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SOCIETE DEPAUTEMENTALE D'AGRICULTURE
DE LA NIEYRE.
SEANCES DES 13 ET 14 SEPTEMBRE 1872-
CONFERENCES
DE
M. BOULEY
MEMBRE DE L'lNSTITIIT ET DE LACADEMIE DE MEDECINE , INSPECTEUll GENERAL DES ECOLES VETE11INAIHES.
MALADIES CONTAGIEUSES DU BET AIL, FESTE BOVINE, FIEVBE APIJTfiBUSE, COGOTTE, ETC.
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NEVERS
IMPRIMERIE DE PAULIN FAY, Place de la Halle et rue du Rempart, 1.
1872
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CONFßRBNCRS DE M. BOULEY.
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BIBLIOTHEEK UNIVERS1TEIT UTRECHT
2912 612 9
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S0C1ETK ti'EPÄRTEMENTÄLE D'AGKICULTUlll,
DE LA NIEVRE.
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SEANCES DES 13 ET 14 SEPTEMBRE 1872-
CONFERENCES
DE
M. BOULEY
MEMBRE DE L INSTITUT ET DE L ACADEMIE DE MEDEC1NE , INSPECTEUR GENERAL DES ECOLES VETE1VINAI11ES.
MALADIES CONTAGIEUSES DU DETAIL, PESTE BOVINE, FIEVRE APHTHEUSE, COCOTTE, ETC.
NEVERS
IMPRIMKBIE DE PAULIN FAY, Place de la Halle et rue du Rempart, 1.
1872
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S0C1ETE DEPAHTEMENTALE D'AGRICÜLTÜRE
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SEANCE DU 13 SEPTEMBRK 1872.
Siegent au bureau :
MM. le comte de Bouille, membra de rAsscmblee natio­nale , president de la Societe departementale d'agriculture de la Nievre-,
le Prolet de la Ni^vre;
le general de Gurten;
Boitel, inspecteur general de ragriculturc ;
le cotnle Benoist d'Azy, vice-president de 1'As­semble nationale;
Cyprien Girerd, membre de 1'Assemble nationale;
Bouley, membre de l'Institut et de l'Academie de medecine, inspecteur general des ecolcs veteri-naires;
Th^venard, maire de Nevers ;
,' . Inbsp; vice-presidents de la Societe
le comte de Pazzis, 1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;,.
„ , „ {nbsp; nbsp; nbsp; departementale d'agricul-
Marcel Ponceau, Inbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;,
Inbsp; nbsp; nbsp; ture de la Nievre;
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MM. le marquis de Saint-Phalle, president honoraire de la Societ6 d'agriculture; Pinet de Maupas, president honoraire du cornice de
l'arrondissement de Ncvers ;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;J^
Giraud. directeur de la Banque de France.
A trois heures la seance est ouverte par M. le corate de Bouille, president, qui prend la parole en ces tcrmes ;
Messieurs ,
Chaque contree a sa production particuliei'C, qui varie suivant les differences do sol, de climat et de de­bouches.
Dans nos pays d'herbages et de prairies, l'elevage et
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rengraissement du betail sont les principalcs sources de richesse de notrc agriculture; aussi les epizootics sont-elles, pour nos elevcurs, un sujet constant de preoccupations et de craintes.
Depuis quelques annees surtout, sous l'influence des causes les plus diverses, ces maladies ont redouble d'intensite et occasionnö des pertes nombreuses duns nos troupcaux.
En presence de ces desastrcs, la Soeiete departemen-tale d'agriculturc a pense qu'il serait d'un haut interet, a l'epoque du concours de Nevers, alors que les elevcurs les plus distingues des divers departements de la region se trouvent reunis, d'entendre traiter les questions concernant plus particuliercment les maladies qui, clans ces dernicrs temps, ont exerce le plus de ra-
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vages.
Toutefois, pour que ces conferences puissent pro-duire des resultats utiles et servir d'enseignement pour
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l'avenir, il 6tait necessaire qu'elles fussent faites parun homme de science et de pratique, ayant toute autorite en ces matieres.
Notre choixne pouvait etre douteux : la grande r^pu-
laquo;£gt;..nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;tation de M. Bouley nous le designait tout naturellement
(mouvement d'adhesion), et il a bienvoulu, malgre ses
nombreux travaux, accepter rinvitation que j'ai eu
l'honneur de lui adresser au nom de notre Society.
De son cote, M. le Ministre de l'agriculture, appre-ciant toute l'importance d'un examen sörieux des epizootics devant une nombreuse reunion d'eleveurs, s'est empresse de nous donner toutes facilites et a engage officiellement M. Bouley a se rendre ä Nevers.
Vous me pardonnerez, Messieurs, d'avoir retarde pendant quelques instants votre juste impatience; mais je n'ai pas voulu laisser commencer ces conferences sans vous dire comment elles avaient ete organisees, et avant d'avoir exprime publiquement, a I'eminent orateur que vous allez entendre, tous nos sentiments de gratitude pour I'empressement qu'il a mis ä se ren­dre ä notre appel. (Tres-bien! tres-bien! — Appro­bation generale.)
M. Bouley a la parole.
Jf*nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;Messieurs,
Le discours que vient de prononcer M. de Bouillö me remet en memoire un fait qui s'est passe recemment ä l'Acadömie des sciences, et dont le röcit me servira tout naturellement d'entree en matieres. II y a une quinzaine de jours, I'Academie, voulant rendre hommage a I'un des plus grands savants que la France aitproduits,
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avait fait frapper ä son insu une medaille , destinee a cousacrer le souvenir de tous les services qu'il a ren-dus a la science et a I'industrie. Cette medaille lui fut Offerte le jour anniversaire de sa quatre-vingt-sixieme annee. M. Dumas, secretaire perpetuel de 1'Academic,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; $gt;
et Tun des plus illustres eleves de M. Chevreul, car c'est M. Chevreul qu'on honorait ainsi, lut devant lui une notice necessairement tres-elogieuse, puisqu'elle etait le recit de tous les travaux auxquels ce grand sa­vant a attache son nom. Mais, si elogieuse qu'elle füt, eile n'ctait cependant que Texpression de la verite. M. Chevreul qui, ce jour-lä, devait faire une communi­cation u l'Academie, et etait venu se placer, a cette in­tention , devant le bureau, dut se reügner ä entendre cet eloge jusqu'au bout, et quand M. Dumas Fcut ter-mine, aux applaudissements de tout I'auditoire : laquo; Je raquo; devais, dit M. Chevreul, prendre la parole aujour-raquo; d'hui pour vous faire part d'un nouveau travail; mais, raquo; en verite, apres ce que je viens d'entendre, ce que raquo; j'ai de mieux ä faire maintenant, est de me taire et raquo; de me croiscr les bras, car tout ce que je pourrais raquo; dire ou faire ne pout que me montrer jnferieur a celui raquo; dont M. Dumas vient de vous cxpose.r les travaux. raquo;
Vous comprenez , Messieurs, I'apologue : M. le comte de Bouille, avec une hienveillance dont je ne puis que lui etre reconnaissant, vient de me presenter a vous sous de telles apparences que je ne puis me defendre de la crainte de rester de beaucoup au-dessous de l'eloge qu'il vient de faire de moi, et peut-etre que ce que j'aurais de mieux ä faire aussi pour ne pas le dementir, ce serait de me croiser les bras et de me taire.
Mais ce n'est pas tout a fait pour cela que je suis venu ici, et puisque j'ai accepte I'invitation que la Sociöte d'agriculture de la Nievre a bien voulu m'adresser de
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vöus faire une ou deux conferences sur les choses de ma competence, a l'occasion du concours regional qui se tient dans cette ville , je vais essayer d'accomplir de mon mieux cette mission, a laquelle je suis encourage, $gt;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;apres tout, par les paroles si bienveillantes de votre
president et par la forte esperance que j'ai de pouvoir compter sur toutes vos sympathies.
La täche que j'entreprends ne laisse pas que d'etre
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assez difficultueuse, parce que j'ai a parier devant un auditoire qui n'est pas prepare, par une initiation prea-
lable, a l'intelligence complete de tout ce que je dois exposer. II faut done que je quitte le langage technique auquel je suis habitu6 pour accommoder celui dont je vais me servir ä l'expose aussi clair que possible des faits et des considerations que je me 'propose de vous faire connaitre. S'il arrivait que je ne fusse pas toujours compris, la faute n'en serait pas ä vous sans doute, peut-etre meme pas ä moi, mais simplement a la nature des choses. Quoi qu'il en doive advenir, je vais entrer en matiere.
La premiere question que je vais traiter devant vous est celle de la contagion des maladies, consideree d'une maniere generale. Je ne fais du reste, vous le voyez, que me conformer au programme affiche sur tous les murs de la ville.
Aussi bien, cette question est plus que jamais de circonstance. Voilä que cette terrible peste bovine, dont nous sommes enfin parvenus a nous debarrasser — par quels moyens et a quel prix? Je le dirai tout ä l'heure — voilä, dis-je, que cette terrible peste bovine fait de nouveau parier d'elle; mais heureusement que cc n'est pas en France qu'elle reapparait. Quand je dis : pas en France, e'est avec un bien douloureux sentiment de regret que je prononce ces paroles, car c'est ä Mul-
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house, dans cette province toujours si francaise, mal— gre la fatalite des evenements qui nous en a separes, c'est dans les environs de Mulhouse que le retour offensif de la peste a ete signale.
Elle vient de penetrer aussi en Angleterre, par le port de Hull, et eile a necessity I'abattage d'un trou-peau de trente a quarante tetes dans une ferme du Yorkshire.
On la signale aussi dans le Schleswig-Holstein, ou eile a ete importee par des troupeaux de la Baltique ; enfin, Messieurs, eile a ose penetrer jusque dans Berlin, malgrö la police allemande et le grand savoir de ceux qui la dirigent. Ge malheur, je vous I'avouerai en toute sincerite , n'est pas de ceux qui me font pousser les plus gros gemissements. (Rires approbatifs.)
En presence de ce fait, gros de menaces, mais dont il ne faut pas cependant s'inquicter outre mesure, le theme quej'ai l'intention de developper devant vous est tout de circonstance.
Conformement ä men programme , je vais essayer de bien vous faire comprendre ce que c'est qu'une maladie contagieuse, comment eile se repand, quand on ne lui oppose aucune digue; comment, au contraire, on reussit souvent a la contenir et meme a la faire dispa-raitre, quand on sait, a l'aide des moyens que la science enseigne , mettre obstacle ä sa propagation.
En general, je me hate de le dire, on subit lejoug des maladies contagieuses avec une trop grande resi­gnation. On les aeeepte comme des fatalites aux etreintes desquelles il est impossible de se soustraire, et on täche, tant bien que mal, de s'accommoder avec elles. Ce sont lä des manieres d'agir et de penser qu'il faut laisser aux sectateurs de Mahomet. Se soumettre sans resister aux fatalites de la nature, ne doit pas
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etre notrelot: au contraire. Dleu a donne ä Thomme Tin-telligence et la liberte pour pönetrer les secrets de la nature, s'emparer de ses forces et les assujettir ä sa volonte directrice. Des l'origine des temps, la vie de rimmanite est un combat. Ge qui nous reste de nos premiers ancetres en temoigne; ce sont surtout des armes que Ton retrouve dans les cavernes qu'ils habi-taient. Et ä force de combats, dans la serie des siecles innombrables qui se sont succede depuis le commen­cement des choses, I'bumanite en est oü eile en est aujourd'bui.
Nous sommes maitres aujourd'bui de la foudre, du feu, du magnetisme, de la lumiere, du mouvement, etc. Si rhomme s'etait toujours humilie devant la foudre., ses tapages et ses meurlres, il n'en aurait pas penetre les secrets et ne serait pas parvenu a appliquer ä ses propres usages cette force aveugle et.terrifiante.
Ce n'est pas en se contentant d'aclorer le soleil, comme le faisaient les anciens Mexicains, et le feu, comme taut de peuples sauvages, que Ton aurait obtenu de ces deux autres forces: la clialeur et la lumiere, les merveilleux resultats que I'industfie humaine leur a fait produire.
Ne pensez pas. Messieurs, en entendant ce debut, tant soit pen solennel, que je sois bien loin de mon sujet. Non; les contagions dont je vais traiter sont des forces aussi; puissantes aussi et qui ont inflige etinfli-gent encore ä I'bumanite de bien grandes miseres, soit en s'adressant a elle directement, soit en dirigeantleurs coups sur les animaux, ses auxiliaires et ses pour-voyeurs. Longtemps on les a subies comme unefatalite, et meme comme un fleau de Dien; et Ton s'est borne a des implorations steriles. Puis la science est interve-nue; on en a recbercbe les lois^ on s'est enquis des
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conditions dans lesquelles eiles se manifestaient, et ces notions acquises on s'est efforcö de s'en pröserver ou de s'en dölivrer. Dans ce domaine, d'importants resultats out ete obtenus. Sans doute que bien des choses restent a faire encore; mais bien des choses sont faites, et ce sent celles-la que je me propose de vous faire connaitre, afin que vous les mettiez ä profit et que vous sachiez vous garer des coups contre lesquels il vous est pos­sible de vous defendre.
Qu'est-ce qu'une maladie contagieuse ? Ce que Ton appelle une maladie contagieuse, e'est, pour me servir d'une expression commune, une maladie qui se gagne, une maladie que pent gagner un animal en sant6, quand il se trouve dans de certaines conditions de rapport avec un animal malade de cette maladie.
Elle pent etre gagnee par un animal sain de la meme espece que celui qui est malade, ou d'espece diffe-rente. Et ä cet egard, il ne faut pas oublier que nous sommes tons des animaux et, comme tels, susceptibles de contractor les maladies contagieuses, non-seulement de notre espece, mais encore quelques-unes qui sont propres ä nos betes. Si quelqu'un , dans cet auditoire, s'offusquait de cette assimilation que je viens de faire entre les animaux et nous, je ferais comme ce predi-cateur qui, ayant eu l'audace de declarer devant Louis XIV que nous etions tons mortels, se reprit aus-sit6t,en voyant se froncer les sourcils du grand roi, qui se complaisait assez ä l'existence, et pour cause, et n'aimait pas qu'on lui rappelat ce caractere commun qu'il avait avec le reste des hommes. laquo; Nous sommes yipresque tous mortels, mesfreres,raquo; reprit ce predicateur, courtisan, mais peu veridique. S'il y avait des dames dans I'auditoire, je ferais sans doute, moi aussi, quelque
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reserve; mais puisqu'il n'y en a pas, je maintiens ma definition, sans faire aucuneexception.
Gomme exemples de maladies contagieuses, je ci-terai: la rage, qui se transmet du chien au chien, au cheval, au boeuf, au mouton, au pore, aux oiseaux meme, et, h6las! al'homme aussi, et qui, del'une de ces especes, est transmissible a une autre;
La morve, qui se gagne du cheval au cheval et que I'homme aussi peut contracter;
La poripneumonie, maladie de l'espece bovine seu-lement;
La peste bovine, que peuvent gagner tons les animaux ruminants, indigenes et exotiques, et peut-etre meme le pore;
La cocotte, cette maladie contagieuse, qui se transmet du boeuf au mouton, au cochon, au cheval meme, aux oiseaux, dit-on , et memo ;i I'liomme.
Les maladies contagieuses des animaux ont infligö aux societes humaines de bien grands desastresdans la serie des temps, tout a la fois par la perte directe des bestiaux qu'elles entrainaient et par les calamites, telles que la famine et les epidemics , qui en ötaient la consequence; car les epizootics meurtrieres ont cet effet complexe : d'abord d'aneantir les ressources ali-mentaires que les animaux constituent, et ensuite d'empecher les travaux de culture, ou de les reduire ä de si petitps proportions que les produits de la terre deviennent absolument insuffisants pour les besoins de la consommation humaine.
Les chroniqueurs des temps passes et les historiens nous ont transmis quelques relations des 6pizooties qui, dans l'antiquit^ et dans le moyen-äge surtout, ont d^peuple les campagnes de leur betail et r^pandu par-tout la desolation et la ruine. Elles ötaient d'autantplus
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desastreuses a ces 6poques, qu'on ne savait rien faire pour les combattre, et que les pratiques superstitieuses auxquelles recouraient les populations affolöes avaient pour consequences inevitables de conspirer avec la maladie pour en rendre les coups plus sürs et plus de-sastreux. Rien, par exemple, n'etait plus efficace, pour propager la contagion, que de rassembler devant les äglises les animaux sains et malades, pour les faire böneficier d'une bönödiction qui, necessairement, ne pouvait qu'etre impuissante.
Je ne veux froisser ici le sentiment religieux de per­sonne ; ce sentiment est une des grandeurs de l'bomme, et rien n'est plus respectable; mais il ne faut pas qu'il conduise a des pratiques nuisibles, comme cellos dont je viens de parier, et que, sous son inspiration, on se laisse aller a des superstitions insensecs, comme celles auxquelles l'bomme avait autrefois trop de tendance ä se livrer lorsqu'il etait sous le coup de grandes cala-mites, telles que les öpidemies et les epizootics.
Lorsque je parle d'autrefois, egt-cequeje suis abso-lument dans le vrai? Est-ce que, de nos jours, les pra­tiques insensecs qui procedent de la superstition sont d^cidemeiit hors d'usage ? Je mentirais si je disais oui: car, dans les nombreuses peregrinations que j'ai faites dans les pays oü rögnait la peste bovine, il m'est arrive de rencontrer encore, a mon grand etonnement, des gens qui faisaient le metier de soi^ciers et qui en vivaient, ce qui fait supposer qu'ils avaient des clients ou, autrement dit, des gens assez crödules pour admettre qu'ils etaient doucs d'un pouvoir surnaturel, en vertu duquel ils chassaient le malin esprit et annu-laient sa puissance malfaisante.
Je ne sais pas si dans le departement de la Nievre cette race de sorciers existe encore ou si eile en a
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completement disparu.- Cependant je me suis laissö dire que ce ne serait peut-etre pas absolument impossi­ble d'y rencontrer des representants de la vieille sor-cellerie , que Ton appelle auprcs des animaux malades et qui se livrent ä d'etranges simagrees et prononcent des paroles magiques pour chasser du corps des ani­maux le mauvais genie qui s'y est löge, ä leur grand detriment; et tout cela devant des spectatcurs ebaubis, assez naifs pour ajouter quelque creance a de pareilles sottises. S'il en est ainsi, c'est le cas de rappeler ce vers de Boileau, devenu proverbial a force d'etre vrai :
Un sot trouve toujours mi plus sot qui radmire.
(Tres-bien ! tres-bien ! Approbation gen^ralo.)
Messieurs, quand on voit se maintenir, meme de notre temps, des pratiques aussi inscnsees dans notre grande et pauvre France, on ne pent que se dösoler de voir que I'ignorance y ait encore de si profondes racines; et cela fait ressortir la necessite de 1'instruction obli-gatoire, qui seule pent faire disparaitre ces croyances a la sorcellerie dont sont encore victimes un trop grand nombre de nos concitoyens, ä la honte de la societe et de la civilisation. Je m'associe donctres-energiquement ici aux vceux exprimes de partout en faveur de cette instruction obligatoire, qui bientot, j'en ai la ferme esp6-rance, deviendra une rcalite.
Je reviens a mon sujet.
Une maladie contagieuse est une maladie qui se gagne, ai-je dit; qui se transmet d'un animal a un autre, de memo espece ou d'espece differente.
Pour que- la contagion s'opere, il faut que les ani­maux susceptibles de la contracter soient mis avec
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un animal malade dans des rapports plus ou moins etroits.
Pour donner une idöe de la contagion, je dirai que l'animal malade d'une maladie contagieuse renferme en lui des semonces invisibles, en quantity innombra-,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ble, lesquelles introduites, par une voie ou par une
autre, dans le corps d'un animal sain, y germent, comme des semences dans la terra., et s'y multiplient ä l'infini.
Par quelles voies ces semences de la maladie sortent-elles du corps de l'animal malade ?
Si nous prenons pour exemple la plus contagieuse de toutes les maladies, la plus meurtriere, la plus d6sas-treuse, — j'ai nomme la peste bovine, — nous consta-tons les semences de la contagion, experimentalemerit demontrees, dans tout ce qui sort de l'animal: dans la sueur, dans les larmes, dans le jetage nasal,, dans la have, dans les matieres cxcrementitielles, dans les uri­nes, dans les mucosites vulvaires, dans le sang, dans rhumeur de ses plaies; enfin, apres la mort, dans toutes les parties de son cadavre, sang, chairs, intestins, issues quelconques, os, tendons, cornes, peau, etc.
Notez-lo bien, Messieurs, ce que je vous dis \h n'est pas une simple affirmation, basöe sur des presomptions ou des analogies. Je parle d'apres des preuves certaines; on a fait des experiences nombreuses, et par des ino­culations successives, on est arrive ü la demonstration que la semence de la peste bovine etait dans toutes les parties de l'animal malade, parties solides et parties liquides.
Dans d'autres maladies contagieuses, telles que la clavelee, la morve aigue, le cbarbon , la semence de la Contagion existe aussi dans le sang, et,'par lui, dans toutes les parties du corps. Mais, pour la rage, eile pa-
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rait n'exister que dans la have; pour la cocotte, on la constate principalement dans la bave et dans 1'humeur des onglons.
Maintenant, cela 6tant ötabli, que dans las maladies contagieuses les semences de la contagion s'öchappent du corps des malades par des voies plus ou moins nom-breuses , il nous faut rechercher dans quelles conditions s'opere la transmission de ces semences, du corps d'un animal a un autre, et par quelles voies elles penctrent, pour aller multiplier dans le corps d'un animal sain.
Dans de certains cas, la transmission de ces semen­ces ne pent s'operer que dans des rapports tres-6troits de contact, comme pour la morve chronique, par exem-ple ; la rage aussi, qui veut plus que le contact, qui exige qu'une plaie soitfaite, pour que sa semence puisse penetrer.
Peut-etre aussi que le charbon est dans 1c meme cas; mais sur ce point il y a doute.
Pour d'autres maladies, la transmission pent s'op6rer a distance, c'est-a-dire que leurs germes sont trans-portes du corps de l'animal malade a I'animal sain par l'intermödiaire de l'air. Dans cette catögorie, il faut pla­cer, en premiere ligne, la pestc bovine; puis viennent la clavelee du mouton , la peripneumonie, la morve aigue peut-ötre, peut-etre aussi le charbon, peut-etre aussi la cocotte, sur laquelle j'aurai plus tard ä fixer plus particulierement votre attention.
Mais ce n'est pas seulement par Fair que les semences des maladies contagieuses peuvent etre transportees ä distance; ce transport peut etre effectuc par des moyens divers dont il est bon d'avoir une idee.
L'homme , par example, peut leur servir do velncule lorsqu'il se rend d'une etable habitee par des animaux malades dans une etable saine. 11 y a des exemples , et
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en tres-grand nombre, qui d^montrent qu'un homme, entrant dans une 6table oil existe la contagion, en transports avee lui les germes, surtout par les bouses adhörentes a ses cbaussures , et peat les disseminer ä des distances souvent considerables. Cela s'est vu no-tamment pour la peste bovine. Vous devez juger par ce fait, qui est aujourd'lmi definitivement acquis ä la science, de quelle importanceil est^ quand unemaladie contagieuse s'est declaree dans une 6toble , et qu'elle ne s'est pas encore repandue au dehors, de faire fermer d'autorite le local infeeto , et d'en interdire l'entree et la sortie a qui qua ce soit, de maniero ä empecher quo la contagion soit propagee par les visiteurs curicux, comme il y en a tant a I'apparition d'une maladie nouvelle , et par lesmaquignons , par les marchands, les bouviers et surtout les sorciers , puisqu'il s'en rencontre encore , toujours prets as'abattre surles etables malades, comme des oiseaux de proie sur un cadavre.
Si cette prescription de la fermeture ßtroite des etables infectees etait toujours observee a temps, bien des foyers de contagion seraient eteints aussitot leur appa­rition , ou tout au moins circonscrits, de maniere ä ne pouvoir irradier a de grandes distances, comme e'est le cas presque toujours aujourd'lmi. Si, dans ce departe-ment par exemple, vous voyez la cocotte s'attaquer ä un aussi grand nombre d'animaux, il me sera facile de d6-montrer que la cause en est dans le defaut de pr6-voyance de la plupart des int6resses. Ainsi, quand la cocotte s'est montree sur un point ou sur un autre, tous ceux qui avaient interet a s'en garantir n'ont rien fait pour cela. Ce n'est que la cocotte , ont-ils dit! a quoi bon !
A quoi bon ? Mais tout ce qui porte ce nom ne laisse pas d'avoir ses dangers, dans toutes les especes, la
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notre y comprise, rappelez-le-vous. Et pour ce qui est de la cocotte des bestiaux, vous savez, par l'expö-rience que vous en avez faite, que la graisse de vos animaux, au lieu de se convertir, chez le boucher, en bons öcus sonnants dans votre bourse, s'en va en fumöe, et qu'au lieu de ce iilein sur lequel vous aviez droit de compter, vous ne trouvez que le vide. Voilä ce que c'est que la cocotte, consideree clans un de ses effets; mais nous y reviendrons.
La contagion pent encore etre transportee par les wagons de chemin de fer, les bateaux, les charrettes dans lesquels on a mis des animaux malades et qui, sans avoir ete desinfectes, servent immediatement au transport d'animaux sains. Ceux-ci, en piötinant les fumiers laisses par ceux qui los out precedes, en brou-tant les debris do fourrages, en lecbant les parois souillees par la bave, recueillent ainsi les germes de la maladie , et so les inoculent par une voie ou une autre. Gombien do fois, dans la derniere epizootie, la peste bovine n'a-t-elle pas 6te disseminec de cette maniere, par les wagons surtout!
Les fourrages, impregnes de bave ou de matieres re-jetees par les narines, servent de recipients aux germes contagieux, et tout animal qui s'en nourrit est expose,, par ce fait, a contracter la maladie dent ces germes pro-viennent. La peste bovine a ete bien souvent communi-quee de cette moniere aux animaux qui se succedaient dans les auberges. De memo pour la cocotte et la peripneumonie.
Le furnier! voilä encore un röceptacle de matieres contagieuses et qui en contient des quantites prodi-gieuses dans certaines maladies, comme la pesle, par exemple ; il en est de memo dans la cocotte, h cause de Fbumeur qui s'ecoule des pieds et qui impregne les
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litieres. Les exemples sont nombreux encore de conta­gions transportees ä de longues distances par 1'inter-mödiaire des fumiers. Ce sont les matteres do ces fumiers qui, en s'attachant aux chaussures des hommes, anx pattes des chiens ou des chats, voire meme ä celles dos oiseaux, comme les pigeons, par example, sont transport6es ensuite par l'intcrmediaire de ces agents de dissemination et repandentles contagions ä de grandes distances de leurs foyers primitifs. Dans de certains cas, les contagions sont si subtiles, qu'elles s'attachent a tout ce qui a ete mis en rapport avec les animaux : les differentes pieces des harnais, notamment ceuxde la tete, et jusqu'aux cordages qui ontservi au transport des cadavrcs.
Maintenant que nous savons par quelles voies les matteres contagieuses sortent du corps des animaux malades et comment cllcs sont transportees a distance, il nous faut rechercher les chemins qu'elles suivent pour entrer dans le corps des animaux sains.
II y a d'abord les plaies. Ainsi, le einen enrage fait, avecses dents, la plaie par laquelle sa have, c'est-ö-dire le liquide qui renferme les semences de la rage, entre dans le corps de 1'animal mordu et lui transmet la contagion. Mais il n'est pas necessaire que ce soit le einen qui fasse la plaie par sa morsnre. Si la have est deposee sur une plaie deja faite, la contagion peut entrer par ce chemin tout ouvert. Que de personnes, parmi lesquelles il faut compter des veterinaires impre-voyants, se sont inoculc la rage en explorant avec leurs mains, sur lesquelles existaient des excoriations, l'interieur de la beuche de chiens affectes de cette maladie, sans qu'elles s'en doutassent encore.
Un grand nombre de maladies contagieuses peuvent etre communiquees, comme la rage, par des plaies qui
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permettent ä la matiere chargee des semences de la contagion de se meler presque immediatement au sang des animaux sains.
L'art met ä profit la connaissancc de ce fait pour transmettre intentionnellement certaines maladies con-tagieuses, comme la clavelee au mouton, la peripneu-monie ü la vache, la vaccine ä l'homme. Grace ä ces inoculations, on pent faire beneficier l'homme d'une contagion bienfaisante, qui le met a I'abri de la petite veröle, et communiquer aux moutons et aux betes ä comes des maladies plus benignes que celles qu'ils contracteraiont sielles leur etaient communiquees naturellement.
Les matieres contagieuses, en suspension dans Fair, peuvent etre introduites dans le corps des animaux sains par les voies dc la respiration. En d'autres ter-mes, un animal sain qui respire 1c meme air qu'un animal malade, pent introduire dans sa poitrine des semences de contagion qui sont sorties de la poitrine d'un animal malade ou qui sont degagees par des ma­tieres excrementiticlles; et ces semences peuvent, par cette voie, se mclanger au sang et produire la maladie dont elles proviennont. C'est ainsi que la clavelee des moutons pent se communiquer par l'intermediaire de Fair respire d'un troupeau qui passe sur une route a un troupeau qui pature dans un champ voisin, si le vent donnc sur lui.
C'est ainsi encore que se gagnent, ä coup sür, la peste bovine, la peripneumonie contagieuse et peut-etre la cocotte.
Les matieres contagieuses peuvent etrc introduites dans le corps des animaux sains par les voies digesti­ves, e'est-a-dire par le chemin que suivent les aliments. On savait, par exemple, que lorsque des boeufs man-
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geaient des fourrages sur lesquels avaient have des ani-maux atteints de la peste bovine, ces boeufs contrac-taient la peste, qu'ils s'etaient inoculee par la matiere contagieuse introduite dans leur estomac avec les aliments. Gefait d'observation deja ancienne a ete con-firme par des experiences faites expres. On a transmis des maladies contagieuses, telles que la morve, le charbon, la peste, en faisant avaler a des animaux des bols contenant des maticres chargees des semences de la contagion, matieres qui no sent pas toujours modifiecs clans 1'estomac, comme on le croyait autrefois, et qui peuvent conserver toutes leurs proprietes nuisibles, malgre I'action digestive ä laquelle elles sent soumises. Un professeur de l'ecole de Lyon, M. Chauveau, qui s'est acquis, par ses travaux d'experimcntation, une grande notoriete, a fait connaitre un fait qui doit etre signale des maintenant, quoiqu'il no soit pas encore accopte i)ar tout le monde comme l'expression de la realite. M. Chau­veau a annonce avoir reussi a donner ä de jeunes veaux la maladic des vaches que Ton appelle la Pommölidre, et qui n'est autre que la phthisic, en faisant manger a ces jeunes animaux les parties malades des pou-mons de ces vaches phthisiques. Or, la phthisic des vaches est la memo maladic que la phthisic de l'homme; et si 1'experience rcpetec vena it ä confirmer ces pre­miers rcsultats, ohtenus et annonces par M. Chauveau, on conceit de quelle importance il serait de ne pas lais-ser livrcr a la consommation, pour l'usage de l'homme tout au moins, les viandes provenant d'animaux phthi­siques. Quoiquc la question soit encore ä Fetude, je crois que, des maintenant, il est prudent de se mettre en garde centre l'usage de ces viandes, surtout lorsque les animaux qui les fournissent sent atteints d'une phthisic qui a laisse sou empreinte dans un grand
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nombre de parties du corps. La prudence, en pareil cas, doit etre d'autant plus recommandee, qu'aujourd'hui l'usage des viandes crues tend ä se repandre, com me moyen de traitement des personnes döbiles et particu-lierement des jeunes enfants, I'experience ayant demon-tv6 que, dans cet etat, ces viandes sont plus nourris-santes. C'est un peu un retour aux moeurs dc nos premiers ancetres; mais pourquoi pas, si elles ont du bon? Si la phthisie pouvait etre transmise aux veaux par les matieres pulmonaires des vaches malades, il serait ä craindre que les viandes provenant de ces vaches ne renfermassent aussi des semences de cettc maladie et que leur usage ne füt dangereux, ä l'etat cru surtout, pour les personnes qui s'en nourriraient.
Je pense done qu'il faut exercer, a ce point de vue particulierement, une surveillance attentive dans les abattoirs et ne pas permettre qu'on livre a la consom-mation les viandes d'animaux atteints d'une phthisie avancee. II faut d'autant moins les laisser passer que ces viandes sont d'une qualite tres-inferieure, et que, consequemment, elles sont achetees par les classes les plus pauvres, c'est-ä-dire par cellos que leur condition de misere predisposent dejü ä la phthisie.
Un cxemple de transmission de maladies contagieuses par les voies digestives pent etre constate actuellement dans ce pays. II est notoire, d'apres tous les renseigne-ments que j'ai recueillis, que les jeunes veaux contrac-tent la cocotte en buvant le lait de leurs meres, sous le coup de cette maladie. Je reviendrai sur ce fait ulterieu-rement; je le signale en passant.
Les rapports sexuels peuvent etre un moyen de trans­mission des maladies contagieuses. Par exemple, ä la periode initiale de la peste, ou de la peripneumonie, des taureaux qui, quoique malades , sont encore assez
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vigoureux pour faire la monte , ont transmis leurs ma­ladies auxfemelles qu'ils ont saillies; et, reciproquement aussi, les femelles ont pu communiquer leurs maladies aux taureaux. Dans mes peregrinations, j'ai pu consta-ter ce fait plus d'une fois.
Je viens de dire comment l'animal malade d'une ma-ladie contagieusc etait un foyer d'oü les principes de la contagion irradiaient et pouvaient se repandre dans tous les'Sens, et comment les animaux sains, exposes ä rinfluence de ce foyer contagieux, en recevaient les Emanations et en etaient penetres.
Quelles sent maintenant les conditions les plus favo-rables pour qu'une contagion s'effectue ?
II y a d'abord la cohabitation sous le meme toit. Les animaux sains, enfermes, on seulement momentan^— ment introduits dans une etable on sejournent des ani­maux affectes de clavelee, dc pcripneumonio, dc peste bovine, sont, par cefait, contagionnes.
A quelques exceptions pros, — il y en a toujours, — les animaux qui se succedent dans un local infecte par le passage ou 1c sejour d'animaux malades , recueillent le germc qui y a ete depose, et transportent ce germe avec eux. II est certain, par exemple, que les wagons des chemins defer, lorsqu'on ne precede pas ä leur nettoyage et amp; leur disinfection apres chaquc transport, deviennent les instruments les plus actifs des maladies contagieuses dans tous les temps et surtout dans les temps d'epizooties. L'expericncevientde nousle prouver de la maniere la plus evidente, pendant laderniere epi­zootic de peste bovine. — Tant que les wagons n'ont pas ete desinfectes a fond, ils ont servi a disseminer la peste dans tous leurs parcours, car tout animal sain qui entrait dans un wagon infecte s'y impregnait des #9632; germes de la maladie, les transportaitaveclui, adherents
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ä ses sabots ou ä ses poils, et les disseminait tels qu'il les avait recueillis, jusqu'au moment oü, devenu lui-meme malade, il ötait transforme ä son tour en foyer actif de contagion. II a ete difficile d'obtenir des com-pagnies qu'elles se decidassent ä faire desinfecter leurs wagons, et cen'estquc lorsque Fautorite publique est intervenue pour les y contraindre qu'alprs il nous a ete possible de lutter victorieusement contre la conta­gion et de nous en rendre maitres. Je ne saurais trop vous mettre en garde contre l'infection des wagons dans tons les temps. C'est parleur intermediaire que loutes les maladies contagieuses se disseminent aujourd'lmi avec tant derapidite, notamment la cocotte, a laquelle on a fait une reputation de benignite qu'elle semble peu meriter, cette annee tout au moins.
Ce n'est pas seulement dans les locaux, plus ou moins fermes, que la cohabitation peut donner lieu ä la transmission des maladies contagieuses. Ces mala­dies peuvent etre contractees dans les päturages, soit que les animaux s'y trouvent dans des rapports im-mediats, soit qu'ils s'y succedent, et que les animaux sains broutent l'herbe souillee de bave ou flairent des maticrcs excremeutitielles rejetees par les malades.
Sur les routes, ces dernieres conditions de contagion so rencontrent fatalement, et l'experience demontre qu'elles sont efficaces. Rien n'est dangereux, pour un animal sain, comme de pietiner le furnier qui provient des animaux malades.
L'abreuvement aux abreuvoirs communs est tres-dangereux en temps d'epizootie, l'experience de tous les temps l'a prouvee. Je vous I'ai dit tout ä l'heure, les voies digestives sont un cbemin tout ouvert pour les germes de la contagion, et quand des animaux qui bavent a pleine bouclie, comme c'est le cas dans la
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peste et clans la cocotte, repandent leur have dans I'eau oü ils s'abreuvent, cette eau se charge des germes de la contagion, et tout animal qui va s'y dcsalterer absorbe ces germes avec eile, et s'inocule ainsi la maladie. Ce fait a si bien etö reconnu des longtemps, que les plus anciennes ordonnances sanitaires defendent dc laisser aller les animaux malades aux abreuvoirs communs, et ces prescriptions essentielles ont ete repotees dans tons les arretes rendus par lies autorites publiques , en vue de prevenir la contagion des maladies. La possibility que les germes de la contagion s'introduisent dans le corps avec l'eau des boissons a ete demontrce, dans cos der-nicrs temps, par des faits nombreux. Des vaches isolees, par exemplc, ont contracts la peste pour avoir bu de l'eau dans laquelle on avait lave des viandes provenant d'animaux malades, ou meme clans laquelle seulement on s'etait lave les mains apres avoir manipule ces viandes.
Vous voyez, par ces considerations, combien facile-ment les maladies contagieuses peuvent se transmcttre. Dans les locaux, dans les herbages, sur les routes, dans l'eau des abreuvoirs, sur les fumiers, au voisinage des fosses d'enfouissement, pros des clos d'equarrissage, etc., clans une foule de circonstances, enfin, les condi­tions de la contagion peuvent se rencontrer, pour les animaux sains, lorsqu'un foyer contagieux existe quel-quepart; et, centre ces conditions, il faut et Ton pent se tenir en garde : je dirai comment tout ä l'heure.
Maintenant, je vais aborder une question bien diffi­cile ä traiter dans une assemblee comme celle-ci, en raison de ses obsenrites d'abord, et ensuite du defaut d'initiation du plus grand nombre de mes auditeurs. Je vais y tacher cependant.
Quel est le mode d'action de ces matieres que j'ai
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appelees des semences contagieuses, une fois qu'elles ont ete introduites dans le corps d'un animal sain ?
Co que Ton sait, c'est qu'elles s'y mnltiplient d'une maniere prodigieuse, et qu'apres I'introductioa d'une parcelle infinimont petite , on pent constater leur pre­sence, au bout d'un temps plus ou moins court, suivant leur nature, dans la masse entiere du sang, dans toutes les humeurs et dans tons les solides du corps , comme c'est le cas, par exemple, pour la peste bovine , pour ^.a clavelee, pour la morve aigue, pour le charbon.
Cette affirmation resultc de preuves experimentales aussi precises, aussi claires , aussi probativcs quo celles qui sont donnecs par les experiences les plus concluan-tes de la physique et de la chimie. Humectez la pointe d'une lancette dans la matiere du jetage ou dans les larmes d'un boeuf pestiferc, et piquez avec cette lan­cette humide la peon d'un boeuf sain, et, aubout de huit ä neuf jours en moyenne, ce boeuf aura contracts la peste, et vous constaterez la propriete contagieuse inhä­rente a la masse entiere de son sang, a ses larmes, ä sa bavc, ä scs excrements, h ses urines, h la masse entiere do sun corps enfin. Dans ces cas, I'infiniment petit est deyenu quelque chose d'infiniment grand. Cette particule imponderable, intangible, et qui n'etait visible qu'au microscope, dont l'extremite de ma lancette etait cliargee, est devenue I'animal tout entier, et so mesure maintenant, suivant sou poids , par des centaines de kilos.
Ainsi, dans toutes les contagions, il suffit toujours de I'infiniment petit pour produire les plus grands effets.
Que se passe-t-il en pared cas ?
On pent en donner une idee par une comparaison avec un pbenomene avec lequel on est familier , quoique son interpretation soitloin d'etre connue de tout le monde et
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meme des savants eux-memes, car actuellement en­core eile sert de theme a leurs discussions : je veux parier de la fermentation de la biere ou du vin. Lorsque le mout de l'orge est prepare et associö ä la decoction de houblon, que fait-on pour donner le branle ä ce melange, et determiner sa transformation en biere ? On y ajoute la levure, c'est-u-dire un champignon particulier qui, se trouvant dans un milieu favorable ä sa multiplication , repullule avec une prodigieuse activite par le mode qui lui est propre, en sorte qu'on pent en recolter dans une proportion incommensurable relativement ä la minimitö des parcelles employees au point de depart.
Dans cette fermentation du moüt de l'orge, deux faits simultanes se produisent, associes Tun ä l'autre par les liens d'une etroite depcndance : d'une part, accroisse-ment indefini du champignon qui produit, par sa pre­sence, le mouvement dans le moüt, et, d'autre part, transformation du liquide ou ce mouvement s'opere cn un liquide completement different par sa composition et ses proprietes de ce qu'etait le mout originel.
Eh bien, on peut comparer, sans trop forcer peut-etre les analogies, les phenomenes de la contagion ä ceux de la fermentation. Que se passe-t-il, en effet, dans le sang d'un animal sain lorsque ce que j'ap-pellerai la levure de la contagion y a etc introduite, par l'un ou l'autre des modes que j'ai exposes ? D'une part, une repullulation indefinie du ferment introduit, puisqu'on retrouve dans toutes les particules de ce sang les memes proprietes que celles qui etaient inhä­rentes a la particule premiere, et, d'autre part, un etat de ce liquide, qui est different de celui qu'il pre-sente dans l'etat physiologique.
Les analogies sont grandes, comme vous le voyez, entre les deux ordres de phenomenes, et autorisent le
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rapprochement que j'en ai fait, pour la facilite des interpretations des chpses.
Retenez done ce fait, qui est le fait principal au point de vue oü nous devons nous placer et rester ici: quand un animal gagne une maladie contagieuse, e'est qu'un germe morbide s'est introduit dans son sang et y arepullule avee une teile activity que toutes les particules les plus infiniment petites de ce sang sent grosses dc la contagion et peuvent la transmettre. En sorte quo I'infiniment petite quantite de matiöre contagieuse, qui tient u la pointe d'une lancette, a communique ses proprietes a la totalite do I'animal dont toutes les parlies sent contagiföres par le sang qui les impregne.
Je parle, bien entendu, ici des contagions que j'appel-lerai intensives, commc cellos de la peste, du charbon, de la claveleo maligne, de la morve aigue, maladies dans lesquelles la substance tout entiere de I'animal est contagieuse.
Si je suis parvenu a vous donner une \d6e de la con-togion par les developpements dans lesquels je viens d'entrer, vous devez comprendre maintenant la facility avec laquelle ellc est susceptible de gagner du terrain , car ä chaque animal nouveau qui contracte une conta­gion, la quantite de mattere contagieuse s'accroit dans une proportion incommensurable. Qu'est-ce done lors-que les unites deviennent des centaines, des milliers, comme dans le cas de la peste bovine, et que chaque animal, dans ces milliers atteints, exhale la contagion par tous ses pores, et la recele dans chacune des infini­ment petites particules de toute sa substance!
On s'explique, avec la connaissance plus complete que nous avons aujourd'hui de la nature des choses, comment les grandes öpizooties, dans les temps anciens,
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-SG-et plus particulierement h la pöriode du moyen-äge, dcvenaient a ce point dövastatrices qu'elles ne s'ötei-gnaient que lorsqu'elles ne trouvaient plus oü se prendre. Comme on ne savait leur opposer que de steriles lamen­tations, elles dctruisaient tout, en laissant derriere elles la devastation et la ruine, et, comme consequences fatales, la famine et des epidemics meurtrieres de la nature de celle qui, au moment actuel, sevit sur les malheurcuses populations de la Perse, ce pays dufata-lisme et de l'ignorance profunde.
Aujourd'hui, nous nous trouvons mieux armes contre ces calamites publiques par la connaissance que nous avons des conditions de manifestation d'un certain nombre d'entre elles, et par la connaissance aussi, experimcntalement acquise, des moyens de s'opposer ä lour propagation- et grace a 1'ensemble de ces notions certainos, des resultats out ete obtenus qui, par leur grandeur meme, autorisent toutes les esperances de succes contre toutes les maladies epizootiqucs dont la contagion est I'instrumcnt ou exclusif ou principal.
A l'appui de ce que j'avance, je veux vous citer d'abord les resultats que Ton a obtenus en luttant contre la peste bovine. Vous allez voir par les quelques deve-loppements clans lesquels je vais entrer ce que Ton pent contre cllc, quand on sait la combattre, etce cju'elle pout centre vous c[uand, par ignorance, incurie ou parti pris d'avance, on ne saitrien opposer a son expansion, ce qui vent dire a ses ravages.
C'est, en effet, la plus contagieuse de toutes les ma­ladies dans toutes les especes; c'est aussi la plus meur-triere. Son histoire des temps passes est lamentable a l'exces. Partout oü eile paraissait, le depeuplement s'en suivait. Los ravages qu'elle a causes dans le dix-buitierne siecle seulement sent epouvantables. Mais,
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grace a l'ötude approfondie que Ton a faite de son ori-gine, de ses modes de propagation et do son incurabilite, on sait aujourd'hui les mesures auxquelles il faut re-courir pour s'en preserver ou tout au moins pour empecher son expansion dans les pays oü eile a ete accidentellement introduite; et, grace a ces mesures, aujourd'hui la certitude est acquise qu'on saura tou-jours s'en rendre maitre quand on le voudra.
Voila , Messieurs, un bien beau rcsultat, du aux re-cherches scientifiques; et ce resultat, l'agriculture de tons les pays en est redevablo, je me fais un devoir de le proclamer ici, a ces institutions modcstes qui out pris naissance en France, les institutions vetörinaires, dont les services ne sent pas assez reconnus, et dont vous ne savez pas beneficicr, permettez-moi de vous le dire, dans la mesure que vous devricz, en demandant aux 6leves qu'elles out faits et qu'elles produisent chaque annee, tout le coucours qu'ils pourraient vous donner, tons les services qu'ils sent capablcs de vous rendre.
Je reviens a la peste bovine.
Cette maladie que Ton croyait, au commencement.de ce siecle, susceptible de se developper spontauement dans toutes les agglomerations de bestiaux tic tons les pays, a ete reconnue depuis, — et c'est la nn fait d'une importance superieure — completement etrangerc a la partie de l'Europe que nous habitons, et ä l'Europe centrale. C'est ce que Ton appelle une maladie exotique, qui ne s'attaque aux bestiaux de notre pays que lors-qu'elle a 6te importee par la contagion; qui ne s'entre-tient, parmi eux, que par la contagion, et qui enfin disparait, a coup sür, lorsque, par des mesures bien ordonnöes et bien executees, on empeche la contagion de produire ses offets.
D'oü vient-elle ? On ne le sait pas au juste. On sait
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que ce sont les bestiaux des steppes russes qui nous I'apportent; mais il cst probable que ces bestiaux la recoivent de ceux de l'Asie et que la peste des betes a, comme le cholera de l'homme, une origine asiati-que.
Vous concevez Fimportance superieure de cette notion certainc sur l'origine de la peste. Lorsque le caractere exotique de cette maladie etait meconnu ; que Ton croyait qu'ellc pouvait naitre partout, sous I'in-fluencedes causes ordinaires et communes des maladies, dans les pays oü on la voyait apparaitrc, la police sani-toire etait dösarmec centre eile. On se croyait en pre­sence de circonstances fatales, dont on ne pensait pas pouvoir se rendre maitre ; de lä l'insuffisance et l'inob-servation de ces mesures.
Mais quand la certitude fut acquise que cette maladie venait du dehors, et qu'elle n'avait pas d'autre cause que la contagion, alors on sut oü se prenclre et Ton dirigea tous ses efforts centre l'invasion de la maladie et centre sa propagation.
L'origine exotique de la peste des boeufs est done un fait certain. En void un autre qui ne Test pas moins ; c'est que , quel que soit le temps qu'on I'ait laisse per-sister dans un pays, par ignorance des choses, incurie, ou fatalite des circonstances, jamais eile ne s'y est ins-tallee definitivement, comme la variole humaine, qui est aussi, parait-il, d'origne asiatique. Ainsi, la peste bovine est une contagion etrangere a nos pays; et c'est une contagion qui ne dure qu'autant qu'elle trouve oü se revivifier, en s'attaquant a de nouveaux animaux. Si on salt mettre en dehors de ses atteintes les animaux de nos pays., jamais eile ne s'attaquera ä eux sponta-nement; jamais eile ne s'etablit dans un pays qu'elle a deja envahi, quand son action contagieuse ne pent pas
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s'exercer. Je sais que ce que je dis la coutrarie les ideas de certains m6decins, ou plutöt d'un certain mMecin qui ne voit les choses qu'ä travers des idees pr^congues et ferme avec tant d'obstination les yeux ä l'evidence qu'il va jusqu'ä nier la contagion de la plus contagieuse maladie qui soit au monde. Mais toutes les negations ne sauraient prevaloir centre les faits; et e'est sur des faits certains, incontestables, que se trouvent etablies toutes les propositions que je viens d'avancer.
L'histoire de cette maladie nous est bien connue, hölas ! et il serait trop long de la reproduire ici avec detail. Qu'il me suffise de rappeler que, toutes les fois qu'elle a fait invasion dans notre Europe, il a toujours ete possible d'en retrouver la trace vers FOrient, d'oü eile vient. Le plus souvent, e'est par les armees russes et allemandes qu'elle a et6 importee dans I'Europe occi-dentale. Quand on etudie l'histoire, ä ce point de vue, dans le moyen-age, et au dernier siecle notamment, oü les documents abondent, et enfin dans le nötre, on voit toujours co'incider l'invasion de la peste des bestiaux, dans I'Europe centrale et occidentale, avec les mouve-ment des armies de la Russie et de l'Allemagne; car derriere ces armees, et marchant ä leur suite, se trou­vent d'immenses troupeaux de bestiaux venant des steppes, et destines a leur approvisionncment. Pendant les guerres de la premiere Republique, les armees autrichiennes out Importe la peste en Italic et dans nos departements de l'Est. Tant que 1'Empire a 6te victo-rieux, la peste s'est öloignöe de nos frontieres; mais en 1814 et en 1815, les armees ennemies, prenant sur nous leur revanche , Font ramenee dans nos campagnes, oü eile a sevi pendant trois ans, apres la date de l'in­vasion.
Mais ce n'esl pas toujours par le fait de In guerre que
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la peste bovine a 6te import6e dans I'Europe occiden-tale; le commerce aussi y a contribuö, et c'est ö lui qu'il faut imputer, pour ne citer que cet exemple, les grands dösastres que cette maladie a causes en An-gleterre en 1865-1866. L'histoire de cette invasion prä­sente un grand intöret parce qu'elle donne une demons­tration, pour ainsi dire, experimentale de la grandeur des ravages que la peste pent exercer dans un pays, quand on ne fait rien pour la combattre, et de la certi­tude du succes centre eile, quand on sait mettre en pra­tique , pour la refröner et l'öteindre, les moyens dont l'expörience a dämontrö Fefficacite absolue.
Permettez-moi done d'entrer dans quelques develop-pements b. cette occasion.
II y avait cent vingt ans que l'Angleterre n'avait 6t6 envahie par la peste des steppes, lorsque, en 1865, cette maladie, complötement oubliee, lui fiat apportee line nouvelle fois par une cargaison de bestiaux acbet6s dans une province russe de la Baltique. Ces bestiaux venaient des steppes, et ils avaient en eux le germe de la peste, car pendant la traversöe on avait 6te obligö de jeter par-dessus bords les cadavres de quelques ani-maux qui avaient peri de cette maladie, Une partie des animaux de cette cargaison suspecte fut conduite a Londres et mise en vente sur le grand march6 metropo-litain, d'oü le betail vivant rayonne dans toutes les parties des trois royaumes. Ce fut la la premiere condi­tion de la grande expansion que la peste put prendre immediatement, car un grand nombre des animaux. achetös sur ce marche, s'ötaient charges des germes de la maladie qu'ils transporterent avec eux partout oü ils furent conduits; mais cette condition ne fut pas la seule. Cbose assez singuliere, cette maladie des steppes, que des bestiaux des steppes venaient d'importer, ne
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tut pas reconnue pour ce qu'elle f' ait, non pas par les vötörinaires , — ceux-lä se montrerent clairvoyants , — mais par le public et par la grande majority des journaux qui reflötaient I'Dpinion commune. Ou, pour mieux dire, on s'obstina ä la meconnaitre, malgre l'övidence des faits et malgrö les avertissements des vöterinaires du continent, accourus sur les lieux pour studier la ma-ladie, si 6trangement contagieuse, qui venait de s'a-battre sur I'Angleterre. On la reconnaissait facilement a ses coups; et tons nous 6tions d'accord, — car j'y 6tais, envoys en mission par le gouvernement frangais, — pour affirmer que cette maladie etait la peste des steppes. Iln'y a qu'elle, en effet, qui soit aussi active-ment contagieuse et meurtriere. Mais on ne voulait pas voir et Ton ne voyait pas. L'on ne voulait pas voir a coup sür; car, pour ma part, j'ai et6 frapper a la porte de plusieurs journaux importants pour faire publier un documentfrangais, qui aurait jete une pleine lumiöre sur la nature de cette maladie, et tons ces journaux , le Times en tete , ont refusö de donner place ä ce docu­ment dans leurs colonnes. G'6tait un parti pris dont je n'ai pas a rechercber ici le motif.
Qu'en r6sulta-t-il ? C'est que les transactions com-merciales continuant a avoir toutes leurs libertös, comme par le passö, les bestiaux malades, leurs fu-miers, leurs viandes continuerent ä circuler dans toutes les directions, et que la peste, favorisee par ce grand mouvement, se repandit dans tons les districts de I'Angleterre et de l'Ecosse. L'Irlande seule fut epar-gn6e, parce qu'elle eut le bon esprit de fermer ses ports ä toute importation de bestiaux venant de I'Angleterre ou de l'Ecosse. Grace a ce va-et-vient, ü quoi rien ne mit obstacle pendant six a sept mois, la peste put pren-dre, par l'etendue de ses ravages, les proportions d'une
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calamite publique. Alors les yeux se dessillerent enfin ; on comprit la faute que Ton avait commise, en se refusant a prendre, des le principe, les mesures qui auraient pu enrayer le mal; et, sous le coup de l'ömo-tion publique, le gouvernement se d6cida ä convoquer le Parlement tout expres pour lui faire voter le bill qui devait armer les autoritös publiques de tons les pouvoirs dont elles avaient besoin dans les circonstances cala-miteuses oü le pays se trouvait alors. Ce bill, entre autres dispositions, donnait aux autorites le droit de faire abattre les animaux malades et meme suspects, moyennantunejuste indemnite; le droit aussi d'arreter les transactions commerciales, partout on I'exigeraient les necessitös de la defense contre la peste. C'6tait la loi continentale, celle qui est adoptee dans tons les pays de rAllemagne, en Belgique, en France, que les Anglais, eclaires enfin par tine trop longue et trop coüteuse expe­rience, sedecidaienta faire cntrer dans leurscodes. Gette mesurede I'abattage obligatoire, dont ils s'etaient tant moques dans lours journaux, et qui leur avait fourni tant de traits d'ironie contre ceux qui la defendaient: — Singuliers mödecins, disaient-ils, qui no trouvent d'autres moyens de guerir leurs malades que de les mettre a mort — oette mesure de I'abattage, ils etaient bien forces de s'y rallier enfin. Et de fait, une fois qu'elle fut devenue une loi de leur pays, ils surent I'appliquer avec une teile vigueur, que tout changea de face en quelques semaines. Ce fut comme un coup de baguette. La peste fut partout enrayee, puis graduellementeteinte. Q'a 6te la un singulier spectacle, et tres-int6ressant en meme temps que tres-instructif : une epizootic, de toutes la plus meurtriere et la plus contagieuse, oböissant, pour ainsi dire, aux injonctions d'un Parlement, et disparaissant par son ordre.
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LAngleterre a paye par 350,000 victimes, mortes cm abattues d'autoritö, son imprevoyance et son inclair-voyance dans les circonstances que je viens de raconter. Cependant cette perte, si grosse qu'elle soit, ne s'est pas elevee au-dessus de 7 p. 0/0 de son stock general. C'est vous dire la richesse de ce pays.
En Hollande, les memes faits se sont produits presque identiques: Infection de ce pays par un troupeau de douze tetes seulement — rappelez-vous la minimite de ce chiffre — Importe d'Angleterre; dispersion de ces quelques animaux dans des pacages aux environs de Rotterdam; infection de ces pacages par la peste; refus du gouvernement d'intervenir tout d'abord pour enrayer le fleau dans sa marche envahissante; et, grace a cette . incurie, tout ce pays, ou la population animale est si dense et d'un si grand prix, se trouve infecte par la peste. Ici encore le Parlement dut rendre une loi, et quand eile fut rendue et appliquee, la peste disparut comme par enchantement. Cette incurie a coüte ä la Hollande 150,000 tetes.
En France, pendant ce temps, les choses se passaient tout autrement. La peste est bien venue frapper a notre porte du cöte de nos frontieres du nord; eile l'a meme forcee; mais nous ötions sur 1c qui-vive; nous savions a quoi nous avions affaire et, grace ä l'energie des moyens auxquels l'administration de l'agriculture a su
recourir, nos pertes se sont reduites..... ä quoi? a
43 betes, lorsque dans le meme temps I'Angleterre payait par 350,000 et la Hollande par 150,000 leur defaut de foi dans l'efficacite des mesures sanitaires, dont I'ex-perience du continent, et surtout de la Prusse, inces-samment en lutte avec la peste du cöte de ses frontieres orientales, nous avait demontre I'excellence depuis cinquante ans.
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Je me trompe quand je reduis au chiffre de quarante-trois las pertes que la peste nous a fait eprouver en 1866. Le Jardin d'acclimatation de Paris a aussi, a cette epoque, et6 victime de cette maladie, importöepar deux gazelles achet6es ä Londres. La, des animaux de prix, comme les aurochs, des lamas, des zöbus, des daims et d'autres animaux exotiques ont et6 frappes par le mal et en sent morts. La perte en argent s'est 6lev6e ä 70,000 fr. environ. Mais cet accident est resteisole, et, grace ä des mesures d'isolement, faciles ä prendre, la peste n'a pas franchi les limites de l'etablissement. Somme toute, c'a ete lä une experience un peu coüteuse sans doute, mais pleine d'interet, au point de vue scientifique, et dont nous avons profits.
Cette histoire de la peste en 1865-1866 est, vous le voyez, on nepeut plus instructive; les faits qui se sont produits out donne la demonstration, aussi probative que possible^ de ce que Ton peut centre la peste'bovine, quand on sait se döfendre de sa contagion, et de ce qu'elle peut centre nous, et des ravages sans limites qu'elle peut causer, quand, grace a l'imprevoyance, ä l'incurie, ä l'ignorance des administrations, ou au parti pris systematique des pays qu'elle envahit, on ne sait, on ne peut ou on ne veut rien faire pour la com-battre et Pöteindre.
Mais, pouvez-vous me dire, comment se fait-il que cette peste bovine, centre laquelle, dites-vous, on peut lutter avec tant d'efficacitc, et dont on peut se rendre maitre par l'emploi de mesures energiques, comment se fait-il que, dans ces derniers temps, eile ait persiste si long-temps en France et qu'elle nous ait fait perir plus decent mille bestiaux, pour la moitie desquels environ huitä dix millions d'indemnite ont du etre payes par l'Etat ?
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L'explication de ce qu'il y a, en apparence, de con-tradictoire entre ce que j'ai avance et les faits qui vien-nent de se produire est fa6ile ä donner, Apres cette guerre, si funestement döclaree^ et, avec tant d'imprö-voyance, si döplorablement conduite, si miserablement terminöe , et qui, je n'hösite pas öle proclamer ici, sera la honte öternelle du gouvernement qui 1'a engagee, contrairement aux vceux des populations et aux intörets du pays, — apres cette guerre, dis-je, l'armöe ennemie s'^tant rendue maitresse de quarante de nos departe-ments , y a diss6min6 la peste dent se trouvaient fatale-ment atteints ses bestiaux d'approvisionnement qui venaient des steppes russes, ou qui avaient 6t6 en rap­port avec des bestiaux de cette provenance. De fait, le mouvement de l'armöe prussienne a eu pour conse­quence de repandre la peste dans toutes les provinces qu'clle a traversees, aussi bien celles de la Prusse elle-meme que celles de la France. D'abord, e'est FAlsace et la Lorraine qui ont ete envahies, puis successive-ment tous les departements occupes.
Mais ce malheur etait de ceux qu'on devait prevoir, #9632;comme une consequence fatale del'insucces de nos armes; et, grace ä des mesures prises ä l'avance par 1'adminis-tralion de l'agriculture, avant que Paris füt investi, et que la delegation de Tours sut faire appliquer avec energie, le fi6au a pu etre arrete ä pen pres a la limite de la Loire; car l'invasion momentanee du Poitou, consequence de l'imprevoyance d'un Intendant militaire, n'a pas eu les suites qu'elle aurait pu avoir. La heureu-sement se trouvaient des veterinaires qui connaissaient toute la gravite du danger et qui ont su inspirer aux autorites toutes les mesures propres ä le conjurer.
Mais, dans tous les departements envahis, il en a ete tout autrement; car malgre la bonne volont6 dont les
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veterinaires ont fait preuve pour venir en nide aux auto-rites, les mouvements des armies rendaient trop sou-vent illusoires les mesures meme les mieux concertees.
Quand, apres la signature de la paix, les armees en-nemies evacuerent les departements qu'elles avaient envahis, la peste qu'elles avaient amenee ne fit pas sa retraite avec elles. Au contraire , eile put continuer ses ravages , avec une tres-grande intensite, grace a la di­sorganisation du pays. L'autoritö centrale n'avait ä sa disposition, pour faire executerles mesures sanitaires, ni gendarmes, ces hommes d6voues qui nous rendent tant de services et avec tant de desinteressement, ni commis-saires de police, ni gardes champetres meme,,—ces der-niers, soit dit en passant et sans vouloir les calomnier, un peu moins utiles et un peu moins 6nergiques ä faire leur devoir que les gendarmes. Dans cet etat de choses, rien ne pouvait mettre un obstacle süffisant aux mou­vements des bestiaux et surtout aux transactions dont ils etaient 1'objet. Aussi vit-on se commettre les abus les plus deshonnetes, les plus effrenes, de la part d'une foule de maquignons de bas etage, qui n'hesiterent pas ä speculer sur les mallieurs publics, et ä les aggraver, en aebetant ü bas prix des animaux dans les pays infec-tes, pour aller les revenclre, avec les germes du mal qu'ils recelaienten eux, a des prix plus eleves, dans des pays qui en etaient encore exempts. Grace ä ces trafics, qu'on a bien le droit d'appeler criminels dans les cir-constances oü ils ont etc commis, le mouvement d'ex-pansion de la peste bovine a etc singulierement favo-rise, et l'Etat a du payer par plusieurs millions les pertes qui en sont rcsultees.
C'est contre cet etat de choses si defavorable qu'il a fallu lutter. On le fit, avec plus ou moins de succes, suivantqueceux qui etaient charges de diriger et d'exe-
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cuter les mesures necessaires se mirent ä cette täche avec plus ou moins d'energie et de conviction. Le succes a ete proportionnel, on pent le dire, ä la qualite et ä l'habilet^ des hommes qui le poursuivirent.
II est des departements, par exemple, qui ont su se defendre contre I'invasion, grace ä des mesures de pre­caution ordonnees par des administrations prövoyantes, et exöcutees avec une vigueur qui ne s'est jamais lassee; et je suis heureux de ranger parmi ces depar­tements celui oü je parle actuellement. Grace a toutes les mesures si bien prises dans la Nievre par I'adminis-tration prefectorale, assistee de ses conseils d'hygiene, des vöterinaires et d'une foule d'agriculteurs, qui lui ont donne un concours tres-actif, la fortune que repre-sente votre betail a 6te sauvee, et ce d^partement a donne une preuve de plus que Ton peut se döfendre des atteintes de la peste quand on a la volonte et 1'ener-gie de lui opposer les moyens que la science et l'expe-rience ont d6montr6s efficaces. Peut-etre bien que ces moyens, quand on les a appliques, n'ont pas 6te ap-prouves par tout le monde; peut-etre que plus d'une recrimination s'est fait entendre de la part de ceux que cela genait plus ou moins. Mais voyez le resultat obtenu ! La population bovine de votre departement s'eleve peut-etre a 600,000 tetes. Quelle prise pour l'epizootie et quelle mine pour vous, si eile s'en etait emparee ! et que d'actions do graces vous devez ä ceux qui ont su vous preserver d'une teile calamite !
Permettez-moi de vous le dire par anticipation, ce que Ton a si bien fait contre la peste bovine, on devrait le faire aussi, dans la mesure necessaire, contre toutes les contagions. A quoi tient, par exemple, souvent l'infection de tout un pays par la cocotte ? A I'importa-tion d'un tres-petit nombre d'animaux malades, aux-
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quels on laisse toute liberty d'aller sur les foires et de communiquer leur mal. Un peu de precautions contre cette contagion, quand eile s'opöre dans ces conditions, et tout un pays pourrait etre preserve ! Dans un pays comme le vötre , jamais un animal etranger ne devrait etre introduit au milieu de vos bestiaux sans avoir 6te soumis ä une quarantaine qui donnerait des garanties pour son etat sanitaire. Un animal inconnu qui recele une contagion dans ses flancs pent etre pour vous , si cette contagion est la peste bovine, ce qu'a ete pour l'infortunee Pergame le cheval de bois qu'elle avait s1 imprudemment introduit dans ses murs; comme cette machine perfide, l'animal inconnu pent reeller dans ses flancs la misere et la ruine. Tenez, vous n'avez plus dans votre departement, m'a-t-on dit, une maladie qui y a exerce autrefois de grands ravages : la p6ripneu-monie contagieuse; voulez-vous que je vous la renvoie? Je puis vous l'expedier, des demain, de Paris, par che-min defer. (Non, non. On rit.) Et pour peu que vous vouliez vous y preter, tons vos bestiaux seront bien vite infectes de cette maladie, qui equivaut presque ä la peste par les dommages qu'elle cause. — Que faudrait-il pour que reellement vous en subissiez de nouveau les ravages ? Une importation malheureuse contre la-quelle vous n'auriez pas su vous mettre en garde. Je ne saurais done trop vous recommander de precautions toutes les fois que vous aurez ä introduire parmi les vötres des bestiaux inconnus.
Grace ä une active surveillance, on pent beaucoup contre les contagions. Jo no saurais trop le redire. L'histoire de la derniere invasion de la peste en fournit des exemples ä l'infini. Je viens de vous parier des d6partements qui avaient su, comme le vötre, se mettre tout ä fait ä l'abri de ses atteintes. II en est d'autres oü
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la peste n'a pas eu longtemps prise, grace aux memes conditions; d'autres, oü eile s'est 6tendue, faute d'une action ou de moyens sufifisants pour la combattre; d'autres enfin, oü eile a reparu, lorsqu'on s'est fatiguö trop vite de l'execution des mesures sanitaires.
Malgre tout cependant, partout on a fini par en venir ä bout, et Ton s'en est enfin debarrass6 en surmontant toutes les mauvaises volontes, toutes les resistances, qui tendaient ä l'entretenir.
Apres les grandes guerres du premier Empire, nous sommes restes exempts, pendant pres de cinquante ans, de cette peste bovine que l'invasion des armees alliöes nous avait alors infligee, et dont la France eut ä patir pendant trois annees encore apres l'evacuation du territoire.
A supposer que la grande et terrible guerre qui vient de se terminer soit suivie aussi d'une longue pöriode de paix, est-ce que nous avons autant de chances que par le passe de rester exempts, et pendant aussi longtemps, des atteintes du terrible fleau? Non, et voici pourquoi : e'est que les pays dont la peste est originaire sent au-jourd'hui bien plus rapproches de nous qu'ils ne I'etaient autrefois, en ce sens que les moyens de communication avec eux sont beaucoup plus rapides et qu'ils permet-tent le transport des bestiaux en plus grandes masses. D'un autre cote, l'avidite des populations humaines pour la nourriture animale est bien plus grande que jadis et, pour la satisfaire, le commerce va chercher les bestiaux jusque dans les steppes qui peuvent en etre des pourvoyeurs presque intarissables. Aujour-d'hui, enfin, les steppes sont parcourues par des voies ferrees, qui amenent, dans un temps tres-rapide, des convois de bestiaux ä leurs ports d'embarquement, tandis qu'autrefois ils ne pouvaient arriver ä lern' des-
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tination qu'en beaucoup plus petit nombre et qu'apres avoir laisse en route, dans un voyage, de cinquante ä soixante jours, tous ceux que la maladie touchait et reudait incapables, quand eile ne les tuait pas, de suivre le gros du convoi. Les troupeaux se purgeaient ainsi, dans la longue dur6e du parcours, de tous leurs suspects.
Dans les conditions actuelles de rapiditö des trans­ports et de necessites d'approvisionner les marches de l'Europe occidentaleavec des bestiaux de provenance Orientale, il faut compter avec la possibilite de retours offensifs de la peste bovine, retours qui n'etaient pas ä craindre autrefois, lorsque les pays de l'Europe occi-dentale se subvenaient a eux- memes et que, du reste, les steppes etaient trop loin pour qu'il y eüt avantage ä s'y approvisionner.
Maintenant, ces retours offensifs sont-ils aussi ä craindre que sembleraient l'impliquer, ä premiere vue, les grands ravages de la peste dans le dernier sifecle; ceux qu'elle a causes en Angleterre et en Hollande, il y a quelques annees; ceux qu'elle vient de nous infliger en France, dans ces derniers dix-huit mois? Non, a coup sür. Au siecle dernier, on ne savait pas combattre la peste comme aujourd'hui; 1'Angleterre et la Hollande ont ete victimes de leur imprevoyance et de l'incurie de leurs administrations. La peste n'a ete si meurtriere en France, ces deux annees passees, que parce que l'occu-pation du territoire par l'ennemi a empechö d'appliquer ä cette maladie les mesures sanitaires qui avaient donne des rösultats si heureux en 1866. Apres l'öva-cuation, les services publics, desorganisös, n'ont pu fonctionner immediatement, avec l'activitö et la süretö süffisantes, et la peste, trouvant devant eile libra carriöre, en a profits pour r6pandre ses ravages.
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Mais, dans les conditions normales, et partout oü il y a un service sanitaire organist, la röpötition des fails dont nous venons d'etre les tömoins et lesvictimes n'est nullement ä craindre.
De fait, au moment oüje vous parle, la peste vient de faire une nouvelle apparition en Angleterre, dans le Yorkshire; c'est lord Granville, membre du conseil prive de la reine, qui en a envoys I'avis t6legraphique au president de la Republique, donnant ainsi I'exemple de l'application d'une des meilleures mesures recom-mandees par le congres sanitaire international de Vienne.
Get accident est la consequence d'une importation de bestiaux des steppes, expedies du port de Riga dans la Baltique. La consommation de 1'Angleterre exigeant beaucoup de viandes, une compagnieanglaise a etabli, dans la partie du Holstein que la bonne foi allemande a laissöe au Danemark, un depot d'animauxdes steppes qui y font quarantaine dans de vastes prairies, avant d'etre expediös ä leur destination. II parait que cette qua­rantaine n'est pas toujours süffisante, car c'est ä un trou-peau expedie du Holstein que l'accident du Yorkshire est attribue. Mais cet accident restera, je crois pouvoir I'affirmer, sans consequences graves, parce que 1'An­gleterre est en possession aujourd'hui d'une organisa­tion sanitaire qui lui permet de se defendre contre la peste avec la certitude absolue de la reussite. Ce que je dis de l'Angleterre, je le dirai egalement de l'Allemagne : les accidents signales ä Mulhouse, ä Hambourg et sur le marchö mötropolitain de Berlin, ne doivent nous donner aucune inquietude. La peste sera etoufföe, a coup sür, avant qu'elle ait eu le temps d'irradier de ces pre­miers foyers.
Gependant, le Gouvernement frangais s'est emu de
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ces röapparitions si soudaines, et il vient de prendre des mesures de precaution, en fermant ses frontieres ä toutes les importations des pays infect^s et en faisant controler, par une visite severe, l'etat sanitaire des bestiaux provenant des pays limitrophes ä ceux oü des accidents de peste se sont manifestos.-Ces mesures n'6taient peut-etre pas necessaires; mais M. le Presi­dent de la Röpublique sait ce qu'ont coüte ä nos finances les indemnites donnees pour les abattages obligatoires que l'invasion de la peste a necessites, etil ne vent plus que le tr6sor public ait a parer ä de pareilles depenses. On ne saurait le blämer de sa prudence, meme lors-qu'elleest excessive, comme dans le cas actuel.
Ce qui ressort, Messieurs, des longs developpements dans lesquelsje viens d'entrer, c'est que, en definitive, cette peste bovine, qui est la plus redoutable des epi­zootics en raison de l'activite de ses proprietes conta-gieuses et de sa terminaison si souvent mortelle, est cependant celle dont on peut se rendre maitre le plus facilement dans notre Europe, parce que Ton sait la cause unique dont eile precede, et qu'on sait aussi, en annulant l'action de cette cause, c'est-a-dire la conta­gion, mettre les animaux a l'abri de ses atteintes.
Voici substantiellement les mesures h prendre pour obtenir ce resultat:
Lorsque la peste bovine a fait son apparition dans une localite, les proprietaires des animaux atteints doivent remplir immediatement le devoir rigoureux de donner avis a l'autorite de l'existence de la maladie dans leurs troupeaux. — Cette declaration est obliga-toire pour toutes les maladies contagieuses, car eile est prescrite par le Code penal. Mais, me dira-t-on, comment puis-je declarer que j'ai la peste cliez moi, moi qui ne la connais pas? En temps d'epizootie, ou
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lorsqu'une 6pizootie est imminente, l'autoritö impose aux propriötaires le devoir de döclarer l'existence chez eux, non pas d'une maladie d^terminöe, mais des ani-maux qui tombent malades. C'est aux experts a recon-nattre ensuite si la maladie sur les animaux declares est la maladie contagieuse contre laquelle il y a lieu de se tenir en garde, ou toute autre chose. Vous con-cevez la necessite de cette declaration, au point de vue des interets communs; eile a pour objetetpour rösultat de determiner l'autorite, qui a charge de les sauve-garder, ä prendre imm^diatement toutes les mesures propres ä empecher la contagion de se repandre en dehors de son premier foyer, et ä l'etouffer meme, s'il y a lieu ou nöcessite immediate, comme c'est le cas, presque toujours, pour la peste bovine.
La premiere de ces mesures est de prescrire imme-diatement que la ferme, I'etablissement, I'exploitation oü la peste vient de se montrer, soient fermes ä l'ins-tant meme, et que defense soit faite d'en sortir ou d'y entrer. C'est ce que Ton appelle la sequestration des lieux, mesure indispensable; car c'est souvent par le va-et-vient auquel donne lieu I'apparition d'une mala­die dans une stable, que se repandent les germes de cette maladie, si eile est d'une nature contagieuse et surtout si eile est contagieuse au degr6 qui caracterise la peste bovine.
Immediatement aprfes la sequestration commandöe, l'autorite doit faire proceder ä l'abattage, non-seulement des animaux malades, mais encore de tous ceux qui habitent ou out habitö avec eux depuis leur maladie, dans la meme stable ou dans le meme herbage. En meme temps, tous les animaux qui ont eu ou peuvent avoir eu avec eux des rapports plus ou moins rappro-ch6s, doivent etre soumis a une sequestration tres-
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rigoureuse, afin que, dans le cas oü Tun d'eux ou plusieurs auraient en eux les germes du mal, par suite de ces rapports , ils n'aillent pas les porter et les dissö-miner ä distance.
Cette mesure de l'abattage immödiat des animaux actuellement malades, et surtout des animaux sains qui sont voues fatalement ä la maladie par suite de leurs rapports 6troits avee les premiers, cette mesure de l'abattage immödiat est celle qui souleve le plus de resistance, surtout au debut de l'6pizootie, parce que Ton ne comprend pas encore la grandeur du mal qui menace, qu'on n'a pas la conviction, acquise par 1'expe­rience , que ce mal est de teile nature que, fatalement, il va s'attaquer, non-seulement a tous les animaux de la meme stable, mais encore ü tous ceux de la ferme, puis ä ceux de la commune, puis ä ceux de la region tout entiere. C'est ainsi que les choses se passent cependant, et c'est parce qu'elles se passent ainsi, ä coup sür, que l'autoritö doit faire preuve d'energie , au debut surtout, proportionnellement aux resistances qu'il s'agit de surmonter, et immoler le petit nombre pour le salut du plus grand. Que de fois il a suffi d'abat-tre quelques animaux pour sauver la population animale d'une commune, montant a plusieurs centaines de betes, et pour sauvegarder celle d'une region montant ä des centaines de mille.
Get abattage, qui parait cruel au debut d'une epi­zootic de peste bovine, parce qu'on ne se lasse pas facilement de l'esperance de sauver son betail, n'a rien d'onöreux pour celui qui doit le subir, puisqu'il regoit une indemnite proportionnee ä la valeur de ses animaux, dont 1'estimation doit etre faite au prealable par des experts competents, Cette indemnity, d'apres la loi actuelle, est des trois quarts de la valeur des bes-
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liaux; mais eile ne s'applique qu'a I'abattage pour cause de peste bovine. Pour toute autre maladie conta-gieuse, aucune indemnite n'est de droit dans I'etat actuel de notre legislation.
Les animaux abattus malades doivent etre enfouis integralement, c'est-a-dire recouverts de leur peau, prealablement taillad6e, pour lui oter toute valeur com-merciale, et pr6venir ainsi l'avidite des deterreurs de ca-davres qui, trop souvent et en trop grand nombre, dans les temps d'epizooties contagieuses, speculent sur les debris des animaux qu'on a du enfouir et tächent de les exploiter, aux grands dommages des intercts publics. Aussi est-il bon de recouvrir les cadavres do chaux vive, pour hater leur destruction et les rendremoins faci-lement abordables pour ceux qui voudraient les deterrer. Aucune partie de l'animal malade ne doit en etre dis­traite, car toute partie qu'on en detache recele en eile les germcs de la contagion, et peut les repandre par-tout on eile sera transportee. Que de fois la peste bovine a ete propagee par l'intermediaire de viandes provenant d'animaux malades, qu'on avait eu l'imprudence de laisser livrer a la consommation. Quant aux animaux encore sains que Ton fait abattre par prudence et pour prevenir le developpement en eux de la maladie dont ils portent le germe et dont ils deviendraient, a leur tour, les propagateurs, ceux-la peuvent etre livrös ä la consommation, et il y a avantage ä ce qu'ils soient ven-dus aux bouchers, mais sous la condition expresse qu'ils seront abattus dans le plus bref delai possible apres leur livraison. On realise ces conditions grace k certaines mesures particulieres, qu'il n'est pas nöces-saire d'indiquer ici, puisque, grace ä Dion, la peste n'est plus menacante. Je puis done mc bonier a cette simple indication.
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Ce ne sont pas seulement les lieux oü la maladie s'est d6clar6e qui doivent etre s6questr6s, dans I'int^ret commun; la sequestration s'applique aussi ä des com­munes tout entieres, lorsque plusieurs deleurs etables sont infectees; on defend ainsi la sortie de tout animal qui pourrait receler en lui le germe du mal; on defend aussi I'introduction dans ces communes d'animaux nouveaux qui agrandiraient necessairement, par leur presence, le foyer de l'epizootie, et augmenteraient ainsi les chances de son expansion. Le transit, a travers une commune infectee, doit etre defendu, puisque tout ani­mal, susceptible a la contagion, qui la traverserait, pourrait en recueillir les germes dans le moment de son passage, et se faire ainsi le propagateur de la maladie. Dans certains pays, comme I'Allemagne, la sequestra­tion porte sur les habitants eux-memes, qui n'ont pas le droit de sortir de leur commune tant qu'elle est de-claree infectöe, et sont ainsi soumis ä une veritable captivite. Au point de vue de la police sanitaire et de son efficacitö certaine, ces mesures sont a coup sür excel-lentes; mais les populations de tons les pays, du notre particulierement, ne s'y preteraient pas volontiers, et il est indique, en pareille matiere, de ne pas d6passer les limites de ce que comporte le caractere des populations auxquelles des lois restrictives et forcöment vexatoires doivent etre imposees dans un interet commun. Aussi bien, du reste, le resultat pent etre atteint sans qu'il faille condamner a la captivity les habitants de toute une commune et encore moins de toute une ville.
L'affaire principale, c'est d'empecher le deplacement des bestiaux en dehors des localities infectöes, et leurs mouvements en dehors et autour de ces localit6s. II ne faut pas, par exemple, quand une locality est sous les coups de la peste bovine, que des foires on des marches
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puissent etre tenus dans ces localitös memes ou dans un rayon assez 6tendu autour d'elles, car les animaux qui s'approchent des lieux infectös courent des chances de l'infection, quis'accroissent ä mesure que la distance diminue. L'interdiction, autour des localites infectöes, de la circulation et de toutes les conditions qui tendent ä rassembler les animaux a une trop grande proximitö de ces localites, est done d'une necessite absolue, et le devoir de l'autorite est de la prononcer immödiatement et de la maintenir aussi longtemps que la contagion sera menagante.
C'est faute de n'avoir pas applique cette mesure assez ä temps ou d'y avoir trop tot renoncö, que les admi­nistrations locales, dans un trop grand nombre d'en-droits, se sent laisse envahir et deborder par la peste qu'on a eu ensuite beaucoup de difficultes a refrener et a faire disparaitre.
Teiles sent les mesures principales qu'il est absolu-ment indispensable d'appliquer avec la plus grande rigueur, toutes les fois que la peste est menasect;ante. Je vous garantis que lorsque l'autorite tient la main ä leur execution, ce qu'elle pent toujours faire avec le concours de la gendarmerie, qui nous a rendu de si grands ser­vices dans le courant de la derniere epizootie, et dont je ne saurais trop louer le zele et le devouement, je vous garantis que l'autoritö pent toujours se rendre mai-tresse de la peste et empecher ses ravages. Mais il ne faut pas que, comme cela s'est vu, par exemple, dans l'arrondissement de Dunkerque, l'ambition de devenir depute rende un maire a ce point tolerant que, pour ne pas s'aliener ses suffragants futurs, il leur laisse toute liberte de se soustraire aux contraintes des prescriptions sanitaires. Dans la commune de ce maire, la peste ayant toute liberte, comme les ölecteurs eux-memes, s'etait
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attaquee ä tous les bestiaux et me;ia?ait I'arrondisse-ment lout entier, lorsque l'autoritö centrale, prevenue, a mis, ä la disposition du service sanitaire, un nombre süffisant de gendarmes pour faire rentrer dans le devoir le maire ambitieux dont je viens de vous parier et ses administres. Grace ä ce secours, vena ä point, la peste a pu etre etouffee dans ce foyer dejä trop agrandi.
Je viens d'essayer. Messieurs, de vous donner une idee de la contagion, et j'espere avoir röussi, malgr6 les difficultes du sujet, a vous en faire comprendre les
dangers.
Maintenant, si vous n'etes pas trop fatigues de ces considerations scientifiques, je vous parlerai demain des autres questions du programme : la cocotte, I'avor-tement, le charbon. (Oui! oui!)
M. le comte de Bouille, president :
Demain la seance commencera, comme aujourd'hui, ö trois heures. On proclamera d'abord les noms des personnes qui ont obtenu la prime d'honneur et des prix culturaux, et ensuite M. Bouley voudra Men nous faire une nouvelle conference. (C'est cela! A demain ! — Approbation generale.)
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SEANCK DU 14 SEPTEMBRE 1872.
Messieurs ,
L'un des auditeurs ä la seance d'hier me fait Thou-neur de m'adresser, par une lettre que je recois ä 1'ins-tant meme, une question ainsi formulee : laquo; La science raquo; en est-elle arrivee a constater d'une maniere tres-raquo; positive la duree du temps qui est necessaire pour raquo; amener la mort complete des germes d'infection r6-raquo; pandus sur la terre , dans les fumiers , ou dans les raquo; mares servant d'abreuvoirs. raquo;
Je vais essayer de repondre immediatement a cette question complexe, que je n'ai pas abordee bier, parce qu'il ne m'etait pas possible de traiter de tout ce qui a rapport a la peste bovine dans le temps que je devais consacrer ä la conference. La question de la peste bovine ä eile seule, si on voulait en embrasser tous les developpements, exigerait tout autant de temps que celui que r^clamait autrefois Victor Considerant, de l'Assemblee Constituante, pour exposer devant eile le Systeme de Fourier: e'est-a-dire trois jours et trois nuits consecutifs; et, vraiment, si je tentais jusque-lä votre patience, je risquerais fort de la lasser. Je me hate
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!:
de reconnaitre , cependant, que la question qui vient de m'etre posöe par Tun de mes honorables auditeurs d'hier a de rimportance, et je vais la traiter avant d'aborder celles qui ötaient reservöes pour la confe­rence d'aujourd'hui.
Pendant la duree de la peste bovine, cette question a et6 l'objet des preoccupations de l'administration centrale, qui m'a fait Fhonneur de la soumettre ä mon exam en. De tres-graves interets se rattachaient ä sa solution: il s'agissait de savoir, en effet, au bout de combien de temps on pouvait permettre I'enlevement des fumiers des abattoirs de Paris, sans courir la chance que les germes de peste qu'ils pouvaient, etqu'ä un certain moment ils devaient receler, fussent diss6-mines par leur transport dans les fermes des departe-ments qui entourent Paris.
La solution la meilleure que j'aurais voulu pouvoir dormer eut ete une solution expurimentale, resultant d'une serie d'inoculations de la matiere des fumiers, que j'aurais faites, dans des jours successifs, ä une serie d'animaux. J'aurais constate ainsi I'epoque cer— taine a laquelle ces matieres perdaient leurs proprietös contagieuses.
Mais cette maniere de proc^der eüt ete lente et coü-teuse, et la question poseedemandait une solution aussi prompte que possible, de laquelle dependait la satis­faction a donner par l'administration aux interets qui ätaient en cause. En me basant sur le degre de tempe­rature ä laquelle les fumiers s'elevent par la fermenta­tion, temperature qui est de 50 ä 55 degres centigrades, j'ai era pouvoir formuler cette conclusion : qu'au bout de trois semaines a un mois, les matieres organiques, provenant des animaux malades, devaient avoir perdu leurs proprietes contagieuses, sous l'influence de la
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chaleur älaquelle elles etaient soumises , et sous I'in-fluence aussi des transformations que le mouvement de fermentation leur imprime : transformations qui sont d^noncees par la nature des gaz qui se dögagent des fumiers. N'oubliez pas, en effet, que lapropriete conta-gieuse ne reste inherente a la matiere organique qu'au-tantqu'elle conserve ses caracteres; et que cette pro-pri6t6 disparait, avec teile ou teile transformation que lui impriment certains agents ou certaines conditions physiques nouvelles. Ainsi la viande crue , qui possede des proprietös contagieuses, s'en trouve destitute aprös sa coction ä une temperature de 70 degres. Le sang, qui est contagieux quand il est röcemment extrait du corps, cesse de l'etre apres la putrefaction, ou, autre-mentdit, quand ila subi la fermentation putride. Ainsi en est-il des matieres des fumiers qui sont soumises ä ce mouvement Interieur qui les decompose et les trans-forme. Mon confrere et ami, M. le baron Th6nard, membre de l'Institut, äqui j'ai demande son avis sur I'importante question dont je traite actuellement, m'a ditque, dans sa conviction, les fermentations dont le fumier est le siege devaient eteindre les proprieties con­tagieuses dans les matieres qui le constituent en moins de trois semaines, et que ce resultat serai t plus vite atteint si Ton avait le soin de hater la fermentation du fumier de Fespece bovine par son association et son melange avec celui du cheval et celui du mouton, qui sont plus chauds, et qui eleveraient davantage le degr6 de la temperature des tas. Rien que par la fermentation et sans avoir recours ä des melanges chimiques, qui gätent les fumiers, ou tout au moins peuvent faire qu'ils ne s'accommodent plus a la nature des terres, M. Thamp;iard est d'avis que la propriete contagieuse des fumiers est completementeteinteen trois semaines et meme avant.
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Voici maintenant les r6sultats de rexperience qui a 6te faite :
La peste bovine s'est declaree avec une tres-grande intonsite sur les troupeaux de boeufs qui avaient 6te introduits dans Paris apres Tarmistice , troupeaux dont quelques-uns avaient et6 en rapport avec ceux de Far-mee ennemie. Les fumiers provenant de ces animaux malades ont ete enleves des abattoirs de la Villette au bout d'uh mois de sejour dans les cours oü on les amasse, et aucune consequence fächeuse n'est resultee de leur transport; les informations que I'administration a fait prcndre chez les fermiers qui ont fait marche avec I'abattoir, pour l'achat de ses fumiers , me permettent d'etre sur ce point tres-affirmatif.
Maintenant, je dois dire que s'il resulte des consi­derations et des faits qui viennent d'etre exposes que les fumiers, provenant d'animaux malades de la peste, deviennent inoffensifs au bout de trois semaines ou un mois, les chances de leur innocuite doivent croitre ne-cessaircment avec le plus long temps qu'on les laisse fermenter, et que, consequemment, ce sera faire acte de prudence que de laisser fermenter les fumiers sus­pects 1c plus longtemps possible.
Une autre question m'a ctö posee dans la lettre que Ton m'a remise au commencement de cette seance : celle de la duree du temps necessaire pour la mort com­plete des germes d'infection repandus sur la terre ou dans les mares servant d'abreuvoirs. Cette duree est subordonnee ä l'influence de la saison. En ete, la pro-priete contagieuse s'eteint plus vite dans les matieres organiques qu'en hiver, parcc que leur decomposition putride est plus rapide. Ici encore il y a une distinction ä faire : si des matieres contagieuses sont dess6ch6es rapidement, sans que la chaleur a laquelle on les sou-
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met soit süffisante pour les decomposer ou pour les cuire, ces matieres peuvent conserver leurs proprietes contagieuses, qui se r^veilleront avec I'humidite dont elles se trouveront impregnees ä un moment donne. L'art met a contribution la dessiccation pour conserver la matiere du vaccin et l'expedier a distance. II suffit pour rendre son activite ä cette matiere de l'humecter d'eau.
Le froid est aussi un agent conservateur des matieres organiques et des proprietes qui leur sent inhörentes, au moment oü le froid les saisit. On retrouve aujour-d'hui, dans la Siberie, des elephants conserves dans les glaces, depuis des milliers d'annees, et dont la chair est mangeable encore. II est probable que si ces ele­phants avaient eu la peste, au moment de leur englou-nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; £raquo;, tissement, on rctrouverait aujourd'hui les proprietes contagieuses inhärentes ä ces chairs, et tout aussi actives qu'ä I'epoque mcommensurableraent eloign^e oü ces temoins des ages antediluviens ontetö engloutis dans les glaces.
La conclusion a tirer de la connaissance de ces faits est qu'il no faut pas sc fier a l'extinction naturelle des germes de la contagion, dans les locaux oü ils ont et6 deposes par des animaux malades , et qu'il est prefera­ble de proceder ä leur destruction par des moyens de disinfection dont je parlerai h la fin de cette conference ou que j'exposerai dans ma conference ecrite si le temps ne me permet pas de les faire connaitre orale-ment.
Une autro question , tres-interessante encore , vient de m'etrc adressee : celle de savoir si la viande prove-nant d'animaux malades de la peste bovine pent etre consommec par I'homme, sans danger pour sa sante. Ainsi posee^ la question est d'une solution tres-facile.
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La viande des animaux malades de la peste bovine peut etre mangee par rhomme avec une complete impunite. Des experiences de tons les temps , r^petees dans tous les lieux , et tout r^cemment ä Paris aprös l'armistice, ne laissent pas le moindre doute sur I'innocuite absolue de ces viandes. L'experience dernifere faite a Paris apres Tarmistice a 6t6 ce que j'appellerai colossale. La peste bovine, je l'ai dit tout a I'heure, s'est introduite dans Paris aprös l'armistice, avec les troupeaux d'approvi-sionnement que Ton avait rassembles aux alentours pour ravitailler la ville d6s que ses portes seraient ouvertes. La maladie revetit un tel caractere d'intensitö que les boeufs n'avaient pas le temps d'etre conduits des pares, oü ils 6taient reunis , aux abattoirs , et qu'ils semaient, ä la lettre, les pares et les boulevards de leurs cadavres. Dans une seule nuit, un pare de l'approvision-nement de l'armee a compte jusqu'ä huit cents morts. La marche de la maladie etait si rapide, que la massue du boucher n'allait pas assez vite, et qu'on etait oblig6 d'abattre les animaux dans un etat de maladie dejä avanc6. Eh bien ! leurs viandes etaient distributes dans les boucheries de Paris et vendues au public; et, afin qu'on n'ignorat pas quelle en etait la provenance, je pris sur moi, — car e'etait un devoir, — de le faire connaitre au public par une communication que je fis ä cette epoque a 1'Academic des sciences, en affirmant que l'usage de ces viandes ne pouvait entrainer aucun incon­venient. De fait , l'experience a prouvö que je ne m'etais pas trop avance, car ces viandes ont 6te consom-mees , et aucune consequence dommageable ne s'en est suivie.
Mais si, au point de vue de l'hygiene de l'homme, l'usage des viandes provenant des animaux malades n'entraine aucun inconvenient, il n'en est plus de meme
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au point de vue de l'hygiene des betes bovines , et je n'hesite pas ä dire qu'il doit etre absolument interdit de depecer les animaux malades et de disperser leurs debris, parce que cette dispersion entraine, ä n'en pas douter, celle des germes de la maladie. Quand l'histoire de ces derniers temps aura et6 ecrite, avec les 6l6ments nombreux que nous avons entre les mains, il sera facile de demontrer que la peste bovine a suivi, dans quelques-uns de nos departements^ les corps des mo­biles auxquels on distribuait des viandes provenant d'animaux malades et que , dans plus d'une ferme, eile a ete introduitc par des morceaux de ces viandes jetes sur les fumiers. II y a meme ä ce sujet un fait experi­mental que je crois devoir citer ici, parce qu'il en dit plus ia lui seul que tous les commentaires: Une bonne femme ayant regu d'un soldat prussien de la viande malade, la mit dans le sac avec lequel eile allait aux champs chercher de l'herbe pour ses vacbes, au nom-bre de deux. Le. lendemain, eile se servit de son sac pour son usage habitual, sans avoir eu la precaution de le laver, et eile distribua a ses betes les fourrages qu'elle avait rapportes dans ce sac ensanglantö. Ces fourrages humides s'etaient impregnes du sang adhe­rent auxparois, qu'ils avaient dissous, et les vaches qui les mangercnt contracterent la peste : nouvelle preuve de la possibilite d'introduction de cette maladie par les voics digestives.
Ainsi, la viande malade pent etre consommee par I'homme avec impunite; rnais, malgre cela, son usage, ainsi que celui de tout autre debris de l'animal malade, doit etre absolument prohibe, parce que la peste peut etre diss6minee par leur intermediaire, comme trop de faits en temoignent aujourd'hui.
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FIEVRE APHTHEUSE OU COCOTTE.
Ces differentes questions 6tant ainsi resolues, et rösolues rapidement, pour me permettre d'epuiser les autres parties de mon programme, je vais traiter main-tenant de laßeore aphtheuse, a laquelle on donne vul-gairement le nom assez singulier de cocotte. Pourquoi cocotte ? Je n'en sais rien, mais ce nom est accepte de tout le monde, on sait ce qu'il veut dire et, dans de telles conditions, il me parait preferable a tons les noms d'origine grecque qu'on a essay6 de ltd substituer.
Qu'est-ce quo la cocotte ? Un premier caractere pent servir ä la definir : c'est une maladie contagieuse a coup sür, et contagieuse d'une maniere si evidente qu'il y a lieu de s'etonner que cette propriety ait pu etre mise en doute et discutce, comme on I'a fait, il n'y a pas plus d'une dizaine d'annees.
Sur ce premier point aujourd'bui, plus de doutes et pas de discussions possibles.
La cocotte est contagieuse non-seulement pour les animaux de 1'espöee bovine; mais eile est susceptible de se communiquer aux moutons, ä la chevre, au pore, au cbeval, aux oiseaux eux-memps et a I'homme enfin. Voilä ce que I'cxperience enseigne. Voila, vous le voycz, une contagion qui trouve prise sur des especes multiples ct qui est consequemment susceptible d'une grande et rapide extension.
Quels sont maintenant les signes exterieurs par les-quels eile s'accuse ? La cocotte est caracterisee par la presence dans la boucbe ft ampoules, dösignees sous le nom d'aphthes, qui sont formees par un liquide qui soulöve l'epiderme, en maniere de cloches, analogues
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pour leur apparence exterieure a celles que dötermine l'action de l'eau bouillante sur notre peau.
Outre les ampoules de la bouche, la cocotle est encore caractörisee par des ampoules de meme nature, mais non pas de meme nom — car il n'y a des aphthes que dans la bouche — dans I'espace qui separe les deux onglons, principalement en arriere, et tout a fait a I'ori-gine de la corne.
Enfin, quelquefois on constate des vesicules sur les mamelles, sur les trayons notamment, et au voisinage des organes genitaux. Cette Eruption est plus rare que celle de la bouche et des pieds.
Le principe contagieux de cette maladie reside essen-tiellement dans le liquide des ampoules de la bouche et des pieds, en sorte que I'animal seme, pour ainsi dire, les germes de la contagion, par sa have et par riuuneur de ses pieds, sur les chemins qu'il parcourt, dans les herbages, dans l'eau des abreuvoirs communs et particuliers, dans les baquets qui servant a un usage commun.
L'element contagieux pent etre depose par la have sur les fourrages distribues a I'etable; par la have et par I'humeur des pieds sur les litieres et sur les fumiers; et le pi6tinement, par des animaux sains, des fumiers et de litieres provenant d'animaux malades, est une condition qu'on pent dire certaine de transmission de la maladie.
Les matieres excrementitielles sont-elles contagiferes dans la cocotte, comme elles le sont certainement dans la peste bovine ? Je ne saurais me prononcer sur ce point, faute d'observations personnelles et d'experiences directes propres ä l'öclairer. Mais, a priori, il ne me semble pas que ce mode de transmission soit impos­sible, car la salive deglutie en si grande abondance par
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les animaux herbivores est chargee de principes conta-gieux, et il peut arriver que ces principes cohtagieux conservent toutes leurs propriötös, meme apres avoir franchi toute l'etendue du canal digestif, et qu'ils les communiquent aux excrements aur?:quels ils sont m6-langös.
Le sang est-il charge de ces principes comme dans la peste, le charbon, la clavelee, la morve. aigue ? ou, pour parier d'une maniere qui sera plus conforme ä ce que nous savons, la propriete contagieuse est-elle inhä­rente au sang, dans la cocotte, comme dans les autres maladies qui viennent d'etre 6numer6es ? A cet 6gard, il ne m'est pas possible de me prononcer faute de don-n6es experimentales, comme celles qui resulteraient de transfusions ou d'inoculations du sang, si elles avaient 6t6 tentees, ce que je ne crois pas. Mais, par induction, on peut admettre que le sang possede la propriety con­tagieuse , car eile est ä coup sür inhörente au lait, auquel eile n'a pu etre donnee que par le sang lui-meme.
Cette question des propriötös contagieuses du lait est une des plus importantes, au point de vue pratique, que nous ayons ä examiner ici.
Je considererai d'abord si l'usage du lait, provenant de vaches atteintes de la cocotte, peut etre nuisible ä l'homme. Une distinction doit etre faite ici entre les effets que ce liquide peut produire, suivant qu'il est bu naturel, c'est-ä-dire tel qu'il sort des trayons, ou qu'on l'a soumis ä l'öbullition. Le lait bouilli perd ses proprietes contagieuses, parce que la chaleur modifie la nature de la matiere ä laquelle la propri6t6 conta­gieuse est inhärente ; mais le lait non bouilli, on autre-ment dit naturel, peut transmettre ä ceuxqui le boivent, surtout qunnd il est encore chaud, une veritable fievre
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aphtheuse, caracterisee par des aphthes dans la bouche et jusque dans le fond de la gorge. On a observe des cas de transmission accidentelle par l'usage de ce lait, et enfin, des expörimentateurs, voulant öclairer cette question d'une maniere scientifique, se sent pris eux-memes pour sujets d'expöriences, et il est rösultö des 6preuves auxquelles ils sesont soumis avec un dövoue-ment qui merite les plus grands öloges, que I'lioinme peut contracter la fievre des vaches, la cocotte, en buvant cbaud le lait des vaches malades, au moment oü il vient d'etre tire des mamelles. Cette maladie, ainsi contractee, n'a jamais revetu sur les personnes adultes un caractere dangereux. Elle se caracterise par quelques symptömes febriles, des douleurs de tete, de la faiblesse dans les membres; mais tons ces symp­tömes se dissipent vite, et ne laissent aucune trace. En serait-il de meme si le lait des vaches malades 6tait donn6 non bouilli a des nourrissons? II est permis d'en douter d'apres ce que Fon observe sur les veaux. D'apres les renseignements qui m'ontete communiques par des vetörinaires qui exercent dans des pays oü regne la cocotte, et notamment par M. Viseur (d'Arras) et M. Vernant (de Clamecy), la maladie mortelle, ä laquelle succombent tres-communement les veaux de lait, dans ces pays, ne reconnaitrait pas d'autre cause que l'usage du lait de leur mere malade. Cette maladie des veaux de lait est une maladie terrible par ses appa-rences et sa röalite, puisqu'elle tue; aussi avait-on quelque pente a la considerer comme une des formes du charbon, qui, par une singuliere exception, seserait attaquö exclusivement aux jeunes. Mais ce n'etait qu'une analogic, bas6e exclusivement sur la soudai-nete, sur la marche foudroyante de la maladie et sur les douleurs exprim^es car des cris, qui se manifestent
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aux derniers moments. En r6alit6, cette maladie des veaux de lait precede de la cocotte dont les meres sent atteintes et serait communiquee par le lait qu'ils tettent. Ge qui le prouve, e'est que, quand on sevre les veaux ü temps, ou bieri qu'on les nourrit avec du lait d'une vache saine, ou bien enfin qu'on leur donne bouilli le lait de leur propre mere, par Tun ou l'autre de ces moyens, on les exempte de la maladie; ou bien celle qu'ils contractent est beaucoup plus benigne et ne les tue pas. Voila line demonstration pratique qui a toute la valeur d'une demonstration experimentale, et qui fait honneur ä ceux qui ont ete conduits par l'observation ä attribuer au lait, dans la mortalite des veaux allaitös par des meres malades, la part reelle d'influence tres-active qui lui appartient.
La conclusion a tirer de cette observation, si pleine d'intöret, e'est que lorsque la cocotte regne dans un pays, il ne faut pas laisser les veaux-teter leurs meres malades, et que le lait de ces meres ne doit etre donue aux jeunes qu'apres avoir 6te soumis ä une ebullition pröalable.
La cocotte 6tant une maladie contagieuse, dont le priucipe contagieux reside essentiellement dans le li­quide des ampoules de la beuche et des pieds, dans le lait et peut-etre aussi dans les matieres excrementitiel-les, on conceit facilement comment eile se transmet. Les conditions de sa transmission sont :
Les rapports directs des animaux sains avec les ma­lades dans les etables ou dans les herbages;
Le passage des animaux sains sur des routes parcou-rues par des malades ou dans des herbages oü ils ont recemment pature;
L'abreuvement a des abreuvoirs, et mieux encore a des baquels communs;
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Le söjour dans des locaux pröalablement habitös par des malades : etables, cours ä furnier, wagons de che-min de fer, surtout quand ils n'ont pas et6 dösin-fectös.
La cocotte peut encore penetrer dans les voies diges­tives par le lait des vachcs malades et par les four-rages impregnes de la have d'animaux malades.
Dans les difförentes conditions que je viens d'enu-merer, la contagion est susceptible de produire ses effets, et eile les produitgenöralement. Toutefois, il est possible que des animaux ecbappent ä son influence et restent exempts de la maladie malgrö les causes aux-quelles ils out 6te exposes. Cela peut dependre de ce que ces animaux ont d6jä eu la cocotte et. l'ont eue depuis peu de temps. — Si je fais immödiatement cette der-niere reserve, celle du peu de temps 6coul6 depuis qu'un animal a eu un premier acces de cocotte, c'est que, par unc assez rare exception aux caracteres communs des maladies contagieuses, la cocotte ne pro lege pas centre elle-meme l'animal qui en a ete une premiere fois atta-que. Le mouton qui a eu la clavelee ne la contracte plus , ou du moihs c'est excessivement rare; de meme l'liomme pour la variole, le boeuf pour la peripneumo-nie; mais l'animal qui a eu la cocotte une premiere fois, peut l'avoir une seconde, et meme une troisieme, d'a-pres tous les renseignements que j'ai recueillis. Cette reeidivitö possible est un fait malheureux, car si un boeuf ou une vache se trouvaient, pour l'avenir, exempts de la cocotte, par cela meme qu'ils l'auraient une fois contractee, on pourrait profiter de cette circonstance, dans les temps d'epizootie, actuelle ou menacante, pour la donner aux troupeaux, dans le meme moment, et dans le moment le plus favorable au point de vue eco-nomique, comme, parexemple, avant Tengraissement.
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Cost ce que Ton faisait, dans les herbages du Nord j lorsqu'ön n'admettait pas la recidivite de cettc maladie, et peut-etre n'y a-t-il pas lieu de rencmcer ä cctte pra­tique , qui ne laisse pas , quaud meme, d'avoir des avantages, comma je le demontrerai quand jo parlerai du traitement. *
Lo germe de la contagion do la cocotte peut-il etre porte a distance, comme 11 arrive pour la pesto, la cla-veleeet laperipneumonie? Ici encore je ne puis produire aucun fait experimental qui me permettrait do me pro-uoncer dans cette question, avec autant de sürete qu'on l'a fait pour la peripneumonie; mais los vetörinaires qui voient la cocotte do pros out de la tendance a croire quo sa transmission a distance pout s'effectuer sur Vaile des vents; il on serait des semencesdo la cocotte commo du pollen dos plantes quo le vent pent transpor­ter a des distances plus on moins grandos. Ici je no suis que I'echo do co qui m'a öte rapportö, car jo n'ai rion vu par rnoi-memo.
Je vous signale done l'atmosphöro commo piouvant servir do völiicule ä la contagion, ce qui implique la possibility quo dos animaux sains contractent la cocotte en passant an voisinage, quo je crois devoir otro assez rapproche du roste, d'une etable on d'un pacage oü so trouvent des animaux malades.
N'oubliez pas que I'liomme lui-mome pout servir do vehicule ä cettc contagion, plus surement pout-etre que les vents, et qu'il est toujours imprudent, quand on possöde des animaux sains, d'aller visiter des malades et delaisser entrer chez soi dospersonnes qui viennent d'avoir avec des animaux malades des rapports directs. Rappelez-vous enfin que e'est bien plus les chaussures que les vetements qui se chargent des matiöres de la contagion.
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Je puis mainteriant abreger, gpäce aux dcveloppe-ments dans lesqüels je suis entre hier surles differents modes de la contagion, et je dois d'ailleurs eviter d'etre trop long pour ne pas mettre votre patience a une trop difficile öpreuve.
J'aborde maintenant une autre question d'une grande importance, celle de la gravite de la cocotte. A ce point de vue on peut dire qu'il y a cocotte et cocotte, comme il y a fagots et fagots. Jusque dans ces derniers temps, en France tout au moins, la cocotte a generalement et6 consideree comme une maladie tres-benignc qui ne devaitpas etre l'objet de grands soucis pour lespropriö-taires des animaux qui en sont atteints. Mais cette an-nee, les choses out change de face, et, dans beaucoup de nos departements , on me signale la gravite tout exceptionnelle quo cette maladie a revetue. Son histoire dans le passe nous permet d'etahlir que ce que nous voyons aujourd'hui s'est deja vu ici et ailleurs. C'est le propre, du reste, de toutes les maladies contagieuses, dans toutes les especes : tantot graves ä l'exces, tantöt d'une benignity relative ou absolue, qui les rendent differentes d'elles-memes, non pas dans leur essence, mais au point de vue des dommages qu'elles causent. Pourquoi? Si quelqu'un ici pouvait nous le dire, j'avoue que j'en serais tres-heureux, car je ne possede pas le mot de cette enigme.
Quoi qu'il en soit de la cause de ce phenomene, je constate que cette annee la cocotte a 6te exceptionnel-lement grave, non-seulement en France, mais dans toute l'Europe. Voici des documents officiels qui en tömoignent:
Une lettre du 25juin, de la legation de France aux Pays-Bas, signale a M. le Ministre de 1'agriculture une maladie qui sevil sur les bestiaux de la Hollande m6ri-
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dionale et de ia province d'Utrecht, caracterisee par des ampoules sur lalangue, qui est tres-gonflee. Cette maladie fait dep6rir les vaches et mourir les veaux. L'usage du lait des vaches malades a (sect;te reconnu nui-sible a I'liomme et a du etre defendu.
Cette maladie, c'est la cocotte, tellement grave qu'on a ete porte a croire que c'etait uns des formes du char-bon , qu'on appelle le glossanthrax, ou autrement dit 1'anthrax de la laugue.
Dans la Suisse, meme gravite signalee , et ayant un tel caractere que le bruit a couru que la Suisse etait envahie par la peste bovine , ce qui a däcide M. le Prä­sident de la Republique , toujours sur le qui-vive , ä faire fermer los frontieres de France aux importations des bestiaux de la Suisse jusqu'a nouvel ordre, c'est-ä-diro jusqu'ä ce que Ton sut a quoi s'en tenir surla nature de la maladie.
En Belgiquc, d'apres les renseignements transmisä la date du 27 aoütau ministre de l'agriculture de France , laquo; la fievre aphtheuse a etc signalee dans la Fländre raquo; occidentale comme une maladie qui occasionne un raquo; tort immense a l'agriculture par la diminution du raquo; lait, par l'amaigrissement, par l'avortement et raquo; les entraves qu'elle apporte au commerce; par raquo; l'etendue de la contagion, qui s'attaque aux ani-raquo; maux de l'espece bovine, aux moutons et aux porcs; raquo; et aussi par des accidents mortels assez frequents, raquo; parait-il. raquo;
Cette maladie , dit la lettre^ d'oü j'ai extrait ces ren­seignements, a pris cette annee un caractere excessi-vement malin, contrairement ä ce quis'eiait ou en 1869. Enfin, toujours d'apres ce document, eile aurait etö importöe en Belgique — retenez bien ce fait, gros d'en-seignement — par quelques animaux de la race
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durliam, achetes enAngleterre pour le compte du gou-vernement beige, afin d'ameliorer la race du pays.
Ainsi, quelquestaureaux, atteints de la cocotteet qui auraient du etre sequestres apres leur debarquement pendant le temps necessaire ä leur guerison, ont infects toute la Flandre occidentale; et vous allezvoir, par les renseignements qui vontsuivre, ce qu'une pareille n6-gligence a du coütor.
En Angleterre, d'apres une lettre du consulat de Newcastle ä la date du 23 aoüt, la fievre aphtheuse a fait des progres alarmants. Le cbiffrc des animaux atteints dans le Northumberland, au mois d'aoüt, etait de 2,296 bovins et de 16,522 moutons.
En France , tons les renseignements que j'ai pu recueillir sent generalement d'accord pour assigner ä la cocotte un caractere de gravitö plus grand que d'habi-tude. Dans ce departement seul, les chiffres dont I'ad-ministration prefectorale a bien voulu me donner con-naissance, lorsde mon dernier voyage, ont une eloquence qui me dispense de longs commentaires.
Du l61' juin an 7 juillet inclus, dans l'espace de cinq semaines sculement, la statistique officielle a fait con-naitre les chiffres suivants :
Boeufs atteints de la cocotte, Vachesnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; id.,
Veauxnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;id..
Poresnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; id..
7,496
morts,
9
6,625
id..
59
3,847
id..
781
1,717
id..
331
Partout les renseignements qui me sont parvenus accusent le meme fait, ä savoir la gravite exception-^ nelle de la cocotte, surtout sur les jeunes, chez lesquels la mortalite s'est elevee a un chiffre considerable.
On voit par l'expose de ces faits que la cocotte n'est
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TO-pas une maladie dont il faille faire autant fi qa'on le fait d'habitude; et comme c'est lä une question d'une importance principale, j'y insiste. Je vais considerer maintenant la cocotte au point de vue des pertes qu'elle cause chez les adultes, non par sa mortalite, qui est tres-faible=, mais par la moins-value des animaux qu'elle attaque, moins-value qui resulte de la perte du lait, de la reduction de la graisse, de la cessation du travail pendant un certain temps, de l'incapacite absolue et definitive de quelques-uns, et enfin de la plus grande lenteur de l'engraissement de ceux des animaux qui restent souffrants lorsque la cocotte les a estropies, ce qui n'est pas absolument rare, vous le savez mieux que personne.
Pour vous donner une idee bien notte des pertes cau-söes par cette maladie,, je veux mettre stxis vos yeux des cbiffres. Oui, je tiens beaucoup ä faire connaxtre des cbiffros, parce que les cbiffres , on l'a dit souvent, ont vmc grande eloquence , et vous allez voir si ceux que je vais produire n'ont pas cetle qualite au plus baut degre. On repete souvent qu'on n'a pas ä s'inquieter de Ig cocotte, parce que c'est une maladie qui marphe vite, dont la guerison est prompte et que, tous calculs faits, il y aurait plus d'inconvenicnts que d'avantages, au point de vue economique, a recourir ä des mesures pour s'en preserver. Eh bien! vous allez voir si les dommages qu'elle cause sont de si fälble importance qu'on l'admet gcnöralement.
J'emprunteä un rapport du departemeiit veterinaire, public en Anglcterrc, le chiffre des animaux qui ont ete attaques de la cocotte en 1871. Depuis que l'Angle-terre a passe par l'epreuve de la peste bovine , la statis— tique des maladies epizootiques est faite dans ce pays avec beaucoup de soins, et il serait ä souhaiter, ä tous
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Ti­les points de vue , qu'on en fit autant en France , chose qui sernit facile avec une administration aussi bien orga-nisee quo la nötre.
D'apres le releve anglais , le chilfre des animaux atteints de la cocotte ne s'eleve pas ä moins de 691,565 , sur lesquels: 2,051 ont ete abattns, 5,853 sent morts et 633,084 ont recupere la sante.
Pesez ])ien cos chiffres, qui sent encore incomplets , car le rapporteur de ce travail declare qu'on n'a pas pu obtenir tons les renseignements qu'on avait demandes ; un certain nombre des autorites locales, auxquelles incombait le sein de les fournir, s'y etant refnsees, en reason des depenses que ces rapports necessi-taient.
La mortalite, par la mort morbide ou par I'abattage , est tres-faible relativement au nombre des animaux malades. Elle s'eleve ä un pen plus de un pour cent.
Mais si nous la considerons, non pas d'une maniere relative, mais absolument, le chiffre des animaux morts ou abattus, par le fait de la cocotte, s'eleve a 7,904; et en ne cotant qu'ä 250 fr. par tete la valeur de ces ani­maux, — chiffre minime pour des animaux anglais, — on volt que la perte causee par la mortalite se mesure-rait deja par bien pros de deux millions de francs (1,976,000).
Mais negligeons ce chilfre, malgre son importance , et cherchons ä donncr la mesurc des pertes qui resul-tent de la depreciation , plus ou moins prolongee, et qui pout etre persistantc, des animaux atteints.
D'apres tous les renseignements que j'ai pu recueil-lir, on peut estimer ä une cinquantaine de francs, en moyenne, ce que la cocotte fait perdre ä l'animalqu'elle atteint :
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Perte de lait, perte de travail, pcrte de graisse , perte de fruits par I'avortement, incapacity absolue de travail, difficultös plus ou moins grandes de l'engrais-sement apres la maladie disparue: cinquante francs en moyenne pour representer tout cela, il me semble qu'il n'y a dans ce chiffre rien d'exagerö, et je crois que sur ce point nous sommes d'accord.
Eh bien ! multipliez par 50 le chiffre qui represente, et d'une manierc incomplete , le nombre des animaux attaints et gueris de la cocotte, en Angleterre, dans I'annee 1871, dont je viens de vous donner le relevö, et vous trouverez que le dommage cause par cette maladie est repr6sent6 par le chiffre assez respectable de 31,654,200 fr., chiffre inferieur a la realite , ne I'oublions pas, puisque d'apres l'aveu meme du rödacteur de ce document, beaucoup de rapports locaux ne sont pas parvenus au Veterinary department, et meme ont ete refuses par los autorites locales. Ajoutez a cc chiffre celui qui represents la perte causec par la mortality , et vous arriverez au total de33,630,200 fr., queles agri-culteurs de la Grande-Bretagne ont vu s'evauouir, faute peut-etre de n'avoir pas su prendre centre cette conta­gion des mesures de prudence qui auraient pu I'empe-cher de s'etendre et de so. propager dans cette grande proportion que denonce la statistique officielle.
Calculons maintenant sur ce chiffre de 50 fr. les pertes subies par le departement de la Nievrc dans les cinq semaines seulement dont je vous ai donne le relovc d'apres la statistique officielle emanant de la prefec­ture.
Si les 14,121 animaux de l'espece bovine qui ont ete atteints de la cocotte pendant cette periode de temps ont perdu chacun 50 fr., la perte totale, pour cette courte periode, depasse 700,000 fr. A ce train-lä, cette
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maladie, reputee si benigne, doit causer, ä l'agricul-ture de nos pays, des dommages superieurs ä ceux memes de la peste, car la peste n'est qu'un accident passager, tandis que la cocotte est une maladie indi­gene, ou devenue teile, qui s'est installee chez nous ä perpetuite, et qui, par l'etendue de la surface qu'elle occupe, et par la cohtinuitö de ses coups, incessamment reputes, ne cesse pas d'etre dommageable, et dans une mesure dont les chiffres rapportes plus haut indiquent I'importance. On evalue a 200 millions de francs environ la perte causöe a I'Angleterre, en 1865-1866, par I'in-vasion do la peste bovine. Si la cocotte entraine, eile, une perte de 30 millions par annee dans ce meme pays, il ne lui faut que six ans et quelques mois pour que ses dommages soient Equivalents ä ceux de la peste; et, comme la peste ne revient qu'ä de longs intervalles, tandis quo la cocotte reste a demeure, il est facile de comprendre que cotte derniere maladie, — qui n'est benigne aprcs tout que pour les adultes an point de vue de la mortality, mais qui tue bei et bien les veaux, — il est facile de comprendre, dis-je, que la cocotte, toute benigne qu'elle soit, relativement a la peste, est plus qu'elle feconde en dommages pour les pays qui ne cessent pas de la subir.
En cet 6tat de cause, est-ce qu'il n'y a pas reellement quelque chose ä faire pour prevenir l'invasion de cette maladie dans un pays, et empecher sa propagation sur de grandes surfaces ? Je veux revenir sur cette question avec insistance., car eile est capitale.
La cocotte, nous le snvons, et nous ne le savons que trop, n'est-ce pas, Messieurs? est une maladie conta-gieuse, et c'est la contagion qui est la condition prin-cipale, sinon exclusive, de son apparition partout oü eile se montre. On dit bien qu'elle est susceptible de se
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developper spontancment, sous l'influcnce de quelques conditions saisonnieres, comme l'humiditö extreme des patures, mais c'est la une opinion qui reste a demon-trer et quo nous pouvons nögliger pour le moment, en nous bornant a considerer la cocotte au point de vue exclusif de la contagion. Quelles que puissent ctre les manieres de voir ä l'endroit d'autres causes possibles, il y a accord unanime sur l'action principale de celle-ci.
S'il en est ainsi, il est evident que c'est ä la conta­gion qu'il laut s'attaquer et qu'en sachant la prevenir ou I'enrayer, on diminuera ainsi, et dans une notable mesure, les chances des pertes que cette maladie fait subir annuellement a 1'agriculture.
Je sais bien que quand une maladie contagieuse, de la nature de la cocotte, occupe tout un pays ct qu'elle s'attaque a 691,000 animaux, comme en Anglctcrrc, il est difficile de lui opposer une barriere, surtout si eile est susceptible de se propager a distance, par rintermc-diaire de Fair, comme on a quelque tendance h I'ad-mettre pour la cocotte. Maisce n'estpas ä cette periode extreme qu'il taut chercher a s'en debarrasser ; alors il est trop tard et les mesures auxquelles on devrait recou-rir seraient trop ouereusos pour tons et d'une trop difficile application. — C'est lorsque la cocotte outre dans uu pays, qu'elle ne fait qu'y apparaitre; lors-qu'elle n'y est encore representee que par quelques unites, lorsqu'clle n'est pas encore legion enfin ; c'est ä ce moment qu'il faut la combattre, ct presque toujours on le ferait avec succes si on savait s'y prendre. Ainsi, par exemple, dans quellcs conditions la Flandre occi-dentale a-t-elle etc infectee, cette annee, par la cocotte qui, au dire des rapports officiels, s'est montree si diffe-rente par sa malignite de ce qu'elle etait en 1869? Je vous I'ai dit tout ä l'heure; eile doit cette invasion ä
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quelques taureaux durham achetes en Angleten-e, par le gouvernement beige, en vue de Tamelioration de la race. Qu'y avait-il de plus simple que de sequestrer ces tauraux immediatementapresleur debarquement, et de ne les laisser entrer en fonctions qu'apres leur guerison complete ?
Voici un autre fait, tout autantdemonstratif que celui-ci, en faveur de la necessite d'appliquer les mesures preventives contre la cocotte, des le moment mome oü eile se montre. Je tiens du veterinaire departemental de ce pays, M.-Farine , que la Nievre a ete infectee par un troupeau de cent cinquante animaux malades, venant de la Correze, et mis en vente sur le mar ehe de Nevers. Rien n'eüt ete simple encore comme d'empecher la vente et la dissemination do ces animaux, qui out repandu leur contagion partout oü ils ont ete transpor-tcs. II ne fallait pour cola qu'appliquer la loi qui defend #9632; de vendre on de mettre en vente des animaux atteints ou seulement reconnus suspects de maladies conta-gieuses, sans distinction. Mais cctte distinction, que la loi ne fait pas, la coutume la fail dans beaucoup d'endroits, parce que Ton aime micux s'accommoder avee un mal que subir les contraintes auxquelles il faudrait s'astreindre, si rautoritc appliquait sevcre-ment les mesures qui seraient propres a prevenir son invasion; et e'est ainsi que la desuetude atteint des mesures legales qui restent copendant en vigueur, et quo Ton pent toujours retabiir lorsquc la necessite en est demontree.
La cocotte est unc des maladies pour lesquelles les röglementssanitaires sont tombes en desuetude presque partout en France, en raison, sans doute, de sa benignity ordinaire. Je crois que e'est un tort et qu'on ne devrait pas s'abstenir contre eile de toutes mesures preven-
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tives. Combien n'eüt-il pas 6te avantageiix pour ce pays, par exemple, que les cent cinquante boeufs infec-tes de la Correze eussent ete arretes et söquestres jus-qu'ä leur guerison , le jour oü ils se sont presentes sur le marcliö de Nevers?
Notez bien , cependant, que je ne viens pas vous con-seiller de recourir ä des mesures excessives et qui depasseraient les necessites de la preservation com­mune. En pareille matiere , il ne taut demander que ce qui est rigoureusement necessaire et tacher de mettre le moins d'cntraves possibles ä la liberte des transac­tions. Les grandes interdictions, comme celles qui ont et6 edictees pour la peste bovine, ne sont justifiables quecontrcles contagions meurtrieres.
Mais ce ne serait pas aller au-delä de ce que recla-ment les necessites de la preservation commune, que de demander que tout animal, reconnu atteint de la cocotte, demeurät sequestra dans son etable on dans son pacage, snrtout au debut de la maladic dans un pays, alors qu'elle ne s'est montree que dans un ou quelques endroits isolös , et qu'il est si facile encore de l'empocber d'hradier dans toutes les directions. A cette premiere periodc du mal, je le rcpete, les mesures preventives peuvent etre d'une application facile et d'une tres-grande efficacite. Rappelez-vous dans quelles conditions s'est operee l'invasion de la Flandre occiden-tale.
Je crois qu'il n'y a rien d'cxcessif, non plus, lors-qu'un pays est encore exempt de la cocotte, ä demander que ses foires et marches soient partout tres-attentive-ment surveilles, et que defense soit faite, tres-rigou-reuse, de laisser mettre en vente des animaux affectes de cette maladie. Rappelez-vous que la Nievre a ete infectee par cent cinquante boeufs venus de la Cor-
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reze, et qu'il y a eu une heure oü cette infection pouvait etre evitee , heure propice qu'on a laisse fuir sans la mettre ä profit.
Supposez maintenant que cette Sequestration , que je reclame , des animaux atteints de la cocotte seit rigou-reusementobservee dans toutes les communes ou regne cette maladie, de teile manierc qu'aucun animal ne puisse etre distrait de la place qu'il oecupe, pendant tout le temps que dure sa maladie , n'est-il pas evident que les chances de la transmission par la promiscuity, des marches et des foires seraient ainsi evitees., puisque, grace, ä cette sequestration generalc, aucun animal, en etat actuel de maladie, ne pourrait etre conduit sur les marches et y infecter des animaux sains? Faites-y bien attention : cette mesure si simple de la sequestration pourrait suffire ä eile seule pour pr6venir la propagation du mal, et si eile a quelque chose do vexatoire pour celui qui dovrait la subir, eile est justifiee par la neces-site de sauvegarder I'interet public. Apres tout, si, par cette mesure, je gene, pour un temps assez court du reste , la liberte de quelqu'uu, e'est qu'il faut empecher ce quelqu'un-la de jouir de la liberte de repandre la con­tagion dont son etable est actucllement infectee.
Dans I'etat social, la libertä individuelle doit trouver des limites la oü ellc commence ä etre nuisible ü la liherte de tons. Vous avcz une maladie contagieuse chezvous, et vous voulez rester libre de la disseminer partout. C'est notre droit, ä nous, de vous empecher de nous nuire, et nous le faisons en sequestrant vos bestiaux taut qu'ils peuvent etre nuisibles.
S'il prenait fantaisie a quelqu'uu, au nom de sa li­berte individuelle, de decharger dans la rue un canon bourre de mitraille, on trouverait cela genant a coup sür, et l'autorite publique saurait intervenir pour empecher
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ce partisan effrene tie la liherte individuelle de continue!1 ses manoeuvres. Sans doute, Messieurs, qu'un animal chargö des principos de la contagion est moins dange-reux qu'un canon charge de mitraille; mais il a ses dangers aussi, et, au point de vue öconomique genöral, il convient de l'empamp;jher de les repandre par une se­questration faite ü temps.
Ce que je demandc la, comme mesure sanitaire, est exactement en rapport avec ce qu'exige la situation. — Nous sommes loin, vous le voyez, de ces grandes et rigoureuses mesures que reclamait la peste des bes— tiaux : interdiction des foires et marches; sequestration de communes tout entieros; interdiction du parcours des routes et des abreuvoirs par les animaux sains; cessation des transactions commerciales dontles bestiaux sont l'objet, dans la commune infectee et dans une zone autour d'elle; defense de laisser circuler les fumiers et les fourrages. Toutes ces mesures, appliquees ä la cocotte , seraient excessives , et les resistances publi-•ques les rendraient inapplicables parce qu'elles seraient hors de proportion avec le but a atteindre. Mais per­sonne ne peut trouver ä redire a ce que, etant donnes une etable ou un herbage infectes , on ordonne , au nom de l'interet public, qu'aucun animal ne puisse en sortir avant sagnerison; que, consequemment, le par­cours des routes, des chemins,.des sentiers, l'usage des abreuvoirs communs lui soient defendus; qu'enfin il ne puisse etre mis en vente pour aucune autre desti­nation que la boucherie , auquel cas, c'est en voiture qu'il devra etre conduit au lieu de l'abattoir ou du char-gement pour l'abattoir. Interdire la liberte de circula­tion et de vente des animaux malades, si ce n'est pour la boucherie : il n'v a rien la d'excessif: et cette seule mesure, rigoureusement appliqu6e, en prövenant la
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contagion, n'oppose aueune entraye ä la lihcrte des mouvcments et des transactions des animaux sains.
J'ajoute maintenant que chaque proprietaire de bes-tiaux devrait adopter, pour son usage, la devise: Aide-toi,]eeiel t'aidera. II faut veiller nous-memes a nos interets at nous habituer ä nepas compter exelusivement sur la providence de l'Etat. Aidons-le dans le röle de vigilance qui lui appartient, en tüchant d'etre un peu notre providence ä nous-memes, et en surveillant atten-tivement nos titables et nos pacages pour les tcnir, autantquo possible, ä l'abri de la contagion. Si j'avais rhonnour at I'avantage d'etre proprietaire dans ce pays d'herbages et de bestiaux — et je me suis laisse dire que ce ne serait pas la un sort dont j'aüfais lieu d'etre trop mecontent — je voudrais resoudre le probleme de me tenir exempt toujours de toutes les contagions. Je no permattrais jamais I'introduction, dans mon exploi­tation , d'un animal etranger, d'oü qu'il vienne, sans que, an prcalable, je me fasse assure, par une quaran-taine süffisante, de l'etatde sa sante; je voudrais acque-rir ainsi la certitude qu'il n'est attaint d'aucune maladie contagieuse ot qu'il n'cn renferme pas le germe; et, grace a cette surveillance prudente, exercee sur tous los nouveaux arrivants, je crois que je m'eviterais bien des deboires.
Si je savais, autour de moi, I'existence d'une maladie contagieuse — ct dans un pays bien organise au point de vue sanitaire, comme j'espere bien que sera le notre dans un delai prochain, toute contagion actuellement existante devrait etre publiee, afin que tous les inte-reises pussent se mettre en garde contre eile — si je savais , dis-je, I'existence , autour de moi, d'une maladie contagieuse, je soumettrais mes propres ani­maux a une sequestration aussi etroite que possible,
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ne permettant pas Fintroduction d'etrangers dans mes stables ou dans mes enclos, evitant autant que possible que mes propres employes aient des rapports avec les ^tables infectees et, de cette maniere encore, j'eviterais, je le crois, bien des chances d'etre envabi par la conta­gion. Dans des pays ravages par la peste bovine, il s'est trouve des proprietaires vigilants qui ont empecbö de penetrer chez eux cette contagion, bien autrement subtile que celle de la cocotte. A plus forte raison reus-sirait-on a se preserver de cette derniere, si on savait faire tout ce qu'il faut pour cela.
Voila, je crois, comment, d'unepart, par Interven­tion de l'autorite, dans la mesure que je viens de dire, et, de l'autre, par une vigilance personnelle, exercee par chacun, dans son propre interet et dans l'interet de tons, il est possible de prevenir l'invasion de la cocotte dans les localites qui en sent exemptes, et de prövenir aussi son extension, quand eile a envahi une ou plu-sieurs etables.
Maintenant, j'aborde la question de savoir quelle est la conduite que Ton doit tenir lorsque la cocotte s'est attaquee aux animaux d'une exploitation. Y a-t-il lieu de rester les bras croises, comme beaucoup ont de la tendance äle faire, et d'attendre que, naturellement, eile ait parcouru toutes ses phases et se soit eteinte sur chacun des animaux qui Tont contract^e ? ou ne vaut-il pas mieux intervenir, par des moyens mödicaux et chirurgicaux, pour diriger le mouvement naturel vers la guörison , y aider, et prevenir des complications souvent redoutables qui resultent, la plupart du temps, du defaut de soins donnes ä l'heure convenable?
Pour moi, je n'hösite pas a dire qu'il y a tout avantage a soumettre les animaux malades a un traitement. Vous allez penser sans doute quo je suis orfövre et que je
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preche pour mon saint. N'en croyez rien : ce qui me guide ici c'est I'interet public et non pas l'intöret pro-fessionnel, quoiqüe je l'aie fort ä coeur, je ne m'en cache pas. Sans doute que la fievre aphtheuse gu6rit naturellement, dans le plus grand nombre des cas, et, a ce point de vue surtout, eile se dififerencie de la peste bovine qui, tout au contraire, dans le plus grand nom-bre des cas, est mortelle. Mais de ce que la cocotte est naturellement guerissable, est-ce ä dire qu'il faille abandonner quand memo les animaux malades aux seuls soins de la nature? Non, il y a tout avantage ä intervenir par une medication appropriee, parce que 1'experience a prouve que, par cette intervention, on abregeait le temps de la duree de la maladie et qu'on prövenait quelques-unes de ses complications redou-tables. Or, abreger le temps de la duree de la maladie, c'est diminuer d'autant la somme des pertes qu'elle cause, et c'est aussi diminuer cette somme que d'att6nuer, par des moyens convenables., les souffrances des ma-lades. Plus la maladie dure, plus eile est intense, et plus eile s'accuse par un amaigrissement qui est I'ex-pression de la volatilisation de cette graisse que tons les eleveurs aspirent a voir se concrdter en bons ecus.
Pourquoi la cocotte entraine-t-elle Famaigrissement, quelquefois considerable a l'exces, des animaux qu'elle attaque? II y a a cela plusieurs motifs qui se succedent. D'abord, la cocotte est ce que Ton appelle une fievre, et tout mouvement de fievre donne lieu ä un developpe-ment de chaleur, qui ne pent se produire qu'aux depens de la substance de l'animal malade , comme la chaleur d'une locomotive ne pent se produire qu'en brülant du combustible. Sous l'influence de la fievre, plus ou moins prolongee, la graisse, mise en reserve, se consume avec une grande activity. Sans entrer ici dans des con-
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sidörations thöoriques qui ne seraient pas a leur place, tout le monde sait que lorsque la fievre s'attaqüe ö une personne grosse et grasse, cette personne ne sort pas de son lit, ä la pöriode de la convalescence, comme la belette de la fable de son grenier; c'est l'inverse qui a lieu. La fievre se traduit par un amaigrissement, pro-portionnel, tout ä la fois, ä sa duree et ä son intensity. Le fait des maladies febriles est d'allegir considerable-ment les personnes, comme les animaux, auxquelles elles s'attaquent; ce que Ton exprime vulgairement, et avec une assez grande justesse, en disant qu'elles fondent. Ainsi fait la cocotte.
Mais sa premiere phase passee , — celle oü se mon-trent les ampoules dans la bouche et entre les onglons — une autre cause intervient qui entretient la fievre : c'est la douleur que determinent les ampoules , surtout lorsqu'elles s'ouvrent et qu'elles laissent a nu les tissusvifs, exposes, sans la protection de leur 6pi-derme, au contact des corps avec lesquels ils sont n6-cessairement en rapport. Vous savez, pour 1'avoir 6prouvee par vous-meme, combien une öcorchure est douloureuso.
Les ampoules des pieds font souffrir considerable-mentles animaux, surtout lorsqu'ils marchent sur des terrains sees et rocailleux, ou sur des chaumes; celles de la bouche deviennent tres-douloureuses sous le contact des aliments fibreux. Sous l'influence des douleurs localesj accrues par la marche et la mastication, la fievre s'entretient et les reserves de graisse continuent äse consumer. Ajoutons que, pendant que I'animal se consume ainsi, sous l'influence de ces deux fievres , se succedant l'une ä l'autre : celle de l'öruption et celle des douleurs consöcutives, il ne se repai*e pas, parce que la douleur de la bouche l'empeche de manger. II
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est done ainsi condamnö ö vivre de sa propre substanee, et son propriötaire assiste ä cette consomption qui est aussi celle de sa bourse, car cette graisse, qui se fond sous la chaleur de la fifevre, ce sont ses bönöfices qui s'en vont en vapeur et en gaz. En meme temps, — qui le salt mieux que vous ? — les animaux cessent de pro-duire du lait, cessent deproduire du travail : et, de ce cötö encore, s'evanouissent les espörances et se r6ali-sent des pertes assuröes.
Enfin, dans un certain nombre de cas, des accidents redoutables viennentcompliquer la maladie des pieds :lt; tels sont les decollements ötendus des onglons, ou, en­core , a un degre plus avancö, des maladies des os et des articulations, qui ne guörissent qu'avec beaucoup de temps, de peines et de souffrances , et necessitent l'abattage anticipe des malades qui se trouvent alors dans de tres-mauvaises conditions de production , au point de vue de la boucherie.
Ehbien, ces derniöres consequences, sidösastreuses, de la cocotte , il est possible de les pr^venir, dans le plus grand nombre des cas, par des soins appropriös ou meme des operations chirurgicales qui empechent les choses d'allerä l'extreme; et il est possible aussi de diminuer l'intensitö des souffrances qui succedent ä l'ouverture des ampoules de la bouche, d'abreger la duröe du temps pendant lequel les parties vives restent döpouillees, et derestituer plus tot aux.animaux leurs aptitudes a bien se nourrir et ä se tenir sur leurs jambes.
Pour bien comprendre pourquoi la cocotte fait autant souffrir les animaux, il faut savoir que lorsque I'am-poule, qui constitue son caractere ext^rieur, est crevee, eile laisse k nu des parties qui sont les organes de la sensibility. Vous savez que la langue du boeuf est
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hörissöe de piquants, qui ont une apparence cornöe; chacun d'eux est creux, et löge un prolongement ner-veux, qui donne au boeuf la facuM de sentir par sa langue, malgre Fespöce d'öpiderme corn6 qui la revet. Get epiderme cornö amortit les sensations et protege la langue centre les blessures que lui feraient les aliments fibreux, coriaces, quelquefois acer^s et tranchants, dont cet animal fait ou pent faire sa nourriture.
L'effet de la cocotte, c'est de depouiller, ä un moment donnö, par places plus ou moins etendues, la langue, les gencives aussi, et le bourrelet do la mäcboirc supe-rieure de ce rovetement protecteur.
Dans l'cspace intercligite, h l'originc des onglons, l'effet produit est le meme. La encore des parties d'une extreme sensibilite dans l'etat physiologique sont döpouillees de leur enveloppe protectrice, corne ou epiderme, mises h nu et cxposöes vives au contact irritant de tout ce qui peut les toucher: litiere, fumier, cailloux, chaumes, terre dessechee et rocail-leuse, etc.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; l
Nous pouvons juger, par nos propres sensations, de ce que l'animal souffre dans les conditions particulieres oü il est place a la suite de la formation et surtout de la perforation des ampoules de sa bouche et de ses pieds. La blessure et surtout l'öcorchure des gencives sont extremement douloureuses; et il n'est personne qui ne sache la vive cuisson que Ton eprouve lorsque la peau 6tant ecorchee, c'est-a-dire depouillöe de son öcorce epidermique, les parties vives, mises ä nu, sont froissees par le contact violent d'un corps exte-rieur.
Toute la question, dans le traitement de la cocotte, est de faire en sorte que les parties döpouillöes de leur enveloppe Epidermique, soit dans la bouche, soit aux
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pieds, s'en revetent le plus vite possible, et qu'ainsi elles ne soient pas exposees sans defense a I'action irri-tante des corps qui les touchent et qui, en les irritant d'une maniere continue, peuvent produire, du cöte des pieds surtout, ces graves accidents de decollement des ongles et d'inflammation des os, des ligaments et des jointures dont j'ai deja parle.
Toute partie depouillee de son epiderme ou de sa corne tend a refaire son enveloppe dans un delai plus ou moins rapide. La peau, que Ton a mise ii vif par un vesicatoire ou par une brulure, se recouvre de sa couche epidermique apres le detachement de l'ancienne. De meme quand une partie de corne a ete enlevee, une autre la remplace, qui sort de la substance meme des parties depouillees. La nature a des ressources pour la reparation des parties blesses, ressources d'autant plus efficaces que les blessures, comme dans la cocotte, sont plus superficielles, cc qui ne les empeche pas d'etre, comme je l'ai dit, extremement douloureuses.
Cela pose , quel doit ctre le röle de Tart dans le trai-tement de la cocotte? Y a-t-il lieu d'intervenir immedia-tement, des le debut du mal, pour empecher le travail naturel de la formation des aphtbes et des ampoules des pieds? En aucunefacon; une intervention dirigee vers ce but serait au contrairc nuisible. II faut laisser les aphtbes et les ampoules des pieds se former naturelle-ment, et il faut attendre que ce travail soit complete-ment acbeve. Une fois qu'il est fini, e'est-a-dire que les ampoules ont acquis dans la bouche et dans les pieds leur complet developpement, la souffrance est moin-dre; mais quand les ampoules crevent, eile se ravive, parce que les parties vives sont mises a nu et irritees par tout ce qui les touche. C'est le moment d'intervenir: Nous possedons des moyens, et meme, dirai-je, en
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trös-grand nombre, d'attönuer cette sensibility si grande des parties döpouillees et d'activer la reformation a leur surface de Tepiderme qui s'en est dötachö.
Pour la bouche, on peut composer des gargarismes parfaitement convenables pour le but ä atteindre, d'abord avec des substances acides ou astringentes. L'eau acidulee avec du vinaigre ordinaire , avec de l'acide sulfurique, de l'acide hydrochlorique ou encore avec une liqueur caustique speciale que Ton appelle VE au de Rubel, convient parfaitement pour cet usage.
On peut preparer des gargarismes avec des astrin­gents mineraux, tels que l'alun et les sels de fer, qui ne sont pas susceptibles de causer des empoisonnements comme les sels de cuivre ou de plomb. On peut preparer des gargarismes avec des decoctions vegetales, telles que les decoctions de feuilles de ebene, de feuilles de noyer, voire meme simplement de foins des prairies.
Les preparations pbeniquees, l'essence de tereben-thine, l'huilc de cade, l'huile de pötrole , le goudron vegetal, peuvent servir de base ä des preparations topiques avec lesquelles on touche les parties denu-dees de la bouclie , pour häter leur cicatrisation epider-mique.
II est un medicament qui est tres-usite pour les ma­ladies aphtheuses de l'homme et pour les denudations des parties interieures de la bouche, comme cellos qui rösultent de Faction de la pipe ou du cigare, oude brü-lures , ou de maladies speciales. Ge medicament est le chlrorate de potasse. II convient egalement pour la guörison des aphthes de nos animaux, et on peut le faire entrer dans la composition de gargarismes contro la cocotte. Enfin, il peut y avoir avantage ü brusquer les choses, en recourant ä l'emploi de l'acide hydro-
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chlorique, ä doses modöröment caustiques, comme l'a recommandö et comme le pratique M. Richard, v6t6ri— naire h Decize. Le premier effet du contact de l'acide est de determiner une douleur tres-vive^ mais de courte duree. Get effet produit, les parties caut6ris6es sont beaucoup moins sensibles, et leur sensibilitö diminuee se traduit par la plus grande aviditö que les animaux temoignent pour leur nourriture, et la facility plus grande avec laquelle ils la saisissent et ils la mächent. Ge resultat obtenu, l'usage de simples gargarismes suffit pour terminer le traitement.
En meme temps qu'on a recours ä des moyens m.6-dicamenteux, il faut nourrir les animaux avec des bois-sons alimentaires, avec des bouillies, des dreches, des racines cuites, des herbes tendres, etc.; les aliments., enfin, doivent etre de teile nature, que la mastication ait tres-peu ä intervenir, surtout dans la premiere Pe­riode du mal.
Quant aux ampoules de la region des pieds, on doit les traiter par les memes agents que ceux qui sont employös dans la bouche, avec cette difference qu'on peut en faire usage a doses plus fortes. On pent ajouter a ces agents tons ceux du meme ordre qui jouissent de proprietes toxiques, c'est-a-dire qui sont susceptibles d'empoisonner et que , pour cette raison, il ne faut pas employer pour les maladies de la bouche. On peut done faire usage, pour la region des onglons , outre les medicaments önumeres plus haut, des sels de cuivre, de plomb, de mercure; on peut recourir aux topiques antiseptiques, tels que I'eau pheniquee, le phenol Boboeuf, I'huile empyreumati-que, les goudrons vegetaux et mineraux, I'huile de petrole , les huiles lourdes de gaz, etc.
Enfin, quand les onglons sont döcolles, il y a in-
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dication de pratiquer une operation analogue a celle que Ton pratique pour le piötin. Une fois mises ä nu les parties que la corne revet, il faut les panser, suivant le caractere qu'elles presentent, avec les topi-ques qui sont appropries a la nature des alterations qu'elles ont subies.
II pent y avoir necessite de faire des operations qui Interessent les os , les ligaments, d'ouvrir des abces profonds, de pratiquer des contre-ouvertures , toutes choses qui, faites ä propos, pourraient pr6venir les plus graves accidents que l'emption de la cocotte peut entrainer ä sa suite.
Je ne puis, Messieurs, dans une conference de cette nature, que poser les principes et donner des indica­tions generales pour les details de Fapplication. Je dois vous renvoyer a vos conseillers naturels en pareille matiere, aux eleves sortis de nos ecoles, qui sont initiös par des etudes de quatre annecs aux con-naissances th ioriques et pratiques qui leur sont ne-cessaires pour l'exercice de leur utile profession, dont peut-etre, permettez-moi de vous le dire, vous ne comprenez pas assez l'importance et dont vous n'esti-mez pas assez les services. Ce qui me fait emcttre ce doute, c'est que, trop souvent, je vois mettre sur le meme niveau les hommes instruits et capables , que les ecoles vous ont envoyes, et des gens qui, de leur autorite privee, sans aucune etude, sans aucunc initia­tion, sans aucune instruction generale ou technique, se sont donne le role ou, pour mieux dire, ont adopte le metier de traiter les animaux malades et l'exploi-tent. Et, chose singuliere, on les emploie comme s'ils. etaient aptes ä ce metier dont ils ignorent les premiers elements, et Ton commet cette etrange inconsequence de leur confier la reparation de la machine la plus
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delicatement construite qui soit au monde, je veux parier de la machine animale, dont ils ignorent com-plötement la structure et les fonctions. Et cela est accepte dans l'une et dans l'autre m^decine, tandis qu'on ne serait pas loin de considörer comme un fou celui qui, ayant sa lampe ou sa montre ä faire r6pa-rer, en confierait le soin a un savetier ou ä un charron. Un jour viendra sans doute oü de pareilles singularites n'existeront plus, mais nous en sommes loin evidemment, puisque les sorciers trouvent en­core le moyen d'exploiter la credulite d'un trop grand nombre.
Quoi qu'il doive en advenir, je me resume en disant : que l'arsenal des moyens quo Ton peut employer pour fa-ciliter la guerison de la cocotte est tres-riche, et que ces moyens conviennent les uns et les autres, car ils ont un modcd'action semblable, a savoir I'astriction operee sur les parties denudecs, astriction qui amortit la sensibilite des papilles et active la secretion epidermi-que.
Touto la question est de savoir bien s'en servir et de les approprier aux circonstances qui se presentent. Dans tel cas, en effet, hi gargarisme le plus simple, comme celui d'eau vinaigree, pourra parfaitement suf-fire; dans tel autiv, il y aura indication de recourir ä la cauterisation. Question d'appreciation du caractere de la maladic, non-seulcment sur le sujet sur lequel on I'observe, mais encore dans le pays, dans la saison , dans I'annee. C'est assez vous dire qu'il n'existe pas, qu'il ne saurait exister de mredicaments specifiques cen­tre la cocotte; la cocotte se guerit, mais on ne la guerit pas. Seulement on peut, plus ou moins, aider le travail naturel, l'accelerer meme, et enfin prevenir les acci­dents qui peuvent survenir, qui surviennent meme
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trop souvent, lorsque la maladie est abandonnöe ä elle-meme.
Mais s'il n'y a pas de medicaments spdctßques centre la cocotte, ou autrement dit de medicaments qui aient la propriete de guerir quand meme et dans tons les cas et avec une sorte d'instantaneitö, car c'estläl'idee que Ton attache au mot specifique dans le monde etranger au langage et aux choses de la medecine , il pent y en avoir de bons , il peut y en avoir de meilleurs que d'au-tres, c'est—ä-dire dans lesquels on ait associe, d'une maniere plus heureuse que dans d'autres, les subs­tances qui out la propriete de modifier les parties malades et de hater la secretion epidermique ä leur surface. Le medicament nouveau, quon ad6signe sous le nom un peu audacieux d'anti-cocotte, qui est an-nonce actuellement sur tons les murs de Nevers^ et dont on vient de me mettre un prospectus sous les yeux, ce medicament tient-il ou tiendra-t-il tout ce qu'il promet par son nom ? Evidemment non. S'il etait un anti-cocotte, il serait un specifique centre la cocotteraquo; c'est-ä-dire qu'il s'attaquerait au principe meme de la maladie, et qu'il en annulerait 1'activity propre. Teile n'est pas sans doute, teile ne peut pas etre la preten-tion de M. Maurel, l'inventeur de cette preparation. M. Maurel vient de me dire que son medicament avait fait ses preuves de la maniere la plus concluante. Je declare d'abord que, pour ma part, jesuis tres-dispos6 ä faire faire les essais des medicaments nouveaux que Ton propose, quand bien meme je les sais d'avance incapables de toutes les merveilles qu'on annonce en leur nom. Je sais faire la part de l'exageralion des in-venteurs, et j'admets volontiers la possibilite que, pour le traitement de lesions locales, comme celle dont il faut hater la guerison dans la cocotte, on ait pu arriver
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ä une association de substances mödicamenteuses dont les effets sont plus rapides que ceux d'autres prepara­tions analogues. Dans ma pensöe, comme je vous l'ai dit d6jä, nous poss6dons, pour guerir la cocotte, une foule de tres-bons moyens qui, tous, peuvent se mon-trer excellents, suivant la maniere dont on traitera les malades, car le grand secret est bien moins dans les remedes que dans la continuity des soins.
Que le precede, propose par M. Maurel, soit aussi bon qu'il l'affirme, je dirai que je ne 1c conteste pas, mais j'ajoute que je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est que le bruit qui se fait autour de ce precede est arrive jusqu'aux oreilles de M. le Directeur de l'agriculture^ et qu'il m'a prie de m'enquerir de ce qu'il pouvait valoir et de le faire experimenter pour que je susse ä quoi m'en tenir sur ce point. Je vais prier quelques-uns de mes confreres de vouloir bien faire ces essais, en exp6-rimentant Vanti-cocotte, comparativement ä d'autres moyens, soit sur les memes sujets, pour la region des pieds, soit sur des groupes de sujets places dans des conditions semblablcs; et s'il resulte de ces essais com-paratifs que Vanti-cocotte ait une vraie sup6riorite curative, il ne restera plus qu'une chose a faire : ce sera de prendre la trompette de la renommee pour vanter ses vertus , attestees bien certaines par des experiences comme celles dontjeviens d'esquisser le plan. Jusqu'ä nouvel ordre, jelaisse ce soin ä M. Maurel; mais je lui declare que je me joindrai volontiers u lui des que la conviction me sera acquise que son anti—cocotte est vraiment un moyen dont il laut recommander I'emploi.
Mais ce n'est pas seulement aux medicaments qu'il faut recourir, dans le traitement de la cocotte, il y a d'autres medications qui peuvent rendre de tres-grands services, comme, par exemple, la saignee, et je suis
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heureux de vous annoncer qu'en appliquant ce moyen au traitement des jeunes veaux, Tun des veterinaires decedöpartement, M. Richard (de Decize) en a obtenu les meilleurs resultats. Je vous ai parlö, au commence­ment de cette seance, de la gravite exceptionnelle que la maladie des veaux avaitrevetue, gravite teile qu'elle simulait le charboh par la soudainete de son apparition, par ses symptomes et par sa terminaison si rapidement mortelle. Lors de mon premier voyage dans ce depar-tement, je priai M. Richard de vouloir bien me faire parvenir ä Paris du sang et des debris d'organes du premier veau qu'il verrait succomber a cette maladie , ahn que je pusse m'assurer, par des inoculations et par I'examen a l'aide du microscope, si cette maladie etait reellement charbonneuse. II rcsulta des essais que je fis faire que nous n'avions pas affaire au charbon. Pendant ce temps, M.Richard, ebranlc dans sa premiere ma-niere de voir, arrivait aux memes conclusions par I'examen des malades , et l'opinion qu'il se faisait de la maladie le conduisait ä employer la saignee pour con­jurer tous les symptömes. Les succes qu'il a obtcnus out depasse toutes ses esperances. Voila , Messieurs, une pratique qu'il taut imiter, ct si, d'autre part, vous avez le soin de prevenir la maladie sur les jeunes sujets, en ne leur laissant pas teter leurs meres malades, et en ne donnant le laitqu'apres 1'avoir fait bouillir, vous arri-verez ä faire decroitre de bcaucoup le chiffre par lequel la mortalite est exprimee sur les jeunes.
Recapitulons :
II serait possible de prevenir l'expansion de la cocotte, maladie contagieuse, par la sequestration des animaux malades., surtout si on s'y prend ä temps, e'est-a-dire si
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on fait exöcuter cette Sequestration sur les animaux les premiers attaquäs.
Si les animaux affect6s de la cocotte ötaient s6-questr6s, commeje viens de le dire, dans toutes les communes, grace ä une police sanitaire uniforme, il n'y aurait pas possibility qu'ils fussent conduits sur les champs de foire et sur les marches et, consequemment, les animaux sains se trouveraient a l'abri de leur conta­mination.
Tout proprietaire soucieuxde ses interets ne doit pas meler immediatement aux animaux de son exploitation des animaux nouvcaux, dont les antecedents ne lui sont pasconnus, avant quo, par une quarantaine süf­fisante , il se soit assure de leur sante certaine. Grace ä cette mesure, bien des chances de contagion peuvent
etre 6vitees.
La cocotte est une maladie guerissable par elle-meme, mais eile est guerissable bien plus vite lorsqu'on traite d'une maniere convenable les plaies des pieds et de la bouche.
On peut pr6venir la maladie mortellc des veaux a la mamelle, en ne les laissant pas teter leurs meres et en ne leur donnant 1c lait qu'aprus I'avoir fait bouillir.
On peut gu6rir, dans une certaine mesure, les veaux atteints de cette maladie si grave en les saignant a temps et avec abondance.
Voilä, Messieurs, ce que j'avais ä vous dire sur la cocotte, et j'ai la ferme esperance que ce que je viens de vous dire, en m'inspirant beaucoup des renseigne-ments qui m'ont ete donnes par les veterinaires de votrepays^ pourra vous etre grandement profitable.
J'arrive maintenant a une autre question : celle de VccDortement.
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DE L'AVORTEMENT.
L'avortement, voilä une question qui vous Interesse ä un bien haut degre , et que je serais bien heureux de pouvoir traiter devant vous avec une complete connais-sance de cause et surtout des causes , car il constitue, je le sais , dans ce departement, un veritable fleau. — Par le nombre et la repetition de ses coups, on peut dire qu'il a toute la gravity d'une maladie epizootique, qui porte une grave atteinte a la production animale dans ce pays, et diminue, consequemment, dans une trop grande mesure, la source de vos revenus.
Mais ce fleau d'oü vient-il ? Pourquoi s'est-il abattu sur ce beau pays et s'y est-il attache avec une persis-tance desolante ? Je vous fais I'aveu, sans honte, que je me trouve on ne peut plus embarrasse pour repon-dre ä cette question d'une maniere qui vous satisfasse. II y a la une tres-grande inconnue pour vous et pour nous. Si je venais ici vous faire une logon, comme on fait devant des eleves que Ton doit mettre au courant de l'etat de la science, il me serait facile de vous donner une recapitulation de la serie des causes invoquees par les auteurs de tous les temps et de tons les pays. Mais ce -n'est pas lä ce que vous attendez de moi, et je m'abs-tiendrai de tenter votre patience par ces döveloppements inutiles.
Cependant j'ai du m'enquerir, en venant ici, des cir-constances dans lesquelles se produisait l'avortement des vaches de la Nievre, et les renseignements qui m'ont 6te transmis par mes confreres conduisent ä soupQonner que l'avortement des vaches de la Nievre pourrait etre rattach6, peut-etre^ aux conditions hygie-
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niques trop bonnes dans lesquelles vivent ces animaux. Le mieux estl'ennemi du bien , dit le proverbe. II serait bien possible que cet adage trouvät ici sa justification. II m'est rapport6, en effet, que l'avortement sövit bien plus sur la vache du riebe que sur celle du pauvre. Peut-etre y a-t-il lä une trouee qui permet de voir ä travers la pro-fondeur du nuage ? Peut-etre — vous voyez que je ne m'avance dans cette question qu'avec une grande hesi­tation , parce que je ne suis pas assez sür de la solidity du terrain sur lequel je marche — peut-etre, dis-je, I'etat d'embonpoint dans lequel se trouvent les vaches, au moment oü elles sont fecondees, est-il une condition pen favorable au developpement du jeune sujet. Dans les premiers mois de la gestation, les choses vont bien, parce qu'il trouve le moyen de se faire sa place. Mais a mcsure qu'il grossit, les resistances de-viennent plus grandes, parce que les masses de graisse accumulees dans I'abdomen occupent en grande partie l'espace oü le veau trouvernit a se developper, si elles n'existaient pas. — De la des compressions qu'il subit et qui l'empcche de s'accroitre, qui nuisent a sa nutri­tion et a l'activite de sa vie.
Maintenant, il faut considerer que ces masses de graisse, qui s'accumulent non-seulement dans I'abdo­men, mais encore sous la peau, detournent, pour leur formation, une partie considerable du sang, et le foetus ne recoit peut-etre pas toute la quantite que reclame son developpement integral. Peut-etre aussi que le sang, dans ces conditions, n'a pas toutes les qualit6s voulues pour une formation aussi complete que possible d'un sujet en voie de developpement. La question de physiologic que j'aborde ici est de celles qu'il est diffi­cile de bien faire comprendre ä un auditoire qui n'est pas pr6par6 par une initiation prealable. Cependant,
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voici une proposition que vous pouvez accepter sans que je la developpe, ä savoir que le petit sujet, dans le ven-tre de sa more, vit aux döpens de son sang; et comme il sort, au bout du temps voulu, avec des os tout formes, avec des muscles , avec des tendons, avec un cerveau, etc., etc., il faut bien que le sang de sa mere lui ait fourni tout ce qui ötait nöcessaire a la formation com­plete detoutes les parties qui le constituent.
Supposez que, dans un but experimental, on ait eu soin de nourrir la mere avec des aliments incomplets, qui ne contiennent pas, par exemple, les sels de chaux n^cessaircs pour la formation du squelette. Qu'en resul-tera-t-il ? C'est que si lejeune sujet vient a terme, ce qui est douteux , il naitra rachitiquc, c'est-a-dirraquo; avec un squelette trop mou pour le porter, et qui se defor-mera et se brisera au moindre effort. Mais, le plus souvent, c'est I'avortement qui se produit en pared cas.
Eh bien, la supposition que je viens de vous faire se trouve realisee dans certaines conditions de la pratique. Dans les annees de secheresses continues, les plantes, ne trouvantpas assez dissous, dans le sol, les sels qui en-trent dans leur composition normale, ne peuvent pas les puiser en assez grande quantite pour leur usage. Les animaux qui se nourrissent de ces plantes n'y trouvant pas, de leur cöt6, les sels necessaires pour I'entretien de leur squelette, ne tardent pas ä contractor une mala-die, singuliere autrefois, mais aujourd'hui completement expliqu6e, qui est caracterisee par la friability des os. Leurs os se brisent sous l'influence de causes ineffica-ces ä produire des fractures dans les'conditions ordi-naires. Sous de telles influences, les vaches avortent, parce que la nourriture incomplete qu'elles prennent ne suffit pas a nourrir le petit qu'elles ont en elles.
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Je me demande si, dans l'^tat d'obösitö des vaches, il n'y a pas quelque chose de semblable ä cela qui se produit; si le sang n'est pas insuffisant, dans cette con­dition, pour la nutrition complete du jeune sujet; soit qu'il lui manque quelque chose comme element de composition, soit qu'il n'arrive pas au foetus dans la mesure que reclame son complet developpement.
Je ne fais que poser ici des questions. II faudrait pour les rösoudre des analyses qui manquent et qui seules cependant peuvent donner la solution de pareils pro-blemes. Malgrö l'absence de ces elements certains, on pent dire cependant, avec assurance, que les femelles maigres sans otat maladif, en bonnes conditions de chairs, sont bien plus aptes a s'acquitter, jusqu'au bout, de leur fonction de gestation et ä conduire ä bon terme leur foetus bien developpe, que celles qui sont dans un trop bei 6tat d'embonpoint. Je crois aussi qu'il convient pen que le taureau soit trop gras. Je crois enfin qu'une stabulation trop prolongee est moins favorable ä une reguliere gestation que l'exercice musculaire et meme le travail. A cet egard, laissez-moi prendre des compa-raisons dans notre propre espece. Est-ce que la femme qui travaille n'est pas beaucoup moins exposee ä des accidents d'avortement que celle a qui la fortune permet de mener une vie tres-s6dentaire? Voyez, par exemple, ä Paris, les femmes qui approvisionnent les hallos de leurs denrees ! Apres une journee de labour, elles pas-sent une partie do leur nuit dans leurs charrettes, plus ou moins bien suspendues; elies vont, elles viennent, elles montent, elles descendent, elles portent memo des fardeaux; elles eprouvent une foule de secousses, et, malgre tout, leurs enfants viennent ä terme et bien constitues. Ainsi, dans nos campagnes, oü la femme du paysan n'öpargne pas sa peine, les avortements sont
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rares dans ces conditions ; ils sont bien plus communs sur les Echelons 6le\6s de l'öchelle sociale. Est-ce que dans Varistocratie de l'espece bovine il n'y aurait pas aussi des conditions d'alimentation trop riebe, de sta-bulation trop prolongöe, d'un trop grand bien-etre, enfin, qui, ä force d'etre bonnes, deviendraient anti-hygiöniques ?
Je pose les questions; il ne m'appartient pas de les rösoudre; il faudrait du raste, pour etre plus maitre du sujet, en avoir fait une etude locale plus approfondie que celle qu'il m'a ete possible de faire en causant avec mes confreres du departement, qui sont en pareille matiere mes conseillers naturals.
J'arrive maintenant a la question de la contagion de l'avortement.
Si une opinion pouvait ctre consideröe comme vraie, par cola memo qu'cllo est admise depuis longtemps et universellement acceptee, la question de la contagiosite de l'avortement pourrait etre consideree comme resolue. On a, en effet, observe depuis bien longtemps que lors-qu'une vache avortait dans une etable occupee par d'autres vachas en etat de plenitude, l'avortement se repetait, comme si un principe contagieux, transmis de la premiere ä une serie d'autres, leur avait donne une disposition toute speciale ä avorter. C'est comme un mot d'ordre qui va d'une extremite de l'etable ä l'autre, et qui determine toutes les vaches ä repeter les memes actes.
Mais ce ne sont lä que les apparences de la contagion, la röalitö n'on a pas encore ete d6montr6e.
Cependant, je dois dire qu'en Allemagne, dans ces derniers temps, des experiences ont et6 faites pour demontrer que l'avortement pent etre provoqu6 par I'introduction, dans le vagin d'une vache pleine, des
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matiöres recueillies sur le delivre des vaches qui out avorte. Ges matiöres, examinees avec un mstrument grossissanl, renferment de petits corps particuliers, doues d'une activite propre qui, d'aprfes Texpörimen-tateur allemand, auteur de cette expörience, seraient les agents de la contagion. U suppose que ces petits corps, ou corpuscules, pour leur donner leur nom g6-nerique, existent en quantity innombrable dans l'eau des ruisseaux des etables oü une premiere vache a avortö; que, du ruisseau, ils penetrent, en vertu de l'activite dont ils sont doues, dans le vagin des vaches couchees, d'oü ils se rendent dans la matrice dont ils determinent les contractions anticipees et par suite l'avortement.
Voila, sans plus de details, la theorie de l'avortement, teile qu'elle nous est venue de l'Allemagne, dans ces derniers temps. Si cette theorie etait vraie, on aurait i'explication des avortements qui se mulliplient dans les etables, a la suite d'un premier; on en aurait saisi l'agent, et rien ne serait simple comme d'en annuler les effets. Mais cette theorie est-elle vraie? Ce n'est pas en m'inspirant de ma profonde antipathie centre les Allemands que j'öleve des doutes sur la justesse d'une opinion emise par Tun d'eux. Mais les experiences sur lesquelles on s'appuie sont encore trop peu nom-breuscs pour qu'il seit possible d'en accepter les conclusions des maintenant. II est necessaire, avant toutes choses, que les experiences dont je viens de vous parier soient soumises an controle d'autres expe-rimentateurs, pour que nous puissions savoir h quoi nous en tenir sur le fait principal avance par Texpöri-mentateur allemand, et sur sa port6e au point de vue pratique. Cost pour solliciter et determiner le zele de tous quej'ai expose cette theorie dans ce pays, oü la
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mattere expörimentale ne manque pas. II serait bien interessant de rechercher, sur des vaches pleines de peu de valeur, si räellement rintroduction, dans le vagin, des matiöres, recueillies sur un d^livre de vache avortöe, est une condition d'avortement, et de rechercher, a l'aide du microscope, la presence de ces corpuscules animus qui, d'apres la th6orie allemande seraient les agents determinants de l'avortement et consöquemment les agents de sa contagion. II serait interessant aussi de rechercher ces inhniment petits dans le purin des ruisseaux des etables oü l'avorte­ment s'est manifeste , et de voir si, examine microgra-phiquement, ce purin differe, a ce point de vue, de celui des etables oü des avortements n'ont pas eu lieu. II y a la une vaste mine ä exploiter, et je ne saurais trop engager a faire des recherches dans cet ordre d'idees, car ce sont elles, peut-etre, qui degageront cette inconnue de l'avortement dont je parlais tout ä l'heure.
Quoi qu'il en seit, maintenant, de la cause qui deter­mine l'avortement repete, dans une etable, de vaches pleines, on pent poser comme regie, en se basant sur les faits d'observation de tous les temps et de tous les pays, qu'il y a tout avantage, au point de vue pre-ventif de cet accident, ä ce que les vaches pleines soient isolees les unes des autres. Par I'isolement, on evite les actions reciproques, quelles qu'elles soient, — car on a et6 jusqu'ä invoquer l'imitation — des animaux les uns sur les autres; on 6vite aussi les contagions, s'il existe des germes ou des agents quelconques.
Mais cette mesure de I'isolement n'est gufere pratique, je le sais. Aussi n'en parle-je que pour montrer I'ideal en pareille matiere, ideal qu'il faut et qu'on pent toujours realiser, aprfes tout, quand il s'agit de quelques ani-
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maux d'un grand prix, que Ton veut tenir ä l'abri de toutes les influences nuisibles.
Lorsque I'isolement n'est pas possible, ce qui est le cas le plus ordinaire, toute vache qui a averts doit etre retiree de l'etable, et 1'on doit proceder a la dösinfection de la place qu'elle occupait par des lavages ä grande eau bouillante, dont on aura augments I'action par de la potasse, autrement dit par des lavages avec de l'eau de lessive tres-chaude. Vous savez que la chaleur dötruit l'activitö des germes, en operant la coction des matieres organiques auxquelles ils sont associes. Des lotions phöniquees peuvent aussi etre employees dans ce cas avec avantage (1).
Quoique la contagion de Tavortement ne soit pas experimentalement demontree, il n'y a jamais d'incon-venient a se comporter comme si c'etait un fait r6el. La conduite inverse pent etre impmdente. Teile est ma conclusion sur ce point. J'arrive maintenant, pour öpuiser mon programme, dans le peu de temps qui me reste encore, ä la question du charbon.
(I) Au moment de mettre sous presse, je rerois de M. Roblin , fermier a Vanze (Nlevre), la note suivante sur un moyeii de traiteraent jireventif do I'avortement qu'un journal allemand vient de laire connaitro. Cette communi­cation a trop d'importanco pour que je ne la reproduise pas ici. L'experience seule pent dire si le moyen priconise dans cette note est bon ou indifferent; mais ä coup silr il ne saurait ütre nuisible. Toutes raisons pour en faire l'essai. Le void :
laquo; W. Delins, de Grosztreben, reoommande centre I'avortement des vaches raquo; le goudron vegetal, holzlhear. Depuis deux ans il eprouvait des pertes raquo; considerables par suite de I'avortement lorsqu'on lui conseilla de donner du raquo; goudron vegetal. Deux fois par semalne il fit prendre k chaque vacho deux raquo; cuillers pleines de goudron vegetal et en continua I'usage pendant cinq mois. raquo; Un avortement survint encore dans les deux premieres semaines; depuis raquo; aucun cas ne s'est plus repräsento. Les veaux nes jusqu'a la rödaction de raquo; cette note, au nombre de seize, 6taient tons sains et on les a 61ev6s en raquo; partie. raquo; {Neue Landwirthshafliche-Zeitung. 1872. 9 hefi.)
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DU CHARBON.
Sur cette maladie, comme sur l'avortement, je ne tenterai pas votre patience par de longs developpements, parce que, ici encore, nous nous trouvons devant une grande inconnue que les investigations de la science passee ne sont pas parvenues ä degager des obscurites qui l'enveloppent, mais que la science de l'avenir, avec les moyens et, dirai-je, avec les methodes dont on dispose des maintenant, finira sans doute par de-voiler.
D'oü precede le charbon ?
Ce que l'observation permet de dire ä ce sujet, c'est que c'est une maladie qui est inherente a de certain.es regions, de certains lieux, de certaines localites meme, et non pas ä d'autres, et que c'est principalement pen­dant et ä la suite de fortes chaleurs succedant a de grandes pluies qu'elle sc developpe avec le plus d'in-tensite. D'oü Ton a conclu, et non sans de fortes raisons, que cette maladie dependait d'influences telluriennes, c'est-a-dire d'influences 6manant de la terre elle-meme, qui trouvaient les conditions de leurs manifestations 6nergiques dans Faction intense de la chaleur solaire, s'exercant sur la terre humide.
Que se degagc-t-il du sol dans ces conditions ? C'est lä que git cette inconnuc, qu'il ne faut pas desesperer de trouver.
Dejä un observateur americain, Salisbury, en faisant des recherches sur les causes d'une maladie de Fhomme que Ton appelle ]aßeore intermittente, et qui est aussi, comme le charbon des animaux, une maladie tellu-rienne, a mis le doigt sur le champignon miscrosco-
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pique dcyitles spores, c'est-ä-dire les germes, repandus dans I'air, seraient la cause de cette singuliere maladie. De fait, des tranches de terre, recouvertes de ces cham­pignons et transportees dans un pays oü les fievres intermittentes ne regnent pas, ont donne lieu ä la ma­nifestation de cette fievre sur des jeunes gens qui avaient bien voulu servir ä Salisbury de sujets d'experiences. II plaga ces tranches de terre dans la chambre oü ils couchaient, de maniere ä leur en faire respirer les Ema­nations. Les effets furent si complets que Salisbury ne put trouver aucune autre personne qui consentit ä se soumettre ä de nouveaux essais, tant il avait reussi a rendre les premieres malades.
Voilä un fait. Messieurs, d'une bien grande impor­tance, car il permet de saisir en flagrant delit, si je puis ainsi dire, une cause materielle, une cause qu'on pent saisir, qu'on peut voir, qu'on peut manier et faire agir a sa guise. Si I'avenir confirme ces premiers resultats, — car en pareille matiere il faut toujours se tenir sur une sage reserve, tant I'homme est prompt ä conclure et se laisse aller volontiers ä voir ce qu'il desire, — si, dis-je, I'avenir confirme ce resultat, ce sera, ä coup sür, un bien grand progres accompli, et l'histoire du charbon des animaux s'en trouvera singulierement eclairee.
Ce qui tend ä affirmer l'idöe que le charbon doit son origine premiere ä une influence tellurienne, c'est qu'il est assez etroitement dependant des modifications que I'homme imprime au sol. Tantöt, comme dans la Beauce, on le voit agrandir son domaine, ä mesure que, par des döfrichements, une plus grande etendue du sol est livröe ä la culture. Les perfectionnements de la culture I'ont introduit j usque dans la Sologne, oü il 6tait completement inconnu au dernier siecle. Dans ce
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pays, c'ötaient les maladies opposees au charbon par leurnature, c'est-a-dire les maladies anemiques, la pourriture, qui rögnaient en souveraines. Ces faits ont ete mis en lumiere tout recemment par un veterinaire distinguö de la Beauce, M. Garreau, qui nous a fait voir, I'liistoire en main, que le charbon n'occupait qu'un assez petit rayon, correspondant aux terres cultivees, dans les environs de Ghartres. Le pays etait alors boise dans une grande 6tendue. Avec le defriche-ment, le charbon s'est etendu ; on I'a vu sortir, pour ainsi dire, du sillon , comme un genie maltaisant, qui s'etait donn6 pour mission de compenser, par ses de-sastres, la fecondite du sol.
D'un autre cote, dans des pays qui etaient en proie au charbon, comme le Laonnois, l'introduction de la culture de la betterave a imprime au sol de telles mo­difications, que cette maladie , qui faisait le desespoir de ragriculture,en a aujourd'huicompletementdisparu. Je tiens ce renseignement, plein d'interet, de M. Ca-nonne, veterinaire a Laon.
Dans ce pays-ci, le charbon a regne autrefois avec une tres-grande intensite, et mon predecesseur, M. Renault, cst venu en faire l'ötudc, il y a une vingtaine d'annees , en 1850. Aujourd'hui il cst beau-coup plus rare, d'apres ce que me disent mes confreres, et il ne se montre plus que par cas isoles , au lieu de revetir la forme epizootique. A quoi tient cet hcureux changement? II y a lä matiere ä d'intercssantes re-cherches.
Tous les faits que je vous signale demandent a etre 6claircis, et nous sommes, je le crois, sur une bonne piste. Mais e'est par les analyses et les recherches comparees, portant sur la constitution du sol, celle des plantes, celle des animaux eux-memes, que la solution
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de ce probleme sera obtenue. La science du passö a fait ce qu'elle a pu, avec les moyens d'investigation dont eile disposait; eile a saisi, dans les rapports des choses, ceux que l'observation simple lui permettait d'etablir. Pour connaitre les rapports plus profonds et plus caches, il faut les moyens d'investigation dont on dispose au-jourd'hui, moyens qui vont, chaque jour, en se per-fectionnant, et arment l'homme d'une plus grande puissance.
.Mais des recherches comme celles que nöcessite l'etude de pareilles questions ne peuvent etre pour-suivies qu'avec de grandes depenses et le concours de savants, ayant toutes les competences que comporte la science moderne. Et, en presence de ces grands pro-blömes, que souleve l'etude approfondie des mala­dies gencrales sur lesquelles je n'ai pu vous ouvrir que des apercus bien obscurcis, helas ! par des ombres trop profondes, je me trouve naturellement conduit a exprimer le voeu de voir se multiplier en France ces grands laboratoires , que l'on appelle des stations agricoles, dans lesquels les problemes de l'ordre de ceux que souleve la nature du charbon, par exemple, seraient abordös et probablement eclaires. En Allemagne, ces laboratoires sont dejä tres-nombreux, et I'agricultijre en tire , ä tous les points de vue , les plus utiles profits. Combien nous pourrions en bene-ficier, nousaussi! Les resultats dejä obtenus par des recherches individuelle donnent l'idee de ce que l'on obtiendrail si les savants etaient armes , dans notre pays., comme dansl'autre, de tousles moyens que les efforts collectif's peuvent seals mettre a la disposition de la science. Malgre l'insuffisance des moyens dont eile dispose dans notre pays, de bien beaux progres ontete accomplis. Jo pourrais multiplier les preuves;
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je me contenterai de citer pour exemples les travaux de M. Boussingau.lt, ceux de M. Pasteur, sur les fer­mentations et sur la maladie des vers ä sole; ceux de M. Ghevreul, ce grand savant dont je vous parlais au commencement de la conference d'hier.
Mais il faut savoir se borner, et je reviens au char-bon.
Si nous ignorons la cause d'oü le charbon procede , nous savons qu'il est de nature contagieuse et que , dans cette contagion , se trouve une cause de sa mani­festation sur des animaux qui n'ont pas 6te exposes aux influences telluriennes auxquelles il est presuma­ble qu'il doit sa premiere origine.
Done, mettons-nous en garde centre cette contagion, qui est, du reste, infiniment moins redoutable que celle de la peste bovine, de la peripneumonie, de la clavelee , voire meme de la cocotte.
Le charbon peut se transmettre d'une espece ä d'au-tres, l'homme y compris; mais la condition la plus ceriaine de sa transmission est la mise en contact de la matiere charbonneuse avec des parties qui peuvent s'en laisser facilement penetrer, comme la surface d'une plaie recente, ou encore celle d'une membrane tres-fine, teile que celle de l'oeil, par exemple. La plupart du temps, le charbon ne se transmet que par ce que Ton appelle une inoculation, e'est-a-dire par une plaie , grande ou petite, tres-petite meme. Ainsi, la piqüre d'une mouche qui a ete en rapport avec des matieres charbonneuses peut inoculer la maladie ä l'homme, voire meme ä des animaux.
Quant ä la transmission du charbon ä distance, eile est sans doute dans les choses possibles; des expe­riences en temoignent. Mais e'est lä un des modes les plus rares de propagation de cette maladie. — II est
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admissible, cependant, que lorsque le mouvement de la fermentation commence dans un cadavre, il donnelieu ä un dögagement de gaz charges des effluves, si je puis ainsi dire, des matieres charbonneuses, car on cite des exemples assez nombreux d'animaux qui auraient. contracte le charbon pour avoir flaire des d6bris de cadavres ou respire les Emanations des fosses d'enfouis-sement, quand les cadavres ötaient enfouis ä une trop faible profondeur.
Ces faits sont-ils absolument authentiques ? Je n'o-serais Taffirmer. Mais enfin il y a lä un danger possible, et il faut se tenir en garde centre lui. D'oü il suit, en definitive, que les cadavres d'animaux charbonneux doivent etre enfouis profondement —#9632; un metre et demi ä deux metres — et qu'il faut häter leur destruction par l'emploi de la chaux vive ; cependant, dans les localitös ou il est possible de les livrer ä l'industrie de l'equarris-seur, il vaudra mieux y recourir, car c'est un moyen de destruction plus prompt, plus efficace et plus parfait, qui a l'avantage de debarrasser le sol de cet amas de matieres contagieuses que represente le cadavre d'un animal charbonneux,
C'est assez dire combien il est insense d'enfouirles cadavres sur le seuil ou dans le sol des etables elles-memes, comme le recommandaient autrefois les sor-ciers et comme le prescrivent encore leurs successeurs — car la race n'en est pas eteinte, parait-il. — A quelle idee superstitieuse obeissaicnt-ils pour prescrire des choses aussi complötement deraisonnables ? Je ne puis le dire ; mais on ne saurait trop önergiquement repu-dier des pratiques aussi stupides.
Le charbon est une maladie qui n'est pas toujours au:dessus des efforts de l'art, et les exemples sent nombreux aujourd'hui d'heureux rösultats obtenus
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par l'emploi des preparations dites antiseptiques, et, tout particulierement, de cet agent que Ton appelle acide phönique, d'un mot grec qui veut dire fäclaire, parce que la science est parvenue a l'extraire des huiles qui se produisent pendant la fabrication du gaz d'6clai-rage. Si la maladie que Ton appelle le charbon nous vient des profondeurs du sol, c'est aussi de ses profon-deurs, vous le voyez, que la science est parvenue ä extraire l'agent qui, jusqu'ä present, parait etre le plus efficace ä le combattre: — nouvelle preuve que souvent, dans la nature, le remede se trouve ä cote du mal.
J'ai fini, Messieurs, cette seconde conference que M. le Ministre de l'agriculture m'avait charge de venir faire parmi vous, sur la demande que la Societe d'a-griculture de ce departement lui avait adress^e. Ma täche etait difficile, parce qu'il me fallait eliminer, de mes explications, les expressions purement scienti— fiques qui me venaient naturellement a la bouche et qui m'auraient rendu plus obscur que je rie I'ai ete , dans quelques parties tout au moins, sije m'etaislaisse aller ä m'en servir. Puisque la Societe d'agriculture m'a fait l'honaeur de faire recueillir tout cc que jo viens de vous dire, par un steiiograplie de l'Assemblee nationale, je ferai en sorte de completer mes explications dans le travail qui sera livre ü la publicite, et d'y combler toute les lacunas qui se produisent toujours dans des discours improvises. Je ferai tons mes efforts pour que mes conferences imprimees soient plus completes et plus instructives que mes conferences parlees. (Trcs-bien! tres-bien ! Applaudissements.)
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M. le comte de Bouille, president:
Je crois etre votre interpröte, Messieurs, en remer-ciantM. Bouley, en votre nom et au nom de tous les agriculteurs de la Nievre, d'avoir bien voulu venir nous faire les deux interessantes et utiles conferences que nous avons entendues. (Oui I oui! — Approbation g6n6rale. — Applaudissements. — Un grand nombre de personnes vont föliciter M. Bouley et le remercier.)
La stance est levee ä quatre heures quaranle minutes.
Nevers, Imp. Fat.
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