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LE CHARBON
YACCINATIOIV CHARBONNEUSE
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MoTTEliOZ, Adm.-Dircct. des Imprimcries mimes, A, iuc Mignon, 2, Paiiä,
BIBLIOTHEEK UNIVERSITEIT UTRECHT
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LE CHARBON
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VACCINATION CHARBONNEUSE
D APRES
LES TRAVAUX RfiCENTS DE M. PASTEUR
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72 r /fc/y.
GH. CHAMBERLAND
Anoien cleve de I'Ecolo normale snpericiire,
Dortenr cs sciences,
Directeni' du laboraloire lie M. Pasteur.
PARIS
BERNARD TIG1NOL, EDITEUR
15, QUAI DES GRANDS-AUGUSTIMS, i5
1883
Tons droits reserves
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A VON ILLUSTRE HAITRE
M. L. PASTEUR
Membre do l'Acadeinie Fran^aise et de rAcademie des Sciences.
Vos recents Iravaux sur le charbon el la vaccination charbonneuse out une importance si considerable au point de vuc scientifique, el sont appeles ä rendre de tels services ä l'agriculture, que de loutes parts on vous a exprimc le desir de les voir reunis el coordonnes.
Vous avez bien voulu me charger de cette taclie.
J'ai altendu, pour rentreprendre, de connailre les resultals fournis par la pratique de la nouvelle vaccina­tion. Ces resultals sont aussi satisfaisanls qu'on pouvait l'esperer des premiers efforts tentes pour en repandre I'application.
Les stalistiques dressees par MM. lesvelerinaires, sur les indications des cultivateurs eux-memes, ne laissent pas de don tea ce sujet.
Mon travail se divise en deux parties:
A
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VI
La premiere traite du charbon, de son etiologie et, des inesures ti prendre pour eviter la propagation de la maladie.
La deuxieme rend compte des experiences publiques de vaccinations charbonneuses faites en France et ä l'etranger, ainsi que des resultats pratiques obtenus a la fin de l'annee 1881 ct a la fin de l'annee 1882.
Apres avoir reproduit in extenso les Notes que vous avez communiquees k l'Academie des sciences on aux autres Societes savantes, je me suis attache ä etre un narrateur fidele des resultats consignes dans les rapports des Societes d'agriculture et dans les Notes de MM. les veterinaires.
Au moment de livrer ce travail ä l'impression, mon premier devoir est de vous remercier de la confiance quo vous m'avez temoignee. Elle m'irapose une nouvelle dette de reconnaissance qui s'ajoule ä celles, si nombreuses dejä, que j'ai contractees envers vons, depuis que vous m'avez fait l'honneur de m'admettre a travailler sous votre haute et bienveillante direction.
Veuillez agreer, Monsieur et eher Maitre, l'expression de mes sentiments respectueux et devoues.
Cir. Chamberland.
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17 Janvier 1883.
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VII
Paris, 18 Janvier 1883.
Mon cheu Chamberland,
Vous etiez uaturellement desigue pour la mise en ceuvre d'etudes auxquelles vous avez pris, avec M. E. Roux, uue large part.
Gelte publication contribuera ä eclairer les agricul-teurs et reduira ä leur juste valeur les contradictions qui se sont produites et qui sont inseparables de toutes les decouvertes nouvelles.
Agreez l'assurance de mes tres affeclueux sentiments.
L. Pasteur.
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PREMltRE PARTIE
CHARBON - ETIOLOGIE- PROPHYLAXIE
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PRELIMINAIRES
Avant de commencer l'etude d'une maladie prodaite parun etre infiniment petit, il me parait utile de dire quelques mots de gene-ralite sur ces etres qui jouent. un role considerable dans la nature.
Sous le nom d'cfm microscopiques ou microbes, on designe tons les etres vivants trop pelits pour etre vus a 1'ceil nu, tous ceux qu'on ne pent apercevoir qu'avec I'aide d'instruments destines ä les gros-sir un grand nombre de fois. Tels sont : le petit ver, appele tri-chine, qui procluitla trichinöse, et un acarus qui engendre la gale. Mais, parmi les elres microscopiques, il y en a qui sont encore tres petits relativement aux precedents, et qui s'en distinguent aussi parce qu'ils ne sont formes que par une cellule simple, ou parune reunion de cellules identiques pouvant vivre d'une fagon indepen-dante. Ce sont ceux-la qui out fait plus particulieremeut, depuis vingt-cinq ans, le sujet des recherches de M. Pasteur, et c'est a eux que je reserverai specialement le nom de microbes.
Faisons des infusions de diverses substances organiques, ani­mates ou vegetates, par exemple des infusions de foin, de levurede biere, de muscles de divers animaux, c'est-ä-dire mettons a digerer ces substancesavec de l'eau pendant quelques heures, soil achaud, soit a froid, puis fdtrons. Nous aurons des liquides tres limpides dans lesquels le microscope ne montre pas d'etres organises. Pla­tens ces infusions dans une chambre cliaude, entre 30 et 40 de-gres, et, apres un jour ou deux, tous ces liquides seront devenus troubles. On dit qu'ils se sont älteres.
Examinons au microscope et ä un grossissement de 400 ou 500 diametres une goutte de ces liquides. Un spectacle veritablement surprenant se presente alors a nos yeux : tout le champ est rempli
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4nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
d'etres vivants, les uns se mouvant avec une grande rapidile, d'autrcs plus lentement; quelques-uns sont immobiles. Leurs formes sont variees,surtout lorsqa'on examine des infusions de nature differente, ce qui tient a ce que chacuu de ces etres a besoin, pour vivre, de milieux ayantune composition deterrainee. On y remarque des filaments longs, flexibles, ayant un mouvement omlulaloire comme les serpents: ce sont des vibrions; puis des bätonnels simples ou articules, tres courts, mobiles, dans lesquels la lon­gueur ne depasse guere deux fois le diamelrc, et qui portent le nom de baderies. D'autres se presentent sous la forme de bäton-nets droits ou articules, mobiles ou immobiles, dans lesquels chaque article reste rigide: cesont des bacillus; d'autres enfin sont formes par des cellules ovales ou arrondies, isolecs ou groupees par 2, 4, 6, 8...., formant ainsi quelquefois des cbalnes ressemblant aux grains d'un chapelet: ce sont des micrococcus. Toutefois, il ne faudrait pas attacherune trop grande importance ä cette classifi­cation, car l'aspect morphologique de tous ces petits etres est va­riable suivant les conditions oü ils se Irouvent places. L'histoire naturelle de beaucoup d'entre eux est loin d'ailleurs d'etre faife, ct il serait premature de vouloir etablir une classification complete. II ne me parait non plus possible de trancher la question de savoir si ces etres doivent etre ranges parmi les vegelaux ou les animaux, cette question n'etanl pas encore suffisamment elucidee; eile n'offre d'ailleurs qu'une importance secondaire au point de vue qui nous occupe.
En voyant toutes les infusions se remplir de ces petits etres aux formes si variees, une premiere pensee se presente ä l'esprit. D'oü viennent-ils? Les liquides etaient d'abord limpides, puis tout a coup ils se troublent et se remplissent d'une multitude prodigieuse de petits etres vivants. Ceux-ci paraissent done nes spontanement, e'est-a-dire produits par le liquide lui-meme sous l'influence de la cbaleur. Ce fut bien lä, en effet, l'idee des premiers observateurs. Mais nous savons aujourd'hui, grace aux belles experiences de M. Pasteur, que ces etres viennent toujours de germes vivants for­mes anterieurement par des etres semblables. Sans doute on ne pent demonlrer que la generation spontanee est impossible, parce que dans les sciences d'observation on ne demontre pas une nega-
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GEiXEHALITES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;5
lion; mais ce que M, Pasleura demonlre, c'estque toutes les expe­riences par lesquelles on croyait I'avoir etablie, etaient erronees. ^S'il reste encore quelques observateurs qui croient k la generation spontanee, ils ne peuvent appuyer leur opinion que sur des vues de l'espril. Nous dirons done que, dans I'etat actual de la science, la generation spontanee n'existe pas.
II est d'ailleurs facile d'avoirdes infusions organiques restant in-definiment steriles, c'est-ä-dire ne donnant jamais naissance a des etres microscopiques; il suffit de les chauffer a une temperature de H5 a 120 degres, temperature qui detruit tous les germes ä I'etat humide. Differentes infusions qui ont ele chauffees de cetle fafon conservent leur limpidite primitive, lors meme qu'elles ne sont se-parees de l'air exterieur que par un tampon de coton qui laisse passer les gaz, mais s'oppose ä Finlroduction des particules solides qui existent dans Fair : parmi ces particules se trouvent precise-ment les germes des microbes. On pent manier ces liquides e( les mettre dans d'aulres vases suivantlesbesoins derexperimentation; ils resteront toujours indefiniment steriles, pourvu qu'on realise les deux conditions suivantes : eviter les germes de l'air, et ne se servir que de vases eux-memes prives de germes. La premiere condition depend beaucoup de l'habilete de rexperimentateur; quanta la seconde, il suffit de flamber les vases, c'est-ä-dire de les chauffer dans un fourneau a gaz a une temperature de 150 a 200 degres.
Avec ces balions sterilises, rien n'est aussi simple que de mun­trer la presence des germes dans l'air. Enlevons les tampons de coton de cent balions; attendons quelques instants, de fajon ä lais-ser tomber les germes comme tombent toutes les poussieres, puis remettonsle coton. An bout de vingt-quatre ouquarante-huit heures, on constate que cinquante, soixante, quatre-vingts balions et meme plus renferment des organismes. Le nombre des balions qui s'al-terent est tres variable, ce qui tient a ce que les germes en sus­pension dans l'air sont aussi en quantite fort variable. Ils sont beaucoup plus nombreux, par exemple, dans une salle qui vient d'etre balayeeque dans une aulre oü Ton n'est pas entre depuis plu-sieurs jours; ils sont plus nombreux aussi dans les villes que dans les campagnes, dans les plaines que sur les hautes montagnes, etc.
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6nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBÖNSEUSE.
Les germes ties microbes exislcnt egalemeut dans les eaux com­munes, et, en general, k la surface de lous les objcls. Si Ton in-troduit, en effet, quelques gouttes d'eau commune, d'eau de Seine, par example, ou des fragments de hois, de paille, de lerre, dans ces ballons steriles, au bout de deux ou Irois jours tous ces bal-lons seront troubles et remplis d'organismes.
On comprend maintenant pourquoi les infusions s'alterent tou-i)nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;jours lorsqu'on ne prend pas de precautions parliculieres. Les
germes, cause de I'alteration, proviennent, soil des vases, soil de i'air, soil des liquides.
Ainsi, il semble que partout autour de nous se trouvent des germes de microbes. Cependant, en realite, ces germes n'existent pas partout. Ils n'existent pas : 1deg; dans les eaux de sources au mo­ment oü elles sortent du sol; 2deg; clans les tissus et les liquides in­ternes des vegelaux et des animaux ä l'etat normal. On pent, en effet, seiner les eaux de sources, les sues des fruits, les muscles, le foie, la rate, la substance cerebrale, etc., des animaux, dans des infusions organiques steriles, sans provbquer en rien leur altera­tion. On pent ineme recueillir directement, avecunegrandefacilite, du sang, du lait, de la lymphe, de I'lmmeur aqueuse dans des vases flambes, et ces liquides, les plus alterables que Ton connaisse, se conservent indefiniraent sans montrer jainais le moindre organisme microscopique. Gette experience, qui est capitale au point de vue de l'etude des maladies conlagieuses, suffiraitpresque, soil dit en passant, pour demontrer qu'il n'y a pas de generation spontanee. On confoit que les germes, meme les plus tenus, n'existent pas dans les eaux de sources et dans les tissus internes des vegelaux et des animaux. De meme que I'air, en filtrant sur un tampon de colon, se depouille de toutes les poussieres et de tous les germes qu'il tient en suspension, de memeaussi les eaux de sources sont filtrees par leur passage ä travers le sol; les liquides qui servent k la nutrition des plantes sont filtres paries radicelles, et les aliments absorbes par les animaux sont filtres par les muqueuses des or-ganes de la respiration et de la digestion. Ajoutons que I'ecorce chez les vegetaux et la peau chez les animaux s'opposent egale­meut, du cöte de l'exterieur, k l'introduction des germes.
De ce qui precede il resulte que, au milieu de la souillure gene-
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GENERALITES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;7
rale de la terre, de l'nir et des eaux, le corps des etres vivants est ferme a rintroductlon des microbes. Mais qu'arrivera-t-il si, pour une cause fjiielconque, des germes passent dans rinterieur des tissus vegelaux ou animaux? II est aise de le deviner : qua sont, en eflet, les liquides qu'on rencontre dans les vegetaux et les animaux, si ce n'est de veritables infusions de la nature de celles dont nous venous de nous occuper? Deux cas pourront se presenter : ou bien ces germes ne trouveront pas les conditions propres ä leur #9632;vie eta lenr reproduction, et alors ils periront rapidement; ou bien ils trouveront des condilions favorables, ils pulluleront avec rapidite ct envabiront teuton parlie du corps de l'animal. Dans le premier cas, les germes auront ete sans action; dans le second, ils ameneront la maladie et souvent meine la mort. En se repro-duisant, en effet, et en envahissant le corps d'un animal, ces microbes ont profondement change les conditions de la vie. Soit qu'ils aient donne naissance, par leurs secretions, ä de veritables poisons, soit qu'ils aient enleve aux cellules du corps les elements necessaires ä leur vie, il n'en est pas moins certain que la com­position des liquides et des tissus de l'organisme a change. La maladie et la mort en sont la consequence naturelle.
Ce n'est pas lä une simple vue de l'esprit. Si Ton prend une in­fusion alteree, c'est-ä-dire remplie d'organismes, et qu'on en introduise quelques gouttes sous la peau de differents animaux, tels que cocbons d'Dide, lapins, moutons, ponies, etc., on observe presque taujours, cbez quelques-uns d'entre eux, des desordres plus ou moins graves. Le plus souvent ce sont des abces ou des cedemes qui s'etendent sur une grande surface, et i'animal est malade pendant plusieurs jours, mais se guerit ensuite; quelque-fois aussi il succombe ä une veritable infection, comparable, sous certains rapports, ä l'infection purulente chez I'homme ; d'autres fois encore il ne se forme pas ou il ne se forme que tres pen de pus a l'endroit de la piqüre, et cependant l'animal succombe. Dans ce cas, son sang ou ses tissus sont remplis par un ou plusieurs mi­crobes. Ce sont bien les etres microscopiques introduits sous la peau qui sont cause de la maladie et de la mort, car si 1'on chauffe les liquides avant de les inoculer, on ne constate plus qu'un petit desordre local tout a fait insignifiant.
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8nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Cette resistance variable que Ton observe chez les diflerents animaux peut tenir a. deux causes : la nature meme des liquides qui baignent les cellules de I'mdividu et la vitalite de ces cellules. En effet, il doit s'etablir entre les cellules desetrcs microscopiques et les cellules du corps une lutte pour la vie, lulte dans iaquelle I'animal guerit ou succombe, suivant que la victoire reste aux cellules du corps ou aux microbes.
C'est dans des fails de ce genre qu'il faut chercher I'explication des accidents qui survienneut frequemment ä la suite des opera­tions chirurgicales. II y a toujours un pen de liquide et du sang qui s'ecoulent de la plaie. Ces liquides, se trouvant au contact de l'air et des linges de pansement, vont se remplir d'organismes commc nos infusions; beaucoup seront inoffensifs, parce qu'ils ne pourront pas se developper dans le corps, mais si quelques-uns d'entre eux jouissent de cette propriete, ils pulluleront et produi-ront des desordres plus ou moins graves. Sous ce rapport, on peut dire que la moindre coupure, la moindre ecorcbure, peuvent arae-ner de graves maladies et meme la mort. Ce sont la des cas qui malheureusement ne se presentent que trop souvent. On pourrait citer plusieurs exemplcs rapportes par nos meilleurs medecins, et dans lesquels une simple saignee faite au bras a suffi pour amener des complications mortelles.
Quoi qu'il en soit, en inoculant ä des animaux de differentes especes des infusions ou des liquides organiques älteres, on peutetre assure d'eu trouver toujours quelques-uns qui seront malades ou qui mourront, de sorte qu'il esl possible de creer, pour ainsi dire ä vo-lonte, des maladies. Mais le but principal que nous devons nous proposer est moins de creer des maladies que d'etudier celles, trop nombreuses dcjä, qui attaquent riiomme et les animaux. Une pa-reille etude repose entierement sur ce fait que les liquides et les tissus internes des animaux ne renferrnent jamais ni germes ni organismes microscopiques dans leur etat normal, ainsi que nous venons de le voir.
C'est ce principe qui va etre applique, en particulier, ä l'etude du charbon.
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CHAPITRE PREMIER
IMPORTANCE DES PEP.TES CAUSEES PAH LE CHARBON. SYJIPTOJIES DE LA MALADIK.
On designe sous le nom de charbon tout un groupe de maladies generales, virulentes et contagieuses, de nature idenlique, mais se manifestant avec des formes diverses suivant les pays, I'espeee ani-male, le point de penetration de la maladieet les symptömes divers qua Ton observe. — De lä les noms de glossanthrax, etranguillon, antecoeur, noir-cuisse, mal noir, sang de rate, fievre charbonneuse, mal de montagne, paste de Siberie, spleen fever, pustule ma­ligne, etc.
Cette maladieattaque la plupart des aniraaux, mais surtout les herbivores et en particulier les moutons, les chevres, les vachesou boeufs et les chevaux. — Ella est tres repandue, car dans le monde entier il n'est peut-etre pas una contree oil ellc n'exerce ses ra­vages avec une plus ou moins grande intensite. Elle cause annuel-lement des pertes que Ton paut evaluer sans exageration a plus de cent millions da francs.
En France, eile sevit surtout dans la Baauca, dans la Brie, dans le Nivernais, dans le Berry, dans le Poitou, dans la Dau-pliine, dans la Bourgogne, dans FAuvergne, dans la Cliampagne.
Una slatistique a etc dressee par Delafond qui fut appele en 1842 dans les departements de Loir-et-Cher at du Loiret, et qui visita cinquante-quatre communes des arrondissementsde Blois, Orleans, Pithiviers. Cetta partie da la Beauce, dit Delafond, possede de beaux et nombreux troupeaux metis-merinos. Les plus petits fer-miers n'ont pas moins de 200 betes ä laine; la plupart ont de 400
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10nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;ClIARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
ä 500 betes; bon nombre comptent de 900 a 1100 merinos-metis dans leur troupeau.
D'apres uu receiisemeut fait par le prefet du Loiret dans deux arrondissements de ce departement appartenant autrefois en partie a l'ancienne Beauce, ilexistaitdanscelui de Pilhiviers 107 324 betes ä laiue; et dans celui d'Orleans, comprenant seulement les cantons de Patay, d'Arlhenay et de Neuville, on en comptaii 56 337 : ce qui donne un total de 103 601 betes a laine.
Or ces deux arrondissements ne forment que la buitieme partie ä peu pres da la Beauce; d'oü il resulte comme tres probable, que la Beauce possöde 1 309 288 betes ä laine. Cetteriche contree pent done etre consideree coijime une des provinces de France qui pro-duit le plus de belles betes ä laine, tant sous le rapport de la taille, des formes, du volume des animaux, que sous celui de la finesse et du poids des loisons.
Lamaladic de sang fait annuellement beaucoup de viclimesdans ces beaux troupeanx. Ce sont les plus belles, les plus jeunes brebis, les agneaux qui donnent le plus d'esperances qu'elle fait perir. Ce n'est que plus lard qu'elle sevit sur les betes ägees et de peu de valeur. Annuellement, et en moyenne, les pertes s'elevent ä 20 pour 100; et souvent dans les localites dont le sol est sec et calcaire, la mortalile va jusqu'au quart, au tiers et depasse parfois la moilie du troupeau. Gelte terrible maladie occasionne aux culli-vateurs une perte reelle qui s'eleve annuellement ä 2000 francs pour un troupeau de 400 betes.
D'apres les releves autbentiques fournis par le prefet du Loiret, le sang de rate aurait, en 1843, fait mourir dans rarrondissement dePitliiviers 23 359 betes ä laine ; dans celui d'Orleans 12 044; en tout 35 403. En estimant, en moyenne, chaque bete ä la somme de 25 francs, la perte des 35 403 animaux s'eleverait ä 885 075 francs. Or, si la Beauce entiere possede 1 309 288 betes ovines, il est pro­bable que le sang de rate en a fait mourir 35 403 X 8 = 28 3224, et que la perte en argent doit etre de 7 080 600 francs, chiffre calcule pour I'annee 1842.
M. Raynal fixe cette perte, d'apres une statistique plusreccnte, a un cbilfre un peu moins eleve, soil 5 340 000 francs represe.ntant la valeur de 178 000 moutons ä 30 francs I'un.
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STATISTIQÜE DES PERTES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;11
Aujourd'hui ces pertes sont encore sensiblement moimlres, mais alles depassent plusieurs millions.
Voici, en effet, ce que M. D. Ooutet, l'habile vctörinaire de Ghartres, ecrivait ä M. Pasteur ä la (in de l'annee 1881 :
laquo; Si j'cn appelle ä mes souvenirs, j'estime que, dcpuis quarante ans raquo; que j'excrcela medecinc vulerinaire en ßeauce, le cbarbon, sur nos
gt;nbsp; troisgrandes espuces doniestiquos, fail des ravages de moins en moins b nombreux.
raquo; Le cbarbon du cheval que j'ai vu frequent autrefois est aujourd'hui
gt;nbsp;presque nul et le charbon de la vathe ne fait de temps ä autre que raquo; quclques victimes.
raquo; Le cbarbon du mouton est beaucoup plus tenaee, et, bleu qu'il nie raquo; soil impossible de preciser le quantum de la mortalite qu'il deter-raquo; mine actuellement, je n'besite pas ä declarer cependant que ce quan-raquo; tuiu est aujourd'bui de beaucoup iuferieur aux cbifi'res iudiques par raquo; MM. Delafond et llaynal et cela pour deux raisons: 1deg; parce que, pour raquo; lamenie quantite de moutons,il en meint reellement moins ä present; * 2deg; parce quo le nombre des moutons est, cliez nous, beaucoup moins raquo; eleve qu'aulrefois.
raquo; Pour ces deux raisons, le monlant total de la perte annuelle que le i charbon determine aujourd'hui sur nos troupeaux devrait peut-etre raquo; etre ramenee ä deux ou trois millions ponr la Beauce et ä 200 ou raquo; 300 000 francs pour rarrondissenient de Ghartres seulement.
raquo; C'est encore lä un beau chiffre, ajoule M. D. Pgt;outet, une perte con-raquo; siderable donl, fort beureusement, vos precieuses decouvertes vont d nous exonerer completement d'ici peu. raquo;
Dans le departement de Seine-et-Marne egalement, certaines fermes payenttous les ans un lourd tribut äce lleau : les arrondis-sements de Provins, Fonlainebleau el Meaux sont toujours grande-menl eprouves; des fermes nombreuses y sont designees sous le nom caracteristique de fermes ä charbon: les mcilleurseultivateurs ne les loucnt qu'en trernblant.
Dans la haute Auvergne, dans le Cantal par cxemplc, sont des montagnes maudites ou les troupeaux laissent 10 ou 15 pour 100 de leur contingent, grace au mal de inontagne. Aussi ne faut-il pas nous etonner de voir dans ces pays entrer le charbon comme pre­vision dans le prix des fermages.
Voici d'apres Delafond les symptömes que Ton observe dans celte malad ie :
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12nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION CIIARBONNEUSE.
II ne faut pas croire, ditce judicieux observateiir, que la maladie de sang altaque les betes tout a coup et les fait perir en quelques heures. Dans l'immense majorite des cas, des signes avant-cou-reurs font reconnaitre que la maladie va bientöt sevir sur les trou-peaux. Ces preludes morbides precedent de plusieurs jours I'in-vasion du mal, mais ne frappent point des yeux peu exerces sur les maladies du menu bctail, parce qu'il faut lesconstaler en gou-vernant le troupeau dont les beles d'ailleurs paraissent jouir d'une bonne sante.
Les betes ä laine qui vont procbainement etre atteintes du cbar-bon ont une vivacite et une excitability qui ne sont point ordinaires. Leur regard est vif, on les voit quelquefois se dresser sur Tanimal le plus voisin; la peau generalement, mais surtout celle, fine et rose, qui forme les larmiers, qui recouvre le bout du nez et les oreilles, preud une teinte rouge vif. Une inspection attentive des yeux montre que les nombreux vaisseaux capillaires qui s'avancent de Tangle interne de Vccü dans repaisseur et l'etendue de la con-jonclive, sont parcourus et distendus par beaucoup de globules du sang. Le sang retire de la jugulaire de ces animaux est noir, se coagule en trois ou quatre minutes dans le vase qui I'a regu (il emploierait six ä sept minutes dans l'etat de sante), et on s'apergoit plus tard qu'il est tres riebe en globules, en albumine, et pauvre en elements aqueux.
Lorsque le troupeau parcourt en liberte, on voit ordinairement les betes les plus belles, les plus jeunes et les plus grasses s'arreter quelques instants, allonger la tetc, dilater les narines, ouvrir la bouche et respirer peniblement; mais cette dyspnee disparalt bientot. Beaucoup, dans l'intervalle de la distribution des aliments, lecbent les murailles et recbercbent les terres salpetrees. Apres le repas, le ventre se ballonne, mais toujours cette indisposition est decourte duree.
Ces signes acquierent une haute importance lorsqu'enforfantles betes ä uriner en serrant tout ä la fois la bouche et les naseaux, on voit s'ecouler une urine roussätre dejä sanguinolente, et qu'on s'aperf oit, au pare ou a la bcrgerie,que plusieurs toisons sont tachees de rouge par Turine des betes dejä malades. Enfin on a la certitude que le mal va attaquer plusieurs animaux lorsqu'independamment
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SYMPTOMES DE LA MALAD1E.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;is
de tons ees prodromes, on voit les excrements, ordinairement sees et moulcs sous forme de petites crotles, devenir mous, etre recou-verls d'une maliere glaireuse, blanchätre, Ires souvent sanguino-lente. Tons ces symptömes precurseurs se remarquent aussi dans les troupeaux dont quelques animaux meurent du sang, tous les deux ou trois jours. Ils indiquent assurement dans ce cas que la maladie existe dejä dans les betes qui les presentent et que bientöt eile va peut-elre s'aggraver, et faire perir l'animal rapidement.
C'est ce qui arrive, en effet, s'il fait un repas trop snbstantiel; s'il est expose ä l'insolation; s'ileprouve ['influence d'un air cliaud, charge d'electricite; s'il reste au pare pendant une pluie d'orage; s'il ressent les effets d'un changement subit de temperature. Alors la bete ä laine cesse de manger, reste en arriere du troupeau, respire vite et peniblement; sa vues'egare,elle fait quelques pas en trebu-chanf,ebroue, räle,rejetteun sang ecumeux par les naseaux, tombe ä la renverse, agite convulsivement les quatre membres, expulse une petite quantite d'urine sanguinoiente, rend parfoisdes raatieres excrementitielles teintes par du sang et expire apres cinq, dix, quinze, vingt minutes; ou bien une, deux, trois heures au plus.
La maladie n'estcependant pas loujours precedee de signesavant-coureurs; souvent l'invasion est brusque et la terminaison rapide. Dans ce cas, la bete est gaie, eile mange avec grand appelit, et pre-sente generalement toutes les apparences d'une sante parfaite, quand tont äcoup eile cesse de prendre des aliments ou s'arrete en les ruminant, s'allonge, se raecoureit, tournoie, tombe par terre, se debat convulsivement, expulse avec violence de l'ecume sangui­noiente par les naseaux, urine quelques gouttesde sänget meurtdans un intervalle qui varie de cinq ä dix minutes. C'est notamment lorsque les betes predisposees au sang sont exposees ä l'insolation, ä la poussiere, et pendant les journees et les nuits orageuses, qu'elles meurent ainsi et presentent les symptömes d'une asphyxie et d'une hemorrhagie interne.
Quant aux lesions laissees par la maladie sur le cadavre, elles sont de diverses natures :
1deg; Le cadavre se decompose rapidement, du sang s'ecoule par les cavites nasales, et le ventre se ballonne considerabloment.
2deg; Tantot siinultanement, tantötisolement, la peau et le tissucel-
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14nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
lulaire sous-cutane, la rate, les ganglions lymphaliques, les mu-queuses inteslinales, le poumoh, les reins, le pancreas, le Ihjmus dans les agneaux, les environs des parolides, le tissu du cerveau, les plexus clioroides de ce viscera et du cervelet, presententsucces-sivement toutes les lesions qui accompagnent les congestions san­guines suivics d'hemorrhagie.
3deg; Tous ces organes, toutes ces parlies, offrent leurs vaisseaux capillaires gorges de sang ou enormement distendus par ce liquide; ailleurs I'organe s'est epaissi, a augmente de volume par I'afflux considerable du sang, mais a conserve encore toute son integrite. 4deg; Ici, le sang est sorti des vaisseaux, a ruissele ä la surface des organes membraneux, comme dans les broncbes, les muqueuses digestives, le bassinet renal, la vessie; tandis que dans les organes composes de tissus nious tres vasculaires entoures d'une capsule propre ou de tissu cellulaire assez doux comme la rate, les reins, le poumon, les ganglions lymphatiques, le pancreas, le tbymus, les plexus choroldes, le sang non seulement a distendu, engorge les vaisseaux, mais encore s'est echappc peu a pen de leur interieur pour former des taches brunes, lenticulaires (ecchymoses), de pe-tits epancbements sanguins circonscrits ou des bemorrbagies par­tielles, enfin pour donner lieu ä une bemorrliagie complete dans I'organe dont le tissu ne forme plus avftcle sangqu'une parlie mol-lasse, se decbirant faiblement et laissant ruisseler, par la plus petile dechirure ou par la plus legere pression, im sang noir et tres epais. 5deg; Le cceur, les gros vaisseaux n'offrent rien de notable, le sang qu'ils renferment est liquide et tres noir.
6deg; Enfin il est digne de remarque que ces lesions sont d'autant phis repandues, plus profondes et plus graves que les betes ont un age plus voisin de deux ou Irois ans et sont dans un notable em­bonpoint; elles sont moins etendues et pluslegeres si les betes sont jeunes ou vieilles ou maigres.
Ces diverses lesions n'exislent pas toujours simultanement. Ainsi sur un animal, ce sont la rate et les reins qui les presentent; sur tel autre, la rate est peu inalade, e'est la muqueuse intestinale qui est noire et les intestins sont remplis de sang. Cliez celui-lä I'afflux se montre ä la peau, dans les capillaires sous-cutanes, et alors le sang ruisselle de toutes parts en separant la peau des tissus sous-
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SYMPTOMES DE LA MAUDIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 15
jacents. Enfin dans celui-ci ce sont les bronches, le poumon qui offrent les lesions les plus remarquables.
Cette description de la maladic du sang de rale chez les moutons est tres exaete, et dans Pimmense majorite des cas, eile est süffi­sante pour diagnostiquer l'infeclion charbonneusc. Cependant, des cas peuvent se presenter oü les symptömes ou au inoins une partie d'entre eux font completement defaut. Alors le pralicien est inde-cis, car 11 ne sait s'il a devant lui le charbon ou uae maladie voi-sine. Grace aux decouvertes recentes le doule qui pouvait subsister dans un certain nombre de cas n'existe plus. A cet ensemble de symptömes plus ou moins fugitifs et plus ou moins faciles ä appre-cier, on a substitue un diagnostic certain qui ne fait defaut dans aucun cas : c'est la presence dans le sang de petils bätonnetsdroils, casses et immobiles, visibles seulement au microscope et ä un gros-sissement de 400 ou 500 diametres, bätonnets qui ont repu le nom de bacteridies. Aujourd'bui on peut affirmer que toutes les fois qu'on rencontre ces bacteridies dans le sang d'un animal qui vient de mourir, on a affaire au cbarbon; toutes les fois au conlraire que les bacteridies n'existent pas, on peut affirmer que i'animal a succombe ä une maladie difforente du cbarbon. La bacteridie est done le criterium de la maladie charbonneuse.
Les Notes suivantes, communiquees aux Societes savantes et que je reproduis in extenso, vont nous montrer commenl on est arrive ä cette notion rigoureuse et comment, partant de la, on a pu etudier d'une fafon complete cetle maladie sur laquelle on a disserte pendant de si longues annees durant lesquelles beau-coup de bons esprits, malgre leurs longues et palientes recherclies, n'arrivaient pas ä s'entendre, ou du moins l'aisaient faire peu de progres touebant la veritable nature et l'etiologie de cette affec­tion. Le point de depart leur faisait defaut. Malheureusement, il faut le dire, ii en est encore ainsi pour un grand nombre de mala­dies contagieuses de l'homme ou des animaux. La marche suivie dans les travaux qui ont elueide completement et definitivement la maladie charbonneuse, peut servir de modele pour l'etude de toutes les autres maladies contagieuses.
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CHAPITRE II
CHARBON ET SEPTICE.MIE Par MM. Pasteur el Joubekt
PREMIERE NOTE
Acadiimie lt;les seicnocs, Ü0 avril 1877.
Au mois d'aoütl850, M. Rayer, rendant compte des recherches qu'il avail failes en collaboration de M. Davaine sur la conlagion do la maladie appelee sang de rate, dit :
laquo; II y avail en oulre dans le sang de petils corps flliformes, ayant raquo; envirou le douhle en longaeur dn globule sangaio. Ces pelits corps raquo; n'offraient point de mouvement spontane. raquo;
Tells est, quoiqu'on I'ait souveut conteste, la date veritable de la premiere observation sur les corps bacteriformes dans la ma­ladie charbonneuse. J'ai donne aux recberclies bibliographiqucs sur ce point d'liistoire de la science uue attention minutieuse, parce que M. Davaine, qui a ete, par ses travaux sur le charbon et la septicemie, Tun des promoteurs les plus autorises des questions que souleve aujourd'lmi en medecine et en Chirurgie le role des elements figures microscopiques, nous a appris que, s'il etait revenu en 18(33 sur son observation de 1850, c'etait ä la suite des reflexions que lui avail suggerees la lecture de ma communication de 18(11 sur la fermentation butyrique. J'armongais alors ä rAcademie que le ferment de cette fermentation, loin d'etre une matiere albu-minoide en voie de decomposition spontaneo, comine on le croyait, etait forme par des vibrions qui o.Treat les plus grandes analogies avec les corps filiforraes du sang des animaux charbonneux.
Oil. CH.VMBERI.AND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 2
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A celte meme cpoque do 1803, une aulre circonstance dut ai-guillonner la sagacile de M. Davaine, fiuoique ä son insu peut-elre. Je venais de demontrer (20 avril 1803) que dans l'etal de sanle le corps des animaux est ferme a toute introduction de germes exte-rieurs. J'avais reussi ä extraire de Tinterieur du corps, a l'abri des poussicres atmosplicriques et de leurs germes, du sang et de l'urine, et ces liquides s'etaient conserves sans manifester la moindre pu­trefaction au contact de l'air pur.
Peu d'annees aprfes, ,je rccounus qu'une des affections les plus quot;#9632;raves du ver ii sole etait la consequence de la fermentation anor­male de la feuille de mürier dans le canal intestinal, fermentation
produite par des organismes divers, et notamment par ces memes vibrions, agents aclifs de la putrefaction des matieres animates. Au sujet de ces vibrions et de leurs germes, je vis alors qu'il existe chez ces petits elres une sorle de parthenogenese. Apres qu'ils se sent reproduits pendant un certain temps par division spontanfie, on voit apparaitre eä et lä dans leur substance, jusque-lä translu-cide et homogene en apparence, un ou plusieurs corpuscules plus refringents que le restant du corps. Celui-ci se resorbe peu a pen autour de ces noyaux.
Des lors, a la place de la multitude de petils bätonnels simples ou articules en voie de division spontanee qui composent uu champ
de vibrions baguettes, on ne rencontre plus qu'un amas de points brillanls, une poussiere de petits grains de 1 ä 2 milliemes de mil-(nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; limetre de diametre. J'ai monlre que ces corpuscules peuvent subir
unedessiccalion prolongeesansperir, et que la poussiere infectieuse qui en rcsulte, repandue artificiellement sur la feuille de mürier, peut aller faire fermenter celle-ci dans le canal intestinal et pro-voquer la maladie et la mort de l'insecte (voy. p. 108, 250 et planche, p. 228, du tome Ier de mes Eludes sur la maladie des versa soie).
Dans im memoire remarquable public en 1870, le docteur Koch a constate que les petils corps filiformes decouverts parM. Davaine peuvent passer ä l'etat de corpuscules brillants apres s'elre repro­duits par scission, puis se resorber comme je viens de le dire pour les vibrions, et que ces corpuscules peuvent regenerer dans le serum et rimmeur de l'ceil les petites baguettes pleines, et, de
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CHARBON ET SEPTICEAIIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;19
meme que dans la maladie dite flacherie des vers ä sole, on doit penser que ces corpuscules peuvent passer d'une annee a I'autre ^ sans perir,prets ä propager le mal. C'est l'opinion du docteurKoch. Malgre les observations si precises de M. Davaine et du docteur Koch, les esprits sont encore partages au sujet de la veritable etio-logie du charbon. La contradiction sur ce point se rattache a des discussions d'un caractere plus general dont je dois dire quelques mots. L'attention des medecins ayant öteappelee ä diverses reprises depuis une vingtaine d'annees, sur le role des infiniment pelits, il est arrive qu'on a etendu outre mesure et prematurement les consequences des faits acquis. Or les exagerations des idees nou-velles amenent infaiiliblement une reaction qui, elle-meme, allant au delä de la verite, jelte la defaveur sur ce que ces idees nou-velles ont de juste et de fecond. Ceux qui suivent attentivement le mouvement medical actuel touchant ces questions, ä l'etranger el en France, doivent reconnaitre k divers symptomes, et comme centre- coup des exagerations dont je parle, que plusieurs medecins ou chirurgiens sont portes a douter que certaines maladies puis­sant etre dues ä des organismes microscopiqucs. Tout recemment, un critique judicieux, rendant coinpte d'une nouvelle edition d'un Traite de microscopic, disait:
laquo; .... On a remanie ce qui a trait aux maladies parasitaires et prin-raquo; cipalement au role des infusoires, vibrions et baetöries. Les auteurs raquo; estiment que Ton a singulieremcnt abuse de l'existence et du role de raquo; ces etres aniraes, et que Jamals ils ne devronUlre consiileres comme 1 donnant naissance aux maladies infectieuses. C'esltout au plus sileur j developpement pout Imprimerä revolution d'une maladle de ce trenre raquo; un caractere special, et si Von est en droit do les considerer comme raquo; les agents de certaines complications do ces maladies. raquo;
Le savant critique ajoute :
laquo;Ces idees sont conformes ä cellos que M. Paul Bert a recemment raquo; exprimees. raquo;
Leseffets parfois surprenants despansements celebresdu docteur Dr Lister et de M. Alpbonse Guerin ne recoivent pas de ceux qui en sont le plus partisans une explication conforme ä celle qu'en donnent les auteurs m6mes de ces pansements. Pour ce qui est du pansement de M, Alpbonse Guerin, I'Academie en a eu la preuve
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quot;20nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
dans le Rapport que lui fit, en 1875, notre savant confrere,
M. Gosselin.
Ces questions se compliquent encore lorsqu'on les envisage a un autre point de vue. La question de la generation spontanee s est transpoitee en effet dans le domaine medical, surtout en ce qui concerne les maladies contagieuses. Un membre de l'Academie de medecine ecrivait nagueie :
i La maladie est en nous, de nous, par nous. raquo;
Tout serait done sponlane en pathologie. Une autre ecole pro-clame, au contraire, que beaucoup de maladies sent toujours et necessairement transmises. Quel interet immense n'y aurait-il pas äsortirde ces incertitudes!
Depuis longtemps je suis tourmentu du desir d'aborder I'examen de quelques-uns des graves problemes ([ue soulevent les doutes qui precedent. Mais, Stranger aux connaissances medicales et veteri-naires, j'ai besite jusqu'a present, par la crainte de nion insuffi-sance. II me fallait, en outre, un collaborateur courageux et de-voue que j'ai trouve beureusemeut dans un des anciens elevesde l'Ecole normale, M. Joubert, professeur tres distingue du College Rollin.
Exisle-l-il une maladie ayant les caracteres du sang tie rale ou du charbon qui soit causee par le developpement dans le sang des animaux des petits corps filiformes ou bactcridies que M. Davaine a decouverts le premier en 1850? Gelte maladie doit-elle etre altri-buee en lout ou en partie ä une substance de la nature des virus? En un mot, est-il possible d'ecarter, toucbant la maladie charbon-neuse, les doutes et les contradictions dont je parlais toutäl'heure au sujet des organismes microscopiques? Tel est l'objet de cette premiere communication.
On comprend aisement la difficulte du sujet. Void une goutte de sang charbonneux : ellecontient des globules rouges plus ou moins agglutines coulant comme une gelee un peu fluide, des globules blancs en nombre plus grand que dans le meine sang normal et des filaments qui nagent dans le serum limpide.
On introduit la goulte sous la peau cl'un cocbon d'lnde, d'un lapin, d'un mouton, d'une vache, d'un cheval, et l'aninial meurt
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en vingt-qualre ou quaranle-huit heures, dans Irois on quatre jours au plus, et tout son sang ofiVe les caracleres physiques et virulents de la premiere goulte inoculee. Est-ce la bacleridio qui a agi, ou les aulres elements solides ou liquides qui 1'accompagnent et qui sereproduisent comme eile, dans reconomie? M. Paul Bert dit:
laquo; Jo puis faire perir la Ijuctei'idie dans la goulte de sang par l'oxygöne j comprime, inoculer ce qui resle et reproduire la malndio ot la mort j sans quo la bacteridie so tnontre. Done les bacteridies no sont in la j cause ni reifet necessaire de la maladie charbonnease. Ccllo-ci ost duo j ä un virus, j (Socieie de biologic, seance du 13 Janvier 1877.)
Le sang d'un animal, disais-je tout a I'lieure, expose a I'air pur, c'est-ä-dire prive de tonte particule solide, vivanle, ne so putrefic pas aux plus liautes temperatures de Falmosphere, et ne donne naissance ä aucun organisme quelconque. Des lors, une premiere question se presente a 1'esprit : abstraction falle de la bacteridie, le sang des animaux charbonneux a-t-il encore cctte purete extraor­dinaire des liquides de reconomie? En d'autres lermes, la bacte­ridie esl-elle le seul organisme qui existe dans le sang du charbon proprement dit? L'experience rcpond afflrmativement. Si le sang est exlrait du corps de l'animal charbonneux par des precedes semblables a ceux que j'ai employes jadis pour constater que le sang de l'economie est pur, on constate que ce sang charbonneux est imputrescible et que la bacteridie seule pent continuer de s'y
velopper. En consequence, il devient facile d'avoir la bacteridie a l'etat de purete, de la culliver dans ces conditions, hors du corps de l'animal, dans des liquides quelconques, ä la seule condition que ceux-ci soieut appropries ä sa nutrition, et de la conserver indefiniment, toujours pure, dans des cultures successives et va-riees, comme on cultive purs les moisissures, les vibrions et en general les divers ferments organises.
A l'origine de nos observations aotuelles, et une seule fois, nous avons fait venir de Chartres, par I'intermediaire d'un habile vete-rinaire de cette ville, M. Boutet, un peu de sang charbonneux. De-puis lors, la bacteridie, satis cesse cullivee, a passe maintes et maintes fois de nos vases de verre dans d'autres vases pareils ou dans le corps d'animaux qu'cllc a infecles, sans que sa purete ait
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quot;2-2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNKUSE.
ete un seul jour compromise. Si cela etait necessaire, nous pour-rions preparer des kilogrammes de la bacteridie charbonneuse en quelques lieures en nous servant de liquides artificials et morts, si Ton pent aiusi parier.
Tons les liquides nourriciers des etres inferieurs peuvent etre utilises, meine, ä la rigueur, les liquides artificiels et mineraux. Mais un de ceux qui convieiinent le mieux pour cet objet, ä cause de la facilitc avec laquelle on peut se le procurer rapidement et pur, en quantite quelconque, est I'lirine rendue neutre ou un pen alcaline.
Ces Tails et les methodes qu'ils suggerent vont nous servir a re-soudre les questions que nous nous sommes posees, a savoir s'il faut attribuer les effets du charbon a la bacteridie ou ä uu virus. Dans la solution minerale et artiticielle que j'ai employee autrefois pour la culture des ferments, composee de cendres de levure, de tartrate d'ammouiaque et de sucre, semons, dans des conditions de puretc irreprochab'n, unc infmiment petite quantite de sang char-bonneux : dans ce premier milieu prelevons une goulte pour semence nouvelle dans l'urine, de celle-ci passons a une urine nou-velle, et ainsi de suite pendant des moisentiers, puis iuoculons les bacteridies des dernieres cultures. Ces bacteridies ont exerceleurs ravages avec toule l'efficacite du sangcbarbonneux lui-ineme : I'ex-perience ne nous a laisse aucune incertitude ä cet cgard. On ne saurait done douter que la virulence du sang cliarbonneux n'appar-tient en aucune maniere ni aux globules rouges poisseux, ni aux globules blancs, puisque nos cultures, par leurs repetitions succes-sives indefinies, ont du eteindre absolumeut dans les dernieres cultures la presence des globules rouges et blancs deposes en quan­tite si faible dans la premiere culture.
Ce qui precede laisse enlieres les hypotheses d'une substance diaslasique soluble ou d'un virus ä granulations microscopiques. Un ferment diastasique soluble pourrait etre un produit de la bac­teridie, se regenerer, par consequent, en meme temps que celle-ci, et so trouver des lors dans la derniere comme dans la premiere culture. A fegard de la presence d'un virus, et tant la nature de ces derniers est encore obscure et mysterieuse, on peut, a la rigueur, faire une bypothese analogue. La bacteridie pourrait le
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produire, ou ce virus lui-meme, apres avoir eu sa premiere origins dans le saug cliarbonneux, pourrait se reproduire ä la fag-ou d'un organ is me.
Les experiences suivautes ecarlent completemenl la premiere hypolhese, celle d'uu ferment soluble. Qu'on vieune ä filtrer les liquides des cultures chargees de bacleridies ou le sang cliarbon­neux lui-meme, pris sur l'animal charbouneux qui vient de mounr, et qu'on inocule simullanement les liquides aonfiltres ctcesmemes liquides filtres, on constate que l'inoculation d'une goulte du liquide cliarbonneux avanl la filtration amene rapidement la mort, tandis que l'inoculation de dix, vingl, trenle, quarante et quatre-vingts gouttes du liquide fillre ost absolument sans effet. Sans aucun doute, si cette experience si simple et si probante n'a Jamals ele l'aite, c'est que la filtration dont je parle cst une operation des plus delicales et des plus difficiles. Les nioyens ordinaires sont loul ä fait inefficaces; 11 s'agit de filtrer, en effet, des liquides tenant en Suspension des filaments et des germes.dont les plus petits n'ont pas plus d'un millieme de millimetre de diametre. Apres bien des essais infnictueux, nous y sommes arrives avec uuc perfection qui ne laisse rien ä desirer.
Ces experiences de filtration eloignent completemeiit l'idee que le sang charbonneux ou la bacteridie puissenl porter avec eux une substance virulente soluble, mais il restc encore l'liypotbese, bien invraisomblable il est vrai, que dans les cultures un virus a pu se reproduire en meme temps que la bacteridie, virus charge de cor-puscules microscopiques, lesquels seraicut arreles paries matieres filtrantes, en meme temps que les globules du sang et les bacteri-dies. On se rappelte que M. Cbauveau a annonce quo les virus n'a-gissent que par les particules solides qu'ils tiennent en suspension. Ce nouveau doute ne peut tenir devant l'observation attentive des cultures dans l'urine ncutre ou legereraentalcaline. Ce liquide pent etre obtenu dans un etat de limpidile extraordinaire. Or voici com­ment se präsente le developpement des bactcridies dans ce liquide apres qu'il a ete ensemence. Du jour au lendemain, plus rapide­ment meme, on voit la bacteridie se multiplier en filaments, tout encbevelres, cotonneux, sans que le liquide, dans les intervalles des lilaments, soil le moins du monde obscurci, et sans que le
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24nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSE.
microscope puisse faire decouvrirclansce liquidelemoindrecorpus-cule organise ou amorphe, si ce n'est les longs fds de labacleridie.
En resume, la baclcridie pent se multiplier clans des liquides artificicls, indcfinimenl, sans perdre son action sur Teconomie, et il est impossible cradmettre que, dans ccs conditions, eile soit accompagnee d'une substance soluble ou d'un virus, partagcant avec eile la cause des cffels du sang de rate ou de la maladie char-bonneuse proprernent elite.
Nous esperons donner bienlot la veritable interpretation des experiences de M. Paul Bert.
ßien des questions sont encore a resoudre concernant la mala­die charbonneuse, sans compter celles qui se rapportent aux moyens preventifs ou curatifs du mal et ä Vhabitat d'origine de la bacteridie. Nous avons la confiance que les methodes dont nous faisons usage nous penneltront de les resoudre.
DEUXIEME NOTE
Acailemie dos sciences, IG jnillet 1877. Acndemiii de medecine, 17 juiüet 1877.
Les experiences dontj'ai rendu compte ä rAcademie cn mon nom et au nom de M. Joubert, le 30 avril 1877,ont demontre sans repli-que qu'il existe im organisme microscopique, cause unique de la terrible maladie qu'on designe sous le nom de charbon : c'est la bacteridie apergue pour la premiere Ibis par le clocteur Davaine, en 1850.
Le travail le plus recent sur l'etiologie de la maladie charbon­neuse est du ä M. Paul Bert. Ses experiences l'avaient conduit ä metlre en doute le röle que le docteur Davaine et beaueoup d'autres, sans cesse combaltus, il est vrai, par de non moins babiles obser-vateurs, avaienl altribue ä Torganisnie donl je parle.
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Toutes ces contestations avaient leur raison d'etre, parce qua personne, suivant nous, n'avait apporte de preuves detisives'dans le debat. Le docteur Davaine, qui avait le plus approche du but, - -avail donno lui-meme des armes ä la contradiction par ses etudes si remarquables sur la seplicemie. On sail en effet que, prenant pour point de depart certains faits decouverts par MM. Coze et Feltz et qui font le phis grand honneur ä ces physiologistes, fails relatifs ä 1'augmentation de la virulence de la putrefaction, en passant, si Ton pent ainsi dire, dans reconomie d'un animal vivant, Davaine nous a appris quo des fractions de goutte infinitesimales d'un sang virulent peuvent donner la mort. Pour eloignertoute liypothese de l'existence simullanee d'une maliere virulente associee ä la bacle-ridie dans le sang charbonneux, il fallait done par des cultures cent fois repetees de la bactcridie, purifier celle-ci ä tel point, qu'il devlnt impossible de supposer qu'elle eüt conserve quoi que re soit de la goulle de sang microscopique qui avait servi de point de depart aux cultures; ct, appliquant en dernier lieu une filtration parfaite ä la bacteridie nee dans un liquide d'une limpidite irrepro-chable, il fallait montrer que le liquide filtre, debarrasse de la bac­teridie, (Mail absolumenl inoffensif. C'est cet ensemble de preuves que notre Note du 30 avril a fait connailre.
Je dois ajouter, a l'iionneur de M. PaulBert, qu'il s'empressa de venir prendre connaissance de nos experiences, et qu'apres les avoir reproduites il en a reconnu 1'exactitude devant la Soclele de biologie, qui avait regu ses premieres communications. Voici com­ment il s'cxprime :
laquo; M. Pasteur ayant bien voulu me donner quelques gouttes de cette urine oü il cultive des facteridies, j'inoculai un coclion d'Inde qui mourut trente beures apres, son sang fourmillant de bacle-ridies. Or ce sang, donl la virulence etait extreme, comme le prou-verent d'autres inoculations, perdit coinplölemcnt toule vertu, soit apres un sejour d'une semaine dansl'oxygene comprime, soit apres raclion de I'alcool concentre.
raquo; C'etaient done bien, dans ce sang, les bacteridies qui occasion-naient la mort. raquo; (Societe de biologie, seance du 23 jnin 1877.)
Tout ä I'lieiire je dirai comment la sagacite de I'eminent phvsiologiste a qui i'lnstitut decernait naguere le grand prix
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26nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
biennal (I) fut mise en defaut par la confusion des connaissances veterinaires actuelles sur les maladies charbonneuses.
En resume, le charbon doit etre appele aujourd'hui la maladie de la bacteridie, comme la trichinöse est la maladie de la trichine comme la gale est la maladie de racarus,qm lui est propre, avec cette circonstance, toutefois, que, dans le charbon, le parasite, pour elre apergu, exige l'emploi du microscope et de forts grossisse-ments. C'est la prämiere maladie parasitaire connue de cette sorte et, ä ce titre, eile a une importance exceptionnelle. C'est cette maladie oü, entre autres symptomes, la rate augraente de volume, devient noire etdiffluente sous la moindre pression, oü les globules du sang so moutrent en amas agglutinatifs, et qui, a peine les pre­miers symptömes exterieurs du mal commence, amene le plus sou-vent une terminaison fatale dans I'iatervaUe de quclques hcures ; enfin dans laquelle, au moment de la mort, le sang dans toutes les parlies du corps est rempli de petits filaments d'une grande teauite et immobiles.
Les proprictes physiologiques de la bacteridie charbonneuse sont fortdignes d'altention. Dans ma lecture du 30 avril, j'ai rap­pele que j'avais deceit autrefois un mode de generation des vibrions qui avail passe inaperfu el dont rimportance pbysioiogique gran-dil cliaque jour. II consisle essenliellement dans une formation de corpusculesqu'on pent appeler kystes, spores on conidies, suivant le point de vue oü '.'on se place pour la classification du genre vibrionien. Je me servirai volontiersdel'expressiondeco/'pMvcK/i'S brillants, qui rappelle un caractere frequent dans cos sorles de gennes el qui frappe rallcntion do robservateur, ou celle de cor-puscules-gennes qui rappelle leur fonction pbysioiogique.
Depuis que j'ai signale ce mode de reproduction des differenles especes de vibrions, on I'a relrouve dans toule la serie des especes de ces elres microscopiques el le docleur Koch I'a mis en evidence le premier pour la bacteridie charbonneuse. Les vibrions, les bac-teries, les bacteridies peuvent done revetir deux aspects essentiel-lement dislincts: ils sont en fils translucides delies, de longueurs
(1) Depuis, M. Paul Bc-rt a ete, en 1882, elu membre de l'Acadämie des sciences on romplacement de M. Bouillaud ilecede.
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variables, se multipliant rapideraent par scissiparite; ou bien on les trouve en ainas de petits corpuscules brillauts formes spontanement dans la longueur des articles filiformes qui se separent ensuite et constituent alors des atnas de points paraissant inertes, mais d'oü peuvent sortir, en realile, d'innombrables legions d'individus filiformes, se reproduisant de nouveau par scissiparite, jnsqu'ä ce qu'ils se resorbent a leur tour en corpus-cnles-germes.
La resistance des etres dont nous parlous aux causes diverses de. leur destruclion est essentielleraent differente suivant qi'on les considere dans leur forme de filamenls ou dans celle de corpus­cules. La dessiccalion et une elevation de temperature, meine faible, bien inferieure ä 100 degres, font perir les filaments. Les corpuscules-germes, an contraire, resistent souvent ä la tempera­ture de 100 degres. Nous avons meme reconnu que les gennes des bacteries des eaux communes supportent, ä l'tot sec, ties tempe­ratures de 120 et 130 degres centigrades; aussi esl-ce sous la forme de ces corpuscules que les diverses especes de bacteries et de vibrions se trouvenl disseminees dans les poussieres ä la surface de tons les objets de la nature, toujours pretes pour la reproduc­tion. C'est encore sous cette forme qu'on les rencontre dans les eaux connnunes, d'oü on pent les extraire par un proccde fort simple qui consiste aabandonner une eau commune quelconque ii une temperature constante pendant quelques jours. En raison de leur poids specifique plus grand que celui de l'eau, les corpuscules dont il s'agit, se rassemblent an fond des vases et d'une fagon si sure, que si Ton vient äsemer simultanement dans un milieu appro-prie l'eau des coucbes superieures et celle des couches prolbmles, le liquide nutritif reste absolument sterile dans le premier cas, tandis que dans le second les bacteries y pnllulent. Pour ces expe­riences nous avons eu recours ä la temperature tout a fait inva­riable des caves de l'Observatoire que noire illustre confrere, M. Le Verrier, a mises obligeamment ä notre disposition.
Ce mode de separation des gennes de la famille des vibrioniens s'applique avec unegrande precision ä la bactcridie charboimeuse.
II etait tres interessant de comparer la resistanceä la mort de eel organisme dans son double mode d'existence, sous sa forme de
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-28nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
filaments pleins, ilolies, de longueurs variables et ä l'etat de cor-puscules brillants.
Dans I'aniinal charbonneux, an moment de lamort, la bacteridie est exclusivemcnt lormee de filaments articules sans le moindre corpuscuie-genne. Au contraire, une culture dans I'mine donne, apres un repos de quelques jours, une grande abondance de cor-puscules brillants, associes ou non ä des bacteridies filifonnes. Si rou precipite par Falcool le sang charbonneux et qu'on fasse des-secber rapidemcnt le precipite qui enl'erme dans ses mailles toutes les bacteridies, celles-ci, sans exception, deviennent inertes. La meine operation appiiquee aux corpuscules-germes de la bactemlie conserve ä ces derniers leur forme, leur as|)ect et leur puissance d'inoculation ulterieure ou leur faculte de devcloppement dans I'urine ueulre. On clemontre ainsi qu'ils n'ont rien perdu de leur vilalite propre et de leur terrible action dans recouoinie.
M. Paul Bert, dans ses beaux travaux sur l'einploi de roxygene ä baute tension comine procede d'invesligation physiologique, a reconuu qua Toxygene comprime determine rapidemcnt la inort cliez tons les etres vivants. Appliquons celle melhode ä la bacte­ridie cliarbonneuse d'une part et de l'autre a ses corpuscules-germes : I'experieiice demonlre que la bacteridie perit facilemont au contact de I'oxygene comprime ä 10 ou 12 atmospheres; mais nous avons pu maintenir les corpuscules-germes pendant vingt et uu jours ä 10 atmospheres d'oxygene pur, sans leur faire perdre leur faculte de reproduction. La compression appiiquee ii du sang cliaibonneux pent done donner lieu a deux resultals en apparence tout ä fait contradicloircs. Si le sang ne renferme que des bacte­ridies ä points brillants, il est aussi dangereux apres qu'avant la compression.
Poursuivons l'etude des proprietes physiologiques de la bacte­ridie. La bacteridie absorbe pendant sa vie I'oxygene de l'air, et jusqu'aux dernieres portions, en degageant un volume de gaz carbonique sensiblement supericur. J'ai demontre anterieurement qu'il existait des etres pouvant vivre, se mulliplier et reconstituer leurs germes absolunient hors du contact de l'air, c'est-ä-dire sans oxygene libre. Ces etres, qui sont les ferments par excellence, empruntent I'oxygene des materiaux dont leur corps est forme ä
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des substances oxygenees toutes 1'aites. Ln bactemlie charbonneuse n'est point un etre de cette nature. Pour vivre et pour se repro-duire, eile a besoin d'oxygene ii I'etat libre ; c'est done un etre adrobie qui n'agit pas ä la maniere des ferments proprement dits. Tout liquide renfermant les el6ments essentiels de la nutrition des moisissures, des bacteries, des vlbrions, etc., est propre ä son developpement, s'il est aere. Lorsque I'oxygene a disparu, tout developpemcnt de l'organisme s'arrete. Bien plus, il finit par se resorberen Ires flues granulations amorphes tout ä fait inoffensives. II resulte de ces diverses circonstances qua si la bacteridie reussit ä penetrer dans le sang et ä s'y multiplier, tres promptement eile provoquel'asphyxieenenlevant aux globules I'oxygene necessaire a rhematose. De lä cette couleur noire du sang et des visceres au moment de la mort, qui est un des caracteres de la maladie char­bonneuse.
Mais d'oii provient cet autre caractere de I'etat agglutinatif des globules du sang, signale par tous les observateurs? C'est encore la bacteridie qui le determine. Dans ma communication du 30 avril, j'ai dit qne nous avions trouve un mode de filtration (il consiste dans l'emploi du plätre et de Taspiration par le vide) qui est si sur, que du sang charbonneux rempli de bacterldies n'en coijtient plus uue seule apres qn'il a ete filtre, ni germes quelconques, ce dont on a la pieuve par celte double circonstance que le sang devient imputrescible an contact de l'air pur et que, ensemence dans un liquide propre ä la nutrition des bacteridies, celles-ci n'apparaissent en aucune fagon. Aussi ce sang filtre pent etre injecte impu-nement dans le corps sans produire le charbon ni le moimlre desordre local. Mais ce sang charbonneux filtre, mis en contact avec du sang frais et sain, rend aussitot les globules aggiutinalifs, autant et plus qu'ils neje sont. dans la maladie charbonneuse, peut-etre par la presence d'une diastase que les bacteridies out formee.
Malgre la rapidite avec laquelle on voit la bacteridie pulluler dans la maladie charbonneuse, on aurait tort de croire que le sang normal est tres propre a la nutrition de ce parasite. Je m'explique sur cette apparente contradiction. Chez les elres inferieurs, plus encore que dans les grandes especes animates et vegetales, la vie empeche la vie. Un liquide envahi par un ferment organise ou par
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un etre aerobie permet difficilement la multiplicalion d'an autre or'rmiisme infciieur, alors meine que ce liquide, considere dans son (Mat de purcle, est propre ä la nutrition de ce dernier. Or il faut considererque lesang vivant, c'est-ä-dire en pleinecirculation, est rempli d'une multitude infinie de globules qui out besoin, pour vivre et pour accomplir leur fonction physiologique, de gaz oxygene libre : on pent dire que les globules du sang sont des etres aerobies par excellence. Lors done que la bacteridie charbonneuse penetre dans nn sang normal, eile y rencontre un nombre immense d'indi-vidualites organiqucs pretes ä ce qu'on appelle queliiuefois, dans un langage image, la lutte pour la vie; pretes, en d'autres termes, ä s'emparer pour elles-memcs de l'oxygene necessaire ä l'existence des bacteridics. G'est, ä notre avis, la senle explication rationnelle des fails suivants. Les oisoaux, on le sait, ne contractent pas le cliarhon : vient-on ä prendre du sang de poule snr ranimal vivant, ce sang hois du corps, et inicnx encore son serum, se montrent tres propres ä la culture de la bacteridie. Dans l'intervalle de vingt-quatre heures, ellc s'y raultiplie considerablement; mais si la semence de bacteridie est porleedans la jngulairc meine de la poule vivauto, nou seulement eile ne s'y mulliplie pas, mais le micro­scope est promptement irnpnissant ä en signaler la presence.
Ce qne je dis ici des globules du sang des oiseaux est vrai cgale-ment dans une certaine mesure des globules du sang des animaux qui peuvent conlracter le cbarbon. La bacteridie injectee dans la jugulaire d'un cochon d'Inde en pleine sante ne s'y developpe que tres difficilement, et la mort n'arrive pas plus vile qne par uneinoculation sous-cutanee; tandisque, deposeedans lesangdecet animal, hors du corps, la bacteridie remplit le liquide en qnelques heures.
Ces fails et ces vues precom;ues nous ont conduits aux tres cu-rieuses experiences snivantes :
L'urine, ai-je dit, neutre ou legerementalcalinc,cst un excellent terrain de culture pour la bacteridie; qne l'urine soil pure el la bacteridie pure, et dans l'intervalle de quelqucs heures celle-ci est tellcment multipliee, qne les longs filaments qui la composent rernplissent le liquide d'un feutrage d'aspect cotonneux ; mais si, an moment de deposer dans l'urine les bacteridies litre de
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seraence, on seme en outre un ofganisme aerobie, par exemple une des bacteries communes, la bacteridie charbonneuse ne se tleve-loppe pas, on se developpe Ires peu, et eile peril entierement apres -un temps plus on moins long. Chose remarquable, le meme pheno-mene se passe dans le corps des aniraaux qui sont le plus aptes ä contracler le charbon, et Ton arrive ä ce resultal surprenant qu'on pent introduire ä profusion dans un animal la bacleridie charbon­neuse sans que celui-ci contracte le charbon. II suffit qu'au liquide qui lient en suspension la bacteridie on ait associe en meme temps des bacteries communes. Tons ces fails aulorisent peul-elre les plus grandes esperances au point de vue Iherapeutique. Presente-ment ils suggerent une explication physiologique du fait si remar­quable que parmi les especcs animales il en est qui ne contractenl jamais la maladie charbonneuse.
La lutle pour la vie entre l'orgamsme cbarbonneux et scs con-generes, si manifeste dans les experiences que j'ai citees tout a 1'heure, va jeter denouvelles lumicres surle sujet qui nous ocenpe.
A peine le docteur Davaine avait-il annonce ä ['Academic, en 1863, que la bacteridie etait conslammcnt presente dans le sang cbarbonneux, que ses conclusions fnrent contredites par deux habiles professeurs du Val-de-Gräce, MM. Jaillard. elLeplat. Ces messieurs avaient fait venir, en plein ete, de retablissement d'equarrissage de Sours, pres de Chartres, du sang cbarbonneux, et I'avaient inoculc ä des lapins. Ceux-ci avaient peri rapidemenf, maissansmontrer de bacteridies. Neanmoinsleur sang etait devenu virulent, e'est-a-dire inocnlable, sans presenter de bacteridies.
MM. Jaillard et Leplat affirmaient done :
Que I'afTection charbonneuse n'est pas une maladie parasitaire;
One la bacteridie est un epiphenoinene de la maladie et ne pent en etre consideree comme la cause;
Que le sang de rate (nom du charbon quand il s'agit du mouton) est d'aulant plus inocnlable qu'il contient moins de bacteridies.
M. Davaine reprit les experiences de MM. Jaillard et Leplat, et en confirma l'exactitude materielle; mais il leur donna une nou-velle interpretation, en contestant formellement que la maladie virulente decrite par MM. Jaillard et Leplat füt le charbon. Pour lui, les principaux symptomes elaient diflerents dans les deux
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32nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARRON. - VACCINATION CIIARDONNEUSE.
maladies; et, eomme c'etail d'uue vache qua M. Rabourdin, directcur de l'elablissement d'equarrissage da Sours, avail tire le sang char-bonneux euvoye par Jui ä Mil. Jaillard et Leplat, M. Davaine appela du noin de maladie de la vache rallection decouverte par ces der-niers, affection plus terrible meine qua le cbarbon, car les trois observateurs s'accordaient ä reconuaitra que l'inoculation du virus nouveau pouvait determiner la mort beaucoup plus promptcment que le charbon, dont les elfets sont pourtant si rapides.
La discussion laissa le doute dans les espiits : les uns crurenl, avec MM. Jaillard et Leplat, qua la presence des bacleridies n'etait pas constante dans I'affection charbonneuse, que la diffe­rence des symplomes signales par Davaine tenait precisement ä une simple complication amenee par la bacteridie consideree comme epipbeuoinene; les aulres, qu'il existait reellcment comme le pen-sait M. Davaine, deux maladies distincles, quoique voisines Tune del'autre, le charbon, caracterise par la presence des bacteridies, et la maladie de la vache, maladie virulente sans organismes mi-croscopiqnes. Aussi les expressions de charbon avec bactiridies et de charbon sans bacteridies ont-elles ete depuis lors Irequem-ment employees.
Enlin, et comme pour ajouter ä l'incertitude dejä si erande de ces eludes, un habile veterinairc de Paris, M. Signol, ecrivit a 1'Aca­demic, ä la dale du 6 decembre 1875, qu'il sulfisait de tner, et mieux d'asphyxier un animal sain, pom- que, dans rinlervalle de seize heures au moins, pas avant, le sang da eel animal, dans les veines profondes el non dans les veines superöcielles, devinl virulent avec presence des bacteridies immobiles ot identiques, ajoute I'auleur (mais e'est lä une erreur), aux bacteridies cbarbon-neuses, quoique incapables de pullnlar dans las animaux inocules. M. Signol assure meine que-Ton retrouva dans le sang des animaux aspbyxies les caracteres qui onl ele decrils comme particuliers au sang cbarbonneux.
Nous pensons avoir dissipeces obscuntes.
Resumons d'abord les principal as connaissances que nous avons acquises dans le cours de cet expose, y compris noire Note du
30 avril : I. — Le sang d'un animal en pleine sanle ne renferme jamais
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CHARBON ET SEPTiCEMlE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 33
d'organismes microscopiques, ni leurs germes. II est iraputrescible au contact de l'air pur, parce que la putrefaction esl toujoursclue ä des organismes microscopiques du genre vibrionien et que, la ge­neration spontanee etant hors de cause, les vibrioniens ne peuvent apparattre d'eux-memes.
II.nbsp;— Le sang d'un animal charbonneux ae renferme pasd'autres organismes que la bacteridie, mais la bacteridie est un organisme exelusivement aerobic. A ce titre, il ne prend aucune part ä la putrefaction; done le sang charbonneux est iraputrescible par lui-meme. Dans le cadavre, les choses se passent toutautrement. Le sang charbonneux entre promptement en putrefaction parce que tout cadavre donne asile a des vibrions venant de l'exterieur, c'est-ä-dire, dans Tespece, du canal intestinal toujours rempli de vibrio­niens de toutes sortes. Ceux-ci, des que la vie normale des tissus ne les gene plus, amenent une prompte desorganisation.
III.nbsp; — La bacteridie disparait au sein des liquides en presence du gaz carbonique. Pour le sang charbonneux pur, e'est-a-dire ne contenanl que la bacteridie sans corpuscules-germes, cette dispa-rition est absolue avec le temps. Du sang charbonneux expose au contact de l'acide carbonique pent perdre toute vertu charbonneuse par le simple repos. C'est une erreur de croire que la putrefaction, en tant que putrefaction, detruit la virulence charbonneuse.
IV.nbsp;— Le developpement de la bacteridie ne pent avoir lieu ou n'a lieu que d'une inaniere tres penible quand eile est en presence d'autres organismes microscopiques.
Tout ceci etant rappele, transportons-nous dans un pays oii lechar-bonestendemique; tel est le departement d'Eure-et-Loir. Un animal tombe frappe du charbon. Si nous prelevons, sans retard on peu de temps apres la mort, une goutte de son sang, nous n'y trou-verons que des bacteridies charbonneuses sans traces de vibrions de putrefaction. Suivonsle cadavre. II est abandonne sur un furnier, sous un hangar ou dans une ecurie jusqu'a ce que la voiture de Fequarrisseur passe. Elle passe tons les deux jours; on ne s'occupc done pas du cadavre pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures.
Des lors le sang qui, au moment de la mort, n'etait nullement putride, qui ne Test pas encore dans les premieres heures parce qu'il ne contient que la bacteridie charbonneuse et qu'il faut du
CH. CHAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 3
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34nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHABBON. — VACCINATION CHARBONNEUSEL
temps pour que les vibrions de la putrefaction se repandent clepuis les inlestins, ä distance, a travers les lissus ou les capillaires, ce sang, dis-je, devient peu ä pen putride, et cela en allant du centre vers la circonference. A ce moment, les bacteridies se trouvent associees a des vibrioniens de diverses sorles.
Dans tout ce resume, rien n'est donne ä rimaginalion.
On comprend done que lorsqu'un experimentatcur ecrit a Chartres pour se procurer du sang charbonneux, le plus ordinaire-ment, a son insu et ä l'insu de ses correspondants, il est expose ä recevoir un sang tout ä la fois charbonneux et putride, un sang oü la bacteridie est associee ä d'autres organismes, notamment aux vibrions de la putrefaction. Notre expeiimentateur examine le sang au microscope, a Tarrivee. II le trouve naturellement rempli d'orga-nismes fdiformes, mais oü I'element vibrion remporte souvent sur relement bacteridie; car la bacteridie, etre pureinent aerobie, nc s'est pas developpee du tout depuis la niort — bien plus, eile a commence sa resorption en granulations amorphes — landis que les vibrions de putrefaction, etres anaerobies, coinnie je l'ai etabli depuis longtemps, out pullule !
Le sang est inocule ; alors intervient I'influencedes fails de noire proposition IV, e'est-a-dire le non-developpement de la bacteridie charbonneuse quand eile est associee ä d'autres organismes, aero-bies ou anaerobies, peu importe, puisque les uns et les autres peuvent soustraire l'oxygeue. Notre observateur est alors tout surpris de voir Tanimal qu'il a inocule, perirsansla moindre appa-rence de bacteridies dans son sang; et, comme il a seme beaucoup de celles-ci, il conclut naturellement que la bacteridie n'est pas la cause du charbon,qu'ellepeut l'accompagner, mais que la virulence charbonneuse reconnait une autre cause, que la bacteridie n'est, de la maladie, qu'un epiphenomene.
Mais pourquoi la mort suit-elle rinoculation du sang charbon­neux et vibrionien, puisque la bacteridie ne peut se dcvelopper et que le charbon ne saurait prendre naissance? Cost que le sang inocule etait putride, seplicemique, pour employer une expression consacree.
Teile est l'histoire veridique des fails observes par MM. Jaillard et Leplal et plus recemment par M. Paul Bert. Tons out ete induits
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CHARBON ET SEPT1CEMIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;;J5
en erreur par celte circonstauce que les veterinaires auxquels ils se sont adresses leur ont envoye des sangs charbonneux putrides. Et d'autre part il n'y a pas, comme le pensait Davaine, de maladie - virulente de la vaclie. Le travail de MM. Jaiilard et Leplat doit etre range ä cötö de ceux de Gaspard et Magendie, de ceux de Coze et Feltz et des observations plus recentes et plus parfaites du docteur Davaine sur la yirulence possible des malleres putrides.
II nous reste de nouvelles difficultes ä ecarter. M. Paul Bert a ete beaucoup plus avant que MM. Jaiilard et Leplat dans l'etude du sang charbonneux complexe qui lui avait ete adresse de l'Ecole d'Alfort. Non content de l'iaoculer et d'y constater une source de virulence sans bacteridies, ainsi qu'il etail advenu pour MM. Jaii­lard et Leplat, M. Paul Bert l'a soumis ä la compression dans l'oxygene, et le sang garda sa virulence, car plusieurs inoculations successives'furent toutes suivies de mort. Or les virus sont caracte-rises dans l'etat actuel de la science par I'absence d'organismes figures microscopiques. La conservation de la virulence a la suite de la compression devait conduire M. Paul Bert ä admettre la viru­lence propre sans organismes.
Toutefois rappelons qu'il y a un instant nous avons ete conduit a restreindre la remarquable loi physiologique decouverle par M. Bert. Vraic pour les vibrioniens filiibrmes, clle a cesse de l'etre, au raoins enti'e certaines limites, et pour Tun d'eux, la bacteridie, apres (iu'elle fut transformee en corpuscules-germes. Nous avons vu la bacteridie charbonneuse perir integralement quand eile n'cst que bacteridie (iliforrae, capable au contraire de se reproduire facilement ä la suite d'une compression energique do clix atmospheres, prolongee pendant vingt et un jours, quand eile contient des corpuscules brillants. Ne se pourrait-il pas des lors que ce que I'on considere comme le virus septicemique füt ega-lement un 6tre organise microscopique pouvant se transformer en corpuscules brillants que ne detruirait pas l'oxygöiie ä haute tension? Comment s'arreter cependant ä une teile hypothese, puisque le sang septicemique, cent fois examine, n'a pas montre d'organismes microscopiques; je parle ici du veritable virus septique, de celui de Davaine, de celui qui tue ä des doses infinitesimales, et non de celui des liquides putrides propre-
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36nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
ment clits, souvent peu dangereux quoique tres charges de vibrioniens.
Plafons-nous dans les conditions de MM. Jaillard et Leplat, mais avec pleine connaissance de cause. Je me suis rendu le 13 juin a ['Etablissement d'equarrissage de Sours en compagnie de AI. Boutet, veterinaiie ä Chartres. Le clief de retablissement, M. Rabourdin, etait prevenu et avait conserve les animaux ainenes le matin. A notre arrivee ils etaient dcpeces et au nombre de trois : un mouton mort depuis seize heures, un cheval mort depuis vingl ä vingt-quatre heures environ, une vache morte depuis plus de quarante-huit heures, trois jours meine, car eile avait ete amenee d'une commune eloignee.
Je constatai sur place que le sang de mouton, dont la mort etait recente, ne contenait que des bacteridies charbonneuses, que le sang du cheval contenait ces meines bacteridies et ea outre des vibrions de putrefaction, qu'enfin la vache contenait surtoulcleces derniers vibrions, outre les bacteridies charbonneuses. Par 1'ino-culation on obtint, avecle sang du mouton, le charbon avec bacte­ridies pures; avec le sang du cheval et de la vaclie, la mort sans bacteridies. C'est done le fait Jaillard et Leplat, el le fait Paul Bert.
Au moment de la mort par rinoculation de ces deux derniers sangs ä des cocbons d'Inde, desordres epouvanlables : tous les muscles de l'abdomen et des quatre pattes sont le siege de la plus vive inflammation. Qa et lä, particulierement aux aisseiles, des poches de gaz ; foie et poumons decolores, rate normale, mais sou-vent difduente, sang du coeur non en amasagglutinatifs, quoique ce caractere soit des plus prononces dans les globules sanguins du foie. Le charbon ne Foffre jamais ä un plus haut degre. Mais lais-sons ces details sur les symptömes. Ce qui nous Interesse particu­lierement, c'est la presence possible des organismes. Recherchons-les, des l'instant de la mort, avant la mort meme, dans les dernieres heures de la vie. Chose curieuse : les muscles, si enflammes par tout le corps, sont impregnes de vibrions mobiles, anaerobies et ferments, ce qui explique ['existence des poches gazeuses et de la tumefaction rapide. Le contact de l'oxygene paralyse tous les mou-vemenls de ces vibrions sans toutefois faire mourir Torganisme nous allons revenir sur ce fait.
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Mais le siege par excellence de notre vibrion se trouve dans la serosite de l'abdomen autour de l'inteslin. Cette serosite en est remplie, de teile sorte que ies visceres qui plongent dans cette cavite en sont reconverts. La moindre gouttelette d'eau qu'on pro-mene ä la surface du foie et de la rale en ramene a profusion et d'une grantle longueur pour la plupart.
Pourquoi n'a-t-on pas signale jusqu'ici une circonstance si gene-rale dans le genre de mort qui nous occupe ? Sans nul doute parce que l'etude du sang a toujours absorbe I'attention. Or, non seule-ment c'est dans le sang que le vibrion dont il s'agit passe en dernier lieu, mais dans ce liquide il prend un aspect tout particulier, une longueur demesuree, plus long souvent que le diametre total du champ du microscope, et une translucidile teile qu'il echappe faci-lement ä l'observation; cependant, quand on a reussi a I'apercevoir une premiere fois, on le retrouve aisement, rampant, flexueux, et 6cartant les globules du sangcomme un serpent ecarte I'herbe dans les buissons. L'experience suivante, facile a reproduire, demontre bien que ce vibrion passe dans le sang en dernier lieu, dans les dernieres heures de la vie ou apres la mort. Un animal va mourir de la putridite septique qui nous occupe, car cette maladie devrait etre defmie la putrefaction sur le vivant; si on le sacrifie avant sa mort et qu'on inocule d'une part la sörosite qui suinte des parties enflammees ou la serosite Interieure de l'abdomen, ces liquides manifesteront une virulence extraordinaire ; qu'en mßme temps, au contraire, on inocule le sang du coeur recueilli avec le plus grand soin afin de ne point le souiller par le contact de la surface exte-rieure du cceur ou des visceres, ce sang du cceur ne sera nullement virulent, quoiqu'il soit extrait d'un animal dejä putride et virulent dans plusieurs parties etendues de son corps. Ajoutons quo les serosites dont nous venons de parier, si virulentes, perdront toute vertu si on commence par les filtrer par le moyen que j'ai men-tionne ci-dessus a l'occasion du sang charbonneux.
J'ai dit que notre vibrion septique avait, a l'abri de l'air, des mouvements assez rapides, que le contact de l'air ou de l'oxygene supprime entierement; pour autant le vibrion n'est pas tue, car au contact de l'oxygene il se transforme en corpuscules-germes; et, du jour au lendemain, un liquide rempli tie filaments organises mobiles
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n'est plus qu'un amas de points brillants d'une grande tenuite Vient-on ä introduire ces points dans le corps d'un cochon d'Inde ou dans un liquide approprie, ils se reprodnisent en vibrions fili-formes mobiles, et l'aniraal meurt avec tons les symptömes que je rappelais tout ä l'heure. Nous sommes maintenant en mesure dc donner a l'experience de M. Paul Bert son explication ration-nelle.
Plagons, en effet, le vibrion dans l'oxygene ä baute tension, l'ob-servation montre qu'il s'y transforme en corpuscules brillants. Quelques heures suffisent ä produire cet effet. La conservation de la virulence du sang, apres qu'il a subi l'action de l'oxygene ä baute tension, n'a done rien que de naturel.
Places dans l'alcool absolu, les memes corpuscules gardent leur faculte de reproduction ä la maniere des corpuscules de la bacteri-die cbarbonneuse. II nous reste cependant ä aller aussi loin que nous l'avons fait pour les corpuscules de la bacteridie, c'est-ä-dire ä faire agir l'alcool sur les corpuscules brillants du vibrion septique apres qu'ils auront etc purifies de tout element etranger par des cultures sans cesse repetees dans des milieux artiliciels.
Une grave question reste a elucider. D'oü provient le vibrion septique? Quoique ce snjet reclame encore de nouvelles etudes de notre part, je n'besite pas a penser que le vibrion septique n'est autre que Tun des vibrions de la putrefaction, et que son germe doit exister un peu partout et par consequent dans les matieres du canal intestinal.
Lorsqu'un cadavre est abandonne a lui-meme et qu'il ren-ferme encore ses intestins, ceux-ci deviennent promptement le siege d'une putrefaction. C'est alors que le vibrion septique doit se repandre dans la serosite, dans les humeurs, dans le sang des parties profondes. Cette opinion trouve sa justifi­cation dans les faits mentionnes ci-dessus, que M. Signol parait avoir observes le premier, quoique d'une maniere confuse. M. Signol aspbyxie un animal en pleine sante et il abandonne son cadavre quiuze k vingt heures, et au bout de ce temps son sang devient septique, d'abord dans les veines profondes. Conjointement avec MM. Bouillaud et ßouley, j'avais etc nomme membre d'une commission cbargee de juger le travail de M. Signol. A la fin
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CHARBON ET SEPTICEMIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 39
du mois de juin 1876, M. Bouley et moi nous avons assists aux experiences de M. Signol et nous avons verifie le fait de la virulence du sang des veines profondes d'un cheval asphyxie la veille en . pleine sante. Le vibrion septique existe done parrai les vibrions de la putrefaction apres la mort. J'ajoute, et men savant confrere M. Bouley n'en a pas perdu le souvenir : e'est alors que j'ai vu pour la premiere fois le long vibrion ecartant les globules du sang dans sa marche onduleuse et rampante. Outre M. Bouley, MM. Signol, Joubert ct Chamberland assislaient a cette constatation. A cette i'poqne toutefois la signification de ce fait nous echappait comple-lement.
Est-ce bien la premiere fois que j'apercevais ce vibrion? Ne se-rait-il pas de meme nature que le vibrion-ferraent du tartrate de chaux figure dans mes Etudes sur la biere ? C'est ce que nous rechercherons par des experiences directes.
Et maintenant si nous jetons un regard en arriere, nous voyons ponrquoi la septicemie a pu souvent etre confondue avec la mala-die cbarbonneuse; leurs causes sont du meme ordre. C'est un vibrionien qui produitla septicemie, commele charbon est produit par une bacleridie. La nature des parasites est differente : I'un est mobile; I'autre, immobile; mais ils appartiennent au memegroupe ou a des groupes voisins. Les analogies et les differences des deux maladies n'ont rien que de tres naturel.
La septicemie ou putrefaction sur le vivant est-elle une maladie unique? Non; antant de vibrions, autant de septicemies diverses, benignes ou terribles; c'est ce que nous montrerons dans une com­munication ulterieure, et c'est alors que nous aurons I'explication de ces inoculations de matieres putrides qui bornent leurs effets ä des pblegmons, a des abees suppuratifs et autres complications que tons les auteurs qui ont ecrit sur la septicite du sang ont remarquees. Oserai-je ajouter, en terminant, que je serais bien surpris si les illustres praticiens qui font partie de cette Academic et qui m'ecouteiit,ne songeaient pas en ce moment a Teliologie des infec­tions pnrulenles, suites des traninatismes grands ou petits, et a toute celte categoric de fievres pernicieuses dites putrides ? Si je n'avais abuse dejä des moments de l'Academie par cette trop longue lecture, j'ajouterais quelques mots sur la spontaneite des maladies
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contagieuses, question qui divise les meilleurs esprils et qui etait naguere I'objetd'une discussion etendue et approfondie devant cstte Acadeinie.
Supposons un instant que la fievre typho'ide soit determinee par un des nombreux vibrions de la putrefaction. La maladie sera con-tagieuse, puisqu'elle sera delerminee par un organisme microsco-pique. Sera-t-elle spontanee? Non, puisqu'elle procedera d'un etre vivant et que, dans l'etat actuel de la science, la generation spon­tanee est une chimere. Pourrait-elle neanmoins elre le produit de causes banales ? Oui, puisqu'elle viendrait d'un des vibrions com-muns de la putrefaction. Quant k la rarete relative du mal, dans cette hypotbese toute gratuite que le mal soit du ä un vibrion des putrefactions communes, je raconterai ä rAcaderaie une tres cu-rieuse circonstance de nos rechercbes. Je les avals entreprises avec l'iclee demener de front l'elude du charbonetcelledelasepticemie. Je chercliai done ä produire celle-ci ä l'aide du sangdeboeufaban-donne ä une putrefaction spontanee. Eb bien, pendant quatre mois, nous n'avons pas reussi ä obtenir un sang vraiment septique, e'est-ä-dire que dans aucun cas, la putrefaction elant abandonnce an basanl, sans ensemencement direct, le vibrion septique ne prit jamais naissance, au moins dans un etat de purete relative süffi­sante pour rendre le sang virulent. Or on lit dans tons les auteurs que la seplicitu du sang s'obtient facilement en abandonnant du sang ä lui-meme.
C'est ä des circonstances de meine ordre, ä la purification de plus en plus grande, si Ton peut ainsi parier, du vibrion septique, qu'il faul rattacber le fait de la virulence plus grande du sang sep­tique au fur et a mesure de son passage repete dans des animaux, , comme cela resulte des beaux travaux des docteurs Coze et Feltz, et surtout du docteur Davaine.
Je ne suis nullement autorise a porter un jugement sur les opi­nions qui out ete emises dans la discussion, brillante a tantd'egards, que I'Academie a ouverte recemment sur l'etiologie de la (ievre typho'ide. Pourtant je dois condamner, sans reserve, une tbeorie medicate dejä soutenue, ä diverses reprises, dans cette enceinte et qui a fait une apparition nouvelle pendant le cours de la discussion que je rappelle.
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CHARBON ET SEPT1CEM1E.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 41
L'Academie sait perlinemment que I'liypothese de la generation spontanee, qui a succombe dans le laboratoire, sous toutes ses formes, cherche aujourd'hui un refuge dans les obscurites de la pathologie.
Lorsque, dans une occasion recente, j'ai pousse ä bout le doc-teur Bastian, professeur d'anatomie patbologiquo ä VUniversity college de Londres, je ne cliercbais point une satisfaction d'amour-propre. Ce que je voulais, c'est que ce savant ne put invoquer une pretendue experience de generation spontanee en faveur de la doc­trine de la spontaneite de toutes les maladies. Je ne saurais mieux rendre ma pensee qu'en reproduisant ici un passage d'une lettre que je lui adressais il y a peu de jours : laquo; Savez-vous, Ini disais-je, raquo; pourquoi j'attache un si grand prix ä vous combattre et a vous raquo; vaincre, c'est que vous eles un des principaux adeptes d'une doc-raquo; trine medicale, sulvant moi funeste aux progres de l'art de guerir, raquo; la doctrine de la spontaneite de toutes les maladies. Vous etes de raquo; cette ecole qui inscrirait volonticrs au frontispice de son temple, raquo; comme le voulait naguere un des membres de l'Academie de raquo; medecine de Paris: la maladie est en nous, de nous, par nous. raquo; Tout serait done spontane en pathologie. Voilä I'erreur, prejudi-ciable, je le repete, au progres medical. Beaucoup de maladies ne sont jamais spontanees. Au point de vue propbylactique, comme au point tie vue therapeutique, il y a un abime pour le medecin et le Chirurgien, sulvant qu'ils prennent pour guide Tune on I'autre des deux doctrines. Apres l'expose que je viens de faire ä l'Acade­mie, toule discussion ne serait-elle pas superflue qni meltrait en doute la necessite imperieuse de compter desormais avec le röle pathogenique des infmiment petifs!
Cette note explique toules les contradictions qui s'etaient pro-duites anterieurement sur la maladie charbonneuse el fait dispa-raitre toutes les obscurites. Elle nous fournit egalement un ensei-gnement precieu.v sur les conditions qui devront etre roalisees lors-qu'on voudra examiner le sang d'un animal afin de s'assurer s'il
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est mort du charbon. II faudra faire l'examen microscopique peu d'heures apresla mort; si Ton attendaitquinze ou vingt heures seu-lement, on serait expose ä trouver des vibrions qui pourraient in-duire en erreur. Pour avoir du sang charbonneux pur, il faut done le recueillir immcdiatemenl ou quelques heures seulement apres la mort. C'est lä une notion precieuse qui doit toujours etre pre-sente a I'esprit lorsqu'on fait des experiences sur le charbon. Nous verrons plus loin que c'est pour I'avoir meconnue qu'un professeur distingue de l'Ecole veterinaire de Turin a obtenu des resullats negatifs dans une experience de vaccination cbarbonneuse.
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CHAPITRE III
SUP. L'ETIOLOGIE DU CHARBON
Par MM. Pasteur, Chamberland ct Roux
Academic des sciences, 12 jiiillet 1880,
Une des maladies les plus meurtrieres du bßtail est l'affection qu'on designe vulgairement sous le nom de charbon. La plupart de nos departements ont ä en souffrir, les uns pen, lesautres beau-coup. 11 en est oü les pertes se coinptenl annuellement par millions: tel esL le deparleraent d'Eure-et-Loir. Des nombreux troupeaux de moutons qu'on y eleve, 11 n'en est pas un seul, peul-etre, qui ne soit frappe chaque annce. Tout fermier s'estime heureux et ne donne meme aucune attention ä la maladie, quand la mort n'atteint pas plus de 2 a 3 pour 100 du nombre total des sujets qui composent sontroupeau. Tous les pays connaissent ce fleau. II estparfoissi desastreux en Russia qu'on 1'y nomme la peste de Siberie.
D'oü vient la maladie cbarbonneuse ? comment se propage-t-elle ? La connaissance exacte de son etiologie ne pourrait-elle pas con-duire ä des mesures prophylactiques faciles a appliquer et propres ä cteindre rapidement la redoutable maladie ? Teiles sont les ques­tions que je me suis propose de resoudre et pour lesquelles je me suis adjoint deux jeunesobservateurs pleinsdezele, qu'enflamment comme moi les grandes questions que souleve I'etude des mala­dies contagieuses, MM. Chamberland et Roux.
Longtemps on a cm que le charbon naissait spontanement sous l'influence de causes occasionnelles diverses : nature des terrains,
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Unbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
des eaux, des fourrages, modes d'elevage et d'engraissement, on a tout invoque pour expliquer son existence spontanee; mais, depuis que les travaux de M. Davaine et de Delafoud, en France; de Pol-lender et de Braüell, en Allemagne, ont appele l'atlenlion sur la presence d'un parasite microscopique dans le saug des animaux morts de celte affection ; depuis que des recherches rigoureuses ont combattu la doctrine de la generation spontanee des etres mi-croscopiques, et qu'enlin les effets des fermentations ont ete ratta-ches a la microbie, on s'habitua peu ä peu a I'idee que les animaux atteints de charbon pourraient prendre les germes du mal , c'est-a-dire les germes du parasite, dans le monde exlerieur, sans qu'il y eüt jamais naissance spontanee proprement dite de cette affection. Cetle opinion se precisa encore davantage lorsque, en 187G, le docteur Kock, de Breslau, eut demontrequela bacteridie, sous la forme vibrionienne ou bacillaire, pouvait se resoudre en veritables corpuscules-germes ou spores.
II y a deux ans, j'eus l'honneur de soumettre au ministre de l'agriculture et au president du conseil general d'Eure-et-Loir un projet de recberches sur l'eliologie du cbarbon, qu'ils accueillirent avec empressement. J'eus egalement la bonne fortune de rencontrer dans M. Maunoury, raaire du petit village de Saint-Germain, äquel-ques lieues deChartres, unagriculteureclairequi voulut bien m'au-toriser ä installer surun des champs de sa ferme un petit troupeau de moutons dans les conditions gencralement suivies en Beauce pour le parcage en plein air. En outre, le dirccteur de l'agriculture mit obligeamment ä noire disposition deux eleves-bergers de l'ecole de Rambouillet pour la surveillance et raliinentation des animaux.
Les experiences commencerent clans les premiers jours d'aoüt 1878. Elles consisterent tout d'abord ä nourrir certains lots de moutons avec de la luzerne que Ton arrosait de cultures artificielles de bacteridies charbonneuses cbargees du parasite et de ses germes. Sans entrer dans des details qui trouveront leur place ailleurs, je resume clans les points suivants nos premiers resultats.
Malgre le nombre immense de spores de bacteridies ingerees par tous les moutons d'un meme lot, beaucoup d'entre eux echappent a la mort, souvenl apres avoir ete visiblement malades; d'autres, en plus petit nombre, meurentavec tous les symptömes du charbon
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ETIOLOGIE DU CIIARISON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;45
spontane et apres un lemps d'incubation du mal qui peul aller jusqu'ä huit el dix jours, quoique, dans las derniers temps de la vie, la maladie revete ces caracteres presque foudroyants frequem---ment siguales par les observateurs, et qui out l'ait croire ä une incubation de tres peu de duree. La communication de la maladie par des aliments souilles de spores cliarbonneuses est plus difficile encore chezles cobayes que chez les moutons. Nous n'en avons pas oblenu d'exemple dans d'assez nombreuses experiences. Les spores, dans ce cas, se retrouveut dans les excrements. On les retrouve egalement intactes dans les excrements des moutons.
On augmente latnortalite en melant aux aliments souilles desger-mes du parasite des objets piquanls, notamment lesextremites poin-tues des feuilles de ciiardon desseche, et surtout. des barbes d'epis d'orge coupees par petits fragments de 0quot;',01 de longueur environ.
II importait beaucoup de savoir si l'autopsie des animaux morts dans ces conditions montrerait des lesions pareilles ä celles qu'on observe chez les animaux morts spoutancment dans les etables ou dans les troupeaux parques en plein air. Les lesions, dans les deux cas, sont identiques; et, par leur nature, elles autorisent ä conciure que le diibut du mal est dans la bouclie ou rarriere-gorge. Nos premieres constatations de ce genre out ete faites ie 18 aoüt, par des autopsies pratiquees sous nos yeux par AI. Boutet fils et M. Vinsot, jeune eleve veterinaire, sortant de l'Ecole d'Alfort, qui nous a assistes avec beaucoup de zele pendant toute la duree des experiences faites ä Saint-Germain
Dans nos experiences, une circonstanceparticulieremerile d'etre mention nee. Huit de nos moutons d'experience fnrent inocules directement par piqüres ä l'aide de cultures de bacteridies, certains meme par du sangcharbonneux d'un mouton mort quelques heures auparavant et qui etait rempli de bacteridies. Tous les moulons furent malades, avec elevation constatee de leur temperature; un seul mourut qui avail etc pique sous la langue. Un des moulons qui guerireut n'avait pas regu ä lacuisse, avec une seringue de Pravaz, moins de dix gouttes de sang cliarbonneux. Ces faits, signales ä M. Toussaint, fort verse dans toutes les connaissances relatives au charbon, qui, dans le meine teinps, s'occupait ä Chartres d'etudes sur cette affection et qui assistait quelquefoisä nos experiences sur
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le champ de Saint-Germain, lui parurent si surprenants qu'il ne voulut pas y croire et qu'il tint a faire lui-merae une des inocula­tions. Le mouton survecut comme les autres.
Les ponies qui out ete nourries par des aliments souilles du microbe du cholera des poules, lorsqu'elles ne meurent pas, peuvent elre vacciniies. II y a lieu des lors de se demander si Ton ne pourrait arriver ä vacciner des moutons pour I'affection char-bonneuse en les soumettant prealablement et graduellement ä des repas souilles des spores du parasite.
Des lors l'idee qui presidait ä nos recherches, a savoir que les animaux qui meurent sponlanement du charbon dans le departe-ment d'Eure-et-Loir sont contagionnes par des spores de bacteridies charbonneuses repandues sur leurs aliments, prit dans noire esprit la plus grande consistance.
Reste la question deTorigine possible des germes de bacteridies. Si Ton rejette touteidee degeneration sponlanee du parasite, il est naturel de porter tout d'abord son attention sur les animaux enfouis dans la terre.
Yoici ce qui arrive toutes les fois qu'un animal raeurt sponlane­ment du charbon; uu etablissement d'equarrissageest-il proche, on y conduit le cadavre. Est-il trop eloigne ou I'animal a-t-il pen de valeur, comme c'est le cas des moutons, on pratique une fosse sur place, ä une profondeur de 0m,50 a 0ra,60 ou 1 metre, dans 1c champ meine oü I'animal a succombe, ou dans un champ voisin de la ferine, s'il a peri ä 1'ecurie; on I'y enfouit en le recouvrant de terre. Que se passe-t-il dans la fosse et peut-ily avoir ici des occa­sions dc dissemination des germes de la maladie? Non, repondent certaines personnes, car il resulte d'experiences exactes du doc-^ leur Davaine que I'animal charbonneux, apres sa putrefaction, ne pent plus communiqucr le charbon. Tout reccmment encore, de nombreuses experiences ont ete instituees par un des savants pro-fesseurs de l'Ecole d'Alfort, grand partisan de la sponlaneite de toutes les maladies. II est arrive ä cette conclusion laquo; que les eaux chargees de sang charbonneux, de debris de rate, el les terreaux obtenus en stralifiant du sable, de la terre, du furnier avec des debris de cadavres rapporles de Chartres, n'ont jamais (par I'ino-culalion) provoque la moindre manifestation de nature charbon-
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ET10LOGIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;47
neuse raquo; (Colin, Bull, de l'Acad. de med., 1879); mais il faut compter ici avec les difficulles de la recherche, difficultes que M. Colin a entieremenl meconnues.
Prclever de la terre dans les champs de la Beauce et y meltre en evidence des corpuscules d'un ä deux niilüemes de millimetre de diamelre capables de donner le charbon par inoculation a des aniraaux, c'est dejä un probleme ardu. Toutelbis, par des lavages appropries et en profitant de la puissance contagionnante de ces corpuscules-germes pour les especes cobayes et lapins, la chose serait facile si ces corpuscules du parasite charbonneux etaient senls dans la terre. Mais celle-ci recele une multilude infinie de germes microscopicjues et d'especes variecs, dont les cultures sur le vivant ou dans les vases se nuisent les unes aux autres. J'ai appele rattention de l'Academie sur ces luttes pour la vie entre les etrcs microscopiques dans ces vingt dernieres annees; aussi, pour faire sortir d'une terre la bacteridie charbonneuse qu'elle pent con-tenir äl'etat de germes, il faut recourir ä des metbodes speciales, souvent tres delicates dans leur application: action de l'air ou du vide, changements dans les milieux de cultures, influence de tem­peratures plus ou moins clevees, variables avec la nature des divers germes, sont autant d'arlifices auxquels on doit recourir pour enipecher un germe de masquer la presence d'un autre. Toute methoile de recherche grossiere est falalement condamnee a rim-puissance, et les resullats negatil's ne prouvent rien, sinon que dans les conditions du dispositif experimental qu'on a employe, la bacteridie n'a pas apparu. L'argument principal invoque par le savant professeur d'Alfort ä l'appui des resultats negatifs de ses nombreuses inoculations, est que le charbon disparait dans le cadavre d'un animal charbonneux an moment ou il se putrefie. Cetle assertion est exacte, et eile etait bien connue des equarrisseurs avanl meme que le docteur Davaine en donniit une confirmation de fail. Souvent j'ai eutendu les equarrisseurs, que je voyais manier des animaux charbonneux etquej'avertissais dudangerqu'ilscouraient, m'assurer que le danger avait disparu quand ranimal etait avancii et qu'il fallait n'avoir de craintes que s'il etait encore cliaml. Quoique, prise ä la letlre, cctte assertion soit inexacte, eile trahit cependant l'existence du fait en que.quot;tion. Dans un travail anterieur,
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M. Joubert et moi, nous avons donne la veritable explication du pbenomüne. Des que la bacleridie, sous son etat filiforme, est privee du contact de l'air ; qu'elle est plongee, par exemple, dans le vide ou dans le gaz acide carbonique, eile tend a se resorber eu granulations tres tenues, mortes et inoffensives. La putrefaction la place precisement dans les conditions de desagregation de ses tissus. Ses corpuscules-germes ou spores n'eprouvent pas cat effet et se conservent,ainsi que le docteur R. Kock ramoulrele premier. Quoi qu'il en sgit, et comme I'animal, au moment de sa mort, ne contient que le parasite a I'etat fdiforme, il est certain que la putrefaction I'y detruit dans toule sa masse.
Si Ton s'arretait ä cette opinion pour 1'appliquer aux faits d'une maniere absolue, on n'aurait qu'une vue incomplete de !a verite.
Assistons par la pensee ä renfouissement du cadavre d'une vacbe, d'un cheval ou d'un mouton morts du cbarbon. Alors meme que les animaux ne seraient pas depeces, se peut-il que du sang ne se repande pas hors du corps en plus ou moins grandc abundance? N'cst-ce pas un caractere habituel de la maladie qu'au moment de la mort le sang sort par lesnarines, par la boucbe, et que les urines sont souvent sanguinolentcs?En consequence, et dans tous les cas pour ainsi dire, la terre autour du cadavre est souillee de sang. D'ailleurs, il faut plusieurs jours avant quo la bacteridie se resolve en granulations inoffensives par la protection des gaz prives d'oxygene libre que la putrefaction degage, et pendant ce temps le ballonnement excessif du cadavre fait ecouler les liquides de l'iiite-rieur a Texterieur par toutes les ouvertures naturelles quand il n'y a pas, par surcroit, dechirure de la peau et des lissus. Le sang et les matieres ainsi meles a la terre aeree environnante ne sont plus dans les conditions de la putrefaction, mais bien plutöt dans celles d'un milieu de culture propre ä la formation des germes de la bac­teridie. Hälons-nous toutefois de demander a. I'experience la con-.firmation de ces vues precongues.
Nous avons ajoute du sang charbonneux a. de la terre arrosee avec de l'eau delevureouavecdel'urineauxtemperaturesdel'eteet aux temperatures que la fermentation des cadavres doit entretenir autour d'eux comme dansun furnier. En moins devingt-quatre heu-res, il y a eu multiplication et resolution en corpuscules-germes
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ETIOLOGIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 49
des bactericlies apportees par 1c sang. Ces corpuscules-gennes, on les rctrouve ensuite clans leur etat de vie latente, prets ä genner et propres ä communiqiier le charbon, non seulement apres des mois jle sejour dans la terre, mais apres des annees.
Ce ne soul la encore que des experiences de laboratoire. II faut rechercher ce qui arrive en pleine campagne avec toutes los alter­natives de seclieresse, d'humidite et de culture. Nous avons done, au mois d'aout 1878, enlbui dans un jardin de la ferine de M. Mau-noury, apres qu'on en eut fait 1'autopsic, un mouton qui elait mort spontanement du charbon.
Dix mois, puis quatorze mois apres, nous avons recueilli de la terre de la fosse et il nous a etc facile d'y constater la presence des corpuscules-germes de la bacteridie et, par Finoculation, de pro-nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;j
voquer sur des cocbons d'lnde la maladie charbonneusc et la mort. Bien plus, et cette circonstance inerite la plus grande attention, celte meme recherche des germes a ete faite avec succes sur la terre de la surface de la fosse, quoique, dans Tintervalle, cette terre n'eüt pas etc remuee. Enfin les experiences ont porte sur la terre de fosses oül'on avail enfoui, dans le Jura, ä2 metres de profon-deur, des vaches mortes du charbon au mois de juillet 1878. Deux ans apres, e'est-a-dire recemment, nous avons recueilli de la terre de la surface et nous en avons extrait des depots dormant facile-ment le charbon. A trois reprises, dans cet Intervalle des deux annees dernieres, ces memesterres de la surface des fosses nous ont offert le charbon. Enfin, nous avons reconnu que les germes ä la surface des terres recouvrant des animaux enfouis, se retrouvent apres toutes les operations de la culture et des moissons; ces der­nieres experiences ont porte sur la terre denos champs dc la ferrae de M. Maunoury. Sur des points eloignes des fosses, au contraire, la terre n'a pas donne le charbon.
Je ne serais pas surpris qu'ence moment des doutes sur I'exac-titude des faits qui precedent ne s'eievent dans l'esprit de i'Acade-mie. La terre, qui est un filtre si puissant, dira-t-on, laisserait done remonter ä sa surface des germes d'etres microscopiques !
Ces doutes pourraient s'etayer meme des resultats d'experiences que M. Joubert et moi nous avons publiees autrefois. jNous avons annonce que les eaux de sources qui jaillissent do la terre k une
CH. CIIAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;4
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5nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHÄRBOMEUSE.
profondeur meine faible sont privees tie tons germes, ä ce point qu'elles ne peuvent feconder les liquides les plus suseeptiides d'al-teration. De tolles eaux cependant sont en contre-bas des terres que traversent incessamment, qiielquefois depuis des siecles, les eaux flnvialos, dont reffet doit tendre coiistainment ii faire des-ceudi-e les particules les plus fines des terres superposees ä ces sources. Celles-ci, rnalgre ces conditions propres ä leur snuiilure, restenl indefiuiment d'une purele parfaite, preuve manifeste que ia terre, en certaine epaisseur, arrete loules les particules solides les plus teiuies. Quelle difference dans les conditions et les resul-tats des experiences quejeviens de relater, puisqu'ils'agitaucon-traire de germes microscopiques qui, partant des profondeurs, remonleraient a la surface, c'est-ä-dire en sens inverse de l'ecoule-ment des eaux de pluie et jusqu'ä de grandes hauteurs. II y a la une enigmaquot;.
L'Academie sera bien surprise d'en entendre I'explication. Peut-etre meme sera-t-elle emue ä la pensee que la theorie des germes, ä peine nee aux reclierches experimentales, reserve ä la science et a ses applications des revelations aussi inattendues. Ce sont les vers de terre qui sont les messagers des germes et qui, ties profondeurs tie renfouissement, ramenent ä la surface du sol le terrible para­site. C'est dans les petits cylintlres tie terre a tres fines particules terreuses que les vers rendent et deposent ä ia surface du sol, apres les rosees du matin, ou apres la pluie, que se trouvent, outre une foule d'autres germes, les germes du charbon. II est facile d'en faire 1'experience directe : que dans la terre a laquelle on a mele ties spores de bacteridies on fasse vivre ties vers, qu'on ouvre leur corps apres quelques jours, avec toutes les precautions convenables pour en extraire les cylindres terreux qui remplisseut leur canal intestinal, on y retrouve en grand nombre les spores charbonneu-ses. II est tie toute evidence que si la terre nieuble de la surface des fosses a animaux cbarbonneux renferme les germes du charbon, et souvent en grantle quantife, ces germes proviennenl tie la desa-gregation par la pluie ties petits cytindres excrementitiels ties vers. La poussiere de cette terre desagregee se repand sur les plantes ä ras du sol et c'est ainsi que les animaux trouvent au parcage et dans certains fourrages les germes du charbon par lesquels ils se
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coutagionneat, comme dans celles de nos experiences oil nous avons communique le charbon en souillant directeraent de la lu-zeroe. Dans ces resultats, que d'ouvertures pour 1'esprit sur I'in-fluence possible des terras dans l'etiologie des maladies, sur le danger possible des terras des cimelieres, sur ruliiite de la cre­mation !
Les vers de terre ne ramenent-ils pas a la surface du sol d'autres germes qui neseraient pas moias iaoffensifs pour ces vers quot;que ceux du charbon, mais porteurs cependant de maladies propres aux animaux? Us en sont, en effet, constamment reraplis et de (oulei sortes, et ceux du charbon s'y trouvent enrealite toujours associös aux germes de la putrefaction et des seplicemies.
Et maintenant, quant a la prophylaxie de la maladie cliarbon-neuse, n'est-elle pas naturellement indiquee? On devra s'efforcer de ne jamais enfouir les animaux dans les champs destines ä des recoltes de fourrages, ou devant servir au parcage des moutons. Toutes les fois que cela sera possible, on devra choisir, pour I'en-fouisscment, des terrains sablonneux ou des terrains calcaires, mais tres maigres, peu humides et de dessiccation facile, peu propres en un mot ä la vie des vers de terre. L'eminent directeur actuel de I'agricuUure, M. Tisserand, me disait recemment que le charbon est inconnu dans la region des Savarts de la Champagne. Ne faut-il pas l'attribuer ä ce que dans ces terrains pauvres, tels que ceux du camp de Chälons, par example, l'epaisseur du sol arable est de 0quot;, 15 a O1quot;,^ sen lenient, recouvrant un banc de craie oü les vers ne peuvent vivre ? Dans uu tel terrain, renfouissement d'un animal charbonneux donnera lieu ä de grancles quantites de germes qui, par l'absence des vers de terre, resteront dans les pro-fondeurs du sol et ne ponrront nuire.
II serait ä desirer qu'une statistique soignee mit en correspon-dance dans les divers pays les localites a charbon ou sans charbon avec la nature du sol, en tant que celle-ci favorise la presence ou l'absence des vers de terre. M.Magne, membre de TAcademie de medecine, m'a assure que dans l'Aveyron, les contrees oü Ton ren­contre le charbon sont ä sol argilo-calcaire et que celles oiile char­bon est inconnu sont ä sol schisteux et grauitique. Orj'ai ouidire que dans ces derniers les vers de terre vivent diflicilement.
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52nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONiSEUSE.
J'ose terminer celte communication en assurant que, si les culti-vateurs ie veulent, raffection charbonneuse ne sera bientöt plus qu'un souvenir pour leurs animaux, pour leurs bergers, pour les bouchers et les tanneurs des villes, parce que le charbon et la pus­tule maligne ne sont jamais spontanes, quo le charbon existe lä oü il a etc depose et oü Ton en dissemine les gennes avec la complicite inconsciente des vers de terre; qu'enfin, si dans une localite quel-conque on n'entreticnt pas les causes qui le conservent, il disparait en quelquesannees (1).
Sur la proposition de M. Tbenard, I'Academie decide que le me-moire de M. Pasteur sera adresse a M. le ministre de l'agriculture.
M. Pasteur terminait par la pbrase suivante sa communication a l'Acaderaie de medecine:
.,lt; J'imagine que rAcademie aura peut-etre faitlaremarque que la tbeorie des germes parait prendre plaisir ä se jouer de ses adver-saires. Tanclis qu'ils s'cpuisent dansla recherche devaines contra­dictions, qu'ils ne parviennent meme pasä formuler claireinent (je fais ici allusion ä une communication recente de M. Jules Guerin), eile agrandit ses conquetes et fortifie ses methodes. On n'arretera sa marche ni en France ni a I'etranger : un souffle de verile I'ein-porte vers les champs fecouds de Favenir.raquo;
(1) Voyez le travail trfcs interessant que M. Baillet a public, il y a dix ans, sur les paturages de l'Auvergne qui produisent ce que Ton nomme dans cc pays le mal de montagne (Memoires du ministerc de l'agriculture, 1870).
Des 1876, un Ires habile veterinaire. Petit, avait demontre que le mal de montagne n'etait autre chose que le cliarbon, resultat confirme de nos jours, dans des rapports administrätifs remarqiiables, par M. Maret, de Sallanches. Une circonstance connue de tons dans le Cantal, e'est qu'il est des päturages qui, depuis un temps immemorial, sont epargnes, qu'il en est oü le mal sevit de temps a antre, qu'enfin on en troave oü le betail esl si frequemment decitn^ qu'on les a designes sous le nom do montaynes dangereuses, monlagnes qu'on abandon ne meme sou vent sans en tirer le moindre profit, laquo; tout au moins pendant quelque anuees, raquo; dit M. Bullet.
Cette derniere circonstance merite une grande attention. C'est la preuve que la cause, quelle qu'cllc soit, qui produit le charbon dans une localite, disparait avec le temps. Nous en avons cu plusieurs exemples dans le cours de nos recherches en Beauce. M. Beutet, le veterinaire si connu dans ce pays, nous a indique dos champs maudits, c'est-ä-dire des champs oü leurs proprietaires assurent que le charbon serait inevitable sur les moutons qu'on y ferait parquer. Aussi le parcage y cst-il intcrdit depuis un certain nonibre d'annees, c'est-ä-dire depuis la constatation des dernieres mortalitcs sur ces champs. Or, sur cinq de ces champs, nous avons elabli des troupeaux de moutons el lamortalite a ete nulle, excepte pour un des troupeaux oü eile a ele de 1 potrt' 100.
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Gelte Note, une des plus imporlantes au point de vue de l'etude de la maladie charbonneuse, renferme deux points essentiels :
1deg; Les animaux, etenparticuiier les moutons, auxqueis on donna a manger des aliments sur lesquels on a repandu des spores de la bacteridie charbonneuse, peuvent conlracter le charbon; et, dans ce cas, ils meurent avec tous les symptömes du charbon spontane. Voici le resume de nos experiences faites k Saint-Germain, pres de Chartres, au mois d aoiit 1878, et dont il est parle dans la Note precedente :
3 moutons ont re?u im repas de luzerne et de barbes d'orge coupees, arrosees de spores de bacteridies :
1 mort quatre jours apres.
il moutons ont recju uu repas de luzerne melangee de chardons, le tout arrose de spores de bacteridies :
3 morts : 1 apres trois jours. 1 apres quatre jours. 1 apres six jours.
19 moutons ont reou an repas de luzerne arrosee de spores de bac­teridies :
3 morts : 1 apres quatre jours. 1 apres sept jours. 1 apres neuf jours.
7 moutons ont servi de temoins et ont re^u des repas de luzerne seule :
Pas de mort.
Ce court resume nous montre nettement l'inflaence des corps piquants pour faciliter I'lntroduction des spores dans le corps des moutons. Parmi les moutons qui ont absorbe des spores, un certain nombre ont ete malades avec elevation constates de leur tempera­ture et se sonl remis ensuite.
2deg; La terre qui entoure les cadavres d'animaux morts charbon-neux renferme des spores de bacteridies. La terre de la surface des fosses en renferme egalement. Ges spores sont ramenees, des pro-fondeurs du sol ä la surface, par les vers de terre.
Je dois ajouter que les vers de terre ne sonl pas la cause unique pour laquelle les germes qui se sont formes dans la terre aulour du cadavre sont ramenes a la surface du sol. Tous les insectes qui
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51nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
viventdanslaterreet qui revlennent de temps en temps a la surface, les laboursun peuprofonds, les defoncementsdusol, elc., sonlautant de causes qui ajoulent leur action a celle des vers de terre. Ces I'aits avaient un corollaire oblige :
Puisque les moutons contractent le charbon en mangeant des spores de baclcridies; puisque, d'autre part, la terre ä la surface des fosses oü Ton a enfoui des animaux cbarbonneux conlient ces memes spores, il doit elre possible, en faisant parquer des mou­tons ä la surface des fosses d'animaux cbarbonneux, do leur faire contracler le charbon. C'est, en effet, ce qui a lieu, comme le mon-tre I'experience suivante dont M. Pasteur a rendu compte a I'Aca-dt'mie des sciences dans sa seance du 6 septembre 1880.
II y a deux ans, une cpizoolie cbarbonneuse se declara sur les vacbcs d'un petit village du departement du Jura (Savagna), que la maladie n'avait pas visile depais un grand nortibre d'annees. Elle ful provoquce tres probablecnent par une vacbe qui venait du baut Jura et qui etait cliarbonneuse, ä l'insu du bonclier qui I'avail amenee.
Dans une prairie de plusieurs hectares, unquot; peu inclinee, on a enfoui, ä 2 metres de profondeur et a des places distincies, trois des vaches mortes charbonneuses en 1878. L'emplacement des fosses etait encore parfaiteraentreconnaissable en 1880 a deux signes physiques : une petite crevasse, formee tout autour de la terre qui recouvre les fosses, delimitail celles-ci comme par uncercle; en outre I'berbe avail pousse plus dru sur les fosses que dans le reste de la prairie. Kons avions recueilli depuis deux ans, a intervalles variables de quelques mois, soil de la terre meuble, soil des dejec­tions de vers de terre k la surface des fosses, et dans tous les cas nous y avions constate la presence des germes du charbon, tandis qu'ä quelques metres seulement de ces fosses on n'en decouvrait pas.
Nous avons fait etablir sur les trois fosses un petit enclos, ä Vaide d'une barriers ä claire-voie et nous y avons place qualre mou­tons. D'autres enclos pareils situes ä quelques melres des premiers renfennaient des moulons temoins.
L'cxperience a commence le 18 aoüt 1880. Nos animaux etaient reparlis de la fafon suivante .
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Dans im 1M iot :
#9632;i moutous marquäs 1) sout places au-dessus de la fosse d'une vuche, tnorte au mois de juiu 1878.
I mouloas marques G soul places au-dessus de la fosse d'une vaclie morte au mois de juillel 1878.
i moutons non marqu6s serventde lemoins.
Dans ua S0 lot, distant du premier de 500 metres environ :
l moutons marques 15 sont places au-dessus de la fosse d'une vache morte en seplembre 1878. '2 moutous marques A servent de temoins.
Tons les moutons elaient conduits le matin dans les enclos ; on les ren-trait ä l'etalile pendant la nuit.
Le 24 aoüt, Tlierlje ayatit ele completement mangee sur les fosses, on donne :
Aux i moutons D de l'herbe inelangee de barbes d'orge et de terre de la surface de la fosse ;
Aux 4 moutons C de l'herbe souillee par la terre de la surface de la fosse;
Aux 4 moutons B de l'herbe simplemeut jetee sur la fosse.
Le 25 aoüt ä midi, un mouton G meurt charbonneux. 11 est evident que celui-lä s'est contagionne eu mangeant de l'herbe qui avail pousse ä la surface de la fosse, car les repas oü onmelangeait l'herbe avec la terrre n'ont commence que la veille.
Le lc' seplembre un mouton D meurt charbonneux.
Le quot;2 septembre un aulre mouton D meurt egalement charbonneux.
Jusqu'au 7 septembre, date ä laquelle on a cesse l'experience, aucuii animal n'a suecombe.
En resume, pendant une periotle de dix-huit jours pendant les-(|ucls les animaux sont restes sur les fosses, il est raorl:
'2 moutons par lc charbon sur l'une des fosses; 1 mouton par le charbon sur une autre fosse; 0 mouton sur la troisieme; Au total le quart des animaux places sur les fosses; Ü mouton panni les six temoins.
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5(5nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; GHÄRBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
II etait des lors demontre experimentalement et rigoureusemenl queles fosses oü Ton a enfoui des animaux charbonneux, sont dan-gereuses pour les animaux qui broulent Dierbe de la surface.
A la suite de ces experiences l'etiologie du charbon elait elablie d'une fafon complete.
Voici une nouvelle Note qui, tout en confirmant les fails qui pre­cedent, etablit que les germes charbonneux, une fois formes, peu-vent conserver leur vilalite pendant un grand nombre d'annees.
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GHAPITRE IV
SUR LA LONGUE DüP.fiE DE LA VIE DES GERMES CHARBONNEUX ET LEUR CONSERVATION DANS LES TERRES CULTIVfiES
Par MM. Pasteur, Chamberlaxd ct Roux
Academic dc medccinc, Ier fevrier 1881.
La Societe cenlrale de medecine veterinaire de Paris a nomme au mois de mai dernier une Commission et alloue les fends neces-saires pour contröler les fails nouveaux qui se sont produits re-cemment dans la science au sujet de retiologie du charbon, no-tamment les resultats qui concernent la presence des germes de celte maladie a la surface et dans la profondeur des terres oü ont ete enfouis des animaux morts charbonneux. La Sociele m'a fait I'honneurde me nommer membre de cette Commission, qui, outre moi-meme, est composiie de notre confrere M. Bouley, de M. Ca-mille Leblanc, membre de l'Academie de medecine, de M. Trasbot, professeurä rEcole d'Alfort, et de M. Cagny, veterinaire distingue a Senlis.
Je crois devoir faire connaitre ä l'Academie quelques-uns des resultats obtenus par la Commission.
A quelques kilometres de Senlis se trouve laferme de Rozieres, qui, chaque annee, fait des pertes cruelles par la lievre charbon-neuse. C'est cette ferme que la Commission, guidee par les judi-cieuses indications de M. Cagny, a pris pour champ de ses expe­riences. Dans le jardin de la ferme, jardin clos de murs, se trou-
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58nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION C1IARBONNEÜSE.
vent deux emplacements en quelque sorte prepares pour les etudes que la Commission voulait entreprendre. L'uu de ces emplacements sert aux enfouissemenls depuis trois ans : Faulre a servi il y a douze ans et dans les annees procedentes au mcme office, mais n'est plus utilise depuis cclte epoque. La Commission m'a charge d'abord de rechercher si, ä la surface de ces fosses, la terre ren-fermait des germes charbonnenx. A cet effet, M. Leblanc me remit au mois de septembre dernier deux petites boites renfermant cha-cune environ 5 grammes de terre preleves par lui-meme ä la sur­face de eliacune de ces fosses. Apres un lessivage et un traitement convenable de ces terres, nous avons inocule leurs parlies les plus tenues ä des cochons d'Inde, qui sont morts rapideraent et entiere-ment charbonneux.
La Commission proccda alors ä rexpcrience suivante, dont la surveillance fut confiee a deux de ses membres, MM. Leblanc et Cagny. Le 8 octobre, sur la fosse d'il y a douze ans, on a inslalle sept moutons neufs,' c'est-ä-dire qui n'avaient jamais eu le cliar-bon. On les y a laisses pendant quelques heures dans Tapres-midi, puis on les a rentres ä la bergerle, tout ä cote du restant du troupcau. Tons les jours, quand il faisait beau, on conduisait les sept moutons sur cette fosse et apres quelques heures on les ramenait ä la bergerle. II n'y avail pas d'herbe ä la surface de la fosse et ron ne donnait ä manger aux moutons que dans la bergerie meme.
Le 21-novembre 1880, MM. Leblanc, Cagny et moi, nous nous sommes rendus ä la ferme de Uozieres pour constater les resultats obtenus. Des sept moutons, un etait mort le 24 octobre, un deuxieme le 8 novembre, tous deux charbonneux; les autres se portaient bien.
Quant aux moutons temoins, c'est-ä-dire tous ceux restant du troupeau, aucun n'etait mort dans le meme Intervalle de temps.
Voilä done un nouveau contröle precieux des fails que nous avons annonccs h l'Academie au mois de juillet dernier ct plus recemment encore, avec cette double particularite tres interessante qu'ils'agit ici d'un scjour momentane ä la surface d'une fosse oü depuis douze ans on n'a pas enfoui d'animaux charbonneux, et que
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les moulons mis en experience, qui ont eu deux morts sur sept dans rintervalie de six semaines, n'ont pas pris de repas sur la terre de la fosse; d'oü il resulte que le germc de la maladie n'a pu penetrer dans leur corps que par suite de l'habitude bien connue qu'ont les moutons de flairer sans cesse la terre sur laquelle ils sent parques.
II n'est pas inutile d'ajouter que les emplacements meurtriers dont je viens de parlor servent a la culture potagere de la forme. Nous avons demande au formier si le charbon no s'ölait jamais declare sur les habitants do la fermo. Le fermier nous rcpondit : laquo; Cola n'a pas olo constate. Moi seul, et vous en voyez la cicatrice, nous dit-il en montrant son visage, moi seul ai eu une pustule ma­ligne qui a gueri. raquo; II est presumable quo, si les legumes con­sommes dans la ferme n'etaient pas cuits, les choses so seiaient passees differemment et que la ferme aurait peut-etre compte des viclimes par la terrible maladie.
Combion d'enseignements d'une baute gravile dans les fails qui precedent!
On croyait quo la vegetation et les cultures, par des pbenomenes naturels do combustion et d'assimilalion, detruisaient toutes les matieres organiques des vidanges et des engrais. Un principe nou-veau nous est revele : combustion et assimilation vegetates n'attei-gnent pas les germes de certains organismes microscopiques. Je ne crois pas que l'etiologie des maladies transmissibles se soit jamais enrichie d'un principe plus fecond, toucliant l'hygiene et la pro-pbylaxie de cos terribles fleaux. Qui pourrait assigner les che-minements, divers et multiples sans doute, des germes, clepuis le moment de leur formation jusqu'ä celui ou ils frappent leurs victimes, lorsque ccs germes sont des agents de contagion et de mort?
Les habitants de la ferme do Rozieres foulent aux pieds les germes charbonneux, et ces germes n'ont atteint personne. Mais changez ä peine, comme nous venous de le faire, les conditions de la vie des animaux dans la ferme et vous entrainez la mort rapide de certains d'entre eux, dont les chairs, par tel ou tel mode de transport du parasite charbonneux, piqüres directes ou piqüres indirectes par des mouches, iront porter le mal chez de nouveaux
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animaux el chez rhomme : temoin I'exemple cite du fermier lui-meme (1).
Voici maintenantune Note qui indique quelques-uns des moyens auxquels nous avons eu recours pour rechercher la presence des germes charbonneux dans les terres:
SUR LA CONSTATATION DES GERMES DU CHARBON
DANS LES TERRES DE LA SURFACE DES FOSSES OU L'ON A
ENFOUI DES ANIMAUX CHARBONNEUX
Par MM. Pasteur, Ch.oiderland el Rolx.
Academic de medecine, 8 mars 1881;
Toute terre contient une multitude de germes d'organismes microscopiques d'especes variees, aerobics et anaerobies.
Des lors ä la surface des fosses ou Ton a depose des cadavres d'animaux charbonneux, les spores-germes de la bacteridie du charbonse trouvent associees ä beaucoup d'autres germes. Si Ton se souvient d'experiences que nous avons decrites autrefois (juillet 1877) sur l'arret de developpement possible de la bacteridie dans ses cultures artificielles ou dans le corps des animaux lorsqu'elle est associee a d'autres organismes microscopiques, on comprendra aisement qu'il y a la un grand obstacle a la recherche des germes charbonneux dans les terres. Ces difficultes sonttelles que, a moins
(1) Une petite erreur s'est glissee dans la redaction de cette Note. Le fermier dontilest parle n'avait pas contracte la pustule maligne dans la ferme de Rozieres, mais dans une autrc forme qu'il exploltait auparavant et qui etait aussi une ferme ä charbon.
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de precautions particulieres, on pent echouer dans la constatation de la presence des spores charbonneuses dans les terres oü cepen-dant on en a introduit direclement.
Par diverses raethodes on pent lever ces difficulles. Nous en ferons connaltre deux de preference :
La terre est lessivee par lavages successifs ; on laisse reposer les vases de decanlation, dont on recueille a part les parlies les plus tenues. Les depots se font plus rapidement quand, aux eaux de lavage, on ajoute qnelques gouttes de chlorure de calcium.
Apres avoir reuni tous les depots les plus fins, on les porte a 90 degres, pendant vingt minutes, dans un bain-marie ä tempera­ture constante. Ces depots sont trails ensuite comme il va etre dit:
Dans un tube, ferme a une de ses extremites et un peu elrangle vers son tiers inferieur, on place descailloux siliceux bien laves on des fragments de marbre, qui sont retenus par rctranglement et remplissent les deux tiers superieurs du tube. Un ou deux trous pratiques dans la partie inferieure de ce lube, au-dessous de l'etran-glement, entretiennent une circulation d'air dans toute la bauteur occupee par les fragments pierreux.
Apres avoir delaye dans un peu d'eau de levure sterilisee les depots tenus dont nous avons parle, on en bumecte tous les frag­ments pierreux et on porte ä l'etuve vers 30 ou 35 degres. Enfin, apres qnelques beures d'exposition a ces temperatures, on lave les fragments pierreux avec un peu d'eau et on inocule tout ou partie du liquide ainsi prepare a des cobayesouädeslapins. On conclut ii la presence de la bacteridie dans la terre quand ces animaux men-rent cbarbonneux, leur sang et leur rate etant remplis du parasite de cette affection.
Lecbauffage des depots les plus tenus de la terre a 90 degres, a pour but de detruire tous les germes d'organismes microscopiques que recele cette lerre et qui ne resistent pas a cette temperature. On salt que nous avons constate depuis longtemps que les spores du charbon conservent, au contraire, leur faculte germinative a 90 et meme ä 95 degres.
L'emploi des fragments pierreux, d'autre part, a pour but d'of-frir aux spores de la bacteridie une grande surface de culture avec beaucoup d'air. Comme les germes des anaerobies ne germenl pas
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dans ces conditions, ä cause tie la presence de I'air, la bacleridie prendde I'avanee sur les germes anaerobies qui pourraient se deve-lopper clans le corps des lapius on des cobayes. Les vers de terre ramenent en effet, a la surface du sol, en meine temps que les germes dn charbon, lesgermes des diverses seplicemies.
Une autre melliode, peut-elre meilleure, consistc ä porter les depots des terres, prepares comme il a ete dit ci-dessus, et delayes dans du bouillon de levure, ä 42 et43 degres. A cette temperature, dans l'eau de levure, les spores-germes de la bacteridie ne se developpent pas. Gelte temperature, au contraire, convient ä la culture de beaucoup de germes que les terres renferment.
Apres quelques beures d'exposition et de culture commencees ä cette temperature, on porte les vases ä 75 degres, temperature qui detruit toutes les cultures en vole de deveioppement sans toucber aux spores du charbon ; puis, oninoculeaux lapins et aux cobayes.
Des terres quelconques prises dans des champs oü 1'on n'a pas enfoni d'animaux charbonneux, traitees comme on vient de le dire, ne donnent jamais le charbon, mais tres frequemment la septi-cemie. A cause des fumiers el des excremenls, les germes des diverses seplicemies sont partout repandus.
Les dejections des vers de terre, prelevees de preference au printemps ou a I'automne, epoque oü clles sont Ires nombreuses ä la surface des fosses d'enfouissemcnt des animaux charbonneux, sent quelquefois tellement chargees des spores-germes du charbon, qu'il suffit d'une simple iuocidation des depots des terres lessivees, depots prealablement portes un quart d'heure a. 90 degres, pour provoquer raffection charbonueuse chez les cobayes ou les lapins.
A la suite de ces diverses communications, il semblait qu'aucun doute ne pouvail subsister sur la presence des spores de bacte-ridies a la surface des fosses d'animaux charbonneux. Mais e'est une illusion que se font les savants lorsqu'ils s'imaginent que les fails qu'ils ont constates el qui ont pour eux la clarlederevidence, ne seront pas conlestes par d'autres qui malheureusement ne veulent pas le plus souvent se resigner ä repeler les observations
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dans les coiulilions precises qui out etc iiidiquees par leurs auteurs. Ces discussions eutre observaleurs qui ne se plucent pas dans les memes circonstaaces, aigrissent quelquefois les discussions, jellent le doute dans les esprits et obligent de porter la question devant une commission compelente qui juge en dernier ressort. Si la verite se trouve alors deinonlree avec plus de force pour le public, beaucoupde temps a etc perdu qui aurait pu etre employe plus utilement pour la science.
Quoi qu'il en soit, le fait de la presence des spores de. bactiiridies a la surface des fosses d'animaux cliarbonneux, fut vivement con-teste par un savant professeur de l'ecole veterinaire d'Alfort, M.Colin. Une Commission fut nommee, et voici le rapport qui mit fin au debat :
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RAPPORT SUR LA LO^'GUE DURfiE DE LA VIE DES GERMES
CHARBONNEUX ET LEUIl CONSERVATION
DANS LES TEURES CULTIVEES
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AU NOM D'U.NK CÜSIJIISSIO.N COMroSEE DK MM. DOULEY, J)[-(isillC111, DAVAINB,
Alphoxse Guekix et Villemin, rapporteur.
Acadomie Jc medecine, 17 mal 1881.
N
Messieurs,
II y a quelque temps dejä, notre eminent collegue, M. Pasteur, est venu apporter ä cette tribune, en son nom et au nom de MM. Chamberland et Roux, un fail de la plus haute importance, touchant la production el la propagation de la maladie charbon-neuse. 111'a resume dans les propositions suivantes :
De la terre recneillie au-dessus des fosses oü sont enfouis des animau.x cliarbonneux depuis plusieurs annees, convenablement traifee, esl susceptible de produire le charbon par inoculation. Les vers de terre sont les agents qui ramenent constamment les germes
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64nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION GHARI30XNEUSE.
morbides de la profcmdeur des fosses ä la superficie du sol, au moyen de leurs excremenls.
La revelation de ce mode de propagation du charbon avail vine nouveaute particuliere, parce qu'il elaitavere que la putrefaclion detruisait la virulence cliarbonneuse. Aussi M. Colin a-t-ii conteste tout d'abord l'exactitude de ces propositions et oppose aux resul-tats positifs des experiences de M. Pasteur lesresultats negalifs des siennes propres.
Le litige se reduisant ä une question de fail, votre Commission n'avait qn'ä assisler en lemoin desinteresse aux experiences de Tun et de l'aulre de nos savants collegues, a constater les rcsultats obtenus et ä vous en faire part ensuite. M. Pasteur seul s'ctant mis a la disposition de la Commission, nous n'avons ä vous rapporter que les interessantes experiences qu'il a realisees sous nos yeux.
Voici les conditions dans lesquelles elles out etc executees :
MM. Cagny, membre de la Societe de medecine vcterinaire, et Roboüam, vcterinaire de la feme de Rozieres, demeurant ä Rully, out etc cbarges de recucillir les terrcs deslinees aux experiences. Elles out ete prises sur les fosses visitees, au mois do septembre dernier, par MM. Leblauc, Roboüam el Cagny, et qni out fourni la terre des premieres experiences de M. Pasteur. Elles sont au nom-bre de deux : Tune, la vieille fosse, date de douze ans; el I'autre, la nouvelle fosse, ne remonte qu'a trois ans.
MM. Cagny et Roboüam onl enferme separement dans deux boiles neuves de la terre de cbacune de ces fosses. Cette terre a etc prise en partie a la superficie, en partie ä une profondeur de 50 a 80 centimelres. Une troisieme boile a etc remplie avec la terre vierge, c'esl-a-dire recueillie en debors du jardin ä vingl metres du mur dcrriere lequel se trouve la vieille fosse. De memoire d'homme, declare M. Gaste, le proprietaire de la ferme, il n'y a pas eu de mouton enfoui lt;i eel endroit. Ce n'est pas non plus un champ maudit, le troupeau y sejourne sans accident.
Les boites out ele fermees seance tenante et entourees d'une
ficelle; de la cire a ete appliquee sur deux faces, ä rintersection
des lours de ficelle. Quatre etiqueltes ont ele collees a cheval sur
chaque brin de ficelle el signees Paul Cagny et Alb. Roboüam.
Les terres ainsi envoyees a la Commission elaient done de trois
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sortcs que nous appellerons par abreviation : terre de douze ans, lerre tie trois ans et terre vierge.
, Plus tard, et pendant le cours de ses travaux, votre Commission a regu, en outre, expediös, cacheles et signes par M. Roboiiam, un petit sac d'excrements de vers de terre provenant de la fosse de douze ans et une petite boite de vers recueillis sur la fosse de trois ans.
Le 18 mars, la Commission reunie dans le laboratoire del'Ecole normale, verifie les cacbetsdesboites qu'elle trouveintactset entie-rement conformes aux indications du proces-verbal envoye par M. Cagny. Ces boltes sont ouvertes et les experiences commencent avec les infinies precautions qui leur donncnt une precision vrai-ment admirable.
Avec une cuiller de porcelaine prealablement flambee, on retire de la belle ä terre vierge environ 200 grammes de terre, que Ton met dans un mortier, flambe aussi, de meme que son pilon. On l'ecrase et on I'introduit ensuite dans un flacon de la contenance de deux litres, qui a ete auparavant porte a. une temperature de 260 degres ä l'etuvo. On ajoute un pen plus d'un demi-litre d'eau dis-lillee et Ton agite fortement. Quelques gouttes d'une solution saturee de cblorure de calcium batont la precipitation des matieres ter-reuses les plus lourdes. Des que cette precipitation esl accomplie, on decante au siphon tout le liquide trouble qui surnage, mais de teile fagon que I'air rentrant dans le flacon, fillre sur une couche de colon. Cette precaution a etc reclaraee par la Commission, afin de se inettre ä l'abri des germes charbonneux eventuellement sus-pendus dans I'air d'un laboratoire, oü Ton etudie lecharbon depuis plusieurs annees, uonobstant les precautions prises journelleraent pour eviter cet inconvenient. On remet de l'eau sur la lerre restee aufoiul du flacon, on decante de nouveau, de la meine maniere; on repete six fois la meme manoeuvre et Ton obtient ainsi par six decantations sucCessives six vases coniques d'eau trouble de un demi-litre environ.
Les lerres des fosses de trois ans et celles de douze ans sont traitees d'une fajon identique. Onremplit dela sorle six vases coniques d'eau pour chacune des trois terres soumisesäl'experience. Ces vases sont soigneusementeliquetcs et abandonnesrecouverts d'un papier flambe.
Le lendemain, 19 mars, chacun des vases presente une couche
CH. CHAMBEULAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;5
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66nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CIIARDO.N. — VACCINATION CHARCONNEUSE.
de depot puhernlent de moins de 1 millimetre d'epaisscur. On d6-cante au siphon, etles depots des six vases correspondanlsachacune des trois lerres sont reunis dans un lube h essai, prealablement epnre par la chaleur. On a ainsi trois tubes qui sont ferraes ä la latnpe, etiquetes eit portes ä une temperature de 90 degres pendant vijigt minutes, afin de detruire autant que possible les difTerents germes sans porter atteinte äeeux du cliarbon. Cependant M.Pasteur annonce ä la Gommission que, malgre cette precaution, les inocula­tions reproduiront en grande partie la septicemie.
Les tubes retires sont ouverts par une section a leur partie supe-rieure^oii aspire le liquide clair qui surraonte les depots, et on pro-cede aux inoculations avec ces derniers.
Troisseries de cinq cobayes ehacune sont inoculees avec. les de­pots des trois terres, ä savoir: la terre vierge, la terre de la fosse de trois ans et la terre de la fosse de douze an?. Chaque animal repoit sous la peau du ventre une quantite de depot terreux correspon-dant a environ dix divisions de la seringue de Pravaz Les aniraaux de chaque serie sent mis separement dans trois cages distinctes, etiqiuetees par la Commission.
La Goiinmission, retuniele 55mai's, procedeärexamen des cobayes inocales le '19.
Premiere serie (terre de douze ans). — Tons les animaux sont morts ; les quatre premiers ont succombe du 21 au 22 ä la septioe-mie. Le cinquieme, mort le 23, estentierement charbonneux.
On constate de nombreuses bacteridies dans le sang du coeur et de la rate. Celle-ciestconsiderablement hypertrophiee. Les globules sangains offrent I'agglutination signalee par ML Davaine.
Deuscietne serie (terre de ti-ois ans). — Tons les animaux sont eax aussi mwts, le premier le 21, trois autres du 22 au 23, et le dernier dans la journee du 23. Les quatre premiers sont sep-ticemiques. Le cinquieme estcharbonneux : la rateestvolumineuse, son sang est rempli de bacteridies, celui du cajur en renferme artissi, mais en moindre quantite.
Troisietme sörie (terre vierge). — Les cinq cobayes sont vivants et bien portants. Us presentent seulement au lieu de l'inoculation mae nodosite de la grosseur d'une petite noisette. On en sacrifie un afin d'examiuer cette lesion locale. Elle est constituee par unabces
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enkyste dans une membrane pyogenique, les tissus avoisinants sont enfierement sains. Disons par anticipation, que les qualre autres cobayes survivants sont aujourd'hui encore en pari'nite sante.
Qualrieme serie.— Le 30 mars, on repete lesmemes experiences avec les terres de trois ans et de douze ans, traitees coinme prece-demment. Deux groupes de trois cobayes chacun sont inocules avec les fins depots de cbacune de ces terres. Le3 avril, les six animaux sont morts. Cinq ont snccombe ä la septic^mie aigue et le sixiöme au charbon ; ce dernier avait ete inocule avec la terre de douze ans.
Cinquihne serie. — Le 25 mars, afin de donner une double preuvcque les animaux, reconnus charbonneux k la suite des ino­culations precedentes, ontbien veritablement succombenucliarbon, on inocule deux cobayes, k savoir: un petit, avec le sang ducobaye rendu cliarbonneux par la terre de trois ans; un grand, avec le sang du cobaye rendu charbonneux par la terre de douze ans. Le 28, ces deux animaux sont morts du charbon. Une goutte de sang prise k l'oreille de chacun dquot;eux et eusemencee dans dn bouillon de poulet, avait reproduit le30 labacteridie charbonneuse avec abondance et k l'etat de purete parfaite.
Sixicme serie.— Le 25 mars, la Commission ouvre la boite rcn-fermant les vers de terre recueillis sur la fosse de trois ans, et en-voyes parM. Robaüam. On extrait de trois ou quatre de ces animaux encore vivants une petite qnantite d'excrements que Ton delaye dans quelques gouttcs d'eau distillee. Avec ce melange on inocule trois cochons d'Jnde qui sont trouvcs morts le 30. Deux avaient succombc a la septicemieet le troisieme au charbon. De ce dernier une goutte de sang prise k l'oreille avait etc eusemencee et avait re­produit la bacteridie pure, sans melange d'aucun autre organisme. La meme operation de culture, pratiquee avec le sang des deux autres, n'avait rien donne.
Septieme serie. — Les experiences de la troisieme serie rappor-tees plus haut ont montre que la terre recueillie en dehors des fosses charbonneuses est restee inoffensive pour les animaux inocules. Mais il faut se rappeler que M. Pasteur avait affirme, des 1879, que laplupartdes terres etaient snsceptibles de donnerdes morts par sep-ticemie en dehors de tout enfouissement d'animaux charbonneux. A la page 1065 du Bulletin de l'Academie de Tannee 1879, il
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68nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
s'exprime ainsi: laquo; Dans nos experiences nous avons rencontre cetle circonslance remarquable qua toules Ies terres naturelles que nous avons eu I'occasion d'examiner, renfennaient des gerines pro­pres ä donner une septicemie particuliere. raquo;
Votre Commission a tenu ä voir repeter des experiences tendanl ä intirmer ou ä confirmer cette proposition. Voici dans quelles con­ditions elles out ete executees.
Des versde terre ramasses dans uu terrain vague situe sur Tem-placement de l'ancien college Rollin, ou avaient ete enterres des cadavres humains pendant la Commune, ont fourni une certaine quan­tity d'excrements. Ceux-ci, delayes dans un pen d'eau distillee, ont cteinoculesle ^Smarsatrois cobayes. Le lc'avril,un deces animaux est mort septicemique et lesdeux autres sont encore actuellemenl bien portants.
Huitieine serie.-- Enfin, des excrements de vers ramasses sur la fosse de douze ans et expedies par M. Roboüara sont traites par les precedes que nous avons decrits plus baut au sujet des terres de ditlerentes provenances. Et, afin d'isoler les gerines charbonneux de ceux de la septicemie, on ensemence les fins depots pulverulents oblenus par decantalion. La culture desgermesd'apres la metbode de M. Pasteur, qui esl fondee sur la necessite de la presence de l'air pour le developpement de la bacteridie charbonneuse et sur son absence pour celui du vibrion septicemique, donne une rapide production de bacteridies. Celles-ci sont inoeulees le 30 mars ä deux cobayes qui succombent le 3 avril au charbon le plus legi­time.
Teiles sont, Messieurs, les experiences interessantes au plus baut degre auxquelles a assiste votre Commission. Elles confirment d'une fafon evidente les curieux faits annonces par MM. Pasteur, Cbam-berland et Roux.
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CHAPITRE V
RECAPITULATION DES FA1TS ACQUIS. — EXEMPLES DE CONTAGION NATURELLE
De rensemble des experiences qui precedent il resulte :
1deg; Que la maladie du charbon est produite par un microbe, la bacterklie (bacillus anlhracis des Allemands);
2deg; Que ce microbe donne naissance a des germes qui restent vivants dans le sol pendant plusieurs annees;
3deg; Que les animaux qui mangent des aliments souilles de ces germes peuvent contracter la maladie dite spontanee.
Voici des figures qui montrent l'aspect de la bacteridie on de ses germes ä im grossissement de 400 ou 500 diamefres.
La figure. 1 (p. 70) represente le sang d'un animal dans l'etat de santc. On ne voit que des globules rouges empiles las uns sur les autrcs, et quelques globules blancs.
La figure 2 (p. 71) represente le sang d'un animal morl du char­bon. On voit que les globules out perdu la nettete de leur contour; ils sont comme londus les uns dans les autres, ce qui fait dire que le sang est poisseux et agglutinatif. Mais c'est lä un caractere des glo­bules qui ne se presente pas dans tous les cas. Ce qui est constant et ce qui caracterise d'une fa(;on certaine le charbon, c'est la presence des filaments droits, casses et immobiles qui se trouvent entre les amas des globules du sang. Cesbätonnets sont les bacleridies.
La figure 3 (p. 72) represente l'aspect d'une culture de sang charbonneux dans le bouillon neutre de poule au bout de vingt-qualre ou quaraute-huit heures; les bacteridies, au lieu d'etre
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70nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARIiON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
courtes et cassces comine dans le sang, sont maintenant en fila­ments excessivement longs et quelquefois enroules comme des paquets de cordes.
Enlin la figure 4 (p. 73) represente l'aspect de la meme culture, mais apres plusieurs jours. Beaucoup de filaments paraissent remplls
Fie. 1.
:
denoyaux refnngentsunpeu allonges. Quelques-unssont encore dans des filaments trfes nets, quelques autres forment des chaines oü on reconnait la forme des filaments qui leur out donne naissance, mais oü le contour a disparu; d'autres enfin sont tout ä fait libres el, fiottent dans le liquide. Ces noyaux sont les gennes, les spores on graines de la bacteridie, car si on les seme dans du bouillon neutre de poule, on en volt sortir des filaments semblables a ceux de la fii;iire.quot;i.
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vT. K
ET10LOGIE DU CHARBON.
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Onpeut se deraander pourquoi, dans lesang, les bacteridks sont toujours courtes et cassees, tandisque dans les cultures artificielles alles sont en general tres allongees. La principale cause de cette difference d'aspecl doit, tenirärinfluencede l'oxygene del'air. Dans le sang, la bacteridie ne trouve qu'une quantite limitee d'oxygeae,
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Fig. 2.
tandis que dans une culture artißcielle cette quantite est pour ainsi dire illiraitee. Si Ton met, on effet, du sang charbonneux au contact de l'air, on voit les filaments s'allonger considerabtement et prendre l'aspect qu'ils ont dans les cultures artificielles. II est possible aussi qne le mouvement rapide du liquide sanguin entraiaantles bacleri-dies, favorise leur segmentation.
La bacteridie existe done sous deux formes : ä l'elat de filaments et ä l'etat de spores ou germes. Sous ces deux (itats ses proprietes
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72nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; GUAHBON. — VACCINATION CBARBONNEUSE.
sont fort dilTerentes. La bacteridie filamenteuse est tuee par une temperature de 60 degres ; eile est tuee par la dessiccation, le vide, I'acide carbonique, I'alcool, I'oxygene compriine. Les spores, au contraire, resistent ä la dessiccation, de sorle qu'elles peuvent for­mer poussiere et voltiger dans Fair. Elles resistent ä une tempera-
Fic. 3.
ture de 90 ä 95 degres, k l'aclion du vide, de I'acide carbonique, de I'alcool, de l'oxygene comprime. En un mot les germes sont beaucoup plus resistantsque les baderidies, ä loules les actions qui tendent ä lesdetruire.
Dans le sang d'un animal mort, tant que ce sang n'est pas mis au contact de l'air, il ne se forme pas de germes, quelles qnesoient les influences exterieures de chaleur el d'humidile. '
Ainsi si on preleve du sang au bout de un, deux, trois jours sur
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un animal mort du charbon, el qu'ou chaufl'e ce sang ä GO on 70 degres, temperature qui lue les bactericlies filameiileuses, mais non les spores, ou constate que le sang seme dans du houillon neutre de poule ne donne lieu a aucun developpoment. Lo temps pendant lequel les bacteridies restent Vivantes dans le snng, apres la
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Flü. i.
mort, estvariable aveela temperatureä laquelle se trouve le cadavre. Au froid, e'est-a-dire ä une temperature de 8 ä 10 degres, les bac­teridies sent encore Vivantes apres sept ou huit jours; ce dont on pent s'assurer en semanl le sang dans du bouillon; mais, si le cadavre esl expose ä une temperature de 25 a 30 degres, elles meurent plus rapidement. II ne faudrait pas tenter des inoculations dans le but de savoir si les bacteridies sont Vivantes ou mortes, car peu de temps apres la mort, quinze ou vingt heures apres, comine
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74nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
nous ravonsvu,ce sangrenferme generalement, outre la bacteridi^, un autre organisme, le vibrion seplique venu de I'inleslin avec le commencement de la putrefaction. Si Ton inocuiait ce sang, I'animal succomberait ä une maladie noirvelle, h septicemie aigue experi­mentelle, plus rapide et plus foudroyante que lecharbon. Les bacte-ridies, n'ayant pas eu le temps de se developper, ne se retrouve-raient pas dans le sang de ranimal mort, bien qu'elles existassent dans le sang inocule. De lä la necessite, lorsqu'on vent transmettro le charbou au moyen du sang, de ne se servir que du sang d'un animal recemment mort, depuis huit ou dix heures au plus. Dans les animaux qui succombent ii la septicemie aigue experitnentale on trouve surtout le vibrion septiqne dans la serosite qui entoure les intestins; au microscope il differe de la bacteridie en ce qu'il n'est pas droit et linmobilc, mais sinueux et mobile comme un serpent. La figure 5 (p. 75) raontre l'aspect d'une goulte de serosite perito-neale vue au microscope.
Ainsi la bacteridie ne se transforme pas en germes dans I'inte-rieur du corps d'un animal mort. Cela tient ä ce qu'elle n'a pas d'oxygene a sa disposition pour produire cette transformation. Elle s'est reproduite k Telat filamenteux jusqu'ä ce qu'elle ait absorbe lout l'oxygene libre. Elle se trouve alors dans les memes conditions que lorsqu'on la met en presence de l'acide carbonique. Cette absence d'oxygene est au contraire favorable au developpement du vibrion septique qui, lui, est im elre anaerobie, e'est-a-dire vivant et se multipliant surlout lorsqu'il n'y a pas d'oxygene.
La temperature exerce aussi une influence considerable sur le developpement des germes. A une temperature basse, 10 ä 12 de-grös, les bacteridies, non seuleraent ne donnent pas de germes, mais meme nese reproduisent pas sous la forme filamenteuse. Elles vivent pendant un temps plus ou moins long, trente ou quarante jours environ, et finissent par perir. Vers 15 degres elles com-mencent a se reproduire, maislentement, et dans ce cas on observe des formes bizarres, plus ou moins monstrueuses. Souvent par exemple, les bacteridies, au lieu d'etre en bätonnets, sent eu forme de boule un peu allongee ressemblant presque ä des cellules de levure de biere ou mieux k des dematium. Elles n'en conservent pas moins leur virulence et elles reprennent leur etat normal des
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qu'ou les cullive ii une temperature de 30 ä 35 degres. Enfin vers 44 ou 45 degres elles ne se reproduisent plus du tout et meurent rapidement.
Ces resultats nous permettent de comprendre ce qui se passe lorsqu'on eufouit un animal mort du cliarbon. D'abord on pent dire
Fig.
que toujours des bacleridies filamenteuses sent mises au contact de l'air. Le fait est evident si Ton depouille l'animal avant de l'enfouir. Mais, meme dans le cas oü on ne le depouille pas, il y a presque toujours du sang qui s'ecoule des narines, et de I'urine sangiiino-lente qui est rejetee par les voies urinaires. C'est, en eflet, un des caracteres de cette maladie. De plus la putrefaction ne tarde pas ä amener des dechirures qui laissent suinter des liquides charges de bacteridies encore Vivantes. Done des bacteridies se trouvent
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76nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
mises au contact de l'oxygene de 1'air. Deux cas peuvent alors se presenter:
Si Ton est a une epoque de rannee oii la temperature du sol esl Interieure k [quot;2 degres, ces bacleridies ne donneront pas de germes et elles raourronl. Dans ce cas Tanimal enfoul nc pourra pas etre une cause de contagion pour I'avenir. II est bien entendu que dans cette evaluation de la temperature 11 faut tenir comptede la chaleur developpee par la putrefaction.
Si,aucontraire,lesbacteridies se trouvent ä une temperature supe-rieure ä 15 tlegres, ce qui arrivera frequemment pendant les moiraquo; chauds de Fete, ceux dans lesquels on perd precisement beaucoup d'animaux par le charbon, ces bacteridies donneront naissance ados germes. Ceux-ci,uiiefois formes, conserveront leurvitalite pendant plusieurs annees. Ils seront ramenes ä la surface de la tcrre paries vers de terre, par les differents insectes qui vivent dans le sol, par les labours un peu profonds, par le defoncemenl du sol, etc.
On comprend ainsi pourquoi il y a des champs maudits, c'esl-ä-dire des champs oüTon ne pent pas faire paitro les animaux sans provoquer la maladie charbonneuse. Ce sent des champs oü ron a enfoui des animaux charbonneux, ou bien oii Ton a amene de la terre ou des engrais renfermant des debris charbonneux. On comprend egalement comment, en changeant les troupeaux de place, en les faisant emigrer dans d'autres paturages, on parvient presque toujours ä faire cesser la mortalite.
Ces germes peuvent, ä leur tour, etre transportes sur les champs de plusieurs manieres. Les pluies, et surlout les pluies d'orage, en entrainant les particules terreuses, entrainent aussi les germes. Une partie de ceux-ci se depose sur lesterres, le long des fosses des routes, etc.; une autre partie est entraineejusqu'auruisseaule plus voisin, lequel, s'il vient ä deborder, va egalement semer des spores sur ses rives. II est meme tres probable que ces spores, se trouvant parfois clans des eaux slagnantes plusoumoinschargeesde matieres organiques, germent, se reproduisentetdonnent de nouvelles spores comma dans les cultures artificielles. C'estprobablement lä la cause des epidemies charbonneuses qui se declarent parfois dans les prairies ä la suite des inondations.
Une autre cause de dissemination des spores est dans les engrais
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ETIOLOGIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;77
qui, souvent, proviennent d'etables oüsout morts des animaux char-bonneux, ou meme de fumiers sur lesquels on a jete les animaux ou des debris d'animaux morts du charbon.
Enfin nous avons dihnonlre qu'en faisatil manger des spores charbonneuses ä des inoutons, tons ne succombei)t pas. Cliez ceux qui survivent, les spores ingerees ne sont pas delruiles par leur pas­sage ä travers le canal intestinal. On les retrouve Vivantes et viru­lentes dans les excrements. De Sorte que des moulons qui out absorbe des spores sur un cbamp maudit par exemple peuvent en-suite, suivant le cbeniin parcouru par les animaux, les repandre ä desendroits variables.
Voilä beaucoup de causes, auxquelles sans douteon pourrait en­core en ajouler d'autres, qui nous permeltent de comprendre com­ment les germes se disseminent ä la surface de la terre. Par les pluies qui font rejaillir les particules terreuses sur les plantes, par les poussieres detacbees du sol, les fourrages peuvent done etre fa et lä recouverts des germes du charbon ; et les animaux qui les absorbent, se trouveut exposes a contracter la maladie.
Les fails sont nombreux qui prouvent que les endroits oü sont morts, ou bien oii out etc enfouis des animaux cbarbonneux, sont dangereux, mais parmi tons ces fails je n'en veux citer que deux, car ils soul tres demonslralifs.
Le premier a etc relate dans une communication faite par M. Pasteur ä rAcailemie des sciences et ä l'Academie de medecine on 1880. Yoici cette coininunication :
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78nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
ETIOLOGIE ET PKOPHYLAXIE DU CHARBON Par M. PASTEUR.
Academic des sciences, 2 oovembre 1880.
Ce n'est pas devant cette Academie qu'il y a lieu d'exalter la ne-cessitc des recherclies experimentales pour eclairer les pheno-menes naturels dont les causes nous sont encore inconimes. Alors meme que, dans certains sujets, des solutions pratiques semblent se degager des faits d'observation pure, la verite n'est acceplee et ne devient feconde en applications suivies que le jour oü eile a pour point d'appui des demonstrations rigoureuses.
La maladie designee vulgairement sous les noms de charhon, sang de rate, pustule maligne...., est si anciennemenl connueque certains auteurs sont portes ä croire que ce fut une des dix plaies d'Egyple, sous les Pharaons. Neanmoins, e'est seulemenl dans le cours de ces derniers mois que nous avons pu en etablir siireinent I'etiologie.Cette connaissance a fait surgir aussitöt dans l'esprit de tons, comme par une deduction obligee des faits nouveaux, un en­semble de mesures prophylactiques dont I'applicalion aussi simple qu'efticace pent faire disparaitre le fleau dans un nombre d'annees tres reslrcint. Ce ne serait pas la premiere fois qu'une maladie se trouverait facilement combattue — je citerai l'exemple de la gale — a la suite de la decouverte de sa veritable nature.
De divers cötes j'ai refu des temoignages rassurants sur les efforls qui seront tentes centre la fievrecharbonneuse, paries proprietaires Interesses et par TAdministralion. S'il fallait ajouter de nouveaux stimulants a l'urgence des mesures a prendre et convaincre des bienfaits dont elles seront le point de depart, aucune communica­tion ne serait inieux faite pour contraindre I'interet bien entendu des cultivateurs de nos departements oü I'afleclion charbonneuse
!.
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ETIOLOGIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;79
est enxoatique, qu'une Note manuscrite qui m'a ete confiee par M. Tisseraml, le savanl directeur du minislere de l'Agriculture et du Commerce. Les lectures que j'ai faites recemment ä l'Academie lui ayant rappele le souvenir de celte Note et son existence dans ses papiers, il a ete assez heureux pour la retrouver. Elle porte la date : Janvier 1865. C'est ä cette epoque, ä la suite d'une conversation qu'il eut avec M. le baron de Seebach, miaistre de Saxe ä Paris, que celui-ci lui remit cette Note tout entiere ecrite de sa main en langue frangaise. Les fails qu'elle relate sont une confirmation si eclatante de l'etiologie du charbon que j'ai exposee recemment, en mon nom et au nom de mes coliaborateurs MM. Chamberland et Roux, que je demande la permission de l'inserer iiitegraleraent dans nos Comptes rendus. Elle est d'ailieursaussi courte qu'inslruc-tive.
Note remise par M. le baron de Seebach, miiiistre de Saxe ä l'aris (janv. 1865).
En 1845, un nouveau fermierprit radministration de rron do-maine.
Celui-ci comptait faire des ameliorations sensibles, surtout rendre les terres plus fecondes par des engrais.
Dans ces conlrees, les terres apportees pendant l'ete dans l'elable des raoutons, souvenl remuees apres avoir servi de liliere aux betes pendant la nuit, et apres elre reslees recouverles par la paille en hiver, servent d'engrais etonl beaucoup d'avanlages. Pres de la ferme, il y avail une bände de terrain assez etendue dans laquelle les betes avaient ete enfouies depuis des temps immemoriaux. Elle apparaissail au fermier comine particulierement aple ä elre pre-paree, par le precede indique, pourservir d'engrais.
Le vieux berger s'opposa ä ce que cette terre füt introduite dans l'elable, mais il ne put obtenir qu'une modification aux dispositions arretees, en ce sens que Ton ne commenfa que par la moilie de l'elable.
Pres de 900 betes etaient couchees sur la terre ainsi introduite : a cole il y avail les brebis, el le reste, dans le fond, hors de contact avec les premiers. Pendant quelques jours les pertes n'etaient que
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SOnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHAIUtONNEUSE.
normales. Puis une nuit deux et le iendemain six betes crevaienl. On attribnait cos pertes a une cause quelconque et on laissait la terre dans l'ölable. Le Iendemain matin on trouva quarante-cinq beles crevees; une brebis de l'enclos juxtapose avait partage le meme sort. Dans le cours de la journee ciuquante betes etaient crevees.
Enfin la terre Tut exlraitede i'etable et celle-ci nettoyee, et une coucbe de furnier d'un pied d'iipaisseur introduite dans I'etuble. Pendant buit jours les pertes furent les meines, et ce n'est qu'alors qu'elles diminuerent petit a. petit. Pendant lesquinze premiers jours, trois cent douze betes du premier enclos creverent et buit brebis de l'enclos juxtapose. Dans la partie qui n'avait aucun contact avec la terre introduite, on u'eut ä deplorer aucune perte.
La mortalite continua dans des proportions moindres toutriiiver, de sorte que jusqu'au moment de la toison, quatre cents betes etaient crevees. G'est ä ce moment que j'obtins par cession Padmi-nistration de la ferine.
Les moutons creves avaient etc enfouis dans le meme endroit, et la terre apres avoir ete bien travaillee avait ete employee comme furnier pour une prairie secbe. J'envoie, par principe, les moutons au printemps sur ces sortes de prairies; je permis done que les moutons allassent paltre sur la prairie ainsi fumee, el d'autant plus fatilemenl qu'il me semblait avantageux d'ameublir ainsi ces terres au moyen des moutons. En buit jours je perdis treize betes, et je ne pus comprendre comment cette lerre ayaut ete iongtemps exposee ä la gelee et ä l'air, et travaillee apres avoir ete melangee avec de la cbaux et de la cendre, pouvait contenir encore des germes de maladie. Afm de me convaincre encore plus completement, je eboisis dix des plus mauvaises beles, et je les laissai pailre exclu-sivement sur cede prairie. En trois jours j'en perdis trois. Alors je cessail'expenence, puisque j'avais acquis la preuve que cette terre conteuait des elements de contagion qui etaient communiques aux betes lorsque leurs nez etaient resles en contact perpetuelavec eile.
On a I'habitude, dans nos contrees, de laisser en 6te les moutons peadant la nuit sur des terres que Ton veut preparer pour i'ense-meiicement. Lorsque les moutons crevent, ils crevent generalement pendant la nuit et sont enfouis dans le terrain meme.
iUon berger avait une repugnance que je qualifiais de supersti-
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ET10LOGIE DU GHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;81
tieuse, pour certains champs, et ne voulait pas y laisser les animaux peiuiant la unit. II prcteudait, sans en savoir la raison, que ces - cliamps elaient malsains. Plus tartl j'arrivai ä la conclusion qu'il avail raison, et je lächai de in'en rendre compte.
Le terrain, auprintemps, est ties dur, et le travail pour y creuser un trou süffisant pour y enfouir les betes, est tres penible. On le fait par consequent tres superficiellement, et les cadavres sont tres faci-lement mis ä decouvert par les chiens. Ceci nie paraissait fort degoütant, et je donnai une beclie ä mcs bergers afin de raieux enfouir leurs animaux.
Un jour, des chevaux atteles ä une charrue s'enfoncerent dans le terrain el furent asperges par une matiere putride; la charrue mit ä decouvert les restes d'un mouton en putrefaction; ceci nie de-goüta et j'ordonnai une vigilance severe sur la maniere d'enfouir les betes.
Le coin du champ oü eel incident etait arrive m'est reste claire-ment dans la memoire. Le champ fut ensemence cette annee-lä meme avcc du ble, et rannee suivante avec du trede. A la place en question, le trelle vint avec profusion et a une hauteur extraordi­naire. Un jour je m'apergus que ce trefle avait disparu, et je ne doutai pas qu'il n'eüt ete vole.
Le lendemain matin, une femme vint en pleurant ä la ferme me dire que sa chevre etait crevee et que sa vache etait malade.
Gelte circonstance m'ouvrit les yeux, et je me rendis aussitöt dans son etable, oü je constatai que la vache avail la maladie de la rate la plus prononcee. Le cadavre de la chevre me fut apporte, et je constatai egalement la meme maladie.
La femme m'avoua qu'elle avait pris le treflejustemenl ä la place qui m'etait restee dans la memoire, et qu'elle en avait nourri ses deux betes.
II y avait pres de deux ans que le mouton avait ete enfoui, et le trefle qui avait pousse ä cette place avait repandu les germes de la maladie. J'ordonnai aussitöt que lous les cadavres fussent apportes ä un endroit designe par moi, que j'enlourai d'un fosse de deux pieds et d'une barriere.
Depuis 1854 toutes les betes crevees sont enfouies ä cette place, etil neme reste plusqu'äindiquer les resullats de cette precaution:
CII. CIIAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;6
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82nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSE.
De 1849 ä 1854, jo perdis 15 ä 20 pour 100 par an. Do 1851 ä 1858, je perdisnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;7nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;
De 1860 ü 1801, je perdisnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;5nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;
En 1863, je perdisnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 3nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;
Tels sont les preeieux renseignements quecontientcetlecurieuse Note. Aujourd'hui nous savons ä quoi nous en lenir sur la veritable cause de l'infeetion qui s'empara des troupeaux de M. de Seebach. Elle ressort des fails que nous avons publies recemmenl sur la cul­ture du parasite cbarbonneux aulour des cadavres des animaux en-fouis, et sur les germes nes de cette culture profonde, que les vers, par leurs dejections, ramenent ä la surface de la terre et sui­tes piantes qui y poussent. Elle ressort egalement de cette decisive experience oü quatre moutons ayant ete parques sur une fosse con-tenant une vache cbarhonneuse enfouie plus de deux ans et trois mois auparavant, a 2 metres de profondeur, im des quatre moutons mourait le huitieme jour de son babitation sur la fosse, presentant toutes les lesions du cbarbon spontane et le sangrempli de filaments du parasite cbarbonneux. Je rappeile enfm que, depuis deux ans, toutes les tenlatives que nous avons faites pour donner le cbarbon ä des cobayes, soil avec la terre de la surface de cetle fosse, soil avec les dejections des vers, ont eu des resultats positifs.
Dans les derniers jours du mois d'aoüt, nous avons, M. Chamber-land et moi, reproduit cette meme experience sur quatre nouveaux moutons, en les faisanl parquer sur une fosse toute semblable ä la precedente, dansla meine prairie, avec cetle seule modification que des barbes d'orge, coupees en fragments de 1 cenlimelre de lon­gueur environ, furent jetees sur la lerre de la fosse, en meme temps que la nourriture des moutons. Cetle fois un mouton mourut le sixieme ''our et im second le seplieme jour de leur habitation sur la fosse. Quatre moutons temoins, nourris dela meme maniere, par­ques ä cole, mais non au-dessus d'une fosse, n'eurent aueun mal. Ces fails averlissenl une fois de plus les cultivateurs du danger des aliments piquants, non maceres, quand il y a lieu de craindre qu'ils soient souilles par des germes cbarbonneux.
Dans la Beauce, on a remarque ilepuis longlemps que la morta­lity se declare surtout apres qu'on a commence le parcage des trou­peaux sur les chaumes.
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ET10L0GIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;83
Deux circonstances conlribuent, dans ces conditions, ä une exa-göration de la mortality relativement ä ce qu'elle est ii I'elable. Sur les chaumes, les occasions de blessnres sont plus frequentes et les moutons sont ä lout moment exposes a rencontrer les sources meines des gertnes du charbon sur les points on, dans les annees ante-rieures, out etc enfouis des cadavres charbonneux.
Quand on envisage les horribles maux qui peuvent resulter de la contagion clans les maladies transmissibles, il est consolant de pen­ser que l'existence de ces maladies n'a rien de necessaire. Detruites dans leurs principes, elles seraient detruites ä Jamals, du moins toutes celles, dont le nombre s'accroit chaque jour, qui ont pour cause des parasites microscopiques. Corame tons les etrcs, ces es-peces parasitaires sont ä la merci des corps qui peuvent les frapper. Bien different est le groupe des affections qui accompagnent les manifestations de la vie consideree en elle-meme. L'bumanite ne saurait etre a I'abri d'une fluxion de poitrine ni do mille accidents divers d'oü peut naitre la maladie avec toutes ses consequences. En ce qui concerne I'affection cbarbonneuse, je crois fermement ä la facile extinction de ce lleau. Le monde entier pourrait I'ignorer, comme I'Europe ignore aujourd'hui la lepre, comme eile a ignore la variola pendant des milliersd'annees.
J'ai trouve le second exemple de contagion dans les Annales de VAgriculture (lre serie, I. XXX, p. 332); les fails qui s'y trouvent consigncs ont ele recueillies par M. Damoiseau, veterinaire ä Chartres.
Le 21 aoüt 1790, un nomine Davie ramenait une junicnt affeclee du charbon qu'il avail conduile an charlatan empirique de la com­mune d'Orgeres; ranimalsuccomba surune digue par on passaient les animaux de la ferme du sieur Le Gouct, ä Iloue (Eure-et-Loir), pour aller paitre clans une prairie ombragee, siluee au bord de la riviere I'Oise. Le cadavre de celte jumenl sejourna ä cet endroil pendant plus de deux heures; il fut ecorche ensuile et traine sans la peau par deux chevaux du sieur Le Gouet, tout le long de la
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84nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;LE CHARBON. — VACCINATION CllAllRONNEüSE.
digue sur laquelle des muscles declares, des intestins meme se-journerent; les excrements et le sang s'y epancherent. Ces debris putrides servirent queiques jours de pälure aux chiens et aux insectes.
Ce jour-lä, comme de couturae, le troupeau du sieur Le Genet passa plusieurs fois sur la digue pour aller au päturage. Les betes flairerent le sang et les debris cadaveriques clans toute la longueur du trajet qu'avait suivi le cadavre.
Les vaches de la fermc passerent ä leur tour, et, avec elles, le taureau. Celui-ci, ii l'aspect du sol ensanglante, entra en fureur, se roula plusieurs Ibis sur place en poussant des mugissements hor­ribles, en faisant sauter avec ses cornes laterre impregnee de sang. Pour I'eloigner dece lieu, 11 fallut faire rentrer les vaches et mdme employer des moyens violents.
Six jours apres le taureau paya le premier tribut ä la contagion: il tomba malade de la fievre charbonneuse : on le fit Uier. Le sep-tieme jour, plusieurs inoutons perirent du charbon. Le liuitieme, il mourut deux vncbcs; quant aux inoutons, ilsperissaient en si grand nombre que 1'on fut oblige d'aller, ä plusieurs voyages, leschercher dans les champs, avec un cheval.
Ces betes etaient amenees ä la forme et depouillees; les cada-vres ecorches etaient enfouis si pen profnndement dans les heritages voisins de la ferine, que les chiens, les volailles pouvaient s'en re-paitre en les deterrant. Ces negligences multipliaient les foyers de contagion : 500 ii 000 inoutons, parmi lesquels se trouvaient plus de üO animaux de race espagnole, perirent du charbon. Le troupeau de vaches compose de 25 betes perit tout entier; 15 ä 18 chevaux eurent le meme sort; et parmi ces dernieres victimes de la conlagion, le cheval qui transportait les inoutons fut atlaque le premier.
M. Damoiseau, en operant un animal d'une tumeur charbon­neuse, contracta la maladie dont il guerit heureusement.
Ce qui prouva bleu que la contagion avait seule occasionne tons ces malheurs fut I'observation suivante. Le sieur Le Gouet fit emi-grer ses moutons a quatre lieues de Houe : pendant le voyage il en mourut huit. Ils resterent pres de deux mois ä leur nouveau do­micile sans qu'il en mourüt un seul. Ramenes alors dans le lieu
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ETIOLOGIE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;85
infocte, ils furent frapp6s de nouveau el la mortality recoramenca. II est a notcrque nulIo cause infecle n'existait clans la locality oil est siluoe la ferine tie Hüne, et quc les animaux de trois autres fenncs voisines onl ete epargnes. — En outre, un vigneroa de Ilouii ayant passe avec deux vaches sur la digue oil gisait le cadavre ecorche de la jinnent morte du charbon, ne fut pas peu surpris lorsque le lemlemain matin, entrant dans son etable, il vitqu'une de ses va­ches etait morte; le surlendemain, lautre vache subit le meine sort.
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CHAPITRE VI
MESURES A PRENDRE POUU EVITEU LA PROPAGATION
DE LA MALADIE
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Ges exemples suffisent pour montrer jusqu'ä levidence qne les cadavres des animaux qui out suceombü au charbon sont la seule, ou mieux la priacipale cause de propagation de la maladie. Que faudrait-il des lorspour faire disparaitrc cette redoutable affection? detruire les cadavres ou les mettre dans un endroit inaccessible aux animaux vivants.
II est certain que I'lnciiieration ou li cuisson des cadavres serait la mesure la plus radicale et, de beaucoup, la plus efficace. Aussi a-t-on constate depuis longtemps, que dans les regions oüil existe des clos d'equaiTissage, la mortalite a subi une notable diminution. Dans une visile que jquot;ai Aiite recemmenl ä retablissement d'öquar-rissage de Sours, pres de Cliartres, j'ai pa m'assurer, en consul­tant les livres d'enlroe, que le nombre des animaux amenes a I'etablissement avail toujours cle en decroissant.
Maliienrenseinent ces etablissements sonl assez rares; en outre, les petits animaux comme les montoiis n'ont pas une valeur süffi­sante pour que les proprielairosdeclos d'equarrissage aient quelque avantage a envoyer cherclier les cadavres; de sorte que souvent. des moutons sont abandonnes sur les cliamps oü ils out succombc, ou bien sont enfonis ä une Ires faible profondeur. Quelquefois raeme ils sont depouilles sur place par le berger, et la ciiair est donnee en päture aux chiens qui en disperscat les debris. II en rdsulte que les germes vont se repandre un pen partout dans les cliamps. En outre, les chiens, par leurs morsures aux autres moutons du trou-peau, pratiqueut sur ceux-ci une veritable inoculation et peuvent leur communiquerla maladie.
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88 •nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Lorsque les raoutons meurent ä la bergerie, leurs eadavres soul souvent jetes sui' le fumier : delails iront röpaiulreles germes dans les champs, au moment ile la fumure. On enfonit aussi quelquefois les animaux dans rinterieur on sur le seuil cic I'elable, obeissant par lä ä unc vieille superstition qui avail la prelention tie conjurer ainsi le mal.
Ces pratiques anciennes doiventetre entierement rejelees, carce sont elles qui propagent la maladie. S'il exisle, dans le voisinage de la ferme, un etablissement d'equarrissage, on devra y trans­porter les eadavres le plus tot possible. Si cette mesure n'est pas praticable, le procede le plus sür el le plus commode consisterait ä sacriiler une petite portion de terra que Ton transformerait en un cimetiere clos d'un mur assez eleve el assez profoiulemenl assis pour que les animaux vivants ne puissenl y penetrer el pour que les eaux de pluie ne puissenl enlrainer les germes sur les champs voisins.
II y aurait aussi lieu de chercher a construire un four pour I'inci-neralion des eadavres, ou a elablir une chaudiere desliuec ä leur coclion. Pour s'assurer si cesderniers systemes sonl susceptibles de passer clans la pratique, il s'agirait d'evaluer, par des devis ap-proximatifs, le prix de leur installation. La coclion presenterait des avanlages en diminuant los frais d'exploilalion, car la chair, aprfes Toperalion, pourrail elre livrce en palure aux animaux domestiques lets que le pore, le chien, etc.
Le transport des eadavres exige les plus grandes precautions : en general les animaux laissent suinter du sang par leurs orifices naturels, les naseaux, la vulve, etc. Ce sang coule sur les routes el pent elre une cause de contagion. Les equarrisseurs devraient elre tenus d'avoir des voitures elanches, des voitures doublces de zinc, par exemple, de maniere que les liquides des eadavres ne puissenl arriver au sol. Dans les fermes il suffirait d'avoir une sorte de bac en tole, porle sur deux roues
Enfin il faul desinfecler les places oü sonl morts les animaux, ainsi que tons les objels avec lesquels ils onl ele en contact. II ne sera pas lonjours possible d'avoir recours ä l'action directe du feu ; on ulilisera alors la propriete que possedc I'eau bouillantede tuer la bacteridie el ses germes. On jeltera de I'eau bouillanle sur la
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PROPHYLAXIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 89
paillc, sur le furnier, sur le sol des ecuries, sur les parois des imirs, dans les mangeoires, elc, ainsi que sur les peaux qui ue doivent pas etre suspendues dans les bergeries sans avoir subi ce lavage. On nelloicra aussi ä l'eau bouillante les veliicules qui onl transports les cadavres, les couteaux ct autres instruments qui onl servi a les ecorcber.
Sil'animal ineurt sur les champs, on brnlera de la paille ou des herbes seches ii 1'endroit on il a succombe. Si Ton ne pent produire ces flambees, on arrosera la place avee une solution de sulfate de cuivre (vitriol bleu) renfermant 10 grammes de sei par litre d'eau. Cette solution sera aussi ulilement employee ä la disinfection des etables; eile constitue un des agents les plus actifs pour la destruc­tion des microbes en general et de la bacteridie et de sesgermes en particulier.
En resume, par un de cos trois moyens: le feu, l'eau bouillante ou la solution de sulfate de cuivre au centieme, il sera possible, dans tons les cas, de detruire la cause de propagation de la ma-ladie.
Si les cullivateurs veulent s'astreindre a appliquer les mesurcs qui viennent d'etre indiquces sommairemenl, il u'est pas douleux que le charbon finisse par disparaitre rapidement. Ils se mellront aussi eux-memes ä l'abrl du fleau ; et on ne signalera pins tons ces cas de pustule maligne donl sonf vicliraes les veterlnaires, les bergers, les bouchers, les tanneurs, les equarrisseurs, etc., et qui determinent chaqne annee la morl d'un uombre relalivement con­siderable de personnes.
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DEUXIEME PARTIE
VACCINATION. — RESULTATS OBTENUS EN FRANCE
ET A L'ETRANGER
PRATIQUE DE L'OPERATION
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CIIAPITRE VII
irrruonuGTiox
L'(itiologie et la prophylaxie ile la maladie charbonnense etant bleu (.-onmies, il resiait une derniere question ä etudier, celle de la preservation immediate des animaux centre cette terrible affection. Malgre toules les precautions qui pourront etre prises pour einpe-cher la formation de nouveaux germes de contagion, 11 est certain que, dans les localites oü la maladie regne k I'etat endemique, ces germes existent, qu'ils peuvent conserver leur activite virulente durant de longues annees ct menacer sans cesse la sante et la vie des animaux. II etnil done tres important de trouver un procede capable de mettre momenlaneinent les animaux lt;ä l'abri de cette cause do maladie.
II serablait naturcl de chercher ä guerir directement les betes malades; aussi les travaux entrepris dans cette direction sont-iis extrememeiit noinbreux. Mais il faut reconnaitre que tous les moyens preconises jusqu'ici et qui ont ete soumis au controle de Texperimentalion, n'ont donne que des resultats nuls on insigni-fiants. Apres un grand nombre d'essais, les cultivateurs lasses de tout, meme de Tesperance, on elaient reduits ä voir succomber leurs animaux sans meme essayer de les sauver. Quelquefois ils fai-saient emigrer leurs troupeaux; d'autres Ibis ils se bätaient de les vendre pour la boucberie, ce qui leur occasionnait toujours des pertcs assez considerables.
M. Pasteur ne tenta pas d'aborderla question par ce cote. Si Ton reflecbit que, presque toujours, au moment oü Ton s'aperfoit que ranimal est malade, il est presque completement infecte parce qu'il est malade dejä depuis plusieurs jours et que les premiers
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Dinbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
symptömes ont passe inapergus, on coraprendra combien il est dif­ficile, pour ne pas dire impossible, d'arriver ä la guerison. SouveiU L'animal n'a plus que quelques heures on meme quelques instants ä vivre; comment alors peut-on esperer trouverune medication assez energicjue pour enrayer le mal?
M. Pasteur chercha a realiser cette idee qui doit servir do base ä la medecine : prevenir et non guerir. Les personnes, par exemple, qui ont etc vaccinees par le vaccin jennerien, sont mises a I'abri de la variole au moins pendant un certain temps. Si Ton vent bien leflechir ä l'importance de ce resultat pratique, on rcconnaitra que cette grande decouverte de Jenner est plus importante que celle d'un remede contre la variole, remede qui n'aurait pas snpprime la maladie ni les traces qu'elle laisse apres la gnen'son. No serail-il pas possible de vacciner egalement les animaux contre la mala­die cliarbonneuse?
En 1880, II. Pasteur decouvrait precisementle premier exemple d'une maladie (cholera des poules) produite par un microbe spe­cial, lequel, par un artifice particulier, pouvait etre prive d'une parliedesa virulence et etre ensuite inocule sans danger anx poules. Par ce virus attenue on pouvait communiquer aux. poules une ma­ladie benigne; et, ä la suite de cette legere atteinte, elles etaient preservees centre la maladie mortellc.
C'estla, dis-je, le premier exemple d'une maladie produite par un microbe bien connu et ne recidivant pas. Depuis, plusieursaulres maladies ä microbes, egalement definies, ont ete reconnues jouir de la meme propriete. Dans les maladies bumaines, la plupart de celles qn'on designe sous le nom de maladies contagieuses comme la fievre typhoide, la lievre scarlatine, la rougeole, etc., ne reci-divent pas non plus. C'est la un point de rapprochement tres pre-cieux entre ces series d'affections et qui peut nous autoriser ä pen­ser qu'elles sont prodniles egalement par des etres microscopiques.
M. Pasteur, avec une merveilleuse sagacite, ne manqua pas de faire remarquer que le precede qui lui avail servi ä attenuer I'ac-tion du microbe du cholera des poules, devail vraisemblablemenl etre un precede general d'attenuation de la virulence des microbes en general, causes de ditlerentes autres maladies. Une Communi­cation recente, faite an congres de Geneve parM. Pasteur, en son
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PRELIMIXAIIIES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 95
nona et au nom de MM. Chamberland, Roux et Thuillier, montre la parfaite exactitude de celtc prevision.
Aussi M. 1'asleur cherclia-t-il ä appliquer cette melhode gene-rale ä la maladie cliarbonneuse. Lesucces ne tarda pas a couronaer ses efforts, ainsi que le prouvent les .Notes suivantes, qui ont etc lues a TAcademie des sciences et a rAcademie de medecine, et que nous reproduisons in-extenso.
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CHAPITRE VIII
bUU LA NON-RECIDIVE DE L'AFFECTION CH A.RBON N EUSE
Par MM. PASTEUR cl CBAMBERLAMD.
Academic des sciences, 27 septembre 1880.
J'ai ete charge par M. le ministre de ['agriculture et parle comite des epizootics, de porler im jugement sur la valeur des precedes de guerison du charbon des vaches, imagine par un habile veteri-naire du Jura, M. Louvrier. M. Ghamberland a bien voulu s'ad-joindre ä nioi pour ces recherches, et e'est en mon notn at au sien que j'en communique ä i'Academie les resultats.
Le precede de M. Louvrier a ete decrit dans le Recueü de mi-dec ine celerinaire de notre confrere, M. Bouley.
L'auteur s'efforce de maiatenir l'aaiinal ä une temperature elevee par des frictions, par des incisions ä la peau dans lesquelles il in-troduituu liniment ä la terebenlhine; enfin, enrecouvrant ranimal, la lete exceptee, d'une couche epaisse de 0m,20 de regain, preala-blement humecte de vinaigre chaud, qu'on retient par un drap qui eaveloppe tout le corps.
Le 14juillet 1879, nous avons inoculeädeux vaches cinq gouttes d'une culture de parasite charbonneux derriere I'epaule droite. Nous designerons ces vaches par les lettres M et 0. Des le lende-inaia un cedeme sensible se manifeste sur les deux vaches, moins etendu sur la vache M que sur sa voislne. Le 16 juillet, i'cedeme de M parait tlejä diminue; celui de 0 n'a fait que s'accroitre, et il descend meine sous le ventre. Nolons, en passant, ie fait des tu­mours, des oedemes chez les vaches inoculees. Dans les cas de
GH. CllAMBEKLANll.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 7
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98nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHÄRBON. — VACCINATION CHÄRBONNEUSE.
charbon spontane cliez les vaclies, ricn n'esl plus rare ([lie la pre­sence des tumeurs symptoinatiques. C'est que, suivant les conclu­sions de inoii rapport du 17 septerabre 1878, au miaistre de ['agri­culture, le charbon spontane s'inocule par les voies digestives. Dans les cas rares de tumeurs charbonneuses, il doit y avoir eu inoculation directe, par exemple par des mouches piquantes donl le dard vient de puiser le charbon sur un cadavre charbonneux. M. Beutet m'a dit un jour : laquo; Sur cent vaches charbonneuses il n'y en a pas une avec tumeur. raquo;
La vache 0 est tres malade, tres faible sur les jambes de derricre, qu'elle ecarte conime pour ne pas tomber. La temperature de cette vache, qni elail au debut de 38quot;,8, est montee ä 41%quot;). C'est alors que M. Louvrier commence ä lui appli(iuer sa inelliode de traite-ment le 1(3, ä neuf heures du soir.
Le 17 juillet, la vache M va bien. Sa temperature,qui ne s'est pas eievee, est toujours la temperature du debut. La vache 0 est tres malade, les ganglions pros de la cuisse sont dnrs, tres engorges.
Le 18 juillet, la vache M n'a plus d'oedeme, Elle est guerie et n'a Jamals ete sensiblement atteinte. C'est ev'ulemment une vache qui claitnaturellement ret'ractaire au charbon. La vache 0, au con-traire, est toujours malade, avec un enorme oedeme sousle venire, et les ganglions de la cuisse droite sont durs et douloureux. Sa temperature est cependant descendue ä 39quot;,7.
Le 19 et le 20 juillet, la vache 0 parait aller mieux.
Le 21 juillet, sa temperature est de 39 degres, quoique l'cp/ieme sous le ventre, devenu fluctuant, seit toujours considerable.
A partirdu22juillet, la temperature de cette vache est normale; l'oedeine diminue et se resorbe. La guerison devient peu a peu complete.
La vache M s'ctanl montree ret'ractaire et temoin infidele, on essaie de suppleer ä ce ternie de comparaison, qui fait defaut, en reinoculant cette vache JI a la place precedenunnt indiquee, et une nouvelle vache P qui u'a pas encore servi. On emploie cette fois dix gouttes de culture du parasite charbonneux au Heu de cinq, C'etait le -i aoüt. Les jours suivants, la vache M n'a pas change de temperature et n'a pas oll'ert d'oedeme. La nouvelle vache inocu-lee P presente un oedeme des le lendemain et sa temperature a
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N0N-RECID1VE DU GHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;99
passe cle38%8 ä 39%:i. Le 8 aout, eile marque 41deg;,^; roedeme s'est etendu et les ganglions de la cuisse droite, du cöte inocule, sont ennammes.
Le 9 aoüt, on note 410,5. L'oedeme est descendu sous le ventre; il est de plus en plus volumineux. La vache est fort triste ct tres malade.
A partir du 10 aoüt, la temperature commence ä baisser.
Le 13, eile est de 39deg;,5.
Le 14, eile est de 38deg;,3. La vache est guerie.
Je repcte que cetle vache n'a pas etc trailee parce qu'elle etait destinee ii servir do temoin pour la vache 0, qui avait subi les remedes Louvrier.
En resume, unc vache traitee par M. Louvrier a gueri, et une vache non traitee a gueri egalement.
Ces experiences ne perraettent done pas de porter un jugemenl sur l'eßicacite du remede dont nous aviousäjuger la valeur pra­tique. Nous resoliiines de les recommencer; mais nostravaux nous rappelant ä Paris, nous donnümes rendoz-vous a M. Louvrier, dans le Jura, pour l'epoque des vacances de 1880. Je vais faire connaitre les resullats de ces nouvelles experiences; mais, aupara-vant, que I'Academie me permette de i'entretenir du sujet principal de celte Note, do la question de la recidive et de la non-recidive du charbon, dont la solution s'offraitnalurellementa nous.
Nous venons de constater que des vaches auxquelles on a donne le charbon par inoculation et qui en ont subi les effets de la ma-niere la plus grave, peuvent se guerir spontanement. Teiles sont les vaches 0 et P, qui ont eu des tumeurs douloureuses enormes, des elevations de temperature considerables, et qui onl ete, ä un moment, si inalades, qu'elles pouvaient a peine se tenir sur leurs jambes. Nous avons voulu savoir si ces vaches pouvaient reprendre lainaladie. Dansl'espoir que du sang chaibonneux frais serait plus aclif peut-etre que des cultures de bactendi£3,precedemment em­ployees, nous avons, le 15 aoül 1879, reinocule la vache 0, tres bien guerie, avec du sang charbonneux pris ä un cochon d'Inde qui venait de mourir, le sang rempli de bacteridies. On essaie egalement I'elTet de ce sang sur la vache M, qui jusque-lä avait resiste a deux inoculations de cultures tres chargees du parasite.
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100nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAKBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Le 16, rien d'apparent dans la region des inoculations.
Le 18, leger cedeme aux deux vaches, sans elevation de tempe­rature.
Le 19, pas d'aggravation.
Le 20, les oedemes, toujours tres faibles, diminuent; la tempe­rature est normale.
Ce jour, nouvelle inoculation a chacune des deux vaches par dix goultes d'un liquide de culture de bacterulies. Les jours sui-vants, rien de visible aux points inocules et pas d'elevation de tem­perature.
Ces faits et particulierement ceux qui conceriient la vache 0, qui avail ele une premiere Ibis malade, avec un oedeme conside­rable et une temperature elevee de 3 degres, demontrent qu'unc premiere atteinte de la maladie preserve ranimal d'atteinles ulte-rieures. Le charbon ne recidiverait pas. On peut presumer, en outre, qu'une recidive, si eile a lieu, est de moins en raoins accusee.
Je passe aux resultats de noire etude recente en 1880.
Le 0 aoüt 1880, ä onzc heures du matin, on a inocule quatre vaches, A, B, C, D, par cinq gouttes d'ime culture du parasite charbonneux. Leurs temperatures sont comprises entre 380,5 et 39 degres au moment de rinoculation. On decide que les vaches A et B seront livrees a. M. Louvrier, qui leur appliquera sa me-thodt; de Iraitement dans Tecurie meine oü se trouvent les quatre vaches. Les vaches G et D seront conservees comme temoins.
Le 10 aoüt, ä deux heures du matin, c'est-a-dire quatre jours apres rinoculation, les vaches B et D meurent charbonneuses, apres avoir eu de fortes tumeurs et une grande elevation de tem­perature.
B est une des deux vaches auxquelles M. Louvrier a applique sa methode de traitement; D est une des vaches non traitees. Quant aux deux autres, la vache A, traitee par M. Louvrier, s'est guerie, mais egalement la vache C, non traitee, et toutes deux ont mani­feste des symplömes morbides fort accuses jusqu'au 12 aoüt, jour ä partir duquel la temperature a commence ä diminuer, les gan­glions ä elre moins douloureux et les oedemes ä se resorber, apres avoir ete enormes, pendants sous 1c ventre, contenant certaine-ment. disail M. Louvrier, plusieurs litres de serosite.
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NON-FIEGIDIVE Du CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 101
Detail des observations de la maladie des deux vaches A et C :
7 aoüt. Vache A, leger oedeine, 39 degres.
—nbsp; nbsp; Vache C, pas d'oedeme, 380,7. S — Vache A, oedema, 41quot;,1.
—nbsp; nbsp; nbsp;Vache C, pas d'oedemo, 38quot;,6.
9 — Vache A, oedema descend sous le venire, i1deg;,5. Le traitaraent pour cette vache commence ä neuf heures du soir.
—nbsp; nbsp; Vache C, leger oedeme, 38deg;,C.
10nbsp; nbsp; — Vache A, oedeme considerable, ganglions gros at sensibles,
41 degres.
—nbsp; nbsp; nbsp;Vache C, gros oedeme sous le ventra, ganglions engorges,
39 degres.
11nbsp; nbsp; — Vache A, temperature 41 degres.
—nbsp; nbsp; Vache C,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 4Ideg;,5.
12nbsp; nbsp; — Vache A,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 40deg;,5.
—nbsp; nbsp; Vache C,nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 41 raquo;,5.
Puis, les jours suivants, les temperatures vont en decroissant assez rapidement.
En resume, nouvelle impossibilite de rien conclure touchant refficacito du remede Louvrier, puisque des deux vaches qu'il a trailees une est morte, que I'autre a gueri et que, des deux temnins, une est egalemcnt morte et que la seconde egalement a gueri.
II n'est pas inutile de faire la remarque que si les vaches A, B, C, D avaient ete distribuees difl'ereramenf, que les vaches A et C eussent ete confiees ä M. Louvrier, et que B et D eussent servi de temoins, on aurait eu l'illusion de croire que le remede avail ele souverain, puisqu'il aurait gueri deux fois sur deux et que les deux vaches temoins seraient mortes. II ne faut jamais oublier que, dans certaines questions, la metbode ex perimentale pent etre sujette a ces dangereux basards.
Laissons done sans jugement la valeur du remede Louvrier et essayous de soumellre de nouveau a une eprenve experimentale le probleme theoriquement si important de la recidive du charbon.
Le 15 septembre 1880, les deux vaches gueries A et C, qui ont ete fort malades, comme on vient de le voir, a la suite des pre­mieres inoculations charbonneuses du 6 aoüt, sont reinoculees du cöte gauebe, e'est-a-dire du cote oppose mix premieres inocula­tions. On se sert de cinq gouttes d'une culture de bacteridies du
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102nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARHON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
charbon, bacleridies provenant d'une vacbe charbonneuse et non d'un mouton, car nous avons reconnu qu'entre ces deux sortes de bacteridies il exisle une difference sur laquelle nous reviendrons.
Les jours suivanls, pas d'oedeme sensible ni sur Tune ni sur l'autre vache, et pas d'elevalion de temperature. La question est done eclaircie; le cbarbon ne recidive pas, et si Ton se rappelio que, en 1878, dans nos experiences de Saint-Germain, pres de Cbartres, sur des champs de la ferme de M. Maunoury, sept mou-tons sur huitquiavaient ete malades ä la suite de repas souilles de cultures charbonneuses ont resiste ä des inoculations directes du sang cbarbonneux, memo ä haute dose, on peut dire que le fait de la non-recidive s'applique aux moutons de races frangaises comme aux vaches. Sur sept vaches auxqnelies nous avons communique le charbon par inoculation direcle, deux seulement ont peri. N'en soyons pas surpris. Dans les experiences faites de 1850 a 1852, par VAssociation medicale dc Cbartres (M. Beutet, rapporteur), dans le but de resoudre la question de l'inoculation possible du char­bon aux divers animaux, sur vingl vaches inoculees, une seulc a peri. La vache est bien plus refractaire au charbon iiiücule que le mouton. Elle en est malade le plus souvent, mais elloguerit faci-lement. Sur quarante-sept moutons inocules directement par ['As­sociation medicale de Chartres, trente-cinq sont rnorls, douze ont survecu (voyez le rapport de M. Boulet, do 1852).
Je dois faire ici un erratum ä ma Note du 12 juillet 1880. II est dit dans cette Note: Les spores, dans ce cas, se relrourent dans les excrements des cobayes et egalement dans les excrements des moutons. Cela va au delä des fails que nous avons constates. Nous avons reconnu seulement que les excrements des cobayes et des moutonspeuventdonnerle charbon; mais les spores charbonneuses ingerees y sont-elles intactes ou s'y sont-elles developpees en partiequot;? C'est ce que nous iguorons.
Par mes Communications sur le cholera des poules (9 fevrier et 26 avril 1880), nous connaissions une maladie virulente parasi-taire qui est susceptible de ne pas recidiver. Nous en avons main-tenant un second exemple dans I'affection charbonneuse. Nous savons egalement que, dans le charbon comme dans le cholera, des inoculations qui ne tuent pas sont preventives, et qu'enfin, de
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N0N-RECID1VE DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 103
meme que dans le cholera, on pent sans deute prevenir ä tons les dogres.
L'importance de ces n'snltats ne saurait echapper ä personne, car la pathologie humaine nous on offi'e d'analogues, et ils tendent une Ibis de plus ä rapprocher les maladies virulentes a parasites microscopiques des maladies virulentes dont la cause etiologique est encore inconnue. Ilappelons que la non-rccidive est, an moins pour un temps plus on moins long, un caractere habituel des mala­dies virulentes proprement ditcs, et j'ai eu sein de faire remarquer anterieuremenl que les fails d'obseryation de vaccine humaine per-meltaient deconchire qu'on pouvait etre vaccine ä divers degres et quo peut-etre on l'ötait rareinent au maximum.
Et maintenaiit rapprochons des observations precedentes le fail que M. Chauveau vient de constater sur des moutons algeriens dans une suite de Notes Ires interessantes. Apres avoir demontre que la race des moutons algeriens est moins apte a prendre le charbon que les moutons des races frangaises (8 septembre 1879 et 14 et 2S Jain 1880), 1'eminent directeur de l'Ecole veterinaire de Lyon a fait voirque celteimrnunite devient plus marquee ä la suite d'une premiere inoculation, quand celle-ci n'a pas entraine la inort (lOjuillet 1880). M. Chauveau est porte k cvo'.ve que rimmunite relative ties moutons algeriens el son renforcement par inoculation prealable laquo; soul dus a des matiäres nuisibles ä la proliferation de la bacleridieraquo; et, fort de cetle opinion, qui n'est pourlanl qu'une vue preconfne sans appui de roxperience, M. Chauveau croittrou-ver dans les fails qu'il a observes une objection ä l'explicatioa que j'ai proposee de la non-recidive dn cholera des ponies el des mala­dies vindenles. Jc ne pnis me ranger ä sa maniere de voir, qui a (icja mis en defaul la sagacite de notre savant confrere, M. Bouley. L'immunite relative des moutons algeriens me parait etre, comme tons les fails du meme ordre, un effet de constitution, de resistance vitale. Celle-ci s'oppose ä la proliferation de la bacleridie, comme celle de la poule non refroidie s'y oppose, comme chez la poule encore cette meme resistance vitale s'oppose a la proliferation mor-lelle des virus atlenues du cholera des ponies... Pas n'est besoin, comme le pense M. Chauveau, d'invoquer l'existence de matieres nuisibles a la vie de la bacleridie. Gertes, pour la poule, ce n'est
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104nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARnOiN. - VACCINATION CHARBONNEUSE.
pas vraisemblablement une matiere nuisible ä la vie de la bacte-ridie qui empeche eelle-ci de prolilerer, puisqu'il suffit de refroi-dir la poule pour qn'elle devlenne charbonneuse. Et, quant au fait durenforcemeut de rimmunite par de premieres inoculations, ne se confond-il pas avec le fait de la non-recidive de raffection char­bonneuse et ne s'explique-t-il pas par la sterilite qu'amenent plus ou moins a leur suite dans un meme milieu une ou plusieurs cul­tures snccessives d'un organisme microscopique? Loin de voir avec M. Cbauveau, dans les fails relatifs aux moutons de l'Algerie, une objection ä la theorie de la non-recidive des maladies virulentes, teile que je l'ai exposee dans me;- Communications sur le cholera des poules, ils me paraissent en etreune confirmation, carces fails sent exaclement du meine or re que ceux qui, a la suite de mes etudes sur le cholera des poules, out provoque ma maniere de voir. Je n'abandonnerai pas facilomenl cette theorie de la non-recidive des maladies virulentes; eile repose sur des observations qui leur sont pour ainsi dire adequates, et eile satisfait l'esprit dans une queslion qui defiait jusqu'ä I'hypolhese. Quel mystere, en effet, que celui de la non-recidive d'ane malädie virulente ! Et combien plus ce mystere s'est accru lorsqu'il fut demontic que la non-recidive s'appliquait egalement ä une maladie virulente para-sitaire, le cholera des poules! Tant que la tbcorie que j'ai proposee de la non-recidive rendra compte des fails acquis, el suivant moi eile a toujours cette vertu, notamnnnt de par les observations memes de M. Cbauveau, qu'elle eut pu prevoir el qu'elle a peut-etre provoquees ä l'insu de leur auteur, il sera sage, ainsi que je le disais recerament dans une lettre a M.Dumas {Comptes renclus, seance du 9 aoüt), de conserver et de tenter de fortifier cette theo­rie. Dans tous les cas, ces tentatives seules pourront devenir le cri-terium de son triomphe öu de sa faiblesse.
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NON-RßCIDIVE DU CHAKBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;105
Cette Note demontre que la malaclie charboimeuse ne reciclive pas. II fallait absoluinent utablir ce fait avant de tenter d'attenuer la virulence de la bacteridie afm de comtnuniquer auxanimaux une maladie benigne qui les preservät ensuite de la maladie mortelle.
Los deux Notes suivantes expliquent comment nous sommes par­venus ä attenuer la virulence de la bacteridie.
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M
CHAPITRE IX
DE L'ATTENUATION DES VIRUS ET DE LEUU HETOUR A LA VIRULENCE
Par MM. PASTEUR, Ciiajidehland ct Roux.
Academic lies sciences. 28 fevrier 1881,
Dans des Communications recentes, j'ai fait connaitre le premier exeraple d'attenuation d'un virus par losseules ressources de l'ex-perimentation. Forme d'un microbe special d'une extreme petitesse, ce virus peut etre multiplie par des cultures artificielles en dehors du corps des animaux. Ces cultures, abandonnees sans contamina­tion possible de leur contenu, eprouvenl, avec le temps, des modi­fications plus on moins profoudes dans leur virulence. L'oxygene de l'air s'est ollert ä nous comme le principal autcur de ces atte­nuations, c'est-a-dire de ces amoindrissements dans la facilite de multiplication du microbe; car 11 est sensible que la virulence se confond dans ses activites diverses avec les diverses facultes de developpement du parasite|dans I'economie.
II n'est pas besoin d'insister sur l'interet de ces resultats et de leurs deductions. Chercheraamoindrir la virulence par des moyens rationnels, c'est fonder sur l'experimentation l'espoir de preparer avec des virus actifs, de facile culture clans le corps de rhomme ou des animaux, des virus-vaccins de developpement restreint, capables de prevenir les effets mortels des premiers. Aussi avons-nous applique tous nos efforts a la recherche de la generalisation possible de l'action de l'oxygene del'air dansl'attenuation des virus.
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108nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARRON. — VACCINATION CHABBONNEUSE.
Le virus cliarlionneux, etant des mieux (Huilies, devait le pre­mier atlirer notre attention. Tontel'ois, nous allions nous heurter des l'abord aunn difficult^. Entre le microbe du cholera des pou-les et le microbe du charbon, 11 existe une difference essentielle qui ne pennet pas de calqner rigoureusement la nouvelle recher­che sur I'ancienne. Le microbe du cholera des poules, en effet, ne parait pas se resoudre, dans ses cultures, en veritables germes. Dans celles-ci, ce ne sont que cellules ou articles toujours prets a se multiplier par scission sans que les conditions particulieres oii ils donnentde vrais germes, soient connues.
J'ai fait observer auterieurement que les petits articles du mi­crobe se resolvent en granulations de tres petit diametre. II est difficile que ces granulations soient les vrais germes des articles, puisque, avec le temps, il y a mort du microbe. Seraient-elles des granulations sans vilalili propre?
La levure de biere est un exemple frappant de ces productions cellulaires pouvant se multiplier indefiniment, sans apparition de leurs spores d'origine. II existe beaucoup de mucedinees a myce­liums tubuleux (jui, dans certaines conditions de culture, don-nent des chaines de cellules plus ou moins spheriques, appe-lees conidies. Celles-ci, detachees de leurs branches, peuvent se reproduire sous la forme de cellules, sans Jamals faire apparaltre, ii moins d'un changement dans les conditions des cultures, les spores de leurs mucedinees respectlves. On pourrait comparer ces organisations vegelales aux plantes qu'on niultiplle par bouture et dont on ne fait point servir les fruits et les gralnes a la reproduc­tion de la plante mere.
La bacterldie charbonneuse, dans ses cullnres artificielles, se comporte bien differemment. Ses fdaments myceliens, si Ton pent ainsi dire, so sont ä peine multiplies pendant vingt-quafre ou qua-rante-huit heures, qu'on les volt se transformer, piincipalement ceux qui ont le llbre contact de l'alr, en corpuscules-germes du petit organisme. Orl'observation demontre que ces germes, si vite for­mes dans les cultures, n'eprouvent avec le temps de la part de l'alr atmospherique aucune alteration, soil dans leur vitalite, solt dans leur virulence. Je pourrais presenter ä I'Academle un tube conte-nant des spores d'une bacterldie charbonneuse formee il y a quatre
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VARIATION DANS Igt;A VIRULENCE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 109
ans, le 21 mars 1877. Cliaque annee, on essaie la germinalion des pelits corpuscules et chaque annce cette germination se fail avec la meine rapidite qu'ä l'origine; cliaque annee egalement on eprouve la virulence des nouvelles cultures et elles ne inanifestenl aueun affaiblissement apparent. Dos lors, comment tenter Faction del'air atmospherique surle virus charbonneux dansrespoir de l'attcnuer?
Le nujud de la difficulte est peut-etre tout entier dans le fait de cette production rapide des gennes de la bacteridie que nous venons de rappeler. Sous sa forme lilamenteuse et dans sa nuilliplication par scission, cet organisme n'est-il pas de tout point comparable au microbe du cholera des poules? Qu'un germe proprement dit, qu'une graine ne subisse de la part de l'air aueune modification, cela se coiipoit aisemenl, mais on coiifoit non moins aisement que, s'il doit y avoir uu cliangement, celui-ci se portc de preference sur im fragment myceüen. G'est ainsi qu'une bouture qui serait aban-donneesur le sol au contact de l'air ne larderait pas ä perdre toute vitalite, tandis que, dans ces conditions, la graine se conserverait, prete ä reproduire la plante. Si ces vues out quelque fondement, nous sommes conduits ä penser que, pour eprouver l'action de l'oxygeiie de l'air surla bacteridie cbarbonneuse, il serait indispen­sable de pouvoir soumettre u cette action le developpeinent myce-lien du pelit organisme, dans des circonslances oü il ne pourrait louinir le moiiidre corpuscule-genne. Des loi-s, le probleme qui consiste ä faire subir ä la bacteridie l'actioii de l'oxygene revient ä empeclier integralement la formation des spores. La question ainsi posee, nous aliens le reconnaitre, est susceptible de recevoir une solution.
On pent en effet einp6clier les spores d'apparaitre dans les cul­tures artificielles du parasite charbonneux par divers artifices. A la temperature la plus basse ä laquelle ce parasite se cultive, e'est-a-dire vers 16 degres, la bacteridie ne donne pas de germes, tout au moins pendantun temps trcs long. Les formes du petit microbe a cetle limite inlerieure de sou developpeinent sent irregulieres, en boules, en poires, eu un mot monstrueuses, mais depourvues de spores. 11 en est de meme sur cc dernier point aux temperatures les plus elevees encore compatibles avec la culture du parasite, temperatures qui varienl suivant les milieux. Dans le bouillon
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nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CÜARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSH.
neutre de poule, la bacleridie ne se cultive plus ä 45 degres. Sa culture y est facile, au contraire, et abondaale, de 42 a43 degres, mais egalement sans formation possible des spores. En conse­quence, on pent mainteuir au contact de l'air pur, eutre 42 et 43 degres, une culture mycelienne de bacteridie entieieinent pri-vee de germes. Alors apparaissent les tres reinarquables resultats suivanls : apres un mois d'attente environ, la cullure est morte, c'est-ä-diro que, semee dans du bouillon recent, il yaslerilitö com­plete. La veille et l'avant-veille du jour oil se manifeste cetle im-possibilite de dcveloppement, et tons les jours precedents, dans I'intervalle d'un mois, la reproduction de la culture est, au con­traire, facile. Voila pour la vie et la nutrilion de rorganisme. En ce qui concerne sa virulence, on constate ce fait extraordinaire que la bacleridie en est depourvue dejä apres luiit joui's de sejour ä 42ou43 degres et ullerieurement; du moins ses cultures sont inoffensives pour le cobaye, le lapin et le mouton, trois des especes animales les plus aptes ä contiacter le cbarbon. Nous sommes done en possession, non pas seulement de l'attönuation de la virulence, mais de sa suppression en apparence complete, par un simple arti­fice de culture. En outre, nous avons la possibilite de conserver et de cultiver ä cet etat inoffensifle terrible microbe. Qn'arrive-t-il dans ces huil premiers jours ä43 degres qui sufllsent a privet la bacleridie de toute virulence? Ilappelonsnous que le microbe du cbolera des poules, lui aussi, peril clans ses cultures au contact de l'air, en un temps bien plus long, il est vrai, mais que dans I'inter­valle il eprouve des attenualions sucoessives. Ne sommes-nous pas aulorises ä penser qu'il en doit elre de meine du microbe du cbar­bon? Cetle prevision est confirmee par rexperience. Avant l'ex-linclion de sa virulence, le microbe du cbarbon passe par des degres divers d'altenuation et d'autre part, ainsi que cela arrive egalement pour le microbe du cholera des poules, chaeun de ces elats de virulence atlenuee pent etre reproduit par la culture. En-fin, puisque, d'apres une de nos recentes Communications, le cbar­bon ne recidive pas, chacunde nos microbes charbonneux attenue conslitue pour le microbe superieur un vaccin,c'est-ä-dire un virus propre ä donner une maladie plus benigne. Quoi de plus facile des lors que de trouver dans ces virus successifs des virus propres ä
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VARIATION DANS LA VIRULENCE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; Ill
donner la fievrc charbonneuse aux moutous, aux vaches, aux clie-vaux sans les faire peiir et pouvant les preserver ulterieurement de la mahulie tnortelle? Nous avons pratique cetle operation avec un grand succes sur les moutoas. Des qu'arrivera repoquc du parcage des troupeaux dans la Beauce, nous eu tenterons ^application sur une grande echelle.
Dejä M. Toussaint a annonce qu'on pouvait preserver les mou-tons par des inoculations preventives; rnais, lorsque cet habile observateur aura public ses resullats, au sujet des([uels nous avons fait des etudes approfondies, encore incdites, nons ferons voir toule la difference qui existe entre les deux inelhodes, l'incer-litude de l'une, la sürete de Tantre. Cclic que nons faisons con-naitre a, en outre, l'avantage Ires grand de reposer sur {'existence de virus-vaccins cultivables ä volonte, qu'on pent multiplier ä l'infini dans l'intervalle de qneii[ues heures, sans avoir jamais recours ä du sang charbouncux.
Les faits qui precedent soulevent un probleme d'un haut inte-ret: je veux parier du retour possible do la virulence des virus atlenues ou ineine eteiuts. Nous venons d'obtenir, par exemple, une bacteridie charbonneuse privee de tonte virulence pour le cobaye, le lapin et le moulou. Pourrait-on lui rendre son aclivite vis-ä-vis de ces especes animates ? Nous avons prepare egalemenf le microbe du cholera des poules depourvu de tonte virulence pour les poides. Comment lui rendre la possibilitc d'un develop-pement dans ces gallinaces?
Le secret de ces relours ä la virulence est tout entier, presente-ment, duns des cultures successives dans le corps de cesanimaux.
Notre bacteridie, inoffensive pour les cobayes, ne Test pas ä tous les äges de ces animaux ; mais qu'ellc est courte la periode de la virulence! Un cobaye de plusieurs annees d'äge, d'un an, de six mois, d'un mois, de quelques semaines, de huit jours, de sept, de six jonrs ou meine nioins, ne court aucun danger de maladie et de moit par l'inoculation de la bacteridie alfaiblic dont il s'agit; celle-ci, au contraire, et tont surprenant qne paraisse ce resultat, tue le cobaye d'un jour. 11 n'y a pas en encore d'exception sur ce point de nos experiences. Si Toil passe alors d'un premier cobaye d'un jour a mi autre, par inocnlalion du sang du premier au se-
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H2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEUSE.
contl, de celui-ci ä uu troisieme, et ainsi dc suite, on renfoice pro-gressivement la virulence de la bacleridie, en d'autres termes son accoutumance ä se developper dans reconomie. Bientot, par suite, on pent tuer les cobayes de trois el de quatre jours, d'une se-maine, d'un mois, de plusieurs annees, eufin les moutons eux-meines. La bacteridie est revenue ä sa virulence d'origine. Sans hesiter, quoique nous n'ayons pas encore eu l'occasion d'en faire rcpreuve, on pent dire qn'elle tuerait les vaclies et les chevaux; puis eile conserve celte virulence indefiniinent si I'on ne fait rien pour l'attenuer de nouveau.
Ence qui concerne le microbe du cholera des ponies, lorsqu'il est arrive ä etre sans action sur ces dernieres, on lui rend la viru­lence en agissant sur des petits oiseaux; serins, canaris, moi-neaux, etc.,loutesespeces qu'illuedeprime-saut. Alors, par des pas­sages successifs dans le corps de ces anitnanx, on lui fait prendre peu ä pcu une virulence capable de se manifester de nouveau sur les poules adultes. Ai-je besoin d'ajouter que, dans ce retour a la virulence et chemiu faisant, on peut pröparer des virus-vaccins ä tons les degres de virulence pour la bacleridie el qu'il en est ainsi pourle microbe du cholera ?
Gelle question du retour a la virulence est du plus grand interel pour l'etiologie des maladies contagieuses.
Je terminais ma Communication du 26 octobre dernier en fai­sant remarquer que l'atlenuation des virus par l'influence de l'air doit elre un des facleurs de l'extinction des grandes epidemics. Les fails qui precedent, ä leur tour, peuveut servir ä rendre comple de l'apparilion dile sponlanee de ces fleaux.
Une epideinie qu'un alfaiblissement de son virus a eleinte pent renaltre par le renforcement de cc virus sous certaines influences. Les recits que j'ai lus d'apparition spontanee de la peste me paraissenl en offrir des exemples, leinoin la pesle de Benghazi, en 185(3-1858, donl l'eclosion n'a pu etre raltachee ä une contagion d'origine. La peste est une maladie virulente propre a certains pays. Dans lous ces pays, son virus altenue doil exisler, prel ay reprendre sa forme active quand des conditions de climat, de famine, de misere, s'y montrent de nouveau. 11 est d'autres maladies virulentes qui apparaissent spolaquo;lt;araquo;^wenf en toutes con-
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VARIATION DANS LA VIRULENCE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 118
trees : tel est le typhus des camps. Sans nul doute, les germes des microbes, auteurs de ces dernieres maladies, sont partout repan-dus. L'hoimne les porte sur lui ou dans son canal intestinal sans grand dommage, mais prets dgalement a devenir dangereux lors-que, par des conditions d'encombrement et de developpement successifs a la surface des plaies, dans les corps alfaiblis ou autre-ment, leur virulence se trouve piogressivernent renforcee.
Et voila que la virulence nous apparait sous un jour nouveau qui ne iaisse pas d'etre inquietant pour I'liumanite, a moins que la nature dans son evolution ä travers les siecles passes ait dejä ren­contre toutes les occasions de production des maladies virulentes ou contagieuses, ce qui est fort invraisembiable.
Qu'est-ce qu'un organisme microscopique inolfensif pour i'lioinme ou pour tel animal determine? G'est un etre qui ne pent se developper dans noire corps ou dans le corps de cet animal; mais rien ne prouve que, si cet etre microscopique venait apend-trer dans une autre des miile et mille especesde la creation, il ne pourrait l'envahir et la rendre malade. Sa virulence, renforcee alorspardes passages successifs dans les representants de cette espece, pourrait devenir en etat d'atteindre tel ou tel animal de grande taille, I'liomme ou certains animaux domestiques. Par cette methode, on peut creer des virulences et des contagions nou-velles. Je suis tres porle a croire que c'est ainsi qu'ont apparu, a travers les ages, la variole, la syphilis, la peste, la fievre jaune, etc., et que c'est egalement par des phenomenes de ce genre qu'ap-paraissent, de temps ä autre, certaines grandes epidemics, celle de typhus, par exemple, que je viens de mentionner.
Les fails observes a l'epoque de la variolisation (inoculation de la variole) avaient introduit dans la science I'opinion inverse, celle de la diminution possible de la virulence par le passage des virus a travers certains sujets. Jenner partageait cetle maniere de voir, qui n'a rien d'invraisemblable. Gependant, jusqu'ä present nous n'en avons pas rencontre d'exemples, quoique nous les ayons cher-ches inlentionneliement.
Cesinduciions trouveront, je l'espere, de nouveaux appuis dans des communications ulterieures.
CU. CUAMBEHLAMD.
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CHAPITRE X
LE VACCIN DU ClIARBON Par MM. Pasteur, CHAHBBHLANO et Roux.
Academie des sciences, 21 mars 1881.
Dans la lecture quo j'ai faite h rAcademie le 28 fovrier dernier, nous avons annonee qu'il clait facile d'obtenir le microbe char-bonneux aux degros les plus divers de virulence, depuis la viru­lence mortelle, c'est-ä-dire qui tue, cent fois sur cent, cobayes, lapins, moutons, jusqu'a la virulence la plus inoffensive, en passant d'ailleurs par une foule d'etals intermediaires. La methode de preparation de ces virus attenues est d'uae mcrveilleuso simpli-cite, puisqu'il a suffi de cultiver la bacteridie tres virulente dans du bouillon do poule a 42-43 degres et d'abandonner la culture apres son achevement au contact de l'air ä cette meme tempera­ture. Grace ä cette circonstance que la bacteridie, dans les condi­tions dont il s'agit, ne forme pas de spores, la virulence d'origine ne peut se fixer clans un gerne, ce qui arriverait iufailliblement a des temperatures comprises entre 30 et 40 degres et au-dessous. Des lors la bacteridie s'atlenue de jour en jour, d'beure en heure, et Unit par devenirsi peu virulente qu'on est contraint, pour ma­nifester en eile un reste d'aclion, de recourir a des cobayes d'un jour. Cetle virulence si faible, si pres de s'eteindre, nous a portes naturellernent a multiplier les experiences afin d'arriver, s'il etait possible, ä des attenuations encore plus giandes. Nous y sommes parvenus en prenant pour point de depart la bacteridie la
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116nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;GHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
plus virulente que nous ayons eue jusqu'a present entre les mains. C'est precisement celle dont j'ai parle dans ma lecture du 28 fe-vrier, provenant de la germination de corpuseules-gennes de quatre ans de durce. Cette bacteridie a pu etre maintenue sans perir plus de six semaines a 42-43 degres. L'experience a com­mence le 28 Janvier. Des le 9 fevrier, sa culture ne tuait plus les cobayes adultes. Trente el un jours apres, le 28 fevrier, une cul­ture faite ä 35 degres, prepariie ä l'aide du flacon toujours main-tenu ä 42-43 degres, tuait encore les tres jeunes souris, mais non les cobayes, les lapins et les moutons. Le 12 mars, e'esl-a-dire quarante-trois jours apres le 28 Janvier, une culture uouvelle ne tuait plus ni souris ni cobayes, pas merne les cobayes nes depuis quelques heures seulement. Nous avons öte ainsi mis en possession d'nne bacteridie qu'il est impossible de faire revenir a la virulence. Si Jamals ce retour etait obtenu, on pout assurer que ce serait en recourant ä des especesanimales nouveiles, aujourd'bui inconnues pour etre inoculables, absoluinenl differentes de celles que nous savons etre presentement aptes ä contracter le charbon. En d'au-tres termes, nous possedons maintenant, et nous avons le moyen simple de nous procurer, une bacteridie issue de la bacteridie la plus virulente et qui est completement inoffensive, tout ä fait com­parable ä ces nombreux organismes microscopiques qui remplis-sent nos aliments, notre canal intestinal, la poussiere que nous respirons, sans qu'ils sclent pour nous des occasions de maladie ou de mort, panni lesquels meine nous allons cbercher souvent des auxiliaires de nos industries.
Que ce resultal est imprevu lorsqu'on songe que cette bacteridie inoffensive se cultive dans des milieux artificiels avec autant de facilite que la bacteridie la plus virulente et que morpbologique-ment eile ne pout s'endistinguer, si ce n'est par les caracteres les plus fugitifs! Lorsque la bacteridie est tres attenuee, ses filaments sont plus courts, plus divises. La culture, moins abondante, forme sur les parois des vases un depot uniforme ; tandis que, ä l'elat virulent, on lavoit le plus souvent en flocons cotonneux, constitues par de tres longs fds. Cependant il sufflt d'atlendre la formation des spores et de faire de celles-ci une culture nouvelle, pour qu'elles reprennentles formes de developpeinent de la bacteridie virulente.
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VACCIN DU CHARBON.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;117
Les considerations et lesfaits suivants ne sont pas moins dignes d'interet.
Dans ma lecture du 28 fevrier, j'ai fait observer que le microbe charbonneux se distingue de celuidu cholera des ponies par I'ab-sence probable dans les cultures de ce dernier, de germes pro-prement dits. Toules les cultures, en effet, du microbe du cholera des ponies finissent par perir, soit qu'on les conserve au contact de l'air, soit qu'on les enferme dans des tubes clos en presence de gaz inertes, tels que l'azote et 1c gaz carboniqne. Le microbe du charbon, an contraire, seresout dans ses cultures en corpuscules brillants, formant poussiere, qui sont de veritables germes. Ce sont eux que nous avons vus se multiplier dans les terres autour des cadavres charbonneux, ensnite ramenes par les vers de terre a la surface, oü ils souillent les recoltes et deviennent les agents de propagation de la terrible maladie clans les etables on sur les terres de parcage.
Nous arrivons ainsi ä nous poser la question suivante, si digne d'etre meditee quand on la considere du point de vue eleve des principes de la philosophie naturelle : tous ces virus charbonneux attenues qui nous occupent sont-ils capables, eux aussi, de se resoudre en corpuscules-germes, et, si la reponse est affirmative, quels sont les caracteres de ces derniers? reviennent-ils d'emblee a la virulence des germes de la bacleridie virulente d'ou on les a tires par la methode d'altenuation precedemment exposee? Sinon, se confondent-ils ayec ceux d'une bacleridie sans virulence au-cune? ou bien enfin ces germes, multiples dans leur nature, fixent-ils, et pour toujours, les virulences de leurs bacteridies propres, ajoutant ainsi aux connaissances medicales et aux grandes lois naturelles ce principe nouveau de l'existence d'autant de germes qu'ii y a de sortes de virulences dans certains virus animes?
C'est cette derniere proposition qui est exacte. Autant de bacte­ridies de virulences diverses, autant de germes dont chacun est pret a reproduire la virulence de la bacteridie dont il emane.
Ai-je besoin d'ajouler maintenant qu'une application pratique d'une grande importance nous est Offerte ? Tout en reservant l'etude ultericure des difficnltes de detail que nous pourrons ren-contrer dans la mise en oeuvre d'une vaste prophylaxie charbon-
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118nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
neuse, il n'en resle pas moins elabli que nous avons ä notre dis-posilion non seulement ties bacteridics (ilameuleuscs pouvant servir de virus-vaccins dans I'aflection charbonncuse, mais des virus-vaccins fixes dans leurs germes avec toutes leurs qualites propres, transportables sans alteration possible.
A la suite de ces Notes la question theorique do la vaccination charbonneuse etait resoluc; eile devait bicntot I'etre au point de vue pratique comme le montre la Communication suivante.
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CHAPITRE XI
COMPTE RENDU SOMMA1RE DES EXPßRIENCES
FAITES A POÜILLY-LE-FORT, PR£S MELUN, SUR LA
VACCINATION CIIARBONNEUSE
Par MM. Pasteur, Ceiamderland ct Roux.
Academie des sciences, 13 juin 1881.
Dans une lecture que j'ai faite ä rAcademie, le 28 fevrier der­nier, qui avait pour objet la decouverte d'une methodede prepara­tion des virus attenues du cha7,bon, je m'exprimais ainsi, en mon nom et au nomde nies jeunes collaborateurs: laquo; Chacun de ces mi­crobes charbonneux attenues conslitue pour le microbe superieur un taccin, c'est-ä-dire un virus propre ä donnernne maladie plus bcnigne. Quoi de plus facile, des lors, que de trouver, dans ces virus successifs, des virus propres ä donnerla/?eyre charbonneuse aux moulons, aux vaches, aux cbevaux, sans les faire perir et pou-vant les preserver ulterieurement de la maladie mortelle? Nous avons pratique cetle operation avec un grand succes sur les mou-tons. Des qu'arrivera l'epoque du parcage des troupeaux dans la Beauce, nous en tenterons l'application sur une grande echelle. raquo;
L'affection charbonneuse fait perdre chaque annee tant de mil­lions ä la France, il serait si desirable de pouvoir en preserver les especes ovine, bovine, chevaline, que Toccasion d'une application de la methode de vaccination dont je parle s'est Offerte ä nous presque immediatement, sans que nous ayons eu ä attendee l'e­poque du parcage des moulons.
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120nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Des le mois d'avril dernier, la Societe d'agriculture de Melun, par l'organe de son president, M. le baron de LaRociiette, mepro-posa de se rendre compte, par une experience decisive, des resul-tats que je venais d'annoncer a l'Academie. Je m'empressai d'a-cepter, et le 28 avril 11 fut convenu et affirme ce qui suit:
1deg; La Societe d'agriculture de Melun met a la disposition de M. Pasteur soixante moutons.
2deg; Dix de ces moutons ne subiront aucun traitement.
3deg; Yingt-cinq de ces moutons subiront deux inoculations vacci-nales, a douze on quinze jours d'intervalle, par deux virus cbar-bonneux inegalement attenues.
4deg; Ces vingt-cinq moulons seront, en meine temps que les vingt-cinq restants, inocules par le charbon tres virulent, apres un nou-vel intervalie de douze ou quinze jours.
Les vingt-cinq moutons non vaccines periront tous; les vingt-cinq vaccines resisteront, et on les comparera ulterieurement avec les dix moutons reserves ci-dessus, afin de montrer que les vacci­nations n'empecbent pas les moutons de revenir ä un etat normal.
5deg; Apres l'inoculation generale du virus tres virulent aux deux lots de vingt-cinq moutons vaccines et non vaccines, les cinquante moutons resteront reunisdans la meine etable; on distinguera une des series de l'autre en faisant, avec un emporte-piece, un Iron ä l'oreille des vingt-cinq moutons vaccinds.
6deg; Tous les moutons qui mourront charbonneux seront enfouis un ä un dans des fosses distinctes, voisines les unes des autres, situees dans un enclos palissade.
7deg; Au mois de mal 1882, on fera parquer dans Tenclos dont il vient d'etre question vingt-cinq moutons neufs, n'ayant jamais servi a des experiences, afin de prouver que les moutons neufs se contagionneront spontancment par les germes charbonneux qui auront etc ramenes ä la surface du so! par les vers de terre.
8deg; Vingt-cinq autres moutons neufs seront parques tout ä cöte de l'enclos precedent, a quelques metres de distance, lä oii on n'aura jamais enfoni d'animaux ebarbonneux, afin de montrer qu'aucun d'entre eux ne mourra du charbon.
Addition ä la convention-programme precedente. M. le president de la Societe d'agriculture de Melun ayant exprime le desir que
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EXPERIENCE DE POUILLY-LE-FORT.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 121
ces experiences pussent etre etendues a des vaches, j'ai repondu que nous etions prets a le faire, en averlissant toutefois la Societe que, jusqu'ä present, les epreuves de vaccination sur les vaches n'etaient pas aussi avancees que celles sur les moutons, qu'en con­sequence il pouvait arriver que les resultats ne fussent pas aussi manifestement probants que sur les moulons. Dans tons les cas, j'exprimais ma reconnaissance äla Societe d'agriculture de Melun de vouloir bien mettre dix vaches ä notre disposition ; j'ajoutais que six seraient vaccinees et qualre non vaccinöes, qu'apres la vac­cination les dix vaches recevraientenmeme lemps quelescinquante moutons l'inoculation du virus tres virulent. J'affirmais, d'autre part, que les six vaches vaccinees ne seraient pas malades, tandis que les quatre non vaccin6es periraient en totalite ou en partie, ou du moins seraient toutes tres malades.
Ce programme, j'en conviens, avait des hardiesses de prophetic qu'un eclatant succes pouvait seul faire excuser. Plusieurs per-sonnes eurent l'obligeance de m'en faire la remarque, non sans y meler quelquereproche d'imprudence scientifique. Toutefois I'Aca-demie doit comprendre que nous n'avions pas libelle un tel pro­gramme sans avoir de solides appuis dans des experiences prea-lables, bien qu'aucune de ces dernieres n'eüt l'ampleur de celle qui se preparait. Lehasard, d'ailleurs, favoriselesesprils prepares, et c'est dans ce sens, je crois, qu'il faut entendre la parole inspiree du poete : Audentes fortuna juvat.
Les experiences ont commence le 5 mal, dans la commune de Pouilly-le-Fort, pres Melun, dans une ferme appartenant ä M. Ros-signol.
Sur le desir de la Societe d'agriculture qui avait pris 1'initiative des essais, on convint de remplacer deux moutons par deux cho--vres; et, comrae aucune condition quelconque d'äge ou de race n'avait etc fixee par nous, les cinquante-huit moutons etaient d'äge, de race et de sexe diflerents. Sur dix animaux de l'espece bovine, il y avait huit vaches, un boeuf et un taureau.
Le 5 mai 1881, on inocula, au moyen d'une seringue de Pravaz, vingt-quatre moutons, une chevre et six vaches, chaque animal par cinq gouttes d'une culture d'un virus charbonneux attenue. Le 17 mai, on reinocula ces vingt-quatre moutons, la chevre et les
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122nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
six vaches par un second virus charbonneux egalement attenuö, mais plus virulent qua le precedent.
Le 31 inai, on proceda ä Finoculafioa tres virulente qui devait juger de refficacite des inoculations preventives des 5 et 17 mai. A cet effet, on inocula, d'une part, les trente et un animaux pre­cedents, vaccines; et, d'autre part, vingt-quatre moutons, une chevre et qualre vaches. Aucun de ces derniers animaux n'avait subi do traitement prcalable.
Le virus tres virulent, qui servit le 31 mai, etait regenere des corpiiscules-germes du parasite charbonneux conserve dans mon laboratoire depuis le 21 mars 1877.
Afiii de rendre les experiences plus comparatives, on inocula alternativement un animal vaccine et un animal non vaccine. L'o-peration faite, rendez-vous fut pris, par toutes les personnes pre-sentes, pourlejeudi 2 juin, par consequent apres quarantc-huil heures seulement depuis le moment de l'inoculation virulente generale.
A l'arrivee des visiteurs, le 2 juin, les resultats emerveillerent I'assistance. Les vingt-qualre moutons el la chevre qui avaient refu les virus attemu's, ainsi que les six vaches, avaient tonics les apparences de la sante; au conlraire, vingt et un moutons et la chevre, qui n'avaienl pas etc vaccines, etaient deja morts charbon­neux; deux autres des moutons non vaccines moururent sous les yeux des spectateurs, et le dernier de la serie s'eleignit ä la fin du jour.
Les vaches non vaccinees n'etaient pas mortes. Nous avons dejä prouve antericurcment quo les vaches etaient moins sujettes que les moutons ä mourir du charbon; mais toutes avaient des cedemes voluminenx aulour du point d'inoculation, derriere I'e-pnule. Certains de ces oedemes ont pris, les jours suivanls, de telles dimensions, qu'ils contennient plusieurs litres de liquides, defor-malent Paniraal : I'un d'cux mcme touchait presque a terre. Leur temperature s'eleva de 3 degres. Les vaches vaccinees n'eprou-verent ni elevation de temperature, ni tumeur, pas la moindre inap-petence; ce qui rend le succes des epreuves tout aussi complet pour les vaches qne pour les moutons.
Le vendredi, 3 juin, une des brebis vaccinees mourut. L'autopsie
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EXPEDIENCE DE POUILLY-LE-FORT.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; -123
en fut faite le jonr meme par M. Rossignol et par M. Garrouste, velerinaire militaire. La brebis fut trouvde pleine, ä terme, et l'agneau raort dans la raatrice depuis tlouze ä quinze jours. L'opi-nion des vetcrinaires qui onl fait I'autopsie, est que la mort de cettc brebis devait etre attribuee a la mort du foetus.
Les experiences dont je viens de presenter un compte rendu sommaire ont excite la plus vive curiosite dans Je departement de Seine-et-Marne et dans les departements voisins. Elles ont eu pour temoins plusieurs cenlaines de personnes, parmi lesquellesnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; .
je citerai : le president de la Societe d'agriculture de Melnn, M. de La Rocliette; M. Tisserand, directeur deI'agriculture;le prefet de Scine-ct-Marne, M. Patinot; un des senateurs du departement, M. Foucher de Careil, president du Conseil general; M. Bouley, membre de l'Academie des sciences; le maire de Melun, M. Marc de Haut, president, et M. Decauville, vice-president du Cornice de Seine-et-Marne; plusieurs conseillers generaux; tons les grands cul-tivateurs de la contree; M. Gassend, directeur do la station agrono-mique de Seine-et-Marne; M. le docteur Remilly, president, et M. Pigeon, vice-president de la Societe d'agriculture de Seine-et-Oise; M. de Blowilz, correspondent chi Times;\es chirurgiens et veteri-naires militaires en garnison ä Melun; enfin, un grand nombre de veterinaires civils, parmi lesquels je nommerai, outre M. Rossignol, de Melnn, MM. Gamier et Pcrclieron, de Paris; Nocard, d'Alfort; Verrier, de PrOvins; Riot ct Grand, de la Societe medicate de l'Yonne; Thierry, de Tonncrre; Butel, de Meanx; Rorgnon, de Gouilly; Caffm, dcPonloise; Roucliet, de Milly; Pion, de Grignon; Mollereaux, de Cbarenton; Cngnat, de Saint-Denis, etc.
Je ne cacherai pas que j'eprouve ici une vive satisfaction ä donner les noms des veterinaires quo le desir de connailre la verite appela ä Pouilly-le-Fort, dans la ferme de leur confrere, M. Rossignol. Le plus grand nombre d'entre eux, sinon tous, avaient accueilii avec incredulite l'annonce des resuitats de notre programme. Dans leurs conversations, dans leurs journaux ils se montraient fort eloignes d'accepter comme vraie la preparation artificielle des virus-vaccins du cbolera des poules et de l'affection charbonneuse. Ce sont aujourd'bui les plus fervents apötres de la
nouvelle doctrine. La confiance de l'un d'eux, le plus sceptique au
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lUnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
debut, allait jusqu'ä vouloir se faire vacciner. C'est d'un bon au-gure. Ils deviendront les propagateurs de la vaccination charbon-neuse. II importeessentiellemeatqueles cultures vaccinales soient, pour un temps du moins, preparees et conlrölees dans mon labo-ratoire. Une mauvaise application de la mothode pourrait com-promettre I'avenir d'une pratique, qui est appelee a rendre de grands services ä l'agriculture.
En resume, nous possedons maintenant des virus-vaccins du charbon, capabks de preserver de la maladiemortelle, sansjamais etre eux-memes rnortels, vaccins vivants, cultivables ä volonle, transportables partout sans alteration, prepares enfin par une me-thode qu'on pent croire susceptible de generalisation, puisque, une premiere fois, eile a servi atrouverle vaccin du cholera des poules. Par le caractere des conditions que j'enumere ici, et a n'envisager les choses que du point de vue scientifique, la decouverte des vac­cins charbonneux constitue un progres sensible sur le vaccin jen-nerien, puisque ce dernier n'a jamais ete obtenu experimentale-ment.
L'experience de Pouilly-le-Fort etant la premiere qui ait ete faite publiquement, a eu un retentissement considerable; je crois done devoir ajouter a laNote precedente quelques details explicatifs que j'extrais du remarquable rapport fait parM. Rossignol ä la Sociele d'agriculture de Melun.
Les fonds destines k couvrir les frais de celte experience furent fournis par le minislere de l'agriculture, par la Societe d'agricul­ture de Melun, par le Conseil general de Seine-et-Marne, par la Societe centrale et nationale d'agriculture de France, par diverses Societes de medecine veterinaire et par des parti cullers.
II fut decide que les experiences auraient lieu dans un local que M. H. Rossignol avait offert et qu'il designe depuis sous le nom de Clos-Pasteur.
M. Rossignol, charge de trouver les sujets qui devaient 6tre sou-mis a l'epreuve, s'attacha ä ne faire l'acquisition que d'animaux
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EXPERIENCE DE P0U1LLY-LE-F0KT.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 125
provenant de fermes ou raffection charbonneuse 6tait inconnue. II achefa: 1deg; 16 agneaux, dishley-inerinos, de sept ä huit mois, chez M. Dubus, de Vaux-le-Penil, dans l'exploitation duquel le sang de rate n'a jamais s^vi; 2deg; 16 moutons metis-merinos, de dix-huit mois ä deux ans, chez M. Bouvart, de Meinorant. La ferme de Me-morant est egalement ä l'abri du charbon; 3deg; enfin viugl-six moutons de tout äge, de totitsexe et de toute race, provenant ile lal'erme de Livry, appartenant ä M. le comte Aguado. Dans ce lot de Livry se trouvaient quelques Southdown, deux brebis pleines et des moutons berriclions. Comme les deux autres fermes, la ferme de Livry est exempte des atteintes du sang de rate; 4deg; deuxchevres jumelies de huit a dix mois, provenant egalement d'une maison bourgeoise oii le charbon est inconnu.
Pour les animaux de l'espece bovine, on se procurahuitvaches de differentesraces, un taureau et un boeuf de deux ans.Parmiles vaches, les unes etaient pleines. Tune d'elles se trouvait tauriliere; deux ou trois avaient encore du lait; en un mot, on s'etait attache ä trouver un lot d'animaux qui permit de inettre M. Pasteur dans les conditions de la pratique.
Premiere seance.
Le jeudi 5 mai, a deux heures de l'apres-midi, une foule nom-breuse se pressait dans la cour de la ferme de M. Rossignol. Sena­teurs, deputes, conseillers generaux, agriculteurs, veterinaires, medecins, pharmaciens et un grand nombre de curieux avaient voulu t^rnoigner, par leur presence, de l'interet qu'on attache aux travaux de M. Pasteur.
M. Pasteur, assistede sesdeux collaborateurs, MM. Chamberland et Roux, ainsi que de M. Thuillier, agrege-preparateur, commence par proceder a l'installation des sujets d'experience.
Dix moutons pris au hasard dans le lot, et par consequent de tout äge, de tout sexe et de toute race, furent places en qualite de te-moins dans un bätiment contigu au hangar qui devait servir de bergerie aux quarante-huit autres moutons ainsi qu'aux deux chövres.
Les quarante-huit moutons et les deux chevres sont diviscs en
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126nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATIOiN CHARBÜNNEUSE.
deux lots egaux; le hangar qui sert a. les logerfut pour cette raison diviseendeux comparliments : Tun destine aux vaccines; I'autre, aux non vaccines.
Enfin, dans une grange situee au nord du hangar et y attenant, on logea sur un premier rang huit vaches; et, sur un second rang, le boeuf et le taureau.
Cette installation une fois terminee, Tun des lots de moutons et une chevre, e'est-a-dire vingt-cinq animaux, regoivent chacun k la face interne de la cuisse droite, dans le tissu sous-cutane, I'injec-tion de cinq gouttes d'un liquide de culture bacteridieime, design^ par M. Pasteur sous le nom de premier vaccin. L'injection du liquide vaccinal fut pratiquee ä l'aide de la seringue de Pravaz.
Parmi les huit vaches, cinq d'entre elles furent vaccinees de la meme fagon, ainsi que le bccuf; chez ces animaux, la dose du liquide fut doublee, et la vaccination eut lieu dans le tissu cellulaire sous-cutane, silue en haut et en arriere de Fepaule droite.
Les moutons et les vaches ou bocufs furent marques au moment de l'operation de fagon ä no pouvoir etre confondus plus tard.
Gelte operation lerminee, M. Pasteur, sur la demande des nom-breux assistants, fit, dans la grande salle de la ferine de Pouilly, une conference sur le charbon, sa contagion, la bacteridie el la Irans-formalion qu'il a fait subir a cette derniere pour oblenir le vaccin. Cette conference cut le plus grand succcs; et M. le baron de La Rochette, se faisant l'interprete du sentiment general, remercia chaleureusement M. Pasteur d'avoir bien voulu tenniner la pre­miere journee des experiences memorables de Pouilly par une conference dont le souvenir restera imperissable dans Tarrondisse-inent de Melun.
Ensuite rendez-vous fut pris pour le 17 rnai, jour fixe pour la seconde vaccination.
Les jours suivants, c'est-ä-dire les 6, 7, 8 et 9 mal, MM. Cham-berland el Roux vinrent prendre les temperatures de tons les ani­maux vaccines. M.Garrouste,veterinairedul,r regiment de chasseurs, preta ä son ami M. Rossignol son concours pendant toute la duree des experiences, et prit de son cote les temperatures de quelques sujets non vaccines.
M. Rossignol a dresse des tableaux donnant les temperatures
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EXPERIENCE DE POUILLY-LE-FORT.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 127
observees sur les animaux vaccines et sur ceux qui ne l'etaieiit pas, durant une periode de ciuqjours. Ils montrent que la variation de temperature chez les animaux operes n'a guere depasse 1 degre, ce qui prouve que l'etat de sante de ces animaux n'a subi aucune alteration sensible, au moins apparente.
Tous les jours, jusqu'au 10 mai inclusivement, MM. Rossignol et Garrouste ont suivl attentivement l'etat des animaux vaccines et ils ont constate que jusqu'au 9 mai la situation sanitaire etait ex-cellente; le 9 mai, quelques moutons sont atteints d'une legere dianliee sereuse. Chez tous les sujets, le pouls pris ä Tariere femorale estegalet regulier; les pulsalions sont de 70 ä 75 chez les moutons, et de 72 ä 75 chez la chevre. Le 10 mai, la diarrhee persiste chez un seul mouton.
Quant aux bovides, l'etat sanitaire est excellent; la secretion lactee reste ä peu pres constante chez les vaches. Mais le 9 mai, le bceuf est atteint d'une legere diarrhee sereuse, sou appetit est ce-pendant bon; un examen general porte ä croire que cette indispo­sition passagere est due plutöt ä la nourriture qu'ä la vaccinalion elle-meme. Entin le 10 mai, la diarrhee a disparu ; tous les ani­maux se portent hien. Jusqu'au 17 mai, tous les sujets d'experience ont conserve les apparences de lameilleure sante.
Deuxieme seance.
Lel7quot;mai, la merae affluence de visiteurs assislait ä l'epreuve de la seconde vaccination sur les animaux dejä inocules le 6 mai. Une commission, nommee par la Societe d'agriculture de Meaux, s'etait rendue sur les lieux
Gelte fois, Tinoculation fut pratiquee chez les moutons et la chevre, ä la face interne de la cuisse gauche ; et chez les vaches et le boeuf, en arriere de l'epaule gauche.
Le deuxieme vaeein employe dans cette circonstance est loin d'etre aussi inoffensif que le premier : d'habilude, lorsqu'on l'iiio-cule d'emblee ä des moutons, il amene la inorl de ces animaux dans l'enorme proporlion de 50 pour 100.
Les temperatures furent prises chez tous ces animaux pendant six jours consecutifs, les 17, 18, 19, 20, 21 et 22 mai. Le 24 mai,
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on se contenta de la prendre sur quelques sujcts seulement. Des tableaux dresses par M. Rossignol, 11 resulle que I'ecart par rap­port ä la temperature normale ne depassa pas un degre.
Comme la premiere fois, celte deuxieme operation n'a ete suivie d'aucun inouvement febrile Ires appreciable; chez tous les operes, a part quelques rares exceptions, l'appetit et la gaiete se sent con­serves. A premiere vue, moutons vaccines ou non vaccines ne dif­ferent absolument en rien.
Le 17 mai, en quittant Pouilly, M. Pasteur avail fixe au 31 mai le jour de l'eprcuve supreme; toutefois, il avail decide que, le 28 mai, du virus Ires virulent serait inoeule, d'une part ä un mouton vaccine, el, d'aulre part, a un mouton non vaccine.
La meme operation devait etre renouvelee le lendemain 29 mai, sur deux autressujets pris dans les memes conditions.
Ces deux essais avaienl pour but de demontrer aux personnes qui viendraient ä la seance du 31 mai, que les predictions de M. Pasteur se realiseraient en tous points; elles avaienl en outre pour objectif la possibilite de pouvoir demontrer ä l'assistance que les animaux morls preseuteraient les lesions particulicres au sang de rate.
Troisieme sdance.
Lesamecli28 mai, ädeux heuresdel'apres-midi, MM. Chamber-land el Roux, Gassend, Garrousle el Rossignol choisissent deux moutons; tous deux sont noirs et proviennent de la ferme de Memo-rant; ils sont äges de deux ans. L'un d'euxqui porte le n014 dans les tableaux des temperatures annexes au rapport de M. Rossignol, a ete vaccine deux fois; I'autre est indemne.
A l'aide de la seringue de Pravaz, on inoeule ä ces deux animaux, äla face interne de la cuisse droite, dans le tissusous-culane, cinq divisions d'un liquide Ires virulent. Le liquide en question provient d'une culture bacteridienne qui date de quatre ans et possede le plus haut degre de virulence.
Au moment de l'experience, ces deux animaux accusent les tem­peratures suivantes: le vaccine, 380,4; le non vaccine, 38deg;,3.
Ledimanche29 mai et les jours suivants, la temperature n'a pas varie d'une fafon sensible chez le vaccine; le 29, eile est a 380,5;
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le 30, k38deg;,4; le 31, a 38deg;, 4; le 1er juin, legere fievre, le thennometrfi accuse 40degres; le 2 juin, lout Symptome febrile a disparu, le thermometre ne marque plus que 380,4.
Chez le mouton non vaccine, I'intoxication bacteridienne nc tarde pas a produire sou effet.
Le 29 mal, ä deux heures, on constate une temperature de 40 de-gres. Get animal est triste, la respiration acceleree, le pouls pelit, precipite; la face interne de la cuisse droite est chaude, la peau est soulevee par un oedeme chaud, douloureux, d'une dimension egale ä celle de la moitie de la main. Le lendemain matin, 30 mai, les homines charges du soin des animaux le trouvent mort: ä quatre heures il elait encore chaud; la mort ne devait remonter qu'a quelques heures.
Quatrieme seance.
Le dimanche 29, on precede absolument de la memo fagon que la veille. Deux moutons, Tun vaccine et l'autre indemne, sont ino-cules ä la face interne de la cuisse droite, avec ce meme virus tres virulent. Le sn^el vaccine est un agneau de huit mois, inscrit sous le n0 12 aux tables des temperatures dressees par M. Rossignol; il provient de cliez M. Dubus; le non vaccine est du meme äge et de ir.eme provenance.
Les temperatures donnees par les deux animaux, le jour de l'ex-perience et les jours suivants, sont:
Le vaccine: le 29 mai, 38raquo;, 8; le 30, 39 degrcs; le 31,38deg;, 8; le Ier juin, 39deg;, 5.
Le non vaccine : le 29 mai, 38deg;, 7 ; le 30, 41 degres.
Comme on le voit, I'intoxication a fait chez ce dernier animal des progres rapides; il meurt clans la soiree. La temperature de l'ani-mal vaccinii est restee sensiblement constante; son etat de sante a toujours ete excellent.
Les deux cadavres fournis, I'un par la troisieme et lautre par la quatrieme seance, sont places dans une des fosses creusees a l'avance, et sont recouverls de quelques pelletees de terre, en atten­dant I'autopsie qni sera pratiquee sur I'un d'eux le lendemain.
CII. CHAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;9
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130nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHABBON. — VACaNATlON CHARBONNEÜSE.
Cinquieme seance.
Le 31 mai devait etre le jour de l'cxperiencß supreme; aussi les visileurs arrivent-ilsen foule. laquo;M. Pasleur, impassible, ditM. Ros-signol, preside lui-meme la seance; on voit qu'il est silr du suc-ces : les inoculations du 28 et du 29 permeltent, du reste, d'as-surer une reussite complete. Invite par M. Pasteur ä pratiquer l'autopsie du mouton mort la veille, je procede ä Toperation en presence d'une foule de cullivateurs et de collegues. raquo;
Tous les assistants reconnaissent le cortege dessyinptömes liabi-tuels. L'unanimite des assistants est convaincue qu'elie est en presence d'un cas de fievre charbonneuse biencaracterise. Pousser les investigations plus loin, semble chose completement inutile ä tout le monde.
On procede ensuite ä rinoculation d'un virus tres virulent, sur vingt-deux moutons et une chevre prealablement vaccines, les 5 et 17 mai, ainsi que sur un nombre egal d'animaux (vingt-deux mou­tons et une chevre), completement indeinnes jusqu'äcejour, et qui constituent le second lot des sujets d'experieace de Pouilly.
Afin d'ecarter toutc interpretation fächeuse et toute objection ul-terieure, les deux lots d'animaux vaccines et d'animaux indeinnes furent meles ä tout hasard, et M. Roux inocula les quaranle-quatie moutons et les deux chevres dans I'ordre oii on lui presenta les betes, sans se preoccuper desavoirsiellos elaieut ounou vaccinees.
La memo operation fut praliquee sur les vaches et le boeuf prea­lablement vaccines, ainsi que sur un totreait bretori de deux ans, une vache coltentine de cinq ans, une vache bretonne de sept a huitans et une vele hollandaise de huit mois environ. Ces quatre derniers animaux etaient indeinnes et devaient, d'apres le pro­gramme de M. Pasteur, perir on etre tres malades, des suites de l'infection bacteridienne. Chez tous les inoculcs de I'espece bovine, rinoculation eut lieu en arriere et en haut de repaule drolte.
Tout etait termine h trois heures et demie. En quittant Pouilly, M. Pasteur donne rendez-vous pour le surlendemain a tous ceux qui desirent connaitre les suites de rinoculation du 31 mai.
Le lendemain lw juin, MM. Chamberland, Roux, Gassend, Gar-
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rouste et Rossignol se transporteront ä PouUly-le-Fort, vers deux lieures de rapres-midi, pour juger de Tctat des inoculcs.
Daus le lot des vaccines, bceufs, vaches et moutons, tous les animaux vont bien; c'est ä peine si, chez queliiues sujets, le ther-mometre accuse un peu de fievre: mais rien dans leur habitude exlerieure ne denote un etat maladif qui ait quelque gravite. Chez lous, l'appetit s'est maintenu, meine chez le nquot; 2-2, qui boite du membre posterieur droit, par suite d'un cedcrne qui a envahi toute la face interne de la cuisse droite. Malere cet oedeme, la tempera­ture de ce inoulon n'est pas clevee et n'atteint que 39% 4.
Du cöte des vaches non vaccinees, seul le veau hollandais attire notre attention ; un oedeme dejä gros existe ä Tepaule droite aulour du point d'inoculatlon; le thermometre indique pour ce sujet une temperature de 40 degres.
Mais dans le lot des moutons non vaccines, les sujets malades sont nombreux; on les decouvre facilement, car ils se tiennent tous ä l'ecart et refusent toute nourriture; Texamen de la face interne de la cuisse droite pennet de conslater chez tous de la chaleur et de la rougeui- du cöte de la peau, ainsi que la presence d'un oedeme chaud, douloureux, plus ou moins volumineux; chez tous, la tem­perature prise dans le rectum est de 40 degres environ.
Vers trois heures et demie, le nombre des malades augmente d'une fajon sensible du cöte des non vaccines; vers cinq heures, unedouzaine d'animaux refusent toute nourriture, meine laluzerne fraiche qui leur est Offerte.
A six heures et demie, les symptömes s'accentuent chez tous les malades: ils portent has la tele ; chez tous, ressoufllement est con­siderable, le pouls chez quelques-uns a depasse cent pulsations; les battements du coeur sont petits et tres rapides, les inouvements du flanc sont enlrecoupes de temps ä autre par des plainles. Si on oblige quelques sujets ä se deplacer, ce n'est qu'ä grand'peine qu'ils se decident ä faire quelques pas, tellement leur marche est branlante et vacillante.
A six heures quarante, un mouton tombe sur le sol et meurt aus-sitöt; c'est un metis-merinos noir, äge de dix-huit mois; dix minutes plus tard un second succombe; a sept heures, un southdown tombe a son tour pour ne plus se relever; on constate, chez ce dernier
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sujet, de la meteorisation au moins dix minutes avant la mort, tandis qua les deux precedenls n'ont ete meteorises qu'apres avoir suc-combe. 11 ne s'ecoule pas uu quart d'hcure, que dejä ces trois ca-davres presentent des signes de pulridite; chez tous, invariable-ment, s'ecoule par les naseaux et le rectum un liquide sanguinolent.
La chevre non vaccinee est triste, mais eile mange encore. A huit heures du soir, tout fait presager qu'un grand nombre de mou-tons succomberont dans lanuit.
Le lendemain 2 juin, les hommes charges de surveilier les ani-maux out trouve morts onze moutons non vaccines ainsi que la chevre non vaccinee. Tous les cadavres etaient transports au fur et a mesure dans leurs fosses respectives qui avaient ete creusees a l'avance selon les ordres de M. Pasteur.
Le 2 juin, a deux heures, M. Pasteur, accompagne de scs collabo-rateurs, de MM. Tisserant, directeur de Tagriculture, Patinot, prefet deSeine-et-Marne, de ßlowite, correspondantduriwes, etc.,etc..., vient constater les resultats des experiences du 31 mai.
Cesresultats sonl connus de tous; ils tiennent du merveilleux; cette journee du 2 juin fut un veritable triomphe pour M. Pasteur.
Quatorze moutons non vaccines et la chevre avaient dejä suc-combe, et le restant des non vaccines se trouvait aux prises avec la mort. Dans le lot des vaccines, au contraire, tous les sujets etaient bien portants; quelques temperatures prises au hasard ce jour-lä indiquaient partout un etat normal.
M. de Blowitz, etonne d'un lei resultat, s'empressa d'adrcsser ä son journal le Times, un long telegramme relatant ce succes eclatant.
Deux moutons furent autopsies, seance tenante. Tun par M. Diot, I'autre par M. Rossignol. Chez ces deux animaux, on rencontra toutes les lesions du sang de rate, ainsi que Tcedeme de la cuisse inoculee, aideme qui a ete signale dans toutes les autopsies prece-denles. Chacun put s'assurer, parlexamen du sang au microscope, que les bacteridies etaient nombreuses dans le sang de ces deux sujets.
Du cöte des bovides, l'influencenocive de rinoculation est beau-coup moins apparente. Chez les vaccines, boeufs et vaches, le ther-mometre n'indique aucun ctat febrile, la temperature est normale;
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quelques-unes de ces boles presentent un peu de sensibilite et de l'induraiionau point inocule. Mais lous ces animaux ont un excel­lent appotit; les vaches qui ont du lait n'ont pas eprouve de dimi­nution dans leur secretion lactee.
Les non vaccines, qui sont au iiombre de quatre, ne paraissenl pas plus malades quo les animaux precedents, et rien n'indique chez eux un etat febrile. Le tanreau breton, qui fail parlie de ce lot, accuse cependant une temperature de 4-00, 2, mais il mange comme d'babilude, n'est nullement essouffle et n'a rien perdu de son caractere beliiqueux. Ces quatre animaux onl de l'aideme, un cedeme crcpilant au point pique.
Le soir, de tous les moutons now vaccines et qui ont ete ino-cules, il n'en reste plus qu'un : les autres sont raorts et enfouis.
Le 3 juin, M. Rossignol fait une visite matinale aux animaux; le dernier survivant des moutons non vaccines est mort dans la nuit. Le ba3uf et les vaches vaccines vont bien.
Sur les laquo;on vaccines, I'infection bacteridienne commence ä se traduire par des effets de plus en plus appreciables, du cöte de la partie du corps qui a etc cboisie pour y pratiquer I'inoculation ; les oedemes signales le 3, ont augmente de volume; le ganglion du fianc droit commence a se clessiner nettement sous la peau de cbaque sujet, il presente le volume d'une grosse noisette ; cependant du cöte de la temperature, rien a signaler: eile a plutot diminue qu'augmente.
Le samedi 4 juin, MM. Chamberland, Roux, Gassend, Garrouste et Rossignol firent sur les animaux de Pouilly des observations qui furent conlinuees les jours suivants.
Chez plusieurs moutons, on constate, le4 juin, a la face interne de la cuisse droite, I'existence d'un noyau indure, de la grosseur d'une noisette, qui occasionnechezquelques-uns une legere claudi-cation. Mais, des leSjuin, les noyaux indures ont completement disparu; tous ces animaux sont gaiset tres bien portants; chez tous I'appetit est excellent: on ne croirait pas qu'ils ont ete soumis a une aussi rude ßpreuve que celle du 31 mai. A partir de ce jour, leur etat sanitaire reste excellent; et, comme ils sont soumis au regime du vert k discretion, on les voit profiter a vue d'ocil.
Quant aux bovides vaccines, quelques-uns portent encore, le
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i juin, leurs noyaux induresenarriüre de l'epaule droite, mais ces ccdemesont plulot diminuequ'aiigmeule de volume. Des le 5, tons les animaux vont bien, toute trace d'inoculation a dlsparu; les tem­peratures sont normales, I'appelit est excellent; le lait, chez les betes qui en ont, est de bonne qualite. L'ctal. sauitaire reste dore-navant excellent.
Cbez les bovides non vaccines, on constale, le 4 juin, que les cedemes signales le 3 ont pris, en vingt-quatre iieures, des propor­tions enormes; la temperature atteint en general 40 degres. Les 5, 6, 7 juin, les cedemes ont encore augmenle de volume.
Le 7 juin, le ventre de la vaclie n0 2 toucbe pour ainsi dire la litiere. Toulefois, chez cette bete comme chez les autres, la tempe­rature a sensiblement baisse; eile est de 38 degres, 38deg;, 5 et 39 dc-gres. Des le 7, rcedeme a disparu cbez le veau bollandais qui portc le ndeg; 3, et une amelioration se manifeste dans l'elat du taureau ou sujet nquot; 4. II est ä remarquer, par exemple chezlavache, n01 que, malgielagravite de la situation, le mutle reste humide et que la bete n'a pas cesse de ruminer. Cette memo remarque etait f;\ite le 5 juin sur la vache n0 2. D'ailleurs, des le 5 juin, la secretion lactee etait completemenlsupprimee. Le taureau ou sujet n0 4 paraissait, le 5 juin, devoir succomber a I'lnfection charbonneuse; sa tempera­ture s'elevait ä 41 degres; la respiration etait trcs acccleree, le pouls donnait quatre-vingt-quinze pulsations ä la minute. Toutefois, des le 1, cet animal parait sauve; il a beaucoup maigri, il est encore triste; cependant il mange quelque pen et la temperature n'est plus que de 39 degres.
A partir du 8 juin, l'elat des bovides non vaccines s'ameliore tousles jours davantage; des le 14 juin, toules les betes qui cepen­dant etaient si malades, ont repris leurappetit; si ce n'etait la mai-greur considerable resultant de l'epreuve par laquellc ils ont passe, ces animaux ne differeraient pas des cinq vaches et du boeuf vac­cines. La vache n0 2 porte encore, ä cettedatedul4juin,unoedeme enorme qui touche presque le sol. Chez les Irois autres sujets, il ne reste plus de traces d'inoculation; les cedemes et les ganglions du (lane ont disparu, les temperatures sont revenues a I'etat normal.
Enfin, le 29 juin, tous les animaux de respece bovine sont ven-
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dus; les six betes vaccinees ont pris de l'embonpoint, les quatre animaux non raccines sont loujours maigres; mais chez Irois d'enlre eux foule trace d'inoculation a completement disparu ; seule, la vache u0 2 n'a pu encore se remettre des suites de Tin-lection bacleridienne; cependant son cedeme a considerablement diminue, mais quand disparaitra-t-il completement?
La Commission dont M. Rossignol est le rapporteur, a juge qu'il ctait completement inutile de poursuivre plus loin I'experience, d'autanl plus qu'il ne s'agissait dans la circonstance que d'une vache qui avail plus souffert que les autres des suites de l'inocula-tion du charbon.
Les moulons vaccines sont expedies cbez M. le baron de la Ro-cbetle et cbez M. Roullenger, ä Saint-Germain-Laxis, ou its jsont tenns ä la disposition de M. Pasteur pour les experiences qui dci-venl avoir lieu en 1882.
RELATION SUR LA P.REBIS VACClNfiE QUI A SUCCOMBE APRES L'INOCüLATIOM VIRULENTE
Au cours des experiences a suecombe une brebis dont la rnorl a souleve, au sein de TAcadeiriie de medecine, des objections contre les effels certains de la vaccination cbarbonneuse. Le l0' juin, vers six beures du soir, cette brebis, qui appartenait ä la categoric des helcs vaccinees, paraissait tres malade; eile presentait les niemes symptömes alannants que les sujets non vaccines; toute-I'ois on ne constatait pas d'eedeme a la lace interne de la cuisse droite. Le 2 juin, dans la matinee, la brebis vaccinee va mieux ; eile a mange; le soir, son etat presente une amelioration notable ; la temperature est tombee k 38deg;, 6, eile a assez bien mange. Mais, le 3 juin, celte amelioration ne s'est pas maintenue; cette bete est redevenue triste, eile refuse toute nourriture; sa temperature a de nouveau depasse 40 degres, tout indique qu'elle succombera bientöt: en effet, eile meurt dans la nuit du 3 au 4 juin.
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La brebis etait pleine, et cette circonstance n'etait pas connue. La premiere vaccination, celle du 5 mai, et la denxieme, celle du 17 mai, n'ont exerce aucune influence iacheuse sur la situation sanitaire de cette bete; l'examen des temperatures n'a denote aucun etat febrile.
L'autopsie fut faite par M. Rossignol, le 4 juin, en presence de MM. Cbamberland, Roux, Gassend et Garrouste. D'apres les lesions rencontrees dans la malrice et cbez le foetus, MM. Rossi­gnol et Garrouste conclurent que la brebis etait morlc des suites d'un avortement qui n'a pas pu s'effectuer completement, parce que cette bete se frouvait en meine temps sous le coup de la fievre de rinfeclion cbarbonneuse.
En rendant compte des experiences de Pouilly-Ie-Fort ä l'Aca-demie de mededne, M. Pasteur signala le cas de cette brebis. MM. Riot et Depaul se rcfnserent ä croireque la morl du foetus ait pu entrainer celle de la mere, aussi M. Pasteur pria-1-il M. Rossi­gnol de lui adresser une Note ä ce sujet. Voici un resume de cette Note : M. Rossignol combat les arguments de MM. Riot et Depaul qui, raisonnant ä priori, voulaient absolument elablir une ana­logic entre ce qui se passe chez la femme enceinte que i'on vac­cine au moment de ses couclieä, et ce qni s'etait passe chez celte brebis, prete a mettre bas, qu'on avail non senlement vaccinee, mais encore contagionnee avec un charbon tres virulent. En vacci-nant une femme enceinte, a terme ineme, on lui inocule un virus d'une affection benigne, qui n'amene d'ordinaire qu'une fievre de reaction ä peine appreciable; c'est done (out au plus si la vaccina­tion, teile qu'on la pratique sur I'espece humaine, est analogue äla vaccination pievenlive qui a ete faite impunement, a deux reprises diflerenles, les 5 et 17 mai, sur la brebis qui nous occupe, avec les virus charbonneux attenues. II en serait tout autremenl, si, apres la vaccination, on osait inoculer ä une femme enceinte du virus variolique tres violent.
Ce n'est pas impunement qu'on inocule des maladies viru­lentes a des femelles pleines. En 1873 et en 1874, le departement de Seine-et-Marne a etc forlcment eprouve par une epizootic de clavelee. M. Rossignol eut, k cette epoque, l'occasion de pratiquer de nombreuses clavelisations; il constata, ainsi que lous ses
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confreres de la ßrie, que rinoculation de la clavelee a des eflets desastreux quand eile est praliquee sur des brebis preles ä meltre bas. La mortalitea lieu dans des proporlions effrayantes: 20 ä 2ü pour 100 des animaux inocules suecombent, tandis que la meme operalion, pratiquee sur les mäles du merae troupeau ou sur les femelles non pleines n'oecasionne qu'une perle de 3 ä 8 pour 100.
La fievre apbleuse entrains raremenl la mort; quand celle-ci survient, eile frappe generalement les beles qui sont dans un etat de gestalion tres avance; ce fait a ete dernieremenl etabli, lors de l'epizootie de fievre aphteuse qui a sevi dans la Brie pendant pres d'un an.
Enfin MM. Rossignol et Garrouste ont examine au microscope du sang pris dans les veines et dans le coeur de la brebis; malgre un examen prolonge, ils n'ont pu decouvrir qu'ä grand'peine un ou deux bälonnels provenant, ä n'en pas doutcr, de l'inoculation qui avait ete pratiquee trois jours auparavant. Mais ce ne sont certes pas les bacteridies qui ont occasion ne la mort de la brebis de Pouilly. L'absence des lesions particulieres au charbon prouve surabondamment que la mort est uniquement due aux lesions rencontrees non seulement cbez le foetus, mais encore dans les enveloppes foctales et la matrice elle-meme. On trouve dans le fcelus macere dans la matrice, dans I'adherence de la peau du foetus de Pouilly apres les enveloppes et dans les lesions de la ma­trice, des preuves süffisantes pour conclure ä un traumatisme qui a amene d'abord la mort du foetus, ensuite celle de la mere. Tous les ans, au moment de l'agnelage, des brebis meurent lorsqu'elles ne peuvent pas accouclier, absolument dans les memes conditions que la brebis de Pouilly-le-Fort. On sail, d'aiiieurs, que le mouton est un animal tres susceptible; cbez lui, tous les traumalismes prennent rapidement un mauvais caractere; aussi la somme de resistance qu'il oppose aux maladies, quelles qu'elles soient, est-elle insignifiante. M. Rossignol a souvent vu des brebis pleines perir au moment de l'agnelage, parce qu'elles etaient atleintes d'une torsion de la matrice.
Enfin il n'est pas rare de voir quelques-unes de ces femelles et meme des vaches perir d'empoisonnement septique, soit ä la suite
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de la putröfaction du foetus, soil apres celle d'une portion meme
minime des enveloppes qui esl restee dans I'uterus.
A ce sujet, dit M. Garrouste, s'il ne nous a pas ete permis de retrouver le vibrion septique dansle sang de l'animal, cela prouve-t-il que ranimal ne soil pas raort des suites de septicemie? Assu-rement non.
Quo! qu'il en soil, disent MM. Rossignol et Garrouste, notre conviction est parfaite a I'egard des causes de la mort de la brebis de Pouilly-le-Fort.
Les lesions tangibles rencontrees dans la cavite abdominale et dans le bassin de la brebis sont cerlainement capables, a elles seules, d'entrainer la perle de l'animal.
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CHAPITRE XII
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EXPERIENCES DE FRESKE. — VACCINATION DES CHEVAUX
A la suite de cette premiere experience publique de vacciiialion charbonneuse heaucoup d'autres furent faites, en France eta 1'e-tranger, pendant lesannees 1881 et 1882. Malgre le succes complct obtenu ä Pouilly-le Fort 11 y avail encore des incredules. Ceux-ci voulaient voir par eux-memes, comme ils le disaient, telleraent le resultat leur paraissait siirprenant. M. Pasteur accueillit favorable-ment toutes les propositions qui lui furent faites et c'est ainsi que I'experience de Pouilly-le-Fort fut repetee ä pen pres dans toutes les parlies de la France. Void le resume, aussi fidele que possible, de ces diflerentes experiences, par ordre de date.
Extrait des proces-verbaux rclatant les experiences dc vaccination prevent ice du virus charbonnexix qui ont eu lieu ä Fresne, pres Pithiviers (Loiret), en I'annee 1881.
Le Ier juillet 1881, MM. Cbamberland ct Roux, collaboratonrs de M.Pasleur, assistes deMM.Cagny,veterinaire aSenlis, Leblanc, veterinaire ä Paris, delegues de ia Societe centrals de medecine #9632;vcteiinaire et Mignon, veterinaire ä Puiseaux, ont precede ä des experiences de vaccination preventive du virus charbonneux. Le premier vaccin a et6 inocule ä cent trente-neuf moutons. De ces cent trente-neuf montons, dix doivent servir a litre d'experiences; ils font partiedu lot d'experiences compose dequarante-denx mon­tons dont dix ont etc acbetes chez M. Poisson, de Lolainviile; dix, chezM. Radideau, de Godonvilliers, et vingt-deux, chezM. Lesage, de Fresne.
De plus, on a vaccine ce jour hnit boenfs et deux vaches.
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140nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBOMEOSE.
Le 13 jaillet, les cent Irente-neuf moutons, les huit boeufs et les fleux vaches vaccines pour la premiere fois le ier juillet, ont regu la scconde vaccination avec le deuxieme vaccin; de plus, h litre d'essai et afin de conslater reflet produit directement par le second vaccin, dix moutons non vaccines recoivent le second vaccin. Deux nou-velles vaches sont vaccinees avec le premier vaccin.
Ce jour il a ete fait une premiere application de la vaccination preventive du virus charbonneux surquinze chevaux.
Le meme jour, 11 a ete vaccine pour la premiere fois neuf cent cinquante-deux moutons, quatre-vingt-douze vaches et vingt-quatre boeufs, appartenant ä MM. Poisson, ßonlieu et a divers autres pro-prieaires. Pendant ces operations un des cent trente-neuf moutons ayant regu les deux vaccinalions, s'elant trouve malade, plusieurs personnes demandent qu'on en fasse l'autopsie, ce qui est acceple par la Commission.
L'autopsie faite parM.Mignon, assistede ses confreres, a demon-tre que ce mouton n'avait aucune trace de maladie charbonneuse, mais qu'il etait atleint d'un rhume contracte au pare, qu'il elait tres sain et qu'il se serait parfaitement remis.
Le 27 juillel, a deux heures du soir,en presence de MM. Rousset, sous-prefet de Pithiviers, Rabier, conseiller general et president du Cornice agricole de l'arrondissement de Pithiviers, Mignon, Morand, Bouvard, Lejeune, Garnet et Chassinat, veterinaires, Prud'homme, Morand et Free, docteurs en medecine, et d'un grand nombre d'agnculteurs du departement du Loiret reunis a Fresne, MM. Chamberland et Roux ont inocule avec le virus trfes virulent:
1deg; Dix moutons qui out regu le premier et le second vaccin les 1er et 13 juillet;
2deg; Dix moutons vaccines une seule fois avec le second vaccin le 13 juillet;
3quot; Dix moutons non vaccines ;
4deg; Une vache qui a regu le premier et le second vaccin les 1quot; et 13 juillet;
5deg; Une vache non vaccinee.
28 juillet. — Tous les animaux mangent comme d'habitude, excepte la vache non vaccinee qui seule a perdu de l'appetit et donne moins de lait.
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EXPERIENCES DE FRESNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;UJ
29juillet, sixheures du matin. — La vachc et les dix moutons qui ont reju les deux vaccinations et qui ont ete inocules le 27 avec le virus Ires virulent, se portent k merveille; la vache non vac-cinee presente au point d'inoculation du virus tres virulent un leger bouton et un oedeme parfaileraent accentue; eile a perdu l'appetit et ne donne plus de lait.
A ce moment, il raeurt un des moutons non vaccines, mais inocules avec le virus Ires virulent; il en meurt un second ä huit lieures ; un troisieme ä dix heures ; un quatrierae ä midi; le cin-quieme et le sixieme meurenl de une heure a trois heures, sous les yeux des personnes qui etaient presentes aux experiences du 27 et qui sont revenues aujourd'hui pour constalerles resultats.
A une heure, M. Mignon, veterinaire ä Puiseaux, assiste de JIM. Morand et Bouvard, ses collogues, commence l'autopsie des animaux morts. Voici le proccs-verhal de l'autopsie :
Apres l'enlevement de la peau, la chair apparait decoloree et comme maceree; le sang des veines sous-cutanees est Ires diffluent et d'un noir bleuätre; au siege de l'inoculation, oeiieme variable de volume; ecchymose profonde, etendue, et infiltration deserosite dans le tissu ceilulaire environnant.
Engorgement avec infiltration des ganglions, de la gorge, de l'aini; et des meseateres.
Cavite thoraciquc : Arborisation vasculaire considerable a la surface du tissu pulmonaire qui est toujours parseme de laches pclechiales, variables en nombre et en etendue. Le coeur est de-colore, les ventricules sont rempiis par un caillot diffluent, noi-ratre, inconsistant, et, chez certains sujets, par du sang poisseux et liquide.
Cavile abdominale: Les mesenteres sont le siege d'une arbori­sation vasculaire produite par un sang noiralre tres liquide; les intestins, surtout I'inteslin grele, presentent toutesles traces d'une viva inflammation ; on rencontre un peu de liquide sero-sanguino-lent dans le peritoine.
Les parois de la vessie sont rouges et enflammees ; I'urine est sanguinolente; le foie est päle, couvert de pelechies et tres friable sous la pression des doigls.
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UJ2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARUON. — VACCINATION CHARDOMNEUSE.
La rate sur quatre sujets esl considerablemeut tuinefiee; eile se tlechire ä la moindre pression et laisse sorlir une bouillie epaisse, uoirätre et tres abondante. Deux des viclimes n'ont pas la rate grossie; mais MM. Chamberland el Roux out pris, seance tenante, du sang sur tine coupe faile sur les deux rates, Tout place sur le cbamp d'uu microscope et out trouve un grand nombre de bacte-ridies. MM. les veterinaires, medecins et agriculteurs presents les out vues lour ä tour, grace ä leurs explications.
On pourrait peut-etre donner la raison de l'absence de gonfle-inent de la rate chez ces deux sujets, par leur etal general qui etait tres voisin tie I'aneinie.
Du reste la mort de Tun d'eux a ete acceleree par suite de nia-nipulations irnprudentes qui out amene la dechirure de restomac.
Quoi qu'il en soit, la conclusion des veterinaires qui ont fait I'autopsie est unanime : ces six moutons sont inorts du sang de rale.
Les quatre moutons restanls sont tres malades, ils sont mour.mts.
Les dix moutons vaccines une seule fois avec le second vaccin et inocules par le virus virulent se portent a merveille.
Les dix moutons vaccines le lor et le 13 juillet ct inocules avec le virus tres virulent se portent tres bien.
30nbsp; juillet. — Les quatre moutons restants sur les dix noa vaccines sont toujours tres malades.
Les dix moutons vaccines avecle deuxieme vaccin vont bien.
Les dix moutons qui ont regu les deux vaccinations vont bien egalernent.
Les vaches vaccinees se portent tres bien; celle non vaccinee est toujours tres malade.
31nbsp; juillet.— Etat general pared; les moutons et la vache non vaccines paraissent etre moius malades.
Ier aoiit. — Les moutons et la vache non vaccines continuent a aller mieux. Le soir, ä cinq heures, il meurt un mouton du lot des cent trente-neuf moutons qui ont regu les deux vaccinations le lquot; et le 13 juillet. M. Lesage I'envoie immediatement a Pithiviers pour que MM. les veterinaires en fassent I'autopsie.
2 aoiit, neuf heures du matin. — M. Mignon, assiste de MM. Mo-rand et Bouvard, fait I'autopsie du mouton mort la veille ; ils trou-
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#9632;
EXPEKIENCES DE FRESNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;143
vent tous les symptömes de la maladie du saug de rate. 11s em-plissent des tubes avec du sang pris dans la rale et le coeur, M. Lesage l'envoie de suite au laboratoire de AI. Pasteur. MM. les veterinaires inociilent un lapin avec le sang pris dans la rate du moulon dont on vient de faire l'aulopsie.
3nbsp;aout. — Rien de nouveau.
4nbsp; aoiit. — Le lapin inocule le 2 aoüt meurt ä quatre lieures du matin. Des tubes sent remplis avec le sang de ce lapin et cxpedies an laboratoire.
5nbsp;aoüt. — Rien de nouveau.
ü aoüt. — Une lettre de M. Roux confinne que le niouton mort le 1er aoüt est bien mort de raffedion charbonneuse.
7 et 8 aoüt. — Tous les animaux se portent tres bleu.
9 aoüt. — Le berger qui a la garde du lot d'experiences, ayanl mene paitre ses moutons sur un regain de luzerne trop tendre, a fait entler Imit moutons. II en est mort un a huit lieures du matin ; il appartient an lotdes dixqui out ete vaccines le lquot; et le ISjuillet, et qui avaient regu le virus tres virulent; il est mort de meteo-risation et nou du sang de rate.
Depuis, aucun fait meritant d'etre signale ne s'estproduit.
I'our copie conforme :
Le President de la Commission,
Les age.
Gette experience de Fresne merite quelques explications.
D'abord il faut rendre justice ä l'initiative eclairöe du president, M. Lesage, qui, sans le secours d'aucune societe savanle, etait parvenu ä interesser lesagriculteurs des environs et avail provoque [ear souscription pour couvrir les frais des experiences.
De plus, le rcsultal n'est pas aussi net qu'ä Pouilly-Ie-Fort, car si les dix moutons vaccines iront eprouve aucun effet ä la suite de rinoculation virulente, six moutons seuleinent sur dix lemoins out succombe, tandis qu a Pouilly-le-Forl tous les lemoins avaient succombe.
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144nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;GIIARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Dix moutons ont regu directement le deuxieme vaccin el n'ont pas paru sensibleinent malades. Ils out tres bieu resiste ensuite a l'inoculation virulente. Ce resultat nous frappa d'autaut plus que ce second vaccin inocule directement faisait perir generalement la moitie des animaux, les autres etant tres malades.
Rapprochant ce fait du precedent nous fumes amenes a conclure que les moulons sur lesquels nous avions opere offraieut une resistance naturelle plus grande aux effets du virus cliarbonneux. Je reviendrai plus tard sur cette explication. Quant au moulon qui a succombe ä la suite de la deuxieme vaccination dans le troupeau des cent trentc-neuf, il est naturel de penser que sa mort doit etre atlribuee au charbon spontane, la vaccination charbonneuse n'etant pas complete ä ce moment, et la ferme de M. Lesage ctant une ferme reputee dangerense pour le cbarbon.
En(in,ainsi qu'il est (lit dans le rappoit,c'est a Frcsne que, pour la premiere fois, nous tentämes la vaccination des clievaux Je dois avouer que ce ne ait pas sans une certaine hesitation que nous pratiqiiäraes cette operation sur un aussi grand nombre d'animaux, tous d'un prix eleve. Mais la confiance de M. Lesage etait teile que nous diimes ceder ä ses instances. Le succes, comme on le voit, fut complet et, ä partir de ce jour, la vaccination des clievaux entra elle-memc dans le domaine de la pratique.
II etait ä prevoir que les clievaux qui avaient subi les deux inoculations vaccinales seraient preserves comme les moulons et les vacbes contre les effets du virus virulent. La premiere expe­rience de verification directe de cette manicre de voir fut faite par M. Rossignol dont je mets maintenant le rapport sous les yeux du lecteur:
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VACCINATION ÜES CHEVAÜX.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; UE
EXPERIENCES DE VACCINATION CHARBONNEÜSE SU1! LE OHEVAL
Par MM. Rossigxol, Gassend et Garrouste.
M. Rossignol, avec le concours desesamis MM. Gassend, dircc-teur de In station agronoraique de Seine-et-Marne, et Garrouste, veferinaire au 1quot; chasseurs, voulut savoir si le cheval vaccine joui-rait de rimmunite, et si le meme animal non vaccine perirait ou serait tres inalade des suites de rinoculation du virus charbonneiiv. Un poüTain plein de vigueur fut mis ä sa disposition par M. Mo-reau-Chaslon, ancien direcleur de la cavalerie des omnibus et pro-prietaire d'un haras ä Joinvilie.
Le 6 aoüt 1881, on fit subir a ce poulain une premiere vaccina­tion avec du vacciu du premier degre. Lelieu choisi pour pratiquer celte operation fut la face droite de rencolure. Le poulain recut dans le tissu cellulaire sous-cutane le contenu de dix divisions de la serlngue Pravaz. Ce jour-lä la temperature de cet animal etait de 38deg;,quot;). Les jours suivants eile ne varia que de quelques dixiemes de degrö.
Le 19 aoüt, ce Yearling fut vaccine avec du vaccin n02. La tem­perature resta normale le 19 ainsi que les jours suivants; eile varia entre 38quot;,2 et 380,5.
Le 2 septembre, MM. Gassend, Garrouste et Rossignol se trans-porterent au clos d'equarrissage de Meiun, oü se trouvait le poulain vaccine, ainsi qu'un autre cheval entior, tres vigoureux, mais use des membres anterieurs. Ces deux chevaux furent inocules par M. Gassend, qui leur injecla dans le tissu cellulaire sous-cutane do la face gauche de l'encolure, quinze divisions de la se-ringue Pravaz, d'un liquide tres virulent que M. Roux avait envove. Un lapin recevait en meme temps une goulte de ce liquide dans le tissu cellulaire de l'oreille.
Le jour de l'experience, les deux sujets accusaient les tempera­tures suivantes: le Yearling vaccine, 38deg;. 8; le cheval entier non
CH. CHAMBEULAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;[Q
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146nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
vaccine, 38 degres. Le 3 septembre, on ne constatariend'anormal, la temperature du Yearling etait de 38deg;, 7, celle du cheval entier de 38raquo;, 2.
Lei septembre, aucun des deux chevaux ne parait malade, lous deux mangent avec appelit leur ration. Le 5, dans la matinee, le cheval entier non vaccine est trouve mort presque subitement. MM. Garrousle et Gassend firent l'autopsie tlusujet; ils conslaterent ['existence des lesions ordinaires qui caracterisent le charbon. Le sang, examine an microscope, revela la presence d'un grand aombre de baclcridies en bätonnels, placees entre les globules, iso-les quelquefois, agglomeres assez souveut. Les corpuscules san-guins avaicnl plus ou moins la forme d'une pomme epineuse. Ils ('taient, en uu mot, ratatines. Une diminution notable de volume des globules rouges fut constatee. Le sang etudie avail ete pris dans le foie, dans la rale el dans les bosselures ou bemorrhagies de ces organes.
Le lapin avail resiste moins longlemps que le cheval. L'autopsie du lapin a monlre chez cet animal les lesions caracterisliques du charbon; I'examcn microscopique du sang a permis d'y constater la presence d'un grand noinbre de baclcridies.
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CIIAP1TRE XIII
EXPERIENCES SUIl LA VACCINATION 1'UEVENTIVE DU CHARBON CHEZ LE MOLTON
]i:ililiorl do M. BOUTET (Jo Cliartres).
AcaJemie de niedecine, 20 juillcl 1881.
La grande tlecouverte de ratlenuation des virus ä l'aide d'une culture particuli^re et son application a la vaccination preventive du charbon ne pouvaient pas laisser indifferent le corps medical d'Eure-et-Loir, ce departemcnt qui est la terre classique des ma­ladies charbonneuses.
Aussi, dans sa seance du ^7 avril dernier, repondant ä la de-inande de medecins et de veterinaires de la localite, le conseil general invitait-il M. le prefet aconstiluer une commission d'etudes experimentales et votait-il une allocation speciale pour subvenir aux depenses de ces eludes.
LelOjuin, la Commission etaitnommee et huit jours apres, le 18, eile arretait son programme en decidant:
1deg; Quelle bornerait, pour le moment, ses experiences ä l'especo ovine;
2deg; Que. pour les experiences, eile se] procurerait deux lots de moutons a peu presegaux en no-mbre, l'un prealablement soumis ä la vaccination preventive et l'autre absolument vierge de tonte vac­cination;
3deg; Qu'enfin les deux lots, comprenant de Irenleäquarante betes au total, seraient inocules au moyen de la seringalaquo; Pravaz, avec
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148nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;C11ARB0N. — YACCLNATiON CIIAP.BON'NEL'SE.
du sang pris sur un moulou ayant succombe au charbon, dans une ferme beauceronne, depuis moins de douze lieures.
Confoniieinent ä ce programme, le 1(5 juillet courant, ä dix heures du matin, la Commission se rendait a la ferme de Lambert, commune de Barjouville, pres de Chartrcs, oü eile avait reuni de­puis quelques jours an milieu d'un pre, seize moutons beaucerons acheles dans les environs, et dix-neuf moutons du troupeau d'Alfort, vaccines preventiveinenl par l'honorable et savant M. Pas­teur.
En meme temps, un mouton, mort a six lieures du matin chez un cultivateur voisin, etait amene dans le champ d'experiences.
Ce mouton ayant ete aussilöl ouvert et ayant moutre, ä l'oeil nu comme au microscope, toules les lesions caraclenstiques du charbon, la Commission proceda, avec son sang, ä rinoculation successive des trente-cinq betes, en ayant la precaution de les prendre alternalivemenl dans chaque lot.
L'operateur se scrvaitd'une seringue de Pravaz pouvant contenir un centimetre cube de liquide. L'instruinent etant rempli de sang puise directement dans les diverses parties du corps du mouton charhonneux, notamment dans la jugulairc, dans le coeur, dans la rate, on le vidait eu injectant, par parts a pen pies egales, le contenu dans le tissu cellulaire sous-cutane de la cuisse gauche de deux betes, une de cbaqne lot. Chaque animal fut ainsi inocnie avec une dizaine de gouttes de sang charbonneux, et les condi­tions d'inociiialion t'urcnt exaclement les meines pour les deux lots.
Le surlendemain, 18, conformement ä I'avis public par les journaux de la localite, la Commission se rendait de nouveau ä la ferme de Lambert, on les trente-cinq moutons inocules avaient sejourne dans le meme pare el avaient ete soumis ä la meme ali­mentation, depuis le commencement des experiences. Ellereconnut aussitol que pas un mouton d'Alfort n'avait succombe; que pas un ne paraissait memo indispose. Elle remarqua, par centre, que, dans le lot de moutons beaucerons, dix etaient morts et plusieurs etaient tristes, abattus.
Elle proceda ä l'autopsie des dix betes ci-dessus, en presence de beaucoup de nudecins et surtout de veterinaires des environs; en
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EXPERIENCES l)E CHARTRES.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 119
presence de M. Ronx, aide de M. Pasteur; en presence aussi dc M. le prefel, de M. Bornier, secretaire general, de M. Boissard, conseiller de prefecture, de tout le conseil d'arrondissement de Chartres, et d'unassez grand nombrn de curieux.
Snr tous les cadavres, elie constata un epanciiement de serosite citrine assez abondant, parsemc de quelques petits caillots de sang noir en dedans de la cuisse gauche et au-dcssous de la peau, a la place sur laquelle avail ete pratiquee l'inocalation. Ells constata, en onlre, comme eile l'avait fait sur le inouton qui a fourni le virus, toutes les lesions particulieres au charbon.
Pendant qne se faisait l'autopsie des dix raoutons qui precedent, deux autres montons beaucerons monraient et presentalent les memes lesions.
Enfin, le 19, il y a aujourd'hui huit jours, ä neuf heures du inalin, soixante et onze heures apres l'inoculation, des quatre mou-lons beaucerons qui restaient, Irois encore avaient succoinbe. Unseul de ce lot a survecu et survit aujourd'hni. Quant aux moutons d'Alfort, ils n'ont cessc de bien boire et de bien manger ; ils ont continue ä etre gais, ä se bien porter, en un rnot jusqu'a samedi dernier, 23 courant, jour auquel ils ont ete rcexpedies ä la ferme de Vincennes, d'oü ils provenaient.
Yoilä le fait de Chartres, avec la caracleristique propre qui le distingue un pen du fail de Melun, qne I'Academie connait.
A Melun, les experiinenlatcurs ont inocnle les animaux avec le virus Ires virulent cultive dans le laboratoire de M. Pasteur depuis plus de quatre ans (mars 1877), tandis qu'ä Chartres nous avons inocnle les nolres avec le sang pris sur un moulon naort du char­bon dans une ferine de Beauce, depuis quatre heures seulement.
Ajoutons qu'ä Melun, le troisieme jour de rinocnlation, une des beles vaccineos est morle, tandis qu'ä Chartres toutes les betes vaccinees ont resiste.
Ajoutons enfin, qu'ä Melun, tous les montons non vaccines out succombe ä la suite de rinocnlation, tandis qu'ä Chartres un de ces moutonsa ete refraclaire. Cette resistance, — un scnl snr seize, —n'a nullement etonneles meinhres de la Commission, qni prcsque tous s'attendaientä la voir se manifester snr un plus grand nombre de sujels, ainsi qn'ils l'avaienl remarque dejä en 1850, 1851 et
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*
150nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHAHBONNEUSE.
1852, alors qu'ils praliquaient les nombreuses inoculations qui onl si bien demontre, contrairement ä ropinion genuraleinent admise ä cette eporjue, la nature charbonaeuse du sang de rate.
Sauf ces differences, quo TAcademie appreciera, les experiencesnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;*
de Chartres peuvent elre considerees comme uneseconde edition de celles de Melun. Elles se resuinent, d'ailleurs, en quelques lignes : dix-neuf moutons qui avaient subi la vaccination preventive ont tous resiste ä riuoculation charbonaeuse, tandis qu'au contraire, sur seize moutons qui n'avaient pas ete soutnis ä cette vaccination prealable, la memo inoculation en a tue quinze.
Les choses etant ainsi, la conclusion que nous avons I'honneur de soumcttre ii rAcademie nous parait s'imposer; la void :
La vaccination preventive du mouton met complelement la bete ä l'abri du chaibon.
Reste ä savoir combien de temps durera cette immunite.
C'est ce que la Commission locale d'Eure-et-Loir, au nom de la-quelle j'ai I'lionneur de parier en ce moment devant vous, se pro­pose d'etudior sur les nombreux troupeaux qui vont raaintenant etre vaccines dans les environs de Chartres; et quand notre etude sera complete, nous enferons Tobjet d'une nouvelle communication ii rAcademie, si rAcademie veut bien consentir ä nous entendre encore une fois sur cet autre cöte tres interessant de la question qui nous occupe.
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CIIAPITRE XIY
RAPPORT ADRESSE A M. PASTEUR S UR LES EXPERIENCES
lAITES CHEZ M. MAISONS, A LA FERME D'HERBEAY
COMMUNE D'AHTENAY
Monsieur,
J'ai riionneur de vous soumeltre le rapport complet des expe­riences faites cliez M. Maisons, a la ferine d'llerblay, commune d'Artenay, arrondissement d'Orleans.
Afin qu'on puisse bien se rendre compte des circonstances et des conditions dans lesquelles Texperieiice a ele faite, j'ai cru devoir etablir exaclement l'etat des pertes eprouvees parM. Maisons depnis le 17 mai, jour oü le premier cas de mort par le sang de rate a ete constate, jusqu'au moment oü la premiere vaccination a etc faite.
Du 17 mai au 25 juin, il est mort dix-sept moutons;
Du 25 juin au lcl juillet, dix morts.
C'esl a cette date que le troupeau a ete envoye en herbage dans une ferine dont le terrain est tres humide et qui est situee sur la lisiere de la foret d'Orleans ä Cossoles, commune de Chevilly, canton d'Artenay.
Le 17 juillet, les animaux rentraient ä la ferme d'Herblay; il en manquait quinze.
En somme, dans la periode de deux mois, du 17 mai au 17 juil­let, il est mort quarante-deux moutons.
Nous aliens relever maintenant, jour par jour, le nombre des cas de mort:
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15-2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
18nbsp; juillel.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;i
19nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;raquo;
^0 — .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;3
21 __ .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;-2
22nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;raquo;
23nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;I
21 — .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;I
25nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;raquo;
26nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;3
27nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;,
2Xnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;.............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;3
29nbsp; nbsp; — .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 2
30nbsp; nbsp; — .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;I
31nbsp; nbsp; nbsp;— .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 2
Tola].............. is
1quot;'nbsp; aoül..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; raquo;
2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp;..............................
3nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; gt;,
4nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp; ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;I
5nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp;..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;2
6nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;raquo;
7nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;nbsp; nbsp;..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;2
8nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;...............................l
9nbsp; nbsp; nbsp; —..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;raquo;
Total..............nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 9
Total general en deux mois el vingt-deux jours soixanle-neuf inorls.
Le 9 aoül, cut lieu la premiere inoculation sous la direction de M. Roux.
Cette experience avail comme temoins : M. Darblay, president du Cornice; MM. Dubois, Duslruil, Lejenne et Sergent, veteri-naires; MM. Piton el Rossignol (d'Orleans), Darblay (Louis), Dar­blay (Joseph), Mazure, Faucheur, Tourne, Popot et beaucoup de cultivateurs des environs.
Ont etc inoeules: deux cent cinquante moulons, cinq vaches et deux taureaux.
II restait non inoeules : cent quaranle-neufmoutnns, liuit vaches et quatre eleves de i'espece bovine.
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EXPEKlEiN'CES D'ARTENAY.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 15:5
Aucune des betes oviues non inoculees n'a ete niiilade (lepuis le jour de la vaccination.
Les vaches et les laureaux inocnles n'ont rien presenlc de parti-culier ä noter. L'etat sanitaire des non vaccines est salisfaisant.
Parmi les deux cent ciiKjiiante moutons vaccines il est mort:
10nbsp; nbsp;aoül..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; laquo;
11nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;I
12nbsp; nbsp; — .............................
13nbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; I
I inbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; I
15nbsp; nbsp; —..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;2
16nbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; raquo;
17nbsp; nbsp; nbsp;..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;•gt;
18nbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; I
19nbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; raquo;
20nbsp; nbsp; — ..............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; raquo;
21nbsp; nbsp; nbsp;— .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; raquo;
22nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;- .............................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; s
Tula!..............nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;8
La seconde inoculation a ete faite le 23 aoüt a Herblay, sur les deux cent quarante-deux moutons restanls, les vaches et les deux laureaux doja vaccines.
A cetle operation, presidee par M. Iloux, assistaient MM. Dar-blay, president du Cornice, Causse, Dubois, Distrait, Durand, Lagriffouil et Lejeune, veterinaires; MM. Rousseau, proprietaire, Cbambon, Mazure et Venard, cullivaleurs.
Les autres vaches et les taureaux n'ont eprouve aucun derange­ment; leur sante est parfaite.
Le 29 aoüt, Fundes moutons vaccines est mort, vingl jours apres la premiere vaccination.
Enfin, rinoculation du virus Ires virulent a ete praliquee ä cinq moutons ayant subi les deux vaccinations et a cinq moutons non vaccines, le 3 seplembre, a sept heures el demie du matin, par M. Lejeune, veterinaire ä Artenay, en presence de MM. Darblay (Louis), Leduc, Menard et Verdureau.
Ces dix moutons ont etii amenes chez M. Lejeune et places en­semble dans un pare d'une superlicie de 25 metres carres.
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154nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION ClIARBONM^USE.
Les inontons vaccines ont supporte I'6preuve saris qu'il ait eld possible de constater aucun derangement dans les fonctions vilales, bien qu'ils aient ete surveilles nuil et jo\ir; ä aucun moment ils n'ont presente d'autres signes qua ceux d'tme parfaite sanlu.
Quant aux cinq moutons non vaccines, le premier est inort le 5 seplembre, ä deux heures du matin;
Le deuxieme est mort le 5 septcmbre, ä sept heures trente mi­nutes;
Le troisieme est mort le 5 septcmbre, a onze heures ;
Le qualrieme est mort le 5 seplembre, a trois heures quaranle-cinq minutes du soir ;
Le cinquieine est mort le ü seplembre, ä nenf heures dix minutes du soir.
L'autopsie des quatre premiers a ete falte ä Artenay, par MM. Dubois, Lagriffouil at Lejeune, le 5 seplembre, äcinq heures du soir.
M. Lagriffouil fera ultericurement un rapport complet des lesions trouvees ä rouverlure des cadavres.
Apres avoir marque d'una fafoninddlebileles cinq moutons ayaul servi ä l'cxperience, je les ai rendus iileur proprietaire, le 7 sep­lembre an matin, el ils ont etc iminedialemeut remis dans le trou-peau.
En outre, M. Maisons m'apprend que deux de ses moutons non vaccines viennent de mourir.
Gustavo Lejeune, Veiei-inaire a Artenay (Loiret).
Artenay, le 7 seplembre t881.
J'ai voulu reproduire en antiar la rapport da M. Lejeune qui, du resta, est Ires court el fort bian fait, parce qu'il nous fournit un Ires bon exemple de ca qui se passe lorsqu'on vaccine un troupeau atteinlde la maladie sponlance.Nous voyonsque la mor­tality continue pendant la vaccination el jusqu'a ce que cette vacci-
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EXPERIENCES D'ARTENAY.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;155
nation soil complete, e'est-a-dire liuit ou di.v jours apres ['inocula­tion du deuxieme vaccin, La vaccination charbonneuse, coinrac la vacceine humaine, en eilet, n'empeche pas le developpement tie la maladie lorsque le germe de cette maladie se trouve deja clans le corps au moment tie rinoculation preventive.
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,
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G1IAP1TRE XV
EXPERIENCES DE TOULOUSE
Le remarquable rapport adresse par M. Baillet, directeur de TEcole velerinaire de Toulouse, a Jf. le ministre de rAgriculture, nous fournil les rensuignements suivanls sur les experiences d'ino-culations preventives qui out ete faites en Janvier el levrier 1882 a. l'Ecole de Toulouse. L'Academie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, la Societe de medecine de Toulouse, la Societe d'agriculture de la Ilaule-Garonne avaient delegue plusieurs de leurs membres pour suivre la serio des operations. A eux s'etaient joints des naedecins, des veterinaires de la ville et de la garnison : tous ont efe frappes du resultat concluant auquel a conduit la inetbode Pasteur. Quelques-uns d'entre eux ont exprime le desir que des essais semblables fussent fails sur les betes bo-vines qui, dans celle region, sent peut-etre plus frequerament atteinles du charbon que les moutons. Tous se sont plu ä recon-naitre qu'il a ete donne a l'Ecole de Toulouse une demonstration frappante de l'eflicaeile de la methode.
Par une lettre en date du quot;21 decembre 1881, M. le ministre de 1'Agriculture autorisa M. Baillet, directeur de l'Ecole nationale ve­lerinaire de Toulouse, ä faire proceder, ä l'Ecole, ä une experience destinee ä demontrer aux eleves refficacite de Tinoculation pre­ventive du cbarbon d'apres la methode Pasteur, et ä en vulgariser la connaissance dans la region.
M. Baillet s'entendit aussitöt avec M. Givelet, proprietaire de la ferine de Montredon, annexee a l'Ecole; M. Givelet mit k la dispo-
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158nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; GHARBON. — VACCINATION CHARBOMEUSE.
sition de l'Ecole vingt-six antenais de race lauragaise et (juulre brebis pleines, destines ä subir les inoculations preventives. D'ua autre cote, M. Baillet fit aclieter, pour servir de teinoins au moment de l'epreuve definitive, quatre antenais de meine race que les precedents et une brebis pleine.
Enfin, dans le cours de 1'experience, deux brebis et plusieurs lapins out ele acquis pour repondre a diverses indications.
Tous ces animaux divises en deux groupes, celui des brebis et celui des antenais, ont ete places ensemble dans deux locaux dif-ferents, et ont vecu de la meine vie pendant toute la dnree de 1'experience.
Ensuite, M. Baillet, apres avoir refu de M. Pasteur des instruc­tions sur la marche ä snivre pour rendre concluante I'experience projelee, inocula, le 11 Janvier, le premier vaccin cbarbonnenx arrive la veille a Toulouse.
Dans cette premiere seance, conrormement au plan qui, d'apres les indications de M. Pasteur, avait ete arrete enlre M. Baillet et JIM. les professeurs Labat et Peuch, les betes ovines dont on pou-vait disposer ont ete partagees en trois groupes.
Tous les animaux du premier groupe, compose de treize moutons el de deux brebis, out ete inocules par I'injection a la face interne de la cuisse droite de la quantite du premier vaccin contenue dans une division de la seringue de Pravaz (soit 18 centigrammes).
Tous ceux du second groupe, compose egalement de treize males et de deux brebis pleines, ont ete inocules par une quantite double du meme vaccin, injectee, moilie a la face interne de la cuisse droite, et moitic ä la face interne de la cuisse gauche.
Enfin tous ceux du troisicme groupe, comprenant quatre moutons et une brebis pleine, n'ont ele soumis ä aucune inoculation.
Ala suite de cette premiere inoculation, pratiquee avec un virus Ires faible, une deuxieme vaccination a eu lieu le 24 Janvier 1882 avec le deuxieme vaccin, expedie de Paris le 21 Janvier et arrive ä Toulouse dans la soiree du 23. Dans cette seconde opera­tion tous les animaux vaccines le 11, l'ont ete de nouveau, mais par une seulc injection faite ä la face interne de l'une des cuisses. liest inutile d'ajouter que les quatre moutons el la brebis desti­nes a servir de temoins n'ont pas subi cette inoculation.
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EXPERIENCES DE TOULOUSE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 159
Uli incident qui s'est produit ä ('occasion de Tenvoi du virus a introduit dans les operations un element sur lequel on n'avait pas d'abord coinpte. A la suite d'uri malentendu dans les envois, un nouveau tube de deuxieine vaccin arriva, le 513, ä Toulouse. Acette epoque, tons les sujels avaient dejä subi depuis deux jours la deuxieme vaccination, et il n'etait nullement indique de recou-rir ä uue troisieme. Neanmoins, MM. ßaillet, Peuch et Labat se deciderent ä inoculer, le 27, deux brebis etrangeres au troupeau. Sur Tune d'elles fut pratiquee une seule injection; sur I'autre on en fit deux. A partir du 27, ces deux betes vecurent avec les autres brebis mises en experience, mais on doit noter qu'elles ne furent plus soumises k aucune autre inoculation preventive, et qu'elles furent reservees pour etre inoculees du virus tres virulent au mo­ment oil devait se terminer Texperience.
D'apres le premier plan qui avail etc trace, on pensait, a Tou­louse, que la vaccination du 24 Janvier devait clorc la seric des inoculations preventives. II n'en fut rien parce qu'a Paris, M. Pas­teur craignit que le virus injecte a celte date füt trop faible (1) pour metlre reconomie ä l'abri de la contagion, et avait exprime le desir qu'une troisieme inoculation preventive füt tentee. Celle-ci out lieu le 6 fevrier avecun troisieme vaccin envoye de Paris le 4 et arrive a Toulouse dans la soiree. Elle eut lieu sur vingt-cinq des vingt-six moutons (2) dejä inocules, et sur les quatre brebis qui jusqu'alors avaient subi le meine laquo;ort. Celles-ci avaient toutes les quatre mis bas la veille, e'est-a-dire le 5 fevrier.
Cette troisieme inoculation fut la derniere qui fut pratiquee
(!) Le (.leuxieme vaccin du il jmivier n'nyant pas ele employe en tulalite pour les vingt-six moutons et les quatre brebis, M. Peuch utilisa ce rpii rcslait ä inoculer deux lapins, l?un par une seule injection, I'autre par deux. Le second de cos animaux mourut cent six heures apres l'inoculation, et le premier cent liuit heures seulemont apres cette operation. Tons deux presenterent ä un haut degre toutes les lesions du charhon, et leur sang, riclie. en bacteridies, fut inocule a un troisieme lapin. Celui-ci mourut quarante-neuf heures apres l'ino­culation. Ce fait temoigne que le virus juge trop faible pour vacciner les moutons, suflit pour luer les lapins.
(2) ISous ne signalerons plus ici que vingt-cinq moutons a inoculer au lieu de vingt-six, parce que 1'un d'eux etait mort le ^6, a la suite d'une indigestion. L'autopsie de ce sujet, faite avec le plus grand soin par 51. Pcuch, n'a oll'ert aucune des lesions du charhon; le sang, qui, d'ailleurs, ne contenait pas de bacte­ridies, a pu etre inocule ä un lapin sans provoquer chez ce rongcur aucun trouble de la sanle.
laquo;
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)
1GÜnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CIIARBON. — VACCINATION CHAUBOMEUSE.
comrae preventive. Tons les sujcts la subirent, coimne les deux precedentes, saus qu'aucun d'eux eprouvät dans sa sante des troubles assez seiieux |)oiir comproinettre son existence. On peut d'autant plus sürement donner cette affirmaliou, que les animaux avaient ete soninisä une surveillance assidue, et que des mcsures avaient ete prises pour s'assurer s'ils seraient ou ue seraient pas en proie ä un mouvement febrile asscz accentui'.
En effet, d'apres les instructions doimees par M. Pasteur, et afin de mieux juger de I'aclion produite par le virus, on a fait prendre tous les jours, ä trois lieures el demie, la temperature rectale des animaux inocules. Pour cela, on a allribne ä cbacun d'eux un numero, et on adresse des tableaux oil sent consignees les temperatures de chaque jour. L'operation a coiistamment (ite faite avec le plus grand soin par MM. les repetiteurs Cadeac et Pcndriez, assisles des eleves de la qnatrieme annee, el sous la direction de MM. Peuch ct Labat.
De l'examen de ces tableaux il resulte que dans les jours qui ontsuivi chacune des trois inoculations, la temperature s'esl elevee de qnelques dixiemes de degre ä la Ibis cbez les betes inoculees prevcntivement el cbez les temoins ; Televation elait sensiblemenl la meine de part et d'autre; il n'y a done pas lieu d'admeltre qu'un mouvement febrile bien caracterise ait ete la consequence des ino­culations preventives. Pourtant, malgre l'absence de ce caractere, rimmunite a ete certainement acquise a tous les snjets d'expe-rience. C'est ce qui a ete clairement demonlre par les resullats de l'experience comparative par laquelle a ete terminee la premiere Serie des operations.
Cette derniere experience a eu lieu le 18 fevrier. A cette epoque, nous etions en possession de vingt-cinq inoutons et de quatre brebis inocules preveiitivement ä trois reprises differentes; de deüx brebis inoculees preveiitivement une seule Ibis, le 27 Janvier; de quatre moutons et une brebis destines ä servir de temoins, el n'ayant suld aueune especc d'inoculation ; et de trois agneaux nes de meres inoculees, apres la deuxieme inoculation.
Le qnatrieme etait ne do la brebis temoin qui a succoinbe depuis, comme on le verra plus loin.
Le 18 fevrier, on a inocule avec le virus virulent:
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EXPEDIENCES DE TOULOUSE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 161
1deg; Huit moutons et une brebis qui avaient ete vaccines trois fois prevenlivemen!;
2deg; Deux brebis qui n'avaient ete inoculees qu'une fois preven-tivemenl;
3deg; Los quatre moutons et la brebis, leraoins.
Un mouton temoin est raort le 20 fevrier, quarante-lrois lieures apres l'inocolalion.
Un mouton et une brebis temoins sent morts dans la nuit du 20 au 21 fevrier, soixante lieures apres l'inoculation.
Un quatrieme mouton temoin est mort le 22 fevrier au mahn.
Le cinquieme mouton temoin a ete ires malade pendant cinq jours, mais il a cclmppe ä !a mort et s'est retabli.
Quant ä la brebis et aux luiit moutons qui avaient ete vaccines trois fois, ils out parfaitement resiste. II en a etc de meme des deux brebis qui n'avaient ete vaccinees qu'une seule fois.
Quelques-uns d'entre eux out, par moment, manifesto un peu de tristesse, mais iis n'ont jamais cesse de manger el se sont remis rapidement. Leur temperature s'est pourtant elevee de 1,2 et meme 3 degres au-dessus de la temperature initiale: ce qui monlre que plusienrs out ete en proie a un mouvement febrile assez marque et qu'ils n'ont echappc a rinduence du virus viru-ent qu'ä la faveur de 1'immunite dont ils avaient ete pourvus par une ou par trois inoculations preventives.
Les cinq temoins inocules du virus virulent sans avoir cle sou-mis ä une vaccination preventive ont tons ete atteints du cbar-bon, et si I'un d'eux a survecu, il l'a du uniquement ä une force de resistance quo Ton rencontre de loin en loin cbez certains ani-maux.
On n'a pu conserver aucun doute sur la nature de la maladie ä laquelle ont succombe quatre des temoins, car, a I'aulopsie, ils ont prcse!:te toutes les lesions caractcristiques du charbon, et leur sang s'est montre particulierement riche en bacleridics.
Les deux tiers des animaux vaccines et trois agneaux ncs pendant I'experience ont elercserves pour des essais nltericurs ä faire, sui-vant le desir de la Societe d'agriculture, et pour constater : 1deg; si les animaux vaccines resisteront aussi bien ä Tiiioculalion du sang cbarbonneux qu'ä l'inoculation du virus Ires virnlenl;
Gil. CIIAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;1 1
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CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
2quot; si rimmunite se conservera au dela d'un certain temps; 3'' enfin si rimmuuite est acquise am agneaux nes de meres vaccinees pendant la gestation.
Nous voyons ici intervenii', et pour la premiere fois, trois ino­culations preventives au lieu de deux. Nous avions reconnu, en effet, ä ce moment, que nos vaccins avaient sensiblement diminue dans leur virulence. Afin d'etre plus certain du resultat, M. Pas­teur tnaiufesla le desir de faire subiraux aniinaux une tioisieme inoculation preventive, ce qni fut fait. Mais il faut recounaltre que les craintcs deM. Pasteur ctaient exagurees, car deux brebis qni n'avaient refii que la seconde inoculalion vaccinale resisterent aux cffets du virus virulent.
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CIIAPITRE XVI
ExpßnncNCEs de severs
La Societc d'agriculture de la Nievre, coiivaincue de I'impor-tance considerable ijui pjuvait resulter pjnr ce departemenl de l'application de riininartellt) tlecouvcrte due ä M. Pasteur, relati-vamp;meaikla. vaccination preventive des animaux clomestiques, ei desiranl quc les proprielaii-es et bs agriculteurs connussent les experieiices et pussent se rendre cotnpte par eux-naSmes, del'exae-litmle de la methode pastorienne, decida, dans sa seance du 7 Jan­vier 188:2, de ronouveler ä Nevers les experiences si demanslra-lives de Pouilly-le-Fort.
line commission prise dans son seinfut nominee seance tenante; ellc fut composce de M. le conile de Bouillc, president; MM. Re-gnier, agriculteur ä l'Isle; Louis Colas, agriculteur au Crot-de-Chevigny; Suif, proprietaire ä Clialluv; Gantier, agriculteur ä Cliaiiinont; Farine, Gucrrin, Durand, in?declns-veteriiviires ä Nevcrs. Un local des plus couvenables, situe au port de Mediae, fut mis ä la disposition de la Societe par ['administration des Fonts et chaussecs. Une circulaire fut expediee par le President, dans tons les sens, invitant les agriculteurs et les vcterinaires du departement et des departements du centre a assister anx expe­riences qui allaient etre effectuees sur des animaux des especes chevaline, i)0vine, ovine.
La serie des operations etait distribuee dans I'ordre suivant:
S:iineli 11 mars, ä deux heures du soir : premiere inoculation vaccinale par virus charbonneux attenuö;
Samedi 25 mars, a deux heures du soir : inoculation vaccinale par virus charbonneux moins attenue ;
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161nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Jeutli Gavril, ä deux heurcs dusoir: troisieme inoculalion par virus tves virulent;
Satnedi 8 avril, ädeuxheures du soir: autopsie des animaux raorts.
Les sujets d'experience comprenaient: trois jumenls numerotees 1,2,3; ouze animaux bovines, comprenant : quatre bouvillons, uue genisse, deux vaches ä lait fromeat clair; une vache suitee et son veau femelle äge de trois mois; une vache poil blanc, liuit ans; un veau blanc, sept mois.
L'espece ovine comprenait vingt sujels, savoir : quatre brebis southdown-bcrrichonnes avec leurs quatre agneaux; un belier, Jeux ans, meine race ; six brebis, dix-huit mois, race dishley-berrichonne; cinq moutons southdown, dix-huit mois.
II fut convenu : 1deg; que deux sujets de l'espece chevaline desi-gnes par leurs numcros seraient vaccines;
2deg; Qne six animaux de l'espfece bovine portaut dans leur classe-ment les numeros impairs seraient vaccines ; tandis que quatre ne le seraient pas cl que le bouvillon classe n0 8 serai! garde coinme temoin ; qne ces animaux seraient do plus attaches ä la creche, de fafon qu'un sujet non vaccine !ut enlre deux vaccines;
3deg; Que les onze brebis el agneaux vaccines seraient distingues par un ruban bleu et melanges aux non-vaccines;
•i0 Qne tous les sujets vaccines et non vaccines suivraient le meine regime.
Le samedi 11 mars, M. Eugene Viala, delegue du laboratoire de M. Pasteur, proceda ä i'iaoculation du premier vaccin charbon-neux ties attenue. Pour l'espece chevaline, le point vaccinal fut choisi sur le cöte gauche de l'encolure ; pour l'espece bovine, la vaccinalion eut lieu dans le tissu cellulaire sous-cutane, situe en haut et en arriere de l'cpaule gauche.
Les ouze sujets de l'espece ovir.e, pris indistinctement dans !c lot, furent vaccines ä la cuisse gauche.
Rien d'anormal ne se presente dans l'etat de ces animaux qui, jusqu'au 25 mars, conlinueul ä se bien porter.
Le 25 mars, a lieu rinoculation du deuxieme vaccin charbonneux, raoins attenue que le premier et qui, coinme on salt, pourrait ctre mortel pour des animaux non vaccines par le premier vaccin. Dans
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EXPERIENCES DE NEVERS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;1G5
cetle operation, on changea le lieu d'eiection vaccinalc; ainsi, les jumenls furent vaccinees ä la face droite de l'encolure; les bovi-,,- des, au defaul de l'epaule droite; 1(!S moutons, ä la cuisse dioite ; Tun de ces derniers, eependant, ä la demande de M. Pigeon, fut vaccine ä la face interne de l'avant-bras droit et marque comme signe distinctif, ä ce meine membre, par un ruban rongc.
Les jours suivants, quelqnes snjels sont atteints d'oedÄiaes, de boiterie, de fievre, de tristesse; mais pen ä peu ils reviennent a l'etat normal et, ie 7 avril, jonr de la troisieine vaccination re-cominandee par M. Pasteur, tous les animaux etaient dans une situation sanitaire excellente. Toulefois un des doux agneaux ino-cules monrut le 31 mars. L'autopsie deinontra qu'il avail succombe non ii la fievre cbarbonneuse, mais ä la septieemie.
Le 7 avril, cut lieu la troisieine vaccination, qui ne parut pro-duire aucun effet appreciable sur les animaux operes.
Enfin le 20 avril, M. Eugene Yiala proceda ä rinoculalion viru­lente cliaibonneuse de Ions les animaux vaccines ou non vaccines servant aux experiences. Trois cobayes ayant regu, avant son depart do Paris, ie virus cbarbonneux, devaieal lui fouruir ie sang mortel necessaire.
A son arrivee äNevers, 1'unde cos cobayes mourait ä onze beures du malin, et c'est avec le sang do cet animal recueiili dans le coenr meme que I'inoculation fut pratiquce sur une partie des sujets d'experience, tandis que Taulre partie de ces sujets etait inoculee par le virus Ires virulent prepare dans le laboraloire de M. Pasteur.
Apies un malaise leger et passager, les animaux vaccines re-prennent leur vigueur, leur appetit cl leur gaite ordinaires.
Les resultats de ces operations peuvenl se rcsumer ainsi :
Trente-quatre animaux appartenanlaux trois principalesespeces domestiques servirenl aux experiences do vaccination cbarbon­neuse et se composaient de : trois jumenls, onze bovides, seize brebis et quatre agneaux.
Sur les trois jumenls, deux furent vaccinees el resislercnl faci-lement a rinoculalion virulente morlelle. La troisieine, non vac-cinee, ne put supporter le virus mortel.
Sur les onze sujets de Pespece bovine, six furent vaccines et
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166nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHÄRBONNEÜSE.
Iriomplicrenl derinoculation eharbonueuse. L'un tie ces animaux, le ndeg; 8, nc fut ni vaccine ni iuocule, afia d'etre gaide comme lemoin.
Sur les quatre autres sujets ilc cc groupe, qui ne fureiil pas vaccines et qui subirent rinoculation virulente, deux snccom-bercnt, dont une, la vaclie nquot; 6, avec tous les sjmptömes ties accu­ses de la fievre eharbonueuse, et le n0 4 avec les lesions propres ä la septicemie; taiulis que les deux autres, aquot; -2 et uquot; 10, apres quelques desordres assez graves, symptomes evidents do la Intte que les cellules du corps animal eurent a soutenir conlre les microbes morlels introduits, survecureut a cette inoculation charbonneuse.
Sur les vingt animaux de Fespece ovine, onze sujets furent vac­cines et l'un d'eux, un agneau, succomba ä cette operation avec les lesions propres ä la scpticömie.
Les dix survivants et vaccines sortirent indcumes de l'epreuve mortelle.
Deux autres sujets ni vaccines ni inocules furent gardes comme lemoins.
Les sept autres non vaccines succombereut Ires rapideineut aux suites de rinoculation charbonneuse.
En resume, dix-huil animaux vaccines et inocules survecureut, tandis que sur lesdouze animaux non vaccines, mais inocules, dix sont morts.
laquo; Une particularity, dit le rapport, ä signaler en faveur de la vaccination, e'est que les animaux vaccines, qui presque tous pre-sentaient des octlemes plus ou moins volumineux ä la suite des vaccinations ties virus alteuues, ne prcsenterent aucun ccdeme, merae leger, apres 1 inoculation de la matiere virulente mortelle. 1! csl aonc indcniable et patent que la metliodc pastorienne a conferc rimmunite absolue, jusqu a ce jour, aux dix-huit sujets vaccines. raquo;
J'ai resume, aussi fitlölement que possible, le rapport fait par M. Durand a la Societc d'agriculture tie la Nievre; il est, comme
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EXPERIENCES J)E NEVERS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 167
on levoit, lout ii fait favorable ä la vaccination eharbonneuse. II y a cependant un point sur lequel je ne suis pas d'accord avoc M. Durand, c'est celui oü cet habile veterinaire croit pouvoir affirmer qne le veau n0 4 ost niort de seplicemie et non du charbon. Voici textuellement le rapport de l'autopsie de eel animal :
laquo; lufillration de loule I'qtaule droite se prolongeant sur I'en-colure el occupant loule la surface droite el inferieure de l'abdo-men. Les muscles, rouge-brun ii leur surface, soul pales el comme cuits dans leur coupe.
raquo; Cavite abdominale : Serosile abondante; congeslion de l'intes-tin grele ä certains points; rale volumineuse, Ires cpaissie an centre ; la coupe laisse echapper un sang lie dc vin prononce; foie fortenient congeslionne.
raquo; Cavite thoracique : pericarde el cocur converts do pelechies, sang diffluent, non coagule, noir dans les ventriculcs; oreillettes dislendues. Ires flasques; poumons parsemes de points hepaliques; bronches remplies de mucosiles spumeuses.
raquo; Kludie an microscope, le sang contient les gennes de la seplicemie. raquo;
Je ne suis pas assez verse dans les connaissances velerinaires pour savoir si les praticiens reconnattront lä les signes de la sep­licemie et non ceux du charbon; ce que je puis dire c'est quo souvent des animaux morls charbonneux nous ont presenle les memes caracteres.
Ce qui me rend surtout defiant, c'est la phrase on M. Durand ditquc le sang etudie au microscope conticnl les gennes de la seplicemie. Qu'enlend M. Durand par ce lerme germes de septi-crmie? Veut-il parier des verilables germes ou spores qui se for-ment au bout d'un certain temps dans rinterieur des filaments du vibrion seplique ou bien des vibrions eux-memes ? M. Durand n'a pu voir les verilables germes septiques parce que ceux-ci se for-ment au bout d'un temps assez long dans le sang el rautopsie a etc falle Ires pen de temps apres la mort. Quant aus vibrions sep­tiques eux-m6ines, je doute que M. Durand ait pu les voir dans le sang oü ils sent Ires pen nombreux el oü ils sont Ires difficiles ii apercevoir. M. Durand ne dil pas un mot de leur mobilite; or le caraclere ondulatoire et flexueux du vibrion seplique enlre les
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168nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCLXATION CHARBONNEUSE.
globules du sang Taurail certainenient frappe s'il avail eu affaire au veritable vibrion seplique.
Pour tontesces raisons je suis porte ä croire que M. Durand a confondu la seplicemie avee le cbarbon, comme MM. Jaillard et Leplat avaient confondu ces deux maladies au moment desti'avaux de Davaine. Dans tons les cas il est regrettable que des inoculations du sangdecet animal n'aient pas ete faites sur des lapius et des moutons, afin de determiner avec precision la nature de l'affeclion qui avail amene la mort.
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CHAPITRE XYII
EXPEUIENCES DE MER
Sur l'initialive de M. ßiilault, velerinaire ä Her (Loir-et-Cher), les agriculteurs du canlon rüsolurent d'experimenter la melliode d'inoculation preventive de M. Pasleur. Un programme ful arrele et les operations dureul porter sur quinze vaches el trente et un moutons.
Le 12 mars, a deux heures du soir, eu presence d'une Commis­sion specialcment nominee et d'un grand nombre d'agriculteurs, MM. Paul Gibier, preparateur au Museum d'histoire naturelle, et Viala, du laboratoire de M. Pasleur, se mettent en devoir d'inocu-ler le premier virus vaccinal. Ils sonl aides par MM. les veterinaires presents, appeles, ä tour de role, a pratiquer la vaccination char-bonneuse sur plusieurs vaches el moutons. L'operalion terminee, rendez-vous est pris pour le 22 mars, a deux heures du soir.
Pendant la periode de temps ecoulee enlre le 12 mars el le 22 mars, les animaux sonl visiles rogulierement Irois fois par jour. Ils conservent toutes les apparences de la sante; Fetal general reste aussi satisfaisant que possible. La fievre benigne, qui, d'ordinaire, apparalt ä la suite de chaque inoculation du virus vaccinal, est tellenient faible qu'elle devient inappreciable.
Le mercredi 22 mars, il est procöde ä I'inoculation du deuxieme virus vaccinal, c'est-a-dire d'un virus moins attenue que le pre­mier. C'est ce deuxieme virus qui doit preserver ulterieuremcnt les animaux de la fievre charbonneuse. Comme la premiere fois, ces inoculations sont pratiquees sans donner lieu a aucun incident. Une brebis qui n'a pas refu le premier vaccin, rejoit le second.
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170nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHÄRBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSE.
A cinq heures du soir il y a : dix vaches vaccinees et cinq qui ne le sont pas; vingt et une brebis vaccinees, clout une qui n'a recu que le deuxieme vaccin; et dix brebis qui ne sont pas vaccinees.
Du 22 mars au 30 mars, les animaux contiuuent a presenter lous les signes exlerieurs de la sante; pas de fievre appreciable. Le 30 au matin, un mouton est trouve malade, et, exaraen fait de l'animal, on le reconnait atteint d'une broncho-pneumonie qui persiste jusqu'au 2 avril; on resolut de metlre ce mouton ä l'ecart et il fut decide que le virus virulent ne lui serait pas inocule. Le 31 mars, des oedemes sensiblesse montrent sat deux vaches; ces lumeurs augmenterciit le lendemain, 1CI avril, pour rester ensuite slationnaires. Les aulres animaux continuerent ä presenter loutes les apparences de la sanlö.
Le 2 avril, ä deux heures du soir, M. Bidault, assiste de plusieurs de ses collegues, promie ä I'inoculation du virus virulent arrive de Paris, dans la matinee.
Pour qu'il ne restlaquo; aucun doule dans I'esprildes personnes prä­sentes, chaque seringue sert ä inocnler trois vaches vaccinees et une non vaccinee ou bien six moutons vaccines et deux non vaccines.
Le virus virulent porte ainsi sur tons les animaux vaccines ou non vaccines (sauf sur le mouton recounu malade et mis a recall); rendez-vous est pris pour le 5 avril, ä neuf heures du malin.
Le 3 avril, une vache et un taureau uon vaccines ont ele un peu malades; ils ne mangent pas et sont pris de tremblements genc-raux, mais leur elat s'ameliore des le lendemain. Le 4 avril, a cinq heures du matin, 51. Bidault trouve deux moutons non vaccines morts depuis quelques heures, car les cadavres sont froids; entre huit et neuf heures du matin, deux moutons vaccines meurenl, el, ä onze heures, deux aulres moutons non vaccines succombent. Sur tons ces moutons, vaccines ou non vaccines, la marcbe de la maladie est foudroyante.
Pour faire rouverlure des cadavres, M. Bidault altend I'arrivee de M. Gibier, ä qui il fait part de son desappoinlement. M. Gibier repond qu'il yaeu erreur dans l'envoi desvaccins, et que, malheu-reusement, Ferreur n'avait ele reconnue que le 3 avril. Voici en quoi consislait 1'erreur :
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La vaccination cliarbonnouse doit clre pratiqu^e deux fois avec deux vaccins ineiialement attenuos : le premier, 1c plus attenue, pcrmetlant l'emploi du second. Cost cc dernier, le moins aUenuö, qui doit definitivement preserver les animaux de la ficvre charbon-neuse. Or les deux expeditions de Paris n'avaient apporte qne le premiervaccin, et les animaux, impniTaitemcnt vaccines, subissaient en tout on en partie, les attcintcs de la fievre charbonneuse, sui-vant lenr degre de resistance. Tout olait ä recommencer.
Deux dcpcciics successives de M. Pasteur confinnenl le iccit de M. Gibier; ct la derniere, refue le mercredi i- avril, a midi, donne la certitude que, vine cerlaine imnmnitc etnnt acquise par i'inocu-lation ropetöedu premier virus, on n'aurait ä dcplorer, dans I'es-pece ovine, que la perte d'uu quart ou d'uu cinquieme des animaux vaccines. A deux heures, on procede auxautopsies et on examine au microscope le sang de tons les cadavres. Sur tons, la presence des bacteridies demonlre qu'ils out succondje aux atteintes de la fievre charbonneuse.
Le 4 avril, ä cinq beures du soir, les Irois autres vacbes noil vaccinees soul malades. Deux autres moutons non vaccines men-rent, le 4 avril, entre six et sept heures du soir.
Le 5 avril, ä qualre heures du matin, deux moutons non vaccines elun mouton vaccinesonttrouves morts. La moil remonteäqwelques heures. Les quatre vacbes non vaccinees et le taureau vont mieux. Entre neuf heures du malin et deux heures du soir, deux moutons vaccines meurent. Le dernier n'a repu que le deuxieme virus vac-cinal qui u'est, en realile, qu'nn premier virus. Lavache malade, le 3 avril, retombe dans le meme etat; le mieux persiste clicz les autres. Toutes les vacbes vaccinees presentent les signes de la plus parfaite sante. — Les autopsies de tons ces animaux, l'examen du sang au microscope, demontrent qu'ils sent tons morts de la lievre charbonneuse.
Le G avril, un mouton vaccine el un mouton non vaccine meurent dans la matinee. La vache malade, de laveille, va un pen mieux; ce mieux s'accuse tous les jours, et le 9 eile -est compielement retablie.
Dans la nuit du 8 au 9, un mouton vaccine el un mouton non vaccine succombenl. M. Bidault constate sur l'une des vacbes
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non vaccinees un cedeme assez considerable, ayant son siege ä l'en-droit oü ('inoculation du virus virulent a ele laite. Get oedeme tend ä disparaltre dans la soiree, et tout porte ä croire qu'il aura coin-plelement disparu dans Irois ou quatre jours.
Le premier vaccin inocule deux fois a done preserve les deux tiers des moutons vaccines (treize sur vingt) et toutes les vaches vaccinees. Ce resultat, vu I'erreur commise dans l'envoi du vaccin, mcrife encore d'etre signal^, pnisqne dix moutons sur dix sont morls dans les non vaccines, et que toutes les vaches non vaccinees out ete malades, alors que I'etat general des autres a toujours et(i aussi satisfaisant que possible.
laquo; Evideimncnt, dit M. Cidault, il est regrettalde qu'une erreur ail pu se produire au cours de ces experiences, mais ces dernieres servent encore ä nous donner la mesure de rimmunitc ac([uise par I'inoculalion d'un seul et premier vaccin; et nous nons servirons de ces resultats, comme terme de uomparaison, dans les experiences que nous allons poursuivre et dont la premiere aura lieu ä Mar, le 12 avril prochain, a deux heures du soir. raquo;
II fut convenu, entre M. Pasteur et M. Bidault, que la nouvelle experience serait faite sur trente moutons, dont quinze seraient reserves comme temoins.
Le 11 avril, quinze moutons etaient livres par un agricultenr de la commune d'Avaray, M. Tournois, de Chanmont, dont la ferine so trouve siluee dans le val de la Loire, tandis que les quinze autres, amenes le memo jour, provenaient de la ferine de M. Guyon, agri­cultenr an liameau de Ponlijou, commune de Maves. Ces animaux, jeunes, relativement vigoureux. claient, depuis un an, enlapos-session de ces agricullenrs.
Le 12, au matin, M. Bidault examine attentivemeatcesanimaux: ils presentent lous un elat general aussi satisfaisant que possible.
A deux heures du soir, en presence de plusieurs temoins, le pre­mier vaccin est inocule ä quinze moutons marques aux deux oreiiles, a i'aide d'un emporte-piece.
Aucun incident ne se produit; on fait rentrer les betes inoculees ä la bergerie, oü elles sont melees aux quinze moutons reserves comme temoins.
On fail donner ä lous ces animaux une nourriture saine et assez
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abondante, se rapprochant, comme quantile et comme qualile, tie celles qu'ils recevaient habituellement. Tous les jours, ils sont t'objet de deux visiles; et du 12 au 24 avrll, on ne peut conslalej-rien d'anormal, malgrc I'attentlon apporlee a saisir le moindre des symplomes.
Le 24 avrll, ä deux heures du soir, on inocule le deuxiemc virus vaccinal, aux quinze moutons qui out regu le premier virus le 12avril. Tous les moutons, ä ce moment, continuent ä presenter un etat de sante aussi satisfaisant quo possible. Ainsi que dans la pe-riode ecoulee enlre la premiere et la deuxicme vaccination, ils sont visites rcgulierement deux et trois fois par jour.
Quarante-buit lieures apres cette deuxieine inoculation, on con­state cliez quelques moutons des modifications dans icur inaniere d'etre babituelle. Ils ne sont plus aussi gais, marcbeut plus diffi-cilement, avec un ecartemeut marque des mcmbres posterieurs; un,surtout,boite raanifestement. Ils raangent moins, la rumination ne s'effectue plus aussi rcgulierement el, si on les force a se raou-voir, la respiration devient haletante et provoque par les naseaux plus ouverts l'expulsion d'un peu de jetage mousseux d'un blanc jaunätre. Le flanc est irregulier, bat plus vile, meme an repos; les inuqueuses semblent plus colorees et la pression exercee sur I'epine dorsale, dans la region lombaire, est douloureuse et determine sur queiques-uns recoulement d'une cerlaine quantile d'urine qui parait plus foncee. Get etat se continue jusqu'au 27 avril au matin.
Les autres moutons vaccines, ä l'exceplion de trois, prescnleiil les meines symplomes du 20 au 28 avril, et, le 29, sur tous ces an;-maux, I'etat general est aussi satisfaisant que possible. Rien d'anor­mal du 29 avril au 4 mai.
Le 4 mai, a dix lieures du matin, M. Bidault procede a une ino­culation virulente sur.un mouton et un lapin non vaccines, a I'aide d'un virus virulent expcdie la veille du laboratoire de M. Pasteur : on esperait, en pratiquant cette inoculation, que Tun de ces ani-maux mourrait dans la matinee du 0 mai, ce qui aurait permis de pratiquer Finoculation virulente sur les vingt-neuf moutons qui restaient avec du sang pris sur un animal mort de la fievre char-bonneuse. Le mouton fut comme foudroye et inourut vingt-cinq
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17-inbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;ClIARllON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
heures apres l'inoculation, c'est-ä-dire trop tot, car l'etat de putre­faction dans lequel il se trouvait le samedi 6 mai ne ponnettait pas de prendre sur lui le virus virulent. En inoculant le sang de cet animal aux aulres moutons, on pouvait amener la inort de ces derniers par la septicemie. Quant au lapin, il ne mourait que le dimanche 7 mai, vers midi, e'est-ä-dire vlngt-qualre heures Irop tard.
Du 4- au G mai, Ions les montons se portent ä merveille.
Le G mai, äonze heures du matin, on precede a l'inoculalion vi­rulente sur les vingt-ncul' moutons, dont quinze sont vaccines. On emploie pour cette inoculation un virus violent, expedie la veille, du laboratoire de M. Pasteur. Cette inoculation est pratiquee comme dans les experiences precedentes, e'est-ä-dire que la charge de la seringue de Pravaz, conlenant huit doses.sert pourquatre moutons vaccines el quatre non vaccines; et on pratique I'operation alterna-tivemenl sur un mouton vaccine et sur un moulon non vaccine. A onze heures trente minutes, tout est terraine; il ne reste qu'a attendre le resultal.
Le 7 mai, ä quatre heures du matin, tons les moutons sont dans leur etat normal. A dix heures, un mouton non vaccine tomhe ma-lade et meurl deux heures apres; entre trois et neuf heures du soir, trois autres moutons nou vaccines meurent. Le 8 mai, ä quatre heures du matin, quatre nouveaux moutons sont tronves morts parmi ceux qui n'ont pas etc vaccines; lescadavres de deux de ces moutons sont dejä froids. De cinq ä sept heures du matin, deux autres mou­tons non vaccines meurent en presence de M. Bidault qui, en ce meme moment, malgre toute son attention, ne peut reconnailre meme un simple malaise sur les moutons vaccines. Chose digne d'etre relatee ;tous ces men tons, indisposes ä la suite de la deux i erne vaccination, ne paraissent pas ressentir les effets du virus porle ä son maximum de virulence, ainsi que le demontrent les effets fou-droyanls produits par ce virus virulent, dans l'espace de trente-sh heures, sur les non vaccines, alors que dans les experiences prece­dentes les moutons n'etaient morts que du deuxieme au septieme jour apres l'inoculation virulente.
A trois heures du soir, deux aulres moutons non vaccines tombent fondroyes el meurent en quelques minutes; le Ireizieme meurl a
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EXPEltlEiNCES DE MER.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 175
sept lieures du soir et, ä ce moment, le quatorziime cst tellement malade, que M. Biduult se croit autoriseä expedier deux depeehes I'mie ä AI. Pasteur, l'autre a M. Colin, prefet de Loir-et-Clier, leur annoiifant le raagniflque resultatdonne parcettedeuxieine epreuve. Tousces aniraaux sent Lien morls de la fievre charbonneuse, dite sang de rate, et la plupart desagriculteurs venus pour constaler les resultats, I'ont parfaitement reconnue, tous les syraptömes de cette maladie ctaient accuses sur tous ces moulons. Le dernier des mou-tons non vaccines mourait dans la nuit du 8 au 9.
Le 13 mai, tous les moulons vaccines etaient dans l'etat de saute le plus satisfaisant et la periode d'incubalion etant passee, lout danger a disparu pour eux.
Toutes ces operations, couclut M. Bidault, out ele faites devant temoins, les resultats sont done indeniables. J'espere qu'il ne restera plus aucun doule dans i'esprit des agriculteurs, ces dernieres experiences ayant fourni la demonstration cclatanlo de la parfaile el'licacite de la metliode pastorienne.
laquo; Ilomieur, s'ecrie M. Bidault, honneur a M. Pasteur, ce cher-cheur infatigablc qui, avec cetle melhode do rallenualiou des virus, nous donnera successlvement le virus vaccinal de toule maladie virulente.raquo;
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GIIAPITRE XVIII
EXPERIENCES DE MONTPELLIEU
M. Vialla, vice-president de la Soeiele centrale d'agriculture du döpartement deITIerault, a adresse, le 28 juin 1882, ä M. le ininistre de l'Agriculture, uu rapport sur les resultats obtenus par la rae-thode Pasteur, qui venait d'etre appliquee ä Montpellier. Nous reproduisons ce document oftidel, remarquable ä tons egards:
Le programme de la Societe d'agricullure, accepte par M. Pas­teur, se divisait en deux parties bien distinctes. La premiere avail pour objet de demontrer l'efficacite de la vaccination sur les races ovines du midi de la France et de faire connaitre au public agricole du departement de 1 Herault les grands avantages qu'on pourrait retirer de cette operation dans la pratique. Laseconde, d'une exe­cution plus longue ct plus difficile, avail pour but de recbereher la durce que raction preservatrice de la vaccination aura sur les moutons du Midi.
La premiere partie de ce programme a ete executee de la maniere la plus lieureuse.
Le 27 avril 1882, six betes ovines appartenant aux races les plus repandues dans I'llerault: deux brebis barbarines, un moulon et une brebis des Gausses, et deux moulons de Larzac, onl regu, suivanl la melbode Pasteur, une premiere vaccination pratiquee avec un virus-vaccin Ires attenue.
Le 9 mai, ces animaux out ete soumis a une seconde vaccination pratiquee avec un virus-vaccin plus encrgique.
Le G juin, les meines animaux ont ete inocules avec le virus cliarbonneux virulent. La meme inoculation a ete pratiquee le
Cll. CHAMBEBLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 12
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178nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CIIARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
meme jour sur cinq betes ovines non vaccinecs : deux larzacs, un caussinard et deux barbarities, dont 1'une indigene et l'autre rccemment importee d'Afrique, ainsi que sur deux brebis raccinees une fois seulement, ie 27 avril : une barbarine indigene et une caussinarde, de sorte que les experiences ont porte sur treize ani-maux, six reguliereinent vaccines, deux vaccines une seule fois et cinq non vaccines.
Les betes non vaccinees devaient etre, comme les betes vacci-nees, au nombre de six; mais une d'entre elles, vaccinee par mc-garde par un agent de M. Pasteur, n'avait pas ete remplacee.
Les effets produits par ces diverses operations ont ete suivis et notes jour par jour par M. Pourquier, veterinaire de l'Ecole d'agri-culture.
Conformement aux previsions de la science, les betes vaccinees regulierement, e'est-a-dire deux fois, ont toutes resiste, landis que les betes non vaccinees ont toutes succombe, sauf une barbarine recemment importee d'Afrique; et, h ce sujet, il est hon de remarquer qu'une aulre barbarine indigene qui se trouvait au nombre des cinq betes non vaccinees, n'a pas resiste.
Quant aux deux sujets vaccines d'une maniere incomplete, e'est-a-dire une seule fois, I'uue d'elles, la caussinarde, est morte, tandis que la barbarine indigene a resiste.
Ces resultats offrent une particularite digne d'attention : la race barbarine, si repandue dans les plaines basses de l'Uerault et du Gard, a ete importee d'Afrique, au siecle dernier, par M. de Saint-Simon, eveque d'Agde, ä cause de sa resistance naturelle au cliar-bon, si frequent sur les Lords de la Mediterranoe. Cette race, dout I'immunitc au moins relative a ete si souvent constatee, s'est pro-bablement croisee et un peu abätardie. C'est ce qui a fait sans doute qu'une barbarine indigene, inoculee sans etre vaccinee, est morte, tandis qu'une barbarine recemment importee d'Afrique a resiste, quoiqu'elle fiit dans les memes conditions. D'un autre cöte, une barbarine indigene, vaccinee une seule fois, a resiste, tandis qu'un mouton des Gausses, traite de la meme maniere, a suc­combe.
II semblerait resulter de ces deux experiences combinees que les troupeaux de race barbarine, nes et eleves depuis longtemps dans
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EXPERIENCES DE MONTPELLIER.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 179
le Midi, out perdu uno partie de leur resistance naturelle au char-bon, mais qu'ils ne l'ont pas perdue tout ä fait et qu'ils peuvent etre mis ä l'abri de celte maladie par une seule vaccination prati-quee avec un virus-vaccin tres attenue.
Ce fait, si important pour les eleveurs du Midi, a evidemment besoin d'etre confirme et elncide par de nouvelles experiences. La Societe d'agricuiture de l'Uerault ne tardera pas certainement ä s'occuper de cette interessante question.
Malgre les legeres exceptions qui viennent d'etre signalees el auxquelles d'ailleurs on devait s'attendre, les experiences qui pre­cedent out, en somme, dcmontre d'une maniere incontestable que le precede de M. Pasteur n'est pas moins efficace dans le Midi que dans le Nord, et que les eleveurs de nos pays doivent s'empresser d'en faire usage. Pour les encourager a entrer dans cette voie nou-velle, et pour leur en facililer les moyens, la Societe d'agricuiture va repandre clans tont le departement de l'llerault une courte inslruclion pratique redigce par M. Foex et M. Tayon, sous ses auspices, et approuvec par M. Pasteur. Le but de cette publication est de faire connaitre d'une maniere bien nette aux agriculteurs la maladie charbonneuse, sa nature, sa cause, ses modes de propa­gation et les regies ä suivre pour pratiquer la vaccination cbarbon-neuse avec succes.
La premiere partie du programme adopte par la Societe d'agri­cuiture pent done etre considerec aujourd'bui comme terrainee ; mais la seconde partie demandera plus de temps et presentcra plus de difflcuites. Elle a deja regu un commencement d'exccntion. Un troupeau de trente-six betes ovines : douze bavharines indigenes, douze caussinardes et douze larzacs, a etc acliete, regulierement vaccine et mis en experiences, conformement a I'autorisation que la Societe a bienvoulu donner älEcole d'agricuiture. Get etablissc-ment, auquel la Societe d'agricuiture cede la propriete de ce trou­peau, doit le garder, le surveiller et l'entretenir ä ses frais pendant cinq ou six ans. Cliaque annee, six betes, deux de chacune des trois races qui lecomposent, seront inoculees avec du virus cliarbonneux nou attenuc, afinqu'on puisse savoir exactement combien de temps durera, dans le Midi, l'action prcservatrice du virus-vaccin.
Comme nous l'avons dejä declare dans notre programme, laquo; si
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180nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBOMEUSE.
faction preservatrice de ee virus-vaccin cesse au bout de deux, Irois ans, etc., on pourra faire des experiences tres interessantes en communiquant le charbon aux inoutons vaccines et iuoculos restes vivants. On saura, par ce moyen, si l'inoculation du charbon, pra-liquee sans danger sous I'influence preservatrice de la vaccine, ne produit pas des effets speciaux et ne communique pas une immu­nity plus longue aux animaux qui Tont subie raquo;.
Quoique ces experiences demandent beaucoup de temps, beau-coup d'atlention et une tres grande surveillance, la Societe d'agri-cullure espere qu'elle pourra les mener ii bonne fin, grace au con-coui's que I'Ecole cl'agriculture doit lui preler, et qu'elle sera ainsi, dans un avenir prochain, en mesure de fixer les agriculteurs du Midi sur le seul point encore obscur dans la vaccination cbaibon-neuse, la duree de son efficacite.
II me reste maintenanl ä faire connaitre les services exception-nels que I'Ecole de Montpellier vient de rendre, dans cette circon-slance, a la Societe d'agriculture de l'IIerault, et, je ne crains pas de le dire, ä toute l*agriculture meridionale. Son directeur, M. Foex, a prepare loutes les experiences qui out ele faites avec une intelli­gence, un soin et une precision adinirables. M. Pasteur avail bien voulu, le 9 mai dernier, faire lui-meme, dans I'atnphithamp;Ure de I'Ecole, une conference qui avait attire I'elitc du monde savant et du monde agricole de Montpellier et du departement de l'IIerault. Un peu plus tard, le 9 juin, M. Tayon, ))rofesseur de zooteebnie, en a fait une seconde sur le charbon et sur l'ensemble des decou-vertes de M. I'asteur; des projections bien preparees lui out per-mis de montrer au public les bacleridies et les spores qui les engendrent; d'un autre cötc, M. Pourquier s'est acquitte de toutes les operations pratiques concernant la vaccination et l'inoculation charbonneuse avec un soin et une habilete qui ont ete couronnes par le plus grand succes.
[/agriculture meridionale serait bien injuste si eile ne rendait pas les plus grands hommages an concours empresse que I'Ecole ile Montpellier et que I'adnainistration superieure de l'agriculture ont bien voulu lui preter dans cette circonslance, coimne, du reste, dans bien d'autres.
Quant a la Societe d'agriculture, eile me charge, Monsieur le
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EXPERIENCES DE MONTPELLIER.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 181
Minisire, de vous exprimer d'une maniere tonte particuliere sa pro-fonde reconnaissance pour l'appui bienveillant et toujours assure qu'elle trouve en vous toutes les fois qu'il s'agit des inlerels agri-coles du Midi. Je vous prie d'agreer, Monsieur le Ministre, etc.
Le Vice-President de la Societe centrale d'agriculture de l'Herault,
Vialla.
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CHAPITRE XIX
EXPERIENCES DE BORDEAUX.
Nous trouvons dans les Annales de la Societe d'agriculture de la Gironde (3e Irimestre 188^) le compte rendu des i-esultafs obtenus par les inoculalions preventives contre le charbon, prati-quees par la methode Pasteur.
Dans la seance du Ier juillet, M. le docteur Mice donne lecture du rapport de la Commission des vaccinations charbonueuses, qui ont eu lieu sur le domaine de M. Bert, ä Talais (Medoc). Nous relevons les passages suivants :
Les travaux de M. Pasteur et de ses collaboratenrs, MM. Cham-berland et Roux, ont about! ä une pratique agricole que notre Societe d'agricuiture avait pour devoir de vulgariser. Elle v songeait scrieusement, lorsque deux de ses membres sont venus au-devant de sesdesirs en lui offraiit, 1'un, M. Bert, maire de Talais (Medoc), ses troupeaux de moulons el de bceufs; I'autre, M. Gayon, profes-seur ä notre Faculte des sciences et directeur de notre station agronomique, les l':icilites que devaient lui procurer et ses relations avec M. Pasteur, dont il a ete un des eleves les plus distingues, et l'ha'jitude prise par lui, ä la suite de recentes visites ä ce maitre, de la pratique des operations de vaccination.
La Societe, dans la seance du 3 mai 1882, s'empressa d'aceepter la proposition de MM. Bert et Gayon. Elle vota les fends neces-saires ä l'acquisition d'animaux destines a etre sacrifies; eile decida de demander le concours moral (tout au moins la presence d'un dclegue) de la plupart des societes savantes ou agricoles du depar-ternent, et eile nomma une commission chargee de lui rendre compte de toutes les operations.
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184nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSK.
Cede Commission Cut composen de : MM. Richier, president de la Societe; Froidefond, vice-president; Comperie, secretaire gene­ral; Regis, ancien president; Mice, ancien president, professeur ä la Faculte de medecine; Gayon et Bert, auteurs de la proposi­tion ; Descombes, Ingenieur en chef du departemenl, president de la Societe d'hygiene publique; Duluc, president de la Socicle de medecine veterinaire; Baillet, velerinaire de la ville, inspecteur general du service des viandes; Causse, medecin veterinaire, membre du Conseil d'hygiene.
La metliode des vaccinations charbonneuses, dit M. Mice, est entree dans les mccurs des gens du Nord, et c'est aujourd'hui par centaines de mille de teles de moulons et par dizaines de mille de tetes de gros betail que Ton compte les animaux qui ont regu le bienfail de celle pratique. II etait temps, on le voit, pour la Gironde, d'entrer dans ce grand mouvement. C'etait chose parliculierement importante pour le Bas-Medoc, oü l'eleve des animaux (surtout des ovins) se pratique sur une vasle echelle.
La plupart des cornices, compagnies on groupes savants de notre departernent ont repondo ä l'appel de notre Societe et ont voulu faire verifier, par leurs representants, les faits accomplis ou obser­ves. On pent ciler :
La Faculte de medecine, representee par M. le professeur Guillaud ;
La Faculte des sciences, qui avail fourni en M. Gayon la princi-pale cbeville ouvriere de la Commission ;
L'Academie des sciences, belles-lettres et arts, qui avail delegue M. Mice;
Le Conseil central d'hygiene publique, qui avait envoye M. Robi-neaud ;
La Societe de medecine et de Chirurgie, representee par son president, M. le docteur Pery;
La Societe de medecine veterinaire de la Gironde, representee par M. Gaillard, veterinaire a Saint-Vivien ;
La Societe des sciences physiques et naturelles, qui avait delegue M. le professeur Jolyet;
La Societe d'hygiene publique et le Cercle des etudiants des
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EXPERIENCES DE BORDEAUX.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;185
Facultes, represenles run et l'aatre par M. Chambreleat, secre­taire cle la premiere et president du second ;
Le Comice agricole et viticole de Libounie, qui avait envoye Tun de ses presidents de section, M. Boiteau, medecin veterinairc a Viliegouge;
La Sociele scienlifif|uc d'Arcaclion, qni s'est fait officiellement representer par M. le docleur Ilameau, son president.
Tons ces lemoins autorises de nos experiences en rendront compte ä leurs groupcs, dont cliaque membre deviendra alors un propagateur nouveau.
Nous avions pour devoir de faire cetle propagation, d'affirraer d'avance la methode et d'appeler chacun ä s'assurer de la verite de nos assertions. Nous n'y avons pas manque : loutes les excursions ä Talais ont etc, au prealable, annoncees dans les journaux par les soins du Bureau de la Sociele; chaque seance a cte I'objel d'un compte rendu redige par le rapporteur et envoye le plus tot possible ä toutes les feuilles publiques; M. Bert a fait annoncer dans le pays la venue de la Commission et le but de ses etudes; M. Gayon, avant de faire les premieres inoculations, a expose, dans une con­ference publique faite sur place, les principes de la methode des vaccinations charbonneuses el en a monlre tons les details pra­tiques; il a, plus lard, a Bordeaux, dans une seance annoncee par les journaux, fait voir les bacleridics a toutes les personnes qui, dans le but de les observer, se sont presentees a son laboraloire; plusieurs des vcterinaires, medecins, agriculteurs, presents ä la premiere reunion, se sont excrces clans l'art de vacciner; le domaine de M. Bert, enfim a etc, pendant un mois et demi, ouvert a tout venant.
Parnii les personnes qui, sans delegation speciale, ont profile de ce large et facile acces, il convient de citer :
MM. Masse, professeur k la Faculle de medecine;
Forquignon, conseiller general du canton de Saint-Vivien ;
Hourcade, maire de Saint-Vivleu ;
1c docleur Lagrolet, chef du laboraloire de medecine expe-
rimenlale ä la Faculle; le docleur Giraudin, de Castelnau;
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186nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
MM. Pouverel, veterinaii-e des epizoolies de l'arrondissement de Lesparre;
Yene, secretaire de section de la Societe d'agriculture;
Faure, adjoint an raaire tie Talais;
Bellocq, secretaire general de la Societii de medecine vete-rinaire;
Videau, medecin veterinaire a Caslelnau;
Furt, medftcin velemiaire ä Margaux ;
Bartiie, pluirmacien aide-major ä l'liöpital militaire ;
Pruce, conductenr des ponts et cliaussees;
Darnet, pharmaclen ä Soulac ;
Sauveioche, licencie os sciences ;
Faure, agent d'affaires du Gliäteau-Lagrange, ä Sainl-Julien;
Andoy, banquier, ä Saint-Vivien ;
Eycard de Morin el llaignous, proprietaires ä Saint-Vivien;
Leon Gaillard, Armand Meynieu et Cuzol, proprietaires äTalais;
Guidon et Cliauvelet, proprietaires ä Gueyrac ;
Pauly, proprietaire a Dlanqnefort et a Parempnyre ;
Lalanne, eleve en j)harmacie ä Soulac, etc., etc.
M. le professeur Guillard a eu la bonne idee d'adopler, le 11 juin, la region comme but de l'excursion botanique qne font, avec lui, chaque dimancbe, pendant I'ete, les eludianls de noire Facuite de medecine et de pharmacie; de teile sorte que quanlite de jennes gens coinpetenls ont pu ainsi visiter le cbamp d'experiences an moment meme on il elait le plus interessant ä voir.
Je n'aurai garde d'omettre la presence constante de M. Agier, veterinaire ä Pauillac, qui, comme un des delegues, M. Gaillard, a constaminent seconde la Commission dans ses operations, ni celle de :
MM. Simonnet, chef des travaux chimiqnes ä la Facuite des
sciences ; Dupetit, preparateur ä la station agronomique ; Momond, etudiant en medecine, preparateur ä la Facuite des
sciences,
qui out ete pour nous de Ires precieux auxiliaires.
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EXPERIENCES DE BORDEAUX.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;W
Je rendrai cnfin plus parlieulierement lioinmage ä un de nos groupfts bordelais, ä la Sociele de inedecine veleriuaire de la Giroude, qui ue s'est pas bornee ä nous accorder un concours vraiment precieux, tnais qui a voulu y joiiulre le don d'une vache que M. Dompierre d'llonnoy lui avail Offerte pour des experiences analogues aux notres.
La Commission, dans sa premiere seance, le 7 mal, a vaccine cent quatre-vingt-liuit ovins des deux sexes, dix-sept vaclies et un taureau. Las agneaux, deslines k elre prochainement vendus, ont ete laisses de cöte. Quelques brebis ont echappc aux aides.
Cette premiere operation n'a produil aucun (rouble appreciable, ainsi que I'onl declare,d'une part,iM. Bert, el d'aulre part, M. Agier, qui avail bien voulu se charger de visiter les animaux deux ou Irois jours apres.
L'operalion vaccmale du deuxieme (legre a ete executce le 21 mai sur l'easemble des adultes ovins, ainsi que sur le taureau el seize vaclies. On a du delaisser la dix-septieme vaclie ä cause de son caraclere difficile, des accidents qu'elle avail failli causer la pre­miere fois el (jui olaienl de nouveau imminenls. M. Gayon a fail loutes les vaccinations de la bergerie; MM. Causse et Agier ont execute la plupart de celles de l'etable. M. Causse a adople line Variante ä la melhode ordinaire : au lieu de penetrer par le pro-cede indique dans le lissu cellulaire central du pli culane, il pre-fere piquer sur le vcrsant d'une des lames de ce pli.
Le 21 mai ctail un dimanche. Les Irois premiers jours qui ont suivi, on n'arien observe de particulier. Mais le jeudi, les vaclies avaient un oedeine prononce ä l'epaule qui avail refu le vacein, Tune d'elles avortait; el, dans Tapres-midi, un des moutons vac­cines succotnbait. Un second mouton vaccine mourait dans la nuit du jeuili au vendredi.
Malheureusement, les autopsies de ces deux moutons ne furent pas faites immediatement, el dans les recherches auxquelles on se livra ensuile sur les cadavres qui avaient etc enfouis, il fut impos­sible de reconnailre si ces deux animaux avaient succombe au char-bon ou bien ä une maladie etrangere. Par suite d'une negligence du berger, le premier cadavre avail d ailleurs ete devore el dechi-quele par les cbiens, avanl son enfouissement.
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;
188nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;GHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Ainsi, ä la suite de la deuxieme vaccinallon, les bceufs et les vaches avaient presente des ocdemes ä Tcpaule vaccinee, et deux mouloiis etaient morts.
Qu'il y ait, dit ie rapporteur, des phcnomenes locaux el gene-raux ä la suite des vaccinations, et surtout de la deuxieme, ceia se confoit; il serait meme, ä priori, fort singulier qu'il n'y en eüt aucun. De meme que l'implantation du vaccin de genisse ou du vac-cin d'enfant sur un bras nouveau determine la formation locale de pustules et souvent une reaction gcnerale, de meme rinjection so'.is-cutance d'un virus peu altenue (qui, sans la vaccination ante-rieure, luerait la moitie des moutons le recevant) doit produire des plienomenes de meine ordre. Cette conclusion s'iinpose d'autant plus a notreesprit que les vaccinations anterieuresn'empechent pas l'absorption des bacteridies, mais s'opposentseulementaunegrande nocuite de leur part quand elles sesont etablies dans le sang.
Deux moutons sur cent quatre-vingt-huit, en admettant meme qu'ils aient succombe au cbarbon, ce qui est fort douteux, ce n'est pas encore bien effrayant.
M. Bert a ete, du resle, si peu elTraye par la perle de ces deux animaux, qu'il a, le 10 juin suivant, soumis a la premiere des vac­cinations charbonneuses trois cents moutons de plus. La deuxieme vaccination a ete pratiquee depuis, et, ä sa suite, aucune deception ne s'est monlree : laquo; Tout a tres bien reussi, ecrit I'honorable pro-prielaire; mes animaux sont en tres bonne sante. raquo; #9632;
Quant aux cedemcs, ils ont parfois sur le bccuf uu developpement effrayant. II n'y a qu'ä ne point s'en occuper : laquo; Laissez les vaches se remettre, ecrivait M. Pasteur a M. Gayon, ä la suite des expe­riences du 21 mai; les cedemes sont assez frequents apres les ino­culations preventives, apres les secondes surtout. Ces cedemes se guerissent toujours, ä moins que les veterinaires, effrayes, ne les ouvrent, les traitent..., ce qui peut araener des accidents septiques et la mort. raquo; Nous avons fait ainsi, et les cedemes ont gueri.
La troisieme excursion de la Commission a Talais a eu lieu le vendredi 9 juin, et la plupart des membres sont resles au champ d'experiences ou dans les environs : les uns jusqu'au dimanche soir, les autres jusqu'au lundi matin.
II s'agissait, cette fois, par une inoculation comparative du virus
#9632;
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virulent a des auimaux vaccines et ä des animaux non vaccines (inoculalion que M. Bouley appclle entire), de fournir la preuve publiqae de i'eflicacile de la melliode Pasteur.
La Commission est arrivee le 9, ä trois heures de rapces-midi. Les animaux out etc numeroles parties plaques de lailou percees ä jour ct appeiulues au con. On a piis la temperature de la plupart d'entre eux et M. Gayon a precede aux inoculations. Le virus provenait du laboraloire de M. Pasteur. La dose a ete la meine que pour les vaccinations; on coinpremi, en efl'et, qu'avec la rapide pullulalion du microbe, le noinbre des individus inseres dans le saug Importe peu, el on sail que ce sent les degres du virus, que e'est sa qualite, qui, seals, produisent soit 1'effct vaccinateur, soit I'eHet lelhifere.
M. Pasteur avail expedie a grande vitesse, commc messager devant apporter le virus destine aux betes bovines, un cochon d'Inde qui, inocule au moineiit du depart, devait mourir quelques heures seulement avanl le moment indique pour I'experieuce. Mais celle presomption de deces ä un certain moment n'etait qu'une probability, surtout eu egard au degre d'influence que pent apporter uraquo; si long voyage sur les deux lignes d'Orieans et du Medoc. Le cochon d'Inde a succornbe dix-sept on dix-huit heures avant le mo­ment voulu ; dans ces conditions, rinoculation de son sang risquait d'amener cliez tons les animaux, vaccines ou non vaccines, non le charbon, mais la septievmie.
La Commission ne pouvait exposer ä nne semblable deconvenue la demonstration ([u'elle avail entiepris de faire d'un fait certain ; il ful done convenu qu'ou opererait sur les bovins avec le liquide euvoyo pour les ovius. M. Gayou s'empressa d'anaoncer quo chez ceux des bovins qui n'auraient pas ete vaccines, on constate-rail des troubles plus ou moins marques, mais qui n'iraient peut-etre pas jusqu'a la mort.
Les animaux vaccines etaienl au nombre de dix, donl un bclier, huit brebis et une vache. Los neuf ovins, de race landaise, avaient ele achetes, pour noire compte, par M. Bert; la Societe de mede-cine veteriuaire avail procure deux vaches; mais I'une d'elles etait, depuis lors, morte d'accident (par submersion); il n'etait resle qu'une brelonne, e'est celle-ci qui a servi.
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190nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON; — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Auxneuf ovins nouveaux, out eteopposes dix-huit vaccines prove-nant du Iroupeau de M. Bert. On a bien cru prendre ces dix-huit dans mi lot de vingt ([ui, marques des la premiere seance, avaient Ions recn les deux vaccins successifs inocules par M. Gayon. II y a eu, toutefois, un peu d'häsitalion dans ce triage, et voici pourquoi: nous avions precede au marquage en enlevant une tonflTe de laine ä la nnque. Quelque temps apres, le moment habiluel de la tonte etant venu, on executa cette operation. Les monlons mis ainsi tota-lement ä nu, il devint assez difficile de distinguer dans le tas les vingt plus particuliereinent pris commc snjels; on y parvint, tou­tefois, on Ton crut y parvenir en reclierchant la dilTerence des hau­teurs qu'avait dii ramener ä la parlie superieure du eon, dans les laines revenues, la dilTerence des momenls du marquage et de la tonte generale. Elant donne le caractere peu accuse de ce signe, on comprend I'hesitation qu'ont pu eprouver, dans un cas on deux, les personnes chargees de preparer les experiences. — Cetle circonstance est importante; nous y reviendrons au snjet tl'un accident survenu.
A la vache neuve ont ete opposees deux vaches de M. Bert, dont I'une etait celle qui avail avorte ä la suite de la deuxieme vaccina­tion; il ne reste aucnne trace de ce dernier accident. La premiere, la bretonne, avait environ quatre ans; les autres, de deux ans et ciemi ä trois ans.
Pour egaliser les chances et eviter Tobjection liree d'un defaut d'bomogeneite dans le liquide virulent, on inocnla successivement deux ovins vaccines et un non vaccine, en sorle qua, 1c numero-tage s'etant fait dans l'ordre des inoculations, tons les beliers on brebis devant perir portaient les numcros 3, 6, (.) el aulres multi­ples de 3.
On n'avait rien a attendre des vingt-quatre premieres honres consecnlives ä l'operation. La Commission, — qui, vu le nombre de ses membres et des personnes qui raccompagnaient, avail dii s'etablir ä Soulac, — ne revint done sur les lieux que dans I'apres-midi du satnedi 18 juin. Elle ne conslala rien de notable chez les bovins; eile ne constala rien non plus chez les brebis vaccinees; mais eile Irouva la temperature des brebis non vaccinees, sauf une, fort au-dessus de la temperature normale.
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A neuf heures du soir, le gardien du champ des experiences n'avait encore constate iiucun döces.
Le dimanche matin, ä quatre heures, il Irouvait Irois brebis mortes.
Nous en trouvions sept ä luiil heures et deraie, moment de notre arrivee. Toutes faisaient partie du lot des non vaccinees. MM. Du-luc et Agier procedaient ä l'autopsie de l'une d'elles, portant le numero27 et Irouvee morle ä six heures du malin, avec toutes les precautions indiquees par la prudence, mais aussi avec tont le soin necessaire ä rediUcalion d'ane bonne anatomic pathologique.
Nous assislions en meine temps aux derniers moments d'une des brebis figurant parrai les vaccinees, brebis portant le numero 11, et qui suecombait ä dix heures et quart. L'autopsie, faite dans l'apres-midi par MM. Duluc et Gaillard, etablissait qu'eile avait suecombe au cliarbon.
Dans l'aprös-midi, nous trouvions le belier mort et nous assis­lions au deces de la derniere brebis non vaccineo.
Nous n'avons constate rien d'anormal chez les vaches pendant tonte la journee du dimanche ; mais, le lundi matin, la vache ino-culee sans vaccinations prealables etait tres malatle; eile commen-gait ä enfler au cote anlerieur gauche (cöle inocule). Le niardi, le mercredi, l'enflure s'etendait; on constalail aussi une fievre intense. Le jeudi, l'enflure, par continuation, passait dueöle oppose (cöte droit), puls la rumination cessait, l'appetit disparaissait; enfm la bete suecombait, apres une longue agonie, le samedi ä six heures du soir, buit jours pleins apres le moment du semis des bacteridies dans son sang.
Aucun phunomene n'aele observe sur les dix-sept brebis temoins qui ont survecu; quant aux deux vaches de M. Bert, elles ont presente, au lien de l'inoculation, un leger empätement le dimanche ; celui-ci a disparu les jours suivanls, et aucun autre Symptome anormal ne s'est montre.
L'experience des bovins, depassant les limites que nous avions cru devoir lui assignor, avait done fourni une demonstration ä for­tiori de Tefficacite des vaccinations charbonneuses.
L'autopsie de la brebis non vaccinee portant le numero 27, a revele tons les symptömes ordinaires de la maladie charbonneuse.
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CIIARBGX. — VACCINATION CIIARBOMNEUSE.
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Le sang de l'animal, imraeLliatement examine an microscope, a montre ties quanlites de bacleridies.
L'antopsie de la brebis II, consideree comme vaccinec, a pre-senle, ii un detail pres (celui d'un aspect moins cuit des chairs, caractero qui pent tenir ii la difference des races), les monies carac-teres que l'autopsie de la brebis 27. Le sang de la brebis 11, imme-dialement examine an microscope, s'est rnontre tres riebe en bac­leridies. On s'en est servi pour inoculer un lapin, qui est mort du cbarbon apres quarante-huit benres.
Pour plusieurs membres de la Commission, e'est par erreur que la brebis 11 avail ete comprise clans le lot des vaccincen. Nous avons relate les besitalions causees par la difficult^ du triage : rien d'etonnant qu'une confusion ait eu lieu ici, et que nous ayons en affaire ä une brebis mal on pas vaccinee. Le contraste frappant quo cetle bete, qui esl morte dans le meme clelai qne les autres, a presente avee les dix-sept aulres de son groupe, dont aucune n'a montre ni tristesse, ni inappetence, ni fievre, conduit ä celte con­clusion.
Mais, dit le rapporteur, admettons que la brebis numero il ait ete bei el bien deux Ibis vaccinee : sa mort ne nuirait en rien ä la demonstration de l'efficacite de la metbode Pasteur. Dans I'ordre des sciences biologiques, les verlies, en effet, n'ont pas de caraclere absolu; elles sont trop modifiables par des milliers de conditions pour posseder autre cbose qu'un caraclere general. Ne voit-on pas des enfants monrir de la variole pen apres une vaccination pourtanl reussie? des adultes succomber de meme apres une rcvaccinalion ayant fourni de belles pustules? Ces exceptions empeebent-elles les medecins de proner les bienfaits de la decouverte de Jenner ?
Voici les conclusions du rapport :
1quot; La methode des deux vaccinations cbarbonneuses successives el gradnees, comme moyen preservalif de la fievre charbonneuse ou cbarbon bacteridien, est exemple dc dangers serieux pour les animaux de bergerie ou d'etable ;
2deg; Elle est efficacc pour les premiers, puisque neuf sur neuf out succombe k 1'inoculation d'emblee, tandis que dix-sept au moins, sur dix-buif, at peut-etrc dix-sept sur dix-sept, onl vaillamment supporte rinoculation Ires virulente consecutive aux vaccinations;
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3deg; Elle est efficace aussi pour les secondes, puisqu'elle a pu en proleger deux (qui n'ont rien eprouve), alors que le troisieme, non vaccine,— malgre l'emploi du virus de cullure (et non du vims nature!), — malgre l'emploi d'une dose de ce virus, sitnple-ment double de celle implanlee sur les moutons, a succombe avec le temps (huit jours) ä une inoculation de virus non attenue.
En terminant son compte rendu, la Commission prie la Society d'agriculture de vouloir bien voter I'attribution d'une medaille d'or ä M. Bert, pour recompeuser I'lnitialive de cet eleveur distingue, la generosite, l'ardeur et le devouement donl il a fait preuve pen­dant toute la duree des experiences accoraplies chez lui. Adopte.
Je crois ulile, ä la suite de ce rapport, de reproduire une partie duremarquablediscours prononce par M. le president Richier, ä la seance generale de la Sociele d'agriculture da la Gironde, le 3 sep-tembre 1882 :
laquo; Notre collegue, M. Bert, maire de Talais, ä l'initiative duque.I est due, en parlie, I'atlitude prise en cette circonstance par notre Societe, elait aniinö d'une foi si robuste que, sans hesitation, avant meme que nos experiences eussenl amene les resultats poursuivis, il avait soumis son troupcau tout entier ä I'moculalion preser-vatrice.
raquo; Pen de lemps apres, la redoutable epidemic se manifestait dans le pays d'elevage dont Talais est le centre, et, tandis qu'elle y faisait de nombreuses victimes, le troupeau de M. Bert resta iudenme, inaccessible ä l'influence lethilere qui decimait les bergeries voi-sines. Mes coinmentaires ne sauraient rien ajouler ä la simple enoncialion de ce fait. raquo;
CH. CHAMUERLAND.
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CHAPITRE XX
EXPfilUEHCES D'ANCOULfiME
Lo 15 mai 1882, sur la demande de la Societe d'agriculiure d'Ängöüföthe, commencerent, aux Jcisuiles, propri6le de M. Tru-ineau, situ^e ä deux kilomelres d'AngouIerae, les operalions de vaccination cliarboimeuse sur les moutons. Sur vingl moutons acheles pour Texperience, treize furenl inocules par le premier vaccin, sepl furent laisses comnic tcmoins.
M. Roux, appele par ses compatiiotes de la Charente, inocuie 1c premier, puis fait pratiquer aux vcterliiaires presents la meme operation sur les aulres animaux. Les inonfons sent au fur et a mesure marques et numerotes, et remis a l'etable avec les mou­tons non inocules.
Sur les treize moutons soumis ä cette premiere vaccination, un soul est mort d'une fagon tout a fait accidentelle, par suite d'unc indigestion avec surcharge alimentaire. L'aulopsie, faite tres soi-gneiisement, a demonlrc du reste la cause de la mort et ['absence complete de lesions de nature cliarboimeuse.
Tous les moutons survivanls paraissent etre dans un excellent etal do saute et n'eprouveut aucun malaise ä la suite de Topera-lion.
Le 20 mai, les douze moutons survivanls sont vaccines une deuxieme fois, inais avec un virus moins atlenue que celui de la premiere vaccination. Trois lapins, inocules ce meme jour avecce virus, succombent, le premier en quaranle-liuit heurcs et les deux aulres en soixante henres. Malgre cet accroissement de force du virus, les douze animaux vaccines n'ont rien presente d'irregulicr
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196nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
dans leur elat journalicr, et n'oiil en rien differe des sept inou-
tons tcmoins qui n'ont subi aucune vaccination.
Les inoculations avaient ete pratiquees tour ä tour par les ve-terinaires civils et les veterinaires militaires: MM. Julien, veteri-naire ä Angoulörae; Chauraont, vetorinaire en premier en retraite ; Vivier. veterinaire a Montignac; Niord, ä Angouleme ; Jcannet, ä Jarnac; ct Ferrand, aide-veterinaire an 21quot; d'artillerie.
Toules les dispositions avaient etc prises par M. Pecheney, medecin-veterinaire en premier au 21e d'artillerie, et par M. Claquo;'i-villct, president de la Societe des veterinaires de la Charente.
M. de Thiac, president de la Societe d'agricullure, MM. les vice-presidents, M. Clement Prieur, secretaire general, out deploye la plusgrande activite pour le succes de l'enlreprise.
Le lojuin, les douze moutous deux fois vaccines, et les sept temoins qni n'ont subi aucune operalion preventive, sont souinis ä rinoculalion du virus virulent, arrive le jour memo du labora-toire de M. Pasteur.
Le lendemain 10 juin, la Commission se transporte sur le lieu d'experience et ne constate aucun chanyement dans l'etat des animaux.
A sa visite du 17 juin, e'est-a-dire quarante-huit heures apres I'inoculation, la Commission constate la inort de cinq animaux parmi les sept temoins now vaccines preaiablement: trois avaient succombe dans les trente-six heures et deux dans les quarante-huit heures qui ont suivi I'inoculation. Le cinquicme est inort dans la soiree du 17 ; et un sixieme, dans la nuit du 17 au 18 juin.
Le 18 juin, jour fixe pour la reunion generale, les resultats ac-quis ctaient les suivants : sur les douze animaux soumis aux deux vaccinations prcservatrices, tous apres I'inoculation du charbon virulent elaient dans un parfait etat de sante.
D'un autre cote, sur les sept qui n'avaient pas subi la vaccina­tion, six elaient morts dans l'espace de trente ä soixante heures apres I'inoculation du meme virus charbonneux qui avail servi a inocu'.er les douze premiers. II faut ajouter qua les dix-neuf animaux ont toujours habile ensemble, et sont rcstes soumis au meme regime.
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EXPERIENCES D'ANGOÜLEME.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;197
Uli des sept moutons tümoins s'est done montre refraclaire ä rinduence du virus charbonneux. Mais ce fait ne doit point sur-prendre et ne modifie en rien las faits acquis.
laquo; En presence d'un pareil resiillat,(|iii confirmed'une maniere si eclalanle l'exactitude des fails euonces par M. Pasteur, tout com-nientaire est inulile. raquo; Ainsi s'exprime M. Niord dans son rapport ä la Sociele d'agriculture de la Charenle.
A rautopsie des animaux morts, on a reconnu les lesions orga-niques qui caracterisent Toffel du charhon; ensuite M. Gayon a rnonlre sous l'olijeclif du microscope uiie grande quantite de bac-leridies coalenues dans le sang pris sur les cadavres.
On a procede ä la destruction immediate et complete des cada­vres, au moyen de Tincineruiion, afin d'eviter toute contagion.
Ensuite M. de Thiac, president de la Societe d'agriculture, a rendu uu public bommage ä M. Pasteur et ä ses collaborateurs, MM. Cbamberland, Roux et Gayon :
laquo; Messieurs, a dit M. de Thiac, en presence de la demonstration si complete dont nous venous d'etre les temoins, vous approuverez, j'en suis sitr, que j'adresse a M. Pasteur le temoignage de notre profonde reconnaissance et de notre admiration. II nous est doux d'y associer nos compatriotcs MM. Roux et Gayon. raquo;
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CilAPITRE XXI
EXPfiRIENCES DE CLERMONT-FE IIR AN D
Clermont-Ferrand, 15 mai 1882. Bourdon, 28 mars, 15 et 18 juin 1882.
Aux moiscle mai-juinl88v2,ont ete effectuees ä Clermont-Ferrand et ä Bourdon des experiences sur la vaccination charbonneuse sous la direction de M. Duclaux, professeur ä l'Inslitut agronomique et eleve de M. Pasteur.
La premiere inoculation a ele fuite par M. Duclaux: eile a porte sur deux bceufs et cinq moutons appartenant ä la compagnie de Bourdon, et sur deux boeufs qui avaient ete amenes parM. Briant, proprietaire ä Epinay, commune de Saint-ßauzire. L'elevation de la temperature, tant sur les boeufs que sur les moutons, n'a guere ete que de 1 degre ä 1 degre et demi; la fievre de reaction a done ete pcu intense; eile n'a dure que quarante-huit heures, et les animaux ont toujours pris leur ration avec beaueoup d'appetit.
Une deuxieme inoculation eut lieu le 28 mai, avec du virus inoins attenue. En l'absence de M. Duclaux, retenu dans le Cantal, l'operation fut pratiquee parM. Henriet, assiste d'un grand nombre d'aulres veterinaires. Les resultats furent identiques ä ceux de la premiere vaccination.
La troisieme inoculation avec du virus virulent a eu lieu le 15 juin. Elle a ete faite aux cinq moutons dejä vaccines el ä deux moutons vierges. Elle avail pour but de constater l'effica-cite de la vaccination, en montrant les effets differents produils
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200nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
par le virus, suivant qu'il agit sur des anlmaux traites d'aprfes la
methode de M. Pasteur ou sur des sujets non prepares.
Le tableau des temperatures moutre que les moulons vaccines n'ont eu qu'une fievre benigne et leur maladie a ete si legere et de si courte duree qu'eile aurait passe inapergue si eile n'avait pas ete observre da tres pres. Ces cinq moutons out lous survecu, tandis que les deux autres out peri: le n0 2 a succombe au bout de trente-six heures et le 110 1 quatre heures plus tard.
A Tautopsie on a constate sur les cadavres les lesions du sang de rate du mouton, mais avec des caractercs moins accenlues. La rate est iegereraent gondee, gorgee de sang noiratre, boueux. Le foie est pour ainsi dire cuit, de couleur feuille morle. Le sang est sirupeux, non coagule ; dans les cavilesdu cceur, de legeres laches ecchymotiques. Peu ou point de caracleres parliculiers dans le poumon et l'intestin. Le tissu musculaire n'a rien d'apparent.
Plusieursveterinaires, desireux de faireuneepreuve plus complete, avaient demande qu'on n'inoculäl pas seulement du virus, mais aussi du sang charbonneux. Pour faciliter rexperience, M. Pasleur avait bien voulu envoyer deux cobayes inocules dans son labora-loire, mais ces cobayes moururent prematurement en route. Au jour fixe pour 1'experience, la mort remontaita plus de quarante-buit heures et on ne pouvait songer ä injecter leur sang, qui aurait peut-etre determine la septicemie aussi bien chez les animaux vaccines que chez les autres. II fut cependant possible de donner satisfaction au desir exprime par MM. les veterinaires.
En effel, les deux moutons non vaccines qui avaient ete inocules le 15 juin perirent empörtes par la fievre charbonneuse. Le sang de Pun de ces animaux fut inocule en meme temps ä un moulon vierge el ä un moulon dejä vaccine qui, deux jours auparavant, avait refu le virus virulent. Celui-ci a part'aitement resiste, tandis que le premier est mort trenle heures aprfes I'operation.
II ne pouvait plus resler aucun doule sur relficacile de la vacci­nation comma moyen prevenlif, puisqu'on avait injecte le sang d'un animal incontestablement mort du charbon sous les yeux de ceux qui avaient suivi les epreuves.
On voulut neanmoins faire encore une derniere experience, afin de voir si refficacite elait la meme pour les boeufs que pour les
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EXPEÜIENCES DE CLERMONT-FERRAXD.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;201
moutons. Le 18 juin, on prit le sang du clernier raouton mort qui, lors de rautopsie, avail suit out dans le lissu musculairedes lesions encore plus apparentes que celles produites par le virus virulent dans la troisieme inoculation. Le sang de ce nioulon fut injette au boeuf porlant le n0 3 des experiences du i5 mai et ä une vache que la Societe d'agriculture mit ä la disposition des veterinaires.
Le boeuf vaccine n'a pas ete malade : on n'a constate qu'un leger gonflement ä peine apparent ä l'endroit de la piqüre. Les effets ont ete lout dillerents sur la vache. II s'est dcveloppe une tumeur Ires forte, en arriere de l'epaule gauche. Pendant deux jours, ia lievre a ete legere; l'aniinal semblait avoir conserve son appelit. Le troisieme jour, la fievre a ete plus forte; la tempera­ture qui, au debut, elait de 380,4 avait depasse 40 degres. Enfin, le quatrieme jour, la mort est survenue.
A Tautopsie, on n'a pas trouve de lesions bien accusees. Cette circonstance peut lenir ä ce que la vache etait atteinte d'un com­mencement de phthisic pulmonaire; par smte, eile n'a pas offert une tres grande resistance ä l'element bacteridien, et la mort est survenue avant que la fievre charbonneuse eüt accompli son evolution complete. II n'en est pas moins certain qn'un boeuf vac­cine a pu etre inocule impunement avec du sang pris a un animal mort du chaibon et qu'une vache non vaccinee a succombe.
Ainsi, I'experience a demonlre une fois de plus qu'on pent pre-venir le charbon ou le rendre sans danger paur les animaux des especes bovine et ovine. II Importe que cette decouverte soit mise a profit par tons les eleveurs et nolamment par les proprietaires des montagnes dangereuses.
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202nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION GHARBONNEUSE.
R£SDH£ DES RAPPORTS SUR LES VACCINATIONS FAITES EN FRANCE
Je pounais citer encore d'autres experiences: par exemple, celles de la Societe d'ayriculture du (Sard faites a Nimes aux mois d'avril et mai 1882; celles de M. Roquebrune, veterinairc a Salon (Bouches-du-Rhöne), effecluees en janvier-fevrier 1882; celles du Cornice agricole deNogenl-sur-Marne, faites en mai 1882; et quantite d'autres que des cultivateurs intelligents enlrepiirent pour verifier l'efficacite de la vaccination charijonneuse. Les resul-tats furent partout identiques. N'ayaat pas les rapports delailles de ces experiences, je nc puis les analyser. On pent done dire qu'en lu-ance la periode des essais est close et que la methode Pasteur est entree definitivement dans le domaine de la pratique.
On trouveraci-apres(p. 203) un tableau recapitulatif des rapports que je viens d'analyser.
On voit quesur cent trente-cinq moutons vaccines deux au plus out succombe ä l'action du virus virulent, tandis que sur cent cinq moulons nou vaccines quatre-vingt-dix-sept ont succombe a cette meine action.
Pour les bceufs ou vaches dix-sept ont ete vaccines et n'ont mani­feste aueun Symptome de maladie apres l'inoculation virulente, tandis que sur onze animaux non vaccines quatre sont inorts et tons les autres ont ete plus ou moins gravement malades.
Enfin trois chevaux vaccines ont tres bien Supporte I'elTet du virus virulent, tandis que deux chevanx non vaccines ont succombe tous les deux ä cette meme action.
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RESUME DES RAPPORTS.
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CHAPITRE XXII
EXl'fiRIENCES DE VACCINATION FAITES A L'fiTRANGEIl EXPfiTilENCES D'AUTRICllE-HOJiGlilE
Le charljoii etant une maladie Ires repandue,on devait s'attendre ä voir les pays elrangers s'emouvoir du succes des experiences faites en France el manifester l'inlention de s'assurer euxmemes de rofficacitc des vaccinations.
M. Pasteur, Ires desireux, de son cole, de repandre sa methode, accueillit avec empressemenl les propositions que lui adresserent divers gouvernements. Mais, pour assurer la reussile des essais, M. Pasteur ne voulut d'abord confier leur direction qu'ä une per-sonne attachce äson laboratoire el devenue habile dans la pratique des operations. C'est ainsi quo M. Thuillier reyut la mission d'aller faire des experiences publiqucs d'abord dans I'empire d'Autriche-llongrie, au mois de seplembre 1881, puis en Alle-magne, au printempsde 1882.
Voici le rapport conceruant les deux series d'experiences faites en Autriche-Hongrie.
EXPERIENCES DE BCDAPESTII
R.UTORT DF. M. TlIUILLIEK.
Les experiences ont ete faites dans les baliments de ['Institut veterinaire de Budapesth, sous les auspices de Son Exc. leMinistre de l'Agriculture, de l'Iadustrie et du Commerce de Hongrie, le
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206nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBOMEÜSE.
baron de Kemeny, el sous la surveillance d'une commission nom­inee par Sou Excellence et composee tie neuf membres:
MM. le clocteur Tormay, president, dlrecteur de I'lnstilut veteri-naire; docteur Azary, secrelaire; docleur Tbanhoffer; docleur Czakö; docteur Liebermann, professeur au meme Institut;
MM. le docteur Fodor, professeur d'hygiene; docleur Koranyl, professeur de mödecine interne; docteur Plösz, professeur de chimie biologique ; Rozsabegyi, privat-doceut ä la Faculte.
Soixante animaux de I'espece ovine, dix de Tespece bovine, out ete consacres äces experiences. 11s se reparlissent aiusi: trente moutons bongrois, trente moulons merinos sous-race electorale, trois bceufs bongrois, trois vacbes liongroises, trois veaux hongrois, un jeune buffle. Ges animaux out ete achetes sur les marches de la Ville, deux et trois jours avant la premiere inoculation. Farmi les moutons se trouvaient quelques individus faibles et quelques ca-chectiques.
lls furent repartis de la fagon suivante : quinze moutons bongrois et quinze merinos,destines ä etre vaccines; treize de chaqne especc par des cultures recentes ne renfcrmant que des filaments el pas de spores; deux de cbaque espece par des cultures anciennes, appor-tees de Paris, et ne renfcrmant que des spores; deux vacbes, an bccuf etdeux veaux hongrois destines ä etre vaccines par des cul­tures recentes.
Quinze moutons bongrois, quinze merinos, deux bceufs, une vacbe, un veau hongrois et le jeune buffle, furent reserves comnie lemoins.
Tous les moutons furent reunis dans un bätimcnt reserve aux chevaux morveux; les betes a comes furent logees dans les Stalles de la clinique de rinstitut.
Le 23septembre, ä midi, eul lieu la premiere inoculation vacci-nale. Les qnatre moutons inocules paries spores le furent avec une culture dalant du 10 aoüt 1881. Tous les animaux inocules suppor-terent bien la (ievre vaccinale qui suivit cetle inoculation. Le matin du ^ octobre, c'est-a-dire neuf jours apres rinoculalion, un des treize merinos inocules par une culture reccnte fut trouve mort. La Commission de surveillance tit rautopsie et declara cemoutonmort de pneumonie catarrhale.
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EXPERIENCES D'AUTRICHE-HONGKIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;207
Le 5 octobre, a midi, eat lieu la seconde inoculation vaccinale. Las quatre moutons, inocules le 23 septembre par des spores, le furent ce jour-lä par une culture de second vaccin datant du 25 juin 1881, ne renfermant egalement que des spores. Les aniinaux inocules supporterent, cette fois encore, tres bien la fievre vacci­nale qui suivit. Cepemlant un des moutons merinos inocules par une culture recente, mourut. II I'ut trouve mort le matin du 8. Le meteorisme du cadavre permit de faire remonter la mort au debut de la nuit, c'est-ä-dire de cinqiiante-cinq ä soixante heures apres rinoculation. Cette fois encore, I'autopsie montra que la mort n'elait pas la consequence de l'inoculalion. La Commission de sur­veillance declara ce mouton mort de catarrbe de l'eslomac (1).
Lel7 octobre, ä midi,eut lieu rinoculation du virus non attenuö. La Commission de surveillance ayant desire rcscrver quelques mou­tons pour des recherches ulterieures, on n'inocula que vingt-cinq moutons de chaque lot. Cliaque lot etaitcompose de treize liongrois et de douze merinos. Tout le grand belail refut l'inoculation viru­lente. Les deux moutons hongrois et le mouton merinos vaccines reserves avaient ete vaccines par une culture recente.
Vidi, Signe : Tormay, President de la Commission.
Le 19 au matin, on trouvait quatorze temoins morts: le 20 on en Irouve-i (5, d'apres une lettredatee du mois de mars 1882 du doc-feurAzary); quatre autres moururent encore les jours suivants. Les symptomes cliniques, les lesions cadavcriques, la presence des bacleridies dans le sang, caracleriserent cliez tons la mort par le charbon. Pourtant, un mouton cachedique, inert avec les symptomes de la lievre chaibonneuse, ne montra, lors de I'autopsie faite par la Commission, aucim des caracteres macroscopiques et microsco-piques de cette maladie.
(1) L'aulopsie en fut faite par M. Czakö, qui declare ce mouton mort par le catarrlie de l'eslomac et de l'intesiin grelo. La m.ijoriie de la Commission est de son avis. Sen), 51. Rozsahegyi attribue cette mort a la seconde inoculation vaccinate.
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208nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Le 20 au matin,un des moulonshongroisvaccines par une culture recenle, fut trouve inort. La Commission en fit l'autopsie et le declara mort de cachexie pruvoquec parune multitude de Distomum lie pa tic am.
Cliez le grand belail, dans le lot des vaccines ne survinrent au-cune fievre, aucune apparence morbide quelconqne; dans le lot des temoins la temperature s'eleva de 2 et 3 degres; il y eut un peu de tristesse, mais peu d'inappelence.
Dans les jours qui suivirent l'inoculaüon virulente, la tempera­ture s'abaissa beaucoup, le temps resta constamment pluvieux et acluelleinentla neige couvre les environs de Budapeslh. Peut-etre peul-on attribuer ä cesconditions climateriques la lenteur de revo­lution de la maladie dans les lots temoins.
Ces experiences out pleinement verifie rinnocuile ct 1'efficacite absolues de la vaccination. L'experience faite sur le lot de quatre moulons, vaccines avec des cultures anciennes apporlees de Paris en tubes clos, a monlre que le vaccin peut, dans ces conditions, voyager ä toutes distances, sans perdre aucune lie ses admirables vertus.
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Budapeslh, 28 oclobre 1882.
L. Thuillier.
Vu et approuve par le President, Simie : Tor.may.
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EXlgt;£niENCES DE KAPUVAR Rapport de M. Thuilliek
Appcle ä Budapesth pour y dcmontrer rinnocuite et l'efficacitö de la vaccination cbarbonneuse, j'y regus du Ministere de I'Agri­culture la proposition derepeter la memo demonstration, aKapuvar, cliez M. le baron de JJerg.
Ignorant des difficultes que j'ai renconlreespliistard,et bien que n'ayant pas l'assenliment de M. Pasteur, j'acceptai cette mission ä
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EXPERIENCES D'ÄUHJJCHE-HONGRIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;209
nies risques et perils. On va voir quellcs circonslancos, la plupart independanles de ma volonte, m'ont empeclie de reussir complete-ment.
Cetle experience a ete faite ä la ferine de Onto?, ä 1:2 kilometres de Kapuvar, sous la surveillance du docteur Azary, delegue du Mi-nistere de rAgriculture.
Comme ä Budapesth, I'experience porta sur les moutons et le grand betail.
Cent moutons de race merinos (sous-race electorate) furent divises en deux lots egaux, Tun devant recevoir les deux inocula­tions vaccinales; I'autre, etre reserve comme temoinde la virulence du virus employe pour dömontrer rimmunite acquise par le premier lot. Ces animaux, pris parmi les plus mauvais des vingt milie mou­tons du domaine, elaient tres faibles, ct beaucoup d'eux etaient cacbectiques. Aussi les survivanls sonl-ils destines a ctre sacrifies on vendus aussitdt que I'experience pourra elrc consideree comme tenniuee. Neanmoins lamelhode de la vaccination est d'une sürete teile que Je n'besitai pas ä entreprendre I'expdrience dans ces con­ditions.
Legros betail etait en bon etat,mais, M.le baron deBergdesirant faire une vulgarisation plulöt qu'une demonstration, ce betail fut divise en deux lots inegaux. Quatorze (sept do race hongroise, sept de race suisse) devaient elrc vaccines; six seulement (trois de race bongroise, trois de race suisse) etre reserves comme temoins lors de l'inoculation du virus cbarbonneux morlel.
Acette tacbe j'ajoulai celle de vacciner deux cent soixante-sept moutons dans un troupeau ravage alors par la maladie, afin de montrcr que la vaccination est efficace contre l'infection naturelle comme eile Test contre l'inoculation directe du virus charbonneux.
Le 28 septembre, eut lieu la premiere inoculation vaccinale. Tons les animaux inocules supporterent bien la fievre legere qui suivit.
Dans le troupeau, deux moutons inocules, et un mouton non ino-cule, moururentdu churbon confracte naturellement.
Le 10 octobre, eut lieu la seconde inoculation vaccinate. Tons les animaux supporterent bieu encore la fievre legere qui suivit, a l'exception de vingt-neuf, savoir: six qui moururent dans le lot des
CII. CHAJIBERI.AKD.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 14
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210nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CUARBON. — VACCINATION tHARBOMEÜSE.
cinquante moutons; vingt-lrois quifurent malades dans 1c troupeau des deux cent soixante-sept et parmi ceux-ci dix moururent. L'au-topsio de tous ces animaux fut faite parleberger, sous les ycux de M. Gyulassy, Intendant du domaine. Une cependant, cello du sixieme moulon raort dans le loldcs cinquante, fut faite par le doc-teur Harlmann, veterinaire en chef du haras de l'Etat a Babolna : le docteur Harlmann declare cc mouton mort parlaquo; pericarditis cum subsequente cachexiahydrsemica raquo;. Pour les quinze autresles aulcurs des autopsies ont conclu pour le ciiarhon, bien qu'un certain nom-bre de ces autopsies, dans le resume qni m'a etc communique, me paraissent peu caracterisliques.
Quelles explications donner de ces quinze raorts ? On pent en donner Irois:
1deg; Ces moutons u'ont pu supporter la seconde fienre vacciuale. laquo; Votre second vaccin elait trop fortraquo;, m'a-t-on dit. Non, pour deux raisons. Quatre moutons n'ayant pas rctu la premiere inocuialiun etinocules d'emblee avec ce second vaccin ont parfailementresislc. Les moutons morts n'etaient pas les plus faibles du lot.
11 laut done chercher ailleurs la cause de ces morts.
2deg; Ces moutons ont pu s'infector nalurcllement. Ils out pu, dans leur bergeric, dans leurs fourrages, rencontrer des germes char-bonneux virulents. Leur vaccination n'etant pas achevee,ils n'etaient pas encore en etat de resister a celte infection naturelle. Pourquoi, objecte-t-on,n'y a-t-il paseu de mortalitechezlesmoutons temoius, separcs des vaccines par une simple barriere etnourris des meines fourrages? Gelte objection suppose une repartition uniforme des germes infectieux. Or l'histoire de toutes les epidemies nous les montre repartis de la fafon la plus capricieuse, alteignant celui-ci, epargnant le voisin. G'est ainsi que M. de Berg a perdu rccemment im belier de haut prix. Ce belier ne quittait jamais la bcrgerie; il y recevait les fourrages reputes les plus sains du domaine. Un beau jour pourtant il y a trouve le charbon. Qui osera aflirmer (jue le ineme accident n'a pu arriver a plusieurs des moutons en question ?
3quot; Lors de la seconde inoculation, ces moutons n'ont pas ref.u le liquide vaccinal ä l'etat de purete. A cause de la pluie et de la boue qui regnaient alors, toutes les operations durent ctre faites k rinterieurde la bergerie oü etaient rcunis les animaux. Le nombre
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EXPERIENCES D'AÜTRICIIE-HO.NGKIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;quot;ill
des persoimes venues pour assister ä ccs vaccinalions 1'ut tres grand, grand aussi le nombre des valets quo necessita la capture ties bceufs, jeunes betes n'ayant jamais connu I'etable, enlevecs brusquement k la vie sauvage et libre des grands päturages du domaine de Kapuvar. Ce ful au milieu des poussieres de labergerie, soulevees par cette nombreuse assistance et clans lesquelles ii serait facile de constaler la presence de la plupart des agents septlques, quo 1'ut transvase le vaccin et quo furent remplis les vases ä col recourbe douton so sert avantageusement pour remplir lesseringues d'inoculation. Dans le cours de I'operalion la personne chargee du sein de ces vases negligea de les tenir fermes ainsi quo Je Yen avais priec.
Nouvelles sources d'impurete : les moulons sc trouvaient tons poisseux d'un suint souille de poussiere et de malieres excreniea-tilielles. Dans ces circonslances les accidents septiques elaient inevitables.
La probabilile de ces accidents, ininime au tlebut de l'opera-tion, croissait avec le temps qni s'ecoulait. L'inoculation fut l'aile d'abord aux bocul's chez lesquels rien de lacbcux ne survint, puis aux moutons ciiez lesquels ces accidents se produisirent : laquo; Mais, dit-on, les autopsies ne parlent pas de septicemie. raquo; Non, cerlos; mais les auteurs des autopsies out pu la negliger on ne pas la voir. Heureusement, les treize moutons malades du lot des deux cent soixante-sept, qui ne moururent pas, etaient encore malades lors de mon troisieme voyage ä Kapuvar. Cbez tous la purulencc du point d'inoculation ne laissait aueun doute sur la cause de la maladie : l'impurete du liquide inocule.
La possil)ilite d'une infection naturelle, l'impurete du liquide inocule constalee sur les moutons encore malades lors de mon troisieme voyage, ne peuvent etre niees. L'experience de Budapesth, cclle de Kapuvar meine, prise dans son ensemble, m'autorisent ä allribuer les morts survenues ä ces deux causes.
Ces accidents ne sont pas inberents a la vaccination elle-meme, mais an mode operatoire. Aussi ont-ils etc tres inslructifs pour les personnes presentes. Qu'ils le soienl surloul pour ccux qui seront k 1'avenir cliarges de ces inoculations vaccinales, ((u'ils ne se relä-chent jamais des precaulions minulieuses qu'exige l'inoculation a
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i\tnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CI1ARB0N. — VACCINATION CIIARBONXELSE.
l'etat de purete absolue du liquide vaccinal, qu'iis operenl de pi'e-lerence au grand air et apres la lessive des moutons qui, m'a-t-on dit, n'a lieu qu'une fois I'an, au printemps, avant la tonte.
Le 22 octobre, cut lieu l'inoculation du virus non attenue aux quarante-quatre moutons et quatorze boeufs vaccines; aux ciuquante moutons et six boeufs, temoins.
Ciiez les moutons ct boeufs vaccines il n'y eul aucun Symptome morbide. Pourtant un mouton mourut cinquanle beures apres l'inoculation, avee les symptömes du charbon. Ce mouton etait un des plus forts du lot. II ne presenlait a la cuisse aucune trace de la dcrniere inoculation vaccinale. J'ai la conviction intime quo ce mouton n'avait pas regu la seconde inoculation. II arrive souvent, en effet, qu'en piquant la peau, celle-ci forme un pli : I'aiguille traverse ce pli, et le liquide, au lieu de se repandre sous la peau, se repand au debors. Get accident m'arriva plusieurs fois, mais je m'en aperfus et recommeiifai rinoculalion. Pourtant, I'obscurite dans laquelle se trouvaient les moutons operes clait teile, que cet accident a pu m'arriver sans que je m'en apergusse.
Dans le lot des temoins, au contraire, trente beures apres l'ino­culation, la mortality apparaissait et ne s'arrelait plus. Des cin-quante moutons temoins, quaranle-buit claient morts lors cle men depart. Danslegrosbctail temoin il y eutdes symptömesinquietants des le lendemairi. Chez trois dc ces animaux ils disparurentles jours suivants; mais cbez les trois autres, ils s'aggraverent. De ces trois dcrniers, un mourut le 29; a cetle date les deux autres etaient Ires gravement malades, Tun surtout pour lequel on avail perdu tout espoir de gucrison.
CONCLUSION
Pour le gros betail, l'experience de Kapuvar est done parfaite. L'inoculation du virus morlel ne produit rien cbez quatorze vacci­nes, landis que cbez six non vaccines il determine une maladie a laquelle trois seulement ont resiste. La vaccination n'a amene aucune alteration dans la sante des animaux qui I'ont regue.
Pour les moutons il y a eudes accidents, dontle mode operaloire
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a ete la cause. Aussi n'onl-ils pas alarme les inleresses. A peine rentre a Paris, je trouve plusieurs clemandes de vaccin.
L. TllUILLIEIl.
6 novembre 1881.
Oa voit que dans la deuxieine seile d'experiences, celles qui eurent lieu ä Kapuvar, 11 se produislt un accident qui, d'apres M. Thuillier, ne doit pas etre impute ii l'action meine du virus, mais ä des impuretes qui, pendant Toperation, se seraient melees au vaccin. Cette explication est, en effet, Ires plausible, puisque M. Tiniillier a constate de la purulence sur les moutons malades qui out gueri ensuile; mais depuis que nous savons, ä n'en pas douter, que eertaines races de moutons sent particulierement sen­sibles au vaccin, nous pouvons penser egalement qne la morlalite exceptionnelle qui a frappe les moutons de Kapuvar, dont beaucoup etaient dans un mauvais etat de sante, provient d'une Irop grande riiceptivite de cesanimauxpour le charbon. D'ailleuis ce fait isole, qu'on a cherche k exploiter centre la methode des vaccinations, n'infirme en rien les conclusions generales sur les cffets de cette vaccination. II sera toujours facile de remedier aux causes pertur-batrices telles que rimpurele du vaccin ou sa Irop grande activite. Ajoutons que, depuis cette epoque, vingt-tleux mille nioutons et douze cents boeufs ou vaclies out ele vaccines en Aulnche-Hongrie et roperation n'a donne lieu ä aucune plainte.
Fassons aux experiences faites en Allemagne, en 1882.
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GIUPITRE XXIII
RAPPORTS SIP. LA PREMIERE EXPfiRlENCE FA1TE A PACKISCH
Reiliglaquo; ii Packisch, lo 5 avril 1882.
La Commission nominee par M. le Ministre de l'Agriculture, des Domaineset clesForets, pour temoigner des experiences de vaccina­tion conlre le charbon pratiquees par l'assistant de M. Pasteur (de Paris), M. Thuillier, s'est reunie aujourd'hui ici.
Elle se compose de :
MM. 1c conseiller d'Ktat Beyer, conseiller en exercice au Minislere de 1'Agriculture, desDomaines etForets; le conseiller secret, professeur Virchow, de Berlin; le comte de Zieten-Schwerin, do Wuslrau; le conseiller et directcur de l'Ecole veterinaire, professeur
docteur Dammann (de Hanovre); les conseillers Zimmermann et Benkendorf; le prefet (?) Rimpau, de Schlanstedt.
S'y trouvaient aussi :
Le susnomme Thuillier et le professeur Müller, de Berlin ; ce dernier en remplacement du conseiller secret, professeur docteur Roloff, tombe malade.
A environ cinq cents pas de distance du domaine de Packisch, dans an hangar isole et divise en deux compartiments, se trouvent d'un
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216nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEüSE.
cöte cinquante moulons, de i'autre douze betes ä comes. Les mou-tons se divisent en trente moutons, achetes dans des localitos exemptes de charbon, äges de deux ans(brebis), etvingt agneaux d'un an, nes sur le domaine de Packisch (males et femelles). Les betes a cornes consistent en quatre boeufsde labour, deux vachespleines, deux vaclies en pleine lactation, deux taurillons d'un an et deux veaux femelles du meme age.
Tons ces animaux furent examines an point de vue de lour sante, et, a cet effet, on mesura leur temperature interne. Celie-ci, pour les moutons, elait de 380,3 h 390,4 centigrades. La temperature des betes a cornes etait egalement normale. M. Thuillier se rendit compte de toutes ces conditions et approuva le choix dos animaux sans restrictions.
On marqua ensuite les cinquante moutons. du n0 1 au nquot; 50, h I'encre noire. Les boeufs furent egalement numerotes de 1 ä 12, par l'incision de poils sur la region dorsale. Puis M. Thuillier vaccina les moutons numerotes de 1 ä 25, ainsi que les boeufs im­pairs (1, 3, 5, 7, 9, 11) avec le vaccin de M. Pasteur, dont il s'etait muni.
L'inoculation des moutons fut praliquce ä la face interne de la cuisse droite; celle des betes ä cornes, immediateinent derricre I'epaule gauche. Le liquide vaccinal employe pour chaque moutoa etait de un buitieme de centimetre cube, et pour chaque hovide, de un quart de centimetre cube.
Les moutons vaccines et les moutons temoins furent separes par une cloison, de fagon ä ne pouvoir arriver au contact les uns des autres. Les bovides demeurerent en place, de sorte qu'un animal vaccine se trouvait toujours entre deux non vaccines. Toules les betes ä cornes provenaicnt du domaine de Borschütz, distant de 2 rallies, et oü le charbon n'avait pas encore fait d'apparilion.
On designa pour demeurer ä poste fixe a Packisch, dans le but d'observer les animaux inocules, M. le veterinaire Bcekher, assistant ä l'Ecole royale veterinaire de Berlin. II est charge de prendre une fois par jour la temperature des animaux, d'observer exaclement leur etat general, les modifications du lieu de l'inoculation, et de proceder ä l'autopsie rigoureuse de ceux qui pourraient succomber.
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EXPERIENCES D'ALLEMAGNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;217
La deuxieine inoculation fut concertee avec M. Thuillier, pour le 19 avril.
Tous les membres de la Commission, ainsi que M. Thuillier, ont signd le present protocole.
Signe: Beyelaquo;, Viitcnow, coralo de Zicken-Zieten-Schwrin, \V. Ri.mpau, Zimmermann, D' Dammann, L. Thuillier.
11
Retlige ä Packisili, le 19 avril 188i
Le soussigne s'esl rendu ici aujourd'hui et y a trouve le profes-seur Müller, en remplacement du conseiller secret Roloff, tombe malade, et M. Tliuillier. Y assistaient en outre : le veterinaire cle-partemenlal ffiraler, de Merseburg; le conseiller secret, docteur Leiscring; et le professeur de medecino veterinaire Siedam-Grotzki, de Dresde.
On inspecte les animaux vaccines ainsi que les animaux temoins dans le hangar ou ils etaient places. Tous furent trouves en etatde sanle salisfaisant. Puis M. Thuillier reinocula les moutons (vingt-cinq) et les betes ä cornes (six), inocules pour la premiere fois le 5 de ce mois. On s'assura que les numeros donl avaient ete marques les animaux etaient encore distincls. Les moutons, cette fois, furent inocules ä la face inlerne de la cuisse gauche; et les betes ä cornes, derriere romoplate droile, de la meme fafon du reste que le 5 cou-rant.
II fut ordonne que la temperature des animaux inocules serait prise quolidiennement, pendant trois jours, par un veterinaire.
Signe : Beyer.
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#9632;218nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAnDON. - VACCINATION CHÄRBONNEl'SE.
Ill
Uedige ü I'ackiseli, lo 9 mai I88Ü.
La Commission soussigmio s'est reunie aujourd'hui ici; com-jiosee de :
JIM. le professeur Müller, remplafaiit le conseilier Roloff; Thuillier, assistant de M. Pasteur, de Paris; le docteur veterinaire departemenlal (Emier, de Merseburg.
:1
I
M. le professeur .Müller remit a la Commission lecompte remlu ci-joint (voyez plus loin ce rapport, p. 2-20) des rcsuitats obtenus,
le 6 mai, ä la suite de l'inoculation, avec du sang charbonneux, des moutons et bcenfs vaccines le 5 et le 19 avril, ainsi que de l'ctat des animaux servant de temoins.
M. Thuillier et M. (Emier signalerent qu'apres l'inoculation pra-tiquee le 0 mai, ont succombe :
1deg; Parmi les bceufs temoins:
Le n0 10, ä minuit, dans la nuit du 8 au 9 mai;
Le n0 6, le 9 mai, ä dix heures du matin;
Le nquot; -2, le 9 mai, a quatre heures et demie de Papres-midi.
2deg; Parmi les moutons temoins, designes par les n 20 ä 50 :
Dans la journee du 7 mai.................... 10 moutons.
_nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; _ du 8 mai.................... 8 —
Total........... 24 -
Des betes ä comes temoins sont encore actuellement en vie les nos i, 6 et 12, mais ils sont plus on moins malades du cbarbon, a la suite de Pinoculation.
Des moutons temoins, MM seid vit; c'est le ndeg;35, quoiqu'il soil tombe malade ä la suite de rinoculation, et qu'aujourd'hui la -nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; temperature reclale marque 41quot;, I.
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EXPfiiUEiNCES D'ALLEMAGNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;219
Tous les bccut's et moutons inocules avec le vaccin Pasteur — ii VexccpuonAe trois ayneaax d'un an ayamp;at succombe av;int le 6 mai au virus vaccinal — fureat examines par la Commission el trouves sains. M. (Etnler avail pris les lemperalures de tous les animaux, et chezaucun il n'avait conslate une elevalion au-clessus de la normale.
Vingt cadavres des inouloas temoins avaient (He delruits par inesure de securite. Mais les cadavres des quatre moutons morts en dernier lieu, et ceux des Liites u corncs, tVquot; 10, 0 el H, I'urent encore trouves par la Commission dans le hangar.
On pratiqua l'autopsie des bceufs uos 10 el 6, et du mouton n0 50; et l'examen macroscopique et raicroscopique montra avec la plus parfaile certitude:
laquo; Que les animaux avaient succombe au cliarbon veritable. raquo;
Les cadavres, vus par la Commission, furent aussi rendus inof-fensifs par la coctiou.
Tous les animaux sonl demeures depuis le 5 mai jusqu'a aujour-d'hui dans le meine hangar, et ontete nourris de fourrage prove-nant du domaine de Borscliütz, iiulemne, jusqu'ici, de cliarbon.
La Commission s'assura que le hangar, qui avail servi aux ani­maux, repondait ä toutes les exigences de l'hygiene pour les mou­tons et les boeufs.
Assistaienl en outre, ainsi qu'ä la deuxieme vaccination, le conseiller Dr Leisering, et le professeur de medecine veterinairo, Dr Siedamgrolzki, de Dresde.
Ce protocole est signe par tous les membres de la Commission et par M. Thuillier.
Signe : Beyer, comte de Zicken-Zieten-Schwerin, D' Dammann, Zimmermann, Thuillier, IIimpau, Virchow.
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CÜARBON.
VACCINATION CHARBONNEUSE.
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R^digd a Packisch, le ft mai 1882.
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Aujourd'hui,lesoussign6s'est rendu ici, accompagae deM.Thuil-
lier et du viiterinaire departemental CEraler (ile Merseburg), pour continuer les experiences de rinoculation du charbou.
Lesang destine ä rinoculation fut emprunte ä an mouton, lequel fat inocule dans I'apres-midi ilu 3 mai par un liquide virulent onvoye par M. Pasteur et qui inourut dans la nuit du 4 au 5 mai.
Le soussigne et le vetorinaiie departemental (Emler se sont assu­res que le mouton avail veritableuient succombe au cbarbon et quo son sang contenait les bätonnets charbonneux types.
Etaient vivants dans le hangar: les douze betes ä comes (six vaches et les six temoins), et quaraute-sept moutons, savoir : vingt-deux moutons numeroles de 1 ii 17 et les numeros 19,21, 2'2, 23, 25, qui avaient ele inocules avec le vaccin Pasteur le 5 et le 19 avril.
Les moutons vaccines nquot; 18, 20 et 24 sont morts, depuis le 19 avril, des suites du charbon vaccinal.
Vivaient aussi les vingt-cinq moutons temoins numerotes de2CäöO.
M. Tbuillier s'assura que les moutons et les betes a cornes du hangar etaient parfaitement sains et que les numeros servant ä marquer les moutons etaient bien reconnaissables.
Sur ces entrefaites, M. Thuillier inocula les moulons vaccines le 5 et le 19 avril, et les vingt-cinq moutons temoins, ainsi que les douze betes ä cornes. II inocula dans le tissu cellulaire sous-cnlane de chaque mouton un Imitiemc de centimelre cube, et de cliaque bete ä cornes un quart de centimelre cube de sang charbonneux, ä l'aide de la seringue de Pravaz.
Le lieu d'inoculation, cbez le mouton, i'ut la i'ace interne de la cuisse gauche, et cbez les betes ä cornes le tissu cellulaire der-riere I'epaule droite.
On constata en outre que les moutons de 1 a 15, et de 2(3 a 40, se trouvent aujourd'bui dans un efat d'embonpoint bien plus pro-nonce que le 5 avril.
M. Timillier at le veterinaire departemental ffimler resteront ici
(
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jusqn'ä sameili et, si cela est neccssaire, jiisr|u'ä manu. II est con-venu que les cadavres des animaux qui succomberont jusqu'au lundi ä midi seront bouillis. Les cadavres dos moutons qui succom-beroul plus tard seroul conserves jusqn'ä l'arrivee de la Commis­sion, le 9 mai.
Signe : L. Tiioillieii, CE.mleii, Mülleii.
Ainsi, dans cette premiere experience falle en Allemagne, un accident s etait produit sur les moutons. A la suite de la deuxieme vaccination Irois agneaux avaient succombe, et Tautopsie demontra (ju'ils avaient succombe au charbon. Les animaux qui avaient re-sisle aux deux inoculations supporterent ensuite parfaitement reflet du virus virulent, tandis que parmi leslemoins vingt-quatre moutons sur vingt-cinq succomberent, et trois bovides sur six, les trois autres ayant etc tres malades.
Cette experience elablissaitdonc, d'unc faconcerlaine,rinfluence preservatrice de la vaccination centre le virus virulent, fait qui jusque-lä avait ele vivemenl conteste par un savant allemand, le Dr Koch; mais il ne suffisait pas a demontrer rigoureusement que les vaccinations ponvaient elre praliquees sans danger, puisque trois moutons sur vingt-cinq avaient succombe a la suite du deuxieme vaccin. Cc n'etail done qu'undemi-succes, el M. Pasteur, dont les theories ontete si souvent contesleesaudelä duRhin, lenait essentiellement ä obtenir un succes cornplel. Orle vaccin qui avait ete employe par M. Thuillier etait le meme qui servait en France, ou il ne donnait lieu ä aucun accident. II etait done evident que les moutons allemands etaient plus sensibles aux effels du vaccin que les moutons franfais. La rapidite de la mort des moutons le-moins nous en donnait aussiune preuve. Des lorsnous diminuämes la virulence relative du second vaccin et M. Pasteur demanda qu'nne nouvelle experience, porlant sur un nombre d'animaux beaucoup plus considerable, lüt faite avee le nouveau vaccin mo-difie, afin de bien etablir qu'on pent adapter la virulence relative des vaccins aux receplivites particulieres quo peiivent presenler les
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222nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAUBON. — VACCINATION CllAUIJÜ.NiNEUSE.
animaux. Le gouvernement alletnand accepta la proposition de M. Pasteur ct une nouvclle experience eut lieu. Les rapports sui-vants inoiitrciit que, eettc fois, le succes fatcomplet.
luaxi t.MK blilllK D'EXPfiRIENCES D'INOCULATION FAlTEb A BORSCHÜTZ ET A PACKISCH
liedig.; ;quot;i Borscliiitz, 1c 10 roai 1882.
'
Pour la continuation des experiences louchant riuüculation ilu charbon, se soul rendus ici:
MM. Tluiiilier, assistant de M. Pasteur; le proprietaire Dielzc, tie Guldenstern ; le vetamp;rinairedepai'temental CEmler, de Mcrselmrg.
L'etable contenail:
Deux cent cinquante-six brebis meres de trois ii sept ans. La date de naissance des animaux est inscrite par tatouage dans I'd'eille droite par les dales de 75 ä 79 ;
Deux cent vingt-six agneaux de rüge de sept ä onze semaines.
Tons ces moutons avaient ele ä Packisch jusqu'au (J mai.
Sur le doniaine de Borschiilz se Irouvaienl en outre trois beliers.
On lit deux lots egaux des brebis meres, la repartition de Tage elant egale des deux cötes. A chaque lot etaient attaches les agneaux nes des brebis qui le composaient. Les deux lots se com-posaient done comine suit:
lw28 brebis meres; iquot;23 agneaux;
et, d'autrc part :
128 brebis meres; 103 ajrneaux.
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EXPEI'.lEiNCES D'ALLEMAGNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;223
Les animaux du deuxifetne lot I'ureut marques par uu ti'ou rond [lerce ü I'oreille droite.
On lira au sort, et le premier lot designe, compose de cent vingt-liuit brebis et de cent vingt-trois agncaux, futinoculii; le deuxieme lot servil de contröle.
M.Thuillier inocula ensuite avec le vaccin envoye parM. Pasteur, de la meme fapon qu'au 5 avril, les cent viiigt-liuit brebis et les cent vingt-trois agneaux du premier lot. Cliaque brebis et chaque agneau regut rinjection, sous la peau de la face interne de la cuisse droite, d'un huitienie de centimetre cube de la liqueur vaccinate.
Les moutons iront päturer dans une prairie placee au voisinage du domaine et remplissant toutes les conditions exigees par 1'bv-giene. Le proprietairc des moutons, M. Lücke, s'est engage a rc-mettre ä Tetable tout animal des qu'il paraitrait soudranl, et de l'y maintenir pendant toute la duree de la maladie.
VuFirnpossibilite do mesurer quotidiennement la temperature de tant de moutons, il fut decide que Ton prendrait la tempera­ture des quinzepremiers moutons et des quinze premiers agneaux s'echappant de l'etable; on prendra en outre la temperature des animaux qui loniberaient malades. Les quinze premieres brebis el les quinze premiers agneaux qui sortirent de l'etable I'urcnt mar­ques sur la nuque avec du goudron.
Le 20 mai fut fixe comme jour de la deuxieme vaccination.
MULLEIi,
I'rofesscui- ä I'Ecole royalo vdterinaire de Berlin, charge de la redaction de ce Rapport.
Lu et approuvc, Signe : R. DrEizi;, Li TnuiLLiEn, (K.Mi.En, Lücke.
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-2-21
CU.VHBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Iledige a IJorscliiilz, le 20 mni 188-2.
Pour proceder ä la deuxieme inoculation des moulons vaccine's line premiere fois le 10 mai, se trouverent iei, outre le professeur Müller :
MM. le propriütaire Dietze, de Güldenstem; Thnillier, de Paris; le velerinaire departemental CEmler, de Merseburg.
Les susnommes s'assurerent que le lot de moutons vaccines se coinposait aujourd'hui, ainsi que le 10 mal, de
128 brebis meres, 123 agneaux,
el que tons les animaux etaient bien portants.
Sur ces entrefaites, M. Tliuillier inncula, comme au 10 mai, les cent vingt-huit brebis et les cent vingt-trois agneaux, avec le liquide envoye, dans ce but, de Paris, par M. Pasteur.
Le lieu d'inocnlation fut la face interne de la ruisse gauche. Chaque animal refiit le Imilieme du contenu de la seringue de Pravaz, soit un buitiemede centimetre cube.
L'inoculation terminee, on s'apcrfiit qu'on avait inocule cent vingt-neuf brebis. Une revue plus exacte des lots montra qu'un inoutoiululotde contröle (reconnaissableau trou del'Dreille droite) avait franchi la ligne de separation, et s'etait tnelc au lot vaccine.
11 fut marque d'un signe ostensible et il sera observe avec soin.
M. (Emleret M. Tliuillier resleront a Borschütz jusqu'ä ce que les symptömes resultant de la deuxieme inoculation se soient dis-sipes. M. (Emler prendra la temperature des quinze brebis meres et des quinze agneaux dont il a deja releve la temperature aprcs la premiere inoculation, et aussi la temperature du mouton prove-nant du lot temoin dont il a ete fail mention. M. Lücke dirisera
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EXPERIENCES D'ALLEMAGiNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;225
sur Packiscb, dimanche 28 mai, le lot vaccine, ainsi que les snjels lt;lu lot tiimoiii tlestinüs ä I'inoculation faite avcc ilu sang cliar-Ijonneux.
M. le proprietaire Dietze annonfa qu'il se rendrait ce soir, pour raisous tie sante, aux bains de Carlsbad et qu'il avail prie M. le proprietaire Uüyter, de Plolha, de le reraplacer a Packiscb, lors de Finoculation virulente, le 30 mai.
Lu et approuve. Siyne : F. Dietze, L. Tiiuillieu, (Emler
Müller, charge de la redaction de ce Rapport.
VI Kcclige a Packisch, le 30 mai 1882
Le soussigne, professeur Müller, s'esl rendu ici aujourd'bui pour continuer les experiences de vaccination du charbon d'apres le Systeme de Pasteur, et trouva presents :
M. Thuillier, de Paris;
M. le proprietaire Rüyter, de Plotba, en remplacement du pro­prietaire, M. Dietze; M. le veterinaire departemental (Emler, de Merseburg.
Dans le hangar qui avail servi aux premieres experiences, faites du 5avril au 9 mai, se trouverent :
Douze brebis et douze agneaux provenant du lot qui avail ele inocule le 10 mai el le 20 mai ä Borschütz, avec le liquide de culture de Pasleur;
Six brebis et six agneaux, ayanl un trou ä l'oreille, provenant dn lot temoin (non vaccine);
Les boeufs inocules le 6 mai, avec du sang charbonneux, qui
CH. CHAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 15
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! !
*-Mnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAUliO.N. — VACClNATlOiN CHARBONNEÜSE.
cliiiciit tombes malades, niais qui avaient gueri (boeufs nquot; 4, H et 12).
Les soussignes s'assurerent qu'aucun de ces animaux ne pre-senlail de Symptome morbide.
Sur ces entrefaites, M. Thulllier inocula avec le sang d'un mouton inort de charbon iuocule, le 29 mai, ä cinq heures du malin, ä I'EcoIe royale veterinaire de Berlin :
Six brebis (no200, 160, 118 el Irois brebis non numerotees), ainsi que les agneaux 1, 4, 10, 5, 9,11, du lot iuocule le 10 et le -20 mai;
En outre, Irois brebis-mercs et trois agneaux des animaux temoins designes par un trou dans I'oreille droitc.
Ensuile on inocula avec le liquide virulent envoye de Paris par M. Pasleur, et qui avail aussi servi ä inoculer le inouton de l'Ecole veterinaire de Berlin :
Six brebis meres (nos 191, 190, 43, 128), et deux brebis non numerotees; ainsi que les agneaux 2, 3, 0, 7, 8, 12, du lot vaccine le 10 et le 20 mai; ainsi que Irois brebis et trois agneaux munis d'un Iron a I'oreille droite (du lot leinoin); en oulre les trois betes ä comes susmentionnees.
L'inoculation se fit de teile fajon qu'alternalivcmenl deux raou-tons vaccines ot un mouton temoinreeurent du liquide virulent pro-venant do la memo seringue.
Chez les moulons, le lieu d'insertion fut la face interne de la cuisse gauclic; chez les bceul's, le cote gaucbe du ecu. La quanlite de liquide iuocule fut d'un huitieme de cenliinetre cube pour les moutons et de un quart de centimetre cube pour les boeufs.
M. Tbuillier et M. OEmler nous comrauniqiierent que le 27 mai, vers onze heures du matin, une des brebis vaccinees ä Borschütz (lot des cent vingt-huit brebis et cent vingt-trois agneaux) le 10 et le 20 mai, avail succombe. L'aulopsie fut falle dans I'apres-midi du 28 mal. ML Tliulllier declare que la putrefaction du cadavre etait Irop avancee pour qu'on put se prononcer neltement sur la cause de la mort. M. (Emler est d'avis que la brebis est inorle du charbon et II cominuniquera le prolocole d'autopsie.
Les trente-six moutons inocules aujourd'hui resteront divises en deux lots, dans le hangar menlionne. Les places occupees par les
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EXPEÜIENCES D'ALLEMAGNE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;227
animaux d'experieace n'avaient pas servi anlerieurement ä loger des moutons.
Lu et approuve,
Signe : ].. Thuillier, F.-l). Ruyter, (Emler;
Müller, cliarge dc la redaction du present Rapport.
VII
Retligö i Packisch, le 1laquo; jain ISSiraquo;
Le soussigne, professeur Müller, trouva presents aujourd'hui :
M. Thuillier, de Paris;
M. le propriötaire Riiyler, de Plolha;
M. le veterinaire departeraeiital (Emier, de Merseburg.
MM. Thuillier et (Eraler declarent que tous les douze animaux, ä l'oreille percee, inocules le 30 inai avec le sang charbonneux ainsi qu'avec le liquide de culture virulent envoye do Paris, elaient morts.
Le premier deces eut lieu hier dans I'apres-midi, vingt-cinq heures apres I'inoculation; jusqu'au soir d'hier, neufaulres sonl niorls; et trois dans la nuit d'hier k aujourd'hui.
Aujourd'hui, entre midi et une heure, est mort I'agneau rideg; 1, vaccine le 10 mal et le 20 mai; ii avail regu avant-hier dans le lissu cellulaire sous-cutanc un hnitieme de centimetre cube do sang charbonneux.
1/autopsie de ce susdit agneau et de deux des animaux temoins niorls clans la nuit, ainsi que Texamen microscopique du sang, montra sans laisseraueun doute que :
Les animaux temoins el I'agneau vaccine n0 1 avaient succombi'' an charbon.
Les vingt-quatre moutons vaccines, auxquels, le 30 mai, on a injecte du sang charbonneux ou de la culture charbonneuse de
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228nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCliNATION CIIAUDONNEUSE.
Paris, ne presentaient, ni hier, ni aujourd'hui, aucun Symptome morbide. Leur temperature rectale oscillait entre 380,2 el420,i centigrades. L'agueau n0 1 presentait hier 41quot;,5, et ce matin 39deg;,4. II mourut subitement, sans symplömes bien accuses.-
Les vingt-trois autres inoutons se montrerent parfaitement bien portants, si Ton fait abstraction de l'elevation de temperature ob-servee ciiez quelques-uns et encore constatable.
Les betes ä cornes inoculees le 30 mai dernier, ä l'aide de la culture virulente envoyee de Paris (n05 4, 8, 12), ne presenterent ni Symptome morbide ni elevation de temperature, et aujourd'hui encore eiles sont parfaitement bien portantes.
Les cadavres des moutons morts ont etc rendus inoffensifs par la cuisson ä l'aide de vapeur d'eau bouillante.
M. le veterinaire departemental (Einler reslera encore ici jus-qu'au soir du 2 juin pour veiiler ä la desinfection des hangars ayant servi aux animaux d'experience.
Les mesures de desinfection ont ete convenues avec JI. (Emler. Ce dernier s'entendra, ä cet egard, avec le veterinaire Koepke, de Mühlberg, egalement present. Celui-ci nous renseignera, dans un rapport ullerieur, sur les mesures de desinfection qui ont ete prises.
Lu et approuve, Signe: L. Tiiuillier, ISuvteu, (Emler ;
Müller, charge de la redaction du present Proces-verbal.
K
Ainsi, dans cette nouvelle experience, cent vingt-huit brebis el cent vingt-trois agneaux, soit un total de deux cent cinquante et un moutons, ont subi les deux inoculations preventives. Une brebis est morte a la suite du deuxieme vaccin. Meme dans le cas on eile serait morte du charbon, ce qui n'est pas absolument de-montre, on voit que nous sommes loin de la mortalite qui avait sevi dans la premiere experience et qui elait de trois sur vingt-cinq.
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Douze brebis et douze agneaux vaccines du lot precedent ont ete inocules, moitie par du sang charbonneux virulent et moilie par du virus virulent envoye du laboratoire de M. Pasteur. Un agneau a succombe au charbon. Quant aux douze temoins non vaccines, ils ont succombe Ires rapidement en tolalile.
Qu'un jeune agneau vaccine n'ait pu supporter l'acdon du sang virulent, il n'y a lä rien qui doive nous etonner. II faut au contraire s'altendre ä rencontrcr quelquefois de ces parliculariles. Ce qui doit nous clonncr, c'est dc ne pas les renconlrer plus sou-vent, car il ne faut pas oublier que clans toutes les experiences qui portent sur la vie, il y a de nombreuses inconnucs qu'on ne parviendra probablement jamais a degager complelement (1).
(1) I'nc communication tie 51. Müller nous a appris qu'un second agnoau vaccine a egalement succombe quatoize jours apres rinoculalion virulente.
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CHAPITRE XXIV
EXPERIENCES D'ITALlli
Les experiences d'Autriche-Hongrie ct celles d'Allemagne sout les seules qui aienl ete dirigees par uiicollaboraleurdeM. Pasteur. Elles parurcnt suflisantcs pour elablir defiuitivement que la vacci-nation charbonneuse pouvail elre pratiquee sur les diverses races de inoutons que Ton trouve en Europe el dans Ic inonde enlier.
Dans quelques autres pays des experiences publiques eurent lieu avec des vaccins envoyes parle laboratoirede M. Pasteur; les ope­rations furent faites par des veterinaircsplusou moins habiles dans la pratique do la vaccination. Parmi ees dernieros cifons celles de Turin entreprise par M. Perroncito, professeur distingue de l'Ecole veterinaire de cettc ville, venu auparavant ä Paris pour s'initier ä la pratique de nos inoculations.
Voici le resume exact des experiences de M. Cerroncito:
Le U Janvier 1882, a Mongreno, dans nnc forme appartenant au docteur Giuseppe Rizzetti, buit moutons, trois cbevres et deux bovides refurent la premiere vaccination qui n'entralna aucunenbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; *i
maladie. La deuxieme vaccination eut lieu le 20 Janvier et ue causa qu'une legere lievre cbez les animanx; ilsconserverentleurappetit. II. Pasteur ayant reconnu ä cette epoque qus le vaccin employe etait unpeu faible, etcraiguant que, dans ce pays oü la vaccination etait pratiquee pour la premiere fois, on ne put obtenir un resultal aussi complet que celui que Ton etait en droit d'esperer, conseillanbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; -*
ii 51. Perroncito d'effectuer une troisieme vaccination avec un deuxieme vaccin un pen plus fort. Cette troisieme inoculation eut lieu le 7 fevrier, eile n'exenja aucun effet apparent sur Total sanitaire des animanx.
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232nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSB.
Le lquot;' mars, cut lieu I'epreuve publique duns une ferine voisine de Turin et appartenanl ä M. Giusiaaa. Ces experiences euretit lieu en presence d'une commission nomrnee par 1c prefet de la province et composee de : MM. Car. Domenico Vallada,direcleur de I'Ecole vete-rinaire (M. Vallada donna sa demission le 4 mars et fut remplace par le veterinaire en chef Car. Carlo Coscia); Car. dott. Flaminio Dionisio ; et Car. dott. Deniamino Carenzi, membres du conseil sanitaire de la province ; dolt. Caretto, veterinaire ä Slrambino.
Le virus virulent fut inocule ä vingt animaux, dont dix vac­cines, savoir: un taurillon, une genisse, six moutons, deux chevres: et dix non vaccines, savoir: liuit moutons et deux veaux.
Quatre moutons furent conserves au milieu des autres et ne regureut aucune inoculation. Les moutons, chevres el boeuf vaccines supporterent impunement l'effet du virus virulent. Cinq des moutons non vaccines moururent en moins de quarante-deux heui es; un autre, apres cinquante-lrois lieures, et un septieme qui avail etc inocule avec des spores do bacteridies, ne succomba qu'apres quatre-vingt-sept heures. Enfin le huitieme mouton sur-vecut apres avoir eu une fievrc charbonneuse tres intense. Cliez les deux veaux non vaccines il se declara, vingt-quatre heures apres I'inoculalion, une fievre si violente que bientöt leur temperature s'eleva jusqu'ä 410,9. L'un mourut du charbon apres six jours; Tautre succomba plus tarcl a un oedeme produit par roperalion. Les quatre moutons temoins, bien que vivanl dans la meme clable el exposes ä la contagion, ne furent nullement atleinls.
Cette experience, dont le succes eut un grand retenlissement, fut faitc sous les auspices du cornice agricole tie la province. Imme-diatement apres, beaucoup de veterinaires Italiens sc livrerent ä des essais analogues; malheureusement ils etaienl peul-etre moins habiles dans la pratique de l'operation el les resullats qu'ils obtinrent, quoiquc salisfaisants en general, n'eurent pas la nettete de ceux de M. Perroncito. Les causes des accidents survenus ne sont pas faciles a preciser, d'autantplus que les documents detailles sur la fafon dont les experiences furent conduiles font defaul. Parmi les causes d'erreur, ilen estune que jecrois devoir signaler; eile a ele commise par M. Bassi, collegue de M. Perroncito a I'Ecole veterinaire de Turin.
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EXPERIENCES D'ITALIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; quot;233
Dans une premiere experience, faile a FEcole vöterinaire de Tuiin, on inocnia trois chevanx, deux boeufs, im houc et cinqmou-lons, tous prealablemcnt vaccines; et six brebis, deux boenfs et deux chevaux, qui n'avaient pas refii I'inoculalion preventive et devaient servir de temoins. Parmi les animaux vaccines, un cheval, un bouc el cinq moutons moururcnt: deux clievaux et deux boeufs ne furcnt meine pas malades. Quant aux betes non vaccinees, toutes succomberent, a Tcxception d'un clieval et d'un hceul cliez qui se developpa, au point d'inoculation, un CDdeme assez considerable. Cette epreuve elait done defavorable ä la vaccination et eile surprit beaucoup M. Pasteur, qui ne tarda pas ä decouvrir la cause de rinsucces. II apprit, en effet, que les inoculations avaient ele faites avec le sang d'un mouton atteint du cbarbon spontane et dont la mort remontait a plus de vingt-quatre lieures. Or, d'apres les experiences de M. Pasteur, au bout de ce temps le sang du cadavre des animaux cliarbonnenx ne renferme pas seulement la bacteridie cliarbonneuse, mais aussi le vibrion septique. Aussi M. Pasteur n'hesita-t-ii pas ä altribuer ä cette derniere action, ä la virulence septique, I'insucces apparent de M. le professeur Bassi.
Peu confiant dans les explications donnees par M. Pasteur et voulant en contröler i'exactitude, M. Bassi entreprit une nouvelle experience en se plapant dans des conditions favorables. Quatorze moutons,trnis bovides el deux clievaux furent vaccines une premiere fois, le 20 avril 1882, ct une deuxieme fois le ö mai; dans rin-tervallc, un mouton (itait mort de melrite septique. Les inoculations de controleeurent lieu le 28 mai. On inocula:
1deg; Avec une culture non attenuee, envoyee du laboratoire de M. Pasteur:
Six moutons, deux betes bovines, un cheval, tous vaccines; et quatre moutons, deux bovides, non vaccines.
Quaire moutons el un boeuf non vaccines moururentala suite de I'inoculation. Sur I'autre boeuf se developpa une forte tumeur qui disparut peu ä peu.
Tous les animaux vaccines n'eprouverent aueun Symptome de malaclie.
2deg; Avec le sang pris deux heures el demie ou trois lieures aupa-ravant sur un beeuf mort du charbon :
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234nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAKBOlaquo;. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Six moutons, deux bocul's, uu clieval, vaccines; ct quatre mou-lons, deuxboeufs, deux chevaux, non vaccines.
Panni les vaccines deux moutons rnoururent apres deux et six jours.
Parmi les non vaccines, trois moulons rnoururent apres quaranle-Imit lienres; un, apres cinquanle-six heures; un boeuf apres trois jours; un clieval apres sept jours ; I'autre clieval apres nenf jours. Enfin un bceuf survecut ä une violente fievre charbonneuse.
On voit que le resultat de cette deuxieme experience ne presente aucune analogie avec la premiere. On pent meine dire que cette derniere experience a pleinemcnt rcussi, malgre la mort de deux moutons inocules par le sang- et snr laquelleje reviendrai tout ä I'lieure.
M. le professeur Bassi resume ainsi le resultat de l'ensemble de ses rechercbes:
I.nbsp; Les vaccinations pastoriennes peuvent etre pratiqnees sans danger sur les moutons, boeufs et chevaux.
II.nbsp; nbsp;Les fievres rle reaction apres la premiere et apres la deuxieme vaccination sont iniaiines et do conrte durde; pourtant celle qui suit la deuxieme inoculation prüventive cst plus forte.
III.nbsp; nbsp;Dn sangf sans element septique, recneilli snrle cadavre d'un boeuf ou d'un mouton mortdu charboninoculi, tua neuf animaux survingt vaccines; et fjidnze sur dix-huit non vaccines.
IV.nbsp; nbsp;Les brebis possedent la plus faibie, et les boeufs la plus forte puissance de resistance aux inoculations du sang charbon-neux; celui-ci ne tue que la moitie des bceufs non vaccines.
V.nbsp; nbsp; Le virus charbonneux non allenue du lahoratoire Pasteur ne tua que les moutons non vaccines.
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Ges conclusions sont loin d'etre exactes; clles ont tout au moins besoin d'explications. M. Bassi, qui aurait du etre convaincu äla suite de sa deuxieme experience de l'erreur commise dans la pre­miere, n'en tient cependant aucun compte; et, pour arriver k etablir une forte proportion d'animaux vaccines morts äla suite de l'inoculation virulente, l'bonorable professenr fait entrer en ligne de compte les rcsultals obtenus dans sa premiere experience, qui
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EXPERIENCES D'ITALIE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;235
esl defectueuse, et ceux que lui a fournis la seconde, effectuce dans les conditions normales. La proposition III devrait etre basee seu-lemenlsurla deuxieme experience, et etre ainsi formulae:
Du sang sans element septique, recueilii sur le cadavre d'un hffiul' mort du charbon inocule, tua: deux animaux vaccines sur neuf; et sept betes non vaccinees sur luiit. En outre, 11 faut remarquer que les deux animaux vaccines qui ont succombe, sent des moutons, et M. Bassi n'indiqne pas la dose de sang inocule; enfin I'animal non vaccine qui a survecu est un bceuf.
La proposition V est, eile aussi, erronee, puisque, sur deux boeufs, un est mort a la suite de rinoculation du virus non atlcnue da iaboratoire Pasteur, I'aulre a survecu.
Si la traduction qui me fournit ces resultats, est exacte (tirage a part des Archiv für Wissensch. und prakt. Thiei'heilkunde. — B. VIII— H. 6.— 1882), il ne me paraitpasdouteux queM. le pro-fesseur Bassi n'a pas vouluse rendre a Tevidence, malgre le sneces de sa seconde experience.
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CHAPITRE XXV
EXPERIENCES DE BELGIQl'E
Arrivons maintenant aux experiences plus recentes qui out ele effectuees en Belgique par un membre de la Commission, qui, a l'exemple de M. Pcrroncito, etalt venu ä Paris pour s'exercer ä la pratique de l'operation.
Void l'analyse du rapport des experiences faltes en Belgique :
Au mois de mal 1882, une commission composee de membres de la Soclete de medecine veterlnalre de Liege et du Conseil adminis-tratif de la section agricole de Herve-Aubel-Fleron, se constitua dans le but d'organiser des experiences de vaccination charbonneuse, d'apres la methode de M. Pasteur. Trois exploitations agricoles con-tigues, sises k Elvaux-Herve, et oü le typhus cbarbonneux sevlt de temps immemorial, furent choisies pour y instituer les expe­riences (1).
L'epreuve de la premiere vaccination i'ut fixee au 25 juin. Assis­ts lent ä roperation : M. Cornet, membre de la deputation perma­nente, delegue par M. le gouverneur de la province; M. le greffier
(1) On avail adopte le programme suivant :
A.nbsp; — 1deg; Dans la fermo de JI. Dedye, composee de six vaches lailieres de tout age et de deux genisscs, les sujcls seront soumis ä l'action des premier et ileuxieme vaccins, puis subiront l'inoculalion critere avec du virus mortel. A cöte d'eux seront tcnues cinq genisses temoins, devant plus tard etre dirccte-inent inoculees avec du virus pur.
L'expericnce portera egalement, dans cetle exploitation, sur quatre moutons. dent deux auront etc vaccines, les deux autres servant de temoins.
2deg; Dans la ferme occupee par M. Cabay et composee do sept vaches laitiercs de tout äge, et de deux veaux de 1'annee, le betail adulte soul sera vaccine.
3quot; Dans la metairie exploitee par le sieur Dclliaes et qui coinpte dix vaches laitieres de tout ago, trois d'entre elles seront vaccinees.
B.nbsp; nbsp;— Six mois apres l'epreuve concluante, de nouvclles experiences seront
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238nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CUARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
provincial; M. J. Neef, president de la Commission d'agricullure ; MM. Degive, Weheukel et Courtoy, professeurs ä i'Ecole do inede-cine vet^rinaire; plusieurs veterinaires et bon nombre de culti-vateurs.
Dix-huit tetes de bovides de tout age, appartenant aux sieurs Dedye, Cabay et Delhaes, refurent le premier vaccin, qui fut insere par une piqiire praliquee en arriere de 1'epaule gauclie. Une brebis el un mouton de race indigene, acheles par le Comite organisateur, furent egaleraent vaccines ä la face interne de ia cuisse droite.
Cette premiere vaccination fut suivie d'un accident qui, du reste, ne pent lui etre imputable. Une vache mourut le lendemain matin, et, a son autopsie, on constata les lesions caracteristiques de la fievre chaibunueuse, sans que toutelbis aucune alteration de tissu ait ete observee au point inocule. Cette mort est independanle de la vaccination, car I'animal, au moment oü celle-ci fut pratiqucc, se trouvait sous le coup du charbon naturel, ainsi que les temoi-gnages et les faits Tent prouve.
A part cette coincidence malheureuse, et qui aurait pu etre evi-tee, la premiere vaccination ne fut suivie d'aucun accident. Tons les sujels conserverenl leur gaiete et leur appetit; chez aucun d'eux on ne put constater le moindre Symptome febrile, ainsi qu'il resulte du tableau des temperatures.
La deuxieine vaccination eut lieu, 1c 8 juillet, sur les animaux deja inocules le 25 juin. Elle fut pratiquee derriere I'epaule droite avec un liquide vaccinal bien moins inoffensif que le premier, car lorsqu'on I'insere d'emblee ä des moutons, il amene la mort de ces. animaux, dans la proportion de 50 pour 100 environ.
Cette deuxieine vaccination ne fut suivie d'effets appreciates que sur trois sujets bovides; chez l'un on constata rexistence d'un oedeine au rnembre anterieur droit; chez un autre, engorgement au point d'inoculation, accompagne de boiterie; chez le troisieme,
inslituees pour s'assurer si rimtnunite conferee par la vaccination est toujours persistante.
C.nbsp; — La memo tentative sera renouvclee au bout d'un an.
D. __ Des experiences seront faites pour demonlrer la noeuite des lieux ayant
servi ä renfouissement dos cadavres d'animaux charbomieux.
E. __Des recherches seront etablies afin de prouver que le charbon du pays
de Herve est d'essence parasitaire et de menie nature que celui qui sevit dans la Brie et dans la I'.eaucc.
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EXPERIENCES DE UELGIQUE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 23!gt;
grand abattement, respiration accelöree, temperature 42deg;,4; secre­tion laiteuse diminuee de moitie, appetit nul, poil pique. Mais, pen de jours apres, ces symptömes out disparu et l'etat sanilaire devieut excellent.
Le samedi 42 juillet eurent lieu a Herve les experiences con-cluantes de la vaccination charbonneuse. Parmi les nombreux assis­tants, on remarquait: MM. 0. Massart, membre cle la deputation permanente, delegue par M. le gouverneur; Angenot, greffier pro­vincial ; Leon d'Andrimont, represenlant de Verviers; Sagehomme, comraissaire de l'arrondissement de Verviers; llemy, delßgue du Conseii provincial; Dartois, Scheen, Nols et Hodeige, conseillers provinciaux; Thiernesse et Wehenkel, delegues de M. le ministre de l'interieur; Siegen, delegue du gouvernement grand-ducal de Luxembourg; J. Neef, president de la Commission provinciate d'agriculture et de la Societe royale agricole de Test de la Belgique; Cajol-Lejeune, president de la section Herve-Aubel-Fleron; Verlat et Deliicour, vice-presidents de celte derniere section ; Degive, professeur de clinique ä l'Ecole de medecine veterinaire; plusieurs bourgmestres et echevins; M. le docteur Marvet, delegue de la Societe medico-chirurgicale de Liege; M. Andre, medeciu veteri­naire, delegue de la Societe de medecine de Charleroi; plusieurs medecins et pharmaciens; un grand nombre de veterinaires, de proprietaires et de cultivateurs.
L'avant-veille, dans I'apres-midi, M. Ilemy avail inocule du virus charbonneux pur ä quatre inoutons. Deux de ces animaux avaient ete vaccines le 25 juiu et le 8 juillet; les deux autres n'avaient pas ete soumis ä cetle pratique preventive. M. Remy avait egalement inocule ce virus mortel ä deux jeunes bovides, tenus comme temoins depuis le debut des experiences.
Au moment de la reunion, I'experience avait deja produit ses consequences fatales : des le vendredi, vers dix heures du soir, c'est-a-dire trente heures apres I'inoculalion, les deux brebis non vaccinees succombaient apres avoir presente les symptömes propres ä la fievre charbonneuse. A cöte de ces victimes, on elait trcs etonne de voir les deux autres moutons, pleins de vie et de sante, brouter l'herbe de la prairie, bien qu'ils eussent ete soumis a la ineme epreuve experimentale. La vaccination que ces derniers
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quot;240nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION' GHARBONNEUSE.
avaient subie lenr avail done couferc Vinnnunite, autrement dit, les avail garaulis contre les atteinles du charbon inocule.
D'alileiirs, pour convaincre quelques spectateurs incrudules, I'autopsie fut I'aite par M. Braliam; I'tilal, du sang, de la rate et du tube digestif prouva bien que ces brebis elaienl viclimes du charbon qui leur avail ele inocule. En oulre, Texamen microscopiqae du saug de ces animauv, auquel proceda M. le professeur Wehenkel, confirma les donnees autopsiques eu y clemoutranl la presence de bacteridies.
Apres avoir vu et apprecie des resullats si coucluants, les spec­tateurs furent iuviles ä voir praliquer I'lnoculatioD tres virulente, d'ou devait jaillir la preuve nouvelle de 1'el'ficacile des vaccinations preventives auxquelles le belail de la (ennc Dedye a ele soumis les 25 juiu et 8 juillet derniers. On sail que sept betes bovines de tout age y avaient ele vaccinees; ü cöle d'elles, se trouvaient qualre aulres sujels temoins, et Tun de ceux-ci devait elre conserve pour servir ä des experiences ulterieures.
Afin de rendre l'epreuve de rinoculation plus comparative et d'aller au-devant do loute critique, on convint que cinq betes vac­cinees et deux sujets temoins seraient alternativement inocules avec le virus de M. Pasteur, et que les deux aulres beles vaccinees ainsi que le troisieme sujet temoin seraient inocules avec le sang virulent recueilli sur les cadavres des brebis. M. Remy inocula successivement les dix sujets donl il s'agit, et, pendant le cours de cette operation, il expliqua a I'assistance tout ce qui £e ratlacbe au procedc operaloire.
Pour completer les demonstrations de cette interessante seance, il ne reslait plus qn'ä faire voir les deux bovides temoins, inocules le jeudi, en meine temps que les moulons, el äl'aide du virus dent on s'etait servi pour ces derniers. L'asserablee constate que ces bovides sent deja tres visiblement malades; aux points inocules, on remarque des engorgements cedemateux douloureux, el l'un d'eux presente des symptömes generaux qui penneltent d'entrevoir sa inorl tres procbaine.
Apres ces demonstrations, M. Remy invite les personnes präsentes a suivre chaque jour l'etat sanitaire des animaux en experiences, afin de s'assurer d'une part que les sujets vaccines souffriront pen
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EXPERIENCES DE BELGIQUE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;241
des effels de rinoculation, tandis que ceux qui n'ont pas repu les bienfaits de cette pratique contracteront des engorgements volu-mineux, auront leur sante prolbiulement alleree, et que, peut-etre meme, plusieurs d'entre eux fmiront par succomber. II annonce ensuite que la Commission organisatrice se reunira le mardi 24 courant, h trois heures de relevee, pour revoir les sujets operes.
La plupart des assistants se sent ensuite rendus ä l'exploitation de M. Cabay, oü les sept betes bovines ont egalement subi les deux vaccinations; ensuite, ils ont visite la ferme de M. Deibaes, oü trois des vacbes ont egalement ete soumises ä la metbode preventive.
Le resultat de cette journee, dit le rapporteur, reste done favo­rable ä la belle decouverte de M. Pasteur, et tout autorise ii croire que Texperience tentee sur le troupeau de M. Dedye ne fera que la confirmer plus completement encore.
Cette interessante seance fut clöturee, ä l'bötel de ville, par un banquet organise par les soins du Bureau de la section agricole de Herve-Aubel-Fleron, et auquel prirent part toutes les personnes qui avaient assistö aux experiences. L'assemblee acciama une adresse de felicitations et de remerciements ä M. Pasteur : eile lui fut immediatement transmise par voie lelegraphique.
II restait ä connaitre les observations recueillies tant sur les sujets vaccines que sur les sujets temoins, depuis le jour des ino­culations virulentes.
Les bovides et les ovides vaccines ne presenterent rien d'anormal dans leur etat sanitaire. Tons conserverent leur gaiete et leur appetit. Deux d'entre eux seulement presenterent, au point d'ino-culalion, un leger engorgement qui resta sans influence sur l'etat general. Et meme, ce qui est digne de remarque, la secretion du lait des vacbes ne fut nullement influencee par l'operation.
Mais les choses se passerent tout autrement pour les sujets bovi­des temoins. Le sujet n0 1 suecomba soixante-seize heures apres l'inoculation. L'autopsie demontra les lesions viscerales träs accentuees et caracteristiques de la maladie cbarbonneuse, et on constata dans le sang la presence de nombreuses bacteridies. La genisse n0 2 ne temoigna qu'une indisposition de courle duree. Les sujets nos 3 et 4, inocules avec du virus Pasteur, ainsi que le numero 5, inocule avec du sang virulent fourni par les brebis,
CII. CHAMBERLAND.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 16
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-242nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
furent assez grievement et assez longtemps malades; toulefois, le 4 aoüt, ilsetaient reveuus a uu etat sanitaire rassurant. Mais, pour relrouver leur etat da sante primitif, il leur fallut encore un certain temps.
laquo; Quand on constate, dit le rapporteur, les terribles effets pro-tluits par I'infection bactiiridienne chez ces sujets temoins, alors qnk cote d'eux les animaux vaccines restent completement refrac-taires a un virus aussi actif, on est bien force de rendre liommage ä la grande decouverte de M. Pasteur. raquo;
La premiere partie du programme arrete par le Comile organi-sateur des experiences de vaccination charbonneuse de Herve ctait done executee. II y aura lieu, six mois apres, de renouveler ces essais, afin de s'assurer de la duree de Vimmunite conferee aux animaux vaccines (1).
(1) Cette experience a eu lieu le 9 Janvier 1883. — En voici la relalion d'aprcs le Journal de la Societe royule agiicole de l'Esl de la Behjique:
a Le 9 Janvier, a eu lieu, ä Herve, une experience de conlrolc dont les resultats viennent metlre eu pleine lumiere la valour preventive de la melliode de M. Pasteur. 11 s'agissait en effet de constater si rinnocuite conferee aux animaux avail une duree d'au moins six mois. Pour I'aire cette irnporUnte veri­fication, la Commission avail reserve deux genisses vaccinees les 24 juiu et 8 juillct 1882. Ces deux sujets avaient supporle sans aucune manifcslation appreciable, l'iiioculalion critere du 22 juillet, faite avec le sang virulent re-cueilli sur les cadavres des moutons morts du charbon. Inoculcs, cette fois, avec du virus mortel, cullive par M. Pasteur, ces animaux sont parfaitement restes refractaires; car, en dehors d'un Ires leger engorgement au point d'in-sertion du liquide virulent et qui s'est resolu au bout de buit jours, on n'a remarque aucun signe d'iudisposition; ce qui demontre, ä la derniere evidence, que ces sujets continuent, m6me apres six mois, ä jouir dc rimmunite centre les atteintes du cliarbon.
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CHAPITRE XXVI
EXPEniENGES DE SüISSE ET D'ANGLETERRE.
On voit que les essais onl pleinement reussi en Belgique.
Afin qu'on ne puisse pas m'accuser de partiality dans le choix de mes documents, je veux encore signaler quelques autres essais fails ä 1'elranger. Ils vont d'ailleurs nous permeltre d'indlquer quel-ques-unes des causes de non reussite complele de ces essais . comme nous avons deja eu Toccasion de le faire pour M. 1c profes-seur Bassi, de Turin.
Les experiences de M. le professeur Guillebeau, ä Berne, onl porte sur Irois moutons, un bojuf d'nn an et plusieurslapins. Apres avoir constate que le bceuf et les moutons avaient bien supporte la premiere et la seconde inoculation, I'auteur s'exprime ainsi (1) :
laquo; Le sang recueilli d'un lapin mort du cliarbon fut additionne avec G pour iOO d'eau salee. Le liquide ainsi prepare, dans lequel on pouvait voir des bacteridies charbonneuses, fut inocule a un mouton vaccine et a deux lapins semblables ä la dose de O'^Oö ä 0-r,i. — Les lapins moururent bientöt du charbon. Le mouton eut une forte fievre, qui persista quatro jours. Maislorsque nous injecla-mes k un mouton dejä inocule 0er,25 de sang encore fluide d'un lapin mort du charbon, le mouton, trente heures apres celte injection beaucoup trop forte, n'etait plus qu'un cadavre. Nous avions amene nos moutons d'experience au point qu'ils suppor-taient de petites doses de germes infectieux non attenues, tandis que des doses plus fortes les tuaient. raquo;
Apres une inoculation effectuee le 28 avriH882 avec du virus
(I) Schwehensclm Archiv für Tlüerli und Tillers, 1882, p. 129
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Pasteur non attenue, le bccuf ne montra aucun Symptome morbide; chez les moutons survint une fievre legere d'un jour. Le30mai, on fit aux animaux d'expßrienee, ainsi qu'ä un moulon de controls non encore inocule, quelques entaillesdans lapeau, etdanslesblessures on deposa de la pulpe de rate d'un lapin mort du charbon. Le mouton de contröle inourut du charbon ; trente-six heures apres, les mou­tons vaccines resterenl completement bien porlants, tandis que ceux-ci monlrerent trois jours durant une fievre assez forte apres-qu'on leur eut injecle, le 8 juin, 0^,25 de sang charbonneux fluide d'un lapin.
M. Guillebeau ajoute :
laquo; Ces moutons seraient encore maintenant vraisemblablement susceptiMes de mourirdu charbon si on leurinoculaitdel ä 2 deci­litres de sang charbonneux frais, tandis que dejä apres la seconde inoculation ils peuvent prendre sans accident les germes de la maladie ii la dose oü ils se trouvent naturellement dans la nourri-ture. raquo;
On voit que M. le professeur Guillebeau a porte la question sur un terrain ou eile n'avait pas encore etc placee. Apres avoir re-connu que les deux inoculations preventives suffisent pour preser­ver les animaux centre une petite quantite de virus virulent, ce qui est le fait annonce par M. Pasteur, M. Guillebeau montre que ces animaux peuvent succomber a I'inoculation d'nne grande quantile de virus. G'est lä un fait interessant, sans doute, mais qui ne doit en rien nous etonner. 11 est probable que si Ton inoculait la variola ä doses massives a des personnes vaccinees, un certain nombre d'entre elles, sinon toutes, contracleraient la maladie, et cependant personne ne songerait ä dire que la vaccination jenne-rienne ne preserve pas de la variole. Ce qu'il faut chercher a rea-liser, ce n'est pas de preserver les animaux contre des causes arti-ficieilesquelconques de contagion, mais bien de les preserver centre les causes de contagion naturelle. Les experiences de M. le profes­seur Guillebeau ne sont done qu'une confirmation de celles de M. Pasteur; cependant elles nous montrent comment, en ne suivant pas exactement les indications qui ont ete donnees, on pent arriver a des resultats en apparence negatifs. II est possible que les deux moutons morts dans la seconde experience de M. le professeur
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EXPEHIENCES DE SÜISSE ET D'ANGLETERRE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;245
Bassi aient succombe, eux aussi, ä rinoculation d'une trop graiule quantite de sang cliarbonneux.
Le docteur Klein, en Anglelerre, a tente egalement des expe­riences de vaccination charbonneuse. Elles n'ont pas eu desucces.
a Lesresullats de ces experiences, dit le docteur Klein (British medical Journal, 7 octobre 1882, p. 092), conduisent a dire : (a) les animaux inocules avec ce vaccin (1er et 2e) ne sont pas prcmunis centre le charbon, et (b) ces deux vaccinraquo; (Ier 012') sont capables de donner le charbon mortel.
raquo; Les fails suivants prouvent ces propositions :
raquo; Experiences avec le lot A. Sont inocules avec le premier vaccin deux moutons, deux cobayes et deux souris. Pas de changement chez aueun des animaux. Ces deux moutons et ces deux cobaves sont inocules avec le deuxieme vaccin ; im des moutons montrc une elevation de temperature et refuse la nourrilure deux jours apres la deuxieme inoculation; trois jours apres tout allait bien. Les deux cobayes etaient morts du charbon type apres quarante-huit heures. Les autres souris furent inoculees avec le sang des cobayes, toutes les quatre moururent du charbon type an bout de quarante-huit beures.
raquo; Les deux moutons qui avaient refii le premier et le deuxieme vaccin auraient dii etre rendus refractaires an charbon.
raquo; Or voilä cc qui arriva. Selon M. Pasteur, le bacillus anthracis du sang d'un animal mort du charbon, cullive a 42 ou 43 degres pendant douze jours, perd tonle virulence el est converti en vaccin. J'ai cultive le bacillus du sang d'un cochon d'Inde mort du charbon a une temperature de 42 ä 43 degres pendant vingt et un jours et avec cetle culture j'ai inocule les deux moutons ci-de.ssus. Le re-sultat a ete que les deux animaux sont morts du charbon type en quarante-huit heures.
raquo; Experiences avec le lot B. Sont inocules avec le premier vaccin, quatre cochons d'Inde el six souris. En quarante-huit heures trois des cochons d'Inde et trois des souris moururent du charbon type. La melhode employee pour I'inoculalion exclut absolument
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-216nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. - VACCINATION' CHARBONNEÜSE.
tout accident de contamination ct ce qui en decoule doit elre accepte comme exact. raquo; Le docteur Klein conclut :
laquo; Le charbon etant reiativeraent rare en Angleterre, rinocula-lion Ue ce qu'on appelie vaccin charbonneux me parait dangereuse et capable de produire d'incalculabies accidents. raquo;
Ainsi voilci un experimentateur tres habile, habitue aux recher-ches scientifiques, qui n'hesite pas, apres avoir fait un si petit nombre d'essais, k ibnnuler des conclusions severes en opposition avec le grand nombre des resultats oblenus dans quantite d'autres pays.
Voyons si le docteur Klein avait le droit de tirer ces conclusions. Je n'insislerai pas sur la deuxieme, savoir : les deux vaccins (1er et 2quot;) sont capables de donner le charbon model, attendu quo les mou-tons ont supporte ces deux vaccins et que ce sont les cobayes et les souris qui ont succombe. Je ne puis croire que le docteur Klein ait pense un seul instant pouvoir vacciner des cobayes et des souris avec les vaccins qui servent ä vacciner les moutons. La simple lecture des Notes publiees par M. Pasteur l'aurait prevenu que des vaccins qui font perir de petits animaux n'en font pas perir de gros et ces Notes ne renferment pas un mot reiativeraent a la vaccination des souris et des cobayes. Cetle deuxieme conclusion cst done sans valeur. Quant ä la premiere on est surpris de voir comment le docteur Klein a neglige de suivre les precautions les plus elementaires pour obtenir le resuitat annonce par M. Pasteur et qu'il chercbait sans doute a obtenir aussi. En effet, apres avoir inocule les deux vaccins aux deux moutons, que devait-il faire ?inoculer ces deux animaux avec du virus virulent provenant d'une culture arlificielle ou du sang frais d'un mouton mort spontanement du charbon. Or le docteur Klein fait une culture ä 42-43 degres, il laisse cette culture pendant vingt et un Jours ä l'etuve, puis I'inocule aux moutons qui meurent alors, d'apres lui, du charbon type. Quel pouvait bien etre le but du docteur Klein cu laissant celte culture pendant vingt et un jours ä 42-43 degres ? Evidemment de transformer cette culture en vaccin. Mais alors pourquoi l'inoculalion de ce nouveau vaccin aux moutons? ce n'etait pas pour s'assurer de leur immunite, puisque dejä ces moutons devaient amp;re vaccines. D'ailleurs, si la
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EXPERIENCES DE SUISSE ET Ü'ANGLETERRE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 2iT
culture ä -i243 degrcs avait ete falle dans de bonnes conditions^ nonseulemenlellen'aurait pas tue les moutons, mais eile aurait etö Incapable de tuer meme des cobayes. Le docteur Klein a done neglige d'appliquer ce prineipe tbiulamental dans les sciences-d'experimentation d'apres lequel, pour s'assurer de rexaetilude d'une experience annoncee par im auteur, il faut s'astreindre ä la repeter dans les memes conditions.
Maintenant pourquoi la culture ä 42-43 degres s'est-elle montree si virulente apres vingt et un jours ? II est possible que des orga-nisines etrangers provenant d'une impurete se soient developpes dans cette culture et aient amene la inort des moutons, mais com­ment concilier cette hypotbese avec ce fait que les animaux, d'apres le docteur Klein, out suecombe au cbarbon type ? Peut-etre les bacteridies vaccinales se sont-elles cleveloppees dans le corps des moutons ä la faveur de la maladie provoquee par les impuretes. Ce n'esl lä qu'une bypotbese. Pour discuter rigoureusement une teile-experience en contradiction avec laut de faits bleu observes il fau-drait en connaltre tons les details et le docteur Klein ne les a pas publies.
Quoi qu'il en seit, les conclusions du docteur Klein ne sauraient etre admises. Avant de tenter d'infirmer les resultats si nombreux obtenus soit en France, seit ä l'etranger, il faut que le docteur Klein se place dans les meines conditions que ceux qui les ont obtenus. Ensuite il pourra reebereber les causes d'erreur commises paries experimentateurs qui ont obtenu des resultats positifs, alors qu'il n'obtenait que des resultats negatifs.
De l'ensemble des resultats obtenus taut en France qu'ä l'etran­ger sur les vaccinations, il me paralt evident quetous les experimen­tateurs qui voudront s'assurer desormais de l'efficacite de la vacci­nation charbonneuse et qui ne reussiront pas dans leurs tentatives,, ne pourront incriminer la methode Pasteur; e'est dans leur mode operatoire qu'ils devront reebereber les motifs de leur echec. II se pent qu'un experimentateur, quel que soit sonmerite, se livrant ä un contröle nouveau, soit de la vaccination cbarbonneuse, soit de raltenuation de la bacteridie par la inetbode Pasteur, n'aboutisse ii aueune conclusion certaine; c'est ä lui, dans l'etat actuel de la science, de rechercher et de trouver la raison de son echec.
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248nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBOS. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Lorsqu'on veut, je le repete, contröler des experiences qui ont ete faites dans certaines conditions bien determinees, il est indis­pensable de suivre rigoureusement les indications precises qui ont servi de guide dans les premieres. Si Ton s'ecarte de cette voie, on se place dans des cas nouveaux, on tombe dans des recherches distinctes et originales qui peuvent avoir leur importance, mais qui ne sauraient etre opposees a celles que Ton se proposait de verifier.
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CIIAPITRE XXVII
MORTALITY RESULTANT DE LA VACCINATION SUR LES ESl'ECES OVINE, BOVINE ET EQUINE
Dans les rapports qui precedent, on a vu que, dans certaines experiences, quelques moutons ont succombe a la suite de l'inocu-latiou du premier ou du deuxieme vaccin. Quelquefois, comme dans la premiere experience faite en Allemagne, il a elebien constate que ces animaux avaient succombe au charbon; d'autres fois, comme dans les experiences de Nevers et de Kapuwar, i!s paraissent avoir succombe ä la septicemie.Neanmoins,au point de vue pratique, les cultivateurs, qui ne voient que la mortalite , sans s'occuper de la cause qui I'a produite, seraient peut-elre tentes d'attribuer tous les cas de mort au vaccin lui-meme, et hesiteraient ä faire pratiquer la vaccination surleurs animaux. Je comprends ces hesitations et, pour ne pas entrer dans des distinctions qui pourraient paraitre subtiles a quelques-uns de mes lecteurs, je prendrai en bloc les cas de mort survenus pendant la vaccination jusque dix jours apres la deuxieme inoculation, c'est-ii-dire jusqu'au moment oü la vaccina­tion est complete. Cependant, s'il est prouve que les moutons meurenld'unemaladie bien determinee, de cachexie, parexemple, il est evident qu'on ne pent pas incriminer le vaccin. Ce serait vraimentvouloirnuire a la pratiquedes vaccinations que d'attribuer tous les cas de mortalite possibles aux effets du vaccin.
Cast ainsi, par exemple, qu'en Autriche, un membre de la Cora-mission des experiences de Kapuwar a ecrit que la vaccination faisait perir 12 pour 100 des moutons. Voici comment il arrive a ce chiffre. Parmi les cinquanle moutons vaccines, il en est mort six a la suite de la deuxieme inoculation, ce qui fait bien 12 pour
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250nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBOMEUSE.
100; mais aussi, parmi les deux cent soixanle-sept vaccines en meine temps ilans le troupeau, tlix seulemenl ont succombe, ce qui fait pour ce troupeau une proportion de 3,7 pour 100. Comment ne pas elre frappe par cette difference? Elle ne pent etre expliquee que par un accident survenu pendant roperalion. Je suis meme porte ä croire que la mortalite n'a etc si considerable parmi les cinquaiile premiers que parce que ces moutons, coinmc le fait remarquer M. Thuillier, avaient etc cboisis parmi les plus mauvais, les plus faibles des vingt mille moutons du domaine. Dans tous les cas, dire que la mortalite a ete de 12 pour 100 sans expliquer la cause de la inort et sans faire remarquer que, dans le troupeau vaccine en meme temps, la mortalite a ete beancoup plus faible, me parait elre une affirmation trop absolue. Je dois ajouter que ce troupeau (ilait sous le coup du cbarbon spontane et que deux mou­tons avaient succombe entre la premiere et la deuxieme vaccination.
Or, ainsi qu'on a pu le voir dans Texpcrience d'Artenay, dans ce cas, lesanimaux continuent ä mourir jusqu'ä ce que la vaccination soit complete, c'est-ä-dire jusque dix ou douze jours apres la seconde inoculation. II est done probable que quelques animaux ont succombe au cbarbon sponlane.
Mais je ne veux pas insister sur ces critiques. Je veux faire sim-plement une stalistique porlant sur les animaux vaccines en France et ayant pour but de montrer que la mortalite moyenne resultant de la vaccination est ä pen pres insignifiante. Tous les chiffres que je vais citer nous ont ete communiques par MM. les veterinaires ou les cultivateurs eux-memes. Ils ne sauraient done etre contestes.
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A la suite de l'experience tie Pouilly-le-Fort, un grand nombre de cultivateurs n'ont pas hesite ä faire vacciner leurs animaux en toutou en parlie. Pendant I'cte del'annee 1881, M. Pasteur,voulant jugerplus sürement de I'elTet produit, conseilla de ne vacciner que la moitie environ de chaque troupeau, I'autre moitie devant servir detemoin. C'est cequi fut fait, sauf chez quelques cultivateurs, qui insisterent pour faire vacciner totalement leurs animaux.
Pendant les mois de juin, juiilet et aout, il fut ainsi vaccine, par
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M0RTAL1TE PAR LA VACCINATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 251
les soins des collaborateurs cle M. Pasteur et par quelques veteri-naires inities par eux, trente-deux niille cinq cent cinquanle mou-Ions, reparlis dans cent trente-huit troupeaux. Les temoins, conslannnent meles aux vaccines et soumis klentiquement aux meines conditions de regime, etaient au nombre de vingt-cinq mille cent soixante. Quelques troupeaux etaient dejii atteints de la maladie spontanee au moment de 1'inoculation. D'autres, non atteints, I'urent vaccines preventivement. Parmi ces derniers, on en trouve quarante-cinq formant un total de dix mille cinq cents moutons qui n'ont pas eprouvc im seul cas de mortality, soit pendant la vaccina­tion, soil dans les inois qui out suivi. Ce premier fait montre clai-rement le pen de danger do la vaccination.
Dans les autres troupeaux, la mortalite a continue, comme nous I'avons vu dans I'experience d'Artenay. On trouve qne :
Cent quatre-viogt-quatorze iiioulons vacclnessonl morts entre la premiere et la deuxieme inoculalion, soit un sur cent quatre-vingt-dix-sept.
Quatre-vingt-sept moutons vaccines sent morts depuis la deuxieme ino­culalion jusque dix jours apres, soit un sur trois cent soixante-quinze.
La perle totale sur les vaccines, depuis la premiere inoculation jusque dix jours apres la deuxieme, esl done de deux cent quatre-vingt-un, soit un sur cent seize.
Cent vingt moutons non vaccines sent morts enlro la premiere et la deuxieme inoculation, soit un sur deux cent luiit.
Cinquanle moutons non vaccines sont morts, depuis la deuxieme inoculation jusque dix jours apres, soit un sur cinq cents.
La perle totale sur les non vaccines, depuis la premiere inoculation jusque dix jours apres la deuxieme, est done de cent soixante-dix, soil un sur cent quarante-sept.
Ainsi, il est inort un mouton sur cent seize parmi les vaccines, et un sur cent quarante-sept parmi les non vaccines, ce qui Lfait une mortalite un peu plus forte sur les vaccines.
Si la mortalite sur les vaccines avail ete la meme qne stir les non vaccines, il serait mort deux cent vingt moutons. II en esl mort deux cent quatre-vingt-un. La vaccination a done amene la morl de soixanle et un moutons, soit un sur cinq cent trente-trois
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252nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARDONNEUSE.
environ. Ainsi un sur cinq cent trentc-trois, voilii la seule mor­tality qui puisse 6tre iinputee ä la vaccination pour les mouton.s.
Pendant le raeme temps, il laquo;n ete vaccine mille deux cent cin-quante-quatre bceufs ou vaches chez cinquante-cinq cultivateurs. Huit cent qualre-vingl-huit ont ete conserves comme temoins. II n'est pas mort un seal animal vaccine pendant la vaccination; il en est inort trois parmi les non vaccines.
Cent quarante-deux chevaux out ete vaccines chez vingt-trois cultivateurs, el quatre-vingt-un out ete conserves comme temoins. Un clieval vaccine est mort pendant la vaccination; il est mort de septicemie et non du charbon, ainsi que le veterinaire qui avail pratique l'operalion, M. Bouvard, de Pithiviers, s'en est assure. Pas de mort sur les temoins.
La pratique des vaccinations pendant I'annee 1881 etablit done netteraent le peu de danger que präsente Foperalion.
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Pendant I'annee 1882, il a etc vaccine trois cent quarante-huit mille huit cent soixante-dix moutons, quarante-scpt mille huit cent dix-sept bceufs ou vaches, et deux mille trois cent vingt-cinq che­vaux. Mais, pour celte annee, il n'est pas possible de faire, comme dans rannee precedente, la part qui pent etre attribute ä la vacci­nation dans le chiffre total de la mortalile et la part qui revient an charbon spontane. Tous les cultivateurs, en effet, ou presque tous, convaincus par les resultats obtenus I'annee precedente, firent vacciner completement leurs animaux. La seule chose quo nous puissions faire, e'est de donner la morlalitc apres la premiere vaccination et jusque dix jours apres la deuxicrae. Les rapporls de MM. les veterinaires ou cultivateurs, demandes au lcrjanvier 1883, ne nous sont pas encore tous parvenus. D'apres les rapports que nous avons en ce moment (20 Janvier), il resulte que sur cent cinquante-cinq mille cent cinquante-trois moutons vaccines, il en est mort quatre cent vingt ct un apres la premiere inoculation, soit un sur trois cent soixante-huit, et cinq cent vingt-six depuis la deuxieme jusque dix jours apres, soit un sur deux cent qualre-vingt-quatorze. La perte totale pendant la periode de la vaccination
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M0RTAL1TE PAR LA VACCINATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;253
est done de 421 526=947, soil un sur cent soixante-quatre environ.
Or la perle totale sur les vaccines dans I'annee precedente etait de un sur cent seize. II en resulte que la perte totale pour Tannee 1882 est inferieure a celle de 1881 et par suite, en faisant la part de la mortalite qui a du se produire par la maladie spon-tanec, la perte resultant du fail de la vaccination est inferieure a un sur cinq cent trente-trois. La difference en favour de 1882 doit elre imputes en grande parlie ä ce que dans les troupeaux vac­cines, il y en avail une plus forte proportion que dans I'annee 1881T qui n'etaient pas sous le coup du charbon spontane. La plupart des vaccinations ont, en effet, ete faites au printemps, au moment on le charbon spontane ne regne pas en general.
Sur quatorze mille sept cent soixante-neuf boeufs ou vaches vaccines, il en est mort douze apres la premiere inoculation, el quatre dans les dix jours qui ont suivi la deuxieme, ce qui fail un total de seize pendant la vaccination complete, soit un sur neuf cent vingl-trais.
Enfin, sur neuf cent soixante-deux chevaux, aucun n'est mort apres la premiere inoculation, six sont morts apres la seconde, ce qui fait une proportion de ün sur cent soixante. On voit que la mortalite sur les chevaux a ete relativemenl considerable. Nous avons meine ete si frappes de cette mortalite que, a un moment doune, nous avons suspendu tout envoi de vaccin pour ces animaux. Nous verrons plus loin a quoi il faul altribuer ces accidents ef comment nous avons pu y remedier.
Quoi qu'il en soit, si nous tenons comple des cas de charbon spontane qui ont pu et du se produire pendant la periode totale do la vaccination en 1882, nous voyons que, cette annee encore, les rcsultals sont Ires satisfaisants.
El cependant e'etait la premiere annee oü la pratique des vacci­nations se faisait sur une grande echelle. MM. les veterinaires etaient plus ou moins au courant du Manuel operatoire nous avons rencontre nous-memes dans la fabrication des vaccins des difficultes auxquelles nous n'etions pas prepares; eh bien, malgre ces conditions (lefavorables, nous voyons que le resultat obtenu est tres bon, meilleur meme que nous ne I'avions espere a
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254nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION GHARliONNEUSE.
la suite de quelques accidents qui nous avaient ete signales. II ne nous paratt pas douteux tnaintenant que dans peu de temps la vac­cination ciiarbonneuse devienne tout ä fait generale. Peirt-etre inenie deviendra-t-elle obligatoire.
Tons ies chifTres que je viens de citer s'appliquent ä la France seulement. A I'etranger, il a ele expedie trente-six mille huit cent trente doses de vaccin pour les moutons, et six mille cent soixante-neuf pour les boeufs, vaches on chevaux. Les pays qui viennent en premiere ligne pour ces expeditions sent rAutriche-Hongrie (vingt-deux mille trente-sept moutons et douze cents boeufs), I'ltalie (deux mille six cent dix-huit moutons et trois mille sept cent quatre-vingt-quatorze bccufs), I'Alietnagne (mille six cents moutons et quatre cents boeufs), etc. Presque tons les pays du monde out demande des vaccins, mais nous n'avons pas de renseignements detailles sur la mortalite produite par la vaccination. Beaucoup, d'ailleurs, de ces vaccins out servi a faire des essais. Mais cet empressement des difl'erentspeuples est d'un boa augure pour la diffusion generale de la pratique des vaccinations.
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CHAPITRE XXVIII
l'REÜVES DE L'EFFICACITE DE LA VACCINATION CHARBONNEÜSE CONTHE LA MALADIE SPONTANfiE
II ne suffisait pas d'etablir que la vaccination cliarbonneuse est a peu pres sans danger pour les animaux sur lesquels on la pra­tique, il fallait demontrer aussi que les animaux vaccines sont ensuite mis ä l'abri de la maladie spontanee.
Des experiences que nous avons faites ä Chartres en 1878, il resulte que les moutons succombent moins facilement ä l'ingestion des spores charbonneuses qu'ä Tinoculation directe de res spores dans le tissu cellulaire sous-cutane. La raison de ce fait doit etre attribuee, ä notre avis, ä ce que dans la maladie spontanee l'inoculation se fait par quelques spores seulemenl, tandis que dans rinoculation sous la peau on introduit toujours une quantite relativement grande de virus. II elait done ä prevoir que les animaux resisteraient mieux et plus facilement aux causes de contagion naturelle qu'aux effets des inoculations artificielles. Mais il fallait verifier ces vues preconpues en notant soigneuse-ment ce qui arriverait, dans la pratique, sur les animaux vaccines et sur les animaux non vaccines, ces animaux vivant ensemble et etant, par consequent, soumis aux meines causes de contagion.
Les resultats des vaccinations faites pendant l'annee 1881 sont, ä cet egard, tout ä fait demonstratifs.
Nous avons vu que trente-deux mille cinq cent cinquante mou­tons repartis dans cent trente-huit troupeaux avaient ete vaccines et vingt-cinq mille cent soixante conserves comme temoins. Les rapports sur les mortaliles nous ontete transmis au commencement du mois de novembre 1881.
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256nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
Depuis la fin des vaccinations jusqu'au commencement du mois de novembre, il est mart quarante-quatre moutons du charbon parmi les vaccines, ce qui fait une mortalite de im sur sept cent quarante.
Dans le meme temps il est mart trois cent vingt moutons parmi les non vaccines, ce qui fait une proportion de un sur soixante-dix-huit.
La mortalite a done ete environ dix lois plus faible sur les vac­cines que sur les non vaccines.
Ces chiffres, je le repete, resultent des rapports qui nous ont ete transmis par MM. les veterinaires ou les cultivateurs.
Si la mortalite avail etc la meme sur les vaccines que sur les non vaccines, il aurait du mourir parmi les premiers quatre cent treize moutons. II en est mort quarante-quatre. La vaccination en a done preserve trois cent soixante-neuf. Mais cette meme vaccina­tion a amene pendant qu'on la pratiquait une legere mortalite, qui est de soixante et un moutons d'apres les chiffres donnes prece-demment. La vaccination a done preserve reellement de la mort (rois cent huit moutons.
Ce chiffre n'est pas tres considerable, mais 11 faut tenir corapte de ce qu'il s'applique ä une periode de deux mois seulement apres la vaccination et aussi de ce que la mortalite par le charbon a etc faible pendant cette annee 1881. Dans beaucoup de troupeaux, en efTet, nous relevons une mortalite de un, deux ou trois parmi les non vaccines et de un ou deux parmi les vaccines. Autant dire que ces troupeaux n'ont pas ete frappes par le charbon et il n'y a rien a conclure relativement a ceux-lä. Pour mieux saisir I'effet produit par la vaccination il faut prendre les troupeaux sur lesquels la mortalite a sevi d'une fagon sensible. Voici un tableau (p. 257) de quinze troupeaux pris parmi les cent trente-huit et dans lesquels la maladie spontanee a fait le plus de ravages.
On voit que sur ces quinze troupeaux, presque tous frappes da charbon au moment de la vaccination, la mortalite s'est arretee completement sur les vaccines, landis qu'elle a continue sur les non vaccines. Quelle meilleure preuve donner de l'efficacite de la vaccination!
Les pertes sur les deux mille huit cent soixante-sept moutons
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EFFICAGITE DE LA VACCINATION.
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258nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — Vx\CClNATIOiN CIIAURONNEUSE.
non vaccines sont de cent quarante et un moutons ou un sur vingt
environ.
Les pertes sur les 3,663 vaccines sont nulles; elles auraient du etre de 180 moutons.
Du tableau precedent il ressort aussi un fait instructif. Pendant la vaccination la mortalile a cte de 60 moutons sur les non vac­cines et de 58 sur les vaccines. Toutes proporlions gardees, il aurait clii mourir 77 moutons parrai les vaccines. II en resulte que la premiere vaccination a dejä preserve un certain nombre de moutons—^ une vingtaine environ. En effet, lorsqu'on decompose les pertes totales en pertes apres la premiere inoculation et pertes apres la deuxieme, on trouve que, apres la deuxieme inoculation, il est mort 14 moutons vaccines et 23 non vaccines. Toutes pro­portions gardees, il aurait du mourir 30 moutons vaccines. La diffe­rence, soit 18 moutons, doit done etre attribuee aux effets produits par la premiere vaccination.
Vaclies et bceufs. — En 1881, il y a eu 1,254 vaches vaccinees et 888 ont servi de temoins. Depuis la vaccination jusqu'au com­mencement de noverabre, ilest mort par le cbarbon une vachevac-cinee et 10 vaches non vaccinees. Sans la vaccination il aurait du mourir 14 vaches vaccinees. La morlalite sur les vaches vaccinees est done 14 foisplus faible que sur les vaches non vaccinees.
Quant aux chevaux, aucune mortalife ne nous a ete signalee, ni sur les vaccines, ni sur les non vaccines.
Annee 1882.
Pendant Tannee 1882, ainsi que je l'ai dejä dit, les troupeaux ont etc vaccines presqne partout en totalite, de sorte qu'il est im­possible de donner exactement le chiffre des animaux preserves par la vaccination. On ne pent que comparer la mortalite qui a sevi pendant cette annee ä la mortalite moyenne pendant les annees precedentes.
Sur les 155,153 moutons vaccines dont les rapports sont entre nos mains en ce moment, il est mort du charbon spontane 759 mou­tons, soit 1 sur 204 ou 0,5 pour 100. La mortalite pendant la vac­cination a ete de 947 moutons, soit 1 sur 164 ou 0,61 pour 100. La perte totale est done de 1,11 pour 100.
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EFFlGÄCITfi DE f.A VACCINATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;quot;259
Or la moyemie des perles, dans lesanneesprecedentes, moyenne donnee dans les memes tableaux, esl de 10 pour 100 environ. La vaccination aurait done reduit la mortalite dans la proportion
de 10 ä 1,11.
Sur les 14.769 boeufs ou vaches vaccines, 21 ont succombe au
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cliarbon spontane, soit 1 sur 703 ou 0,14 pour 100. La mortalite pendant la vaccination a ete de 16 animaux, soit 1 sur 924 ou 0,10 pour 100. La perte totale est done de 0,24 pour 100.
Or la moyenne des pertes dans les annees precedenles etait dc 7 ou 8 pour 100. La vaccination a done ete tres efficace sur les bovides.
Sur les 91)2 chevaux vaccines il en est mort deux k la suite des vaccinations. 0 avaient succombe pendant la vaccination. La mor-nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;jK
talite totale a done öle de im sur cent vingt. Cette mortalite, dans les annees precedentes,_ etait en moyenne de 5 pour 100.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;
La comparaison que je viens de faire entre la mortalite qui anbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; lt;;
sevi sur les animaux vaccines pendant I'annee 1882 et pendant les annees precedentes pent donner lieu a une objection capitate, savoir : que la mortalite naturelle par le charbon a ete tresfaiblenbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;(,
cette annee. Les adversaires de la vaccination pourraient en pro­filer pour affirmer que les bienfaits de la vaccination sont nuls ou du moins peu importants.
Ueureusement, a notreinsu, I'experience que nous avions faite en 1881 a etc repetee cette annee par la Societe veterinaire d'Eure-
ct-Loir. Je ne saurais mieux faire que de reproduire textuellement le rapport qui a ete presente a cette Societe par M. E. Boutet dans la seance du 29 octobre 1882. Ce rapport leve tons les doutes:
Le resume des vaccinations pratiquees dans le departeraent d'Eure-el-Loir, depuis les experiences de Pouilly-le-Fort et de Lambert, esl Ires instructif.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;,;
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Le noinbrc des moutons vaccines deimis un an s'eleve a 79,392 ; sur ces troupeaux, la moyenne de la perle annuclle depuis dix ans elail de 7,237 soil 9,01 pour 100. Depuis la vaccination il n'esl morl du charbon que 518 animaux, soil 0,65 pour 100. 11 faul faire observer que cello annee, probablcment k cause de la grande humidile, la morlalile ne s'est elevec en Eure-et-Loir qu'ä 3 pour 100. Les pertes auraient done dft elie de 2,382 au lieu dc 518 apres les vaccinations.
Dans les troupeaux qui ont ete vaccines en partie, nous avons 2,308 vaccines el 1,059 non vaccines; la perle sur les premiers a ele de 8, soil
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260nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEÜSE.
0,4 pour 100; sur les seconds la morlalile s'est elevee ä 60, ou 3,0 pour 100. Nous ferons reraarquer que dans ces troupeaux, pris dans differents cantons du deparlement, les inoutons vaccines at non vaccines sont soumis aux meines conditions de sol, de logement, de noumture, de temperature, et que, par consequent, ils out.subi des influences totale-inent identiques.
Les veterinaires d'Eure-et-Loir out vaccine dans I'espece bovine i,562 animaux, sur lesquels on perdait annuellemenl 322 betes. Depuis la vaccination, il n'est mort que 11 vaches. La morlalite annuelle, qui elait de 7,03 pour 100, descend a 0,24 pour 100.
Des engorgements generalement pen graves utant survenus apres la vaccination du cheval, et la mortalite du charhon etant pen elevee, — 1,5 pour 100, — les veterinaires n'ont pas cru prudent de faire celte vaccination sur une grande echelle. II n'y eat que 521 cbevaux vaccines, dont 3 moururent entre les deux vaccinations.
Ce resullat nous parait irrefutable ; en presence de tels cbiflVes, 11 n'est plus permis de douter de Tefficacitc dc la vaccination charbon-ncuse.
La belle decouverte de M. Pasteur doit nous inspiror confiance. Si nos cultivateurs beaucerons veulent bien comprendre leurs inferels, les affections cbarbonneuses ne seront bientöt plus qu'uu souvenir, parce que le cbarbon, le sang de rate et la pustule maligne ne sont jamais spontanes, et qu'en empechant par la vaccination la morlalile de leur betail, ils detruisent toutes causes de propagation du cbarbon, el, par consequenl, feront disparaitre de la Beauce, en quelques annees, celte redoutable affection.
E. Houtet,
Rapporleur.
Co rapport montre que sur les animaux vaccines il est morll mou-lon sur 288 et sur les non vaccines temoins soumis aujc memes conditions 1 sur 27. La mortalite sur les vaccines a done ete dix fois phis faible environ que sur les non vaccines. C'est exactement le resullat que nous avions oblenu pendant I'annee 1881.
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CIIAPITRE XXIX
doREe pendant laqlki.lk les animaux conservent
L'lMMUNITfi A LA SUITE DE LA VACCINATION
Un point de la plus haule importance pour la pratique des vac­cinations etait de determiner la duree pendant laquelle les ani-maux conservaient rimmunite. Aussi un grand noinbre d'expe-riences lurent-elles entreprises dans ce but; quelques-unes sont encore en voie d'execulion. Je vais passer en revue les diffcreuts resultats connus aujourd'hui.
Je commencerai par relater une experience inedite, que nous avons faite ä la ferme de la Faisamierie, a Joinviile-le-Pont. Cette ferme, comme on le sait, depend de l'Etat, et le troupeau de mou-tons qu'on y eleve avail etc mis gracieusement ä la disposition de M. Pasteur par M. le Ministre de I'Agriculture. II etait indispen­sable de pouvoir operer sur un grand norabre de moutons afm de don nor aux resultats une signification plus decisive.
Nous nous proposions de determiner le temps pendant lequel les animaux resteraient vaccines dans les Irois cas suivants :
1deg; Apres avoir regu le premier vaccin seulement;
:20 Apres avoir regu le premier et le deuxieme vaccin, e'est-a-dire apres la vaccination complete ;
:Jquot; Apres avoir refu le premier et le deuxieme vaccin, ainsi que le virus virulent, c'est-ii-dire apres avoir ete vaccines an maxi­mum.
Ces trois scries d'animaux furent designees respectivement par les lettres A, B, C.
Les experiences commencorent le 2 join 1881, en presence de
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quot;262nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; GHARBON. — VACCINATION ClIAUliONNEIISE.
MM. Bouley, membre tie I'lnstitut, inspecteur general des Ecoles velörinaires, Goubaux, direcleur de l'Ecole d'Alfort, Nocard, professeur ä cette Ecole, et d'un grand nombre d'eleves de TEcole d'Alfort.
225raoutonsrefurenllepremier vaccin. Le öjuillel, 150 d'enlre cux furent inocules par le deuxieme vaccin; les 75 reslanls compo-salent la serie A. Le 20 juillet, 75 moutons pris parrai les 150 qui avaient refu les deux vaccins, furent inocules par le virus viru­lent : ceux-ci formerent la serie C, et les 75 restanls, la serie B.
Remarquons d'abord que les 75 moutons qui out regu le virus virulent, out parfaitement resisle a cette inoculation; aucun d'eux ne succomba, landis que 2 temoins moururenten inoins de quarante-liuit heures : ce fut la pour nous une demonstration, encore plus edatante que celie de Pouilly, de refficacitc de la vaccination charbonneuse.
Le 17 novembre, c'est-ä-tlire cinq mois apres la premiere vacci­nation, 0 moutons de chacune des series furent inocules par le virus virulent. Pour ne pas me repeler dans les essais suivants, je (iirai tout d'abord, et une fois pour toutes, que la virulence du liquide inocule fut eprouvee chaque fois sur des temoins et les (il succomber rapidement.
Void les resullats obtenus :
Serie A : i morts le 17; les aulres animaux scut malades, mais sc
guerissent ensuite. Serie 15 : Pas de morls; quelques moutons ont des elevations sensibles
de temperature. Siirie C : Pas de morts; les animaux n'onl pas paru elrc malades.
On procdla ä un nouvel essai le 1(1 janvicr 1882, e'est-a-diro sept mois apres la premiere vaccination. On inocula, par le virus virulent, 12 moutons de la serie A, 12 de la serie B, (i de la serie C.
Resultat :
Serie A : Un mort le 22 Janvier;' les autres sonl gravemenl malades,
mais its se relablissenl. Serie li : Un mort le 19; beaucoup, parmi les autres, out des lempu-
ratures elevees. Serie C : Pas de morls ; les animaux ne sonl pas scnsiblement malades.
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UÜREE DE L'IMMUiSlTK.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;263
Un troisieme essai eut lieu le 18 mars, neuf mois apres la premiere vaccination. On inocula par le virus virulent 12 moutons de la serie A, 12 de la serie B, G de la serie C. Resultats :
Serie A : 1 mort; tous les autres sont gravemenl malades.
Serie B : 1 mort; les autres sont malades mais moins que ceux. de la
sei'ie A. Serie C : Aueun mort; quelques elevations do temperature.
Cette experience, qui malheureusement fut interrompue it ce moment, nous fournit tie precieux renseignemenls. Nous voyons d'abord que le premier vaccin, ä lui seul, a preserve beaucoup d'animaux, meine neuf mois apres, de l'inoculation virulente. Elle inontre aussi quelle reserve il faul apporter ä retablissement des statistiques lorsqu'on opere sur un petit nombre de sujels. Ainsi, cinq mois apres l'inoculalion du premier vaccin, 2 animaux suc-combaient sur G inocules. A ce moment on aurait ete lente de dire que le tiers des animaux avait perdu rimmunile, etait, en un mot, damp;raccine. Mais les essais fails apres sept et neuf mois prouvent que, sur 12 animaux, 11 etaient encore vaccines et un seul devaccine. La proportion, qui aurait du etre plus faible, puisque le temps ecoule depuis la vaccination etait plus long, est, au contraire, devenue moindre et s'est reduite a 1 sur 12, soil environ 8,33 pour 100.— 92 pour 100 des animaux etaient encore vaccines.
On voit en outre que les animaux de la premiere serie (A) sont moins bien vaccines que ceux de la deuxieme (B), qui, eux, out regu la vaccination complete. La difference est surtout sensible lorsqu'on compare les elevations conslatees dans les temperatures de l'une et l'autre serie.
Dans les animaux de la deuxieme serie, la vaccination s'est mon-tree complete apres cinq mois; et, apres sept et neuf mois, eile etait encore eflicace dans la proportion de 11 sur 12, soil environ 92 pour 100.
Quant aux animaux de la troisieme serie (C), qui avaient ete vaccines au maximum (virus virulent compris), non seulement il n'y eut aueun cas de mort apres cinq, sept et neuf mois, mais presque tous supporterent l'inoculation sans en ressentir un
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264nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHAliBONNELSE.
effet appreciable; cliez quelques-uns seulement se manifesta une elevation de la temperature.
11 aurait ete, sans conlredit, important de poursuivre les essais; niais ä ce moment plusienrs Societes savuntes, entre autres la Societe d'agriculture de Melun, la Societe centrale de medecine veterinaire, etc., se livraient ä des experiences publiques de meine nature. Nous jugeamesalors superflu d'exposer ä la mort une parlie du süperbe troupeau de la ferme de la Faisanderie; et cette crainte nous determina ä abandonner nos etudes. Mais, malgre ces pertes possibles on doitregretterTabandon de cette experience, car eile pouvait nous donner des resultats touchant les effets pro-duits par Tinoculatiori du premier vaccin seulement, resultats que nous ne trouverons plus dans les experiences faites par la Societe d'agriculture de Melun, le Cornice agricole de Chartres el la Societe centrale de medecine veterinaire, dont il me reste ä analyser les rapports.
PREMIERE EXPfiRIENCE FAITE PAR LA SOCIETE D'AGRICULTURE DE MELUN
Rapporteur : M. ROSSIGNOL.
Le ;26 Janvier 1882, la Societe d'agriculture dc Melun donnait une belle fete en rhonneur de 51. Pasteur, qui avail oblenu un si eclatant succes dans les experiences publiques de vaccination char-bonneuse effectuees ä Pouiily-le-Fort, aux mois demai et juin 1881. On voulut consacrerce grand evenement par une medaille frappee a i'cffigie du maitre, ä qui eile fut Offerte en seance solennelle.
Cette fete de la science et de l'agriculture comportait dans son programme une serie d'cxperiences d'inoculation destinees ä don­ner une premiere mesure de la duree de rimmuuite conferee par la nouvelle vaccination.
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DUREE DE L'IMMUNITE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; -265
Acet effet, quatrelots de moutons avaientete mis ä la disposition de M. Pasteur, par les soins de la Sociele d'agrlculture.
Le premier lot comprenait sept animaux, dont six avaient etc vaccines ä Pouilly-le-Fort, le 5 et le 17 mai 1881, et soumis le 31 mai ä l'epreuve de l'inoculation tres virulente. Le septieme etait un agneau äge de six mois, ne d'une mere vaccinee ä Pouilly-le-Fort.
Le deuxieme lot etait compose de six moutons vaccines, les 7 et 21 juillet 1881, chez M. Courcier, de Genouilly, maire de Crisenay. Deux de ces moutons etaient ägcs de sept jours ä l'epoque de leur premiere vaccination.
Le troisieme lot venait de chez M. Numa Froc, de la Ronce, mairc de Moisenay. II comptait egalemeut six animaux vaccines, comme ceuxdulot precedent, les 7 et 21 juillet 1881.
Le quatrieme lot etait compose de qualre moutons, vierges de tonte vaccination et destines a servir de temoins. D'apres les previ­sions de M. Pasteur, ces derniers animaux etaient condamnes a perir.
On avait distingue les animaux, selon les lots auxquels ils appar-tenaient, par des colliers de couleurs differentes. Les colliers du premier lot etaient rouges; ceux du second, blancs; ceux du troi­sieme, jaunes: enfin ceux du quatrieme, noirs.
Voici par quelles phases diverses ont passe les sujets d'expe-rience :
Le jeudi 26 Janvier, les vingt-trois animaux qui formaient le total des qualre lots, ont reju, a la face interne de la cuisse droite, une injection de virus tres virulent; ensuite, ils ont etc transportes k Pouilly-le-Fort, au Clos-Pasteur.
Des le lendemain, 27 Janvier, deux moutons appartenant a la calegorie des non vaccines (colliers noirs), etaient malades.
Le samedi 28 Janvier, les moutons reconnus malades la veille u'ont pas encore succombe, mais leur etat s'est considerablement aggrave; les deux aulres temoins (colliers noirs) sont egalemenl malades; ils refusent toute nourriture. Un cinquieme mouton, appartenant au lot des colliers rouges (e'est I'agneau ne d'une mere vaccinee et inoculee), est egalemenl tres malade. Tons les autres sujets vont aussi bien que possible; rien dans leur habitude exle-
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266nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHAUBON. — VACCINATION CJHARBONNEUSE.
rieure ne pourrait faire supposer qu'ils onl ete soumis ä la terrible
epreuve tie rinoculalion ciiarbonneuse la plus vioienle.
Le ditnanche 29 Janvier on Irouve, dans la matinee, deux mou-tons morts; ce sont les temoins signales comme malades depuis le 27 Janvier. A neuf heures du matin, le meine jour, I'agneau non vaccine, mais ne d'une mere vaccinee et inoculee, meurt a. son tour. L'autopsie en a ete faite a trois heures du soir par M. Rossi-gnol, en presence de MM. Rousseau, veterinaire en premier ä l'Ecole d'application de Fontainebleau; Ingrand, veterinaire au 15deg; chasseurs; Drouilly at Lenoir, veteriuaires au i0' cliasseurs. Les lesions iiitestinales elaient pen accentuees, la rate soule avait un plus grand developpement qu'ä l'etat normal; mais, du cöle de la cuisse inoculee, on remarquait un vasle cedeine, rinliltration du tissu cellulaire se prolongeail jusque dans les interstices muscu-laires les plus prot'onds, et sa couleur etait d'un beau jaune citron, les muscles du plat de Ja cuisse etaient ramollis et decolores; fä et lä se trouvaient quelques ecchymnses.
Les deux temoins encore malades accusaicnt, ce jour-lä, une temperature de 42 degres et 42deg;,5.
Sur trois autres inoutons pris au hasard, un dans chaque lot des vaccines, le thermometre accusait egalement une elevation de tem­perature qui ne depassail pas loutefois 40 degres.
Le lundi 30 Janvier, le temoin (collier noir) dont Ja temperature etait montee la veille a 42deg;.5, est trouve mort. Le quatrieme et der­nier temoin est toujours tres malade, sa temperature est, coinme Ja veiJIe, a 42 degres, rien ne fait prevoir qu'iJ succombera dans Ja journee. Tous les autres sujets continuent a jouir d'une exceUente sanle et surtout d'un bon appetit.
Le mardi 31 Janvier, ie dernier survivant des temoins finil par succomber dans Ja matinee. La situation sanitaire est toujours tres bonne parmi Jes moulons vaccines; on pent assurer qu'iJs trioin-pheront de l'inoculation ciiarbonneuse.
Le mercredi Ier fevrier, quelques temperatures prises au hasard parmi les moutons qui out resiste ä l'intoxication bacteridienne, indiquent que tout est rentredans I'ordre; enelfet, le thermometre n'accuse plus que 380,5, '3Squot;,3, 38quot;,8 et 39 degres.
Cette magnifique experience est done, pour M. Pasteur, un nou-
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DUMßE DE I/lMMLiMTE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;267
vean Iriomphe encore plus eclalant que les autres. Elle üonne la preuve que riminunite dure au moins sept inois, et tout fait presu-iner que la vaccination fera senlir sa bienfaisante influence pen­dant au moins loute une annee.
La mort de Fasaeau, ne d'une mere vaccinee et inoculce, setn-blerait prouver que la mere ne transmet pas ä son produit l'immu-nite dont eile est pourvue, mais une seule experience ne peu( autoriser une conclusion definitive; il est bon d'altendre le resul-tat d'aulres experiences ulterieures pour se prononcer formelle-menl.
laquo; Cette dale du 20 Janvier, dit M. Rossignol, marquera dans les fastes de la Sociele d'agriculture de Melun. Tons les esprits sonl convaincus; la victoire est eclatante. 11 nous reste ä souhaiter que bientöt rilluslre savant, cette gloire de la patrie franpaise, vienne nous dire : Je puis triompher aussi bien de la rage et de la peri-pneuinonie que du sang de rate. Nous croirons tous aveuglemcnl en la parole dn maitre des maitres. raquo;
Ces experiences eurent lieu en presence d'une assistance nom-breuse; ce jour-lä, en effet, etait dcsigne pour une reunion gene-rale de la Societe d'agriculture de Melun; aussi la plupart de ses inembres avaient-ils tenu ä honneur de prouver par leur presence ä M. Pasteur quel prix ils attachaient ä ses travaux.
La plupart des societes qui ont coopere aux frais des experiences de l'ouilly-le-Fort y avaient envoye des delcgues. M. II. Bouley, de l'Institut, inspecteur general des ecoles veterinaires de France, representait le ministere de l'Agriculture; M. le professeurNocard, l'Ecolc d'AIlort; M. Barral, la Societe nationale d'agriculture de France; M. le marquis de Dampierre, la Societe des agriculteursnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ,||
de France; M. de Haut, le Comice agricole des arrondissements de Melun, Provins et Fontainebleau; M. de Moustier, la Sociele d'agri­culture de Meaux; M. ßiot, de Pont-sur-Yonne, le Comice agricole de l'arrondissement de Sens; M. Graut, de Brienon, la Societe veterinaire de rYonne; M. E. Thierry, de Tonnerre, la Societe me-dicale de rYonne; MM. Cagnat, de Saint-Denis, et Rossignol, la Societe de meilecine veterinaire pratique; mais, outre ces delc­gues, on remarquait la-plupart des medecins de Melun et des vete­rinaires des garnisons de Melun et Fontainebleau ; MM. les doc-
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268nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBOiN. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
leurs Gillet, Bancel, Masbrenier, Roy, Hans; MAI. les veterinaires militaires Drouilly, Lenord, Rousseau, Ingrand et Jaubard.
DEÜXIEME EXl'fir.IEXCE FAITE PAR LA SOOlfiTfi D'AGRICÜLTÜRE DK MELÜN
Rapporteur ; II. Rossignol.
Ces experiences ont ele commeneees le lojuin 1882; un nombre considerable de personnes s'etaient rendues au Clos-Pasteur, oü un pare avail ete installe pour loger les sujets.
On installe dans ce pare :
1deg; Cinq moutons qui avaient deja servi aux experiences de Pouiliy-le-Fort; les moutons avaient ete, par consequent, vaccines et inocules en 1881 ; ce lot se composait d'un belier n0 1, d'un belier n0 -2, d'une brebis southdown, d'un inouton berrichon el d'uiie brebis berrichonne;
2deg; Ci)iq moutons provenant de chez M. Froc, de la Ronce, et portant coinme marque distinctive un collier blanc, avee les numeros I, 2, 3, i et 5. Ces moutons avaient ete vaccines en juil-Ietl881;
Squot; Cinq moutons pris chez M. Courcier, de Genouilly, vaccines les meines jours que ceux de II. Froc et portant, comme marque distinctive, un collier rouge, avec les numeros 1, 2, 3, 4 et 5;
i0 Quatre moutons non vaccines, achetes chez M. Bourdin, de Courceaux, et destines ä servir de temoins. Leur marque distinctive etait un collier noir, avec les numeros 1, 2, 3 et 4.
A deux henres, M. Roux injecte ä la lace interne de la cuisse gauche des dix-neuf moutons en question, le virus tres virulent.
Le lendemain, 16 juin, a deux heures du soir, e'est-a-dire vingt-quatrc heures apres l'inocalation virulente, les quatre temoins pa-raissent serieusement malades; les temperatures prises sur chacun d'eux sont:
Nquot; I, 390,8; ndeg; 2, 40 degres; ndeg; 3, 40o,2; n0 4, 40o,5.
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DUREE DE L'IMMÜNITE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;269
Du moulon, pris au hasard dans les trois autres lots vaccines, donne les (emperatures suivantes :
Belier n01, du premier lot, 40 degres.
Collier blanc n0 2, 390,7.
Collier rouge n0 3, 30 degres.
A sept heures et demie du soir, uu inoutou du lot des colliers noirs meurt, c'est le nquot; i. A huit heures et demie, un second succombe, c'est le n0 2. Les deu,x autres sont tres malades. Le 17, un troisieme est trouve raort ä quatre heures du matin, il portait le numero 3; enfin, le nquot; 1, c'est-ä-dire le dernier, perit ä quatre heures du soir.
Si l'on se reporte ä Texperience faite dans le meme but, le 25 Janvier dernier, on est de suite frappe de l'activite plus grande du virus employe dans les derniercs experiences, ces derniers leinoins ont etc en quelque sorte foudroyes. En effet, on voit celte annee, en juin, les deux premiers lemoins mourir en vingt-neuf et trente heures, tandis qu'en Janvier le virus n'a fait senlir ses effets meurtriers qu'au bout de trois jours; cette rapidile dans les resul-tats tient, ä n'cn pas douter, dit M. Rossignol, ä Televalion de la temperature.
L'homme prepose ä la surveillance des animaux signale, vers les cinq heures du soir, la grosse brebis berrichonne du lot des vacci­nes el inocules de Pouilly, comme tres malade; la temperature s'eleve ä 41 degres; aussi considere-t-on cette bete comme perdue; en eilet, eile meurt ä six heures et demie du soir. Un des beliers du meme lot, le n0 1, parait assez malade.
Le lendemain et les jours suivants, MM. Rossignol et Garrouste prennent la temperature de toutes les betes, et redigeut, jour par jour, le bulletin sanitairc des sujets d'experience. Ce bulletin etablit que plusieurs moutons vaccines ont paru malades, mais ancun n'a succombe. En somme, un seu.l mouton vaccine est mort; il faisait partie du lot de Pouilly.
Ce resultat, ajoute M. Rossignol, est vraiment merveilleux. Le 26 Janvier, tons les moutons vaccines qui avaient ete soumis ä l'epreuve de l'inoculation virulente en avaient triomphe; le 15 juin, un an apres la vaccination, celte operation les garanlit encore dans Tenorme proportion de 80 pour 100. Les plus difficiies peuvent
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-270nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
done so tenir pour satisfaits, car, dans la pratique, les animaux seront proteges, on pent le dire sans exagerer, dans la proportion de 100 pour 100; en eilet, dans les conditions ordinaires, les choses sont loin de se passer comme a Pouilly-le-Fort.
Jamals un troupeau tout etilier n'est expose ä une contagion direcle. Prenons comme exemple un troupeau composö de cinq cents betes; avant de le faire vacciner, son proprietaire perdait, je suppose, cinqiiante sujels par an, soit 10 pour 100, qui se conta-gionnaient spontanement; e'est a ces cinquante moulons surtout que profitera la vaccination; ce sont eux seuls qui, ayant ete sou-mis äune contagion directe, seront proteges dans I'enorme propor-lion de 80 pour 100; aussi est-on en droit de dire que meine apres une annee la vaccination exerce encore toute son influence.
Nos cultivateurs, surtout ceux dont le betail est aux prises avec le sang de rate d'une fagon permanente, n'ont done qu'ä prendre desormais la precaution de faire vacciner leurs troupeaux tons les ans; et il est presumable que l'emploi de cette mesure prophylac-lique, pendant cinq ou six annees consecutives, amenera cbez eux la disparilion complete du charbon.
Tout en m'associant aux conclusions du rapport de M. Rossignol, je dois faire remarquer que ce rapport est inexact sur un point. En eilet, quinze moutons vaccines avaient etc soumis ä l'action du virus virulent. Ils se decoraposaient ainsi: cinq provenant des experiences de Pouilly-le-Fort et qui avaient subi les deux vaccins et le virus virulent; cinq provenant de cbez M. Free, et cinq de cbez M. Courcier. Ces dix derniers n'avaient subi que Faction de la vaccination. Or, par une de ces anomalies bizarres que Ton ne saurait expliquer, un seul mouton est morl et ce moulon provient du premier lot, e'est-a-dire de celui oü les animaux avaient re^u les deux vaccins, puis le virus virulent, et qui auraient dii etrc mieux vaccines que les dix derniers. M. Rossignol aurait dii terminer son rapport en disant : Dix moutons qui avaient etc vaccines depuis pres de oaze inois out supporte, sans perir, l'inoculation virulente.
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ÜUREE DE L'JMML'NITE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;271
Cinq moutons vaccines au maximum depuis plus d'un an sonl encore vaccines dans l'enorme proportion de 80 pour 100.
D'apres le rapport de M. Rossignoi, le chiffre de 80 pour 100 paralt s'appliquer aux trois lots de moulons, tandis qu'en realite ii ne s'appiique qu'au premier.
EXPERIENCES FAITES PAR LE COMICE AGRICOLE DE L'ARUONDISSEMENT DE CUARTRES
Une premiere experience cut lieu le 16 mai 1882, snr douze inontons pris dans un Iroupeau vaccine les 2 et lü aoüt 1881. Ces animanx etaient done vaccines depuis neuf mois. On inocula ä cha-cun d'eux une demi-seringue de Pravaz de sang ou de serosite provenant d'un mouton mort spoulanement du sang de rate depuis trois heures. Sur ces douze moutons,
1nbsp; nbsp; mourut 48 heures apresnbsp; Tinoculation,
1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; — 49 — —
1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;— 53 — —
Inbsp; nbsp; nbsp; nbsp;_ 60 — —
1nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; — 120 — —
soit, au total, cinq morts sur douze.
Cetle mortality est evidemment considerable. Mais on avait ino-cule une demi-seringue de sang charboimeux, c'est-ä-dire des mil­liards de bacteridies. Ce n'etait pas la assurement se placer dans les conditions normales, et lorsque M. Pasteur connut ce detail, il s'empressa de repondre a M. Boulet qua non seulement cette mor-talite ne I'etonnait pas, mais qu'il elait surpris de voir que sept moutons sur douze avaient pu supporter, apres neuf mois de vacci­nation, une teile dose de sang virulent.
Voici le resultat de nouvelles experiences faites dans de ineil-leures conditions, au mois de seplembre 1882, d'apres un rapport de M. ßoutet (extrait de VUnion agricole d'Eure-et-Loir, nquot; du 14 seplembre 1882).
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27:2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
Les nouvelies experiences du Cornice agricole de I'arrondisse-ment de Chartres, relatives ä la duree de rimmunite acquise aux animaux par la vaccination pastorienne, ont ete reprises le samedi 9 septembre 1882, ä une heure de l'apres-midi.
Elles out ete effecluees ä Luce, pres Chartres, dans une ferrae momentaaement privee de betail, appartenant a M. Rabiuel, qui l'avait gracieusemenl mise ä la disposition de la Commission.
Les anciennes experiences entreprises, le 10 mai dernier, ä la ferine de Iloudouenne, commune tie Ver-les-Chartres, chez M. Clial-let, avaient consiste dans I'injection sous-cutanee, en dedans de la cuisse, de la moitie d'une seringue Pravaz ordinaire, c'est-ä-dire d'un demi-centimetre cube de sang charbonneux par chaque bete.
C'etait une inoculation a doses massives. L'inoculation,celte fois, s'est bornee a I'introduction sous la peau, et a la face interne de la cuisse, de deux gouttes seulement de sang charbonneux recueilli sur un mouton mort dans la nuit, chez M. Thirouin, cultivateur ä Chennevelle, canton d'Auneau, et eile a porle :
1deg; Sur douze inoutons vaccines depuis treize mois, marques a la croupe d'un numero 1;
2deg; Sur douze moutons vaccines depuis huit mois et demi, mar­ques a la croupe d'un numero 2 ;
3deg; Sur douze moutons vaccines depuis quatre mois et derai, mar­ques a la croupe d'un numero 3;
4-0 Sur dix moutons vaccines depuis Irois mois, marques a la croupe d'un numero 4;
5deg; Enfin, sur huit moutons temoins absolument vierges de toute vaccination preventive;
Soit done sur uu total de cinquante-quatre betes.
Le dimanche matin, 10, tons les animaux sent malades, sans appetit, et, a sept heures du soir, six temoins et un mouton n0 3 sont morts.
Le lundi H, a neuf heures et demie, les deux derniers temoins ont succombe et, avec eux, trois moutons n0 i et deux moutons n03.
Lc mardi 12, e'est le tour d'un mouton nquot; 4.
Enfin, le mercredi 13, a neuf heures et demie, un mouton nquot; 1, deux moutons n0 2 et un mouton n0 4 viennent encore
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IJUREE DE L'IMMUNITfi.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; quot;273
augmenter le noinbre des victimes, qui s'eleve, le mercredi, ä sept lieures du soir, au chiffre total de dix-neuf betes.
Les quinze premiers moutons morts out ete ouverls successive-ment le niardi 12, ä dix heures du matin, ct les quatre autres, le mercredi 13, ä la meine heure.
Ils out tous, de l'avis unanime de la Commission, succombe au charbon.
Eu resume :
Sur 12 moutons vaccines depuisnbsp; 13 mois il en est moi't I soil 33 0/0
—nbsp; 12 — — —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;8 - 1/2 — 2—17 0/0
—nbsp; nbsp;12 — — —nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;.1 — iß — 3—25 0/0 __ 10 — — _nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;3 _ ._ 2—20 0/0
—nbsp; nbsp; 8 — non vaccinesnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; — 8 — 100 0/0
Ces resultats, pris dans leur ensemble, nous permettent de con-clure ([tie, meine apres huit et treize mois, les moutons sont encore vaccines en Ires grande majorite. Mais un fait nous frappe, c'est que la progression des animaux devacc'mes ne va pas regulierement en decroissant avec le temps. Ainsi les moutons vaccines depuis trois mois et quatre mois et demi out eprouve une mortalite plus (orte que ceux vaccines depuis huit mois et demi. Cette difference doit tenir a ce qu'on etablit la proportion sur un nombre de moutons trop petit pour avoir des resultats comparables. Qu'un mouton suc­combe en plus ou en moins dans un lot, et immediatement le taut pour 100 se trouve considerablement change. II a du se passer la quelque chose d'analogue ä ce que nous avons observe dans notre experience de la forme de la Faisarulerie, sur les moutons qui n'a-vaient regu qu'un seal vaccin et oü, apres cinq mois, il etait mort deux moutons sur six, tandis que, apres sept et neuf mois, il n'en etait mort que un sur douze. II est possible egalement que, suivant les conditions dans lesquelles se trouve place un troupeau,enparti-ticulier suivant la nourriture a laquelle il est soumis, ce troupeau perde plus rapidement riimnunite qu'un autre troupeau soumis a un regime different.
Enfin, la mortalite generate, plus grande qu'ii Pouilly-Ie-Fort,
CH. CHAMBERLAN'D.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;18
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peut elre attribute aussi ä ce que le sang charbonneux frais se
montre souvent plus virulent que les cultures artificielles.
Passons maintenant aux experiences faites par la Societe centralo tie medecine veterinaire.
PREMIERE EXPERIENCE FAITE PAR LA SOCIfiTfi CENTRALS DE MfiDECINE VETßRINAIRE
Rapporteur : H. Ledlaxc.
Dans la seance de la Sociite cenlrale de medecine veterinaire du22 decembre 1881, M. Leblanc, rapporteur de la Commission du charbon, composee de JIM. Bouley, Cagny, Leblanc, Pasteur et Trasbot, a lu son rapport, dont void uu extrait:
Le 25juin, sur la demande du ferraier, M. Gatte, de Rozieres, MM. Cluunberland et Roux, collaborateurs de M. Pasteur, se ren-dirent ä Rozieres avee deux membres de la Commission, MM. Cagny et Leblanc. Etaient presents : MM. Roboiiam, Congis, Abert, Me-tbion, medecins veterinaires; M. Martin, president de la Societe d'agriculture de Senlis, et plusieurs cultivateurs voisins. Le trou-peau de M. Gatte fut partage en deux parties; deux cent cinquante moutons et deux beliers furent inocules avec le virus du premier degre; un nombre egal d'animaux resta non inoculc ; et, pour cviter toute erreur, les premiers furent marques an milieu dc I'oreille avec un empörte-piece. Sur douze vacbes formant la popu­lation bovine, six furent inoculees, ainsi que le taureau; on prit les signalements dechacun d'eux.
Le 2G juin, ä midi, un antenais vaccine mourut; le 27, un agneau Wane de huit mois succomba egalement a neuf beures du malin. M. Roboiiam, qui a vu les animaux tons les jours, affirme qu'ils out presente les symptömes et les lesions de la fievre char-bonneuse ; une des vaches parul malade, mais eile se remit rapi-dement; jusqu'au 8 juillet, il n'y eut aucune perle.
Cc jour avait ete fixe pour la deuxieme vaccination ; eile eut lieu on presence et par las soins des deux membres de votre Commis-
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DUUEE DE L'IMMUNITE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;275
sion,ainsi qiie cle MM. Ghamberland et Roux ; il n'y eut aucune mort ä la suite de cette operation. Le troupeau fut remis dans les champs - reputes noil dangereux; et pendant la periode du 11 juillet au 15 aouf, un seul agneau non vaccine fut atteint du charljon.
Le 15 aout 1880, sur notre demande et, bien entendu, ä nosnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; i
risques et perils, le troupeau de M. Gatte fut conduit sur le champ
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repute le plus dangereux. On ne pouvait faire sejourner le trou­peau sur ce champ sans que le chavbon apparüt au bout de quel-qult;-s jours; nous allions en avoir bientöt un exemple frappant. Des le 23, un agneau non vaccine meurt; du 23 au 27 aoüt, trois autres succombeut; le28, un cinquieme perit; puis, le 29, une brebis a le meme sort. Aucun des six animaux n'avait ete vaccine. Avee le sang du premier mort, le fermier inocule un agneau vaccine, qui reste indemne. Pour les besoins de la culture, on dut faire enlever le troupeau du champ le 29 aoüt: il n'elait done reste que quatorze jours; et, sur deux cent cinquante animaux non vaccines, six avaient succombe; deux autres agneaux moururent le 30 et le 31. Puis, avec remigration sur d'autres parties de la ferme, loujours jugees pen dangereuses, toute mortalite cessa.
Depuis cette epoque, lespertesont ete nulles; et, du reste, il en a etc de meine, non seulementä Rozieres, mais encore aux environs. Cette experience, faite une des premieres, confirmait d'une ma-niere eclatante la decouverte de notre illuslre collegue, M. Pas­teur ; eile prouve que sa melhode de vaccination, sans amener de pertes ou n'en amenant qu'exceplionnellement, conferait Pimmu-nite aux animaux vaccines. L'annee 1881 avail ete pen dangereuse, et la mortality par le charbon avail ete presque partout pen accen-tuee. Nous avons du, pour bien conslater la difference existant au point de vue de la preservation entre la moitie du troupeau vac­cine et celle qui ne I'etait pas, placer les animaux dans des condi­tions speciales; le resultat a etc frappant, d'un cote ftm'f morts sur deux cent cinquante non vaccines, et cela dans une periode de quinze jours; de 1'autre, absence complete de perte. D'autres expe­riences ont ete faites, mais aucune n'est plus probante; et, si nous avons prefere suivre notre voie jusqu'ä la fin, sans faire de publi­cation exageree, je pense que la Sociöte nous donnera son appro­bation.
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276nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CIIARBONNEÜSE.
II restait a resoutlre une imporlante question, celle de savoir si riinimmite durait longlemps. Comtne nos inoculations remontaient au25juin, nous avons, d'accord avec M. Pasteur, resolu d'ino-culer avec du sang ciiarbonneux un certain nombre des animaux vaccines le 25 juin et le 8 jnillet.
Le 5 decembre 1881, soit cinq mois apres la vaccination, MM. Pasteur, Roux, Leblanc, Cagny fds, se sont rendus ä Rozieres; et, en presence de MM. Cagny pere et Roboüam, out procede a Pex-perience suivante :
Avec du sang provenant d'un cobaye ciiarbonneux apporte par M. Roux et ouvert devant nous tons, on a inocule :
1quot; Six moutons non vaccines;
2deg; Six moutons vaccines le 25 juin ;
3deg; Six brebis vaccinees le 25 juin ;
4deg; Trois agneaux, äges de trois semaines, provenant de brebis vaccinees le 25 juin;
5deg; Un veau, provenant d'une vache vaccinee le 25 join ;
Gquot; Un veau, provenant d'une vache nouvellement achctee et par suite non vaccinee.
Le 7 decembre, dans la journee, un mouton non vaccine meurt. Le 7 au soir, un second; dans la nuit du 7 au 8, trois; le dernier, le 9 au matin. Les six brebis vaccinees n'ont presente aucun Sym­ptome de malaise; la fievre a passe inaperf.ue et, du raste, leurs agneaux n'ont pas öle malades, ce qui n'eiit pas manque de se produire si le lait avait etc altere.
Sur les six moutons vaccines, quatre n'ont rien presente d'anor-mal; les deux autres ont eu un engorgement du membre inocule avec claudication accentuee, chez I'und'eux I'appetit s'est conserve. Puis, ils ont recouvre la sante. Les trois agneaux ont eu, le 8, une fievre assez forte et ils ont perdu I'appetit; deux moururent, 1'un, le 11 iiovembre; I'autre, le 12; le troisieme a resiste.
Sur les deux vcaux, le rcsultat a etc peu dillerent; le veau temoin provenant d'une mere non vaccinee aeuun engorgement chaud et diffus ä la place de la piqüre; I'autre veau n'a rien presente d'anor-mal; le 9, tons deux vont bien; le 12, il ne reste sur le veau pro­venant d'une mere non vaccinee qu'une petite tumeur sous-cutanee roulant sous le doiquot;t.
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DUREE DE L'IMMÜMTE.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;277
Vous avez dejä, ajoute M. Leblanc, par de nombreux exemples, conslalö rimmunite acquise par les animaux vaccines quelques jours apres Toperalion; dans le cas present, il s'agit d'une irnmunite constalee cinq mois apres la vaccination: six animaux non vaccines et douze vaccines, dont six femelles laitieres, sont soumis ä une inoculation de sang charbonneux; les six premiers meurent et les douzc autres resistent; deux presentent ä peine un Symptome de malaise. C'est un fait important acquis au point de vue de l'elevage et de l'engraissement des moutons; on peut garanlir le fermier contra tout risque pendant cinq mois, et il faut esperer quela duree de rimmunite sera encore plus longue. II sera necessaire au printemps de recommence!- rexperience sur les ani­maux inocules en juin ; et il faudra voir s'ils sont encore inaptes a contracter le charbon.
La question de savoir si rimmunite passe des meres vaccinees aux produits n'a pas ete resolue par noire derniere experience. Nous avons du prendre des agneaux a peine äges de trois semaines, et nous en avons vu deux succomber, le sixieme et le septieme jour apres I'moculation. Les deux veaux, plus forts que les agneaux, ont rcsiste tous deux, quoique celui provenant d'une mere non vaccinee ait ele indispose; on ne pent done rien conclure el il fau­dra renouveler rexperience dans de meilleures conditions. Je ferai ici une remarque sur le mode operatoire : il ine parait utile de ne pas faire la piqüre trop pres de l'aine; cbaque fois (pie les mou­tons ont paru indisposes, il y a toujours eu un gonflement des gan­glions de cette region, et je pense que, dans ce cas, la piqüre etait faite trop baut. C'est une precaution facile ä prendre et qui peut avoir une certaine importance.
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DEÜX1EME EXPERIENCE FAITE PAR LA SOCIfiTfi CENTRALE DE MfiDECINE VETERINAIRE
Rapporleur : M. Cagny.
Dans la seance du 8 juin 1882, M. Pasteur a manifeste le desir de voir votre Commission du charbon verifier le degre d'immunite don
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278nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSE.
sont encore doues les moulons du troupeau de Rozieres vaccines par son precede il y a plus d'un an. (La vaccination etait complete le8juilleH881.)
C'est le 28 juillel dernier que j'ai fait l'experience dont j'ai ä vous rendre compte aujourd'hui. L'inoculalion a ete faite au moyen d'un liquide virulent et d'une seringue qui m'ont ete remis la veille au laboratoire de M. Pasteur. Le proprietaire du Iroupeau avait rcuni trente-qualre animaux d'äge et de sexe varies, formant trois series ayant des marques speciales :
1deg; Vingt moutons vaccines il y a un an (marque : cicatrice d'un trou fail a. l'oreille ä cette epoque);
2deg; Dix moutons pris clans la parlie du troupeau vaccine seule-ment en 1882, dans les conditions queje vais indiquer (pas dc marque) ;
3deg; Quatre temoins n'ayant jamais ele vaccines; (marque : trois crans a l'oreille).
Voici des explications sur ces divers groupes. Ceux du premier et du dernier out ete uniquement exposes, depuisunan, aux chances d'infection spontanee dans les champs.
Les moutons du deuxieme groupe elaient compris dans la moilie (250 moutons) du troupeau conservee k I'origine comme temoin. Getto portion du troupeau a ete vaccinee par M. Roboiiam, veteri-naire de M. Gatte, en fevrier. Mais, comme vous l'a dit M. Pasteur, les vaccins employes a cette epoque s'etant trouves trop faibles et mal equilibres,deux cas de mortalitcfurent constalesenmaietjuin. Les moutons en question ont ete, fin juin vaccines avec les nou-veaux vaccins, qui paraissent aussi bons que ceux de Tan dernier.
G'est le 28 juillet, vers onze heures du matin, que, en presence de mon confrere Roboiiam, j'ai fait l'inoculation virulente, ä la cuisse gauche pour ceux du premier groupe, el a la cuisse droite pour les autres. Les trente-quatre animaux etant reunis dan^ la memo bergerie, m'etaient presentes necessairement au hasard, et non par categories digt;tinctes.
Le 29 juillet, on observe un peu de raideur chez tons.
Le 30 au matin. Tun des temoins est triste, se tenant ecarte des autres. Lorsque j'arrive, dans I'apre.s-midi, il est dans le meme 6tat, mais deux moutons temoins viennenl de mourir presque subi-
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tement. Le soir, le malade meurt, ainsi que l'un des moutons du deuxieme groupe.
Dans la journee du 31, mort dc deux autres moutons du ineme deuxieme groupe; dans la nuit, mort de quatre moulons de ce groupe. Enfin, il resulte d'une lettre que ni'adresse M. Gatte que, dans la nuit du 8 au 9 aoüt, un mouton du deuxieme groupe est mort, et qu'un autre, toujours du deuxieme groupe, malade dans la journee du 9 aoüt, est morl dans la nuit du 9 au 10, soit douze jours apres rinoculation. En resume :
!
Moutons vaccines il y a un an................. '20; morts 0
Moutons vaccines cettc annee................. 10; — 7
Moutons liiinoins............................ i; — 3 .
Ce resultat n'est pas en faveur des vaccins employes en 1882, ajoute M. le rapporteur.
Je feral remarquer que dans les dix moutons du troisieme groupe se trouvaient quatre agneaux nes en deeembre et provenant de mores vaccinees il y a un an, precisement k l'epoque de la feconda-tion. Ils sont morts; ils n'etaient done pas doues de rimmunite par le fait de la vaccination maternelle.
Des quatre moutons temoins, trois sont morts, un s'est montre refraclaire. C'est lä un fait qui n'a rien d'anormal dans un trou-peau vivant dans un pays charbonneux. Pared fait est arrive aux experiences de Chartres.
Le rapport de M. Cagny demande quelques explications.
Nous voyons d'abord que sur vingt moulons vaccines depuis plus d'un an, aucun n'a succombe ä la suite de rinoculation virulente, ce qui est un resultat extremement favorable a la iongue duree de l'immunite. Mais sur dix moulons, pris dans un troupeau de deux cent cinquante vaccines par M. Roboiiam, moutons ayant regu trois inoculations dont la derniere etait toute recente,il en ineurt sept. II faut renoncer a expliquer cette profonde difference. Peut-on admettre que les vaccins envoyes ä M. Roboiiam etaient trop faibles
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?80nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBO.NNEUSE.
et qu'ils n'ont pas produit d'effet sensible? Mais alors pourquoi, meme apres deux inoculalions seulement, les moutons, dans I'ex-perience de Cliartres, etaient-ils en tres grande partie vaccines? De plus, par un hasard heureux, nous avons vaccine six moutons ä la ferme de la Faisancierie par un seul vaccin qui etait precise-ment celui qui a servi ä Rozieres pour la troisieme inoculation. Or, au mois de novembre, soit quatre mois apres, ces moutons, qui n'avaient reju, je le repete, qu'une seule inoculation, resistent encore aux elfets dn virus virulent dans la proportion de cinq sur six. Encore une fois, il faut renoncer ä expliquer ce resultat.
Quoi qu'il en soit, de l'ensemble des experiences que je viens de rapporter nous pouvons couclure que, au bout d'un an, les mou­tons sont encore vaccines pour l'inoculation virulente dans la pro-porlion d'au moins 60 pour 100. Si nous tenons compte de ce fait que les inoculations sous-cutanees sont plus dangereuses pour les moutons que l'ingestion des spores de bacteridies sur les champs; si nous remarquons egalement que rimmunite acquise par la vacci­nation ne doit produire son e(Tet que sur les animaux qui seraient frappes spontanemcnt, si, de plus, les cultivateurs veulent bien faire vacciner leurs animaux au printemps, c'esl-a-dire peu de temps avant rapparition ordinaire du charbon, nous pouvons conclure hardiment que la vaccination preservera les animaux pendant au moins une annee, peut-etre meme durera-t-elle plus longtemps. Mais, pour le moment et en attendant de nouvelles experiences, il me parait necessaire de pratiquer la revaccinatiou chaque annee. De plus, en these generale, si un troupeau, quoique vaccine, vient ä etre frappe accidentellement du charbon, il ne faut pas hesiter ä le revacciaer immediatement.
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CIIAP1TRE XXX
VARIATION- DANS LA VIRULENCE DES VACC1NS CIIARDONNEUX
Les Notes communiquees par M. Pasteur a l'Academie des sciencessurladecouverte du vaccin charbonneuxnefaisaientaucune allusion äun changement de virulence du vaccin, soil par des cultures successives, soit par sa conservation pendant un long temps. Nous n'avions pas encore eu le temps de faire des recherches directes a ce sujet. De plus, les fails que nous avions observes sur le virus virulent semblaient nous autoriser a conclure que ce changement ne se produirait pas. En effet, un tube de culture de virus virulent avait ele conserve par M. Pasteur depuis l'origine de ses eludes sur le cbarbon, c'est-a-dire depuis plus de cinq ans, el tons les six mois on avait essaye si les spores etaient encore Vivantes et si leur viru­lence n'avait pas change. Pour cola, on semait une goutte du tube originedansun flacon de bouillon. La culture se produisait comme dans les cas ordinaires, cependant avec un leger retard dans le developpement, comme si les vieilles spores mettaient plus de temps a germer que les jeunes. Mais la culture une fois faite, inoculee a des moutons, les faisait perir aussi sürement ct aussi rapidement, que la semence eut ete faite au bout de quatre ou cinq ans ou au bout de quelques mois. Les spores des vaccins paraissant avoir les meines proprietes que celles du virus virulent, relativement a leur resistance a l'action de la chaleur, de l'alcool, de l'oxygene corn-prime, etc., il etait nalurel de croire qu'elles auraient aussi des proprietes analogues relativement a la conservation de leur viru­lence. J'ajoute que, dans les nombreuses cultures successives de virus virulent que nous avions faites dans le cours de nos recher­ches, nous n'avions pas observe de diminution sensible dans leur
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282nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. -VACCINATION CHARBONNEUSE.
degre de virulence. Nous pensions done qua les cultures succes-sives des vaccins conserveraientaussileurvirulence propre, ete'est en se basant sur ces analogies que ML Pasteur avail annonce que les vaccins pourraient elre cultives pour ainsi dire indefiniment en conservant. leur virulence propre ; et que les spores, fixant cette virulence, pourraient etrc expediees dans le inonde entier jusque dans les pays les plus eloignes, en gardant leurs proprieles pre-servatrices.
Les vaccinations faites pendant les rnois de juin, de Juillet et d'aoiitl881 semblerent verifier ces previsions. Pendant toutce temps, les vaccins furent obtenus par cultures successives et ils donnerent d'excellents resultals. Pas d'accident ä signaler. Cependant un fait qui se produisit dans les experiences de Fresne, pres Pithiviers, ä la fin de juillet, aurait pu nous faire concevoir quelques doutes sur la conservation de la virulence de nos vaccins. On a vu, en effet, que douze moutons avaient ete inocules d'emblee par le second vaccin, et non seulement aueun de ces moutons ne succomba, mais la maladie qu'ils eprouverent fut, en quelque sorte, benigne. De plus, cette seule inoculation les avail vaccines contre le virus viru­lent. Or, a I'origine, le second vaccin tuait environ la moitie des moutons auxquels on l'inoculait et rendait les autres tres malades. Notre surprise fut grande de ne voir succomber aueun des douze moutons. Mais lorsque, ä rinoculation de controle, nous consta-lämes que le virus virulent n'avait fait perir que six moutons sur dix inocules, tandis que partout ailleurs lous les moutons, ou tous sauf un, avaient succombe a l'inoculation virulente, nous nous demandämes si ce fait anormal ne tenait pas ä ce que les moutons qui vivaient dans ce pays etaient en partie refractaires au charbon, soit par suile des conditions oil ils se trouvaient places, soit par une vaccination naturelle.
Les autres vaccinations dans la pratique continuaient k se faire dans de bonnes conditions; I'experience publique faite plus tard (aoütl881), äArtenay (Loiret), montra que les moutons qui avaient regu les deux vaccins etaient tres bien vaccines, de soiie que nous fumes portes äcroire que, en realite, ä Fresne,les moutons etaient dans un cas exceptionnel et que nos vaccins avaient conserve leur degre de virulence.
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FIXITE RELATIVE DES VACCINS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;283
Pendant les mois de septembre el d'octobre, aucun vaccin ne fut expedie et, an retour des vacances, au mois de novembre 1881, nous dümes de nouveau ceder a la sollicitation de beauconp de cullivateurs qui, ayant vu les bons resullats produits par les vacci­nations des mois de juillet et d'aoüt, voulaient faire vacciner leurs animaux. On employa les meines vaccins.
Pendant les mois de novembre et de dccembre, quelques acci­dents, peu graves, il est vrai, nous furent signales. Quelques mou-tons succombaient dans les troupeaux et toujours apres le deuxieme vaccin. Mais sur beauconp d'aulrcs troupeaux la mortalite etait nulle, de sorte que nous besilions ä attribuer ces quelques rares accidents aux vaccins employes. Nous nous demandions toujours si cetle mortalite devail etre attribuee an vaccin ou bien au charbon spontane, qui aurait fait subitement son apparition dans le troupeau. Dans nombre de cas, en effet, qui nous ont ele signales par MM. les v^terinaires, nous avons vu le charbon sevir subitement, en I'ab-sence de toute operation cle vaccination, el faire perdre en quelques jours vingt, trente, quarante et meme soixante moutons d'im meme troupeau, et quelquefois trois, quatre, cinq vaches d'une meme ecurie. Si ces animaux avaient ele vaccines quelques jours avant le debut de la maladie, il n'est pas douleux qu'on aurait attribue la mort aux seuls effets de la vaccinalion, lorsque, en realite, eile etait etrangere a ces accidents. Ce qui nous portait a croirc que nous ne devious pas incriminer le vaccin, c'est que la mortalite ne sevissait que sur quelques troupeaux. Mais bientöt on nous signala egale-ment des accidents graves, quoique non mortels, sur les boeufs ou vaches et aussi sur les chevaux. Or, dans le courant de Tele 1881, ces accidents ne s'etaient jamais produits. On n'avait jamais constate d'oedeme notable a l'endroit de la pi qüre, ni a la suite du premier vaccin, ni a la suite du second.
Au commencement de l'annee 1882, des cedemes quelquefois considerables, et s'etendant jusque sous le ventre, etaient signales sur quelques boeufs ou vaches el surtout sur les chevaux. Celle fois le doute n'etait plus permis; il y avail une cause qui faisait que nos vaccins ne se comportaient plus de meme qu'en 1881. Nous nous mimes a rechercher cetle cause immedialeinent. L'hypolhese du froid de l'hiver fut bien vile ecarlee : la lemperature ne jouait
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284nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARKONNEUSE.
aucun role. Restait ii savoir si un de nos vaccins ou tous les deux avaient chanije de virulence et dans quel sens ce changement s'elait opere. On pouvait se demander, en effet, si la virulence des vaccins lendait ä revcnir ä la virulence complete d'oü ils etaienl partis, on bien si leur virulence etail allee en diminuant. Ces expe­riences furent longues et delicates. Ce n'est pas le lieu de les relater ici. 11 nie sulfira de dire que bienlot nous acquimes la certitude que nos deux vaccins etaient alles en s'aflaiblissant de plus en plus. Nous prcparämes alors de nouveaux vaccins, ce qni exigea encore nn certain temps. Ce fut ä ce moment qu'un veterinaire distingu^, M. Weber, ayant eu connaissance par ses confreres de quelqnes accidents survenus au commencement de l'annee, demanda, dans une des seances de la Sociele centrale de medecine veterinaire, des explications ä M. Pasteur. Je vais reproduire integralement les observations echangees do part et d'autre, afia de me renfermer autant que possible dans mon role de rapporteurofficiel, pourainsi dire, et pour qu'on ne puisse pas m'accuser de partialite.
SUU CERTAINS ACCIDENTS CONSfiCUTIFS A LA VACCINATION CHARBONNEUSE
(Societe centralo de medecine veterinaire, Seance du 8 juin 1882.)
M. Weber. — Messieurs, je suis heureux de voir M. Pasteur assister ä notre seance et je profiterai de sa presence pour vous parier de revers eprouves dans la pratique de la vaccination anti-cliarbonneuse par quelqnes-uns de nos confreres, avec lesquels j'ai eu Toccasion de m'entrelenir a ce sujet.
II m'a semble que leur foi etait ebranlee et que ce serait bien servir les interets de la vaccination nouvelle de venir vous signaler les revers plutöt que de les passer sous silence. Lorsque je vous les aurai fait connaitre, M. Pasteur nous donnera, j'en suis certain, ties explications de nature a nous eclairer tous et a rassurer les esprits lim ores
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FIXITE RELATIVE DES VACCINS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;285
J'ai häte de dire, du resle, que sans aucuu doule ce serait se montrer beaucoup trop exigeant que de pretendre demander ä un precede de preservation de donner toujours des resultats heureux et rien que des succcs.
Mais, sans demander autant, les veterinaires qui out ele mal-heureux eprouvent, on le comprend, une certaine hesitation ä con-seiller de nouvelles vaccinations anti-charbonneuses. Nous avons le devoir de les rassurer, et je ne doute pas que la parole autorisee du mailre atteigne facilement ce resultat.
C'est pour en arriver lä que j'ai cru utile de soulever une dis­cussion. Voici les accidents qui sont a ma connaissance etsurles-quels j'appellerai l'attention de M. Pasteur:
1deg; Des moutons vaccines une premiere fois ont peri apres la seconde vaccination;
2quot; La seconde vaccination a, dans quelques cas aussi, amene la inert chez les vaches;
3deg; II y a eusurdes chevaux, apres la seconde vaccination, produc­tion d'oedeines tres etendus qui cependant n'ont pas cause la mort:nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; , 1
4quot; Enfin des vaches qui avaient subi les deux vaccinations sont
.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; ...
mortes neamjioins du charbon deux et trois mois apres avoir ete
vaccinees. Sans vouloir rappeler ici tons les faits qui m'ont ete
signales, je me contenterai de citer les suivants, parce qu'ils sont
plus precis.
558 moutons sont vaccines.
Premiere vaccination le 6 decembre 1881.
Deuxieme vaccination le 18 decembre.
Neufsont morts du 18 au2i decembre, c'est-ä-dire dans les six jours qui ont suivi la deuxieme vaccination.
En meme temps, vingt chevaux ont ete vaccines; la moilie, dix chevaux, ont eu, trois ou quatre jours apres, des ccdemes assez considerables.
Aucun traitement n'a ete applique, ils ne sont pas morts.
435 moutons sont vaccines le 4 avril 1882. Deuxieme vaccina­tion le 19 avril.
Un mort apres la premiere vaccination et treize morts apres la seconde vaccination, du 19 au 25, c'est-ti-dire dans les six jours qui la suivent.
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286nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CIIARBOMEUSE.
Un confrere tie la Brie vaccine clans une ferine 10 vaches et 5G moutons, le 10 decembre 1881.
Deuxieme vaccination le 29 decembre. — Le 22 fevrier, mal-gre l'inocnlation, une vache raeurt du cbarbon parfaiteraent reconnu.
Dans le meine moment, notre confrere a pratique la vaccination dans plusieurs fennes avec des insucces assez nombreux. II s'a-dresse äM. Pasteur qui fait repondre que le virus employe a ele reconnu trop faible, qu'il fallait recominencer.
Notre confrere recommence avec du bon virus et il a encore des insucces. Des veterinaires du voisinage ne sont pas plus beureux.
Tels sont, Messieurs, les faits sur lesquels j'ai voulu appeler votre attention; et, tout en etant de ceux qui considerent que M. Pasteur a rendu ä 1'agriculture frangaise un tres grand service en instituant la pratique de Tinoculation anti-cbarbonneuse, j'ai pense qu'il etait utile de faire connaltre les insucces aussi bien que les resultats beureux; c'est, ä mon avis, la meilleure maniere de servir la cause de la vaccination nouvelle.
M. Pasteur,— J'ai euconnaissancedes faits cites par M. Weber, et d'autres plus nombreux observes un peu partout a parlir du moment oü la pratique de la vaccination charbonneuse a com­mence a se generaliser dans les departements. Voici les explica­tions que je puis donner ä cet egard a M. Weber. Les experiences de Pouilly-le-Fort out ele terminees au commencement de juin 1881; dans la fin de juin, dans les mois de juillet, d'aoiit et de septembre, il a etc fait environ 45 000 vaccinations sans que Ton ait signale d'accidents. A I'heure actuelle, les resultats sont encore satisfaisants; les moutons vaccines, a cette epoque, ne contractent pas le cbarbon, alors que les moutons conserves comme temoins succombent par le fait du sang de rate, dans des proportions va­riables, suivanlles conditions locales.
En general, a I'origine, on conservait la moitie du troupeau comme lemoin. Pour ne parier que des faits bien connus de la Societe, je citerai ici les faits rassembles par la Commission que vous avez cbargee d'etudier cette question.
A Rozieres, dans la ferme de M. Gatte, la vaccination de la moitie du troupeau, soil de 250 moutons, etait complete le 8 juillet.
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#9632; F1XITE RELATIVE DES VACC1NS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 287
Au 15 aoüt 1881, tout le troupeau, soit 500 moutons, etait mis an pare jusqu'au 29 aoüt sur un champ maudit. Ce sejour de -— quatorze jours, dans un champ notoirement reconnu comme dangereux, determinait la mort de 8 moutons non vaccines, et 11 n'y avait pas un seul cas de mort parmi les vaccines.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;|
Le 5 decerabre 1881, des inoculations de sang charbonneux furent failes ä 6 moutons non vaccines d'une part, et a 12 des moutons vaccines ; aueun de ces derniers ne fut malade, et les 0 moutons iemoins etalent morts le 9 au matin. Depuis, cette ex­perience a ete repetee, a Pouilly-le-Fort, et sur le troupeau de l'Ecole d'Alfort, en 1882,.toiijours avec le meme resultat. Tout dernierement, le 25 mal et le 3 juin, deux des moutons temoins du troupeau de M. Gatte mouralent du sang de rate dans des con­ditions sur lesquelles je reviendrai tout ä l'heure, les vaccines re-' sistant toujours. II est done permis de dire que les vaccinations charbonneuses faites au debut se sont montrees preservatrices pour une duree d'un an environ. II y aurait lieu, et votre Commission doit le faire, d'essayer de nouveau le degre de resistance des ani-raaux de Rozieres centre les inoculations virulentes. II est probable que, si eel essai portait sur un nombre assez considerable d'ani-maux, sur vingt parexemple, le resultat ne serai t pas aussi satis-faisant que la premiere fois, et que un ou deux succomberalent. Mais il faut tenir compte de ce fait que les chances de mortality soul bien plus grandes ä la suite d'inoculations directes qu'a la suite de I'inoculation spontanee, j'entends par ces mots I'inocuia-tion teile qu'elle se produit par I'aliinentation ou le sejour sur des champs inaudits. On pent done dire qu'il y a eu une preserva­tion certaine d'une annee contre la maladie charbonneuse con-tractee naturellement.
Les vaccinations interrompues furent reprises en novembre el eontinuees depuis avec la plus grande confiance. C'etaient les meines vaccins, et Ton avait l'experience des mois precedents. Malheureusement, les faits de la pratique ont montre que les vaccins s'etaient affaiblis, et alors se sont produits des accidents de natures diverses. Dans certains cas, le premier vaccin setrouvant trop faible relativement au second, on observait des cas de mort dans les troupeaux, immediatement aprcs la seconde vaccination.
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288nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CIIARBON. — VACCINATION CIIARBONNEUSE .
qui, au lieu d'etre une vaccination, se trouvait 6lre une inocula­tion virulente.
Dans d'autres cas, le premier et le second vaccin, affaiblis tons les deux, ne constituaient plus un preservatif süffisant, et Ton voyait le sang de rate amener la moil de montons vaccines depuis un on deux mois. C'esl ainsi que dans la ferine de Rozieres, les deux montons dont j'ai parle tout ä I'lieure, morts en mai et juin 188:2, avaient ete vaccines en fevrier 1882.
Les accidents dont je parle ne se sont pas produits tout de suite; lorsqu'ils ontiite constates, il afallu de nouveaucreer des vaccins. Tout cela a amene une double pcrte de temps ; et les vaccinations, du mois de novembre 1881 au mois de mars 1882, il faut le re-i-onnaitre, ont etc insuffisantes. Des que les premiers accidents out ete bien connus, la circulaire suivante a ete adressee a tous les veterinaires et ä tous les proprietaires de troupeaux que la chose inlcressait:
laquo; L'etude de la durüe de rimmunite vaccinate n'etant pas encore lerminee, il est ties prudent de faire proceder ä une nouvelle vaccination si on constate une inortalite sur les animaux vaccines, quand bien meine cette mortalite ne s'accuserait que par unites. raquo;
F. Boltroux. Paris, le 21 mars 1882.
Des vaccins nouveaux ont ete adresses gratuitement ä tous ceux qui en ont fait la demande. Les vaccins fournis depuis les mois de mars ou avril se montrent en tous points comparables ä ceux de rannee derniere. Je puis done repondre a M. Weber : au moindre cas de mortalite, revaccinez sans hesiter, les vaccins actuels se montrent excellents.
La conclusion de tous ces fails, et j'en ai dejä donne maintes preuves, est que les virus, an lieu d'etre, comma on le supposait autrefois, quelque chose de fixe et d'immuable, sont au con-traire quelque chose de variable, se modifiant sous faction du temps, des circonstances climaleriques, etc. C'est sur les moutons que les accidents les plus nombreux, toutes propor-
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FIXITE RELATIVE DES VAGCINS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 289
tions gardees, out etc constates. Pres de 25 000 boeufs on vaches ont ete vaccines et, £i I'heure qu'il est, 5 tout au plus sont morts des suites de la vaccination. Mais on constate sur ccs animaux des receptivitös diverses imiividuelles tres grandes dans la pratique; dans certains cas, on n'observe pas ci'oedemo ä Fendroit oü a etc depos6 le vaccin; dans d'autres cas, on observe des cedemes d'un volume tres variable. Ges cedemes, il faut ledire, guerissent presque toujours sans traitement.
Sur les chevaux, l'operatioii est des plus dölicates; il y a eu des accidents qui, pour etre evites, necessitent degrandes precautions. II est souvent difficile, et ceci tient sans doute au temperament des chevaux, de ne pas leur inoculer la septicemie lorsqu'on les vaccine.
A Pithiviers, un cheval est mort septique, parce qu'on I'avait vaccine avec un fond de tube qui etait ouvert et qui avait servi ä vacciner en divers endroits clans la journee.
II faut se garder de mettre sur le compte de l'attenuation des vaccins tons les cas de mortalite observes ä la suite de la premiere ou de la seconde vaccination. Ainsi, dans le rapport deM. Leblanc, je trouve que MM. Leblauc et Cagny ont vaccine une Stable d'une trentaine d'animaux en 1881 dans les conditions suivantes : la mortalite avait cesse depuis deux ans et, subilement,du samedi au mardi, six boeufs ou vaches sont morts du sang de rate. Si la pre­miere vaccination, au lieu d'avoir etefaiteun mois apres, I'avait etc juste ä ce moment, la mort de ces animaux aurait etc attribuee au vaccin. Un fait analogue m'a etc signale aux environs de Meaux. II ne faut done pas oublier que, si des animaux se trouvent ino-culiis spontanement au moment de l'operation, la vaccination ne les preserve pas. Dans Tespece luimaine, on sait bien que la vaccine n'est plus un preservatif lorsque la petite veröle est deja a la periode d'incubation.
11 faut tenir compte anssi des differences de races. II est des races de moutons beaucoup plus sensibles que les autres au point de vue du sang de rate, et alors le premier vaccin se trouve rela-tivementtrop faible pour leur permeltre de resistor au deuxieme vaccin.
II y a done quelquefois necessite d'eprouver teile on teile race
GH. CF1AMBERLAXD.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 19
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^90nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CdARBOiNNEliSü;.
une premiere fois, aliu de savoir quelle force de vaccin lui cou-vient. C'est ce que nous avons fait recemment a Berlin, ou M. Thuillier s'esl trouve en presence de inoutons plus suscep-libles que les notres au charbon. On I'a constate par la rapidite avec laquelle meurent les inoutons temoins, ä la suite de l'iaocula-lion virulente, par la marche tie la temperature, ä la suite de chaque vaccination, et on a reconnu qu'il fallait des vaccins spe-ciaux pour ces troupcaux.
11 ue faut pas exagerer riinporlance des accidents qui so sont produits; ces accidents peuvent elrc effrayants pourle proprietaire on le veterinaire qui les constate, mais pour celui qui considero tout rensemblc des fails, c'est pen de chose; aussi, tenant complo de cet ensemble, je couclus qu'il faudrait faire de la vaccination une niesure generale. Le meilleur moyeu serait de vacciner avec garantie. En prelevant sur le prix de chaque vaccination une somme de 10 centimes, on constituerait une caissc süffisante pour garantir toutes les pertes.
M. Nocard, au moment oü il pratiquait la vaccination dans la Somme, a ele demande par un cultivateur ne penlant plus d'ani-maux depuis deux ans, et qui, en moins de huit jours, avail vn mourir du sang de rate onzebceufs sur quarante. 11 s'est erapresse de faire remarquer aux assistants que si la vaccination avail ete, par unhasard malheureux, pratiquee ä cette epoque dans leselables en question, une pareille mortalile, reparaissant apres un Inter­valle de deux ans, aurait ele par tout le monde, el avec vraisem-blance, allribuee ä la vaccination.
DISCUSSION
M. Cagny. — Je connaissais quelques-uns des accidents qui so sont produils dansla pratique de la vaccination, et je suis heureux de voir M. Pasteur profiter de la jiublicite de noire Bullelin pour affirmer l'existence de ces accidents et en donner lexplicalion. II vient de reconnaitre que ses vaccins n'etaient pas fixes comme il I'avait espere; nous devons, nous, veterinaires, imiter sa franchise et reconnaitre que cerlains des accidents sont le fait de notre... imprevoyance.
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mm: relative des vacciäs.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;291
Efiin'expi'imant aiasi, remarquez bien que je n'accuse pas do legerele ou de manque de precaution ceux tie nos confreres qui out eu des insucces, je tiens seulemenl ä conslater que les choses ne se passent pas dans la pratique comme dans un laboratoire. Geiui qui opere dans un laboratoire estle maitredes circonstances, il les moditie a son gre, ii peut ainsi agir avec une certitude ma-themalique; celui qui agit clans la pratique n'a aucune action sur les circonstances, il est leur esclave. Ce u'est pas toujours une chose aisee que de vacciner dans une ferine quelques centaines de moutons. Les aides charges de saisir et de preseuter les moutons foul une besogne fatigante, quits cousiderent comme une corvee. Si des moutons s'eciiappent avant d'etre vaccines, ils ne voient qu'une cliose, c'est que la corvee sera moins longue. Le veteri-naire doit done en m6me temps s'assurer qu'il vaccine reellement tousles moutons qu'on lui presente, et que les aides ne laissent echapper aucuu mouton. Au bout de deux ou trois heures, il est iiaturel que, cedant a une certaine fatigue corporelle qui s'accom-pagne d'engourdissement moral, il ne soit plus lui-meme et ne surveille plnsaussiexacteraent ses acteset ceux de ses aides. C'est alors que des moutons peuvent echapper a la vaccination et que des accidents peuvent elre constates plus tard, soit par le fait de la deuxieme vaccination, soit par le fait de l'inoculation naturelle du sang de rate. Pour bien montrer que je ne considere pas comme incapables mes confreres malheureux, je vais citer des fails qui me sont personnels.
II m'est arrive un jour, par suite des exigences de la clientele, de laisser sur des vaches un iutervalle de plus de trois semaines entre la premiere et la deuxieme vaccination. J'ai constate alors, sur presque lous les animaux, un malaise anormal, caracterise par une diminution d'appetit et de la secretion lactee, et sur quelques-uns par des oedemes beaucoup plus volumineux qu'ä l'ordinaire, et cela comparativement k ce que j'avais observe sur des vaches de meme äge, de meme race, de meme provenance et soumises aux memes conditions hygieniqnes.
Je sais que certains de mes confreres, ayant ete obliges de retar-der la deuxieme vaccination sur des moutons, ont eu aussi a con-stater les inconvenients de leur retard.
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-292nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
II m'est arrive, clans les circonstances snivantes, d'moculer !a septicemie en meine leraps que le vaccin. .1'avais vaccine d'abord cinquante bceufs et vaches dans une ferine, et je continuais, avec inon confrere V. de D., ['operation sur six cent cinquante moutons dans la meme ferine. L'une des seringues qui m'avait ete envoyee ne fonctionnait pas bien; a chaque injeclion, une partie du liquide refluait au-dessus du piston, sortait par l'extreinite de la serin gue et la moitie du liquide restant au-dessus du piston, j'etais oblige de vider la seringue pour la remplir.
Ennuyc de voir se perdrele liquide dont j'avais besoin(je dus ce jour-lä renoncer k vacciner une cenlaine de moutons, fautede vac­cin), j'eus l'idee de recueillir ce liquide dans un verre pour le me-langer avec celui des tubes. Mais mes mains, baignees par le vac­cin qui s'echappait, etaient en contact avec la laine des moutons, souillee par le suint etla litiere, et salissaient la tige de la seringue et ses parois. Je m'apercus bien vile que le vaccin que je conser-vais ainsi etait un liquide trouble, charge de matteres organiques, et je renoiifai ä son emploi apres quelques vaccinations. Fort heu-reusement, car sur quelques moutons j'ai pit consialer des engorge­ments volumineux, et meme un mouion inourut au bout de qua-rante-huit heures. Le berger qui en fit I'ouverture constata que la rate n'etait pas gonflee, raais que tout le gigot correspondant ä la picpire etait gate. Evideinment il y avait eu imprudence de ma part. Que celui qui n'a jamais peche me jette la premiere pierre.
M- Weber espere que les explications donnees par M. Pasteur suffiront pour rassurer ceux de nos confreres qui hesitaient ä em­ployer son procede. Au point de vue pratique, il trouve excellente l'idee des vaccinations faites avec garantie.
jW. iVoca/'rf apeur que desirregularites sans nombre ne soient commises dans le cas de vaccinations avec garantie, et qu'il ne soit pas possible de conslater la cause de la inortalite ni de faire une estimation exacte des animaux.
il/. Sanson, — Ceci estune simple question d'assurances, et pour celles-lä, comine pour toutes les autres, on saura bien trouver le moyen de faire des enquetes et dos expertises en cas de sinistres. L'idee est bonne, il faut la vulgariser. II faut avant lout avoir une
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FIXITE RELATIVE DES VACCINS.
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slalistiqueassoz considerable poursavoirsi la prime de iO centimes proposee par M. Pasteur est süffisante.
M. Pasteur. — Le nombre des animaux vaccines au premier juin etait d'environ trois cent mille, dont vingt-cinq mille bncufs on vaches, et les pertes ne s'elevent pas, tant s'en faut, ii 30,000 fr., somme representee par la prime de dix centimes quo j'ai proposee. M. Cagny a insiste sur la necessile de ne pas laisser ecbapper de inoutons lors de la vaccination; voici un fait tres probant ä eel egard : rannee derniere, trois cents moutons d'un troupeau out ete vaccines et huit se sont echappes. On a pu les marquer. Depuis celle epoque, aueun des vaccines n'est mort du cbarbon, et cinq des huit sont morts de celte maladie. Je repete cinq sur huit.
M. Bouley prie M. Pasteur de donner quelques explications sin-les critiques faitcs dernierement en Italic k sa melhode de vacci­nation.
M. Pasteur. — Des objections out etc faites en Italic, provenant d'ime faute commise par la commission d'experiences de l'Ecole de Turin qui, ii l'epreuve du contröle de I'immunite sur les vac­cines, s'est servie du sang d'un mouton mort depuis plus de vingt-quatre heures et qui etait ä la fois, ä son insu, septique etcharbon-neux. J'ai demande qu'on renouvelät les experiences dans de meilleures conditions. C'est ce qui a ete fait et je crois qne, celte fois, TEcole de Turin reussira. M. Perroncilo, qui a opere isolc-ment, a toujours obtenu des rcsultats satisfaisants a ma connais-sance.
M. Sanson.—Du moment que la prime de garantie proposee par M. Pasteur est süffisante, il faut propager I'idee. II y a eu des accidents, mais il ne faut pas s'en effrayer outre mesure. II faul cornpter qu'il y en aura toujours, car il faut tenir compte des im­perfections de la nature humaine; il n'y a, comme on Fa dil, que dans les laboratoires que Ton pout se mettre au-dessus de loutes les causes de non reussite.
Ainsi nous avions reconnu que la virulence relative de nos vac-cins allait constamment en diminuant, de sorteque le meme vaccin
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294nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CIIAMON. — VACCINATION C BAUBONNE USE.
employe a un ou deux mois il'intervalle peut donnei- des resullats dilTerents. Nous avons prepare immedialement de nouveauxvaecins et ce sont ces derniers qui out ete employes, comma il vient d'etre dit, pendant le courant de Tete et de Tautomiie de l'annee 1882. Ceux-ci, avant d'etre livres ä la pratique, avaient ete essayes sur plusieurs milliers de moutons et plusleurs centaines de vaches ou bceufs. Les resullats ayant ete tres satisfaisanls, ces vaccins furent employes jusqu'au commencement du mois d'octobre 1882. A ce moment, d'apres des renseignements qui nous furent donnes par differents veterinaires, il resulta que le premier vaccin elait un pen trop fort et que dans quelques rares troupeaux un certain norabre de moutons avaient succombe a la suite de l'ino-culalion de ce premier vaccin. Quelques vaches ou bceufs presen-terent aussi des oedemes en general pen graves. Ce premier vaccin avail le grand avantage de vacciner directement et completement au moins 95 pour 100 des animaux, de sorte que, apres la pre­miere vaccination, les animaux se trouvaient mis a l'abri du cliar-bon spontane. C'est ce vaccin qui a ete employe dans les revacci-nations des troupeaux incompletement vaccines et les resullats ont ete partout excellents. Ce vaccin pourrait done etre employe avec grand avantage dans tous les cas oü la maladie sevit sur un trou-peau, parce qu'alors onarreteraitpresqueinstanfanement la mor-talile. Quelques animaux pourraient succomber a la suite de l'inoculation, mais il vaudrait mieux courir la chance de perdre meme 1 pour 100 des animaux que d'altendre trois semaines environ avant que la vaccination soil complete, comme c'est le cas ordinairement. Pendant ce temps, la inortalile naturelle serait cer-tainement plus grande que celle resultant de l'inoculalion du vaccin. L'origine de ce dernier vaccin est conservee precieuse-ment et il sera expedie ä tous les veterinaires qni en feront la demande. Nous leur conseillons de l'employer dans tous les cas oü la maladie spontanee exisle au moment de pratiqucr la vaccination. Malgre les avantages presentcs par ce vaccin special, nous avons cm, k la suite des quelques accidents qui se sont produils, devoir revenir ä des vaccins identiques a ceux qui avaient ete employes dans le courant de l'ete 1881. Pendant toute l'annee 1882, des que nous avons ete certains de la diminulion de la viru-
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F1X1TE RELATIVE DES VACCINS.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 'i'Ji
lence da nos vaccins, nous avons eutrepris de nombrenses expe­riences afm da recbercber les causes de celle diminution de viru­lence et les conditions dans lesquelles la virulence relative se con­serve. Nous avons pu ainsi reproduire, pour ainsi dire malbematiquc-incut, les vaccins employes pendant I'ete derannee 1881. Ces vaccins sont les seuls qui aient servi depuis le mois d'oclobre 1882, et jus-qu'a ce jour ils n'ont donne lieu ii aucun accident. Nulle part il ne nous a etc signale ni mortalite sur les moulons, ni oedema sur les vaches, bocufs ou cbevaux. L'anuee 1882, si eile a donne lieu a quelques rnecomples, a done servi puissainment la cause geuerale da la vaccination cbarbonneuse. Aujourd'hui, grace aux recliercbcs nouvelles et nombrenses qui out ete faites sur la virulence relative des vaccins et sur las condilions de conservation de cettc virulence, nous pouvons aflirmer que nous sommes en pleine possession do ces conditions, et qua dorenavant les quelques insueces qui ont ele signales ne se reproduiront pas. La condition la plus importanteä
realiser pour etre assure du succes est tie se servir, autant quo possible, de vaccia frais, c'est-a-dire recemment prepare. C'est pour cela que nous avons toujours recommande a MM. les veteri-naires de ne pas conserver les vaccins chez eux et de les employer le plus tol possible apres qu'ils les onl refus. (lette recommanda-lion a suitout une grande importance ponr le premier vaccin, car nous avoirs reconnu que le premier vaccin diminuait beaucoup plus rapidement de virulence que le second. Ce dernier peut etre con­serve avec toutes ses proprieles dans les conditions 011 on I'expedie pendant an moins trois semaines, de sorte qu'il sera i'acile dorc-navant, sur la demande de MM. les velerinaires, d'expedier en meme temps le premier et le deuxieme vaccin. Le premier sera employe immediatement, le second sera mis au frais, dans une cave par exemple, sans deboucher les tubes, et servira douze ou quiiizc jours apres.
Pour les vaccins qui ne doivent etre employes que tres longtemps apres la mise en lube, par example apres deux ou trois mois, il est necessaire da les preparer dans des conditions particulieres assez minutieuses. Nous sommes arrives ä realiser a pen pres rigoureu-sement cesconditions. Cependantil ne nous est pas encore possible d'affirmer qne les vaccins auront exaetement les mömes proprieles
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296nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEüSE.
que s'ils etaient frais. Les spores, en effet, en vieillissant, ne pa-raissent pas avoir la meine aptitude a se dcvelopper dans le corps . des animaiix que si elles sont recentes. Lorsqu'elles sont trop vieilles elles ne se developpent pas, ne produisent aucun effet. G'est ainsi qu'un vacciu qui, employe a l'etat frais, vaccine tous les aniniaux auxquels on riiiocule,n'en vaccine plus que 90 ou 95 pour lOOapresdeux moiset 75ou80poiir lOOaprestrois ou qualre mois. Le probleme de la conservation integrale de la virulence du vaccin mis dans des tubes de verre n'est done pas absolument resolu. Je crois meme pouvoir ajouter qu'il ne le sera probablement jainais,
#9632; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; car jainais on ne fera que des germes vieux tendant vers la
mort, aient la meme force et la meme activite que des germes re-cents ou des bacteridies adultes en pleine vole de reproduction et de developpemeut.
Je pense done que pour les pays eloignes, pour tous eeux ou il fautplus de quinze ou vingt jours avant que le vaccin arrive ä des­tination, il serait extrememenl avantageux, pour ne pas dire indis­pensable, d'elablir de petites fabriques destinees a produire des vaccins frais qui seraient expedies ä l'etat frais dans toute la region voisine.
11 appartient aux pays Interesses ä examiner cette question et a faire les essais qui leur paraitront convenables pour facililer le developpement et la propagation de la vaccination charbonneuse.
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CHAPITRE XXXI
PRATIQUE DE 1/01'£ UATI ON DE LA VACCINATION CHARBONNEUSE
D'apres les resultats mentionnes pr^cedemment on peut des niaiiitenanl vaccincr contre le charbon les moutons, les cbevres, les bccufs ou vaches et les chevaux. Je ferai cependant une remarque relativement aux chevaux.
Les premieres experiences de vaccination dos chevaux ont eU'-faites au mois de juillet 1881 a Fresne, pres Pilhiviers, chez M. Lesage. A ce moment nous n'avions pas fait d'essais directs pour constater que les chevaux etaient vaccines par les meines vaccins (jue ceux employes pour les moutons et les bueufs. Les inoculations de Fresne ayant parfaitement reussi, la vaccination des chevaux entra aussitöt clans la pratique et pendant I'annee 1881, 142 che­vaux furent vaccines sans accident. On ne constala ni oedeme ni maladie sensible, les animaux continuerent ä travailler comme s'ils n'avaient subi aucune operation. Unseuldes ii'l chevaux succomba ä une maladie differente du charbon, la seplicemie, dueä ce que le vaccin inocule avaitete rendu impur avantrinoculation. Pendant toute celte periods on vaccinait les chevaux sans etre absolument certain que l'inoculation des dei.x vaccins les avail rendus refrac-laires au virus virulent. Ce fut M. Rossignol qui le premier, an conimencetnent du mois de septembre 1881, fit avec MM. Gassend et Garrouste une experience directe pour verifier ce fait. Elle reussit pleinement. (Voir le rapport de M. Rossignol, p. I45.) Depuis, quelques autres experiences, faites en France ou a Fetranger, vinrent confirmer celle de M. Rossignol. Les chevaux peuvent done
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-2lt;raquo;8nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. - VACCINATION CHARBONNEÜSE.
ötre vaccines conlre le charbon de la mamp;ue fa^on que les moutons et les boeufs.
ilais dans le courant de I'anuee 1885, ä la suite du changement qui s'etait opere dans la virulence relative de nos vaccins, plusieurs chevaux eurent des redemes assez volumineux qui empeclierent tout travail de leur part pendant plusieurs jours, surtout apres le deuxieme vaccin. Quelques-uns meme succomberent. Comme le charbon ne serit pas en France d'une fagon bieu sensible sur les chevaux, nous jugeämes prudent ä ce moment de suspendre les vac­cinations charbonneuses sur les chevaux. Depuis (pie nous sommes revenus ädes vaccins identiques a ceux del'origine, jepcnse qn'on peutvacciner de nouveau les chevaux; cependant il est bon de faire rernarquer que les vaccinations sur ces animaux sont loin d'etre aussi nombreuses que celles sur les moutons et les bceufs. Dans lous les cas, a I'dtranger surtout, il laudra etre prudent et ne vacciner d'abord qu'un petit noiubre de chevaux afin de s'assurer du resultat produit.
Ceci pose, j'arrive ä la pratique de Toperalion :
La vaccination se fail par deux inoculations a douze ou quinze jours d'inlervalle, la premiere avec le premier vaccin qui ne pre­serve que partiellement les animaux, et la deuxieme parle deuxieme vaccin beaucoup plus actif (pie le premier et qui acheve de les rendre romplelement refractaires au charbon. II est bon de pratiquer ces deux operations en deux points differeuts du corps. Si la premiere est faite a la cuisse droite, par exemple, on fera la deuxieme a la cuisse gauche. Les inoculalions peuvenl se faire vraiscmblablement en des points quelconqnes du corps, cependant jusqu'ici les moutons ont ete vaccines aux cuisses, et les boeufs ou chevaux en arriere de l'epaule et quelquefois aussi en avant. Ce dernier cas a surtout ete I'requent chcz les chevaux de seile, ahn d'cviter que la seile portc sur le point d'inoculation.
Moutons ou chevres. — On a vaccine sans inconvenient des mou­tons adultes, quel que soil leur äge, des agneaux memo Ires jeunes et des meres plus on inoins avancees dans leur etal de grossesse, quelques-unes sur le point de mettre has. Cependant qiielquelois 0:1 a Signale des accidents qui s'elaieut produits chez de jeunes ngneauxalors que le meine vaccin, employe en meine lemps chez des
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moutons adultes, ne produisait qu'uue maladie plus on nioins legere, mais'non la morl. Avec les vaccins dont on se sert actuelle-jnent, on pent vacciner sans inconvenient les agneaux ineme Ires jeunes.
La vaccination des meres sur le point de mettre has a aussi donne lieu ä quelques accidents. Plusieurs fois on nous a Signale des avortements. Nous avons pensc d'abord qu'ilsdevaient etre atlribues aux secousses qu'on imprime aux animanx eu les relournant pour les coucher sur le dos a(in de presenter la face interne des cuisscs ii I'operateur, mais il serait possible aussi que la fievre cprouvee par la mere provoquät directement ravorlement. D'apres tics rc-cherches recenles que je viens de faire en collaboration de M. I. Straus (1) il resulle que, contrairementa ce quietaitadinis jusqu'ici, lesbacteridies introduitescbez la mere passentquelquefois au fcelus. 11 faut done se demander si les cas d'avortement qui ont ete signales ne sont pas dus a ce que les bacleridies vaccinalesde la mere, bac-teridies qui on pu etre supportees par celles-ci sans accident grave, ne sont pas passees dans le foetus qui, moins resistant, a succombe et a ete expulse ensuite. Ce sont des recberches que nous faisons en ce moment. Quoiqu'il en soil, il est preferable de faire la vacci­nation cbez les meres au moment oü elles ne sont pas pleines ou au moins dans les premiers lemps de la gestation. On ne doit vac­ciner les meres sur le point de mettre bas que dans les cas argents, par exemple lorsque la maladie sevit clans le troupeau.
On pent se demander si les agneaux qui naissent de meres vacci-nees sont eux-inemes vaccines. C'est lä une question qui n'est pas completement elucidee et sur laquelle nous faisons des experiences. Tout porte ä croire qu'un grand nombre des agneaux, sinon tons, ne jouissent pas de rimmunile, de sorte que pour le moment il est necessaire de vacciner les agneaux des qu'on craint pour eux la maladie spontanee.
Enfin il faut cboisir, autant que possible, le printemps pour pra-liquer Toperation, car, ainsi que je l'ai dejä dit, la maladie etant rare ä cette epoque, on evite, au moins dans I'immense inajorilc des cas, de combiner l'action du vaccin avec celledu charbonspon-
(I) Comptes Heititun cle I'Academic des Sciences, 18 ilecombrc 1882.
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300nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
taue. De plus, les moutons se Irouvant recemment vaccines sont plusaptes aresister ä la maladie qui sevit generalement en ele et ä rautomne.
Vetches ou baiufs. — L'inoculation a lieu en general en arriere de l'epaule. L'operateur fait un pli ä la peau avec sa main gauche. II faut prendre garde de ne pas traverser le pli avec I'aiguille, car alors le liquide ne serait plus introduitsous la peau, ilseraitrejete audehors. II faut anssi s'assurer que la poinle de I'aiguille a penetre sous la peau et qu'elle n'est pas restee dans le derme. Pour cela, on enlevc la main gauche, le pli disparait. Si Textremite de I'aiguille est sous la peau, on sent qu'elle est libre, et l'inoculation se fait sans qu'on ait ä vaincre de resistance sensible. Si I'aigaille etait restee dans le derme on sentirait une resistance au moment de rinoculation, resistance due a ce que le liquide ne peut pas s'epancher dans le tissu cellulaire. II est bon pour cette operation de couper les polls au lieu de l'inoculation; on juge mieux alors de la penetration de I'aiguille.
Comme il survient quelquefois de legers oedemes ä la piqüre, il vaut mieux choisir le moment ou les animaux ne travaillent pas; dans tons les cas, il ne fautjamaisouvrircesoedemes, ilsguerissent sans traitement; de meme il ne faut Jamals faire une incision au scalpel pour faciliter rintroduction de I'aiguille de la seringue, car ces plaies peuvent amener des complications resultant de rintro­duction de substances etrangeres, et produire des abees ou des septicemies variees.
Les vaches etant egalement exposees ä avoir des oedemes ou une fievre sensible ä la suite des inoculations, il en resulte que la quantite de lait diminue; il vaut done mieux vacciner les vaches lorsqu'elles ont peu ou pas de lait. D'ailleurs comme il n'est pas absolument demontre que la bacteridie vaccinate ne. passe jamais dans le lait, e'est une raison de pins pour choisir le mo­ment que je viens d'indiquer. S'il y avail quelque inconvenient a se servir du lait donne par une vache pendant la vaccination, on pourrait toujours le soumettre prealahlement a I'ebullition afin de tuer les bacteridies vaccinales au cas oü quelques-unes d'entre elles auraient passe dans le lait.
Tout ce que j'ai dit precedemment sur les moutons en etat
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tie gestalion s'applique aussi aux vaches dans le nieme etat. Chevaux. — Si Ton a affaire ä des chevaux de trait, il faut les vacciner en arriere de l'epaule de fagon ä ce que le collier ne porte pas sur le point d'inoculation; si au contraire ce sont des chevaux de seile il faut, pour la meine raison, pratiquer ['opera­tion en avant de l'epaule ou sur le cou.
Fig. 6.
Fie. 7
Vaccins. — Les vaccins sont expedies dans des tubes fermes par des bouchons de caoutchouc, (fig. 0), qui contiennent la quantite de liquide necessaire pour vacciner 100 moutons ou chevres, ou 50 boeufs, vaches ou chevaux. La quantite de vaccin a inoculer aux grands animaux est en effet double de celle des pelits. Ce liquide est aspire dans une seringue de Pravaz, seringue qui sert en medecine ä faire des injections hypodermlques
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30-2nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
el iloat la description detaillee me paralt superflue. Elle est repre-sente (fig. 7). II faut enlever le petit fil metallique qui est ä Tinterieur de l'aiguille avanl de I'ajuster sur la scringue; ce lil est simplement destine ä erapecher l'aiguille de s'obstruer par des corps etrangers lorsqu'on ne s'en serl pas. La tige du piston est divisee en huit parties egales. La seringue etant ainsi pniparee et le pislon au has de sa course, on enleve le bouchon de caoutchouc dn tube ä vaccin, mats auparavant il faut agiter vivetHent le
Fie 8.
tube, de fciQon laquo; bien melanger les dicerses parlies; sans cekt la bacteridie vaccinale se depose au fond ou sur les parois du tube et on est expose ä aspirer plusieurs seringues de liquide dans lesquelles il riy a pas ou presque pas de bacteridies. Je recommande tout particulieremeiit celte precaution, car d'apres des renseignements qui nous sont parvenus, je suis porte ä croire que les resultats negatifs qui ont ete observes dans quelques vaccinations doivent etre attribues a ce manque de pre­caution.
Le tube elant debouche on aspire doucement le liquide en soulevant le piston (fig. 8). En general, a la premiere aspira-
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I'UATIQUE Dli L'OPERATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 30H
tiou une bulle d'äir assez grosse reste sous le pisfon ; cetle fculfc provient cle cc que le piston etant plus on moins tlesseclie, une petite quantite d'air a passe entre le piston et le tube de verre. On rejette le liquide dans le tube conime le montre la figure 9, el on aspire de nouveau du liquide. Cette fois, la seringue se reinplit ii pen pres exactement. Cependant, dans (|ueli|iies cas, do I'air penelre encore sous le piston. Cela tient alors a ceque I'ai-
FlG. 9.
guille ue s'ajusle pas exactement sur la canule ou ä ce que le tube de verre formant le corps de la seringue ne s'applique pas assez benuetiquement sur le fond. Onajuste de nouveau la canule, on tourne la vis qui est k la partie superieure pour serrer le cylindre de verre et ou arrive ainsi Ires rapidement ä avoir an bon tbnctioniiemenl de l'instrument.
La seringue etant remplie, on tourne le pelit curseur qui est an baut de la tige du piston de l'agon ä le faire descendre jusqu'ä la division marquee 1 sur la lige. Puis, un aide saisit le mouton a vaccineret le presente ii I'opSrateur en le tenant par les membres
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30inbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;GHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSB,
anterieurs, clans I'atlitude assise sur les iscliions (fig. 10). L'operateur introduit I'aiguille sous la peau, vers le milieu de la cuisse droite, puis pousse le piston jusqu'ä ce que le cur-seur touclie la seringue. L'inoculation du premier animal est
Fig. 10.
ainsi faile. On retire la seringue ot on tonrne le curseur en sens conlraire jusqu'ä Tamener ä la division marquee 2 sur la tige. On inocule alors le second mouton. On amene le curseur ä la division 3, etc., chaque seringue süffisant ainsi ä vncciiier 8 mou-tons. On remplit de nouveau la seringue et ainsi de suite. Avec
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PRATIQUE DE L'OI'EUATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 305
uii pen d'habilude on arrive facilement ii vacciner 150 ou 200 moutons parheure.
Pour les vaches et les dievaux, la quanlitc do liquide ä inoculer etant double, on amene d'abord le curseur ä la divison 2, puis ä la division 4, etc., chaque seringue servant ä inoculer 4 animaux au lieu de 8.
La meine aiguille qui a servi pour les moutons peut aussi servir pour les gros animaux; mais, par mesure de precaution, il y a clans la boite ä seringue une aiguille plus forte et plus resistante qui risque moins de se briser lorsqu'on l'introduit sous la peau. Je ne pease pas que cette grosse aiguille offre reellement des avantages sur les aiguilles fines; car, si eile est plus resistante eile est aussi plus difficile a faire penetrer sous la peau. En pre-nanl la precaution d'appuyer exactement sur la seringue suivant Taxe de l'aiguillc, et en faisant tourner un peu la seringue entre les doigls, on introduit (res facilement les aiguilles les plus fines sous la peau des bocufs ou des vaches; bon nombre de veleri-naires se servcnt toujoursd'une aiguille fine ; mais, sur la demande d'un certain nombre d'autrcs, nous avons du faire mettre dans la boitc a seringue une grosse aiguille ct deux petites.
La seringue que je viens de decrire et qui a servi presque exclu-sivement jusqu'a ce jour offre un grand avantage: celui de laisser voir avancer ie piston dans le tube de verre, et dinjecter toujours rigoureusement la meme quantite de liquide. Mais eile presente aussi de nombreux inconvenients.
Le liquide vaccinal introduit sous la peau doit etre absolument pur pour produireson effet, c'est-a-dirc qu'il ne doit etre souille par aucim orgauisme etranger provenant des poussieres de l'air, des debris de laine ou de paille, des parcelles do furnier qui se trou-vent quelquefois sur les animaux, etc., car si de telles impuretes venaientä se melanger au vaccin, elles pourraient, d'apres ce que nous avons vu au commencement de cet Ouvrage, donner naissance a d'autres maladies et en particulier ii des septicemies, des phleg­mons, elc. D'autres fois ces impuretes pourraient, comme 1'a montre M. Pasteur, ne produire aucun effet apparent, mais empe-cher Faction du vaccin. Afin de realiser cetle coiulilion de puretii dans la mesure du possible, les seringues sonl bouillies apres chaque
Gil. CnAMBERLANL.
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30Gnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; CHARBON. — VACCINATION CHARBOXNEUSE.
operation et remises a neuf pour empecher la petite quautite de liquide mouillant le piston ou restant au dessous de dohner naissance ä de nouveaux organismes; quant au tube dn vaccin, le bouciion de caoutclionc qui le ferine doit elrc remis sur le tube chaque fois qu'on a aspire une seringue, et on ne doit le prendre avec les doigts que par l'extremite (\ü\ n'est pas directemeut en contact avec le tube. On comprend combien ces precautions sout minutieuses. Mais il y a une autre can?e d'impurete qu'il est ä pen pres impossible d'eviter. En efl'el, I'aiguille inlroduile sous la peau, ne tarde pas ä se recouvrir, ä l'exterieur, de debris de laine ou de poils, voire ineme de debris de furnier ; de sorte que cbaquefois que cette aiguille est mise dans le tube pour aspirer une nouvclle quautite de liquide, une partie de ces corps Strangers se melange au liquide el sonille sa purete: par suite, lorsqu'il ne reste' que pen de liquide, e'est-ä-dire lorsqu'on a plonge raiguille une dizaiue de fois dans le liquide, celui-ci estpresque toujours impur. Si nous njoulons ä cela que quelquefois le bouchon do caoutcbouc tombe sur le sol et que cependant on le remet imprudemment sur le tube, nous compren-drons tres bien comment quelques accidents qui ne peuvenl 6lrc imputes au vaccin se sont produits.
Les inconvenients de la seringue de Pravaz sont done :
1deg; De ne contenir du liquide que pour un petit nombre d'ani-maux, d'oü resulte Fobligation de puiser tres frequemmeut dans le tube, ce qui est ä la fois une perte de temps et une cause de souil-lure du vaccin.
2deg; D'amener une perte de temps par la manccuvre de la virole. On oublie meme quelquefois de faire cette manoeuvre, de sorte que dans certains cas on n'iuocule pas de liquide, tandis que souvent on en introduitune demi-seringue ou meme une seringue enliere.
3deg; D'exiger un nettoyageä la suite de cbaque operation, netloyage delicat qui ne peut pas etre fait par tout le mondo et oblige le vete-rinaire a la retourner a Paris, ce qui est pour lui une depense et un derangement.
Nousavonsessaye d'eviter tons ces inconvenients et nous pensons y avoir reussiau moyende la seringue representee figure 11 (p. 307) construite, d'apres nos indications, par M. Collin, I'habile conslruc-teur d'instruments de Chirurgie.
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PRATIQUE DE L'OPEKATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 307
Gelle nouvelle seringue se compose cssentiellement d'un reser­voir en verre A sur lequel s'ajusle ä froltement doux une piece de caoulcliouc durci B portant eile-meme une inonlure inetallique CD ä rexlremile de laquelie se place 1'aiguille. Le reservoir A a une capacite süffisante pour conlonir le vaccin necessaire pour cinquante moutons ou vingt-cinq grosanimaux. Dansla m on lure CD se trouve un lube de caoulcliouc inoule qui remplil exactemenl la cavile. A chaque extremile de cc tube se trouve une petile soupape particu-liere s'ouvranl du cole de l'aiguille. Enlin la monlure CD porle un compresseur P qui, lorsqu'on I'abaisse, (icrase complelemenl le lube de caoutchouc. Ceci pos6, supposons l'appareil plein de liquide. Äppuyons sur le
Fig. II.
compresseur. Le liquide contenu dans le lube de caoutchouc etanl coraprime va s'echapper par raiguille. Laissons la pedale liiire. Le lube de caoutchouc, en vertu de son elaslicile, reprend sa forme primitive el souleve la pedale. Le vide qui se produil aspire le liquide du reservoir, et le lube de caoutchouc se remplil. Un nouvel abaissement du compresseur chasse ce liquide et ainsi de suite. II en resulle que, si le volume inlerieur du lube de caoutchouc esl bien calcule, on ponrra, chaque fois, lancer une quautile de liquide egale ä celle d'une division de la seringue de Pravaz ; par suite chaque abaissement du compresseur servira a inoculer un mouton et deux abaissements successifs, sans retirer raiguille, serviront ä inoculer un boeuf ou un cheval.
Reste mainlenant ä expliquer comment on remplil la seringue.
Le vaccin, pour cetle seringue, esl expeciie en lubes, comme le montre la figure 12 (p. 308). Ces lubes sent identiques aux
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308nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CHARBON. - VACCINATION C1IARBONNEUSE.
tubes ordinaires, mais l'extremite opposee ä la partie recourbee esl fermee par un petit bouchon de caoutchouc. On enleve le petit bouchon et on introduit Texlremite du tube dans I'orifice du reservoir A. Le liquide ne coule pas parce que Textremite du tube est etroile. On enleve I'aulre bouchon, alors le liquide coule dans le reservoir (1). On ferine celui-ci avec son bouchon, lequel porle un petit trou pour laisser passer I'air au fur et ä raesureque le liquide est injecte. Celairfiltre sur un petit tampon
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I
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de colon. Ceci etant fait, on donne deux ou trois coups de piston pour chasser I'air qui est dans le caoutchouc et I'aiguille; la seringue esl alors amor-cee. Pour ne pas repandre du vaccin il vaut micux rejeler ce qui s'ecoule pendanl celle pelile manoeuvre dans le lube qu'on vient de vider. La seringue est alors prele a fonclionner. Pendant rinoculation il faut avoir sein de tenir la seringue un peu inclinee de fafon ä ce que le liquide se trouve toujours ä la
parlie inferieure du reservoir.
II ne laut pas altendre que le reservoir soil com-pletement vide pour introduire de nouveau le liquide d'un autre tube; sans cela on serait oblige d'amorcer de nouveau.
La plus grande difficult^ que nousayons renconlree dans la construction de cet instrument provenait des soupapes qui devaient etre tres pelites. M. Collin a tourne cette dirficulte de la fafon suivante: chaque
Fig. 12.
sonpape se compose d'un petit tube metallique ab (fig. 13), perce d'un petit trou en c. Sur ce tube metallique s'ajusle un pelit tube de caoutchouc tres mince qui est assez claslique pour retenir le liquideell'empecherdecouler, mais qui ne Test pas assez pour resisler ä la pression provenant du vide ou de la compression. Le liquide s'echappe alors par le trou c. Une de ces soupapes esl complelement visible a rextremile de la seringue ; c'est au-dessus d'elle que s'ajusle I'aiguille.
(1) On pourrait aussi expedier le vaccin dans des lubes cl'files fermes ä la lampo anx deux bouts. On briserait d'abord l'un des bouts, puis le deuxieme, apres que le preuiior aurail cle introduit dans 1c reservoir.
4
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I
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PRATIQUE DE L'OPERÄTION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 309
Chamie boite contient un certain nombre de ces petits tubes de
caoutchouc formant soupape, de sorte que si un accident, venait ä se
produire, si, par exemple, l'une d'elles venait ä se dechirer il
serait tres facile de la remplacer.
Voyons maintenant les avantages de cet instrument:
1deg; La seringue, une fois remplie, on peut vacciner de suite
cinquante inoulons. Le vaccin n'est pas au contact des impuretes
de l'air et il ne peut etre souille par les substances etrangeres qui
se trouvent sur la partie extericure de l'aiguille. quot;I0 Aucune preoccupation pour tourner la virole; il suffit d'ap-
puyer sur le eonipresseur avec le pouce, mais il faut appuyer
completemcnt pour cliasser tout le liquide.
l'ic. 13.
3deg; Le nettoyage est facile. On pourrait, ä la rigueur, plonger i'appareil tout enlier dans l'eau bouillante; mats il vaut mieux, ä la fin de l'operation, faire passer, comme si Ton pratiquait des inoculations, d'abord de l'eau venant d'etre bouillie, puis une solution d'aeide phenique au centieme. La, en effet, il n'y a pas de Cuir,comme dans la seringue dePravaz, cuir qui doit rester doux et gras et qui, parsuite, ne peut supporter l'action de l'eau bouillante ou des antiseptiques.
Une seule seringue comme celle que je viens de decrire suffirait ä la rigueur pour faire toutes les vaccinations; mais il me paralt preferable de faire l'acquisition de deux seringues: l'une servant a la premiere inoculation ; l'autre, a la deuxieme. En cas d'accident une seule servirait pour les deux operations en attendant que l'autre soit reparee.
Cette seringue, qui presente tant d'avantages sur celle de Pravaz, aaussi quelques inconvenients. On ne voit pas le liquide que Ton injecte, de sorte quc si Ton a neglige, avant de s'enscrvir, de s'as-surer que I'instrument fonctionne bien,on pent croire avoir inocule
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310nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;CjlAliliON. — VACCINATION CHARBONNEUSE.
du liquide quand en realite on n'a rien inocule tin tout. Mais une premiere indication est fourhie, chez les inoutons, par la petite saillie quo fait le liquide inocule sous la peau. Si cetle saillie ne se forme pas, il fant se defier de riiistrumenl.Il pounait se faire aussi quo, sur les bceufs ou les vaches, rextremite de l'aiguille füt rcstee dans le derine et n'eüt pas penelrii sous la peau. On serait prevenu de co fait par la resistance plus grandequ'on eprouverait ä abaisser le compresseur.
L'n aulre inconvenient consistc. en ce qu'on ne peut pas regier, avee la meine precision qifavec la seringue de Pravaz, la quantite de liquide que Ton injecte. Mais toutes les seringues qui sorlent des ateliers de M. Colliu sont essayees avant d'etre livrees au com­merce ; elles donnent toutes, ä la condition qu'on enfonce comple-tement le compresseur, ä pen presrigoureuseinenl la meine quanlite de liquide. Je pense done que, dans la pratique, dans les cas surtout ou Ton a beaucoup d'animaux ä inoculer, la seringue construite par M. Collin doit etre preferee a la seringue de Pravaz.
Uans tons les cas, quelle que soit la seringue que Ton adopte, il ne fant jamais qu'uu lube de vaccin qui a ele ouvert puisse servir le lendemain ou les jours suivants, car dans cet Intervalle le liquide vaccinal peut etre altere par des organismes etrangers. Si ou ne doit se servir du vaccin expedie qu'apres trois, quatre et cinq jours, il laut mettre les tubes au frais, aiilant que possible dans une cave, alin d'eviter le developpement possible ulterieur des organismes etrangers. En general, et toutes les fois que cela sera possible, il faut se servir de vaccins frais, et les employer le jour on le lendemain dn jour on ilsont etc rerus. Lorsqu'on vent conser-ver des vaccins pendant longtemps, un, deux on trois mois, il faut prendre des precautions parliculieres assez delicates. C'est co que nous faisons pour les vaccins que nous expedions ä I'etranger; mais pour la France nous ne prenons pas ces precautions et les vaccins doivent toujours etre employes dans les huit ou dix jours qui suivent la date de l'envoi. Je repcte qu'il vaut toujours mieux les employer de suite.
Quant au liquide vaccinal qui resle dans les tubes lorsque I'operalion est terminee, il faut le detruire en plongeant les tubes dans I'eau bonillante.
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PRATIQUE DE L'OPEUATION.nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;311
Enfin, avant de terminer, je vcux dire quelques mots sur ee qu'il y a a faire pourreconnaitre si uiieinalaclicest reellement le cliarbon. Le seul criterium certain est la presence de labacteridie dans le sanir des animaux morls. Et encore faut-il recneillir ccsang le plus lot possible apres la mort; car au bout de quelque temps, quinzeou vingt beures seulement, d'aulres organlsmes, etrangersäla bacteri-die et vcnant de rintestiii,peuvont(iejä se trouver dans le sajig. Si on n'a pas une habitude snffisaiile da microscope pour re-connaitre les bacteridies, los autres caractercs macrosco-piques pourront donner des indications tres utilcs ; mais il faudra, dans tons les cas, les verifier par des inocula­tions directes. On prelevera le sang du ctcur dquot;un animal mort jieit de temps apri's xa mort el on rinoculera, ä la lancelte, si on n'a pas de seringue ä sa disposition, a des lapins, ä des cochons cl'Inde on ii des moutons.Si ces ani­maux succombent, surtout s'ils succombent entretrente et soixante heures, il sera tres probable qu'on aura affaire au charbon. Pour avoir une certitude il faudrait expedier du sang ä un observateur tres familiarise avec Fetude du Bsf charbon et de la bactcridie. Mais, dans ce cas, il y a beaucoup ä craindre que le sang, surtout s'il provient d'un pays eloigne, arrive pulrefie otrempli d'autres orga­nlsmes qui masquent la presence de la bacteridie. Pour cviter cet ecueil, il faut mettre le sang dans une caisse conservee au froid, dans de la glace, par exemple.
II vaudrait mieux encore, pour expedier cc sang, se servir des petits lubes qui sont employes journellement au laboratoire de 51. Pasteur. La figure 14 represente Pun
de ces lubes. La partie effilee est fermee, et en a se trouve
Fie. it.
un tampon de colon. Ces tubes sont prealablement porles ä une temperature de 200 ä 250 degres dans un fourneau a gaz, afin de delruire lous les gerrnes qui existent dans leur Interieur. Veut-on recueillirle sang du coeur d'un animal mort, par exemple? On decouvre le coeur, on roule sur une partie de sa surface une tige de verre oude fercbande, on casse la pointe effilee, on la passe dans la flamme d'une lampe a alcool, puis on la plonge dans le coeur au point oü la surface a ele brülee. On aspire
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312nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;GHARBON. — VACCINATION CHARBONNEUSK.
quelques gouttes de sang, jusqu'en B par exemple, on retire la pointe et on la feme dans la flamme d'une lampe ä alcool. Si 1'on prendces precautions, le sang recueilli est pur; il ne peut plus doreuavant donner naissance ä d'autres organismes qu'a ceux qui existaient dans lo sang du coeur, au moment 011 la prise a ete faite. Pour faciliter l'expedition dc ces tubes et empecherle sang recuevlli de venir au contact du tampon de colon, on icrme le tube ii la lampe an peu au-dessous du tampon de coton a.
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APPENDIGE
Pendant I'impression de cet ouvrage, une experience publique de vaccination charbonneuse a ete faite en Espagne, par les soins de M. Gregorio Arzoz, velerinaire de I10 classe ä Abänos, province de Navarre. En voici la relation sommaire, d'apres le journal El Monitor, organe officiel de la Societe scienlifique velerinaire de Navarre, n0 du 31 mars 1883 :
laquo; Confonnement ä notre programme, on acheta 40 moutons que Ton divisa en trois lots : im de 16 moutons, destines ä etre pre­serves par la vaccination; un autrc egalement de lü moutons, de meine äge, de meine sexe, destine? ä recevoir, en meine temps que les premiers, rinoculation du virus inortel (sang charbonneux) ; entiu le troisieme lot, compose de 8 moutons, etait tenu en reserve pour constater si les animaux vaccines auraient ä souffrir des suites de l'operation.
Le 24 janvier 1883, en presence de MM. Luciano Ardaiz, maire de Obänos; D. Nazario Unio, adjoint et president de la Junta de Abastos; D. Jose Eguilaz,administrateur des Abattoirs, et plusleurs autres habitants ; on proceda ä la premiere vaccination sur les IG moutons du premier lot.
Les animaux ne souffrirent en aucune fafon de l'operation.
Le 8 fevrier, on inocula le deuxieine vaccin devant leur conferer l'immunite complete.
11 fallait, en effet, etablir (pie, non seulement les animaux sup-portent parfaitement les vaccinations, inais encore qu'ils sont preserves de la maladie mortelle.
A cet effet, nous attendimes qu'un animal mourüt du charbon spontane pour recueillir son sang et le leur inoculerafin de mon-
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3Unbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; APPENDICE.
trer, d'tine fafoa absolue, que la decouverle de l'illustre M. Pasteur n'est pas un mytlie comme on a voulu le faire croire, mais la veritable prophylaxie de la fievre charbonneuse.
Le Ier mars, un mouton de notre commune mourut du charbon : apres avoir constate, par I'autopsie, la cause de sa mort, on recueillit dans un vase tres propre, une certaine quantile de sang pris dans la rate.
Deux beures apres, les 10 moutons inocules preventivement et les 40 möutons non vaccines recevaient le sang charbonneux par une petite incision pratiquee a la cuisse gauche, incision dans laquelle on deposa, avec un pinceau, une goutte de ce sang.
Gelte operation fut faite le Ier mars ä cinq beures, tons les mou­tons non vaccines sont marts. A sept beures du soir, un mouton vaccine mourut; los 15 autres continuent ä se bien porter et ils sout aussi vigoureux que les 8 moutons du troisieme lot qui ser-vaient de point de comparaison.
FI.N DE L APPENDICE
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TABLE DES MATIERES
PREMIERE PARTIE
CBARBON — KTIOLOG1E — I'liOPIIYLAXIEnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; I
PreliiniDaires.....................................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;3
Ohapitbe I. — Importance despcitos causees par le charbon. Symptümes
de la maladie......................................nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 0
CbAPITRE II. — Clwrbüii et septiceiuiu...............................nbsp; nbsp; nbsp; 17
CiiAPiTRE III. — Eliülogie du cliaibon.................................nbsp; nbsp; nbsp; 43
Cfupitre IV. — Duree de la vie des genues eliarhonneux...............nbsp; nbsp; nbsp; 57
CHAPixnE V. — Recapitulation des faits acquis. — Exemples de contagion
naturelle..........................................nbsp; nbsp; nbsp; 69
Chapitre VI.— Mesuresä prendre pour eviterla propagation de la maladie.nbsp; nbsp; nbsp; 87
DEUXlEME PARTIE
VACCINATION CHARUONNEISE. — SES RESULTATS EN FRANCE ET A L'ETRANGER.
PRATIQUE DE I.'OPERATIONnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; 91
-
Ohapitre VII. — Introduction.......................................nbsp; nbsp; nbsp; 93
CiiAPiTRE VIII. — Non recidive do I'affectioa charbonneuse..............nbsp; nbsp; nbsp; 97
CBAPITBE IX. — De l'atteniiation des virus et de leur retour a la viru­lence............................................nbsp; nbsp; nbsp;107
Cbapitre X. — Vacoin du charbun...................................nbsp; nbsp; nbsp;115
Chapitre XI. — Experiences de Pouilly-le-Fort........................nbsp; nbsp; 119
Chapitbe XII. — Experiences de Fresno, pies Pilhiviers. — Vaccination
descbevaux.......................................nbsp; nbsp; 139
Chapitre XIII. — Experiences de Chortres............................nbsp; nbsp; 117
Chapitre XIV. — Experiences d'Artenay..............................nbsp; nbsp; nbsp;151
Chapitre XV. — Experiences do Toulouse.............................nbsp; nbsp; nbsp;157
Chapitre XVI. — Experiences de Nevers..............................nbsp; nbsp; nbsp;163
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:m(jnbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp; nbsp;table des m.vtieres.
r.iiAiMTRE XVII. — J^periences Ue Mcr................................nbsp; nbsp; 160
C.iivpitre XVIII. — Experiences de Monlpellier........................nbsp; nbsp; 177
Chapitre XIX. — Experiences do Bordeaux.......................... .nbsp; nbsp; 183
t'.nwrnE XX. — Experiences d'Angouleme.............................nbsp; nbsp; 195
(quot;iiaI'ITRe XXI. — Experiences de Clermont-Ferrand...................nbsp; nbsp; 199
Resume des rapports precedents.....................................nbsp; nbsp; 202
CHAPITRE XXII. — Experiences faitos a I'etrangcr. — Experiences d'Au-
triche-Hongrie..................................nbsp; nbsp; nbsp;205
Chapitre XXIII. — Experiences d'Allemagnc...........................nbsp; nbsp; 215
Chapitre XXIV. — Experiences d'ltalie...........................:...nbsp; nbsp; 231
Chapitre XXV. — Experiences de Belgique...........................nbsp; nbsp; 237
Chapitre XXVI. — Experiences de Suisse cl d'Angletcrre...............nbsp; nbsp; 2{3
(^i.apitre XXVII. — Mortalile resultant de la vaccination clans les especes
ovine, bovine et equine..........................nbsp; nbsp; 24!)
Chapitre XXVIII. — Preuves derefficacite de la -vaccination cliarbonneusc
eoutre la maladie spontanec...................nbsp; nbsp; 255
Chapitre XXIX. — Duree pendant laquelle les animaux conservent riminu-
nite a la suite des vaccinations...................nbsp; nbsp; 261
Chapitre XXX. — Variation dans la virulence des vaccins charbonneux..nbsp; nbsp; 281
Chapitre XXXI. — Pratique de l'operation de la vaccination cliarbanneuse.nbsp; nbsp; 297
Appendice. — Experiences d'Espagne...............................nbsp; nbsp; 313
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FIN 1IE I.A TAltLE DES VATIERES
MOTTEROZ, Adm.-Direct. iU-s Iniprimcrics rcttnics, A, rue Migtion, 2. Paris.
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