La Vén. Jeanne de Jésus.
D'APRES LE R. P. MARS, RECOLLET, PAR I/ABBÉ N.J. CORNET.
DE LA VENERABLE MERE
Réformatrice du Tiers-Ordre de saint Francois, et Fondatrice des Pénitentes-Récollectines de Limbourg,
D'après le H. P. MARS, récollet,
ET les ARCHIVES de l'ASCIEN COLVENT DE DOLilAlIS-LIMUOL'RG ;
Rtcttur da Téglise et da collége de rimniaculée-Conception a Eupen, mcmbrc bonoraire d« Ia Société littéraire de rUnirersite Cathollqua de Louvain.
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LIBnAIRIR DKP. LETHIELLKUX, |
. A, KITTLKR, COMMISRHIKNAIRf, |
TOliS DROITS nÉSERVÉS.
AUX NOUVEAUX ENFAMS DE JEANNE DE JÉSÜS,
LES
i
FRANCISCAINES DE LA SAIWTE FAMILLE A EÜPEN;
A LA
ET A SES FILLES SPIRIIUELLES,
Les ScBurs professes de la section active:
Rose, Antonia. Francoise, discrètes;
Hyacinthe, Claire, Sérapliine, Véronique, Josèphe, Jeanne, Bernardine, Fétix, Ludivine. Bona venture, VValburge, Pie, Gertrude, Marguerite, Mechtilde, Pacifique, Marthe, Christine, Hortulane.
Les Sceurs professes de la section contemplative :
Colette du Sacré Coeur de Jésus, Magdeleine de la Croii, Thérèse de I'lnfarnation, Angèle du Saint Sacrement.
Les Novices :
Soeurs Baptiste, Hildegarde, Raphaelle, Julienne, Alcantara, Annonciata, Colombe, Benedicte, Xavier, Célestine, Stanislas, Joachim, Dominique, Salome, Innocentia, Germaine, Salesia.
Et d la pieuse mémoire des Soeurs trépassées:
Marguerite, f 12 Septembre 1860, Michaela, -[- 9 Aoflt 1861 Agnès du couronnement d'épines, 16 Septembre 18(gt;2 Aegidia, f 23 Juillet 1863, Paula, 215 Déccnibre 1863, Anne, f 3 Mai 1864.
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AVAjNÏ-PROPOS.
Nous ne dirons pas un heureux hasard, inais un coup de la divine Providence nous a fait découvrir, au moment même oil la conduile de Dieu en faisaitunenécessité, pour l achèvement d'une de ses oeuvres réparatrices, les archives de l'ancienne congrégation des Pénitentes-Ré-collectines de Limbourg. Après avoir employé ces documents conformément aux fins que la Sagesse divine semblait manifester d'une ma-nière assez indubitable, nous avons pensé qu'il était également de notre devoir de produire a
*11 A VANT-PltOI'OS.
la luraière une bonue parlie de co trésor, dont certain nonibre d'ames, qui se vouent au service de Dieu, pourront retirer un grand profit spi-rituel. Nous publions en conséquence la Vie de la Révèrende Mere Jeanne de Jésus, écrite par le R. P. yiiuon Mars Récollet, que nous avons cru devoir rendre accessible a loug en retranchant plusieurs longueurs et en changeant les expressions surannées et inintelligibles de 1'édition publiée a Ypres en 1C88, sans toutefois faire perdre a ce petit ouvrage son caractère de sim-plicitó qui sied si bien au sujet qu'il traite. Ayant sous les yeux des documents dont le P. Mars n'avait pu profiter, nous nous sommes permis d'y faire quelques adjonctions soit dans le texte, soit au moyen de notes que noils avons ajoutées.
Les Ames qui veulent avancer dans 1'amour divin savoureront avec une vive allégresse les OEuvres spirituelles de la vénérable Jeanne de Jésus ; d'abord ce drame sublime qui se passe
AVAVl-PltOPUS. Ill
au-dela des sphères, idylle spirituelle et cliasle enlre Jésus et Tame que l'auteur intitule : Le Jar din des délices du Seigneur, et dans laquelle sont exposées, sous le voile d'une allegorie magnifique, les opérations de la grace dans l'éme des Justes et des Saints. On lira avec fruit, surtout dans les communautés religieuses, les instructions que la vénérable fondatrice adres-sait a ses sceurs, tant aux novices qu'aux professes, et on reconnaitra que la fidéle servante de Jésus-Christ puisait sa sagesse au sein de Dieu lui-même.
En publiant eet opuscule, nous tenons a déclarer, avec le R. P. Mars, que nous nous conformons en tout aux décrets d'Urbain VHF, le méme ponlife qui a approuvé Tinstitut des Pénitentes-Récollectines, concernant la denomination desainte, etc., lesfaitsextraordinaires relatés dans ce volume.
Nous ne voulons pas terminer notre avant-propos, sans témoigner publiquement notre
IV AVANT-PROPOS.
plus vive reconnaissance envers monsieur Dupont, curé de Dolhain, et monsieur Pagnoul, raembre du conseil de fabrique de la dite paroisse, pour l'empressement avec lequel ils nous ont facilité nos recherches. Que les prières de la vénérable Mère Jeanne de Jésus suppléent a notre impuissance, pour les récompenser des services qu'ils nous ont rendus, en nous procu-rant les documents que nous sommes heureux de retirer de 1'oubli, dans lequel ils ne sont restés que trop longtemps.
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VIE
de ka vénérable mere
Entrée en religion : noviciat, profession, cloture. — Le R. P.
Marchant.
La vénérable sojuf Jeanne de Jésus, nommée dans le monde Jeanne de Neerich, naquit k Gand de parents honnêtes et de bonne vie. Ses premières années se passèrent innocemment sous la conduite de ses père et mère, qui prirent soin de la former dans les bonnes moeurs et dans la crainte de Dieu, principe de la vraie sagesse.
Aussitót qu'elle eut altoint l'Sge de discrétion,
j. de jés. 1
2 CHAPITRE PREMIER.
Dicu la prévenant de ses plus douces bónédictions, lui inspira le dessein de quitter le monde et d'entrer en religion pour se donner entièrement k son service et k son amour : a quoi ne contribuèrent pas peu sa bonne éducation et le bon exemple de ses parents, qui la tinrent éloignée des occasions qui auraient pu flétrir les premières inclinations dun bon esprit et empêcher les opérations de la grace divine.
Le Saint-Esprit qui possédait son üme, et qui l'avait choisie pour devenir la Mère d'une grande congrégation de filles, dans lequel il voulait allumer la ferveur et la dévotion du séraphique Père saint Frangois, disposa qu'elle se présentat, et quelle füt admise dans la Compagnie des soeurs du Tiers-Ordre de saint Francois, dites de Saint-Jacques en la ville de Gand. Cette congrégation était sous la dépendance et la direction des Pères Récollets de la province de Flandre.
Durant son noviciat, elle jeta par la pratique de l'humilité, du mépris du monde, et de la mortification du corps et de l'esprit, les fondements de 1 edifice spirituel qu'elle devaitéleverun jour jusqu'au sommet de la perfection.
CHAP1THE PREMIER.
Elle aimait surtout loraison, et ello ue trouvait point de plus grand contentement que dans I'entretien avec Dieu. En vérité, si les hommes considéraient l'admirable condescendance de Dieu, qui veut bien se familiariser avec ses creatures et s'entretenir avec elles, il ne se trouverait personne qui ne vouliit tou-jours jouir de ce bonheur; on ne souffrirait quavec peine d'en être privé. II ne fut pas nécessaire de de-fendre a cette novice la conversation avec les per-sonnes du siècle; elle les avait toutes bannies de son esprit et de son coeur; elle n'aimait que I'oratoire, le divin office et Técole de sa maitresse, oü elle appre-nait les rudiments de la vie religieuse. Le terme de son noviciat étant expiré, elle fit profession de la regie, et elle se dévoua de tout son coeur k Dieu par les vceux solennels d obéissance, de pauvreté et de chasteté, quelle observa tout le temps de sa vie avec une fidélité inviolable.
Saint Paul enseigne que lesjeunes vierges, princi-palement celles qui sont telles par choix et de profession, ne doivent penser qu a Dieu, et aux moyens de lui plaire. Jeanne suivit cc précepte a la lettre; elle se donna si absolument a son divin Epoux, que toutes
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CliAl'IÏUE I'RKMIEH.
ses pensees, tous ses soins et toutes ses aspirations se rapportaient uniquement a Lui. C'est pourquoi elle se négligeait en quelque sorte elle-même a Fex-térieur et ne voulait point de propreté outrée dans ses habits, dans sa chambrelte, dans les petits meu-bles accordós a ses usages; pour l'intérieur, au contraire, elle enprenait le plus grand soin ; nar comme il est toujours exposé aux yeux de Dieu, ainsi que dit saint Pierre, elle s'appliquait a ce que sans cesse il füt bien habillé, et richement orné de vertus.
A dire vrai, n'est-ce pas lü ce qui distingue l'esprit de la religion de l'esprit du monde? Les fdles mon-daines donnent tout au culte extérieur de leur corps, aux ornements de leur tête, a la propreté de leur parure, et a la pompe des habits; les religieuses au contraire prennent soin d'embellir leur ame, et elles négligent le reste.
Notre soeur Jeanne eut aussi, dès les premières années de sa profession, une grande inclination pour la cloture, ce qui faisait quelle fuyait la connaissance et la conversation des persounes séculières, et quelle ne sortait de son monastère que quand l'obéissance lui en faisait un devoir. Cette conduite plut a quel-
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CHAPITIIE PREMIER.
ques jeunes religieuses qui conversaient plus intirae-ment avec elle, et elle sut si bien leur faire goüter les douceurs de la retraite, que plusieurs, a son exeniplo, se retiraient des vains entretiens du monde, s'affec-tionnaient a l'oraison, et préféraient la douce tran-quillilé de la solitude aux courses indiscrètes et importunes parmi le monde. Saint Ambroise exhorte les vierges, en leur proposant l'exemple de la Vierge Marie, a ne pas courir ca et la, mais demeurer chez elles, pour y attendre la visite de lange et les graces du Saint-Esprit. Cela faisait que soeur Jeanne souhai-tait ardemment la cloture et la réforme de son mo-nastère, a quo! elle eüt volontiers consacré ses peines et ses prières : elle ressentait mêmc de fortes touches iutérieures, qui semblaient l'inciter ïi demander la clóture; müs elle se représentait tant d'obstacles a ce dessein, que ne pensant point y pouvoir jamais réussir, elle se contentait d'observer la solitude pour elle-même, autant que l'obéissancc le lui permettait, et elle remettait a la divine Providence de la donner, quand il lui plairait, ii tout le monastère.
Une nuit, il lui sembla entendre une voix qui lui reprochait sa negligence ii rechorcher ce bi(Mi pour
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6 CHAP1TRE PREMIER.
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toute la communauté, et è mettre en execution l'ins-pirationque Dieu lui avait donnée. Seveiliant k cette semonce, elle se sentii intérieurement si fortement éprise du désir de la clólure, qu'elle ne put s'eropè-cher de le declarer au R. P. Pierre Marchant, pour lors custode de la province el lecteur en théologie au couvent des Récollets de Gand. Ce religieux ne donna pas tout d'abord dans le sentiment de la soeur Jeanne, mais il différa prudemment de dire son avis, pourre-connaitre par d'autres indices, si cedessein venait réel-lement du ciel. II éut a eet effet plusieurs conférences avec elle; il reconnut la fermeté do son jugeraent, la ferveurde sou zble, et la disposition de plusieurs reli-gieuses du raême monastère a la suivre dans cette en-treprise; ce qui lui fit juger que cette inspiration venait duciel.Ilsechargea en conséquence detre leur intermédiaire auprès des Révérends Pères de la province, pour demander la clóture et la réforme de ce monastère.
II faut ici rendre justice a la mémoire de ce R. P. Pierre Marchant (i) qui a illustré l'Ordre de saint
{lt;) Pierre Marchant, né a Couvin, dans l'ancienne principaulö de Liége, l'an 1585, se fit récollot et se distingua par sa science
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CUAPITRE PREMIER.
Francois de plusieurs très-beaux et très-richés monuments de piété et de doctrine, en constatant que non-seulement la cloture et la réforme du monastère de Saint-Jacques k Gand, mais que généralement toute la congrégation des religieuses récollectines doit son origine et son étendue aux soins, au zèle et k la piété de ce digne religieux. G'est lui qui a planté cette
et sa régularité. U fut élevé aux premières charges de son ordre dans l'Alleiuagne, les Pays-Bas, les lies brilanniques, etc. II est le fondateur de la province dite de Saint-Joseph dans la Flandre et le principal auteur de la réforme des Franciscaines avec Ia vénérable soeur Jeanne de Jésus, nommée Neerich de Gand. Geile congrégation est connue sous le nom de Réforme des Soeurs Franciscaines de la I'énilence de Limbourg qui fut approuvée par Urbain Vlll l'an i63i. Get homme plein de zèle pour la discipline religieuse, mourut a Gand le 11 novembre 1G6I. On a de lui. 1quot; Expositio litteralis in rcgulam S. Francisci, An vers 4631 in-80. 2quot; Tribunal sacramentale, Gand 1643, 2 vol. in-fol. et un lioisième imprimé a Anvers en 1650, théologie aujnurd'hui oubliée, qui renfei me plusieurs choses plus pieuses que solides, entre autres le traité, Sanctificatio S. Joseph in ulcro qui a été aussi imprimé séparément et condamné a Rome le 19 mars 1633, comme il devait nécessairement l'être. Les constitutions de la congrégation des religieuses qu'il a établies, etc. (Feller)
Son frère Jacques, doven et curé de Gouvin, est l'auteur du Hortus pastorum, qui a été réimprimé a Paris, il y a quelques années.
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8 CHAPITRE PREMIER.
vigne daus le jardin de Jésus-Christ, c'est lui qui l'a arrosée el cultivée; grace a ses soins el a la bénédic-tion du Seigneur, elle a produit abondamment des fruits de graces el de salul que les Anges ont empor-tés, et scrvis sur la table du Paradis.
CHAPITRE DEÜXIÈME.
Jeanne est élue supérieure : opposition contre la cloture; clle abdique; niesuies prises par les supérieurs. — Souffrances de soeur Jeanne. — Le petit chapelet de la Passion.
Le'R. P. Pierre Marchaut qui avail usé de tons los tempéraments convenablcs, pour juger sainement ce qu'il y avail de bon el do jusle dans le dessein formé par noire soeur Joanne, d'inlroduire la clólure et d'opérer la réforme de son monastère, a quoi le plus grand nombre des religieuses, nolatnmeul los jeunes professes étaienl bien disposées, ne manqua pas den informer 1c R. P. Provincial. On délibéra sur les moyens d'y réussir, et ou jugea qu'il fallait avertir la comnmnaulé asscmblée on chapitre, (gt;1 signifier aux scours, que les chefs de la province trouvaiont bon pour le plus grand bion de ce raonas-
CHAP1TRE DEUXIÈME.
tere, et pour conduire plus sürement les religieuses ü la perfection de leur état, d'y établir la clèture, et qu'ü eet elfet i)s donnaient libre élection d'une mère supérieure qui pöt seconder en cela le dessein des supérieurs de l'ordre,
Celte proposition fut regue diversement de la com--munauté, qui était loin d'ètre unanime dans sa manière d'envisager cette affaire. Les religieuses qui aimaient la vie retirée, qui considéraient la clóture comme le veritable inoyen de se délivrer d'une infinite de distractions inevitables, en mettant de cóté le commerce avec le monde, et qui regardaient Ia clóture comme une échelle pour monter k Dieu, accueillirent cette offre avec bonheur. Celles au contraire qui avaient des rapports avec les personnes du siècle, et qui se repaissaient volontiers des affaires du monde, regu-rent cette communication avec beaucoup de repugnance ; elles se plaignirent, et murmurèrent contre le projet. Mais elles allerent plus loin encore. Après la reception des suffrages, le Provincial déclara que soeur Jeanne était élue canoniquement mère supérieure ; il ratifia sur le champ son élection, ordonnant
i tonte la cominunauté de la reconnaitre et de lui
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CHAPITRE DEUX1ÈME. 11
obéir comme k lour véritable et légitime supérieure. La préférence et l'autorité du R. P. Provincial arrê-tèrent, pour lors du moins, les plaintes et les mur-muresdesmécontentes,qui pourtant firentdéjïi grand brult apramp;s le depart de ce Réverend Père. Mais, loi-squ'elles le vireut fermement résolu ii maintenir réioction faite, et a prftter raain-forto k rexécution du dessein de cloture, elles employèrent tous les moyens imaginables pour l'empêcher. Elles lui écrivirent k eet effet plusieurs lettres, oü les prières et les remon-trances ótaient également fortes; elles solllcitèrent plusieurs religieux de s'intéresser a cette affaire;elles suscitèrent leurs parents, leurs amis et les personnes ies plus qualifiées de la ville de Gaud, pour agir pres du R. P. Provincial et le forcer moralement k rapporter 1'ordonnance de la cloture, qu'elles appe-laient leur enfer, leur torture, leur désolation et la ruine totale de leur monastère. C'est ainsi que, sous prétexte d'une dangereuse liberté, on traverse les bons desseins d'une heureuse captivité : la prudence de la chair contrarie toujours la prudence de l'esprit, et les enfants du siècle veulent prévaloir sur les enfants de lumière.
CHAP1TUE DEUXIÉME.
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L'afïaire n'en resta pas la. Des religieusos d'autres monastères qui pouvaient s'attendro au même sort, si le projet de cloture réussissait, se joignirent a ces mécontentes et vinrent assaillir la nouvelle Mère, soeur Jeanne, et celles d'entre ses compagnes qui étaient de son sentiment. Elles leur objectèrent avec des paroles pleines d'aigreur et do mépris, le lort qu'elles prélendaient être fait a lour propre convent, qui, disaient-elles, avait subsisté honorablemont de-puis le temps de la fondation et qui était resté jus-qu'alors sans cette clóture : elles appuyaient sur le prejudice que cette nouveauté allait causer yplusieurs autres convents de même condition, qui scraient bouleversés, brouillés, divisés par de serablables ré-formes, si on venait Ji tolérer celle-ci : enfin elles leur représentaient qu'elles seraient la cause de tous les inconvénients et de toutes les offenses qui se com-mettraient contre Dieu et le prochain, tant chez elles, que partout ailleurs, si elles continuaient a poursuivre la réalisation de leur dessein. Chacune de ces paroles était dite avec des emportements de colère. On salt, et TEcriture-Sainte l'affirme d'ailleurs, que cette passion est exlrêmement violente chez les femmes,; celles
CHAPITUE DEliXlÉME.
(lont il est ici question se faisaient un droit de leur opinion et une justice de leur fantaisie.
C etait une tache bien facile pour le R. P. Provincial de persuader aux persounes qui n etaient point aveuglées par la passion ni éblouies par des préjugés, que la cloture est un bienfait pour les monastères; quelle préserve les religieuses de beaucoup de dangers ; quelle les délivre d'une foule d'inquiétudes, et quelle les aide puissamraent a servir Dieu avec plus de tranquillité; mais il lui était difficile de tirer de Terreur celles qui s'étaient mises en têteque la clóture ost un jong pesant ajouté aux obligations de leur pro-fession, une pénible captivité qi;i les rend aussi malheureuses que les malfaiteurs gémissant dans les prisons, ou que les esclaves regrettant leur liberté dans les galères. Voyant done que le R. P. Provincial ne voulait point rapporter l'ordonnance qui prescri-vait la clóture, les mécontentes s'adressèrent au R. P. General. Elles lui portèrent leurs plaintes par une supplique, qui était signée du plus grand nombre des anciennes et de quelques autres qu'elles avaient dégoütées de la clóture et attirées a leur sentiment.
Elles lui remontraient, dans cette pièce, qu'étant
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CHAPITttE DELX1EME.
u
religieuses professes dun monastère qui n'avail jamais été sujet a la cloture, elles demandaient de pouvoir y vivre selon les anciennes couturaes et sur le pied de la première institution, qui permettait aux religieuses de sortir de leur monastère, soit pour demander laumóne, soit pour autres causcs dépendantes de la volonté de la Mère supérieure. Elles opposaicnt qu'en s'engageant par voeu a suivre la règle, elles n'avaient point entendu s'obliger ü la cloture; qu'on ne devait par conséquent point exiger d'elles au-dela de ce qu'elles avaient voué; que c'était la la raison pour laquelle elles n etaient devenues ni Bénédictines, ni Clarisses, ni Carmélites, voulant ainsi sauvegarder leur liberté de pouvoir sortir quelquefois du monastère et de converser avec le monde, sauf la permission de la Mère supérieure. Pour ces causes, elles con-cluaient k la cassation de l'ordonnance du Provincial, et au maintien de l'ancienne liberté, dont on avait usé dans le monastère. Le R. P. Général qui était alors a Rome, renvoya cette supplique k son commis-' saire pour les provinces des Récollets de Flandre et d'Allemagne; c'était en ce temps-lè le Révérend Père André a S,oIo, Espagnol, confesseur de la Sérénissime
CHAPITI1E DEUXIÈME. 13
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Infante Isabelle d'Autriche, princesso soHvorainc des Pays-Bas. Le général lui commaudait do se transporter sur les lieux, d'entendre les parties intéressées, et de faire ce qui était de justice et pour le plus grand bien de ce monastère. Le R. P. k Soto ^raita de cctte affaire avec le R. P. Provincial, puis avec la coin-munauté. Mais les anciennes avaient une si grande aversion pour la clóture, que, quoi qu'il dit, il lui fut impossible de leur en persuader lacccptation. C'est pourquoi jugeant qu'il fallait donner, en attendant, libre cours l'impétuosité du torrent, et attendre l'heure de la divine Providence, pour mettre ce pieux projet a exécution, il pensa aux moyens d'accom-modement. II remontra : que soeur Jeanne ayant été élue Mère supérieure par la voie canonique et légi-time, il ne pouvait la déposer de cette charge, k moins qu'elle n'abdiquat elle-même de son propre mouvement; et que, dans ce cas seulement, il pour-rait donner quelque satisfaction aux plaintes de celles qui refusaient la clóture. Soeur Jeanne ne balanga pas un moment sur ce qu'elle devait faire; elle imita la vertu de saint Grégoire de Nazianze qui, dans une occasion semblable, renon§a h rarchevèché de Gons-
CHAPITRE DEL'XIÉME.
tantinople, en disant dans lassembléedespontifes ; « Si cette tempête est suscitée a mon sujet, qu'on me jette dans la mer ainsi que Jonas, afin que vous soyez en repos. » La soeur Jeanne se mit a genoux, remit les sceaux et les clefs de sa charge entre les mains du R. P. Commissaire et renonga généreuse-ment a la supériorité du monastère. Le Commissaire rétablit l'ancienne supérieure en sa place, et il accorda aux religieuses la liberté de sortir de la maison comme ci-devant, avec défense toutefois d'y obliger soeur Jeanne, et celles qui voudraient, comme elle, garder la cloture. Puis, il donna secrètement la permission au R. P. Marchant de procurer, quand il trouverait bon, une autre demeure k la soeur Jeanne ct aux autres soeurs qui partageaient ses sentiments, pour y vivre paisiblement, et pour observer fidèle-ment la regie avec obligation de Ia cloture et de la réforme quelle s'était proposée.
Ainsi se termina cette affaire. Cependant la bonne soeur Jeanne entra dans une position douloureuse : car, la Mère rétablie, et les anciennes qui se faisaient gloire d'avoir réussi dans leur prétention, prenaient aussi plaisir a exercer la patience de la pauvre soeur
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CHAP1TKE DEl'XlKMi:. 17
par des mépris, des repi'ochcs et des humiliations. La bonne religieuse de soa cóté supportait ers ignominies avec beaucoup de souniission et d^ eonfiance, regardanten tout cela la main de Dieu,qui ménageait toutes cos épines pour son salut. Elle s'éleva de plus en plus ïi la cont(!iiiplation di'S sou ff ra noes du Sau-veur, et ce fut en ces jours d'angoisses qu'elle se forma un petit chapelet do devotion sur les mystères de la sainte Passion du Rédempteur, devotion qui passa depuis a toutes les maisons religiouses des Hécollectines, ou ou la continuaiten récitant ii haute voix ce pelit chapelet tous los matins dans l'ouvroir commuTi.
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J. Dl- JKS,
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CHAPITRE TROISIÈME.
Elle élablil la cloture et la léforme hors de son monastère. — Madame de Malcspinu fait :ion d'une maison a Lirabourg. — Départ de Jeanne avecqualrecompagnespourcette ville.— Allocution de la Mère Jeanne a ses filles. — Rfeumé des constitutions approuvées par Urbain VIII. — Premiers succes.
II n'y a point de bonne entreprise qui ne soit tra-versée soit par malice soit par ignorance. Si on voulait abandonner la poursuite de tout ce qui ne plait pas aux yeux du monde, il faudrait renoncer tout h fait k la vertu. Les mépris, les humiliations, les persecutions en sont la pierro de touche. Dans les rencontres difficiles la vertu imaginaire défailïit, tandis que la vertu solide s'épure conime lor dans le creuset; car, comme celle-ci n'agit pas. pour complaire aux hommes ni pour gagncr restimc du monde, elle ne
20 CHAPIÏRE TR01SIÊME
se rebute pas non plus pour les mépris qui ne font que la rapprocher de Jésus souffrant, elle s'en réjouit même, car elle reconnail, dans la croix, le cachet des ceuvres de Dieu. La bonne sceur Jeanne ne crut pas son pieux dessein anéanti a tout jamais par le changement que le R. P. Gommissaire avait fait en son monastère ; mais, encourageant ses compagnes, elle leur dit de même que Gamaliel aux Juifs, alors qu'ils s'opposaient k la prédication des Apötres : « Si mon dessein est humain, je ne me soucie pas qu'il avorte, mais s'il est de Dieu, Dieu lui-même saura le faire réussir, malgré toutes les oppositions du monde. » On ne tarda pas k reconnaitre qu'effectivement Dieu était l'auteur de son dessein par Jes moyens qu'il prépara Lui-même pour le faire aboutir a bonne fin.
line dame très-vertueuse, madame Frangoise de Gaure, veuve de feu le marquis de Malespine, qui habitait Bruxelles, possédait dans la ville de Lim-bourg, une maison assez commode pour servir k letablissement de la nouvelle réforme. Le R. P. Marchant lui fit ouverture de ce dessein, et la supplia d'être la fondatrice de cette pieuse réforme, en en faisant don pour la changer en un monastère. La
CHAPITKE TROISIÉME. 21
noble dame prit du temps pour en délibérer, mais ayant été détournée par je ne sais quel conseiller, de faire cette charitable donation, clle écrivit une lettre de refus, qu'elle ferma, et laissa sur sa table, différant au lendemain pour l'envoyer. Mais Dieu qui est le maitre des coeurs, et qui conduisait cette affaire changea bientót les intentions de cette dame. Elle se sentit tout a coup si fortement touchée de l'esprlt du Seigneur, quil lui semblait que Dieu lui reprochait sa dureté envers ces pauvres religieuses, qu'il avait choisies pour être ses plus fidèles épouses. Ce repro-che suivait la dame partout oü elle allait, et ne lui laissait ni repos ni trêve, jusqu'a ce qu'enfin elle prit elle-mème sa lettre, et Ia jeta au feu. Puis, elle en écrivit une autre, par laquello elle donnait gratuite-ment pour l'amour de Dieu, pour le salut de son ame, de celle de feu son mari, et de ses parents, sa maisou de Limbourg avec le jardin et le terrain adjacent, pour en batir un monastère de religieuses cloitrées de l'ordre de Saint-Francois. Le R. P. Marchant qui était chargé du soin do cette nouvelle réforme alia lui-mêtne la remercier au nom des pauvres Récoüec-tines, et les lettres dc donation ayant été ensuite
22 CHAPITRE TROISIÈME.
expédiées en forme (i), il passa k Limbourg, et fit disposer une chapelle et un autel dans ladite maison, qu'il mit en état de recevoir et de loger des religieu-ses (2). Cela fait, il revint U Gand, ou il trouva sceur Jeanne et quatre autres religieuses du même convent résolues d'aller demeurer dans ce nouveau cloitre, afin d'y observer la réforme et les constitutions qu'il lui plairait de leur donner. II leur indiqua le jour de
(1) Voir l'acte de dnnalion dons les pièces justiflcatives nquot; I.
(2) Dans les manuscrits qui ont été mis a notre disposition nous trouvons la description suivante du mouastère de Lim-boug, tel qu'il était, lors de l'iucendie de 1703. EUe fut faite par le bourgmestre Carondelet en 1721, aidé de deux experts : ils déclarèrent « que les religieuses Récollectines avaient possédé a Limbourg un couvcnt consistant en un batiment de 160 pieds ou environ de Umgueur, de 21 pieds de latgeur, une dglise de 60 pieds de longueur et de 24 en largeur, un autre batiment ou école ct quartier de pensinnnaires de 45 pieds en longueur et do 20 en largeur, saus y comprendre deux portes cochères, une autre ailc de batiment ou était l'inGrmerie, longue de 25 pieds et large de 20 pieds; un autre baliment oü était la brasserie et Ie moulin a bras loog, de 35 pieds de long et 18 de large; un autre batiment derrière et bali sur piliers servant a mettre le chauffage etc.; un batiment pour les Pater long de 28 pieds et large de 16, tnus les dits édifices hauts de 30 pieds, couverts d'ardoises. Tou§ les dits bailments valaient en les eslimant sur
CHAPITKE TR01S1ÈME. 23
leur dépJi't, et les pourvut de tout ce qui était nécessaire pour aller a Limbourg.
Ce fut le 16 septembre 1623 que cinq religieuses du rnonastère dit de Saint-Jacques, savoir ; soeur Jeanne de Neerich, qui fut nominee Jeanne de Jésus, soeur Framboise de Sainte Marie, dite Verhelot, soeur Marie de Saint Bonaventure, dite Backe, soeur Catherine de Saint Antoine de Padoue, dile Malkram, et
un pied fort modique, 10,000 feus. Le jardin pouvait avoir 50 verges d'étendue. » Aujourd'hui il ne reste plus rien de l'an-cien couvent qu'une muraille dans laquelle se trouve encore une fenêtre et une croix sculptée en relief sur une pierre.
L'église paroissiale de Dolhain conserve encore un tableau qui représente la Sainte Vierge apparaissant a Ia Mère Jeanne de Jésus. La Mère de Dieu entourfe d'anges et portée sur des nuages tenant l'enfant JOsus sur ses bras est vêtue en costume de Péni-tente Récollectinc : voile noir, scapulaire, manteau et habit bruns, les instruments de Ia passion en noir sur le scapulaire, une couronne d'épinessur sa tête, des sandales aux pieds. L'enfant Jésus présente une couronne d'épines a la Mère Jeanne qui, pertant son ancien costume et le voile blanc, est prosternée aux pieds de la Vierge. On Ut sous cette représentation : « Voila comme Ia sceur Jeanne de Neerich estait lorsqu'elle est venue è Limbourg en 1623. » Sous i'image de la Sainte Vierge on lit ces mots : « Et voila comme la Sainte Vierge lui a apparue avec l'habit des Récollectines. » (V. Ia gravure).
24 CHAP1TRE TnOISlÉME.
sceur Jeanne do Saint Bernardiu, dite eneere, partirent de Gand par obedience du R. P. Pierre Carpin, Provincial des Récollets de Ia province de Flandre, sous la conduite du R. P. Pierre Marchant, custode de la même province, et comrnissaire spécia-lement k ce député, lequel était accompagné du R. P. Matthias Hauzeur, lecteur en la sainte théologie. La petite colonic arriva a Limbourg la veille de saint Matthieu du même mois : le R. P. Marchant dit le lendemain, jour de Ia fète, la première messe dans l'humble chapelle qu'il avait disposée a eet effet.
Notre soeur Jeanne qui avaitété nommée supérieure de ce petit troupeau, entra dans cette demeure avec une ferveur toute nouvelle, et, connaissant combien il importe de bien commencer, et de prendre un boa pied en entrant en religion, pour que cetle démarche soit de durée, elle adressa cette petite exhortation k ses sceurs: « Or sus, mes bonnes seeurs, leur dit-elle, voici venue I'occasion tant désirée de vous et de moi, pour pouvoir servir Dieu seul. Nous voici maintenant dans la maison du Seigneur, et dans l'agréable retraite que nous avons recherchée avec tant d'ardeur. La servitude d'Egypte est finie, les liens du sièdo
CHAPITISE ÏU0IS1ÊMF.. 2o
sont brfsés et nous voila heureusemont délivrées des conversations et do toutes les occasions qui pouvaient nous éloigner des embrassementsdu crucifix: l'Epoux céleste nous a fait la faveur de nous conduire dans cette agréable solitude, pour nous parlor au ceeur; et après nous avoir fait passer la mer orageuso du monde, il nous a conduites en ce lieu comme dans uu port de salut. Maintenaut cette demeure nous doit ètre un ciel; la pauvreté y sera notre partage, la chas-teté notre joie, la patience notre espérance et Jésus noire amour. Void que toutes choses sont nouvelles; il nous faut mourir au monde, a nos passions, mourir en tout au vieil Adam, afin que notre vie soit cachée en Dieu, avec Jésus-Christ, notre Seigneur. »
L'odeur des vertus de ces bonnes ames embauma bientót la ville et le duché de Limbourg et tout le voisinage. Plusieurs demoiselles de bonne naissance attirées par le parfum de leurs vertus, vinrent se présenter pour vivre en la compagnie de ces religieuses vraiment pauvres en biens temporels, niais riches en biens celestes. Quelques-unes demand^rent même a pouvoir devenir leurs commensales, d'autres a ètre admises comme novices, et en moins dun an on vit
j. de JÉS. r.
26 CHAPITRE TR0IS1ÉME.
cetto maisou loute remplie de filles religieuses, novices et coraraensales ou pensionnaires, qui par rhonncteté de leurs mceurs, par la ferveur de leur dévotion, et par la pureté et Tinnocence de leur vie, représentaient parfaitement un choeur d'Anges.
Le R. P. Marchant qui était leur directeur, leur laissa pour regie ccllequ'elles avaientdéjk embrassée, savoir celle du Tiers-Ordre de Saint-Fran?ois, con-tenue en dix chapitres, approuvée et confirmee par le pape Léon X k laquelle il ajouta des constitutions pleines de l'esprit de Dieu, et terapérées avec beau-coup de discrétion. Ces constitutions elles-raêmes furent approuvées et confirmees par une bulle du pape Urbain VIII, sous la date du 15 juillet 1634 (i). Nous faisons suivre le sommaire des constitutions rédigées par le P. Marchant et approuvées par le Souveraiu Pontife.
Pour le spirituel: pureté de cocur, pauvreté d'es-prit, mortification du corps, charité mutuelle ; ces vertus sont en quelque sorte comme les quatre
(!) Voir le Bref du pape Urbain VUI porlant confirmation des constitutions des Récolleclines (dans l'appendice).
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CHAPITRE T110IS1È.ME. 27
éléments do cette congrégation, les qualre piliers sur lesquels l'édifice spirituel repose. La dévo-tio,n au divin office, la fidélité ii Fouvroir, la retenue dans les paroles, la patience dans les maladies, 1'obéissance simple, la confession courte et claire et la communion fervente font l'esprit de cette religion.
Pour le temporel: lessceurs ne possèdent ui rentes, ni maisons, ni terras, ni métairies. Les parents de chaque religieuse professe s'obligent, cux et leurs hoirs, de donner chaque année cent florins au mo-nastère en forme de rente viagère, laquelle finit au jour de la mort de la religieuse; de cette rente el du travail de leurs mains, elles se nourrissent et s'entre-tiennent sans quêter ni mendier et sans amasser. Tout ce qu elles ont, estservi en commun par l'adininistra-tion de la Révérende Mère supérieure et des officières; aucune ne possède rien en particulier; elles ont sur-tout grand soin des malades. Elles mangent de la viande trois fois la semaine, amp; savoir ;.les di manches, mardis et jeudis a midi, jamais le soir. Elles pratiquent l'abstinence les lundis, mercredis et samedis; elles jeünent tous les vendredis de l'année. Elles observent trois grands jeüaes ou carémes : le premier, depuis
28 CHAPlïKE TltOlSlÉME.
la te te de Saint-Martin jusqu'a Noël : le second, les quarante jours qui suivent la fète des Rois : le troi-sifcnie est le carême de l'Eglise universello.
Le divin office, la meditation, le travail manuel, le repos et la refection sont tellement ménagés, que les sceurs sont deux heures de unit et quatre heures de jour a l'oratoire : trois heures du matin, et trois heures de laprès-midi a l'ouvroir comvuun : le raste du temps est pour le repos, les repas, pour leur dé-votion ainsi que pour leur petit travail particulier.
J ai voulu donner cette idéé générale et succincte de la fac^oii de vivre de cos religieuses, pour faire mieux connaitre les vertus et les saintes pratiques de notre sceur Jeanne de Jésus, sa fidélité dans l'obser-vance réguliere, et son zèle pour introduire ce mème esprit tant dans le couvent de Limbourg, que dans tons ceux quelle a fondés on réformés depuis.
Après que les cinq religieuses venues de Gand curent séjourné un au dans leur nouveau couvent, séjour qui fut pour elles comme un second noviciat, elli's lirent toutes une seconde fois profession de la régie du Tiers-Ordre de Saint-Fran^ois, et des trois vceux essentiels, y ajoutant le veen de cloture per-
CHAPiïltE THOISIKMK. 29
pétuelle : et elles piirent le noin de Récollectixes, tant pour faire connaitre leur dépendance des Pères Récoüets, que pour marquer l'espril de leur congregation, qui est la Recollection de leur üme, de leurs pensees, et de leurs desirs dans les plaies sacre'es du Sauveur, dont elles portent la croix empreinte sur leur scapulaire d l'endroit du cccur.
La ferveur de leur devotion fut si grande que les graces dont Dieu les gratifiait elles-memes, décou-laient jusque sur les jeunes filles pensionnaires; de mème qu'a la première Pentecóle, les dons du Saint-Esprit aecordés aux Apótres se communiquaient mème aux étrangers.
Les premières lilles qui furent vêtues et admises a la profession après Jeanne et ses quatre compagnes, furent les soeurs Angéline de Sainte-Marie, et Marie Claire de Saint-Francois; cette dernière était la soeur germaine du R. P. Marchant. ïoutes les deux. allèrent quelques années après leur profession en qualiló do supérieures, propager ia congregation en d'autres lieux.
J. DE JÉS.
CHAPITRE QÜATRIÈME.
De sa mortification, ct com ment ello y exergait ses filles — Epreuye que les sceurs appelaient leur Purgatoire. — Don du discernement des esprits.
Bien des gens raisonnent de la mortification, mais cette vertu a plus d'admirateurs qui la louent et qui la prêchent, que d'imitateurs qui la pratiquent. Je laisse amp; chacun la liberté d'en discourir comme bon lui semble; pour moi, je pense que, comme la chasteté est la mortification de la chair, de même aussi l'hu-milité est la mortification de l'esprit. Nous avangons autanl en ces deux nobles et angéliques vertus, que nous nous appliquons amp; mortifier ^ Ia fois notre chair et notre esprit. Les jeünes, les veilles, la pauvreté, la nudité des pieds, la fuite des conversations avec
32 CHAPITRE QÜATIUÉME.
des personnos de sexe différent, la retenue des yeux et des oreilles, en un mot, toni co qui contrarie ou retranche les plaisirs du corps, sontautant de moyens de conserver la chasteté; d'un autre cöté, le renon-cenient a nos sentiments et a iios inclinations, le renversement de nos desseins et de nos espérances, la honte, la confusion, la découverte de nos faiblesses ou de nos malices, les moqueries, les mépris, les injures regues avec patience humilient l'esprit, et lui font perdre l'amour-propre ou du raoins ils en rabat-tent beaucoup. Selon ce principe, qu'on peut aisé-ment tirer de saint Paul, et mème des saints Evan-giles, la force de la chasteté est dans Taffliction de la chair, et la vertu de rhumilité dans la mortification de l'esprit; il faut ajouter que 1 application a ces pratiques constitue la vie purgative et le vrai fondement de 1 elat religieus. La soeur Joanne de Jésus, nouvelle supérieure de la jeune familie religieuse de Lim-bourg, s'y est exorcée avoc courage et mème avec grande générosité (i). EUe a recherché a la fois los
(1) La première supérieure de Rurcmondc écrivail sous la date du 27 novembre IGOO sur la vénérable fondatrice : « F.lle seute
CHAPITRE QliATRlÉME. 33
moyens d'afïligcr la chair, de mortifier l'esprit, de tromper les sens, et do corriger la nature. Elle la fait non-seulemont en sa propre personne, raais aussi en celles de toutes ses filles. C'ótait principalement pendant leurs premières années qu'elle les cxergait de la sorte, pour les fonder dans la vertu, selon cette parole de saint Paul : « Ceux qui appartiennent a Jésus-Christ ont crucifié leur chair avcc ses vices et ses convoitises. »
Elle sut si bien réprimer la sensualité du goüt, qu'elle ne faisait point de discernement des viandes, également contente du poisson doux et salé, du pain, des ceufs, et des légumes ; elle prenait sa réfection fort frugalement, et on peut dire qu'elle imitait en cela la Bienheureuse Vierge Marie, qui, d'après saint Ambroise, se servait do la nourriture, non pour satisfaire au plaisir du goüt, mais uniquemont pour
sait ce qu'elle obtint touchantles vceux au Saint-Esprit. Elle m'a dit les avoir fails; je les ai vus par écrit; selon que la mémoire me donne; il y avait cinq points, dont l'un était de suivre toutes les bonnes inspirations qu'elle rcoevrait: le reste m'est échappC. Elle eiU bien voulu, et me sullicitait a les faire, mais je me sentais trop faible a cela »
34 CHAPITRF. QCATRIÉME.
consener sa vie. On peut dire la luême chose de son sommeil ; son corps reposant, son esprit veiliait : car alle connaissait Ie mérite des veilles, qu'un saint Père appello une boutique spirituelle, oü lame re-cueillie en elle-mème s'exerce par prudence a preparer tout ce qui est a faire, et k corriger ce qui a été mal fait. Elle élait fort affectionnée a la pauvreté qui la rendait une digne fille de saint Frangois, le pa-triarche des pauvres ; elle la fit toujours paraitre dans sa nourriture, dans son vêtement, et dans le peu d'objets qu elle avail a son usage, et ne cessa d'en inculquer le plus grand amour a ses filles.
Elle était ennemie des visites et des entretions avec des personnes séculières, amp; moins que ce ne fut pour traiter de choses spirituelles. On la voyait fort rare-ment au parloir, et, si elle y allait quelquefois par obligation de sa charge, elle parlait peu, et elle le quittait bientót; elle faisait dire que les affaires du monde ne se traitent pas bien dans des parloirs de religieuses. Que si quelques personnes spirituelles venaient lui parler des moyens d'aller ü Dieu, et d'avancer dans la perfection, elle s'affectionnait fort k leur entretien, et comme elle avait une grande
CHAP1TIIE QUATRIÈME. 3b
adresse k cacher les graces que Dieu lui faisait, elle se inontrait toujours plus prompte et plus désireuse d'apprendre, que d'enscigner les autres. Telles furent les gardes et les garanties de sa chasteté, qu'elle a heureusement conservée, intacte tout le temps de sa vie. Rien done de surprenant, si elle a mérité de .recevoir des faveurs extraordinaires de l'Epoux cé-leste, qui lui est apparu sensiblement plus d'une fois, ainsi qu'elle l'a déclaré a plusieuis confidentes, et comme nous le dirons en son lieu. Bienheureux ceux qui out le cceur pur, car ils verront Dieu.
Quant a la mortification de l'esprit que nous met-tons daus 1'humilité, voici comment elle s'y prenait; elle fuyait de tout son possible les occasions, Ik sur-tout oü elle prévoyait qu'elle pourrait recevoir quel-que honneur, ou entendre quelque discours k son avantage : et elle disait qu'il valait mieux faire pa-raitre au dehors la misère et les défauts qui sont en nous, que de faire des actions qui pourraient nous acquérir l'estime et l'applaudissement du monde, paree qu'il y a toujours du danger, que la vanité ne se glisse dans telles sortes d'actions, et qu'elle n'en pervertisse toute la bonté, a moins que la découverte
36 CIIAI'ITRK QUATItlÉME.
de nos propros faiblesses no nous ait solidement rtabli dans rhumilité. C'est pour cela quelle n'ap-prouvait point, qu'on fit des bonnes ceuvres préci-sément avec l'intention de bien édifier le prochain, de crainte de tomber par la dans la vanité.
« Cherchons, disait-elle, cherchons avant tout dans nos ceuvres h i)laire k Dieu et k accomplir en nous sa sainte voionté, et laissons a sa divine Providence de faire profiler le prochain par les moyens quil lui a préparés Lui-mème, soit par nous, soit par autrui. »
Quoiquelle aimat bien toutes ses soeurs, elle se niettait pourtant volontiers auprès de celles, envers lesquelles la nature avail moins d'attraits et de satisfaction, et clle tkchait de gagner leur amitié par les bons offices qu'elle leur rendait. Elle s'étudiait fort k établir ses filles dans le dépouillement absolu de ramour-propre, et elle leur disait que, pourvu que Dieu ne füt point offensé, ni la conscience intéressée, on ne pouvait faillir en faisant retomber sur soi les fócheuses conséquences ou les mauvais succes de ses entreprises : « La confusion qui en provient, disait-dle, est Ie salutaire antidote k opposer k la vanité;
CHAl'iritK QU.VrniEME.
elle est le sel de l'öme, qui la préserve de la corruption. »
Pour conduire ses filles amp; la mortification de l'esr
prit, elle sondait auparavant la force ou la faiblesse
de leur cceur. Si elle trouvait de la faiblesse dans
quelques-unes, elle les laissait aller doucement et
paisiblement, et elle ne jetait point des épines dans
leur sentier, de peur de les faire reculer, en voulant
les faire avancer au-delk de leurs forces: mais quand
elle rencontrait un de ces coeurs généreux capable de.
supporterla mortification, elle rattachaitlittóralement
k la croix; elle I'accablait de confusion, et le faisait
t
souffrir étrangement. G'est ainsi qu'elle les soumettait amp; une épreuve qui durait ordinairement buit jours, quelquefois deux ou trois semaines, selon qu'elle voyait dans la soeur, qu'elle voulait exercer de la sorte, la force pour souffrir, et qu'elle . pouvaU se convaincre.que cette deraière en i;etirerait du profit, pour avancer dans le chemin de la vertu et pour acquérir de nouveaux mérites. Les religie,uses appe-laient eet exercice leur Purgatoire. G'était, en effet un état de purgation spirituelle, oü l'ime ótait purifiée des méchantes inclinations qu'elle tient de la nature.
J. DE JKS. 4
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38 CHAPITRE QtiATRIÈME.
Elle y mit une fois entre aulrcs la sceur Angélino df Saint-Franrois, quelle aimait beaucoup; elle la fit passer par de rudes étamines ; partout elle la suivait de rceil; elle tirait de toutes ses actions en ce temps-la, voire même de presque chacune de ses paroles, des occasions de l'humilier, et de la confondre, ce qua la pauvre fille souffrit avec une patience exem-plaire. Sceur Eléonore de Sainte-Marie eut aussi sa bonne part k eet exercice. Comme cette fille avait encore conservé beaucoup de l'esprit du monde, il sembla a la Mere Jeanne de Jésus que cette religieuse consultait plus dans ses actions la prudence huinaine que la prudence de l'esprit. Elle n'avait quun frère, quellelaissait danslemonde; elle avait encore conservé pour luide grands sentiments de tendresse: cette venerable Mère ne cessa d'exercer soeur Eléonore, jusqu'Ji ce qu'elle eut redressé cette prudence, araorti toutes ces tendresses naturelles; elle réduisit ainsi la soeur ce point, que son frère n'eut pas plus de part en son coeur que le reste des hommes. Ges pratiques de mortification devinrent fort utiles amp; soeur Eléonore car commc, depuis, elle eut plusieurs charges, et, attendii qu'elle y rencontra beaucoup de croix, son
ohapitjie qüatriémk. 39
esprit, qui avail déja été bien exercé, se tronva assez fort pour soutenir et pourvaincre toutes les difficultés qui se présentèrent.
Un point qui rendait eet exercice de mortification fort pénible, aussi bien que fort utile, e'etait que cette bonne Mère ne voulait nullement que la religieuse se rebutót pour aucune de toutes ces mortifications ; mais ello exigeait en sus qu'elle fut gaie et d'une, humeur sereiue, et qu'elle conversat avec elle et avec ses compagnes avec la même égalité d'humeur el la mème liberlé d'esprit, qu'en tout autre temps. Enfin eet exercice se terminait toujours agréablenient: car il ne fallait qu'un regard amoureux de cette bonne supérieure pour dissiper toute la peine de ses chères ülles. Parfois elle leur confiait qu'elle avait appliqué toute cette mortification de huil ou de quinze jours pour le salut d'une ame qu'elle connaissait être en péché mortel : une autre fois elle portait sa main sur la tête ou sur la poitrine de la religieuse qui sorlait de eet exercice, et qui se sentait au mème instant allégée de toute sa peine, ainsi qu'il advint è socui-Elisabeth de Saint-Didace et ü plusieurs autres.
Ajoutóns que la Mère Jeanne avait ivqu de Dieu le
CHAPITHF. QUATRIÈME.
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don du discerncmentdes esprits, qui est cxtrêmement utile aux supérieurs pour la bonne conduite de leurs sujets. Car quoique toutes les personnes d'une com-munauté soient appelées au service et ii l'amour de Dieu par une même vocation, et qu'clles soient toutes également obligees a une même regie, destinée k les conduire a la perfection de leur état; cependant, comme la force, le courage, la promptitude n'est pas égale en toutes ces personnes, il est de la prudencc et de la discretion des supérieurs d'appliquer les inférieurs k l'exercice des vertus selon leurs forces, de pousser l'un, de retenir l'autre, et de les aider tons dans la grande affaire du salut, selon la mesure des dons et des graces que Dieu leur a répartis.
CHAPITRE GINQUIÈME.
Elle va fonder un raonastère a Philippeville. — Visite a la marquise de Malespine. — Réception des soeurs. — Inauguration du nouveau cloitre — Vocation extraordinaire de la baronne de Schingen. — La réforme a Edoo, fondations a Fontaine-l'Evêque, a Gouvin, etc.
Les choses étant ainsi établies i Limbourg, et 1c nombre des religieuses s'étant accru, au point que le monastère suffisait k peipe pour les loger toutes, la Mere Jeanne de Jésus projeta Tétablissement d'un nouveau convent. La divine Providence disposa les choses de maniëre que cette fondation nouvelle se fit amp; Philippeville, petite, mais forte ville, située sur les conlins du Hainaut. Les religieuses y furent admises, et la place de leur demeure leur fut assignee par messire Francois d'Oignies, baron de Courrières,
42 CHAPITHE C1NQU1ÉME.
Gouverneur de la dite ville, par acte in-for ma passé par-devant les Bailli, Prévót et Curé de la mème ville, le 10 janvier de Tan 1626. L'Evêque et Prince de Liége qui en était le supérieur ecclésiastique, adressa les pièces nécessaires pour l'admission des Récollectines le 27 janvier de la même année : et Philippe, roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas, donna aussi ses patentes d'octroi en date du 46 raai 1626.
Toutss les autorités inilitaires et civiles ainsi que les habitants de Philippeville, témoignèrent la joie la plus unanime de posséder en cetle ville un couvent de Récollectines, et deux Pères pour leur direction. Ce fut le 29 Aoüt de la même année 1626, que la vénérable Mère Jeanne de Jésus quitta son monastère de Limbourg, pour se rendre a Philippeville avec six compagnes qui furent : Catherine de Saint-An-toine, Marie-Claire de Sainl-Frangois, Elisabeth de Saint-Didace, Marguerite de Sainte-Elisabeth, Agnès de Saint-Junipère, converse, et enfin Dorothée de Sainte-Ursule, encore novice. Elles furent conduites par le R. P. Jean-Baptiste d'Eglin, leur confesseur, qui les mena par Bruxelles. Lk elles visitèrent la
CKAPITRE CIXQUIÉ.ME. 48
marquise de Malespine, leur fondatrice, qui témoigna beaucoup de joie de les voir et d'apprendre que leur institut coinmenQait.déjamp; se propager.
Madame de Tay, femme fort devote, more de madame l'abbesse de Forêt (qui était un monastère de nobles demoiselles de l'ordre de Saint-Benoit k une lieue de Bruxelles), ayantentendu queseptreligieuses récollectines allaient de Limbourg fonder un convent Philippeville, s'écria avec admiration : « Ce sont les sept anges que j'ai vus en songe, ayant chacun une coupe dor en main. » Elle disait juste : car ces sept religieuses étaient des anges de pureté et d'in-nocence, qui rappelaient les sept anges de l'Apoca-lypse portant en leurs mains des coupes dor pleines de parfums qui s'élevaient jusqu'au ciel.
Aussi la suite des temps a-t-clle vérifie cetle vision, car ces sept religieuses récollectines et celles qui les ont suivies dans le couvent de Philippeville ont en quelque sorte embaumé cctte ville guerrière du parfum des plus suaves vertus, et cette bonne odeur s'est répandue dans toute la contrée.
La Révérende Mèro Jeanne de Jésus arriva a Philippeville avec ses six rompagnes, le 6 septcmbre de
CHAPlïRE CINQUiËME.
la même année, et le provincial des Récollets s'y rendit le même jour, pour inaugurer le nouveau cou-vent. Les religieuses furent conduites processionnel-lement k leghse paroissiale, oü le P. provincial chanta la messe solennelle et fit le sermon sur ces paroles des Proverbes si bien adaptées aux circons-tances : Misit ancillas sims ad arcem et ad mcenia. II montra dans son discours qua les gans de bien, dans una ville de guerre, sont pour elle la meilleura garde et la meilleura défense.
• La messe achavée, les sceurs furent reconduitas processionellement è la maison du sieur Burnez, bailli de la ville et auditeur de la milice, oü elles demeurèrent environ un mois, pendant qu'on appro-priait k leur usage une chapella avec un autel, les officinas nécessaires, et de petitas cellules qui na rappelaient pas mal la pauvreté de Bethléem (i). Ges pauvres filles y vécurant fort contantas an attendant
' (1) (I On avail d'abord fait de grandes dépenses, mais la Ré-vérende Mère, zélée pour la pauvreté, fit tout changer et faire des cellules comme vous les avez vues... » (Letlre de la supérieure de Rurcmonde, contemporaine de Jeanne, sous la date du 27 no vembre 1669).
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CHAP1TRE CINQÜIÊME. 45
qu'on leur eüt Mti un corps de logis capable de con-tenir un plus grand nombre de religieuses. Elles eurent pour confesseur le R. P. Gérard Wilmart, hommed'une très-grandepiété et capable de conduire des ames religieuses a la perfection. II employa fort fidèlement le talent que Dieu lui avait donné, et les religieuses profitèrent beaucoup de sa direction, principalement la Révérende Mère qui s'élevait en Dieu de plus en plus, et qui prenaittous les jours de nouveaux accroissements dans les vertus les plus sublimes.
La renommée de ce monastère s'étant répandue par tout Ie pays d'cntre-Sambre-et-Meuse, grand nombre de demoiselles et d'honnêtes filles vinrent y demander l'habit religieux; et Dieu donna une telle grace a la Révérende Mere, que ses paroles, même ses regards, avaient des attraits qui charmaient les cceurs : au point que celles qui avaient le bonheur do s'entretenir avec elle, se sentaient toutos embrasées du feu du saint amour, et du désir de suivre Jésus-Christ en sa compagnie. On peut dire en vérité que cette Révérende Mère apporta le feu du ciel sur cette froide montagne de Philippeville, pour lechauffer et
46 CHAPlïRE CINftUIÈME.
rembraser de ses divines ardeurs. Que d atues glacées se sont fondues a ces feux! Que de cceurs froids se sont réchauffés a ces brasiers! Combien de personnes de toutsexe, do tout ilgc, de toute conditionont profile de ces exemples d'héroïsme dans la vertu!
Madame Jeanne de Crohiu, épouse de monsieur Erasme de Schingen, qui demeurait chez sa soeur, madame la baronne de Roly, a une lieue de Philip-peville, se sentit attirée par eet ascendant. En con-séquence elle délibéra de se faire religieuse en ce monastère, si elle en pouvait obtenir la permission de son raari. Elle lui fit part de ce dessein, mais il la repoussa avec colère et mépris, et la traita de folie et d'extravagante. La dame fit de nouvelles instances plus pressantes : elle alia jusqua se mottre è genoux, et lui demander cette grace Ji mains jointcs; mais son mari la frappa rudement et la menara dun très-mauvais traitement, si elle lui en parlait davantage. Une nuit qu'ils dormaient profondément une religieuse vêtue de l'habit de récollectine apparut ö la dame. Elle lui fit sigue du doigt de venir et de Ia suivre. Madame de Schingen óveille son mari et lui dit : « Voycz-vous, monsieur, cette religieuse qui
CHAPITRE CINftUIÈME. 47
apparait dans ce coin de la chambre et qui m'appelle ?» Monsieur la rebuta derechef, en attribuanl cette apparition a quelque rêve de sa femme. Or un jour que cette dame traversait Philippeville, elle alla chez les Récollectines, et demanda k saluer la Révérende Mère quelle n'avait pas encore vue. A peine l'out-elle apergue qu'elle dit aux personnes qui l'accompa-gnaient ; « Voila précisément cette religieose qui m'est apparue trois fois en une même nuit et qui m'a invitee k la suivre. » Sou désir fut dës lors plus ardent que jamais: elle en fit part au R. P. Marchant, puis k monseigneur Vanderburgue, archevêque de Cambrai, leq'.iel ayant prudemment examiné toute cettn affaire, et reconnu dans les faits une vocation pro-venant du ciel, porta monsieur de Schingen k donner son conscntemant, amp; ce que sa femme se fit religieuse. LTcntréü en religion de madame de Schingen se fit peu après d'une facjon qui édifia tout le monde. Monsieur de Schingen conduisit lui-mème son épouse au couvent, en la compagnie de sa parente et de toute la noblesse des environs; il assista aussi a sa vêture et plus tard a sa profession ; il l'honora tout le reste de sa vie comme sa sceur, el il obtinl de eet acte de
48 CHAPITRE CINQUIÈME.
générosité en vers Dien de grands avantages pour son propre salut. La vie et les vertus de cette dame ont été publiées dans un livre intitule : Soeur Jeanne de Saint-Erasme.
Touscesfeux et cesbrasiersportèrentleurs ardeurs jusqu'k Gand, d'oü les religieuses Soeurs-Grises du monastère d'Ecloo envoyèrent par un corfirnun con-sentemdnt prier la Révérende Mere Jeanne de Jésus, de venir avec quelques-unes de ses religieuses éftiblir chez elles la clóture et la réCorme. Elle y alla avec
deux compagnes, et elle ordonna tout ce qn'il fallait
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pour introduire la réforme et assurer la bonne conduite de ce monastère. Elle s'acquitta de cette charge ^ Tenliere satisfaction de la communauté et revint ensuite chez ses chères filles de Philippeville; elles la relt;jurent avec beaucoup de joie.
Bientot après, ce feu divin continuant ses ardeurs, et étendant ses flammes par tout le voisinage, on lui demanda des religieuses pour fonder dos convents ü Fontaine-rEvêque et a Couvin. Elle acquiesga k cette demande, et en très-peu de temps ces maisons comp-tèrent bon nombre de ferventes religieuses.
Je parlerai dans une autre occasion, de la fonda-
r.HAPlTRE ClNftLIÉMK. 49
tion ou de la réforme d'autres maisons a Liége, a Namur, a Beaumont, ii Auvers, a Grandmont, a Stockem, a Ruremonde, ii Aix-la-Chapelle(i), et daas plusieur§ autres endroits qui doivent leur origine taut a Limbourg qu a Philippeville, et qui ont été com-mencées, avancées et achevées par les soius de cette Révérende Mere. Pendant sa vie, cette congrégation de Récollectincs fut établie dans treize endroits.
Au milieu de tous ces heureux progrès de la congrégation, une ordonnance du Révérend Père Provincial viut enjoindre a la Mere Jeanne de Jésus de quitter Philippeville et de retourner a Limbourg, pour y continuer la charge de Mère supérieure, quelle y avait exercée en premier lieu. Impossible d'expri-mer Taffliction que cette nouvelle causa a toutes les religieuses de Philippeville, qui aimaient leur Mèrc
(I] « Le 28décembre 1645, sept religieuses partirent du cou-vent de Limbourg pour aller occuper urie maison de refuge en la ■ville d'Aiï-la-Chapelle : la Mère vicaire dile sceur Thérèse de Sainte-Anne, soeur Magdeleine de Saint-Adpien, sceur Agnès de Saint-Jean rEvangéliste. soeur Geneviève de Saint-Maltliieu, soeur Paula de Jésus, soeur Ursule de .lésus et soeur Anne de Sainlc-Claire. gt;gt;
SO CHAPITRi; CINQLIËNE.
spirituelle avec plus de tendresse qu'aucune d'ellcs n'eüt jamais aimée sa mère naturelle. La nouvelle de son départ fut comme un eoiip de tonnerre qui fou-droya ce monastère. La fiévérende Mere qui étail parfaitement souraise amp; toutes les dispositions de ses supérieurs, qu'elle recevait comme les ordres de Dieu, obéit aussitöt, et dit adieu a ses filles avec au-tant d amour que de douleur (i). Celles-ei fondant en larmes, lui faisaient les mêmes adieux que les fidèles disciples de saint Martin k leur Evêque, lorsqu'il était sur le point de quitter la terre : « Hélas, chèie Mère, disaiènt-elles, que deviendrons-nous, si vous nous abandonnez? Ayez pitié de vos petits enfants, ct ne les délaissez pas sans aide et sans secours. » La bonne Mère tout émue, pria la Vierge Marie de prendre soin de ses chères filles; puis, se levant de l'oraison, elle leur dit avec grande ferveur, « qu'elle les avait toutes recommandées k la Sainte Vierge ; que cette Mère de Dieu lui avait fait connaltre qu'elle
(lt;) « Le 4 novembre 1637 Ia Révérende Mère fondatrice est revenue de Philippeville en son premier couvent de Litnbour^ avec sffiur Pudentienne de Sainte-Anae, converse. » [Note ma-nusiTtle).
CIIAPITRF, CINQI IÈME. 51
prenail sns fillcs de Philippoville sous sa protection spéciale, et quelle présiderait rlle-mêrno a cette maison. » Cette confidence de la digne supérieure fut reQue avec une si grande satisfaction de toutes les religieuses, que, jusqu'au jour oü une nouvelle Mère supérieure fut établie, on laissaitune place au choeur, dans l'ouvroir, au réfectoire et en général dans tous les lieux de la communauté, que l'on parsemait de fleurs, et que Ton tenait tout particulièrement en respect pour honorer la céleste présidente.
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CHAl'ITRE SIX1ÈME.
Des connaissances ou révélalions ilnnt Dieu favorisa la vénérable sccur Jeanne de Jésus. — Son esprit prophétique. — Discer— nement des esprits. — Don de contemplation. — Scène do jubilation mystique.
II n'y a que Dieu qui connait l'intérieur des hommes ; il lit dans les coeurs, et prédit avec certitude les choses a venir : cependant il n'est pas rare qu'il fasse part de ces connaissances k certaines personnes parmi celles qu'il appelle soit aux grandes charges et dignités ccclésiastiques, soit au gouvernement des ordres ou congregations religieuses ; comme on lit de plusieurs saints évêques, de saint Francois, de sainte Brigitte, et de plusieurs autres personnesd'une vertu extraordinaire et d'un mérite éminent. Ces hautes et sublimes connaissances n'ont pas manque J. UK Jlis. 5
CHAP1TRE S1X1ÉME.
a uotre vénérable Mère Jeanne. Les mémoires de sa vie en signalent de trois sortes.
1°. Elle a connu etprédit plusieurs choses a venir, qui sont effeclivementarrivées au temps et de ia fa (jon qu'elle l'avait prédil. 2°. Elle a connu rintérieur do plusieurs de ses filles religieuses, Dieu lui révélanl ce qui so passait dans leurs cceurs. 3quot;. Elle a connu plusieurs mystères divins par de hautes contemplations et de grandes élévations de son esprit en Dieu. Lorsqu'elle passa par Bruxelles avec les six compa-gnes, qui lui furont données pour aller fonder le couvent de Philippeville, une demoiselle qui était de la connaissance de Tune des soeurs de cette compagnie, vint la saluer. La Révérende Mère Jeanne de Jésus l'ayant envisagée, lui demanda de bonne grace si elle voulait devenir religieuse et venir en leur compagnie, ajoutant qu'elle lui accordait la place. La bonne demoiselle, qui ne songeait alors rien moins qu'ii se fairo religieuse Ten remercia courtoisement: mais la Révérende Mère lui repartit : « Vous ne voulez pas accepter la place aujourd hui que je vous la présente; un jour viendra, oü il vous faudra beau-coup prior pour l'obtenir. » Ce qui arriva effective-
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CHAP1TRE SIX1ËMK.
ment, car quelque temps aprés cette mème demoiselle alia è Philippeville, et dut prier la Révêrende Mère avec beaucoup d'instancos pour obtcnir son admission dans la congrégation. Cette faveur lui fut enfin accordée et elle fut nommée sceur Eléonore de Sainte-Marie. C'est de cette même sceur qu'il est fait mention au chapitre quatrième.
A l'arrivée de la petite colonic a Braine-le-Chèteau, nos religieuses logérent chez la parente d'uned'entre elles. La Révérende Mère regardant par la fenètre apergut non loin de la quelques jeunes demoiselles. Elle fit remarquer qu'ello en aurait un jour une dans sa congrégation. La prediction fut vérifiée en la per-sonne de sceur Agnès de la Sainte-Croix qui était alors la plus jeune de toute cette assemblee de filles, et qui fut admise vingt ans plus tard an convent de Philippeville. Et, avant d'y entrer, elle alia dire adieu k cette bonne dame qui avaitlogé jadis les religieuses; celle-ci toute ravie de joie et detonncment secria : « Mon Dien ! il y a vingt ans que j'ouïs la Révérende Mère Jeanne de Jésus dire qu une fille de la compagnie oü vous étiez deviendrait un jour religieuse dans sa congrégation et je vois avec bonhcur que sa
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prédiction s'accomplit aujourd'hui en vous! » Après cétte exclamation, elle la félicita avec effusion.
La Mère Jeanne de Jésus consola un jour une pauvre femme de Couvin, dont la füle Sgéc de dix k douze ans était perdue depuis un au, sans qu'elle en eüt recju la moindre nouvelle : elle encouragea cette femme k avoir confiance en Dieu, ajoutant que, dans trois semaines, elle reverrait sa fille bien-aimée; ce qui arriva k la lettre le dernier jour des trois semaines dont elle parlait.
Les connaissances que Dieu donnait k la vénérable Mère Jeanne de Jésus étaient surtout avantageuses pour la conduite de ses religieuses : elle découvrait k ses filles leurs pensées, leursdésirs, leurs passions, leurs inclinations, comme si elle eüt été dans leur kme, et y eüt vu tout ce qui s'y passait. Soeur Angé-line, sceur Eléonore, soeur Elisabeth et plusieurs autres en ont rendu témoignage. Pource qui concerne cette dernière, elle fut tourmentèe d'une tentation qui l'affligeait beaucoup; et ce qui augmentait encore sa peine, c'était la circonstance que la confiance lui manquaitpour en faire la déclaration k sa supérieure. Mais la bonne Mère connut cette tentation; elle fit
CHAPITKE SIXiKME.
venir la socur Elisabeth : « Regardez-moi, » lui dil-ellc; ce que la religieuse ayant fait, la Mere toucha son scapulaire ii l'endroit du canir, et le sccoua do la main comme l'on ferait d'uue étoffe qui est chargée de poussièrc; puis elle lui dit: « AUez, voila que tout est passé, remerciez-eii Dieu 1 » En effet, la religieuse se sentit a Tinstant delivrée de toule sa peine.
Soeur Angéline se laissa un jour aller ii plusieurs jugements témérairesquelle fit sur une de ses soeurs, la réputant indiscrete, désobéissante, et paresseuse k remplir sa charge ; elle en murmurait intérieurement sans en donner pourtant aucun signe au dehors. La Révérende Mère l'appela et lui dit; « Comment pré-sumez-vous de juger ainsi votre soeur? Ne craignoz-vous pas que le mauvais jugement que vous en avez porté, retombe sur vous-même? » Cette pauvre fillc se prosterna aussitót, confessa sa faute, et demanda pardon a la Mère et amp; la sceur.
Cette même soeur Angéline acquit, dès ce moment, un grand désir d'obtenir de Dieu la grace d'une vraie humilité; elle pria ardemment pour cette fin. Un jour done qu'elle allait s'approcher de la sainte table elle dit avec une sainte confiance amp; Notre-Seigneur, que
CHAPITRE SIXIËME.
ue trouvaul rien en clle qui füt digne de lui être présenté, pour oblenir la grace qu'elle lui demandait, elle lui offrait le fruit de la communion de sa Mère supérieure, qu'elle croyait être agréable amp; sa divine Majesté. La communion achevée, et les actions de graces rendues, la Révérende Mère s'inclina douce-ment vers cette soeur, et lui montrant le doigt, elle lui dit secrètement k loreille ; « Petite voleuse, est-ce ainsi que vous dérobez ce qui appartient ü autrui ? » La pauvre fille ne sachant de quoi sa supérieure la reprenait, se mit a genoux et dit sa coulpe. Alors la Mère lui fit entendre qu'elle parlait du fruit de sa communion qu'elle lui avait pris; et -elle ajouta a la plus grande joie comme k la plus grande surprise de la soeur interpellée, qu'elle le lui donnait volontiers.
II y avait k Limbourg une novice que la Révérende J^Ière aimait beaucoup k cause de sa simplicité et de /quot; sa candeur, ot aussi pour les grandes graces qu'elle reconnaissait en elle. Cette novice faisant sa retraite d'usage avant sa profession, recut une gracieuse visite de la Vierge Marie qui était accompagnée de son cher enfant Jésus. La novice tint la chose secrete;
V
nuns ila Révérende Mère la connut en esprit. Los
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CHAPITRE S1XIÉME.
exercices spirituels étant terminés, eüe accueillil la novice au réfectoire avec une grande démonstralioti de joie. Elle fit fèter la nouvelle épouse, et elle dit tout hautqu'ellevoyait l'Epouxdivin au milieu d'elles. A ces mots toutes les religieusos suivant rimpulsiou intérieure de TEspnt-Saint, se lèvent de leur place avec une promptitude et une joie incroyables, a des-sein de caresser au mieux le cher Epoux de leur ame. La Révérende Mère disait qu'elle le voyait tantot pres de la novice, puis pres de telle soeur et ensuite pres d'une autre, puis elle le retrouvait au milieu de toutes. Les religieuses couraient fa et lii pour em-brasser Notre-Seigneur : elles dansaient et chantaient avec un transport inexprimable de joie et de ferveur, portées par la chaste ivresse de la sainte délection. C'était réaiiser ce que la sainte Eglise chaule dans l'hyinne d(!s vierges.
Quocumque pei gis. Virgtni's -Sequunlur, atque laudibus l'ost le canentes cursilaut,
Hyir.iiosque du lees persoiiant.
Cette fète loute mystique dura jusqu'a neuf heures du soir, et le souvenir de cette apparition ne cessiA
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CHAPITRE S1XIÈJIE.
de leur être tiès-agréablo et de les réconforter inté-rieurement (i). La novice qui avail en quelque sorte attiré le divin Epoux tomba malade peu de temps, après sa profession, et la Ré verende Mère étant h sou tourappliquée aux exercices, se faisait une récréation innocente d'écrire et d'envoyer chaque jour une lettre de consolation spirituelle a sa chère fille malade. Encore faut-il faire observer qu'en commen^ant cha-cun de ces billets elle indiquait l'état oü était actuel-lement la malade, et la religieuse qui portait la lettre trouvait chaque fois la soeur malade dans letat que la Mère avait signalé sur l'inscription de la lettre. La bonne fille mourut de cette maladie au grand regret
(1) Sainte Thérèse parle de cetle jubilation extraordinaire, de ces transports excessifs qui meltent l'ame dans une sainte ivresse. « C'est, selon moi, dit-elle, une union très-intimedes facultés de l'ame avec Notre-Seigneur, durant laquelle elle conserve amsi que les sens une entière liberté, pour goüter pleiaement le bon-heur qui les inonde, sans néanmoins qu'elles aient Tintelligence de la nature de ce bonheur, ni de la maniire dont elles en jouis-sent. On voudraitcommuniquer cette joie excessive de l'anie, afin que d'autres creatures vinssent l'aider a en louer et a en remer-cier Dieu avec elle. Ces remerciments et ces louanges sont le bul de^tous ses désirs.... L'ame, dans eet état oublie toute chose et s'oublie elle-méme, pour no pouvoir plus parler que des louanges
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CHAPITRE SIXIÈME.
de toute la communauté qui ne put rctcuir ses larmes en se voyant sitót privéede la compagnie d'une épouse si chère au Sauveur.
Les principales et les plus sublimes connaissances de la Mère Jeanne de Jésus furent celles que Dieu lui donna de ses grandeurs et de ses perfections divines. Mais Mtons-nous de dire que l'humble reli-gieuse ne les regut jamais qu'en usant de Ia plus grande prudence et avec une extréme défiance d'elle-même. Gar quoiqu elle eüt de très-hautes révélations, et que son esprit füt souvent élevé en Dieu par tant d'extases et d'araoureux transports, elle ne parlait
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de Dieu et s'en occuper; elle est alors comme une personne qui a pris beaucoup de vin mals qui cependant n'est pas ivre.... C'était cette jubilation que devait éprouver saint Frangois, lorsque, jetant de grands cris au milieu des champs, il fut rencontré par des voleurs. auxquels il expliqua ces transports, en leur disant qu'ilétait le héraut du grand Roi. Telle élait sans doufe aussi la joie d'autres saints qui s'en allaient dans les déserts publier hau-tement les louanges du Seigneur. J'ai connu moi-mOme un de ces hommes possédés de ces bienheureux transports : c'était le PèrePierre d'Alcantara. 11 cherchait, lui aussi, les endroits solitaires pour y célébrer les louanges de Dieu. Plus d'une fois, il fut pris pour un insensé par ceux qui Ventendirent, 6 la désirable folie! «
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J. UE JÉS.
CHAPITRK SIX1ÈME.
pourtant des grandeurs et des perfections de Dieu qu'avec beaucoup de retenue et de modestie, et, lorsqu'elle le faisait, c'etait plus pour les admirer que pour en instruire qui que ce füt.
Les religieux qui furent ses directeurs et confes-seurs, out jugé avec autant de certitude que possible, que cette belle ame pratiquait les vertus théologales de foi, d'espéranco et de charité avec une très-grande perfection; mais elle, qui craignait la vanité comme le plus subtil et le plus dangereux de toils ses enne-mis, pria Notre-Seigneur de lui retirer toutes ces hautes connaissances, toutes ces extases sensibles, et do lui faire connaitre seulement deux choses : son propre néant, sa bassesse, son infirniité, ainsi que l'ineffable bonte de Jésus-Christ.
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CHAPITRE SEPTIÈME.
De Ia ferveur do son amour, et de sa dévolion. — Transports de ramour divin. — Sa dévotion envers le Saint-Sacrement. Octave d'adoration dans les convents i!e Récollectines. — Gnérison extraordinaire d'une petite fille. — Sa confiance en Dien et son égalité d'humeur.
Si, au sentiment des Pères, l'oraison est une élé-vation en Dieu, la vie de Jeanne de Jésus a été une oraison continuelle, puisque son esprit n'a cessé d'êlre élevé et d'habiter en Dieu. Mais autre chose est d'ètre élevé en Dieu par contemplation; autre chose d'être arrêté en lui par amour. II est bien plus sou-haitable d'avoir beaucoup d'aniour et moins de con-naissances que d'avoir de sublimes connaissances et pen d'amour. Magdelaine est louée d'avoir beaucoup aimé; la Mère Jeanne de Jésus avait voué tout son
CHAP1TRE SEPT1ÈME.
cceur au même amour que la sainte pénitente. Dès les premiers jours de son entree en religion, elle rechercha les moyens d'aimer Dieu et de croitre dans la sainte délection ; elle continua cette recherche tout le temps de sa vie. Elle a cherché l'amour de Dieu dans la clóture; elle l'a cherché dans les jeflnes et les austérités, dans les humiliations et les penitences : elle l'a cherché dans l'oraison et dans le travail, dans les instructions qu'elle donnait aux autres, et dans celles qu'elle recevait pour elle-mêtne: elle a cherché l'amour divin dans les confessions, dans les communions, et généralement dans tous les exercices de la vie religieuse. On reconnait l'amour divin k ses effets, de même qu'on reconnait l'arbre par les fruits qu'il porte. Examinons dans quelques faits les elfets que l'amour a produits en elle.
Un soir qu'elle avait achevé son travail avec une de ses soeurs, elle dit selon la coutume : « Deo gra-tias. » Puis elle l'embrassa d'une grande affection, et elle se prit a parler de Dieu avec grande élévation d'esprit. Sa compagne prenant goüt ü eet entretien, le feu divin s'alluma si fort dans leurs coeurs, qu'elles entrèrent toules les deux dans dos transports amou-
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CHAl'lïUE SEPTIÈME. 65
reux, qui durèrent jusqu'aux matines, sans que Tune ni l'autre sen tit ses ardeurs se ralentir.
Elle trouvait ses délices au prés du Saint-Sacre-mcnt. Par une ingénieuse piété, elle groupait aulour du tabernacle tous les mystères de la vie, de la passion et de la mort de Jésus-Christ; elle y rapportait sa resurrection, sa glorieuse ascension, la descente du Saint-Esprit sur les apótres. Toutes les fètes de la Vierge, et même de tous les saints se retrouvaient pres d'elle dans le Très-Saint-Sacrement, et elle n'é-prouvait nul besoin de passer k d'autres sujets, pour alimenter sa dévotion tous les jours de l'année. Elle exhortait ses fllles, et elle les portait par son exemple a un souverain respect envers ce divin mystèrc. A la fète du Saint-Sacrement, elle voulait que ce divin Sacrement füt exposé sur 1 autel durant les huit jours de l'octave, avec des cierges allumés tant de nuit que de jour, et qu'au moins deux religieuses se succé-dassent sans interruption dans l'oratoire, pour témoi-gner leur respect el leur amour envers Jésus-Christ caché sous les espèces sacramentelies. Gette devote pratique setait perpétuée dans toutes les maisons de son institut avec de prodigieux résiiltals pour la sanc-
}. DK JKS. (i.
chap1tre septième.
tification des Smes, et a la plus grande edification
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des fidèles. ün jour, venant de recevoir la sainte communion, la Mère Jeanne dit a une soeur : « Quel bonheur pour vous et pour moi, ma chère soeur : nous portons en notre coeur le même Fils de Dieu, que la Vierge Marie a porté pendant Tespace de neuf mois dans ses entrailles sacrées! » Paroles de congratulation mutuelle qu'elles se dirent Tune k l'autre a différentes reprises avec une ferveur toujours crois-sante.
II lui advint, étant malade, quelle lira de la sainte communion un si grand renfort spirituel, quelle se prit a dire dans un merveilleux transport : « Dieu est en moi, et moi en Dieu! » ce qu'elle répéta plu-sieurs fois avec la même ardeur qu'autrefois le séra-phique saint Frangois répétait : « Mon Dieu et mon tont! » Ces exemples font voir combien grande était la dévotion de cette servante de Dieu. Or, selon la doctrine de saint Francois de Sales (Intr. 6, I.), la dévotion presuppose l'amour de Dieu en un degré d'excellence, donne a l'amö une certaine vivacité, pour entreprendre et pour faire avec affection et promptitude ce que nous croyons être du service de
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CHAIMTKE SEPTIÉME.
Diou et du bien du prochain. Jeanne possédait eet heroïsme de raraour divin; ses saintes entreprises poursmvies avec perseverance pendant de si longues années, inalgré les peines et les ignominies, sont Ik pour témoigner de son zèle pour la gloire do Dieu et pour le salut de ses soeurs.
Aussi est-ce pour récompenser eette générosité a toute épreuve que Notre-Seigneur l'a favorisée d'une infinite de graces. II y a eu réciprocité de sa part; car il l'a relevée de ses humiliations, il Ta confortée dans ses ennuis, il a exaucé ses prières, et il a pourvu jusqu'au bout a ses besoins et a ceüx de ses filles avec une Providence toute paternello.
Rapportons uu fait d'un autre genre qui est très-propre pourconfirmer la mêmo vérité. II arriva, lors-que la Mère Jeanne était supérieure a Limbourg, qu'une petite fille pensionnaire, passant fortuitement derrière une röligieuse qui fendait du bois dans la cour du couvent, fut atteinte rudement par la hache de la soeur, qui n'avait pas apergu l'enfant. Le coup avait porté a la bouche, et renfant était tombée par terre commc demi-morte. Gisant dans son sang, sa bouche tout ensanglaiUéc, sos joues livides el enflées,
68 CHAP1TIIE SEPTIÈMË.
ses dents ébranlées, son front blênie offrait un spectacle navrant. Aux cris qui se lirent entendre, la Ré-i
verende Mère regarda de la fenêtro de sa chambre, donna la bénédiction k l'enfant, et ordonna qu'on lui iavat la bouche avec de l'eau froide, et qu'on la mit sur son lit. Cela fut fait, et la pauvre petite s'y en-dormit doucement. La mère de la jeune fdle qui habi-tait Limbourg ayant entendu parler de I'accident courut au convent tout éplorée, pensant que son enfant élait morte. On la lui fit voir deux heures après 1 evenement entièrement guérie.
Ce qui surpasse toute douceur, eest que cette Ré-vérende Mère m;ut et ressentit fort souvent des visites de Dieu par une abondance de graces et de consolations celestes qui lui donnaient comnie des avant-goüts du paradis. II est vrai qu'elle pria Dieu souvent de lui retirer ces consolations sensibles, et de la laisser repeser dans la consideration de son néant et de la puissance de Dieu. Mais ne voulant et ne pouvant contrarier les desseins de la divine bonté en sa per-sonne, lorsqu'elle pressentait ces visites de Dieu, elle se retirait promptement dans sa celluie pour ne pas ctre vue. Elle ent beau faire pour cachor ces faveurs
CHAPITRE SEPTIÈME.
célestes, on la trouvait assez souvent comme touto privée de 1'usage des sens extérieurs, et absorbée en Dieu. Une fois même, Notre-Seigneur la visita par une de ces gröccs extraordinaires au moment oü clle se trouvait en communauté. Surprise de cette faveur, elle dit doucement amp; l'Epoux céleste : « Allez, mon Jésus, allez, c'est assez, c'est trop pour moi! allez un peu caresser celle de ces épouses que vous aimez bien! » et elle vit le petit Jésus aller pres de soeur Marie-Claire de Saint-Frangois (qui était la propre soeur du R. P. Marchant) qu'il caressa tendrement et amoureusemcnt.
Elle méritait ces faveurs célestes par la confiance de sort amour, qui ne s'est jamais laissé abattre ni affaiblir par quelque accident qui püt lui arriver. Les traverses et les oppositions amp; ses pieux desseins, les humiliations, les mépris, les maladies, n'ébrau-lèrent jamais son cceur. Bien loin de lïi, elle disait même dans son age avancé, qu'elle n'avait point encore rencontré aucune croix, ni rrssenti aucune peine dans l'état religieux : « II est très-vrai, ajoutait-elle, que l'amour change toutes los épines en fleurs, et que l'ame qui se laisse conduire par la main do
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70 CHAPITRE SEPTIÉMK.
Dien, qui s'abandoime entièrement au bon plaisir du Seigneur, ne souffro jamais aucuno peine. » Cetait aussi la raison pour laquelie elle vouiait bien en opposition avec la prudence humaine, que ses soeurs fussenl toujours joyeuses et contentes : « Hé! peut-on ètre autrement, disait-elle, quand on se sait con-duites par Dieu, et que tout ce qui nous arrive est disposé par sa main paternelle? »
Voici relativement a ce point ce qu'en écrivait une soeur dans l'une de ses lettres : « La Mere Jeanne était joviale et d'une fagon très-allf'gre; elle le vouiait aussi de ses filles et disait qu'il fallait servir Dieu d'un coeur allègre.... Elle les faisait marcher simple-raeut, rondement; les airs et les compliments du monde étaient ses enuemis... Parfois, elle allait écou-ter, quand elle faisait faire quelque message qui ré-pugnait a la prudence humaine, si la soeur s'en acquittait simplement et si elle ne faisait point des discours inutiles ou trop polis... Elle recommandait toujours de s'adonner h la simplicité colombine; c'était une vertu qu'elle désirait fort ètre pratiquée par ses filles. Lorsquelle fut déposée de sa charge de supérieure dans son premier cloitre de Saint-Jacques a
CHAPITKE SEPTIEME. 71
cause de la cloture, on lui donna l'obédience d'ui-guiser les coutcaux; elle le faisait avec tant d amour, joie d'esprit et devotion quelle y recevait plus de graces qua 1'oraisou : elle composa alors son beau chapelet de la Passion, unissant tous ses ouvrages aux souffranccs de Jésus-Christ. »
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CHAPITRE HU1TIÊME.
De sa mort. et de sa sepulture.
La mort n'est terrible qu'aux méchants. Les gens de biea ne la craignent pas, ils voient en clle une amie, et ils l'abordent comme la portière du paradis, qui doit leur donner entree au royaume de la gloire. Le roi David se plaignait de ce que la mort tardait si longtemps a venir le retirer du monde. Saint Paul s'en plaignait également et avec plus de raison que David, puisque le del qui était encore ferme au pro-phète-roi, était ouvert pour l'apótre, et que la mort devait sans délai le mettre aussitót en la compagnie de son cher Maitre.
Saint Martin, dans sa dernière maladie, abandonna
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ii la divine Providence ou de le retirer du mondo pour jouir de Dieu, ou de le laisser encore sur la terre travailler pour son service et le salut des ames. Ainsi fit notre vénérable Mere Jeanne de Jésus. La vlo était fort avantageuse a ses inclinations, paree qu'elle l'einployait dans les saintes pratiques du divin amour; ellc lui servait en outre k consolider ses chères filles dans l'excrcice des vertus. D'autre part, la mort lui était fort souhaitable, a cause du brülant désir qu'elle avait de jouir de Jésus-Ghrist, son cher Epoux. « Mihi vivere Christus est, et mori lucrum, disait-elle : je ne voudrais pas avoir a opter, paree que je craindrais de préjudieier aux intentions de mon Dieu, en choisissant peut-êlre ce qui serait moins conforme a sa sainte et adorable volonté, qui est et sera toujours la règle de la mienne. » C'est ici ia plus belle disposition d'esprit qu'un chrétien puisse avoir, pour vivre ou pour mourir : il n'y a point de meilleur état au monde qua celui qui consiste a s a-bandonner sans réserve k la volonté de Dieu qui tient eu ses mains les clefs de la mort de tous les hommes. Tout ce que nous y pouvons apporter de notre part, c'est de tenir la vie comme par emprunt, et d'être
CHAPITRE HUIT1ÉME. 75
prèts a la quitter, au moment qu'il plaira ;i Dieu de nous appeler a lui.
G'est la disposition dans laquelle s'était inisedepuis longtemps la vénérable Mere Jeanne- de Jésus. Eu Vierge sage, elle attendait que la voix de l'Epoux céleste l'appelat aux noces éteruelles; a eet effet, elle tenait sa lampe bien munie de l'huile des bonnes oeuvres et toujpurs ardente du feu de Ia charité divine. Enfin sou heure vint, et cette femme forte fit bien voir au moment décisif quelle était toute a Dieu.
On dit communément que la mort est l'écho de la vie, paree qu'ordinairement Fhomme dit et fait aux approehes du trépas ce qu'il a aecoutumé de dire et de faire durant sa vie. Gette bonne üme, qui avait vécu dans Fexercice continuel de l'oraison, ne cessa de converser avec Dieu durant sa dernière maladie; lobservance réguliere, a laquelle elle setait toujours appliquée, lui demeura si bien imprimée dans l'es-prit, quelle la pratiqua jusqua cette extrémité. Lors-qu'elle était seule, elle tenait son ame unie a Dieu par une oraison non interrompue, et, lorsque quelque religieuse venait la visiter, elle l'exhortait a conserver inviolablement l'esprit dc la regie, le saint amour de
76 CHAHTRE HUITIÉME.
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Dieu, la charité mutuelle, la pénitencc, la pauvreté, rhumilité, la chasteté, la fidélité a Dieu et a sa pro-fession.
Deux religieuses qui la soignaient en cettedernière maladie et se plaignaient un jour Tune a Tautro de la grande perte quelles allaient faire, la malado les reprit et leur dit qu'il nc fallait pas violer le silence pour un si chétil' sujet. Cela fit que les soeurs ne Tapprocherent plus qu'en silence et avec beaucoup de retenue; mais toujours elles la trouvaient comme abimée en Dieu par une continuelle et devote contemplation. Enfin elle regut les sacrements de la sainte Eglise avec une dévotion exemplaire; puis elle adressa a la communauté réunie une courte mais fervente exhortation qui arracha des larmes des yeux de toutes ses filles spirituelles. Enfin, après avoir de-mandé a Notre-Seigneur la bénédiction pour elle-mênje et pour ses soeurs, elle se recueillit doucement en Dieu, a qui elle rendit son ame le 26 du mois d'aoüt 1648.
Nous trouvons la note suivante sur les derniers jours de la vénérable fondalrice ; « Notre très-révé-rende Mere fondatrice est morte le 26me aoust, 1648,
CHAPITRE HUITIÉME. 77
un jour de morcredi, ikgée de 72 ans et vingt-trois jours et l'an 25 qui s'achèvera Ia veille de saint Ma-thieu de la sainte réforme, et de sa profession 43 ans. Le jour qu'elle a recu Ia dernière et violente opéra-tion de Dieu fut le 15 juillet 1648; et, depuis ce jour, elle n'a plus su user d'aucunes choses créées : la sainte communion qu'elle recevait tous les jours était son divin aliment et le soutien de sa vie. Depuis cette dernière operation, ses souffrances étaient inexpli-cables. Ne recevant plus de consolations humaines, le dit jour de sa mort, ayant demandé quelle heure
11 était, on lui dit qu'il était entre 8 et 9 houres du matin. Quelque espace de temps aprfjs, elle demanda de descendre de sa couche, pour s'asseoir dans une chaise qui était proche, oü étant assise au même instant, elle comnienca son agonie, savoir environ les 9 heures du matin et rendit son esprit a midi après
12 heures. Le même jour, pendant qu'on disait les vigiles, on fit son portrait et puis, le vendredi d'après, elle fut ensevelie fortsolennellement. Sa face devenait toujours plus belle et attrayante, et les membres au-paravant raides commencèrent a s'amollir. » Telle fut la fin de cette servante di1 Dieu qui depuis lau
CHAPITRE HlilTIÈME.
1623, oü elle jeta les fondements de la congregation des Pénitentes-Récollectines, jusqu'k sa mort, vit s'élever en divers lieux des Pays-Bas treize convents de eet institut nouvellement étabiis ou réformés. Leur nombre s'éleva plus tard k trente-six (i).
(1) Nous faisons suivre, dans leur ordre chronologique, les noms des villes oü se Irouvaient, avant la grande révolfition franijaise, des maisons soit fondées, soit réformées par les Récol-lectines, en marquant ces dernières d'un astérisque.
1. Limbourg, fondé en 1^23, 19. Gosselies.
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(depviis 1703 a Dolhain). 2. Philippeville, 1626. 3. Gand* (S'.-Pierrej.lö^^. 4. Fontaine-l'Evêque. 5. Couvin. 6. Liége, (en Bèche). 7. Furnes. * 8. Stockhem. 9. Naraur. * 40. Honschot. *' 11. Audenaerde. * 42. Bruges. 13. Aix-la-Chapelle, 1645. 14. Grandmont. 15. Avesne. * 16. Beaumont. * 17. Durbuy. 18. Roermonde. |
20. Ninove,* 1671. 21. Maestricht. 22. Weert. * 23. Huy. 24. Dunkerque. * 25. Huinsberg. 26. Herve. 27. Verviers. 28. Givet 29. Nivelles. 30. Louvain. * 31. Eupen, 1698. 32. Ypres. 33. Nieuport. 34. Valenciennes. 35. Dixmude. 36. Braine-le-Comte. |
CHAP1TRE aüIT!t5IE.
Le jour qui suivlt la mort de la Mèro Jeanne, après que les devoirs funèbres lui eurent étó rendus, elle fut inhuraée, ainsi quelle l'avait désiré,danslecloitre qui était la sépulture commune des religieuses. Le R. P. Marchant, alors conimissaire-général pour les provinces des Récollels de la Haute et Basse-Allema-gne, Ie mème qui avait été longtemps son père et directeur spirituel, qui avait par conséquent une pleine et parfaite connaissance des vertus de cette sainte ame, composa son épitaphe, qui fut gravée sur une pierre dont sa fosse fut couverte et qu'on peut voir encore aujourd'hui dans l'église paroissiale de Dolhain, Li cöté de l'autel de saint Frangois. En voici le texte :
D. O. M.
Venerabili Dei famülae,
JOANNAE DE JESL',
HÜJL'S CONGREGATIONIS PrIMAE MATR1, PR1MAE FlLIAE,
Phimae Propacatrici :
Qlam cum quatuor soc.ns Ganoa misit,
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CHAPITRE IIU1Ï1ÈMH.
'LlMllUlif.KM isecepit,
Conventiis tuedecim Fundatricem honorarunt, Reformatricem agnoveuunt;
NoilMAM VITAE, EXEMPLLM i'IETATIS,
Speculum virtutcm mirati sunt.
Obut, ad Superos abiit Anno Domini 1648, Augusti 26.
Gratia super cratiam mulier sancta (i).
Eccli. 26.
(I) Ci-git le corps de la vénérable servanle de Dieu, Jeanne de Jésus, première mère et première fille de cette congregation religieuse. Gand l'a envoyée avec quatre compagnes, Limbourg l'a recue, la Belgique l'a chérie. Treize convents l'ont honorée comme fondatrice, lont recnnnue comme rèformatrice; tous l'ont admiree comme un modtlc de perfection, un modèle de
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CHAPirUE HUITIÈME.
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A dater de la mort de sa première supérieure, la maison de Limbourg resta quinze ans, sans qu'au-cune religieuse y mourüt : au bout de co terme, une des soeurs étant trépassée, on l'cnterra a cóté du corps de la vénérable Mère Jeanne de Jésus. A cette occasion, le magon qui creusait la fosse, donna de sa bêche si avant du cóté oü était ce corps, qu'il découvrit Tos de la jambe. li en sortit une odeur si douce et si suave, que ce fossoyeur affirma avec serment n'avoir jamais de sa vie senti une odeur plus agréable.
Le Père Mars termine la vie de Jeanne de Jésus qu'il a publiée en 1688 par les paroles suivantes : « Les graces, que plusieurs personnes ont revues de Dieu depuis la mort de cette vénérable Mère, après avoir réclamé son intercession, mériteraient bien qu'on en fit une perquisition juridique : mais Ia modestie de la révérende Mere qui lui a succédé, et des reli-gieuses du même monastère, qui ont admiré ses
piété, un miroir de verlus. Klle trepassa le 26 aoiU 1648. Qu'elle repose cn paix ! — La femme vertueuse amonoelle grace sur grace. Keeli. 26.
CHAPITRE HU1T1ÊME.
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vertus et profité de ses exemples, les a retenues jus-qu'k présent. » Les restes du corps de la vénérable Mere Jeanne de Jésus, transportés plus tard de Lim-bourg a Dolhain avec la plerre tumulaire qui les recouvrait, furent exhumés de nouveau, lorsqu'il sagit d'agrandirl'église conventuelle devenue parois-siale. L'un des témoins m'a rapporté qu'on n'y avait plus trouvé que des ossements rcnfermés dans une caisse en bois. Ils furent déposés d'abord k la même place, mais plus bas, paree qu'on avait baissé le terrain qui avait fait partie de l'ancien choeur des religieuses. Par suite de nouvelles réparations, on a depuisdéterré derechef ces ossements, pour les placer ü cóté de l'autel de saint Francois, oü ils se trouvenl encore (en 4863) renfermés dans une caisse en zinc, sous la pierre et l'épitaphe citée plus haut. Puissent les autorités corapétentes s'intéresser efficacement au trésor renfermé et en quelque sorte oublié dans un coin obscur de la petite église de Dolhain, faire cons-tater lïdentité de ces précieux restes et en assurer l'intégrité pour l'avenir! Un jour viendra peut-être, oil la sainteEglise les tirerade leurobscuritéactuelle, pour leur assurer a jamais rhonneur des autcls. Deja
CHAP1TRE HUIT1ÉME. 83
ce tombeau longtemps improductif, commence a ger-mer; la génération dames que Jeanne de Jésus avait enfantée a Jésus-Christ renait: Füii de longe venient et füiae de sur gent.
FIN DE LA VIE DE LA VÉN. MÈRE JEANNE DE JÉS'IS.
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OPUSCULES SPIRITUELS
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les graces qui agissent en ce jar01n so.st :
I. I.a gracc prévenante. — UI. La grace llorissante. , V. I,a grace gratifiante. |
— 11. La grare sensible. — IV'. La grace purifiante. — — VI. La grace jubilanle. |
De la grace prévenanle.
Quand le bien-aimé Jésus entreprend dc cultiver la terre infructueuse d'une ame sèche et stérile, pour en faire son jardin dc plaisir, et pour y prendre ses ébats avec ses nymphes, qui sont les ames dévotes,
{*) Voici le titre intégral de eet ouvrage : « Le Jardin des délices du Seigneur, oh le Saint-Esprit ayant introduit l'amo fidéle, la cultive parses différentesgraces, pour lui faire produire
88 OPUSCULES SPIRITUKLS.
il y met d'abord un jardinier très-expert qui sait Tart de cultiver la terre.
Ghères nymphes (i), je dis ceci pour lame qui est encore vagabonde parmi le monde. Ce champ inculte et slérile no produit que des chardons et des brous-sailles : mais aussitót que l'amant celeste l'a convoité, pour en faire un jardin d'agrément, il y prépose le Saint-Esprit comme un excellent jardinier, pour dé-fricher cette terre, pour en arracher toutes les mau-vaises herbes, et pour la faire produire de belles fleurs et de bons fruits en abondance.
Ah! divin Jardinier, que vous êtes industrieux a cultiver les ames! Admirez, ma chère nymphe, I'adresse de ce grand mattre. II dispose son parterre en très-bon ordre, il range ses pares et ses carrés, 11 ferme son jardin par une vive haie d'épines; ce
des fleurs et des fruits célestes : présenté aux religieuses Péni-tentes-Kecollectines, par la Révérende Mère Jeanne de Jésus, fondatrice de ladite congregation. quot; Avec cette épigraphe : v Cum simplicibus sermocinatio ejus■ L'entretien du Seigneur est avec les simples. » Proverb. 3.
(I) Nous laissonssubsister ce nom donné a ratne fidéle, tjuoi-t|ue nous le trouvions improprc, a cause de son origine.
OPUSCULES Sl'IUIiUiaS.
sont les piqures et les remords de la conscience, qui garantissent le cocur, qui en ferment rentree aux bêtes sauvagos, ot qui rendent lame lonte semblable k cello de l'Epoux dn cantique, dont il est dit: « Men Epoux est un jardin feme. » Alors cette pauvre ame, qui était auparavant sterile en bonnes oeuvres, et qui ne produisait que des ronces et des chardons d'affections sensuelles et terrestres, se sent poussée i redresser ses inclinations mauvaises : puis, coopé-rant aux pieux mouvements du Saint-Esprit, et tra-vaillant avec lui, elle bannit de son entendement les pensees importunes des choses frivol es du monde; elle retire sa volonté de l'amour profane des creatures; elle élève ses intentions et ses affections vers Dieu son souverain Seigneur, et elle reconnait par une heureuse experience, que le jardinet de son cocur prend une nouvelle mais belle et agréable figure. Ge qui faitqu'elle aspire, comnie le petit rossignol, après le beau printemps, qui doit faire éclore ces belles fleurs qui commencent déja a pousser et a boutonner dans son jardin.
Cela veut dire que, quand le Saint-Esprit daigne, dans sa bonté indicible, prévenir de ses graces une j. DE JÉS. s
m
OPUSCULES SPIRITUELS.
no
fiine égarée dans les vauilés du monde, il y produit les regrets du temps perdu en bagatelle des plaisirs sensuels ; puis, il l'excite par des saints niouvements, et il l'attire doucement a Jésus. Ainsi Tame selève amoureusement au Seigneur, a qui elle fait voir les boutons et les petites fleurs des saints désirs et des bonnes oeuvres, qui doivent éclore dans l'agréable printemps de sa vocation. Que dites-vous, ma belle nymphe, du jardin du Seigneur? N'y trouvez-vous pas du plaisir a souhait? — Non, pas encore. Toute-fois le divin Jardinier y prend déja ses airs et ses divertissements, en voyant cette terre qui paraissait toute stérile, boutonner en saints désirs, et se disposer k produire au printemps de belles fleurs de vertus.
II
De la grace sensible.
Venez, Saint-Esprit, grand Maitie Jardinier; quelles fleurs planterez-vous dans votre jardin, pour y attirer cette nymphe et la contenter? — Je plan-terai des rosiers : car, lorsqifils fleurissent, ils portent de bolles roses, dont la vue et l'odeur agréable ravissent les yenx et les esprits de ceux qui se pvo-mènent dans ie jardin.
C'est ainsi que Tame, goütant les douceurs sensi-bles de la grüce, se complait dans ces délices; il lui semble entendre la voix de FEpoux qui lui dit: Intra in gaudiuni domini tui. « Entre dans la joie de tou Seigneur. » En effet, elle y trouve tant de joie et do contcntement, quelle dirait voloutiers avec saint
OPUSCULES SPIRITUALS.
Pierre au Thabor : Domine, bonum est nos hie esse! « Seigneur, il est bon que nous demeurions ici. » Elle pense que tout est fait pour ellc; quelle est parvenue au souverain bonheur, et qu'elle n'a plus rien amp; craindre, ni a désirer. Quelques travaux qui lui pourraient arriver, lui paraissent légers, et quel-quebien qu'elle saurait souhaiter, lui semble moindre que celui qu'elle possède. C'est ainsi, ó habile jardi-nier, c'est ainsi que vous attirez les ftmes dans vos filets!
Mais, voilk que la rose commence a se flétrir et a perdre son odeur: et comme elle naitentre les épines, la rose passe et les épines demeurent. Cela veut dire que, quand Dieu retire de nous ses graces sensibles, nos imperfections, qui redemeurent en nous, nous piquent aussi vivement que ci-devant. Nous connai-sons alors nos faiblesses et nos misères : et il s'en trouve qui étant privés de ces consolations sensibles, se découragent tellement, qu'il leur semble impossible de plus retourner k Dieu. G'est l'effet de certaine gourmandise spirituelle, et une grande imperfection de l'amp;me, qui se laisse appater de délices comme les petits enfants.
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OPUSCULES SPllllTUELS.
Quen dites-vous, Seigneur-Jardinier? Je ne m'é-tonne pas que ces ames se sont énivrées, car elles n'ont jamais eu tel vin en leur cave. Je m'encoura-gerai a bion cultiver mon jardin, puisque je sais le profit de men travail.
Ah! ma chère nymphe, le divin jardinier vous convie h entrer en son jardin, comma en la joie du Seigneur. Entrez avec confiance, et commencez a vous y réjouir.
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De )a grate llurissante.
O divin Jardinier, fidele époux des ames, accom-pagnez cette belle nymphe qui se délecte dans les fleurs que vous avez semees ou plantées dans ie jardin de son ame, et enseignez-lui toutes les pro-priétés de ces fleurs, afin qu'elle les estime selon leur mérite. Ma chfere nymphe, je vous ferai compagnie, et je vous donnerai a connaitre les vertus des fleurs de mon jardin.
J'estime la violette du printemps; elle a trois qua-lités particulières : elle croit peu, restant toujours basse et voisine de la terre : sa couleur est bleue, et son odeur est douce, suave. L'humilité de 1 ame res-semble k cette petite fleur, car elle ne s'élève pouraucun
96 OPUSCULES SPIKIÏCELS,
avantage, ui ne se chagrine pour aucun déplaisir, Elle se foi'me et elle demeure dans sa bassesse, 6va-porant toujours sa douce odeur, qui plait extrême-ment a Dieu et aux hommes.
Lacouleurbleuedecettehumble fleur signifie In fi-délité. Telle doit être notre ikme, ma chère nymphe, humble et fidéle: fidele a Dieu, son Roi et son Epoux. Elle doit confesser constamment et persévéramment son Saint Nom, par des bonnes oeuvres, sans se retirer de son amour, ni pour les persecutions des malveillants, ni pour les flatteries et les caresses des complaisants. Surtout il faut être fidèles dans leamp; tentations, et ne jamais consentir a I'esprit malin ; il se dépite et s'enfuit, quand il voit une ame résolue de garder la fidélitó quelle a promise a Dieu, son unique Seigneur. Marchez done, ma chère amie, avec Fhumilité et la fidélité de cette petite violette, et la bonne odeur vous suivra partout : toutes les vertus sont de très-bonne odeur, et e'est la grace du Seigneur qui donne cette odeur aux petites fleurs; car tout bien vient de Lui.
Ma petite nymphe, entrez plus avant dans ce joli jardin, et contemploz les autres fleurs. Que dites-voua
OPUSCULES SPIRITUEI.S. 97
de ces roses?—O Dieu, qu'alles sont belles, et d'uiu; odeur agréablo ! — Elles sont la figure de la pudeur virginale, qui conserve le coeur chaste et pur en la présence de Dieu, et en odeur de suuvité.
Je n estimo pas moins les beaux lys, dont la couleur est blanche, l'odeur forto, et les feuilles medi-cinales. Ils représententles bons exeniplesdes vertus, que les èmes saintes donnent au public : ces bons exemples, comnie une forte odeur, embaument le ciel et la terre, et, comme un salutaire préservatif, maintiennent le prochain dans la pratique du bien, et le garantissent de la contagion des péchés. Je vous dis que le grand roi Salomon en toute sa gloire n'a jamais paru si magnifique que les lys de mon jardin.
Mais je ne vois pas les anemones, les tulipes et les renoncules que le monde estimo très-précieuses et que Ion cultive avec beaucoup de soin. O ma belle nymphe, le divin Jardinier ne cultive pas ces fleurs qui sontvraiment fleurs du monde, diaprées de belles couleurs blanches, jaunes, incarnates, mais qui n'ont pas dodeur : fleurs de belle apparence, mais de nulle vigueur, fleurs d'hypocrisio, de bonne mine et
J. DE JKS. lt;)
OPUSCULES SP1UITUELS.
de belle montre, mais sans aucuiie odeur de vertus. Loin, loin de mon jardin ces values fleurs! Venez a rombre, ma belle nymphe, et contemplez ces beaux oeillets de très-suaveodeur, et de couleurs très-riches. lis sonl tous mis en pots de terre, pour être transports dans la cave durant la froide saison des glacés et des neiges : et ils sont mis ii l'ombre durant les brülantes chaleurs de leté. Ges beaux oeillets repré-sentent l'angèlique chasteté, précieux trésor que nous portons dans des vaisseaux frêles qui sont nos corps, vraiment pots de terre, et qui se brisent facilement. C'est pourquoi il les faut retirer des périlleuses ardeurs du monde, et les contregarder des neiges et des gla^ons, ou dans la cave sous la clef d'une reli-gieuse cloture.
Saint-Esprit! que votre jardin est admirable! Toutes les fleurs des vertus y paraissent en leur perfection, et leur agréable odeur recrèe le ciel et la terre. Le grand Dieu y fait sa demeure, les anges du Paradis y prennent leur plaisir, et notre nymphe y trouve tant de douceur, quelle en est toute ravie et enchantée.
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IV
De la grace puriGanle.
Grand Mattre et divin Jardinier, ne planterez-vous que des fleurs dans votre parterre ? N'y aura-t-il pas aussi des plantas aromatiques et des arbres fruitiers ?
J'y planterai la myrrhe et l'aloès, que j'ai cueillis au jardin de l'Epoux : j'y enteral aussi sur le bois sauvage de la nature, des pommes d'orange et de grenade, dont l'écorce est dure et amère, mals le fruit agréable a la vue, délicieux au go At, confortatif au cceur.
Cela s'entend de la grace qui purifie 1 ame par la mortification. Voici, ö chore nymphe, l'opportunité de travailler courageusoment. Ne vous arrêtez pas a la belle vue de ces plantes verdoyantes de myrrhe et
100 OPUSCULES SPIIUTUELS.
d'aloès, muis pressez-les pour on tircr le jus, et pour on composer los onguents. No vous coiitontez pas do regarder les pommes d'orango ot do grenade pen-dantes aux arbres, eueilloz les fruits et les mangez; 1 ecorce ost amère, mais lo sue en est doux. Tollo est la grace purilianto : e'est une chose agréablo I'ceil, mais sa pratique est difficile : son fruit est doux, mais 1 ecorce en est amère. L'usago de cette grace ost do mortifier les passions de lame par des actes con-traires. Par exemple : centre l'ambition, faitos des actes de simple souraission et du mépris de vous-mème. Si la nature vous donne de l'avorsion onvers quelqu'une de vos scours, accostez-vous d'elle plus volontiers que de celles vers qui la nature vous a donnéde 1'inclination. G'estainsi aussique la sobriété corrige la gourmandise, ot que los douces paroles appaisent les bouillonnements de la colore. No vous onnuyez pas de cetto pratique : car quoiqu'ello vous paraisse difficile en son commencement, la grace vous la rendra aiséo, ot la perseverance vous courou-nera. No vous rebutoz point, quoique vous tombiez cent fois le jour, mais relevez-vous toujours avee un nouveau courage. Lame profite de sos chutos, quand
OPUSCULES Sl'llilTUF.LS.
ello en est relevée. Dans scs chutes elle reconnait sa faiblesse, et cela sert a la maintenir en humilité : dans son redressement elle adore la divine grace qui l'a miséricordieusement relevée.
Confiez-vous pour tout au Maitre Jardinicr ; cplui-la seul vous sera fidele. II vous aidera a bien cultiver le champ de votre ame, et il récompensera avec avantage les soins que vous apporterez a voire perfection. Je suis prêt, dit-il a toutes les belles ames, a les aider h se cultiver et ü se perfectionner.
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Esprit divin, que vous êtes charitable! sus, ma fidele nymphe, dites maintenant : Que vous semble-t-il du jardin du Seigneur? Quo jugoz-vous de ces belles plantes, de ces arbres fmitiers? L'écorce est amëre, mais le sue on est bon et salutaire.
3.
J. BE JÉS.
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V
De Ia grace gratifiante.
Lame.—O divin Jardinier, regardez d'un ceil favorable, et tendez la main secourable a notre chère nymphe qui médite de se retirer de votre jardin, dégoütée qu'elle est de vos fruits, a cause de l'amor-tume de leur écorce.
Jésus.—Je plains son dégoüt, et encore plus sa retraite, mais j'ai assez de moyens pour l'arrêter, et mon jardin produit assez de quoi contenter ses appé-tits. L'amertume quelle ressent au goüt ne provient pas de mes fruits, car ils sont doux et savoureux, mais de ce que sa langue et son palais sont altérés de la fièvre par ses propres passions et ses imperfections, qui lui sont encore trop familières. Quand une
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fois elle sera délivrée de sa fièvre, elle mangcra de mes fruits et elle en goütera la saveur. O ma chère liymphe, que ne puis-je vous allégcr de cette maladie! Mais vous avez le médecin sous la main : eet expert médecin, qui connait et qui guérit toutes sortes de maladies, est le divin Jésus, qui est doscendu du ciel sur la terre, non pour les sains mais pour les malades : il a compose un excellent médicament composé de vin et d'huile pour la guérison des ames: eest l'uniou admirable de sa divinité avec la nature humaine. Allez, ma chère nymphe, a ce divin Médecin, qui vous guérira de votre fièvre, sans qu'il vous en coilte autre chose que la bonne volonté de guérir. Ainsi guórie, vous goüterez la douceur des fruits du jardin des délices, et vous savourerez les délices de la vie active et contemplative. Voulez-vous savoir quelles sont ces délices? La vie active porte a exercer la charité onvers tous, selon les occurrences et les capacités de chacun. Elle prend aussi la conduite et le gouvernement de lame, dans les adversités qui la traversent, et dans les peines qu'elle endure. La vie contemplative occupe l'amp;me dans la meditation des divins mystères, et dans loraison passive, qui
OPUSCULES SPIRITUELS. lOo
est uu dépouillement de la prop re volonté, et un délaissemont de soi-mèrao 5» la volonté de Dieu, pour recevoir sans disceniement tout ce qu'il lui plait de disposer do nous; d'oü nait le parfait repos, Ia paix assurée, et la tranquillité de 1 ame. La bienheureuse Vierge Marie était bien expérimentée dans ces deux vies. Toutes les choses extérieures qu'elle faisait, étaient des productions de la divine charité, et son esprit, toujours recueilli et uni a Dieu, se plaisait amp; souffrir constamment toute peine pour son amour, et kexécuterfidèlement toutes ses volontés, cequi la ren-dait agréabloaDieu au-dessus detoutes les creatures.
O qu'heureuse est Fame douée de cette grace! Elle ne peut mal : car elle a les pieds sur les marches de réchelle de la perfection : elle s'élève doucement au ciel, elle est admise k traiter avec Dieu, et elle lui est si agréable qu'elle obtient aisément toutes ses demandes; ce n'est pas merveille, puisque toutes ses demandes sont conformes au divin vouloir.
Belle nymphe, affectionnsz-vous a cette grace, uiettez en pratique la mortification de votre propre volonté, pour accomplir celle de Dieu; et vous avan-cerez dans la perfection.
106 OPUSCULES SPIRITUELS.
O gracicux Jardinier, que vous êtes expert a culti-ver votre terre! toutes choses y croissent et profitent a mervcillo.
VI
L)e la gracc jubilante.
Jésus. — Je suis la voie, la vérité, etlavie. Qui me suit ne marche pas dans les ténèbres, mais il est tou-jours en Ia lumière. Qui croit en moi, croit en celui qui m'a envoyé. Qui vit en moi, vit de la propre vie de mon Père céleste, el il accomplit parfaitement toutes ses volontés. Chère üme, voulez-vous m'aimer de toutes vos forces, et de toutes vos puissances? Voulez-vous être ma disciple, comme Tont été saint Antoine de Padoue, et la bienheureuse Jeanne de Valois fondatrice des Annonciades? Je vous feraicon-duire par un chemin droit et assuré, je vous commu-niquerai les secrets de raon Père céleste, et je vous garantirai do la mort éternelle.
OPUSCULES SPiniTUELS.
Lame. — O Jesus, mon cher Maitre, je suis voire disciple de toute mon affection, prete a vous suivre par tel chemin qu'il vous plaira de me marquer, quand ce serait par les épines et par les croix. J'em-brasse votre sainte foi, et vos divins commandements, qui seront a jamais les regies de ma vie; mais de ma vie qui n'aura plus de mouvement, ni d'action, ni du respiration que par votre amour.
Ah! mon aimable Seigneur! daignez être tout a moi, et faire que je sois toute a vous, et que nous ne soyons plus qu'un coeur et quune amp;me. Ah! quand serai-je en eet heureux état? Aiijourd'hui, aujour-d'hui, ii ce moment, par votre grace que j'implore dans la plus profonde humilité, et du centre de mon néant.
Jésus. — Qui aime son père et sa mere,plus que moi, nest pas digne de moi. Qui préfère Tamour de ses parents a ma grace, ne parviendra jamais amp; la pureté du saint amour, car je n'admets point de rival. Dites-moi done, ma chère ame, êtes-vous résolue d'aban-donner vos parents et vos amis terrestres, pour faire amitié avec moi, comme l'ont fait mes favoris saint Bernardin et sainte Colette? lis m'ont été si amis.
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opuscules si'ikitl'els. 109
qu'ils se coufiaient pour tout eu moi; et je leur ai élé si familier, que je me comniuniquais a eux, comnin la mere a son enfant.
L'ume. — O mon grand Roi Jésus, vousm'êtes hien plus cherque tous mes parents et amisselon la chair: ceux-ci m'ont engendróo a une vie terrestre, caduquo et misérable, et vous m'avez engendrée a la vie spiri-tuelle, céleste, et éternelle. Je délaisse volontiers l'amour de toutes les créatures, et de mes propres parents, pour jouir de la grace de mon Gréateur et Sauveur : et je vous dis de la meilleure affection de mon coeur : Notre Père qui êtes aux cieux, en qui j'ai mis mon espérance, ma joie et mon amour. Ah ! je m'estimerai plus heureuse que les enfants des rois et des souverains, si je puis porter Ia dignité de votre enfant! je ne craindrai pas de devenir jamais orpheline ayant l'Eternel pour Père.
Jésus. — Si vous voulez être mon parfait enfant, abandonneztoute possession temporelle, toute convoi-tisederichesses et d'honneur, renoncezi vous-même, portez votre croix, et me suivez commo Tont fait mes bien-aimés, saint Francois et sainte Claire ; vous trouverez comme eux un parfait contontement dans j. de ji;s. 10
110 OPUSCULES SPIIUTL'ELS.
Ie dépouillemenl do tout amour terrestre, et un trésor infini dans la possession des biens célestes. O que le coeur vide de l'amour du monde et de soi-même est capable de contenir de grands biens!
Lame. — O Jésus mon amour, j'abandonne volon-ticrs et avee joie tous les biens de ce monde : je renonce a moi-même, amp; mes affections et inclinations sensuelles, etjeneprétendsautres richesses, ni autre joie en cetto vie, que Vous-Même, qui valez ihcom-parablement plus que tout ce qui est au ciel et sur la terre. O Jésus! Deus meus et omnia! O Jésus, vous m'êtes tout! Vous ètes toute ma joie, tout mon plaisir, tout mon contentement, toute ma possession, tout mon trésor, toutes mes richesses, toute ma vie, toute ma force, tout mon paradis!
Jésus.—Nesoyezpassoucieuse pourle lendemain, paree que chaque jour apporte ses soins. Les em-barras et les soucis des affaires temporelles empê-chent que je me communique k plusieurs ümes, qui sont perpétuellement distraites et éloignées de moi pour des soins inutiles.
Me voulez-vous done recevoir en votre cceur? Je prendrai soin de tout ce qui vous regarde, comme
OPUSCULES Sl'llilTlIELS. lil
j'ai fail de mes chers cnfants, saint Dace et sainte Angéline. Coux-ci out trouvé tous lours besoins sans peine, paree qu'ils se sont pour tont abandonnés a ma providence; elils n'ont jamais cu ni pen, ni trop, parce que je connais ce qui convient chacun.
Lame. — 0 Jésus, que vous êtes a Ia fois et bon Maitre et bon Père! Qui voudrait so mettre en peine de ses menus besoins, ayant un si soigneux et si charitable Proviseur? Mon Dieu, j'abandonne volon-tiers et avec plaisir toutes les sollicitudcs inutiles d'ici-bas, et je remets tous mes besoins corporels et spirituels a votre divine Providence. O que me voila llien déchargée! Mon coeur se portera vers vous avec toutes ses pensées et toutes ses affections, se trouvant heureusement dégagé de tous les soins importuns.
Jésus. — Si vous ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez pas au royaume des cieux : si vous n etes doux, humbles, bénins, et sans malice, comme sont les petits enfants, vous n'aurez point de part ni a ma grace, ni a ma gloire. Je dis ceci, parce que je me délecte dans la conversation et l'entretien des ames simples et humbles : tels qu'ont été saint Louis, roi de France, ot sainte Elisabeth de Hongrie, qui
OPUSCULES SPIIUITRXS,
ont loujours conservé la candeur, la douceur, i'hu-milité, même dans imminence do leur souvorainc dignité. Les grandeurs dn monde, la superbe, l'arro-ganco n'ont jamais dominé dans leur ame, oü je faisais ma demeure, et oü je prenais des plaisirs innocents, comme avec de petits enfants sans malice.
Lame. —O doux et bénin Sauveur, que cette vertu m'agrée! Hé! que volontiers je retournerai en enfance pour votre amour! je vous demanderai comme los enfants amp; leur more, ie lait de vos douceurs divines; et, quand il vous plaira de me sévrcr, je mangerai ie pain des enfants, pour croitre et pourêtre fortifiée dans votre amour. Résolüment, mon doux Jésus, pour l'honneur de votre sainte Enfance, je me range avec les petits enfants, et je vais en toute humilité et douceur écouter vos paroles, et exécuter vos com-mandements. O que je me garderai do plus vous offenser ni mortellement, ni véniellement! Gar le péché mortel m'éloignerait de votre presence, et me rendrait votre ennemie; et le péché véniel mettrait obstacle k vos faveurs et a vos caresses. Mais, cher Père, tendez-moi une main favorable, comme le père
m
Ol'USCÜLES SP1R1ÏÜELS.
a son enfant, quand il le voit en danger de Irébu-cher.
Jésus. —Soyez prudents comme le serpent, et simples connne Ia Colombo. La prudence du serpent cousiste a garantir sa tête dans la rencontre de quel-que danger : la siraplicité de la colombe est de s'ap-prlvoiser facilement, et de se laisser conduire. Que voire prudence soit de garder constamment la foi de voire baptème et de votre profession religieuse : mieux vaat exposer tout le corps et tout perdre, que niunquer a cc premier chef du salut. Que votre sim-plicité consiste a vous soumettre humblement h la conduite des supérieurs, et a exécuter leurs ordon-nances, comme dc Dieu mème, de qui ils tiennent la place, 1c rang, et l'autorité. Recherchez aussi avec simplicité les mystères divins, ainsi que mes bons et chers disciples saint Bonaventure et la bienheu-reuse Jeanne de la Croix, qui out excellé dans la prudence de l'esprit, et dans la simplicité de cceur; digues enfants de mon Père celeste, auxquels j'ai communiqué la connaissance et ramour des sacrés mystères.
L'aine. — O aimable Seigneur, qui pourrait com-
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OPUSCULES SPIUIIUELS.
prendre la grande affaire du salut, sans y apporter toute la prudence nécessaire pour y réussir? Qui pourrait connaitre Tadresse do votre sage conduite, sans vouloir s'y soumettre simplement? Mon salut assure, j'abandonne volontiers tout Ie reste; je con-sens de bon cceur a souffrir toutes les incommodités de la vie, toutes les rigueurs des maladies, et la morl mème. Je me soumets ii votre aimable conduite, et sans plus vouloir rechercher autre raison do mon obéissance que votre volonté, je remets entièrement et simplement la mienne k votre disposition.
Jesus.—Faitesdubienk ceux quivous font du mal, et priez pour ceux qui vous persécutent. Cost ici lo haut état de perfection, qui rend les ames semblables amp; Dieu, mon Père; C'est en quoi j'ai éprouvé el épuré la vertu de saint Pierre d'Alcantara et de sainte Térèse. Ces grandes ames ont trouve beaucoup d'oppositions, et ont souffert de grandes persecutions de la part des hommes dans leurs généreuses entre-prises, qui étaient pour ma gloire. Mais ils ont tout surmonté par la patience, et ils ont gagué leurs propres adversaires par leurs priores. Sus, sus, pauvre ème, veux-tii bien mo suivré par co chemin?
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OPUSCULES SPIRITUELS.
US
Lame. —0 Jésus, mon amour, je reconnais bieu que ce chemin est rude, mais vous I'avez aplani par votre exemple, et par celui de vos saints. Je suis prête a vous suivre par la mortification de mes sentiments : et, pour commencer dès maintenant, je pardonne de bon coeur, pour votre amour, k tous ceux qui m'ont cause ou voulu du mal de quelle manière que ce soit ; j'implore pour eux votre misé-ricorde, et je dis du même sentiment que Vous sur la croix : « Mon Père, pardonnez-leur! » Bon cau-rage, mon ame, vous ne sauriez désirer ni plus bel exemple, ni meilleure compagnie que celle de Jésus en croix!
Gloire soit au Pèrc, et au Fils, el au Saint-Esprit, qui daigne opérer en nous el par nous ce qu'il lui a plu nous inspirer pour l'avancement de sa gloire, cl de notre salut. Ainsi-soit-il.
*
FIX.
INSTRUCT! ONS
AUX NOVICES.
I
Quuique plusieurs dames de condition, et des religieuses de divers rnonastères, excitées par la renommée des vertus de la Révérende Mere Jeanne de Jésus, luieussent demandé a plusieurs reprises, et avcc de grandes instances ses instructions, pour ètrc conduites par son esprit ;i la perfection de la vie chrétienne ou do 1 ctat religioux, il ne fut pas possible de la résoudre :i se charger de la conduite d'antres personnes, que de cellos que Notre-Seignenr lui avait confiéès : mais aussi elle prenait un si grand soin do celles-ci, quelle nomettait rien pour les instruire et les conduire au ciel par lo chemin de la vertu. Elle donnait dos instructions aux novices; elle en donnait aux professes ; olie en avait do générales pour toutes
INTItODLCTIO.V.
les veligieuses; ello en avait de pai ticulièrcs appro-priées a chacune de celles qui étaient en charge. iXous reproduirons ici celles que nous avons pu recueiliir de ses propres écrils et des extrails qui out eté fails par ses compagnes ; voici quelques-unes des instructions qu'elle donnait aux novices.
AUX NOVICES.
Que la novice soit diligente a purger son ame
de tout ce quelle tire de la nature. Lame a trois
*
puissances qui sont : la raémoire, l'entendement, la volonté. La première application de la novice doit ctre de purger sa mémoire et son entendement des objets du monde, conforméraent a ce que dit le prophete : Ecoute, ma fille, et préte l'oreille : oublie ta maison et ta parente, et le Roi du ciel convoltera ta beauté. Que si ces objets se présentent a la mémoire ou k rentendement, il leur faut faire voie et les écon-duire, sans s'y arrêter, et sans y prendre repos. Peut-ètre la pensee de ces objets sera-t-elle importune; ils
'122 OPUSCULES SPIRITUELS.
reviendront plusieurs fois a la mémoire, pour obtenir quelque application de l'esprit: mais il leur faut dire que Dieu occupe tout 1 intérieur, et que tout autre objet est incompatible avec Lui; et cependant retenir tellement l'esprit, qu'il nquot;y prenne point de repos, ni ne se repaisse de pensées mondaines. II ne faut pas écouter la nature qui dira que telles pensées ne sont pas d'un objet défendu, et quil n'y a point de mal k s'y arrêter. G'est assez qu'elles nous empêchent de penser a Dieu. Le préjudice que lame souffre de telles pensées, est, qu'en leur donnant acces, elle diminue sa propre liberty : car elle ne sait plus aller si librement k Dieu, étant retenue el liée par des pensées du monde. G'est pourquoi elle doit absolu-ment les congédier, sans s'inquiéter toutefois et sans se troubler. ,
Elle nc doit pas même s'arrêter avec repos sur les grkces ni sur les dons de Dieu, comme s'ils étaient siens : car ce serait une espèce d'appropriation qui
OPUSCULKS SPiniTUELS.
obligorait le Donateur do les lui retirer. Mais elle doit rechercher Dien seul, et se reposer seulement en Lui.
Et, paree qinl est difficile de discerner entre ces sortns d'objets, et quon se trornpo facilement en prenant pour bon cc qui ne lest pas, la novice aura grande eonfiance de déclarer tous les mouvements de son-esprit amp; sa maitresse ou sa supérieure; et par ce moyen, elle conservera la pureté de son ame et la liberté de sou esprit, qui, sans cola, demeure-rait en obscurité et tentation. Si longtemps que la novice ne découvre point son intérieur, soit par honte, soit paree qu'il lui semble que ce nest point nécessaire, et quelle retient des pensees du monde dans son esprit, elle demeure en des tentations, et elle est liée intérieurement, sans pouvoir avancer d'un pas dans la perfection. Elle ne peut être délivrée
de telles tentations, ni être déliée, si longtemps •
qu'elle demeure en eet état: elle doit done se délivrer de toutes ces peines en découvrant extérieurement ce qui se passé intérieurement en son ame, et ce lui sera le moyen de jouir de la liberté d'esprit.
123
OPUSCULES SPIRITUELS.
Si la novice purifie bien sa mémoire et son entendement par Ie bannissement de toufes les pensees mondaines et inutiles, elle aura nn grand avan-tage pour purifier en même temps sa volonté de tout amour profane et nuisible : car la volonté se porte désirer et amp; aimer le bien délectable, qui lui est présenté par I'entendement. Quo si l'esprit déuué de tous les objets sensibles ne pense qu'a Dieu, s'il ne s'occupe que de Dieu, la volonté se trouvera douce-ment forcée d'aimer Dieu, et d'omployer les moyens de lui plaire. Comme le souverain bonhcur de Fikme en cette vie est d'aimer Dieu et de lui complaire, I'acheminement a ce bonheur consiste dans la purification de la mémoire, de I'entendement et de la volonté, de tout ce qui n'est pas Dieu : et, comme Ton ne remplit la fiole d'une précieuse liqueur, si on ne I'a video auparavantde ce quelle contenait; ainsi lame doit êtrevidée et purifiée de tout souvenir, pensée, et amour des choses du monde, pour être
124
OPUSCULES SPiniTUKLS. 120
digne de recevoir la connaissance et ramour de Dieu. Par conséquent, mes chèi-es lilies, que la première application, et la principale étude devotre noviciat, soit de bien purifier Tame intérieurement et exteiieu-rement; intérieurement dans ses puissances, qui sont la mémoire, rentendement, et la volonté ; extérieure-nient dans les sens de nature, qui sont : voir, ouir, goiiter, flairer, toucher; teiiant tout cela en mortification pour ramour de Dieu.
Que la novice soit attentive aux inspirations du Saint-Esprit; quelle les receive avec beaucoup de révérence et de soumission; et qu'elle les déclarc a sa maitresse ou supérieure. II arrive assez souvent que Ton prend pour inspiration divine ce qui nait de lamour-propre ; le moyen de n'y être point trompé, eest de se tenir a ce quen jugera Ia supérieure ; rhumilité et la soumission de notre jugement plaisent k Dieu par dessus loutes choses. (Test un grand
J. DE JÉS. 11
OPUSCIXES SPlRiTUËLS.
avancement dans la perfection, quand 1 ame sent en soi une supérieure gouverner : et qu'elie tient pour bon ce qu'elie juge bon, pour niauvais ce qu'elie juge niauvais, captivant ainsi son jugement et sa volonté. Dieu est tout prèt ii secourir de telles ames, et il no permettra point qu'elles tombent eu erreur.
A l'égard de l'obéissance : que la novice soit prompte pour l'exécuter, aussitót qu'elie en recoit le signe ou le commandement : qu'elie s'en acquitte comme une fidele servante agissant en la présence de Dieu qui est son Maitre et celui qui commande.
Si l'obéissance porte sur quelque chose qui lui agrée, qu'elie soit également prête ^ Ia quitter pour en recevoir une autre : agir autrement c'est plutót chercher de faire sa propre volonté que celle d'au-trui.
Que robéissance soit sans amour-propre, sans respect humain et sans chagnn, tnais libre, volon-
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OPUSCULES SP1IUTÜËLS. 127
taire, simple ol indifférente : cello qui fait en cachctte ce qu'elle ne voudrait point être connu du public, est convaincue de faire le mal : l'obéissance simple est celle qui plait amp; Dieu, et elie donne la paix au coeur et le repos a ramo.
Que les novices ne commandent point, ni ne se reprennent point Tune l'autre : qu'elles ne désirent point d'être servies, mais qu'elles soient toujours prêtes a servir, et qu'elles ne refusent rien de ce qu'elles peuvent faire, pourvu que ce soit conforme a la règle et a la volonté des supérieures : qu'elles ne désirent rien de particulier plus que ce qui est servi en commun, el qu'elles prennent également de la main do Dieu l'aigre et le doux avec allegresse et actions de gramp;ces.
OPUSCULES SPIUITUELS.
128
Que la novice ne cherche point ii savoh' le che-min d'une autre, ui ne s'cntremèle des affaires d'au-trui; mais que chacune regard e ce que Dieu vent d'elle. Si toutefois elle ressent quelque peine ou anxiété de ce quelle voit ou qu'ellc entend d'une autre, elle peut l'exposer douccment a la maitresse, et lui en laisser le jugement.
Quelle ne cherche point de dévotion hors du commun, mais qu'elle soit prompte et fidele aux divins offices et a tous les exercices spirituels de la communauté. Qu'elle ne mette point son affection en quelque image, chapelet, reliquc ou médaille, mais en Dien seul. Qu'elle honore pourtant et qu'elle ait en haute estime les images des saints, leurs reliques, et toutos les choses saintes en Dieu, de qui provient
OPUSCULES SPI UIT U ELS.
toute saintelé au ciel et sur la terre. Qu'elle quitte aussi les livres particuliers de dévotion, et qu'elle so contente de ceux qu'on lit en commun pour acquérir et pour conserver l'esprit d'une devotion conforme. Du reste, qu'elle s'applique Ji la connaissance d'elle-mêrae, et k voir comment Dieu opöre en son ame : qu'elle aime, et qu'elle honore en Dieu toutes ses creatures. C'est ici un grand livre qui enseigne et qui conduit a la perfection.
Si elle se sent intérieurement poussée ou attirée ii quelque devotion, ou h la lecture de quelque livre particulier, qu'elle le fasse conuaitre a sa maitresse, et qu'elle en use selon son conseil.
IX
Qu'elle ne cherche point a faire quelque penitence particuliere ou extraordinaire, niais qu'elle pratique fidèlement celles qu'on fait en commun. Si toutefois le R. P. confesseur, la maitresse ou la supérieure ordonne quelque penitence secrete ou
OPUSCULES SPIRITUELS.
publique, il la faul faire sivnpleuieiit aiusi quelle esl ordonnée.
X
Quelle se donne toute ii Dieu autre les mains de ses supérieures, eonime si elle u etait plus ü elle. Quand Toffrande est une fois faite, il ne taut pas y revenir. L'offrande est faite par la renonciation a nous-mème, et par la donation de notre corps et do notre ame k Dieu et a la religion. Done, mes chères novices, soyez constantes en vos bonnes resolutions et ne perdez pas courage, do ce que vous vous voyez tomber en des imperfections, mais relevez-vous promptement, et demandez amp; Dieu de nouveaux se-cours. Agissez en vue de Dieu, et prenez de lui tout ce qui vous arrive intérieurement et extérieurement avec patience. Pensez que Dieu dispose ou permet tout pour voire plus grand bien. Mettez-vous sons la correction, ot souffrez ce qui arrive sans perdre le repos. Soyez promptes a reconnaitro vos fautes, et
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OPUSCüLKS SPIRITUELS. liJI
ne les cachez, ui ne les excusez jamais. Ne vous laissez pas abattre le coeur par quelque peine que ce soit, maisdéclarcz-la confidemment a vos supérieures, et dites aussi le sujet d'ou elle provieut, afin d'eu avoir un prompt et assuré remède. La coufusiou qui arrive de la décöuverte de nos fautes est salutaire, et elle conduit ii la aloire éteruelle.
J. DE JÉS.
12
EITRAITES DES INSTRUCTIONS QIE L.V MÈBË JEANNE FAISAIT AUX PROFESSES
Celui ou celle qui n'a point charge dame ne döit avoir soiu que de lui-même pour complaire a Dieu, et pour tendre a la perfection de son état.
La perfection ne fait aucune chose hors de Dieu : se délaisser et ne rien vouloir, sont les principes de la perfection.
Notre-Seigneur dit : Portez voire croix, et me suivez. En nous possédant nous-mêmes nous porlons une facheuse et pcsante croix, et 11 n'en est point de
'136 OPUSCULES SPIRITUELS.
plus grande que celle que nous nous fabriquons nous-mêmes par notre imperfection et par notre nature peu mortifiée. Nous ayant quittés nous-mêmes nous devenons amour : or, I'amour n'a ni peine ni croix; rumour se rójouit dans l'adversité, et il se fait plaisir de quoi la nature se fait peine. Par exemple, si quelqu'un vous dit des paroles piquantes, la nature vous en fait une croix, et vous fait dire ; « Je ne saurais souffrircela » : mais, si la nature est délaissée et mortifiée, lamour porte cela en Dieu avec joie et plaisir.
II faut laisser passer tout ce qui tombe sur la nature et lui fait peine, principalement si cela vient de la part du prochain; il Ie faut, dis-je, laisser passer, sans que l'esprit en ramasse, ou en réserve quelque chose, sans même qu'il y fasse réflexion, s'il se peut. Si vous usez de cette pratique de ne point discourir dans l'entendement de ce qu'on vous fait de déplaisir, vous ne donnez point place au ressentiment de la nature, et Tame demeure dans sa paix et sou repos. C'est uno pratique qui plait fort k Dieu et qui conduit a la perfection.
opuscules spirituels.
La malice intérieure s'engondre des discours de lentendement, et des raisonnementsquc Tesprit forge sur ce qui provient du prochain. La simplicité rc-tranche tous ces discours superflus de rentendement, et elle conserve la paix intérieure. Sachez que pette simplicité est surnaturelle, et que, pour l'acquérir, il faut s'exercer assidüment dans le délaissement de sa propre raison et de sa propre sagesse humaine. On peut appeler cela le dépouillement, ou la nudité de l'esprit.
137
La nudité d'esprit est la vraie noblesse de laiue qui no se fie, ne se repose, ni ne s'attache a aucune chose créée, mais qui se repose en Dieu seul. Elle rapporto a Dieu tout ce qu'elle voit, tout ce qu'elle entend, tout ce qui lui arrive. Elle agit, comme si tout était a elle, quoiqu'elle nc possède rien. On lappelle aussi franchise d'esprit.
12.
3. nr. ji:s.
opuscules spiritüels.
II y en a qui pensent avoir acquis cette nudité d'esprit, paree qu'elles sont indifférentes a tout ce qui leur arrive, ct qu'elles ne donnent point extérieu-rement des marques de ressentiment, lorsque les choses viennent contre leur gré, quoique la nature murmure intérieurement. Je vous dis que ce mur-mure intérieur fait assez connaitre quo la nature nest point encore toute mortifiée, et que ces per-sonnes sonl encore éloignées de la perfection.
Le ressentiment provient de ce que I'esprit n'a point encore surmonté la nature.
L'esprit de vérité ne se mécontente point du mépris qu'on lui fait. II ne s'en plaint point extérieu-rement; il n'en murmure point intérieurement; il n'y fait point même de réflexion pour sy arrêter. II lire profit du mépris qu'on lui fait, et il se persuade que c'bsi Dieu qui le conduit par cette voio a la con-naissancc de son néant.
138
OPUSCULES SPIKITUELS.
X
Heureux celui qui s'applique Ji la connaissancc de soi-mème! les mépris des hommes ne lui valent pas moins k eet effet, que les graces et les dons sur-naturels de Dieu.
XI
Je dis ; En vérilé, en vérité! on ne vient pas mieux ii la connaissance de soi-mème, qu'en se jugeant selon le sentiment de ceux qui censurent nos actions et qui nous méprisent.
Le moyen de surmonter la nature, eest de ne point s'attacher aux créatures, et de s'arrêter en Dieu seul.
L'ambition et l'estime du prop re honneur sont si fort enracinés en notre rebelle nature, qu'il est bien difficile de sen défaire.
139
OPUSCULES SPIRITUELS.
XIV
Posez le cas que Ton vous fait dotnmage eu quelque chose, que le monde estime; si vous vous troublez de cette perte, c'est que la nature domine encore en vous. Mais si vous tendez k la perfection, vous vous trouverez honleuse et confuse de vous ètre troublée pour si peu de chose.
XV
Hélas, mon Dieu! c'est bien la vérité que peu dames parviennent a la perfection! Hé! pourquoi est-ce. Seigneur? C'est paree que personue ne veut renoncer ii sa propre gloire, ni souffrir confusion devant le monde.
Si l'humilité et l'amour de Dieu étaient bien implantés dans nos cccurs, nolre propre estime serait bientót suffoquée.
Plus on revolt de graces do Dieu, nioiiis on a d'es-lime do soi-meme.
140
OPUSCULES SPIRITUELS.
Tenez-vous inconnu ou méprisé aux yeux des hommes, et Dieu connaitra votre humilité.
11 no faut pas faire de bonnes oeuvres pré-cisémont par intention de bien édifier le prochain, mais pourplaire k Dieu, et pour accomplir sa sainte volonté.
XX
Vivez bien, et vous édifierez le prochain, quoi-que vous n'en sachiez rien.
Notre vie doit être si parfaite, que tout le monde en puisse tirer exemple.
Le comportement uniforme de la communauté, aux prières, au travail, aux austérités, au dor-mir, au manger, au vêtir, et Ji toute autre chose est un grand trcsor; il öte toute envie et murmure,
lil
142 OPUSCULES SPIIUTUELS.
il conserve la paix, ct engendre I'arnour mutuel : Dieu se plait en telle congregation; il y fait sa de-meure, il la conduit par un cordial amour, et il verse sur elle ses abondantes benedictions.
Ne diles pas ; Dieu veut qu'on se nourrisse bien, pour avoir plus de force pour le servir ; c'est une excuse è la sensualité qui recherche ses aises sous prétexte de servir Dieu.
La sensualité est un appétit désordonné, qui n'est jamais rassasié en ses désirs : sa racine est si profonde qu'elle n'a ni commencement ni fin, et il est bien difficile de larracher.
XXV
II ne faut pas tuer le gout, mais la sensualité du goiU.
OPUSCILES SPiKITL'ELS.
XXVI
La charité oubliu facilement le mal qu'oii lui a fait : elle supporle tout paliemment, elle s'accorde a tout, elle pardonne tout.
XXVII
Une ame bien fondée en charité est affable, dé-bonnaive, joviale, et allègre d'esprit: elle fait tout ce qu'elle fait simplement et sans reflexion, sinon en Dieu.
XXVIII
Un Iraaitre spirituel ne doit laisser passer en son disciple aucune imperfection, sans la corriger ; s'il y manque, il en rendra compte a Dieu. On doit dire le même de tous ceux et celles qui sent en charge, a l'égard des personnes qui leur sont confiées.
XXIX
Une üme généreuse est sans malice et sans respect humain : elle no sait ce que e'est que flatterie; elle est sincère de coeur, libre et franche pour dire la vérité.
143
•144 OPUSCULES SPIRITUELS.
XXX
Si ie coeur et la bouche s'accordent 'd bénir Dieu en toute occasion, c'est un signe que leur trésor est en Dieu.
15
J. DE JÉS.
sur les mystères de la passion de n.-s. j.-c.
Le premief Pateu Noster ; en l'honneur de la sueur sanglante que N.-S. J.-C. répandit au jardiu des Olives. Pater Noster.
Le premier Ave Maria : en Thonneur des extremes angoisses qu'endura N.-S. au jardin, cousidérant que, nonobstant sa très-amere passion tant d'ames iraient k Ia perdition.
Le deuxième Ave Maria : en mémoire des angoisses qu'il sentit, considérant les douleurs qu'endurait sa sainte mère sous la croix.
Le troisième Ave Maria : en l'honneur des angoisses qu'il souffrit, voyant que plusieurs so ra ion t scandalises en sa passion.
OPUSCULES SPlIUiüELS.
Le qualrième Ave Maria : en rhonneur des angois-ses qu'il souffrit, voyant avoc quelle fureur les Juifs le viendraient assaillir.
Le cinquième Ave Maria : en rhonneur de la tiis-lessc qu'il souffrit trouvant ses Apótres endormis, quoiqu'il leur eüt dit que son ame était triste jusqu a la mort.
Lc sixième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. visita ses Apótres pour la deuxièrne fois, et les trouvant endormis leur dit: « Ne pouvez-vous veiller une heure avec moi? »
Le septième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. alia au-devant de ses ennemis.
Le huitième Ave Maria : en souvenance de Tex-trême bonté de N.-S. recevant le baiser de Judas.
Le neuvième Ave Maria : en mémoire de la compassion el de la puissance que montra N.-S. renver-sant avpc frayeur les soldats par terre et remettant 1'oreille a Malchus.
Le dixième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. fut pris, lié et trainé par le torrent de Cédron.
148
opuscules spiiutuels.
Lo deuxième Pater : en rhonneur de la doulou-reuse flagellation de N.-S.
Lc premier Ave Maria : en mémoire des injures et soufflets que rcg.ut N.-S. k la maison d'Anne.
Le deuxième Ave Maria : en l'honneur des dou-leurs qu'endura N.-S. en ses précieux pieds, étant trainé d'une maison k I'autre.
Le troisième Ave Maria : en mémoire des injures que reg.ut N.-S. en la maison de Caïphe, étant frappé et couvert dc crachats par moquerie comme faux Christ.
Le quatrième Ave Maria ; en mémoire dc ce que N.-S., lo jour étant venu, fut si honteusement meué a Pilate.
Le cinquième Ave Maria : en mémoire de ce qu'il fut crucllcment lié a la colonne.
Le sixifcme Ave Maria : en mémoire de ce quo N.-S. fut trois fois battu avoc divers instruments a la colonne.
149
opuscules sp1juïuels.
Le septième Ave Maria : en l'honneur du précieux Sang que N.-S. répandit en si grande abondance en la flagellation.
Le huitième Ave Maria : en mémoire des extrêmes douleurs qu'il souffril en ses précieuses plaies.
Le neuvième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. étant délié tombait et se baignait dans son précieux Sang.
Le dixième Ave Maria : en l'honneur de ce que N.-S. vêtit son pauvre habit sur son précieux Corps tout couvert de plaies.
Le troisième Pater : en Fhonneur du couronnc-ment d'épines du précieux chef de N.-S.
Le premier Ave Maria : en actions de graces de ce que N.-S. a donné son chef précieux, pour être si honteusement couronné pour notre saint.
Le deuxième Ave Maria en Thonneur des épines qui ont percé le sacré chef de N.-S.
ISO
OPUSCULES SPIRITUELS. 151
Le troisième Ave Maria: en l'honneur de sa grande patience, endurant ses extremes douleurs.
Le quatrième Ave Maria : en mémoire de la dou-leur qu'il endura quand les bourreaux, force de coups, enfoncbrent la couronne en son chef sacré.
Le cinquicme Ave Maria : en l'honneur du pré-cieux Sang qui découlait abondamment du sacré chef de N.-S.
Le sixième Ave Maria ; en mémoire du déshon-neur que re§ut N.-S. quand les soldats lui donnèrent un roseau en main pour sceptre royal, et lui cra-chèrent sur sa face en disant : « Je vous salue, roi des Juifs! »
Le septirmo Ave Maria : en mémoire des douleurs que N.-S. souffrit, quand ils lui arrachèrent son habit, pour le vêtir d'un manteau de pourpre.
Le huitième Ave Maria : en mémoire du la honte et confusion que re(;.ut N.-S. étaut montré par Pilate au peuple, en disant: « Ecce homo! »
Le neuvième Ave Maria : en romerciment de ce que N.-S. a voulu ouïr ce cruel cri du peuple ingrat; « Crucifiez-le! cruci'iez-le! »
Le dixiome Ave Maria : on actions de grèce de
opüsccles spirituels.
toutesles douleurs qua endurées N.-S. en son corps très-noblc et très-délicat.
IV
Le quatrième Pater : en actions de grace de ce que N.-S. a voulu être si honteusement crucifié pour notre salut.
Le premier Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. a regu la cruelle et très-injuste sentence de la mort sur la croix.
Le deuxième Ave Maria : en Fhonneur de ce que N.-S. a porté sa croix avec mille douleurs sur la montagne du Calvaire.
Le troisième Ave Maria : en l'honneur de la pro-fonde plaie qu'il regut sur son épaule sainte du pesant fardeau de la croix.
Le quatrième Ave Maria : en l'honneur de l'ex-trème doulenr que lui causa la couronne d epines sous le poids de la croix.
152
Lo cinquième Ave Maria : en mémoire do la con-
#
opuscules sp1rituels.
fusion qu endura N.-S. étant dépouillé do ses habits, et de ce que toutes ses plaies furent renouvelées.
Le sixième Ave Maria : en mémoire des douleurs que souffrit N.-S. étant brutalement élendu par les Juifs sur l'arbre de la croix.
Le septième Ave Maria ; en l'honneurde lextrême douleur qu'endura N.-S. quand sa main droite fut attachée avec un gros clou k la croix.
Le huitième Ave Maria: en mémoire des douleurs de N.-S. quand sa main gauche fut clouée.
Le neuvième Ave Maria : en l'honneur des pré-cieux pieds de N.-S. cloués sur la croix.
Le dixième Ave Maria : en actions de grSce pour les soufFrances excessives qu'endura la sainte Vierge Marie sous la croix.
V
I
Le cinquième Pater : en l'honneur du précieux cóté do N.-S. transpercé d'une lance.
Le premier Ave Maria : en mémoire de la pre-
153
1S4 OPUSCULES SP1IUTUELS.
mière parole que proféra N.-S. sur la croix, disant: « Mon Père pardonnez-leur, car Us ne savent ce qiCils font! »
Le deuxième Ave Maria : en l'honneur de la deuxième parole adressée au bon larron : « Aujour-d'hui, tu seras avec moi en paradis! »
Le troisieme Ave Maria : en actions de grace de ce que N.-S. dit k sa mère: « Femme, voila ton fils, » et h saint Jean : « Voila ta mère! »
Le qualrième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. adressa la quatrième parole k son Père éternel disant : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous délaissé? »
Le cinquième Ave Maria : en Thonneur et remer-ciment de la soif que N.-S. endura sur la croix, laquelle fut principalement du salut des aines, quand il dit : « J'ai soif. »
Le sixième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. dit : « Tout est consommé! n
Le septième Ave Maria : en Thonneur de la sep-tiJ'nie parole que dit N.-S. : « Mon Père, je remets entre vos mains mon dme et mon esprit, » et de ce que son Smn se séparade son vénérableetprécieux corps.
OPUSCULES SPIUITUELS.
Le huitièrae Ave Maria : en l'honneur du Sang précieux et de l'eau qui sortit du sacré cóté de N.-S., lorsqu'il fut percé d'une lance.
Le neuviomeOU'e Maria : en actions de grace de ce que N.-S. resta trois heures en croix.
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Le dixième Ave Maria : en mémoire de ce que N.-S. fut déposé de la croix, recju par sa très-aflligée mère sur ses genoux et de lil porté au sépulcre.
LOUÉ SOIT JÉSUS-CHRIST !
J ! ■
APPENDICES.
NOTES mSTORIQUES
SljR LK COUVENT El LA CONGREGATION UK LIMIIOLRG (nOI.HAIN).
l^a sainle communauté de Limbourg put vivre en (jaix tout un demi-sicclc après la mortde la vénérabie fondatricc. Mais, en 1703, un violent incendie dévora les casernes militaires qui avoisinaient leur maison, et le gouverneur de la villo les fit avertir de quitter incessarament le convent, pour faire place a la gar-nison. Laissons les bonnes sceurs raconter elles-mêraes les particularités de ce désastre.
« Le 22 février 1703, dit la chronique du couvent, environ 12 heures. et un quart a midi, le feu a été dans la caserne sur la place de feu M. Hamoir par un gargotier et de la a sauté sur la grande caserne de l'autre cöté de la villev Le feu était si violent que les Hammes fondaient les plombs dos vitres de notre
APPENDICES.
oraloire et enfin prit dans les carlouses du toil. Par la miséricorde do Dieu et le travail que Ton fit en versant a force de I'eau, on l'éteignit. Mais les bourgeois de la pauvre ville de Limbourg eurent presque toutes leurs maisons réduites en cendres. Le 23, M. Ie comte de Reinac, gouverneur, vint avertir notre Père confesseur, le R. P. Pierre d'Aix, qu'il nous fallait quitter notre cloitre, pour y loger la gar-nison. L'on nous chercha des maisons ö la basse ville de Limbourg, savoir celle de M. l'échevin Gro-teclaes, notre syndic, et celle de la veuve Ulric Gockmann.
» Le 28, mercredi des Quatre-Temps nous avons quitté notre cher cloitre de la fondation de toutes les Récollectines et sommes venues au faubourg dans les dites maisons, oil nous avons beaucoup souffert, pour un peu s'accommoder. Même, fêtes et dimancbes, ii fallait laisser entrer avec nous les séculiers, pour y entendre la messe, et cela, tant que nous sommes restées dans les dites maisons. Les supérieurs ayant résolu et nous ayant ordonné de rester au faubourg et d'y batir un cloitre, pour y maintenir la fondation des Récollectines de Limbourg, Ton a commencé a
160
APPENDICES.
so preparer a raraasser des picrros et matériaux, comnie it est marqué dans le Diurnel.
i) Le dernier d'aoüt, nous avons fail l'i.'ntrée dans notre cloitre en procession avoc 1c Très-Saint-Sacre-ment que le R. P. Laoureux portait. 11 y a chanté la messe et avons été d'abord clöturécs. Que ce soit a la gloire de Dieu et au salut de nos imes! La première fille vètue dans le nouveau cloitre a été Marie Defays, nièce du R. P. Antonin Bollan, native de Verviers. Elle a été vètue le 25 mars 1707 et a été appelée soeur Antoinette de I'Annonciation. »
Les religieuses avaient construit leur nouveau convent sur le terrain acheté par elles aux héritiers Wilt/, au prix do 1700 écus. Entrelemps leur maison de Limbourg, d'abord occupée par las troupes, avait été brülée ello-mcme au siégo de 4703 et leur jardin incorporé dans les fortifications; les alliés avaient fait construire des magasins sur les murailles res-lantes. Les sceurs s'adrcssèrent done a rEmpereur d'Autriche pour êtro dédommagées de lours pertes. Ce nc fut qu'après des instances réitérées et après avoir altendu de longues annécs, qu'elles oblinrent enfin 4000 florins, sommc qui leur permit d'achcvcr
J. DE JÉS. li
161
APPENDICES.
leur couvent dont la première pierre avail été posée le 23 mars i70S. Mais leur chapelle était si petite que la plus grande partie de ceux qui venaient pour entendre la messe étaient obligés do rester a la porte. A la sollicilation des principaux do l'endroit et dos environs, elles commencèrent, en '173o, a batir leur église, construction qui, vu leur grande pauvreté, no put être achevée que 22 ans plus tard en 1737 (i).
Pendant la grande revolution fruncaise a la fin du siècle dernier, los vexations no raanquèreut pas aux servantes de Dien. Plus heurouses que la plupart des autres religieuses do lour congregation, colics de Dolhain échappèrent momentanément a la suppression, grace sans doute k leur pauvreté et Ji la protection qu'olies rcgurcnt des autorités urbaines.
(■I) La pose de Ia première pierre cut lieu le 10 mai. Parmi les bienfaiteurs du couvent el de I'^glise, nous voyons ligurer surtout les noins suivants : le baron de Rectercn ; le cotme de Walsassine ; de Slraelon , seigneur de Getnenicli ; lilanclie ; Thisquen ; le baron de I'roiileaux ; Le Ban. seigneur de llousse ; Cocquelet, curé de Mahnedy ; baron de Godia ; flaill^e ; baron de Nagel ; Sal in ; Groteclaes ; Decoulon ; lleul; conitisse de Lannoy ; de Berset; Doniver ; etc., etc.
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APPENDICES.
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Nous avons sous les yeux le rapport fail par les membres de la municipalitó de Limbourg, chargés en 1796 de faire l'inventaire des effets qui se trou-vaient dans leur église, et dans lequel nous lisons : « Nous déclarons nous ètre transportés au convent des religieuses Récollectines de Dolhain, oii, après avoir fait lecture de larrêté a. la R. Mere Catherine Joseph de Saint-Henri et Ji la R. Mere Catherine de Saint-Léon, sacristaine, nous avons demandé inspection des objets qui s'y trouvaient, lesquelles, aprfes nous avoir observé que tous les effets en argenterie qu'elles possédaient avaient été donnés a la munici-palité de Limbourg pendant l'hiver de 1795, lorsque le peuple, tant par la pénurie et la cherté des denrées que par la stagnation absolue de la fabrique, élait non-seulement réduit la dernière misère, mais encore périssait de faim, pour lui être distribué en pain, ce qui est parfaitement de notre connaissance et acte réellement et exactement exécuté. A Ia suite de quoi, elles nous ont conduits i la sacristie et nous ont désigné et avons trouvé les effets ci en-bas spécifiés. » Suit la liste des objets appartenant a la chapelle des sa'urs. Cette piece adressée a radminis-
APPENDICES.
tratiou centrale du département de l'Ourthe, fait honneur la municipalité de Limbourg comme aux religieuses. Elle est signée : sceur Catherine Joseph, supérieure, scour Marie-Catherine, sacristaine. P. Surlemont officier municipal et A. L. Buchet greffier, et porte la date du 4 pluvióse, an IV.
Tandis que les sceurs de Dolhain continuaient a suivre les saints exercices presents par leurs constitutions, les autres maisons de la congrégation, a lexception toutefois de celle d'Eupen, succombaient sous les coups de l'impiété révolutionnaire. Les Pères Récollets qui avaient prévu les évènements, avaient pris leurs mesures en conséquence, pour tranquilliser et pour diriger la conscience des épouses de J.-G. lancées de nouveau dans le monde, en faisant pour les pauvres exilées un reglement de vie qui mérite d'etre conserve et que nous reproduisons intégrale-ment.
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REGLEMENT PROVISOIIIE
Communiqué aux convents des religieuses soumises au Provincial des Frères-Mineurs Récollots de la province do Flnndre, pour (Mre suivi après leur expulsion et pendant loute la diuée de leur suppression.
Mes ciièhes Soeiirs,
m Si, comme nous, vous avez 1c malheur d'etre chassées de votre cloitro, ne perdez jamais de vue, dans votre retraite, les engagements sacres et invio-lables que vous avez juré le jour de votre profession, de suivre pendant tout le cours de votre vie. L observance de vos voeux est un devoir indispensable qui vous accompagnera jusqu a la mort. Mais l'impossi-bilité ou la trop grande difficulté de pratiquer toutes les autres occupations inhérentes a voire institut, telles que celles qui ont rapport a la cloture, a l'habit religieux, a la celebration de roffice divin, aux jeünes ou abstinences de votre Regie et aux autres devoirs presents par vos constitutions, permettent ii vos supérieurs majeurs d'y apporter qiieiques change-
APPENDICES.
ments par la voie de dispense ou de commutation at de déléguer même k eet effet, dans notre ordre et hors de. notre ordre, des ministresprudents et éclairés de lesprit de Dieu, au jugement desquels je veux que vous déféricz sans scrupule dans vos doutos et vos perplexités.
» C'est d'après les observations qu'en vertu de l'autorité dont je suis muni, par mon office et par uno confirmation du Saint-Siège, je vous declare, que, si vous venez a être contraintes par une puissance séculière a sortir de votre cloitre, vous pourrez en toute süreté de conscience prendre aillcurs votre domicile, amp; condition pourtant d'y vivre de la manière la plus retirée et la plus conforme qu'il sera possible a celle qui était en usage dans le saiul asile qu'on vous aura forcé d'abandonner.
» II vous sera aussi permis ii cette époque de prendre le costume séculier, mais en conservant sous Textérieur de ce vêtement quelque marque distinctive de votre vestiaire rcligieux et prenant bien garde que le nouveau costume ne change rien a la modestio et a toute la bienséance qu'exigc la pauvreté que vous
avoz vouée. Vous devrez faire en sorte que rien n'y
166
APPENDICES.
paraisso de mondain ou do précicux, soit par rapport aux étoffes, soil lour couleur ou a la facon, rien qui puisse porter la moindre atteinte a la pureté angélique (jue vous ave/ jure dc pratiquer.
» Le vceu d'obéissance restant dans toute sa force, vous devrez toujours recounaitre 11 eet égard les supérieurs de Fordre et surtout les supérieurs majeurs ainsi que pour tout ce qui a trait h la juridiction sacramentelle, aux dispenses, aux permissions relatives a l'usage des choses nécessaires. Mais I'impos-sibilité d'exercer par moi-mème le ministère m'obli-geant a le délégucr a d'autres, je délègue par la présente, pour l'acquit de cet einploi, en mon nom, tous les prètres de notre ordre, approuvés de l'ordi-nairepour les séculiers, ainsi que les curés et vicaires des paroisses oil vous serez et que vous aurez choisis pour vos directeurs.
» Quant aux jeünes presents par TEglise, vous suivrez Tusage du diocese, ainsi que quant k I'absti-nence; mais quant aux jeünes de votre Regie, vous suivrez les avis de vos directeurs.
» Vous reciterez en particulier Tollico divin et les autres priores que Ton récitail en connnun dans votn-
167
APPENDICES.
couvent. Quant au travail, la lecture, I'oraison men-tale, l'examen de conscience, la messe, la confession, la communion, la retraite et généralement tous les usages religieux de votre communauté, vous vous dirigerez d'après les conseils de vos confesseurs dont le choix doit répondre a I'importance que vous devez attacher a votre salut éternel.
» Observez, mes chèros scours, que toutes les libertés que je vous donne et que les malheurs dos temps justifient, sont bornécs k la durée de la suppression, et que, celle-ci venant a ccsser, vous êtos obligées de rentrer dans votre cloitre, pour y vivre, comme avant votre sortie, aussitót qu'il sera possible. Que le Seigneur daigne vous consoler, vous encou-rager et vous combler de ses benedictions ! Pricz pour moi.
» Fait a Nivellt's le 23 décembre 1706.
» P. Camille Leblan. Min. provincial, n
L'église paroissialc do Dolhain possède un rapport ofliciel daté du 10 mai 1808 et intitule ; « Etat die
materiel des assoemtions religieuses de femmes exis-
168
Al'PENltlCES.
tant dans Ie departement de l'Outihe, » duns lequel se trouve brièvement exposée la situation matévielle du couvent de Dolhain a cette époque. Nous en extrayons les rubriques suivantes, pour compléter ces données historiques.
« Les propriétés foncières de cette maison consistent en mie petite prairie servant de paturage a une vache, et en un jardin légumier qui est insuffisant pour la consommation de la communauté. Leur maison et leur église sont dun grand entretien. Les annuités de leurs capitaux importent annuellemenl fl. 964, 135 de Liège ou 1143 francs, 28 centimes. Le travail manuel qui se fait dans cette maison con-siste dans la reparation des linges de la sacristie, ceux de la maison, des ornements et a faire des béatilles que les religiouses distribuent aux bienfai-teurs et a leurs parents.
» La dépense annuelle varie chaque année a proportion de la cherté des vivres et des reparations extraordinaires. Néanmoins olies tachent de ne pas outrepasser leur revenu qui se raome, les pensions des quatre élèves comprises, a fl. 1764, 13 s. de Liège ou 2091 francs, 42 centimes.
J. DE JÉS. 15
■169
APPENDICES.
)) Le couvent est aujourd'hui róduit ii 10 individus, et, malgré ce petit nombre, dies continuant non-seulement a remplir leurs offices jour et nuit avec lu plus rigourouse exactitude, mais elles ont encore décharge les anniversaires jusqu'au moment, oil la fabrique de Teglise de Limbourg s'est mise en possession des t'ondations en vertu du décret impérial du 7 thermidor, an XI. De tout temps elles ont vécu dans la plus parfaite union et très-exemplairement, aujourd'hui même elles observent la plus rigoureuse clóture.
» Elles viventvraimentd economie; car leur revenu suffit Ji peine pour leur entretien et celui de deux servantes. Ce revenu était ci-devant plus considó-rable, mais, depuis quelques années, elles ont perdu différents capitaux qui se montent a 8978 fl. de Liege on 10,640 francs, 57 centimes, tant paree qu'on les a éteints par dcs assignats, par des expropriations forcées oil ces capitaux n'ont pas été reconnus, que par d'autres fatalités.
» Noms des 10 religiemes.
1°. Marie Angéline Cardol, agée de 7a ans, recue le 2o juin 1754.
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APPENDICES.
12°. Anne Joseph Delsaute, figée de 69 ans, regue le 21 juin 1757.
3°. Marie Bernardine Hermens, agée de 63 ans, vegue le 28 octobre 1760.
4°. Marie Joseph Vossen, agée de 64 ans, re^ue le 28 juillet 1761.
5°. Marie Catherine Legrand, agée de 67 ans, regue le 9 mai 1762.
6°. Anne Catherine Joseph Vanderheiden, ügée de 64 ans, regue le 15 octobre 1765.
7°. Marie Cécile Esser, agée de 60 ans, regue le 29 juillet 1766.
8°. Marie Lambertine Schyns, amp;gée de 59 ans, regue le 11 juin 1770.
9°. Marie Anne Gormann, agée de 54 ans, regue le 10 aoüt 1779.
10°. Marie Rose Beckers, agée de 44 ans, regue le 30 aoüt 1791.
» A cetle époque il n'y avait ni postulantes, ni novices. »
La mort fit encore des vides dans la petite commu-nauté, de sorte qu'il ne rostait plus que deux soeurs, lorsqu'un arrèté ministériel du 11 novembre 1823
171
Ai'I'UiNUlCES.
vint la supprimer. Ge même arrêté laissait aux deux religieuses survivantes la jouissancc des revenus de 1 etablissement et leur permettait d'habiter le couvent jusqu a leur décès. Grace aux efforts de M. Stembert, bourgmestre de Dolhain, qui se rendit personnelle-ment ii La Haye, les batiments furent conservés a l'instruction publique ainsi que la partie libre des revenus. Après la mort des deux religieuses, la partie de ces revenus dont elles avaient conservé la jouissance, devait être également employée dans leur intégrité pour l'instruction primaire.
La dernière religieuse de Dolhain, sceur Marie Rose-de-saiut-Guillaume, dite Beckers, native de Hombourg, est décédée en 1847, après avoir eu le bonheur assez fréquent dans cette congregation, de cólébrer en 1841 le cinquantième anniversaire de sa profession, qui fut un jour de fête pour toute cette petite ville. L'église conventuelle devint paroissiale, lorsque Dolhain fut démembré de la paroisse de Lirabourg en 1834. Après avoir été longtemps le palladium de la ville de Limbourg, forteresse plus imprenable par la prière et les macerations des épouses de J.-G. qu'elle hébörgeait, que par ses
17-2
APPENDICES. '173
rochers et ses bastions, lancieu convent est clcivenu en quelqne sorte le berceau de la jeune succursale. Puisse cette deruière a sou tour ne jamais onblier ce qu'elle doit a Ia congrégation de Jeanne de Jésns, et formuler un jour son amour et sa reconnaissance, en préparant Ji sa venerable fondatrice un tombeau digne d'elle, digne du sanctuaire dans lequel elle repose, digne enfin du Dien dont elle fut l'épouse fidele! Puisse cette ville industrielle ètre préservée, par ia prière de cette sainte femme, des écarts dans lesquels conduit souvent l'industrie que ne sanctifie pas l'esprit chrétien! Puissent de nouveau, comme dans le passé, ses malades trouver leur guérison sur sou sépulcre! puissent ses affligés y obtenir la consolation dans leurs angoisses! ses malheureux la sainte resignation ! puisse enfin un jour l'arbre rajeuni de Jeanne de Jésus, ètre replante sur son sol natal, orné cette fois d'une double floraison d'oeuvres de miséricorde spirituelle et corporelle!
i:..
j. uk JI;S.
PIECES
JUSTIFIGATIVES
POUR LES KEL1G1EUSES DE L1MBOÜRG.
Cejourd'hui, le dix-septiesme jour du mois de janvier de Tan de nostre Seigneur Jésu-Christ mille six cents et trente deux comparut par devant moi soussigné notaire apostolique, résidant k Bruxelles, en présence des témoins ci-dessous nommés noble dame Fran^oise de Gaure, marquise de Malespine el Monti, dame foncière de Viller, de Hombourg, etc., ensemble le Révérend Père Charles de Malespine de la société de Jésus tant en son nom qu'au nom de son frère, duquel il déclare avoir procure, ainsi que en bas sera mis et se firent exhiber certaine donation inter vivos en la teneur de suivante :
Francoise de Gaure, marquise de Malespine, de Monti, dame foncière de Viller, de Hombourg, etc., et Charles de Malespine et de Monti de la société de Jésus tant cn son nom qu'en vertu do la promesse de
APPENDICES.
178
soa frère ii tous ceux u qui appartiendra sgavoir fai-sons que pour l'amour de Dieu, salut do nostre ame et de feu notre man et père de nos enfants et en réquisition du Reverend P6re J. Pierre Marchant, lors définiteur général de l'ordre de Sainl-Frangois et ministre provincial de la province des Flandres avons purement et franchement donné et transporté, donnons et transportons amp; perpétuité nostre maison en la ville de Lirabourgavec lesjardins, estables etc., en lieu appelé la Batterie, pour y être basti un mo-nastère pour les religieuses Pénitentes Réformées de l'ordre de Saint-Frangois, comrae aussi présentement et dit monastère y est basti, nous ayant esté données dépositions, lettres par le susdit R. Père Provincial par lesquelles 11 nous communique prières, messes, offices divins ct privileges tant des souverains Pon-tifes que de l'ordre qui ont été donnés ou seront par après concédés aux fondateurs ou fondatrices des maisons religieuses reconnaissant pour vrais fonda-trice et fondateur de ladite maison des religieuses Pénitentes de l'ordre de Saint-Frangois basti sur mon fond de Ia susdite ville de Limbourg, lequel droit aux privileges de fondatrices et fondateurs ayant
APPENDICES. 179
accepté pour nous et nos hériüers celui ou celle a qui entendront les laisser par testament ou deruière volonté nous avons voulu réciproquemeut faire deposition de ces propres lettres de donation legitime et asseurance pour les susdites religieuses, suppléant par cet escrit toutes conditions de formes rcquises, afin que cette donation sorte a toujours son plénier effect, sans que personne les puisse troubler. Au signe de quoi avons signé les présentes de nostre signe manuel f
Et ont ladite dame comparante et ledit Révérend Père signé la minute de ceste de la maniöre suivanfe: Fran(;oise de Gaure, marquise de Malespine ot de Monti. Charles de Malespine et de Monti de la socicté de Jésus, de la vertu de mon frère aussi.
Ainsi fait et passé en la ville de Bruxelles, le jour, mois et an susdits en la présence de Acgidius van den Abbild, secretaire de ladito dame marquise de Malespine etc., et Jean Dassonville, témoins appelés ot signés.
Eu tesmoignage do vérité signe la présente :
Adrian uk Mkkuükqlk, not. a post. 1632.
180 APPENDICES.
Par acte du 22 janvier 1642, la marquise de Malespine céda ses droits au marquis d'Ayseau. Nous y lisons les lignss suivantes ;
« Je donne et légate le litre de fondatrice que je me suis réservé de la maison des pères de la société de Jésus a Audenaerde comme aussi celui du couvent des Pénitentes de la \ille de Limbourg au marquis d'Ayseau, mon nepveu, lesquels litresmon dit nepveu ou ses hoirs masles porteront a toujours après mon décès ou a faute d'iceulx autres masles portant le nom et les armes de Gaure. »
BREF DE S. S. LE PAPE URBAIN VIII
POUTANT CONFIRMATION
flES CONSTITUTIONS DES PÉKITENTES-ltÉCOLLECTINES.
Traduction jointe ,
aux Conslitvtious imprimées a Luxembourg, 1722.
Urbain VIII papc. Pour future mrmoiré.
Ces jours passés nous a fait remontrer notre bien-aimée fille en J.-C. Jeanne de Jésus, supérieure dos religieuses réformées du Tiers-Ordre de Saint-Francois, dites de la Penitence, vivant sous la clóture per-pétuelle de la congrégation do Limbourg aux Pays-Bas, que passé dix ans par permission de ses supérieurs de l'ordre de Saint-Frtmcoisappelés Récollets, avec quelques autres religieuses de ladite congrégation a commence au duché deLimbourg, diocese deLiége, une information au dit Tiers-Ordre sous clóture porpé-tuelle et constitutions approuvées par les susdits
J. IIF JliS. IU
APPENDICES.
supérieurs, laquelle reformation s'est étendue en plu-sieurs lieux et monastères. Or, comme ladite remon-trance ajoutait, decramte que par succession de temps
il n'arrivat que celte reformation se relacherait, et
\
pour un plus heureux gouvernement de ladite congregation et accroissement de la religion, ladite Jeanne désirant fort que les susnommées constitutions fussent munies par la puissance de notre confirmation apostolique. Nous voulant en tant que pou-vons en N.-S. satisfaire aux pieux desseins de ladite Jeanne et la voulant bénéficier des faveurs et grftces spéciales, Fabsolvantaussi par la teneur des présentes et la tenant pour absoute de toute excommunication, suspension, interdit et autres sentences ecclésiasti-ques ou peines prononcées par le droit ou par homme pour quelque occasion ou cause, si par aventure elle en était liée et ce seulement pour jouir des effets des présentes. Inclinés aux supplications qui nous ont été en son nom présentées sur ce sujet : du conseil de nos vénérables frères, les cardinaux de TEglise Romaine, surintendants aux affaires ou négoces des réguliers par autorité apostolique. Nous approuvons et confirmons les dites constitutions (en tant tontefois
API'KXniCKS.
qu'elles sont en usage, licites et hounètes et qu'elles ne sont rappelées on comprises sous quelques revocations et qu'elles ne sont contraires aux sacrés canons et décrets du Concile de Trente et ordon-nances apostoliques). Décernant ces constitutions et lettres ètre dès raaintenant et au temps futür valides, fermes et effectives, obtenir et jouir de leurs plains et entiers effets et devoir ètre observées de tous ceux présents et a venir, auxquels en quelque facon que ce soit, elles toucheront ou appartiendront. Et par ainsi que tous les juges ordinaires et délégués, même les auditeurs des causes du sacré Palais apostolique devront juger et définir selon icelles, declarant nul et invalide lout ce qu'autrement de qui ce soit et de quelle autorité qu'il soit par oscient ou par ignorance sera attenté; nonobstant tout ce qui pourrait ètre servi au contraire.
Donné ii Rome, auprès dc sainte Marie Majeure sous l'anneau du Pécheur, le 15 juillet 1634, I'an-née 11 de notrc Pontifical.
Et était signé en bas :
M. A. Maraldus.
18:5
■
LISTE DES RELIG1EUSES PROFESSES
üe i.a ma1son-mère de umboürg (uolhain).
A Limbourg, smirs
Jeanne de Jésus, dite Neerick, fait sa profession le 16 septembro 1623. f 26 aoüt 1648.
Francoise de S,e-Marie, dite Verhelot, fait sa pro-fession le 16 septembre 1623.
Marie de S'-Bonaventure, dite Backe, fait sa pro-fession le 16 septembre 1623.
Catherine de S'-Antoine, dite Malkam, fait sa pro-fession le 16 septembre 1623. ,
Jeanne de S'-Bernardin, dite Wageneere, fait sa profession le 16 septembre 1623.
i
Angéline de S,c-Marie.
1,
Marie-Glaire de S'-Frangois.
Elisabeth de S'-Didace.
Marguerite de S'c-Elisabeth.
APPENDICES.
Dorothée de Ste-Ursule.
Agnès de S'-Junipère, converse.
Elisabeth de S^-Mauie, dite Ferette-Cunégonde de la Girconcision.
Théodore do Stc-Barbe.
Angéline do S'-Francois, dito Schavaune-, Emmanuel de Jéscs.
Liduvine^do S'-Léon.
FranQoise do S'-Bernard.
.Marie do Ste-Gécile.
Espérance du S'-Esprit.
Archangéline de la Sainte-Trinité-Thérèse de Ste-Aiine.
Magtleleino do S'-Adrien.
Agnès de S'-Jean-TEvangéliste.
Geneviève de S'-Matthicu.
Paula de Jésus.
Ursule de Jésus.
Anne de Sle-Glaire.
Paschale du Saixt-Esprit, dite Uaake, de Lim-bourg, fait sa profession le 28 avril 1658, f 14 mars 1720.
Marie-Anne de S'-Joachini, dite Borix, de Soiron,
-186
appendices. 187
fait sa profession le 17 janvier 1666, t lo noveni-bre 1727.
Marthe de Ste-Barbo, dite Willems, de Pollen r, fait sa profession le 6 décerabre 1666, f 20 janvier 1712.
Jeanne de Ste-Claire, dite Alloys, de Limbourg, fait sa profession le 31 octobre 1683.
Marie-Josephe de Jésus, dite De la Roche, de Limbourg, fait sa profession le 29 janvier 1686, t jubi-laire vers 1740.
Constance de la Résurrection, converse, dite Dol Sauze, de Goé, fait sa profession le 22 avril 1689, 1 1720.
Bonaventure de Jésns, dite Géron, do Namur, fait sa profession le 4 jnin 1691.
Franooisc-Catheriiif! de 8le-Barbe, de Polleur, fait sa profession le 8 septerabre 1693.
Marie-Bernardine de S'-Joseph, dite Flameng, de Limbourg, fait sa profession le 20 octobre 169Ö.
Marie-Incarnatio de S'-Lambert, dite Bonivev, de Theux, fait sa profession le 29 octobre 1693.
Marie-Magdeleine, converse, dite Dellwuijne, do
188 appendices.
Villers, fait sa profession le 8 juillel 1697, t 31 octo-bre 1728.
Rose de S'-Gérakd, dile Marette, de Namur, fait sa profession le 2 septembre 1698, f 19 février 1729.
Séraphine do S'-Servais, dite Delvaux, des Ayaux, fait sa profession le 1 février 1699, t 2 raai 1720.
Colornbe de la Sainte-Trinité, dite Lejeune, de Stoumont, fait sa profession le 31 mai 1699, f 20 septembre 1714.
Anne-Claire de S'e-Marguerite, dite Mar ay ken, do Limbourg, fait sa profession le 29 septembre 1701, 116 février 1712.
Jeanue-Pascbale de Su'-Anue, dite Firquet, de Hermalle-lez-Iluy, fait sa profession le 2o mars 1703.
APPK.NÜICES.
A Dolhain, soeurs
Marie-Antoinette de rAnnonciation, dito Defays, de Verviers, fait sa profession le 26 mars 1708.
Thérèse-Joseph de S'-Guillaurae, dite Sonius, de Clermont, fait sa profession le 20 juillet 1710.
Marie-Francoise de S'-Michel, dite Bonvoisin, de Hodimont, fait sa profession le o juillet 1711,
Marie-Victoire de Sl-Jean, dite Dresse, de Thi-mister, fait sa profession le 30 octobre, 1712.
Francoise-Claire de S'-Joseph, dite de Waesberg, de Clermont, fait sa profession le 23 juillet 1713.
Jeannft-Catherine de S'-Henri, dite La Haie, de Thimister, fait sa profession le 16 juillet 1715.
Barbe-Joseph do Ste-Catherine, dite Hacboister, de Boland, fait sa profession lo 30 mars 1717.
Marthe-Josoph de Jésus, dite Lys, de Clermont, fait sa profession le 10 aoüt 1721.
Marthe de Squot;e-Anne, dite Maraite, de Xhoffraix, fait sa profession le 8 décembre 1721.
Marie-Hyacinthe du Saint-Esprit, dile Mottet, de Polleur, fait sa profession le 20 juin 1724.
Marie Claire deS1-Jean, dite Mangay, dc Verviers, fait sa profession le 29 avril 172ö.
18!)
APPENDICES*
Marie-Caroline de S'-Jean, dite llerquet, de Ver-viers, fait sa profession le 10 juillet '172o.
Marie-Joséphine de S'-Henri, dite Vanderheyden, de Montzen, fait sa profession le 9 septembre 1727.
Claire-Joseph de S'-Pierre, dite Mangay, de Ver-viers, fait sa profession le 26 septembre 1728.
Marie-Isabelle de S'-Antoino, dite Laurenti, do Limbourg, fait sa profession le 19 novembre 1728.
Marie-Anne de S'-Guillaume, dite Charise, do Montzen, fait sa profession le 24 mai 1731.
Anne-Joseph de S'-Paul, dite Keser, de Dolhain, fait sa profession Ie 4 septembre 1731.
Marie-Elisabeth de S'-Jean, dite Heshignon, de Herve, fait sa profession le 10 mai 1734.
Marie-Catherine do S'-Antoine, dite Rogister, de Charneux, fait sa profession le 26 novembre 1734.
Anne-Elisabeth de S'-Nicolas, dite Colette, de Heusy, fait sa profession le 16 février 173o.
Jeanne-Victoire de S-Henri, dite Feye, de Néaux, tait sa profession le 12 décembre 1735.
Maiue-EmmanCel de S'-Joseph , dite Bousse, du pays de Luxembourg, fait sa profession le 2a mars 1740.
190
I
APPENDICES. 191
Marie-Ange de S'-Matthias, dite Malvau, de Bolland, fait sa profession le 30 octobre 1740.
Marie-Joseph de S'-Frangois, dite Birven, de Montzen, fait sa profession le 12 septembre 1746.
Thérèse-Joseph de S'-Martin, dite Marbaise, fait sa profession le 3 novembre 1750.
Marie-Séraphine de S'-Paul, dite Esser, fait sa profession en 1751.
Catherine-Joseph de S'e-Elisabcth, dite Franck, fait sa profession le 12 janvier 1752.
Marie-Thérèse de S'-Jean, dite Geratz, fait sa profession le 19 juin 1752.
Marie-Claire de S'-Adolphe, dite Philips, fait sa profession le 26 septembre 1752.
Marie-Anne de S'-Léonard, dite Poyck, fait sa profession le 6 novembre 1752.
Marie-Bonaventure de S'-Jean, dite Gillis, fait sa profession en 1754.
Marie-Gabriel de S-Henri, dite Vonderheyden, fait sa profession le 28 mai 1754.
Marie-Jeanne de S'-Wimand, dite Birven, fait sa profession le 2 juillct 1754.
Marie-FranQoise de S'-Isaac, dite Vercken, fait sa profession lo 18 juillct 1754.
192 appendices.
Mavie-Angéline de Sl-Jacques, dite Car dolle, fait sa profession le 1 juin ITSo.
Marie-Constance de Sl-Pierre, dite Kunnen, fait sa profession le 29 juillet 4788.
Anne-Joseph do S'-Jacques, dite Delsaute, fait sa profession le 26 juin 1788.
Marie-Rose de S'-Lambert, dite Quoithach, fait sa profession le 4 septembre 1788.
Marie-Alexandrine de S'-Guillaume, dite de Ce-rixhe, fait sa profession le 8 juillet 1760.
Bernardine de S'-Pierre, dite Hermens, fait sa profession le 3 novembre 1761, 119 mars 1810.
Marie-Joseph de S'-Guillaume, dite Vossen, fait sa profession le 3 aoüt 1762.
Marie-Hubertine de S'-Jean, dite Vonderheyden, fait sa profession le 28 septembre 1762.
Marie-Catherine de S'-Léon, dite Legrand, fait sa profession le 17 mai 1763.
Marie-Marthe de S'-Nicolas, dite Dausemberg, fait sa profession le 4 juin 1764.
Anne-Catheiune-Jüseph de S'-Hexui, dile Vonderheyden, fait sa profession le 19 octobre 1766.
Marie-Cécile de S'-Matthias, dite Esser, fait sa profession le 4 aoüt 1767.
APPENDICES.
Marie-Lanibei'tine de S'-Joan, (Hto Srhins, fait sn profession le 12 juin 1771.
Marie-Anne de S'-David, dite Cnrmcmn, fait sa profession le 16 aout 1780.
193
Marie-Rose de S'-Guillaume, dite Beckers, de Hombourg, fait sa profession le 4 septembre 1792. t 26 novembre 1847 jubilaire.
n n .
Dédicace.
I
1
9
Avant-Propos
Chapitke premier. — Entrée fn religion ; noviciat, profession,
dóture. — Le II. P. Marchant
Chap, deuxième. — Jeanne est élue supérieure : opposition contre la cloture; elle abdique ; mesures prises par les supérieurs. — Souffrances de soeur Jeanne. — Le petit chapelet de
la Passion,
Chap, troisièhe. — Elle établit la cloture et la réforme hors de son raonastère. — Madame de Malespine fait don d'une maison a Limbourg. — Depart de Jeanno avec quatre conapagnes pour cette ville. — Allocution de la Mere Jeanne a ses Giles. — Résumé des constitutions approuvées par Urbain VIII. — Premiers succes.............19
TABLE.
Clap, quatiuème. — Do sa mortification, «t comment elle y exergait scs filles. — Epreuve que les soeurs appeiaicnt leur Purgatoire. — Don du discernement des esprits. . . 34
Chap, cinqdième. — Elle va fonder un raonastère a Philippevilie.
— Visite a la marquise de Malespine, — Reception des soeurs.
— Inauguration du nouveau cloitre. —Vocation extraordinaire de la baronne de Schingen. — La réforme a Ecloo, fondations a Fontaine-l'Evéque, a Couvin. etc. . . . 41
Crap, sixième. —Desconnaissances on révélalions dont Dieu favorisa la vénérable soeur Jeanne de Jésus. — Son esprit prophétique. — Discernement des esprits. — Don de contemplation.— Scène de jubilation mystique.....53
Chap, septieme. — De la ferveur de son amour et de sa devotion. „
— Transports de I'amour divin. — Sa dévotion envers le Saint-Sacrement. — Octave d'adoration dans Ie couvent des Kécollectines. —Guérison extraordinaire d'une petite fille.—
Sa confiance en Dieu et son égalité d'humeur. . . . (gt;3
Chap, dcitième. — De sa mort et de sa sépultnre ... '73
LE JARDIN DF.S DKLfCES DU SEIGNEUR.
I. — De la grace prévenante.........8quot;
II.—De la grace sensible..........91
■196
TABLE. 197
v III. — De la grace florissante..........95
IV. — De la grace puriflante...........99
I V. — De la grace gratiüante..........103
VI. — Dela grace jubilante..........407
; Insiriictions acx novices...........'121
Maximes extraites des instructions que la tnère Jeanne faisait aux i, professes...............135
Dévot chapelet sur les mystères de la passion de N-S. J.-G.
147
Notes iiistoriques sur le couvent et la congrégation de Limbourg (Dolhain)...............159
Réglement i'iiovisoiiiE comimini(|ué aux couvents des religieuses soumises au Provincial des Frèrés-Mineurs Uócollels de la province de Flandre, pour (Hre suivi après leur expulsion et pendant toute la durée de leur suppression.....l(io
Donation du fonds pour les religieuses de Limbourg . . 177
Blief de sa sainteté le Pape Urbain VIII, portant conOrmatkm des Conslilutions des Pénitentes-Récollectines. (Traduction jointe aux Constitutions imprimées a Luxembourg, 1722). 181
I.isïe des ueligiecses piofesse? do la Maison-Mère de Limbourg (Dolliain)........... ... 185
fin de la table.
J. HE JÉS.
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