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DE LA
MALADIE APHTHEUSE
DES ANIMAUX
SA TRANSMISSION A L'ESPEGE HOMAINE
Le Docteur P. HUHN
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LOUVAIN
VTE C.-J. FONTEYN, IMPRIMKUR-EDITEUR rue dr Bnixo.llcs. 6
1878
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DE LA
MALADIE APHTHEÜSE DE8 ANIMAÜX
ET FIE SA TRANSMISSION A L ESPECE Hl'MAINF.
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BIBLIOTHEEK UNIVERSITEIT UTRECHT
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DE LA
MALADIE APHTHEUSE
DES ANIMiUX
SA TRANSMISSION A L'ESPEGE HÜMAINE
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Le Docteur P. HULIN
CHEVALIER DE LA LEGION D'HONNEfR
EU^tfDITEUR
1873
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AVANT-PROPOS
Dans ces derniers temps les journaux de medecine, et surtout les publications de medecine veterinaire, se sont fre-quemment occupös de la fievre aphtheuse des animaux et de sa transmission, dans certaines circonstances, ä l'espece humaine. Des cas övidents de contagion ont 616 rapportes. Le 1er octbbre dernier, M. Bouley en a fait le sujet d'une
#9632;raquo;nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; communication ä l'Acadömie de Medecine de Paris. A cette
epoque nous avions dejä observe, dans un village pres de Louvain, des faits de cette transmission ä l'homme. En un laps de temps de moins de deux mois, la maladie y avait fait de si nombreuses victimes, qu'il nous ötait dös lors impos­sible de partager l'opinion de l'honorable et savant academi-cien, quant ä son innocuite cliez l'homme. Nous pensons, au contraire — et Yieux-Höverle nous en a fourni la triste preuve — que si le medecin n'intervient pas promptement et energiquement, la mort en est la terminaison assez fröquente, principalement cliez les enfants, lesquels offrent moins de
^nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; resistance au processus morbide.
Lc desir d'attircr l'attentiou des praticiens et des societes
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savantes sur cette affection nouvelle, qui etend encore le cadre nosologique, döjä si vaste, et l'espoir de jeter quelque lumiere sur une question qui intöresse au plus haut degre la salubritö publique, nous engagent ä publier nos observa­tions. Puissent-elles convaincre ceux qui doutent encore de la contagiosite de la stomatite aphtheuse et de l'absolue n6-cessitö de prendre des mesures efficaces pour en arreter les ravages!
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Nous commencerons cette etude par quelques considera­tions generales sur la fifevre aphtheuse chez les animaux; nous exposerons ensuite les faits de transmission et les ren-seignements recueillis par nous; nous en tirerons les deduc­tions pouvant servir ä l'histoire de cette maladie, non encore d^crite : les agents de contagion, la nature du mal, les moyens de prövenir celui-ci, les symptömes par lesquels il se manifeste, et le traitement ä lui opposer. Nous terminerons en publiant en son entier le rapport fait par un raembre de la Commission mamp;licale sur cette öpidömie, et nous mettrons ainsi le lecteur h meme de juger entre notre honorable con-tradicteur et nous.
Un mot encore : si nous avons lardö ä faire paraitre ces lignes, c'est que nous voulions completer nos observations et attendre la fin de l'epidemie. Nous la considärons aujour-d'hui comme Steinte; puisse-t-elle ne pas se r^veiller de sitöt!
Louvuin, imviev 1873.
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DE LA STOMATITE APHTHEUSE GHEZ LES ANIMAÜX
La stomatite aphtheuse Ou cocotte est une affection g^n^-rale, de nature öruptive, altaquant les animaux des espdces bovine, ovine et porcine.
Aprfes les symptomes göncraux de la periode d'incubation, des phlyctfenes, en nombre variable, apparaissent sur diffö-rentes regions du corps : dans la bouche, dans les espaces interdigites, sur les mamelles. Tantot de la grosseur d'uu grain de millet, elles atteignent parfois le volume d'une len-tille et meme plus. Ces vösicules renferment un liquide s^reux, assez limpide au debut, mais qui se trouble ensuite laquo;t devient opaque. Aprfes un certain temps, la vösicule se rompt, le liquide s'öcoule et il reste un uicere donnant lieu h une laquo;öcr^tion puro-sanguinolente. Celle^ci se concrete, fome une laquo;route, qui se dessfeche äson tour, twnbe et laisse wie peilicule epitiieliale de couleur plombee.
Gelte aflection sevit d'une mani^re ^pizootique ou enzoo-•tique.
Sa .cpntagioamp;ii4 iongtemps mise en doute, niest plus conr
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testable aujourd'hui. Ne serait-ce pas son seul mode de pro­pagation ? Les exemples de developpement spontane ne se-raient-ils que des faits de contagion mal observes, ou dans lesquels la maladie, parfois insidieuse, ne se serait revelee chez le contaminant par aucun phenomene exterieur? Cette question a une importance reelle au point de vue de la pro-phylaxie. Nous ne faisons que l'indiquer; c'est aux hommes competents qu'il appartient de la rösoudre.
Panni les agents de contagion, il faut citer en premier lieu ie liquide contenu dans la phlyctene, et celui secrete ä la surface de l'ulcere. Ä. l'aide de ce liquide on peut inoculer la maladie ä l'animal comme l'ont prouve les experiences uom-breuses qui ont ete faites.
Le lait jouit aussi de proprietes contagiferes que demontre ä l'evidence la grande mortalite des veaux nourris avec ce liquide non bouilli. Nous avons constate cette mortalite ä Vieux-Höverlö. II est probable que le lait puise dans le sang ses caractöres virulents; cette opinion n'est cependant pas admise par tout le monde, comme nous le verrons plus loin. Quoiqu'il en soit, l'ebullition damp;ruit le virus. On peut tirer de ce fait des consequences pratiques trfes-utiles.
La cocotte est une affection generalement benigne; il est rare que les animaux en meurent. Aussi le plus souvent les cultivateurs ne recourent-ils pas, pour la combattre, aux lumieres des hommes de l'art. Cette fausse söcurite peut leur etre funeste, et les rendre victimes de leur incurie, ou de leur ignorance. Cependant, eile revet parfois chez les jeunes sujets, chez les veaux, un tel caractere de gravite, qu'un grand raquo;ombre en meurent : leur organisme ne paraitpas pouvoir
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lutter avec avanlage contrc le mal. C'est ce que Ton a ob­serve en 1872.
Toutes les epizootics de stoiualite aphtheuse n'oul pas le meme degrö d'intensite. II en est de cette afl'ection comrae des epidemies de variole, de scarlatine, de fiövre typhoide, etc., lesquelles sont tantöt trös-legamp;res, tantot trös-graves, sans que Yon puisse en preciser la cause.Tons les vöterinaires sont d'accord pour reconnaitre a l'epizootie de 1872 uue raalignite exceptionnelle dans I'Europe entiere, malignite plus marquee encore dans certaines localites. De ce nombre se trouve la commune de Vieux-Heverle, situöe ä b kilome­tres de Louvain.
La fievre aphtheuse y a debute au comniencement de l'ete, et, a la fin de septembre, eile n'avait pas completement dis-paru; plus tard meme, des cas isoles se sont encore produils. Jamais, au dire des paysans, la maladie n'avait ete aussi generale, ni aussi grave que cette annee, et contrairement aux epizootics anterieures, eile avail ete tres-meurtriöre pour les jeunes sujets.
Nous avons visite differentes fois cette. commune avec M. Hugues, medecin veterinaire de 1quot; classe au 2deg; regiment de lanciers. Ce praticien savant et distingue nous a aide de ses lumieres et de son experience. II a suivi avec attention et jusqu'ä la fin, la marche de la maladie; et il en a fait le sujet d'une communication des plus interessantes a la Societe de Medecine veterinaire du Brabant (Stance du 20 octobre dernier).
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OBSERVATIONS
DE TRANSMISSION DE LA MALADIE DES ANIMAUX
A L'HOMME
Le 17 septembre, un fermier de Vieux-Heverle nous amene son fils, ägö de six ans. L'enfant se plaint de douleurs vives au pied droit. Nous constatons une inflammation intense du gros orteil, et ä la face plantaire, lä oü Töpiderme est trfes-epais, se trouve une phlyctfene volumineuse.
Nous croyons Ji une inflammation simple, suite d'une piqüre que l'enfant se serait faite en courant pieds nus. Mais, ä notre grand amp;onneinent, I'mcision, au lieu de pus, ne donne issue qu'ä un liquide jaunätre. L'epiderme enleve laisse ä decouvert une ulcdration superficieUe, ä fond gri-sätre, d'un aspect granulö et entouröe d'une aureole inflam-matoire.
Le pfere nous apprend alors qu'un autre de ses enfants, ägö de 2 ans, a eu les memes lösions aux pieds, et qu'il est mort (voir nquot; 5 de la statistique des d^eäs). Nos soupgons se portent immediatement vers l'existence possible d'une ma-ladie virulente, et ils se changent en quasi certitude lorsque le paysan, interrogö, nous repond que tout le betau de la commune a ete malade on Test encore; que plusieurs autres
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enfauts sont morts, qu'ils ont eu tous ou mal ä la gorge, ou des boutons sur le corps.
Le traitement que nous employons dans ce premier cas est le meme qui nous a rendu tant de services dans la suite; il consiste en cauterisations de l'ulcfere, applications, loco dolenti, de cataplasraes de feuilles de noyer, potion au quin­quina, regime tonique, etc.
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Voulant etudier sur les lieux raamp;nes cette affection si etrange, et si nouvelle pour nous, nous nous rendimes dans ce village le 21 septembre. Les renseignements recueillis confirmörent entiörement les dires du formier : la cocotte y regnait depuis plusieurs mois, presque tous les besliaux en avaient ete atteints et beaucoup de veaux avaient succombö. D'un autre cotö, les livres de Y6tat civil constataient une mortalite considerable parmi les enfants. Nous y avons re-leve les cas suivants, qui nous paraissent se rattacher inti-mement ä l'epidömie rögnante :
le Devroye, Jean Joseph, äg6 de 9 ans, decode lo 11 aoüt. ülcferes aux orteils.
2deg; Rentmeesters, Rosalie, ägee de6ans,decedee le 13 aoüt. Mal ä la gorge. Nous relaterons plus loin I'histoire do cette malbeureuse famille, dont Aous les membres ont et6 malades.
3deg; Vanvlasselaer, Guillaume, ägö do 4 ans, decide le 23 aoüt. Mal ä la gorge; salivation abondante.
4deg; Rentmeesters, Elise, ägöe de 8 ans, döc^dö le 1er sep­tembre. Mal k la gorge.
5deg; Nys, Antoinette, äg6e de 2 ans, döcamp;lee le 2 septembre. ülcferes aux pieds.
6deg; Rentmeesters, Antoinette, ägee de 6 semaines. Mal k la gorge.
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#9632;7quot;• Lefever, Jean Francois, age d'un aii, decede le 14 sep-tembre. Get enfant a eu mal a la gorge et a presenle uue vesicule suivie d'ulcere sur le doigt indicateur et des bou-tons sur la joue.
8deg; Vanderheyden, Francois, äge de 4 aus, decede 1c 19 septembre. Mal ä la gorge; ulcere sur le dos de sa main. 9deg; Vanvlasselaer, Florentine, ägee de 14 ans, decedöe le 2-1 septembre. Mal ä la gorge.
-10deg; Goossens, Gustave, äge de 8 ans, decede le 24 septem­bre. Mal ä la gorge.
Ainsi, dans l'espace de six semaiues, dix enl'ants ou ado­lescents etaient morts apres avoir eu des lesions ä la gorge et aux membres.
A ces dix deces ii laut ajouter les suivants, qui recon-naissent la meme cause.
1-1deg; Michiels, Felix, äge de 5 ans, decede le 29 septembre.
12deg; Micbiels, Philippe, ägö de 2 ans, decede le leroctobre.
13deg; Michiels, Anastasie, ägee de 7 ans, decedee le 4 oc-tobre.
Ces irois enfants ont äte atteints presque simultanement vers le 11 septembre. Les deux premiers n'ont souffert que de la gorge. Chez la jeune fille (n013) on a remarque une pustule sur le doigt medius de la main droite et des traces de lymphangite sur l'avant-bras. Deux autres enfants ont ete malades, mais ils ont guöri.
14deg; Michiels, Guillaume, äge de 10 mois, decede le 4 oc-tobre. Get enfant, quoique portant le meme nom, n'est pas de la famille des precedents.
II a souffert de la gorge et avail, nous a-t-on dit, une brü-lure ä la main et ä l'avant-bras (?)
15? Malcause, epouse Denruyter, ägee de 40 ans, decedee le 8 octobre. Mal ä la gorge.
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16quot; Dcnruyter, Anne, fille de la precedente, ägee de 12 ans, decödöe le 9 octobre. Mal ä la gorge.
Nous parlerons de cette famille dent nous avons traitä un fds.
17quot; Vandezande, Edouard, age de 17 mois, decede le 13 oc­tobre. Mal ä la gorge, plaie ä la main.
18quot; Vandezande, Jeannette, ägee de 4 ans, sceur du pr^-cädent. Mal k la gorge.
19deg; Denruyter, Jean-Baptiste, fds du nquot;lS, äge de lo mois, decäde le 15 octobre. Mal k la gorge.
20deg; Aerts, Francois, äge de 11 ans, decödö le 25 octobre. Mal k la gorge, taches noires sur le corps.
Cette famille est coraposöe de cinq enfants; tous ont et^ malades; Tun d'eux a eu un abces tres-volumineux au cou.
21deg; quot;Wouters, Pierre, äge de 16 ans, decede le 2 d^cembre. Mal a la gorge.
Dans cette maison trois enfants ont ete malades; l'aine, äge de 20 ans, a seul gueri. Nous l'avons vu en decembre, il portait des traces d'ulcöration avec perte de substance sur les amygdales.
22deg; Wouters, Guillaume, frere du precedent, ägö de 14 ans, decede le 16 decembre, apres avoir souffert de la gorge pen­dant vingt jours.
23deg; Vanhof, Marie-filisabeth, ägee de 3 ans, 9 mois, d^-cedöe le 20 döcembre. Mal k la gorge.
Nous avons examine le cadavre- de cette enfant. Nous dirons ce que nous y avons trouve, quand nous rapporterons riiistoire de cette famille.
Apres cette statistique, dont la signification n'ecbappera pas au lecleur attentif, revenons k la visite du 21 septembre.
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A cette date plusieurs enfauts etaient malades; en I'absence des m^decins trailants nous ne crüraes pas pouvoir les visi-ter. Toutefois les renseignements recueillis confirmaient entiferement notre opinion : il y avail lä une maladie öpid6-mique, attaquant les personnes de tout age, mais faisant surtout des victimes parmi les enfants.
fitait-ce une affection croupale, comma le preteudaient les m^decins de la locality, ou l'affection se rattachait-elle ä celle qui sevissait alors sur le bamp;ail ? Pour nous cette der-laquo;ifere hypothese etait la plus probable, eile devenait meme ctejä une conviction : la stomatite aphtheuse avail rögnö, ou rögnail encore avec intensity dans presque toutes les Stables; les renseignements obtenus, el le fait observe par nous, öta-blissaient, ä n'en pas douter, une correlation entre les deux actes morbides.
D'un autre cote, on ne trouvait pas les symptomes si carae-teristiques du croup, ni la marche rapide, ni la terminaison presque toujours fatale de la maladie; les enfants, qui Etaient morts, n'avaient pas tous present^ des phenomönes du cote de la gorge, el chez d'autres, il y avail eu, en meme temps que ces phenomenes, des ulcferes sur le corps, etc.
Quelle que soil Topinion que Ton admit sur la nature de l'epidemie, il y avail evidemment des mesures ä prendre dans rinlerel de la sante publique, et cela sans aucun retard. C'est ce qu'a compris, comme nous, l'auteur de l'enquete falle ulterieurement dans la commune.
Seulemenl nous parlions d'un point de vue tout k fail different. Pendant qu'il conseillait de ne pas admettre ä 1'ecole les enfants malades, d'aerer les salles aprfes la sortie des elfeves, de faire blanchir el laver les maisons, etc., nous recommandions, des le 21 septembre, d'isoler les animaux malades, de les faire trailer immödiatemenl par
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des hommes cosipetents, de proscrire l'usage du lait uoti bouilli et du beurre, provenant des animaux infectes, d'ap-peler un mödeciu dös qu'on remarquerait la moindre mani­festation du mal, etc.
De retour ä Louvain, nous crumes de notre devoir d'in-former le commissaire d'ärrondissement de la gravite de l'^pidömie, et de la nöcessite de recourir k des moyens eflB-caces pour la combattre.
Get eveil donnö k l'autorite, amena sur les lieux, le 11 oc-tobre suivant, un membre de la Commission medicale, charge d'etudier la maladie. Nous publierons son rapport. Ge document n'est pas sans interet; nous ne le commenterons pas, laissant ce soin au lecteur; nous nous bornerons k ex-poser les motifs pour lesquels nous n'admetlons pas ses conclusions.
La premiere visite ne nous ayant pas compi^tement satis-fait, et voulant acquörir une certitude plus grande encore, nous nous sommes rendus une seconde fois äVieux-Höverlö, le 27 septembre, accompagne de M. Hugues, dont nous avons döjä cito le nom, et de M. Grevecoeur, m^decin v6i6ri-naire du gouvernement.
Aprfes nouvel examen des lesions chez l'homme et chea Tanimal malade, aprfes comparaison, le doute n'laquo;5tait plus possible.
Nous avons visite ce jour-la la famille Vanh.... Felix, dont aucun membre n'a öte epargrie par la maladie.
Les vaches avaient eu la cocotte, et, circonstance impor-tante ä noter, ratable communique avec I'habitation.
Le pöre a ete le premier atteint: il a souffert de la gorge au commencement de septembre, et le 27 il portait encore des traces d'ulceration sur les amygdales.
L'ain^ des enfants, ägö de 16 ans, prösentait alors ä la
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plante du pied un ulcere ovale, d'un diametre de 2 cen­timetres de long sur 1 3/4 de large et offrant les caracteres que nous damp;jrirons plus loin (1),
Un autre gargon, äge de 12 ans, avait un ulcäre allonge ä ia partie inferieure et interne du gros orteil.
Chez une jeune fille, agöe de 7 ans, nous avons constate des ulcferes ä la face plantaire des deux derniers orteils et dans l'espace interdigitaire; un autre ulcere, de forme arrondie, de 1 centimetre de diamötre, se voyait ä la partie anterieure de la jambe.
Aucun de ces trois enfants n'avait de lesions ä la gorge. Ge ne fut que le 2 octobre que la fille se plaignit de ce cot^. A l'examen, nous trouvämes une phlyctöne ä la face interne de la lövre superieure; le liquide öcoule laissa ä nu un ulcfere caracteristique. Nous constatämes en memo temps sur les amygdales et sur le voile du palais des points blancs grisätres avec rougeur et gonflement de ces parties.
Le 8 octobre, la mere portait sur le bras droit un ulcere semblable Ji ceux observes chez ses enfants. Toutes ces lesions avaient commence de la meme manifere : point rouge, demangeaisons vives, bientöt phlyctene qui crfeve et se trouve remplacö par un ulcere. Celui-ci, modifie par le trai-tement, a gu^ri, dans ces quatre ras, apres quinze jours a un mois.
Chez G..., dont un fils etait morl trois jours auparavant, (nc 10 de la statistique des decfes), nous avons vu un jeune garpon portant sur les amygdales des ulceres en tout sem-
(1) Tons les ulceres observes par nous ont toujours presente les meines caracteres. Pour eviter les repetitions, nous prions le lecteur de sen rapporter a la description que nous en clonnons nu chapitre suivant.
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blables h ceux que nous constatons dans la Louche des vaclies dont ratable joint la maison.
Nous allons passer rapidement en revue les aulres cas que nous avons rencontres, et qui nous ont servi ä etablir les symptömes de cette maladie nouvelle. Nous renvoyons au chapitre suivant pour les caractferes des lesions et le traite-ment employe.
Virginie P..., epouse L..., '1er octobre, ulcere de 3 centi­metres ä la partie antöro-externe de la jambe gauche; ulcä-ration sur 1'amygdale gauche. Guörison aprfes 14 jours de traitement.
Vers le milieu du mois de septembre cette femme a perdu un enfant, äge de un an (n0 7 de la stalistique). Get enfant avait eu une vesicule sur le doigt indicateur, deux sur la joue, et avait souffert de la gorge.
Familie D.... La mere et deux enfants sont decedes (nos 13, 16 et 19); deux autres ont ete malades. Le 10 octobre, I'un d'eux, ägö de 14 ans, vint nous consulter. ülcere arrondi de 1 centimetre de diamkre ä la hanche gauche; un autre ulcere de meme forme et de meme dimension dans le creux poplit^. Le 17, mal ä la gorge, ulceration sur la l^vre införieure qui est fortement tumefiee, et sur les amygdales. Le 3 novembre, abcte volumineux sur la partie laterale droite du cou.L'ulcere de la hanche est gueri; celui du creux poplite a fait des progres et a atteint sect; millimetres de profondeur; un nouvel ulcere s'est montre sur la fesse gauche, et ceux des amygdales sont plus prononces. Guerison complete apres deux mois.
Francois Vanh..., äge de 16 ans, 21 octobre. Phlyctöne sur la deuxiamp;ne phalange de l'indicateur gauche, dämangeai-son : incision, liquide jaunätre, ulcere de six millimätres de diametre. Aucune lesion dans la gorge. Guörison aprfes dix jours.
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Felicie St..., ägee de 17 ans, 21 octobre. Vesicule occu­pant la face palmaire de la deuxifeme phalange du pouce; ulcfere sous le liquide. Le 25, mal ä la gorge, amygdales ulc^rees. Guerison aprfes quinze jours.
Familie R.... Le 6 decembre, nous voyons la femme R.... pour la premiere fois. Elle a une inflammation diffuse, siö-geant vers la partie postörieure du coude droit; un ulcäre, incompletement gueri, existe k la face palmaire. du doigt medius de la main droite. Elle nous dit que dans le courant du mois de septembre une vösicule, bientöt suivie d'ulcöra-tion, s'est montree en cet endroit.
Toute la famille a 6te malade. Deux enfants sont morts {nos 2 et 6). L'une, ägee de 6 ans, decedee le 13 aout, et l'autre ägee de 6 semaines. La mere nourraissait cette cler-niere alors qu'elle avail au doigt I'ulcere dont nous avons parie.
Vers la fln du mois d'aoüt, le pere a souffert de la gorge et nous constatons encore sur les amygdales des cicatrices avec perte de substance.
Les deux autres enfants, un gargon, ägö de 8 ans, et une Alle de 3 ans ont eu un mal de gorge et des boutons sur le corps, anterieurement ä notre visite.
Le 8 döcembre, rinflammation du bras de la femme R.... s'est limitöe. Entre [l'epicondyle et l'olecräne, nous consta­tons une tumeur arrondie, fluctuante, de la grosseur d'un oeuf de pigeon et dont l'incision donne issue ä du pus.
Le 11, l'incision linöaire s'est transformöe en un ulcöre arrondi d'un diamötre de 1 1/2 centimetre. L'ulc^ration fai-sant des progrös, nous cautörisons le 15, et dös lors la plaie change d'aspect, tend ä la guerison, qui est complete apres quinze jours.
Ce fait prouve que la femme R..., qui avait eu les symp-
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tömes äyidents de la maladie au commencement de septem-bre, n'etait pas encore gudrie en decembre; que le virus existait toujours dans le sang, et qu'ii a donnö des preuves de sa presence en transformant une plaie simple en un ulcfere caracteristique.
Le 21 decembre, informe que 1'enfant Vanh.... (n0 23 de la statistique) ötait mort, nous nous sommes rendu dans la commune, esperant pouvoir faire l'autopsie. Les parents s'y sont opposes; mais il nous a etö donne toutefois de constater sur les amygdales un detritus jaune grisätre, assez epais et sous lequel nous avons vu I'ulcfere bien caracterise.
La more avait eu un mal de gorge une quinzaine de jours avant son enfant, et des traces existaient encore sur les amygdales et le pilier anterieur du voile du palais.
Un fds, äge de vingt ans, portait depuis le mois de juillet un ulcäre arrondi de 3 1/2 centimetres de diamötre ä la partie antörieure de la jambe et il avait aussi souffert de la gorge.
Apres six semaines de traitement, cet ulcere, qui datait deplusieurs raois, etail entiferement gueri.
Familie C... Un jeune gargon, ägö de 7 ans, aeu mal ä la gorge, et a prösente une eruption sur le corps.
Au mois d'aoüt le pere a eu une phlyctfene, suivie d'ulcöra-lion, sur le dos de la main; la cicatrice existe encore.
Le betaii a 6t6 malade.
D..., Charles, äge de 86 ans, 3 janvier 1873. Ulcöre de forme ovale, de 2 centimetres de long sur 2 1/2 de large, siägeant k la panie antero-externe de la jambe gauche. Get ulcöre a commence par une phlyctene. Guerison aprfes quinze jours de traitement.
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Tels soul les fails que nous avons observes avec la plus grande attention. Ils nous fourniront les matöriaux ntees-saires au chapitre suivant.
Nous apprenons ä l'instant qu'un de nos confreres, mödecin ä H^rent, pres de Louvain, a, dit-on, observe dans la com­mune qu'il habile un cas Evident de transmission de la ma-ladie, d'autres fails analogues ont amp;e signals en France.
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DE LA MALADIE DANS L'ESPECB HUMAINE.
Des fails que nous venous d'exposer, nous croyons pouvoir tirer les deductions suivantes qui nous paraissent parfaite-ment etablies :
La fiävre aphlheuse du betail peut, dans certames circon-stances, se transmettre ä l'espece humaine et y developper une affection ayant une grande analogic avec la maladie mere.
Cette affection est grave chez les enfants; bieu que moins meurtrtere chez l'adulte, eile exige cependant toujours l'in-tervention active de la medecine.
Toutes les epizootics de stomatite aphtheuse ne jouissent pas de cette propriete uefaste. II faut un degre de malignite, de virulence tout a fait special, que fort heureusement elles ne possedent pas toujours. L'öpizootie de 1872 a-t-elle etö la premiere ä jouir de ce triste privilege? Nous serions lente de le supposer, car il n'est pas ä notre connaissance que dans les ^pizooties antamp;neures, on ait observe une semblable transmission.
Cette affection nouvelle et encore si peu etudiee, presente
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ime serie de questions tres-graves et bien difficiles ä resoudre en ce moment. Nous en indiquerons les princi-pales ä 1'egard desquelles nous emettons noire opinion, mais avec une prudente reserve, que justifient tres-bien du reste et la nouveaute du fait et la difficulte, souvent si grande, de pouvoir l'etablir sur des donnees materielles.
Quels sont les intennediaires de la transmission de la maladie a Vhomme!
L'agent le plus certain et le plus actifde cette transmission est le liquide coutenu dans la phlyctene, ou celui secrete a la surface de l'ulcöre chez l'animal. Des fails evidents d'inocu-lation de la maladie ä l'homme a l'aide de ce liquide, en prouvent les proprietes eminemment contagieuses. Nous pourrions citer les experiences de Hertwig, Marin et Villain, les inoculations de Cooper et Emery, etc.
L'absorption peut se faire ä la surface des muqueuses ou par la peau denudöe de son epiderme.
Nous avons remarque que les ulceres siegeaient assez sou-vent aux pieas. Nous nous demandons s'il ne faut voir dans ce fait qu'un efiet de rinoculation directe. Les enfants cou-rent pieds nus i la campagne; ils peuvent avoir une egrali-gnure, et en marchant sur un sol impregne de sanie deposee a la suite du passage des bestiaux, s'inoculer la maladie. Ou, le pied ne serait-il pas, comme les espaces interdigites chex les animaux, un lieu d'election pour la manifestation de la maladie?
Toutefois, les lesions se rencontrent aussi assez frequem-ment aux mains. Serait-ce vers les extremites que la nature pousserait le principe morbide pour s'en debarrasscr?
Les proprietes contagiferes du lait cm sont parfaitement
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etablies : la mortalite chez les aninaaux nourris avec ce liquide non bouilli, et l'exemple des veterinaires allemauds qui se sont donnes la maladie en faisant usage de lait frais provenant de betes malades, en sont des preuves convain-cantes.
Ne pouvons-nous pas croire que le lait puise ses principes nuisibles dans le sang ? Teile n'est pas, il est vrai, I'opinion de M. Jouet, qui pense que c'est par le melange, pendant l'acte de la mulsion, du liquide contenu dans les vesicules des trayons avec le lait, que celui-ci acquiert ses propriötes si funestes.
Quoi qu'il en soit, on ne doit jamais perdre de vue que I'in-nocuite du lait, qui a ete soumis h Mrallition, est certaine.
Le virus n'est pas detruit par le battage de la creme; et le beurre serait alnsi un troisieme agent de transmission.
Nous renouvellerons ici la question que nous posions il y a un instant, et nous demanderons si la propriete contagififere du lait et du beurre n'est pas la cause de la frequence des lesions dans l'arriöre-bouche, notamment sur les amygdales, parties qui sont en contact assez prolonge avec ces sub­stances aliraentaires pendant l'acte de la deglutition; ou, s'il ne faudrait encore voir qu'un lieu d'election dont Tanalogie s'observe chez les animaux. Chez ceux-ci, en effet, la bouche est le siege ordinaire de l'eruption, ce qui a fait donner ä la maladie le nom de stomatite aphtheuse.
La viande, qui n'a pas ete soumise ä une haute tempera­ture, transmet-elle raffectioa? Cette question ne pent etre resolue que par des observations cliniques nombreuses et par I'experimentation. Jusqu'aujourd'hui aucun fait n'est venu prouver que la viande de ces animaux soit malfaisante, mais il en est qui attestent sa parfaite innocuite, au moins quand eile a etc soumise ä la cuisson.
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Celte maladie nouvelle est-elle me affection generate, resul­tant de l'empoisonnement du sang par un virus inocule on intro-duit dans Viconomk, el dont Veruption ne serait que la manifes­tation exterieure ?
La nature chercherail-elle dam celte eruption une sorte d'emonctoire pour relimination du principe morbide?
Ce principe, n'etant pas detruit a la surface de l'ulcere, serait-il de nouveau resorbe, et de cette fapon repullulerait-il sans cesse dans le sang au point de rendre la vie incompatible avec cette alteration du flüide circulatoire ?
C'est lä un probleine ä plusieurs incoiinues.Nous ue faisons que le poser, bien que nous soyons porte ä lui donner une solution affirmative. Notre traitement a, du reste, ete base sur cette idee, et les resultats ont ete des plus favorables.
La communication de la flevre apbtbeuse etant admise, quelles consequences doit-on en tirer pour I'liygiene pu-blique ? En d'autres termes, quelles sont les mesures que les autorites doivent prendre quand la maladie sevit?
Nous croyons qu'il faudralt d'abord desabuser les paysans sur la pretendue benignite de l'affection, leur faire com-prendre qu'ils peuvent payer bien eher leur incurie; ordon-ner Tisolement des bestiaux malades, recourir aux hommes de Tart, s'efforcer par tous les moyeus d'arreter I'epizoolie, d'en eteindre le foyer; recommander la plus grande pru­dence aux personnes qui approcbent du betail infecte ; pros-crire l'usage du lait non bouilli, et du beurre ayant une ori-gine suspecte; appeler la serieuse attention sur l'urgence de consulter un medecin, dös qu'un Symptome de l'affection se montre soit h la gorge seit sur le corps. Ces moyens, bien employes, pourraient prevenir le retour de cette mortalite eftrayante, dont Vieux-Heverle a donne uu si triste et si pe­nible exemple.
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Quels sont les plienomenes par lesquels la maladie decile sa presence ehez I'homme?
II ne nous a pas ete donne d'observer la maladie dans la Periode qui precede Irruption et que Ton pourrait appeler periode d'incubation-
S'il existe des symptömes prodromiques, ils sont peu mar­ques, car aucun de nos malades n'a pu nous renseigner exac-tement sur ce point. L'cruption se manifeste le plus souvent daus la bouche et principalement sur les araygdales, sur la luette et sur le voile du palais. Nous l'avons rencontree ä la face interne des levres, et c'est lä seulemeut que nous l'avons vue a l'etat de vesicule. On concoit du raste que celle-ci ne resiste pas longtemps sur les amygdales, oü eile est facile-ment dechiree par le passage du bol alimentaire. Sur ces parties nous no l'avons jamais constatee que sous forme d'ul-ceres, plus ou moins etendus, generalement assez profonds et recouverts d'une secretion grisatre, pultacee. Apres gue-rison il restait souvent une perle de substance assez marquee. Nous n'avons observe d'autre toux que celle provoquee par le developpement de la luette; jamais eile n'avait le caracterc de la toux croupale. Dans quelques cas 11 y avait un leger coryza ou une salivation plus abondaute. La voix n'etait jamais completement eteinte ni meme notablement alteree, at la reaction febrile etait peu intense. Nous nous batons cependant d'ajouter que nous n'avons pas vu la maladie ä sa derniere periode lorsque la inert etait imminentc.
Quand 1'eruption existait sur le corps, eile siegeait, d'apres l'ordre de frequence, aux pieds, aux mains, sur les membres inferieurs et sur les membres superieurs. Jamais nous ne l'avons constatee sur le tronc.
Elle debute par un point rouge, occasionnant une cerlaine demangeaison, tres-variable, suivant les individus; bientöt
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apres l'epiderme se soulevc et une phlyctöne, remplie de serosite jaunätre, apparatt. Gelte phlyctene creve au bout d'un temps plus ou moins long, suivant la resistance de l'epi­derme, et le degre de demangeaison qui amene le sujet k se gratter.
Le liquide ecoule, ii reste sous l'epiderme une ulceration plus ou moins profonde, plus ou moins etendue. Tantöt eile n'entame que le derme, d'autres fois le tissu cellulaire sous-cutane, rarement eile va jusqu'aux muscles. Le plus souvent de forme arrondie ou ovale, eile mesure de o millimetres a 3 1/2 centimetres.
La surface est generalement granuleuse, recouverte d'un pus ichoreux, d'odeur nauseabonde.
Abandonnee ä elle-meme, cette lesion devient un ulcere rongoant. Apres plusieurs cauterisations eile se transforme en plaie simple.
L'ulcere gueri laisse une cicatrice, d'une couleur brune grisatre qui devient plus lard blanclmtre. Si la perle de sub­stance a ete considerable la cicatrice a un aspect reticule.
Quels soul les moyens propres ä combattre cette affection?
Nous n'avons pas la pretention d'etablir le traitement de cette maladie si pen connue; nous exposerons les moyens quo nous avons employes et qui nous out reussi.
Persuade qu'il y avait un principe virulent, qu'il importait de detruire sans retard, notre premier soin etait de caute-riser fortement les ulceres, soit qu'ils eussent leur siege dans la bouche, soil sur los amygdales, soit ä la surface du corps.
Le caustique le plus frequemment employe, et le seul dont nous ayions fait usage dans la bouche, a ete I'acide chlorhy-drique pur. La cauterisation etait repetee plusieurs jours de
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suite, el dans riutervalle, nous prescrivions, poui la bouehe, des gargarismes astringents et detersifs. Sur les ulceres cu-tanes, outre les cauterisations, nous faisions usage de l'on-guent egyptiac, de cataplasmes de feuilles de noyer; et, quand la partie le permettait, de bains locaux, composes de la decoction des memes feuilles. Plustard, quand la plaie etait modifiee. nous faisions un pansement au styrax. En meme temps nous prescrivions une potion au quinquina avec addi­tion d'aicoolature d'aconit et un regime tonique.
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Apres les tails evidents que nous avoiis rapportes dans le cours de ce travail, il semblerait qu'il ne puisse plus y avoir le moindre doute sur ia nature de l'epidemie qui a sevi ä Vieux-Heverle. Tous n'en jugent pas ainsi cependant, et M. Craninx, professeur a l'universite de Louvain, delegue par la Commission medicale provinciale, y a vu tout autre chose qu'une maladie provenant de la communication ä rhommo de la stomatite aphtheuse des animaux; 11 y a trouve.... une epidemie d'angine croupaleü le croup Hl
Le M octobre, il adressait ä M. le president de la Commis­sion medicale le rapport suivant :
laquo; Monsieur le PnEsiDESi,
laquo; Eu vertu de volre delegation et de la lettre de 31. le Gou­verneur, je me suis rendu aujourd'hui, 11 octobre, dans la commune de Vieux-Heverle. A ma demande, j'ai rencontre ä la maison communale M. le Bourgmestre, M. le Secretaire et deux medecins, qui ont donne leurs soins aux malades at-teints de la maladie regnante, un troisiöme docteur, absent pour quelques jours, n'a pu s'y rendre.
raquo; La commune de Vieux-Heverle, situee en partie sur un
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plateau eleve, a cependant une partie de la population qui habite dans un endroit bas et humide; c'est surtout lä qu'une Epidemie de fifevre typho'ide a regnö en 1858 et une de cho­lera en 1849.
raquo; Depuis lors, aucune maladie ^pidömique ni contagieuse n'avait regne dans cette commune, malgre une epizootic grave de stomatite aphtheuse qui y sevit en 1869.
raquo; D'apres la declaration du Bourgmestre et du Secretaire, l'affection aphtheuse, qui vient de ünir dans la commune, a ete intiniment plus lagere que celle d'il y a trois ans, et, h cette epoque, aucun enfant, aucun adulte n'a souffert de la gorge ni de la bouche.
raquo; M. le medecin veterinaire Crevecceur m'a declare que la stomatite aphtheuse a regne en meme temps dans les com­munes environnantes de Vieux-Heverlö, sans que des ma­ladies se soient developpees chez les personnes qui les soi-gnaieul ou nourrissaient.
raquo; La population de Vieux-Heverle compte environ mille ames; la maladie s'est developpee au commencement du mois d'aout, avant la maladie aphtheuse du betail, eile est presque eteinte aujourd'hui.
raquo; Cependant j'ai pu voir un jeune enfant oil I'aff'ection date de deux jours seulement. La maladie a atteint environ une trentaine de personnes, douze ont succombe, principalement les enfants, et les caracteres que j'ai pu constater ne me laissent aucun doute sur la nature de la maladie : malaise, agitation, fievre avant le mal local, aujourd'hui fausses mem­branes epaisses,- d'un Wane grisätre, sur les amygdales et la luette, respiration frequeute, bruyante, toux caracteristique, ce sont lä les caractferes certains d'une angine couenneuse, croupale et du croup, attaquant simultanemeni l'arriöre-
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houche, le pharynx el le larynx, ot qui expliquent la gravity de la mal.'uüe.
raquo; D'aprfes 'es renseignements des mödecins, les autres malades ont presente des symptomes analogues; quelques-uns ont öprouvä un öcoulement muqueux et fötide par la bouche et le nez. Une eruption s'est presentee, chez le petit uombre, sur les membres, resultat vraisemblable de l'infec-tion gen^rale, mais pas d'öruption aphtheuse dans la bouche, le caractöre essentiel de la stomatite aphtheuse.
raquo; J'ai visite un enfant convalescent, qui conserve encore une Idgfere toux croupale, signe certain que le larynx a amp;e le siege de la maladie.
raquo; Sans nier la possibility de la transmission de la stomatite aphtheuse des animaux ä l'homme, je ne crois pas que ce soil le cas dans cette circonstance. M.Bouley, mödecin v6tamp;-rinaire, vient de communiquer ä l'Academie nationale de France des faits övidents de la possibilite de cette transmis­sion ä l'homme et aux jeunes animaux surtout.
raquo; La mesure prise par l'autoritö communale de retarder Touverture de l'öcole jusqu'au 14 de ce mois, est fort sage.
raquo; J'ai recommandö d'öviter d'admettre ä l'ecole des enfants malades, de retarder l'admission des convalescents, qui sont souvent aptes ü transmettre la maladie, d'aerer les salles des classes apres la sortie des eleves, de faire blanchir et laver les maisons, enfin les Bourgmestre et Secretaire, MM. les docteurs Boghe et Martens m'ont promis de veiller ä lous les soins hygieniques pour que la maladie s'eteigne completement et le plus tot possible.
raquo; J'ai priö l'autöritö communale de tenir la Commission mödicale au courant de ce qui pourrait survenir ulterieure-ment et, dans l'occurrence de prevenir toujours immödiate-medt le president de la commission medicale provinciale
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lorsqu'une epidemic survient, comme du resle la loi I'exige. raquo; Veuillez agröer, Monsieur le President, Texpiession de mou respect.
raquo; Louvain, H odobre 1872.
(siSfn^raquo;GRANINX. raquo;
Nous regrettons de nous trouver en desaccord aussi com-plet avec un liomme qui passe pour une des sommites du monde medical. Mais c'est pröcisement parce que son opi­nion peut faire autoritö, que nous croyons devoir la combat-tre, persuade que les consäquences les plus graves peuvent rösulter d'une erreur de diagnostic,
Nous ne toucherons que les points du rapport qui ont trait ä la question en litige.
M. Craninx affirme, d'apres la declaration du Bourgmestre et du Secretaire, que l'öpidemie de stomatite a 6t6 plus beni-gne cette annee ä Vieux-Heverle que celle qui y sevit en 1869. Les habitants, en trfes-grand nombre, nous ont cependant dit le contraire. Entre ces deux affirmations contradictoires nous serious tres-embarrasse de cboisir, si nous n'avions pour nous öclairer, et la grande mortalite parmi les veaux dans ce village en 1872, ce que 1'on n'a pas observe en 1869, et la malignite extraordinaire de la deruiere epizootic dans I'Eu-rope entiere. II serai t tr6s-etonnant que Vieux-Heverle, qui se trouve dans de trfes-mauvaises conditions hygieuiques, cut pu faire exception. La vaine päture y existe encore; les prairies ou les bestiaux paissent en commun sont basses, humides, situees le long de cours d'eau, etc., toutes circon-stances favorables au developpement et h la propagation de la maladie.
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Si dans les communes environnantes il n'y a pas eu de cas de communication de raffection aux personnes qui soi-gnaient ou nourrissaient les bestiaux atteints, cela ne prouve rien contre la these que nous soutenons. La cocotte a r6gn6 dans un trös-grand nombre de communes, et les cas de trans­mission n'ont etö constates que dans peu de localites.
Aussi, nous ne pretendons pas que partout, toujours et dans toutes les circonstances, la maladie se transmet ä l'homme; il faut, nous le repetons encore une fois, un concours de con­ditions particulieres dont nous avons parle.
Nous sommes convaincu que Ton a induit l'auteur du rap­port en erreur, quand on lui a dit que la maladie s'etait d^-claree chez l'homme avant l'apparition de la fievre aphtheuse du betail. II est parfaitement exact, au contraire, et tous les habitants pourraient I'afflrmer au besoin, que la cocotte sövissait dejä des le commencement de Tete, qu'elle a durd pendant toute cette saison, tandis que ce n'est que le 11 aoüt que la maladie a fait sa premifere victime dans I'es-p^ce humaine.
Lors de l'enquete faite par M. Craninx, il y avail un assez grand nombre de malades dans la commune. Pour ce qui nous concerne, nous avions en ce moment sept personnes en traitement ct toutes preseniaient l'ulcere caractöristique. Nous sommes tres-ötonne d'apprendre par le rapport meme que M. Craninx se soit contente de voir un seul sujet et qu'il en tire des conclusions aussi positives. II estvrai qu'il a ren­contre dans ce cas unique tous les symptömes prodromiques et pathognomoniques du croup. II ne pouvait done rester aucun doute dans son esprit sur la nature de la maladie.
Nous reconnaissons volontiers que M. Craninx est un m6-decin trop consciencieux, pour döerire un seul Symptome qu'il n'eüt pas parfaitement constate; loin de nous la pensee
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d'ömettre sur ce poiiit le moimlre doute. Mais nous devons declarer que nous n'avons rencontre, dans les cas si npin-breux que nous avons examines, aucun des phenomönes si bleu döcrits par le professeur de Louvain. Si runique malade qu'il a vu avail le croup, ceux que nous avons trails n'en etaient certainement pas atteints. Jamais, nous n'avons ob­serve un seid des caracteres si positifs du croup.
L'enfant que M. Craninx a vu portait, si nos renseignc-ments sont exacts, une plaie sur le dos de la main. Le mamp;le-cin traitant lui aurait declare que c'etait une brülure; ce-pendant, personne ne se rappelait comment eile avait ete occasionnee. Un examen attentif eut probablement lait d^-couvrif l'ulcere caracteristique.
Toutet'ois, cette constatation meine n'etait pas de nature k ebranler la conviction de M. Craninx. En effet, il explique la formation de ces ulceres d'une fapon assez neuve et assez originale, il est vrai. Pour lui, eile est le resultat vraisem-blablede l'infection gänöraleü!
Nous ignorions que le croup eüt jamais donne Heu ä une infection generale se traduisanl de cette maniere. Nous vou-lons bien Tadmettre cependant : notre honorable contradic-teur ayant un nom dans la science, et une experience qui nous inspirent an certain respect. Mais pour qu'une teile infection existe, la maladie devrait etre arrivee ä sa derniere periode,k ce moment oü la medecine, helas! encore si impms-sante contre le croup, ne peut meine plus rien tenter pour sauver le malade. Et cependant nous n'en aurions perdu aucun! Une seule guerison serait döjii extraordinaire, mais un aussi grand nombre ticndrait du miracle, et vraiment nous ne sommes pas de force ä en operer.
Dans plusieurs cas observes par nous, reruption sur les membres a pröcede de plusieurs jours les symptomes du
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cöle de la gorge ; chez d'aulres loute la maladie s*est bornlt;5fe aux lesions constatöes sur le corps, il n'y en a eu aucune dans la bouche on dans les voies respiratoires. Ici övldem-ment l'infection gamp;iamp;ale du croup ne suffit plus pour expli-quer la presence des ulceres. Quand ces ulcörations exis-taient dans l'arriöre-bouche, elles n'avaient aucun des carac-tferes de la fausse membrane du croup; elles ötaient, au contraire, identiques ä celles observes dans.la bouche des animaux.
L'auteur affirme qu'il n'y a jamais eu d'eruption aphtheuse dans la bouche. II est possible qu'elle n'existait pas dans le seul et unique cas qu'il a vu, mais nous, nous I'avons ren-contröe, et souvent.
M. Craninx doit avoir 6t6 mal renseigne quand il declare que röruption sur les membres ne s'est manifestöe que chez le petit nombre. Nous I'avons, nous, conslat^e dans la plu-part des cas. N'a-t-elle pas passö parfois inapereue ou ne I'a-t-on pas considöröe comme uue brülure? S'il en etait autrement, nous aurions etö exceptionnellement priviWgiö!
Disons encore une fois en terminant que nous avons inter-Tog6 et observö soigneusement tous nos malades, et que pas un, n'a presente la toux, si caractöristique du croup, ni auciin des autres symptömes döcrits dans le rapport.
Enfin, s'il fallait produire encore un dernier argument eu faveur de notre opinion, nous dirions avec I'axiome: naturam morborum ostendit curatio. Comment expliquer la mortality si grande survenue chez les malades trails pour le croup par d'autres confrferes, et la guerison de fous les notres par les moyens cites plus haut ?
Ici se termine notre täche, du moins pour le foment; nous la reprendrons si les circonstances nous y invitent.
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