COURS
D E
PEINTURE
PAR.
PRINCIPES/
CO M P 0 S E'
Par Mr DE PILES. |
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A PARTS,
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Chez J a c qjj es Estienne, rue
S. Jacques, au Coin de la rue de la
Parcheminerie , � la Vertu.
M. DCCV III.
'AVEC APROBATION ET PRirJLEGE, KUNSTHtSTORiSCH INSTiTUUT f
DER RIJKSUNIVERSIIEIT U. :ECHT ) |
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ORDRE DES TRAITES
contenus dans ce Volume.
TjlDE'E de la Peinture, Pag. i7
Le V'ray dans la Peinture, 2.9. Cis^/V <i'#«tf Zettre de Monfieur Dt&':
Guet fur le Trait� du Vray dam la Peinture ,: 44. L* Invention, 49.
I?Ecole d'Ath�nes ^ J$,
La Difpofition 3 514.
Le Deffein , 1 26;
Les Draperies y 196*
,Z* Pa�fage, 200,.
■2/W Portraitsl< 260.
-�e Coloris, 302.'
��«■ Clair-obfcure] 361.
L'Ordre pour l'Etude ]~ 3 S y.
Dijfertation o� l'on examine fi la,
■Po�fie eft pr�f�rable � la Pein- *** J&* |
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KUNSTHISTQRISCH INSTiTUUT
DER RUKSUNIVBRSITEIT UTRECHT |
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JDefcriptions de deux Ouvrages d&
Sculpture, faits par MonJieurZum- bo Gentilhomme Sicilien , 47 3. La Balance des Peintres, 4890-
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COURS
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COURS
DE PEINTURE
PAR PRINCIPES.
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Z'IDE'E DE LA PEINTVRE.,
pour fervir de Pr�face � ce Livre,
E r s o n n � ne remporte
le prix de la courfe, qu'il ne voie le but o� il doit arriver 5 et 4'on ne peut acqu�rir parfaitement la connoif- fance d'aucun Art., ni d'aucune Science,, fans en avoir la v�ritable ■id�e. Cette id�e efl notre but^ 8c �c'eft. elle qui dirige celui qui court,. <&� qui le fait arriver s�rement � la m.®, de fa carri�re , je veux dire, � A
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% Cours de Peinture
la poffefuon de la Science qu'il re-
Mais quoique toutes les �hofes
renferment en elles & faffent pa- ro�tre la plus grande partie de leur v�ritable id�e , il ne s'enfuit pas de-l� qu'elle foit toujours connue � ne pouvoir s'y tromper, & que l'on n'en con�oive fouvent de faui- fes au lieu de celle qui eft la v�- ritable & la plus parfaite. La Pein- ture a fes id�es comme les autres Arts : la difficult� eft donc de d�- m�ler quelle eft la v�ritable. Mais avant que d'entrer dans cette dif- cuflion , H me paroit neceffaire d'expofer ici, que dans la Peinture jl y a deux fortes d'id�es > l'id�e g�n�rale qui convient � tous Jes; hommes, & l'id�e particuli�re qui convient au Peintre feulement. Le moyen le plus s�r pour con-
no�tre infailliblement la v�ritable id�e des choies, c'eft de la tirer du fond de leur effence & de leur d�finition ; parce que la d�finition |
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far Principes. ■$
n'a �t� invent�e que pour emp�-
cher l'�quivoque des id�es , pour �carter les fauftes, & pourinftruire notre efprit de la v�ritable fin, & des principaux effets de chaque chofe. Il s'enfuit de - l� , que plus une
id�e nous conduit directement ■■:& rapidement � la fin que l'eftence d'o� elle coule nous indique, plus nous devons �tre aff�tez qu'elle eft la v�ritable. L'eftence & la d�finition de la
Peinture, eft l'imitation des objets vifibles par le moyen de la forme & des couleurs. Il faut donc con- clure , que plus la Peinture imite fortement & fid�lement la nature, plus elle nous conduit rapidement & directement vers fa fin , qui eft de f�du�re nos yeux 3 <k plus elle "nous donne en cela des marques de -fa v�ritable id�e. Cette id�e g�n�rale frappe &
attire tout le inonde , les ignorans, lesamateur^ de Peinture , les con- Aij
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■m Cours de Peinture
jnoiiTeurs , ' & les Peintres m�mes.
■Elle ne permet � perfonne de pal- fer indiff�remment pa-r un lieu o� fera quelque Tableau qui porte ce xaradere , &as �tre comme fur- pris , fans s'arr�ter & fans jouir -quelque tems du plaifir de fa lur- prife. La v�ritable Peinture elt donc celle qui.rious appelle ( pour ainfi dire) en nous (urprenant : & ce n'eft que par lafcrxe de l'effet ou'elle produit, que nous ne pou- vons nous emp�cher d'en appro- cher , comme fi elle avoir quelque chofe� nous dire. Et quand nous Yommes aupr�s d'elle , nous trou- vons que non-feulement elle nous diver�t parle :b eau-choix, & par la nouveaut� des chofes qu'elle jious prefente, par l'hiftoire, & par la fable donc :c�lc rafra�chit notre "m�moire , par les inventions in- crenieufes, & par les all�gories dont Sous nous foiions un plaifir,de trou- ver le fens , ou d'en critiquer l'o.->- fcurit� ; mais .encore #ar l'imita- |
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far Jrrimifes.' f
tion vraie & fid�le qui nous a at-
tirez d'abord", qui nous inflruit dans le d�tail des parties de la Peinture, & qui, f�lon ;AHftote,-' nous divertit, quelque horribles que foientles objets de la nature qu'el- le reprefente.-- II y a une f�conde id�e, qufefl,
comme nous avons dit , particu- li�re aux Peintres, & dont ils do�-; vent avoir une habitude confom-- m�e. Cette id�e regarde eh'd�tail toute la th�orie de la Peinture, &' elle doit leur �tre famili�re, de telle forte qu'il femble qu'ils n'ayent be- foin d'aucune reflexion pour l'ex�- cution de leurs penf�es. C'eft ainf� qu'apr�s l'�tude exac-
te du Deflein, apr�s la recherche d'un f�avant Coloris , & de'-toute les choies qui d�pendent de ces deux parties-3 ils doivent toujours avoir prefentes les id�es particu- li�res qui r�pondent aux diverfes parties de leur Art. De.tout ce que je viens de di-
Aiij
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� Cours de Peinture
re , je conclus que la v�ritable
Peinture doit appeller fon Speda- teur par la force & par la grande v�rit� de fon imitation ; & que le Spedateur furpris doit aller � elle comme pour entrer en converfa- t�on avec les figures qu'elle repr�- sente; En,effet quand elle porte le caradere du.Vrai, elle femble ne nous avoir attirez que pour nous divertir, & pour nous inftruire. Cependant les id�es de la Pein-
ture, en g�nerai , font auffi diverf�s que les mani�res des diff�rentes �coles diff�rent entr'elles. Ce n'eft pas que les Peintres manquent des id�es particuli�res qu'ils doivent avoir ; mais l'ufage qu'ils en font n'�tant pas toujours fort juite l'habitude qu'ils prennent de cet uf�ge, l'attache qu'ils ont pour une partie plut�t que pour une autre & l'affection qu'ils confervent pour la mani�re des Ma�tres qu'ils ont imit�s., les jette dans l� pr�dilec- tion de quelque partie favorite , |
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far Principes. 7
au lieu qu'ils font dans'■ l'�troite
obligation de les poffeder toutes, pour contribuer � l'id�e g�n�rale dont nous avons parl�. Gar la plu- part des Peintres fefoi�t toujours partag�s f�lon leurs diff�rentes in- clinations 3 les uns pour -Rapha�l, les autres pour JV�ichelange , les autres pour les Caraches, les au- tres pour leurs Difciples 5 quelques- uns ont pr�f�r� le Deff�in � tout, d'autres l'abondance des penf�es, d'autres les gr�ces , d'autres l'ex- preffion des paffions de l'ame : d'au- tres enfin fe font abandonnez � l'em- portement de leur g�nie , fans l'a- voir allez cultiv� par l'�tude �� par les reflexions. Que ferons-nous donc de toutes
ces id�es vagues &: incertaines ? Il eft fans doute dangereux de les re- jetter : mais le parti qu'il faut pren- dre, c'eft de s'attacher pr�f�rable- ment au Vrai, que nous avons fup- ppf� dans l'id�e g�n�rale. Il faut que tous �es objets peints paroiflent |
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g Cours de Peinture
Trais 3 avant que de paro�tre d'une -
certaine fa�on 5 parce que le Vrai' dans la Peinture eft la baze de tou- tes les autres parties, qui rel�vent' l'excellence» de cet Art , comme les fciences de les vertus rel�vent l'excellence de l'homme qui en efb le fondement. Ainfl l'on doit tou- jours fuppofer l'un & l'autre dans- leur perfection, quand on parle des< belles parties dont ils font fufeep- tjbles, & qui ne peuvent faire un- bon effet, que.lors qu'elles y font» intimement attach�es. Le Specta- teur n'eft pas oblig� d'aller cher- cher du Vrai dans un ouvrage de:. Peinture : mais le Vrai dans la Pein- ture doit par fon effet appeller les> Sp�culateurs^ C'efl inutilement que l'on con^
lerveroit dans un Palais magnifi- que les chofes du monde les plus rares, fi l'on- avoit obmis d'y faire des portes, ou fi l'entr�e n'en �toio proportionn�e � la beaut� de l'�- difice , pour faire na�tre aux per-- |
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far Principes. 9
fennes l'envie d'y entrer & d'y fa i
tisfaire leur curiof�t�. Tous les ob- jets vif�bles Centrent dans l'efprir: que par les organes des yeux, com- me les fons dans la mufique n'en- trent dans l'efprit que par les oreil- les, Les oreilles-& les yeux font les portes par lefquelles entrent nos jugemens fur les concerts de mu- fique & fur les ouvrages de Pein- ture, Le premier foin du Peintre auffi-bi�n que d� Muficien , doic donc �tre de rendre l'entr�e de ces portes libre &t agr�able par la for- ce de leur harmonie, l'un dans le Coloris accompagn� de fon Clair- obfcur', �c l'autre dans fes accords. Les chofes �tant ainfi, &. le Spec- tateur �tant attir� par la force de Pouvrage, fes yeux y d�couvrent les beaut�s particuli�res: qui font ca- pables d'inftruire &?de divertir; Le curieux y trouve ce qui eft propor- tionn� � fon go�t, de le Peintre y obferve les diverfes parties de fon Art, pour profiter dubon, & rejetter |
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i o Cours de Teinture
le mauvais qui peut s'y rencontrer»
Tout n'en: : pas �gal dans un ou- vrage de Peinture. Il y aura tel Tableau, qui avec plusieurs d�fauts � le confiderer dans le d�tail ne lail��ra pas d'arr�ter les yeux de ceux qui pafl�nt devant, parce que le Peintre y aura fait un excellent ufage de fes couleurs & de fon Clair- obfcur. Rernbrant, par exemple, fe di-
vertit un jour � faire le portrait de i�, fervante, pour l'expofer � une fen�tre & tromper les yeux des paflans, Cela lui r�i�ffit y car on ne s'apper��t que quelques jours apr�s de la tromperie. Ce n'�toit, comme,on peut bien fe l'imagi- ner de Rernbrant , ni la beaut� du defTein , ni la noblefl� des expreffions qui avoient produit cet effet. ^ Etant en Hollande j'eus la cu_
r�of�t� de voir ce portrait que je trouvai d'un beau pinceau & d'une grande foxce 5 je l'achetai , & |
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far Principes. i i
il tient aujourd'hui une place con-
sid�rable dans mon cabinet. D'autres Peintres au contraire
ont fait voir par leurs ouvrages quantit� de perfections dans les d�- verfes parties de leur Art, lefquels n'ont pas �t� afl�z heureux pour s'attirer d'abord des regards favo^. r�bles, je dis .aflez heureux , parce que s'ils l'ont fait quelquefois , c'a �t� par une difpof�tion d'objets que le hazard avoit plac�s, & qui dans le lieu qu'ils occupoient, exigeoient un Clair-obfcur avantageux, qu'on ne pouvoir leur refufer , & auquel la icience du Peintre avoit tr�s- peu de part 5 attendu que s'il l'a- voit fait par fcience, il l'auroit pra- tiqu� dans tous fes Tableaux. Ainf� rien n'eft plus ordinaire
que de voir des Tableaux orner des appartemens par la richefTe feu- lement de leurs bordures, pendant que l'infipidit� & la froideur de la Peinture qu'elles renferment, laif- fent paffer tranquillement les per- |
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i 2 Cours de Peinture
fonnes uns les attirer par aucune
intelligence de ce Vrai qui nous ap- pelle. Pour rendre l� chofe plus -f�hCu
ble, je dois me fervir de l'exem- ple des plus habiles Peintres qui n'ont pas n�anmoins pof��d� dans un degr� -ruffifant la partie qui d'a- bord Frappe les yeux par une imu tat�on tr�s-fid�le, & par- un Vrai dont l'art nous f�duife, s'il eft poil i�ble, en fe mettant au deflus m�- me de la nature. Mais parmi les exemples que l'on peut citer , je n'en puis apporter de plus remar- quable que celui de Rapha�l � eau- fe de fa grande r�putation, & par- ce qu'il eft- certain , que de tous es Peintres il n'y en a aucun qui ait eu tant de parties, ni qui les ait pofl�d�es dans un fi haut de^ gr� de perfection. C'eft un fait qui pafle pour con-i
fiant-, que de l'aveu de plulieurs personnes , on a vu. >fouvent des gens d'efprit chercher Rapha�l au |
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par Principes. 1.3l
milieu-de Rapha�l m�me, c'eft-�-
dire , au milieades Sales du Va- tican , o� font les plus belles cho- fes de ce Peintre 5 & demander en ■ m�me-tems � ceux qui les cohi duifoient ^ qu'ils leur fifl�nt voir des ouvrages de Rapha�l, fans qu'ils . donnafTent aucune^ marque qu'ils en fufTent frapp�s du premier coup d'ceil, comme ils f� F�toient ima- ginez fur le bruit de, la r�putation de Rapha�l. L*id�e qu'ils avoient con�ue des Peintures de ce grand g�nie ne fe trouvoit pas remplie } parce qu'ils la mefuroient � celle que naturellement sn> doit avoir d'une Peinture parfaite. Ils ne pou- voient s'imaginer que l'imitation de la Nature ne fe fit pas fentir dans toute fa vigueur &, dans toute la perfe&ion, � la vue des-ouvrages d'un Peintre li merveilleux. Ce qui fait bien voir que fans l'intelligen- ce du Cla�r-ob�cur , & de tout ce qui d�pend du Coloris, les autres parties- de- la Peinture perdent |
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14 Cours de Peinture "
beaucoup de leur m�rite, au point
m�me de perfedion que Rapha�l hs a port�es. Je puis donner ici un exem-
ple affez r�cent du peu d'effet que produifent d'abord les Ouvrages de Rapha�l.* Cet exemple me vient d'un de mes amis , dont l'efprit & le g�nie font connus de tout le monde. Il porte fon eftime pour ce fameux Peintre jufqu'� l'adm�- ration y & il a cela de commun avec tous les gens d'efprit. Il y a quelque tems que fe trouvant � Rome, il t�moigna une grande im- patience de voir les Ouvrages de Rapha�l. Ceux que l'on admire le plus, ce font les frefques qu'il a peintes dans les Sales du Vatican. On y mena le curieux dont je parle, & paffant indiff�remment � travers les Sales , il ne s'aperce- voit pas qu'il avoit devant les yeux ce qu'il cherchoit avec tant d'em- preffement. Celui qui le conduifoit l'arr�ta tout � coup, & lui ditrO�. * Moniteur de Valincoart;
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par Principes. i j.a
allez-vous fi vite , ,Monfieur ? voil�
ee que .vous cherchez, &■ vous n'y prenez pas garde. Notre curieux n'e�t pas plut�t apper�� les beau- t�s que Ton bon eipr�t lui d�cou- vroit alors, qu'il prit la refolution d'y retourner plufieurs autres fois pour fatisfaire pleinement fa cu- riofit� , & pour fe former le go�t, fur ce qui "le. piquoit davantage. Qu'e�t-ce �t� fi s'en retournant charm� � la vue de tant de bel- les ehofes , Rapha�l l'avoit d'a- bord appelle lui-m�me par l'efFec des couleurs propres � chaque ob- jet , foutenu�s d'un excellent Clair- obfcur ? Le Gentilhomme dont je viens
de parler, s'�toit imagin� qu'il fe- rait extr�mement furpris � la vue des Peintures d'une fi grande r�pu- tation. Il ne le fut point, �c comme iln'�toit pas Peintre, il fe contenta d'examiner & de bien loiier les airs de t�tes , les exprel��ons , la no- Meffe des. attitudes, & les gr�ces |
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�h 6'"' Cours de Peinture
qui accompagnoient les chofes qui
etojignt le-plus de la port�e de fa connoifiance ; du- refte il eut peu de curiofk� de s'arr�ter aux autres parties qui regardent, l'�tude des Peintres feulement. Ce que je viens 'de raporcer, ef&
un fait qui-fe renouvelle fouvent y non feulement parmi les curieux ignorans, mais � l'�gard m�me des Peintres de profeffion qui n'ont en- core rien vu des Ouvrages de Ra-> pha�l. Ce.n'eft pas que l'on ne voie quel-
ques Tableaux de Rapha�l bien colori�s»; mais l'on ne doit pas ju- ger fur le tr�s.petit nombre qu'il en � fait de cette forte : c'eft fur Je g�nerai de fes-Ouvrages & de ceux de tous le autres Peintres y qu'on doit d�cider du degr� de leur capacit�. Quelques-uns obje&ent que cette
grande �c parfaite imitation n'eft. pas de l'efTence de la Peinture, Se que li cela �toit, on en verroit des |
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far Principes. vjr
effets dans la plupart des Tableaux;
Qu'un Tableau qui appelle, ne m- plit pas toujours: l'id�e de .celui"qui va le trouver, & qu'il n'eft pas ne- ceffaire que les figures qui conipo- fent un Tableau., paroiiTent vouloir* entrer en converfatioir avec ceiv» qui le regardent -, ptiifqu'�n eft biert pr�venu que ce. n'eft que del� Pein- ture. . Il eft. vrai que le nombre dea
Tableaux qui appellent le Spe&a- teur, n'eft pas fort grand j mais ce n'eft pas la faute derla Peinture, dont l'eflence eft de furprendre les ' yeux &de les tromper v s'il eft pof~ l�ble 3 il en- faut feulement imputer la faute �. la n�gligence du Peintre , ou plut�t � fon.elprit., ..qui n'eft pas affez �lev� ni afl�z inftruit des prin- cipes neceffaires pour forcer , s'il faut ainfi dire, les paflans de regar- der fes Tableaux, � d'y faire atten- tion; Il faut beaucoup- plus de Genre
pour faire mx bon ufage.des lumie. |
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� § Cours de Peinture
xes & des ombres, de l'harmonie
des couleurs & de leur jufteiTe pour chaque objet particulier, que pour defliner correctement une figure. Le Deflein qui demande tant de
t�ms pour le bien f�avoir , ne con- lifte prefque que dans une habitude de mefures & de contours que l'on r�p�te fouvent : mais le Clair-obfcur & l'harmonie des couleurs font un raifonnement continuel, qui exerce l� g�nie , d'une mani�re aul�i dif- f�rente que les Tableaux font com- pof�s diff�remment. Un g�nie mo- d�r� arrive necefTairement � la cor- rection du Deffein pat fa perfeve- rance dans le travail, 6c le Glair- obfcur demande outre les': r�gles une mefure de g�nie , qui doit �tre l allez grande , pour fe partager Se pour le r�pandre ( s'il faut ainfi par- ler ) dans toutes les autres parties de la Peinture. Chacun f�ait que bien que les
Ouvrages du Titien �c de tous les � Peintres defonEcole, n'ayant pref. |
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far Principes. i y
que point d'autre m�rite que celui
du Clair-obfcur. & du Coloris, ils ne laifTent pas d'�tre payei d'un grand prix, d'�tre tr�s recherchez,, & de foutenir dans les cabinets des curieux le m�rite des Tableaux de la premi�re claf��.. Quand je parle ici du Def�ein,
j'entens feulement cette partie ma- t�rielle ., qui par des mefures juftes forme tous les objets r�guli�rement : : car je n'ignore pas que dans le Del- fein outre la r�gularit� des mefures, il y a un efprk capable d'affaifon- ner toutes fortes de formes par le go�t & par l'�l�gance. Cependant il eft aif� de voir
que ce qui a le plus de part � l'effet qui appelle le Spectateur , c'eft le Coloris compof� de toutes fes par- ties qui font le Clair-obfcur, l'har- monie des couleurs , &: ces m�mes couleurs que nous appelions Loca- les , lors qu'elles imitent fidelle--- ment chacune en particulier la cou- leur- des objets naturels que le- |
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>o Cours de Peinture
Peintre- veut reprefenter. Mais cefa �
ff'emp�che pas que les autres par-^ ties nefoientneceflairespour l'effet? de toute la machine, & qu'elles ne fe pr�tent un mutuel fecours, les unes pous former, les autres pour orner les objets peints , pour leur- donner du go�t & de.la gi'ace, pour inftruire les amateurs de Peinture d'une mani�re, �c les Peintres d'une autre5 enfin rxour plaire � tout le monde. Ain fi l'obligation de la Peinture �
�tant d'appeller & de plaire : quand: elle=a attir� fon Spedateur, ce dei voir ne ia difpenfe pas de l'entre- tenir des diff�rentes beaut�s qu'elle renferme. Il me refte prefentement � pla-'
cer'les parties de la Peinture dans un ordre naturel, qui confirme le Ledeur dans l'id�e que je-viens de t�cher d'�tablir dans ion efprit. Et comme cette id�e n'eft fond�e que fur le Vrai , c'eft par le Trait� du Vrai,dans la Peinture |
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■ par 'Principes. 355
.,que je <iois entamer l'ordre que je
donnerai aux autres Trait�s qui fuivront celuLci. J'y fuis d'autant plus oblig� que ce Trait�, du Vrai^ ��c celui de l'id�e de la Peinture -que je viens d'expofer, ojit une il -grande relation entr'eux , que c'eft prefque la m�me xhofe. .Car tou- -tes les parties de la Peinture ne .valent qu'autant qu'elles portent Je caract�re de,ce vrai. Apr�s lld�e qu'on vient d'�ta.-
�blir de laPeinture,.&3.pr�sle Trai- .t� du Vrai , il,ne reliera ;plus qu'� j-alTenibler les -autres parties.de cet Art. Et fuppofe.que les fondemens -en fuffentbienTolides, ce.feroit le .feul moyen de fajre un tour qui Soit � couvert del� fauiTe, cri tique, �t de l'infulte de ceux1 qui ne ionjt ,pas inftruits ,d.es v�ritables prin- cipes. Je vais t�cher dnen �tablir qui
.puifl�nt lervir de pierres f�lid�s,,, pour b�tir un rempart.& .�lever ua �Palaisi la Peinture, o� .les grajads |
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ri Cours de Peinture
Peintres, les v�ritables curieux,
les amateurs de la Peinture, & les gens de bon go�t puiflentfe retirer ;en s�ret�. ■L'Invention donnera la penf�e
de l'�difice, elle en choifira la fci- tuation pittorefque, bizarre � la v�- rit� , & quelquefois fauvage ; mais agr�able au dernier point. Elle or- donnera des matereaux , qui doi- vent entrer dans la ftru&ure de ce iPalais. Et la Difpof�tion diftribuera les appartemens pour les rendre Tufceptibles de toutes les folides beaut�s, & de tous les agr�mens qu'on voudra leur donner. Apr�s l'Invention & la Difpofi-
-tion , le DerTein & le Coloris fuivis de toutes les parties qui en d�pen- dent , fe prefentent pour l'ex�cu- tion de ce b�timent. Le Coloris prendra le foin de vifiter toutes chofes , & de leur diftribuer une partie de fes dons, chacune f�lon Tes befoins .& fes convenances. Il ordonnera conjointement avec le |
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par Principes. 2 3
Defle�n du choix des meubles, qui
doivent orner l'�difice. -Le DeiTein aura feul par pr�f�rence l'inten- dance de TArchitecture , & le Co- loris le choix des Tableaux. Mais tous deux travailleront de concert, � mettre la derni�re main � l'ou- vrage , &� n'y laifler rien a defirer. Le fi te de ce Palais pour �tre
.convenable� la Peinture, doit �tre ..vari� de divers objets que la natu- re produit de fon bon gr�, fans art ,& fans culture. Les rochers , les torrens , les montagnes , les ruif- feaux , les for�ts., les ciels, & les campagnes avec des accidens ex- traordinaires , fans fortir n�an- ,moins du vraifemblab�e, font les chofes les plus convenables � la fci- ■tuation ce cet �difice �,.& le Trait� .du Pa�fage que je donnerai enfuite, pariera du d�tail de ces differens -objets. Parmi les h�bitans de ce Palais,
■3a Peinture y recevra la Po�fie avec h, diftincHon qu'elle merise. Elles |
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:�. �. Cours de Peinture
.y vivront enfemble comme deux
bonnes f�urs, qui doivent s'aimer fans jaloui�e, &c qui n'ont rien � �e difputer.-. Et c'eft par le parall�le de ces deux Arts que j-e finirai l'or- dre que j'ai cr� devoir �tablir dans ce fift�me de Peinture que je me fuis propol� de donner, au Public. Quelques perfonnes d'eiprit ont
trouv� � redire que je me ferviife s comme je fais, du d�faut de Ra- pha�l , pour confirmer mon fend- irent .fur l'id�e de la Peinture , lui qui ne doit �tre.cit� ( difent ils ) que comme un mod�le de toute perfedion., ,v� la r�putation g�n�- rale qu'il s'efl �tablie dans le mon-' :de. Ils avouent bien que j'ai rai- fon dans le fond : mais que je de vois me fervir d'un autre exemple, .& avoir cette complaifance avec les gens d'efprit pour Rapha�l. Ils ajoutent que les curieux font
d�j� pr�venus contre moi, fur ce qu'ils fe font imaginez que je pr�- terais JR.ubens � Rapha�l, & .que l'exemple
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far Principes. 15*j
l'exemple dont je me fervo�s pour
confirmer mon opinion les revolte- roit enti�rement au lieu de les ra- mener, & donneroit dans leur ef- prit une furieufe atteinte � la con- noiiTance que l'on croit que]'ai dans la Peinture. Je n'ai autre chofe � r�pondra �
cet avis , linon qu'� l'�gard de Ra- pha�l , je ne me fuis lervi de fan exemple., c'eft-�-dire, du fait qui arrive fouvent � la vue de fes Ou- vrages , que parce qu'il pofiedoit avec plus d'excellence toutes les parties de fon Art qu'aucun autre Peintre 5 que je tirerois plus d'a- vantage & que j'�tablirois pkis fu- rement mon fentiment fur l'id�e de la Peinture, G. je l'oppofois � toutes les perfections de Rapha�l. Ce n'efi: donc pas m�prifer Ra- pha�l que de le choifir pour exem- ple , parce qu'il a plus de parties qu'un autre Peintre, 8c que par-l� il fait fentir combien toutes fes B
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,.,2»� Cours de Peinture
belles parties perdent de n'�tre
point accompagn�es d'un Coloris qui appell�t le Curieux pour les admirer. je n'�cris , m pour ceux qui font
tout-�-fait favans en Peinture , ni pour ceux qui font tout-�-fait igno- rans.: j'�cris pour ceux qui font n�s avec de l'inclination pour ce bel Art , & qui l'auront cultiv� au- moins dans la converfation des habiles connoiiTeurs & des favans Peintres. J'�cris, en.un mot, pou-r les jeunes Elev�s qui auront fuivi la bonne voie , &; pour tous ceux qui ayant quelque teinture du DefTein &du^Coioris, & qui ayant examin� fans pr�vention les -beaux .Ouvra- ges , ont afifez de docilit� pour re- cevoir les v�rit�s qu'on poura leur infirmer.
Les Peintres demi -favans qui fe
font enp-ae�s dans un mauvais che_ min ,&. la plupart des Savans dans les Lettres , veulent ordinairement |
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far Principes,
fouten�r de faui�es id�es qu'ils ont form�es d'abord j & fans conno�tre, ni DelTein, ni Coloris, ni Rapha�l, ni Rubens, parlent de ces deux Peintres fur une ancienne "tradition qui bien que beaucoup diminu�e par les bonnes r�flexions , a enco- re laifle des racines dans Pefprk de plufieurs. Pour moi , je puis dire qu'ayant
Yii dans mes voyages avec grande attention les plus belles Peintures de l'Europe, je les ai �tudi�es avec amour,, 8c avec la culture dont j'ai exerc� le peu de g�nie que la naii- fan ce m'a donn�. J'aime tout ce qui eft bon dans les Ouvrages des grands Ma�tres ians d�ftin&ion des noms, & fans aucune complaifance. J'aime la diverf�t� des Ecoles c�l�- bres 5 j'aime Rapha�l, j'aime le Ti- tien , �c j'aime Rubens : je fais tout mon poffibl� pour p�n�trer les ra- res qualit�s de ces grands Peintres : smais quelques perfections 'qu'ils Bij
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2.-8 "Cours de Peinture
ayent, j'aime encore mieux la v�-
rit�. G'eft elle qu'on doit avoir uni- quement en vue , fur-tout quand on �crit pour lePublic ; c'eft un refped qu'on lui doit &; dont j'ai cru ne pouvoir me difpenfer. |
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far Prit�cifts. � �y
^pqpqpqpqp3P9P3W9W*^?
�> V FRAI dans la Peinture^,
L'Homme tout menteur qu'il
eft ne hait rien tant que le menfonge, �cle moyen le plus puif- fant pour attirer fa confiance , c'eft la fincerit�. Ain fi il eft inutile de faire ici l'�loge du Vrai, il n'y a p�ri fonne qui ne l'aime. & qui n'en fenl te les beaut�s. Rien n'eft bon, rien, ne p Ia�t fans le Vrai ; c'eft la raifon, c'eft-l'�quit�, c'eft l� bon fens & la bafe de toutes les perfections, c'eft le but des Sciences ; &tous les Arts qui ont pour objet l'Imitation ne s'exercent que pour inftruire Se pour divertir les hommes par une fidell� r�prefentation de la Nati�rer C'eft a]uf� que ceux qui recherchent les Sciences, ou qui s'exercent dans les ■^rts ne iauroient fe dire heureux G. apr�s tous leurs foins ils n'ont trou- A'-iij.-
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3 o Cours de Peinture
v� ce Vrai qu'ils regardent comme ;
larecompenfe.de leurs veilles.
Outre ce Vrai g�n�ral qui "doit
fe trouver par tout, il y a un Vrai dans chacun des beaux Arts, Se dans chaque Science en particulier. Mon derTe�n eft de d�couvrir ici ce que c'eil que le Vrai dans la Peinture Se de quelle confequence il eft au Pein- tre de le bien exprimer. Mais avant que d'entrer en ma-'
tiere, il eft bon de favoir en pafTant que dans l'Imitation en fait de Pein- ture , il y a � obferver que bien que l'objet naturel foit vrai & que l'objet qui eft dans le Tableau ne foit que feint, celui-ci n�anmoins eft appel- l� Vrai quand il imite parfaitement le caract�re de fon mod�le. C'efc donc ce Vrai en Peinture que je tacherai de d�couvrir pour en faire voir le prix Se la n�ceffit�. Je trouve trois fortes de Vrai
dans la Peinture. Le Vrai Simple ,
Le Vrai Id�al,
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par Principes, 31
It le Vrai Compof�, ou le Vrai
Parfait,
Le Vrai Simple que j'appelle le premier Vrai, eft une imitation fim- pie & fidelle des mouvemens ex- preffifs de la Nature, & des objets tels que le Peintre les a cho�l�s pour mod�le, & qu'ils fe prefentent d'a- bord � nos yeux, en forte que les Carnations paroiffent de v�ritables Chairs, & les Draperies de v�rita- bles �toffes f�lon leur dlverfk� , & que chaque objet en d�tail conferve le v�ritable caract�re de fa nature 5 que par l'intelligence du clair-obfcur & de l'union des couleurs, les objets qui font peints paroiffent de relief, & le tout enfemble harmonieux. Ce Vrai Simple trouve dans tou_.
tes fortes de naturels les moyens de conduire le Peintre � fa fin, qui eft une fenfible '& vive imitation de la Nature, en forte que les fi- gures femblent, pour ainfi dire ,. pouvoir fe d�tacher du Tableau, pour entrer en converiation avec B mj
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3 2 Cours de- Peinture
ceux qui les regardent.
Dans l'id�e de ce Vrai Simple.,
je fais abftraclion des beaut�s qui peuvent orner ce premier Vrai, de que le g�nie ou les r�gles de l'Art pouroient y joindre pour en faire un tout-parfait. Le Vrai Id�al eft un ciioix de
diverfes perfections qui ne fe trou- vent jamais dans un-feul mod�le -, niais qui fe tirent de pluf�eurs & or- dinairement de � l'Antique. Ce Vrai Id�al comprend l'abon-
dance des penfees, la richefle des inventions, la convenance des at- titude.st l'�l�gance des contours ,. le choix des belles expreffions , le beau jet des draperies, enfin tout- ce qui peut fans alt�rer les premier Vrai le rendre plus piquant & plus convenable. Mais toutes ces per- feclions ne pouvant fubf�iler que dans l'id�e par raport � la Peintu- re , ont befoin d'un fujet l�gitime^ qui les conferve et qui les faite pa- ro�tre.avec avantage 5 & ce. fujet; |
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far Principes. 35
l�gitime eft le Vrai Simple : de m�-
me que les vertus morales ne font que dans l'id�e fielles n'ont un fujet l�gitime , c'eft-�-dire , un fujet bien difpof� pour les recevoir & les faire fubfifter , fans quoi elles ne feroient que de fauffesapparences. & des fant�mes de vertu. Le Vrai Simple fubfifte par lui-
m�me , c'eft l'afTaifonnement des perfections qui l'accompagnent -r c'eft lui qui les fait go�ter & qui les anime : 6c s'il ne conduit pas lui feu 1 � l'imitation d'une Nature parfaite ( ce qui d�pend du choix que le Peintre fait de fon Mod�le ) il con- duit du moins � Pimitation de la Nature qui eft en g�n�ral la fin du Peintre. Il eft confiant que le Vrai Id�al tout feul men� par une voie tr�s - agr�able j mais par laquelle l� Peintre ne pouvant arriver � la fin de; fon ^ Art eft contraint de demeurer en chemin , & l'unique fecours qu'il doir attendre pour ^'aider � remplir fa carri�re doit ve- B-v-
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34 Cours de Peinture
nir du Vrai Simple. Il paro�t donc
que ces deux Vrais, le Vrai Simple Se le Vrai Id�al font une compof� parfait, dans lequel ils fe pr�tent un mutuel fecours, avec cette par- ticularit� , que le premier Vrai per- ce &. ;fe fait fentir au travers de toutes les perfedions qui lui font. jointes. L� troifi�me Vrai qui eft compo-
f� du Vrai Simple & du Vrai Id�al fait par cette jondion le dernier ach�vement de l'Art, & la parfaite imitation de la belle Nature. Cell ce beau Vraifemblable qui paro�t fou vent plus vrai que la v�rit�-m�- me:, parce que dans cette jondion le premier Vrai faifit le Spedateur, fauve plufieurs n�gligences, & fe fuit fentir le premier fans qu'on y penfe. Ce troil��me Vrai, eft un but o�.
perfonne n'a encore frapp� j on peut dire feulement que ceux qui en ont le plus approch� font les plus' habiles. Le Vrai Simple & le Vrai |
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par Principes. 35
Id�al ont �t� partag�s f�lon le g�-
nie &� l'�ducation des Peintres qui les ont poffed�s. Georgion, Titien, Pordenon, le vieux Palme, les Baf- fans, & toute l'Ecole V�nitienne n'ont point eu d'autre m�rite que d'avoir pofled� le premier Vrai. Et L�onard de Vinci , Rapha�l, Ju- les Romain, P�lidore de Carava~ ge , le Pouffin , & quelques autres de l'Ecole Romaine , ont �tabli leur plus grande r�putation par le Vrai �deal ; mais fur-tout Rapha�l, qui outre les beaut�s du Vrai Id�al a poffed� une partie eonf�derable du Vrai Simple ,& par ce moyen a plus approch� du Vrai parfait qu'aucun de fa Nation.' En effet il p�r��t que pour imiter la Nature dans fa vari�- t� 3 il fe fervoit pour' l'ordinaire d'autant de naturels d�fferens qu'il avoit de diff�rentes figures � repre- fenter ; & s'il y �jo�toic quelque chofe du f�en, c'�toit pour rendre ^es traits plus r�guliers1, & plus ex- pteffifs 5 ea confervant toujours le B:v]
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3 � Cours de peinture
Vrai & le caraclere f�ngul��r de fon-
modele. Quoiqu'il" n'ait pas enti�- rement connu le Vrai Simple dans- les autres parties de le Peinture , i� avoit cependant un tel go�t pour le Vrai en g�n�ral que dans la plu- part des parties du corps qu'il def- ilnoit d'apr�s Nature , il les expri- moit fur fon papier comme elles- �fo�ent eirec1:ivement,pour avoir des. t�moins de la v�rit� toute fimp�e, & pour la joindre � l'id�e qu'il s'�- mit faite de la beaut� de l'Antique : conduite admirable qu'aucun au- tre Peintre n'a tenue auff� heureufe- ment que Rapha�l depuis le r�ta- bliflement de la Peinture. Comme le Vrai Parfait eft un>
conipof� du Vrai Simple & du Vrai Id�al, on peut dire que les Peintres font-habiles f�lon le degr� auquel ils poffedent l�s parties du premier & du f�cond Vrai, & f�lon l'heureu- i� facilit� qu'ils ont acquife d'en fai- re un bon compof�. Apr�s avo2-r �tabli le Vrai de la:
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par Principes. ' xt:
Feinture , il eft bon. d'examiner fi*
les Peintres qui ont exag�r� les con- tours de leurs figures pour paro�trc f�vans , n'ont point abandonn� le' Vrai en fortant des bornes de la Sim- plicit� r�guli�re. Comme les» Peintres appellent;
du nom de charge & de charg�. tout ce qui eft outr�, Si. que tout ce qui eft outr� eft hors de la Vraifem-- blance 5 il eft certain que tout ce � qu'on appelle charg� eft hors du Vrai que nous venons d'�tablir. Ce� pendant il y a.des contours char- g�s qui plaifent, parce qu'ils font �loign�s de la. baft�fTe du naturel ordinaire, �c qu'ils portent avec eux. un air de libert� & une certaine id�e, de grand go�t, qui irapofe � la plu- part des Peintres, lefquels appellent du nom de grande mani�re ces for- tes d'exag�rations. . Mais ceux qui ont une v�ritable *
id�e de Ja correftion , de !a {impli- cite r�guli�re, &.dei'�l�gance de l� Nature , traiteront de fupexflot |
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3 8 ' Cours de Peinture
ces charges qui al tir�rent -'toujours'
la v�rit�. On ne peut n�anmoins s'emp�cher de louer dans quelques grands Ouvrages les chofes char- g�es , quand une raifonnable dif- tance d'o� on les voit les adoucit � nos yeux , ou qu'elles font em- ploy�es avec une difcretion qui rend plus fenfible le cara&ere de la v�rit�. Il y a eu des Peintres qui bien
loin de rechercher une jufte mo- d�ration dans leur deflein , ont af- fect� d'en rendre les contours �c Jes mufcles prononc�s au-de-l� d'une jufteiTe que demande leur Art, & cela dans la vue de paf��r pour habiles dans l'Anatomie, 6c dans un go�t de DefTein qui attir�t Feftime de la Pofterit� : mais ce mo- tif auffi-bien que leurs tableaux ont un certain air de p�danterie bien plus capable de diminuer la beaut� ' des Ouvrages , que d'augmenter la r�putation des Peintres qui les ont faits. |
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far ■■Principes, . $$�■■
�left'Vrai que le Peintre eft obli-
g� de favoir l'Anatomie, �c les exa- g�rations piquantes qui en d�ri- vent , parce que l'Anatomie eft le fondement du Deffein & que les exag�rations peuvent conduire � la. perfedion ceux qui favent en pren- dre & en laifler autant qu'il en faut 5 pour accorder la jufteffe & la f�m- plicit� du Deffein avec le bon go�t. Ces exag�rations font- fuportables & fouvent agr�ables dans les Def- feins qui ne font que les penf�es des Tableaux ■■ & le Peintre favant s'en peut fervir utilement lorfqu'ii commence Se qu'il �bauche fon Ouvrage : mais il doit les retran- cher quand il veut que fon Tableau paroi�e. dans fa perfedion, com- me un Architede retranche & re- jette le ceintre qui lui a fervi � b�- tir fa vo�te. Enfin les-Statues Antiques qui
©■nt paif� dans tous les tems pour la r�gie de la beaut�, n'ont rien de charg�, ni rien d'afFed�, non plus |
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^�■"' Cours de Peinture
que les Ouvrages de ceux qui'les"
ont toujours fuivies, comme Ra- pha�l , le Pouffin, le Dominiquain y & quelques autres, Non-feulement toute afFe&atiorf
d�pla�t, mais la Nature eft encore obfcurcie par le nuage «de la mau- vaife habitude que les Peintres ap^ pellent Mani�re. Pour, bien entendre ce principe,'
il eft bon de favoir qu'il y a deux- fortes de Peintres. Quelques-uns!, qui font en petit nombre peignent f�lon les principes de leur Art, 6c font des Ouvrages o�. le Vrai fe rend aflez fenfible pour arr�ter le Spectateur 6c lui faire plaiflr. D'au- tres peignent feulement de prati-^ que par une habitude exp�ditive qu'ils ont contract�e d'eux-m�mes ians raiibnner, ou qu'ils ont appri- fe de leurs Ma�tres fans r�fl�chir. Ils- font quelquefois bien par ha- zard ou par reminifeence, & tou- jours m�diocrement quand ils tra- vaillent de leur propre fond. Com- |
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far Principes: 4*'
me ils ne fe fervent que rarement;
du Naturel ,,ou qu'ils ler�duifent �- l�ur habitude , ils: n'expriment ja- mais ce Vrai, ni ce Vraifemblable qui eftY l'unique objet du v�ritable Peintre, Scia fin de la Peinture. Au refte, de< tous les beaux Arts,
celui o�. le Vrai fe doit trouver le plus feniiblement efl fans doute la Peinture. Les autres Arts ne font' que r�veiller l'id�e des chofes ab- sentes , au lieu que. la Peinture les? fuppl�e enti�rement,. & les rend prefentes par fon eflence qui ne; confifte pas feulement � plaire avftc. yeux , mais � les tromper. Apelles faifoit l�s portraits fi vrais & fi refTemblans dans l'air, 8c dans le d�tail du vifage, qu'un certain faifeur d'iiorofcopes difoit en les> voyant tout ce qui �toit du temp�- rament de- la perfonne peinte, &c> les chofes qui d�voient lui arriver v. Appelles, a-vo�t. donc plus, de foin, d'obferver le Vrai dans fes portraits,... que. de les embellir en les alt�rant,:.. |
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4'i Cours de Peinture.
En effet le Vrai a tant de char-
mes en cette occafi�n, qu'on le doit toujours pr�f�rer au fecours d'une beaut� �trang�re. Car fans le Vrai les portraits ne peuvent conferver qu'une id�e vagu� & confufe de nos amis, ■& non pas un v�ritable cara&ere de leur perfonne. Que conclure de tout ce raifon-
nement ? Sinon qu'il y a dans la Peinture un premier Vrai, un Vrai � effentiel qui conduit plus directe- ment le Peintre � fa fui, un Vrai anim� qui non feulement fublifte Se* vit par lui-m�me , ma�s encore qui donne la vie � toutes les per- fections dont il eft fufceptible , & dont on veut le rev�tir , & que ces perfections ne font que de f�con- des v�rit�s qui toutes feules n'ont aucun mouvement 5 mais qui � la v�rit� font honneur au premier Vrai lorfqu3elles lui font attach�es. Et ce premier Vrai de la Peinture eft, comme nous avons die, une imi- tation fimple & ridelle des motu |
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fr�r Principes, 43:=
Yemens expreffifs de la Nature, 2c.
des objets tels qu'ils le prefentent d'abord � nos yeux avec, leur va- ri�t� &. leur cara&ere. Il paro�t donc que tout Peintre
qui non feulement n�gligera ce pre- mier Vrai, mais qui n'aura pas un>: grand foin de le bien connoitre Se. de l'acqu�rir avant toutes chofes , ne b�tira que fur le fable , & ne. pafiera jamais pour un v�ritable Imitateur de la Nature^ & que tou- te la perfection de la Peinture con- frfte dans-les trois fortes de Vrai que mdus: venons d'�tablir. |
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4k/ Cours de Peinture
mmmmmmnw
COPIE D'VNE LETTRE
de Monj�euf du Guet} �\ une Dame de qualit� qui lui avoit envoy� le ' Traite ci-devant', & qui lui en- dveit demande fa fenf��.* Le neuvi�me M�rs'1704..
�E Trait� du Vrai dans la Pein-
ture, Madame^ m'a plus in_ ftruit 6c m'a donn� un plus folide plaifir que les d�fcburs-dont vous lavez que j'ai �t� fi content. Il m'a paru n'�tre pas-feulement un- abr�g� des r�gles, mais en d�cou- vrir le fondement & le but ; &c j'y ai appris avec beaucoup de fatisfa- Jtion le fecret de concilier deux cho- f�s qui me fembloientoppof�es, d'i- miter la naturel denefe pas bor- ner � l'imiter 5 d'ajouter � les beau- t�s pour les atteindre, & de la cor- riger pour la bien faire fentir. Le Vrai Simple fournit lemouve-
a^ent &la vie. L'Id�al lui choi-f�e |
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far Principes. ^
-avecart toutce qui peut l'embellir
fdL'le rendre touchant ; 6c il ne le choif�t pas hors du VraiSimple qui elt pauvre dans certaines parties, mais riche dans fon tou�. Si le f�cond Vrai ne fuppafe pa$
le premier 3 s'il l'�touff� & l'emp�- che de fe faire plus fentir que tout ce que le f�cond lui ajoute;, l'Art s'�loigne de la Nature,.ilfe montre au lieu d'elle , il en occupe la place au lieu.de la reprefenter,;il trom- pe l'attente du -Spe&ateur ,,& non les yeux , il l'avertit du'.pi�ge & ne fait pas le lui pr�parer. Si au contraire le premier Vrai
qui a toute la v�rit� du mouvement ,& de la vie , mais qui n'a pas tou- jours l.a noblei�e , l'exactitude , ,�c I�s gr�ces qui fe trouvent .ailleurs , demeure fans le fecours d'un f�cond Vrai toujours grand et parfait, il ne pla�t qu'autant qu'il eft agr�a- ble & fini :.,& le Tableau perd tout »ce qui a manqu� � fon mod�le. .L'ufage donc de ce f�cond Vrai
f3- ........ <■�.'� |
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/$& Cours de Pe:?!ture
eonf�fte � fuppl�er dans chaque fa-
jet ce qu'il ri'avoit pas h mais qu'il pouvoir av��r-,& que la Nature avoir r�pandu dans quelques autres, &; de r�unir ��njfi ce qu'elle divife prefque toujours. Ce f�cond Vrai, � parler dans la
rigueur , eft prefque auffi r�el que le premier ; car il n'invente rien, mais il choifit par tout. Il �tudie ^tout ce qui peut plaire , " inftruire.,, animer. Rien ne lui �chappe, lors m�me qu'il paro�t �chapp� au ha- zard. Il arr�te par le Deffein ce qui -ce fe montre qu'une fois $ �c il s*en- richit de mille beaut�s diff�rentes, pour �tre toujours r�gulier , �c ne jamais retomber dans les redites. G'eft pour cette raifon , ce me
semble .> que l'union de ces deux Vrais a un effet fi furprenant : car alors c'eft une imitation parfaite de ce qu'il y a dans la Nature de plus ipirituel, de plus touchant, &c de «plus parfait. Tout eft alors Vrai (emblable
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far -Principes. .^rj
.©arcecme tout eft Vrai; mais tout
. efl mrprenant, parce que tout eft ra- re. Tout fait imprel�ion, parce que l'on a. .obfery.� tout ce qui eft capa- ble d'en faire : mais rien ne paro�t affect�, parce qu'on a choil� le na- turel en clioififlant le .merveilleux ;■,& le parfait. C'eit s'�carter de ces r�gies &
, de la fin de la Peinture, que de vou- loir faire remarquer, une beaut� au pr�judice d'une autre , ou que de vouloir �tre eitim� par une partie -de non par le tout. Le DefTein , la coiinoiilance de l'Anatom�e , lede~ iir m�me de plaire & d'�tre aprou- ,v�,doivent c�der � la v�rit�. Il faut .que la Peinture enlev� le Spectateur dans les premiers momens, & qu'on ;ne revienne au Peintre que par l'ad- miration de fon Ouvrage. Monf�eur de Piles a tr�s "heureu-
sement marqu� le caract�re du Ti- tien par le Vrai Simple dans fa plus grande force, & celui de Rapha�l i'anpblijTement du Simple .uni |
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/j�% Cours de Peinture
� Pldeal : Se je ne fai fi l'on pouv��t
�tablir une mani�re plus fpirituelle & plus univerfelle pour juger du m�rite des plus grands -Peintres , qu'en allant au-de-l� de leurs ef- forts & de leurs fucc�s ,&: marquant pour terme l'union des deux Vrais qu'ils ont d� chercher , &: qu'ils n'ont pu atteindre. Je ne fai , Madame , pourquoi
j'en dis tant, mais vous verrez par- l� combien je fuis plein de ce que je viens de lire , & quelle eftime je fais des chofes que je ne puis m'em- p�cher de vous rapporter lors m�me �que je cemprens que je les g�- te 6clesafFoiblis. Je fuis, Madame, avec tout le refpect poffible, Wetre ire s,humble
,& tr�s-ob�iffant
Serviteur^ ***�
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: par ^Principe s a � 45
d e r�N v e i�rj'o &
POur garder quelque ordre �h
parlant-des parties de la Pein- ture , on peut la confiderer de deux fa�ons , ou dans un jeune homme qui -l'�tudi� , ou dans mn Peintre confomm� qui la pratique. Si on la regarde de la mani�re dont elle s'apprend , on doit commencer par s'entretenir du Deflein , puis du Coloris, &C finir par la Compof�=- tion : parce qu'il eft inutile d'imagi- ner ce qu'on voudroit imiter , fi on ne le fait pas imiter,^ que la repr�- sentation des objets ne f�peu� faire que par le DefTein '& par le Colo- ris. Mais-� regarder cet Art dans fa perfe&ion & dans l'ordre dont il s'ex�cute, fuppof� de plus dans le Peintre une habitude confcm- e �cs parties de fon Art, pour C
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1
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-5-0 C�iirs �e Peinture
l'exercer avec facilit� , la premi�-
re partie qui fe pr�fente � nou,s eft l'Invention. "Car pour repr�fen- ter des objets, il faut fa voir quels objets on veut repr�fenter. G'elt rde cette ^derni�re forte que j'en- vifage ici la Peinture , dans la vue d'en .donner une id�e plus pro- portion�e au govk du grand nom- bre. Plufleurs Auteurs en parlant de
Peinture, fe font fervis du mot d'In- .vention , pour exprimer des cho- ies .diff�rentes. Quelques-uns s'en font fait une telle id�e , qu'ils ont cr� qu'elle renfermoit toute la compofition .d'un Tableau. D'au- tres fe font imagin�s que d'elle d�- pendoit la f�condit� du G�nie , la nouveaut� des penf�es 5 la mani�re de les tourner , -.& de traiter un m�me fujet de diff�rentes fa�ons. Mais quoique ces chofes foient ex- xellentes , pour foutenir l'Inven- tion , pour l'orner, pour lui donne* de la,chaleur ^ & pour la .rendre |
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far Principes. y*
vive "8e piquante , elles n'en font
n�anmoins, ni le fondement, ni l'efl fence. Un Peintre qui r�saora point toutes ces chofes, peut fatisfaire a cette partie, par la juftefTe de fes penf�es ., par la prudence de icti choix, & par la folidic� de fon ju- gement. L'Invention n'�tant qu'une par-
tie de la compofition , elle n'en peut pas donner une id�e complet- te. Car la conipofition comprend �'■& l'Invention, �e la Difpof�tion 5 autre chofe eft d'inventer les ob- jets, autre chofe de les bien pla- cer. Je ne m'arr�terai point ici � r�futer les. autres id�es que l'on a eues fur l'Invention, 8e j'eipere vous :1a d�finir d'une mani�re f� vraie & f� fenf�ble , que je ne pr�fume pas qu'il y ait l�-def�us aucune diverf�- �� de fentimens. Il me par oit donc que f Inven-
tion .eft un choix des objets qui doivent entrer dans la compofition du jfujet que le Peintre veut traiter. Cij
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ff % Cours de Peinture
Je dis que c'eft un choix, parce
:que les jobjets ne doivent point
�tre introduits dans le Tableau in- , confid�r�ment, & fans contribuer �
Texpref�on.&:au cara&ere du fujet.
Je dis encore que .ces objets doi- vent entrer dans la compofition du Tableau ,,& non pas la faire toute enti�re, afin de ne point confon- dre l'invention avec la -Difpofition, Se de la�i��r � celle - ci toute la li- bert� de ia fonction, qui confifte � placer ces m�mes objets avanta- geufement. LesJ?o�tes auffi bien que les Ora-
teurs ont plufieurs ftyles pour s'ex- primer ,felo� le fujet qu'ils ont en- trepris de traiter -, &. deM� d�pend le .choix des paroles , de l'har- monie 3 s& du .pour des penf�es. Il en eft de m�me '.dans la Peinture : .quand le Peintre s'eft d�termin� � quelque fujet,il eft oblig� d'.y pro- portionner le choix.d.e les figures, ,$i de .tout,ce qui les accompagne;i ,& les Peinties .comme les Poctef |
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par Principes, . '
oritleur flyle �lev�' pour les c&ofes
�lev�es , familier pour celle� qui font ordinaires, paftoral pour les" champ�tres, 8e ainfi du relte. Quoi- que tous- ces ftyles differens con- vienne �-toutes les parties de la Peinture-, ils font n�anmoins plus particuli�rement du reflbrt de l'in- vention. Mais cette mati�re eftd'u-' rre aflez grande �tendue , pour faire le fujet d'un Trait� particu- lier. L'Invention par rapport � l�"
Peinture fe peut confidererd'e trois mani�res ': elle �ff, ou Hiftorique fimplement, ou. All�gorique,, ou MyfKquc; , . Les Peintres fe fervent ave c rau
fon du mot d'Hiftoire , pour figni- fier le genre de Peinture le- plus confiderable , &c qui confifte � met- tre plufieurs figures enfembie^ & l'on dit : Ce Peintre fait l'Hiftoire 5 cet autre fait des Animaux , celui- ci du Pa�fage; celui-l� des Fleurs, ^aini� du reile. Mais il y a de la O�j v * \
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j4' Cours de Teinture
diff�rence entre la d�vifion d�s gen-
res de Peinture. & la divil�on de l'Invention. Je me fers ici du mot d'Hiftoire dans un Yens plus �ten- du : j'y comprend tout ce qui peut fixer l'id�e du Peintre, ou inftruire le -Spectateur , 6c je dis que l'Inven- tion amplement Hiftorique eft un choix d'objets , qui Amplement- prar eux-m�mes r�prefentent le ftfjet. Cette forte d'Invention ne re-
garde pas feulement toutes les Hi- �oires vraies �cfabuleufes, telles qu'elles font �crites dans les Au- teurs , ou qu'elles font �tablies par la Tradition : mais elle comprend encore les portraits des perfonnes, la r�prefentation des pa�s, des ani- maux, & de toutes les produdions de l'Art & de la Nature. Car pour faire un Tableau , ce n'eft point allez que le Peintre ait fes couleurs & fes pinceaux tout pr�ts y il faut, comme nous avons d�j� dit, qu'a- vant de peindre, il ait refolu ce |
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far Principes, ff
du'il veut peindre, ne fut-ce qu'une-
neur , qu'un fruit, qu'une5 plante , ou qu'un infecte. Car outre que le-"-1 Peintre peut borner f�i� id�e � leur feule repr�sentation, elles font ca- pables fouverit de nous inftruire. Elles orit leurs vertus <k leurs pro-' priet�s. Ceux qui en ont �crit, �c qui ont accompagn�.leur Ouvrage'" de figures d�monftratives y l'ont nomm� du nom d'Hiftoire \ &: l'on- dit l'Hiftoire4�S Plantes, l'Hiftoire des Animaux , comme on ditl'Hi»" ftoire■■ d'Alexandre.- Ce n'eftr pas que l'Invention Amplement Hifto- rique n'ait; fes degr�s , &■ qu'elle ne foit plus ou moins eftimable v- f�lon la quantit� des cliofes qu'elle contient, & la qualit� du choix �� du g�nie. L'invention all�gorique eft un
choix d'objets qui ��rvent � r�pre- fenter dans un Tableau, ou en tout, ou en partie , autre chofe que ce qu'ils font en effet. Tel eft par exemple ■■> le Tableau d'Apelle qurj lllj
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5 6 Cours de Peinture
r�prefente la Calomnie duquel Lu-
cien fait la defcription. Telle ef� : la Peinture morale d'Hercules en- tre Venus &: Minerve , o� ces Di- vinit�s Payennes ne font introdui- tes que pour nous marquer l'attrait de la Vertu. Telle eft celle de i'E- colQ-d'Ath�nes o� plufieurs figures . de tcms , de pa�s , 8c de condu tions diff�rentes concourent,a re- prefenter la Phiiofophie. Les trois autres Tableaux qui font au Vati- can dans la m�me chambre , font trait�s dans le m�me genre d'Al- l�gorie. Et-fi l'on veut faire atten- tion � ce qui s'eft pafle dans l'an- cien Teft�ment, on trouvera que les faits qui y font raport�s, ne font pas tellement d'Hiftoire Simple , qu'ils ne foient auffi * All�goriques, parce qu'ils font des Symboles de ce qui devoit arriver dans la nou- velle Loi. Voila des exemples de iujets qui font All�goriques en tout ce qu'ils contiennent. * I, .Cm, io. 6. |
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far Principes.' 5 gjp*
Les Ouvrages donc les objets
n� font All�goriques qu'en partie^ attirent plus facilement- & plus agr�ablement notre attention, patf. ce que le Spe&ateur qui> eft aid� par le m�lange des figures pure- ment Hiftoriques,dem�le avec plai-i fit les All�gories qui les aecom-i pagnent. Nous en avons un exerm pie autentique dans les bas-reliefs de la Colonne Antonine\ o� le � Sculpteur ayant a exprimer une pluie que la legipn Chr�tienne avoit obtenue par fes pri�res * , m-2 troduit parmi ces Soldats un Ju-> piter pluvieux, la barbe �c les clie-^ veux inond�s de l'eau qui em couJ l� avec abondance, Jupiter n'effe pas r�preient� l� comme un E)ieit qui fafle partie de l'Hiftoire � mais a * Ce fait arriva fous le R�gne de Marc~:
Aurele , qui �rigea cette Colonne , o� il fit re- pr�senter en bas relief les Guerres qt^it eut con-~ ire les Allemans & contre les Sarmates , & qui $ar. ��conn�iffance fit mettre'fur cette m�me'co- lonne , la Statue �'Antonin qui t'avait adopt� a si l'Eingtre. Cv-
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5 8 Cours de Peinture
comme un Symbole qui ��gn�f�� l� pluie parmi les Payens. Les anciens Auteurs en parlant des Ouvrages de Peinture de leur tems ,nous rap- portent quantit� d'exemples, d'Al- l�gories > & depuis le renouvelle- ment de la Peinture, les Peintres en ont fait un ufageallez fr�quent : 6 i� quelques- uns en ont abuf� s
c'eft que ne f�chant pas que l'Al- l�gorie eft une efpece de langage qui doit �tre commun entre..plu- sieurs perfonnes, & qui eft fond� fur un ufage re�u, &. fur l'intelligence des livres de Medailles,ils ont mieux aim�, plut�t que de les conful- ter , imaginer une All�gorie parti- culi�re, qui bien qu'ingenieufe n'a pu �tre entendue que d'eux-m�mes. L'Invention Myftique , regarde
notre Religion : elle a pour but de nous inftruire de quelque Myftere fond� dans l'Ecriture , lequel nous: eft repr�fent� par plufieurs objets qui concourent.� nous enfeigner une v�rit�, |
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fer Principe s: \ j^-'5
,Nos Myfteres & les points de
foi que l'Eglife nous propefe, nous en fournhTent quantit� d'exemples. Le deuxi�me Concile de Nic�e ayant laifT� la libert� d'expofer aux �yeux des Fid�les le Myftere-de la Trinit� r les Peintres repr�fente-nt le P�re fous lafigure d'un V�n�ra- ble Vieillard -, le Fils dans fon hu- manit� ^ tel qu'il a paru�fes Difci- <ples apr�s fa Refiirredion j_& le S» Lfprit fous l'apparence d'une Co- lombe: L� Jugement Univerfel, le - Triomphe de l'Eglife ^ ceux de la Loi, de la Foi, & de l'�uchariftie font encore de cette Nature. Parmi la quantit� d'exemples que les ha- biles Peintres nous ont laiff�s 5 j'en, rapporterai un tr�s-ing�nieux , dont te conferve ch�rement l'efqui�e co- lori�, il repr�fente le Myftere- de ■' l'Incarnation, Si l'Auteur du Tableau avo�t
voulu peindre l'Annonciation ' Hi- ftoriquement, il fe feroit contente 4e faire voir la. Vierge dans une :: |
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� o Cours de Peinture
Simple chambre , fans autre com-
pagnie que celle de l'Ange : mais ayant refolu de traiter ce Sujet en Myftere,il a plac� la fainte Vierge fur une efpece d� tr�ne, o� �tant � genoux, elle re�oit humblement, mais avec dignit� , Tambaflade de l'Ange, pendant que Dieu le P�re qui avoit trait� avec fon Fils du prix de la R�demption des hom- mes , a/fifte, pour ainfi dire, � l'ex�- cution du- Contrat. Il eft affis ma- |eftueufement , appu�� fur le glo- be du monde, entourr� de la Cour Celefte, &; ayant � fa droite l� Ju- stification &. la Paix qu'il �toit con- venu de-donner � toute la terre. Il envoie fon faint Efprit , pour op�- rer ce grand Myftere. Cet Efpric Saint eft entour� d\m cercle d'An- ges qui fe tiennent par la main,Se qui jerejouifTent de ce que lespla> ces des mauvais Anges alloient �tre . remplies par les hommes. Plu- sieurs-Anges qui terminent cette partie celefte de Tableau , tien< |
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■par Principes. \ 6H '■
aetit dans leurs mains difrerens- at-
tributs que l'Eglife applique� la Ste. Vierge , Se* qui- font voir que cet- te Cr�ature �toit la plus digne de la gr�ce dont elle �toit combl�e. Tout ce grand Spe&acle compofe la partie* fiiperieure du Tableau. En bas font les Patriarches qui ont fou- hait� la, venue du Meffie , les. Pro- ph�tes qui Pont pr�dite, les Sibylles qui en ontparl�, & de petits G�nies qui concilient les PafTages des Sibyl- les avec ceux des Proph�tes. C'eft ainf� que - ce,- Tableau repr�fente Myftiquement la v�rit� _8fc la gran-x deur de'foh Sujet. ' Voil� les trois mani�res dont on
peut concevoir l'Invention : c'eft-�- dire l'Invention f�mplement Hifto^ rique , l'Invention All�gorique , �� rinvention Myftique. Voyons ce que ces trois fortes d'Inventions ont de commun-entr?elles, �cpuis nous parlerons des-qualit�s que chacune exige en.' particulier. Le.Peintre qui a du g�nie trou*..
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6 � Cours de Peinture
v� dans toutes les parties "de fon"'
Art une ample mati�re de le faire p�ro�tre : mais celle qui lui fournit plus d'occafions de faire voir ce - qu'il a d'efpr�t, d'imagination } & de prudence, eft fans doute l'Inven- tion. C'eft par elle que la Peintu- r� marche de pas �gal avec la Po�- i�e , & c'eft elle principalement qui attire l'eftinie des perfonnes les plus eftimables, je veux dire des gens d'efpr�t, qui noncontens de la feu- le imitation des objets , veulent que le choix en foit juftepourl'ex- ■ prefl�on du fujet, Mais ce m�me gehie veut �tre
cultiv� par l�s connoiflances qui ont relation � la Peinture -, parce que quelque brillante que foit no- tre imagination , elle ne peut pro- duire que les chofes dont notre ef- prit s'eft. rempli, & notre m�moire ne nous rapporte que les id�es de ce que nous lavons ,'&: de ce que nous * avons vu, C'eft f�lon cette mefure |
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fdr Frinvipes. 65
que l�s talens des particuliers de-
meurent dans la baflefl� des objets communs, ou s'�l�vent au fublime, , par la recherche de ceux qui font extraordinaires. C'eft par-l� que certains Peintres qui ,ont cultiv� leur efprit ont heureufement fup- - pl�� au g�nie qui leur manquoit d'ailleurs ., & que s'�levant avec leur fujet, leur fujet. s'�l�ve & s'agran- dit avec eux.: Sans les connoiffances n�celfaires f on fait beaucoup de fautes 5 avec elles, tout fe prefente & fe range en fon ordre infenfible- ment. Il eft bon n�anmoins que les jeu-
n�s gens apr�s �tre fortis des �tu- des eflentielles� leur Art, & avant de donner des preuves ferieufes &■. publiques de leur capacit�, exer- cent leur o-enie fur toutes fortes de �ujets : &. comme un ~vm nouveau qui exhale violemment fes fum�es pour rendre avec le tems fa liqueur : plus agr�able 3 ils s'abandonnent � l'ixhrjretuofit� de leur imagination. 2 |
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� 4 Cours d� Peint are '
&que laiflant �vaporer Tes pr�rhfdi'
xqs faillies 3 ils �purent apr�s queU que tems- les images de leurs pen- - f�es. Mais qu'ils ne fe fient pas tant � la
bont� de leur eiprit , qu'ils con- fult�nt leurs amis �clair�s , afin de : d�couvrir l'efpece, & la mefure de leur talent. Qu'ils fe regardent com- me une plante qui veut �tre culti- v�e dans un terrein plut�t que dan3 un autre, pour porter ion fruit dans fa faifon,- De cette mani�re f� �e choix d�
fujet d�pend du Peintre, il doit pr�- f�rer celui qui efl proportionn� � l'�tendue & � la nature de fon gei nie , & qui foit capable de lui four- nir mati�re de l'exercer dans la par- - tie qu'il pofTede avec plus d'avan-'- tage. M faut que pour donner del� " chaleur � fon imagination , il tourJ ■- ne fes id�es de diff�rentes fa�ons- il faut'qu'il life phtfieurs fois fort fujet avec application- afin que l'L mage>'en forme-vivement dans foia>> |
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far Principe'Si &'p
ciprit,& que f�lon la grandeur, de
la mati�re., il le .lame emporter jufqu'� l'enthoul�afme , qui eft le propre d'un grand Peintre. & d'un grand :Pa�te; Comme, le P eintre ne peut re-
pr�fenter dans un m�me Tableau que ce qui fe. voit, d'un-coup d'oeil dans la Nature, il ne peut par cohj fequent nous y expofer ce qui s'eft pafle dans des tems differens : Et if quelques Peintres- ont pris la liber- t� de faire le contraire , ils en font inexcufables, � moins qu'ils n'y ayent �t� contraints par ceux qui les ont employ�s ou qu'ils n?ayent eu dans la penf�e de compofer un fujet Myft�r�eux ou All�gorique 3 _ comme eu .le Tableau de FEcole d'Ath�nes.-. Mais quand le Peintre a une fois
bien choifi fon fujet, il eft tr�s � propos qu'il, y* fafTe entrer les cir- conftances qui peuvent fervir � for, tifier lecara&ere de ce ni �me fujet', , &>.�:� le .faire . conno�tre > -pourvu * |
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6' 6 Cours de Peinture
qu'elles n'y foient pas eh af�ezgrancP
nombre pour laffer notre attention : mais plut�t que le choix en foit aC fez judicieux pour exercer agr�a- blement notre efpritV Et ces cir~ confiances regardent , le lieu , le- tems, & les perfonnes. � Ainf� il eft encore fort a propos ''-
que le Peintre en inftfuifant fon Spectateur, le divertif�� par la varie- - t�. Elle f� trouve dans les fex�s, dans les �ges, dans les'pa�s, dans les con- ditions, dans les attitudes , dans les expreffions , dans la bizarerie des animaux ; dans les �toffes, < dans les "■ arbres , dans les �difices, &; dans tout ce qui peut exercer 1'efprit, 8c orner convenablement la feene d'un ] Tableau. Je ne voudrois n�anmoins approuver cette abondance d'ob- jets , & cette vari�t� fi agr�able d'elle-m�me , qu'autant qu'elle fe- rait convenable au fujet,& qu'elle y auroit du moins une relation in- Ifcru&ive, Gar comme il y a des fujets qui
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far Principes, G'y
ne* refpirent que la joie ou la tran-
quilit� , il y en a d'autres qui font" lugubres ou qui doivent �tre repre- fent�s dans une agitation tumu�- tueufe. Il y en a qui demandent de la gravit�, de la dignit� , du ref- ped, du fflence', &c quelquefois de la folitude , lefquels ne peuvent fouffrir que peu de figures � com- me il s'en trouve qui en font fcfcep- tibles d'un grand nombre, &d'une. variet� d'objets telle que la pruden- ce du Peintre y voudra introduire :■- car il faut que tout fe rapporte au H�ros du fujet,& conferve une unit� bien li�e & bien entendue.. Ce font-l� les chofes qui con-
viennent en g�n�ral � ces trois for- tes d'Inventions � il nous refte � voir ce qui eft propre � chacune. Entre les qualit�s que peut avoir
l'Invention fimplement Hiftorique, j?en remarque trois, k Fid�lit�, la Nettet�, & le bon Choix, j'ai ob- serv� � ailleurs que la. fid�lit� de.' l'Hiftoire n'�xoit pas deTejlTen.ee. de. |
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�'S (fours d� Peinture
la Peinture 5 mais une convenante-
indifpenfable � cet'Art.'Et quoique l� Peintre ne foit Hiftorien que par accident, c'eft'toujours une grande faute que de fortir mal de ce que l'on entreprend, j'eiitens par la fi- d�lit� de THiftoire, l'�troite imi- tation * des" chofes ' vraies ou fabu- leufes telles qu'elles nous font con- nues' par les Auteurs, ou par la Tra- dition. Il eft fans doute que cette Imitation 'donne d'autant plus de - force � l'Invention , & relev� d'au- tant plus' le prix du Tableau, qu'el- ■ le conferve de fid�lit�. Mais ftle Peintre a l'induftrie de
m�ler dans fon fujet quelque mar- � que d'�rudition qui r�veille l'at- tention du Speclateur fans d�trui- re la v�rit� deJ'Hiftoire , s'il peut introduire quelque trait de Pocfie dans les faits Hiftoriques qui pour- ■ ront le f�uffri� \eniin mot, s'il trai- t� fes fujets f�lon la licence mod�- r�e qui eft permife aux Peintres &: aux Po �tes , il rendra (es Inven^. - |
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fdr Principes. -6**
: tions �lev�es ,&: s'attirera une gran-
de diftin&iom"'La.Fid�lit� eft donc ila premi�re qualit� de i'Hiftoire. La f�conde eft la. Nettet� , en
forte que le Spectateur .fuffifam- ;ment inftruit dans. PHiftoire rd�ve- lope facilement celle que le .Pein- tre aura voulu.r�prefenter. D'o� il s'enfuit qu'il faut .pt.tr l'�quivoque par quelque marque qui ioit pro- ; pre au iujet v& qui. d�termine l'eu prit en fa faveur. Je parle des iiijets qui ne font pas fort ordinaires j car pour ceux qui font connus ,du Pu- blic, & qui ont �t� plufieurs fois r�- p�t�s , ils n'ont pas befoin de cette pr�caution. Que fi le fujet .n'eft point afTez,
connu , ou qu'on ne puifTe xaifon- nablement y introduire quelque objet quile d�clare , le Peintre ne doit point h��ter d'y mettre une infeription. Entre plufieurs exem- ples que les Anciens Se les Moder- -nes nous en fourni(Tent, j'en choi- .�irai feulement d,eux qui font t-rjes |
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�"jo Cours de Peinture
.connus, l'un eft de Rapha�l, & Pau-
tre d'Annibai Carache. Celui-ci ayant peint dans la 'Galierie Far- :nefe le moment ou Ancliife cher- che � donner des marques de fon amour � la D�efle'Venus., & vou- lant emp�cher qu'on ne pr�t A ri- dule pour Adonis, s'eft ingenieufe- . ment iervi du mot de Virgile, * . Genus unde Latinum,, qu'il a �crit au delTous du lit dans l'�pailTeurde Teflrade. Et Rapha�l dans fon Par- nail'e o� il a plac� Sapho parmi les rPoctes,, a �crit le nom de cette fa- -vante fille, de peur qu'on ne la con- fond�t avec les Mufes. La troifi�me qualit� de l'Hift�i-
*ce confifte dans le choix du Sujet, Iuppofe que le Peintre en foit le ana�tre : parce qu'un fujet remarqua- ble fourn�t plus d'occafions d'en- richir la fcene Se d'attirer l'atten- :tion. Mais fi le Peintre fe trouve ^engag� dans un petit fujct, il faut '* Ce mot veut.dire : Cefl �'oh vient �origmt
�ts Latins. |
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■par'Principes. -7.1
■�qu'il t�che,de le rendre grand par
la mani�re .extraordinaire. dont il le traitera. L'Invention All�gorique exige
^pareillement trois qualit�s. La pre- mi�re .eft d'�tre intelligible. C'eft un auffi grand d�faut de tenir �ong- tems l'attention en fufpend par des Symboles nouvellement invent�s , comme c'eft une perfection que de l'entretenir quelques niomens par d�s-figures All�goriques connue:,, re�ues , & employ�es ingenieufe- ment. L'obicurit� rebute l'efprit, & 4a nettet� le fait jouir agr�ablement ;de fa d�couverte. La f�conde qualit� de l'All�gorie,
.eft d'�tre autorif�e. Ripa en a �crit un Volume expr�s qui eft entre -les mains des Peintres : mais ce qui � eft de meilleur dans cet Auteur., eft ce qu'il a extrait des M�dailles An- tiques : ainfi l'autorit� la mieux rer r��e pour les All�gories, eft celle de l'Antiquit�,parce qu'elle eft incoi�- -�eftable. |
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«**& Cours de Peinture
La troifi�me qualit� de l'All�go-
rie , eft d'�tre n�ceflaire-, car tant , que l'Hiftoire fe peut �claircir par des objets /impies, qui lui apartien- nent,: il eft inutile de chercher des �ecours/�trangers qui l'ornent bien moins qu'ils ne l'embar�iTent. A l'�gard de l'Invention Myfti-
que , comme elle eft enti�rement
confacr�e � notre Religion, il faut
; qu'elle foit pure , & fans m�lange
d'objets tir�s de laFab�e. Elle doit
� �tre fond�e fur l'Ecriture , ou fur
THiftoire Ecclef�aftique. Nous en
..avons-une foairce tr�s vive dans les
iParaboles dont jefus-Chrift s'eft fer-
vi, & da-nsl'Apocalypfe dont nous
devons refpe�ter * l'obfcurit� fans
; �tre oblig�s de l'imiter. .Le Saint
E�prit qui fouffle o� il veut fe fait
entendre quand il lui pla�t : mais
:1e Peintre qui ne.peut,, ni p�n�trer, '
ni changer l'efprit de fon Spe&a-
iteur,, doit toujours faire fes efforts
j�oux fe rendre intelligible.
* Skut nmbtx eju$ ira & lumen ejus.
Comme
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far Principes. 73
- Comme rien n'eft plus faint, plus
grand, ni plus durable que les Myf. �teres de notre Religion, ils ne peu- vent �tre trait�s d'un fl y le trop ma- jeftueux. Tout ce qui pla�t ne pla�t pas toujours, &: les plus grands plai- firs finiflent ordinairement par le d�- go�t 3 mais celui que donne l'id�e de la grandeur & de la magnificen- ce ne finit jamais. Au relie de quelque mani�re que
l'Invention foit remplie , il faut qu'elle paroiffe l'effet d'un G�nie fa- cile, plut�t que d'une p�nible r�- flexion 3 8� s'il y a des talens pour la facilit� , il y en a aul�i pour cou- vrir la peine ; les uns �c les autres ont leur m�rite �c leurs partifans. Heureux celui qui a re�u, de la
Nature un g�nie capable de cou- rir la vafte carri�re de la partie dont je viens de parler, 6c de bien clioifir fes objets pour rendre fon fujet intelligible, pour l'enrichir, & pour inftruire fon «Spectateur. Mais plus heureux encore le Peintre, qui D
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74 Cours de Peinture
apr�s avoir connu tout ce qui con-
tribue � une belle Invention , fe conno�t beaucoup plus foi- m�me ? .& qui fait la jufte valeur de fes pro- pres forces : car la gloire d'un Pein- tre ne confifte pas tant � entrepren- dre de grandes chofes . qu'� bien fortir de celles qu'il aura entreprifes. |
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far Principes,
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DESCRIPTION DE L'ECOLE
D'ATHENES, Pour fervir d'exemple au Trait� de
l'Invention Tableau de Rapha�l.
CE Tableau qui porte le nom de
l'Ecole d'Ath�nes a �t� diverfe- ment con�u, par ceux qui en ont fait la Defcription -, Se il eft allez extraordinaire que Vafari entr'au- tres, qui vivo�t du tems de Rapha�l, fe foit fi fort m�pris dans l'expli- cation qu'il en a publi�e, qu'il ait n�glig� de puifer a la fource m�me -les instructions dont il avoit befoin pour parler d'un Ouvrage qui fai_ �oit tant de bruit dans toute l'Italie. Cet Auteur qui en a �crit le pre- mier , dit que c'eft l'accord de la Philofophie & de l'Aftrologie avec la Th�ologie. Cependant on ne voit aucune marque de Th�ologie dans la composition, de ce Tableau. Dij
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»? <? Cours de Peinture
Les Graveurs qui l'ont donnp
au Public, y ont mis mal � propos une Inlcription tir�e des A�tes de faint Paul, pour nous induire � croi- re que cet Apatre apr�s avoir ren- contr� un Autel o� �to�t �crit, au ,Dieu inconnu, JgnotoDeo3 fe pre- fente ici devant les Juges de l'A- reopage pour leur donner la con- noiflance du Dieu qu!ils ignoroient, & pour les �initruire de la R�fur- reclion des Morts dont les Epicu- riens �c.lesSto�ciens difputoient en- tr'eux. Auguftin V�nitien s'eft encore
iplus lourdement tromp� , lorfque dans l'Eftampe de cinq ou fix figu- res qu'il a grav�e , lefquelles font � main droite du Tableau, il a fup- pof� que le Philofophe qui �crit �toit laint Marc , �z que le jeune iiornme qui a un genouil en terre �toit l'Ange Gabriel qui tient une table o�. ce Graveur a mis la Sa^ lutation Ang�lique , Ave , Maria & le refte. |
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»
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par Principes'. 77
H eft inutile d'emplo�er ici beau*
coup de tems � r�futer ces erreurs �galement groffieres, je1 me con- tenterai feulement de raporter les quatre Figures du plat-fond qui r�- pondent aux quatre fujets qui fon� peints dans la Chambre o� eft ce Tableau, & qui les de lignent incon- testablement. La premi�re reprefente la Theo-s
logie avec ces mots, Scientia Divi- narum Rerum. La f�conde, la Philofbphie avec
ces mots. Caufarum cognitio. La troifi�me, la jurisprudence
avec ces mots, Jus fuum unicuique tribuens* La quatri�me, la Po�fie avec ces
mots, Isfum�ne ajflatur. La figure qui reprefente la Phi-
lofophie eft au deftiis du Tableau dont nous parlons, appelle commu- Kemment l'Ecole d'Ath�nes 5 ainf� l'on ne peut mettre en doute que cette Peinture ne reprefente la Phi- -ofophje, comme on le verra plus D iij
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7 8 Cours de Peinture
clairement par le d�tail que j'en
vais faire. La fcene du Tableau eft un �di-
fice d'une magnifique Architedure eompof�e d'Arcades & dePilaftres, �c difpof�e d'une mani�re � rendre fa perfpedive fuyante 3 fon enfonce- ment avantageux, & � donner une grande id�e du fujet. Ce lieu eft rempli de Philofophes, de Math�- maticiens , & d'autres perfonnes attach�es aux Sciences -y & comme ce n'eft que par la fucceiTion des tems que la Philofophie eft parve- nue dans le degr� de perfedion o� nous la voyons, Rapha�l qui vouloit repr�fenter cette fcience par l'af- fembl�e des Philofophes , n'a pu le faire en joignant ceux d'un �iecle feulement. Ce n'eft point une Am- ple Hiftoire que le Peintre a vou- lu repr�fenter, c'eft une all�gorie o� la diverfit� des tems 6c des pa�s n'emp�che point l'unit� du fujet. Le Peintre en a uf� ainfi dans les. trois autres Tableaux de la. m�me |
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par Principes. 79"
chambre o� il a. peint la Th�olo-
gie , la Jurisprudence-, �c la Po�fie, L'on voit dans le premier les dif- ferens P�res de l'�glife $ dans le f�- cond les Jurifconfultes 3 Si: dans le troifi�me , les Po�tes de tous les tems. L'id�e que donne la difpofition
de toutes les figures de ce Tableau, �c la nature de leurs diverfes occu- pations , font croire facilement que leurs entretiens ne peuvent �tre qu'entre des gens remplis de plu- f�eurs connoiflances, comme font les Philofophes. On y reconno�t m�me Pythagore, Socrate, Platon , Ariftote avec leurs Difciples , �c l'on y voit parmi les Philofophes des gens occup�s des Sciences Ma- th�matiques. � Sur le milieu du plan d'en-haut
font les deux plus fameux Philofo- phes de l'Antiquit�, Platon &; A- r�ftote. Le premier tient fous le bras gauche un livre > fur lequel eft �crit ce mot Italien , Timeo , titre D iiij
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8o Cours de Peinture
que porte le plus beau Dialogue de
Platon 5 & comme cet �crit traite myftiquement des cliofes naturelles par raport aux Divines, ce Philo- sophe a le bras droit lev� , & mon- tre le Ciel comme la caufe fupr�me de toutes cliofes. A la gauche de Platon, eft fon
D�fciple Ariitote, qui tient un livre appuie contre fa cuifTe, fur lequel ©n lit ce mot, Eticba, c'eft-�-clire la fcience des m�urs 5 parce que ce Philofophe s'y efb principalement attach� 5 & le, bras qu'il a �tendu eft une a�tion de pacificateur & de mod�rateur des parlions, ce qui con- vient parfaitement � la morale. De c�t� & d'autre de ces deux
grands Philofophes, font leurs Dif- ciples de tous �ges, dont les figu- res font groupp�es ingenieufement bc difpof�es de mani�re � faire pa- ro�tre avanta�eufement les deux principales, �c qui font les H�ros du Tableau. Et bien que les attitudes de ces Difciples foient diff�rentes,. |
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far Principes, 8 r
elles montrent toutes une grande
attention aux paroles de leurs Ma�- tres. Derri�re les Auditeurs de Pla-
ton , eft Socrate tourn� du c�t� d'Alcibiade qui eft vis-�-vis de ce Philofophe. L'un & l'autre font vus de profil. Socrate fe reconno�t � fa t�te-chauve &: � fon nez ca- mus. Alcibiade eft un beau jeune homme en habit de guerrier , les cheveux blons flottant fur fes �pau- les , & fon armure bord�e d'un or- nement d'or , une main fur le c�t� & l'autre fur fon �p�e ;.Philofophe &. Guerrier tout enfemble , il fe montre attentif au difcours de So- crate, lequel accompagne fes paro- les d'une adion tr�s-expreffive. 11 avance les deux mains, & prenant de la droite le bout du premier doigt de la gauche , fait concevoir parfaitement qu'il explique & qu'il veut faire entendre clairement fa penf�e, pendant que tous fes Dif- ciples ont attention � ce qu'il dit. Dv
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b'z Cours de Peinture
A c�t� d'Alcibiade eft Antiffenc-
le Corroyeur en qui Socrate trouva tant de difpofition � laPhilofophie, qu'il lui en enfeigna les principes, &. que cet Artifan quitta fon m�tier pourfe rendre lui-m�me un c�l�bre. ProfefTeur en Morale dont il a �crit 3 3. Dialogues. C'eft lui qui eft le chef des Philofophes Ciniques. Le Peintre pour varier fes figures & leur donner du mouvement, feint que derri�re Alcibiade , un homme fe tourne ■& �tend la main pour appel- ler � la mani�re Italienne , & pour h�ter un Serviteur qui apporte un livre &un grand rouleau de papiers qu'on appelloit anciennement un volume j �c dern�re ce Serviteur on voit le vifage d'un autre qui la main au bonnet femble r�pondre avec ref- pe& � celui qui l'appelle. Parmi les Difciples d'Ariftote ,
Rapha�l a pareillement rendu fen- f�ble l'attention qu'ils ont aux paro- les de leur ma�tre II y en a un en- tr'autres qui ayant compris les D�- |
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■par Principes- b.
monftrat�ons d'Archimede, monte
de l'Ecole des Math�matiques , f�lon la coutume des Grecs � cel- le de la Philofophie , & s'informant � une perfonne qu'il rencontre ou Ton enfeigne cette fcience , elle lut
montre Ariftote & Platon. Aupr�s de cette figure , eit un
kune homme ftudieux , lequel ap- puy� contre la bafe d'un pilaft^^ Lnbes l'une�ur l'autre la t�te in- clin�e fur fon papier, �crit ce qu il vient d'apprendre, pendant quun
Vieillard fur la m�me baie, le men- ton appuie fur fa main, regarde en repos�e que le jeune homme vient d'�crire. .
* Entre les figures qui terminent
ce c�t� du Tableau, eft D�mo- crite qui envelop� dans Ion man- teau le conduit dans cette affem- bl�e '� l'aide de fon b�ton a la ma- ni�re des aveugles: car fur la nu * de de finit» bon. & mal. hv. XXIX. �d�mi
I. v. ��. XXXIX. Aul. Gell. i« c. XVII. ex La-
Dvj
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$4 Cours de Peinture
de fa vie il s'aveugla volontaire-
ment pour �tre moins diftrait dans1 fes r�flexions philofophiques. Le Peintre a pu le reprefenter dans ce grand �ge,pour nous apprendre que l'homme doit travailler jufqu'au tombeau � s'inftruire &: � fe def- abufer. Dans le grouppe du c�t� droit
fur la premi�re ligne , il eft aif� de d�m�ler Pythagore af�is, qui �crit les principes de fa Phiiofophie ti- r�e des proportions harmoniques de la Mufique. A c�t� de ce Philofo- pheeft un jeune homme tenant une table o� font marqu�s les accords & les confonnances du chant en Ca^ ra&eres Grecs > qui fe lifent ainfi. : Hiafente , Diapafon , Diateffaron , termes aflez connus des habiles Mu- siciens. On dit m�me que ce Philo^ fophe eft: auteur de la d�monftration de ces confonnances dont Platon fon Difciple forma les accords & les proportions harmoniques de l'ame. |
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far Principes,. 8 f
Pythagore eftaffis 6c vu de profil
tenant un livre fur fa cuifl�. Il pa- ro�t appliqu� � faire voir le rapport des nombres de la Mufique , avec la fcience des chofes naturelles. Aiu pr�s de Pythagore font fes Difciples Empedocle , Epicarme , Archite j i/undefquels affis � c�t� de fon Mau tre , 6c qui a la t�te chauve , �crie fur fon genouil, 6c qui tenant d'une main fon encrier 6c de l'autre fa plu- me fufpendue , ouvrant les yeux & ferrant les l�vres, montre par cet- te a&ion combien il eft occup� � ne rien laiffer perdre des �crits de Pythagore. Derri�re ce Philofophe , un au-
tre Difeiple la main fur la poitrine, s'avance pour regarder dans le Li- vre 5 c'efl celui qui a un bonnet fur fa t�te, le menton raf� , les mouf- tacbes de la barbe pendantes, & uneagraffe � fon manteau ; 6c tout cet ajuftement n'a point d'autre fin wraiferablablement que la diverl�- t� que Rapha�l a toujours, recher- |
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�6 Cours de Peinture
cli�e dans ks Ouvrages. Sur le der-
nere de ce grouppe on remarque le v�fage 6c la main d'un autre Philo- fophe , lequel un peu inclin� , ou- vre les deux premiers doitgs de la main en a�ion de compter � la mani�re Italienne , & femble par l� expliquer le Diapaion , qui eft une double confonnance d�crite par par Pythagore. Dans le coin du Tableau , il y a
un homme ras , tenant un livre iur le pied-d'eftal d'une Colonne, dans lequel il paro�t �crire avec appli- cation. On croit que cette figure eft le portrait de quelque Officier de la maifon du Pape , parce qu'il a une Couronne de ch�ne qui eft le Corps de la devife du Pape Jule 11. � qui Rapha�l d�dia cet Ouvrage, comme � fon bienfaiteur , & com- me � celui qui avoit ramen� le Si�- cle d'or en Italie pour les beaux. Arts. Tout aupr�s & � l'extr�mit� du
Tableau , on. voit un Vieillard qui |
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far Principes.. 2j
tient un enfant -. celui-ci d'une ma-
ni�re conforme � fon �ge, porte la main au livre de celui qui �crit. Il femble que le Vieillard n'a men� cet enfant qu'� defTeih de d�cou-
vrir s'il a de l'inclination pour les Sciences 3 t�moignant par l� qu'ori ne fauroit trop t�t fonder & culti- ver le talent que l'on a re�u de la Nature. A c�t� de cegrouppe de figures
on voit un jeune homme d'une air noble , envelopp� d'un manteau blanc a frange d'or , la main fur la poitrine : on croit que c'eft Fran- �ois Marie de la Rovere neveu du Pape , & que ce jeune homme eft reprefent� fur cette Sc�ne � caufe de l'amour qu'il avoit pour les beaux: Arts. Un peu plus avant quePythagore ,
un autre de fes Difciples, un pied fur une pierre, levant le genouil,. &. fo�tenant un livre d'une main , paro�t copier de l'autre quelques endroits remarquables qu'il veut |
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tiT Ce un de Peinture
concilier avec les fentimens de fon
Ma�tre. Cet homme pourroit bien �tre Terpandre ou Nicomaque, ou quelqu'autreDifciple de Pythagorer qui croyoit que le mouvement des �toiles �toit fond� �ur des raifons- » rnuficales. Plus avant l'on voit un Philo-
sophe feul, lequel appuy� lecoude fur une bafe de marbre, la plume �" la main, regarde fixement � ter- re, &; femble �tre attach� � refoudre quelque grande difficult�. H eft v�tu d'une faie groff�ere avec des bas n�gligemment renverf�s , & fait juger par cet ajufternent Chi- pie que. les Philofophes donnent tr�s-peu d'attention � l'ornement de leur corps , & qu'ils mettent tout leur plaifir dans les r�flexions & dans la culture de leur efprit. On voit fur la f�conde marche
Diogene � part � demi-nud , fon manteau rejette en arri�re, & au- pr�s de lui fa taffe qui eft fon Sym- bole. Il paro�t dans une attitude de |
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far Principes. &$>%
ncgl�gence, Se convenable � un Ci-
nique , qui tout abforb� dans la Morale m�prife l� fafte & les gran- deurs de la terr�. Du c�t� gauche; fe voient plu-
fieurs Math�maticiens , dont la Science qui confifte dans ce qui efl fenfible , ne laiffe pas d'avoir rela- tion � la Philofophie qui regarde- les chofes intellectueiles. La premi�re de ces figures efl'
Archimede fous le.Portrait de l'Ar- chitecte Bramante , qui le corps courb� Se le bras �tendu en bas, mefure avec le compas la figureexa- gone faite de deux triangles �qui- Tateraux , & femble en faire la d�- monftration � fes Dilciples. Il a au- tour de lui quatre Difciples bien- faits , qui dans des actions diff�ren- tes font paroitre , ou l'ardeur d'a- prendre , ou le plaifir. qu'ils ont de* concevoir. Le Peintre les a repreten- t�s jeunes, parce qu'il falloit avoir apris les Math�matiques avant que de pafTer � l'�tude de la Philofo- |
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5?6 Cours de Peinture
phie. Le premier de ces DiTciples a*
an genouileri terre ,1e. corps pli�, h main fur la cuii��&; les doitgs �car- t�s , eft attentif � la figure d�mon- ftrative. Le f�cond qui eft derri�re lui debout, la main fur l'�paule de fon compagnon , avance la t�te , �c regarde avidement le mouve- ment du compas. Les deux autres font � c�t� �'-�tchimede , de Ce font avanc�s � port�e de voir commo- d�ment. Le premier un genouil en terre fe retourne, & montre la fi- gure � celui qui eft derri�re lui, & qui fe penchant en avant, les bras plies &-iufjL>endus , fait voir ion ad-- miration, &le plail�rqu'il a de s'i'n- flruire. Vafari veut que celui-ci foit le Portrait de Fr�d�ric IL Duc de Mantoue, qui pour, lors le trouvoit � Rome. Derri�re Arcliimede font deux
Philofophes , dont l'un tient le Globe celefte, &; l'autre le Globe terrefle. Le premier par la mani�- re dont il eft v�tu,paro�t avoir quel- |
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par Principes. ■ 91 ■
que rapport aux Chald�ens, Auteurs
de l'Aftronomie, �c l'autre que l'on ne voit que par derri�re, mais qui a la Couronne Royale fur la t�te,,, fait pr�lumer qu'il eft Zoroaftre Roi de' la Badriane , lequel fut grand Aftronome tk. grand Philofo- phe. Ces deux Sages s'entretiennent avec deux jeunes hommes qui font au coin du Tableau, dont l'un eft le Portrait de Rapha�l auteur de cette Peinture. Voil� la mani�re favante, fubli-
me &: judicieufe dont Rapha�l a choili les fujets pour produire une des plus belles Inventions qui ayenr jamais paru en ce genre. Mais non content d'expofer (on fujet par les diff�rentes perfonnes qui le compo- fent, il a voulu encore que les Sta- tues &, les bas-reliefs, qui font des ornemens de fon Architedure , contribuaffent en m�me-tems � la richeffe &� l'expref�ion de fa penf�e. Car les deux Statues qui paroif-
fent de l'un & de l'autre, c�t� du |
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«fi Cours de Peinture
Tableau, font celles d'Apollon m de Minerve 5 Divinit�s qui pr��i- dent aux Arts & aux Sciences. Et dans le bas relief qui eft au deflbus de la figure d'Apollon, eft reprefen- t�e la iource des pai��ons l'Irafcible & le Concupifcible j l'Irafcible par un Furieux qui outrage impi- toyablement ceux- qui ie trouvent � fa rencontre $ & le Concupifci- ble par un Triton qui embrai�e une Nymphe dans l'�l�ment qui a don- n� la naif�ance �- Venus. Et comme Je vice ne ie dompteque par laVertu- qui lui eft contraire, le Peintre a reprefent� au-deifous de la figure de Minerve dans un autre bas relief, la Vertu �lev�e fur des nu�es ,, ayant une main fur la poitrine o�. refide la Valeur ,&c de l'autre mon- trant aux mortels par le Sceptre qu'elle tient, le pouvoir de ion Em- pire. Aupr�s de la Vertu, eft la figu- re du Lion dans le Zodiaque j cet Animal �tant le fymbole de la For- ce, laquelle en Morale ne fe peuc, |
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far Principes ,9$
acqu�rir que par les .bonnes,habi-
tudes. , C'efl ainf� que Rapha�l par la
beaut� de fon g�nie, par la fineffe de fes penf�es, & par la folidit� de fon efprit, a mis devant nos yeux 4e fujet all�gorique de la :Phi|ofo= |)hie. |
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Cours de Peinture
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:$4
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X>� Z^ DISPOSITION".
DAns la divifion que j'ai faite
de la Peinture, j'ai dit que la compofition qui en eft la premi�re partie, contenoit deux chofes, l'In- vention Si. la Difpof�tion.En traitant de l'Invention, j'ai fait voir qu'elle confiftoit�trouverles objets conve- nables au fujet que lePeintre veut re- pr�fenter. Mais quelque avantageux que foit le fujet, quelque ingenieu- Je que foit l'Invention , quelque ri- delle que foit l'imitation des objets que le Peintre a choifis, s'ils ne font bien diftribu�s, la composition ne fatisfera jamais pleinement le Spec- tateur dei�ntereiT�, .& n'aura jamais une approbation g�n�rale. L'ceco- nomie&lebon ordre eft ce qui fait tout valoir, ce qui dans les beaux Arts attire notre attention, .& ce. |
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far Principes. ,f),<:
, qui tient notre efprit .attach� jui-
qu'� ce qu'il foit r�mpli descho- ,-fes qui peuvent dans un Ouviage�� l'ini�ruire , .& lui plaire en ro�me- tems. Et c'eft cette Oeconomie que j'appelle proprement Difpofition. Dans cette id�e , la Difpofition
contient fix parties. i. La Diftnbution des Objets �a
g�nerai. 2.'Les Grouppes.
3. Le choix des Attitudes.
4. Le contrafte.
5. Le jet des Draperies.
6. Et l'effet du Tout-enfemble 5
, o� par qccafion il eft par l� de l'Har- monie & de l'Enthouf�afme. J'examinerai toutes ces parties
dans leur rang le plus fuccinclemenf ,& le plus nettement qu'il me fera, .pqffiblc. |
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$6 Cours de Peinture
De la diftribution des Objets en
g�nerai. Comme les differens fujets que
ie Peintre peut traiter font innom- brables , il n'eft pas poffible de les^ rapporter 'tous ici 5 bien moins en- core d'en faire voir en d�tail la idifpof�tion. Mais le bon fens , �c la qualit� de la mati�re doivent d�terminer le Peintre � donner aux objets qu'il aura choifis les pla- ces qui leur conviennent pour rem- plir les devoirs d'une bonne corn- pofition. Da-ns la composition d'un Ta-
bleau , le Peintre doit faire en forte, autant qu'il lui fera poffible, que le Spe&a-teur foit frapp� d'abord du caract�re du fujet, & que du moins apr�s quelques momens de r�fle- xion , il en ait la principale intel- ligence. Le Peintre peut faciliter xette intelligence en pla�ant le H�ros du Tableau & les principa- lesi�gures dans les endroits les plus ,apparcns,
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■fat TriTicip'es. f^f
spparens , fans affectation n�an-
moins-mais f�lon que le fujet, S� la vraifemblance ie requereront. Car l'�conomie d�pend de la qua- lit� du fujet , qui eft tant�t pateti- queSc tant�t enjou� ,-tant�t h�ro�- que & tant�t populaire, tant�t ten- dre & tant�t terrible , &'. enfin qui demande plus ou moins de-mouve- ment , f�lon qu'il eft plus ou moins vif ou tranquille. Mais fi le fujet infpire au Peintre une bonne cecono- mie dans la diftriburion des objets, la bonne diftribut�on de fon c�t� fert merveille�feroent � exprimer le fujet. Elle donne de la force ■& de la gr�ce aux chofes qui font inven- t�es 3 elle tire les figures de la con- fufion, & fait que ce que l'on repr�- sente eft plus net, plus fenfible & plus capable d'appeller, & d'arr�ter fon Spectateur. Cette diftribut�on des objets en
g�n�ral regarde les Grouppes & les Grouppes refultent.dela liaifon des objets. Or cette.liaifon fe doit con- E
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,�)S -Cours de Peinture
iiderer de deux mani�res : ou , par
rapport au.Deflein feulement , op par rapport au Clair-obfcur. L'une & l'autre mani�re concourent � em- p�cher la diffipation des yeux, §� � les fixer agr�ablement. La liai Ton des objets par rapport
feulement au Deffein, .& fans avoir �gard au Clair-obfcur , regarde principalement les figures humai- nes, dont les a&ions, les conver- sations & les affinit�s exigent fou- vent qu'elles foient proches les unes des autres. Mais quoique cela ne fe trouve pas toujours fi jufte en- tre plufieurs perfonnes qui fe ren- contrent enfemble, il fuffit que la chofe foit poflible , �c qu'il y ait aflez de figures dans la compof�- ,tion d'un Tableau , pour donner oc- cafion au Peintre de prendre fes avantages , & de faire plaifir aux yeux en pratiquant cette liaifon , . iorfqu'il la jugera agr�able & vrai- femblable. II. eft impoffib.le de defcendre
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par Principe!. '-yy
i dans un d�tail qui falTe voir la ma-
ni�re dont il faut traiter ces fortes de Grouppes en particulier , on s'en doit repofer fur le g�nie & far les r�- flexions du Peintre. Cependantpour en prendre une id�e jufte,& s'en for- mer un bon go�t, on pourra confu�- ter les beaux endroits des grands Ma�tres en cette partie, :& entr'au- tres de Rapha�l, de Jules Romain, 6c de Polidore. Ils ont fouvent joint plusieurs figures d'une mani�re, o�. l'on voit tout l'efprit, & tout l'agr�- ment que l'on peut def�rer en ce gen- re de Grouppes. Mais avant que d'e- xaminer les endroits que ces excel- �ens hommes ont lail�e pour exem- ples, il efl bon d'�tre averti que les liaifons dont nous avons parl�,tirent leurs meilleurs principes du choix des Attitudes & du Contrafte. Du choix des Attitudes.
La partie de la Peinture qui eft
comprife fous le mot d'Attitude, qui renferme tous les mou.vemens Eij
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iqo . Cours de Peinture
.du corps humain, & qui demainie une connoiff�nce exacte de la Pon- d�ration , doit �tre examin�e � fond dans un Trait� particulier qui a re- lation � celui du-Deflein. Et com- me elle eft auffi du reffort de 1a difpofition par rapport � la forte de Grouppedont nous parions, je dirai feulement en cette occafton que quelque Attitude que l'on donne aux figures pour quelque forte de fujet que ce puiffe �tre , il faut qu'elle ■ rafle-voir de belles parties autant que la nature du fujet peut le fouffirir. Il-faut de plus, qu'elle ait unk-tour, qui fans fortir de la -vraifemlslance, ni du caract�re de -la perfonne , jette de l'agr�ment dans l'a&iqn. JEn effet ,iln'y a rien dans l'imi-
tation o� l'on ne puiffe faire entrer de -la gr�ce , .ou par le choix , ou par la mani�re d'imiter. Il y a de la gr�ce dans l'expref�ion des vices \ .comme dans celle des vertus. Les actions ext�rieures d'un Soldat., ont |
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far Principes'. i o "
leurs gr�ces particuli�res qui coa-
viendroient mal � une femme, coms me les actions d'une femme ont des gr�ces qui conviendroient mal � irt� Soldat. En un mot la connoii�ance du caract�re qui eft attach� � cha- que objet, & qui regarde principa- lement les fexes, les �ges, & les conditions , eft" le fondement dur bon choix, 6c la four ce o� l'on puife les gr�ces convenables � chaque fi- gure. Il eft donc aif� devoir que le choix des belles Attitudes fait la; plus grande partie des beaut�s du Grouppe. Voyons maintenant de qu'elle mani�re le Contrafte ycon-» tribue. Du Contraji�,
Comme dans les Grouppes on ha
doit jamais repeter les Attitudes d'une m�me vue, & que la Nature r�pand une partie de fes gr�ces daus la diverf�t�, on ne fauroit les mieux chercher que dans la vari�t� Se dans f'bppofition des mouvemens. |
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lot Cours de Teinture
Le mot de Contrafte n'�nVuf�t�
dans notre langue que parmi les Peintres qui l'ont pris des Italiens. 11 lignifie une oppo/�tion qui fe. ren- contre entre les objets par rapport aux lignes qui les forment en tout,, ou en partie. Il renferme non feu- lement les differens mouvemens des ligures, mais les diff�rentes situa- tions des membres , & de tous les autres objets qui fe touvent enfem- b�e, en forte que cela paroiffe fans affectation, & feulement pour don- ner plus d'�nergie � I'expreffion du fujet. Or le Peintre qui difpofe Ces objets � fon avantage, emploie le Contraire non feulement dans les figures, mais encore dans les cho- ies inanim�es, pour leur tenir lieu d'ame , &; de mouvement. On peut donc d�finir le Contraire. Vne op- foftion des lignes qui forment les ob- jets , far laquelle ils fe font valoir l'un l'autre. Cette oppofkion bien entendue
donne de la vie aux objets, attire |
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. par Principes. ibj-
l'attention , & augmente le gr�ce
qui eft fi neceffaire dans les Group- pes , dans ceux au moins qui re- gardent le DefTein Se la liaifondes-' Attitudes. Nous avons dit que la premi�re
forte de Grouppes qui confifte dans le DefTein,reg�rdoit principalement les figures humaines. Mais les Grouppes qui ont rapport au Clair- o'bfcur re�oivent toutes fortes d'ob- jets de quelque Nature qu'ils puif- fent" �tre; Ils demandent une con- .noiflance d�s lumi�res & des om- bres non feulement pour chaque ob- jet particulier ^ mais ils exigent en- core une intelligence des effets que ces ombres & ces lumi�res font capa- bles de caufer dans leur affemblage, & c'eft ce qu'on appelle propre- ment l'artifice du Clair-oblcur dont j'ai trait� avec toute l'exaditude qui m'a �t� poffible en parlant du Coloris. Comme la principale beaut� des
Draperies confifte dans une conve- E iiij
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i Q4 Cours de Peinture
Bable diftnbution des plis, & qu'el-
les font d'un fr�quent ufage pour la compof�tion des Grouppes, on ne peut s'emp�cher de regarder cette mati�re comme d�pendante en par- tie de la difpofttion. Des Draperies &c.
Le Trait� que j'ai fait des Dra-i
peries doit �tre ici inf�r�. Je, p�lie au Tout en femble. Du Tout enfemhle.
La derni�re chofe qui d�pend de
ladifpof�tion eft le Tout enfemble. Le Tout enfemble eft un refuir
.tac des parties qui compofent le Tableau , enforte, n�anmoins que ce Tout qui eft une liaifon de plu- iieurs objets ne foit point comme un nombre compof� de plufiears unit�s ind�pendantes & �gales en, rr'elles , mais qu'il relfemble � u�i Tout politique , o� les grands ont befoin. des petits, comme les perles |
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par Principes. 105
ehtbefoin des grands. Tous les o.b-
jets qui entrent dans le Tableau , toutes les- lignes &, toutes les cou- leurs , toutes les lumi�res & toutes les ombres ne font grandes ou pe- tites , fortes ou foibles que- pac comparaifon. Mais quelle que (bit �a qualit� de toutes ces chofes, & quelque foit l'�tat o�. elles fe trou- vent , elles' ont une relation dans leur afTemblage,dont aucune en par- ticulier ne peut fe pr�valoir. Cat l'effet qui en-refaite confifte dans une fubordmation g�n�rale o�. les. bruns font valoir les clairs ■ rcomm'e les clairs font valoir les brunis , & o�. le m�rite de chaque chofe n'eft fond� que fur une mutuelle d�pen-> dance. Ainfi pour d�finir le Tout' enfemble, on peut dire que c'eft. une fubordination g�n�rale des -objets les uns aux autres ', qui les fait con- courir tous enfemble � n'en faire- qu'un. Or cette fubordination qui fait
concourir les objets � n'en faire» E � -
|
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i g b Cours de Peinture
qu'un, eft fond�e fur deux chofes,
fur la fatisfadion des yeux , & fur l'effet que produit la vif�on. C'eft ce que je vais expliquer. Les yeux ont cela de commun
avec les autres organes des fens , qu'ils ne veulent point �tre inter- rompus dans leurs fondions , &l il faut convenir que pluf�eurs per- fonnes qui parleroient dans un m�- me lieu, en m�me tems & de m�- me ton, feroient de la peine aux Auditeurs qui ne fauroienc auquel entendre. Semblable chofe arrive dans un Tableau , o� pluf�eurs ob- jets f�par�s, peints de m�me force, & �clair�s de pareille lumi�re, par- tageroient & inquieteroient la vue , laquelle , �tant attir�e de differens c�t�s feroit en peine fur lequel fe porter, ou qui voulant les embraf- i�r tous d'un m�me coup d'�il t ne pourroit les voir qu'imparfaite- ment. Pour �viter donc la diffipation
des yeux, il faut les fixer agr�able- |
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far Principes, ' ■ .107 "
nient par des liaifons de lumi�res ce d'ombre , par des unions de cou- leurs , &c par des oppofitions d'une �tendue fuffifante, pour foutenir les Grouppes, & leur fervir de repos. Mais fi le Tableau contient plufieurs Grouppes, ilfavit qu'il y en ait un qui domine fur les autres en for- ce &; en couleur \ Se que d'ailleurs les objets f�par�s s'unifient � leur fond pour ne faire qu'une maf�� , laquelle ferve de repos aux prin- cipaux objets. La fatisfa&ion des yeux eft donc l'un des fondemens de l'unit� d'objet dans les Ta- bleaux. L'autre fondement de cette me-
me unit� , c'eft l'effet que produit la vifion &. la mani�re dont elle le fait. L'�il a la libert� de voir par- faitement tous les objets qui l'en- vironnent , en fe fixant fucceffive- ment fur chacun d'eux j mais quand. �l eft une fois fix� , de tous les ob- jets il n'y a que celui qui fe trouve au centre de la vifion , lequel foie E-vj-'-
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l o 8 ' Cours de Peinture
vu clairement & diftinctement : les autres n'�tant vils que par des rayons obliques , s'obfcurciflent Se fe confondent � mefure qu'ils s'�. loignent du rayon dired. C'eft un fait que nous v�rifions � tous les in- ftans que nous portons nos yeux far quelque objet.. Je fuppofe , par exemple , que
mon �il A. fe porte fur l'objet B; par la ligne directe A. B. Il eft cer- tain que II je ne remue pas mon �il, & qu'en m�me tems.je veuille ob* ferver les autres, objets qui ne font vus que par les lignes obliques � droit & � gauche, je trouverai que bien qu'ils foient tous fur une m�- me ligne circulaire � la m�me dii^ tance de mon �il, ils s'effacent &: diminuent de force & de couleur � mefure qu'ils s'�cartent-de la ligne directe, qui eft le centre de la vifion. D'o� il s'enfuit que la vifion eft
«nepreuve de l'unit� d'objet, dans la Nature.- Or � la Nature qui eft fage., .��
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D eniaiistmtion
d Vint/ d objet |
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par Principes r.o^
qui en pourvoyant � nos befoins les
accompagne de plaifirs, r�duit ain» il fous un m�me coup d'�il plu- fieurs objets, pour n'en faire qu'un , elle donne en cela un avis au Pein- tre afin qu'il en profite f�lon que fon Art & la qualit� de fon fujet le pourront permettre. Il me parok que cette obfervation n'eu: pas in- digne de la r�flexion du Peintre, s'il veut travailler pour la fatisfa- etion des yeux � Texemple de la Nature dont il eft imitateur. Je rapporterai.encore ici Pexpe-
rience du Miroir convexe, lequel ench�rit fur la Nature pour l'unit� d'objet dans la vif�on. Tous les ob- jets qui s'y voient font un coup d'�il & un Tout enfemble plus agr�a- ble que ne feroient les m�mes ob- jets dans un miroir ordinaire, �� j'ofe dire dans la Nature m�me; ( Je fuppofe le Miroir convexe d'une naei�ire raifohnable , �c non pas de ceux qui pour �tre partie d'unepe-t |
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� t � Ccvrs de Peinture
rffce circonf�rence corrompent trop la forme des objets. ) Je dirai en p�flant que ces fortes de Miroirs qui font devenus afTez rares pour- voient �tre utilement confult�s pour les objets particuliers, comme pour le g�n�ral du Tout enfemble. Apr�s tout, c'eft au Peintre � fe
c�nfulter foi-m�me fur le travail qu'il entreprend. Car fi fon Ou- vrage eft grand , il peut le c�mpo- fer de plufieurs Grouppes qui apr�s le premier coup d'�il feroient ca- pables de fixer les yeux du Speda- teur , par le mo�en des repos bien m�nag�s, &de devenir � leur tour un centre de vifion. Ainfi le Pein- tre judicieux doit faire en forte qu'apr�s le premier coup d'�il, de quelque �tendue que foit fon Ou- vrage , les yeux en puiflent jouir fUcceffivement. Il refte encore � parler d'un ef-
fet merveilleux du Tout enfem- kle, c'eft de mettre tous les objets |
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f�r Principes, 11i --
en harmonie. Car l'harmonie quel-
que part qu'elle fe rencontre, vient de l'arrangement & du bon ordre. Il y a de Pharmonie dans la Mo- rale comme dans la Phyfique■$ dans l� conduite de la vie des hommes, comme dans le corps des hom- mes m�mes. Il y en a enfin dans tout ce qui eftcompof� de parties, qui bien que diff�rentes entr'elles s'accordent n�anmoins � faire un feul Tout, ou particulier, ou g�n�- ral. Or comme on doit luppofer que cet ordre fe trouve dans toutes les parties de la Peinture fepare- ment , on doit conclure qu'elles ont leur harmonie particuli�re. Mais ce n'eft point affez que ces parties ayent leur arangement & leur juftefle en particulier , il faut encore que dans un Tableau elles s'accordent toutes enfemble , �c qu'elles ne fai�ent qu'un Tout har- monieux 3 de m�me qu'il ne fuffit pas pour un concert de Mufique que chaque partie fe fafTe enten- |
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� i % Cvwrs de Peinture
dre avec juftefle , & demeure dans
l'arragement particulier de fes no- tes , il faut encore qu'elles con- viennent d'une harmonie qui les r�flemble, & qui de plufieurs Tous particuliers n'en faiTe qu'un g�n�a rai. C'eft-'ce que fait la. Peinture par la fubordinat-ion des objets , des Grouppes, des couleurs, & des lumi�res dans le g�n�ral du Ta* bleau. Il y a dans la Peinture differens
genres d'harmonie. Il y en a de douce&de mod�r�e, comme l'ont ordinairement pratiqu� le Correge U le Guide. Il y en a de, forte & d'�lev�e, comme celle du Giorgion^ du Titien �c du Caravage : &'il y en peut avoir en differens degr�s, ' f�lon.la fuppontion des lieux , des rems, de la lumi�re & des heures du jour. La lumi�re haute dans un lieu enferm� produit des ombres fortes ,,& celle, qui eft en pleine campagne demande des couleurs vagues &. des ombres douces. Enfin |
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far Principes: i -; 3
l'excellent Peintre fait l'ufage qu'il
doit faire non feulement des fai- sons , mais des tems3 Se des acci- dens qui fe rencontrent dans le ciel & fur la terre , pour en faire, comme nous avons dit, un Tout harmonieux. Voil� l'id�e que je me fuis for^.
m�e de ce qu'on appelle en Peinture Tout enfemble. j'ai t�ch� de la fai- re concevoir comme une machine dont les roues fe pr�tent un mu- tuel fecours, comme un corps dont les membres d�pendent l'un de l'autre , & enfin comme une ceco- nomie harmonieuf� qui arr�te le Spectateur , qui l'entretient, Se qui le convie � jouir des beaut�s par^ ticulieres qui fe trouvent dans le Tableau. Si l'on veut faire un peu de r�-
fl�xion-fur tout ce que je viens de dire touchant la rdifpof�tion , on trouvera que cette partie qui en. contient beaucoup d'autres, euVd'tu. �e extr�me confequence j puifqu'el» |
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114 Cours de Peinture
le fait valoir tout ce que l'inven- tion lui a fourni, &: tout ce qui eft de plus propre � faire -impref- fton fur les yeux & fur l'efpritdu Speclateur. Les habiles Peintres peuvent con-
na�tre par leur propre exp�rience, que pour bien r�uffir dans cette par- tie i� fpirituelle , il faut s'�lever au defliis du commun , &- fe transpor- ter, pour ainf� dire, hors de foi m�- me : ce qui m'a donn� occafion de dire ici quelque choie de l'Enthou- ikfme , &■ du Sublime, De l'Enthoufiafme.
L'Enthouftafme eft un tranfport'
de l'elprit qui fait penfer les cho- f�s d'une mani�re fubl�me, fupre- nante, & vraifemblable. Or comme celui qui confidere un
Ouvrage fuit le degr� d'�l�vation qu'il y trouve , le tranfport d'efprit qui eft dans l'Enthouf�afme eft com- mun au Peintre & au Speclateur ; avec cette diff�rence n�anmoins, |
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far Principes. i t f
que bien que le Peintre ait travail- l� � pluf�eurs reprifes pour�chauf« fer fon imagination, �& pour mon- ter fon Ouvrage au degr� que de- mande rEnthoufiafmejle Spe&ateur au contraire fans entrer dans aucun d�tail fe lailfe enlever tout � coup , & comme malgr� lui , au degr� d'Enthoufiaf me o� le Peintre l'a at- tir�. Quoique le Vrai plaife toujours,
parce qu'il eft la bafe.�c le fonde- ment de toutes les perfe&ions , il ne la�ife pas d'�tre fouvent infipide quand il eft tout feul ^ mais quand il eft joint � l'Enthouf�afme, il tranf- porte l'efprit dans une admiration m�l�e d'�tonnement 5 il le ravit avec violence fans lui donner le tems de retourner fur lui-m�me. J'ai fait entrer le Sublime dans
la d�finition de l'Enthouf�afme, par- ce que le Sublime eft un effet & une production de l'Enthouf�afme. L'En- thouf�afme contient leSublime com- me le tronc, d'un arbre contient fes,. |
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i r '� Cours de Peinture
branches qu'il r�pand de diff�rera c�t�s j ou plut�t l'Enthoufiafme eff un foleil dont la chaleur & les in- fluences font na�tre les hautes pen- f�es, �c les conduifent dans un �tat de maturit� que nous appelions Su-s blime. Mais comme PEnthoufiafme & le Sublime tendent tous deux � �lever notre .efpric , on peut dire qu'ils font d'une m�me nature. La diff�rence n�anmoins qui me parole entre l'un & l'autre, c'eft que l'En- thoul�afme eft une fureur de veine qui porte notre ame^ encore plus haut que le Sublime, dont il eft la four�e, �c qui a fon principal effet dans la penf�e & dans le Tout en- fembled� l'ouvrage 3 auiieu-qiie le Sublime fe fait fent�r �galement dans le g�n�ral, & dans le d�tail de tontes les parties. L'Enthoufiafme a encore cela que l'effet en efl: plus prompt, & que celui du Sublime de- mande au moins quelques momens de r�flexion pour �tre vu dans tou- te fa force. |
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.far Principes. « x-x.ft
■-'L'Enthoui�afme nous enlev� fans
que nous le fendons, &c nous trans- porte, pour aini� dire, comme d'un pays dans an autre fans nous en appercevoir que.par lepla�l�r qu'il nous caufe.. Il me paro�t, en un mot, que l'Enthouflaime nous iaif�t, ■ �c que nous faillirons le Sublime. Ceft donc.� cette.�l�vation iurprenan- ;te, mais jufte , mais raifonnable que le Peintre doit porter fo'n Ou- vrage auffi bien que le Po�te ; s'ils veulent arriver l'un ■& l'autre � cet extraordinaire Vraifemblable qui remue le c�ur ,&: qui fait le plus grand m�rite de la Peinture ,& de la Po�fie. Quelques efprits de feu ont pris
l'emportement de leur imagination pour le vrai Enthoufiafme, quoique dans le fond Pabondance.&'Ja vi- vacit� de leurs productions ne fuf- fentque des fonges,de malade. Il eft vrai qu'il y a des,fonges bizar- res qui ave-c un peu de mod�ration ..feraient capables de mettre h. |
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; � i S Cours de Peinture
coup d'efprit dans la compof�t�on
d'un Tableau * & de r�veiller agr�a- blement l'attention -, & les ridions des Po�tes, comme dit Plutarque, ne font autre chofe que des fonges d'un homme qui veille. Mais on peut dire auffi qu'il y a des produc- tions qui font des fonges de fi�vre chaude, lefquelles n'ont aucune liai- ion, &: dont il faut �viter la dan- .gereufe extravagance. Il efl: certain que ceux qui ont un
;gsnie de feu entrent facilement dansd'Enthoufiafme , parce que leur imagination efl prefque toujours a- git�e -, mais ceux qui br�lent d'un feu doux , qui n'ont qu'une m�dio- cre vivacit�,jointe � un bon juge- ment, peuvent s'ini�nuer dans l'�n- htoufiafme par degr�s , & le rendre m�me plus r�gl� par la folidit� de leur efprit. S'ils n'entrent pas fi fa- cilement , ni fi promptement dans cette fureur Pittc , pour ain- �;fi parler, ils ne laiflent pas de s'en
|a|| e que |
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par '-Principes. ,ii-$
leurs r�flexions leur font tout voir .■& tout fentir,.&: que non feule-
ment il y a plusieurs degr�s d'En- ; thoufiafme ,.mais encore plusieurs
moyens d'y arriver. Si ces derniers ont � traiter un fuj et �crit, il faut qu'ils le lifent plusieurs fois avec application 3 (Si s'il| n'eft pas �crit, il eft � propos que le Peintre choi- f�fie entre les qualit�s de fon fujet, celles qui font les plus capables de lui fournir des circonstances qui mettent fon efpnt en mouvement,, Car par ce moyen ayant �chauff� fon imagination par l'�l�vation de fes penf�es, il arrivera enfin jufqu'� i'Enthoufiafme, & jettera de l'admi- ration dans l'efprit de fes Specta- teurs. Pour difpofer l'efprit � l'Enthou»
f�afme g�n�ralement parlant ,rien n'cfl meilleur que la vue des Ou- vrages des grands Ma�tres, & la lec- ture des bons Auteurs Hiftoriens ou Po�tes , � caufe de l'�l�vation de leurs penf�es t de la nobleiTe |
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?f 20 Cours de Peinture
.de leurs expreffions, & du pouvoir
que les exemples ont fur l'efpritdes
hommes.
* Longin qui a trait� du Sublime,
veut que ceux qui ont a �crire quelque chofe qui. exige du grand & du ■ merveilleux , regardent les grands Auteurs comme un flambeau . qui les �claire, & qu'ils fe deman- dent � eux-m�mes , comment eft-ce qu'Hom�re auroit dit cela? Qu'au- roient fait Platon , ;Demofthene & Thucidide ? Le Peintre peut en fem- blable occafionfe demander � lui- m�me , comment eft-ce que Ra- pha�l, le Titien, & le Correge au- roient penf�, auro�ent deffin� , au- raient colorie , & peint ce que j'en- treprens de reprefenter ? Ou bien, comme dit le m�me Longin, l'on peut s'imaginer un tribunal des plus grands Ma�tres , devant lequel le Peintre auroit � rendre compte de fon Ouvrage. -Quelle ardeur ne fen- tiroit-�l pas � la feule imagination. >* CL t*.
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■par Principes. ■ ��'�
de voir tant d'excellens hommes ,
qui font les objets de fori admira- tion , &: qui doivent �tre fes juges ? Ces mo�ens font utiles � -tous les
Peintres, car ils enflammeront ceux font n�s avec un puii��nt g�nie | & ceux -que,la Nature 'n'a 'pas i� bien trait�s en reffenriront au niofns quelque chaleur qui fe r�pandra fur Jeu;s Ouvrages, J'ai t�ch� .de .faire voir dans
mon Trait� de rin,yen.doi> de-quel- le mani�re il falloir choif�r les ob- jets convenables au fuj-et que le Peintre avoit� repr�senter; Je viens de parler dans la Difpofition de l'ordre que ces m�mes objets d�- voient tenir pour compofer un Tout a vec avantage ; & c'elt ainfi 'que par la liaifon de ces deux parties, ^'Invention & la Difpofition , j'ai fait tous mes efforts pour donner «ne id�e la plus jufte qu'il m'a �t� .poff�ble, de cette grande partie de -a peinture qu'on appelle Compo- l�tion. |
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Ij2.2 Cours de -Peinture
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REPONSES 4 QVELQVES
ObjetJions. ENtre les objections qu'on pour-
roit me faire, j'en trouve deux auf quelles il elt bon de r�pondre. L'une eft contre l'unit� d'objet, & l'autre contre l'Enthoufiafme. On peut dire contre le premier,
que la d�monftration que l'on a fai- xe de la vifion pour �tablir l'unit� d'objet, la d�truit enti�rement^ par la raifon qu'il n'eft pas necelfaire de d�terminer l'�il, puifqu'en quel- que endroit du Tableau qu'il fe por- te, il fe d�terminera naturellement lui-m�me, & fera l'unit� d'objet, fans qu'il fait autrement befoin d'avoir recours aux principes de J'Art. r ^ A cette objedion l'on r�pond-
deux chofes. La premi�re , qu'il n'eft pas � propos de laiifer � l'�il |
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far Principes. 115
la libert� de vaquer avec incertitu-
de , parce que s'arr�tant au hazard fur l'un des c�t�s du Tableau , il agiroit contre l'intention du Pein- tre, qui auroit plac� , f�lon la vrai- semblance la plus approuv�e , fes objets les plus effentiels dans le milieu, & ceux qui ne i�roient qu'ac- cei�cii-es dans les c�t�s : car il ar- rive fouvent que de cet ordre d�- pend toute l'intelligence de /a pen- f�e. D'o� il s'enfuit qu'il faut fixer l'�il ,-& que le Peintre doit le d�- terminera l'endroit de fon Tableau qu'il jugera � propos pour l'effet de fon Ouvrage. La f�conde chofe que l'on r�-
pond , c'eft que dans les fens tous les objets qui regardent les plaiiirs, ;ne demandent pas feulement les agr�mens qu'ils ont re�us de la Na- ture ; ils exigent encore les fecours que l'Art eft capable de leur don- ner pour rendre leurs effets plus ienfibles. Par la f�conde objedion, l'on
Fij
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a 1.4 Cours de Peinture
p�mrroit me dire que PEnthoufiaf- me emporte fouv�nt trop loin cer- tains G�nies , �■-& pafTe par deflus beaucoup de fautes fans les apper- .cevoir. A quoi il feroit aif� de r�- pondre que cet emportement n'eft plus le v�ritable Entnouf�afme-,puif- . qu'il pafTe les bornes de la jufteiTe, &: de la vraifemblance que nous lui avons donn�es. j'avoue qu'il paroit qu'un des ef-
-fets de l'Enthoufiafme eft de cacher fouvent quelque d�faut � la faveur du tranfport commun qu'il nous caufe 3 ce qui n'eft pas un grand malheur..Car en effet l'Enthouf�af. meavec quelques d�fauts, fera tou- jours.pr�f�r� � une m�diocrit� cor- recte 3 parce qu'il ravit l'ame, fans lui donner le tems de rien exami- ner, & de refl�chir fur le d�tail de chaque choie. Miiis ,� proprement parler, cet-effet n'eft pas tant de l'Enthoufiafme que de notre efprit., qui s'en la�fTant p�n�trer , pafTe quelquefois au del� des born-es de la vraJfemblance. |
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far Principes] rz'f'
Si on vouloir encore m'ob'jec�er
que tout ce que je- dis de l'Enthou- iiafme peut �tre attribu� au Subli- ��ie5 je repondrois que cela d�pend de Tid�e que chacun attache � ces deux mots, � quoi je f�rois toujours difpof� � m'accommoder, nonob- ftant la diff�rence que j'en ai expli- qu�e dans le corps de ce Difcours.' |
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#Sp
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il� Cours de Peinture
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DV DESSEIN.
LE mot de Deflein par rapport
� la Peinture, Te prend de trois mani�res : ou il repr�sente la penf�e de tout l'Ouvrage avec les lumi�res &, les ombres , & quelquefois avec les couleurs m�mes, 6c pour lors il n'eft pas regard� comme une des parties de la Peinture , mais com- me l'id�e du Tableau que le Peintre. m�dite : ou il reprefente quelque, partie de figure humaine, ou quel- que animal, ou quelque draperie, le tout d'apr�s le naturel , pour �tre peint dans quelque endroit du Tableau , bc pour fervir au Peintre comme d'un t�moin de la v�rit�, �c cela s'appelle une �tude ; ou bien ileftpris pour la circonfcription des objets, pour les mefures�c les pro- portions des formes ext�rieures -y Se c'eft dans ce fens qu'il eft; une des. parties del� Peinture, |
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far Principes. �i"f
Si le DefTein eft , comme il cil-
vrai , la circonfcription des formes ext�rieures, s'il les r�duit dans les mefures &. dans les proportions qui leur conviennent, il eft vrai de dire: aufli que c'eft une eipece de cr�a- tion, qui commence � tirer comme du n�ant, les productions vifibles de la Nature , qui font l'objet du Peintre. Quand nous avons parl� de l'In-
vention , nous avons dit que cette partie dans l'ordre de l'ex�cution �toit la premi�re. Il n'en eft pas de m�me dans l'ordre des �tudes, o�. le defTein doit s'apprendre avant toute chofe. Il eft la clef des beaux Arts v c'eft
lui qui donne entr�e aux autres par- ties de la Peinture y c'eft l'organe des nos penf�es,. l'inftrument de nos d�monftrations, �c la lumi�re de notre entendement. C'eft donc par lui que les jeunes Etudians doi- vent non-feulement commencer , mais c'eft de lui qu'ils doivent conv |
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128 Cours de Peinture
trader une forte habitude , pour-
acqu�rir avec plus de facilit� la con- noif��nce des autres parties dont il cil le. fondement. Le DeiTein �tant donc le fonde-
ment de la Peinture , on ne fauroit prendre trop d� foin pour le-ren- dre folide, & pour fo�tenir un �di- fice compof� d'autant de parties qu'eft celui de la Peincure. A�nll je t�cherai d'en parler avec tout l'or- dre que demande.une,connoifTance fineceflaire.- Je regarde dans le Derfein plu-
sieurs parties d'une extr�me necef- i�t� � quiconque veut devenir habi- le , dont voici les principales. La Correction, le bon Go�t, l'Elegan- ce, le Caract�re, la Diverf�t�, PEx* prei�ion �c la Perfpe&ive. De la Corre�tion>
Correction eft un terme dont les
Peintres fe fervent ordinairement pour- exprimer l'�tat d'une Defl�ia |
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far Principes. i zy
qui eft exempt de fautes dans les
mefures. Cette Corre&ion d�pend de la jufteffe des Proportions, & de la connoiflance de l'Anatomie. Il y a une proportion g�n�rale
fond�e fur les mefures les plus con- venables pour faire une belle figure. On peut confulter &: examiner ceux qui ont �crit des Proportions, 8c qui ont donn� des mefures g�n�rales pour les figures humaines, iuppof� qu'ils ayent eux-m�mes confuit� � fond & la Nature & la Sculpture des Anciens. Mais comme dans chaque efpece
que la Nature produit, elle n'eft pas d�termin�e � une feule forte d'ob- jet, & que fa diverfit� fait une de fes plus grandes beaut�s �, il y a auf- i� des Porportions particuli�res, qui regardent principalement les fexes, les �ges, & les conditions, & qui dans ces m�mes �tats trouvent en- core une infinie vari�t�. Pour ce qui eft des Proportions particuli�res ,. ^Natureen fournit autant qu'il y |
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130 Cours de Peinture
a d'hommes fur la terre, mais pour- rendre ces Proportions juftes &c a- greables, il n'y a que l'Antique dont la fource eft dans la Nature , qui tmifle fervir d'exemple , & former une folide id�e de la belle diverfit�. Plusieurs habiles Peintres ont me-
fur� les figures Antiques dans tou- tes leurs parties, &c ont communi- qu� � leurs El�ves les �tudes qu'ils en ont faites. Mais fi ces d�monf- trations n'ont pas �t� rendues, ni affez publiques , ni allez exa&es, nous avons en France en notre pof- feffion un nombre plus que. furfilant de belles Statues Antiques, ou Ori- ginales , ou moul�es fur les Origi- naux , d'o� un chacun peut tirer les lumi�res 6c les d�tails neceflai- res pour (on inftruch'on. Ce qui eft.de certain , c'eft qu'il
eft impoffible de fe pr�valoir des mefures des figures Antiques, fans les avoir �tudi�es exa&ement, fans les avoir deffih�es avec attention , & fans les avoir donn�es en garde � |
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par Principes. i "3 1
� fa m�moire apr�s quelque tems
d'une parcique opini�tr�e. Vafari fait dire � Michelange que le Cam- pas doit �tre dans les yeux^& non pas dans les mains. Ce beau mot" a �t� bien re�u de tous les Peintres : Mais - Michelange n'a pu. le dire, & les autres n'ont p�t lui donner cours ,, qu'en fuppofant une habitude des ■ plus belles Proportions. Comme c'eft de l'Antique- que
l'on doit non-feulement tirer ce qu'il y a de meilleur pour les Pro- portions, mais qu'il contient enco- re plufieurs chofes qui conduifent au fublime &. � la perfection , il eft necerfaire de s'en faire \ autant qu'il eft poffible\ une id�e nette , q�ifo�t fo�tenue de la raifon. Nous consi- d�rerons donc l'Antique dans fon origine , dans fa beaut�, pi dans fon - utilit�. De l'Antique.
Quoique le mot: VAntique pris
dans la force de fon origine, f�gni- Fvj
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� 3 2 Cours de Peinture
fie tout ce qui eft ancien , on ne le
prendra ici que pour les Ouvrages de Sculpture qui ont �t� faits dans le fiecle des grands Hommes, qui �toit celui du grand Alexandre, o� les Siences &. les beaux Arts �toient dans leur perfe&ion. Ainfi je croi devoir �pargner � mon Ledeur l'en- nui que je lui donnerois , il je vou- lois rapporter ici les noms des pre- miers Sculpteurs, qui par une lon- gue fuite d'ann�es ont pris la Sculp- ture dans fon berceau, pour la con- duire jufqu'� l'�ge o� elle d�voie arriver � cette perfection qui m�ri- te , pour ainfi dire , le nom d'Anti- que que nous lui attribuons aujour- d'hui. � Les louanges que l'on donna pour
lors aux exceilens Ouvrages, aug- menta le nombre des bons Sculp- teurs j �c la quantit� de Statues que l'on �rigeoit aux gens qui fe faifoient diftinguer par leur m�rite , aufRbien que les Idoles dont on ornoit les Temples, donnoient de plustn plus |
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par Principes. 13"
��tatiere aux grands G�nies de s'e-
xercer , & de perfe&ioner leurs Ou- vrages � l'envie les vins des autres. Ce fut en ce tems-la que Policle-
t� l'un des plus grands Sculpteurs - del� Gr�ce, s'avifa de faire une Statue qui eut toutes les proportions qui conviennent � ttn homme par- faitement bien- form�. Il f� fervit pour cela de plufieurs mod�les na- turels , & apr�s-avoir r�duit fon Ou- vrage dans la derni�re perfe&ion, il fut examin� par les habiles gens avec tant d'exactitude , �c admir� avec tant d'�loges", que cette Statue fut d'un commun confentement ap- pell�e la R.egle , & fut fuivie en g�, n�ral par tous ceux qui cherchoient aie rendre habiles. Il eft aflez vrai- femblable que cette exp�rience ayant r�uffi pour un fexe, on en f�t autant pour un autre, & qu'on la pouffa m�me � la diverfit� des �ges � &ides conditions. Il me paro�t que c'cft � cePolicle-
te:que l'on peut raifoanablemeii- |
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x *3 4. ' Cours de Peinture
xer l'origine des merveilleux Ouvra- ges que nous appelions Antiques y puifqu'on les avoit d�j� port�s au degr� de perfection o� nous les voyons. Les Sculpturs de ces tems- ^ la continu�rent de donner des mar- ques de leur habilet� jufqu'au r�gne de l'Empereur Galien, environ l'an 360. que les Gots ravag�rent la Gr�ce fans connoiflance, & fans au- cun refpecl pour les belles chofes. Mais puifque. nous regardons les- proportions de l'Antique comme les mod�les de la perfe&ion , il eft de- l'ordre naturel de parler ici de fa- beaut�. De la bes.ut� de l'Antique.
Quelques-uns ont d�t que la beau-
t� du corps humain confiftoir. dans un juft� accord des membres entr'- eux par rapport � un Tout parfait $ d'autres la mettent dans un bon temp�rament*, dans une vigoureufe ■ i�nte, o� le mouvement &. la pure- |
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f-ar Principes. . ■i^'J"
t� du f�ng r�pandent fur la peau des <
couleurs �galement vives & fra�- ches. Mais la commune opinion n'admet aucune d�finition du Beau, Le Beau, dit-on-, n'eft rien de r�el, chacun en juge f�lon fon go�t, en un mot,.que le Beau n'�ft autre chofe que ce qui pla�t.. Quoi qu'ilen foit, peu de fenti�
mens ont �t� partag�s fur la beau- t� de l'Antique. Les gens d'efprit qui aiment les beaux Arts ont efti- m� dans tous les tems ces merveil- leux Ouvrages, c'eft-�-dire, non feulement aujourd'hui qu'ils font ra- res , mais dans les tems que touc �toit plein de Statues , &. qu'elles �toient dans la Gr�ce �c dans Ro- me, comme un autre peuple. Nous voyons dans les anciens Auteurs quantit� de partages, o� pour louer les beaut�s vivantes, on les compa- rait aux Statues. Les Sculpteurs, dit Maxime de Tyr, par un admirable artifice choififsent de plufieurs corps les farties qui leurfcmblent les plus belles 3 |
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� 3 6 Cours de Peinture' '
& ne font de cette diverfit� qu'une fe'u'i I� Statue. Mais ce m�lange eft fait avec tant de prudence &fi � propos, qu'ils femblent n'avoir eu pour mod�le qu'une feule & parfaite Beaut�. Et ne vous imagine^ pas, pourfuic le m�me Au- teur , de pouvoir jamais trouver une beaut� naturelle , qui le difpute aux Statues 5 l'Art a toujours quelque cho. fe d�plus parfait que la Mature. Ovii de dans le � i. de Tes M�tamorpho- fes, o� il fait la Defcription de CyU l�re , le plus beau des Centaures, dit, qu'il avoit une fi grande vivacit� dans le vifage, que le col, les �paules , les mains , & i'ef�omac en �taient fi beaux , qu'on pouvait ajj�rer qu'en tout ce qu'il avoit de l'homme , c'�tait la m�± me beaut� que l'on remarque dans les Statues les'plusparfaites.Et Pliiloftra- te parlant d'Euphorbe , dit que f�, beaut� avoit gagn� le c�ur des Grecs 5 & qu'il �toit fi approchant de la beau~ t� d'une Statue qu'on l'aurait fris pour Apollon. Et plus bas parlant de la beaut� de Neoptoleme, 6c de la reL |
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par Principes.- r3 T
femblance qu'il avoic avec Ton p�re
Achille , il die ■'-, .Qu'en beaut� fin p�- re avait autantd'avantage fur lui, que les Statues en ont fur les beaux homme s. Ce n'etoit pas feulement chez les Grecs que l'on �rigeoit de Statues aux gens dem�rite,&- qu'on-s'en fai- foit des Idoles ; le Peuple Romain fe fervoit des m�mes moyens pour recompenfer l�s grandes actions, Se pour honorer, leurs Dieux. Les Ro- mains dans la conqu�te de la Gr�ce en enlev�rent ' non-feulement les plus belles Statues 5 mais enemme, nerent les meilleurs Ouvriers qui en �nffcruifirent d'autres, �c qui ont laif- f� � la Pofterit� des marques �ter- nelles de leur favoir, comme nous le voyons par tant d'admirables Sta- tues , par tant de Buftes, par tant de Vafes, Se tant de Bas-reliefs, Se par ces belles Colonnes Trajane Se Antoniane. Ce font toutes ces Anti- quit�s que l'on doit regarder com- me les v�ritables fources o� il faut que les Pein';res.Se les Sculptures ail-, |
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r5§ Cours de Peinture
lentpuifer eux m�mes, pourrepanl
dre une beaut� folide>fur ce que leur g�nie pourra d'ailleurs leur infpirer. Les Auteurs Modernes ont fuivi ces m�mes fentimens fur la beaut� de l'Antique. Je rapporterai feule- ment celui de Scaliger. Le moyen ,. dit-il, que nous puifions rien voir qui approche de la perfeBion des belles Sta- tues , puifqu'il efi permis � l'Art de ehoifir,. de retrancher , d'ajouter y�e diriger, & qu'au contraire la Nature s'eft toujours alt�r�e depuis la cr�ation du premier homme, en qui Dieu joiyniP la beaut� de la forme � celle de l'in- nocence, |
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par Principes. i 59-'
Traduction litt�rale E*Rubenio..
du Latin de Rubens. De l'Imitation desSta- De ^"at�Me Stattl*»
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rum.
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tues Antiques*
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IT 1 r» � A Liis uriliff�ma.,-
LyadesPem- J\a��s damnofa.
tr�s a qui 1 1- ufqUe ad extermi-
mitation des Sta- nium Artis. Gonclu-
tues Antiques eft do tamen ad'fum--
tr�s- utile , & � mum ejus perfe&io-
d'autres dange- nem efl� neceflariam
r r > \ 1 earum intelligen-
reuie lulqua la ■ . .&,... . . _ >n. *■ , tiam , �mo imbibi--
deltrudion de tionem:fedjudicios�
leur Art. Je con- applicandum earum due n�anmoins ufum&omnino ci- que pour la der- tra faxum. Nam plu- niere perfection resimperiti& etiam de la Peinture, il Periti non diJing�t
n , rr .. /. materiam a forma ,
eft neceiTaire d a- Faxum � figura ^
voir l'inteUigen- neceffitatem mar-
ce des Antiques , moris ab aitiScio.
voire m�me d'en �tre p�n�tr�; mais
qu'il eft n�ccft�ire. auffi que l'ufage
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!i4-o Cours de Peintur�
en foit judicieux ,..& qu'il ne fente
Ja pierre en fa�on quelconque. Car l'on voit des Peintres ignorans, &; m�me des S�vans qui ne faventpas diftinguer la mati�re d'avec la for- me , la figura d'avec la pierre, ni la -l��ceflit�; o� eft le Sculpteur de fe f�rvir du marbre d'avec l'artifice dont i� s'emploie. TJna autem maxi- fl eft cMlftanc.
maeitbtatuarum op- . r . rimas utiliffimas uc que lesStatuestes
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plus belles font
tr�s-utiles, com- me les mauvaifes font inutiles �c m�me dangereu- fes : Il y a de |
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viles �butiles efle,vel
etiam damnofas : Nam Tyrones ex iis nefcio quid cmdi , termin�t! & diificilis moleftaque Anatd- |
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mix dum trahunt vi-
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dencurProf�cere,f�d jeunes ,. Peintres
inopprobrium Na- qui s'Imaginent
turas, dumprocarne �tre bien avari-
marmor coloribus ces, quand ils ont
tantumreprzfewant. t{r(L de ces figures
Muha funt enim no- � �Q r � °- iQ .
, � � . je ne lai quoi de
tanda �mo &c vitan- K , * . ,
da etiam in opti- dur, de termine,
mis accidentia ci- de difficile & de -
�raculpam-Artincis ce qui eft plus �* -
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far Principes. a^�
�pineux dans l'A- pra;cipu� differentia.
.natomie : mais umbrarum , cum ca- tous ces foins io Pelh; ' ,�arcla"
, , , - so iua diaphanitate
vont a la honte ^ uka lenia^ u
delaNature,pmf- pjtja -m 5tacujs n;_
qu'au lieu d'imi- gredinis & umbrae ter la chair , ilsne quae fua den�tate fa- repref entent que .xumduplicatinexo» du marbre teint «bilnerobviuni.Ad- i ». /- de aaaidam macca- de diveries cou- ' , , '
. - turas ad omnes mo-
kUrs. -Car il V tus variabiles & faci-
,a plufieurs accl -litate.peilis aut di- . dens � remar- mi�fasaut contractas ,qi:ervouplut�t� � Scatuariis vulgp �viter dans les evitatas>optimis ta-
Statues m�me les TO� aliW*nd° ad-
, , ;, , r miHas, Picturas cer-
plus belles, -ief- t6fbdcum modera_
.quels ne viennent tipne neceflarias.Lu-
point de la faute mineetiam ab omn� de l'Ouvrier. Ils humanitate alienifl�- confiftent princi- m.^ diff�rant lapidep palement.dans h Me�°*e r& afPsra- diff�rence Aes ^ce ftpecflcws.ina- , A gis �levante ac par ombres ;vu que eft,aut faltemoculqs la chair, la peau, fafcina-nce.\ les cartilla-ges.,-par leur.qualit� dig- |
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erjpz "Cours de Peinture
phaneadoucif�ent, pour aini� dire.,
la duret� des contours, &c font �vi- -:ter beaucoup d'�cueils qui fe trou- vent dans les Statues, � caufe de leur ., ombre noire qui par fon obfcurit� fait paro�tre la pierre, quoique tr�s- opaque , encore plus dure & plus .opaque qu'elleri'eit en effet.Ajoutez a cela qu'il y a dans le naturel cer- tains endroits qui changent f�lon les divers mouvemens, & quia cau- fe de la foupleffe ds la peau font quelquefois,, tant�t unis & tendus,, &. tant�t plies &; ramaff�s, que les Sculpteurs pour l'ordinaire ont pris loin d'�viter ; mais que les plus lia- �b�les n'ont pas n�glig�s,&;qui font .abfolumentneceflaires dans la Pein- ture, pourvu qu'on enufe avec mo- d�ration. Non feulement les ombres -des Statues, mais encore leurs lu- mi�res font tout � fait diff�rentes de celles du naturel'; d'autant que l'�- clat de la pierre 6c l'�pret� des jours �dont elle eft frapp�e �l�ve la fuper- fcieplus qu'il ne faut, ou du moins |
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far Principes, «43
-font paro�tre aux yeux des dhoi�s
qui ne doivent point �tre. Celui qui par � ■ , ...
�ine mure difcre- . ~,;p -1 >
. r r � 1 *i difcretione-lepera-
:tion iaura faire le verit, statuas comi-
difcernement de ,nns ampleftetur ; toutes ces chofes, nain quid in hoc er- ne peut cqnfide- roneo fsculo d�ge- ler avec trop d'at- neres .poflumus , mention les Sta- W» y°�i�s Geniu*
, . nos humi detinet ab
tues Antiques, ni heroico illo immi�
les �tudier trop nutos �ngenio judi-
loigneufement : cio : feu Pattum ne-
puifque dans les -bu]� fufci fumus fuae
�fiecles erron�s o� voluntate Deum ad
nous vivons,.noas pejora lapf� .poft-
r r ,, . quam lapu non re-
lommes rorteloi- x � ■ r ,
, . mitumuraut vetera-
gnes de rien pro- fcente mundo inde-
Alire de fembla- boliti irrecuperablM ble , foit que la damno,feuetiamcl)«= bafTeffe de notre je&um naturali an- cenie nous tien- xiw'K� origini Per- S rempans & ne ^ionique .propius ■*■ orrerebatultrocom- nous permette -paftum quod nunc
pa.5 d'aller jufqu> feculorum f�nefcGtfc
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14-4 ' Cours de Peinture
c��m defedu ab ac- o� les Anciens
, cidentibus , comip- font arriv�s par
tum nihil f��r'etinmt jeur jU�rement &
delabente in pluia par leur eforit ve-
perkctione iucce - r. , , L ,
dentibas. vitiis : Ut noblement h e-
etiam.Stature homi- ro�que j ou bien
'num «jultomm fen- que nous lovons
;cenciisprobaturpau- envelopp�s des
iattm decrefeencis m�mes t�n�bres
quippeprofamfacri- Q^ nQS p�res
due de Heirolim , Gi-
~ , ' ont v�cu : ou que
gue xvo multa qui- D*eu permette
djm fabulofaaliqua qu'ayant n�glig� tamen vera narrant de nous retirer . fine dubio. d'une erreur dans
laquelle nous �tions tomb�s, nous
allions de mal en pire : foit encore que par un dommage irr�parable il �rriveque nos efprits s'affoibliirent& fc Tentent de la vieillefle du-monde.: foit enfin que les corps humains ayant �t� dans les f�ecles pail�s-plus pr�s de leur origine & de leur perfe- �lion v fe foient trouv�s des mod�les parfaits & ayent fourni naturelle-
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far Principes. 54.5
ment toutes les beaut�s que nous
�le reconnoiflbns plus aujourd'hui dans la Nature. La perfection qui �to�t une , s'eil poflible partag�e de afFoiblie par les vices qui lui ont fucced� ini�nfiblement 5 de forte que cette corruption feroit venue � tel point, qu'il femble que les corps ne foient plus les m�mes, ainf� qu'on pourro�t le conjecturer par les �crits que nous ont lail�e plufieurs Au- teurs tant facr�s que profanes, lef- quels nous ont parl� de la ftature ancienne des hommes en la perfon- ne des H�ros , des Geans, & des Cyclopes 5 & fi en cela ils nous ont cont� beaucoup de fables, ils nous ;ont dit fans doute quelques v�rit�s. La principale Caufa prscipuaqu� raifon pourquoi noftri *vi horaines les corps hu- diff�rant. ab_ Anci- rj emis eftignavia&in- mains de notre ?xercicat&um vivendi
tems font difte- genus. qUippeefl�-,
rens de ceux de bibere nulla exerci- fantiquit� , c'eft tandi corporis cura. |
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T a & Cours de Peinture
Igitur prominet de- la p�ref�e ,. l'oin- pceffumventrisjonus vet�,�de peu d'e~ femper affidua reple- xercjce qUe l'on tumingluvie crura fa;t . car la plu, SconfcS! Pf» des homme,
tr�antiquit�somnes 11 exercent leur
quotidie in palaeftris corps qu'a boire Se gymnafiis exerce- & � faire bonne bantur violenter, ut cnere. Ne vous�- rer� dicam.nim^ ad tonnex ^oac pas fudorem, ad laffitu- ^ f�& d nem extremam ul- ,»
que VideMercuria- fe fur graille , on
lem de Arte Gym- a un ventre gros naftica , quam va- & charg� , des rialaborum g�nera, jambes molles 5c quam difficiha , enerv�es, & des
quamrobuftahabue- . fe fe_ tut tantoper�,venter m�mes leur oih-
reftringebatur abdev vet�. Aulieu que mine in carnem mi- dans l'Antiquit� grante. Et quidquid jes nommes s'e- in cor pore homano xer�oienttous les excitando paffivcfc J dans ks A. habent : nam bra- iw l .. chia,erura,cervix, cademies& lieux
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par Principes. 147
publics deftin�s fcapuli &: omniaquas
aux exercices du agunt alliante na- ce n &r f tura iuccum ca- r . P » � P - lore attra&um fub-
foient m�me fou- miniftrante in im_ vent ces exer- menfum augentur &
cices jufqu'� des crefcunt-,utvidemus
fueurs & des laf- terga Getulorum ,
fitudes extr�mes, brachia Gladiato -
Voyez dans le IL rum 'fura Saltfn"
; , , . tium & totum fere yre qu a �crit s Remi
Mercunalis tou - *
chant l'Art Gyrrmaft�que, en com-
bien de fa�ons diff�rentes ils tra- vailloient leurs corps,& quelle force il falloit avoir pour cela. Dans le v�rit� rien n'�toit meilleur poua faire fondre les parties trop molles �c trop grades d'oifivet� que ces fortes d'exercices : la panfe te reti- roit, & tous les endroits qui �toient agit�s fe changeoient en chair & fortif�oient les mufcles : car les bras , les jambes, le cou Jes �paules, & tout ce qui travaille �tant aid� de la Nature qui attire par la chaleur un fuc dont elle les nourrit, pren-' G il
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�4-8 Cours de Peinture
nent de la force, cro�flent & s'aug- mentent extr�mement, ainfi que nous le voyons au dos des Getes 5 aux bras des Gladiateurs, aux jam- bes des Danfeurs, & prefque � tout le corps des Rameurs. Rubens, dans un Manufcr�t La-
tin qui eft entre mes mains, en par- le de cette forte. Jai rapport� fes propres paroles pour autorifer la fid�lit� de la Traduction. De Imita- tione jiatuarum, Jlliis titiliffima &c. Enfin la louange des gens d'ef-
prit, les t�moignages des Auteurs � &c l'eftime univerfelle des fieclesles plus �clair�s : toutes ces chofes , dis-je, qui font les plus forts pr�- jug�s en faveur de l'Antique, ne fervent pourtant qu'� confirmer cette unique raifon de fa beaut� , favoir s que l'Antique n'eft beau que parce qu'il eft fond� fur l'imi- tatrbn de la belle Nature dans la c onvenance de chaque objet qu'on a voulu reprefenter. Un Dieu , un H�ros , &. un Homme ordinaire: |
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far Principes. ^49
©fit des e�ra&eres difFerens que l'on;
remarque dans les plus belles «Sta- tues antiques. Coi�)me,par exemple 5 dans l'Apollon , la Divinit� ; dans l'Hercule la force extraordinaire * & dans l'Antinous la beaut� hu- maine. Le Go�t de l'Antique, me dira-
t-on, quiparo�t fond� fur le com- mun contentement des gens d'ef- prit, a pourtant vari� du tems des Gots. Mal* &&� peut r�pondre que la
mani�re gottique elt venue" dans un: tems o� la guerre ayant fait p�rir les beaux Arts , les Ouvriers n'eu- rent point d'autre objet pour les re- nouveller que l'imitation de la Na- ture telle qu'elle fe prefentoit par tazard ; & que pour les ornemens » leur imagination s'exer�oit plut�t dans les chofes difficiles, qu'ils croyoient leur devoir acqu�rir de la r�putation , que dans le bon go�t qu'ils ne connoi��bient pas. Ce n'efl donc point pour avoir
G iij
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i f © Cours de peinture
rejette l'Antique que les Gots s'en font �cart�s, c'en: pour ne l'avoir pas connu. Tous les Arts ont com- menc� par imiter la Nature , & ils ne fe font perfectionn�s que par le bon choix. Ce bon choix qui fe trouve dans l'Antique , a �t� fait par des hommes d'un bon efprit, qui cherchoient la gloire par la fcience, & qui ont examin� pour arriver � leur fin , les mod�les les plus par- faits , dans une pa�s o� les hommes naiffent naturellement beaux , & dans un tems fertile en grands g�- nies , o� les beaux Arts �toient af- fiduement �tudi�s , approfondis dans leur fource } & pouffes dans une perfe&ion qui eft encore au jourd'hui l'objet de notre �tonne- ment. Que pourroit-on faire davanta-
ge pour donner � la Pofterit� une grande id�e de l'Antique, une id�e prife non d'un pratique infipide , ou d'une mani�re exag�r�e que les Difciples prennent des Ma�tres , |
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far Principes. i 5 i
d'un efprit born� 8c d'une capacit�
m�diocre : mais d'une id�e qui n'a point d'autre fource que la Nature dans laquelle le Vrai paro�t dans toute fa puret�, dans toute fon �l�- gance , dans toutes fes gr�ces , & dans toute fa force , fans jamais for- tir de fa fimplicit�. Voil� l'int�r�t qu'ont tous ceux qui deffinent, de regarder le nud de l'Antique com- me la Nature �pur�e, & comme la r�gie la plus affur�e de la perfec- tion. Mais comme il efr. inutile de vou-
loir profiter de la vue des belles chofes fans les bien concevoir , il eft impoffible de p�n�trer la beaut� de l'Antique, non plus que le Vrai de la Nature , fans le fecours de TAnatomie. On peut bien en voyant & deflinant l'Antique acqu�rir une eertaine grandeur de DefTein, &; fe faire en gros une pratique qui tend au bon go�t & � la delicatefle : mais ces avantages , s'ils font fans con- noii��nce & fans principes, n'iront |
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i f � Cours de Peinture
qu'� �blouir le Spectateur par urt
dehors fp�cieux , & par des remi- nifcences mal plac�es. Et tel qui s'ex- taf�e � la vue de ces beaux Ouvra- ges de l'Antiquit�, eft encore fort �loign� de favoir la v�ritable four- ee des beaut�s qu'il admire, � moins qu'il ne f�che cette partie fonda- mentale du DefTein , je veux dire, de l'Anatomie. J'ai donc � faire voir que l'A-
natomie eft le v�ritable fondement du DeiTein, & que cette fcience f�rt � d�couvrir les beaut�s de l'Anti- que. Je ferai voir en m�me tems que la connoil��nce qui en eft necenai- re au Peintre & au Sculpteur, eft tr�s facile � acqu�rir, Si que la n�- gligence que l'on a eue pour l'ap- prendre, ne vient que de ce qu'on l'a regard�e comme un chemin qui conduifoit dans une fecherefl� de DefTein , & dans une mani�re trop reiTentie. Mais ceux qui voudront y faire un peu,de r�flexion, conno�- tront au contraire qu'elle eft la ba~ |
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far Principes: r 5 f
fe folide de la v�rit� & de la cor-
rection des contours, bien loin d'en corrompre la puret� & d'alt�rer les mufcles dans leurs liaifon^, J'ai �crit autrefois fous un nom-
emprunt� * un abr�g� d'Anatomie accommod� aux Arts de Peinture &; de Sculpture, dans lequel les d�- ni onftrations font fort fenfibles , & j'en dirai encore ici quelque chofe pour en faciliter d'autant plus l'in- telligence , que ceux qui en ont be- fbin croient qu'elle eft. fort dif- ficile. De l'Anatomic
L'Anatomie eft une connoi���n-
ce des parties du corps humain y mais celle dont les Peintres ont befoin, ne regarde � la rigueur que les os ,: & les principaux mufcles qui les couvrent ; 6c la d�monftra- t��rtde ces deux chofes fe peut faire avec facilit�. La Nature nous � donn� des os pour la folidic� de * Abr�g� d'/Snatomie par Tortebat.
6�
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154 Cours de Peinture
notre corps, 6c pour la fermet� de
chaque membre. Elle y a attach� des mufcles comme des agens ex- teneurs qui tirent les os du c�t� que la volont� le commande. Les os d�terminent les mefures des lon- gueurs , & les mufcles celles des lar- geurs , ou du moins c'eft de l'office des mufcles que d�pendent lafor- me & la. juftefle des contours. Il eft d'une neceffit� indifpenfa-
ble de bien conno�tre la forme & la jonction des os % d'autant qu'ils alt�rent fouvent les mefures dans le mouvement, comme il eil necef- laire de bien favoir la fkuation �c l'office des mufcles 5 puifqu'en cela confifte la v�rit� la plus fenf�ble clu Deflein Les os font immobiles d'eux m�-
mes &; en font �branl�s que par les mufcles. Les mufcles ont leurs origines & leurs infertions j ils tien- nent par leur origine � un os qu'ils n'ont j'amais intention d'�mouvoir , & ils tiennent par leur infertion � |
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far Principes. i 5 f
un autre os qu'ils tirent, quand, �i*
veulent, du c�t� de leur origine. Il n^y a point de mufcle qui n'ait
fon oppof� : quand l'un agit, il faut que l'autre ob�if�e , femblables en cela aux f�aux du puits dont l'un defcent quand l'autre monte. Ce- lui qui agit s'enfle & fe reflerre du c�t� de fon origine, &: celui qui ob�it s'�tend & fe rel�che. Les plus gros os & qui font les
plus difficiles � s'�branler ,font cou- verts des plus gros mufcles, lefquels font fouvent aid�s dans leurs fonc- tions par d'autres qui d�termin�s � faire le m�me office, augmentent la force du mouvement, & rendent la partie plus fenfible. Plufieurs Peintres en pronon�ant
fortement les mufcles ont voulu s'�tablir une r�putation defavans dans l'Anatomie , ou du moins ont voulu faire voir qu'ils la poi�edoient. Mais ils ont montr� par l� m�me qu'ils la favoient mal , puifqu'it paroit qu'ils ont ignor� qu'il y eus |
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i 5 6 Cours de Peinture
une peau qui enveloppe les mufcles,;
& qui les fait voir plus tendres &C: pfus coulans, ce qui fait une par. de du corps humain , & par confe- quent del'Anatomie. Les corps des femmes & des petits enfans qui ont tous leurs mufcles , auffi bien que les Atletes, nous prouvent affez cet- te v�rit�. Les Auteurs des figures Antiques
n'ont point abuf� de la connoifl�n- ce profonde qu'ils avoient de cette partie , en faifant paro�tre les muf- cles au del� d'une prudente neceC fit� ; !k. la jufterT� qu'ils ont confer- v�e en cela marque bien l'attention qu'ils croyoient qu'on y devoir, don- ner. En effet , le moyen- de juger de la v�rit�, ou de la fauffet� d'un contour, fi l'on ne conno�t certai- nement � quel point le mufcle qui le forme doit �tre enfl� ou rel�ch� f�lon la deftination de fon office, Se le degr� de fon action. Nous voyons r b j '�
louvent, comme nous avons d�j�
dit, que faute de cette connoiflan. |
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far Principes. T5T
ce, tel qui admire une Statue An-
tique n'en fait pas d'autre raifon que parce qu'elle eft Antique. Et fi vous lui demandez raifon
d'un contour de quelque figure m�- me qu'il aura faite, il vous r�pondra, qu'il l'a vue ainfi fur la Nature : & e'eft ce qui arrive parmi les jeunes gens &,parmi ceux dontlafcience ne confifte que dans la feule pratique. Il arrive fouvent que l'on voit
dans le nud des figures Antiques & dans la Nature m�me , certaines �minences dont on ne peut favoic la raifon, fi on ne fait l'inf�rer del�/ fituation & de l'office du mufcle qui les caufe. Mais ceux qui pofl fedent l'Anatomie voient tout en: ne voyant qu'une partie, Se favent conduire des yeux ce que la peau & la graifTe paroiffent leur d�ro- ber, & ce qui eft cach� � ceux qui; ignorent cette fc��nce. Je ne m'expliquerai point ici da*
vantage 5 il fuffit que j'en aie affez; dit pour perfuader qu'il eft impoi- |
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158 Cours de Peinture
f�ble d'�tre v�ritablement habile
dans le Deflein,fans une connoiffaa- ce claire & nette de l'Anatomie % telle qu'elle convient aux Arts de Peinture &c de Sculpture. Je reviens feulement � dire que rien n'eft plus aif� que de l'acqu�rir dans le degr� que nous fuppofons : contre l'ima- gination de ceux qui aiment mieux s'en faire un monftre, que de don- ner quelque attention � cette par- tie f� neceffaire. Pour les demonftra- tions je renvois mon Lecteur � l'A- br�g� d'Anatomie que j'en ai fait^�c qui a �t� imprim�, comme j'ai dit > tous le nom de Tortebat. Du Go�t du Deffein.
Le go�t eft une id�e qui fuit l'in-
clination naturelle du Peintre ,, ou qu'il s'eft form�e par l'�ducation. Chaque Ecole a fon goAt de Def- fein, & depuis le r�tabliffement des beaux Arts celle de Rome a �t� toujours eftim.ee la meilleure, par- |
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' par Principes. 159
ce qu'elle s'eft form�e fur l'Antique;
l'Antique eft donc ce qu'il y a de meilleur pour le go�t du DefTein , ainfi que j'ai t�ch� ci-deflus d'en donner des preuves. De l'El�gance.
L'El�gance en g�nerai eft une
mani�re de dire ou de faire les chofes avec choix y avec politefle , & avec agr�ment -f avec choix , en fe mettant audeflus de ce que la Nature & les Peintres font ordi- nairement 5 avec politefTe, en don- nant un tour � la chofe , lequel frappe les gens d'un efprit d�licat} & avec agr�ment en r�pandant en g�nerai un affaifonnement qui foit au go�t & � la port�e de tout le v monde. L'El�gance n'eft pas toujours
fond�e fur la correction , comme elle le paro�t dans l'Antique & dans Rapha�l. Elle fe fait louvent fentir dans des ouvrages peu ch�ti�s & |
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r6o Cours de Peinture
n�glig�s d'ailleurs, comme dans le
Ccrrege, o� malgr� les fautes con- tre la juftefle du Deflein, l'El�gan- ce fe fait admirer dans le go�t du Deffein m�me, dans le tour que ce Peintre donne aux actions, en un, mot � le Correge fort rarement de l'El�gance. Mais l'El�gance qui eft foutenue
de la corsedion du DelTein , �re nous prefentant uneimage de ia per- fection , remplit toute notre atten- te y attache notre attention, & �le- v� notre efprit apr�s l'avoir frapp� d'un agr�able �tonnement. On peut encore d�finir l'elegance du Deffeii� de cette forte. C'eft une mani�re d'�tre qui em-
feelit les objets, ou dans la forme* ©u dans la couleur , ou dans tous les deux, fans en d�truire le Vrai. Celle qui regarde le Deffein fe
trouve dans l'Antique pr�ferable- ment � tous les grands Peintres qui li'onr imit� ,. parmi lefquels le con- |
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far Principes t�t
fentement univerfel met Rapha�l
au def�us des autres Des Caract�res.
Ce n'efV pas la corre&ion feule
qui donne l'ame aux objets peints,/ c'eft la mani�re dont ils font deffL n�s. Chaque efpece d'objet deman- de une marque diff�rente de diftin- dion , la Pierre, les Eaux , les Ar- bres , le Poil, la Plume ; & enfin- tous les Animaux demandent des touches diff�rentes pour exprimer l'efprit de leur cara�tere : le nud m�me des figures humaines a Ces marques de diftin&ion. Les uns pour imiter la chair donnent aux con- tours une inflexion qui porte cet efprit : les autres pour imiter l'An- tique confervent dans leurs cou- tours la r�gularit� des Statues 3 de- peur de rien perdre de leur beaut�. On voit m�me dans les Deffeins^ des grands Ma�tres , que pour ex- primer les parlions de l'ame , ils s'�toient familiarif�s certains trairs |
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I 6 2 Cours de Peinture
qui montrent plus vivement encore
que leur Peinture l'expreffion de leur id�e. Le mot d'Expreffion fe confond
ordinairement en parlant de Pein- ture avec celui de Pafl�on. Ils dif- f�rent n�anmoins en ce que , Ex- preffion effc un terme g�nerai qui ��gnifle la reprefentatioa d'un objet f�lon le caracWe de fa Nature, & f�- lon le tour que le Peintre a deffein de lui donner pour la' convenance de ion ouvrage. Et la Pafl�on en Peinture , eft un mouvement du corps accompagn� de certains traits fur le vifage, qui marquent une agi- tation de l'ame. Ainf� toute pafl�on eft une expreffion : mais toute ex- preffion n'eft pas une paffion- D'o� l'on doit conclure qu'il n'y a point d'objet dans un tableau qui n'ait fon expreffion. � Ce feroit ici le lieu de parler des
pai��ons de l'ame : mais j'ai trouv� qu'il �toit impoffible d'en donner des d�monflrations particuli�res qui |
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far Principes. 163
puflent �tre d'une grande utilit� �
l'Art 11 m'a fembl� au contraire , que fi elles �toient fix�es par de cer- tains traits qui obligeaient les Pein- tres � les'fuivre necefTairement com- me des r�gles eflentielles, ce feroit �ter � la Peinture cette excellente vari�t� d'expreffion , qui n'a point d'autre principe que la diverfit� des imaginations dont le nombre eft in- fini , Se les productions auffi nouvel-, les que les penf�es des hommes iont diff�rentes. Une m�me paffion peut �tre exprim�e de plufieurs fa�ons toutes belles, &. qui feront plus ou moins de plaiiir � voir f�lon le plus ou le moins d'efprit des Peintres qui les ont exprim�es,, 8t des fpecta- teurs qui les fentent. Il y a dans les paillons deux for-
tres de mouvemens -, les uns font vifs & violens, les autres font doux & mod�r�s. Quint�lien appelle les premiers patetiques , &. les autres moraux. Les patetiques coraraan- |
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� 64 Cours de Peinture
dent , les moraux persuadent ; tes
tins portent �e trouble et remuent puif�amment les c�urs, les autres infmuent le calme dans l'efprit 5 6c tous ont befoin de beaucoup d'Arc pour �tre bien exprim�s. Le patetique eft fond� fur les
paffions les plus violentes , fur la Haine ,. fur la Col�re, fur l'Envie , iur la Piti�. Le Moral infpirela dou- ceur , la Tendref��, l'Humanit�.Le premier r�gne dans les combats & dans les a&ions impr�vues &: mo- mentan�es 5 le dernier dans les con- ventions. L'un & l'autre deman- dent les bienf�ances & les conve- nances des figures que l'on intro- duit fur la fcene. Le Brun a fait un Trait� des Paf-
fions dont il a tir� la plupart des d�finitions de ce qu'en a �crit Def- cartes. Mais tout ce qu'en a dit ce Philofophe ne regarde que les mou- vemens du c�ur , & les Peintres n'ontbefoin que de ce quiparok fur |
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far Principes,. i 6 5
�e v�fage. Or quand les mouvemens
du c�ur produiro�ent les paffions f�lon les d�finitions qu'on en don- ne , ii efl difficile de favoir com- ment ces mouvemens forment les traits du vifagequi lesrepref�ntent � nos yeux. De plus, les d�finitions de Def-
cartes ne :font pas toujours mefu- r�es � la capacit� des Peintres qui ne font pas tous Philofophes, quoi- que d'ailleurs ils aient Bon efpnt& ;bon fens. Il fuffit qu^ils f�chent que les paffions font des mouvemens de notre arne qui fe laifTe emporter i certains fentimens � la vue de quel- que objet, fans attendre Fordre, gc le jugement de la raifon. jLe Pein- tre doit envifkger cet o.bjet avec at- tention, le repr�senter prefent quoL qu'abfent, &: f� d�manaer � foi-m �- 111e ce qu'il ferait naturellement rs'�l ctoit furpris de la m�me paf. l�on. Il faut m�me faire davanta^ ge ; il faut prendre la place de lf |
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16 6 Cours de Peinture
perfonne paffionn�e, s'�chauffer l'i- magination , ou la mod�rer f�lon le degr� de vivacit� > ou de douceur qu'exige la paffion, apr�s y �Cre bien entr� &. l'avoir bien fentie : le mi- roir eft: pour cela d'un grand fecours, auffi bien qu'une perfonne qui �tant inftruite de la chofe voudra bien fer- vir de mod�le. Mais ce n'eft point aflez que le
Peinte fente les paffions de l'ame, il faut qu'il les fane fentir aux au- tres 5 & qu'entre plufieurs caract�- res dont une paffion peut s'exprimer, il choififle ceux qu'il croira les plus propres � toucher fur-tout les gens d'efprit, ce qui ne fe peut faire � mon avis , que par un fens exquis , & par un jugement folide. Quand on a une fois attrap� le go�t du fpe- clateur , rien ne l'interefle davan- tage en faveur du Peintre. Pour les d�monftrations que le
Brun en a donn�es, elles font tr�s- favantes 8c tr�s - belles, mais elles |
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par Principes. i6j
font g�n�rales -y & quoiqu'elles puif-
f�nt �tre utiles � la plupart des Pein- tres, on peut n�anmoins fur le m�- me fujet , faire de belles expref- fions tout-�-fait diff�rentes de cel- les de le Brun , quoique ce Peintre y ait tr�s-bien r�uffi. Les expref��ons g�n�rales font
donc excellentes , parce que c'efl d'elles que fortent les expref��ons particuli�res, comme les branches de l'arbre fortent de leur tronc. Mais je voudrois que chaque Pein- tres s'en f�t une �tude , en remar- quant , le crayon � la main , les traits qui les d�f�gnent -, & qu'il fe ferv�t pour cela de l'Antique, & de la Na- ture , afin de fe faire ainf� une id�e g�n�rale des principales pallions f�- lon fon g�nie ; car nous penfons tous diff�remment , & nous imaginons tous f�lon la Nature de notre tem- p�rament. Quoique les parlions de l'ame fe
fa0�nt reconno�tre plus fenfible- |
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g 6 S , Cours de Peinture
ment dans les traits du vifage qu'ail- leurs , elles demandent fouvent d'�- tre accompagn�es des autres par- ties du corps. Car dans les fujets qui demandent l'expreffion de quelque partie eflent�elle, fi vous ne touchez le Spectateur que foiblement, vous luiinfpirez une ti�deur qui le rebute-. au lieu que fi. vous le touchez i)ien , vous lui donnez un plaif�r infiii�. La t�te eft donc la partie du
�orps qui contribue toute feule plus que toutes les autres enfem- jble � l'expreffion des paf�ions. Les autres parties f�parement ne peu- vent exprimer que de certaines paf- lions 3 mais la t�te les exprime toutes. Il y en a n�anmoins qui lui font plus particuli�res : comme l'humilit� , qu'elle exprime lorf- qu'elle eft baill�e 5 l'arrogance , quand elle eft �lev�e 5 la Langueur quand elle panche & qu'elle fe laide aller fur l'�paule j l'opini�tret� , avec
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far Principes. i�y
avec une certaine humeur rev�che & barbare, quand elle eit droite , fixe 6c arr�t�e entre les deux �pau- les 3 de d'autres dont on con�oit mieux les marques qu'on ne les peut dire, comme la pudeur, l'admira- tion , l'indignation & le doute. C'eft par la t�te que nous faifons
mieux voir nos Suppplications, nos menaces , notre douceur , notre fiert� , notre amour, notre haine, notre joie , notre triftefTe , notre humilit� : Enfin c'eft affez de voir le vif�ge pour entendre � demi mot $ Ja rougeur 6c la p�leur nous par- lent , auf�i-bien que le m�lange des deux. Les parties du vifage contribuent
toutes � mettre au dehors les fenti- mens du c�ur 5 mais fur-tout les yeux , qui font, comme, dit Cice- ron , deux fen�tres par o� l'amc fe.fait voir : Les pallions qu'ils ex- priment le plus particuli�rement font , le plaifir, la langueur , le d-�dain , la feverit� r la douceur , H
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170 Cours de Peinture
l'admiratiou & la col�re : la joie
�cla triftefle pourro�ent encore �tre de ce nombre fi elles ne partoient plus particuli�rement des iburcils &l de la bouche : �c quoique ces deux derni�res parties s'accordent davantage pour exprimer ces deux f«allions, n�anmoins fi vous favez
es joindre avec le langage des yeux, vous aurez une harmonie mei% veilleufe pour toutes l�s pallions de l'ame. Le nez n'a point de paflion qui
lui foit particuli�re , il ne fait que pr�ter fon fecours aux autres par- ties du corps par un �levement de narines, qui eft autant marqu� dans la joie que dans la triiteffe. Il fem- ble n�anmoins que le m�pris luifaC fe lever le bout & �largir les nari-, n�s en tirant en haut la l�vre de dek fus � l'endroit qui approche des coins de la bouche. Les Anciens ont fait du nez le li�ge de la mo- querie. Eum fubdoLe irrifioni die<t~ vcruntfot Pline. Us y ontaufl� log� |
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far Principes. j-jx
le col�re : on voit dans Perfe , Dif-
ce : fed ira eadat nafo , ruqofaque farina. Pour moi, je croirois volon- tiers que le nez eft le fiege de la co- l�re dans les animaux plut�t que dans les hommes , & qu'il ne fied bien qu'au dieu Pan , qui tient beau- coup de la b�te, de renfrogner fou nez dans la col�re , ainfi que les autres animaux,�c que Philoflratc nous le reprefente, lorfque les Nim_ plies qui l'avoient li� , lui failoient mille infultes. Le mouvement �es l�vres doit
�tre m�diocre dans le difcours, par- ce qu'on parle plut�t de la langue que des l�vres : 8c l� vous faites la bouche fort ouverte , il faut que ce foit pour exprimer une violente paffion. Pour ce qui eit des mains, elles
ob�ifTent � la t�te, elles lui fervent en quelque mani�re d'armes & de fecours ^fans elles l'a&ioneit foible �c comme � demi-morte : leurs meu- vemens , qui font prefque infinis H ij
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� 7 4 Cours de Peinture
font des expreffions fans nombre,
N'eft-ce pas par elles que nous de^ i�rons, que nous efperons, que nous promettons, que nous appelions, que nous renvoyons ? Elles font en- core les inflrumens de nos menaces , de nos fuppli�ations, de l'horreur que nous t�moignons pour les cho- fes, ou de la louange que nous leur donnons. Par elles nous approuyonSj nous refufons , nous craignons > nous interrogeons, nous montrons notre joie &; notre triftefTe , nos doutes, nos regrets, nos douleurs & nos admirations ; Enfin l'on peut dire , puifqu'elles font la langue des muets, qu'elles ne contribuent pas peu � parler un langage commun � toutes les Nations de la terre , qui eft celui de la Peinture. De dire comme il faut que ces
parties foient difpof�es pour expri- mer les diff�rentes pallions , c'eft ce qui eft impoflible, & dont on ne peut donner de r�gles bien pr�cifes tant � caufe que le travail en ferait |
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par Principes. i-ff
infini , que parce que chacun en
doit ufer f�lon fon g�nie, & feioi� l'�tude qu'il en a d� faire. Souve-- nez-vous feulement de prendre gar- de que les actions de vos figures ioient toutes naturelles ; Il me fem- ble , (dit Quintilien, parlant des paf- fions ) que cette partie fi belle & fi grande n'efi pas inacceff�ble , & qu'il y a un chemin qui y conduit ajfez^fa- cilement j c'efi de confiderer la ^Nature & de limiter r car les Sp�culateurs font fatisfaits ,- lorfque dans les chofes artificielles ils rcconnoijfent la Natu- re telle qu'ils ont accoutume de la voir ? En effet il efi indubitable que les mouvemens de l'�me , qui font etu~- di�s par Art, ne font jamais fi na- turels que ceux qui fe voient dans la chaleur d'une v�ritable pajjion. Ces mouvemens s'exprimeront bien mieux & feront bien plus naturels, fi l'on entre dans les m�mes f�nti- mens , & que l'on s'imagine �tre dans le m�me �tat que ceux que l'on veut reprefenter. Car la 2�a- Hiij
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1^4 Cours de Peinture
turc ( dit Horace ) difpofe notre int�- rieur a toutes fortes de fortunes j tan- tbt elle nous rend contens , tant�t elle nous foujfe dans la col�re , ($* tant�t «lie nous accable tellement de trifteffe, qu'elle nous abat enti�rement, & nous met dans des inqui�tudes mortelles : fuis elle foufie audehors les mouvemens du c�ur far la langue , qui efi fon in- terpr�te. Qu'au lieu de la langue le Peintre dif�, far les aflions qui font fesinterfretes. Le moyen ( dit Quinti- lien ) de donner une couleur � uns cho- fe fi vous n'avez^pas cette couleur. Il faut que nous foyons touch�s les fre. mi ers d'une faffion avant que d'ef* fayer d'en toucher les autres. Et com- ment faire ( ajoute-t-il ) fourfefen- tir �mu , vu que les f offrons ne font pas en notre fuifiance : en voici le moyen, fi je ne me tromfe. Il faut fe former des vifions & des images des cho [es abfente s > comme fi effectivement elles �toient devant nos yeux, & celui qui concevra le plus fortement ces ima- ges , fourra ex frimer les pajfions avec |
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far Principes. I 7 5
fins d'avantage & de facilite. Mais
il faut prendre garde, comme nous avons d�j� dit, que dans ces ima- ges les mouvemens foient naturels $ car il y en a qui s'imaginent avoir donn� bien de la vie � leurs figures, quand ils leur ont fait faire des a&ions violentes & exag�r�es, que l'on peut appeller des contorfions du corps, plut�t que des parlions de l'aine ; 8c qui fe donnent ainfi fou- vent bien de la peine pour trouver quelque forte paffion, o� il n'en faut qu'une fort l�g�re. Joignez � tout ce que j'ai dit des
pariions , qu'il faut extr�mement avoir �gard � la qualit� des per- fonnes paffionn�es : La joie d'un Roi ne doit pas �tre comme celle d'un Valet, & la fiert� d'un Soldat ne doit pas reflembler � celle d'un Capitaine : c'en: dans ces diff�ren- ces que confifte le vrai difcernement des parlions. Tout le monde fait que l'imita-
tion des objets vifibles de laNatu- |
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3 7^ Cours de Peinture
re, conf�fte dans le Defl�in & dans
le Coloris. Je viens d'expofer ce que je con�ois du premier en parlant de la correction du DefTein , fond�e fur les beaut�s de la Nature & de l'Antique, & fur l'utilit� de l'Ana- tomie. J'ai dit quelque chofe du go�t , "de la diverfit� , de l'�l�- gance, du cara&ere, &des expref- fiqns des paffions, f�lon le rapport que toutes chofes ont avec le De� fein. Il ne me refte maintenant qu'� traiter du Colons, pour joindre ce que j'en dirai � ce que j'en ai �crit autrefois. Au refte fi en parlant du Deflein j'ai omis quelque chofe qui ait relation � cette partie, c'eft parce que d'autres perfonnes que moi en ont �crit avec fucc�s , & qu'il feroit ennuyeux de rebattre une mati�re, fans pouvoir la mieux. � clair cir. |
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far Principes. i 77
#m *** *m ■?*? ; «&3: «** -� **s **3' **�* «#» e» **a
Xto Draperies.
LA diverfit� des climats , icf
changement des faifons&i leur �nconftance ont mis les hommes dans la neceffit� d'avoir des v�te- mens : cette neceflit� s'eft accom- mod�e aux r�gles de la bienf�ance v & la bienf�ance a donn� lieu aux divers ornemens que les peuples ont invent�s pour enrichir leurs habits f�lon le go�t des diff�rentes Na- tions , 6c f�lon la mode des divers tems. Mais comme on a �tendu l'u- fage des �toffes � beaucoup d'au- tres chofes qu'aux v�temens , les Peintres les ont toutes comprifes fous le mot de Draperie � & pour faire entendre qu'un Peintre pof- fedoit l'Art de bien diftribuer les plis, ils ont dit qu'il favoit bien jjetter une draperie» Ce terme des |
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17 S Cours de Peinture
jetterune draperie paro�t d'autant
plus julle, que la difpof�tion des plis doit plut�t para�tre l'effet d'un pur hazard que d'un loigneux arange- ment. Il y a donc une intelligence dans
l'ajuftement des draperies , & nous allons voir en quoi elle confifte, & de quelle confequence elle eft dans la Peinture. L'Art de draper fe remarque
principalement en trois choies.- i °. dans l'ordre des plis $ i°. dans la diverfe nature des �toffes j 3 °. dans la vari�t� des couleurs de ces m�- mes �toffes. De l'ordre des Plis.
Comme il ne faut pas que l'�il
foit jamais en doute de fon objet, le premier effet des Draperies , eft de faire conno�tre ce qu'elles cou- vrent , & principalement le nud des figures 5 enforte que le cara&e- �'c ext�rieur des perfonnes , & la |
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far Principes. i y 9
juftefle des proportions s'y rencon-
trent, du moins en gros , & autant que la vraifemblance jointe � l'Art ie pourra permettre. Ainfi � l'exemple des plus grands
Ma�tres , le Peintre doit avant de difpofer Tes Draperies , deffiner le nud de fes figures , pour former des plis fans �quivoque, & pour con- duire fi adroitement les yeux , que le Spedateur s'imagine voir ce que le Peintre lui couvre par le jet de fes Draperies. Qu'il prenne garde auffi que la
Draperie ne foit pas trop adh�ren- te aux parties du corps : mais qu'el- le flotte/pour ainfi dire , alentour, qu'elle les carefle, que les figures y loi�nt � leur aife, & qu'elles y paroif- fent libres dans leurs mouvemens. Que les Draperies qui couvrent
des membres expof�s � une grande lumi�re, ne foient pas ombr�es de telle force, qu'elles femblent entrer dedans h & que ces m�mes mem- H vj
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i 8 o Cours de Peinture
bres ne foient pas traverf�s par des*
plis trop refTentis, lefquels par leur ombre trop obfcure paro�troient les rompre : mais qu'en confervant un petit nombre de plis , le Peintre leur d-�ftribue d�licatement le degr� de lumi�re qui convient � la malle, dont ils font partie. Les plis doivent �tre grands 6c
en petit nombre , autant qu'il fera poffible : cette maxime �tant une des chofes qui contribue davantage � ce qu'on appelle grande mani�re j parce que les grands plis partagent moins la vue , 6c que leur riche �(implicite eft plus fufceptible de grandes lumi�res. J'en excepte n�an- moins les v�temens dont le cara- dere eft d'avoir beaucoup de plis, comme il arrive fouvent dans les habits de femmes , ainfi que l'An- tique nous en fournit beaucoup d'exemples. Alors le Peintre peut droitement groupper les plis, �c les. aranger �-c�t� des membres qui ert |
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par Principes. 18'r
recevront beaucoup plus d'appa- rence & plus d'agr�ment. . Le contraire qui eft fi n�cei�aire. dans le mouvement des figures, ne l'eft pas moins dans l'ordre des plis s car le contrafte en interrompant les lignes qui tendroient trop d'un m�- me c�t� , introduit dans les dra- peries , comme, dans les figures une forte de contradidion, qui femble. les animer. La raifon en eft que 1er contrafte eft une efpece de guerre , qui met les parties oppof�es en mou- vement. Ainfl dans les endroits o�. le Peintre le jugera � propos , les �)lis doivent fe contrarier non feu-
ement entr'�ux : mais ils doivent fur tout contrafter les membres des figures rlorfque ces plis font grands & qu'ils font partie d'une ample: Draperie. Car pour l�s Draperies de deffbus qui embraf�ent plus, �troitement le nud , elles le con- trarient bien moins qu'elles ne lut ob�iflent. Quelque vie que le contrafte don- |
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i 8 x Cours de Teinture
ne aux Draperies , quelque n�-
ceflaire qu'il foit pour leur agr�- ment, il demande au Peintre beau- coup de prudence & de pr�caution. Car dans les figures qui font de- bout , il y a beaucoup de rencon- tres o� difficilement le contrarie peut fe pratiquer fans fortir de la Vraifemblance , & dans ces occa- sions le Peintre , qui Tait profiter de tout, fe fauve par d'autres principes. Les plis doivent �tre grands f�- lon la qualit� & la quantit� des Draperies : mais quand la qualit� des �toffes l�g�res contraint � bif- fer plufieurs plis, il faut lesgroup- per de mani�re que le Clairobfcur n'en puiffe fouffrir. Les plis des Draperies bien en-
tendus donnent beaucoup de vie � l'a�Hon de quelque Nature qu'elle puiffe �tre 5 parce que le mouvement des plis fuppofe du mouvement au membre qui agit, qui les entra�ne comme malgr� eux, &qui les rend plus ou moins agit�s f�lon la violen- |
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far Principes* 183
ce ou la douceur de fon a&ion.
Une difcrete r�p�tition de plis en
forme circulaire, eft d'un grand fe- cours pour l'effet des racourcis. Il eft bon quelquefois de tirer
des plis en certains endroits &; d'en introduire en d'autres,de forme con- venable � l'intention du Peintre, ou pour �tendre la lumi�re , ou pour remplir des vuides qui fe trouvent en quelques attitudes, ou pour ac- compagner les figures, ou pour leur fervir d'un fond doux , ou pour em- p�cher que leur tournans ne fbif- i�nt, & ne tombent dans une trop grande crudit�. La richeffe'des Draperies &. des
ornemens qui font defl�s, fait une partie de leur beaut� , quand le Peintre en fait faire un bon ufage : Mais ces ornemens ne conviennent gueres aux divinit�s , ils font tou- jours au defTous de la dignit� Se de l'�tat desfigu res c�leftes : lesDra- per�es qui leur font propres doi- vent �tre riches plut�t par la gran- |
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�-8'4 Cours de Peinture
deur&ia. nobleffe des plis, que par 1a qualit� des �toffes. Les plis faits de pratique &: fans
voir le naturel, ne font ordinaire- ment bons que. pour un Deffein. Mais le Peintre qui veut tendre � la1 perfection doit toujours confulter les �toffes naturelles : parce que le vrai forme les plis, & fait para�tre les lumi�res f�lon la Nature des �toffes. Je ne veux pourtant pas> bl�mer ceux qui ont une fi.grande- pratique du naturel,. que-les plis Sc- ies caract�res des �toffes diff�ren- tes leur relient fuffifamment dans la m�moire pour en exprimexune gran- ae partie. Pour bien imiter le vrai, il effc
n�ceffaire de jetter les draperies , o-u fur un manequin de la grandeur du naturel , ou fur le naturel m�- me. M'ais il faut extr�mement pren- dre garde que la draperie ne con- ferve rien de l'immobilit� qu'elle.»", fur le manequin» |
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far Principes. i � f
II y a des Peintres qui fe fervent;
de petits manequins qu'ils drapent d'�toffes l�g�res , ou de papier mouill� : mais il eftaif� de juger que ce moyen qui peut aider les Pein- tres confomm�s , & qui eft excel- lent pour mettre toute une Hifto�- re enfemble , ne peut fervir pour bien terminer les draperies en par- ticulier. La raifon en eft , que dans- les petits manequins les �toffes ne pouvant avoir le m�me poids que dans la grandeur du naturel , ne peuvent par confequent rendre les. plis dans leur v�ritable forme. La grande l�g�ret� & le grand
mouvement des draperies, ne con- vient qu'aux figures qui font dans une grande agitation , ou qui font expof�es au vent ; mais quand on les fuppofe dans un lieu renferm�, & fans action violente , le parti que le Peintre peut prendre,. eft de faire fes draperies amples , & de* leur donner par le contrafte & par |
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t�� Cours de Peinture
la chute de leurs plis, une difpofi-
tion qui aie de la gr�ce & de la
majeft�.
C'eft un grand d�faut que de
donner trop d'�toffe aux v�temens � ils doivent convenir aux figures,& c'eft une erreur de croire , comme ont fait quelques-uns, que plus les draperies font amples , plus elles portent avec elles de grandeur & de majeft�. La profufion des �tof- fes �te aux figures la libert� du mouvement , & les embarrafle en- core plus qu'elle ne Iqs rend maje- ftueufes. Voil� ce me femble , les principales obfervations qui regar- dent la premi�re propofition, qui eft l'ordre des plis. Pafibns mainte- nant � la f�conde , je veux dire � la diverfe nature des �toffes. De la diverfe nature'de s Etoffes.
Parmi tant de chofes diff�rentes
qui plaifent dans la composition |
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far Principes. 187
d'un Tableau, la vari�t� des dra-
peries n'eft pas c� qui contribue le moins � cet agr�ment. L'ordre & le contrarie des plis en fait une par- tie : mais ce n'eft pas affez que les �toffes foient jett�es diverfement, il faut encore qu'elles foient entr'el- les d'une nature diff�rente, autant que le fujet le pourra fouffrir. La laine, le lin , le coton, & la foie employ�s de mille mani�res par les ouvriers,donnentauPeintre une am- ple mati�re d'exercer fon choix. C'eft un puifl�nt moyen pour intro- duire dans fes ouvrages une diverfit� d'autant plus n�ceffaire qu'elle fait, �viter une ennuyeuie r�p�tition de plis d'une m�me nature , fur-tout dans les Tableaux de pluf�eurs fi- gures. Il y a des �toffes qui font des plis caff�s , d'autres �toffes en font de moelleux : il y a encore des �toffes dont la fuperficie eft mate , d'autres dont elle eft lui fante : les ut es font fines &. tranf. |
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fsS Cours de Teinture
parentes , les autres plus fermes & jplus folides. Touet cette vari�t� ou fepar�e dans diverfes figures,ou pra- tiqu�e dans une feule f�lon les fu- jets, fait toujours une fersfation tr�s- agr�able. L'ufage ordinaire d'une m�me
qualit� d'�toffe dans les figures d'un m�me Tableau , efl: un d�faut oit font tomb�s la plupart des Peintres de l'Ecole Romaine , & o� tom- bent tous ceux qui peignent de pra- tique , ou qui reduifent l'imitatiort du naturel � l'habitude qu'ils ont contract�e. Le Peintre ing�nieux fera donc
fon poffible pour trouver occafioi� d'introduire dans fes draperies en general, cette heureufe diverfit� dont je viens de parler ; mais qu'il fe fouvienne fur-tout qu'elle eft in- difpenfable en particulier dans la diff�rence des �ges , des l�xes, �C des conditions. Les anciens Sculpteurs ont �t�
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par Principes. itj
fort entendus dans le jet de leurs
draperies : mais comme la -mati�re qu'ils ont employ�e eft d'une m�- me couleur , & qu'aini� les grands plis qui re�oivent de grandes lumi�- res auraient fouvent fait des �qui- voques avec les parties nues , ou du moins auraient partag� la vue du Spe&ateur, ils ont pris le parti d'attirer les yeux fur le nud de leurs figures , u'ayant^ en ce cas la rien de meilleur � faire pour l'avantage de leur Art. Ils fe font fervis pour cela de linges mouill�s ou d'�toffes l�g�res dont ils ont plus ordinaire- ment drapp� leurs Statues. Mais il faut avouer que le rem�de qu'ils - ont apport� � cet inconv�nient par le bon ordre de leurs plis eft tr�s- ingenieux , &c donne , tel qu'il eft beaucoup de lumi�res � ceux qui en favent p�n�trer l'intelligence. Je pourrais citer pluf�eurs exemples de l'Antiquit� fur ce fujet, & je pie contenterai de rapporter celuf |
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yjo Cours de Peinture
du bas relief, lequel eft connu fous le nom desDanfeufes. Les draperies qui couvrent le nud de ces figures en le marquant agr�ablement, {q terminent du c�t� de la partie pof. terieure du corps en quantit� de plis femblables, & dont la r�p�ti- tion paro�troit un d�faut � qui ne refl�chiroit pas fur la fineiTe �c fur l'excellence de l'ouvrage. Car fi l'on tait attention que le but du Scul- pteur a �t� de reprefenter avec �l�- gance le nud de l'es figures, on trou- vera que bien loin que ces r�p�ti- tions foient un d�faut en Sculptu- re j c'efl: au contraire un moyen de trouver une efpece d'ombre en jhachure que le Sculpteur a m�na- g�e avec adref�e pour faire paro�- tre le nud avec avantage, &. pour fervir � l'�il comme de repos. C'eft ainfi que les anciens Sculpteurs ont Invent� , avec beaucoup d'efprit & de g�nie , plufieurs moyens de re- parer les inconveniens qui venaient |
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far Principes. i 9 \
du c�t� de leur mati�re, foitpour
la grandeur des plis 3 foit pour la vari�t� des �toffes 5 ayant iatisfait d'ailleurs g�n�ralement pariant, � tout ce qu'on y peut fouhaiter pour la pcrfedion. Mais les Peintres qui ont la IL
bert� de fe fervir de toutes fortes d'�toffes , & qui fa vent faire un bon. ufage des couleurs & des lumi�res, pour imiter le Vrai , feroient tr�s mal de fuivre les Sculpteurs dans le grand nombre, & dans la. repe, tition de leurs plis, comme les ScuL pteurs feroient bl�mables s'ils imi, toient les Peintres dans l'�tendue de leurs draperies.il ne me refte plus qu'� dire un mot de l'effet des cou* leurs qui fe trouvent dans la varie- t� des �toffes, afin d'examiner m* troifi�me proportion, |
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� 9 s, �eurs de Peinture
X)g la vdriet� des Couleurs dans les
Etoffes. Comme l'ordre , le contrarie, &
la diverfe nature des plis & des �tof- fes font toute l'�l�gance des drape- ries , la diverfit� des couleurs de ces m�mes �toffes contribue extr�me- ment � l'harmonie duTout enfemble dans les fujets hiftoriques. Le Pein- tre qui eft prefque toujours le ma�tre de les fuppofer comme il lui pla�t, doit faire une �tude particuli�re de la valeur des couleurs enti�res , de l'effet qu'elles produifent les unes aupr�s des autres, &. de leur rupture harmonieufe. Mais ce n'eft point ici le lieu d'examiner ces trois chofes,el- les appartiennent au colons, & loril *que je parlerai de cette partie,je ferai mon poffible pour les �elaircir. Je me contenterai de dire main-
tenant que le Peintre doit confide- cer que les couleurs des draperies hxi donnent un moyen de pratiquer avec
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far Principes. �95
avec adref�e l'intelligence du Clair-
obfcur. Le Titien a mis en ufage cet artifice dans la plupart de fes Tableaux, en Te fervant de la liber*. t� qu'il avoit de donner � fes dra- peries la couleur qui lui fembloit la plus convenable, ou pour fervir de fond , ou pour «tendre la lumi�re, ou pour caraderifer les objets par la comparaison. Apr�s tout l'intelligence des drape-
ries ne peut pas �tre tellement fix�e, que le g�nie du Peintre ne puii�e. hazarder des plis extraordinaires qui pourraient avoir leur m�rite. Il n'y a point d'effets dans la Nature o� le hazard fafle avoir plus de va- ri�t� que dans le jet des draperies, Et quoique l'Art trouve ordinaire- ment � reformer quelque cliofe dans la difpof�tion de celles qui fe prefen- tent d'elles-m�mes : ce m�me La- zard forme quelquefois des plis d'u- ne beaut� & d'une convenance que les r�gles n'auraient jamais pu pra* duire. En un mot l'Art ne peut pas I
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i<>4 Cours de Peinture
tout pr�voir , il s'�tend fort peu au
del� des chofes g�n�rales, & laiffe aux gens de bon go�t le foin de fai- re le relie. C'eft au Peintre � bien choifir les bons effets que le natu- rel lui prefente, & � s'en fervir d'une mani�re qui mette dans l'ouvrage le caract�re d'une heureufe facilit�. Entre les Peintres qui ont le mieux entendu les draperies , Rapha�l pour l'ordre des plis peut �tre con- fider�, f�lon mon fentiment, com- me le plus fur mod�le, fans pr�ten- dre n�anmoins rien �ter du m�rite de ceux qui ne s'�tant point tout � fait �loign�s des principes de Ra- pha�l , ont pris avec fucc�s plus de libert� dans le caract�re de leurs plis, & ont fait voir en cela m�me de la grandeur & de la v�rit�. L'E- cole de Vernie 6c celle de Flandre ont excell� pour la diff�rence des �toffes : Et Paul Veronefe pour l'har- monie dans la vari�t� des couleurs eft une fource d'exemples inepul- labk. |
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■par Principes j 9 3;
je paiTe fous f�lence beaucoup d'au-
:. tr�s grands Ma�tres qui bien enten- du l'artifice des draperies. Quand on voudra fe donner la peine de les examiner , on conno�tra que dans l'ajuftement des plis il y a un ordre -& un choix avantageux ; que la di- verfe nature des �toffes efl une eC pece de richef�e dans l'ouvrage, la- quelle Soutient une Vraifemblance n�cef��ire 5 &c que la vari�t� des cou- leurs dans les draperies ,peut contri- buer extr�mement � l'effet du Clair- obicur , de � l'harmonie du Tout- enfemble. En un mot on compren- dra par les ouvrages de ces excel- lens Ma�tres, bien mieux que par mon difeours , en quoi confifte l'in- telligence des draperies,& de quel- le confequence elle efl dans la Pein- ture. |
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� 9 G Cours de Peinture
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D E S DRAPERIES
en abr�g�.
LE mot de Draperie en Peintu-
re , s'entend de toute forte d'�- toffe , (oit que les hommes s'en ha- billent, foit qu'on veuille l'employer � quelqu'autre ufage. Mais l'id�e la plus ordinaire que l'on s'en fait, re- garde l'�toffe qui fert aux v�temens des hommes, La Peinture en a fait im Art qui coniifte en trois chofes. �. Dans l'ordre des plis. 2. Dans la diverfe nature des
�toffes. 3. Dans la vari�t� de leurs cou,.
XeXirs. �. L'ordre des F lis.
per�iner le nud avant que de
draper. Que la draperie ne foit point ad-
l^erente aux parties;mais qu'elle flot- |
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fat Principef. %$*?�
te , pour ainfi dire , � l'entour &
qu'elle les carefle. Ne point rompre l�s membres
par des plis ombr�s trop fortement. Les plis grands Se en petit norru
bre autant que la nature de l'�toffe le peut fouffrir. Que les plis fe contraftent l'un'
l'autre , & qu'ils contraftent les membres. Les plis donnent en pluf�eurs ren-
contres de la vie � l'acTion des fi- gures. Remplir les trop grands vuides
par des plis� propos,& bien adapt�s. Les plis de pratique ne convien-
nent qu'aux Peintres confomm�s dans l'Art ^ mais la perfection de- mande toujours que l'on confulte la Nature. Les draperies des petits mane-
quins ne font pas inutiles - mais el- les font fauffes. Les draperies agit�es ne convien-
nent que dans les lieux qu'on fup- pofe � d�couvert, ou dans les grands mouvemens. Iiij |
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19 & Cours de Teinture
La trop grande quantit� d'etof-,
fe dans uni v�tement , embarafle la figure. Le hazard fert quelquefois beau-
coup dans le jet des draperies, & donne des beaut�s que l'Art ne pr�voit pas. Les anciens Sculpteurs ont don-
ne beaucoup de lumi�res aux Pein- tre dans le jet des draperies ; mais l'ufage que les uns & les autres en. font eft n�anmoins tr�s diff�rent.. II. La diverfe nature des Etoffes,
Donne une diverfit� de plis.
Rejouir la vue.
Doit �tre pratiqu�e dans le gena-
ral du Tableau,quand il y a plui�eurs figures, & dans la particulier quand il n'y en a qu'une $ mais cette diverfi- t� doit �tre indifpenfab.lement ob- ferv�e dans la diff�rence des �ges . des fexes, & des conditions. Les Peintres Romains & ceux
qui peignent de pratique , tombent |
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far Principes. 199
ordinairement dans la r�p�tition des
m�mes �toffes. III. La vari�t� des couleurs dans les
Etoffes,
Sert � l'harmonie du Tableau.-
A cara&erifer les objets.
Et a pratiquer le Clair- obfcur.
Rapha�l eft le meilleur mod�le
pour l'ordre des plis. L'Ecole de Venife & celle de
Flandre pour la diverfe nature des �toffes. Et Paul Veronefe pour la vari�t�
harmonieufe de leurs couleurs. |
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■aO� Cours de Peinture
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x> t; paysage. LE Pa�fage eft un genre de Pein-
ture qui r�prefente les campa- gnes & tous les objets qui s'y ren- contrent. Entre tous les plaifirs que les difFerens talens de la Pein- ture procurent � ceux qui les exer- cent, celui de faire du.Pa�fage me paro�t le plus fenf�ble , & le plus ;> commode ; car dans la grande va «� riet� dont il eil fufceptible, le Pein- tre a plus d'occafions que dans tous les autres genres de cet Art, de fe contenter dans le choix des objets ^ la fo�itude des rochers , la fra�, cheur des for�ts , la limpidit� des eaux, leur murmure apparent, l'�- tendue des Plaines �c des Lointains, le m�lange des Arbres, la fermet� du Gazon, & les Sites tels que le Pa�fagiile les veut reprefenter dans |
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■par Principes'. 2.01
Fes Tableaux, font que tant�t il y
chafle , que tant�t il y prend le frais, qu'il s'y promen� , qu'il s'y repofe , ou qu'il y r�ve agr�able- ment. Enfin il eft le Ma�tre de dif- pofer de tout ce qui fe voit fur la terre,. fur les eaux ,-& dans les airs : parce que de toutes les productions de l'Art & de la Nature , il n'y en a aucune qui ne puifTe entrer dans la composition de fes Tableaux. Ainfi la Peinture , qui eft une efpe- ce de cr�ation , l'eu: encore plus particuli�rement � l'�gard du Pa�- fage. Parmi tant de ftyles difFerens que
les Pa�fagiftes ont pratiqu�s dans l'�xecution de leurs Tableaux , j'en distinguerai feulement deux dont les autres ne font qu'un m�lange , le ftyle H�ro�que, & le ftyle Pafto- ral ou Champ�tre. Le ftyle H�ro�que eft une compo-
lition d'objets qui dans leur genre tirent de l'Art &: de la Nature tout ee que 1 un & l'autre peuvent pro- |
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2 o 2, Cours de Peinture
duire de grand & d'extraordinaire.. Les f�tes en font tout agr�ables & tout furprenans : les fabriques n'y font que temples , que pyramides, que fepultures antiques, qu'autels confacr�s aux divinit�s , que mai- fons de plaif�nce d'une r�guli�re architecture 5 & fi la Nature n'y eft pas exprim�e comme le hazard nous la fait voir tous les jours , elle y eft du moins reprefent�e comme on s'imagine qu'elle devroit �tre. Ce ftyle eft une agr�able illufion , & une efpece d'enchantement quand il part d'un beau g�nie &: d'un bon e/prit, comme �toit celui du Pouf- fin : lui qui s'y eft fi bien exprim�. Mais ceux qui voudront fuivre ce genre de Peinture , & qui n'auront pas le talent de fo�tenir le fubli- mequ'il demande , courent fouvent le rifque de tomber dans le pu�rile. Le ftyle champ�tre eft une re- prefentation des Pa�s qui paroifient bien moins cultiv�s qu'abandonn�s � la bizarerie de la feule Nature. |
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■par Principes. z q 3
Elle s'y fait voir toute fimple , fans
fard , & fans artifice $ mais avec tous les ornemens dont elle fait bien mieux fe parer , l'orfqu'on la iaif�e dans fa libert� , que quand l'Art lui fait violence. Dans ce ftyle les f�tes fouffrent
toutes fortes de vari�t�s : ils y font quelquefois affez �tendus , pour y attirer les troupeaux des Bergers , & quelquefois aflez fauvages, pour fervir de retraite aux Solitaires , &c de furet� aux animaux fauvages. Il arrive rarement que le Pein-
tre ait l'efprit d'une affez grande �tendue pour embraffer toutes les parties de la Peinture. Il y en a or- dinairement quelqu'une qui attire notre pr�dilection , & qui occupe tellement notre efprit, qu'elle nous fait oublier les foins que nous de- vrions donner aux autres parties 5 6z nous voyons prefque toujours que ceux dont l'inclination les porte vers le ftyle H�ro�que , croient avoir tout fait quand ils ont intro- Ivj
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2C>4 Cours de Peinture
-duic dans la composition de leur Ta-
bleau, des objets nobles &. capables d'�lever l'imagination , fans fe met- tre autrement en peine de l'intelli- gence &c de l'effet d'un bon colo- ris. Ceux au contraire qui font dans le ftyle Paftoral, s'attachent forte- ment � la couleur pour repr�fenter plus vivement la v�rit�. L'un &: l'au- tre ftyle ont leurs fe&ateurs & leurs partifans. Ceux qui fuivent le ft.yle H�ro�que ,fuppl�ent par leur ima- gination � ce qui y manque de v�- rit� , &; n'y fouhaitent rien davan- tage. Ainf� pour contrebalancer l'�l�-
vation des Pa�fages H�ro�ques, je croirois qu'il feroit � propos de jet- ter dans les Pa�fages champ�tres , non feulement un grand caract�re de v�rit� , mais encore quelque ef- fet de la Nature piquant, extraor- dinaire & vraifemblable , comme a toujours fait le Titien. Il y a une infinit� de Pa�figes o�
L'H�ro�que 6c le Champ�tre font |
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far Principes. iof
h-eureufement joints enfemble ,. &
l'on en pourra reconno�tre le plus & le moins par la defcription que je viens de faire de ces deux mani�- res de s'exprimer dans le Pa'ifage. Les chofes qui font particuli�res au Pa'ifage, & fur lefquelles on peut r�fl�chir j font, � mon avis , 'es Si- tes ,, les Aceidens , le Ciel &: les Nuages , les Lointains et les Mon^- tagnes, le Gazon , les Roches, les Terreins, les Terraffes , les Fabri- ques , les Eaux, le devant du Ta- bleau , les Plantes , les Figures, de les Arbres. J'ai fait fur toutes ces chofes quelques r�flexions que le Lecteur trouvera bon que je lui e& pofe.» Des Sites,
Le mot de Site fignifie la vue,
la fituation, & l'affiette d'une Corn- tr�e. Il vient de l'Italien Sito, &; nos Peintres l'ont fait palTer en France}! ou- parce qu'ils s'y �toient acco�tu*. |
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'i o 6 Cours de Peinture
mes en Italie , ou parce qu'ils l'ont
trouv�, comme il me femble fort
expreffif.
Les f�tes doivent �tre bien li�s
& bien d�brouill�s par leur forme, en forte que le Spectateur puiflfe ju- ger facilement qu'il n'y a rien qui emp�che la liaifon d'un Terrein � un aure , quoiqu'il n'en voie qu'u- ne partie. Il y a des f�tes de plufieurs for-
tes , &c le Peintre les repr�fente in- diff�remment f�lon les Pa�s qu'il fuppof� , ouverts ou ferr�s , mon- tueux , aquatiques , cultiv�s & ha- bit�s , incultes 6c folitaires, ou enfin vari�s par un m�lange prudent d'u- ne partie de ces chofes. Mais fi le Peintre eft oblig� d'imiter,par exem- ple , la Nature d'un Pa�s plat &: uni- forme , il doit le rendre agr�able par la difpofition d'un bon Clair- obfcur 5 Se chercher de l'avantage dans la diftribution des couleurs qui peuvent plaire,. &.qui peuvent |
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par Principes.. ±®y
fe rencontrer d'un terrein plat � un
autre. Il effc certain cependant que les f�-
tes extraordinaires plaifent &: qu'ils r�jouifTent l'imagination par la nou- veaut� & par la beaut� de leurs for- mes , quand m�me la couleur loca- le �t l'ex�cution en feroient m�dio- cres ; parce qu'au pis aller , on regarde ces fortes de Tableaux comme des Ouvrages, qui ne font point achev�s ; & qui peuvent rece- voir leur perfection de la main d'un Peintre intelligent dans le coloris. Mais les f�tes & les objets communs demandent pour plaire des couleurs & une ex�cution parfaite. Claude le Lorrain n'a repar� que par l� l'in- f�pidit� & le choix m�diocre de la. plupart de fes f�tes. Mais de quel- que mani�re que foit un f�te, l'un des plus puifl�ns moyens de le faire va- loir, & m�me de le multiplier Se de le varier, fans changer fa forme ,, c'�ft la fuppofition fage & ing�niai-- fe des accidens.. |
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208 Cours de-Peinture'
J�es Accidens.
L'Accident en Peinture eft uns
interruption qui fe fait de la lumi�- re du foleil par l'interpofition de3 nuages 5 en forte qu'il y ait des en* droits �clair�s fur la terre, et d'au- tres ombr�s , qui f�lon le mouve- ment des nuages fefuccedentles uns aux autres,Sc font des effets merveil- leux, &des changemens deClair ob*. fcur , qui femblent produire autant de nouveaux f�tes. L'exemple s'en voit journellement fur la Nature -, & comme cette nouveaut� de f�tes n'eft fond�e que fur la forme des nuages & fur leur mouvement, le- quel eft fort inconftant&fort in�gal, il s'enfuit del� que les accidens font arbitraires,^ que le Peintre qui a du g�nie en peut difpofer � fon avanta- ge lorfqu'il juge � propos de s'en fervir $ car abfolument parlant il n'y eft point oblig� ,.8c il y- a eu d'ha- biles Pa�fagiftes qui neles ont jamais |
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far Principes. z o $
mis en ufage , ou par timidit� o�
par habitude , comme Claude le Lorrain & quelques autres. Du Ciel & des Nuages.
Le Ciel, en termes de Peinture,eft
cette partie �ther�e que nous voyons au-deffus de nous, mais c'eft encore plus particuli�rement la r�gion de l'air que nous refpirons, &; celle o� fe forment les nu�es & les orages. Sa couleur eft un bleu qui devient
plus clair � mefure qu'il approche de la terre, � caufe de l'interpofition des vapeurs qui font entre nous & l'orizon, lefquelles �tant p�n�tr�es de la lumierejla communiquent aux objets plus ou moins f�lon qu'ils en font plus pr�s, ou plus �loign�s. Il y a ieulement � obferver que
cette lumi�re �tant jaune ou rou- ge�tre fur le foir lorfque foleil fe couche , ces m�mes objets partici- pent non feulement de la lumi�re s. |
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i i o Cours de Peinture
mais aufl� de la couleur. Ainf� la lu- mi�re jaune venant � fe m�ler avec le bleu dont le ciel eft naturellement color� , elle l'alt�re & lui donne un �il plus ou moins verd�tre f�lon que le jaune de la lumi�re eft plus ou moins charg�. Cette obfervation eft g�n�rale
fk. infaillible 5 mais il y en a une in- finit� de particuli�res qui doivent le faire le pinceau � la main fur le naturel, lorfque l'o'ccaf�on s'en pre- fente. Car il y a des effets tr�s-beaux &: tr�s-Singuliers qu'il eft difficile de faire concevoir par des raifons Phy- siques. Qui dira, par exemple, pour- quoi il fe voit des nuages dont la partie �clair�e eft d'un beau rouge, pendant que la fource-de la.lumi�re dont ils font frapp�s eft d'un jaune tr�s, vif & tr�s-diftingu� ? Qui ren- dra raifon des differens rouges qui fe voient fur des nu�es diff�rentes dans le moment que ces differens rouges ne re�oivent la lumi�re que |
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far Principes.. % r :r;
d'un m�me endroit ? Car les cou-
leurs & les effets furprenans dont je f>arle, ne paroiffent avoir aucune re- ation avec l'arc-en-ciel dont les Philofophes pr�tendent donner de folides raifons. Tous ces effets extraordinaires fe
voient le foir fur le d�clin du jour quand le tems femble vouloir chan- ger , ou qu'un grand orage fe pr�pa- re , ou quand il eft pafl� , Se qu'il nous laifTe voir for les fins dequo� attirer notre attention. Le cara&ere des nuages eft d'�tre
l�gers & a�riens dans la forme et dans la couleur ; & quoique le nom- bre des formes en foit infini , il eft tr�s � propos de les �tudier, &: d'en faire choix d'apr�s Nature, quand un bon moment nous enprelente de beaux. Si on veut les reprefenter minces , il faut les peindre en les confondant l�g�rement avec leur fond fur-tout aux extr�mit�s , ou comme s'ils �toient tranfparens : Et |
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i�i Cours de Peinture
d l'on veut qu'ils foient �pais, il faut
que les reflets y foient m�nag�s, de mani�re que fans perdre leur l�g�- ret� , ils paroiffent tourner & fe lier 5 s'il eft befoin, avec d'autres nuages qui leur feroient voif�ns. Les petits nuages font fouvent une petite ma- ni�re �� rarement un bon effet, �, moins qu'�tant pr�s les uns des au- tres, ils ne paroiffent tous enfemble rie faire qu'un feul objet. Enfin le caract�re du ciel eft d'�tre
lumineux, &. comme il eft m�me la fource de la lumi�re , tout ce qui eft fur la terre lui doit c�der en clart� } s'il y a pourtant quelque chofe qui puiffe approcher de fa lumi�re, ce font les eaux &c les corps polis qui font capables de recevoir des reflets lumineux. Mais le Peintre ne doit pas en fai-
sant le ciel lumineux, le rendre tou- jours brillant par tout, il doit an contraire m�nager fi bien la lumi�- re,, que la plus grande ne foit qu'� un |
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par Principes. a 15
feul endroit $ & pour la rendre plus
fenf�ble, il faut qu'il ait foin autanj: qu'il le pourra de l'oppoler � quel- que objet terreftre qui la rendra beaucoup plus vive par fa couleur un peu obfcure, comme � un arbre, � une tour, ou � quelque fabrique un peu �lev�e. Cette lumi�re principale peut en-
core �tre rendue fenf�ble par une certaine difpofkion de nuages, par le moyen d'une lumi�re fuppof�e, ou qui peut �tre renferm�e ing�- nieufement entre des nu�es, dont la douce obfcurit� ferpit infenf�ble- ment r�pandue & m�nag�e de c�t� &L d'autre. Nous en avons quantit� .d'exemples dans les Peintres Fla- mans qui ont le mieux entendu le Pa�f�ge, comme Paul Bril, Breugle, Saveri. Les eftampes m�mes que les Sadelers ^ Merian ont grav�es , nous donnent une id�e fort nette de ces fortes de lumi�res, &. r�veillent fnerveilleufement le g�nie de ceu$ |
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a 14 Cours de Peinture
qui ont des principes du Clair-
obfcur.
Des Lointains & des Montagnes.
Les Lointains ont une grande rela-
tion avec le ciel -y c'eft lui qui en d�- termine la force ou la foiblefle : ils font plus obfcurs quand il eft plus charg�, ԣ plus �clair�s quand il eft plus ferain : ils confondent quelque- fois enfemble leurs formes & leurs lumi�res , & il y a des tems & des Pais ou les nuages parlent entre les montagnes dont le fommet s'�l�ve, & fe fait voir au de nus d'eux. Les montagnes fort hautes Se couvertes de neiges font propres � faire na�tre dans les lointans des effets extraor- dinaires qui font avantageux au Peintre, Se agr�ables auSpe�tateur. La forme des lointains eft arbi- traire , il faut feulement qu'elle s'ac- corde auTout-enfemble duTableau St � la nature du Pais que l'on re- |
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far Principes, 21 g
f>refente. Ils font d'ordinaire bleus
a caufe.de l'interpo/ition de l'air qui eit entre nous & ces lointains 3 mais ils quittent cette couleur peu � peu � mefure qu'ils s'approchent de nous, & prennent celle qui eft na^- turelle aux objets. Dans la d�gradation des monta*
gnes, il fautobferver .une l�aifon iru ienfible, par des tournansque les re- flets rendentvraifemblables,.&. �vi- ter entr'autres chofes dans les ex- tr�mit�s une certaine duret� qui les fait para�tre tranch�es , comme fi files ayo�ent �t� coup�es aux ci- feaux �c appliqu�es fur la toile. Il faut encore obferver que l'air
qui eftau pied des montagnes �tant cliarg�devapeurs,eftparconfequent plus fufceptible de lumi�re que la cime. �11 ce cas la , je fuppoie que la fource de la lumi�re fok dans une �l�vation raifonnable , 6c qu'elle �claire les montages �galement, ou que les nuages leur d�robent la lu*. |
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s 16 Cours de Peinture
«it�re du foleil. Mais 11 Ton fuppo-
le la lumi�re fort bafle , & qu'elle frappe les montagnes, alors la cime en fera vivement �clair�e auffi bien que tout ce qui recevra le m�me degr� de lumi�re. Quoique les formes diminuent de
grandeur, & que les couleurs per- dent de leur force depuis le premier plan du Tableau jufqu'aux loin- tains les plus �loign�s, �c que cette �-nfenfible diminution fe voye tou- jours dans la Nature, & fe pratique d'ordinaire, elle n'exclue pas pour- tant l'ufage des accidens dont nous avons parl� -, �c ces accidens peu- vent beaucoup contribuer au mer- veilleux d'un Pa�fage , quand le Peintre a l'occafion de s'en fervir bien � propos , & qu'il a une id�e jufte du bon effet qu'il en attend 4ans fon ouvrage. |
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I3#
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fdr Principes. tij
Du Ga%on,
J'appelle Gazon, le verd dont les
Iherbes colorent la terre. Il y en a de beaucoup de mani�res difr�ren- tes,& leur diverfit� vient non feule- ment de la nature des Plantes qui ont la plupart leur verd particu- lier 3 mais encore du changement des faifons & de la couleur des ter- res , lorfque les herbes y font �lair-fem�es. Cette vari�t� donne iieu au Peintre de faire un choix, ou d'a�fembler iur une m�me �ten- due de terrein plufieurs verds en- trem�l�s & ind�cis ,qui font fou- vent tr�s - avantageux � ceux qui favent en profiter -y parce que cet- te diverfit� de verds qui fe trouve tr�s-fouvent dans la nature, donne un cara&ere de v�rit� aux endroits o� l'on a su les employer � propos. Il y en a un merveilleux exemple dans le Pa�fage de la vue de Ma- tines de Rubens» &
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�l8 Cours de Peinture
Des Roches,
Quoique les Roches foient de
toutes fortes de formes , & qu'el- les participent de toutes fortes de couleurs, elles ont pourtant dans leur diverfit� certains cara&eres qui ne peuvent bien s'exprimer qu'apr�s les avoir examin�es fur le naturel. Il y en a qui font par bans 6c par lits feuillet�s , d'au- tres par gros blocs faillans ou ren- trans, d'autres par grands quar- tiers contig�s , d'autres enfin font d'une mafl� �norme , 5c de la fi- gure d'une feule pierre , ou parce que c'eft fa propre nature , com- me le grais , ou parce que les in- jures des faifons pendant plufieurs fiecles ont effac� les marques dont je viens de parler. Mais de quel, que forme que foient les roches. elles ont d'ordinaire certaines in- terruptions de fentes, de caffures, de trous, de brouflailles, de mouf- |
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far Principes. 11 9
Tes , & de taches -que le tems y a
imprim�es: de forte que toutes ces chofes bien m�nag�es, donnent in- failliblement une id�e de la v�- rit�. Les roches font d'elles-m�mes
m�lancoliques & propres aux foli- rudes � elles infpirent un air frais quand elles font accompagn�es d'arbnfleaux : mais elles font d'un agr�ment infini, lorique par Je moyen des eaux qui en fartent, ou qui les lavent , elles acqui�rent une ame qui les fait en quelque forte devenir fociables. Des Terreins.
Terrein en terme de Peinture
$eft un efpace de terre diftingu� d'un .autre, & fur lequel il n'y a ni bois fort �lev�s, ni montagnes fort ap- parentes. Les terrel n s contribuent plus que toute autre chofe � la d�- gradation & � l'enfoncement du Pa�fage : parce qu'ils fe chafTent |
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% % © Cours de Peinture
l'un l'autre , .ou par leurs formes^ ,ou par le Glair obfcur , ou par la jdiverfit� des couleurs, ou enfin par une liaifon infenfible qui conduit d'un cerrein � un autre. La multiplication des ter-reins
eft fouvent oppof�e � la grandeur de mani�re fans la d�truire abfo- iument : car outre que cette multi- plication fert � voir faire une gran- de �tendue de Pa�s, elle eft fufcep- tible d'accidens , qui �tant bien entendus, font un tr�s-bon effet. Il y a une d�licateffe «� obferver
dans les terreins, qui eft que pour les bien caraclerifer , il faut �viter que les arbres qui y feront plac�s n'ayent les m�mes verds de les m�- mes couleurs que leurs terreins , fans tomber n�anmoins dans des diff�rences trop fenf�bles. Des Terrajfes.
Terrafle en Peinture eft un elpav
ce 4e terre ou touc-�-fait d�nu� |
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■par Principes. �r. i
�� peu charg� d'herbes , comme'
font les grands chemins & les lieux fouvent fr�quent�s. On n'emploie gueres les terrafles que for le de- vant du Tableau o� elles doivent1 �tre fpacieufes �c bien ouvertes 3 accompagn�es fi l'on veut de queL que verdure qui s'y trouve comme par accident , auffi-bier� que queL ques pierres qui �tant plac�es avec prudence, rendent la terrafle plus vraii�mblable. Des Fabriques.
On appelle Fabrique, en terme
de Peinture, les b�timens en g�- nerai que le Peintre reprefente : mais plus particuli�rement ceux qui ont quelque r�gularit� d'Ar- chite�fcure , ou du moins qui font plus apparens. Ainf� ce terme con- vient bien moins aux maifons de Pa�fans & aux chaumi�res des Bergers, lefquelles on introduit dans le go�t champ�tre, qu'aux Kiij
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x � 2 Cours de Peinture.
b�t�mens r�guliers & fp�cieux que l'on fait toujours entrer dans le go�t h�ro�que. Les Fabriques en g�n�ral font
d'un grand ornement dans le Pa�- fage , quand m�me elles feroient gothiques, ou qu'elles paro�troient inhabit�es & � moiti� ruin�es : el- les �l�vent la penf�e par l'ufage auquel on s'imagine qu'elles ont �t� deftin�es, comme nous voyons ces anciennes tours qui femblent avoir fervi d'habitation aux F�es, &c qui font devenues la retraite des Bergers, &c des hibous. Le Pouffin a peint dans fes ou-
vrages des fabriques Romaines d'u- ne grande �l�gance, &; Bourdon des fabriques gothiques qui toutes gothiques qu'elles font, ne laiffent pas de jetter un air fublime dans les Pa�fages. Le petit Bernard en a invent� dans fon Hiftoire fainre d'un go�t Babylonien , pour ainfi dire , qui ont beaucoup de grar- deur & de magnificence ; quoique |
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far Principes. x t %
le go�t en foit extraordinaire, je
ne voudrois pas tout �-fait les es* jetter, elles �l�vent l'imagination ,, &: je luis perfuad� qu'elles pour- roient r�ul�ir dans leftyle H�ro�- que parmi les d�mi-loins, h l'on. en favoit faire un bon ufage. Des Eaux.-
Le Pa�fage doit' une grande par-
tie de foname � l'eau que le Pein- tre y introduit. On l'y voit de dif- f�rentes fa�ons, elle y eft tant�t impetueule, lorfqu'un orage la fait d�border , lorfqu'� la chute des rochers elle rejaillit & remonte contre elle-m�me ; ou lorlqu'ayant �t� prefF�e par quelque corps �tranger , elle s'en �chappe , & fe divife en une infinit� d'ondes ar- gentines , qui par l'apparence de leur mouvement & de leur mute- mure, f�dui��nt agr�ablement nos yeux �t nos oreilles. Tant�t tran- quille elle ferpente dans un litia- K iiij
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124 Court de Peinture
bloneux } tant�t comme priv�e de mouvement, elle nous fert d'un miroir fid�le pour multiplier tous les objets qui lui font oppof�s, &. qui en cet �tat de repos lui don- nent encore plus vie que lorfqu'el- le eft dans fa plus grande agitation. Voyez les ouvrages de Bourdon du moins en eftampes , c'eft un de ceux qui a donn� plus d'ame aux eaux, & qui les a trait�es avec plus de g�nie. L'eau ne convient pas � toute
forte de �ze -, mais pour la rendre v�ritable , les Peintres qui en in- troduisent dans leurs Tableaux y doivent �tre parfaitement inftruits de la juftefle des r�flexions aqua- tiques. Car ce n'eft que par les r�- flexions que l'eau en Peinture nous paro�t de v�ritable eau , &, par la pratique feule d�nu�e de juftefle , l'ouvrage eft priv� de la perfection de fon effet, & nos yeux ne jouif- fent pas de la moiti� du plaifvr qu'ils devroient avoir. Cette negi�- |
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par Principes, z 2 y
gence feroit d'autant moins par-
donnable au Peintre, qu'il eftfort aif� de fe faire une habitude \ de la r�gle de ces r�flexions. Il faut obierver n�anmoins que
l'eau qui eft un miroir ne repre- fente fid�lement les objets qui lut font oppof�s qu'autant qu'elle eft tranquille : car fi elle eft dans quel- que mouvement par fon cours na- turel , ou par i'impullion du vent 9 fa furperficie qui en devient in�ga- le , re�oit fur fes ondulations des 1 jours Se des ombres qui le m�lant: avec l'apparence des objets, enaL tere la forme 6c la couleur. Du devant du Tableau..
Comme le devant du Tableatc
eft l'introducteur des yeux, on ne f�uroit apporter trop de pr�cau- tion pour faire en forte qu'ils foienc bien re�us,tant�t par l'ouverture d'une belle terrafle dont le def- f�la, �i. le travail, (oient �galement |
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2 16 Cours de Peinture
recherch�s , tant�t par des plan- tes deplufieurs fortes bien cara&e- rif�es,&; quelquefois accompagn�es de leurs fleurs, tant�t par des fi- gures d'un go�t piquant, & tant�t par des objets peu communs ca- pables d'attirer notre admiration par leur nouveaut�, ou par quel- que autre, chofe qui falTe plail�r � la vue, & qui fe trouve plac� com- me par hazard*. Enfin le Peintre ne f�uroit trop
* �tudier les objets qui font fur les premi�res lignes du Tableau , ils attirent les yeux du fpe&ateur , ils impriment le premier cara&ere de v�rit� , & contribuent extr�me- ment �. faire jouer l'artifice du Ta- bleau, & � pr�venir l'eftime que .nousdevonsavoir de tout l'ouvrage. Je f�i qu'il y a de tr�s-beaux Pa�- hges dont les devans qui paroif- fent bien choifis, & qui donnent une grande id�e , font pourtant d'un travail tr�s-l�ger. J'avoue m�- me qu'on doit pardonner cette le- |
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far Principes. % %-j
^eret� quand elle eft fpirituelle ,
qu'elle r�pond � la qualit� du ter- rein , & qu'elle m�ne l'imagina- tion � un eara&ere de v�rit�. Mais on ne peut disconvenir auffi que l'effet n'en foit rare , Se qu'il ne foie � craindre que cette ex�cution l�- g�re ne donne quelque id�e de pauvret� ou d'une trop grande n�- gligence. Je voudrois donc que de quelque mani�re que les devansdu Tableau foient difpof�s, on fe f�t une loi indifpenfable de les termi- ner par un travail exad 6c bien en- tendu. Des Plantes,
On ne peint pas toujours des plantes fur les premi�res lignes du Tableau , parce qu'il y a differens moyens de rendre agr�ables les de- yans du Pa�fage, comme nous le venons de dire. Mais lorfqu'or� a r�folu d'y en introduire , je vou- drois qu'on les peign�t d'apr�s Na- ture avec quelque exactitude , ou du>moins que parmi celles que l'om |
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i % & C<?jw <&■ Peinture
peint de pratique, il y en e�t quel- ques-unes de plus termin�es, donc on conn�t l'efpece par la diff�ren- ce du deffein &c de la couleur ^ afin que par une fuppof�tion vraifem- blable elles communiquaflent aux autres un caract�re de v�rit�. Ce qui fe dit ici pour les plantes, fe peut dire pour les branches des ar- bres , 6c pour leur �corce. Des Figures:
Le Peintre en compofant fon
Pa�fage peut avoir dans la penf�e d'y imprimer un caradere confor- me au fui et qu'il pourroit avoir choifi, & que fes figures doivent re- prefenter. Il fe peut faire auffi ( & c'eft ce qui arrive ordinairement ) qu'il ne fonge � fes figures qu'apr�s que fon Pa�fage eft tout-�-fait ter- min� : &■ la v�rit� eft que dans la plupart des Pa�&ges y les figures font plut�t faites pour les acconu pagner, que pour leur convenir. Je fai qu'il y a des Pa�fages dont
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far Principes. u:f
les f�tes &: les difpofitions ne de-
mandent que de Amples figures paf. l'ageres-, & que plusieurs bons ma�- tres ont introduites dans leurs Ta- bleaux chacun d'ans ion fty le, com- me a fait Pouffin dans fon H�ro�- que , & Fouquier dans fen Cham- p�tre avec toute la vraifemblanee & la gr�ce poifible. Je fa� auffi qu'il y a des figures de repos qui paroif- fent int�rieurement occup�es $ �c l'on ne peut trouver � redire � ces deux fa�ons de traiter les figures, parce qu'elles agiffent �galement quoique diff�remment. L'inaction* eft plut�t ce que l'on pourroit bl�^- mer dans les figures :'� car par cet �tat qui leur �te toute liaifon avec le Pa�fage, elles y paro�troient tou- jours poftiches , mais ians vouloir �ter l�-deft�s la libert� du Peintre^ je fuis perfuad� que le meilleur moyen de faire valoir les figures 3 eft de les accorder tellement ai* caraclere du Pa�fage , qu'il femble que le Pa�fage n'ait �t� fait-cpa |
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230 Cours de Peinture
pour les figures. Je voudrois qu'el- les ne fuflent ni infipides, ni indif- f�rentes -y mais qu'elles reprefen- tafTent quelque p�tit fujet pour r�- veiller l'attention du fpe&ateur, ou du moins pour donner un nom: au Tableau,& le diftinguer d'en, tre les autres parmi les curieux. Il faut extr�mement prendre
garde � proportionner la grandeur des figures � celle des arbres & des autres objets qui entrent dans le Pa�fage; fi on les fait trop grandes , on rend le Pa�fage de petite ma- ni�re , f� au contraire on les fait trop petites, on leur donne un air de Pigm�es qui en d�truit la va- leur , & le Pa�fage en devient �nor- me. Au refte il y a bien plus d'in- conv�nient en faifant les figures trop grandes, qu'en les faifant trop petites^ celles-ci donnent du moins un air de grandeur � tout le refte. Mais comme les figures font d'or-
dinaire petites dans les Pa'ifages ,. H faut que le Peintre ait foin de |
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far Principe?,. % 3 v
les toucher d'efprit, & de les ac-
compagner par endroits de cou- leurs vives mais convenables pour attirer la vue, fans fortir d'un dif- cret m�nagement pour la vraifem- blance , et pour l'union des cou- leurs. Que le Peintre fe fouvienne enfin
qu'entre les parties qui donnent P�me au Pa�fage, les figures tien- nent le premier rang, Se que pour cette-raifon il eft fort � propos d'en femer aux endroits o� elles con- viendront. Des jirbres.
Il m'a toujours paru que l'un des
plus grands ornemens du Pa�fage, confiftoit dans la beaut� de fes ar- bres , � caufe de la vari�t� de leurs efpeces v de la fra�cheur qui paro�t les accompagner, et fur-tout de leur l�g�ret� qui nous induit � croire qu'�tant expof�s � l'agitation de Pair , ils font toujours en mouve- ment. Quoique la d�v�xf�t� p laite dans;
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131 Cours de Peinture
tous les objets qui compofent \m Pa�fage, c'eft principalement dans les arbres qu'elle fait voir fon plus grand agr�ment. Elle s'y fait re- marquer dans l'efpece & dans ia forme. L'efpece des arbres deman- de une �tude & une attention par- ticuli�re du Peintre pour les faire distinguer les uns des autres dans fon ouvrage. Il faut que du premier coup d'�il on voye que c'eft un ch�ne , un orme, un lapin, un ci- comore, un peuplier, un. Saule, un pin, & les autres arbres qui par uns couleur ou une touche Sp�cifique,, peuvent �tre reconnus pour une ef. pece particuli�re. Cette �tude eft d'une trop grande recherche pour l'exiger dans toute fon �tendue y & peu de Peintres l'ont m�me faite avec l'exaditude raifonnable que demande leur Art. Mais il eft conC sant que ceux qui approcheront le plus de cette perfection , jetteront dans leur ouvrage un agr�ment in- fini , &; s'attireront une grande dit-, lindiom |
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far Principes. . � 3 5:
Outre la vari�t� qui fe trouve dans chaque efpece d'arbre, il y & dans tous les arbres une vari�t� g�- n�rale. Elle fefait remarquer dans les diff�rentes mani�res dont leurs branches font diipoiees par un jeu de la Nature,laquelle fe pla�t � ren- dre les uns plus v'goureux &: plus touffus,Se les autres plus fecs,& plus d�garnis 5 les uns plus verds 6c les autres plus roux ou plus jaun�- tres. La perfection fero�t de joindre
dans la pratique ces deux vari�t�s eniemble -, mais 11 le Peintre ne re- prel�nte que m�diocrement celle qui regarde l'�lpece des arbres r qu'il ait du moins un grand foin de varier les formes et la couleur de ceux qu'il veut reprefenter : car la. r�p�tition des m�mes touches dans un m�me Pa�Tage,caufe une efpece d'ennui pour les yeux , comme la* monotonie dans un d�fcours pour les. oreilles, |
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i 3 4 Cours de Peinture
La vari�t� des formes efl m�me
i� grande,que le Peintre feroit inex* cufable de ne la pas mettre en ufa- ge dans l'occafion, principalement lorfqu'il s'apper�oit qu'if a befoin de reveiller l'attention du fpecta- teur. Car parmi les arbres en g�n�- ral , la Nature nous en fait voir de jeunes, de vieux , d'ouverts, de fer- r�s Y de pointus 5 d'autres � claire- voie , � tiges couch�es &: �tendues r d'autres qui font l'arc en montant, �c d'autres en defcendant, & enfin d'une infinit� de fa�ons qu'il enY plusaif� d'Imaginer que d'�crire. On trouvera , par exemple, que
le caract�re des jeunes arbres elt d'avoir les branches longues, me- nues y & en petit nombre , mais bien garnies, les touffes bien refen- dues, �c les feuilles vigoureufes & bien form�es. Que les vieux au contraire ont
les branches courtes, grof��s, ra- maiT�es, & en grand nombre } les |
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far Principes.. 13 f
iouffes �moui�ees, & les feuilles
in�gales & peu form�es. Il en eifc ainfi des autres choies qu'un peu d'obfervation & de g�nie feront parfaitement'tonno�tre. Dans la vari�t� des formes de
laquelle je viens de parler, il doit y avoir une diftribution de bran- ches qui ait un jufte rapport & une liaifon vraifemblable avec les touffes, en forte qu'elles fe pr�tent un mutuel fecours pour donner � l'arbre une l�g�ret� �c une v�rit� fenfible. Mais de quelque mani�re que l'or*
tourne & que l'on faiTe voir les branches des arbres, 6c de quelque nature qu'ils foient, que l'on fe fou- vienne toujours que la touche en doit �tre vive & legere,fi l'on veut leur donner tout l'efprit que de- mande leur caract�re. Les arbres font encore diff�rent
par leur �corce. Elle eft ordinaire- ment grife ; mais ce gris, qui dans an air groi��cr � dans les lieux bas Se |
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� 3 S Cours d� Peinture
mar�cageux devient noir�tre , ��
fait voir au- contraire plus clair dans un air fubtil ; &: il arrive fou- vent que dans les lieux fecs l'�- eorce le rev�t d'une* mouffe l�g�- re & adh�rente qui fa fait paroi- tre tout � fait jaune. Ainn* pour ren^ dre l'�corce d'un arbre feniible, le Peintre peut la fuppofer claire fur un fond obfcur , & obfcure fur un fond clair. L'obfervation des �corces diff�-
rentes m�rite une attention parti- culi�re ; ceux qui voudront y faire r�flexion, trouveront que la varie- t� des �corces des bois durs confif- te en g�n�ral dans les fentes que le tems y a miles comme une ei- pece de broderie, & qu'� mefure qu'ils vieilliffent les crevaffes des �corces deviennent plus profon- des. Le refte d�pend des accidens qui naiflent de rhumidite , ou de la fecherel�e, par des moufles ver- tes,. & par des taches blanches de in�gales.. |
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par Principes. z 3 y
�/�corce des bois blancs donnera
au Peintre plus de mati�re � s'e- xercer , s'il -veut prendre le plaifir d'en examiner la diversit� qu'il ne doit pas n�gliger dans fes �tudes. Cette r�flexion m'oblige de dire ici quelque chofe de l'�tude duPa�- fage , & je le ferai f�lon que je le con�ois, fans vouloir afTujettir perr fonne � fuivre mon fendaient. De l'Etude du P a� Cage.
L'Etude du Pa�fage fe peut con-
iiderer de deux fa�ons. La premi�- re eft pour ceux qui commencent 6c qui n'ont jamais pratiqu� ce genre de Peinture 5 & l'autre regarde les Peintres qui en ont d�j� quelque habitude. Ceux qui n'ont jamais fait de
Pa�fages & qui veulent s'y exercer, trouveront dans la pratique que 3eur plus grande peine fera d�pein- dre des arbres -, & il me paro�t auC � que non feulement dans la pra�i* |
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-a 3 8 Cours de Peintme
�que, mais encore dans la Sp�cula- tion, les arbres font la plus diffici- le partie du Pa�fage, comme ils en font le plus grand ornement. Cependant il n'eft ici queftion
pour ceux qui commencent,que de leur donner une id�e des arbres en g�n�ral, ■& de leur procurer une habitude de les bien toucher. Quoiqu'il parohTe inutile de leur
^'aire remarquer les effets ordinai- res qui arrivent dans les plantes & �dans les arbres, parce qu'il n'y a tprefque perfonne qui ne s'en ap- per�oive ; il y a pourtant des choies qui bien qu'on ne les ignore pas, m�ritent n�anmoins quelque r�fle- xion. L'on fait, par exemple, que tout arbre cherche l'air , comme la principale caufe de fa vie & de fes productions, les uns plus, les autres moins : ,8c c'eft pour cela que dans leur accroiiTemene , fi vous en exceptez le cypr�s �c quel- ques arbres de cette nature, ils s'�- cartent l'an de l'autre , & de tous |
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far Principes. 239
corps �trangers autant -qu'ils le
peuvent, leurs branches & leurs feuilles font la m�me chofe. Ainfi pour leur donner cette l�g�ret� �� .cet air d�gag� qui eft leur principal caract�re, il faut avoir foin dans la diltribution des branches, des touf- fes, & des feuilles,qu'elles fe fuyent l'une l'autre, qu'elles rirent toutes ■de differens c�t�s, & qu'elles foient bien r�fendues 5 & que ces chofes fe fafi�nt fans affe&er aucunarran- gement, mais feulement comme fi le hazard avoit pris plaifir de f�- conder la Nature dans la bizarre- rie de fa. diverfit�. Mais de dire de quelle mani�re
cette diftribution de tiges, de touf- fes , �c de feuilles fe doit faire, il eir. inutile � mon avis d'en rappor- ter ici le d�tail qui ne pourroig�tre qu'une demonft ration copi�e d'a- pr�s les grands Ma�tres 5 leurs ou- vrages & un peu d'attention fur les effets de la Nature, en feront plus comprendre que tous les difcours |
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2.40 Cours de Peinture
que j'en pourrois faire. J'entens par les grands Ma�tres, ceux prin- cipalement qui ont donn� des es- tampes au Public : ainfi ceux qui «commencent � peindre Je Pa�fage, apprendront d'abord plus en r�fle- chifTant fur ces eftampes «5c en les �copiant 5 qu'ils ne feroient d'apr�s les Tableaux. Parmi une aflfez grande quantit�
de ces grands Ma�tres de toutes les ge�les , je prefererois les eftam- pes en bois du Titien, o� les ar- fores font bien form�s, «Se celles que Corneille Cort & Auguftin Cara- che ont grav�es : «5c je r�p�te pour ,ceux qui commencent , qu'ils ne ��uroient mieux faire que de .contracter avant toutes chofes une habitude d'imiter la touche de ces grands Ma�tres ^ <5c en les imitant, de r�fl�chir fur la perfpective des branches & des feuilles , 3c de prendre garde de quelle mani�re glles paroilfent lorsqu'elles mon- tent 3c qu'elles font vues par def- |
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far Principes. i^t
fous , lorfqu'elles defcend�nt �c
qu'elles font vues par de/lus, lorf. qu'elles fe prefentent de front �c qu'elles ne iont vues que par la pointe, lorfqu'elles fe jettent de c�te ;�& enfin aux difrerens afpeds dont la Nature les prefente i�ns Sortir de fon caract�re. Et apr�s avoir beaucoup �tudi�
& copi� � la plume ou au crayon le Titien ■& les Caraches , leurs Eilampes premi�rement, puis leurs Defieins, fi l'on en peut avoir, il faut t�cher d'imiter avec le pin- ceau les touches que ces grands Hommes ont Je plus nettement Sp�- cifi�es. Mais comme les Tableaux duTitien & ceux desCaraches font fort rares , on peut leur en fub- ilituer d'autres qui ont eu un bon caract�re dans leur touche, parmi Jefquels on peut fuivre Fouquier , comme un tr�s- excellent-.-..mo- d�le : Paul Bril, Breugle , & Bour- don font encore tr�s.bons , leur touche eft nette, vive, & l�g�re. |
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.2.4� Cours de Peinture
Mais apr�s avoir bien pbferv�
la. Nature des arbres & la mani�re dont les feuilles s'�cartent & fe rangent ,& dont les branches font refendues , il faut s'en faire une vive id�e afin d'en conferver par- tout l'efprit, foit en les rendant fenf�bles & diftin&es fur les devans du Tableau, foit en les confondant � mefure quJelles feront �loign�es. Enfin apr�s avoir contract� de
cette forte quelque habitude d'a- pr�s les bonnes mani�res, on pour- ra �tudier d'apr�s Nature en la choififlant & en la rectifiant fur J'id�e que ces grands Ma�tres en ont eue. Pour la perfection, il faut l'attendre d'une bonne pratique, gc de la perfeverance dans le travail. Voil�, ce me femble, ce qui regar- de ceux qui ayant inclination de faire du Pa'�fage, cherchent les inoyens de bien commencer. A l'�gard de ceux qui ont d�j�
.quelque habitude dans ce genre de Peinture, il eft bon qu'ils amaflenc |
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far Principes. t43
des mat�riaux, & qu'ils faflent des
�tudes des objets au moins qu'ils ont fouvent occafion de reprefen- ter. Xes Peintres appellent ordinai-
rement du nom d'�tude les parties qu'ils def��nent ou qu'ils peignent ieparement d'apr�s Nature , lef- quelles doivent entrer dans la corn- pofkion de leur Tableau , de quel- que Nature qu'elles puii�ent �tre j figures ., t�tes , pieds, mains, dra- peries, animaux , montagnes , ar- bres , plantes , rieurs, fruits , �c tout ce qui peut les af�urer dans �'imitat�on de la Nature. Us appel- lent , dis-je, du nom d'�tude tou~ Tes ces parties deii�ndes , foit qu'ils s'en inftruifent en les deffinant, foit qu'ils ne fe fervent de ce moyen que pour s'affurer de la vei-it�, & pour perfectionner leur ouvrage. Quoi qu'il en foit, ce nom convient -d'autant mieux � l5ui�o;e des Pein- tres , que dans ladiverfit� de laNa- �ure , ils d�couvrent toujours des L ij
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2.44 Cottrs de Peinture
�hofes nouvelles , & fe fortifient dans celles qui �toient d�j� de leur connoifTance. Comme il n'eft queftion que de
l'�tude des objets qui fe trouvent � la campagne, je voudrois que le Pa�fagifte m�t un tel ordre dans celles qu'il doit faire , que les DeC feins dont il auroit befoin pour la reprefentation de quelque objet , fe trouvaient promtement fous fa main. Je fouhaiterois, par exem- ple, qu'il copi�t d'apr�s Naturel fur plufieurs papiers les effets dif- f�r�es que l'on remarque aux ar- bres en g�n�ral, & qu'il f�t la m�- me choie fur les diff�rentes efpe- �es des arbres en particulier, com- me dans la tige3 dans la feuille &; dans la couleur. Je voudrois m�me qu'il en i\t autant pour quelques plantes dont la diverfit� eft d'un grand ornement pour les terralfes emi iont fur les devans. Je voudrois encore qu'il �tudi�t
de '% m�me mani�re les effets �\n |
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far Principes: , �4/
yel dans les diff�rentes heures dit jour, dans les diff�rentes fa�'fons > dans les diff�rentes difpofitions des nuages, dans un t�tas ferain & dans celui des tonnerres & des orages J en dis autant pour les lointains pour les divers caracferes des roches, des eaux , & des princi- paux objets 'qui entrent dans h �Hallage. Apr�s ces �tudes fepar�es que le
Paifagifte a d� faire dans l'occa- lion, je lui demanderois de ramaf ier enfemble celles qui regardent les m�mes mati�res, & d'en faire comme un livre � afin qu'�tant amn rang�es, il puufe les trouver Plus promptement, & s'en aider clans le befoin. . les �tudes des Pa�/agiftes confi�
tent donc dans les recherches des beaux effets de la Nature , def quels il peut avoir befoin dans la compofition de fes Tableaux , ou «ans l'ex�cution de quelque par-' «e, foit pour la forme , foit pour, Liij
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2,46 Cours de Peinture
la couleur. Mais la queftion eft de bien choifir ces beaux effets de la. Nature. Il faut pour cela �tre n� avec un bon efprit, un bon go�t, & un beau g-enie, & avoir cultiv� ce g�nie par les obfervations que l'on aura faites fur les ouvrages des meil- leurs Ma�tres , & avoir examin� comment ils ont eux-m�mes choifi. �a Nature, &. comment en la recti- fiant f�lon leur Art, ils en ont con- l�rv� le cara&ere. Avec ces avan- tages que donne la naiffance ., Se que l'Art perfectionne, le Peintre ne peut manquer de faire de bons choix 5 & f�chant ainfi d�m�ler le bon d'avec le mauvais , il tirera beaucoup d'utilit� des chofes m�- me les plus communes. Pour faire ces fortes d'�tudes,
plufieurs Peintres fe font fervis de divers moyens, & j'ai cru qu'il ne feroit pas hors de propos de rap- porter ici ceux que j'ai vu prati- quer , & dont j'ai moi-m�me quel- que exp�rience. |
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far Principes %/�-j
Ceft don^ d'apr�s Nature & en
pleine campagne que quel ques-un* ont deffin� &' fini exactement les morceaux qu'ils ont choif�s, faris y ajouter de couleurs. D'autres ont peint avec des couleurs � huile fur du papier fort , & de demi - tein- te , & ont trouv� cette mani�re commode en ce que les couleurs venant � s'emboire, donnent la fa- cilit� de mettre couleur fur cou- leur , quoique diff�rence l'une de l'autre. Ils portent � cet effet une bo�te plate qui contient commo- d�ment leur palette , leurs pin- ceaux , de l'huile & des couleurs. Cette mani�re qui demande � la v�rit� quelque attirail , eft fans doute la meilleure pour tirer de la Nature plus de d�tails , & avec plus d'exactitude, fur-tout, fi apr�s que l'ouvrage eft fec & verni , on vouloit retourner fur les lieux pour retoucher les chofes principales & les finir d'apr�s Nature. D'autres ont feulement trac� les contours L iiij
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2.4,8 Co�ts de Peinture
des objets, & les ont lav�s de cou- leurs approchantes de celles de la Nature , mais l�g�rement,, & feu- lement pour foulager leur m�moi- re. D'autres ont obferv� atten- tivement les morceaux qu'ils vou- loient retenir � & fe font conten- t�s de \es confier � leur m�moire qui dans te befoin les leur rappor- toit fid�lement. D'autres fe fonc fervis de paflels 6c de lavis ensem- ble. D'autres plus curieux & plus patiens en ont fait � plufieurs fois dans les endroits o� ils pouvaient aller facilement, 6c dont les f�tes �toient de leur go�t. La premi�re fois ils ne faifoient autre chofe que de bien choifir leurs morceaux , 6c d'en deffiner le trait correctement 5 6c les autres jours qu'ils y retour- noient , c'�toit pour en remar- quer les couleurs qui font voir au- tant de diverfit�, qu'il y a de chan- gement dans les lumi�res acciden- relies. Tous ces moyens font fort bons^
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far Principes. 249
&- chacun s'en doit fervir f�lon ce
qui lui convient, & f�lon l'activit� de fon temp�rament. Mais ces ma- ni�res d'�tudier demandent une pr�paration de la part du Peintre : il lui faut des couleurs, des pin- ceaux , d^s paftels, 8c du loifir. Ce- pendant il arrive des momens o� la Nature fait voir des beaut�s ex- traordinaires ,, mais pal�ageres & inutiles pour le Peintre qui n'auroit pas tout le tems d'imiter ce qu'il voit avec admiration. Voici donc ce que je croi de plus exp�dient pour profiter de ces occafions mo- mentan�es-. Je fuppofe , comme cela doit"-
�tre, que le Peintre a toujours fur foi un cahier de papier 8c du crayon de mine. Cela �tant, il doit deffi- 11er promptement 6c l�g�rement ce qu'il voit d'extraordinaire , �c pour en retenir les couleurs il doit marquer les principaux endroits- par des caract�res qui feront ex- pliqu�s au bas du papier, 8c dont il Lv
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2 j o Cours de Peinture
fufl�ra qu'il ait l'intelligence. Un- nuage , par exemple , fera mar- qu� A j un autre nuage B ; une lumi�re C ; une montagne D 3 une terraffe E 5 &: ainf� du refte. L'on ajoutera � chaque lettre qui fera r�p�t�e au bas du papier, telle chofe eft color�e de telle ou telle couleur : ou bien, pour abr�ger , on mettra feulement, bleu, rouge, violet , eris , ou m�me d'autres marques plus abr�g�es 3 Se connues feulement par celui qui s'en voudra fervir. Mais il faut obferver dans cette
mani�re d'�tudier, qu'elle deman- de un promt ufage de la palette &� des pinceaux d�s qu'on le pourra 5 autrement la plupart des chofes que l'on auroit marqu�es �cha- peroient en peu de jours de la m�- moire. Et l'utilit� en eft l� grande , que non-feulement fans ce moyen , le Peintre perd une. infinit� de beaut�s. paliageres : mais encore que; les autres moyens dont nous |
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par Principe^. zyi
venons de parler , peuvent fe per-
fectionner par fon fecours 5 c'efl: � dire , en le fervant de marques <k de cara&eres. Si l'on demande quel tems en:
le plus avantageux pour faire les �tudes dont nous venons de par- ler, je r�pondrai que le Pa�fagiffce doit �tudier la Nature en tout tems ; parce qu'il eft oblig� de la: repr�senter en toutes les faifons ,., que n�anmoins l'Automne eft la plus propre � donner au Peintre une recoke abondante des beaux effets de la Nature 5 la douceur de cette faifon , la beaut� du Ciel, la richefle de la terre , & la va- ri�t� d'objets,font de puiifans mo- tifs pour exciter le Peintre � faire des recherches qui cultivent fon g�nie, �c qui perfectionnent fon; Art. Mais comme on ne peut pas
tout voir, ni tout obferver , il eft tr�s-louable de fe fervir des �tu- des d'autrui ,.& de les regarder^ L vj
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x 5 ■� ■ Ctf<w de Peinture
comme Ci on les avoyc faites foi- m�me. Rapha�l envoya de jeunes gens en Gr�ce pour deffiner des chofes donc il croyoit tirer de l'u- tilit� , & dont il s'eft effectivement fervi comme fi lui-m�me les avoit deffin�es fur les lieux. Bien loin que Ton puifle, fur cette pr�caution rien reprocher � Rapha�l, on doit en cela lui favoir gr� du chemin qu'il a montr� aux autres , pour chercher toutes fortes de moyens de s'avancer dans leur profel�ion. AinfilePa�fagiftepeut fefervir des ouvrages d� tous ceux qui ont ex- cell� dans quelque partie, afin qu'il s'en faite une bonne mani�re � la fa�on des abeilles qui tirent « des meilleures fleurs ce qui fait le meilleur miel. Obfervations g�nerait s fur le-
Pa�fage.
Comme les r�gles g�n�rales de
la Peinture font les fondemens de^ |
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far Principes: tff
tous les genres de cet Art, on y
renvoie celui qui veut faire du Pa�fage 3 ou plut�t Ton fuppofe qu'il en efl inflruit. On fera feu- lement ici quelques obl�rvations g�n�rales qui regardent ce genre de Peinture. i. Le Pa�fage fuppofe l'habitu-
de des principales r�gles de la per- ipective, pour ne fe point �loigner du vraifemblable. 2. Plus les feuilles des arbres
font pr�s de la terre,plus elles font: grandes & vertes ; parce qu'elles font plus � port�e de recevoir abon, damment la f�ve qui les nourrit. Et les branches d'en haut com- mencent les premi�res � prendre le roux ou le jaune qui les colore dans l'arri�re faifom Il n'en eft pas de m�me des plantes dont les tiges fe renouvellent tous les ans y & dont les feuilles fe. fuivent avec un intervalle de teins aflez con- sid�rable : de forte que la Nature �tant occup�e � en produire- de. |
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» 54' Cours de Peinture
nouvelles pour garnir la tige � me: fure qu'elle s'�l�ve , abandonne peu � peu celles qui font en bas, parce, qu'ayant accompli les pre- mi�res leur tems &: leur office , elles p�ri�Tent les premi�res. C'en: un effet, qui eft plus fenfible en quelques plantes, & moins en d'au- tres. 3. Le deffous de toutes les feuil-
les eft d'un verd plus clair que le deffus, & tire prefque toujours fur l'argentin. Ainfi les feuilles qui font agit�es d'un grand vent doivent �tre distingu�es des autres par cet. te couleur. Mais fi on les voit par- deffous, lorfqu'elles font p�n�tr�es de la lumi�re du Soleil, leur tranC parent paro�t d'un verd fi beau & fi vif, que l'on juge facilement que de tous les autres verds , il n'y en a point qui en approche. 4 Entre les chofes qui donnent
de l'ame au Pa�lage, il y en a cinq qui font elTbntielles , les figures , les animaux , les eaux, les arbres |
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#»>"Principes.. 2Tr,
^res du vent ,& la l�g�ret� du
gnceau. On pourroit y ap�ter les. Wes a quand le Peintre a occa- "on d en faire paro�tre. 5- Quand une couleur r�gne
ge , comme un m�me verd au Printems , ou comme un m�me roux dans l'Au- tomne die donne au Tableau un air de Camayeu ou d'un ouvrage qui n eft pas achev�. J'ai va plt
fours Pai�ages de Bourdon , aux- quels jpour avoir employ� partout un m�me %le de grain , il �toic beaucQup de leur beaut�, quoique d ailleurs les f�tes & les eaux en fifl lent plaifir � voir. Je laifTe au Pein- tre ing�nieux le foin de reparer, & comme on dit", deracheter la cou- leur ingrate des Hiver & des Prin- tems par des figures, par des «aux,. «par des fabriques : car pour les Sujets d'Et� & -d'Automne, ils font iuiceptibles d'une grande diverfit�. 6. Le.Titien &l� Carache font les mod�les les plus capables dltt-J |
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2rj-<r cours de Peinture
fpirer le bon go�t, & de mettre fe Peintre dans la bonne voie , pour la forme & pourla couleur. Il faut faire tous fes efforts pour bien com- prendre les principes que ces grands Hommes nous ont laiff�s dans leurs ouvrages,&. s'en remplir l'imagination, fi l'on veut s'avan- cer de plus en plus, &; tendre � la perfection que le Peintre doit cou*. iours avoir en vue. t
7. Les Pa�fages de ces deux Pein-
tres , le Titien �c le Carache , en- feignent beaucoup de chofes dont le difcours ne fauroit donner des id�es bien precifes, ni des principes g�n�raux. Le moyen , par exemp- le , de d�terminer les mefures de arbre en g�nerai, comme on d�- termineroit les mefures du corps humain. L'arbre n'a point de pro- portions arr�t�es, une grande par- tie de fa beaut� conf�fte dans le eontrafte de fes branches, dans la diftribution in�gale de fes tourFes,& enfin dans une certaine bizarrerie |
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■par Principes, i j 7
dont �a Nature fe jone, & dont le
Peintre eft un bon arbitre^quand il a bien go�t� les ouvrages des deux Peintres que je viens de nommer. Il faut n�anmoins dire � la louan- ge du Titien, que le chemin qu'il a fray� eft le plus fur de beaucoup , en ce qu'il a fuivr exactement la Nature dans fa diverf�t�, avec un go�t exquis, un coloris pr�cieux , & une imitation tr�s-fid�le ; &: le Carache, quoique tr�s-habile, & les autres bons Peintres -, n'ont pas �t� exemts de mani�re dans l'ex�- cution de leurs Pa�fages,. 8. Une des plus grandes perfec-
tions du Pa�fage dans cette gran- de vari�t� qu'il reprefente, eft l'i- mitarion fid�le de chaque caract�- re en particulier 3 comme fon plus grand d�faut eft une pratique fau- vage qui tombe dans ce qu'on ap- pelle routine. 9. Parmi les chofes que l'on peint
de pratiquejl eft fort � propos d'eu m�ler quelques-unes faites d'apr�i |
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2, f$ Cours de Peinture
Nature : cela induit le Spedateur' � croire que le refte a �t� pareille- ment fait d'apr�s Nature; 10. Comme il y a des ftyles de
penfer, il y en a auffi d'ex�cuter. J'en ai parl� de deux pour la pen- f�e, le ftyle h�ro�que , & le ftyle champ�tre 3 8c j'en trouve pareil nombre pour l'ex�cution , le ftyle ferme , & le ftyle poli. Ces deux derniers ne regardent que la main & la fa�on plus ou moins fpirituei- le de conduire le pinceau. Le ftyle ferme donne del� vie � l'ouvrage, & faitexcufer les mauvais choix,& le ftyle poli finit �c polit toutes cho- ies , il ne lairTe rien � faire � l'ima- gination du Spectateur, laquelle fe fait un plail�r de trouver & d'ache- ver des chofes qu'elle attribue au Peintre,quoiqu'elles viennent v�ri- tablement d'elle. Le ftyle poli tom- be dans le mou &: dans le fade, s'il n'eft fo�tenu d'un beau fite : mais la jonction de ces deux caraderes rend l'ouvrage tr�s-curieux,, |
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far Principes. s f$?
ri. Apr�s avoir fait paffer com-
me en revue les principales parties qui compofent le Pa�fage , apr�s avoir parl� des �tudes que l'on y. pourroit faire , �c apr�s avoir fait quelques obfervations g�n�rales qui regardent ce genre de Peintu- re, je ne doute pas que plusieurs perfonnes ne fo�haitent encore , pour rendre cet ouvrage moins, d�- fectueux , quelque choie touchant: la pratique & l'emploi des cou- leurs. Mais comme chacun a fa pra- tique particuli�re, &; que l'emploi des couleurs comprend une partie des fecrets de l'Art, il faut atten- dre ce d�tail de l'amiti� & de la. converfation des Peintres les plus �clair�s, & joindre leurs avis avec: fa propre exp�rience. |
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a <y� Cours de Peinture
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Sur la mani�re de faire les
Portraits. |
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S
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I la Peinture eft une imitation
de la Nature, elle l'eft double-, |
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ment � l'�gard du portrait qui ne
reprefente pas feulement ut�.hom- me en g�n�ral : mais un-tel homme en particulier qui foi� diftingu� de tous les autres ; & de m�me que la premi�re perfe&ion d'un Portrait eft une extr�mererT�mb�ance, ain- i� le plus grand de fes d�fauts eft de reifembler � une personne pour laquelle il n'a pas �t� fait,n'y ayant pas deux perfonnes dans le monde qui l� reflemblent. Mais avant que d'entrer dans le d�tail des chofes qui donnent la connonTance de cette imitation particuli�re , il eft bon de faire pafler ici en revue quelques proportions g�n�rales qui doivent pr�parer l'efprit are- |
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far Principes. z(,i
cevoir ce que je dirai dans la fui~
te,& fupl�er � ce que je ne dirai pasj car autrement il faudroit un trop' long difcours. �
L'imitation eft l'efl�nce de la Peinture, & le b�n choix eft � cette eflence ce que les vertus font � l'homme , il en relev� le prix. C'eft pour cela que le Peintre a grand int�r�t de ne choif�r que des t�tes avantageufes ou de bons mo- mens, & des fituations qui fup_ pl�ent au d�faut d'un beau naturel Jl
Il y a des vues du naturel plus
ou moins avantageufes, tout dev pend de le bien tourner , & de le prendre dans un bon moment. III. Il n'y a pas une perfonne dans �e monde qui n'ait un cara�ere parti- culier de corps 8c de yifage. IV. La Nature i�mple & na�ve con. iden� mjeux � l'imitation , .elle eft |
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_rl>2. Vours de Teinture
d'un meilleur choix que celle qui eft ajuft�e & que l'on a voulu em- cbelir par un trop grand artifice. V. C'en: une violence qu'on fait � la Nature que de la trop parer, ;Sc l'action qui en eft �nfeparable ne peut �tre libre dans les ajufte- mens qui portent avec eux de la contrainte. En un mot la Nature par�e en eft: moins Nature , pour ainfi dire. VI
Il y a des moyens plus avantageux les uns que les autres pour arriver � une m�me fin. VIL
Il ne faut pas feulement imiter ce que 1 on voit ^ mais ce que l'on peut voir d'avantageux � l'Art. VIII. La comparaifon fait valoir les chofes , U ce n'eft que par elle ��cju'on en peut bien juger. IX. Les yeux des Peintres s'accou- |
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fdr Principes. 2:6|
tument a��ement aux teintes dont
ils fe fervent.pour lsordinaire,& � la mani�re qu'ils ont apprife de leurs Ma�tres j de forte qu'apr�s cette habitude ils voient la Nature, non pas comme elle eft en effet, mais comme ils, ont accoutum� de la peindre & de la colorier. X. Il eft tr�s-difficile qu'un Tableau dont les figures feront de la gran- deur du naturel, faffe fon effet de pr�s comme de loin. Un Tableau lavant ne plaira aux ignorans que dans fa diftance, mais les connoiC feurs en admireront l'artifice de pr�s, Se l'effet de loin. XI. L'intelligence donne du plaii�r ,& de la facilit� dans le travail 5 le voyageur qui fait bien fon cheaiin arrive plus furement & plus vite , que celui qui cherche & qui ta- tonne. XII.
U eft bon , avant de s'engager |
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2.^4 Cours de Peititure
dans un ouvrage, de le m�diter 5c d'en faire un efquiffe colori� pour fon repos, & pour le foulagement de fa m�moire. On ne fauroir. trop r�fl�chir fur
ces proportions, & il eft n�ceiTaire de s'en former une telle habitude qu'elles fe prefentent d'elles m�- mes � l'efprit, fans �tre oblig� lors du travail, de les rappeller dans fa m�moire quand on travaillera. Quatre rhofes font n�ceflaires
pour rendre un Portrait parfait, l'air , le coloris, l'attitude 8t les ajuftemens. . L'air comprend les traits du vi-
fage, la co�ffure, & la taille,. Les traits du vifage confident
dans �a juftefTe du defle�n, & dans l'accord des parties , lefquelles toutes enfemble doivent reprefen- ter la phyf�onomie des personnes que l'on peint, en forte que le Por- trait de leurs corps foit encore ce- lui de leurs efpr�ts. La juftefTe du def�ein qui �ft re-
quiie
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par Prirxipes. z� $
<qu�fe dans les Portraits, n'efl pas tant; ce qui donne l'ame & le v�ri- table air, que cet accord des par- ties dans le moment qui marque i'efprit &c le temp�rament de la pe-rfbnne. L'on voit beaucoup de Portraits correctement d�f�mes qui ont un air froid, h nguif�ant .& �b�- t� ; & d'autres au contraire qui n'�- tant pas dans une fi grande juftef- fe de Deffein, ne kiflent pas de nous frapper d'abord du caract�re de la perfonne pour laquelle ils ont �t� faits. Peu de Peintres ont pris garde �
bien accorder les parties enfemble : tant�t ils ont fait une bouche rian- te, &-des yeux trilles -, 5c tant�t des yeux gais, & des joues rel�- ch�es ; &c c'efl ce qui met dans leur ouvrage un air faux &. con- traire aux effets de la Nature. Il faut donc prendre garde qu'au
m�me tems que le mod�le fe don- Be un air riant, Jes yeux fe ferrent, les coins de la bouche s'�levenc M
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z6 6 Cours de Peinture
avec les narines, les joues r�mois tent, .& les fourcils s'�loignent l'un <le l'autre : mais fi le mod�le fe don- ne un air trille , toutes ces parties font un effet contraire. Les fourcils �lev�s font un air
grave & noble j mais �tonn�, s'ils font en arc. Parmi toutes les parties du vifa-
ge celle qui contribue davantage a la reflemblance, c'eft le nez , Se il eft d'une extr�me confequence de le bien placer, Se de le bien def- finer. Quoique les cheveux femblent
faire partie des ajuftemens , qui peuvent �tre tant�t d'une fa�on & tant�t d'une autre , fans que l'air du vifage en foit alt�r� $ cependant il eft fi confiant que la mani�re dont on a accoutum� de fe coef- fer , fert � la reflemblance . que Ton a fou vent hefit� de reconno�- cre les hommes parmi lefquels on �toit tous les jours , quand il? �voienr, mis une perruque un peu |
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par Principes. z$j
diff�rente de celle qu'ils avoienc
auparavant. A�nfi il faut , autant qu'on le peut , prendre l'air des co effares pour accompagner & fai- re valoir celui des vifages, � moins qu'on n'ait des raifons pour en ufer autrement. Pour ce qui eft de la taille, il eft
� v�ritable qu'elle contribue � la reflemblance , que l'on reconno�t tr�s-fouvent les perfonnes (ans voir leur vif�ge. Ceft pourquoi le meil- leur eft dedeffiner la taille d'apr�s les perfonnes m�mes dont on fait le Portrait, & dans l'attitude qu'on les veut mettre 5 c'eft ainfi qu'en ufoit Vandeik.il eft d'une extr�me coniequence d'avertir ici le Pein- tre que les perfonnes dont on fait le Portrait,�tant ordinairement afl ftfes en paroifl�nt d'une taille moins d�gag�e , parce que les �paules dans cet �tat remontent plus haut qu'elles ne doivent �tre na- turellement. Ainti pour defliner ia taille avec avantage , il eft � Mij
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2..6" 8 Cours de Peinture
propos de faire tenir un moment
ion ^mod�le debout., tourn� dans ■l'attitude qu'on lui veut donner, & l'obferver en cet �tat. Il fe pre- fente ici une difficult� � refoudre ; &: c'eft ce que nous allons exa- miner. S'il eft a propos de corriger l:$
d�fauts du Naturel dans les
Portraits,
L'effentiel des Portraits �tant la
rei�emblance , il paro�t qu'il faut imiter les d�fauts comme les beau- t�s , puifque l'imitation en fera plus complette -, on auroit m�me de la peine � prouver le contraire � une peribnne qui voudroit s'opi- ni�trer dans cette th�fe : mais les Dames & les Cavaliers ne s'accom- modent point des Peintres qui font dans ces fent�mens , &: qui les pratiquent, j'ai vu des Dames qui m'ont dit nettement qu'elles n'eftimoient pas les Peintres qw I
� « I |
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far Principes. i 6 y
faifoient f� fort relTembler, & qu'el-
les aimeroient mieux qu'on leur donn�t beaucoup moins de rei- fembl�nce , & plus de beaut�. Il eft certain qu'on-leur doitla-def- fus quelque complaifance , &c je: ne doute point qu'on ne les puifle' faire refTembler fans leur d�plaire : car la rei�emblance efTentielle eft un jufte rapport des parties pein- tes avec celles du naturel, en forte que l'on connoif�e , fans hefiter , l'air du vifage , & le temp�ra- ment de la perfonne donr on voit le Portrait. Cela pof� , je dis que tous les
d�fauts fans lefquels on conno�t' l'air & le temp�rament des per- sonnes , doivent �tre corrig�s & omis dans lesPortraits des femmes, & des jeunes hommes f un; nez un peu de travers peut �tre redref�e, une gorge trop feche, des �paules trop hautes, peuvent �tre accom- mod�es au bon air que l'on de- mande fans paffer d'une extr�mi- Miij.
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17© Cours de Peinture
t� � l'autre, & tout cela avec beau- coup de difcretion , parce qu'en voulant trop corriger le naturel � on tombe dans le d�faut de don- ner un air g�nerai � tous les Por- traits que Ton fait � de m�me qu'en s'attachant trop fcrupuleufement aux d�fauts & aux minuties, onfe mec en grand danger de tomber dans le bas, & le mefquin. Mais pour les Heros,& pour ceux
qui tiennent quelque rang dans le mande, ou qui fe font aiftinguer parleurs dignit�s, par leurs vertus, ou par leurs grandes qualit�s, on ne fauroit apporter trop d'exactitude dans l'imitation de leur vifage, foit que les parties s'y rencontrent bel- les , ou bien qu'elles y foient d�fe- ctueufes 5 car ces fortes de Portraits font des marques autentiques qui doivent �tre confacr�es � la pofte- rit� 3 �c dans cette vue tout eft pr�cieux dans les Portraits, fi tout y eft fid�le. Mais de quelque ma- ni�re qu'agifTe le Peintre , qu'il |
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far Principes. i"j\
n'oublie jamais le bon air , ni la
bonne gr�ce , & qull y a dans Je naturel des momens avantageux. \ I Coloris.
Le Coloris dans les Portraits eft
tin �panchefnent de la Nature, le- quel fait conno�tre le v�ritable temp�rament des perfonnes : & ce temp�rament �tant une choie eifentielle � la refl�mblance , il doit �tre reprefent� avec la m�me jufteffe que le Deflein. Cette par- tie eft d'autant plus eftimable qu'el- le eft rare & difficile. On a vu une infinit� de Peintres qui ont fait r�f. fembler par les traits & par les con- tours : mais le nombre de ceux qui ont reprefent� par la couleur le v�ritable temp�rament des per- fonnes , eft affur�ment tr�s-petit. Deux chofesfontn�ceft�ires dans le coloris , la juftefte des teintes , & l'art de les faire valoir ; le pre- mier s'acquiert par la pratique M iiij
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i "ji Cours de Peinture
en examinant & en comparant les couleurs que l'on voit fur le natu- rel , avec celles dont on veut les imiter ; & l'art de faire valoir les teintes conf�fte � favoir ce qu'u- ne couleur vaut aupr�s d'une au- tre , &. � r�parer ce que la dif- tance & le tems diminuent de l'�- clat & de la fra�cheur des cou- leurs. Un Peintre qui ne fait que ce
qu'il voit , n'arrivera jamais � une parfaite imitation : car fi fon ou- vrage lui fetnble bon de pr�s, �c fur fon chevalet , de loin il d�- plaira aux autres &c fouvent � lui- m�me : une teinte qui de prespa- ro�t fepar�e& d'une certaine cou- leur , paro�tra d'une autre couleur dans fa diftance , &: fe confondra dans la mafTe dont elle fait partie. Si vous voulez donc que votre ou- vrage falfe un bon effet du lieu d'o� il doit �tre vu, il faut que les couleurs & les lumi�res en foient un peu exag�r�es 3 mais favamment <5c |
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par Principes. Z73
avec une grande difcretion. Voyez
la mani�re dont Titien, Ruben's,. Vandeik, & Rembrant en cnt uf� : car leur artifice eft merveilleux. Il y a ordinairement dans le teint trois momens � obferver ; le pre- mier , quand le mod�le nouvel- lement arriv� fe met en place , Se pour lors il eft plus anim� &: plus color� qu'� fon ordinaire , & cela fe remarque dans la premi�re heu- re ; le f�cond, quand le mod�le �tant repof� fe fait voir tel qu'il eft ordinairement, & cela fe trouve dans la f�conde heure 5 & le troi- si�me lorfque le mod�le las d'�tre dans la m�me attitude , change la couleur ordinaire en celle que l'ennu� a coutume de r�pandre fur le vif�ge. A�nfi ileft tr�s-�_propos de s'en tenir au teint ordinaire des perfonnes , & de l'accompagner de quelque bon moment qu'on ne puift� bl�mer d'exag�ration. Il eft bon auili pour diffiper , ou pr�ve- nir l'ennui , de permettre aux per- Mv
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174 Cours de Peinture
fonnes que l'on peint, de fe lever pour faire quelques tours de cham- bre , &: reprendre de nouveaux e/prits. Dans les Draperies toutes for-
tes de couleurs indiff�remment ne conviennent pas � toutes fortes de perfonnes. Dans les Portraits d'homme , il fuffit de chercher beaucoup de v�rit� & beaucoup de force $ mais aux Portraits de femmes, il faut encore de l'agr�- ment , de faire paro�tre dans un- beau jour ce qu'elles ont de beau- t� , & temp�rer par quelque indu- ftrie ce qu'elles ont de d�fauts. C'e/t pour cela qu'aupr�s d'une
tejnt blanc , vif 3 & �clatant , il faut bien fe garder de mettre d'un: beau jaune qui le feroit paro�tre de pl�tre > mais plut�t des couleurs qui donnent dans le verd ,.ou dans le bleu, ou dans le gris, ou dans quelques autres femblables cou* leurs qui par leur oppofition cort-. tribuent � faire paro�tre plus de. !
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far Principes* i-ff
chair ces fortes de teins, que l'on
trouve ordinairement aux blondes, Vandeik s'eft fouvent fervi dans fes fonds de rideaux feuille-morte ; mais la couleur en eft douce & brune. Les femmes brunes au contrai-
re qui ont dans leur teint afTez de jaune pour foutenir le cara&erede chair, pourront fort bien �tre ha- bill�es de quelques draperies qui donnent dans le jaune , afin que leur teint femble en avoir moins, & en paro�cre plus frais ^ & aupr�s de& carnations qui font tr�s-vives & hautes en couleur r le linge y fait � merveille. Pour les fonds, il y a deux cho-
fes�confiderer, le ton, & la cou- leur. On doit raifonner de la cou- leur du fond, comme on raifonne de celles des habits � l'�gard del� t�te. Le ton du fonds doit �tre toujours diff�rent de la maffe qu'il Soutient, & dont il eft le fond , en forte que les objets qui feront deC |
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17 6 Cours de Peinture
lus ne parouTent point tranfparens $ mais folides & de relief. Ce qui d�- termine le ton du fond eft ordinai- rement leton descheveux,&quand ils font ch�tins-clairs on eft fouvent fort embarrafle � moins qu'on ne fe i�rve du fecours d'un rideau ou de; quelque accident de Clair-obfcur que l'on fuppofe derri�re, ou que ce fond ne fok un ciel. Il faut encore obferver que lorf-
cju'on fait des fonds unis, c'eft-�- dire , lorfqu'il n'y a ni rideau ni Pa�fage, ni autre ouvrage femblar ble j mais feulement une efpece de muraille , il doit y avoir plusieurs couleurs qui faflent comme des ta- ches prefque imperceptibles. La raifon en eft, qu'outre que la Na*- ture eft toujours de cette forte, l'u- nion du Tableau en eft beaucoup plus grande. III. L'Attitude.
L'Attitude doit �tre convenable
� l'�ge , � la qualit� des perfonnes & � leur temp�rament. Aux nom* |
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far Principes,. zyy
mes & aux femmes �g�es elle doft:
�tre pof�e, majeit-ueui� & quelque- fois f�ere 5 & aux femmes en g�n�- ral il faut qu'elle foit d'une l�mpli- cit� noble, &. d'un enjouement mo- defte : car la modeftie doit �tre le. caract�re des femmes. C'eft un at- trait mille fois plus puilfant que la coqueterie -, &c dans la v�rit� il n'y: a gueres de, coquettes qui voulut fent le paro�tre dans leur portrait» Il y a de.deux fortes d'attitudes, l'une de mouvement, &; l'autre de. repos. Les attitudes de repos peu- vent convenir � tout le monde, de celles qui font en mouvement ne: font propres qu'aux jeunes perfon- nes, &: font tr�s-difficiles � ex�cu- ter j parce qu'une grande partie des draperies &; des cheveux doit �tre agit�e par l'air, le mouvement ne fe faifant jamais mieux voir en peintu- re, que par ces fortes d'agitations, tes attitudes qui font en repos, ne: doivent pas tellement y paro�tre qu'elles femblent reprefenter une,: |
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x y8" Cours de Peinture
perfonne oifive, & qui fe tient ex- pr�s pour fervir de mod�le.Et quoi- qu'on reprefente une perfonne ar- r�t�e , l'on peut, fi on le juge � pro- pos, lui donner une draperie volan- te,pourv� que la fcene n'en foit pas dans une chambre ou dans quelque lieu ferm�. Il eft fur-tout n�ceflaire que les-
f�gures qui ne font point occup�es , femblent vouloir f�tisfaire le defir de ceux qui ont la curiofit� de les voir ; �c qu'ainfi elles fe montrent dans l'�&ion la plus convenable � leur temp�rament &: � leur �tat ,, comme fi elles vouloient inftruire le fpe&ateur de ce qu'elles font en effet j & comme la plupart du mon- def� pique de franchife, d'honn�- tet� & de grandeur d'ame., il faut: fuir dans les attitudes toutes fortes d'affe&ations , que tout y foit aif� & naturel, & que l'on y fafTe entrer plus ou moins de fiert� vde noblef- f� Se demajeft�,f�lon que lesper- fcnnes auront plus ou moins ce ca- |
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far Principes.. . 27^?
rac�ere,& qu'elles feront plus ou* moins �lev�es en dignit�. Enfin ih faut que dans ces fortes d'attitudes les Portraits f�mblent nous parler d'eux m�mes, & nous dire, par exemple : Tien, r�garde-moi, je fuis ce Roi invincible environn� de majeft� :Je fuis ce valeureux Capi- taine qui porte la terreur par tout �. ou bien qui ai fait voir par ma bon- ne conduire tant de glorieux fuc- c�s : Je fuis ce grand Miniftre qui ai connu tous les rei�brts de la poli- tique : Je fuis ce Magiftrat d'une fa. geife&dtme int�grit� eonfomm�e: Je fuis cet homme de lettre tout ab- forb� dans les fciences : je fuis cet homme fage & tranquile que l'a- mour.de. laPhilofophiea mis audel- fus des defirs &: de l'ambition : Je. fuis ce Pr�lat pieux, docte, vigilant;: Je fuis ce protedeur des beauxArtsr; cet amateur de la vertu : Je .fuis cec: artifan fameux , cet unique dansi maprofeffion, &c. Et pour les fem- mes : Je fuis cette fage PrinceUe |
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�8a Cours de Peinture
dont le grand air inipire du refpecl
Bc de la confiance : Je fuis cette Da- me fiere dont les mani�res grandes attirent de l'eftime, Ste. Je fuis cet; te Dame vertueufe, douce , mode- lie , &c. Je fuis cette Dame enjou�e' qui n'aime que les ris, la joie , �cc. ainfl du relie. Enfin les attitudes font le langage des Portraits , &:' l'habile Peintre n'y doit pas-faire une m�diocre attention. Mais les excellentes attitudes"
font, � mon avis, celles qui font ju- ger au fpeclateur que les perfonnes qui font peintes fur la toile , fe; trouvent fans affectation dans un moment favorable � fe faire voir avantageufement. Il y a feulement une chofe� obferver pour les Por- traits de femmes en quelque attitu- de qu'on les puilfe mettre , e'efl de les difpofer 8c de les tourner d'une mani�re que dans leur vifage il y ait peu d'ombre , 6c d'examiner foi- gneufement i� le mod�le eft plus ou' moins beau dans les ris que dansle- |
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far Principes. z8*J
f�rfeux , & en tirer Ton avantage.
Venons aux ajuftemens. IV. Les A'pif�emens.
Sous le mot d'Ajuftemens,je com-
prens les draperies qui habillent les perfonnes peintes , &; la mani�re dont elles font accommod�es Il faut que chacun Toit v�tu f�lon-
fa qualit�, & il n'y a que les ajuf- temens qui puiflent faire en Pein- ture la diftincUon des gens : mais en confervant le caradere de cette- qualit� , il faut que les draperies foient bien choi��es <k bien jett�es. Les habits fort riches convien- nent rarement aux hommes, &. la grande chamarure eftaudeffous de leur gravit�. Les femmes doivent �tre par�es n�gligemment fans perdre leur dignit� & leur noblefTe: &: quand les hommes & les femmes voudront �tre autrement, le parti que le Peintre doit prendre , eft de- ie faire un plaifr de l'imitation. Les �toffes de diff�rentes natures. |
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i�i Cours de Peinture
donnent � l'ouvrage un caract�re' de veric� que les draperies imagi- naires d�truifent. On habille aujourd'hui la plu-
part desPortrairs d'une mani�re afl fez bizarre $ fa voir fi elle eft � pro- pos , c'eft: une queftion qu'il faut examiner. Ceux qui font pour ces fortes
d'habits difent que les modes �tant en France fort fujettes � changer v on trouve les Portraits ridicules fix ans apr�s qu'ils ont �t� faits : que ces ajuftemens qui font du caprice du Peintre durent toujours : que les habits des femmes ont des manches ridicules qui leur tiennent les bras ferr�s d'une mani�re fort contrain- te^ peu favorable � la Nature & � la Peinture ;& qu'enfin i'ufage qui s'eft introduit peu-�-peu d'habiller ainfi les Portraits; doit �tre fuivi en cela comme en autre chofe. D'autres au contraire fo�tien-
nent que les modes font eflentie�- les aux Portraits,& qu'elles contrL |
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far Principes.- 285
buent non-feulement au Portraic
de- la perfonne, ma�s qu'elles fone encore celui du tems 3 que les Por- traits fa�fant partie de l'hiftoire , doivent �tre fid�les en toutes cho- i'es j & cela,difent-ils,eft f� vrai que nous ferions bien f�ch�s aujour- d'hui de voir dans les m�dailles ,: dans les bas-reliefs &: dans les au- tres ouvrages antiques,les Romains v�tus d'autres habits que de ceux qu'ils portoient, & nous trouve- rions ridicules qu'ils fufTent habil- l�s dans leurs Portraits � la Grec- que comme nous le fommes fou- vent dans les n�tres � la Romaine 5. ou ce feroit tout au moins une er- reur dans laquelle ils nous auroient mis. Pour ce qui eft de la mode qu'on trouve ridicule f�x ans apr�s qu'elle eft paff�e, ils y r�pondent 3 �c difent que ce n'eft pas la faute de la mode , puifqu'elle a �t� une fois trouv�e belle , mais bien de l'ef- prit qui ne juge pas des choies par rapport au tems o� elles �toient >;, |
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$ 84 Cours de Peinture
mais par rapport au prefent. Ils ajoutent que cette aver�ion feroit � la v�rit� pardonnable pour des ha- bits qu'on verroit � quelqu'un dans Je commerce du monde 5 ma�s que dans la Peinture c'eft une foiblefTe que les yeux du corps ont commu- niqu�e ci ceux- de Peiprit, & que ce doit �tre-plut�t un divertiirement utile, & une in/lruclion piai/�nte de voir qu'en tel tems on portoir. des colets mont�s,^ dans un autre des frai les, des chaperons, des ai- lerons aux manches, des toques , des cheveux courts, des pourpoints taillad�s, des colets de point cou- p� ou � languette, Se plu/leurs au- tres modes qui nous font conno�tre le tems auquel vivoient lesperfon- nes , comme les perfonnes nous font conno�tre le tems des modes. Ils rapportent encore l'autorit� des anciens Peintres qui ont eu de la r�putation, comme Titien , Ra- pha�l, Paul Veronefe, Tintoret, les Caxaches, Vandeik , & enfihs |
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. far Principes. �#<
Cous ceux qui ont peine des Por-
traits avant ce nouvel ufage que les femmes ont introduit en France depuis vingt ou trente ans. Pour d�terminer quelque cho/�
entre ces deux partis , ce qui me iemble de v�ritable, eil que la dif- ficult� de tirer des habits � la mo- de quelque chofe .d'avantageux pour la Peinture eft bien plus gran- de, que d'habiller agr�ablement des Portraits quand on a la liber- t� d'y employer ce que l'on juge � propos 5 & je croixois au/�� qu'on pourroit mettre en uf�ge tant�t les habits � la modp pour les Portraits de famille, Se tant�t des habits de quelque vertu , de quelque attri- but, ou de quelque divinit� payen- ne. Difons maintenant quelque chofe touchant la pratique. La Pratique. Je fuis perfuad� que chaque per-
sonne en particulier ayant un eiprit diff�rent, envifage les fins qu'il f� propofe par des vues diff�rentes} |
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2.86 Cours de Peinture
& qu'on peut arriver au bien par divers moyens 3 & je fuis d'avis que chacun fuive en cela la pente de fon genie,& le chemin qu'il trouve- ra le plus court & le plus commo- de-, a�nf� je ne dirai rien l�-dei��is de particulier , j'expoferai feule- ment en g�n�ral qu'il elt bon de travailler � un Portrait trois diff�- rentes fois , �baucher, peindre, 6c retoucher. A l'�bauche, il faut ex- tr�mement prendre garde avant de rien faire , quel afpect fera le plus avantageux au Portrait, expo- fer le mod�le en diff�rentes vues ficela fe peut, � moins qu'on n'ait un deffein arr�t� qu'on veuille ex�- cuter -, de lorfqu'on fe fera d�ter- min� , il efl d'une confequence ex- tr�me de bien mettre les parties en place en les comparant toujours l'une avec l'autre, parce que le Portrait non-feulement en rejTem- ble mieux quand il eft bien deffin�, ma�s qu'il eft f�cheux de chan- ger les parties la f�conde fois que |
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par Principes. z$y
f on travaille, o� l'on ne devroit
jfonger qu'� peindre, je veux dire, qu'� placer, & � unir fes couleurs. L'exp�rience fait conno�tre qu'il eft � propos d'�baucher clair � eau- fe de l'avantage des glacis & du tranfparent des couleurs, fur-tout dans les ombres h & lorfque toutes les parties feront bien enfemble�f qu'elles feront toutes emp�t�es, il faudra les adoucir .& les confions dre avec diferetion fans �ter l'air ? afin qu'en fin�fl�nt on ait le plaifir 4e former � mefure que l'on tra- vaillera. Ou fi cette mani�re de confondre les parties ne pla�t pas aux g�nies de feu, qu'ils le conten- tent de marquer l�g�rement ces m�mes parties,& feulement autant, qu'il eft n�cel�aire pour donner - IJair. Il eft bon � l'�bauche d'un Porv
trait de mettre fur le front plut�t moins que plus de cheveux , afin d'avoir la libert� quand on les finit de les placer o� lfon veut , & df |
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% S % Cours de Peinture
les peindre avec toute la tendrefle & toute la d�licatefl� poffible : «jue fi au contraire vous �bauchez fur le front quelque touffe de che- veux qui vous paro�tra de bon go�t, & fort avantageufe pour votre ou- vrage, vous ferez embarraif� lorC qu'il faudra la finir, & que vous ne trouverez plus le naturel dans la m�medifpof�tion,pr�cifernent que vous les voulez peindre. Cette ob- fei vation n'eft pas pour ceux qui au- roient une fcience & une exp�rien- ce confomm�e, qui ont le naturel dans la t�te, & qui le font ob�ir � leur Id�e comme il leur pla�t. La f�conde fois que l'on travail-
le doitfervir � mettre bien les cou- leurs dans leur place, & � les pein- dre de la mani�re la plus conve- nable au mod�le que l'on imite ,& � l'effet que l'on fe propofe. Mais avant de commencer d'emp�ter, je voudrois que l'on examin�t de nouveau fi les parties font bien en leur pUce, & que l'on donn�t par- ci |
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far Principes. .\%y
.cl, par-l� les coups qui contribuent
le plus � la reffemblance, afin qu'�- tant allure de cette rei�emblance J'en travaill�t avec plus de repos .& de plaifir. Suppof� que l'on entende ce que
l'on fait, & que le Portrait foit defl ■�n� jufte , -il .faut autant qu'on le peut travailler vite, le mod�le s'en accommode mieux, & l'ouvrage en a plus d'efp rit &.plus de vie : mais cette promptitude eft le fruit de notre exp�rience, .& l'on ne f�urok faire vite qu'apr�s avoir foigneufe-' ment �tudi� ,& m�dit� lescliofes durant beaucoup de tems, & eilay� entre plusieurs moyens celui qui conduit le plus dire&ementaubien: car pour trouver un chemin fa- cile^ que l'on doive tenir fouvents il eft permis d'�tre long-tems � le chercher. Avant que de retoucher un Por-
trait , il eft � propos que les che- veux en foienttermin�s,afin qu'en douchant les carnations vous N
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i^o Cours de Peinture
puiffiez juger de l'effet de toute la «�te. Comme il arrive fouvent que la
f�conde fois que l'on travaille � un Portrait on ne peut y faire tout ce que l'on voudroit : la troifi�me fert � y fuppl�er �c � donner l'efpric, la phyfionomie & le cara&ere. Si l'on veut faire un Portrait au pre- mier coup, il faut peindre en met- tant toujours des couleurs & jamais en adouciffant ni en frottant , & faire en forte qu'il y ait peu d'hui- le dans les couleurs ; & fi l'on y vouloit m�ler en peignant un peu de vernis avec la pointe du pin- ceau , cela donneroit un moyen fat- ale de mettre couleurs fur couleurs, &. de les m�ler en peignant fans les (emporter. L'ufage 8c la v4e des bons Ta-
bleaux apprennent plus de chofes qu'on n'en fauroit dire : ce qui convient � l'efprit �c au t�mp cra- ment d'une perfonne, ne cony' ent p.as toujours � une autre $ 3c pref- |
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fdr Principes 29 r
que tous les Peintres ont tenu dif-
ferens chemins, quoique leurs prin- cipes ayent �t� fouvent les m�mes. Le fameux Jabac, homme con- fia de tout ce qu'il y a d'amateurs des beaux Arts, qui �toit des amis de Vandeik , & qui lui a fait faire �trois fois fon Portrait, m'a cont� qu'un jour parlant � ce Peintre d\g peu de tems qu'il employoit � faire les Portraits, il lui r�pondit qu'au commencement il avoit beaucoup travaill� &c pein� fes ouvrages pour �. r�putation , & pour apprendre � les faire vite dans un tems o�. il travailloic pour f� cuifine. Voici quelle conduite il m'a dit que Van- deik teno�t ordinairement. Ce Peintre donnoit jour & heure aux perfonnes qu'il devoit peindre , & ne travailloit jamais plus d'une heure par fois � chaque Portrait, foit � �baucher, foit � finir j & fon horloge l'avertiffant de l'heure, il fe levoit Se faifoic la r�v�rence � la perfonne, comme pour lui dire |
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■�^.-z Cours de "Peinture
que c'en �toit allez pour ce jour-la9 &; convenoit avec elle d'un autre jour 6c d'une autre heure : apr�s quoi ion Valet de chambre lui ve- noit nettoyer (es pinceaux , §c lui appr�ter une autre palette pendant qu'il recevoir une autre perlonne , � qui il avoir donn� heure. 11 tra- yaillok ainf� � pluiieurs Portraits en un m�me jour d'une y tr�fle ex- traordinaire. Apr�s avoir l�g�rement �bauch�
un Portrait , il faiiok mettre la �perlonne dans l'attitude qu'il avoit auparavant m�dit�e,8c avec du pa- pier gris & des crayons blancs & noirs,il demnait en un quart d'heu- re �a. taille & Tes habits qu'il difpo.- foit d'une mani�re p-rande, &. d'un go�t exquis. Il donnoit enluite ce rlefTein � d'habiles gens qu'il avoit chez lui, pour le peindre d'apr�s jes habits m�mes que les perfonnes avoient envoy�s expr�s � la pri�re de Vandeik. Ses Elev�s ayant fait d'apr�s Nature pequ'ils pouy oient |
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fdr Pftnrtfes. ■ i $ j
aux draperies, il repaf�bit l�g�re-
ment deffus , &cy mettoit en tr�s- peu de rems , par Ton intelligence y l'art & la, v�rit� csue nous v ad- mirons. Pour ce qui eft des mains, il
�.voit chez lui des perfonnes � i�s gages de l'un &c de l'autre fexe qui lui fervoient de mod�le. Je cite cette conduite de Van-
deikplut�t pour fatisfaire la curio- ftt� du Lecleur, que pour la lui propofer � fuivre : qu'il en prenne ce qu'il en trouvera de bon, & qui fera f�lon ion g�nie, & qu'il l�iife. l� le reft� Pour mei, hors ce tra- vail d'une heure feulement, tout m'en plairoic , une heure eft bien peu. Je dirai ici en paifant' que rien
n'eft. f� rare que de belles mains , tant pour le delfein que pour la couleur ; ainf� il eft bon de m�na- ger quand on le peut, l'amiti� de quelque femme qui fefafle un plai- �r de fervir de mod�le. Le moyea Niij "
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^94 Cours de Peinture
de les avoir eft d'en bien louer la beaut� 5 &. cependant fi vous trou- vez occafion de copier des mains d'apr�s Vandeik, ne la manquez pas. Itles a faites d'une d�licatefle furprenante oc d'tine couleur admi- rable. Pour copier avec profit les ma-
ni�res qui ont approch� le plus pr�s de la Nature, comme font celles de Titien 8c de Vandeik, il faut en copiant s'imaginer que leurs Ta- bleaux font la Nature 5 les regar- der d'un peu de loin dans cette in- tention , Se dire en foi-m�me : De quelle couleur, & de quelle teinte me fervirois-je pour un tel en- droit , puis s'approcher du Ta- bleau , & voir fi. on auroit bien ou mal rencontr� , �C fe faire enfuite comme une loi des chofes que nous aurions d�couvertes, Se que nous ne pratiquions auparavant qu'avec in- certitude. Mais je reviens au Portrait, Se je
croi qu'il eft � propos avant que de: |
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far Principe! icjf
mettre les couleurs ,d'obferver les
premiers momens qui font d'ord� naire tes plus agr�ables & les plus avantageux , & de les donner en garde � fa m�moire pour s'en fer.* vir fur la fin du travail j parce que le mod�le las d'avoir �t� long- tems dans la m�me place a �puL f� les efprits qui fo�tenoient ait commencement l'agr�ment des parties, & qui portoient au teint un) ��ng plus vif, &c une couleur plus fra�che. Enfin il faut joindre � la v�rit� la pof��biiit� vraifemblable & avantageufe, laquelle bien loin d'�ter la reflem'blance lui doit fer- vir d'ornement. Dans cette vue il eft � propos de commencer par ob- server le fond du teint, ce qu'il eft dans les clairs, & ce qu'il eft dans les ombres -, les ombres �tant bel- les � proportion des clairs : il faut' dis-je, obferver fi le teint eft tr�s- vif, s'il y a du jaune, & o� il efV plac� 5 parce qu'ordinairement fur la fin du travail l'ennui r�pand un |
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"t 96 Cours de Pe�nfitr�
jaune par tout, qui vous fait ou- blier ce qui en �toit color�, & ce qui ne l'�toit pas, � moins que vous; ne l'ayez bien obferv� auparavant.. C'en; pour cela que d�s que vous commencerez � travailler pour la f�conde fois, il faut promptemenc mettre des couleurs par-ci par-l�, telles que vous les voyez dans ces premiers momens qui font toujours les plus beaux. Le plus fur moyen pour j%er
des couleurs, c'eft la comparaifon 5 &pour juger du teint , rien n'eft meilleur que de le comparer avec du linge qui en fera voif�n, ou que l'on mettra aupr�s du naturels'il en eft befoin .� ce qui foit dit feulement pour ceux qui n'ont que- peu de pratique du naturel. Enfin votre Portrait �tant dans
l'�tat que vous �tes capable de la mettre par le jugement que vous aurez fait du naturel, & par l'imi- tation qui s'en voit fur votre toile^ il vousrefte encore une chofe � fai-- |
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far Principes, z 9 f
re, e'eft de mettre le Portrait au-
pr�s du mod�le , afin que dans une diftance raifonnable vous puiffiez juger d�finitivement par la corn- paraifon que vous en devez faire s'il ne manque rien pour l'enti�re perfection de votre ourage. X*a Politique,
Mais ce n'eft point affez de pren-
dre toutes les pr�cautions qui font r�uffir un Portrait &; qui 1-e ren- dent bon , il faut encore prendre celles qui le font croire tel. En France quelque merveilleux que foit un Portrait ,. s'il n'a effuy� la critique des femmes, & s'il n'a leur approbation,il eft de rebut 8c de- meure dans l'oubli $ parce que la complaifance qu'on a pour elles ,-. fait repeter comme un �cho,le juge- ment qu'elles en auront fait. En France les Dames font les maitref. fes ,. elles y d�cident fouveraine- ment , &;les bagatelles qui fonr- |
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z �> 8 Cours de Peinture
de leur go�t, d�tru�fenr les gran- des mani�res. Elles feroient capa- bles de pervertir Titien & Van- deik, s'ils �toient encore au mon- de, �c qu'ils fulTent contraints de travailler pour elles. Ainl� pour �viter les chagrins qui viennent de ces fortes de jugemens inconfide- r�s, il eit bon de mettre en ufage quelque forte de politique f�lon les gens Se les occasions. Il ne faut jamais faire voir fon
�bauche f� ce n'effc aux Peintres de fes amis porlr en apprendre leur fentiment. Il eft m�me fort � pro- pos de ne faire voir aucun ouvra- ge fini que dans f� bordure., & apr�s. avoir �t� verni. Il ne faut pas non plus en pre-
fence du mod�le demander le fen- timent des gens qui ne s'y connoif- fent pas : parce que regardant le mod�le d'une vue & le voyant d'une autre dans le Tableau, ils feront d'avis que l'on racommode les parties que leur imagination |
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far Principes'. �$*f)
leur repr�sente d�fe&ueuf�s. Vous
aurez beau vous efforcer de leur faire conno�tre vos raifons, com- me on n'aime pas ordinairement � fe d�dire & � faire croire par-l� qu'on eft capable de fe tromper ,.. vous ne les aurez jamais favorables C'eft pourquoi le meilleur eft de ne leur point donner occafion de d�cider , ou s'ils vous pr�viennent par leur fentiment, fervez-vous de quelque artifice pour �luder un long, ennuyeux, &; inutile raifon-- nement. Faites-leur croire , par exemple , ou que l'ouvrage n'eft pas achev� , ou qu'ils ont quelque raifon �c que vous y allez retou- cher, ou quelqurautre chofe fem- blable qui ait la vertu de les faire taire promptement. Vousfavez ce que Vafari dit de Michel-Ange en pareille rencontre. Le Pape ayant �t� dans l'Attelierde Michel-An- ge pour voir une Figure de Marbre qu'il lui avoit fait faire, Si ne s'y connoifl�nt pas autrement ,,de- |
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3>oo Cours de Peinture
manda tout bas � fon Ma�tre de- Chambre ce qu'il lui en.fembloit > lequel ayant r�pondu que le nez �toit trop gros , f�t dire auffi-t�t au Pape tout haut,Sc comme de lu'f- m�me,que le nez �toit trop gros. Michel-Ange , qui s'�toit apper- �u de l'affaire , dit au Pontife qu'il avoit raifon , &C qu'il alloit le racommoder en fa prefence : Et ayant pris un marteau d'une main & un cifeau avec de la poudre de marbre de l'autre, il femit �levanc fon ouvrage en a&ion de travail- ler , & apr�s avoir coign� en l'air fur fon cifeau, &c laifle tomber � mefure la poudre qu'il avoit amaf- f�e, il fe retourna, Se dit au Pape : Adejfi Santiff�mo Padre che gliene fare ? O Signor Michel-Angelo , ( s'�cria le Pape) gl� avete dato la ■vita. Apelles ne demandoit point d'avis, il fe tenoit, dit Pline, der- ri�re fa toile j & pour avoir trouv�: celui d'un Cordonnier raifonna- bte,; U avoir corrig� led�faut de ■la- |
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far Principes; 30fi
couroye , ce miferable Artifan en
devint fi fuperbe qu'il fe mit � rail- ler le Peintre d'une cuiffe. qu'il na trouvoit pas � fon gr� : ce qui ob- ligea Apelles de lui dire, d'un ton m�prifant , que le jugement du Cordonnier ne paffoit pas la fon- dale. Ainfi quand m�me ceux qui fe m�lent de juger vous parle- roient jufte fur le d�faut de quel- ques parties,, il bon d'en profiter adroitement fans trop les �couter^ ni leur biffer croire qu'ils ayenc raifon 5 car ils abuferoient de vo-i tre docilit� , oc les louanges que vous donneriez � leurs bons avis, vous en attireroient de mauvais �s de t�m�raires. Il faut en ceci beaucoup d'Aru
&: d'honn�tet� de la part du Pehu tr�, lequel doit faire grande diftin- clion des perfonnes qui lui parlent,, & qui lui difent leurs fentimensfurr (qs ouyrages. |
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3or. Cours de Peinture
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BV C O L ORTS. J'Ai fait imprimer autrefois un
dialogue lur le Coloris, o� j'ai t�ch� de faire voir fes pr�rogati- ves , & le rang qu'il devoit tenir parmi les autres parties de la Pein- ture. Mais comme les Trait�s qui regardent cet Art, & que je dor>- ne prefentement au Public , font �crits par principes, j'ai cru que je devois r�duire dans la m�me for- me celui du coloris ; afin que cette partie fln�cefl�ire � toutes les au- tres, s'accorde � faire un tout avec elles , & que le Lecteur en juge avec plus de facilit�. Plufieurs en parlant dePeinture,,
fe fervent indiff�remment des mots de Couleur , & de Colons r pour ne fignifier qu'une m�me chofe j & quoique pour l'ordinaire, ils ne' |
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far Principes.-. 305^
Ia�fTenrpas de fe faire entendre, j� eft bon n�anmoins de tirer ces deux; termes de la confufton , & d'ex- pliquer ce que l'on doit entendre par l'un 8c par l'autre. � �,a Couleur eft ce qui rend les objets feni�bles � la vue. Et le Coloris eft une des parties
eiTentielks del� Peinture , par la quelle le Peintre fait imiter les ap- parences des couleurs de tous les objets naturels , &: diftribuer aux objets artificiels la couleur qui leur eft la plus avantageufe pour trom- per la vue. Cette partie comprend l� con-
noifTance des couleurs particuli�- res , la f�mpathie �c l'antipathie qui fe trouvent entr'elles , la ma- ni�re de les employer, & l'intelli- gence du Clair-obfcur. Et comme il me paro�t que cet-
te m�mepartie.n'a �t�-que tr�s-peu ■: ou point du tout connue d'un; grand nombre des plus habiles Peintres des deux derniers ficel�s, L |
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3 04' Cours de Peinture
je crois �tre oblig� d'en donner autant que je le puis la v�ritable' id�e pour en fo�tenir le m�rite. * Il y en a encore qui confondent
l� couleur fimple avec la couleur locale ,. quoiqu'il y ait entr'elles une grande diff�rence: car la cou- leur f�mple cft celle qui toute feu- le ne reprefente aucun objet com- me le blanc pur , c'eft-�-dire, fans m�lange 5 le.noir pur- , le jaune pur , le rouge pur , le bleu , le verd & les autres couleurs dont le Peintre charge d'abord fa palette., & qui lui fervent enfuite � faire les m�langes dont il a befoin pour ar- river � une fid�le.imitation; Et la couleur locale eft celle qui
f»ar rapport au lieu qu'elle, occu- pe , & par le. fecours de quelque autre couleur reprefente un objet i�ngulier - comme une.carnation , un linge ,.une �toffe, ou quelque objet diftingu� des autres: Elle eil appell�e locale ; parce que le lieu qu'elle occupe l'exige telle.-, pour |
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par Principes. 3 o f
Jonner un plus grand caract�re de
v�rit� aux autres couleurs qui letue font voifines. Ceci foit dit par oc- cafion de la couleur fimple & de la couleur locale, je reprens le fiL de ma mati�re, &. je dis que , Le Peintre doit confiderer que
comme il y a deux fortes d'objets i le naturel ou celui qui eft vrai, & l'artificiel ou celui qui eft peint y il v aaullideux fortes de couleurs,. la naturelle & l'artificielle. La cou- leur naturelle eft celle qui nous rend actuellement vifib�es tous les objets qui font dans la Nature j fk. l'artificielle eft un m�lange judi- cieux que les Peintres compofenc des couleurs fimples qui font fur leur palette , pour imiter la cou- leur des objets naturels.. Le Peintre doit donc avoir une
parfaite connoifTance de. ces deux fortes de couleurs , de la naturel- le , afin qu'il f�che ce qu'il doit imi- ter, j &: de l'artificielle, pour en fai, te une composition &: une teinte. |
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3?o6 Cours de Peinture
capable de reprefenter parfaite-- ment la couleur naturelle, Il faut qu'il facile encore que la-
couleur naturelle comprend trois fortes de couleurs, i�. la couleur vraie de l'objet 5 x°. la couleur r�fl�chie 5 3 *'. la couleur de la lu- mi�re. Et quant aux couleurs arti- ficielles il en doit conno�tre la va- leur , la force, & la douceur f�pa- r�ment �c par compar�ifon , afin d'exag�rer par les unes, Si d'affoi- �klir par les autres, quand la com- pofkion du fuiet le demande de cette forte. C'eft pourquoi il faut faire r�-
flexion qu'un Tableau eft une fu- perficie plate , que les couleurs n'ont plus leur premi�re fra�cheur quelque rems apr�s qu'elles font employ�es 5 qu'enfin la diftance du Tableau lui'fait perdre de fon �clat & de fa vigueur $ qu'ainfi il eft impof��bledeluppl�er � ces trois chofes, fans l'artifice que la fcien- ce du coloris enfeigne 5 & qui eft �0a principal objet.. |
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fat Principes. 3 c 7'
Un habile Peintre ne doit point
�tre efclave de la Nature -y il eh* doit �tre arbitre & judicieux imi- tateur : �c pourvu qu'un Tableau- fafle fon effet, de qu'il impofe a- gr�ablement aux yeux 5 c'�ft tout ce qu'on en peut attendre � cet �gard, & c'�ft ce que le Peintre ne fauroit faire , s'il n�glige le colo- ris. Et comme il eft certain qu'un tout ne peut �tre parfait s'il lut' manque quelque partie , &: qu'un Peintre n'eft pas habile en fon Art, s'il ignore quelqu'une des parties qui le compofent, je bl�merai �ga- lement unPeintre pour avoir n�gli- g� le coloris , comme poun n'avoir pas difpof� fes figures auffi avanta- geufement qu'il lepouvoit faire , ou pour les avoir mal deffin�es. Cependant il n'y a point dans la
Peinture de partie o� la Nature foit toujours bonne � imiter telle que le hazard la prefente. Cette aia�trefl� des Arts nous conduit tiu |
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f o 8- Cours' de Peinture
f ement par le plus beau chemin , elle nous emp�che feulement de nous �garer. Il faut que le Peintre la choiih�� f�lon les r�gies de fon Art ; & s'il ne la trouve pas telle qu'il la cherche, il doit corriger celle qui lui eft prefent�e.Et de m�- me que celui qui def�ine n'imite pas tout ce qu'il voit dans un mod�le d�fectueux , & qu'au contraire il change en des proportions- conve- nables les d�fauts qu'il y trouve-5 de la m�me mani�re ,. le Peintre ne doit pas imiter toutes les cou- leurs qui s'offrent indiff�remment � fes yeux , il ne doit choif�r que celles qui lui conviennent : & s'il Je juge � propos , il y en ajoute d'autres qui puiffent produire un effet tel qu'il l'imagine pour la beaut� de fon ouvrage. Il fonge non-feulement � rendre fes objets chacun en particulier, beaux, na- turels ,, & vrais : mais- encore il a fbin. de L'union du tout enfembler |
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far Principe!. y®f
tant�t il diminue del� vivacit� du
naturel ; <k tant�t il ench�rit fur l'�clat ,& fur la force des couleurs qu'il y trouve ,_afin d'exprimer plus vivement & plus v�ritablement le caract�re de fon .objet fans l'al- t�rer. Il n'y a que les grands Pein- tres, & en tr�s-petit nombre , qui ayent p�n�tr� dans l'intelligence de cet artifice. Ainfijbjen loin que cette favante exag�ration �nerve la fid�lit� de l'imitation, au con- traire elle feft au Peintre pour jet- ter plus de v�rit� en ce qu'il imi- te d'a.pr�s Nature.» je prie le Lecteur en pafTant,
que dans cedjfcours �n parlant g�- n�ralement de la Peinture, du Def- iein ou du Coloris, j.l les fuppofe joujovir� dans toute leur perfection,, Ceux qui t�chent de donner a.tr
ieinte au coloris, djfent qu'on ne peut s'emp�cher d'accoder au De.� iein une correction dans les proT portions 9 une �l�gance dans les |
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3 � o "Cqws de Peinture
-contours , & une d�licateil� dans les expreff�ons ; �c que l'Ecole Ro- maine, qui �toit celle de Rapha�l, a toujours recherch� ces trois cho- ies avec avidit� , comme les pre- mi�res & les plus parfaites inten- tions de la Nature ; ne .fa�fanr d'ailleurs qu'un cas m�diocre du coloris; Qu'ainfi le Peintre nefau- ro�t mieux faire, que de regarder je DefTein, comme fon objet effen- ariel, 8de coloris comme un accef- foire. je r�pons premi�rement, que les
�premi�res intentions de la Nature ne font pas moins dans le coloris -que dans le DefTein, & que du re- lie il eft vrai que les trois qualit�s «|iie Ton vient d'attribuer au Def- iein, en rel�vent l'excellence ; ma�s il eft vrai auffi que lePeintre a com- menc� d'�tudier en Peinture par les acqu�rir } & il faut fuppofer qu'il les pofl�de dans la plus grande perfection qu'il eft poflible. Mais |
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par Principes* 3 y �
ce ne font point ces qualit�s qui constituent le Peintre ce qu'il eft. plies le commencent en attendant leur perfection du coloris par rap- port au tout qu'ils doivent corn- pofer enfemble. Dieu en cr�ant les corps a fourr
m une ample mati�re aux Cr�atu,. tes de le louer, & de le reconno�- tre pour leur Auteur : mais en les rendant color�s & ylfibles , il a donn� lieu aux Peintres de l'imi,- ter dans �. Toutepuii�ance , &C fde tirer comme du n�ant une f�- conde Nature qui n'avoit l'�tre que dans leur id�e. En effet, tout feroit confondu fur la Terre, & les corps 11e feroient fenf�bles que par le toucher , f� la diverf�t� des couleurs ne les a-voit distingu�s les uns des autres. Le Peintre qui eft un parfait imi,
�eteur de la Nature , pourvu de ^'habitude d'un excellent Deil�in, comme nous le fuppofons , doit $lonc �onfrderer la couleur comme |
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5 � -2. Cours ae Peinture
ion objet principal , puifqu'�l ne regarde cette m�me Nature que comme imitable > qu'elle ne lui e�t imitable, que parce qu'elle eft vi- fible , & qu'elle n'eft vifibl'e que parce qu'elle eft color�e. l\ me femble donc qu'on peut re-
garder le coloris comme la cliffe- rence de la Peinture .-,*§� le Del��in , comme fon genre. De la m�me fa- �on que la raifon eft la diff�rence de l'homme, parce qu'elle le con- ftitue dans fon �tre , qu'elle le diC tingue d'avec les autres animaux .4 & qu'elle le met au deflus d'eux. Carp�ifque les id�es des chofes ne doivent ferv-ir qu'� nous les ti- rer du cahos & de la confufion , il eft n�ceflaire de les concevoir par ce qu'elles ont de particulier Si. qui ne convient � aucune au- tre chofe. De concevoir le Peintre par fes inventions , c'eft n'en faire qu'un avec les Po�tes : de le con- cevoir par la perfpedive , comme ont �crit quelques-uns. c'eft ne le |
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far Principe$\ 313
«pas dift�nguer d'avec le Math�ma-
ticien 5 par les proportions & les mefures des corps, c'efl le confon- dre avec le Sculpteur & le G�o- m�tre. Ainfi quoique l'id�e parfai- te du Peintre dcpende du Dcf�ein & du coloris tout enfemble, il faut ;fe la former fp�cialement par le co- loris 5 d'autant que par cette diff�- rence qui le rend un parfait imita- teur de la Nature , on le d�m�le d'entre ceux qui n'ont que le Def- f�in pour objet, 8c dont l'Art ne peut arriver � cette parfaite imita- tion o� conduit la Peinture, 8c l'on ne peut concevoir qu'un Peintre. Parmi les Arts qui ont le De�Tein commun avec la Peinture, on peut nommer la Sculpture , l'Architec- ture , 8c la Gravure ;'& voici com- me elles fe d�finiflent. La Peinture eft unArt,qui fur une
fuperf�cie plate imite tous les ob- jets vi/�bles. Il y en a de pluf�eurs fortes, on la divife ordinairement en O
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$i^ Cours de Peinture
C � H Mofa�que.
� Fraiique ,
I � D�trempe,, fe�nture «( a Huile, Iau Paftel,
en Miniature, ^. de en Email. La Sculpture efl un Art, qui par
le moyen du DefTein &c de la ma- ti�re fol�de, imite les objets palpa- bles de la Nature. On divife cet Art ordinairement en c, , c de Ronde-boffe,
Sculpture^ de gas_relie�
L'ArcMte&ure efl un Art, qui
par le Deflein & par des propor- tions convenables , imite &: eon« ftruk toutes fortes d'�difices.On di- vife cet Art ordinairement en Archkedure^^f
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far Principes-» 3 15
La Gravure eft un Art, qui par
le moyen du Defl�in & de J'inc�- �m fur les mati�res dures , imite .les lumi�res & les ombres des ob- j ?ts vifibles. On divife cet Art or- dinairement en en Bois ,
, au Burin , a 1 hau-forte , &: � la mani�re Noire. La mani�re Noire invent�e de-
puis peu , eft ainfi appell�e $ par- ce qu'au lieu de pr�parer la plan- che en la polif��nt , on la pr�pa- re par une gravure fine , croi/ee dans tous les f�ns & uniforme, qui l'occupe enti�rement, en forte que fi on l'imprimoit apr�s fa pr�para- tion , on en tireroit une empreinte tr�s-forte , & �galement noire par tout. La gravure noire eft donc celle
qui au lieu de Burin ,pour former les traits & les ombresjlefert de bru- Oij
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3 r 6 Cours de Peinture
riifloir pour tirer les objets de l'dbfcur�t� en leur diftribuant peu- �-peu les lumi�res qui leur convien- nent. On laiife la libert�d'attnbuer�
la Sculpture ou � la Gravure le tra- vail qui eft fur les pierres fines ; n�anmoins on les appelle ordinai- rement , pierres grav�es. Ce qui me paro�t de plus vraifemblable , c'eft que les Auteurs de ces fortes d'ouvrages �toient Sculpteurs % Graveurs tout enfemble. Sans fe donner la peine de d�-
finir toutes ces diyifions, il eftaif� de voir que le DefTein qui eft leur genre , c'eft �-dire , qui eft com- mun entr'elles, eft d�termin� par une diff�rence particuli�re qui con- ftitue chaque Art dans fon efTence. La fin du Peintre Se du Sculp- teur eft bien l'imitation 3 mais ils y arrivent par d�fFerentes voies , le Sculpteur par une mati�re iolide en imitant la quantit� r�elle des objets 5 Se le Peintre en imitant |
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far Principes. 317
avec des couleurs la quantit� & li
qualit� apparente de tout ce qui eft vil�ble : en forte qu'il eft oblig� non-leulement de plaire aux ye:tx , mais encore de les tromper en tout ce qu'il reprefente. On obje&e ordinairement � ce-
la, que le Dei�ein eft le fondement du coloris, qu'il le foutient, que le coloris en d�pend, & qu'il ne d�- pend en rien du coloris : puifque le Dei�ein peut fubfifter fans le co- loris , 8c que le coloris ne peutfub- ftfter fans le Dei�ein , & par con- fequent que le Deffein, eft plus n�- ceil�ire , plus noble , �c enfin plus conf�derable que le coloris. Mais il eft aif� de faire voir que
cette objection ne conclut rien d'a- vantageux pour le Deffein au pr�- judice du coloris : au contraire on fait avoir par l� que le Deffein tout f�ul, comme on le fuppofe , n'eft le fondement du coloris, & ne fub- lifte avant lui que pour e.i recevoir fa perfeclionpar rapport � la Pein- Oiij
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3 �8 Cowrs de Peinture
ture, & il n'eftpas furprenant que ce qui re�oit ait fon �tre & fubij- fte avant ce qui doit �tre re�u. Il en eft ainh* de toutes les ma-
ti�res qui doivent �tre difpof�es avant que de recevoir leur perfe- ction des formes fubftantielles. Le corps del'homme,parexemple,doit �tre enti�rement form� 6c organif� avant que l'ame y fait re�ue, & c'eft avec cet ordre que Dieu fit le pre- mier homme.Il prit de la terre, il y mit toutes les difpofitionsn�ceffai- res.- puis il cr�a l'ame qu'il y infufa pour le perfectionner 6c pour en fai- re un homme. Ce corps ne d�pen- doit point de l'ame pour fubf�fter, puifqu'il �toit avant l'ame : cepen- dant il n'y a perfonnes qui voul�t foutenir que le corps f�t la partie de l'homme la plus noble 5c la plus confiderable 5 la Nature commen- ce toujours par les chofes les moins parfaites, �. l'Art qui en eft l'imi- tateur fuit la m�me r�gle.. D'abord le Peintre �bauche fon fujet par le |
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far Principes, $ i f
moyen du �efTeii�, 8c le finit en-
fuite par le coloris qui endettant le vrai fur les objets deifin�s, y jette- en m�me tems la perfection dont la Peinture eft: capable-.. A l'�gard d'�tre plus ou moins
neceilaire pour faire un tout, les parties efTentiell�s font �galement n�cef���res , il n'y a point d'homme fi l'aine n'efr. jointe"au corps, aui�� n'y a-t-il point de Peinture f� le co- loris n'eft joint au Deflein. Mais f� Ton regarde le DefTein
feparement &: comme un infini- ment dont on a befoin en toutes rencontres dans la plupart des Arts, on pourroit par l'utilit� qui en re- vient l'eftimer davantage que le co- loris 5 de l� m�me mani�re que l'on eftimeroit un gros diamant beaucoup plus qu'une plante, quoi- que la moindre de toutes les plan- tes foit plus noble & plus eftima- ble en elle-m�me, que toutes les pierres pr�cieufes enfemble. Comme tout le monde court � |
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3 2 o Cours dep-eintftre
l'utile, & que l'on envifage les cho- ies de ce c�t�.la , il ne faut pas s'�tonner fi le Deflein �tant plus d'ufage,8c par confequent plus utile dans le monde par les demonftra- tions dont on fe fert dans les Ma- th�matiques , & par les Defl�ins , qui quoique l�gers font conno�tre les penf�es des ouvrages que l'on propofe,, on l'eftime. davantage. Mais enrejettant le coloris,il
n'y a rien dans le Deflein que le Sculpteur ne puifle faire ; �c ces choies confider�es par rapport � un ouvrage de Peinture, demeure,, ront toujours imparfaites fans le fer- cours du colons , lequel met le Peintre audeflus du Sculpteur,6c fait que les objets peints avec in- telligence,reflemblent plus parfair tement aux v�ritables. On ne peut s'emp�cher n�an-
moins d'accorder au Deflein par,- fait , tel que nous le fuppofons, 6c que nous le voyons dans l'antique, pluf�eurs marques d'�l�vation qui |
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par Principes. 321
©nt partag� les curieux fur le choix
des Tableaux dont ils ont compo- f� leur Cabinet. En effet f�lon les fujets&les figures que les anciens Sculpteurs ont voulu repr�fenter, on remarque- dans les Sculpteurs antiques du terrible ou du gra- cieux , du fimpleou de l'id�al d'un grand cara&ere $ mais toujours du fublime, & de la vraifemblance. Toutes ces qualit�s jettent les es- prits dans un grand doute fur la pr�f�rence que l'on doit donner aux Tableaux qui font ou mieux deffin�s que colori�s.,ou mieux co- lori�s que deffin�s. Cependant ce que nous avons dit du coloris � l'�gard d'un ouvrage de Peinture, ne permet pas que nous pr�f�rions les Tableaux mieux deffin�s que colori�s, pourvu que dans ceux-ci le Deflein n'y foit point trop mal. La raifon de cela eft que le Def- fein fe trouve ailleurs que dans les Tableaux. ^ il fe rencontre dans les1 bonnes Eftampes , dsns les Sta- Ov
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3 2i Coups de Peinture
tues , & dans les bas-reliefs. Maf� une belle intelligence de couleurs ne fe trouve que dans un tr�s-petit, nombre de Tableaux. A.inf�fuppof� que je voulufFe fai-
re un Cabinet, j'y ferois entrer tou- tes fortes de Tableaux o�. je verrois de la beaut� dans quelque partie que ce foit : mais jeprefererois ceux du Titien aux autres, par la raiion queje viens de dire, &c le prix dont les curieux payent les ouvrages de ce Peintre favori fe tout-�^fait mon f�ntiment. Il eft vrai que quelques- uns fe fondent fur l'eftime que l'on a {>our les DefTeins en g�nerai, &, fur e grand nombre de perfonnes qui ayant regard� leDefTein par rap- port � fon utilit�, en ont pris quel- que habitude manuelle & beau- coup d'amour : ainf� pour fortir de cette difficult�, ilfaut favoir ce que l'on entend parle mot de DefTein. Par rapport � la Peinture,le mot de DefTein n'a que deux fignifica- tions.Premi�rement,l'on appelle |
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par Principes'. 3 2 3
Deffein la penf�e d'un Tableau la-
quelle le Peintre met fur du papier ou fur de la toile , pour juger de l'ouvrage qu'il m�dite ; & de cet- te mani�re l'on peut appeller du nom de Deffein non-feulement un efqui�Te, mais encore un ouvrage bien entendu de lumi�res 8c d'om- bres ,, ou m�me un petit Tableau bien colori�. C'eft de cette forte que Rubens faifoit prefque tous fes* Deffeins J & que la plupart de ceux du Titien qui font prefque tous � la plume ont �t� ex�cut�s. z°. L'on appelle Deffein les juftes me- sures y les porportions Se l�s con- tours que l'on peut dire imaginai- res des objets vifibles, qui n'ayant point de confiftence- que l'extr�- mit� m�me des corps, ref�dent v�- ritablement �c r�ellement dans l'�fi- prit :■& f� les Peintres les ont ren- dus fenf�bles de n�ceffit� indifpen- f�blepar des lignes qui en font la circonfcription, c'eft pour en ren- dre la demonftration fenf�ble � Ovj
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314 Cours de Peinture
leurs Elev�s, & afin de pratiquer1 pour eux-m�mes une mani�re com- mode qui les fafle arriver facile- ment � une extr�me correction. Cependant il elt vrai de dire que ces lignes n'ont point d'autre ufa-r ge que celui du ceintre dont fe fert l'Architecte quand il veut faire une Arcade : ies pierres �tant po, f�es fur fon ceintre, Scfon Arcade �tant conftruite,il rejette ce ceintre qui ne doit plus paro�tre non plus- que les lignes dont le Peintre s'eft fervi pour former fa figure., & c'eft de cette derni�re'forte que l'on doit concevoir le Deffein qui fait une des parties efTentielles de la Peinture, Mais lorfqu'on ajoute aux contours les lumi�res & les ombres, on ne le peut faire fans le fecours du blanc & du noir, qui font deux des principales couleurs dont le Peintre a coutume de (q fervir , & dont l'intelligence eft comprife fous celle du coloris. J'ai vu n�anmoins plui�eurs Pela* |
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far Principes. 325"
tre qui n'ont jamais voulu conve-
nir que la partie de la Peinture qu'on appelle Deflein ,.contienne feulement les proportions & les contours des objets vifibles : mais ils difent que cette partie eft enco- re cette f�conde forte de Deflein que je viens de d�finir ,.c'eft-� di- re, la penf�e d'un grand Tableau que l'on m�dite , foit que cette penf�e ne f�t qu'un l�ger crayon , ou bien qu'on la v�t exprim�e par le clair-obfcuri&: par toutes les cou- leurs qui doivent entrer dans le grand ouvrage dont ce DeiTein eft l'effai & le racourc�. J'ai cru que la meilleure r�pon*
fe que l'on pouvoir faire � ceux qui �toient dans cette opinion r �toit de leur dire, que pour lors le Deflein ne fer oit plus une des par- ties de la Peinture : mais qu'il en f�ro�t le tout,puifqu'il contiendroit non-feulement les lumi�res &: les ombres, mais aufl� le coloris, & Vin- wntion m�me : & pour lors ilfau- |
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3 2 G Cours d<r Peinture
droit toujours convenir de nou- veaux termes, & demander � ceux qui font de l'opinion que je viens de rapporter , comme ils vou-, droient que l'on appell�t la partie du Deifein laquelle trouve lesob- jets qui compofent une Hiftoire ;, & comment ils voudroient encore qu'on nomm�t cette autre partie' du-Deflein qui diftribue les cou- leurs r les lumi�res & les ombres. Ainfi, fans entrer ici dans une plus grande explication , il eft aif� de voir qu'il n'importe pas de quelle fa�on l'on.appelle les chofes, pour- vaque l'on s'entende , & que l'on convienne de leur nom. Il eft donc certain que fans fe met- tre dans l'embarras d� chercher " de nouveaux termes aufquels on �uroit de la peine � s'accoutumer, il vaut mieux s'en tenir � ceux dont on eft convenu depuis long-tems.- Cependant il n'eft pas raifonna- ble de parler ici fous fiience les .pr�- rogatives du DeiTein dont lesprin- |
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par Principes,.. 3 'rj:
cipales font : iQ. Qu'il fert � fai-
re beaucoup de chofes utiles tour feul, avant la jonction du coloris». Ce qui fait qu'une infinit� de per- sonnes fe contentent d'avoir quel- que habitude du DefTein fans fe ibucier du coloris. 2°. Qu'i 1 don- ne un go�t pour la connoiflance des Arts, & pour en faire juger du moins jufqu'� un certain point. Ce: qui oblige de regarder cette partie comme n�cefTaire � l'�ducation des. jeunes Gentilshommes � qui on donne ordinairement des Ma�tres � def�iner , comme on en donne pour �crire. 30. Que cette partie, qui en contient pluf�eurs autres conf�derables 3 comme la colinoif- fance des mufcles ext�rieurs ,, l�. perfpective, la po.fition des attitu- des, les expreffions des parlions de l?ame,pourroit �tre par cons�quent ' conf�d�r�e comme un tout r plu- t�t que c®mme une partie f�par��. On ne peut nier que toutes ces pr�rogatives neio�ent v�ritables &: |
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3*i S Cours de Peinture
d'un grand ufao-e : niais nous r<*- gardons ici le Deflein par rapport � l'Art de la Peinture , & comme tel , toutes les parties qu'il corn tient ont befoin du coloris pour fai- re un Tableau parfait dont il s'a- git prefentement. C'eft pourquoi nous ne regardons, pas. ici le Def- fein avec toutes les parties qu'il renferme, ni comme une partie fepar�e, ni comme un tout accom- �>li, mais comme le fondement 6c
� commencement de la Peinture. Nous avons dit cLdelfus, que le clair-obfcur qui n'effc autre cho- fe que l'intelligence des lumi�res 8c des ombres �toit compris dans l� coloris 5 6c cependant pluf�eurs Peintres n'en veulent pas conve- nir : car ils difent, que la raifon qu'on en donne efb,, que dans la Nature la lumi�re & le clair-ob- fcur font inf�parables l'un de l'au- tre. Ils ajoutent qu'on peut dire la m�me choie du Deflein -, parce que fans lumi�re l'�il nefauroit apper- |
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par Principes. 3-2.9
eevoir ni connoitre dans la Natu-
re les contours & les proportions des Figures. A quoi l'on peut r�- pondre , que les mains peuvent taire en cela l'office de. yeux, & qu'en touchant un corps iblide el- les jugent fi ce corps eft rond ou carr�, & s'il a. quelqu'autre for- me , telle qu'elle puiffe �tre ; donc H s'enfuit que fans la lumi�re l'on peut conno�tre dans la Nature les contours & les proportions des EL gures. A propos de cette queftion, je
rapporterai ici l'Hiftoire affez r�- cente d'un Sculpteur aveugle , qui faifoit des Portraits de cire fort refTemblans. Il vivoit dans le der- nier fiecle.-. Et voici ce que m'en a. racont� un homme digne de foi qui l'a connu en Italie, 8c qui a �t� t�moin de tout ce que vous allez entendre. L'Aveugle, me dit-il, dont vous
allez favoir l'Hiftoire , �toit de Camhafli dans la Tofcane , ho.m~ |
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$$� Cours de Peinture
me fort bien fait, & qui paroii�bk �g� d'environ cinquante ans. Il avoit beaucoup d'efprit &. de bon iens , aimant � parler ? & difant agr�ablement les chofes. Un jour entr'autres l'ayant rencontr� dans le Palais Juftinien o� il copioit une Statue de Minerve ,., je pris occa- sion de lui demander s'il ne voyoit pas un peu' pour copier auffi jufte qu'il faifoit. Je ne vois rien , me dit-il , &; mais yeux font au bout de mes doigts. Mais encore,, lui dis- je r comment eft-il poffible que ne voyant go�te vous faffiez de il bel- l�s chofes ? Je t�te, dit-il, mon ori- ginal , j'en examine les dimensions, les �minences 6c les cavit�s, je t�- che de les retenir dans ma m�moi- re , puis je porte-ma main fur ma cire, &c par la comparaifon que je fais de l'un &c de l'autre , portant & rapportant ainf� plufieurs fois la main, je termine le mieux que je puis mon ouvrage. En effet il n'y a aucune apparen-
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■par Principes 3'3".�?
ce qu'il eut le moindre ufage del�
vue ; puifque le Duc de Braciasc pour �prouver ce qui en �toit r fe� nt faire fonPortrait dans une CaVe. fort obfcure, & que ce Portrait fut trouv� tr�s-reflemblant.Mais quoi- que cet ouvrage f�t admir� de tous eeux quilevoyoient,onnelaifla pas d'objecter au Sculpteur que la bar- be du Duc �toit un grand avanta- ge pour le faire refTembler , & qu'il n'auroit pas cette m�me facilit� s'il lui falloit imiter un vifage fans barbe. H� bien, dit.il, qu'on m'en donne un autre. On lui propofa de faire le Portrait de l'une des De- moifelles de la DucherTe. Il l'en- treprit , & le fit tr�s-reffemblant. j'ai encore vu de la main de cet illuitre Aveugle, le Portrait du feu Roi d'Angleterre Charles Premier, & celui du Pape Urbain VIII. tous deux copi�s d'apr�s le marbre tr�s- finis & tr�s-refl�mblans. Ce qui lui faifoit de la pc�ie , ainfi qu'il IV- vouoit , �toit de reprefenter les. |
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j'3'■# Cours de Peinture
eheveux o� il ne trouvoit pas afTez de r�fiftance. Mais fans aller plus loin , nous
avons,� Paris un Portrait de fa main , Se c'eft celui de feu Mon- f�eur HerTelin, Maitre de la Cham- bre aux Deniers, lequel en fut fi content , &■■ trouva l'ouvrage fi merveilleux , qu'il pria l'Auteur de vouloir bien fe laii�er peindre pour emporter fon Portrait en France, & pour y conferver fa m�moire. La curiofit� que me donna le r�-
cit de cette Hiftoire, ne me permit pas de diff�rer plus long-tems � voir ce Portrair : & apr�s en avoir obferv� d'abord la phyfionomie, je m'apper�us que le Peintre lui avoit mis un �il � chaque bout de doigt pour faire voir que ceux qu'il avoit ailleurs lui �toient tout-�-fait in*, utiles. J'ai rapport� cette Hiftoire d'au-
tant plus volontiers que je l'ai trou- v�e digne de la curiofit� du Lec- teur. } &; propre � d�montrer la-prc- |
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■par Principes. 335
position dont il s'agiiloic ; /avoir
qu.e l'intelligence du -clair-obfcur etoic renferm�e dans le coloris. Il n'y a perfonne en effet qui
dans la plus grande obfcurir� ne {ente les contours d'un homme, ou d'une Statue , ,& ne juge^des �minences & des cavit�s ext�rieu- res en y portant feulement la ma�na au lieu qu'il effc impoffible devoir aucune couleur, ni d'en juger fans lumi�res. On voit par l'Hifloire de cet
Aveugle, que fon Art qui �toit tout dans le DeiTein,liu avoit donn� oc- caf�on de fatisfaire fon efprit , &; de fe confoleren quelque fa�on de la. perte qu'il avoit faite d'un fens a-uji pr�cieux qu'eft celui de la vues §t que s'il avoit �t�-Peintre,il auroit �t� priv� de cette confolation: & la rai�bn en eft^que la couleur & les lumi�res ne iont l'objet que de la vue, & que le Deffein, comme jg �gi dit, l'eft encore du toucher. |
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�334 'Cours de Teinture
J'aurois pvi rapporter encore �c�
l'exemple de plus fra�che date du .feu fleur Buret, l'un des plus habi- tes Sculpteurs de l'Acad�mie : car f�lon le t�moignage de quelques perfonnes dignes de foi, il devint Aveugle � l'�ge d'environ vingt- cinq. ans.,par une petite V�role qui lui ayant �t� enti�rement la vue , ne put lui �ter le plaifir de fe con- foler en lui laiffant la facult� de travailler, comme avoir fait l'A- veugle de Cambaffi. Ce ferait ici le lieu ou le Trai-
t� du -Cla�r-obfcur devroit �tre plac� -comme partie efTentielle du coloris .5 mais ce Trait� �tant de quelque �tendue, on a jug� � pro- pos de le mettre � la fin du Trai- t� du Coloris , & d'y renvoyer le Le6\eur,afin de lui laitier prendre uneid�e plus difKn&e de cette in- telligence des lumi�res & des om- bres. L'accord des couleurs & leur op-
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far Principes. 3 3 j
ipof�tion ne font pas moins n�cel-
iaires dans le coloris., que .l'union 0t la .aromatique dans la Musi- que. Cet accord Se cette opposition
des couleurs viennent de deux cau- ses , de leur qualit� fenfible Sk. ori- ginaire, .& de leur m�lange. Leurs qualit�s fenf�bles proc�dent de la participation qu'elles ont avec l'air , & avec la -terre. Celles qui �font a�riennes ont entf'elles une l�- g�ret� qui les rend aniies comme le blanc, le beau jaune, le bleu 9 la laque, le verd , & autres fera- blables couleurs dont on en fait tme infinit� qui peuvent toujours �tre en fimpathie. Et celles qui font terrefires ont
au contraire une pefanteur qui par Je m�lange abforbatla douceur �� la l�g�ret� des a�riennes. Il eli difficile de trouver la v�-
ritable raifon Phyfique , pourquoi une couleur e& a�rienne ou rerreC �re. Il ei} pourtant a�f� 4e �onclu- |
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336 Cours de Peinture
re que les couleurs lumineufes font
douces &c a�riennes , &. qu'en les m�lant enfemble elles s'accordent entr'elles �. mais il eft confiant aufli que certaines couleurs belles, dou- ces & lumineufes, bien loin de s'ac- corder ,fe d�truifent parle m�lan- ge ■ tel eft le bel outremer accom- pagn� de blanc, avec le beau jau- ne &. le beau vermillon. Et quoi- que ces couleurs feules aupr�s'l'une de l'autre foient d'un grand �clat, elles font lorfqu'elles font m�l�es, une couleur de terre la plus vilaine du monde. Del� on peut tirer cette confe-
quence , qu'une des plus grandes preuves de la iimpathie �c de l'an- tipathie qui eft entre les couleurs plac�es l'une aupr�s de l'autre, le tire de la troilftme couleur qui re- faite du m�lange des deux qui l'ont �ompof�e � car ft cette troifi�me couleur �ompof�e marque par l�' falet� la deftruftion des deux qui la convpoienT,'dl faut inf�rer que ces |
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par Principes. 285
deux couleurs font antipathiques ;
fi au contraire leur m�lange fait une teinte douce 6c agr�able, qui tienne de leur premi�re qualit�, c'eft une marque infaillible de leur harmonie. Le corps des couleurs eft encore
un autre principe pour juger de leur deftru&ion par le m�lange. Car il y a des couleurs qui ont tant de corps, qu'elles ne peuvent fouf. frir aucune autre couleur, fans la d�pouiller prefqu'entierement de Ces qualit�s naturelles : telles font l'occre de Rut, la terre-d'ombre, l'indigo , & d'autres � proportion. Mais quand l'Art & la raifon n'e-
x�geroienr pas les accords de cou- leurs, la Nature nous les montre, & y oblige prefque toujours ceux m�mes qui ne la copient que fer- vilement. Car foit que l'on confi- dere la lumi�re ou directe fur les jours, ou reflchie dans les ombres, elle ne peutfe communiquer qu'en communiquant fa couleur qui efl P
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3 3 8 Cours de Peinture
tant�t d'une fa�on �c tant�t d'une
autre. Nous en avons l'exp�rien- ce dans la lumi�re du Soleil, qui eft � midi bien diff�rente en quali- t� de ce qu'elle eft le foir ou le ma- tin -, �c la lune a tout de m�me une couleur particuli�re, auff�-bien que la lueur du feu ,ou celle d'un flam- beau. Avant que de quitter cet arti-
cle qui regarde l'harmonie dans le coloris, je dirai que les glacis font un tr�s-puiffant moyen pour arri- ver � cette fuavit� de couleurs fi. n�ceiTaire pour l'expref��on duV rai. Peu de gens les entendent : parce- que l'on n'en acqui�re ordinaire- ment la connoiflance, que par une longue exp�rience accompagn�e d'un bon jugement. Trop heureux celui qui en voyant les ouvrages des grands Ma�tres, a les talens de p�n�tration � cet �gard. Je dirai encore pour �nliruire les
amateurs de Peinture quitn?ont �oint de pratique en cet Ar , que |
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far Principes. 339
les glacis fe font avec des couleurs
tranfparentes ou diaphanes, & qui par confequent ont peu de corps, lefquellesfepaffent en frottant l�- g�rement avec une broife fur un ouvrage peint de couleurs plus claires que celles qu'on fait palTer par-def��s, pour leur donner une f uavit� qui les mette en harmonie avec d'autres qui leur font voifines. Apr�s avoir parl� de l'union des
couleurs , il eft bon de dire deux mots de leur opposition. Les cou- leurs font oppof�es entr'elles, ou dans leur qualit� naturelle^ com- me telle couleur Amplement ; ou en lumi�re �c ombre , comme fai- faut partie du Cla�r_obfcur. L'oppof�tion dans la qualit� des
couleurs s'appelle antipathie. Elle eft entre des couleurs qui voulant dominer l'une fur l'autre, fe detrui- fent par leur m�lange , comme l'outremer & le vermillon 3 &. la contrari�t� qui eft dans le Clair- obfcurn'eft qu'une flmple oppo�- |
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34-o Cours de Peinture
tion de la lumi�re � l'ombre ians
aucune deftru&ion.
Car encore qu'il n'y ait rien,
par exemple > qui paroifle plus op- pof� que le blanc &; le noir, dont l'un reprefente la lumi�re, & l'au- tre la privation de la lumi�re, ils confervent cependant dans leur m�lange une efpece d'amiti� qui n'eft fufceptible d'aucune deftruc, tion. Le blanc Se le noir �nfemble font un gris doux qui tient de l'une �c de l'autre couleur -,&c ce qui pa- ra�tra comme noir par oppofition au blanc tout pur, �emblera coni- meblanc, fi ortie met aupr�s d'un grand noir. L'on doit raifonner de la m�me
mani�re � l'�gard de toutes les au- tres couleurs, o� le plus ou le moins de lumi�re ne change rien � leur qualit�. Il eft confiant que cette union 6�
cette oppofition fe trouvent entre certaines couleurs : mais la difficuL t� d'en bien expliquer la c.aufe,fait |
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far Principes. 341
que je renvoie le Peintre ftudieux
� Tes propres exp�riences,^ aux fo- iides r�flexions qu'il doit faire fur les ouvrages les plus beaux en ce genre, �c qui font tr�s-rares, par- ce que les Tableaux harmonieux font en petit nombre : car depuis pr�s de 300 ans que la Peinture eft refTufcit�e , � peine peut-on compter fix Peintres qui ayent bien colori� 5 au lieu que l'on en comp- tera pour le moins 3 o. qui ont �t� tr�s-bons Deflinateurs. Et la raifon de cela eft que le DelTein a des r�- gles fond�es fur des proportions, fur l'Anatomie 6c fur une exp�rien- ce continuelle de la m�me chofe; au lieu que le coloris n'a point en- core de r�gles bien connues, & que l'exp�rience qu'on y fait �tant pref que toujours diff�rente � caufedes differens fujets que l'on traite , n'a pu encore en �tablir de bien pre- eifes. Ainf� je fuis perfuad� que le Titien a tir� plus de fecours de fa- longue & fttidieufe exp�rience avec |
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342- Cwr* de Pein mre
la grande folldit� de Ton jugement' , que d'aucune r�gle d�monftrauve qu'il e�t �tablie dans fon efpnt, pour lui fervir de fondement. Je ne diraipas la m�me chofe deRubensj celui-ci c�dera toujours au Titien pour les couleurs locales:mais pour les principes de l'harmonie , �leo avoit trouv� de folides qui le fai- fo�ent op�rer infailliblement pour l'effet & pour l'accord du Tout-en- iemble. .
Suppof� ce que je viens de dire
de Titien & de Rubens, ceux qui veulent devenir habiles dans le co- loris , ne fauroient mieux faire que de regarder les Tableaux de ces deux grands Ma�tres, comme au- tant de livres publics capables de les inftruire. Il n'y a qu'� bien exa- miner leurs ouvrages , les copier pendant quelque tems pour les bien comprendre, & faire deflus toutes les remarques qu'on croira necei- faires pour s'en faire des principes. Mais il eft vrai auf�i que toutes |
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,far Principes. 345
fortes de perfonnes ne font pas ca-
pables d'entendre tous les livres Se d'en profiter, il faut pour cela avoir l'efprit tourn� d'une mani�re � ne remarquer que ce qui eft remarqua- ble^ � p�n�trer les v�ritables eau- {es des effets que l'on admire dans les beaux ouvrages. Il y a des Peintres qui ont copi�
leT�tien durant beaucoup detems, qui l'ont examin� avec �oin,& qui ont fait deflus toutes les reflexions dont ils ont �t� capables : mais qui pour n'avoir pas fait celles qu'ils d�voient, ne l'ont jamais compris. Et c'eft pour cela que les copies qu'ils ont faites avec tout le loin poffible, & qu'ils croyoient dans une grande exactitude,font encore fort �loign�es de la conduite qui fe trouve dans les originaux. Quel- ques-uns des plus lia biles & tr�s-ca- pables de folides r�flexions les font copier, pour jouir de la vue de ces belles chofes,& pour en profiter, & cela eft tr�s-louable -.mais s'ils vou- P iiij
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344 Cours de Peinture
loient fe donner la peine d'en co- pier eux-m�mes du moins les plus beaux endroits , ils les penetre- roient tout autrement que par la fimple vue\ &. le profit qu'ils y cherchent en feroit fans comparai- fon plus grand. Il eft vrai que les originaux &
tous les Tableaux bien entendus de lumi�res & de couleurs font rares, & la difficult� de les avoir pour quelque tems eft aftez grande. Mais l'amour eft ing�nieux , & quand on aime v�ritablement on ne trouve rien de difficile. Enfin pour obtenir les bonnes gr�ces de la Peinture , le plus s�r moyen eft de les m�ri- ter par les foins, par le travail, & par les reflexions que demande cet Art 3 & par ces moyens on acqui�- re infailliblement l'intelligence &t la facilit�. Il eft conftant que l'on trouve peu de bons Tableaux � co- pier. Mais fi l'on ne peut avoir tou- jours des originaux , que l'on fe contente de belles copies, que l'on |
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far Principes. 345
en choififfe feulement les bons en
droits, & qu'on n�glige fi l'on veut- le relie, que l'on voie fouvent les Cabinets des Particuliers* : mais celui du Roi, & de Monfeigneur le Duc d'Orl�ans, toutes les fois que l'on pourra,- Nous avons encore la Gallerie du
Palais de Luxembourg qui eft un des plus beaux ouvrages de Ru- bens 5 & Rubens eft, ce me femble, celui de tous les Peintres qui a ren- du le chemin qui conduit au colo- ris plus facile & plus debarafle. L'ouvrage dont je parle eft la main fecourable qui peut tirer le Peintre du nauffrage o� il fe feroit inno- cemment engag�. J'ai toujours eftim� cet ouvrage
comme une des plus belles choies qui foient dans l'Europe, fi l'on en retranchoit en plufieurs endroits le go�t du Dc-fTein , dont il n'eft pas queftion prefentement. Je fai bien que tout le monde n'eft pas de mon fentiment fur les ouvrages de Ru- P v.
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346 Cours de Peinture
bens, & que d'un fort grand nom bre de Peintres & de curieux qui s'oppofcient de toutes leurs forces � mes fentimens, lorfque je d�ter- rai , ( fi je l'ofe dire ainf� ) le m�- rite de ce grand ho-mme qu�n'�roit regard� que comme un Peintre peu au deflfus du m�diocre. De ces gens, la, di-je , il en eft encore reft� qui fans diftin�tion des diff�rentes par- ties de la Peinture, c'eft-�-dire du coloris m�me , dont il s'agit ici , n'eftiment que la mani�re Romai- ne, le go�t du Pouffin�& l'Ecole des Caraches. Ceux donc qui font reft�s, com-
me je viens de dire, dans leurs m�- mes fentimens , objectent entr'- autre chofe, qu'on trouve peu de v�rit� dans les ouvrages deRubens, quand on les examine de pr�s, que les couleurs �c les lumi�res y font exag�r�es ; que ce n'eft qu'un fard, & qu'enfin ce n'eft point ainf� que l'on voit ordinairement la Nature. Il eft vrai que c'eft un fard ;mais
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par Principes* 34^
ri feroit � fouhaiter que les Ta-
. bleaux qu'on fait aujourd'hui, fui! fent tous fard�s de cette forte.L'on fait af��z que la peinture n'eft qu'un fard , qu'il eft de'Ton elTence de tromper , &; que le plus grand trompeur en cet Art, eft le plus grand Peintre. La Nature eft in- grate d'elle-m�me , & qui s'atta- cheroit � la copier i�mplemenc comme elle eft -Se fans artifice, fe- roit toujours quelque chofe de pau- vre & de tr�s-petit go�t. Ce que l'on nomme Exag�ration dans les couleurs $c dans les lumi�res, eft l'effet d'une profonde connoiflan- ce de la valeur des couleurs , & une admirable �nduftrie qui fait paro�tre les objets peints plus vrais ( s'il faut a�nf� dire ) que les v�ri- tables m�mes. C'eft dans ce fens que l'on peut dire que dans les Ta- bleaux de Rubens l'Art eft audef- fus de la Nature, laquelle femble en cette oceaf�on n'�tre que la co- pie des ouvrages de ce grand Pein- Pvj
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348 Cours de Peinture
tre :�c quand les chofes,apr�s avoir �t� bien examin�es, ne le trouve- roient pas juftes, comme on les , fuppofe, qu'importe apr�s tout , pourvu qu'elles le paroiffent -, puif- que la fin de la Peinture n'eft pas tant de convaincre l'efprit que de tromper les yeux. Cet artifice paro�tra toujours
merveilleux dans les grands ouvra- ges 3 car c'eft lui qui dans les dif- tances proportionn�es � la gran- deur des Tableaux ,fo�tientle ca- ract�re des objets particuliers & du Tout-enfemble ^ & fans lui, en s'�- loignant de l'ouvrage , l'ouvrage s'�loigne du vrai, & tombe dans l'inf�pidit� de la Peinture ordinai- re. C'eft dans ces grands ouvrages, o� l'on voit que Rubens a rendu cette favante exag�ration plus heu- reufe Se plus fenfible ; mais princi - paiement � ceux qui font capables d'y faire attention, & de l'exa- miner : car aux perfonnes qui ne s'y connoifTent que peu , rien n'�ft |
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far Principes. 349
plus cach� que cet artifice.
Celui qui de tous les Difciples
de ce rare homme a le plus profi- t� des inftructions de ion Ma�tre, a �t� Vandeik, &. l'on ne peut en parlant de Rubens fe difpenfer de Faire un cas particulier de cet illul- tre Difciple ; puifque s'il n'a~pas eu tant de g�nie que fon Ma�tre pour les grandes ex�cutions, il l'a �urpafT� en certaines finefles de l'Art, & il eft confiant qu'il a fait g�n�ralement parlant fes Portraits plus d�licats, fie d'une libert� de pinceau au deflus de tout ce qui s'eft fait en ce genre. Apr�s avoir expof� fincerement
ce que je penfe fur le coloris, & fur les parties qui en d�pendent , il me refte encore � r�pondre � ceux qui croient qu'on ne peut pofleder tout enfemble le DefTein & le colons, & la plus forte rai- fon qu'ils en donnent, c'eft, difent ils , qu'en s'attachant au coloris on n�glige le Deffein , & que les |
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■ 5 fo �$#r/ flV Peinture
charmes de celui-ci fa�c oublier la n�ceffit� de l'autre. A quoi il eft aile de r�pondre,.
que fi. cela arrive ainfi, ce n'eft pas la faute du coloris, ma�s de l'ef- pritquiatrop peu d'�tendue pour s'appliquer � deux choies en m�- me tems. Ce ne font pas de ces for- tes d'efprits que demande la Pein- ture 3 elle n'admet pour fes favoris que ceux qui font capables d'em- brai��rplufieurs objets,ou quifont fi bien tourn�s, qui de fa vent fi bien fe m�nager , qu'ils ne s'attachent qu'aux chofes qui doivent aug- menter par degr�s leur connoif. fance. Les nouvelles �tudes qu'ils entreprennent ne leur font point oublier celles qu'ils o-nt deja fai- tes 5 au contraire ils fortifient les unes par les autres, &c s'efforcent de les acqu�rir toutes, comme des moyens h�cefla�res pour arriver � leur fin. C'eft de ce cara6fcere qu'�- toit l'efprit de Rapha�l. L'ordre & la nettet� avec laquelle il con-. |
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far Principes. 5 j i
cevoit les chofes, ne lin ont jamais-
permis de rien oublier 5 il augmen- toic toujours fes connoif�ances, & fortifio�t lesnouvelleslum�eres qu'il acqueroit, par celles qu'il avoir d�- j� acquifes. Apr�s la connoifTanee des cou-
leurs , vient celle de leur emploi,. de leur m�nagement,^ de leur tra- vail -, Se dans l'exercice de ces trois chofes confifte la plus grande fatif- faclion du Peintre., Seneque en parfant de l'agr�-
ment de la Peinture , d�t , que le plaif�r qu'elle donne en peignant eft bien plus grand que celui que l'on re�oit de l'ouvrage , lorsqu'il eft enti�rement fini. Je fuis abfolu- ment de cet avis, parce qu'en tra- vaillant on manie � fon gr� les principes , &. les fecrets de l'Art % on leur commande ( pour ainf� di- re ) &C chacun les fait ob�ir f�lon l'�tendue de fa capacit� Se de fon g�nie j au lieu que l'ouvrage �tant fait, il commande � fon Auteur & |
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5 fl Cours de Peinture'
6 le contraint de fe contenter du
fucc�s en quelque �tat qu'il puiiTe �tre. Voici quelques maximes tou-
chant l'emploi des couleurs. Pline dit, que les Anciens pei-
gnoient avec quatre couleurs feu- lement , dont ils compofo�ent leurs teintes. Mais il eft � croire que ce n'�toit que pour pr�parer le fond, � recevoir les couleurs qui donnent la fra�cheur, la vigueur &. P�me � l'ouvrage. Il faut apprendre � bien voir la
Nature pour la bien reprefenter. Il y a deux mani�res de la colorier, la premi�re d�pend de l'habitude que ceux qui commencent � Pein- dre fe forment , & l'autre com- prend la v�ritable connoifl�nee des couleurs dont on fe fert , ce qu'elles valent l'une aupr�s de l'au- tre , �c le jufte temp�rament de leur m�lange pour imiter les di- verfes couleurs de la Nature. La m�moire de l'homme- eft
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far Principes. 353
fouvent born�e � un petit nombre did�es au de-l� desquelles il eft contraint de repeter. Le Peintre n'a qu'un moyen d'�viter l'ennui de la r�p�tition , c'eft d'avoir re- cours � la fource in�puisable de la Nature. Il eft m�me bon de pr�- venir l�-defTus les momens de fes befoins , & de faire d'apr�s le vrai des �tudes diff�rentes des objets naturels extraordinaires dans tous les genres de Peinture , & iur du papier huil� afin de s'en fervir dans �'occafion. L'harmonie de la Nature dans
fes couleurs, vient de ce que les objets participent les uns des au- tres par les reflets.Car il n'y a point de lumi�re qui ne frappe quelque corps, & il n'y a point de corps �clair� qui ne renvoie fa lumi�re &fa couleur en m�me tems, f�lon le degr� de la vivacit� de la lumi�- re , & la vari�t� de la couleur. Cette participation des reflets dans la lumi�re & dans la couleur, fait |
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3 j4 Cours de Peinture
cette union de la Nature , & cette harmonie que le Peintre doit imi- ter j d'o� il s'enluit que le blanc &C le noir font rarement bons dans les reflets. La vari�t� des teintes � peu pr�s
dans le m�me ton, employ�e fur une m�me figure, Scfouvent fur , une m�me partie avec mod�ration lie contribue pas peu � l'harmonie. Le tournant des parties �& les
contours qui fe perdent infenfible- ment dans leur fond , & qui s'y �vanouiffent avec prudence, lient les objets &, les tiennent dans l'u- nion principalement en ce qu'il femble conduire nos yeux au de- l� de ce qu'ils voient,. & les per- fuader qu'ils voient ce qu'ils ne voient pas; c'eft-�-dire,la continui- t� que l'extr�mit� leur cache. L'exag�ration des couleurs � la-
quelle le Peintre eft oblig� d'avoir recours � eaufe de la fuperf�cie de fon fond, de la diftance de fon ou- vrage , & du terns qui diminue |
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far Principes* 3 y 5
toutes chofes, doit �tre m�nag�e
de mani�re qu'elle ne fa (Te point; fortir l'objet de fon cara&ere. Il faut �riter autant qu'on le
peut de repeter la m�me couleur dans le m�me Tableau , mais on peut bien en approcher par princi- pe d'union & d'�l�gance. Il y en a un bel exemple dans leTableau des noces de Cana de Paul Veronefe, o�. l'on voit plufieurs blancs & plu- fieurs jaunes renferm�s harmonieu- fement.
L'�il fe lafl� des m�mes objets,
il aime la vari�t� bien entendue 5 & en toutes chofes la r�p�tition eit la m�re du d�go�t. En Peinture comme en autre ma-
ti�re , les chofes ne valent que par comparaifon. La pratique & l'ex- p�rience rendent favant en cette partie. Le m�lange de certaines cou-
leurs qui en diminue la force, ou qui les met en harmonie avec d'au- tres � leur donne le nom de couleurs |
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5 56 Cours de Peinture
rompues. On peut en faire une in- finit� de fortes : & Paul Veronefe s'y eft fi heureufement attach� , qu'il peut fervir d'un bon mod�le en cette partie. Il eft � remarquer que pour j
r�uffir, il a affe&� de le fervir de couleurs lumineufes qu'il a rendues fenfibles par des fonds encore plus lumineux. Il avoit beaucoup de go�t pour les �toffes travaill�es & d'une couleur douce ; &. fa plus grande d�penfe �toit pour en ache- ter , afin de les peindre d'apr�s le vrai. Il y a lieu de s'�tonner qu'avant
Rapha�l, Se m�me de fon tems , les Peintres fuffent fi jaloux de leurs contours,qu'ils n'avoient au- cun foin de les lier avec leur fond, Se qu'ils n'eufl�nt pas entendu par- ler de la mani�re dont les anciens Auteurs louent ces paftages fondus d'un objet � un autre. Il y a apparence en effet qu'ils
n'en avoient pas ou� parler, �c |
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far Principes, 3 j.7
qu'ils ne favoient rien de meilleur
que d'obferver leur r�gularit� dans h. pr�ciiion des contours , tant ii eft vrai qu'il y a des tems & des pa�s o� l'on rat aveuglemeJit les mani�- res qui s'y pratiquent, & o� les plus habiles gens entra�nent leurs .�lev�s.qui les regardent comme in- faillibles. D'o� il eft aif� de juger que cJeft an grand bonheur � ceux ;qui fe deftinent � la Peinture, que de tomber fous la difcipline d'un habile homme. Mais voici ce qui arrive pour l'ordinaire Apr�s que l'Etudiant s'eft acquis
dans le Deffein autant de capaci- t� qu'il eft n�ceflaire, & apr�s qu'il s'eft d�termin� � embraffer la profeffion de Peintre, il fe met or^ dinairement fous la difcipline d'un Ma�tre dont il fuit les fentimens , 6i dont il copie les ouvrages ^ d'o� il arrive infailliblement que dans la fuite fes yeux & fon efpric s'ac* co�tument tellement aux ouvra- ges de fon Ma�tre, qu'il voit tou� |
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3 5 S Cours de Peinture
le refte de fa vie la Nature color�e
comme fon Ma�tre s'eft accoutu- m� de la peindre. Mais ce qui eft d'extraordinaire, c'eft que fuppof� que le Ma�tre 6c l'Elev� voyent la Nature tr�s mal, c'eft-�-dire, d'u- ne autre couleur qu'elle n'eft en ef- fet , & qu'on leur prefente des Ta- bleaux du Titien ou de quelque au- tre bon colorifte, ils admireront les Tableaux & continueront ce- pendant d'employer les m�mes teintes &. le m�me coloris dont ils ont accoutum� de fe fervir , tant leur habitude a pr�valu , & tant il eft difficile de la quitter. Que peut-on conclure de l�, f�-
non qu'il faut que l'habitude leur ait g�t� les yeux, ou que le Peintre ne prenne pas allez de foin de fe corriger : mais un changement to- tal eft fort rare, parce qu'il eft cer- tain que d'un c�t� l'habitude cau- ie de l'alt�ration dans les organes, & que d'un c�t� il eft tr�s-diffici. le de changer une mani�re � la- |
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par Principes. 359
.quelle on eft accoutum� , &. o�
l'on trouve de la facilit� dans l'ex�cution , pour en prendre une autre dont Pacquif�tion couteroit beaucoup de peine. Que l'Elev� s'examine l�-defl�is , bc que fans perdre courage apr�s avoir recon- nu la bonne voie, il s'efforce de la fuivre. Par le peu de chofes que je viens
de dire touchant l'exercice actuel de la Peinture , j'avoue que j'en pafTe beaucoup fous filence qui re, gardent l'ex�cution &c la pratique j mais comme je n'ai appris ce que j'en pourrois communiquer qu'en examinant avec beaucoup de r�- flexion les ouvrages des grands Peintre, ,& fur-tout ceux de Titien & de Rubens ; & que fur- tout les Studieux de Peinture peuvent pui, fer � la m�me four�e ; je les ren- voi � ces deux Peintres, � Rubens premi�rement, parce que les prin- cipes en font plus fenf�bles & plus ail�s � p�n�trer ; puis � Titien qui |
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. ,go Cours �e Peinture
fcmble avoir encore parte la lime Le le Titien a fait ientir dans une
diftancel�gitime,plus de vente:& de pr�cifioa dans fes couleurs lo- �alePS,ayantlaiir��Rubensleta lent des grandes composions , &
rartifice^de faire entendre de plus loin l'harmonie de fon Tout-en.
iemble.
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fdr Principes. ~ySf
qp3P3P^pqpqp3P3Pqp^P3pq
BVCLA JR-0 BS CV R:
LA fcience des lumi�res & des
ombres qui conviennent � la Peinture, eft une des plus impor- tantes parties, & des plus eflentiel- les de cet Art. Nous ne voyons que par la lumi�re, & la lumi�re attire & attache plus ou moins fortement nos yeux , f�lon qu'elle frappe du verfement les objets de la Nature. Le Peintre qui eft imitateur de ces m�mes objets, doit donc conno�- tre & cho'ifir les effets avantageux de la lumi�re , pour ne pas perdre les foins qu'il aura pris d'ailleurs pour fe rendre habile. Cette partie de la Peinture con-
tient deux chof�s, l'incidence des lumi�res & des ombres particuli�- res , & l'intelligence des lumi�res &c des ombres g�n�rales s que l'on appelle ordinairement le Clair-ob- 0.
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3 6 ?, Cours de Peinture
fcur : 6c quoique f�lon la force des mots, ces deux chofes n'en paroif. fent qu'une feule j elles font n�an- moins fort diff�rentes f�lon les id�es qu'on s'eft accoutum� d'y attacher. L'incidence de la lumi�re con-
fifle � favoir l'ombre que doit fai- re 6c porter un corps fitu� fur un tel plan, 6c expof� � une lumi�re donn�e. ( Et c'effc une connoiffance que l'on acquiert facilement dans tous les livres de perfpe&ive auf- quels on peut avoir recours. ) Aini� par l'incidence des lumi�res l'on^n- tend les lumi�res 6c les ombres qui appartiennent aux objets particu- liers. Et par le mot de clair-obfcur , l'on entend l'Art de distribuer avantageufement les lumi�res 6c les ombres qui doivent fe trouver dans un Tableau, tant pour le repos 6: pour la fatisfaclion des yeux, que pour l'effet du tout-enfemble. L'incidence de la lumi�re fe d�-
montre par des lignes que l'on fup- |
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far Principes. y g.
pofe tir�es de la fource de la m�-
me lumi�re fur un corps qu'elle �claire. Elle force & n�ceffite le Peintre � lui ob�ir : au lieu que le clair-obfcur d�pend absolument de l'imagination du Peintre. Car celui qui invente les objets eft ma�- tre de les difpofer d'une mani�re � recevoir les lumi�res & les ombres telles qu'il les defire dans fon Ta- bleau , fk. d'y introduire Jes acci- dens &c les couleurs dont il pourra tirer de l'avantage. Enfin comme les lumi�res & les ombres particu- li�res font comprifes dans les lu- mi�res & dans les ombres g�n�ra- les, il faut regarder le clair-obfcur comme un tout, jfe l'incidence de la lumi�re particuli�re comme une partie que le clair-obfcur fuppofe. Mais pour une enti�re intelligen- ce du clair-obfcur , il eft bon de favoir que fous le mot de Clair, il faut entendre , non-feulement ce qui eft expof� fous une lumi�re dL |
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3 64. Cours de Peinture
re&e , mais auffi toutes les couleurs qui font lumineufes de leur Natu- re; &; par le mot �'Obfcur , il faut -entendre non-feulement toutes les ombres cauf�es directement par l'incidence , �� par la privation de la lumi�re ; mais encore toutes les couleurs qui font naturellement brunes^en forte quefousl'expofition de la lumi�re m�me , elles con- fervent de l'obfcurit�, �cfoient ca- pables de groupper avec les om- bres des autres objets. Tels font, par exemple , un velours charg�, une �toffe brune, un cheval noir, des armures polies , &: d'autres- chofes femblables qui confervent leur obfcurit� naturelle ou appa- rente � quelque lumi�re qu'on les expofe. Il y a encore � ob fer ver que le
clair-obfcur qui renferme $c qui fuppofe l'incidence de la lumi�re & de l'ombre, comme le tout ren- ferme fa partie, regarde cette m�- |
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par Principes. j �f
Me partie d'une mani�re qu� lui eft
particuli�re : car l'incidence de la lumi�re & de l'ombre ne tend qu'� marquer pr�cif�merft les parties �clair�es & les parties ombr�es ; & le clair-obfcur ajoute � cette pr��inon , l'Arc de rendre les ob- jets plus de relief, plus vrais & plus ienf�bles. J'ai d�montr� ailleurs cette propofition, je n'en r�p�te- rai point ici les preuves. Voil� la diff�rence qu'il y a entre le clair- obfcur & l'incidence de la lumi�- re. Reprenons maintenant l'id�e du premier ,,&difons que le clair- obfcur eft l'Art dediftribuer avan- tageusement les lumi�res &'les om- bres-, & furies objets particuliers & dans le g�nerai du Tableau. Mais quoique le clair-obfcur compren- ne la fcience de diftribuer toutes les lumi�res & toutes les ombres , il s'entend plus particuli�rement des grandes lumi�res & des gran- des ombres ramaiT�es avec une in- duilrie qui en cache l'artifice. Ceft |
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3 <>6 Cours de Peinture
dans ce fens que le Peintre s'en fert pour mettre les objets dans un beau jour , en donnant occaf�on � la vue de fe repofer d'efpace en efpace par une ingenieufe diftribu- tion d'objets, de couleurs, & d'ac- cidens. Trois moyens qui condui- fent � la pratique du clair-obfcur, comme je vais t�cher de le faire voir. PREMIER MOYEN.
Parla distribution des Objets.
La diftribution des objets for-
me des maries de clair-obfcur , lorfque par une induftrieufe ccco- nomie on les difpofe de mani�re que ce qu'ils ont de lumineux fe trouve joint enfemble d'un c�t� , &. que ce qu'ils ont d'obfcur fe trouve li� enfemble d'un autre c�- .t� , & que cet amas de lumi�res & d'ombres emp�che la difl�pati a de notre vue. C'eft ce que le Ti~ |
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par Principe s". 367
tien appelloic la grappe de raifm .�
parceque les grains de raifin fepa- r�s les uns des autres auroient cha- cun fa lumi�re & fon ombre' �ga- lement 5 & partageant ainf� la vue en plufieursrayons,lui cauferoient de la confufion : au lieu qu'�tant tous rafiembl�s en une grappe , �c ne faifant par ce moyen qu'une maffe de clair , &: qu'une mafTe d'ombre, les yeux les embrafTent comme un feul objet. Ce que je dis ici de la grappe de raifin ne doit pas �tre pris groffierement � la let- tre , ni f�lon l'arrangement, ni f�- lon la forme , c'eft une comparai- fon fenfible qui ne fignifie autre chofe que la jon&ion des clairs, & la jonction des ombres. SECOND MOYEN.
Par le corps des Couleurs.
La diftribution des couleurs con-
tribue aux mafl�s de clairs & aux QJHj
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3 6 $ Qours de Peinture
maffes d'ombres, fans que la lu- mi�re directe y contribue autre chofe que de rendre les obfcure vi- ables : cela d�pend de la fuppofi- tion que fait le Peintre qui eft li- bre d'introduire une figure habil. l�e de brun,qui demeurera obfcure malgr� la lumi�re dont elle peut - �tre frapp�e, & qui fera d'autant plus fon effet qu'elle en cachera, l'artifice. Ce que je dis d'une cou- leur peut s'entendre de toutes les autres coul'eurs f�lon le degr� de leur ton, & f�lon le befoin qu'en aura le Peintre. TROISIEME MOYEN,
Par les Accident.
�a diftribtitfon des Accidens peut
fervir � l'effet du clair-obfcur, ou dans la lumi�re , ou dans les om- bres. Il y a des lumi�res & des om- bres accidentelles : la lumi�re ac- cidentelle eft celle qui eft acceflbu |
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far Principes'. 369
fe au Tableau , & qui s'y trouve
par accident, comme la lumi�re de quelque fen�tre, ou d'un flairu. beau , ou de quelque autre caufe lumineufe , laquelle eft: pourtant inf�rieure � la lumi�re primitive. Les ombres accidentelles font, par exemple, celles des nu�es dans un. Pa�fage , ou de quelqu'autre corps que l'on fuppofe hors du Tableau, & qui peut caufer des ombres avan;- tageufes. Mais en fuppofant hors: du Tableau la caufe de ces ombres volantes, pour ainfi parler , il faut bien prendre garde que cette cau- fe fuppof�e foit vraifemblable,.6c non pas impoffible. Il me femble que ce font-l� trois
moyens dont on peut fe fervir pour mettre en pratique le clair-obfcur.i Mais en vain aurois-je parl� de ces moyens, fi je ne farfois conno�tre la n�ceffit� de la fin o� ils condui- sent , je veux dire la n�ceffit� du cla�r-obfcurdans la th�orie,^ dans- [a pratique de la Peinture. |
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1
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370 Cours de Peinture
Entre plusieurs raifons qui d�-
montrent cette n�ceffit� , j'en ai choifi quatre qui m'ont fembl� les plus eflentielles. La premi�re eft prife de la ne'-
teffit� du choix dans la Peinture. La 2 e. de la Nature du clair-
obfcur. La 3 e. de l'avantage qu'il pro-
cure aux autres parties de la Pein- ture. Et la 4e. de la conftitut�on g�-
n�rale de tous les �tres. Premi�re Preuve,
Prife ne la n�cejj�t� au Choix.
Le Peintre ne Ce contente pas or-
dinairement de la Nature telle que le hazard la lui prefente, il fait que par rapport �. l'uf�ge qu'il en veut faire, elle efl prefque toujours d�fe&ueufe, & que pour la r�dui- re dans un �tat parfait, il doit re- courir � fon Art qui lui enfeigne les |
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par Principes. 371
moyens de la bien choifir dans tous
fes effets vifibles. Or la lumi�re & l'ombre ne font pas moins un effet vifible de la Nature que les con- tours du corps humain, que les attitudes, que les plis des drape- ries , & que tout ce qui entre dans la composition d'un Tableau : tou- tes ces chofes demandent un choix, &c par confequent la lumi�re en demande un auffi : ce choix de la lumi�re n'en; autre chofe que l'ar- tifice du clair-obfcur : l'artifice du clair - obfcur eft donc une partie abfolument n�ceffaire dans la Pein- ture. Seconde Preuve, ]
Tir�e de de la Mature du Claire
obfcur. Les fens ont cela de commun ?
qu'ils ont de la r�pugnance pour tout ce qui trouble leur attention. |
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3 7� Cours de Peinture
Ce n'eft point afTez que les yeux jmiflent voir, il faut qu'ils embraf- fent leur objet avec fatisfa&ion , 6c que le Peintre �loigne tout ce qui peut leur faire de la peine. Il eft certain que les yeux ne peuvent �tre contens lorfque voulant fe porter fur un objet, ils en font d�- tourn�s par d'autres objets voif�ns que leurs jours �c leurs ombres par- ticuli�res rendent auffi fenfibles que cet objet m�me : mais il n'eft pas moins certain qu'il n'y a que l'intelligence du clair-obfcur qui puille procurer � la vue la jouiffan- ce paifible de fon objet : car, com- me nous avons dit, c'eft le clair- obfcur qui emp�che la multiplici- t� des angles , Se la diffipation des yeux par le moyen des Grouppes de lumi�res & d'ombres dont il donne l'intelligence. Ainl�le clair- obfcur eft d'une extr�me confe- quence dans la Peinture. |
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far Principes. 373'
Tbloisie'me Preuve*
jPrife de l'avantage que les autres:
parties de la Peinture tirent
du Clair-obfcur..
Il eft n�ceflaire de bien pofer les
figures, de les d�grader , de bien- jetter une draperie, d'exprimer les parlions de l'ame , en un mot de donner le caract�re � chaque objet par un Deffein jufte & �l�gant, & par une couleur locale vraie 6c na- turelle : mars il n'eft pas moins n�- cef��irede fo�tenir toutes ces par- ties , 6c de les mettre dans un beau jour , en les rendant plus capables d'attirer les yeux, 6c de les tromper agr�ablement par la force 6c par le repos que l'intelligence des lu- mi�res g�n�rales introduit dans un Tableau : ce qui prouve l'avanta- ge que les parties de la Peinture en re�oivent, & qui �tablit par con- s�quent la. n�ceffit�. du clair-ob- fcur«. |
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3 74 Cours de Peinture
Qjj atrieme Preuve,
Voici encore une preuve qui fer-
vira � fortifier celles que l'on vient de propofer , elle jeft tir�e de la conftitution g�n�rale de tous les Etres. Il eft confiant que tous les Etres
du monde tendent � l'imit� , ou par relation, ou par compofition, ou par harmonie, & cela dans les chofes humaines comme dans les divines ; dans la Religion comme dans la politique ; dans l'Art com- me dans la Nature 5 dans les facul- t�s de l'ame comme dans les or- ganes du corps. Dieu efb Un par l'excellence de fa Nature j le Mon, de efl Un � la morale rapporte tour � la Religion qui eft Une, comme la politique rapporte tout au gou- vernement d'un Etat. La Nature Hniverfelle conferve dans toutes fes productions une unit� qui refulte de plu�eurs membres dans les amU |
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far Principes. 3 7 j
maux , &: de plufieurs parties dans
les plantes 5 &: l'Art fe fert de plu- sieurs pr�ceptes d�fferens dont il fait un feul ouvrage. Les diff�ren- tes conditions des hommes fervent pour le commerce, & pour la fo- ciet�, comme les diff�rentes roues d'une machine fe raffemblent &- agiffent pour un principal mouve- ment. Les facult�s de l'ame ne font occup�es dans un m�me moment que d'une feule chofe pour la bieo faire, Se les organes du corps ne peuvent bien jouir dans un m�me tems que d'un feul objet : que fi on leur en prefente plufieurs � la fois,. ils ne s'attacheront � aucun, & cet- te multiplicit� les partagera,&leur �tera enti�rement la libert� de leur fonction. Si dans un difcours public deux ou trois perfonnes parlent en m�me tems du m�me ton & del� m�me force , l'oreille ne faura au- quel entendre, & ne fera frapp�e que d'un bruit confus. De la m�- me mani�re fi l'on prefente � la |
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37^ Cours ie Teinture
vue plusieurs objets fepar�s & �ga- lement fenfuSles^il efl certain que' l'�il ne pouvant ramafTer tous ces objets enfemble , aura dans fa divi- fion de la peine � fe d�terminer. Ainfi,, comme dans un Tableau il doit y avoir unit� de fujet pour les yeux de l'efprit, il doit pareille- ment y avoit unit� d'objet pour les yeux du corps. Il n'y a que l'intelli- gence du clair-obfcur qui puifTe procurer cette unit� , ni qui puifle faire jouir la vue paifiblement Si agr�ablement de fon objet. Quand je parle de l'unit� d'ob-
jet dans un Tableau, c'eft par rap- port � l'efpace que l'�il peut rai- fonnablement embrafler fans �tre diftrait par pluf�euf s ob j ets fepar es : ee qui fe trouve ordinairement dans un petit nombre de ligures ; car il y a des Tableaux affez grands &C & affez charg�s d'ouvrage pour contenir jufqu'� trois Grouppes de elair-obfcur. Alors les lumi�res 8C fcs ombres- de chaque'Grouppe; |
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far Principes. fff
�tant fuffi fa ni ment �tendues, attL
rent les yeux &. les arr�tent queL- que terns, en leur laiflant n�an- moins la libert� de paf�er d'un; Grouppe � un autre,, Mais ces Grouppes d'objets ��
de clair-obfcur dans un m�me Ta- bleau ,font tellement des unit�s t qu'il y en doit avoir un qui domi- ne fur les autres. C'eft par cette raifonque le Peintre eft oblig� d'y faire entrer , autant qu'il fe peut, les principales figures de fon lujet* AinficettefubordinationdeGroup- pes fait encore une unit� qu'on appelle le Tout-enfemble. Il faut n�anmoins remarquer que ces Grouppes ne doivent �tre, ni trop arrang�s, ni affed�s, ni confus, ni pareils dans leur forme : car il im- porte peu � la vue que les mafl�s de clair-obfcur foient en figure: convexe ou en figure concave , ou de quelque autre mani�re qu'on, veuille les reprefenter. On doit feulement obferves
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3 7 $ Cours de Peinture
qu'encore que dans les grands ou- vrages il faille ri�cellfairement que les m�iTes de clair & les mafl�s d'ombres Te pr�tent les unes aux autres un mutuel fecours T cepen- dant il ne faut pas que les malles d'ombres contribuent l� fort � fai- re repofer la vue , qu'elles la laif- fent dans une enti�re inaction en faveur des malles claires. Le Peintre doit en cela imiter
l'Orateur , qui voulant nous atta- cher � un endroit qu'il a refolu de nous rendre fenf�ble, fait pr�c�der cet endroit par quelque chofe qui lui eft inf�rieure, de apr�s avoir at- tach� fon auditeur � l'objet, ce m�me Orateur le delafle en l'entre- tenant de quelque chofe de mode- r� , fans le laifTer n�anmoins fortir de fon attention. Tout de m�me le Peintre fait
briller dans fon Tableau fes clairs, 8clesfoutientpardesmafTesbrunes, qui en repofant les yeux ne la�fTent pas de les entretenir par des objets moins fenliblesi. |
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par Principes, 37^
L'on peut m�me introduire quel-
quefois , mais avec beaucoup de prudence , quelques objets fingu- liers, bruns dans les maiTes claires, de quelques objets clairs dans les malles brunes, ou pour en reveiller le trop grand filence, ou pour d�- tacher quelques figures , ou pour ne laifTer aucune affe&ation dans l'ouvrage. Enfin il me paro�t qu'il eft a propos que le tout fe rencon- tre dans une heureufe difpofition comme il le hazard en avoit ainfl ordonn�. J'avoue pourtant qu'il n'eft pas
;donn� � tous les Peintres de cacher de cette mani�re l'artifice du clair- obfcur,& de l'ex�cuter avec indu- fine. C'eftune partie qui demande d'autant plus de reflexion & de de- licatefTe, qu'elle trouve une nou- velle difficult� dans chaque nou- veau fujet. Elle veut de ces g�nies qui fe font ouverture par tout, 6c qui favent fortir heureufement de toutes-leurs entreprifes. |
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| Bo Cours de Peinture
On pourrait ajouter ici pour ut!
lurcro�c de preuve de la force & de la n�ceffit� du clair-obfcur , les louanges que les Peintres donnent tous les jours aux ouvrages o� cet- te partie fe fait fentir, & aux Pein- tres qui l'ont poifedee. En effet qui fera r�flexion fur le*
avantages que toutes les parties de la Peinture tirent de celle-ci , avouera qu'un ouvrage de Peintuu re d�nu� de clair-oblcur,demeure- ra foible & infipide quelque cor- rect qu'en foit leDd��in, & quel- que fid�les qu'en foient les cou- leurs locales & particuli�res. Au lieu qu'un Tableau o� le Def�ein &les couleurs locales font m�dio.. cres, mais qui font fbutenues par l'artifice du clarr-obfcur, ne lailTe- ra point pafler tranquilement fon Speclateur, il l'appellera , il l'ar- r�tera du moins quelque tems, eut- il m�me de l'indiff�rence pour la Peinture. Que ne fera-ce point, f� avec le clair-obfcur les autres par- |
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far Principes. 381
ties s'y rencontrent dans un louable
degr� de perfe�ion,,& que l'ouvra- ge tombe Tous les yeux d'un curieux �clair� , ou d'un amateur fenilble ? J'ai cr� qu'il ne feroit pas hors de propos de donner ici les princL. pales d�monftrations de l'effet du, clairrpbfcur, pour remettre le Le- jcteur au fait de tout ce qui en a �t� dit. La premi�re figure prouve l'uni-
t� d'objet, comme nous l'avons d�s ja fait voir dans le Trait� de la Dif. poi�tion. Il y a de plus ici une d�r monftration des objets qui entrent dans le Tableau, & qui font en ptr- (pe.6live.Les uns &c les autres objets diminuent �galement de force en s'�loiVnant du centre de Javifitfn, Toute la diff�rence qui eft entre eux,c'eft que les objets qui rentrene diminuent de grandeur en s'�loi- gnant du centre de la vif�on , f�lon les r�gles de la perfpective 5 §� quf ceux qui s'�tendent feulement � droit & � gau�lie, s'effacent pas |
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3 S % Cours de Peinture
l'�loignement, fans diminuer de forme ni de grandeur. La f�conde fait voir comme on
doit traiter un objet particulier, pour lui donner du relief, qui eft., d'employer fur le devant les lumi�- res les plus vives & les ombres les plus fortes, f�lon les couleurs qui conviennent � cet objet, en con- fervant toujours les reflets fur les �ournans du c�t� de l'ombre. La troifi�me eft pour pouver la
n�ceffit� des Grouppes pour la fa- tisfa&ion des yeux , qui �toit la grande r�gle du Titien, & qui doit l'�tre encore aujourd'hui pour ceux qui voudront obferver dans leur Tableau, cette unit� d'objet qui avec les couleurs bien entendues, en fait toute l'harmonie, La quatri�me eft une conviction
de la n�ceffit� «d'obferver l'unit� d'objet, en formant des Group- pes dans la compof�tion des Ta- bleaux , f�lon leur grandeur , & le nombre des figures ; car , |
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p«?
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Clair obscur � ans un seul objet
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Fie-»■ i�M�z-
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Clair olscur dans <i>n grojtppe 3 'objets
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Clair obscur dispersent par cons�quent sans effet
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&* Jlecktfcrt se
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far Principes, 3 13
comme nous avons dit, pour plai-
re � l'�il, il faut le fixer par un Grouppe dominant , qui par le moyen des repos que �aufe l'�ten- due de (es lumi�res & de fes om- bres , n'emp�che pas l'effet des au» tr�s Grouppes, ou objets fubor- donn�s : car fi les objets font dif- perf�t, l'�il ne fait auquel s'adreC 1er d'abord, non plus que l'oreil- le au difcours de plufieurs perfon- nes qui pai'leroient toutes � la fois. On pourroit ajouter beaucoup d'autres chofes � ce que je viens de dire des lumi�res & des ombres, cette mati�re �tant fufceptible d'un plus grand d�tail. Je me fuis content� de donner ici, f�lon mon iens j l'id�e du clair-obfcur , de faire voir en g�nerai les differens moyens de le pratiquer, &: de prou- ver fon abfolue n�cejfit� dans 1g Peinture. Ceux qui voudront en lavoir
davantage,peuvent voir ce que j'en ai �crit dans le Commentaire 4$ |
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3 S 4 Cours de Peinture
Po�me de du Frenoi fur le 267. vers,6c les 7. ou 8. feuillets faivans, & que je n'ai pas cru devoir rap- porter ici, y en ayant expof� la principale fubftance. Les Sculpteurs auffi bien que les
Peintres, peuvent mettre en prati- que l'artifice du clair-obfcur,quand ils en ont occanon , ou qu'ils fe la procurent par la difpofit�on de leurs figures, ou par le lieu o� doit �tre plac� leur ouvrage. LeCava» i�erBerninenalaine des monumens & la pofterit� dans quelques Egli- fes de Rome, dans lefquelles il a difpof�fa Sculpture f�lon la lumi�- re des fen�tres qui d�voient l'�clai-* #er. Ou bien il a perc� des fen�tres d'une ouverture avantageufe quand il en a eu la libert� , afin d'en tirer des lumi�res qui fiffent un effet ex- traordinaire $C capable d'entre - tenir l'attention de fon Spe&ateur, ^dais le Sculpteur habile peut enco- re faire quelque �hofe de plus, en ajoutant au clajr-obfeur des cou- leurs |
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far Principes 3 g y
leurs locales,s'il en a l'intelligence.
On en peut voir un merveilleu* exemple chez Monsieur le Hay , rue de Grenelle faubourg S. Ger- main. Ces ouvrages font dans deux caifles, dont l'une contient le fujec d'une defcente de Croix , & l'au- tre l'Adoration des Pafteurs. La profonde fcience &c la Singuli�re beaut� dont ces deux fujets font ex�cut�s , m'ont perfuad� que le Public feroit bien aife d'�tre pr�- venu de leur defcription ; & quoi- que je l'aie faite avec toute l'exa- ctitude qui m'ait �t� poffible, je ne doute pas que les curieux ne la trouvent fort �loign�e du fubl'me o� l'Abb� Zumbo, qui en eft Au- teur , l'a port� dans toutes les par- ties de fon Art. Ce feroit ici le lieu de dire quel-
que chofe de la vie de cet homme illuftre : mais j'ai cr� qu'il �toic plus � propos de la referver pour la f�conde �dition que l'on va faire de l'Abr�g� de la vie des Peintres |
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3 S 6 Cours de Peinture
que j'ai mis au jour. Je me conten- terai donc de donner dans ce Vo- lume la deicription des fculptures dont je viens de parler : on l'a pla- c�e fur la fin du Livre pour n� point interrompre l'ordre des trai- t�s qui font la mati�re ei�entiell� de cet ouvrage. |
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par Principes. 387
M%&Si5iX$l$� &&5i�i3i3iStSiM
*�>3 &** H�* �*? t*�' KW : *g#«&? ?*3 .gcgj. f.^. sssg.
I> l'Ordre qu'il faut tenir dam
l'Etude de la Peinture. LA plupart des habiles Pein-
tres ont pris beaucoup de foin, & ont confum� plufieurs ann�es � la recherche des connoifl�nces qu'ils auroient pu acqu�rir en peu de tems, s'ils en euflent trouv� d'a- bord la v�ritable voie. Cette v�ri- t� que l'exp�rience a fait fentir dans tous les �ges, regarde fur-tout la jeunefTe. C'eft-elle principale- ment qui dans l'avidit� d'appren- dre , a befoin des lumi�res qui lui faflent voir par ordre les progr�s qu elle doiteiperer pour arriver in- failliblement au but qu'elle fe pro- pofe. L'on peut conf�derer la Peinture
comme un beau parterre 5 le G�nie comme le fond, les Principes com-. Ki}
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'388 Cours de Peinture
me les femences, & le bon �fprit comme le Jardinier qui pr�pare la terre pour y jetter les femences dans leurs faifons, & pour en faire na�tre toutes fortes de fleurs qui ne regardent pas moins l'utilit� que l'agr�ment. Il eft certain que le g�nie � qui
nous devons la naifl�nce des beaux Arts , ne fauroit les conduire � leur perfe&ion fans lefecours de la culture -y que cette culture eft im- pratiquable fans la direction du ju- gement ; &que le jugement ne fau- roit rien faire fans la poileffion des vrais principes, Il Faut donc fuppofer le g�nie
dans toutes nos entreprifes , autre- ment on ne fait que languir dans l'ex�cution. 11 eft vrai que les fie- cles ne font pas �gaux dans la pro- duction des grands g�nies, �c que l'Art s'afroibiit faute d-habiles gens s Mais le manque de grands g�nies ne doit point emp�cher que l'on ne cultive ceux qui fe rencon- |
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1 far Principes; 389
trent dans tous les tenis quels qu'ils
puiffent �tre. La terre rend � pro- portion de fon fond, & de la fe- mence qu'on y jette ; de m�me le g�nie produira toujours en le culti- vant , fuivant le degr� de fon �l�- vation &. de fon �tendue i les uns plus, les autres moins. Ainf� le g�nie a plufieurs degr�s,
�c la Nature en donne aux uns pour une chofe , & aux autres pour une autre 5 non-feulement dans la di- verfit� des profeffions, mais encore dans les diff�rentes parties d'un m�me Art ou d'une m�me fcience. Dans la Peinture , par exemple, l'un aura du g�nie pour le Portrait, ou pour le Pa�fage , pour les ani- maux , ou pour les fleurs : mais comme toutes ces parties fe trou- vent raffembl�es dans le g�nie pro- pre � traiter l'hiftoire, il eft certain que ce g�nie doit pr�rider � tous les genres particuliers de la Peintu- re , d'autant plus que fi ceux qui les exercent y r�umffent mieux que les R ii1
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390 Cours d* Peinture
autres, c'eft ordinairement parce qu'ils s'y font occup�s davantage 5 & qu'ayant fenti le talent qu'ils avoient pour cette partie , ils l'ont embrafiee avec plaii�r , �c ont eu plus d'occafions de l'examiner, 6c de le pratiquer : ce qui foit dit fans faire tort au g�nie de ceux qui l'ayant aflez �tendu pour r�uffir dans l'hiftoire, fe font adonn�s par occafion ou par go�t � un genre de Peinture plut�t qu'� un autre. Car la Peinture doit �tre regar-
d�e comme un long p�lerinage, o�. l'otf voit dans le cours du voyage pluf�eurs chofes capables d'entre- tenir agr�ablement notre efprit pour quelque tems. On y confidere les diff�rentes parties de cet Art , on s'y arr�te en faifant fon chemin, comme un voyageur s'arr�te dans les lieux de repos qui font fur fa route : mais fi nous fixons notre de- meure dans l'un de ces lieux , par- ce que nous y aurons trouv� des beaut�s f�lon notre go�t x ou. des |
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par Principes. $ 9 � �
occafions f�lon notre int�r�t, Se
que nous nous contentions de voir de loin , ou d'attendre feulement parler du lieu o�. nous voulions nous rendre , nous demeurerons toujours � l'h�tellerie ,&nous n'a- ch�verons jamais notre voyage. C'eft ce qui arrive infail liblement
� ceux qui tendent � la Peinture comme � leur fin, & qui en paflant par l'�tude des parties qu'elle ren- ferme^ font arr�t�s parles charmes qu'ils auront trouv�s dans quel- ques-unes, fans faire r�flexion que l'accompl�iTement de la Peinture ne refuite que de la perfection, & de l'affemblage de toutes les par- ties qui la compofent. La queftion eft donc de cultiver ce g�nie qui doit y pr�fider. Je le demande tout entier, uniquement attach� � ce qui le regarde, �vitant les diffi- pations capables de le retarder 4 & libre de toute affaire. Mais quelque difpofition qu'ait
un Elev� pour �treinftruit , il fe Rmj
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392 Cours de Peinture
peut faire que le Ma�tre ne foit pas difpof� pour i'inftruire ^ parce que l'apparence d'un jufteint�r�t pour- roit le retenir dans l'apprehenfion de perdre en peu de jours le fruit d'une longue exp�rience en com- muniquant les lumi�res , &. d'�tre par ce moyen ou furpafle , ou du moins �gal� par fcn Elev�. Cependant, d'enterrer fes con-
noiifances avec foi, fans vouloir fai- re d'Elev�, eft une chofe qui n'eft, ni naturelle, ni Chr�tienne, ni po- litique j elle n'eft point naturelle , car le propre de la Nature eft de fe reproduire elle-m�me -, elle n'eft point Chr�tienne 3 puifqu'il eft de la charit� d'enleigner les ignorans, je veux dire ces fortes d'ignorans � qui Dieu a donn� des talens pour apprendre 3 elle n'eft point non plus politique , parceque la r�pu- tation des Ma�tres fe r�pand tk. fe conferve par celle des Difciples, qui tranfmettent � la pofterit� la gloire de ceux qui les ont inftruits. |
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far Principes. 3 93
Ma�s fuppof� que parmi les ha-
biles Peintres ,les plus jeunes ayent les raifons d'int�r�t dont j'ai parl�, & qu'on trouv�t ces raifons fuffifan- tes pour les difpenfer de communi- quer leurs lumi�res & leurs fecrets � des Elev�s ; on ne peut du moins excufer les plus avanc�s en �ge, ni ceux qui ont une r�putation �ta- blie j parce que n'y ayant rien � rif- quer pour eux , ils ne peuvent at- tendre de leurs bonnes intentions qu'une pleine fatisfa&ion d'eux- m�mes , &c des louanges de tous les autres. Il ne s'agit plus que de trouver
des moyens qui applaniflent les dif- ficult�s , qui abr�gent le tems, & qui conduifent les Elev�s dans la voie de perfectionner eux-m�mes leur go�t, & leur g�nie. Je fai bien que les habiles Pein-
tres ( je parle de tous en g�nerai ) je fai bien, dis-je, que les habiles gens peuvent avoir tenu diff�rentes voies dans leurs �tudes 3 & qu'ils Rv
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394 Cours de Peinture
peuvent par confequent conduire leursDifciples chacun par diff�rent chemins qui meneroient aune m�- me fin. Je fai bien auffi qu'il s'en pourroit rencontrer , qui apr�s avoir �tudi� fans ordre, 8c confu- m� inutilement plufieurs ann�es � la recherche de la bonne voie, ne l'ont trouv�e que fort tard ^ & en- fin qui apr�s s'�tre inftruits �c def- abuf�s eux-m�mes,feroient tr�s ca- pables de marquer � la Jeunefle la meilleure voie pour s'avancer dans leurs �tudes. Mais l'�tonnement o� je fuis des longues ann�es qu'on emploie ordinairement dans l'�tu- de de cette profeffion, m'a donn� la libert� de dire ici ce que je penfe des �tudes de la Peinture, & de l'ordre que je fouhaiterois qu'on y obferv�t. Je ne fixerai point ici l'�ge auquel
on doit commencer � travailler pour acqu�rir cet Art, P^ce qu'en toutes fortes de profemons, le g�- nie &c l'appl�cationfont la moiti�,de l'ouvra?; e. |
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far Principes. 5 yf
Cependant les jeunes gens que
l'on deftine � la Peinture, ne fau- roient fe mettre trop t�t � deffi- ner , parceque leur g�nie venant � fe d�clarer en pratiquant,on les laif- fe continuer s'ils en ont $ ou fi l'on d�couvre qu'ils n'en ayent point> on les emploie � des chftfes auf- quelles on les croit plus propres. Ma�s en cas que leur inclination les aorte � continuer du c�t� del� Peinture -, il faut avoir foin pen- dant ces premiers exercices de leur Deflein, qu'ils apprennent � bien lire & � bien �crire ; afin qu'ils �vitent la trop grande indiff�rence que la plupart des hommes ont pour la lecture , faute de fe l'�tre rendue famili�re dans leur jeuneffe. Et comme c'eft un fecours dont les Peintres ont grand befoin dans leur profeffion , il eft bon qu'on leur donne � lire dans les commen- cemens des livres agr�ables 8c pro- portionn�s � leur �ge pour les met- tre en go�t de lecture. Et dans la Rvj
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3 9 6 Cours de Peinture
fuite , � mefure que Pefprit Te for- me , rien n'apprend � bien penfer comme les bons livres. Du refte � quelque �ge que l'on
commence la Peinture, chacun y avance plus ou moins f�lon le de- gr� de ion g�nie. Il y en a qui f� ientent^attir�s par leur g�nie , &c qui le fui vent : d'autres en font en- tra�n�s par violence. Il y en a peu de ces derniers 3 6c ces g�nies ra- res , quand il s'en trouve , font ca- pables de faire en peu de tems de tr�s-grands progr�s , & il n'y a point d'�ge d�termin� pour eux. Mais comme nous devons former ici un plan d'�tude , choififfons pour commencer le tems de la premi�re jeunefTe, comme on fait ordinairement pour conduire un jeune �lev�. Nous apprenons de Pline que
lorfqu'Alexandre le Grand donna � la Peinture la premi�re place par- mi les Arts lib�raux, il ordonna en m�me tems que les jeunes gens de |
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far Principes. 3 577
.condition apprendroient � deffi-
ner avant toutes chofes. Alexan- dre ne pouvoit avoir en cela d'au- tre vue que de former le go�t de les principaux fujets,par les difpof�- tions que le DefTein met dans l'ef- prit. En effet le premier fruit du Dell
fein eft la juftefle qu'il met dans les yeux de ceux qui deffinent, �c fon premier ufage eft de faire di- stinguer en g�n�ral le caract�re des objets, & enfuited'imprimer dans Teiprit les principes du bon qui fe trouve dans les beaux Arts : & en- fin le go�t s'�tant form� par un progr�s de ces m�mes principes , il eft bien plus capable de juger des ouvrages de l'Art, 6c de ceux de la Nature. Alexandre qui ne vou�oit pas
faire des Peintres de tous ces gens de condition , les faifoit n�an- moins commencer de bonne heure � deffiner -y parce qu'il vouloit que le DefTein leur ferv�t � juger dans |
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3 y 8 Cours de Peinture
�e cours de la vie , de tous les ob- jets que l'occaflon leur prefente- roit. Les Peintres , & les Sculpteurs
ont d'autant plus de fujet de fuivre cette loi d'Alexandre dans l'em- ploi des premiers tems de leur jeu- n�fle, que le Deflein ne doit pas feulement leur fervir � dire leur avis fur les ouvrages, mais � faire ceux dont on doit juger. La premi�re chofe que l'on do�c
confiderer dans l'acquifition d'un Art que l'on veut exercer toute fa vie, c'eft de bien partager fon tems, & de donner � chaque �tude celui qui lui eft le plus propre. Dans les premiers tems de la jeunefle , par exemple, o� la ra�fon eft encore foible, &: les r�flexions hors de fa�- fon, il faut fe pr�valoir de la mo- lefle du cerveau,&; de la puret� des organes qui font fufceptibles des impreffions, &.des habitudes qu'on voudra leur faire prendre. Cela fuppoi� y il n'y a que deux
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f ar Principes. 3 5 f
exercices qui conviennent aux gens.
de la premi�re jeunefTe. L'un eft d'accoutumer leurs yeux � la ju- fleffe, c'eft-�-dire � rapporter fi- d�lement fur leur papier les di- menfions de l'objet qu'ils copient -y & l'autre , c'eft d'accoutumer leur main au man�ment du crayon 8c de la plume, jufqu'� ce qu'on aie acquis la facilit� n�cef���re, la- quelle par la pratique s'acquiert infailliblement. La jufteffe des yeux & la faci-
lit� dans la main, font les deux portes qui donnent entr�e aux d�- monstrations des parties qui con- duifent � l'enti�re connoifiance du Deflein. Il eft donc de la derni�re con-
fequence aux jeunes gens , pour bien commencer la Peinture, �c pour y avancer � grands pas , de ne point quitter ces deux premiers exercices qu'ils n'en ayent une grande habitude. Et {i cet article importe beau-
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400 Cours de Peinture
coup aux Etudians, il en: encore d'une plus grande confequence � l'Acad�mie ; car pour peu qu'elle veuille r�fl�chir fur fon avance- ment , & m�me fur le foin de fe maintenir, elle regardera comme une chofe n�ceflfaire de ne recevoir perfonne pour Ecolier qui n'ait une luffifante pratique de def�iner d'a- pr�s les DefTeins , 8c d'apr�s les Bofles, c'eft-�-dire une fuffifante juflef�� dans les yeux, & une fuffi- fante libert� dans le man�mentdu crayon , 6c cela au jugement des Officiers en exercice. La raifon de mon fentiment en
ceci eil, que les Ecoliers ayant �t� re�us trop jeunes & trop ignorans dans l'�cole de l'Acad�mie , ils y paf��nt beaucoup de tems fans go�t & fans difcernement, & enfin fans faire deprogr�s remarquables dans leurs �tudes pr�tendues. Cepenl dant apr�s quelques ann�es, comp- tant plut�t fur le tems qu'ils ont pafle dans l'Ecole de l'Acad�mie |
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fat Principes, 401
que fur le progr�s qu'ils y ont fait,
ils fe prefentent t�m�rairement pour concourir aux prix dont ils font tout-�-fait indignes. D'o� il arrive eniuite que ceux qui pr�ten- dent aux prix dePeinture,�tant des branches del� m�me fouche d'i- gnorance , produifent les m�mes fruits, ou mauvais ou infipides. Le premier ufage que les jeunes
gens doivent faire de ces habitu- des, c'en: d'apprendre la G�om�- trie , parce qu'�tant prefentement queftion de refl�chir & de raison- ner pour toutes les parties de la Peinture , defquelles il faut'avoir une enti�re connoiflance , &. la G�om�trie apprenant � raifonner &� inf�rer une chofe d'une autre, elle nous tiendra lieu de Logique, & nous tirera de nos doutes. Comme la perfpeclive fuppofe
la G�om�trie qui en eft le fonde- ment , il eft naturel d'en placer ici l'�tude, & de s'y attacher d'autant |
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4o i Cours de Peinture
plus fortement que le Peintre e'fi tire un fervice dont il lui eft imp�t lible de fe paffer , quelque ouvra- ge qu'il veuille entreprendre. Je fuppofe ici que le jeune Etu-
diant ait contract� l'habitude de copier facilement toutes fortes de Defleins,&de de��iner toutes for- tes de Tableaux. Cette habitude n�anmoins ne peut entrer dans cel- le du DefTein que comme une dif- pofition n�cefTaire pour l'acqu�rir. Les chofes �tant ainf�, le jeune
Etudiant doit regarder l'imitation de la belle Nature comme fon but , & doit t�cher de conno�tre les caract�res ext�rieurs des for- mes qu'elle produit. A�nf� pour commencer par le Chef-d'�uvre des productions de la Nature, qui* eft l'homme, le jeune Etudiant doit s'inftru�re de FAnatomie , & des proportions } parce que ces deux parties font le fondement du DefTein. |
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far Principes. 401
L'�natomie �tablit la foliaire
du corps , �c les proportions en forment la beaut�. Les propor- tions font redevables � PAnatomie de la v�rit� de fes contours , Se PAnatomie doit aux proportions l'exacte r�gularit� de la Nature dans fa premi�re intention. Enfin. PAnatomie, & les proportions fe pr�tent un mutuel fecours pour r�- duire le DefTein dans une folide & parfaite correction. Quelque liaifon que ces deux
parties femblent avoir entr'elles , il paro�t n�anmoins que le mieux eft de commencer par PAnatomie y �>arce que PAnatomie eft la fille de
a Nature , & la proportion la fil- le de PArt, &: que fila proportion vient du bon choix , le bon choix tire fon origine de la Nature. Mais apr�s PAnatomie fuit l'�-
tude des proportions.ily a des pro- portions g�n�rales que l'on doit premi�rement bien lavoir , c'eft- a-dire celles qui conviennent ge- |
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404 Cours de Peintur�
neral�ment � chaque partie pou? en faire un tout accompli. Il faut favoir , par exemple , comment une t�te doit �tre conftruite , un pied, une main , 5c enfin tout le corps pour former un homme par- fait. Mais comme la Nature eft dif-
f�rente dans fes ouvrages, il faut examiner ce qu'elle peut faire de plus beau dans les differens cara- ct�res qui fe rencontrent dans la, vie des hommes, � caufe de la d�- verf�t� des �ges, des pais Se des prof�rions. Il eft vrai que la Nature nous
offre l'abondance de fa vari�t� qui eft infinie : mais comme fes richef. {es ne font pas fans m�lange, il eft mieux de recourir d'abord � l'An- tique qui nous fait part du choix exquis qu'il a fait avec une con- noif�ance profonde pour tous les �tats de la vie. Puifqu'il eft confiant que les fi-
gures antiques renferment non feu- |
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par Principes. 40 j
lement tout ce qu'il y a de plus
beau dans les proportions j mais qu'elles font encore la fource des gr�ces ,de l'�l�gance, & des ex- preffions : c'eft une �tude d'autant plus n�c�fTaire qu'elle conduit au chemin de la belle v�rit�. Il faut s'y exercer fans avoir �gard au tems qu'elle exige pour la bien pof- feder : car puifque l'Antique eft la r�gle de la beaut� , il la faut def- fmer jufqu'� s'en former une jufte & forte id�e, qui ferve � bien voir la Nature , & � la ramener dans fes premi�res intentions, d'o�, elle s?�carte a�Tez fouvent. Comme le plus bel exemple que
nous ayons dans cette conduite, eft celle qu'a tenue Rapha�l dans fes ouvrages, il eft bon de les def- finer en m�me tems , afin qu'il nous ferve de guide dans l'heureux m�lange qu'il a fait de l'Antique & de la Nature. Il eft bon auffi de remarquer en
paflant que 4ans l'antique il y a |
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40 e Cours de Peinture
un go�t g�nerai r�pandu fur tous les ouvrages de ces tems-la, &c un go�t particulier qui caraclerife chaque figure f�lon fon �ge , 6c fa qualit�. Ceft au jeune Etudiant � faire l�-deffus les r�flexions en terns & lieu , f�lon la p�n�tration de fon jugement. Suppoi� que l'on ait fait les �tu-
des dont je viens de parler avec le tems 6c l'application qu'elles de- mandent , on doit les confiderer comme des degr�s qui �l�vent l'ef. prit � la connoiffance du naturel, tel qu'il eft , 6c tel qu'il doit �tre. Nous jugeons par ces premi�res �tudes des d�fauts que le hazard a mis dans un mod�le , �c des per- fections qui lui manquent ^ ainfx nous voyons au travers de nos id�es, ce qu'il faut ajouter ou di- minuer au naturel pour le rendre 4ans l'�tat que nous le def�rons. Ceft donc ici le lieu , o� Ton
doit placer l'�tude du Mod�le � laquelle il faut joindre celle de |
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par Principes, 407
Contrafte , & de la Pond�ration
qui compofent toutes deux enfem- t>le celle des Attitudes. Comme il eft n�ceflaire en po-
sant un mod�le de chercher une attitude qui dans fon contrafte foit naturelle, & fafte voir de bel- les parties : il eft de la m�me ne- �iffit� de lui donner du relief & de la rondeur. Mais comme le re- lief .& la rondeur d'un objet par- ticulier ne fuffit pas dans l'aflem-, frlage de plufieurs figures, & qu'il fautpour �afatisfa&ion des yeux, & pour l'effet du tout-en(emble,qu'ii y ait une intelligence de lumi�res ,& d'ombres, qu'on appelle le clair- obfcur, on ne peut fe difpenfer d'en acqu�rir la connoiflance. Cette intelligence demande une
attention particuli�re, & l'onze» doit avoir une habitude d'autant plus forte , que Je clair-obfcur eft �un des principaux fondemens �§ la peinture, que fon �ffet app�llg |
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^.oS "Cours de Peinture
le Spec"tateur,qu'il fo�tient la com- pofition du Tableau, 6c que fans lui tout le foin qu'on auroit pris pour les objets particuliers, feroit une peine perdue. Quand on a une fois bien con�u
cette partie de la Peinture , il eft bon pour lui faire prendre de pro- fondes racines dans l'efprit,de voir avec reflexion les eftampes des Ma�tres qui ont le mieux entendu les lumi�res5cles ombres, & d'en p�n�trer l'intelligence. Il n'eft pas feulement � propos de
voir ces eftampes particuli�res pour fe confirmer dans la connoif- fance du clair-obfcur : mais la vue des belles eftampes en g�n�ral, �c des DeiTeins des grands Ma�tres, <?ft tr�s-utile encore pour nous in- ftruire de la mani�re dont les plus habiles Peintres ont tourn� leurs penf�es 3 dans leurs compo(Irions en g�n�ral, & dans leurs figures en particulier, Les
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par Principes. 4»^
Les bonnes �ftampes, aufl� bien que les bons Defleins , font encore tr�s capables d'�chauffer notre g�- nie , & de l'exciter � produire quel- que chofe de iemblable. Chaque objet s'exprime par des traits dif- ferens pour faire fentir Ton caract�- re j �c quand on a deffin� d'apr�s les bons Ma�tres, on s'apper�oit afl�z que ces touches Spirituelles & que ces differens traits font l'ame des Defleins ; on fe les imprime dans l'efprit, & l'on acquiert par l� beaucoup plus de difpof�tion & de facilit� � remarquer clans la Na. tnre la mani�re dont on peut ex- primer le cara&ere de chaque ob- jet. Le jeune �tudiant doit donc faire fon pofl�ble pour nourrir fe$ yeux par la vue de ces belles chofes. Mais pour les imprimer forte- ment dans la m�moire, & pour les faire entrer bien avant dans fon ef- prit, ileftbon d'en copier, & d'en extraire le plus beau , Se nous r�- gler en cela f�lon les cjhofes qui «S
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%��> Cours de Peinture
nous manquent, &: dont nous avons le plus de befoin, ou vers leiqueL les nous nous Tentons attir�s par notre g�nie. C'eft dans cette occar i�ono�. des amis �clair�s, & fince- res, qui fouvent connoiffent mieux que nous-m�mes nos foibles & nos penchans , pourro�ent nous aider ,de leurs lumi�res, s'ils �toient con- fuites. Jufqu'ici la Peinture , & la Sculp-
ture fe font donn� la main ^ parce que je fuppofe que le Sculpteur s'effc exerc� � deffiner fur le papier � comme je defire ici que le Peintre pour fon utilit� propre apprenne a modeler. Il faut prefentement que chacu-
ne marche de fon c�t� pour arri- ver heureufement � leur fin, qui eft l'imitation de la Nature par diffe- rens moyens 3 la Sculpture par le relief de la mati�re, & la Peinture par les couleurs fur une fuperficie plate. C'eft de celle-ci que j'ai en- core � parler pour achever de la |
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far Principes. 41 f
conduire � la fin de fa carri�re. L'ordre que j'ai indiqu� jufqu'�c�
n'a relation qu'� l'�tude du Def- fein , &: ce qui nie refte � dire re- garde principalement le coloris. Pluf�eurs Peintres font d'avis que
■dans l'�tude du Deffein on m�le celle du coloris 3 parce que, difent- 11s , plusieurs bons Dei�inateurs , pour avoir go�t� trop long-tems les charmes du Deffein , en ont tellement rempli leur efprit, que le coloris n'y a pu trouver de pla- ce 3 ou qu'�tant trop avanc�s dans la partie du Deffein , ils fe rebu- toient facilement de la partique du coloris qui leur faifo�t <ie la peine. Ainfi ils retourno�ent au plaifir que leur donno�t l'habitude du Deffein qu'ils avoient contract�e 3 parce <m'on fait volontiers ce qu'on fa�t facilement. Il efb certain que ces r�flexions
ne font pas fans fondement, & que pour ssaccomoder � la foibleffe des Sommes qui font prefque tout par S �j
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4i * Csurs de Teinture
habitude , on pourroit permettra dans le cours du DefTein, & par in- tervalle , le man�ment du pinceau 6c de la couleur aux Etudians, afin que s'y �tant accoutum�s de bon7 ne heure ils n'y troavafTent plus que du plaifir. Mais fi l'on veut examiner la
jfource de ces inconv�nient , on trouvera qu'elle ne vient pas d'a- voir manqu� de colorier d'ai�ez bonne heure � mais d'avoir mal commenc�, je veux dire , d'avoir ' copi� d'abord de mauvaifes chofes, pu d'avoir �t� fous la dilcipline d'un Ma�tre qui n'avoit aucuns principes du coloris. On revient ordinairement d'un
mauvais Deffein , cela �e voit dans tous ceux qui deffinent aufquels la pratique &. le changement d'objet te de mod�le fait reprendre une rpute plus correcte, fk plus approu- v�e. Mais rien n'eft plus rare que le changeraient d'une mauvaife ha- bitude dans le coloris pour en pren^. $Ue une bonne, |
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far Principes'. 4*3'
Je ne dis pas que ce changement
fo"t impoffible � mais il eft tr�s-ra- re. Rapha�l a luivi les Ecoles &c la pratique des lieux o� il a �t� �le- v� , comme L�onard de Vinci' � Michelange, Jules Romain & les autres grands Peintres de ces tenis la. Et ils- ont a�nf� paiT� toute leur vie fans arriver � l'enti�re & � la v�ritable connoif�ance du bon co- loris: &: pour parler des gens d� notre tems & de notre connoif�an- ce 5 les Difciples de Voct , qui �toient en grand nombre &c qui n� manquoient pasd'efprit, quelques efforts qu'ils ayent faits, n'ont pu fe d�faire de la mauvaife pratique qu'ils avoient fuivie chez leur Ma�- tre. Nous avons encore l'exemple de pluf�eurs jeunes Peintres qui pour avoir commenc� par copier quelques Tableaux d'un coloris tri- vial, en retiennent la mani�re dans tout ce qu'ils colorient, & s'en font comme un verre , au travers du- quel ils voient la Nature color�e Su)
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4*4 Cours de Peinture
comme ce qu'ils ont accoutum� de peindre. D'o�, l'on peut inf�rer qu'un jeune homme qui commen- ce par copier un Tableau mal co- lori� , avale un poifon dont il em- poifonnera lui-m�me tous le« ou- vrages qu'il fera dans la fuite. Cependant un jugement folide
& une bonne �ducation font �u- def��s des difficult�s, 8c peuvent m�me r�tablir un go�t mal affec- t� dans l'efprit d'un homme doci- le. Aini� rien n'emp�che qu'on ne puifle placer ici l'Etude du colo- ris , en laifTant la libert� � chacun des Etudians d'interrompre quel- quefois pour fe defennuyer l'ordre que je viens d'�tablir. Le premier foin que demande le
coloris d'un jeune Etudiant eft de commencer par copier ce qu'il trouvera de mieux colori�, de plus fairs , & de glus librement peint entre les ouvrages des grands Ma�- tres , parmi lefquels Titien, Ru- bens, & Vandeik tiennent les pre- |
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far Principes. 415
iniers rangs , pouf les premiers
corrtrnencemens.- je croirois qu'on tireroit plus d'utilit� en copiant Vandeik � caufe qu'en y apprenant le bon coloris on y trouve encore la libert� du pinceau. Comme le coloris n'eft eftimable
qu'autant qu'il imite parfaitement la Nature, le jeune Etudiant, apr�s quelqu'habitude de la pratique des habiles gens, doit copier aufli cet- te m�me Nature, l'examiner & la comparer avec les ouvrages des grandsMa�tres qu'il aura copi�s \\xu m�me. Cette pratique accoutume- ra fon go�t � l'id�e du vrai, Se �e& yeux � le voir fans aucuns nuages. Le jeune Peintre s'�tant form�
une bonne habitude,, <k ayant mis fon go�t en �tat de ne rien appr�- hender, peut copier des Tableaux de tontes les mani�res 3 s'il y trouve d'ailleurs de quoi entretenir l'ac- tivit� de ion g�nie. Mais une �tude tr�s-importante
ceferoit de faire comme les abeilles |
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'4* S Cours de Peinture
qui tirent de plusieurs bonnes rieurs 4e quoi compofer leur miel, & le jeune Peintre � leur imitation doit «opier �es excellens Tableaux ce qu'il y aura de meilleur pour s'en former une bonne mani�re. Il doit faire la m�me chofe d'apr�s les belles productions de la Nature, foit Figures, Animaux , ou Pa�fa- ges. Il en fera un recueil auquel il doit avoir recours tant pour fon propre fervice dans l'exercice de fon Art, que pour entretenir fon go�t, ou pour nourrir fa curiofit�. En cet �tat le jeune Peintre fe
voyant pourvu de toutes chofes, peut voler de fes propres a�les 5 & par la lecture, ou par la r�flexion, �lever fes penf�es, exercer fon ima- gination � compofer differens fo- jets, & dans l'ex�cution profiter des beaut�s dont la Nature lui prefente le choix dans l'abondan- ce de fes productions. Mais qu'il obferve fur-tout de
ne faire jamais aucun Tableau qu'il |
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far Principes. 417
n'en ait fait un l�ger efquiffe colo-
ri� 1 dans lequel il puiffe s'abandon- ner � ion g�nie & en r�gler les mou- vemens dans les objets particuliers, & dans l'effet du tout-enf�mble. Cet efquilTe fe doit faire tr�s-vite
quand le Peintre a fix� fa penf�e , pour ne point perdre le feu de font, imagination. Cet efquilTe �tant donc tout informe , comme nous le fuppofons y on y peut changer r augmenter, ou diminuer,, tant pour la compof�tion, que pour le coloris. Et quand fon Auteur l'aura r�duit � quoique l�g�rement dans l'�tat qu'il le defire ■> il doit avant que d'�- baucher le grand Ouvrage , faire toutes les �tudes n�cefiTaires d'�- �>r�s ce qu'il y a de plus beau dans
a Nature & dans l'Antique qui convienne � fon fujet y & deffiner �exadement toutes les parties dans leurs places ,, afin de s'�pargner 1& peine & le chagrin de changer et de faire deux fois le m�me ouvra- ge. Rapha�l faifoit bien, davanta~ |
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4i § Cours de Peinture
ge : car il coloit plufieurs papiers
enfemble de la grandeur de les Ta- bleaux , o� apr�s avoir deffin� cor- rectement & mis toutes chofes en. place , il calquoit ce carton fur les- fonds fur lefquels il devoit peindre,, Cependant s'il arrivoit apr�s tou-
tes ces pr�cautions qu'il f�t � pro- pos de changer quelque chofe pour l'effet du Tableau, il feroit de la prudence de n'y pas manquer , & la peine en feroit l�g�re n'y ayant rien d'ailleurs � fe reprocher. Enfin le Tab leau �tant achev�,
le Peintre doit consid�rer le lieu o� il doit �tre plac� , & la diftance d'o� il doit �tre vu, afin de don- ner � ion ouvrage , par des tou* ches & par des couleurs plus ou moins vigoureufes , la force &la vfe qu'il exigera. De tous les g�nies'3 je ne cro�
pas qu'il y en ait un plus libertin que celui de la Peinture , ni qui iouffre le frein plus impatiemment. Je ne doute pas m�me, fi l'on &*■. |
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par Principes'*- 41 9
excepte quelques efprits extraordi- naires, que plufieurs Peintres, quoi- que fans aucun ordre , ne foient parvenus � fe rendre eftimables , non pas � la v�rit� fans perdre beau- coup de tems dans la dil��pation de' leurs �tudes. Mais comme dans une machine la mauvaife difpoiL tion des roues en retarde le mouve-- ment, de m�me aufl� les parties de la Peinture mal arrang�es par rap-- port � l'�tude qu'on en doit faire,, jettent de la confufion dans l'efprhr U dans la m�moire , & deviennent par ce moyen difficiles � concevoir &� retenir. D'o� il paro'�t que le parti le plus fur ,eft de mettre xa$ ordre � fes �tudes lequel s'accorda avec une raiibnnable libert�» |
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410 Cours de Peinture
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B I S SERT AT 1 0 N.
Ou ton examine fi la Poe fie eft pr�-
ferable a la Peinture. M On Deffein n'eft pas de fo�~
tenir que la Peinture l'em- porte abfolument fur la Po�f�'e 5 mais je n'ai jamais dout� que ces deux Arts ne marchaflent de pas �gal, ni que l'un & l'autre ne me* ritafTent les m�mes honneurs. J'en ai parl� dans cefens-�a, quandl'oc- caf�on s'en eft prefent�e , &je n'ai fait quefu�vre lefentiment des Au- teurs les plus c�l�bres. Mais com- me les hommes ne s'accordent pas toujours fur les chofes m�me les mieux �tablies , 'je trouve aujour- d'hui des Perfonnes illuftres qui me t�moignent de la r�pugnance � placeru Peinture�c�t� delaPoc-. |
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far Principe?. 42 r
�e$ &: quelque inclination que j'aye � fuivre leurs avis, je fuis bien-aif� d'examiner cette mati�re avec tou- te l'application dont je ferai capa- ble : car fi je fuis oblig� de me rendre � leur opinion, ils ne def. approuveront pas que je ne le fafl qu'apr�s m'�tre defabuf� moi m�- me. Mon but eft, non-feulement de
ne rien dire, que l'on ne trouve �tabli dans tous les Ecrivains an- ciens & modernes qui ont parl� du fujet de cette difTertation ^ mais encore je croi qu'il eft bon d'aver- tir qu'en parlant comme je fais de la Po�fie &; de la Peinture, je les fuppofe toujours dans le plus haut degr� de perfe&ion o�. elles puif- fent arriver. Ce n'eft donc point k Poi�f�e que*
j'entreprens d'attaquer : c'eft la Peinture que je veux d�fendre. Quand � force d'exercice & de re- flexions la Peinture & la Po�fie �k |
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422.' Cours de Peinture
furent enfin montr�es dans leur plus grand l�ftre , des hommes d'un gen�e extraordinaire donn�- rent au Public des ouvrages & des r�gles en l'un & en l'autre genre pour fervir de guide � la Poft�ri- � t�, � pour donner une id�e de leur perfection. Cependant ces deux Arts ont �t� malheureufement n�- glig�s depuis la d�cadence de l'Empire Romain jufqu'� ces der- niers Si�cles, que Rapha�l, & le Titien pour la Peinture, comme Corneille , &. Racine pour la Po�- f�e Dramatique ont fait tous leurs efforts pour les relTufciter, &: pour les porter � leur premier �tat. Il y a n�anmoins cette difreren-
ce , que la Poe fie n'a fait que dii- paro�tre , & qu'elles'eft conferv�e. toute pure dans les ouvrages' d'Hom�re , d'Efchile , de Sopho- cle , d'Euripide , d'Ariftophane ,., fk. dans les r�gles qu'Ariflote �c Horace, nous en ont laiff�es. Ainii |
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far Principes. 423-
il ef! confiant que la route que les
Po�tes qui font venus depuis de~ voient fuivre, �toit toute marqu�e � & que la v�ritable id�e de la Po�- lie ne s'effc point perdue ; ou du moins, il �toit aif� pour l� retou- ver de recourir aux ouvrages, & aux r�gles infaillibles dont je viens de parler. Au lieu que la Peinture a �t� enti�rement ann�antie, foit par la perte de quantit� de volu- mes , qui", au rapport de Pline, en: ont �t� compotes par les Grecs, foit par la privation des ouvrages dont les Auteurs de ces tems_la; nous ont dit tant de merveilles s, ( car je ne compte que pour tr�s- peu de chofe quelques reftes de: Peinture Antique que l'on voit a� Rome. ) Si donc ilnes'eft rien conferv�
qui puifte nous donner une id�e jufte de la Peinture , comme elle f� pratiquoit anciennement, c'eft» �-dire , dans le tems que les Arc» �toient dans leur plus grande par. |
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414 Cours de Peinture
fed�on , i� eft certain que la Po�f�e fe faifant voir encore aujourd'hui dans tout fon luftre , peut jetter dans l'efprit de ceux qui y font le plus attach�s, une pr�vention qui les porte � lui donner la pr�f�ren- ce fur la Peinture. Car il faut avouer qu'il y a beau-
coup de gens d'efprit qui bien loin " de regarder la Peinture du c�t� de la perfection & de Feftime o� elle �toit chez les Grecs , n'ont pas m�me donn� la moindre atten- tion � cet Art tel que nous le poL fedons� prefeat,&que les derniers Si�cles l'ont fait rena�tre : & fi ces m�mes Perfonnes font tant que de regarder quelque ouvrage de Pein- ture , ils jugent de l'Art par le Ta- bleau , au lieu qu'ils devraient ju- ger du Tableau par l'id�e de l'Art. Cependant quoique nous n'a- yons point encore recouvr� de la Peinture dans toute fon �tendue, & que dans fon r�tabliuement, el- le n'ait pu avoir pour guides des. |
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far Principe!, 425
principes aufli certains, & des ou-
vrages auffiparfaitsqu'�toient ceux de la Po�fie 5 rien n'emp�che que nows ne puiffions en concevoir une id�e jufte fur les ouvrages des meil- leurs Peintres qui l'ont renouvel- l�e , &. fur ce que nous en ont dit ceax-m�mes qui nous ont donn� les r�gles de la Po�fie, comme Ari- ftote, 6c Horace. Le premier aflure o°ans fa Poe.»
tique ( a ) Que la Trag�die ejl plus parfaite que le Po'�me Efique 5 farce qu'elle fait mieux fon effet & domine plus de flaifir. Et dans un autre endroit, il dit
( b ) Que la Peinture caufe une entr�e me fatisfa�lion. La raifon qu'il en rend , c'efi quelle arrive fi parfai- tement a �a fin , qui efi l'imitation , qu'entre toutes les chofes qu'elle imi- te , celles m�mes que nous ne four- rions voir dans la Nature fans hor- reur , nous font en Peinture un for� |
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{a\ Chap. 17 (6) Chap. i.
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4-�� Cours de Peintur�
grand plaifir. Il ajoute � cette »a�- Jori , Que la Peinture inftruit , & quelle donne mati�re de raifonner , non-feulement aux Philofophes, mais � tout le monde. Dans ce raifonneffient, Arifto-
�e qui mefure la beaut� de ces deux Arts,par le plaifir qu'ils donnent, parla mani�re dont ils inftruiient, �c par celle dont ils arrivent � leur En, dit que8k Peinture donne un plaifir extr�me , qu'elle inftruit plus g�n�ralement, & qu'elle ar- rive tr�s-parfaitement � fa fin. Ce Philofophe eft donc fort �loign� de pr�f�rer la Po�fie � la Pein- ture. Pour Horace, {a) il d�clare net-
tement que la Po�fie & la Peintu- re ont toujours march� de pas �gal,, & qu'elles ont eu dans tous les tems le pouvoir de nous reprefenter tout ce qu'elles ont voulu. Mais, quand nous n'aurions pas;
(.4 ) A«. Pock
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far Principes. 417
ces autorit�s, nos fens & la raifon
nous difent aiTez que la Pocfie ne fait entendre aucun �v�nement que la Peinture ne puifTe faire voir. Il y a long-terris qu'elles ont �t� reconnues pour deux S�urs qui fe refl�mblent fi fort en toutes clio- fes, qu'elles fe pr�tent alternative- ment leur office 8t leur nom : on appelle commun�ment la Peinture une Po�fie muette, & l'a Po�fie v une Peinture parlante. Elles demandent toutes deux un
g�nie extraordinaire qui les empor- te plut�t qu'il ne les conduit-, &. nous voyons que la Nature par une douce violence a engag� les grands Peintres & les grands Po�tes dans leurs Profeffions, fans leur donner le tems de d�lib�rer �c d'en faire choix. Que fi nous voulons p�n�- trer dans leurs excellens ouvrages r nous y trouverons une feerette in- fluence qui paroit avoir quelque: ehofe de plus qu'humain. Il y a un Dieu, au dedans, de nous-m�mes s,di& |
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4-i� Cours de Peinture
Ovide {a) parlant des,■ lequelPocte� nous �chauffe en nous agitant.EtSuidas dit i Que ce fameux Sculpteur Phi- dias , & que Zeuxis ce Peintre in* comparable, tous deux tranfport�s par un enthoufafme , ont donn� la vie k leurs ouvrages* La Peinture & la Po�f�e tendent
� m�me fin y qui eft l'imitation 5 de il femble , dit un favant Auteur , que non-contentes d'imiter ce qui eft fur la Terre , elles ayent �t� jufques dans le Ciel obferver la ma- jeft� des Dieux pour en faire part aux. hommes , comme elles pei- gnent les hommes pour en faire des demi-Dieux.C'eft dans cefens- la que Charles-Quint (b) faifoit gloire ncm-feulement de s1 �tre rendu des Provinces tributaires : mais d'avoir obtenu trois fois l'immortalit� par les mains du Titien. # Toutes deux font occup�es dn
foin de nous impofer , & pourvu que nous voulions leur donner na- (,») Faites, Ltv. 6,(i)RidoIfi� |
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par Principes. 4.29
tre attention , elles nous tranfpor-
cent somme par un effet de magie d'un Pa�s dans un autre, (a) Leurs propri�t�s font de nous
inflruire en nous diversifiant, de former nos m�urs �c de nous ex- citer � la vertu en repr�sentant les H�ros & les grandes actions. Ceft ce qui fait dire � Ariftote ,{'■#') que les Sculpteurs & les F cintres nous en- jeiyient a former nos m�eurs par une M�thode plus courte & plus efficace que celle des Philofophes , & qu'il y a des Tableaux & des Sculptures au/Jt capables de corriger les vices que tous les pr�ceptes de la Morale. Toutes deux confervent exacte-
ment l'unit� du lieu, du tems , S� de l'objet. Toutes deux font fond�es fur la
force de l'imagination pour bien inventer leurs productigny , & fur la folidit� du jugement pour-les (a) Et modo Thebis, modo p�wp 4thenit,
Hor. Epift. i« Lib. z. ^b) Politique. R. ;. |
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430 Cours �e Peinture
bien conduire. Elles favent choif�r des fujets qui foient dignes d'el- les , &. fe fervir des circonftances ;& des accidensq�i les font valoir, comme elles favent rejetter tout ce qui leur eft contraire , ou qui aie m�rite pas d'�tre reprefent�. Enfin la Peinture & la Pocfie
partant du m�me lieu , tiennent la m�me route , arrivent � la m�- me fin, &c tirent leur plus grande �ftime des premiers tems , o� la magnificence & la delicateffe ont paru avec plus d'�clat. Les Po�tes de ces tems-la ont
re�u'des honneurs 6c des recom- penfes infinies, ils ont �t� excit�s par des prix que l'on donnoit � ceux ,dont les pi�ces avoient un fucc�s plus heureux que celles de leurs concurrens : & tous les genres de Poe fie ont eu leurs louanges Se leurs protecteurs. On a vit Virgile 8c Hhora.ce, (a)
combl�s de bienfaits par Augufte j, �«) Donat*
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far Principes. 43 \
Terence en commerce d'amiti�
,avec Lei�us & Sc�pion le vainqueur <leCarthage : Ennius ch�ri de Sc�- pion l'Africain �c enterr� dans le \a) S�pulcre des Scipions fur le- quel on lui �leva une Statue j Eu- ripide tant de fois applaudide tou- te la Gr�ce, ( b ) �lev� aux pre- miers honneurs par Archelai�s Roi de Mac�doine , ,& regrett� des A- theniens par un deuil public : Ho- m�re r�v�r� de toute PAnr�quit� & fouvent honor� par des Autels & f�crif�ces,(c) Alexandre vifitant le t ombeau d5Achille:Heureux s'�cri- a-t-il, devoir pu trouver un Ho- m�re qui .chant�t fes louanges \ Ce Prince ne marchoit jamais fans les Oeuvres d'Hom�re , il les lifoit in_ cel�aaiment &il les p�a�oitm�m� fous fon chevet en f� mettant au lit. ( d) Un jour qu'on lui pref�nta, «ne calTette d'un prix ineflimable
1 � "■ #
( a ) Oc. pro. Archia. Val Max.
{ b) Solin. Thomaflin? ,{<;) Vie d'Hom�re". f d) Phttarqpe. |
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43 % Q° �iYS dc T chiure
bijou le plus pr�cieux de la d�-
pouille de Darius , fes Courtifans lui demand�rent � quel ufage il la xleftinoit ? A renfermer les Oeu- vres d'Hom�re , leur r�pondit-il, Mais que n'a point fait ce m�- me Alexandre pour les Peintres ? Quelles marques d'eftime §i d'a- mour ne leur a-t- il point donn�es ? (a) Il ordonna que laPeinture tien- droitle premier rang parmi les Arts lib�raux , qu'il ne feroit permis qu'aux Nobles de l'exercer, &. que desleur plust�ndrejeunefTeilscom- menceroient leurs exercices pour apprendre � d�ffiner. En cela il re^ ^ardoitlesDeffein comme lacho. f�la plus capable de difpofer l'e� prit au bon go�t, � la connoiffan- ce des autres Arts .& � juger de Ja beaut� de tous les objets du monde. Il vi^toit fouyenf les Peintres, ��
prenoit plaifir � s'entretenir avec 4-pelle des choies qui regardoiept (a) Pline j S. jo>
la
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far Principes. 43 3
la Peinture. Pline dit , que touch� de la beaut� de l'une de fis Efclaves. appell�e Campafpe qu'il aimoit �per- duement , il Li fit peindre par Apelle ^ & s'�tantappercu qu'elle avoitfrap- p� le c�ur du Peintre du m�me traie dont il fie trouvoit lui m�me atteint, il lui en fit un prefent, ne pouvant recompenfier plus dignement cet Ou- vrage , qu'en fie privant de ce qu'il aimoit avec paffion. * Ciceron rapporte que fi Alexan-
dre d�fendit � tout autre Peintre qu'� Apelle de le peindre , & � tout autre Sculpteur qu'� Lif�ppe de faire fa Statue , ce ne fut pas feulement par l'envie d'�tre bien reprefent� 5 mais par l'envie qu'il avoit de ne rien lai/Ter de lui qui ne fut digne de l'immortalit� -3 Se par l'eftime finguliere qu'il avoic pour ces deux Arts. Auffi ne fera�- je point ici de diff�rence entre la Peinture & la Sculpture: car celle- ci n'a rien que la Peinture ne doL * Ep. fam. 11.1, f.
T.
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434 Cours de Peinture
\e bien entendre pour �tre parfai- te, �c ce que la Sculpture a de plus beau lui eft commun avec la Pein- ture. Ces deux Arts fe font main- tenus de tous les tems dans un m�- me degr� de perfection : Les Pein- tres & les Sculpteurs ont toujours v�cu dans une louable jaloufie fur la beaut� &, fur l'eftime de leursOu- vrages, comme ils font encore au- jourd'hui. Et fi les Sculptures An- tiques ont �t� l'admiration des An- ciens , comme elles font l'�tonne- ment des Modernes, que peut-on. concevoir de laPeinture de ces m�- mes tems-l� ; puifqu'avec le go�t, & la r�gularit� de fon Deflfein , el- le a d�. s'attirer toutes les louanges que m�ritent les effets furprenans de fon Coloris. Mais fl nous voulons remonter
audel� du tems d'Alexandre, nous trouverons que Dieu m�me rendit pet Art honorable en faifant parc de fon intelligence, de fon eipric �c de fa fageife � Befel�el * & � Oo- ? Exodt. � i. Jofefhf.
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par Principes. 43 y
i�ab qui d�voient emb�lir le Tem-
ple de Salomon , & le rendre r�f. pe&able par leurs Ouvrages. Si nous regardons la mani�re dont laPeinture a �t� recompenf�e, nous verrons que lesTableaux des excel- lensPeintres �toientachet�s � plei- nes mefures de pi�ces d'or (a) fans compte & fans nombre : d'o� Quin- tilien inf�re, que rien n'eft plus no- ble que la Peinture 3 puifque la plu- part des autres chofes fe marchan- dent , Se ont un prix, & qu'au con- traire la Peinture n'en a point. (b) Une feule Statue de la main
d'Ariftide fut vendue 375. talens, une autre dePoliclete fix vingt mil- le Seflerces : [c) Et le Roi de Nico- medie voulant affranchir la ville de Gnide depluf�eurs tributs, pourvu, qu'elle lui donn�t cette(^) Venus de ( a ) In ntimmo aureo menjuram accept non
num�ro, (b) Pline. 10. }f
(c) Cic. I. Ep. 7' � Afticut.
l�) JElian. biji. A Tij
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'436 Cours de Peinture
La main de Praxitelle qui y attiroit toutes les ann�es un concours infini de gens ^ {a) les Gnidiens aim�rent mieux demeurer toujours tributai- res que de lui donner une Statue qui faifoit le plus grand ornement de leur ville. Il s'eft m�me trouv� d'excellens
Peintres, & d'excellens Sculpteurs qui p�n�tr�s du m�rite de leur Art conlacrerent aux Dieux leurs Ou- vrages , croyant que les hommes en �toient inclignes. {(?) Et la Gr�ce touch�e de reconnoi{fance envers le c�l�bre Polignote qui lui avoit donn� des Tableaux que tout le monde admiroit, lui fit des entr�es magnifiques dans les villes o� il avoit fait quelque Ouvrage : & elle ordonna par un d�cret du S�nat d'Ath�nes qu'il feroit d�fray� aux d�pens du Public dans tous les lieux ou il pafleroit. Auffi la Peinture �toit alors fi
( a ) Ck.eontre Verretj,
(!b ) plut. of. |
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far Principes. 43 7
honor�e que les habiles Peintres
de ces tems-l� ne peignoient fur aucune chofe qui ne p�t �tre trans- port�e d'un lieu � un autre , & qu'on ne p�t garantir d'un embra- f�ment. Jls fe feroient bien gard�s , dit Pline , de feindre contre un mur qui n'auroit pu affartenir qu'� un Ma�tre 3 qui ferait toujours demeur� dans un m�me lieu , & qu'on n'auroit fk d�rober a la rigueur des flammes. Il n'ctoit fas fermis de retenir comme en prifon la Peinture fur les murail~ les , elle demeurait indiff�remment dans toutes les Villes , & un Pein~ tre �tait un bien commun � toute la. Terre. L'on portoit m�me jufqu'au ref-
pect l'honneur que l'on rendo�t � cet Art : le Roi Demetrius en don- na des marques m�morables au Si�ge de Rhodes, o� il ne p�t s'em- p�cher d'employer une partie du tems qu'il devoit aux foins de fon arm�e , � vifiter Protogene qui faifoic alors le Tableau de Jalilus Tiij
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43 S Cours de Peinture
Cet Ouvrage , die Pline , enficha, le Roi Demetrius de prendre Rhodes dans l'apprehen(�on qu'il avait de br�- leries Tableaux de ce y and Peintre , & ne pouvant mettre le feu dans la Ville par un autre cbt� que celui o� �tait le Cabinet de cet homme illuftre, // aima mieux �pargner la Peinture que de recevoir la vifloirc- qui lui �toit offerte. Protogene 3 pourfuit le m�me Pline > travailloit alors dans an jardin hors de la Ville pr�s du Camp des Ennemis , & il y achevoit aj]�duement les Ouvrages qu'il avait commenc�s 3 fans que le bruit des armes fut capable de l'interrompre : mais Demetrius l'ayant fait venir & lui ayant demande avec quelle con- fiance il ofoit travailler au milieu des Ennemis , le Peintre r�pondit : Qu'il feavoit fort bien que la guerre qu'il avoit entreprise �tait contre les Rho- diens & non pas contre les Arts. Ce qui obligea le Roi de lui donner des gardes pour fa furet� > �tant ravi de pouvoir conferver la main qu'il avait |
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far Principes. 43 y
fauv�e de l'infolence des Soldats. De grands perfonnages ont aim�
la Peinture avec paffion, & s'y font exerc�s avec plaifir: entr'autresFa- bius, l'un de ces fameux Romains qui au rapport ( a) de Ciceron lorf. qu'il eut go�t� la Peinture & qu'il s'y fut exerc� , voulut �tre appel- l� Fabius PiBor. Par l� il vouloit donner un nouveau luftre � fa na�f, fance , f�lon l'id�e que Ton avoit alors de la Peinture : car ce qui eft admirable en cet Art, dit Pline, c'eft qu'il rend les (b) Nobles enco- re plus nobles 6c les Illuftres plus il- luflres. Turpilius Chevalier Ro- main , Labeon Pr�teur Se Conful, les Po�tes Ennius 6c Pacuvius , So- crate , Platon , Metrodore , Pyr- ron, Commode, Vefpaf�en , N�- ron, Alexandre Severe, Antonin, de plufieurs autres Empereurs , 6c Rois n'ont pas tenu au deffous ( a ) In Bruto.
( b i Mirum in hac Ane ejl quoi nobilet viras
tnbiliores fucit. 34.. 8» Tilfj
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440 Cours de Teinture
d'eux d'y employer une partie de
leurs tems.
On fait avec quel foin les grands
Princes ont ramaf�e dans tous les tems quantit� de Tableaux des grands Ma�tres, & qu'ils en ont fait un des plus pr�cieux ornemens de leur Palais. On voit encore tous les jours combien ce plaif�r eft fenfi- ble aux grands Seigneurs," �c aux gens d'efprit qui ont du go�t pour les bonnes chofes. On I�air avec quelle diftin&ion les habiles Pein- tres de ces derniers tems ont �t� trait�s des T�tes couronn�es, 6c- � quel point le Titien !k L�onard de Vinci furent eftim�s des Princes qu'ils fervo�ent. Celui-ci mourut ( a ) entre les bras de Fran�ois pre- mier , & le Titien donna tant de ja- loufie (b) aux Courtifans de Char- les-Quint qui fe plaifoit dans la converfation de cePeintre, que cet Empereur fut contraint de leur di- re, qu'il ne manqueroit jamais, de ( a ) Vafari. ( b ) RideW,
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far Principes. 441
Courtifans, mais qu'il n'auroit pas
toujours un Titien. On f�ait encore que ce Peintre ayant un jour laifl� tomber un pinceau en faifant le portrait de Charles- Quint, cet Em- pereur le ramafla, de que fur le re- merciment &c l'excufe que le Titien lui enfaifok, il dit ces paroles, Ti- tien m�rite d'�tre ferviparCefar.(^); Mais fuppof� que l'id�e de la
Peinture , � la conf�derer dans fa. perfection, ne foit pas encore bien �tablie -, fi celle que l'on con�oit aujourd'hui n'avoir pas unfond de m�rite par toutes les connoifTan- ces qu'elle renferme 6c par tout ce qu'elle eft capable de produire fur, les efprits , d'o� viendroit la paf- i�on que les grandsSeigneurs & tant de gens d'efprit ont pour elle, &c que ceux m�mes qui ont de l'indif- f�rence pour cet Art, n'oferoient l'avouer fans rougir ?'■ Ce fi un mal y (b) dit un Auteur
grave, de n aimer pas la Peinture^ UOtRjicijJ. (>) Dion Chryfoflome. or. 12*
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44 - Cours de Peinture
de luire fit fer l'eftime qui lui efi due : car celui qui le fait far ignorance , eft bien malheureux de ne pouvoir difcerner toutes les beaut�s qu'il y a dans le monde 3 & celui qui le fait far m�pris 3 efi bien m�chant de fe d�clarer ennemi d'un Art qui tra- vaille a honorer les Dieux 5 � inf- truire les hommes 3 & � leur donner l'immortalit�. Pour les effets que la Po�f�e&
la Peinture font fur les efprits, il efi: certain que l'une & l'autre font ca- pables de remuer punTammentles paffions j & f� les bonnes pi�ces de th��tre ont tir� & tirent encore tous les jours des larmes de leurs Spe�tateurs, la Peinture peut faire la m�me chofe quand le fujet le demande, & qu'il eft, comme nous le fuppofons bien exprim�, {a) Gre- groire de Nice apr�s avoir fait une longue defcription du facrifice d'Abraham, dit ces paroles : J'ai fouvent jette les yeux fur un Tableau (a) Qt. de. la Divin* dm Fih & du S. EfpriK
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far Princ�p�S 44$
qui reprefente ce SpeFiacle digne de
fiti� , $■ je ne les ai jamais retir�s fans larmes, tant la Peinture a feu repr�fenter la chofe comme fi elle fe faffoit cjfe�livement. La fin de la Peinture, comme de
la Po�fie, eft de furprendre de tel- le forte que leurs imitations paroif. fent des v�rit�s. Le Tableau de Zeuxis, o� il avoir peint un Gar- �on(^)qui portoit des raifiris, 6c qui ne f�t point de peur aux oifeaux , puifqu'ils vinrent becqueter ces fruits , eft une marque que la Pein- ture de ces tems-l� avoit accoutu- m� de tromper les yeux en tous les objets qu'elle reprefentoit. Cet- te figure ne fut en effet cenfur�e par Zeuxis m�me, que parce qu'el- le n'avoit pas tromp�. Voil� � peu pr�s les rapports
naturels que la Peinture Se la Po�- fie ont enfemble, & qui ont de tous t�ms, comme dit Horace, permis �galement aux Peintres & aux Poe- {a) Pline }J» 10.
Tvj
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444 Cours de Peinture
tes de tout ofer. Mais il ajoute que cette libert� ne doit pas les porter � produire rien qui foit hors de la vraifemblance , comme � joindre les chofes douces avec les am�res, ni les Tigres avec les Agneaux. Cette id�e g�n�rale l'oblige en-
fuite � nous donner des moyens communs qui puifTent conduire les Peintres & les Po�tes par les voies du bon fens &. de la raifon : cur on voit dans l'une des Satires de cec Auteur * , qu'il aimoit extr�me- ment la Peinture , & qu'il pafToit pour un fin ConnoifTeur. Cependant les pr�ceptes qu'il
nous a lai/f�s ne regardent que la th�orie deces deux Arts, lefquels diff�rent feulement dans la prati- que & dans l'ex�cution. Cette pra- tique de la Po�'fie fe remarque % dans la Diction & dans la Verfifi- eation r fuppof� que la Verfifka- �ion foit de l'eflence de la Po�f�e; On pourroit y ajouter la D�clama- |
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par Principe*. 445
tion � cauie qu'elle eft le nerf de
la parole , & que fans elle on ne f�auroit bien reprefencer les m�urs & les actions des hommes , qui eft cependant la fin de la Po�he. Et l'ex�cution de la Peinture, con, fifte tlans le Dei��in , &c dans le Coloris. Ces diff�rentes mani�res d'exe-
euter la Peinture &c la. Po�fie, ont leurs prix &: leurs difficult�s � mais l'ex�cution de la Peinture deman- de beaucoup plus d'�tude Se de tems que celle de la Po�fte : Car la Didion s'acquiert par la Gram- maire , �c par le bon ufag�, de ce- la eft commun � tous les honn�tes gens par l'obligation o� ils font de bien parler leur Langue ; quoique la facilit� de s'exprimer purement, nettement, &: �l�gamment foit en,- core le fruit d'une ferieufe �tude. Le D�clamation dont Quintilien: traite fort exadement/ans laquel- le, dit-il, l'imitation eft imparfak m*,&qui eft l'a-me del'�loquence^ |
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44 6 Cours de Peinture
d�pend depeudepnnc�pes,&pre�< qu'enti�rement des talensnaturels ^ �c la Verfification confifte dans la mefure harmonieufe, dans le tour du vers, Se dans la rime -y &: quoi- que ces chofes demandent de la r�flexion, de la lecture, & de la pratique, elles s'apprennent n�an- moins aflez facilement. Il n'en eft pas de m�me du Def-
fein & du Coloris ^ l'un & l'autre exigent une infinit� de connoiflan- ces, & une �tude opini�tr�e. Le Deflein demande un exercice qui produife une fi grande juftefle de la vue pour conno�tre les diff�ren- tes dimentions des objetsvifibles, 6c une fi grande habitude pour en former les contours, que le Com- pas, comme difoit Michel-Ange, doit �tre plut�t dans les yeux que dans les mains. Le Deflein fuppofe la feience
du corps humain, non-feulement, comme il fe voit ordinairement : mais comme il doit �tre pour �tre |
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par Principes. 447
parfait, & f�lon la premi�re inten-
tion de la nature. Il eft fond� fur la connoifTance de l'Anatomie , & fur des proportions tant�t fortes �c robuftes, & tant�t d�licates �c �l�gantes, f�lon qu'elles convien- nent aux �ges , aux fexes, &t aux conditions diff�rentes : <k cela feui demande des �tudes & des refle- xions de beaucoup d'ann�es. Ce m�me DefTein oblige encore
le Peintre � poffeder parfaitement la G�om�trie pour pratiquer exa- ctement la Perfpective, dont il a un befoin in'difpenfable dans tou- tes fes op�rations. Il exige une ha- bitude des racourcis & des con- tours dont la vari�t� eft auifi gran- de que le nombre des attitudes eft infini. Enfin le DefTein renferme enco-
re la connoifTance de la Phyf�ono- mie Se TexprefTion des paflions de l'ame, partie fi n�cef��ire �rf� efti- mab�e dans la Peinture. Le Colons regarde l'Incidence
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44$ Cours de Peinture
des lumi�res, l'artifice du Clair- obfcur, les couleurs locales , la fimpathie & l'antipathie des cou- leurs en particulier , l'accord 8� l'union qu'elles doivent avoir en- tr'elles, leur perfpe&ive A�riene, �c l'effet duTout-enfemble : Et tou- tes ces connoifTances d�pendent de la Phyfique la plus fine & la plus abftraite. Je n'aurois jamais fait fi je vou-
lois parcourir tous les moyens qu'a la Peinture d'exprimer tout ce qu'- elle m�dite, �t l'on voit affez par tout ce que je viens de dire , qu'elle ne manque pas de refiforts non plus que la Po�fie pour plaire aux hom- mes , pour leur impofer, & pour �branler leurs efpr�ts. Mais quoique la Peinture &; la
Po�fie foient deux fccurs qui fe ref- femblent en ce qu'elles ont de plus fpirituel, on pourroit n�anmoins attribuer � la Peinture plufieurs avantages fur la Po�fie, & je me contenterai d'en toucher ici quel- ques-uns.. |
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far Principes. 4457
En effet, f� les Po�tes ont le
choix des Langues, des qu'ils fe font d�termin�s � quelqu'une de ces Langues, il n'y a qu'une Na- tion qui les puifTe entendre : & l'es Peintres ont un langage, lequel ( s'il m'efl permis de le dire ) � l'imitation de celui que Dieu don- na aux Ap�tres, fe fait entendre de tous les Peuples de ia Terre. D'ailleurs la Peinture fe d�ve-
loppe , de nous �claire en fe faifant voir tout d'un coup : la Po�f�e ne va � fon but, &. ne produit fon effet qu'en faifant fucceder une chofe � une autre. Or ce qui efl ferr� eft bien plus agr�able , die Ariftote, & touche bien plus vive- ment que tout ce qui eft. diffus : & fi la Po�f�e augmente le plaif�r par la vari�t� des �pifodes, & par le d�tail des circonftances, la Pein- ture peut en reprefenter tant qu'el- le voudra, & entrer dans tous les �venemens d'une action , en mul- tipliant fes Tableaux 5 8c de quel- |
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45° Cours de Teinture
que mani�re qu'elle expofe Tes Ou- vrages , elle ne fait point languir fon fpeclateur : le plaif�r qu'elle donne eft donc plus vif que celui de la Po�'f�e. On peut encore accorder cet
avantage � la Peinture , qu'elle vient � nous parlefensle plus fub- til, le plus capable de nous �bran- ler , & d'�mouvoir nospaffions, je veux dire parla vue : caries chofesy die Horace , qui entrent dans l'ef- frit par les oreilles, prennent un cke~ min bien plus long que celles qui y entrent par les yeux, qui font des t�- moins plus fid�les & plus furs que les oreilles. Si apr�s ce premier mouvement
on regarde les effets qu'elle pro- duit iur Pefprit , il faut tomber d'accord que la Po�fie comme la Peinture a la propri�t� d'inftruire j mais celle ci le fait plus g�n�ra- lement. Elle inftruit les ignorans auffi-bien que les doctes 5 fans (on fecours il eft difficile de bien pe- |
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far Principes, 451
netrer dans le relie des Arcs 5 par- ce qu'ils ont befoin de Figures d�- monftratives pour �tre bien enten- dus. Et ce n'eft que par la perce de ces m�mes Figures que les li- vres de Vitruve&de Hieron l'an- cien qui a trait� des Machines nous paroiftent fi obfcurs. De quelle uti- lit� n'eft-elle pas dans les livres de Voyages ? & y a-t-il quelque fcien- ce � laquelle Ton fecours ne Toit pas n�ceflaire pour fa parfaite in- telligence ? La Topographie, les M�dailles, les Devifes, les Embl�- mes, les livres de Plantes, & ceux des Animaux peuvent-ils fe paner du fecours que la Peinture eft tou- jours pr�te � leur donner? Pour commencer par l'Hiftoire
Sainte , quelle joie pleine de v�- n�ration n'aurions-nous pas, fi la peinture avoit pu -nous conferver jufqu'� pr�fent , le Temple que Salomon avoit b�ti dans fa ma- gnificence .? Quel plaifir n'aurions- nous point � lire l'Hiftoire de P�u- |
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452 Cours de Peinture
fanias, lequel nous d�crit toute la Gr�ce, Se qui nous y conduit, com- me par la main, fi fon difcours �toitr accompagn� de figures d�mon- flratives ? La principal fin du Po�te eft
d'imiter les m�urs 6c les actions des hommes : la Peinture a le m�- me objet : mais elle y va d'une mani�re bien plus �tendue: car on ne peut nier qu'elle n'imite Dieu dans fa Toutepuiffance 5 c'eft-�- dire dans la Cr�ation des chofes vifibles. Le Po�te peut bien en faire la defcription par la force de les paroles, mais les paroles ne feront jamais prifes pour la chofe m�me, &: n'imiteront point cette Toutepuiffance , qui d'abord s'efr. manifeft�e par des Cr�atures vif�~ bies. Au lieu que la Peinture avec un peu de couleurs , & comme de rien, forme & reprefente fi bien toutes les chofes qui font fur la Terre, fur les Eaux, Se dans les Airs, que nous les croyons verl- |
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far Principes'. 453
tables : Car l'ef�ence de la Peinture
eft de f�duire nos yeux & de nous furprendre. Je ne veux point ici omettre
une chofe qui eft en faveur de la Po�'f�e 5 c'eft que les Epifodes font d'autant plus de plaifir dans la fui- te d'un Po�me qu'elles y font in, fer�es & li�es imperceptiblement} au lieu que la Peinture peut bien jreprefenter tous les faits d'une Hii- toirepar ordre en multipliant fes Tableaux ; mais elle n'en peut fai- re voir ni la caufe, ni la liaifon, Apr�s avoir expof� le parall�le
de ces deux Arts, il me refte en- core � d�truire quelques objections que l'on m'a faites. On m'objecte donc, que la Pein-
ture emprunte del� Po�fie, qif A- riftote dit, que les Arts qui fe fer- vent du fecours de la main font les moins nobles, enfin que la Po�fie eft toute fpirituelle 3 au lieu que la Peinture eft en partie ipirituelle §c m partie mat�rielle» |
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454 Cour de Peinture
A quoi je r�ponds, que le fe-
cours mutuel des Arts juftifie qu'ils ne peuvent fe pafTer l'un de l'autre : Et la Peinture n'emprunte pas plus de la Poe fie, que la Po�fie emprun- te de la Peinture. Cela eft livrai, que les faillies Divinit�s qui ont donn� lieu aux Fables n'ont �t� emolov�es par les Po�tes dans leurs S* ' J 1 �
fictions, que parce que les Peintres
& les Sculpteurs les avoient pre- mi�rement expof�es aux yeux des Egyptiens pour les adorer. Ovide tout Po�te qu'il eft dit a,
que Venus cette D�efle que la plu- me des Auteurs a rendue fi c�l�- bre, feroit encore dans le fond des Eaux , fi le pinceau d'A pelle ne l'a voit fait conno�tre. De forte qu'� cet �gard, fi la Po�fie a pu- bli� les beaut�s de V�nus , la Peinture en avoit trac� la figure &l le cara&ere |
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a De Arte am.
Si Venerem Cous nunquam finxiffet Apelkt. Merfa fub »quoreit Ma Uttret aqttis, |
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far Principes'. 455
Horace quiavoit v�ritablement
beaucoup de go�t pour la Pein- ture, mais qui devoit fa fortune & fa r�putation � la Po�f�e, dit que les Peintres .& les Po�tes fe /ont totijous donn� ia permiffion de tout entreprendre. Ainf� il avoue qu'en mati�re de fiction, leur Empire effc de la m�me �ten- due, comme il eft fans bornes &T fans contrainte. Si des Fables nous voulons paf-
fer � l'Hifloire qui efl une autre fource ou les Peintes Se les Po�tes pu�ient �galement , nous trouve- rons qu'� la referve des Ecrivains Sacr�s, lapliipartdes Auteurs ont �crit f�lon leurpaffion, ou f�lon les M�moires qu'on leur a donn�s, qu'ainfi il nous ont laiff� des dou- tes fur beaucoup de faits qu'ils onc fouvent rapport�s diverfement. Mais les faits Hiftoriques les plus
conftans au fentiment des habi- les , font ceux que nous voyons �tablis, ou �onfirm�s par les Me- |
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45 <j Cours de Peinture
dailles <k les bas-reliefs Antiques,
ou par les Peintures dont les pre- miers Chr�tiens ont d�cor� les lieux fo�terrains o� ils faifoient l'exercice de leur Religion : &. ces lieux fe trouvent � Rome , & en d'autres endroits d'Italie, fiaro- nius dit, que le Peuple Romain ayant d�couvert une autre Ville fous terre , fut ravi d'y voir repre- fent� en Peintures les chofes qu'il avoit l�es dans fes Hiftoires. En effet Bofius & Severan qui ont �crit de gros Volumes del� Rome fouterraine nous d�couvrent dans les Peintures qui s" y font confer- v�es jufqu'aujourd'hui, l'AntiquL" t� de nos Sacremens, la mani�re dont les premiers Chr�tiens fai- foient leurs pri�res, & dont ils en- terroient les Martyrs, & plufieurs autres connoiffances qui regar- dent les Myfteres de notre Reli- gion. Que n'apprenons nous pas des
M�dailles & des Sculptures Anti- ques , |
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far Principes. 457
ques , la diverfit� des Temples,
des Autels, des Victimes, des Va- {es, des Ornemens du Pontificat, &: de tout ce qui i�rvoit aux Sacri- fices , toutes les fortes d'Armes , de Chariots , de Navires 5 les �n- ftrumens fervant � la Guerre pour attaquer &c pour d�fendre les Vil- les j toutes les Couronnes diff�- rentes pour marquer les d�verfes fortes de Dignit�s &c de Victoires : tant d'ornemens de t�tes pour les Femmes , tant d'habits difF�rens f�lon les tems Se les lieux, dans la Paix �c dans la Guerre. Y a-t-ii des Livres qui puiffent nous donner des connoiflances auifi certaines fur les Coutumes & fur les autres chofes qui �toient en ufage chez ies Romains, que celles que nous tirons des Sculptures qui ont �t� faites de leur tems. Les bas- reliefs des Colonnes Trajane & Antoniar ne font des livres muets o� l'on ne trouve pas, � la v�rit�, les noms des chofes : mais les chofes m�mes qui y
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4 5§ Cours de Peinture
fervoient dans le commerce de la vie, du tems au moins des Empe- reurs donc ces Colonnes portent le nom. Ceux qui ont �crit de la Reli-
gion des anciens Romains, de leur mani�re de camper, des fymboles all�goriques, de l'Iconologie , & des Images des Dieux, n'ont point eu de meilleures raifons pour prou- ver ce qu'ils ont enfeign� , que les Monumens antiques des Bas-re- liefs & des M�dailles. Enfin ces Ouvrages & les Peintures ancien- nes dont on vient de parler font les fources de l'�rudition la plus aflu- r�e. Et c'eft de-l� que nous voyons dans un grand nombre de S�avans cette vive curiofit� des M�dailles, des Pierres grav�es, 6c de tout ce qui dans les beaux Arts porte le cara&ere de l'Antiquit�. Il s'en- fuit donc de tout ce que je viens de dire touchant la Fable & l'HiC toire, que la Po�fie emprunte du moins autant de la Peinture, que la |
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far Principes, 459
Peinture emprunte de la Po�fie.
A l'�gard de ce que dit Arifto- te, que les Arts qui fe fervent du fecours de la main font les moins nobles, & de ce que l'on ajoute, que la Po�fie eft toute fpirituelle, au lieu que la Peinture eit en par- tie fpirituelle & en partie mat�- rielle -, on r�pond , que la main n'eft � la Peinture que ce que la parole eft � la Po�fie. Elles fondes Mini�res de l'efprit & le canal par o� les penf�es fe communiquent. Pour ce qui eft de l'efprit, il eft �gal dans ces deux Arts. Le m�me Horace qui nous a donn� des R�- gles G. excellentes de la Po�fie, dit, (a) qu'un Tableau tient �galement en fufpend les yeux du corps & ceux de l'efprit. Ce qu'on veut appeller partie
mat�rielle dans la Peinture , n'eft autre chofe que l'ex�cution de la partie fpirituelle qu'on lui accor* (a) Safpendit pifl* vuhum mentemque Tabella*
V ij
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460 Cours de Peinture
de,&c qui efl: proprement l'effet de la penf�e du Peintre, comme la d�clamation eft l'effet delapenf�e du Po�te. Mais il faut bien un autre Art
pour ex�cuter la penf�e d'un Ta- bleau que pour d�clamer une Tra- g�die. Pour celle-ci , il y a peu de pr�ceptes � ajouter aux ta- lens ext�rieurs de la Nature , & l'ex�cution de la Peinture de- mande beaucoup de r�flexion &; d'intelligence. Il fuffit prefqu'uni- quement au D�clamateur de s'a- bandonner � fon talent, &: d'en- trer vivement dans fon fujet ^ & je f�ai que le Com�dien Rofcius s'en acquittoit avec tant de force, que pour cela feul, il m�ritoit , dit ( a ) Ciceron , d'�tre fort regrett� des honn�tes-gens, ou plut�t de vivre toujours. Mais le Peintre ne doit pas feulement entrer dans fon fu- jet, quand il l'ex�cute , il faut en,, core qu'il ait 3 comme nous l'avons � a ) Pro Archjs>
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far Principes] 461
d�t , une grande connoifl�nce du
JDeflein & du Coloris, &: qu'il ex- prime finement les diff�rentes phy- sionomies , et l�s diff�rens mouve- mens des pallions. La main n'a aucune part � tou-
tes ces choies, qu'autant qu'elle eft conduite par la t�te. Aini� , � proprement parler , il n'y a rien dans la Peinture qui ne foit l'effet d'une profonde fp�culation. Il n'y a pas jufqu'au man�ment du pin- ceau dont le mouvement ne con- tribue � donner aux objets l'efprit �c le caract�re. On m'oppofe de plus la facult�
de raifonner, &. l'on dit que ce pr�- cieux appanage de l'Homme,qui fe rencontre dans la Po�fie avec tous fes ornemens, ne fe trouve pas dans la Peinture, Tout ce que je viens de dire fe-
roit plus que fuffifant pour fatis- faire � cette objection : mais il effc bon de l'�claircir pour y bien r�- pondre. V Jij
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462 Cours de Peinture
Il eft � remarquer que les Arts
n'�tant que des imitations, le Rai- fonnement qui eft dans un Ouvra- ge ne fe pafle que dans l'elprit de celui qui en juge. Il eft; donc ques- tion de faire voir que le Spe&a- teur trouve du Raifonnement dans la Peinture , comme l'Auditeur dans la Po�fie. On entend par le mot de Rai-
fonnement, ou la caufe & la rai- fon par laquelle l'Ouvrage fait un bon effet, ou l'a&ion de l'enten- dement qui conno�t une choie par une autre, & qui en tire des con- fequences. Si par le mot de Raifonnement
on entend la caufe Se la raifon par laquelle l'Ouvrage fait un bon ef- fet , il y a autant de Raifonnement dans la Peinture que dans la Po�- fie, parce qu'elles agilfent l'une de l'autre en vertu de leurs principes. Si par le mot de Raifonnement
on entend Pa&ion de l'entende- ment qui inf�re une chofe par la |
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par Principe �. 465
conno�ffance d'une autre , il fe
trouve �galement dans la Po�f�e & dans la Peinture, quand l'oo» cafion s'en prefente. Le plus fur moyen de rendre cette v�rit� fen- fible, eftdela'd�montrer dans des Ouvrages qui foient fous nos yeux, & aufquels il foit aif� d'avoir re- cours. Les Tableaux de la Galerie de Luxembourg qui reprefentent la Vie de Marie de Medicis, en feront autant de preuves 5 & je me fervirai de celui o� efl peinte la naifTance de Louis XIII. parce qu'il eft le plus connu. En voyant ce Tableau on inf�-
re, par exemple , que l'accouche- ment arriva le matin, parce qu'on y remarque le Soleil qui s'�l�ve avec fon char, & qui fait fa route en montant. On inf�re aufl� que cet accouchement fut heureux par la conftellation de Caftor que le Peintre a mis au haut du Tableau, �c qui eft le fymbole des �v�ne- ments favorables. A c�t� du Ta- Viiij
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4^4 Cours de Peinture
bleau eft la F�condit� qui tour- n�e vers la Reine lui montre dan$ une corne cl'abondance, cinq petits Enfans, pour'donner � entendre que ceux qui naitront de cette PrincefTe iront jufqu'� ce nombre. Dans la Figure de la Reine , on juge facilement par la rougeur de fes yeux , qu'elle vient de .fouffrir dans fon accouchement : Et par ces m�mes yeux amoureufement tourn�s du c�t� de ce nouveau Prince, joints aux traits du vifage que le Peintre a divinement m�- nag�s, il n'y a perfonne qui ne re- marque une double paffion, je veux dire un relie de douleur avec un commencement de joie , & qui n'en tire cette conf�quence , que l'amour maternel &. la joie, d'avoir mis un Dauphin au monde , ont fait oublier � cette PrincefTe les douleurs de l'enfantement. Les autres Tableaux de cette Galerie qui font tous all�goriques , don- nent lieu de tirer des conf�quen- |
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par Principes. 465
ces par les fymboles qui convien-
nent aux Sujets, & aux circonftan- ces que le Peintre a voulu traiter. Il n'y a point d'habile Peintre
qui ne nous ait fait voir de fem- blables Raifonnemens, quand l'ou- vrage s'eft trouv� d'une nature � l'exiger de la forte. Car encore que les Raifonnemens entrent dans la Po�fie , &: dans la Peinture, les Ouvrages de ces deux Arts n'en font pas toujours m�l�s , ni tou. jours fufceptibles : Et les M�tamor- phofes d'Ovide qui font des ouvra- ges de Po�fie , ne font la plupart que des defcriptions. Il eft vrai que le Raifonnemenr
qui fetrouve dans la Peinture n'eft pas pour toutes fortes drefprits ; mais ceux qui ont un peu d'�l�va- tion fe font un plaifir de p�n�trer dans la penf�e du Peintre, de trou- ver le v�ritable fens du Tableau par les fymboles qu'on y voit repr�- fentes , en un mot, d'entendre un. langage d'efprit qui n'eft fait que |
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4.66 Cours de Peinture
pour les yeux imm�diatement. La trop grande facilit� que l'on
trouve � d�couvrir les choies, af- foiblit ordinairement les defirs 5 Se les premiers Philosophes ont cru. qu'ils d�voient enveioper la v�rit� (bus des Fables, & fous des all�go- ries ing�nieufes; afin que leur feien- cef�t recherch�e avec plus de cu- riof�t�, ou qu'en tenant les efprits appliqu�s, elle y jett�t des racines plus profondes : car les chofes font d'autant plus d'impreflion dans notre efprit &: dans notre m�moire,, qu'elles exercent plus agr�able- ment notre attention. J�sus- Christ m�mes'eft fervi de cette fa�on d'inftruire, afin que les com- paraifons & les paraboles tinllent les Auditeurs plus attentifs aux v�- rit�s qu'elles ��gnif�oient. On tire encore de la Peinture
des inductions par les attitudes , par les expreffions, & par les mou- vemens des parlions de l'ame. Il y a des Tableaux qui nous reprefen- |
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far Principes, 46 j
tent des Converfat�ons & des Dia-
logues ,*>� nous connoiflbns juf- quJau fentiment des Figures qui paroifient s'entretenir. Dans l'An- nonciation,par exemple,o� l'Ange vient trouver Marie, le Spedateur d�m�le facilement par l'expreffion & par l'attitude de la fainte Vierge le moment que le Peintre a voulu choifir j &.l'on conno�t fi c'eft lors- qu'elle fut troubl�e par une Appari- tion impr�vue, ou fielleeft �tonn�e del� propofitiondel'Ange,ou enfin f� elley confent avec cette humilit� qui lui fit prononcer ces motsiVoilk la Servante du Seigneur, & le refte. Il paro�tqu' Ariflotem�me ne fait aucune difficult� d'accorder le raL fonnement � la Peinture quand il dit, que cet Art inftruit & qu'il donne mati�re � raifonner non feu- lement aux Philofophes , mais � tous les hommes. Et Quintilien [a) (a) pittura tacens apus & habiius j'entper ejufiim
fie in intima: p�n�tr�t affettas, ut iffam vim dicmdi no» nunqunm [uferare videatttr, 1.11. c 5. V vj
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468 Cours de Peinture
avoue que la Peinture p�n�tre & avant dans notre efprit, ^'qu'elle remue fi vivement nos paffions , qu'il paro�t qu'elle a plus de force que tous les difcours du monde. Mais la raifon ne fe trouve pas ■
feulement dans les Ouvrages de Peinture , elle s'y fait encore voir orn�e d'une �l�gance & d'un tour agr�able ; & le �ublime s'y d�cou- vre auffi fenfiblement que dans la Po�f�e. L'harmonie m�me qui les introduit toutes deux , & qui leur procure un accueil favorable s'y rencontre indifpenfablement. Car on tire des couleurs une harmonie pour les yeux , comme on tire des fons pour les oreilles. Mais me dira-t-on , quelque ef-
prit que l'on puifle donner � la Peinture , elle n'exprimera jamais auffi nettement ni auili fortement que la parole. Je f�ai bien que l'on peut attri-
buer � la parole des expreffions que la Peinture ne peut fuppl�er qu'inau. |
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par Principes. 4.6$
parfaitement : mais je f�ai bien auffi.
que la Po�f�e efr. fore �loign�e d'ex- primer avec autant de v�rit� & d'exactitude que la Peinture, tout ce qui tombe fous le fens de la vue. Quelque defeription que la Po�fie nous rafle d'un pa�s, quelque foin qu'elle prenne � nous repr�fenter la phyf�onomie, les traits, & la cou- leur d'un vifage, ces portraits laif- feront toujours de l'oblcurit� &: de l'incertitude dans l'efprit&n'apro- cheront jamais de ceux que laPein- turenous expofe. L'ona vu plusieurs Peintres qui ne pouvant par le moyen de la parole donner l'id�e de certaines perfonnes qu'il impor- tait de connoitre, fe font fervis de fimples traits pour les d�figner fans qu'on put s'y m�prendre. Ceux-m�- mes dont la profeffion �tokdeper- fuader, ont fouvent apell� la Pein- ture � leur fecours pour toucher les c�urs, parce que l'efprit, comme nous l'avons fait voir , eft plut�t & plus vivement �branl� par les |
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4*70 Cours de Peinture
chofes qui frappent les yeux, que par celles qui entrent par les oreil- les : les paroles paflent & s'envo- lent, comme on dit, &;les exem- ples touchent. C'�ft pour cel�qu'au raport de Quintiiien (■�-;■) qui nous a. donn� les R�gles de l'Eloquence y les Avocats dans les caufes crimi- nelles expofoient quelquefois un Tableau qui reprefentoit l'�v�ne- ment dont il s'agil�bit , afin d'�- mouvoir le c�ur des Juges par l'�normit� du fait. Les pauvres fe fervoient anciennement du m�me moyen pour fe d�fendre contre Foppreffiondes Riches, f�lon le t�- moignage du m�me Quintiiien $ ( b ) parce que y dit-il, l'argent des Riches pouvoit bien gagner les fuffrages en particulier : mais fit�t que la Peinture du tort qui avoit �t� fait, paroif�bit devant toute l'�fTembl�e, elle arrachoit la v�ri- t� du c�ur des Juges en faveur da pauvre. La raifonen eft que la pa- role n'eft que le figne de la «hofe, i»)6.l. (b) Del. il*»
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far Principes* 471
& que la Peinture qui reprefente
plus vivement la r�alit�, �branle &� p�n�tre le c�ur beaucoup plus fortement que le difcours. Enfin il eft de Peflence de la Peinture de parler par les choies, comme il eft de l'efTence de la Po�'iie de pein- dre par lesparoles. Il n'eft pas v�ritable, pourfuivra-
t-on , que la Peinture parle & fe fafTe entendre par les chofes m�- mes j mais feulement par l'imita- tion des chofes. On r�pond que c'eft juftemenc
ce qui fait le prix de la Peinture y puifque par cette imitation , com- me nous l'avons fait remarquer, la Peinture pla�t davantage que les chofes m�mes. J'aurois pu me pr�valoir ici d'une
infinit� d'autorit�s des Auteurs les plus c�l�bres pour foutenir le m�- rite de la Peinture , f� je n'avons appr�hend� de rendre cette differ- tation trop longue 8c trop hecM- f�e. |
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47 *■ Cours de Peinture
je me fuis donc content� de faire
obferver dans ce petit difcours , combien l'id�e que l'on avoir de la Peinture �toit imparfaite dans la plupart des efprits, & que del� ve- noit la pr�f�rence que quelques uns ont voulu donner � la Po�fie. j'ai t�ch� de faire voir la conformit� -, qui fe rencontre naturellement dans ces deux Arts : j'ai touch� quelques avantages qu'on peut at- tribuer � la Peinture & � la Po�- i�e : J'ai r�pondu aux objections que l'on m'a faites : & enfin j'ai fait mon poffible pour conferver � la Peinture le rang qu'on lui vou- loit �ter. |
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far Principes. 473
Description de deux - Ouvrages de
Sculpture , qui appartiennent k M. le Hay, faits par M. Zurnbo Gentilhomme Sicilien. ON a fouvent oui dire � l'Au-
teur de ces deux Ouvrages, dent l'un repr�fente la Nativit� , & l'autre la S�pulture de Jefus- Chrift, qu'il a voulu repr�i�nter ces deux Sujets , pour avoir occaflon d'exprimer deux pallions contrai- res ,� la Joie & la Trifteffe. C'eft pour cela qu'il a choifi dans l'Hif- toire de la Nativit� l'arriv�e des Pafteurs , lorfqu'ils viennent re- conno�tre & adorer le Sauveur, qui f�lon les paroles de l'Ange, d�voie �tre � tout le monde le iujet d'une grande joie. Dans l'Hiftoire de la S�pulture,
il s'eft attach� � repr�fenter lemo- |
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474 Cours de Peinture
mento� Jofeph d'Arimathie,ayan� obtenu le Corps de jefus-Chrift , la Vierge & les faintes Femmes qui l'acccmpagnoient , donnent des marques de leur douleur. Et comme ce g�nie heureux a
bien fenti que la C ouleur releveroit infiniment Ion Ouvrage , & qu'elle fero�t valoir l'es exprcf�ions, il s'et� ferv� du Coloris , pour mettre le vrai dans fes carnations 6c dans fes draperies. ZA NAT IV IT E\
Pour fuivre le Texte de l'Evan-
gile , l'Auteur a mis la fcene de ion lujet dans un lieu d�nu� de toutes chofes, & qui paro�t par les ruines qui en reftent, avoir �t� autrefois un Temple d'idoles s mais qui ne peut plus jervir que de retraite aux animaux , & tout au plus d'une �table abandonn�e au premier venu. L'Auteur dans fa comportions
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par Principes. 475
a voulu faire entrer des reftes de
magnificence , pour rendre plus feniible par cette oppofkion la pau- vret� de Jefus-Cbrift , & pour �- tablir fur le d�bris de l'Idol�trie la Religion Chr�tienne II a con- ftder� de plus, que pour contii- buer � la Joie qu'il vouloit expri- mer , il pouvoit , fans d�truire l'id�e de la pauvret� du lieu , y introduire quelque ouvrage de Sculpture antique, & par-l� r�veil- ler le go�t de fon Spectateur , �c le plaifir que donne aux Connoif- feurs la vue de ces pr�cieux reftes. Adjoutez que, comme il n'v a rien de plus humble , ni de plus grand que la Naiilance du Fils de Dieu , l'Auteur y a voulu Bire alluf�on, en m�iant la deftm&ion d'un b�- timent magnifique avec la beaut� de quelques reftes qui en faifoient partie. Notre illuftre Sculpteur a fait
entrer dans fon fujet vingt-quatre figures, 8c fix animaux de diff�ren- |
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47 G Cours de Peinture
tes efpeces. Il a plac� la Vierge avec Ion Fils au milieu de la corn- pofition. Elle y paro�t d'un carac- t�re modefte , mais d'un agr�ment infini ; & le Chrift, en confervant la Figure d'un Enfant nouveau-n� s fait concevoir en Ion action quel- que chofe de plus qu'humain On remarque une grande vari�t�
dans les figures de cette Hiftoire5 par la diff�rence des phy fionomies, des caract�res, des fexes, des �ges, des attitudes &, des expreffions, QuatreBergers font attentifs � con- fiderer de pr�s l'Enfant & la M�re que l'Ange leur avoit indiqu�s. A c�t� droit, quatre autres font
autour de faint Jofeph, qui leur ex- plique le myftere, dont ils font t�- moins. Ces Bergers font voir en diverfes mani�res les effets de la gr�ce, en exprimant la Joie que leur caufe cette inftru&ion. D'autres plus craintifs, qui font
fur le devant de la compofition de cet ouvrage , adorent de plus |
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par Principes. Ail
loin le Sauveur qui leur �toit n�,
A c�t� gauche, quelques Ber-
gers s'entretiennent de ce qu'ils voient, il v enaunentr'autres qui paro�t appgller les plus �loign�s, & qui les incite de fe h�ter, pour jouir de la nouveaut� du fpe&acle. L'Auteur a fait entrer dans la
compofition de fon fujet quatre Anges qui font en l'air au.demis du Chrift. & de la Vierge, fuppofane qu'ils font envoy�s de la Cour C�- leire , pour faire reconno�tre aux Pafteurs leur Divin Ma�tre, & pour i'adorer avec eux, Les ajufternens, les draperies, les
co�fTures, &l to.ut ce qui accompa- gne les figure?, leur convient H par- faitement, que ceux qui en vou- dront examiner le d�tail, en admi- reront la diverfit� & la vraifem- blance. Les expref�ions, fuitout > en font f� vives, qu'on eh: forc� d'y entrer par l'impreffion qu'elles font fur les eiprits, lorfqu'pn y veut fai- re quelque attention. L?un y expri, |
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^_y% Cours de Peinture
rne l'admiration, l'autre la {impli- cite j l'un la furprife, l'autre la d�- votion -, & chaque objet marque parfaitement le choix d'un beau caract�re. Les figures y font deffin�es d'une
exa�te juftefle, d'un go�t grand , & d'une mani�re convenable � leur qualit�. On y peut admirer la ten- drefle des carnations, les beaux plis des draperies, la v�rit� & le contiafte des attitudes, la difpo- fition des grouppes, 6c la d�grada- tion des terreins. Tout eft extr�mement fini dans
cet Ouvrage, �ciln'yapasjufqu'aux plantes&aux autres minuties, dont Texacle v�rit� ne fafle plaif�r. Les couleurs m�mes,qui font d'ordinai- re peu convenables � la Sculpture -, y font m�nag�es avec une certaine mod�ration qui jette dans le tout une plus grande vraifemblance, 6c entr'autres dans les Statues qui font fi bien imit�es d'un vieux mar, bre tout tach� , & tout alt�r� pa� |
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far Principes. 479
ie rems, que l'�'l y eft tromp�
Enfin toutes ces choies enfemble
font une merveilleufe harmonie , & concourent � exprimer le fujc� avec tout l'agr�ment imaginable, LA SEPVZTVRE.
L'Auteur de cet excellent Ou-
vrage a fait choix, comme nous l'avons d�j� dit, du moment que Jofeph d'�rimathie, ayant fait d�- tacher de la Croix le Corps de Je- fus-Chrift, le la�ffe voir pendant quelque tems aux principales per- sonnes quiavoient aim� le Sauveur pendant (� vie. La fkuat�on du lieu qui eft plein
de rochers fait juger que la fcene de ce qui fe pafle ici, n'eft pas loin. de l'endroit que l'on avoit deftin� pour la fepulture. Le Chrift, la Vierge fa m�re ,'
iaint Jean , & les trois Maries, trois Anges , Jofeph d'Arimathie, Ni- ppd�me, &le Centenier qui re�on- |
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4-t o Cours de Peinture
nut la Divinit� de Jefus-�hrift in- continent apr�s fa mort, font la compofidcn de cette Hiftoire. Le Chrift eft plac� au milieu de
la Sc�ne , �tendu n�gligemment, mais naturellement, iur une pier- re couverte d'un linceul, &, dans une difpofition convenable � un corps qui n'a plus de mouvement ; mais qui fe trouve tourn� comme par hazard � �mouvoir jufqu'aux larmes la compaflion du Specta- teur. La figure eft d'une propor- tion fi noble 8t fi d�licate, qu'en la voyant on eft aif�ment port� � croL re , qu'il y a fous ces apparences quelque chofe de Divin. La Vierge eft aupr�s de ce corps.
Elle en a appuy� la t�te fur fes ge- noux pour le mieux contempler. Elle a le corps pli� & les bras �- lev�s, en aclion d'exprimer fa ten- dref�e , & tout ce qu'elle fent fur l'�tat , o� elle voit fon Fils & fon Dieu. Les faintes Femmes qui accom-
pagnoient
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far Principes. 4S1
pagnoient, la Vierge le c�ur rem-
pli de douleur , font voir chacune �/� mani�re ce que peut la com_ paffion � la vue d'un ipe&acle i� touchant. Les notions qu'a voient ces faintes Femmes de la Divinit� de Jefus- Chriffc , pouvoient bien mettre le calme dans leurs eiprits, �c effacer toutes les marques de leur arrlidion : mais l'amour qu'el- les avoient pour leur Ma�tre , les outrages aufquels elles l'a voient vut expole pendant fa vie , le fupplice honteux de fa mort, ne leur per- mettoient pas d'oublier enti�re- ment les opprobres qu'il venoit tout r�cemment de fouffi�r � leurs yeux. Il eft vrai que Jefus-Chrift, leur
avoic parl� de la n�ceffit� de Ces fouffrances, & de fa prochaine R�- furre&ion : mais tout, ce que put faire l'eiperance de voir arriver � bient�t la R�furreciion , fut d'a- doucir les tranfports d�mefur�s aufquels une triftel�e extr�me nous |
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. g i 0»r/ ^ Peinture
conduit.ordmairemenc. On ne ver- ra donc point ici l'expreffion ext�- rieure du dernier abandon a la dou- leur on y obfervera feulement tou- tes les marques d'un c�ur qui dans l'exc�s de fon amour eft a la v�rit� fort fenfible au triomphe Prochain de jems-Chrift,maisqui eft encore plus occupe du fouyenur de fes Souffrances. S lean plac� du c�te gauche ,
appuy� fur un rocher , dans une attWe abattue , tient les clous nu ont attach� fon Ma�tre a la Croix Si paro�t faire les r�flexions lesiftftrumens.
leS^Auteuraplac�laMagdeene du m�me c�t� aux pieds du Chnft-
File les baife avec amour , & iem-
ble les baigner de les lam.es, qu- elle eft prlted'emiyer de fes che- veux �pars, comme ele fit dans la Sn de Simon le Phanuen
"*�"deux autres tomes font, l'une � genoux pr�s de la Vierge, |
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far Principes. 483
�&. l'autre debout. Celle-ci a le
corps panch� , & la t�te gracieu- fement inclin�e fur l'�paule , com- me pour effuyer fes larmes avec le linge qui lui lert de voile. Ces deux femmes expriment fortement, &; fans aucun mouvement exag�r� , le m�lange de douleur & de ten- dreiTe , dont leur c�ur eft: p�n�- tr�. Les deux vieillards qui font der-
ri�re ces femmes, au coin de la composition, dont l'un paro�t �tre Nicod�me, & l'autre le Centenier qui reconnut la Divinit� dejefus- Chr�ft incontinent apr�s fa mort, s'entretiennent ai�ez vivement de la mani�re injurie dont les Juifs avoient condamn� rinnocencem�- me. Jofeph d'Arimath�e, un peu plus
avanc� fur le devant, & debout, une main fur la hanche , & l'autre fur la poitrine , dans une attitu- de majeftueufe , les yeux tourn�s vers le Chrift, fait attention � ce Xij
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4S4 Cours de Peinture
qu'il voit : mais on juge facilement par toute fon action , qu'il eft en- core plus occup� de la foi qu'il a re�ue, & de la.grandeur du myftere de la R�demption. Le go�t du Deflein dans cette
Hiftoire eit. merveilleufement con- venable aux figures qui la compo- fent. Il eft Ivelte, �l�gant, & no- ble dans le Chrift 6c dans les fem- mes. Il eft plus fort & plus pronon- c� dans les trois hommes qui font plus ayanc�s en �ge. Il s'y trouve diyerfement f�lon la diverf�t� qui f� voit ordinairement dans la natu- re. Car pour S. Jean, fon caracler re de defl�in eft entre la d�licatefte du Chrift Se la proportion plus pe-, fante des trois autres figures, dont je viens de parler. Cependant tou- tes les proportions font pbferv�es dans leur genre avec toute la ju- fter�e que l'on peut attendre de Vkxt. Trois Anges font en l'air au-def-
fijs du Chrift , |k compofent un |
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far Principes. 4&J
groupe agr�ablement vari� par
Jeurs attitudes contract�es , & par la diverfir� de leurs expreffions & de leurs colons. Us font, dans leur caract�re d'enfans i d�f�mes com- me les femmes 5 e'eft-�-dire, de l� m�me d�licateffe. Quelque difficile que foi t la r/fa-
tique du coloris dans la Sculpture, il eit �tonnant que l'Auteur s'en" �ok acquitt�, comme ri a fait, avec un heureux fucc�s. Les carnations y font vari�es avec tant de m�na- gement & d'intelligence, que dans la juftef�e qui leur convient, il y a une f�nefTe d'oppofkion de de diff�- rence qu'on ne peut allez admirer. Notre ing�nieux Sculpteur ne s'eft. pas content� d�s couleurs locales, e'eft-�-dire , de celles qui con- viennent � chaque chofe en par- ticulier, il a encore cherch� com- me un Peintre habile , � faire va- loir la couleur d'un objet par i'op- pofition de la couleur d'un autre ebjec. Le linceul , par exemple y |
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-4^ 6 ■ Cours de Peinture
qui eft fous le corps du Chrift, don- ne � la carnation un plus grand ca- ra&ere de v�rit� par la .comparai- fon de ces deux couleurs. L'Auteur voulant attirer fur le
Chrift les yeux du Spe&ateur , comme fur l'objet le plus impor- tant , s'eft fervi d'un brun doux , dont il a habill� la Vierge & la Magdel�ne , pour rendre la lu- mi�re qui eft fur le Chrift, plus vi- ve & plus fenfible. La femme qui eft � genoux
entre la Vierge & l'autre Marie � ne contribue pas peu � l'effet du clair -obfcur , en diftinguant par fon obfcurit� les figures qu'elle f�- pare. La couleur des v�temens de Ni-
cod�me & du Centenier d�tache & pouffe en devant , comme de concert, la figure qui leur eft pro- che. Et Jofeph d'Arimathi� eft ha-
bill� d'une pourpre , qui non-feu- lement d�figne une perfonne de* |
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far Principes. 4S7
Qualit� $ mais qui, f�lon les r�gles
de l'Art , �tant d'un ton fort & Tigoureux: ,; convient aux figures que l'on veut mettre fur le devant, 6c contribue dans l'affemblage des couleurs � l'harmonie du Touten- i�mble. Mais ce n'eft pas feulement par
la couleur de fon habit que cette li- gure eft plus fenfible que les autres. L'ouvrage de la t�te eft un chef- d'�uvre de l'Art. C'eft un Vieil- lard dont le vifage eft couvert de rides, mais de rides f�avantes par la mani�re dont elles font plac�es ,- & dont elles font ex�cut�es. Car elles expriment la phyiionomie d'un homme de bon efprit, limi- tent la nature de ce caract�re d'une maniera la plus fone , la plus ten- dre ; �c la plus accomplie. Mais quoique cett^ ter_* foie tr'vaill�e dans la derni�re exaftkud? , elle ne fent point du tout la peine : le travail y eft tout fpirituel, il y coule de fource ,. & la patience qu'il a Xinj
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4#& Cours de Peinture
exig�e eft plut�t l'effet du plaimr
que l'Auteur y a pris, que de la ne- ceffit� de le terminer. Tout eft donc fini dans cette figure parti- culi�re ; mais tout y eft de feu , & l'adrefle de la main fou tenue de la ' force d'un beau g�nie , & d'une feience profonde , ont rendu cet Ouvrage digne certes de la plus grande admiration. C'eft ainfi que notre f�avant
Sculpteur , en joignant � ce trifte fujet toutes les gr�ces dont il eft fufceptible , & en r�pandant d'ail- leurs toutes les marques d'une feien- ce auffi profonde qu'ingenieufe , a confaer� cet Ouvrage � la pofte- rit�. Mais quelque foin que l'on ait
pris de rendre fid�les ces deux d�- icriptions, il eft impoffible , en les lifant feulement, fans voir les ou- vrages m�mes, de fe faire une id�e, bien jufte de toute leur beaut�. |
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far Principes, 489
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LA BALANCE DES PEINTRES.
QUel qjj es perfonnesayant
fouhait� de l�avoir le degr� de m�rite de chaque Peintre d'une- r�putation �tablie, m'ont pri� de faire comme une Balance dans la- quelle je mifl� d'un c�t� le nom du Peintre & les parties les plus efl fentielles de Ton Art dans le degr� qu'il les a pofled�es, & de l'autre c�t� le poids de m�rite qui leuj? eonvient 5 en forte que raroailant toutes les parties comme elles le trouvent dans les Ouvrages de cha- que Peintre, on puiffe juger com- bien pefe le tout.. J'ai fait cet eiTai plut�t poue
me divertir que pour attirer les au- tres dans mon fentiment. Les ju- gemens font trop differens fur cet- se mati�re , pour croire qu'on aie Xv
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49 o Cours de Peinture
tout feul raifon. Tout ce que je de- mande en ceci c'�ft qu'on me don- ne la libert� d'expofer ce que je. penfe , comme je la laifle aux au- tres de conferver l'id�e qu'ils pour- roient avoir toute diff�rente de la. mienne. Voici quel eft. l'ufage que je fais-
de ma Balance. Je divife mon poids en vingt de-
gr�s, le vingti�me efl le plus haut,, & je l'attribue � la fouveraine per- fection que nous ne connoiflbns pas dans toute fon �tendue. Le dix- neuvi�me eft pour le plus haut de- gr� de perfection que nous con- noif�ons , auquel perfonne n�an- moins n'eft encore arriv�. Et le dix- huiti�me eft pour ceux qui � notre jugement ont le plus approch� de la perfection , comme les plus bas chiffres font pour ceux qui en pa- roiiTent les plus �loign�s. Je n'ai port� mon jugement que
ftir les Peintres les plus connus , & j'�� divife la Peintureen quatre co- |
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far Principes,,' 49"r
ibilfles , comme en les parties les
plus efTentielles, f�avoir, la Com- poiition , le Defl�in , le Coloris 3 & l'Expreffion; Cequej'entenspar le mot d'Expreffion, n'eft pas le ca- ract�re de chaque objet, mais la penf�e du c�ur humain. On verra par l'ordre de cette divif�on � quel degr� je mets chaque Peintre dont le nom r�poad au chiffre de cha- que colonne. On auroit pu1 comprendre par-
mi les Peintres les plus connus, plu- i�eurs Flamans qui ont repr�fent� avec une extr�me fid�lit� la v�rit� de la nature & qui ont eu l'intelli- gence d'un excellent Coloris : mais parce qu ils ont eu un mauvais gouc dans les autres parties , on a cru qu'il va�oit mieux en faire une cla/Te fepar�e, Or comme les parties ef�ent�elles
de la Peinture font compof�es de plusieurs autres parties que les m�- mes Peintres n'ont pas �galement; fofte��es , il eft raifonnabe de |
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49 ~ Cours de Peinture
compenfer l'une par l'autre pour en faire un jugement �quitable. Par exemple .y la Compofition re- lulte de deux parties ; f�avoir , de l'Invention & de la Difpofition. IL eft certain que tel a �t� capable d'Inventer tous les objets necefTai- res � faire une bonne Compofitionv lequel aura ignor� la mani�re de les difpofer avantageufement pour en. tirer un grand effet. Dans le Def- fein il y a le Go�t & la Correction j l'un peut fe trouver dans un Ta- bleau fans �tre accompagn� de l'autre, ou bien ils peuvent fe trou- ver joints enfemble en differens de- gr�s & par la compenfation qu'on en doit faire , ©n peut juger de ce que vaut le tout, Au refte, je n'ai pas affez bonne
opinion de mes fentimens pour n'�- tre pas perfuad� qu'ils ne foient fe- verement critiqu�s : mais j'avertis que pour critiquer judkieufemene il faut avoir une parfaite connoi� fan�ede toutes les parties qui. corn- |
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far Principes 493"
pofent l'ouvrage & des raifons qui
en font un bon tout. Car pluf�eurs jugent d'un. Tableau par la partie feulement qu'ils aiment , & ne comptent pour rien celles qu'ils ne eonnoiflent ou qu'ils n'aiment pas». |
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NO M S
■ Peintres les plus
connut, |
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Albane.
Albert Dure. Andr� del Sarte. B
Baroche.
Baflari , Jacques.
Baflift. del Piombo.
Belin, Jean,
Bourdon.
Le Brun.
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Cal�iari p. Ver.
Les Caraches. Correge. D
Dan. de Volter.
Diepembek, |
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10 16
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da Peintres les plus
connus. |
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Le Dominiquin.
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Giorgion..
Le Guerchin. Le Guide. |
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Jean da Udin�.
jaq. Joui dans» Luc Jourdans. ■ Jofepin. Jules Romain* |
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Lanfranc.
'.eonard de Vinci. -ucas de Leide.-
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TABLE DES MATIERES
contenues en ce Volume.
ACciD5Ns.Ce que c'eft en Pein»
ture , Pag. zoS All�gorie eft une efpece de langage, 5 §
Anatomie, l'ufagequ'onen doit faire, 3.9. Elle a fait �chouer plufieurs Peintres, & en a fait eftimer plufieurs autres, Antique dans la Peinture. Son origine &c
fon utilit�. Son autorit� chez les Au- teurs anciens & modernes. Sa beau- t� , fon approbation univerfelle, & fon �l�vation , 130,319 Appeller le Spectateur doit �tre le pre-
mier effet d'un Tableau, 17 Les Tableaux qui appellent le Specta-
teur font rares , & pourquoi ?� 17 La partie du Coloris eft ce qui contribue
davantage � appeller le Spectateur, 19, Arbres, 131,23$
Attitude. La bien choifir ,, roo?
L'Aveugle de Cambaffi ,& fon Hiftok
|
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tabl�
C C�rad�re. Ce que c'eft en Peinture $
iGx Charge , & charger. Ce que c'eft e� Peinture , & en quel cas on en peue louer Ha pratique, jy , & 38 Ciel. Son caract�re s- 212
ConnoiiTeur, Les Demi-connoiffeurs ju-
gent ordinairement de la Peinture , fans connoiflance de caufe ,r '. %6 Contrafte. Ce que c'eft, 102 Clair-obfcur. Ce que c'eft , 3^1
Trois moyens pour arriver au Clair-
obfcur, 366. Quatre preuves pour d�montrer fa n�ceflu� ? 370 Copier avec profit, 294.
Coloris. Ce que c'eft, 302
Cette partie de la Peinture eft tr�s-peu
connue, m�medes plus habiles, 303 Diff�rence entre Couleur & Coloris, 3 02
Couleur fimple & Couleur Locale. Leur
diff�rence, 304. Deux fortes de Couleurs, la naturelle
& l'artificielle , 30 j. Maximes tou- chant l'emploi des couleurs, 317 Correction du Deff�in , 128 D
DEffein. Sa d�finition, 127,320
Ses parties principales , n8 |
||||
des Mati�res
�Bevant du Tableau, 1&I pifpofition. En quoi elle confifte, y$
Elle contient fix parties ; i. La Diftributiondes objets eng�neral, 2. Les Grouppes.
3. Le choix des Attitudes»
4. Le Contrafte.
y. Le Jet des Draperies. 6, L'effet du Toutenfemble. Difpofui�n. Spn effet, 114
Les Draperies. Cequec'efl;, 177
Contiennent trois chofes :
r x. L'ordre des Plis, 178 \ 2. La diverfe Nature des Etoffes 187
1 3. La vari�t� des couleurs dans les (r Etoffes, 19 2 Le Trait� des Drapexies en abr�g�. 196
Les Draperies font d'une grande utilit� pour le Contraire, i§t Les Couleurs des Draperies peuvent con-
tribuer ext�mement � l'effet du Clair- obfcur, igj �
EAux, -.� 225
Ecorcedes Arbres&l�urvari�t�, 235
El�gance en Peinture, *i f? Sa d�finition , 160
Elle fe fait fentir quelquefois dans les
Ouvrages peu ch�ti�s ^ l<Jo Enthounafine, I14
|
||||
Table
Moyen de difpofer l'efprit � l'EnthoufiaC
me, 119 Efprk. l'Efprit s'�l�ve avec le beau fujet,
& le lujet s'�l�ve avec le bel Efprit, 6 5 Notre Efprit eft une plante qui veut �tre
cultiv�e,, 64. Eftampes dePa�fage excellentes pour �tu-
dier , quand elles font de grands Ma�- tres , 140 jExageration g�n�rale neceflaite en Pein-
ture , & la particuli�re f�lon l'occa- fion, 30e Elle doit �tre m�nag�e avec pruden-
ce, 355 . Expreflioa. Sa diff�rence d'avec la Paf- fion, 162 Ecole d'Ath�nes. Tableau de Rapha�l,
Sa defcription , 75 Vafarireprisdansladefcriptionqu'ilena
faite du tems m�me de Rapha�l, Idem. Auguftin V�nitien repris pour le m�me fujet, 79 F
TH Abriques, ni
JT Fabriques propres au Pa�fage, 22.S
G G Alleries de Luxembourg , 345
Gazon, 217 Glacis. Ce que c'eft , 338
Co�t. Go�t du deflfein , 158
|
||||
�:s Mati�res,,
(Gr�ce. Il n'y a rien dans l'imitation d�s
objets, o� l'on ne puiflTe faire entrer de
la Gr�ce , -1.09
Grouppes. En quoi ils conf�ftentj 97
Il yen a de deux fortes par rapport au
DeHein & par rapport au Clair-obfcur,,
Leur relation , 109
H
HArmonie., & fes difFerens genres
. dans la Peinture, m,&c. Hil�oire. Ce que c'eft en Peinture, 67
L'Hiitoire doit avoir trois qualit�s, la fid�- lit� , la nettet� , & le bon choix, 6j Comment le Peintre doit faire conno�tre le fujet de fon Hiftoire, & de beaux- exemples � cette occafion, 6 g & 69 I JAbac , grand curieux. Son t�moignage
fur la pratique de Vendeik au fujec des Portraits 5 zp 1 Id�e. Ce que c'eft , t
Peux Id�es de la Peinture. Id�e g�n�rale
pour tout le monde, 3 . Id�e particuli�re pour les Peintres, ^
L'ondoit tirer les v�ritables Id�es des cho- fes,de leure(�ence,&de leur d�finition,� Id�e v�ritable de la Peinture, & le Vrai ne font que la m�me chofe, 2.0 Id�es particuli�res ou f�condes qui regar-
dent les Peinttes feulement, « |
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Tahk
Obligation ou lont les Peintres de bien pofleder ces f�condes Id�es, 6 Se 7 Les Id�es des chofes entrent dans refptit par les organes des lens, j Invention. Qe terme a produit diff�rentes
Id�esdansl'efpritdedifFerens Auteurs, jo D�finition de l'Invention, 5 1 L'Inventioneil une des deux parties de la
�ompofition, dont l'autre partie s'ap- pelle Difpofirion, $1 Sa diff�rence d'avec la Difpofttion , 52 Le moienderendre l'Invention ielev�e,�8 L'Invention fe peut confideret de trois mani�res , comme Hi.ftorique (impie» ment 3 comme All�gorique ,& com- me Mifti que, 5^ Bel exemple de l'Invention Miftique, 5 9 Par l'Invention, on juge du G�nie du Peintre > 61 Bile ne peut produire que les chofes dont notre efprit eft rempli , 6z L'Invention a differens ftiles, 52 L'Invention all�gorique exige trois cho- fes, d'�tre intelligible, d'�tre autorii�e, & d'�tre neceflaire, 71 L LE linge eft un bon moyen de juger
de la Carnation du Naturel par la Comparaifon, 496 Lointins & montagnes, z 14
L on gin
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des Mati�res.
"Longin , fon exemple dans le fublime. 110
M A/4 Iroir convexe. Son utilit�, 10?
N
^J Uages, leurs Caract�res, iij O
GRdre qu'il Tant tenir dans l'Etude
del� Peinture, 387 Ordre dont on a plac� les parties de la
Peinture, & pourquoi ; io P
PArallele de la Peinture , & de la
Po�fie, 42.0 Pallions de l'Ame, t6Z
Le Brun a �crit des Pa(lions fur le mo-
d�le de Defcartes, t <j^ Deux fortes de Peintres, 40 Peinture. Sa d�finition , j La v�ritable Peinture eft celle qui ap- pelle fon Spectateur, s La Peinture fe peut confiderer de deux mani�res, par rapport � l'inftrudtion, & par rapport � l'ex�cution , 49 La Peinture doit inftruire & divertir, & comment, 66 Palais de la Peinture �lev� par fes diff�- rentes parties, f�lon la diverfit� de leurs propri�t�s z$ , &c. Y
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Table
Le Pillage eft le plus agr�able de tous les talens de la Peinture , 201
Deux principaux Stiles dans le Paifage ,
l'H�ro�que & le Champ�tre , 201
Heurs Defcriptions, i6i,i6z8ci6$ La jonction des deux Stiles en fait un troifi�me, zoj
Les parties du Paifage , aoj
Obfervations fut le Paifage, 252
Plautcs , a 17
Portraits. Mani�re de les bien faire, a�o
S'il eft � propos de corriger les d�fauts du Naturel dans les Portraits, 268
Le Coloris dans les Portraits, ayi L'Attitude dans les Portraits , 27^
Les Ajuftements dans les Portraits, 281
Comment ilfaut habiller lesPortraits, a 8 a Pratique fpaeiale pour les Portraits , 28$ Politique pour faire riuffirles Portraits, 257
R RAphael a pofl�d� plus de parties
quaucun autre Peintre, & cit� pour cela, . it Rapha�l n'a peint appelle fon Spectateur
dans le g�n�ral de tes Ouvrages, & ta- remerjt dans quelques-uns, 1} Exemple r�cent de M. de Valincour lut
les Ouvrages de Rapha�l qui font au Vatican, J4, |
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des Mati�res.^
Pourquoi on s'eft fervi de l'exemple' de: Rapha�l , z;
Roches ,■ 21S
Rubens peu connu � fond, %-j
Son fentiment fur l'Antique, 139
Rubens a rendu facile le chemin qui coiv
duit auColorisplus qu'aucun autre, 34e
Objection & r�ponfe au fujet de Rubens, S
SEnecju�, fon fentiment fur le plainY
que donne la Peinture dans le tems qu'on l'exerce , 3 j 1 Les Sites Partie du Pa�fage, zoe
Les Sites bizarres & extraordinaires plai-
fent & r�jouiffent, 207 Sujet, le bien choifir , . 63'
Le caract�re du Sujet doit frapet d'�-*'
bord le Spectateur, $6 Si le Peintre a le choix de fon Sujet, il
d«it pr�f�rer celui qui eft le plus pro- pre � fon G�nie , 64. Les Jeunes-gens doivent s'exercer fur toutes fortesde fumets. Belle comparai- fon � cette occafion^ 63 T TAbleau. Le premier effet du Ta-
bleau eft d'appeller foi�Speitateur,^ Un Tableau qui contient une des parties de la Peinture par excellence doit �tre Y ij
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Tdhle des Mati�res'.
lou�, & peut tenir place dans an Cab�* net de Curieux, 10 Exemple de Rembrant fur ce fujet, 10
Terreins ,, 219 TerrafTes, 220
Le Tout-Enfemble, en quoi il confifte ?
105.
V UNit� d'objet. Sa necef�it� & fa d�-'
monftration ,, 108 Le Vrai doit pr�venir le Spectateur, &
l'appeller,- 8
Sa Defcripfion , 29
Trois foi tes de Vrai dans la Peinture, 30
L'Id�e que Rapha�l avoitduVrai $6 De quelle confequence eft le Vrai dans la Peinture, 41
Lettre de M. l'Abb� du Guet, au fujet du
h Trait� du Vrai dans la Peinture, 44 Fin de la Table des Mati�res
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N
^2**15**12* 3**13**1 S^
PRIVILEGE DU ROT.
I^UPi Gui^?ar la Gr�ce be Dieu,*
; Roy de France & de Navarre ; 1 A nos amez & feauxConfeillers les Gens tenans nos Cours de Parlement ,. Ma�tres des Requ�tes ordinaires de notre H�tel, Grand Gonfeil, Pr�v�t de Paris,» Baillifs, S�n�chaux, leurs Lieutenans Ci~- vils, & autres nos Jufticiers qu'il appar- tiendra , Salut. Jacques Eftienne Librai- re � Paris, Nous ayant fait remontrer qu'il defireroit faire imprimer un Livre, intitu- l�, Cours de Peinture par principes , compoja parle Sieur de Piles -, s'il nous plaifoit lui accorder nos Lettres de Privil�ge fur ce n�- ce�faires.Nous avons permis & permettons par ces Pr�fentes audit Eftienne , de faire imprimer ledit Livre, en telle forme, mar- ge , caract�re, & autant de fois que bon lui l�mblera, & de le vendre, faire vendre & d�biter par tout notre Royaume , pendant' le tems de Cinq ann�es conf�cutives , �* compter du jour de la datte defditespr�fen- tes ; Faifons d�fenfes � toutes Perfonnes de quelque qualit� & condition qu'elles puit f�nt �tre d'en introduire d'Impreffion Etrang�re dans aucun lieu de notre ob��t»- |
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fance, & � tous Imprimeurs, Libraires,. &'
atftres d'imprimer, faire imprimer, verii. dre, d�biter ni contrefaire ledit. Livre, en tout-ni en-partie, fans la permif��on expref- fe & par �crit dudit Expofant ou de ceux qui auront droit de' lui" -, � peine de conf�f- catiorT des Exemplaires contrefaits , de Quinze cens livres d'Amende pour chacun des Contre'venans , dont un tiers � Nous , un tiers � l'H�teLDieu de Paris ; l'autre tiers audit Expofan�, & de tous d�pens, dommages & int�r�ts-: A la charge que ces- Pr�fentes feront enregiftr�es tout au long fur le Regiftre de la Communaut� des Im- primeurs & Libraires de Paris, & ce dans' trois mois de la datte d'icelles ; que l'im- preffion dudit Livre fera faite dans notre Royaume& non ailleurs, en bon papier Se en beaux caract�res conform�ment auxRe- glemens de la Librairie, & qu'avant que de' l'expofer en vente, il en fera mis deux E- xemplaires en notre Biblioth�que publi- que, un d'ans celle de notre Ch�teau du' Louvre, & un dans celle de notre d�s cher & f�al Chevalier Chancelier de France, le Sieur Ph�lypeau* Comte de Pontchar- train , Commandeur de nos' Ordres ; le' �cut � peine de nullit� des Pr�fentes : Du contenu d�fquelles vous mandons & en- joignons de faire jouir l'Espofant ou fe?: |
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Ayans caufe^ pleinement &paifiblernent,
fer» foufFrir qu'il leur foit fait aucun trou- ble ou emp�chement. Voulons qu~ la co- pie defd. Pr�fentes qui fera imprim�e au commencement ou � la fin dudit Livre^ foit tenue pour du�rnent lignifi�e, &c qu'- aux Copies coljationn�es par l'un de nos amez & f�aux Confeiilers' & Secr�taires, �foi foit ajout�e comme � FOriginal j Com- mandons au premier notre HuM��er ou Ser- gent de faire pour l'ex�cution d'icelles tous A&es requis &c n�ceflaires fans demander autre permiffion, & nonobftant clameur de Haro, Chartre Normande, Se Lettres � �ce contraires : C a r tel eft notre plaifir. Donne' � Paris, le vingt-troifi�me jour de Janvier, l'an de Gr�ce mil fept cens huit ; & de notre R�gne le foucante-cin- qui�me. Par le Roi en ion Confeil ; Sign�, ifCoHi b. Et fcell� du grand Sceau de .cire jaune. Regiftr�furle Regifiredela Communaut� des
Libraires & Imprimeurs de Paris , N°. %. Pag. 315. N°. 599, conform�ment au R�glement, & notamment k l'Arrej� du Conj�i� du 1$. Aouft �yoj.AParislefixi�meMars 1708. Sign�, LOUIS SEVESTRE, Syndic.
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Pc l'Imprimerie de Pierre MsRce',
ru� Saint Jacques , au Cocq. |
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A F RO B ATI ON,
'AY. lu par ordre de Monfei-
gneur le Chancelier un Livre Intitul�, Cours de Peinture &c. Il m'a paru que cet Ouvrage feroic tr�s.utile & tr�s-agr�able au Pu- blic. Fait � Paris ce i$>. Janvier ,170.8. t RAGUET.
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I
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KUNSTHISTORISCH INSTiTUUT
DER RUKSUNIV8RSITEIT UTRECHT |
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