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DE LA
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
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TRÄITElENT BATIONNEL DE LA HAGE
SUITE DETUDES DE PATHOGENIE
LE Tgt;DUBOUE (de Pau)
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PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
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OUVRAGES DU MEME AUTEUR
Essai sur Vexperimentation therapeutique. These inaugurale ; Paris, 1859.
Etude clinique sxtr un signepeu connu pouvant servir au diagnostic des fievres larvees paludtennes. (Moniteur des Sciences; Paris, 1861.)
Nouvelles recherches sur le diagnostic des fievres larvees paludeennes, (Moniteur des Sciences; Paris, 1862.)
Memoires sur l'emploi d'un nouveau procede autoplastique ou ä lambeaux dans Voperation de la fistule vesico-vaginale. (Mem. de la Soc. de chir., t. VI, 1865.)
De rhematoc'ele utero-ovarienne extra-peritonöale. (Bull, de la Soc. de chir., 1865, t. VI, 2e sSiie.)
Note sur deux cas de hernie etranglee. Bull, de la Soc. de chir., 1865, t. VI, 2laquo; serie.)
De Vimpdludisme. (1 vol. gr. in-8, Ale-xandre Coccoz, edit. ; Paris, 1867.)
Sur un procede nouveau de Voperation du phimosis. (Procede du fil con-ducteur). Bull, de la Soc. de chir., 1869, t. X, 2laquo; serie.
Note sur l'emploi et les bans effets du tannin dans la pleurtsie et notam-ment dans la pleuresie chronique purulente. (Gaz. hebd. de med. et de chir., Paris, 1872.)
Del'odeur acide de Vhaleine, comme signe du diah'eie. (Bull, de la Soc. de chir.., 1872, t. I, 3deg; serie.)
Obseroation de grossesse extra-uterine, gastrotomie, guerison, fistuie intestinale auniveau de l'ombilic. (Archiv.de Tocologie ; Paris, 1874.)
De faction du sulfate de quinine sur Vuterus. (Annales de Gynecologie ; Paris, 1874.)
De quelques principes fondamentaux de la therapeutique. Applications pratiques. Recherches sur les proprietes du sulfate de quinine, de l'eau froide, de l'arsenic, du seigle ergote, du tannin et du perman­ganate de potasse, de la pathogenie des lesions morbides et du trai-tement rationnel du cholera; in-8 de 156 pages, 1876.
Des bons effets du tannin dans un cos de vomissements incoercibles pen­dant la grossesse, in-8 1878.
De la physiologic pathologique de la fievre typhoide et des indications theraveutiques qui en derivent, in-8 de 148 pages, 1878.
BIBLIOTHEEK UNIVERSITEIT UTRECHT
2912 727 5
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DE LA
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
ET DU
TMITEMENT RATIOMEL DE LA RAGE
SUITE D'ETUDES DE PATHOGENIE
PAR
LE D^DUBOUÄ (de Pan).
Ancien interne des hopitaux de Paris.
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PARIS
V. ADRIEN DELAHAYE et C!a LIBRA1RES-EDITEUKS
PLACE DE I,'fiCOT.E-DE-MEDECINE
1879
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PREFACE.
Tout homme, quelque peu soucieux de sa tran-quillite, doit necessairement se demander, quand il n'a ni des titres, ni une autorite qui s'imposent, s'il ne vaudraitpas mieux,pour la science qu'il aime et surtout pour lui-meme, qu'il travaillät en silence et gardät dans son for Interieur, ses ideas bonnes ou mauvaises, plutöt que de s'exposer gratuitement ä se faire mal juger par un grand nombre de lecteurs. Geux-ci, en effet, tout en ctant animes des meil-leurs sentiments de justice et d'impartialite, sont pour la pluparttrop affaires, pourle suivre avec toute la patience desirable,dans]e developpement graduel d'un travail mürement reflechi. Que peuvent des lors penser de lui ceux qui, ne se fiant qu'aux ap-parences, le voient s'engager temerairement dans une tentative anssi extraordinaire, je dirai meme aussi folle que celle que semble comporter la ques­tion enoncee en töte de ce memoire? Nous osons dire cependant qu'en ce qui nous concerne, la rea-lite ne repond nullement aux apparences et qu'au-cun esprit d'aventure n'a preside au choix de ce sujet.
Non, nous n'avons eu ni le secret desir ni la sotte pretention de courir apres une chimere, c'est-ä-dire
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de cheroher un traitement quelconque de la rage. Le probleme que nous nous sommes pose est plus digne d'un medecin : il s'impose ä tout homme vou-lant se rendre compte de ce qu'il observe, pour se mettre k meme de mieux diriger ses actions. Nous nous sommes simplement demande en quoi consiste cette terrible affection, comment le virus rabiqüe, introduit dans I'organisme, chemine au milieu de nos lissus, quels desordres il y provoque, etc., etc., toutes questions qui se resument en une pure recherche de pathogenic ou de physiologie patho-logique.
Nous n'ignorions pas sans doute, en nous livrant a cette etude, que, si nous parvenions ä elucider ce probleme d'ordre exclusivement scientifique et dont la solution pent etre legitimement poursuivie par tout homme ayant ä coeur les progres de la mede-cine, nous n'ignorions pas que la therapeutique de la rage, tant chez 1'homme que chez les animaux, n'en düt retirer autant d'eclaircissements que de profits. Mais, la difficulte consistait ä bien etablir les premisses et cette difficulte nous paraissait teile que nous desesperions de la vaincre, quoique nous eussions le forme dessein de proceder avec methode ä cette tentative et de nous appuyer sur les faits deja connus, seule base ä' donner aux recherches de ce genre. Or, centre notre attente, nous sommes par­venu, nous en avons du moins la ferme conviction, ä poser clairement ces premisses sur des donnees fournies par I'experience. Pouvions-nous nous dis-
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PREFACE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;Ill
penser, des-lors, d'en tirer les conclusions qui en decoulent naturellement ? Avions-nous le droit sur-tout de les soustraire au contröle eclaire de nos con­freres? Oü en seraient toutes les sciences, ou en se-rait la medecine en particulier, si, par egoisme ou fausse honte ou par tout autre mobile, chaque tra-vailleur se gardait de divulguer ce qu'il croirait avoir appris, aprfes de longues et minutieuses re­flexions ?
Qu'il reste encore, sur cette difficile et attrayante etude, un tres-grand nombre de points obscurs ä elucider, personne, k I'heure qu'il est, n'en est plus convaincu que nous. Les propositions principales que nous croyons avoir mises en relief dans ce tra­vail s'appuient sans doute sur une base solide qui n'est autre que l'observation generale et elles ac-quierent ä nos yeux d'autant plus d'importance que nousavonsdüy mettremoins du n6tre,que nous n'a-vions, en abordant ces recherches, aucune opi­nion personnelle ä faire prevaloir, que nous n'avions pas de parti pris sur celles precedemment emises par des auteurs plus ou moins recommandables. Mais, a cöte de ces propositions auxquelles nous nous rattachons cependantparuneferme conviction, i] existe une longue Serie d'expöriences ä instituef destinees ä ne controler I'exactitude, experiences si nombreuses que nous ne nous flatterons meme pas de prevoir toutes celles qui seront necessaireraquo;, d'en donner des-lors une enumeration complete.
Toute illusion mise de cote, il nous paratt impos-
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IVnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; PKEFACE.
sible qu'on puisse, ä defaut de ces experiences de controle, refuter des assertions qui reposent sur un tres-grand nombre d'autres faits empruntes pour la plupart, pour ne pas dire tous, ä des observateurs aussi sagaces qu'impartiaux. Or, une Hypothese qui fait travailler est dejä digne de quelque faveur ; eile ne merite pas en tout cas, le dedain de ceux qui sa-vent ä quel prix s'etablissenl les bonnes et solides hypotheses.
Mais pourquoi, nous objectera-t-on, ne pas faire soi-meme ces experiences de controle, au lieu de se borner ä les signaler? Pour une excellente raison: c'est que, pour etre bien conduites, pour etre surtout menees ä bonne fin par un seul homme, il faudrait bien des conditions tres-dificiles ä reali-ser dans la pratique, il faudrait beaucoup de temps et de loisirs, ainsi que des facilites materielles que pent seule assurer une haute situation scientifique. En admettant merae toutes ces conditions reunies sur une seule tete, il faudrait bien pour le moins une vingtaine d'annees, pour I'accomplissement d'une besogne ä laquelle lageneralite des medecins et des veterinaires peuvent se livrer avec plus de profit, en dix fois moins de temps.
Se figure-t-on, d'autre part, quelle entreprise in-sensee serait celle d'un medecin qui attendrait, pour convaincre ses confreres, qu'il eüt vu assez de cas de rage, pour faire ressortir, par i'observaticn de nouveaux faits, lavaleur de la methade qu'il se croit en droit de preconiser et do faire prevaloir? Gom-
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PREFACEnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; v
ment! La variole a, de tous temps, tauche des mul­titudes de populations et eile les faucherait encore, si on la laissait faire; la vaccine, aux yeux de tous les bons observateurs, a toujours arrete ä coup sur, pour un temps assez long du moins, les devastations de ce fleau, et il se trouve encore, apres un siecle d'experiences, quelques esprits difflciles, parmi les medecins, pour nier les bienfaits de la vaccine; et Ton voudrait, apres cela, qu'un bomme serieux es-sayät de prouver qu'il a des idees saines sur la rage, en traitant un assez grand nombre d'enrages! 11 ne faudrait pas moins, pour unesemblable entreprise, qu'une jactance pareille ä celle de ce barbier de Rioms, dont parle M. Bouchardat (1) et qui affir-mait, dans une lettre adressee a 1quot;Academic, laquo; que laquo; flus de deux mule personnes mordues par des laquo; chiens veritablement hydrophobes ayant pris son laquo; remede avaient ete parfaitement guerios.raquo; Si cet horame vivait assez longtemps, quels tresors de sta-tistique il pourrait nous leguer! Et quel dommage que les medecins ne puissent pas en faire autant!
Ce n'est done pas par cette voie, quelque grande pratique qu'on se flatte d'avoir, que Ton doit cher-cher a faire partager ses convictions. G'est en par-lant a 1 intelligence qu'il est permis de le tenter, e'est en montrant qu'avant d'instituer un traitement de la rage ou de toute autre affection morbide, l'es-sentiel est de bien observer la nature qui precede
(W Hull, de VAcad. de med., I. XX, 1854-55, p. 720.
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toujours avec methode, dans le mal comme dans le bien quelle nous fait. Avec un pareil guide, on pent encore se tromper et Ton se trompe trop souvent. Mais, on est assure, du moins, d'etre engage dans une bonne voie; on ne pent, par consequent, gt;ni trop s'egarer, ni trop egarer les autres du sentier difficile qui mene ä la demonstration des plus sim­ples verites.
On ne s'imagine pas assez l'influence de la rou­tine dans toutes nos actions et meme dans celles qui semblent le moins la comporter. Qu'y a-t-il de plus independant, de moins esclave de la vogue ou des pre-juges quel'espritd'investigation? Or, oücet esprit se montre-t-ilmieuxque dans l'etude de la physiologic? Pourquoi des lors, la physiologic experimentale est-elle regardee avec raison comme un des fonde-raents les plus solides de la medecine et pourquoi la Physiologie pathologique, loin d'avoir conquis les meines suffrages, est-elle si souvent regardee comme inutile ou meme dangereuse? Et cependant, quelle difference trouve t-on dans le but que se proposent ces deux physiologies? N'ont-elles pas toutes deux ie mfeme objet, c'est-a-dire, la connaissances des di­verses proprietes des elements anatomiques ou des tissus dans telles ou teles conditions, le mode de foncdonnement des organes ou appareils dont se compose le corps d'un animal vivant, ou insect;me d'un etre vivant quelconque, pour ne pas ex-clure les vegetaux de ces recberches univoques? Qu'est-ce qui differe dans ces deux branches d'une
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PREFACE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;VII
meme etude ? G'est uniquement la nature de l'exci-tant physiologique. Tandis que celui-ci est clioisi dans un cas par I'experimentateur, dans un but de­termine, ilest, au contraire, impose dans lautre cas au clinicien qui peut faire encore de la physiologie et meme de la physiologie tres-avouable, en cher-chant ä decouvrir le lien inconnu des phenomenes morbides observes. On veut, d'une part, connaitre las proprietes physiologiques d'un agent qu'on ap-pelle la strychnine. On tient d'autre part ä etudier I'action sur I'organisme ou les proprietes physiolo­giques d'un agent inconnu qu'on appelle le virus va-riolique. Oü est la difference, si ce n'est en ce que Ton peut choisir la strychnine et que Ton doit subir le choix de la variole ?
Ce serait done faire preuve d'une grandfe irre-flexion ou d'une certaine etroitesse de vues que d'accepter les donnees fournies par la physiologic experimentale, tout en faisant peu de cas de celles que peut nous fournir ä son tour la physiologie pa-thologique, faite avec un soin minutieux. La pre­miere cherche la precision et la rigueur dans I'e-tude des phenomenes qu'elle provoque. Pourquoi blämer ou dedaigner la seconde qui peut poursuivre la meme precision et la meme rigueur dans les phe­nomenes qu'elle observe simplement, sans pouvoir les provoquer ?
Est-il vrai d'ailleurs, qu'il suffise de choisir son errain physiologique, pour y faire ce qu'on veut? S'il en etait ainsi, la physiologie pathologique de la
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rage serait connue depuis longtemps. Gar, cette af-freuse maladie peut se communiquer ä un tres grand nombre d'animaax et ce ne sont pas assurement les experiences qui ont manque pour arriver ä cette precieuse connaissance. Pour trouver la solution dans Tune comme dans I'autre physiologie, les moyens peuvent varier ; mais, le butreste le meme, il faut des deux cotes, travailler avec methode, il fautmenae, cequi est bien preferable, recourir al-ternativement ä Tune et ä I'autre physiologies, pour resoudre une question quelconque interessant Tune d'elles. Etqu'importe qu'on se serve du microscope, de la chimie, de la clinique ou d'autre chose, si on arrive ä ses fins par une voie ou par I'autre ? La suite de ce travail demontrera, en effet, la connexite etroite qui doit unir la physiologie pathologique et la physiologie experimentale, lesquelles loin de se repousser, doivent s'appuyerconstamment 1'une sur I'autre. Ge n'est pas trop qu'elles s'entr'aident ge-nereusement pour resoudre taut et de si graves questions.
Enmatiere de physiologie pathologique cequi est le mieux connu, nous parlous en general, c'est le nom etnon la chose. Gette physiologie est cependant si neeessaire, meme ä la pratique vulgaire de la medecine, que tout le monde en fait, qu'on en ait conscience ou non. Elle est d'autre part si peu apprecieo, eu egard ä rimportance de ses aspira­tions, qu'elle est non-seulement naeconnue, mais meme rejetee par de tres-bons esprits.
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Qu'est-ce que c'est que ia physiologie pathologi-que ? C'est lamp;tktörie des phenomenes morbides com-prenant I'etude physiologique, c'est-a-dire I'enchai-nement des lesions et des symptömes. Or, qui n'a pas enteudu proscrire les theories en medecine, comme un des plus grands ennemis de la pratique ? A quoi bon les theories! peut-on entendre dire tons les jours et dans tons les pays. Gette proscription bien evidemment ne s'adresse qu'aux mauvaises theories ; mais, les bonnes en profitentet n'osentpas toujours se montrer, de peur d'etre traitees en veritables malfaiteurs. Nous montrerons Dependant, dans le cours de ce travail que beaucoup de ceux qui croient ne pas faire de la theorie, quand ils trai-tent de la rage, en font plus qu'ils ne pensent et, qui pis est, qu'ils en font de la mauvaise, pour s'e-pargner la peine d'en faire de la bonne.
S'il est une science ä laquelle laconnaissance des plus petits details soit absolument indispensable, cette science est bien la physiologie pathologique. Elle est tenue, pour repondre ä son but, de nous rendre compte du phenomene morbide le plus insignifiant en apparence : eile doit nous montrer comment ce dernier se rattache ä celui qui le precede et ä celui qui le suit. Elle ne pent done jamais considerer sa besogne comme faite, tant qu'ii lui reste le plus pe­tit phenomene ä expliquer. II y a plus : c'est que ce petit phenomene ä lui tout seul, pent briser le liep physiologique qu'on a cru pouvoir etablir entre les lesions et les symptömes, lien parfois tres-fragile en
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realite, quoique des plus solides en apparence. Quand il ne s'agirait done que de controler la täehe dejä accomplie, on devrait ne s'arreter que lorsque tout serait devenu clair comme la lumiere du jour : un froncement de sourcils, le plus petit clignement des paupieres doit avoir sa theorie, ou bien la theo-rie generale est incomplete et doit 6tre achevee. Que dirait-on d'un ecolier qui, en lisant une page de Tacite, sur une ecriture fine on effacee, sauterait gä et lä une phrase ou un membre de phrase ou memo quelques mots? Le cas du physiologiste trop presse ne differe pas du sien. Tant qu'il reste encore un phenomene ä expliquer, la phrase physiologique est incomplete et le mot illisible ou efface doit etre retabli, pour quo dans ce cas, comme dans le cas de l'ecolier, toules les nuances du langage naturel ou factice soient rendues en toute verite.
Que sera-ce done, quand il s'agira do lire dans le tableau encore tres-ecourte de certaines entites mor­bides ? Ce n'estque par mots detaches qu'on pent y faire la lecture et ce n'est qu'en invoquant les ana­logies les plus frappantes et en passant en revuo toutes les hypothäses, qu'on pent esperer reconsti-tuer certains membres de phrase, ce n'est que de la' sorte, si on aquelque bonheur, qu'on finira par lire laphrase tout entiere. C'est done un vrai travail de mumismate que doit accomplir le physiologiste dans ^interpretation de ces entites morbides frustes, comme les appelait Trousseau. Quelle attention et quel soin ne faut-il pas ä tous les deux pour mettre
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bien ä sa place teile ou teile petite lesion, teile ou teile lettre ä demi-effacee ! Quel empire surtout ne doit-on pas exercer sur soi-meme, pourreprimer les ecarts d'une imagination trop pressee de conclure, pour adapter une explication naturelle aux seuls phenomenes bien et düment observes! On peutrire de tout sans aucun doute et tourner en derision de pareilles oeuvres de patience. Mais, combien on em-ploierait mieux son temps, quand il y atant ä faire, en se livrant soi-meme, avecle plusgrand soin pour une affection ou pour une autre ä ce travail dePenelope. On ne se figure pas toutl'attrait qu'on eprou ve ä suivre ainsi a la piste de grands ou de petits fleaux, meme sur le papier. Avec un peu de reflexion, on se gardera de voir dans le simple desirdevoir clair en ce qu'on fait, un mobile pretentieux qui n'y a jamais ete ; on voudra bien songer enfin, s'il est besoin de s'excuser de faire son devoir, que c'est lä une gymnastique aussi utile aux medecins que salutaire a. leurs mala­des. Nous n'aurions pas parle si longuement de la necossite de recueillir et d'essayer d'interpreter les plus petites lesions et les plus legers symptömes, si nous n'avions lu lout recemment et ä notre grande surprise, la these contraire soutenue avec quelque malice, par un homme faisant autörite et charge par ses fonctions d'instruire la jeunesse.
Si le but poursuivi par la physiologie pathologi-que offre un si grand int^ret, il n'en est pas de meme des moyens ä employer, pour appuyer chaque assertion sur un faisceau de preuves convaincantes.
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Pour savoir si teile interpretation est legitime, si ie fait qui lui sert de base doit etre admis ou rejete, il faut de toute necessite, pour les propositions impor-tantes notamment, invoquer des citations qui al-longent le discours et reclament une tension pres-que continuelle de l'esprit. II est certain qu'on pourrait rever de plus fortes distractions. Mais, oü ne faut-il pas se captiver, quand on veut demeler la verite, au milieu des innombrables causes d'erreur qui la voilent sans cesse ä nos faibles regards? Gette attention soutenue n'est pas necessaire uniquement ä l'auteur d'une demonstration; eile s'impose de meme, avec non moins d'urgence, ä celui qui de­sire en prendre connaissance. Aussi, qu'arrive-t-il quand on veut supprimer celte lenteur? On tourne les feuillets, sans comprendre la pensee de l'auteur et Ton s'en prend ä ce dernier des obscurites dont la question reste toujours environnee.
C'est par ce procede, sans doute, qu'un critique expeditif dont nous ignorons le nom, en analysant un travail qui nous a coüte plus d'un an de recher-ches, n'y a vu qu'une seule chose, c'est que nous nous serious montre partisan ä l'exces des emis­sions sanguines dans la fievre typhoide. 11 le dit meme avec esprit, en declarant que c'est pour forti* fier Torganisine que nous prhonisom la saignöe. Or, la verite est que, voulant reagir centre eel esprit ex-clusif trop general qui nuit au progres de la thera-peutique, nous avons uniquement cberche ä etre juste envers ce traitement comme envers tous les
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PREFACE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; XIII
les autres. La verite est encore qu'il ne nous est pas arrive, depuispres de vingt ans que nous exergons, de saigner un seul malade atteint de fievre ty-phoide.
En rappelant ce petit trait dont nous n'avons pas beaucoup souffert, nous n'entendons pas nous livrer ä une sterile recrimination; car nous avons eu le bonheur de rencontrer d'autres critiques plus at tentifs et plus justes et ä la fois plus bienveillants, dans I'adhesion desquels il nous a ete donne de trouver le plus flatteur des dedomraagements. Notre seul but est de montrer que, pour devenir profita­ble, la physiologie pathologique demande ä etre faite avec rigueur et qu'un pareil avantage ne s'ob-tient qu'avec beaucoup de peine et de patience.
Si nous avons commis, sans le vouloir, quelque grosso temerite, pour avoir voulu nous occuper d'un sujet si ardu, nous nous croyons en droit de reclamer le benefice des circonstances attenuantes: car nous n'avons fait que ceder ä l'attrait d'un su­jet qui a deja fascine, avant nous, un grand nombre de medecins des plus recommandables et qui en fascinera bien d'autres dans la suite. Nous ne sau-rions mieux faire que de puiser notre defense en terminant dans l'opinion concordante d'un de ces medecins, faisant autorite par leur jugement sür et eprouve : laquo; Tout ce qui concerne la rage, dit M. Fe­tt reel (1), a le triste privilege d'exciter ä un haut
(1) Union mid., nraquo; du 30 juillet 1874, p. 161.
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XIV
PREFACE.
laquo; degre l'interet, ncm pas seulement ä cause du laquo; spectacle vraiment terriflant d'une maladie si laquo; horrible, mais aussi ä cause des nombreuses ques-laquo; tion de pathologie generale et de doctrine que laquo; souleve cet etrange fleau. raquo;
En admettant done que nous nous soyons risque imprudemment ä emettre notre opinion sur quel-ques-unes de ces questions importantes, nous ne pouvons pas encourir, ce nous semble, un blame trop severe pour avoir partage l'interet qu'elles ins-pirent ä tous les medecins avides de connaitre. Quoi qu'il en soit, nous nous croyons autörise ä af-firmer hautement que nous avons ete conduit ä cette etude, non par un simple caprice ou une pen-see d'ambition malsaine ä satisfaire, mais par un travail patient, methodique etreflechi.
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DE LA
PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
fRilTEMENT RATIOPEL DE LA RME
SUITE D'ETUDES DE PATHOGENiE
sect; rr. Considerations gönörales. — Du choix ä, apporter dans les etudes de Physiologie pa-thologique.
Ce n'est pas une question tout k fait indifferente que celle qui consiste ä savoir si on pent aborder, avec le meme profit, la physilogie pathologique de teile ou teile entite morbide, si on peut choisir indis-tinctement, comme objet de cette etude particuliefe, la rage, par exemple, oU la Vafiole, etc., etc. II serait pueril assurement de vouloir tracer d'avance, ä cet egard, des regies fixes et absolues dont notre esprit d'ailleurs trouveraittoujours lemoyen de s'affranchir. Qu'on prenne n'importe quelle question au hasard, de eelles bien entendu qui n'ont pas ete parfaitement elu-
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2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
cidees, et Ton peut ^tre assure d'y trouver des apergus nouveaux, des eclaircissements parfois inesperes et meme une vue d'ensemble plus simple et plus claire que celle qu'on en avait precedemment. S'il n'en etait pas ainsi, il faudrait admettre que le travail ne m^ne ä rien de bon, proposition qui se refute d'elle-mdme.
Est-ce ä dire cependant qu'il n'y ait pas des ques­tions plus faciles ä etudier les unes que les autres? Et s'il est etabli que les difficultes ä vaincre doivent offrir suivant les cas de grandes differences, peut-on dire d'avance ou simplement presumer quels sont, parmi une multitude de problemes, ceux qu'on derit aborder avec le plus de chances de succes? On voit qu'il ne s'agit pas lä d'une simple affaire de curiosite, mais du meilleur emploi ä donner ä son temps, ce qui n'est jamais ä dedaigner pour des hommes occupes. Ce n'est pas d'ailleürs pour le travail intellectuel seu-lement que ce calcul devient utile. Celui-ci est encore profitable lorsqu'on le fait pour son plaisir, quand on va ä la chasse ou ä la p^che, par exemple, et qu'on apprend ä connaitre d'avance les bons endroits pour le gibier ou le poisson, suivant les lieux, suivant le temps et beaucoup d'autres circonstances. Croit-on serieusement que celui qui se dirige ä l'aventure fera aussi bonne prise que celui qui a etudie d'avance, dans lacontreeoüilse trouve, les moeurs et les habitudes de chaque espece de gibier et de chaque espece de pois­son?
Or, il en est absolument de m^me en matiere de physiologic pathologique : on fera bonne ou mauvaise prise, suivant qu'on aura bien ou mal choisi ses ques­tions, qu'on aura ou non cherche ä discerner celies
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qui peuvent etre faciles de celles qui ne le seront pas. Loin de nous la pensee de croire qu'il y ait dans cette tactique si simple rien que de tres-naturel, qu'il y ait lieu par consequent de la regarder comme une bien grande innovation. Si nous la rappelons cependant, c'est que les preceptes les plus simples sortent par-fois de notre esprit, et que ces axiomes de conduite constituent le premier anneau de la chaine ä par-courir dans toute recherche scientifique. Nous ne disons pas assurement que beaucoup d'autres avant nous n'aient du agir de m^me, sans le dire. Mais ce sont lä des verites, si simples qu'elles soient, qu'on ne doit pas cacher sous le boisseau, et le seul merite que nous revendiquions, c'est celui d'oser les procla-mer ouvertement.
Quelles sont done les affections morbides qu'on doive etudier de preference ? Quelles sont celles oü il y ait le plus de chances de decouvrir I'enchainement des lesions et des symptömes, celles dont il doive etre le plus facile d'edifier une bonne physiologie patholo-gique? Pas plus que precedemment, nous ne donne-rons ici aucune regie fixe : dans des questions aussi obscures on doit si mplement se borner ä dire ce que Ton a fait et ä donner les motifs de ses determinations. Or, parmi ces affections, celles qui nous ont paru le plus favorables ä l'etude sont: 1deg; celles qui tuent vite, comme le cholera, parce que les lesions doivent y ^tre peu nombreuses et bien accentuees; 2deg; celles qui, dlune maniere generale, ont ete tres-etudiees, nous n'avons pas besoin ici d'en donner la raison ; 3deg; celles qui se modifient avantageusement par ce qu'on appe-lait autrefois des agents specifiques, et ce qu'on pour-D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 2
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4nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
rait mieux nommer des agents antagonistes de l'agent morbide dont ils combattent les effets.
La rage est parfaitement comprise dans la seconde de ces classes ; nous avions done lä une raison süffi­sante pour que nous fiissions pleinement autorise ä en aborder l'etude pathogenique. Nous avions encore une autre raison, que nous ferons connattre un peu plus tard, pour ne pas nous exposer ä des repetions inu-tiles.
Guide par ces raisons, nous nous etions livr^, il y a quelques annees, k un commencement d'etude sur la physiologic pathologique de la rage, et nous devons avouer que tous nos efforts sont restes completement steriles. Apres comme avant cette tentative, nous noussommes trouve en pleinenuit obscure. Convaincu de l'utilite des etapes et du repos pour tous les genres de travaux, nous avons laisse longtemps ce projet en suspens, sans toutefoisy renoncer; carlesmemes rai­sons qui nous l'avaient fait concevoir ne sauraient etre ebranlees par un ou meme plusieurs echecs suc-cessifs.
Mais avant d'aborder l'etude de la pathogdnie de la rage, teile que nous l'avons comprise dans la suite, nous devons dire comment nous avons precede dans notre premier essai. Rien ne nous instruit mieux que l'histoire de nos defaites : cela est aussi vrai pour les simples individus que pour les agglomerations d'hom-mes plus ou moins grandes et pour les nations elles-memes.
Nous etions parti de cette idee dont personne ne s'avisera de nier le fondement solide, ä s.avoii4: que la eonnaissance exacte non pas seulement des lesions
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grossieres et apparentes, mais encore et surtout des lesions des elements anatomiques ou des tissus con-stitue la base essentielle de toute recherche en physio-logie pathologique. Nous nous rappelions la definition si concise et si juste ä la fois que le grand Haller avait donnee de la physiologie normale, quand il la desi-gnait par ces deux termes : anatome animata{i). Peut-on dire en moins de mots que cette science s'occupe de l'etudedes corps vivants en action? N'ayant ä notre tour d'autre peine a prendre que d'appliquer cette belle definition ä la physiologie pathologique, nous nous disions que celle-ci pourrait etre appelee Vana-tomie pathologique animee ou en action.
C'etait done par I'etude, aussi complete que possible, des diverses lesions produites sur les elements anato­miques que nous paraissait devoir commencer toute etude de physiologie pathologique. Or, loin d'avoir varie de sentiment sur ce point capital, nous croyons encore aujourd'hui qu'onne doit jamaismanquer de se livrer ä cette recherche prealable, chaque fois qu'on le peut. II n'est pas, en effet, de meilleur moyen que ce-lui-lä pour circonscrire le raisonnement dans des limi-tes qu'il ne doit jamais franchir, de meme que pour re-primer ou plutötprevenir les ecarts d'une imagination toujours prete ä depasser les bornes d'une induction legitime.
Mais une premiere difficulte s'est presentee, que nous avions pressentie d'ailleurs et qui a ^te la prin­cipal cause de notre echec. 11 ne suffit pas, en effet, dans de genre de recherches, d'etre fixe uniquement
(1) Cours de physiol., t. I, p. 28, par P. BSrard. Paris, 1848.
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6nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
sur les lesions produites ä une certaine periode du mal, au commencement ou ä la fin, peu Importe. Pour apprecier toutes les phases du processus morbide le plus simple, il faut arriver ä connaitre, par un moyen quelconque, aussi bien les lesions initiales que les lesions tardives. On doit, en d'autres termes, ne iais-ser aucune lacune importante dans le tableau complet des lesions qui se produisent successivement, ou bien on se condamne d'avance a tracer une pure descrip­tion de fantaisie.
Or, que trouve-t-on de prime abord dans I'anato-mie pathologique de la rage? La plupart des docu­ments qu'on puisse se procurer sur ce chapitre impor­tant se rapportent aux lesions secondaires ultimes, k celles qui dependent evidemment äes acces de la periode terminale. Ce sent des lesions, diles banales, dues uniquement ä l'asphyxie, quoiqu'en physiologic pathologique aucune lesion ne soit banale, si on par-vient ä en montrer la filiation avec celles qui la pre­cedent ou celles qui la suivent. Nous avons vu plus tard, en effet, a la reflexion, qu'il eilt ete possible, dans ce cas, de remonter des lesions congestives ter-minales ä d'autres lesions plus caracteristiques et dont il sera question un peu plus loin.
Ici, nous croyons pouvoir nous dispenser de donner les preuves de notre assertion, concernant I'existence frequente des lesions congestives en question, tant cette assertion se base sur des faits connus de tout le monde. Mais, quant k la qualification de secondaires que nous leur avons donnee, nous invoquerons pour la justifier l'opinion de M. Vulpian. laquo; En tout cas, dit ce
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 7
laquo; savant professeur (1), sila congestion que Ton con-laquo; state lors des autopsies pouvait etre regardee comme laquo; un indice fidele de l'etat d'excitationdanslequel se laquo; sont trouves les organes pendant les derniers temps de laquo; la vie, on devrait la considerer dans Vhydrophobie laquo; ainsi que dans le tetanos comme ayant ete secon-laquo; daire, c'est-ä-dire comme ayant ete le resultat d'une laquo; dilatation reflexe des vaisseaux, provoquee parl'ir-laquo; ritation des elements des centres nerveux. sgt;
On voit dejä qu'il ne doit pas en dtre des lesions primitives de la rage, c'est-ä-dire des plus caracte-ristiques, comme il enest des lesions secondaires. On ne doit pas trouver et Ton ne trouve pas, en effet, les premieres de beaucoup aussi aisement que les der-nieres. II doit arriver d'une part que, durant la pe-riode d'incubation ordinairement assez longue, les elements primitivement älteres se modifient de jour en jour jusqu'au moment oü viennent ä eclater les ac­cidents de la periode terminale. On pent dire, d'autre part, avec Benedikt (2), laquo; qu'il en est de la rage comme laquo; de toutes les maladies nerveuses; tantquel'onn'a pas laquo; su oü chercher les lesions et comment il fallait les laquo; chercher, on n'a rien trouve. raquo;
Ce n'est que dans ces dernieres annees qu'ont ete publies quelques documents qui soient de nature ä elucider ce point difficile d'anatomie pathologique, et encore est-il parfois necessaire de bien les chercher pour pouvoir les trouver. A l'epoque oü nous avons
(1)nbsp;Lecons sur l'appareil vaso-moteur (Physiol. et pathol.), t. II, p. 97. Paris, 1875.
(2)nbsp;An at. pathol. de la rage, dansilemie des sc. mid,, journal de M. Hayem, t. XII, p. 187.
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8nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
entrepris nos premieres recherches, ces documents n'avaient pas encore paru et il est fort probable que nous n'aurions pas su en tirer parti, lors meme que nous les aurions connus. Mais, ce qui nous a surtout empöche de les poursuivre, c'est le jugement porte par l'homme qui a le plus fait, en France, pour eclairer cette difficile question de la rage, par M. Bouley, qui a depense ä cette noble täche, nous allions presque dire ä ce veritable apostolat, une ardeur et une perseve­rance ä toute epreuve, ainsi que de rares et precieuses qualites dont il ne nous appartient pas de faire res-sortir le caractere, de peur de les faire deprecier, ä notre tres-grand regret. Nous devious ce juste tribut d'hommages ä un homme de cette valeur, pour pou— voir nous permettre , sans manquer aux sentiments de respect et de deference qui lui sont dus, de trouver ex­cessive la severite qu'il a sans doute deployee malgre lui dans ce jugement ou plutot dans cet arret decoura-geant.
Voici ce qu'on pent lire, en effet, dans son remar-quable rapport, lu ä l'Academie, dans la seance du 2 juin 1863 (1): laquo; Tous ceux qu'elle (la rage) frappe laquo; sont fatalement voues ä la mort, et lorsqu'ils out-laquo; succombe, leurs cadavres sont aussi muets pour les laquo; observateurs qui les explorent jusque dans leurs laquo; derniers replis, que l'ont ete pour nos devanciers de laquo; tous les temps les cadavres de toutes les victimes laquo; de cette effrayante maladie.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; quot;'
laquo; Et cependant, Messieurs, combien d'efforts n'ont laquo; pas ete tentes pour faire penetrer la lumiere dans
(1) Bull, de VAcad. de mtd., t. XXVIII, p. 702 el suiv.
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laquo; les obscurites de cette question de la rage ! Les re-laquo; cherches necropsiques qui ont ete faites sur cette laquo; maladie par les medecins et les veterinaires sont laquo; innombrables, et d'autant plus meritoires que ceux laquo; qui les ont entreprises couraient des dangers reels laquo; ou s'exposaient tout au moins ä bien des transes et laquo; ä bien des angoisses en poursuivant leurs investiga-laquo; tions.
laquo; ....Ce n'estpas qu'ils(lesauteurs) se soientabstenus laquo; deremplirtres-abondamment les pages aux endroits laquo; oü ils traitent de la nature de cette affection et de son laquo; siege; mais la science moderne ne saurait se satisfaire laquo; de tout ce qui pouvait parattre süffisant ä d'autres laquo; epoques. Au jourd'hui, entoutes choses,ilnous faut laquo; des demonstrations rigoureuses, et nows voulons qu'on laquo; ßetaise quand on ignore.'Mieux. vaut, en effet, le si-• *nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; laquo; lence et le vide que tout ce faux remplissage de con-
laquo; ceptions imaginaires dont les livres de la medecine laquo; se trouvaient autrefois trop souvent charges. raquo;
Sans vouloir nous faire le champion des r^veurs mo­dernes dont il parle un peu plus loin, pas plus que de toutes les fables anterieures debitees sur la rage, nous avons une excellente raison de trouver cet arret par trop decourageant, comme nous le disions tout ä l'heure, attendu que c'est ä Impression fächeuse qui en est restee dans notre esprit que nous devonsd'avoir quot;'nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;attendu si longtemps, avant de continuer des recher-
ches qui nous paraissaient pourtant indispensables, si on voulait arriver ä se rendre compte de la patho-genie de cette affreuse maladie. II eüt mieux valu as-surement qu'un homme de cette valeur eüt montre
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aux travailleurs la route de l'avenir, plutöt que de paralyser leurs efforts par une sorte de condamnation portee d'avance sur toute tentative ulterieure. Com-bien sont preferables les encouragements suivants, donnes pourtant par des hommes qui ne pouvaient pas s'illusionner sur le nombre et la nature des diffi-cultes ä vaincre ! laquo; Mais, dit M. Bergeron (1), dans un laquo; m£moire des plus remarquables, cette impuissance laquo; est-elle absolue, definitive? Je ne puis me resigner laquo; ä l'admettre et je crois, au contraire, tant est grande laquo; ma foi dans le progres de notre art, que tot ou tard laquo; la medecine finira par decouvrir le moyen soit de laquo; neutraliser dans l'economie le virus rabique que les laquo; cauterisations tardives sont impuissantes ä detruire,
laquo; soit de triompher de ses terribles effets.................
laquo; et c'est avant tout de l'etude patiente des faits qu'il laquo; faut attendre des resultats serieux. raquo;
Voici, d'autre part, ce que dit notre illustre et re­grette maitre Tardieu (2), dont la mort recente a laisse un grand vide dans notre medecine : laquo; La rage, laquo; il faut qu'on le sache, est un de ces fleaux dont il est laquo; permis a la science et ä une administration vigilante laquo; de poursuivre 1'extinction. L'Academie a un beau laquo; role et une grande initiative ä prendre en cette occa-laquo; sion, et M. Bouley lui a trace la voie. raquo;
Pourquoi done, apres cette premiere etape malheu-reuse, sommes-nous revenu ä la meme etude, ä plu-sieurs annees d'intervalle? Serait-ce ä cause du desir
(1)nbsp;De la rage. — Observations et reflexions, dans Arch, gin, de #9632;mid., 5laquo; seiie, t. XIX, p. 137, ann6e 1862.
(2)nbsp; Discussion sur la rage. Bull, de VAcad, de.mid., 1863, tome XXVIII, p. 1162,
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inconsidere de tenter quelque coup d'audace? Si nous avions cede, sans le savoir, ä un pareil mobile, ce dent nous serions fort surpris, nous osons croire que nous nous serions atlache ä etre quelque peu logique dans notre ambition inconsciente. A tant que faire, nous nous serions acharne apres le cancer, par exem-ple, qui fait autrement de victimes qüe la rage. Celle-ci, selon M. Leblanc (1), laquo; quoique etant une cause laquo; presque infaillible et epouvantable de mort, est in-laquo; finiment moins frequente que beaucoup d'autres laquo; causes dont le resultat est le meme. D'apres M. Ver-laquo; nois, la moyenne des cas de rage chez l'homme, pour laquo; toute la France, a ete de 1.7.08 pour 100, et selon laquo; M. Tardieu, de 20 ä 24.3 pour 100; les coups de laquo; pied de cheval eux seuls, par exemple, occasionnent laquo; une bien plus grande mortalite. raquo;
Par quelle raison avons-nouraquo; done choisi la rage et non pas le cancer? Pourquoi n'avons-nous pas ete tente, ttne seule /bis, d'entreprendre l'etude palhoge-nique de cette derniere affection? Pourquoi sommes-nous revenu, ä deux reprises, sur celle de la pre­miere? Par la meme raison dont nous avons dejä parle et qui fait que les disciples de Saint-Hubert n'ai-ment ä chasser que lä oü ils croient avoir quelques chances de trouver du gibier. En ce qui concerne le cancer, en effet, nous n'avons aueune donnee pour croire que nous puissions en aborder l'etude pathoge-nique avec quelque espoir de succes. Les lesions his-tologiques cependant y sont sans nul doute beaucoup
(1) Discussion sur la rage. Bull, de VAcad. de mid., t. XXVIII, p. 1214.
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mieux connues que dans la rage. Mais cette connais-sance, quoique assurement tres-importante, est loin d'etre süffisante. Cast Tage relatif ou la date d'appa-rition de chacune d'elles qu'il importerait le plus de savoir distinguer. Or, oü se trouve la premiere lesion du cancer et oü siege la derniere? II nous paratt infi-niment probable qu'un hemme tres-verse dansl'etude theorique et pratique de l'anatomie generale et de l'a-natomie pathologique, s'il voulait se donner la peine de le rechercher, pourrait arriver ä le savoir, Mais, pour notre part, nous n'en savons absolument rien, et nous croyons que nous n'en saurions pas davantage en l'etudiant. Aussi n'est-ce jamais de ce cöte que nous avons cru devoir diriger nos efforts.
On saisira mieux desormais la principale raison pour laquelle nous avons incline, comme malgre nous, vers l'etude de la physiologie pathologique de la rage. Quand on veut degager une inconnue ä l'aide d'une equation algebrique, ce serait folie que de le tenter sj onne possedaitpas quelquesdonnees prealables d'une parfaite exactitude. Or, nous trouvons precisement dans la rage deux choses d'une saisissante clarte. Ce sont : le point de depart et le point d'airrivee. — Quel est le point de depart? C'est une plaie virulente du tegument externe ou des tissus sous-jacents. Quel est le point d'arrivee? C'est la mort, et la mort par le bulbe rachidien, et nous ajouterons aujourd'hui par la pro­tuberance. Or, il n'est jamais indifferent, en physiolo­gie pathologique surtout,de savoir d'oü l'onpart et oü l'on va.
Quoique tout le monde sache que c'est bien sur le bulbe rachidien qu'agit le virus rabiqüe avant d'en-
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trainer la mort, nous croyons devoir appuyer cette assertion sur les deux courtes citations suivantes, empruntees ä deux savants professeurs dont l'autorite ne pourra ^tre contestee par personne.
Voici ce que dit M. Brouardel (1) :
laquo; Le resume que nous venons de faire des functions laquo; du bulbe considere comme centre ne donne-t-il pas laquo; l'ensemble de tous les phenomenes caracteristiques laquo; de la rage depuis son debut avec excitation, conval-laquo; sions, jusqu'ä la mort par paralysie? raquo;
laquo; A l'inverse des autres poisons morbides, dit ä son laquo; tour M. Jaccoud (2), le virus rabique n'agit que sur laquo; une region circonscrite du Systeme nerveux, 11 n'e-laquo; tend pas son action d'emblee ä tout l'organisme, il laquo; n'altere pas la nutrition etne provoque pas de mou-laquo; vement febrile; tout se borne ä l'excitation exces-laquo; sive suivie d'epuisement de la region hulbo -mesoce-laquo; phalique, et cette excitation se traduit naturellement laquo; par des phenomenes en rapport avec la modalite laquo; fonctionnelle de ce departement nerveux. raquo;
II est temps de terminer ces generalites, dejä trop longues. Elles ne seront pas cependant, nous I'espe-rons du moins, completement depourvues d'utilite, si elles peuvent conduire quelques-uns. de mes lecteurs ä cette conclusion pratique : qu'il est necessaire de faire un choix dans les etudes de physiologie patholo-gique, si on ne veut pas s'exposer du moins ä perdre un temps precieux dans les recherches qu'un peu de reflexion aurait pu faire regarder d'avance comme
(1)nbsp; Art. Rage chez Vhomme, du Diet, encycl. des sc. mid.,Se sfi-rie, t. IT, p. 227.
(2)nbsp; Tr. de path, int., t. II, p. 788.
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devant 6tre frappees de sterilite et d'impuissance. II en est des questions scientifiques ä elucider comme de la plupart des fruits de nos vergers : il faut attendre qu'elles soient müres avant de les cueillir, et comme toutes ne mürissent pas en meme temps, il faut ap-prendre ä temporiser pour les unes et ä se häter pour d'autres, quand elles sont ä point.
Nous avons pense, pour notre part, que la question de la pathogenie rabique etait dans les dernieres. Avons-nous eu tort ou raison de le croire? Ce n'est pas ä nous qu'il appartient de le dire. Nous ne pouvons qua nous en referer k cet egard au jugement des hom-mes courageux qui voudront bien prendre la peine d'ecouter nos raisons et ne consentiront jamais, nous osons l'esperer, ä traiter avec dedain un travail assu-rement bien defectueux, nous le reconnaissons sans peine et sans fausse modestie, mais qui porte sur un sujet neuf et difficile et repose sur des recherches pe­nibles, longues et consciencieuses.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL, DE LA RAGE. 15
sect; II. — De la determination du si£ge et de la nature das lesions dans la rage et de la Physiologie pathologique proprement dite.
II est un art merveilleux dont peu de gens soupgon-nent l'influence bienfaisante, un art qu'on peut se vanter de suivre, sans qu'on puisse vous imputer une pensee d'orgueil : cet art n'est autre que l'art d'igno-rer, que les seuls ignorants avides de connaitre pos-sedent sans s'en douter au supreme degre, et dont nous osons, par experience, conseiller la culture äceux qui voudront acquerir, sur n'importe quelle question obscure, une s^rieuse etsolide instruction. Ce n'est pas un paradoxe que nous entendons soutenir, mais bien une verite de sens pratique que nous avons acquise ä nos depens et dont nous tiendrions ä montrer toute l'excellence ä ceux qui ne l'ont pas encore suffisam-ment appreciee. Oui, il existe un art d'ignorer ä l'u-sage de ceux qui savent ou croient dejä savoir quel-que chose sur tel ou tel point delicat dont ils cherchent la solution. Eh bien, tout le secret de cet art consiste, quand on etudie une question nouvelle, ä se compor-ter absolument comme si on n'en savait pas le premier mot.
Pour s'en convaincre, il n'y a qu'i voir comment precedent d'ordinaire l'ignorant et le demi savant. Tandisque le premier est tout yeux et tout oreilles, le second ne prete qu'une attention distraite ä ce qu'il
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fait lui-meme ou ä ce qu'il voit faire auxautres. II y a enfin, pour Tun et pour l'autre, deux manieres entie-rement differentes de se poser les questions ä resoudre et ici encore on est force de reconnaitre une superio-rite marquee du cote de l'ignorant. Eh bien, nous n'hesitons pas ä dire que si Tenchainementdes lesions et des symptomes a ete generalement meconnu dans la rage comme aussi sans doute dans beaucoup d'au-tres affections morbides, c'est qu'on s'est livre ä cette etude avec la persuasion qu'on n'avait qu'ä la comple­ter, tandis qu'il auraitfallu supposer encommenfant qu'on avait tout ä apprendre sur ces problemes diffi-ciles.
Pour notre part, nous n'avons commence ä voir quelque peu clair, nous le croyons du moins, dans la pathogenie de la rage, qu'ä partir du jour oü nous avons envisage la question en veritable et complet ignorant. Nous ne voulons pas dire par que tous les voiles soient tombes depuis qu'il nous est arrive d'avoir cette bonne inspiration, et nousne savons que trop combien, en toutes choses, I'instruction est lente ä acquerir et combien peu il faut se glorifier des fai-bles progres qü'on accomplit, en songeant ä ceux, in-finiment plus glands, qu'on ne fait qu'entrevoir, sans jamais les atteindre. Nous voulons dire simplement et pour parier sans figure, que, pour elucider une diffi-eulte quelconque, il faut d'abord envisager une ä une et avec un esprit impartial et scrupuleux, püis com-' parer entre elles toutes les hypotheses qu'il est possible d'invoquer pour arriver ä la solution qüi fait Tobjet de nos efforts. Car, si on neglige de suivre cette me* thode si simple, connue d'ailleursdans toutes les seien-
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ces, on s'expose, d'une part, ä ne pas examiner preci-sement la seule hypothese qui puisse nous conduire ä la verite et, d'autre part, ä n'obtenir que des notions vagues et confuses, oü un examen approfondi aurait conduit sürement ä une demonstration complete et rigoureuse.
On va voir jusqu'ä quel point, en procedant de la sorte, la pathogenie de la rage se simplifie et s'eclair-cit tout ä la fois. Dire qu'on marche ainsi vers la solu­tion veritable, serait faiblement s'exprimer; il est plus juste de dire qu'on y est comme entraine malgre soi, qu'on y tombe fatalement et du premier coup. Quoi-qu'il faille, en general, se mefier des explications qui paraissent trop simples, notre esprit pouvant se lais-ser seduire ä certains mirages trompeurs que parfois elles nous montrent, on est bien oblige cependant de se rendre ä l'evidence, quand onjugepar comparai-son toutes celles qu'il est possible d'invoquer et que l'une d'elles seulement est capable de nous donner la clef des principaux, sinon de tous les phenomänes observes.
Quelles sont done les diverses hypotheses qu'on peut faire, pour se rendre compte de l'enGhatnement des phenomönes morbides successifs qui constituent le proeössus rabique? En d'autres termes, quelles sont les voies differentes que peut suivre l'agent pfoduc-teur des accidents dans la rage communiquöe pour se rendre de la plaie d'inoculation au bulbe rachidien, lesquels sont, comme nous l'avons vu, les deux points de depart et d'arrivee? Quant ä la question de plus ou moins longue duree de cette evolution morbide, il est de toute evidence qu'elle doit 6tre entierement releguee
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au second plan. Avant de s'informer du temps qu'une plante met ä germer, il Importe de savoir comment, partie d'un simple ovule, cette plante arrive, par des transformations successives, ä son etat de developpe-ment le plus complet. Or, posee en cestermes, la ques­tion devient d'une simplicite extreme. Le virus rabi-que, depose dans une plaie par morsure ou autrement, ne peut suivre que deux voies pour arriver au bulbe rachidien : ou la voie sanguine ou la voie nerveuse. Si, par hasard, onentrouve une troisieme que nous n'au-rions pas vue, on n'aura qu'ä la suivre avec le meme soin que nous allons nous efforcer de mettre ä parcou-rir les deux autres.
A.nbsp; — Dans la premiere Hypothese, le virus rabique s'introduirait dans le sang par les radicules veineuses ou lymphatiques, et ce n'est qu'apres avoir subi dans ce liquide une serie de transformations accessibles ou non ä nos moyens d'analyse, mais fatales et necessai-res, qu'il irait'produire sur le bulbe rachidien une irritation des plus vives, laquelle donnerait Heu aux symptomes de la rage dont tout le monde connait le denouement rapidement funeste.
B.nbsp; — Dans la seconde Hypothese, ce meme virus ra­bique s'attacherait aux extremites peripheriques des troncs nerveux qui aboutissent ä la plaie, puis, chemi-nant de proche en proche le long de ces derniers, arri-verait, apres un temps variable, jusqu'au bulbe rachi­dien, lequel, chacun le sait, a des connexions directes ou indirectes avec tous les nerfs du corps. Les acci­dents caracteristiques de la periode terminale de la rage ne se developperaient des lors qu'au moment oü l'agent morbide aurait atteint directement les amasde
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 19
substance grise qui entrent dans la constitution de ce centre nerveux.
Voyons maintenant quelles devraient etre les con­sequences principales de chacune de ces deux hypo­theses, voyons du moins celles qu'il est possible de prevoir.
A. — Dans l'hypoth^se de la voie sanguine il pour-rait arriver de deux choses, l'une :
1deg; Que le virus rabique, suivant les lois ordinaires del'absorption, fütintroduit rapidement dans le tor­rent circulatoire.
Dans ce cas, la cauterisation au fer rouge ou avec un caustique energique ne pourrait le detruire qu'ä la condition d'etre pratiqueetres-peu de temps apres que l'inoculation aurait ete produite (quelques minutes a peine et, pour ätre tres-large, un quart d'heure tout au plus).
2deg; Que ce meme virus, echappant aux conditions ordinaires de l'absorption, sejournät un temps plus ou moins long dans les anfractuosites de la plaie, sans rentrerdans le sang, auquel cas la cauterisation serait utile, tout le temps que cette absorption, pour une raison ou pour une autre, ne pourrait pas avoir lieu.
II y aurait encore une double question ä se poser pour ce dernier cas : ä savoir si l'absorption de l'agent rabique se ferait graduellement comme s'il s'agissait d'un corps faiblement soluble qui ne se laissät desa-greger que peu ä peu ou bien si eile se ferait tout ä coup, apres un temps indetermine et pouvant varier dans chaque cas particulier, comme si l'agent mor­bide etait constitue par un tres-petit corps solide et insoluble penetrant apr^s effort dans le torrent circu-D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 3
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20nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
latoire par une sorte d'effractiondes vaisseauxcapil-laires de la plaie.
Avec la premiere de ces alternatives, c'est-ä-dire avec une absorpcion graduelle et une sorte de delites­cence insensible, la cauterisation energique de la plaie deviendrait promptement inutile; avec la seconde, au contraire, la destruction du virus rabique deviendrait encore possible, tout le temps que ce dernier ne serait pas, pour ainsi dire, degluti; car le mot absorbe serait ici des plus impropres. Dans le premier cas, la caute­risation pratiquee une demi-heure et ä plus forte rai-son une heure apres I'inoculation serait certainement illusoire, tandis que dans le second on aurait encore des chances serieuses de cauteriser avec succes un, deux ou meme plusieurs jours apres I'inoculation.
Nous ne discutons pas en ce moment la valeur a accorder a toutes ces consequences atirer d'une m^me hypothese. Nous nous bornons ä enumerer toutes cellesqui enpeuvent decouler et qui doivent, par con­sequent, dtre mentionnees separement avant de pou-voir faire l'objet de la moindre discussion.
Quant ä ce qui concerne la duree de l'incubation, il est impossible de comprendfe pourquoi cette duree varie suivant les differents Cas. On ne pent admettre qu'une explication, si on pent appeler cela une expli­cation : c'est qu'il doit exister, dans cette hypothese, une difference de receptivite suivant les sujets.
Mais il est une consequence, pour ainsi dire neCes-saire, de latheorie sanguine (designation abreviative de la theorie basee sur le transport du virus rabique par le sang) : c'est qu'ä un moment donnlt;S soit de la periode d'incubation, soit de la periodecTinvasion des
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accidents, le sang doit etre inoculable, il doit, en d'au-tres termes, contenir le virus rabique en nature, et la raison en est facile ä saisir. Comment comprendre au-trement, qu'un agent morbide parti, par exemple, de la salive d'un chien, soit depose sur une plaie des teguments d'un autre chien, que ce mdme agent se retrouve identique ä lui-meme dans la salive du se­cond chien, sans que jamais il existe dans le sang de ce meme dernier chien, sans qu'il y jouisse, par con­sequent, ä un moment donne, des memes proprietes inoculables?
On pourrait objecter sans doute que la quantite de virus qui se trouverait dans le sang serait trop faible pour pouvoir etre inoculee. Mais qu'on veuille bien se reporter aux belles experiences de M. Davaine qui a demontre, pour la pustule maligne, combien de-vait 6tre minime et presque infinitesimale la quantite de virus charbonneux prise dans une goutte de sang et pouvant servir neanmoins ä l'inoculation chez un autre animal. On verra de la sorte qu'il devrait en etre de möme tres-probablement avec le virus rabique. Qu'on se rappelle d'autre part ce qui se passe pour le Virus syphilitique, lequel, pris sur un chancre d'un premier sujet, passe plus ou moins vite par inocu­lation dans le sang d'un second sujet et y reste identique ä lui-mdme. La preuve en est, c'est qu'en inoculant, ä un moment donne, le sang de ce second sujet sur lapeau d'un troisieme sujet, on voit se deve-lopper precisement un ulcere ayant tous les cäracteres du chancre primitif, c'est-ä-dire du chancre observe chez le premier sujet; II en est de möme de divers agents medicamenteux, tels que l'iode, la quinine,
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l'arsenic, etc., etc., qui seretrouvent en nature dans certaines secretions, apres qu'ils ont sejourne plus ou moins longtemps dans le torrent circulatoire. II n'est pas jusqu'ä l'alcool lui-meme qui ne se retrouve en nature et ne puisse ^tre obtenu par distillation dans la substance cerebrale ou dans d'autres organes, apres avoir traverse le sang.
Toutes ces analogies nous autorisent done k con-clure qu'en nous plagant toujours dans Thypothese de la transmission sanguine, le virus rabique doit äun moment donne exister en nature dans le sang d'un animal inocule.
B.—Dansl'hypothesedela transmission morbide en question paries troncsnerveuxquiauraient ete conta-mines a leur peripherie, les symptomes de la rage ne se declareraient qu'au moment oü I'alteration appre­ciable ou non de ces nerfs aurait atteint le bulbe ra-chidien. Des lors, la periode d'incubation repondrait ä la duree de cette propagation et, toutes choses etant egales d'ailleurs, [cette duree devrait etre en rapport direct avec la distance ä parcourir. En d'autres termes, plus le point d'inoculation s'eloignerait du mesoce-phale, plus la periode d'incubation devrait 6tre longue etvicZ versa. D'oii il resulterait, pour parier avec plus de precision, que, d'une maniere generale, la periode d'incubation devrait etre plus courte chez les enfants que chez les adultes, chez les petits animauxque chez les grands, plus courte egalement dans les morsures de la face que dans celles des membres et dans les segments des membres rapproches du tronc, le bras par exemple, que dans ceux qui en sont plus eloignes, comme la main ou le pied.
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Dans cette hypothese enfin, il serait possible de de-truire le virus rabique par la cauterisation non-seule-ment quelques heures, mais meme quelques jours apres l'inoculation.
Voilä ce que nous apprend la theorie dans ces deux. hypotheses, voilä, en d'autres termes, quelles de-vraient etre les consequences principales dechacun de ces modes de propagation.
Pour controler la valeur respective de ces deux hy­potheses, pour savoir celle qu'il faut adopter et celle qu'il convient de rejeter, nousn'avons pas de meilleur cn'feriumque 1'experience; c'est meme leseul que nous ayons, pour que nous pnissions nous prononcer en parfaite connaissance de cause. Voyons done ce que cette experience nous montre pour chaeune d'elles que nous allons alternativement examiner, comme ci-dessus :
A. — Appreciation des donnees fournies par Vexpe­rience. — II est bien difficile d'admettre l'absorption immediate ou du moinstres-rapide du virus de larage, quand on compare ce qui se passe apres une inocula­tion de ce virus avec ce qu'on observe apres l'inocu­lation des virus en general et l'application de la plu-part des poisons ä la surface de quelques muqueuses et de la peau denudee. Pourquoi le premier de ces agents morbides, pourquoi le virus rabique resterait-il inoffen sif et silencieux pendant des mois entiers et meme pendant un an et six jours, comme dans un cas cite par M. Simiac (1), ou pendant deux ans et deux
(1) Gaz. des hop., 1866, p. 363.
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mois, commedans celui de M. Morel (1), ouenfindeux ans et demi, comme dans Fobservation publiee par M. Fereol (2), tandis que le venin de vipere et surtout celui du crotale donnent lieu ä des accidents presque immediats?Pourquoi l'introduction dans rorganisme de la plupart des poisons est-elle suivie, ä bref de-lai, d'accidents tres-intenses et meme de la mort? Et d'ailleurs, dans l'hypothese d'une absorption rapide du virus de la rage, nous avons dejä vu que la caute­risation resterait sans effets au bout d'un temps tres-court, tandis qu'en realite les cauterisations meme tardives peuvent encore etre utiles. II resulte, en effet, d'une statistique fournie par M. C. Roucher (3), que dans les cas oü les morsures ne sont pas traitees la mortalite est de 94.6 p. 0/0; qu'apres la cauterisation immediate au fer rouge eile n'est que de 11 p. 0/0, et qu'apres les cauterisations tardives eile remonte ä 62.5 p. 0/0.
Les chiffres que donne M. Proust, dans un excel­lent rapportqu'il vient de publier (4) different peu des precedents et mettent encore hors de doute l'efficacite relative des cauterisations tardives. Ces chiffres ex-priment la mortalite suivante :
Pour les blessures noa cauterisees, 78 p. 0/0.
Pour les cauterisations immediates, 20 p. 0/0.
Pour les cauterisations tardives, 66 p. 0/0. •
(1)nbsp; Gaz. des höp., 1875, p. 139.
(2)nbsp; Loc. cit.
(3)nbsp;Ann. d'hyg. publ. et de mid. Ug., 28 Serie, t. XXV, 1866, p. 95.
(4)nbsp; Rapport sur les cas de rage observes en France pendant les annees 1869 ä 1876, dans Ann. d'hyg. pub, et de mid. Ug., 2e serie, t. L, p. 557.
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Nous venons de rappeler un fait que tout le monde connait, ä savcir : la rapidite d'action du venin issu recemment du crochet des ophidiens. Mais, pour mieux faire ressortirle contraste de la lenteur d'action du virus rabique, nous rapporterons un fait moins connu relatif ä l'action tres-rapide des venins desseches et que nous devons ä Breschet (1). Voici le passage relatif aux experiences instituees par ce savant obser-vateur : laquo; Je dirai, ä cette occasion, que l'absorption laquo; des virus et des substances deleteres esttres-active laquo; et tres-prompte chez les oiseaux. Je donnerai ä laquo; l'appui de cette proposition des experiences que j'ai laquo; faites d'abord avec M. le Dr Pravaz, puis que j'ai laquo; plusieurs fois repetees.
laquo; Je possedais du venin de plusieurs reptiles ophi-laquo; diens, que M. Lamare-Picquot avait rapporte des laquo; Indes orientales. Je delayais une tres-petite quan-laquo; tite de ce virus avec de la salive ou uu pen d'eau; laquo; puis, chargeant de cette solution une aiguille ä ca-laquo; taracte, j'inoculais le venin ä des pigeons et ä des laquo; oiseaux d'une plusgrande taille. Huit ou dix minutes laquo; apres cette inoculation l'oiseau etait tremblant, res-laquo; pirait avec peine, trainait del'aile etnepouvait plus laquo; tenir sur ses pattes, tombait sur le dos et presentait laquo; des mouvements spasmodiques. S'il ne recevait de laquo; prompts secours, il mourait en peu d'instants. raquo;
Si au lieu d'une absorption rapide du virus rabique on admet une absorption graduelle, il est difficile de com-prendre, en laissant meme de cote les cas ä incubation tres-longue, que cette absorption graduelle exige en-
(1) Compte-rendu des stances de l'Acad. des sc, 1840, t. XI, 494.
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26nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
core des semaines et des mois pour pouvoir s'operer. Quand au sejour de l'agent morbide dans une plaie oü il pourrait rester, sans s'alterer notablement pendant une si longue duree, c'est lä un phenomene physiolo-gique absolument impossible ä comprendre, quand on souge aux transformations rapides que subissent tou-tes les matieres organiques au milieu de nos tissus. Cette theorie de Vincubation sur place a ete soutenue toatefois par M. Matton (de Bouzonville), qui estl'au-teur d'un excellent memoire sur la rage chez l'hoinme et chez les animaux (1).
II faut bien se garder, cependant, de rejeter l'exis-tence d'un phenomene quelconque, par cela seul qu'on serait impuissant ä l'expliquer. Si on parvient ä de-montrer, par un moyen quelconque, que le sang sert de vehicule au contagium de larage, qu'importe qu'on ne sache pas s'en rendre compte, pourvu que le fait existe et soit parfaitement demontre?
Or, si on en excepte unprofesseur de medecinevete-rinai re de Berlin, M. Hertwi ch (2), qu i adrnet que le prin-cipe contagieux laquo; n'existe pas seulement dans la sa-laquo; live e1 le mucus buccal, mais aussi dans le sangf et laquo; dans le parenchyme des glandes salivaires, raquo; nous n'avons pu decouvrir que des partisans de la doctrine opposee.
Voici ce que dit, en effet, M. Berthold (3) dans une lettre qu'il adresse en reponse ä M. Gase : laquo; Ma theo-laquo; rie s'appuie sur des experiences entreprises sur des laquo; chiens attaques de l'hydrophobie, et par lesquelles
(1)nbsp; Archiv, gen. de med., 1868, 6e s^rie, t. Xlf, p, 244.
(2)nbsp; Archiv, gin. de mid., 1830, 1quot; s^rie, t. XXII, p. 542.
(3)nbsp; Archiv, gin. de mid., 1828, 1laquo; serie, t. XVII, p. 479.
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laquo; jemesuisconvaincuque lasaliveseule, et nonpoint le laquo; sang, est capable de propager la maladie. raquo;
Voici, d'autre part, l'assertion de Dreschet (1) sur ce point important:
laquo; Le sang serait-il altere dans la rage ? M. Dreschet laquo; repond ä cette question par les experiences suivan-laquo; tes : Plusieurs fois, dit-il, j'ai cherche k faire la laquo; transfusion du sang, ä faire passer le sangd'un chien laquo; enrage dans le Systeme circulatoire d'un chien en laquo; etat de sante; mais,- comme l'operation est delicate, laquo; difficile et surtout dangereuse, au lieu de continuer laquo; ä pratiquer la transfusion, je me suis borne plus laquo; tard ä obtenir, par la saignee, du sang de l'animal laquo; enrage, et apres l'avoir delaye dans un peu d'eau laquo; distillee tiede, je l'ai injecte dans une veine d'un ani-laquo; mal sain. Dans toutes ces experiences, je ne suis ja-laquo; mais parDenu ä determiner le developpement de la laquo; rage, bien que ces experiences aient ete repetees plu-laquo; sieurs fois. Ces derniers essais ne tendent-ils pasä laquo; demontrer que la have de Venrage offre seule les con-laquo; ditions necessaires pour transmettre la mala-laquo; die? raquo;
De son cote M. Jolly, dont nous deplorons la mort recente, avance ce qui suit (2) :
laquo;...... car toutes les tentatives d'inoculation du sang,
laquo; du lait et detoutautre fluide animal riont pu trans-laquo; mettre la maladie, tandis que bien peu de person-laquo; nes echappent ä l'effet de l'inoculation de la bave laquo; des animaux atteints de rage. raquo;
(1)nbsp; Archiv, gen. de mid., 1840, 3e serie, t. IX, p. 230.
(2)nbsp; Bull, de l'Acad, de mid., seance du 27 octobre 1863,t.XXIX, p. 106.
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28nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
Nous terminerons ces citations en donnant l'opinion de M. Bouley, qui sans se prononcer d'une maniere absolue incline ccpendantvers l'opinion soutenue par ces derniers auteurs :
laquo; L'etat virulent du sang des animaux enrages, dit-laquo; il (1), ne ressort done pas des faits et des experien-laquo; ces connues jusqu'ä present. Au contraire, le plus laquo; grand nombre des faits recueillis, soit par voie expe-laquo; rimentale, soit par Vobservation, tendent ä etablir laquo; que cet etat virulent n'existepas. Mais une observa-laquo; tion absolue dans ce dernier sens ne nous semble laquo; pas permise, parce que les faits de Hertwig, d'Eckel, laquo; de Lafosse, s'ilsn'ontpas un caractere suffisamment laquo; probatif, ne laissent pas cependant que de faire laquo; nattre quelque doutes dans l'esprit et obligent par laquo; consequent ä une certaine reserve. De nouvelles ex— laquo; periences sont necessaires pour eclairer cette ques-laquo; tion. raquo;
Mais, pour ne rien laisser dans rombre de ce qui touche ä cette importante question, pour ne pas elu-der surtout les objections pouvant provenir de certains faits, nous croyons devoir rappeler ici celui qui sem-blerait le plus probant en faveur de l'opinion qui ten-drait ä admettre la realite de la virulence du sang. Nous copious done textuellement ce qui a rapport ä ce fait, dans l'excellent article de M. Bouley :
laquo; M. Lafosse, dit-il (2), qui incline ä penser que le [laquo; raquo; sang, dans la rage comme dans beaueoup d'autres raquo; maladies contagieuses, estimpregne devirus, raquo;] in-
(1) Art. Rage, du Diet, eneycl. des sc, wied.,3e serie, t. II, p. 46. Paris, 1874,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; *#9632;
' (2) Art. jRage. Loc. cit.,p. 45.
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 29
laquo; voque ä l'appui de cette presomption le fait tres-laquo; interessant d'une vache pleine qui, ayant contractcopy; laquo; la rage quarante jours apres avoir ete mordue par laquo; un chien enrage, mit bas, pendant sa maladie, un laquo; veau sur lequel les symptomes de la rage se decla-laquo; rerent le troisieme jour apres sa naissance. On avait laquo; pris des precautions, dit M. Canillac, veterinaire de laquo; l'Allier, auquel on doit cette observation, pour em-laquo; pecher la vache de lecher son veau, qui fut allaite laquo; pendant deux jours par une autre nourrice. Ce fait laquo; unique aurait effectivement une grande valeur pro-laquo; bative de l'etat virulent du sang sitoutes lesprecau-laquo; tions avaient ete prises pour prevenir I'inoculation. laquo; On a empeche la vache de lecher son veau; mais il laquo; y avait de la have sur la litiere de la vache, les per-laquo; sonnes qui ont recueilli le veau pouvaient en avoir laquo; les mainsraquo; impregnees. On a pu se servir de cette li-laquo; tiere pour le secher plus vite. Dans une question de laquo; cette nature, on ne saurait se montrer trop exigeant laquo; ä l'egard des preuves. raquo;
Le passage suivant, extraitdu meme article, se rap-porte evidemment au meme cas, bien qu'il s'agisse ici d'une vele et non d'un veau, comme cela etait dit par erreur dans le passage precedent. Je crois done devoir reproduire integralement tout le passage, malgre sa longueur:
laquo; A l'opposite des periodes d'incubation, dont la laquo; dureeest excessive, ditM. Bouley (1), comme celles laquo; dont Haubner a cite des exemples, il faut placer le laquo; cas qu'a fait connaitre M. Canillac, d'une vele, nee
(i)P. 163.
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laquo; d'une mere enragee, et chez laquelle la rage se de-laquo; clara le troisieme jour apres sa naissance. Ce fait laquo; est trop interessant pour qu'il n'y ait pas lieu de le laquo; reproduire ici dans ce qu'il a d'essentiel. La vache laquo; dont M. Canillac a donne la relation avait presente laquo; les symptomesde la rage le 30novembrel856, qua-laquo; rante jours apres la morsure d'un chien enrage. Le laquo; ier decembre, eile mit bas facilernent et prompte-laquo; mentune belle vele qui paraissait bien portante. raquo; [ laquo; La mere. ditM. Canillac, avait quelque peu essaye raquo; de la lecher, mais une faible partie de la langue pou-raquo; vait seule sortir de la bouche, car les mächoires raquo; etaient serrees.... Comme cette bete n'avait pas de raquo; lait, on donna ä la vele une autre nourrice, qu'elle gt; teta parfaitement le soir de sa naissance et pendant raquo; la journee du lendemain. Mais le troisieme jour eile raquo; refusa le teton et devint triste ; ses yeux etaient raquo; proeminents, brillants ; eile avait la t^te tendue en raquo; avant; des contractions spasmodiques se faisaient raquo; remarquer dans les muscles de l'encolure ; la saliva-raquo; tion etait abondante et le petit animal faisait enten-raquo; dre des beuglements frequents, faibles etavortes. raquo;] laquo; C'etait la rage manifestement, ajoute M. Bouley, laquo; dont cette vele de trois jours etait atteinte. Comment laquo; l'avait-elle contractee ? Est-ce par les lechements de laquo; sa mere ou bien est-ce par le sang qui leur etait laquo; commun, pendant qu'elle faisait corps avec eile ? laquo; Cette derniere supposition est laplus admissible, en laquo; raisondutemps si court ecoule entrele moment oü laquo; l'inoculation par la langue maternelle aurait ete laquo; faite et celui oü la rage s'est manifestee sur la jeune laquo; vele, en moins de trois jours! Si Ton admet, au con-
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laquo; traire, que la rage de cette vele procede de celle de laquo; samere, parce que l'on peutbien appeler tres-rigou-lt;f reusement la transfusion du sang, sa periode d'in-laquo; cubation ne serait plus alors d'un peu moins detrois laquo; jours, mais bien de cette courte periode, plus les laquo; quarante jours de l'incubation dans l'organisme de laquo; la mere. Mais pour que cette conclusion füt tout ä laquo; fait permise, il aurait fallu que la vele eüt ete com-laquo; pletement isolee de sa mere immediatement apr^s laquo; sa naissance, et soustraite ä ses lechements, si courts laquo; qu'ils aient ete. L'intervention de cette derniere cir-laquo; Constance force ä des doutes et oblige ä des reserves laquo; relativement ä la signification de ce fait, qui serait laquo; une demonstration des plus concluantes de l'etat vi-laquo; rulent du sang dans la rage, si l'on avait la certi-laquo; tude absolueque c'est dans le ventre de sa mere que laquo; lavele a contracte sa maladie. raquo;
Voici ce que dit, de son cote, M. le professeur Brouardel (1), dans son excellent article : Rage chez Vhomme.
laquo; Dupuytren et Breschet ont inutilement frotte des laquo; plaies avec du sang pris ä un animal enrage. La laquo; transfusion elle-meme, l'injection du sang d'un ani-laquo; mal malade dans les veines d'un animal sain n'a laquo; produit aucun resultat (voy. toutefois les details des laquo; experiences relatees par Bouley, p. 44). Nous rap-laquo; porterons dans un instant Thistoire d'une femme en-laquo; ceinte qui accoucha deux jours avantl'apparition de laquo; l'hydrophobie et dont I'enfant vecut n'ayant jamais laquo; presente aucun des symptomes de la rage.
(1) Diet, encycl. des sc. mid., 3C serie, t. II, p. 194 et suiv.
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laquo; Le sang ne parait done pas contenir meme ä l'etat laquo; frais les materiaux du virus rabique.
laquo; La mere ou la nourrice ne transmet done ni au laquo; foetus, ni äl'enfant ä la mamelle, la rage dont eile laquo; est atteinte (ces faits sont concordants avec eeux laquo; que rapporte notre collaborateur, p. 46). raquo;
Pour que l'appreeiation de ees divers faits servant de eontrole ne nous fasse pas perdre de vue le fit du raisonnement que nous avons pris pour guide, il est bon de resumer ici l'impression qui nous parait devoir resulter de l'examen de la theorie sanguine. Or, sans vouloir prejuger en aueune fagon les enseignements plus rigoureux et plus precis qui resulteront de la eomparaison de eette theorie avec eelle que nous allons examiner bientöt, nous pouvons avancer des ä present sans crainte de nous tromper, que, ä defaut d'edair-cissements nouveaux, la theorie sanguine soul^ve bien des diffieultes et nous mene ä des donnees vagues et parfois eontradictoires.
C'est ainsi :
1deg; Qu'une absorption Rapide du Virus de la tage se Goncilie diffieilemeut aved la longue dilree de l'ineuba-tion ainsi qü'aved l'efficacite relative, pourtant bien reconnue defe cauterisations tardives;
2deg; Qti'une absofptioiiqui met des semaines, des mois et m^me üne ann^e ou deux k s'accomplir rie se com-pj-eiid guerej sürtout si on la compare ä l'absdrption defe venins oü des poisons, qui s'aeeomplit toüjours tres-rapidement;
3deg; Que le sang servant d'intermediaire entre la sa-live virulente du sujet injeetant et Gelle non moins vi-
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rulente du sujet injecte, devrait necessairement pos-seder lui-möme des proprietes virulentes manifestes ;
4deg; Que cette virulence, dans la rage, loin d'etre par-faitement etablie, est rejetee par la plupart des experi-mentateurs et ne repose que sur un tres-petit nombre de faits d'une interpretation tout au moins douteuse.
Cela fait, soumettons la theorie nerveuse au mamp;me controle experimental que celui auquel nous venous de soumettre la theorie sanguine.
B.—Appreciation des donneesfourniesparVexperience. — S'il est vrai que I'agent rabique se transmette au bulbe rachidien par l'intermediaire des cordons ner-veux qui emanent de la blessure, il doit en resulter necessairement, comme nous l'avons dejä dit, que la duree de l'incubation doit ^tre en rapport avec la dis­tance ä parcourir. II peuty avoir, sans doute, d'autres conditions qui fassent varier cette duree ; mais celle relative ä la distance qui separe le siege de la morsure du bulbe rachidien doit etre preponderante, si du moins eile repose sur un fondement vrai.
Voyons d'abord ce qui a trait a la duree de l'incuba­tion, chez les enfants:
laquo; Nous continuons ä rechercher, dit Tardieu (1), laquo; dont les recherches statistiques ont jete un si grand laquo; jour sur cette question, l'influence que l'äge pent laquo; exercer sur la duree de Tincubation de la rage trans-laquo; mise ä l'espece humaine. Dejä nous nous etions cru laquo; en droit de faire remarquer combien cette duree
(1) Rapport sur l'enquete concernant les cas de rage observes en France pendant les annees 1859, 1860, 1861 et 1862, dans Ann. d'hyg. publ. et de mid, Ug., 1863, 2lt;gt; s^rie, t. XX, p. 458.
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34nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATriOLOGIQUE
laquo; pouvait etre abregee chez les träs-jeunes enfants. laquo; De nombreux examples fournis par l'enquMe des laquo; quatre dernieres annees sont venus confirmer plei-laquo; nement cette donnee interessante et neuve. En laquo; effet, chez:
Enfants.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;Jraquo;laquo;s-
8nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 2 ä 13 ans, Vincubation a durenbsp; nbsp; nbsp; nbsp;13
1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 3 ans ä 3 ans 1/2,nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;15
1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; de 11 ans 1/2,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;19
2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; de 3 et 11 ans 1/2,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;20 1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 13 ans,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;23 1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 5 ans,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;25 1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 11 ans 1/2,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;29 1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;de 2 ans 1/2,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;30
laquo; Ce n'est pas lä sans doute une loi absolue, car laquo; nous avons note d'autres cas oü, chez des enfants laquo; de 2 ä 3 ans, l'incubation a ete de trente, quarante laquo; jours et plus. Mais il y a certainement dans le fait laquo; que nous avons releve une particularite qu'il n'est laquo; pas permis de considerer comme insignifiante et qui laquo; eclaire certainement un point de Vhistoire pathoge-laquo; nique de la rage. raquo;
Voici, d'autre part, ce que dit M. Brouardol (1) de Vinfluence de Vage et du siege des morsures sur la du-ree de Vincubation :
laquo; Depuis longtemps on avait signale la moindre laquo; longueur de l'incubation chez les enfants. Virchow laquo; avait donne cette opinion comme probable et Cho-
^1) Loc. cit., p. 203 et suiv.
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 35
laquo; mel la professait; reproduite avec quelques chiffres laquo; ä l'appui par Tardieu, dans son rapport, eile a sem-laquo; ble mise en evidence par les documents recueillis laquo; de 1862 ä 1872, par le comite d'hygiene. laquo; Voici le resume de cette enquete :
laquo; Au-dessous de 20 ans, la duree moyenne de l'in-laquo; cubation estde 41 jours.
laquo; Au-dessus de 20 ans, la duree moyenne de l'in-laquo; cubation est de 67 jours.
laquo; Ces resultats sent fort interessants, mais bien laquo; qu'ils soient deduits de l'analyse de 139 observa-laquo; tions, il est ä desirer qu'ils soient completes et con-laquo; firmes par de nouvelles recherches. Ils se trouvent, laquo; en effet, en contradiction avec les donneesqui resul-laquo; tent de l'analyse de 88 observations recueillies et laquo; publiees par des medecins.
laquo; Voici le tableau de la duree d'incubation d'apres laquo; l'äge (88 observations publiees ou communiquees laquo; par des medecins):
laquo; Au-dessous de 20 ans, la duree moyenne de l'in-laquo; cubation a ete de 70 jours.
laquo; Au-dessus de 20 ans, la duree moyenne de l'incu-laquo; bation a ete de 63 jours.
laquo; II y a entre ces deux enquätes une contradiction laquo; manifeste dont nous avons recherche la cause et laquo; nous croyons l'avoirtrouvee. Reunissant l39obser-laquo; vationspour lesquelles nous possedons des rensei-laquo; gnements sur l'äge du blesse, la duree de l'incuba-laquo; tion et le siege precis de la morsure, nous avons laquo; dresse le tableau suivant, qui montre, selon nous: D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;4
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1
36nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE L\ PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
1deg; Que la duree de Vincubation est plus courte, d'une laquo; fagon generale, pendant Venfance que pendant Vage lt;.lt; adulte et la vieillesse;
laquo; 2deg; Que le siege de la morsure a une influence au laquo; moins aussi puissante sur la duree de iHncubation.
laquo; Dans ce tableau nous avons reuni dans une meme laquo; colonne les morsures des mains et des membres laquo; superieurs. L'analyse donne un ecart de deuxjours laquo; pour l'incubation dans ces deux categories {Id jours laquo; pour le bras etVavant-bras, Ih pour la main.
laquo; En prenant les resultats generaux de ce tableau laquo; on voit :
laquo; 1deg; Variations d'apres l'age. Au-dessous de laquo; 20 ans la duree de Vincubation a ete de 57 jours; au-laquo; dessus de 20 ans la duree de Vincubation a ete de 68.
laquo; 2deg; Variations d'apres le siege des morsures. laquo; Morsures au visage : Duree de Vincubation, b8 jours. aux membres :nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 69 —
On peut voir, par la comparaison de ces chiffres, que la duree de l'incubation est loin d'etre exactement proportionnee ä la difference de distance de la bles-sure au bulbe. Cette duree est, en effet, relativement plus longue pour la face que pour les membres ; nous verrons, plus tard, s'il n'est pas possible de donner de cette differience une interpretation plausible, sinon reelle.
Quant aux durees extremes de la periode d'incuba-tion, elles sont difficiles ä fixer d'une maniere precise. La duree la plus courte est evaluee k cinq jours par
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 37
M. A. Hammond (1) et äseptouplutdtä dix ouonzejours par M. Brouardel (2). La duree la plus longue estpor-teeavingt mois par le premier de ces medecins, et Ton a vu cependanl que cette limite aete depasseedans les obsefvations de MM. Morel et Fereol (voy. p. 24). Quant ä M. Brouardel, il rejette avec raison les in­cubations demesurement longues, mais ne fixe pas une limite maximum. II incline ä croire seulement (Zoc. cit., p. 220) que les cas dont l'incubation a dure quatre, cinq, huit et dix ans pourraient bien n'etre autre chose que des cas de delirium tremens meconnus.
II serait extrömement interessant de rechercher par de nouvelles statistiques si la longueur de l'incuba­tion varie reellement, comme nous le croyons, avec la taille des animaux d'especes differentes ou d'indi-vidus differents dans la möme espece. Nous n'avons pu trouver, ä cet egard, que le seul petit document suivant:
Dans un memoire important adresse ä l'Academie de medecine, Bou din dit, ä la 8deg; conclusion (3) :
laquo; La science ne possede rien de positif sur les limi^. laquo; tes extremes de la periode d'incubation de la rage laquo; dans l'espece humaine; cette periode paralt devoir laquo; durer sept moischez le chien (M. Youath) et quatörze laquo; men's et demi chez le cheval. raquo;
A defaut d'une precision impossible ä obtenir avec le peu de documents dont nous disposons, nous avons eu l'idee de noü5 livrer ä un calcul approximatif sur
(1)nbsp; Revue des sc. mid., journal de Hayem, 1875, t, VI, p. 157.
(2)nbsp; Loc. cit., p. 202.
(3)nbsp; Bull, de VAcad. de mid., seance du 12 novembre 1861, tome XXVII, p. 123.
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38nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGKiUE
la duree relative de la periode d'incubation suivant la taille des differents animaux. La statistique que nous avons examinee porte sur :
63 animaux de l'espece ovine et caprine,
144 animaux de l'espece canine, 20 grands ruminants, 23 animaux de l'espece chevaline.
Malheureusement, les categories precedentes ne correspondent pas exactement ä des animaux de taille differente, et dans quelques-unes on a du comprendre des animaux de taille inegale, de teile fafon que les resultats obtenus ne peuvent pas etre bien concluants. Nous croyons devoir les rapporter cependant, ne serait-ce que pour indiquer la marche qui nous parat-trait de nature ä en donner de plus probants ä l'avenir, lorsqu'on pourra disposer de documents pouvant se prater ä une comparaison mieux etablie et par conse­quent plus fructueuse qne celle dont il s'agit en ce moment.
Nous avons trouve que, par iamp;te d'animal, la duree moyenne de l'incubation etait :
Pour un animal de l'espece ovine ou ca­prine, de............nbsp; nbsp; nbsp; 28 jours.
Pour un grand ruminant.......nbsp; nbsp; nbsp; 37.25 —
Pour un chien.........nbsp; nbsp; nbsp; 40.24 —
Pour un cheval.........nbsp; nbsp; nbsp; 65 —
Quoique, nous l'avons dejä dit, un pareil resultat ne puisse pas nousconduire ä des conclusions quelque peu certaines dans un sens ou dans l'autre, et qu'il porte d'ailleurs sur des chiffres trop peu considera­bles, nous avons cru devoir le rapporter, dans la pen-
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ET DU TRA1TEMENT RATIONXEL DE I.A RAGE. 39
see qu'il pourrait ne pas etre absolument denue d'in-teret.
Les donnees precedentes ont ete empruntees aux tableaux indiques par M. Bouley (1),
II nous reste ä dire comment nous avons precede pour obtenir ces chiffres.
Prenons, par exemple, le tableau des grands rumi­nants, qui est le plus court :
Chez 4 de ces animaux, la periode d'incubation a ete de 20 ä 25 jours ou de 22.5
Chez 2 —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; -nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;25 ä 30nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 27.5
—nbsp; nbsp; 7 —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;30ä40nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 35
—nbsp; nbsp; 5 —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 40 ä 50nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 45
—nbsp; nbsp; 2 —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 60 ä 70nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 65 Apres avoir etabli les multiplications suivantes :
4 X 22.5
2X27.5
7X35
5X^5
2X65 Nous obtenons un chiffre total de 745 jours, lequel divise par 20 (tiombre d'animaux) donne 37 jours 25.
Dans une etude aussi complexe que celle qui a trait ä la physiologie pathologique d'une entite morbide quelconque, les questions se pressent, au point de devenir une grande cause d'embarras pour l'esprit, qui doit necessairement les scinder et aurait besoin cependant de les eclairer constamment les unes par les autres. On ne saurait done trop repeter combien cette etude exige d'attention et de methode, autant de
(I) Loc, cit., art. Rage, p. 158 et suiv.
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40nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
la part du lecteur que de l'auteur lui-meme, quand on a pris a coeur, bien entendu, de se rendre compte par soi-m^me de cette complexite en apparence inex­tricable de phenomenes morbides et qu'on ne veut pas plus accepter que donner des assertions sans preuves.
II devient des-lors necessaire, non-seulement de poser de nombreux jalons, mais encore de les verifier et de les reconnattre tres-souvent, de fa^on ä ue pou-voir pas s'egarer dans Tetroit et obscur sentier oü Ton chemine si peniblement. Or, avec les simples donnees de statistique dont nous sommes parvenu, nous l'esperons du moins, ä faire ressortir la verita­ble signification, nous pouvons dire, sans attacher ä notre assertion aucune vaine consideration person-nelle, que la theorie sanguine setrouve ruinee du pre­mier coup. Non, il n'est plus possible qu'une theorie spii ne conduit a rien de precis, qui ne laisse que des doutes et des contradictions dans I'esprit, qui a suffi ä eile seule, a arreter les tentatives incessantes de progres qui ont voulu se faire jour sur cette question si importante de la pathogenic de la rage, il n'est plus possible qu'une pareille theorie subsiste et trouve desormais des defenseurs parmi les medecins ou les veterinaires qui voudront bien se donner la peine d'y reflechir. Et cependant, qu'on veuille bien ouvrir pres-que au hasard le premier ouvrage ou memoire venu traitant de la rage, et Ton est sür d'y trouver, ä tres-peu d'exception pres, Vahsorption du virus rabique acceptee comme un de ces dogmes auxquels il serait interdit de porter une main sacrilege. Que font-ils done ces medecins praticiens qui jettent vin regard de
^M
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 41
dedaia ou de pitie sur les theoriciens dont le travail patient les importune; que font-ils quand ils se paient de mots et qu'ils mettent leurs assertions en place de la realite, quand ils parlent d'une absorption qui n'a jamais existe que dans leur imagination ; que font-ils, si ce n'est de la theorie et de la detestable theorie ?
Nous disons que la theorie sanguine doit ceder le pas ä la theorienerveuse, laquelle nous explique deja non-seulement le travail sourd qui se passe pendant la longue incubation de l'agent rabique, mais en­core qui nous fait voir comment cette incubation doit varier necessairement suivant l'äge des su-jets et le siege de l'inoculation, et qui nous rend compte de la destruction possible de cet agent, meme par des cauterisations tardives. Est-ce ä dire que Ton s'explique de la sorte toutes les particularites delape-riode d'incubation ? Non, assurement; car il existe d'autres conditions que nous etudierons plus tard et qui nous paraissent en häter ou en ralentir le cours.
De meme, il ne suffit pas de savoir la direction que prend le virus rabique pour qu'on puisse se flatter d'en connaitre toutes les conditions de developpement. C'est ainsi qu'on doit se deroander comment il se com-porte dans les cordons nerveux, quelles sont les par­ties Constituantes de ces nerfs qu'il suit dans sa mysterieuse migration, ce qu'il fait dans le bulbe ra-chidien et au delä, de quelle nature il est, etc., etc., toutes questions dont nous n'aurons pas la folle pre-somption de donner une solution complete ou m^me ä peu pres satisfaisante, mais que nous devons du moins nous attacher ä bien poser et ä separer nette-ment, pour que nous ne soyons pas expose ä les con-
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.
42nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA. PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
fondre et ä marcher dans un veritable chaos pathoge-nique.
Mais, avant d'aborder ces diverses questions, nous devons repondre ä une objection qu'on pourrait soule-ver au sujet de l'insensibilite du nerf contamine du-rant toute la periode d'incubation. On s'etonuera sans doute qu'un agent morbide qui amene la mort, trois ou quatre jours en moyenne apres que le bulbe rachidien a ete atteint, qu'un agent capable d'eveiller ä un si hautdegre toutes les formes de la sensibilite, puisse cheminer si longtemps le long de quelques fibres nerveuses sansy provoquerde ladouleur ou sans en faire naitre dans les fibres voisines. Nous ne nous chargeons pas assurement d'expliquer cette particula-rite, pas plus qu'on n'explique en physique ou en chi-mie les phenomenes dont on est rendu temoin. Nous devons done nous borner ä constater le fait sans pou-voir l'expliquer.
On pent affirmer, du moins, que ce n'est pas lä le seul excitant auquel le tissu nerveux reste insensible. Voici ce qu'on peut lire, en effet, dans les remarqua-bles legons de M. le professeur Vulpian (1) ä propos de l'excitabilite des faisceaux antero-lateraux de la moelle epiniere, dont il a pu nettement reconnattre l'existence malgre les experiences negatives de MM. Calmeil, Van Deen, Brown-Sequard et Chau-veau. laquo; II semble, dit-il, que la demonstration presen-laquo; tee par M. Chauveau ait une certaine rigueur; mais laquo; sous cette rigueur se cache une insuffisance reelle laquo; que vous aJlez admettre avec moi. M. Chauveau
(1) Legons sur la physiol. gän. et comparte du syst. nerv., p. 359 et suiv.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 43
laquo; n'emploie dans ses recherches,comme procedes me-laquo; caniques d'excitation, quela piqüre par lesepingles laquo; ou le grattage. Je sais bien qu'il compare les fais— laquo; ceaux aux racines, et qu'il voit le meme excitant laquo; agir avec force sur les racines et rester sans effet laquo; sur les faisceaux de la moelle epiniere. II prouve laquo; tout au plus ainsi que les racines des nerfs ont une laquo; excitabilite beaucoup plus vive que les cordons me-laquo; dullaires, mais il ne prouve pas l'inexcitabilite de laquo; ces faisceaux. Avec ces mömes procedes d'excitation laquo; on riobtiendrait assurement aucun effet, non plus en laquo; agissant sur les nerfs, sur les nerfs sciatiques, par laquo; exemple, dans certaines conditions donnees ; et ce-laquo; pendant on ne conclurait certainement pas de cette laquo; epreuve negative que le nerf sciatique ne possede ni laquo; sensibilite, ni motricite. II faut, comma on le sait laquo; parfaitement aujourd'hui, des excitations plus ou laquo; moins energiques pour mettre en jeu l'activite des laquo; fibres nerveuses dans teile ou teile region.raquo; M. Vul-pian ajoute quelques lignes plus loin qu'il faut pres­ser ces faisceaux antero-lateraux entre les mors d'une pince pour avoir la preuvequ'ilssont reellementdoues de motricite.
Pourquoi serait-il des lors plus etonnant de voir le virus rabique ne pas developper de la sensibilite taut qu'il se propage le long des cordons nerveux et ne la faire naitre qu'ä son arrivee dans le bulbe ? Nous verrons meme un peu plus tard (p. 119) que la produc­tion de cette douleur n'est pas chose facile ä compren-dre et qu'elle pourrait exiger un mecanisme lout par-ticulier. Ce resultat n'a pas plus lieu de nous surprendre que celui du defaut de propagation de la
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44nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
sensibilite dans les fibres nerveuses saines, faisant partie dunerf interesse par l'inoculation rabique.Car, d'apres Müller (1), laquo; les sensations des fibres nerveuses laquo; ^es plus deliees sont isolees comme celles des troncs laquo; nerveux, et ne se mUentpoint les unes avec les autres laquo; depuis les parties exterieures jusqu'au cerveau. *
Cherchons ä etablir maintenant ce qui se passe dans le nerf contamine durant la periode d'incubation ou, en d'autres termes, dans tout le trajet de ce nerf qui va de la blessure au buibe rachidien. Quelle est, en premier lieu, la partie Constituante de ce cordon ner­veux qui doit servir ä la propagation du virus rabi-que ? Evidemment, cene peut sect;tre que le cylindre axe qui se prolongeseu^ jusqu'ä la moelle epiniere et de lä au bulbe rachidien. On sait, en effet, que la myeline disparait al'Drigine et ä la terminaison des fibres ner­veuses. laquo; Nous voyons, dit M. J. Renaut (2), qu'ä ses laquo; deux extremites le Systeme nerveux constitue par laquo; des filaments depourvus de myeline, est mis en rap-laquo; port, a l'aide de communications norobreuscs, avec laquo; des cellules nerveuses multipolaires. raquo; N'est-ce pas ce cylindre axe, d'ailleurs, qui constitue la partie fon-damentale des tubes nerveux et par consequent du nerf lui-meme ? N'est-ce pas lui qui se propage seul jusqu'aux cellules nerveuses, ressemblant en cela au fil metallique dJun galvanometre qui constitue seul l'element conducteur de l'electricite ä l'exclu-sion du tissu de soie qui l'enveloppe et joue, comme
(1)nbsp; Voir le Traiti des nivroses d'Axenfeld, dans Elim. de pathol. mid. de Requin, t. IV, p. 164. Paris, 1863.
(2)nbsp; Art. Syst. nerv. (Anatomie) du Diet, encycl. des sc. mid., 2raquo; s6rie, t. XII, p. 424.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 45
la myeline dans le nerf, un röle exclusivement iso-lant ?
Mais, pour qu'on ne nous croie pas sur parole, voici ce que dit, ä ce sujet, l'auteur d'un excellent article public recemment sur Vanatomie des nerfs : laquo; Le fila-laquo; ment axile, dit M. J. Renaut (1), ä l'inverse de la laquo; myeline, semble continu depuis l'origine d'un tube laquo; nerveux dans les centres jusqu'ä sa terminaison pe-laquo; ripherique. II ne presente aucun vestige de cloisons laquo; transversales, la potasse et les autres liquides dis-laquo; sociateurs ne le resolvent pas en fragments de meme laquo; forme et de meme longueur. II parait etre uneema-laquo; nation des cellules nerveuses, dans lesquelles il laquo; prend naissance sous forme de prolongement de laquo; Deiters. Au voisinage de la cellule dont il emane, et laquo; ä celui de sa terminaison, le filament axile n'estpas laquo; entoure de myeline. II semble que cette derniere ait laquo; seulement pour but de l'accompagner, de le soute-laquo; nir et de l'isoler dans son parcours plus ou moins laquo; long entre la cellule nerveuse et l'organe oü il se laquo; termine,c'est-ä-diredansla portionpurement trajec-laquo; tive qui, au point de vue physiologique, est sans laquo; fonctions en dehors de] la conduction qu'elle exe-laquo; cute. Nous pouvons prevoir dejä de cette fa?on que laquo; la myeline est un organe de perfectionnement. Cette laquo; maniere de voir est pleinement corroboree lorsque laquo; l'onchercheäcoordonner, dans une idee d'ensemble, laquo; les differents organes qui concourent ä la formation laquo; des tubes nerveux ä moelle, et ä examiner ces laquo; derniers au point de vue syntbetique de l'anatomie laquo; generate.
(1) Diet encycl. des sc. m£d., 2e sfirie, t. XII, p. 142.
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Voici ce que dit, d'autre part, M. le professeur Ran­vier (1): laquo; Les cellules nerveuses, bien que tres-va-laquo; riables dans leur forme et leur dimension, ont ce-laquo; pendantun caractere commun; ellesemettent toutes laquo; des prolongements qui deviennent des fibres ner-laquo; veuses. Ces fibres, apres un parcours plus ou moins laquo; compiique dans les centres, s'associent pour former laquo; les nerfs peripheriques et se continuent sans inter-laquo; ruption jusqu'ä leur terminaison dans les organes.
laquo; II n'y a done pas lieu de distinguer, en se pla^ant laquo; 11 est vrai ä un point de vue tres-general, les fibres laquo; nerveuses comme des elements speciaux, car elles laquo; sont des prolongements cellulaires extr^mement laquo; etendus et formees d'une substance semblable ä celle laquo; des cellules dont elles emanent. C'est ainsi qu'une laquo; fibre nerveuse nee de la moelle epiniere, et qui, laquo; apres avoir parcouru une certaine portion de lasub-laquo; stance blanche de eel organe, s'engage dans une ra-laquo; cine sacree pour suivre le nerf sciatique et venir se laquo; terminer dans un des muscles du pied, doit etre con-laquo; sideree, dans toutes les portions de ce long trajet, laquo; comme un prolongement cellulaire, et c'est, ä pro-laquo; prement parier, la cellule nerveuse elle-m^me etiree laquo; en un pedicule extr^mement allonge qui vient im-laquo; pressionner la fibre musculaire ä laqnelle eile com-laquo; mande. raquo;
II ne suffit pas de savoir que le cylinder axis consti-tue dans le nerf l'agent de transmission du virus ra-bique. On doit encore se demander quelles sont dans un nerf mixte les fibres nerveuses qui servent ä cette
(1) Traite technique d'hist,, p. 710. Paris, 1878.
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ET DU TRA1TEMENT HATIONNEL DE LA UAÜE. 47
propagation. Sont-ce les fibres sensitives ou les fibres motrices isolement ? Ou bien ce role est-il devolu aux deux especes de fibres indistinctement?
Pour pouvoir donner ä ces diverses questions une reponse precise et categorique, il faudrait instituer des experiences comparatives sur les animaux, et en parti-culier chez ceux oü les deux especes de racines rachi-diennes pourraient etre isolees facilement dans le voi-sinage de la moelle. C'est alors qu'en coupant, chez di­vers animaux, tantot une racine superieure et tantot une racine inferieure, et en inoculant le virus rabique au bout central de l'une ou de l'autre de ces racines, on verrait celle qui servirait d'organedetracsmission, en admettant, bien entendu, qu'on se füt prealablement assure par d'autres experiences que ce sont bien les nerfs, comma nous le croyons, qui assurent seals cette funeste propagation. A defaut de ces experiences nous ne pouvons emettre que des conjectures. Ce mot ne doit pas etre pris cependant dans sa mauvaise acception, car il est possible de donner de cette question une so­lution acceptable, avec les seules donnees experimen-tales que nous possedions jusqu'ä ce jour.
C'est ainsi qu'il existe dans la science un nombre de faits assez considerable qui prouvent quel'inoculation peut se faire par un simple Vehement de la peau par un chien enrage. Que faut-il, en effet, pour que cette inoculation se produise? laquo; II faut une plaie, dit laquo; M. Brouardel (1), et il faut que cette plaie soit mise laquo; en contact avec la bave d'un animal enrage. raquo;
laquo; Ces deux conditions indispensables existent lors-
(1) Loc. laquo;t.,p. 193.
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laquo; qu'un animal atteint de rage mord ä nu. Elles se laquo; rencontrent reunies egalement lorsquun komme at-laquo; teint de plaie se fait lecher par son chien et que celui-ci laquo; est enrage. raquo; Un tres-grand nombre d'observateurs, et entre autres Segalas (1), Boudin (2), Tardieu (3) et M. Bouley (4), signalent ce dernier mode d'inoculation, sinon comme frequent, du moins comme malheureu-sement trop reel. Or, quoiqu'il puisse et doive exister des fibres motrices dans l'epaisseur möme de la peau, fibres motrices destinees aux muscles lisses repartis dans le tegument externe (5), il est de toute evidence que les fibres sensitives y dominent de beaucoup, et 11 deviant des lors infiniment probable, sinon absolument certain, que dans ces cas de lechement de la peau par un chien enrage la transmission du virus rabique se fait par les fibres sensitives. Quant aux fibres motrices qui vont se rendre dans les muscles, elles sont tres-peu nombreuses, eu egard au nombre et au volume des masses musculaires superficielles et profondes (6) et doivent etre, par consequent, beaucoup moins souvent atteintes par les morsures que ne le sont les fibres sen­sitives, lesquelles, d'ailleurs, dans ces cas de morsure
(i) Bull, de VAcad, de med„ seance du 17 octobre 1843, t. IX,
p. 87.
(2)nbsp; Bull, de TAcad. de med,, seance du 12 novj 1861, t, XXVII,
p. 122.
(3)nbsp; Bull, de VAcad. de mid., seance du 15 sept: 1863, t. XXVIII, p. 1149.
(4)nbsp; Bull, de VAcad. de mid., stance du 2 juin 1863, t. XXVIII, p. 717.
(5)nbsp;Voir Traiti d'anat. descrip. de M. Sappey, 3e edit. Parisj 1877, t. Ill, p. 618.
(6)nbsp; Voir Tr. d'anat. descrip. de M. Sappey, 3e edit. Paris, 1877; t. Ill, P- 244.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 49
profonde, sont toujours atteintes par la dent de l'ani-mal et, tres-probablement aussi, par la bave conta-gieuse.
D'autre part, las symptomes initiaux de la rage sont assez uniformes et ne se traduisent pas tantot par des troubles sensitifs et tantot par des troubles moteurs. Le plus ordinairement, quand des symptomes prodro-miques se montrent avant la periode d'invasion, on note frequemment des douleurs s'irradiaut, ä partir de la morsure, le long du membre correspondant. Quoique nous n'ayons pas cru devoir rechercher le degre de frequence de ces douleurs, nous les trouvons notees dans une vingtaine d'observations saillantes que nous avons lues avec soin. Or, dans toutes ces observations, elles ont existe uniquement du cote mordu, ce qui nous donne la preuve que 1'agent rabique, quel qu'il soit, en arrivant au bulbe rachidien ne passe pas d'un cöte ä l'autre, et que s'il existe une lesion quelque part sur le trajet du nerf blesse, une lesion qui puisse etre appreciable ä nos moyens d'investigation, cette lesion doit ktre unilaterale et doit sieger sur le trajet qui s'e-tend de la blessure ä la moelle allongee. Dans un cas des plus interessants, signale par M. Bertherand (1), la douleur dessine pour ainsi dire ce trajet. II s'agitd'une jeune fille de d8 ans chez laquelle la rage se declare apres 82 jours d'incubation. La douleur, partant du mollet oü la cicatrice se rouvre, s'irradie tout le lang du membre inferieur correspondant et de la poitrine et se fait ressentirjusqu'ä la nuque. Dansun autrecas, ega-lement tres-remarquable, M. Chavannac (d'Aix) (2)
(1)nbsp; Gaz, des hop., 1865, p. 502.
(2)nbsp; Union mid,, 1879, p. 53.
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50nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
signale une periode prodromique de 20 jours, durant laquelle des douleurs ont ele ressenties ä la main droite qui avait ete mordue par un chien, 58 jours avantl'ap-parition des accidents rabiques.
laquo; Desl'epoquede Coelius Aurelianus.ditM. Brouar-laquo; del (1), on considerait comme constante 1'apparition laquo; de modifications dans la plaie ou la cicatrice, au laquo; moment de l'explosion des accidents rabiques, on laquo; signalait surtout des douleurs dans le siege de la laquo; morsure. Prcepatitur ea pars, que morsu fuerit laquo; vexata{Acut. morb., t.I, lib. Ill,p. 259. Ed. Haller).-raquo; Quelle signification auraient ces douleurs, dans l'hypothese de la transmission par le sang, alors que le liquide va baigner tout aussi bien les cellules ner-veuses du cöte sain que celles du cote oü aboutissent les impressions peripheriques des fibres atteintes par la bave virulente 1
D'oü -vient l'apparitiontardive de ces douleurs? Elle vientsansdoute decette excitabilite plus grande des racines rachidiennes que signale M. Vulpian, dans le passage que nous avonsdeja cite (voy. p. 43). C'est au moment oü le virus rabique quitte le nerf mixte, pour envahir les racines posterieures plus sensibles, qu'une sensation douloureuse se produit. On dirait meme qu'ilse comporte ä lafafon d'un agent materiel, lequel, trouvant de la resistance soit dans les cellules nerveuses du ganglion des racines posterieures, soit dans les cellules du bulbe, est comme repousse vers la cicatrice qui devient saillante. Qu'on s'imagine, pour un instant, une sonde elastique microscopique qui
(1) Loc, cit-, p. 206.
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serait introduite en entier par la blessure dans le cen­tre meme du cylindre axe jusqu'au ganglion de la ra-cine posterieure, et la sonde trop longue pour letrajet parcouru repousserait, en vertu de son elasticite, les tissus qui seraient en contact avec ses deux extremi-tes et rendrait ainsi la cicatrice saillante du cöte de la peau. Avons-nous besoin de dire que cette compa-raison, par laquelle nous ne saurions nullement pre-tendre ä tracer une image fidele duprocessus morbide, n'a d'autre but que de bien faire saisir les modifica­tions qui se produisent parfois du cote de la blessure fermee?
Quant aux fonctions des nerfs moteurs elles ne sont jamais troublees dans la rage que consecutivement, et ces troubles ne peuvent etre que la consequence d'une action reflexeproduite par I'excitation initiale des nerfs sensitifs. C'est dans ce sens seulement qu'il faut en­tendre les mots tetanos rabique par lesquels on a par­fois designe certains phenomenes faisant partie du cortege symptomatique de la rage.
Jusqu'ä ce qu'un contröle experimental institue avec soin vienne eclairer definitivement cette question difficile, nous croyons done pouvoir conclure, en at­tendant, de la discussion precedente, que le virus ra­bique ne suit pas indistinctement toutes les fibres du nerf mixte. C'est par les fibres sensitives uniquement qu'il semble se propager jusqu'au bulbe rachidien, et ce n'est qu'au moment oü il atteint ce centre nerveux qu'apparaissent les symptömes caracteristiques, du cöte du pharynx. Avant de connaitre unecomparaison celebre sur la rage, nous avons cru pouvoir, pour no-tre usage particulier, comparer l'agent qui la produit D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;5
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52nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOG1Q.UE
ä une meche qui brüle sans bruit dans les cordons nerveux et qui fait eclater plus tard, au sens figure bien entendu, les cellules nerveuses du bulbe et de la protuberance. Democrite, cite par Ccelius Aurelia-nus (1), se sert d'une image beaucoup plus poetique quand il dit que la rage est Vincendie des nerfs, et, s'il avaitpu connaitrela physiologie de lamoelle allongee, il n'aurait pas manque d'ajouter que c'est un incendie qui couve dans les nerfs et qui eclate dans le bulbe rachi-dien.
On s'etonnera peut-etre de nous voir traiter de la migration de i'agent rabique dans les nerfs et möme dans les fibres sensitives de ces nerfs, avant de nous etre occupe de savoir en quoi consiste cet agent et quel genre de lesoins il y provoque, si tant est qu'il enproduise quelques-unes. Ce sont lä des notions as-suremenl qui meritent d'etre recherchees avec soin et qu'il serait bien avantageux de connaitre dans leurs moindres details. Mais, nous ferons remarquer cepen-dant qu'elles sont loin d'etre indispensables k la solu­tion du probleme que nous venons d'etudier. Est-il absolument necessaire, en effet, de savoir le nom ou laqualitedu premier passant venu, poursavoirqu'une personne a traverse la rue et qu'elle a marche sur un trottoir au lieu de suivre la chaussee ? De meme en physiologie pathologique, on peut savoir parfaitement qu'un agent morbide s'est propage dans teile ou teile direction, sur tel ou tel tissu ou sur tel element ana-tomique, tout en ignorant eompletement et la nature
(1) Discussion sur la rage, disconrs de M. Beau, dans Bull, de l'Acad, de med., stance du 10 octobre 1863, t. XXIX, p. 28.
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de l'agent et le caractere des lesions qu'il determine, en admeltant qu'il y en ait de produites. Pourquoi done exigerait-on de cette branche de la physiologic ce que la physiologic cxperimcntalc eUe-mdme ne nous donne pas toujours.
S'il est un agent dont les proprietes physiologiques aient ete bien etudiecs, depuis les experiences celebres de Claude Bernard, cet agent est bien le curare qui a etel'objctdc recherches si multipliees et si rigoureuses tauten France qu'äl'etrangcr. Eh bien, voyonsce que dit, sur une question tout ä fait correlative ä la notre, un des experimentateurs qui ont le plus fait pour etu-dier et bien connaitre l'action physiologique du curare. laquo; II me semble difficile de croire, dit M. le professeur laquo; Vulpian (1), qu'il se produise, sous I'mfluence du laquo; curare, des modifications appreciables ä l'aide de laquo; l'examen microscopique, et je suis trfes-porte ä pen-laquo; ser que e'est par suite d'une illusion que Ion a cru laquo; ä l'existence d'une alteration des plaques motrices. laquo; Ce n'est pas que je nie l'existence de modifications laquo; organiques quelconques, produites par le curare. laquo; Nous ne sommes plus au temps oü l'on croyait aux laquo; alterations dynamiques pures. Mais ce que f ignore, laquo; e'esf la nature et le siege mamp;me deces modifications. raquo;
Quoiqu'il insiste de nouveau sur les lacunes de la physiologicexperimentale en cette matiere, celan'em-p^che nullement le savant professeur d'affirmer cer-taines notions positives que l'on possede sur l'action du curare.
Voici ce qu'il dit, en effet, ä la page suivante :
(1) Lesons sur la physiol. gamp;n* et comp. du syst. nerveuxj p. 214 et suiv. Paris, 1866.
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54nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
laquo; Nous sommes, je vous le repete, dans l'igno-laquo; ranee la plus profonde au sujet du mode d'action laquo; de ceite substance : nous sommes obliges de nous laquo; en tenir au seul fait qui ressorte clairement de tou— laquo; tes les tentatives experimentales entreprises jus-laquo; qu'ici, ä savoir que le curare, ainsi que je vous l'ai laquo; dit, rompt les communications physiologiques qui ont laquo; lieu dans Vetat normal, entre la fibre nerveuse et la laquo; fibre musculaire. raquo;
On le voit, la physiologic pathologique n'a pas le triste monopole des questions indecisesou insolubles, ou, pourmieux dire, non encore resolues. Danstoutes les sciences, il existe des points obscurs ä cote des notions les plus claires, et Ton doit s'efforcer d'acque-rir cette rectitude d'esprit qu'on n'acquicrt pas tou-jours ä son gre, meme au prix des plus grands efforts, et qui fait qu'on sait iffirmer, sur tel ou tel point, si la lumiere est faite ou si eile est encore ä faire dans notre esprit. Bien plus, toutes les sciences vivent de franchise et Ton ne doit pas hesiter ä proclamer son ignorance, chaque fois qu'on a conscience qu'elle existe. Ce preambule n'a pour but que de faire agreer notre complete ignorance sur la nature du virus de la rage. Ce virus, quel est-il ? d'oii vient-il ? Se developpe-t-il parfois de toutes pieces, chez certains animaux, ä la suite de la contrariete des instincts les plus vivaces, tel que l'instinct de la generation, comme le veulent Capello (1) et tant d'autres observateurs, ou l'instinct de la maternite, comme dans le fait rapporte par Tar-dieu [2), d'une chatte mise en fureur par I'enlevement
(1)nbsp;Arch. gin. de mid., 1864, 28 serie, t. V, p. 451 et suiv.
(2)nbsp;Voir Bouley, art. Rage, Diet, encycl; des sc. we'd,, p. 85.
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de ses petits? Ce virus est-il constitue par un ferment, comme le croit Plinio Schivardi (1), ou par des infu-soires, selon l'opinion de Polli (2)? Ce sont lä autant de questions auxquelles il nous serait impossible de repondre. Nous ne saurions dire davantage si le pu-tois serait, comme l'affirme M. de Moerenhaut (3), le seul animal chez lequel la rage püt se developper spontanement. D'autre part, celle-ci est-elle toujours contagieuse ou se developpe-t-elle parfois spontane­ment chez le chien? Voici quelle est ä cet egard l'opi­nion de l'homme certainement le plus autorise en pareille matiere : laquo; Nous devons done ici rendre jus-laquo; tice ä M. Boudin, dit M. Bouley (4); il etait dans le laquo; vrai en 1863, lorsqu'il disait dans le memoire qui a laquo; fait le sujet de la discussion academique ä cette laquo; epoque : [laquo; que parmi les innombrables documents raquo; publies sur la matiere, il n'avait pas rencontre un raquo; seul fait capable de constituer une preuve scientifi-raquo; que serieusede larage canine spontanee. raquo;] Nous ne laquo; partagions pas alors sa maniere de voir et nous l'a-laquo; vons combattue, tout en admettant cependant que laquo; les cas de rage spontanee ne constituaient qu'une laquo; tres-minime exception. L'etude nouvelle que nous laquo; avons du faire de la question pour rediger ce travail laquo; nous a rallie ä son opinion. raquo;
Quant ä l'hydrophobie engendree par la peur ou
(1)nbsp;Arch. gen. de mid., 1868, 6= särie, t. XII, p. 241.
(2)nbsp; nbsp;Travaux de la commission permanente instituee pros le grand Höp. de Milan pour l'histoire de la rage, par M, Jaccoud, dans Gaz. hebd. demed. et de chir., 1864, p. 69.
(3)nbsp; Bull, de l'Ac, de mid., seance du 21 juillet 1863, t. XXVIII, p. 914.
(4)nbsp; Loc. cit., art. Rage, p. 91,
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due ä to ate autre cause, et dont il existe de nombreux exemples, il ne faut pas la confondre avec la rage pro-prement dite dout eile ne fait qu'emprunter, pour un temps variable, rexpressionsymptomatique. laquo; Toutes laquo; mes habitudes de clinicien, dit M. Fereol (1), se re-laquo; fusent ä admettre qu'un syndrome aussi caracteris-laquo; tique que celui de la rage puisse etre tantöt la ma— laquo; nifestation d'un virus special, tantot le resultat laquo; d'une simple deviation fonctionnelle de l'orga-laquo; nisme. raquo;
De ce que cette fausse rage peut parfois en imposer pour la vraie, faut-il en conclure, avec Bosquillon et quelques autres sceptiques dont le nombre doit ötre bien restreint aujourd'hui, que cette maladie n'existe pas? II nous suffira, pour refuter une pareille opinion, de rappeler que Tardieu (2) a cite plus de 30 cas de rage chez des enfants an-dessous de cinq ans et dont quelques-uns n'avaient que deux et trois ans.
II est aussi d'autres questions qui, pour amp;tre secon-daires, n'en offrent pas moins un reel interet et que nous devons examiner sommairement. Nous avons vu, par exemple, que la principale cause qui fait va-rier la duree de la periode d'incubation, c'est la dis­tance, variable elle-meme suivant les cas, de la bles-sure au bulbe rachidien. Mais, existe-t-il d'autres conditions qui puissent ä leur tour exercer une cer-taine influence sur la longueur de cette incubation? L'examen attentif de certains faits nous a fait voir que la nutrition contribue d'autant plus ä Mter le deve-loppement des accidents rabiques, c'est-ä-dire ä rac-
(1) Loc. cit., p. 180.
(2)Discussion sur la rage. Loc. cit,, p. 1153.
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courcir la duree de la periode en question, que cette nutrition est elle-möme plus active chez le sujet con-tamine. On nous permettra, pour mieux rendre notre pensee, de traduire l'expression de cette tendance en disant que le virus rabique aime la bonne chdre. C'est ainsi que la vitesse de propagation de ce virus pour-rait s'expliquer chez les enfants oulesjeunesanimaux, non-seulement par leur petite taille, mais encore par l'activite plus grande qui existe chez eux dans tous ies tissus ou organes et dans les fibres nerveuses sans doute, comme partout ailleurs. Si cette vue repose, comme nous en avons la ferme conviction, sur quel-ques fondements solides, on aura lieu d'etre moins surpris de la tres-courte incubation de trois jours, si-gnalee par M, Camillac chez la vele dont nous avons rapporte I'histoire, en examinant la valenr de la theo-rie sanguine (voy. p. 29 et suiv.).
Nous avons vu, d'autre part (voy. p. 36) que la du­ree de l'incubation au-dessus de 20 ans etait de 68 jours, tandis qu'elle n'etaitque de 57 jours au-dessous de 20 ans. Dans un cas que nous avons dejä signale pour la longue duree de l'incubation (deux ans et demi), M. Morel (i) invoque deux causes, pour expliquer ce long retard dans 1'apparition des accidents rabiques ; Vage avance de la malade (68 ans) et sa sobriete ex­traordinaire. II rappelle, ä ce propos, les experiences remarquables de M. Menecier (de Marseille) (2), lequel ayant ete frappe de Vetat d'embonpoint que presentaient ^ordinaire les chiens atteints de rage, avait voulu con-
(1)nbsp;ioc. cit., p. 140.
(2)nbsp; De l'infl. de l'aliment. sur l'incub. de la rage chez les anim., Gaz. des hop., 1869, p. 98.
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58nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
nattre l'influence de ralimentation sur le developpe-ment de cette maladie. Dans une premiere serie d'ex-periences, trois chiens parfaitement nourris et entre-tenus ont etepris de la rage, apres 30, 40 et 67 jours d'incuhation, tandis que de deux autres chiens mal nourris, Vun na ete pris des premiers accidents qu'apres 4 mois d'incuhation et lautre a echappe aux suites de Vinoculation. — Dans une autre serie, un chien ino-cule le Qjuillet et hien nourri a eu la rage le 21 juillet (apres 21jours d'incuhation) etlesecondmalnourrine l'a eue que le ii aoüt (apres 3i jours). Considerees isole-ment, ces experiences seraientpeuprobanteseu raison de leur petit nombre; mais elles acquierent de l'im-portance, en ce qu'ellesviennentä leur tour demontrer le role que joue la nutrition dans la rapidite plus ou moins grande avec laquelle se produisent les accidents rabiques, suivant que cette nutriction soit plus ou moins active. De son cote Eckel (1), professeur ä
I l'Ecole veterinaire de Vienne, avait fait la remarque que les chiens de luxe etaient plus exposes que d'au-,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;tres ä contracter la rage.
II est enfin un dernier argument qu'on peut invo-quer ä l'appui de cette influence de la nutrition, dans un sens ou dans l'autre, suivant les differents cas, c'estque la periode d'incubation se prolongerait pen­dant la grossesse, selon le temoignage de P. Rüge (2) qui en aurait fait la remarque dans une observation qu'il rapporte. Cette meme particularity laquo; a dejä ete laquo; signalee par Spinola, chez des vaches oü les sym-
(1)nbsp; Discussion sur la rage, discours de M. Leblanc.BuH. de VAc. de mid., seance du 29 septembre 1863, t. XXVIII, p. 1198.
(2)nbsp; Rev. des sc. mid., journal de M. Hayem, 1873, t. I, p, 764.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA. RAGE. 59
laquo; ptömes rabiques n'ont eclate qu'apres la parturi-laquo; tion. raquo; Cortiment ce retard doit-il etre considere comme imputableäla grossesse? Pour une raisonbien simple. C'est que rorganime de la mere ne peut pas suffire ä son tour ä entretenir une nutrition active dans son propre Systeme nerveux, tout en contribuant ä la formation chez le foetus d'un nouveau Systeme ner­veux et d'un squelette tout entier. Des lors done que ces derniers doivent s'organiser de toutes pieces, la nutrition doit etre moins active dans le Systeme ner­veux maternel, les phosphates contenus dans le sang se trouvant sans doute limites pour se distribuer ä lafois dans cette triple direction. On sait, en effet, que la substance nerveuse qui ertre aussi bien dans la com­position des nerfs que du Systeme nerveux central contient de la lecithine ou de la cerebrine derivees elles-memes, d'apres Liebreich, d'un corps azote et phosphore qu'il appelle Protagon (1). Ne serait-ce pas a cette insuffisance de nutrition que seraient dues les nevralgies qui apparaissent si frequemment chez la femme enceinte? Nous nous contentons de poser la question sans la resoudre.
II est une autre condition qui nous parait devoir occasionner un retard parfois considerable dans la propagation du virus rabique le long des cor­dons nerveux; cette condition reside dans les cou-des ou les inflexions que subissent ces derniers par suite de certaines dispositions anatomiques. II doit en resulter une sorte de compression des filaments axiles, laquelle doit apporter un certain obstacle ä
(1) Art. Systeme nerveux (Physiologie), du Diet, encycl. des sc. med., par Francois ('quot;ranck, 2deg; serie, t. XII, p. 522.
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l'afflux des liquides nutritifs au niveau des etrangle-ments annulaires. Car, laquo; il est infiniment probable, laquo; dit M, J. Renaut (1), que, commera soutenu le pre-laquo; mier M. Ranvier, l'etranglement annulaire consti-laquo; tue la voie des principaux echanges organiques, laquo; dont la substance du cylindre d'axe, protege partout laquo; ailleurspar lamyeline, estletheätrependantla vie.raquo;
Cette disposition anatomique existe principalement aux diverses branches des trijumaux qui s'inflechis-sent plus ou moins, et parfois par des courbures brus­ques, au moment oü ils emergent des canaux osseux qu'ils parcourent. Nous avons dejä fait remarquer (p. 36) que la duree de l'incubation pour les morsures de la face et pour celles des membres n'etait nullement en rapport avec les distances äparcourirpour arriver jusqu'au bulbe rachidien. Nous avons vu, eneffet, que la duree de l'incubation pour les premieres etait de 48 jours et pour les secondes de 69. Or, la diffference de duree n'est pas tout ä fait d'un tiers, tandis que la difference de longueur est au moins cinq fois plus grande d'un cote que de l'autre. Si la duree de l'incu­bation etait proportionnelle ä la distance qui s'etend dans un cas et dans l'autre de la morsure au bulbe, nous devrions avoir l'une des deux series suivantes :
Ou:
48 jours pour l'incubation dans les morsures de la face, et alors 240 j ours pour l'incubation dans les mor­sures des membres.
Ou bien:
69 jours pour l'incubation dans les morsures des
(1) Art. Nerfs (Anatomie) du Igt;tct, encycl, des sc. m4d., 2* s6r., t. XII, p. 135.
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membres et, dans ce cas, 14 jours environ pour l'in-cubation dans les morsures de la face.
II est rationnel, des lors, d'attribuer cet ecart ä la compression plus ou moins forte que subissent les nerfs de la face dans les inflexions de leurs branches. On comprend ni6me que cette compression puisse dtre portee plus loin, dans certains cas que dans d'autres, en raison de Tetroitesse variable des orifices d'emer-gence des nerfs en question. C'est ainsi qu'on s'expli-querait certains faits de longue incubation pour des morsures de la face, tels que celui que rapporte M. Rey (1), d'une anesse mordue au nez et chez la-quelle I'incubation a dure trois mois, ou bien cet autre fait, cite par M. Bergeron (2), d'un enfant de 12 ans et demi, chez lequel I'incubation a dure 5 mois et demi. II est vrai que, dans ce dernier cas, I'enfant avait ete mordu ä la fois ä la joue et au doigt: il aurait done' pu se faire, ä la rigueur, que l'une des deux blessures eüt ete seule virulente et que la transmission se füt faite par celle du doigt uniquement.
L'examen de cette question nous a conduit ä une autre d'un tres-haut interßt et sur la solution de la-quelle nous ne saurions nous prononcer qu'avec une excessive reserve. Les developpements dans lesquels nous allons entrer ont done plutot pour but d'attirer l'attention des experimentateurs sur ce point delicat que de trancher ce difficile probleme, avec le peu de donnees dontnous disposons. Nous nous sommes de-mande, en effet, si le virus rabique qui parcourt le cylindre axe, comme nous croyons I'avoir demontre,
(1)nbsp; Gaz. des hop., 1862, p. 412.
(2)nbsp;Loc. eft., p. 138.
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de la peripherie vers le centre, peut egalement se pro-pager du centre ä la peripherie, ä partir du point mordu. Supposons, en d'autrestermes, qu'un filament axile mis ä nu et non interrompu dans sa continuite soit atteint, en un point de son trajet, par le virus rabique. Celui-ci peut-il s'etendre ä la fois vers las centres nerveux et vers la peripherie du nerf, ou bien se propage-t-il seulement dans le premier sens et res-pecte-t-il ce qu'on pourrait appeler le boutperipherique du nerf contamine ?
Cette question demande ä etre etudiee avec le plus grand soin ; car, comme nous le verrons plus tard, eile pourrait avoir une importance tres-grande pour la pratique. Le seul moyen de s'en assurer consisterait ä sectionner completement un nerf ou mieux ä en exciser une portion, puis ä inoculer le virus rabique uniquement sur le bout peripherique. Si la rage venait ä se declarer chez l'animal qu'on aurait soumis ä cette experience, on en pourrait conclure sürement que l'agent rabique marche dans les deux sens, aussi bien du centre ä la peripherie que de la peripherie au centre. Nous ne decouvrons pournotre part, a priori, aucune raison plausible qui doive nous faire rejeter cette double propagation en sens inverse. Tout semble nous porter ä admettre, au contraire, qu'elle puisse avoir lieu. Car il resulte des remarquables experiences de M. le professeur Vulpian (1), ainsi que de celles de M. Paul Bert et quelques autres, que toutes les fibres nerveuses indistinctement peuventtransmettre en tons sens les impressions qu'elles regoivent. laquo; Toute exci-
(1) Loc. cit., 13e leqon, p. 274 et suiv., Syst. nerv.
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laquo; tation, dit M. Vulpian (p. 290), portee sur un point laquo; quelconque de la longueur d'une fibre nerveuse, se laquo; transmet immediatement et simultanement dans les laquo; deux sens, centripete et centrifuge.......
. . . . laquo; En resume, la neurilite est suivant toute laquo; vraisemblance la m^me dans toutes les fibres ner-laquo; veuses, qu'elles soient motrices, ou sensitives, ou laquo; sympathiques, qu'elles soient en rapport avec les or-laquo; ganes des sens, et peut-etre meme qu'elles fassent laquo; partie des centres nerveux. On pent se la representer laquo; comme une, agissant de la m^me fagon, quelle que laquo; soit la function, qui seule varie. La raison de la diffe-laquo; rence de cette fonction ne doit pas etre cherchee dans laquo; les proprietes physiologiques des fibres nerveuses laquo; elles-m^mes, mais bien dans la difference des con-laquo; nexions de ces fibres, tant avec les parties centrales laquo; qu'avec les parties peripheriques. Les fibres ner-laquo; veuses, en un mot, sont tres-probablement toutes laquo; semblables par leurs proprietes et ne different que laquo; par leurs fonctions. raquo;
II n'y aurait rien d'etonnant, des lors, que le virus rabique envahit le cylindre axe dans les deux sens. II pourrait meme se faire que I'experience dont nous n'avons fait qu'enoncer le projet tout ä l'heure se trouvät parfoisrealisee, ä notre insu, dans la pratique. Qu'y a-t-il d'impossible, en effet, a. ce qu'un nerf soit prealablement rompu par une dent non impregnee de virus, et ä ce que celui-ci depose dans la blessure aille plus tard atteindre le bout peripherique seul ä l'ex-clusion du bout central ?
Or, que devrait-il resulter de ce mode de contami-
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nation, si par hasard il venait ä se produire? II en re-sulterait que l'agentrabique, arrive ä la peripherie du nerf, devrait, pour se rendre aubulberachidien, chan­ger de direction et suivre les anastomoses de ce nerf avec un nerf voisin, parcourir enfin ce dernier dans toute son etendue, de la peripherie au centre. La pe-riode d'incubation devrait, par suite, se trouver al-longee, d'une part ä cause de ce long circuit que serait oblige de faire l'agent morbide pour se rendre au me-socephale, et d'autre part ä cause du changement brusque de direction qu'il subiraitauniveau des anas­tomoses terminales des deux nerfs voisins. Dans ce cas, le virus rabique, parti dans la direction centri­fuge le long d'un de ces nerfs, reprendrait une direc­tion opposee ou centripete en remontant par l'autre nerf. Nous aurions done ici les memes conditions de resistance que nous avons vu exister ä la face, et meme, dans le cas qui nous oecupe, le passage de l'agent morbide nous paraitrait devoir subir un temps d'arret plus considerable, en raison de la temerite des filets nerveux anastomoses.
Quant k l'existence de ces anastomoses, aujourd'hui bien demontree par les travaux de notre savant et ex­cellent mattre M. le professeur Riebet et de MM. Ar-loing et Tripier, voiei ce qu'en dit M. Frangois Franck (1) : laquo; Independamment de ces fibres recur-laquo; rentes, remontant plus ou moins haut dansles nerfs raquo; sensibles, il en est d'autres, et ce sont les plus abon-laquo; dantes, qui restent completement peripheriques et laquo; forment, dans l'epaisseur m6me de la peauou ä son
(1) Art. Systeme nerveux (Physiologie) du Diet, encyd. des sc. mid., 2laquo; sirie, t. XII, p. 544.
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laquo; voisinage, des reseaux anastomotiques, veritable laquo; surface sensible ininterrompue, assurant l'exercice laquo; de la fonction, gräce ä la multiplicite des rapports laquo; entre les nerfs cutanes d'une region. raquo;
En attendant que des experiences multipliees et rigoureuses puissent nous eclairer definitivement sur cette question importante de la recurrence possible, si nous pouvons ainsi dire, du virus rabique, il est re-marquable que les raisons precedentes trouvent une confirmation des plus singulieres dans I'examen at-tentif de Tun de cescas atres-longue incubation dans celui de M. Fereois dont il a ete dejä question. Pour le prouver, il nous suffira d'extraire les courts pas­sages suivants de cette observation remarquable :
laquo; Le 18 juin 1874, ditM. Fereol (1), a 8 heures du laquo; matin, M. D..., äge de 48 ans..., entre ä la Maison laquo; de sante. Ce malade est d'une constitution robuste,
laquo; d'une taille au-dessus de la moyenne......
.............P. 162 : laquo; En lui
laquo; prenant la main gauche, M. Fereol decouvre une ci-laquo; catrice sur la face dorsale au nioeau du deuxieme es-laquo; pace interosseux; interroge sur l'origine de cette ci-laquo; catrice, le malade repond rapidement, sans avoir laquo; I'air d'y attacher aucune importance, qu'il a ete laquo; mordu par un chien enrage il y a bien longtemps. II laquo; nous dit ä ce propos que la veille il a souffert dans laquo; ce bras et que la douleur lui paraissait avoir occupe laquo; vaguement tout le bras, en se fixant principalement laquo; au niveau du biceps............
.......laquo; Depuis lors, c'est-ä-dire de-
laquo; puis vingt ans, il aurait ete trbs-sobre. raquo;
(1) Loc. cit., p. 161 et suiv.
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Dans ce court expose, nous trouvons dejä quatre conditions au moins qui nous paraissent de nature ä augmenter la duree de la periode d'incubation. Ce sont : l'äge, la taille elevee, le siege de la morsure, une longue sobriete. A ces quatre conditions doit s'en ajouter une cinquieme selon nous, la plus puissante peut-etre, ce serait la recurrence qu'a du suivre tres-probablement le virus rabique. La morsure a siege, en effet, sur une region animee par le nerf radial. Or, la douleur se fait principalement sentir dans une re­gion traversee par le nerf musculo-cutane leqael passe laquo; entre le brachial anterieur et le biceps (1), raquo; c'est-a-dire sur le trajet d'unnerf s'anastomosant precisement par sa brauche radiale externe, au niveau du cöte ex­terne de la face dorsale de l'avant-bras et du poignet, avec le rameau cutane externe du nerf radial, rameau qui a etele premier Interesse parla morsure.
On voit par lä de quelle importance il est de recueil-lir, dans une observation, les details en apparence les plus insignifiants. Car, sans lesrenseignementsminu-tieux qui se trouvent relates dans l'observation pre-cedente, il eüt ete absolument impossible d'apprecier le concours de circonstances exceptionnelles aux-quelles on peut legitimement attribuer cette longue incubation. II y a plus : c'est que, saus cette observa­tion, l'idee ne nous serait peut-etre pas venue de re­chercher l'influence des inflexions nerveuses sur le ralentissement tres-probable qui en resulte pour la marche du virus rabique.
Pour terminer l'expose des phenomenes morbides
(1) Voir Tr. d'anat. descr. de Sappey, t. III, pquot;. 451, 3deg; edition Paris, 1877.
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de tout genre dont les nerfs primitivement atteints par le virus rabique peuvent Ätre le siege, 11 nous res-terait ä parier des plus importants, de ceux qui figu-rent d'ordinaire en tete de toute etude de physiolo-gie pathologique, nous voulons parier des lesions produites sur ces nerfs par le virus rabique. Mais sans les longues explications qui precedent il eüt ete bien difficile, impossible meme, de saisir la significa­tion de quelques lambeaux d'anatomie pathologique qu'on recueille ä grand' peine par la lecture d'un nombre assez considerable de travaux sur la matiere. C'est veritablement une inscription fruste dont il s'a-gissait de retablir le sens complet avec des [ettres eparses ouä demi effacees.
II a fallu faire abstraction de la valeur de ces let-tres et arriver au sens de l'inscription par des consi­derations auxquelles une lecture seche ne pouvait etre d'aucune utilite. Mais une fois que l'inscription a ete retrouvee, par un procede ou par un autre, peu im-porte, on saisit infiniment mieux la valeur de tel ou tel caractere ainsi que la place qui lui appartient dans teile ou teile syllabe, dans tel ou tel nom. De mamp;me, en physiologic pathologique, la valeur de teile petite lesion, insignifiante en apparence, n'apparait bien ä notre esprit que lorsque nous sommes parvenus ä de-viner le sens de la phrase physiologique. C'est ici qu'apparait la beaute de la definition si concise et si vraie ä la fois que nous tenons du grand Haller : Anatome animata. La lesion seule ne dit rien et reste ä l'etat de lettre morte; c'est la lesion animee qu'il nous faut rechercher, c'est eile qui devient une rea-lite vivante dans tout drame pathologique, petit ou D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 6
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grand, dont il nous importe, au plus haut degre, de penetrer le veritable sens.
Ce n'est meme pas encore le moment de faire con-naitre ces lesions dont la description trouvera mieux sa place ä cote de celles dont les centres nerveux peu-vent etre le siege. On verra mieux de la sorte la pa-rente qui les unit les unes aux autres; car il n'est pas toujours facile de les separer nettement dans les seules descriptions ecourtees que nous avons pu trou-ver. Ce qu'il nous importe de savoir actuellement, c'est que certaines lesions ont ete trouvees dans les nerfs, nouveau temoignage ä aj outer ä tant d'autres, en faveur de la theorie nerveuse que nous etudions. En laissant meme de cote les lesions microscopiques, les seules sur lesquelles on puisse baser une argu­mentation solide, nous signalerons une injection par-ticuliere qui a ete signalee ä l'oeil nu, du cote des nerfs correspondant ä la blessure, comme nous le montre le passage suivant, relatif ä un malade qui avait ete m ordu ä l'extremite ung ueale du pouce de la main gauche et qui a succombe ä la rage, sept ou huit semaines plus tard :
laquo; Quant aux nerfs proprement dits, nous n'avons laquo; rien vu d'anormal ä leurs racines, dit M. Foville (1), laquo; pas plus dans la region de la moelle allongee qu'ail-' laquo; leurs. Les nerfs du bras gauche disseques ontpu nous laquo; parattre un pen injectes, mais comme tous les or-laquo; ganes l'etaient d'une maniere sensible, nous n'avons laquo; pas tenu compte de cette apparence. raquo; Et ici, l'ob-servation de cette lesion acquiert ä nos yeux d'au-
(1) Observation sur la rage, par le Dr Foville. Bull, de VAcad.de med , seance du 2 fevrier 1841, t. VI, p. 443. ..
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tant plus d'interet qu'elle a ete faite sans aucune idee preconfue ä faire prevaloir, et que l'auteur la relate en narrateur fidele uniquement, sans y attacher de l'importance.
Mais nous devons mentionner, sans aller plus loin, une experience des plus importantes et qui suffirait, ä eile seule, ä etablir la theorie nerveuse sur une base indestructible. Aussi cette experience, extr^mement genante avec l'hypothese de la theorie sanguine, a-t-elle ete sinon contestee, du moins accueillie avec une defaveur marquee par ceux qui voient dans l'hypothese de l'absorption la condition sine qua nondu developpe-ment des accidents rabiques. laquo; Lesnerfs ont ete regar-laquo; des par leprofesseur Rossi (de Turin), disentles au-laquo; teurs du Compendium (1), comme jouissant de la laquo; propriete de transmettrelarage, lorsqu'ils sont en-laquo; core fumants. M. Rossi pretend avoir inocule une laquo; /bis cette maladie, en introduisant dans une incision laquo; un morceau du nerf crural posterieur extirpe ä un laquo; chat enrage encore vivant. Ce fait, ajoute-t-il, est laquo; encore unique jusqu'ici et n'a point, ä notre connais-laquo; sance. ete reproquot;duit : il n'est done pas permis d'en laquo; tirer une conclusion generale. raquo;
Nous n'en sommes pas moins convaineu, pour notre part, toute idee de predilection personnelle mise de cote, qu'ä moins d'en nier l'exactitude, ce fait, rappro-che surtout des resultats negatifs des injections de liquide rabique dans le sang, acquiert une importance decisive dans la determination ä faire du veritable sens de transmission de 1'agent morbide en question.
(1) Comp. de chir, prat., par A. B6rard et Denonvilliers, t. I, p. 461. Paris, 1845.
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Nous regrettons seulement de n'avoir pu ni remonter ä la source, ni connaitre les details precis de l'expe-rience, pour savoir si le nerf extirpe correspondait ou non au membre qui avait ete le siege de l'inocula-tion. Cette derniere question, comme nous le verrons plus loin, serait egalement tres-digne d'interet.
Aux temoignages precedents nous joindrons celui, non moins important, que nous trouvons dans les quelques mots dont M. Henri Huchard fait suivre l'analyse d'une autopsie faite dans un cas de rage par M. Polaillon. laquo; A ce sujet, dit M. Huchard (1), M. Po-laquo; laillon rappelle les alterations qui ont ete trouvees laquo; par differents auteurs: Alteration des nerfs du point laquo; mordu (Wagner, de Vienne). raquo;
La longue analyse k laquelle nous venons de nous livrer se rapporte uniquement ä. la periode d'incuba-tion, ä cette periode silencieuse pendant laquelle cependant le virus rabique rampe, le long de quelques fibres nerveuses deliees, avec un implacable achar-nement. II nous reste ä examiner maintenant les phe-nomenes de la periode d'invasion, sur laquelle nous aurons beaucoup moins ä nous appesantir, n'ayant pas ä prouver des propositions repandues dans tous les ouvrages dont l'interpretation que nous aurons ä en donner ne differe, d'ailleurs, que rarement et bien peu de celle qui est generalement admise parmi les medecins ou les veterinaires.
Chez les animaux comme chez l'homme on a parfois observe une periode prodromique. Toutefois, celle-ci serait infiniment plus frequente chez le chien, par
{i)Rev. des sc. mtä., journal de M. Hajem, 1874, t, III, p. 625.
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exemple, que chez l'homme, et l'on ne saurait trop recommander, pour l'etude de cette periode et pour celle de larage canine confirmee, l'admirable descrip­tion qn'en a donnee M. Bouley dans differents recueils que nous avons mentionnes plus d'une fois, description qui suffirait, ä eile seule, ä illustrer sonnom. Pour ne pas allonger demesurement un travail dejätrop long et pour ne pas abuser inutilement de la patience du lecteur, nous nous bornerons ä resumer les symptomes de la rage en quelques indications sommaires, tout en reservant plus de developpements ä ceux qui nous paraissent susceptibles de recevoir une interpretation nouvelle.
Une remarque nous frappe dans les descriptions qu'on en a generalement donnees, c'est qu'on a peut-ötre accorde au bulbe rachidien une influence trop exclusive sur la production des accidents rabiques. Car, si Ton veut se reporter aux curieuses experiences de Longet et de M. Vulpian sur les fonctions de la protuberance, on verra que ce dernier centre nerveux, aussibien que le bulbe, doit 6tre vivement impressionne par Faction du virus rabique.
laquo; Concluons done, dit M. le professeur Vulpian (1), laquo; ä l'exemple de M. Longet, que la protuberance an— laquo; nulaire est le veritable centre perceptif des impres-laquo; sions sensitives. raquo;
Et plus loin, p. 548:
laquo; Je n'ajouterai qu'un mot encore ä ce que je vous laquo; ai dit du röle de la protuberance dans la sensibilite ; laquo; c'est qu'elle parait presider non-seulement ä la sen-
(1) Legons sur la phys. g6n, et comparee du syst. nerveux, p. 543 et suiv.
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laquo; sibilite generale, mais ^ncore ä certaines sensibilites laquo; speciales. Ainsi il me parait certain que les sensa-laquo; tions auditives et gustatives ont lieu dans cettepartie laquo; du centre nerveux.
laquo; La protuberance annulaire doit encore ^tre consi-laquo; deree comme le centre d'association desmouvements laquo; emotionnels plus ou moins generalises, que la cause laquo; excitante emane du cerveau proprementdit, ou vienne laquo; de l'exterieur. II nous sera facile de demontrer expe-laquo;rimentalement l'exactitude de cette proposition, laquo; surtout si nous choisissons des animaux qui aient laquo; une vive excitabilite emotionnelle. Le rat est un laquo; animal qui se prete tresbienäce genre d'experiences. laquo;II est tres-craintif, tres-impressionnable; il bondit laquo; pour peu qu'on le touche ; le moindre bruit le fait laquo;tressaillir. Un certain bruit d'appel fait avec les laquo; levres, ou un souffle brusque imitant celui qu'emet-laquo; tent les chats en colere, excitent surtout chez le rat laquo; une vive emotion. Voici done un rat sur lequel j'ai laquo; enleve le cerveau proprement dit, les corps stries et laquo; les couches optiqaes. Vous le voyez, il est tres-tran-laquo; quille ; je fais avec les levres le bruit d'appel que j'ai laquo; indique, et aussitöt l'animal a fait un brusque sou-laquo; bresaut. Chaque fois que je fais le meme bruit vous laquo; voyez un nouveau soubresaut. Tous ceux d'entre laquo; vous qui ont pu examiner les effets de l'emotion chez laquo; le rat doivent reconnattre qu'ils offrent ici comple-laquo; tement leurs caracteres ordinaires. Cette experience laquo; aura eu le double avantage de vous faire voir en laquo; möme temps que la protuberance est le foyer exci-laquo;tateur des mouvements emotionnels, et de plus, laquo; qu'elle est bien le centre de la sensibiRte auditive. raquo;
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Un peu plus loin, M. Vulpian examine la question de savoir si les fonctionsqu'il attribue ä la protuberance appartiennent reellement ä ce centre nerveux ou bien si elles dependent des noyaux de substance grise con-tenus dans les pedoncules cerebraux. A l'appui de son opinion, il ajoute done les considerations suivantes (p.557):
laquo; Dejä pourtant nous pouvons dire que la modifica-laquo; tion qui transforme les impressions en sensations se laquo; produit dans la protuberance, en grande partie au laquo; moins, car chez de jeunes lapins on pent enlever le laquo; cerveau proprement dit, les corps stries et les cou-laquo; ches optiques et la plus grande partie des pedoncules laquo; cerebraux, avec les tubercules quadrijumeaux, et laquo; l'animal manifeste encore par des cris plaintifs et laquo; repetes la douleur que lui cause le pincement des laquo; membres, mais surtout de la queue et des oreilles. laquo; II y a meme certainement une exaltation tres-mani-laquo; feste de la sensibilite. Le resultatest ici d'autant plus laquo; significatif que les amas de substance grise contenus laquo; dans les pedoncules cerebraux se trouvent surtout laquo; ä une certaine distance en avant de la protuberance, laquo; et que, par consequent, la petite partie de ces pedon-laquo; cules qu'on laisse en rapport avec la protuberance laquo; est ä peu pres depourvue de foyers d'activite spe-laquo; ciale. raquo;
On s'explique done, par la nature de ces functions, comment la protuberance, au m6me titre que le bulbe rachidien, ressent les eifets produits par le virus ra-bique. Car, un des symptomes les plus saillants de cette cruelle affection consiste dans les emotions ex­tremes et parfois delirantes que causent au malheu-
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reux patient les impressions les plus simples. C'est ce Symptome que Ton a designe par I'expression un peu ambitieuse de pantophobie.
Sans vouloir nous appesantir, comme nous I'avons dejä dit, sur les symptomes de la rage, nous dirons d'une maniere generale, qu'ils sont caracterises par des phenomenes successifs d'excitation et de depres­sion fonctionnelle des organes des sens ou mieux de la sensibilite sous toutes ses formes. Et encore, il s'agit ici d'un mode particulier de la sensibilite qui fait que celle-ci est pergue avec beaucoup plus de facilite, qu'elle devient, pour ainsi dire, exquise. C'est ainsi que la vue de l'eau ou d'un objet brillant impressionne vivement la retina, quel'impression d'uncourant d'air produit sur la peau une sensation des plus penibles, que les plus faibles odeurs et les plus petits bruits sont pergus avec une grande nettete. L'intelligence elle-m^me acquiert parfois une activite vraiment extraor­dinaire, ce qui semblerait indiquer quecette precieuse faculte ne serait qu'un mode particulier de la sensibi­lite analogue en cela aux formes si diverses que revet la sensibilite speciale.
Niepce (1) rapporte, en effet, I'histoire d'un cretin auquel il a donne des soins, et qui a manifeste pendant ses acces de rage quelques lueurs d'intelligence qu'il n'avait jamais eues pendant sa vie. De son cote M. Calvy, premier medecin en chef de l'Hotel-Dieu de Toulon, dans un excellent travail qu'il a public, rapporte une scene emouvante, temoignant de l'exal-
(1) Hydrophobie survenue chez un cretin. Obs. adressee ä l'Ac. des sc, seance du 17 octobre 1853, dans Arch, gen. de mid., 5e s., t, II, p. 621.
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tation de Fintelligence, chez une de ses malades ar-rivee ä ses derniers moments:
laquo; La malade, ditM. Calvy (1), demande sa fille. Elle laquo; exprime aussi le desir de voirmadame la superieure laquo; des soeurs de l'höpital, qui se häte d'arriver.
laquo; Marie-Anasthasie, d'un air doux et souriant, lui laquo; donne l'assurance qu'elle n'a rien ä craindre de sa laquo; part, et, saisissant l'une de ses mains, eile la couvre laquo; de baisers.
laquo; Puis eile ajoute :
laquo; Je remercie Dieu d'avoir permis que je meure laquo; dans la cruelle maladie qui va me tueiv Ce ne sera laquo; pas trop pour l'expiation de mes fautes, et comme laquo; mon malheur provient de ce que j'ai ete maudite laquo; par ma mere au moment de sa mort (2), je veux, laquo; moi, benir mon enfant pour qu'elle soit heureuse.raquo;
laquo; A ce moment la jeune fille, que madame la supe-laquo; rieure tenait par la main, se jette, toute tremblante laquo; et en pleurs aux pieds de sa pauvre mere qui, eten-laquo; dant sur eile ses deux mains, dit, avec un accent laquo; de douloureuse inspiration :
laquo; Jetebenis, ma fille, et je prie Dieu que tu sois laquo; aussi heureuse que j'ai ete moi-meme malheu-laquo; reuse. raquo;
laquo; La prenant ensuite dans ses bras, eile la serre
(1)nbsp;Trois cas de rage humaine ä Toulon (Var), dans l'espace d'un mois. Union m€d., ndeg; du 20 aoüt 1876, p. 316.
(2)nbsp; Cette malediction avait 6t6, en effet, prononcee. J'en tiers le recit de deux personnes presentes ä l'agonie de cette m^re qui aurait du prendre ä sa charge la plus grande part de responsabi-lite dans les actes qu'elle reprochait ä sa fille, et cela pour des raisons qui ne seraient rien moins qu'edifiantes s'il ne valait pas niieux les passer sous silence,
(Note de M, Calvy).
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laquo; contre sa poitrine, la couvre de baisers sur le som-laquo; met de la töte, dans la crainte sans doute de l'expo-laquo; ser ä la contagion en l'embrassant sur la figure, et laquo; term ine cette scene emouvante par ces belles pa-laquo; roles :
laquo; Madame la superieure, reprenez ma fille.
laquo; Si un monsieur ä cheveux blancs vient vous la laquo; demander, ne la lui donnez pas, bien qu'il soit son laquo; pere. Mais, s'il a^ous offre de i'argent, acceptez-le laquo; pour payer les frais d'education de cette pauvre en-laquo; fant.
laquo; Si un autre monsieur, qui n'a pas encore, lui, les laquo; cheveux blancs, vient aussi vous la demander, — laquo; celui-läviendra,—ne la luidonnez pas non plus, quoi laquo; qu'il l'aime bien, et s'il vous offre de I'argent, ac-laquo; ceptez-le pour le distribuer aux pauvres, car cet laquo; argent serait le prix de mon inconduite, et je ne laquo; veux pas qu'il serve ä ma fille. raquo;
laquo; A ce calme etonnant, ä cette manifestation vrai-laquo; ment extraordinaire de sentiments aussi eleves que laquo; noblement exprimes, succedent des acces plus vio-laquo; lents que jamais. raquo;
Et cependant, M. Calvy ajoute (p. 896) que Marie-Anasthasie laquo; riavait requ qu une mediocre instruction, raquo;
Cette sensibilite exageree a revetu une forme sin-guliere dans un cas rapporte par Theodore Dres-chke (1). Un enfant de 12 ans, mordu oulegerement egratigne ä la levre superieure, le 26 mai 1874, est pris de la rage le 12 aoüt suivant. Or, dans ce cas, le simple attouchement de la main droite produit des
(1) Revue des sc. m4d,, journal de M. Ilavem, 1875, tome VI, p. 517.
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conüuZsions cesophagiennes violentes. Ces convulsions doiventetre attribuees sans aucun doute ä une exci­tation du pouvoir reflexe du bulbe rachidien et de la moelle.
Mais il est remarquable de voir que cette exaltation de la sensibilite ne se traduise pas par de la douleur, ä part celle que nous avons dejä signalee du cöte du siege de la blessure. II semblerait cependant que les nerfs sensitifs qui prennent leur origine dans le bulbe dussent etre violemment impressionnes dans une affection qui cause la mort en trois ou quatre jours. II semblerait, pour mieux dire, qu'ils dussent manifes­ter, par de vives souffrances, l'impression trop reelle qu'ils refoivent.
A cette exaltation de la sensibilite fonctionnelle succede bien vite une depression non-seulement de la sensibilite elle-m^me, mais m^me de la motilite. C'est ainsi qu'on a signale tant chez l'homme que cbez les animaux de l'hyperesthesie cutanee suivie d'analgesie. II ne faut pas confondre ces phenomenes d'excitation et de depression produits sur les m^mes nerfs sensitifs avec les phenomenes de paralysie pul-monaire qu'on observe, notamment chez le chien et d'autres animaux. II s'agit ici de phenomenes reflexes qui suivent dans les nerfs moteurs les m^mes phases d'excitation et de depression qui se produisent dans les nerfs sentitifs. II y a certainement une correlation intime entre ces divers phenomenes morbides ; mais ceux qui dominent apres avoir ete les premiers ä se montrer nous parai ssent etre des phenomenes d'hyper-esthesie du cote des nerfs de la sensibilite generale ou sensorielle.
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Voici du reste ce qu'on peut lire, ä cet egard, dans le savant travail de M. Brouardel (1), auquelnous de-vons faire de si frequents emprunts :
laquo; L'action de ce poison porte sur tous les appareils laquo; nerveux qui president ä la sensibilite, ainsi que le laquo; prouvent l'hyperesthesie, l'hyperacousie, la photo-laquo; phobie, etc. ; mais eile atteint surtout les fonctions laquo; du bulbe. C'est dans ces organes que se trouvent en laquo; effet les noyaux d'origine des nerfs facial, hypo-laquo; glosse, spinal, glosso-pharyngien, pneumogastri-laquo; que. Or, si nous cherchons quelles sont les manifes-laquo; tations principales de la rage, nous voyons qu'elles laquo; accusent un trouble profond des fonctions de tous laquo; ces nerfs. Considere comme centre nerveux le bulbe laquo; rachidien preside au mecanisme de la deglutition, laquo; par l'intermediaire des nerfs glosso-pharyngiens, laquo; hypoglosses, faciaux. raquo;
C'est encore dans le bulbe que se passe un grand fait qui joue un role capital dans le denouement si ra­pide de la rage. Ce fait, tout ä fait analogue ä celui que nous avons vu se passer dans les nerfs sensitivo-moteurs proprement dits, ce fait, dis-je, a pour siege les centres vaso~moteurs du bulbe. Mais etablissons en premier lieu l'existence de ces centres : laquo; Les centres laquo; des muscles de la vie de relation, dit M. Frangois laquo; Franck (2), sont subordonnes, comme nous I'avons laquo; vu, ä des appareils de coordination situes dans les laquo; regions superieures de Taxe medullaire; ces memes laquo; centres de coordination existent pour les organes laquo; nerveux centraux des muscles vasculaires; ce sont
(1)nbsp; ioci cii., p. 225.
(2)nbsp; Loc. cit., art. Syst. nerv. (Physiologie), p. 601.
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laquo; eux qui constituent ce qu'on nomme les centres laquo; vaso-moteurs bulbaires, centres dont la preponde-laquo; ranee s'accuse par la generalisation des modifica-laquo; tions vaso-motrices observees quand on fait porter laquo; sur eux les excitations ou quand on vient ä les de-laquo; truire. raquo;
Or, il arrive que ces centres vaso-moteurs, d'abord violemment surexcites, ne tardent pas ä se fatiguer et meme ä se paralyser, d'oü il survient des congestions rapides dans tous les organes, ce qui caracterise l'a-sphyxie. Celle-ci est d'autant plus redoutable qu'elle survient brusquement en pleine saute; on meurt pres-que dans la rage comme meurt, surl'arene, le taureau pique au bulbe par le glaive du toreador. Or, ce sont ces lesions congestives multiples, dues k l'asphyxie, qui sont les plus apparentes, tout en etant de date re-cente ; aussi, n'est-il pas etonnant qu'elles aient prin-cipalement attire l'attention des medecins et des vete-rinaires, les lesions primitives etant beaucoup plus localisees et beaucoup moins apparentes et reclamant, pour etre observees, Temploi du microscope.
C'est cette asphyxie egalement qui produit une alte­ration sanguine, due au defaut d'oxygenation des glo­bules, c'est eile aussi qui donne lieu ä l'elevation con­siderable de temperature qu'on observe dans la rage, comme l'a etabli M. le professeur Peter, par l'explicu-tion ingenieuse suivante :
laquo; Je crois, dit-il (1), que dans cette elevation de la laquo; temperature par l'asphyxie, il n'y a pas production
(1) Rage. Obs. recueillie par M. Rigaud, service de M. Peter, Union med., 1868, p. 7t2.
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80nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
laquo; plus grande de chaleur, mais accumulation de la laquo; chaleur produite.
laquo; La chose me parait facile a demontrer :
laquo; II est certain que le sang veineux qui se rend du laquo; coeur droit aux poumons est plus chaud que le sang laquo; arterialise qui retourne des poumons au coeur gau-laquo; ehe (Malgaigne, Cl, Bernard, Gavarret);
laquo; Ce qui revient ä dire que le sang se refroidit dans laquo; son passage ä travers les poumons; etil se refroidit c parce qu'il echange de l'acide carbonique k la tem-laquo; perature du corps humain pour de l'oxygene ä une laquo; temperature plus basse, et aussi en raison de l'eva-laquo; poration qui s'effectue ä la surface des voies respi-laquo; ratoires;
laquo; 2deg; Mais, dans l'asphyxie, l'air penetrant de moins laquo; en moins dans les vesicules pulmonaires, cet laquo; echange de gaz et cette evaporation ne s'effectuent laquo; que d'une faf on de plus en plus incomplete, d'oü il laquo; suitque lerefroidissement du sang est de plus en laquo; plus faible dans les poumons; de sorte que le sang laquo; qui retourne alors de ces organes au coeur gauche laquo; riest plus refroidi autant que dans I'etat normal des laquo; fonctions pulmonaires;
laquo; 3deg; Cependant les combustions moleculaires qui laquo; s'effectuent dans le reste de l'organisme, ä l'aide de laquo; l'oxygene des longtemps existant dans le sang, con-laquo; tinuant ä s'effectuer, le sang veineux continue de laquo; s'echauffer; de sorte qu'il arrive toujours dans le laquo; coeur droit un sang echauffe par ces combustions laquo; interstitielles. C'est-a-dire qu'ily a, d'une part, per-laquo; sistance des combustions organiques, et, d'autre laquo; part, cessation graduelle du refroidisssement pul-
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 81
laquo; monaire, d'oü comme resultante Velevation de la laquo; temperature du sang; mais cette elevation, cela est laquo; evident par tout ce qui precede, n'est point due k laquo; une production plus grande de calorique, mais k laquo; une AccuMULATiON du calorique produit dans les ca-laquo; pillaires generaux.
laquo; Ainsi se trouve explique ce paradoxe pathologique laquo; d'une temperature graduellement croissante avec laquo; une surface d'absorption del'oxygene graduellement laquo; amoindrie.
laquo; En resume, je rattache la rapide elevation de la laquo; temperature dans l'agonie ä l'asphyxie terminale, laquo; et je dis qu'ily a dans ces cas non pas plus de calo-laquo; rique produit, mais moins de calorique perdu. raquo;
Nous avons dejä vu (p. 22) que M. le professeur Vulpian regardait les lesions congestives de la rage comme secondaires. Or, voici ce qu'il dit de la lesion primitive [{):
laquo; Dans l'hydrophobie, comme dans le tetanos, la laquo; lesion primitive Teste encore aujourd'hui inconnue, laquo; ainsi que je vousle disaistoutäl'heure, malgretous laquo; les efforts tentes pour la decouvrir; il est probable laquo; qu'elle consiste en des modifications speciales, pro-laquo; duites dans les elements de la substance grise des cen-laquo; tres nerveux, principalement dans les cellules ner-laquo; veuses. Ce sont ces modifications qui determinent laquo; les divers phenomenes morbides observes pendant laquo; la vie; la congestion qu'elles provoquent dans les laquo; centre nerveux, par action reflexe vaso-dilatatrice, laquo; ne jouerait, suivant moi, aucun role important et ne
[i) Legonssur I'appareil vaso-moteur, t. II, p. 97.
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laquo; se revelerait cliniquement par aucun signe recon— laquo; naissable. L'appareil vaso-moteur serait reellement laquo; hors de cause dans la pathogenie des perturbations laquo; fonctionnelles qui caracterisent ces affections. raquo;
Nous allons voir combien ces previsions ontete plei-nement justifiees par l'experience.
Quelles sont, en effet, les lesions trouvees dans la rage ? Quelles sont surtout celles qui meritent le nom de primitives ?
Nous retrouvons ici, sous une autre forme, les le­sions congestives dont il a ete dejä question ou plutot des lesions dependant de ces congestions. On a, en efifet, decrit les memes lesions sous une autre designa­tion, et ce qui nous permettrade les reconnaitre, c'est que ces alterations sont le plus souvent appreciables ä nos sens, tandis que les lesions propres ä la rage, les Usions primitives, ne le sont que trbs-rarement et n'ont guere ete observees qu'au microscope,
C'est ainsi qm'on a decrit comme des lesions depen­dant de cette affection, tantot Vinduration, tantöt et plus souvent le ramollissement du tissu nerveux. Or, Tune et l'autre de ces lesions nous paraissent avoir une m^me origine. Car on confoittres-bienque si la mort arrive vite, c'est-ä-dire le premier ou le second jour, les tissus congestionnes doivent etre rigides et indu-res; ce qui est arrive dans deux cas rapportes par Beau (1), dontl'unaete observe parlui-meme etl'autre par M. Henry, Chirurgien militaire en Algerie, Que si au contraire la vie se prolonge au delä du deuxieme et ä plus forte raison du troisieme ou du quatrieme
(1) Discussion sur la rage. Bull, de VAcad. de med., t. XXIX, p, 11 et suiv,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; *#9632;
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jour, la möme congestion a eu le temps de produire le ramollissement des mömes tissus et c'est le cas le plus commun. II est facile de comprendre cependant qu'il ne doive y avoir rien d'absolu dans cette maniere de rapporter le ramollissement ou l'induration de la substance nerveuse au plus ou moins d'anciennete des accidents rabiques ; car, cette substance peut se ra-mollir plus ou moins vite suivant les sujets et le temps qui s'est ecoule depuis la mort jusqu'au moment de l'autopsie, doit egalement faire varier la consistance de ces memes tissus. Ge que nous tenions ä faire res-sortir principalement, parceque teile est notre grande conviction, c'est que le ramollissement comme l'indu­ration du tissu nerveux doivent etre consideres, dans l'immense majorite des cas, sinon toujours, comme des lesions d'origine congestive. Nous croyons inutile de rappeler des exemples de ce ramollissement sie-geant dans differentes parties du Systeme nerveux central; car on letrouve mentionne dans un tres-grand nombre d'autopsies.
Nous sommes convaincu, sans pouvoir nettement en donner lapreuve, qu'en examinant avec soin diffe­rentes parties du Systeme nerveux central et periphe-rique, on trouverait dans Tun ou dans l'autre, et sur-tout dans le dernier, quelques lesions appreciables ä l'oeil nu, telles qu'un changement de consistance ou de coloration, etc., etc. Ce qui nous le fait supposer d'une part, c'est qu'on a dejä note quelques change-ments d'apparence du cöte de certains nerfs, comme le prouve le passage suivant, extrait du Dictionnaire des Dictionnaires de Fabre (1) :
(1) Art. Rage, t. VI. p. 646.
D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 7
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laquo; Un medecin etranger dit avoir vu [Journ. univ. laquo; des sc. med., 1827), chez un individu mort de la rage, laquo; une rougeur du nerf pneumogastrique et des cin-laquo; quieme, sixieme et septieme paires cervicales; il laquo; ajoute que les filets nerveux ressemblaient ä des laquo;c fibres musculaires. Les memes alterations ont ete laquo; rencontrees, par les veterinaires, chez les animaux laquo; dans les appareils respiratoires et de l'innervation. laquo; M. Dupuy, entre autres, a trouve un ramollissement laquo; considerable de la moelle chez des vaches. raquo;
Nous avons dejä vu (p. 68) que M. Foville avait cru remarquer un peu d'injection sur les nerfs du membre qui avait ete le siege de la morsure.
Voici ce qu'on trouve encore dans la Pathologie m-terne de M. Jaccoud (1) : laquo; quot;Wagner a indique la rou-laquo; geur des branches nerveuses emanees du point de laquo; la morsure ; il a retrouve aussi la m^me coloration laquo; sur une partie du neif pneumogastrique et sur les laquo; rameaux cervicaux du sympathique. Krukenberg a laquo; mentionne ä son tour l'hyperemie frequente des laquo; nerfs vagues, phreniques et sympathiques. Les laquo; origines des nerfs de la sixieme, huitieme et neu-laquo; vieme paire sont parfois congestionnees, epaissies laquo; ou ramollies. Froriep, d'autre part, a constate l'inte-laquo; grite complete de tous les nerfs, sauf du troisieme laquo; ganglion cervical qui etait fortement colore, gorge laquo; de sang, epaissi et hypertrophie. raquo;
D'autre part, j'ai fait de mon cote une remarque analogue, sinon semblable, dansun cas d'autopsie que j'ai pratiquee avec soin sur une vache morte de la
(1) Art. Rage, t. II, p. 788. Paris, 1871.
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.^ ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 85
rage, et dans laquelle j'ai ete assiste avec une extreme obligeance par M. Larrouy, veteriuaire des plus dis-tingues et tres-renomme dans toute notre contree. Voici le resume sommaire de ce fait:
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Le 12 decembre 1878, je vais voir avec M. Larrouy, aux environs de Pau, une vache qui etait atteinte de la rage depuis le 7 decembre au matin; la veille encore eile avait, au dire duproprietaire, toutesles ap-parences d'une excellente sante. Cette vache etait la quatrieme qu'il perdait de la rage, toutes les vaches de son etable ayant ete mordues le 14 septembre prece­dent par un petit chien de garde qui a ete reconnu ou du moins pris pour enrage dans le village. Ce chien a disparu le meme jour de la maison de son mattre, qui n'etait autre que le proprietaire lui-meme des vaches en question.
Nous trouvons le sujet malade, dans un etat agoni-que, en proie ä une asphyxie tres-avancee, dans le decubitus lateral gauche en opisthotonos. L'animal etait immobile dans cette position depuis midi environ (il etait quatre heures quand nous le visitions) et a vecu jusqu'au lendemain matin. L'autopsie a ete pra-tiquee le 14 au matin et a porte principalement sur le Systeme nerveux central; nous n'avons pu malheu-reusement examiner que les deux tiers anterieurs de la moelle, l'autre tiers ayant ete sacrifie par megarde.
M. Larrouy avait eu robligence, sur mes indica­tions, de mettre ä nu le cerveau, la protuberance, le bulbe et tout ce qui restait de moelle epini^re, en ayant soin de dissequer avec soin toutes les racines sensitives et motrices ainsi qu'une portion des nerfs mixtes, ä droite et ä gauche de la tige medullaire. Or^
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je trouve sur mes notes, prises au moment möme oü l'autopsie a ete faite, qu'il existe un changement de coloration tres-prononce au 6deg;, 7deg; et 8e nerfs rachidiens du cöte droit [region cervicale). L'aspect de ces nerfs et de leurs racines me parait tout different de celui des trois nerfs symetriques du cote gauche. Les pre­miers, en effet, ont une coloration gris fonce qui tran­che avec l'aspect nacre de ceux du cöte gauche, et la meme difference d'aspect existe äla coupe des nerfs, laquelle est beaucoup plus foncee du cöte droit que du cote gauche. Nous avons trouve une injection des plus marquees dans les vaisseaux de la peripherie du cer— veau, du bulbe rachidien et de la moelle, mais rien de particulier du cöte des vaisseaux des nerfs, ni ä droite ni ä gauche. Je regrette de n'avoir pas cherche si cette difference de coloration existait aux racines pos-terieures plus qu'aux anterieures ou vice versa. Ce dont je suis parfaitemeut assure, c'est que cette diffe­rence d'aspect etait des plus tranchees sur les nerfs mixtes et qu'elle a frappe M. Larrouy, comme eile m'a frappe moi-meme.
Je ferai remarquer d'autre part que ce changement de coloration ne pent pas ^tre attribue ä une conges­tion hypostatique des nerfs dont la coloration normale etait alteree. Car si cet effet s'etait produit c'est k gauche et non ä droite que nous l'aurions constate, le decubitus lateral gauche s'etant prolonge durant les quatorze ou quinze dernieres heures de lavie. J'äu-rais ete bien aise de pouvoir donner l'examen micros-copique de cette piece. Je puis dire, pour ma justifica­tion, que j'ai tente de la faire examiner par qui de droit. Mais qu'est-il advenu de cette quot;piece anatomi-
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que? Je l'ignore. Je sais seulement que ces examens pour ^tre bien faits exigent im temps exträmement long; car, ä propos de preparations analogues, M. Ma­thias Duval (1) assure, dans les prolegomenes de ses belies recherches sur Vorigine reelle des nerfs cräniens, que les tneilleures coupes du bulbe qu'il ait eues ont ont ete faites sur des pieces qui avaient sejourne de-puis dix-huit mois dansune solution chromique.
Cette observation, d'ailleurs, resterait toujours in­complete ; car j'ai fait rechercher s'il y avait sur le corps de l'animal et notamment sur le membre ante-rieur droit des traces de morsure et la personne qui s'est iivree ä cet examen n'en a decouvert aucune. D'autre part, le proprietaire n'apasvason chien mor-dre les vaches et il ignorait meme s'il les avait toutes mordues, ce qui lui paraissait tres et trop probable. J'ai su seulement sans que j'aie pu etre averti 4 temps qu'une autre vache de la möme etable a snccombe, depuis cette epoque, aux atteintes du meme mal.
II nous reste ä parier des lesions qu'on a reconnues au microscope. On doit encore distinguer, parmi ces dernieres, celles qui dependent de la congestion et celles qui frappent sur le tissu nerveux lui-m^me. Celles—ci sont les seules qui nous paraissent veritable-ment caracteristiques de la rage. Ici notre role est des plus simples et doit se borner uniquement ä donner des extraits des travaux les mieux faits sur ce point important d'anatomie pathologique. Seulement pour ne pas scinder des descriptions qui gagnent a etre lues en entier et avec soin, je donnerai tout ensemble ce
(1) Journal de Vanat. et de la phys. de M. Robin, 1876, t, VI, p. 497.
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qui se rapporte aux lesions congestives ainsi qu'ä celles des nerfs et des differents centres norveux.
Comme type de description des lesions congestives nous rapporterons celle que nousdevons ä M. Nicolas Kolessnikoff (1) :
laquo; Ces lesions ont ete etudiees sur dix chiens enra-laquo; ges; elles etaient surtout marquees dans les gan-laquo; glions vertebraux et dans ceux du sympathique. laquo; Elles consistaient dans les alterations suivantes :
laquo; Les vaisseaux dilates etaient remplis d'hematies ; laquo; sur leur parcours on renconlrait des groupes d'he-laquo; maties extravasees et d'elements indifferents (pro-laquo; bablement des globules blancs), dissemines dans les laquo; espaces perivasculaires. Qä et lä, les parois des laquo; vaisseaux etaient remplies de masses hyalines ; en laquo; certains endroits ces masses envahissaient la lu-laquo; miere du vaisseau, l'obliteraient et ressemblaient ä laquo; un thrombus. Pres de ces amas on trouvait des laquo; groupes de globules blancs et rouges, ceux-ci deco-laquo; lores presentant tous les degres de degeneration laquo; aboutissant ä la formation de masses hyalines.
laquo; En general, autour des cellules nerveuses on laquo; trouvait des amas d'elements ronds indifferents qui laquo; penetraient dans le protoplasma. II en resultait une laquo; modification teile du protoplasma, qu'il semblait laquo; deutele, deprime ou excave. Le noyau se trouvait laquo; souvent deplace vers la pheripherie et entoure de laquo; nombreux elements ronds. Dans d'autre cas enfin, laquo; ä la place des cellules nerveuses on ne rencontrait laquo; que des groupes d'elements ronds.
(1) Anat. path, de la rage, dans Revue dea scvmld., journal de M. Hayem, 1878, t. XII, p. 188.
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ET DU TRAITEMENT BATIONNEL DE LA RAGE. 89
laquo; Ces lesions ont une grande analogic avec celles laquo; qne le docteur Popoff a rencontrees dans des cas de laquo; fievre typhoide et de lesions traumatiques. raquo;
Cette analogic s'explique, en effet, s'il est vrai, comme nous croyons l'avoir demontre dans une autre etude de physiologic pathologique, que la fievre ty­phoide n'est autre chose quune forme particulikre d'a-sphyxie.
Nous arrivons ä l'expose des recherches successives de Benedikt (de Vienne). Dans ses premieres recher­ches (1), qui ont porte principalement sur le chien et une fois seulement sur l'homme, laquo;l'auteur a rencontre laquo; constamment dans le cerveau de petits foyers mi-laquo; liaires, peu appreciables ä l'oeil nu, siegeant d'ordi-laquo; naire autour de la scissure de Sylvius et de la gout-laquo; tiere olfactive. Au microscope, ces foyers se laquo; composaient de tissu cerebral en etat de desintegra-laquo; tion granulaire; les vaisseaux etaient comprimes laquo; par des masses hyalo'idcs situees ä l'extericur ; ils laquo; etaient entoures de pigment et contenaient tres-laquo; souvent du coagulum fibrineux dans leurs plus pe-laquo; tites ramifications. raquo;
Dans des recherches ulterieures, l'auteur confirme et complete sa premiere description.
Les alterations qu'il decrit sont (2):
laquo; 1deg; Dilatation enorme des gatnes lymphatiques laquo; qui, lorsqu'elles sont sectionnees entravers, se pre-laquo; sentent sous forme de petits foyers miliaires, accu-
(1)nbsp; Losions du syst. nerv, dans la rage. Revue des sc. mid., journal de M. Hayem, 1876, t. VIII, p. 530.
(2)nbsp; Anat. pathol. de la rage. Revue des sc. med., journal de M. Hayem, 1878, t. XU, p, 188.
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laquo; mulation de leucocytes au milieu desquels seperd la laquo; lumiere du vaisseau ;
laquo; 2deg; Formation de thrombus generalement hya-laquo; lins, transparents, au milieu desquels on aper?oit laquo; des globules rouges abondants............
laquo; 3deg; Infiltration des parois vasculaires par la laquo; meme masse hyaline. L'auteur a vu dans la sub-laquo; stance grise d'une circonvolution un vaisseau en laquo; forme de chapelet rempli de sang dans lequel la laquo; continuite des elements sanguins etait interrompue laquo; par une masse hyaline, couleur gris de fumee, en laquo; forme de tronc de cone. Les retrecissements du ca-laquo; libre du vaisseau paraissent determines par des laquo; produits en tout semblables que l'on aperfoit ä laquo; l'exterieur du vaisseau.
laquo; Ces lesions existent surtout dans le cerveau et laquo; dans la moelle, et aussi (d'apres Balzer que l'auteur laquo; ne cite pas) aux alentours du quatrieme ventri-laquo; cule. raquo;
Dans le meme volume nous trouvons la description suivante (1) :
laquo; L'engorgement des vaisseaux, ainsi que les au-laquo; tres lesions vasculaires, etaient surtout prononces laquo; dans le voisinage des noyaux gris du bulbe, dans le laquo; plancher du quatrieme ventricule. Dans deux cas laquo; beaucoup de vaisseaux de moyenne grandeur con-laquo; tenaient des caillots. Tout porte ä croire que ces laquo; caillots s'etaient formes sur place et avant la mort.
l\) Anat. path, de l'hydrophobie, par M. L. Gowers,p. 184.
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 91
laquo; Dans trois cas la gaine perivasculaire des grandes laquo; veines et des veines de moyenne grandeur du bulbe laquo; contenaient des cellules : probablement des leuco-laquo; cytes.........................
laquo; Les cellules nerveuses paraissaient peu alterees. laquo; Beaucoup d'entre elles presentaient un aspect gra-laquo; nuleux; d'autres paraissaient gonflees. raquo;
A la page 186 du m^me volume, on pent lire ce qui suit parmi les details d'une autopsie faite par W. B. Cheable (1) :
laquo; Dans la protuberance el le bulbe sortie des cor-laquo; puscules rouges a traversjes parois des vaisseaux; laquo; ces derniers etaient entoures d'un exsudat fibri-laquo; neux.
laquo; Etat nuageux exagere en opacite des cellules ner-laquo; veuses de la protuberance et de la moelle. Etat nua-laquo; geux et legerement granuleux des fibres nerveu-
laquo; SES EMANANT DES PARTIES QÜI AVAIENT ETE BLES-laquo; SEES. raquo;
Voici quelques extraits d'une autopsie extr^mement importante eu egard ä l'alteration produite sur les nerfs emanant de la blessure (2) :
laquo; Le tronc nerveux qui arrive au ganglion de Gas-laquo; ser, comme le ganglion lui-meme du cote de la laquo; blessure {le malade avait ete mordu au front au— laquo; dessus du sour eil droit, ä Vaile du nez ä la commis-laquo; sure labiale), a ete trouve fortement congestionne; laquo; le tronc nerveux presente en assez grand nombre des
(1)nbsp; Legon sur la patboi. de la rage.
(2)nbsp; Un cas de rage avec autopsie, par M. Polaillon. Rev, des sc. mtd., 1874, t. Ill, p. 624.
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laquo; cellules blanches, incolores, le plus souvent rondes, laquo; quelquefois ovalaires, qui se retrouvent dans le gan* laquo; glion, oü elles modifient par compression la forme laquo; des cellules ganglionnaires. Celles-ci prennent un laquo; aspect dechiquete, d'autres s'aplatissent, s'allongent, laquo; quelques-unes sontgranuleuses,leurmatiere colorante laquo; a disparu.
laquo; La moelle epiniere et allongee n'ont mootre ä laquo; rexamen qu'une assez forte congestion, La sub-laquo; stance corticale de 1a moelle et de l'encephale etait laquo; tres-injectee, le liquide cerebro-spinal etait jaunä-laquo; tre, clair, un peu visqueux, les racines nerveuses laquo; normales, la moelle plus fortement congestionnee laquo; que les autres parties du cerveau. raquo;
Dans une petite note, dont nous avons dejä donne un extrait, M. Huchard, apres avoir rapporte les de­tails precedents, continue, en cestermes, l'analyse du travail de M. Polaillon :
laquo; A ce sujet, M. Polaillon rappelle les alterations laquo; qui ont ete trouvees par differents auteurs : altera-lt;.lt; tions des nerfs du point mordu (Wagner, de Vienne); laquo; congestions le long du sympathique, du phre-laquo; nique, du nerf vague (Krappenberg, Reder , de laquo; Vienne); tumefaction et hyperemie du troisieme laquo; ganglion cervical du sympathique (Froriep); dila-laquo; tation enorme des vaisseaux des meninges (Mead); laquo; injection des meninges spinales au point de sortie laquo; de tons les nerfs avec abces intra-medullaire situe inbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;laquo; a un pouce au-dessus de la queue de cheval (Fran-
laquo; que); secheresse toute particuliere des meninges laquo; (Dobry). raquo;
Dans un cas d'hydrophobie observe par Al. Had-
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den (1) Texamen microscopique pratique par W. A. Hammond a revele les alterations suivantes :
Augmentation du volume et du nombre des vais-seaux sanguins avec epaississement de leurs parois dans la substance corticale du cerveau et de la moelle allongee. On y voyait de nombreuses extravasations du sang, tres-petites dans le cerveau, visibles ä l'oeil nu dans la moelle allongee. On constata en outre :
laquo; 1deg; Dans la substance corticale une degenerescence laquo; granulo-graisseuse dans les trois couches les plus ex-laquo; fernes des cellules nerveuses, portee ä un tres-haut laquo; degre dans la couche la plus externe, un peu moin-laquo; dre dans la couche sous-jacente, peu marquee dans laquo; la troisihme couche, dans laquelle se trouvaient qä et laquo; lä quelques corpuscules amyloides, qui se trouvaient laquo; en plus grand nombre au point de reunion de la cou-laquo; ehe la plus externe avec la couche sous-jacente.
laquo; 2deg; Dans la moelle allongee , une degenerescence laquo; granulo-graisseuse des noyaux et des racines des laquo; nerfspneumogastrique, hypoglosse et spinal,
laquo; 3deg; Dans la moelle epiniere, sur une coupe faite laquo; entre le premier et ledeuxieme nerf cervical, une de-laquo; generescence granulo-graisseuse de la substance grise laquo; des racines des nerfs avec atrophie des cellules, et une laquo; proliferation nucleaire des cellules de la nevroglie de laquo; la substance blanche. raquo;
Aux recherches precedentes, nous ajouterons I'ex-pose des lesions microscopiques qui ont ete recueillies par Botkin (2), dans un cas qu'il a observe.
(1)nbsp; Revue des sc. m£d., 1875, t. quot;VI, p. 157.
yt., ulaquo;raquo;w_---------------.—---------—.
des sc. m6d., 1877, t. IX, p. 72.
gang, cardiaques de la rage. Rev.
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laquo; II s'agit d'une femme de 32 ans qui fut mordue laquo; ä la levre inferieure par un chien, le 9 juillet 1875, laquo; etquimourutle23septembre,deuxjoursetdeiniapres laquo; la premiere manifestation des accidents rabiques. A laquo; l'examen des centres nerveux on trouva les lesions laquo; suivantes : quelques cellules de la moelle allongee laquo; etaient troubles; leurs contours etaient incertains. laquo; Dans le tissu interstitiel du cerveau, grande quan-laquo; tite de corpuscules blancs dans les gatnes perivas-laquo; culaires ou dans leur voisinage. Quelques-uns de laquo; ces cotspuscules sont situes dans les espaces pericel-laquo; lulaires; on en trouve möme dans le protoplasma laquo; des cellules. Dilatation des vaisseaux sanguins qui laquo; sont remplis de globules. Mais ce que l'auteur donne laquo; comma un fait tres-interessant consiste dans l'exis-laquo; tence d'une substance brillante, fortement refrin-laquo; gente, accumulee principalement dans les espaces laquo; perivasculaires, etsurtout dans les couches saperfi-laquo; cielles des hemispheres cerebraux. Cette substance laquo; etait par places agglomeree autour des vaisseaux laquo; en si grande abondance que ceux-ci paraissaient laquo; etrangles ou obliteres. En d'autres endroits eile laquo; etait disposee assez regulierement autour des ca-laquo; naux sanguins pour figurer un epithelium. Rebelle laquo; ä l'action de toutes les substances colorantes, eile laquo; est restee insoluble dans les acides et les alcalis.
laquo; Dans les ganglions du coeur on trouva les lesions laquo; qui suivent : gonflement del'endothelium qui ta-laquo; pisse les gaines des cellules nerveuses; ä l'interieur laquo; de ces gaines et dans le tissu interstitiel, elements laquo; ronds de la grosseur d'un globule blanc. Les cel-laquo; lules nerveuses etaient troubles ce qui rendait le
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laquo; noyau impossible ä apercevoir. Une lesion qui ne laquo; faisait defaut nulle part consistait en ce que les cel-laquo; lules nerveuses ne remplissaient jamais complete-laquo; ment leur gaine, mais en etaient separees par un laquo; espace que traversaient seulement les prolonge-laquo; ments de ces cellules.
Nousterminons enfin Texpose des lesions microsco-piques de la rage, en rapportant le passage suivant de l'excellent article de M. Brouardel, auquel nous som— mes oblige de faire de si profitables emprunts :
laquo; Dans ces derniers temps, dit-il (1), Meynert a fait laquo; des recherches interessantes sur le cerveau et la laquo; moelle epiniere de deux enfants (un garfon et une laquo; fille) morts de la rage, dans le service du professeur laquo; Oppolzer. Dans le premier cas, la moelle epiniere laquo; contenait (le reticulum ayant ete conserve) des vais-laquo; seaux remplis de sang dont les parois presentaient, laquo; par places, une degenerescence amyloide; dans l'ad-laquo; venticedequelques-uns d'entre eux il s'etaitfait des laquo; proliferations nucleaires; unepartie des fibres etait laquo; entouree de substance medullaire tumefiee, resis-laquo; tante; par place aussi celle-ci etait en regression, et laquo; le cylindre axe avait disparu. Ces lesions etaient laquo; plus prononcees dans le renflement lombaire que laquo; dans le renflement cervical. Chez le second malade laquo; il trouva le reticulum du cordon posterieur hyper-laquo; trophie par un gonflement excessif des corps stel-laquo; laires. Les vaisseaux etaient pleins de sang, et leurs laquo; parois avaient en partie subi la degenerescence laquo; amyloide. raquo;
(l)Loc.cit., p. 222.
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Par les extraits qui precedent et ä la longueur des-quels nous n'avons pas pu nous soustraire, on peut voir qu'en laissant de cote les lesions congestives, ü existe sur le Systeme nerveux central etperipherique des Usions vraiment caracteristiques de la rage. Ces lesions consistent, d'une maniere generale, en une opa— cite plus ou moins grande ainsi qu'en un etat granuleux des cellules nerveuses. Or, ces mamp;mes granulations se retrouvent sur certains nerfs et notamment sur ceux qui ont des connexions avec la blessure ; parfois mime on a note la destruction du cylindre axe.
Nous voyons par la I'inscription fruste s'eclaircir, la phrase physiologique se completer et acquerir un sens, la pathogenie de la rage, en un mot, s'eclairer d'un nouveau jour. Seulement, nous avons ete oblige de finir notre täche par la determination des lesions, laquelle doit preceder d'ordinaire, quand la chose est possible, toute etude de physiologic pathologique. Mais qu'importe la place qu'elle occupe, pourvu que cette determination soit faite, pourvu qu'on arrive ä se rendre compte de l'enchainement des lesions et des symptomes, ce qui est en definitif le but que 1'on pour-suit dans les problemes de ce genre? Aurions-nous.pu y arriver sans cette analyse prealable, sans I'examen attentif de toutes les consequences qui devaient entrai-ner les deux seules hypotheses possibles? On voit par la, et c'est la principale conclusion pratique que nous veuillons en tirer, que, dans cette etude eomme dans d'autres etudes scientifiques comparables, on ne doit s'attacher qu'ä une chose, c'est ä obtenir le plus de rigueur possible dans une demonstration et qu'on ne doit se preoccuper nullement d'y arrivef pat teile ou
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA. RAGE. 97
teile voie, par la physiologie experimentale ouparl'ln-terpretation des faits pathologiques, ou en d'autres termes par la physiologie pathologique. Qu'importe ä un chimiste qu'il retire un principe de teile substance ou de teile autre, pourvu que ce principe soit toujours le meme? De meme, que nous Importe ä nous clini­cians, que nous ayons par teile ou teile voie l'explica-tion vraie des divers phenomenes morbides que nous observons? Et plus il y aura de voies connues, plus nous devons nous en rejouir, loin de rejeter a priori toutes celles qu'il ne nous aurait pas ete donne de par-courir. Est-ce que tons les rayons ne menent pas au centre d'une circonference, et qui ne sait, d'ailleurs, que ces rayons sont innombrables #9632;?
Mais lä ne se borne pas ceque nousavons a diresur I'etude pathogenique qui nousoccupe. Jusqu'a present nous n'avons fait que suivre le virus rabique jusqu'au bulbe rachidien oü il ne tarde pas äprovoquer, comme on ne le savait que trop, des desordres promptement mortels. Mais que devient-il durant cette courte periode desastreuse ? S'eteint-il sur place, si on pent ainsi dire? Ou bien progresse-t-il dans d'autres direc­tions? Et, dansce dernier cas, quelsnouveauxravages peut-il faire et fait-il en realite ? Nous ne nous flatte-rons pas assurement de pouvoir repondre ä ces diver­ses questions. Est-ce une raison cependant pour ne pas se les poser ? Et, s'il est impossible, dans I'etat actuel de la science, d'en donner une explication satis-faisante, quel motif serieux y a-t-il de desesperer de l'avenir? II est done permis, en attendant, de poser ses jalons, quand on n'a pas une voie toute tracee et qu'on a cependant le desir legitime de
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ne pas rester sur place pas plus que de marcher ä I'a-venture.
Pour revenir ä notre sujet, nous rappellerons ce que nous avons deja dit sur le trajet suivi dans les nerfs par le virus rabique ou du moins qui nous a paru tel (voy. p. 48 etsuiv.). Or, nous avons vu que, selon toutes les probabilites, ce trajet s'execute le long des fibres sensitives. Oü aboutissent done ces dernieres dans la moelle epiniere et dans le bulbe ? Elles sont en con­nexion avec les cellules nerveuses de la por­tion de substance grise qui forme les cornes pos-terieures de la moelle et se continue jusqu'ä l'ence-phale. II s'agit de savoir maintenant ce qu'il devient une fois qu'il a atteint ces cellules nerveuses. Se pro-page-t-il d'une part jusqu'ä l'encephale, par l'inter-mediaire desfibres longitudinal es de la moelle, et d'au-tre part le long des racines posterieures situees au-dessus ou au-dessous de celle privitivement atteinte, en supposant qu'il n'y en ait qu'une ? Ou bien se borne-t-il ä desorganiser les cellules qui sont en con­nexion avec cette derniere?
On ne tardera pas ä voir que cette double question, loin d'etre purement oiseuse ou subtile, doit avoir une importance pratique bien differente, suivantque l'une ou l'autre alternative ait lieu. Avec l'hypothese de l'extinction sur place, en effet, les accidents produits et la mort elle-m^me s'expliquent tout aussi bien que par l'autre hypothese. Mais avec la premiere il ne saurait y avoir de questions subsidiaires : tout finit avec l'individu lui-möme. Tandis qu'avec l'hypothese de la propagation, on doit se demander : d0 si l'agent rabique suit bien toutes les racines-.sensitives qui
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partent des comes posterieures ou s'il n'en suit que quelques-unes, s'il se propage ou non jusqu'au cer-veau; 2deg; ce qu'il devient dans sa nouvelle direction centrifuge, dansquelsorganes il va et quels desordres il y produit.
Nous n'avons rien ä dire de la premiere question, si ce n'est qu'elle ouvre la voie ä une multitude d'ex-periences dont le but serait de decouvrir si la substance nerveuse des centres ou de la peripherie recele ou non un principe contagieux, si cet effet est ou non croise dans l'encephale, etc., etc. Quant ä la seconde question, nous pouvons sinon la trancher des a present en toute certitude, du moins chercher ä l'elucider par le contröle de certains faits qui nous sont dejü connus.
Nous pouvons dejä emettre une premiere assertion, c'est que si le virus, en sortant de la moelle ou du bulbe, suit n'importe quelle racine sensitive, il ne fait naitre nulle part de la douleur. Or, ce premier fait ne doit nullement nous etonner, attendu que la marche du meme virus, pendant la periode d'incubation, ne provoque pas plus de douleur dans la direction centri-pete. L'absence de douleur ne constitue pas une raison süffisante pour nous permettre d'exclure l'idee de la propagation.
Quant aux troubles moteurs qui existent dans la periode confirmee de la rage, ils nous paraissent se rattacher uniquement ä une origine cerebrale. C'est parce qu'il est en proie ä un veritable delire que le malheureux enrage, qui a peur de tout, veut se de-fendre contre des ennemis imaginaires, qu'il se livre k des actes desordonnes, tels que de vouloir se jeter par la fenetre, etc., etc. Mais ce ne sont pas lä les seuls D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 8
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100nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
troubles qui dependent de la violente excitation du bulbe causee par le virus rabique, nous avons vu que, si la vie se prolonge assez longtemps, il se produit une double paralysie du sentiment et du mouvement, phe-nomenes pouvant, dans laplupart des cas, se rattacher ä l'asphyxie qui existe si communement sinon tou-jours, dans le cours de la periode d'invasion.
En suivant pas ä pas le de\reloppement des pheno-mfenes morbides si complexes et si varies qui caracte-risent la rage, nous en trouvons un des plus inte-ressants, qui merite d'attirer toute notre attention, nous voulons parierde la virulence de la salive. D'oü vient cette virulence singuliere? Oü, quand et com­ment s'opere-t-elle ? Quelle en est la duree? etc., etc. Ce sont lä autant de questions que nous devons exa­miner, avec un soin des plus minutieux.
Voyons en premier lieu d'oü peut venir le principe contagieux qui reside dans ce produit de secretion, voyons en quel lieu, dans quei organe il prend nais-sance. Mais avant de formuler notre opinion person-nelle sur une question aussi importante, nous croyons devoir reprodiiire avec quelques details celles qui ont ete emises par divers observateurs des plus autorises.
Dans une discussion qui a eu lieu, ä la Society medi-cale des hopitaux, dans la seance du 26 fevrier 1879, notre ami et ancien collegue d'internat M. Millard (d)j qui avait rapporte une observation de rage des plus interessantes, rappeile ä cette occasion que, suivant certains auteurs, l'ecume bronchique serait laquo; seule laquo; capable, etant inoculee, de communiquer la rage. *
(1) Gaz. hebd. de med. et de chir., 1869, p. 220.
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DEquot; LA RAGE. 101
Or, voici ce que disent ä cet egard les auteurs du Compendium de Chirurgie (1): laquo; C'est exclusivement laquo; dans les fluides qui s'ecoulent de la bouche de l'ani-laquo; mal enrage que reside la terrible faculte de trans-laquo; mettre la rage. On dit generalement que c'est la laquo; salive alteree qui contient le virus ; cependant il nous laquo; semble que, pour etablir ce fait sans replique, il laquo; faudrait avoir pris de la salive dans les conduits ex-laquo; creteurs des glandes d'un chien ou d'un loup enrage, laquo; et avoir inocule cette liqueur ä un autre animal. laquo; Cette condition n'a jamais ete remplie, car jusqu'ici laquo; les experiences n'ont ete faites qu'avec la bave que laquo; renferme la bouche de i'animal, et pourtant il serait laquo; important qu'elle le füt, puisque l'on ne trouve au-laquo; cune trace d'alteration du cote des organes sali-laquo; vaires, tandis que les voies aeriennes enflammees laquo; presentent abondamment une liqueur pareille ä celle laquo; dont regorge la bouche du malade et qui paratt es-laquo; sentiellement contagieuse. Nous sommes done dis-laquo; poses ä croire que le virus a sa source dans les voies laquo;aeriennes, et que, semblable au virus syphilitique, laquo; il est secrete par des organes enflammes. raquo;
De son cöte M. Fereol, dans son excellent memoire, developpe cette question dans les termes suivants:
laquo; Dejä, dit-il (2), dans un premier memoire qui re-laquo; monte ä 1859, et que M. Brouardel m'a fait l'honneur laquo; de citertonten le combattant, j'avais dit que l'ecume laquo; bronchique me paraissait jouer dans le phenomene laquo; de la sputation un role tres-importanti Le fait m'a-
(1)nbsp;Loc. cit., t. I, p. 461.
(2)nbsp; Loc. cit., p. 188raquo;
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102nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOI.OGKiUE
laquo; vait saute aux yeux, seit dit presque sans metaphore, laquo;tandis que j'observais un enrage. J'ignorais ä ce laquo; moment qu'il füt discute et etabli dans l'excellent laquo; article de Trolliet et Villerme {Dictionnaire des laquo; sciences rhedicales). Le trouvant lä fort bien decrit, laquo;je m'etonnais, des 1859, qu'il ne füt pas devenu laquo; monnaie courante dans la science, d'autant plus que laquo; Berard et Denonvilliers, dans leur Compendium de laquo; Chirurgie, lui avaient apporte le contingent de leur laquo; autorite. Depuis, M. Gros l'a admis dans sa these laquo; (1860). En 1869, ä la Societe medicale des hopitaux, laquo;j'ai reproduit ma remarque ä propos d'une interes-laquo; sante observation de rage communiquee par M. Mil-laquo; lard ; et dans la seance suivante, M. Ernest Besnier laquo; nous apporta une observation de M. Lagorce-La-laquo;vergne, de Lille, qui rapportait egalement aux laquo; bronches la principale origins de l'ecume rabique. laquo; M. Boucher de la Ville-Jossy se rallia ä cette opi-laquo; nion.
laquo; M. Brouardel la refute encore aujourd'hui cepen-laquo; pendant, en s'appuyant d'une autorite que je res-laquo; pecte fort, ä coup sür, celle de M. Bergeron.
laquo; Je maintiens neanmoins mon dire, et dans le cas laquo; recent, comme dans celui de 1859, voici ce que j'ai laquo; observe:
laquo; L'enrage ne salive pas, ou ne salive que fort peu, laquo; dans les premieres heures ; cela est admis par tout laquo; le monde. II a la bouche seche, la langue collante, laquo; la muqueuse buccale est päle, jusque et y compris laquo; le voile du palais, ainsi que la langue. Dejä, ä ce laquo; moment on pent apercevoir, au moins dans certains laquo; cas, une rougeur assez vive et luisante du fond du
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laquo; pharynx qui tranche avec la päleur du reste de la
laquo; muqueuse. Les choses restent ainsi assez longtemps.
laquo; Ce n'est que quelques heures avant la mort que la
laquo; sputation se produittout d'uncoup. Alors apparais-
laquo; sent les grands acces de fureur; jusque-lä il n'y
laquo; avait guere que de l'agitation, dont on venait plus
laquo; ou moins facilement ä bout par le raisonnement. A
laquo; partir de ce moment la camisole ne tardera pas ä
laquo; devenir indispensable. Quand le malade va cracher,
laquo; on en est averti par une sorte d'effort vomitif qui se
laquo; limite au pharynx sans que le diaphragme y prenne
laquo; part; c'est une espece de regurgitation. Alors le ma-
laquo; lade dit qu'il etrangle, que la bile Vetouffe, qu'il faut
laquo; le faire vomir; s'il est attache dans le decubitus
laquo; dorsal, il demande qu'on le tournede cöte, pour que
laquo; la bile coule plus facilement. Ce qu'on a pris pour un
laquo; effort de deglutition de la salive est un effort de re-
laquo; gurgitation, d'expuition ; il m'a semble evident qu'il
laquo; etait determine par l'arrivee de l'ecume bronchique
laquo; sur les parties Constituantes de l'isthme; quand le
laquo; malade sent cette ecume dans sa bouche, il est pris
laquo; de spasme, de frisson, et la rejette avec horreur;
laquo; c'est le meme effet qua lui cause l'eau qu'il tente
laquo; d'avaler. Je pense que cette ecume remonte lente-
laquo; ment, mais incessamment, chassee peut-ötrepar les
laquo; mouvements des cils vibratiles, peut-etre par un
laquo; spasme special des voies respiratoires. La quantite
laquo; en est d'ailleurs considerable, ce qui est d'autant
laquo; plus singulier que, quelques instants avant de cra-
laquo; eher, le malade avait la bouche seche et se plaignait
laquo; de n'avoir point de salive.
laquo; Je ne nie pas, d'ailleurs, qu'ä ce moment les glan-
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i04nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE HATHOLOGIQUE
laquo; des salivaires ne se mettent ä fonctionner; je n'en
laquo;; sais rjen. Je ne dis pas non plus que le virus rabi-
laquo; que soit exclusivement contenu dans l'ecume bron-
laquo;; chique; je ne le sais pas davantage. J'ignore aussi
laquo; ce qui se passe chez le chien. Je me borne ä signaler
laquo; chez l'homme, apres Trolliet et Villerme, la part
laquo;c considerable que prend l'ecume bronchique dans le
laquo; phenomene de la sputation. Et je crois avoir le pre-
laquo; mier decrit ce mouvement de regurgitation qui si-
laquo; gnalel'arrivee de l'ecume bronchique dans la bouche.
laquo; Si Ton veut y regarder, ä l'occasion, je crois que
laquo; tout le monde pourra verifier l'exactitude de ma
laquo; description. En accord avec cette explication, dans
laquo; les deux autopsies que j'ai faites j'ai trouve les
laquo; grosses bronches et leurs divisions remplies d'une
laquo; quantite de mousse rosee considerable. Dans les
laquo; meines points, la muqueuse est d'un rouge vif avec
laquo; de petites suffusions sanguines; au contraire la mu-
laquo; queuse buccale est päle et semble normale. II est
laquo; bien remarquable que, dans presque toutes les au-
laquo; topsies qui ont ete faites, on signale I'integrite ap-
laquo; parente des glandes Salivaires; on n'y trouve ni
laquo; rougeur ni traces d'hypersecretion, tandis que I'e-
laquo; cume bronchique et la rougeur du pharynx et de
laquo; tout l'arbre aerien sont tres-souvent notees. Trol-}
laquo; liet et Villerme font ressortir I'impossibilite absolue laquo; qu'il y a ä supposer que cette ecume bronchique laquo; provienne de la salive qui ferait erreur de route laquo; dans la deglutition. [laquo; Ce n'est pas la salive qui con-raquo; stitue la have ecumeuse ; celle-ci au contraire sem-raquo; ble remonter de la poitrine. raquo;]
laquo; 11 est vraiment surprenant qu'avec une pareille
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ET DU TRAITEMENT RA.TIONNEL DE LA RAGE, 105
laquo; quantite d'ecume bronchique, et des signes si accu-laquo; ses d'irritation de la muqueuse, les malades ne laquo; toussent pas ; il y a probablement lä un genre spe-laquo; cial d'anesthesie bronchique; et c'est sans doute laquo;. l'absence du phenomene de la toux qui a empeche la laquo; plupart des auteurs d'attribuer ä ces lesions l'im-laquo; portance qu'elles me semblent meriter. raquo;
Pour avoir enfin un expose complet des opinions contradictoires emises sur cette question difficile, nous croyons devoir donner l'extrait suivant qui ajoute de nouveaux documents k ceux que nous venons de rap­porter :
laquo; Le virus rabique, dit M. Brouardel (1), est con-laquo; tenu dans la bave, cela est suffisamment prouve par laquo; les suites des morsures, par le developpement de la laquo; rage chez les animaux ä qui Breschet, Renault, laquo; Barthelemy, Rey ont inocule experimentalement de laquo; la bave d'animal enrage dans des plaies faites au laquo; bistouri; on a vu dans l'etude consacree ä la rage laquo; des animaux, que ces experiences prouvent la trans-laquo; missibilitede larage des carnivores auxherbivores, laquo; et reciproquement, bien que dans ce dernier cas laquo; avec une moindre energie. Mais il nous reste ä de-laquo; terminer si cette matiere virulente a son siege dans laquo; la salive seule ou si d'autres secretions peuvent la laquo; contenir, et si la bave de l'homme est apte comme laquo; celles des autres animaux ä inoculer cette maladie.
laquo; Tout d'abord est-ce la salive qui est virulente ou laquo; l'ecume bronchique? La bave, en effet, est composee laquo; ä la fois par ces deux liquides. D'apres TroJliet et
'i) Loc. cit, p. 193.
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laquo; d'apres les auteurs du Compendium de Chirurgie laquo; (t. I, p. 461), pour etablir que la salive contient le laquo; virus rabique, il faudrait avoir pris le liquide ex-laquo; crete dans les conduits des glandes salivaires d'un laquo; chien ou d'un loup enrage et avoir inocule cette li-laquo; queur ä un autre animal. Cette experience a ete laquo; tentee par Renault qui a insere dans une plaie faite laquo; ä un chien la glande parotide d'un individu mort de laquo; la rage. Le resultat a ete negatif, raais on ne saurait laquo; tirer d'un seul fait une conclusion absolue, surtout laquo; d'une tentative d'inoculation d'homme ä un animal; laquo; on sait, en effet, combien sont rares les faits de pro-laquo; pagation obtenus par l'inoculation de la bave hu-laquo; maine, d'autant plus que, se pla^ant dans des cir-laquo; Constances plus favorables, Hertwig a reconnu chez laquo; les animaux les proprietes virulentes de la salive laquo; pure extraite des parotides.
laquo; Toutefois, s'il est demontre que la salive est viru-laquo; lente, l'est-il qu'elle ne partage pas cette propriete laquo; avecl'ecume bronchique? On ne trouve, en effet, au-laquo; cune trace d'alteration des organes salivaires, tandis laquo; que les voies aeriennes enflammees presentent en laquo; abondance une liqueur pareille äcelledont regorge laquo; la bouche, aussi Berard et Denonvilliers sont dispo-laquo; ses ä croire avec Trolliet que le virus a sa source laquo; dans les voies aeriennes.
laquo; Cette opinion a ete soutenue de nouveau par Fe-laquo; reol (Soc. med. d'obs., janvier 1859, p. 49).
laquo; II n'est pas experimentalement prouve que le mu-laquo; cus bronchique n'est pas virulent; mais jusqu'ä ce laquo; que cette preuve soit faite, je crois avec Bergeron laquo; (Soc. de med. des/löp., 1854, p. 179) que les secretions
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laquo; pulmonaires n'ont qu'une importance tres-secon-laquo; daire. En effet, la quantite de salive rendue par la laquo; bouche, par crachotement n'est certainement pas laquo; superieure ä la quantite de salive secretee normale-laquo; mentpar un individu sain, seulement tout mouve-laquo; ment de deglutition etant l'orcasion du developpe-laquo; ment de spasmes douloureux, le malade n'avale pas laquo; la salive secretee, pas plus qu'il n'avale l'eau qu'on laquo; lui presente. D'autre part l'abondance des mucosites laquo; bronchiques que Ton trouve ä l'autopsie est un fait laquo; ultime. Le plus sou vent l'homme enrage meurt par laquo; asphyxie, mais pendant sa vie les secretions bron-laquo; chiques ne semblent pas augmentees, caril ne tousse laquo; pas, et l'auscultation de la poitrine n'a jamais per-laquo; mis de constater avant la periode d'asphyxie la pre-laquo; sence des räles humides.
laquo; II semble done en realite que la secretion sali-laquo; vaire est le vehicule du virus rabique, et qu'elle est laquo; le seul liquide qui possede cette propriete. raquo;
C'est en poursuivant l'etudedu trajet que parcourt le virus rabique, en sortant du bulbe, que nous som-mes arrive de notre cöte ä nous faire une conviction sur le siege probable du prineipe contagieux dans teile ou teile partie de ce liquidemixte qui constitue la bave ecumeuse. Quoique l'explication que nousallons don-ner soit basee sur l'etude attentive de nombreux faits dejä connus, et qu'ä ce titre eile nous paraisse ration-nelle, nous nous garderions bien cependant, ä defaut d'experiences precises et multipliees, de formulerä cet egard une opinion trop absolue.
En parlant de l'action du virus rabique sur le bulbe
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108nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
rachidien, nous avons laisse simplement pressentir (p. 98 et suiv.), sans entrer plus avant dans notre 3U-jet, que, loin de borner ses ravages sur ce centre ner-veux, l'agent morbide en question allait porter atteinte ä des organes plus eloignes et y provoquer de nou-velles modifications que nous ne faisions que reserver pour une etude ulterieure. Essayons done maintenant de nous rendre compte, non de ce qui se passe exac-tement dans tout ceprocessus morbide, ce qui serait impossible, mais simplement d'interpreter quelques effets morbides parfaitement constates. Or, Tun de ces effets consiste precisement dans l'alteration du liquide expulse par la bouche, quelle qu'en soit la prove­nance.
Ceteffet peut-il arriver ä la suite de l'alteration ner-veuse qui s'est produite dans le bulbe? Existe-t-il du moins quelques raisons plausibles d'admettre qu'il puisse se rattacher ä une pareille origine? Voilä, ce nous semble, comment la question peut ^tre posee, pour ne pas £tre frappee d'avance d'une sterilite ab-solue.
Que faudrait-il pour qu'il en fütainsi? En d'autres termes, quelles conditions anatomiques faudrait-il pour qu'une communication quelconque put s'etablir entre le bulbe rachidien et la surface muqueuse, quelle qu'elle puisse £tre, qui produit le liquide virulent? On voit que cette question qui repose sur les donnees toujours süres du diagnostic anatomique est exacte-ment la meme que celle qui nous a dejä guide, au de­but de cesrechercbes. Or, par les m^mes raisons dejä invoquees, nous devons exclure la voie sanguine et . nous rattacher uniquement a lavoienerveuse,le bulbe
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rachidien etant en connexion directe quoique plus ou moins eloignee avec n'importe quelle partie du corps.
Prenons done, pour ne pas nous egarer, le virus ra-bique oü nous l'avöns laisse dans le bulbe. Comment ce #9632;virus j est-il parvenu? Nous avons vu (p. 48 et suiv.) que suivant toutes les probalites, il a suivi quelques-unes des fibres nerveuses sensitives qui sont elles-m^-mes en connexion avec les cellules nerveuses des cor­dons posterieurs de la moelle. Or, pour quitter le bulbe, pour s'en eloigner, il ne peut suivre que le m^me chemin qu'il a dejä pris pour y aboutir, II faut done que ce meme virus suive encore cette fois un certain nombre de fibres nerveuses sensitives, peut-etre toutes celles qui partent de cette longue colonne de substance grise representee par les comes poste-rieures de la moelle epiniere et du bulbe rachidien.
On pourrait, nous dirons m^me plus, on devrait suivre l'action du prineipe virulent de la rage sur le Systeme nerveux sensitif peripherique : on devrait instituer ä cet effet des experiences comparables ä celle de Rossi (voy. p. 69) et Ton arriverait, certaine-ment, par cette voie, ä eclairer d'un nouveau jourbien des questions que nous ne pouvons guere qu'entrevoir en ce moment. Mais, pour ne pas etendre outre me-sure un travail dejä trop long, bornons notre examen aux seules racines eräniennnedevoluesä la sensibilite generale ou speciale et qui sont en connexion directe avec le bulbe. Ces racines sont celles dutrijumeau, du pneumogastrique, du glosso-pbaryngien et du nerf auditif. Laissons m^me de cöte les deux nerfs de sensibilite speciale sur lesquels d'ailleurs nous n'au-rions rien ä dire de particulier. II ne nous restera plus,
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des lors, qu'ä suivre le virus rabique le long de deux nerfs, le long du trijumeau et du pneumogastrique.
Voyons done, en premier lieu, les effets produits sur les organes auxquels se distribue le premier de ces nerfs :
C'estauniveau du tubercule cendrede Rolando que, d'apres les recherches delicates auxquelles s'est livre M. Mathias Duval (1), laquo; se trouve la limite qui separe laquo; les racines spinales posterieures les plus superieu-laquo; res d'avec les racines bulbaires les plus inferieures laquo; du trijumeau. raquo; Mais, pour ne pas entrer dans des developpements inutiles, en ce qui concerne du moins notre sujet, nous nous bornerons ä dire avec M. Sap-pey (2) que cette racine prend naissance dans la t£te gelatineuse de la corne posterieure laquo; par des radicules, laquo; d'abord rares et tres-deliees, mais qui augmentent laquo; de volume et de nombre a mesure qu'elles s'elevent, laquo; et qui se reunissent superieurement en un seul fais-laquo; ceau. raquo; Or, des divers cordons nerveux qui se de-tachent des trois branches du trijumeau, il n'y en a guere que deuxprincipaux, les nerfs buccal et lingual, qui pourraient transporter ä la salive le principe con-tagieux dont ils pourraient etre charges. Pour notre part, nous ne verrions rien que de tres-rationnel ä ad-mettre que cet effet put se produire, et cela en raison de la finesse de la muqueuse buccale at linguale d'une part et de la chute ainsi que du renouvellement si fre­quents de l'epithelium de la bouche d'autre part. Dans cette hypothese, le virus rabique serait transporte par
(1)nbsp;Loc. cit., dans Journal de l'anat. et de la physiol., 1877 p. 572.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ..
(2)nbsp;Loc. cit., t. Ill, p. ?00.
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les ramifications les plus deliees de ces deux nerfs, dans la trame si fine que forme la muqueuse dansl'ia-terieur de la bouche et sous la langue. II arriverait ainsi dans la mince couche epitheliale qui la tapisse en ces points, et ä mesure que cclle-ci viendrait ä se de­tacher par la mastication des aliments, il serait direc-tement verse dans la cavite buccale.
C'est un effet d'autant plus facile a s'expliquer que le virus rabique dans des conditions speciales, il est vrai, pent traverser la muqueuse buccale en sens in­verse et aller contaminer, selon nous, quelques filets dependant de ces nerfs. C'est ainsi que M. Girault (1; cite l'exemple de chiens qu'il auraitrendus enrages en leur faisant mächonner une eponge iaibibee de liquide virulent. On ne saurait invoquer, dans ce cas, une simple absorption du principe rabique , car tout le monde sait qu'on a pu faire avaler ä des chiens sans les rendre malades de la chair recouverte de bave viru­lente. Que se passe-t-il done dans le casdemächonne-ment de l'eponge ? C'est que la couche epitheliale peut se detacher presque entierement dans les points oü eile est le plus mince, et le principe contagieux peut des lors at-teindre directementle reseau nerveuxterminal ou les ex-tremites libres des nerfs qui voüt se distribuer dans la trame meme de la muqueuee. Ici le principe contagieux venu du dehors passe de la salive dans les nerfs, tandis que dans les cas d'explosion soudaine des accidents rabiques, ce m^me principe venu du bulbe va des nerfs vers la salive.
On peut assurement contester ce mecanisme et cela
(1) Unionmid., n0 du 28 juillet 1874, p. 157.
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ne porterait pas ä consequence au point de vue theo-rique. Mais il est une question essentiellement pra­tique qui s'y rattache, et voilä pourquoi nous avons cru devoir insister sur cette double traversee de la muqueuse, si nous pouvons ainsi dire, par le virus ra-bique. Car, en admettant que le mecänisme que nous indiquons ne fütpas parfaitement prouve, un simple doute k cet egard suffirait ä nous faire rejeter la suc-cion d'une plaie virulente ou reputee teile, succionqui a ete preconisee cependant par plusieurs auteurs re-commandables,
Mais 11 est une autre question tres-difficile et tres-controversee que nous devons aborder en ce moment, A raison de la connexite etroite qui l'unit ä la prece-dente, nous voulons parier des lysses sublinguales dont M. Bergeron dit que tout le monde en parle et qu'aucun observateur, selon Magistel, n'a pu les re-trouver depuis quarante ans qu'on les recherche. Et d'abord ces lysses existent-elles reellement ? Car il se-rait non-seulement inutile mais m^me ridicule de vou-loir expliquer un fait dont I'existence ne serait pas prealablement bien prouvee. Or, nous avons, ä cet egard, le temoignage le plus autorise que nous puis-sions dernander et qui met le fait de I'existence des lysses hors de toute contestation: laquo;Auzias-Turennea laquo; demontre incontestablement par ses recherches, dit laquo; M. Bouley (l),que les vesiculesrabiquesont ete vues laquo; par Un certainnombre d'observateurs k 1'autopsiede laquo; chiens qui etaient morts de la rage. Mais cette erup-* tion est-elle constants ? Et, quand eile Se montre; k
(1) Loc cit., Diet, encyd. des ac. med., p* 103V
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laquo; quelle periode apparait-elle apres l'inoculation rabi-laquo; que ? Est-ce avant la manifestation des symptomes ? laquo; Est-ce ä leur periode initiale ? Est-ce ä la fin '? Aiitant laquo; de questions qu'il faut se contenter de poser, car leur laquo; solution n'est pas actuellement possible.
laquo; Un fait tres-interessant a ete exhume par Auzias-laquo; Turenne : c'est l'inoculabilite du liquide des vesi-laquo; culesrabiquesdemontreeunefoispardesexperiences laquo; de Barthelemy aine. Voici le passage de la these du laquo; Dr Vianna de Resende, presentee ä la Faculte de laquo; Paris an 1831, oü ce fait est inscrit : [laquo; J'ai eu lieu raquo; d'observer une seule fois ä la base de la langue d'un raquo; chien mort ä l'Ecole d'A.lfort, pendant l'annee 1823, raquo; les vesicules dont le Dr Marochetti a parle. Elles raquo; etaient au nombre de quatre, occupant le frein de la raquo; langue du cöte gauche, et la plus grande pouvait raquo; avoir le volume d'un haricot assez gros; les autres raquo; etaient bien plus petites et toutes contenaient un li-raquo; quide limpide, blanchätre et comme sereux. Des raquo; experiences furent tentees par Barthelemy atne, raquo; alors professeur de clinique ä cette ecole ; plusieurs raquo; chevaux furent inocules : tous moururent de la rage raquo; (Rec. de med. vet., 1868 et 1869). raquo;]
Sans Mre aussi probant, le fait suivant merite ce-pendant une courte mention.- Et il a d'autant plus d'importance que l'auteur ne croit pas, mais a tort selon nous, ä l'existence de lysses, chez le malade dont il pratique l'autopsie. II s'agit encore du meme fait si interessant de Marie-Anastasie, rapporte par M. Calvy (1). Cette pauvre femme avait ete mordue,
(i)Loc.ciU, p; 298 et 317.
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le 4 octobre, ä la levre superieure, et ä l'autopsie, M. Calvy, apres avoir declare qu'il n'y a pas de lysses sous la langue ni sur les cotes du frein, decrit la lesion suivante : laquo; un peu au-dessus du frein et ä droite, on laquo; voit une tres-petite vesicule paraissant contenir un laquo; liquide hyalin.
laquo; Au centre de cette vesicule apparatt un point noi-laquo; rätre; ä cöte se trouvont cinq ou six petites elevures laquo; sous forme de granulation. raquo;
Nous sommes loin, n'ayant pas vu la lesion, de vou-loir contester ä M. Calvy qui en a ete temoin que cette lesion ne repondit pas ä ladescriptionclassiquequ'on a donne des lysses. Mais, nous ne voulons tirer pour le moment, de l'observation de notre distingue con­frere qu'une seule conclusion, c'est qu'il existait la une sorte d'eruption papulo-vesiculaire et qu'elle sie-geait toujours sur la face inferieure de la langue, quoi-qu'elle n'occupät par exactement les cotes du frein.
Or, que peuvent 4tre ces lysses? Qu'on remarque bien leur siege, sur un des cötes du frein ou un peu plus haut, ce meme siege d'ailleurs, qu'on indique generalement dans tons les ouvrages. Qu'y a-t-il done au-dessous de la langue de chaque cote du frein? II suffit d'avoir sous les yeux une planche d'anatomie de cette region pour voir que les lysses que 1'on a de-crites sont situees sur le trajet du nerf lingual. Voila pourquoi I'eruption signalee parM, Calvy nous parait devoir etre comme etant de meme nature que les lysses. Et celles-ci n'ont-elles par elles-memes leurs analogues dans ces vesicules herpetiques situees, dans le zona, sur le trajet des nerfs malades, ainsi que dans ces eruptions cutaneifs signalees par
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MM. Hayem, Weir Mitchell, Morehouse et Keen (1), ä la suite de certaines lesions traumatiques desnerfs.
Avant d'aller plus loin, nous ferons remarquer ici que dans le fait de M. quot;Vianna, comma dans celui de M. Calvy, l'eruption que nous etudions nesiegeait que d'un cöte, remarque importante si Ton songe d'une part que la lesion etait egalement unilalerale dans le fait de M. Foville (voy. p. 68) et dans celui de M. Po-laillon (voy. p. 91), et d'autre part que la douleur de la periode d'invasion de la rage est egalement unilate­rale, qu'elle siege constamment du cote hlesse. En ad-mettant que l'interpretation que nous donnons se trouve fondee, peut-il y avoir croisement au niveau du bulbe? La lesion d'un membre par exemple peut-elle sieger sur le cote oppose oü Ton voitsedevelopper les lysses? C'est lä une question bien differente et sur laquelle nous nous garderions bien de hasarder ac-tuellement un jugement quelconque. Mais, ce que nous tenons ä faire ressortir en laissantceltedeuxieme question de cote, c'est que les lesions de la rage soxt unilaterales, circonstauce qui s'explique k merveille avec la theorie nerveuse et qui serait absolument in­comprehensible avec la theorie sanguine.
Si cette localisation du virus rabique sur un des cötes de la bouche est vraie, il en resulte necessaire-ment qu'au moment, du moins, oü le mucus nouvelle-ment forme (nous disons mwcus et non salive) afflue dans la cavite buccale, il riest virulent que d'un cote. II est evident sans doute qu'il peutet doit se me­langer plus ou moins dans la suite d'un cöte ä l'autre.
(1) Art. Nerfs (Pathol. chir.), du Diet, encycl. des se. ?ne'd..2e s., t. XII, p. 299.
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Mais il n'en doit pas moins advenir que, toujours, le mucus buccal dovt ttre plus virulent d'un cöte que de i'autre. Qu'on suppose done un chien enrage ayant son virus ä gauche et qui morde toujours ä sa droite et 11 pourra ne pas y avoir une seule inoculation reelle, tandis que dans des conditions inverses toutes les blessures faites pourraient devenir virulentes. Si on operait done sur un nombre de blessures assez considerables, les unes faites dans d'excellentes con­ditions d'incubation et les autres dans de tres-mau-vaises, on aurait ä peu pres la moitie des blessures qui neseraient pas suiviesd'accidents rabiques.
Voyons jusqu'ä quel point l'experience repond ä cette vue theorique; car cette question a ete precise-ment traitee par Renault, ä l'aide d'une statistique #9632; comparative des mieuxeon^ues. Nous pourrions nous borner assurement ä exprimer simplement par des chiffres le resultat obtenu. Mais nous aimons mieux, tant la question a de l'interet, infliger au lecteur et ä nous-meme une assez longue citation. Voici done ce que dit, ä cet egard, ce judicieux observateur (1) : laquo; Mais, en France du moins, iln'a ete etabli par aueun laquo; (obseroateur) sur des donnes quelque peu certaines, laquo; quelle etait en moyenne la proportion des cas de laquo; rage ä ceux des morsures. C'etait lä pourtant un laquo; sujet d'etudes curieuses et interessantes. Ces etudes, laquo; je les ai entreprises; et je demande la permission ä laquo; l'Academie, si ellen'estpas dejä trop fatiguee par la laquo; longueur de ce rapport, de lui faire connaitre ici le
(I) Rapport sur un travail de M. Dezanneau, intitule : Traiti orophyl. de la rage, au moy. des frict. mercur., dans Bull, de VAc, de med., t. XVII, p. 280 et suit, (seance du IS-janvier 1852).
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laquo; resultat d'observations et d'experiences que j'ai laquo; faites dans cette direction, ä l'ecole d'Alfort, depuis laquo; 1828, epoque ä laquelle j'ai communique mes tra-laquo; vaux sur la rage.
laquo; Pour ne pas jeter de confusion dans ces calculs laquo; proportionnels et conserver aux resultats leur valeur laquo; propre, il importe de faire deux series des faits sur laquo; lesquels ils ont ete etablis.
laquo; Dans une premiere serie se troavent les cas de laquo; morsures accidentelles faites, comme cela a lieu tons laquo; les jours, par des chiens enrages ou suspects de l'etre' laquo; a des chiens ou a d'autes animaux que les proprie-laquo; taires ou la police envoient ensuite a Alfort pour y laquo; rester en observation. On voit que les resultats des laquo; calculs faits sur les animaux de cette categoric pour-laquo; ronts'appliquer jusqu'a un certain point aux obser-laquo; vations faites sur I'espece humaine, puisque c'estor. laquo; dinairement dans des circonstances semblables que laquo; sont mordues les personnes qui font l'objet des ob-laquo; servations rapportees par les medecins de Fhomme.
laquo; Voici, relativement aux faits de cette premiere laquo; serie, les resultats de nos recherches sur I'espece laquo; canine.
laquo; Dans la periode decennale de 1827 ä 1837, sur 224 laquo; chiens amenes aux höpitaux de l'ecole apres avoir laquo; ete mordus dans les rues par des chiens enrages, ou laquo; regardes comme tels, et qui y sontrestes plus de deux laquo; mois en observation sans avoir subi aucun traite— laquo; ment :
laquo; 74 (le 1/3 ä pen pros) sont devenus enrages ;
laquo; 130 (les 2/3) n'ont rien eprouve.
laquo; Mais on confoit, au point de vue scientifique, que
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laquo; ces chiffres ne sauraient donner la mesure d'activite laquo; ou de puissance dn virusrabique, en ce sens: 1deg; que laquo; la certitude de l'existence de la rage sur les chiens laquo; qui ont mordu n'a pas toujours existe; 2deg; que la laquo; trace des morsures n'a pas toujours ete recherchee et laquo; reconnue sur tous les chiens deposes ä l'ecole, et que laquo; des lors il n'est pas demontre qu'ils aient ete mor-laquo; dus ; 3deg; qu'ils ont pu etre mordus dans des regions laquo; oü l'abondance des polls aurait empeche la salive de laquo; penetrer jusqu'ä la plaie.
laquo; C'est pourquoi, pour avoir sur ce point des ele-laquo; ments plus rigoureux, j'ai fait un releve proportion-laquo; nel semblable sur une seconde serie de faits que je laquo; vais faire connaitre, et dans lesquels ne se trouvent laquo; pas ces causes d'incertitude et d'erreur. Voici ce que laquo; j'ai constate :
laquo; Depuis 1830 jusqu'aujourd'hui, a des epoques dif-laquo; ferentes et dans des vues diverses, tantot j'ai fait laquo; mordre ä plusieurs reprises par des chiens comple-laquo; tement enrages que j'avais sous les yeux, et sur des laquo; parties oü la peau est fine et depourvuede polls, des laquo; chiens ou des herbivores ; tantöt j'ai puise dans la laquo; gueule de ces chiens enrages, au moment de leurs laquo; plus forts acces, une certaine quantite de salive que laquo; j'ai inoculee sur plusieurs regions sous I'epiderme laquo; d'autres animaux. raquo;
laquo; 99individus (chiens, chevaux ou moutons) ont ete laquo; ainsi mordus et inocules. Sur ce nombre 67 sont de-laquo; venus enrages; les 32 autres restes en observation laquo; pendant plus de cent jours n'ontrieneprouve. Ainsi, laquo; dans ces cas oü se sont trouvees reunies toutes les laquo; conditions favorables a la transmission, le nombre
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laquo; des individus mordus ou inocules est ä celui des in-laquo; dividus qui ont contracte la rage :: 3 : 2. C'est-ä-dire laquo; que les 2/3 desanimaux soumisaux experiences sont laquo; devenus enrages ; et que 1/3, sans avoir ete soumis laquo; äaucun traitementouregimepreservatif quelconque, laquo; a echappe ä la rage. gt;
En rapprochant done les resultats obtenus dans les deux series, on a :
Dans la 1quot; serie, sur 3 animaux mordus, 1 enrage et 2 epargnes.
Dans la 2C serie, sur 3 animaux mordus ou inocules, 2 enrages et 1 epargne.
En d'autres termes, on a comme resultat general, que sur 6 animaux mordus, par exemple, 3 devien-nent enrages et les 3 autres n'eprouvent aucun acci­dent, proposition identique ä celle que nous avons donnee nous möme, en nous basant sur ce fait que les lesions de la rage nous ontparu etre unilaterales, et que par suite la have virulente ne provient que d'un cote de la bouche et pas de l'autre.
Qne Ton vouille bien comparer ce resultat a celui que nous avons rapporte plus haut (p. 114) relative-inent aux experiences de Barthelemycitees par Vianna et l'on verra que dans ces dernieres toutes les inocu­lations ont reussi. PourquoiV Parce que, cette fois, on a puise le virus a la source meme oü il se forme, tandis qu'avec les inoculations ordinaires la bave qu'on emploie peut etre ou non contagieuse, suivant qu'on la prenne, par le plus grand des hasards, d'un cote ou de l'autre de la bouche.
II est encore une particularite remarquable qui a ete signalee par differents auteurs, e'est la gravite beau-
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coup plus grande que revetent d'ordinaire les morsures de loup enrage. laquo; M. le Dr Michel, de Salle, dit Tar-laquo; dieu (1), a fait connaitre ä M. Camescasse le fait laquo; epouvantable d'un loup enrage qui a mordu 47 per-laquo; sonnes dont 45 moururent de la rage, les 2 autres laquo; ayant ete preserveespar une cauterisation immediate laquo; faite avec le beurre d'antimoine. raquo; Pourquoi cette gravite plus grande? Pour des raisons qui ont dejä ete indiquees, ä savoir : que ces morsures sont plus pro-fondes et siegent ordinairement ä la face. Mais il en est une autre qui peut dependre de la cause que nous etudions, c'est que le loup, plus feroce que le chien, en mordant avec plus de tenacite et de vigueur, doit #9632; sans nul doute operer plus intimement le melange de la salive d'un cöte ä l'autre et la rendre ainsi, si nous pouvons ainsi dire, plus uniformement virulente.
Quant ä la transmission du virus rabique ä la mu-queuse bronchique par l'intermediaire du pneumo-gastrique, nous inclinerions ä croire, sans pouvoir le prouver toutefois, qua la virulence provenant de et fait, si reellemeut eile existe, doitetrebeaueoup moins prononcee que dans le cas de la transmission par les nerfs de la muqueuse buccale. Nous croyons, en effet, avec M. Brouardel, qua la production de 1'ecu me bron­chique denote dejä tout au moins un commencement d'asphyxie et que celle-ci ne survient qu'ä une periode avancee des accidents rabiques, alors que l'animal, at-teint de rage mue, est moins dispose ä mordre qu'il ne l'etait auparavant. D'un autre cöte, il est parfaitement prouve que la contagion rabique pent avoir lieu bien
(l) Rapp. pour les annees 1855, 1856, 1857..et 1858, dans Ann. d'hyg. publ. et de mcd. leg., 1860, 2e serie, t. XIII, p. 211.
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avant l'arrivee de cette ecume dans les bronches, au debut de la periode d'invasion, par exemple, alors que le chien, devenu plus affectueux, communique le virus par le lechement des surfaces decouvertes de la peau. Nous pensons, en outre, que si le virus de la rage par-venait meme partiellement de l'ecume bronchique, celle-ci, en se mölant d'un cote ä l'autre, serait viru­lente dans toute son etendue en arrivant ä la bouche. On n'observerait pas des lors, au moins au meme de-gre, les resultats negatifs de l'inoculation dont nous avons parle. II y a done lieu, pour ^tre bien fixe sur ce point, d'instituer de nouvelles experiences par des ex­periences comparatives faites avec le mucus buccal ou le mucus bronchique. II serait bon egalement d'inocu-ler d'autres produits de secretion, tels que le lait, par exemple. Car, du fait seul que ce liquide, ingere par les voies digestives, eüt ete reconnu inoffensif, on n'aurait pasle droit d'induire qu'il düt l'etre de meme si on I'ap-pliquait directement sur des fibres nerveuses mises ä decouvert dans une assez large etendue.
Mais il est certaines questions se rattachant a J'e-tude de la salive, ainsi qu'ä celle des lysses, que nous n'avons vu mentionner nulle part et qu'il serait ce-pendant bien utile et bien interessant d'elucider. A quelle epoque, par exemple, commence la virulence de la salive et jusqu'a quelle autre epoque persiste-t-elle? A quel moment apparaissent les lysses et quel en est le degre de frequence? Tout en ay ant toujours le seul et unique desir de subordonner toute vue theorique a Vexperience, il est parfaitement legitime, ne serait-ce que pour etablir un moyen de contröle pour l'avenir, d'envisager ce que peuvent etre certains faits selon les
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analogies qui resultent de l'examen d'un tout autre ordre de faits. Or, en poursuivant toutes les conse­quences de la theorie nerveuse, toutes celles du moins que la plus simple induction permet de prevoir, il nous parait probable que la salive n'est jamais virulente pendant la periode d'incubation, et que, contrairement ä i'assertion de Marochetti qui a, cependant, signale le premier l'existence des lysses, ces dernieres n'exis-tent pas davantage durant cette meme periode d'incu­bation. Que faut-il, en effet, pour que le principe con-tagieux existe dans les liquides de la bouche? II faut que ce principe, apres avoir gagne le bulbe dans une direction centripete, ait pris une direction centrifuge en sortant de cet organe. II faut done, tout au moins, que les symptömes initiaux de la rage se soient dejä montres, car ce sont eux qui nous apprennent que ce centre nerveux est dejä atteint et que les desordres les plus graves ne tarderoLt pas ä se montrer dans tout l'organisme.
II est, en effet, bien remarquable de voir combien la duree de la transmission est differente, dans l'une ou l'autre direction. Tandis qu'elle procede avec la plus grande lenteur dans la direction centripete du lieu de la morsure vers le bulbe, eile se fait, au contraire, avec une vitesse incroyable dans la direction centrifuge, du bulbe rachidien aux extremites terminales des nerfs et du nerf trijumeau en particulier. On ne sauraitdonc mieux comparer ce qui se passe dans le bulbe qu'ä une sorte d'explosion qui repousserait le virus avec force le long de tous les filaments axiles divergents. C'est ce qui fait qu'en quelques jours et parfois meme en quel-ques heures l'homme et bien des animäux plus vigou-
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reux que lui succombent comme terrasses. II y a une mort cardiaque, une mort cerebrale et une autre pul-monaire. Eh bien, il y a aussi une mort bulbsire, et la rage en offre un des types les plus acheves. N'est-ce pas encore par cette m6me vitesse de propagation que peut s'expliquer la douleur et surtout la saillie des ci­catrices que i'on observe parfois ? Pourquoi c.et aspect turgescent que revöt en certains cas le lieu de la mor-sure? C'est que, dans tout le trajet qui le separe du bulbe, il existe, comme nous l'avons appris par une serie d'inductions legitimes, des fibres alterees, deve-nues granuleuses, peut-ötre meme des filaments axiles detruits en totalite ou en partie. Rien n'arrete des lors l'effort parti du bulbe, pas plus qu'une muqueuse mince et fragile, comme celle qui revet le plancher de la bouche, ne saurait s'opposer ä Tissue d'un agent ma­teriel bien tenu assurement, mais cependant tres-reel, puisque c'est lui qui s'accumule dans les lysses quand cette mince muqueuse vient ä offrir une certaine re­sistance,
Pourquoi, d'autre part, ces lysses ont-elles ete vues par un si petit nombre d'observateurs? C'est que tout semble nous prouver qu'elles doivent etre bien rares. Nous avons vu, en effet, qued'une part, on n'en saurait comprendre la formation durant la periode d'incubation et que, d'autre part, la texture de la mu­queuse buccale permet ä celle-ci de se laisser traver­ser en certains points, sans qu'il puisse y avoir, pour ainsi dire, des traces d'effraction. Qu'on joigne ä ces deux bonnes raisons la precipitation extraordinaire des accidents rabiques qui causent la mort en deux, trois ou quatre jours, rarement plus tard, et Ton com-
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prendrafacilement que les h/ssestant cherchees aient en realite de rares occasions de se montrer, qu'elles n'aient pour ainsi dire pas le temps de se produire.
Comment s'expliquer des lors la frequence que leur attribue Marochetti, le premier medecin qui ait parle de ces lysses qu'il appelle tumeurs ou vesicules sub-linguales? Comment s'expliquer surtout qu'il les ait trouveeslaquo;ordmaiVement, lorsqu'elles doiventse former laquo; du troisieme au neuvieme jour apres la morsure (1)?raquo; Car il semblerait que, des l'instant oü nous avons ad-mis l'existence des lysses, nous devrions, en ce qui concerne l'epoque oü elles apparaissent reellement, nous en rapporter ä celni qui les a decrites le premier. Nous devons done donner quelques explications ä cet egard.
Or, nous avons lu avec le plus grand soin et ä di­verses reprises le memoire de Marochetti, et nous devons declarer que si nous n'avions eu pour edifler notre jugement que les donnees qui s'y trouvent, nous aurions tres-probablement rejete l'existence de ces lysses, nous n'aurions pas ose, du moins, les regar-der comme ä l'abri de toute contestation. Cen'est done quel'experience de Barthelemy, rapporteedansla these du Dr Vianna (voy. p. 114), qui nous a permis de ne pas en douter; on comprend, en effet, qu'une lysse du volume d'un haricot soit chose assez facile ä reconnai-tre. Loin de trouver dans la memoire de Marochetti
(1) Observations sur l'hydrophobie, sur les indices certains pour reconnaitre l'existence du virus hydrophobique et sur les moyens de prevenir le developpement de la maladie' en en detruisant le germe; suivies des prineipaux cas pratiques observes depuis l'ann^e 1813 jusqu'en 1823. Arch. gen. de mid., 1825, lre s6rie, t. IX, p. 85.
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des details bien circonstancies sur le siege, le volume et autres caracteres de ces vesicules, nous-iTavonssu y decouvrir au contraire qu'une description des plus vagues, pouvant se rapporter ä ces petites saillies d'origine glandulaire qui siegent normalement sur les cötes du frein de la langue bien plutöt qu'ä une pro­duction pathologique. Le cöte affecte ne s'y trouve meme pas mentionne une seule fois.
Voici d'ailleurs la seule description qu'en donne l'auteur, ä la note de la page 85 : laquo; Je les nomme laquo; ainsi (tumeurs ou vesicules) parce qu'elles n'ont pas laquo; toujours la meme forme ni la meme grandeur. Par-laquo; fois elles presentent ä l'oeil une bourse charnue, laquo; d'autres fois elles prennent l'aspect d'une tumeur laquo; rouge egale, et quelquefois elles se presentent sous laquo; la forme de petites excroissances inegales d'une laquo; couleur rouge brune. raquo;
D'un autre cöte, on pent lire dans ce memoire cer-taines assertions emises sans l'expression d'un doute et qu'il est difficile et meme impossible d'admettre, avec les notions plus positives que l'on possede au-jourd'hui sur la rage. C'est ainsi qu'apres avoir rese-que avec des ciseaux et bräle deux houtons sous la langue d'un homme qui aurait ete mordu cinq jours auparavant par un cbien enrage, il croit ä la guerison d'un cas de rage, sans doute, parce que le malade lui affirme, moins d'un quart d'heure plus tard, que tous ses maux ont ete brüles et qu'il se porte parfaitement bien. Or le 23 avril 1823, veille du jour oü cet homme a ete mordu par un chien enrage, trois chiens furent mordus par le m^me chien et ces trois chiens seraient morts enrages dans la nuit du 27 avnl, c'est-ä-dire
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quatre joitrs apres Vinoculation du virus rabique. D'un autrecote, il rapportele fait qui lui a ete communique par un de ses amis, d'une chienne qui,laquo; etantpleine et laquo; vers le milieu de sa portee, fut mordue par un chien laquo; enrage. raquo; Or, au terme voulu, cette chienne mit bas laquo; six petits chiens hien portants qui furent nourris par laquo; elle-meme. raquo; Quant ä ceux-ci,laquo;au bout de quelques laquo; mois (ilsj furent donnes ä plusieurs personnes. De-laquo; puis ce temps la chienne se porta toujours bien;mais laquo; ses six petits, ayant atteint Vage d'une annee, devin~ laquo; rent tous enrages, quoi quils se trouvassent dans des laquo; endroits differents et moururent dans la meme jour-
laquo; NEE.
Or, loin d'etre surpris par les circonslances vrai-mentprodigieuses de ce fait, l'auteur ajoute : laquo; il (le laquo; virus hydrophobique) peut non-seulement se cacher, laquo; mais se transmetlre d'un corps ä lautre, sans laisser laquo; aucune trace de son sejourprimitif. Cette observation laquo; est tres-importante, en effet; eile peut ouvrir un laquo; champ ä de serieuses reflexions, ainsi qu'ä de nou~ laquo; velles experiences. raquo;
Si nous sommes entre dans tous ces developpe-ments, c'est pour montrer qu'une semeiologie etayee par un pareil patronage devait paraitre tres-suspecte, d'autant plus suspecte qu'elle emanait en realite d'un paysan de l'Ukraine qui en avait fait part ä l'auteur. laquo; Ce paysan, dit Marochetti ä la page 90, etait un laquo; Cosaque Zaparostza, dont la famille etablie depuis laquo; longtemps dans ces contreesfaisait depuis un temps laquo; immemorial, de pere en fils, son etat de traiter les laquo; personnes mordues, sans communiquer son secret laquo; ä personne ; les vieillards m'assurerent qu'ilspou-
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laquo; vaient tons me rendre temoignage pour cet homme laquo; qui avait, disaient-ils , sauve plusieurs centaines laquo; d'individus dans ce gouvernement. raquo;
La decouverte des lysses seraitdue, par consequent, ä une personne etrangere ä la medecine, ä Tun des membres de la famille Zaparostza. Le fait en lui-mäme n'aurait rien d'etonnant, en ce sens que si les lysses peuvent acquerir le volume d'un haricot, alles peuvent tout aussi bien frapper les yeux d'un profane que ceux d'un medecin. II se pourrait aussi (et c'est lä l'explication qui nous parait le plus probable) que Tun des membres de cette famille eüt tenu le fait de quelque medecin. Quoi qu'il en soit, on comprend tres-bien qu'avec un pareil professeur de clinique, Marochetti, enclin par sa nature ä trop de credulite, ait cru ä la frequence et au developpement precoce de ces lysses. Nous ne serions nullement surpris, pour notre part, que ce medecin, duquel nous tenons en de­finitive la connaissance des lysses, ne les eüt lui-möme jamais observees reellement. Cette proposition para-doxale s'explique par la longue explication que nous venons de donner et qui nous a paru indispensable pour l'eclaircissement d'une question de cette impor­tance.
Quant ä la nature du virus rabique, nous ne pouvons querepeter ce que nous avons dejä dit, c'est que nous ignoronscompletement en quoi eile consiste. La rapi-dite avec laquelle il agitdans le bulbe süffit-elle pour nous permettre de soupgonner qu'il puisse etre un fer­ment? Nousn'oserionshasarderaucune opinion person-neileäcetegard, neconnaissant suffisamment ni la na­ture des ferments, ni lamaniere dontilsse comportent.
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Nous laissons done ä de plus competents que nous le soin d'elucider cette difficile, question d'etiologie.
Mais il en estune autre non moins importante que nous tenons ä signaler en terminant, question prati­que par excellence et qui a trait a la duree de conser­vation du virus rabique. Nous ne pouvons guere savoir s'il est vrai, comme I'ont cru quelques observa-teurs, que la quantite de ce virus dans la salive soit souraise a certaines oscillations, qu'il disparaisse ou diminue par exemple, pour reparaitre quelques instants plustard. Mais ce qu'il importe que tous les experimentateurs sachent, e'est que le liquide buccal ou la bave ecumeuse (peu importe le nom qu'on lui donne) conserve ses proprietes contagieuses pendant plusieurs heures au moins, et meme pendant vingt-quatre heures, comme s'accordent a le dire un mede-cin et un veterinaire distingues.
laquo; La have du chien enrage, dit M. Boudin (1), con— laquo; serve sa puissance pendant vingt-quatre heures laquo; apres la mort de Vanimal. Le comte Salm, qui s'est laquo; livrc ä des essais d'inoculation au moyen de have des-laquo; scchee, affirme avoir produit la rage.
laquo; Le pouvoir d'infection, dit de son coteHertwich (2), laquo; existe ä toutes les periodes de la maladie confirmee At laquo; mamp;me vingt-quatre heures apres la mort de Vanimal laquo; önrage. raquo;
C'est du reste sur un chien viort qu'ont ete obser-
(1)nbsp; Etudes sur la rage, dans divers Etats de l'Europe etparticul. dans la Haute-Italie. Ann. d'hyg, pübl. et de med. Ug.,2e serie, t. XV, p. 184.
(2)nbsp; Loc. cit. Archiv. IgiSn. de med ; 1830, 1quot; serie, t. XXII, p. 542.
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vees les lysses, dans le fait cite par Vianna (voyez page 114). Or, cette condition n'a nullement empeche le liquide pris dans l'interieur de ces lysses de don-ner lieu dans tons les cas a des inoculations posi­tives.
Nous disons que c'est lä une notion pratique d'une importance capitale. Car, si on veutimprimerdespro-gres rapides ä la physiologie pathologique de la rage, il faut de tonte necessite se livrer ä la culture du virus qui I'engendre. Or, si on se croit oblige de prendre ce dernier dans la gueule d'un chien enrage vivant, cette necessite factice sera de nature a arreter bon nombre d'experimentateurs. II faut done que ces derniers sa— chent tons que les inoculations les plus variees peu-ventdtre pratiquees en toute securite par eux. Si le medecin doit savoir affronter un peril reel pour pro­curer quelque soulagement ä ses semblables, il ne lui est nullement defendu de prendre ses precautions, quand il doit instituer, auprofit.de la science, un nom­bre considerable d'experiences dangereuses. Pour no— tre part, nous ne voyons nullement la necessite de pro-ceder comme avait coutume de le faire Renault (voy. p. 118) quand il puisait la salive laquo; dans la gueule des laquo; chiens enrages, au moment de leurs plus forts acccs. raquo; Ce n'est pas dans de pareilles conditions, assurement, qu'il aurait pu nous apprendre, en toute certitude, si le liquide buccal est ou non plus virulent d'un cote que de l'autre. Ces experiences, comme tant d'autres dont nous n'avons faitqu'esquisser le programme, exigent, pour ^tre probaates, toute la precision des experien­ces de laboratoire, et ce n'est pas en operant sur des chiens enrages rzuanfsqu'unphysiologiste quelconque
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pourra donner un libre cours ä sa curiosite scienti-fique.
Arrive au terme de cette longue mais indispensable analyse, il nous fautresumer les principales donnees fournies par l'etude de la theorie nerveuse. Dans cette hypothese, le virus rabique s'attache aux fibril-les nerveuses mises ä nu par la morsure et se pro-page jusqu'au bulbe rachidien, le long des filaments axiles des fibres nerveuses sensitives qui partent de la region blessee. Cette propagation plus ou moins lente correspond ä la periode d'incubation dont la duree est en rapport avec le siege de la morsure, J'äge, la tailie et le genre d'alimentation de l'individu ou de l'animal atteint, ainsi qu'avec le trajet direct ou recur­rent suivi par leprincipe contagieux.
Dans cette marche centripete aucun trouble ne ma­nifeste la presence de l'agent morbide jusqu'au mo­ment oü ce dernier atttint le bulbe rachidien et la pro­tuberance. A ce moment, la sensibilite, sous toutes ses formes, s'accrott, devient plus exquise, pour s'e-mousser plus tard en meme temps que la motilite tend ä disparaitre, elle-meme, lorsque des phenomenes d'asphyxie viennent ä se developper. Mais dans la pe­riode dite d'invasion, qui succede de tres-pres aux premiers troubles, le virus rabique prend une direc­tion centrifuge etse propage avec une rapidite extreme, probablement le longde plusieurs nerfs sensitifs, mais surtout le long de la racine sensitive du trijumeau, par l'intermediaire duquel liest porte dans l'interieur dela cavite buccale. C'est ainsi que s'explique la for­mation des lysses, dans les rares circonstances oü celle-ci peuvent se montrer. Dans tfette nouvelle di-
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rection, comme dans la premiere, le virus rabique suit un trajet unilateral, ce qui explique les douleurs lo-calisees au membre blasse, ainsi que la virulence du mucus buccal d'un seul cöte de la bouche. Cette der-niere circonstance nous explique les resultats d'une double statistique de Renault, de l'ensemble de la-quelle il resulte que la moitie seulement des morsures ou des inoculations donne lieu ä des accidents rabi-ques consecutifs.
La comparaison rigoureuse et impartiale de la theo-rie sanguine et de la theorie nerveuse conduit ä deux conclusions qui se completent et se contrölent l'une parl'autre, en ce sens que les resultats completement negatifs de la premiere viennent confirmer les resultats nombreux et positifs fournis par la seconde. Avec la theorie sanguine, en effet, pas un phenomene morbide ne s'explique, tandis qu'avec la theorie nerveuse, on arrive ä des donnees sinon encore completes et d'une rigoureuse precision, du moins ä des explications ex-tr^mement simples, qui viennent eclairer d'une lu-miere nouvelle une multitude de phenomenes mor­bides restes jusqu'ä cejour dans la plus profonde ob scurite.
Mais, ce n'est pas tout que de montrer que les resul­tats auxquels nous sommes arrive out ete obtenus par une voie rationnelle, la möme qui estenhonneur dans toutes les sciences et qui est basee sur l'observation des faits et l'induction. Poussant l'analogie plus loin, il faut que, sans sortir du domaine de la pathologie proprement dite, nous fassions voir l'analogie qui existe entre \eprocessus morbide de la rage etcelui de beaucoup d'autres entites morbides dont l'etude plus D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;10
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432nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
avancee a deja-revele ä divers observateurs certaines particularites des plus curieuses. Mais, dans cette etude comparative, nous nous bornerons ä quelques aperfus qui suffiront äen montrer tout I'interet, car un examen approfondi exigerait de trop longs deve-loppements et nous conduirait trop loin de notre sujet.
Pour nous servir d'une comparaison que nous avons dejä employee dans l'expose de ces recherches, nous dirons que la phrase physiologique, dont nous avons cherche ä demeler le sens vrai dans la rage, offre une grande analogic avec d'autres phrases physiologiques indiquant le lien des phenomenes morbides dans d'au­tres affections, telles que certaines fievres eruptives, la syphilis, la nevrite ascendante, I'epilepsie, le teta-nos, etc., etc. Toutesces affections quoique disparates en apparence, forment un groupe naturel et sont unies par un meme lien physiologique ; elles sont toutes, au moinsdans certaines conditions determinees, d'ori-gine peripherique. Comme il n'est plus necessaire, dans cette vue d'ensemble, de recourir toujours ä des textes precis, nous rappellerons de souvenir que notre ancien collegue d'internat, M. Maurice Raynaud, fait resider la lesion primitive de la vaccine dans les lym-phatiques, et que M. Lancereaux de son cote croit que les plus fines ramifications arterielles sont primitive-ment atteintes dans la syphilis. Nous etions arrive de notre cote a la meme conviction , en ce qui concerne du moins la syphilis et, apres la lecture du travail de M. Maurice Raynaud sur la vaccine, nous nous som-mes meme demande si ce ne serait pas plutot dans les lymphatiques que siegerait la lesicm primitive de la
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syphilis acquise. II est inutile d'entrer dans de plus longs developpements ä cet egard. Nous nous borne-rons seulement aindiquer cette seule ressemblance de ces diverses entites morbides, ä savoir qu'elles sont toutes d'origine peripherique.
Pour ce qui concerne les autres affections dont nous avons donne plus loin l'enumeration et que nous n'avons jamais etudiees d'une maniere particuliere, nous nous bornerons, au sujet des apergus generaux auxquels elles se pretent, ä donner les quelques cita­tions suivantes :
laquo; Dans quelques cas, dit M. Jaccoud (4), la nevrite, laquo; debutant par les ramifications terminales des nerfs, laquo; envahit par une progression ascendante (c'est laquo; M. Jaccoud qui souligne deux fois et nous aussi) un laquo; plus ou moins grand nombre de nerfs peripheriques, laquo; et eile tue par l'extension des phenomenes paralyti-laquo; ques; cette forme generalisee et grave de la nevrite laquo; doit etre rapprochee, au point de vue clinique, de laquo; Vatrophie nerveuse progressive dont eile constitue laquo; une variete, raquo;
Voici ce que dit, de son cote, dans un travail des plus remarquables sur le möme sujet, notre savant et sympathique confrere M. Dumenil (de Ronen) (2) :
laquo; Les lesions qu'on a rencontrees dans les nerfs laquo; n'ont pas encore toutes de determination bien pre-laquo; eise. Ce sont souventdes alterations dont on n'a pas laquo; pas suivi revolution, ou bien des alterations secon-
(1)nbsp; Tr. de path, int., t. I, p. 372. Paris, 1870.
(2)nbsp; Contributions pour servir ä l'hist. des paral. peripher. et spe cialement de la nevrite. Gaz. hebd de med, et de cTiir,, 1866, p. 51.
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laquo; daires nees de l'etat pathologique des tissus aux-laquo; quels les nerfs se distribuent. Elles forment des laquo; fragments detaches d'anatomie pathologique qui at-laquo; tendent leur complement de l'etude clinique; mais laquo; celle-ci progresse comme toutes les autres parties laquo; de la science, et chaque jour en apportant une nou-laquo; velle conquete de l'esprit d'investigation qui carac-laquo; terise notre epoque, etablit l'harmonie entre les trou-laquo; bles fonctionnels et les derangements organiques, laquo; seule base reell ement solide sur laquelle la patholo-laquo; gie puisse etre fondee.
laquo; L'etude des alterations spontanees et primitives laquo; du Systeme nerveux peripherique, la determination laquo; du processus pathologique qui preside au develop-laquo; pement de ces alterations sont encore ä l'etat d'en-laquo; fance. Cependant ce que i'ai observe me donne la laquo; conviction intime que bien des paralysies de cause laquo; obscure ont lenr point de depart dans de veritables laquo; nevrites spontanees. Si ce sujet a ete si longtemps laquo; neglige, c'est que la preoccupation de Vexistence laquo; d'une affection des centres, toutes les fois qu'on ob-laquo; serve un trouble de la sensibilite ou de la motilite, laquo; quelquefois un peu trop de precipitation ä fonder laquo; des entites morbides uniqüement sur la symptoma-laquo; tologie, ont detourne Vattention des maladies du laquo; syst'eme nerveux peripherique. raquo;
L'observation attentive des faits nous a conduit (voyezp. 48) ä aimettre, que, dans la rage le principe contagieux chemine le long des fibres nerveuses sen­sitives sans y provoquer de la douleur. Or, voici une opinion tout k fait semblable de M. Frown-Sequard,
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dont on peut lire l'expose dans un article de M. Leon Tripier :
laquo; II faut convenir, dit-il (1), qu'il existe la plus laquo; grande analogie entre l'epilepsie produite experi-laquo; mentalement chez les cochons d'Inde et celle qu'on laquo; observe chez Thomme dans certains cas (cicatrices laquo; douloureuses, corps etrangers, tumeurs des nerfs, laquo; dents cariees, etc.) oü Virritation peripheriqtie est laquo; evidente; mais M. Brown-Sequard va plus loin, il laquo; admet que [laquo; möme dans ce qu'on appelle l'epilepsie raquo; idiopathique, on peut trouver une irritation par— raquo; tant de certains nerfs centripetes et causant les raquo; attaques. raquo;] II dit, ä ce propos, que [laquo; dans quel-raquo; ques cas il sufüsait de presser sur une certaine raquo; partie de la peau pour produire un acces d'epilep-raquo; sie ; dans d'autres cas, un courant d'air froid, l'ap-raquo; plication d'un courant galvanique ä certaines par-raquo; ties de la peau, un son, une odeur ou la vue d'une raquo; certaine couleur etaient toujours suivis d'une atta-raquo; que. raquo;] Les cas oü l'acces semblait dependre d'une laquo; irritation d'un nerf special nous interessant moins laquo; directement, mais les autres ne sent pas en dehors laquo; de nos moyens d'aetion, aussi faut-il aecorder la laquo; plus grande importance aux sensations qu'eprou vent laquo; les malades. raquo; Quand il existe une aura epilep-laquo; tica, dit M. Brown-Sequard, on remarque une laquo; grande variation dans les sensations eprouvees, et laquo; ni leur nombre ni l'intensite de la douleur ne suf-laquo; fisent pour expliquerla production des convulsions. laquo; II resulte d'un examen attentif d'un tres-grand nom-
(l)Art, Nevrotomie, du Diet, encycl. des sc. med., 2deg; serie, t. XII, p, 776.
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laquo; bre de cas d'aura qu'une incitation non sentie part laquo; en meme temps que les sensations qu'on appelle laquo; aura d'un nerf centripete, et que c'est cette irri-laquo; tation non perf ue qui est la cause reelle de l'attaque laquo; epileptique. J'appelle cette irritation une aura non laquo; sentie, mais je crois qu'il serait bien de n'appeler laquo; aura epilectica que cette irritation non pergue, de laquo; fagon ä la distinguer completement des sensations laquo; vagues ettres-variables quil'accompagnent presque laquo; toujours. II y a des faits prouvant qu'une aura non laquo; sentie peut exister sans etre accompagnee d'une laquo; sensation quelconque, soitparce que le premier effet laquo; de l'irritation a ete de faire perdre connaissance au laquo; malade, soit parce que l'irritation ne part pas de laquo; fibres sensitives, mais de fibres nerveuses centri-laquo; petes, douees seulement du pouvoir excito-moteur. laquo; II est tres-important pour le traitementde decouvrir laquo; s'il y a une aura non sentie et quel est son point de laquo; depart. II est necessaire, consequemment, d'explo-laquo; rer avec soin l'etat des organes. Si Vaura non sentie laquo; part de certaines parties de la peau ou de quelque laquo; organe non profondement situe, comme le testicule, laquo; ou de quelque partie de muqueuse voisine de la peau, laquo; on trouve que les muscles voisins du point de depart laquo; de l'aura sont le siege des premieres contractions laquo; ou des plus violentes, ou enfin de celles qui durent laquo; le plus, raquo;
Mais les recherches qui ont la plus grande analogic avec les notres sont celles de MM. Ardoing et Leon Tripier (1) sur la pathogenie et le traitement du teta-
(1) Archiv, de phys. norm, et de palhol,, 1sect;70, t. III, p. 235 et suiv.
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nos. Or ce n'est qu'apres avoir reuni presque tous les elements de notre propre travail dont la conception existait depuis longtemps dans notre esprit, ce n'est qu'ä ce moment que nous avons pris connaissance du travail de ces habiles experimentateurs. Ce qu'il j a de remarquable meme, c'est que la division du travail, ainsi que les conclusions theoriques et pratiques sont ä peu pres les memes dans les deux cas. Comme nous et avant nous, ils avaient examine successivement la valeur de la theorie qu'ils appellent humorale au lieu de sanguine, et celle de la theorie nerveuse. Ils injec-tent du pus ou du sang de tetaniques dans le Systeme circulatoire d'animaux sains et ne peuvent pas faire naitre le tetanos. Quoique les irritations mecaniques et galvaniques n'aient pas developpe le vrai tetanos, MM. Ardoing et Tripier se rattachent ä la theorie ner­veuse, et ils y arrivent surtout en vertu de considera­tions tirees de la clinique et de l'anatomie patholo-gique.
Or ce n'est pas seulement par la similitude de la marche suivie que leurs recherches et les nötres ont une etroite analogic; c'est encore, comme nous le ver-rons plus loin, par les deductions therapeutiques qui en ont ete tirees de part et d'autre. Or, nous osons esperer que personne ne sera tente de nous attribuer un röle de plagiaire que nous n'avons jamais connu. Et, d'ailleurs, ce sont lä des recherches qui ne seraient guere faciles ä calquer pour celui qui en aurait congu indignement le projet. Non, s'il y a tant de similitude dans la methode suivie, c'est que cette methode, qui remonte ä Bacon, est aujourd'hui tombee dans le do-maine public. Cette similitude prouve done unique-
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ment la grande analogie des deux affections morbides etudiees separement; eile prouve encore qu'elle merite quelque confiance, pourla grande application qui peut en etre faite aux etudes si peu avancees de la physio­logic pathologique generale, attendu qu'elles ont con­duit des observateurs differents k des conclusions presquot; que identiques, ä propos de recherches ayant entre elles, il est vrai, les analogies les plus grandes.
Nous terminerons l'etude de ces ressemblances paquot; thogeniques par la mention d'un fait des plus remar-marquables, dont la seule lecture du titre montrera la proche parente qui le rattache ä ceux enonces prece-demment. Voici done les principales circonstances de ce fait interessant, resumees dansle titre : laquo; Neuralgie lt; du prepuce avec phimosis, pertes seminales, troubles laquo; varies et tres-prononces de la sante generale; abla-c tion de la moitie du prepuce exuberant; guerison. laquo; Anatomie pathologique de la portion excisee; nevrome laquo; cylindrique des filets cutanes terminaux. raquo; Cette obser­vation est due ä notre savant maitre, M. le professeur Verneuil, auquel nous croyons devoir emprunter ega-lement quelques-unes des reflexions qui la precedent et qui viennent, une fois de plus, legitimer la marche que nous avons suivie dans le cours de nos recher­ches (1) :
laquo; Toutes les fois qu'on a affaire ä une lesion ner-laquo; veuse, anesthesique ou hyperesthesique, il faut avoir laquo; present k l'esprit ce fait fondamental, qu'un cordon laquo; nerveux, quel qu'il soit, presente toujours trois re-laquo; gions fictivement separees, il est vrai, mais qui n'en
(1) Arch. gin. de med., 1861, 5e serie, t. XVJII, p. 540.
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laquo; restent pas moins distinctes, aussi bien pour le me-laquo; decin que pour l'anatomisie et le physiologiste. Ces laquo; trois regions sont : 1deg; la terminaison, i'epanouisse-laquo; ment, l'origine peripherique; 20letrajet; 30latermi-laquo; raison, la source, l'origine profonde, la conjonction laquo; avec les centres. Or, pour que l'exatnen soit complet, laquo; il convient d'examiner scrupuleusement les trois seg-laquo; ments susdits du rameau atteint de paralysie ou de laquo; nevralgie. L'elude de la region peripherique a ete laquo; fort negligee jusqu'ä ce jour par des motifs faciles ä laquo; comprendre. Dans le cas qui fait l'objet de cette note, laquo; c'etait precisement les radicules les plus tenues qui laquo; presentaient une alteration manifeste ; si l'examen en laquo; avait ete omis, nous aurions perdu une belle occa-laquo; sion de faire rentrer un fait important dans les lois laquo; communes de l'organicisme, et nous aurions con-laquo; sidere peut-etre l'hyperesthesie du prepuce comma laquo; purement dynamique.
laquo; Cet exetnple donne une idee de la peine que se pre-laquo; parent ceux qui voudront s'engager dans cette voie, laquo; et des tresors de temps et de patience qu'ils devront laquo; depenser. raquo;
II est done facile de voir, d'apres toutes ces analo­gies, que les resultats auxquels nous sommes arrive, loin d'etre absolumentisoles, serapprochentbeaueoup de ceux obtenus par d'autres observateurs, dans cer-taines affections morbides qui sont, comme la rage, d'origine peripherique. On a parfois besoin de se don-ner la preuve, en toute certitude, que l'etonnement que Ton provoque ne tient pas toujours ä l'etrangete des opinions qu'on a emises. Quand on l'a parfaitement acquise, cette preuve, on reprend sa täche avec cou-
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rage et Ton n'a d'autre souci que de poursuivre avec perseverance le temeraire projet de bien se rendre compte, si Ton peut, des phenomenes qu'on observe, tout en n'oubliant pas un seul instant combien ce be-soin de reflexion parait chose malsaine etambitieuse, chez un homme n'ayant aucun des titres qui attirent 1'attention.
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sect; III. Des indications rationnelles ä, suivre dans la therapeutique de la rage.
La connaissance des indications domine toute la therapeutique et cette connaissance elle-m^me ne peut nous etre revelee, pour chaque cas, que par une etude soigneuse de la physiologie pathologique de l'affec-tion morbide qu'il s'agit de traiter. Tout le monde connatt la precision du traitement dansbeaucoup d'af-fections chirurgicales. A quoi tient cette precision, si ce n'est ä ce que le Chirurgien, avant d'agir, cherche ä apprecier nettement les indications qu'il doit rem-plir'? II en est de möme du traitement obstetrical qui donne, pour ainsi dire, des resultats mathematiques, parce que nulle part en medecine, on n'a pousse plus completement l'analyse exacte des diverses indica­tions ä suivre. On sait, dans tel cas donne, que le retard de l'accouchement tient ä une inertie de la matrice et que l'expulsion foetale, pour s'achever, exige encore l'accomplissement de tel ou tel mouve-ment. Que fait l'acccoucheur? II applique le forceps et se conforme aux indications tracees par la nature, en faisant executer les mouvements que celle-ci ac-complit seule, dans les accouchements ordinaires.
Que doit faire le medecin, s'il veut reussir, comme le Chirurgien etl'accoucheur?!! doit faire comme eux : s'attacher ä bien discerner au prealable la ligne de conduite generale qu'iKdoit tenir dans tout le
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cours du Iraitement. Void ce que dit M. Fer-rand (1) dans son excellent Traite de therapeu-tique medicale en parlant de Vindication : laquo; Ce mot laquo; ou plutöt l'idee qu'il exprime est le principal objet laquo; de ce livre ; il represente la partie veritablement laquo; delicate et artistique de la mission du medecin. laquo; Sans doute, il y a des indications de tout ordre, il laquo; y en a de physiques, de mecaniques, de chimiques, laquo; etc. Mais l'indication d'ensemble, celle qui, appuyee laquo; sur un bon diagnostic, sert ä determiner la ligne laquo; generale de conduite ä suivre dans le traitement du laquo; malade, et qui, avec le mode therapeutique, revele laquo; les meilleurs procedes ä employer, et puis aussi le laquo; temps et la mesure dans lesquels il faut agir, enfin laquo; jusqu'au point d'application du remede, tout cela laquo; ressortit ä l'indication, et tout cela apparait claire-laquo; ment au medecin qui a su determiner l'indication ä laquo; laquelle il faut obeir. raquo;
Nous avons souligne ä dessein les mots : un bon diagnostic, pour montrer qu'il y alä une lacune et que l'indication doit egalement reposer sur une bonne pa-thogenie. Le diagnostic seulne suffit pas, ä moins qu'il ne faille appliquer un de ces traitements dont on a empiriquement reconnu l'utilite dans tel cas donne, comme le mercure dans la syphilis, etc. Mais, quand il s'agit d'instituer un traitement rationnel, l'enchaine-ment des lesions et des symptomes est chose indis­pensable ä connattre, et cet enchatnement nous est uniquement revele par la physiologic pathologique. Pour mieux rendre notre pensee, nous dirons done
(l) Voy. p. 6.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 143
que la therapeutique doit suiore la physiologic patho-logique comme l'ombresuit le corps. D'oü il resulte que lä oü la physiologic pathologique n'est pas faite, aucune therapeutique rationnelle ne saurait exister.
C'est la möme idee qu'exprime avec plus d'autorite John Hugues Bennett, d'Edimbourg, quand il dit (1): laquo; La connaissancc de la physiologic et de la patho-laquo; logie est le fondement reel et le commencement laquo; indispensable d'une etude correcte de la therapeu-laquo; tique. raquo;
Si le mot fusion avait ete substitue k celui de con­naissancc, nous croj'ons que l'idee exprimee aurait ete plus complete et plus vraie.
Mais, qu'en est-il de la rage? Existe-t-il ä l'heure actuelle, pour cette epouvantable maladie une serie d'indications bien nettes que la therapeutique puisse suivre? Ecoutons ä ce sujet la reponse de notre savant et regrette maitre Vernois : laquo; Or, messieurs, dit-il (2), laquo; depuis plus de trente ans que je pratique la mede-laquo; cineä Paris, et que je lavois pratiquer par d'autres, laquo; je puis affirmer que je n'ai jamais vu traiter logi-laquo; quement la rage, et que la formule de cetraitement laquo; n'est indiquee dans aucun traite moderne de patho-laquo; logie. On soigne l'accident primitif, on soigne la laquo; periode ultime; mais la rage comme maladie wne et laquo; entere, jamais. Et l'on perd tous les malades, c'est laquo; de droit. raquo;
(1)nbsp; Legons clin. sur les princ. et la pral. de la m^d. Compte-rendu de Labadie-Lagrave, dans Gar. hebd. de mid. et de chir., 1873, p. 773.
(2)nbsp; Discussion sur la rage. Bull, de VAcad, demed., seance du 22 septembre 1863, t. XXVIII, p. 1186.
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144nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
Et ä la page suivante :
laquo; Craindrait-on de se lancer dans une mauvaise laquo; voie? Mais il n'y en a pas de plus malheureuse que laquo; celle oü nous sommes engages, puisque malgre tous laquo; nos efforts nous perdons tous nos malades! raquo;
Voilä, au moins, une profession de foi emanant d'un homme autorise et qui met parfaitement ä l'aisetout medecin qui aurait conf u l'idee d'insütuer et de preco-niser, le cas echeant, un plan general de traitement dont il aurait eu soin de rechercher auparavant les applications rationnelles. S'il echoue, ce qu'on lui dira bienvite, il peut du moins se promettre dene pas faire pire que ce qu'on faisaitavantlui et il peut etre assure d'avance de faire neanmoins quelque bien ä ses ma­lades, en cherchant ä leur inspirer une confiance qu'il possede lui-mäme, et nous ajouterons meme qu'il a bien quelque droit de posseder, sans mentir ä sa con­science, puisqu'il aurait achete ce droit, par une etude approfondie des plus petits phenomenes morbides dont il s'agit pour lui de deranger le cours. S'il reussit, il ne le saura jamais, Dieu merci, parcequ'il vivrait trop ou qu'il y aurait trop d'enrages de par le monde, deux alternatives qu'il trouverait egalement fächeuses, ä moins toutefois que, par un de ces coups dont eile a seule le secret, la fortune tour 4 tour rigoureuse ou clemente ne finit par tourner quelques bons esprits en sa faveur.
Mais, ne nous arretons pas longtemps ä cette idee et cherchons ä poser bien nettement les indications qu'il s'agit de remplir dans la therapeutique de larage. Or ces indications nous paraissent decouler tres-natu-rellementdes premisses physiologiques que nous avons
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA. RAGE. 145
exposees avec le plus grand soin dans le paragraphe precedent:
Ces indications consistent ;
1deg; A detruire le virus sur place ;
2deg; A Vempamp;cher d'arriver jusqu'au bulbe rachidien, dans le cas oü il nauraitpas pu amp;tre detruit;
3deg; A emousser d'avance pendant tres-longtemps, et dans la plus large mesure possible, la sensibilite du bulbe, dans le cas oü les deux premieres indications n'auraient pas ete remplies ;
4deg; A agir encore sur la mamp;me sensibilite du bulbe, par les moyens les plus rapides et les plus energiques, dans le cas oü les accidents rabiques viendraient d se montrer ; ct s'opposer enfin auxprogramp;s de Vasphyxie.
Nous n'avons pas k nous occuper ici des moyens propres ä prevenir le developpement ou ä empöcher la propagation, ce qui est toutun,du principecontagieux de la rage.
Cette connaissance precieuse est uniquement du ressort de l'hygiene. Or, la therapeutique ne com­mence que lä oü l'hygiene a fait defaut ou a ete mal appliquee. L'hygiene cherche ä empecher le virus ra-bique d'arriver dans la plaie, ce qui constitue I'ideal le plus parfait. La therapeutique cherche ä en debar— rasser I'organisme une fois qu'il y est entre ; eile essaie tout au moins de le rendre inoffensif ou de donner aux organes qui doivent en recevoir I'atteinte une force de resistance süffisante pour contre-balancer Faction de-let^re caus^e par ce virus.
Premiere indication. — Presque tons les medecins qui se sont occupes du traitement de larage s'accor-dent a reconnaitre l'urgence absolue de cette premiere
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14*3nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
indication quiconsiste ä detruire surplace le virus ra~ hiquä. Parmi ceux qui se sont distingues par des tra-vaux importants sur cette cruelle maladie, nous n'en trouvons qu'un seul, le Dr Plinio Schivardi qui soit oppose ä ce precepte salutaire. Et encore, n'est-ce pas lä, tant s'en faut, une opposition de principe : laquo; La laquo; cauterisation des plaies virulentes, dit l'auteur du laquo; compte-rendu (d), m^me pratiquee immediatement laquo; et profondement dans quelques cas, n'a pas empe-laquo; ehe la mort. L'auteur en conclut que la cauterisation laquo; est inutile. Cette conclusion nous paratt tres-atta-laquo; quable. raquo; II est done difficile de trouver un accord plus general sur la necessite de remplir cette premiere indication. Nous avons vu d'ailleurs (p. 24) l'effica-cite de cette mesure largement prouvee par les don-nees les plus recentes de la statistique (Rapport de M. Proust] qui etablissent une mortalite de 78 p. 0/0 pour les blessures non cauterisees, tandis qu'elle n'est que de 20 p. 0/0 pour les cauterisations immediates et de 66 p. 0/0 pour les cauterisations tardives.
Comme on ne saurait jamaistrop insister pour don-nerdes preuves multiples d'unprecepte pratique essen-tiellement utile, nous croyons devoir donner ici quel­ques citations emanant presque toutes de nos plus grandes autorites medicales.
laquo; Une chose est certaine dans le traitement de la laquo; rage, dit M Bouchardat (2) dans son remarquable laquo; rapport, c'est l'utilite de la cauterisation. raquo;
(1)nbsp; Society de med. de Besangon. Bull. (Compte-rendu dans Arch. gin. de mid., 1868, 6laquo; särie, t. XII, p. 242.
(2)nbsp;Rapp. gfin. des div. rem, proposes pour prev. ou pour com-battre la rage. Bull, de VAcad. de med., stance du 21 septembre 1852, t. XVIII, p. 8.
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laquo; Dans les cas, dit Tardieu (1), oü un individu laquo; mordu par un chien enrage a ete soumis ä Temploi laquo; de quelque moyeo preservatif et n'est pas devenu laquo; lui-meme malade de la rage, il peut toujours rester laquo; un doute sur la realite de la contagion. La preuve laquo; de l'efficacite des moyens preservateurs resultera laquo; done moins de ces faits negatifs que des cas oü, soit laquo; le retard que l'on aura mis ä les employer, aurait laquo; ete suivi du developpement de la rage et de la mort laquo; des victimes de l'inoculation rabique........
laquo;.....On ne saurait dune repeter avec trop
laquo; d'insistance que le seul refuge contra ce mal redou-laquo; table est I a cauterisation immediate avec le fer rouge laquo; et que tout autre moyen compromet l'avenir par la laquo; perte irreparable des seuls moments oü le traite-laquo; ment preventif est applicable, raquo;
Pour graver enfin dans l'esprit de tons les medecins, par quelques exemples saillants, les immenses ser­vices rendus par la cauterisation, nous n'en saurions pas trouver de plus remarquables que les deux sui-vantes :
Quelques pages apres la citation precedente, ä la page 211, Tardieu ajoutece qui suit : laquo; M. leD'Michel laquo; de Salle a fait connaitre ä M. Camescasse le fait laquo; epouvantable d'un loup enrage qui a mordu 47 per-laquo; sonnes dont 45 moururent de la rage, les deux au-laquo; tres ayant ete preservees par une cauterisation im-laquo; mediate faite avec le beurre d'antimoine. raquo;
laquo; Dans tous les cas, dit lememe auteurdans nn au-
(1) Rapport pour les annees 1855, 1856,1857 et 1858, dans Ann. d'hyg. publ. et de med. leg., 1860, 2laquo; serie, t. XIII, p. 207 et suiv.
D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;11
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laquo; tre rapport (1), aucun decesfaits, malheureusemen laquo; trop rares, n'est de nature ä amoindrir la confiance laquo; reelle que merite la cauterisation immediate par le laquo; fer ou par les caustiques puissants, seuls preserva-laquo; tifs assures de l'inoculation indiquee. Nous ne resis-laquo; tons pas ä la tentation d'appuyer cette conclusion laquo; pratique par un nouvel et puissant exempie que laquo; nous offre, dans l'enquete pour 1862, un tres-inte-laquo; ressantrapport deM. le Dr Catelan.DanslesHautes-laquo; Alpes , seize personnes et une anesse sont mor-laquo; dues sans provocation par un chien reconnu enrage, laquo; ayant ies yeux hagards, la gueule ecumante, ne laquo; s'arr^tant nulle part at ne donnant aucun son de laquo; voix. Toutes les personnes furent cauterise'es; quel-laquo; ques-unes immediatement et par un medecin, d'au-laquo; tres iterativement avec le fer rouge ou les causti-laquo; ques. Aucune d'elles n'a ete atteinte de la rage. Mais laquo; l'änesse, qui n'avait ete I'objet d'aucun traitement laquo; et n'avait pas ete cauterisee, devint seuleenragee et laquo; mourut, comme pour confirmer a la fois la realite laquo; de la contagion virulente et l'efficacite des cauteri-laquo; sations preventives.raquo;
Ainsi, non-seulement, tons les medecins sont pene-tres de 1'urgente necessite qu'il yak detruire !e virus rabique; mais encore quelques auteursconseillent de pratiquer la cauterisation möme dans les regions dan-gereuses et d'autres la recommandant m^me dans les Cas oü l'existence de la rage est douteuse :
(1) Rapport sur l'enquete concernant les cas de rage obs. en France pend. les annees 1859, 1860, 1861 et 1862, fait au Comite consultatif d'Hyg., pub. dans Ann. d'hyg. pub. et de midi lig*, 186a, 2laquo; serie, t. XX, p. 460.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; quot; lt;
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^ ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 149
laquo; S'il est positif, disent lesauteurs du Compendium laquo; de Chirurgie (1), que la blessure a ete faite par un laquo; animal enrage, il faut la cauteriser partout ou. eile laquo; se trouve, et cela non pas timidement, mais avec laquo; hardiesse. En consequence, on portera encore lefer laquo; rouge dans la plaie, malgre le voisinage d'une artere laquo; meme considerable. II est vrai que Boyern'ose point laquo; donner un semblable conseil; il recommande, si le laquo; vaisseau est encore reconvert de tissu cellulaire, de laquo; le toucher legerement avec le nitrate d'argent fondu laquo; etensuite, lorsque l'eschare esttombee, de saupou-laquo; drer la plaie avec des cantharides pulverisees :
laquo; Si I'artere etait entierement a nu, dit-il, on devrait laquo; se borner ä ce dernier moyen, et entretenir tres-long-laquo; temps la suppuration. raquo;(TV. des maL c/j.,t. I,p.445.)
laquo; Nous ne pouvons nous empecher de blämer l'ex-laquo; cessive timidite de Boyer. Le point capital est de laquo; prevenir le developpemeut de l'hydrophobie. Si laquo; done il est certain que, pour atteindre ce but, il soit laquo; necessaire de sacrifier un vaisseau [ou un tronc laquo; nerveux, il n'y a point ä hesiter; on doit cauteriser laquo; hardiment comme s'il n'y avait point de vaisseau, laquo; apres en avoir toutefois pratique la ligature au-laquo; dessus de la plaie. raquo;
Nous nous en expliquerons plus loin sur la conduite qui nous parait preferable, dans ce cas. Mais, voyons ce que conseille avec raison M. Bouley, dans le cas oü Ton n'est pas bien assure qu'on ait affaire a la rage :
laquo; A cet egard, dit-il (2), il y a peut-etre Un trop
(1)nbsp;T. I, p. 471.
(2)nbsp; Discussion sur la rage. Bull, de VAcad. de med., seance du octobre 1863, t. XXIX.. p. 60.
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laquo; grand nombre de medecins timores. Beaucoup veu— laquo; lent savoir, avant de recourir ä la cauterisation, si le laquo; chien, auteur de la morsure, est enrage. C'est du laquo; temps perdu. Le precepte ici doitötre: .Dans le doute, laquo; de ne pas s'abstenir.
laquo; Qu'importela douleur d'une cauterisation, ä sup-laquo; poser que le diagnostic ulterieur de l'etat du chien laquo; demontre qu'elle etait inutile, comparee aux terri-laquo; bles consequences que pent avoir l'abstention ou laquo; l'application trop tardive du cautere.
laquo; Si j'insiste sur ce point, c'est que bien sou vent j'ai laquo; vu venir ä Alfort des personnes que des medecins laquo; avaient refuse de cauteriser, sous le pretexte que le laquo; chien qui les avait mordues n'etait pas enrage. raquo;
Mais, oü l'accord cesse entre les medecins, c'est sxir la fixation de l'intervalle de temps au delä duquel on ne peut ou Ton ne doit plus pratiquer la cauterisa­tion, avec quelques chances de succes. On n'en sera nullement etonne, si Ton songe aux incertitudes de tout genre que laisse dans l'esprit la theorie sanguine que nous avons examinee et qui predomine parmi la generalite des medecins. Quelques-uns gardent ä cet egard un silence prudent: car, d'une part, ils compren-nent bien que, si elastique qu'elle soit, l'absorption du virus doit ötre complete au bout de quelques heures et a fortiori, apres un ou deux jours, et d'autre part, ils ne veulent pas assumer la grave responsabilite d'em-pecher une cauterisation tardive qui vaut encore mieux que l'abstention et qui a au moinsce bon cöte, c'est qu'elle contribue puissamment ä relever le moral dublesse. Laplupart d'entre eux, plus explicites parce qu'ils savent bien que le silence ne prt)fite guere ä la
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T
ET DU TRAITEMENT RATXONNEL DE LA RAGE. 151
pratique, incliuent avec raison ä conseiller les caute­risations tardives, rien n'etant pire que l'abstention. Mais, comme ils sont incapables de fixer vme limite quelque peu precise, leurs preceptes se ressentent de l'indecision de leur esprit. Comment s'etonner des-lors que les medecins ne laissent pas, ä un moment donne, percer le scepticisme qui les obsede? Comment s'etonner encore que les malades, qui sont en general tres-perspicaces et surtout tres-positifs quand il s'agit de leurs interets, ne lisent pas cette indecision sur les traits de quelques medecins et n'aillent pas consulter de preference les guerisseurs quipossedent tous un re-mede infaiidble contre la rage, remede de famille qui leur a ete legue comme un precieux heritage, ou qui a ete achetk ä gros deniers par un de leurs aieux, dans un but de philanthropie, etc., etc.
Non, pour inspirer ä ses malades une confiance ve­ritable et de bon aloi, il faut, sans compter les condi­tions de capacite que nous supposons tres-suffisantes, il faut que le medecin ait lui-meme confiance en ce qu'il fait, et qu'il sache au besoin ramener les incre-dules par quelques raisonnements simples et vrais. C'est en cela surtout que l'etude de la physiologie pa-thologique qui, lorsqu'elle est faite avec soin, donne preqisement cette confiance au medecin, c'est en cela que cette etude aura tot ou tard un retentissement des plus utiles sur la pratique medicale et qu'elle finira par etouffer ce scepticisme rongeur qui s'empare sou— vent des meilleurs esprits et tend en definitive ä intro-niser l'hypocrisie dans la therapeutique, le plus affreux des vices, en medecine comme ailleurs. Est-ce done perdre son temps que de signaler ce seepticieme et
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rindifference qui en resulte comme deux des ten­dances les plus funestes aux progres de la therapeuti-que V Convient-ildelaisser accroirequerincompetence et le travail doivent fatalement marcher de pair et que la plus parfaite quietude d'esprit seit ce qui vaille le mieux, pour faire marcher ä pas de geants le plus bienfaisant de tons les arts, apres l'hygiene dont per­sonne aujourd'huin'oseraitcontester les innombrables bienfaits ?
Mais revenons un peu sur nos pas et attachons-nous ä donner la preuve de notre assertion de tout ä l'heure:
Dans une note destinee ä ötre publiee dans les jour-naux, sous le convert del'Academie, Tardieu dit (1): laquo; La confiance immeritee que l'erreur publique aecor-laquo; derait äces pretenduspreservatifs constitue un dan-laquo; ger reel qu'il estdu devoir de l'Academie de signaler laquo; une fois de plus. Elles ont, en effet, pour resultat laquo; d'empecher ou de retarder l'emploi du seul moyen laquo; veritablement efficace contre le developpement de laquo; larage, celui que la tradition etl'experienceont con-laquo; sacre ; la cauterisation aussi profonde et aussi ra-laquo; pide que possible, c'est-ä-dire faite moins d'üne laquo; heure apres lamorsure virulente, ä l'aidedu fer rouge, laquo; de la poudre ä canon ou des caustiques les plus puis-laquo; sants, tels que le beurre d'antimoine ou l'acide sul-laquo; furique. raquo;
J'ai vu Velpeau, dans une circonstance, mettre pres d'une heure pour pratiquer une des ligatures qui sem-blont le plus faciles, la ligature de l'artere femorale au
(l)Bull. de l'Ac. de med., seance du 21 juillet 18fi8, t. XXXIII p. 657 et suiv.
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ET DU TR.VITEMKNT RATIONNE1. .DE l,A RAGE. 153
niveau du triangle de Scarpa. S'il l'avait pratiquee dans le but qu'indiquent les auteurs du Compendium de Chirurgie (vo}^. p. 149), c'est tout juste si ce grand Chirurgien aurait fini assez ä temps pour pouvoir cau-teriser une plaie supposee virulente. Et encore, fau-drait-il admettre que la morsure eüt eu lieu sous ses yeux, au moment oü il etait entoure de tous ses aides, Comme cette premiere campagne, ouverte cependant sous les auspices des plus illustres maitres de la science, serait bien faite pour donner du coeur ä un digne medecin de campagne ou möme ä beaucoup de citadins, lorsqu'il s'agirait d'appliquer sur une plaie virulente d'une personne chere une cauterisation qui devrait interesser la carotide primitive ! Et ici nous n'exprimons aucun bläme ; car nous avons trop le sentiment du respect que nous devons ä de tels noms et ä de telles memoires. Nous nous bornons ä peindre une situation.
Et encore notre rnaitre eminent Tardieu, qui etait pourtant bien ferme dans ses opinions, avait-il un peu varie ä cet egard. Car voici ce qu'il ecrivait huit an-nees auparavant(l): laquo; Nous manquons de faits pre-laquo; eis pour determiner avec quelque certitude dans laquo; quelles limites est renfermee l'action efficace de la laquo; cauterisation, et ä quel moment eile cessera d'etre laquo; utile. Ces experiences, institutes par le savant di-laquo; recteur de l'Ecole imperiale d'Alfort, n'ont malheu-laquo; reusement pas d'analogues chez l'homme et l'on est laquo; reduit aux conjectures. II existe certainement des laquo; cas dans lesquels des individus mordus par des ani-
(1) Ann. dhyg. pub. et de mid. leg., 1860, 2' s^rie, tome XIII, p. 193,
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laquo; maux notoirement enrages et cauterises ä l'aide du laquo; fer rouge, plus de trois heures apres l'inoculation, laquo; ont neanmoins echappe ä la contagion. raquo;
De son cote, un habile medecin des höpitaux, Lailler (1), raconte devant ses collegues de la Societe medicale des hopitaux, qu'appele dans une famille oü trois personnes avaient ete mordues la veille par un chien enrage, il n'avait pas cru devoir pratiquer, comme devant tire inefficace, la cauterisation des plaies. Celles-ci avaient ete lavees avec de rammo-niaque liquide.
Enfin, notre savant maitreM. Gosselin (2) cite le cas d'une jeune fille qu'il a cauterisee avec un succes apparent, sinon certain, ä l'aide du beurrt d'antimoine, huitjours apres la morsure.
Ainsi se trouve justifiee l'assertion que nous venons d'emettre surla difficulte,riinpossibilitememe oül'on se trouve de fixer, dans l'hypothese de l'absorption, la limite de temps au delä de laquelle la cauterisation devieudrait illusoire.
En est-il de meme dans l'hypothese dela transmis­sion du virus rabique par les cordons nerveux?
II est certain que, pas plus dans cette theorie que dans l'autre, on ne saurait fixer avec precision la mar-che que suit exactement le virus rabique, au milieu de nos tissus. Mais, quelle difference des deux theories, eu egard ä l'intelligence desphenomenes observes, eu egard surtout au plus ou moins de nettete des indica-
(t) Gar. hebd. de mid. et de chir., 1865, p, 620. (2) Discussion sur la rage. Bull, de l'Ac. de mid., stance du 6octobre 1863, t. XXIX, p. 22.
i
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 155
tions therapeutiques qui en decoulent! N'est-il pas evident, par exemple, que, si le principe contagieux met ordinairement deux ou trois mois pour se rendre de l'extremite d'un nerf contamine ä son point d'ori-gine dans les centres nerveux, il lui faudra au moins plusieurs jours pour aller de la plaie au cordon ner­veux le plus voisin? Merae dans les cas oü cette trans­mission doit etre le plus rapide, il est tout naturel de supposer que ia distance franchie n'atteigne pas et a fortiori n'excede pas 0,01 cent.; car c'est dans le voi-sinage de la peau, lä oü le cylindre axe n'a pas encore acquisune direction parfaitement rectiligne, que la marche de ce virus doit subir un certain temps d'ar-ret. Comment s'expliquer autrementi'efficacite reelle, en certains cas, de la cauterisation tardive qui ne doit pas cependant detruire les tissus au delä d'une zone de quelques millimetres? Done, si on ne se contente pas de cauteriser energiquement toute les anfractuo-sitesde la plaie, et qu'on fasse partir en haut et en bas de celle-ci une incision longitudinale de 0,01 cent, environ sur le trajet du nerf Interesse, que Ton caute­rise enfin par le fer rouge ces deux surfaces ainsi mises ä decouvert: on aura les plus grandes chances, sinon une certitude absolue, d'operer la destruction complete du virus. C'est ainsi qu'une cauterisation tardive qui semble bonne, tout au plus, dans la theorie sanguine, a relever le moral d'un malade qui se voit condamne, devient au contraire, dans la theorie ner-veuse, une pratique rationnelle et capable d'inspirer aux plus septiques une confiance legitime. Nous ver-rons, d'ailleurs, un pen plus loin, que lä ne doivent pas se borner les precautions ä prendre et qu'il pent
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y avoir d'autres moyens propres ä empecher la pro­pagation du mal.
On s'explique des lors la possibilite d'obtenir quel-ques succes reels, mamp;me apres huit jours d'attente, comme dans le cas signale plus haut et cite par M. Gos-selin. Mais, comme ce dernier cas, suivant la remarque meme de notre savant maitre, pourrait prater ä bien des doutes, nous ne croyons pas pouvoir mieux faire que de rapporter tout au long la remarquable obser­vation suivante, due auD'L. Emiliani, de Bologne(l): laquo; Tous les auteurs qui ont ecrit sur la rage s'accor-laquo; dent ä dire que Tun des moyens les plus sürs d'ar-laquo; reter son developpement, c'est d'enlever et de cau-laquo; teriserla partie qui a ete mordue ; mais toutes les laquo; observations qui ont ete rapportees ä l'appui de laquo; cette pratique, sont loin d'etre concluantes, parce laquo; que souvent l'animal etait seulement suspect, et laquo; qu'on ne s'est decide que sur de simples apparences laquo; ä employer le fer ou l'instrument tranchant. Le cas laquo; suivant, qui contient tous les details qu'on peut de-laquo; sirer dans semblable circonstance, nous semble, ä laquo; cause de cela, digne du plus grand inter^t, et de-laquo; montre evidemment qu'untraitement local est celui laquo; qu'on doit mettre en usage sans hesitation, parce laquo; que le principe qui determine ulterieurement les laquo; accidents funestes de cette maladie, reste, pour ainsi laquo; dire, stationnaire dans la plaie pendant quelque laquo; temps. Domenico Brizzi, blanchisseur, pere d'une laquo; nombreuse famille, employait ä la garde de sa mai-laquo; son pendant la unit un enorme chien, qui hors ce
(1) Arch. gin. de mid., 1824, lre sdeg;rie, t. VI, p. 280.
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^^^ ET DU TUAITEMENT KATIONNEI. DE I.A RAGE. 157
laquo;nbsp; temps restait renferme et ä la chaine. II fut un jour
laquo;nbsp; attaque par un chien vagabond qui s'etait introduit
laquo;nbsp; dans la cour, et dont il fut mordu etant enchaine.
laquo;nbsp; Trentejours apres environ, les symptomes de la
laquo;nbsp; rage se declarerent ;aucune personne de la famille
laquo;nbsp; ne le soupgonnait, lorsqu'un matin, en rernettant
laquo;nbsp; l'animal ä la chaine, il mordit Brizzi, son fils Bene-
laquo;nbsp; detto, et une domestique nommee Marie Ospitali.
laquo;nbsp; Bientöt l'animal refusa toute espece d'aliments et
laquo;nbsp; de boisson ; des acces de fureur incessamment re-
laquo;nbsp; nouveles succederent ä l'abattement dans lequel il
laquo;nbsp; avait ete plonge ; il mordait continuellement et avec
laquo;nbsp; une teile force unpieu de hois qui etait pres de sa ca-
laquo;nbsp; bane, que toutes ses dents furcnt brisees et quelques—
laquo;nbsp; unes y resterent implantees; enfin, il perit sous leurs
laquo;nbsp; yeux avec tous les symptomes de la rage. Les acci-laquo; dents qui accompagnerent cette mort ayant donne laquo; quelques inquietudes aux trois personnes qu'il avait
laquo;nbsp; mordues, elles prirent ä l'interieur des cantharides
laquo;nbsp; en poudre, et penserent qu'ellesavaient ainsi fait ce
laquo;nbsp; qu'il fallait faire pour prevenir toute suite fächeuse.
laquo;nbsp; Nous visitämes Brizzi et sa famille six joubs apres
laquo;nbsp; que les morsures avaient ete faites, et reconnaissant
laquo;nbsp; toute l'etendue du danger que couraient ces malheu-
laquo;nbsp; reux, nous leur fimes sentir qu'il fallait, sans plus
laquo;nbsp; tarder, cauteriser lesplaies, malgre qu'elles fussent
laquo;nbsp; cicatrisees. Brizzi et son fils se soumirent volontiers
laquo;nbsp; d Voperation, mats la servante ne put s'y decider,
laquo;nbsp; parce qu'elle avait ete mordue precisement au—dessus
laquo;nbsp; du pubis. Le professeur Atti cauterisaprofondement
laquo;nbsp; les plaies des deux premiers, appliqua ensuite sur
laquo;nbsp; le siege du mal un vesicatoire actif dont on entre-
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158nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
laquo; tint la suppuration pendant quelque temps. Depuis laquo; cette epoque, Brizzi et raquo;on fils n'ont eprouve aucnn laquo; accident et leur sante est parfaite, tandis que la mal-laquo; heureuse servante ressentit, le vingt-septi'eme jour, laquo; les premiers symptomes de la rage, et succomba en laquo; peu de temps dans I'etat le plus deplorable. La gue-laquo; rfson des deux autres ne s'est pas demeniie depuis laquo; deux ans. raquo;
De toutes les raisons que nous venons de longue-ment exposer, nous croyons done pouvoir tirer cette conclusion pratique : e'est qu'on peut, avec des chances tres-serieuses de succes et Von doit par consequent, du— rant les huit premiers jours qui suivent la blessure sup-poseevirulente, recourir ä la cauterisation plus oumoins etendue de la plaie et des tissus environnants en ay ant soin de la prolonger dans la direction du nerf interesse au-dessus et au-dessous de la morsure. Cela ne veut nullement dire qu'il ne faille se hater le plus possible d'avoir recours a ce moyen. Mais, lors meme que. pour une raison ou pour une autre, plusieurs jours se seraient ecoules depuis I'accident, nousavons Ventiere conviction que les progres de ce terrible mal peuvent encore etre conjures, par la destruction sur place du principe contagieux. Des lors, il nous parait parfaite-ment possible de ne pas se häter, de prendre tout son temps, si Ton doit recourir a la ligature prealable de quelque gros vaisseau, comme le recommandent les auteurs du Compendium. Mais, nous pensons avec Boyer, et pour des raisons qu'il nepouvait pas connaitre, que cette ligature prealable sera non-seulement tres-rarement Necessaire, mais qu'elle peut ötre supprimee sans inconvenients graves, lorsqu'elhs doit Stre ou trop
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 159
difficile ou trop dangereuse. On peut se borner, en effet, dans ces cas, ä cauteriser la peau oü le virus ra-bique a plus de chances de resider que partout ailleurs. Nousverrons, d'ailleurs, un peu plus tard qua, tout en formant le veritable pivot de la medication antira-bique, la cauterisation pourrait jusqu'ä un certain point ötre remplacee, dans ces cas exceptionnels, par d'autres moyens que de fortes et legitimes presom-ptions nous permetient de considerer comme egalement propres ä arreter la propagation du mal.
Quant aux divers moyens ä employer pour obtenir la destruction sur place du virus de la rage, nous n'avons rien de particulier ä en dire qui ne seit connu de tout le monde. On peut se servir de divers caus-tiques energiques, tels que le beurre d'antimoine, I'acide sulfurique, la potasse caustique, etc. Le choix du caustique Importe peu, pourvu qu'il soit energique et convenablement applique ; ce qui Importe unique-ment e'est la destruction du principe virulent. Mais, de tous les moyens employes, le plus usuel, le plus facile ä employer et ä se procurer, e'est le cautere ac-tuel. Pour notre part, e'est celui que nous conseille-rions ou mieux le thermo-cautere du Dr Paquelin, lorsqu'on peut I'avoir sous la main.
Nous ne dirons que quelques mots de l'excision des chairs contaminees qui a ete employee par quelques medecins. Voici en particulier comment le D' Ham­mond (1) decrit cette operation : laquo; Le meilleur traite-laquo; ment preservatif consiste dans l'excision de la partie * mordue, qui est un moyen plus sur que la cauteri-
(1) Cas d'hydr. par AI. Hadden. Reflex, et autopsie par W. A, Hammond (dejä cite). Rev. des sc. me'i., 1875, t, VI, p. 158.
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160nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
laquo; sation. Elle doit etre pratiquee le plus tot possible, laquo; mais peut Vamp;tre avec efßcacite tantque les symptomes laquo; ne se sont pas developpes. Le meilleur procede d'ex-laquo; cision est celui qui a ete indique par Roux : on taille laquo; un morceau de bois autant que possible de la dimen-laquo; sion de la morsure, on l'y enfonce, puis on coupe de laquo; fagon ä enlever avec tout le bois les parties qui sont laquo; en contact avec lui. raquo;
J'ai souligne ä dessein un membre de phrase, pour montrer que nous rejetons absolument la proposition qui s'y trouve formulee. Car, quelle que soit la theorie que Ton adopte, on ne comprendrait pas que l'excision de la partie mordue püt etre utile longtemps apres la blessure, plusieurs semaines par exemple.
Quant aux caustiques peu energiques, tels que l'am-moniaque, le nitrate d'argent, etc., nous n'avons pas besoin de dire que nous en rejetons l'emploi, comme tout ä fait insuffisant, et nous ne faisons qu'exprimer ici l'opinion unanime des medecins.
2C Indication. — Cette indication consiste ä etn-pecher le virus rabique d'arriver jusqu'au bulbe ra-chidien, en admettant que, pour une raison ou pour une autre, il n'ait pas pu etre detruit sur place. Pour savoir comment cette indication peut et doit dtre remplie, on doit se rendre compte auparavant des dis­positions anatomiques qu'affectent les fibres nerveuses sensitives pour se rendre de la peau au bulbe rachi-dien.
Or, voici ce que dit M. Sappey (1) de la terminaison peripherique de ces fibres nerveuses : laquo; De l'ensemble
(1) Trait, d'anat. descr., t. III, p. 241, 3laquo; edition.
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ET DU THAITfiMENT RATION.NhX UE LA RAGE. 161
laquo; des recherches entreprises dans le but de connaitre laquo; le mode de terminaison des nerfs qui president ä la laquo; sensibilite generale, il resulte done que sur les points laquo; oü ils ont pu etre soumis ä l'examen microscopique, laquo; on les a vus se terminer par une extreraite libra. raquo;
Quant ä la distribution de ces m^mes nerfs dans l'epaisseur des teguments et au delä, voiei ce qu'ajoute le meme auteur (1) :
laquo; Les nerfs de la peau cheminent d'abord dans l'e-laquo; paisseur de la couche cellulo-graisseuse sous-cu-laquo; tanee. Apres un trajet, souvent assez long, ils s'ap-laquo; pliquent ä la face profonde des teguments pour laquo; s'engager dans les areoles qu'elle präsente, et aban-laquo; donnent alors aux glandes sudoriferes plusieurs laquo; ramifications tres-deliees.
laquo; Du sommet des areoles les nerfs cutanes se pro-laquo; longent jusqu'a la couche superficielle du derme, laquo; puis se terminent dans son epaisseur par d'innom-laquo; brables divisions qui suivent les vaisseaux sauguins laquo; en echangeant, comme ces derniers, de continuelles laquo; anastomoses, et qui forment ainsi immediatement laquo; au-dessous du corps papillaire un reseau de la plus laquo; extreme richesse. Sur la presque totalite du tegu-laquo; ment externe, il n'a pas ete possible, jusqu'ä present, laquo; de poursuivre les nerfs sensitifs au delä de ce reseau laquo; peripherique ou terminal. Sur certains points ce-laquo; pendant, nous avons vu des filets s'en detacher pour laquo; se rendre dans les corpuscules du tact. D'autres vont laquo; se perdre sur les parois des follicules pileux. Inde-laquo; pendamment des divisions qui se terminent dans les
(1) Trait, d'anat. deser., t. Ill, p. 617* id;
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laquo; glandes sudoriferes, il en existe aussi tres-probable-laquo; merit pour les glandes sebacees. raquo;
Quant au mode de distribution des nerfs sous-cn-tanes, il se deduit du passage suivant du meme pro-fesseur (1) :
laquo; Les veines sont en general plus superficielles que laquo; les arteres, et les nerfs plus superficiels que les veines.
laquo;..................
laquo;... De ces trois ordres d'organes les cordons laquo; nerveux sont done ceux qui se presenteront les pre-laquo; miers aux regards du Chirurgien dans les operations laquo; qu'il est si souvent appele ä pratiquer. raquo;
II eüt ete assurement bien facile de resumer ces divers details anatoroiques en peu de mots. Mais, comme nous ne voulons pas, pour tout ce qui est im­portant du moins (et tout est important dans cette etude difficile), qu'on puisse supposer que nous substi-tuons notre propre pensee ä la realite des choses, nous aimons mieux recourir ä de frequentes citations, ce qui permettra au lecteur de se faire, ä son tour, une opinion tout ä fait independante. Nous voyons, d'apres les descriptions que nous venons de rapporter, que les nerfs cutanes, apres leur origine dans le derme, rampent sur un assez long trajet dans le tissu cellu-laire sous-cutane. C'est ordinairement ä une distance assez eloignee de sa terminaison qu'un nerf, de super-ficiel qu'il etait, devient profond et traverse lesapone-vroses d'enveloppe, pour aller se rendre aux gros troncs nerveux des membres par exemple. Ainsi un nerf quelconque provenant de la peau, avant de devenir
(1) Loc. cit., t. Ill, p. 234, 3e edition.
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 163
profond, reste superficiel dans une grande etendue dans le tissu cellulaire sous-cutane, et i'on s'explique bien cette particularite si I'on songe que les nerfs qui deviendraient trop rapidement perforants, seraient exposes ä des dechirures ou du moins ä des tiraille-mentsfächeux. dans les mouvements violents ou eten-dus, executes par les membres. Pour se convaincre, d'ailleurs, de la realite de ce fait anatomique, on n'a qu'ä jeter un coup d'oeil sur certaines planches du bei atlas d'anatomie du Systeme nerveux de Ludovic Hirschfeld et Leveille, notamment sur les planches 45 et 46, 55, 56 et 61, et I'on verra quelle longueur parfois considerable les nerfs sous-cutanes peuvent atteindre. Or, il devient facile des lors, ou du moins tres-pos-sible d'interrompre la continuite de ces nerfs sous-cutanes, sur n'importe quelle partie des teguments. On peut le faire detrois fagons, soit en pratiquant une incision interessant la peau et le tissu cellulaire sous-cutane, la oü I'on veut operer cette interruption ner-veuse, soit en se servant d'un couteau thermo-cautere au lieu de bistouri, soit enfin en etreignant sur une forte ligature la peau et le tissu cellulaire qui la dou­ble, en ayant soin de ne comprendre sous chaque anse de fil qu'une faible etendue des teguments, de 0,01 ä 0,02 cent, tout au plus. Chacun de ces moyens peut, dans un cas donne, meriter la preference sur les deux autres, et c'est au medecin, aux prises avec les diffi-cultes de la pratique, qu'il appartient d'apprecier au-quel de ces precedes il doit recourir de preference dans tel ou tel cas. D'une maniere generale, cependant, nous pensons que la ligature, teile que nous la decri-D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;12
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rons plus loin, sera plus souvent applicable que la section par le bistouri ou par lethermo-cautere.
Mais, voyons auparavant, une plaie virulente etant donnee, dans quelle direction, dans quelle etendue et ä quelle distance.il convient de proceder ä cette inter­ruption de continuite des filets nerveux avoisinants. II faut supposer le cas, bien entendu, oü la morsure est de date assez recente et n'excede pas de beaucoup la duree de la premiere semaine; car, si on etait ap-pele beaucoup plus tard, i! n'y aurait presque plus de chances d'arreter le virus rabique qui aurait dejä pu se propager ä une distance assez eloignee de la plaie d'inoculation. Or, chaque fois qu'on pourra le faire sans de grands inconvenients que nous ne prevoyons pas, nous pensons qu'il vaut mieux cerner la plaie de toutes parts, ä une distance de 0,01 ou 0,02 cent. Dans certains cas, il nous paraitrait prudent, si la date de l'accident etait assaz eloignee, de cerner la plaie par une double ligature circulaire, de fafon a pouvoir in-terrompre sürement toute continuite nerveuse entre cette plaie et les centres nerveux.
II semblerait au premier abord qu'il suffirait d'une simple section ou d'une ligature placee perpendiculai-rement ä la direction du nerf de la region, entre la blessure et le bulbe rachidien. Mais, si Ton serappelle ce que nous avons dit du trajet recurrent que pent suivre parfois le virus rabique, on voit qu'une seconde section pareille devient necessaire sur le pole oppose de la blessure. Et, comme ce virus est un de ces agents auxquels il ne faut pas laisser la plus petite issue;, la ligature circulaire nous parait infiniment preferable ä deüx ligatures transversales placees sur le trajet du
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA. RAGE. 165
nerf interesse, en haut et en has de la morsure. 11 y a tout interlt, au point de vue pratique, ä se comporter comme si la recurrence du virus ne pouvait pas faire l'objet du moindre doute.
Comment done pratiquer cette ligature ? II y avait ici deux choses ä considerer : la maniere dont il con-venait de proceder ä la ligature en question et la na­ture du fil ä employer.
Mais, pour etre mieux fixe sur ces questions de de­tail qui interessant la pratique a un tres-haut degre, nous nous sommes livre, grace ä l'extr^me obligeance de M. Larrouy, veterinaire, a quelques experiences sur un lapin, experiences dont nous ailons rendre compte. Nous tenions a savoir egalement, ä l'aide de ces experiences, si les teguments ainsi cernes par cette ligature pouvaient avoir ä souffrir de ce defaut pres-que complet d'innervation.
Voici done les petites operations successives que nous avons pratiquees sur un lapin de petite taille :
Le 20 mai 1879, nous avons procede ä une premiere ligature, chez un lapin de petite taille dont nous avions fait raser prealablement le cote droit du thorax et de l'abdomen, dans une etendue de 0,06 ä 0,07 cent, carres environ. Nous nous sommes servi, cette pre­miere fois, de fil de fer recuit sur une moitie de la li­gature et de fil d'argent sur I'autre moiti^. Le procede que nous avons mis en usage est le m^me que celui que nous avions applique, il y a une dizaine d'annees ä l'operation de la circoncision (1).
Supposons que M (fig. I) represente une morsure vi-
(1) Bull, de a Soc. de c/iir.j 1869, 2e s^rie, t. X.
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166nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATUOLOGIQUE
rulente cauterisee et que le quadrilatere ABCD figure la forme ä donner k une ligature ayant pour but de la
circonscrire, forme que nous avons suivie, en effet, dans la ligature pratiquee chez le lapin. Pour plus de clarte, nous ne decrirons qu'une seule ligature lineaire, pratiquee suivant la ligne AB, le meme precede de-vant etre observe pour chaeun des trois autres cotes. Si on represente cette figure vue de profil, voiei la direction que nous avons donnee aux anses de fil (voy. fig. 2) :
A
/
A \
Fig. ii.
Une premifere anse de fil aamp;c est conduite par une aiguille qui est introduite par l'extremite A de cette
m
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ET DU TRA1TEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 167
ligne et ressort au milieu o de cette meme ligne apres a^oir compris, sous la peau, la plus grande epaisseur de tissu cellulaire, mais sans atteindre toutefois l'apo-nevrose d'enveloppe sous-jacente qui recouvre le cote correspondant du thorax et de Tabdomen. Une se-conde anse est passee de la mSme maniere et les deux anses sont rendues independantes par la section du fil, c'est-ä-dire qu'une fois les fils places, il y a deux anses distinctes.
Puis (voy. fig. 3) en donnant ä chacun des fils une direction tout ä fait rectiligne, on voit que les deux chefs a et d, appartenant ä des anses differentes, se su-perposent et qu'il en est de meme des deux autres chefs c et /.
Fig. 3.
On obtient ainsi une sorte de 8 de chiffre dont les deux boucles sont ouvertes, et en fermant chacune de ces boucles par un double nceud fortement serre ou plu-töt par une torsion assez forte des deux fils superposes de chaque cote, on obtient en definitive une veritable suture en 8 de chiffre representee ä la figure 4, dans la-quelle les chefs sont indiques A leurs places respec-tives, et les deux noeuds sont representes par les deux lettres N et N'.
II ne reste done plus qu'ä repeter la m^me manoeu­vre pour chacun des trois autres cötes et l'on obtient
.raquo;^
m
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168nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
ainsi la ligature circulaire complete representee parla figure 5.
Fig. 4.
Nous ferons observer seulement qu'avant d'operer la constriction des flls, il convient de placer les fils sur tout le parcours de la suture et de les nouer deux ä deux ä leurs extremites, de teile fagon que plus tard on ne puisse pas les confondre. Si Ton venait, en effet, ä operer la torsion des deux fils avant que tous les au-tres ne fussent places, faute que nous avons commise en procedant ä cette premiere experience, la peau se froncerait et l'on aurait de la peine ä reirouver ses points de repere pour fixer les autres fils.
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Cette premiere experience nous a ete fort utile en ce sens qu'elle nous a montre, contrairement ä nosprevi-
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. d69
sions, que les fils metalliques devaient etre absolument rejetes pour ce genre de sutures, car ilnous est arrive, en procedant ä la torsion et en depit de tout le soin que nous y apportions, il nous est arrive, disons-nous, de rompre deux fils de fer recuit et deux autres fils d'argent qu'il nous a fallu remplacer.
Or, qu'est-il arrive? C'est qu'etant oblige de ne pas pousser la torsion des fils aussi loin que nous l'au-rions desire, nous n'avons nullement atteint le but que nous nous proposions. En examinant la suture chacun des trois premiers jours qui ont suivi l'operation, la peau n'etait aucunement serree par les anses de fils metalliques. Nous avons meme remarque, le 23 mai, en deplagant les fils metalliques ä la surface de la peau, que celle-ci ne portait pas la moindre trace de con­striction. II est vrai de dire que Ja peau de notre lapin etait d'une minceur extreme. Mais qu'importe? II faut que dans aucun cas, on ne puisse pas conserver le plus petit doute sur l'efficacite reelle de la suture, c'est-ä-dire sur la certitude qu'on recherche d'operer une con­striction complete de la peau. Or, il n'est pas rare de trouver dans l'espece humaine des exemples d'une min­ceur comparable des teguments, sinon aussi grande, et cette faible epaisseur s'observe notamment chez cer-taines femmes et surtout chez un grand nombre de vieillards, II en est de meme chez un tres-grand nom­bre d'enfants; mais ceux-ci, du moins, sont pourvus ordinairement d'un tissu cellulaire sous-cutane assez epais, circonstance qui pourrait attenuer seulement, sans les faire disparattre, les graves inconvenients de la suture metallique.
Apres avoir constate, le 23 mai, cette absence com-
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170nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOL0G1QUE
plete de constriction de la peau, nous avons enleve, seance tenante, les fils metalliques et nous avons pra­tique une autre suture semblable sur la face externe de la racine de la cuisse droite, en ayant soin, cette fois.de nous servir de fi] de chanvre ordinaire, assez epais et tres-resistant. Nous nous sommes assure ega-lement d'operer, sur chaque double noeud, une con­striction des plus fortes, de fagon ä ne pouvoir conser-ver aucun doute sur l'interruption de rinnervation pe-ripherique sur tout l'ilot de peau ainsi forme.
Nous avons ete heureux, cette fois, de constater que notre but a ete completement rempli. Des le second jour qui a suivi l'operation, on apercevait tres-nette-ment, tout le long de la suture, une ligne rouge in-flammatoire resultant de la constriction exercee par les fils. Les jours suivants, une veritable plaie circu-laire de 2 ä 3 millimetres de largeur s'est formee et les fils ont ete mis ä nu dans une certaine partie de leur etendue. Or, voulant savoir jusqu'ä la fin ce que deviendraient les fils livres ä eux-m^mes, j'ai ete sur-pris, pour ma part, de les voir successivement dispa-rattre de la plaie. M. Larrouy, temoin comme moi des effets que je signale, croit que le lapin, en tiraillant les fils avec ses dents, est parvenu ä les arracher. II y en a un, cependant, qui restait encore, le 4 juin, et que je n'ai pu enlever que par une traction assez forte, Tun des noeuds s'etant enfonce dans les chairs, ce qui justifie pleinement l'explication de M. Larrouy, car il ne restait qu'un seul noeud sur les deux fils que nous avons extraits, et il aurait du en rester deux si une traction energique n'avait arrache l'autre noeud.
Or, ce m^me jour, 4 juin, nous-avons constate une
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 171
ligne circulaire blanchätre parfaitement dessinee et formee par du tissu cicatriciel. Nous pensons done, d'apres les resultats obtenus par cette seconde expe­rience, qu'une suture energique pratiquee äl'aide d'un fil ordinaire et tres-resistant pourra parfaitement remplir le but que nous nons proposons.
Cependant, le travail personnel du lapin ayant pu deranger notre oeuvre, nous avons pratique, chez le meme animal, le 28 juin suivant, une troisieme suture faite avec ce qu'on appelle dans le commerce du cor-donnet elastique, lequel est constitue par un fil de caoutchouc entoure d'un fil de soie. Or, pour qu'il ne put pas, cette fois, reussir de la meme maniere dans ses tentatives d'extraction, j'ai modifie la suture de la maniere suivante et l'ai reduite de la sorte ä la plus extreme simplicite.
Un simple coup d'ceil sur les figures 6 et 7 suffira ä en faire comprendre la facile execution.
La figure 6 represente separement les differents temps de l'operation, le passage d'un fil separe ahc, la constriction de l'anse a'b'c' formee par ce fil, la situa­tion respective des deux anses voisines def ei. ghi,
La figurenbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;presente la suture complete ä anses
distinetes et separees, ainsi que les deux longs chefs qui sont appendus ä chaque anse. II doit resulter de cette disposition que si le lapin vient ä operer des trac­tions sur ces chefs, il sectionnerala peau de dedans en dehors en retirant l'anse fermee; mais il ne lui sera pas aussi facile de sectionner chaeun des noeuds pour n'avoir plus ensuite qu'ä extraire les fils qui s'y rat-tachent.
La surface circonscrite par la suture avait une eten-
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due bien superieure ä celle d'une piece de 5 francs. Or, apres que toute la suture est en place et assujettie, eile
Fig, 6.
s'est reduite aux dimensions d'une piece de 1 franc. De plus, la peau qui se trouve ainsi circonscrite est deve-
Fig. 7.
nue ridee et flasque, sans changement de coloration; eile squot;enfonce comme l'extrdmite d'un doigt de gant
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 173
qu'on aurait deprimee. Si on vient enfin ä placer la pulpe du doigt dans cette partie deprimee, on senttres-nettement un rebord circulaire rigide. On eprouve la meme sensation qu'on aurait si on venait ä enfoncer avec le doigt un morceau d'etoffe epaisse daos l'aire circonscrite par une bague.
Des le troisieme jour apres l'operation (le 1er jaillet) on voit le cordonnet elastique s'enfoncerdans une sorte de rigole circulaire creusee dans l'epaisseur de la peau et dans le quart environ de l'etendue de la suture, on observe un ecartement des bords de la solution de con-tinuite, dans une etendue de pres de 0,001 millim; le lapin d'ailleurs se porte ä merveille.
Le 2 juillet, nous constatons que depuis hier, l'ani-mal a dejä sectionne les chefs de cinq noeuds ; la sec­tion est pratiquee au niveau de la surface de la peau et il ne reste que trois noeuds auxquels les chefs soient demeures intacts.
Le 4 juillet, les chefs ont ete sectionnes aux trois noeuds qui restaient, de teile sorte que la suture tout entiere est enfermee sous la peau avec les noeuds. On sent tres-bien cette suture avec la pulpe du doigt. II hy a nulle part de la suppuration. Seulement, la peau paratt moins enfoncee; les levres de la plaie restent rapprochees.
Le 7 juillet, je remarque que deux des fils ont du se derouler sous la peau; c'est-ä-dire que les noeuds ont du se delier et que les fils n'occupent plus que le tissu cellulaire sous-cutane. On les sent toujours par le tou­cher, ä travers l'epaisseur de la peau. Ce qu'il y a d'e-tonnant, c'est l'absence complete de suppuration. Les tissus supportent parfaitement la presence de ces fils
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174nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
ainsi que celle des autres noeuds qui restent encore apparents.
Le 8 juillet, j'observe une petite plaie lineaire dans une etendue de 0,05 cent, environ, sur le trajet de la suture; je cherche ä voir le cordonnet au fond de la plaie sans pouvoir y reussir.
Mais des le lendemain, cette petite plaie se ferme etle 11 juillet, voyant que tout etait cicatrise et croyant toujours que la ligature etait sous la peau oü je sentais toujours le mAme relief circulaire, je tiens ä m'assurer du fait. J'incise, dans ce but, avec des ci-seaux, la partie la plus dure et la plus epaisse de ce relief et je suis tout etonne de ne pas retrouver la moindre trace du cordonnet elastique. Le lapin a done reussi ä enlever ce dernier entotalite? Mais le but que je me proposais a du moins ete rempli, puisque la cicatrice formee consecutivement ä la constriction de la peau etait asez forte pour faire croire ä la presence du lien epais qui avait ete place sous la peau, II n'y aurait pas eu des lors un seul filet nerveux qui aurait pu echapper ä une pareille constriction.
II n'est pas de region, si dangereuse qu'on la sup­pose, oü la suture que nous venons de decrire ne puisse s'appliquer en toute securite. Et, pour prendre le meme cas dont nous avons parle ä la page 153, d'une plaie virulente qui aurait ete pratiquee dans le voisi-nage des gros vaisseaux du cou, voiei la conduite que nous n'hesiterions pas ä suivre et que nous conseille-rions des lors formellement. Apres avoir brüle les teguments seuls avec precaution, sur tous les bords de la morsure et aussi selon les prolongements des nerfs qui y aboutissent, nous pratiquerrons une suture cir-
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culaire, comprenant toute l'epaisseur de la peau et du muscle peaucier qui %la double, sans nous occuper des veines superficlelles qui pourraient etre atteintes par une ligature. Nous pensons möme qu'il ne faudrait pas hesiter, si cette precaution etait jugee necessaire dans d'autres regions, a comprendre sous une anse de fil une artere superficielle, teile que la temporale ou la sous-cutanee abdominale, etc., etc. Car, il s'agirait ici d'une simple variete d'acupressure, et cette der-nihre operation a dejä fait suffisamment ses preuves, comme procede hemostatique notamment, pour qu'il n'y ait pas le moindre danger d'hemorrhagie ä redou-ter. Seulement, il faudrait, de toute necessite, avoir recours dans ce cas, ä la ligature elastique et laisser celle-ci en place pendant quatre ou cinq jours. laquo; II est laquo; done important, dit notre sayant et regrette maitre laquo; Giraldes (1) dans un excellent article sur Yacnpres-laquo; sure, indispensable d'etablir pendant combien de laquo; temps au minimum, ces instruments [les aiguilles laquo; devant servir ä Vacupressure) doivent demeurer en laquo; place, pour mettre ä l'abri des hemorrhagies. Cette laquo; question, on le comprend, domine toute l'acupres-laquo; sure. Dans les trente-six amputations indiquees, laquo; le maximum du temps pendant lequel les aiguilles laquo; sont restees en place a ete, pour les grandes ampu-laquo; tations, amputation de cuisse, de quatre ä cinq laquo; jours. Cette duree me semble devoir etre la duree laquo; normale, pendant laquelle on doit laisser en place laquo; les aiguilles apres les amputations. raquo;
II est une autre region, la paume de la main, oü une
(l).Nbuu. Diet, de mid. et de chir. prat.tt. I, p. 391. Paris, 1864.
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cauterisation profonde pourrait etre tout aussi dan-gereuse qu'ä la region cervicale, si l'arcade palmaire superficielle devait etre atteinte par le fer rouge. Or, meme dans ce cas, il nous paraitrait possible d'agir avec une entiere securite, tout en remplissant parfai-tement Findication urgente, qui serait d'arreter la marche du virus rabique. Apres avoir cauterise avec precaution les seuls bords de la solution de continuite des teguments, il faudrait, pour ainsi dire, encadrer toute la paume de la main, dans une suture bien faite. Celle-ci aurait ainsi la forme d'un pentagone irregulier dont le cote le plus court partirait des teguments qui recouvrent la face anterieure de l'extremite superieure de la premiere phalange de l'index et irait rejoindre dans une direction verticale, la racine du pouce. Le second partirait de l'extremite superieure du prece­dent et aboutirait superieurement ä l'union des emi­nences thenar et hjpothenar ä une tres-petite di­stance du poignet. Le troisieme cöte, partant de ce dernier point se porterait transversalement vers le bord interne de la main, en passant au-devant de l'o-rigine de l'arcade palmaire superficielle, Le qua-trieme cote longerait tout le bord antero-interne de la main jusqu'ä la base de la premiere phalange du doigt auriculaire. Le cinquieme cöte enfin, ä direction transversale, partirait au-devant de la base des quatre derniers doigts pour aller rejoindre le premier cöte que nous avons dit ötre le plus court.
Une pareille operation, la plus difficile qu'on puisse-imaginer en ce genre, ne demanderait pas ä etre faite sans doute, par le premier venu. Mais, eile pourrait ^tre facilement executee par le Chirurgien le plus ordi~
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naire et m^me, par un tres-grand nombre de medecins n'ayant pas la pratique usuelle de la Chirurgie. II est facile de voir, du moins, combien eile differe de la liga­ture prealable des vaisseaux, dont parlent les auteurs du Compendium de Chirurgie et qui exige une habilete chirurgicale des plus grandes.
Tout ce que nous venons de dire relativement ä l'op-portunite et au mode d'execution de la suture circu-laire dont nous venons de donner une description de-taillee, tout cela se rapporte au cas oü l'on est appele de bonne heure, c'est-ä-dire un petit nombre de jours apres l'accident. Mais cette suture, evidemment, ne saurait ätre d'aucune utilite si on venait ä l'appliquer trop tard, ä un moment dejä avance de laperiode d'in-cubation. Ce qui conviendrait, dans ce dernier cas, ce serait la nevrotomie, pratiquee plus ou moins loin de la blessure, suivant le temps ecoule, sur les gros troncs nerveux qui communiquent avec la plaie. Quoique cette operation, comme nous le verrons plus loin (voy. p.228), ne nous paraisse pas devoir encore etre appli-quee dans la therapeutique de la rage, nous croyons cependant devoir en parier pour le cas oü eile pourrait ^tre, tot ou tard, reconnue utile, cc que I'experience seule pent montrer. II s'agirait done de sectionner, non-seulement le seul nerf qui füt en communication directe avec la plaie, mais encore tous ceux dont leS extremites peripheriqiles seraient en connexion anas' tomotique avec celles dunerf primitivementinteressa. A quoi servirait de couper ce dernier si la propagation de l'agent morbide pouvait encore se faire par le nerf le plus voisin? Or, le nombre de nerfs ä sectionner Va-riera necessairement suivant les regions eontamineeö
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et devra faire Tobjet d'un examen attentif dans chaque cas particulier. II seraitdonc superflud'entrerdansde plus longs developpements ä ce sujet, Vindication ge-nerale que nous venons de donner faisant suffisamment comprendre ce qu'i] conviendra de faire dans chaque cas particulier.
Pour la m^me raison, nous nous garderons bien de reproduire ici le manuel operatoire ä suivre pour la section de chaque nerf. Ce serait vouloir donner ä ce travail une extension vraiment demesuree, sans le moindre profit pour la pratique ou pour la science. On trouvera done toutes ces descriptions partielles dans differents traites de medecine operatoire. Mais nous ne saurions trop recommander a ce sujet la lecture du sa­vant Trctite des sections nerveuses de M. Letievant (1), professeur adjoint k la Faculte de medecine de Lyon.
11 ne nous semble meme pas süffisant, si Vindication d'agir est reconnue necessaire, qu'on se borne ä la sim­ple section des nerfs pour un mal aussi terrible que la rage, car, dans ce traitement, la securite reelle a don­ner au malheureuxblesse importe presque autant que la guerison elle-m^me. On pourrait craindre, en eflfet, que le virus rabique, malgre la section pratiquee sur un nerf, pamp;t se rendre du bout peripherique au bout central, si ceux-ci sonttroprapprochesl'un del'autre. C'est done äla n^vroctomie qu'il faudrait avoir recours de preference, c'est-ä-dire ä l'excision du nerf dans une etendue de 1 ou meme de 2 centimetres. Cette ope­ration aurait encore le grand avantage de rendre pos­sible l'examen microscopique du nerf excise et de nous
(1) 1vol. in-8. Paris, 1873. J,-B. Baillifere, ed.
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fournir ainsi une donnee extr^mement precieuse sur l'absence ou la presence d'alterations du cote des fibres nerveuses qui le constituent. On saurait des lors, en toute certitude, s'il serait permis de s'abandonner ä une securite complete ou si une seconde excision ner-veuse plus eloignee de la blessure ne deviendrait pas necessaire. Au reste, c'est ä l'experience ulterieure qu'il appartient de nous eclairer completement sur la valeur relative des simples sections nerveuses ou des operations de nevroctomie.
Mais il est une question qui Interesse plus directe-ment le medecin praticien, c'est celle de savoir quelles peuvent etre les consequences de ces operations, eu egard au retablissement des fonctionsdunerf sectionne ou excise. Cette question a ete tres-etudiee par un grand nombre de physiologistes et notamment par MM. Vulpian, Philipeaux et Faulet. Nous nous bor-nerons ä reproduire le resume que donne M. Letievant de ces effets physiologiques :
laquo; Apräs une section simple, dit-il (1), la reunion des laquo; bouts par une cicatrice et le retablissement des fonc-laquo; tions demandent trois ou quatre mois, raquo; et encore doit-on considerer ces faits comme des cas heureux. (Faulet.)
laquo; Apres une resection de 1 centimetre, il faut le laquo; möme temps que pour la section simple dans la-laquo; quelle il y a toujours un ecart des deux bouts ner-laquo; veux.
laquo; S'il y a plus de 1 centimetre d'ecart, il faut cinq, laquo; six, douze mois et plus.
(1) Loc. dt., p. 432.
D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 13
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laquo; Apres une resection de plus de 3 centimetres, les laquo; bouts nerveux resteat independants ou reunis seu-laquo; lement par un cordon de tissu conjonctif; par con-laquo; sequent, les fonctions ne se retablissent pas. raquo;
Une de nos grandes surprises, en nous livrant ä ces recherches, a ete de voir que la nevrotomie que nous avons ete amene ä preconiser, ait ete dejä pratiquee dans le siede dernier. Nous aurions voulu pouvoir connaitre en detail et les experiences qui ont ete faites, et les motifs vrais qui ont guide le premier experimen-tateur. Malheureusement, nous n'avons pu connaitre le fait que par le seul passage suivant, extrait de l'ar-ticle si consciencieux et si bien fait de M. Leon Tripier sur la nevrotomie :
laquo; En ce qui concerne Thydrophobie, dit-il (1), il est laquo; fädieux que l'auteur (M. Brown-Sequard), ne donne laquo; pas plus de details; et comme, de notre cote, nous laquo; n'avons pas pu remonter aux sources qu'il indique, laquo; nous transcrivonstextuellement : [laquo; II n'existe pas, raquo; que je sache, dans les annales de la science, d'ob-raquo; servation demontrant que cette horrible affection a raquo; ete guerie quand eile a ete causee par la morsure raquo; d'un animal enrage. Dans le siede dernier, G. Hicks raquo; (London medical and Phys. Journal, wl XVIII, raquo; p. 277) a propose de traiter la rage par la sec-raquo; tion des nerfs de la Partie mordue. Le Dr Stokes, * de Dublin, a eu l'obligeance de me communiquer un raquo; cas tres-important qui permet d'esperer que Vhydro-#9632;raquo; phohie pourrait quelquefois ttre guerie par ce pro-raquo; cede. raquo;] (Voy. l'appendice de Lectures on the Phys.
(1) Diet, encycl. des sc. m6d., 2C seriej t. XII, p. 779.
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andPatho. of the central nervous system, parM. Brown-Sequard, 1860, p. 261.). raquo;
Nous avons deja montre (p. 136) la grande simili­tude de la methode que nous avons suivie dans cette etude avec celle qui avaitdejä guide MM. Arloing et Tripier dans leurs recherches sur le tetanos. Or, i] n'est pas moins remarquable de voir que nous ayons ete conduits des deux cotes ä la meme conclusion therapeutique generale. Nous croyons devoir, en rai-son de cette circonstance, reproduire le passage suiquot; vant tout entier :
laquo; Si maintenant on admet, disent ces habiles phy-laquo; siologistes (1), que, dans le tetanos, les irritations laquo; sent transmises a la moelle par Tintermediaire des laquo; nerfs peripkeriques, il n'y a qu'un seul parti ä pren-laquo; dre, dans les cas ou cette affection vientcompliquer laquo; une plaie des membres. II faut interrompre le plus laquo; tdt possible toutes les communications nerveuses avec laquo; la moelle. Pour y arriver, on a le choix entre deux laquo; precedes : I'ampv.iation ou la nevrotomie.
laquo; L'operation proposee par Larrey est grave, et laquo; dans les cas oü la temperature rectale sera peu ele-laquo; vee, on comprend tres-bien qu'on puisse hesitef, laquo; surtout s'il s'agit de la cuisse ou du bras.
laquo; La nevrotomie n'offrepas les mimes inconvenients^ laquo; attendu que, au bout de cinq ou six mois, lesmalades laquo; recuperent completement la sensibilite et les mou-laquo; vements.
laquo; Jusqu'ä cejour on n'avait conseille et pratique que laquo; la nevrotomie partielle, autrement dit la section du
(1) Archiv, dephys, norm, et path., 1870, t. Ill, p. 245.
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laquo; frone nerveux dont les branches se rendaient dans la laquo; region oü etait la plaie.
c Loperation qu'e nous pramp;conisons consiste dans la laquo; section de tous les nerfs du membre {nevrotomie to-laquo; tale), car, ainsi que nous l'avons demontre, tant qu'il laquo; reste un nerf intact dans un membre, la transmission laquo; peut encore se faire entre les parties oü se rendent les laquo; branches du nerf sectionne et la moelle. Nous recom-laquo; mandons en outre de faire ces sections completes le laquo; plus haut possible et cela pour deux motifs : d'abord laquo; parce qu'on est presque certain d'eviter les anastO' laquo; moses diverses et recurrentes, ensuite parce qu'en ne laquo; se portant pas ä une certaine distance de la plaie, on laquo; risque de laisser au-dessus des nerfs dejä älteres en laquo; communication avec la moelle. raquo;
Les memes raisons ne nous paraissant pas exister pour la rage, nous sommes convaincu, pour notre part, que les mutilations des nerfs, dans notre cas, ne de-vraient pas etre aussi etendues que pour le tetanos. Mais e'est ä l'experience ä prononcer en dernier res-sort, vu I'impossibilite oü nous sommes de formuler d'avance une opinion precise sur des questions de pra­tique que l'observation seule pourra'nous permettre d'apprecier.
II y a cependant une difference que nous ne devons pas manquer de signaler, eu egard au moment oü I'operation est pratiquee dans les deux cas. Tandis que MM. Arloing et Tripier out pratique la nevroto­mie, apr'es que le tetanos etait declare, nous propose-rions de notre cöte de n'y recourir, dans la rage, que pendant la periode d'incubation, avant que les accidents de Vaffection confirmee se fussent montres, II est vrai
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que, dans notre cas, on peut, ä la suite cTune morsure suspecte, concevoir des craintes tres-serieuses sur le developpement ulterieur de la rage, tandis qu'il n'existe aucun indice semblable pour le tetanos.
Nous ne dirons que quelques mots d'un mode par-ticulier d'entrainement du virus en dehors de l'orga-nisme, ä l'aide de lavages ä grande eau, sur une plaie virulente recemment produite. Voici ce qu'en disent les auteurs du Compendium de Chirurgie (1) : laquo; II est inutile d'ajouter que ces lotions seront faites laquo; sur toutes les plaies, et avec exces plutot qu'avec laquo; reserve; un jet d'eau plein et rapide sera plus avan-laquo; tageux que de simples lotions. Voici une observa-laquo; tion qui prouve en faveur du moyen precedent. On laquo; rapporte que parmi des personnes qui venaient laquo; d'etre mordues par un loup enrage, plusieurs se laquo; retirerent en traversant une riviere et en lavant laquo; ainsi leurs plaies, et d'autres en passant sur un laquo; pont, et que ces dernieres seules furent atteintes de laquo; la rage. raquo;
Troisieme indication. Elle consiste ä emousser d'avance la sensibilite du bulbe rachidien, en previ­sion d'un insucces possible du traitement approprie aux deux premieres indications. Supposons, en effet, que pour une raison ou pour une autre, on n'ait pas pu s'opposer ä l'arrivee du virus rabique jusqu'au bulbe. Que faudrait-il, sinon pour prevenir le developpe­ment des accidents ulterieurs, du moins pour empe-cher qu'ils entratnassent le denoüment rapidement funeste qu'ils occasionnent toujours dans le cas oü
(1) T. I, p. 469
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184nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
rcrganisme est livre ä ses propres ressourcesquot;? II faudrait que le bulbe rachidien eüt perdu cette exquise sensibilite dont il est doue ä l'etat normal, il faudrait quril se trouvät en etat de supporter l'excita-tion du virus rabique saus faire naitre ces phenome-nes morbides si graves que tout le monde connait et dont l'effrayant cortege suit habituellement de si pres cette fatale excitation.
Or, existe-t-il des agents physiologiques capables de produire, au degre qu'il faudrait, cette insensibilite du bulbe? Voila certainement une question, on nous croira bien volontierst ä laquellenous serions heureux de pouvoir donner une reponse anssi claire que pre­cise. Emousser tout juste assez cette sensibilite du bulbe, pour rendre le virus rabique inoifensif, ne pas pousser cette sensibilite trop loin, defagon ä eviter un exces de depression qui pourrait devenir funeste : en verite, que de reconnaissance nous devrions ä celui qui remplirait ce petit programme ä la satisfaction de tons!
Mais, tout en nous gardant cette fois encore de nous montrer trop affirmatif et de vouloir devancer I'expe-rience, il nous est bien permis de chercher par induc­tion quel est, parmi les agents de la matieremedicale. celui dont les proprietes physiologiques et therapeu-tiques seraient le plus appropriees au but que nous voulons atteindre. Or, il est un medicament qui nous semblerait äpriori pouvoir repondreadmirablementä cette troisieme indication. Ce medicament n'est autre quele bromure de potassium. Tous les medecins con-naissent, en effet, la propriete que possede cet agent de diminuer le pouvoir reflexe de la moelle et du
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bulbe rachidien; ils connaissent egalement l'action si salutaire qu'il exerce sur les attaques convulsives de­pendant de l'epilepsie. Or, ce sont justement ces memes proprietes que nons recherchons dans la the-rapeutique de la rage.
Seulement, nous ne pouvons pas songer ä trailer un individu menace de la rage comme un malade ordi­naire ; nous devons l'assimiler ä un epileptique atteint des crises convulsives les plus graves. Non-seulement, nous avons tout interet a le considerer comme tel, mais nous devons encore instituer le traitement, des le debut de la periode d'incubation jusqu'äuneepoque excedant de beaucoup la limiteä laquelle se montrent d'ordinaire les accidents de la rage confirmee; c'esl. assez dire que les doses de bromure doivent etre d'em-blee aussi elevees que possible, bien entendu d'apres les regies etablies pourl'administration de ce medicament, dans les formes graves de l'epilepsie.
Voici quelques regies pratiques empruntees ä l'ex-cellentmemoire de M. Voisin sur Vemploi du bromure de potassium dans les maladies nerveuses :
laquo; En premier lieu, dit-il (1), il est necessaire d'etu-laquo; dier souvent chez le malade l'etat des actes reflexes laquo; qui appartiennent au bulbe et ä la moelle.
laquo; Je me suis jusqu'a present tres-bien trouve d'ex-laquo; plorer entre autres l'etat de la nausee, du larmoie-laquo; ment et de la toux que Ton determine en introdui-laquo; sant une cuiller ä la base de la langue jusqu'ä laquo; I'epiglotte ; celui de l'eternument et du larmoie-
(1) Mdmoire de VAc. de m4d., t. XXXI, p. 62 et suiv. (Memoire couronn6 par l'Acad^inie de m^decine).
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laquo; raent produit par la titillation des narines et des laquo; fosses nasales avec les barbes d'une plume.
laquo; L'acte reflexe, nausee, ne peut done se faire que laquo; par l'intermediaire des parties superieures de la laquo; moelle et plus precisement de ses regions postero-laquo; laterales, celles quijouent le plus grand role dans laquo; les convulsions epileptiques, Ehbien, le bromurede laquo; potassium a une action evidente sur cette partie de la laquo; moelle epiniere ; il diminue et supprime la nausee re-laquo; flexe et les autres actes reflexes dontj'aiparle, et agit laquo; comme un sedatif sur la force excito~motrice de la laquo; moelle.
laquo; C'est en observant ces actes reflexes que je puis laquo; me rendre compte de l'influence que le medicament laquo; exerce sur le bulbe au point de depart des pheno-laquo; menes epileptiques, et connaitre la dose qu'il faut laquo; atteindre chez tel ou tel individu pour etre en droit laquo; de dire que Ton a fait tout ce qu'il fallait contre sa laquo; maladie. J'ai l'habitude d'augmenter les doses jusqu'ä laquo; cequeje sois arrive ä supprimer completement la laquo; nausee reflexe et äpromener jusqu'ä Vepiglotte un le-laquo; vier en bot's.
laquo; J'ai l'habitude depuis plusieursanneesd'employer laquo; ce moyen d'epreuve chez tous les malades que je laquo; soigne et d'etudier l'etat de ces actes reflexes avant laquo; de commencer l'administration du bromure, puis je laquo; continue ä faire ces examens pendant toute la duree laquo; du traitement, tous les huit jours, tous les quinze laquo; jours au plus.
laquo; J'augmente la dose,jusquä ce que je sois arrivi ä laquo; supprimer entibrement la nausee reflexö; et alors je
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laquo; cesse de Vaugmenter et ne lui fais plvs subir que de laquo; legeres variations.
laquo; En agissant ainsi, je me suis assure que les dosesä laquo; employer variaient de 50 centigrammes a 12 gram-
laquo; MES PAR JOUR.
Precedemment ip, 61 de son memoire), M. Voisin recommande de donner en deux fois la dose que ron doit donner dans la mörne journee ; la premiere moitie doit etre prise au commencement du dejeuner et l'au-tre au commencement du dtner.
Seulement, dans la cruelle affection qui nous oc-cupe, nous croirions devoir modifier l'administration de ce remede de la maniere suivante :
Nous conseillerions de donner d'emblee ä un adulte une dosequ i ne füt pas moindre dequatre grammes le pre­mier jour et nous Vaugmenterions de 0,50 centigrammes par jour, sans nous preoccuper aucunement de la dose rnaximumqui pourrait etre atteinte. Car, pour ce medi­cament comme pour tant d'autres, nous dirions meme
POUT tOUS, LA DOSE DOIT VARIER SUIVANT LES MALADES.
C'est la une regie a laquelle nous attachons une ex­treme importance et dont nous pouvons verifier cha-que jour la grande valeur pratique. C'est faute d'etre suffisamment penetres de cette verite si simple que beaucoup de medecinspeuventechouer et echouent.en effet, tout en employant une medication appropriee. Apres le choix d'un medicament ä administrer dans teile ou teile affection donnee, l'indication de la dose appropriee est la question qu'il importe le plus de de­terminer dans chaque cas. En therapeutique, comme partout ailleurs, les verites les plus simples doivent
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incessament nous servir de guide, et c'est faire chose utüe que de les rappeler instamment ä ceux qui se— raient tentes de les oublier.
Lors meme que nous n'aurions appris que cette simple verite, nous croirions avoir bien employe notre temps, carla ligne de conduite qui en decoule est ä la fois des plus faciles et des plus süres. A moins d'un danger pressant, commencer toujours par des doses relativement faibles et s'en tenir ä ces doses, si on obtient, ä un degre appreciable et süffisant, l'effet qu'on attendait. Dans le cas oü cet effet vient ä man-quer, augmenter progressivement les doses jusqu'a ce qu'on obtienne un resultat manifeste. Nous croyons avoir demontre le premier par de nombreux faits (et tous les jours nous sommes de plus en plus confirme dans cette conviction), que lesulfate de quinine exerce une action hemostatique tres-marquee dans les hemorrhagies capiKaires les plus variees survenant ä la surface des muqueuses, pourvu bien entendu qu'el— les ne resultent pas d'une lesion organique, teile que cancer, fibrome, myome ou toute autre lesion sem-blable. Or, les doses que nous sommes oblige d'em-ployer peuvent varier dans les proportions de 1 ä 5. C'est ainsi que, bien souvent, il nous est arrive d'arrö-ter des epistaxis assez abondantes, sans amp;tre graves, avec des doses de 0,60 et 0,75 centigr. par jour, tandis qu'il nous est arrive tout recemment de devoir donner 3 gr. par jour pendant plus de quinze jours consecutifs äune dame d'une quarantaine d'annees. et 3gr. 25 pen­dant cinq jours, puis des doses graduellement decrois-santes (avec une diminution moyennede0,25 centigr. par jour) ä une autre dame ägee'environ de 70 ans.
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Ces deux malades ontgueri, sans autre moyen em­ploye ; mais le traitement a ete prolonge chez chacune d'elles pendant pres de deux mois. Si nous avions donne 3 gram, dans les premiers cas, nous aurions pu produire des troubles, sans gravite sans doute, mais tels cependant que les malades auraient punous prier de ne pas recommencer. Si nous avions adopte un do­sage uniforme pour les deux dernieres, que nous nous fussions dit, par exemple, que 2 gr. constituent uae dose fort raisonnable et qu'ilne convient pas de depasser dans des cas de ce genre, nous aurions certainement perdu ces deuxmalades oubien nous aurions du recourir au supplice du tamponnement, comme l'appelle avec raison mon ami et tres-distingue confrere, le Dr Va-lery Meunier, moyen qui n'est d'ailleurs applicable qu'aux seules hemorrhagies nasales. Le sulfatede qui­nine, au contraire, en augmentant la contractilite de tous les petits vaisseaux, arrete les hemorrhagies sur toutes les muqueuses oü ces memes petits vaisseaux se sont laisses dechirer apres une distension demesuree, Mais, pour revenir au cas qui nous occupe, nous di-rons que le bromure de potassium, dans le traitement prophylactique de la rage, nous parait devoir etre em­ploye ä doses rapidement croissantes. Et, dans une affection oü l'enjeu ä courir est si terrible, nous ne craindrions pas d'arriver, si nous pouvons ainsi dire, jusqu'aux confins de la forme rapide du hromisme, sauf ä revenir plus ou moins sur nos pas, quand nous aurions vu se developper quelques-uns des symptomes qui caracterisent cette forme rapide. Qu'importe qu'on y arrive chez Tun avec une dose de 4 gr. et qu'il faille chez l'autre une dose de 10 gr., par exemple, chiffre
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que nous ne donnons ici qu'ä titre de supposition gra-tuite. Le but ä atteindre est le möme chez tous les ma­lades : il s'agit d'ohtenir chez chacun d'eux le maximum d'action physiologique, tout en evitant d'am'uer jus-qu'avx effets toxiques.
Or, quels sont ces derniers effets ? Ils consistent, d'apresM. Voisin (loc. cit., p. 66), en laquo; titubation, difficulte considerable de la marche, im-laquo; possibilite de s'exprimer,abaissement des paupieres, laquo; somnolence, cephalalgie, diarrhee, regard eteint, laquo; stupeur; en meme temps, l'ecriture esttroublee, mal laquo; tracee, les phrases sont ecrites d'une fa^on ä peu laquo; presincomprehensible, parce qu'il y manque des por-laquo; tions de mots, des mots entiers. ;.......
laquo; La langue devient au bout de quelques heures laquo; rouge, seche et large. Les malades ont tres-soif. raquo;
Encequiconcerneletraitementderepilepsie,lM.Voi-• sin conseille, des que Ton constate les symptomes prece-laquo; dents, de supjjrimerde suite Vadministration dubro-laquo; mure depotassiwni.raquo; Mais, pour cequiregarde lathe-rapeutique preventive de la rage, nous conseillerions pour notre part, des que certains de ces symptomes yiendraient ä se montrer, de diminuer progressive-ment les doses, jusqu'ä ce que les troubles en question Inbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;eussent entierement disparu.
Pendant combien de temps ce traitement devrait-il etre continue?
Pour qu'une reponse donnee a une pareille question puisse avoir quelque sens, il faut evidemment raison-ner, dans la supposition oü ce medicament jouira d'une action preventive des plus certaines. Car, que Ton veuille, pour un moment, faire- la supposition con-
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traire, et Ton verra que la limite de temps ne doit se trouver ici que trop nettement tracee par l'invasion des accidents rabiques. D'un autre cöte, il est impos­sible d'admettre que Ton tombera toujours sur des cas oü le virus rabique n'existe pas chez le blesse, quoi-qu'il eüt manifestement existe chez l'animal qui lui a fait une ou plusieurs morsures. Que faire done dans la supposition oü le remede serait reellement utile? Jusqu'ä quelle epoque devrait-on en prolonger I'em-ploi et sur quelles donnees faudrait-il se baser pour diminuer les doses ? etc. Ce sont lä des questions aux-quelles il est impossible de repondre avec precision.
11 pourrait se faire qu'au moment oü le virus arri-verait au bulbe rachidien, quelques troubles plus ou moins accuses vinssent ä se montrer, malgre I'insen-sibilite relative de ce centre nerveux. Dans ce cas, la difference de denouement nous indiqueraitseulel'effi-cacite du medicament. La maladie se terminerait plus ou moins vita, plus ou moins peniblement par la gue-rison, au lieu de se terminer constamment par la mort. Mais il nous est absolument impossible, on le com-prend, non-seulement de connattre, mais de presumer la nature de ces troubles. II est probable cependant qu'ils auraient une expression symptomatique ressem-blante avec celle de la rage. Nous pourrions, du moins dans ce cas, assigner une limite au traitement; celle-ci ne devrait pas, en effet, exceder de beaucoup ladispa-rition de ces troubles rabiques avortes. C'est ä partir de ce moment qu'on diminuerait graduellement les doses, pour deshabituer peu äpeu l'organisme de l'in-fluence factice ä laquelle il aurait ete soumis plus ou moins longtemps.
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Ce n'est done que dans le cas oü le bromure de po­tassium jouirait d'une efficacite vraiment merveilleuse que Von pourrait se trouver singulierement embar-rasse pour assigner une limite au traitement. Ceci, des lors, devient une pure question de sentiment. Or, le sentiment, tous les medecins le savent, joue parfois un grand role dans les questions les plus graves qu'il leur soit donne d'agiter. Pour notre part, si nous avions ä traiter un malade qui nous füt eher, nous le soumet-trions sans hesitation aueune, pendant toute une an-nee, au regime de ce que nous avons appele le maxi­mum physiologique, et nous mettrions uneautre annee tout entikre h diminuer tres-insensiblement les doses, jusqu'a la suppression complete au bout de long terme.
Nous ignorons completement si un traitement pre-ventif ainsi congu pourra nous conduire au but que nous poursuivons ; mais ce que nous erojons pouvoir affirmer, e'est que, si untraitementpreventif doitreus-sir, il ne pent le faire qu'ä la condition d'etre conduit tres-methodiquement, et nous pensons que les regies que nous venons d'exposer conduiraient sürement au but qu'on se serait propose, en admettant loujours qu'on eüt fait choix d'un bon medicament. Or, nous avons vu precedemment qu'un vice de methode pent tenir en eehee les meilleurs agents therapeu iques. Aussi avons-nous cru devoir insister sur les precau­tions ä prendre, pour diriger ce traitement avec quel-ques chances de succes.
Pour savoir maintenant s'il est reellement permis d'etablir quelque espoir fonde sur cette medication preventive, nous n'avons qu'ä Voir les effets qui ont ete retires de celle-ci a la periode de la rage confirmee dans
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ün cas des plus remarquables dont nous devons la re­lation detaillee ä M. Paul Dauve : laquo; Sur l'invitation, laquo; ditcethabilemedecm(l), de M. leDr Letellier, aide-laquo; major du service et de garde ce jour-lä pres du ma-laquo; lade, nous essayämes le bromure de potassium. En laquo; effet, les etudes cliniques de M. Voisin prouvent ahon-laquo; damment son effet sedatif sur la force excito-motrice laquo; de la moelle, et dans la rage comme dans Vepilepsie, laquo; cette force excito-motrice est enjeu. Nous devions aussi laquo; chercher ä produire la diminution de la sensibilite re-laquo; flexe du palais, de la hase de la langue et de Vepi-laquo; glotte.
laquo; A midi et demi, nous faisions administrer un la-laquo; vement ainsi compose :
Bromure de potassium. . . 5 grammes. Eau............. 15 centilitres.
laquo; Ce lavement est conserve.
laquo; Une heure apres-midi. — Les spasmes sont plus laquo; rares et moins violents; Us sont surtout moins dou-laquo; loureux...............
laquo; Pendant les dernieres vingt-quatre heures, on ad-laquo; ministre 13 grammes de bromure de potassium, et laquo; chaque lavement fut suivi d'une remission marquee laquo; dans l'etat spasmodique et d'une diminution conside-laquo; rahle de l'acuite des symptdmes douloureux. Le bro-laquo; mure de potassium nous a semble un sedatif pucs-laquo; sant confre le späsme douloureux et nous avons re-laquo; grette de ne pas l'avoir employe plus tot et a des laquo; doses plus elevees. raquo;
(1) Cas de Rage chez Vhomme. Gaz. des höp.^ 1869, p. 218;
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Si ce medicament a produit des effets si marques en-tre les mains d'un medecin des plus eclaires, tres-apte, par consequent, ä ne pas s'en laisser imposer par )es apparences, s'il a montre de pareils avantages ä une periode du mal oü il est si difficile d'obtenir un leger apaisement des symptomes rabiques, pourquoi ne se-rait-il pas permis de fonder quelques esperances legi­times sur un traitement preventif institue, des le debut de la periode d'incubation, ä l'aide de doses fortes et prolongees de ce medicament?
De son cote, voici ce que dit l'auteur d'une excellente these, M. Monvenoux (1), sur l'indication du meme agent therapeutique au debut de la periode prodro-mique, lorsque celle-ci existe et qu'elle peut etre re-connue : laquo; Mais si l'on etait prevenu ä temps, on de-laquo; vrait s'efforcer de rendre le calme au malade et d'em-laquo; pöcher le debut des convulsions ä l'aide des bains laquo; prolonges, du jaborandi,dw bromure de potassium ä laquo; hautes doses on möme de la saignee, si la constitu-laquo; tion du sujet en permettait l'emploi. raquo;
Existe-t-il, en dehors du bromure de potassium, d'autres agents qui jouissent de la meme propriete d'amortir la sensibilite du bulbe et que l'on puisse ap-pliquer, des lors, au traitement preventif des accidents rabiques? C'est lä une question qui rappelle ä notre esprit un des aperfus les plus feconds de therapeu­tique generale et dont nous tenons ä dire quelques mots. II est en effet une tendance contre laquelle nous devons tons nous mettre en garde, si nous voulons voir
(1) Consider, sur les meth. recentes empl, dans le trait, de la rage. Thfese doctorat. Paris, 1876, p. 24v
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sortir cette branche si importante de notre art de la voie etroite et exclusive oü eile s'est trop souvent com-plue jusqü'ä ce jour. Cette tendance consiste, pour chacun de nous, ä attacher trop d'importance ä ce qu'il fait lui-meme, t tel ou tel medicament, par exemple, qu'il a etudie particulierement, pour negliger les don-nees experimentales fournies par d'autres observa-teurs. Or, nous n'hesitons pas ä dire que la therapeu-tique sera entravee dans sa marche progressive, tant que ses adeptes n'inclineront pas de toutes leurs forces vers la tendance opposee. Loin de se confiner dans un coin du tableau qu'ils examinent, ils doivent ä chaque instant jeter les yeux sur le tableau auquel travaillent cöte ä cote une multitude d'autres observateurs. C'est ainsi, seulement, qu'on parvient a remedier ä l'etroi-tesse de sa vue et qu'on arrive ä faire peu de cas de ses propres travaux, ä cote du vaste et admirable ensem­ble que le regard le plus vaste permet ä peine d'em-brasser. Au lieu done de se borner ä etudier un seul agent therapeutique, il faut rechercher la serie ä la-quelle il appartient; il faut faire en sorte, plustard, de constituer avec un soin extreme quelques-unes seu­lement des innombrables series therapeutiques qui doi­vent exister, laissant ä d'autres observateurs la pres-que totalite de la besogne qu'il y aurait une veritable folie ä vouloir entreprendre tout seul. En d'autres ter-mes, il faut que les medecins fassent pour la science et pour la therapeutique, en particulier, ce queles socie-tes modernes ont su faire pour les progres de la civili­sation, en reliant tous les progres les uns aux autres par les canaux et les routes, par les chemins de fer et D,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 14
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les telegraphes, toutes creations qui n'ont ete faites, assurement, ni par un seal homme ni pour lui seul.
Mais revenons, apres cette digression utile, ä la question de savoir s'il n'y aurait pas, ä cote du bro-mure de potassium, quelque agent possedant les memes proprietes physiologiques et pouvant ^tre uti­lise, dans le meme objet, durant la periode d'incuba-tion de la rage. Or, void l'interessante communication que nous trouvons dans un des derniers numeros de la Gazette des hopitaux et qui est con^ue avec l'intel-ligence la plus nette de la veritable marche ä suivre, en therapeutique (1)|: laquo; M. Peyraud (de Libourne), laquo; en etudiant les proprietes biologiques de l'essence laquo; de tanaisie, essence voisine de celle d'absinthe et du laquo; camphre du Japon, a ete amene ä constater que cette laquo; essence determine des acces de rage artificiels chez laquo; les animaux qui l'ont absorbee. Le type de ces acces laquo; est un type rabique tres-manifeste.
laquo; En poursuivant ces recherches, l'auteur decouvrit laquo; ensuite que ces terribles convulsions ne se produi-laquo; saient plus, si l'animaletait sous l'influence du chlo-laquo; ral ou d'un courant d'acide carbonique projete dans laquo; le pharynx.
laquo; Partant de cette experience, on pourrait se de-laquo;i mander si le chloral, administre preventivement, ne laquo; serait pas capable d'arr^ter ehelaquo; l'homme les pheno-laquo; menes analogues produits par la rage. Le fait arriva laquo; (chez un adolescent mordu par un chien atteint de laquo; rage constatee ä l'autopsie par un veterinaire); le laquo; traitementpreventif iut administre des le lendemain
(l)Des propr. physiol. de la tanaisie; traitement preventif de la 1-age par le chloraL Gaz: des höp., n0 do 28 juin 1879, p. 589.
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laquo; ä la dose de 1 ä 3 grammes de chloral par jour pen-laquo; dant quarante jours. Le jeune malade ne presente laquo; aucun accident rabique, et il se porte tres-bien au-laquo;jourd'hui. Est-ce au chloral qu'il faudra attribuer le laquo; succes ? Est-ce ä la cauterisation faite une heure et laquo; demie apres la morsure avec quelques gouttes d'am-laquo; moniaque? Est-ce ä une erreur de diagnostic du vete-laquo; rinaire, qu'il faut attribuer ce resultat favorable ?
laquo; En tous cas, il semble que ce fait est süffisant pour laquo; engager les experimentateurs dans cette voie. II ne laquo; faut pas oublier que le chloral doit etre employe pre-laquo; ventivem.ent, avant que les acces se produisent, car, laquo; chez les animaux soumis aux acces de rage artificiels. laquo; le chloral n'agit pas s'il est administre pendant les laquo; acces rabiques. (Trib. med.) raquo;
II n'y aurait nul interamp;t ä rechercher si, dans I'ob-servation precedente, l'absence du developpement de la rage est bien due an traitement preventif qui a ete institue. Nous disons qu'il n'y a la nul interamp;t, unique-ment parce qu'il nous est absolument impossible de le savoir. L'interet du fait lui-m4me est done sans im­portance. Mais, ce que nous devons faire remarquer, e'est la marche veritablement scientifique qu'a suivie I'auteur dans cette serie de recherches:
II observe, d'une part, que les proprietes physio-logiques de Vessence de tanaisie ressembient äcelles de Vagent rabique. Done ces deux agents appartiennent ou du moins semblent appartenir ä la mamp;me serie physio-logique.
II observe d'autre part que le chloral ou un courani d'acide carbonique projete sur le pharynx, empeche les convulsions de se produire chez un animal auquel
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on administre de l'essence de tanaisie, pendant qu'il est encore sous l'influence de Tun ou de l'autre de ces agents. Done, ces deux agents, le chloral etl'acide car-bonique, appartiennent ä une äutre serie physiologique, laquelle est antagoniste de la premiere.
Que fait l'auteur pour s'assurer de l'existence de cet antagonisme ou mieux pour controler ce premier apergu qui l'a frappe? II oppose Tun ä l'autre deux de ces agents qui ne se sont jamais trouves en presence : Tun de ces agents bien entendu est pris dans l'une des series, et le second agent est choisi dans la serie an­tagoniste.
Ainsi, pour ces quelques experiences comparatives, nous avons deux series ouvertes, nous ne disons pas parfaitement prouvees. Or, l'une de ces series est an­tagoniste de l'autre. Mettons-les en regard l'une de l'autre et nous aurons :
D\.NS LA PREMIERE :nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DANS LA SECOXDE .
Vessence de tanaisie,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;le chloral,
le virus rabique,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; Vacide carbonique.
Or, nous avons vu que le bromure de potassium appartient ä la seconde de ces series.
Avant d'aller plus loin, prouvons par la citation sui-vante que cette assimilation est confirmee, dans Tune des series du moins, par une de nos grandes autorites medicales:
laquo; Les lavements au bromure de potassium (5 gr. laquo; pour 15 centilitres d'eau), ditM. Jaccoud(l), recem-laquo; ment employes par Letellier, repondentäune indica-
(1) Tr. de path. int.. t. II, p. 793.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ..
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laquo; tion rationnelle ; mais ils n'ont produit qu'une ame-laquo; lioration passagere, imputable peut-etre ä la marche laquo; naturelle de la maladie. II y a lieu de repeter l'e-laquo; preuve, et, le cas echeant, je voudrais aussi experi-laquo; menter les lavements et les injections de chloral ä laquo; tres-hautes doses. raquo;
Voyons maintenant si quelque autre agent ne pour-rait pas figurer dans la premiere de ces series. Or, ici encore, nous croyons devoir substituer ä notre opinion personnelle celle d'un jeune professeur, faisant lui-meme autorite dans la science: laquo; Lorsque les accidents laquo; de la rage eclatent, dit M. Brouardel (1), il semble laquo; que les effets du virus doivent le faire ranger parmi laquo; les poisons dont I'action se porte directement sur le laquo; Systeme nerveux comme dans I'empoisonnement par laquo; la strychnine ou quelque autre poison vegetal; de lä laquo; cette definition de Romberg, la rage est un toxoneu-laquo; rose. raquo;
Voilä done la premiere serie ouverte k un nouvel agent, la strychnine.
Or, pour controler le fait de cette assimilation, nous n'avonsqu'asuivre la meme marche qu'asuivieM.Pey-raud et dont nous venons de parier. Prenons done dans la seconde serie un agent que nous puissions lui opposer: le bromure de potassium, par exemple. Si I'un et l'autre de ces agents sont bien places, dans leur serie respective, ils doivent etre antagonistes Tun de l'autre.
Or, voici ce que dit a cet egard dans sa these remar-quable, notre sympathique et excellent confrere, le
(2) Art. Rage chez I'homme. Loc. cit-, p. 225.
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Dr Saison (1): laquo; La strychnine me semble etre l'agent laquo; dont l'antagonisme avec le bromure est le pluf.
laquo; parfait................
laquo;..................
laquo; J'ai fait beaucoup d'experiences comparatives des laquo; deux agents opposes, injectant de la strychnine dans laquo; un membre et du bromure dans I'autre : on avaitdes laquo; convulsions et de la raideur tetanique avec allonge-laquo; ment dans la patte strychnisee, pas de relächement laquo; de I'autre. Puis j'injectai un melange des solutions laquo; de bromure et strychnine : les convulsions etaient laquo; bien faibles, leur duree totale abregee, et les ani-laquo; maux continuaient a vivre plus longtemps que par laquo; une dose equivalente d'un seul agent. J'ai möme pu laquo; prolonger une grenouille strychnisee pendant plus laquo; d'une heure en lui injectant de temps en temps du laquo; bromure. J'injectai un jour une solution de strych-laquo; nine dans le flanc d'un lezard et du bromure dans laquo; I'autre ; le cote convulse entrainant celui paralyse, laquo; le corps s'incurve du cote strychnise en formant un laquo; demi-cercle et resta ainsi; il n'y eut que quelques laquo; convulsions faibles, qui ne durerent que deux ou laquo; trois minutes.
laquo; Conclusion. — L'opposition entre les differents laquo; termes de l'action de la strychnine et ceux du bro-laquo; mure, si eile n'est point assez complete dans tons laquo; ses elements pour constituer un antagonisme dans le laquo; sens rigoureux du mot, est cependant interessante laquo; ä etudier et pourrait peut-etre dtre utilisee en the-laquo; rapeutique. raquo;
(I) Du bromure de potassium et de son antagonisme avec la strychnine. ThSse doctorat. Paris, 1868, p. 56 et suiv.
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Or, ä la page 55, M. Saison place ä cote de la stry­chnine et dans la meme serie physiologique : la the-baine, la narcotine, la brucine, la nicotine, et tous les poisons convulsivants.
Mais ce n'est pas tout. Pour montrer combien cette voie peut etre feconde pour la therapeutique, nous n'avons qu'ä ouvrir le remarquable ouvrage de M. Ore sur le chloral (1). Nous y verrons en maints passages que cet agent doit etre considere, lui aussi, comme un antidote de la strychnine, comme devait nous le faire prevoir ce simple apergu auquel nous nous livrons ici incidemment, sur la theorie des series antagonistes, theorie qui a guide M. Peyraud dans ses recherches, qui est celle que nous suivons nous-meme depuis plusieurs annees, la meme enfin quedeveloppe magistralement M. Ore, dans l'ouvrage en question.
Sans pouvoir donner ä cette importante question tous les developpements quelle comporte, nous nous bornerons ä relater les passages suivants :
laquo; II existe un antagonisme incontestable, est-il dit ä laquo; lapage 48, entre le chloral et la strychnine. Les con-laquo; vulsions occasionnees par cet alcaloide sont presque laquo; immediatement arramp;teespar le chloral,' älacondition laquo; que cette derniere substance soit introduite dans Vor-laquo; ganisme par la voie veineuse. Je demontrerai plus laquo; tard que cet antagonisme est mamp;me assez efficace pour laquo; que Von puisse considerer le chloral comme Tanti-laquo; dote de la strychnine. raquo;
Et plus loin, page 370 :
laquo; La strychnine, substance azotee, surexcite le pou-
(1) Le chloral et la medication intra-veineuse. Etudes de phys. exper., grand in-8, J.-B. Baillifere. Ed, Paris, 1877.
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laquo; voir reflexe au point de donner naissance ä im veri-laquo; table tetanos. Le chloral, substance non azotee, a une laquo; action diametralement opposee; il affaiblit cette fa-laquo; culte medullaire, la fait meme disparaitre momen-laquo;. tanement. Il en resulte que, si on l'administre des laquo; Vapparition des phenomenes convulsifs, ces derniers laquo; sont aussitot attenues, arramp;tes, remplaces par le relä-laquo; chement musculaire et le sommeil. raquo;
Quoique les considerations qui precedent n'aient qu'un rapport assez eloigne avec le traitement preven-tif de la rage que nous venons d'etudier, on voudra bien nous excuser de nous y etre appesanti, en raison de l'importance qu'elles nous paraissent avoir en the-rapeutique. D'autre part, nous croyons fermement qu'il ne faut jamaislaisser echapper l'occasion d'elar-gir les vues de son esprit ou, ce qui revient au mdme, de dissiper quelques-uns des prejuges qui tendent ä les retrecir et qui pesent sur tout le monde, meme sur les hommes le mieux doues et les plus impar-tiaux.
Quatrieme indication. Cette indication ne surgit que lorsque la rage est confirmee ; c'est celle que Ton a eue principalement en vue, lorsqu'on s'est occupe du traitement de la rage dans les divers ouvrages classi-ques. Nous n'entrerons pas, ä ce sujet, dans de trop longs developpements, et cela pour plusieurs raisons. D'une part, nous n'aurions presque rien ä relater qui ne füt parfaitement connu de tout le monde. D'autre part, l'experience nest venue que trop confirmer une prevision qu'il etait bien facile de porter sur l'ineffi-cacite de presque tons les moyens employes, si on vou-lait se rendre compte du ^rocessus morbide dans la
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rage. N'en est-il pas de meine d'un incendiequ'unverre d'eau aurait suffi ä eteindre au debut et qui s'etend plus tardä plusieurs maisonset meme ä tout un quar­tier de ville, en depit des efforts surhumains deployes pour l'arröter? Cette quatrieme indication enfin ne differe guere de la precedente. Elle consiste, comma eile, ä obtenir principalement Vinsensibilite relative du bulhe rachidien. Seulement.ä cette periode oü les acci­dents rabiques ont dejä eclate, l'indication ä remplir devient des plus pressantes. II n'y a pas une minute ä perdre, si on veut avoir quelques chances et encore des chances bien precaires de s'opposer aux consequences funestes d'un mal auquel il ne reste plus rien ä enva-hir. Quoi d'etonnant que toutes les medications echouent, quand on vient ä les instituer in extremis! Car c'est bien commencer ä agir ä la periode ultime que d'attendre le developpement des accidents rabi­ques, apres avoir passe dans l'inaction la plus com­plete la periode d'incubation tout entiere, dont la duree peut exceder deux ans, comme nous l'avons vu. Plusieurs medecins des plus recommandables ont donne le conseil, il est vrai, d'utiliser cette longue periode d'incubation pour instituer un traitementpre-ventif, consistant tantöt en bains de vapeur et tantöt en l'administration des mercuriaux, de l'arsenic, etc. Ils trouvaient avec raison que c'etait perdre un temps bien long et bien precieux. Mais, ce n'etait pas tout que de comprendre qu'on devaitutiliserce temps, il aurait encore fallu savoir comment on devait l'utiliser. Or, ces indications rationnellesne peuvent guere etre con-nues, sans le secours de la physiologie pathologique. Voilä certainement la principale raison qui a du em-
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pecher la plupart des medecins d'instituer contre la rage une therapeutique preventive. Ce n'est que con-traints par la necessite qu'ils ont du resister, ou du moins faire mine de resistance, lorsque l'apparition brusque des accidents de la periode d'incubation leur faisait un devoir d'intervenir.
C'est alors que, pour employer une locution vulgaire, mais vraie, i\s ont fait fleche de tout hois. Nous n'es-saierons pas de donner une enumeration complete des moyens varies et disparates qui ont ete mis en usage pour combattre cette cruelle maladie. Bornons-nous ä en enumeier quelques-unes, pour montrer I'incohe-rence et la precipitation qui ont du presider au choix de ces moyens therapeutiques. On a preconise tour ä tour le mercure, le chlore, la cauterisation des pus­tules sub-linguales, l'inoculation du venin de la vipere, les bains de vapeur, le cucumis abyssinica, I'arsenic, I'atropine, la morphine, la calabarine, le bromure de potassium, I'alisma plantago, la decoction de genista tinctoria, la cetoine doree, les cantharides, le jabo-randi, le xanthium spinosum, le chloral, le chloro-forme, le curare, etc., etc., sans compter la fameuse omelette cabalistique a la poudre d'ecailles d'huitres.
De tons ces agents nous n'en voyons guereque troJs dont nous conseillerions I'emploi pour le traitement de la rage confirmee. Ce sont; le curare, le chloral et le bromure de potassium.
Etant connue la propriete dominante du curare qui est de paralyser les nerfs moteurs en laissant la sen-sibilite intacte, onne s'expliqueguere la maniere dont pent agir cette substance ä titre ,de moyen curatif. Neanmoins, cette medication merite non-seulement
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d'etre conservee, au moins jusqu'a ce qu'on en trouve une meilleure. mais encore de figurer en töte des agents curatifs actuels. Pourquoi? Parce quele curare a procure la guerison, au moins dans un cas, ä notre connaissance et que la therapeutique, qui repose sur l'instinct de la conservation, ne doit jamais rougir d'adorer le succes.
En raison de la rarete du fait, nous reproduisons cette observation in extenso (1) :
laquo; II s'agit d'une jeune femme de la campagne, ägee laquo; de 24 ans, qui, quatre-vingts jours apres avoir ete laquo; mordue par un chien enrage, presenta tous les sym-laquo; ptomes caractcristiques de ZTn/dropftobie. Le premier laquo; acces spasmodique eut lieu a 8 heures du soir. Des laquo; injections de morphine et des inhalations de chloro-laquo; forme n'ayant amene aucune amelioration dans laquo; l'etat de la malade, on se decida a employer le cu-laquo; rare en injections sous-cutanees. On fit une pre-laquo; miere injection de 2 centigrammes de curare a laquo; 11 heures, et une seconde un quart d'heure apres. laquo; Immediatement apres la seconde injection, les acces laquo; spasmodiques qui, an debut, se repetaient toutes les laquo; deux minutes, devirtrent plus rares et les mouve-laquo; ments musculaires moins intenses. On fit une in— laquo; jection de 3 centigrammes a minuit et une autre ä laquo; 1 heure du matin. Les acces devinrent de plus en laquo; plus rares; le sentiment d'oppressi on et d'anxietedi-laquo; minua considerablement. On fit une cinquieme in-laquo; jection a 2 heures, une sixieme ä 2 heures 30 minu-
(1) Un cas d'hydrophobie gueri par des injections sous-cutanees de curare, par Offenberg, de Wickrath (Prusse), dans Hev. des sc, mtd.. 1878, t. XII, p. 512.
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laquo; tes. Les spasmes etaient alors separes par des laquo; intervalles de dix minutes; la douleurprecordialeet laquo; la difficulte de la deglutition avaient presque dis-laquo; paru, et l'anxiete avait fait place ä une hilarite et ä laquo; uneloquacite remarquables. On vit apparaitre en laquo; m^me temps quelques signes de paralysie muscu-laquo; laire. A 3 heures 20 minutes on fit une septieme laquo; injection. Les spasmes cesserent alors complete-laquo; ment, mais la paralysie augmenta rapidement. laquo; C'est ä peine si la malade pouvait faire mouvoir laquo; ses paupieres; la parole etait embarrassee. La respi-laquo; ration resta normale; deux fois seulement eile s'ar-laquo; reta momentanement; quelques mouvements rhy-laquo; thmiques imprimes au thoraxfirent disparaitre cet laquo; accident. Deux heuresapres, la paralysie cotnmenfa laquo; ä se dissiper. Done, dans l'espace de quatre heures laquo; trente-cinq minutes on fit sept injections et on ad-laquo; ministra 19 centigrammes de curare. Le lendemain laquo; soir, on vit reparaitre quelques-uns des syrnptomes laquo; de l'hydrophobie, et onfit unehuitieme injection de laquo; curare. Pendant les jours suivants la malade pre-laquo; senta quelques accidents que Ton attribua ä l'hy-laquo; drophobie et ä l'influence du curare combinees; laquo; mais ils cesserent completement au bout de huit laquo; jours. Le 3 decembre la malade quitta l'höpital, laquo; completement guerie. Elle y etait entree vers le mi-laquo; lieu d'octobre. raquo;
Quant au chloral et au bromure de potassium, on ne pourrait en attendre quelque avantage a cette periode avancee du mal, qu'ä la condition d'introduire sur-le-champ l'une ou l'autre de ces substances dans le tor­rent circulatoire, ä l'aide d'injectipns intra-veineuses.
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On n'aura qu'ä se conformer, pour pratiquer ces injec­tions, aux regies si bien exposees par M Ore, dans son grand ouvrage sur le chloral et la medication intra-veineuse (1). Pour l'emploi de cette substance, on se servira d'une solution au quart (10 gr. de chlo­ral pour 30 gr. d'eau distillee) et on I'injectera tres-lentement, par dose de 0,50 centigr. toutes les mi­nutes jusqu'a ce qu'on soit arrive a calmer les acces convulsifs et meme k produire un calme tres-marque. La dose necessaire pour produire I'anesthesie chirur-gicale etant de 5 a 8 gr., il est bien probable que cette dose devra parfois etre depassee pour amener une sedation süffisante dans la rage confirmee. M. Ore recommande egalement de bien s'assurer, avant de pousser I'injection, que la canule est bien dans la veine; il conseille,en outre, d'immobiliser complete-tement cette canule, pour eviter la blessure de laparoi interne de la veine et pour ecarter ainsi le danger de provocation d'une phlebite.
II est a croire qu'en se guidant sur les memes regies pour I'injection intra—veineuse du bromure de potas­sium, on pourra se servirde ce medicament avec secu-rite. 11 est permis d'esperer egalement que I'un ou l'autre de ces agents amenera, sinon une guerison, pen probable quoique possible, du moins une amelio­ration temporaire des symptömes et une sedation marquee de la surexcitation nerveuse desmalheureux patients.
Les belles recherches de M. Ore sur le chloral nous rappellent une methode de traitement de la rage qu'a
(1) P. 299 et suiv.
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208nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
preconisee cet infatigable experimentateur, ä l'exem-ple de Russell qui s'en etait servi en 1792 : cette me-thode consiste ä pratiquer la transfusion du sang (1), apres une saignee tres-abondante. Mais la longue discussion dans laquelle nous sommes entre, dans toutle cours de ce travail, sur la valeur respective des theories sanguine et nerveuse, nous dispense de don-ner les motifs qui nous font rejeter cette methode, comme reposant sur une theorie qui ne nous a pas paru fondee, c'est—ä-dire sur la theorie sanguine. Au reste, d'apres M. Ore lui-m^me, la transfusion aurait ete employee laquo; sans succes dans le traitement de la laquo; rage, si ce n'est dans le cas de Russell. raquo;
Quant aux innombrables agents employes ou pre-conisescontrelarage, dontnous n'avons donne qu'une enumeration fort incomplete, que faut-il en penser, ou plutöt, quel accueil doit-on leur faire? Et ici, bien entendu, nous nous plagons ä un point de vue exclu-sivement scientifique, n'ayant d'autre but que la re­cherche de la verite. Car, tout en accordant aux faits toute I'importance qu'ils meritent dans une science experimentale quelconque, on ne doit jamais perdre de vue cette verite pratique : c'est quece qui Importe le plus en therapeutique, c'est Vesprit de conduite, c'est le fondement ä donner auxjugements que Ton doit ä chaque instant porter sur un plus ou moins grand nombre de faits.
En ce qui concerne done les differents remedes pro­poses centre la rage, faut-il, ä priori, les accepter tons
(1) Etudes hist, physiol. et clin. sur la transfusion du sang. Paris, 1876, p. 48 et 589.
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en bloc ou les rejeter tous en bloc? Croit-on ququot;en adoptant Tun ou l'autre de ces partis on ferait preuve d'un grand sens therapeutique? Si on veutdonc porter un jugement quelconque en parfaite connaissance de cause, il faut etablir un contröle et Vetablir serieuse-ment. Car on ne pent pas traiter les faits nouveaux avec moins d'egards que le juge ne traite les plus grands criminels. Las uns et les autres doivent au moins etre ecoutes, avant d'etre bien accueillis ou d'etre condamnes. Et parce qu'une pareille besogne est fort ingrate, est-ce une raison pour la mal faire et pour declarer, par exemple, que tel fait nous parais-sant absurde, il doit nous etre loisible de le rejeter sans examen ? II en est des faits comme de bien des gens : ils valent tantot mieux qu'ils ne paraissent et tantöt c'est le contraire. Done, il faut les scruter ä fond pour savoir au juste ce qu'ils valent
Or, pour ce qui est de l'examende ces agents contre la rage, rien ne serait plus simple que de l'etablir. II faudrait, a tous les faits annonces,deux ordres de con­tröle : un contröle physiologique et un contröle clini-que, sur les animaux, bien entendu. Or, ces deux genres de contröle peuvent etre exerces sous l'oeil des hommes les plus eminents, par des jeunes gens tres-avances dans leurs etudes. II faut, pour toutes ces recherches, l'ardeur de la jeunesse qui ne se rebute jamais et qui est sans cesse aiguillonnee par le desir d'apprendreet de connaitre. Qu'un guerisssur adresse done a 1'Academie une recette contre la rage, au lieu de nommer une commission executive qui ne vise d'or-dinaire qu'ä se debarrasser avec esprit d'une besogne rebutanteraquo; ne vaut-il pas mieux expedier cette recette
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dans une double direction : dans un des meilleurs laboratoires de physiologie experimentale et dans une des meilleures cliniques veterinaires qu'on sache trouver? On aurait de la sorte un contröle serieux et Ton ne s'exposerait plus, faute d'unexamen süffisant, soit äaccueillirun remede insignifiant, soitä rejeter un agent reellement important. Quant au contröle cli-nique ä etablir chez l'homme quand il ne pourrait pas etre fait sur les animaux, on n'aurait pas de regle plus süre et plus irreprochable que de confier ä des jeunes gens ayant dejä faitleurspreuves, le soin d'assister au lit des malades, aux nouvelles tentatives qui pour-raient etre faites par les auteurs des premieres expe­riences.
Les considerations qui precedent, tout en ne se rat-tachant que d'une fafcm fort indirecte au traitement special qui nous occupe, trouveront peut-etre grace cependant devant ceux qui se preoccupent avant tout des meilleurs moyens de trouver la verite, n'importe en quel lieu et n'importe ä quelle occasion, pourvu qu'il y ait, comme on dit en mecanique, un effet utile de produit. Et puis, ne convient-il pas de se mettre en mesure soit de redresser une erreur commise de bonne foi, soit de confondreune imposture? Or, plus un ju-gement est motive, plus il s'impose ä Topinion des hommes justes et eclaires, qui est en definitive celle qui doit tot ou tard prevaloiren therapeutique, comme partout ailleurs.
Comme il s'agit ici d'une question generate de con-duite des plus importantes, nous ne croyons pas per-dre notre temps en prolongeant cette digression par le choix d'un exemple bien frappant. II y a trois ans
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qu'il a ete question dans divers journaux demedecine d'une lettre ecrite parun homme paraissant ecläire et se presentant sous le patronage de notre si regrette maitre le professeur Gubler, lettre remplie de faits et oü respirent d'ailleurs toutes les apparences de la plus parfaite bonne foi, malgre le ton d'excessiveassurance qui vient un pen la deparer.
Quoique cette lettre soit bien longue, nous croyons devoir la reproduire en entier ; car, si Ton veut s'ha-bituer ä porter en toutes choses un jugement serieux, on ne doit jamais se soustraire a une procedure utile. Or, voici cette lettre teile qu'elle est reproduite dans V Union medicalequi remprunteelle-meme au/owrnaZ de therapeutique du professeur Gubler. Sans vouloir nous faire le defenseur de toutes les idees de l'auteur pas plus que de I'agentmedicamenteux qu'il preconise, nous pensons qu'il faut au moins I'ecouter avec pa­tience, avant de se hasarder ä emettre un jugement quelconque sur son compte.
laquo; Nous recevons, dit sans doute le professeur Gu-laquo; bler(l), d'un de nos honorables et distingues con-laquo; freres, le docteur Grzymala, de Krivoe-Ozero (Po-laquo; dolie), la lettre suivante, qui, enraisondu caract6^e laquo; ä nous connu de son auteur, nous semble tres-digne laquo; d'attention et que nous nous empressons de pu-laquo; blier :
(1) Voy. fJnion mid., du 18 juillet 1876, p. 95.
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Krivoe-Ozero, 22 mars 1876.
laquo; Monsieur et tres-honore maitre,
laquo; Aujourd'huique, grace a votre puissante initiative laquo; et ä vos importants travaux, une nouvelle ere a ete laquo; ouverte ä la therapeutique en France, que tant de laquo; nouveaux moyens ont ete admis au rang d'agents laquo; medicamenteux, permettez-moidevousentretenirun laquo; instant des proprietes therapeutiques d'une plante laquo; bien connue et cependant jusqu'ici delaissee, le laquo; xanthium spinosum.
laquo; J'ai häte d'ajouter qu'ennemi de la specificite, en laquo; medecine eten therapeutique, je ne crois qu'ä des laquo; actions physiologiques, mais je crois aussi que l'ac-laquo; tionphysiologiqued'un grand nombre desubstances laquo; est encore peu connue. Dans le cas particulier, laquo; je suis convaincu que Faction physiologique d'un laquo; diaphoretique, cependant inferieur au jaborandi, le laquo; Xanthium spinosum, donne ou donneraJ'explication laquo; de ses effets contre la rage, car c'est du traitement de laquo; Za ragfe que je veux parier. Cette profession de foi laquo; me semble indispensable quand on veut parier d'un laquo; remede de cette redoutable maladie.
laquo; Cette plante, qui croit dans beaucoupdepays, qui laquo; se trouve dans le midi de la France, qui abonde en laquo; Podolie, et dont je vous presenterai prochainement laquo; un echantillon avec une description detaillee, neu-laquo; trahse infaillihlement \es eßets-du virus rabique, ä
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laquo; la seule condition qu'elle soit administree ä temps, laquo; c'est-ä-dire avantque les accesde cette terrible mala-laquo; die se soient declares.
laquo; J'emploie le xanihium depuis nombre d'annees laquo; avec le meilleur succes, et il ne m'a pas ete donne laquo; d'observer un seul cas oü il ait echoue, bien que laquo; j'aie eu l'occasion de l'administrer au moins cent fois laquo; tant aux hommes qu'aux animaux mordus par des laquo; cbiens et des loups enrages. Ne vous etonnez pas laquo; du chiffre qui, croyez-le bien, est plutöt au-dessous laquo; qu'au-dessus de la realite. Dans le pays que j'ha-laquo; bite, la rage est tres-frequente, et depuis plus de laquo; vingt ans que j'y exerce la medecine, dix cas par an, laquo; en moyenne, justifieront aisement le nombre men-laquo; tionne plus haut.
laquo; Que vous dirai-je des effets physiologiques de ce laquo; medicament? C'est un sudorifique, un sialagogue et laquo; un faible diuretique, dont l'action est beaucoup laquo; moins prononcee que celle du jaborandi. Je ne lui laquo; ai, dureste, jamais vu produire tous ces phenome-laquo; nes ensemble. Certains malades transpirent, d'au-laquo; tres salivent, et il y en a qui rendent plus d'urine laquo; qu'ä l'etat normal. La temperature s'eleve Jegere-laquo; ment et la circulation est ordinairement acceleree laquo; laut soil peu sous l'influeüce de cette plante. Quel-laquo; ques malades se plaignent de cephalalgie, d'autres laquo; accüsent des nausees, j'en ai vu möme qui ont vomi laquo; la premiere dose du medicament. A part un etat laquo; continu de transpiration, pendant toute la duree du laquo; traitement, on peut noter des eblouissements subits laquo; qui sürviennent de temps en temps danslajournee, laquo; L'appetit augmente en general, et les digestions ne
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laquo; sont nullemenl troublees par l'emploi de cette plante, laquo; que j'administre le plus souvent en poudre.
laquo; La dose pour un adulte est de 60 centigrammes laquo; de poudre seche de feuilles de xanthium, repetee laquo; trois fois par jour et continuee pendant trois se-laquo; maines. Les enfants au-dessous de 12 ans en re-laquo; goivent la moitie. Inutile de dire que je ne caute-lt;k rise jamais. Defuis que je possede ce medicament, laquo;je ne grains plus la rage.
laquo; II y a douze ans ä peu pres qu'un de mes chiens, laquo; pris de rage, mordit une vache, un porc, un chien, laquo; un chat et une grue apprivoisee. La vache, le porc laquo; et le chien furent soumis au traitement durant trois laquo; semaines. Tous trois ne furent jamais atteints du laquo; mal. La grue et le chat, que j'avais laisses sans laquo; soins, moururent d'hydrophobie, Fun au bout de laquo; trois et l'autre de onze jours apres la mor-laquo; sure.
laquo; Pendant la guerre de Crimee, une famille compo-laquo; see de douze personnes avait ete mordue par un laquo; ioup hydrophobe ; six de ces personnes entrerent laquo; dans mon service, ä l'hopital d'Olschauka, gouver— laquo; nement de Podolie, district de Balta. Elles guerirent laquo; toutes, tandis que les six autres, traitees par le laquo; cautere actuel (l)et l'emploi journalier de la cantha-laquo; ride, de la faba-toneo et de la genista tinctoria, laquo; moururent enragees dans le courant de douze ä laquo; soixantejours.
laquo; II y a deux ans, six chiens de chasse que je posse—
(l) Ce fait prouve uniquement que la cauterisation a du etre appliquee par une main timide et non que la cauterisation bien faite seit inutile (Note du Dr Duboue). lt;
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laquo; dais furent mordus parun chien enrage (animal que laquo; je pus faire arreter et que je vis succomber au bout laquo; de deux jours avec tons les symptomes de la rage). laquo; Mes chiens mordus furent divises en deux catego-laquo; ries : frois furent isoles et laisses sans traitement, laquo; ils movrurent au bout de quinze jours avec tous les laquo; signes non dcuteuxde la rage; trois autres laisses an laquo; liberte, mais soumis au traitement (30 grammes par laquo; jour en trois fois dans une soucoupe pendant trois laquo; semaines), m'appartiennent encore et n'ont jamais laquo; ete malades. L'un d'eux me fit craindre un moment laquo; d'avoir echoue ; il disparutle douzieme ou treizieme laquo; jour du traitement. On sait que les chiens, au debut laquo; de la rage, quittent generalement le logis de leur laquo; maitre. J'ignorais ce qu'il etait devenu, lorsqu'au laquo; bout de trois mois je l'ai retrouve, bien portant, chez laquo; un braconnier, ä qui je le repris. Ce chien est encore laquo; chez moi, bien portant. Ce fait prouve que douze laquo; jours de traitement peuvent suffire.
laquo; En 1873, le comte Malachoski, proprietaire des laquo; contrees d'Odessa, vint me consulter pour son fils, clt; äge de 8 ans, mordu depuis trois jours par un chien laquo; enrage. Trois semaines de traitement le mirent hors laquo; de danger. Je l'ai vu 11 y a quatre mois, il se porte ä laquo; merveille.
laquo; Le fils de M. Sadoski (Volhynie), gargon de 7 ans, laquo; mordu par un chien enrage au mois d'aoüt 1874, et laquo; soumis par moi au traitement par le xanthium, n'a laquo; jamais eprouve le moindre signe d'hydrophobie.
laquo; Encore un fait que je choisis, pour abreger, au laquo; milieu de cent autres. C'etait pendant la guerre de laquo; Crimee. MM. Tarnaski pere et fils, de Savron, dis-
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laquo; trict de Balta (Podolie), viennent chez moi ; ils ve-laquo; naient d'etre mordus par un chien qu'on supposait laquo; enrage; le pere avaitlajoue presque emportee;lefils laquo; avait plus de dix morsures aux bras et aux jambes. laquo; Ce dernier fait de morsures multiples, qui n'est pas laquo; habituel, me faisait supposer que l'animal n'etait laquo; pas enrage. Nous avions cependantun moyen de nous laquo; en assurer, Le chien di ces messieurs avait ete laquo; mordu par la meme bete. Je gardai ce chien chez s moi et le vis au bout de trois jours, prendre la rage et *. mourir (1), Cast alors seulement que je soumis mes laquo; deux malades anxanthium; l'un et l'autre, gueris de laquo; leurs blessures (pansement simple), se portent ä laquo; merveille.
laquo; La dose pour les animaux doit 6tre naturellement laquo; beaucoup plus forte. Ainsi, en 1868, jefus prieparno-laquo; tre commissaire de police, M. Lonkaschevitch (ä Kri-laquo; voe-Ozero, district de Balta), de lui donner de ma laquo; poudre, quel'onnommevulgairementdans mon pays laquo; antirahique du docteur Grzymala, pour un troupeau laquo; de trente betes ä cornes mordues toutes par un Jowp laquo; enrage et dont huit avaient dejä succombe avec tous laquo; les symptömes de la rage. Je fis prendre ä chacune laquo; de ces betes 96 grammes (3 onces) de xanthium en laquo; poudre par jour, avec du son, pendant quatre se-laquo; maines. Aucune des vingt—deux bamp;tes n'a ete prise du laquo; mal qui fait le sujet de cettelsttre.
(1) La trfes-courte duree de l'incubation dans ce cas est de na­ture k jeter de forts doutes sur l'existence reelle de la rage. Y au-rait-il eu quelque erreur d'impression, relativement au chiffre indiqu6
(Notequot; du Dr Dubou^).
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laquo; Tous les faits que je relate ici, mon tres-honore laquo; maitre, sont des faits positifs et reels que je puis laquo; au besoin apnuyer par des preuves. Je ne les ai pas laquo; puises dans mon imagination, a force de ronger la laquo; barbe de ma plume ä ecrire, comma cela se fait sou-laquo; vent; ils me sont personnels, et, je le repete, j'en ai laquo; plus de cent autres que je pourrais vous mettre laquo; sous les yeux, si vous le desirez. Je viens vous les laquo; confier en vous priantde les faire inserer dans votre laquo; estimable Journal de therapeutique. Je suis certain laquo; que les experiences que vous pourrez faire avec les laquo; feuilles que je vous ai envoyees, sur Taction physio-laquo; logique et therapeutique, repondront ä ce qui vient laquo; d'etre dit, et j'aurai coopere ainsi, quoique faible-laquo; ment, dans cette voie de therapeutique que vous et laquo; vos distingues collaborateursavez si splendidement laquo; ouverte.
laquo; Agreez, etc.
laquo; Dr Grzymala. raquo;
Que faudrait-il pour contröler les assertions de rauteur?Ilfaudrait, d'un cöte, instituer des experien­ces dans le but de connaitre Vaction physiologique du xanthium spinosum et de savoir, en particulier, si cet agent est capable d'emousser la sensibillite du bulbe rachidien. Or, nous ne sachions pas qu'elles aient ete faites ou du moins n'en avons-nous trouve la trace nulle part. II faudrait, d'un autre cote, des experiences variees sur les animaux enrages, dans le but de con­tröler avec soin toutes les assertions de l'auteur. Or, ces dernieres experiences ont ete faites. II est regretta-
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ble seulement que M. Proust, qui en rend compte dans son savant rapport, n'ait pas cru devoir entrer dans des explications plus detaillees sur le nombre des ex­periences et la maniere dont elles ont ete institutes, sur la provenance et la valeur du xanthium qui a ete employe, etc., etc., toutes notions qu'il importerait de connaitre, pour bien apprecier l'importance du con-
trole qui a ete exerce. II se pent sans doute (et nous le croyonsvolontiers)queM. Proust ait eu, par deverslui, des documents quijustifient son appreciation. Mais, pourquoi deslorsles supprimer?Les considerantsajou-tentune force nouvelle aujugementporte etempechent l'opinion publique de s'egarer; ils demontrent en outre qu'on s'est attache ä ne ceder a aucune preuve dquot;arbi-traire ou de precipitation. Voici d'ailleurs les quelques lignes que consacre M. Proust a l'appreciation de cet agent therapeutique : laquo; L'enquete de 1873-1876 de-laquo; montre une fois de plus, dit—il (1), que la mort a ete laquo; la terminaison constante de tous les cas de rage laquo; confirmes, et nous ne saurions accepter l'opinion du laquo; Dr Grzymala (de Podolie), qui pretend que le xan-laquo; thium spinosum est un remede absolument souve-laquo; rain contre les accidents de la rage. Les experiences laquo; instituees ä Alfort sur des chiens ont etabli la com— laquo; plete inanite de ce pretendu specißque. raquo;
Mais, nous avons häte de quitter ces generalites, pour rentrer plus particulierement dans l'etude de notre quatrieme et derniere indication. Nous avons dit (p. 145) qu'elle consistait principalement äobtenir Vin-sensibilite relative du bulbe rachidien. Nous devons
(1) Ann. d'hyg. puhl. et de mid. Hg., nov. 1878, 2quot; serie, t. I, p. 557.
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ajouter maintenant qu'elle consiste encore ä s'qpposer aux progres de Vasphyxie que nous avons vu exister si frequemment ä la periode terminale des accidents ra-biques.
Or, que Ton s'en soit ou non rendu compte, les quelques agents therapeutiques qui ont produit un peu de soulagement temporaire dans la rage declaree ont eu precisement pour effet de lutter un certain temps contre les progres effrayants de l'asphyxie. Dans quelques cas, l'indication est pour ainsi dire saisissante, comme on peut le voir dans une observa­tion tres-interessante qui figure dans la these de M. Monvenoux (1) et dans laquelle on a eu recours aux inhalations d'oxygene : laquo; Le vendredi troisieme laquo; jour de la periode convulsive, Walbert s'etaittrouve laquo; tres-bien le matin, apres une nuit sans sommeil, laquo; c'est vrai, mais caime. II n'avait pas eu de pheno-laquo; mene convulsif depuis quarante-deux heures, sauf laquo; une demangeaison ä la verge suivie d'ejaculation, laquo; qui s'etait produite deux fois la veille au soir. II but laquo; encore le matin dans sa cafetiere, mais, apres avoir laquo; bu, il fut pris subitement d'une attaque d'asphyxie laquo; avec dyspnee extreme, coloration violacee des tegu-laquo; ments et rejet d'un mucus bronchique mousseux et laquo; sanguinolent et sortant d'une maniere continue par laquo; une sorte d'expression lente et involontaire. La res-laquo; piration etait diaphragmatique, mais saccadee et laquo; insuffisante.
laquo; On eut recours immediatement ä l'oxygene, dont laquo; on lui injecta les 30 litres dans la bouche petit ä
(1gt; Loc. cit.,p. 48.
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laquo; petit.................
laquo; Le malade avait echappe, grace ä l'oxygene, ä une laquo; asphyxie teile que nous reprimes uu peu d'espoir; laquo; malheureusement, vers les quatre heures, il s'af-laquo; faissa tout d'un coup et fut enleve par une syncope laquo; apres trois jours de periode convulsive. raquo;
On a ete meme jusqu'ä proposer contre cette as­phyxie et peut-etre meme (car le fait n'est pas abso-lument prouve) jusqu'ä executer la laryngotomie. C'est M. Bellanger (1), de Senlis (Oise), qui a confu ce pro-jet en voyant les symptomes de la rage laquo; constituer une laquo;. sorte d'asphyxie par strangulation. * Ce serait un medecin de Hambourg, nomme Wolf, qui, sur ses in­dications, aurait pratique l'operation en question chezune jeune fille de dix-septans, atteintede larage. Seulementle rapporteur Dubois, d'Amiens, n'a pas pu decouvrir positiven1 ent l'existence de ce medecin. Nous signalons done le fait ou plutot le projet d'ope-ration, uniquement pour montrer que les caracteres de cette asphyxie terminale doivent etre bien manifestes, pour qu'ils aient pu eveiller l'idee de donner ä l'air un passage artificiel.
Nous ferons remarquer seulement que l'asphyxie est loin de toujours provenir de ce que Vair riarrive pas au contact du sang. C'est peut-ötre l'inverse qui a le plus souvent lieu : c'est le sang qui, dans beaueoup de fibvres, ne vient pas au contact de Vair. Ce liquide stagne dans les capillaires de la grande et de la petite circulation, parce que le Systeme musculaire tout en-
(1) Memoire sur la rage. Rapp. de Dubois, d'Amiens. Bull, de l'Acad. de mid., stance du 3 Kvrier 1838, t-. II, p. 431 et suiv.
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tier est frappe d'inertie, et le coeur ainsi qua les mus­cles vasculaires participant ä cette inertie. Pourtriom-pher au moins momentanement de ce genre d'asphyxie dont l'asphyxie rabique fait partie, il faut redonner ä tous les muscles, au coeur et aux vaisseaux en parti-culier, la tonicite qu'ils ont perdue.
C'est en etudiant le mode de developpement de cette asphyxie dans la fievre typhoide que nous nous som-mes demande si l'electricite ne pourrait pas ^tre utile dans le traitement de cette derniere affection. Nous pensions qu'en stimulant les muscles cardiaques et vasculaires, la pression sanguine augmenterait dans le Systeme arteriel et que les contractions du coeur, tout en augmentant de vigueur, subiraient un ralen-tissement notable conformement ä la loi etablie par M. Marey. Or, la reponse que nous n'avons pas pu avoir, pour la fievre typhoide, nous la trouvons pour l'asphyxie rabique qui est de mäme nature, dans ce qui se passe apres le traitement de la rage par l'elec­tricite.
On a fait usage de cet agent dans deux buts tres-distincts qu'il ne faut pas confondre. C'est ainsi que Pravaz (1), dans le but d'operer la destruction sur place du virus rabique, l'employait peu de temps apres I'inoculation dans le but de detruire le virus que la cauterisation aurait pu ne pas atteindre. Or, ce n'est pas de ce genre d'application que nous voulons parier ici. Les auteurs du Compendium nous apprennent quelques lignes plus loin que Rossi s'etait egalement servi de l'electricite dans un cas de rage confirmee oü
(1) Comp. de chir. prat., t. I, p. 472.
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il pretendait meme avoir obtenu la guerison par ce moyen. De son cote, Plinio Schivardi (1) l'a essayee chez une petite fille de 9 ans qui avait ete mordue par un chien enrage le 15 mars 1866. Les symptomes de la rage se sont declares le 28 avril suivant, dans la soi­ree. laquo; L'enfant etait dans un etat d'exaltation effrayant, laquo; on lui presenta un verre d'eau, il fut repousse avec laquo; fureur; on lui montra un corps brillant et eile hurla laquo; comme un maniaque. II fut decide qu'on la soumet-laquo; trait ä l'electricite.
laquo; L'appareil dont on se servit se composaitde vingt-laquo; deux elements Daniell; le pole negatif fut applique laquo; sur le front, le pole positif aux pieds. Ce courant laquo; entrait done par les pieds de l'enfant, parcourait laquo; tout son corps et sortait par la tete. Le pouls, qui laquo; etait avant Vapplication ä \ 20, descendit prompte-laquo; mentä 92. Le courant etait tres-hien tolere; il fut laquo; maintenu de huit heures du soir ä quatre heures du laquo; matin. L'enfant avait dormi doucement. De l'agita-laquo; tion se manifestait en voyant beaucoup de monde : laquo; la dysphagie rabique, I'aversion pour les corps lu-laquo; cides etaient encore manifestes.
laquo; Le 30, pendant la journee, le courant fut place de laquo; nouveau et meme son intensite fut augmentee. Le laquo; soir, la commission constata une petite ameliora-laquo;. tion: Venfant mangea un biscuit trempe dans de laquo; Veau ; eile tolerait la vice des corps lucides, repondait laquo; aux questions et montrait la langue ; eile but tran-laquo; quillement. L'appareil fut maintenu applique.
laquo; Le Ier mai, dans la matinee, l'enfant etait tran-
(1) Loc, cit,, Archiv, gin. de mid., 1868, 6laquo; s^rie, t, XII, p. 239 et suiv.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;lt;-
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laquo; quille etavait dejeune. On suspend le courant; sous laquo; la plaque du front est une eschare de la largeur laquo; d'une piece de 5 francs, tres-mince. Apres une heure laquo; de repos, l'appareil estreappliqueet maintenutoute laquo; lajournee. La petite rit et parla. Le soir, on remar-laquo; qua une deuxieme eschare au front. raquo;
Neanmoins, ramelioration n'a ete que temporaire, etl'enfant asuccombe le 6 mai, calme et sans delire. laquo; La duree de la maladie avait ete de sept jours et sept laquo; heures et, deux jours avant la mort, tous les sym-laquo; ptdmes avaient completement disparu. raquo;
Dans un autre cas rapporte par M. Mennesson (1), l'electricite a egalement produit une amelioration temporaire :
laquo; Un jeune veterinaire faisantl'autopsie d'un chien laquo; mort de la rage, dit M. Mathias Duval, a introduit laquo; dans la cavite buccale et mis au contact de la salive laquo; rabique ses doigts sur lesquels existaient quelques laquo; excoriations. Trois mois apres, les symptomesde la laquo; rage se declarerent chez lui avec une effrayante laquo; intensite. Pour lutter contre les acces convulsifs, laquo; M. Mennesson eut l'idee d'employer la faradisation laquo; en appliquant Tun des pöles d'un appareil ä induc-laquo; tion ä la nuque, dans la region bulbaire et l'autre laquo; pole ä la plante de Tun des pieds.
laquo; Sous l'influence du courant electrique, le malade laquo; eprouva un soulagement immediat, et ä l'excitation laquo; considerable succeda un calme sensible qui lui per-laquo; mit de causer et de boire, sans que la vue ou le
(1) Effets de la faradisation dans un cas de rage sur l'espSce hu-maine. Note de Mennesson. (Comptes-rendus Ac. des so., 29 oc-tobru 1877, dans Rev, des sc. mid., 1878, t. XI, p 109).
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224nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
laquo; contact du liquide produistt de spasme. Des qu'on laquo; interrompait le courant, les convulsions reparais-laquo; saient. Apres unelutte de deuxjours avec alternative laquo; d'exacerbation et de remission la mort survint laquo; presque subitement par un arret de contractions car-laquo; diaques. raquo;
Le rneme courant galvanique a enfin ete conseille par M. Hammond (1) et par M. Jaccoud (2). qui rap-porte deux observations dues au professeur Finger et dans lesquelles l'emploi de la faradisation a produit un calme passager.
Si les faits que nous venons de relater pouvaient laisser quelques doutes sur l'interpretation que nous avons cru devoir donner du mode d'action de l'electri-cite, dans le traitement de la rage confirmee, ces doutes ne pourront plus subsister quand on saura que la meme amelioration passagäre et m^me dans un cas definitive a ete obtenue par un autre agent de la medi­cation [excito-motrice, par l'eau froide, dont tout le monde connait les bons effets dans le traitement de la fievre typhoide. Avec ce moyen comme avec le prece­dent, l'amendement des symptomes se produit par le meme mecanisme. L'eau froide, en reveillant directe-ment la tonicite des muscles de la vie animale, et par action r^flexe celie des muscles cardiaque et vascu-laires, fait augmenter la tension arterielle, donne au coeur une force d'impulsion plus considerable, et fait dissiper toutes les congestions locales.
laquo; Moore a traite -jvec sueces deux malades, dlt
(1) Loc. ciU Rev. des Sc. mid., 1875, t. VI; p. 158. {2) Gaz. hehd. de mid. et de chiir., iSamp;ft, p. 49 et 385.
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laquo; M. Jaccoud (1), en les soumettant alternativement laquo; aux inhalations de chloroforme et aux affusions froi-laquo; des avec une vesication etablie sur la gorge et la co-laquo; lonne vertebrale au moyen du caustique lunaire. raquo;
II est vrai que dans ce cas la medication a ete fort complexe et qu'il est difficile de faire la part de l'ac-tioa de l'eau froide d'avec celle des autres moyens em­ployes concurremment.
laquo; On trouve dans I'ünton medicale (1852, p. 360), laquo; dit M. Brouardel (2), l'observation d'un cas de rage, laquo; declaree deux. mois apres une morsure faite par un laquo; un chien enrage qui aurait ete guerie par des sai-laquo; gnees et des douches froides dirigees de 2 metres de laquo; hauteur sur la töte du malade, et continuees sans laquo; interruption pendant 12 heures. raquo;
Nous resumerons enfin en terminant une observa­tion des plus interessantes recueillie dans le service de M. Monod, parM. F. Boureau (3), observation dansla-quelle on voit une amelioration momentanee succeder ä diverses reprises ä l'emploi des affusions froides.
M.... Charles, äge de 11 ans, morduä la main droite par un chien enrage, eprouve deux mois plus tard, le 23 novembre 1853, les premiers symptömesdu mal qui de tardent pas ä se completer et contre lesquels les inhalations de chloroforme restent impuissantes.
Le 1er Decembre, ä 10 heures du matin, laquo; voyant que laquo; le chloroforme n'a eu aucun bon resultat, on a re-laquo; cours aux affusions froides. L'enfant est etendu laquo; completementnu sur un lit de sangles etmalgre ses
(1)nbsp; Loc. cit. Traue de path, int., t. II, p. 795.
(2)nbsp;Loc. cit., p. 236.
(3)nbsp; Union meU, 1854, t. VIII, p. 26.
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laquo; cris et les efforts qu'il fait pour s'enfuir, on le lave laquo; des pieds a la t^te pendant une minute et dernie en— laquo; viron avec une eponge trempee d'eau froide, et on le laquo; roule ensuite dans une couverture de laine bien laquo; chaude.
laquo; Aussitöt apres, il nous dit eprouver un doux sentiquot; laquo; ment de hien-Hre, il consentä boire pour la premiere laquo; fois et il avale sans trop de difßcultes un pen d'eau laquo; froide et quelques cuillerees d'une potion sudorifique.
laquo; 2 heures du soir. — Depuisl'affiision, il a de nou-laquo; veau consenti ä boire. Une transpiration abondante laquo; s'est etablie : le pouls est tombe ä 116 {au lieu de 130 laquo; chiffre note ä S h. du matin). Le malade est plus laquo; calme ; il demande qu'on renouvelle I'operation. — laquo; Nouvelle affusion froide de deux minutes : nouveau laquo; bien-dtre consecutif.
laquo; 5 heures dusoir. — Retour de l'agitation, nouveau laquo; refus des boissons, delire, verbiage non interrompu laquo; et sans suite : tantot il menace les personnesqui iui laquo; donnent des soins, tantöt il les remercie par d'aifec-laquo; tueuses paroles, il ne veut pas mourir il veut aller laquo; revoir sa vieille grand'merc qui doit etre bien affli-laquo; gee de le savoir malade, eile quil'aimaittant!! Nau-laquo; sees, vomissements de matieres noirätres, pupilles laquo; dilatees : excavation des yeux, pouls k 130. — JVbw-laquo; velle affusion froide de 2 minutes. Plus de delire, re-laquo; tour du calme aussitöt apres. II demande ä boire, on laquo; lui donne de l'eau sucree qu'il prend sans difficulte laquo; et avec plaisir; il voudrait maintenant boire tou-laquo; jours, il ne souffre plus que de la soif.
laquo; Malheureusement cette amelioration est de courte laquo; duree. Aubout de quelques heures, il survient des
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laquo; acces convulsifs : la respiration devient frequente, laquo; tracheale; les forces s'epuisent, les idees se trou-laquo; blent, les yeux s'egarent, les levres bleuissent : le laquo; corps se couvre d'une sueur visqueuse : le pouls est laquo; imperceptible et le malade s'eteint ä 8 b. du soir, le laquo; quatrieme jour apres les premiers symptömes.
On peut voir, par les longs developpements dans lesquels nous avons ete entralne, combien la physio­logic pathologique eclaire les diverses indications cu­ratives. Mais, il ne suffit pas de passer ces dernieres en revue avec un soin minutieux ; il nous faut encore, par quelques remarques generates sur le traitement, in-diquer la ligne de conduite ä suivre, au milieu des in­cidents divers de la pratique, le choix ä faire parmi les moyens que nous avons signales ainsi que l'impor-tance respective qu'ils meritent. En un mot, apres avoir fait l'analyse des indications therapeutiques, il nous reste ä en presenter une sorte de resume synthe-tique, de maniere älaisser le moins de prise possible ä l'indecision ou au caprice, dans des questions qui peuvent engager au plus haut degre la responsabilite du medecin.
Quelle sera done la conduite ä tenir pres d'un ma­lade qui vient d'etre mordu par un animal enrage ou repute tel? Quels sont, parmi les differents moyens therapeutiques indiques, ceux que nous devons em­ployer et ceux que nous pouvons rejeter? Toutes questions dont on doit se garder d'improviser la re-ponse au lit des malades et pour la solution desquelles on doit, autant que possible, se preparer longtemps d'avance.
D'une part, nous pensons avec M. Bouley que toute U.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;16
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morsure, simplement suspecte.doitetre Iraitee comme virulente. D'autre part, nous croyons que, dans le traitement d'une aussi terrible maladie, nous ne de­mons rien ceder au hasard, si ce n'est ce qui nous est parfois arrache dans d'autres affections graves, par la plus cruelle des necessites. Nous voulons dire par la que nous devons toujoursredoubler de vigilance, dans l'interet du patient, quelque securite que puissent nous inspirer les precautions minntieuses que nous avons dejä pu prendre. Cast ainsi qu'aprfes avoir cau­terise energiquementuneplaie reputee virulente, apres avoir porte le cautere actuel, par exemple, dans deux directions opposees le long du nerf Interesse, apres avoir fait des brülures profondes et etendues, s'il n'y a surtout aucun organe important ä blesser, apres avoir fait toutes ces choses, on doit encore se compor-terco??2mesi le virus riavaitpas pu Hre atteint. Des lors on doit encore appliquer avec. un soin extreme ä quelques centimetres de la blessure, la ligature circu-laire dontnous avons parle.
Si la nevrotomie d'un et ä plus forte raison de plu-sieurs nerfs ne constituait pas parelle-mämeune ope­ration qui put avoir quelques graves inconvenients, nous conseillerions de la pratiquer, dans chaque cas, meme apres la cauterisation et l'application de la su­ture cutanee. Mais, comme nous savons d'une part que la moitie et parfois les deux tiers des blesses echappent ä toute contagion, comme nous ignorons d'autre part, au moins actuellement, si on peutou non se borner ä pratiquer la nevrotomie surle nerf (en ad-mettant qu'il n'y en ait qu'un) partant de la blessure, nous croyons prudent de la deconseiller chez rhomme,
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tant que des experiencesnombreuses sur des animaux ne nous en auront pas montre avec certitude les con­ditions de reelle efficacite.
Une pareille abstention nousparait d'autant mieux indiquee que nousnepouvonspas nous defendre d'une confianceassez grande, d'apres toutes les raisons que nous avons longuement developpees, dans l'emploi prolonge de fortes doses de bromure de potassium ou de chloral, pendant toute la duree de la perioded'incu-bation. Or, meme apres la cauterisation, mäme apres la ligature des nerfs cutanes et sous-cutanes, nous administrerions, des le premier jour, l'un ou l'autre de ces medicaments, et de preference le bromure de potassium qui a dejä fait ses preuves dans l'epilepsie, cette autr^ affection convulsive qui vient aboutir, comme la rage, au bulbe rachidien. Plus tard meme. si nous venions ä constoter quelques-uns des signes prodromiques de cette derniere affection, sifaibles que pussent etre ces signes, nous donnerions concurrem-ment une dose quotidienne de chloral. Car, comme le disent les auteurs d'un remarquable memoire sur les effets physiologiques et therapeutiques des bromures de potassium et d'ammonium, MM. Edward H. Clarke et Robert Amory (de Boston) (1), laquo; l'actionhypnotique laquo; de Vkydrate de chloral, de la jnsquiame, du has-laquo; chich, du lactucarium, de l'ether, du chloroforme, laquo; et parfois de l'opium est renforcee et en d'autres cas laquo; favorablement modifiee par une dose continue de laquo; bromure de potassium. raquo;
Sans vouloir aueunement prejugerce que pourra
(1) Traduction de M, Labadie-Lagtave. Gaz. hebd. de mid. et de chir., 1872, p. 695.
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nous apprendre l'experience, eu egard ä l'efficacite de l'ensemble des moyens qui nous ont ete suggeres par une serie d'inductions rationnelles, il nous sera bien permis de dire quenous offrons de la sorte trois chan­ces favorables, au lieu d'une, au malheureux patient: la cauterisation, la ligature des nerfs de la peau et du tissu cellulaire sous-cutane, et le traitement interne administre preventivement, pendant toute la duree de laperiode d'incuhation.
Voilä done, ce nous semble, des raisons bien puis-santes, pour nous faire ajourner l'operation de la ne-vrotomie, dont les conditions experimentales ne peu-vent pas encore etre posees avec une süffisante preci­sion. Mais si, contrairement ä nos previsions, l'expe­rience venait ä nous demontrer l'inanite de ce traite­ment preventif, nous n'hesiterions pas, meme en l'ab-sence d'experiences sur les animaux, ä conseiller la nevroctomie du nerf partant de la plaie et de ceux qui s'anastomosent avec lui, Toutefois nous reserverions cette operation pour les cas oü Ton serait appele trop tard et oü Ton n'aurait pu des lors pratiquer ni la cauterisation de la plaie, ni la ligature circulaire de la peau.
Dans le cas enfin oü Von verrait se derouler le sinistre cortege des accidents rabiques, la seule medication qui serait de nature änous inspirer quelqueconfiance (et encore cette confiance serait-elle bien faible,ä cette periode avancee du mal) consisterait ä pratiquer des injeetionsintra-veineuses de bromure depotassium ou de chloral ou bien encore des injections sous-cutanees de curare. Quant aux phenomenes d'asphyxie qui ne tarderaient pas ä se montrer.'on pourraitles prevenir
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ou les combattre, par des affusions froides ou par l'emploi de tout autre agent de la serie excito-mo-trice que nous avons plus particulierement etudiee dans d'autres publications.
On le voit, ce qui doit dominer dans la direction ä imprimer au traitement de la rage, c'est la peur, non cette peur effaree qui ne raisonne pas, mais cette autre qui merite un autre nom et nous fait prevoir les diverses etapes dangereuses que nous avons ä parcourir. Ici, un devoir imperieux nous commande de chercher nos preuves ailleurs que chez le patient et d'accumuler, pour ainsi dire, sur la tete de ce der­nier, toutes les ressources dont nous puissions dis­poser.
Cette ligne de conduite nous serait rigoureusement imposee, lors meme qu'il nous serait absolument im­possible de nous eclairer sur la valeur respective de chacun des moyens employes : cauterisation, ligature medication interne. A plus forte raison,doit-ellenous servir uniquement de guide, lorsque nous avons, dans les experiences sur les animaux, de quoi satisfaire amplement a la curiosite scientifique la plus ardente. Ces experiences, en effet, ne sauraient jamais etre trop multipliees ni surtout dirigees avec un esprit scientifique trop rigoureux. C'est ainsi que, pour chaquepoint special k elucider, on devrait toujours faire des experiences comparatives avec le mamp;me virus et sur des animaux de m^me espece et autant que possible de meme äge, de möme force et d'egale taille, etc.
Devrait-il s'agir, par exemple, de savoir si le bro-mure de potassium, administrepreventivementjouit,
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ou non de quelque efficacite, on partagerait les ani-maux dont on aurait fait choix, en deux series. Or, apres avoir inocule chez tons le meme virus, pris ä la meme source et au meme endroit, on donnerait du bromure de potassium aux animaux de la premiere serie, tandis qu'on ne soumettrait ceux de la seconde ä aucune medication. Pour chaque question impor-tante ou secondaire, pour la transmission du virus par voie directe ou recurrente, pour Vappreciation de la valeurde In ligature, ainsi que de chacundes innombra-bles agents proposes contre la rage, etc., on procede-raittoujours avec cette meme rigueuretl'on arriverait ainsi, apres un temps relativement court, surtout si tous les travailleurs savaient s'unir au lieu de se com-battre, on arriverait, disons-nous, ä mettre la meme precision dans latherapeutique medicale que celle qui existe dejädans la therapeutique chirurgicale ou ob-stetricale.
C'est alors que, si des centaines d'experiences diri-gees par les observateurs les plus severes viennent a demontrer que le xanthium spinosum ou tout autre agent donne preventivement empeche sürement les accidents rabiques de se declarer, on aura le droit de se dispenser de pratiquer chez I'homme la cauterisa­tion ou la ligature et a fortiori la nevroctomie. Mais c'est un droit qu'on mettra bien du temps ä conquerir et encore celui qui I'exercera le premier pourra passer et passera ä bon droit, pour un homme bien hardi.
Notre confiance, on le voit, tout en ayant pour base des raisons que nous croyons parfaitement legitimes, a cependant des bornes, en ce sens que I'induction ne sauraitjamais suppleer ä l'experience et que celle-ci
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a precisement pour but de lui servir de contröle. Mais notre foi reste entiere en l'avenir de la science ä la-quelle il est toujours imprudent de vouloir assigner des bornes. La science, toutefois, qui fait des hommes bien et düment convaincus, ne fagonnera jamais un fanatique pareil ä celui dont Renault rapporte le trait suivant : laquo; Voici, dit-il (1), un exemple de conviction laquo; sincere : un vieillard, possesseur d'une panacee laquo; contre la rage, vint m'offrir d'experimenter son re-laquo; mede; comme nous approchions d'une cage oü se laquo; trouvait un chien atteint d'une rage des plus carac-laquo; terisees, il s'y precipite et presente son bras pour se laquo; faire mordre. Je l'arretai, non sans peine, et pen-laquo; dant que je m'efforfais de le detourner de son des-laquo; sein, cet homme fait sigße ä son propre fils d'aller laquo; se faire mordre, pour qu'on put experimenter sur laquo; lui l'efficacite du remede. On arr^te le fils ä son laquo; tour, et l'on fit alors l'experience suivante : la bave laquo; de ce chien fut inoculee ä trois moutons, ä deux laquo; chiens et ä deux chevaux; on donna le specifique ä laquo; Tun des moutons, ä Tun des chiens, et aux deux laquo; chevaux. Or, la maladie eclata precisement sur les laquo; animaux que l'on avait söumis ä cette medication, laquo; tandis que le chien et les moutons qui etaient restes laquo; sans traitement ne la contracterent pas. Que l'on laquo; juge par cet exemple, ajoute ce savant veterinaire, laquo; ä quelle conclusion erronee on aurait ete conduit si, laquo; par un hasard possible, le contraire füt arrive. raquo;
Pour nous, qu'une experience dejä assez longue a instruit des nombreux mecomptes qui attendent les
(1) Bull, de TAcad. de mdd., seance du 27 mars 1855, t. XX, p. 727.
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hommes aujugement le plus solide et le plus droit, nous persisterons ä conseiller aux gens de ne pas se faire mordre, de ne jamais le faire surtout de leur plein gre, pour se donner en päture ä la science qui ne reclame pas de pareils sacrifices. S'il fallait ä celle-ci quelques victimes benevoles, il semblerait qu'elles dussent etre mieux choisies, parmi les malheureux condamnes au dernier supplice. Ceux-ci ne demande-raient pas mieux, sans doute, pour la plupart, moyennant une commutation de peine, que de se pre-ter ä des experiences nullement barbares et d'une issue tres-probablemenl favorable, mais dont ils con-nattraient cependant d'avance toutes les chances pe-rilleuses. Ce serait meme lä pour eux la plus noble des expiations; car il pourrait leur arriver ainsi de rendre ä la societe une somme de bien superieure k celle du mal qu'ils auraient pu lui faire. Mais laissons lä ces hautes questions qui ne nous regardent pas et bornons-nous ä recommander, sans ostentation comme sans fausse honte, ä ceux qui auraient eu le malheur d'etre mordus par quelque animal enrage, un traite-ment longuement medite et dont nous pouvons les assurer que nous userions avec confiance, soit pour noüs-meme, soit pour les personnes qui nous seraient les plus cheres.
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sect; IV. De quelques apercus historiques sur l'ätude de la rage.
En medecine, comme aussi sans doute dans toutes les branches du savoir humain, l'histoire comporte deux genres d'enseignement bien distincts. D'un cöte, on veut savoir la part de merite qui revient ä certains hommes, pour les travaux plus ou moins importants qu'ils ont pu accomplir dans teile ou teile direction. De l'autre, on tient simplement ä connaitre les di­verses phases qu'a subies l'etude d'une doctrine ou d'une simple question jusqu'ä une epoque determinee. Dans le premier cas, on doit se livrer ä un travail conside­rable, pourpouvoir porter unjugement sur les Oeuvres de chacun, et il n'est pas donne ä tout le monde de s'ac-quitter d'une pareille täche avec honneur. Dans le se­cond cas, au contraire, on n'a qu'ä se preoccuper des divers progres accomplis danstelle ou teile etude par-ticuliere, des causes qui ont pu en häter ou en ralen-tir la marche, etc.. et Ton pent encore de la sorte faire quelque besogne utile, sans assumer la perilleuse res-ponsabilite du juge qui pourrait, malgre lui, se mon-trer parfois infidele a sa mission difficile.
Or, c'est le second de ces roles que nous entendons prendre ; il est le seul, d'ailleurs, qui convienne änotre modeste condition. II est impossible assurement de faire abstraction de certains noms quand il s'agitde
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quelques questions avec lesquelles ils s'identifient, pour ainsi dire, et ce sera pour nous un devoir agrea-ble et bien facile que de juger toujours avec la defe­rence qui leur est due les hommes eminents qui ont si puissamment contribue au progres de la question qui nous occupe. Mais notre declaration nous dis­pense de nous livrer ä ce role difficile de justice distri­butive qui nenous convient enaucune fafon. Elle nous empechera en meme temps de susciter la moindre plainte de la part d'auteurs recommandables dont nous n'aurions pas pu, pour une cause independante de notre volonte, mentionner les travaux plus ou moins importants.
Tout en restreignant ainsi notre täche, nous n'en comptons pas moins retirei' quelque enseignement de cette etude. II nous sera facile de montrer en möme temps que nous n'avons fait que suivre les errements deja traces par beaucoup d'autres medecins. Le seul avantage que nous ayons eu, c'est d'arriver apres eux et d'etudier la question quand eile etait parvenue ä un point convenable de maturite. Mais il n'y a jamais eu dans la conception d'une tentative aussi simple, ni le moindre devergondage d'imagination, ni la plus petite pensee de recherche ambitieuse et partant deplacee.
Pour acquerir des notions precises sur la rage, comme d'ailleurs sur toutes les affections morbides, il y a un certain enchainement logique ä suivre dans l'etude des diverses questions qui s'y rattachent. C'est ainsi que ce qui a du certainement dominer dans I'es-prit de la plupart des medecins qui s'en sont occupes, c'est I'effroi que cet horrible mal inspire et inspirera toujours. Or, rien ne semble plus facile que de sup-
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primer les effets quand on connait la cause. De la les tentatives sans nombre qui ont ete faites dans le but, non de supprimer le chien, le plus fidele ami de riiomme, mais de limiter autant que possible le nom­bre de morsures virulentes. Or, toutes ces tentatives sont du ressort de l'hygiene. Aussi, ne sera-t-on pas surpris de voir que le plus grand nombre de travaux sur la matiere aient ete diriges dans ce sens, en vue du grand interet pratique qui en devait necessaire-ment resulter.
La contagion ayant ete reconnue comme la cause sinon unique, du moins la plus frequente de la propa­gation du mal, c'est de l'existence de cette contagion que se sont inspirees la plupart des mesures preven­tives dictees par l'hygiene publique. Independamment des mesures legislatives mettant en jeu la responsabi-lite des proprietaires de chiens, on a adopte les prin-cipales mesures suivantes que nous exposons dans l'ordre oü les a enumerces M. Bouley (1) : laquo; 1deg; le mu-laquo; sellement obligatoire; 2deg; la capture des chiens er-laquo; rants; 3deg; V empoisonnement par des boulettes semees laquo; dans les rues ; 4deg; la taxe; 5deg; la marque avec un col-laquo; lier indicateur du nom du proprietaire; 6deg; Temas-laquo; culation obligatoire; 7deg; Vemoussement des dents. raquo;
A ces diverses mesures, dont nous n'avons pas ä examiner la portee, M. Bouley, qui a tant eclaire par ses travaux cette importante question d'hygiene, a ajoute la recommandation de propager le plus possi­ble les notions sur les signes de la rage chez le chien. laquo; D'oü la necessite, dit-il (2), de repandre des instruc-
({) Diet, encycl. des sc, mid. Art. Rage, dejamp; cit6, p. 173. (2) Loc. cit., art, Hase, p. 182,
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238nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIR PATHOLOGIQUE
laquo; tions sur la rage, de les repeter souvent par la voie laquo; des almanacbs, de la presse locale, de l'affichage, laquo; de l'enseignement dans les ecoles primaires, del'in-laquo; scription des symptömes principaux au laquo;erso des laquo; recepisses de la taxe donnes par les percepteurs, de laquo; toutes les manieres enfin, pour que rattention pu-laquo; blique soit toujours tenue en eveil et que l'idee de laquo; rage se presente promptement ä l'esprit des qu'un laquo; chien commence ä ne plus etre dans son etat ordi-laquo; naire. raquo;
Parmi cestravaux, portant principalementsurl'hy-giene et apres ceux de M. Bouley, nous mentionnerons plus particulierement ceux de Tardieu, Renault, Le-blanc, Borrel en France, et ceux de Youatt en Angle-terre, et de Hartwich en Prusse. Nous y ferons ren-trer egalement les travaux importants du Comite con-sultatif d'hygiene publique et dus pour la plupart ä notre illustre meitre Tardieu, qui a fait en France, pour la statistique de la rage, ce que M. Bouley a fait pour la propagation desconnaissances relatives ä Thy-giene. Le savant article : De la rage chez Vhomme, de M. Brouardel nous a egalement fourni des documents extremement precieux sur la statistique de la rage. Nous devons, enfin, une mention speciale aux docu­ments fournis par notre regrette maitre, Vernois. To us ces travaux ne remontent pas tout ä fait ä une trentaine d'annees. Mais la statistique n'interesse pas l'hygiene uniquement: eile fournit encore les donnees les plus utiles ä l'etude de la physiologic patholo-gique.
IVhygiene, toutefois, malgre les immenses services qu'elle a rendus et qu'elle rend encore tous les jours,
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est impuissante ä s'opposer completement ä la propa­gation du mal. Les medecins ont du, par consequent, s'attacher ä combattre les effets du virus dont la trans­mission n'a pas pu etre empechee, danlaquo; bien des cas. Leurs regards se sont des lors lournes vers la thera-peutique. Mais comme celle-ci, ä part les cas si rares oü l'empirisme lui est venu en aide, ne peutrienfaire, sans le secours de la physiologic pathologique, on a fait bien des tentatives pour eclairer cette derniere.
S'il en etait autrement, d'oü viendrait cet acharne-ment qu'onttoujours mis les medecins et les veteri-naires ä rechercher les lesions cadaveriques produites par la rage'? Que peut-il signifier si ce n'est le desir persistant d'expliquer les symptomes par les lesions ? Or, ce desir realise n'aurait ete autre chose que la phy­siologic pathologique constituee.
Mais, l'anatomie pathologique ordinaire ä son tour s'est montree impuissante. Elle n'a revele que des le­sions, pour ainsi dire banales, des lesions congestives multiples qui se montrent dans beaucoup d'autres en-tites morbides. Aussi, plusieurs medecins ou veteri-naires et entre autres MM. Bergeron (1) et Bouley (2) font-ils appel aux connaissances d'histologie pour eclairer ce probleme difficile de physiologic patholo­gique.
En attendant, la therapeutique a tire le meilleur parti possible de la seule notion positive que la phy­siologic pathologique incomplete dont on disposait pouvait lui fournir. On savait, en effet, que le virus etait depose au fond de la plaie par la salive de l'ani-
(1)nbsp;Loc. cit. Arch, gdn. de mid,, 1862, p. 557.
(2)nbsp;Art. Rage, du Diet, encycl, des sc. mdd., p. 136.
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240nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;DE LA PHYSIOLOGIE PATHOLOG1Q.UE
mal enrage, et vite, on s'esthäte dele detruire en cau-terisant energiquement cettederniere. Or, l'experience a demontre que cette pratique etait utile, non-seule-ment lorsqu'elle suivait de prcs l'inoculation du virus rabique mais möme plusieurs jours apres. Ce sont 14 des faits que de nombreuses statistiques ont mis hors de toute contestation.
En dehors de cette notion sure et de la pratique sa-lutaire qui en a ete le corollaire, tout etait confusion dans la physiologic pathologique de la rage, teile qu'elle etait generalement admise. Aussi le traitement en a-t-il ete reduit au plus grossier empirisme ou k I'inaction la plus complete. Ce n'est pas que de bons esprits n'eussent dejä pressenti la necessite d'utiliser pour la therapeutique, le temps long et precieux qui se perdait pendant la periode d'incubation. Mais, de quelle fagon l'utiliser ? Voilä ce qu'on ne pouvait pas dire. L'instinct populaire lui-meme avait beau protes­ter et se dire qu'il n'etail pas admissible qu'on passät tout ce temps ä ne rien faire ; il ne trouvait de credit que pres des charlatans ou des illumines. Quant aux medecins ou aux veterinaires consciencieux et eclai-res, quoiqu'ils ne pussent se resoudre a agir au ha-sard, ils en etaient arrives ä ne pas detourner les croyants de leur foi, jugeant avec raison qu'il serait souverainement inhumain de fermer le coeur d'un demi-condamne ä mort a la seule esperance qui put s'offrir ä lui.
laquo; Au commencement de ce siecle, dit M. Bouley (1), laquo; I'ecole dAlfort etait encore reputee posseder an
(1) Discussion sur la rage. Bull..de VAcad. de mid., seance du 20 octobre 1863, t. XXIX, p. 62.
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laquo; secret contre la rage, etle successeur du fondateur, laquo; Chabert, qui etait un ancien compagnon marechal, laquo; eleve par son intelligence ä cette haute situation, laquo; preparait lui-möme les breuvages pour les malheu-laquo; reux qui venaient implorer son secours.
laquo; Avec les progres des sciences, cette pratique est laquo; tombee en desuetude.
laquo; Cependant le souvenir s'en est conserve dans le laquo; fond des campagnes et je me rappelle qu'il y a plus laquo; de vingt ans, ä mes debuts dans le professorat, un laquo; malheureux Bas-Breton, qui avait subi la morsure laquo; d'un chien enrage, fit ä piedle voyage de Paris pour laquo; venir boire k Alfort le fameux breuvage de Chabert. laquo; Mon premier sentiment, et je dois ajouter montort, * fut de rire de la credulite du pauvre diable; mon laquo; second, autre tort plus grave, de l'envoyer promener laquo; en lui disant tout net quejene pouvais rien pour laquo; lui ; mais j'avais affaire ä un Bas-Breton qui, de par laquo; sa race, etait obstine dans ses volontes et s'etait pro-laquo; mis d'arriver ä ses fins. laquo; On m'avait bien prevenu raquo; me dit-il, que vous me refuseriez, mais je sais que raquo; vous etes bon malgre vos emportements, et je suis raquo; sür que vous finirez par me donner ce que je vous raquo; demande. laquo; Quel parti devais-je prendre? Ceder evi-laquo; demment, contenter ce malheureux. Je me rendis ä laquo; lapharmacie et composai un breuvage de substan-laquo; ces fortement sapides et odorantes, dans lequel en-laquo; traient le jalap et l'aloes. Mon homme l'avala d'un laquo; trait. Vous dire son exaltation, une fois qu'il l'eüt laquo; degluti, me serait impossible. II etait transfigure; laquo; la joie jaillissait de ses yeux. II partit avec la laquo; croyance profonde qu'il n'avait plus de dangers k
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laquo; courir. Qu'est-il devenu? Je l'ignore, Mais s'il est laquo; mort de la rage, a coup sür il s'est trouve exempte, laquo; pendant toutela periode d'incubation, des terreurs laquo; dont il etait poursuivi.
laquo; Bien des fois, depuis cette epoque, le souvenir du laquo; Bas-Breton m'est venu en presence de personnes des laquo; rangs eleves de la societe qui, mordues par le chien laquo; qu'elles avaient envoye ä Alfort, n'etaientpasmoins laquo; profondement affectees que le paysan breton, et pour laquo; lesquelles je n'avais plus la ressource de mon breu-laquo; vage purgatif, parce que la foi leur aurait manque laquo; qui, seule, pouvait donner des vertus ä ce breu-
laquo; vage.
laquo; Je n'insiste pas davantage et je conclus en disant laquo; qu'ä defaut d'une methode de traitement vraiment laquo; efficace, il n'est pas utile de dissuader les croyants, laquo; des que leurs blessures ont ete cauterisees, de se laquo; rendre lä oü leur foi les appelle : l'influence morale laquo; exercee sur eux par les pratiques auxquelles ils laquo; croient ne peut que leur etre salutaire. raquo;
A quoi peut tenir ce desarroi de la therapeutique si ce n'est precisement ä l'idee fausse qu'on se faisait trop generalement de la physiologie pathologique de larage? La theorie sanguine dominait presque sans partage parmi les medecins. Or, nous avons vu que cette theorie ne pouvait aboutir qu'ä des notions con­fuses ou contradictoires sur la nature de ce mal, ce qui devaitconduire, en therapeutique, au scepticisme le plus decourageant.
Depuis longtemps, cependant, la theorie nerveuse, dont le raisonnement et l'experience sont aujourd'hui d'accord pour proclamer lefondement solide, trouvait,
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?ä et lä quelques rares defenseurs. Beau nousapprend, comme nous l'avons dejä dit (p. 52), que Democrite avait compare la rage ä un incendie des nerfs et il de-clara lui-m^me laquo; qu'on ne peut s'emp^cher de l'affilier laquo; au genre neurose. raquo; Plus tard, d'autres auteurs se declarent partisans de la meme theorie nerveuse ; mais leur opinion, comme on va le voir, n'est pas prise en bien serieuse consideration. Nous lisons, en effet, dans le Dictionnaire des dictionnaires de Fa-vre (1) : laquo; Christ Nugent, M. Girard, etc., nient Vob­is, sorption du virus et comparent les symptdmes de la laquo; rage confirmee au tetanos traumatique, ä une sorte laquo; d'irradiation neroeuse determinee par l'irritation de laquo; la blessure; on a fait justice de cette Hypothese
laquo; TOUTE GRATUITE. raquo;
Cette doctrine n'a pas trouve un meilleur accueil ä l'Academie de medecine oü eile a ete presentee par un de nos veneres maitres, recemment enleve a la science et dont il est permis de dire, sans nuire ä sa memoire, que certaines de ses opinions se ressentaient des qualites et des defauts de l'improvisation, mais ä la rare sagacite duquel on est heureux de rendre hom-mage, pour la question qui nous occupe et pour bien d'autres quen'auraientpas ose aborder desesprits or-naires. Piorry a trouve en cette circonstance un rude adversaire en M. Bouley,lequel, avec une extreme ha-bilete a retorque I'argumentation dans son ensemble, en mettant uniquement en relief quelques-unes des parties faibles de cette argumentation. Avant de don-ner les pieces du proces, pour permettre au lecteur
(i) Art. Hage, t. VI, p. 641.
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de juger par lui-meme, nous allons extraire des asser­tions de Piorry, les principales propositions qu'il a emises et qu'il importe pour la clarte de la discussion, d'envisager separement.
En quoi consistaient ces propositions?
1deg; Piorry debutait en donnant ä la rage le nom de sinlocyniosie ou de sialocyniose pour indiquer qu'elle etait produite par un virus contenu accidentellement dans la salive du chien;
2deg; II trouvait que cette maladie offrait certains traits de ressemblance non-seulement avec le tetanos, mais encore avec repilepsie,rhysterie, la migraineetmeme la /ievre intermittente;
3deg; II admettait qu'il se passaitune modification dans les nerfs s'etendant dela plaie ä Taxe nerveux;
4deg; II faisait consister cette modification en une vi­bration, en ce qu'il appelait une nevropallie ;
5deg; II rejetait la theorie sanguine ou la theorie de l'absorption da virus rabique, sur ce fait que les injec­tions de sang de l'animal enrage qu'avaient prati-quees Dupuytren et Magendie n'avaient donne que des resultats negatifs;
6deg; En considerant le petit nombre de laquo; choses posi­tives raquo; que Ton connaissait sur la rage, il croyait de­voir recourir ä l'hypothese surlout quand il pouvait en resulter quelque bien pour la therapeutique.
Or, sur Ces six propositions qui resument tous les points principaux de son argumentation, nous en trouvons une, la premiere, qui est tout ä fait inutilej en ee sens du moins qu'elle n'exigeait nullement la creation d'tin mot nouveau. La quatrikme ne repose sur aucune preuve et aurait gagne a etre remplacee
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parun pur aveu d'ignorance. Quanta !a sixieme, eile nous parait mal presentee, en ce sens qu'elle laisse ä entendre que les seuls partisans de la theorie nerveuse ont recours ä l'hypothese. Or, en realite, on se livre encore ä une hypothese an admettant l'absorption du virus et, qui pis est, ä une hypothese qui n'apprend rien de positif. II aurait done mieux valu dire, en ramenant cette proposition ä un axiome, qu'en pre­sence de deux hypotheses dont l'une ne disait rien, on croyait devoir recourir ä l'autre qui pouvaitdire quel-que chose. Teile qu'elle est formulee cependant, cette sixieme proposition, tout en exprimantune idee juste, n'en est pas nioins pleine de finesse et meme aiguisee d'une pointe de malice. Quant aux trois autres propo­sitions, apart l'assimilation de Ja rage avec la fievre intermittente, elles nous paraissent non-seulement meriter I'honneur d'une discussion serieuse, mais meme denoter une remarquable intuition de la verite, en I'absence d'une demonstration rigoureuse dont les elements faisaient encore defaut en ce moment. Car, en dehors de ceux qui devinent tout, sans travailler, quel est I'homme qui, la ou personne ne sait rien, pent se flatter d'etre dans le vrai dans plus de la moi-tie de ce qu'il dit?
Or, que repond M. Bouley? Au lieu de separer, comme nous venons de le faire et de discuter une ä une les propositions emises par Piorry, il riposte ä l'ensemble de l'argumentation, enattaquantvivement la premiere et la quatrieme de ces propositions, la premieme comme inutile et l'autre comme absolument gratuite. Mais, ce qui fait que la discussion ne pou-Vait pas aboutir, e'est que la question n'etaitpas encore
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müre, les deux adversaires ne pouvant pas puiser le moindre argument solide aux deux seules sources qui pouvaient en fournir et qu'on ne connaissait pas en­core : d'unepartauxstatistiquesbienfaitescommecel-les qu'a fournies plus tard le comite consultatif d'hy-giene par Vorgane de Tardieu, et d'autre part aux donnees fournies beaucoup plus tard et presque de nos jours, par l'examen microscopique du Systeme nerveux central et peripherique.
Voicimaintenant, pour ceux qui aimentlespreuves, des extraits de la double argumentation que nous ve-nons de resumer:
laquo; Certes, dit notre regrette mattre Piorry (1), je ne laquo; suivrai point MM. Bouley, Reynal et Tardieu dans laquo;les considerations elevees qu'ils ont si judicieuse-laquo; ment etablies relativementälaprophylaxieetäl'etio-laquo; logie de l'hydrophobie contagieuse ou st lalocyniosie.
laquo;... Et enün les nombreuses lectures que j'ai laquo; faites ä ce sujet m'ont conduit ä etablir une compa-laquo; raison entre ce terrible mal et le tetanos, comparai-laquo;son qui me paratt interessante et tres-utile par laquo; rapport ä la therapeutique.
laquo; Dans l'une et l'autre affection, presque toujours laquo; une blessure est le premier phenomene qui a lieu; laquo; des deux cotes la plaie est le siege soit de douleurs, laquo;. soit d'une lesion des nerfs qui precede l'invasion du laquo; mal ; dans les deux cas surviennent des attaques ou laquo; des acces qui annoncent une souffrance des centres
(1) Discussion sur la rage. Bull, de l'Acad. de m4d., stance du 13 octobre 186:5, t. XXIX, p. 41 et suiir.
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nerveux : de l'encephale pour la sialocyniose, de la
laquo; moelle rachidienne pour le tetanos.......
laquo;..................
laquo; . . . .
laquo; Le rapprochement qui precede entre les deux af-laquo; fections dont je viens de parier pourrait etre etendu laquo; aux autres nevroses dont la source primitive est laquo; locale, et de ce nombre sont : l'epilepsie proprement laquo; dite, dont la retine parait etre le point initial ; les laquo; acces d'hysterie qui semblent provenir de l'appareil laquo; ovaro-uterin ; la migraine ophthalmique dont les pre-laquo; miers symptömes sont en rapport avec l'iris; l'acces laquo; de fievre dont la rate malade est le point de de-laquo; part, etc.
laquo; D'apres ces considerations, il y a lieu de supposer laquo; que le siege primitif de la rage, que le point de de-laquo; part des terribles acces qui la constituent, n'est autre laquo; que la plaie infectee par le virus rabique ; que l'in-laquo; cubation de celui-ci se fait dans cette blessure, comme laquo; l'incubation de la vaccine a lieu dans la petite plaie laquo; de l'inoculation, tandis que cette incubation ne du-laquo; rerait que trois ou quatre jours dans la vaccine, eile laquo; persisterait beaucoup plus de temps dans la rage. laquo; Pour celle-ci une modification dans les nerfs de la laquo; plaie (qu'un nombre considerable de faits portent ä laquo; croire ötre une vibration, une nevropallie) est le laquo; premier phenomene de chaque acces; que cette ne-laquo; vropallie s'etend a Taxe nerveux et aux nerfs qui se laquo; distribuent aux glandes de la bouche oü ä celles de laquo; de la salive, et que de lä resulte untel changement laquo; dans la constitution des liquides formes par ces or-laquo; ganes, qu'ils deviennent susceptibles de communi-
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laquo; quer lememe mal. UextensiondelaneuropaHic äl'axe laquo; nerveux et aux nerfs de la tfite et du cou explique-laquo; rait convenablement les accidents terribles qui ont laquo; lieu vers la bouche, le pharynx et les nerfs respira-laquo; teurs.
laquo; Quelques graves difficultes relativement ä l'ad-laquo; mission de cette theorie se presentent ä l'esprit. Tout laquo; d'abord on est conduit ainsi par l'analogie ä croire laquo; que le sang est le vehicule par lequel le venin de la laquo;- rage se transporte ä l'appareil cephalo-spinal; mais laquo; il faut se rappeler que Dupuytren et Magendie ont laquo; injecte dans les veines de chiens bien portants le s sang d'animaux enrages sans que les premiers aient laquo; ete atteints d'hydrophobie rabique. D'ailleurs- la laquo; presence du virus dans le sang des individus mordus laquo; serait certainement consecutive au travail patholo-laquo; gique qui, vers les derniers temps, se passe dans la laquo; blessure envenimee : la rage ne se communique en laquo; eifet qu'au moment oü les acces qui la rendent evi-laquo; dente se sont manifestes.
laquo; Tont ce qui vient d'etre dit estpurement theorique laquo; ou repose tout au plus sur quelques faits et sur des laquo;analogies; mais, ainsi que l'a fait judicieusement laquo; observer M. Bouley, notre savant collegue, on sait laquo; si peu de choses positives sur la rage, qu'il est con-laquo; venable alors qu'on ne peut mieux faire, d'avoir laquo; recours ä l'hypothese, surtout quand il est possible laquo; qu'elle conduise ä une therapeutique utile.
laquo;Apart la cauterisation des morsuies pratiquees laquo; dans les premiers temps, rien- de rationnel n'a ete
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laquo; fait dans la curation de la rage ; cherchons done ä laquo; faire un rationalisme inoffensif, dans Fintention de laquo; remedier ä un mal contre lequel Tempirisme est laquo; completement impuissant. raquo;
Voici maintenant des extraits de ia reponse de M. Bouley se rapportant ä l'argumentation prece-dente:
laquo; M. Piorry, lui aussi, dit-ii (1), ne desespere pas laquo; de la puissance de l'art; i'inaction lui repugne laquo; et il vous propose une methode de traitement ra-laquo; tionnel, qui lui a ete inspire par l'observation d'un laquo; fait recueilli par lui des les premiers temps de sa laquo; carriere medicale.
laquo; Partant de ce fait, M. Piorry est porte ä croire que laquo; la rage, comme le tetanos auquel il la compare, laquo; procede de la plaie infectee par le virus rabique; laquo; que l'incubation de ce virus se fait dans cette plaie, laquo; comme l'incubation du vaccin dans les petites plaies laquo; de l'inoculation, et que, cette incubation achevee, laquo; la modification des nerfs de la plaie, qui n'est qu'une laquo; vibration ou nevropallie se transmettrait aux nerfs laquo; de la bouche, lesquels influeraient sur les appareils laquo; secreteurs et determineraient une modification teile laquo; dans les fluides secretes, qu'ils deviendraient viru-laquo; lents. Teile est la theorie de M. Piorry.
laquo;II me repugnerait, Messieurs, de rien dire qui puisse laquo; offenser M. Piorry et heurter sa suseeptibilite. Per-laquo; sonne plus que moi ne reconnait les services rendus
(1) Idem, Meme volume p. 95 et suiv.
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laquo; ä la science par les travaux de notre savant et infa-laquo; tigable collegue qui, gräce ä ses recherches obsti-laquo; nees, est parvenu ä donner au diagnostic de tant de laquo; maladies un caractere de si grande certitude. Mais laquo; je ne puis dissimuler mon etonnement de voir un laquo; homme si heureusement doue pour faire de la science laquo; positive, donner carriere si libre ä son imagination laquo; et se laisser entrainer, aA'ec une facilite digne des laquo; vieux temps de la medecine, aux interpretations les laquo;plus impossibles des faits les plus mysterieux; ce raquo; qui m'etonne, c'est qu'un esprit comme-le sien puisse laquo; se trouver satisfait d'explications comme les siennes.
laquo; Ce qui m'etonne, enfin, c'est que, lorsquedes faits laquo; positifs sont acquis ä la science, M. Piorry ne craigne laquo; pas de leur substituer de pures fictions, telles que laquo; ses vibrations imaginaires, transmises imaginaire-laquo; ment ä des nerfs qui, vibrant ä leur tour, determi-laquo; neraient par ce fait des changements dans la consti-v tution des fluides secretes.
laquo; Ces faits positifs, auxquels je fais allusion, ce sont laquo; les experiences de notre si regrettable collegue M. Re-laquo; nault, desquelles il resulte que, en moins de cinq laquo; minutes l'absorption s'est emparee des liquides mis laquo; en rapport avec les vaisseaux des tissus.
laquo; Si les resultatsde ces experiences sont certains, — laquo; et je ne crois pasqu'ilspuissentötre contestes, — que laquo; devient alors la theorie de l'incubation sur place et laquo; celle des vibrations, qui en est le corollaire ?
laquo; Mais je ne veux pas insister. A quoi bon, du reste, laquo; une discussionprolongeesurcepoint? Mesobjections, laquo;j'en demeure bien convaincu, laisseront M. Piorry laquo; inebranlable dans ses convictions; etjepuisd'avance
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laquo; lui en donner l'assurance, je ne me convertirai pas laquo; ä sa doctrine des nevropallies pas plus que je ne laquo; consentirai jamais ä substituer, dans le langage que laquo;je parlerai, au mot rage, si simple et qui dit tout laquo; avec ses quatre lettres, le nom sialocyniose dont ie laquo; moindre des inconvenients est d'exiger une expli-laquo; cation. raquo;
La theorie nerveuse cependant gagnait chaque jour du terrain, et, si eile n'etait pas formellement acceptee, eile etait au moins defendue, dans ses points fonda-mentaux, par plus d'un medecin recommandable. Bien plus, c'est eile, sans nul doute, qui a du inspirer les recherches les plus recentes d'histologie pathologique dont nous avons rendu compte, c'est-ä-dire les tra-vaux de MM. Benedikt (de Vienne), Govers, Cheable, Polaillon, Madden, Botkin, Meynert, etc., etc.
Voyons d'abord ce qu'en disait M. Bergeron (1), un peu avant l'epoque oü a eu lieu la discussion sur la rage ä 1'Academic. laquo; S'il etait demontreque, dans tous laquo; les cas, sans exception, les symptömes pathogno-laquo; moniques sont precedes soit d'une ulceration, soit laquo; meme d'une simple turgescence des cicatrices, soit laquo; encpre des douleurs dans le point oü le virus a ete laquo; inocule, on ne peut contester que ce fait ne füt tres-laquo; favorable ä l'opiniondes medecins qui, serefusant ä laquo; admettre que le virus rabique puisse rester latent laquo; dans l'economie apres avoir ete absorbe, pensent laquo; qu'il se fixe au lieu d'inoculation, jusqu'au jour laquo; oü, sous Tinfluence d'une cause indeterminee, il laquo; s'echappe en quelque sorte de son repaire, pour etre
(1) Loc. cit., p. 326.
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laquo; absorbe cette fois, et produire immediatement la laquo; succession de desordres fonctionnels qui constitue laquo; la rage.
laquo; II est certain que cette Hypothese s'accorderait laquo; assez bien avec la lenteur du travail de cicatrisa-laquo; tion des morsures; il faut meme convenir qu'elle laquo; donnerait une explication assez plausible de la duree laquo; parfois si longue de Vincubation; il faut convenir en-laquo; core que, saus eile, onpourrait difficilementserendre laquo; compte de la reproduction d'un travail morbide, laquo; voire mime simplement de la reapparition de dou-laquo; leurs dans les cicatrices, avant Vexplosion de la ma-laquo; ladie; il faut reconnaitre enfin qu'elle conduirait ä laquo; U7ie importante conclusion pratique, ä savoir : queles laquo; plaies doivent toujoursamp;tre cauterisees, quelque laps laquo; de temps qui sesoit ecoule depuis la morsure... raquo;
M. Jaccoud est encore plus explicite : laquo; Nous ne re-laquo; trouvons done pas ici, dit ce savant professeur (1), laquo; la regularite propre aux poisons pyretogenes ; il est laquo; probable, du reste, que le virus rabique n'agit pas laquo; de la meme fafon. SU etait directement absorbe par laquo; le sang, les differences de Vintervalle compris entre laquo; cette absorption et Vimprtssion bulbaire dewraient laquo; etre, semble-t-il, moins accunees; et Une serait pas clt; irrationneld'admettrequilagitcommeEx.cnAX-r peri-laquo; PHERiQUESMr Zes rameaux nerveux de la partie leseeet laquo; quel'excitaiionsuivantlepointdunerfatteint,suivant laquo; Vindividualite du blesse gagne plus ou moins rapide-laquo; ment, et surtoutplus ou moins efficacement lemesoce-laquo; phede. Cette maniere de voir qu'a recemment encore
(1) Traite de path, int., t. II, p. 789-.
I 1:
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laquo; soutenue Fuchs (en Vaffirmant par un nouveau nom laquo; donne älaragequilappelle dermo-pneumo-tetanos) laquo; rend mieux compte des divergences des faits. raquo;
Voici, enfin, ce quedit de soncoteM. Brouardel (1): laquo; Serait-ce dans le sangques'accompliraientlestrans-laquo; formations du virus absorbe au moment de la bles-laquo; sure, et la production de nouveaux elements viru-laquo; lentsqui, adultes, seraient elimines par la salive ? laquo; Rien ne semble moins probable; meme pendant le laquo; coursde la maladieles injections de sang, la trans-laquo; fusion elle-meme-sont restes steriles, et si accidentel~ lt; lement il en est autrement, ces derniers resultats sont laquo; contestables.
laquo; En sorte que, bienque nous nepuissions le demon-laquo; trer, nous devons considerer comme plus probable laquo; VHypothese suivant laquelle le virussubiraitsurplace, laquo; au point inocule, les modifications qui plus tard de-laquo;. termineront les accidents de la rage. Cette sup-laquo; position trouve une confirmation indirecte dans laquo; quelques-uns des faits qua nous avons |prealable-laquo; ment enregistres. Ainsi la duree de l'incubation laquo; est plus courte lorsque la plaie d'inoculation a pour laquo; siegele visage, surtout si le blesse est jeune. Nous laquo; pouvonstraduire ce resultat de l'observation en ces laquo; termes : la duree de l'incubation est plus courte laquo; lorsque l'inoculati on est faite dans des tissus plus va s-laquo; culaires et chez des individus dont la nutrition est laquo; plus active. II ne faut pas d'ailleurs, ainsi que nous laquo; l'avons vu, chercher Vinterpretation dans la plus laquo; grande rapidite deVabsorption vasculaire, mais dans
(1) Loc. cit., p. 224.
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laquo; la plus grande activite des evolutions moleculaires laquo; physiologiques et pathologiques. raquo;
On peut done voir, par la lecture de ces divers do­cuments, le developpement graduel qu'a subi la theo-rie nerveuse, la place plus grande qu'elle a oecupee de jour en jour dans l'opinion des medecins. Mais, la de­monstration ne pouvait en etre donnee d'une maniere complete et rigoureuse qu'ä partir du jour oü la statis-tique et l'histologie pathologique en auraient fourni les donnees fondamentales. Quoi d'etonnant, des-lors, que celles-ci soient tot ou tard recueillies et confron-tees avec soin de fagon ä ce que le simple rapproche­ment de ces divers materiaux permette d'apercevoir un lien physiologique des plus simples ! Est-ce done une idee si extravagante que d'avoir songe, apres tant d'autres, ä tirer quelque profit de tous ces materiaux et ärendre plus rigoureuse et plus complete une theo-rie qui n'avait pu etre qu'ebauchee faute de connais-sances süffisantes!
La conception de cette theorie est d'ailleurs telle-ment simple, les consequences principales qui en de-coulent sont si faciles ä saisir que c'est peut-etre cette simplicite meme qui a detourne beaueoup d'esprits de recherches plus approfondies. Car, si nous pou-vons en juger parce que nous avons eprouve nous-meme,ce sontsurtoutles explications les plus faciles et les plus claires qui peuvent inspirer les plus grandes mefiances. On ne peut guere se faire ä cette idee, que lä oü Ton a ete habitue ä trouver tant d'obscurite et de mystere, il n'y ait en realiteque la chose du monde la plus naturelle et la plus simple.
Et il faut bien qu'il en soit ainsi, pour quun mede-
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 255
ein du si^cle dernier, Hicks (voy. p. 202) ait ete con­duit, du premier coup ä une des consequences prati­ques las plusimportantesqui decoulent decettetheorie' nerveuse. Si la transmission du virus rabique se fait par l'intermediaire des nerfs, quöi de plus simple et de plus facile ä concevoir en effet, ä savoir : qu'on ar-rötera sürement ce virus en le gagnant de vitesse, e'est-a-dire en sectionnant plus ou moins loin les nerfs qui partent de la plale d'inoculation! Et qu'on veuille bien le remarquer, il n'est nullement necessaire, pour arriver ä cette consequence, de se livrer a de longues dissertations sur la nature et la composition du virus : il suffit qu'on fsache de quel cöte il se dirige, pour sa­voir oü et comment on doit lui barrer le passrge. Si Ton compare surtoutl'extreme simplicite de la theorie nerveuse a toutes les impossibilites auxquelles vient se heurter la theorie sanguine, son ainee, lechoix doit ^tre vite fait, par un de ces esprits prompts et decides, comme on en rencontre quelquefois. Ainsi s'explique tout naturellement cette pratique hardie de la nevro-tomie, ä une epoque oü, non-seulement les elements du probleme ä resoudre faisaieat completement de-faut, mais encore oü il devait ^tre bien difficile, sinon impossible de se poser un semblable probleme de Physiologie pathologique.
Si nous voulons done, au terme de ce long travail, faire equitablement la part de ce qui nous revient dans la penible edification ä laquelle nous venons de nous livrer, nous sommes force de eonvenir qu'il ne nous reste ä peu pres rien, ä part deux sutures des plus simples, pour lesquelles nous ne reclamerons ja-raais un brevet d'invention. Tout a ete signale : le
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r
256nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; DE LA PHYSIOLOGIE PATHOI.OGIQUE
siege, la nature et la signification des diverses lesions rabiques, la transmission du virus par les cordons nerveux, i'indication de la nevrotomie, le traitement preventif lui-meme, etc., etc. Or, voici la troisieme etude de physiologie pathologique ä laquelle nous nous livrons, et pour chacune nous avons trouve que tout avait ete dit anterieurement. Nous n'avons eu qu'ä coordonner des elements epars, ä donner ä chacun le sens physiologique qui lui appartient. II est done infi-niment probable qu'il en serait de merae, pour Vetude d'un grand nombre d'autres entites morbides. La me-thode elle-meme n'offre rien denouveau, car c'est eile qu'emploient toutes les sciences experimentales. Ja meme qui est en vigueur dans d'autres branches de la medecine, en Chirurgie et en obstetrique oü eile rend tous les jours ä la pratique de grands et eclatants services.
Nous respectons trop nos lecteurs cependant pour tenter de leur .^aire aecroire que nous n'avons rien ä reclamer.
Ce qui nous a le plus servi dans cette etude, c'est la reflexion qui nous a conduit ä l'entreprendre et qui nous a clairement fait voir que les recherches de Phy­siologie pathologique, pour etre profitables, ne doivent pas etre entierement subordonnees au caprice de cha­cun, et qu'elles doivent ätre dirigees dans un sens plutot que dans l'autre. Or, c'est la reflexion seule qui peut noussuggerer, chaque fois, les considerations generales propres ä nous detourner d'une voie et ä nous decider pour l'autre; c'est eile qui nous a con­duit, en definitive, ä deux reprises differentes, vers l'etude de la rage. II est encore une source ä laquelle
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ET DU TRAITEMENT RATIONNEL DE LA RAGE. 257
nous croyons avoir puise de serieux avantages et que nous prenons la liberte de leur signaler, pour qu'ils aient l'idee d'aller s'y desalterer comme no.is. Cette source n'est autre que la patience, on vient s'abreuver tout homme ayant le desir de bien faire et sachant que ce desir n'est pas toujours ce qu'il y a de mieux intor— prete, oü vient se rafraichir tout homme disant tout ce qu'il pense, mais n'imposant jamais son opinion, en respectant toujours celle des autres, oü vient enfin puiser ä longue haieine celui qui croit de son devoir de s'affranchir de quelques prejuges quand il le pent et de savoir dire avec franchise et sans la moindre pretention, comment il y est arrive par le travail, Qu'on n'oublie done jamais le nom de cette source et qu'on vienne bien souvent s'y retremper, si Ton veut se livrer avec quelque profit ä l'etude si at-trayante de la physiologie pathologique.
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laquo;
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v-
f-
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CONCLUSIONS.
Ce travail peut se resumer en une conclusion prin-cipale, comprenant dans son ensemble la question de physiologie pathologique que nous avons etudiee minutieusement, d'apres les doubles donnees du rai-sonnement et de l'experience :
L'AGENT PRODUCTEUR DE LA RAGE NE s'aBSOBBE PAS. Il SE PROPAGE INSENS1BLEMENT LE LONG DES FIBBES NERVEUSES QUI ONT ETE ATTEINTES PAR LE LIQUIDE VIRULENT.
Quant aux conclusions secondaires qui ne sont que le developpement de celle que nous venons d'enoncer, elles consistent dans les propositions suivantes :
1deg; La propagation du virus rabique se fait ä travers la substance des filaments axiles et des cellules ner-veuses correspondantes ;
2deg; Les fibres nerveuses sensitives sont tres-probable~ ment les seules affectees, d Vexclusion des fibres mo-trices;
3o L'agent morbide progresse lentement, dans une direction centripete, du siege de la morsure au bulbe rachidien et tramp;s-rapidement dans une direction centri­fuge, de ce dernier organe aux nerfs sensitifs qui en partent;
4deg; Les accidents de la rage debutent au moment oü ce virus arrive dans le bulbe et ih s'annoncent souvent D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;18
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I
260nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CONCLUSIONS.
par de la dovlevb. s'irradianf uniquement sur le cote correspondant, le long des nerfs qui se detachent du point oil a siege la morsure ;
5deg; Laperiode d'incuhation est, en general, d'autant plus courte que la distance du lieu de la morsure au bulbe est elle-mamp;me plus faible. D'oit il suit qu'elle est plus courte chez les enfants que chez les adultes, dans les mojrsures de la face que dans celles des memhres et probablement aussi chez les individus de petite qtie chez ceux de grande taille;
6deg; Toutporte ä croire que, dans certains cas, la trans­mission du virus rabique pent se faire par itn trajet re­current, c'est-ä-dire qu'apres avoir debute par le bout peripherique du nerf dechire ou mis ä nu, eile se conti­nue par les anastomoses de ce nerfavec un nerf voisin et s'acheve dans toute l'etendue de ce dernier jusqu'au mesoccphale;
7deg; Les dispositioyis anatomiques qui peuvent aug­menter les inflexions des nerfs ou les causes qui peuvent en determiner la nutrition semblent augmenter la du-ree de la periode d'incubation et vice-versa ;
8deg; Lesphenomenes morbides qui caractcrisent la pe­riode d'invasion portent sur la sensibilitc generale et sensorielle qui dement d'abord plus exquise et ßnit en-suite par s'emousser et par aboutir mamp;me, en certains cas, ä la paralysie. C'est ainsi que la paralysie des centres vaso-moteurs du bulbe rachidien amene des con­gestions dans tous les organes et consecutivement l'as-phyxie et une elevation considerable de la temperature;
9deg; Les lesions de la rage sont de deux sortes : les unes primitives, visibles seulement au microscope, 4t consistant en une opacite plus, grande des cellules
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CONCLUSIONS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;261
nerveuses et en un etat granuleux de ces cellules et d'un certain nombre de fibres nerveuses afferentes ou e/ferentes ; les autres tardives, visibles ä l'ceil nu, et consistant en des congestions plus ou moms marquees des diversorganes;
10deg; Une fois en contact avec les cellules nerveuses du bulbe rachidien et de la protuberance, le virus rabique, selon toutes les probabilites, se porte rapidement dans toutes les directions, suivant le trajet des fibres ema-nant de ces centres nerveux;
11deg; II est probable que lä oü les nerfs ainsi charges de principe virulent sont superficiellement places sous une muqueuse tres-mince et facilement permeable, ce principe contagieux peut traverser la muqueuse ousou-lever Vepithelium quiprend alors la forme de vesicules plus ou moins volumineuses. De lä doit provenir d'une part la virulence du liquide buccal. laquelle est at-testeepar une multitude de faits, et d'autrepart la for­mation des lysses, dans des cas rares [et exceptionnels; de lä encore, les dangers a craindre de la succion ;
12deg; Les lesions caracteristiques de la rage doivent etre unilaterales, comme le demontre le raisonnement aide d'une observation attentive. D'ou il resulterait que le liquide ne deviendrait virulent que dans la moitie de la bouche seulement et que, par suite, la moitie des morsures environ devraient Hre seules virulentes .' resultat qui se trouve en effet confirme par une statis* tique de Renault;
13deg; La virulence de Vccumö bronchique est dou-teuse ;
14deg; Les morswres de löups sont plus dangereuses, parcequ'etantfaites avec plus de ferocite, elles as-
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#9632;*#9632;
262
CONCLUSIONS.
surent mieux le melange du liquide buccal d'un cöte ä Vautre ;
IBquot; La virulence du liquide buccal persiste pendant vingt -quatre heures apres la mort. De lä, la possibilite d'instituer, en toute securite, des experiences variees sur des animaux;
16o La rage appartient a une grande classe d'affec-tions morbides, d'origine periphericiue, telles quecer-taines fievres eruptives ou certaines neuroses, comme la vaccine et la variole inoculee etprobablement la syphi­lis, comme egalement la nevrite ascendante, Vepilep-sie, le tetanos, certaines formes de nevrome cylindrique de lapeau, etc., etc.;
17deg; La transmission du virus rabique par les nerfs ou la theorie nerveuse est d'une extreme simplicite et a dejä conduit un medecin anglais du stiele dernier, Hicks, a mettre a execution une des indications les plus frappantes de la therapeutique de la rage ;
18deg; A diverses reprises, on a tente de substituer cette theorie a la theorie sanguine gut a toujours domine et domine encore dans Vesprit des medecins ;
19deg; La demonstration complete de la theorie ner­veuse riest devenue possible que par les progres recents de la statistique et de VHistologie pathologique ;
20deg; Cette theorie conduit d des indications therapeu-tiques trks-precises, tandis que la theorie sanguine n'a engendre jusqu'ä cejour, ä part la pratique de la cau­terisation immediate de la plaie, qu'un profond scepti-cisme et un traitement grossierement empirique et ä peu prbs sans valeur.
Quant aux indications therapeutiques qui resul-tent des donnees fournies par la presente etude de
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^
*
CONCLUSIONS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 263
Physiologie pathologique, elles sont au nombre de
QUATRE.
Ces indications consistent :
I. — A DETRUIRE LE VIRUS RABIQUE SUR PLACE ;
IT. — A l'emp^cher d'arriver jusqu'au bulbe ra-
CHIDIEN, DANS LE CAS OU 1L n'aURAIT PAS PU fiTRE DETRUIT ;
Til. ---- A EMOUSSER d'aVANCE LA SENSIBIL1TE DU
BULBE, PENDANT TOUTE LA PERIODE d'iNCUBATION ET DANS LA PLUS LARGE MESURE POSSIBLE, DANS LE CAS OU LES DEUX PREMIERES INDICATIONS n'aURAIENT PAS PU iTRES REMPLIES;
IV. ---- A AGIR ENCORE, AVEC AUTANT DE RAPIDITE
QUE d'eNERGIE, SUR CETTE MÄME SENSIBILITE DU BULBE, EN PRATIQUANT DES INJECTIONS MEDICAMENTEUSES DANS LES VEINES ; A s'oPPOSER ENFIN AUX PROGRES ORDINAI-REMENT RAPIDES DE l'ASPHYXIE.
Nous dirons enfin, en terminant, que I'etude pre-cedente de physiologie pathologique souleve diverses questions importantes de therapeutique generale qui interessent beaucoup et tres-directement la pratique
MEDIC ALE.
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#9632;#9632;I
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#9632;
TABLE DES MAXIERES
Preface............................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; i
sect; I. — Considerations generales. — Du choix a apporter
dans les etudes de Physiologie patliologique...... 1
Difference des difflcultes ä resoudre...............nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;2
De la connaissance des lesions comtne base de la
Physiologie pathologique.,...................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;4
Cause de difficult^ dans l'etude de la rage. — Kai-sons qui militent neanmoins en faveur de cette
6tude.....................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;5
Des questions arrivees a maturite................. 14
sect; 11. — De la determination du siege et de la nature des lesions dans la rage et de la Physiologie patholo­gique proprement dite.......................... 15
Deux hypotheses possibles relativement ä la Phy­siologie pathologique de la rage.............. 18
A.. Hypothese de la voie sanguine. — Consequences.. 19 B. Hypothese de la transmission par les nerfs. — Con­sequences..........................,.....,,.. 22
A.nbsp; nbsp;Appreciation des donnees fournies par I'expe-
rience.........,...........................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;23
Comparaison de l'inoculation rabique avec celle des
venins. — Experiences de Breschet.....,..,... 25
La salive seule est contagieuse.................... 26
Tentatives d'inoculation du sang et autres liquides.
— Opinions de MM, Bouley et Brouardel........ 27
Difflcultes et donnees contradictoires.............. 32
B.nbsp; Appreciation des donnees fournies par I'experience. 33 De la duree de l'incubation suivaot l'äge du blesse
et le siege des morsures....................... 33
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266nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;TABLE DES MATIÄRES.
Des dürres extremes de la periode d'incubation ...nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 36
Influence probable de la taille..................... 37
De la valeur respective des theories sanguine et
nerveuse................................... 40
Objection tiree de l'insensibiüte du nerf contamine,
— Experiences de M. Vulpian.................. 42
Du cylindre axe comme agent de propagation...... 44
De la transmission par los fibres nerveuses sensitives ou motrices. — Necessite d'experiences nou-
velles....................................... 46
Transmission probable par les fibres sensitives..... 48
S'il existe une lesion, eile doit etre unilaterale...... 49
Mode de transmission appreciable, sans la connais-sance de la nature de l'agent rabique. — Compa-
raison avec le curare......................... 52
Questions incertaines sur la nature du virus ra­bique ....................................... 54
Opinions de Boudin et de M. Bouley sur la spon taneite
de la rage................................... 55
Cas de rage chez les trfes-jeunes enfants........... 56
Influence de la nutrition sur la duree de Tincuba-tion. — Experiences de M. Menecier (de Mar­seille)....................................... 57
Influence de la grossesse.......................... 58
Influence des inflexions des nerfs, principalement a
la face....................................... 59
Dans quel sens pent se propager le virus rabique
dans leraquo; nerfs ? Experiences necessaires........ 62
De la possibility d'un trajet recurrent. — Observa­tion remarquable de M. Fereol................ 63
Voie detournee qui doit conduire ä la determination
des lesions................................... 67
Autopsie pratiquee par M. Fovilla................. 68
Theorie nerveuse prouv^e par une experience de
Rossi....................................... 69
De la periode prodromiqae do la rage.............. 70
Du röle exercfe par le bulbe rachidien et la protube­rance........................................ 71
Sensibility devenue exquise dans la rage. — Exalta­tion de l'intelligence.............'............... 74
Phenomenes de depression consecutive............nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 7 7
Surexcitation et paraljsie consecutive des centres vaso-moteurs du bulbe rachidien, — Lesions congestives et asphyxie.. ,....................• 79
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TABLE DES MATIERES,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 267
De I'^l^vation de la temperature. — Explication de
M. Peter................................... 79
Des lesions de la rage............................ 82
Caracteres generaux. de ces lesions..........,...... 96
Que devient le virus rabique apres avoir atteint le bulbe ? Experiences necessaires. Examen des di­verses hypotheses............................ 97
De la virulence de la salive...................... 100
Du siege de la virulence. Opinions diverses........ 100
Opinion de l'auteur...... ;................... ... 107
Des dangers de la succion d'une plaie virulente..... 112
Des lysses sublinguales........................... 113
De la nature de ces lysses........................ 114
Les lesions de la rage sont unilaterales............. 115
Innocuile de certaines morsures. — Explication. —
Statistiquc concordante de Renault.............. 116
Gravite plus grande des morsures de loup. — Expli­cation ....................................... 120
Virulence douteuse de l'ecume bronchique. — Expe­riences a instituer............................ 120
Duree probable de la virulence.................... 121
Lenteur de la transmission centripöte comparee a la
rapidite de la transmission centrifuge.......... 122
De la rarete des lysses. Explication. — Examen du
memoire de Marochetti....................... 123
Duree de la conservation du virus rabique......... 128
Des avantages qui en resultent pour les experiences
ä instituer................................... 129
Resume de la tWorie nerveuse.................... 130
Analogie de la rage avec d'autres entites morbides.. 131 De l'origine pfiripherique de la nevrite ascendante,
d'aprSs MM. Jaccoud et Dumenil (de Rouen)... 133
Id., de l'epilepsie, d'apr^s M. Brown-Sequard....... 135
Analogie complete des recherches de l'auteur avec celles de MM. Arloing et L^on Tripier sur le
ietanos...................................... 136
Observation de M. Verneuil sur un cas de nevrome
cylindrique des nerfs terminaux du prepuce.... 138 sect; III,— Des indications rationnelles ä suivre danslathe-
rapeutique de la rage........................... 141
De la physiologic pathologique comme source des
indications therapeutiques.................... 141
Absence d'indications precises dans la therapeutique
ordinaire de la rage.......................... 143
,
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268nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; TABLE DES MATIERES.
Des indications therapeutiques ä remplir, d'apres
I'auteur......................................nbsp; nbsp; nbsp; 145
Premiere indication(dejä admise par tousles medecins).nbsp; nbsp; nbsp; 145 Conduite ä tenir dans les cas douteux. — Opinion de
M, Bouley...................................nbsp; nbsp; nbsp; 149
Explication des bons effets de la cauterisation tar-dive .........................................nbsp; nbsp; nbsp; 155
Observation remarquable du Dr Emiliani...........nbsp; nbsp; nbsp; 156
Conclusion pratique..............................nbsp; nbsp; nbsp; 158
Deuxieme indication.............................nbsp; nbsp; nbsp; 160
Du mode de distribution des nerfs de la peau et du
tissu cellulaire sous-cutane....................nbsp; nbsp; nbsp; 160
Des divers moyens a employer.....................nbsp; nbsp; nbsp; 163
De la ligature circulaire de la peau................nbsp; nbsp; nbsp; 164
Experiences sur un lapin..........................nbsp; nbsp; nbsp; 165
Des morsures faites dans les regions dangereuses. —
Conduite ä tenir..............................nbsp; nbsp; nbsp; 174
De la nevrotomie et de la nevroctomie...............nbsp; nbsp; nbsp; 177
Consequence de ces operations....................nbsp; nbsp; nbsp; 178
Nevrotomie pratiquee par Hicks dans le siecle der­nier.........................................nbsp; nbsp; nbsp; 179
Nevrotomie pratiquee par MM. Arloing et Tripier
dans le tetanos..............................nbsp; nbsp; nbsp; 180
Troisieme indication................... .....nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 182
La dose des medicaments doit varier suivant les
malades.....................................nbsp; nbsp; nbsp; 186
De la duree ä donner au traitement pr^ventif,......nbsp; nbsp; nbsp; 189
Observation remarquable de MM. Paul Dauve et
Letellier................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;192
Traitement preventif recommande par M. Monvenoux.nbsp; nbsp; nbsp; 193 De Vitude de la sdrie therapeutique ä substituer ä
celle de Vagent therapeutique............nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 194
Marche scientifique suivie par M. Peyraud (de Li-bourne. — Traitement preventif institue.......nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;195
Des series antagonistes...................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ^7
Antagonisme de la strychnine et du bromure de po­tassium. — Experiences de M, Saison........,nbsp; nbsp; nbsp; 199
Antagonisme de la strychnine et du chloral. — Ex­periences de M. Ore (de Bordeaux)............nbsp; nbsp; nbsp; 200
Quatrieme indication...................raquo;....nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 201
Multitude d'agents preconisäs par I'empirisme......nbsp; nbsp; nbsp; 203
Un cas de succSs par les injections sous-cutanees de
curare....................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 204
:#9632;,
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TABLE DES MATIERES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 269
_nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;De quelques autres medicaments ä administrer en
injections intra-veineuses..................... 205
Necessity d'un controle serieux. —Double controle a
exercer par des experiences sur les animaux......... 208
Exemple pris sur les experiences faites par le Xan-
thium spinosum............................... 211
Uasphyxie a ete combattue par les moyens les plus
varies....................................... 218
De deux espamp;ces d'asphyxie....................... 219
Renxarques generales sur le traitement.............. 226
Du traitement preventif..........,................ 227
Traitement de la rage confirmee.................. 229
Des experiences variees a instituer sur les animaux
et de la rigueur ä y apporter........ ........ 230
Du degre de confiance a accorder au traitement..... 231
sect; IV. — De quelques apercus historiques sur Tetude de la
rage........................................... 232
Considerations generales.......................... 234
Continuation des errements suivis anterieurement.. 235 Tentatives principales dirigees dans la voie de I'hy-
gi^ne........................................ 236
Travaux statisti.ques............................. 237
Efforts infructueux de la therapeutique seule et in-
suffisance de l'anatomie pathologique propre-
ment dite.................................... 238
Du traitement moral.............................. 217
Impuissance de la therapeutique due au defaut de
Physiologie pathologique..................... 239
Efforts de substitution de la theorie nerveuse ä la
theorie sanguine............................. 242
Discussion ä l'Academie de medecine. — Opinions
de Piorry et de M. Bouley..................... 242
Progres de la theorie nerveuse.— Opinions emises
par MM. Bergeron, Jaccoud et Brouardel....... 250
Demonstration devenue possible par les progres de
la statistique et de l'histologie pathologique___ 253
Simplicite extreme de la theorie nerveuse rendant
compte de la nevrotomie pratiquee au sifecle
dernier......;...............,........,...... 253
Elements divers de la physiologie pathologique de la
rage connus anterieurement aux recherches de
l'auteur...................................... 254
Conclusions, i..................................... 259
PARISi — PARENT, IMP. DE LA FACULTB DB M^D.j R, MONS.-LE-PRINCEi 29-31raquo;
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JÜ:
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