LA COMPETENCE
LÉGISLATIVE ET
RÉGLEMENTAIRE
DES ORGANES COLLECTIFS
EN DROIT DES GENS
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-ocr page 5-LA
COMPÉTENCE LÉGISLATIVE
ET RÉGLEMENTAIRE
DES ORGANES COLLECTIFS
EN DROIT DES GENS
PROEFSCHRIFT TER VERKRIJGING VAN
DEN GRAAD VAN DOCTOR IN DE
RECHTSGELEERDHEID AAN DE RIJKS-
UNIVERSITEIT TE UTRECHT. OP GEZAG
VAN DEN RECTOR MAGNIFICUS. DR. W.
E. RINGER. HOOGLEERAAR IN DE
FACULTEIT DER GENEESKUNDE, VOL-
GENS BESLUIT VAN DEN SENAAT DER
UNIVERSITEIT TE VERDEDIGEN TEGEN
DE BEDENKINGEN VAN DE FACULTEIT
DER RECHTSGELEERDHEID OP DON-
DERDAG 8 OCTOBER 1936.
DES NAMIDDAGS TE 4 UUR
DOOR MEESTER
EDMOND-JOSEPH-EUGÈNE-MARIE-HUBERT JASPAR
GEBOREN TE MAASTRICHT
IMPRIMERIE BÉNARD
LIÈGE.
BIBLIOTHEEK DER
RIJKSUNIVERSITEIT
UTRECHT.
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AAN MIJNE AANSTAANDE VROUW,
AAN MIJNE OUDERS.
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■/ ^ -C. O' ■ .
-ocr page 9-INTRODUCTION.
Dans un discours prononcé récemment, un des dirigeants de la
politique extérieure de la Grande-Bretagne a dit, que sur le terrain de
la politique internationale et des relations internationales on ne
saurait compter avec un état de choses perpétuel et inaltérable. Une
vérité connue pa.r tout le monde, mais qui n'est estimée à sa juste
valeur que par quelques-uns.
Tous les jours les Etats doivent se conformer à une situation
nouvelle, à des notions qui n'existaient pas antérieurement. Consé-
quemment, la communauté internationale, se trouvant placée devant
des principes changés, doit s'accommoder à un nouvel état de choses,.
Quiconque est pénétré de la vérité et de la valeur de cet axiome
défendu par l'homme d'état britannique, ne s'étonnera pas des événe-
ments actuels. Sans vouloir les prôner, il comprendra que ceux-ci
sortent d'une loi éternelle impliquant que tout change, tant le monde
que l'homme et ses institutions.
Et, seulement pour qui vit dans le crépuscule dangereux et irréel de
l'imagination des temps passés, les événements resteront toujours des
énigmes incompréhensibles.
Mais si cette vérité, que tout ce que l'homme établit ou a effectué
change et doit changer, est applicable aux relations internationales,
elle est également applicable au droit; celui-ci étant l'image de l'évo-
lution constante que les individus subissent.
Depuis les temps les plus reculés de l'antiquité, où il y avait déjà
une certaine notion de droit, nous voyons un développement continu
des notions et conceptions du droit et de ses institutions.
Et aussi en nos jours, il y a un changement constant des principes
et de la pratique du droit. Un simple coup d'oeil dans la législation
et la jurisprudence modernes suffit pour nous le démontrer clairement.
Tant dans le droit interne de l'Etat que dans le droit international,
nous trouvons à l'heure présente, des principes, des notions, des
institutions que tout le monde accepte comme étant équitables et
justes, et dont personne ne s'étonne, mais que nos aïeux n'auraient
pas hésité de qualifier comme insensés, fantastiques ef impossibles.
Mais tous ceux qui comme nous sont persuadés de la vérité
incontestable que « le droit, en effet, n'est que l'image de la vie » (i),
ne sauront s'étonner de tant de modifications que le droit a subies et
subit encore fous les jours. Le droit interne, dans son développement
ef ses institutions, plus parfait que le droit des gens, est plus ouvert aux
nouvelles tendances qui vivent dans le peuple.
Depuis des dizaines d'années nous avons vu pénétrer dans le
droit interne, tant privé que public, une quantité considérable de
modifications qui, en plusieurs cas, ont fondamentalement changé les
règles existantes.
En ce qui concerne le droit civil néerlandais, nous n'avons qu'à
rappeler la loi sur le contrat collectif du travail, dit : « Wet houdende
nadere regeling van de Collectieve Arbeidsovereenkomst », du
24 décembre 1927 (2).
Cette loi, réglant les contrats collectifs de travail, signés entre les
groupements d' employeurs et d'employés, est un exemple remarquable
de délégation de compétence réglementaire dans le droit civil.
Car, les membres de ces sociétés d'employeurs et d'employés qui,
de par leurs règlements, ont autorisé leurs sociétés à signer de pareils
contrats, sont, d'après l'article 9 de cette loi, liés par ce contrat. Or,
en conférant aux sociétés le pouvoir de régler dorénavant les condi-
tions du travail, les membres individuels ont délégué ce pouvoir, qu'ils
possédaient auparavant eux-mêmes, à la société qui les lie.
Dans le droit public néerlandais, nous trouvons aussi un exemple
analogue de délégation de compétence législative, qui en nos jours
devient de plus en plus fréquente.
D'après l'article 55 de la Constitution des Pays-Bas, le roi
peut édicter des règlements d'administration publique ; légalement ces
règlements ne pourront contenir de dispositions sanctionnées par des
peines, si ce n'est en vertu d'une loi. Les peines doivent être réglées
par la loi. C'est ainsi qu'il a été conféré constitutionnellement au roi
le pouvoir législatif.
(1)nbsp;POLITIS, Le.! nouvelles tendanced du droit international, p. i3.
(2)nbsp;Staatsblad 1927, nquot; 415.
-ocr page 11-Il y a quelques dizaines d'années, le roi ne se servait que très
modestement de cette compétence. Mais les derniers temps, la
Chambre des Députés et le Sénat sont tellement comblés de travail,
qu'assez souvent ils ne savent pas trouver le temps pour régler tous
les sujets qui sont soumis à leur vote; sujets qui, en général, sont très
techniques et détaillés, et qui exigent, de chaque député et sénateur,
une connaissance spéciale et une étude approfondie. Chose impossible,
vu la grande diversité des sujets et l'urgence avec laquelle toutes les
lois doivent être établies pour répondre aux exigences de la vie. C'est
pourquoi on voit de plus en plus que le parlement n'arrête que les
grandes lignes générales, chargeant en même temps le roi d'élaborer
la matière spéciale de la loi. Les départements ministériels, avec leurs
corps de fonctionnaires spécialistes, sont plus propres à élaborer toutes
ces nuances difficiles et variées, auxquelles on reconnaît la législation
moderne. Les principes donc sont établis par la Chambre des Députés
et le Sénat, l'élaboration par le Roi constitutionnel, cela veut dire :
par le ministre et ses fonctionnaires. Ce mode de légiférer gagne de
plus en plus du terrain.
Il n'est donc point étonnant que, lors de la dernière revision
constitutionnelle en 1922, on ait introduit un article qui vise la
possibilité de conférer le pouvoir réglementaire à d'autres organes que
ceux énumérés dans la Constitution, c'est-à-dire les Etats généraux,
le Roi, les Etats provinciaux, le Conseil communal, et la Direction
des wateringues, tourbières et polders. Car, d'après l'article 194,
« la loi peut donner pouvoir réglementaire à d'autres corps que ceux
nommés dans la loi fondamentale ». Cet article a été inséré pour per-
mettre au législateur ordinaire, le parlement, de conférer une compé-
tence réglementaire à des organes de la vie professionnelle. Cet article
peut trouver application aussi en d'autres cas où il existe un besoin de
corporations à but déterminé.
Le sujet de cette thèse appartenant au droit des gens, nous ne
voulons pas insister sur ces exemples du droit national. Cependant, il
nous paraissait indispensable, pour une bonne compréhension de la
matière, de mettre au clair qu'en droit national on se sert de plus en
plus de la figure juridique de la délégation de pouvoir législatif et de
compétence réglementaire.
Toutefois, il nous semble opportun d'expliquer l'usage dans le titre
de notre thèse de l'expression «compétence législative et réglementaire».
Si nous avons préféré celle de « compétence législative et régle-
mentaire », c'est que nous estimons qu'il y a encore quelque différence
entre la compétence législative et la compétence réglementaire. En
droit national, nous avons la délégation de pouvoir législatif qui, aussi
en droit des gens, se présente déjà. Elle est la forme la plus pure et la
plus conforme à la notion fondamentale du mot. Dans le cas de la
compétence législative, un droit législatif dans le sens strict du mot
est délégué à un tiers ou à un nouvel organe international. La compé-
tence réglementaire a plutôt trait au pouvoir de faire des règlements
qui ont plus particulièrement un caractère administratif, et aux cas
dans lesquels la compétence législative n'est pas si complètement
exigée que quand il s'agit d'une véritable compétence législative.
Après ces exemples de délégation de compétence réglementaire
en droit national, peut-on s'attendre à trouver des exemples analogues
dans le droit des gens ? En effet, il y en a également.
Cependant, vu la jeunesse relative du droit des gens par compa-
raison au droit national, vu aussi le fait indéniable que le droit des
gens n'est pas aussi développé que le droit national on pourrait, à
juste titre, s'attendre à ne point trouver des exemples pareils dans le
droit des gens. Et néanmoins, celui-ci aussi nous offre des exemples
intéressants de cette figure juridique. Et ce qui est plus remarquable,
c'est que cette figure n'a pas fait son entrée depuis l'ère de la Société
des Nations, qui, incontestablement, a donné le branle à un développe-
ment plus intense du droit des gens. Car déjà le siècle passé nous
offre des exemples intéressants de cette délégation de compétence
réglementaire. Evidemment, depuis la Société des Nations on a usé
de plus en plus de la délégation; cela n'empêche pas, que les juris-
consultes, hommes d'état et diplomates du siècle passé aient su la
manipuler avec beaucoup de maîtrise.
Mais avant d'en donner les preuves, en abordant les différents
exemples, il nous paraît indispensable de déterminer et de formuler
aussi concrètement que possible la notion et les principes fondamen-
taux de la délégation de compétence législative et réglementaire.
La délégation de compétence législative et réglementaire, peu
importe qu'elle se présente en droit national ou en droit international.
est toujours caractérisée, par le fait même de son existence, par un
élément remarquable et de la plus haute importance. La délégation con-
tient toujours de la part de celui qui confère, qui transmet le pouvoir
ou la compétence à un autre, une cession de droits qui appartiennent
au donneur. Ces droits comprenant des pouvoirs ou des compétences,
appartiennent automatiquement au donataire de par leur cession.
Et le donneur, auparavant sujet de ses droits, est lié dorénavant par
toutes les prescriptions arrêtées en vertu de ces pouvoirs et compé-
tences. Or, si un organe, qu'il appartienne à la sphère nationale ou
internationale, organe muni de pouvoirs législatifs, transmet ses pou-
voirs à un autre organe avec la connaissance qu'il sera dorénavant
soumis aux prescriptions de ce dernier organe, l'organe primaire
perdra automatiquement, non seulement ses droits et pouvoirs, mais
aussi en ce rapport son indépendance. Il nous semble qu'on ne saurait
contester cette thèse ; nous voulons l'illustrer par un exemple de
délégation de pouvoir législatif en droit national.
Les Etats généraux des Pays-Bas arrêtent une loi sur une matière
difficile et épineuse. Pour gagner du temps et éviter de s'enfoncer dans
des difiîcultés, les Chambres ne donnent dans cette loi que les grandes
lignes, autorisant la Couronne de développer et d'arrêter les réglemen-
tations spéciales dans un règlement d'administration publique. La
Couronne, et dans la monarchie constitutionnelle le ministre respon-
sable, arrête les prescriptions, qui du moment de leiu- promulgation
ont force de loi pour le peuple. Or, en pareil cas, le peuple représenté
par son parlement muni de pouvoirs législatifs, délègue ses pouvoirs
à un autre organe et est lié par les prescriptions de ce nouvel organe.
Le peuple, donc les Chambres cèdent une partie de lexu-s compétences
et par cela de leur liberté, de faire des lois d'après leur propre gré.
Il cède donc une partie de son indépendance.
Peut-on donner un exemple analogue de délégation de compé-
tence réglementaire en droit des gens ?
La réponse à cette question dépendra complètement de l'idée qu'on
a des droits et des devoirs que les Etats ont les uns envers les autres.
Car, en effet, il existe une divergence de point de vue relative à cette
question : entre Etats existe-t-il un droit véritable, oui ou non ? Les
partisans de la théorie qu'entre Etats un droit véritable n'existe pas,
basent leur thèse sur l'axiome que le droit est la relation entre un
supérieur et des sujets, et que les Etats n'ont pas de supérieur; qu'ils
sont coordonnés et non subordonnés. M. John Austin, dans ses célèbres
« Lectures on jurisprudence » a défendu cette théorie (i). Toutefois,
la théorie du grand jurisconsulte ne nous semble pas juste. La relation
« supérieur-sujet » n'est pas conditio éine qua non, pour que le droit soit
revêtu du caractère obligatoire. D' après M.. Austin, on ne peut parler
de droit que là où il s'agit de deux parties, l'une qui ordonne, l'autre
qui obéit, donc un rapport de subordination. Quand même, la pratique
du droit, aussi du droit civil, nous démontre que la figure de coordi-
nation, où il y a deux parties complètement égales, qui créent entre
elles du droit par lequel elles seront liées, est très possible. Pour se
borner au droit civil néerlandais, on n'aurait à penser qu'au contrat
collectif du travail. Ici, tant l'employeur que l'employé, sont en même
temps et les sujets qui créent le droit conventionnel ayant dorénavant
force de loi entre eux, et les sujets qui sont soumis à ce droit qu'ils ont
arrêté de par leur libre volonté.
D'après nous on peut dire la même chose relativement au droit
entre Etats. Les Etats comme sujets du droit des gens concluent des
traités avec d'autres Etats ; par ces traités, les Etats souverains
créent des règles de droit pour leurs relations réciproques, mais, ce
faisant, ils créent en même temps du droit et des obligations auxquels
ils devront obéir eux-mêmes à l'avenir. En effet, les Etats ne sont liés
que par les traités qu'ils ont librement conclus ; mais dès qu'ils les ont
ratifiés, ils ne sauraient se soustraire aux obligations qu'ils ont
contractées de letu' libre et propre volonté, en vertu de leur sou-
veraineté. Certainement il n'y a pas encore un organe ou pouvoir
supérieur aux Etats qui puisse les forcer à remplir leurs obliga-
tions. Quand même, les Etats sont liés par leurs traités, au moins
si l'on accepte le principe fondamental « pacta sunt servanda », principe
sans lequel tout le droit des gens cesserait d'exister. Si l'on n'accepte
pas la doctrine de l'autolimitation des Etats, tant peu satisfaisante
qu'elle soit d'après M. Politis (2), il n'y a plus question de traités,
ni de relations juridiques entre les Etats, ni de droit des gens. Mais
si, à l'inverse, on accepte la doctrine que les Etats en possession de la
(1)nbsp;Cité par PoUTls, Leé nouvelUà tendanceà du droit international, p. 19.
(2)nbsp;PonTls, Led nouvelleà tendances du droit international, p. 20.
-ocr page 15-souveraineté peuvent de par cette souveraineté, cette indépendance
faire des traités, se lier envers d'autres, on accepte également qu'ils
peuvent créer du droit qui pour eux est obligatoire. Nous estimons
que cette théorie est juste ; et la pratique du droit est là pour la sanc-
tionner. Si on ne l'accepte pas, si l'on n'admet pas qu'il existe entre les
Etats un droit véritable, c'en est fini du droit des gens. Car, pour le
droit des gens ayant comme seule base fondamentale possible le
principe « pacta sunt servanda », l'acceptation ou non de la théorie
qu'entre Etats un droit véritable est possible et existe en réalité, est
une question de vie ou de mort.
Tout le droit des gens, toutes les relations juridiques ont comme
sources : la coutume et les traités.
Si l'on n'accepte pas que les traités, conclus par les Etats entre
eux, créent du droit pour les parties contractantes, on enlève une des
pierres angulaires les plus importantes tant au droit des gens qu'à la
communauté internationale.
Il n'est guère nécessaire de dire que les Etats, dans leurs relations
réciproques, ont toujours envisagé les traités comme sources de droit
entre eux.
Cela se voit en temps de paix par l'exactitude qu'on manifeste en
général pour faire observer les traités ; cela se voit, quand il s'agit de
défendre les clauses des traités contre une non-exécution ; cela se voit
aussi en temps de guerre, par l'indignation générale quand il est
question de part ou d'avitre de rompre les dispositions des traités, et
par l'acharnement avec lequel tout le monde défend leur observation.
Et nous ne comprenons pas pourquoi, à défaut d'un pouvoir ou
d'un organe supérieur auquel les états doivent obéir, un droit véritable
serait impossible ; car tous les éléments pour un droit pareil existent.
Car si les règles du droit des gens n'imposent pas des obligations
pm'ement morales, par contre, elles contiennent incontestablement
d'un côté des obligations juridiques, de l'autre, des droits. A l'heure
présente, vu l'état du développement culturel des peuples, il ne peut
exister aucun doute sur la nature juridique de ces règles. La base
fondamentale de la sujétion des Etats aux règles du droit des gens
se trouve, comme nous avons dit, dans la règle « pacta sunt servanda »,
règle appartenant au droit naturel (i).
(i) Voir Kleintjes, o. c. pp. i et suiv., et note i, page 5.
-ocr page 16-Or, si la théorie qu'entre Etats un droit véritable est possible et
existe, est, en effet, juste; si la thèse que par ce droit les Etats peuvent
se lier entre eux est exacte, tant d'après les principes généraux du
droit, que d'après la pratique suivie par les Etats, une nouvelle conclu-
sion se fait admettre.
Du moment qu'on accepte l'autolimitation des Etats, c'est-à-dire
que les Etats ont la compétence de faire des traités qui créent pour
eux du droit, et que cette compétence n'appartient qu'à eux seuls, on
admet en même temps que l'objet de ces traités est complètement
indifférent. Les Etats, dans les limites du droit des gens et du Pacte
de la Société des Nations, juges uniques dans leurs propres affaires,
ont le droit de conclure des traités sur n'importe quel sujet.
Il va sans dire qu'il y a grand nombre de conventions inter-
nationales qui ne traitent que de questions administratives peu
épineuses. Mais il y en a aussi dont le sujet est d'une importance
primordiale, et par lesquelles assez souvent les Etats abandonnent une
partie de leur souveraineté. Et il y en a même dans lesquelles les Etats
contractants transmettent leur pouvoir important de faire des réglemen-
tations, à un autre organe.
Ici les Etats investis du pouvoir de faire des réglementations qui
entre eux auront force de loi, délèguent ce pouvoir à un organe nouveau,
s'obligeant de se soumettre aux réglementations de cet organe sans
ratification ou approbation nouvelle de leur part.
Comme en droit national, le roi, muni en vertu d'une loi des Etats
généraux du pouvoir législatif, peut arrêter des règlements d'adminis-
tration publique obligatoires sans nouveau vote de la part du parle-
ment, de même en droit des gens, le tiers organe, muni par les Etats
de la compétence réglementaire, en vertu d'un traité, peut établir des
règlements qui auront force de loi sans une nouvelle ratification par
les Etats en question.
Et c'est ici que se présente la délégation de compétence législative
et réglementaire en droit des gens.
Cette délégation de compétence réglementaire est-elle une réalité
de la pratique du droit, ou n'est-elle plutôt qu'une des possibilités de
la théorie juridique ? Y-a-t-il vraiment des traités qui confèrent à un
nouveau tiers organe la compétence réglementaire, ou est-ce plutôt
un des vœux pieux des jurisconsultes ?
D' après nous, et cette affirmation deviendra encore plus claire
dès que nous serons arrivé à l'exposé des différents exemples; il y a
incontestablement des traités qui délèguent la compétence législative
et réglementaire, appartenant aux Etats, à un tiers organe et qui sont
conclus tout spécialement et seulement pour déléguer cette compétence.
Nous ne comprenons donc pas que M. Anzilotti, dans son livre,
puisse en parler tout autrement. D'après lui, « il n'existe pas d'organes
collectifs à l'activité desquels l'ordre juridique international rattache
comme effet principal propre, la création de normes juridiques :
l'organe législatif n'est pas sorti, et ne semble pas destiné à sortir à
bref délai du royaume de l'utopie » (i).
Aussi, si l'auteur distingué comprend les mots « organe législatif »
dans le sens que ces mots ont en droit national, nous ne savons point
être d'accord avec lui. Une étude des organes ef des relations inter-
nationaux démontre manifestement que l'organe législatif est bien
sorti du royaume de l'utopie ef qu'il existe en réalité. Et il est de
fait. Indubitablement, qu'il y a des organes en droit des gens ayant
compétence législative et réglementaire, c'est-à-dire qui sont munis
expressément de la compétence d'établir des réglementations géné-
rales obligatoires.
Il y a encore une question que nous devons examiner. Quel est le
principe fondamental de la délégation de compétence réglementaire,
ou sur quoi, sur quel principe jiu-idique la délégation est-elle fondée ?
Un sujet de droit, un porteur de droits peut toujours transmettre
tout ou partie de ses droits à un autre. C'est là un axiome généralement
accepté. Quand on pense à l'adage, en rédaction négative, du Droit
Romain que « nemo plus juris in alium transferre potest quam ipse
habet », on peut dire, en rédaction positive, que tout sujet de droits
peut transmettre tous ses droits à un autre. Chaque personne, naturelle
ou juridique, peut donc comme sujet de droits dans les limites établies
par le droit, céder ses droits et les conférer à un autre. Du fait qu'on
est sujet de droits, on en est aussi le maître, ce qui veut dire qu'on peut
en disposer à discrétion, également dans les limites du droit. Le sujet
des droits en est le seul maître, et personne ne peut lui interdire de
conférer ses droits à un autre.
(i) Anzilotti, o. c., pp. 3oo-3oi.
-ocr page 18-Or, quand le cas échéant un organe quelconque décide — admettant
que cette résolution soit prise conformément aux règles du droit — de
transmettre ses droits quels qu'ils soient à un autre organe, cette
décision n'est que l'émanation normale de l'être sujet des droits.
La figure juridique de sujet de droit a deux sens, l'un positif,
l'autre négatif; le sujet de droit peut ou bien faire valoir ses droits,
déclarer que c'est seulement à lui qu'incombe l'exercice de ses droits,
ou en sens inverse ne pas user de ses droits, et même en disposer
librement et les transmettre à un autre.
Si tout ce qui précède vaut pour le droit national, il vaut également
pour le droit des gens. Les Etats sont les sujets du droit des gens.
Comme porteurs de ces droits, comme souverains, ils peuvent de par
leur souveraineté les manipuler à leur propre gré. Les Etats, sou-
verains, cela veut dire indépendants, exempts de toute subordination
envers d'autres dans les limites du droit des gens, peuvent comme
porteurs de droits — dans l'espèce, du droit de légiférer — ou bien
faire eux-mêmes des réglementations, ou céder leur compétence à cet
égard à un autre organe. Le principe juridique de la délégation de
compétence législative et réglementaire en droit des gens consiste à
être sujet de droit, ce qui comprend automatiquement la liberté, ou
d'user de ses droits ou d'en disposer à discrétion, dire même les céder
et transmettre.
En droit public national, l'ordre juridique décide s'il y aura déléga-
tion de pouvoir législatif ; la délégation de compétence législative et
réglementaire en droit des gens n'est que-la conséquence logique du
fait d'être sujet de droit. Nous ne nous proposons pas d'aborder ici le
problème de la souveraineté des Etats, ce qui serait du reste un
travail inutile, car autant d'auteurs, autant d'opinions différentes.
Mais si on accepte avec nous que la souveraineté est l'indépendance
envers d'autres, la liberté de faire ou de ne pas faire, dans les limites
du droit des gens tout ce qu'un Etat considère être oui ou non dans son
propre intérêt sans être responsable envers d'autres, on doit accepter
également que cette faculté qui confère aux Etats le droit de faire
ou de ne pas faire, leur donne également la compétence de limiter ce
droit d'après leur propre gré. Nous ne voyons pas à quel titre on
pourrait refuser aux Etats souverains le droit de déléguer leur pouvoir
législatif à des organes ad hoc ou permanents.
On ne peut pas nier les réalités du droit qui se sont développées
par la pratique et dont la communauté ne saurait plus être privée, dire
même, sans lesquelles la communauté internationale cesserait d'exister
dans sa forme actuelle.
De par ce fait, les Etats ont même le droit de renoncer complètement
à leur souveraineté. Et parce qu'un porteur de droits ayant le droit de
disposer du tout, peut aussi disposer librement d'une partie, les Etats
se liant par des traités ont également le droit de renoncer à une partie
de leur souveraineté.
Et au-dessus de toute cette construction s'élève la règle originale
et fondamentale « pacta sunt servanda », sans laquelle, d'après les
paroles du regretté M. Loder, « toute organisation est inexistable ».
CHAPITRE PREMIER.
APERÇU HISTORIQUE.
La délégation de compétence réglementaire en droit des gens est
une figure juridique très moderne. Ce n'est que depuis cinquante ans
que nous la voyons débuter. Nul besoin de cliercher avant la moitié
du siècle passé; on n'en trouvera pas d'exemples.
Elle est un symptôme de cette tendance générale qu'on voit
partout à simplifier le droit ef le faire plus conforme aux exigences
de la vie moderne. La pratique du droit moderne nous offre déjà une
quantité très considérable d'exemples et d'hypothèses de délégation;
mais, ce qui est fort intéressant, c'est que tous ces exemples diffèrent
les uns des autres. Peu s'en faut qu'on puisse dire que parmi tous
ces exemples il n'y en a pas deux qui sont identiques. Sans doute il y
en a qui se ressemblent beaucoup, mais comme partout dans la vie
il y a une variation infinie et toujours nouvelle dans la pratique suivie
par les états relativement à la délégation de compétence réglementaire.
Il saute aux yeux que c'est pour cela qu'il est exceptionnellement
difficile de classifier et de cataloguer les différents exemples. Et
quoique nous ne soyons pas partisans d'une classification rigide des
figures juridiques, qui en tous les rapports est irréalisable, nous
sommes cependant persuadés qu'un exposé méthodique, tant au point
de vue de l'ancienneté que de la teneur, est indispensable.
Et même un exposé pareil est difficile à réaliser.
La forme juridique de la délégation de compétence réglementaire
en droit des gens n'a pas connu le développement que nous constatons
relativement aux autres figures juridiques.
Généralement quand il s'agit d'une nouvelle figure juridique, il y
a toujours un début faible, hésitant; puis elle se développe de plus
en plus jusqu'au moment où cette figure est généralement reconnue et
appliquée.
La délégation de compétence réglementaire en droit des gens
n'a pas connu un développement pareil.
Le premier exemple date de la fin du siècle passé et est un specimen
des plus intéressants et des plus développés.
Nous nous sommes proposés de ne donner dans ce chapitre qu un
ample aperçu des différents exemples de délégation que la pratique
du droit présente depuis le premier cas jusqu'à nos jours.
L analyse juridique comparative des différents exemples est
reservée au chapitre suivant. Le chapitre présent donnera une des-
cription des différents exemples comme tels; le chapitre II mettra
au clair les différences et les analogies, du point de vue juridique,
des differents exemples.
DEUX CAS D'ARBITRAGE.
f date de la fin du xixe siècle. Il a trait au cas d'arbitrage
dans l'affaire de la chasse aux phoques dans la mer
J J V Jnbsp;(i)- L'objet du litige avait trait à l'exercice
du droit de chasse aux phoques dans la haute mer de Behring II se
passait entre la Grande-Bretagne d'une part et les Etats-Unis d'Amé-
rique d autre part.
Jusqu'au milieu du xix® siècle cette partie de l'océan avec les
lies et les côtes, relevait exclusivement de l'empire russe, qui avait
fait de la chasse aux phoques à fourrure un monopole d'état Le
gouvernement russe prétendait considérer la mer de Behring comme
une mer fermée, réservée à l'usage exclusif de ses nationaux. Et en
i«2i un ukase impérial du 16 septembre interdit aux étrangers même
de se liwer a la pêche ou à la chasse dans une zone de 100 milles-
marms des cotes et autour des îles. Cette prétention était incontes-
tablement contraire à la règle de la liberté des mers.
La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ne tardèrent pas à formuler
de vives protestations, à la suite desquelles la Russie dut renoncer
a ses prétentions. Elle conclut en 1824 avec la Grande-Bretagne des
conventions par lesquelles elle reconnut que les Américains et les
Anglais avaient dans cette mer les mêmes droits que les Russes.
Un 1867, la Russie céda aux Etats-Unis l'Alaska avec ses
dependances insulaires. Les îles Pribyloff, îles dépendant de la
presqu lie d Alaska, passèrent ainsi sous la souveraineté américaine
A partir de ce moment, la chasse aux phoques de fourrure se déve-
loppait considérablement et devint vite une source importante de
benehces pour les Etats-Unis.
,nbsp;sans dire que la prospérité de ce commerce attira, à partir
de 1883, des étrangers, notamment des Canadiens. Mais leur inter-
vention était vue d un mauvais œil, car elle ne constituait pas seulement
une fâcheuse concurrence, mais elle offrait aussi un réel danger pour
(1) PoLins, La juétice internationale, p. Sa.
O. Hoyer, o. c., p. 226.
-ocr page 23-la conservation de la richesse exploitée, les étrangers n'étant pas,
comme les Américains, soumis aux règles édictées par le gouvernement
américain.
Influencé par ces considérations le gouvernement américain
réclamait les prétentions, autrefois condamnées, de la Russie. Il
voulut, lui aussi, réserver à ses nationaux l'usage exclusif de la chasse
des phoques, sous prétexte que la mer de Behring était une mer
fermée.
Malgré les protestations de la Grande-Bretagne, les Etats-Unis
persistèrent dans leurs prétentions. Comme les Canadiens poursui-
vaient leur pêche, le gouvernement américain se mit à saisir leurs
navires de pêche et à faire condamner capitaines et équipages à
l'amende et à l'emprisonnement. Ces poursuites se passaient en
1886, 1887 et 1888.
Ne pouvant pas arriver à un arrangement amiable, le gouverne-
ment britannique proposa et celui des Etats-Unis accepta de soumettre
l'alïaire à l'arbitrage.
L'accord compromissoire fut signé le 29 février 1892.
Il décidait la réunion à Paris d'un tribunal de sept membres, dont
deux nommés par chacune des parties litigantes et les trois autres par
la France, l'Italie et la Suède-Norvège.
Il précisait enfin la mission du tribunal dans des termes qui
constituent la grande originalité de cet arbitrage. Car outre la question
principale, qui regardait le passé et le présent, il y avait un point
accessoire ayant trait à l'avenir. Si, comme le soutenait la Grande-
Bretagne, la chasse aux phoques était libre pour tous, suivant quelles
règles devrait-elle être exercée pour éviter les conflits entre chasseurs
de nationalités différentes et pour prévenir, dans l'exercice du droit
de chasse, des abus susceptibles de compromettre la conservation
des amphibies.
Ici donc deux états conféraient, en vertu d'un traité, à un tribunal
d'arbitrage la compétence d'arrêter des règlements obligatoires pour
l'avenir.
Le i5 août 1893, le tribunal rendit sa sentence et donnait raison
à la Grande-Bretagne. Et en s'en tenant à un juste milieu, le tribunal
a établi un règlement qui est annexé à la sentence.
Il établissait une zone de protection autour des îles jusqu'à
60 milles. Il limitait la saison de chasse à trois mois, de mai à juillet.
Il imposait le système de la licence et interdisait l'emploi de certains
engins (filets, armes à feu, explosifs). Ce règlement devait rester en
vigueur jusqu'à ce qu'il fût modifié ou aboli, par l'accord des parties,
qui devaient tous les cinq ans le soumettre à un examen de revision.
L'Affalenbsp;A peu près du même temps, date un autre exemple qui
greco- arque. ^^^ affiné au précédent. Ici la délégation se montre liée
à un traité de paix. Pendant la guerre gréco-turque,
relative au régime de la Crète, les Grecs, las de la guerre,
invoquèrent la médiation des puissances européennes. Celles-ci ne la
refusèrent pas.
Le traité gréco-turc du 4 décembre 1897, qui mit fin à la guerre
des deux puissances, avait également réservé la faculté de recourir à
l'arbitrage des ambassadeurs à Constantinople au cas où la Grèce et
la Turquie ne pourraient pas s'entendre par voie de négociations
directes. L'objectif de ces pourparlers n'avait pas été la codification
plus ou moins complète du droit consulaire commun, mais bien plus
la réglementation des privilèges et immunités des consuls hellènes en
Turquie. Elle avait comme but de faire disparaître pour l'avenir les
difficultés qui, dans la pratique antérieure, s'étaient produites dans les
rapports helléno-ottomans. Or, sur ce dernier terrain, les pourparlers
directs à Constantinople aboutirent à un échec.
C'est pourquoi le 14 mai 1900, les délégués hellènes adressèrent,
au nom de leur gouvernement, une note aux ambassadeurs des six
grandes puissances à Constantinople. Ce document, après avoir
montré l'inutilité de toute discussion à la suite du désaccord qui s'était
produit entre les deux gouvernements, continuait ainsi : « C'est
poiu-quoi, nous prévalant de l'article 9 des préliminaires (article i5 du
traité définitif de paix), nous avons l'honneur, d'ordre de notre
gouvernement, de recourir à l'arbitrage collectif des représentants des
six grandes puissances à Constantinople et d'invoquer leur décision
sur les points contestés qu'ils sont appelés à trancher d'une manière
définitive ».
Le 4 juin 1900, les ambassadeurs des six grandes puissances
informèrent les délégués grecs qu'ils étaient autorisés, par leurs
gouvernements respectifs, à accepter le mandat d'arbitrage qu'on
les avait prié d'assumer. Dès le mois d'octobre, l'instance fut contra-
dictoirement engagée et les arbitres mis en possession des premiers
documents du procès.
Le 2 avril 1901, les ambassadeurs rendirent leur sentence arbitrale.
Au lieu de quelques points seulement, ce fut la presque totalité des
clauses de la convention consulaire que les arbitres avaient été
appelés à déterminer.
La mission des arbitres ne consistait pas à dire le droit, à se
prononcer sur le bien-fondé des prétentions respectives, mais à décider
quel usage chacun des deux litigants devait faire de sa liberté dans la
voie des concessions, nécessaires à la conclusion d'un accord. Les
arbitres (levaient arrêter en somme les règles de conduite applicables
aux rapports consulaires entre les deux pays.
Ayant à apprécier l'opportunité de certaines mesures pour
l'avenir, les arbitres se transformaient ainsi en législateurs.
Quant à la Crète ils élaborèrent le règlement de la même date,
qui accordait à l'île un gouverneur crétois, nommé avec l'assentiment
de l'Europe ; proportionnait le nombre des fonctionnaires aux popu-
lations musulmanes et chrétiennes de l'île ; enfin donnait une solution
équitable aux questions relatives à l'assemblée générale, aux finances,
à la gendarmerie, à l'ordre judiciaire, etc. (i).
Il y a donc ici une délégation de compétence réglementaire, de la
part de deux états en litige, à un tribunal arbitral composé des repré-
sentants des six grandes puissances européennes.
COMMISSIONS INTERNATIONALES.
Après l'examen de la compétence législative des tribunaux
arbitraux, nous nous dirigeons vers certains groupes de commissions
internationales qui, depuis le siècle passé, ont été instituées sur tout
le vaste terrain de l'organisation internationale.
Nous commençons par les commissions fluviales, et parmi celles-ci
la Commission centrale du Rhin.
Le Rhin.nbsp;Point n'est besoin pour notre recherche de remonter
jusqu'à l'époque dans laquelle le Rhin, comme tous les
autres fleuves, était soumis à des restrictions nombreuses.
Il sufiit de commencer par le Traité de Vienne de 1815 qui a eu une
influence des plus considérables sur le régime actuel de cette impor-
tante artère commerciale.
Cependant il faut nous rappeler ici la convention qui fut conclue
à Paris le 15 août 1804 entre la France et l'Empire germanique,
convention relative à l'octroi de la navigation du Rhin, « qui constitua
le premier code moderne de législation internationale des fleuves » (2).
Car cette convention, en supprimant tous droits d'étape, de transit et
d'accise (3); en disposant qu'aux différentes autorités locales qui
concourent à la réglementation du fleuve, sera substituée une direction
générale, unique et permanente, revêtue d'un mandat collectif (4),
(1)nbsp;Hoyer, o. c., p. aSi.
Debidour, o. c., t. III, pp. 236, 287, 238.
(2)nbsp;Fauchille, o. c., t. I®', 2« partie, p. 607.
(3)nbsp;Articles 8 et 9.
(4)nbsp;Articles 43 et suiv.
-ocr page 26-declare dans l'article 2 que « le Rhin sera considéré, sous le rapport
de la navigation et du commerce, comme un fleuve commun entre les
deux empires, soumis à des règlements communs ».
A cause du fait que Napoléon devint possesseur de toute la rive
gauche du Rhin le chaos s'introduisit de i8io à 1814.
Il n'est donc point étonnant que les puissances lors de l'élaboration
du Traité de Paris en 1814, qui mettait fin aux guerres napoléoniennes
y insérèrent un article qui stipula : « La navigation sur le Rhin, du
pomt où il devient navigable jusqu'à la mer et réciproquement, sera
libre, de telle sorte qu'elle ne puisse être interdite à personne » (1).
_ Le Congrès de Vienne de 1815 s'occupa effectivement de la ques-
tion des fleuves. Et le 24 mars 1815, il en sortit un règlement relatif
a la libre navigation des rivières, élaboré par une commission composée
des plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-
Bretagne et de la Prusse, auxquels avaient été adjoints ensuite des
délégués des Pays-Bas, de la Bavière, de Bade, de la Hesse grand-
ducale et de Nassau.
Le règlement se compose de trois sections, dont la seconde en
trente-deux articles traite en particulier de la navigation du Rhin. On
y retrouve dans l'article premier, mais avec une modification impor-
tante. 1 article 5 du Traité de Paris. Cet article premier est rédigé
comme suit : « La navigation dans le cours du Rhin, du point où il
devient navigable jusqu'à la mer, soit en descendant, soit en remon-
tant, sera entièrement libre, et ne pourra, sous le rapport du commerce
être interdite à personne en se, conformant toutefois aux règlements
qm seront arrêtés, pour la police, d'une manière uniforme pour tous
et aussi favorable que possible au commerce de toutes les nations ».
/'ï^'l® ^^^ articles concernant la navigation du Rhin annexés
a 1 acte final du Congrès de Vienne instituait une commission centrale,
composée des délégués des états riverains « afin d'établir un contrôle
exact sur l'observation du règlement commun et pour former une
autorité qui puisse servir d'un moyen de communication entre les états
riverains sur tout ce qui regarde la navigation ».
_ D'après les articles 27 et 31 du règlement de Vienne, la Com-
mission centrale devait se réunir à Mayence, le ler juin 1815, pour
établir une réglementation définitive de la navigation du Rhin, régle-
mentation qui serait soumise à l'approbation des états riverains
A cause des difficultés (2) suscitées par la Hollande et la Prusse
la Commission centrale ne pouvait aboutir à un résultat qu'après
quinze années, le 3i mars i83i.nbsp;----- —
(1) Traité de Paris du 3o mai 1814, article 5.
chapifre lï'quot;quot;nbsp;^^nbsp;centrale pour la Navigation 3u Rhin,
Vu le fait que l'approbation de la part des états riverains était
requise pour la réglementation établie par la Commission centrale,
cette commission n'était donc pas encore munie d'une compétence
réglementaire, dans le sens que nous l'entendons ici.
En i83i, cette réglementation fut approuvée par un traité conclu
entre Bade, la Hesse, la Bavière, la France, Nassau, la Hollande et
la Prusse.
Estimant que ce règlement n'était plus en harmonie avec les
conditions actuelles de la navigation, Bade, la Bavière, la France, la
Hesse, la Hollande et la Prusse conclurent une nouvelle convention
qui est connue comme l'Acte de Navigation du Rhin de Mannheim
du 17 octobre 1868.
L'Acte de Mannheim instituait également une commission cen-
trale, composée des délégués des états riverains.
Outre les pouvoirs d'ordre administratif, judiciaire et de surveil-
lance, cette commission avait compétence pour délibérer sur les
propositions des états riverains, spécialement sur celles qui avaient
pour but de modifier ou de compléter l'Acte du Rhin ou les règlements
communément établis, et sur les règlements nouveaux.
Ces modifications et règlements devaient obtenir l'approbation
des états riverains. Ordinairement cette approbation ne s'effectuait
pas par un traité ; mais les modifications étaient, après approbation
par les gouvernements, promulguées par ces gouvernements dans les
pays respectifs (1). Les modifications de l'acte même s'effectuaient
par un traité.
Or, on ne peut pas dire, les faits étant tels, que la Commission
centrale d'après l'Acte de Mannheim possède une compétence régle-
mentaire. Du moment que l'approbation ultérieure et formelle de la
part des états est requise pour les résolutions et dispositions de la
Commission centrale, il ne peut plus être question de compétence
réglementaire autonome. Nous ne comprenons donc pas que M., van
Eysinga veuille démontrer que la Commission centrale possédait une
compétence réglementaire réelle (2). C'est pourquoi nous préférons
nous joindre à M. Struycken qui écrit à ce sujet : « D'après l'Acte de
Mannheim la Commission centrale est un collège de délégués des
états riverains, qui sont engagés au mandat de leurs gouvernements, et
qui sont privés de toute indépendance envers leurs gouvernements.
Dans la Commission centrale ils ne siègent pas comme représentants
d'une compagnie d'intérêts autonomes, mais ils empruntent leur
(1)nbsp;Struycken, o. c., p. 3i.nbsp;. -r. i
(2)nbsp;E^smOA, Proefe eener Inleiding tot het Ne3erlandlt;ich Tradalenrecht, pp. i38 et suiv. Toute-
fois, M. van Eysinga, dans son livre La Commuoion Centrale pour la Navigation du Rhin, paru en ig55,
semble avoir abandonné cette opinion, pp. 68 et suiv.
compétence au mandat de leur gouvernements. Tout ce que les délégués
effectuent dans la Commission centrale, ils l'effectuent au nom de
leurs gouvernements... Or, on ne peut voir, en la Commission centrale,
autre cliose qu'un congrès ou une conférence de délégués des gou-
vernements des états riverains, égal à tout autre congrès ou conférence
internationale » (i).
La Convention de Mannheim, modifiée le 18 septembre 1896 et
le 4 juin 1899, est demeurée en vigueur jusqu'à présent.
Mais le Traité de Paix de Versailles entre les Puissances Alliées
et Associées et l'Allemagne, du 28 juin 1919, s'occupant aussi du
régime du Rhin, a apporté à la Convention de Mannheim certaines
modifications.
L'article 354 Traité de Versailles en effet a déclaré que, en
attendant le régime déterminé par une convention générale (art. 338),
le Rhin resterait régi par la Convention de Mannheim de 1868, sauf
revision dans un délai de six mois de sa mise en vigueur par la Com-
mission centrale reconstituée sur des bases nouvelles, et sauf certaines
modifications immédiates, les Puissances Alliées et Associées se
réservant de s'entendre à ce sujet avec les Pays-Bas, et l'Allemagne
s'engageant à adhérer à toute convention qui interviendrait.
L'entente avec les Pays-Bas a été établie par un protocole du
21 janvier 1921, complété par un protocole additionnel du 29 mars
1923 (2).
Les modifications apportées par le Traité de Versailles à la
Convention de Mannheim sont les suivantes : d'après l'article 355, la
Commission centrale, instituée par la Convention de Mannheim,
comprendra désormais dix-neuf membres, savoir :
deux représentants des Pays-Bas ;
deux représentants de la Suisse ;
quatre représentants des Etats allemands riverains du fleuve ;
quatre représentants de la France, qui nommera en plus le président
de la commission;
deux représentants de la Grande-Bretagne ;
deux représentants de l'Italie;
deux représentants de la Belgique.
Dans le protocole du 21 janvier 1921, les Pays-Bas ont obtenu
trois représentants dans la Commission centrale.
L'article 356 dispose que « les bateaux de toutes les nations et
leurs chargements jouiront de tous les droits et privilèges accordés
(1)nbsp;Struycken, o. c., p. 3i. (La traduction française est de nous.)
(2)nbsp;Struycken, o. c., pp. 112 à ii5.
-ocr page 29-aux bateaux appartenant à la navigation du Rbin et à leurs charge-
ments » et soumet à certaines réserves l'effet des articles i5 à 20 et 26
de la Convention de Mannheim et l'article 4 du Protocole de clôture.
En exécution de l'article 354 du Traité de Versailles, la Com-
mission centrale s'est mise au travail le 26 février 1921 en vue de
procéder à la revision de la Convention de Mannheim. Les nouvelles
dispositions à prendre pour cette revision devaient être conformes aux
dispositions de la convention générale relative aux voies navigables et à
établir avec l'approbation de la Société des Nations. On sait que
cette convention est devenue la Convention générale de Barcelone
du 20 avril 1921.
Plusieurs causes ont retardé le travail de la Com-mission centrale ;
toutefois elle est parvenue à arrêter certaines dispositions, par
exemple une convention du 14 décembre 1922. Jusqu'ici l'accord
définitif ne s'est pas encore réalisé.
Quant aux pouvoirs de la Commission centrale il faut remarquer
relativement au pouvoir législatif ce qui suit.
A l'heure actuelle, la Commission a le pouvoir de prendre ses réso-
lutions à une majorité des voix et pour ses résolutions, l'approbation
ultérieure de la part des gouvernements n'est plus requise. Cependant,
d'après le protocole additionnel du 29 mars 1923, «aucun Etat n'est
tenu d'assurer l'exécution de celles de ces résolutions auxquelles il
refuserait son approbation ».
Incontestablement on se trouve placé ici devant un exemple de
délégation de compétence réglementaire. Mais cet exemple présente
une innovation.
D'après la Convention de Mannheim de 1868, les résolutions de la
Commission centrale devaient être prises à l'unanimité et suivies d'une
promulgation obligatoire dans les états signataires. Par contre,
depuis le Traité de Versailles et le protocole additionnel de 1923,
les résolutions sont prises à la majorité et auront force de loi sans
approbation ultérieure de la part des gouvernements, mais cela ne
vaut que pour les états qui, dans la Commission centrale, y ont donné
leur approbation; les états qui, dans la Commission centi-ale, ont
refusé de donner leur voix à ces résolutions ne sont pas tenus à les
exécuter.
Il s'agit donc ici d'une véritable compétence réglementaire dont la
Commission centrale a été munie, bien qu'elle ne soit pas si parfaite
que celle conférée par exemple aux Commissions du Danube.
Cependant, nous estimons que dans le cas présent nous pouvons
parler d'une compétence réglementaire, quoiqu'un Etat qui, dans la
Commission centrale, a voté contre les résolutions ne soit pas tenu à
les exécuter. Et cela, à plus forte raison, parce que ici il s'agit d'une
a5
-ocr page 30-commission gui prend ses résolutions ni à l'unamité, ni à une majorité
qualifiée, mais à la simple majorité absolue.
Comme partout sur le terrain du droit il n'y a presque jamais deux
cas complètement identiques. Aussi la compétence de la Commission
centrale est-elle un de ces cas qui sont très difficiles à classifier; car
tout dépend de l'idée et de la conception qu'on s'est formées de la
compétence réglementaire.
Quant à nous, nous estimons que dans l'espèce, la Commission
centrale a été munie de compétence réglementaire par les états
contractants. Ceux-ci ne réclament pour eux-mêmes que le droit de la
non-exécution des résolutions auxquelles, dans la Commission centrale,
ils ont refusé leur voix.
Le Danube.nbsp;Nous continuons notre examen des commissions
fluviales par les deux commissions du Danube, c'est-à-
dire, la Commission européenne et la Commission
inter nationale.
Jusqu'au milieu du xix® siècle, les embouchures du Danube étaient
dans une situation déplorable ; le bras Soulina était le mieux navigable
des trois bras où la Russie entravait tant que possible la navigation
pour favoriser Odessa aux dépens de l'Autriche et de la Hongrie, de
sorte que l'accès à la mer Noire leur était coupé. La guerre, dite de la
Crimée, qui en i853 éclata entre la Russie et la Turquie et à laquelle
en 1864 prirent part, comme alliées de la Sublime Porte, la France et
la Grande-Bretagne, vit se poser à plusieurs reprises la question de la
libre navigation du Danube. Et même au cours des hostilités en
août 1864, en vue de déterminer les conditions indispensables au
rétablissement de la paix, des notes fiu'ent échangées par deux des
belligérants, la France et la Grande-Bretagne, avec l'Autriche, qui
indiquaient au nombre des conditions que « la navigation du Danube
à ses embouchures devrait être délivrée de toute entrave et soumise à
l'application des principes consacrés par les actes du Congrès de
Vienne » (1).
Et en décembre un mémorandum des trois puissances déclara
exactement : « Pour donner à la liberté de la navigation du Danube
tout le développement dont elle est susceptible, il conviendrait que le
cours du Bas-Danube, à partir du point où il devient commun aux
deux Etats souverains, fût soustrait à la juridiction territoriale
existante en vertu de l'article 3 du Traité d'Andrinople. En tout cas,
la libre navigation du Danube ne saurait être assm-ée si elle n'est pas
placée sous le contrôle d'une autorité syndicale investie des pouvoirs
(1) Fauchille, o. c., t. I«', 2quot; partie, p. 536.
-ocr page 31-nécessaires pour détruire les obstacles existants aux embouchures
de ce fleuve ou qui s'y formeraient plus tard » (i).
Le i5 mars i855, se réunit à Vienne une conférence entre la
Russie, l'Autriche, la Turquie, la France et la Grande-Bretagne qui
s'occupa de la navigation du Danube. La discussion s'ouvrit sur un
projet présenté par l'Autriche. Des six propositions, sont à noter :
application, garantie par toutes les puissances contractantes, des
articles 108 à 116 de l'Acte du Congrès de Vienne au cours inférieur
du Danube, à partir du point où ce fleuve devient commun à l'Autriche
et à l'Empire Ottoman jusque dans la mer; 2° exclusion sur le Bas-
Danube de tout obstacle quelconque à la libre navigation ; 3° institu-
tion d'un « syndicat européen », composé des délégués des puissances
contractantes, qui, temporaire, aura simplement à relever les obstacles
actuels à la navigation du Bas-Danube, à indiquer les travaux et
moyens pour les faire disparaître, à établir les bases de la législation
réglementaire et de police fluviale et maritime pour la navigation du
cours inférieur du fleuve ; 4° établissement d'une commission exécutive
permanente dite « Commission de la navigation du Bas-Danube »,
composée de délégués des Etats riverains, chargée d'exécuter les
mesures approuvées par les puissances pour l'abolition des obstacles
à la libre navigation de cette portion du fleuve, et d'appliquer et de
développer les principes réglementaires et de police.
Le projet autrichien fut, après quelques modifications, adopté le
23 mars. Le syndicat européen non-exécutif devenait une « commission
européenne », qui, cessant d'être purement transitoire, ne devait être
dissoute que d'un commun accord, et la commission exécutive de la
navigation du Bas-Danube devenait une « com.mission riveraine »
qui, nommém.ent composée de délégués de la Turquie, de la Russie et
de l'Autriche, serait véritablement permanente.
Toutefois, tout cela n'atteignit pas un caractère définitif, car le
4 juin i855 la Conférence de Vienne dut suspendre ses délibérations,
la Russie refusant d'admettre comme condition de la paix future la
solution réclamée par les puissances sur la question des Détroits.
Ce fut seulement après la cessation des hostilités et lors des préli-
minaires formels de paix que la question de la libre navigation du
Danube fut de nouveau mise à l'étude.
L'initiative de ces préliminaires était due au gouvernement autri-
chien ; ils furent réglés dans un protocole signé à Vienne le i®'quot; février
i856 entre l'Autriche, la France, la Grande-Bretagne, la Russie et la
Turquie et fixaient entre autres conditions celle qui suit : « La liberté
du Danube et de ses embouchures sera efficacement assurée par des
(1) Fauchille, o. c., t. I«', 2® partie, p. 536.
-ocr page 32-msfatufaons européennes dans lesquelles les puissances contractantes
seront également représentées, sauf les positions particulières des
nverams qm seront réglées sur les principes établis par l'Acte du
«-ongres de Vienne en matière de navigation iluviale » (i)
Et à l'examen de cette condition avec celui des quatre autres (2)
fut consacree la Conférence de la paix, qui s'ouvrit à Paris le 26
février entre les puissances belligérantes. Malgré la résistance de
1 Autriche, il fut décidé qu'à Paris on s'occuperait du cours entier du
Heuve et non, comme à Vienne, seulement du Bas-Danube
Après de longues discussions un traité fut signé le 3o mars i856
formulant les dispositions suivantes relatives au Danube :
l'A r Les puissances contractantes stipulent que les principes de
lActe du Congres de Vienne destinés à régler la navigatio^n des
fleuves qui separent ou traversent plusieurs états seront appliqués
au Uanube et a ses embouchures (art. i5, par. 1).
20 Sauf les règlements de police et de quarantaine à établir pour
la surete des Etats séparés ou traversés par le fleuve, il ne sera
apporte aucun obstacle quel qu'il soit à la libre navigation : aucune
entrave m redevance non expressément prévue par les stipulations
du traite, aucun peage uniquement basé sur le fait de la navigation
aucun droit sur les marchandises à bord des navires (art. i5, par. 2)'.
30 II est institué pour le Danube deux commissions :
a)nbsp;une « commission européenne », dans laquelle l'Autriche, la
France, la Grande-Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne et la
iurquie auront chacune un délégué et qui, devant avoir une durée de
deux annees, désignera et fera exécuter les travaux nécessaires sur le
iSas-Uanube, depuis Isatcha, pour dégager les embouchures du fleuve
ainsi que les parties de mer y avoisinanfes des sables et autres obstacles
qui les obstruent ;
_ à) une « commission riveraine », composée des délégués des Etats
riverains, c est-à-dire de l'Autriche, de la Bavière, de la Turquie et du
(1) Testa, Recuec/ de, traité, de là Porte ottomane a.ec le, pui,,anee. étrangère,, t. V, pp 38 et suiv
l ^ Principautés danubiennes seraient placées sous le protectLt collecté df Indes
puissances, qui garantiraient leur organisation intérieure; aucune interventionnbsp;^andes
turque ne pourrit avoir lieu sur leur territoire sans un'accordquot;rtLue ^^^^^^^^^
une rectification de frontière aurait lieu du côté de Bessarabienbsp;protectrices,
b)nbsp;La mer Noire serait neutralisée. Un accord aurait lieu à cet égard entre la Russie et la Porte-
il serait annexe au traité principal et garanti par les grandes Cours. La Turquie sera^ adm se dans lé
concert europeen. Tout confli entre elle et une des cinq puissances européennes serait d'aCd tum s
aux quatre autres Enfin le pnncipe de la fermeture des détroits serait de nouveau proclamé
et d.nbsp;droits desChretiens ce Turquie seraient confirmés sans aucun préjudice de l'indépendance
stïttxrnTin^^^^^^nbsp;^ - —^ la RUTS-:
un iJlf^^'nbsp;conditions ci-dessus, pourraient en poser d'autres dans
^ mteret europeen. (Texte officiel des Préliminaires de Paix, ivïartens, N. R. G., t. XV, pp. 7^3
-ocr page 33-Wurtemberg, auxquels se réuniront les commissaires des trois Princi-
pautés Danubiennes dont la nomination aura été approuvée par la
Porte, et qui d'un caractère permanent : élaborera dans un délai
de deux ans les règlements de navigation et de police fluviale ; 2° fera
dans le même délai disparaître les entraves de quelque nature qu'elles
puissent être, qui s'opposent encore à l'application au Danube des
dispositions du Traité de Vienne; 3° ordonnera et fera exécuter les
travaux nécessaires sur tout le parcours du fleuve; veillera, après
la dissolution de la Commission européenne, au maintien de la navi-
gabilité des embouchures du Danube et des parties de la mer y avoi-
sinantes (art. 17 et 18) (1).
Le règlement que la Commission riveraine devait préparer fut
terminé le 7 novembre 1867 et mis en vigueur entre l'Autriche et
l'Allemagne, mais rejeté par les puissances occidentales, parce que le
petit cabotage, la navigation entre les ports du Danube sans que la
mer fût naviguée, y était réservé, à l'instigation de l'Autriche-Hongrie,
aux Etats riverains. Les puissances persistèrent en leiu- refus de
donner leur approbation aussi à un second projet remis en 1869 par
la commission, de sorte que la Commission riveraine n'a pas su se
maintenir.
La Commission européenne, qui au début n'aurait qu'une durée de
deux années, a eu cependant plus de succès. Elle fut composée d'un
délégué nommé par la France, la Grande-Bretagne, la Prusse, la
Russie, l'Autriche-Hongrie, la Sardaigne et la Turquie. L'acte de
navigation des bouches du Danube, préparé par elle, fut adopté dans
le traité du 2 novembre i865 par les Etats contractants de i856, puis
modifié le 28 mai 1881 à Galatz, pour s'harmoniser avec le Traité
de Berlin. D'après ce traité la Commission européenne aurait le droit
exclusif d'élaborer les règlements de navigation et de police fluviale
pour les bouches du Danube jusqu'à Isatcha (art. 7).
M. Fauchille, traitant de ce Traité et de la Commission euro-
péenne, en dit entre autres : « On peut conclure que la Commission
européenne a un pouvoir législatif puisqu'elle fait des règlements » (2),
c est-à-dire un pouvoir législatif conféré, délégué par les puissances
contractantes dans le Traité de i865 à la Commission européenne.
Dans le Traité de Berlin du i3 juillet 1878, conclu entre les deux
belligérants de la guerre d'Orient, la Turquie et la Russie, et l'Alle-
magne, l'Autriche-Hongrie, la France, la Grande-Bretagne et l'Italie,
furent introduites quelques modifications dans le régime international
du Danube. En ce qui concerne la Commission européenne, il est à
(1)nbsp;Fauchille, o. c., t. I«', 2quot; partie, pp. 55g et 640.
Debidour, o. c., t. II, pp. i5i et 162.
(2)nbsp;Fauchille, o. c., t. I«', 2® partie, p. 646.
-ocr page 34-noter qu'elle fut augmentée d'un délégué roumain, confirmée dans sa
situation antérieure. Elle exercera dorénavant ses fonctions dans une
complète indépendance de l'autorité territoriale (art. 64). Sa juridic-
tion, dont la durée et les conditions doivent dépendre d'un accord des
puissances, est étendue jusqu'à Galatz (art. 53). Et, chose remarquable,
elle est expressément chargée d'élaborer, de concert avec les délégués
des états riverains et en harmonie avec ceux édictés pour le parcours en
aval de Galatz, les règlements de navigation et de police applicables à
la section du fleuve (roumaine, bulgare et serbe) comprise entre Galatz
et les Portes de Fer, à la frontière hongroise (art. 55). Par cela, la
commission, jusqu'ici presque uniquement technique, se transforma
en commission administrative et législative; cela s'explique par le
fait que la Commission riveraine n'ayant jamais pu fonctionner, il
fallait à son défaut désigner une autre autorité pour en tenir lieu.
Dans le Traité de Londres signé le 10 mars i883 les pouvoirs de la
commission furent prorogés pour vingt et un ans et l'autorité de la
commission fut étendue jusqu'à Braïla (art. 1 ef 2).
Telle était à peu près la situation du régime du Danube jusqu'à la
fin de la guerre mondiale. Dans le courant de cette guerre, il est vrai,
la Roumanie a, séparément de la France et des autres Puissances
Alliées, conclu à Bucarest un traité avec l'Allemagne, l'Autriche-
Hongrie, la Turquie et la Bulgarie, par lequel les pouvoirs de la
Commission européenne furent considérablement diminués, mais cette
modification de la situation existante n'est jamais entrée en vigueur.
Le Traité de paix de Saint-Germain, mettant fin à la grande guerre,
abroge le Traité de Bucarest et déclare le Danube fleuve international
depuis Ulm (1).
Le traité rétablit expressément l'ancienne Commission européenne
telle qu'elle existait avant la guerre, avec cette modification qu'elle ne
comprendra provisoirement que des représentants de la Grande-
Bretagne, de la France, de l'Italie et de la Roumanie (art. 3oi).
Les Traités de Versailles, de Saint-Germain, de Trianon et de
Neuilly instituèrent en outre en amont du parcours soumis à la
juridiction de la Commission européenne, c'est-à-dire pour le Haut-
Danube, depuis Braïla jusqu'à Ulm, une nouvelle commission : la
Commission internationale (2).
(1)nbsp;Traité de Saint-Germain, art. 291.
Traité de Versailles, art. 331.
Traité de Trianon, art. 275.
Traité de Neuilly, art. 219.
(2)nbsp;Traité de Versailles, art. 341.
Traité de Saint-Germain, art. 3o2.
Traité de Trianon, art. 286.
Traité de Neuilly, art. 23o.
3o
-ocr page 35-Cette Commission internationale serait composée de deux repré-
sentants des Etats allemands riverains, d'un représentant de chacun
des autres Etats riverains, et d'un représentant de chacun des Etats
non-riverains représentés à l'avenir à la Commission européenne du
Danube (traité de Versailles, art. 647 et articles correspondants des
autres traités de paix). Et dans l'article 648 du traité de Versailles
un statut définitif du Danube fut annoncé.
Ce régime définitif a été établi, avec la collaboration de représen-
tants de l'Allemag ne, de l'Autriche, de la Hongrie et de la Bulgarie,
qui dans les traités de paix s'étaient engagées préalablement à accepter
le règlement à établir, en vertu d'un traité du 23 juillet 1921, conclu
entre la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie,
la Roumanie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la
Tchéco-Slovaquie.
Ce Traité de Paris contient les dispositions suivantes :
1° La navigation du Danube est libre et ouverte à tous les pavillons
dans des conditions d'égalité complète sur fout le cours navigable du
fleuve, c'est-à-dire entre Ulm et la mer Noire et sur tout le réseau
fluvial internationalisé qui comprend la Morava et la Thaya (dans
leurs cours frontières entre l'Autriche et la Tchéco-Slovaquie), la
Drave (depuis Bares), la Tisza (depuis l'embouchure du Samos), le
Maros (depuis Arad), ainsi que sur les canaux ou chenaux latéraux
(art. 1 et 2).
20 Le Danube est divisé en deux parties : a) Le Danube maritime,
de la mer Noire à Braila ; b) Le Danube fluvial, depuis Braïla à Ulm,
comprenant aussi le réseau fluvial internationalisé.
La liberté de la navigation et l'égalité entre les pavillons sont
assurées sur chacune des parties par une commission différente : sur
la première par la Commiddon européenne du Danube ; sur la seconde par
la Commiààion intcrnationaLe du Danube (art. 3).
La Commission européenne est composée d'un représentant de la
France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de la Roumanie et elle
Siège à Galatz. Ses pouvoirs sont les mêmes que ceux qu'elle avait
avant la guerre : donc elle est munie également d'une compétence
réglementaire, déléguée expressément par les puissances (art. 4 à 7
du traité de Paris de 1921).
Nous avons déjà parlé de la composition de la nouvelle com-
mission : la Commission internationale du Danube. Pour notre
exposé, l'article 24 du traité de Paris de 1921, relatif à cette nouvelle
commission, est le plus intéressant. La Commission internationale
^aborera les règlements de navigation et de police, que chacun-des
Etats riverains appliquera sur son territoire. Ici, les Etats représentés
à la Conférence de Paris en 1921 et mentionnés ci-dessus ont conféré
à la Commission internationale du Danube, le pouvoir de faire des
règlements, avec la disposition que les états riverains ont le devoir de
les appliquer sur leurs territoires.
Ce Traité de Paris est entré en vigueur au mois d'octobre 1922. Il
présente un exemple remarquable de délégation de compétence régle-
mentaire. Car ici il s'agit d'une commission instituée pour un fleuve
qui traverse plusieurs états et qui est d'une importance capitale pour
le commerce entre l'Orient et l'Occident.
Le Congo.nbsp;La situation est différente pour le Congo.
Le régime de ce grand fleuve date de la Conférence
de Berlin qui s'ouvrit le i5 novembre 1884. Quatorze
états y prirent part : l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Belgique,
le Danemark, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la
Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la
Suède-Norvège et la Turquie.
Les délibérations de la Conférence de Berlin aboutirent le 26
février i885 à la signature d'un Acte général composé de trente-huit
articles formant sept chapitres (1).
Ces chapitres comprennent :
1° Une déclaration relative à la liberté du commerce dans le
bassin du Congo, ses embouchures et pays circonvoisins, et dispositions
connexes ;
2® Une déclaration relative à la traite des esclaves ;
30 Une déclaration relative à la neutralité des territoires compris
dans le bassin conventionnel du Congo ;
40 L'acte de navigation du Congo ;
50 L'acte de navigation du Niger;
6° Une déclaration relative aux conditions essentielles à remplir
pour que des occupations nouvelles sur les côtes du continent africain
soient considérées comme effectives ;
Des dispositions générales.
Le chapitre IV, dans ses articles i3 à 26, traite donc de la navi-
gation et du régime du Congo. Comme principe général il déclare
expressément :
« La navigation du Congo... est et demeurera entièrement libre
pour tous les navires marchands, en charge ou sur lest, de toutes les
(1) Debidour, o. c., t. III, i'® partie, pp. 3oi et suiv.
-ocr page 37-nations, tant pour le transport des marchandises que pour celui des
voyageurs » (i). D'après les dispositions de l'article 17, une commission
internationale sera instituée et chargée d'assurer l'exécution des
dispositions du présent Acte de Navigation. Les puissances signataires
de l'Acte du Congo, ainsi que celles qui y adhéreront postérieurement,
poiirront, en tout temps, se faire représenter dans la dite commission,
chacune par un délégué. L'article 20 énumère toutes les attributions
dont la commission a été munie. Et l'article 19, paragraphe 2, en
donne la plus importante, déclarant que « la commission élaborera
immédiatement des règlements de navigation, de pêche fluviale, de
pilotage et de quarantaine ».
A la première vue on croirait trouver ici un exemple de délégation.
Car les signataires de l'Acte général de Berlin de i885 ont conféré
de leur propre volonté à la Commission internationale du Congo, le
pouvoir de faire des règlements. Cependant, ce n'est pas ainsi, le
paragraphe 3 du même article 19 déclarant formellement que « ces
règlements, ainsi que les tarifs à établir par la commission, avant
d'être mis en vigueur, seront soumis à l'approbation des Puissances
représentées dans la Commission ».
Les états signataires de l'Acte général de Berlin n'ont donc pas
su se libérer de l'idée qu'une approbation de leur part des règlements
à arrêter par la Commission internationale du Congo serait indispen-
sable. Ils ont conféré, il est vrai, à la Commission internationale un
pouvoir législatif; mais ils se sont présentés en même temps comme
l'autorité, seule qualifiée pour les approuver et, le cas échéant,
corriger. Ils n'ont pas délégué à la Commission la compétence régle-
mentaire dans le sens qu'ils abandonnaient eux-mêmes le pouvoir
réglementaire en investissant la Commission internationale de ce
pouvoir sans approbation ou correction ultéi-ieure de leur part.
En fait la Commission internationale du Congo n'a jamais été
instituée.
Les traités de paix de 1919-1920, qui ont mis fin à la guerre
mondiale disposent que l'Allemagne, l'Autriche, la Hongrie, la Bul-
garie et la Turquie s'engagent à reconnaître et agréer les conventions
passées ou à passer par les Puissances Alliées et Associées ou cer-
taines d'entre elles avec toute autre puissance relativement aux
matières traitées dans l'Acte général de Berlin du 26 février i885 (2).
(1)nbsp;Article i3.
(2)nbsp;Traité de Versailles, art. 126.
Traité de Saint-Germain, art. SyS.
Traité de Trianon, art. 356.
Traité de Neuilly, art. 290.
Traité de Sèvres, art. 415.
Comme smte à ces dispositions des traités de paix, le lo septembre
1919, une convention a été conclue à Saint-Germain entre les Etats-
Unis la Belgique, l'Empire Britannique, la France, l'Italie, le Japon
et le Portugal qui a abrogé, dans les rapports des parties contractantes,
1 Acte de Berlin du 26 février i885 (1).
Cette convention consacre le principe de la liberté du trafic et de
la navigation. Elle supprime complètement la Commission inter-
nationale prévue par l'Acte de i885 pour assurer l'exécution des règles
afferentes à la navigation du Congo. En effet, elle n'y fait dans son
texte aucune allusion, en disposant simplement dans l'article 8 que
« chacune des parties signataires demeure libre d'établir les règle-
ment qu'elle juge utiles pour assurer la sécurité et le contrôle de la
navigation, étant entendu que ces règlements devront tendre à faciliter
autant que possible la circulation des navires de commerce ».
^ La Commission internationale du Congo, qui, déjà dès l'origine,
n a existé que sur papier, a par cette disposition complètement disparu
de la réalité. Pour l'état complet de notre exposé et comme un exemple
d une tentative vers la délégation, nous avons cependant estimé qu'il
était indispensable de l'insérer ici.
Pour le Niger, l'Acte de Berlin ne prévoit pas l'institution d'une
commission internationale.
dirigerons maintenant vers l'Elbe, le Niemen ou
Memel et 1 Oder.
L'Elbe.nbsp;Il nous semble qu'il n'est pas opportun de donner ici
un aperçu de l'ancien régime de ce fleuve. Une recherche
pareille peut être des plus intéressantes pour l'étude
historique du droit; pour une étude comme la nôtre, qui n'a pour but
que de rassembler les exemples de délégation, tant dans le passé que
dans le présent, elle n'a qu'une valeur de second plan.
Q^iqu'il en soit, le régime de l'Elbe a été complètement modifié
par le Traité de Versailles de 1919. Dans son article 33i. le Traité de
Versadles a proclamé fleuves internationaux : « l'Elbe (Labe) depuis
le confluent de la Vltava (Moldau), et la Vltava (Moldau) depuis
Prague». Et 1 article 332 dispose : «sur les voies déclarées inter-
nationales a 1 article précédent, les ressortissants, les biens et les
pavillons de toutes les Puissances seront traités sur le pied d'une
parfaite égalité, de telle sorte qu'aucune distinction ne soit faite, au
detriment des ressortissants, des biens et du pavillon d'une quelconque
de ces Pmssances, entre ceux-ci et les ressortissants, les biens et le
de la cl ^^nbsp;de cette convention a été contestée. Voir les notes dissidentes jointes à l'arrêt
de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire Chinn, série A/B. n» 63.
-ocr page 39-pavillon de l'état riverain lui-même ou de l'état dont les ressortissants,
les biens et le pavillon jouissent du traitement le plus favorable ».
L'article 340 prescrit que l'Elbe sera placée sous l'administration
d'une commission internationale qui comprendra :
quatre représentants des Etats allemands riverains du fleuve ;
deux représentants de l'Etat tchéco-slovaque ;
un représentant de la Grande-Bretagne;
un représentant de la France ;
un représentant de l'Italie ;
un représentant de la Belgique.
Cette commission, aux termes des articles 342 et 344, devrait se
réunir dans un délai de trois mois à dater de la mise en vigueur du
traité, pour procéder sans délai à l'élaboration d'un projet de revision
des accords internationaux et règlements en vigueur, en se conformant
aux principes de la convention générale sur les fleuves internationaux
à établir d'après l'article 388 par les Puissances Alliées et Associées
avec l'approbation de la Société des Nations, ou, si cette convention
n'est pas encore intervemie, à ceux posés dans les articles 332 et
suivants du traité.
Et conformément aux dispositions de l'article 343 du Traité de
Versailles, les dix membres de la Commission internationale de
l'Elbe se sont réunis à Dresde, pour la première fois en janvier-février
1921, et pour la seconde fois en janvier-février 1922.
C'est dans leur dernière réunion qu'ils ont rédigé un acte relatif
à la navigation de l'Elbe. Cet acte a été constitué par une convention
en cinquante-trois articles, signée le 22 février 1922 par l'Allemagne,
la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Tchéco-
slovaquie, et complétée par un protocole additionnel du 27 janvier
1923 (i). Cette convention définit que la Commission internationale
de l'Elbe possédera la compétence réglementaire. Ses résolutions et
règlements, pris à une majorité absolue ou qualifiée, sont obligatoires
sans approbation ultérieure par les gouvernements. Les états riverains
doivent même soumettre leurs règlements de police de la navigation à
la Commission qui en arrête le texte définitif (art. Sy et 38).
Dans cette convention, les puissances signataires ont conféré leur
propre pouvoir législatif relatif à la réglementation de la navigation à
la Commission internationale de l'Elbe. Et en conférant ce pouvoir ils
Ont même abandonné le droit de correction ou d'approbation ultérieure
des règlements et dispositions pris par la Commission internationale.
(1) Recueil de la Société des Nations, t. XXVI, pp. 220 et 264.
-ocr page 40-L'Oder.nbsp;Le régime de l'Oder est à peu près le même que celui
de l'Elbe.
Grâce à l'article 331 du Traité de Versailles, l'Oder
aussi, a son régime international ; en effet, cet article le déclare fleuve
international depuis le confluent de l'Oppa. D'après l'article 341, il
est placé sous une commission internationale dans laquelle siègent :
trois représentants de la Prusse ;
un représentant de la Pologne;
un représentant de l'Etat tchéco-slovaque ;
un représentant de la Grande-Bretagne;
un représentant de la France ;
un représentant du Danemark ;
un représentant de la Suède.
Les pouvoirs et compétences conférés à la Commission inter-
nationale de l'Oder seront les mêmes que ceux conférés à la Com-
mission de l'Elbe. En particulier elle a la compétence d'arrêter des
règlements qui seront obligatoires et exécutoires sans ratification ou
approbation ultérieure de la part des états intéressés. De sorte que,
après l'exposé sur l'Elbe, que nous avons donné ci-dessus, nous ne
devons plus nous arrêter au régime et à la Commission internationale
de l'Oder.
Le Niemennbsp;Pour le Niemen ou Memel une Commission interna-
ou Memei. tionale jusqu'à présent n'a pas été instituée. Sur requête
adressée à la Société des Nations par un des états
riverains il sera placé sous l'administration d'une com-
mission internationale. Une requête pareille n'a pas encore été
adressée à la Société des Nations (voir article 342 du Traité de
Versailles).
L'Escaut.nbsp;Pour terminer notre examen des commissions inter-
nationales des grands fleuves, il nous faut nous arrêter à
l'Escaut, fleuve d'une importance primordiale pour les
Pays-Bas et la Belgique.
Pour notre examen il sufiit de commencer par la Révolution
belge qui en i83o sépara définitivement la Belgique des Pays-Bas.
Nous savons que cet événement nous a donné trois traités, savoir :
1° le Traité de Londres du 19 avril 1839 conclu entre la Belgique et les
Pays-Bas ; 2® le Traité de Londres conclu à la même date entre la
Belgique et l'Autriche-Hongrie, la France, l'Angleterre, la Prusse et
la Russie; 3° le Traité également signé à Londres le 19 avril 1839
entre les Pays-Bas et l'Autriche-Hongrie, la France, l'Angleterre,
la Prusse et la Russie.
D'abord le Traité néerlando-belge de iSSg stipule dans l'article 9,
paragraphes 1 et 2, que les articles 108 à 117 de l'Acte final de Vienne
relatifs au principe de la liberté de la navigation commerciale pour
toutes les nations, sont déclarés applicables à toute la partie navigable
de l'Escaut.
Une surveillance commune sera instituée sur le fleuve et sera
exercée par des commissaires nommés par les deux gouvernements :
« En ce qui concerne spécialement la navigation de l'Escaut et de ses
embouchures, il est convenu que le pilotage et le balisage, ainsi que la
conservation des passes de l'Escaut en aval d'Anvers, seront soumis
à une surveillance commune, et que cette surveillance commune sera
exercée par des commissaires nommés à cet effet de part et d'autre.
Des droits de pilotage modérés seront fixés d'un commun accord, et
ces droits seront les mêmes pour les navires de toutes les nations » (1).
Il y aura donc des commissaires munis de pouvoirs de surveillance.
Il y aura aussi des commissaires nommés de part et d'autre qui auront en
plus le pouvoir d'arrêter des règlements, car le paragraphe 6 du même
article 9 stipule : « Des commissaires se réuniront de part et d'autre
à Anvers dans le délai d'un mois, tant pour arrêter le montant définitif
et permanent de ces péages, qu'afin de convenir d'un règlement général
pour l'exécution des dispositions du présent article, et d'y comprendre
l'exercice du droit de pêcherie, dans toute l'étendue de l'Escaut, sur
le pied d'une parfaite réciprocité en faveur des sujets des deux pays gt;gt;.
C'est le seul paragraphe du Traité de iS5g qui s'occupe du pouvoir
réglementaire conféré à des commissaires, et nous estimons qu'il est
impossible de voir ici un cas de délégation de compétence réglemen-
taire. Les commissaires visés au paragraphe 6 ne sont que des com-
missaires, ou plutôt des plénipotentiaires désignés par leurs gou-
vernements respectifs pour arrêter un règlement sur les sujets men-
tionnés dans le dit parapraphe.
Le traité tout entier se tait sur la question de savoir si ces règle-
ments des commissaires doivent encore obtenir l'approbation des deux
gouvernements. Et vu le développement du droit des gens en ces
temps, vu aussi les circonstances dans lesquelles le traité en question
a été élaboré, il y a lieu de soutenir la thèse que les gouvernements
belge et néerlandais n'ont pas voulu çéder quelque peu qu'il fût de leur
droit d'approbation ultérieure des règlements arrêtés par les commis-
saires.
j
Pour ces raisons nous préférons ne voir en les règlements des
commissaires que des projets de traités, pour lesquels l'approbation
des gouvernements est indispensable.
(1) Article 9, par. 2, alinéa I.
-ocr page 42-Nous sommes confirmés dans notre opinion par le traité conclu le
3 avril 1926 entre la Belgique et les Pays-Bas.
On sait que ce traité n'est jamais entré en vigueur, parce que la
Première Chambre des Etats généraux des Pays-Bas a refusé d'y
donner son approbation. Cependant il est particulièrement intéressant
pour notre recherche, d'examiner les dispositions que ce traité con-
tenait en ce qui concerne le régime de l'Escaut.
L'article 4, paragraphe 3 prévoit l'institution d'une commission
d'administration composée d'un nombre égal de représentants des deux
états, au moins trois de chaque état; le président n'aura pas de voix
décisive.
D'après le paragraphe 4, la commission décidera, sous forme tant
de dispositions spéciales que de règlements généraux, de tout ce qui
concerne la navigation. En outre la commission arrêtera les règlements
de police nécessaires.
On pourrait croire que, de par ces deux paragraphes, la commission
d'administration ait été munie d'une compétence réglementaire auto-
nome, sans que pour ses résolutions l'approbation ultérieure de la
part des deux gouvernements soit requise. Mais le paragraphe 5 du
même article déclare expressément que « les décisions prises par la
commission devront être approuvées par les deux gouvernements ».
Après cela il ne peut plus être question d'une compétence régle-
mentaire autonome, déléguée par les deux états à la commission
d'administration. Cette commission n'est donc autre chose qu'une
réunion ou conférence des plénipotentiaires des deux gouvernements,
qui peuvent arrêter des règlements, mais ces règlements n'auront force
de loi qu'après approbation par les deux gouvernements.
Lors de l'élaboration du traité de 1926, les deux gouvernements
ont eu la même conception. Car, dans le mémoire interprétatif, nous
lisons relativement au paragraphe 4 : « Il est bien entendu que la
commission n'aura pas compétence pour résoudre directement ou
indirectement des questions de souveraineté » (1).
De ce qui précède, il résulte que les deux états n'ont pas voulu
céder quoi qu'il fût de leur souveraineté. C'est pourquoi ils n'ont pas
délégué leur propre pouvoir législatif à la commission d'administration.
Ils ont simplement autorisé une conférence internationale, la commis-
sion d'administration, à élaborer des projets de règlements qui, après,
doivent obtenir l'approbation des deux gouvernements. Il saute aux
yeux qu'un régime pareil n'a aucune analogie avec la délégation de
compétence réglementaire, où deux ou plusieurs états délèguent à une
commission autonome et indépendante la compétence d'arrêter des
(1) Livre Gris du Gouvernement belge du i5 juin 1929, p. 18.
-ocr page 43-règlements qui auront force de loi pour les états, du moment qu ils
sont arrêtés par un vote de la commission et sans qu'une approbation
ultérieure de la part des gouvernements soit requise.
Cependant il y a dans le traité de 1926 un paragraphe qui fait
penser à une compétence réglementaire autonome de la commission.
C'est le paragraphe 6 du même article 4 qui dispose :
« Pour toutes mesures et tous travaux qui ne pourraient être
différés sans préjudice sérieux pour la navigation jusqu'à l'expiration
des délais prévus au paragraphe 5, par exemple pour les déplacements
ou placements temporaires de feux, balises et bouées, les dragages
urgents, l'enlèvement d'épaves ou autres obstacles à la navigation, les
décisions de la commission seront exécutoires sans être soumises a
l'approbation des gouvernements » (1).
A la première vue il semble que, dans des cas urgents, les deux états
ont délégué leur propre pouvoir législatif à la commission d'administra-
tion. Quand même, nous estimons que la rédaction du premier alinéa
du paragraphe 6 ne permet pas d'y lire plus qu'il ne dit en réalité.
Car ce paragraphe ne dit rien des règlements et dispositions dont
parle le paragraphe 4. Il nous faut donc accepter que même en cas
d'urgence ces règlements doivent obtenir l'approbation des deux
gouvernements. Le paragraphe 6 ne parle que des mesures dont le
délai serait nuisible à la navigation, comme le déplacement des lumieres
et des balises. Ce sont seulement ces mesures qui en cas d urgence
peuvent être prises par la commission d'administration sans qu elles
doivent encore obtenir l'approbation des gouvernements.
Nous préférons envisager ce pouvoir dont la commission d'admi-
nistration est investie comme un pouvoir exécutif plutôt que de le
considérer comme une compétence réglementaire. Nous admettons
tout de suite qu'il est particulièrement difficile d'indiquer où le pouvoir
exécutif prend sa fin et la compétence réglementaire commence;
surtout dans le cas en question. Si nous maintenons cependant notre
thèse, nous nous basons principalement et sur le texte même du
paragraphe relatif, et sur l'esprit du traité tout entier, qm est la
pour prouver, comme nous l'avons dit ci-dessus, que les gouvernements
n'ont pas eu l'intention de céder quoi qu'il soit de leur souverainete.
En résumé, nous pouvons donc dire que le traité non-ratifie entre
la Belgique et les Pays-Bas du 3 avril 1926, ne contient pas de dispo-
sitions desquelles on pourrait déduire que les deux états auraient
délégué à la commission d'administration de l'Escaut une competence
réglementaire autonome.
(1) Livre Gris du Gouvernement belge du i5 juin 1929, p. 18.
-ocr page 44-LA COMMISSION DES DÉTROITS.
Il nous semble nécessaire de donner préalablement un aperçu
historique sommaire du régime des Détroits.
Les eaux nommées les Détroits sont composées des Dardanelles,
de la mer de Marmara et du Bosphore.
Avant que la Russie ne se fût établie sur la mer Noire, la Turquie
possédait la souveraineté complète des Détroits. Quand vers la fin du
xviii® siècle, la Russie s'établit sur la mer Noire par le Traité de
Kutchuk-Kaïnardji de 1774, elle obtint par le même traité le droit de
la libre navigation sur toutes les eaux ottomanes (1).
Dans le Traité de paix de 1809 entre l'Angleterre et la Turquie il
a été stipulé : « Comme il a été de tout temps défendu aux vaisseaux
de guerre d'entrer dans le canal de Constantinople, savoir dans le
détroit des Dardanelles et dans celui de la mer Noire ; et comme cette
ancienne règle de l'Empire Ottoman doit être de même observée
dorénavant en temps de paix vis-à-vis de toute puissance quelle qu'elle
soit, la Cour britannique promet aussi de se conformer à ce prin-
cipe » (2).
Pendant les années suivantes jusqu'au Congrès de Berlin de 1878,
nous rencontrons une quantité de traités, dont les uns confèrent à la
Russie un privilège sur la navigation des Détroits et les autres con-
tiennent pour les puissances de l'Occident « l'ancienne et dure règle
de l'Empire Ottoman », c'est-à-dire défense aux états étrangers de
faire passer les Détroits par leurs navires de guerre. Parmi les
premiers on peut compter le Traité d'Unkiar Skelessi de i833;
parmi les seconds, le Traité émané de la Quadruple Alliance de 1840
et le Traité de Paix de Paris de i856.
Par l'article 63 du'Traité de Berlin de 1878, le « status quo ante »
fut maintenu, tel qu'il existait depuis le traité de 1871. Aux termes de
l'article 2 de ce dernier traité, « le principe de la clôture des Détroits,
des Dardanelles et du Bosphore, tel qu'il a été établi par la convention
séparée du 3o mars i856, est maintenu, avec la faculté pour Sa Majesté
Impériale le Sultan d'ouvrir les dits Détroits en temps de paix aux
bâtiments de guerre des Puissances Amies et Alliées, dans le cas où
la Sublime Porte le jugerait nécessaire pour sauvegarder l'exécution
des stipulations du Traité de Paris du 3o mars i856 ».
Le Traité de Sèvres du 10 août 1920, entre les Puissances Alliées
et Associées et la Turquie a élaboré un nouveau régime pour les
(1)nbsp;Texte du traité dans : Fleischmann, l^ölkerrechtifueLLen, 1906.
(2)nbsp;Article 11 du Traité entre l'Angleterre et la Turquie du 5 janvier 1809.
Voir de Martens, N. R., p. 160.
Détroits. Cependant ce traité n'a pas été ratifié par la Turquie, de
sorte qu'il a été remplacé par le Traité de Lausanne du 24 juillet 1923,
également conclu entre les Puissances Alliées et Associées et la Tur-
quie. Et le même jour a été signé par les mêmes puissances une conven-
tion relative au régime des Détroits avec une annexe. Nous suivons
donc pour notre examen la Convention sur le Régime des Détroits
de 1923 et son annexe. Toutefois il nous semble opportun d'indiquer
les dispositions principales sur le régime des Détroits du Traité de Sèvres.
L'article 37 de ce traité stipule que dans les Détroits comprenant
les Dardanelles, la mer de Marmara et le Bosphore la navigation sera
libre tant en temps de paix qu'en temps de guerre à tous les navires de
commerce et de guerre sans distinction de pavillon. L'article 38 prévoit
l'institution d'une commission, « la Commission des Détroits », pour
assurer la libre navigation prévue à l'article précédent. La commission
exercera, en toute indépendance de l'autorité locale, les pouvoirs qui
lui sont conférés par le traité (1). Les fonctions dont la commission
a été chargée sont énumérées dans l'article 43.
Le paragraphe 6 de l'annexe qui est jointe aux articles relatifs
aux Détroits dans le Traité de Sèvres règle la compétence réglemen-
taire de la Commission des Détroits dans les termes suivants : « En
vue de s'acquitter de toutes les fonctions dont elle est chargée par les
stipulations de la présente section et de la présente annexe, et dans les
limites qui y sont fixées, la Com-mission aura le pouvoir de préparer,
de promulguer et d'appliquer les règlements nécessaires. Ce pouvoir
comprendra le droit d'amender, s'il 'est nécessaire, ou d'abroger les
règlements actuellement existants ».
Le Traité de Sèvres a donc expressément muni la Commission des
Détroits d'une compétence réglementaire autonome, que les Puissances
Alliées et Associées et la Turquie lui ont déléguée. Car la Commission
exercera en toute indépendance ses pouvoirs et prendra, d'après
l'article premier de l'Annexe, ses décisions à la majorité des voix.
Nous avons déjà indiqué ci-dessus que le Traité de Sèvres n'est
pas entré en vigueur à cause de défaut de ratification par la Turquie.
C'est pourquoi nous examinerons maintenant le traité et la convention
qui ont succédé au Traité de Sèvres, c'est-à-dire le Traité de Paix de
Lausanne du 24 juillet 1923 et la Convention relative au Régime des
Détroits de la même date.
Abstraction faite de la disposition fondamentale contenue à
l'article 23 du Traité de Paix de Lausanne, nous ne trouvons dans ce
traité aucune stipulation précise sur le régime des Détroits, ce régime
étant élaboré en détail dans une convention spéciale.
(1) Traité de Sèvres, art. 42.
-ocr page 46-L'article premier de cette convention déclare que : « Les Hautes
Parties Contractantes sont d'accord pour reconnaître et déclarer le
principe de la liberté de passage et de navigation par mer et dans les
airs dans le détroit des Dardanelles, la mer de Marmara et le Bosphore,
ci-après compris sous la dénomination générale de quot; Détroits quot; ».
Et l'article 2 dispose que « le passage et la navigation des navires
et aéronefs de commerce et des bâtiments et aéronefs de guerre dans
les Détroits, en temps de paix et en temps de guerre, seront doréna-
vant réglés par les dispositions de l'annexe ci-jointe ».
L'article 10 de la convention prévoit l'institution à Constantinople
d'une commission internationale, dénommée « Commission des Dé-
troits » et qui, d'après l'article 11, exercera ses attributions sur les
eaux des Détroits.
La Commission sera, d'après l'article 12, composée, sous la
présidence d'un représentant de la Turquie, de représentants de la
France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, du Japon, de la Bulgarie,
de la Grèce, de la Roumanie, de la Russie et de l'Etat Serbe-Croate-
Slovène, en tant que puissances signataires de la convention spéciale
et au fur et à mesure de la ratification de celle-ci par ces puissances.
L'adhésion à cette convention comportera pour les Etats-Unis le droit
d'avoir également un représentant dans la Commission. Et le même
droit sera réservé, dans les mêmes conditions, aux Etats indépendants
riverains de la mer Noire non mentionnés dans le premier alinéa de
cet article.
La Commission des Détroits exercera sa mission sous les auspices
de la Société des Nations, à laquelle elle adressera chaque année un
rapport (art. i5).
En ce qui concerne la compétence réglementaire de la Commission
des Détroits, la Convention de 1923 ne contient pas de stipulations
aussi détaillées que le Traité de Sèvres. Aux termes de l'article 16,
« il appartiendra à la Commission d'élaborer les règlements qui seraient
nécessaires à l'accomplissement de sa mission ». C'est l'unique
article qui traite de la compétence réglementaire de la Commission
des Détroits. Mais tant succinct qu'il soit, nous estimons quand même
que cet article est assez clair.
D'après sa rédaction la Commission a le droit et le devoir d'arrêter
des règlements. Et parce que l'article ne dit pas mot sur une approba-
tion ultérieure quelconque de la part des états signataires des décisions
de la Commission, et vu les stipulations analogues du Traité de Sèvres,
on peut admettre, que les règlements arrêtés par la Commission des
Détroits entreront en vigueur et auront force de loi sans approbation
ou ratification ultérieure par les états signataires.
Il y a donc lieu de voir ici un spécimen de délégation de compé-
tence réglementaire ^ compétence déléguée par les états signataires
de la Convention de igsS à la Commission des Détroits. Car on peut
être persuadé que si les puissances signataires n'avaient pas voulu
conférer à la Commission des Détroits une compétence réglementaire
autonome, elles se seraient sans aucun doute réservé ce droit expredöLö
verbid dans la convention. Maintenant qu'elles n'ont pas stipulé et
réclamé dans la convention le droit d'approbation ultérieure, on peut
accepter qu'elles n'ont pas voulu le réserver.
Par la signature de la nouvelle Convention sur les Détroits à
Montreux, en date du 20 juillet igSô, parles signataires du Traité de
Lausanne, excepté l'Italie, la Commission des Détroits a été abolie.
LA COMMISSION INTERNATIONALE
DE NAVIGATION AÉRIENNE.
Comme dernière commission internationale nous devons encore
examiner la Commission internationale de Navigation aérienne,
dénommée ci-après la C. I. N. A.
Lanbsp;Ladite Commission a été instituée par la Convention
C. I. N. A. portant réglementation de la navigation aérienne du
i3 octobre 1919. Elle est réglée par l'article 34 de ladite
convention. La convention est le produit de la Conférence
de la Paix mettant fin à la grande guerre.
Avant cette guerre, l'aviation et le droit aérien n'étaient que très
peu développés. Cet événement, si terrible et affreux qu'il fût, a eu
cependant une influence des plus considérables sur le droit aérien
moderne. La grande guerre nous a montré non seulement du point de
vue strictement militaire, mais aussi du point de vue technique, quelles
possibilités la technique moderne promet à l'humanité. L'évolution
de la locomotion aérienne envisagée jusqu'à ce moment comme im-
possible et privée de toute valeur, montrait soudainement les possi-
bilités sans bornes et incalculables de la navigation aérienne.
Or, il n'est pas étonnant qu'après la guerre, pendant que les
Puissances Alliées et Associées étaient réunies à Paris afin d'élaborer
les traités de paix et qu' « une fièvre de collaboration en vue de l'orga-
nisation de la paix enflammait les esprits » (1), quand aucune tentative
ne paraissait trop hardie et aucune conception irréalisable, les hommes
(1) Roper, o. c., p. 32.
-ocr page 48-de l'air furent assez optimistes à pouvoir réaliser une réglementation
définitive du droit international de l'air.
Convaincus qu'une entente internationale sur la navigation
aérienne était d'une nécessité absolue et que le développement de la
navigation aérienne exigeait sans délai une réglementation, les experts
aéronautiques des délégations à la Conférence de la Paix furent
unanimes dans leur désir de voir leur travail couronné d'une réglemen-
tation et de faire tout le possible pour arriver à leurs desseins.
Nous ne voulons pas insister ici sur tous les pourparlers qui se sont
déroulés lors de l'élaboration de la convention aérienne, ni sur le
travail des commissions et des sous-commissions Persuadé que le
plan général de cette thèse ne permet pas de donner ici une relation
détaillée de ces travaux, il suffit de renvoyer aux livres remarquables
parus depuis 1919 et qui en donnent un exposé précis et complet.
Sans vouloir entrer dans une relation détaillée de tous les articles
de la Convention du i3 octobre 1919, nous estimons quand même
indispensable de traiter une question avant d'aborder l'organisation
et la compétence de la commission internationale de navigation
aérienne. Car pour une juste compréhension des compétences conférées
à la commission, il faut avoir une idée claire de la nature de la conven-
tion aérienne et des principes sur lesquels elle est fondée.
De quelle nature est-elle, cette « convention portant réglemen-
tation de la navigation aérienne » ? A-t-elle atteint le but principal
et essentiel, c'est-à-dire l'unification du droit aérien ? Nous sommes
enclin à donner une réponse négative.
L'unification du droit aérien ne s'est pas réalisée par la Convention
de 1919, en dépit des grands et nombreux mérites qu'elle a incon-
testablement. « Cet échec est dû en majeure partie aux bases stricte-
ment conventionnelles qu'elle assignait au droit de circulation aérienne
internationale, à d'autres dispositions encore où se reflètent trop visi-
blement les circonstances politiques dans lesquelles elle avait été
élaborée » (1).
Ouel peut être le sens de ces « bases strictement conventionnelles »
auxquelles, suivant M. de Visscher, l'échec relatif à l'unification du
Droit aérien est dû ? Ici nous touchons l'essence et la pierre angulaire
de la convention de 1919. Car la convention mettant, une fois pour
toutes, fin aux débats et disputes sur ce sujet, déclare dans son article
premier :
« Les Hautes Parties Contractantes reconnaissent que chaque
Puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace
(1) Fernand de VisscHER : Le droit international de la navigation aérienne en tempé de paix, R. D.
I. L. C., 1927, nquot; 3.
atmosphérique au-dessus de son territoire. Au sens de la présente
convention, le territoire d'un Etat sera entendu comme comprenant
le territoire national métropolitain et colonial, ensemble les eaux
territoriales adjacentes au dit territoire ».
De la liberté des airs, défendue si acharnement par M. Fauchille
en 1901, il n'y a plus une trace. « Par le caractère exclusif qu'elle
attribue à la souveraineté aérienne des Etats, la convention entend
alErmer l'incompatibilité de cette souveraineté avec un statut réel
quelconque de liberté des airs » (1). Et ce principe négatif posé, on ne
peut envisager la libre circulation aérienne que comme l'effet d'une
concession volontaire des Etats. Du principe de la souveraineté de
l'Etat sur l'espace de l'air, formulée dans la convention d'une manière
si absolue, il résulte que cette liberté de circulation constitue pour
les puissances signataires un privilège, dont les puissances non-signa-
taires restent exclues, et que les dernières, ne profitant pas des privi-
lèges de la convention, sont forcées de conclure des traités bilatéraux
avec tout autre Etat. Et les faits étant tels, il saute aux yeux qu'on ne
peut plus parler d'un droit international aéi'ien unifié.
Sans doute, le principe de la souveraineté absolue de l'air une fois
déclaré expredéià veMa et sans équivoque, on n'y peut rien changer. Les
Etats signataires, en 1919, n'ont pas voulu céder un pouce de leur droit
le plus sacré : la souveraineté. Néanmoins la politique actuelle des
Etats suffit pour démontrer que la libre circulation aérienne en temps
de paix est parfaitement conciliable avec ce que les Etats considèrent
comme leurs droits les plus sacrés et leurs intérêts essentiels (2). Car
« depuis la Convention de 1919, nous avons vu s'étendre un réseau
chaque jour plus serré de conventions particulières par lesquelles les
états se sont mutuellement reconnus le droit de libre circulation
aérienne » (3).
Voyez là le principe fondamental de la Convention de 1919 et du
droit international de l'air moderne. Voyez là également pourquoi
l'unification du droit aérien ne s'est pas réalisée jusqu'à nos jours. Mais
de ce qui précède, il résulte aussi que plus que jamais les Etats sont
persuadés que les relations internationales et le développement de la
technique exigent une circulation aérienne libre. « Il n'est pas téméraire
de penser que tel est le sens probable de l'évolution du droit interna-
tional positif : substitution de la liberté légale à la liberté simplement
conventionnelle de la circulation aérienne. Celle-ci ne représente
vraisemblablement qu'un premier stade que les circonstances, et, en
(1)nbsp;Fernand de Visscher, o. c., p. 184.
(2)nbsp;Fernand de Visscher, o. c., p. 190.
(3)nbsp;Fernand de Visscher, o. c., p. 191.
-ocr page 50-particulier, l'état de tension entre les peuples après la grande guerre,
expliquent et justifient en partie, mais dont la valeur ne saurait être
définitive. Les historiens du droit savent, du reste, combien est extra-
ordinairement fréquent, dans l'histoire des institutions, ce passage des
règles du stade conventionnel au stade légal » (i).
La convention de 1919 quoiqu'elle n'admette pas le principe de la
liberté de l'air, reconnaît quand même la libre circulation aérienne en
temps de paix : « Chaque Etat contractant s'engage à accorder en
temps de paix, aux aéronefs des autres Etats contractants, la liberté
de passage inoffensif au-dessus de son territoire, pourvu que les condi-
tions établies dans la présente convention soient observées ». Seule-
ment « pour raison d'ordre militaire ou dans l'intérêt de la sécurité
publique », un Etat contractant a le droit d'interdire le survol de
certaines zones de son territoire » (2).
De même « tout aéronef ressortissant à un Etat contractant a le
droit de traverser l'atmosphère d'un autre Etat sans atterrir. Dans
ce cas, il est tenu de suivre l'itinéraire fixé par l'Etat survolé. Toute-
fois, pour des raisons de police générale, il sera obligé d'atterrir s'il
en reçoit l'ordre au moyen de signaux prévus à l'annexe D » (3).
La circulation aérienne en temps de paix est donc libre, exception
faite des mesures qu'un Etat peut prendre en raison d'ordre militaire,
de police générale ou dans l'intérêt de la sécurité publique. Mais
quelle est la nature de ce principe de la liberté de passage et quelle est
sa portée, les Etats ayant la souveraineté complète et exclusive sur
l'espace atmosphérique au-dessus de leur territoire ?
M. Charles de Visscher dit à ce sujet dans un livre paru quelques
années après la signature de la Convention de 1919 :. « Il convient
toutefois de fixer exactement la portée du principe de la liberté de
passage. La convention n'a nullement consacré l'existence d'une
sorte de servitude internationale étaV)lie en faveur de l'aviation étran-
gère, interprétation qu'exclut le principe de la souveraineté complète
et exclusive si formellement affirmé par l'article premier. La liberté
de passage accordée par l'article 2 est un droit purement convention-
nel, c'est-à-dire exclusivement fondé sur la signature ou l'adhésion
à la convention, établi par conséquent en faveur des seuls états
contractants dans leurs rapports mutuels. La convention se présente
ainsi comme une « convention d'union » ; les aéronefs ressortissant à
des Etats qui y sont restés étrangers sont complètement exclus de tous
les droits qu'elle confère » (4).
(1)nbsp;Fernand de Visscher, o. c., p. 192.
(2)nbsp;Article 3.
(3)nbsp;Article i5, par. i.
(4)nbsp;Charles de Visscher : Ledroil internationaldeà communications, Ganà-Vaxis, 1923, pp. i39eti4o.
-ocr page 51-Et dans le rapport que M. le professeur Hazeltine offrait à la
vingt-neuvième conférence de l'International Law Association en
1920, il défend les mêmes idées : « It is to be carefully observed,
however, that the grant by the contracting states of « freedom of
innocent passage » does not mean that they recognise the doctrine of
the « freedom of the air » ; nor does it mean that they recognise the
doctrine of a servitude of innocent passage in limitation of their aerial
sovereignty... The « freedom of innocent passage » accorded by the
contracting states in article 1st is merely a temporary and contractual
right in the nature of a revocable licence » (1).
La liberté de passage que les Etats contractants s'engagent à
accorder, a la nature d'une faveur, d'une concession, d'une licence
révocable, que les Etats ne peuvent pas demander comme un droit (2).
Or, il en résulte que ce ne sont que les Etats contractants parties
à la Convention de 1919, qui profitent de la liberté de passage. Et il
en résulte aussi que chaque Etat non-signataire peut empêcher tout
survol au-dessus de son territoire et par cela mettre de grands obstacles
à la circulation aérienne et au développement des grandes lignes
aériennes internationales.
Si en 1919 on avait adopté la liberté de l'air, la liberté de passage
et de circulation y aurait été comprise. Maintenant que la liberté de
passage en temps de paix est reconnue, mais uniquement aux Etats
contractants réciproquement, la circulation aérienne court le risque
d'être entravée par un Etat non-signataire.
Il saute aux yeux combien on est loin du principe de la liberté de
l'air défendu avec tant d'autorité en 1901 par M. Fauchille. Mais
pourquoi le principe de la souveraineté a-t-il été adopté en 1919 ?
« Dans l'esprit des peuples, hantés par l'atrocité de la veille, l'avion
étranger apparaissait en ennemi, instrument diabolique d'attaques
sournoises et d'attentats criminels. Comment les nations auraient-elles
pu, à ce moment, considérer dans l'engin meurtrier d'hier, l'agent de
liaison bienfaisant de demain qui, dans un ciel lavé des souillures de la
haine et du crime, pouvait frayer aux échanges une voie nouvelle » (3).
Il ne fut pas l'unique défenseur, cet avocat belge, de cette thèse
soutenue dans son discours au jeune barreau. Les Etats neutres
avaient déclaré, eux aussi, qu'ils réclamaient la souveraineté de l'air
comme principe fondamental.
(1)nbsp;H. D. Hazeltine : International air law in time of peace. Report of the 29th Conference of
the International Law Association at Portsmouth, 1920, p. 387.
(2)nbsp;James W. Garner : La réglementation internationale de la navigation aérienne, R. D. I. L. C.,
1923, p. 368.
(3)nbsp;J. van der Stegen : Le conflit deà âouverainetéd en droit aérien, Belgique judiciaire, 86® année,
1928, nquot; 9-10.
Quoiqu'un régime de liberté de l'air soit théoriquement préférable
à un régime de souveraineté de l'air, nous sommes cependant disposé
à croire, vu la situation actuelle du monde, qu'il vaut mieux de se
ranger aux partisans de la souveraineté de l'air. Les grands apôtres
de la liberté de l'air ont pris souvent comme exemple le principe de la
liberté des mers. Pour nous c'est une comparaison boiteuse. Entre
l'air et la mer il y a une grande différence. Pour l'Etat en général le
danger venant de l'air est beaucoup plus grand que celui venant de la
mer. Incontestablement l'Etat est plus ouvert aux attaques venant du
côté de l'air que du côté de la mer. Et de même que le danger de l'air
est plus grand, de même il est plus difficile pour l'Etat de se défendre
contre un ennemi venant de l'air que contre un ennemi qui prend la
voie des mers.
En effet, on peut maintenir la thèse que surtout pour le développe-
ment des lignes aériennes la liberté de l'air est indispensable. Mais il
nous semble que notre temps donne clairement la preuve qu'un régime
de souveraineté de l'air est juste et qu'il a complètement raison d'être.
Cependant on doit s'efforcer également de développer, dans les limites
des principes de la souveraineté de l'air et de la libre circulation
aérienne en temps de paix, les grandes lignes internationales ; et les
Etats signataires auront le devoir de faciliter par tous les moyens un
mode de locomotion, qui contribuera considérablement à rapprocher
les peuples, à favoriser une collaboration internationale plus féconde.
Les auteurs de droit aérien écrivent dans le même sens : « A mio
avviso bisogna mantenere il principio délia sovranità degli stati sullo
spazio aereo ; si deve arrivare a sancire la libertà del transite inoffen-
sive anche per l'aria » (i).
Mais à part ces remarques, qui ne sont pas des critiques, la Con-
vention de 1919 est un chef-d'œuvre de réglementation internationale
si difficile et intéressante. Et l'humanité a lieu de se féliciter que la
Conférence de la Paix de 1919 lui ait donné une convention si complète
et parfaitement rédigée. La Convention du i3 octobre 1919 fut la
première charte de la navigation aérienne internationale. Elle est
due à l'esprit de collaboration qui animait les hommes d'état réunis à
Paris, au sens pratique et à la bonne volonté des experts techniques
et juridiques. Pour un travail pareil, dont les états récoltent déjà les
fruits, le monde tout entier leur saura gré.
Après cette digression sur la nature et les principes de la Con-
vention de 1919, nous sommes arrivés maintenant à la Commission
internationale de Navigation Aérienne (C. I. N. A.).
(1) Amedeo Giannini : Saggi di Diritto aeronautico, Milano, igSa, p. ii.
-ocr page 53-Les compétences dont cette Commission a été munie figurent dans
l'article le seul article qui traite de la commission; ces compétences
sont triples. Elles sont d'ordre administratif, législatif et judiciaire.
Il va sans dire que nous n'avons qu'à nous occuper des compé-
tences d'ordre législatif.
Les paragraphes de l'article 34 relatifs à cette compétence, tels
qu'ils sont libellés après les amendements de 1923 et de 1929 (1),
sont rédigés comme suit :
« Cette Commission aura les attributions suivantes :
c) Apporter tous amendements aux dispositions des Annexes A
à G;...
Toute modification dans les dispositions de l'une quelconque des
Annexes pourra être apportée par la Commission Internationale de
Navigation Aérienne, lorsque la dite modification aura été approuvée
par les trois quarts du total des voix des Etats représentés à la session
et les deux tiers du total possible des voix qui pourraient être exprimées
si tous les Etats étaient représentés. Cette modification aura^ plein
effet dès qu'elle aura été notifiée, par la Commission Internationale
de Navigation Aérienne, à tous les Etats contractants ».
Ces annexes, que la C. I. N. A. peut modifier sans ratification
ultérieure de la part des Etats signataires à la convention, concernent :
annexe A : marques à porter sur les aéronefs; immatriculation
des aéronefs; indicatifs d'appel;
annexe B : certificat de navigabilité ;
annexe C : livres de bord;
annexe D : règlement sur les feux et signaux ; règles de la circu-
lation aérienne ;
annexe E : personnel de conduite ;
annexe F : cartes et repères aéronautiques ;
annexe G : centralisation et distribution des renseignements
météorologiques.
Les annexes à la Convention de 1919 ont été adoptées en même
temps que la convention elle-même et en forment une partie insé-
parable.
La Convention et les annexes sont l'œuvre des Puissances Alliées
et Associées ; ces Etats ainsi que ceux qui ont adhéré après à la con-
vention ont, en signant et ratifiant la convention, conféré leur droit
de modifier les annexes à la C. I. N. A.
(1) Un protocole postérieur, en date du le' juin igSS, n'est pas encore entré en vigueur.
-ocr page 54-Désormais, les Efafs n'auraient plus le droit de décider s'il y aurait
om ou non une modification des annexes; les Etats n'auraient même
plus le droit de decider s ils adhéreraient oui ou non aux modifications
établies par la commission. La ratification des modifications des
annexes n étant plus requise, les Etats n'ont, depuis lors, qu'à se
soumettre aux modifications arrêtées par la Commission à une majorité
qualifiée. En matière des annexes, les signataires de la Convention
de 1919 ont donc délégué leur droit réglementaire à la C I N A
qui en est le seul maître II faut encore ajouter que cette délégation!
de la part des Etats à la Commission Aérienne, ne vise que les annexes!
J^ar d après les dispositions des paragraphes 7 et 8 de l'article 5j de
la convention « les modifications apportées aux articles de la Conven-
tion (exception faite des annexes) doivent, avant de porter effet
être expressément adoptées par les Etats contractants ». « Toute
modification proposée aux articles de la présente Convention sera
discutee par la Commission Internationale de Navigation Aérienne
quelle emane de l'un des Etats contractants ou de la Commission
elle-meme. Aucune modification de cette nature ne pourra être
proposée à 1 acceptation des Etats contractants, si elle n'a pas été
approuvée par les deux tiers au moins du total possible des voix ».
Cependant, quant aux annexes, on a accepté la délégation de com-
petence réglementaire complète et sans aucune restriction. La C I
A. se compose de représentants des Etats contractants ; les com-
pagmes pour 1 exploitation des lignes aériennes ne sont pas représentées
dans cette commission Seuls les Etats désignent leurs représentants
et peuvent par cela influencer le cours des affaires et travaux dans la
commission. Mais du moment que celle-ci arrête des modifications dans
les annexes A a G, les Etats n'ont plus aucun droit et sont liés par ces
modifications sans ratification ou adhésion ultérieure de leur part
LES CONDOMINIUMS.
Apres cet examen des Commissions des grands fleuves, des
Détroits et de la Navigation aérienne, nous nous occuperons main-
tenant du regime de quelques territoires, qui sous différents rapports
est important pour notre recherche.
Sans doute l'ordre chronologique ne permet pas de commencer par
un territoire_ lequel, il y a peu de temps, était soumis à un régime
special. Mais 1 exemple du régime de ce territoire est tellement
frappant, que nous ne pouvons pas manquer à prendre comme
premier sujet de notre examen, le régime du territoire du Bassin de
la barre.
5o
-ocr page 55-Territoirenbsp;On sait que ce territoire a existé comme unité politi-
sa Baddn qng séparée depuis le Traité de Paix de Versailles de
de la Sarre.
1919.
Les Puissances Alliées et Associées et l'Allemagne
ont, dans l'article 49 du dit traité, accepté la disposition
suivante : « L'Allemagne renonce, en faveur de la Société des
Nations, considérée ici comme fidei-commissaire, au gouvernement
du territoire e. de la Sarre) ci-dessus spécifié {i. e. dans l'article 48) ».
L'annexe, jointe à cette section IV de la partie III du traité sur le
bassin de la Sarre, précise dans son chapitre II les dispositions
générales et arrête en même temps les dispositions sur le gouverne-
ment du dit territoire.
En conséquence le paragraphe 16 de l'annexe déclare : « Le
Gouvernement du territoire du Bassin de la Sarre sera confié à une
Commission représentant la Société des Nations. Cette Commission
aura son siège dans le territoire du Bassin de la Sarre ».
Cette Commission de Gouvernement sera composée, d'après le
paragraphe 17, de cinq membres, nommés par le Conseil de la Société
des Nations et comprendra un membre français, un membre non
français, originaire et habitant du territoire du bassin de la Sarre, et
trois membres ressortissant à trois pays autres que la France et
l'Allemagne. Ces membres seront nommés pour un an et leur mandat
sera renouvelable. Ils pourront être révoqués par le Conseil de la
Société des Nations, qui pourvoira à leur remplacement.
Le paragraphe 18 pourvoit à la désignation du Président de la
Commission de Gouvernement. Celui-ci sera désigné par le Conseil
de la Société des Nations, parmi les membres de la Commission et
pour une dirrée d'un an ; ses pouvoirs seront également renouvelables.
Il remplira les fonctions d'agent exécutif de la Commission.
Le paragraphe 19 nous dit plus des pouvoirs de la Commission
de Gouvernement. Elle aura sur le territoire du Bassin de la Sarre,
tous les pouvoirs de gouvernement appartenant antérieurement à
l'Empire allemand, à la Prusse et à la Bavière, y compris celui de
nommer et révoquer les fonctionnaires et de créer tels organes admi-
nistratifs et représentatifs qu'elle estimera nécessaires. Ses décisions
seront prises à la majorité des voix.
Le paragraphe 23 stipule les pouvoirs législatifs de la Commission
de Gouvernement :
« Les lois et règlements en vigueur sur le territoire du Bassin de la
Sarre au 11 novembre 1918 (réserve faite des dispositions édictées
en vue de l'état de guerre) continueront à y être applicables.
» Si, pour des motifs d'ordre général ou pour mettre ces lois et
règlements en accord avec les stipulations du présent Traité, il était
nécessaire d'y apporter des modifications, celles-ci seraient décidées
et elïectuées par la Commission de Gouvernement, après avis des
représentants élus des habitants pris dans telle forme que la Com-
mission décidera.
» Aucune modification ne pourra être apportée au régime légal
d'exploitation, prévu au paragraphe 12, sans consultation préalable
de l'Etat français, à moins que cette modification ne soit la consé-
quence d'une réglementation générale du travail adoptée par la
Société des Nations. »
En matière de juridiction aussi, les Puissances Alliées et Associées
ont conféré à la Commission de Gouvernement un pouvoir législatif.
Car le paragraphe 26 dispose :
« Les Tribunaux civils et criminels existant sur le territoire du
Bassin de la Sarre seront maintenus.
» Une Cour civile et criminelle sera constituée par la Commission
de Gouvernement pour juger en appel des décisions rendues par les
dits Tribunaux et statuer sur les matières dont ceux-ci n'auraient pas
à connaître.
gt;gt; Il appartiendra à la Commission de Gouvernement de pourvoir
au règlement d'organisation et de compétence de ladite Covu:.
La justice sera rendue au nom de la Commission de Gouverne-
ment. »
La Commission de Gouvernement, d'après le paragraphe 26, « aura
seule le pouvoir de lever des taxes et impôts dans la limite du terri-
toire ». «Le système fiscal en vigueur au 11 novembre 1918 sera
maintenu, autant que les circonstances le permettront, et aucune taxe
nouvelle, sauf douanière, ne pourra être établie sans consultation
préalable des représentants élus des habitants. »
Celles-ci sont les dispositions du Traité de Versailles qui traitent
des pouvoirs conférés à la Commission de Gouvernement.
Les Puissances Alliées et Associées, en nommant la Société des
Nations fidei-commissaire du territoire du Bassin de la Sarre — et
les Puissances Alliées et Associées signataires du Traité de Versailles
sont en même temps les membres originaires de la Société des Nations
ont désigné la Commission de Gouvernement qui est munie de tous
les pouvoirs et exerce au nom de la Société des Nations le gouverne-
ment du territoire.
La Société des Nations originairement chargée du gouvernement du
territoire, — l'article 49 du Traité de Versailles dit que l'Allemagne
renonce, en faveur de la Société des Nations, au gouvernement du
territoire — a conféré tous ses pouvoirs à la Commission de Gou-
vernement.
Cependant, cette délégation de pouvoirs a été réalisée par le
Traité de Versailles. Ce dernier a désigné la Commission de Gou-
vernement comme autorité suprême dans le Bassin de la Sarre.
S'agit-il seulement d'une délégation de pouvoirs, ou de plus ?
Nous estimons qu'il n'y a nul doute que les pouvoirs législatifs
délégués à la Commission de Gouvernement sont tels qu'il y a lieu
d'accepter ici que la Commission de Gouvernement possède une
compétence réglementaire autonome. C'est-à-dire une compétence
réglementaire qui ne se trouve pas placée sous une autorité supérieure
qui doit dire le dernier mot.
Nous tâcherons de prouver notre thèse d'après le texte même des
articles et paragraphes du Traité de Versailles.
Il y a d'abord le paragraphe qui stipule, comme nous l'avons
indiqué ci-dessus, que la Commission de Gouvernement aura tous les
pouvoirs appartenant antérieurement à l'Empire allemand et à cer-
tains Etats de l'Empire. Le paragraphe parle de toud les pouvoirs sans
aucune exception. L'Empire allemand et certains Etats de l'Empire
exerçaient tous les pouvoirs, savoir : le pouvoir législatif, le pouvoir
exécutif et le pouvoir judiciaire. Ces trois pouvoirs sont transmis
à la Commission de Gouvernement, qui possède donc dorénavant le
pouvoir législatif. Et parce que l'Empire allemand possédait ce pou-
voir d'une manière autonome, de même la Commission de Gou-
vernement possède le pouvoir législatif autonome.
De par le paragraphe 19, la Commission de Gouvernement est
entrée entièrement dans les compétences de l'Empire allemand et
des autres Etats de l'Empire. Cela résulte aussi des paragraphes
suivants dont nous avons donné le texte ci-dessus.
Quand le paragraphe 2 3 stipule que, s'il est nécessaire de modifier
ou d'appliquer les règlements et les lois en vigueur dans le territoire
du Bassin de la Sarre au 11 novembre 1918, pour les mettre en
accord avec le Traité de Versailles, la Commission de Gouvernement
décidera et effectuera ces modifications après avis des représentants
de la population, cela veut dire que la Commission de Gouvernement
doit prendre des renseignements sur les vœux qui vivent parmi la
population, mais qu'elle décide et arrête ces modifications comme
législateur autonome. L'avis préalable des représentants de la popu-
lation est obligatoire pour la Commission de Gouvernement et rien
de plus, en ce sens, que la Commission de Gouvernement doit prendre
des renseignements chez la population, mais celle-ci n'a pas l'obligation
de les donner.
Ce même avis est obligatoire pour les cas où il s'agit de modifier
le régime légal d'exploitation. Dans un cas pareil la Commission de
Gouvernement doit consulter l'Etat français, mais seulement quand
cette modification n est pas la conséquence d'une réglementation
générale du travail adoptée par la Société des Nations.
Le pouvoir législatif de la Commission de Gouvernement se
montre aussi dans le paragraphe qui traite de la juridiction dans le
territoire du Bassin de la Sarre. Car la Commission de Gouvernement
aura le devoir de pourvoir au règlement d'organisation et de compé-
tence de la Cour civile et criminelle qui sera instituée d'après le
paragraphe 26. De nouveau ici la Commission de Gouvernement est
le seul législateur. Et aussi en matière de taxes et d'impôts la Com-
mssion est 1 umque législateur; mais dans ce cas ses décisions doivent
etre prises après consultation des représentants de la population.
Et comme dernier exemple pour vérifier notre thèse nous avons
le dermer alinéa du paragraphe 19 rédigé comme suit : « Ses (/. e. de
la Commission) décisions seront prises à la majorité des voix».
Exemple frappant lui aussi parce que ici on a complètement
abandonné le principe de l'unanimité pour les résolutions d'une
commission internationale. Ici la Commission de Gouvernement
ressemble beaucoup à un organe de gouvernement du droit national.
Nous avons donc devant nous une commission internationale qui
arrete des resolutions et des règlements, des modifications de lois à la
majorité des voix, lesquels seront obligatoires pour la population.
Nous estimons qu'après cet exposé il sera clair que notre thèse,
selon laquelle les pouvoirs de la Commission de Gouvernement nous
oftrent un exemple de délégation de compétence réglementaire, n'est
pas dépourvue de fondement.
Nous avons ici un exemple des plus purs de délégation de compé-
tence réglementaire. Une compétence, déléguée par les Puissants
Alliees et Associees et 1 Allemagne à la Société des Nations, mais
conferee en même temps par ces mêmes puissances à la Commission
du territoire du Bassin de la Sarre qui de plein droit possède tous les
pouvoirs de 1 ancien Empire allemand et de certains de ses Etats.
La Commission de Gouvernement du territoire du Bassin de la
Sarre était responsable à la Société des Nations, mais celle-ci ne se
mêlait pas dans le gouvernement exercé par la Commission. Le rôle
accompli par la Commission de Gouvernement du territoire était celui
d un gouvernement autonome et indépendant. On sait que le régime
special du Territoire a pris fin en igSô lors de la réinstallation de
1 Allemagne dans le gouvernement.
Après cet exposé du régime du territoire du Bassin de la Sarre
nous sommes arrivés au régime de quelques autres territoires visés
aux traites de paix conclus après la guerre mondiale en 1919.
54
Alemel.nbsp;Pour commencer, nous traiterons du régime du terri-
toire de Memel depuis qu'il fut institué dans le Traité de
Versailles jusqu'à la date oii il fut incorporé dans l'Etat
lithuanien, c'est-à-dire jusqu'au Traité du 8 mai 1924 conclu entre les
Puissances Alliées et Associées, les Etats-Unis inclus et la
Lithuanie.
Le régime du territoire de Memel est réglé par le Traité de
Versailles qui dispose dans son article 99 ce qui suit :
«L'Allemagne renonce, en faveur des Principales Puissances
Alliées et Associées, à tous droits et titres sur les territoires compris
entre la mer Baltique, la frontière Nord-Est de la Prusse Orientale
décrite à l'article 28 de la Partie II (Frontières d'Allemagne) du
présent Traité et les anciennes frontières entre l'Allemagne et la
Russie. L'Allemagne s'engage à reconnaître les dispositions que les
Principales Puissances Alliées et Associées prendront relativement à
ces territoires, notamment en ce qui concerne la nationalité des
habitants ».
D'après cet article, l'Empire allemand céda ce territoire aux
Principales Puissances Alliées et Associées qui auraient le droit d'en
disposer à leur gré.
Ce ne fut que dans la note du 16 juin 1919, dans laquelle les
Puissances Alliées et Associées répondaient aux objections faites
par l'Allemagne au projet de traité, qu'elles manifestaient leur inten-
tion de joindre ce territoire au nouvel Etat lithuanien du moment
que celui-ci serait reconnu de jure.
Provisoirement le pouvoir et le gouvernement resteraient entre
les mains des Puissances Alliées et Associées et seraient exercés en
leur nom par la Conférence des Ambassadeurs.
Le 25 février 1920, la Conférence des Ambassadeurs décida que
les habitants du territoire de Memel seraient placés sous la protection
spéciale de la France ; et sur ses directives le général français Ondry,
le 1er mai 1920, prit possession du pouvoir. Un anglais fut nommé
Haut-Commissaire du territoire de Memel de la part de l'Entente, le
i3 février 1920.
Le régime du territoire de Memel fut donc le suivant : Dans le
Traité de Versailles tous les Etats signataires déclarent que Memel
sera cédé aux Puissances Alliées et Associées qui auront le droit d en
disposer à leur gré, de le gouverner, etc. Les Puissances Alliées et
Associées ont exercé ce pouvoir par un organe créé par eux : la
Conférence des Ambassadeurs, qui n'agissait qu'au nom des Puis-
sances Alliées et Associées. Cette Conférence des Ambassadeurs —
donc les Puissances Alliées et Associées ^ pouvait prendre des dispo-
sitions et arrêter des règlements d'après l'article 99 du Traité de
approbation ulterieure de qui que ce fût. Aussi la Conférence des
tfir^Z^r^'T^''^ une compétence réglementaire autonom
frnif^^nbsp;que jusqu'au 8 mai 1924. date à laquelle le
Eta SiÏnbsp;f f-^ssances Alliées et Assodées, le
Des exemples analogues se sont présentés en trois autres territoires
qui eux aussi doivent leur régime spécial temporaire aux traités de
paix conclus après la grande guerre.
TraVt^jtojes sont : la Thrace, dont le régime fut réglé par le
Traite de Paix de Neuilly-sur-Seine du 27 novembre 1919 ; la Galicie
réglée par le Traité de Paix de Saint-Germain-en-L^ye du 10 ep-'
tembre 1919, et Fiume, réglé primitivement par le Traité de Paix de
Trianon du 4 juin 1920.
Z. nrace.nbsp;Le Traité de Paix de Neuilly-sur-Seine, conclu entre
les Puissances Alliées et Associées d'une part et la
Bulgar^ed autrepart,disposedansl'artlcle48entreautres •
AlliLs etnbsp;Principales Puissances
la Thraf Associees a tous ses droits et titres sur les territoires de
la Thrace qui appartenaient à la Monarchie Bulgare et qui, situés
au delà des nouvelles frontières de la Bulgarie telles qu^elks s^
decrites a 'article 27.30 Partie II (Frontières de la BulgarTe) ne
sont actuellement l'objet d'aucune attribution.
» La Bulgarie s'engage à reconnaître les dispositions que les
Principales Puissances Alliées et Associées prendront relativement à ces
territoires notamment en ce qui concerne la nationalité des habitants ».
spécfalteî: Ttje^'^'' ^^^^^^nbsp;^^^ ^^^^^
Tout comme nous l'avons vu dans le Traité de Versailles rela-
Alliees et Associees et la Bulgarie se sont entendues que la Bulgarie
renoncerait à a Thrace en faveur des Principales Puissances AllS
et Associees et que celles-ci pourraient prendre toutes les dispotition
nécessaires relatives à ce condominium temporaire
Il y a donc ici de la part de la Bulgarie et des autres puissances
signataires du Traite^ de Neuilly, une délégation de compétence rTle-
mentaire au profit des Principales Puissances Alliées et Associas
dt imbasiidru^r ^^^^^^nbsp;^^
-ocr page 61-La Galicie.nbsp;L'article 91 du Traité de Paix de Saint-Germain-en-
Laye du 10 septembre 1919 entre les Puissances Alliées
et Associées et l'Autriche, règle le régime nouveau de la
Galicie en les termes suivants :
« L'Autriche renonce, en ce qui la concerne, en faveur des Prin-
cipales Puissances Alliées et Associées à tous ses droits et titres sur
les territoires qui appartenaient antérieurement à l'ancienne monar-
chie austro-hongroise et qui, situés au delà des nouvelles frontières de
l'Autriche telles qu'elles sont décrites à l'article 27, Partie LT (Fron-
tières de l'Autriche), ne sont actuellement l'objet d'aucune autre
attribution.
» L'Autriche s'engage à reconnaître les dispositions q^ie les Prin-
cipales Puissances Alliées et Associées prendront relativement à ces
territoires, notamment en ce qui concerne la nationalité des habitants ».
Ici de nouveau l'Autriche et les autres puissances signataires du
Traité de Saint-Germain ont conféré aux Principales Puissances
Alliées et Associées, représentées par la Conférence des Ambassa-
deurs, la compétence avitonome d'arrêter des règlements pour la
Galicie.
Fiume.nbsp;Le dernier exemple de ces condomniums créés par
les Traités de Paix est Fiume.
Son statut a été réglé par le Traité de Paix de Trianon
du 4 juin 1920, conclu entre les Puissances Alliées et Associées et la
Hongrie. Les stipulations y relatives sont les suivantes :
« La Hongrie renonce à tous droits et titres sur Fiume et les terri-
toires adjacents, appartenant à l'ancien royaume de Hongrie et
compris dans les limites qui seront ultérieurement fixées.
» La Hongrie s'engage à reconnaître les stipulations qui inter-
viendront relativement à ces territoires, notamment en ce qui concerne
la nationalité des habitants, dans les Traités destinés à régler les
affaires actuelles. »
Ef l'article 76 du même traité stipule :
« La Hongrie renonce, en ce qui la concerne, en faveur des Prin-
cipales Puissances Alliées et Associées à tous ses droits et titres sur
les territoires qui appartenaient antérieurement à l'ancienne monarchie
austro-hongroise et qui, situés au delà des nouvelles frontières de la
Hongrie telles qu'elles sont décrites à l'article 27, Partie II (Fron-
tières de la Hongrie), ne sont actuellement l'objet d'aucune autre
stipulation.
» La Hongrie s'engage à reconnaître les dispositions que les
Principales Puissances Alliées et Associées prendront relativement
-ocr page 62-à ces ferrîfoires, notamment en ce qui concerne la nationalité des
habitants ».
Encore une fois un exemple de cession de territoire à un groupe de
puissances. La Hongrie et les autres puissances du Traité de Trianon
confèrent aux Principales Puissances Alliées et Associées la compé-
tence d'établir des règlements pour le territoire de Fiunie cédé par la
Hongrie. Ici aussi, la Conférence des Ambassadeurs se présente comme
fondé de pouvoirs des Principales Puissances Alliées et Associées.
Nous n'insisterons paé sur l'organisation de ces trois condomi-
niums d'après guerre ; un exposé détaillé ne nous semble pas nécessaire.
Mais, d'autre part nous n'avons pas voulu omettre l'énumération de
ces condominiums, qui pour l'état complet de notre examen était
indispensable.
Jusqu'à présent nous avons examiné les différents exemples de
condominiums créés par les Traités de Paix ; maintenant nous nous
occuperons des condominiums existant déjà avant la grande guerre.
Leé Nouvelkd- Le premier de ces condominiums est celui des Nou-
Hébride,. velles-Hébrides.
La France avait promis, en 1878, de ne pas s'y
établir; mais des colons français de la Nouvelle Calé-
donie, qui y cherchèrent fortune, avaient été massacrés par les
indigènes. La France avait dû y expédier quelques troupes dont la
présence excita les colères des Australiens.
Elle consentit enfin par l'arrangement du 16 novembre 1887, qui
instituait une commission navale mixte franco-anglaise pour la police
des Nouvelles-Hébrides (1).
La situation est actuellement réglée par une convention entre la
France et la Grande-Bretagne du 20 octobre 1906, revisée pour la
dernière fois le 18 août 1927 (2).
Le régime institué par la convention de 1906 est le suivant :
Deux commissaires, un Français et un Anglais, ont. la compétence
d'établir en commun des règlements pour maintenir l'ordre, la sécurité
et un bon gouvernement. Les règlements sont obligatoires pour les
populations des îles, tant indigènes qu'étrangers. Une force de police
est placée pour aider les commissaires à accomplir leur gouvernement.
Par la convention de 1906,1a France et la Grande-Bretagne en
réglant la question des Nouvelles-Hébrides ont donc conféré aux deux
commissaires nommés par eux, la compétence d'établir des règlements
obligatoires.
(1)nbsp;de Martens, N. R. G., 2quot; série XVI, p. 820.
(2)nbsp;Recueil de la Société deà Nations, t. LIX, p. 3^8.
-ocr page 63-Pour ces règlements, qui s'adressent aux indigènes aussi bien
qu'aux étrangers, l'approbation ni de la France ni de la Grande-
Bretagne n'est requise.
En déléguant leur propre pouvoir réglementaire aux deux commis-
saires des Nouvelles-Hébrides, la France et la Grande-Bretagne les
ont munis d'une compétence réglementaire autonome.
Le Soudan.nbsp;Un exemple analogue s'est présenté le siècle passé
au Soudan. Afin de se former une idée claire du régime
du Soudan, il nous paraît indispensable de donner som-
mairement l'histoire qui a avancé ce régime.
En janvier 1892, le Khédive d'Egypte, Tewfik, mourut et son fils
Abbas Hilmi lui succéda. Un des principaux événements pendant le
règne d'Abbas Hilmi fut la conquête du Soudan par la Grande-
Bretagne et l'Egypte. Le Mahdi était mort en i885 ayant désigné le
Khalif Abdullah comme son successeur. Les Mahdistes cependant n'ont
jamais été une menace sérieuse pour l'Egypte. Depuis 1889, la Grande-
Bretagne était en train d'encercler de trois côtés l'empire du Mahdi.
Les traités conclus par la Grande-Bretagne avec l'Allemagne en 1890,
avec l'Italie en 1891 ef 1894, et avec l'Etat Indépendant du Congo en
1894 en furent la conséquence. Par ces traités la Grande-Bretagne
obtenait une sphère d'influence au Soudan. En même temps, cet Etat
avait proclamé son protectorat sur l'Uganda.
Mais la France aussi était en train d'agrandir son empire colonial
en Afrique et il y avait lieu de craindre qu'à un moment donné un
différend ne s'élevât entre les deux .Etats, spécialement sur la posses-
sion du Soudan égyptien. Les négociations entre la France et la
Grande-Bretagne, entamées en 1894, en vue d'aboutir à un accord,
n'avaient pas de succès.
En 1896, le gouvernement britannique fit savoir au gouvernement
français qu'on avait fait injonction à une armée britannique sous le
commandement de Lord Kitchener d'entrer dans le Soudan et de
mettre fin au Khalifat d'Abdullah. Environ en même temps, le gou-
vernement français décida d'envoyer, de l'Afrique Equatoriale fran-
çaise, une expédition vers l'Est avec la mission d'établir sur le Nil le
drapeau et les prétentions françaises. La décision du gouvernement
britannique d'entrer dans le Soudan avait évoqué en France l'indi-
gnation générale.
Cependant l'expédition au Soudan fut continuée, mais ne fit que
très lentement de progrès. En septembre 1898, Kitchener arriva à
Fachoda et trouva cette place entre les mains des Français. Lord
Kitchener déclara au commandant français Marchand qu'il ne pouvait
-ocr page 64-reconnaître l'occupation par les Français d'une partie quelconque de
la vallée du Nil, et fit arborer à côté du drapeau français celui de
l'Egypte.
De nouveau une grande indignation se montra tant en Grande-
Bretagne qu'en France, et le ton des journaux fut tellement menaçant
qu'une guerre sembla inévitable.
Cependant M. Delcassé, le nouveau ministre des Affaires étran-
gères en France, était plus partisan d'une- entente avec la Grande-
Bretagne que d'un rapprocliement avec l'Allemagne. En conséquence,
le gouvernement français décida de céder et ordonna à Marchand
d'évacuer Fachoda et même de retourner par l'Ethiopie.
La Grande-Bretagne fondait ses prétentions sur le Soudan pour
elle-même sur le droit de conquête et pour l'Egypte sur les droits
dormants du Khédive. En vertu de ses droits la Grande-Bretagne
décida d'établir au Soudan un condominium avec l'Egypte, qui avait
prêté assistance pendant la conquête britannique sous forme de troupes
et d'argent.
Il va sans dire que l'institution de ce condominium n'était pas
agréable à l'Egypte. Car, et non sans raison, elle craignait que la
Grande-Bretagne ne mît tous ses efforts pour transformer un jour
ou l'autre le condominium anglo-égyptien en une colonie britannique.
Cependant la Grande-Bretagne a pressé l'Egypte d'accepter le
condominium sur le Soudan; et par le traité du 19 janvier 1899, entre
la Grande-Bretagne et l'Egypte, ce condominium fut définitivement
établi.
Dans le préambule du dit traité, les anciens droits de l'Egypte et
les droits de conquête de la Grande-Bretagne et de l'Egypte ensemble
sont reconnus.
En ce qui concerne l'administration du condominium soudanais le
traité dispose dans l'article 3 :
« The supreme military and civil command in the Sudan shall be
vested in one officer, termed the « Governor General of the Sudan ».
He shall be appointed by Khedivial Decree on the recommendation
of Her Britannic Majesty's Government, and shall be removed only
by Khedivial Decree, v^ith the consent of Her Britannic Majesty's
Government. »
L'article suivant précise les pouvoirs du Gouverneur général :
« Laws, as also orders and regulations, with the full force of law,
for the good government of the Sudan, and for regulating the holding,
disposal, and devolution of property of every kind therin situate, may
from time to time be made, altered, or abrogated by Proclamation of
the Governor General. Such laws, orders, and regulations may apply
to the whole or any named part of the Sudan, and may, either expli-
citly or by necessary implication, alter or abrogate any existing law
or regulation.
» All such Proclamations shall be forthwith notified to Her
Britannic Majesty's Agent and Consul-General in Cairo, and to the
President of the Council of Ministers of His Highness the Khedive. »
Et enfin l'article 5 dispose :
« No Egyptian Law, Decree, Ministerial Arrêté, or other enact-
ment hereafter to be made or promulgated, shall apply to the Sudan
or any part thereof, save in so far as the same shall be applied by
Proclamation of the Governor-General in the manner hereinbefore
provided. » (i).
Pour notre recherche, l'article 4 du traité anglo-égyptien est de
loin le plus important. Car ici nous trouvons expressément stipulé
que le Gouverneur général, nommé par le Khédive sur une recomman-
dation du gouvernement britannique, sera muni de pouvoirs législatifs.
Et du fait que le Gouverneur général peut arrêter, changer ou
abroger des règlements, sans que ses décisions doivent obtenir l'ap-
probation ultérieure des gouvernements britannique et égyptien, il
résulte que le Gouverneur général a une compétence réglementaire
autonome.
Il en résulte aussi que les deux gouvernements de la Grande-
Bretagne et de l'Egypte, par le Traité du 19 janvier 1899, ont délégué
leur propre pouvoir législatif au Gouverneur général.
Il y a donc vraiment ici un exemple de délégation de compétence
réglementaire dans le droit des gens.
Jusqu'à nos jours, ce traité établissant un condominium de la
Grande-Bretagne et de l'Egypte sur le Soudan est de jure toujours en
vigueur. Cependant on peut bien admettre que de facto le Soudan est
presque tout à fait devenu une colonie anglaise (2).
Le Traité anglo-égyptien du 26 août 1936 vient de continuer
provisoirement le régime établi par le traité de 1899.
Après avoir soumis à un examen quelques cas d'arbitrage législatif,
le rôle de certaines commissions internationales, fluviales et autres
et le régime des condominiums, tant temporaires que permanents,
nous continuons notre recherche par l'examen d'autres organes inter-
nationaux importants pour notre exposé.
(1)nbsp;Texte dans van Houten, o. c., p. 147 et suiv.
(2)nbsp;van Houten, o. c., pp. 84 et 85.
-ocr page 66-LES TRIBUNAUX MIXTES EN ÉGYPTE.
Nous estimons qu'il y a lieu de nous occuper maintenant d'une
organisation d'une nature toute différente de celle des commissions
internationales et des condominiums, savoir les tribunaux mixtes
en Egypte.
L'Egypte tant qu'elle était placée sous la souveraineté de l'Empire
Ottoman était soumise, pendant des siècles, comme celui-ci, au régime
des capitulations. Le firman de la Porte qui en 1841 donna l'Egypte à
Mehemet Ali à titre héréditaire et les actes du Sultan des 21 mai
1866 et 5 juin 1867 ont expressément déclaré que les capitulations
seraient observées dans ce pays.
Au cours du xix® siècle, à cause de 1'affluence de plus en plus nom-
breuse d'étrangers en Egypte, un droit coutumier s'y constituait, qui
peu à peu déformait les capitulations pour donner aux consuls étrangers
un pouvoir de juridiction beaucoup plus large qu'en Turquie.
En 1861 furent institués, en matière commerciale, au Caire et à
Alexandrie, des tribunaux mixtes. Et quelques années après, des
modifications encore plus importantes furent réalisées en Egypte.
Frappé des abus et inconvénients que présentait à divers points
de vue la justice des consuls, le ministre des affaires étrangères,
Nubar Pacha, adressa en 1867 au Khédive un rapport tendant à
établir des tribunaux mixtes composés d'étrangers et d'indigènes,
auxquels serait remise une grande partie de la juridiction appartenant
aux tribunaux consulaires.
Et son rapport, après avoir été l'objet de longues négociations
avec les puissances, qu'interrompit la guerre franco-allemande de
1870, aboutit le 24 février 1873 à un projet de règlement d'organisation
judiciaire pour les procès mixtes en Egypte, auquel adhérèrent suc-
cessivement les différents gouvernements.
Ce règlement porte la date du 10 novembre 1874, ^ été mis en
vigueur le i®'quot; mai 1876 et établit au Caire, à Alexandrie, à Zagazig
(plus tard : Ismaïla, maintenant : Mansourah) des tribunaux de
première instance et à Alexandrie une cour d'appel.
Ces tribunaux sont des tribunaux égyptiens qui rendent la justice
au nom du Khédive et dont les membres, fonctionnaires égyptiens,
sont nommés et rémunérés par l'autorité locale ou officiellement
présentés à celle-ci par leurs propres gouvernements.
Au rapport du gouvernement égyptien de 1867 étaient joints six
codes relatifs au droit civil, au droit de commerce, au droit de com-
merce maritime, au droit de procédure civile, au droit pénal et au droit
d'instruction criminelle.
Les tribunaux sont composés d'une chambre civile, d'une chambre
pénale et d'une chambre de procédure sommaire.
La première se compose de trois juges, dont deux étrangers, la
seconde également de trois juges dont deux étrangers et en outre quatre
assesseurs, dont deux auront la nationalité de l'accusé. En procédure
sommaire, il sera jugé par un juge qui est toujours un étranger.
La Cour d'Appel juge en chambres composées de cinq membres ;
la majorité des juges, parmi laquelle se trouve le président, est com-
posée d'étrangers.
La compétence des tribunaux mixtes comprend en matière civile
et commerciale :
a)nbsp;les contestations en matière des immobilières, situées en Egypte,
entre indigènes et étrangers ou entre étrangers de la même nationalité
ou de nationalité différente ;
b)nbsp;toutes les autres contestations de nature civile ou commerciale
entre indigènes et étrangers, ou entre étrangers de nationalité diffé-
rente, à moins que le différend ne concerne pas une question de statut ;
c)nbsp;les affaires de faillite en tant qu'il s'agit des intérêts de diffé-
rentes nationalités.
En matière pénale la compétence des tribunaux mixtes comprend :
a) toutes les contraventions de police commises par les étrangers ;
h) les crimes et délits commis par des étrangers ou des indigènes
directement contre les magistrats, les jurés et les officiers de justice
dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de lexu-s fonctions;
c)nbsp;les crimes et délits imputés aux juges, jurés et officiers de justice
quand ils sont accusés de les avoir commis dans l'exercice de leurs
fonctions ou par suite d'abus de ces fonctions ;
d)nbsp;les délits de banqueroute simple et de banqueroute frauduleuse
ainsi que certains délits connexes à ces faits, imputables à d'autres
que le failli.
La jtu'idiction des tribunaux mixtes s'effectue en vertu des codes
spécialement arrêtés. Pour une modification de ces codes, d'après la
nouvelle rédaction de l'article 12 du Code Civil Mixte arrêtée en
1911 par les Etats contractants, est requise l'approbation du collège
des conseillers de la Cour d'Appel, suppléé d'un juge de chaque Etat
contractant qui ne siège pas dans la Cour.
« L'organisation des Tribunaux Mixtes présente une curiosité
stœprenante : c'est que la Réforme n'a pas seulement attribué à ces
tribunaux des pouvoirs de juridiction, mais qu'elle leur a attribué
aussi des pouvoirs législatifs, d'une étendue considérable » (1).
(1) Heyligers, o. c., p. 85.
-ocr page 68-Pour tout autre pays un phénomène pareil serait impossible
d'après la doctrine de la séparation des pouvoirs de Montesquieu.
Mais l'existence des capitulations en Egypte explique l'anomalie
apparente des pouvoirs législatifs combinés avec les fonctions judi-
ciaires des Tribunaux Mixtes. Car, « le principe de l'immunité législa-
tive est le second principe organique du régime des capitulations en
Egypte » (i).
Un décret khédivial du 3i janvier 1899, auquel les Puissances
donnèrent leur adhésion, attribua expressément à la Cour d'Appel
Mixte, certains pouvoirs dans les limites desquels la Cour coopérerait
dorénavant à la confection des ordonnances du gouvernement
égyptien (2).
Cependant on ne saurait considérer ces attributions comme une
compétence réglementaire complète ; elles n'établissent « qu'un con-
trôle législatif au profit de la juridiction supérieure mixte » (3).
Car la compétence de la Cour ne comprenait qu'une délibération
préalable des ordonnances de police applicables aux étrangers. Cette
délibération devait se borner à assurer : 1° que les lois et règlements
proposés étaient communs à tous les habitants du territoire égyptien
sans exception et 2° qu'ils ne contenaient aucune disposition contraire
aux textes des traités et conventions et enfin 3° que dans leurs dispo-
sitions ils ne contenaient aucune peine supérieure aux peines de
simple police (4).
Après d'amples négociations entre les Puissances et l'Egypte on
aboutit enfin à un accord qui fut sanctionné par une loi de 1911. Cette
loi modifia l'article 12 du Code Civil Mixte en ce sens qu'on peut dire
qu'il y a eu une réforme législative considérable.
Le nouvel article 12 du Code Civil Mixte attribue maintenant
une certaine compétence réglementaire, non plus à l'assemblée
générale de la Cour, comme c'était le cas pour les règlements de police
depuis 1889, m.ais à cette même assemblée générale renforcée par un
juge de chacun des Etats ayant adhéré au régime des tribunaux mixtes,
et qui n'est pas déjà représenté à la Cour par un conseiller. Cependant,
cette attribution se borne à l'examen, par ce grand conseil de magis-
trats mixtes, de chaque projet tel que l'objet en est déterminé par le
gouvernement égyptien et sur son initiative. Ces projets de loi sont
donc à prendre ou à laisser, et aucun amendement ne saurait être
présenté par l'assemblée législative (5).
(1)nbsp;Heyligers,nbsp;o. c., p. 86.
(2)nbsp;Heyligers,nbsp;o. c., pp. 89 et 90.
(3)nbsp;Heyligers,nbsp;o.nbsp;c., p. 90.
(4)nbsp;Heyligers,nbsp;o.nbsp;c., p. 90.
(5)nbsp;Heyligers,nbsp;o.nbsp;c., p. 91.
-ocr page 69-Esf-ce qu'il résulte maintenant de cette compétence attribuée en
1911 à l'Assemblée de la Cour d'Appel Mixte, qu'on a ici un exemple
de délégation de compétence réglementaire en droit des gens ?
Accepté même, mais nous ne sommes point enclins à maintenir
cette thèse, accepté que le décret de 1911 et le nouvel article 12 du
Code Civil Mixte aient conl^éré en effet à la Cour agrandie une compé-
tence réglementaire autonome, est-ce qu'il y a en ce cas lieu de parler
ici d'une délégation de compétence réglementaire en droit des gens
comme nous la comprenons dans notre exposé ? Nous ne le croyons
point.
La Cour et les tribunaux mixtes ne sont que des organes égyptiens,
qui sont le résultat du traité conclu entre les Puissances et l'Egypte
pour l'abolition partielle du régime des capitulations. Les Puissances
signataires de la Convention de iSyS ne sont donc pas les instituteurs
des tribunaux mixtes. Le gouvernement égyptien et lui seul a institué
et fondé ces tribunaux.
A plus forte raison, il faut reconnaître que ce ne sont pas les
Puissances qui ont conféré à la Cour d'Appel Mixte une compétence
réglementaire. Seul, le gouvernement du Khédive a institué, en consé-
quence du traité de iSyS, les tribunaux mixtes, conférant en même
temps à la Cour d'Appel Mixte, renforcée de quelques juges, une
compétence réglementaire. De la part des Puissances il n'y a donc
aucune délégation de compétence réglementaire à la Cour.
Il peut tout au plus exister une délégation de pouvoir législatif de
la part du gouvernement égyptien à la Cour, mais uniquement si on
accepte que la Cour possède un pouvoir législatif autonome et complet.
D'après nous, la Cour ne possède pas un pouvoir pareil, car elle
ne peut pas arrêter elle-même des lois, ordonnances et règlements
qui auront force de loi sans une approbation ultérieure.
Il y a peut-être lieu de voir dans le traité de iSyS entre les Puis-
sances et l'Egypte une forme de délégation de compétence réglemen-
taire de la part de ces Puissances à l'Egypte. On doit alors construire
cette figure que les Puissances et l'Egypte sont tombées d'accord pour
conférer à l'Egypte la compétence d'instituer des tribunaux mixtes^
pour plusieurs cas soumis auparavant au régime des capitulations.
Cette construction ne nous semble pas inacceptable.
Quand les Puissances et l'Egypte conviennent de substituer à
plusieurs cas soumis au régime des capitulations, une juridiction des
tribunaux mixtes, et que l'Egypte accepte d'exécuter cette convention
en instituant des tribunaux mixtes, il y a lieu de voir ici une forme de
délégation de compétence réglementaire en droit des gens. Car,^ en
tout cas, les Puissances acceptent par ce traité que dans certaines
hypothèses leurs citoyens ne seront plus jugés d'après le régime
privilégié des capitulations, mais par des tribunaux mixtes, c'est-à-dire
par des organes égyptiens, bien que de composition internationale.
Cette construction théorique d'une hypothèse de délégation, en
résumé, nous semble acceptable. Voir en la compétence de la Cour une
compétence réglementaire conférée directement par les Puissances à
la Cour, est au contraire pour nous, une construction tout à fait
madmissible. En somme, point de délégation de compétence réglemen-
taire du droit des gens, bien une délégation de pouvoir législatif du
droit égyptien.
On peut dire la même chose d'une disposition dans le Code de
Procédure des Tribunaux Mixtes. La loi de 1906, promulguée après
un accord entre les Puissances et l'Egypte, « permet aux Chambres
réunies de la Cour de s'occuper, à la demande de l'une d'elles, d'une
cause dans laquelle la question de droit à décider, a fait l'objet d'arrêts
antérieurs contraires, ou encore d'une affaire dont la solution paraît,
à la Chambre appelée a la trancher, devoir s'écarter d'une jurispru-
dence antérieure. La Cour d'Appel Mixte tout entière, ses Chambres
assemblées, statue dans ces cas en droit, et après s'être prononcée sur
ce point, renvoie la cause devant la Chambre primitivement saisie » (1).
L'article du Code de Procédure Mixte stipule : « En cas de
silence, d'insuffisance ou d'obscurité de la loi, le juge se conformera
aux principes du droit naturel et aux règles de l'équité ».
Ici vraiment la Cour a été munie d'une compétence réglementaire
autonome et complète. Chose particulièrement intéressante : un
tribunal muni de pouvoir législatif. Mais ce pouvoir ne forme pas un
exemple de délégation de compétence réglementaire du droit des gens ;
au contraire c'est le gouvernement égyptien, et non les Puissances, qui
a délégué à la Cour ce pouvoir législatif.
En résumé nous pouvons donc dire ce qui suit. Les Tribunaux
Mixtes en Egypte sont à qualifier comme étant les fruits d'une déléga-
tion de compétence du droit des gens, mais il ne s'agit pas d'un exemple
de délégation de compétence réglementaire. Pour le cas qu'on accepte,
au contraire, que la Cour possède une véritable compétence régle-
mentaire autonome, la situation se présente comme une délégation de
pouvoir législatif d'après le droit égyptien de la part du gouvernement
égyptien à la Cour en vertu du décret de 1899. En somme, la loi de
1906 contient une véritable délégation de compétence réglementaire
de la part du gouvernement égyptien à la Cour, pour les cas de silence,
d'insuffisance ou d'obscurité de la loi, cas dans lesquels la Cour
jugera d'après les principes du droit naturel et des règles de l'équité.
^ Nous nous sommes occupés assez longtemps des Tribunaux
Mixtes en Egypte, parce que leur régime nous semblait particulière-
ment important et remarquable comme exemple de l'évolution du droit.
(1) Heyligers, o. c., pp. 95 et 96.
-ocr page 71-COMMISSIONS INTERNATIONALES
DE CARACTÈRE ADMINISTRATIF ET CONSEILS D'HYGIÈNE.
L'Unionnbsp;Nous. commençons par 1' « Union Télégraphique
Télégraphique Universelle » comme étant la plus ancienne.
■nbsp;Le 20 juillet i85o une convention télégraphique fut
conclue entre la Prusse, la Bavière, la Saxe et l'Autriche
afin d'assurer la sécurité et la rapidité de la transmission
des dépêches (i). Plus tard, en 1862, les autres Etats allemands
adhérèrent à cette convention. Egalement en 1862 une convention télé-
graphique fut conclue entre les Etats Romans. Le 17 mai i865 ces
deux groupes furent fusionnés à Paris en 1' « Union Télégraphique
Universelle ». Les Pays-Bas aussi avaient adhéré à la Convention de
i85o en 1862 (2).
Le traité du 17 mai i865 instituant 1' « Union Télégraphique
Universelle » se compose du traité proprement dit et d'un règlement
de service (3). Le traité a été modifié pour la première fois le 22 juillet
1876 à Saint-Pétersbourg, pour la dernière fois le 22 septembre 1928
à Bruxelles.
Un Bureau International a été institué à Berne. Il est composé
de représentants des administrations télégraphiques des Etats contrac-
tants et chargé d'étudier les améliorations désirables et surtout de
servir de trait d'union entre les Etats.
L'article i5 du traité dispose expressément que le règlement de
service a la même force de loi que le traité. Ef l'article 13 stipule que
le règlement de service peut être modifié par les administrations en
commun.
Il résulte de ces deux articles, d'abord, que le traité lui-même
envisage le règlement de service comme étant une partie du traité,
ayant la même force de loi; ensuite que de cette unité de traités —
traité proprement dit et règlement de service — une partie, le traité,
ne peut pas, l'autre partie, le règlement de service, peut être modifiée
par les administrations en commun. Et il en résulte aussi, et surtout du
fait que le traité ne stipule pas le contraire, que cette seconde partie
du traité, le règlement de service, peut être modifiée par les administra-
tions en commun sans approbation ou ratification ultérieure de la part
des états signataires du traité de i865.
(1)nbsp;Lagemans, III., p. 242.
(2)nbsp;Staatsblad 1862, n° 55.
(3)nbsp;Staatsblad i865, nquot; 111.
-ocr page 72-En résumé, il résulte des articles 13 et 15 que les états signataires
du traité ont délégué pour une partie du traité, pour le règlement de
service, leur propre compétence réglementaire au Bvuquot;eau International,
c'est-à-dire aux administrations en commun. Celles-ci possèdent donc
une compétence réglementaire autonome.
L'Unionnbsp;Une réglementation analogue est à constater dans
Podatenbsp;l'organisation de 1' « Union Postale Universelle ».
UniveréeUe.nbsp;l'invitation de la Confédération Suisse, un congrès
s'est réuni à Berne le i5 septembre 1874. Vingt-deux Etats
y furent représentés. Le résultat de ces délibérations fut
le traité de Berne du 9 octobre 1874 pour la création d'une Union
Postale Générale.
Un nouveau congrès tenu à Paris en mai 1878 aboutit par la signa-
ture du traité du juin 1878, qui adopta la dénomination d' « Union
Postale Universelle ».
Depuis, à plusieurs reprises, de nouvelles conférences ont eu lieu,
où les dispositions du traité furent modifiées et complétées, comme à
Lisbonne en i885, à Vienne en 1891, à Washington en 1897, à Rome
en 1906, à Madrid en 1920, à Stockholm en 1924 et pour la dernière
fois à Londres en 1929.
Le Traité de Berne de 1874 décida l'organisation d'un office
central de toutes les organisations postales des Etats signataires,
sovis le nom de Bureau International de l'Union Universelle des
Postes. Ce Bureau a son siège à Berne.
L'article 14 du traité stipule que les administrations ont le droit
d'arrêter un règlement contenant les prescriptions nécessaires pour
l'exécution du traité.
Poiu- ce règlement, qui sera arrêté ou modifié par les administra-
tions en commun, l'approbation ultérieure des Etats signataires n'est
pas obligatoire, de sorte que nous nous référons aux conclusions
relatives à l'Union Télégraphique Universelle.
Lednbsp;Pour terminer l'examen de la compétence des diffé-
ComtnuéLoné rentes Commissions et Bureaux internationaux, il faut
anitaireé. encore parler des deux commissions sanitaires prévues
dans la Convention de Paris du 3 décembre 1903 (1).
Cette convention avait pour but, d'après le texte du
préambule, « d'arrêter dans un même arrangement, les mesures propres
à sauvegarder la santé publique contre l'invasion et la propagation
(1) Staatsblad 1907, nquot; 247.
-ocr page 73-de la peste et du choléra » et de reviser et compléter les conventions
sanitaires en vigueur. Une nouvelle convention a été conclue à Paris,
le 21 juin 1926 (1). Les articles 164, i65 et 170 de la Convention
Sanitaire de 1903 nous offrent un exemple tout spécial d'une tentative
de délégation de compétence réglementaire.
Il a été stipulé dans ces articles ce qui suit :
« Art. 164. — Le Conseil sanitaire maritime et quaranfenaire
d'Egypte est chargé de mettre en concordance avec les dispositions
de la présente convention les règlements actuellement appliqués par
lui concernant la peste, le choléra et la fièvre jaune, ainsi que le règle-
ment relatif aux provenances des ports arabiques de la Mer Rouge, a
l'époque du pèlerinage. Il revisera, s'il y a lieu, dans le même but, le
règlement général de police sanitaire, maritime et quarantenaire
présentement en vigueur. Ces règlements, pour devenir exécutoires,
doivent être acceptés par les diverses puissances représentées au
Conseil. »
« Art. i65. — Le Conseil supérieur de Santé de Constantinople
est chargé d'arrêter les mesures à prendre pour prévenir l'introduction
dans l'Empire Ottoman et la transmission à l'étranger des maladies
épidémiques. »
« Art. 170, alinéa i®»quot;. — Les décisions du Conseil Supérieur de
Santé, prises à la majorité des membres qui le composent, ont un
caractère exécutoire, sans autre recours. »
Ces Conseils sanitaires, tant en Egypte qu'à Constantinople,
sont des comités dans lesquels siègent des délégués égyptiens et
ottomans à côté de délégués des autres puissances. Le nombre des
délégués égyptiens est fixé à quatre par l'article 2 du Décret Khedivial
du 19 juin 1893; celui des délégués ottomans a été fixé également a
quatre par l'article 166 de la Convention de 1903.
Ces deux Conseils aussi sont des comités internationaux Et,
quoiqu'à la première vue ils se ressemblent assez fortement, leurs
pouvoirs cependant sont très différents.nbsp;inbsp;-i
Car, d'après l'article 164 de la Convention de igoS, le Consed
sanitaire, maritime et quarantenaire d'Egypte ne possède pas de
compétence réglementaire autonome, tandis que 1 article 170, au
contraire, la confère au Conseil Supérieur de Santé de Constantinople
Pour l'adoption et la modification des règlements par le Uonseit
Sanitaire d'Egypte l'approbation des Puissances signataires est
requise, afin que ces règlements soient exécutoires, dispose 1 article 104.
Mais, pour les mesures prises à la majorité par le Conseil Supérieur
(1) Staatsblad igSo, nquot; SsS.
-ocr page 74-de Santé de Constantinople, il n'est pas nécessaire d'obtenir
l'approbation ultérieure des Puissances signataires. Elles sont exécu-
toires de par le fait de leur adoption par le Conseil et « sans autre
recours ».
Dans le premier cas, celui de l'Egypte, il y a donc seulement une
tentative de délégation de compétence réglementaire ; dans le second
cas, celui de Constantinople, il y a en effet, un exemple de pareille
délégation, ce Conseil étant compétent pour prendre des décisions et
arrêter des règlements qui auront force de loi sans aucune approbation
ou ratification ultérieure par les Puissances signataires.
Entre temps, le Conseil Supérieur de Santé de Constantinople
a été supprimé par l'article 114 du traité de paix de Lausanne (1923).
TRIBUNAUX INTERNATIONAUX DE JUSTICE.
Déjà les trois tribunaux internationaux projetés en 1907, c'est-à-
dire la Cour de Justice arbitrale, la Cour internationale des prises,
et la Corte de Justicia centro-americana (dont seule la dernière est
entrée en vigueur), nous offrent des exemples d'une compétence régle-
mentaire des organes judiciaires de la communauté des états.
L'article 32 du projet de convention sur la Cour de Justice
Arbitrale déclara, tout comme l'article 49 sur la Cour internationale
des^ Prises, que la cour relative serait compétente d'établir (dans les
limites du droit de procédure arrêté par la convention) son propre
règlement d'ordre intérieur, dans lequel des règles supplétoires de
procédure pourraient trouver une place. Les articles 33, respectivement
5o des dites conventions réservaient explicitement la modification
des règles de procédure conventionnelles mêmes aux parties con-
tractantes, autorisant, en même temps, la cour relative de présenter
des projets de modification des règles de procédure. La définition de
la compétence de la Cour de Justice centre-américaine de 1907 était
déjà plus large; en effet, d'après l'article 26 de la convention relative
de Washington du 20 décembre 1907 (1) : « Queda autorizado el
Tribunal para acordar su reglamento, para dictar las ordenanzas de
procedimiento que sean necesarias y para la determinaciôn de formas
y plazos que no se hayan prescrito en la présente Convenciôn ».
Ces règles de procédure supplétoires ne devaient qu'être commu-
niquées aux parties contractantes ; l'approbation par celles-ci n'était
pas requise.
(1) de Martens, N. R. G. 3« série, III, pp. io5 et suiv.
-ocr page 75-Une tâche plus large, relativement au droit de procédure, fut
confiée, après la guerre mondiale, aux « tribunaux arbitraux mixtes »,
institués par les traités de paix. Qu'on compare l'article 004^, du
Traité de Versailles rédigé comme suit : « Chaque Tribunal arbitral
mixte établira lui-même sa procédure en tant qu'elle ne sera pas réglée
par les dispositions de l'annexe au présent article... », et les dispositions
correspondantes des autres traités de paix.
Cette mission est en accord avec la compétence réglementaire
qu'on confère assez souvent à plusiem's « commissions mixtes ». On
en a un exemple dans les « daims conventions » conclues par le Mexi-
que avec plusieurs puissances après la période révolutionnaire de
1910 à 1920.
La Cournbsp;Toutefois, nous nous occuperons plus spécialement
Permanentenbsp;Cour Permanente de Justice internationale, laquelle
de Tuéticenbsp;devons à la Société des Nations.
InlernatwnaU.nbsp;^^^^^ ^^^^ ^ ^^^ prévue, mais non instituée par le
Pacte de la Société des Nations. Car l'article 14 du
Pacte stipule que « le Conseil (de la Société des Nations)
est chargé de préparer un projet de Cour Permanente de Justice
Internationale et de le soumettre aux membres de la Société... ».
Le statut organique de la Cour fut élaboré en 1920 par un comité
de juristes désignés par le Conseil et qui se réunirent à La Haye, le
16 juin 1920, sous la présidence du Baron Descamps. Le projet étabh
par ce comité fut présenté au Conseil, qui, en octobre 1920 et après
une étude approfondie, adopta le projet avec quelques modifications.
En cette forme, le projet fut présenté en novembre 1920 à l'Assemblee,
qui, après quelques modifications, l'adopta également le i3 décembre
Toutefois, la Cour n'a pas été instituée juridiquement et définitive-
ment par la S. d. N. elle-même, mais par une espèce particulière de
traité international, c'est-à-dire par le Protocole de signature du
16 décembre 1920, ouvert aux signatures des membres de la bociete.
Au début, lors des discussions sur l'institution de la Cour, on a
discuté la question de savoir si l'Assemblée avait qualité pour instituer
la Cour de sa propre autorité. Si l'Assemblée avait affirmé sa compe-
tence, la Cour aurait été instituée par une résolution de ladite Assem-
blée sans collaboration ultérieure de la part des Etats, notamme^,
sans ratification de cette résolution par les Membres de la b. d iN.
Dans ce cas, nous nous serions trouvés en présence d une veritable
délégation législative à l'Assemblée de la S. d. N.nbsp;, t» /
Cependant, l'Assemblée, vu les termes de l'article 14 du Pacte,
cités ci-dessus, a fini par nier sa propre compétence, et par estimer
nécessaire la signature d'un protocole spécial entérinant le texte du
Statut, et qui serait soumis à la ratification de tous les Membres de
la Société.
Le Statut de la Cour ainsi arrêté et auquel les Etats visés à
l'annexe du Pacte pourraient adhérer en signant le même protocole,
auquel ledit Statut était joint, comprenait primitivement soixante-
quatre articles et en comprend actuellement soixante-huit (i).
Au chapitre pr, qui traite de l'organisation de la Cour, nous
trouvons dans l'article 3o, une disposition importante pour notre
examen. « La Cour détermine, par un règlement, le mode suivant
lequel elle exerce ses attributions. Elle règle notamment la procédure
sommaire ».
Le règlement visé ici fut arrêté, pour la première fois, le 24 mars
1922 et comprenait alors soixante-quinze articles. Depuis le 11
mars 1936, un nouveau règlement est en vigueur comprenant quatre-
vingt-six articles.
Nous avons vu au début, en parlant de l'institution de la Cour
Permanente de Justice Internationale, que l'Assemblée de la S. d. N.,
après en avoir adopté à l'unanimité, le Statut futur, a néanmoins crû
nécessaire, après de vives discussions, de dresser encore un protocole
spécial, auquel les Membres de la S. d. N. et certains autres Etats,
devraient adhérer par leur signature et leur ratification subséquente.
Il s'ensuit que, au point de vue juridique, le Statut de la Cour n'est
autre chose qu'un traité international conclu entre les Membres de
la Société des Nations.
Ce sont donc les Etats et non la S. d. N. qui ont arrêté dans ce
Statut, l'institution et l'organisation de la Cour. Il va de soi que, à
défaut de stipulation expresse à cet effet, le corps des juges désignés
en vertu du Statut n'a aucun droit de le modifier. Ce droit de modi-
fication, le Statut étant un traité international, n'appartient juridique-
ment qu'aux Etats signataires du traité. L'Assemblée de la S. d. N.
elle-même n'est pas plus qualifiée pour le modifier de sa propre autorité,
un protocole nouveau sera nécessaire.
L'Assemblée de la Société des Nations, en arrêtant le texte du
Statut de la Cour, aurait été dans ses pleins droits si elle avait en
même temps arrêté un règlement détaillé, d'après lequel la Cour
aurait à remplir ses fonctions. Cependant elle ne l'a pas fait. Elle est
même allée plus loin et elle a conféré à la Cour elle-même, dans
1 article 3o, le droit d'arrêter son propre règlement suivant lequel elle
exercera ses attributions. L'article 3o va plus loin : il confère à la
Cour le droit de régler la procédure sommaire. Voilà une stipulation
(1) Le Statut modifié de 1929 est entré en vigueur le i«' février igSô.
-ocr page 77-importante, d'autant plus que la procédure ordinaire a été réglée par
le Statut lui-même.
Il faut donc distinguer dans l'article 3o du Statut un double
pouvoir conféré à la Com- : d'abord celui d'arrêter un règlement pour
l'exercice de ses attributions, définissant entre autres les fonctions du
président, des chambres et du greffe, les modalités de procédure
ordinaire, etc., et ensuite le pouvoir de régler la procédure
sommaire.
Dans le Statut entier nous ne trouvons pas un article qui stipule
que le règlement de la Cour doit obtenir l'approbation des Etats
signataires ou de l'Assemblée. Or, la Cour, en somme, possède une
compétence de faire des règlements. Parce que le Statut se fait sur
une approbation ultérieure éventuelle de la part de la S. d. N. ou des
Etats contractants, on doit conclure que la Cour possède cette
compétence indépendamment des Etats contractants, qu'elle est, dans
ce domaine, un législateur autonome. L'Asssemblée de la Société des
Nations en adoptant le Statut, et les Etats contractants en signant et
ratifiant le protocole, ont délégué leur propre pouvoir législatif en
matière de règlements internes et de procédure sommaire, à la Cour.
Celle-ci arrête ces règlements qui ont force de loi et qui entrent en
vigueur sans aucune approbation ou ratification ultérieure de la part
des Etats créateurs du Statut. Et cela ne vaut pas seulement pour les
règlements d'organisation interne. Non, ici une Cour a été déclarée
compétente pour arrêter souverainement les règles d'après lesquelles
la procédure sommaire aura lieu.
Or, il est bien certain, qu'il s'agit ici d'un exemple de délégation
de compétence réglementaire.
Nous devons encore nous arrêter au Statut de la Cour.
Il y a encore un article qui, à vrai dire, ne donne pas un exemple
de délégation tellement incontestable que celui de l'article 3o, mais
qui quand même est assez intéressant pour notre examen.
Il s'agit de l'article 38 rédigé comme suit :
« I^a Cour applique :
» 1. Les conventions internationales, soit générales, soit spéciales,
établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige ;
» 2. La coutume internationale comme preuve d'une pratique
générale acceptée comme étant le droit ;
» 3. Les principes généraux de droit reconnus par les nations
civilisées ;
» 4. Sous réserve de la disposition de l'article 69, les décisions
judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés, comme
moyen auxiliaire de détermination des règles de droit. »
» La présente disposition ne porte pas atteinte à la faculté pour
la Cour, si les parties sont d'accord, de statuer ex aequo et bono. »
Ce dernier alinéa est très important. Car il dit en d'autres mots
que la Cour, si les parties sont d'accord, a le droit de statuer d'après
des règles de l'équité qu'elle arrête elle-même pour chaque cas.
Il va sans dire que nous n'avons pas affaire ici à une délégation
de compétence réglementaire analogue à celle que nous avons constatée
dans l'article 3o. Car, dans l'hypothèse visée à l'alinéa dernier de
l'article 38, la Cour ne peut pas fixer des règles à son propre gré; elle
peut faire cela uniquement quand elle y a été expressément autorisée
par les parties en litige. On ne peut pas dire qu'il s'agit ici d'une délé-
gation de compétence réglementaire ordinaire ; mais il est de fait que,
dans ce cas, on se trouve en présence d'une forme spéciale de délé-
gation, qui ne se réalise que du moment que deux parties litigantes, i. e.
deux Etats conviennent de demander à la Cour une sentence ex aequo
et bono. Voici donc un exemple qui ressemble à ceux que nous avons
traités au début de ce chapitre.
M. Anzilotti écrit à ce sujet : « L'article 38 de la Cour permet à
celle-ci de statuer ex aequo et bono, si les parties sont d'accord, et ainsi
d'adopter un règlement du différend qui peut aller bien au delà de la
simple certification du droit en vigueur » (i).
On peut constater ici un symptôme de la tendance que nous avons
déjà signalée autre part, de conférer à un organe judiciaire d'autres
compétences que simplement judiciaires. Nous estimons qu'on peut
défendre la conception qu'il y a vraiment ici une délégation de com-
pétence réglementaire à la Cour de la part des parties en litige. En
effet, l'établissement des règles de l'équité par la Cour ne s'effectue
qu'en vertu d'une autorisation ou d'un mandat officiel de la part des
deux Etats en litige. Mais du moment que les deux parties litigantes
sont d'accord pour soumettre leur différend à une sentence ex aequo et
bono de la Cour, celle-ci peut arrêter les règles de l'équité auxquelles
les deux parties doivent se résigner. Pom- l'établissement de ces
règles de l'équité, la Cour est le seul maître; elle n'est soumise à
aucun pouvoir ou organe supérieur et elle peut arrêter ces règles
d'après sa propre conception sur l'équité.
Peut-être on pourrait dire qu'il y a ici une espèce de double
délégation. Nous expliquerons cette idée.
Les Etats signataires du Statut de la Cour Permanente de Justice
Internationale ont conféré à la Cour la compétence de statuer poxur
certains cas ex aequo et bono; c'est une délégation de compétence
(i) Anzilotti, o. c., pp. Zo-j et 3o8.
-ocr page 79-réglementaire de la part des Etats, la règle générale étant qu'une Cour
internationale de justice ou arbitrale ne statue que d'après des règles
établies. Et, en général, les Etats ne sont guère disposés à se soumettre
à des règles autres que des règles de droit. En vertu de l'article 38,
les Etats ont abandonné cette prétention rigoureuse, et les litigants
futurs ont laissé ouverte la possibilité d'une attitude plus souple.
Toutefois, cette délégation de la part des Etats signataires du
Statut dépend d'une autre délégation. La Cour ne peut user de cette
compétence lui conférée par les Etats, qu'en vertu d'une autorisation
spéciale émanant des parties en litige. La délégation de compétence
réglementaire conférée à la Cour par les Etats signataires du Statut
ne se réalise qu'au moment où se réalise la délégation de compétence
réglementaire de la part des parties litigantes.
Dans cette construction, un peu théorique, il y a donc une délé-
gation dépendante d'une autre délégation.
L'ORGANISATION DU TRAVAIL.
L'Organiéatlonnbsp;La Cour Permanente de Justice Internationale
du Travail.nbsp;^^^ p^g le seul organe lié à la Société des Nations qui
nous offre des exemples intéressants de délégation.
Pour prouver notre assertion, nous examinerons l'Or-
ganisation Internationale du Travail telle qu'elle existe depuis les
traités de paix mettant fin à la grande guerre.
L'Organisation du Travail figure dans tous les traités de paix
conclus après la guerre mondiale entre les Puissances Alliées et
Associées et les Puissances Centrales, excepté celui de Sèvres avec la
Turquie. Dans le Traité de Versailles, elle comprend la Partie XIII
(articles 387 à 427). Le statut réglant l'Organisation du Travail est
donc, du fait qu'elle fait partie d'un traité international, lui-même à
considérer comme un traité international.
Les membres originaires de la Société des Nations, en leur qualité
de signataires des traités de paix, sont en même temps membres
originaires de l'Organisation du Travail et, désormais, la qualité de
membre de la Société des Nations entraînera celle de membre de ladite
organisation (1).nbsp;. lt; r 1
L'Organisation permanente du Travail comprend, d'après 1 article
388 : J. une Conférence générale des représentants des membres ;
B. un Conseil d'Administration ; un Bureau International du Travail.
Lors des négociations de paix à Paris en 1919, il a été un moment
donné question de conférer à la Conférence Générale du Travail un
(1) Article 387.
-ocr page 80-pouvoir considérable. Si on avait accepté la proposition allemande,
comprise dans une note du gouvernement allemand du 22 mai 1919,
le pouvoir de la Conférence Générale du Travail aurait sous maints
rapports, dépassé le pouvoir d'une conférence internationale quel-
conque. La note du gouvernement allemand formulait ce qui suit :
« Der zweite Unterschied (entre le projet de la conférence et le
contre-projet allemand) betrifft die Rechtswirksamkeit der Beschlüsse
der Konferenz. Nach den Beschlüssen der Internationalen Gewerk-
schaftskonferenz in Bern sollen aus dem internationalen Parlament
der Arbeit nicht nur internationale Konventionen ohne Rechtskraft,
sondern internationale Gesetze hervorgehen, die vom Augenblick
ihrer Annahme an dieselbe W^irksamkeit ( Rechtskraft) wie nationale
Gesetze haben sollen... Der Entwurf der deutschen Volksregierung
übernimmt diesen Beschlusz und macht die Annahme solcher Gesetze
von der Zustimmung von 4/6 der vertretenen Nationen abhängig.
Derartige Beschlüsse können von einer Konferenz, die auf Grund des
Teils XIII des Friedens Vertragsentwurfs zusammentritt, überhaupt
nicht gefaszt werden, sondern nur Vorschläge oder Entwürfe, die die
beteiligten Regierungen annehmen oder ablehnen können, und für
diese unverbindlichen Vorschläge wird sogar noch eine Mehrheit von
2/3 der Abstimmenden verlangt » (1).
II saute aux yeux que, si ces suggestions avaient été adoptées, la
Conférence Générale du Travail serait devenue un véritable parlement
mondial ; car, d'après la note allemande, les décisions de cette confé-
rence générale seraient devenues obligatoires de par un vote émis par
quatre cinquièmes des Etats représentés. Mais comme nous le savons,
la Conférence de la paix n'est pas entrée dans la voie de la note
allemande. Cette note est d'autant plus intéressante qu'elle constitue
la première tentative sérieuse d'aboutir à l'institution d'un parlement
mondial muni d'un pouvoir législatif autonome.
Nous devons encore signaler deux dispositions importantes
relatives à la Conférence générale. La première est la compétence de
la Conférence Générale de modifier, à une majorité des deux tiers,
tout le chapitre siu- l'Organisation du Travail. Pour une telle modi-
fication, un nombre déterminé de ratifications par les membres de la
Société des Nations est requise. La seconde vise la composition,
vraiment unique, de la Conférence Générale. Car cette conférence, qui
se réunira au moins une fois par an, sera composée pom- la moitié de
délégués des gouvernements des états membres, pour un quart de
délégués indépendants des employeurs et pour l'autre quart de délégués
(1) JUatenalien, betreffend die Friedensverhandlungen ■, Teil II: Der Notenkampf um den Frieden von
VerMilUlt;gt;, Reden und Noten, Teil II, p. 21, Charlottenburg 1919.
des travailleurs (art. 389). Ainsi, un rôle très important retombe aux
délégués qui sont indépendants des gouvernements. Cette stipulation
de l'Organisation du Travail représente une innovation inouïe en
droit des gens.nbsp;.
En ce qui concerne enfin l'administration de l'O. I. T., nous faisons
observer ce qui suit.
Un directeur est placé à la tête du Bureau International du
Travail (1). Ce bureau lui-même est placé sous la direction d'un
Conseil d'Administration, qui désigne le directeur; celui-ci est respon-
sable au Conseil d'Administration de la bonne marche du Bt^eau et
de l'exécution de toutes les autres fâches (2). Le Conseil d Admi-
nistration est composé, d'après le texte modifié de l'article 393, du
2 novembre 1922, comme suit : seize représentants des gouverne-
ments, huit représentants des patrons et huit représentants des ouvriers.
L'alinéa 6 de l'article 393 contient une disposition de nature
législative, car il stipule que « le Conseil d'Administration élira l'un
de ses membres comme Président et établira son règlement gt;gt;. En
matière de son règlement, le Conseil d'Administration est législateur
Il est même législateur autonome, car dans tous les articles qui règlent
l'organisation du travail nous ne trouvons aucune stipulation qui
exige l'approbation de la Conférence Générale des représentants des
membres, en d'autres mots, des signataires des traités de paix, pour
le règlement arrêté par le Conseil d'Administration.
Quoique les signataires des traités de paix, en arrêtant 1 Organi-
sation du Travail, eussent eu le plein droit d'arrêter en même temps un
règlement pour le Conseil d'Administration, ils se sont abstenus d une
réglementation pareille et ont délégué cette compétence au Consed
d'Administration lui-même. Et ils la lui ont déléguée sans se réserver
pour eux-mêmes le droit d'approbation ultérieure. Au contraire, le
règlement arrêté par le Conseil d'Administration aura force de loi
et entrera en vigueur dès la décision prise par ledit Conseil.
Pour ce règlement donc, l'approbation ultérieure des Etats
membres n'est pas requise. Chose intéressante, si l'on pense a l alinéa b
de l'article 393, qui stipule que la manière de pourvoir aux sieges
vacants du Conseil d'Administration et aux autres^ questions de
même nature, peut être réglée par le Conseil d'Administration, mais
sous réserve de l'approbation de la Conférence générale des repré-
sentants des membres. Dans le dernier cas, il ne saurait etre question
de délégation de compétence réglementaire autonome, laquelle nous
paraît incontestable dans le premier cas.
(1)nbsp;Article 394.
(2)nbsp;Article 394.
-ocr page 82-LA SOCIÉTÉ DES NATIONS.
Le Régimenbsp;Nous nous occuperons maintenant du régime des
deà Mandaté. Mandats tel qu'il a été institué par l'article 22 du
Pacte de la Société des Nations.
L'article 22, paragraphe 8 dudit Pacte est rédigé
comme suit : « Si le degré d'autorité, de contrôle ou d'administration
à exercer par le mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention
antérieure entre les Membres de la Société, il sera expressément
statué sur ces points par le Conseil ».
La rédaction actuelle de l'article 22 n'est pas la rédaction ori-
ginale qu'on avait élaborée pendant la Conférence de la Paix en 1919.
L'article XIX de la première rédaction du 14 février 1919 était diffé-
rente de celle de l'article 22 du projet du 28 avril 1919. Mais cette
différence est principalement une différence de style et le texte définitif
de l'article 22 dans sa rédaction du 28 juin 1919 correspond littérale-
ment avec celui du 28 avril 1919-
L'article 22 fait partie du Pacte de la Société des Nations, qui
constitue lui-même la première partie des traités de paix élaborés et
signés par les Puissances Alliées et Associées de la grande guerre et
les ex-Puissances Centrales.
Dans cet article, les signataires du Pacte de la Société, les membres
originaires, ef les Etats qui après ont adhéré au Pacte, ont muni le
Conseil de la Société des Nations et une Commission permanente de
certains pouvoirs de contrôle et de surveillance sur les mandats créés
par le Pacte (paragraphes 7 et 9). Ils ont donné quelques règles fon-
damentales auxquelles les futures Puissances mandataires et le Conseil
devaient se tenir (paragraphes 1-6). Et enfin (paragraphe 8), ils
ont déclaré expressément, que à défaut d'une convention antérieure
entre les Membres de la S. d. N. sur certains points importants, il
serait statué sur ces points par le Conseil.
De ce cadre général, il résulte ce qui suit :
Les auteurs du Pacte lors de la Conférence de la Paix, et les
autres membres de par leur adhésion, ont statué de leur plein droit
quelques règles relatives au gouvernement des mandats. Et, en
arrêtant ces règles, ils ont en même temps conféré au Conseil, sans
approbation préalable ou ultérieure de leur part, le droit d'établir
d'autres règles pour tous les cas où « le degré d'autorité, de contrôle
ou d'administration n'a pas fait l'objet d'une convention antérieure
entre les Membres de la Société ».
Déjà, lors de l'établissement des Mandats A, B et C, le Conseil
de la Société des Nations a invoqué ce paragraphe 8 pour arrêter
définitivement les règles selon lesquelles l'autorité de la Puissance
mandataire devrait être exercée. C'est ce qui appert clairement du
texte même des mandats. Citons, comme exemple, le considérant du
mandat pour Nauru établi par le Conseil le 17 décembre 1920. Dans
cet acte constitutif d'un mandat C, il est dit entre autres :
« Le Conseil de la Société des Nations
» Considérant que, aux termes de l'article 22 ci-dessus mentionné,
paragraphe 8, il est prévu que si le degré d'autorité, de contrôle ou
d'administration à exercer par le Mandataire n'a pas fait l'objet d'une
convention antérieure entre les Membres de la Société, il sera expres-
sément statué sur ces points par le Conseil ;
» Par la présente, confirmant le Mandat, a statué sur ces termes
comme suit : ...»
Usant de la même compétence législative, le Conseil s'est reconnu,
plus tard (1932), le droit, l'article 22 se taisant sur ce sujet, d'établir
les conditions que les pays sous mandat A, doivent remplir pour que
leur indépendance, qui ne leur est conférée que provisoirement sous
la direction d'un mandataire, soit reconnue formellement. De même,
le Conseil aurait le droit de fixer, le cas échéant, les règles et les condi-
tions auxquelles les pays sous mandat B ou C doivent répondre,
afin d'obtenir une plus grande émancipation et devenir des pays sous
mandat A ou B.
Législateur suprême de par le Pacte même, à défaut d'un autre
législateur compétent ou d'une convention antérieure entre les Membres
de la Société des Nations, le Conseil entre en scène toutes les fois
qu'une activité législative s'impose. Particulièrement instructive est,
à cet égard, l'histoire de l'Irak et de son émancipation définitive (1).
Un projet de mandat pour l'Irak fut remis au Conseil pour appro-
bation en décembre 1920 ; ce projet cependant n'a jamais été confirmé.
En novembre 1921, le gouvernement britannique fit savoir par son
délégué au Conseil, qu'il était arrivé à la conclusion que le moyen le
plus efficace de remplir ses obligations vis-à-vis de la Société des
Nations serait d'en incorporer les principes dans un traité à conclure
entre la Grande-Bretagne et le roi de l'Irak, l'Emir Fayçal, proclamé
roi le 23 août 1921. Le gouvernement britannique estimait que le désir
de la population de l'Irak de posséder un gouvernement national avec
un chef arabe était irrésistible ; qu'en outre, les déclarations publiques
faites par le roi de l'Irak lors de son avènement au trône, montraient
(1) Nous suivons ici le livre remarquable du défunt vice-président de la Commission perma-
nente des Mandats, M. van Rees.
nettement qu'il était prêt et disposé à insérer, dans le traité envisagé,
toutes les stipulations nécessaires pour assurer que son gouvernement
se conformerait strictement à l'esprit du Pacte de la Société des Nations.
Ce traité entre la Grande-Bretagne et l'Irak fut conclu le lo
octobre 1922. Un protocole additionnel fut signé le 3o avril 1926 et
quatre accords supplémentaires furent conclus le 26 mars 1924. Le
traité, le protocole et les accords furent acceptés tant par le parlement
britannique que par l'Assemblée Constituante de l'Irak.
Le 19 septembre 1924, le représentant de la Grande-Bretagne fit
une déclaration expliquant le développement politique de l'Irak depuis
1920 et informant le Conseil que le gouvernement britannique consi-
dérait que ce pays avait déjà fait de tels progrès dans la voie indiquée
par l'article 22 du Pacte que la forme particulière envisagée dans cet
article ne pouvait plus lui convenir et que, par conséquent, le projet
de mandat soumis au Conseil en 1920 devait être remplacé par un
autre acte.
Le Conseil s'associait aux vues du gouvernement britannique et
prit le 27 septembre 1924 une décision, où il disait entre autres :
« Le Conseil de la Société des Nations,...
» considérant que Sa Majesté Britannique a accepté le mandat
sur l'Irak;
» considérant que Sa Majesté Britannique, en raison des rapides
progrès de l'Irak, y a reconnu un gouvernement indépendant et a
conclu avec le roi de l'Irak un traité accompagné d'un protocole et
d'accords subsidiaires ;
» considérant que ledit traité d'alliance a pour but d'assurer
l'observation et la réalisation complète, en Irak, des principes dont
l'application était implicitement contenue dans l'acceptation des
mandats ;
» Accepte les engagements du gouvernement de Sa Majesté
Britannique et approuve les termes de la communication ci-dessus
comme propres à donner effet aux dispositions de l'article 22 du
Pacte. »
Ce traité entre la Grande-Bretagne et l'Irak aurait force de loi
pendant vingt ans. Par un protocole du 3o avril 1926, ce terme a été
remis à quatre ans et il fut en même temps décidé que le traité pren-
drait également fin du moment que l'Irak serait membre de la Société
des Nations. D'après l'article 6 dudit traité, la Grande-Bretagne
ferait son possible pour favoriser l'admission, aussi vite que possible,
de l'Irak dans la Société des Nations.
Après de nouveaux traités conclus en 1926 et en 1927 — le
dernier n'a pas été mis à exécution — la Grande-Bretagne, le
14 septembre 1929, fit la déclaration que l'admission de l'Irak dans la
Société des Nations serait favorisée en 1932. Le 3o juin 1930, un traité
d'alliance fut conclu, destiné à avoir force de loi après l'admission
de l'Irak dans la Société des Nations. La Grande-Bretagne lui recon-
naît dans le préambule « complete freedom, equality and independence».
Lors de la demande en 1932 de la part de la Grande-Bretagne à
l'Assemblée pour l'admission de l'Irak, le Conseil lui-même a statué
sur les conditions auxquelles l'Irak devait répondre, afin de pouvoir
être reconnu comme Etat souverain et admis à la Société des Nations
en qualité de membre. Pour l'application de ces règles, les Etats n ont
pas dû donner leur approbation ou ratification ultérieure.
Nous continuons notre examen du Pacte de la Société des Nations et
de ses organes pour voir si le Pacte et le fonctionnement et 1 organi-
sation des organes offrent encore des exemples de délégation de
compétence réglementaire.
Article 4,nbsp;Nous examinerons d'abord un nouvel alinéa de
alinéa 2bié l'article 4 du Pacte qui y a été inséré le 29 juillet 1926.
du Pacte.nbsp;l'alinéa ibié, rédigé comme suit :
« L'Assemblée fixe à la majorité des deux tiers les
règles concernant les élections des Membres non-perma-
nents du Conseil et, en particulier, celles concernant la durée de leur
mandat et les conditions de rééligibilité ».
Il y a dans cette disposition une stipulation fort intéressante,
savoir : « l'Assemblée fixe à la majorité des deux-tiers », qm devient
encore plus remarquable quand on la compare avec celles de 1 article b
qui disent :
« Sauf disposition expressément contraire du présent Pacte ou des
clauses du présent Traité, les décisions de l'Assemblée ou du Conseil
sont prises à l'unanimité des Membres de la Société représentes a la
prises
réunion.
reunion.nbsp;' • o
» Toutes questions de procédure qui se posent aux reumons de
l'Assemblée ou du Conseil, y compris la désignation des Commissions
chargées d'enquêter sur des points particuliers, f ^^ ƒ
l'Assemblée ou par le Conseil à la majorité des Membres de la bociete
représentés à la réunion. »
Exception faite pour les questions de procédure et la désignation
des commissions d'enquête (1), l'unanimité est obligatoire pour toutes
les décisions tant de l'Assemblée que du Conseil.
(,) Voir la-dessus, la thèse académique du Dr. R. D. VAN RoYEN : Proce9urek.e.tU. in bct
VoLkenbond^recht, igSS.
Nous estimons qu'il n'y a point de doute que le rôle de l'Assemblée
prévu dans l'article 4, alinéa ^bu, ne peut pas être classé sous les
questions de procédure. Au contraire, l'Assemblée joue d'après
l'alinéa -ibià le rôle de législateur en ce qui concerne les élections des
Membres non-permanents du Conseil. Et quand même, les décisions
relatives à ces élections peuvent être valablement prises à la majorité
des deux-tiers.
Quel est le sens de cette stipulation si remarquable de l'alinéa
2bid de l'article 4
Le Conseil peut, d'après l'alinéa 2 de l'article 4, avec l'approbation
de l'Assemblée, augmenter le nombre des Membres de la Société qui
seront choisis par l'Assemblée pour êti-e représentés au Conseil.
L'Assemblée a le droit et le devoir d'arrêter les règles concernant
l'élection des Membres non-permanents du Conseil et celles relatives
à la durée de leur mandat et de leur rééligibilité.
D'après l'alinéa 1er même article 4, l'Assemblée désigne
librement les Membres non-permanents du Conseil, mais, d'après le
nouvel alinéa ibié, sevilement conformément aux règles qu'elle a elle-
même arrêtées à la majorité des deux-tiers. Est-ce que cela signifie
que les règles concernant l'élection des Membres non-permanents,
arrêtées par l'Assemblée à la majorité des deux-tiers, sont égale-
ment obligatoires et ont également force de loi pour la minorité
qui a voté contre ?
Il ne peut être douteux que la majorité des deux-tiers lie la
minorité. Ni l'histoire, ni la rédaction du Pacte justifierait un doute
pareil. Et d'ailleurs si l'on n'accepte pas que la majorité des deux tiers
lie la minorité, comment est-ce qu'on explique le fait qu'une stipulation
du contraire ne figure nulle part dans le Pacte ? A plus forte raison,
on peut maintenir, vu la disposition de l'article 5, paragraphe 1, qui
exige l'unanimité pour toutes les décisions du Conseil et de l'Assem-
blée, excepté celles de procédure et relatives à des commissions
d'enquête, qu'on a expressément voulu, en ce qui concerne les règles
de l'élection des Membres non-permanents, une majorité qualifiée,
en notre cas des deux-tiers, qui lie aussi la minorité des votes
contraires.
Si on admet la conception développée ci-dessus, et si on admet
également, en contradiction avec M. François (1), que d'après
l'article 4, paragraphe ibu, l'Assemblée a vraiment la compétence de
législateur, on peut en déduire une autre conclusion.
(1) François, o. c., t. I®', p. 352, dit qu'en matière législative, le vote dans l'Assemblée n'est pas
obligatoire pour les Membres qui se sont abstenus, et en ce qui concerne le Conseil, pas obligatoire
pour les Membres non représentés.
Du fait que le vote des deux-tiers de l'Assemblée relatif aux
règles sur l'élection des Membres non-permanents du Conseil lie la
minorité d'un tiers, il résulte que les Etats signataires du Pacte de la
Société des Nations ont délégué leur compétence réglementaire a
l'Assemblée. Et parce que ce vote des deux-tiers a force de loi pour
le reste des votants et que ceux-ci n'ont nul recours a une autorite
supérieure, l'Assemblée possède une compétence réglementaire
^quot;^°M.quot;Anzilotti, quoiqu'il ne puisse accepter la thèse selon laquelle il
existe déjà des organes munis de compétence réglementaire et que des
organes pareils se trouvent aussi dans la Société des Nations (i),
avoue cependant que « les délibérations de la majorité de 1 Assemblee
et celles du Conseil sont obligatoires pour les Membres dissidents ou
non représentés, en vertu des normes que ces Membres ont acceptees
eux-mêmes » (2). Nous ne comprenons donc pas que 1 auteur italien
s'arrête ici, au lieu de tirer les conclusions de ce qu il a dit Im-meme.
Quand M. Anzilotti admet comme nous que le vote de la majorité
des deux-tiers, condition de validité pour la décision des regies
d'après l'article 4, paragraphe abid, lie la partie des membres qui reste
il lui faut accepter aussi que la Société des Nations plus exactement
l'Assemblée, possède sur ce point, la compétencenbsp;,
Nous sommes tout persuadés qu'il est assez difficile de tirer des
conclusions des faits tout à fait nouveaux, devant lesquels on se trouve
placé. Surtout en droit des gens, où les notions se développent mces-
Lmment, des conclusions nouvelles se pré^^entent dont, a Pr^e-
vue, l'acceptation paraît audacieuse. Cependant, avoir peur d accepter
des conclusions qui sont la conséquence logique du développement
constant des relations internationales ne peut pas etre utile au dévelop-
pement du droit des gens, protecteur unique des relations pacifiques
des peuples et de la sécurité internationale.
ëi résumé, on peut donc constater que l'article 4- P-agrap^e
examiné avec les stipulations de l'article ^^tient un exemple de
délégation de compétence réglementaire, cette --Pf^^ ^^^^^^^ £
déléguée par les Puissances signataires du Pacte de la Société
Nations à l'Assemblée.nbsp;jxUo-nfinn en
La caractéristique du cas présent, c'est que la jel gation en
question, par hasard, ne provient pas ^e la Conferenc^
dans le Pacte p^ la
Lment en 1921. Les signataires or gmaires ont ^-c délégué a ^
pétence d'amender le Pacte à l'Assemblée, art. 2b. et celle
(1)nbsp;Anzilotti, o. c., p. 3oi.
(2)nbsp;Anzilotti, o. c., p. 285.
-ocr page 88-usé de cette compétence en insérant le paragraphe ibid. Vu du point
de vue du système du droit, le pouvoir de l'Assemblée d'arrêter les
règles d'élection (par un vote à la majorité) repose en dernière instance
également sur la délégation.
Leénbsp;Nous resterons encore sur le terrain de l'activité de
RédoLutiono. l'Assemblée et du Conseil de la Société des Nations pour
examiner une forme spéciale de décisions prises par
l'Assemblée et le Conseil, savoir les résolutions.
Le Conseil et l'Assemblée peuvent prendre des décisions qui ont
directement force de loi et pour lesquelles la ratification ultérieure de
la part des gouvernements n'est plus requise. De par le vote même
dans l'organe qualifié, ces décisions ont force de loi et peuvent tout
de suite entrer en vigueur. Des décisions pareilles sont prises sous
forme de résolutions et peuvent être revêtues du caractère d'une
réglementation générale.
La question à laquelle à présent il faut répondre est celle-ci : ces
résolutions ont-elles force de loi, quant à l'Assemblée, pour les Mem-
bres qui ont voté contre, ou qui ont été absents, et quant au Conseil,
pour les Membres qui n'y sont pas représentés et pour ceux qui ont
voté contre, ou qui ont été absents ?
Avant d'examiner la question ci-dessus, il nous semble indispen-
sable de traiter d'abord une autre.
Le Conseil et l'Assemblée de la Société des Nations en prenant
des résolutions exercent-ils cette faculté comme la conséquence d'un
pouvoir législatif dont ils sont investis ? Ou, en d'autres mots : les
résolutions prises par le Conseil et l'Assemblée sont-elles une source
de normes juridiques, créent-elles du droit ?
Il nous semble utile de donner d'abord la parole aux auteurs qui
traitent ce sujet. Il est intéressant de suivre ici l'exposé de
M. Anzilotti. Après avoir déclaré que l'organe international législatif
n'existe pas encore et qu'il restera encore très longtemps une utopie,
l'auteur continue : « La constitution de la Société des Nations n'a
pas introduit d'innovation à cet égard. Nous avons déjà relevé combien
il est erroné de voir dans les résolutions de l'Assemblée et du Conseil
une source de normes juridiques. A part la fonction qu'ils peuvent
déployer dans la solution d'un litige déterminé, et sauf peut-être le cas
spécial prévu dans l'alinéa 8 de l'article 22, qui n'a pas eu d'appli-
cation pratique (1), Assemblée et Conseil sont simplement des
organes exécutifs : les délibérations de ces corps, auxquelles le Pacte
(1) Enfre-temps nous avons vu que cet article, lors de l'établissement des mandats et lors de
l'émancipation de l'Irak, a eu une application pratique.
attribue une valeur obligatoire, sont des dispositions concrètes sur des
projets déterminés et spécifiquement prévus par le Pacte lui-même :
admission ou exclusion de membres; augmentation des membres
permanents ou électifs du Conseil ; changement du siège de la Société
et quelques autres objets. En dehors de ces cas bien déterminés,
l'Assemblée elle-même ne peut faire que des recommandations, même
lorsqu'il s'agit de matières, comme celles indiquées à l'article 23, qui
constituent des tâches spécifiquement assignées à la Société : le
premier paragraphe de cet article dit expressément que l'action de la
Société s'exerce « sous la réserve et en conformité des dispositions des
conventions internationales actuellement existantes ou qui_ seront
ultérieurement conclues », faisant allusion clairement ainsi à un
procédé de formation juridique qui se développe extérieurement à
la Société même » (i).nbsp;,
Une tout autre conception est défendue par M. François. Four lui,
les décisions prises par le Conseil et l'Assemblée sous forme de résolu-
tions peuvent avoir le caractère d'une réglementation générale et
avoir force de loi sans ratification ultérieure par les gouvernements (2).
Cependant, comme nous l'avons vu plus haut, M. François défend une
autre conception concernant les votes en matière législative (3).
Les auteurs allemands Schücking et Wehberg dans leur commen-
taire sur le Pacte de la Société des Nations déclarent : « Jeder
Gliedstaat (de la Société des Nations) musz also einen ordnungs-
gemäsz gefaszten Beschlusz des Völkerbundes, der dessen Kompetenz
nicht überschreitet, ohne weiteres als für sich verbindlich anerk^-
nen » (4). Et comme conclusion ces auteurs déclarent encore autre
part : « Also soweit die Akte des Völkerbundes solchem oder einem
einzelnen Organe irgendeine Kompetenz zur Beschluszfassung zu-
weist, bedarf es für den bindenden Charakter des Beschlusses keiner
Ratifikation » (5).nbsp;, i j •nbsp;4.
Van Vollenhoven, le regretté jurisconsulte néerlandais mort
prématurément, ne donne pas de réponse péremptoire a la
question de savoir si les résolutions, du Conseil et de 1 Assemblée,
sont obligatoires pour les membres sans approbation ou
ultérieure. Dans une préface écrite par lui dans le livre de M Kluy-
ver « Documents on the League of Nations », il se pose cette question :
« Are legislative rules of the Assembly binding on the Members of the
League without any parliamentary approbation and national ratihcation
(1)nbsp;Anzilotti, o. c., pp. 3oi et 3o2.
(2)nbsp;François, o. c., f. I®'', p. 35o.
(3)nbsp;Voir page 82, note in fine.
(4)nbsp;Schücking und Wehbehg, o. c., p. m.
(5)nbsp;Schücking und Wehberg, o. c., pp. 112 et 113.
-ocr page 90-(in contradistinction to the amendments of the Covenant provided by
article 26 and to the conventions of Part XIII), or must they follow
the ordinary ways of national approbation and ratification, there
being nothing said to the contrary?... These questions are of vital
importance » (1). Mais la réponse à cette question, van Vollenhoven,
manifestement, ne nous la donne hélas pas.
Après l'opinion de tant d'autorités du droit des gens, quel peut
être notre point de vue çn cette matière ?
Nous préférons nous ranger à l'opinion de François et de Schûcking
et de Wehberg, selon laquelle les résolutions prises par l'Assemblée
sont revêtues d'un caractère de réglementation générale. Nous ne
voyons pas pourquoi refuser à l'Assemblée la faculté d'arrêter des
résolutions qui sont une source de droit pour les Membres de la Société
des Nations. Une telle conception négative ne trouve aucun appui
dans les stipulations du Pacte.
Déjà dans la session de la troisième Commission du 8 décembre
1920, M. Politis défendait la thèse que l'Assemblée, sans aucun doute,
peut prendre des résolutions qui ont directement force de loi pour les
Etats Membres, évidemment seulement dans les limites des stipula-
tions du Pacte (2).
Nous concluons donc, que l'Assemblée possède la compétence
réglementaire et que les résolutions prises par cet organe (comme en
certains cas spéciaux par le Conseil) ont force de loi pour les Membres
individuels sans approbation ou ratification ultérieure de leur part.
Un exemple emprunté à la pratique suivie par la Société des Nations
peut l'illustrer. La seconde Assemblée en 1921 a adopté des résolutions
relatives à l'article 16 du Pacte. Ces résolutions n'ont pas obtenu
l'approbation ou ratification des Membres ; quand même elles ont
partiellement servi de directives lors de l'action de la Société des
Nations dans le conflit italo-éthiopien ; l'exécution en a été une autre.
De ces deux thèses, selon lesquelles l'Assemblée est compétente
pour adopter des résolutions revêtues d'un caractère de réglementation
générale, et que ces résolutions sont une source de droit et obligatoires
pour les Etats Membres de la Société sans qu'une approbation ou
ratification ultérieure de leur part soit requise, il résulte qu'en matière
de ces résolutions les Etats Membres de la Société ont délégué certain
pouvoir législatif à l'Assemblée. Il y a donc, en effet, ici, un exemple
(1)nbsp;Kluyver, o. c., pp. VI et VU.
van Vollenhoven, o. c., t. Il, p. 559.
(2)nbsp;Actes de la Première Assemblée, Séance des Commissions, t. I®', pp. 3oo et suiv. M. Politis
défendait cette thèse lors des débats dans la Première Assemblée sur la question de savoir si la décision
sur l'institution d'une Cour internationale de justice devait ultérieurement encore être ratifiée par
chacun des Etats Membres (comp, ci-dessus pp. 71 et 72).
de délégation de compétence réglementaire. Il va sans dire que le
Conseil et l'Assemblée ne se servent qu'assez rarement de cette
compétence; mais le principe de la délégation y est et en ce qm
concerne ces résolutions il y a des exemples qui peuvent le démontrer.
En ce qui précède, le conflit italo-étbiopien et 1 action de la Société
des Nations relative à ce conflit ont été déjà nommés. ^
Nous devons nous arrêter encore quelque temps a ce conflit
pour examiner si l'action de la Société des Nations relative a ce conflit
ofîre aussi des exemples intéressants pour notre recherche.
Il nous paraît inopportun de donner un aperçu du confl^ italo-
éthiopien dès son origine jusqu'au moment où la Société des Nations
en fut saisie. Nous nous en référons à ce sujet aux documents officiels
de la Société des Nations et des différents gouvernements.
Lors de ce conflit les organes suivants, 1 un après 1 autre sont
entrés en action, savoir : le Conseil, l'Assemblée, le Comité de
Coordination et le Comité des XVIII.
Le Comiténbsp;Le premier organe intéressant à examiner est le
denbsp;Comité de Coordination.
Coordination.nbsp;q^nbsp;^^^ l'Assemblée de la Société des Nations,
dans sa réunion annuelle de septembre-octobre igSÔ,
s'est occupée tout spécialement du conflit italo-ethiopien.
A part le travail échu au Comité des XIII et à la Commission des VI
une nouvelle commisson fut créée pendant la session poursuivie de
1 Assemblée du 9 octobre igSÔ. Pendant cette session, le President
informa l'Assemblée que le Bureau avait décide ^e presenter a
l'Assemblée la proposition suivante, après que le Conseil avait
constaté l'agresseur, en vertu de la violation de 1 article 12 .
« L'Assemblée,
» avant pris connaissance des opinions exprimées par les membres
du Conseil à la séance tenue par ce dernier le 7 octobre 1935 ;
»Prenant en considération les obligations qui incombent^ a^^^^
membres de la Société des Nations en vertu de 1 article x6 du Pacte
et l'utilité d'établir une coordination des mesures que chacun d eux
envisagerait de prendre;nbsp;,
» Emet le vœu que les Membres de la Société
parties) constituent un comité, composé d'un délègue P- ^tat ^
Lsisté d'experts, en vue d'étudier et de faciliter la coordinaW de ces
mesures et, le cas échéant, d'attirer l'attention du Con eil ou
l'Assemblée sur toute situation qui requerrait leur examen. gt;gt;
Le président de l'Assemblée en annonçant cette proposition avait
déjà dédaré que le Comité en formation ne serait un organe m de
l'Assemblée ni du Conseil. Il ne pouvait représenter qvi'une Conférence
des Etats Membres de la Société des Nations, lesquels se réuniraient
pour se concerter sur l'application, obligatoire pour chacun d'eux
individuellement, des dispositions de l'article 16 du Pacte. En met-
tant cette proposition à l'ordre du jour, le Président, M. Bénès,
ajoutait encore que, proprement dit, il n'était pas question ici d'une
résolution de l'Assemblée dans le sens strict du mot, mais en fait d'une
invitation que l'Assemblée adresserait aux Membres de la Société.
Après que le délégué du gouvernement italien, le Baron Aloisi,
eut formulé quelques protestations, M. Bénès fit remarquer qu'il n'y
a aucun organe de la Société des Nations compétent pour décider
obligatoirement poxu* tous les membres de la Société qu'un membre a
violé le Pacte. Les obligations de prendre part à une action commune,
en cas d'une violation pareille, qui incombent aux Membres en vertu
de l'article 16, découlent directement du Pacte et doivent être mises
en vigueur par eux en vertu de la foi due aux traités.
En ce qui concerne la nature de la proposition sur laquelle il serait
voté, le Président estimait qu'elle ne pouvait être considérée comme
une résolution potu' laquelle l'unanimité serait peut-être obligatoire,
mais qu'elle n'était qu'un simple vœu. En ce sens, l'Assemblée a décidé
et accepté la proposition avec un vote contraire et deux abstentions.
Quelle peut être la nature de cette proposition présentée en forme
de vœu par l'Assemblée aux Etats Membres de la Société ?
Il est intéressant de constater que ce vœu adopté par l'Assemblée
ne contient pas un mot qui puisse faire supposer qu'il est question de
faire des règlements obligatoires. La compétence du comité à créer
se bornerait donc à étudier et à favoriser les mesures à prendre, et à
fixer l'attention du Conseil et de l'Assemblée sur toute situation qui
requerrait leur examen. Le rôle de ce comité n'est donc en aucun cas
celui de législateur. Au contraire, il n'est qu'une commission consul-
tative. Le Comité de Coordination peut présenter aux Membres de la
Société des Nations des propositions, mais celles-ci ne sont pas
obligatoires et les Membres n'ont pas le devoir de le suivre. L'Assem-
lée elle-même s'est déclarée incompétente en ce qui concerne l'appli-
cation de l'article 16.
Le Comité de Coordination ne possède donc pas de compétence
réglementaire ; en conséquence, il ne peut être question de voir dans
la relation Assemblée-Comité de Coordination un exemple de délé-
gation de compétence réglementaire. Quand un des éléments de la
figiu-e juridique, dans l'espèce : le pouvoir de réglementation obli-
gatoire, fait défaut, l'autre élément, la délégation de ce pouvoir est
également impossible. L'Assemblée elle-même n'est pas compétente
et le Comité de Coordination non plus.
Cependant, nous estimons que la figure Assemblée-Comité de
Coordination est beaucoup plus intéressante qu'elle ne semble à
première vue.
Incontestablement, le Comité de Coordination n'était pas muni
de compétences législatives ou exécutives autonomes. Ouand même
(et cela est de fait, en tout cas) on a conféré au Comité le droit
d'examiner et de proposer dans une parfaite autonomie. Comme
examinateur des faits, comme organe consultatif des propositions, le
Comité de Coordination n'est subordonné à qui que ce soit.
Car, comme le Président de l'Assemblée, M. Bénès, le déclara
expressément, ce Comité n'est un organe ni de l'Assemblée ni du Conseil.
Il peut donc travailler en une complète indépendance et du Conseil et
de l'Assemblée. Or, quoique le Comité de Coordination ne soif pas
un organe législatif et que l'Assemblée ne lui ait pas délégué, ni n'ait
pu lui déléguer une compétence pareille, il y a cependant quelques
pouvoirs que les Membres ont conférés au Comité, com.me nous venons
de lé démontrer.
Il y a donc une délégation des membres au Comité de Coordination.
Et quoique cette délégation ne ressemble en aucun point de vue à la
délégation de compétence réglementaire, nous avons cependant estimé
qu'il était intéressant de la traiter ici parce qu'elle est un symptôme.
Un symptôme de cette tendance que nous avons déjà signalée au début
de notre liwe et qui, à présent, se montre sur tout le terrain du droit,
aussi du droit des gens. Evidemment, ce n'est qu'un symptôme assez
vague, un effort assez faible, mais quand même cette figure constitue
un progrès remarquable sur la voie du développement du droit des
gens. Car, ici, il ne s'agit plus d'une commission internationale
quelconque dont l'intérêt et l'importance politiques ne sont que
médiocres ; ici il va d'un organe créé en fait — sinon formellement --
par la Société des Nations et qui a joué un rôle très important dans
un conflit entre deux de ses Membres.
Le Comiténbsp;Du même conflit italo-éthiopien date un autre organe
^^^ . nouveau, c'est-à-dire le Comité des Dix-Huit.
Dix-Huit.nbsp;Parce que le Comité de Coordination — dans lequel
tous les membres de la Société, exception faite des deux
belligérants, étaient représentés — était en conséquence un
corps trop volumineux pour aboutir à des résultats pratiques, on décida
de constituer un comité de travail composé d'abord de seize et après
de dix-huit membres et dénommé dorénavant « Comité des Dix-Huit ».
D'après le Livre blanc du gouvernement néerlandais (i), le mode
de travail de ce Comité des Dix-Huit était le suivant : Le Comité
(i) Du 14 novembre igSS, p. 9.
-ocr page 94-avait comme tâche d'élaborer les propositions. Celles-ci furent après
approuvées par le Comité de Coordination au grand complet, à moins
que l'autorisation pour l'approbation n'eût été conférée préalablement
au Comité des Dix-Huit.
Relativement à l'exemple précédent, nous devons nous poser les
deux questions suivantes : le Comité des Dix-Huit possédait-il une
compétence réglementaire autonome et, si la réponse est affirmative,
cette compétence réglementaire lui a-t-elle été déléguée par le Comité
de Coordination ?
Les fonctions du Comité des Dix-Huit étaient originairement de
nature consultative et non législative. On a institué le Comité des
Dix-Huit, parce que le Comité de Coordination était trop grand et
n'était pas propre à aboutir assez vite à des conclusions pratiques.
En principe, le Comité des Dix-Huit ne possédait pas d'autres com-
pétences que celles que possédait le Comité de Coordination. Tout
comme ce dernier, le Comité des Dix-Huit devait arrêter et présenter
des propositions qui devaient obtenir l'approbation du Comité duquel
il est provenu. Il n'avait donc qu'un travail préparatoire pour déchar-
ger le Comité de Coordination. Jusqu'ici on ne saurait donc parler
d'une compétence réglementaire du Comité des Dix-Huit. Il était
muni des mêmes compétences que le Comité de Coordination.
Cependant, il y a lieu de ne pas tirer trop vite des conclusions.
Car, dans le texte officiel du Livre Blanc néerlandais il y a quelques
mots remarquables. En traduction française il est dit : « Le Comité
des Dix-Huit élaborait les propositions, tandis que celles-ci furent
ratifiées après par le Comité de Coordination complet, à moins qu'une
autorisation pour une ratification pareille n'eût été donnée préalable-
ment au Comité des Dix-Huit » (i).
Cette dernière stipulation à partir de « à moins que... » vaut bien
d'être examinée. Quelle peut être la signification de cette dernière
partie de la phrase ?
La phrase constate d'abord une règle générale : le Comité des
Dix-Huit élaborera des propositions qui doivent être approuvées
par le Comité de Coordination. Mais dans la seconde et dernière
partie de la phrase, la possibilité a été laissée ouverte, que le Comité
des Dix-Huit arrête non seulement des propositions provisoires qui
n'entreront en vigueur qu'après adoption par le Comité de Coordi-
nation, mais aussi des décisions qui n'ont plus besoin d'être soumises
à l'approbation du Comité de Coordination. Du fait de l'adoption de
ces décisions par le Comité des Dix-Huit, celles-ci sont complètes et
peuvent entrer en vigueur. La possibilité d'une compétence pareille du
(i) Livre Blanc du Gouvernement néerlandais du 14 novembrenbsp;p. 9.
-ocr page 95-Comité des Dix-Huit a été prévue. Théoriquement, le Comité des
Dix-Huit peut donc avoir, pour des cas spéciaux et bien définis, la
compétence d'arrêter lui-même des décisions, sans qu'il lui faille
obtenir ultérieurement l'approbation du Comité de Coordination.
Toutefois, ces propositions ne sont pas plus obligatoires pour les
membres de la Société des Nations que celles du Comité de Coordi-
nation.
En restant sur le terrain purement théorique on ne peut, de ce qui
précède, tirer que cette conclusion qu'une espèce de compétence
réglementaire autonome, qui dans des cas spéciaux peut être exercée
par le Comité des Dix-Huit, lui a été conférée par le Comité de
Coordination.
Jusqu'à présent nous n'avons examiné que les possibilités théo-
riques de cette stipulation. Nous aurons à quitter maintenant la
théorie pour voir si peut-être aussi la pratique en a accepté les consé-
quences. En d'autres mots : est-ce qu'on s'est arrêté à cette possi-
bilité théorique, ou a-t-on donné à cette possibilité théorique la chance
de se réaliser ? Nous estimons que, également en fait, le Comité des
Dix-Huit a usé de la compétence lui déléguée en théorie.
Lorsque le Comité de Coordination se réunit de nouveau le
3i octobrenbsp;les gouvernements de presque tous les Etats Mem-
bres de la Société avaient expressément afiirmé, par lettre ou par télé-
gramme, au Secrétariat de la Société des Nations, qu'ils feraient tout
ce que leurs délégués avaient dûment déclaré à Genève : application
des sanctions contre l'Italie. Les trois Etats « déserteurs », l'Albanie,
la Hongrie et l'Autriche, qui déjà dans l'Assemblée s'étaient déclarés
contre les mesures à prendre contre l'Italie, n'avaient trouvé d'appui
que chez le Paraguay (i). Mais pas moins de quarante-neuf Etats,
Membres de la Sociké promirent expressément d'observer les obli-
gations découlant de l'article 16, de sorte que le 2 novembre, le
Comité de Coordination pouvait clore ses travaux, après avoir déclaré
que les sanctions économiques devaient entrer en vigueur le 18
novembre.nbsp;. .
Il va sans dire, vu l'extrême importance de ces décisions, que
toutes sortes de questions se présentaient relativement à l'exécution
des sanctions. Le Comité de Coordination les résolvait en partie et
autorisait, pour une autre partie, le Comité des Dix-Huit à les achever
après consultation de quelques commissions d'experts.
« Zoo konden verschillende problemen over de uitwerking der
financieele en economische sanctiemaatregelen op het dearingverkeer
(1) Déjà un an avant, cet Etat avait renoncé à sa qualité de Membre de la Société des Nations
à cause de l'application modérée par la Société de sanctions contre le Paraguay lors de son conflit
avec la Bolivie, dont une prohibition d'exportation d'armes au Paraguay était la consequence.
met Italië, over de levering van onder het uitvoerverbod vallende
grondstoffen aan staten, die niet aan de sancties deelnemen, en over
enkele afwijkingen van het verbod van den invoer van Italiaansche
waren met het oog op reeds in Italië gedane en geheel of gedeeltelijk
ook reeds aan Italië betaalde bestellingen, binnen korten tijd geregeld
worden.
» Eén belangrijke kwestie was er echter, die de Coördinatie-
commissie ter verdere behandeling aan de Commissie van Achttien
toevertrouwde en waaromtrent thans nog geen definitieve beslissing
is gevallen : de uitbreiding van de op 19 October voorloopig vast-
gestelde lijst van grondstoffen, waarvan de uitvoer naar Italië verboden
zal zijn. Op voorstel van den Canadeeschen gedelegeerde, Riddell,
besloot de Commissie van Achttien deze lijst uittebreiden met steen-
kolen, petroleum, staal en ijzer, doch met dit belangrijke voorbehoud,
dat deze uitbreiding eerst van kracht zal worden, wanneer uit de
houding der niet-Volkenbondsstaten, die deze grondstoffen voort-
brengen, zal zijn duidelijk geworden, dat ook deze uitvoerverboden
inderdaad redelijke kans op doeltreffendheid zouden bezitten » (1).
Voici donc deux exemples donnant la preuve qu'aussi dans la
pratique le Comité des Dix-Huit a été muni d'une espèce de compé-
tence réglementaire.
De tout ce qui précède, il résulte que le Comité des Dix-Huit a
possédé pour certains cas une espèce de compétence réglementaire
autonome et que c'est seulement le Comité de Coordination qui peut
la lui avoir déléguée.
A juste titre on pourra nous faire cette objection : le Comité de
Coordination ne possédant pas lui-même une compétence réglementaire,
comment pouvait-il transmettre alors à un autre organe une compé-
tence qui ressemble à la compétence réglementaire ? La fameuse règle
du droit romain : nemo pLiià jurié in alium tranàferre potest quam ipàc
habet ne vaut-elle pas pour le droit des gens ?
Incontestablement, ici se présente une antithèse entre la règle du
droit romain et l'exemple de la Société des Nations que nous venons
de signaler. Car, il est de fait que le Comité de Coordination ne
possède pas une compétence réglementaire, tandis que le Comité des
Dix-Huit possède une compétence ressemblant à celle-ci.
Nous n'avons donc qu'à accepter cette nouvelle figure juridique,
quelque extraordinaire qu'elle soit, figure qui entre temps n'est pas
tellement extraordinaire, parce que la compétence du Comité des
(1) Jhr. Mr. Dr. B. de JoNG van Beek en Donk : De Conferentie der Volkenhondéétaten voor de
Mnctiemaatregelen legen Italië, dans « De Volkenbond », ii« année, n° 2, novembre ig55, p. 67.
Dix-Huit n'est qu'une espèce ou plutôt une tentative de compétence
réglementaire autonome.
Nous ne pouvons pas encore quitter le champs des mesures que la
Société pourra prendre contre un Etat agresseur à titre de sanctions.
Leanbsp;Nous visons les amendements que la seconde Assem-
Amendementé y^g^nbsp;jg gg^ session de 1921, a adoptés pour modifier
llTlcU^^ l'article 16 du Pacte. Et quoique ces modifications ne
de 1921.nbsp;soient pas encore entrées en vigueur, elles sont tellement
intéressantes qu'elles méritent d'être soumises à un
examen.
La seconde Assemblée en 1921 a adopté les amendements suivants
relatifs à l'article 16 :
« Le troisième alinéa de l'article 16 sera rédigé comme suit :
» Le Conseil doit notifier à tous les Membres de la Société la date
à laquelle il recommande d'appliquer les mesures de pression écono-
mique visées au présent article.
» Le quatrième alinéa de l'article 16 sera rédigé comme suit :
» Toutefois, si le Conseil jugeait que, pour certains Membres,
l'ajournement, pour une période déterminée, d'une quelconque de ces
mesures dût permettre de mieux atteindre l'objet visé par les mesures
mentionnées dans le paragraphe précédent, ou fût nécessaire pour
réduire au minimum les pertes et les inconvénients qu'elles pourraient
leur causer, il aurait le droit de décider cet ajournement. »
Les derniers mots de cet alinéa : « il aurait le droit de décider
cet ajournement » valent bien pour notre exposé d'être examinés.
Les amendements ne sont pas encore entrés en vigueur. Pour notre
examen acceptons pour un moment que ces amendements ont été bien
ratifiés par les Etats Membres de la Société et ont déjà force de loi.
Les amendements à l'article 16 ont été adoptés dans la trentième
session de la seconde Assemblée au 4 octobre 1921 et devraient être
joints aux stipulations déjà existantes de l'article 16, après ratification
par les Etats Membres.
Qu'est-ce que les Etats Membres ont décidé en arrêtant cette
nouvelle rédaction ?
D'après le nouvel alinéa qui sera joint au paragraphe 3 de
l'article 16, le Conseil aura le devoir d'informer tous les Membres de
la Société la date à laquelle il recommande d'appliquer les mesures
de pression économique visées au présent article.
Cet article ne contient qu'une recommandation de la part du
Conseil aux Etats Membres de la Société. Toutefois, dit le nouvel
alinéa qui sera joint au paragraphe 4 de l'article 16, si le Conseil
-ocr page 98-estimait que, pour certains Membres, l'ajournement, pour une période
déterminée, d'une quelconque de ces mesures, dût permettre de mieux
atteindre l'objet vise par ces mesures mentionnées dans le paragraphe
précédent, ou fût nécessaire pour réduire au minimum les pertes et les
inconvénients qu'elles pourraient leur causer, il aurait le droit de
décider cet ajournement.
Par cette stipulation, les Etats Membres de la Société ont cree
un nouveau droit pour le Conseil. Indépendamment de l'Assemblée,
c'est-à-dire de tous les Membres de la Société, le Consed peut
Dans le cas en question, sans ingérence ou ratification ultérieure
de la part de l'Assemblée, les décisions du Conseil auront force de loi
et pourront entrer en vigueur. Du moment qu'un ajournement des
mesures de pression économique lui semble bon, le Conseil peut décider
cet ajournement sans aucune approbation de la part de l'Assemblée.
Il va sans dire que nous avons ici un pouvoir qui a été conféré par
l'Assemblée au Conseil.
Cependant, cette compétence déléguée par 1 Assemblee au Conseil
est-elle de nature exécutive ou législative ? Peut-on dire que le Conseil,
en dispensant certains Membres des mesures économiques à prendre,
exerce une compétence réglementaire et non un pouvoir exécutif?
En général, le pouvoir législatif contient-il aussi la compétence de
dispenser des lois et des règlements ?
Les auteurs de droit public sont divisés à ce sujet. Le Français
M Bivort s'exprime dans son « Commentaire sur la Constitution »
comme suit : « En effet, dispenser, n'est que l'exécution de la loi
dans le cercle qu'elle a établi » (i). Cette opinion a été aussi défendue
par Oppenheim. D'après ces auteurs, la dispense des lois et règlements
est un acte émanant non du pouvoir législatif, mais du pouvoir
Une construction juridique pareille cependant nous semble
inacceptable, car elle n'est pas conforme à la réalité.
Légiférer n'est pas seulement l'acte d'arrêter et de promulguer
des lois que les citoyens ont à observer. Ce pouvoir est seulement la
face de la médaille ; le revers a encore un autre sens. Légiférer veut
dire aussi : faire des lois ou des règlements qui dispensent certains
citoyens ou pour certains cas de l'observation des lois ou de certaines
stipulations des lois qui pour des cas spéciaux seraient injustes et
inéquitables.
Nous préférons donc suivre en cette matière Kranenburg qui,
après avoir démontré l'inexactitude de la théorie de Bivort et de
(i) Cité par Kranenburg, o. c., t. Iquot;, p. 119-
-ocr page 99-Oppenheim, declare que la dispense n'esf pas l'exécution de la loi;
elle est plutôt le complément du pouvoir législatif pour pourvoir aux
imperfections inhérentes à ce pouvoir (i).
Retoiu-nons à notre exemple de la compétence conférée au Conseil
d'après les amendements de 1921 à l'article 16. Nous estimons que
ce qui vaut pour le droit public, vaut également pour le droit des gens.
Si le pouvoir de dispenser des lois et des règlements est une compé-
tence qui découle du pouvoir législatif lui-même, la compétence
conférée au Conseil de la Société des Nations de dispenser certains
membres de l'application des m.esures de pression économique est
également de nature législative et non exécutive.
De ce qui précède il résulte que le Conseil, d'après l'alinéa nouveau
joint par les amendements à l'article 16, et après ratification de ces
amendements par les Etats Membres, sera muni d'une compétence
réglementaire, la faculté de dispenser faisant partie de cette
compétence.
Il résulte ensuite, que cette compétence a été conférée au Conseil
par l'Assemblée. Et en somme, que le Conseil possède cette compé-
tence, qu'il peut l'exercer, sans que ses décisions doivent ultérieure-
ment être ratifiées ou approuvées par l'Assemblée ou les Etats
Membres.
Du moment que les amendements de 1921 seront ratifiés par les
Etats Membres, nous aurons ici un exemple de délégation de compé-
tence réglementaire. En cette matière, où l'approbation ou la ratifi-
cation par les Etats Membres ne sont pas requises pour les décisions
prises par le Conseil, le Conseil possède une compétence réglementaire
autonome.
Jusqu'à présent, exception faite de la ratification par quelques
Etats parmi lesquels figurent les Pays-Bas, les amendements de 1921
n'ont pas encore été ratifiés.
L'article 26nbsp;Pour terminer notre exposé des différents exemples
du Pacte. jjg délégation de compétence réglementaire en droit des
gens, nous aurons encore à examiner le dernier article
du Pacte de la Société des Nations, savoir l'article 26.
Intéressant pour notre recherche n'est pas seulement le premier
paragraphe de cet article, qui est rédigé comme suit :
« Les amendements au présent Pacte entreront en vigueur dès
leur ratification par les Membres de la Société, dont les représentants
composent le Conseil, et par la majorité de ceux dont les représentants
forment l'Assemblée. »
(1) Kranenburg, o. c., t. Iquot;, p. 119-
-ocr page 100-Le second paragraphe est également important :
« Tout Membre de la Société est libre de ne pas accepter les
amendements apportés au Pacte, auquel cas il cesse de faire partie
de la Société. »
Le principe général du premier paragraphe c'est que la majorité
lie la minorité. Quand il s'agit de l'entrée en vigueur des amendements,
l'unanimité des ratifications n'est pas requise.
En effet, ce n'est pas la majorité absolue qui suffit afin que les
am-endements entrent en vigueur. La ratification par tous les Membres
qui forment le Conseil et par la majorité des Membres qui forment
l'Assemblée est obligatoire afin que les amendements entrent en vigueur.
Sans une majorité qualifiée il n'y a donc point d'incorporation des
amendements dans le Pacte.
Quelle est, après cette introduction, la signification de la stipu-
lation de l'article 26 que la majorité qualifiée engage la minorité ?
Quand des individus dans une société ou association privée con-
viennent que les décisions à prendre seront arrêtées ou à la majorité
absolue ou à la majorité qualifiée, la minorité s'oblige tacitement de
se conformer à la décision de la majorité. Un organe supérieur
auquel cette minorité peut s'adresser pour obtenir une autre décision
n'existe pas. La minorité ne peut faire que deux choses : ou se
conformer à la décision de la majorité — elle s'est engagée à suivre
cette conduite ^ ou bien sortir de la société.
Du moment qu'on accepte le principe que la majorité, absolue ou
qualifiée, engage la minorité et que cette dernière doit se conformer
aux décisions de la majorité, cela ne signifie autre chose que ceci :
que la minorité confère tacitement à la majorité le droit d'arrêter des
décisions obligatoires pour le tout, donc aussi pour la minorité.
Si le précédent est juste, nous ne pouvons voir en cette figure
qu'une délégation de compétence réglementaire.
Appliquons cette théorie à l'article 26 de la Société des Nations.
Le Pacte de la Société des Nations est un traité international
dû aux signatures et ratifications des Etats. Ces Etats ont stipulé que
pour toutes les décisions, excepté celles relatives à la procédure,
l'unanimité sera conditio /ine qua non. Mais après un vote unanime, ces
décisions, exception faite des résolutions, doivent encore pour leur
mise en vigueur être ratifiées par les Etats Membres de la Société.
Il va sans dire, que sur ce terrain on ne saurait guère trouver d'exem-
ples de délégation de compétence réglementaire.
Cependant ces mêmes Etats signataires du Pacte ont stipulé
dans l'article 26, que les amendements au Pacte entreront en vigueur
aussitôt après leur ratification par les Membres composant le Conseil
et par la majorité composant l'Assemblée.
Tout membre de la Société est libre de ne pas accepter les
amendements; mais en ce cas, il doit tirer les conclusions de son
refus et sortir de la Société des Nations.
A première vue, il semble qu'il s'agit ici de délégation de compé-
tence réglementaire. Cependant, nous estimons qu'il n'en est pas ainsi,
vu la stipulation du second paragraphe de l'article 26 disposant
qu'un membre, tout en restant libre de ne pas accepter les amendements,
cesse, en cas de refus, de faire partie de la Société.
Cependant, tout cela n'empêche pas que la majorité peut faire
entrer un amendement en vigueur. Certes, d'après la nouvelle rédaction
du troisième et du dernier alinéa de l'article 26, disposant : « Le
Secrétaire général informe les Membres de l'entrée en vigueur d'un
amendement. Tout Membre de la Société, qui n'a pas à ce moment
ratifié l'amendement, est libre de notifier, dans l'année au Secrétaire
général, son refus de l'accepter. Il cesse, en ce cas, de faire partie de
la Société », la chose devient tout autre. Car, d'après cette nou-
velle rédaction, il ne s'agit plus pour un Membre de choisir entre ces
deux alternatives, accepter les amendements, ou sortir de la Société
des Nations. Seulement, dans le cas où un Membre notifie expres-
sément au Secrétaire général qu'il n'accepte pas les amendements,
il cesse de faire partie de la Société des Nations. S'il ne notifie
pas son refus officiel, il reste membre de la Société des Nations.
En ce cas, si les amendements ont obtenu le nombre de ratifications
prescrit, il doit se conformer à ces nouvelles dispositions.
Ici, il s'agit donc, en effet, d'une véritable compétence réglemen-
taire, exercée par une majorité qualifiée des Membres de la Société
des Nations. Car, les amendements ratifiés par une majorité qualifiée
des Membres sont également obligatoires pour les Membres qui ne les
ont pas ratifiés et qui n'ont pas notifié leur refus au Secrétaire général.
Etant libres de notifier ou non leur refus au Secrétaire général, les
xMembres qui n'ont pas ratifié les amendements, dans le premier cas,
cessent de faire partie de la Société des Nations, dans le second cas,
continuent de faire partie de la Société dL;s Nations, et alors, en consé-
quence, sont soumis aux amendements ratifiés par la majorité qualifiée
des Membres de la Société des Nations.
CHAPITRE IL
Après l'exposé au chapitre précédent des différents cas dans les-
quels la délégation de compétence réglementaire peut être démontrée,
ou qui à première vue ressemblent à cette figure juridique, nous nous
proposons de traiter, dans ce chapitre, la nature juridique de ces
exemples. Et en analysant ces différents exemples nous les compare-
rons les uns avec les autres, en en démontrant les analogies et les
différences. Nous en donnerons donc une étude juridique comparative.
Avant tout, on peut déjà constater qu'il n'y a pas deux exemples
de délégation de compétence réglementaire en droit des gens qui soient
complètement identiques. Comme sur tout terrain du droit qui se
trouve dans un état de développement croissant et continu, le droit
des gens, qui lui aussi se trouve dans un état de développement con-
tinuel, donne la preuve que la même idée est réalisée de manières
différentes.
La Chaéée aux Pour commencer, il y a les deux cas d'arbitrage,
^'^Aif^^ ^^ 'nbsp;dans l'affaire de la chasse aux phoques dans la mer
turque'^'^nbsp;Behring, de 1893, l'autre dans l'affaire gréco-turque
de 1901.
Dans les deux cas, nous voyons la délégation de
compétence réglementaire se présenter lors d'une affaire
arbitrale. Tant dans l'affaire de la chasse aux phoques que dans
l'affaire gréco-turque, une Cour d'arbitrage, instituée ah hoc, est
munie, par les Etats recourant à une sentence arbitrale, de la compé-
tence spéciale d'arrêter des règles pour l'avenir.
Ici, plusieurs choses importantes se présentent. D'abord celle-ci :
à une Cour arbitrale instituée ad hoc, qui aura comme tâche principale
de rendre une sentence conformément aux règles existantes du droit
sur le point en litige, on confère, à côté de ce pouvoir judiciaire, la
compétence d'arrêter des règles obligatoires pour les deux parties dans
l'avenir. Et déjà, préalablement, les deux parties en litige s'engagent
expressément à se conformer aux règles dûment arrêtées par la Cour.
Les deux Cours, celle dans l'affaire de la chasse aux phoques et celle
dans l'affaire gréco-turque, ont donc cette chose importante en commun
qu'elles ne sont pas seulement juges ou arbitres, mais aussi législateurs.
Pour chaque juriste qui a été éduqué dans la doctrine de la sépa-
ration des pouvoirs, cette attribution de compétence réglementaire
à une Cour arbitrale est excessivement intéressante et constitue une
innovation des plus importantes.
La Cour d'arbitrage dans l'affaire de la chasse aux phoques a été
instituée par un accord compromissoire signé le 29 février 1892. Celle
dans l'affaire gréco-turque était prévue par le traité de paix entre la
Grèce et la Turquie, du 4 décembre 1897 (art. ibjo art. 11/^) et serait,
le cas échéant, composée des représentants des six Grandes Puissances
à Constantinople.
En ce qui concerne l'institution de ces deux Cours d'arbitrage, la
différence se manifeste en ceci : la Cour dans l'affaire de la chasse
aux phoques est sortie d'un accord compromissoire signé expressément
et uniquement pour ce cas spécial, tandis que la Cour dans l'affaire
gréco-turque avait été déjà instituée en principe par un traité de paix,
mais ne fonctionnerait que du moment que les deux Etats manifeste-
ment ne sauraient pas tomber d'accord par la voie de négociations
directes.
Si les deux Cours d'arbitrage diffèrent au point de vue de leur
fondation, elles ne sont point différentes en ce qui concerne leur
travail et leurs attributions. Les deux Cours devaient arrêter des
règlements pour l'avenir, ■— seulement la première devait le faire après
avoir rendu préalablement une véritable sentence arbitrale. Tant
pour la chasse aux phoques dans la mer Behring que pour les rapports
consulaires gréco-turcs, elles étaient chargées d'arrêter des règlements
qui auraient force de loi pour les deux parties litigantes sans que
celles-ci dussent encore donner leur approbation, et qui entreraient
en vigueur sans ratification de la part des deux parties.
La construction juridique de ces deux cas d'arbitrage est donc la
suivante. Deux Etats souverains, et non subordonnés à qui que ce soit,
ont un litige. Pour mettre fin à une telle situation préjudiciable à leurs
relations réciproques, ils portent leur différend devant une Cour
d'arbitrage, lui demandant de rendre justice et de clore le conflit.
Au lieu d'établir eux-mêmes, par des négociations directes les règles
d'après lesquelles ils s'engagent à se conduire dans l'avenir, ils
chargent la Cour d'arbitrage d'établir ces règles, s'obligeant de leur
part à s'y conformer sans approbation ou ratification ultérieure.
Voici la grande innovation que présentent ces deux exemples.
Deux Etats souverains cèdent leur propre compétence réglementaire,
non pas à un nouvel organe législatif, mais à une Cour d'arbitrage.
Ces deux exemples de compétence réglementaire conférée à une Cour
d'arbitrage démontrent juste le contraire de la séparation des pouvoirs.
C'est pour cela qu'ils sont tellement intéressants. Et ils le sont à
plus forte raison qu'ils se sont présentés déjà à la fin du siècle passé,
époque à laquelle le droit des gens n'avait pas encore atteint le degré
de développement qu'il a atteint en nos jours.
Depuis ces deux cas, l'exemple d'une Cour d'arbitrage munie de
compétence réglementaire semble ne s'être plus présenté.
Le Rhin.nbsp;Nous arrivons maintenant à l'examen juridique de la
Commission Centrale pour la navigation du Rhin, telle
qu'elle a été établie par l'Acte de navigation du Rhin
de Mannheim, du 17 octobre 1868, et modifiée par le Traité de Ver-
sailles de 1919-
Tandis que nous voyons, relativement au régime du Danube
élaboré presque en même temps, des commissions fluviales munies de
compétence réglementaire, l'Acte de navigation du Rhin de Mannheim
ne contient pas de stipulations pareilles, conférant à la Commission
Centrale une compétence réglementaire analogue.
Car, quoique la Commission Centrale fût déclarée compétente
pour délibérer sur les propositions des Etats riverains et en particulier
sur celles qui avaient pour but de modifier ou de compléter l'Acte de
navigation ou les règlements communément établis, ces modifications,
en tous cas, devaient obtenir l'approbation ultérieure des Etats
riverains.
Et, bien que l'approbation de ces modifications de la part des
Etats riverains ne s'effectuât pas, en général, par un traité interna-
tional spécial, mais par une promulgation de la part du gouvernement
dans les Etats respectifs, cela n'empêche pas qu'une approbation, dans
une forme ou dans l'autre, par les Etats riverains fût obligatoire.
Après cela, il va sans dire, quant à la Commission Centrale pour
la navigation du Rhin, qu'il ne pouvait pas être question, à la lumière
de la Convention de Mannheim, d'une compétence réglementaire
autonome exercée par cette Commission.
Surtout, on ne doit pas oublier que la Commission Centrale, en
vertu de l'Acte de Mannheim, n'était pas une commission internationale
analogue à celles existant pour le Danube. Les Commissions du
Danube étaient vraiment des commissions internationales dans le sens
strict du mot ; car aussi des Etats non-riverains siégeaient dans ces
commissions, notamment les grandes Puissances européennes.
La Commission Centrale du Rhin, au contraire, ne comprenait,
d'après l'Acte de navigation de 1868, que des représentants de Bade,
de la Bavière, de la France, de la Hesse, des Pays-Bas et de la Prusse.
Et c'est pour cette raison qu'au chapitre précédent, nous avons préféré
avec Struycken contre van Eysinga, la conception que, d'après l'Acte
de Mannheim, la Commission Centrale était un collège de délégués
des Etats nverains, liés par le mandat de leurs gouvernements et privés
de toute mdépendance envers eux, de sorte qu'on ne peut voir dans
cette Commission Centrale autre chose qu'un congrès ou une confé-
rence de délégués des gouvernements des Etats riverains, égal à tout
autre congrès ou conférence internationale.
_ Voilà une grande différence avec les Commissions du Danube
qui ^ effet étaient de véritables commissions internationales.
Mais en plus de cette différence relative à la composition de la
Commission Centrale du Rhin, il y a encore celle-ci que ladite Com-
mission ne possédait pas une compétence réglementaire autonome
mais seulement un droit de délibération de propositions qui. après
doivent être approuvées par les Etats riverains.nbsp;'
Toutefois, le Traité de Versailles de 1919 a apporté quelques
modifications dans le statut du Rhin tel qu'il avait été établi par
1 Acte de navigation de Mannheim.
D'abord il y a cette modification que désormais la Commission
Centrale du Rhin serait une véritable commission internationale
Car, en vertu des stipulations de l'article 355 du Traité de Versailles
la Commission Centrale comprendrait, outre les représentants des
Etats riverains, des représentants de la Grande-Bretagne, de l'Italie
et de la Belgique. Cette stipulation relative à l'extension de la Com-
mission Centrale est si importante qu'elle démontre évidemment la
grande influence et la supériorité des Puissances Alliées et Associées
après la grande guerre. Le Rhin étant un fleuve d'une importance
capitale aussi pour des Etats non-riverains, comme par exemple la
Belgique, 1 Italie et la Grande-Bretagne, ces Etats n'ont pas voulu
que leur influence et leurs intérêts ne fussent désormais pas représentés
l'Siropt^^ Commission, qui a trait au fleuve le plus important de
Cette Commission Centrale du Rhin renforcée et internationalisée
devait, en exécution de l'article 354 du Traité de Versailles, procéder
a la revision de 1 Acte de Mannheim. Abstraction faite d'une revision
des articles i5-2i du dit Acte par la convention du 14 décembre 1922
œmplétée par un protocole en date du 22 décembre 1923 (Journal
Offioel de 1925, nO 269), de moindre importance, la Commission
Centrale n a pas encore réussi à rédiger un texte nouveau, satisfaisant
pour tous les Etats contractants. Nous n'entrerons pas dans un exposé
de 1 etat actuel des choses, mais constatons seulement que déjà le
Traite de Versailles lui-même avait apporté certaines modifications,
de portee douteuse dans les compétences de la Commission Centrale
^n elfet. quelques dispositions nouvelles (notamment dans l'article 356
du traité) semblaient reconnaître à cette Commission plus de pouvoirs
quelle ne possédait jusqu'alors. Le gouvernement néerlandais ne
voulait pas que son adhésion aux articles du traité de paix concernant
le Rhin fût considérée comme impliquant son assentiment à une
extension considérable de la compétence de la Commission Centrale.
C'est pourquoi le premier protocole d'adhésion des Pays-Bas, en date
du 21 janvier 1921 (Staatsblad de 1926, n° 466) stipulait expressé-
ment éub. 40 : « Il est entendu que les dispositions de l'article 356 ne
doivent pas être interprétées comme préjugeant de l'étendue territo-
riale de la compétence de la Commission centrale du Rhin, non plus
que de la valeur juridique de ses règlements ». Mais étant donné que,
dans ces conditions, l'application des dispositions nouvelles, de portée
douteuse, n'était pas suffisamment assurée, le second protocole, en
date du 29 mars 1923, ajoutait au premier la disposition suivante :
« Les Résolutions de la Commission Centrale pour la Navigation
du Rhin sont prises à la majorité des voix. Aucun Etat n'est tenu
d'assurer l'exécution de celles de ces Résolutions auxquelles il
refuserait son approbation. »
Il saute aux yeux que notamment ces dernières stipulations du
protocole additionnel de 1923 diffèrent considérablement de celles de
l'Acte de Mannheim, puisque dorénavant les résolutions de la Com-
mission Centrale seront prises à la majorité des voix, ce qui semble
impliquer que l'approbation ultérieure de ces résolutions par les Etats
représentés dans la Commission n'est plus obligatoire.
Toutefois, cette stipulation perd beaucoup de son importance vu
la disposition supplémentaire que l'Etat qui a refusé dans le sein de la
Commission Centrale son approbation aux résolutions n'est pas tenu
d'en assurer l'exécution. Cette dernière stipulation présente une grande
anomalie. D'un côté on se décide à faire une concession considérable :
les résolutions de la Commission seront prises à la majorité des voix,
disposition qui semble impliquer qu'elles entreront en vigueur sans
approbation par les Etats riverains ; de l'autre côté, on dispose que
les Etats qui dans la Commission ont voté contre ces résolutions ne
sont pas obligés de les exécuter. Il y a dans cette innovation quelque
chose d'étonnant et de contradictoire. Vraisemblablement la dispo-
sition finale s'explique par la crainte des Pays-Bas que l'influence
des Grandes Puissances ne devienne trop grande sur leur territoire.
Le Danube.nbsp;Analysant les différents exemples de délégation de
compétence réglementaire au point de vue juridique, nous
traiterons maintenant de la compétence réglementaire des
Commissions du Danube, savoir la Commission européenne et la
Commission internationale.
Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, à présent le
Danube, en vertu du régime établi après la grande guerre, est divisé
io3
-ocr page 108-en deux parties : le Danube maritime, depuis la mer Noire jusqu'à
Braila, et le Danube fluvial, à partir de Braïla jusqu'à Ulm.
Mais nous avons constaté aussi que déjà grand temps avant le
^glement établi par les traités de paix après la grande guerre, le
Danube a été soumis à un régime spécial; de sorte que nous aurons à
examiner aussi, au point de vue juridique, tous ces régimes en leurs
différences et leurs analogies.
Les premières Commissions du Danube que nous rencontrons
datent du Traité de paix de Paris du 3o mars i856. Dans les articles
16 et 17 de ce traité nous trouvons les stipulations instituant une
Commission européenne et une Commission riveraine du Danube.
Ces Commissions sont donc le fruit d'une convention internationale
conclue entre l'Autriche, la Prusse, la France, la Grande-Bretagne,
la Russie, la Turquie et la Sardaigne.
Il résulte de cela que, à l'occasion d'un traité de paix, la Turquie
comme principal Etat riverain, a renoncé à ses droits au profit d'une
nouvelle organisation, d'une commission fluviale internationale, dans
laquelle elle siégera.
Cela en ce qui concerne la Commission européenne. Et la même
chose peut être dite relativement à la Commission riveraine instituée
par le même traité.
On peut donc constater que primitivement la Turquie a renoncé
à un élément essentiel de sa souveraineté en adhérant à un régime qui
plaçait le Danube sous une commission internationale.
Ce qui est intéressant, c'est que les autres Etats riverains, à
savoir le Wurtemberg, la Bavière et les trois Principautés Danu-
biennes, qui eux aussi avaient assurément des intérêts importants
relatifs au Danube, n'étaient pas partie à ce traité. Mais il ne faut pas
oublier que ledit traité en vertu duquel le régime du Danube fut établi
et les deux commissions furent instituées, n'était pas le fruit d'une
conférence organisée spécialement pour aboutir à une réglementation
d'un régime pour le Danube, mais d'une conférence convoquée pour
établir les conditions de paix à la fin de la guerre de Crimée.
D'après les articles 16 à 18 dudit traité, la Commission euro-
péenne n'aurait qu une durée de deux ans et ne remplirait que des
fonctions techniques. La Commission riveraine, qui serait permanente
élaborerait les règlements de navigation et de police fluviale. Cette
dernière commission serait composée de représentants de l'Autriche
de la Bavière, de la Turquie et du Wurtemberg, auxquels se réuni-
raient encore les commissaires des trois Principautés Danubiennes
dont la nomination aurait été approuvée par la Turquie. Cependant,
on sait que, contrairement aux intentions de i856, la Commission
européenne temporaire a été maintenue dans ses fonctions, tandis
qu'au contraire, la Commission riveraine, qui serait permanente, n'a
pas su se maintenir. Aussi, est-ce la Commission européenne, com-
posée des délégués de la France, de la Grande-Bretagne, de la Prusse,
de la Russie, de l'Autriche, de la Sardaig ne et de la Turquie, qui a
élaboré l'Acte de navigation, lequel fut adopté par les Etats contrac-
tants, le 2 novembre i865. En vertu de l'article 7 de cet Acte de
navigation le « Règlement de navigation et de police » comme il avait
été arrêté par la Commission européenne fut sanctionné comme annexe
au traité.
En vertu d'un Acte de Navigation conclu comme suite des stipu-
lations d'un traité de paix, les Etats riverains du Danube abandonnent
leur propre compétence réglementaire au profit d'une commission
internationale qu'ils ont fondée eux-mêmes.
Les lois et prescriptions que la Roumanie et la Turquie, comme
Etats riverains, auraient éventuellement établies entre i856 et i865
pour être appliquées sur la partie du fleuve qui les traverse, n'auront
en conséquence dorénavant plus force de loi et ne seront plus
applicables.
Au lieu de ces règlements et prescriptions éventuels de ces Etats,
il J aura pour l'avenir des règlements arrêtés par la Commission
européenne et applicables sur la partie du fleuve — c'ést-à-dire les
bouches — pour laquelle la Commission a été instituée.
Aux règlements de ces Etats riverains seront substitués des règle-
ments généraux émanés de la Commission européenne.
Cela représente une avance considérable sur le chemin du déve-
loppement du droit quand on songe au siècle passé, alors que la
doctrine de la souveraineté absolue et complète des Etats était
défendue et pratiquée avec acharnement et succès.
Car, quoi qu'on pense de la souveraineté et de la Commission
européenne du Danube, il est de fait que l'Etat riverain du Danube,
la Turquie, adhérant à l'Acte de Navigation du Danube de i865, a
renoncé à une partie de ses attributions législatives et en conséquence
à une partie de sa souveraineté, au profit d'une commission composée
des Grandes Puissances.
Le Traité de Berlin du i3 juillet 1878 a encore accentué la compé-
tence de la Commission européenne. En effet, l'article 53 dudit traité
stipula que la Commission européenne, renforcée d'un délégué de la
Roumanie, exercerait désormais ses fonctions dans une complète
indépendance de l'autorité territoriale. Et, en vertu de l'article 55, la
Commission fut expressément chargée d'élaborer, de concert avec les
délégués des Etats riverains, les règlements de navigation, de police
fluviale et de surveillance applicables aux sections du fleuve (russe,
roumaine, bulgare et serbe) comprises entre Galatz et les Portes de
io5
-ocr page 110-Fer. Car, en vertu de l'article 53 du Traité de Berlin la juridiction de
la Commission européenne fut en même temps étendue jusqu'à
Galatz.
De nouveau, à l'occasion du Traité de Berlin, la Russie, Etat
riverain du Danube, a décidé expressément de renoncer à sa propre
compétence réglementaire au profit de la Commission européenne, qui
exercerait dorénavant ses fonctions et compétences « dans une com-
plète indépendance de l'autorité territoriale ».
Egalement d'après les dispositions du Traité de Berlin, la Com-
mission européenne possédait donc une compétence réglementaire
autonome, car ses règlements étaient applicables aux territoires des
différents Etats riverains sans que ceux-ci dussent encore ultérieure-
ment donner leur approbation ou ratification à ces règlements.
Nous avons vu qu'en vertu du Traité de Londres du lo mars i883
les pouvoirs de la Commission européenne furent prorogés pour
vingt et un ans et que l'autorité de la Commission fut de nouveau
étendue, jusqu'à Braïla.
Nous examinerons maintenant les conséquences juridiques des
traités de paix après la grande guerre, en ce qui concerne l'influence
exercée sur les nouvelles Commissions du Danube et sur leurs
compétences.
Les traités de paix ont rétabli la Commission européenne d'avant-
guerre avec cette modification importante que les Puissances
Centrales n'auraient plus un siège dans cette Commission (Traité de
Versailles, art. 346). Ces traités ont prévu en outre, l'institution d'une
seconde commission qui exercera ses pouvoirs en amont du parcours
soumis à la juridiction de la Commission européenne, soit sur le
réseau du Danube depuis Braïla jusqu'à Ulm et dont, d'après l'article
3o3 du Traité de Saint-Germain, les décisions seraient prises à la
majorité des voix. Cette Commission sera dénommée dorénavant la
Commission internationale.
Le statut définitif du Danube prévu à l'article 348 du Traité de
Versailles a été établi par le Traité de Paris du 23 juillet 1921 conclu
entre la Belgique, la France, la Grande-Bretagne, la Grèce, l'Italie,
la Roumanie, le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes et la Tchéco-
slovaquie, avec la collaboration de l'Allemagne, de l'Autriche, de la
Hongrie et de la Bulgarie, qui, préalablement dans les traités de paix,
s'étaient engagées à accepter le règlement définitif.
Nous avons vu que l'ancienne Commission européenne fut rétablie,
sauf que les Puissances Centrales n'y furent plus représentées. Le
Traité de Paris de 1921 stipule que cette Commission, qui se compo-
sera provisoirement des seuls représentants de la France, de la
Grande-Bretagne, de l'Italie et de la Roumanie, et siégera à Galatz,
sera munie des mêmes pouvoirs qu'elle possédait avant la guerre (i).
La partie du Danube entre la mer Noire et Braïla, dénommée Danube
maritime, sera donc soumise aux règlements d'une Commission inter-
nationale composée de certaines grandes Puissances européennes et
de la Roumanie, Etat riverain. Cette Commission européenne ayant,
en vertu du Traité de 1921, les mêmes compétences que celles qu'elle
possédait avant la guerre, sera donc munie de la compétence
réglementaire autonome. La Commission européenne établira donc,
dans une complète indépendance, les règlements auxqiiels la navigation
sur le Danube maritime sera soumise. Et les règlements de l'Etat
riverain roumain ne seront pkis applicables, de sorte que la
Roumanie aussi devra appliquer les règlements généraux de la Com-
mission européenne et non plus ses propres règlements. En somme,
ce n'était que la continuation d'un état de choses déjà existant depuis
i856. A la compétence réglementaire de l'Etat riverain roumain
— les autres Etats représentés dans la Commission européenne n'étant
pas Etats riverains du Danube — fut donc substituée la compétence
réglementaire de la Commission européenne. En adhérant au Traité
de Paris de 1921,1a Roumanie a renoncé au profit de la Commission
européenne à son propre pouvoir législatif et en conséquence renoncé
à une partie de sa souveraineté.
La nouvelle commission, la Commission internationale, instituée
par le Traité de Versailles est composée de deux représentants des
Etats riverains allemands, d'un représentant de chacun des autres
Etats riverains et d'un représentant de chacun des Etats non riverains
représentés à l'avenir à la Commission européei ne du Danube.
Cette nouvelle commission fut aussi munie de la compétence
réglementaire. L'article 24 du Traité de Paris stipule que la Commis-
sion internationale doit élaborer les règlements de navigation et de
police fluviale et que chacun des Etats riverains devra les mettre en
vigueur et les appliquer sur son territoire. Elle exercera ses pouvoirs à
partir de Braïla jusqu'à Ulm.
La teneur de la disposition de l'article 24 du Traité de Paris est
donc celle-ci que le Reich allemand (le Troisième Empire ayant succédé
récemment aux droits des anciens Etats riverains allemands), l'Autri-
che, la Hongrie, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, la Bulgarie et la
Roumanie ont abandonné leur pouvoir législatif en matière de naviga-
tion et de police fluviale, en le conférant à la Commission interna-
tionale. Ces derniers Etats riverains ne sont donc plus les maîtres en
matière de réglementation de la navigation et de la police sur leur
section du fleuve; ils n'auront plus le droit d'établir les règlements
(1) Articles 4 à 7 du Traité de Paris du sS juillet 1921.
-ocr page 112-chacun pour son réseau; ils devront appliquer les règlements qui
auront été établis par la Commission internationale.
Il va sans dire que ce qui précède présente une grande concession
de la part des Etats riverains.
Cependant, leur concession apparaît encore plus grande quand on
se rappelle que dans la Commission internationale siègent, non seule-
ment les représentants des Etats riverains, mais aussi des représen-
tants de la France, de la Grande-Bretagne et de l'Italie, et éventuelle-
ment d'autres Etats non riverains. C'est, en d'autres mots, à une
véritable commission internationale et non à une simple commission
des Etats riverains que ces derniers ont cédé leur pouvoir législatif.
C'est cette stipulation du Traité de Versailles qui fait de cette délé-
gation de compétence réglementaire un exemple aussi intéressant et
aussi remarquable.
Au profit de la Commission internationale du Danube, qui exerce
ses pouvoirs à partir de Braïla jusqu'à Ulm et dans laquelle sont aussi
représentés des Etats non-riverains à titre de leur rôle de grandes
Puissances d'Europe, les Etats riverains ont renoncé à leur propre
pouvoir législatif, c'est-à-dire à un élément essentiel- de leur sou-
veraineté.
En somme, cet exemple démontre manifestement la suprématie
exercée par les Grandes Puissances dans les années qui suivirent la
grande guerre.
Le Congo.nbsp;Au chapitre précédent, nous avons examiné le régime
du fleuve du Congo tel qu'il a été établi par l'Acte
Général de Berlin du 26 février i885. Comme résultat
de cette conférence le Congo serait soumis, en vertu de l'article 17 de
l'Acte Général, à une Commission internationale ; cependant cette
commission internationale du Congo n'a, en fait, jamais été instituée.
Si elle avait été instituée, aurait-on eu alors une commission
analogue à celles qui exercent le pouvoir sur le Danube ?
Incontestablement non. En vertu du paragraphe 2 de l'article 19
de l'Acte général, « la Commission internationale du Congo élaborera
immédiatement les règlements de navigation, de police fluviale, de
pilotage et de quarantaine ». Mais le paragraphe suivant du même
article 19 ajoute immédiatement : « ces règlements, ainsi que les
tarifs à établir par la Commission, avant d'être mis en vigueur, seront
soumis à l'approbation des Puissances représentées dans la
Commission ».
Nous voyons donc que deux fleuves très importants, le Danube et
le Congo, qui ont acquis presque en même temps un statut international
particulier, seraient quand même soumis à un régime tout différent.
Car, comme il a été exposé ci-dessus, les règlements établis par les
Commissions européenne et internationale du Danube seraient appli-
cables et auraient force de loi sans aucune approbation ou ratification
de la part des Etats riverains ou des Etats représentés dans les
Commissions ; les règlements arrêtés par la Commission internationale
du Congo, devaient, au contraire, pour pouvoir entrer en vigueur,
obtenir l'approbation des Etats représentés dans la Commission. Les
mêmes Etats, qui pom' le régime du Danube avaient accepté des
commissions internationales munies d'une compétence réglementaire
autonome, augmentés de quelques autres Etats, n'ont pas voulu
conférer la même compétence à la Commission internationale du Congo.
En effet, du fait que pour les règlements qui seraient élaborés par
cette dernière l'approbation ultérieure des Etats représentés dans la
Commission serait conditio ^Ine qua non pour leur mise en vigueur, il
résulte que la Commission internationale du Congo n'aurait pas été
investie d'une compétence réglementaire autonome.
Du reste, cette différence, entre les Commissions européenne et
internationale du Danube, d'une part, et la Commission internationale
du Congo projetée, d'autre part, illustre très bien la grande variation
en droit des gens que nous avons signalée autre part.
Par le traité du lo septembre 1919 conclu entre les Etats-Unis,
la Belgique, l'Empire Britannique, la France, l'Italie, le Japon et
le Portugal, l'Acte de Berlin de i885 relatif entre autres au régime
du Congo a été déclaré abrogé (1).
L'Elbe etnbsp;Des trois fleuves allemands que nous avons examinés
L Oder.nbsp;g^y chapitre précédent, il n'y en a qu'un, outre le Rhin,
que nous devons encore soumettre à un examen, c'est
l'Elbe, parce que le régime de l'Oder est complètement
égal à celui de l'Elbe et que pour le Memel ou Niemen une commission
internationale n'a jamais été instituée.
Le régime de l'Elbe établi par le Traité de Versailles et la con-
vention du 22 février 1922, laquelle a arrêté l'Acte de navigation de
l'Elbe, font manifestement preuve de la disposition des Grandes
Puissances d'établir l'influence de l'Entente sur un fleuve allemand.
Car l'Acte de navigation de l'Elbe déclare, non seulement, que les
résolutions et les règlements sont pris et arrêtés par la Commission
internationale à la majorité absolue ou qualifiée des voix et qu'ils
entrent en vigueur sans approbation ultérieure des gouvernements, mais
aussi que les Etats riverains doivent soumettre leurs règlements de
police et de navigation à la Commission, qui en arrête le texte définitif.
(1) Voir la note i, page 34.
-ocr page 114-En ce qui concerne l'Elbe, et comme nous l'avons dit précédem-
ment : ce qui vaut pour l'Elbe vaut également pour l'Oder, les Etats
ont donc de nouveau préféré comme élément du régime international
d'un fleuve internationalisé la création d'une commission internationale,
munie d'une compétence réglementaire autonome. Des motifs poli-
tiques n'auront certainement pas été étrangers à cette organisation.
Un régime qu'on n'a pas voulu accepter pour le statut international
du Congo, l'a bien été pour le nouveau statut des fleuves allemands
internationalisés après la grande guerre.
Il va sans dire que les Etats riverains de ces deux rivières ont, de
par leur signature des Actes de navigation respectifs, abandonné
à cet égard, leur droit souverain de faire des règlements. Car, quoi-
qu'ils soient encore compétents pour exercer leur pouvoir législatif
en arrêtant des règlements de police et de navigation, ces règlements
doivent être soumis à la Commission internationale du fleuve en
question, laquelle doit même en arrêter le texte définitif.
Cette dernière stipulation concernant les compétences des Etats
riverains et de la Commission internationale constitue une innovation
en comparaison avec celles des Etats riverains et des Commissions
européenne et internationale du Danube. Cependant, relativement
aux Etats riverains, cette stipulation n'est pas de grande valeur.
Car, quoique, en apparence, les Etats riverains aient gardé en cette
matière, leur pouvoir législatif autonome, de jure ils l'ont délégué à la
Commission internationale vu que leurs règlements doivent être
soumis à la Commission internationale qui en arrête même le texte
définitif.
Et en cédant leur propre pouvoir législatif autonome à la Commis-
sion internationale, les Etats riverains ont en même temps abandonné
ime partie proportionnelle de leur souveraineté.
L'Eécaul.nbsp;En ce qui concerne la compétence réglementaire,
les traités de 1839 et de 1926 entre la Belgique et les
Pays-Bas portent les indices d'une certaine disposition
qui, tant en 1839 qu'en 1926, caractérisait et influençait les relations
néerlando-belges.
Il n'est donc point étonnant que dans le traité de 1839 nous ne
trouvons pas d'exemple de délégation de compétence réglementaire.
Car cette délégation contient toujours, de la part des Etats qui dé-
lèguent la compétence réglementaire, l'abandon d'un élément essentiel
de leur souveraineté. Or, il s'explique que les deux Etats, la Belgique
et les Pays-Bas, vu le prologue ennemi de ce traité, vu aussi les cir-
constances dans lesquelles il a été élaboré, n'étaient pas disposés à
céder une partie de leur souveraineté en déléguant une compétence
réglementaire autonome à des Commissaires qui exerceraient le pou-
voir sur un fleuve d'une importance aussi capitale pour les deux pays.
Mais à part cette espèce d'antagonisme existant alors entre les
deux pays, antagonisme qui s'explique après tout ce qui c'était passé
de i83o à 1839, entre ces deux pays, il y a lieu de se demander si
vraiment, en ces temps, une commission internationale, ou des commis-
saires communs investis de compétence réglementaire, pouvaient déjà
exister. Bien que le traité lui-même se taise sur la condition nécessaire
de l'approbation, par les deux gouvernements, des règlements arrêtés
en commun par les commissaires, on doit cependant admettre qu'une
telle approbation était obligatoire. Nous ne pouvons pas nous imaginer
qu'en ces temps où le droit des gens n'avait pas encore atteint un haut
degré de développement et où la doctrine de la souveraineté complète
et absolue était encore la pierre angulaire de la politique étrangère,
deux Etats, qui en effet, n'étaient pas amicalement unis, auraient été
enclins de céder une partie de leur droit le plus sacré. Il n'y a, en
outre, dans tout le traité, aucune stipulation qui justifie la conception
que les deux Etats ont expressément voulu conférer aux commissaires
une compétence réglementaire autonome.
Nous avons vu que le traité avorté de 1926, en ce qui concerne le
régime de l'Escaut, n'a pas apporté de modifications fondamentales.
Les dispositions spéciales et les règlements généraux que la Commis-
sion d'administration pourrait arrêter, devraient, en vertu du para-
graphe 5 de l'article IV, obtenir l'approbation des deux gouverne-
ments. Donc, point de compétence réglementaire autonome exercée par
la Commission d'administration.
D'un côté, on peut s'étonner que dans un temps qui est caractérisé
par des efforts sérieux et continus d'aboutir à de bonnes relations entre
les Etats et dans lequel les Etats étaient plus que jamais disposés à
céder une partie de leur souveraineté, la Belgique et les Pays-Bas
n'aient pas délégué à la Commission d'administration une compétence
réglementaire autonome. Car, tout spécialement, les années après la
grande guerre nous ont offert des exemples précieux de cette délé-
gation. D'un autre côté cependant, on ne doit pas oublier que, égale-
ment après la grande guerre, les relations néerlando-belges n'étaient
pas des meilleures par suite de certaines menées contre des parties
du territoire néerlandais, qui, de part et d'autre, révoltaient les esprits.
Il va sans dire qu'en semblables circonstances, les deux parties n'a-
vaient pas grande envie de se faire des concessions mutuelles. Aux
Pays-Bas principalement, une agitation dans certaines couches de la
population s'opposait à ce que l'on accorde des concessions.
La Commission d'administration de l'Escaut était conçue comme
un congrès ou une conférence périodique de délégués des deux
gouvernements qui se réuniraient en vue d'élaborer une espèce de
projet de traité lequel devrait, pour être mis en vigueur, obtenir la
ratification des deux gouvernements. Cela était aussi la conception
des deux gouvernements lors de l'élaboration du traité de 1926 ; dans
le mémoire interprétatif joint au traité, ils déclarent relativement au
paragraphe 4 : « Il est bien entendu que la Commission ne possédera
nulle compétence pour décider directement ou indirectement de ques-
tions de souveraineté ». Et, des résolutions ou des règlements que la
Commission arrête et qui entrent en vigueur sans la ratification des
deux gouvernements, constituent incontestablement la solution de
questions qui touchent de près la souveraineté des deux Etats. Une
telle compétence, manifestement, on n'a pas voulu la conférer à la
Commission d'administration de l'Escaut.
Nous avons démontré ci-dessus pourquoi, d'après nous, les deux
Etats n'ont pas voulu céder à la Commission cette compétence et en
conséquence une partie de leur souveraineté. On pourrait encore
ajouter, comme dernière raison, que l'Escaut représente, tant pour la
Belgique que pour les Pays-Bas, des intérêts tellement importants
que les deux gouvernements ont préféré régler directement, à l'avenir,
eux-mêmes, les questions relatives à la navigation plutôt que d'aban-
donner leur propre droit en faveur de la Commission d'administration.
Pour terminer, il faut donc conclure, quelque étrange que cela
puisse paraître, que la Commission d'administration projetée, à
dessein, n'a pas été munie de compétence réglementaire autonome, en
dépit des exemples fournis par certains autres fleuves internationalisés.
La Commidàionnbsp;Le régime des Détroits a obtenu un statut nouveau
deé Détrolu. gj^ ^ertu du Traité de paix de Lausanne du 24 juillet
1923 et de la Convention relative au régime des
Détroits de la même date.
Les Détroits, qui sont composés des Dardanelles, de la mer de
Marmora et du Bosphore, furent, en vertu de ce traité et de la con-
vention, internationalisés. L'autorité y serait exercée par une com-
mission : la « Commission des Détroits ». Cette Commission était
une véritable commission internationale ; car, outre le représentant
de la Turquie, qui en était le président, des représentants de la France,
de la Grande-Bretagne, de l'Italie, du Japon, de la Bulgarie, de la
Grèce, de la Roumanie, de la Russie et de l'Etat Serbe-Croate-
Slovène y siégeaient.
On voit, par la composition de cette Commission des Détroits, que
les Grandes Puissances, même une de l'Extrême-Orient, y étaient
représentées. On peut s'étonner d'une telle composition, mais on ne
doit pas oublier que le Traité de Lausanne, remplaçant le Traité de
Sèvres, lequel n'a pas été ratifié par la Turquie, est un traité de paix
égal aux autres traités de paix conclus après la grande guerre par les
Puissances Alliées et Associées avec les Puissances Centrales.
C'est ce fait qui explique la présence dans la Commission des Détroits
de certaines Puissances, comme par exemple le Japon.
La Commission des Détroits serait même susceptible d'agrandisse-
ment, car, d'après l'article 12 de la Convention, l'adhésion à cette
Convention comporterait pour les Etats-Unis, le droit d'avoir égale-
ment un représentant dans la Commission. Et le même droit était
réservé éventuellement, dans les mêmes conditions, aux Etats indépen-
dants riverains de la mer Noire non mentionnés dans le premier
alinéa de cet article. Ensuite, le fait que les Détroits constituent un
intérêt considérable pour la navigation du et vers le Proche Orient
et qu'ils ont toujours été un sujet de conflit entre les Grandes Puis-
sances, la Turquie et la Russie n'a pas été étranger à la présence
des Grandes Puissances, même extra-européenne dans la Commission
des Détroits.
La Convention de 1923 relative au régime des Détroits (art. 16)
conférait à la Commission des Détroits une compétence générale
rédigée très simplement : « Il appartiendra à la Commission d'éla-
borer les règlements qui seraient nécessaires à l'accomplissement de
sa mission. » « Il appartiendra à la Commission », cela veut dire : la
Commission aura la compétence et le devoir d'élaborer des règlements.
Nous ne trouvons aucune stipulation dans la Convention qui prescrive
l'approbation ultérieure, par les Puissances représentées dans la
Commission des Détroits, des règlements arrêtés par elle.
Toutefois, le traité de Sèvres de 1920, qui n'a pas été ratifié, et
l'annexe qui était jointe à la.section II de la Partie III dudit traité
(après l'article 61) contenaient des dispositions qui peuvent nous
servir d'orientation. Le paragraphe 5 de l'annexe stipule que « en vue
de s'acquitter de toutes les fonctions dont elle est chargée par les
stipulations de la présente section et de la présente annexe, et dans les
limites qui y sont fixées, la Commission aura le pouvoir de préparer, de
promulguer et d'appliquer les règlements nécessaires ; ce pouvoir com-
prendra le droit d'amender, s'il est nécessaire, ou d'abroger les règle-
ments actuellement existants ». D'après les dispositions du traité de
Sèvres la Commission aurait donc été munie d'une compétence régle-
mentaire autonome.
Vu ces dispositions du traité de Sèvres, vu aussi le fait que le
traité de Lausanne ne contient pas une disposition expressément
contraire et déclare même qu'il appartiendra à la Commission d'éla-
borer les règlements qui seraient nécessaires à l'accomplissement de
sa mission, la conclusion s'impose que la Commission des Détroits,
ii3
-ocr page 118-aussi d'après le traité de Lausanne, possède une compétence réglemen-
taire autonome. Les Puissances signataires du traité de paix de Lau-
sanne ont donc tacitement délégué leur propre pouvoir législatif à la
Commission des Détroits.
Il va sans dire qu'il y a là une concession considérable de la part
des Grandes Puissances. Mais cette concession apparaît encore plus
grande de la part des Etats limitrophes et voisins, quand on pense aux
intérêts que, fout spécialement, ces Etats ont à la navigation des
Détroits. Il n'est donc point étonnant que la Turquie, qui a le plus
d'intérêts à élever la voix, a convoqué une conférence internationale
afin d'aboutir à une revision du régime des Détroits, initiative qui
déjà est couronnée d'un succès remarquable (Convention de Mon-
treux) (i). Car, sous le régime de 1923, les règlements arrêtés par la
Commission des Détroits avaient aussi force de loi pour la Turquie et
diminuaient donc considérablement la liberté d'action et la sou-
veraineté de cet Etat renaissant.
Lanbsp;Vient la compétence réglementaire dont se trouve
C. I. N. A. investie la Commission Internationale de Navigation
Aérienne (C. I. N. A.), en vertu de l'article 34 de la
Convention portant réglementation de la navigation
aérienne de 1919- Au chapitre précédent nous nous sommes arrêtés
longtemps à la C. N. I. A., de sorte que nous n'avons rien à ajouter
aux faits démontrés en ce lieu.
Ce qui frappe d'abord en la compétence déléguée à cette commis-
sion, c'est qu'elle ne peut porter des amendements, en d'autres mots
des modifications, qu'aux annexes et aux seules annexes A à G. La
modification des articles de la convention elle-même et de l'annexe H
appartiennent à la compétence exclusive des Etats signataires. Quoique
la convention et les annexes soient à considérer comme un tout, un
ensemble indivisible, on a, en ce qui concerne les modifications et
amendements, adhéré à une autre conception.
Cependant, on aiu^ait tort de sous-estimer la valeur de la compé-
tence échue à la C. I. N. A. Car tout comme la convention elle-
même, les annexes aussi ont force de loi pour tous les Etats signataires.
Et les sujets dont traitent les annexes A à G sont d'une importance
capitale pour la navigation aérienne. A ce point de vue il y a donc lieu
de considérer la compétence réglementaire conférée à la C. N. I. A.
comme étant très importante.
(1) Voir page sur la Convention de Montreux.
-ocr page 119-Que, pour l'adoption des amendements aux annexes, une majorité
qualifiée dans le sein de la Commission soit obligatoire, cela ne diminue
en rien l'importance de la délégation et de la compétence réglementaire
qu'on lui a conférée. On sait que, pour l'adoption de ces amendements,
sont requis « les trois quarts du total des voix des Etats représentés à
la session et les deux tiers du total possible des voix qui pourraient
être exprimées si tous les Etats étaient présents » (i).
Cependant, il convient de démontrer un autre fait important et
assez curieux. Nous avons déjà signalé en passant que la C. I. N. A.
ne peut amender que les annexes A à G. L'annexe H, traitant des
douanes, ne peut être modifiée et amendée que par la voie de collabo-
ration de tous les Etats signataires, en d'autres termes, seulement par
la voie d'un traité. La raison en est que, dans cette annexe H, il s'agit
d'une question dans laquelle il y va beaucoup plus de la souveraineté
des Etats que dans les annexes précédentes. La matière des douanes
est très épineuse et compliquée. Tandis que les autres annexes traitent
principalement de questions purement techniques relatives à la loco-
motion aérienne dans le sens strict du mot, le sujet des douanes
constitue une matière qui touche directement à la souveraineté des
Etats. C'est pourquoi les auteurs de la convention ont suivi, par
rapport à l'annexe H, une ligne de conduite autre que celle adoptée
pour les autres annexes.
Incontestablement, la compétence réglementaire déléguée à la
C. I. N. A. par les Etats signataires signifie un avancement, un
progrès réel dans le développement du droit des gens. Toutefois, on ne
peut ignorer le fait que la compétence réglementaire de la Commission
aérienne ne comprend pas les parties de la Convention dans lesquelles
la souveraineté des Etats est en cause. Cela est tm fait de la plus haute
importance. Car, quelque sincère et bonne que fût après la grande
guerre la disposition des gouvernements de faire des concessions à
l'esprit international, ils n'étaient point encore inclinés à renoncer à
des éléments importants de leur souveraineté.
La modification de la convention elle-même et de l'annexe H sur
les douanes est donc réservée à la compétence exclusive des Etats
signataires et ne peut s'effectuer que par la voie d'un traité inter-
national.
A part cette exception, la modification des autres annexes s'effectue
par une résolution souveraine de la Commission. Nous n'hésitons pas
à qualifier cet exemple de délégation de compétence réglementaire
comme très important. Car, ici il s'agit d'une commission internationale
(i) Article 34, paragraphe 6.
-ocr page 120-composée de représentants des Etats contractants, qui exerce une
influence considérable sur le développement pacifique de la navigation
aérienne, parce qu'elle peut apporter des modifications et des amen-
dements à une partie très importante d'une convention internationale,
sans que ces modifications ou amendements doivent obtenir l'appro-
bation ou la ratification ultérieure des Etats signataires. Cet exemple,
après tout, démontre clairement combien il est difficile d'amener les
Etats à accepter des conceptions nouvelles et à abandonner une partie
de leur souveraineté. Le développement du droit des gens est une
lutte continue et acharnée contre des principes et des institutions que
nous n'aimons pas voir disparaître complètement, mais dont l'adapta-
tion aux exigences des temps modernes poturait considérablement
favoriser le développement pacifique tant du droit des gens que des
relations entre les Etats et les peuples.
Territoirenbsp;L'exemple de compétence réglementaire déléguée que
du Baééin nous présentent les pouvoirs de la Commission de Gou-
de la Sarre. yernement du territoire du Bassin de la Sarre est, d'après
nous, l'exemple le meilleur et le plus complet de cette
figure juridique. Cependant il est de nature différente de
celles des exemples examinés ci-dessus.
Le Territoire du Bassin de la Sarre placé sous une Commission
de Gouvernement rentre dans les condominiums que nous connaissons
déjà depuis le siècle passé ; comme tel il ne présente donc pas une
innovation. Cependant, l'élaboration de son statut et des compétences
conférées à la Commission de Gouvernement est telle que nous
n'hésitons pas à le qualifier comme l'exemple le plus important que
nous ayons constaté.
I/'article 49 du traité de Versailles a institué la Société des
Nations comme fidei-commissaire du territoire du Bassin de la Sarre.
Et en même temps il est stipulé au paragraphe i6 de l'Annexe jointe
à la section IV de la Partie III du dit traité : « Le Gouvernement du
territoire du Bassin de la Sarre sera confié à une commission représen-
tant la Société des Nations ».
La preuve que la Commission de Gouvernement est munie d'une
compétence réglementaire autonome, nous est donnée par le para-
graphe 19 de la même Annexe, libellé comme suit : « La Commission
de Gouvernement aura, sur le territoire du Bassin de la Sarre, tous
les pouvoirs de gouvernement appartenant antérieurement à l'Empire
allemand, à la Prusse et à la Bavière, y compris celui de nommer et
révoquer les fonctionnaires et de créer tels organes administratifs et
représentatifs qu'elle estimera nécessaires ».
Or, la Commission de Gouvernement est entrée dans tous les
pouvoirs exercés avant 1918 par l'Empire allemand, la Prusse et
la Bavière. Elle a donc acquis en même temps leurs pouvoirs
législatifs.
Il est intéressant de constater comment ce paragraphe 19 déclare,
une fois pour toutes, que tous les pouvoirs de gouvernement de l'Alle-
magne, de la Prusse et de la Bavière sont transmis à la Commission
de Gouvernement. L'Empire allemand exerçait ses pouvoirs dans une
complète indépendance et en possession de sa souveraineté absolue,
sans en être responsable envers qui que ce fût. La Commission de
Gouvernement exerce donc également ses compétences dans une com-
plète indépendance de qui que ce soit.
Aux termes du traité de paix, il s'agit donc d'une délégation géné-
rale de tous les pouvoirs de gouvernement qui, antérieurement,
étaient exercés par l'Empire allemand, la Prusse et la Bavière, à la
Société des Nations, paraissant comme fidei-commissaire, et en
conséquence à la Commission de Gouvernement, qui les exercera au
nom de la Société des Nations jusqu'au moment où sera appliqué
l'article 49 du traité de Versailles qui stipule : « A l'expiration d'un
délai de quinze ans, à dater de la mise en vigueur du présent Traité, la
population du dit territoire sera appelée à faire connaître la sou-
veraineté sous laquelle elle désirerait se voir placée ».
La renonciation de l'Allemagne au gouvernement du territoire du
Bassin de la Sarre s'est effectuée directement en faveirr de la Société
des Nations et, comme son organe, la Commission de Gouvernement
a été investie de tous les pouvoirs de gouvernement appartenant anté-
rieurement à l'Empire allemand, à la Prusse et à la Bavière. Etant
donné que cette Commission, quoique indépendante, exerce quand
même ses compétences au nom de la Société des Nations, il y a ici
une délégation de compétence législative de la part des signataires du
traité de Versailles à la Commission de Gouvernement. Et cette
compétence réglementaire est complète.
Le paragraphe 2 3 stipule que les lois et règlements en vigueur sur
le territoire au 11 novembre 1918, continueront à y être applicables.
Toutefois, la Commission de Gouvernement sera compétente pour
légiférer si, pour des motifs d'ordre général ou pour mettre ces lois
et règlements en accord avec les stipulations du traité de paix, il sera
nécessaire d'y apporter des modifications : dans ces cas, les modifi-
cations seront décidées et effectuées après avis des représentants élus
par les habitants pris dans telle forme que la Commission décidera.
Ici, la compétence réglementaire de la Commission de Gouverne-
ment se montre comme un vrai pouvoir législatif, égal à celui exercé
antérieurement par l'Empire allemand.
La Commission de Gouvernement peut décider, arrêter et effectuer
des modifications des lois et règlements en vigueur. L'unique obligation
qui repose sur la Commission de Gouvernement est celle de prendre l'avis
des représentants élus par les habitants. Et même la forme dans laquelle
cet avis sera pris, sera décidée par la Commission de Gouvernement.
A ce point de vue, la Commission de Gouvernement est donc lé-
gislateur suprême et unique. Car, ce ne sont pas les représentants élus
par les habitants qui décident et arrêtent ces modifications. Ceux-ci
ne donnent que leur avis à la Commission de Gouvernement, laquelle
décide indépendamment.
Dans l'alinéa second du même paragraphe 23, nous trouvons une
disposition analogue relative au régime d'exploitation des mines,
prévu au paragraphe 12. La Commission de Gouvernement ne pourra
apporter aucune modification au régime légal d'exploitation sans
consultation préalable de l'Etat français. Egalement ici le pouvoir
suprême repose entre les mains de la Commission de Gouvernement.
Elle peut apporter des modifications dans le régime légal d'exploita-
tion, mais elle est obligée de consulter préalablement l'Etat français.
A part cela la Commission est complètement libre. Et la consultation
de l'Etat français n'est même pas obligatoire dans le cas où la modifi-
cation n'est que la conséquence d'une réglementation générale du
travail adoptée par la Société des Nations.
La Commission de Gouvernement, qui constituera une cour civile
et criminelle, devra également pourvoir au règlement d'organisation
et de compétence de cette cour. En cette matière aussi, la Commission
de Gouvernement remplit donc les fonctions d'un législateur autonome.
Et sur le territoire du Bassin de la Sarre, la justice sera rendue au nom
de la Commission de Gouvernement (paragraphe 26).
Ici se montre évidemment le rôle tout spécial de la Commission
de Gouvernement. Tout comme, par exemple, aux Pays-Bas, la justice
est rendue au nom de la Reine et avant la guerre en Allemagne au
nom de l'Empereur, sur le territoire du Bassin de la Sarre la justice
sera rendue au nom de la Commission de Gouvernement. Cette
Commission se présente ici comme chef suprême du territoire.
La Commission de Gouvernement a seule le pouvoir de lever des
taxes et des impôts (paragraphe 26). Toutefois, pour l'établissement
d'une taxe nouvelle, les représentants élus par les habitants doivent
préalablement être consultés. Ici aussi se montrent les compétences
complètes de la Commission de Gouvernement. La décision sur l'éta-
blissement de taxes nouvelles ne repose pas chez le peuple du territoire ;
c'est seulement un avis consultatif que la Commission de Gouverne-
ment doit dem.ander aux représentants élus par les habitants et que
ceux-ci sont appelés à donner.
Nous constatons donc les faits suivants :
Le territoire du Bassin de la Sarre a, jusqu'au Traité de Versailles,
fait partie de l'Empire allemand. Après la victoire des Puissances
Alliées et Associées le Gouvernement de ce territoire est passé, en
vertu du traité de paix, entre les mains de la Société des Nations, en
la qualité spéciale de fidei-commissaire, et ce jusqu'à l'expiration d'un
délai de quinze ans, à dater de la mise en vigueur du traité, passé lequel
la population dudit territoire serait appelée à faire connaître la sou-
veraineté sous laquelle elle désirerait se voir placée. La souveraineté
du territoire continuait à appartenir à l'Allemagne, mais était une
espèce de souveraineté « dormante ».
En vertu du même traité, l'exercice de tous les pouvoirs de gou-
vernement, appartenant en principe à la Société des Nations, instituée
comme fidei-commissaire du territoire, fut confiée à une Commission
de Gouvernement à créer et devant agir comme sa représentante.
Cette Commission était responsable de son gouvernement envers la
Société des Nations instituée comme fidei-commissaire par les
Puissances. La Commission de Gouvernement était du reste complète-
ment libre et exerçait ses pouvoirs de la même manière que le faisait
antérieurement l'Empire allemand.
Vu les stipulations du Traité de Versailles, il y avait donc une
délégation de compétence législative, non de la part de la Société des
Nations, mais de la part des Parties contractantes du Traité de
Versailles, c'est-à-dire des Puissances Alliées et Associées et de
l'Allemagne, à la Commission de Gouvernement.
Memel,nbsp;Un régime analogue, quoique moins complet que le
La Thrace, précédent et non plus de si longue durée, se présente dans
la Galicie, guêtre condominiums temporaires de l'après-guerre, ceux
de Memel, de la Thrace, de la Galicie orientale et de
Fiume.
Ces quatre condominiums ont ceci de commun qu'ils
sont placés sous un organe nouveau, lequel est également né dans
l'après-guerre : la Conférence des Ambassadeurs. La Conférence des
Ambassadeurs est à considérer comme une réunion permanente des
Puissances Alliées et Associées. Ces Puissances elles-mêmes siègent
dans ce conseil permanent. Elle est pour ainsi dire, sous maints
rapports, la continuation du Grand Conseil des Quatre, lors des
négociations de la paix en 1918 et 1919. En cas de Conférence des
Ambassadeurs ce sont les Puissances Alliées et Associees qui se
présentent, mais représentées par la Conférence. Celle-ci exerce ses
pouvoirs et compétences au nom des Puissances Alliées et Associees.
Cela est aussi la teneur des dispositions des traités de paix où
certaines parties des territoires des Puissances Centrales sont aban-
données en faveur des Principales Puissances Alliées et Associées.
Tous les articles des traités de paix relatifs à ces territoires débutent
avec cette stipulation identique : Traité de VeràaiLLed, article 99 :
« L'Allemagne renonce, en faveur des Principales Puissances Alliées
et Associées » ; Traité de NeidLLy-àur-Seine, article 48 : « La Bulgarie
renonce, en faveur des Principales Puissances Alliées et Associées » ;
Traité de Saint-Germain-en-Laye, article 91 : « L'Autriche renonce, en
faveur des Principales Puissances Alliées et Associées » ; Traité de
Trianon, article 76 : « La Hongrie renonce, en faveur des Principales
Puissances Alliées et Associées ».
De ce qui précède, il résulte que les Principales Puissances Alliées
et Associées ont obtenu, en vertu des traités de paix, le gouvernement
suprême de ces territoires, provisoirement jusqu'au moment où il aura
été décidé sur leur statut définitif, et ce gouvernement échu en vertu des
traités de paix aux Puissances Alliées et Associées est exercé par la
Conférence des Ambassadeurs en leur nom.
Les Puissances Centrales ont accepté, dans les traités de paix, de
reconnaître les dispositions que les Principales Puissances Alliées et
Associées prendraient relativement à ces territoires. Et parce que
celles-ci ont obtenu ces territoires et peuvent prendre toutes les
dispositions nécessaires, elles exercent donc un gouvernement indé-
pendant, sur ces territoires, égal à celui exercé antérieurement par
l'Allemagne, la Bulgarie, et l'Autriche-Hongrie. Relativement à ces
territoires les Principales Puissances Alliées et Associées ont donc
été munies d'une compétence réglementaire autonome, la souveraineté
leur étant déléguée. Cependant, pour pouvoir mieux accomplir cette
tâche, les Principales Puissances Alliées et Associées ont chargé leur
propre conseil, la Conférence des Ambassadeurs, d'exercer en leur
propre nom ce gouvernement et de prendre toutes les dispositions
nécessaires relativement à ces territoires.
Et dans la pratique nous ne voyons pas une autre ligne de conduite
suivie par les Principales Puissances Alliées et Associées et la Confé-
rence des Ambassadeurs.
Ce fut la Conférence des Ambassadeurs qui exerçait le gouverne-
ment, prenait les décisions et dispositions nécessaires et qui par
exemple, le 26 février 1920, décida que les habitants du Territoire de
Memel seraient placés sous la protection spéciale de la France.
La Conférence des Ambassadeurs exerçait les pouvoirs de gou-
vernement, législatifs et exécutifs, de facto et de jure comme le gouverne-
ment de n'importe quel autre Etat; car ce n'était autre chose qu'une
réunion permanente des Principales Puissances Alliées et Associées.
La Conférence des Ambassadeurs n'est donc pas une conférence
dans le sens ordinaire du mot, dans laquelle les délégués ne lient leurs
gouvernements qu'en tant que leur plein pouvoir le leur permet, et
dont les résolutions et décisions doivent toujours ultérieurement être
approuvées par les gouvernements représentés dans la conférence. Les
décisions et dispositions prises par la Conférence des Ambassadeurs
sont des décisions et dispositions prises par les Principales Puissances
Alliées et Associées elles-mêmes, de sorte qu'elles ne doivent plus être
soumises à approbation de ces Puissances. Ici se montre évidemment la
différence considérable entre la Conférence des Ambassadeurs et les
conférences ordinaires. C'est pour cela que la dénomination pour cette
conférence comme « Réunion permanente des Principales Puissances
Alliées et Associées » aurait été préférable.
De ce qui précède, il résulte que la Conférence des Ambassadeurs
étant les Principales Puissances Alliées et Associées, a été munie par
les traités de paix de la compétence réglementaire et qu'elle exerce cette
compétence dans une indépendance complète.
Le statut juridique des condominiums ayant existé avant la grande
guerre diffère sous maints rapports de ceux institués par les traités de
paix de 1919 que nous venons d'examiner.
Leé Nouvelles-nbsp;Tandis que sur le territoire du Bassin de la Sarre
Hebndeti.nbsp;^j^g Commission de Gouvernement exerçait les pouvoirs,
et sur Memel, la Thrace, la Galicie et Fiume, la Confé-
rence des Ambassadeurs, nous trouvons placés au-dessus des Nouvelles-
Hébrides deux commisaires : un Français et un Anglais.
Ce régime a été institué en vertu d'un traité entre la France et la
Grande-Bretagne de 1906, revisé en 1927, expressément conclu pour
régler le condominium des Nouvelles-Hébrides. Car, comme suite à
certains événements mentionnés au chapitre précédent, les relations
franco-anglaises étaient un peu troublées. Les compétences conférées
aux deux commissaires sont donc conférées par la France et la Grande-
Bretagne.
Ces deux Commissaires, français et anglais, auront la compétence
d'établir et d'arrêter en commun des règlements pour maintenir
l'ordre, la sécurité et un bon gouvernement. Ces règlements auront
force de loi sans approbation ultérieure de la part de la France et de
la Grande-Bretagne, et sont obligatoires pour les populations des îles,
tant indigènes qu'étrangères.
Les deux Commissaires sont donc les seuls maîtres aux Nouvelles-
Hébrides, de sorte que les gouvernements français et anglais ont
délégué leur propre pouvoir législatif aux deux Commissaires.
Le Soudan.nbsp;Le condominium du Soudan présente quelques parti-
cularités intéressantes que nous n'avons pas constatées
chez les autres condominiums.
Ce condominium a été institué par un traité du 19 janvier 1899,
conclu entre la Grande-Bretagne et l'Egypte, comme suite à la
conquête du Soudan par la Grande-Bretagne avec l'aide de l'Egypte.
Chef suprême dans ce condominium, le Gouverneur Général du
Soudan est revêtu du haut commandement civil et militaire.
Ce qui nous frappe ici d'abord, c'est qu'il n'y a pas une Commis-
sion de Gouvernement placée à la tête de ce condomnium, ni deux ou
plusieurs commissaires, mais un seul homme : le Gouverneur Général,
lequel, sur recommandation du Gouvernement britannique, est nommé
par le gouvernement égyptien, d'abord par décret khédivial, depuis
1922 par décret royal. Ce gouverneur est donc vraiment un fonction-
naire international; nommé par l'Egypte sur recommandation de la
Grande-Bretagne, il est révoqué également par arrêté royal de
l'Egypte avec l'approbation du Gouvernement britannique.
Quant aux compétences conférées au Gouverneur Général il est
particulièrement intéressant de constater qu'un seul homme est revêtu
de tous les pouvoirs législatifs et exécutifs, égaux à ceux de fout
autre gouvernement autonome. Et ces compétences sont exercées par
le Gouverneur Général dans une complète indépendance tant du
Gouvernement égyptien que du Gouvernement britannique. C'est lui,
et lui seul, qui a le droit d'arrêter, de modifier et d'abroger des lois,
règlements et arrêtés relatifs au bon gouvernement du Soudan. Ces
lois, règlements et arrêtés seront applicables au Soudan tout entier ou
à quelque partie déterminée du Soudan.
L'établissement, la modification ou l'abrogation de ces lois,
règlements et arrêtés s'effectue par une proclamation du Gouverneur
Général. Et la seule obligation qui repose sur lui à cet égard, c'est
qu'il doit notifier sa proclamation à l'Agent et Consul Général
britannique au Caire et au Président du Gouvernement égyptien.
Il y a encore dans ce traité anglo-égyptien du 19 janvier 1899,
établissant le condominium du Soudan, une stipulation qui démontre
la position toute spéciale et privilégiée du Gouverneur Général du
Soudan. C'est l'article 6. Cet article déclare que les lois, décrets et
arrêtés ministériels de l'Egypte ne seront pas applicables dans le
Soudan, s'ils ne sont pas promulgués expressément par une proclama-
tion du Gouverneur Général.
De tout ce qui précède, il résulte que le Gouverneur Général est
l'unique et le suprême chef du Soudan, tant en ce qui concerne le
pouvoir civil que le pouvoir militaire. Il est au Soudan le seul législateur
et doit seulement notifier ses proclamations au représentant de la
Grande-Bretagne au Caire et au Gouvernement égyptien.
Cette grande compétence lui a été conférée en vertu d'un traité
international entre la Grande-Bretagne et l'Egypte. Ces deux Etats,
qui possèdent le Soudan en commun, ont donc réglé d'une manière
toute spéciale le gouvernement de leur condominium. Ils ont revêtu
un seul homme, recommandé par l'une des parties et nommé par
l'autre, de tous les pouvoirs qui de jure appartiennent à ces deux Etats.
Et du fait que le Gouverneur Général possède et exerce ces com-
pétences dans une complète indépendance, tant de la Grande-Bretagne
que de l'Egypte, et que l'établissement, la modification et l'abrogation
des lois, règlements et arrêtés ne sont pas soumis à l'approbation
ultérieure de ces deux Etats, il résulte que le Gouverneur Général
possède une compétence réglementaire autonome.
Il en résulte aussi, que la Grande-Bretagne et l'Egypte ont délégué
en vertu de ce traité leur propre pouvoir législatif au Gouverneur
Général. Qu'elles aient délégué cette compétence à un seul homme,
constitue la grande particularité de cette délégation.
Lelt;gt; Tribunauxnbsp;Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, les
Mixteénbsp;Tribunaux Mixtes en Egypte présentent des particula-
en Egypte. ^^^^^ nouvelles et extrêmement intéressantes.
Nous ne répéterons pas l'aperçu historique de la naissance de ces
tribunaux. Cependant, nous aimons à indiquer ici un exemple remar-
quable de ce développement du droit des gens que nous avons déjà
assez souvent signalé.
Les Tribunaux Mixtes sont nés des capitulations, ce régime d'une
juridiction privilégiée, qu'à partir du XVP siècle, les gouvernements
européens stipulaient au profit de leurs citoyens des sultans musul-
mans dans les pays mahométans.
Plus spécialement les tribunaux mixtes en Egypte existent grâce
aux abus et inconvénients que présentait à divers points de vue la
justice des consuls étrangers en Egypte.
En ces temps reculés l'Europe représentait « la force » et la possé-
dait effectivement. Depuis que les peuples orientaux deviennent plus
conscients de leur propre force et de leurs droits, ils ne sont pas
disposés à adhérer plus longtemps à un régime qui empiète trop sur
leur souveraineté d'Etats indépendants.
Parce que l'institution du régime des capitulations avait été
effectuée par des traités internationaux, son abrogation devait s'effec-
tuer de la même manière.
Cela a été aussi la ligne de conduite du Gouvernement égyptien,
qui, comme nous l'avons vu au chapitre précédent, présenta au
Khédive un rapport tendant à établir des tribunaux mixtes composés
d'étrangers et d'indigènes, et auxquels serait remise une grande partie
de la juridiction appartenant jusqu'alors aux tribunaux consulaires.
Ce rapport fut soumis à l'approbation des Puissances qui étaient
parties aux capitulations et après de longues négociations celles-ci
y ont successivement adhéré, la dernière (la France), le lo novem-
bre 1874.
En vertu de ce traité entre l'Egypte et les Puissances des capitu-
lations l'Egypte fut autorisée à établir au Caire, à Alexandrie et à
Zagazig (plus tard : Ismaïlia, maintenant : Mansourah), trois
tribunaux de première instance, et à Alexandrie une Cour d'Appel.
Ces Tribunaux Mixtes et la Cour d'Appel, bien qu'établis en
vertu d'un traité entre l'Egypte et les Puissances, sont cependant des
tribunaux et une cour égyptiens. Ils n'ont pas été institués par les
Puissances elles-mêmes, mais par l'Egypte en vertu de l'autorisation
lui donnée par elles.
Les Puissances étaient d'accord avec le Gouvernement égyptien
que le régime des capitulations en Egypte exigeait une modification
sérieuse, celui-ci ne répondant plus à une bonne juridiction. En vertu
de cet accord avec les Pviissances, l'Egypte a établi les tribunaux
mixtes qui sont de véritables tribunaux égyptiens, rendant la justice au
nom du Khédive, et dont les membres sont des fonctionnaires égyptiens
nommés et rémunérés par le Gouvernement égyptien.
Les faits étant tels, il saute aux yeux qu'il y a une délégation de
compétence réglementaire de la part des Puissances européennes non
aux Tribunaux Mixtes mais au Gouvernement égyptien. Les Tribunaux
Mixtes ne sont que la conséquence de la compétence réglementaire
déléguée par les Puissances au Gouvernement égyptien. Ce qui est
intéressant ici, c'est que les Puissances ont de par ce traité cédé tous
leurs droits, et avec cela abandonné le statut privilégié de leurs citoyens
en faveur du Gouvernement égyptien.
Etant donné que les tribunaux mixtes sont des organes purement
égyptiens et que ses membres sont des fonctionnaires au service de
l'Egypte, qui les nomme et rémunère, il ne peut plus être question
d'ingérence ou d'intervention de la part des Puissances. La seule com-
pétence que celles-ci puissent faire valoir, c'est qu'elles peuvent offi-
ciellement présenter au Gouvernement égyptien leurs citoyens comme
candidats pour un siège vacant dans les Tribunaux Mixtes.
Voici donc le statut des Tribunaux Mixtes en Egypte : ils sont
des organes égyptiens composés de membres de la nationalité des
différentes Puissances des capitulations, établis par le Gouvernement
égyptien en vertu d'un traité conclu par l'Egypte avec les Puissances.
De ce qui précède, il résulte que les Puissances ont cédé leur
propre compétence au Gouvernement égyptien et non aux Tribunaux
Mixtes. C'est là le seul exemple de délégation de compétence réglemen-
taire en droit des gens que nous présentent l'origine et le régime des
Tribunaux Mixtes en Egypte. Les autres exemples que nous offrent
ces Tribunaux ne sont pas des exemples de délégation de compétence
réglementaire en droit des gens, mais plutôt de délégation de pouvoir
législatif en droit public égyptien.
Nous avons vu que la juridiction des Tribunaux Mixtes s'effectue
sur la base de codes spécialement arrêtés. En vertu de la nouvelle
rédaction de l'article 12 du Code Civil Mixte de 1911, pour une
modification des codes l'approbation est requise du Collège des
Conseillers de la Cour d'Appel, suppléée d'un juge de chaque Etat
contractant qui ne siège pas dans la Cour. Cependant ce Collège n'a
pas le droit d'amendement. La compétence de ce Collège de Conseillers
renforcé se borne à l'examen de tout projet, dont l'objet a été déterminé
par le Gouvernement égyptien et sur l'initiative de celui-ci. Ce Collège
ne possédant pas le droit d'amendement, il ne lui reste donc que de
prendre ou laisser ces projets de loi. En tous les cas il n'exerce pas un
pouvoir législatif autonome. L'objet de ces lois est déterminé par le
Gouvernement égyptien, également la rédaction de ces projets de loi.
Le Collège de magistrats mixtes n'a qu'à se prononcer pour ou contre.
Un autre pouvoir ne lui a pas été conféré.
Quoique nous ne partagions pas cette opinion, on pourrait voir ici
une forme de délégation de pouvoir législatif d'après le droit public
égyptien, en ce sens que le Gouvernement de l'Egypte a cédé une
partie de son propre pouvoir législatif au Collège de magistrats
mixtes.
En tous cas, il ne peut être question d'une délégation de compé-
tence réglementaire relevant du droit des gens.
Toutefois, il ne faut point oublier que ladite délégation dépend
toujours de la délégation que nous avons constatée entre les Puissances
et l'Egypte. Car, du moment que celles-ci renonceraient, un jour ou
l'autre, au traité qui a institué les Tribunaux Mixtes, ce serait la fin
des Tribunaux Mixtes en Egypte et, en conséquence, de leur pouvoir
législatif.
Certes, la délégation de pouvoir législatif en droit public égyptien
se montre plus clairement dans une stipulation du Code de Procédure
Mixte qui déclare : « En cas de silence, d'insuffisance ou d'obscurité
de la loi, le juge se conformera aux principes du droit naturel et aux
règles de l'équité ».
Ici la compétence conférée aux Tribunaux Mixtes s'étend loin
au delà des compétences dont généralement les juges et tribunaux sont
munis. Le juge devient ici législateur, car il doit établir lui-même les
règles sur lesquelles il fondera sa sentence, règles de l'équité et règles
résultant des principes du droit naturel.
Un tel pouvoir n'est plus simplement un pouvoir judiciaire; c'est
légiférer ce que font les Tribunaux Mixtes, et non seulement rendre
justice.
Une telle compétence conférée à un tribunal est en effet une délé-
gation de compétence réglementaire; toutefois, pas une délégation de
compétence réglementaire relevant du droit des gens, mais plutôt du
droit public de l'Egypte.
Au moment où cette brochure était sous presse, on a publié le
nouveau traité anglo-égyptien du 26 août ig56. Ce traité contient
des dispositions intéressantes relatives au régime des capitulations et
des tribunaux mixtes.
Après que l'article i3 a déclaré entre autres que « His Majesty
the King and Emperor recognises that the capitulatory regime... is
no longer in accordance with the spirit of the times and with the
present state of Egypt », l'Annexe jointe à l'article i3 précise les
nouvelles stipulations.
1. « It is the object of the arrangement set out in this Annexe : (11)
To institute a transitional regime for a reasonable and not unduly
prolonged period to be fixed, during which the Mixed Tribunals will
remain and will, in addition to their present judicial jurisdiction,
exercise the jurisdiction at present vested in the Consular Courts. »
En vertu de cette stipulation, l'attribution des tribunaux mixtes
est provisoirement étendue. Provisoirem_ent, car l'alinéa suivant pré-
voit l'abolition complète des tribunaux mixtes : « At the end of this
transitional period the Egyptian Government will be free to dispense
with the Mixed Tribunals ».
Aussi la compétence législative des tribunaux mixtes disparaîtra
dans l'avenir, paragraphe 5 de l'annexe stipulant : « It is understood
that paragraph 2 (a) involves not merely that the assent of the Capi-
tulatory Powers will be no longer necessary for the application of
any Egyptian legislation to their nationals, but also that the present
legislative functions of the Mixed Tribunals as regards the applica-
tion of Egyptian legislation to foreigners will terminate ».
Si les autres Puissances européennes adhèrent, sur l'invitation de
l'Egypte, à ces stipulations du traité anglo-égyptien les tribunaux
mixtes disparaîtront, car « the Egyptian Government retains its full
rights unimpaired with regard to the capitulatory regime, including
the Mixed Tribimals » (annexe, paragraphe 4).
L'Unionnbsp;II n'est pas étonnant que dans les traités qui règlent
Télégraphique l'institution d'organisations internationales revêtues de
Universelle. fonctions administratives et parmi lesquelles il y a quel-
ques-unes qui ont un but humanitaire, nous trouvons
des stipulations qui confèrent aux organes de ces organi-
sations des compétences réglementaires.
En ce qui concerne les organisations internationales administra-
tives et humanitaires, les Etats sont toujours plus disposés à collaborer
et à céder une partie de leurs propres pouvoirs. En adhérant à ces
organisations internationales, les Etats, d'un côté, ne cèdent pas tant
de leur souveraineté et, de l'autre, profitent avec leurs citoyens de ces
organisations, qui contribuent grandement à une meilleure compré-
hension et collaboration entre les Etats et les peuples.
Aussi dans l'organisation de l'Union Télégraphique Universelle
trouvons-nous les preuves de cette disposition bienveillante des Etats.
Le statut de cette Union se compose du traité proprement dit et d'un
règlement de service. Et, tandis que l'article i5 du traité dispose que
le règlement de service a la même force de loi que le traité lui-même,
l'article i3 déclare que ce règlement de service peut être modifié par
les administrations télégraphiques en commun.
Il va sans dire qtie ce règlement de service est d'une importance
capitale pour un fonctionnement régulier des communications télé-
graphiques. Il intéresse également tous les Etats faisant partie de
l'Union Télégraphique Universelle. Cependant, nous constatons que
ce règlement, que les Etats ont arrêté en même temps que le traité,
pourra dorénavant être modifié non par ces Etats, mais par les admi-
nistrations télégraphiques des différents Etats en commun. Dans ce
cas, il s'agit d'une compétence déléguée par les Etats signataires
aux administrations télégraphiques en commun qui est exceptionnelle-
ment importante en ses conséquences.
L'Unionnbsp;Le règlement de service relatif à l'Union Postale
Postalenbsp;Universelle n'a pas été élaboré en même temps que le
Universelle.nbsp;^^^nbsp;établir l'Union Postale
Universelle.
A ce point de vue l'Union Postale Universelle diffère
donc de l'Union Télégraphique Universelle.
Le Traité de Paris du juin 1878 établissant l'Union Postale
Universelle déclare dans son article 14 que les administrations
postales des divers pays qui composent l'Union sont compétents
pom- arrêter de commun accord, dans un Règlement d'exécution,
toutes les mesures d'ordre et de détail qui sont jugées nécessaires.
Aucune stipulation, dans le traité, ne prescrit que ce règlement doit
être soumis à l'approbation des Etats signataires.
Pour la signification et les conséquences de cette délégation de
compétence réglementaire, nous renvoyons à notre exposé relatif à
l'Union Télégraphique Universelle.
Lesnbsp;Ce qui frappe tout de suite dans la Convention de
Commuéwné Paris du 3 décembre 1903 qui a réorganisé le Conseil
ani aired. Sanitaire maritime et quarantenaire d'Egypte et le Conseil
Supérieur de Santé de Constantinople, c'est que les
puissances qui ont élaboré et signé cette convention ont institué dans
une convention deux organes très analogues, mais ayant une compétence
différente.
D'une part, le Conseil sanitaire maritime et quarantenaire d'Egypte
est chargé de mettre en concordance avec les dispositions de la Con-
vention les règlements actuellement appliqués par lui concernant la
peste, le choléra, et la fièvre jaune, ainsi que le règlement relatif aux
provenances des ports arabiques de la mer Rouge, à l'époque du
pèlerinage; mais ces règlements, pour devenir exécutoires, doivent
être acceptés par les diverses puissances représentées au dit Conseil.
D'autre part, le Conseil supérieur de Santé de Constantinople
est chargé d'arrêter les mesures à prendre pour prévenir l'introduction
dans l'Empire ottoman et la transmission à l'étranger des maladies
épidémiques, et ses décisions, qui peuvent être prises à la majorité des
membres, ont un caractère exécutoire sans autre recours, c'est-à-dire
ne sont pas soumises à l'approbation des Etats siégeant dans ce Conseil.
De cela il résulte que, contrairement au Conseil sanitaire mari-
time et quarantenaire d'Egypte, le Conseil supérieur de Santé de
Constantinople possède une compétence réglementaire autonome,
nettement marquée.
Nous ne comprenons pas très bien pourquoi on a fait une différence
entre les compétences du Conseil d'Egypte et celles du Conseil de
Constantinople, pourquoi on a conféré au Conseil de Constantinople
une plus grande compétence qu'à celui d'Egypte. Car si les décisions du
Conseil de Constantinople sont exécutoires sans l'approbation des Etats
siégeant dans ces Conseils, celles du Conseil d'Egypte ne le sont pas.
Ce qui frappe ensuite, c'est que même dans le cas du Conseil de
l'Egypte, qui évidemment est une organisation humanitaire, les Etats
n'ont pas voulu céder leur propre pouvoir réglementaire à un organe
international. Cet exemple démontre clairement avec quelle prudence
on doit conclure, et aussi que la progression des nouvelles conceptions
du droit des gens est lente et rencontre incessamment de nouveaux
obstacles sur son chemin.
Au chapitre premier nous avons vu que le Conseil supérieur de
Santé de Constantinople a été supprimé en vertu de l'article 114 du
traité de paix de Lausanne (1923).
Tribunauxnbsp;Lors de l'examen des tribunaux internationaux de
Internahnaux justice nous avons constaté que déjà les conventions ou
de JuéUce.nbsp;projets de convention qui, au début de notre siècle,
prévoyaient l'institution d'une Coiuquot; de justice arbi-
trale, d'une Cour internationale des Prises et de la
Corte de Justicia centro-americana, contenaient des dispositions
conférant à ces Cours la compétence d'établir leurs propres règlements
d'ordre intérieur, dans lesquels des règles supplétoires de procédure
pourraient trouver une place. Et quoique de ces trois cours, seule la
dernière soit entrée en vigueur, ces conventions offrent cependant des
exemples remarquables de délégation de compétence réglementaire.
Ce qui constitue la chose la plus remarquable, c'est qu'il s'agit
d'organes arbitraux ou judiciaires qui sont munis de cette compétence
et qui non seulement, comme nous l'avons constaté relativement à la
chasse aux phoques et dans l'affaire gréco-turque, étaient institués
ad hoc pour un cas spécial, mais de Corns qui seraient permanentes.
En adhérant à ces conventions, les Etats ne s'obligeaient pas seule-
ment à porter dorénavant leurs plaintes devant cette Cour, mais ils
renonçaient aussi à établir eux-mêmes les règlements d'ordre inférieur
de ces Cours, voire même partiellement les règles de procédure. C'est
précisément cette dernière compétence qui constitue la grande conces-
sion de la part des Etats contractants. Une Cour arbitrale perma-
nente qui arrête les règles supplétoires de procédure présente en effet
une grande innovation.
Le développement du droit ne s'est pas arrêté à ces Cours arbi-
trales ou de justice. Après la grande guerre, c'étaient les tribunaux
arbitraux mixtes, institués par les traités de paix, auxquels fut confiée
une tâche encore plus large relativement au droit de procédure,
ainsi qu'aux Commissions mixtes auxquelles on confère assez souvent
la compétence réglementaire.
La Cournbsp;Cependant, il y a lieu de nous occuper plus spéciale-
Permanentenbsp;j^jgj^^ (jgg compétences échues à la Cour permanente de
^Iniernationale Justice Internationale.
' 'nbsp;Ce qui d'abord est intéressant, c'est que lors de
l'institution de la Cour, on a discuté la question de
savoir si l'Assemblée de la S. d. N. avait qualité pour
instituer la Cour de sa propre autorité. Si l'Assemblée y avait répondu
par l'affirmative, la Cour aurait été instituée par une résolution de
l'Assemblée; en ce cas, elle aurait donc été une véritable délégation
de compétence législative à l'Assemblée de la S. d. N. Cependant,
nous avons vu que cette dernière s'est déclarée incompétente.
Il en est résulté que maintenant l'existence légale de la Cotœ, bien
qu'instituée sur l'initiative de la S. d. N., repose quand même, non
sur une résolution de la S. d. N. à caractère législatif, mais sur une
espèce particulière de traité international, sous forme de protocole
que les Etats peuvent signer et dont ils doivent constater l'acceptation
définitive par leur ratification ultérieure.
Le Statut de la Cour est à considérer comme la loi fondamentale
de la Cour; car, il contient les devoirs et les compétences de ce
« Tribunal des Peuples ».
Il y a dans le Statut trois stipulations qui méritent d'être exa-
minées : i) La Cour arrête son propre règlement d'après lequel elle
exercera ses attributions ; 2) La Cour règle la procédure sommaire ;
3) La Cour possède le droit, si les parties sont d'accord, de statuer
ex aequo et bono.
Ad. 1. La Cour arrête son propre règlement.
La voie ordinaire est qu'un tribunal reçoit son règlement d'une
autorité supérieure, et qu'il ne l'arrête pas lui-même. Aux Pays-Bas,
par exemple, les règles de procédtire sont établies par la loi, ou
éventuellement par un arrêté royal ou ministériel, se basant sur cette
dernière.
En ce qui concerne la Cour permanente, la voie ordinaire serait
que les Etats signataires du Statut eussent en même temps établi un
règlement pour la Cour. Nous voyons le contraire. La Cour elle-même
établit son règlement, et nous ne trouvons même aucune stipulation
qui prescrive que ce règlement doit être soumis à l'approbation des
Etats signataires du Statut. Par conséquent, nous devons accepter que
la Cour est indépendante et autonome en ce qui concerne l'établisse-
ment de son règlement, évidemment dans les limites du Statut, et que
les Etats qui lui soumettent leurs litiges sont obligés de se conformer
à ce règlement.
Ad. 2. La Cour règle la procédure sommaire.
On pourrait encore s'imaginer qu'un tribunal arrête son propre
règlement; l'établissement de la procédure sommaire, laquelle est
d'une importance si primordiale pom* le droit des justiciables, n'est
jamais, que nous sachions, effectué par les tribunaux eux-mêmes.
En Belgique et aux Pays-Bas par exemple, la procédure en référé est
réglée dans le Code de Procédure Civile, en d'autres mots dans des
lois arrêtées par le parlement. Dans ces pays il n'est fait aucune
distinction entre la procédure ordinaire et la procédure sommaire, qui
toutes les deux sont réglées dans le même code.
En ce qui concerne la Cour permanente de Justice Internationale,
nous nous trouvons donc placés devant une innovation intéressante.
Tandis que le Statut de la Cour, au chapitre III, règle d'une façon
assez détaillée la procédure ordinaire, il la charge d'établir elle-même
la procédure sommaire.
En cas d'urgence, les Etats qui soumettent leurs différends à la
Cour sont donc jugés d'après une procédure qu'ils n'ont pas eux-
mêmes établie préalablement, mais que la Cour a établie d'après ses
propres vues et conceptions.
Comparée à la compétence de la Cour que nous avons examinée
en premier lieu, la seconde est plus considérable et, en ses conséquences
pour les justiciables, de plus grande importance.
Ad. 3. La Cour possède le droit, si les parties sont d'accord, de
statuer ex aequo et bono.
Ici nous trouvons une stipulation que nous avons constatée égale-
ment dans la compétence des Tribunaux Mixtes en Egypte. Cependant
nous estimons qu'il y a plus lieu de s'étonner de trouver une disposition
pareille dans le Statut d'une Cour de Justice Internationale que de la
trouver dans l'acte constitutif des Tribunaux Mixtes en Egypte.
Car, on ne doit pas oublier que la création de la Cour permanente
de Justice Internationale est une concession des plus considérables
de la part des Puissances. La réalisation de la Cour permanente de
Justice Internationale constitue en un certain sens la victoire du
Droit sur la Force. Les Etats qui ont adhéré au Statut de la Cour
se sont engagés en principe à régler dorénavant leurs différends non
plus par la force, mais par le droit.
En outre, le Statut offre aux Etats la possibilité de faire encore
de plus grandes concessions : quand deux Etats en litige sont d'accord,
ils peuvent demander à la Cour une sentence ex aequo et bono. Ici la
Cour permanente de Justice Internationale agit en vrai législateur.
Cette question ayant été examinée à fond lors de l'examen de cette
même compétence des Tribunaux Mixtes en Egypte, il n'y a pas lieu
de la répéter.
De ce qui précède, il résulte que les Puissances signataires du
traité qu'est le Statut de la Cour permanente de Justice Internationale
ont conféré à cette dernière une compétence réglementaire triple.
Cette compétence, qui leur revenait de droit, elles l'ont déléguée à la
Cour. Cette cession de leur propre compétence à la Cour signifie pour
les Etats une cession de leur liberté d'action, de leur souveraineté.
Entretemps la compétence de la Cour comprenant la réglemen-
tation de la procédure sommaire nous semble la plus importante, car
en ce cas la collaboration des Etats n'est pas requise.
i3i
-ocr page 136-L'Organuation L'Organisation Internationale du Travail ne fait pas
du Travail. l'objet d'un traité distinct comme le Statut de la Cour
permanente de Justice internationale, mais fait partie
des traités de paix conclus après la guerre mondiale. Les
signataires des traités de paix sont donc en même temps les créateurs
de l'Organisation du Travail.
Quoique le projet du gouvernement allemand du 22 mai 1919 n'ait
pas été réalisé, il ne constitue pas moins une particularité toute
spéciale. En effet, d'après le projet allemand, les résolutions de la
Conférence Générale du Travail qui seraient prises par une majorité
des quatre-cinquièmes, seraient obligatoires sans ratification ou appro-
bation des Etats Membres. Vu la composition de la Conférence
Générale celle-ci serait donc devenue un véritable parlement mondial
du travail, les Etats devant être liés par le vote des quatre-cinquièmes.
Dans ce cas, l'Organisation Internationale du Travail nous aurait
offert un exemple des plus remarquables de délégation de compétence
législative.
Cependant, le rejet du projet allemand n'empêche pas que même
à présent l'Organisation du Travail présente encore un exemple de
délégation. Car, comme nous l'avons vu, à propos de son règlement, le
Conseil d'administration est le seul maître. Le règlement arrêté par
lui n'a pas besoin d'obtenir pour sa mise en vigueur l'approbation des
Etats Membres. Cette stipulation est très intéressante, vu la disposi-
tion de l'article 393 prescrivant que le Conseil d'administration se
composera non seulement de délégués des Etats Membres, mais aussi
de représentants des patrons et des ouvriers et employés. En vertu de
cette stipulation les Etats sont liés par un règlement qui a été arrêté
non pas uniquement par leurs propres délégués, mais aussi par les délé-
gués des patrons et des ouvriers. Il saute aux yeux, que ce faisant, les
Etats ont délégué leur propre pouvoir réglementaire au Conseil d'admi-
nistration et en conséquence renoncé à une partie de leur souveraineté.
Le Régimenbsp;D'une nature toute différente est la délégation de
ded Mandaté, compétence législative que nous avons constatée dans
l'exemple du Conseil de la Société des Nations et du
régime des mandats élaboré par lui.
Au chapitre précédent nous avons vu que le pouvoir suprême en
matière de mandats repose entre les mains de la Société des Nations
et qu'il est exercé par le Conseil. C'est lui qui a statué sur le degré
d'autorité à exercer par les mandataires; c'est vis-à-vis de lui que
ceux-ci sont responsables et c'est à lui que la Commission permanente
des Mandats est appelée à donner son avis sur toutes questions rela-
tives à l'exécution des mandats.
L'article 22 du Pacte de la Société des Nations donne en ses neuf
paragraphes les règles générales du régime des mandats. Il donne,
après quelques paragraphes qui démontrent clairement la conception
très élevée qui en 1919 animait les hommes d'états, la classification
des mandats d'après le degré de développement de ces différentes
anciennes colonies allemandes et anciens territoires turcs.
Jusqu'à ce point l'article est assez complet, mais il a besoin d'une
élaboration détaillée. Comme nous l'avons vu, c'est le Conseil qui a
statué les règles du gouvernement dans les différents pays sous mandat.
Le pays sous mandat Nauru nous a servi comme exemple.
En outre, dans tout l'article 22 on ne trouve aucune stipulation
sur la ligne de conduite à suivre et les règles à appliquer, dans le cas
où un pays sous mandat A prétend être capable de se gouverner lui-
même et aspire à la souveraineté absolue. L'article 22 se tait com-
plètement STor un cas Je l'epèce. Il n'y a aucune règle, aucune stipulation
d'après laquelle le Conseil puisse juger et décider de l'émancipation
d'un pays sous mandat A. Les signataires du Pacte de la Société des
Nations ou bien ont oublié d'insérer des stipulations relatives à
cette émancipation, ou n'ont pu s'imaginer que cette émancipation se
présenterait sous peu. Quoiqu'il en soit, il est de fait que des stipu-
lations pareilles font défaut dans l'article 22.
Cependant on devait s'attendre à ce qu'un jour ou l'autre le
problème de l'émancipation des mandats se présentât.
Et en effet, ce problème s'est présenté à propos de l'émancipation
de l'Irak dont nous avons donné les particularités au chapitre pré-
cédent. Et nous avons vu que c'est le Conseil, et le Conseil seul, qui a
arrêté les conditions auxquelles l'Irak devait répondre afin que le
statut d'Etat indépendant et souverain pût lui être conféré et reconnu.
En vertu de quelle compétence ou autorisation le Conseil a-t-il
lui-même exercé la compétence législative et arrêté les règles relatives
à l'émancipation tie l'Irak? Nous touchons ici à une question des
plus rares et des plus remarquables.
Le Conseil a-t-il reçu du Pacte lui-même plein pouvoir d'arrêter
les règles applicables relatives à l'émancipation des pays sous
mandat A ?
Le paragraphe 8 de l'article 22 ne stipule que ce qui suit : « Si le
degré d'autorité, de contrôle ou d'administration à exercer par le
Mandataire n'a pas fait l'objet d'une convention antérieure entre les
Membres de la Société, il sera expressément statué sur ces points par
le Conseil ».
Dans ce paragraphe, il ne se trouve donc aucune autorisation
accordée au Conseil pour établir, en matière d'émancipation des pays
sous Mandat, les règles à appliquer.
D'après le paragraphe 8 de l'article 22, le Conseil ne se présente
comme législateur que dans le cas où il doit être statué sur le degré
d'autorité, de contrôle ou d'administration et où une convention entre
les Membres de la Société siu- ce sujet n'a pas été conclue.
ExpreMLd verbiâ il n'y a dans tout le paragraphe 8 aucune stiptJation
qui confère au Conseil la compétence d'établir les règles sur l'éman-
cipation des pays sous mandat.
Cependant, il est de fait que lors de l'émancipation de l'Irak le
Conseil a arrêté les règles auxquelles ce pays devait répondre pour
acquérir le statut d'Etat indépendant et souverain.
Le Conseil a-t-il exercé cette compétence comme conséquence
d'un plein pouvoir général lui conféré par le Pacte ?
Un plein pouvoir pareil ne s'y trouve nulle part. Le paragraphe 6
de l'article 4 traitant du Conseil ne contient que la stipulation sui-
vante : « Le Conseil connaît de foute questioh rentrant dans la
sphère d'activité de la Société ou affectant la paix du monde ».
Généralement on admet que des deux organes de la Société des
Nations, le Conseil remplit un rôle exécutif, tandis que l'Assemblée
jouerait plutôt un rôle législatif. On devrait donc s'attendre à ce que
l'Assemblée et non pas le Conseil eût établi les règles régissant
l'émancipation de l'Irak. Nous avons vu le contraire. On doit donc
supposer que le Conseil a trouvé autre part un certain appui pour son
acte de réglementation de l'émancipation des pays sous mandat.
Peut-on avec quelque bonne volonté constater, ou mieux déduire,
du paragraphe 8 de l'article 22, une espèce de plein pouvoir conféré
au Conseil en matière de l'établissement des règles à appliquer lors
de l'émancipation des mandats ?
D'après une libre interprétation du paragraphe 8 nous estimons
que c'est possible. Dans le cas où il n'y a pas de convention conclue
entre les Membres de la Société et relative au degré d'autorité, de
contrôle ou d'administration à exercer par le Mandataire, le Conseil
a le droit de statuer sur ces points. Il s'agit donc de degrés d'autorité,
de contrôle ou d'administration. Le degré le plus bas, et en même
temps le degré où l'autorité, le contrôle et l'administration du Man-
dataire touchent à leur fin, c'est l'émancipation complète du pays sous
mandat.
On pourra donc interpréter le paragraphe 8 de l'article 22 comme
suit : si le Conseil a la compétence d'établir les règles à appliquer
quand il s'agit du degré d'autorité, de contrôle ou d'administration à
exercer par le Mandataire à défaut d'une convention relative à ce
sujet entre les Membres de la Société, il sera également compétent
pour arrêter les règles quand l'autorité, le contrôle et l'administration
à exercer par le Mandataire touchent à leur fin et qu'une convention
entre les Membres de la Société n'existe pas. Si le Conseil possède la
compétence de décider d'une partie du degré, il aura aussi la compé-
tence de décider du tout.
D'après cette interprétatiçn c'est à juste titre que le Conseil a
établi les règles auxquelles l'Irak devait répondre pour obtenir l'éman-
cipation complète et le statut d'Etat indépendant et souverain.
Ce qui reste vraiment étonnant c'est que ni l'Assemblée ni les
Mandataires n'ont élevé de protestations contre cette conduite du
Conseil. L'Assemblée aurait été l'organe qualifié pour arrêter de telles
règles ; elle ne l'a pas fait. Elle s'est même résignée à la conduite suivie
par le Conseil et les Mandataires également se sont conformés à la
décision du Conseil.
Il y a donc, pour ainsi dire, une espèce de délégation tacite de la
part de l'Assemblée au Conseil pour arrêter les règles à appliquer en
cas d'émancipation d'un mandat.
Mais on ne saurait voir dans la conduite suivie par le Conseil
une espèce d'usurpation de droit de sa part. En vertu de l'interpréta-
tion que nous avons donnée ci-dessus, elle a été tout à fait légale et
en outre sanctionnée par l'approbation tacite de l'Assemblée.
Cela n'empêche pas que cette forme de délégation soit une des plus
rares et des plus intéressantes que nous ayons jamais rencontrée.
Article 4,nbsp;Le nouvel alinéa de l'article 4 du Pacte de la
alinéa 2bià Société des Nations, inséré dans cet instrument en 1926,
du Pacte. présente une innovation inconnue jusqu'alors dans le Pacte.
Nous avons vu à la fin du chapitre précédent l'exigence
relative à la ratification à laquelle les amendements doivent répondre
afin qu'ils soient définitivement insérés dans le Pacte. En vertu des
dispositions de l'article 5 qui prescrit l'unanimité pour toutes les
décisions de l'Assemblée et du Conseil, les questions de procédure et
celles relatives à la désignation des commissions d'enquête exceptées,
les amendements au Pacte doivent être décidés par l'Assemblée à
l'unanimité des voix.
L'amendement à l'article 4 du Pacte a donc été arrêté par 1 As-
semblée en 1921 à l'unanimité des voix et est entré en vigueur en 1926
après que le nombre des ratifications, obligatoires selon l'article 26
pour l'entrée en vigueur des amendeménts, eut été atteint. En tous
cas l'amendement à l'article 4 du Pacte est dû au vote unanime de
l'Assemblée, c'est-à-dire de tous les Membres de la Société. Cela
doit être établi une fois pour toutes.
Comme nous l'avons déjà constaté au chapitre précédent, la
grande innovation et particularité de cette stipulation est celle-ci :
l'Assemblée a le droit de fixer certaines règles à la majorité des deux
tiers des voix. Tandis que l'article 5 du Pacte prescrit obligatoirement
l'unanimité des voix pour toutes les décisions de l'Assemblée et du
Conseil, sauf pour les décisions relatives aux questions de procédure
et à la désignation de commissions d'anquête, le nouvel alinéa ibiö
de l'article 4 contient une exception importante.
Pour la première fois la Société des Nations rompt avec la clause
de l'unanimité ; car, il va sans dire que l'activité de l'Assemblée
d'après cet alinéa ibid n'a avicunement trait aux questions de procédure
et à la désignation des commissions d'enquête pour lesquelles en vertu
de l'article 5 la majorité suffit. La fonction de l'Assemblée d'après
l'alinéa ibid de l'article 4 est de nature législative.
C'est pourquoi cette nouvelle disposition devient encore plus
frappante et intéressante.
Au chapitre précédent nous avons vu que le vote des deux tiers
de l'Assemblée relatif à l'établissement des règles concernant les
élections des Membres non-permanents du Conseil et en particulier
de celles concernant la durée de leur mandat et les conditions de
rééligibilité engage aussi les autres membres dis,sidents ou non repré-
sentés dans l'Assemblée « en vertu des normes que ces membres ont
acceptées eux-mêmes » (1).
En 1924, deux années avant la mise en vigueur de ce nouvel
alinéa ibid, Schücking et Wehberg défendaient dans leur livre l'opinion
suivante : « Das Inkrafttreten dieser Satzungsänderung würde nicht
nur jeden Zweifel darüber beseitigen, dasz die Bundesversammlung
feste Grundsätze über die Dauer und W^iederwählbarkeit der nicht-
ständigen Ratsmitglieder aufstellen darf, sondern auch die Abänderung
der einmal angenommenen Grundsätze mit lediglich zwei Drittel
Stimmenmehrheit (statt mit Stimmeneinheit) ermöglichen » (2).
II résulte du précédent que dès la mise en vigueur de ce nouvel
alinéa ibid, le 29 juillet 1926, l'Assemblée fixe à la majorité des deux
tiers les règles concernant les élections des Membres non-permanents
du Conseil et, en particulier celles concernant la durée de lexur mandat
et les conditions de rééligibilité et que, d'après une opinion générale-
ment reconnue le vote des deux tiers de l'Assemblée engage aussi les
autres membres de la Société.
Le fonctionnement de l'article 4 est donc le suivant :
Le Conseil a le droit d'augmenter, avec l'approbation de la majo-
rité de l'Assemblée, le nombre des Membres de la Société qui seront
choisis par l'Assemblée pour être représentés au Conseil.
(1)nbsp;Anzilotti, o. c., p. 286.
(2)nbsp;Schücking und Wehberg, o. c., p. 304.
-ocr page 141-Le Conseil fixe donc, avec l'approbation de l'Assemblée, le
nombre des Membres non-permanents du Conseil, lesquels seront
choisis par l'Assemblée.
Et l'Assemblée elle-même fixe les règles, mais maintenant, non
plus à l'unanimité mais à la majorité des voix, d'après lesquelles ce
choix sera effectué par elle.
Et, ces règles une fois établies, les membres dissidents ou absents
n'ont, à l'occasion des élections des Membres non-permanents du
Conseil par l'Assemblée, qu'à se conformer à ces règles établies par la
majorité des deux tiers de l'Assemblée.
A ce point de vue l'Assemblée a donc été munie par le Pacte d'une
compétence réglementaire autonome.
Lesnbsp;Au chapitre précédent nous avons constaté que
Rééolutioné. l'Assemblée et le Conseil peuvent prendre des décisions
qui directement ont force de loi et qui peuvent immédiate-
ment entrer en vigueur. Des décisions pareilles sont des
résolutions qui assez souvent sont revêtues du caractère d'une régle-
mentation générale. Et nous avons donné également la parole aux
jurisconsultes Anzilotti, François et Schücking-Wehberg ; le Néerlan-
dais et les deux Allemands reconnaissent que l'Assemblée et le
Conseil ont le droit de prendre des décisions ayant force de loi sans
ratification ultérieure de la part des gouvernements; l'Italien est d'un
avis opposé.
Nous tenons à donner encore une fois la parole aux auteurs
allemands Schücking-Wehberg qui donnent un exposé détaillé de
ce sujet. « Indem der Völkerbumd in seinem Innenleben als vertrags-
mäszige Einheit Beschlüsse faszt und nicht Verträge schlieszt, ist
Vorsorge getroffen, dasz innerhalb der vertragsmäszig begründeten
Kompetenz der Organisation ein die einzelnen verpflichtender Wille
zustande kommt, ohne dasz es hier v^rie sonst bei völkerrechtlichen
Verträgen der Ratifikation bedürfte.
« Diese Frage, ob und inwieweit die Willensäuszerungen des
Bundes noch einer Ratifikation bedürfen, war freilich nicht unbes-
tritten. Wilson, der doch der Vater des Völkerbundes gewesen, hat
in seiner Rede vom 14 Februar 1919 ausdrücklich die Bundesver-
sammlung als « Deliberative body » bezeichnet. Ubereinstimmend
damit sagte der Amerikaner A. L. Lowell : « The position^ of the
Assembly is only to debate, and is not given authority to bind the
members ». Ebenso meint der offizielle englische Kommentar : « The
Assembly is competent to discuss all matters concerning the League »,
während van Vollenhoven die Sache für zweifelhaft hält. Das Pro-
blem kam zur Sprache auf der ersten Plenarversammlung, als über die
Notwendigkeit debattiert wurde, ob der Beschlusz über die Aufrich-
tung des Weltgerichtshofes noch nachträglich von den einzelnen
Staaten, die für seine Annahme gestimmt, ratifiziert werden müszte.
Schon in der Sitzung der 3. Kommission vom 8. Dezember 1920
vertrat Politis bei dieser Frage den einzig richtigen Standpunkt, dasz
die Plenarversammlung unzweifelhaft Beschlüsse fassen könnte mit
unmittelbar verpflichtendet Kraft für die einzelnen Staaten, aber
selbstverständlich nur im Rahmen ihrer vertragsmäszigen Zuständig-
keit. Mit Rücksicht darauf, dasz diese Zuständigkeit hier gegeben sei,
trat der Südslave Zolg er bei der Plenarverhandlung vom i3. Dezember
1920 dafür ein, auf die Ratifikation zu verzichten, und indem er sich
für die definitive Bindung der Staaten an die Beschlüsse des Völ-
kerbundes im Sinne früherer Berichte von Viviani und Rowell
aussprach, warnte er vor der Einbürgerung einer andersartigen Praxis.
Es sei gerade eines der wesentlichsten Ziele bei Aufrichtung des
Völkerbundes gewesen, einfachere, sichere und wirksamere Formen
für die internationale Arbeit zu finden, man dürfe nicht zurückkehren
zu der Methode früherer Konferenzen, deren einstimmig angenommene
Beschlüsse oft toter Buchstabe geblieben seien » (1).
La pratique de la Société des Nations est là pour sanctionner la
thèse qu'en matière de résolutions l'Assemblée (et en certains cas
spéciaux aussi le Conseil) est législateur autonome. Cette compétence
lui a été déléguée par les Etats Membres.
Etant donné que ces résolutions, d'une part, sont revêtues du
caractère de réglementation générale et obligatoires pour les Etats
Membres sans ratification ultérieure et qu'elles ti-aitent, d'autre part,
assez souvent de questions importantes, il saute aux yeux qu'il s'agit
ici d'une innovation remarquable. L'Assemblée et le Conseil sont
primitivement des organes exécutifs ; ici nous constatons que les Etats,
à défaut d'un autre organe, confèrent à ces organes la compétence
législative ou réglementaire autonome, en abandonnant en même
temps leur propre pouvoir.
Cette compétence ne repose pas sur une stipulation du Pacte.
Elle s'est développée depuis l'origine de la Société des Nations avec
le consentement tacite des Etats Membres.
(1) Schûcking und Wehberg, o. c., p. m ef 112.
-ocr page 143-Le Comité denbsp;Nous ne devons pas nous arrêter longtemps aux
Coordination deux Comités qui sont nés lors de l'action de la Société
et te Comiténbsp;Nations dans le conflit italo-éthiopien. Etant
des Dix-HuU.nbsp;gyg ig Comité de Coordination ne possédait pas
la compétence réglementaire, et le Comité des Dix-
Huit seulement une apparence de cette compétence, il y a
lieu de ne pas y insister. Le Comité de Coordination ne pouvait pas
exercer la compétence réglementaire, n'étant ni un organe de l'Assem-
blée ni du Conseil, mais seulement une conférence des Etats Membres
de la Société des Nations se réunissant pour se concerter sur l'applica-
tion des dispositions de l'article 16 du Pacte.
Cependant, comme nous l'avons constaté, il est intéressant de
noter que le Comité des Dix-Huit né du Comité de Coordination
possédait une espèce de compétence réglementaire. Plus exactement,
la possibilité avait été laissée au Comité des Dix-Huit d'exercer une
compétence réglementaire. En tout cas cela appert de la ligne de
conduite saisie par ce Comité et par exemple du Livre blanc du gou-
vernement des Pays-Bas. Si, en effet, cela a été l'intention du Comité
de Coordination, cette compétence est des plus importantes,étant
donné que le Comité de Coordination n'était pas muni de compétence
réglementaire, alors que le Comité des Dix-Huit lui, l'aurait été.
Lesnbsp;La réponse à la question de savoir si les amendements
Amendements ^jgnbsp;à l'article 16 du Pacte délèguent au Conseil une
à Varticle 16 compétence réglementaire, dépend complètement de la
dlimnbsp;réponse à l'autre question à savoir : si la dispense
d'une loi est comprise dans le pouvoir législatif ou bien
dans le pouvoir exécutif.
Il est de fait que, en vertu du nouvel alinéa 4, le
Conseil aurait la compétence de dispenser de certaines mesures ; car,
« si le Conseil jugeait que, pour certains Membres, l'ajournement, pour
une période déterminée, d'une quelconque de ces mesures dût per-
mettre de mieux atteindre l'objet visé par les mesures mentionnées
dans le paragraphe précédent, ou fût nécessaire pour reduire au
minimum les pertes et les inconvénients qu'elles pourraient leur causer,
il aurait le droit de décider cet ajournement ». Le Conseil, le cas
échéant, usant de cette compétence, dispense donc de certaines
mesures comme celles-ci sont prescrites dans l'article 16.
Notre point de vue relatif à la dispense de lois et de règles est que
la dispense est un acte émanant du pouvoir législatif et non du
pouvoir exécutif. Elle est le complément du pouvoir législatif pour
pourvoir aux imperfections inhérentes à ce pouvoir. Il faut que cette
possibilité existe pour le pouvoir législatif de dispenser en certains
cas de certaines lois et mesures. La dispense ne peut être exercée
que par l'organe qui a établi les lois et mesures, savoir le pouvoir
législatif.
Or, du moment que les amendements de 1921 auront été ratifiés
par les Etats Membres, le Conseil usant de la dispense, exercera
une compétence réglementaire, laquelle lui aura été déléguée par les
Etats Membres de la Société des Nations.
Il va sans dire qu'il s'agit ici d'une compétence d'extrême impor-
tance, l'article 16 n'étant appliqué que du moment où il y a un conflit
entre les Membres de la Société des Nations. En ratifiant ces amende-
ments les Etats ont, en conséquence, renoncé à une partie considérable
de leur souveraineté.
^ifpalu ^^ Reste encore à examiner la compétence réglementaire
exercée par une majorité qualifiée des Membres de la
Société des Nations en vertu de l'article 26 du Pacte.
Nous avons vu que d'après l'ancienne rédaction de
cet article il ne peut pas être question de délégation de compétence
réglementaire. Cependant, la nouvelle rédaction du troisième et du
dernier alinéa permettent bien d'y constater une compétence régle-
mentaire.
Il s'agit ici d'une compétence qui dans ses conséquences est de
grande importance. En effet, étant donné que les Etats n'ayant pas
ratifié les amendements ont la faculté ou de s'y résigner, ou de notifier
leur refus de ratification au Secrétaire général (cas dans lequel ils
cessent de faire partie de la Société), il va sans dire que les Etats
ayant choisi la première possibilité sont liés par les amendements
ratifiés par la majorité qualifiée. Dès qu'un Etat n'a pas notifié son
refus de ratification au Secrétaire général, il continue à faire partie
de la Société des Nations et doit se conformer aux prescriptions des
amendements, que, lui-même, n'a pas ratifiés mais qui ont été dûment
ratifiés par la majorité qualifiée des Etats-Membres.
Il va de soi, que les Etats, en adhérant à cette nouvelle rédaction
du dernier alinéa de l'article 26, ont abandonné une partie considérable
de leur propre compétence législative et en conséquence ont renoncé à
une partie de leur souveraineté.
Dorénavant les amendements ratifiés par la majorité qualifiée des
Etats-Membres, auront la même force de loi pour ceux qui ne les ont
ps ratifiés. Si ceux-ci ne veulent pas s'y conformer ils doivent notifier
leur refus de ratification au Secrétaire général, cas dans lequel ils
cessent de faire partie de la Société des Nations.
CONCLUSION.
Au début du chapitre premier, nous avons dit que, relativement à
la compétence législative et réglementaire des organes collectifs en
droit des gens, il y a une variation considérable entre les différents
exemples et qu'il n'y a presque jamais deux exemples qui soient
complètement identiques.
Après l'énumération et l'analyse juridique de ces exemples, la
synthèse s'impose. Quelque diiïïcile qu'elle soit, elle n'est pas com-
plètement irréalisable.
Pour commencer on peut constater les faits suivants :
lO La compétence législative et réglementaire des organes col-
lectifs, est comme nous l'avons signalé dans l'introduction, une forme
de législation internationale qui en droit des gens gagne de plus en
plus de terrain.
2° Cette compétence législative et réglementaire n'est pas seule-
ment déléguée à des organes dont l'importance est plutôt de second
plan, ou qui sont plutôt revêtus de fonctions administratives, mais
aussi à ceux qui sont d'un intérêt primordial et qui assez souvent
jouent un rôle politique des plus importants.
3° La compétence législative et réglementaire ne se borne pas aux
organes qui, de par leur nature, sont plus propres à exercer des pouvoirs
législatifs ou réglementaires. Au contraire, elle existe même chez ces
organes qui, primitivement, ne sont pas du tout qualifiés pour exercer
des pouvoirs pareils.
4® On ne peut pas établir une règle générale d'après laquelle les
Etats dans un cas délèguent la compétence législative et réglementaire
et dans un autre ne la délèguent pas. Les Etats font clairement la
preuve que sous ce rapport, ils ne se soumettent à aucune règle, qu'ils
ne suivent aucune ligne de conduite acceptée auparavant. Pour chaque
cas ils décident s'ils confèrent ou non, et dans quelle mesure, leur
compétence législative et réglementaire à un organe international.
Ces circonstances signalées sous 3*^ et 4® sont causes de la grande
diversité que nous constatons relativement à l'attribution de la compé-
tence législative et réglementaire à des organes internationaux.
En comparant la chasse aux phoques et l'affaire gréco-turque,
deux exemples d'arbitrage législatif, il saute aux yeux que ces deux
cas eux-mêmes ne sont pas identiques, quoiqu'ils se ressemblent
considérablement.
Relativement aux Commissions internationales, la diversité est
encore plus frappante. Même pour le Statut des grands fleuves on
n'a pas accepté un même régime. Les Commissions du Danube sont
revêtues de la compétence réglementaire. Pour la Commission du
Congo, qui d'ailleurs n'a p,is été instituée, et celle de l'Escaut, les
Etats n'ont pas voulu renoncer à leur propre pouvoir législatif; et
tandis que les Commissions de l'Elbe et de l'Oder ont été munies
d'une compétence réglementaire autonome, la Commission Centrale du
Rhin ne possède qu'une partie de cette compétence. Pourquoi cette
diversité, pourquoi ce manque d'une ligne de conduite stable ? Nous
estimons qu'il faut chercher la cause de cette instabilité de la part des
Etats en général dans des considérations politiques, souvent dans une
inexactitude, peut-être involontaire, et parfois dans une indifférence
incorrecte.
Pourquoi les Etats ont-ils bien voulu conférer aux Commissions du
Danube une compétence réglementaire autonome, pourquoi ne l'ont-ils
pas voulu relativement à la Commission Centrale du Rhin ? Il n'y a
point de doute que des considérations politiques se trouvent à la base de
cette différence, lesquelles, également, sont la cause de l'internationa-
lisation de l'Elbe et de l'Oder. Et à la Commission Internationale de
Navigation aérienne, déjà très importante et qui, dans l'avenir,
jouera encore un rôle plus considérable, les Etats confèrent la
compétence réglementaire complète. Ici aussi, des considérations
opportunistes — et en cjuoi l'opportunisme diffère-t-il de la politique ?
— ne sont certainement pas étrangères à une attitude si bienveillante
de la part des Etats, ceux-ci ayant tout à gagner par une réglementation
de la navigation aérienne.
Relativement aux Condominiums, aussi bien ceux d'après guerre
que ceux d'avant guei-re, nous voyons un état de choses tout différent
de celui des Commissions internationales. La compétence réglemen-
taire fut-elle, relativement aux Commissions internationales, déléguée
à des organes composés de plusieurs membres, en ce qui concerne les
Condominiums elle a été déléguée à une espèce de gouvernement, à
une réunion d'ambassadeurs, à deux fonctionnaires ou enfin à un seul
fonctionnaire. Car la Commission de gouvernement du Territoire du
Bassin de la Sarre, exerçant les mêmes pouvoirs qu'exerçaient aupa-
ravant l'Empire allemand et les autres états allemands, est un vérita-
ble gouvernement, lequel, quoique responsable de ses faits et gestes .
envers la Société des Nations, exerce ses pouvoirs dans une indépen-
dance complète.
Pour les autres Condominiums de l'après guerre c'est également
-ocr page 147-un organe à plusieurs membres, la Conférence des Ambassadeurs, qui
est munie, en vertu des traités de paix entre les Puissances Alliées et
Associées d'une part et les Puissances Centrales d'autre part, de la
compétence réglementaire autonome. Les Condominiums de l'après
guerre se ressemblent donc en ceci, que la compétence législative a été
conférée à des organes composés de plusieurs membres. Et en cela, ils
diffèrent des Condominiums d'avant guerre. Relativement aux Nou-
velles-Hébrides nous voyons la compétence réglementaire conférée à
deux Commissaires ; relativement au Soudan nous la voyons conférée
à une seule personne : le gouverneur général.
Sans doute le gouvernement à plusieurs têtes des Condominiums
de l'après guerre s'explique par la victoire des Puissances Alliées ef
Associées, lesquelles toutes aimaient jouer un rôle dans les territoires
cédés par les Puissances Centrales.
Toutefois la compétence réglementaire conférée par la France et
la Grande-Bretagne aux deux Commissaires des Nouvelles-Hébrides
et celle conférée par l'Egypte et la Grande-Bretagne au Gouverneur
général du Soudan est aussi intéressante et remarquable que celle des
organes placés à la tête des condominiums de l'après guerre. Toutefois,
il saute aux yeux que relativement au gouverneur général du Soudan,
l'Egypte se trouve dans une situation qui peut devenir défavorable
pour elle, le gouverneur-général étant désigné sur recommandation du
gouvernement britannique par un décret khédivial. Cette situation
vient d'être confu-mée dans ses grandes lignes par le nouveau traité
anglo-égyptien du 26 août 1936, qui, toutefois, fait certaines conces-
sions au point de vue de l'Egypte.
Relativement aux Tribunaux Alixtes en Egypte, les Puissances
ont fait preuve de beaucoup de magnanimité. Car, quoique les tribu-
naux mixtes ne soient pas les fruits d'une délégation de compétence
législative directe, ils sont en tous cas les fruits d'une délégation
générale des Puissances à l'Egypte, consistant à renoncer, en partie,
à la juridiction privilégiée des capitulations. Cette compétence
conférée au gouvernement égyptien est d'autant plus remarquable
qu'il s'agissait de la juridiction des citoyens de ces mêmes Puissances.
Et quoique ces tribunaux soient composés de juges originaires de ces
puissances, il n'est pas moins vrai qu'ils sont des tribunaux égyptiens,
et non pas des organes inteimationaux, de sorte que les citoyens des
Puissances européennes en Egypte sont jugés par des quot;tribunaux
égyptiens parmi les membres desquels siégera un compatriote de
l'accusé. Quoique le régime des capitulations fût un privilège que les
Puissances européennes avaient stipulé pour leurs citoyens de l'Em-
pire ottoman, il va de soi que les Etats, en adhérant à l'abolition
partielle de ce régime privilégié, ont renoncé à une partie de leur
compétence et en conséquence à une partie de leur souveraineté.
C'est pour cela que cette délégation de compétence legislative constitue
un exemple si intéressant.nbsp;,
Cela ne peut pas être dit de la compétence réglementaire deleguee
aux Commissions Internationales de caractère admimstratif et aux
Conseils d'hygiène. Car il n'est point étonnant que les Etats soient
plus disposés à conférer leur propre compétence réglementaire a des
organes purement administratifs et humanitaires qua des organes
dans lesquels la politique également joue un rôle, et assez souvent un
rôle considérable.nbsp;,, .
Cependant, nous voyons que, de temps en temps, les Etats n hesi-
tent pas à conférer une compétence réglementaire à des organes qm
de par leur nature ne sont pas qualifiés pour exercer une competence
pareille. Et quoique cette compétence ne soit pas si complete que ce e
œnférée à d'autres organes internationaux, elle est cependant telle
qu'on peut parler d'une véritable innovation. Nous visons ici la
compétence réglementaire échue à la Cour permanente de Justice
Internationale. N'est-ce pas une innovation remarquable qu une Uour
de justice ait la compétence d'arrêter son propre règlement, meme
d'arrêter la procédure sommaire? A-t-on jamais vu auparavant des
dispositions qui confèrent à chaque « tribunal arbitral mixte », dans
une si large mesure, la compétence d'établir « Im-même sa procedure
en tant qu'elle ne sera pas réglée par les dispositions de 1 annexe au
présent iticle... » comme le stipule l'article 3o4 ^ub. d. du traite de
Versailles ? Qu'on s'imagine que nos tribunaux et cours de )ustice
nationaux aient la compétence d'arrêter leur propre règlement de
procédure et on sera pénétré de la grande particularité que présente
cette stipulation.nbsp;^ -cj. t C^
Nous avons vu que, aussi avant la grande guerre, les Etats conte-
raient déjà une compétence réglementaire à des Cours internationales.
Tant dans le projet de convention pour la Cour Permanente d Arbi-
trage et dans la convention sur la Cour des Prises que dans la Con-
vention de 1907 instituant la Corte de justicia centro-americana nous
trouvons des stipulations conférant à ces cours la competence d établir
leurs propres règlements.
Et nous avons pu constater qu'il a même été question, quand il
s'agissait d'instituer une Cour permanente de Justice Internationale,
de conférer à l'Assemblée la compétence d'instituer une telle Cour.
Si on avait répondu dans l'afiTirmative à la question de savoir si
l'Assemblée de la Société des Nations avait qualité pour instituer
cette Cour de sa propre autorité par une résolution, nous nous serions
trouvés en présence d'une véritable délégation de compétence lepsla-
tive à l'Assemblée de la Société des Nations. Nous savons qu on a
répondu négativement à cette question. Cependant, le fait qu'on a
discuté cette question, démontre manifestement qu'on a pris en consi-
dération la possibilité d'une pareille délégation, laquelle, si elle avait
été réalisée, constituerait un précédent des plus importants. Déjà, ce
fait, à lui seul est d'ime importance primordiale du point de vue du
développement du droit des gens. Et quoique on ait préféré pour
l'institution de la Cour de Justice une autre voie — à savoir : une
espèce particulière de traité international : le Protocole de signature
du 16 décembre 1920 ouvert aux signatures des Membres de la Société
et de certains autres Etats — le Statut de cette Cour offre en tous cas
des exemples de délégation de compétence réglementaire qui ne sont
point méprisables.
Il nous semble, qu'en 1919, les esprits des hommes d'état, au
moins de quelques-uns d'entre-eux, étaient bien disposés à accepter des
conceptions juridiques nouvelles. Car aussi à propos de l'institution de
l'Organisation du Travail lors des négociations de la paix nous
trouvons cette disposition bienveillante dans la note du gouvernement
allemand du 22 mai 1919. Il ne faut pas sousestimer la valeur de cette
proposition, laquelle, si elle avait été acceptée à la Conférence de la
paix, aurait créé pour la première fois dans l'histoire du droit des
gens et des relations internationales un véritable parlement mondial
muni du pouvoir législatif autonome.
Ces deux dernières tentatives, quoiqu'elles soient restées des
tentatives, prouvent plus que plusieurs exemples réalisés, quels qu'ils
soient. Ils prouvent, ce que nous avons dit dans l'Introduction, qu'il y
a une tendance d'user de plus en plus de la délégation de compétence
législative et réglementaire; que le droit dans son développement ne
peut pas être arrêté dans son cours, parce qu'il est l'image de la vie.
Ces tentatives sont plus instructives et plus intéressantes que plusieurs
exemples de délégation réalisée qtie nous avons signalés.
Sans aucun doute la compétence réglementaire conférée au Conseil
d'administration de l'Organisation du Travail est intéressante ; cepen-
dant nous estimons plus haut celle conférée à la Cour permanente de
Justice Internationale relativement à l'établissement du règlement
d'ordre et de la procédure sommaire. Il ne faut pas sousestimer cette
compétence en vertu de laquelle une Cour de justice possède des
pouvoirs qui vont loin au delà des compétences dont, en général, une
Cour est munie.
Tout le développement du droit des gens démontre manifestement
qu'aussi en droit des gens on use de plus en plus de la délégation de
compétence réglementaire. Il est remarquable qu'on peut constater
dans la grande majorité des nouvelles organisations de l'après guerre
cette tendance générale que manifestent les Etats à céder une partie
de leurs propres pouvoirs à de nouvelles autorités. Certainement, 1 ere
de l'après guerre a été tout particulièrement favorable al adoption
de nou^velles conceptions et idées dans les relations internationales et
le droit des gens. Les horreurs et cruautés de la grande guerre etaient
bien propres à humaniser les esprits et à les faire plus accessibles aux
idées qui visent à donner la victoire au Droit sur la Force et a
développer en paix les relations entre les peuples.
Aussi l'organisation de la Société des Nations nous en donne
maint exemple remarquable. Si on pense au régime des Mandats dans
lequel le Conseil de la Société des Nations est legislate!^ supreme a
défaut de conventions spéciales entre les Membres de la Société. Non
seulement le Conseil a-t-il établi les règles relatives a 1 emancipation
définitive des pays sous mandat A, mais aussi, comme législateur
souverain, il a établi et arrêté le statut des différents pays sous mandat.
Et aucun des Etats Membres de la Société des Nations n a eleve la
voix contre une ligne de conduite pareille de la part du Conseil. Et
toute la pratique et l'organisation de la Société des Nations nous
offrent des exemples de délégation.
N'est-ce pas là un progrès considérable du point de vue du dévelop-
pement du droit, que des amendements au Pacte soient ob igatoires
également pour les Membres qui ne les ont pas ratifiés, des leur rati-
fication par une majorité qualifiée ? On ne peut point s imaginer que les
Etats, dans le siècle passé, auraient été disposés a faire une telle
concession.
Cet examen que nous enseigne-t-il ?
Le droit suit le progrès et ne peut être enti^avé par quoi que ce soit.
Depuis la fin du siècle passé nous avons vu la délégation de compe-
tence législative et réglementaire et depuis ce temps 1 application est
devenue de plus en plus fréquente. Dans tout le vaste domaine du
droit des gens la délégation a été appliquée avec une variation tou-
jours nouvelle. Le droit suit son cours et s'adapte aux circonstances.
Mais les nouvelles conceptions ne peuvent être mees, m etoulfees.
Le droit étant l'image de la vie, doit se développer et pourvoir aux
nécessités de la vie. Le droit, et de même le droit des gens, n est pas
statique, mais dynamique.
Puissent ces lignes en avoir fourni la preuve.
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Pages
Introduction..................................^
Chapitre premier : APERÇU HISTORIQUE........................17
Deux Cas d'Arbitrage :..................
La Chasse aux Phoques................
L'Affaire gréco-turque .............................20
Les Commissions Internationales :............................^^
Le Rhin............................21
Le Danube............................................26
Le Congo............................................3 2
L'Elbe................................................34
L'Oder................................................36
Le Niemen ou Memel..................................36
L'Escaut........................................36
La Commission des Détroits............................4°
La Commission Internationale de Navigation Aérienne ...nbsp;43
Les Condominiums :....................
Territoire du Bassin de la Sarre........................^^
Memel..................................................^^
La Thrace............................................^^
La GaHcie......................
Fiume.........................................57
Les Nouvelles-Hébrides................
Le Soudan......................
Les Tribunaux Mixtes en Egypte...............
Commissions Internationales de Caractère Administratif et Conseils
d'Hygiène :.......................................67
L'Union Télégraphique Universelle. . . . ................67
L'Union Postale Universelle..............
Les Commissions Sanitaires..............
Tribunaux Internationaux de Justice : ........................7°
La Cour Permanente de Justice Internationale............7^
L'Organisation du Travail..................
La Société des Nations :....................................7^
Le Régime des Mandats................................7°
L'article 4, ahnéa 2hid du Pacte de la S. d. N..............81
Les Résolutions....... ..........................84
Le Comité de Coordination..............................87
Le Comité des Dix-Huit................................89
Les Amendements à l'article 16 du Pacte de la S. d. N. de 1921nbsp;93
L'Article 26 du Pacte de la S. d. N...........
-ocr page 154-Chapitre II : ANALYSE JURIDIQUE
La Chasse aux Phoques et l'Afifaire gréco-Éurque.
Le Rhin............... quot;9
Le Danube ........................
Le Congo.........................
L'Elbe et l'Oder ...nbsp;................
L'Escaut...............
La Commission des Détroits.nbsp;.........
La C. L N. A..................
Territoire du Bassin de la Sarre . . ............
Memel. la Thrace, la Galicie, Fium'e ..............
Les Nouvelles-Hébrides . .nbsp;.........
Le Soudan....................
Les Tribunaux Mixtes en Egypte........ ......
L'Union Télégraphique Universelle ........
L'Union Postale Universelle........ . . ......^^^
Les Commissions Sanitaires................'128
Tribunaux Internationaux de Justice ........'quot; ^^
La Cour Permanente de Justice Internationalenbsp;î^o
L Organisation du Travail....................' ^^
Le Régime des Mandats. . . . ! . ! ! . ! . ! ^ i......
Article 4, alinéa 2bU du Pacte de la S. d N..........
Les Résolutions............' ' ' „
Le Comité de Coordination et le Comité des Dix-Huit ' quot; ' ' ' ' ^
L-inlr rr^.V/f.4
140
141
M7
149
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L'Article 26 du Pacte de la S. d. N.
Conclusion . . .
Bibliographie . . .
Table des Matières
Imprimé en Belgique.
-ocr page 155-I
Zonder den rechtsregel « pacta sunt servanda » is het
Volkenrecht onbestaanbaar.
^ II
Dispensatie van wettelijke voorschriften is geen uit-
voering maar wetgeving.nbsp;»
III
Het is gewenscht, dat de mogelijkheid van analogische
toepassing der strafwet, betreffende de strafbaarheid van
het feit, opengesteld wordt.
IV
Het voorschrift van art. i356, 40. B.W., dat voor de
geldigheid van eene overeenkomst eene geoorloofde
oorzaak eischt, is niet overbodig, doch integendeel in
het systeem onzer wet onmisbaar.
V
Het behoort niet tot de taak der Nederlandsche Depo-
sitobanken om aan industrieele ondernemingen gelden op
langen termijn ter beschikking te stellen.
VI
•
De derde zinsnede van de « Préambule » van het
Volkenbondspact beteekent niet, dat tijdens diplomatieke
onderhandelingen of besprekingen door de regeering
dienaangaande inlichtingen moeten worden verstrekt.
VH
De Gemengde Rechtbanken in Egypte zijn geen inter-
nationale, doch nationale Egyptische organen met recht-
spraak belast.
VIII
Het verdient aanbeveling in de groote hoofdsteden
ambassadeurs te accrediteeren.
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-ocr page 157-■mwB
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