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LE CHEVAL & L'AMAZONE.
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BRUXELLES. — TYP. DE Ve PARE1VT El FILS,
Montagne de Sion, 17.
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LE CHEVAL ET L'AMAZONE .
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LE PAS .
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LE CHEVAL
L'AMAZONE
TRAITÉ COMPLET
DE L'EQUITATION DES DAMES
PAR
E J.STIRLING-CLARKE
OUVRAGE ILLUSTRÉ DE QUATRE MAGNIFIQUES PLANCHES COLORIÉES
PARIS
BRUXELLES
V PARENT & FILS, ÉDITEURS,
17, montagne de Sion.
AUGUSTE GOIN, EDITEUR,
82, rue des Fcoles.
LEIPZIG
CH. MUQUARDT, ÉDITEUR
1861
TOïs DKOITS EÎSfiSTÊS
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LE CHEVAL TT L'AMAZONE
. .
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LE DEPART
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PREFACE.
Fair readers, and genlle critics. In launching this little
bark on the wide océan of censure and of praise, I crave
your attention for a few moments, whilst I explain the
motives that hâve urged me o.n, so..bold a venture. It is
not, believe me, that I ôoûrt-pubHeity as an authoress; my
vanity largely as I may possess my sex 's shar'e, can never
lead me to hope for such an envied désignation from thèse
unpretending pages; much less would I hâve it supposed
that, a désire to trench upon ground hitherlo trodden by the
more privileged sex, or the presumption of offering any
suggestion for their enlightenment, has brought me thus
h,                                                                                                          1
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prominently before you. But, as a woman, I write exclu-
sively for the guidance of my own sex, well knowing the
vast importance to the fair novice of a manual which briugs
her acquainted with that equal pride of prince and peasant
—  the horse —■ and with the fascinating and élégant science
which teaches how to guide and govern him, and how to
guide and govern herself with respect to this noble créa-
ture.
Would that the subject were in abler hands; still, in default
of choicer diction, and a more intimate acquaintance with
the rules of authorship, I offer them, in plain and simple,
phrase, the jottings of many a leisure hour, and the results
of the long and careful study of an art, which has ever been
to me an object of attention and delight.
It is constantly remarked that, although many books hâve
been published which successfully impart a knowledge of
riding to gentlemen, not one has appeared that can be regar-
ded as a sufficiently comprehensive treatise for ladies, who
are desirous of perfecting themselves in an accomplishment
so peculiarly requiring, in their case, advice and instruction ;
—   more especially, for those fair equestrians, who, by
distance or otherwise, are deprived of the assistance of
qualified professional teachers, or of that of friends or rela-
tives compétent .to act as their instructors. The acknow-
ledged necessity, yet absence of such a guide, — the constant
solicitation fort hints upon the subject, — the unconscious
awkwardness, and want of ease and confidence, painfully
exhibiting itself in but too many fair riders of the présent
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day, combined with Iheîr gênerai ignorance of the equestrian
« Savoir faire » — and the long urged wishes of a large
circle of friends and acquaintances, — are the inducements
that hâve tempted me to put forth in their présent form the
gatherings of my own expérience.
By some persons, it may perhaps be objected that, practice
alone teaches to ride, and that, in an art like this, élaborâtes
rules are uncalled for; by others also that, many of the
principles hère laid down are too generally known to need
répétition; yet if artificial measures of motion, and the imita-
tion of a good carriage mend even our manner of walking,
which nature lias taught, and constant practice has at times im-
proved, why should riding, which cerlainly is still more of an
art, be supposed to be easily and sufficiently attained without
the assistance of well authenticated rules? Daily expérience
proclaims the contrary. Do we not continually see ladies who
présent a good figure while standing on the ground, appea-
ring on horseback helpless and awkward? And, in answer
to thèse precepts being generally known, it is enough to
observe how far they are from being practised, and how
small is the community of fecling and intelligence found to
exist between riders and their horses, to justify their being
reproduced ; with, it is hoped, not the less impressiveness,
for the form they hâve assumed in the hands of one who is
of the same sex as are they to whom this work is addressed.
If I shall hâve satisfactorily explained the motives for
intruding myself on your attention, your favourite judgment
will assuredly go with my little bark in its onward course,
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and your sanction and approval be respectively the sunsliine
and the breeze that gallanlly light and waft her into the
dcsired haven — of success.
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PRÉFACE.
Belles Lectrices et Critiques indulgents,
En lançant cette petite barque sur le vaste océan de la
censure et de l'éloge, j'implore votre attention pour quelques
instants, afin d'expliquer les motifs qui m'ont poussée à tenter
une entreprise aussi hardie. Ce n'est pas, croyez-moi, que je
recherche la renommée comme auteur ; ma vanité, si large-
ment que je puisse posséder ma part de celle de mon sexe,
ne me fera jamais espérer un titre aussi envié, pour ces
pages sans prétention; je voudrais moins encore que l'on pût
supposer que c'est le désir d'empiéter sur le terrain foulé jus-
B.                                                                                                       %
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qu'ici par un sexe plus privilégié ou la présomption de lui
offrir quelque avis pour son instruction qui m'a portée à me
mettre ainsi en évidence. Mais, comme femme, j'écris exclu-
sivement pour servir de guide à mon propre sexe, connais-
sant bien la grande importance pour la belle novice, d'un
manuel qui lui fasse connaître le cheval, orgueil du prince
comme du cultivateur, et cette science fascinatrice et élégante
qui enseigne à le guider et à le gouverner, ainsi qu'à se gui-
der et à se gouverner soi-même, en ce qui concerne l'emploi
de ce noble animal. Je voudrais que ce sujet fût placé dans
des mains plus habiles ; cependant, à défaut d'une diction plus
choisie et d'une connaissance plus complète des règles de
l'écrivain, j'offre, en phrases courtes et simples, les notes
recueillies dans mes heures de loisir, et les résultats de
l'étude longue et consciencieuse d'un art qui a toujours été
pour moi un sujet d'étude et de plaisir.
On a fait remarquer souvent que, bien qu'un grand nombre
de livres aient été publiés, qui traitent avec succès de l'équi-
tation pour les hommes, il n'en a pas paru un seul qui puisse
être considéré comme suffisamment étendu, pour les dames qui
désirent se perfectionner dans un art qui, pour ces belles
écuyères, exige particulièrement les conseils et les leçons,
surtout si la distance ou d'autres obstacles les privent de
l'assistance de professeurs, d'amis ou de parents capables de
les diriger. La nécessité reconnue et l'absence d'un tel guide,
les sollicitations constantes de conseils sur ce sujet; la gau-
cherie involontaire, le manque d'aisance et de confiance dont
font preuve malheureusement tant de belles amazones de nos
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- H —
jours, ajoutés à l'ignorance générale du « savoir faire »
équestre, et enfin les instances réitérées d'un cercle nom-
breux d'amis et de connaissances, sont les motifs qui m'ont
déterminée a publier sous cette forme les idées récoltées par
ma propre expérience.
Quelques personnes objecteront peut-être que la pratique
seule enseigne à monter à cheval et que, dans un art comme
celui-ci, des règles élaborées sont inutiles; d'autres diront
qu'un grand nombre des principes énumérés ici sont trop
généralement connus pour qu'il soit nécessaire de les répéter ;
cependant si des moyens artificiels de motion, si l'imitation
d'un maintien gracieux peuvent modifier même la manière de
marcher, que la nature nous a enseignée et qu'une pratique
constante a successivement perfectionnée, pourquoi l'équita-
tion, qui est certainement un art, pourrait-elle être si aisément
et si rapidement apprise, sans le secours de règles authenti-
ques? L'expérience quotidienne proclame le contraire. Ne
voyons-nous pas à chaque instant des dames qui offrent un
aspect gracieux quand elles sont à pied, paraître à cheval
impuissantes et gauches? Pour répondre à l'objection de la
connaissance générale de ces principes, il suffit de faire
remarquer combien ils sont loin d'être mis en pratique, et le
peu de communauté de sentiment et d'intelligence que l'on
voit exister entre les cavaliers et leurs chevaux justifie leur
reproduction. J'espère qu'ils n'auront pas moins de force
pour avoir revêtu la forme que leur a donnée la main
d'une personne du même sexe que celles à qui s'adresse cet
ouvrage.
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Si j'ai expliqué d'une manière satisfaisante mes motifs de
réclamer votre attention, votre jugement favorable accompa-
gnera sans doute ma petite barque dans sa course ; et votre
approbation sera le rayon de soleil et la brise qui l'éclaireront
et la guideront vers la terre promise du succès.
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INTRODUCTION.
Au nombre des plus délicieuses productions du goût et de
l'art anciens, on peut compter une statuette représentant
Cupidon monté sur un lion, ce qui nous montre la force et la
majesté de l'amour soumettant la sauvagerie même à son
pouvoir. Quels que soient le charme de l'emblème et la beauté
du dessin qui a été admiré de tout temps, on pourrait se
demander si la gracieuse amazone dirigeant un noble coursier
ne présente pas une image plus belle encore de la force com-
binée avec la grâce.
Ceux qui ont vu quelques-unes des dames réputées les
meilleures écuyères de nos jours passer rapidement au galop
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de leur coursier, reconnaîtront sans doute que jamais la grâce
et la beauté ne brillent avec plus d'éclat que dans la pratique
de ce noble exercice.
Il y a quelques années l'équitation était loin d'être aussi
généralement en faveur parmi les dames; celles qui montaient
à cheval étaient alors l'exception et non la règle, mais aujour-
d'hui la plupart des dames qui appartiennent aux classes éle-
vées ou moyennes de la société mettent l'équitation au nombre
de leurs talents et, qu'elles soient réellement habiles ou
qu'elles s'imaginent l'être, toutes ont l'ambition d'être considé-
rées comme des amazones consommées. Combien peu, cepen-
dant, ont réellement droit à ce titre envié! L'habitude peut
beaucoup et plus encore lorsqu'elle se combine avec les
connaissances théoriques; mais, en thèse générale, l'art de
monter à cheval n'est ni une habitude, ni un instinct.
Avoir l'habitude du cheval, savoir porter l'amazone, sauter
en selle et parcourir au galop une promenade publique, telle
est la somme de talents équestres que possèdent beaucoup de
femmes qui s'imaginent que pour devenir excellente écuyère
et passer pour telle il suffit de prendre des manières mascu-
lines. Mais monter un cheval également bien, à toutes ses
allures ; réprimer ses mouvements d'impatience avec fermeté,
mais avec douceur; le gouverner d'une main légère et
élégante; garder son équilibre avec grâce, avec aisance,
avec une apparente insouciance ; dominer complètement
l'animal, comme si amazone et monture étaient douées d'une
intelligence commune, le sang-froid de l'écuyère domptant
l'ardeur du coursier; unir le courage à la douceur, et savoir
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employer l'énergie sans rien perdre de la délicatesse : tels
sont les éléments qui constituent pour la femme l'art de l'équi-
tation.
Une série de charmantes gravures « les Amazones » publiées
en France il y a quelques années et dues au crayon distingué
d'Alfred de Dreux, a prouvé que les exercices équestres l'ont
briller dans tout leur éclat la grâce et la beauté des formes
féminines; cependant, s'ils font ressortir l'élégance, ils font
remarquer aussi, et avec la plus pénible évidence, la mala-
dresse et la gaucherie. L'amazone est comme une statue
placée sur un piédestal élevé ; il est aussi facile d'en discerner
les fautes que les qualités.
Nous ne saurions nous montrer trop reconnaissantes
envers la reine d'Angleterre, qui a été la première à donner
l'exemple (exemple suivi par les dames de son royaume et
bientôt après par celles de toute l'Europe) d'un exercice aussi
favorable à la santé, car, si l'équitation n'eût pas été à la
mode, il est à craindre que les grands avantages qu'on en
retire n'eussent pas été suffisants pour décider les parents à
mettre l'équitation au nombre des talents à faire de bonne
heure acquérir à leurs filles. Les mères n'ont qu'à consulter
leurs médecins sur ce sujet; elles apprendront de quels
immenses bienfaits leurs enfants seront redevables à une pra-
tique précoce du cheval; souvent elles lui doivent la santé à
une époque postérieure de la vie. L'expérience a prouvé que
de toutes les récréations auxquelles se livrent les générations
actuelles, aucune ne procure à la jeunesse, et même à tous
les âges, de plaisirs plus vifs et plus bienfaisants. Placée dans
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une position élevée et à l'air dans une atmosphère pure,
l'amazone respire avec délices, son élasticité d'esprit s'ac-
croît, et elle se sent pénétrée d'un indescriptible sentiment
de bien-être. Mais pour jouir pleinement de cette sensation,
une connaissance parfaite de l'équitation est indispensable ; la
crainte cède alors la place à cette aisance consommée, à
cette confiance qu'on ne peut obtenir que par la pratique et
l'étude.
Il est certain qu'on recourrait plus souvent à l'équitation
pour délasser la jeunesse d'études plus sérieuses, si les pro-
fesseurs et l'enseignement étaient plus en harmonie avec les
goûts et la délicatesse des esprits raffinés. Dans beaucoup de
cas on ne peut s'étonner de la répugnance qu'éprouvent les
mères à permettre à leurs filles de suivre les cours d'une
école d'équitation ; en effet, il peut être désagréable à une
femme timide et distinguée d'entrer dans certains de ces
établissements et d'y recevoir les leçons des professeurs qui y
sont attachés. Leurs expressions et leurs manières laissent
parfois à désirer et ils sont dans ce cas peu aptes à diriger
les gracieux mouvements d'une femme à cheval.
L'art de monter à cheval ne devrait être enseigné que par
des hommes ou des femmes distingués, comme il en est du
reste qui honorent cette profession ; par des personnes dont
les manières et l'éducation soient celles de la bonne société,
dont le langage et les gestes soient appropriés au rang et à
la délicatesse de leurs élèves. Le monde entier reconnaît que
l'équitation est un noble exercice, pourquoi donc des femmes
d'un esprit cultivé, croiraient-elles déroger en l'enseignant?
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M
Un préjugé ridicule prête à cette occupation quelque chose
de hardi et de masculin; c'est une opinion absurde qu'on ne
saurait trop promptement effacer. Si l'équitation était un
talent grossier, les dames devraient le supprimer complète-
ment ; mais il n'est pas d'art d'agrément, même celui de la
danse, si raffiné et si élégant, qui ne puisse être rendu gros-
gier et vulgaire par ceux qui ne se préoccupent pas d'arriver
à la perfection.
L'art de monter à cheval, lorsqu'il est cultivé avec soin,
étant incontestablement féminin et gracieux, ceux qui sont
chargés de l'enseigner doivent être à même, par la nature et
l'éducation, d'en faire une récréation élégante.
De nombreuses raisons décident les dames à quitter de
bonne heure l'école d'équitation, les unes pour se soustraire à
la monotonie des leçons, les autres parce que, par timidité ou
par délicatesse, elles sont incapables de demander à leurs
professeurs les informations qui leur seraient nécessaires
pour assurer leur confort et leur faire faire des progrès.
Lorsque les élèves ont été convenablement préparées et ont
reçu les instructions nécessaires, elles acquièrent en sortant
une confiance qu'elles ne pourraient obtenir en ne quittant
jamais l'enceinte de l'école.
Malheureusement, la majorité d'entre elles supposent qu'il
y a fort peu de chose à apprendre, et que ce peu s'acquiert
presque instantanément. C'est pour ce motif que d'ardentes
jeunes filles courent sans cesse de graves périls auxquels
elles n'échappent le plus souvent que grâce à l'instinct des
fidèles animaux qu'elles montent.
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Combien ne voyons-nous pas de femmes, belles et gra-
cieuses, avoir à cheval une tournure si peu élégante et même
si ridicule qu'elles s'exposent aux moqueries des spectateurs
et servent de but aux plaisanteries des caricaturistes ; tandis
que, si elles avaient recouru aux leçons de personnes compé-
tentes elles auraient pu, dans l'art de l'équitation, déployer
tous leurs avantages et exciter beaucoup' plus d'admiration
à cheval, qu'elles ne pourraient le faire au bal ou à la pro-
menade.
II est à regretter que les pères, frères ou oncles ne se
chargent pas plus fréquemment de l'instruction de leurs
parentes. Lorsqu'un membre de la famille excelle dans cette
noble science qui peut plus convenablement que lui se char-
ger de ces délicates fonctions ?
On doit admettre aussi que les professeurs réellement
respectables et consciencieux ont de grandes difficultés à
rencontrer. Le maître d'équitation a souvent une douzaine
d'élèves de force différente qui se trouvent réunies; comme
il faut les occuper toutes, il s'ensuit qu'une élève fort avancée
déjà dans l'art de l'équitation se trouve suivre une commen-
çante qui se voit emportée dans le galop général sans avoir
acquis la moindre idée de ce qu'exige le pas.
Dans beaucoup de cas, c'est le désir de l'élève elle-même
d'avancer trop rapidement qui nuit à ses progrès : au bout de
quelques leçons, elle néglige les instructions préliminaires
pour se laisser aller à galoper; tandis que si elle avait mis
à acquérir tout ce que peut apprendre le pas, le triple des
leçons qu'elle a consacrées à cette partie du travail, elle s'en
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trouverait infiniment plus avancée et ne tarderait pas à faire
honneur à son professeur.
Un maître d'équitation, réellement désireux de donner à
ses élèves une connaissance approfondie de son art, se voit
souvent contrarié par une impatience de ce genre. Souvent,
on répond à ses remontrances par cet argument que d'autres
professeurs enseignent aux dames à monter à cheval en quel-
ques leçons ; mais on ne considère pas que cette précipitation
indiscrète que des ignorants seuls peuvent favoriser, au lieu
de faire faire des progrès aux élèves ne réussit neuf fois sur
dix qu'à enraciner des habitudes qui les empêcheront de
devenir jamais bonnes écuyères.
C'est une erreur grossière que de s'imaginer que l'art de
monter à cheval peut s'acquérir en quelques leçons et
qu'aussitôt qu'une commençante réussira à monter un vieux
cheval de manège, sans perdre l'équilibre lorsqu'il galope, elle
n'a plus rien à apprendre. Ceux qui n'ont aucune connaissance
de la science de l'équitalion peuvent seuls nourrir de pareilles
illusions.
Il serait injuste d'attribuer au professeur les échecs dus à
ces diverses causes ; car, en dépit de son adresse et de ses
bonnes intentions, en dépit des soins judicieux qu'il apporte
au choix de ses aides, il lui est impossible, dans ces circon-
stances, de donner à ses élèves l'habileté qu'il désirerait leur
voir acquérir.
L'équitation diffère de la plupart des autres études en ce
qu'elle peut devenir, presque dès le principe, une source de vifs
plaisirs, une délicieuse récréation; et les jouissances qu'elle
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procure ne font que s'accroître à mesure que l'élève marche
vers la perfection ; mais, comme dans les autres sciences, les
rudiments doivent être d'abord bien compris. « Disce -prima
elementa.
» Apprenez les premiers éléments, disaient sagement
les anciens. C'était à leurs yeux une condition sine qua non
de succès pour toute chose qui valait la peine d'être
apprise. En règle générale, les meilleurs cavaliers sont ceux
qui ont été accoutumés à monter à cheval dès leur enfance.
La souplesse et l'abandon naturels des enfants, leurs exercices
infatigables sur des poneys doués d'une bonne action, leur
donnent les connaissances et l'expérience que cet ouvrage a
pour but de communiquer autant que possible à nos lectrices.
Les leçons, qu'on s'en souvienne, ne pourront jamais rempla-
cer pour un adulte les connaissances qu'acquièrent de bonne
heure les enfants à l'époque où ils montent des poneys, sur-
tout lorsque plusieurs petits garçons et petites filles se ras-
semblent pour faire leurs promenades en société; il est
certain qu'il s'en trouvera dans le nombre de plus habiles que
d'autres, et leur amusante vanité qui les pousse à donner des
leçons engendre une rivalité par laquelle ils acquièrent et
créent réciproquement la confiance. L'espièglerie des garçons
qui aiment à agacer les petites filles et leurs poneys peut être
parfois une source de dangers, mais en général elle stimule
leur adresse et leur courage ; lorsqu'une fois elles se sont
aperçues qu'elles sont capables de gouverner leurs montures,
elles commencent à aimer le sport avec autant d'ardeur que
leurs frères, sur lesquels elles se vengent alors avec usure.
Leurs maladresses sont fidèlement retenues et leur sont si
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fréquemment rappelées, que filles et garçons prennent les
plus grands soins pour diriger leurs poneys de façon à
s'éviter à l'avenir la honte d'une chute. Ils acquièrent ainsi
par degrés une adresse qui grandit avec eux et se développe
avec leur force; lorsque leur taille leur permet de changer
leur petit poney pour un plus grand, et plus tard pour un
cheval, ils sont parfaitement capables de le guider dans toutes
ses allures. Il y a en outre dans la main de la dame accou-
tumée à la vie de la campagne et qui a commencé dès son
enfance ses exercices équestres, un degré de décision qui de-
vient une sorte de franc-maçonnerie entre elle et son cheval.
Beaucoup de dames ont supposé longtemps, et ce préjugé
subsiste encore aujourd'hui, que l'équitation ne convient qu'à
la jeunesse. Il est difficile de concevoir quelle fut la source
de cette opinion absurde, si l'on se souvient que jadis l'usage
de monter à cheval était général, et que les femmes de tout
âge s'adonnaient à cet exercice; à cette époque, on ne doit
pas l'oublier, la moyenne de la vie était plus longue qu'au-
jourd'hui, et plus de la moitié des maladies, qui de nos jours
exercent leurs ravages, étaient complètement inconnues. En
ce moment, il est peu de mes lectrices qui ne puissent citer
au moins une dame âgée de soixante à soixante-dix ans,
jouissant d'une santé excellente qu'elle attribue à l'exercice
précoce du cheval, et à laquelle un temps de galop le matin,
à l'air pur de la campagne, a l'influence de rendre la jeunesse
et la gaieté.
Pourquoi ne ferions-nous pas revivre les usages de nos
ancêtres, ce qui serait d'autant plus facile que les perfec-
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tionnements qui ont été apportés de nos jours à l'art de
l'équitation en ont diminué les difficultés en substituant le
délicieux petit galop au désagréable petit trot des temps
passés, et en remplaçant par la selle de dame actuelle qui
permet à l'amazone de diriger elle-même sa monture, les
formes autrefois en usage, avec lesquelles la dame n'avait au-
cune action sur son cheval, qu'une autre personne dirigeait.
Si nous jetons un regard sur les temps passés, quels amu-
sants contrastes nous y découvrons avec les usages et les
coutumes de notre époque.
Un célèbre nouvelliste nous représente son héroïne voya-
geant du Somersetshire à Londres par la route de Bath et
accompagnée seulement de sa femme de chambre, toutes
deux à cheval ; nous sympathisons avec Sophia et Honour
pendant ce voyage. Combien elles sont charmantes aussi, bien
qu'elles touchent en plusieurs endroits au ridicule, ces images
que présentent à l'esprit les scènes du Vicaire de Wakefield,
où la famille se rend à cheval à l'église du village.
Si nous retournons à une époque plus éloignée encore,
nous lisons dans les Commentaires de Stowe que Richard II,
se voyant menacé par les rebelles de Kent, se rendit à cheval
de la tour de Londres au Miles End, et avec lui sa mère qui
était malade et faible dans un whirlicote, ce qui est décrit
comme un horrible véhicule, composé de quatre planches
grossièrement mises ensemble. L'année suivante, Richard
épousa Anne de Luxembourg, qui introduisit l'usage des selles
de dame,
et ainsi furent abandonnés les whirlicotes, excepté
aux couronnements et autres solennités de ce genre.
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Nous avons encore la description que nous fait Knighton
du luxe et des fêtes de son époque (1341). En parlant des
divertissements publics et particulièrement des tournois, il
dit : « Un grand nombre de dames du rang le plus élevé et de
» la plus grande beauté assistent à ces tournois; elles sont
» vêtues de tuniques bigarrées, moitié d'une couleur, moitié
» d'une autre ; leurs pèlerines sont très-courtes, leurs cha-
» peaux remarquablement petits et maintenus sur leurs têtes
» avec des cordons, leurs ceintures et leurs bourses ornées
» d'or et d'argent ; elles portent de petites épées appelées
» dagues, par devant, un peu en dessous de la taille ; elles
» montent de magnifiques chevaux, richement caparaçonnés,
» et dans cet attirail, elles vont de place en place en quête de
» tournois. »
Quoi de plus charmant par une belle matinée d'été que de
regarder par les fenêtres de quelque maison de campagne sur
une route rurale du comté de Kent, et de se représenter les
« Pèlerins de Chaucer » se rendant à Cantorbéry? Les rires
bruyants de la nonne, de la prieure et de la veuve enjouée
font joyeux chorus avec les clochettes de leurs palefrois. Et
les tournées, les processions, les chasses au faucon du temps
passé, que nous pouvons voir encore représentées dans toute
leur vérité dans quelques-uns des tableaux de Wouwermann
et dans la magnifique œuvre de Landseer : La Châtelaine de
la Féodalité.
Il ne nous reste aujourd'hui, pour nous rappeler ces
brillantes époques, que leur représentation sur toile et les
brillantes descriptions qu'en ont faites les auteurs contempo-
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— 24 —
rains; le temps, ce grand innovateur, a depuis longtemps
effacé toutes traces de ces jours d'étranges aventures, de
romans de chevalerie, et il y a aussi peu de chances de les voir
jamais reparaître, que de voir les chemins de fer céder leur
place aux aristocratiques voitures de voyage et aux diligences
publiques d'il y a trente ans.
Aujourd'hui que le cheval n'est plus employé comme moyen
de transport habituel, et que l'équitation n'est plus considérée
que comme une récréation agréable et favorable à la santé et
un talent digne d'une dame, il est évident qu'il faut absolu-
ment quelque chose de plus que la connaissance et l'habitude
du petit trot. On consacre des années à l'étude de la musique,
à celle des langues et des diverses branches qui font partie
de l'éducation de la femme du monde, tandis qu'un art dont
l'ignorance peut mettre la vie en danger est ou totalement
négligé, ou limité à quelques leçons parfois mal données, et
souvent mal reçues, que l'on juge suffisantes pour mettre
l'élève à même de paraître dans une promenade publique; là,
au milieu d'un grand nombre de chevaux de tout caractère,
montés par toutes espèces de cavaliers, il faut qu'une dame
soit réellement bonne écuyère pour se garder des nombreux
accidents auxquels peuvent l'exposer la maladresse des
autres.
Si les commençantes pouvaient apprécier toute la valeur
d'une connaissance parfaite de la science de l'équitation, nous
les verrions chercher avec plus d'ardeur à l'acquérir, et la
sécurité, l'aisance et la grâce seraient plus fréquemment
réunies.
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Dans les grandes familles de province, on voit souvent des
dames atteindre à la perfection dans l'art de l'équitation : S'il
est apprécié à sa valeur, là où l'élégance et la grâce n'ont que
peu de témoins combien d'importance n'acquiert-il point pour
celles qui veulent se produire dans les promenades publiques
des grandes villes où se pressent une foule de cavaliers élé-
gants et de promeneurs curieux prêts à remarquer toute faute
et à rire de tout ridicule.
o
h.
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.
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L'AMAZONE.
Le costume de l'amazone doit être original autant qu'élé-
gant et ne ressembler qu'à lui-même. Ses principaux caractères
doivent être la simplicité et le bon goût; tout ce qui lui don-
nerait un air masculin doit être soigneusement évité, et le
même principe qui a fait supprimer le clinquant et l'étincelant
caparaçon du palefroi, doit faire exclure aussi tout assemblage
de couleurs éclatantes.
L'élégant ondoiement de ses vastes plis a toujours attaché
à ce costume un charme indescriptible. Plus d'une blonde
jeune fille a captivé plus de cœurs dans une amazone parfaite
que dans tout l'éclat de la plus ravissante toilette de soirée ;
combien n'avons-nous pas vu d'exemples de brillants mariages
et de douaires princiers dus à l'élégance des formes et au port
gracieux que l'amazone met si fréquemment en évidence. Il
est donc essentiel d'attacher à sa coupe et à sa façon beau-
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coup plus d'attention qu'on n'a l'habitude de le faire. Rien ne
doit être négligé de ce qui peut ajouter à l'aisance ou à la
grâce d'un aussi charmant costume. Bien coupée et bien
faite, l'amazone fera paraître dans tout son avantage une
taille passable; combien ne rehaussera-t-elle pas la grâce de
celle envers qui la nature s'est montrée prodigue ?
La taille de l'amazone doit s'adapter exactement au buste ;
mais il ne faut pas qu'elle serre la poitrine que l'exercice du
cheval fait généralement dilater. Elle doit êlre aussi suffisam-
ment large et convenablement coupée à la partie postérieure
du cou pour prévenir cette tension désagréable qui ôte toute
aisance et toute grâce aux mouvements de la tête. Rien n'est
plus pénible que la sensation de suffocation que fait éprouver
une amazone mal faite, sensation infiniment plus sensible à
cheval que dans toute autre position ; nous ne parlerons pas
de la raideur et du manque d'élégance que cette gêne commu-
nique à toute la personne.
La taille ne doit pas êlre trop longue ou elle fera des plis;
il faut qu'elle soit plus courte que dans les robes ordinaires.
Beaucoup de dames s'imaginent a tort que la taille de l'ama-
zone conservera à cheval la même position qu'au moment où
elles viennent de s'en revêtir. Un moment de réflexion suffira
à les convaincre que la position particulière et le mouvement
continuel du corps empêchent qu'il en soit ainsi, pour peu que
la taille soit trop longue.
Les manches ne doivent jamais serrer trop, surtout dans la
partie supérieure du bras, car elles nuiraient à l'aisance des
mouvements, si nécessaire lorsqu'on monte achevai.
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Un morceau de corde ou de toile agité par le vent blesse-
rait l'œil d'un commandant de vaisseau et détruirait toute la
symétrie de la voilure ; l'amazone doit éviter avec le môme
soin tout ce qui pourrait flotter. Les basques, par exemple,
tant en vogue il y a quelques années, font à cheval l'effet le
plus disgracieux, car aussitôt que le cheval quitte le pas pour
prendre l'allure plus vive du trot ou du galop, la basque,
soumise à l'action du vent, commence à s'agiter précipitam-
ment au grand détriment de la grâce.
A moins que le drap ne soit de grande largeur, on doit en
mettre deux lés et demi dans le jupon, si l'on veut que les
plis tombent avec ampleur et grâce. La trop grande longueur
de la jupe, faute dans laquelle on tombe très-souvent, doit
être soigneusement évitée, non-seulement comme gênante et
inutile, mais encore comme dangereuse à cause de sa ten-
dance à s'embarrasser dans les pieds du cheval lorsqu'il
galope, sans compter les désagréments que l'on éprouve
lorsque le vêtement est mouillé et souillé par un temps
boueux.
On croit en augmentant la longueur de la jupe rehausser
la grâce de la tournure, mais cette espérance est complète-
ment frustrée par l'apparence peu élégante et même disgra-
cieuse que prend le vêtement lorsqu'il dépasse une dimen-
sion donnée au delà des pieds de I'écuyère; il arrive souvent
alors que la jupe se roule sur elle-même et parait avoir été
liée ou attachée avec des épingles.
Une poche placée du côté gauche et pouvant contenir un
carnet à cartes de visite ou une bourse sera fort utile. Cette
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poche doit se boutonner, de peur que les secousses n'en
fassent tomber le contenu.
L'amazone est ordinairement en drap, mais, pendant l'été,
si cette étoffe est trouvée trop chaude, on peut lui en substi-
tuer une autre plus légère, par exemple le cachemire. Ce tissu
a toute l'apparence d'un drap de très-belle qualité, sans eu
avoir le poids ni la chaleur, et comme c'est une étoffe croisée,
elle est beaucoup plus solide et moins sujette aux déchirures.
Lorsqu'on se sert de cachemire ou de toute autre étoffe aussi
légère pour la confection de l'amazone, on doit mettre un
grand ourlet à la partie inférieure du jupon pour lui donner
du poids et empêcher qu'il ne soit soulevé par le vent.
Les couleurs les plus en vogue aujourd'hui sont les teintes
foncées; la couleur des cheveux et du teint doivent décider de
ce choix ; c'est le goût déployé en celte circonstance qui fera
de l'amazone la plus charmante des toilettes.
L'amazone peut être portée soutachée ou unie, selon la
mode ou le goût de la personne à laquelle elle est destinée.
Quand la taille de l'amazone est fermée devant, on porte
d'ordinaire un petit col retombant en fine toile ; lorsqu'elle est
ouverte, elle doit laisser voir une guimpe du même tissu.
Les guimpes de batiste brodée sont fort élégantes aussi,
mais le col doit toujours être mat, pour faire bon effet sur
une amazone de couleur foncée.
Lorsque les manches serrent aux poignets, de petites man-
chettes blanches, correspondant avec le col et attachées à
l'intérieur des parements de l'amazone, font fort joli effet.
Quand les manches sont larges, d'amples manches de dessous
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de même étoffe que la guimpe, retenues au poignet par une
bande étroite, ont également un aspect fort élégant.
Avant d'en finir avec ce sujet, je recommande expressé-
ment à mes lectrices de se montrer prudentes dans le choix
de leur tailleur ; ceux qui connaissent bien la coupe particu-
lière d'une amazone bien faite sont très-rares; il en est peu
qui réussissent à assurer au corsage le degré de liberté qui
lui est indispensable, à éviter une pression exagérée, à donner
à la taille cette élégance qui, sans enfreindre les lois de la
nature, communique au costume équestre sa grâce séduisante.
Les corsets que l'on porte pour monter à cheval doivent
être élastiques sur les hanches, et il est de la plus grande
importance que les buses en soient très-courts. Les corsets.à
épaulières ne peuvent convenir.
Des pantalons sont indispensables ; la modestie et le
confort l'exigent également; les couleurs sombres sont préfé-
rables au blanc, car si l'amazone se soulève, ce qui arrive
presque toujours pendant le galop, surtout lorsqu'il y a beau-
coup de vent, le blanc attire immédiatement l'œil des pas-
sants, tandis que lorsque les pantalons sont foncés, ils
semblent faire partie de l'amazone et ne sont pas remarqués.
Les meilleurs pantalons d'équitation, soit pendant l'été, soit
pendant l'hiver, sont en peau de chamois mince et souple ; ils
empêchent généralement la jambe qui entoure le pommeau de
la selle de s'écorcher. Les pantalons doivent être recouverts,
depuis le genou jusqu'aux pieds, de drap ou d'un autre-tissu
de même couleur que l'amazone, et retenus sous la bottine à
l'aide de sous-pieds.
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Les dames qui montent beaucoup à cheval devront porter
des bottines de cuir ou de peau de chevreau; lorsque les
chaussures sont en étoffe, le pied gauche est promptement
endommagé par le frottement de l'étrier. Les bottines doivent
être à lacets ou à élastiques; les boutons sont excessivement
incommodes et offrent des inconvénients sérieux.
On doit éviter toute superfluité dans les vêtements de
dessous, pour la commodité aussi bien que pour l'apparence ;
un grand nombre de jupons est déplacé à cheval, d'autant plus
qu'au premier galop ils remontent et se pelotonnent sous
l'amazone. L'extrême opposé dans lequel tombent bon nombre
de dames, c'est-à-dire l'absence complète de jupons, doit être
tout aussi soigneusement évité. Les jupons, employés avec
modération, sont un appendice nécessaire du costume
équestre. N'est-il pas étrange de voir une femme dont la
crinoline, soit au logis, soit à la promenade, soit au bal,
rappelle les cerceaux autrefois en usage, quitter ce volumi-
neux déploiement et prendre l'aspect d'une des beautés du
règne de Georges II, époque à laquelle les dames luttaient
d'exiguïté dans leurs vêlements inférieurs. En vérité, c'est la
mode qui régit toutes choses et elle accoutume les yeux à tout
ce qu'il lui plaît d'ordonner ; mais aussi longtemps que les
robes conserveront leur ampleur actuelle, l'extrême opposé
ne pourra manquer de paraître singulier.
Les jupons blancs ont les mêmes inconvénients que les
pantalons blancs; on peut les remplacer par des jupons de
salin ou de soie noire, bien ouatés pendant la saison d'hiver
et piqués à partir du genou jusqu'à l'extrémité inférieure; les
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piqûres doivent être plus rapprochées du côté droit, parce
que cette partie du jupon recouvrant le pommeau de la selle
s'use plus vite. Quel que soit l'aspect d'élégance et de pro-
preté que présentent les jupons blancs avant le départ, lors-
que la promenade est terminée, même par le beau temps, ils
ont tout à fait l'apparence de chiffons et sont hors d'état d'être
exposés aux yeux des spectateurs lorsque la dame, descendue
de cheval, relève les longs plis de son amazone.
Lorsqu'on porte un jupon noir suffisamment ample et plissé
par derrière, il est rarement nécessaire d'en mettre un
second ; il ne peut en être de même des jupons blancs et leur
nombre, comme nous l'avons déjà dit, est un inconvénient
sérieux à cheval.
Quant aux chapeaux, tant de formes diverses ont paru
depuis quelque temps, que je ne puis que recommander à
mes lectrices de n'être ni les premières à adopter les nou-
veaux, ni les dernières à rejeter les vieux. Si l'on a soin
d'éviter les extrêmes, rien ne rehaussera mieux les charmes
du visage, que quelques-uns des jolis chapeaux d'amazone de
nos jours. De tous les articles de toilette que portaient nos
ancêtres lorsqu'ils montaient à cheval, le chapeau à plumes
est le seul que nous désirions voir conserver. Nous abandon-
nons volontiers à la dame Juliana Berners, ses cerceaux ; à la
belle mais malheureuse Arabella Stuart son raide corset et ses
pèlerines; à la duchesse de Gordon, sa veste à lacets d'or, son
chapeau retroussé et sa cravache. Mais nous ne pouvons
qu'admirer la comtesse d'Ogle, l'héritière de Northumberland,
avec son charmant chapeau à plumes, telle qu'elle est repré-
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sentée dans les gravures, et montant au galop l'avenue du
parc, avec le duc de Newcastle, caracolant à ses côtés.
Il faut que le chapeau prenne bien la tête, sans cependant
serrer trop; il est fort important qu'il ne soit ni trop grand,
ni trop petit; dans le premier cas il dérangera constamment
la chevelure, dans le second sa pression deviendra doulou-
reuse.
Les voiles sont fort utiles, mais doivent toujours se porter
courts, car il y a des moments où un long voile pourrait deve-
nir pour l'écuyère, surtout si elle n'avait pas acquis encore
une grande expérience de l'équitation, une source de graves
embarras. Les voiles de réseau de soie sont les meilleurs,
parce qu'à cause de leur poids, ils subissent moins l'influence
du vent; tombant plus près du visage ils conviennent mieux
aux chapeaux à larges bords, et, occupant un espace beaucoup
plus restreint que la dentelle ou la gaze, ils ont un aspect
beaucoup plus élégant lorsqu'ils sont relevés. Les gantelets
ou les gants peuvent se porter à volonté, selon le goût de
chaque éeuyère.
Quelques mots sur le fouet ne seront pas déplacés ici ; il
fait incontestablement partie de l'équipement de l'amazone et
c'est souvent le premier article qu'elle se procure. Le fouet
n'est pas un simple ornement, il a son utilité; il doit être
droit et léger, mais il faut qu'il ait suffisamment de résistance
pour supporter la pression contre le flanc du cheval. On ne
doit jamais faire usage d'un fouet souple, dangereux parce
qu'il tourmente et excite fréquemment le cheval sans que le
cavalier en ait conscience. Les chevaux qui ont la peau fine,
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quoique parfaitement doux et calmes dans d'autres occasions,
deviennent parfois tout à fait intraitables à cause de l'irritation
produite par les mouches, et l'espèce de fouet dont nous ve-
nons de parler a fréquemment le même résultat. La mon-
ture du fouet peut être aussi riche ou aussi simple qu'on le
désire, pourvu qu'il ne s'y trouve rien qui puisse s'accrocher
soit dans le voile, soit dans toute autre partie de la toilette.
Le plaisir que l'on peut goûter dans une promenade à
cheval, dépend en grande partie d'une toilette bien ordonnée
et de l'absence de ces petits ennuis qui proviennent du man-
que d'attention et de l'ignorance.
Quel que soit le genre de coiffure que l'on adopte, on doit
ne rien négliger pour arranger les cheveux de façon à ce
qu'ils ne puissent voltiger devant le visage et devenir une
source d'ennuis; plus d'une promenade dont on s'était promis
grand plaisir, a perdu tous ses charmes, sans autre cause que
le dérangement de la chevelure. Il est peu de dames qui
n'aient éprouvé cet inconvénient au moins une fois, surtout
lorsque la mode de porter le chapeau d'homme était univer-
selle.
Si les boucles revenaient à la mode, je conseillerais à toutes
les dames dont les cheveux se défrisent facilement de ne pas
adopter ce genre de coiffure pour monter à cheval. Les che-
veux tressés, portés en bandeaux, ou roulés de chaque côté
du visage comme cela se fait beaucoup aujourd'hui, sont
infiniment plus commodes; celte dernière manière non-seu-
lement va mieux avec le reste du costume, mais convient
admirablement au genre de chapeaux en vogue aujourd'hui.
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Les cheveux doivent être attachés solidement, mais pas
serrés trop forts, car une tension continue produit invariable-
ment un mal de tête.
Les dames qui ont une chevelure très-abondante et qui
jugent nécessaire d'en renfermer une partie sous le chapeau
peuvent, à défaut de méthode qui leur soit propre, le faire très-
aisément de la manière suivante : on relève sur le sommet de
la tête les cheveux qui ne servent pas aux rouleaux de côté,
et on en forme une sorte de casque qu'on ramène autant que
possible sur le devant avant d'y placer le peigne, de manière
qu'ils ne puissent gêner le chapeau. Les dents du peigne sont
enfoncées dans la torsade. Si cela est fait avec soin, de façon à
ne pas tirer les cheveux et à ne pas faire presser les dents
du peigne sur la tête, on s'apercevra que le mode que nous
recommandons a l'avantage de la fermeté et de la commodité.
Il pourra peut-être paraître gênant au premier ou au second
essai, mais l'habitude aura bientôt fait disparaître toute sen-
sation désagréable. C'est encore un moyen d'attacher avec
une plus grande facilité les cheveux de devant; les rouleaux
ayant été ajustés, leur extrémité doit traverser le derrière
de la tête pour aller, si les cheveux sont assez longs, s'en-
rouler au-dessus de la tête, autour de la torsade; s'ils sont
trop courts, on peut les tresser pour les attacher derrière la
tête avec des épingles. De cette manière, les rouleaux se ren-
contreront sur le cou et rendront inutile l'emploi d'un cache-
peigne.
Les dames qui ont adopté le chapeau d'homme et qui mon-
tent beaucoup à cheval trouveront sans doute que ce procédé
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obvie à un inconvénient qu'elles doivent avoir fréquemment
éprouvé.
On doit mettre aussi peu d'épingles que possible; elles sont
souvent une cause d'ennuis parce qu'elles tombent, blessent la
tête ou se dérangent; quant à lier les cheveux, c'est un moyen
que nous ne conseillerions à personne, car rien n'est plus nui-
sible pour la chevelure.
Et maintenant, quelques mots sur ce mal si préjudiciable à
la vie et à la beauté : les corsets trop serrés. Je prie instam-
ment toutes mes lectrices d'y regarder à deux fois avant de
s'adonner à cette dangereuse pratique. Quelque grand que
soit ce mal dans les circonstances ordinaires, il est centuplé à
cheval, à cause de la position particulière du corps. Lors-
qu'une promenade à cheval se prolonge, un corset trop serré
détermine invariablement dans le côté droit une douleur dont
le retour fréquent conduit inévitablement à un état morbide.
De sorte que l'exercice du cheval, au lieu de produire sur la
santé l'influence favorable qui en doit résulter, devient, par la
faute de l'amazone, le germe d'une maladie qui détruit pour
elle tout le charme de l'existence ou la conduit à une mort
prématurée.
Il est incontestable qu'un corset trop serré nuit à la beauté
en ôtant aux mouvements de la taille l'aisance, si essentielle à
la grâce. On peut aisément se convaincre de ce résultat, en
observant la raideur particulière que cet état de gêne commu-
nique à toute amazone. Rien n'est plus ridicule que les tailles
'l'une finesse exagérée ; elles deviennent dans les promenades
Publiques le point de mire de toutes les plaisanteries.
il.                                                                                                     4
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On doit éviter, en s'habillant, tout ce qui pourrait devenir
à cheval une source de soucis et d'inquiétudes, telles sont les
épingles négligemment attachées, ou des rubans trop ou trop
peu serrés ; ces bagatelles ont plus de conséquences qu'on ne
l'imaginerait d'abord. Il suffit souvent de ne pas se prémunir
contre ces petits désagréments pour perdre tout le plaisir
d'une promenade qui aurait pu être délicieuse. On doit autant
que possible éviter les épingles ; les rubans, les boutons et
les agrafes sont plus sûrs et moins sujets à occasionner des
inconvénients.
On ne doit pas mettre de bagues pour monter à cheval;
elles font souvent enfler la main et l'empêchent de se fermer
convenablement sur les rênes. Si l'on porte une montre, la
chaîne doit en être retenue au bouton ou à l'agrafe de
l'amazone, pour qu'elle ne puisse être secouée par le trot ou
le galop.
Les dames qui ont souvent les pieds froids pendant l'hiver,
doivent se faire une règle de les chauffer avant de monter à
cheval, car il est beaucoup plus facile d'entretenir la circu-
lation que de l'établir ; elles feront très-bien de porter des
chaussettes de laine ou des bottines doublées de flanelle.
Il y a une manière aisée et gracieuse de relever l'amazone
lorsqu'on attend sa monture ou qu'on se dirige vers elle, qui
forme un contraste frappant avec les modes disgracieux
que nous voyons si souvent adoptés. On y reconnaît à pre-
mière vue i'écuyère consommée, et toutes celles qui ont la
prétenlion de mériter ce titre devraient attacher à ce point
toute l'attention qu'il mérite.
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Pour relever l'amazone convenablement, on prend le jupon
de chaque côté, aussi bas que les bras peuvent atteindre, tout
en restant droite, on écarte les bras de façon à bien ouvrir
l'amazone, puis on la relève jusqu'à ce qu'elle soit suffisam-
ment courte pour marcher. Les mains sont alors ramenées en
avant; l'une se place un peu plus haut que l'autre, pour que
le maintien n'ait rien de raide ni d'affecté. Lorsqu'il y a deux
largeurs de drap dans la jupe, on doit la relever de chaque
côté à la couture, pour qu'elle ne traîne point par derrière.
Lorsqu'une dame est accompagnée d'un cavalier, elle doit
relever l'amazone du côté où marche celui-ci, aussi bas qu'elle
peut le faire en lui donnant le bras ; elle fera retourner par-
dessus le pouce une petite partie de la jupe pour empêcher
qu'elle ne s'échappe de la main.
L'amazone peut être facilement arrangée soit pour le
voyage, soit pour la promenade, soit pour la maison, par un
moyen très-simple et très-expéditif que l'on trouvera excessi-
vement commode pour les visites à la campagne, si une dame
se voit obligée de s'arrêter dans sa promenade et de passer la
journée hors de chez elle.
En faisant la jupe, on y attache tout autour, à l'intérieur, à
distance égale de la ceinture sept ou huit bouts de fort ruban,
assez longs pour atteindre à un pouce environ du genou ; ils
doivent s'y rencontrer avec le même nombre de cordons, éga-
lement attachés à l'intérieur à une distance telle de l'ourlet, que,
quand on les attache, la jupe ne dépasse pas la longueur d'une
robe ordinaire ; l'ourlet seul touche alors le sol et l'amazone a
l'aspect d'une robe à double jupon. On doit veiller à ce que les
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cordons soient placés très-exactement, de crainte que la jupe
ne soit pas de la même longueur tout autour.
Lorsque le jupon est ainsi disposé pour servir de toilette
de maison, la taille sera ouverte devant pour laisser voir la
guimpe, et des manchettes blanches assorties au col seront
attachées en dedans des manches de l'amazone et retombe-
ront sur les parements ; il faut que la chevelure soit arrangée
avec goût, et le tout forme alors un costume fort convenable
et très-élégant.
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LE CHEVAL.
On a fait observer souvent, et avec raison, que les ama-
zones ne sont que trop portées à monter des chevaux de forte
taille chaque fois que l'occasion leur en est fournie. Si mes
belles lectrices veulent accepter les conseils d'une femme
qui possède quelque expérience de l'équitation, elles renon-
ceront immédiatement et pour toujours aux grands chevaux,
pour peu que la santé, l'aisance, l'élégance et le confort soient
de quelque importance polir elles.
Un cheval de dame ne devrait jamais dépasser une hauteur
de 1 mètre 55 centimètres, si élevée que soit la taille de la
dame à laquelle il est destiné.
L'apparence de l'amazone dépend beaucoup plus qu'on ne
se l'imagine généralement du choix du cheval. J'ai fréquem-
ment entendu dire d'une jeune dame qu'elle ne devrait pas
monter à cheval parce que ses formes conviennent peu à cet
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exercice. C'est une singulière erreur. Personne ne devrait se
priver de cette récréation, la plus saine qu'il soit possible de
se procurer, avant que l'âge ait enlevé aux membres leur
activité et que la nature exige un coussin plus moelleux que
le siège d'une selle de dame. Le grand secret repose dans le
choix judicieux de la monture. Les plus belles formes, quelle
que soit la hauteur de la taille, peuvent gagner en élégance,
et celles envers lesquelles la nature s'est montrée moins géné-
reuse, trouveront à l'observer un double avantage.
Je me souviens d'avoir monté à cheval deux fois dans la même
journée avec une jeune amie, et d'avoir été tout particulière-
ment frappée de la vérité de ce que j'avance. Elle était d'une
taille en dessous de la moyenne, mais d'une exquise beauté
de visage et de formes. Elle montait le matin un beau poney,
parfaitement dressé, de 1 mètre 40 centimètres de hauteur, et
l'aspect combiné de la dame et de sa monture étaient bien
propres à exciter l'admiration. Descendant au galop la prome-
nade de Rotten-Row, avec une tranquille aisance, elles eussent
pu servir de modèle à un peintre ou à un sculpteur. Dans
l'après-midi elle fut redevable à une amie d'une seconde
promenade; mais, en cette occasion, elle montait un magnifi-
que hunter gris qui avait près de 1 mètre 60 centimètres
de hauteur. Hélas ! le charme était rompu, car en dépit de la
grâce naturelle de l'amazone, en dépit des formes splendides
et de l'action irréprochable du cheval, la disproportion de
taille et l'impuissance de la dame à gouverner un animal de
cette force, habitué à être manié par une main masculine,
jointes aux efforts inutiles qu'elle faisait pour lui faire quitter
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l'allure du galop et prendre le pas, ôtaient à sa tournure toute
la grâce qui la caractérisait le malin.
Mais ce n'est pas au seul point de vue de l'apparence que
cette règle doit être observée; elle est d'une importance au
moins égale en ce qui concerne le confort, bien qu'une ama-
zone ne puisse paraître bien à cheval à moins qu'elle ne soit
parfaitement à son aise. Je m'occupe spécialement ici des
dames qui montent à cheval principalement pour acquérir le
plus inestimable des biens, la santé. Fort souvent celles à qui
leur médecin recommande l'exercice du cheval n'en tirent
aucun profit à cause de la fatigue qu'elles ressentent. C'est en
vain que leurs chevaux sont extraordinairement doux et
bien dressés, que la selle, les rênes, le harnais sont disposés
de manière à rendre tout accident impossible, leur senti-
ment de malaise et d'inquiétude reste le même, et l'exercice
dont on attendait de si bons résultats est bientôt abandonné
en désespoir de cause.
Je suis convaincue, et je parle par expérience, car j'ai
réussi plusieurs fois dans des cas semblables à remédier au
mal, que la plupart de ces échecs n'ont d'autre cause que la
disproportion de taille existant entre la dame et sa monture ;
on croit généralement, mais à tort, qu'en pareille occurence
tout ce que l'on peut faire, c'est de procurer à l'amazone un
cheval excessivement doux. On voit fréquemment une dame
de petite taille montée sur un grand cheval d'une action
allongée, avec lequel il est impossible qu'elle lutte avec quel-
que avantage. D'un autre côté, une dame de haute taille, amai-
grie par la maladie, est tout aussi souvent placée sur un petit
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animal dont le pas, comparativement court, lui est tout aussi
désagréable, sinon davantage. Laissez ces amazones échanger
leurs montures, et l'effet sera surprenant. Ainsi, ce n'est pas
au médecin qu'il faut s'en prendre, mais à la maladresse de
celui qui s'est chargé de procurer un cheval à la malade et qui
a détruit le bon effet que l'on aurait pu attendre de l'équila-
tion et compromis le succès de l'entreprise.
Dans le choix d'un cheval de dame, l'élégance ne doit pas
être méprisée, mais ce n'est là qu'une considération secon-
daire ; la race, la docilité, l'action, le dressage et la conforma-
tion de l'animal ont une importance beaucoup plus grande.
Un cheval ne peut être trop courageux pour une dame, s'il
est docile, car rien n'est plus fatigant et plus désagréable que
de monter un animal paresseux, sans aucune ardeur. Le
cheval de dame doit être de bonne race et bien dressé; sa
force et son action doivent être en rapport avec ces qualités.
Combien de fois n'avons-nous pas entendu dire d'un cheval :
c'est un fort joli animal, mais trop léger, il ne convient que
pour une dame ; il est presque impossible de commettre une
plus grave erreur, car en proportion de son poids, il faut plus
de force pour porter une dame que pour porter un homme ;
la forme de la selle de dame et la position de l'amazone cau-
sent sur le dos du cheval une pression très-forte. Il suffit
pour se convaincre de ce fait d'observer combien le dos des
chevaux, montés souvent par des dames, est sujet à s'écor-
cher. En outre, la dame n'a pas à sa disposition le même
degré de force pour venir en aide au cheval dans le cas où
il ferait un faux pas ou le soutenir dans des difficultés de
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tous genres, et tous les chevaux faibles sont plus ou moins
sujets à tomber.
En règle générale, les chevaux de dame ne durent pas
aussi longtemps que ceux qui sont exclusivement montés par
des hommes ; cette différence s'explique par l'usage constant,
dans le galop, du côté hors montoir du cheval. Par consé-
quent, ils doivent tôt ou tard s'user d'un côté, ce qui arrive
de fort bonne heure aux animaux de formes grêles et de
membres débiles. Ainsi, quand une dame, amateur d'équita-
tion, a reçu pour monture un cheval léger, celui-ci se trouve
la moitié du temps hors de service. C'est ce qui arrivera
fréquemment avec un animal qui n'est pas assez fort pour son
travail : ou il boitera, ou son garrot ne sera pas en état de
supporter la selle, ou il sera malade et hors de condition au
moment même où l'on désirerait le plus vivement en faire
usage.
De tels animaux, quelle que soit l'opinion que puissent
avoir de leur extérieur, leurs propriétaires, ne valent pas leur
entretien. Il vaut mieux faire le sacrifice d'une crinière
flottante, d'une queue bien attachée, d'une couleur agréable
et même d'une jolie tête, et s'assurer des qualités plus impor-
tantes et plus utiles; lorsque ces dernières sont unies à la
beauté, le cheval de dame est d'un prix inappréciable.
La plupart des chevaux de bonne r-ace, dociles et sans
vices, chez lesquels les formes, la force et l'action ne laissent
rien à désirer, peuvent, au moyen d'une préparation conve-
nable et de soins judicieux, être rendus propres au service de
cheval de dame.
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Un cheval de dame parfait, possédant toutes les qualités
requises, est un trésor digne d'envie. Il y a quelques années,
je possédais un cheval alezan brûlé, de pur sang, d'une
beauté remarquable; il avait été dressé avec les plus grands
soins, et je puis affirmer que de tous les chevaux qu'il m'a été
donné de monter, il fut toujours mon favori.
Il possédait les avantages d'une généalogie sans tache, son
action était si parfaite qu'elle charmait également le cavalier
et le spectateur : en outre, il était si docile et si doux qu'il
cédait à la main la plus délicate.
Si mes lectrices veulent bien continuer à m'accorder leur
attention, je vais leur offrir la description de ce que je consi-
dère comme le type parfait du cheval de dame, en traçant le
portrait de cet animal sans pareil.
La tête était courte et large; une légère concavité du
chanfrein donnait de l'extension aux naseaux qui doivent
toujours être bien développés, et nul ne pouvait nier la beauté
de son profil et la grâce de ses lignes. Les oreilles étaient
bien placées, d'une dimension et d'une forme parfaites.
L'attache de la tête laissait toute liberté aux fonctions de
l'encolure, qui avait toute l'élasticité désirable et la faculté de
se ployer gracieusement pour obéir à la main du cavalier.
L'œil était doux, expressif et assez proéminent, signe de race
et indice certain de la docilité du tempérament. L'encolure
n'était ni longue ni trop musculaire, mais finement arquée ;
elle avait, ce qui n'est pas toujours facile à rencontrer, cette
courbe particulièrement gracieuse qui, sans aucun doute, est
un héritage que les chevaux anglais tiennent des races
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— 47 —
d'Orient; l'encolure, en se confondant avec les épaules qui
n'étaient point remarquables par la hauteur du garrot, formait
un angle d'environ quarante-cinq degrés. Les épaules étaient
profondes, ce qui constitue une qualité de la plus haute im-
portance, et leurs pointes n'étaient ni trop rapprochées, ni
assez écartées pour nuire à la liberté d'action. La profondeur
de l'épaule avait son complément dans la profondeur des côtes
de devant, si essentielle pour retenir la selle de dame, aussi
bien que pour assurer la force et le fonds nécessaires pour
porter le poids à la place convenable. Les jambes se mou-
vaient — comme cela arrive toujours lorsque l'épaule a la
conformation que nous venons de décrire, — de telle ma-
nière que, lorsqu'il trottait, son cavalier pouvait apercevoir
son genou, critérium infaillible de la perfection de l'action.
L'avant-bras était long, tandis que le canon était large, puis-
sant et court. Les genoux et les jarrets étaient de grande
dimension et permettaient à l'animal de porter son cavalier
avec aisance et sans se fatiguer. Les paturons n'étaient ni
trop longs, ni trop courts, mais de longueur et d'obliquité
moyennes, ce qui assurait l'élasticité de son action et le
confort de son cavalier. Le pied était rond, bien proportionné
et dans un état de santé qui ne laissait rien à désirer; nous
ferons remarquer à ce propos que la conservation des pieds
en bon état doit être la préoccupation constante de tous ceux
à qui des chevaux sont confiés.
Le dos était un peu court ; c'était là le seul défaut qu'un
connaisseur eût pu découvrir dans les formes de l'animal,
défaut qui généralement nuit à l'aisance et à la douceur de
»
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- 48 —
l'action. Les hanches étaient larges et bien recouvertes et les
jarrets, comme ceux du cerf, obliques, angulaires et bien
placés; la queue était haute, bien attachée et achevait de
donner à ce superbe cheval l'aspect le plus animé et le plus
gracieux.
Quelque parfaites que soient les formes d'un animal, il
reste beaucoup à faire avant qu'il mérite le titre de cheval de
dame.; lorsque les moyens ordinaires ont seuls été mis en
œuvre pour son dressage, l'expérience nous montre combien
il est peu propre encore à servir de monture à une amazone,
bien qu'en sortant des mains du marchand, il ait pu être
garanti doux à monter et exempt de tout vice, bien que son
action naturelle soit tout à fait irréprochable. C'est à ce mo-
ment que s'élève cette grave question : comment et par qui
ce qu'il doit apprendre encore lui sera-t-il enseigné?
La grande ardeur du cheval anglais de pur sang le rend
peu propre à servir de cheval de dame, et c'est toujours une
tâche difficile que de le dresser à cet usage. Le premier point
important de son éducation, c'est de le placer sur ses
hanches, ce qui ne peut généralement se faire qu'à l'aide
d'efforts longs et persévérants. On commet une grande faute
lorsqu'on prétend arriver trop précipitamment à ce résultat
en se servant de piliers, au lieu de chercher à l'atteindre par
une série d'exercices persévérants, administrés à la longe et
en employant à intervalles l'homme de bois. La bouche arri-
vera ainsi à atteindre à cette finesse qu'exige impérieusement
l'extrême délicatesse de la main féminine. Cette partie de
l'éducation ne peut cependant être administrée si ce n'est
*
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— 49 —
sous la direction d'une personne très-compétente, car à moins
qu'on ne possède beaucoup de prudence et de jugement, les
maux les plus graves pourraient être produits.
La grande difficulté réside donc toujours dans le choix de
la personne sous la direction de laquelle doit être placé le
cheval. Sa noble nature se révolte contre les mauvais traite-
ments qui le rendent vicieux ou détruisent son ardeur et son
courage. Après l'habileté, la douceur et la patience sont les
qualités les plus nécessaires pour remplir convenablement
cette tâche; avec leur aide on réussit mieux à dompter un
animal ardent et souvent même vicieux, qu'en opposant la
force à la force. Malheureusement, le naturel brutal de la
plupart des personnes auxquelles le cheval est confié, les
porte trop souvent à croire qu'on ne peut dominer l'animal
que par des mauvais traitements, en le torturant sans pitié
au moyen du fouet et de l'éperon, jusqu'à ce qu'il tremble en
entendant une voix humaine et tressaille à la vue seule de son
bourreau. Il est évident qu'il n'y a point de règles sans
exceptions, et de même que nous rencontrons chez les
hommes des caractères intraitables, il s'en trouve parfois chez
les chevaux : il n'y a rien là qui doive nous surprendre, et,
lorsqu'un cheval mérite réellement une correction, il ne faut
point hésiter à la lui infliger, mais le châtiment doit être
administré judicieusement et froidement, sans impatience ni
colère.
On a souvent débattu la question de savoir si le dressage
du cheval destiné à servir de monture à l'amazone doit être
confié à une femme ou remis entre les mains plus énergiques
ii.                                                                                            8
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— 50 —
d'un homme. La solution de cette question est subordonnée
au tempérament et au caractère du cheval, à l'adresse et au
jugement du dresseur. Dans une foule de circonstances, la
fermeté qui appartient naturellement à la main de l'homme,
jointe à l'avantage que lui donne, dans sa position à cheval,
l'usage complet de ses membres peuvent seuls obtenir un
résultat satisfaisant. D'un autre côté, la main légère d'une
femme triomphe souvent, là où la résolution et la force ont
échoué.
On avance souvent contre les femmes qui exercent la pro-
fession de dresseur, le reproche suivant : dans l'orgueil de
leur force elles sont quelquefois, dit-on, trop portées à punir
avec une grande sévérité des fautes légères, que des moyens
plus doux eussent suffi à corriger. Ce mode de traitement est
fort regrettable; non-seulement il leur fait perdre tous les
avantages dont elles eussent été redevables à la délicatesse
de leurs mains et compromet chez le cheval la docilité qui en
devait résulter, mais il conduit celui-ci à associer dans sa
mémoire la selle de dame et le costume d'amazone avec les
corrections et les souffrances et, par crainte du châtiment, à
se tenir sans cesse sur la défensive, prêt à se jeter de côté au
plus léger mouvement de la main du cavalier.
Un poëte anglais a dit quelque part qu'il faut instruire
l'homme sans qu'il s'en doute (Man should be taught, as ifyou
taught him not.)
et si l'observation de ce principe a produit
des résultats favorables pour l'homme, qui est non-seulement
doué d'intelligence mais de toutes les qualités qui la mettent
en jeu, ne peut-on pas, avec un égal profit, l'appliquer
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— ol —
à un animal qui n'est doué ni de facultés raisonnantes, ni de
réflexion.
Le cheval possède une grande sensibilité nerveuse et se
laisse facilement dominer par les impressions de crainte,
d'affection et d'antipathie. En dressant un cheval de dame, si
l'on fait usage du fouet, comme moyen de correction, on ne
doit y recourir que dans les cas de vice invétéré, et lorsque
tous les autres expédients ont échoué. Les corrections
qui font le plus d'effet sur un cheval sont celles qui, sans être
sévères, le contrarient dans l'acte de désobéissance dont il
veut se rendre coupable, d'abord en le réprimant, et ensuite
en le forçant à faire précisément le contraire. En agissant
ainsi sur l'intelligence de l'animal, on donne du poids à ses
leçons et l'on épargne au cheval toutes les conséquences
funestes qui sont si fréquemment la suite d'une sévérité mal
fondée.
On attribue le fait suivant à un riche fermier bien connu
dans le nord de l'Angleterre comme éleveur heureux, et qui
s'est toujours vanté d'être son propre dresseur : un jour qu'il
montait un poulain vers le milieu de la journée, l'animal refusa
de quitter la route qui conduisait à l'habitation de son maître,
et par conséquent à l'écurie pour prendre la direction que
voulait lui imposer son cavalier. Après avoir pendant quelque
temps essayé en vain de la douceur et des encouragements de
tous genres pour le déterminer à céder, le fermier le força à
rester immobile à l'endroit même où il se trouvait, et se
contenta de résister à toutes les tentatives du cheval pour
reprendre le chemin de l'écurie. Une heure s'étant passée de
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— 52 —
la sorte, une heure de résistance passive, le cavalier essaya de
nouveau de faire tourner sa monture, mais cette seconde ten-
tative resta infructueuse comme la première. Comme en ce
moment un jeune garçon passait, le cavalier le chargea d'aller
trouver sa femme et de la prier de lui envoyer son dîner. Le
repas lui arriva et fut mangé sur le dos de l'animal; après
quoi, il fit un nouvel effort, mais toujours en vain. Le domes-
tique fut alors renvoyé au logis avec ordre de revenir dans la
soirée avec le souper de son maître, si ce dernier n'avait pas
auparavant regagné sa demeure. Diverses autres tentatives
furent successivement faites par intervalles, jusqu'à ce que le
soir arrivât et que le souper vînt a l'heure dite. Le repas
dépêché, le messager fut de nouveau renvoyé à la ferme pour
y chercher des vêtements qui permissent à son maître de
passer la nuit à la belle étoile, mais avant qu'il pût être de
retour l'obstination de l'animal avait cédé; il devint trai table
et obéit sans plus de résistance à la main de son cavalier.
Tels étaient les moyens que cet intelligent dresseur employait
invariablement, évitant strictement l'usage du fouet ou de
l'éperon, et opposant à toute tentative de désobéissance de
la part d'un jeune cheval, l'indulgence, la douceur et une
résolution patiente.
L'empressement avec lequel les chevaux dressés par ce
propriétaire étaient recherchés et les prix fabuleux qu'il obte-
nait de ses produits, prouvent l'excellence de son système ; il
trouva dans les bénéfices considérables qu'il réalisa, la récom-
pense de son intelligente persévérance.
Les opinions si bizarrement et cependant si habilement
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— 53 —
exprimées il y a plus de deux cents ans par un auguste et
spirituel écrivain, le duc de Newcastle, s'appliquent encore si
bien à notre époque, où la nature impétueuse et ardente du
cheval anglais peut être si aisément gâtée par la brutalité et
l'impatience, que je ne puis résister à la tentation de citer
quelques passages de son magnifique ouvrage « Le Manège »
se rapportant au sujet qui nous occupe.
« L'intelligence du cheval est placée infiniment en-dessous
» de celle de l'homme par bien des gens qui prouveraient au
» contraire par leurs actes que l'animal est le plus intelligent
» des deux. Il faut longtemps à un jeune garçon pour savoir
» apprendre son alphabet, plus longtemps encore pour qu'il
» sache épeler et souvent plusieurs années avant qu'il puisse
» lire couramment; et cependant il y a des individus qui,
» aussitôt qu'ils ont monté un jeune cheval qui n'a reçu
» encore aucune leçon, s'imaginent qu'en le frappant, en
>» l'excitant de l'éperon, ils en feront un cheval dressé dans
» l'espace d'une matinée. Je serais fort aise de demander à
» ceux qui font preuve d'une pareille stupidité si en frappant
» un enfant ils croiraient pouvoir lui apprendre à lire, sans
» lui enseigner d'abord son alphabet? Il ne faut donc pas
» attendre plus d'intelligence d'un cheval que d'un être
» humain, puisqu'on dresse l'animal de la même manière que
» l'on apprend à lire aux enfants. En effet, on lui enseigne
» d'abord quelque chose, puis, au moyen de répétitions fré-
» quentes, on convertit la connaissance acquise en habitude.
» Il en est de même de ce qu'apprennent les hommes; il faut
» longtemps, par exemple, pour qu'un enfant sache jouer
s.
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— S4 —
» parfaitement du luth; mais lorsqu'il en est arrivé à ce point,
» ses doigts se meuvent sans qu'il en ait conscience, et
» errent sur les notes presque à son insu. On peut dire pré-
» cisément la même chose du maniement du cheval. Il est
» vrai qu'il ne faut que la main et les jambes pour rendre un
» cheval parfait, mais il y a d'autres choses nécessaires pour
» le rendre obéissant à la main et aux jambes. »
Le même écrivain dit ailleurs :
« J'ai vu fort peu de cavaliers emportés se rendre maîtres
» de leur cheval par la colère ; au contraire, dans des cir-
» constances semblables, j'ai toujours vu le cheval maîtriser
» son cavalier, et comme l'intelligence la plus faible est tou-
» jours la plus obstinée, il est probable que le cheval vaincra
» toujours l'homme. Lorsqu'il s'agit de dresser un cheval, il
» devrait y avoir en présence un homme et une bête, et non
» deux bêtes. Le vrai cavalier ne se laisse jamais dominer
» par la colère; lorsque son cheval mérite une correction,
» il la lui inflige sans perdre un instant son sang-froid. Lors-
» que le cavalier excite rudement sa monture de l'éperon, le
» cheval répond de la même manière en ruant méchamment.
» Ne voyons-nous pas des hommes échanger des coups en
» jouant, sans éprouver l'un envers l'autre la moindre colère?
» mais lorsqu'ils sont sérieux, la moindre plaisanterie occa-
» sionne un duel. Il en est précisément de même du cheval ;
» si son cavalier s'emporte contre lui, il se montrera mali-
» cieux, mais, s'il en est autrement, il prendra tout en bonne
» part, sans s'offenser jamais ; la patience est le seul moyen de
» dresser un cheval, bien que la patience sans l'expérience
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— 55 —
» ne puisse suffire ; l'une est aussi indispensable que l'autre ;
» on doit par conséquent traiter le cheval avec douceur et
» ne pas exercer toute sa force sauf le cas où l'animal se
» mettrait en tête de se révolter : on doit alors sous peine de
» se laisser dominer par lui, frapper un coup hardi pour
» le réduire à l'obéissance. Si vous le laissez l'emporter sur
» vous, tout est perdu ; s'il se soumet au contraire, descendez
» de cheval et caressez-le. S'il résiste, il vaut mieux conti-
» nuer la lutte jusqu'au lendemain que de le gâter par la
» violence. On doit le réduire par degrés, en mêlant la dou-
» ceur aux corrections. C'est ainsi qu'on fera d'un cheval un
» animal aussi utile qu'agréable. »
Le dresseur dont on s'assure le concours, que ce soit un
homme ou une femme, doit donc joindre à l'habileté et au
jugement, une patience sans bornes et une grande passion
pour le cheval.
Les meilleurs chevaux de dames que j'aie connus avaient
été dressés par des amateurs; leur intelligence supérieure et
leur connaissance du cheval unies à leur vif désir de plaire à
quelque belle parente en faveur de qui la tâche avait été
entreprise, leur donnaient naturellement un grand avantage
sur les dresseurs de profession. Quant à l'impression que
cause la jupe de l'amazone, on y prépare aisément le cheval,
en attachant à la selle une draperie qui produit un effet ana-
logue.
A l'époque de Virgile et même à celle d'Homère, l'art de
dresser le cheval était aussi bien compris que de nos jours
et des moyens presque analogues étaient mis en œuvre. Les
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— 56 —
Romains employaient une sorte de mors appelé lupatum sans
doute à cause de sa ressemblance avec les dents ébréchées
d'un loup; il est probable qu'ils avaient affaire à des animaux
fort différents de ceux de nos jours, car nous sommes rare-
ment obligés de recourir à de telles sévérités.
La main des dames qui ont reçu les leçons d'un bon maître
d'équitation est toujours légère et élastique et l'habitude con-
stante de caresser et de flatter leurs chevaux les met fréquem-
ment à même de rendre parfaitement tranquilles des ani-
maux même fort ardents, que des hommes n'ont pu réussir
à soumettre. J'ai connu une dame qui, pendant plusieurs
années, avait monté un cheval arabe, de couleur baie, qui
devint si intraitable à partir du moment où il fut confié à un
cavalier, qu'on ne put jamais le mettre au pas. C'est en vain
que les mains les plus habiles entreprirent cette tâche diffi-
cile, tous furent forcés de reconnaître qu'ils avaient échoué.
Et cependant l'intelligence qui existait entre lui et sa bonne
et douce maîtresse était si parfaite,, qu'aussitôt que cette der-
nière était en selle et qu'il entendait sa voix, il devenait l'ani-
mal le plus doux qu'il fût possible de rencontrer.
On me pardonnera facilement j'espère, de citer ici un autre
exemple de la puissance de la douceur. Il est dû à la plume
d'une dame auteur dont les œuvres sont hautement appré-
ciées et le caractère singulièrement prisé par tous ceux qui
ont eu la bonne fortune de faire partie de ses amis et con-
naissances'; toute sa vie s'est écoulée dans l'exercice des
vertus chrétiennes et sa charité était toujours en éveil cher-
chant de nouveaux objets de sympathie et de bienfaisance.
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— 57 —
Voici ce qu'elle dit :
« J'avais un cheval d'une rare beauté et d'une grâce incom-
parable, mais un parfait Bucéphale dans son genre : deux
générations seulement le séparaient d'un superbe arabe
donné par le Roi au duc de Kent, lorsque Son Altesse
Royale fut envoyée dans la Nouvelle-Ecosse. Cet animal
n'avait pas trois ans et, selon toutes apparences, n'avait
jamais été dressé. Ses manières étaient celles d'un che-
vreau plutôt que d'un cheval ; il était d'un beau gris pom-
melé, sa crinière et sa queue avaient des reflets d'argent,
cette dernière balayait presque le sol et dans ses gambades
il la relevait sur le dos comme celle d'un chien de Terre-
Neuve. Ses allures étaient d'une étonnante vivacité, ses
mouvements, différents de ceux de tout animal qu'il m'est
arrivé de monter, étaient rapides, moelleux et gracieux.
Je parvins à me faire aimer de cette charmante créature,
par de continuelles caresses auxquelles, je suppose, son
origine arabe la rendait particulièrement sensible, au point
que ma voix avait autant d'influence sur elle que sur mon
chien le plus fidèle et le plus docile. Pas une autre personne
ne pouvait exercer sur ce cheval la moindre autorité. Le
régiment de mon mari se composait principalement de
l'élite des soldats de Napoléon, faits prisonniers dans la
péninsule et qui préféraient le service britannique à la pri-
son. C'étaient, pour la plupart, des conscrits, et beaucoup
d'entre eux appartenaient évidemment à une classe de la
société plus élevée que celle que l'on rencontre d'ordinaire
sous l'épaulette. Il se trouvait parmi eux des chasseurs et
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— 58 —
» des lanciers qui se faisaient remarquer par un véritable
» talent d'écuyer; comme mon mari avait le grade d'officier
» d'état-major nos chevaux étaient fort bien soignés. Son
» groom était un chasseur, le mien un lancier, mais aucun
« des deux ne pouvait monter Fairy, à moins qu'elle ne se
» trouvât être en fort gracieuse humeur. Le cocher anglais
» de lord Dalhousie voulut aussi essayer de la dompter,
» mais en vain. Ou elle envoyait tranquillement son cavalier
» par-dessus sa tête, ou, par une manœuvre comique,
» s'asseyant comme un chien sur ses hanches, elle s'en dé-
» barrassait en le faisant glisser sur le sol. Ses mouvements
» bizarres la faisaient aimer de ces pauvres gens au point
» qu'elle était rarement châtiée et il eût été difficile de trouver
» un arabe aussi sauvage, aussi intraitable, aussi obstiné. Et
» cependant je la montais chaque jour sans expérience de
» l'équitation, sans l'aide de personne, totalement incapable
» d'exercer la moindre autorité sur un animal aussi impé-
» tueux, avec une selle de campagne mal confectionnée et
» qui, par une sorte de fatalité, n'était jamais bien attachée;
» la bride et le mors à l'unisson et l'ardeur naturelle de la
» jument accrue par une nourriture fortifiante, on me voyait
» parcourir au galop les sentiers les plus escarpés, les régions
» les plus sauvages de cette sauvage contrée. Il faudrait
» explorer les routes qui entourent Anapolis et l'endroit
» romanesque appelé le Pont du Général pour se faire une
» idée de l'enivrement et du péril de ces heures, les plus heu-
» reuses de ma vie. Insouciante au dernier point, je m'aban-
» donnais complètement à l'attachement qu'éprouvait pour
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» moi cette noble créature, et quand je la voyais mesurant
» de l'œil quelque clôture épineuse ou quelque gouffre béant,
» tels que dans ses jeux elle s'amusait souvent à en franchir,
» les douces paroles de remontrance qui l'arrêtaient m'étaient
» arrachées par les craintes que m'inspirait sa propre sûreté
» tout autant que la mienne. Le moindre chuchotement, une
» caresse sur l'encolure ou sur la magnifique tête qu'elle avait
» l'habitude de relever vers la mienne, suffisait à la calmer
» et jamais elle ne mit ma vie en danger. Ceci ressemblait
« fort à un miracle quotidien, si nous considérons la nature
» de la contrée, le caractère de l'animal et ma propre mal-
» adresse. »
La voix humaine, lorsqu'on donne de la douceur aux into-
nations, a toujours pour le cheval un charme particulier, et
grâce à sa sagacité et à sa mémoire ; il est bientôt capable
de reconnaître celle de son cavalier. L'habitude qu'a l'Arabe
de chuchoter dans l'oreille de son coursier est devenue pro-
verbiale et l'on est en droit de se demander qu'elle doit être
la vertu de ces mots murmurés à voix basse lorsque l'on con-
sidère la confiance et l'affection qui existent entre le cavalier
et sa monture. L'amazone doit tirer profit de cette observa-
tion , rien n'est plus propre à prévenir un accident ou à ras-
surer le cheval lorsqu'il est effrayé pour quelque cause que ce
soit, que le ton d'encouragement et de bienveillance de la
voix qu'il est accoutumé à entendre.
Plus d'un animal précieux a été rendu impropre au service
d'une dame par l'extravagance ou le caractère méchant du
groom qui le soignait. L'habitude qu'ont si souvent ces indi-
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vidus de pincer le cheval et de l'agacer dans sa stalle, ne sau-
rait être trop sévèrement réprimée ; car ce qui n'est" d'abord
chez le cheval que le signe de l'ennui que lui fait éprouver ce
jeu ridicule, devient bientôt l'expression de la colère et
l'avant-coureur d'un vice bien caractérisé. Un cheval soumis
a un pareil traitement, ne tarde pas à devenir dangereux ; car
si la selle est mal ajustée, si la jupe de l'amazone lui balaie le
flanc avec plus de force que d'ordinaire, si le fouet lui effleure
la croupe et qu'il en éprouve le moindre inconvénient, il se
mettra immédiatement à ruer pour en faire disparaître la
cause, et s'il y réussit une fois, dans la suite il aura invaria-
blement recours au même expédient.
Un autre mal sérieux procède fréquemment d'une extrême
brutalité dans la toilette. La peau du cheval de race est par-
ticulièrement délicate, et la douleur qu'il ressent lorsqu'il est
rudement bouchonné et étrillé est fort irritante. L'animal traité
de la sorte devient naturellement impatient, et le groom fait
alors sentir le poids de sa colère au pauvre animal, qui n'est
coupable que d'avoir exprimé une irritation, causée par sa
propre ignorance et sa cruelle brutalité. Telle est la cause la
plus fréquente des défauts les plus désagréables que puisse
avoir un cheval de dame : la répugnance à se laisser monter.
Un groom intelligent et adroit aura toujours égard à la
sensibilité du cheval; il consacrera plus de temps et de soins
à son pansage, exécutera celui-ci d'une main plus légère, et
ne se servira que d'instruments appropriés à la finesse de
leur peau; par ces moyens, non-seulement ses chevaux seront
toujours de magnifique apparence et en parfaite condition,
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— Cl —
mais sa douceur contribuera grandement à les rendre trai-
tables et dociles.
Il est de la plus grande importance qu'un cheval de dame
fasse un exercice régulier. Le groom est souvent porté à
croire qu'il peut se dispenser de faire sortir l'animal les jours
où sa maîtresse se propose de le monter, tandis que, dans ces
occasions, un exercice préalable est doublement nécessaire.
Le travail que la dame exige de sa monture est rarement
suffisant pour maintenir sous le frein un cheval de race, en
parfaite condition, et il est non-seulement désagréable, mais
dangereux pour elle de monter un animal qui, faute d'exer-
cice, est prêt, à la moindre excitation, à faire le plongeon, à
bondir, ou à s'efforcer de se débarrasser de son cavalier. Le
travail quotidien est d'une importance plus grande encore,
lorsque le cheval est nouvellement acheté et que l'on n'a pu
s'assurer avec une entière certitude de son caractère, de ses
dispositions et du degré d'ardeur qu'il possède. Un cheval
accomplira toujours son travail d'une manière plus agréable
pour lui-même, aussi bien que pour son cavalier, lorsqu'il est
soumis à un exercice quotidien ; sa condition et son appa-
rence en seront de plus singulièrement améliorées.
Lorsque le cheval est resté à l'écurie deux ou trois jours
de suite, il devienl agité, nerveux et impatient et, à la première
sortie, s'il a la bouche délicate, le moindre mouvement incon-
sidéré de la part de son cavalier, le rend indocile et intrai-
table. De plus, si l'écurie dans laquelle il a été confiné est
sombre, il eu sera rendu ombrageux, prendra l'alarme, et
tressaillira pour le plus léger motif. Un cheval de dame doit
il.                                                                                                                           G
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avoir tous les matins deux heures au moins d'exercice an
pas, et, si son groom a la main légère, un temps de galop ne
pourra que lui être favorable. Quelque bien dressé qu'il soit,
s'il n'a pas de bonnes épaules, il pèsera sur la bride et, à
moins que sa maîtresse n'ait une grande expérience de l'équi-
tation, il devra être pendant quelques jours monté par un
homme habile qui l'accoutumera au mors. Si ce moyen était
inefficace, on ne pourrait adopter de meilleur procédé que do
le renvoyer aux exercices primaires de la longe. Malgré toute
l'habileté déployée, et tous les soins consacrés à l'éducation
d'un cheval, il arrivera peut-être que des défauts et des vices
le rendront totalement impropre au service d'une dame. J'ai
entendu faire cette remarque que le pire défaut que puisse
posséder un cheval est de « ne pas craindre les chutes. »
Quelle que soit la vérité de ce précepte dans son application
générale, il a une force infiniment plus grande lorsqu'il
s'applique à un animal destiné à être monté par une dame ;
car, embarrassée par son amazone, il lui sera difficile de se
dégager sans danger et impossible de le faire sans avoir reçu
quelque lésion, si sa monture vient à se renverser sur le côté
gauche. Dans ce cas, une dame est fort heureuse, si elle en
est quitte pour un genou ou un pied foulé ; si elle est jetée en
avant, par-dessus la tête, des conséquences beaucoup plus
funestes peuvent en résulter. Nous conclurons de ceci que les
chevaux qui ont les épaules droites et mal formées ou qui, par
toute autre cause, sont sujets à des chutes fréquentes, doi-
vent être rejetés sans hésitation.
Un écrivain expérimenté et doué d'un grand talent litté-
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paire a dit avec beaucoup de raison : « Le cheval a d'excel-
» lentes qualités, mais il a aussi de nombreux défauts qui,
» dans certaines circonstances, deviennent des vices. Quel-
» ques-uns peuvent être attribués au caractère dont la nature
» l'a doué, car c'est à peine si l'homme fait preuve de plus
» nombreuses particularités d'habitude et de disposition que
» le cheval; la majorité des défauts cependant, de même
» peut-être que chez l'être humain, sont les conséquences
» d'une éducation vicieuse. Si les premiers maîtres auxquels
» le cheval a été confié étaient tout à la fois ignorants et
» brutaux, il ne faut point s'étonner si l'animal est devenu
» obstiné et vicieux. Soit que le cheval trahisse ses mau-
» vaises dispositions en ruant, en se cabrant, en faisant le
» plongeon, ou de toute autre manière dangereuse pour son
» cavalier et pour lui-même, il est rare qu'il puisse être
» corrigé. Un écuyer déterminé peut jusqu'à un certain
» point dominer l'animal de même que celui-ci peut avoir ses
» favori*, contracter des attachements et se montrer com-
» parativement ou absolument traitable avec telle ou telle
» personne; mais d'autres ne peuvent jamais s'y fier long-
» temps, et son maître lui-même n'est pas tout à fait sûr de
» lui. » En règle générale — règle qui n'admet que fort peu
d'exceptions — on peut avancer que celui qui tente de
dompter un cheval rétif ne fait point preuve « de sagesse et
met en oubli l'intérêt de sa propre sûreté. »
Quelle que soit la cause primitive des habitudes vicieuses
d'un cheval, qu'elles soient dues à un traitement inintelligent
on à un caractère naturellement mauvais, elles jettent, par la
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— 64 —
force de l'habitude, des racines de plus en plus profondes, et
il est rare que l'animal oublie jamais une manie perverse,
dont il a fait preuve une fois. Ainsi, on peut affirmer, sans
crainte de se tromper, que s'il est arrivé à un cheval de trait
de ruer dans le harnais, pour quelque motif que ce soit, le
même acte se reproduira dans la suite. Un bon cocher pourra
le conduire il est vrai et le forcer à marcher, mais il ne
pourra lui faire oublier son vice. Il en est de même du cheval
de selle; on peut dompter un animal rétif, on peut l'amener
à se laisser monter tranquillement pendant des mois, mais
j'affirme que, dans des circonstances données, ou à la pre-
mière occasion favorable, il retournera inévitablement à ses
habitudes vicieuses.
Comme il vaut mieux prévenir le mal que de le guérir, ou
plutôt que de tenter de le guérir, un animal adonné à un
vice dangereux ou ayant quelque défaut de nature à compro-
mettre la sûreté de la personne qui le monte, ne devrait
jamais être choisi comme cheval de dame.
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LA SELLE ET LA BRIDE.
Il ne peut guère y avoir d'instruments de tortures plus
efficaces, et pour l'amazone et pour son cheval, qu'une selle
mal faite, mal appropriée. Combien ne voyons-nous pas de
dames, surtout parmi celles qui prennent assez tard leurs pre-
mières leçons'd'équitation, abandonner toute idée de monter
à cheval par suite de l'extrême souffrance qu'elles ont endu-
rée, sans songer que c'est un mal qui aurait pu facilement
être évité, si on avait pris soin d'approprier à leur taille la
forme et les proportions de la selle. Dans les mêmes circon-
stances, plus d'un pauvre animal a été condamné sans appel
et déclaré absolument impropre au service d'une dame, sous
prétexte d'indocilité, défaut qui bien loin d'avoir son origine
dans des causes constitutionnelles, ou de devoir être attribué,
comme on le suppose fort souvent à tort, aux secousses
6.
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— 66 —
imprimées à la jupe de l'amazone, a pour unique cause la
gêne douloureuse imposée au cheval par la détestable confec-
tion de la selle.
Lorsque la selle de dame ne s'adapte pas avec la plus
grande exactitude, le dos du cheval en est cruellement écor-
ché ; son poids doit être réparti le plus également possible ;
il ne faut pas qu'elle presse trop fortement le garrot, et elle
doit être faite de façon à ne pas peser sur les épaules et à ne
gêner en rien leur liberté d'action. Il est bon que le bois de
la selle soit un peu plus ouvert du côté droit, sur le garrot,
pour empêcher que l'inclinaison naturelle de la selle du côté
gauche ne cause en cet endroit une pression beaucoup trop
forte, ce qui arriverait notamment lorsque le cheval est
depuis assez longtemps en mouvement, et que les sangles se
détendent. Les pointes du bois doivent être suffisamment
longues pour assurer la fermeté de la selle, la pointe droite
doit être la plus longue des deux.
Lorsque le bois est convenablement taillé, l'usage des bâts
mobiles ne saurait être trop vivement recommandé à cause
des nombreux avantages qu'ils possèdent. Attachés au bois
comme ils le sont par des cordes ou des baguettes, ils obvienl
complètement à l'inconvénient des clous, qui parfois en se
déplaçant blessent le cheval. Si pendant une promenade, la
selle a pesé trop sur une partie donnée du rein ou du garrot,
le mal peut être aisément évité dans la suite en changeant les
bâts. La même selle peut aussi, avec des bâts convenables,
servir à deux chevaux et même davantage. Comme les bâts
peuvent facilement être enlevés pour sécher, ils empêchent la
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— G7 —
prompte destruction de la selle, qui résulte souvent de son
exposition au soleil ou au feu, ou des dégâts qu'elle reçoit en
tombant lorsqu'on la transporte d'un endroit à un autre,
alors qu'elle est mouillée. L'usage des bâts a un autre avan-
tage encore, c'est que la dame n'est jamais forcée de se priver
de sa promenade, par la nécessité de faire rembourrer sa
selle ; il suffit, à cet effet, d'envoyer à la fois une seule paire
de bâts.
Pour le confort de l'amazone, il est indispensable que la
longueur de la selle soit proportionnée à sa taille. La partie
supérieure doit être presque complètement plate, mais il faut
que le côté gauche soit un peu plus rembourré que l'autre
pour empêcher l'amazone de glisser de ce côté, vers lequel
l'entraîne toujours sa position à cheval. Il est bon aussi qu'une
partie de la selle soit recouverte de peau de daim, parce que
le cuir communément employé devient par l'usage si poli et
si glissant que si la selle n'est pas extrêmement bien faite, il
devient difficile de garder une position centrale.
Le pommeau de la selle doit être soigneusement tourné et
rembourré de façon que le genou puisse l'entourer avec
aisance et confort ; on évitera ainsi le frottement irritant qui
résulte de la négligence apportée à la confection de cette
partie.
Le pommeau de droite est quelquefois supprimé aujour-
d'hui ; il a cependant ses avantages, et lorsqu'il est assez bas
pour ne pas gêner le mouvement des mains, et gracieusement
contourné, il n'est pas moins utile qu'ornemental. Il aide
incontestablement a maintenir ferme la jambe droite, et per-
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— 68 —
met à la dame de se soulever dans sa selle dans le but d'ar-
ranger son amazone.
Le troisième pommeau doit être placé à une courte dis-
lance au-dessus du genou ; sa position exacte doit être
déterminée par la taille de l'amazone; il doit entourer mais
non pas serrer fortement la jambe, ou il nuira, dans le trot
et dans le galop, à la libre action du membre. Le troisième
pommeau est attaché à la selle par une vis, qui forme le pivot
sur lequel il se meut; cette vis doit toujours tourner à gauche
et non pas d'après la méthode ordinaire à droite, car la pres-
sion de la jambe, en faisant tourner le pommeau à gauche,
finirait par le détacher.
Ce troisième pommeau, si généralement employé de nos
jours, a certainement de grands avantages; car, si l'on en fait
un usage convenable, il donne une sécurité immense à
l'assiette dans toutes les circonstances critiques; on ne peut
opposer à son emploi aucune objection sérieuse, pourvu que
la dame soit devenue bonne écuyère avant de commencer à
s'en servir. Il a pour l'amazone inexpérimentée un incon-
vénient : c'est qu'il la porte à compter trop sur lui pour
conserver son équilibre, et pas assez sur sa propre habileté
dans la conduite de sa personne et de son cheval; elle est
exposée alors à se trouver cruellement embarrassée si, par
suite d'une circonstance quelconque, elle se trouve privée de
l'aide sur laquelle elle s'est accoutumée à compter. Je recom-
mande donc fortement à toutes les commençantes qui ont le
désir de devenir bonnes écuyères de se passer de ce pommeau
jusqu'à ce qu'elles aient appris à apprécier la valeur des mains
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— 69 -
et qu'elles aient atteint dans l'art de l'équitation ce degré de
science qui leur permette de conserver aisément leur équi-
libre, sans compter sur aucune aide artificielle.
L'étrier doit être muni d'une courroie qui permette à une
personne placée à droite du cheval de l'abaisser ou de le
remonter, lorsque le pied y sera placé ; la dame elle-même doit
pouvoir à volonté en modifier la longueur. En règle générale,
l'étrier qui aura toute la longueur du pied sera préférable à
tout autre, pourvu que sa force la plus grande soit au centre;
celui-ci aura en outre l'avantage d'être fort commode.
La bride d'un cheval de dame doit être aussi élégante,
mais en même temps aussi simple que possible. Lorsque le
cheval a la tête fine et bien faite, il n'est pas besoin d'or-
nement pour améliorer son apparence ; s'il l'a laide, mal for-
mée, une bride travaillée ne fera que rendre sa laideur plus
évidente.
Sauf pendant les premières leçons, un simple bridon ne
doit jamais êlre vu dans les mains d'une dame. Si son cheval
a la bouche trop délicate pour être monté avec un mors ordi-
naire, le plus léger et le plus sûr dont elle puisse faire usage
est le mors Pelham.
Tout en choisissant un mors aussi simple que le permette
la nature de la bouche du cheval, la branche en doit toujours
être assez longue pour obliger l'animal à fléchir sous la main
de la dame.
Comme le mors hanovrien semble revenir en vogue
aujourd'hui, je conseille à mes belles lectrices qui s'en servi-
ront de se montrer prudentes, à moins qu'elles ne soient
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— 70 —
Tort habiles et que leurs montures ne soient non-seulement
parfaitement dressées, mais encore douées par la nature d'un
excellent naturel. L'usage continuel de la gourmette, si la
personne qui s'en sert n'a pas la main excessivement légère,
détruit la sensibilité de la bouche du cheval et le fait peser
sur la main. Si l'animal a la bouche tendre, la gourmette
l'agite, l'impatiente, le porte à secouer la tête en tous sens,
et souvent à se cabrer ou à reculer au grand détriment de la
sûreté du cavalier. La courbure de la branche du mors, tout
en lui donnant une fort jolie apparence, n'admet pas une pro-
fondeur suffisante; car, comme elle s'étend rarement dessous
la lèvre inférieure, le cheval, au lieu d'obéir à la bride, a sou-
vent une disposition à lui résister en levant le nez en l'air, ce
qu'il fait souvent quand son cavalier n'a pas la main parfaite-
ment exercée.
Une bride avec un mors et un bridon est celle qui convient
le mieux à une dame, car si elle se trouvait dans l'embarras, si
son cheval devenait intraitable par suite de la douleur que lui
occasionne la gourmette, et à cause de l'usage abusif qu'en
fait sa conductrice; celle-ci peut immédiatement recourir au
bridon. Lorsque la promenade est longue, l'allure du cheval
est toujours plus libre et plus agréable lorsque de temps à
aulre on le délivre du mors, pour le conduire à l'aide du bri-
don. Je conseille à toutes les dames de se servir de doubles
rênes pour éviter les accidents qui pourraient survenir si une
rêne se brisait ou si une boucle cédait. Dans ces circonstances,
lorsqu'il n'y a qu'une rêne, l'amazone est laissée entièrement
à la merci de son cheval, tandis que lorsqu'elle a un mors el
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— 71 —
un bridon elle peut encore, à l'aide de sa secoude rêne, le
maintenir dans une obéissance parfaite.
Un accessoire du mors, petit mais important, la courroie de
la lèvre, ne devrait jamais être supprimé sous quelque pré-
texte que ce soit; car si un cheval prenait subitement sa
course, et saisissait entre les dents la branche du mors, ce
qui se présente assez fréquemment, quand on a négligé
d'adapter la courroie, l'amazone perd immédiatement toute
puissance sur sa monture, et les accidents les plus graves
peuvent en résulter.
Je crois avoir dit sur l'usage de la bride tout ce qu'il est
nécessaire de savoir et ce qui pourra être utile à mes belles
lectrices dans toutes les conjonctures; j'ajouterai pour finir
que les rênes doivent toujours être plates et faites du cuir le
plus doux et le plus souple.
La martingale est plus souvent employée pour servir d'or-
nement , que pour rendre des services réels. Un cheval de
dame, convenablement dressé, portera bien la tête sans l'aide
de la martingale et lorsqu'elle n'est pas nécessaire, il vaut infi-
niment mieux s'en passer. Cette remarque s'applique parti-
culièrement à la martingale qu'on attache h la muserole, car
s'il arrive au cheval de faire un faux pas, la moitié des moyens
dont il dispose pour recouvrer son équilibre lui sont enlevés
par la manière dont elle lui comprime la tête. Les inconvé-
nients de la martingale à anneaux ne sont pas aussi grands,
mais comme cette dernière ne peut s'employer qu'avec un
bridon, elle n'a que peu d'utilité pour une dame.
Si un cheval a pris l'habitude de rejeter la tête en arrière
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ou cherche fréquemment à « forcer la main » de son cavalier,
on peut recourir à la martingale avec quelque avantage, mais,
même dans ce cas, elle peut tout au plus prévenir momenta-
nément le mal, et non le guérir. La plupart du temps ce vice
a son origine dans le manque de fermeté de la main, dans un
mors trop dur ou dans l'usage très-pernicieux de serrer trop
la chaîne de la gourmette. Dans ce cas, une main légère et
ferme, un mors approprié à la conformation de la bouche du
cheval, et une gourmette convenablement ajustée réussiront
souvent à faire disparaître ce défaut. Lorsqu'il provient de ce
que le cheval a été imparfaitement ou négligemment dressé,
on peut généralement remédier au mal en le soumettant de
nouveau pour quelque temps à l'homme de bois et à la
longe.
De tous les moyens que j'ai vu mettre en usage, le caveçon
est le seul qui puisse tout à la fois prévenir le mal et le guérir.
Il y a quelques années, je possédais une jument de pur sang
qui avait la désagréable habitude d'agiter la tête dans tous les
sens, aussitôt qu'elle était en mouvement. Comme c'était son
seul défaut, je désirais vivement la corriger de cette fâcheuse
manie, mais pendant quelque temps, je l'essayai en vain. Un
jour, on me suggéra l'idée de recourir au caveçon. La pre-
mière fois que j'en fis usage, la jument commença comme
d'ordinaire à agiter la tête aussitôt qu'elle se mit en route,
mais la douleur que lui causait le frottement du caveçon sur
le nez étant fort vive, elle cessa bientôt; l'habitude cependant
était si invétérée, qu'elle reparut fréquemment pendant le
cours de la promenade, mais, chaque fois, pour quelques
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— 75 —
instants seulement. Plusieurs jours de suite, elle répéta ses ten-
tatives de la même manière, mais comme elles eurent toujours
le même résultat, elles devinrent de plus en plus rares et ces-
sèrent complètement au bout de quelques semaines. Au bout de
trois mois je supprimai le caveçon, et je constatai qu'une cure
complète était opérée. Je n'ai pas l'intention d'affirmer que
les mêmes moyens seraient toujours couronnés d'un succès
aussi complet, mais les résultats que j'ai obtenus dans cette
circonstance me décideraient certainement dans un cas sem-
blable, avec un animal dont l'action est sûre et bonne, à
mettre de nouveau à l'épreuve la puissance du caveçon.
Il ne suffit pas d'apporter à la confection de la selle et de
la bride tous les soins nécessaires; il faut encore que ces
objets aillent bien au cheval.et soient bien placés. Il est fort
désirable que lorsque l'animal est mal sellé ou bridé la dame
puisse s'en apercevoir par elle-même, car il se présentera une
foule de circonstances qui la privent des services du groom
ordinairement chargé du soin de sa monture et la laissent à
la merci de gens qui savent à peine ce qu'est une selle de
dame. Lorsque le cheval est amené à l'amazone, il doit être
tourné, le côté droit vers la dame, afin qu'avant de le mon-
ter, cette dernière puisse s'assurer aisément si la selle est
bien placée. Elle doit être mise au milieu du dos du cheval, à
une main environ du garrot afin qu'elle ne puisse gêner
l'action des muscles. Les sangles ne doivent pas être assez
serrées pour que l'on ne puisse introduire le doigt en des-
sous; le surfaix doit reposer sur les sangles et ne serrer ni
plus, ni moins que ces dernières. On ne pourrait accorder une
h.                                                                                            7
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— 74 —
trop grande attention à la pose des sangles. Si elles ne sont
pas assez serrées la selle peut tourner et la vie de l'amazone
se trouver en danger ; si elles le sont trop, la faute la plus
commune peut-être, le cheval peut se cabrer violemment pour
se débarrasser de leur étreinte et l'amazone, à moins qu'elle
n'ait une grande habitude de l'équitation et ne soit écuyère
consommée, pourra perdre l'équilibre et être jetée à terre.
Lorsque la dame a terminé l'examen de la selle et de la
bride, le cheval peut être tourné dans l'autre sens, mais sa
tête doit être toujours dirigée vers la dame afin que si, en
jouant ou emporté par son ardeur il lui arrivait de ruer, elle
soit hors d'atteinte.
En ajustant la bride, on doit avoir soin que la courroie de
la gorge soit suffisamment longue pour tomber vers le milieu
de l'os de la pommette. Le bridon doit pendre librement dans
la bouche du cheval, en en touchant les coins, mais sans les
tirailler. Il faut que la gourmette soit placée à un pouce envi-
ron au-dessus de la mâchoire inférieure et la courroie de la
lèvre ; attachée par une boucle de chaque côté de la branche, elle
doit passer par un petit anneau de la chaîne de la gourmette,
destiné à la recevoir; la chaîne pendra librement dans le creux
de la lèvre. On doit soigneusement éviter d'employer une gour-
mette trop tendue. Jamais un cheval ne portera bien la tête
ou n'aura de bonnes allures si la pression de la chaîne le fait
souffrir et, fût-il généralement plus doux qu'un mouton, il
pourra dans ces circonstances mettre sérieusement en danger
la vie de son cavalier.
On ne pourrait imaginer jusqu'à quel point une selle de
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— 75 —
dame mal placée peut torturer un cheval. Nous voyons cha-
que jour dans nos promenades publiques, de pauvres bêtes
dont la souffrance est si évidente qu'il est impossible de com-
prendre comment les grooms qui les suivent peuvent être
assez ignorants ou assez volontairement aveugles pour ne pas
s'en apercevoir. La tête baissée du cheval, sa démarche traî-
nante et incertaine trahissent la douleur qu'il éprouve : sa
douceur naturelle et sa docilité empêchent seules qu'il ne
devienne plus fréquemment intraitable et vicieux.
C'est du reste ce qui arrive fréquemment avec un cheval
ardent ou imparfaitement dressé, au grand détriment du
plaisir et souvent même de la sécurité de l'amazone.
Les souffrances qu'il endure rendent son action incertaine
et souvent dangereuse. Il est à tout moment exposé à tomber,
et son garrot peut être si cruellement écorché qu'il sera inca-
pable de tout service pendant longtemps.
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DE LA
MANIÈRE DE SE METTRE EN SELLE.
Avant de monter à cheval, la dame doit se placer devant la
tête de son cheval, se montrer à lui, lui faire entendre sa
voix et le caresser. Elle doit se faire une règle de ne jamais
s'approcher de sa monture par derrière, de crainte que l'état
nerveux qui lui est naturel ne la porte à ruer. Quelque insi-
gnifiants que puissent paraître ces préliminaires, ils sont loin
cependant d'être sans importance.
Lorsque la chose est possible, deux personnes doivent
venir en aide à la dame pendant qu'elle monte à cheval ; l'une
pour tenir la tête de l'animal, l'autre pour assister l'écuyère à
se mettre en selle.
La première, qui je suppose sera le groom, doit se placer
devant le cheval, une main de chaque côté de la bride, fort
7.
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— 78 —
près de la bouche, afin de le maintenir immobile ; car s'il
faisait un mouvement en avant ou en arrière au moment pré-
cis où la dame saute en selle, celle-ci est en danger de
perdre l'équilibre. Beaucoup de chevaux sont sujets en pareil
cas à incliner vers la droite ce qui, pour une amazone inexpé-
rimentée est plus désagréable encore; car la dame se trou-
vant sur une jambe et tenant le pommeau de la main droite
peut tomber, si elle ne lâche prise immédiatement.
Ce que l'on a de mieux à faire avec un cheval qui a l'habi-
tude de se mouvoir vers la droite lorsqu'on le monte, est de
le placer, si la chose est possible, contre une muraille ou une
palissade ou, mieux encore, à côté d'un autre cheval, car les
chevaux sont toujours plus tranquilles quand ils sont en
compagnie.
La seconde personne qui assiste l'amazone, que ce soit un
gentleman ou un groom, doit mettre l'étrier sur l'encolure du
cheval, devant la selle, pour éviter qu'il ne puisse frapper le
pied de la dame. Alors, ayant ajusté les rênes du bridon de
façon à ce qu'elles soient d'égale longueur, et les lui ayant
placées dans la main, il doit se mettre contre l'épaule du
cheval, de manière à faire face à la dame, et unissant les
mains, en joignant fortement les doigts, se baisser pour y
recevoir le pied de l'amazone.
Ayant pris les rênes des mains de son serviteur ou compa-
gnon, en plaçant entre elles l'index de la main droite, la dame
doit se poser aussi près que possible de l'animal, mettre la
main droite qui tient le fouet sur le pommeau gauche, puis
introduire le pied gauche, débarrassé des plis de la jupe,
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r- 7!) —
dans les mains de la personne qui l'assiste, laisser tomber sa
robe, que jusqu'à ce moment elle a retenu de la main gauche,
poser cette main sur l'épaule de son compagnon et sauter en
selle à l'aide du soutien que lui offre le pommeau et la pres-
sion sur l'épaule. L'amazone aura soin de tendre le genou
gauche et de prendre son élan du cou-de-pied droit. Tout
cela doit se faire au même instant, mais il faut que la dame
reçoive beaucoup d'aide de l'assistant qui doit lever les mains
au moment où elle saute. Il doit prendre soin néanmoins de
ne pas remuer trop tôt ; ses mouvements et ceux de l'amazone
doivent être simultanés.
Le saut se réglera d'après la hauteur du cheval ; car si la
dame saute trop haut, l'assistant, en élevant précipitamment
les mains au même instant, peut lui faire perdre l'équilibre et
l'exposer à tomber de l'autre côté.
Avant de faire le saut, la dame doit veiller à ce que la
personne qui l'assiste à se mettre en selle n'ait pas le pied
posé sur l'amazone, ce qui pourrait non-seulement déchirer
sa robe, mais encore l'arrêter dans son élan; il faut aussi
qu'elle évite de toucher le cheval du fouet qu'elle tient dans
la main droite, de peur de l'effrayer.
Lorsque l'amazone a peu de légèreté et de souplesse, une
autre méthode peut être adoptée. La position de la dame res-
tant la même que celle que nous venons de décrire, l'assistant
se place à son côté, le visage tourné vers la tête du cheval,
et se baisse pour recevoir dans les mains le pied de l'amazone
sous son bras droit. De celte manière, l'assistant est placé
plus près de la dame, de sorte que le poids à supporter est
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plus central et plus perpendiculaire, et qu'il peut plus effica-
cement la soulever et l'aider à se mettre en selle.
Lorsque l'amazone n'a qu'une seule personne à sa disposi-
tion, elle doit, avant de monter à cheval, s'assurer si les rênes
ne sont point trop courtes, de peur que l'animal ne recule ou
ne s'agite au moment où elle saute en selle ; les rênes doivent
en outre être parfaitement de la même longueur, de manière
à n'incliner la tête du cheval ni à droite, ni à gauche.
Aussitôt qu'elle est en selle, la dame met son genou droit
au-dessus du pommeau, en veillant à ce que la jupe ne soit
pas trop tendue autour de ce membre. Le pied est alors placé
dans l'étrier. Si la partie postérieure de l'amazone exige quel-
que arrangement, la dame doit se soulever dans sa selle en
tendant le genou gauche, se pencher en avant en tenant de la
main droite le pommeau droit, et arranger de la gauche
l'amazone à sa complète satisfaction. Lorsque la dame a
acquis l'art de se mettre bien en selle, et qu'elle ne s'embar-
rasse pas d'un trop grand nombre de vêtements de dessous,
cet arrangement sera rarement nécessaire ; mais dans le cas
contraire, il peut se faire également bien, peut-être mieux,
lorsque le cheval est en mouvement.
C'est alors que la dame doit faire attention à la longueur
de l'étrier. Quelques personnes désirent l'avoir très-court ce
qui est évidemment un tort et cause invariablement des
crampes ou force l'écuyère à appuyer trop sur la droite, ce
qui nuit beaucoup à la grâce de son attitude. Un étrier trop
long a également des inconvénients, il porte le corps à incli-
ner trop sur la gauche et fatigue le pied par les efforts
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incessants que celui-ci est obligé de faire pour le retenir.
La fermeté de l'assiette dépend en grande partie de la
longueur convenable donnée à l'étrier. Pour bien l'ajuster,
le genou ne doit être que légèrement courbé, pas plus qu'il
n'est nécessaire pour permettre à l'amazone de se soulever
dans la selle sans aucun effort du cou-de-pied, en s'appuyant
de la main droite sur le pommeau.
L'amazone n'a plus alors qu'à ajuster soigneusement les
rênes avant de commencer sa promenade.
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DE LA
MANIÈRE DE DESCENDRE DE CHEVAL.
Pour beaucoup de dames, monter à cheval n'est pas une
affaire à moitié aussi sérieuse que d'en descendre. La répu-
gnance que l'on éprouve à se laisser soulever de la selle dans
les bras d'un groom, et les désagréments que peut occasion-
ner un dérangement de toilette, si fréquent dans ces circon-
stances, cause naturellement une sensation nerveuse.
En réalité cependant, descendre de cheval, lorsqu'on a
appris à le faire selon les règles, est de beaucoup l'opération
la plus simple des deux et il n'y a pas le plus léger motif pour
qu'elle produise les inconvénients auxquels je viens de faire
allusion. Une amazone inexpérimentée ne doit pas descendre
de cheval, lorsque la chose est possible, sans l'assistance de
deux personnes, l'une, destinée à tenir la tête du cheval et à
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— 84 —
le maintenir parfaitement immobile, l'autre à assister la dame
dans la descente.
Il peut n'être pas toujours aisé d'avoir deux personnes a sa
disposition au moment où on doit descendre de cheval ; lors-
qu'une seule est présente, elle doit tenir la bride de la main
gauche aussi près que possible de la bouche et se rapprocher
de l'amazone de toute la longueur du bras, en lui faisant face.
Cette dernière, aussitôt que son cheval est tenu, dégage le
pied de l'étrier que l'assistant, de même que lorsqu'il s'agit
de monter à cheval, place sur le devant de la selle, de crainte
qu'il ne s'embarrasse dans la robe ; ensuite elle laisse douce-
ment tomber les rênes sur l'encolure du cheval, puis prend
son mouchoir dans la poche de la selle et le passe dans la
main gauche. De cette main, elle débarrasse en même temps
le bord de la jupe de ses vêtements de dessous, la saisit aussi
bas que le lui permet la longueur du bras, en retourne une
petite partie au-dessus du pouce afin de laisser en liberté le
reste de la main, et enfin lève le genou droit au-dessus du
pommeau. On place alors la main droite qui tient le fouet
sur le pommeau gauche de même qu'en montant et la main *
gauche qui retient l'amazone, sur l'épaule droite de l'assis-
tant. Celui-ci en ce moment avance d'un pas, et la dame se
laisse glisser en ployant légèrement les genoux pour éviter
une trop forte secousse; elle ne doit lâcher le pommeau que
lorsqu'elle se trouve en sûreté sur le sol. L'assistant doit lui
venir en aide en se baissant avec elle.
La dame s'apercevra que de cette façon ses pieds seront
parfaitement libres aussitôt qu'elle aura touché terre et que
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sa jupe qu'elle tient de la main gauche ne la gêne en rien ; il ne
lui restera plus dès lors qu'à la relever du côté droit d'après
la méthode que nous avons décrite dans un chapitre précé-
dent pour pouvoir marcher avec aisance et grâce.
Les dames qui ont à leur selle un troisième pommeau doi-
vent avoir soin d'en détacher la jupe de l'amazone avant de
descendre, ce qui peut se faire aisément en changeant un peu
la position avant d'ôter le genou du pommeau.
Il est très-important que les amis et parents des dames
qui montent souvent à cheval s'exercent à remplir dans ces
circonstances les devoirs de cavalier servant, car il doit être
extrêmement désagréable à un gentleman accompagnant une
dame de ne pouvoir l'assister a se mettre en selle ou à des-
cendre, s'il lui arrivait de s'arrêter pendant le cours de sa
promenade. Parmi le petit nombre de gentlemen qui possè-
dent ces utiles connaissances quelques-uns ne se servent que
d'une main pour placer une dame à cheval, mais s'il m'était
permis de leur donner un conseil, je les engagerais à les em-
ployer toutes deux. D'abord, le poids est moins difficile à
supporter et ensuite l'entrelacement des mains prévient la
maladresse que l'on commet presque toujours lorsqu'on n'en
emploie qu'une, et qui consiste à lever la dame perpendicu-
lairement dans la selle, car, en tendant le genou pour sauter,
elle repousse invariablement la main. Non-seulement, on
évite complètement cet inconvénient en employant les deux
mains, mais encore, on guide la dame avec plus de sûreté.
Je ne puis laisser passer cette occasion d'exprimer au nom
de toutes les ecuyères de mon sexe, mon vif désir de voir les
h.                                                                                  8
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— 86 —
jeunes cavaliers de nos jours cultiver plus assidûment les
connaissances nécessaires pour venir en aide aux dames
lorsqu'elles se mettent en selle ou descendent de cheval-
Leur galanterie ne doit pas se borner aux petits soins dont
ils se montrent prodigues envers elles dans une salle de bal.
Le gentleman accompli doit saisir avec empressement
toutes les occasions qui lui permettent de se montrer atten-
tif envers les dames, et il n'en saurait trouver de meilleures et
qui soient plus favorablement accueillies que celles que lui
offrent les promenades équestres. Qu'est devenue la cheva-
lerie? Elle abandonne à des valets, des services auxquels des
gentlemen devraient être fiers de prétendre et qui, rendus
par eux, seraient certains d'être gracieusement reçus.
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#
L'ASSIETTE.
Nous voyons certaines amazones adopter les positions les
plus variées, et souvent les plus bizarres et les plus déplai-
santes, ce qui, dans la plupart des cas, provient uniquement
d'un défaut d'instruction, alors que ni le courage ni la grâce
ne manquent à ces écuyères.
On s'est longtemps demandé avec surprise comment il se
fait que, vu le grand nombre de dames qui chaque année
apprennent à monter à cheval, il s'en trouve relativement si
peu qui parviennent à acquérir une position aisée et gracieuse.
La première cause en est le manque d'élasticité du buste, et
on peut citer encore la trop grande pression dn corset, ainsi
qu'une méthode d'enseignement précipitée et défectueuse. Par-
fois, à sa première leçon d'équitation, la dame est placée
immédiatement à cheval, on lui encombre les mains d'une
L
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— 88 —
rêne à double bride et avec la recommandation générale de se
tenir en arrière et la tête haute, elle est presque abandonnée
à elle-même. Dans cette position nouvelle, un léger sentiment
de crainte la saisit naturellement, et au moment où le cheval
se met en mouvement, s'il secoue la tête ou montre le moin-
dre signe d'agitation, incident que la maladresse de l'élève
est très-capable de déterminer, ses mains se crispent sur les
rênes et tous ses membres se raidissent. La crainte disparaît
par degrés mais, dans la majorité des cas, la raideur reste et
finit par produire en selle toutes les positions mauvaises que
l'on rencontre chaque jour.
Lorsqu'une amazone est placée pour la première fois à
cheval, il ne faut pas lui mettre immédiatement les rênes en
mains. Le cheval doit être conduit pendant quelque temps
par une des personnes présentes ; la dame perd ainsi toule
espèce de crainte, elle trouve peu à peu la vraie position
qu'elle doit occuper en selle et ses mains étant en liberté, son
corps n'éprouve aucune espèce de gêne et cède aisément el
naturellement aux mouvements du cheval ; elle acquiert ainsi
par degrés l'aisance et la souplesse indispensables pour arriver
à un certain degré de perfection dans l'art équestre.
Pour que sa position scit tout à fait correcte, l'amazone
doit se placer en selle aussi en avant qu'il est possible pour
combiner tout le confort désirable, avec la nécessité d'étrein-
dre solidement le pommeau avec le genou droit. Elle doit se
tenir parfaitement de front, de telle façon que son regard soit
dirigé entre les oreilles du cheval.
Le poids du corps doit reposer tout entier sur le centre de
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— 89 —
la selle, sans porter sur l'etrier; l'amazone doit se souvenir
que c'est de la conservation de cette position centrale que
dépendent l'aisance du cavalier et de la monture et la fermeté
de l'assiette.
La jambe gauche doit pendre librement, le genou sera
légèrement courbé et tombera en droite ligne le long des
flancs du cheval ; le pied s'appuiera avec fermeté dans l'etrier,
la pointe tournée vers l'épaule du cheval.
Le genou droit doit serrer fortement le pommeau et la
jambe, du genou au pied, avec le talon un peu en arrière,
descendra le long de la selle.
La tête, quoique droite, ne doit subir aucune espèce de
gêne ; elle doit pouvoir se plier à tous les mouvements natu-
rels et se tourner sans inconvénient soit à droite, soit à
gauche.
Les épaules doivent être parfaitement carrées, avec une
légère inclinaison en arrière qui favorise l'expansion de la
poitrine et produit une courbe légère du dos, telle qu'on la
remarque dans la valse.
La partie supérieure du bras doit pendre perpendiculaire-
ment avec l'épaule, les coudes doivent être plies, rapprochés
des hanches et les petits doigts se trouver sur la même ligne
que celles-ci.
Les mains avec les poignets arrondis doivent être tenues à
trois pouces environ du corps et à quatre pouces d'intervalle
l'une de l'autre, les pouces se faisant face. Lorsque le cheval
avance en droite ligne, les mains doivent se trouver de
niveau, mais lorsqu'il tourne soit à droite, soit à gauche, la
8.
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main qui se trouve du côté vers lequel l'animal incline doit
être un peu plus basse que l'autre.
En examinant la planche ci-dessus, l'amazone y verra la
position exacte qu'elle doit constamment garder en selle,
position d'où dépend l'union si absolument nécessaire entre le
cavalier et sa monture.
La lettre G représente le centre de gravité et les lettres
C-D la ligne des épaules, le corps étant supposé parfaitement
droit et le visage en ligne directe avec la lettre A. On verra
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— 91 —
que dans ce cas le poids repose sur la partie du cheval qui
lorsqu'il se meut se trouve au centre du mouvement et où, par
conséquent, un poids quelconque a le moins de chances d'être
secoué. Dans cette position, au moyen de l'élasticité naturelle
à la partie supérieure du corps, l'amazone peut sans difficulté
s'accommoder aux diverses allures et à tous les mouvements
du cheval, de manière à conserver en toutes circonstances la
fermeté et l'aisance et à être en si parfaite union avec sa
monture qu'elle semble ne faire qu'un avec elle.
Si au lieu de se poser de face, de G à D, l'amazone prend
une position oblique d'E à F par exemple, habitude malheu-
reusement trop commune et dont on se rendra facilement
compte en consultant la planche, toute relation intime entre
elle et sa monture disparaît. Dès ce moment, toute sûreté
d'équilibre lui devient impossible, et à chaque mouvement
subit ou inattendu du cheval, elle est exposée à tomber en
arrière ou en avant, selon le côté vers lequel elle penche.
De même, si la partie supérieure du corps incline vers la
lettre A, l'union avec le cheval cesse d'exister et la position
de la dame devient extrêmement périlleuse ; mais si, au
contraire, cette partie du corps est parfaitement droite ou
légèrement inclinée en arrière vers la lettre B, elle sera
complètement maîtresse de son cheval et aura en selle toute
la solidité désirable.
L'inclinaison en avant de la partie supérieure du corps est
une faute très-commune et à laquelle les amazones timides et
inexpérimentées ont souvent recours parce qu'elles s'imagi-
nent à tort rendre ainsi leur assiette plus sûre. Rien cepen-
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dant n'est plus dangereux, car s'il arrive que le cheval pose
le pied sur un caillou mobile, pendant que la dame est pen-
chée en avant, une chute est presque inévitable. L'animal
aurait pu très-probablement recouvrer son équilibre s'il y
avait été efficacement aidé par son cavalier, mais bien loin
qu'il en soit ainsi, tout le poids de la dame a été au contraire
jeté subitement sur ses épaules, grâce à la secousse que le
cheval imprime en bronchant au corps déjà incliné.
Les dames ont souvent le tort, en se mettant en selle, de
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s'asseoir trop à droite puis, pour rétablir la balance, elles
penchent les épaules vers la gauche et inclinent la tête dans
la direction contraire (voir fig. A), ce qui ôte toute grâce à
l'attitude. Comme nous l'avons déjà fait observer, ce défaut a
souvent son origine dans un étrier trop court. S'asseoir trop à
gauche et faire peser le poids du corps sur l'étrier (fig. B) est un
défaut plus fréquent encore, dans lequel, à cause de la position
parliculière de la dame à cheval les commençantes qui ne sont
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M —
pas bien dirigées sonl très-sujettes à tomber; il est dû parfois
aussi à la trop grande longueur de l'étrier et plus fréquem-
ment à l'appréhension qu'éprouvent les écuyères timides de
tomber du côté droit plutôt que du côté gauche.
Dans ces deux positions, l'union qui doit exister entre la
dame et sa monture fait également défaut et l'assiette manque
de fermeté. L'inclinaison du corps vers la gauche emporte
naturellement les mains du même côté et fait perdre à l'ama-
zone tout pouvoir sur son cheval ; quant au corps, n'étant
pas en équilibre, il ne peut accompagner les mouvements de
l'animal ni aider à lui donner une action correcte.
Fréquemment, dans le but de ramener les mains à la posi-
tion qu'elles doivent occuper, les coudes sont transportés à
droite ; le droit est tourné en dehors d'une manière forcée, et
l'épaule droite élevée outre mesure, ce qui donne à l'amazone
l'apparence la plus disgracieuse et même à quelque distance,
la fait paraître contrefaite (flg. C).
Le pommeau gauche lorsqu'on en fait l'usage auquel il est
destiné est le principal soutien de la dame à cheval; en l'en-
tourant du genou droit et en laissant la jambe, à partir du
genou jusqu'à l'extrémité inférieure, descendre le long de
la selle, elle se trouve fermement assise. L'amazone doit
prendre les plus grandes précautions pour éviter l'erreur trop
commune qui consiste à s'accrocher au pommeau, car le corps
perdrait sa position centrale, glisserait du côté gauche, et la
plus grande partie du poids se trouverait peser sur l'étrier.
Cette position est tout à la fois dangereuse pour la dame et
pénible pour le cheval, car le côté gauche ayant à supporter
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— 93 —
tout le poids, la selle est sujette à glisser dans la môme direc-
tion et à lui écorcher cruellement le dos et le garrot.
La position de la jambe et du pied dans l'étrier doit être aussi
naturelle et aussi aisée que possible. Si le pied est tourné en
dehors d'une manière gauche et forcée, l'équilibre du corps sera
compromis, l'assiette vacillante et incertaine et la tension con-
stante des muscles fatiguera la jambe etl'exposera à des crampes.
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Si le pied qui repose dans l'étrier est tenu trop en arrière et
presse sous le flanc du cheval, il forcera l'amazone à s'incliner
vers l'épaule de sa monture ce qui rendra sa position tout à la
fois disgracieuse et peu assurée. Pour éviter ces inconvénients,
l'intérieur du genou doit reposer contre la selle et la pointe
du pied se tourner vers l'épaule du cheval; on ne doit pas ou-
blier qu'il ne faut pas que la jambe serre fortement l'animal,
excepté lorsqu'on veut s'en servir comme moyen d'action ;
elle doit tomber naturellement, sans raideur ni contrainte.
Dès ses premières leçons d'équitation, l'amazone doit s'ef-
forcer d'acquérir la fermeté de l'assiette sans compter aucu-
nement sur l'étrier ou sur l'assistance qu'elle peut trouver
dans les rênes ; ces dernières doivent lui servir simplement à
guider et à supporter le cheval et jamais ne doivent devenir
un point d'appui.
Dans ses exercices de manège, la dame doit se tenir droite
et diriger les yeux et le corps vers le nez du cheval. Elle doit
commencer par aller au pas, puis passer au petit trot et ac-
croître graduellement la rapidité de l'allure à mesure qu'elle
acquiert en selle plus d'aisance et de fermeté. Elle évitera
ainsi le défaut si commun de pencher trop vers la gauche du
cheval. Lorsque dans un trot rapide on a su acquérir la fa-
culté d'appuyer assez vers la droite pour apercevoir les pieds
droits du cheval, il y a toute raison de supposer que l'on est
parvenu à acquérir une position correcte.
Un équilibre parfait si essentiel à l'aisance et à la sécurité de
l'amazone, ne peut s'obtenir que par la pratique; on a dit avec
raison qu'il consiste « dans la connaissance de la direction dans
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— 97 -
» laquelle chaque mouvement du cheval jettera le corps et
» dans l'art de lui donner promptement la nouvelle position
» qui lui convient, avant que le cheval ait terminé son chan-
» gement d'attitude ou d'action. »
C'est cette disposition du corps en harmonie avec les mou-
vements du cheval, qui l'empêche d'incliner à tort soit a droite,
soit à gauche comme tendraient à le faire les allures du cheval
au trot ou au galop.
Pour conserver l'équilibre à cheval, le corps doit suivre
la direction des jambes de l'animal et de cette manière une
juste balance sera établie, dans toutes les positions qu'il est
possible au cheval de prendre.
Lorsque le cheval est immobile ou n'avance qu'au pas et en
droite ligne le corps doit être maintenu dans la position na-
turelle que nous avons décrite. Lorsque l'animal change son
allure pour prendre celle du trot le corps doit se prêter à ce-
changement d'action, il faut que le buste soit d'une souplesse
extrême et accompagne tous les mouvements du cheval.
En tournant rapidement un angle ou en décrivant un cercle,
le corps doit se pencher en arrière, un peu plus que lorsqu'on
suit une ligne droite et incliner vers l'intérieur dans la même
proportion que le cheval ou l'équilibre sera perdu.
Dans le saut et dans tous les mouvements violents du che-
val, excepté lorsqu'il se cabre, le corps doit surtout être tenu
en arrière ; si le cheval devient rétif ou si, s'épouvantant à la
vue de quelque objet, il se jette de côté ou tourne tout à coup,
sur lui-même, le corps, avec une souplesse pleine d'aisance,
doit suivre ses mouvements et tourner ou s'écarter avec lui.
ii.                                                                                            9
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Pour rendre la chose plus aisée, l'œil doit être dirigé vers les
oreilles du cheval, car si au contraire le regard restait atta-
ché sur l'objet dont l'animal s'effraie, l'équilibre serait perdu
et l'amazone en grand danger de tomber.
Les mouvements de l'amazone doivent toujours être en
harmonie avec ceux du cheval ; lorsqu'elle rassemble sa mon-
ture et en exige toute la rapidité et l'ardeur dont elle est sus-
ceptible, son attitude doit être élégante et gracieuse et son
animation proportionnée à celle du cheval.
t
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LES RÊNES.
Ayant convenablement établi l'amazone dans sa selle, je
vais m'occuper de placer les rênes dans ses mains et de lui
donner,"sur la manière d'en faire usage, toutes les instructions
propres à lui inspirer de la confiance en elle-même et à as-
surer l'obéissance immédiate de sa monture.
Il y a diverses méthodes de tenir les rênes, qui varient
suivant la manière de monter à cheval, le but du cavalier et
les dispositions comme les particularités du cheval.
Les brides les plus en usage ont deux rênes; mais il est
préférable pour les commençants de s'exercer avec une seule
d'abord, de crainte de tomber dans quelque confusion. La bride
dont on se sert pour les premières leçons doit toujours être
un bridon ; la main n'a pas tout d'abord assez de légèreté pour
permettre l'emploi de la gourmette. Les rênes doivent être
séparées et passer en dedans de la main entre le troisième et
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— 100 —
le quatrième doigt et en dehors, au-dessus du petit doigt ; elles
sont rejointes et retenues par le pouce.
Aussitôt que l'amazone a acquis une connaissance com-
plète du maniement des brides, on peut lui apprendre à se
servir du mors et du bridon.
On doit lui enseigner d'abord, que la rêne supérieure ap-
partient au bridon et l'inférieure au mors ou gourmette.
Lorsque les deux rênes sont tenues dans la main, la première
se reconnaît généralement à ce qu'une boucle en réunit dans
le milieu les deux parties, tandis que celles de la seconde sont
attachées ensemble par une couture arrondie.
Les doubles rênes peuvent se tenir de l'une ou de l'autre
des manières que nous allons indiquer.
Dans la première, la rêne du mors est saisie à la couture
par la main droite au-dessous de la rêne du bridon et passée
de chaque côté du petit doigt de la main gauche ou main de
la bride, jusqu'à ce qu'on exerce sur la bouche du cheval une
pression douce et égale; on la tourne alors au-dessus de la
première jointure de l'index. La rêne du bridon est ensuite
prise à la boucle sous la main gauche et posée doucement au-
dessus de la rêne du mors; il faut qu'elle pende suffisamment
pour former une courbe de chaque côté de l'encolure du
cheval ; on place ensuite le pouce avec fermeté sur les deux
rênes pour empêcher qu'elles ne glissent.
Dans ce cas le bridon devient une rêne superflue ; c'est la
rêne du mors qui agit seule sur la bouche du cheval.
D'après la seconde manière, la rêne du bridon est prise de
la main droite, passée de chaque côté de l'index de la main
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— 101 —
gauche, et assez tendue pour exercer une pression sur la
bouche du cheval ; elle est ensuite retournée au-dessus de la
première jointure du petit doigt. On prend ensuite la rêne du
mors et on la fait passer de chaque côté du petit doigt de la
main gauche, jusqu'à ce qu'elle ait une longueur égale ou
presque égale avec la rêne du bridon au-dessus de laquelle
on la pose doucement; on appuie ensuite le pouce pour les
empêcher de glisser.
Dans ce dernier cas, c'est principalement le bridon qui agit
sur la bouche du cheval, mais une légère pression du petit
doigt suffit pour mettre le mors en action et en relevant la
partie inférieure de la main et en la ramenant vers le corps
on rend au mors toute son influence.
Il ne suffit pas de savoir tenir les rênes convenablement,
il est nécessaire en outre de devenir expert dans l'art de les
séparer, de les manier, de les ajuster, toutes choses qui, quel-
que insignifiantes qu'elles puissent paraître, ne sont bien
comprises que par un fort petit nombre de dames. Les no-
vices doivent profiter de toutes les occasions qui leur sont
offertes pour s'exercer au maniement des brides, jusqu'à ce
qu'elles le connaissent à fond, et puissent pratiquer ce qui
leur a été enseigné sans craindre d'arrêter le cheval, de mo-
difier ses allures et sans être obligées de tenir les yeux fixés
sur leurs mains.
Il y a des occasions dans lesquelles il est très-avantageux
de séparer les rênes. Deux mains peuvent agir plus efficace-
ment qu'une seule et si le cheval refuse obéissance à l'une,
l'amazone doit faire usage de l'autre ou des deux. Il est rare-
8.
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ment nécessaire de prendre de la main droite plus d'une rêne,
et quand on fait usage des deux rênes d'une double bride, la
rêne droite du bridon doit être prise de la main droite de la
manière suivante : l'extérieur de la main est tourné en dehors
et les trois premiers doigts placés sur la rêne du bridon de
manière que celle-ci puisse être reçue entre le petit doigt et
l'annulaire ; l'extrémité est ensuite tournée au-dessus de l'in-
dex et le pouce placé au-dessus.
On peut à l'occasion employer une autre méthode de sé-
parer les rênes, lorsque les circonstances exigent plus que la
force ordinaire : la rêne du bridon passe entre le petit doigt
et l'annulaire de chaque main et la rêne du mors au-dessus
des petits doigts, les extrémités tournées sur les index et
retenues par les pouces. Dans cette position, c est le bridon
qui agit spécialement sur la bouche du cheval, jusqu'à ce
qu'il devienne nécessaire de recourir au mors auquel on
donne toute son efficacité en ramenant les petits doigts vers
le corps.
Si la main gauche était prise de crampes ou fatiguée, ou
s'il devenait nécessaire qu'elle fût mise en liberté pour pro-
céder à l'arrangement d'une partie de la toilette, les rênes
pourraient passer de la main gauche à la main droite.
Lorsqu'on se sert d'une bride simple ou d'une des rênes
seulement d'une double bride on adopte pour faire passer les
rênes de la main gauche dans la droite la méthode suivante :
le pouce de la main gauche est tourné vers la main droite
dont l'index, incliné en bas est placé entre les rênes à la
place du petit doigt de la main gauche et les rênes posées
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doucement dans la main droite. Par ce moyen, l'index sépare
la rêne gauche de la droite et les rênes superflues pendent
sur la main, le pouce pressant la rêne gauche entre la pre-
mière et la seconde jointure de l'index.
Si les rênes se sont raccourcies en passant d'une main dans
l'autre, il est aisé de les laisser glisser jusqu'à ce qu'elles
aient la longueur convenable, mais lorsqu'elles sont trop lon-
gues, il faut le secours de l'autre main pour les raccourcir.
Pour les repasser dans la main gauche, il suffit de placer
celle-ci sur la main droite et de mettre le petit doigt entre les
rênes gauches et droites, les plaçant doucement à travers la
main et laissant les extrémités pendre sur l'index.
Lorsqu'on se sert des deux rênes d'une double bride, de la
manière décrite plus haut, la rêne du bridon étant séparée par
la seconde et la rêne du mors par le petit doigt de la main
gauche, toutes deux sont passées dans la droite en tournant le
pouce gauche vers la droite et en mettant l'index de la main
droite à la place du petit doigt de la main gauche, le second
doigt de la droite à la place du troisième doigt de la gauche
et le troisième doigt de la droite à la place du second doigt
de la gauche, les rênes étant doucement placées dans la main
droite, les extrémités pendantes et les rênes séparées. Lorsque
les rênes retournent dans la main gauche, les doigts repren-
nent la place qu'ils occupaient précédemment.
En passant les rênes dans la main droite, celle-ci doit tou-
jours être placée sur la gauche et lorsqu'on les repasse dans
la gauche c'est celle-ci qui doit être mise au-dessus de la
droite.
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Gomme les rênes doivent être tenues avec autant d'aisance
et de souplesse que le permettent les circonstances, elles glis-
seront imperceptiblement des mains de l'amazone, surtout
lorsque celle-ci est une commençante, et par conséquent au-
ront besoin d'être rajustées. Pour le faire adroitement, les
extrémités des rênes qui pendent sur l'index de la main gauche
doivent être rassemblées dans la droite, et les doigts de la
main gauche suffisamment ouverts pour permettre aux rênes
de glisser doucement et librement ; la main droite supporte le
cheval jusqu'à ce qu'on leur ait donné la longueur voulue et
les doigts de la main gauche se refermant sur elles, les extré-
mités sont retournées au-dessus des index comme aupara-
vant. De cette manière les deux rênes sont arrangées en-
semble.
Pour raccourcir la rêne du mors et allonger le bridon, l'ex-
trémité de la première qui pend au-dessus de l'index, doit
être prise par la main droite ; on laisse s'allonger toutes les
rênes et glisser la main gauche ; le centre de la rêne du mors
reste ferme dans la main droite et l'on s'assure que les deux
rênes du mors sont d'égale longueur et exercent sur la
bouche du cheval une même pression, avant que la main
gauche se renferme sur elles ou que la main droite les quitte.
De même pour raccourcir le bridon et allonger le mors, la
main droite saisit l'extrémité du bridon qui pend au-dessus
de l'index, on laisse s'allonger les deux rênes, puis on fait
glisser la main gauche comme il est dit plus haut.
Pour raccourcir une rêne quelconque, on saisit de la main
droite la partie qui pend au-dessus de l'index et on la tire à
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— 105 —
travers la main gauche, jusqu'à ce qu'elle ait la longueur re-
quise.
Lorsque les rênes sont séparées et ont besoin d'être ajus-
tées, les mains sont mises ensemble pour se prêter un mutuel
appui; ou bien les rênes droites peuvent être passées à la main
gauche et arrangées toutes ensemble de la manière que nous
avons décrite déjà, puis séparées de nouveau.
On peut parfaitement s'exercer chez soi au maniement des
rênes en attachant des rubans de fil, représentant un mors
et un bridon à une bande élastique de quatre pouces d'épais-
seur, que l'on peut attacher à un meuble ou à une fenêtre.
L'élasticité de la bande donne à la commençante une idée
plus ou moins exacte de l'action alternative de la bouche du
cheval sur la main, et de celle de la main sur la bouche.
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LA POSITION DES MAINS.
Quatre mouvements suffisent pour guider le cheval dans
toutes les directions. Ce sont :
1° Rendre la main pour faire avancer le cheval ;
2" Incliner à droite;
3° Incliner à gauche ;
4° Reprendre la main pour faire reculer le cheval.
Il y a consequemment, y compris le repos, cinq positions
différentes des mains, qui une fois bien connues, s'adapteront
à toutes les circonstances.
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LES CINQ POSITIONS
QUAND LES RÊNES SONT SÉPARÉES.
Lorsqu'une rêne est tenue dans chaque main, la première
position est celle que nous avons déjà décrite ; les mains sont
tenues à trois pouces environ du corps et à quatre pouces à
peu près l'une de l'autre, sur la même ligne, les pouces élevés
et les petits doigts en ligne avec les coudes.
La deuxième position consiste dans une légère inclinaison
des mains qui permet au cheval d'avancer.
La troisième position consiste dans un raccourcissement
de la rêne droite qui s'opère en relevant le petit doigt de la
main droite et en le ramenant vers la ceinture, ce qui fait in-
cliner le cheval vers la droite.
La quatrième position consiste dans le raccourcissement
de la rêne gauche, qui se produit en relevant le petit doigt
de la main gauche et en le ramenant vers la ceinture, ce qui
fait incliner le cheval vers la gauche.
La cinquième enfin s'opère en raccourcissant également les
deux rênes et en relevant au même instant les deux petits
doigts; elle arrête le cheval et même si l'on continue à rap-
procher les mains du corps, elle le force à reculer.
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LES CINQ POSITIONS
QUAND LES RÊNES SONT RÉUNIES DANS LA MÊME MAIN.
Dans la première position, la main gauche est tenue à trois
pouces environ du corps de telle sorte que la jointure du petit
doigt se trouve en droite ligne avec le coude; le poignet est
suffisamment arrondi pour que les articulations soient placées
au-dessus de l'encolure du cheval et les ongles exactement
vis-à-vis du corps, le petit doigt étant un peu plus rapproché.
Dans la deuxième position, la main est légèrement inclinée ;
on abaisse le pouce jusqu'à ce que les jointures des doigts
s'élèvent et que les ongles se trouvent sur l'encolure du che-
val. Par ce simple mouvement, les rênes sont suffisamment
détendues pour permettre au cheval d'avancer.
Dans la troisième, les ongles, qui, dans la première posi-
tion, sont exactement vis-à-vis du corps, sont tournés vers le
bas, le petit doigt est incliné vers la gauche et le dos de la
main relevé. Ce mouvement qui s'effectue en un instant, cause
une pression sur la rêne droite et fait tourner le cheval dans
cette direction.
Dans la quatrième, la main quitte sa position première, les
ongles sont dirigés vers le haut, et le petit doigt, pressant la
H.                                                                                         10
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— 110 —
rêne gauche est ramené vers la droite. Par ce mouvement une
pression est exercée sur la rêne gauche et le cheval tourne
dans cette direction.
Enfin, dans la cinquième position, les ongles sont tournés
vers le haut, et les jointures des doigts dirigées vers l'enco-
lure du cheval. Ce mouvement cause une pression très-forte
sur les deux rênes et arrête le cheval ; il suffit alors d'incliner
le poignet pour le forcer à reculer.
Sauf dans le cas où l'on a affaire à un cheval parfaitement
dressé ou qui obéit aisément à la bride, on ne peut compter
sur l'effet des cinq mouvements avec la même certitude si les
rênes sont tenues de la main gauche seulement que si l'on
faisait usage des deux mains.
Lorsque la novice est parvenue à bien connaître ces diffé-
rentes positions, elle doit apprendre à passer de l'une à l'autre
avec rapidité et sans confusion. Quand les coudes manquent
de fermeté, ils communiquent à la main une incertitude, une
irrésolution qui peuvent suffire à la gâter pour toujours.
Lorsque les rênes sont tenues de la main gauche seulement,
l'amazone peut laisser le bras droit tomber naturellement à
son côté ou le porter de toute autre façon qui lui paraîtrait
plus commode; mais elle doit éviter avec soin tout ce qui
pourrait donner à sa tenue quelque chose de masculin, et se
bien garder d'affecter l'originalité dans sa manière de monter
à cheval ou, ce qui est pis encore, de copier les façons plus ou
moins bizarres qu'elle aurait été à même de remarquer.
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LES MAINS.
La fermeté de l'assiette une fois acquise et les rênes ajus-
tées, nous arrivons maintenant au grand secret d'où dépend
la magique beauté de cet art délicieux.
On a cru pendant longtemps, et beaucoup croient encore,
qu'une bonne assiette suffit en elle-même pour faire un bon
cavalier, mais nos belles lectrices peuvent être persuadées
que, pour les deux sexes, de bonnes mains constituent le
point le plus essentiel pour arriver à ce but envié. Il est
incontestable qu'une bonne assiette, et surtout une assiette
gracieuse, est de la plus grande importance pour la belle
écuyère ; quant à moi j'y attache un si grand prix que j'ai
consacré à l'assiette un des principaux chapitres de cet ou-
vrage. Mais comme la perfection dans ce genre est plus facile
à atteindre que dans le sujet dont nous nous occupons actuel-
lement, aussitôt que les amazones se trouvent commodément
en selle et jouissent d'une sécurité complète, elles doivent di-
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— 112 —
riger particulièrement leur attention vers ces parties de l'art
qui exigent une plus longue pratique et des études plus con-
sciencieuses, c'est-à-dire l'usage des mains et le maniement des
rênes.
Ces points sont aussi indispensables à l'art de monter à
cheval que la connaissance des importants auxiliaires avoir et
être l'est dans l'enseignement de la langue française ; et il se-
rait aussi impossible à une dame de monter à cheval avec
grâce et sécurité, sans comprendre les véritables fonctions
que les mains sont appelées à remplir et le maniement des
rênes, qu'il le lui serait de parler ou d'écrire correctement le
français sans posséder une notion parfaite de la conjugaison
des deux verbes en question. Un homme peut maîtriser son
cheval par la force de ses membres ou le guider par la vi-
gueur de son bras, mais la dame doit en tous temps placer sa
confiance dans la délicatesse et l'adresse de ses mains.
L'exquise sensibilité et la faculté de se conformer en tous
points à la nature spéciale de la bouche d'un cheval qui con-
stituent les qualités les plus indispensables d'une bonne main,
sont des dons naturels et ne peuvent ni se communiquer,
ni s'acquérir. On peut enseigner cependant les moyens de
former une bonne main et l'on peut arriver à un haut degré
de culture par l'étude et la pratique telle que nous l'avons
indiquée plus haut. Mais sous ce rapport, l'avantage restera
toujours à ceux que leur bonne fortune a mis à même
de commencer leurs exercices dès l'enfance et de les conti-
nuer sans interruption, à travers les bois et les vallons, les
bruyères et le taillis car, il faut l'avouer, rien ne peut rem-
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— 115 —
placer la confiance et l'indescriptible délicatesse qui résultent
de l'expérience acquise dans une vie passée tout entière à la
campagne. D'un autre côté, mes belles lectrices doivent être
bien convaincues que la fermeté, la grâce et les qualités or-
dinaires qui constituent une bonne équitation sont, à peu d'ex-
ceptions près, à la portée de tous.
En général, les femmes ont la réputation d'avoir à cheval
la main meilleure que les hommes; et lorsque les deux sexes
ont été également bien doués par la nature et ont eu les
mêmes occasions de cultiver leurs dispositions, je suis portée
à croire que le fait est exact, à cause de l'organisation plus
délicate de la main de la femme. Sans prétendre approfondir
ce point, je vais passer immédiatement à une autre observa-
tion qui a un rapport plus direct avec le but que je me pro-
pose d'atteindre : je veux parler du fait, évident pour tous
ceux qui sont capables de se former une opinion sur ce sujet,
que, sur le grand nombre d'amazones qui pendant l'été vien-
nent donner de l'animation aux promenades publiques des
grandes villes, l'immense majorité n'a, en terme d'équitation,
pas de mains du tout.
Il est assez difficile de décrire ce défaut, si déplorable et si
évident qu'il soit ; le terme de lourdeur semble impropre lors-
qu'il s'applique à la main d'une femme et cependant l'effet
qu'une main mauvaise produit sur la bouche du cheval est
bien tel. Il serait peut-être plus exact encore de dire que
ce défaut capital a pour origine la raideur de la main. Qui
n'a pas eu l'occasion de remarquer combien peu de chevaux
de dames marchent bien et paraissent à leur aise? Selon leur
10.
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— 114 —
plus ou moins d'ardeur ou la sensibilité de leur bouche, les
chevaux sont plus ou moins impatients et agités, on les voit
fréquemment avancer le nez en l'air comme s'ils cherchaient
en vain à se soulager de la contrainte que la main leur im-
pose.
On a souvent dit de notre sexe que nous aimons fort les
extrêmes et bien que nous soyons en droit, en règle générale,
de rejeter avec justice cette accusation, elle est cependant
exacte dans une certaine mesure, en ce qui concerne le sujet
iont nous nous occupons ici. Après avoir constaté la dureté
et la pesanteur des mains que nous venons de décrire, nous
avons à passer sans transition à une catégorie tout opposée :
ce sont celles qui semblent privées de toute espèce de dé-
cision et posséder à peine assez d'énergie pour soutenir les
rênes et pour forcer le cheval à changer de direction.
Lorsque nous sommes à même de constater la facilité avec
laquelle la plupart des dames, affligées de ce défaut, plus rare
à la vérité que l'excès contraire, acquièrent de nombreux ta-
lents qui exigent presque des doigts de fée, depuis les char-
mants contours tracés sur le papier au moyen du crayon du
dessinateur jusqu'aux brillants effets produits par leur déci-
sion et leur rapidité sur la harpe ou le piano, il est évident
que nous devons chercher en dehors de la main elle-même
l'origine de ces défauts.
C'est à l'usage précoce de la gourmette, employée dès les
premières leçons d'équitation, que l'on doit principalement
attribuer l'indécision de la main; et c'est à l'habitude de
faire monter aux commençantes, souvent pendant une longue
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— 115 —
période, des chevaux paresseux qui ont la bouche dure ou qui
au contraire l'ont trop délicate pour supporter le mors, qu'est
due en grande partie la raideur de la main.
Si doux et bien dressé que puisse être un cheval, il devient
plus ou moins inquiet et turbulent lorsqu'il est soumis à l'ac-
tion du mors par une main inexpérimentée. Ses efforts répétés
pour se soustraire à la pression de la gourmette éveillent
fréquemment chez l'amazone un sentiment de crainte, qui la
porte à serrer fortement les rênes; non-seulement, elle dé-
truit ainsi la sensibilité de la main et l'élasticité du poignet
par lequel les mouvements de la main doivent toujours être
dirigés, mais elle empêche les mouvements naturels de la tête
du cheval.
La raideur de la main et du bras qui vient de ce que les
doigts sont trop fortement serrés et la position contrainte de
la tête du cheval qui en résulte empêchent la novice de
jamais acquérir dans ses mouvements cette aisance indis-
pensable au bien-être du cheval et à sa liberté d'action.
Lorsque l'amazone inexpérimentée est placée sur un cheval
qui obéit facilement à la bride et qu'on ne lui met dans les
mains qu'un simple bridon, ces maux ont beaucoup moins
de chance de paraître. Le bridon ne peut faire souffrir la
bouche du cheval, et comme il permet à l'animal de résister
à la main, même lorsqu'il est trop retenu, ses mouvements
ne laissent point de s'effectuer avec aisance et liberté.
C'est donc la main, dans ce cas, qui est obligée de se
prêter aux mouvements de la tête du cheval qui avance et
recule dès qu'il est en mouvement; l'écuyère novice qui ne
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— 116 —
peut se soustraire à ce va-et-vient, s'y accoutume bientôt et
se relâchant de sa raideur primitive, apprend ainsi graduelle-
ment, à établir cette union ou cette réciprocité de sentiment
qui doit toujours exister entre la main du cavalier et la
bouche de son cheval et qui peut seule amener l'animal à se
soumettre de bonne grâce à la contrainte que lui impose le
mors.
Pendant les premières leçons d'équitation, les rênes
doivent être séparées, de la manière que nous avons décrite
précédemment, et l'élève doit employer le bridon. Deux avan-
tages en résultent, l'un positif, l'autre négatif. D'abord, la
main droite, aussi bien que la main de la bride, apprend à
remplir convenablement ses fonctions et se trouve préparée
à agir avec efficacité toutes les fois que son usage est requis;
en second lieu, la tendance à jeter en arrière l'épaule droite
qui se produit souvent lorsque dès l'origine on tient les
rênes de la main gauche seulement, n'a plus aucune raison
d'être.
Pour n'exercer sur la bouche du cheval qu'une pression
légère et égale, les mains doivent être fermées justement
assez pour empêcher les rênes d'en glisser à chaque mouve-
ment brusque. Les rênes auxquelles on a donné une longueur
déterminée agissent principalement sur la bouche du cheval,
par la contraction et le relâchement de la main. Pour se con-
vaincre de la vérité de cette assertion, il suffit de prendre un
morceau de ruban et de le passer à travers la main de la
bride, sous le petit doigt, de la manière d'une bride gauche,
et de le tenir entre l'index et le pouce ; puis, avec aisance et
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— 117 —
naturel, de placer la main dans la première position, la partie
inférieure presque ouverte, tandis que, de l'autre main, on
tient le ruban, à la longueur du bras, entre l'index et le
pouce. En fermant alors la main gauche avec fermeté, on
s'aperçoit qu'une forte pression s'exerce sur l'index et le
pouce de la main droite. Si l'on relâche la main, cette pres-
sion disparaît entièrement, et en la relâchant et en la con-
tractant alternativement on s'aperçoit jusqu'à quel point,
par ces simples moyens, on peut donner au cheval la liberté
et la lui reprendre. On appréciera de plus combien la raideur
de la main doit agir cruellement sur la bouche du cheval. Ce
fait devient plus évident encore si l'on prend en considération
la nature du mors qui forme levier et celle de la gourmette.
Les rênes de ruban et la bande élastique dont nous nous
sommes occupée plus haut offrent sous ce rapport un excel-
lent exercice pour les mains des commençantes.
Mais pour donner à l'amazone une notion plus pratique de
la manière dont la main opère et de l'effet qu'elle produit sur
la bouche du cheval, qu'on lui laisse monter un animal dont
la bouche soit parfaitement obéissante, mais pas trop délicate,
avec les mains convenablement placées dans la première
position et les rênes assez tendues pour agir efficacement.
Les mains étant en rapport avec les rênes, les rênes avec le
mors, et le mors avec la bouche du cheval, elle s'apercevra
qu'elle ne peut bouger ni la main, ni même un doigt, sans
que la bouche du cheval soit plus ou moins affectée par le
mouvement, quelque léger qu'il soit. C'est ce qu'on appelle
la correspondance ou l'accord.
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— 118 -
Lorsqu'on excite le cheval à se mettre en mouvement, si
la main est tenue parfaitement ferme, les doigts éprouvent,
par la contraction et la dilatation des rênes, une légère sensa-
tion, une sorte de tiraillement, occasionné par la cadence de
chaque pas. Celte sensation simultanément éprouvée par la
main et par la bouche du cheval, au moyen de la correspon-
dance décrite plus haut, s'appelle l'appui ; et aussi longtemps
que l'appui existe entre la main et la bouche, le cheval est
parfaitement maîtrisé par son cavalier; son allure et ses
mouvements semblent soumis à la volonté de celui qui le
monte bien plus qu'à la contrainte exercée par la main.
Cependant, si cet appui est toujours maintenu précisément
au même degré, la bouche du cheval s'échauffe et le fait
souffrir; il faut donc que les mains suivent continuellement,
mais d'une manière imperceptible à l'œil du spectateur, les
mouvements de la tête du cheval. En un mot, il ne faut pas
que le cheval sente constamment un tiraillement, une résis-
tance de la bride, à moins que ce ne soit dans un but spécial,
ou pour lui faire comprendre un ordre particulier de son
cavalier.
Si les mains pèsent sur la bride ou gardent une immobilité
complète, elles produisent sur la bouche ce que les Anglais
appellent dead pull, et il n'y a pas de mouvement de la
main du cavalier qui réponde aux mouvements de la tête du
cheval. Si cet état de choses ne le rend pas inquiet, impa-
tient ou ingouvernable comme l'on devrait s'y attendre, il
compromet complètement la beauté et la liberté de son
action et lui gâte inévitablement la bouche parce que la par-
-ocr page 120-
— 119 —
tie sur laquelle agit le mors s'endurcit avec le temps et
devient presque insensible.
Lorsque les rênes sont tendues et maintenues avec fer-
meté, la liberté de la langue ou partie arquée du mors, presse
vivement le palais de la bouche du cheval, tandis que la
chaîne de la gourmette qui est attachée de chaque côté du
mors pince avec beaucoup de force, la mâchoire inférieure.
Il résulte inévitablement de cette action combinée, une
cruelle douleur pour le pauvre animal, surtout si, à l'aide du
fouet ou par quelque autre moyen, on cherche à l'exciter,
sans pitié pour ses souffrances qui sont nécessairement
augmentées par l'action.
On ne doit pas s'étonner si, par suite de ce traitement,
beaucoup de chevaux prennent la désagréable habitude de
forcer la main, c'est-à-dire de jeter tout à coup la tête en
avant dans le but de se soustraire à la contrainte de la bride.
Quand l'animal agit ainsi, l'amazone inexpérimentée est fré-
quemment jetée en avant sur le pommeau de la selle, ce qui
peut non-seulement l'alarmer, mais encore avoir de graves
conséquences.
Mais si, au contraire, la main répond aux mouvements de
la tête, avec une fermeté proportionnée à la sensibilité parti-
culière de la bouche du cheval, la légère sensation qu'il
éprouve, est loin de lui être désagréable ; il y trouve au con-
traire une sorte d'appui; et c'est le jugement et la délica-
tesse avec lesquels les mouvements sont réglés et l'appui
offert au cheval, qui constituent ce qu'on appelle une main
légère, qualité qui fait le véritable charme de l'équilalion.
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— 120 —
Tous les chevaux n'ont pas la bouche également sensible
et tous ne sont pas doués de la même patience; il est donc
nécessaire que l'amazone connaisse toutes les particularités
qui se rattachent à la bouche de l'animal qu'elle monte. Elle
doit apprendre aussi à régler en tous temps le support qui doit
lui être donné d'une main ferme, mais légère, qui jamais ne
surprend la bouche par de brusques secousses, mais opère
graduellement, quoique, au besoin, avec vigueur et fermeté.
Des mains lourdes, sans activité, ont bien vite gâté la
meilleure bouche. Des mains délicates et bonnes, au contraire,
non-seulement conservent la sensibilité de la bouche, mais
souvent améliorent considérablement une bouche médiocre.
Lorsque le mors exerce sur les barres une pression conve-
nable, une main expérimentée le reconnaît sans peine à l'ai-
sance et à la liberté de ses mouvements.
On doit se souvenir toujours que la bouche ne saurait être
trop sensible à l'action du mors, pourvu que la légèreté de
la main du cavalier soit proportionnée à la sensibilité du
cheval ; et que les mains qui remplissent leurs fonctions avec
la moindre dépense de force sont les meilleures.
Si un cheval porte la tête basse et pèse sur la main, dé-
truisant ainsi l'union qui doit exister entre celle-ci et la
bouche, l'amazone doit élever la main et avec un prompt
mouvement des doigts sur les rênes plutôt inviter que forcer
la tête à se relever; en même temps, la jambe gauche d'un
côté et le fouet de l'autre, agissent sur le flanc et sur l'épaule
de l'animal : c'est cette action que l'on appelle unir ou ras-
sembler un cheval.
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- 121 —
Lorsque le cheval est bien uni, il est parfaitement maîtrisé
par son cavalier et léger dans la main ; il fait mouvoir correc-
tement ses hanches et son action est aussi sûre que bonne.
Lorsqu'il est désuni, au contraire, ce sont ses épaules surtout
qui travaillent, et son action est tout à la fois sans grâce et
dangereuse.
Une main lourde et insensible ne peut rassembler un che-
val ; son action est si douloureuse pour l'animal qu'elle
détermine presque inévitablement la résistance. Supposons
par exemple, mis en travers sur le front du lecteur, un
ruban dont les deux extrémités soient tenues horizontale-
ment par une personne placée derrière lui; s'il se tient
parfaitement droit il ne pourra ni se pencher en avant, ni
supporter que la main tire les rubans sans tomber en arrière.
Telle est la situation du cheval lorsqu'il est rassemblé. S'il
sent la pression douloureuse de la main ou s'attend à ce
qu'elle tire, il prévient le mal en courbant le corps, en reje-
tant la tête en arrière et en reculant. C'est la situation du
cheval lorsqu'il est désuni et qu'il se défend contre l'action
du mors. Pour obtenir quelque soulagement d'une main
lourde et inerte, le cheval pèse sur la main avec tant de
force qu'il devient fréquemment très-difficile à une dame de
le monter. Voilà pourquoi les mains lourdes rendent dures
les bouches des chevaux.
Tout en ayant la fermeté nécessaire, les opérations des
mains doivent toujours être douces et graduées. Si l'amazone
passe tout à coup d'une main ferme à une main faible, elle
abandonne entièrement son cheval et le prive du support sur
h.                                                                                il
-ocr page 123-
— 122 __
lequel il comptait. Si, au contraire, elle passe subitement de
la faiblesse à la fermeté, elle agite nécessairement la main et
imprime une violente secousse à la bouche du cheval.
Un mouvement subit des rênes inflige, par la pression du
mors, une douleur aiguë à la bouche du cheval; elle le fait
invariablement tressaillir et peut devenir dangereuse pour
l'amazone; si le cheval a une ardeur difficile à réprimer, la
fréquente répétition de ce mouvement inattendu ne peut man-
quer de lui gâter le caractère Un cheval a parfois la bouche
d'une sensibilité telle que, sans être le moins du monde
vicieux, une secousse subite de la bride le fait immédiate-
ment cabrer; et à moins que l'amazone ne cède sans hé-
siter, et laisse retomber les mains, il est exposé à tomber
en arrière et les conséquences les plus graves en peuvent
résulter. Les rênes ne doivent jamais être subitement ou
vivement agitées, si ce n'est dans le but d'infliger une cor-
rection ou d'obtenir quelque résultat que les autres moyens
n'avaient pu produire; et même dans ce cas, on y doit mettre
la plus grande prudence.
Rendre subitement la main a également de graves incon-
vénients et peut en outre produire des conséquences désa-
gréables; car, comme nous l'avons fait observer précédem-
ment, le cheval trouve ou du moins devrait toujours trouver
un certain degré de support dans la main du cavalier, support
dont on le prive tout à coup, ce qui l'oblige à jeter au même
instant ce poids sur ses épaules. Il est loin d'être impossible
que ce changement de position inattendu lui fasse faire un
faux pas, et, s'il en arrivait ainsi, le relâchement des rênes ne
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— 425 —
permettrait point au cavalier de venir en aide au cheval et
de le soutenir assez efficacement pour prévenir une chute.
La position générale de la main a déjà été décrite suffi-
samment, mais cette position cependant varie suivant les
circonstances. L'effet de la main du cavalier sur le cheval à
un moment donné, dépend principalement de la position de
la main et de celle de la tête du cheval. Ainsi, si un cheval
tente de résister à la personne qui le monte, ou si cette der-
nière est forcée d'entrer en lutte violente avec lui, il est
nécessaire, sauf dans le cas ou l'animal se cabre, d'élever les
mains afin de le maîtriser plus aisément; l'élévation des
mains de l'amazone accroît sa force en même temps que
l'élévation de la tête diminue celle du cheval. De même, si
i'amazone désire améliorer l'action de sa monture, donner de
l'ardeur et de l'élégance à son allure, les mains doivent être
élevées en contractant et en relâchant alternativement les
brides, en rapport avec l'effet qu'on a l'intention de produire.
D'un autre côté, si un cheval rue, il est de la plus grande
importance de laisser immédiatement retomber la main, de
manière que le cheval cesse de se sentir soutenu par les
rênes. Si la main étant trop haute et ne laissant pas assez de
liberté au cheval, ce dernier agite la tête, tend le nez droit
devant lui ou tord la mâchoire inférieure, l'amazone doit lui
rendre la main graduellement et donner plus de latitude aux
rênes jusqu'à ce que la tête du cheval reprenne la position
qu'elle doit occuper ou, en termes techniques, jusqu'à ce que
l'amazone sente la bouche de sa monture.
La main doit être tenue à une distance plus ou moins
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— 124 —
grande du corps selon les circonstances. Un cheval peut
avoir momentanément besoin d'avoir la tête libre, soit pour
tousser, soit pour chasser une mouche, soit pour quelque
autre motif; dans ce cas, la main, mais non l'épaule doit être
avancée et abaissée pour lui accorder la liberté requise, sans
modifier la longueur des rênes, la main regagnant sa position
ordinaire, aussitôt que la tête du cheval retourne à la place
qu'elle doit occuper. Il peut arriver également que la tête du
cheval étant maintenue trop longtemps dans la même posi-
tion s'engourdisse et il deviendra nécessaire alors de lui accor-
der quelque soulagement en le laissant marcher au pas pen-
dant quelques instants avec la tête en liberté. Dans ce cas
encore, la main sera avancée de la même manière; mais
elle doit être rendue graduellement et il faut que les rênes
conservent la même longueur, de manière à exercer tou-
jours une légère action sur la bouche du cheval; l'amazone
sera ainsi préparée à mettre immédiatement le mors en
action, si cela devenait nécessaire.
Si, dans ces circonstances, l'amazone au lieu d'avancer la
main allongeait les rênes, l'appui serait perdu et le cheval
ne serait plus sous le contrôle immédiat de la personne qui
le monte, car, si, subitement épouvanté, le cheval se jetait
de côté ou prenait sa course, l'amazone n'aurait aucun moyen
de le retenir ; si au contraire il venait à broncher, elle serait
incapable de l'aider à reprendre son équilibre et même si
elle y réussissait, la longueur des rênes lorsqu'elle jette le
corps en arrière pour soutenir le cheval, l'exposerait à tomber
au moment où il se redresse.
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— 125 —
En avançant la main et en laissant aux rênes la même lon-
gueur, le cheval est toujours en main, et bien que la main
ne pèse pas plus sur la bouche que ne le pourrait faire une
plume, la correspondance qui existe entre elles est efficace-
ment maintenue. De cette façon la main étant toujours prête
à agir, on arrive par la pratique à se rendre compte du but
de chaque mouvement du cheval; de sorte que lorsqu'on a
la moindre raison de croire qu'il va se jeter de côté, il est
immédiatement soumis à l'action du mors et jeté plus ou
moins sur ses hanches, par un mouvement presque imper-
ceptible de la main. L'amazone peut ainsi accorder à son
cheval toute la liberté nécessaire pour assurer son bien-être,
sans compromettre sa propre sécurité.
C'est souvent un sujet d'étonnement pour de médiocres
écuyères de voir combien leurs chevaux deviennent doux et
traitables aussitôt qu'ils sont montés par des amazones plus
habiles qui ne paraissent pas cependant rencontrer de grandes
difficultés ni faire preuve d'une adresse plus qu'ordinaire.
La raison en est facile à découvrir : ces chevaux sont à leur
aise et cependant ils ont assez d'instinct et de sagacité pour
s'apercevoir que tous leurs mouvements sont surveillés.
Les mains doivent aussi être considérées dans leur rapport
avec les autres auxiliaires importants, la jambe et le fouet
avec lesquels elles doivent en tous temps agir de concert.
Je dois faire observer qu'une dame ne peut s'aider que
d'une seule jambe, la jambe gauche. Le fouet, doucement
pressé contre le flanc du cheval ou son épaule, doit offrir une
aide correspondante du côté droit; dans ce but, il doit être
il.
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— 4 26 —
porté, la mèche tendant vers le bas. En d'autres temps, le
fouet peut être porté de différentes manières, mais jamais de
façon que la pointe touche ou chatouille les quartiers de
derrière ou les flancs du cheval.
Non-seulement l'aide de la jambe et du fouet peut forcer le
cheval à obéir plus promptement aux indications de la main,
mais il n'y a pas une seule opération de cette dernière à la-
quelle les aides ne puissent être d'un grand secours, si elles
sont convenablement appliquées. Par exemple, si un cheval
ralentit ses mouvements ou pèse sur la main, pendant qu'on
élève l'avant-main, la pression de la jambe et du fouet contre
les flancs du cheval le force à obéir immédiatement à la
bride et corrige son action. La main seule ne peut obtenir
ce résultat et au moment où son effet cesse de se faire sentir,
le cheval laisse retomber la tête et jette le poids du corps
sur ses épaules ; mais la pression du talon et du fouet le
contraignant à obéir aux indications de la bride, lorsque la
main est levée, le replace nécessairement sur ses hanches et
allège l'action de l'avant-main.
L'aide du fouet et de la jambe ou du talon a sa force et
son effet progressifs, selon la disposition et le caractère de
l'animal et le résultat que l'on a l'intention d'obtenir. En règle
générale cependant, plus ils sont appliqués avec légèreté et
plus ils sont efficaces. Un cheval obéit ordinairement mieux
à la douceur qu'à la force qui peut confondre et surprendre
un cheval faible et exciter trop celui qui est plein de feu et
d'ardeur.
Les aides du corps ne sont ni moins nombreuses, ni moins
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— 127 —
importantes; car quelles que soient l'habileté et la dextérilé
de l'amazone, il lui est impossible de régler les mouvements
de la main, de la jambe et du fouet avec une justesse absolue
ou de leur donner toute la certitude et toute l'efficacité dont
ils sont susceptibles lorsqu'ils ne procèdent pas des mouve-
ments nécessaires du corps et ne sont pas gouvernés par
eux. Ainsi, lorsque l'amazone désire que son cheval avance,
elle doit, momentanément, incliner légèrement le corps en
avant; la main, comme dépendance du corps, sans aucun
mouvement qui lui soit propre, l'accompagne naturellement
dans la même direction et relâche les rênes pour donner la
liberté au cheval; la jambe gauche rapprochée du cheval
d'un côté et le fouet de l'autre l'excitent simultanément à
l'action.
Pour opérer l'arrêt, si le corps est incliné en arrière, les
mains reculent pareillement et la pression sur les rênes étant
accrue, un léger mouvement du poignet, tel que nous l'avons
décrit déjà dans la cinquième position de la main, suffit à ar-
rêter l'action de l'avant-main du cheval tandis que la jambe
gauche et le fouet, pressés au même moment contre les flancs
de l'animal, rassemblent ses hanches sous lui et complètent
l'arrêt de la manière la plus favorable.
En tournant à droite ou à gauche, les opérations des mains
sont puissamment aidées par l'inclinaison du corps de l'ama-
zone dans la direction qu'elle veut faire prendre à son cheval ;
en pressant au même moment la jambe ou le fouet contre le
flanc du cheval, du côté vers lequel le tour doit être fait, ses
quartiers de derrière sont jusqu'à un certain point jetés en
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— 128 —
dehors et placés dans une position qui leur permet plus faci-
lement de suivre les épaules.
L'omission de l'aide du corps est fréquemment fatale à
l'opération efficace des autres aides. Par exemple, si un cheval
se cabre, l'action d'avancer ou de laisser simplement tomber
la main pour relâcher les rênes, n'est pas un moyen suffisam-
ment, énergique, car, si le cheval s'est soulevé très-haut, l'ama-
zone qui garderait sa position habituelle, serait forcée, pour
conserver l'équilibre, de chercher un support dans la bride et,
en agissant ainsi, elle court le risque de renverser son cheval
en arrière et peut-être d'être écrasée dans sa chute. Mais si, au
moment où le cheval se cabre, l'amazone incline le corps en
avant, non-seulement la main s'avance également, mais, par
le même mouvement, le poids du corps est jeté sur les épaules
du cheval de façon à forcer les pieds de devant à toucher de
nouveau le sol.
Si un cheval en bronchant est en danger de tomber,
l'aide de la main ne suffit pas pour lui faire reprendre l'équi-
libre; mais si le corps est immédiatement jeté en arrière, la
main recule en même temps et le poids du corps lui permet
alors de mettre un puissant obstacle à la tendance du cheval
à tomber. Par le même mouvement, le poids du corps
cesse entièrement de peser sur les épaules du cheval, de
sorte qu'il ne peut contrarier ses efforts pour se remettre
d'aplomb.
Si un cheval tente de prendre sa course, l'inclinaison du
corps en arrière attire immédiatement les mains dans la même
direction et l'amazone peut plus aisément ainsi maîtriser son
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— 429 —
cheval. Combien de fois ne voit-on pas, dans nos promenades
publiques, les funestes effets de la non-observance de cette
règle importante ; que de dames marchent tranquillement au
pas sans avoir leur cheval convenablement en main : cela
semble n'avoir aucun inconvénient en temps ordinaire, mais
si un cavalier maladroit passe aux côtés de l'amazone inatten-
tive en galopant à toute vitesse, son cheval pourra fort bien
prendre la même allure. Dans cette extrémité, elle saisit vive-
ment les rênes et les ramène vers elle, mais, à cause de leur
état de relâchement et de la position du corps, elle est inca-
pable d'exercer sur la bouche du cheval une pression conve-
nable. Ne sachant à quel moyen recourir, elle tire alors les
mains en arrière, mais ce mouvement fait incliner le corps en
avant et ôte aux mains toute leur puissance. En outre, la
jambe gauche est au même instant forcée de reculer et de
presser le flanc du cheval dont elle accroît naturellement la
vitesse et l'impétuosité.
Une simple inclinaison du corps en arrière aurait placé les
mains et la jambe dans la position qu'elles doivent occuper;
un instant aurait suffi alors pour ajuster les rênes, puis le
pouvoir collectif de toutes les aides eût pu être mis en action
pour forcer le cheval à s'arrêter.
Dans des circonstances semblables, un accident peut très-
facilement survenir à une amazone inexpérimentée; car le
cheval sans être naturellement vicieux peut commencer à
ruer par le même mobile qui porte généralement les animaux
les plus doux à ruer et à faire le plongeon au moment où
ils sont mis en liberté dans un pâturage, c'est-à-dire l'excita-
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— 450 —
lion naturelle et l'absence de tout contrôle. Dans ce cas, la
dangereuse inclinaison en avant du corps de l'amazone, l'ex-
pose à être jetée à terre à tout moment.
Puisque les opérations de la main peuvent être si puis-
samment aidées par les mouvements du corps, il est évident
que lorsque ceux-ci sont mal réglés ils doivent produire un
résultat opposé et ôter à la main toute certitude et toute
force. L'amazone ne saurait trop se garder de ce défaut. Non-
seulement cette incertitude l'empêche de devenir jamais une
habile et gracieuse écuyère, mais elle l'expose à de continuels
dangers; car rien n'est plus propre que l'irrésolution des
mains à rendre un cheval ardent, fougueux et souvent ingou-
vernable.
Les amazones inexpérimentées courent fréquemment le
risque d'un accident, en détournant ies yeux du cheval pour
les fixer sur l'objet qui lui cause de l'effroi. Les premières
notes d'un orchestre, la perception d'un bruit quelconque
auquel il n'est pas habitué ou la vue d'un objet de forme
étrange l'alarment et attirent l'attention de la dame qui le
monte ; et avant qu'elle ait pu se préparer à triompher de la
difficulté, sa monture a pris sa course ou s'est jetée de côté.
Lors même que le bon caractère et la docilité naturelle de
l'animal l'empêcheraient d'agir ainsi, l'inclinaison du corps de
l'amazone dans la direction de l'objet peut suffire à la mettre
en danger en entraînant les mains avec le corps et parfois en
faisant tout à coup tourner la tête du cheval vers la cause de
son effroi. En tous cas, avant qu'elle en ait connaissance, le
cheval peut se trouver en contact avec quelque autre objet
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— 131 —
et se placer, lui et la personne qui le monte, dans une position
difficile ou dangereuse.
Ce cas se présente assez fréquemment dans les pays où les
ruisseaux abondent. En traversant un gué où il peut arriver
que le courant soit rapide, les yeux de l'amazone au lieu de
se diriger en ligne droite au-dessus de la tête du cheval vers
le point opposé sont attirés par l'eau courante jusqu'à ce que
le corps se tournant dans la même direction et emportant les
mains avec lui, détourne dangereusement le cheval de la
route qu'il devrait suivre. L'amazone ne s'aperçoit souvent
de la faute qu'elle commet que lorsqu'elle se trouve les pieds
et les chevilles trempant dans l'eau et parfois même lors-
qu'elle se voit, elle et son cheval, entraînée par le courant.
Lorsqu'on échappe à ces divers périls, il y en a un troisième ;
car si le cheval prend subitement sa course, quand le corps
et les mains se trouvent dans cette position, une chute,
dans les circonstances les plus désagréables, devient presque
inévitable car l'équilibre est compromis et l'amazone a perdu
tout contrôle sur son cheval.
C'est une règle générale, surtout lorsque le plus léger
symptôme d'indocilité se manifeste ou lorsqu'on se trouve
dans une position critique de laisser les yeux attachés sur la
tête du cheval. Le corps se trouvera alors parfaitement de
face, et les mains seront par conséquent dans la position
la plus favorable pour agir efficacement et empêcher le
cheval soit de prendre une allure trop rapide, soit de dévier
à droite ou à gauche de la route que veut lui faire prendre
l'amazone.
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- 152 —
Lorsque la dame se voit obligée de se retourner soit pour
regarder derrière elle, soit pour ajuster la jupe de son ama-
zone, soit pour causer avec un ami, la main doit conserver
sa position centrale. De cette manière, la pression reste la
même sur les deux rênes et la direction du cheval ne subit
aucune modification.
Le corps doit éviter avec le plus grand soin tout ce qui
pourrait compromettre son équilibre ou nuire à sa flexibilité,
et ses mouvements doivent être réglés de telle façon, qu'il
puisse ressaisir en un instant sa position normale sans ôter
aux mains leur fermeté.
Jusqu'à ce que les principes d'une bonne équitation aient
été complètement acquis par la pratique et l'étude, l'amazone
ne doit jamais se départir des règles strictes de cet art, ou
elle s'exposera à contracter des habitudes mauvaises et peu élé-
gantes et à compromettre ses progrès futurs. Lorsqu'elle sera
bien affermie dans ces principes, elle pourra attacher moins
d'importance à leur mise en pratique rigoureuse parce que
ce relâchement sera basé sur un système, et que le jugement
et l'expérience décideront du moment où on peut s'y laisser
aller avec sécurité. Dans toute déviation de la position ordi-
naire, l'amazone n'appuiera pas sur un côté de la selle, et ne
laissera pas ses épaules s'arrondir, ses mouvements manquer
de certitude et de régularité ou ses coudes trembler au grand
détriment de la sûreté des mains et du confort du cheval. Une
flexibilité facile et gracieuse, également agréable au cheval
et à l'amazone doit régler ses mouvements qui tous doivent
contribuer à assurer sa sécurité. La main doit en toute occa-
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— 155 -
sion conserver ses fonctions et ne jamais négliger le cheval.
En mettant en action judicieusement mais d'une manière
presque imperceplible les diverses aides, on guidera et on
assistera le cheval dans l'accomplissement de ses devoirs et
on acquerra celte aisance parfaite qui distingue l'écuyère
accomplie et trahit au premier coup d'œil la perfection
qu'elle a su acquérir dans l'art de l'équitation. Car, la science
véritable se discerne toujours et se distingue des connais-
sances superficielles que l'on acquiert par la pratique; le
calme gracieux des mouvements, l'élégance du port, et l'au-
torité exercée sur la monture, font reconnaître la véritable
écuyère et sont une source de vives jouissances.
12
il.
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LE PAS.
Le pas, cette allure en apparence si simple, peut devenir
une source de connaissances précieuses pour l'amazone ; c'est
naturellement la seule à laquelle elle ose se hasarder dans le
principe et elle devrait la garder pendant quelque temps avant
de tenter d'en prendre une autre.
L'élève peut acquérir au pas une connaissance approfondie
des règles que nous avons données touchant l'assiette, les
rênes et les mains, et réaliser déjà une grande somme de
connaissances si elle consacre toute son attention à l'étude
des nombreux anneaux qui forment la grande chaîne de la
science équestre, tels que l'art de faire tourner son cheval, de
l'arrêter, de le faire reculer, etc. Un accident peut souvent être
le résultat d'un manque d'habileté dans l'exécution de ces
mouvements qui, pendant les premières leçons, devraient être
mis en pratique avec tant de soins que la dame ne puisse .
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éprouver aucune espèce de difficulté si elle se voyait subite-
ment contrainte d'arrêter son cheval, de le faire tourner à
droite ou à gauche, ou de le faire reculer pour sortir de quel-
que position difficile ou dangereuse. Une pratique constante
lui permettra de le faire avec une aisance parfaite qui non-
seulement rendra ses mouvements gracieux, mais assurera
l'obéissance de l'animal par la confiance que lui inspirera son
action calme et ferme.
Pour forcer son cheval à se mettre au pas, l'amazone doit
rassembler soigneusement les rênes, jusqu'à ce qu'elles exer-
cent sur la bouche une pression légère et égale, puis pres-
ser doucement la jambe gauche et le fouet contre les
flancs de l'animal pour l'exciter à se mettre en mouvement.
Lorsqu'il est en marche, la jamhe et le fouet reprennent leur
position première, les mains restent fermes et souples et le
corps cède aux mouvements du cheval.
Si le cheval porte bien la tête, il est inutile de tendre trop
les rênes ; il vaut mieux lui laisser un peu de liberté pour
que son pas soit ferme et bien mesuré. Si la pression exercée
sur la bouche est trop grande, il est incapable de se mouvoir
librement et son pas est court et irrégulier. Cependant, s'il
n'est pas tenu suffisamment en main, il peut porter la tête
basse, marcher négligemment et ne pas lever le genou assez
haut pour être à même de poser le pied bien d'aplomb ; dans
ce cas la cause la plus légère suffit à le faire broncher.
Par l'opération de la bouche du cheval sur les rênes, la
main doit ressentir délicatement mais distinctement le contre-
coup de tous ses mouvements. S'il n'obéit pas bien à la bride,
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il doit être animé par la pression du talon et du fouet. S'il
prend le trot, il doit être graduellement retenu jusqu'à ce
qu'il reprenne le pas. S'il a de nouveau besoin d'être excité,
on doit le faire avec plus de réserve qu'auparavant pour éviter
qu'il se remette encore à trotter.
Le pas, pour être parfait, doit être animé et rapide, mesu-
rer d'exactes distances et marquer des temps réguliers; il
faut que le genou soit modérément courbé, que, pendant un
instant, la jambe paraisse suspendue en l'air et que le pied
arrive au sol parfaitement d'aplomb.
Beaucoup de chevaux acquièrent l'habitude d'ambler, allure
particulière qui, pour la rapidité, tient le milieu entre le pas
et le trot ; dans quelques cas, elle n'est pas désagréable, mais
elle gâte invariablement le pas et souvent les autres allures.
Elle ne doit par conséquent jamais être encouragée. Celte
habitude se manifeste souvent chez les chevaux qui ont été
montés par de mauvais cavaliers dont la main est lourde et
paresseuse, dont l'assiette manque de fermeté, ou qui ont
laissé trop de liberté aux rênes. Lorsqu'il commence à ambler,
le cheval doit être immédiatement arrêté et il faut qu'on lui
fasse reprendre le pas; s'il retombe dans la même faute, on
doit essayer des mêmes moyens, en grondant l'animal jusqu'à
ce qu'il se montre docile.
12.
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DES TOURNANTS AU PAS.
Lorsqu'il s'agit de faire tourner son cheval, l'amazone doit
se souvenir de tout ce qui a été dit précédemment sur le sup-
port que doit trouver l'animal dans la main de son cavalier.
Ce support est plus spécialement nécessaire lorsqu'on tourne
que lorsqu'on avance en ligne droite. Dans le premier cas, le
cheval étant obligé de croiser les jambes, il est exposé, s'il
n'est pas convenablement soutenu, à tomber ou à tourner
d'une façon maladroite et imparfaite.
Dans les commencements, on ne doit tourner que fort len-
tement. En tournant à droite, la main droite doit être un peu
en dessous de la gauche, et il faut que l'on augmente la pression
sur la rêne droite en relevant le petit doigt et en le ramenant
doucement vers le corps ; il ne doit jamais être baissé dans la
direction du genou. La main gauche continue en même temps
à exercer une pression sur la rêne gauche.
En tournant à gauche, c'est la main gauche qui doit être
un peu en dessous de la droite, et la pression sur la rêne
gauche doit s'augmenter de la même manière, en relevant le
petit doigt et en le ramenant vers le corps, la main droite
continuant a presser sur la rêne droite.
Lorsqu'on veut tourner sur soi-même, la pression supplé-
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mentaire sur la rêne intérieure doit se continuer jusqu'à ce
que le tour soit complet, tout en continuant à presser avec la
même fermeté sur la rêne extérieure.
Lorsqu'on tourne soit il droite, soit à gauche, soit sur soi-
même, le cheval doit être soutenu et excité par une légère
pression de la jambe et du fouet. De cette manière, il est
contraint à obéir à la guide conductrice et à ramener ses
hanches sous lui.
L'emploi exclusif de l'aide intérieure, soit de la jambe,
soit du fouet, force le cheval à jeter ses hanches trop en
dehors; l'aide extérieure ne doit, par conséquent, jamais être
omise. On doit aussi se souvenir que la pression supplémen-
taire sur la rêne intérieure n'exempte pas d'une ferme pres-
sion sur l'autre; autrement, la bride exerce sur la bouche du
cheval une action imparfaite, et, par le relâchement de la
rêne extérieure, l'amazone devient incapable de soutenir
l'animal pendant qu'il tourne.
Les tournants courts et brusques doivent être soigneuse-
ment évités, ou le cheval sera sujet à croiser incorrecLement
les jambes, surtout si on le laisse aller paresseusement, ce
qui ne devrait jamais se faire. Lorsque la chose est possible,
on doit toujours prendre assez d'espace pour tourner libre-
ment mais délibérément; et si le cheval est paresseux, on
doit l'exciter, en augmentant la pression du talon et du
fouet.
Je ne saurais insister trop vivement sur l'importance que
doit attacher l'amazone à éviter cette coutume pernicieuse et
dangereuse d'effectuer le tour en pressant la rêne extérieure
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— 141 -
contre l'encolure du cheval ; car, en agissant ainsi, la rêne
intérieure est complètement relâchée et le cheval abandonné
à lui-même et privé de tout soutien au moment où il en a le
plus grand besoin. Si, dans de (elles circonstances, il lui arri-
vait de faire un faux pas ou de glisser sur un sol raboteux,
une chute est inévitable.
L'habitude trop fréquente de croiser la main droite sur la
rêne gauche en tournant à gauche, doit être aussi soigneuse-
ment évitée. Ce mouvement convient fort peu a une amazone
et a en outre le désavantage de priver la main de la faculté de
faire usage du fouet, si le cheval n'obéit pas immédiatement
à la rêne conductrice.
Lorsque les rênes sont tenues de la main gauche seule-
ment, la même pression doit être maintenue sur la rêne exté-
rieure, pendant que le tour s'opère. C'est dans cette occasion
que peuvent se déployer admirablement la grâce et la correc-
tion de la main de la bride ; car, pendant que la rêne intérieure
conduit, la main, si elle remplit bien ses fonctions, offre un
support à l'animai, par la pression qu'elle exerce sur la rêne
extérieure.
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1
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DE L'ARRÊT AU PAS.
Une dame ne peut être considérée comme bonne écuyère
avant qu'elle connaisse bien l'arrêt. Ceci est d'une impor-
tance beaucoup plus grande qu'on n'est généralement porté à
le supposer, car l'art d'arrêter convenablement et dans un
très-court espace, prouve non-seulement la grande supériorité
de la main du cavalier, mais sert souvent à éviter des acci-
dents très-sérieux.
Pour effectuer l'arrêt, l'amazone jette les épaules en arrière,
exerce sur les deux rênes une tension égale en relevant les
petits doigts et en les ramenant vers le corps, et presse pen-
dant un instant la jambe gauche et le fouet contre les flancs
du cheval. Ces mouvements, qui doivent être simultanés,
opèrent presque toujours l'arrêt de la façon la plus conve-
nable. L'emploi de la jambe gauche et du fouet ne doit être
omis sous aucun prétexte, ou le cheval ne fera pas convena-
blement travailler ses hanches, et opérera l'arrêt au moyen
de ses épaules, ce qui ne doit jamais lui être permis.
L'arrêt doit être non pas lent mais gradué en évitant toute
secousse pour que le cheval puisse avoir le lemps de se ras-
sembler et arrêter fermement et de niveau. Aussitôt qu'il s'est
arrêté, les rênes doivent être un peu relâchées pour lui faire
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comprendre que son cavalier n'entend pas qu'il se remette en
route, tout en conservant cependant assez d'action sur la
bouche pour l'arrêter immédiatement s'il partait sans en avoir
reçu l'ordre.
Le degré de pression sur les rênes et la force plus ou moins.
grande imprimée au mouvement de la jambe et du fouet né-
cessaires pour arrêter convenablement un cheval, doivent être
proportionnés à l'état particulier de la bouche du cheval et
de son caractère, que les observations de l'amazone la met-
tront promptement à même de connaître.
On doit en toutes circonstances prendre les plus grands
soins pour arrêter avec fermeté et non par une secousse su-
bite ou violente imprimée aux rênes, ce qui peut pousser le
cheval à se cabrer s'il a la bouche tendre, ou, s'il a les reins
faibles, causer un tort sérieux à ces parties qui ont à faire un
effort très-pénible dans un pareil cas.
Un cheval ne doit jamais être arrêté au moment où il
tourne, car il pourrait arriver qu'il se heurtât les jambes
l'une contre l'autre et se jetât par terre.
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DE LA MANIÈRE DE RECULER AU PAS.
Pour reculer convenablement, il faut beaucoup de soin et
de pratique. Dans toute la science de l'équitation, il n'y a pas
un seul point qui mérite une étude plus consciencieuse, car
non-seulement cet exercice améliore considérablement les
mains, mais il permet à l'amazone de sortir à son honneur
de positions difficiles auxquelles les dames qui montent
beaucoup à cheval sont assez fréquemment exposées. Par
exemple, si un cheval se trouve entre deux voitures et est
également incapable de tourner et d'avancer, l'amazone n'a
d'autre alternative que de le faire reculer, et si ce mouvement
n'est pas exécuté avec beaucoup d'adresse, il peut arriver
que le cheval se frappe la jambe contre une roue et s'effraie
au point qu'il devienne fort difficile d'éviter un accident.
Pour reculer, l'amazone doit d'abord amener son cheval à
rester immobile, puis, par une pression ferme et égale sur les
deux rênes, le forcer à faire un pas en arrière. Pour opérer ce
mouvement avec facilité les mains ne doivent pas s'élever et
il faut que les jointures des doigts s'abaissent un peu. Le
cheval doit en même temps être serré par la jambe gauche et
le fouet qui viendront en aide à la bride, et empêcheront l'ani-
mal de s'écarter de la ligne qu'il faut qu'il suive.
11.                                                                                          15
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Le corps ne doit pas être jeté en arrière comme dans l'ar-
rêt, il faut au contraire qu'il s'incline un peu en avant pour
donner à la main une plus grande puissance sans exciter le
cheval à se cabrer, ce qui arrive assez fréquemment quand il
n'obéit pas facilement à la main. Si l'amazone tente de forcer
l'animal à reculer par le poids de son corps et qu'il se cabre,
le corps ne peut être ramené assez vite en avant, et l'écuyère
court grand risque de renverser son cheval, ce qui consti-
tue l'un des accidents les plus dangereux qui puissent ad-
venir.
Si le cheval n'obéit pas immédiatement à la main, l'amazone
doit opérer sur sa bouche, par un prompt mouvement des
doigts sur les rênes, pour lui faire lever la tête; il suffira
généralement alors d'une légère traction supplémentaire
pour le forcer à reculer. Au moment où il est contraint à le
faire, le corps, pour conserver une position convenable, doit
s'incliner en avant et les rênes doivent être relâchées. Un
cheval de dame bien dressé obéit à la moindre pression
exercée sur sa bouche et recule immédiatement, sans perdre
l'équilibre; mais chez un animal jeune ou maladroit la ba-
lance doit nécessairement être compromise et si l'on poursuit
la contrainte trop loin, il reculera jusqu'à ce qu'il tombe. Dans
ce cas l'amazone, après chaque pas, doit rendre la main et
incliner le corps en avant, pour permettre au cheval de re-
prendre complètement l'équilibre avant de le soumettre de
nouveau à la pression de la bride.
Reculer en inclinant vers la droite, exige une légère pres-
sion supplémentaire sur la rêne gauche, le maintien d'une
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pression sur la droite et l'aide du fouet du même côté pour
empêcher les quartiers de derrière du cheval d'incliner trop
dans cette direction.
Pour reculer en inclinant à gauche, il doit y avoir une
légère pression supplémentaire sur la rêne droite, une pres-
sion sur la gauche et l'aide de la jambe gauche pour empê-
cher les quartiers de derrière du cheval d'incliner trop dans
celte direction.
La main, le talon ou le fouet doivent toujours se venir
mutuellement en aide. Ainsi en reculant en ligne directe, si
les quartiers de derrière du cheval poussent trop à droite,
la pression du fouet doit être augmentée en même temps
que la main doit peser davantage sur la rêne droite ; ce mou-
vement doit s'effectuer avec la plus grande délicatesse, de
crainte que les quartiers de derrière ne soient à leur tour
dirigés trop à gauche.
Le cheval ayant reculé jusqu'au point qu'il devait atteindre,
ne doit pas être autorisé à s'arrêter dans la première posi-
tion venue; la jambe et le fouet doivent assurer son obéis-
sance à la bride, de manière à ce qu'il soit convenablement
uni avant de se remettre en marche.
L'exercice du recul administré de temps à autre améliore
beaucoup le port d'un cheval de dame et lui apprend à faire
travailler convenablement ses hanches, mais comme cet
exercice est fort pénible, surtout pour les chevaux jeunes ou
faibles des reins, il ne doit jamais être trop prolongé.
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LE CHEVAL ET LAMAZQNE
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LE TROT.
Il est indispensable qu'une amazone apprenne à trotter,
bien qu'elle puisse, lorsque son éducation est terminée, ne
prendre cette allure qu'exceptionnellement. Le trot lorsqu'il
est convenablement enseigné est d'un grand secours pour
donner de la fermeté à l'assiette et dans beaucoup de circon-
stances, il est absolument indispensable de le connaître. Par
exemple, en quittant le galop, presque toujours le cheval
trotte pendant quelques instants avant de prendre le pas et
ce changement d'allure causerait à l'amazone de graves
embarras si elle ne savait point trotter. Dans une longue
promenade le soulagement que procurent au cheval et à
l'amazone les alternatives de trot et de galop est énorme. En
outre, une dame, surtout si elle habite la campagne, peut se
trouver dans la nécessité de monter un cheval d'homme,
qui peut-être lui sera recommandé à cause de son extrême
docilité. Cet animal ayant jusqu'alors servi exclusivement de,
monture à un homme n'a fréquemment qu'une connaissance
bien superficielle du galop qui est l'allure ordinaire de la
13.
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— ioO —
dame, et lorsque l'amazone s'efforce de la lui faire prendre,
elle s'aperçoit que ses tentatives d'obéissance produisent de
si désagréables cahots, que, malgré elle, elle se voit con-
trainte à lui faire reprendre le pas. C'est là une des nom-
breuses raisons qui nécessitent la connaissance du trot; car-
bien que le cheval ne connaisse rien du galop il est fort
probable que son trot, allure si habituelle aux hommes, sur-
tout sur les routes, sera parfait; par conséquent, pour une
dame qui sait trotter, une promenade faite dans ces conditions
non-seulement ne sera point fatigante, mais deviendra extrê-
mement aisée et agréable.
Beaucoup de gentlemen ne voient jamais avec plaisir que
leurs chevaux soient montés par des dames; ils sont per-
suadés et non sans raison que le constant usage du galop
détruit la liberté des autres allures; la connaissance du trot
peut, dans ce cas, assurer à l'amazone l'usage d'un animal
favori.
A moins que la connaissance du trot ne soit acquise dans
la première jeunesse, il exigera, plus qu'aucune autre allure,
beaucoup d'étude et de pratique avant d'épargner à l'amazone
la maladresse et la fatigue, deux résultats inévitables d'une
connaissance imparfaite. Il faut beaucoup de jugement de la
part du professeur pour diriger les premiers exercices, de
sorte que l'élève échappe aux inconvénients et à la souffrance
qui pourraient lui inspirer du dégoût pour cette allure et la
porter à en abandonner complètement l'étude.
Quelque simple et agréable que puisse paraître l'allure du
trot au gentleman, il est loin d'en être de même de la dame
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- loi —
jusqu'à ce qu'elle se soit accoutumée à la nouveauté du mou-
vement et qu'elle ait appris à s'élever et à retomber avec l'ac-
tion du cheval. Un moment de réflexion suffit à prouver que
pour l'amazone cette tâche ne peut être des plus aisées ; car
il n'y a guère de positions plus différentes l'une de l'autre
que celle du cavalier à cheval et celle de la dame. Le premier
est assis dans une position naturelle, parfaitement droit sur
son cheval, avec une force égale des deux côtés ; la seconde,
au contraire, occupe une position forcée, la partie supérieure
du corps se trouvant parfaitement de face, tandis que la
partie inférieure incline d'un côté où se trouve tout son appui.
Gomment pourrait-on s'attendre dans ces circonstances, à ce
que les résultats soient les mêmes, et n'est-il pas facile à
comprendre que ce qui peut être simple et agréable à l'un
puisse au premier abord offrir de grandes difficultés et
paraître désagréable à l'autre.
Il est à la portée de toutes les amazones d'apprendre à
trotter, mais celles qui sont conformées de telle façon que la
hanche et le genou ne sont séparés que par une assez courte
distance pourront le faire avec plus d'aisance et d'élégance.
Pour en faire comprendre la raison il me suffira de rappeler
que, dans le trot ordinaire, la dame doit se soulever en selle
pour suivre les mouvements du cheval, et que pour le faire
le corps doit s'incliner légèrement; plus il y a de longueur
entre la hanche et le genou et plus le corps est jeté en avant
quand elle se soulève ; les efforts qu'elle se voit obligée de
faire pour ne se courber point d'une manière exagérée et
ridicule lui donnent beaucoup de mal à se soulever dans sa
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— 152 —
selle ; elle en éprouve une grande fatigue el parfois même une
véritable souffrance. C'est ce qui explique que l'allure du
trot n'est jamais favorable aux grandes femmes, mais elles
ont en revanche l'avantage de galoper avec une aisance et
une grâce exquises.
Pendant les premières leçons, on ne doit parcourir au
trot qu'une courte distance à la fois. Aussitôt que la dame
éprouve la plus légère fatigue ou se trouve le moins du
monde embarrassée, elle doit faire reprendre le pas à sa
monture et la remettre au trot après un court intervalle ; à
mesure qu'elle s'accoutume à cette allure, la distance peut
être graduellement augmentée jusqu'à ce qu'elle ait atteint à
la perfection.
Pour mettre son cheval au trot, l'amazone doit presser
pour un instant la jambe et le fouet contre les flancs du
cheval et en même temps élever son avant-main par une
légère pression sur les deux rênes, le petit doigt de chaque
main un peu relevé et ramené vers le corps.
Lorsque le cheval se meut au trot, son action donne une
force impulsive aux mouvements du corps de l'amazone, et
au moment où cette impulsion se fait sentir, elle doit se sou-
lever de sa selle en mesure avec le pas du cheval. Pour
arriver à ce résultat, elle doit appuyer légèrement le pied
gauche dans l'étrier, le genou et le cou-de-pied étant par-
faitement flexibles et tenir les rênes avec fermeté de manière
que l'effet des mouvements de la tête du cheval sur ses
mains, puisse lui offrir une impulsion additionnelle et la
mettre à même de choisir exactement le moment voulu pour
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se soulever. Ceci ne veut pas dire, et il est important que
l'amazone le comprenne bien, qu'elle doit chercher dans la
bride un point d'appui ou peser lourdement sur la bouche
du cheval. Au contraire, ses mains doivent être aussi légères
et aussi souples que possible tout en maintenant la corres-
pondance et l'appui voulus.
L'acte de se soulever dans la selle doit se faire aussi per-
pendiculairement qu'il est possible et aussi haut qu'il est
nécessaire pour éviter le désaccord qui se produit lorsque
les mouvements de l'amazone et ceux de son cheval ne sont
pas simultanés. Le retour du corps dans la selle est rendu
facile par l'appui du genou droit sur le pommeau et la pres-
sion du pied dans rétrier.
Le but que l'on doit se proposer toujours c'est d'arriver à
une uniformité parfaite avec les mouvements du cheval; ce
résultat une fois obtenu, il ne restera à l'amazone que bien
peu de difficultés à vaincre, car elle trouvera sa principale
assistance dans l'action égale du cheval. Rien n'est plus gro-
tesque que de voir une amazone se soulever dans sa selle
et y retomber en désaccord avec le mouvement de son che-
val; en dehors du reste de cet aspect disgracieux, rien né
saurait être plus fatigant et plus désagréable.
En se soulevant, l'amazone doit prendre les plus grands
soins pour éviter l'habitude trop fréquente d'incliner le corps
vers la gauche. Beaucoup de dames s'imaginent ainsi trouver
plus de facilité à se soulever dans la selle, mais en réalité elles
perdent toute la fermeté de leur assiette et de leurs mains
en même temps qu'elles compromettent l'action du pied et du
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genou. L'amazone en se soulevant doit rester parfaitement
de front; il faut que ses épaules soient maintenues en ligne
parallèle avec celle des oreilles du cheval. A cause de la posi-
tion qu'occupe la dame à cheval, il lui est souvent assez
difficile en trottant de maintenir les épaules parfaitement de
face, ce qui est indispensable à l'aspect élégant de l'ama-
zone; ce résultat lui deviendra beaucoup plus facile à obte-
nir, si elle sépare les rênes et place l'une d'elles dans la main
droite.
Outre l'apparence disgracieuse que donne l'habitude d'in-
cliner le corps, elle annule presque toujours la fermeté de
l'assiette, et les mouvements inégaux et irréguliers du corps
rendent une longue promenade aussi fatigante que peu con-
fortable.
Cette pernicieuse habitude est due fréquemment à ce que
l'amazone tourne le pied gauche trop en dehors, ce qui,
comme je l'ai déjà fait remarquer en son lieu, est toujours
une faute, mais surtout au trot. Le pied doit être, autant
que possible, en ligne horizontale avec le flanc du cheval, et
la jambe et le corps inclineront naturellement alors dans la
même direction, en suivant les mouvements du cheval.
Aussitôt que l'amazone sait trotter sans fatigue et sans
crainte, elle doit apprendre à régler le pas de son cheval
et à maintenir l'égalité de son action.
L'action du cheval quand il trotte est alternative, il a tou-
jours deux pieds sur le sol et deux pieds en l'air. Quand le
pied antérieur gauche et le pied postérieur droit sont à terre,
le pied antérieur droit et le pied postérieur gauche sont en
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— ISS -
l'air, et vice-versa •L'animal fait ainsi deux pas qui, lorsque
l'action est bonne, mesurent des distances exactement sem-
blables, et les deux pieds correspondants touchent le sol au
même instant.
Dans le trot comme dans le galop, il y a toujours un des
bipèdes diagonaux, soit le droit, soit le gauche qui sert de
conducteur et qui avance par conséquent un peu plus que
l'autre. Ceux qui ont une grande expérience de l'équitation
peuvent seuls s'apercevoir de la différence qui existe. Un
cheval qui a été bien dressé et, en termes techniques, assoupli
aux deux mains, trotte avec la même aisance de l'un ou de
*
l'autre pied. Mais lorsqu'on a affaire à un animal qui n'a subi
qu'une préparation imparfaite, si la fatigue ou quelque autre
motif le force à changer la jambe conductrice et à trotter de
celle à laquelle il n'est pas accoutumé, son action devient
contrainte, irrégulière et désagréable.
Comme le trot est la base de toutes les autres allures, il
doit toujours être correctement exécuté. Des mains qui
manquent de fermeté le rendront presque inévitablement
irrégulier ; il en est de même des rênes trop relâchées ou
trop tendues et des transitions subites de l'un de ces deux
excès à l'autre. Toutes les fois que le cavalier s'aperçoit
d'une incorrection, si légère qu'elle soit, dans le trot de son
cheval, son attention doit se porter aussitôt sur les rênes;
si elles sont trop relâchées, que le cheval est désuni et fait
travailler ses épaules, on doit les tendre davantage en les
ramenant doucement vers le corps; on presse en même
temps le talon et le fouet contre les flancs du cheval pour
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le rassembler et le forcer à obéir à la bride. Si au contraire,
les rênes sont trop courtes, on les rend graduellement pour
permettre à l'animal de trotter avec plus d'aisance et de
liberté.
Avec des chevaux bien dressés, l'irrégularité d'action doit
généralement s'attribuer au cavalier. Avec de jeunes animaux
qui n'ont subi encore qu'une préparation incomplète, elle
peut procéder de leur maladresse naturelle et il faut alors
une habileté plus grande pour corriger l'allure. Lorsqu'ils
sont fatigués, presque tous les chevaux s'ils sont abandonnés
à eux-mêmes trottent négligemment; c'est une tendance
qu'on doit autant que possible s'efforcer de vaincre car,
dans des circonstances semblables, ils sont très-sujets à
broncher et à tomber.
Varier fréquemment la rapidité du cheval au trot, est un
excellent exercice pour les mains; savoir tendre les rênes,
pour que son allure ne puisse être rendue incertaine par une
secousse de la bride ou un changement subit de position, et
lui rendre graduellement la main pour qu'il ne puisse perdre
le support qui lui est nécessaire sont des points de la plus
grande importance.
Le cheval doit toujours être convenablement rassemblé et
il ne faut jamais qu'il soit excité à trotter plus rapidement
qu'il ne le peut faire sans perdre son égalité d'action. L'homme
que l'on voit dans les promenades publiques exiger d'un
cheval qui trotte toute la rapidité qu'il peut donner ne fait
rien moins qu'exciter l'admiration et une dame qui agirait de
même serait blâmée davantage encore. Le cheval que l'on
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- 157 —
oblige à dépasser, en trottant, son allure naturelle, ne man-
quera pas à un moment donné de passer sans transition à un
galop heurté et décousu, également nuisible au confort et à
l'aspect de l'amazone.
Quand un cheval passe du trot au galop sans y avoir été
excité par son cavalier, il doit être retenu avec fermeté, mais
graduellement et en même temps grondé de la voix pour lui
faire comprendre qu'il a mal fait. Si cette tentative reste sans
succès, l'amazone doit peser lourdement sur la rêne opposée
à la jambe conductrice. Si ce second moyen ne réussissait pas
encore à remettre le cheval au trot, il vaudrait mieux lui
faire prendre le pas et recommencer le trot, l'arrêtant immé-
diatement et le grondant s'il tente de nouveau de partir au
galop, et le caressant et l'encourageant aussitôt qu'il se
montre disposé à obéir.
On peut tourner au trot avec autant de sécurité et de faci-
lité à droite qu'à gauche ; les aides de la main, de la jambe
et du fouet s'appliquent de la même manière que lorsqu'on
tourne au pas.
14
H.
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LE PETIT GALOP.
Le petit galop est par excellence l'allure de la dame, et
lorsqu'il est convenablement exécuté par l'amazone et par sa
monture il est de loin la plus agréable. Quelque simple que
puisse paraître cette allure à ceux qui jugent sans connais-
sance de cause, elle est purement artificielle, bien que l'action
en elle-même soit si aisée et si agréable, qu'une dame qui
n'aurait jamais monté à cheval pourrait, à cette allure, se main-
tenir en équilibre pendant une promenade, sur un cheval
docile. Comme le petit galop est généralement adopté par les
amazones de préférence à toute autre allure et que c'est celle
qui fait le plus avantageusement ressortir un port élégant,
gracieux et féminin, son étude mérite beaucoup plus de soins
qu'on n'a l'habitude de lui en consacrer.
Cette indifférence résulte en grande partie de la facilité
même de l'allure qui porte les commençantes à l'adopter immé-
diatement ; et, jouissant de ce qu'elles considèrent naturelle-
ment comme un délicieux galop, elles en arrivent à la con-
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clusion qu'elles ont appris déjà tout ce qui leur est nécessaire
de savoir. Il en résulte que bien qu'il n'y ait qu'une seule
manière de galoper selon les règles, on en voit de si nom-
breuses variétés qu'il faudrait longtemps pour les décrire.
Une des grandes raisons pour lesquelles les dames parais-
sent si fréquemment à leur désavantage lorsqu'elles font
prendre le petit galop à leurs montures, c'est qu'elles négli-
gent de s'y préparer convenablement. Il se peut que pendant
la promenade au pas les rênes se soient relâchées et que le
cheval, comme cela lui arrive souvent dans des circonstances
semblables, marche avec nonchalance; si dans ce moment on
le fait partir sans préparation, il est certain qu'il galopera
de la même manière, ce qui non-seulement fera voir l'animal
sous un jour désavantageux, mais sera également préjudi-
ciable à la grâce de l'écuyère. Le cheval portera la tête basse
et attirera en avant les mains et le corps de l'amazone d'une
manière aussi dangereuse que peu élégante ; et si, dans le but
d'éviter l'inclinaison du corps et de prévenir la fatigue des
bras, celle-ci avance trop les mains ou relâche les rênes, elle
en arrivera à perdre toute espèce de contrôle sur sa monture ;
de plus si elle tient les rênes dans la main de la bride seu-
lement, l'épaule gauche se trouvera inévitablement beaucoup
plus en avant que l'autre.
Pour bien galoper et jouir pleinement de ce délicieux
exercice, l'amazone doit occuper exactement le centre de sa
selle; le corps doit être droit, et le dos légèrement incliné
pour jeter les épaules gracieusement en arrière; les membres
et le buste doivent être parfaitement souples pour correspon-
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dre aux mouvements du cheval au moment où il se met en
marche.
Pour préparer le cheval au petit galop, l'amazone doit
d'abord ajuster soigneusement les rênes, si la chose est né-
cessaire, puis à l'aide du talon et du fouet rassembler sa mon-
ture <H tendre les rênes de façon à élever son avant-main
et à le forcer à faire bien fonctionner ses hanches.
Le cheval étant convenablement préparé, on doit élever
légèrement les mains et par une légère pression sur la bou-
che de l'animal et l'application du talon et du fouet, l'ex-
citer à élever ses membres antérieurs et à prendre le petit
galop.
Si le cheval ne répond pas immédiatement aux intentions
de l'amazone, elle doit recourir de nouveau aux mêmes
moyens, avec plus de force que précédemment et tenir la
main suffisamment ferme pour l'empêcher de trotter. De cette
façon il sera forcé de lever ensemble ses membres antérieurs
et de commencer l'action.
Lorsque le cheval est au pas, plus il est rassemblé et plus
il lui est aisé de changer cette allure pour le petit galop ; ses
hanches remplissant déjà leurs fonctions, il est dans la posi-
tion naturelle pour galoper avec grâce et aisance.
Dans le galop, le cheval incline un peu obliquement d'un
côté ou de l'autre, selon le pied avec lequel il conduit; ce qui
force l'amazone à pencher légèrement le corps dans la même
direction, afin de maintenir l'équilibre et de soutenir la posi-
tion du cheval. Si le cheval conduit du pied droit, il incline
un peu vers la gauche et, dans ce cas, le corps de l'amazone
a.
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et ses mains par conséquent doivent suivre la même direc-
tion.
S'il conduit du pied gauche, il incline un peu vers la droite
et le corps et les mains de l'amazone doivent alors prendre
de ce côté une position correspondante.
L'amazone a également à diriger le pied avec lequel le
cheval conduit. Si l'animal a été soigneusement dressé et qu'il
a appris à galoper indifféremment de l'une ou de l'autre
jambe, il obéit promptement à la main, et part immédiatement
du pied opposé au côté vers lequel l'amazone le fait légère-
ment incliner.
Si une dame souhaite que son cheval galope le pied droit
en avant, c'est-à-dire conduise du pied droit, elle doit,
en se préparant à cette allure, accroître légèrement la pres-
sion sur la rêne gauche, de manière à faire incliner oblique-
ment l'animal dans cette direction, et prendre elle-même au
même instant une position correspondante. L'amazone passe
alors aux opérations des mains et excite l'animal du talon et
du fouet pour précipiter son action et lui faire prendre le
petit galop ; la position qu'il occupe au moment où s'accom-
plissent ces mouvements l'oblige naturellement à conduire du
pied droit.
Aussitôt que ce résultat est obtenu, la pression sur les deux
rênes devient égale, à moins que le cheval ne galope en incli-
nant trop vers la gauche ; dans ce cas, l'amazone peut faire
pencher un peu vers la droite la tête de l'animal, mais avec
la plus grande délicatesse pour ne pas le pousser a changer
de pied.
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Lorsque le galop du cheval est bien réglé, l'attention
doit se fixer de nouveau sur la longueur des rênes. Il y a
certains chevaux qui à cette allure sont portés à s'enca-
puchonner; lorsque tel est le cas, les rênes doivent être
légèrement raccourcies; chez d'autres, au contraire, lors-
qu'ils sont lancés au petit galop, on remarque une légère
extension de la tête et de l'encolure qui exige une augmen-
tation de longueur des rênes. Ce n'est qu'en examinant
attentivement le port du cheval qu'on pourra se rendre
compte de la mesure exactequ'il convient de donner aux
rênes.
Aussi longtemps que le cheval conserve l'allure du petit
galop, l'amazone doit continuer à exercer sur la bouche de
l'animal une légère pression, afin de ressentir le contre-poids
de la cadence de chaque pas et d'être à même d'étendre ou de
restreindre l'action à volonté ; si le cheval fléchit ou pèse sur le
mors, on doit le ramener par un mouvement rapide des
doigts sur les rênes, en appliquant en même temps le talon et
le fouet pour corriger l'action.
L'amazone doit soigneusement éviter de peser lourdement
sur les rênes ; cette pression excessive restreint l'action du
cheval et le rend incapable de galoper librement. Dans ces
circonstances, beaucoup de chevaux tentent de forcer la main.
C'est alors que doit être mise en jeu toute l'habileté de
l'écuyère pour rendre doucement les rênes à l'animal et les
ramener immédiatement avec la même douceur vers la cein-
ture, chaque fois qu'il pèse sur les rênes. Lorsque ce mouve-
ment est effectué avec habileté et qu'on y persévère avec
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— 164 —
patience, le cheval se fatigue bientôt et ne tarde pas à devenir
parfaitement docile.
Si le cheval quitte le petit galop pour prendre le trot contre
la volonté de l'amazone, il doit être rassemblé de la même
manière que pour passer du pas au galop; on emploiera
pour le forcer à reprendre cette dernière allure la même
opération des mains et la même application du talon et du
fouet.
Lorsqu'un cheval trotte rapidement au moment où l'ama-
zone désire lui faire prendre le petit trot, elle doit commencer
par réduire la vitesse de son allure, de crainte qu'il ne prenne
le grand galop.
Les chevaux de dames galopent généralement du pied
droit; c'est une coutume que les commençantes feront bien
d'adopter, mais on ne peut se considérer comme ayant une
connaissance suffisante de l'allure si l'on n'est capable de
conserver une aisance parfaite, que l'animal conduise de
l'une ou de l'autre jambe.
Ce serait une grande erreur de croire que l'on peut sans
inconvénient autoriser le cheval à galoper à son choix de
l'une ou de l'autre jambe ; il faut qu'il soit entièrement soumis
à la direction de la main.
L'amazone trouvera grand avantage à changer fréquem-
ment la jambe conductrice, et, par ce moyen, l'action de l'une
lui deviendra aussi familière et aussi aisée que celle de l'autre.
Il y a des chevaux qui sont si accoutumés à galoper constam-
ment de la jambe droite que si, par suite de quelque confu-
sion dans l'allure ou pour obéir à la volonté de l'amazone, ils
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se trouvent forcés de conduire de la jambe gauche, leur action
devient aussi maladroite que celle d'un cheval auquel cette
allure est totalement inconnue. C'est à cause de cela sans
doute que beaucoup de dames sont portées à considérer le
petit galop de la jambe gauche comme incommode et dés-
agréable et finissent par en abandonner complètement l'usage.
Cependant les chevaux bien dressés et accoutumés à conduire
indifféremment de l'une ou de l'autre jambe en suivant les
indications de la main, galopent avec autant d'aisance et d'ha-
bileté de l'une que de l'autre.
Il n'est pas difficile d'enseigner aux chevaux a changer la
jambe conductrice pendant le petit galop; quelques-uns mêmes
l'apprennent d'eux-mêmes, et choisissent, selon les circon-
stances, l'un ou l'autre pied, absolument comme en tournant
à droite ou à gauche. Cependant comme les chevaux qui sont
arrivés à ce degré de perfection dans leur dressage, sont
extrêmement rares, l'amazone, à moins qu'elle n'ait grande
confiance dans sa propre habileté, agira prudemment en
faisant prendre le trot à son cheval avant de changer de
jambe dans l'une ou l'autre de ces allures.
Lorsqu'un cheval doit galoper pendant longtemps, il est
très-désirable qu'il change de jambe alternativement. Dans
une longue promenade à une allure aussi complètement arti-
ficielle, le travail continu des mêmes muscles et des mêmes
tendons devient nécessairement pénible et douloureux pour
le cheval lui-même et, comme il pèse lourdement sur la main,
ilen résulte pour l'amazone une grande fatigue et quel-
quefois même un danger sérieux. En changeant de jambe
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conductrice, le cheval obtient un soulagement immédiat et
galope de nouveau avec gaieté et plaisir.
Les chevaux qui sont imparfaitement dressés et qui n'ont pas
l'habitude du petit galop ou qui sont excités à prendre cette
allure sans y avoir été préparés vont à faux ou se désunissent
fréquemment. Pour quelques-unes de nos lectrices, il ne sera
peut-être pas inutile d'expliquer qu'un cheval est dit aller à
faux
lorsque, en tournant à droite, il conduit de la jambe
gauche ou vice-versâ; il est désuni s'il conduit de la jambe
droite pour l'avant-main et de la jambe gauche pour l'arrière-
main ou vice-versâ.
Lorsque le cheval qui galope est uni, il conserve une
action aisée et régulière aussi agréable à l'amazone qu'à son
cheval ; lorsqu'au contraire il est désuni, son action est extrê-
mement pénible et ne peut être maintenue pendant longtemps.
Lorsque l'action est fausse, le désagrément n'est pas moindre
et en outre les tournants deviennent extrêmement dange-
reux.
Il est donc indispensable qu'une dame qui monte à cheval
sache reconnaître si l'action de son cheval est fausse ou dés-
unie, pour pouvoir l'arrêter immédiatement et le remettre au
galop correctement. Cette connaissance ne peut s'acquérir
parfaitement que par l'expérience et la pratique. On ne peut
s'attendre à ce que des commençantes s'aperçoivent si leurs
montures conduisent de la jambe convenable ; mais si l'ama-
zone occupe une bonne position et si le cheval galope avec
une légère inclinaison du côté opposé au pied avec lequel il
devrait conduire, on peut raisonnablement supposer qu'il va
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bien. Si, au contraire, il désobéit à la main et galope avec de
brusques mouvements en s'inclinant du côté avec lequel
l'amazone voudrait qu'il conduisît, on peut, avec la même
probabilité, en conclure que le cheval va mal.
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DES TOURNANTS AU PETIT GALOP.
En tournant soit à droite, soit à gauche, le cheval doit être
bien soutenu par la bride ; l'amazone doit exercer une forte
pression sur la rêne extérieure qui ne doit être relâchée que
juste assez pour permettre au cheval de s'incliner légèrement
du côté où il doit tourner et venir en aide à sa monture par
l'application de l'aide extérieure, soit la jambe, soit le fouet
pour forcer les hanches à remplir convenablement leurs fonc-
tions. Si l'on fait subitement tourner le cheval avec la rêne
intérieure ou rêne conductrice seulement, sans lui offrir le
support de la bride ou le secours de l'aide extérieure, il est
contraint de tourner sur ses épaules et, pour se soutenir, de
recourir à la jambe extérieure, afin de contrecarrer l'effet de
ce tour défectueux.
La pression sur la rêne extérieure doit toujours être assez
ferme pour forcer le cheval à parcourir l'espace de terrain
jugé nécessaire pour effectuer le tour. D'après cette règle il
ne doit jamais lui être permis de tourner brusquement, de son
propre mouvement, et sur un espace plus restreint.
Si l'amazone ne perd jamais de vue tout ce qui a été dit
précédemment concernant le cheval qui galope à faux, elle
u.                                                                   15
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veillera avec soin à ne pas tourner trop subitement ou trop
court du côté opposé à la jambe avec laquelle l'animal galope ;
en règle générale, dans des circonstances semblables, pour
empêcher toute possibilité d'accident, la dame fera bien de
mettre sa monture au pas et de ne lui faire reprendre le galop
que lorsque le tour sera exécuté.
<
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L'ARRÊT AU PETIT GALOP.
L'arrêt au petit galop est le grand critérium de l'habileté
de l'amazone et c'est une épreuve dans laquelle un grand
nombre échouent. La principale cause d'échec, ici encore,
est l'absence de préparation; ou le cheval n'est pas bien
en main, ou le buste de l'amazone n'est pas suffisamment
droit pour lui donner sur son cheval l'autorité dont elle a
besoin afin d'effectuer convenablement l'arrêt. Il en résulte
fréquemment que, au moment où le cheval prend le trot, le
corps est jeté plus en avant encore par le changement subit
de l'allure et que les rênes se relâchent davantage. Dans cette
position, l'une des conséquences suivantes se produit : ou
l'amazone s'agite impuissante dans sa selle jusqu'à ce que le
cheval s'arrête de son propre mouvement, ou elle lente de
remédier au mal en tirant en arrière la main de la bride du
côté gauche, le corps toujours incliné en avant, position que
l'on est si fréquemment à même de remarquer qu'elle doit se
présenter à l'imagination du plus grand nombre de mes lec-
trices. Ou enfin, la dame secoue convulsivement la bride
et augmente encore la confusion, car si le cheval a la
bouche délicate, il s'arrête tout à coup et relève la tête, ce
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qui, à cause de la position déjà inclinée de l'amazone, produit
inévitablement une secousse violente contre le pommeau de
la selle.
Pour arrêter le cheval au petit galop, les rênes, si elles sont
trop longues, doivent être tirées à travers la main de la bride
jusqu'à ce qu'elles aient la longueur voulue et au moment où
le cheval pose ses membres antérieurs sur le sol, le corps
de l'amazone doit être doucement rejeté en arrière et les
rênes relevées et ramenées vers le centre de la ceinture. La
plupart des chevaux trottent pendant un instant avant de
s'arrêter; on doit donc, au moment où le cheval prend le trot,
s'incliner en arrière et peser sur les rênes. En même temps
la pression du talon et du fouet force le cheval à s'arrêter
convenablement sur ses hanches. On veillera à ce que, sous
aucun prétexte, il ne s'arrête avant d'avoir atteint le point
requis.
Si le cheval est bien en main et d'aplomb sur ses hanches
au moment où l'on effectue l'arrêt, les mouvements du corps
et des mains doivent être doux, gradués et bien propor-
tionnés à la rapidité de l'allure et à l'obéissance de l'animal ;
si l'on négligeait de faire attention à ces points importants,
l'animal pourrait recevoir une secousse violente.
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LE GALOP.
Le galop proprement dit n'est autre chose que le petit
galop sous une forme un peu plus accélérée et presque toutes
les règles que nous venons de donner s'appliquent également
aux deux allures. Le galop permet à l'amazone d'incliner le
corps un peu plus en avant que le petit galop, mais elle doit,
dans les deux cas, conserver la même fermeté dans la position
de la jambe, du genou et du pied.
L'amazone ne doit jamais permettre à son cheval de lui
forcer la main et, sans y être excité, d'accélérer la rapidité de
l'allure jusqu'à galoper à toute vitesse, ce qui ne tarderait pas
à dégénérer en une course effrénée. Plus l'allure est rapide
et plus la prudence devient nécessaire. Lorsque le cheval
galope, l'amazone doit l'avoir toujours bien en main, afin
d'être à même de l'arrêter ou de diminuer sa vitesse quand
elle le désire ou quand la sécurité l'exige.
Lorsque le cheval manifeste l'intention de forcer la main,
l'amazone doit immédiatement l'empêcher de mettre ses pro-
15.
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— 174 —
jets à exécution en redressant le corps, et, chaque fois que
les pieds de devant de l'animal touchent le sol, en élevant les
rênes et en les ramenant avec fermeté, mais graduellement,
vers la ceinture.
Si le cheval, soit par suite du manque d'exercice, soit par
une cause subite d'alarme, montre une disposition continuelle
à précipiter sa course et à galoper de toute la vitesse dont il
est susceptible, l'amazone, conservant tout son sang-froid,
doit garder son équilibre avec toute la fermeté possible, afin
qu'aucun signe d'effroi de sa part ne vienne accroître la terreur
ou l'impétuosité de son cheval. Continuant à chaque enjambée
la tension et le relâchement alternatifs des rênes, de la manière
décrite plus haut, elle doit en même temps calmer sa mon-
ture de la voix, la rassurer et lui faire comprendre qu'aucun
danger réel ne la menace.
Un tiraillement violent de la bride doit toujours être évité,
car il a plus de chance d'accroître que de diminuer la vitesse
du cheval et il est de nature à empêcher l'amazone d'exercer
sur la bouche un contrôle suffisant et de prévenir tout acci-
dent en guidant l'animal et en l'empêchant de se jeter contre
quelque objet qu'il pourrait rencontrer dans sa course
désordonnée.
Si le cheval continue à résister aux indications de la main,
l'amazone doit recourir à des moyens plus efficaces. Elle s'in-
clinera en arrière, pèsera alternativement sur chacune des
deux rênes et opérera sur la bouche du cheval un mouvement
analogue à celui de la scie, mouvement qui a d'ordinaire pour
résultat de réduire le cheval à l'obéissance en quelques
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instants. Si ce moyen échouait encore, la dame doit relâcher
les rênes pendant un instant, puis employant toute sa force,
et le corps bien rejeté en arrière, les saisir et les relever tout
à coup en prenant de grandes précautions pour que le cheval,
en s'arrêtant subitement, ne la jette pas avec violence contre
le pommeau de la selle.
Quelle que soit la manière dont le cheval est arrêté au
galop, la principale préoccupation de l'amazone doit être qu'il
ne puisse être assez désuni par l'opération pour être exposé
à un sérieux danger de chute.
Lorsque le galop est rapide, il est de la plus grande impru-
dence de tourner, si ce n'est sur un très-large espace. Cepen-
dant, si le cheval l'emporte suffisamment sur l'amazone pour
tourner de son propre mouvement, celle-ci doit appuyer for-
tement sur la rêne extérieure et suivre promptement les
mouvements du cheval afin de maintenir la balance ; dans la
même proportion que le cheval penche vers l'intérieur, elle
doit incliner le corps dans la même direction ; si elle négli-
geait cette précaution, elle courrait risque, vu la soudaineté et
la violence des mouvements de l'animal, d'être jetée à terre du
côté opposé à celui vers lequel il tourne.
La rapidité excessive du grand galop du cheval et l'impuis-
sance de l'amazone à l'arrêter au moment où elle le désirerait
ou sur un espace donné, prouve suffisamment l'inopportunité
et le danger de cette allure sur une route publique.
Je ne saurais trop répéter à mes jeunes lectrices que, dans
la majorité des cas, les chevaux s'emportent parce qu'ils ont
été autorisés ou excités à passer trop subitement du petit au
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— 176 —
grand galop. Il en résulte qu'ils s'animent au point d'échapper
complètement au pouvoir de l'amazone qui souvent perd la
présence d'esprit, si indispensable cependant dans les circon-
stances critiques.
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LE CERCLE.
L'exercice du cercle contribue dans une grande mesure
à affermir l'assiette de l'amazone et à la perfectionner dans
l'usage des mains et des aides du corps, de la jambe gauche
et du fouet.
L'exercice du cercle peut se pratiquer sur toute espèce
de terrain découvert avec la même facilité que dans un ma-
nège. Un morceau de terrain de 40 mètres de long sur 16 de
large est un emplacement suffisant; pendant l'exercice, la
commençante doit strictement se restreindre à cet espace,
parce que les mains et les autres aides seront alors constam-
ment en réquisition.
En décrivant un cercle, le cheval doit nécessairement, pour
maintenir son équilibre, s'incliner vers l'intérieur dans une
mesure plus ou moins grande, selon la dimension du cercle
et la rapidité avec laquelle il le parcourt. Il faut naturelle-
ment que l'amazone se conforme à cette inclinaison et la par-
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— 178 —
tage, ou l'équilibre du cavalier et celui de la monture seront
également détruits, et l'amazone aura perdu la fermeté de son
assiette.
Les aides doivent être appliquées selon les résultats que
l'on se propose d'obtenir. On doit observer dans leur emploi
la plus grande exactitude, l'uniformité et la délicatesse.
Pour se faire une idée de l'attention scrupuleuse qu'exige
l'exercice dont nous nous occupons en ce moment, l'amazone
n'a qu'à se figurer un cercle de 30 mètres de diamètre et le
nombre de cercles que l'on peut décrire dans une circonfé-
rence aussi étendue ; autant il y a de cercles et autant il y a
de degrés dans les opérations que les aides ont à accomplir.
En faisant travailler un cheval dans un cercle de trente mètres
de diamètre, les aides, grâce à la grandeur de l'arène, doivent
être mises en jeu avec une délicatesse telle qu'il faut qu'elles
soient presque, sinon tout à fait, imperceptibles; et cependant,
sans leur intervention, le cheval travaillerait sans aucun
doute en ligne droite. Ce fait nous prouve combien le cheval
est sensible au plus léger contact et y obéit facilement ; car
aussi longtemps qu'est maintenue la correspondance qui doit
exister entre la main et la bouche, celle-ci ressent le contre-
coup de la plus légère altération de position.
Le degré auquel doivent fonctionner les aides doit être
déterminé et dirigé par l'œil. Ainsi, l'œil doit être à trois ou
quatre mètres devant le cheval, à l'endroit où l'on se propose
de le faire passer ; le corps suit alors la direction de l'œil, la
main, si elle remplit bien ses fonctions, se meut d'accord
avec lui, mais si elle dévie, ne fût-ce que d'un pouce de la
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— -179 -
ligne qu'on veut parcourir, elle en écarte le cheval dans la
même proportion. Plus les cercles sont petits et plus l'œil se
fixant sur le sol au-devant de l'animal doit se diriger du côté
vers lequel il travaille. C'est par conséquent le corps et la
main qui, se présentant dans cette direction, donnent le degré
proportionné d'aide requise.
Le cercle doit n'avoir d'abord que la moitié ou moins
encore de la dimension de celui que nous avons supposé plus
haut, c'est-à-dire douze à quinze mètres de diamètre et le
cheval doit pendant quelques jours le parcourir au pas.
En décrivant un cercle, la rêne intérieure doit être un peu
plus basse que l'autre et c'est en conduisant son cheval de la
première seulement, de telle façon qu'elle puisse voir l'œil
intérieur, que l'amazone doit mettre sa monture en mouvement
et commencer le cercle.
L'amazone doit travailler avec délicatesse sur la rêne inté-
rieure; si elle lui imprime des secousses, le cheval s'écar-
tera dans l'une ou l'autre direction et, si elle pèse sur cette
rêne sans interruption, la main de la dame et la bouche
de sa monture perdront leur délicatesse de perception et
leur correspondance. Pour assurer à son cheval une action
correcte, l'amazone doit alternativement peser légèrement
sur la rêne intérieure et rendre la main; elle gardera dans
les opérations de la main une harmonie parfaite avec la
cadence des pieds du cheval qui sera soutenu par la rêne
extérieure et par l'aide de la jambe ou du fouet lorsqu'elle
devient nécessaire pour l'empêcher de s'écarter de la ligne
voulue.
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ê
Pour s'assurer que la main et les aides remplissent bien
leurs fonctions, la commençante devrait avoir quelque marque
par laquelle son œil pût être dirigé, mais non celui du cheval,
car celui-ci suivrait la trace de son propre mouvement et il
deviendrait alors impossible à l'amazone de s'assurer de la
précision de ses propres aides. Ayant choisi son terrain, la
dame y fera placer des marques de telle nature qu'elles ne
puissent obstruer le passage ni effrayer le cheval, et elle
s'efforcera de faire passer celui-ci exactement sur chacune
d'elles ; l'écuyère apprendra ainsi quel degré d'exactitude elle
peut atteindre dans son travail, mais la tâche étant loin d'être
facile dans les commencements, elle ne doit pas se découra-
ger si elle n'arrive pas immédiatement à ce qu'elle souhaite.
L'amazone ne doit pas se borner à s'exercer dans un seul
et même cercle, ce qui ne tarde pas à devenir ennuyeux et
fatigant et amène souvent en outre le cheval à travailler par
routine. Au bout de quelque temps, elle doit donc commencer
à décrire des cercles doubles qui auront dans l'origine un
diamètre considérable, mais décroîtront à mesure que la
dame se perfectionne. Décrire de doubles cercles, c'est con-
duire le cheval de manière à former un chiffre 8. Le nombre
des cercles peut s'accroître et leur dimension varier avec
grand avantage ; l'amazone peut de temps en temps changer sa
voie et son terrain en passant diagonalement d'un cercle dans
un autre. De cette manière, le cheval ne pourra deviner les
intentions de la personne qui le monte, et celle-ci s'assurera
de la précision et de la correction de ses aides.
La figure ci-contre indique clairement les lignes à décrire.
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L'intersection des cercles et la terminaison des diagonales
sont les points où l'on doit passer d'une piste dans une autre.
Les lettres A indiquent la place que doivent occuper les
marques destinées à diriger l'amazone et à l'aider à se rendre
compte de la précision des aides.
Si le cheval n'obéit pas sur le champ à la main, on doit l'y
il.                                                                                             10
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forcer en recourant à l'aide de la jambe et du fouet dont la
pression, dans le commencement, doit être aussi douce que
possible, autant pour ménager la sensibilité du cheval que
pour éviter que la commençante se trouve empêchée de
garder la direction voulue et voie son équilibre compromis.
Elle peut tenter d'animer sa monture et de lui faire prendre
une allure plus rapide, mais en attachant toujours une grande
• importance à la perfection de l'exécution.
Après un exercice de quelques jours, d'après le plan que
nous venons de mentionner, l'amazone peut commencer à
décrire le cercle au trot et ensuite au petit galop, cet exercice
se pratique d'abord avec les deux mains, puis avec une seule.
L'amazone ne doit jamais oublier que, bien qu'elle puisse
en toute sécurité tourner à droite ou à gauche, au pas ou au
trot, au galop elle doit s'arranger de manière à faire toujours
le tour à droite quand le cheval conduit de la jambe droite et
à gauche quand il conduit de la jambe gauche. Un coup d'œil
jeté sur la planche ci-dessus prouvera qu'en variant le point
où l'on tourne cela pourra se faire facilement et avec une
variété infinie.
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LE SAUT.
Il n'est pas absolument nécessaire à une dame de savoir
sauter ; elle ne doit consulter là-dessus que ses propres incli-
nations , car, à moins qu'elle ne veuille prendre sa part des
plaisirs de la chasse, il est possible que l'occasion de sauter
ne se présente jamais à elle. Cependant, il est très-bon de
savoir sauter; parmi les nombreux avantages qui dérivent de
cette connaissance, on pourrait mentionner celui de monter avec
plus de facilité un cheval vicieux ou rétif et de maintenir son
équilibre lorsque l'animal qu'on monte prend l'alarme, car les
mouvements d'un cheval qui rue, plonge ou se cabre
ressemblent beaucoup à ceux du saut. On a remarqué que les
dames qui ont assez de sang-froid pour sauter et qui aiment
à se livrer à cet exercice y excellent presque toujours; il
semble que pour elles il n'y ait pas de milieu ; elles sautent
ou très-bien ou pas du tout; il est presque inutile d'ajouter
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que les premières sont loin d'être nombreuses, ce qu'il faut
attribuer au manque de nerf et de pratique.
Les conséquences funestes que peut avoir cet exercice pour
les personnes timides et inexpérimentées, non-seulement en
déterminant des chutes, mais, ce qui est plus sérieux encore,
en jetant violemment l'amazone sur le pommeau de la selle,
m'ont toujours empêchée de conseiller aux dames de s'y
livrer, à moins que je ne fusse persuadée qu'elles y étaient
naturellement disposées ou qu'elles avaient acquis préalable-
ment une connaissance parfaite de l'équitation et assez d'ha-
bileté dans la conduite de leur monture pour pouvoir sauter
en toute sécurité. Ce n'est pas qu'il y ait soit à sauter, soit à
apprendre à le faire quelque difficulté sérieuse, mais parmi les
dames qui montent à cheval peu ont reçu l'instruction élé-
mentaire indispensable, et les autres n'ont pas été douées
par la nature de la confiance et du sang-froid requis pour
se livrer avec succès à cet exercice.
Pour apprendre à sauter, il suffit d'une barrière ou claie de
deux à trois pieds de haut et d'un fossé de deux à quatre
pieds de large; il est inutile pour la majorité des dames
d'accroître le risque qu'elles courent en augmentant la diffi-
culté du saut. Comme deux chevaux ne sautent jamais exacte-
ment de la même manière, il vaut beaucoup mieux, pour
s'exercer, changer le cheval de temps en temps. C'est de plus
un fait bien reconnu que si une amazone peut effectuer d'une
manière satisfaisante un saut modéré lorsqu'elle est de sang-
froid, elle franchira également bien des obstacles offrant des
difficultés plus grandes, lorsque le plaisir ou la nécessité
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l'exigeront. Cependant, pour les darnes dont l'habileté et la
perfection dans l'art ne sont égalées que par leur confiance
et le plaisir qu'elles trouvent dans cet exercice, leurs exploits,
tout en étant soumis à un jugement sain, ne doivent avoir
d'autres limites que les capacités de leurs montures.
Les sauts se font avec ou sans élan. Le premier est d'ordi-
naire celui auquel on s'exerce d'abord ; le cheval est placé
tout près de l'obstacle, soit barrière, soit fossé. Pour le se-
cond, l'animal est mis à une allure vive; celui ci est beaucoup
plus facile à faire que le premier, qui est cependant consi-
déré dans les commencements comme le plus sûr des deux,
parce que la fermeté avec laquelle il se fait par un cheval
convenablement dressé permet au professeur ou à un ami de
venir en aide à l'amazone au moindre symptôme de danger.
Bien sauter dépend entièrement de la juste balance du
corps, c'est-à-dire que le poids doit être jeté si correctement
dans la selle que l'on puisse suivre tous les mouvements du
cheval.
L'amazone ne doit pas peser sur l'étrier, ce qui tendrait
évidemment à soulever le corps au lieu de le maintenir dans
la selle. Cette tension enlève eu outre au genou gauche le
pouvoir de se serrer contre le côté de la selle, et au genou
droit celui de s'attacher avec force au pommeau. De plus,
l'amazone qui appuie trop sur l'étrier ne peut faire efficace-
ment usage du troisième pommeau, si sa selle se trouve en
avoir un.
Dans le saut sans élan, lorsque le cheval se trouve devant
l'obstacle, le corps doit garder la position droite qui lui est
16.
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ordinaire ; lorsque l'animal se soulève, le corps s'incline ea
avant pour maintenir l'équilibre, et lorsqu'il saute des jambes
de derrière, le corps se jette en arrière jusqu'à ce que les
membres postérieurs touchent le sol.
Le cheval doit être amené devant l'obstacle en ligne droite
et avec fermeté, à un pas animé, les rênes séparées et les
mains fort basses. En arrivant devant l'obstacle il doit être
légèrement arrêté sur ses hanches. Une légère pression de la
jambe et du fouet sur les flancs, et des doigts sur les rênes
l'excite alors à prendre son élan. L'amazone ne doit peser
sur les rênes que juste assez pour empêcher qu'elles se relâ-
chent et rendre tout à fait la main aussitôt que l'animal
s'élance, afin de lui donner toute liberté de s'étendre. Lors-
que les pieds de derrière touchent le sol, les mains, reprenant
leur position première, rassemblent de nouveau le cheval et
la pression de la jambe et du fouet le forcent à obéir à la
bride et à reprendre l'allure qu'il avait avant qu'on l'ait arrêté
pour le saut.
Les mains, comme je l'ai déjà fait observer, doivent être
tenues basses ; c'est un point essentiel, mais dont il est diffi-
cile de faire comprendre l'importance aux amazones timides
et inexpérimentées, qui sont généralement portées à élever
les mains ; c'est à la peur que doit principalement s'attribuer
cette tendance, les mains étant élevées soit dans l'intention
de trouver un appui dans la bride, soit pour forcer le cheval
à accepter le saut. Telle est souvent la crainte des commen-
çantes que le cheval ne pourra franchir l'obstacle de ses
jambes de devant, qu'elles perdent tout leur sang-froid et
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prennent follement confiance dans la vertu de leurs mains. La
tête et le nez du cheval sont alors si élevés et son encolure si
tendue, qu'il lui est impossible de se rassembler pour prendre
son élan avant qu'il ait pu abaisser le nez et courber l'enco-
lure ce que, dans leur situation, les mains l'empêchent de faire.
Si l'amazone, ne prévoyant pas le danger auquel elle s'expose,
excite son cheval à sauter dans cette position pénible, il en
résulte la plupart du temps un saut court et maladroit, exé-
cuté des quatre jambes à la fois, et qui est aussi désagréable
que dangereux, et pour la dame et pour sa monture.
Jusqu'ici je n'ai considéré la position défectueuse des mains
que sous le rapport des inconvénients qui en résultent pour
le cheval. J'arrive maintenant au danger que court l'amazone
d'être démontée. Quand le corps est jeté fort en arrière, les
mains occupant la position que nous avons décrite plus haut,
l'amazone rompt inévitablement l'élan de son cheval et l'em-
pêche de franchir l'obstacle. Si l'animal s'affranchit de cette
contrainte en forçant la main au moment du saut, il en
résulte que l'amazone est tirée violemment en avant et lancée
sur le pommeau de la selle; elle court en outre le plus grand
danger d'être jetée à bas de sa monture, par le choc qu'elle
éprouve au moment où les pieds du cheval touchent le sol.
Pour que mes lectrices puissent aisément se convaincre de la
vérité de cette assertion il leur suffira, lorsque leurs chevaux
seront immobiles, de mettre les mains basses en penchant le
corps en arrière et elles s'apercevront qu'elles peuvent le faire
sans grand inconvénient pour le cheval, qu'au contraire elles
donnent ainsi un soutien à l'animal, auquel il serait impossible
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de les forcer à ramener le corps en avant. Si, d'un autre côté,
sans modifier la longueur des rênes, elles élèvent les mains et
rejettent le corps en arrière, elles s'apercevront immédiate-
ment que ce dernier mouvement ne peut s'effectuer sans
arrêter le cheval et que pour sauter, dans cette situation, il
faut nécessairement qu'il force la main de son cavalier.
Le second point qui doit attirer l'attention de l'amazone,
c'est la position du corps. Lorsque le cheval se soulève pour
sauter, le corps, comme je l'ai déjà fait observer, doit s'incli-
ner en avant pour maintenir l'équilibre. Si le corps restait
penché en arrière lorsque le cheval se lève, il est évident que
le poids pèserait entièrement sur la bouche de l'animal, ce qui
non-seulement l'empêcherait de sauter, mais pourrait l'expo-
ser à culbuter en arrière. En ramenant le corps en avant,
la dame doit veiller avec soin à avancer la ceinture et à
rejeter les épaules, car si le dos et les épaules sont arrondis,
le corps ne peut sans difficulté se rejeter en arrière au moment
voulu ; mais avec la ceinture en avant, le corps, lorsque le
cheval s'élance, incline naturellement et de lui-même en
arrière, à moins que les mains ne s'élèvent assez pour l'en
empêcher. Si le corps n'est pas en ce moment penché en
arrière, il est certain qu'il sera jeté sur le pommeau de la
selle par la secousse qu'il éprouvera lorsque les pieds du che-
val toucheront le sol ; dans ce cas, non-seulement l'amazone
est mise en danger, mais le cheval est privé du support qu'il
s'attendait à trouver dans la main.
Si le cheval va impatiemment au devant de l'obstacle, on doit
le retenir et l'arrêter, ou le faire tourner jusqu'à ce qu'il puisse
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s'en approcher de sang-froid ; si on lui permet de s'élancer
avec fougue vers la barrière ou le fossé, il devient incertain et
dangereux. D'un autre côté, le cheval peut être trop rassem-
blé avant le saut ; dans ce cas, il est sujet à bondir, mouve-
ment très-propre à démonter une commençante. Le degré
auquel un cheval doit être rassemblé ou animé dépend entière-
ment du tempérament de l'animal ; il est donc de la plus haute
importance d'en avoir une connaissance exacte, mais on ne
peut l'acquérir que par l'expérience et la pratique.
Dans le saut avec élan, l'équilibre doit se conserver de la
même manière que dans le saut sans élan sauf que, dans le pre-
mier, il est inutile et même imprudent d'avancer le corps lors-
que le cheval se soulève, car le saut des jambes de derrière
suivant immédiatement, empêcherait le corps de se rejeter
à temps en arrière. En outre, dans le saut avec élan,
la position du cheval, surtout lorsque l'obstacle à franchir est
peu élevé, est beaucoup plus horizontale que lorsqu'il saute
sans élan ; et, en supposant que le cheval s'arrête tout à coup
et refuse le saut, l'amazone, si elle était penchée en avant,
courrait le risque d'être jetée à bas de sa monture. Les mains
doivent être basses, la ceinture doit avancer et le corps doit
prendre cette inclinaison en arrière que produit naturelle-
ment l'élan du cheval; il ne reprendra pas sa position normale,
avant que les pieds de derrière du cheval aient touché
le sol.
Le cheval doit être mené directement vers l'obstacle, l'ama-
zone rendant graduellement les mains à mesure qu'il s'en
rapproche. La distance que doit parcourir le cheval avant de
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sauter, sera au moins de dix à quinze mètres. Si le cheval
saute avec plaisir et adresse, on peut lui laisser le choix de
l'allure; il prendra celle qui lui rend le saut le plus facile.
Lorsque l'animal a bien pris le saut, pendant qu'il se trouve
suspendu au-dessus de l'obstacle, il doit être soutenu par la
main, mais ce support doit lui être offert avec la plus grandi1
délicatesse, car le cheval considère toute secousse subite ou
violente des rênes comme un châtiment, et on s'expose ainsi
à lui voir refuser le saut la première fois qu'on voudra lui
faire franchir un obstacle.
Un cheval indolent demande à être vivement excité pour
accepter le saut, mais aucun cheval ne doit être agité au
point d'en perdre le sang-froid, ou il calculera mal les
distances et sautera au hasard au grand péril de l'amazone.
Si le cheval se montre peu disposé à accepter le saut et tente
de se dérober à droite ou à gauche, l'amazone, d'une main
légère et prompte, doit lui tenir la tête ferme et dirigée vers
l'obstacle jusqu'à ce que, avec fermeté mais douceur, elle le
force à le franchir. Dans ces circonstances, il faut souvent
beaucoup de persévérance et de patience, et l'on ne saurait
être trop prodigue d'encouragements, puisque rien n'est en
général plus désagréable au cheval que d'être contraint à
sauter un obstacle sans l'excitation de la compagnie et de
l'exemple. Que les dames n'oublient jamais la nécessité de la
prudence, car la précipitation a toujours été féconde en résul-
tats graves et souvent funestes.
Lorsque l'amazone a appris à exécuter convenablement le
saut avec élan, elle peut essayer du saut double, qui se coin-
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— 191 -
pose de deux sauts successifs, ne différant sous aucun rapport
du saut simple. Il exige cependant plus d'adresse dans l'appro-
priation de la position du corps aux mouvements du cheval et
plus de promptitude dans les mains et dans l'application des
aides, car le cheval devant exécuter un second saut au mo-
ment même où il a terminé le premier, les pieds de derrière
n'ont pas plus tôt atteint le sol que ceux de devant se relè-
vent de nouveau pour franchir le second obstacle.
Pour s'exercer au saut double, les barrières ou claies doi-
vent varier de 50 à 80 centimètres de hauteur.
Le cheval qui saute délibérément est celui qui convient le
mieux à une commençante, pourvu toutefois qu'il ne s'élance
pas impétueusement au devant de l'obstacle et qu'il ne pèse
pas sur la main.
Une amazone expérimentée peut venir en aide au cheval
et le soulever lorsqu'il saute, mais une commençante ne doit
jamais tenter de le faire, car il lui est impossible de savoir
quand et jusqu'à quel point une assistance peut être donnée ;
et, dans cette conjoncture, elle a beaucoup plus de chance
d'empêcher le cheval d'accepter le saut que de l'assister à le
faire.
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SITUATIONS CRITIQUES.
J'ai déjà fait remarquer qu'une dame ne devrait jamais,
lorsqu'il est en son pouvoir de l'éviter, monter un cheval
entaché d'un vice quelconque ou de quelque habitude
vicieuse susceptible de compromettre sa sécurité. Néanmoins,
elle ne doit négliger aucune des précautions qu'exige la pru-
dence et se trouver prête à tout. Après des années de docilité,
le cheval le plus doux peut manifester tout à coup, des symp-
tômes vicieux, même sans cause apparente. Les animaux
doués du meilleur caractère ne sont pas sans défaut, et ceux
dont le pied est le plus sûr ne sont pas garantis contre toutes
les chutes. Il est prudent en conséquence de se trouver prête
à tout événement et de ne se laisser prendre au dépourvu
par aucun incident, de quelque genre que ce soit.
Des différents accès d'indocilité que manifestent certains
chevaux, le plus commun est celui qui consiste à s'arrêter et
h.                                                                                          J7
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à tourner subitement. L'animal commence ordinairement
l'attaque en tournant court vers la droite; l'amazone se
trouve alors dans la position la plus désavantageuse, car fort
peu de dames ont autant de puissance de la main gauche que
de la main droite. Le cheval découvre instinctivement quel est
le côté faible et attaque par là à dessein.
Ce tour se fait généralement avec tant de vigueur et si
subitement que l'amazone est dans l'impossibilité de l'empê-
cher, lors même qu'elle a pu prévoir l'attaque. Il serait même
inutile et imprudent de le tenter, car la dame peut être per-
suadée qu'elle sera vaincue, et ce premier succès encouragera
le cheval à répéter ses tentatives de rébellion.
Au lieu donc de s'efforcer de la main gauche d'empêcher le
cheval de mettre ses projets à exécution, l'amazone fera
mieux de l'attaquer de la droite et de le forcer à faire un tour
complet dans cette direction, de sorte que le cheval reprenne
exactement la position qu'il occupait précédemment. L'animal
s'aperçoit alors, à son grand étonnement, qu'il n'a rien gagné
à cet acte d'insubordination et se trouve précisément à l'en-
droit d'où il est parti. A. ce moment, on peut essayer d'appli-
quer le talon et le fouet pour l'exciter à partir, mais cette
tentative réussit rarement. Il recommence d'ordinaire sa
première manœuvre, et l'amazone imitant son exemple
adoptera le même système que la première fois et lui fera
faire deux ou trois tours sur lui-même, en recourant, au
besoin, au talon et au fouet pour venir en aide à la main.
Pendant ces évolutions, elle prendra les plus grandes précau-
tions pour maintenir l'équilibre, par l'inclinaison du corps
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vers le centre du cercle, que décrit la tète du cheval dans son
mouvement circulaire.
Quelques chevaux voyant ainsi leurs plans déjoués ne
tardent pas à céder, d'autres font une résistance plus déter-
minée. Si le cheval refuse encore d'obéir à la main et d'avan-
cer comme le désire l'amazone, il doit être soigneusement
empêché de se mettre en mouvement dans toute autre direc-
tion; dans ces circonstances, comme le fouet ne pourrait
qu'accroître son obstination, le faire ruer ou prendre sa
course dans une autre direction, le mode d'attaque de l'ama-
zone doit être immédiatement changé; il faut qu'elle fasse
reculer l'animal jusqu'à ce qu'il montre une disposition à
avancer.
L'amazone doit se faire une règle de ne jamais engager de
lutte avec son cheval sur le point qu'il est déterminé à défendre.
Ses efforts au contraire doivent se diriger vers le côté faible,
car plus il se fortifie sur un point, plus ses moyens de défense
diminuent de l'autre. Ainsi, si un cheval est déterminé à ne
pas avancer, il sera facile de le contraindre à reculer. S'il
refuse obstinément de tourner à droite, l'amazone, grâce à la
manière dont sont disposés le corps et les membres du cheval,
peut avec la plus grande facilité le faire tourner à gauche.
Lorsqu'il reste immobile et résiste à tous les efforts de la
dame pour le faire mouvoir, l'amazone convertira celle
défense en correction ; ainsi elle restera patiemment en place,
ne faisant aucune tentative pour mettre l'animal en marche, et
gardant même cette position quelque temps encore après qu'il
m
a manifesté le désir de se mouvoir. Rien ne dompte ou ne
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décourage plus promptement un cheval que cette manière de
tourner ses attaques contre lui-même, ou de donner à sa
résistance l'apparence d'un acte de soumission à la volonté de
l'amazone.
Dans ces luttes avec son cheval, l'amazone doit garder un
calme, un sang-froid parfaits; ses yeux doivent se diriger vers
les objets environnants, de crainte qu'elle ne soit jetée dans
quelque situation fâcheuse, ce qui, faute d'attention, pourrait
lui arriver par sa faute, sans la moindre participation de la
part du cheval. Cependant il arrive souvent que les chevaux
eux-mêmes n'épargnent rien pour placer leurs cavaliers dans
ces situations, en se dérobant pour aller se jeter contre d'autres
chevaux, des voitures, des murailles, etc., etc. Dans ce cas
encore, le mode d'attaque que nous avons conseillé déjà
permet à l'amazone de déjouer les projets de sa monture et
d'assurer sa propre sécurité. Les amazones inexpérimentées
s'efforcent naturellement d'éloigner le cheval de l'objet vers
lequel il tenle de se diriger, mais elles s'aperçoivent bientôt
que non-seulement leurs tentatives n'ont aucun résultat, mais
qu'elles-mêmes sans en avoir conscience invitent le cheval,
si l'objet en question se trouve du côté gauche, à le mettre
en contact avec leurs genoux. Aussitôt que l'amazone s'aper-
çoit que son cheval se glisse vicieusement vers quelque objet,
au lieu de tenter de l'en écarter, elle doit employer toutes ses
forces à faire tourner dans cette direction la tête de l'animal.
Par ce moyen, elle place le flanc du cheval le plus proche de
l'objet dans une position concave et déjoue tous ses efforts
s
pour lui causer un mal quelconque; cette direction de la tête
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LE CHEVAL ET L'AMAZONE
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L E RETOUR
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contraignant bientôt le cheval à tourner en dehors ses quar-
tiers de derrière, elle peut alors en toute sécurité l'écarter de
l'endroit dangereux.
Toutes les fois que l'amazone s'aperçoit que son cheval
manifeste des intentions hostiles, elle doit se préparer à la
lutte en séparant les rênes et en tenant le corps droit, mais
cependant assez flexible pour accompagner tous les mouve-
ments du cheval et repousser tous les efforts qu'il pourra
faire contre elle.
De tous les moyens de défense auxquels le cheval a
recours, celui qui consiste à se cabrer est le plus dangereux.
Le mouvement ascentionnel est souvent si rapide et si
inattendu que l'amazone ne peut prévoir les intentions du
cheval et il est parfois si élevé que l'animal est en danger de
tomber en arrière. Heureusement, un cheval qui se cabre à ce
point, rue rarement ou pour mieux dire jamais, de sorte que
l'amazone doit se garder principalement contre le premier de
ces vices.
Lorsqu'un cheval se cabre, l'amazone doit immédiatement
cesser de peser sur les rênes et incliner le corps bien en avant
de manière à en jeter le poids sur les épaules de l'animal et
l'obliger à retomber sur le sol. Ayant repris graduellement sa
position normale pendant la descente, elle doit au moment où
les pieds de devant se rapprochent du sol appliquer un ou
deux violents coups de fouet derrière la selle, en prenant
toutes les précautions nécessaires pour conserver son équi-
libre dans le cas où le cheval ferait le plongeon après le châ-
timent. L'amazone ne doit pas oublier, car sa vie peut en
17.
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— 498 —
dépendre, qu'elle ne doit jamais faire usage du fouet, peser
sur les rênes ou recourir à la pression du talon pendant que
l'animal opère son mouvement ascentionnel, cet acte ne man-
querait pas de le faire cabrer plus violemment que jamais, et
peut-être assez haut pour tomber inévitablement en arrière.
Lorsque les membres antérieurs du cheval touchent le sol, la
dame doit prendre les plus grandes précautions pour ne pas
peser trop subitement sur la bouche, ou elle excitera l'animal
à se cabrer de nouveau.
Lorsque l'amazone reconnaît à quelque signe que son
cheval se dispose à se cabrer, elle doit immédiatement relâ-
cher une rêne et peser sur l'autre en tenant la main basse. Ce
mouvement force l'animal à mouvoir une de ses jambes de
derrière et, en compromettant l'équilibre du corps, l'oblige
nécessairement à quitter la position qui seule lui rend le
cabrer possible. L'amazone doit immédiatement alors le faire
tourner deux ou trois fois sur lui-même, pour le détourner
de ses projets et le réduire à l'obéissance.
Lorsque le cheval se cabre très haut, l'amazone, pour
conserver plus aisément l'équilibre, peut saisir de la main
gauche la crinière de l'animal; toute pression sur la bouche
du cheval étant ainsi rendue impossible, le danger de chute
est considérablement diminué. Si le cheval agitant ses mem-
bres postérieurs les jette en avant, l'on n'a que fort peu de
chose à craindre, à moins que la main de l'amazone ne pèse
lourdement sur les rênes; si au contraire le cheval en se
cabrant ploie sous lui ses jambes et ses pieds de devant, le
danger est imminent, car lors même que la dame qui le
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— 199 -
monte aurait la main la plus légère et l'assiette la plus ferme
du monde, l'animal court le risque de se renverser.
Le cheval qui a l'habitude de se cabrer, même de la
manière la moins dangereuse, est tout à fait impropre au
service d'une dame et aussitôt que ce vice aura été reconnu,
l'amazone fera bien de se défaire de sa monture. •
Le cheval qui rue doit être tenu bien en main, car si sa
tête est soutenue avec fermeté, il ne peut faire beaucoup de
mal avec ses talons. Au moment où le cheval montre une
tendance à ruer, l'amazone doit lui saisir et lui relever vive-
ment la tête et le gronder en même temps de la voix. S'il
continue à ruer, elle doit se maintenir fermement en équi-
libre, le corps incliné en arrière et les mains hautes pour
tenir la tête du cheval élevée; et à l'aide du mors, lui punir
sévèrement la bouche chaque fois qu'il tente de ruer ou de
baisser la tête. Il doit avoir la liberté d'avancer, mais non de
baisser la tête, car le grand point est de la tenir aussi haute
que possible, ce qui lui enlève le pouvoir de ruer. En effet,
aussitôt que la tête est arrivée à un certain degré d'élévation,
il devient impossible au cheval de lever les deux jambes de
derrière à la fois; il est ainsi forcé de céder à la contrainte
de la position qui lui est imposée et aux corrections que lui
inflige le mors.
Si le cheval rue en se tenant obstinément sur place, l'ama-
zone doit, de la même manière, lui élever la tête de toutes ses
forces et essayer de quelques vigoureux coups de fouet appli-
qués sur l'épaule ; puis, saisissant une occasion favorable, lui
faire faire quelques tours sur lui-même jusqu'à ce que l'éton-
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— 200 —
nement et la confusion que lui fait éprouver la nouveauté de
ce traitement triomphent de son esprit de rébellion.
L'amazone doit s'efforcer de s'assurer le plus promptemenl
possible si les ruades ne procèdent pas d'un défaut de la selle.
Une selle dure ou mal appropriée aux formes de l'animal peut
faire ruer le cheval le plus docile et aggraver ce vice chez
celui qui y est déjà prédisposé.
Il est heureux que fort peu de chevaux qui ont été confiés
à des mains intelligentes fassent violemment le plongeon
après les premières leçons du dressage. Le cheval doué du
meilleur caractère plongera parfois pour se soulager de la
souffrance que lui fait endurer une selle mal faite ou des
sangles trop serrées. L'action du cheval qui plonge est si fati-
gante qu'il y renonce bientôt, s'il ne réussit pas à démonter
son cavalier ou à faire éclater ses sangles.
Quand un cheval plonge, il baisse la tête, élève le dos,
enfle le corps pour faire sauter les sangles, rue et plonge
jusqu'à ce qu'il soit épuisé ; au bout de six ou huit plongeons
il est d'ordinaire au bout de ses forces.
Pendant ces plongeons, l'amazone doit garder l'équilibre
avec autant de fermeté que possible, ce qui, il faut l'avouer,
n'est pas toujours chose facile, et veiller à ce que le cheval
en baissant la tête n'entraîne pas le corps en avant. Lorsque
le cheval plonge par l'un ou l'autre des motifs que nous avons
mentionnés plus haut et non par une habitude vicieuse, au
lieu de le gronder, l'amazone doit l'encourager en lui parlant
avec bonté, mais sans timidité. Il n'y a pas de danger que le
cheval se cabre, la dame n'a donc qu'à incliner le corps en
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— 201 —
arrière et à peser lourdement sur les rênes pour empêcher
l'animal de se renverser, ce qui serait fort à craindre si sa
tête était complètement libre.
Lorsqu'un cheval est sujet à prendre l'alarme on peut, ea
beaucoup de circonstances, l'empêcher de prendre sa course
en lui détournant un peu la tête des objets qui sont connus
par expérience pour l'effrayer. Au moment où elle entend, ou
voit s'approcher quelque chose d'extraordinaire, l'amazone
doit être sur le qui vive et détourner doucement la tête du
cheval dans la direction opposée, pour qu'il puisse, s'il est
possible, passer sans remarquer l'objet en question. Si en
même temps, elle l'excite légèrement du talon et du fouet du
même côté vers lequel elle le fait incliner et lui parle avec
douceur et enjouement, elle détournera mieux encore son
attention.
Si un cheval s'effraie de quelque objet immobile devant
lequel il doit passer, et que la peur le fait tourner subitement
de même qu'un cheval rétif, l'amazone doit d'abord lui faire
faire un tour complet sur lui-même, puis le calmer et l'encou-
rager à se rapprocher de la cause de son effroi. En flattant
l'animal, on peut le décider à se rapprocher de l'objet qui
l'effraie et produire sur lui un effet si salutaire en lui prouvant
que ses craintes étaient sans fondement, qu'il se montre
dans la suite beaucoup moins facile à épouvanter.
Si le cheval, s'écartant d'un objet, tente de le dépasser rapi-
dement, il serait inutile et imprudent de tenter de l'y ramener,
car si l'amazone réussit à lui faire tourner la tête dans cette
direction, elle peut, en l'empêchant de voir ce qui est devant
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lui l'exposer à un danger réel pour en éviter un qui n'est
qu'imaginaire. Il vaut beaucoup mieux le laisser aller en
avant en tenant les yeux fixés à quelques pas au devant de
l'animal, pour pouvoir le guider et l'empêcher de se jeter
contre quelque objet qui pourrait se trouver sur son chemin.
La dame doit le retenir graduellement, mais avec fermeté, et
lui faire sentir par sa propre assurance l'absence de tout
motif d'appréhension.
L'amazone doit toujours être sur ses gardes lorsqu'elle
monte un cheval qui est sujet à s'effrayer. Elle ne pourra
alors être prise à l'improviste, car le plus léger symptôme
d'effroi manifesté par le cheval se communique instantané-
ment à la main.
Il est facile de rendre la confiance à un cheval par de la
douceur et un traitement judicieux; les punitions infligées à
celui qui s'effraie, loin de calmer ses craintes, ne font qu'ac-
croître son excitation nerveuse. Au premier objet étrange qui
se présentera à ses yeux il s'alarmera doublement, et de
l'objet en lui-même et de la crainte du châtiment qui
l'attend.
Nous avons encore à nous occuper ici du cheval qui
bronche. Lorsqu'un animal a l'habitude de broncher, que ce
soit par faiblesse, par nonchalance ou par maladresse ou
encore à cause d'une conformation particulière, l'amazone
doit veiller avec le plus grand soin à tenir toujours son
cheval bien en main, de sorte que, aussitôt qu'elle s'aperçoit
qu'il va faire un faux pas, elle peut immédiatement jeter le
corps en arrière, et en élevant les mains, élever en même
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- 205 —
temps la tête et l'avant-main de l'animal. Ce mouvement doit
s'exécuter instantanément avant que l'équilibre du cheval soit
trop compromis, ou il ne sera plus au pouvoir de la dame de
le lui faire reprendre. Mais toutes les précautions du monde
ne sauraient empêcher les chevaux faibles ou mal conformés
de broncher, et souvent même elles ne suffisent pas pour
prévenir une chute; c'est ce qui, comme nous l'avons déjà
fait observer, les rend tout à fait impropres au service des
dames.
Il est aussi absurde qu'inutile de corriger un cheval parce
qu'il bronche, car il est évident que le pauvre animal ne
courrait pas le risque de se briser les genoux s'il lui était
possible de l'éviter. L'application du fouet, en détournant son
attention, l'empêche de reprendre son équilibre ou l'excite,
au moment où il l'a recouvré, à prendre sa course d'une ma-
nière rapide et désunie. Il est exposé ainsi à un faux pas plus
sérieux, et peut-être à une chute avant qu'il ait pu reprendre
son sang-froid. Alors même que la bronchade doit être attri-
buée à la nonchalance du cheval, il est trop tard pour le châ-
tier quand le faux pas a été fait. Mais c'est à l'amazone à ne
jamais laisser son cheval marcher d'une façon paresseuse et
endormie.
Un jeune cheval, quelque bien conformé qu'il puisse être,
s'il n'a été bien dressé et monté par de bons cavaliers marche
souvent trop sur ses épaules, et lorsqu'il est très-ardent, il
est sujet à se déjuger et par conséquent à se donner des
atteintes. L'excellence de sa conformation et son activité na-
turelle lui permettent de se remettre promptement, et gêné-
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ralemenl sans l'aide de son cavalier. Avec un cheval de celle
espèce, une légère tension des rênes suffit dans ces occasions,
mais même lorsque l'animal ne laisse rien à désirer sous le
rapport des formes, cette habitude n'est pas toujours sans
danger et l'amazone ne doit rien épargner pour l'en corriger.
Dans ce but elle doit, avec une main légère, le rassembler en
lui élevant l'avant-main, et, par de légères applications du
talon et du fouet, le forcer à faire travailler ses hanches et à
les mettre sous lui. Il est alors forcé de lever et de plier le
genou, de façon à ce que le pied arrive au sol parfaitement
de niveau.
Un cheval qui est exempt de tout défaut de forme, qui a
subi toutes les préparations nécessaires et qui sait faire rem-
plir à ses hanches les fonctions auxquelles la nature les a
destinées n'est guère exposé à tomber. Il est naturellement
impossible d'affirmer qu'à un moment donné et par quelque
cause imprévue un faux pas et une chute ne pourront se
produire, mais les chances en sont si éloignées que l'amazone
en prenant les précautions ordinaires pourra monter un ani-
mal qui se trouve dans ces conditions avec autant de sécurité
que de plaisir.
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OBSERVATIONS GENERALES.
Lorsqu'on demanda à Démosthène quel était le premier
point de l'art oratoire, il répondit : l'action; le second,
l'action; le troisième, l'action. Si ce Grec énergique eût été
questionné de la même manière au sujet du cheval, malgré
toute son éloquence, il n'eût pu appliquer cette réponse avec
plus d'à-propos, car, pour le cheval, l'action est tout, et sans
elle les plus belles formes n'ont que peu de valeur. Nous
devons reconnaître cependant qu'il est rare que la beauté des
formes ne soit pas accompagnée de la perfection de l'action.
« Un bon juge, dit Nimrod, peut avant de monter un cheval
» se faire quelque idée de son action par la construction de
» l'épaule et des jambes de derrière ; si ces membres sont mal
» placés, une bonne action est impossible. Un cheval ne peut
» être agréable à monter s'il n'a les épaules longues et les
» jambes de derrière bien dessinées; un de mes amis qui a
» étudié ce sujet va plus loin ; il prétend qu'avec les jambes
ii.                                                                                              18
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— 206 —
» de derrière mal conformées, trop droites par exemple, un
» cheval ne peut avoir une bonne bouche. »
Pour obtenir cette action légère, égale et facile, si essen-
tielle à un cheval de dame, les qualités les plus importantes
sont des épaules profondes et obliques, et des jambes de
derrière bien courbes. Cette conformation des membres
postérieurs a été comparée avec justesse à l'agencement des
ressorts d'une voiture, grâce auquel on parvient à éviter
toute secousse.
« L'obliquité de l'épaule, dit W. Youatt, donne non-seule-
» ment de l'extension, mais encore de la facilité à l'action.
» L'épaule étant oblique, les jambes qui supportent l'avant-
» main du cheval sont placées proportionnellement en avant,
» elles ont moins de poids à porter et sont exposées à
» moins de secousses, surtout lorsque l'action est rapide. Le
» cheval devient également plus sûr, car ayant moins de
» poids devant les piliers de support, il est moins exposé à
» avoir le centre de gravité jeté au-devant d'eux par un faux
» pas accidentel ; en un mot, il court moins de risque de tom-
» ber ; il est en outre beaucoup plus agréable à monter et
» fatigue moins la main de son cavalier. La nature, comme
» si elle eût voulu compenser le manque d'action et de force
» d'une épaule droite, y accumule ordinairement plus de
» muscles, de sorte qu'elle devient épaisse et grossière. De
» leur côté, les muscles de la poitrine destinés à fortifier
» l'attache des épaules au poitrail sont proportionnellement
» épaissis et fortifiés, et le cheval devient plus désagréable
» et plus dangereux à monter. »
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— 207 —
Bien que dans leur action les jambes de derrière échappent
au plus grand nombre des secousses auxquelles sont expo-
sées les jambes de devant, le poids du corps n'étant jamais
jeté violemment sur elles, le cheval dont les membres posté-
rieurs sont droits ne peut avoir une bonne action des jarrets,
et par conséquent ses allures et surtout son petit galop ne
peuvent être agréables. Il est donc difficile et dans beaucoup
de circonstances impossible de placer convenablement un
cheval sur ses hanches, en l'unissant ou en le rassemblant,
quand ses membres postérieurs ne sont point arrondis. Un
animal de cette catégorie doit donc être considéré comme
absolument impropre au service d'une dame.
« S'il est un point, dit encore W. Youatt, sur lequel les
» propriétaires de chevaux et les juges médiocres sont sou-
» vent dans l'erreur, c'est l'action du cheval de route. — Qu'il
» lève bien les jambes, dit-on, et il ne tombera jamais. — Et
» cependant, plus il lève les jambes, et plus sera grande
» la force avec laquelle il les ramènera vers le sol, la secousse
» que subira le cavalier et l'usure des pieds. Le cheval qui a
» une trop grande action du genou sera rarement vite, il sera
» fréquemment peu agréable à monter et peu sûr pendant une
» longue course. C'est un fait souvent contesté et que cepen-
» dant l'expérience confirme pleinement, que la sûreté du
» cheval dépend beaucoup plus de la manière dont il pose les
» pieds sur le sol que de celle dont il les soulève; un pied
» posé bien à plat ou peut-être le talon mis le premier en
» contact avec le sol, contribuera plus que l'action la plus
» haute et la plus magistrale à la sécurité du cavalier. Lorsque
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— 208 —
» c'est la pointe du sabot qui la première touche le terrain, il
» est facile de comprendre que le cheval peut être souvent
» exposé à tomber. Un obstacle imprévu jettera en avant le
» centre de gravité et l'animal sera renversé. Si la pointe du
» sabot s'enfonce dans le sol avant que le pied soit fermement
» posé, la moindre cause suffira pour amener un faux pas
» et une chute. *
Citons encore à ce sujet quelques mots de Nimrod :
« Peut-être, dit-il, ne sait-on pas généralement qu'un
» cheval peut lever fort peu les pieds et ne jamais faire un
» faux pas, tandis qu'un autre qui lève les genoux presque
» jusqu'au nez peut être un insigne broncheur. Lever la
» jambe n'a rien à voir avec la sécurité du cheval sur la route.
» Ce n'est pas de la manière dont le pied es'„ levé, mais de
» celle dont il est po?é que dépend la sécurité de l'action du
» cheval. L'homme rase le sol de très-près, mais il le heurte
» rarement de l'orteil; si on le suit sur un sentier où la neige
» est assez profonde pour qu'il y laisse des traces de son
» passage, on s'aperçoit immédiatement qu'il frappe le sol
» du talon et presque jamais de l'extrémité du pied. S'il le
» faisait, il se blesserait constamment et ne tarderait pas à se
» trouver boiteux. L'action de l'homme procède des hanches,
» tandis que celle du cheval, en ce qui concerne ses membres
» antérieurs, procède des épaules; mais le principe est le
» même pour tous deux; c'est chez chacun un mécanisme
» curieux de l'exactitude duquel dépend la perfection de
» l'action. »
Ayant dit du cheval tout ce que j'avais à en dire, je
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saisirai cette occasion de recommander de nouveau à l'ama-
zone de se montrer prudente dans le choix du tailleur auquel
elle confiera la confection de son amazone.
Si une dame se trouve obligée, par suite d'une circonstance
quelconque, de se servir d'une selle à laquelle elle n'est pas
accoutumée, elle doit avoir soin de s'assurer qu'elle est suffi-
samment longue du pommeau au troussequin; car si elle se
trouvait trop courte pour sa taille, elle en éprouverait les plus
grands inconvénients; elle se verrait obligée de s'asseoir,
pendant une longue promenade peut-être, sur le bord du
troussequin.
Avant de commencer une promenade, l'amazone devrait
s'accoutumer à ajuster soigneusement les rênes et à rassem-
bler le cheval, de sorte que, dès le départ, elle puisse le maî-
triser complètement.
Lorsque deux dames ou davantage sont sur le point de
faire une promenade ensemble, aussitôt que l'une d'elles se
trouve en selle, elle doit avancer suffisamment pour être hors
du chemin des autres, et tenir son cheval parfaitement tran-
quille pour qu'il ne puisse rendre les autres chevaux impa-
tients et remuants pendant qu'on les monte. Lorsqu'une ama-
zone rejoint d'autres personnes à cheval, elle doit prudemment
placer sa monture de manière à ne courir aucun risque dans
le cas où l'un ou l'autre cheval se mettrait à ruer. Une dame
accompagnée d'un gentleman se place toujours du côté
gauche.
C'est une excellente habitude que d'aller toujours lentement
au départ, car la majorité des accidents ont pour cause l'exci-
18.
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— 210 —
tation des chevaux, trop fortement animés par leurs cavaliers
au moment où ils viennent de quitter l'écurie.
L'usage veut que l'amazone soit toujours du côté gauche,
mais pour dépasser quoi que ce soit allant dans la même
direction qu'elle-même, elle doit se porter à droite; il faut
qu'elle ait soin de n'exécuter ce mouvement que lorsqu'elle
dispose de tout l'espace nécessaire.
En tournant, l'amazone doit user de la plus grande pru-
dence, afin d'éviter le danger de collision avec tout autre
objet. Si en approchant d'un tournant, elle ne peut à cause
de sa position, s'assurer immédiatement si la route qu'elle
va prendre se trouve libre, elle doit, aller doucement, dis-
poser de beaucoup de place, tenir son cheval bien en main
et se tenir prête à tout événement.
En montant une montagne, la main de la bride doit être
étendue librement et le corps placé en avant pour jeter le
poids sur les épaules du cheval. Lorsque la montée est très-
rapide l'amazone peut, pour conserver plus facilement l'équi-
libre, se soutenir de la main gauche à la crinière du cheval,
mais sous aucun prétexte au pommeau de la selle; à cause de
la position du cheval, cette imprudence, dans un pareil mo-
ment, peut faire reculer ou même tourner la selle et mettre
ainsi en danger la vie de l'amazone.
En descendant une montagne, l'amazone doit exercer une
légère pression sur la bouche du cheval et incliner le corps
bien en arrière pour en jeter le poids sur les quartiers de
derrière de l'animal ; elle soulage ainsi les épaules et leur per-
met de remplir plus aisément leurs fonctions. Les rênes
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doivent être suffisamment relâchées pour que le cheval puisse
avancer librement et poser les pieds avec fermeté. Les ama-
zones timides et inexpérimentées ont souvent le tort de sou-
tenir trop la tête du cheval et de le retenir au point de rendre
son allure incertaine et dangereuse. Dans un excellent
ouvrage sur l'équitalion, écrit il y a une cinquantaine
d'années, l'auteur W. Youatt raconte l'épisode suivant :
« Un gentleman, auquel j'avais appris à monter à cheval et
» dont j'avais dressé la monture, me demanda avec quel*
» que effroi si j'avais jamais vu son cheval broncher. Comme
» je lui répondis négativement, il me pria démonter son cheval
» et de l'accompagner; il me conduisit au haut d'une mon-
» tagne qui n'était pas fort rapide et me dit : Nous allons
» descendre. Arrivé au bas de la montée, il se montra fort
» surpris de ce que son cheval n'avait pas bronché, car
» il l'avait monté la veille et, descendant la même montagne,
» il avait craint une chute à chaque pas et désirait savoir si
» je pouvais me rendre compte de ce fait. L'explication que
» je lui donnai le satisfit pleinement et peut-être pourra-t-il
» être utile à d'autres de la connaître. Ce gentleman était âgé
» et montait à cheval avec timidité et prudence ; beaucoup
» de jeunes gens mêmes, dans leurs premières promenades,
» ne sont pas sans appréhension. En descendant une mon-
» tagne, le corps du cheval est plus ou moins incliné selon la
» rapidité de la pente, et le corps du cavalier conservant sa
» position perpendiculaire, la tête du cheval paraît si éloignée
» qu'il semble qu'il va tomber ; le cavalier timide, trompé par
» l'apparence, est porté à tendre les rênes et à élever autant
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» que possible la tête de l'animal ; il en résulte que, lorsque
» le cheval étend l'un de ses pieds de devant, pour marcher
» de la manière ordinaire, il ne peut le poser avec fermeté
» sur le sol sans ployer l'autre membre antérieur, ce qui non-
» seulement fait paraître le cheval prêt à tomber, mais
» l'expose à une chute réelle. Je fis comprendre à mon ami
» qu'en descendant une montagne, il devait laisser à sa mon-
» ture la liberté de la tête et ne pas supposer que le corps
» du cheval puisse conserver une position horizontale,
» comme le sien garde la perpendiculaire en descendant une
» pente. Lorsqu'on n'est pas sûr de son cheval, on doit le
» tenir mieux en main, mais je ne me souviens pas qu'en
» aucune circonstance le cheval que je montais se soit abattu
» en descendant une montagne, et le danger est beaucoup
» moins grand qu'il ne le paraît.
» Lorsqu'on monte une montagne ou qu'un cheval se
» cabre, il est nécessaire de lui rendre complètement la
» main, mais, dans tous les autres cas, le cavalier doit
» exercer une légère pression sur la bouche de l'animal. Tout
» cheval, soit pour une cause soit pour une autre, est sujet à
» tomber, et voilà pourquoi on doit se faire une règle inva-
» riable de ne jamais se fier à sa monture. Celui qui agile
» constamment les rênes commet une lourde faute; il gâte
» promptement la bouche de son cheval et se prépare volon-
» tairement pour l'avenir la fatigue même que lui causent ces
» tiraillements de la bride, qu'il parvient ainsi à rendre indis-
» pensables; celui qui laisse pendre négligemment les rênes
» sur l'encolure du cheval, se montre encore plus malavisé.
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— 215 —
» Il faut toujours exercer sur la bouche une légère pression ;
» de cette façon on sera à même de venir immédiatement en
» aide à l'animal, en cas de besoin, avant qu'il ait compléte-
» ment perdu l'équilibre et lorsqu'un léger mouvement des
» rênes pourra le préserver d'une chute. Cette pression douce
» et continue engagera le cheval à porter bien la tête, ce qui
» contribue dans une grande mesure à la beauté, à la sécurité
» et à l'aisance de son allure. »
La main doit toujours être active et suivre attentivement
les mouvements du cheval; par ce moyen l'amazone sera
toujours sur ses gardes et prête à tout événement. Si à un
moment donné elle s'aperçoit que, contre sa volonté,
l'action du cheval décline, elle doit immédiatement recourir,
pour lui rendre son animation, à une pression des doigts, de
la jambe ou du fouet. C'est la main qui est la première à
s'apercevoir d'une modification dans l'allure, et elle doit être
par conséquent la première à la corriger; le talon et le fouet
l'excitant au même instant à obéir aux indications de la
bride.
« Les commençants, dit Adams, sont toujours portés à sup-
» poser que plus leur allure est rapide, plus ils déploient d'ha-
» bileté ; mais quelque plaisir que puisse procurer la rapidité,
» il faut beaucoup plus d'adresse pour maintenir dans le petit
» galop une action animée, à une vitesse de quatre à cinq milles
» à l'heure, que pour en fournir douze ou quinze dans le
» même espace de temps. La préoccupation constante de
» l'élève doit donc être d'entretenir l'animation de l'action
» dans le petit galop, sans aller vite. Si l'animation fait défaut
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— 214 —
» ou si l'action n'est pas soutenue par la main, le cheval
» prendra le trot, surtout si le petit galop est court ou uni. »
Comme l'amazone commence ordinairement à employer la
gourmette aussitôt qu'elle a terminé son noviciat, on ne sau-
rait trop insister sur la nécessité d'en bien connaître l'usage,
car c'est par elle qu'est maintenue la correspondance qui doit
toujours exister entre la bouche du cheval et la main de
l'amazone. « La gourmette, dit l'écrivain que je viens de citer,
» exige une main légère. Il est nécessaire de tendre ou de
» relâcher les rênes dans la mesure qui convient à chaque
» cheval en particulier. Certains chevaux demandent une
» pression plus forte que d'autres, et la plupart ont quelque
» particularité que des cavaliers consommés ne tardent pas à
» découvrir et à tourner à leur avantage. Ct n'est que par
» une pression ferme, légère et aisée de la main que l'on peut
» conserver la sensibilité de la bouche du cheval, si essen-
» tielle dans l'équitation. »
L'amazone doit se souvenir que, dans la position ordinaire
de la main de la bride, le petit doigt en se dirigeant vers le
haut doit avoir au moins trois lignes d'action pour guider le
cheval, savoir : vers l'épaule droite, vers l'épaule gauche et
vers la poitrine. Dans ces trois directions, le petit doigt ne
doit se mouvoir que lorsque les aides l'exigent. Ainsi le cheval
sera guidé et soutenu à chaque tournant par la rêne intérieure
ou conductrice, la rêne extérieure opérant à l'unisson de la
première.
Le corps doit toujours suivre avec aisance et souplesse les
mouvements du cheval ; le manque de flexibilité empêchera
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— 215 —
inévitablement l'amazone de devenir jamais bonne écuyère ;
il aura de plus l'inconvénient de nuire à l'action du cheval qui
ne pourra se montrer sous un jour favorable lorsqu'il sera
dirigé par une amazone raide ou indolente.
La dame doit en toutes circonstances s'efforcer de conser-
ver son sang-froid. Le moindre symptôme d'alarme de sa
pai i se communique immédiatement au cheval, dont la propre
terreur s'accroît comme sous l'influence d'une puissance élec-
trique, ou dont le vice et l'indocilité prennent un caractère
plus déterminé. Par-dessus tout, si elle tient à la vie elle doit,
dans toutes crises, redouter de négliger les rênes pour ne
s'occuper que des moyens de se maintenir en équilibre. En
inclinant le corps en avant, elle relâche les rênes, et dès ce
moment le cheval conquiert un avantage qu'il n'est pas aisé
de lui reprendre. Au premier symptôme de danger, la main
droite, sauf le cas où le cheval se cabre, doit se placer sur la
rêne droite. Le sang-froid et l'attention qu'elle donnera aux
règles à observer dans les situations critiques permettront à
l'amazone de s'en tirer saine et sauve et même avec honneur.
En traversant un gué par un temps chaud, la tête du cheval
doit être tenue haute et l'animal doit être poussé vivement vers
la rive. Si on lui permet de s'arrêter et de boire, il n'est pas
impossible qu'il s'avise de se coucher dans l'eau et, sans parler
des autres inconvénients qui en peuvent résulter, un bain
impromptu, dans de telles circonstances, est loin d'être favo-
rable au costume équestre.
Lorsqu'on parcourt à cheval une route empierrée qui a été
récemment réparée, on doit en éviter les côtés où les pierres
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- 216 —
sont simplement posées sur le sol ; il est beaucoup plus sûr
d'avancer très-lentement dans les endroits où des pierres
épaisses sont détachées et exposent le cheval à se blesser les
pieds.
Lorsqu'on voyage sur de mauvais chemins, bien que la
main ne doive jamais négliger ses fonctions ou se laisser
prendre à l'improviste, elle doit laisser au cheval la liberté
de la tête afin qu'il puisse obéir à ses instincts naturels et
ait la liberté de choisir le chemin le plus sûr.
Si un cheval bronche et tombe sur les genoux ou fait une
chute de quelque manière ou par quelque motif que ce soit,
l'amazone ne doit pas trop se hâter de se jeter à bas de sa
monture, de crainte qu'elle ne le fasse au moment même où
le cheval sera en train de se relever. Dans ce cas la force de
la chute sera grandement accrue et si la jupe de l'amazone
s'accrochait au pommeau de la selle un accident sérieux
pourrait s'en suivre. En outre, le cheval en se relevant peut
mettre le pied sur elle. Si elle est jetée hors de la selle par
la chute du cheval, sa grande préoccupation doit être de s'en
éloigner le plus promptement possible ; mais si elle reste sur
son cheval, elle courra moins de risques en se maintenant
en selle qu'en essayant d'en descendre. L'instinct du cheval
le pousse à se relever aussi vite qu'il le peut et le poids
d'une dame est rarement assez fort pour l'en empêcher.
Lorsque le cheval tombe du côté droit, la dame n'a que peu
de chose à craindre lors même qu'elle serait jetée à bas de
sa monture, aussi longtemps que la jupe de l'amazone ne
s'accroche pas au pommeau de la selle ; si elle reste en selle,
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— 217 —
le pis qui puisse arriver c'est que le cheval en se levant
déchire sa jupe de ses pieds de derrière. Si le cheval se ren-
verse du côté gauche et que la dame soit jetée par terre,
l'assistance immédiate du cavalier ou du groom devient
nécessaire pour la tirer d'une position plus ou moins dange-
reuse; ses pieds et la jupe de l'amazone peuvent se trouver
sous le cheval et dans ce cas elle se trouve complètement
incapable de s'aider elle-même. J'ai souvent entendu dire par
des gentlemen qu'il y a beaucoup d'art dans la manière de
tomber et en vérité je crois que pour eux c'est le cas surtout
à la chasse. Mais la position et le costume de la dame la
rendent comparativement si impuissante dans ces circon-
stances difficiles, que je suis convaincue, et une longue expé-
rience m'a confirmée dans cette opinion, qu'en règle générale
ce qu'elle a de mieux à faire est de se tenir autant que pos-
sible en selle.
Si l'on s'aperçoit que le cheval penche d'un côté, que son
allure est incertaine et que certains mouvements semblent
indiquer qu'il se dispose à ruer, l'amazone peut être persuadée
ou que la selle est mal ajustée ou qu'elle blesse le cheval en
quelque endroit. Dans ce cas, elle doit descendre de cheval
le plus promptement possible, faire rajuster la selle ou la
faire ôter et examiner; sans celte précaution, le cheval
pourra devenir rétif et son dos sera assez sérieusement
blessé pour le mettre hors de service pendant quelque
temps.
Si un cheval, généralement gai et dont l'action est d'ordi-
naire libre et dégagée, paraît triste et laisse tomber la tête,
ii.                                                                                     19
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— 218 —
tandis que son poil se dresse, surtout vers l'extrémité supé-
rieure de l'encolure immédiatement derrière les oreilles, ou
s'il tousse, l'amazone peut être certaine qu'il est malade, et
plus tôt il sera ramené à l'écurie, plus rapide sera sa gué-
rison. Il peut n'avoir qu'un mal léger qui, s'il est pris en
temps, disparaîtra bientôt, pourvu qu'il soit interdit au groom
de traiter l'animal à sa fantaisie, qu'on se dispense des soins
du maréchal ferrant et qu'on remette le cheval entre les
mains d'un chirurgien vétérinaire. Mais si le cheval continue
à être monté dans cet état ou exposé au froid pendant que sa
maîtresse fait une visite, s'il est traité ensuite par des ignorants
il sera peut-être, à cause de sa délicatesse naturelle, perdu
au bout de quelques jours ou même de quelques heures. Le
moindre inconvénient qui puisse advenir sera que sa maî-
tresse se verra privée de ses services pendant un grand
nombre de semaines.
Une dame ne doit jamais entrer en lutte avec son cheval
lorsqu'il lui est possible de l'éviter. Sans être naturellement
vicieux ou rétif un cheval peut tout à coup refuser d'avancer
ou de tourner dans une direction donnée. S'il ne peut être
réduit à l'obéissance par les caresses et les encouragements,
il se laissera d'ordinaire entraîner par une autre personne.
Dans ce but, le groom peut descendre de cheval ou on peut
prier un passant de conduire doucement le cheval par le
bridon en le flattant. Celui qui remplit cet office se reculera
pour laisser le champ libre au cheval aussitôt qu'il montre des
dispositions à obéir. Peut-être toutes les amazones ne savent-
elles pas que la personne qui veut conduire un cheval par la
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— 219 —
bride ne doit pas tourner son visage vers l'animal lorsqu'il
refuse obstinément de suivre; en faisant ainsi et en agitant
la bride par secousses, on effraie le cheval au lieu de le
ramener à la soumission ce qu'on aurait pu obtenir avec un
peu de patience.
Une dame ne doit pas monter un cheval qui exige de
sévères corrections; s'il se développe chez sa monture un
vice que ne peut vaincre un traitement plus doux, les châti-
ments seront administrés avec beaucoup plus d'effet et de
convenance par une main masculine; des corrections modé-
rées peuvent parfois devenir nécessaires et l'amazone ne
doit pas se faire scrupule d'y recourir lorsque les circon-
stances l'exigent.
Quant aux éperons, cette question si souvent débattue,
il y a quelques cas dans lesquels ils peuvent être portés
convenablement. Par exemple, par une dame qui est passée
maîtresse dans l'art de l'équitation, par celle qui, étant
arrivée au même degré de perfection, a l'habitude de monter
divers chevaux ou par celle qui s'adonne aux plaisirs de la
chasse où leur emploi est quelquefois absolument indispen-
sable. Cependant, pour l'animal qui mérite le titre de cheval
de dame, ils sont inutiles. L'éperon est une correction très-
sévère pour l'animal auquel on l'inflige et si on l'applique
avec imprudence ou inhumanité, il peut produire un degré
d'excitation et de fureur qui expose l'amazone inhabile aux
plus grands dangers. En règle générale je conseille donc
fortement à mes belles lectrices de ne pas porter d'épe-
rons.
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LA CHASSE.
La chasse elle-même et la part qu'y peuvent prendre les
dames ont été depuis quelques années l'objet de tant de
discussions que mes lectrices devaient s'attendre à m'y voir
consacrer quelques pages; avant de leur offrir ma propre
manière de voir sur ce sujet, je dois leur dire, ce qui est du
reste un fait bien connu, que l'opinion de l'autre sexe s'op-
pose généralement à ce qu'elles participent à cette récréa-
tion. Les gentlemen sont conduits à cette conclusion par
divers motifs dont l'un des principaux est, comme on me l'a
répété à diverses reprises, qu'ils ne peuvent bannir de leur
esprit la préoccupation constante des dangers que courent
les dames à la chasse. Le colonel Cook qui pendant de
nombreuses années a été propriétaire d'une meute de chiens
de renard et a écrit sur le sport un ouvrage bien connu,
avait l'habitude de dire qu'il lui était toujours agréable de
voir le lieu de réunion embelli par la présence des dames,
19.
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— 222 —
ce qui non-seulement faisait passer d'une manière délicieuse
les quelques minutes qui s'écoulent d'ordinaire avant le
commencement des chasses mais prouvait l'intérêt qu'elles
prenaient aux amusements de leurs maris et de leurs frères.
Mais jamais, ajoutait-il, jamais au delà du lieu de rendez-
vous, sauf lorsqu'il s'agit d'une de ces très-rares écuyères
qui, par une longue et précoce expérience, ont acquis une
profonde connaissance du sport et dont l'habileté extraordi-
naire rassure le spectateur tout en le charmant. Nous pour-
rions citer encore les opinions de divers auteurs, mais comme
elles aboutissent toutes à la même conclusion ou à peu près
nous nous en tiendrons à la précédente.
Si l'on considère combien peu de dames possèdent l'habi-
leté nécessaire pour suivre une chasse ou la connaissance
de ce qu'exige une position si nouvelle pour elles on ne
peut s'étonner de l'arrêt qui leur interdit d'aller plus loin
que le lieu de réunion. Il arrive si rarement que l'on trouve
réunies chez une femme les connaissances de l'équitation et
du sport que j'ai été très-frappée du récit d'une anecdote qui
a pour héros une dame qui, aujourd'hui encore, est considérée
comme une des meilleures écuyères de l'Angleterre el je ne
puis résister à la tentation de la citer ici.
Cette dame passa à Bath deux hivers pendant lesquels elle
se joignit fréquemment à la chasse de ce vrai et noble
sportsman, le grand-père du duc de Beaufort, mort tout
récemment. La première fois qu'elle fit son apparition dans
les champs avec les chiens du duc — elle s'était consacrée
au sport depuis sa première jeunesse dans le district où
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résidait sa famille — elle parcourut à cheval une pièce de
genêt épineux dans laquelle un renard avait établi son ter-
rier. Aussitôt que l'animal fut sur pied, elle proclama haute-
ment le fait par deux ou trois exclamations des plus ortho-
doxes et des plus musicales. Le duc qui se trouvait avec ses
chiens dans un champ voisin, ne fut pas peu surpris d'en-
tendre cet avertissement sortir des lèvres d'une dame, il se
rendit promptement auprès d'elle pour lui en demander la
cause et apprit de sa bouche qu'elle avait vu partir un renard.
« Comment savez-vous, demanda le duc que c'était un
renard? » « Parce que, répondit la jeune et élégante
écuyère, je lui ai passé sur le dos, je l'ai lancé et il est parti
dans la direction du vent vers Badminton. » La réponse était
donnée en termes si techniques que tout doute disparut de
l'esprit du duc qui, saluant avec courtoisie, fit immédiate-
ment découpler les chiens.
Le résultat fut une chasse des plus brillantes pendant toute
la durée de laquelle les délicates attentions du duc qui ne
quitta pas les côtés de la belle amazone n'ajoutèrent pas peu
à ses plaisirs; ni fossés, ni haies, ni barrières ne purent
l'arrêter.
Cette jeune femme, qui à cette époque n'était point mariée,
était la fille d'un riche et brave amiral et elle ne manquait
point d'admirateurs, soit à la chasse, soit dans les salons. Ses
nombreux talents, ses yeux brillants, sa belle position atti-
raient autour d'elle une foule de prétendants parmi lesquels
on remarquait un gentleman, bien connu dans les cercles
fashionables de Londres, et qui avait été depuis peu pré-
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- 224 —
sente à sa famille. Le lendemain de son arrivée à la cam-
pagne il se trouva que l'on devait lancer un cerf sur les
propriétés du feu comte de Fortescue, le spécimen le plus
complet du vrai gentleman anglais qui ait jamais vécu pour
réchauffer et consoler les cœurs des pauvres et remplir tous
les devoirs de l'hospitalité envers ses voisins et ses amis.
Cette digression me sera facilement pardonnée par tous
ceux qui ont eu l'honneur et le plaisir de le connaître car on
ne pouvait le voir sans l'aimer et sa mort remplit tous les
cœurs d'une désolation sans égale.
Mais il est temps d'en revenir à notre belle héroïne et à
son prétendant. C'était le matin du jour de chasse; dans ce
pays, le cerf est délogé de ses bois natifs, les distances sont
courtes et les campagnes pittoresques. La dame ne connais-
sant pas de plus vives distractions à offrir à sa nouvelle
connaissance ordonna de seller pour lui sa jument favorite
qui pouvait répondre aux exigences des chasseurs les plus
entreprenants; elle avait toujours en sa possession les clefs
des grilles de ce domaine seigneurial et ils partirent pour
rejoindre la chasse
Il se trouva qu'une partie d'une ferme à travers laquelle
ils devaient passer avait été préparée pour y parquer des
moutons. La dame prit les devants et franchit sans hésitation
les clôtures, supposant que son compagnon suivrait son
exemple; mais hélas! le courage lui manqua. La dame se
voyant ainsi forcée ou à perdre la journée de chasse dont
elle se promettait tant de plaisir ou à poursuivre sa.route
seule, choisit immédiatement cette dernière alternative et,
-ocr page 228-
ê
225 —
galopant gaiement, elle se retourna pour envoyer ses adieux
à son prétendant de Londres, dont le dernier regard fut,
d'après ses propres expressions, dirigé vers elle de l'autre
côté de la clôture. L'amant désappointé, craignant sans aucun
doute les railleries auxquelles l'exposait son manque de cou-
rage et de galanterie retourna immédiatement au château,
commanda des chevaux de poste pour sa voiture et avant
que les plaisirs de la chasse fussent arrivés à leur fin il
avait parcouru plusieurs des relais qui le séparaient de la
capitale.
La présence des dames à la chasse n'est pas toujours sans
inconvénients. Je me souviens qu'une jeune dame, montant
un jour un cheval complètement inaccoutumé aux chiens,
s'approcha imprudemment de la meute au moment où elle
allait être lancée. Le cheval, comme il arrive d'ordinaire à
celui qui n'a pas l'habitude des chiens, devint nerveux et
inquiet lorsqu'il se vit entouré par quelques-uns d'entre eux.
Enfin, il rua et en tua un qui malheureusement se trouva
être le plus précieux de la meute.
Il est difficile de concevoir une contrariété plus grande
que celle que subit le propriétaire d'une meute, en perdant
d'une façon aussi malheureuse un de ses chiens favoris; elle
ne peut se comparer qu'à celle que ressent l'auteur de l'acci-
dent. La jeune dame dont je viens de parler était trop soi-
gneuse et trop prudente pour s'exposer de nouveau à une
mésaventure semblable; elle eut la précaution de guérir son
cheval de son agitation en faisant mettre un chien dans son
écurie ; il n'existe pas de moyen plus sûr de faire disparaître
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— 226 -
la crainte et l'antipathie que beaucoup de chevaux éprouvent
pour les chiens en général.
Si nous considérons la grande valeur des chiens, l'extrême
difficulté que l'on éprouve à remplacer les bons et l'attache
ment que ces fidèles animaux savent inspirer à leurs maîtres
on ne peut s'étonner des sentiments de crainte et de mécon-
tentement qu'éprouvent ces derniers lorsqu'ils les voient
exposés à être foulés aux pieds des chevaux et tués.
A moins qu'elle ne monte un cheval entraîné pour la
chasse, une dame, en se trouvant simplement au rendez-vous
peut courir quelque danger si elle reste avec les chiens après
qu'ils ont été lancés; car s'ils trouvaient promptement la
piste et partaient immédiatement, sa monture, excitée par les
chiens, par la musique et par l'exemple des autres chevaux
partant à toute vitesse, peut mettre en danger, même une
écuyère expérimentée.
D'après le principe qui veut que l'on mette en pratique ce
que l'on recommande, j'ai toujours éprouvé quelque embarras
à donner mon avis sur la question de la chasse et de la part
qu'il convient aux dames d'y prendre. M'étant fréquemment
dans ma jeunesse livrée aux plaisirs du sport que j'aimais avec
enthousiasme, il ne me convient guère de dissuader les dames
d'y participer, excepté dans des cas particuliers. Par le mot
chasse je n'entends pas un simple galop avec une meute de
chiens de lièvre dans des plaines unies, car si elles sont
convenablement montées pour la circonstance, cet exercice
peut être considéré comme la chasse des dames par excel-
lence; elles ne doivent pas s'éloigner beaucoup de chez elles,
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— 227 —
elles peuvent joindre et quitter la chasse quand bon leur
semble et, enfin, ce qui n'est pas la considération la moins
importante, il se trouve d'ordinaire plusieurs personnes de
leur sexe présentes pour leur venir en aide en cas d'accident.
Mes conseils et mes recommandations s'appliquent à la chasse
plus excitante et plus périlleuse du renard qui exige l'habi-
leLé d'une écuyère consommée, une connaissance du sport
qui ne peut s'acquérir que par l'expérience et la pratique,
un courage à toute épreuve, une grande résistance à la
fatigue, le mépris du vent et des tempêtes et une constitution
qui défie les rhumes et les rhumatismes. Dans presque tous
les comtés de l'Angleterre, il se trouve deux ou trois daines
qui se distinguent par leurs connaissances du sport et qui
font le juste orgueil des chasseurs qu'elles accompagnent.
Par conséquent, si une dame se sent douée des qualités
nécessaires pour participer à ce plaisir, elle peut le faire
avec sécurité et peut être assurée que sa présence sera tou-
jours accueillie avec joie. Mais lorsque les dames n'ont pas
l'habileté requise et que leur constitution n'est pas assez
forte pour braver les fatigues auxquelles les expose la chasse,
ce qui est le cas pour la plupart d'entre elles, tout en expri-
mant l'espoir qu'elles emploieront toute leur influence à sou-
tenir ce noble genre de sport, je ne puis que me faire l'écho
du galant colonel cité plus haut, et leur conseiller de se
borner à embellir de leur présence le lieu du rendez-vous.
-ocr page 231-
-ocr page 232-
CONCLUSION.
Ma tâche agréable est terminée ; je remercie sincère-
ment mes belles lectrices pour m'avoir écoutée patiemment,
et je l'espère, non sans profit pour elles-mêmes; je leur dis
adieu à contre-cœur. En terminant un ouvrage, que le sou-
venir et la pratique m'ont rendu également cher, j'éprouve des
regrets d'autant plus vifs que ce travail a ravivé chez moi
la mémoire des joyeuses heures de mon passé, de ces bril-
lantes heures de plaisirs équestres que rien ne pourra me
faire oublier, et qui étaient rendues plus belles encore par
la présence de plus d'une charmante amazone dont le port
gracieux, l'oreille attentive et les mains adroites auraient
pu confirmer par l'exemple les principes que. je viens de
développer pour servir de guide aux écuyères de mon sexe.
Qu'on me pardonne de citer ici le simple mais beau langage
de ce grand maître de l'art, le duc de Newcastle auquel j'ai
h.                                                                                         20
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— 2Ô0 —
emprunté déjà quelques lignes et dont je partage complète-
ment les opinions sur ce sujet.
« J'ai aimé, dit-il, pratiqué et étudié cet art de l'équitation
» depuis mon enfance et il m'a toujours procuré les plus
» vifs plaisirs; il n'y a point d'exercice plus salutaire, plus
» honorable et plus digne du gentleman que celui de monter
» à cheval lorsqu'on le fait avec adresse. Sans les connais-
» sances nécessaires, rien n'est plus ridicule et plus gauche
» qu'un homme à cheval. Ses membres semblent être dis-
» loques, parce qu'ils sont hors de leur position naturelle et
» sa pose est incommode parce qu'elle est contrainte, tandis
» qu'un bon cavalier occupe la place que lui assigne la nature
» et sa position est commode parce qu'elle est libre et aisée.
» lien est de l'équitation comme de tout autre art; la régu-
» larité plaît aux yeux, tandis que la contorsion est néces-
» sairement disgracieuse. Il y a en outre dans l'équitation une
» élégance qui semble naturelle tandis qu'elle n'est en réalité
» qu'un effet de l'art; le parfait écuyer paraît devoir à la
» nature ce qu'il a acquis par la pratique, et il donne à son
» cheval l'apparence d'une créature qui a été créée dans le
» seul but d'être gouvernée, conduite et montée par
» l'homme. »
Bien que la description que donne le duc de Newcastle de
l'art de l'équitation s'adresse spécialement aux hommes, je
suis sûre que mes lectrices ne tarderont pas à découvrir
qu'elles peuvent fort bien se l'appliquer et reconnaîtront
facilement tout ce qu'il est désirable qu'elles imitent.
En parcourant ce livre, quelques personnes m'accuseront
-ocr page 234-
— 251 —
peut-être de m'être parfois écartée de mon sujet, ou de m'être
appesantie sur certains points qui auraient pu être traités
plus sommairement; mais en s'occupant de matières de cette
nature, il est difficile de garder toujours un juste milieu entre
la brièveté et la prolixité et en m'en tenant trop strictement
à la première je craignais de ne pouvoir combler la mesure
d'instruction que je désirais si vivement offrir aux jeunes
amazones. Celles de mes lectrices, et le nombre en est grand
sans doute, qui sont tout aussi aptes que moi à se former
une opinion sur ce sujet reconnaîtront que les détails dans
lesquels je suis entrée n'étaient pas sans utilité pour les com-
mençantes qui n'ont encore sur l'équitation que des notions
fort vagues. En indiquant la route à suivre, il est nécessaire
d'expliquer aussi lucidement et aussi complètement que pos-
sible, les défauts aussi bien que les beautés du port équestre ;
et en tout ce qui concerne les moyens de se préserver d'un
danger il faut indiquer non-seulement ce qui doit être fait,
mais encore ce qui doit être évité. A ce propos, nous nous
permettrons de recourir une fois encore au même auteur.
« Ces choses, dit-il, qui semblent peut-être manquer de
■>, concision pourraient, si elles étaient plus courtes, laisser
» des doutes dans l'esprit du lecteur. L'art de l'équitation ne
« consiste pas seulement dans des études théoriques, mais
» aussi dans des exercices pratiques ; il est impossible de le
» résumer dans un proverbe ou un court aphorisme; de le
» réduire en un syllogisme ou de le renfermer dans les
» limites d'un vers; il est impossible aussi de donner dans
» cet art une leçon universelle comme beaucoup le désirent.
-ocr page 235-
— 252 —
» Pour ma part, je suis convaincu qu'il n'y a rien d'universel
» dans l'équitalion, pas plus que dans aucune autre chose
» que je connaisse. Si mon livre plaît au lecteur je me trou-
» verai complètement satisfait. »
Quant à moi, je conclus en disant que si la lecture de ce
volume peut mettre l'amazone à l'abri du ridicule, l'aider à
se tirer honorablement des difficultés qu'elle pourra ren-
contrer , et lui procurer une récréation saine, délicieuse et
noble, une sécurité parfaite, combinée avec les fascinations
de la grâce et de l'élégance, moi aussi je me considérerai
comme satisfaite.
FIN.
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TABLE DES MATIÈRES
Pages.
Préface......................       5
Introduction....................     13
L'amazone.....................     27
Le cheval.....................     41
La selle et la bride..................     65
De la manière de se mettre en selle.............     77
De la manière de descendre de cheval............     83
L'assiette.....................     87
Les rênes.....................     99
La position des mains.................    107
Les cinq posilions quand les rênes sont séparées........    108
Les cinq positions quand les rênes sont réunies dans la même main. .    109
Les mains.....................    111
Le pas......................    135
Des tournants au pas.................    139
De l'arrêt au pas...................    143
De la manière de reculer au pas..............    Mo
1
i
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— 254 —
Le trot.................... . .    U9
Le petit galop....................    15&
Des lournants au petit galop...............    169
L'arrêt au petit galop.................    171
Le galop.....................    173
Le cercle.....................    177
Le saut......................    183
Situations critiques..................    193
Observations générales.................    205
La chasse.....................    221
Conclusion.....................    229
PIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
i