleterre l'équité (equity) à côté du droit commun (common Law).
22)nbsp;Où les tribunaux populaires eux-mêmes consultaient le conseil souverain
ou abondonnaient le procès à lui: v. l'exemple chez verLoren 371. Comp.
Baldwin 263 e.s.
23)nbsp;Gefalijf: verLoren 204 e.s., Austrage: Franklin II 22 e.s., Tomaschek
533 e.s.
24)nbsp;Ces phénomènes sont montrés très clairement dans le livre de Martens.
25)nbsp;Par ex. Pardessus 104, Beauchet 49 e.s., Baldwin 58, Spangenberg 248,
Walther B. Z. B. 27, 89, Blok 198.
«
fessionnels, dépendant uniquement de lui et à cause de cela une
protection contre les prétentions du système féodal 26).
Ils formaient le bureau de secrétaires, le principal instrument de
gouvernement 27). où ils recevaient les pétitions, la méthode de
s'adresser au souverain, et les distribuaient, restant pourtant mem-
bres du conseil complet dont ils étaient une délégation perma-
nente 28).
Le mécanisme gouvernemental primitif en effet, était activé par
la présentation de requêtes au souverain ou à son conseil pour
diriger l'attention sur des mesures particulières ou générales à
prendre, l'origine commune des actes administratifs, judiciaires et
législatifs actuels 29) (par ex. Intr. § 6, I I § 4, II § 8).
De ces occupations ils dérivaient les noms de ,,maîtres des
„requêtes de l'hôtel le royquot; 30). ou ,,triersquot;, ,,auditorsquot;, ,,recie-
versquot; 31), „Referendarequot; 32), „magistri cognitionum causarum in
nostra imperiali curiaquot; 33), „auditoresquot; 34).
Comme nous avons vu ailleurs le droit romain était l'instrument
au moyen duquel la justice souveraine était renforcée et motivée,
substituant ainsi à l'internationalité du droit germanique celle du
droit professionnel.
,,La transition du droit fondamentalement coutumier au droit
„fondamentalement autoritaire s'accomplissait en tout cas par le
„droit savantquot; 35).
26)nbsp;Comp. Chénon I 507 e.s.
27)nbsp;Spangenberg 262, Hintze 63, Mayer pass. Walther B. Z. B. 102 e.s.
28)nbsp;Loovens II 40 e.s.: les maîtres des requêtes sont délégués „ex corpore
consüüquot;.
29)nbsp;Les „private billsquot; en sont encore un reste. Coke IV 25. Pollard 241 et
passim. Mc. Ilwain 25 et passim, Selden 2 etc.
30)nbsp;Chénon I 822, Dédareuil 498. Ordonn. Or. Cons. 1559 p. 34: Que
toutes Requestes présentées pour obtenir relief d'Appel ou Réformation,
seront sommierement narrées des mérites de la matière...... (Art. VIII).
31)nbsp;I II § 8, note 56),
32)nbsp;Samanek 143 e.s. Comp. Damhouder cap. 194: referendarii processuum.
33)nbsp;Franklin I 233 e.s.. II 123 e.s. Comp. Hintze 74 e.s. Pour les Pays-Bas:
Fruin 136 e.s.. Gaillard 271 e.s., Lameere 112 e.s.
34)nbsp;Chez la Rota Romana: Magnus 613.
35)nbsp;Kern 41.
-ocr page 87-Les conseillers du conseil n'ayant appris que le droit romain
comme droit par excellence raffermissaient cette tendance autori-
taire du pouvoir central en motivant l'autocratie à l'aide de formu-
les tirées du droit de l'Empire romain 36).
Une caractéristique qui distinguait le plus l'organisation des con-
seillers était le serment, signe d'une relation spéciale entre le sou-
verain et le serviteur 37). Pourtant l'assermentation ne doit pas
être considérée comme ayant été employée le premier pour les con-
seillers comme elle est une continuation de 1' ,,homagiumquot; féodal 38).
§ 8. Décrire d'une manière exacte l'évolution du conseil souve-
rain présente beaucoup de difficultés à cause du caractère vague
de son recrutement et de son activité. Les institutions anciennes
n'avaient pas une compétence strictement limitée et se dévelop-
paient selon les besoins naissants.
Ce qui est certain c'est que l'existence du conseil central est en-
registrée par tous pays 39 ) ; l'assistance du peuple y était un élément
indispensable et ,,correspondait avec les opinions du temps, avec
„son manque de foi dans l'initiative individuelle et sa méfiance de
„l'autorité individuellequot; 40).
D'abord il se rapprocha de l'assemblée générale de tous les mem-
36)nbsp;Par ex. Inst. I 4 pr. 1. Selon que le souverain était roi, empereur ou
comte on traduisait le mot princeps différemment: Lemaire 11 e.s.,
Schroeder 938, de Groot p. XXXIII: Eosdem comités ab omni aevo
pari potestate fuisse in comitâtu suo, qua essent Imperatores in Germania
aut Italia. Calasso „Origine Italiana délia formulaquot; rex in regno suo est
imperator Rivista storica del diritto ital. 3 (1930) 213.
37)nbsp;Baldwin 35/36. 69 et passim, Stubbs II 271, Valois A. C. d'E. p. VII,
Pardessus 70, Spangenberg 253, Samanek 16/17.
38)nbsp;Comp. Deprez pass.
39)nbsp;Par ex. v. Son 1, Fredericks 432, v. Werveke 253, Graswinckel 976,
Viollet I 184 e.s., v. Slingelandt I 65, Hallam II 332, Alexandre C. pr. 7.
Littérature espagnole: Walther B. Z. B. 122 e.s., Spangenberg 252 n. 3;
littérature suédoise: Hintze 67; pour la Hongrie: Acta luris Hongarici I 2
(1932 avril/juin).. Comp. Magnus et Annales de législation étr. 1877,
1878, 1881.
40)nbsp;Baldwin 3.
-ocr page 88-bres du peuple ayant qualité de propriétaires fonciers; à l'époque
féodale elle se composait principalement de vassaux 41), tandis que
plus tard les éléments élus 42) s'y joignent.
Pour notre sujet ces changements n'ont un intérêt que pour
montrer les relations entre les différents aspects du pouvoir central,
qui, exprimé dans les mots: parhamentum, curia, colloquium, con-
seil, désignent simplement le lieu de la discussion, ou la discussion
elle-même 43). I]s indiquent tous le novau indifférencié qui selon
les causes particulières se développera dans 1 une ou l'autre direc-
tion.
Distinguant dans ce corps central une cour restreinte et une cour
plénière, la première, assistant le roi journellement dans sa tâche
gouvernementale, occupera le plus notre attention parce que là le
gouvernement moderne prenait son origine, tandis que la dernière
ne se réunissant que quelques fois par an à l'occasion des fêtes reli-
gieuses pour la confirmation des ,.causae maioresquot; 44) n'a pour
nous qu'une valeur secondaire.
§ 9. Ainsi que nous l'avons montré 45), Jg démembrement était
un phénomène général 46) qui avait partout les mêmes causes et les
mêmes conséquences.
Sans prétendre être complet on peut nommer parmi les premières
le besoin que la cour fût sédentaire, afin que chacun pût recourir à
41)nbsp;Par ex. Gosses et Japikse 32.
42)nbsp;L assemblée des „Etatsquot; est généralement considérée comme une exten-
sion de la cour royale: Viollet III 185, Schroeder ® 519, Boey Oudh. 2,
Gosses 275, verLoren 62 et passim. Dans les contrées non-féodalisées
(par ex. Drenthe) le caractère de l'assemblée populaire ne changeait pas.
43)nbsp;V. par ex.: Holdsworth I 352, Pike 47, Pollard 34, Meyer III 147
(„toute réunion dans laquelle on traitait quelque objet sérieux où l'on
„parlait des intérêts publicsquot;) Raepsaet 2, Viollet III 295 e.s., Luchaire
I 246, Schroeder 553 etc. Comp. Pollard passim.
44)nbsp;Luchaire I 256, Blackstone IV 484, Glasson II 156, Schroeder 553,
Raepsaet 87. Comp. I II n. 26.
45)nbsp;Par ex. I I § 7, II § 9, III § 4, IV § 4.
46)nbsp;Levy-Ullmann S. A. I 91.
-ocr page 89-elle, ce qui était impossible, à cause des frais, quand on devait
suivre la cour ambulante
Ensuite, la spécialisation des fonctions se faisait valoir. Quoique
non consciemment et tout en laissant des traces de l'ancienne
amalgamation, les différentes activités gouvernementales allaient
se différencier 48).
La formation de l'élément professionnel contribuait également au
détachement des comités spécialistes du conseil souverain.
Il est curieux de remarquer que souvent une grande rivalité nais-
sait entre les sectionnements détachés.
Nous pouvons nous référer aux chapitres précédents pour rap-
peler les luttes entre le Parlement et le conseil du roi (I § 7), entre
le „Councilquot; et le „Parhamentquot; (II § 9), entre la cour aulique per-
sonnelle et la cour curiale (III § 7, § 10).
On peut expliquer cette rivalité par le fait que chaque démem-
brement devenait le répresentant de certains intérêts, parce que,
précisément par sa fonction spéciale, il s'était détaché. Nous pou-
vons constater que les démembrements les plus anciens se libéraient
le plus tôt de l'influence souveraine et même s'opposaient plus for-
tement au conseil générateur (par ex. le Parlement de Paris et le
..Parliamentquot; anglais) tandis que les démembrements plus récents
devenaient des défenseurs du gouvernement souverain, à l'influence
duquel ils ne pouvaient pas se soustraire (par ex. le conseil des par-
ties, le ,,Star Chamberquot;).
§ 10. Après avoir désigné les lignes générales il nous faut faire
la restriction que dans chaque pays le développement est déterminé
par des facteurs politiques spécifiques 49) (Comp. I II § 4).
47)nbsp;En 1302 le Parlement de Paris (i I § 6), les plaids communs en 1215
(I II § 7), la paix de dieu de Mayence en 1235 (I III § 4), la cour
de Hollande vers 1428 (I IV § 4).
48)nbsp;Comp. Pardessus 140, Mayer 51 e.s., Hintze 57.
49)nbsp;Comp. Adams 150: ,,France came out of the Middle Ages with an
absolute and England with a limited Monarchyquot; quoique leur „con-
stitutional beginning was the samequot;. V. aussi Meyer I 230, III 149 e.s.,
Glasson I 44.
En France le pouvoir royal ne devint puissant que relativement
tard, de sorte que la juridiction n'y était pas devenue si centralisée
qu'en Angleterre so), mais, une fois suffisamment fort, il exerça son
autorité partout: la réaction révolutionnaire tirait en somme les
conséquences de l'ancien régime et,,n'avait fait que suivre une voie
„tracée d'avancequot; si) et ses idéaux d'une unité de droit et d'un
recrutement moderne et professionnel des tribunaux avaient été
préparés déjà longtemps à l'avance. Lorsque le pouvoir central
avait gagné assez d'influence l'administration déjà décentralisée ne
pouvait pas être unifiée complètement et pour le maintien de l'auto-
rité central il était nécessaire que le conseil des parties (Cour de
Cassation) contrôlât les Parlements (Cours d'appel). D'autre part
mieux qu'en Allemagne l'appel de faux jugement ( Urteilsschelte)
pouvait s'évoluer en appel de droit romain 02), contribuant ainsi au
renforcement du contrôle central.
En Angleterre l'agrandissement du pouvoir central était favorisé
par le fait que le pays avait été conquis mais d'autre part il pouvait
être régularisé plus tôt et se développer plus progressivement.
L'Angleterre conserva les traces féodales plus longtemps par îe
pouvoir centralisateur et conservateur du roi et évolua en même
temps plus facilement par l'influence du Parlement. Ainsi déjà au
treizième siècle toute la juridiction était centralisée à Londres d'oi^i
les juges (Justices in Eyre) 53) étaient envoyés dans les provinces.
En revanche les abus de cette centralisation étaient vite réprimés
par le contrôle parlementaire qui en assura le développement inin-
terrompu jusqu'à présent.
En Allemagne le pouvoir central restait !e plus faible et ne
50)nbsp;La conséquence en était qu'il y avait en France plusieurs parlements
provinciaux qui tous étaient des cours souveraines. Comp. I I § 10
note 43.
51)nbsp;Valette I 453.
52)nbsp;Mannheim 20.
53)nbsp;Holdsworth I 49, Pike 30, Gneist I 259. On peut les comparer avec
les „missi dominiciquot;: Boutmy 13, Kemble 41/42, Carter 63 e.s., Pike
Publ. Rec. 14, Chénon I 244, Barchewitz 63. V. I II n. 51.
pouvait pas remplir sa tâche de préparer l'évolution du gouverne-
ment par ses mesures modernes qui ne s'étendaient pas plus
loin que sa juridiction personnelle.
C'est l'explication du fait que là le sectionnement ne s'est jamais
développé comme ailleurs: le gouvernement central était si faible
et si peu étendu qu'il n'avait pas d'occasion de se différencier.
Dans les Pays-Bas enfin le pouvoir central échouait également
mais dans le cadre provincial le mouvement modernisateur pouvait
se développer.
Comme nous l'avons vu, en ce qui concerne la Hollande ses orga-
nes suprêmes étaient des tribunaux souverains recrutés parmi des
fonctionnaires nommés par le gouvernement, de sorte qu'ils prépa-
raient l'évolution moderne pour tous les tribunaux.
Dans la République des Provinces Unies en total l'unité faisait
défaut totalement malgré les quelques efforts accomplis pour
l'atteindre.
§ 11. Le but de la partie historique a été de montrer comment
la juridiction suprême, comme organe du souverain, a préparé la
modernisation de la juridiction en général.
Là d'abord les jugeurs de l'ancienne organisation germanique
étaient remplacés par des membres professionnels qui n'étaient pas
nécessairement concitoyens du peuple qu'ils devaient juger, et
indépendants de lui parce qu'ils étaient élus par le souverain. En
effet les cours suprêmes seigneuriales étaient les prototypes des
tribunaux modernes avec leur juridiction exclusivement administrée
par des juristes.
Quoiqu'on dise des excès de pouvoir par le monarque autoritaire,
on ne peut pas nier que sa juridiction moderne avait des avantages
considérables sur l'ancienne administration de justice.
A mesure que le pouvoir souverain s'étendait, les autres tribu-
naux éprouvaient également l'influence modernisatrice, de sorte
que les principes révolutionnaires ne formulaient que des buts déjà
réalisés en fait.
54) De -sorte que la distinction de jugeurs-rapporteur y restait jusqu'au dix-
neuvième siècle. (Lenel) 'V. I III n. 15.
Le deuxième principe que nous croyons pouvoir distinguer dans
l'évolution historique, c'est que le conseil central a été sujet à des
démembrements continuels devenus nécessaires par la différencia-
tion de leur tâche.
L'unité originaire des organes suprêmes gouvernementaux est un
principe particulièrement intéressant au point de vue dogmatique,
de sorte que nous le traiterons dans la deuxième partie.
En troisième lieu, à côté de la différenciation d'organes nous
avons vu une différenciation de fonctions; selon le but que le
pouvoir central se posait, variaient et se formaient les moyens de
l'atteindre d'une autre manière. A cause de l'intérêt dogmatique
plutôt qu' historique de ce phénomène nous l'examinerons égale-
ment de plus près dans la deuxième partie.
Ensuite on a pu constater que le mouvement centralisateur de la
fin du dix-huitième et du commencement du dix-neuvième siècle
était en premier lieu pohtique. Par réaction contre l'oppression auto-
ritaire on voulait constituer la cour suprême comme garantie des
droits politiques lui refusant toute compétence qui lui permettrait
d'imposer sa volonté aux sujets, erreur qu'on a reconnue plus tôt en
France et dans les Pays-Bas qu'en Allemagne. (H I n. 14. I III § 11
et I IV § 10).
Enfin il nous semble avoir montré la continuité historique dans
ce sens que même s'il n'y a pas une continuité formelle, les institu-
tions actuelles ne peuvent en tout cas pas être expliquées si l'on ne
recherche leurs vestiges dans l'histoire.
En résumant, on peut dire que non seulement de l'Angleterre mais
de tous les pays examinés ,,le lien entre le présent et le passé n'a
„été brisé à aucun momentquot; si).
55) Glasson I 44.
-ocr page 93-INTRODUCTION:
§ 1 Préliminaires. § 2 La concrétisation du droit. § 3 La fonction unifiante de
la juridiction suprême. § 4 Exemples historiques. § 5 Suite. § 6 La fonction du
souverain. § 7 Suite. § 8 Conséquences tirées de l'histoire. § 9 Conclusion.
§ 1. La formulation de notre sujet implique déjà une certaine
conception de la juridiction comme telle. On ne peut pas soulever
le problème de la juridiction suprême sans le mettre en opposition
avec le problème de la juridiction inférieure i).
Avant d'élucider leur relation mutuelle il faut nous mettre d'ac-
cord sur la portée du mot juridiction.
Sa définition doit être placée dans le cadre historique. C'est un
phénomène que nous verrons dans toute la deuxième partie que les
notions dogmatiques ne peuvent être comprises et analysées que
si nous tenons compte de leur évolution historique.
Comme nous l'avons déjà annoncé dans l'Introduction générale
^ § 1 ), le but de cette partie est de généraliser et de systématiser
les résultats de la première partie. Par conséquent, nous n'essaye-
rons pas d'établir des théories générales dont nous défendrons la
valeur éternelle, mais nous nous bornerons à exposer à quelles
conclusions ont mené nos recherches historiques. Si nous n'avons
pu éviter des expressions générales nous avons pourtant voulu nous
baser exclusivement sur l'histoire de la juridiction suprême comme
elle a évolué dans les pays examinés.
Quant à la notion „juridictionquot; elle est à présent tellement
influencée par la théorie de la séparation des pouvoirs que la fonc-
tion juridictionnelle est censée représenter une partie seulement de
l'activité gouvernementale en général.
Nous .avons déjà (§ 1 de l'Introduction générale) que dans la
deuxième partie, comme règle, l'expression „juridiction suprêmequot; sera
employée dans son sens fonctionnel.
Cette conception n'existait pas dans le moyen-âge oii les mesures
gouvernementales, quoique différenciées, formaient un ensemble
organique et ce n'est que petit à petit que la différenciation mena
à une distinction formelle 2 ).
Ces considérations nous mènent à donner une définition aussi
vague que possible de la notion juridictionnelle: nous voulons
l'examiner comme la fonction gouvernementale qui concrétise le
droit, définition qui s'expliquera dans la suite.
§ 2. Dans la première partie nous avons pu constater que le
droit, comme le total des règles de conduite extérieure a la tendance
d'être uniforme: une règle qui dans le cas A. prescrirait telle
mesure et dans le cas B. identique 3), une autre mesure n'est plus
censée être une règle de droit. C'est là justement la caractéristique
du droit qu'il n'existe que dans son application: quelqu'autonomes
que soient les règles de droit, leur concrétisation, leur existence
réelle, est toujours plus ou moins hétéronome.
D'autre part, la concrétisation du droit est la réalisation de
normes générales 4), soit par l'ordonnance d'un organe qu'une
certaine relation subjestive soit régie par telle ou telle règle, soit
par les sujets eux-mêmes donnant de leur propre mouvement un
contenu à leur relation mutuelle qui est conforme aux règles de
droit.
Ceux qui concrétisent le droit en l'appliquant aux relations qui
doivent être réglées, c'est à dire ceux qui prescrivent que, le cas
échéant, telle ou telle règle doit être observée (les juges) jugeront
avec le plus d'uniformité possible parce qu'autrement les règles appli-
quées perdraient leur caractère de généralité et ne seraient plus des
règles de droit. Veillant à ce que les actes humains soient con-
formes au droit, il leur faut non seulement éprouver chaque situa-
tion au complexe des règles mais aussi, la règle une fois choisie,
la réaliser chaque fois de la même manière.
2)nbsp;Par ex. I V § 7. V. plus loin II I § 4 et II VII § 9. En général
Intr, § 6.
3)nbsp;La possibilité d'une identité absolue sera traitée plus tard -H VII § 1.
4)nbsp;Nous examinerons ce problème de plus près dans le suivant II VII
§ 2 e.s.
§ 3. Le besoin de généraliser et par suite le besoin d'unifor-
mité rend évident qu'il faut qu'il y ait un organe établissant en fin
de compte et définitivement le droit.
Finalement il faut cesser de soupeser en hésitant des intérêts
contraires, mais donner la solution en tranchant les difficultés par
l'application d'une règle et fixer une fois pour toutes la relation
concrète 5).
Il est vrai qu'en fixant son jugement, le juge peut être in-
fluencé par beaucoup d'éléments qui déterminent le contenu du juge-
ment, mais ayant une fois choisi entre eux il le donne comme
résultat définitif de ce choix 6).
De sa fonction de concrétiser le droit en dernière instance ne
s'ensuivait pas que l'organe qui en était chargé eût une position
supérieure absolue.
Si l'on recourait du tribunal ordinaire à une assemblée plus
grande, on appréciait cette dernière comme plus sage et plus puis-
sante mais on ne se considérait pas tellement assujetti à elle parce
qu'en somme elle était composée de membres égaux faisant partie
du peuple comme soi-même.
Ce ne fut que lorsque cette assemblée nombreuse eût évolué en
conseil restreint du souverain avec son petit nombre de fonction-
naires, que se fortifia le sentiment de la hiérarchie, dont le souve-
rain était vénéré comme son sommet unique, comme le définissait
la notion rationnelle de la souveraineté des juristes professionnels
(IV § 3).
§ 4. Il nous faut maintenant préciser et étayer cette thèse
par des exemples tirés de l'histoire.
L'organisation primitive germanique ) ne connaissait pas la for-
mulation expresse et formelle des règles de droit. Le bon et ancien
droit n'est créé ni abrogé, il est „trouvéquot; dans la conscience de
droit des jugeurs.
5)nbsp;Comp. la formulation latine: lites finiri oportet. Comp, la motivation de
V. Zurck 91 du nombre limité des moyens de recours: „om aile uit-
„vlugten te benemen en een einde van Processen te makenquot;.
6)nbsp;Schölten Inl. pass, notamment 4 e.s., 171 e.s.
7)nbsp;V. Kern 3. e.s.
-ocr page 96-Ne discriminant pas entre le droit positif et le droit idéal chacun
était soumis à lui, même le roi § ).
Celui-ci n'est pas libre d'ordonner ce qu'il veut, il est lié aux
,,lois fondamentalesquot;, l'expression pour désigner cette validité
générale du droit 9). Sa fonction était ,,non pour changer la loi
mais pour en „assurer le respectquot; lo).
§ 5. Par conséquent la tâche primitive du roi comme rappor-
teur était le maintien du droit inchangeable.
Jamais dans l'histoire cette idée n'a été effacée totalement, tou-
jours l'idée de la suprématie du droit surgit.
C'est l'idée fondamentale du droit germanique que ,,the mere
..ordinances of the magistrate could not alter the customary law
,,established by traditionquot; n).
Seulement, quand on tient compte de ce phénomène, on com-
prend que les Parlements comme successeurs de la grande assem-
blée populaire des jugeurs défendent au pouvoir souverain ses
infractions contre le droit traditionnel 12).
8)nbsp;Bracton (cité par Lemaire 35 e.s.): „rex habet superiorem Deum scilicet,
„item legem per quam factus estquot;. Fleta I 1, c. 5 § 4 (cité par Allen
35): „In populo regendo superiores habet rex ut legem per quam factus
„est, et curiam videlicet comités et barones: (§ 34) „Omnia quidem sub
„eo et ipse sub nullo nisi tantum sub deoquot;. Ph. v. Leyden (cité par
Fruin Verspr. Geschr. I 139): „Etsi princeps legibus astrictus non sit,
..legibus tamen et secundum eas vivere profiteturquot;. Year Book 19
Henr. VI (cité par Gneist II 112): ,,La ley est la plus haute inheritance,
„que le roy a, car par la ley il même et toutes ses sujets sont rulés
„et si la ley ne fuit, nul roy, nul inheritance seraquot;.
9)nbsp;V. le livre de Lemaire, Chénon II 334, Flammermont 805 e.s.. Me.
Ilwain 63 et passim, Holdsworth IV 169 e.s.
10)nbsp;Viollet II 199, Le Roy 40 e.s., Lemaire 6. ,,Les lois au moyen-âge sont
.,1a déclaration de la coutume existantequot;; Me. Ilwain 42, Liebermann
N. A. 67.
11)nbsp;Gneist I 98. Com. Min.'s Powres 7: ,,The supremacy or rule of the law of
,,the land is a recognised principle of the English Constitution.quot;
12)nbsp;V. i I § 7 aussi Chénon II 435), i II § 9. L'exposé des motifs suivant
(cité par Denison p. XXVIII est digne d'être mentionné: „neither the
,,Chancellor nor the King's council after the close of Parliament may
„make any ordinances against the common law or the ancient customs
Même au temps où la monarchie était la plus absolue il y
avait en France la „règne de la loiquot;
§ 6. Ayant démontré qu'il est erroné de prétendre „que l'his-
„toire commence avec le fait que le droit est identique avec le
..pouvoir souverainquot; nous devons pourtant reconnaître qu'a
côté de l'élément d'ordre dans le droit il y a aussi l'élément de
force 16).
Pour mettre en évidence le dernier on doit étudier les transfor-
mations de la fonction du souverain.
Comme nous l'avons vu dans la première partie, sa position tra-
ditionnelle se modernisait dans ce sens qu'il devenait lui-même,
assisté par son conseil, le juge actif, tandis qu'autrefois il était le
rapporteur collaborant avec les jugeurs.
Cette transition graduelle marchait de pair avec l'agrandisse-
ment de son pouvoir et avait son fondement théorique dans le droit
romain importé par les membres juristes professionnels du conseil.
Reçu d'abord ..naivementquot; i^) le droit romain contribua gran-
dement à renforcer la compétence du souverain, parce qu'il était
très apte à motiver le pouvoir autoritaire.
,,Le roi idéal des juristes (était) le roi au-dessus droitquot; i8)
et ils faisaient tous leurs efforts pour réaliser leur idéal.
Dans ce sens il est juste de dire que le moyen-âge est caractérisé
.,of the land...... but that the common law have its course for all the
„people and no judgment be rendered without due legal processquot;
(13 Rich. II a 1390, Rot. Pari. V III p. 250). Comp. cependant Maine
E. I. 390.
13)nbsp;Calamandrei I 304 disant que la cassation était pendant l'ancien régime,
une défense des prérogatives du roi contre le Parlement et no.i un
moyen de maintenir le „droit objectifquot; exagère l'influence du conseil
des parties (V. II V § 5). Nous verrons ci-dessous jusqu'à quel point
la fonction de la cassation s'est transformée après la Révolution (H IV
§ 4, II V § 5 etc.).
14)nbsp;Comp. Le Roy 303, Fouillée 142, Lemaire pass.
15)nbsp;Gomme 490.
16)nbsp;Maine E, I. 371.
17)nbsp;Kern 25, n. 3, 47 e.s.
18)nbsp;Allen 35.
-ocr page 98-par la lutte entre le pouvoir royal et le pouvoir populaire ) dont
l'un représentait l'idée rationaliste de la souveraineté et l'autre la
notion instinctive de la communauté juridique (Comp. I V § 4 e.s.).
§ 7. Cela dépasserait le cadre de notre sujet que de vouloir
examiner l'évolution du pouvoir souverain dans sa totalité.
Le problème de la souveraineté est si complexe 20 ) qu'il exige-
rait une compétence plus grande que la nôtre pour le traiter con-
venablement.
Nous nous bornerons donc à quelques remarques relatives à
notre thèse.
Dans le paragraphe précédent nous avons dit que la réception
de droit romain est la base des théories sur l'indépendance du
pouvoir central.
Etant un droit de haute culture, ceux qui l'étudiaient, c'est à
dire les juristes professionnels, devaient se familiariser avec sa
méthode qui exigeait un esprit rationnel et scientifique.
Dans la suite, cet esprit imprima son cachet sur les tentatives,
mêmes sur celles qui essayaient d'être plus affranchis du droit
romain, de définir la souveraineté comme caractéristique par excel-
lence du pouvoir.
Ces définitions portent presque toutes la marque d'abstrac-
tion 21 ), sans tenir compte d'élements historiques.
Une des premières formulations est celle de Bodin: „La souve-
,,raineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une républiquequot;
et „la personne du souverain est toujours exceptée en termes de
19)nbsp;Comp. Luchaire p. III, Gosses 275. En Angleterre le dernier l'emportait
ce que prouve la théorie de la suprématie du Parlement: Me. Ilwain 63,
Holdsworth II 441/442, Levy-Ullman S. A. I 370 e.s., Glasson V 417,
Smith II 1, en France le premier. Comp. i V § 10).
20)nbsp;Outre les écrivains mentionnés ci-dessous: les livres de Meiriam,
Gierke, Willoughby 184 e.s., Sidgwick 20 e.s. 623 e.s.. Brown 271 e.s.,
Campbell 313 e.s.. Wise 128 e.s., Ritchie 1 e.s.. Heller pass.
21)nbsp;C'étaientt ous des „édifices froids et géométriquesquot; (Gruys 17 citant
Viollet, Hist. du droit civ. fr. p. 222).
,,droit quelque puissance et autorité qu'il donne à autruiquot; 22), dont
•on peut trouver de nombreuses semblables 23).
Dans le cours des siècles ces définitions ont été répétées maintes
fois 24 ), devenant de plus en plus abstraites comme par exemple
celle d'Austin 25) et ses successeurs 26) ou, à l'heure actuelle, celle
de M. Kelsen2T). Selon eux la caractéristique de la souveraineté
serait son ,.incapacité de limitationquot; 28) ou le fait que les normes
de l'organe souverain ne pourraient plus être dérivées d'un autre
organe 29).
§ 8. Si nous nous opposons à ces abstractions mécaniques,
poussées trop loin, nous estimons inopportun de soulever la ques-
tion fondamentale de science pure ou celle de la séparation absolue
lt;les différents objets de notre connaissance mais nous n'exposerons
que les motifs historiques qui nous mènent à rejeter ces théories.
A l'exemple de Maine 30) il nous semble qu'il est inexact d'im-
poser à la notion de la souveraineté la qualité d'être absolue et
ilhmitée.
22)nbsp;Bodin 18, 122 e.s.
23)nbsp;Par ex. Huber II 21 e.s.: „Oppermacht is niets anders als een macht
„om te regeeren een volk in dier voegen, dat het verhandelde door geen
„andere menschenwille kan worden verandertquot;. Comp. Graswinckel 4
et pass. Smith I 1, Blackstone I 50.
24)nbsp;Comp. Allen. Law 3 e.s., Ritchie 385 e.s., Harrison 10 e.s.
25)nbsp;Austin 82 e.s.
26)nbsp;Par ex. Markby El. 18, Amos pass. Comp. Ross 83 e.s.
27)nbsp;Kelsen 71, 102 e.s. et pass. etc. V. aussi Heller 43. '
.28) Austin 105; „incapable of legal limitation.quot; Comp. Rattigan 30. Même
ceux qui se déclaraient adversaires d'Austin étaient influencés par lui,
malgré eux, comme par ex. Bryce II 56 disant que la souveraineté n'a
pas plus à faire avec l'obéissance que l'exactitude d'une proposition
mathématique avec l'exactitude du dessin.
29)nbsp;Kelsen 43: „Souverän nennen wir jene Entscheidungseinheit die keiner
„anderen wirksamen universalen Entscheidungseinheit untergeordnet istquot;,
71: „Ein Staat ist souverän, wenn die auf die Rechtsnormen gerichtete
Erkenntnis die im Staat personifizierte Ordnung als höchste, in ihrer
Geltung nicht weiter ableitbare......... voraussetzt. quot;V. les critiques
françaises sur M. Kelsen par Maury 537 e.s., Capitant 40 e.s., 156 e.s.
30)nbsp;Maine E. I. 342 e.s. V. également Bryce II 51 e.s., Salmond 95 e.s..
Gray 80 e.s., Clark 5, 140 et pass., Harrison 32 e.s., Lightwood 311 e.s.
Comme nous avons essayé de le montrer dans les paragraphes
précédents le pouvoir souverain n'est jamais libre dans le sens
absolu: „l'autorité est une force qui dépend non de la volonté de
..celui qui domine mais de la conscience de celui qui se soumetquot;
Le droit suppose la justice 32) qui a son fondement dans,
l'esprit de ceux qui obéissent.
Il est vrai que, dans chaque société, il y a une personne ou un
groupe qui contraint les autres par la force physique plus grande,
mais cela n'implique pas qu'il y ait dans chaque état une personne:
ou un groupe qui puisse agir avec une force irrésistible 33).
Celui ou ceux qui commandent et ceux qui obéissent se com-
plètent mutuellement, les uns soutiennent les autres et ils ne peu-^
vent pas exister séparément 34).
Le droit est une notion de relations mutuelles et ne peut être'
basé que sur ,,la croyance inébranlable en un principe supérieur
de droitquot; 35).
§ 9. Relions maintenant ces considérations à notre sujet.
Dans le problème de la juridiction suprême les questions de la
juridiction en général sont posées d'une façon extrême. Là on
peut le mieux voir quel est l'essentiel de la concrétisation du droit
parce que celle-ci n'est que définitive par la sentence ultérieure.
Les normes de droit ne sont que des normes véritables en tant
31)nbsp;Korkunof (cité par Cruet 212), Ritchie 407: „The ultimate political
„power is not the determinate number of persons now existing but the
„opinions and feelings of these persons; and of those opinions and
„feelings the traditions of the past, the needs of the present, the
,.hopes of the future all form a part.quot; V. aussi Gray 123.
32)nbsp;Pollock J. 32 e.s.
33)nbsp;Maine E. I. 358.
34)nbsp;V. sur ce problème: Hartmann notamment 180 e.s., Tanon pass.
35)nbsp;Bonnecase N. 41 e.s. 218 e.s. Pourtant on ne peut pas dire que cette-
conception soit spécifiquement française: Levy-Ullmann 1 et pass.
Fouillée 1 etc., Ross 24. V. en général sur ces questions: pour la
France les livres de Bonnecase N., Gény II, Ross 15 e.s., Coebergh
63 e.s., pour l'Angleterre les livres d'Argyll, Lorimer (critiqué par
Thomson 61 e.s.. Watt 18), pour l'Allemagne l'analyse chez Bergbohm.
que réalisées par les sujets, c'est à dire en tant que leur actes 36)
sont conformes aux règles de droit.
Or. la tâche des tribunaux est de veiller à cette conformité:
l'acte juridictionnel la constate ou ordonne les mesures nécessaires
pour que la situation constatée soit modifiée selon elle 37).
Pour atteindre la plus grande conformité que possible, une cer-
taine procédure est suivie: l'institution de juges qualifiés, une suc-
cession déterminée de formalités etc. 38).
D'une part, l'acte juridictionnel doit tenir compte de l'intérêt
public, d'autre part de l'intérêt des parties 39) parce que justement
le droit lie ces deux extrêmes ^o).
Le premier exige qu'il soit jugé selon les normes posées par
l'état (l'unité de droit) 4i). le dernier désire que la partie lésée soit
réellement redressée (la justice matérielle) 42).
Entre ces deux pôles la juridiction, et, en premier lieu celle en
dernière instance, est orientée. Nous les examinerons dans le cours
des chapitres suivants.
36)nbsp;V. sur le problème de l'efficacité du droit: Husser 1 pass., Gischler 29,
Hartmann 252.
37)nbsp;Duguit II 243 e.s. Corn. Min.'s Powers 73, Amos 324 e.s.. Sauer 35 et
pass., Bracton 1. 5 fol. 400/401, Coke IV, I, comp. Kelsen 152 e.s.,
285 e.s.
38)nbsp;Comp. Star Busmann I 2 e.s. 35/36.
39)nbsp;Comp. Marty 24 e.s.
40)nbsp;Pour les buts secondaires de la juridiction suprême v. Mannheim 11 e.s.,
21 e.s.
41)nbsp;Comp. Kelsen 285 e.s.
42)nbsp;Par ex. Mannheim 197 e.s. Fentener v. Vlissingen dans W. 12615.
-ocr page 102-SECTION I : LA PROTECTRICE DE LA JUSTICE.
CHAPITRE I.
la juridiction d'instance.
§ 1 La notion de la juridiction d'instance. § 2 Ses fonctions. § 3 Leur énumé-
ration: A. Instance suprême administrative. B. Forum privilegiatum. C. Tribunal
de crimes commis par les hauts fontionnaires d'état. D. Tribunal des pairs.
E. Examination des projets de loi. F. Jurisdictio voluntaria. G. Juge de matières
spéciales. H. Contrôle de la constitutionnalité. § 4 La séparation des pouvoirs.
§ 5 Etendue de la compétence de la cour suprême.
§ 1. La juridiction d'instance n'est pas si compréiiensible qu'on
pourrait le croire à première vue. Dans une société simple, comme
l'organisation germanique primitive, le droit „trouvéquot; est si évident
qu'il ne peut pas être question d'une deuxième instance.
Les jugeurs sont censés juger de mauvaise foi s'ils rendent un
jugement erroné parce que le droit est censé donner une réponse
claire à toute question. Alors, si l'on voulait s'opposer à un juge-
ment on ne pouvait qu'accuser les jugeurs de négligence ou de par-
tialité.
C'est seulement avec l'accroissement du pouvoir central que naît
l'idée d'une réexamination et en premier lieu par le conseil du
souverain i ). En effet, sa juridiction se rattache à la transformation
de rapporteur en juge indépendant. Devenu juge dans le sens
moderne, il s'emparait nécessairement des moyens de maintenir
ses jugements: le jugement et sa sanction jadis séparés, passaient
dans une main 2).
1)nbsp;Nous laissons de côté le recours primitif d'une assemblée de jugeurs à
une plus grande assemblée (Comp. I V § 3).
2)nbsp;V. Bracton lib. IV . fol. 407: „Oportet etiam quod ille qui iudicat, ad
„hoc quod rata sint iudicia habeat iurisdictionem...... et non sufficit
quod iurisdictionem habeat, nisi habeat coertionem quod si iudicium
„suum executioni demandari non posset, sic essent iudicia delusoriaquot;.
La juridiction d'instance peut être motivée par des raisons diver-
ses par exemple l'intérêt de redresser les fautes de la première
procédure („le droit accroit en plaidantquot;), la plus grande impartia-
lité de juges supérieurs plus expérimentés et mieux informés etc. 3).
Par conséquent le confiance dans les normes de procédure 4)
remplace la certitude que le jugement soit conforme à la solution
nécessaire par les normes de fond. Un jugement est supposé con-
tenir la vérité ,,sur la présomption de sa justice quand il est revêtu
„des formes qui lui donnent le caractère de jugementquot; et non ,,sur
„la certitude qu'un arrêt est justequot; 5); res iudicata pro veritate
habetur.
§ 2. Si le droit pose une certaine norme il faut être siîr qu'elle
soit appliquée par tous les juges sans exception.
Les juges d'instance ont comme fonction de veiller à l'application
des règles de droit afin d'établir l'unité et d'empêcher l'indépendance
et la partialité de juge inférieure). Par conséquent la tâche prin-
cipale de la cour suprême est de veiller à la conformité des actes
judiciaires avec le droit par son contrôle des juges, leurs jugements
et leurs arrêts.
A côté de cette fonction judiciaire la cour suprême a souvent
d'autres compétences, qui sont les restes de son origine de l'ancien
conseil central du souverain qui étendait sa compétence partout.
A cause de sa position unique et plus ou moins indépendante, la
3)nbsp;Comp. Huber II 417 e.s.. Star Busmann I 56/57, v. Wassenaer 424 e.s.
Comp. Rosenberg 464: une recours de droit est „ein Gesuch um Ge-
„währung von Rechtsschutz gegenüber einer Entscheidung die ihn
,.nicht oder nicht vollständig gewährt hatquot;.
4)nbsp;L'indispensabilité des formes de procédure est confirmée par Montes-
quieu VI 2, Garsonnet 3, Renard I 53 e.s. opp. Fournier 322 e.s.
5)nbsp;Dalloz 2, Barb 81 e.s., comp. Henrion de Pansey II 174: „Quin pro
„arresto quod débité et absque interventu errorum latum et factum fuerit,
„est verisimiliter praesumendumquot;: van Leeuwen R. H. Regt 635 e.s.:
„De geschillen en saken waarin twee of meer niet over en quamen voor
„den Regter verhandeld, en door deself eintlyk uitgesproken synde,
„krygen kracht van gewysde, en werden metterdaat voor de waarheid
„bevestigd quot;. V. aussi Gény 163.
6)nbsp;Palmer 346 note 1.
-ocr page 104-cour suprême est considérée propre à accomplir les actes qui
exigent l'intervention du pouvoir suprême.
Dans le paragraphe suivant nous consacrerons quelques mots à
ces trois aspects de la cour suprême en général, afin d'examiner
exclusivement sa fonction juridictionnelle dans la suite de cette
étude,
§ 3. Sans prétendre être complets nous énumérons ici les fonc-
tions de la juridiction suprême afin de montrer son universalité.
A.nbsp;La cour suprême peut être désignée comme dernière instan-
ce administrative, comme par exemple en France, le conseil du roi
avant la Révolution. Dans la plupart des pays la théorie de la
séparation des pouvoirs a mené à l'institution d'une cour suprême
administrative séparée 7).
Pourtant on parle du contrôle juridictionnel de l'organe suprême
administratif le définissant comme ..cour suprême régulatrice de
l'application „de la loi administrativequot; 9). En vérité il y a une
grande analogie entre la „juridictionquot; suprême administrative et la
juridiction suprême ,.juridiquequot; lo) quoique la première accentue
plus sa fonction de défendre la liberté individuelle contre l'excès
de pouvoir n) (v. II VI § 7) de l'administration et la deuxième
sa fonction de maintenir l'unité de droit i^).
B.nbsp;Faisant fonction de forum privilegiatum la cour suprême
peut être désignée comme étant le tribunal exclusif du chef de l'Etat
et de sa famille
C.nbsp;Pour juger les prévarications commises par les hauts fonction-
naires de l'état la cour suprême est souvent déclarée compétente.
7)nbsp;Comp. Chénon Or. 250 e.s. pour la France; Kranenburg pour les
Pays-Bas; Solbrig 98, Eggert 24 e.s., Lohrer 38 e.s. donnent une
énumération des cours suprêmes administratives en Allemagne.
8)nbsp;Par ex. de Font Reaulx.
9)nbsp;Paulme 9.
10)nbsp;Pour la France v. le livre d'Idoux, et J. Charmont „Analogie de la
„jurisprudence administrative et de la jurisprudence civilequot;. Rev. trimest.
de droit civil 1906 No. 4 (cité par le Roy 230).
11)nbsp;Comp. Dalloz Nos. 985 e.s., 1039.
12)nbsp;Le Roy 230 e.s.. 269, 335 e.s.. Chénon Le. Comp. II Intr. § 9 fin.
13)nbsp;Par ex. l'art. 161 de la loi fondamentale de 1848 des Pays-Bas.
-ocr page 105-soit à cause de la gravité des crimes, soit à cause de la position des
fonctionnaires envers lesquels les juges inférieurs ne se montre-
raient probablement pas assez indépendants
D. Parfois la cour suprême a conservé son ancien caractère de
cour féodale et est restée le tribunal des membres de la haute
noblesse.
L'organisation germanique primitive ne permettait pas que les
jugeurs fussent membres d'une autre tribu que de celle à laquelle
celui qui était jugé appartenait.
Avec la féodalisation de la société par laquelle le lien de la
tribu était remplacé par l'égalité de l'état (I I n. 3) les puissants
pouvaient seulement modifier ce droit par le principe du „jugement
des pairsquot; tandis que les parties non féodalisées du peuple per-
daient ce droit i'^').
La Révolution abolissait le principe pour le remplacer par l'ad-
ministration de justice moderne inaugurée déjà depuis longtemps
par le conseil souverain, selon laquelle les juges professionnels
14)nbsp;Pour les Pays-Bas v. Corver Hooft. Parfois aussi une partie du
pouvoir législatif est declarée compétente pour ces affaires: en France
le Sénat. Pendant la Révolution française on ne voulait pas soumettre
les jugements de la Haute Cour des crimes d'état à la Cour de
Cassation parce qu'on se méfiait trop des juges en général. (Seligman
II 1 e.s.).
15)nbsp;Stubbs I 537, Franklin II 134 e.s. Le recrutement des jugeurs variait
selon le cas et la position du jugé: Schwabenspiegel: „der kunic sol mit
,.deren fursten urteil den fursten ze achte tun und also sol man den
vrienherren und ieden man mit sinen genoszen achte tunquot; (cité par
Franklin I.e.).
16)nbsp;Com.p. Luchaire I 303, Pardessus 44 e.s. qui cite Bernardi „Origine de
la Pairie en France et en Angleterrequot;. (Nouv. Mém. de l'Académie des
Inscriptions X 64 e.s.), Tomaschek 552 e.s., v. Spaan 99 qui parle de
„evenkniequot;. Selon la représentation donnée ici la Magna Charta réclamant
la juridiction „by the lawful judgment of his peersquot; n'était pas quelque
chose de nouveau. Comp. Pike 169, Glasson III 343; Meyer III 77 e.s.
qui dit à tort que le jugement des pairs était une réaction contre
l'arbitraire du souverain.
17)nbsp;Les privilégia de non evocando sont également un reste du droit tra-
ditionnel et dans ce sens les parties non féodales du peuple (comme
les villes) en tant qu'elles avaient ce privilège gardaient également des
vestiges de l'ancienne organisation.
étaient compétents pour chaque membre du peuple sans discrimi-
nation.
C'est seulement en Angleterre que les restes de cette ancienne
discrimination ont persisté et que la Chambre des Lords est en-
core maintenant la cour principale de la noblesse i®).
E.nbsp;A cause de l'expérience et de l'érudition de ses membres la
cour suprême doit être consultée réglementairement dans beaucoup
de pays sur tous les projets de loi et les actes exécutifs principaux
du gouvernement. Le plus souvent elle émet son opinion dans la
forme d'un avis qui n'est pourtant qu'une recommandation ,
F.nbsp;La ..iurisdictio voluntariaquot; de la cour suprême comme dans
les cas de légitimation, de pardon etc. doit être considérée égale-
ment comme un reste de son ancienne origine du conseil du sou-
verain 20).
G.nbsp;Comme fonction de l'organe suprême gouvernemental on
pourrait encore nommer les compétences spéciales de la cour
suprême dans les matières d'expropriation 21). de conflits d'élec-
tion 22).
Habituellement le contrôle suprême budgétaire et la juridiction
suprême militaire 23) ne rentrent pas dans la compétence de la
même cour suprême mais dans celle des tribunaux spéciaux 24).
H.nbsp;Le contrôle de la constitutionnahté des lois est souvent
exercé par la cour suprême 25).
18)nbsp;Comp. Holdsworth I 377 e.s., Pike 22 e.s., Anson I 245, 384 e.s. En
France le Parlement de Paris était la Cour des Pairs, Lemaire 310,
Esmein „Histoire du droit françaisquot; 370 (1898). Jusqu'à 1918 certaines
familles féodales allemandes avaient encore une juridiction privilégiée.
19)nbsp;V. sur le système de ces avis Magnus passim.
20)nbsp;Par ex. pour les Pays-Bas: v. Velzen Wiersma.
21)nbsp;Par ex. Faye 403 e.s.
22)nbsp;50 Jahre R. G. 170, Faye 322 e.s.
23)nbsp;Pour la France: le Conseil de Révision (Chénon Or. p. XI, 219 e.s.) pour
les Pays-Bas: la Haute Cour Mihtaire.
24)nbsp;V. II VI § 1 B 30.
25)nbsp;V. pour la France: Blondel, pour l'Allemagne: Schmitt, pour l'Autriche:
Eisenmann, pour les Pays-Bas: v. Sonsbeeck 241 e.s.; en général Magnus
149, 156 et passim.
Examiner le problème dans sa totalité n'aurait pas d'intérêt pour
notre sujet, mais pourtant quelques remarques s'imposent parce que
cette question montre clairement les difficultés spécifiques de la
juridiction suprême.
Le problème du contrôle de la constitutionnalité des lois sou-
lève la célèbre question ,,quis custodiet custodes ipsosquot;, à qui sera
le pouvoir ultérieur 26)7 La réponse dépend de la confiance que
l'on a dans l'une ou l'autre fonction de l'état et les différentes
théories sur le mécanisme du gouvernement central hésitent toutes
entre l'unité ou la pluralité de l'organe suprême.
Si l'on adopte la première solution on proclamera l'inviolabilité
du législateur dont les actes ne pourront être critiqués par per-
sonne; c'est le cas en Angleterre où la souveraineté du Parlement
défend chaque contrôle de ses lois 27).
En adoptant la deuxième solution c'est à dire celle de la sépara-
tion des pouvoirs, la question devient plus difficile, parce que cette
théorie défend que l'un des pouvoir puisse s'occuper de l'autre.
Alors se dresse la difficulté que les différents pouvoirs peuvent se
contrarier et qu'il n'y a pas moyen de leur superposer un organe
supérieur. Le résultat de cette situation est toujours un compromis
et on finit par donner le contrôle ultérieur à un des pouvoirs; ainsi,
en France, où la question se pose sous la forme de „l'excès de
pouvoirquot;, la Cour de Cassation est considérée comme „gardienne
des institutions constitutionnellesquot; et est en réalité le pouvoir ulté-
rieur dans la plupart des cas. (II VI § 6 fin).
26)nbsp;Laband Staatsrecht II 45 (cité par Jonas 12) dit très justement que
l'adoption illimitée du pouvoir de contrôle permettrait à chaque citoyen
de l'appliquer à ses propres risques.
27)nbsp;Lee v. Bude amp; Torrington Railway Cy. 1871, L. R. 6, C. P. p. 582,
Hewart 47, Pollock J. 271. Pourtant Coke (cité par Levy-Ullmann S.
A. I 371 e.s.) dit que le droit commun l'emporte sur le droit statutaire si
„an Act is against the common right and reason or repugnant or
„impossible to be performedquot;. Comp, une question analogue dans
l'Allemagne d'après guerre (1924): Dessauer 69, Jonas 51 e.s. La
société des juges de la Cour Impériale se refusait d'appHquer certaines
mesures législatives, parce qu'il ne serait pas permis au législateur „ein
„Ergebnis, dasz Treu und Glauben gebieterisch fordern durch sein
„Machtwort (zu) vereiteln.quot; (J. quot;W. 1924 90 et 245 e.s.).
On peut discuter les avantages d'un contrôle par un seul tribunal
spécial ou par tous les tribunaux sans exception 28).
Sous l'influence de M. Kelsen la juridiction constitutionnelle est
exercée par une cour spéciale en Autriche 29) tandis qu'en Alle-
magne elle est reconnue pour tous les tribunaux 30).
On peut distinguer le contrôle formel et le contrôle matériel et
il est facile de comprendre que le plus souvent ce n'est que le pre-
mier qui est exercé par les tribunaux, c'est à dire qu'on veille à ce
que les formalités requises pour la validité des normes soient
remplies si).
Nous n'avons fait ici que montrer les extrêmes de ce côté de la
juridiction suprême. Comme il a déjà été dit, on ne peut jamais
prétendre que l'organe supérieur soit absolument une unité ou une
pluralitée mais il déprendra des causes historiques laquelle des
deux sera accentuée. (Comp. H Intr. § 7 et le § suivant sous B).
§ 4. A. Si nous limitons maintenant notre attention à la fonc-
tion spécifiquement juridique de la cour suprême, la première ques-
tion qui se pose est celle de la séparation des pouvoirs 32).
Elle n'a qu'à occuper notre attention en tant qu'il faut discuter
la possibilité d'une instance suprême pour des conflits juridiques,
indépendante des autres institutions de l'état.
28)nbsp;V. Bonnecase 10 et pass, et Laferrière 305 e.s. Cartault pass.
29)nbsp;Voir sur ce sujet la thèse de Eisenmann. Comp. Kelsen 304 e.s.: en
disant que malgré l'unité de la norme fondamentale il peut être une
pluralité de cours supérieures M. Kelsen ne nous semble pas être
conséquent. V. sur la pratique de la Cour suprême des Etats-Unis dont
la fonction est exclusivement d'éprouver les lois et les jugements à leur
conformité avec la loi fondamentale: Friedreich 14 note 1; Carson „The
„Supreme Court of the U.S.quot; (1890); H. Taylor „The Origin and
„Growth of the American Constitutionquot; (Boston amp; N. York 1911);
Frankfurter amp; Landis „The business of the Supreme Courtquot; (N. York
1928). Pour l'Espagne v. le Bulletin de l'Institut Intermédiaire Inter-
national de janvier 1932.
30)nbsp;Voir Schmitt pass., Jonas pass.. Dessauer pass. 50 Jahre R. G. 241,
Schack pass.
31)nbsp;Pour la Hollande v. Gruys 137 n. 2.
32)nbsp;Surtout en France la littérature sur ce problème est très abondante par
ex. Artur. St. Girons, Fuzier-Hermann, Duguit II 660 e.s. V. aussi
Kelsen 3 Gew.
Ainsi qu'à l'examen du problème du contrôle juridictionnel de !a
constitutionnalité des lois nous verrons combien il est dangereux
de dogmatiser des institutions formées par une longue évolution
historique.
Déjà au commencement du moyen-âge la spécialisation des fonc-
tions 33) (comp. I V § 9) menait au démembrement successif du
corps gouvernemental central. A chaque séparation la divergence
entre les organes devenait plus grande et ils avaient de moins en
moins connaissance de leur origine commune.
Ce n'étaient que les dernières conséquences de ce développe-
ment graduel qui étaient tirées par la Révolution quoiqu'on s'imagi-
nât inaugurer un système tout à fait mouveau en posant le principe
de la séparation des pouvoirs 34).
Par conséquent il serait inexact de prétendre que cette théorie
ait été importée de l'Angleterre par Montesquieu 35). H est vrai
que là le développement des diverses fonctions gouvernementales
s'était le plus affirmé mais pourtant „chaque pouvoir y a reçu sa
„physionomie particulière sans cesser de conserver les traits des
„autresquot; 36).
Cependant la dogmatique révolutionnaire est compréhensible
comme une réaction contre l'intervention arbitraire du pouvoir
central de l'ancien régime. Par la séparation des pouvoirs on vou-
lait éviter qu'un organe devint trop puissant au détriment de l'autre
et on la proclamait comme la condition essentielle de tout gouver-
nement démocratique
33)nbsp;Comp. Sidgwick 382 e.s.
34)nbsp;L'inexistence de la séparation des pouvoirs sous 1 ancien regime est
défendue par exemple par: Henrion de Pansey I 32 e.s., 84 e.s. (opp.
Valois A C. d'E. p. IX e.s.), Valette I 450 qui la considère comme
la rénovation principale de la Révolution; Boey 89 e.s., Fruin 61.
Comp. Pollard 25, 235, Glasson III 119, Dicey 50.
35)nbsp;Montesquieu XI p. VI.nbsp;■
36)nbsp;Levy-Ullmann S. A. I 376. Comp. St. Girons 96, Franqueville I 7 e.s.,
Pollard 235 e.s., Holdsworth L. Q. R. 445 e.s., Turberville XVIII 430,
Glasson III 119, Blackstone I 154, 12th edition (cité par Com. Min.'s
Powers 9) exprime une idée analogue: „herein consists the true excel-
„lency of the English government that all the parts of it form a mutual
„check upon each otherquot;.
37)nbsp;A 1' heure actuelle il y a un mouvement contraire qui est d'avis qu une
7
-ocr page 110-Quoiqu'il en soit, la Révolution française ne resta pas fidèle à
ses principes par l'institution de la Cour de Cassation auprès du
Corps Législatif 38 ) parce que par elle le pouvoir judiciaire deve-
nait dépendant du pouvoir législatif (II VI § 6).
Le moyen par lequel la cour suprême maintient la séparation
des pouvoirs est „l'annulation pour excès de pouvoirquot;.
Le dernier existe, selon la conception française si les juges ,,sor-
,,tent de la fonction qui leur est dévolue et accomplissent un acte
„qui leur est interdit soit qu'ils agissent en dehors de toute règle
„soit qu'ils empiètent sur des fonctions attribuées à tel autre orga-
„nisme constitutionnelquot; 39).
La notion vague de l'excès de pouvoir permet à la Cour suprême
d'étendre son contrôle si elle le juge opportun 40) (Comp. IIVI § 1 ).
La difficulté de sa définition ne provient pas seulement des obsta-
cles que présente la délimitation des pouvoirs, mais aussi de la
circonstance que, par l'incorporation d'une règle dans une loi que
la cour suprême doit contrôler, ce contrôle est devenu admissible
quoiqu'avant le contrôle de cette règle fût peut-être considéré comme
un acte administratif (Comp. II VII § 4 e.s.).
D'ailleurs parfois le gouvernement seul décide si un jugement
sera annulé pour excès de pouvoir 4i), la cour suprême ne pouvant
annuler, pour telle raison, que sous la condition que le Garde des
Sceaux l'ordonne au procureur général près la Cour de Cassation.
Que ces considérations suffisent pour démontrer que la cour
suprême hésite parfois de fixer le sens de l'excès de pouvoir 42).
séparation rigoureuse n'est plus nécessaire justement à cause de l'esprit
démocratique de chaque organe: Alvarez 204, Le Roy 174; Struycken
pass.
Il y a des auteurs (par ex. Henrion de Pansey I 172) qui prétendent
qu'il n'y existe que deux pouvoirs, le pouvoir judiciaire formant une
partis du pouvoir exécutif, la plupart cependant sont partisans de la
division tripartite.
38)nbsp;Marty 36.
39)nbsp;Cartault 2, v. aussi Faye 453.
40)nbsp;V. Il II § 1, A, fin.
41)nbsp;La pratique en France: néanmoins la Cour de Cassation peut annuler
pour excès de pouvoir en jugeant un pourvoi en cassation dans l'intérêt
de la loi: Bonnecase pass. V. II VI § 7 notes 53 et 55.
42)nbsp;V. sur l'excès de pouvoir: Laferrière 303 e.s., Garsonnet 681 e.s.,
Faye 453 e.s. Pour les Pays-Bas: van Delden pass.
B. Quand on considère l'activité gouvernementale comme une
concrétisation graduelle dans toutes ses manifestations, il n'y a
évidemment qu'un seul pouvoir dont le jugement est aussi bien une
expression que la loi 43) et dont la différence n'est que graduelle.
C'est la théorie des grades (Stufentheorie) qui a développé le
plus rigoureusement les conséquences du phénomène de la con-
crétisation du droit 43a).
Selon elle le droit est identifié avec la volonté de l'état comme
unité absolue: sa ,.norme fondamentalequot; (Grundnorm) est le som-
met de la hiérarchie des normes qui jettent un pont sur l'abîme entre
le droit et l'objet qui doit être réglé par lui.
Entre la loi et le contrat il n'y a qu'une différence graduelle
comme toutes les deux sont normatives pour un autre objet 43b).
Voulant être „purementquot; juridique cette théorie exclut chaque
influence hétérogène sur la concrétisation du droit: elle ne tient
compte que de la formation abstraite des normes négligeant la cir-
constance qu'elles n' „existentquot; que dans leur application concrète
qui n'est jamais autonome (v. II Intr. § 2).
Tout en essayant de se limiter aux phémonènes purement juridi-
ques la théorie oublie que la science de droit ne se compose pas
exclusivement d'éléments logiques: la concrétisation du droit ne
peut pas être définie comme une hiérarchie rigoureuse de ,,gradesquot;
superposés, mais elle est également formée par des éléments qui ne
rentrent pas dans cette hiérarchie, comme par exemple l'appré-
ciation par le juge des normes à appliquer quant à leur efficacité,
leur valeur sociale etc. Il est vrai que la formation du droit se fait
par des syllogismes, mais leur relation mutuelle n'est pas toujours
strictement hiérarchique.
L'application d'une norme n'est pas le maniement d'un principe
scientifique mais une activité qui ne peut pas se soustraire d'influ-
ences a-logiques.
43) Austin 97e .s., Kelsen 3 Gew. 374 e.s. V. également II Intr. § 7.
ii I § 3 H, IV n. 12, VII § 14.
43a) Sur les prédécesseurs de Kelsen v. Heller 20 e.s., Frankel 10 e.s.,
Kelsen p. VII, Ross 229, Coebergh 58. Sur la théorie des grades v.
notamment Kelsen 248 e.s.
43b) Ross 425: „Der Kontrakt ist einfach eine Konkretisierung des Rechts-
systems innerhalb des Rahmens der übergeordneten Stufequot;.
Par conséquent si la théorie des grades semble attrayante à pre-
mière vue par sa clarté, elle est, selon nous, trop abstraite pour
pouvoir expliquer le procès compliqué de la formation du droit.
Elle substitue l'unité hiérarchique à la juxtaposition des activités
gouvernementales oubliant que la différenciation a tellement
évolué qu'il semble préférable de parler d'influences mutuelles que
d'une subordination absolue.
C. Dans les pays où le droit administratif est très développé
on a parfois une cour jugeant les conflits de l'administration et de
la justice.
En France par exemple, le Tribunal des conflits fut institué en
1850; il est composé de quelques membres de la Cour de Cassation
ainsi que du Con.'-eil d'Etat, sous la présidence du Ministre de la
Justice 44),
§ 5. Comme sommet de la hiérarchie judiciaire la cour suprême
peut avoir une compétence plus ou moins etendue.
Elle peut juger toutes les productions des juges, c'est à dire non
seulement leurs jugements mais aussi leurs dispositions ou bien
seulement soit celles de leur juridiction volontaire, soit celles de
leur juridiction contentieuse.
De cette dernière catégorie elle peut être compétente pour tous
les conflits portés régulièrement devant les tribunaux ou pour ceux
sur lesquels ils se disputent 45).
Quant aux parties elle peut juger tous les sujets du droit soit
seulement un groupe de personnes privilégiées 46).
S'il s'agit de sa juridiction sur les fonctionnaires de l'administra-
tion de la justice on peut distinguer la compétence disciplinaire sur
les juges 47) gj- celle sur les assistants professionnels des parties 48).
44)nbsp;Paye 10, 364, Chénon Or. 255.
45)nbsp;Règlement de juges: Paye 463.
46)nbsp;V. la fin du note 18 de ce chapitre.
47)nbsp;En Prance: Cour Suprême de la Magistrature: Paye 498, Morillot pass.
48)nbsp;En Allemagne: Ehrengerichtshof, composé de quelques membres de la
Cour Impériale et de quelques avocats attachés à cette Cour Comp.
25 Jahre R. G. 141 e.s.
CHAPITRE II.
LES MOYENS DE RECOURS.
§ 1 Le moyen de recours en général. § 2 Suite. § 3 Rétractation et réformation.
§ 4 Les moyens de recours invoqués auprès du même tribunal: a. la correction
informelle d'erreurs évidentes, b. la réaudition, c. la récusation, d. la requête
civile, e. la révision. § 5 La hiérarchie des tribunaux. § 6 Les moyens de
recours invoqués devant un autre tribunal: a. l'appel, b. la ,,reductiequot;, c. la
„reformatiequot;, d. les moyens restrictifs, e. la querela nullitatis. f. le déni de
justice.
§ L Examinons maintenant les différents modes de recours
suivant en général ceux qui étaient usités dans les Pays-Bas.
Bien qu'on ait prétendu i) que la „Urteilsscheltequot; fut une voie
de recours examinant plutót les questions de droit que celles de
fait on ne peut pas nier selon nous que l'idée et la possibilité
des moyens de recours ne se rattachent intimément avec le déve-
loppement du pouvoir central (comp. § 1 du chapitre précédent).
Plus fort est le lien entre les membres du peuple, moins grande
est la chance qu'un tribunal se soumette à l'autre; dans le cas
seulement où il y a un certain sentiment d'unité on considérera
un tribunal plus général et central comme supérieur.
Une des distinctions principales des voies de recours est celle
entre les moyens ordinaires et les moyens extraordinaires 2) par
laquelle on veut désigner que les premiers peuvent être invoqués
normalement dans tous les cas, tandis que les seconds exclusive-
ment dans les cas exceptionnels.
La manière de faire cette distinction dépend de l'influence plus
ou moins grande du pouvoir central: là ou elle est la plus grande
et la plus ancienne on ne regardera pas comme moyens extraordi-
naires ceux qui dans un pays où le pouvoir souverain ne s'est pas
tellement développé sont considérés comme extraordinaires (comp.
I V § 5).
1)nbsp;Mannheim 18 e.s.
2)nbsp;Calamandrei II 208 e.s.. Plassard 10, Chénon Or. 35.
-ocr page 114-En effet nous croyons qu'il serait inexact de dire que la
juridiction souveraine fiît toujours considérée comme extraordi-
naire. Comme nous l'avons déjà dit plus haut tous les moyens de
recours ne sont rendus possibles que par le pouvoir central et dans
ce sens ils seraient tous extraordinaires.
Il n'en est pas ainsi et à cause de cela il est plus problable que
la qualification de moyen ordinaire ou extraordinaire dépend seu-
lement de l'accoutumance plus ou moins grande d'un peuple de
la juridiction souveraine. S'il y est accoutumé très longtemps il
regardera un moyen de recours comme ordinaire qui dans un autre
pays oti le pouvoir central ne s'est pas fait sentir avec une telle
force, est considéré comme extraordinaire.
Ainsi, avant la Révolution, l'appel à la Cour de Hollande des
tribunaux urbains et ruraux était une voie de recours extraordinaire
parce que le pouvoir central ne s'était pas tellement développé
comme par exemple en Angleterre où, dès la Conquête la juri-
diction royale s'est fixée dans tout le pays.
§ 2. Nous avons pensé qu'un examen des différents moyens
de recours ne serait pas superflu pour plusieurs raisons:
Comme on le verra, le même phénomène de ]a différenciation
de la juridiction suprême comme organe s'est opéré dans son
évolution fonctionnelle (v. I V § II): tous les moyens de recours
peuvent être réduits à la réexamination, de quelle façon que ce
soit 3 ).
Ensuite nous espérons montrer que de même qu'il y a une con-
tinuité dans l'organe de la juridiction suprême, de même il en est
une dans les moyens de recours: même là où des moyens étrangers
ont été importés par la Révolution comme par exemple dans les
Pays-Bas le lien entre le présent et le passé est incontestable 4).
Enfin, quant au choix du système des moyens de recours des
Pays-Bas. il a été déterminé par la considération qu'à cause de
son obscurité relative il serait intéressant pour cet ouvrage; en outre
3)nbsp;Comp. I III § 9.
4)nbsp;Pols 354 e.s. opp. de B. Kemper III 313 e.s.
-ocr page 115-quoique les dénominations fussent différentes dans tous les pays
on peut retrouver le même schéma partout.
§ 3. Quant aux distinctions matérielles on peut nommer celle
du recours en voie de rétractation ce celle de réformation 5) qui se
rattache à celle entre jugements réscindants (indicium rescindens)
et de jugements récisoires (indicium rescissorium) 6) dont les pre-
miers constatent l'existence des griefs invoqués et annulent le juge-
ment attaqué, tandis que les seconds y substituent un autre.
Nous nous bornerons ici à cette distinction principale dont les
variations sont très nombreuses et qui seront examinées dans les
paragraphes suivants.
§ 4. Commençons par l'énumération des recours qui sont invo-
qués auprès du même tribunal qui a rendu le jugement.
a.nbsp;Parmi eux, la correction informelle d'erreurs évidentes de
rédaction, soit du greffier soit du juge, peut être soulevée dans
toutes les instances: par elle on évite les recours superflus et les
chicanes des parties 7). Il est curieux de remarquer que la doctrine
et la jurisprudence sont presque partout d'accord sur l'admissi-
bilité de ce moyen informel, qui est réalisé par un nouveau juge-
ment interprétatif ou par la correction de l'ancien jugement.
b.nbsp;Parfois aussi on peut recourir du tribunal incomplet (juge
unique) au tribunal complet 8). Ce moyen est surtout employé pour
corriger les erreurs de l'instruction du procès.
5)nbsp;Plassard 10. Ce mot „réformationquot; est employé ici dans son sens moderne
scientifique (I I § 9) et ne doit pas être confondu avec la „réformationquot;
qui sera traitée dans ce paragraphe.
6)nbsp;Calamandrei II 224, Plassard 18, Magnus 249.
7)nbsp;Plassard 178 e.s. (art. 1038 Pr. civ.), Bolze 422 e.s. (§ 319 Z. P. O.),
Mackpherson 163 e.s., Ordonn. Gr. Cons. 1559 100 e.s. („Reprinsse
d'Erremensquot;), v. Zutphen 234 e.s., art. 765 Wetb. Regterl. nstell. 1809.
Comp. Blackstone III 447 e.s.. Haie 152; ........ the king's court being
„the usual court of which records are removed by writs of error, may
„reverse their own judgment before themselves for error of fact.quot;
8)nbsp;Reauditie; v. d. Linden Jud. Pract. 315 e.s., v. d. Linden 34 e.s., Merula
IV LII. A l'heure actuelle une procédure analogue est connue dans la
procédure pénale hollandaise; article 313 Sv.
c.nbsp;Tandis que la plupart des moyens s'opposent au jugement
rendu la récusation '•gt;) attaque la personne du juge par crainte de
sa partialité dans le cas oii il est intéressé dans le procès. C'est
une action pénible et partout on l'a limitée à des cas spéciaux. Elle
est une reste de l'ancienne ,,Urteilsscheltequot; (comp. I I § 2. II § 6.
m § 2. V § 3).
d.nbsp;Comme la révision lo), la requête civile n) fut le plus long-
temps influencée par l'intervention personnelle du souverain dans
ce sens que par elle des fautes ou omissions découvertes après que
le jugement était normalement définitif, pouvaient être redressées.
Mais, tandis que la révision pouvait être invoquée à cause de chaque
raison la requête-civile était plutôt processuelle. Elle était une
restitutio in integrum des fautes de procédure importantes dont
la correction était négligée 12).
Pourtant la séparation de la révision n'était pas si nette parce
que la découverte de faits nouveaux ne justifiait également son
invocationnbsp;p^ l'heure actuelle on a essayé de délimiter la
requête-civile en lui attribuant exclusivement les errores in proce-
dendo 34) la définissant comme le moyen contre les fautes que le
juge a fait involontairement et dans son ignorance i5).
e.nbsp;Quelque compliqués et multiples que fussent les moyens de
recours, l'invocation ultérieure au souverain s'est maintenue pres-
que partout de sorte que l'arrêt du tribunal suprême pouvait tou-
jours être suspendu par lui I6). Maintes fois ce recours est nommé
9) Comp. art. 29 e.s. Rv., 512 e.s. Sv., 86, 360 e.s. Pr.
10)nbsp;Elle s'est amalgamée plus ou moins avec la révision comme le prouve
la procédure hollandaise de selon laquelle le moyen d'attaquer des
jugements rendus en dernière instance est nommée requête-civile pour
le droit civil (request-civiel: 382 e.s. Rv.) et révision pour le droit
néna1 (herziening 457 e.s. Sv.).
11)nbsp;v. Wassenaer 105 e.s., Ordonn. Gr. Cons, 1559 82, 324 e.s., Merula
684 e.s.. Kersteman 455.
12)nbsp;Merula 1. IV c. LXXXII.
13)nbsp;V. d. Linden Jud. Pract. 167 e.s., v. Wassenaer 105.
14)nbsp;V. II VII § 2. Comp. Garsonnet 675, Schenkenberg v. Mierop pass.
15)nbsp;Faye 90 e.s., Plassard 143.
16)nbsp;V. d. Linden Jud. Pract. 373 e.s.: „vermits de billykheid en het algemeene
,(Recht medebrengen dat aan een ieder Ingezeten behoort vry te staan
„révisionquot; (revisie) ou proposition d'erreur (v. I 1 § 6) ou bien
recursus ad principem.
Le plus souvent la révision était examinée par le tribunal suprême
lui-même qui assumait des „réviseurs adjointsquot; nommés par le
souverain i^).
Ce moyen n'était admis que sous des conditions limitées et
devait être invoqué dans deux ans is).
Dans plusieurs provinces des Pays-Bas la révision était examinée
devant le souverain lui-même ou plutôt ses successeurs les Etats-
Provinciaux; c'est la forme la plus pure du recours au souverain 19).
11 est curieux que même dans la conception de la révision du
droit des gens actuel des traces de l'ancienne procédure peuvent
être trouvées 20).
§ 5. Quand on pouvait recourir à un autre tribunal le choix
n'était jamais arbitraire.
Primitivement on devait s'adresser à la cour immédiatement
supérieure sans pouvoir la passer et recourir à la cour suprême 21)
(comp I 111 n. 18 et V § 5).
Seulement dans des cas exceptionnels si le tribunal inférieur
déniait justice ou comme privilège, le souverain admettait un recours
direct à son conseil 22).
„de recursus ad Principemquot;. Loovens II 313 e.s.: „extraordinaire remedie
„door besondere gratie geintroduceertquot;. V. aussi Smith III 2 qui parle
de „supplicationquot;. Comp. I I § 3 fin, n. 72 et Iquot;V § 8.
17)nbsp;„Nomine principisquot;: v. d. Linden Jud. Pract. 373 e.s. „Hooge Overheidquot;:
V. d. Linden 34 e.s. V. sur la révision outre les écrivains cités: Dam-
houder cap. 247/248, Kersteman 461 e.s. Ordonn. Gr. Cons. 1559
123 e.s., 182 e.s., v. Wassenaer 326 e.s., 450 e.s. Encore aujoud'hui le
moyen s'est maintenue dans les Pays-Bas: Art. 359 e.s. Rv.
18)nbsp;V. Leeuwen R. H. Regt 638.
19)nbsp;Vreede 1839, 26 et 27 note 2 (bibliographie) v. Zurck 90 (§ LXXV)
exprime très clairement le caractère originaire du recours en disant
qu'il y avait dans ce cas: „revisio a delegato ad delegantemquot;.
20)nbsp;V. W. 12687 p. 1/2. Com-p. I HI § 8 note 57.
21)nbsp;Par ex. verLoren 40.
22)nbsp;C'était le privilge „omisso medioquot;: v. Zurck I 69 § III: Middelburg,
Veere et Flessingue pouvaient recourir immédiatement au Haut Conseil
de Hollande. Comp. Lasonder 44, Merula 212, v. Wassenaer 428.
v. Leeuwen R. H. Regt 637, Schorer 67.
Dans plusieurs pays la possibilité de s'écarter de la hiérarchie
des tribunaux est reconnue sous le nom de prorogation 23).
§ 6. a. Quant aux voies de recours qui doivent être invo-
quées un autre tribunal il faut mentionner en premier lieu l'appel 24 )
comme le moyen le plus usité. 11 s'adresse à un tribunal qui en
général peut réexaminer tout le procès et devant lequel les par-
ties peuvent apporter des preuves nouvelles 25). H devait être in-
voqué dans le délai de dix jours et sursoyait l'exécution. S'il était
rejeté l'amende consignée de ,,fol appelquot; (wegens roekeloosheid)
était confisquée.
b.nbsp;En opposition à l'appel le moyen de ..reformatiequot; 26 ) pou-
vait être invoqué dans le délai d'un an et ne sursoyait pas l'exé-
cution, tandis que la consignation d'une amende n'était pas néces-
saire. Nous n'examinerons pas de plus près ces deux moyens et
leur différence de conditions et de conséquences pour lesquelles
nous référons aux livres cités.
c.nbsp;Une catégorie spéciale de l'appel est l'appel de jugement
rendus par arbitres qui était connu dans les Pays-Bas sous le nom
de ,,reductiequot; 27).
d.nbsp;Les moyens de recours qui limitent l'examination du juge-
ment attaqué à des questions spéciales comme le pourvoi en cas-
sation et la ,,Revisionquot; allemande seront traités ailleurs 28).
e.nbsp;La ,,querela nulhtatisquot; ( Nichtigkeitsbeschwerde) 29) était
un moyen de recours intermédiaire entre 1' ,,Urteilsscheltequot; ger-
23)nbsp;Art. 157, 329 etc. Rv.
24)nbsp;Sur son histoire v. par ex. Fournier, Zurbrügg 7 e.s., Hulshoff pass.
Comp. Merula 138, v. d. Linden Jud. Pract. 323 e.s., v. d. Linden 34 e.s.
25)nbsp;Nous laissons de côté l'influence de la litis contestatio (contrat judi-
ciaire ).
26)nbsp;Merula 846 e.s. 1. IV c. III et IV. v. d. Linden Jud. Pract. 358 e.s..
Kersteman 458 e.s., v. d. Linden 34 e.s., v. Leeuwen R. H. Regt 635 e.s.,
v. Zurck 1 83 e.s., Loovens 293 e.s.
27)nbsp;Loovens II 307 e.s., v. d. Linden Jud. Pract. 360 e.s., v. Zutphen
466/467, V. d. Linden 34 e.s.
28)nbsp;II VII § 9 e.s.
29)nbsp;V. le livre de Skedl.
-ocr page 119-main et r„appellatioquot; romain. Elle était développée par les roma-
nistes et avait particulièrement en Allemagne une grande influence.
f. Ainsi qu'il existe un moyen de recours personnel contre le
juge soulevé devant la même instance, ainsi le moyen de recours
invoqué devant le tribunal supérieur est l'accusation de déni de
justice. Autrefois une des causes principales de l'intervention de la
cour centrale, elle est très rare dans la société moderne so ).
30) Paye 477 e.s. V. art. 844 e.s. Rv.; art. 506 Pr. etc.
-ocr page 120-CHAPITRE III.
LE RECRUTEMENT DE LA COUR SUPRÊME.
§ 1 Sa permanence. § 2 Son siège. § 3 Ses juges.
§ L La cour suprême, comme chaque tribunal, peut être perma-
nent ou être permanent ou être convoquée s'il en est besoin.
La non-permanence de la cour suprême est d'autant plus impor-
tante pour les sujets, qu'elle représente un grand pouvoir si elle
siège régulièrement, ce qui est surtout d'intérêt si elle a des fonc-
tions qui ne sont pas exclusivement juridiques (H I § 3).
Lorsque par l'influence du droit autoritaire les juges étaient de-
venus des fonctionnaires la permanence du tribunal en était une
conséquence.
L'efficacité du conseil central était due partiellement à la circon-
stance qu'il pouvait être invoqué à chaque instant parce que ses
membres étaient exclusivement au service du souverain. Le tribunal
ancien au contraire, devait être convoqué pour chaque cas spécial
et par là naissaient les délais qui contrariaient le besoin d'une
juridiction prompte.
Pourtant au commencement de la Révolution française la non-
permanence du Tribunal de Cassation fut proposée i). La loi était
considérée comme tellement évidente que le contrôle permanent de
son application ne semblait pas nécessaire. La crainte du juge
comme législateur était déjà vivante sous l'ancien régime oiî le
conseil du roi tâchait de brimer l'indépendance des Parlements et
des cours souveraines 2 ).
Aussi dans les Pays-Bas la Constitution de 1798 ordonnait que
la cour suprême qui était seulement un tribunal pour les crimes
1)nbsp;,,Un tribunal de révision est un malheur, mais un malheur nécessairequot;.
Chénon 66. Comp. H VI § 5: on craignait le Tribunal comme un
futur tyran.
2)nbsp;Cruet 51.
-ocr page 121-commis par dc hauts fonctionnaires ne siégeât qu'à la condition
d'être convoqué par l'Assemblée législative (I IV § 10).
§ 2. Dans la partie historique nous avons déjà vu combien de
valeur il faut attacher à la circonstance qu'un tribunal devient
sédentaire: il fallait savoir oii l'on pouvait trouver les organes qui
rendaient la justice 3).
Comme dans le recrutement et la permanence des tribunaux la
cour suprême a également donné l'exemple d'un siège fixe (comp.
I V § 9). Nous ne saurions assez accentuer que c'est le tribunal
central qui est le prototype de l'organisation judiciaire actuelle
des tribunaux en général.
Quant à la cour suprême il sera normal qu'elle soit établie dans
la capitale, parce qu'elle est une dérivation plus ou moins directe
de l'ancien tribunal central du souverain.
Les exceptions à cette règle peuvent être exphquées soit par des
causes historiques 4) ou politiques 5).
§ 3. Discutant enfin le mode de nomination des juges nous
pouvons également nous référer à la partie historique dans laquelle
nous avons montré comment les jugeurs issus du peuple étaient
remplacés par les juges-fonctionnaires nommés par le pouvoir cen-
tral (Comp. I V § 6).
Par sa grande méfiance des juges réactionnaires la Révolution
française réinstalla l'ancienne méthode d'élection par le peuple
comme encore à l'heure actuelle on le fait aux Etats-Unis.
3)nbsp;Déjà sous le droit germanique primitif les jugeurs s'assemblaient dans
des lieux désignés d'avance.
4)nbsp;Dans les Pays-Bas le Haut Conseil comme successeur du Haut Conseil
de Hollande est établi à la Haye. V. le plaidoyer pour Amsterdam le
pamphlet „De hoofdstad en de reorganisatie van het regtswezenquot; 1848.
(Cat. Kon. Bibl.: pamflet 28769).
5)nbsp;En Allemagne: à Leipsic. D'une part on craignait les influences politiques
de la capitale (on n'avait pas encore oublié l'arrêt de la cour suprême
prussienne du 29 janvier 1868. la date de la Konfliktszeit: 50 J. R. Q. 5,
Magnus 7, 69) et d'autre part on voulait contenter les états particu-
laristes du sud qui étaient opposés à la suprématie de la Prusse. Comp.
Sontag 639 e.s.
Ce n'est que le Directoire qui attribuait la nomination des juges
au gouvernement 6). Quoique la Révolution prétendît vouloir établir
la séparation des pouvoirs elle n'en a jamais tiré la conclusion
d'instituer l'inamovibilité des juges ).
En Angleterre les juges de la cour suprême, les lords d'appel
en service ordinaire sont nommés ,,during good behaviourquot; 8).
En Allemagne la nomination des juges de la Cour Impériale se
fait par le gouvernement de l'Empire selon les propositions faites
par les gouvernements des „territoiresquot; (Länder) qui sont tous
représentés proportionnellement dans la cour suprême 9 ).
Un reste de l'ancienne influence des Etats-Provinciaux sur la
nomination des juges des cours provinciales lo) se trouve encore
dans les Pays-Bas, où le Roi ne peut faire un choix que sur une
liste dressée par la Chambre des Représentants sur la recomman-
dation du Haut Conseil lui-même.
6)nbsp;Pour plus de détails: Merlin I 55, Tarbé 424, Gazier col. 6, Seligmann
I 360.
7)nbsp;La Charte de 1814, Art. 58 l'introduisait: Chénon Or. 82.
8)nbsp;Anson I 239 e.s. Comp. Blackstone 305 e.s. Les juges inférieurs peuvent
être destitués par une requête du Parlement.
9)nbsp;Magnus 11. Comp. i III n. 15.
10) Thorbecke G. W. 170 e.s.
11 ) Comp. V. Assen pass.
-ocr page 123-CHAPITRE IV.
LES MOYENS DE REALISER LA JUSTICE.
§ 1 La norme supérieure comme pierre de touche. § 2 Le contenu de la norme
supérieure. § 3 La relation entre le droit et la loi. § 4 Suite. § 5 La coutume.
§ 6 La réexamination.
§ 1. Le mode d'atteindre le plus haut degré de justice peut
être examiné sous deux aspects différents: l'épreuve à une norme
supérieure et la réexamination du jugement attaqué. Discutons
d'abord le premier.
L'acte juridictionnel est toujours le classement d'un ensemble
de faits sous une certaine règle.
Nous examinerons plus bas le procès logique de ce classement
quand nous traiterons le problème de la distinction du fait et du
droit (II VII § 4 e.s.), mais nous nous bornerons ici à étudier
de plus près quel est le caractère de cette règle et quel est son
contenu.
§ 2. Où trouver l'ensemble des règles sous lesquelles les faits
doivent être classé, voilà en quelques mots la question qui se pose.
A chaque décision, la cour suprême doit la résoudre comme pro-
tectrice de la justice. Chaque jugement doit se baser sur des
normes quasi-connues par ceux qui les invoquent et c'est évidem-
ment la tâche de la cour suprême qu'exclusivement ces normes-là
soient appliquées.
A l'heure actuelle on peut dire que la question principale de ce
problème est la relation entre le droit et la loi 2 ).
1)nbsp;II VU § 1 e.s.
2)nbsp;Comp. Hamaker VII 199 e.s., 213 e.s. V. sur la définition de la notion
de la loi par ex,. Bouvier et Jèze pass.. Dorado pass., Capitant Int. 59,
Gounot 87, Markby El. 3, sur celle de la notion du droit par ex.: Levy-
Ullmann pass., Bonnecase N. pass., Austin pass., Capitant 97.
Nous ne pouvons pas songer à traiter ici à fond cette relation
mais nous y consacrerons quelques remarques.
§ 3. Si nous opposons le remarque de Montesquieu ^ ) : „sou-
,.tenir que le droit n'existe pas avant la loi. c'est prétendre qu'avant
„qu'on eût tracé le cercle, tous les rayons n'étaient pas égauxquot;.
A la citation d'Austin 4): „les coutumes ne sont qu'une règle morale
,,jusqu'elles sont appliquées par les tribunauxquot; les deux opinions
extrêmes sur le problème sont assez clairement caractérisées: tandis
que le premier se déclare partisan de la priorité du droit, indépen-
dant de sa formulation par la loi, le deuxième se montre le positi-
viste à outrance, selon lequel le droit est en dernière instance le
commandement par le juge.
Selon l'un la priorité du droit est incontestable, il existe avant
que des organes déterminés l'établissent et l'appliquent, selon
l'autre le droit ne se manifeste que dans le commandement du sou-
verain et dans sa sanction.
Sous ce jour il est très instructif de voir le développement anglais.
Comme nous l'avons vu dans l'introduction à cette partie (§ 4
e.s.) l'idée traditionnelle de droit au moyen-âge était qu'il n'était
pas nécessaire de le formuler expressément et que, plus ou moins
identifié avec la religion et la morale, il pouvait être ,.trouvéquot; dans
tous les cas par la simple conscience des jugeurs 5).
C'est ce qu' exprime Blackstone 6) par sa thèse que le droit,
comme tel, est immuable et que les juges en sont dépositaires.
Encore aujourd'hui cette idée du règne du droit immuable est
un élément essentiel de la Constitution anglaise ^ ), de sorte que
3)nbsp;Cité par Picard 373.
4)nbsp;Austin 269.
5)nbsp;Gneist I 98, Kern 5.
6)nbsp;Blackstone I 68/71. Comp. Picard 184.
7)nbsp;Comm. Min.'s Powers 71, Holdsworth II 121 e.s. Diccy (Law of the
Constitution, 8th Edition) 198. L'expression „supremacy (reign) of law
ne peut être traduite par la suprématie de la loi écrite que si l'on con-
sidère que le droit est incorporé exclusivement dans les lois (v. Levy-
Ullmann S. A. I 359) Comp. Note 13.
le „droit commun est l'exposition logique de principes préexi-
stantsquot;
Le courant contraire prenait son origine dans la croissance du
droit souverain. Aux conceptions traditionnelles et vagues on sub-
stituait les justifications rationnelles de l'autorité souveraine.
(II Intr. § 7).
Tant que le roi était assez puissant, l'abstraction de la souve-
raineté était censée se matérialiser dans le roi » ), plus tard, à son
déclin, dans le Parlement lo).
Les dernières conséquences de l'abstraction de la souveraineté
sans tenir compte du développement historique, sont tirées par
Austin 11). Selon lui le droit n'est qu'un système de commandements
qui a son fondement dans la souveraineté absolue de l'état avec
la limitation que „le droit n'est pas ce que les juges déclarent,
„mais (qu') ils le déclarent parce qu'il est droitquot; 12) (ex post
facto ).
La suprématie du Parlement avait comme conséquence que les
juges sont hés à ses lois i3), que l'interprétation de la loi se
réduit à la recherche de l'intention du législateur 14 ) et que d'autre
part, la coutume n'a de force que par le consentement du juge i5).
§ 4. L'exemple de l'Angleterre nous montre clairement que la
8)nbsp;Vinogradoff I 26.
9)nbsp;King in Parliament: on peut appuyer sur l'un ou l'autre terme.
10)nbsp;La suprématie du Parlement est soulevée pour la première fois par Smith
I 1 (comp. Pollock J 261). Comp. Mac Ilwain 90 e.s., Glasson V 242
e.s.. Coke IV 361, 1 55, Hobbes II 26, Prynne: Soveraigne Power of
ParHaments and Kingdomesquot; (a'' 1643) cité par Mac Ilwain 173.
11)nbsp;V. l'aperçu de l'antithèse Austin-Blackstone chez Harrison 22 e.s.,
Levy-Ullmann S. A. I 125 e.s. V. déjà Bentham 71 e.s.. Bentham G.
94 e.s., 127 e.s.
12)nbsp;Austin 72 et pass. Comp. Gray 93 e.s., 218 e.s., Markby 62, Pound 107.
La relation de la théorie avec celle de Kelsen (Stufentheorie; v. II
I § 4 B) sera traitée plus loin.
13)nbsp;V. note 7.
14)nbsp;Com. Min.'s Powers 54 e.s., Hobbes II 26. Blackstone I 63. Comp.
Pound 103.
15)nbsp;Gray 282 e.s. Markby El. 9. Surtout Carter 15 e.s. et passim s'est
opposé à cette conséquence.
méthode historique et la méthode dogmatique pour la solution des
problèmes juridiques mènent à des résultats tout à fait différents.
On peut, selon nous, distinguer dans l'évolution du problème du
contenu du droit la même antithèse que nous avons vue dans toute
la première partie.
Tandis que le droit populaire et traditionnel cherchait pour ainsi
dire ,.intuitivementquot; la justice, le droit autoritaire et souverain avait
besoin de la concrétiser de façon rationnelle.
Sans le fondement dans la conscience des sujets le droit autori-
taire devait faire appel à d'autres forces persuasives. Quoi de plus
explicable qu'il se basait sur le ..bon sensquot; de chacun? Au bon
sens personnel on substituait cependant le ,,bon sensquot; formulé et
prêt pour l'usage, et principalement celui du droit romain qui modi-
fiait ainsi la notion de la raison de chacun.
Par conséquent, le droit autoritaire avait la tendance à positiver
le droit sous l'influence de la ,,ratio scriptaquot;. Ses considérations de
justice menaient à un enregistrement du droit 16) comme par
exemple en France les grandes ordonnances du roi sous l'ancien
régime ont préparé la codification de la Révolution.
Dans une société primitive le droit non-écrit ne pouvait pas de-
venir arbitraire, parce que la conscience de justice dans le peuple
était trop fort. Mais, quand le droit autoritaire avait gagné en
influence il imprégnait son seing sur l'administration de la justice
par l'enregistrement des règles de droit. La Révolution reconnais-
sant le besoin d'une codification, changeait seulement la personne
du législateur, autrefois représenté par le roi et maintenant par les
délégués du peuple i'').
§ 5. Selon qu'on a une préférence pour la conception intuitive
ou pour la conception autoritaire du droit, les solutions de plusieurs
16)nbsp;Sur la codification française sous l'ancien régime, v. par ex.: Chénon I
490, II 293, 356 etc.
17)nbsp;Le Roy 99 parle de „l'impersonnalisation du pouvoirquot; par la Révolution
Il ne faut pas oublier que la codification royale avait été très incomplète,
de sorte ue les députés de 1789 avaient presque tous l'instruction
d'abolir la diversité des coutumes: Seligmann I 171 e.s., 488 e.s.. Sagnac
1 e.s., V. Kan I/II.
questions annexes de celle du contenu du droit seront différentes.
Nous ne voulons mentionner que deux exemples sans les traiter
à fond.
Le premier est celui de la place de la coutume dans le contenu
du droit. Si l'on part de la conception autoritaire du droit recon-
naissant exclusivement comme des normes celles posées par le
législateur, la coutume sera éliminée ou bien ne sera qu'une partie
du contenu du droit par la permission de la loii«). Par contre la
conception contraire considérera la coutume comme source de droit
unique
La possibilité et les limites de l'interprétation de la loi soit le
deuxième exemple.
Là, la conception formaliste du droit ne la permettra que comme
recherche de la volonté du législateur 20). tandis que l'autre y
verra un moyen d'élargir et d'altérer les textes législatifs primitifs.
§ 6. La réexamination du jugement attaqué par la cour su-
prême peut être entière ou partielle, elle peut admettre des preuves
nouvelles ou non. Nous garderons le problème de la distinction du
fait et du droit, qui dans la plupart des pays est considérée comme
le critère de l'examination admise ou non par la cour suprême,
pour le suivant (H VII § 7) et ne dirons ici que quelques mots sur
le ,,novumquot;.
Dans l'instance d'appel il est en général permis de soulever des
faits nouveaux ou des considérations juridiques nouvelles si par
eux le fondement du procès ne doit pas être altéré; devant la cour
suprême cependant, cette méthode est habituellement défendue, et
l'examen se borne strictement à étudier la justesse formelle et (ou)
matérielle du jugement attaqué 21).
18)nbsp;Comp. Gény I 37 e.s., v. Kuyk (H. N. J. V. 1916 pass.). Schölten Inl.
129 e.s., Picard 185 e.s. R. G. praxis I 125 e.s., Ross 425. Une consé-
quence en est par exemple la non-cassibihté de la coutume: Mattelin 212;
comp. Marty 114 e.s., Gény Méth. II 201.
19)nbsp;Par ex. Carter Law (combattu par Gray 282 e.s.).
20)nbsp;Com. Min.'s Powers 54 e.s., Hobbes II 26, Blackstone I 63, Comp. Pound
103 et le livre de Gruys pass.
21)nbsp;Quoiue moins rigoureusement que sur le Continent, la Chambre de.lt;;
-ocr page 128-Néanmoins il se peut que le tribunal inférieur ait négligé de
tenir compte de normes si évidentes et si importantes que par ce
fait déjà le jugement doit être annulé.
Dans chaque pays ces normes varieront et nous ne pouvons pas
les énumérer ici 22); Je plus souvent ce ne seront que les règles
considérées ,.d'ordre publicquot;.
Lords se limite d'habitude également à l'examen du jugement attaqué
sans tenir compte de „new evidencequot;: Macqueen 171 e.s„ Palmer 8,
Magnus 125/126, Garland (Rhein. Zeit 154 e.s.) Comp. Advocatenblad
1934 du 15 février p. 19 (Roosegaarde Bisschop).
22) V. Wolterbeek Muller qui examine le novum dans la pratique hollan-
daise et française. Pour la France: Faye 140, Chénon Or. 173 e.s.
Crépon II 200 e.s., Marty 179, note 7.
SECTION II: LA DÉFENDERESSE DE L'UNITÉ
DE DROIT.
CHAPITRE V.
LE MAINTIEN DE L'UNITÉ.
§ 1 La notion d'unité. § 2 Le maintien de l'unité. § 3 En ce qui concerne
le droit des gens. § 4 La connexité de l'unité avec la justice. § 5 Aperçu his-
torique français sur la question. § 6 Celui de l'Angleterre. § 7 Celui de l'Alle-
magne, § 8 Celui des Pays-Bas.
§ 1. La notion d'unité est si complexe qu'il faut d'abord
établir dans quel sens elle sera employée ici.
Du point de vue juridique, l'unité veut dire la sujétion de tous
les sujets d'un certain territoire aux mêmes normes.
D'une part cette définition implique que le système des normes
est identique pour chacun i) et d'autre part que la concrétisation
de ces normes est uniforme si les cas sont les mêmes 2).
Quoilqu'il soit impossible de pénétrer dans toutes les questions
philosophiques que pose la notion d'unité, il faut pourtant ad-
mettre que l'unité comme telle reste toujours un idéal et que
surtout sa réalisation juridique est quasi-impossible.
D'abord il est déjà très difficile de déterminer une fois pour
toutes quelle sera la règle applicable dans un cas déterminé.
Ensuite, même si l'on a trouvé cette règle, elle peut être
interprétée de mille et une façons 3).
Cette difficulté se rattache à la troisième c'est qu'on ne peut
dire que très superficiellement que deux cas soient absolument
identiques et que la même règle est apphcable pour l'un et l'autre.
1)nbsp;Cette identité n'empêche pas que certaines lois sont écrites pour des
catégories spéciales de sujets, par ex. les marchands.
2)nbsp;Silberschmidt 1 e.s. Comp. ii Intr. § 2 note 3 et ii VII § 1.
3)nbsp;V. sur ce problème Gruys pass.
-ocr page 130-De ces remarques déjà on peut conclure que l'unité juridique ne
peut pas se baser sur la notion abstraite d'identité: elle signifie
plutôt que jusqu'à un certain point on doit essayer de généraliser
les phénomènes innombrables se présentant pour une réglementa-
tion juridique, afin de les traiter à peu près de la même façon.
Dans le cours des chapitres suivants nous examinerons les
possibilités et les difficultés diverses qui se posent à la réalisation
de l'unité 4).
§ 2. L'unité de droit est une nécessité incontestable d'un état
modernes): on l'a désirée partout pendant des siècles 6) mais
ce n'est que petit à petit qu'on a pu la réaliser.
„Quelle que soit la forme d'un gouvernement la quahté la plus
„indispensable pour sa conservation est son unitéquot; 7). H ne suffit
pas que l'unité soit culturelle mais il faut pouvoir la maintenir
avec les organes mis à la disposition du gouvernement, afin que
les forces agrégatives soient capables de se développer«).
Parfni ces organes ce sont en premier heu les tribunaux et
spécialement la cour suprême, qui sont l'instrument apte à établir
l'unité de droit qui, elle, est la condition indispensable de défendre
la suprématie ultérieure de l'organe centrai).
Par conséquent, en principe tous les jugements doivent pouvoir
être examinés en dernière instance par le tribunal suprême, parce
qu'autrement l'uniformité des normes serait vite remplacée par la
diversité de leur interprétation par les tribunaux inférieurs 1°).
• 4) Les différents aspects de l'unité nous obligeront de réexaminer quelques
questions déjà soulevées dans les premiers chapitres de cette partie,
répétition, inévitable à cause de la connexité du problème de l'unité
à celle de la justice.
5)nbsp;Comp. Roesener 8. e.s.
6)nbsp;Brunner Rechtseinh. 12, Valette I 453, Seligmann I 141, v. Kan I/II.
Scherer 1 e.s.
7)nbsp;Meyer VI 28.
8)nbsp;Bryce 275/276.
9)nbsp;Silberschmidt pass., Brunner Rechtseinh. 3 e.s. Kelsen 163 e.s., 179 etc.
Calamandrei 48 e.s.
10) Palmer 346: „The necessitiy of appelate jurisdiction is evident, were
„it only to preserve uniformity in judicial decisions without which
„the law itself would speedily be changedquot;. Comp. Denison p. XVII.
§ 3. Quoique nous ayons exclu le droit des gens dans les
considérations sur notre sujet, nous ne pouvons pas nous passer
d'indiquer que l'unité internationale dépend également pour une
très grande partie de la compétence et de l'autorité des tribunaux
suprêmes internationaux.
Il est vrai qu'il y a, ainsi que le montre la formation d'un état
une influence réciproque entre l'unité culturelle et politique et
l'unité juridique.
Mais si l'on a formulé des normes internationales, c'est à dire
des normes pouvant être appliquées par des états comme sujets,
il faut qu'il existe une cour supra-nationale pour les maintenir et
les interpréter 11) bien que cela n'implique pas, comme le dit M.
Kelsen ,,la primauté de l'ordre du droit des gensquot; 12).
Même si l'on n'admet pas la souveraineté supra-nationale, comme
dans le droit international privé, la difficulté demeure que l'inter-
prétation de règles de droit international, qui appartient aux
tribunaux nationaux, conduit à des résultats opposés 13).
C'est pour cela qu'en tout cas la collaboration entre les cours
suprêmes nationales par un échange d'opinions, introduit par la
publication plus effective de leurs arrêts, contribuerait déjà con-
sidérablement à établir une unité internationale i4).
§ 4. Que l'unité ne soit pas formée aisément, nous l'avons
vu, dans la première partie, dans la lutte continuelle entre le
droit autoritaire et centralisateur et le droit traditionnel et par-
ticulariste.
Dans le § 2 de ce chapitre il a été montré que la notion de
l'unité de droit signifie l'assurance de l'apphcation uniforme du
droit par une cour supérieure qui peut-soit casser soit réformer
les jugements des tribunaux inférieurs 15).
11)nbsp;Comp. Levy-Ullraann S.A. I 45 e.s.
12)nbsp;„Primat der Völkerrechtsordiiungquot;: Kelsen 119 e.s.
13)nbsp;Morin 119, Schölten Inl. 214, Vallindas pass.
14)nbsp;Dans ce sens Rabel 7: „Eine rege Zusammenarbeit der höchsten Gerichts-
„höfe wäre unendUch viel leichter zu bewerksteUigen......quot; si les tribu-
naux nationaux s'inspiraient mutuellement de leurs arrêts.
15)nbsp;Kelsen 179/180.
-ocr page 132-Avant d'examiner le développement des quatre pays traités
dans la première partie, remarquons qu'il y a dans l'évolution du
pouvoir central et unifiant, deux tendances bien différentes:
l'une vise surtout la certitude de droit, la justice, qu'elle essaye
d'atteindre par une codification aussi complète que possible du
droit, tandis que l'autre accentue plutôt l'unité de droit qu'elle
tente de réaliser de toutes façons, dépendantes des circonstances,
de sorte qu'elle n'est pas tellement intéressée à l'intégrité de
l'enregistrement des normes.
Nous aurons l'occasion de voir l'exactitude de cette observation
dans les chapitres suivants. (VI § 7 et § 8. VII § 9).
§ 5. L'établissement du pouvoir absolu par les rois français
entraînait en même temps leurs tentatives d'unification.
Comme leurs luttes pour conquérir l'unité politique de la France
avaient été très longues, la fondation de l'unité de droit était
rendue considérablement difficile par le fait que le particularisme
juridique s'était tellement enraciné qu'il était extrêmement diffi-
cile de l'abohr d'un seul coup. (I V § 10).
Aussi, le pouvoir central, devait se borner à des codifications
partielles et à la surveillance plus ou moins complète des juge-
ments par le conseil des parties.
Si les idées développées ici sont justes, il est clair qu'il est
moins exact de prétendre que le pourvoi en cassation fût exclu-
sivement d'origine française i''').
L'évolution de la juridiction française se rapproche sur beau-
coup de points de celle des autres pays examinés et ce n'est que
par des causes spéciales, dont la principale est le déploiement
relativement tardif, mais alors très intense du pouvoir central,
qu'elle s'est développée d'une manière divergente.
Par conséquent il est inexact de dire que sous l'ancien régime
le but de la cassation n'était que le respect de .,1a volonté subjec-
tive du roiquot; qui par la Révolution seulement était remplacée par
16)nbsp;Comp. note 2 de ce chapitre.
17)nbsp;Par ex. Dalloz 37, Calamandrei I 425, 676 e.s. 770 e.s., Comp. Marty
38 e.s. Plassard 36.
„l'autorité objective de toute norme de droitquot; i»): déjà sous l'ancien
régime le conseil des parties iquot;) était l'instrument pour défendre
les ordonnances qui étaient les précurseurs de la codification
révolutionnaire 19a) (v. I I § 11 fin).
La Révolution française n'a pas été si rénovatrice qu'on ne
la représente parfois 20): elle finissait ce que le pouvoir royal
avait commencé. „L'état révolutionnaire de même que la royauté,
„c'est l'état maître absolu et souverainquot; 21 ) avec la différence que
„le législateur avait hérité les pouvoirs du roiquot; 22).
Par réaction contre les empiétements arbitraires du souverain on
voulait, sous l'influence des philosophes du dix-huitième siècle 23),
„l'impersonnalisation du pouvoirquot; 24) afin d'avoir une ,,législation
uniforme en rapport avec les idées nouvellesquot; 25) 20).
Au commencement la Révolution était encore tellement influ-
encée par l'ancien régime que son idéal restrait l'unité de légis-
lation 27).
C'est pour cela que le Tribunal de Cassation, étant le défenseur
18)nbsp;Calamandrei I 393.
19)nbsp;Marty 41. „La cassation n'est qu'un remède extrême qui ne peut avoir
„pour objet que le maintien de l'autorité législative et des ordonnan-
„ces. Arrêt du 18 décembre 1775: Isambert, Recueil des anciennes lois
françaises t. 23, p. 290 (cité par Paye 185, Chénon Or. 63). „On a tou-
„jours maintenu que la cassation a été introduite plutôt pour le maintien
„des ordonnnances que pour l'intérêt des justiciablesquot; (rapport de Joly
de Fleury cité par Henrion de Pansey II 232).
19a) Par ex. Glasson (Rev. pol. et pari. 1894) 209.
20)nbsp;Comp. Le Roy pass., 'Valette pass., opp. Groen van Prinsterer: Onge-
loof en Revolutie.
21)nbsp;Morin 49.
22)nbsp;Plassard 54, 65, Le Roy 31.
23)nbsp;Les livres de le Roy, Giraud, Sagnac, Alvarez en donnent un aperçu.
Comp. Morin 4. e.s., Ross 134 e.s.
24)nbsp;Le Roy pass. Alvarez 6.
25)nbsp;Paye 1.
26)nbsp;Il faut bien comprendre que ces généralisations ne tiennent compte que
de quelques aspects du phénomène si complexe de la révolution
française.
27)nbsp;Marty 58 e.s., Gény Méth. I 89 e.s., Plassard 53, 66.
-ocr page 134-de la loi 28) ne pouvait casssr que si le juge inférieur avait commis
une „violation expresse (au texte) de la loiquot; 29). Dans ce cours
des idées 30) on considérait la fonction du juge comme un appli-
cation mécanique de la loi3i) et la défense d'interprétation comme
une conséquence de chaque codification 32).
Assez vite cependant (vers 1793) on commença à reconnaître
que l'unité de droit ne pouvait pas exister sans l'unité de juris-
prudence, de sorte que la compétence du Tribunal de Cassation
était élargie 33) afin de pouvoir établir une uniformité réelle de
jugements 34).
§ 6. Ayant examiné assez amplement l'unification en France
parce qu'elle forme un exemple instructif nous discuterons plus
brièvement les autres pays.
Quant à l'Angleterre, là l'unité royale se forma le plus tôt, de
28)nbsp;Cournot II 129, Faye 3, Chénon Or. 5, Calamandrei I 429.
29)nbsp;Voilà une définition de cette expression: „un moyen de cassation ne
„peut donc être solide qu'autant qu'il renferme la preuve d'une contra-
„vention claire et littérale à une loi connue des juges, c'est à dire
„autant qu'il fait voir que la disposition de la loi et celle du jugement
„sont tellement opposées qu'elles se détruisent pour ainsi dire res-
„pectivement et qu'elles ne peuvent subsister ensemblequot;. (Tolozan,
Règlement du Conseil, p. 261 cité par Marty 51).
30)nbsp;On la retrouve déjà dans l'ordonnance de 1667 (Glasson I 22, Plassard
55) et elle est répétée dans le décret du 27 novembre 1790 (cité par
Chénon Or. 159). Comp. Le Roy 175 e.s., Henrion de Pansey II 220
e.s., Faye 126 etc.
31)nbsp;Montesquieu XII. VI 149 définit le juge comme „la bouche de la loiquot;.
Il y a encore ceci que la révolution se méfiait des juges réactionnaires
parce qu'ils avaient été l'instrument de l'arbitraire royal. Lavaux I p.
VIII définit le Tribunal de Cassation comme „le conservateur des loif
,,et des formes contre les atteintes du pouvoir judiciaire.quot; Comp.
Chénon Or. p. V, Cruet 51 e.s., Marty 61, 365. Garsonnet 675.
32)nbsp;Elle aussi était déjà connue sous l'ancien régime non seulement en
France mais également ailleurs: V. Kirchmann 35, Plassard 55, Gény
Méth. I 80, Marty. 52.
33)nbsp;Marty 69 e.s., Meyer VI 33 e.s., 91 e.s., Meyer H.C. 22 e.s., Plassard
53 e.s., Chénon Or. 63, de la Grasserie 3 e.s.
34)nbsp;Pour l'évolution suivante v. ii VI § 6.
-ocr page 135-sorte que les coutumes particularistes furent vite remplacées par le
droit souverain uniforme.
Le conseil royal était le tribunal suprême, maintenant cette unité
de droit qui est encore une caractéristique du système judiciaire
actuel. 'Malgré ses démembrements multiples, la continuité du con-
seil n'a jamais été brisée; bien qu'à l'heure actuelle il existe deux
tribunaux suprêmes ils s'assimilent mutuellement d'une part par
la conformation du Conseil privé aux jugements (de la Cour
suprême de Judicature et) de la Chambre des Lords 35) et d'autre
part par le fait que les membres judiciaires (Lords of Appeal in Ordi-
nary) de la Chambre des Lords sont le plus souvent en même
temps membres du comité judiciaire du conseil privé 36).
§ 7. En Allemagne la désagrégation féodale a été longtemps
un obstacle à l'unification.
Plusieurs cours suprême territoriales avaient été érigées dans le
cours des siècles par suite desquelles naquit une divergence de droit
toujours grandissante.
Les tentatives d'unification commencées dans le dix-neuvième
siècle ne réussissaient que partiellement: la Cour Impériale actuelle
seulement compétente pour le droit civil en pénal 37) (v. IJ I § 3 G,
VI § 1 B 3°).
Il a fallu déterminer expressément quelles seraient les normes
revisibles par la Cour Impériale, parce qu'il n'y avait que quelques
codes en vigueur pour tout l'Empire: la règle généralement adoptée
fut que seulement les lois territoriales en vigueur dans deux res-
sorts de cours d'appel seraient revisibles 38).
35)nbsp;The City of Chester (1884) 9 P.D. 182—207: „it is highly undesirable
„that there should be any conflict between the decisions of the Judicial
„Committee (of the Privy Council) and those of the High Court or
„Courts of Appeal in this countryquot; (cité par Beal 41). Cette pratique
nous a été confirmée par les renseignements que M. Badeley, Assistant
Clerk of Parliaments et M. Reeve Wallace, Chief Clerk of the Judicial
Department of the Privy Council Office, ont bien voulu nous fournir.
36)nbsp;Pour plus de détails: Carter 134, Denison 17, Magnus 131. Comp.
Holdsworth I 643 e.s.. Pollard 367 e.s.
37)nbsp;Excepté quelques fonctions spéciales. V. Magnus 16 e.s.
38)nbsp;§ 549 i° 562 Z.P.O. et § 6 E.G.Z.P.O. La principale ordonnance
-ocr page 136-Pour beaucoup de matières il y a des cours suprêmes spéciales sa)
mais on n'a pas encore pu ériger une cour suprême supérieure à
toutes les autres qui établirait l'unité intégrale ^o).
§ 8. Dans les Pays-Bas les efforts des princes de la Maison
de Bourgogne et d'Autriche d'unifier les provinces par l'institution
d'une cour suprême échouèrent 4i) par des causes pohtiques ainsi
que nous l'avons déjà examiné.
La guerre d'indépendance des Provinces-Unies détruisait les
dernières espérances d'une unité et le droit particulariste restait
en vigueur jusqu'à la fin du ISième siècle 42).
La république des Provinces-Unies demeurait une confédération
d'états et même le projet de Guillaume d'Orange d'instituer une
cour suprême au moment le plus favorable était renversées).
Comme ailleurs la Révolution apportait ici l'unité si longtemps
désirée.
déterminant la révisibilité des lois territoriales est celle du 28 septembre
1879. ■y. les lois du 15 mars 1881, du 24 juin 1886 et du 30 mars
1893. Comp. sur cette question Eccius, Pels, Reuling 49 e.s., Ann. de
législ. étr. 1881, p. 56.
39)nbsp;Sauf quelques exceptions il n'y a pas encore d'unité de droit admini-
stratif: Solbrig 98 e.s. V. 25 Jahre R.G. 29.
40)nbsp;Magnus 15. Le Entw. Rechtseinh. 1926 a tenté la réaliser par un
système complique de „plenaquot; (11 VI § 5).
41)nbsp;Fruin R.O. 405.
42)nbsp;Fruin 254, H.N.J.V. 1916 I 2, 209/210.
43)nbsp;Seulement dans la province de Hollande il y avait plus de 300 tribu-
naux: Vreede 843, 25. Comp. Fruin R.O. 396 e.s.
CHAPITRE VI.
LES MÉTHODES DE MAINTIEN DE L'UNITÉ.
§ 1 Etendue du maintien de l'unité: A. Remarques générales, B. Limitations
spéciales: 1° limitation territoriale, 2° difformité de jugements, 3° des matières
spéciales, 4° summa appellabilis, 5° triage prélable, 6° certificat professionnel.
§ 2 Conservation de la conformité des jugements; contrôle par une instance
suprême ou le système des précédents. § 3 L'unité de jurisprudence. § 4 Méthode
d'éviter les revirements de la cour suprême. § 5 La pluralité des opinions dans
la cour suprême. § 6 Le renvoi. § 7 Les manières d'invoquer la juridiction
suprême; son effet. § 8 Les conditions de l'invocation.
§ 1. A. L'unité de droit la plus complète est atteinte par la
soumission à la cour suprême de tous les jugements de tous les
tribunaux.
Pourtant, le plus souvent, la cour suprême n'étend pas complète-
ment sa compétence aux jugements de l'instance la plus basse
comme étant trop insignifiants.
L'exclusion ou la limitation de la compétence de la cour suprême
à certaines erreurs est expliquée par la considération que le
contrôle du tribunal suprême sur ces jugements n'est pas nécessaire
pour le maintien de l'unité.
Spécialement dans le cas où l'unité d'un territoire n'est que
culturelle et politique, la tâche de la cour suprême se bornera à
contrôler si les lois de forme, les lois de procédure communes au
territoire entier sont bien appliquées car, comme l'histoire allemande
nous l'a appris, l'unité de droit se manifeste d'abord comme
l'unité de forme qui et plus facilement réalisable que l'unité
matérielle i ).
Toutefois, examinant la jurisprudence des cours suprêmes on
1) Ainsi jusqu'en 1815 le contrôle de la cour suprême hollandaise se limitait
selon la loi fondamentale à examiner si avait eu lieu une violation de
formes de procédure ou d'excès de pouvoir. V I IV § 11 e.s.
voit dans ses flottements que l'institution de la juridiction suprême
comme telle souffre d'une antithèse interne.
Maintenant l'unité de droit, elle peut se limiter strictement au
contrôle purement juridique des jugements, mais, défendant en
même temps leur justice matérielle elle a la tendance d'élargir sa
compétence le plus possible 2 ) afin d'empêcher des injustices par-
fois non-juridiques des tribunaux inférieurs.
C'est justement la limitation de la compétence de l'instance
suprême à des conditions déterminées pour certaines catégories
de jugements qui forment un exellent exemple de cette assertion.
Ainsi, la Cour de Cassation française interprétait l'article 15
de la loi du 25 mai 1838 qui admettait la cassibilité de jugements
des juges de paix exclusivement à cause d'excès de pouvoir, d'une
manière très extensive afin de pouvoir ,.réprimer les actes arbi-
,,traires les plus choquants parmi ceux que contenaient les senten-
,,ces des juges de paixquot; 3). Après la loi du 22 décembre 1915 qui
étendait la cassabilité à la violation de la loi cette interprétation
extensive de l'excès de pouvoir cessa tout d'un coup, parce qu'elle
n'avait plus de raison d'être.
B. Examinons maintenant de plus près quelques conditions
qui peuvent être posées à la compétence de la cour suprême:
1°. La première limitation de sa compétence peut être territo-
riale quoique cela reste toujours une exception comme l'essentiel
même du tribunal suprême est d'étendre sa compétence sur tout
le territoire duquel elle est justement l'instance supérieure.
L'exemple le plus frappant de cette anomalie est la position de
la cour suprême bavaroise envers la cour suprême impériale. Il
serait trop long d'expliquer d'une façon détaillée ce règlement 4)
mais en général on peut dire que la „Revisionquot; de droit bavarois
2)nbsp;Calamandrei (Rhein. Zeit.) 206, de Kanter 17, Renard I 35, II 362,
Markby pass.
3)nbsp;Marty 84. V. aussi Chénon Or. 70 e.s., Faye 3 e.s., Garsonnet 684,
Cartault 85 e.s.
4)nbsp;Pour plus de détails v. D.J.Z. 1911 No. 6 395 e.s.. Scherer 1929, 173 e.s.,
Magnus 89 e.s., Scherer 19, Bayr. Ausf. Ges. zum Reichs G.V.G. du
23 février (G.V.Bl. 273) § 42 e.s. (aussi dans Doerr).
comme moyen de recours supérieur est, au moins quant au droit
civil, jugé par le tribunal suprême bavarois.
2°. Si la cour suprême forme la troisième instance on peut
s'imaginer comme condition de sa compétence la difformité du
jugement d'appel à celui de première instances). L'argumentation
est alors que si deux tribunaux ont été du même avis le troisième
ne s'en écartera probablement pas.
Si ce raisonnement, comme tel, n'est déjà pas très fort, un
grand désavantage de ce système serait qu'une unité de droit
réelle pourrait toujours être frustrée par des conventions entre les
tribunaux de première instance et les cours d'appel, ce qui, surtout
dans un pays où la divergence territoriale est grande, serait un
désavantage considérable.
Aussi en Allemande, ce système, quoique proposé dans le projet
du code de procédure 6) a été rejeté et les efforts de l'introduire
plus tard sont restés vains ■'').
3°. Parfois la cour suprême n'est compétente que pour cer-
taines matières de droit. C'est surtout en Allemagne que cette
méthode est adoptée; la cause en est peut-être que la situation
politique n'a encore permis d'établir une unité complète et qu'on
a dû commencer par des tentatives unitaires partielles.
Comme exemples on peut nommer la cour suprême de droit
fiscal (Reichsfinanzhof) et la cour suprême de droit ouvrier
( Reichsarbeitsgericht).
4°. Une condition plus ou moins arbitraire et mécanique est
que l'objet du jugement attaqué doit avoir une certaine valeur.
Cette condition repose uniquement sur des considératioîis utilitai-
res, parce qu'on ne pourrait nullement justifier que l'unité de
droit serait moins atteinte par la divergence d'un jugement de
5)nbsp;Selon Calamandrei I 243 on retrouve ce principe dans le droit statutaire
italien.
6)nbsp;Entw. Z.P.O. 1874 § 485. Comp. Hahn II 1, 721 e.s., Schulz 338,
Crome 142. Pour les Pays-Bas v. la proposition de Leclerc dans la
commission de rédaction de la loi fondamentale. Colenbrander II 407.
7)nbsp;Plusieurs écrivains s'y sont opposés: Krantz 7, Putzler 14. Comp,
l'article de M. Kolff W 12546.
moins de valeur que par la non-conformité d'un jugement de plus
de valeur.
Pourtant, surtout dans des pays étendus on est parfois obligé de
recourir à cette méthode (ainsi qu'à la limitation de l'appel)
comme on ne peut pas admettre un nombre illimité de jugements
à la cour suprême.
Si elle avait trop de jugements à examiner l'unité de droit
serait mise en danger par son encombrement.
Par exemple en Allemagne le grand nombre des recours auprès
la Cour Impériale a conduit une élévation répétée de la ,,Revi-
sionssummequot; §) (H VII § 9 B).
5°. Un autre moyen de limiter le nombre des jugements portés
devant la cour suprême est le triage préalable par un comité.
Nous avons vu dans la partie historique (IV § 7) que cette
procédure est déjà de très ancienne date; quelques membres du
conseil central étaient désignés pour examiner d'avance les requêtes
portées devant eux et ils déterminaient leur manière de procédure.
C'est surtout en France que ce comité s'est maintenu dans le
cours des siècles. La Révolution le continuait par l'article 6 de la
loi du 27 novembre/1 décembre 1790, selon lequel un bureau
des requêtes était institué qui devait changer chaque semestre f).
Cependant la loi du 2 brumaire an IV et celle du 27 ventôse
an VIII en faisaient une commission permanente, coutume qui
était continuée par la Chambre des Requêtes actuelle. De là
naissent des difficultés considérables. Devenue une chambre à
part, elle peut, parce que c'est elle qui rejette ou admet les pourvois,
empêcher le chambre civile iquot;) de se prononcer sur certaines
questions.
8)nbsp;V. Opet 1-18 sur l'histoire du ,,summa appellabilisquot;: elle est dérivée du
droit statutaire italien et a été introduite en Allemagne pour la première
fois par le 2ième K.G.O. de 1521. Comp. Meyer VI 165, Fischer Jh. 266,
Roesener 15.
9)nbsp;Valette II 433 e.s.
10) La ch. req. est saisie exclusivement pour les pourvois civils. V. sur ses
autres compétences: Merlin Voce Cour de Cassation III. Comp. sur la
,.quatrièmequot; Chambre de la C. d. C., le bureau des requêtes d'assistance
judiciaire: Faye 215 e.s.
Il en résulte une divergence entre la jurisprudence de la chambre
civile et de la chambre des requêtes n) qui est encore renforcée
par le fait que la chambre des requêtes est disposée à abandonner
plus de questions aux juges de faits 12).
De nouveau on voit ici l'antithèse entre les deux buts de la
cour suprême: la justice et l'unité par laquelle ni l'une ni l'autre
ne peut être réahsée complètement i^).
6°. L'habitude, autrefois générale, que l'acte de procédure par
lequel on invoquait le moyen de recours supérieur devait être
signé par un ou plusieurs avocats qui par là certifiaient que le
recours était selon leur avis raisonnable, n'a été conservée qu'en
Angleterre 14).
Cette condition pour la recevabilité du pourvoi limite également
le nombre des recours.
D'ailleurs l'assistance d'avocats spécialisés a la tendance que
seulement des jugements vraiment d'intérêt pour le maintien de
l'unité sont portés devant la cour suprême.
Pour ces motifs il y a dans plusieurs pays (la France, l'Alle-
magne) un nombre limité d'avocats qui à des conditions spéciales
sont exclusivement admis à plaider au barreau de la cour
suprême i^).
§ 2. Ayant reconnu (comp. II V § 5) que l'unité de droit
consiste principalement dans la conformité mutuelle des jugements
en tant qu'ils décident des cas identiques nous montrerons mainte-
nant quelles méthodes ont été adoptées afin de la conserver.
Dans les pays ayant une codification plus ou moins complète,
une cour suprême est indispensable 1®) : par la possibihté de
11)nbsp;Marty 252, 235, 305, 323 e.s.
12)nbsp;Marty 370.
13)nbsp;Comp, encore sur la chambre des requêtes: Paye 37 e.s.,, Chénon Or. 83,
Crépon II 209.
14)nbsp;Standing Order II (Appellate Jurisdiction Act 1876), Macqueen 133/134
(,,certificate of reasonable causequot;), Hibbert 90. Pour la France comp.
Paye 209, Chénon Or. 40.
15)nbsp;Comp. Sontag R.A. 231, Magnus pass., Strantz 5 e.s.
16)nbsp;Comp. Watt 141 et Bryce I 275.
-ocr page 142-recourir à elle en dernière instance, l'unité est maintenue par
son contrôle.
Parfois on a tenté d'éviter la complexité d'une hiérarchie judi-
ciaire nécessaire pour obtenir un jugement définitif, en proposant
une cour unique qui aurait comme fonction d'interpréter une fois
pour toutes l'interprétation de chaque article à laquelle les tribunaux
inférieurs seraient liési'^).
Cette idée se rapproche du système d'unité en vigueur dans les
pays ou il n'existe pas une codification dans le sens large du
mot, le système des „précédentsquot; (precedents, Präjudiz) c'est
à dire la sujétion de l'élaboration des jugements postérieurs au
contenu des jugements antérieurs i^).
Là, le juge n'est pas libre d'apprécier chaque procès d'après
son opinion personnelle, mais rendant le jugement, il doit tenir
compte des décisions par d'autres juges dans des cas analogues ) :
il n'éprouve plus les faits à un texte de la loi mais il les analyse
pour voir s'il faut les faire rentrer dans tel ou tel précédent.
L'autorité d'un précédent varie à mesure qu'il émane d'un juge
inférieur, égal ou supérieur: en Angleterre le juge inférieur n'est
pas lié à la première, il est libre envers la deuxième mais la
troisième catégorie est pour lui décisive 20).
La Chambre des Lords, comme cour suprême, est liée à ses
jugements et une loi est nécessaire pour changer une décision
17)nbsp;Surtout Zeiler a propagé cette idée en Allemagne. Comp. Meyer I p. XV.
18)nbsp;Cray 198 e.s., Thayer H. L. R. 181, Allen Law 107 e.s., Ilbert 6 e.s.
Comp. Mannheim 208 e.s.
19)nbsp;Il y a aussi des partisans de cette méthode dans des pays ayant une
codification: Adices 124 e.s., H.N.J.V. 1909 I 1 173 (M. Bosch).
20)nbsp;Pollock J. 293 e.s. Quant à l'autorité du conseil privé v. Beal 41:
„The Privy Council is not a Court whose decisio.ns are binding on us
sitting here, but it is a Court to whose decisions I should certainly on
„all occasions give great weightquot; (Great Northern Railway Cy. v.
Swaffield [1874] L.R. 9 Ex. 132/138 V. aussi Abrahams v. Denkin
[1891] 1 Q.B. 516/520).
erronée 21) tandis qu'au contraire le conseil privé est libre dans
chaque décision 22 ).
§ 3. Quel que dissemblable que semble le maintien de l'unité
de droit dans les pays de codification (dans le sens large) et dans
ceux de droit casuistique (case-law) il y a pourtant beaucoup
d'analogies.
Dans les premiers, l'unité législative a été vite complétée et
modifiée par l'unité de jurisprudence, alors que dans les seconds
l'enregistrement statutaire de beaucoup de matières a changé
considérablement le caractère original du „case-lawquot;.
En dernier lieu l'unité se réduit à la conformité concrète de
jugements analogues. Il est vrai que, comme nous le verrons plus
loin 23), il est extrêmement difficile de conclure à l'identité de
deux cas, mais justement à cause de cette difficulté c'est la tâche
de la cour suprême de formuler ses décisions dans la forme la
plus générale possible.
Aussi est-il regrettable que le plus souvent les cours suprêmes
se bornent à des arrêts d'espèce, c'est à dire „une confrontation
,,entre ce qui est et ce qui devrait êtrequot; 24), qu'elles ne tiennent
compte que de la situation du cas qui leur est présenté et essayent à
tort et à travers d'éviter des questions fondamentales 25), L'obliga-
tion de motiver leurs arrêts qui, autrefois, n'existait pas doit leur
être une stimulation d'en faire 26) un instrument de plus de
maintenir l'unité.
21)nbsp;V. Gray 217. Holdsworth I 375 qui cite: London Streets Tramway
Company v. London C.C. [1898] A.C. 375: „A decision of the House
„of Lords upon a question of Law is conclusive and binds the House
„in subsequent cases. An erroneous decision can only be set right by an
„Act. of Parliamentquot;, Holland 69 qui cite: R. v. Millis 10 CI. amp; F. 534,
Beamish v. Beamish 9 H.L. Ca. 274.
22)nbsp;Holland I.e.: Caledonian Railway Cy. v. Walther's Trustees L.R. 7
A.C. 7, 259. Read v. Bishop of Lincoln [1892] A.C. 655.
23)nbsp;V. ii VII § 1 comp. aus.si 11 Intr. § 2 note 3 et II V § 1.
24)nbsp;Renard II 345 e.s.
25)nbsp;Sur la pratique française: Faye 12. 87. 309, Chénon Or. 166.
26)nbsp;En France ni les arrêts des Parlements, ni ceux du conseil des parties
n'étaient motivés: Chénon Or. 59. Plassard 56, de Font Reaulx 61.
Néanmoins la suprématie de la cour suprême ne doit pas être
exagérée: il est juste qu'en cas d'erreur évidente les tribunaux
n'y sont pas liés 27), quoiqu'il paraît très difficile de la constater
et que d'autre part elle ne change pas pour des motifs i de justice
un texte formel parce qu'il est toujours meilleur que le législateur
abolisse un texte vieilli ou devenu sans valeur intérieure pour
quelque autre motif, que si le juge le déjoue par une interpréta-
tion forcée 28).
§ 4. Si l'on rejette le maintien de l'unité par des décisions
abstraites émises par laicour suprême (v.la note 17 de ce chapitre)
ou par des lois interprétatives 29) mais si l'on préfère l'examina-
tion de chaque cas à part il n'est pas suffisant que la cour ait
la compétence d'altérer les jugements, mais il faut aussi que sa
jurisprudence soit stable.
On doit alors éviter les revirements de la cour, parce qu'il n'y
a pas d'unité réelle, si, chaque fois qu'une question semblable est
posée à la cour, elle donne une décision différente.
Afin de,pouvoir surveiller les jugements donnés dans le cours
des temps on a institué parfois un registre dans lequel tous les
arrêts étaient enregistrés après un système pratique, de sorte
note 5. Seulement depuis 1794 les arrêts de rejet de la Chambre des
Requêtes sont munis de motifs. (Chénon Or. 74); par contre il est
compréhensible que ses arrêts d'admission ne le sont pas. (Faye 240).
Egalement en Angleterre la Chambre des Lords ne motivait pas ses
arrêts rejetant l'appel: Palmer 69. Sur l'utilité de la motivation v.: Meyer
V 420, Marty 348.
27)nbsp;Si les précédents sont „flatly absurd or injustquot; le juge anglais n'y eSt
pas lié: Blackstone I 74, Pollock J. 293.
28)nbsp;quot;Voilà quelques exemples hollandais (les trois premiers sont cités par
quot;Vaillant 49) qui montrent l'influence d'un arrêt du haut conseil injuste
mais formellement conforme au texte de la loi changement de l'art. 318
C. pén. (loi du 16 mai 1829 St. 34).
id. de l'art. 32 C. pén, (loi du 24 avril 1836 St. 13).
id. de l'art 14 de la loi du 22 avril 1855 (loi du 14 septembre 1866)
id. de l'art. 1 de la Crisispachtwet 1932 (loi du 7 avril 1933 St. 161)
par l'arrêt du 14 novembre 1932 quot;W. 12516
29)nbsp;Comp. de la Grasserie 59 e.s., 71 e.s.
-ocr page 145-qu'on avait un aperçu de sa jurisprudence qui permettait de voir
quelles décisions étaient prises dans des cas analogues.
Surtout en Allemagne cette méthode est de très ancienne date:
déjà la cour curiale avait un tel registre („Prâjudizienbuchquot;) 30),
on le retrouve successivement dans la cour aulique, la cour
impériale supérieure commerciale 3i ) et la Cour Impériale actuelle
32).
Dans plusieurs pays des systèmes analogues ont été appli-
quées 33).
§ 5. La formation de l'unité de droit est considérablement
entravée par le fait que la cour suprême, quoique unique comme
organe, est composée de plusieurs membres.
Jamais un juge unique ne rend le jugement, mais plusieurs
collaborent à sa formation comme la pluralité des opinions est
considérée comme une garantie de sa justesse.
Ce n'est pas ici le heu de discuter l'élaboration d'un jugement
par plusieurs juges ni le principe de la majorité des voix qui en
est le fondement.
Nous ne remarquerons qu'une chose c'est que dans la plupart
des pays on est habitué à publier seulement le jugement comme
le résultat de la discussion secrète des juges, tandis qu'en Angle-
terre chaque juge émet, son opinion pubhquement, le jugement étant
les opinions de la majorité des juges 34).
La plurahté des juges n'est pas le seul danger pour l'unité, la
plurahté des chambres en est un autre.
Le plus grand danger naît quand deux chambres sont partielle-
ment compétentes pour les mêmes matières, comme le prouve la
30)nbsp;Franklin 1 72.
31)nbsp;Comm. W. v. 12 VI 1869 § 9, p. 30 e.s.
32)nbsp;G.O. 1880/1886 § 23. V. en général: Schub Kampf 12/13, Roesener
18 e.s., R.G. praxis I 9 e.s.
33.) En Italie (Magnus 246), en Autriche (Magnus 305), en Pologne (Magnus
319), en Tchécho-Slowakie (Magnus( 423).
34) Les jugements du conseil privé en forment une exception. Comp.
Holdsworth I 519, Selbourne 27 e.s., Finlason p. III, Macpherson 148,
Magnus 134.
Cour de Cassation française où maintes fois il y a une divergence
entre la Chambre civile et la Chambre des Requêtes se pronon-
çant toutes les deux sur des matières civiles 35).
Pourtant il ne suffit pas pour empêcher des contradictions que
chaque chambre ait sa juridiction spéciale: Ainsi en Allemagne
où, par le grand nombre des sénats une division des matières
était devenue nécessaire, on n'a pu éviter des .divergences
considérables 36).
Comme moyen de remédier à ce défaut est considéré la convo-
cation d'un „plenumquot; composé de plus ou moins de membres des
deux chambres sous la présidence du chef de la cour, qu'on
convoque dans le cas où une chambre veut s'écarter d'un juge-
ment antérieur d'une autre.
Cette procédure était déjà connue au Parlement de Paris sous
le nom d'assises générales 37) ; dans la cour aulique allemande,
quoique d'abord usitée seulement pour des affaires internes, elle
finit par être employée à la solution de questions de droit con-
testées 38).
La procédure actuelle dc la Cour Impériale est empruntée à
celle de l'ancienne cour suprême prussienne (Obertribunal) 39)
et de la cour supérieure fédérative commerciale 49) et s'est mo-
difiée en 1886 41) en ce sens que le plenum ne se limite pas
aux sénats pénaux ou civils séparément et que l'affaire entière,
au lieu de la seule question de droit, est examinée par lui.
Bien que la méthode du plenum semble si simple, son applica-
35)nbsp;V. ii V § 1 B 5°
36)nbsp;C'est un fait connu que la „Revisionquot; n'est pas interprétée de la même
façon par tous les sénats de la Cour Impériale: 25 J.R.G. 153 e.s.
37)nbsp;Chénon II 506. Le système du plenum était aussi proposé dans le
project de la loi hollandaise de 1855 concernant la modification de
l'organisation judiciaire: H.N.J.V. 1909 I 1, 238/239.
38)nbsp;Thudichum 172, K.G.O. 1555, 2, 36.
39)nbsp;Kabinettsordre vom 1 Aug. 1836 No. 3. Loi du 7 mai 1856 (Ges.
samml. 1856. 293).
40)nbsp;§ 9 de la loi du 12 juin 1869. G.O. 1880/1886 § 3.
41)nbsp;Begründung de la Loi du 17 mars 1886 (R.G. Bl. 61). V. Ges. Abänd.
§ 137 G.V.G.
tion s'est montrée très compliquée non seulement par la complexité
de sa procédure, mais aussi par la difficulté de constater la
divergence.
Aussi la Cour Impériale montre un vrai „horrer pleniquot; restrei-
gnant autant que possible les cas où cela est absolument nécessaire
42), chose compréhensible parce qu'il gêne l'indépendance du
juge.
§ 6. Le plus souvent la fonction de la cour suprême se limite
à l'acte négatif de casser ou de supprimer le jugement attaqué
qui doit être remplacé ou corrigé par l'acte positif du tribunal
auquel l'affaire est renvoyée.
L'unité de droit dépend alors de la relation entre la cour su-
prême et le tribunal de renvoi.
On peut dire que déjà l'expression „cour suprêmequot; implique
que cette cour a le dernier mot décisif et que justement parce
que le pouvoir judiciaire est organisé hiérarchiquement, c'est elle
qui juge les procès portés devant elle de façon définitive.
Pourtant, cette conception abstraite d'unité n'est pas réalisée si
facilement: les cours d'appel, rivales de la cour suprême, „peuvent
„souvent à l'aide d'un artifice de rédaction mettre leur arrêts à
„l'abri du contrôle de la cour suprêmequot; 43). Ainsi l'unité de droit
est détruite et rien ne peut la restaurer (comp. II VI § 1 B 2°).
Néanmoins on préfère presque partout la division de la tâche
de maintenir l'unité de droit entre la cour suprême et le tribunal
de renvoi, parce qu'on se défie d'un trop grand pouvoir des
juges qui serait la conséquence, si la cour suprême seule fixait
en dernière instance le droit 44). On ne veut plus, comme le
faisait l'ancien tribunal souverain que la cour suprême puisse
évoquer les procès devant elle, imposant ainsi sa volonté à tous
les sujets 45).
42)nbsp;Roesener pass. Sur le plenum en général Schultzensteln 88 e.s., Geile
pass., R.G. praxis V 153 e.s.
43)nbsp;Charmont 78. Comp. Schulz Kampf 24. Mannheim 25.
44)nbsp;Pour cette raison Vaillant 41 et Meyer VI livre VIII ch. 200 condam-
nent la procédure devant le Haut Conseil des Pays-Bas qui juge princi-
palement sans renvoi: art. 105/106 R.O.
45)nbsp;La „phobiequot; d'évocation est la cause du renvoi selon de la Grasserie
44 e.s.
-ocr page 148-L'évolution française du renvoi est un exemple instructif pour
démontrer l'exactitude de l'opinion défendue ci-dessus.
Enthousiasmée par la codification qui avait formulé les textes
de la loi si clairs et évidents que toute interprétation ne devait
plus être nécessaire 46) la Révolution française considérait le
Tribunal de Cassation exclusivement comme le défenseur de la
loi. Par la codification on avait évité les influences arbitraires
du juge lesquelles on avait supportées si longtemps de sorte qu'il
n'y avait aucune raison pour que le Tribunal de Cassation pût
faire valoir ses opinions aux frais des autres tribunaux et devenir
ainsi un nouveau tyran: par conséquent si le tribunal suprême
cassait, la cour d'appel à laquelle l'affaire avait été renvoyée
était libre de tenir compte de l'opinion du Tribunal de Cassation
ou non.
Si le Tribunal de Cassation cassait pour la deuxième fois la
même affaire, la suite en était le référé législatif 47), l'Assemblée
législative devant, comme fondatrice de la loi, l'interpréter égale-
ment 48); le conflit d'interprétation entre la cour suprême et la
cour d'appel devait être résolue par le législateur.
A mesure qu'on reconnaissait que l'unité de la loi était impos-
sible sans l'unité de jurisprudence, on se libérait des idées dog-
matiques et tenait plus de compte des possibihtés pratiques.
En effet, on comprend que l'unité de droit ne serait pas réali-
sable si l'organe législatif devait résoudre tous les conflits juri-
diques: il lui aurait été impossible de déterminer dans chaque cas
l'application des textes législatifs adoptés par lui.
La première correction était qu'on détermina que la deuxième
cassation devait être traitée devant les chambres réunies afin
d'augmenter l'influence morale de la Cour de Cassation 49); en
46)nbsp;Marty 68 e.s., Chénon Or. 195 e.s. Faye 308 e.s. Gény Méth. I 78, Ross
36. Selon Montesquieu VI 144 „Les jugements doivent être fixés à un
tel point qu'ils ne soient jamais qu'un texte précis de la loi.quot;
47)nbsp;L'art. 21 de la Constitution du 3 septembre 1791, l'art. 22 du décret du
1 décembre 1790.
48)nbsp;Cuius est interpretari, eius est condere. Comp. Le Roy 54 e.s., Gény Méth,
I 75 e.s., Friedreich pass.
même temps on remplaça le référé législatif par celui au gou-
vernement qui statuait le conseil d'état entendu.
La loi du 31 juillet 1828 développait le système des chambres
réunies, mais le jugement rendu après le deuxième cassation par
le tribunal de renvoi n'était plus cassable, de sorte que la Cour
de Cassation n'avait pas encore obtenue la décision ultérieure.
Enfin la loi du 1 avril 1837 instituait la procédure actuelle
déterminant (art. 2) que si le deuxième jugement est cassé pour
les mêmes motifs que le premier, le tribunal de renvoi doit se
conformer à la décision de la Cour de Cassation.
Par cette mesure la suprématie de la Cour suprême est confir-
mée et ,,1e mécanisme des renvois successifs (lui) donne le dernier
„mot sur toute controverse, conférant en fait à ses sentences la
„vertu des anciens arrêts de règlementquot; 50).
En Allemagne le tribunal de renvoi est un autre sénat du
tribunal qui a rendu l'arrêt cassé. Il est lié quant à la question
de droit à la décision de la Cour Impériale si, au moins, l'arrêt
est tel qu'un simple jugement de fait suffit si).
§ 7. Les fluctuations entre les deux buts de la juridiction
suprême se montrent aussi dans le mode de s'adresser à la
cour. Si l'on considère la cour suprême comme protectrice de la
justice, il est compréhensible que c'est la partie procédante qui,
voulant se plaindre d'un jugement rendu, est déclarée compétente
d'invoquer la cour suprême 52).
Si l'on observe l'institution de la juridiction suprême comme
la défenderesse de l'unité c'est l'Etat par ses organes, ayant la
mission de veiller au respect et au maintien de la loi considérée
49)nbsp;L'art. 78 de la loi du 25 ventôse an 'VllI.
50)nbsp;Levy-Ullmann (Rev. trimest. 1903,4, p. 839: cité par le Roy 178). Sur
les cas où il n'y a pas lieu à un renvoi: Chénon Or. 195, Paye 265.
Pour 1' Allemagne v. Sydow-Busch-Kranz 742 e.s. Cette question est
trop détaillée que nous puissions la traiter ici.
51)nbsp;„Kann das R.G. nicht (mehr) selbst in spruchreifer Sache Urteil spre-
chen, so können sich, wenn die O.L.G. den Anweisungen des R.G. nicht
folgen, die Revisionen in demselben Prozess wiederholen.quot; Bolze (25
J.R.G.) 200. V. § 565 Z.P.O. Pour les Pays-Bas v. II VII § 15.
52)nbsp;Sur les conditions posées en France: Paye 66, Chénon Or. 101.
-ocr page 150-en elle-même 53)^ qui peut recourir à la cour suprême de façon à
ce qu'elle annule des jugements, incompatibles avec cette unité.
Le plus souvent les deux manières d'appeler à la cour suprême
seront admises en même temps.
L'intervention par le Ministère public comme organe de l'état
est surtout usitée dans les pays de codification parce que
justement par l'enregistrement de ses normes l'Etat a montré
qu'il attache une grande valeur à leur maintien: parfois il est
obligé de suivre les instructions du gouvernement dans la per-
sonne du Ministre de la Justice s®).
L'état est seulement intéressé dans l'activité de la cour suprême
en ce qui concerne son maintien de l'unité, de sorte que l'influence
de l'arrêt, annulant le jugement attaqué, n'opère exclusivement
que pour l'avenir et n'a aucune influence sur la situation créée
entre les parties par le jugement annulé.
L'invocation de la troisième instance a un effet suspensif du
moment qu'on la considère comme un recours dans l'intérêt des
parties 56); dans le cas opposé il n'y a pas de raison de suspendre
un jugement qui est définitif pour les parties et dont l'annulation
intéresse seulement l'état 57).
§ 8. a. 11 se peut que l'acte par lequel on invoque la cour
suprême doive être motivé ou non. Dans le premier cas qui sera
habituel là où la troisième instance est surtout dans l'intérêt
pubhc et a par suite à défendre la codification, la cour sera plus
53)nbsp;Alors elle exerce une „juridiction objectivequot; Bonnecase 10. Ce livre
recherche d'un façon détaillée l'évolution de la cassation dans l'intérêt
de la loi et l'excès de pouvoir et conclut qu'elles forment en somme une
institution ayant comme but le maintien de la séparation des pouvoirs.
54)nbsp;Elle s'appelle la cassation dans l'intérêt de la loi. Faye 445, Dalloz 985
e.s., Chénon Or. 110 e.s., Meyer VI 188 e.s.
55)nbsp;L'annulation pour excès de pouvoir ne peut être demandée que de cette
manière: Faye 25, 453, Dalloz 1039, comme étant „un droit constitu-
tionnel, mesure de haute administrationquot;. V. ii I § 4 A.
56)nbsp;Par ex. l'art. 398 Rv. (Pays-Bas). Sur la tierce-opposition contre les
arrêts rendus par la cour suprême: van Rossem I (3e dr.) 605/6 opp. de
Pinto II 1. 511.
57)nbsp;La pratique française: Faye 49 e.s. 304, Chénon Or. 72, 185 e.s. On
fait une exception pour les instances en divorce et en séparation de corps.
ou moins liée aux moyens soulevés dans la requête, pouvant
contrôler suffisamment les jugements non-attaqués par le pourvoi
en cassation dans l'intérêt de la loi 58).
Si non le tribunal suprême peut apprécier librement (d'office)
les raisons qui pourraient le mener à l'annulation du jugement 59).
Alors la cour est plutôt une instance dans l'intérêt des parties
et ne pourra pas éviter de s'occuper des circonstances de chaque
cas.
Il est peut-être curieux de remarquer que l'indication dans quel
sens le jugement attaqué est erroné devient souvent une formule
insignifiante, parce qu'on cite la violation d'articles qui sont si
vagues qu'on peut y ramener tout ce que l'on veut^o).
b.nbsp;Les délais dans lesquels on doit invoquer la cour suprême
varient souvent: en général, c'est un délai assez court afin que
la certitude de droit ne soit pas mise en danger si ).
c.nbsp;Pour ne pas trop encourager l'invocation de la cour su-
prême le versement d'une caution avant de pouvoir commencer
la procédure'devant la cour suprême, est souvent prescrit; l'argent
est encaissé par l'état comme amende si le recours ne réussit
pas 62).
58)nbsp;Par ex. Chénon Or. 118.
59)nbsp;C'est ce qu'on apelle en Allemagne la „pratique libre de révisionquot;
(freie Revisionspraxis): § 559 Z.P.O. V. Calamandrei (Rhein. Zeit.)
217, Fischer 29. Plassard 235. 257. L'obligation de motiver le recours
suprême allemand (Revision) date de 1905 seulement: 25 J.R.G. 38. En
général les erreurs de procédure doivent être soulevées par les parties:
Magnus 21, Simons 5.
60)nbsp;En France: l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810 (défaut de motifs: Faye
108, 126) comp. ii VII n. 51; en Allemagne: les art. 139 et 286 Z.P.O.
dans les Pays-Bas l'art. 1374 B.W.
61)nbsp;En France deux mois (l'art. 1 de la loi du 2 juin 1862, Faye 76); dans
les Pays-Bas: trois mois: l'art. 398 Rv. (= l'art. 14 de la loi française
du 27 novembre 1790).
62)nbsp;En France cette procédure date déjà de l'ordonnance de 1331: (v. II § 6)
pour plus de détails Chénon 122 e.s. qui donnent aussi des références à
la procédure d'autres pays. Quant à l'Angleterre où la consignation
d'une „security for costsquot; est obligatoire à la procédure devant la
Chambre des Lords: Macqueen 143 e.s., Hibbert 90, Standing Orders
IV et VI (Appellate Jurisdiction Act. 1876).
CHAPITRE VII.
ANALYSE DU CONTRÔLE DE LA COUR SUPRÊME.
§ 1 La notion du contrôle. § 2 L'objet de contrôle de la cour suprême. § 3 Le
contrôle extérieur. § 4 Les erreurs dans le syllogisme: a le maior. § 5 fe le minor
§ 6c la conclusion. § 7 La distinction du fait et du droit, 8 8 Son étendue:
§ 9 .A la Cour de Cassation comme recours dans l'intérêt public. B la Cour
Impériale comme troisième instance. § 10 Le compromis de la cour suprême.
§ 11 La réalisation des buts de la cour suprême en général. § 12 La réalisation
française. § 13 La réalisation anglaise. § 14 La réalisation allemande. § 15 La
réalisation hollandaise. § 16 La tâche de la cour suprême.
§ 1. Le fonctionnement du contrôle de la cour suprême
sur les jugements des tribunaux inférieures, est un problème dif-
ficile et compliqué.
Contrôler veut dire examiner si le phénomène ou le complex de
phénomènes qui doit être contrôlé, est conforme aux règles
abstraites qui forment la pierre de touche du contrôle. Cette con-
formité existe dans l'identité plus ou moins grande, du phénomène
à contrôler avec le phénomène abstrait qui est formé par les
règles qui conditionnent le contrôle i ).
Ainsi, poux nous limiter aux phénomènes juridiques contrôler
par ex. si le contrat conclu entre A et B est une vente veut dire
l'analyse des éléments de ce contrat et l'examen si ces éléments,
faisant abstraction de toutes les autres notions juridiques que cet
examen implique, peuvent être considérés comme identiques à ceux
qui conditionnent la notion abstraite de la vente.
lt;
Par conséquent, le fonctionnement du contrôle est à la fois
logique et appréciatif (H I § 4 B). Il dépend de l'analyse plus
ou moins profonde du phénomène, de la connaissance plus ou
moins étendue des règles de contrôle, et de l'inclination plus ou
1) Comp. Capitant 97: „Le droit est règle d'action, les individus doivent
agir conformément au droit; c'est pourquoi la règle de droit est catégorique.
moins grande de conclure à une identité de l'objet à contrôler et
de l'objet abstrait conditionné par les règles de contrôles).
§ 2. Quant à l'objet de contrôle soumis à la cour suprême
nous avons vu (comp. II Intr. § 2) que la fonction de la juri-
diction suprême est de concrétiser l'unité abstraite incorporée dans
les normes générales. Elle ne peut la réaliser qu'incomplètement
parce que l'autonomie des parties peut éviter son intervention.
L'unité complète serait que chaque acte ou situation juridique 3)
fût en conformité absolue avec les règles prescrites pour cet acte
ou cette situation.
Ces actes ou situations étant presque toujours accomplis ou
provoquées par des particuliers, il est impossible pour l'état de
veiller à leur conformité avec les normes qui leur sont relatives,
vu que les parties peuvent contracter ce qu'elles veulent.
Exclusivement à la condition que l'organe 4) désigné ou un
particuher intéressé 5) découvre une violation®) de ces règles et
invoque l'organe institué pour réprimer ces violations, celui-ci sera
à même de forcer le respect pour les normes en question et d'em-
pêcher leur violation. Cela veut dire que l'unité de droit est princi-
palement conservée par les procès à moins que la cassation dans
l'intérêt de la loi fût toujours possible.
Par conséquent, les organes veillant au maintien de l'unité con-
trôlent les actes ou situations en les éprouvant sur les normes rela-
tives, épreuve qui aura la forme d'un jugement logique.
Tandis que les organes de contrôle inférieurs accentuent surtout
la détermination de l'acte ou de la situation par tous les moyens
possibles, la cour suprême fixe son attention principalement sur les
2)nbsp;Cpmp. II V § 1.
3)nbsp;Juridique signifie ici la circonstance que pour quelque acte ou situation
que ce soit l'état par ses organes l'a réglementé par des normes
générales.
4)nbsp;Par ex. le Ministère public ou le fonctionnaire fiscal.
5)nbsp;Par ex. à l'occasion d'une violation de contrat, une des parties
contractantes.
6)nbsp;Pour la notion de violation v. la définition donne II quot;V no. 25.
-ocr page 154-normes générales comme telles ''): les organes inférieurs composent
le jugement logique, l'organe suprême examine l'exactitude du
jugement déjà composé. La cour suprême ne s'occupe pas de ras-
sembler tous les éléments du procès, il se borne à contrôler la
conformité de leur complexe aux règles de droit.
§ 3. Le jugement logique comme objet de contrôle de la cour
suprême peut être examiné de deux points de vue: selon que c'est
le contenu du jugement qui est le but de la recherche, ou les con-
ditions extérieurs sous lesquelles le jugement s'est opéré.
Si nous abordons le dernier cas d abord, nous pouvons le préciser
en disant que là la cour suprême examine la violation des formes des
lois de procédure, ou dans une terminologie plus moderne, r„error
„in procedendoquot; 8).
Elle est un „vice d'activité extériorisequot; 9) par opposition à r„error
„in iudicandoquot; qui est une „erreur logique qui n'affecte que l'activité
„psychologique du jugequot;.
Laissant de côté l'exactitude de ces définitions il est remarquable
que partant de cette notion on veut étabhr une distinction corres-
pondante des moyens de recours à la cour suprême comme Plassard,
à l'exemple de Calamandrei lo)nbsp;proposé pour la France,
attribuant à la requête-civile les errores in procedendo et les
errores in iudicando au pourvoi en cassation n ).
Nous avons déjà vu à la délimitation de la requête-civile (H
II § 4 d) que cette distinction, si claire qu'elle semble n'est pas
si facile à déterminer. Cependant, que ces remarques suffisent vu
que ce problème ne rentre pas dans notre sujet.
§ 4. Se basant sur la conception traditionelle que chaque
7)nbsp;V. plus loin le § 4.
8)nbsp;Calamandrei II 170 e.s., Marty 20 e.s., 89 e.s., Beling 89 e.s. (le
dernier combat la distinction).
9)nbsp;Plassard 26 et pass.
10)nbsp;Calamandrei I.e.: v: l'aperçu détaillé qu'il donne de ces erreurs
11)nbsp;Plassard 63 e.s., 297 e.s. Comp. Faye 90 e.s. et Calamandrei (Rhein.
Zeit.) 206 e.s., Garsonnet 675. La „Revision allemande peut être invoquée
pour les deux catégories: Magnus 12/13. Pour les Pays-Bas: Schen-
kenberg van Mierop.
jugement est la conclusion d'un syllogisme 12) on distingue les
fautes suivantes que la cour suprême puisse contrôler en ce qui
concerne son contenu 13);
a. Quant au maior le tribunal inférieur peut se rendre cou-
pable d'une contravention formelle à une règle de droit „mécon-
„naissant son existance et (ou) son caractère obligatoirequot;.
Il est également possible que tout en reconnaissant la règle de
droit il l'interprète d'une manière fausse (error in thesi).
Comme on l'a montré ailleurs i4) cette distinction traditionnelle
n'est pas correcte, parce qu'il y a seulement une différence gra-
duelle entre la contravention à l'article d'une loi et sa fausse
interprétation.
Le maior étant une des normes pour le maintien desquelles la
cour suprême est instituée, il pourrait sembler que chaque écart
de ces normes opéré par le jugement, non seulement quant à
son contenu entier, mais aussi en ce qui concerne les conditions
sous lesquelles il a été conçu, fût une violation de ces normes 15).
de sorte que quelque erreur que le tribunal inférieur aurait
commis, le contrôle de la juridiction suprême se réduirait toujours
à la seule erreur possible, la violation des normes comme telle.
Cette remarque est seulement vraie dans ce sens que chaque
contrôle, fût-il juridique ou non, est l'activité de l'épreuve de
l'objet contrôle aux règles auxquelles il est coumis (comp. §
1 de ce chapitre). Mais si l'on examine une fois les différents
aspects de ce contrôle on est, selon nous, parfaitement justifié
12)nbsp;V. Wach 75 e.s., Boyens 25 J.R.G. 154 e.s., Calamandrei II 170 e.s.
Plassard 30, Marty 12/13, Cournot II 80 e.s., R.G. praxis VI 126 e.s.,
Ross 325 e.s., Faye 172, de Kanter 7/8, Scholten Inl. 1 e.s. V. Dalloz
no. 127: „Pour que la Cour suprême puisse contrôler les raisonnements
qui constituent les jugements déférés à sa censure il faut que la loi
soit un des termes du syllogismequot; (Dupin).
13)nbsp;Et encore, ce contenu n'est pas contrôlé totalement mais seulement le
dispositif (dictum) du jugement: Faye 120, Bonnecase 87, v. Praag
(R.M. 1925) 3 et 15.
14)nbsp;Gruys 131/2.
15)nbsp;Marty 19, 48, 83 etc., Crépon II 164, Plassard 28, 242, Garraud V 317
e.s., Bardot 121, H.N.J.V. 1909 I 1, 178—181.
de distinguer les catégories des erreurs qui peuvent être commises
par les tribunaux inférieurs.
Précisons enfin quel est le sens des erreurs possibles dans le
maior. Si le juge inférieur applique la norme de droit ,,il juge à
„l'aide de cette norme une chose (l'acte ou la situation) qui elle-
„même n'est pas l'instrument, mais l'objet du jugementquot; ou en
d'autres termes il apprécie l'acte ou la situation, objet de son
jugement, comme adéquat à la notion abstraite de l'acte ou de
la situation, notion qui est déterminée par les normes relatives.
Alors les erreurs dans le maior trouvent leur origine dans le
fait que le juge ignore soit le contenu soit la validité i''') de ces
normes.
§ 5. b. Quant au minor l'erreur peut être soit dans ,,la
„constatation des faits de la cause soit dans la qualification ou
„dans la détermination du caractère légal des faits i®)) (la faute
qualificative, Subsumtionsirrtum),
Afin de pouvoir juger l'acte ou la situation qui sera l'objet
du jugement, il faut en rassembler tous les éléments, de sorte que
leur entité soit aussi complète que possible: c'est là la constatation
des faits de la cause.
Pour pouvoir tirer la conclusion il faut comparer l'acte ou la
situation constatée à sa notion abstraite de droit et ensuite juger
leur conformité, mais avant d'être à même de les comparer la
notion abstraite relative à la cause constatée doit déjà être
choisie; c'est le choix de la notion abstraite qui est la qualifica-
tion 19).
16)nbsp;Mannheim 38. Il définit la norme comme: „ein „Werkzeug zur Be-
urteilung menschlichen Verhaltensquot;.
17)nbsp;Comp. Stahl 95: „Ein Gesetz ist dann verletzt „wenn der Richter aus
Unkenntnis des Rechts d.h. betreffs der Gültigkeit oder des Inhalts
sich geirrt hatquot;.
18)nbsp;Marty 12/13. V. en général sur la „subsumptioquot;; Sauer Prozeszr. 62
e.s. Stahl 98 e.s.. Schölten Inl. 60.
19)nbsp;Donnons un exemple: le juge qui doit décider si les règles de la
vente doivent être appliquées sur le contrat entre A. et B., dont tous
les éléments ont été constatés doit d'abord être d'avis que les
Ce choix est déterminé par le „terminus médiusquot; ( Mittelbegriff) :
l'élément commun entre le maior et le minor 20).
§ 6. c. Quant à la conclusion, il peut y avoir une faute
conclusive, c'est à dire que le juge peut se tromper dans la con-
formité de l'acte ou de la situation constaté et quahfié avec sa
notion abstraite.
Il peut y avoir un manque d'enchaînement (nexus de cau-
sahté) entre les prémisses et la conclusion (incomptabilité entre
le dispositif et la motivation).
D'autre part la déduction peut être fautive dans ce sens que
partant de prémisses exactes on vient à une conclusion incertaine,
se-contredisant ou impossible à accomplir.
§ 7. Cette analyse, peut-être trop spécieuse, étant terminée,
rattachons-la au problème de la juridiction suprême pour lequel
elle se présente sous la forme de la distinction du fait et du
droit 20a).
Nous avons vu (§ 2 de ce chapitre) que l'activité de la
cour suprême diffère de celle des tribunaux inférieurs sur ce
point que ceux-ci s'occupent de l'élaboration du jugement et
celle-là se borne à examiner son exactitude selon les normes de
droit, ou, pour employer des termes traditonnels, elle s'occupe de
la question de droit et non de la question de fait. Elle contrôle
si le jugement rendu par les tribunaux inférieurs dans la cause
qui leur est soumise est réellement en conformité avec les règles
de droit.
Ce contrôle sur la conformité a autant d'aspects que le nombre
des erreurs énumérées sommairement ci-dessus (§§ 3 à 6).
éléments du contrat A—B ne peuvent rapprochés qu'aux règles de la
vente. Comp. quot;Witteman 29.
20) Par ex. Tous les hommes sont mortels; A est un homme; A est mortel.
Ces trois sentences sont respectivement le „maiorquot; (ou mieux „prae-
positioquot;) le „minorquot; („assumptioquot;) et la „conclusioquot; d'un jugement;
r„hommequot; est le „terminus médiusquot; de la praepositio et de l'assump-
tio. Comp. Wach 75, 25 J.R.G. 154 e.s. R.G. Praxis VI 134.
20a) Comp. Dooyeweerd 155 e.s.
-ocr page 158-Disant cela nous mettons déjà en opposition avec la conception
traditionelle de la distinction du fait et du droit qui distingue
nettement la catégorie invariable 21 ) des faits de celle également
invariable du droit.
Il n'en est pas ainsi, selon nous, parce que, comme nous l'avons
vu, chaque syllogisme a sa propre question de droit qui est le
maior et sa propre question de fait qui est le minor et il arrive
souvent que le maior d'un syllogisme est le minor de l'autre
Si l'on dit que ,,chaque constatation des faits (question de fait)
,,contient déjà une appréciation (question de droit)quot; 22) on a raison
dans ce sens que la constation du fait A est elle-même la conclusion
d'un syllogisme dont A est le minor 23 )_
Il s'ensuit que la distinction du fait et du droit est une distinction
de forme dont le contenu est variable. A mesure qu'on veut
contrôler l'un ou l'autre objet, la question de fait change ainsi
que la question de droit, l'instrument de contrôle. Nous voulons
dire par là que leur distinction n'est pas un phénomène spéciale-
ment juridique mais général: chaque fois que nous exprimons une
opinion quelconque nous distinguons le fait du droit parce que
nous apprécions un objet de notre connaissance d'après sa con-
formité plus ou moins grande avec une autre notion à laquelle
nous attachons plus de valeur.
La marque distinctive de la question de fait de celle de droit
dans le cadre juridique, c'est que la notion du droit est plus ou
moins liée à l'enregistrement de son contenu dans des règles oui
ou non formulées dans des lois. Mais, comme nous avons déjà
21)nbsp;Pas invariable dans le sens que les faits sont toujours les mêmes, mais
que la qualité de fait est toujours facile à reconnaître. On n'admet
que Terror in thesi et Terror in hypothesi comme objets de contrôle
de la cour suprême; v. Bar pass.
21a) H. Poincaré (La science et l'hypothèse Paris 1908) dit par ex. qu'en
ce qui concerne le raisonnement mathématique „on voit que la con-
clusion de chaque syllogisme sert de mineur au suivantquot;.
22)nbsp;Witteman 89, Mannheim 39.
23)nbsp;La constatation de fait dans un procès d'assassinat que le couteau de
l'assassin était d'acier est elle-même la conclusion du syllogisme: les
couteaux d'acier se composent de fer et d'une faible quantité de carbone
vu que justement l'interprétation de ces règles laisse une telle
latitude que cette caractéristique est presque négligeable.
Néanmoins si du point de vue dialectique la séparation du
fait et du droit est partout le même, du point de vue pratique
il y a une distinction considérable.
§ 8. L'ordre de droit est la réalisation des règles abstraites
telles qu'elles sont concrétisées par les actes et les situations
opérées dans le territoire auquel l'ordre de droit se rapporte. En
tant qu'êtres rationnels ) ceux qui les concrétisent agissent et
créent des situations par moyen de conclusions logiques, de sorte
qu'à chaque moment des syllogismes sociaux sont formés.
De tous les syllogismes sociaux relatifs à l'ordre de droit la cour
suprême ne peut contrôler qu'un nombre hmité.
Sa pierre de touche réside dans les normes générales qu'elle
doit maintenir. Il dépend du caractère de ces règles et de la
manière selon laquelle elles sont maintenues, jusqu'à quel point
le contrôle de la cour suprême s'étendra: par la seule circonstance
de son contrôle un phénomène devient une question de droit 25).
L'expression: question de droit ne veut donc pas dire qu'une
question quelconque est une règle générale, mais qu'elle forme
l'objet de contrôle de la cour suprême.
Alors, tandis qu'en général la distinction du fait et du droit
n'est que graduelle, elle devient une question de puissance dans
la vie de droit: la cour suprême détermine en dernière instance
l'objet de son contrôle, c'est elle, étant supérieure aux autres tri-
bunaux qui fixe la délimitation du fait et du droit. Elle seule
.devenue très dur par la trempe (maior), le couteau de l'assassin était
de fer et de carbone et était trempé (minor), donc le couteau est d'acier.
24)nbsp;L'ordre de droit ne s'occupe de l'homme que comme être rationnel.
Comp. Schölten Inl. 171, Moor 157 e.s.
25)nbsp;Hora Siccama (Themis 1933) 341. Si, par conséquent, dans un pays
quelconque la règle de droit pénal existait que la cour suprême dût
contrôler la composition des objets avec lesquels les crimes sont commis,
le fait d'examiner si le couteau de l'assassin (l'exemple de la note 23)
était de fer ou d'acier serait une question • de droit.
peut, dans sa toute-puissance, étendre ou restreindre l'un ou
l'autre, si elle change sa jurisprudence.
Dans ce sens l'unité et la justice sont dépendantes de son libre
choix: tous les obstacles qu'on lui pose peuvent être renversés à
moins que la cour suprême ne comprenne qu'elle représente pour
ainsi dire tous les justiciables et que son autorité repose sur leur
conscience de droit commune.
§ 9. Alors que nous avons démontré que le contrôle comme
tel fait d'une cause une question de droit, on devra reconnaître
que ce contrôle est en principe illimité et qu'il est indifférent
jusqu'à quelle erreur du syllogisme il s'étend soit dans le maior,
soit dans le minor, soit dans la conclusion.
a. Si le contrôle de la juridiction suprême est déterminé par
la considération de l'intérêt public, la vérification de l'exactitude
du maior sera l'activité principale 26) de la juridiction suprême,
comme en France 2T) par exemple, où la Cour de Cassation doit
défendre la suprématie impartiale de la loi (v. H V § 5). la cour
ne jugeant pas „les procès mais uniquement les jugements dans
„leur rapport avec la loi écritequot; 28).
Le contrôle le plus simple est évidemment celui de la „contra-
„vention expresse au texte de la loiquot; 29): la tâche du juge en
apphquant les lois se borne à ramener l'acte ou la situation
contestée sous la règle approppriée s'il la méconnaît la cour
suprême le corrigera.
Cependant, le caractère intenable de cette restriction fut vite
reconnue. II est vrai que la faute commise par le juge inférieur
26)nbsp;V. les cas ou la C.d.C. française examine les faits: Marty 329. Faye
196, Barb 74.
27)nbsp;Au ISième siècle le conseil des parties avait tendance de devenir une
troisième instance comme en Allemagne: Plassard 58, 231,
28)nbsp;Faye 85, Merlin Q § 27, Meyer V 417: „La C. de C. est uniquement
.,et exclusivement régulatrice de l'application des lois, conservatrice
„des formes et veille au maintien comme à l'unité de la législation
„existantequot;. Garsonnet 675: le pourvoi en cassation est, „un recours
„disciplinaire contre les jugesquot;. Comp. Glasson et Tissier I 253.
29)nbsp;L'article 3 du décret du 17 novembre/1 décembre 1790.
-ocr page 161-peut être plus ou moins évidente, mais justement parce qu'il est
une question de gradation, le contrôle de la cour supérieure doit
nécessairement s'étendre à toute interprétation des normes sans
exception.
Par conséquent à l'heure actuelle, „la compétence de la cour
„régulatrice s'étend jusqu'à casser non seulement les décisions
„qui seraient en opposition avec la lettre de la loi, mais encore
,,celles qui seraient en opposition avec son espritquot; ^o).
b. Par contre, si, comme en Allemagne la cour suprême est
plutôt une troisième instance, 1'„error subsumtionisquot; dans le minor
sera contenue dans le contrôle de la cour suprême si).
11 nous semble intéressant de faire quelques remarques sur
l'évolution allemande parce qu'elle est en quelque sorte le pendant
de l'évolution française 32).
Si la dernière fut surtout politique, la première a le carac-
tère d'une dispute scientifique 32a). Déjà pendant les prélimi-
naires 33) de la préparation du code de procédure général pour
l'Allemagne entière, on n'était pas d'accord sur le caractère
futur de la cour suprême. Sous l'influence de Leonhard34) la
„Revisionquot; devenait un moyen de recours intermédiaire entre la
cassation française et la „plainte de nulhtéquot; prussienne 35).
Cependant la consécration légale de cette conception n'a pas
30)nbsp;Carré; Compét t. VIII 155 (cité par Tarbé 52. V. Artur 40: „La
„C. de C. est régulatrice de l'interprétation de la loiquot;.
31)nbsp;quot;oie unrichtige Subsumtion der Tatsachen unter das Gesetzquot; est le
moyen principal de „Revisionquot;: 25 J.R.G. 154 e.s. Stein 118 e.s. C'était
déjà la pratique de l'„Obertribunalquot; prussien: Wach 73.
32)nbsp;Voir leur comparaison chez Plassard 213 e.s.
32a) Sur la „Revisionquot; en général v. également Peters, Ott et Reichhold.
33)nbsp;Entw. Z.P.O. 1870, 1871, 1872, 1874 Entw. G.V.G. 1874; Purgold
(1848) Thudichum Nrd. B. 296, Bahr (1871), Sonnenschmidt (1874),
John (1874), V. Bar (1875), Wernz (1877), v. Kräwel (1879).
34)nbsp;25 J.R.G. 200: La révision est une „Oberberufung in iure. Daraus
„entspringt das Recht in der Sache selbst zu erkennen, wenn es sick
Inur um materielle Verstösse handeltquot;. Comp. Entw. Z.P.O. 1874, Alg.
Begr. § 14, Adickes 15.
35)nbsp;Nichtigkeitsbeschwerdequot; (ii I § 6e). V. Magnus 21, Erythropel 104,
Schulz 338, D. Jur. Tag. I 130, v. Kries 295, 25 J.R.G. 11. Scherer 11-
mis fin à la discussion sur la portée de la „Revisionquot; qui s'est
continuée jusqu'à présentas). Les discussions s'expliquent par la
circonstance que depuis sa fondation la Cour Impériale a dû lutter
contre son encombrement et qu'on a été obligé de limiter régu-
lièrement le nombre des jugements portés devant elle: Des
méthodes diverses ont été proposées ) mais presque toujours le
législateur a seulement rehaussé la „Revisionssummequot; (v II VI
§ 1 B. 4°).
§ 10. L'évolution des deux cours suprêmes traitées som-
mairement ci-dessus montre très clairement les deux aspects
opposés que la cour suprême peut avoir. Mais, en les montrant,
elle laisse voir en même temps que tous les deux ne sont que
partiellement réalisables et que le fonctionnement de la cour
suprême est toujours un compromis. Ni la notion abstraite de
l'unité de droit ni celle de la justice ne peut-être réalisée complè-
tement par elle.
Les règles de droit sont supposées être l'expression de l'idée
absolue de la justice. Cette expression sera toujours inadéquate
par l'incompétence relative de ceux qui formulent les règles.
Etant des êtres humains il leur est impossible d'incorporer l'idée
absolue dans une forme transitoire; ils sont influencés par les notions
de leur temps et en subissent le mal comme le bien.
Le droit est, comme règle formulée, statique 37a) _ Je sorte que
déjà imparfait au moment de sa conception, il le devient encore
36)nbsp;Voici quelques écrivains qui la considèrent comme une troisième in-
stance: Krämer 117, Wach Vorträge 284, Schulz Kampf 3, 50 J.R.G.
19 e.s. Förster-Kann 77 e.s. et quelques-uns qui adhèrent à l'opinion
inverse: Rosenberg 467, v. Kräwel 155, Fischer Jh. 272, Silberschmidt
25 e.s., Adickes 25.
37)nbsp;Par ex. une réforme d'après le modèle français Fischer pass., Fischer
Entl. 307 e.s., Fischer Jh. 265, Crome 126 ou d'après le modèle anglais:
Adickes pass. (opp. Wildhagen). V. aussi outre les auteurs cités
ailleurs, Henrici (1886), Stenglein (1897), Schiffer (1904), 21. D. Ju-
ristentag (19r8). Salinger (1909), Lobe (1910), Düringer (1910),
Entw. Entl. R.G. (1910). Lorenz (1921), Simons J.Z. (1924), Zivil-
prozessreform (1525), Entl. R.G. (1925 et 1929), Entw. Z.P.O. (1931),
§ 5C7 e.s.
37a) Comp. Zevenbergen 19.
-ocr page 163-plus, si malgré l'évolution dynamique, il doit être appliqué pen-
dant des générations dont chacune a sa propre conception,
quoique défectueuse, de la justice, et différant considérablement
de celle dont le droit appliqué est l'expression.
En outre l'idée de la justice, malgré sa validité générale 38)
est dissemblable pour chaque individu parce que, comme notion
a-rationelle, elle embrasse le général dans le particulier et le
particulier dans le général.
Or. la généralisation des règles de droit qui est justement son
signe caractéristique, est toujours relative: les règles générales de
droit ne sont en vérité que les règles en vigueur pour une certaine
catégorie de sujets subordonnés à ce droit, comme le prouve
par exemple la codification française.
Ainsi la réalisation du droit, comme telle est statique parce
qu'elle fixe ce qu'il faut faire ou ne pas faire, mais cela n'empêche
pas que l'élaboration de son impératif soit déterminée par des
éléments dynamiques comme par ex. ceux tirés de l'histoire 39).
§ 11. Le fondement de l'unité de droit est la validité absolue
supposée des règles de droit ou en d'autres termes la justice et
la certitude de droit se conditionnent mutuellement 40). Par con-
séquent, afin que la réalisation de la justice soit aussi, parfaite
que possible il faut que l'unité soit aussi complète que possible.
De nouveau nous trouvons ici des difficultés insurmontables.
En effet, comme nous avons vu ( § 4 e.s. de ce chapitre) le juge-
ment se fait dans la forme du syllogisme, le maior étant la riègle
et le minor l'objet à régler. Quelle que soit la règle il faut qu'elle
ait un objet qu'elle règle, de sorte que la formation de l'objet
comme tel ne soit pas réglée par elle. Ainsi à chaque règle l'objet
échappe (v. note 23).
Toujours on a tenté d'éviter cette possibilité 4i) et c'est juste-
38)nbsp;V. sur la validité du droit: Husserl 8, Gischler 29, Jellinek 304. Comp.
Goldschmidt 151.
39)nbsp;V. Gruys 191.
40)nbsp;Comp. le Fur II 5.
41)nbsp;Surtout par le désaccoord entre lidée de la justice de ceux qui appli-
quent le droit et de ceux qui le formulaient {§ 10).
ment l'idée de la justice qui changeait maintes fois la réglera)
afin d'approcher l'objet aussi près que possible.
Si l'on partait de la conception étroite que le droit codifié était
la règle unique, la distance entre la règle et son objet était si
grande qu'on imaginait toutes sortes de méthodes pour rappro-
cher, l'objet de la règle.
D'autre part, aussitôt qu'on eîit reconnu que la relation règle-
objet était une relation de forme et que leur contenu était variable,
on put plus aisément réaliser la justice, en variant les règles et
les objets selon le besoin.
Nous ne traiterons pas ce problème dans sa totalité, mais nous
nous bornerons à quelques remarques qui rendent plus claire la
notion de la distinction du fait et du droit. C'est pour cela que
nous examinerons, comment dans chaque pays traité dans la
première partie la cour suprême a conçu son fonctionnement et
son but.
§ 12. Si, dans la conception du droit qui tient compte d'élé-
ments dynamiques, la règle est rapprochée du fait en élargissant
la notion de la règle, dans la conception statique, celle selon
laquelle le droit a un contenu fixe une fois pour toutes, la notion
du fait a été étendue afin de la rapprocher de la norme.
La pratique française a, dès le commencement de la période
de codification adopté cette dernière méthode. D'abord la Cour
de Cassation a élargi son contrôle par sa théorie du ,,les con-
„tractusquot;43) qui renferme que la volonté des contractants, législa-
teurs déléguées par la permission de la loi (v. art. 1134 C.c.),
créent une règle de droit à laquelle les deux parties sont
liées et qui peut être examinée par le juge suprême. Par ce
raisonnement la Cour de Cassation pouvait contrôler une caté-
gorie importante de phénomènes qui autrement serait exclue de
42)nbsp;Comp, dans ce rapport de Kanter '16: „De scheiding wat in cassatie
„al of niet onderzocht kan worden loopt langs en door de scheiding
„recht-feitquot;.
43)nbsp;V. en général: Charmont 74 e.s., Lavaux 21 e.s. Dalloz Nos. 1567
e.s.. Faye 186 e.s. Chénon Or. 156 e.s. Mattelin 218, Dereux 74 e.s.,
Gounot 2 e.s„ Marty 111, 145/146, 299 e.s.
son contrôle. Hélas, cette théorie était, sous l'influence de Merlin,
respetée par l'arrêt des chambres réunis du 2 février 1808.
Dorénavant la cour suprême devait se hmiter strictement à la
défense des normes légales 44) jusqu'à ce qu'après 1870 elle
adopta la théorie de la dénaturation des contrats 45). „On com-
„prend aisément à quelle sentiment a obéi la Cour de Cassation
„en entrant dans cette voie: c'est manifestement à une révolte
„de conscience en présence de décisions rendues contrairement
„à ce qui lui apparaissait comme l'évidence mêmequot; 46). Elle a
lieu si „les juges, sous prétexte d'interpréter des clauses qui
„paraissent claires et précises, leur ont attribué sans motifs un
„sens qui les dénaturequot;; la cour admet alors „qu'il y a violation
„de l'article 1134, tout comme s'ils (les tribunaux inférieurs)
„avaient refait le contrat de leur propre autorité ou s'ils avaient
„refusé de l'apphquerquot; 47).
La compétence de la cour suprême a été agrandie considéra-
blement par cette conception. Une partie importante des actes
privés, une matière sur le terrain de laquelle partout le contrôle
de la cour suprême est demandé et contesté, en même temps 48),
a pu être contrôlée par cette jurisprudence.
Pourtant la Cour de Cassation n'est pas une troisième instance
et ne peut pas corriger le mal jugé 49) 50). elle se permet par le
44)nbsp;L'explication de Gény Méth. I 23 est que les auteurs du code n'étaient
pas d'avis que la loi était la seule source du droit mais que la généra-
tion suivante se plaçait au point de vue absolument légiste.
45)nbsp;Marty le Paye 188 e.s. Au 18ième siècle elle avait été défendue par
Joly de Pleury: Gazier col. 6 (Gass. 3 mai 1911 D. 1913. 1. 453)
Comp. Talamon pass.
46)nbsp;Paye 199.
47)nbsp;Marty 169.
48)nbsp;Gounot 198, Eiereux pass. Le dernier veut étendre d'avantage le con-
trôle de la C. de C. considérant l'interprétation comme „l'application
„à un fait constant des articles généraux interprétatifsquot;.
49)nbsp;Paye 165, Chénon Or. 134, Dalloz No. 1304, Henrion de Pansey
11 220, Barb 69 (citant l'avis du Conseil d'Etat du 18 janvier 1806:
Sirey 11. 1, Merlin II 1, 360. Déjà l'ordonnance de 1667 tit. XXX'V
art. 32 et 42 prescrivait: „que les arrêts ne pourront être rétractés sous
„prétexte du mal jugé au fondquot; (cité par Plammermont 749).
50)nbsp;Néanmoins il y a des auteurs qui veulent transformer la C.d.C. en
une cour d'appel générale, Renard II 355..
moyen de „défaut de motifsquot; „de développer indirectement son
„contrôle sur la constatation des faits pour que puisse s'exercer
„le droit de regard qui appartient à la cour sur la qualification
„légale et l'application de la loiquot; 51)52).
§ 13. La solution anglaise est tout à fait différente parce
qu'on n'y connait pas la conception dogmatique de la loi 53).
Elle est déterminée par le système des précédents qui régit
l'administration de la justice (H VI § 2). Selon elle la règle
n'est complète que dans son application et la fonction du juge
est censée être législative parce que ,,le législateur véritable
„est celui qui a le pouvoir d'interpréter la loi (règle) et non celui
„qui la formulait pour la première foisquot; 54).
Il faut reconnaître que le système du case-law mène à l'opinion
que ce ne sont que les jugements qui forment le droit. C'est pour
cela qu'on a dit que ,,les tribunaux seulement font vivre les paroles
„mortes des statutsquot; 54a).
Comme dans le système des précédents les jugements rendus
sont normatifs pour les cas futurs, on considère ceux-là comme la
formulation principale du droit. Alors le droit n'est pas une règle
51)nbsp;Marty 277 e.s. Elle est basée sur l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810.
V. ii V § 8 note 56.
52)nbsp;Le Conseil d'Etat a également une conception opportuniste de sa tâche
par son interurétation extensive de l'excès de pouvoir: de Font-Réaulx
188 e.s., Paulme 158 e.s., Garsonnet 681 e.s.
53)nbsp;La distinction du fait et du droit se pose sous la forme du rapport
entre le jury et le juge (ad questionem facti non respondent indices,
ad questionem iuris non respondent iuratores): Holdsworth I 298 e.s..
Me. Ilwain 176, quot;Vinogradoff 7/8, Thayer 183 e.s., Markby 311 e.s.,
A.H.R. 1912/1914. Gordon (O.M.) „The Relation of facts to Juris-
dictionquot;. Law Quarterly Review XLV (1929). Comp. pour le Jury
français Garraud III 495, IV 4 e.s., 185 e.s., Roguin 117. Cosman
459, e.s.
54)nbsp;Hobbes II 26, Hewart 43 e.s. Thayer H.L.R. 172 e.s., Harrison 48
e.s. V. Gray 170: „Who ever hath an absolute power to interprete
„any written or spoken laws, it is he who is truly the lawgiver and
„not the person who first wrote or spoke themquot;.
54a) Gray 125.
-ocr page 167-abstraite, mais il est incorporé dans les considérations du jugement
qui peut être executé avec le pouvoir de l'état.
Les conséquences extrêmes de ce principe selon lequel le droit
n'existe que dans la possibilité de sa réalisation parce que justement
son contenu est identique aux jugements exécutables, sont tirées
par Austin: selon lui l'antithèse entre le souverain et le sujet est
absolue de sorte que chaque loi est un commandement qui oblige le
sujet par la puissance du souverain et que d'autre part chaque règle
de conduite qui ne peut pas être renforcée par la force de l'état
est inexistante du point de vue juridique 54b).
Néanmoins quoique la distinction du fait et du droit soit rem-
placée par leur transition graduelle causée par la formation du droit
par les jugements, les deux cours suprêmes limitent leur contrôle
dans un certain sens. La Chambre des Lords ne permet pas en
général que des preuves nouvelles lui soient soumises 55) et en ce
qui concerne les appels criminels elle ne les admet que si r„Attorney
„Generalquot; déclare qu'un ,,point of law of exceptional interest is
„involvedquot; et important en même temps pour la cause 56).
Quant au Conseil privé il évite également de réexaminer les
procès coloniaux ou ceux des „dominionsquot; si ce n'est à cause de
problèmes de droit fondamentaux 57).
§ 14. En Allemagne nous avons déjà vu (§ 9 B de ce cha-
54b) Austin 16: A law properly so called is therefore a command which
obliges a person...... generally to acts or forbearances of a class: Id. 72:
Customary laws are positive laws fashioned by judicial legislation upon
preexisting customs; Id. 82: Every positive law is set by a sovereign
body of persons to a member or members of the independent political
society wherein that person or body is sovereign or supreme.
55)nbsp;Rhein. Zeit. 154 e.s. Hale 152, Palmer 8. Comp. ii IV n. 21.
56)nbsp;Criminal Appeal Act 1907; Halsbury IX 19 e.s. Holdsworth I 390 e.s.
57)nbsp;Holdsworth I 523 e.s.; [1889] 14 A-C 662, en ce qui concerne les
procès civils et [1887] 12 A-C 467 en ce qui concerne les procès pénaux.
Me. Pherson 70 et 152; Jamais le conseil privé ne tentera à „disturb
„the sentence unless they find a mistake either in law or in fact,
„either error in principal or a mistake as to fact in applying a
„right principlequot;.
pitre) que la cour suprême a la tendance de devenir une troisième
instance.
Là aussi on se dispute sur le pouvoir de contrôle de la cour
suprême sur l'interprétation des actes privés 58). La confusion est
encore agrandie par le fait que la Cour Impériale elle-même 59)
n'est pas unanime mais que quelques sénats sont partisans d'un
contrôle plus étendu que d'autres 60 ).
Dans ce rapport la théorie des grades (H I § 4 B) donne
une solution remarquable ).
Chaque „faitquot; d'un grade devient „normequot; pour le grade in-
férieur. La loi forme l'objet (le fait) pour le grade de la loi fon-
damentale selon laquelle la loi est formée mais en même temps
cette même loi est norme dans son propre grade en tant qu'elle
conditionne les arrêtés ministériels ou les contrats particuliers qui
ont leur base en elle 62).
§ 15. La juridiction suprême des Pays-Bas s'est inspirée prin-
cipalement de celle de la France. Sous l'influence belge elle en
était presque une copie littérale mais après la révolte de 1830 elle
fut (1835) plus transformée selon les lignes traditionnelles, de sorte
que la chambre des requêtes et le système des renvois furent
58)nbsp;Danz Ausl. pass., Leonhard 141 e.s., Bolze 415 e.s. 25 J.R.G. 172 e.s.,
Rosenberg 494 e.s. sont partisans de la „revisibilitéquot;, Petersen 281 e.s.,
Fischer Jh. 313 e.s., Du Chesne 37 e.s. en sont des adversaires.
59)nbsp;Elle ne s'est jamais prononcé fondamentalement sur la distinction du
fait et du droit: R.G. praxis VI 213 e.s.
60)nbsp;25 J.R.G. I.e.
61)nbsp;Par ex. R.G. Praxis I 122: „Das Recht ist zwar logische Voraus-
„setzung seiner Anwendung jedoch ist auch umgekehrt Recht ohne
„Rechtsanwendung nicht möglichquot;.
62)nbsp;Kelsen 249: Die Abfolge der Rechtsserzeugungsstufen von der Grund-
norm über die Verfassung im positivrechtlichen Sinne, die Gesetze,
Verordnungen und individuellen Rechtsakte charakterisiert sich durch
einen eigentümlichen Parallelismus von Seinstatbestand und Norm......
Was gegenüber der höheren Stufe Tatbestand ist erscheint gegenüber
der niederen als Norm. Comp. Kleinfeller 202.
abolis 63). L'assimilation à l'appel était raffermie par la loi du
27 juin 1876 qui supprimait de nouveau des mesures empruntées
à la practique française 64).
Le système de la cassation a été critiqué maintes fois 65) et le
gouvernement a parfois tenté de le remplacer par un appel général
mais jusqu'à présent il s'est maintenu 65a).
En somme le Haut Conseil a une tâche analogue à celle de la
Cour de Cassation et doit en principe réprimer surtout la violation
de la loi 66): pour élargir sa juridiction elle fait la même distinction
entre les actes clairs et obscurs pour fonder son contrôlées).
§ 16. Que ces remarques disparates «s ) suffisent à montrer
quelle est la position de la cour suprême envers la distinction du
fait et du droit. Pour la déterminer il serait vain de délimiter le
63)nbsp;Briefwisseling Meyer/Tydeman 457: ..Zij (H.R.) is meer overeenkomstig
„met de gewoonten en gebruiken der onderscheiden Nederlandsche
..provinciën en zij neemt de groote zwarigheid, die der in het oneindig
..voortloopende cassatiën, weg zonder aan de eenheid des regts en
quot;de gelijke toepassing der wetten in het geheele rijk te kort te doenquot;.
Comp. Faure I 84 e.s.: „Bij ons is de cassatie...... in een derde
„instantie ontaard door de aan den rechter in cassatie opgedragen
',!uitspraak over de hoofdzaak en door de schorsende kracht van het
,',middelquot;. V. au contraire la définition française dans Jaarboeken
Fransche regt (1812)20.
64)nbsp;Faure V 238 e.s.
65)nbsp;H.N.J.V. 1870 et 1909, Friedreich pass.
65a) V. en général Friedreich pass. opp. Gönner, Über die Nothwendigkeit
eines beständigen Collegiums für die Gesetzgebung (1809). Le premier
est un partisan ardent d'une cour d'appel unique générale.
66)nbsp;V. Praag (R.M. 1925) 15. V. en général de Kanter 17.
67)nbsp;„Sur l'interprétation des contrats v. par ex. les études de Houwing.
Jansma, v. Praag (Themis 1925), 'Witteman. V. sur cette distinction
fautive'Gray 1 pass. Comp, sur la jurisprudence du Haut Conceil:
Léon R.O. IL
68)nbsp;Suite non-seulement de notre incompétence mais aussi du fait que sur
beaucoup de matières relatives à notre sujet, il y existe d'excellents
livres que nous n'avons pas jugé bien de copier totalement. V. la
bibliographie.
fait du droit par une définition matérielle 09) du premier, mais
d'autre part elle n'est pas ,,impossible à maintenirquot;'''O).
Si l'on se place en dehors de l'ordre de droit comme un historien
qui fait des recherches sur une période lointaine, tous les phéno-
mènes sont des faits, mais aussitôt qu'on se sent membre de l'ordre
de droit, des catégories déterminées de faits obtiennent une force
normative i'^) parce qu'on les apprécie comme telles.
Or, c'est la fonction de la cour suprême d'être l'exposant de cette
appréciation. Son fonctionnement est compliqué par le désaccord
entre son but et les moyens de l'atteindre; les derniers étant fixés
pour un certain temps ne peuvent pas se développer de front avec
les changements de son but (v. § 10). De là naît une certaine
tension qu'on peut désigner par la tendance de la cour suprême
d'étendre son activité à la quaestio facti à la condition qu'on
entende par la dernière la totalité des phénomènes qui du moment
de la fixation de l'objet de contrôle n'y étaient pas inclus.
Quelque dynamique que nous considérions la relation entre le
fait et le droit, en dernière instance une définition exclusivement
formelle comme celle de la théorie des grades (§ 14) ne nous
satisfait pas'^^) parce que la formation des règles de droit est
seulement logique jusqu'à un certain point
Comme la théorie d'Austin elle ne détermine pas suffisamment
la relation entre le droit comme abstraction et le droit comme
69)nbsp;Par ex. Holland 107: ,,transient cause of sensation. V. Thayer 191,
Watt 24 e.s., Lorimer 212: ,,The fact of being involves the right to bequot;.
Sauer 413: „konkrete Lebenserscheinung die juristisch verarbeitet ins-
„besondere rechtlich gewürdigt werden sollquot;, de Bosch Kemper III 338
e.s.: „de aanwezigheid van een in de wet genoemde omstandigheidquot; ou
bien „alles wat betrekking heeft tot de vraag wat heeft plaats gegrepenquot;.
La distinction de droit romain de lus et iudicium n'a rien à faire avec
celle du fait et du droit: Marty 29, de la Grasserie 8, Calamandrei I
30/32 opp. Cournot II 160 e.s.
70)nbsp;Marty 350.
71)nbsp;Jellinek 370 e.s.. Stoop 242.
72)nbsp;Calamandrei (Rhein. Zeit.) 266, de Kanter 17.
73)nbsp;Par la nous ne contredisons pas ce qu'il a été dit dans le § 7.
74)nbsp;Moor 189 e.s.
-ocr page 171-réalisation. Oubliant que ces deux aspects sont inséparables elle ne
tient compte que de l'un et néglige les conditions de l'autre.
Les deux théories sont exactes quand d'une part il est dit
que chaque norme peut être un fait (comp. § 7) et que d'autre
part, quand on se place à un point de vue purement scientifique,
chaque norme est seulement une norme véritable si elle peut être
réalisée.
Mais la faute de l'une est qu'elle construit avec cette notion de
la mutabilité réciproque de fait et de droit une hiérarchie ration-
nelle dont le sommet est la norme quasi-fondamentale tandis que
dans la concrétisation des faits juxtaposés peuvent aussi bien
devenir des normes que des faits subordonnés.
L'autre théorie accentue trop la force comme l'élément du droit
parce que la conformation des faits au droit s'opère généralement
volontairement; toute vie sociale serait autrement impossible 75).
Par ces remarques la tache de la cour suprême est esquissée. Elle
doit chercher le compromis entre le droit comme abstraction de
justice absolue dans sa concrétisation 76), d'un côté tenant compte
du sentiment et de l'esprit du peuple qui sont déterminés par des
facteurs a-rationnels 77) et de l'autre côté maintenant le droit par
la force de l'unité sans laquelle le droit resterait sans sanction.
75)nbsp;Hora Siccama (Themis 1933) 334. Chaque jugement est à la fois
rationnel (logique) quant à sa forme et a-rationnel (appréciatif) quant
à son contenu.
76)nbsp;Rousseau 16: .,Le plus fort n'est jamais assez fort pour être toujours
„le maître s'il ne transforme sa force en droit et l'obéissance en „devoir.quot;
77)nbsp;Comp. Rouast 157 e.s.
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espacé(s) de la bibliographie alphabétique y ajoutant (le tome) et le(s)
page (s).
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R.O. .= Wet op de Regterlijke Organisatie.
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en het Ressort der Generaliteit kortelyk is begrepen. Vier-
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—'57. 2 dln.
V. Zutphen: (Bernard) Practyk der Nederlandsche Rechten.
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1.nbsp;Le sujet de l'étude présente..................'
3.nbsp;Justification de la méthode adoptée............3
4.nbsp;Exclusion de la comparaison de jurisprudence ...nbsp;4
5.nbsp;Les difficultés de la méthode historique..........5
6.nbsp;L'emploi des mots et leur signification............3
La valeur du droit comparé..................7
Exclusion du droit des gens..................®
O
Le caractère de l'ouvrage..........
PARTIE HISTORIQUE.
CHAPITRE I: Le problème en France.nbsp;9
§ 1. Précision de l'objet de l'examen................9
§ 2. L'organisation primitive..........
§ 3. Les premières traces de la cour du roi......11
§ 4. La composition du conseil..........'2
§ 5. L'établissement du Parlement de Paris..........13
8 6 Les ordonnances du Hième siècle..............14
§ 7. Les conflits entre le Parlement et le Conseil ...nbsp;14
§ 8. La procédure du Conseil....................15
§ 9. La différenciation des voies de recours..........17
8 10 Le démembrement du conseil..........18
§ 11. Le développement du conseil pendant le 17ième et le
18ième siècle ,...............
L'influence révolutionnaire.........21
§ 12.
CHAPITRE II: Le problème en Angleterre.nbsp;23
1.nbsp;La période anglo-saxonne..........23
2.nbsp;Le witenagemot.............23
§ 7.
§ 8.
§ 9.
§ 3. Les conséquences de la conquête normande . .nbsp;25
§ 4. Le changement dans la composition du conseil . .nbsp;26
§ 5. La position du souverain..........27
§ 6. La compétence du conseil..........28
§ 7. Son démembrement............29
§ 8. Les maîtres des requêtes..........29
§ 9. La séparation du Conseil et du Parlement ....nbsp;30
§ 10. La séparation de la Chambre des Lords et de la
Chambre des Communes..........31
§ 11. L'élément professionnel de la Chambre des Lords . .nbsp;32
§ 12. Son renouvellement au 19ième siècle......33
§ 13. L'évolution du conseil privé.........34
CHAPITRE III: Le problème en Allemagne.nbsp;36
§ 1. Les organes de la juridiction souveraine.....36
§ 2. La réception du droit romain.........37
§ 4. La composition de la cour royale et de ses avantages.nbsp;38
§ 5. Le démembrement de la cour au quinzième siècle . .nbsp;39
§ 7. La fondation de la cour aulique impériale ....nbsp;42
§ 8. Son organisation et sa compétence.......44
§ 9. L'histoire de la cour aulique impériale jusqu'à sa dis-
solution ................45
§ 10. L'histoire du conseil curial.........47
§ 11. L'évolution au 19ième siècle.........48
§ 12. Suite.................49
CHAPITRE IV: Le problème dans les Pays-Bas.nbsp;51
§ 1. Les facteurs spéciaux de son développement ...nbsp;51
§ 2. La délimitation du problème.........52
§ 3. La cour comtale de Hollande.........,52
§ 4. Son démembrement............53
§ 5. L'origine du Grand Conseil.........55
§ 6. Suite...................
§ 7. L'institution du Haut Conseil........57
-ocr page 215-§ 8. Les relations entre la Hollande et la Zélande ...nbsp;59
§ 9. La compétence du Haut Conseil.......60
§ 10. La juridiction suprême pendant la période intermé-
diaire .................62
§ 11. Suite.................63
§ 12. L'institution du Haut Conseil des Pays-Bas ....nbsp;64
§ 13. Suite.................65
§ 14. L'évolution au 19ième siècle.........66
CHAPITRE V: Conclusions.nbsp;68
§ 1. Explications préliminaires..........68
§ 3. L'évolution de l'appel...........69
§ 4. Les changements dans la position du souverain . .nbsp;70
§ 5. La compétence de la cour centrale............71
§ 6. Les causes de son extension.........72
§ 7. Son recrutement.............73
§ 8. Le développement du conseil.........75
§ 9. Son démembrement............76
§ 10. Les raisons spéciales de la divergence dans les pays
§ 11. Conclusions..............79
PARTIE DOGMATIQUE.
§ 1. Préliminaires..............81
§ 2. La concrétisation du droit..........82
§ 3. La fonction unifiante de la juridiction suprême . .nbsp;83
§ 4. Exemples historiques...........83
§ 6. La fonction du souverain..........85
§ 8. Conséquences tirées de l'histoire.......87
§ 9. Conclusion...............88
-ocr page 216-SECTION I: LA PROTECTRICE DE LA JUSTICE.
CHAPITRE I: La juridiction d'instance.nbsp;90
§ L La notion de la juridiction d'instance......90
6 2. Ses fonctions..............^^
§ 3. Leur énumeration.............
A.nbsp;Instance suprême administrative......92
B.nbsp;Forum privilegiatum..........92
C.nbsp;Tribunal de crimes commis par les hauts foncti-
onnaires d'état .......,.....92
D.nbsp;Tribunal des pairs...........93
E.nbsp;Examination des projets de loi......94
F.nbsp;„Jurisdictio voluntariaquot;.........94
G.nbsp;Juge de matières spéciales........94
H.nbsp;Contrôle de la constitutionnalité......94
§ 4. La séparation des pouvoirs.........96
§ 5. L'étendue de la compétence de la cour suprême . . 100
CHAPITRE II: Les moyens de recours.nbsp;101
5 1. Le moyen de recours en général........101
§ 2. Suite.................'02
§ 3. Rétractation et réformation.........103
§ 4. Les moyens de recours invoqués auprès du même
tribunal: a. la correction informelle d'erreurs éviden-
tes, b. la réaudition, c. la récusation, d. la requête
civile, e. la révision.
§ 5. La hiérarchie des tribunaux.........105
§ 6. Les moyens de recours invoqués devant un autre
tribunal: a. l'appel, b. la „reductiequot;, c. la „reformatiequot;,
d. les moyens restrictifs, e. la querela nullitatis. f. le
déni de justice.............
CHAPITRE III: Le recrutement de la cour suprême. 108
§ 1. Sa permanence.............'0®
§ 2. Son siège...............'09
§ 3. Ses juges...............'09
-ocr page 217-CHAPITRE IV: Les moyens de réaliser la justice.
§nbsp;Lnbsp;La norme supérieure comme pierre de touche . .
§nbsp;2. Le contenu de la norme supérieure......
§nbsp;3. La relation entre le droit et la loi......
§nbsp;4. Suite................
§nbsp;5. La coutume..............
§nbsp;6. La réexamination...........
SECTION II: LA DEFENDERESSE DE L'UNITE
DE DROIT.
CHAPITRE V: Le maintien de l'unité.nbsp;1 17
§nbsp;L La notion d'unité.............quot; ^
§nbsp;2. Le maintien de l'unité ...........quot; ®
§nbsp;3. En ce qui concerne le droit des gens......119
§nbsp;4. La connexité de l'unité avec la justice......119
§nbsp;5.nbsp;Aperçu historique français sur la question ....nbsp;1 20
§nbsp;6. Celui de l'Angleterre...........'22
§nbsp;7. Celui de l'Allemagne...........'23
§nbsp;8. Celui des Pays-Bas............'24
CHAPITRE VI: Les méthodes de maintien de l'unité. 1 25
§ L Etendue du maintien de l'unité: A. Remarques géné-
rales; B. Limitations spéciales: 1. limitation territoriale,
2. difformité de jugements, 3. des matières spéciales,
4. summa appellabilis, 5. triage préalable, 6. certificat
professionnel..............'25
§ 2. Conservation de la conformité des jugements: con-
trôle par une instance suprême ou le système des
précédents ...............' ^^
§ 3. L'unité de jurisprudence..........'31
§ 4. Méthode d'éviter les revirements de la cour suprêmenbsp;1 32
§ 5. La pluralité des opinions dans la cour suprême . .nbsp;133
8 6. Le renvoi...............
Page
111
111
111
112
113
114
115
§ 7. Les manières d'invoquer la juridiction suprême; son
§ 8. Les conditions de l'invocation........138
CHAPITRE VII: Analyse du contrôle de la cour
§ 1. La notion du contrôle...........140
§ 2. L'objet de contrôle de la cour suprême.....141
§ 3. Le contrôle extérieur...........142
§ 4. Les erreurs dans le syllogisme: a. le maior , . . .nbsp;142
§ 5. b. le minor . ..............144
§ 6. c. la conclusion.............145
§ 7. La distinction du fait et du droit........145
§ 8. Son étendue..............147
§ 9. A. La Cour de Cassation comme recours dans l'inté-
rêt public, B. La Cour Impériale comme troisième
instance.............. • •nbsp;148
§ 10. Le compromis de la cour suprême.......150
§11. La réalisation des buts de la cour suprême en généralnbsp;1 51
§ 12. La réalisation française..........152
§ 13. La réalisation anglaise..........154
§ 14. La réalisation allemande..........155
§ 15. La réalisation hollandaise..........156
§ 16. La tâche de la cour suprême.........157
Bibliographie..............160
Table des matières............
-ocr page 219-STELLINGEN.
I.
Bij een door een meerdere aan een mindere in concreto onbe-
voegdelijk gegeven dienstbevel valt voor den mindere de gehoor-
zaamheidsplicht weg.
II.
Een door de Kroon aangewezen gewezen opperofficier is niet
bevoegd kennis te nemen van en te beslissen op het beklag over
eene krijgstuchtelijke straf als bedoeld in artikel 61 der Wet op de
Krijgstucht.
III.
De vergelijkende rechtsstudie verheldert niet alleen de ontwik-
keling van het eigen recht, doch schept ook de mogelijkheid eener
internationale rechtsunificatie.
IV.
Het door Kelsen noodzakelijk geachte ,.Primat der Völkerrechts-
ordnungquot; voor de bestaanbaarheid van het volkenrecht is onjuist.
V.
Art. 48 Rv. stelt den rechter tot volledige verwerkelijking der
rechtsorde in staat.
VI.
Met „verjaartquot; in art. 113 B. W. is bedoeld ,.vervaltquot;.
VII.
De commanditaire vennoot, die art. 20 lid 1 en 2 K. overtreedt,
is hoofdelijk voor het geheel aansprakelijk voor de schulden en
verbintenissen van de vennootschap, ook voor het tijdstip der
overtreding ontstaan.
Bij toepassing van art. 55 Sr. moet dit artikel in het vonnis
worden aangehaald.
IX.
Voor strafbaarheid wegens de omkooping, genoemd in art. 126
lid 1 Sr. is noodig, dat het door den omkooper gewilde gevolg, dat
de kiezer hetzij niet, hetzij op de door den omkooper gewilde wijze
zijn kiesrecht uitoefent, zij ingetreden.
X.
Art. 153 G. W. hd 2 is overbodig; in elk geval had dit voor-
schrift in Hoofdstuk VIII een plaats moeten vinden.
XI.
Ten onrechte neemt men aan, dat de actio exercitoria oorspron-
kelijk zou zijn verleend voor het geval, dat de schipper een filius
familias of een slaaf van den reeder was.
XII.
De tegenwoordige centrale bestuursorganen zijn afsphtsingen
van den middeleeuwschen landsheerlijken raad.
XIII.
De omstandigheid dat naturalisatie een rechtsgrond is, doet uit-
komen, dat de scheiding recht-feit slechts een formeele onder-
scheiding is.
XIV.
Het verdiende aanbeveling de 8ste afdeehng van den Vlen Titel
van het derde boek van het W. v. B. Rv. aan te vullen met de niet
overgenomen bepalingen der prise a partie van de C. d. pr. c.
XV.
Het is niet juist van de „graan-cornerquot; van 1917 te spreken.
-ocr page 221-De avalist voor den betrokkene waarborgt de betaling, ook al
heeft de betrokkene niet geaccepteerd.
XVII.
De verwachter van een fideicommis de residuo moet bij den
dood van den bezwaarden erfgenaam (legataris) bewijzen, hetgeen
van de (het) bezwaarde erfenis (legaat) is overgebleven.
XVIII.
Zoowel de leer, die de verhouding van het eigendomsrecht tot
de overiqe zakelijke rechten karakteriseert als van een geheel tot
zijn deelen, als ook die, volgens welke elk ander zakelijk recht rust
op dat van den eigendom, zijn hoogstens rechtstheoretisch met
rechtshistorisch verantwoord.
XIX.
Bij verkoop krachtens art. 1223 B. W.. kan de hypothecaire
crediteur, die het beding van art. 1230 B. W. gemaakt heeft vol-
staan met een kennisgeving aan den huurder zoo in strijd met
laatstgenoemd artikel door den eigenaar is verhuurd en met de
opneming van een desbetreffende clausule in de verkoopsvoor-
waarden.
XX.
De formuleering van het gezagsprobleem in Rom. 13 : 1 e. v.
sluit niet uit de mogelijkheid van verzet tegen een overheid, die de
gewetensvrijheid schendt.
Bij toepassing van art. 55 Sr. moet dit artikel in het vonnis
worden aangehaald.
IX.
Voor strafbaarheid wegens de omkooping, genoemd in art. 126
lid 1 Sr. is noodig, dat het door den omkooper gewilde gevolg, dat
de kiezer hetzij niet, hetzij op de door den omkooper gewilde wijze
zijn kiesrecht uitoefent, zij ingetreden.
X.
Art. 153 G. W. lid 2 is overbodig; in elk geval had dit voor-
schrift in Hoofdstuk VIII een plaats moeten vinden.
XI.
Ten onrechte neemt men aan, dat de actio exercitoria oorspron-
kelijk zou zijn verleend voor het geval, dat de schipper een filius
familias of een slaaf van den reeder was.
XII.
De tegenwoordige centrale bestuursorganen zijn afsplitsingen
van den middeleeuwschen landsheerlijken raad.
XIII.
De omstandigheid dat naturalisatie een rechtsgrond is, doet uit-
komen, dat de scheiding recht-feit slechts een formeele onder-
scheiding is.
XIV.
Het verdiende aanbeveling de 8ste afdeehng van den Vlen Titel
van het derde boek van het W. v. B. Rv. aan te vullen met de niet
overgenomen bepalingen der prise a partie van de C. d. pr. c.
XV.
Het is niet juist van de ,,graan-cornerquot; van 1917 te spreken.
-ocr page 223-De avalist voor den betrokkene waarborgt de betaling, ook al
heeft de betrokkene niet geaccepteerd.
XVII.
De verwachter van een fideicommis de residuo moet bij den
dood van den bezwaarden erfgenaam (legataris) bewijzen, hetgeen
van de (het) bezwaarde erfenis (legaat) is overgebleven.
XVIII.
Zoowel de leer, die de verhouding van het eigendomsrecht tot
de overige zakelijke rechten karakteriseert als van een geheel tot
zijn deelen, als ook die, volgens welke elk ander zakelijk recht rust
op dat van den eigendom, zijn hoogstens rechtstheoretisch niet
rechtshistorisch verantwoord.
XIX.
Bij verkoop krachtens art. 1223 B. W., kan de hypothecaire
crediteur, die het beding van art. 1230 B. W. gemaakt heeft, vol-
staan met een kennisgeving aan den huurder zoo in strijd met
laatstgenoemd artikel door den eigenaar is verhuurd en met de
opneming van een desbetreffende clausule in de verkoopsvoor-
waarden.
XX.
De formuleering van het gezagsprobleem in Rom. 13 : 1
sluit niet uit de mogelijkheid van verzet tegen een overheid, die de
gewetensvrijheid schendt.
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