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CHIC A CHEVAL
HISTOIRE PITTORESQUE DE L'EQUIT�TION
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TYPOGRAPHIE FIRMIN- DIDOT. ---- MESNIL (EURE).
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OFFICIER DU 5e DE HUSSARDS. C"> D'ELITE;
1806.
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L. VALLET
ANCIEN CAVALTRR-�L�VE TE l/�COLE DE SAUMUR
LE
CHIC A CHEVAL
HISTOIRE PITTORESQUE DE L'�QUITATION
PR�FACE DE M. HENRI LAVEDAN
OUVRAGE ILLUSTR�
DE PLUS DE 300 GRAVURES DONT 50 EN COULEURS
d'apr�s les dessins de l'auteur
PARIS
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C'K
IMPRIMEURS DE 1/INSTITUT, RUE JACOB, 56
1891
Reproduction cl traduction r�serv�es.
Bibliothrck der
Rijksuniv�rsurtt te Utre*�l
Afd. Diergemeskunde
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A
EDOUARD DETAILLE
SON ADMIRATEUR LE PLUS FERVENT ET LE PLUS RECONNAISSANT
L. Vam,et.
_J f*~ f*.
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Mon Cher VALLET,
Vous avez retrouv� le long d'un quai probablement? quelques lignes sur
notre ami le Cheval �crites par moi autour de la vingti�me ann�e dans une heure
de lyrisme juv�nile, et vous me demandez la permission de les placer, � la fa�on
d'une pr�face, en t�te de votre amusant et beau livre :
Le chic � cheval.
Jamais celte modeste fantaisie n'e�t esp�r� se trouver � pareille f�te ; aussi c'est
de bon c�ur que je vous en fais le mince cadeau, et que je vous prie de me croire
toujours,
Votre
Henri LA VEDAN.
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SYMPHONIE DU CHEVAL
Mon royaume pour un cheval!
BOABDIL.
Il y a des gens qui adorent les chiens et qui en font la passion de leur vie, des vieilles
filles qui s'�namourent de kakato�s au plumage aveuglant; des po�tes, comme Baude-
laire, ch�rissant les angoras fourr�s; moi, j'ai toujours eu pour le cheval un vaste et
profond amour.
Comme l'�crivain aux manchettes, je ne suis pas �loign� de croire que ce soit la plus
noble conqu�te que l'homme ait jamais faite. 11 r�unit en lui toutes les beaut�s des autres
animaux. Du chien il a l'intelligence et la tendresse, moins la rage; du chat la souplesse
et l'agilit�, moins les griffes et le caract�re lubrique; il a les pieds du cerf, la patience
du b�uf, l'�il doux de la gazelle, et la crini�re du lion.
0 cheval superbe et divin, de quelque c�t� qu'on tourne les yeux, on aper�oit aus-
sit�t ta silhouette �l�gante et majestueuse. Tu es partout, mon beau vaniteux !
Dans la Mythologie, tu piaffes parmi les splendeurs et les apoth�oses. Tu as pour co-
chers le Soleil, la Nuit; et tu roules les D�esses nonchalamment �tendues dans la
gloire de leurs conques a�riennes. Pas un chemin sauvage et perdu de la l�gende o� ne
retentisse ton hennissement. Pas un sentier battu de l'histoire o� ton sabot n'ait laiss�
son empreinte et fait jaillir une �tincelle. Pas un �v�nement joyeux de la vie romanes-
que o� tu ne joues ton r�le. Tu vas des batailles o� l'on se tue, aux escapades o� l'on
s'aime. Tu es le fid�le ami des pr�somptueux cavaliers, le complice hardi de don Juan.
Tu sais marcher sans bruit sous les balcons, au clair de lune, et tu fr�mis quand tu
sens ployer en travers de ta selle le corps des belles filles � moiti� p�m�es.
Et voil� que tu passes � travers les �ges et les si�cles avec la diversit� de tes races,
la vari�t� infinie de tes formes, les mille nuances de tes robes, sous un aspect toujours
multiple et toujours nouveau ! Toi, d'abord, fils de Neptune et de M�duse, P�gase aux
crins d'argent, qui, d'un coup d'aile, ravis le po�te aux sommets de l'H�licon; vous,
nobles coursiers qui, t�te baiss�e, tra�niez � pas lents le char d'Hippolyte au bord de la
mer retentissante! Buc�phale, �cumant sous la cuisse nerveuse du vainqueur d'Ar-
belles, tu� sur les rives de l'Hydaspe, et pleur� par ton royal ma�tre qui fit b�tir une
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ville portant ton nom, au lieu m�me o� tu t'�tais abattu pour la premi�re et la der-
ni�re fois! Vainqueur des jeux Olympiques, d'encolure puissante, � la crini�re carr�
ment coup�e en brosse comme le cimier d'un casque, parcourant la carri�re d'un galop
sonore! Hippogriffe velu, farouche, descendu des steppes du Nord aux heures d'in-
vasion, aimant � sentir battre sur tes flancs creux la t�te de l'ennemi vaincu, et s�chant
l'herbe o� tu passes! Veillantif, bon cheval de Roland, qui, la bouche d�gouttante et
vermeille, si bien mordais les Sarrasins au visage, dans les gorges de Roncevaux!
Cheval-bourreau meurtrissant � travers monts et plaines les membres ab�m�s de Ma-
zeppa, ou broyant aux arbres des for�ts le corps blanc de Brunehaut, que les loups
suivaient � la trace, langue pendante; Syrien qui galopais si vite, emportant Mohammed
dans le vent de l'H�gire! Cheval du Moyen Age capara�onn� de fer et d'acier aux tour-
nois, costum� de soie et de velours � la chasse aux faucons, aim� des suzerains, choy�
des pages, caress� des reines! Tu restes bien un peu � l'�curie pendant qu'Henri III et
ses mignons jouent au bilboquet, mais le B�arnais t'enfourche � nu, tu bondis sous
l'�peron de ses robustes bottes, et, plus tard, les enfants aiment � te voir passer sur le
Pont-Neuf; tu fais du pas espagnol au man�ge avec les raffin�s de Louis XIII; la queue
cravat�e de rubans et de passequilles, les jambes en guillemet, tu galopes sur place avec
emphase � la porte des somptueux carrosses, dans les rues de Versailles, et tu conduis
par les casse-cou du Saint-Bernard le grand petit homme � la redingote grise! Oh! qui
que tu sois, Rossinante ou Buc�phale, cheval glorieux ou dada ignor�, anglais souple
et plein de feu que Byron mena tant de fois sur le sable du Lido, ou gros percheron em-
portant la royaut� dans une berline et la faisant verser � Varennes, qui que tu sois,
h�ros de l'histoire, personnage de la fable, enfant de la l�gende, je t'aime! Je t'ai vu en
marbre dans les frises du Parth�non, je t'ai vu en pierre, je t'ai vu en bronze, au fron-
ton des arcs de triomphe, et sur le m�tal des m�dailles; on a ceint ton front de laurier,
tu as �t� consul, tu as eu des pr�tres et des autels! Dieu t'a cr��, M. de Buffon t'a d�-
couvert, Lamartine et les po�tes de J�richo t'ont chant�, Van cler Meulen, Rubens, G�-
ricault, Carie Vernet, Fromentin, Meissonnier ont fix� sur la toile ta radieuse image, les
Coysevox et les Coustou t'ont fait jaillir du plus pur Carrare, tu n'as rien � envier! tu
es le vrai roi des animaux, tu m�rites qu'on t'honore, et si tu n'as pas d'Invalides ici-
bas, on te reverra du moins � un Jour � dans de plus sereines r�gions o� tu auras,
comme P�gase, de grandes ailes...
O�, joyeux, tu galoperas
Sur des bruy�res immortelles !
*
* *
Humble cheval de troupe, glorieux serviteur, infatigable compagnon du soldat, c'est
toi qui es encore le plus noble et le plus touchant! Tu es de tous les triomphes et de
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� XI �
toutes les d�faites : tu te bats par tous les temps et sous tous les cieux, aux Pyramides
et � la B�r�sina, � S�bastopol aussi bien qu'� Reischoffen, et quand sonne le tocsin de
la faim..., nous savons qu'on te mange. Le luxe et le confort anglais ne sont point
faits pour toi. Tu n'as pas de r�teliers dor�s, de stalles dall�es en marbre, un peuple
de grooms et de valets pour te peigner et te brosser. On ne t'entoure pas les jambes de
flanelles, on ne t'emmitoufle pas de paletots armori�s, on ne te fait pas boire de Cham-
pagne... Tu ne connais pas non plus les aboiements de la meute l�ch�e sous bois les
habits rouges laissant de leur laine aux branches vertes, le refrain de l'hallali emport�
par la brise d'automne, tout le grand concert de la chasse... Non, tu tra�nes cinq six., dix
ans au plus, et quand tu as lutt�, souffert, travaill�, que ton col se penche vers la terre
et que ton pied devient moins s�r, te voil� fatalement condamn� � la r�forme. On t'avait
achet� tr�s cher, on te revend cinquante francs, � peine le prix des os qui cr�vent ta
peau parchemin�e..., ta peau qui fait p�tiller d'aise les yeux de l'�quarrisseur chafouin.
Si tu es laid, ce que je te souhaite, tu tombes entre les mains d'un paysan, tu te rem-
plumes un peu au vert, les gamins te grimpent sur le dos en sortant de l'�cole, et les
jours de march� tu tires la voiture aux l�gumes; � moins que tu ne passes � l'�tat de
cheval de fiacre... et tu connais toutes les mis�res, des coups tant qu'on en veut, de la
nourriture par-ci par-l�, entre deux courses, et dame! pas de gloire.
Enfin, si malgr� l'�ge et les fatigues tu portes encore beau, ah! je te plains, mon
pauvre bonhomme! tu iras dans un cirque forain, on te mettra une serviette autour du
cou, tu d�neras tous les soirs avec le clown en pl�tre qui dit : Miousique! tu indiqueras
la jeune personne qui doit se marier dans l'ann�e, et sur un signe du ma�tre, pour ra-
masser le mouchoir, tu plongeras dans le sable tes vieux genoux r�p�s - jusqu'au
jour o� perclus, les dents trop longues, �chou� sur le flanc, tu rendras � Dieu ta pauvre
ame de b�te qui vaut mieux que bien des �mes d'homme.
Henri LAVEDAN.
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LE
CHIC A CHEVAL
HISTOIRE PITTORESQUE DE L'�QUITATION
CHAPITRE PREMIER.
NEPTUNE. � BELL�ROPHON. � LES CENTAURES. -- LES A
MAZONES.
travers les fables de la mythologie et les r�cits
de l'histoire primitive, les premiers noms int�-
ressants pour l'histoire de l'�quitation, sont
ceux de Neptune et de Bell�rophon.
Les l�gendes grecques attribuent � Neptune
^^Ut la cr�ation du premier cheval. Voulant, �
l'exemple de Minerve, qui leur avait fait don
d'un arbre pr�cieux, l'olivier, accorder aux Ath�-
niens une marque de sa bienveillance, le Dieu
frappa la terre de son trident; et, bondissant
*>",-~                                                         de l'ouverture b�ante, le cheval, le plus noble
des animaux, foula, pour la premi�re fois, le sol de l'Attique.
Quant � Bell�rophon, dont le nom est ins�parable de celui du cheval ail� P�gase,
il est probable qu'il osa le premier employer le cheval comme monture. Il ne faut donc
pas s'�tonner que ses contemporains, surpris de cette nouveaut� et de l'allure rapide du
coursier qu'il montait, aient attribu� des ailes � P�gase.
Un fait incontestablement plus certain, c'est que les Thessaliens, avant tous les
crue a cheval.
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LE CHIC A CHEVAL.
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autres peuples de la Gr�ce, dompt�rent des chevaux et s'en servirent pour voyager et
pour combattre, ce qui les fit renoncer � l'emploi des chars, dont Erichtonius leur avait
appris l'usage.
L'apparition des premiers cavaliers causa aux populations hell�niques un tel �ton-
nement, qu'elles les consid�r�rent comme des �tres extraordinaires, moiti� chevaux et
moiti� hommes.
Comme ces derniers, pour augmenter leur adresse et leur force, s'exer�aient �
percer des taureaux de leurs fl�ches ou les terrassaient en les saisissant par les cornes,
les Grecs leur donn�rent le nom de Tueurs de taureaux (K�vraupoi). C'est l� l'�tymolog�e
du mot Centaures.
Les anciens �taient poss�d�s de l'irr�sistible besoin d'attribuer � toutes choses une
origine merveilleuse; ils ne manqu�rent donc pas de se donner carri�re au sujet des
Centaures.
D'apr�s la l�gende, ceux-ci avaient eu pour premiers parents Ixion, roi des Lapithes,
et un fant�me, une nu�e � laquelle Jupiter avait donn� une compl�te ressemblance avec
Junon, la reine des dieux.
Cette fable, comme la plupart des traditions mythologiques, masquait ou, plut�t,
d�naturait un fait v�ritable.
Le Jupiter en question, celui dont la femme avait inspir� une vive passion � Ixion,
�tait un roi de Thessalie. Au lieu de s'irriter de l'amour qu'Ixion �prouvait pour sa
femme, ce souverain le maria � l'une des filles d'honneur de la reine. Cette jeune fille
s'appelait N�ph�l� dont le nom a, en grec, le sens de nu�e. De ce mariage naquit une
race d'hommes intr�pides et hardis cavaliers.
11 est, du reste, d'autres l�gendes relatives � l'origine des Centaures. D'apr�s l'une
d'elles, ils auraient eu pour p�re Jupiter. Une autre donne pour parents, � l'un des plus
c�l�bres de ces �tres fabuleux, Saturne et Philyre.
Apr�s la mort de leur p�re, les Centaures r�clam�rent � Piritho�s, autre fils d'Lxion,
leur part de l'h�ritage paternel. Leur demande ne fut pas accueillie par Piritho�s. Ir-
rit�s de se voir frustr�s de leurs droits et, sans doute aussi, d'�tre consid�r�s
plut�t comme des animaux que comme des cr�atures humaines, les Centaures d�cla-
r�rent la guerre � Piritho�s.
Cependant, un accommodement intervint entre les deux peuples, et, en signe de *
r�conciliation, Piritho�s invita les Centaures � assister aux f�tes de son mariage avec
Hippodamie.
Au milieu du festin, les Centaures, en h�tes mal appris et peu courtois, se mirent
en devoir d'enlever la nouvelle �pous�e et plusieurs des femmes pr�sentes � la f�te.
C'�tait, on en conviendra, manquer aux r�gles de la plus �l�mentaire politesse. Par
malheur pour les Centaures, Hercule, que les liens d'une �troite amiti� unissaient �
Piritho�s, se trouvait au nombre des invit�s.
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LE CHIC A CHEVAL.
Ce h�ros, qui employait ses loisirs au redressement des torts, qui s'�tait vou� au
r�le ingrat de faire la police de l'univers, ne pouvait laisser impunie une aussi grave
infraction au code de la civilit�. Assist� de Th�s�e et de Nestor, qui �taient aussi de la
f�te, il s'opposa aux violences de mauvais go�t des Centaures, qui expi�rent cruellement
la grossi�ret� de leurs proc�d�s. En effet, ils tomb�rent en grand nombre sous les coups
de leurs adversaires justement exasp�r�s. C'est l� le fameux combat des Centaures et
des Lapithes.
A la suite de cette sc�ne de carnage, les Centaures furent compl�tement expuls�s de
la Thessalie et se virent dans la n�cessit� de se r�fugier dans les montagnes de l'Arca-
die. Ils furent du reste loin de s'y tenir tranquilles, et, � tous moments, ils s'�lan�aient
hors de leur repaire pour piller et d�vaster les contr�es voisines.
11 faut pourtant admettre que tous les Centaures n'�taient pas d�pourvus de civilit�,
de sentiments de g�n�rosit�, car l'un d'eux, Pholus, oubliant la rude le�on qu'Hercule
avait inflig�e � ses semblables, lui offrit l'hospitalit� pendant qu'il �tait � la recherche
d un sanglier redoutable, le sanglier d'�rymanthe, dont il voulait d�barrasser l'Arca-
�ie. Le Centaure fit fort bien les choses et ne m�nagea pas ses meilleurs vins.
irries de ne pas �tre de la f�te, les autres Centaures, qui avaient un go�t prononc�
pour les vins de choix, ne surent pas r�sister � la tentation de prendre de force ce
qu on ne leur offrait pas de bon gr�. Ils vinrent donc troubler la f�te; mais, malgr� les
armes formidables dont ils avaient eu soin de se munir, � savoir des troncs d'arbres
avec leurs racines et des miawio� ^
^ ues quartiers de roc, ils essuy�rent une d�faite compl�te. Les
redoutables fl�ches d'Hercule firpnt mo,,i i            �-
wouie nrent mordre la poussi�re � un grand nombre d'entre eux.
Le combat termin�, Pholus se mmnn,in                  � �
�� , . ,                 '                ° comporta avec une insigne magnanimit� envers ses
on patriotes morts. Laissant de c�t� toute rancune, il leur rendit les derniers devoirs
comme a ses parents. Il fut du reste fort mal r�compens� de sa g�n�rosit� : en effet, il se
blessa avec une fl�che arrach�e du corps d'une des victimes d'Hercule et mourut peu de
jours apr�s.
Hercule fit de magnifiques fun�railles � Pholus, et lui �leva un tombeau sur la mon-
tagne appel�e depuis Pholo�.
Rendant les Centaures responsables de la mort de son h�te, Hercule r�solut de leur
m iger un ch�timent exemplaire. Il se mit donc � leur poursuite. Connaissant par
exp�rience la puissance des fl�ches du h�ros, ceux-ci cherch�rent le salut dans la fuite;
eaucoup d'entre eux, cependant, tomb�rent sous les coups de leur terrible ennemi.
s survivants se r�fugi�rent � Mal�e et se mirent sous la protection de Chiron, le plus
sage des Centaures, qui avait enseign� l'astronomie � Hercule.
^ Hercule attaqua de nouveau les Centaures aupr�s de Mal�e; et, pendant le combat,
Chiron fut bless� au genou par une fl�che destin�e � un autre. Chiron �tait immortel;
mais, comme sa blessure, faite par une fl�che empoisonn�e, �tait ingu�rissable et lui
causait d'atroces souffrances, il supplia avec tant d'instance les dieux de le soustraire
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au supplice incessant qu'il �prouvait, que ceux-ci consentirent � exaucer ses pri�res et
le plac�rent dans le ciel, parmi les signes du Zodiaque. C'est le Sagittaire.
L'accident arriv� � Chiron augmenta encore l'irritation qu'Hercule �prouvait contre
les Centaures. Il extermina sans piti� tous ceux qu'il put atteindre. Ceux qui �chap-
p�rent � ses coups se r�fugi�rent dans les cavernes du promontoire de Mal�e, d'o�,
gr�ce � la protection de Neptune, ils purent gagner l'�le des Sir�nes, dont le s�jour fut
loin de leur �tre favorable, car leur race ne tarda pas � s'�teindre.
M. Paravey, qui s'est beaucoup occup� de recherches sur l'origine des Centaures,
croit en avoir retrouv� la trace dans des documents chinois remontant � une tr�s haute
antiquit�.
Un ouvrage chinois qui ne traite que des nations �trang�res � la Chine, le Pian-
y-Tien,
parle en effet d'un peuple qu'il appelle Ting-Ling, nation de cavaliers adroits et
infatigables, dans laquelle M. Paravey croit reconna�tre la tige des anciens Sarmates,
des Polonais et des Russes de l'�poque actuelle.
« L'ouvrage chinois contient m�me un dessin repr�sentant un homme de cette na-
tion, et sa configuration est en effet assez caract�ristique. Il a les cheveux longs, l�g�-
rement boucl�s, et ses jambes sont des jambes de cheval avec des sabots parfaitement
reconnaissables. Certes c'est l� une co�ncidence au moins �trange.
« Les Ting-Ling faisaient trente lieues par jour, habitaient les steppes du nord de
l'Asie et ne gravissaient pas les montagnes. Il est impossible de ne pas reconna�tre dans
les Ting-Ling un peuple essentiellement cavalier. »
Ajoutons qu'un autre ouvrage chinois, le Chanhay-King, livre de mythologie auquel
on donne pr�s de 4000 ans d'antiquit�, parle, lui aussi, de ces m�mes Ting-Ling.
Si, d'autre part, on se souvient que, chez les Grecs, les Centaures �taient souvent pris
comme le type de l'intelligence et de la science, tel Chiron, le savant pr�cepteur de
Castor et de Pollux, de Palam�de et de Th�s�e, le p�re adoptif d'Esculape, on est frapp�
du nom ethnique des Ting-Ling qui, en chinois, signifie pr�cis�ment « intelligence su-
pr�me ».
Un autre rapprochement assez curieux, c'est que le second mot de ce nom, Ling,
contient, en chinois, le caract�re id�ographique de la pluie ou des nu�es, ce qui
pr�sente quelque int�r�t, car nous avons parl� pr�c�demment du mariage d'Ixion
avec N�ph�l� (nu�e en grec), mariage d'o� sont issus les Centaures, d'apr�s les fables
hell�niques.
Notons encore que, sur les cartes japonaises, la Russie actuelle est d�sign�e par le
nom de Kontourya, qui signifie pays des Centaures. De plus, un c�l�bre orientaliste,
M. deHammer Purgstall, nous apprend que les Russes asiatiques ont pour anc�tre Thiras
ou Ros, fils de Japhet; or, ces noms pr�sentent une certaine ressemblance avec ceux
de Taures et de Centaures.
Les �gyptiens, eux aussi, ont imagin� des monstres moiti� hommes et moiti� che-
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UN CENTAURE.
L
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LE CHIC A CHEVAL.                                                             5
vaux. On en trouve la trace clans plusieurs de leurs monuments. Pline l'Ancien assure
m�me avoir vu, � Rome, une momie de Centaure embaum�e dans du miel et venant
d'Egypte. C'est l� un fait dont il convient de ne point trop s'�tonner, car les �gyptiens
�taient des ma�tres en charlatanisme.
Quoi qu'il en soit de toutes ces l�gendes, une chose est certaine, c'est que l'apparition
d�s premiers cavaliers provoqua, chez les peuples qui ignoraient l'art de monter les
chevaux, un sentiment d'�tonnement et d'�pouvante; et que leur imagination en fit des
monstres tout � la fois hommes et chevaux.
L'antiquit� croyait aussi � l'existence de femmes vou�es au m�tier des armes et com-
battant � cheval. Ce sont les Amazones. A
plusieurs reprises, elles eurent � soutenir                                                      f
des luttes contre les Centaures.
D'apr�s les �crivains anciens qui en par-
lent, elles habitaient sur di/ers points de
l'Asie et m�me de l'Afrique. Strabon, Pal�-
phate, Arrien et plusieurs �crivains mo-
dernes ont regard� leur existence comme
fabuleuse.
Dans l'origine, elles habitaient, dit-on,
les rives du Thormodon, dans le Pont, et
avaient pour capitale Th�miscyre. Elles
�tendirent leurs conqu�tes des fronti�res
de l'Assyrie au Tana�s, et b�tirent �ph�se,
Smyrne et Magn�sie.
Voici ce qu'en racontent les anciens :
« Apr�s la mort de Ninus, fondateur______________________________________
de l'empire assyrien et vainqueur des Scythes, sa femme et son fils, Ninus et Scolo-
pites, tous deux du sang royal des Scythes, exclus de sa succession, se retir�rent
avec leurs partisans clans la Sarmatie asiatique, au del� du Caucase, o� ils form�rent
un �tablissement et d'o� ils firent des courses dans les pays qui avoisinent le
Pont-Euxin. Fatigu�s de ces hostilit�s, leurs voisins se r�unirent et extermin�rent tous
les m�les.
Les femmes, pour venger le massacre de leurs maris et pourvoir � leur s�ret�,
�tablirent une nouvelle forme de gouvernement, �lurent une reine, r�solurent d'exclure
tous les hommes et de renoncer pour jamais au mariage. Dans cette vue, elles mirent
� mort tous les hommes que le hasard avait �pargn�s.
« Mais, pour perp�tuer cette soci�t� nouvelle, elles se rendaient, tous les ans, sur les
fronti�res, pour contracter, avec leurs voisins, des unions passag�res; encore fallait-il
que chacune e�t tu� auparavant trois ennemis. Les filles qui naissaient de ces alliances
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LE CHIC A CHEVAL.
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�taient �lev�es avec soin, mais les gar�ons �taient mis � mort, dit Justin, ou estropi�s
(Diodore), ou renvoy�s � leur p�re (Quinte-Curce).
« Vers l'�ge de huit ans, au plus tard, elles br�laient ou oblit�raient par une forte
pression, la mamelle droite de leurs filles (d'o� leur vient leur nom : a privatif et px�d�
mamelle), pour les rendre plus habiles � tirer de l'arc.
« Leurs habits �taient les peaux de b�tes qu'elles tuaient � la chasse ; ils s'attachaient
sur l'�paule gauche, et, tombant sur le genou, laissaient � d�couvert toute la partie
droite du corps. En guerre, la reine et les autres chefs portaient un corselet form� de
petites �cailles de fer, attach� avec une ceinture, et leur t�te �tait d�fendue par un casque
orn� de plumes. Le reste de leurs armes consistait en arcs, fl�ches, javelines et une hache
d'armes, invent�e, dit-on, par Penth�sil�e, une de leurs reines. Leur bouclier avait la
forme d'un croissant.
« Apr�s avoir fait de grandes conqu�tes, soumis la Crim�e et la Circassie, rendu
l'Ib�rie, la Colchide et l'Albanie tributaires, elles furent presque enti�rement d�truites
par Hercule, qui fit leur reine prisonni�re et la donna � Th�s�e pour prix de sa valeur. »
Les plus c�l�bres des Amazones sont : Sphione, qui vint f�liciter Jason; M�nalippe,
qui donna sa ceinture � Hercule; Hippolyte, qui envahit l'Attique; Antiope, qui fut
vaincue par Th�s�e; Penth�sil�e, qui marcha au secours de Troie et tomba sous les
coups d'Achille; Thalestris, qui visita Alexandre; Thomyris, qui infligea une sanglante
d�faite � Cyrus et le fit mettre � mort.
Les anciens mentionnent aussi l'existence d'Amazones en Afrique. Ces Amazones sub-
jugu�rent les Atlantes et furent, elles-m�mes, vaincues par Hercule.
Les habitants de la Phrygie et de la plupart des contr�es de l'Asie Mineure pr�ten-
daient descendre des Amazones.
Sur l�s m�dailles de la ville de Trajanopolis, on remarque une Amazone � cheval.
Parmi les plus belles sculptures o� figurent des Amazones, il faut citer, en premi�re
ligne, le groupe en bronze connu sous le nom �'Amazone du Thermodon. Ce groupe,
qui est admirable de vie et de mouvement, orne le p�ristyle ext�rieur du mus�e de Ber-
lin. OEuvre de Kiss, il repr�sente une guerri�re � cheval luttant contre un lion.
Chose curieuse, si l'on examine les monuments de l'art antique : statues, bas-reliefs,
m�dailles, o� sont figur�es des Amazones, on constate que rien ne vient confirmer l'o-
pinion de ceux qui pr�tendent qu'elles se d�formaient la poitrine. Sur tous ces monu-
ments, l'Amazone est repr�sent�e telle que la nature a form� toutes les femmes; et, si
elles ont r�ellement exist�, ce qui ne nous semble pas impossible, il y atout lieu de croire
que la coutume barbare, mentionn�e par certains auteurs, �taitloin d'�tre g�n�rale parmi
ces femmes guerri�res.
S'enlaidir, en effet, n'est pas le moyen de plaire; or, si les Amazones aimaient les
aventures, les plaisirs de la chasse et les �motions violentes des champs de bataille,
les l�gendes disent aussi qu'elles n'avaient pas un complet d�dain pour l'art de plaire.
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LE CHIC A CHEVAL.
Les Amazones de l'antiquit� ne sont pas les seules dont on ait conserv� le souvenir.
Au huiti�me si�cle, d'apr�s une l�gende boh�mienne, une princesse de Boh�me, nom-
m�e Libussa, s'�tait form�e une garde du corps enti�rement compos�e d�jeunes filles.
Elle avait mis � la t�te de cette aimable troupe une jeune fille appel�e Wlasta, qui �tait,
parait-il, « d'une force et d'une adresse peu communes ».
Libussa mourut en 735. Wlasta persuada alors � ses compagnes de se rendre in-
d�pendantes; puis, elle fit b�tir, sur le
mont Widowl�, un fort o� elle s'�tablit
avec ces nouvelles Amazones.
Przemyslas, duc de Boh�me, envoya �
ces insurg�es d'un nouveau genre, un de
ses officiers, qui avait mission de les som-
mer de rentrer dans le devoir et de resti-
tuer les domaines qu'elles avaient usurp�s.
Wlasta ne tint aucun compte des ordres de
son souverain et, pour toute r�ponse, elle
lui renvoya son repr�sentant, apr�s lui avoir
inflig� d'horribles traitements. Ensuite,
elle fit construire, aupr�s de Wissegrad,
un nouveau fort, auquel on donna le nom
de Diewin; et, avec sa troupe, qui s'�tait
singuli�rement accrue, elle ran�onna sans
Penth�sil�e, reine des Amazones.
piti� tous les pays environnants. Przemys-
las eut alors recours � la force; il envoya une arm�e pour r�duire les rebelles; mais
cette arm�e subit une honteuse d�faite.
Wlasta ne fut pas seulement une femme de guerre remarquable, elle donna aussi
des lois � son peuple.
« Elle publia », dit Gley, « un code dont les trois derniers articles statuaient qu'il �tait
d�fendu aux hommes de porter les armes sous peine de mort; qu'ils ne pouvaient aller
� cheval que les jambes jointes et pendantes sur le c�t� gauche du cheval; que celui
qui oserait monter autrement serait puni de mort; que les hommes, � quelque classe
qu'ils pussent appartenir, devraient conduire la charrue et faire tous les travaux, tandis
que les femmes combattraient pour eux; que les jeunes filles choisiraient elles-m�mes
leurs maris, et que celui qui rejetterait leur choix serait puni de mort. »
Pendant huit ann�es cons�cutives, Wlasta ravagea les r�gions avoisinant les deux
positions qu'elle occupait. Przemyslas se d�cida alors � mettre fin � cet �tat de choses
insupportable. 11 marcha en personne contre les rebelles et prit d'assaut le fort de Wi-
dowl�. Les Amazones qui le d�fendaient ayant obstin�ment refus� de se rendre, il les fit
toutes passer au fil de l'�p�e.
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LE CHIC A CHEVAL.
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Wlasta se trouvait � Diewin lorsqu'elle apprit la chute de Widowl�. Aussit�t, elle
donna l'ordre d'�gorger vingt-quatre prisonniers qu'elle avait en son pouvoir, et,
r�unissant tout ce qui lui restait de combattantes, elle marcha � la rencontre de Prze-
myslas. Apr�s une lutte acharn�e, la fortune des armes se pronon�a contre les Ama-
zones, qui p�rirent toutes les armes � la main.
Equ�ias. buste de la d�esse protectrice des cochers et des chevaux.
D�couvert en
1807 � Milrowicz (Hongrie).
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AMAZONE.
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CHAPITRE
II.
LES ASSYRIENS ET LES BABYLONIENS.
es l�gendes concernant les Centaures attestent que
l'usage du cheval de selle remonte, en Europe, � une
tr�s haute antiquit�; mais il est � peu pr�s �tabli
ou, du moins, on a tout lieu de supposer que les
peuples de l'Asie ont �t� les premiers � se servir du
cheval comme monture et, surtout, � employer � la
guerre de grandes masses d'hommes � cheval.
L'Egypte, dont d'innombrables monuments ont
permis de reconstituer les annales et la civilisation,
qui est consid�r�e comme la plus ancienne du
1 Egypte, aux temps recul�s de son histoire, ne poss�dait pas de cavalerie,
s �gyptiens savaient dompter le cheval, ils le harnachaient, souvent avec un grand
/e5 ils l'attelaient, mais il ne leur vint jamais � l'id�e de l'enfourcher. Dans leurs
aim�es, les chars de guerre tenaient lieu de cavalerie.
Les Assyriens et les Babyloniens, au contraire, �taient des cavaliers adroits et hardis,
our s en convaincre, il suffit de jeter un coup d'�il sur les admirables bas-reliefs que
°n a d�couverts dans les ruines des �difices grandioses �lev�s par ces deux peuples.
n y trouve une preuve absolument documentaire de l'antiquit� de l'�quitation.
C est incontestablement � ces peuples, dont la civilisation pr�sente un caract�re si par-
ticulier, � ces peuples, qui avaient, tout � la fois, des go�ts si raffin�s et des instincts si
cruels, qui cultivaient avec passion les arts de la paix et �taient poss�d�s de la soif
t'es aventures et de l'amour des conqu�tes, que revient l'honneur d'�tre les p�res de
�'�quitation.
CHIC A CIIE\AL.
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LE CHIC A CHEVAL.
Du reste, les Assyriens et les Babyloniens ne se born�rent pas � �tre des �cuyers
�m�rites; et tout porte � croire que s'ils remport�rent d'�clatants triomphes, comme
celui de Mageddo, s'ils firent de rapides et vastes conqu�tes, si Sennach�rib et Assur-
bani-pal purent parcourir en vainqueurs l'espace qui s�pare l'Euphrate du Nil, fouler
aux pieds le sol sacr� de Th�bes, ils le durent, en grande partie, � leurs redoutables es-
cadrons.
Un des bas-reliefs du palais de Nimrod, qui, gr�ce � M. Layard, figurent au British
Mus�um, nous montre le souverain chassant � courre. Il est accompagn� de deux
�cuyers qui portent l'un des fl�ches, l'autre une lance.
Le souverain, dont les cheveux et la barbe sont soigneusement calamistr�s, est coiff�
d'un riche diad�me. Il est v�tu d'une robe couverte d'�l�gantes brode-
ries, robe serr�e � la taille par une double ceinture rehauss�e d'or et de
pierreries. Ses jambes sont serr�es dans une sorte de maillot assez
semblable aux tissus de mailles dont se servirent plus tard les
guerriers du moyen �ge. Il est chauss� de sandales � quartiers,
montant � mi-jambes et lac�es sur le devant. C'est l� un costume
fort appropri� � l'�quitation et bien plus pratique que celui
des �l�gants d'aujourd'hui, dont le pantalon ou la culotte
dite anglaise, d'une largeur exag�r�e, ne manque pas d'un
certain cachet de ridicule.
Bride assyrienne.                      Le harnais des chevaux assyriens, harnais bien asiatique
par sa richesse, atteste que les Assyriens �taient un peuple
cavalier, qu'ils aimaient les chevaux, qu'ils savaient les soigner et les parer.
La crini�re des chevaux assyriens est coup�e en brosse, et la queue, qui semble on-
dul�e, est prolong�e par un long gland effiloch�. Les crins des boulets paraissent soi-
gneusement faits.
La bride, que d�corent de multiples ornements, est bien mieux entendue, bien plus
simple que celles qui furent en usage au moyen �ge et pendant le dix-septi�me et le
dix-huiti�me si�cle.
Le mors est une sorte de filet, � branches recourb�es; sa branche inf�rieure forme un
anneau, o� s'attachent les r�nes. Les montants s'�largissent aux oreilles, pourconstituer
la t�ti�re, � laquelle est adapt� un ornement, dont la forme rappelle celle du cimier du
casque assyrien. La sous-gorge est simple, et semble bien � sa place. Le frontal est
fait d'une sorte de gros bourrelet, probablement teint d'une couleur �clatante; il se
termine par deux glands de passementerie. Enfin, de chaque c�t� du front, partent des
croisillons, qui viennent se rattacher au-dessus du mors.
Les r�nes sont divis�es en deux parties : la premi�re, assez fine, est double et se fixe
� l'anneau du mors ; la seconde, plus grosse, a la forme d'une corde � n�uds, et vient
se r�unir � la premi�re par un �norme gland.
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LE CHIC A CHEVAL
11
Un riche tapis remplace la selle, et ne semble assujetti au cheval qu'au moyen d'un
large poitrail, garni d'ornements de m�tal et d'effil�s.
En outre, le cheval porte deux tr�s beaux colliers : le plus large est compos� de pi�ces
de m�tal ouvr�es; l'autre, plus �troit, est orn� de petits glands.
Les chevaux semblent �tre d'un fort beau mod�le. Leur t�te est petite, l'�il grand,
les naseaux larges; l'encolure est longue, la ligne du dos courte et bien soud�e, l'�paule
longue et oblique; la cuisse, bien muscl�e, pr�sente une plus belle culotte que celle des
chevaux orientaux modernes. Le cheval assyrien a des membres nets, avec des muscles
Chasse � courre. Ras-rclicr assyrien de Ninive.
< es tendons bien d�tach�s. Il a du boyau, et ne m�rite, en somme, que deux re-
proches : de manquer un peu de garrot, ce qui se comprend si on consid�re qu'il est
entier; et d'avoir les canons un peu longs.
Le bas-relief dont nous avons fait mention, un peu plus haut, nous apprend aussi que
les Assyriens �taient d'excellents cavaliers. E n effet, sur ce bas-relief, qui repr�sente une
chasse, les chevaux du roi et de sa suite sont au galop allong�; et le roi, qui a band� son
arc, et se pr�pare � tirer sur le fauve qu'il poursuit, a d� abandonner les r�nes de sa mon-
ture. Il vise en se penchant l�g�rement en avant, et son attitude atteste qu'il est aussi �
l'aise que possible.
Pas plus que lui, du reste, ses �cuyers n'ont l'air de novices en �quitation. Le premier
tend � son ma�tre des fl�ches de rechange; et le second, comme nous l'avons dit, porte
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LE CHIC A CHEVAL.
12
la lance du roi. Leur costume est moins riche que celui du souverain. Il en est de m�me
pour le harnachement de leurs chevaux. Le tapis qui leur sert de selle consiste en une
peau de b�te.
A cette m�me �poque, c'est-�-dire plus de 1000 ans avant J.-C, nul autre peuple n'a-
vait pouss� aussi loin, que les Assyriens, l'art difficile de l'�quitation.
Longue �p�e des cavaliers assyriens.
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CHAPITRE III.
LES GRECS, HOM�RE, X�NOPHON, LES MAC�DONIENS.
es l�gendes relatives aux Centaures et aux Amazones sont une
preuve indubitable que, vers l'an 1000 avant J.-C, certaines
peuplades voyageaient et combattaient � cheval; mais, si l'on
consid�re combien cette pratique parut extraordinaire aux
Grecs, on est forc� d'admettre que l'emploi du cheval de selle
n'�tait alors qu'une rare exception.
C'est vers cette �poque, sans doute, qu'Hom�re composa
ses deux immortelles �pop�es. Un point important � noter,
c est qu il n'y fait pas mention de cavaliers; Grecs et Troyens ne se servent du cheval
que pour l'atteler � leurs chars de guerre. Du reste, ces deux peuples consid�raient
e cneval comme un animal noble entre tous; ils l'entouraient de soins particuliers, et
le harnachaient avec recherche.
« Alcimus et Autom�don, les �cuyers d'Achille, placent les chevaux sous le joug,
qu ils lient avec de riches courroies; ils mettent le mors dans la bouche des coursiers,
" a"ongent les r�nes en arri�re jusqu'� ce qu'elles touchent au si�ge solide. Autom�don
le fouet �clatant, et monte sur.le char; Achille y monte apr�s lui; son armure
celle comme l'astre brillant du jour; et, d'une voix formidable, il adresse ces paroles
aux coursiers de son p�re :
Aanthe et Balie, noble race de Podarge, songez � ramener votre guide au milieu
es Grecs, quand nous serons las de la guerre; et, comme Patrocle, ne le laissez pas p�rir
dans la plaine. »
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U                                                           LE CHIC A CHEVAL.
« Xanthe, coursier imp�tueux, incline la t�te, et lui r�pond aussit�t, en laissant flotter
sur le joug sa longue crini�re, qui retombe jusqu'� terre; ce fut la d�esse Junon qui
lui donna la voix :
« Nous te sauverons aujourd'hui, terrible Achille; mais le jour de ta mort approche,
et ce n'est point nous qui en serons coupables, mais une divinit� puissante et ta des-
tin�e funeste; ce n'est point non plus par notre lenteur ou notre paresse que les Troyens
arrach�rent les armes des �paules de Patrocle; un dieu puissant, n� de la blonde La-
tone, l'immola, aux premiers rangs, et donna la victoire � Hector. Quand nous volerions
aussi vite que Z�phyr, qu'on dit �tre le plus rapide des vents, ton destin sera toujours
de p�rir, sous les coups d'un dieu et d'un h�ros. » A ces mots, les Furies arr�tent sa
voix; alors Achille indign� lui r�pond :
« Xanthe, pourquoi me pr�dire la mort? De tels soins ne t'appartiennent pas. Je sais
que je dois p�rir sur ce rivage, loin de ma m�re et d'un p�re ch�ri; cependant je n'a-
bandonnerai point les batailles avant que les Troyens soient rassasi�s de guerre. »
« Il dit, et, jetant de grands cris, le h�ros pousse aux premiers rangs ses coursiers vi-
goureux. »
Au chant vingt-troisi�me, Hom�re raconte les fun�railles de Patrocle. Les fun�-
railles, chez les anciens, se terminaient par des jeux en l'honneur des dieux et du
d�funt; parmi ces jeux viennent en premi�re ligne les courses de chars; et je ne puis
r�sister au d�sir de citer ces magnifiques pages, qui montrent que les Grecs d�cernaient
" de grands honneurs aux vainqueurs de ces courses, auxquelles les plus illustres de leurs
chefs ne d�daignaient pas de prendre part.
« D'abord Achille destine des prix superbes aux agiles conducteurs de chars : le pre-
mier recevra une belle captive, habile en toutes sortes d'ouvrages; il recevra aussi un
vase � trois pieds garni de ses anses, et contenant vingt-deux mesures; � celui qui le
suivra de plus pr�s, le h�ros donnera une cavale indompt�e, �g�e de six ans, et portant
un mulet dans son sein; au troisi�me, il r�serve un riche bassin qui contient quatre
mesures, et qui n'a point encore �t� noirci par le feu; le quatri�me aura deux talents
d'or; et le cinqui�me, une urne � double fond, qui jamais n'approcha de la flamme.
Alors, debout au milieu des Argiens, Achille parle en ces termes :
« Atrides, et vous, vaillants capitaines des Grecs, voici dans celte enceinte les prix
r�serv�s aux �cuyers vainqueurs. Si, pour un autre guerrier, les Grecs c�l�braient ces jeux,
moi seul, dans ma tente, j'emporterais tous ces prix, tant, sur les autres, mes cour-
siers excellent en valeur, car ils sont immortels. .Ce fut Neptune qui les donna � mon
p�re Pel�e, et mon p�re me les a confi�s. Je resterai spectateur des combats, moi et mes
chevaux imp�tueux. H�las! ils ont perdu l'�cuyer, � la fois doux et vaillant, qui jadis oi-
gnait d'une huile brillante leur superbe crini�re, apr�s l'avoir lav�e dans une onde lim-
pide : maintenant, immobiles, ils pleurent ce guide ch�ri; leurs longs crins flottent en
d�sordre dans la poudre; et ils sont accabl�s de tristesse. Cependant entrez dans la car-
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LE CHIC A CHEVAL.
15
ri�re, vous tous qui, parmi les Grecs, �tes pleins de confiance en vos coursiers et en vos
chars. »
« Ainsi parlait le fils de Pel�e. Soudain s'avancent des �cuyers habiles : le premier est
le roi Eum�le, fils ch�ri d'Adm�te, et savant � conduire un char. Apr�s lui vient le fort
Diom�de, fils de Tyd�e; il met sous le joug les coursiers de Tros, que nagu�re il enleva
� En�e, garanti, lui-m�me, de la mort par Apollon. Ensuite, para�t le fils d'Atr�e, le
superbe M�n�las; il at-
telle deux nobles cour-
siers, son fid�le Podarge
et la cavale /Eth�, qui
appartient � Agamem-
non. Jadis, Ech�polus,
U est bon de les exercer � mute,
un mur. ,
- X�kophon.
M1�|
fils d'Anchise, la donna
� ce roi, pour se dispenser
e suivie au rivage de la superbe Ilion, heureux de go�ter le repos clans ses foyers;
P er 'avait combl� de richesses, et il habitait Sicyone, situ�e au milieu d'une
P aine. M�n�las place sous le joug cette jeune cavale, impatiente de franchir la
e. Le quatri�me, qui pr�pare ses coursiers aux crins ondoyants, est Antiloque,
aillant de Nestor, prince du sang de N�l�e. Les chevaux vigoureux qui en-
ent son char naquirent dans Pylos. A ses c�t�s, son p�re, Nestor, lui donne d'utiles
nseils, quoique Antiloque soit, lui-m�me, rempli de sagesse. »
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16
LE CHIC � CHEVAL.
Ces conseils r�sument les connaissances qu'avaient les anciens sur l'art de conduire
des coursiers, et les r�gles qui pr�sidaient � ces sortes de courses.
« Antiloque », dit-il, « d�s ta plus tendre enfance, tu fus aim� de Jupiter et de Neptune ;
eux-m�mes t'enseign�rent � diriger un char : il n'est plus besoin de t'instruire, et tu
sais avec dext�rit� tourner autour de la borne; mais tes coursiers sont pesants; et je
redoute quelque accident funeste. Tes rivaux ne sont pas plus habiles que toi, mais leurs
chevaux sont plus rapides. Courage, ami, rappelle en ton esprit toutes les ressources de
la prudence, afin de ne pas laisser �chapper le prix. L'ouvrier qui fa�onne le ch�ne doit
plus � son adresse qu'� sa force; c'est aussi par son adresse que le pilote dirige sur la
mer profonde le navire que ballottent les vents ; de m�me, par son adresse, l'�cuyer peut
triompher de son rival; celui qui se confie t�m�rairement � ses coursiers et � son char,
erre �� et l�, sur la plaine : ses chevaux s'�garent dans la carri�re, et il ne peut les re-
tenir; mais celui qui agit avec prudence triomphe, quoique ses chevaux soient moins
prompts; sans cesse, il regarde le but, et tourne tout aupr�s; il n'oublie point qu'il
ne faut pas d'abord abandonner les r�nes; il les tient d'une main assur�e, et observe
avec soin celui qui le devance. Je vais te d�signer la borne; tu la reconna�tras ais�ment;
c'est l� o� tu vois s'�lever de terre, � la hauteur de trois coud�es, le tronc aride d'un
ch�ne ou d'un pin, que n'ont point endommag� les pluies; des deux c�t�s, sont des
pierres blanches, plac�es � l'endroit o� le chemin a le moins de largeur, et, tout autour,
la lice offre une surface unie : c'est sans doute la tombe d'un h�ros, mort anciennement,
ou, peut-�tre, une limite pos�e par les hommes des premiers �ges. Telle est la borne qu'a
d�sign�e l'imp�tueux Achille : c'est pr�s de ce but que tu dois diriger tes chevaux et
ton char. Assis sur le si�ge �l�gant, penche-toi vers la gauche, anime de la voix le cour-
sier qui est � ta droite, et que tes mains lui abandonnent les r�nes. En m�me temps,
pousse le coursier qui est � ta gauche, de telle sorte que le moyeu de la roue br�lante
semble effleurer la borne; mais �vite de heurter la pierre; tu pourrais ou blesser tes
chevaux ou briser ton char. Quelle joie pour tes rivaux ; et, pour toi, quel opprobre ! Mon
fils, agis toujours avec prudence; si tu doubles la borne dans ta course rapide, nul ne
pourra t'atteindre ni te devancer; non, lors m�me que, derri�re toi, un h�ros exciterai
l'ardeur du noble Areion, rapide coursier d'Adraste, et d'une origine c�leste, ou les che-
vaux imp�tueux deLaom�don, chevaux vaillants, qui furent nourris sur ce rivage. »
Lorsque tous les concurrents sont r�unis, on tire les places au sort, Achille donne le
signal, et la course commence. Antiloque exhorte alors, en ces termes, les coursiers de
son p�re :
« �lancez-vous », disait-il, « h�tez votre course rapide; je ne vous demande point de
lutter de vitesse avec les chevaux du fils de Tyd�e, puisque Minerve les a remplis de
force, et veut combler de gloire ce h�ros; mais, du moins, atteignez le char du fils
d'Atr�e; ne mod�rez pas votre ardeur, et ne soyez pas honteusement vaincus par ^th�,
qui n'est qu'une faible jument; pourquoi rester en arri�re, coursiers intr�pides? Je le
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WLASTA, AMAZONES DE BOH�ME;
735.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                  17
jure, et j'accomplirai ce serment, vous ne recevrez plus les soins de Nestor, pasteur des
peuples, et lui-m�me vous immolera de son fer aigu, si, par votre l�chet�, nous ne rem-
portons qu'un prix inf�rieur... »
« Il dit : les coursiers effray�s des menaces de leur ma�tre, acc�l�rent, pendant quelque
temps, leur allure. »
D�pass� par Antiloque, M�n�las, � son tour, gourmande vivement ses chevaux.
Le chef des Cretois, Idom�n�e, qui �tait plac� hors de l'enceinte, dans un endroit
�lev�, d'o� il dominait tous les autres, se rendit compte, le premier, du r�sultat de la
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< urse. Il entencht la voix de Diom�de, qui excitait ses coursiers, et ne tarda pas � distin-
guer le cheval qui tenait la t�te : « Son poil est d'une couleur fauve �clatante; et, sur le
ont, il porte une marque blanche arrondie, semblable � la lune dans tout son �clat. �
^course termin�e, bien des paroles am�res, bien des propos injurieux sont �chang�s
entre les concurrents; mais Achille calme ses amis et les jeux continuent.
',""me °° Peut facilement s'en rendre compte en parcourant l'Iliade, Hom�re n'y fait
paginention de cavaliers. On peut pourtant se demander si Achille n'avait pas appris
c,. , equitatl0n> car il avait eu, pour pr�cepteur, un cavalier fameux, le Centaure
^ UI^'C e il est bien difficile d'admettre que Chiron, qui avait form� son �l�ve avec tant
ici ude, n'ait pas fait de lui un homme de cheval accompli.
i ion veut aussi que les Amazones soient venues au secours des Troyens ; mais,
cest la, on le comprend, un point bien difficile � �claircir.
n tout cas, un fait est certain, c'est que, ni dans l'Iliade ni dans l'Odyss�e, on ne voit
'"�"in a ciieval.
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18
LE CHIC A CHEVAL.
aux prises des troupes d'hommes � cheval; il n'y est pas fait mention de cavaliers; les
chevaux paraissent bien sur les champs de bataille, ils y font fort bonne figure; mais
en tant que chevaux de trait attel�s � des chars de guerre.
Du reste, on ne peut conclure du silence de l'auteur des po�mes en question, que
l'�quitation f�t encore inconnue de son temps; car il para�t bien probable qu'il avait sous
les yeux une civilisation beaucoup plus avanc�e que celle dont il retra�ait les m�urs.
Quoi qu'il en soit, ce n'est que vers le sixi�me si�cle avant notre �re que l'on trouve sur
l'�quitation des renseignements pr�sentant le caract�re de la certitude historique.
Le premier ouvrage sur l'art de monter � cheval dont il soit fait mention dans l'his-
toire, est celui de Simon.
Simon d'Ath�nes vivait vers le sixi�me si�cle avant notre �re; Pline l'Ancien en
parle dans son Histoire naturelle (XXXIV, XIX. 15). L'ouvrage de ce Simon �tait inti-
tul� : « Ilipposcopique ou le Parfait Mar�chal. » Et c'est tout ce qu'on en sait, puisque,
malheureusement, il n'est pas parvenu jusqu'� nous. C'est lui qui, d'apr�s X�nophon,
avait �rig� le cheval d'airain qu'on voyait dans l'�leusinium (Temple de C�r�s et de
Proserpine), et qui avait grav� ses faits et gestes sur le pi�destal sur lequel �tait plac�
ce cheval. Ce sont l� tous les renseignements que l'on poss�de sur Simon d'Ath�nes et
sur ses �uvres.
J'ai prononc� le nom de X�nophon. Personne n'ignore que ce merveilleux �crivain
fut un des grands capitaines de cavalerie de l'antiquit�, en m�me temps qu'un des plus
beaux hommes de son temps; ce qu'on sait moins, peut-�tre, c'est qu'il a laiss� sur l'�-
quitation, le dressage et l'achat du cheval de guerre un admirable trait�. Je parlerai un
peu plus loin de ce trait�, mais il convient d'abord de r�sumer, en quelques mots, la
vie de cet homme remarquable, qui fut � la fois grand �crivain, philosophe �minent, ca-
pitaine habile et �cuyer consomm�. On fixe g�n�ralement la date de la naissance de
X�nophon � la quatri�me ann�e de la quatre-vingt-troisi�me olympiade, 445 ans avant
J.-C. Son p�re s'appelait Gryllus, et �tait, sans doute, ce qu'on appelle, de nos jours, un
gentleman far mer.
« La premi�re �ducation de X�nophon », dit M. Eug�ne Talbot, � la savante traduction
duquel nous ferons plus d'un emprunt, « fut vraisemblablement celle de tous les jeunes
> Ath�niens. Apprendre par c�ur les po�mes d'Hom�re, les sentences de Soion, de Th�o-
gnis et de Phocylide, �tudier les �l�ments de la grammaire, les math�matiques et les
principes de la strat�gie; se former, sous la direction des p�dotribes, aux exercices de la
gymnastique et de la natation, monter � cheval, s'endurcir le corps et �tendre � une
distance merveilleuse la port�e de la vue, par une pratique passionn�e et intelligente de
la chasse; parcourir, suivi de ses chiens et de ses garde-filets, l'immense for�t d'oliviers
qui couvrait le P�dion, asile des essaims d'oiseaux que le printemps ram�ne d'Asie; re-
monter vers les plaines accident�es, vers les coteaux bois�s et giboyeux du nord de l'At-
tique, ou bien s'enfoncer sous les ch�nes et les sapins du Brilesse, pour y lutter contre
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LE CHIC A CHEVAL.
19
les loups et les ours; telles �taient, selon toute
apparence, les occupations de X�nophon ado-
lescent. »
Un jour, raconte Diog�ne de La�rte, le jeune
homme rencontre Socrate dans une rue �troite.
Celui-ci, lui barrant la route avec son b�ton,
lui demande de lui indiquer le march� aux
vivres, puis, sans transition, s'il sait o� les
hommes se forment � la vertu. X�nophon, sur-
pris, on le serait � moins, tarde � r�pondre.
« Suis-moi donc », lui dit alors Socrate, « je
te l'apprendrai », et le voil� devenu le disciple
et l'ami de l'illustre philosophe.
A dix-huit ans, il fait ses premi�res armes
dans la milice des P�ripoles, sorte de gardes-
fronti�res, qui servaient � l'int�rieur, de dix-huit
� vingt ans. A vingt ans, il
est incorpor� dans
les troupes de la
R�publique et il
assiste au combat
de D�lium. Pen-
dant la d�route,
le cheval de X�no-
phon est tu�,
et lui-m�me est
bless�. Soerale,
heureusement,
l'a aper�u; il le
charge sur ses
�paules, le por-
te pendant plu-
sieurs stades et lui
sauve ainsi la vie.
Un peu plus
tard, X�nophon,
appel� par son ami
Prox�ne, se rend
, -i
^
/.'/, �claireurs
� Sardes, � la cour
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20                                                           LE CHIC A CHEVAL.
de Cyrus le Jeune, fils du roi de Perse Darius I�. 11 gagne vite l'amiti� du jeune prince et
prend part � la lutte engag�e par Cyrus contre son fr�re Artaxerx�s. Apr�s la bataille
de Cunaxa, bient�t suivie du meurtre de Cl�arque et cl�s strat�ges de l'arm�e grecque,
X�nophon est nomm� g�n�ral, et dirige alors la retraite fameuse des dix mille volon-
taires grecs qu'il ram�ne dans leur patrie, apr�s des prodiges d'�nergie et d'h�ro�sme.
Lorsque X�nophon rentra � Ath�nes, il eut la douleur de n'y plus retrouver Socrate,
son ma�tre et son ami, qui avait �t� condamn� � boire la cigu�. Il ne tarda pas � devenir,
lui-m�me, suspecta ses concitoyens, qui voyaient en lui un ennemi de leurs institutions.
Ces institutions, on le sait, �taient alors ultra-d�mocratiques. Accus� de laconisme, c'est-
�-dire d'avoir des sympathies pour la forme de gouvernement qui r�gissait la rivale
d'Ath�nes, et d'�tre en trop bons termes avec les ennemis de sa patrie, X�nophon
fut condamn� � l'exil. Il quitta donc Ath�nes, avec sa femme et ses deux fils, et se
rendit aupr�s d'Ag�silas, qui l'accueillit avec distinction. Emport� par le ressentiment
contre ceux qui l'avaient banni, il se laissa aller � porter les armes contre son pays,
et combattit, � Coron�e, dans les rangs des Spartiates. Il se retira ensuite � Scillunte,
petite ville situ�e � vingt stades d'Olympie, o� il mourut, selon l'abb� Barth�l�my, �
l'�ge de quatre-vingt-dix ans, en l'ann�e 354 avant J.-C.
Des deux fils de X�nophon : l'un, Diodore, ne fit rien de remarquable; mais l'autre,
Gryllus, qui servait dans la cavalerie, fut tu� � Mantin�e, apr�s avoir, dit-on, bless�
�paminondas.
Les deux seuls ouvrages de X�nophon qui doivent nous occuper ici, sont ceux inti-
tul�s : « De l'Equilation, » et, « le Commandant de cavalerie. »
X�nophon, cavalier accompli et homme de guerre �minent, savait, par l'exp�rience
que lui en avait donn�e la retraite des dix mille, de quelle utilit� peut �tre, en campagne,
une cavalerie bien mont�e, bien �quip�e et bien exerc�e ; sa grande pr�occupation fut
donc de faire partager ses id�es � ses concitoyens, et de doter Ath�nes, sa patrie, d'une
cavalerie disciplin�e et capable de rendre de grands services.
« L'absence totale, ou le mauvais �tat de la cavalerie �tait un des c�t�s faibles du sys-
t�me militaire des Ath�niens. Tout entiers � la marine, ils s'appliquaient surtout �
former de bonnes troupes navales et une bonne infanterie. »
Son syst�me d'�quitation, exclusivement bas� sur la pratique, r�pond absolument �
ce qu'on appelle aujourd'hui Y Equitalion du dehors, syst�me pr�conis� jusqu'� l'exa-
g�ration, � l'�poque actuelle, par les Anglais et par les anglomanes fran�ais.
« Une longue pratique de l'�quitation nous donnant � penser que nous en avons
quelque exp�rience, nous voulons indiquer aux jeunes gens de nos amis la m�thode
que nous croyons la meilleure pour bien manier un cheval (1). »
Et, d'abord, X�nophon indique comment il faut choisir et acheter le poulain, �nu-
(1) Tous les passages emprunt�s � X�nophon sont tir�s de l'excellente traduction de M. E. Talbot.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                 21
m�rant, pour chaque partie du corps, les d�fauts qu'il importe d'�viter, et les qualit�s
qu'il convient de rechercher.
« Au sortir de la poitrine, le cou ne doit pas pencher comme celui d'un sanglier;
mais il doit remonter en ligne droite, comme chez le coq, et �tre �vid� � l'endroit de la
flexion. »
Le chapitre II est intitul� : « Del'�levage et du dressage. » 11 est des plus int�ressants :
d'abord, parce qu'il nous montre que, comme aujourd'hui, et comme de tout temps, la
cavalerie a �t� et est l'arme de pr�dilection de l'aristocratie et des classes sup�rieures :
« La cavalerie, en effet, se recrute dans nos villes parmi les citoyens les plus riches, ceux
qui ont la plus grande part aux affaires »; et, ensuite, en ce qu'il nous apprend que les
anciens regardaient le dressage comme n'�tant pas du ressort du cavalier, mais comme
devant �tre attribu� � une classe sp�ciale et inf�rieure, elle-m�me, � la classe des « gens
de cheval ». Voici, du reste, ce passage, qui feramieux comprendre ce que nous venons de
dire : « et, au lieu de dresser des poulains, il importe beaucoup plus � un jeune homme
de fortifier sa sant� et de s'instruire dans l'�quitation, s'il sait d�j� monter et s'exercer
au maniement du cheval. D'autre part, il convient mieux � un vieillard de s'occuper de
sa maison, de ses amis, des affaires politiques et militaires, que de passer son temps �
�lever des chevaux. Celui donc qui pensera comme moi donnera son poulain � dresser.
Il doit en �tre sous ce rapport comme d'un enfant qu'on met en apprentissage; on fixera
par �crit ce que le cheval doit savoir quand on le reprendra dress�. Ce sera, pour le dres-
seur, un programme � suivre exactement, s'il veut toucher le prix convenu. »
Cela est certes bien �loign� des principes et des habitudes de notre temps o� l'on pr�-
tend, et avec juste raison, qu'il ne suffit pas de savoir se servir d'un cheval dress�, mais
qu'il importe d �tre en �tat de le former; et o� l'homme qui est vraiment cligne du titre
de sportman, l'officier surtout, dresse, lui-m�me, le cheval qu'il monte, le prend jeune
cheval et le m�ne jusqu'au bout du dressage. Son cheval est donc ce qu'il l'a fait; il a
le m�rite des qualit�s qu'il lui a donn�es. Le vrai sportman n'est pas seulement un
homme fortun�, montant avec �l�gance et correction un cheval, pour le dressage du-
quel il ne s'est donn� aucune peine, mais un homme qui s'est astreint � instruire, lui-
m�me, sa monture.
Apr�s d'excellents conseils sur les moyens de rendre le cheval « ami de l'homme, »
X�nophon traite de l'achat du cheval dress�. Tout d'abord, il parle de l'�ge. Comme il
se sert de l'expression marquer, il est permis de croire que les Grecs contr�laient l'Age
du cheval d'apr�s l'usure de ses dents.
Les conseils qu'il donne pour le choix et l'achat «lu cheval de guerre, n'ont rien de
surann� et resteront, sans doute, �ternellement vrais.
« Quand nous avons l'intention d'acheter un cheval de campagne, il faut essayer
d'abord s'il est dress� � toutes les manoeuvres que la guerre exige; c'est, � savoir, de
franchir les foss�s, de sauter les murs, de s'�lancer, de haut en bas et de bas en haut,
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3:2
LE CHIC A CHEVAL.
sur des tertres, de galoper dans les mont�es, dans les descentes
ou sur le flanc des collines. Toutes ces �preuves montrent s'il a le
corps sain et le c�ur g�n�reux. Il ne faudrait pourtant pas rejeter-
un cheval qui ne ferait pas tout cela dans la perfection; chez un
grand nombre de chevaux, ce sont moins les moyens que l'exp�-
rience qui manque. Le montage, l'habitude, l'exercice, les am�ne-
ront � bien faire, du moment qu'ils sont bien portants et qu'ils
ont du c�ur. » Et il termine en disant : « ... mais les chevaux l�ches
qui ne vont qu'� force d'aiguillon, de m�me que ceux qui, par trop
d'ardeur, exigent beaucoup d'attention et de caresses, occupent trop
la main du cavalier et d�couragent dans les moments critiques. »
M. de Lancosme-Br�ves, dans sa tr�s int�ressante �tude intitul�e :
« Guide de l'ami du cheval », publi�e en 1855, appr�cie
ainsi le passage qui pr�c�de :
Ce chapitre nous prouve que cet �cuyer c�l�bre connais-
sait parfaitement le cheval de guerre; et il �tait difficile
qu'il pouss�t plus loin ses connaissances hippiques, �tant
toujours occup� � faire la guerre. 11 dressait le cheval
comme le ferait aujourd'hui un hardi coureur de
steeple-chase, solide et bien bott�, bien �peronn�;
avec cette diff�rence toutefois qu'il se reudait
un compte exact de l'animal qu'il avait entre
les jambes, et qu'il est tr�s rare qu'un gen-
tleman poss�de de telles connaissances. »
N'oublions pas que M. de Lancosme-Br�ves �cri-
vait en 1855.
Le chapitre IV traite de l'�curie, de la nour-
riture et des moyens de fortifier le pied. C'est dans ce chapitre que
se trouve le fameux passage, qui a �t� tant de fois cit�, sur le moyen
de fortifier la corne du cheval; nous y reviendrons en parlant de
cette question qui a soulev� tant de pol�miques; question qui est de
savoir : si les anciens ont connu la ferrure � clous.
Ce chapitre se termine par ce passage qui prouve combien, d�j�,
on attachait d'importance � la bouche du cheval : « Cependant,
autant il faut durcir les sabots, autant on doit chercher � rendre
la bouche tendre, et on attendrit par les m�mes moyens la peau de
l'homme et la bouche du cheval. »
Pour rendre la bouche du cheval fra�che et tendre, on avait l'ha-
bitude, alors, de la laver avec de l'eau ti�de et de l'huile.
U
Troph�e grec.
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LE CHIC A CHEVAL.
23
Au chapitre V, X�nophon d�crit les devoirs du palefrenier. Ce chapitre et le suivant,
qui n'en est que la suite, sont de nature, dit M. de Lancosme-Br�ves, � m�riter l'at-
tention de tout homme de cheval. 11 est termin� par ce curieux passage :
« Nous supprimons le lavage tics jambes; cette ablution journali�re est inutile; elle
nuit m�me � la corne, tandis que l'eau conserve les crini�res longues et touffues. On
�vitera aussi de laver le dessous du ventre : cette op�ration chagrine beaucoup le cheval ;
et, plus cette partie est propre, plus les mouches s'y portent et le g�nent....... pour les
jambes, il suffira de les frotter avec les mains. » Nous avons bien chang� cela.
La fin du chapitre VI m�rite aussi d'�tre cit�e, et pourrait servir de le�on � bon nombre
de nos modernes cavaliers. Apr�s avoir recommand� que le palefrenier sache enlever
son ma�tre � la mode persique, c'est-�-dire en lui faisant un point d'appui de ses deux
mains, X�nophon ajoute :
« Ne jamais user de col�re avec les chevaux est un bon pr�cepte, une excellente habi-
tude. La col�re ne raisonne pas; elle fait souvent l'aire des choses dont on est forc� de se
repentir. Quand un cheval s'effraye d'un objet et refuse d'en approcher, il faut lui faire
comprendre qu'il n'a rien � craindre, surtout si c'est un cheval de c�ur; autrement, il
faut aller toucher, soi-m�me, ce qui lui fait ombrage, et l'y amener ensuite avec douceur.
Ceux qui les y contraignent � force de coups ne font qu'augmenter leur frayeur; car
les chevaux s'imaginent que la douleur qu'ils ("prouvent, dans cette circonstance, leur
vient de l'objet qui les effraye. »
Et la derni�re phrase de ce chapitre nous apprend une curieuse habitude des
cavaliers grecs :
« Quand le palefrenier, en pr�sentant le cheval au cavalier, le fait plier de mani�re �
rendre le lever plus facile, c'est une mani�re que je ne bl�me nullement; je crois pour-
tant n�cessaire de s'exercer � monter sans que le cheval baisse la croupe. »
Le chapitre VII nous indique la position � cheval pr�conis�e par X�nophon. L'auteur
ajoute ensuite comment on doit partir graduellement au galop, en passant par le pas
et le trot, et nous apprend qu'il �tait re�u de partir au galop du pied gauche. 11 explique
cependant, d'une fa�on parfaite, ce que nous appelons galoper aux diff�rentes mains.
Puis, il veut qu'on descende de cheval � l'endroit m�me o� l'on a travaill� : « Afin »,
dit-il, « qu'� l'endroit o� le cheval est contraint de travailler, il y trouve aussi le
repos. »
Le chapitre VIII est relatif au saut des foss�s, au galop dans les descentes et dans les
mont�es, aux man�uvres pr�paratoires � la guerre. L'auteur y d�crit, entre autres
choses, tous les moyens que nous employons actuellement pour apprendre aux chevaux
� sauter.
Dans le chapitre IX, qui traite des chevaux vicieux, et qui serait � citer tout entier, on
trouve ce remarquable paragraphe :
« L'homme ne se met pas en col�re quand on ne l'offense ni en paroles ni en actions:
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LE CHIC A CHKVAL.
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de m�me on n'irrite pas un cheval fougueux si l'on �vite de le chagriner. Il faut donc,
tout d'abord, en le montant, avoir soin de ne pas lui causer de souffrance. Une fois �
cheval, tenez-le en place plus longtemps que tout autre, et portez-le en avant par les
moyens les plus doux.
« Vous commencez par les allures les plus lentes, puis, vous passez successivement
au trot et au galop, sans que le cheval s'en aper�oive. Tout ordre transmis brusque-
ment par le cavalier trouble un cheval ardent, comme tout ce qu'un homme voit, en-
tend ou souffre contre son attente.
« Il faut savoir que tout ce qui est subit lui donne de l'inqui�tude. Voulez-vous retenir
un cheval ardent, qui cherche � gagner, il ne faut pas, pour l'arr�ter, tirer toutd'un coup,
mais user moelleusement de la bride, le ralentissant avec douceur, et non de force. Les
exercices sur la ligne droite apaisent mieux les chevaux que les changements de direc-
tion r�p�t�s, et les allures mod�r�es �teignent peu � peu l'ardeur du cheval, dont elles
calment la fougue, au lieu de l'animer. Croire que des courses vives et fr�quentes, o�
l'on fait renoncer le cheval, servent � le calmer, c'est se tromper du tout au tout : car,
men� ainsi, le cheval ardent essaye de gagner de violence; et, dans sa fougue, comme
l'homme col�re, il peut se faire, ainsi qu'� son cavalier, des maux sans rem�des. »
Nous doutons qu'il soit possible, � notre meilleur homme de cheval moderne, de
mieux parler de la mani�re de calmer un cheval inquiet.
Le chapitre X, qui traite du cheval de guerre, de la beaut� des allures et de la mise
en main, est, peut-�tre, le plus curieux et le plus int�ressant de tout l'ouvrage. Il est
impossible d'expliquer avec plus de lucidit�, l'embouchure et les moindres parties de la
bride, et quand X�nophon �crit : « On peut d'ailleurs corriger autant qu'on veut la du-
ret� du mors en l�chant ou en retenant la main. » Il r�sume toute la th�orie de la
main.
Quant � ce qu'il dit des allures, nous ne saurions mieux faire que de citer le passage
en entier :
« Si l'on veut avoir un cheval de guerre qui ait de belles allures, et qui se fasse regar-
der, il ne faut pas lui lever la t�te en m�me temps qu'on l'actionne du fouet et de l'�pe-
ron : beaucoup de gens croient lui donner ainsi du brillant; mais il arrive � ces gens-l�
le contraire de ce qu'ils veulent. En effet, en lui relevant trop la t�te, on emp�che le
cheval de voir devant soi, on le rend aveugle; en l'�peronnant et en le fouettant, on
l'effraye au point qu'il se trouble et vous met en danger : or, c'est justement ce qui
arrive aux chevaux qui se plient avec le plus de peine aux exercices du man�ge, et qui
s'y comportent mal, au lieu de s'y distinguer. Mais, si l'on apprend � un cheval � ma-
n�uvrer � brides l�ches, et � relever le cou en ramenant la t�te, on lui fera faire ainsi
ce qui lui pla�t et ce qui le flatte. La preuve qu'il y prend plaisir, c'est que, lorsqu'il
approche d'une troupe de chevaux, il rel�ve le cou et ram�ne la t�te avec fiert�, l�ve les
jambes avec souplesse, et porte la queue haute.
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CAVALIER GREC; VERS 350 AVANT .).-('.
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LE CHIC A CHEVAL.
« Si donc on exige de lui l'habitude qui lui donne le meilleur air, on se cr�era un
cheval heureux de sa prestance, superbe, brillant, regard�.
« Il faut aussi, nous ne nous lassons pas de le dire, il faut, si le cheval a bien fait,
l'en r�compenser. Vous apercevez-vous qu'il se pla�t dans une belle position de t�te et
dans un l�ger appui, ne faites rien qui puisse le chagriner, comme si vous vouliez
en exiger quelque chose; au contraire, flattez-le, comme si vous n'aviez plus rien � lui
demander.
« Et alors ceux qui le voient disent : Que voil� un cheval g�n�reux, dispos, bien
dross�, phin de c�ur, superbe, � la fois doux et terrible � voir. Si donc il est quelqu'un
qui souhaite pareil succ�s, que cela soit �crit pour lui. »
Le chapitre XI, traitant du cheval de parade et des moyens de le dresser, n'est ni
moins remarquable ni surtout moins int�ressant; il nous apprend que X�nophon et ses
contemporains savaient ce que c'est que la courbette, et qu'ils employaient pour y
arriver des moyens qui sont encore en usage.
Il nous dit tout d'abord : « Si vous voulez un cheval de parade qui s'enl�ve, qui ait
de 1 �clat, vous n'aurez pas ces avantages de toute esp�ce de chevaux; mais il en faut un
qui r�unisse une grande �me � un corps vigoureux. » Il d�crit ensuite le cheval qui
est particuli�rement apte � ces sortes d'exercices, et indique les moyens qu'il pr�conise
pour l'y dresser.
te sera plut�t celui dont le rein est court, souple et fort,... un cheval ainsi fait
I ura engager franchement les jambes de derri�re sous son avant-main.
8 m, apr�s l'avoir plac� dans cette position, vous marquez un temps d'arr�t, il s'as-
a sur les jarrets, rel�vera l'avant-main de mani�re � montrer � ceux qui lui font
acc, son ventre. Quand il fait ce mouvement, rendez-lui la main, et alors on verra
�P1 il prend, de lui-m�me, la plus belle pose du cheval. »
l uis il nous montre que nos savetiers des man�ges civils et des cirques, qui ne sa-
vent dresser le cheval qu'au moyen de ficelles et non par la science et l'application des
principes, n'ont rien invent�.
Quelques personnes ont aussi pour m�thode, afin d'apprendre ce mouvement au
cheval : les unes, de toucher le dessous des genoux avec une baguette; les autres, de
taire courir, � c�t� du cheval, un homme qui lui frappe, avec un b�ton, le dessous des
bras. »
Donc rien de nouveau sous le soleil : de tout temps, il y eut seulement quelques hommes
habiles et savants et beaucoup de charlatans; et, h�las! les applaudissements de la foule
vont bien plus souvent encourager les derniers que r�compenser les premiers.
CHIC \ CHEVAL.
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LE CHIC A CHEVAL.
26
« C'est sur des chevaux prenant cette belle attitude », dit X�nophon, en terminant,
« qu'on nous repr�sente les dieux et les h�ros; et les hommes qui manient bien les che-
vaux ont je ne sais quel air de grandeur. En effet, un cheval qui se dresse est quelque
chose de si beau, de si frappant, de si magnifique, qu'il fixe les regards de tous ceux
qui le voient, jeunes ou vieux. On ne peut ni le quitter, ni se lasser de le consid�rer,
quand il se montre ainsi dans tout son �clat. »
Le chapitre XII et dernier de ce remarquable ouvrage traite de l'armure du cavalier et
de celle du cheval. Ce chapitre donne pleinement raison � M. Viollet-Leduc lorsqu'il
pr�tend que les armures du cheval �taient connues des anciens; voici, en effet, le passage
qui s'y rapporte :
« Comme le cavalier court le plus grand p�ril s'il arrive quelque chose � son cheval,
il faut aussi armer le cheval d'un chanfrein, d'un poitrail et de garde-flancs; cette der-
ni�re pi�ce pourra couvrir en m�me temps les cuisses du cavalier. » Voil� qui est d�-
cisif! Malheureusement, aucune repr�sentation compl�te de ces armures ne nous est
parvenue; aussi est-il impossible de savoir, au juste, quelle forme elles affectaient et de
quelle fa�on elles �taient attach�es.
Passons, maintenant, au second ouvrage de X�nophon, relatif aux questions hippiques :
« 'l7�-ap^r/.o� : Du Commandant de cavalerie. »
Il est g�n�ralement admis que ce trait� a �t� �crit par X�nophon pour son fils Gryllus,
chef de la cavalerie ath�nienne, et tu� � Mantin�e.
« Avant tout », dit le grand �crivain, « il faut sacrifier aux dieux et les supplier de ne
t'inspirer que des pens�es, des paroles et des actions propres � m�riter, dans ton com-
mandement, le suffrage du ciel, le tien, celui de tes amis, ainsi que l'affection de la
R�publique. »
Magnifique d�but, bien digne de ce grand capitaine et de cet �minent philosophe.
X�nophon dit plus loin : « Les cavaliers que tu enr�les doivent �tre, conform�ment �
la loi, des citoyens ais�s et robustes............................
Je regarde comme un bon moyen de faire voir aux jeunes gens le c�t� brillant de la
cavalerie. » Il faut conclure de ce passage que la cavalerie ath�nienne �tait un corps de
privil�gi�s, une �lite brillante. Cette cavalerie �tait, du reste, fort peu nombreuse. X�no-
phon parle ensuite de ce que nous appellerions, aujourd'hui, les exercices en terrains
vari�s; il veut que les cavaliers s'exercent, « dans la campagne ou ailleurs », � galoper
sur toute sorte de terrains. Puis, il nous apprend que la cavalerie ath�nienne co�tait
� l'�tat, environ 40 talents, soit 220,000 francs ; et il termine le premier chapitre par ces
lignes, qui nous fournissent de pr�cieux renseignements sur l'origine des carrousels :
« Un motif tr�s puissant, � mon sens, pour que les phylarques(l) aient � c�ur de coni-
(1) Officiers sous les ordres de l'IIipparque ou Commandant de la cavalerie et qui r�pondaient, � peu pr�s, � nos
chefs d'escadrons.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                         -27
mander chacun un escadron bien �quip�, c'est d'avoir des �claireurs 1res �l�gamment
arm�s, de les obliger fr�quemment � lancer le javelot et de leur en donner, toi-m�me,
l'exemple, apr�s �tre devenu fort � cet exercice. Si, en outre, on pouvait proposer aux
tribus des prix pour tous les exercices de cavalerie qui sont offerts en spectacle, ce serait,
je crois, un merveilleux stimulant � l'�mulation des Ath�niens : t�moin ce qui se fait
pour les ch�urs, o�, pour de faibles prix, on se donne tant de mal, on fait tant de d�-
penses. Seulement, il faut, en pareil cas, avoir des juges dont les vainqueurs puissent
�tre fiers. »
Le chapitre II : « De l'Ordonnance des escadrons », commence ainsi : « Quand tes ca-
valiers seront ainsi exerc�s, il faudra qu'ils sachent se ranger dans un certain ordre,
qui rendra plus pompeuses les f�tes des dieux, plus belles les �volutions de ta troupe,
plus glorieux ses combats, s'il y a lieu; plus faciles et moins confuses, les marches sur
les routes et � travers les passages difficiles. »
« Le chef », ajoute-t-il, « doit �tre, sous tous les rap-
ports, un homme propre � la place qu'il occupe. Vaillant,
s il s agit de charger l'ennemi, ses ordres communiquent
son feu au premier rang; et, s'il faut battre en retraite,
sa prudence le met mieux � m�me de sauver ses compa-
gnons d'armes. »
u chapitre III : « Des Evolutions appropri�es aux
jours de f�te et aux exercices de l'hippodrome
», X�-
nophon d�crit toutes les �volutions qui se faisaient �
�peron de cavalier grec.
l'Acad�mie, au Lyc�e, � Phal�re ou dans l'hippo-
ome, et qui devaient pr�senter un magnifique spectacle, sous le beau ciel bleu de
la Gr�ce.
c �apitre IV traite des marches � la guerre, et nous apprend que ces marches se
aisaient partie � cheval et partie � pied, les escadrons mettant pied � terre, tour � tour,
-ouiager les chevaux et aussi les hommes, dont les jambes pendantes devaient sin-
guli�rement se fatiguer.
recommande d'envoyer des �claireurs, absolument comme nous le faisons de nos
joui.s au service en campagne: « Toutefois, quand vous quittez les grands chemins, pour
ici dans des pas difficiles, il sera fort utile, en pays ennemi ou ami, d'envoyer des
ireurs en avanl de chaque escadron; s'ils rencontrent des bois, ils y p�n�treront et in-
quel ont aux cavaliers les man�uvres � faire pour que des files enti�res ne s'�garent
»i 1 on marche � proximit� d'un danger, un chef prudent enverra �claireurs sur
ireurs pour reconna�tre les positions de l'ennemi..... Presque tout le monde sait
a) et pourtant il en est peu qui veuillent prendre c�de peine, il convient que le
OMMANDANT, DURANT LA PAIX, �TUDIE, LUI-M�ME, NON SEULEMENT le pays ennemi, mais LE
SIEN M�ME... »
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LE CHIC A CHEVAL.
28
Il n'est vraiment pas possible de dire mieux, en moins de phrases, et nous n'avons
d�cid�ment pas invent� grand'chose.
Au chapitre V : « Des Moyens de surprendre l'ennemi », X�nophon dit, entre autres :
« Mais c'est au commandant � conna�tre les points sur lesquels l'infanterie est sup�rieure
� la cavalerie et la cavalerie � l'infanterie. Il faut avoir encore l'adresse de faire pa-
ra�tre nombreux un petit corps de cavalerie, ou petite une troupe nombreuse; d'avoir
l'air pr�sent quand on est absent, ou absent quand on est pr�sent; de savoir non seule-
ment surprendre les secrets de l'ennemi, mais surprendre ses cavaliers m�mes, pour
leur faire charger l'ennemi � l'improviste. »
Il faudrait tout citer dans cet admirable trait�, o� nous ne voyons pas grand'chose
qui ne puisse �tre mis � profit par l'officier de cavalerie moderne.
« En cons�quence », dit-il plus loin, « ou bien il ne faut pas se m�ler de commander,
ou bien, ind�pendamment des autres dispositions, il faut demander aux dieux le
savoir-faire, et inventer � votre tour. »
Le chapitre VI nous parle des moyens de se concilier l'affection sans compromettre
l'autorit�, et peut se r�sumer dans la phrase remarquable qui en termine le dernier
paragraphe.
« On n'aura pas de m�pris pour lui, quand on verra, pour tout dire en un mot, que,
quoi que ce soit qu'il ordonne, il le fait mieux que les soldats. Ainsi, � commencer par
monter � cheval, il est bon de savoir faire tous les exercices de l'�quitation, afin qu'ils
voient leur chef franchir hardiment les foss�s, sauter par-dessus des murs, descendre
au galop d'une hauteur et lancer adroitement le javelot. »
Le chapitre VII : « De ce que doit �tre le commandant des Ath�niens dans les cir-
constances actuelles
», est, comme son titre l'indique, consacr� aux questions du temps
et ne contient rien qui nous puisse int�resser.
Mais le chapitre VIII : « Des Avantages de l'�quitation », rentre absolument dans notre
sujet et commence par cette phrase qui contient une v�rit� trop souvent m�connue :
« Pour parvenir, en toute s�ret�, � faire du mal � une arm�e beaucoup plus nombreuse,
il faut �videmment avoir sur elle une sup�riorit� qui vous fasse para�tre forts en �qui-
tation militaire et les ennemis des novices. »
Nous y trouvons encore cette phrase qui montre bien l'enthousiasme du cavalier fervent
et convaincu. En effet, apr�s avoir dit que les exercices gymniques ne se font qu'avec
beaucoup de peine et de sueur, X�nophon ajoute : «... L'�quitation est presque un plaisir.
On souhaite quelquefois d'avoir des ailes : il n'est rien qui s'en rapproche davantage. »
Bien d'autres emprunts m�riteraient d'�tre faits au remarquable ouvrage de X�no-
phon, mais il faut savoir se borner, m�me quand on puise dans des chefs-d'�uvre.
Dans l'impossibilit� o� nous sommes de reproduire ici tout le Commandant de cava-
lerie,
nous ne saurions trop engager les officiers de cavalerie, les simples cavaliers
m�me, � en faire la lecture compl�te. Ils en tireront, non sans quelque surprise, pen-
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                 29
sons-nous, cette impression que quantit� de choses qu'on leur fait ex�cuter tous les jours,
en vertu de telle ou telle ordonnance, dat�e de 1833, de 1870 ou de 1800, remontent, en
r�alit�, � un respectable nombre d'ann�es. Ils trouveront aussi, dans ce trait�, outre des
pages d'une admirable �l�vation de sentiments, des conseils qui les frapperont d'autant
plus qu'ils s'attendaient moins � les y rencontrer.
Une histoire de l'�quitation serait incompl�te, si l'on y passait sous silence le nom
<! Alexandre, qui fut un �cuyer consomm�, avant de se r�v�ler grand homme de guerre.
Nous ne saurions mieux faire que d'emprunter � Plutarque le r�cit des moyens aux-
quels il eut recours pour dompter Buc�phale, le noble animal qui partagea si longtemps
les fatigues et les dangers du vainqueur de Darius :
« Philonicus le Thessalien amena un jour � Philippe un cheval, nomm� Buc�phale,
qu il voulait vendre treize talents. On descendit dans la plaine, pour essayer le cheval;
mais on le trouva difficile, et compl�tement rebours : il ne
souffrait pas que personne le mont�t; il ne pouvait supporter
;l voix d'aucun des �cuyers de Philippe, et il se cabrait contre
tous ceux qui voulaient l'approcher. Philippe, m�content, or-
donna qu'on le remmen�t, persuad� qu'on ne tirerait rien
d une b�te si sauvage, et qu'on ne la saurait dompter. « Quel
cheval ils perdent l�! » s'�crie Alexandre, qui �tait pr�sent;
« et c'est par inexp�rience et timidit� qu'ils n'en ont pu venir �
bout. » Philippe, qui l'entendait, ne dit rien d'abord; mais
Alexandre ayant r�p�t� plusieurs fois la m�me chose, et ayant
Bride grecque.
t�moign� le chagrin qu'il �prouvait : « Tu bl�mes des gens
-iges que toi » . dit enfin le p�re, « comme si tu �tais plus habile qu'eux, et que tu
s p us capable de dompter un cheval. � Sans doute », reprit Alexandre, « je vien-
ieux qu un autre � bout de celui-ci. � Mais, si tu �choues, quelle peine porte-
ras-tu pour ta pr�somption? � Eh bien! » dit Alexandre, « je payerai le prix du cheval. »
eponse fit rire tout le monde; et Philippe convint avec son fils que celui qui
perdrait payerait les treize talents.
« Alexandre s'approche du cheval, prend les r�nes, et lui tourne la t�te en face du
, avant observ� apparemment que Buc�phale �tait effarouch� par son ombre, qui
ombait devant lui et qui suivait tous ses mouvements. Tant qu'il le vit souffler de co-
<, H le natta doucement de la voix et de la main; ensuite, laissant couler son manteau
a |eiTe' jl s'�lance d'un saut l�ger, et il l'enfourche en ma�tre. D'abord il se contente de
enirla t�te haute, sans le frapper ni le harceler; mais, sit�t qu'il s'aper�oit que le
val a rabattu de ses menaces, et qu'il ne demande plus qu'� courir, alors il baisse la
"lain, et il le l�che � toute bride, en lui parlant d'une voix plus rude, et en le frappanl
u ta'on- Philippe et tous les assistants regardaient d'abord avec une inqui�tude mor-
e 'e, et dans un profond silence; mais, quand Alexandre tourna bride, sans embarras,
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LE CHIC A CHEVAL.
30
et qu'il revint la t�te haute et tout fier de son exploit, tous les assistants le couvrirent de
leurs applaudissements. Quant au p�re, il en versa, dit-on, des larmes de joie; et, lorsque
Alexandre fut descendu de cheval, il le baisa au front : « 0 mon fils! » dit-il,
« cherche un royaume qui soit digne de toi! La Mac�doine n'est pas � ta mesure! » (Vie
d'Alexandre,
traduction E. Talbot.)
Les victoires d'Alexandre, sur les Perses, furent surtout dues � la valeur et � la solidit�
de son infanterie, la fameuse phalange mac�donienne, form�e de quatre gros bataillons,
s�par�s, les uns des autres, par des intervalles de tr�s peu d'�tendue, phalange contre la-
quelle vinrent se briser les efforts de l'innombrable cavalerie de son adversaire.
Cependant, si l'infanterie fut, pour Alexandre, le principal facteur de la victoire, sa
cavalerie eut aussi une part consid�rable dans le succ�s de son aventureuse exp�di-
tion. A plusieurs reprises, elle mit en fuite les masses de la cavalerie des Perses, et
enfon�a les lignes �paisses de leur infanterie.
Tout d'abord, la cavalerie mac�donienne se distingua au passage du Granique. A la
bataille d'Issus, ses charges vigoureuses, contre l'aile gauche des Perses, contribu�rent
beaucoup � assurer la victoire aux Mac�doniens. A Arbelles, la cavalerie d'Alexandre
chargea en colonnes, se pr�cipita dans les intervalles de la ligne d'infanterie des Perses,
la fit plier, la rompit et la tailla en pi�ces.
Dans l'arm�e mac�donienne, de m�me, du reste, que dans les autres arm�es grecques,
le peu d'intervalle laiss� entre les diff�rentes parties de la phalange ne permettait pas le
m�lange des armes; la cavalerie �tait dispos�e sur les flancs de la ligne de bataille.
La principale formation de combat, en usage dans la cavalerie grecque, �tait lafor-
mation en carr� long.
On disposait aussi la cavalerie en triangle et en losange. Philippe de Mac�doine, p�re
d'Alexandre, fut, dit-on, l'inventeur d'une formation en coin, qui pr�sentait plus d'avan-
tage que le losange.
Le carr� long, que nous venons de mentionner, �tait ordinairement form� de soixante-
quatre combattants, rang�s sur seize de front et quatre de profondeur, ou bien, sur
huit de front et huit de profondeur, etc.
L'ensemble de la cavalerie de la phalange portait le nom d'�pitagme. Son effectif
�galait le quart de celui de la phalange, soit 4,096 combattants.
L'�pitagme se divisait en deux T�los forts chacun de 2,048 hommes; le T�los, en
deux Ep�porchies comptant 1,024 cavaliers, etc.
Voici quel �tait, d'apr�s le colonel Carrion-Nisas, l'armement des cavaliers grecs :
« Les cavaliers combattant en troupe portaient pour armes d�fensives un casque, qui
descendait jusqu'au milieu du visage. 11 parait ainsi les traits qui tombaient en para-
bole, et ne g�nait pas le combattant, qui n'avait gu�re � regarder que du haut en bas.
Le cavalier portait au bras gauche une sorte de petit bouclier �lastique de forme ronde;
le bras droit �tait garni de brassards de cuir avec des plaques d'airain; cette d�fense se
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          31
r�p�tait sur les cuisses; ils avaient, comme nous, des bottes de cuir ann�es d'�perons.
« Leur arme offensive �tait la lance, la petite �p�e pour le besoin et comme secours,
et quelquefois la javeline.
« Il y avait aussi des archers � cheval, mais ils ne combattaient pas en troupe. Les
cavaliers et les soldats ainsi isol�s �taient arm�s fort diversement. » � {Histoire g�n�-
rale de l'art militaire.)
Peinture 4c vase grec. Collection du chevalier Coghill.
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CHAPITRE IV
LA FERRURE.
ous avons parl�, un pou plus haut, des pol�miques re-
latives � la ferrure � clous, dans l'antiquit�,
On a, en effet, beaucoup discut� sur le vers d'Ho-
m�re qui suit :
« il; e�ttiov 6-' �ves�i titusxeto yaXxoicoS' �'ttttw »
(vers 45 du chanl VIII d« l'Iliade),
o� Hom�re, d�crivant le char de Jupiter, dit qu'il
attela ses chevaux aux pieds d'airain.
« Qu'a voulu dire le po�te en donnant aux chevaux
charg�s de tra�ner s�rement et rapidement les divinit�s de l'Olympe, cette
4 incation de pieds d'airain? Pour nous, le sens n'en peut �tre douteux; il a voulu
quer la nature du sabot du cheval, aussi dur que l'airain, et, en m�me temps, le
i que fait la corne du pied du m�me animal lorsqu'il frappe le sol en galopant.
ns la bouche du po�te, le mot aux pieds d'airain doit avoir la m�me signification que
dans les vers de Virgile tir�s des G�orgiques :
« Cavatque
Tellurem, ot solido firaviter sonat ungula cornu... »
(Georg. lib. III.)
« Quadrupedante putrem sonitu quatil ungula campum. »
{Georg. lib. I.)
« Ne savons-nous pas, en outre, que plusieurs po�tes latins : Virgile, Ovide, Ausone,
ont donn� des pieds d'airain � d'autres animaux, au b�uf et au cerf notamment.
« Fixerit �ripedem cervam licet... » (Virgile.)
« Narr�t eta^ripedes Martis arasse boves. » (Ovide.)
<i Vincunt �ripedes ter terno .\csiorc eervi. » (Ausone.)
CtttC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                         K
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34
LE GHIG A CHEVAL.
« Aucun de ces animaux n'a jamais �t� ferr�.
« Pourquoi s'�tonner de ces �pith�tes, lorsque nous voyons Hom�re donner une voix
d'airain au bouillant Achille, et Virgile parler d'une voix de fer ? ferrea vox.
« En discutant, en son lieu et place, le passage du commentaire d'Eustathe sur un autre
vers d'Hom�re, nous verrons qu'� l'�poque o� ce commentateur vivait, la ferrure �tant
g�n�ralement connue, en Orient comme en Occident, il �tait naturel qu'il comm�t
un anachronisme. Henri Estienne en a fait autant, plus tard. Tous deux ressemblent
aux peintres du moyen �ge, qui placent des canons � la suite de l'arm�e d'Alexan-
dre.
« Les modernes emploient, eux-m�mes, assez souvent, une m�taphore semblable �
celle des po�tes grecs ou latins; ils n'h�sitent pas � dire : un si�cle d'airain, un front d'ai-
rain, un c�ur d'airain. Ne disons-nous pas couramment : un bras de fer, une main de
fer, une sant� de fer. Hom�re, dans le vers qui a donn� lieu au commentaire d'Eustathe,
emploie une m�taphore plus hardie encore : il dit que les chevaux d'Agamemnon d�-
chiraient le sol, yj�x.§ Sti�qiovts�, ce
que les traductions latines rendent
assez improprement par sere inva-
dentes.
Nous allons voir bient�t
qu'Eustathe a donn� au mot i<�x§
la valeur de fer � cheval, tandis
Fer saxon.                     Fer germain.               Fer du moyen �ge.
qu'il a n�glig� d'observer qu'Ho-
m�re, pas plus qu'aucun autre po�te
grec, n'a emprunt� aux �tincelles que les fers de chevaux engendrent sous leurs pas
rapides, des images semblables � celles que nos po�tes modernes ont si souvent pro-
digu�es, tandis que les r�nes ou le mors leur en ont abondamment fourni.
« Mais, en supposant, contre toute vraisemblance, que l'�pith�te hom�rique p�t signi-
fier chevaux aux pieds d'airain (c'est-�-dire ferr�s d'airain), on serait port� � remarquer
qu'aucune invention humaine, d'une utilit� g�n�rale, ne para�t avoir disparu depuis le
moment o� elle a commenc�, cette utilit� �tant rest�e la m�me. Si quelques proc�d�s
artistiques ont fini par �tre n�glig�s, et m�me par �tre abandonn�s enti�rement, dans
la suite des temps, � cause de l'oubli volontaire des arts dans lesquels ces proc�d�s
�taient appliqu�s, il para�trait au moins singulier que la ferrure, pratiqu�e � l'�poque
hom�rique, e�t cess� de l'�tre, pr�cis�ment au fur et � mesure que l'usage du cheval se
r�pandait, et que la n�cessit� de cette ferrure devait �tre reconnue indispensable. Est-il
permis d'admettre qu'on ait tout d'un coup cess� de ferrer les chevaux, � ce point qu'au-
cun �crivain grec post�rieur � Hom�re n'en ait souffl� mot, qu'aucun monument de
l'art n'ait repr�sent�, avec les stigmates de la ferrure, un animal si souvent figur� avec
toutes les parties de son harnachement, m�me dans des monuments d'une importance
secondaire et d'une assez petite dimension? Et ce qui d�montre, d'une mani�re incontes-
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3a
LE CHIC A CHEVAL.
table, que l'invention de la ferrure ne peut remonter � l'antiquit� grecque la plus recu-
l�e, c'est le silence complet de X�nophon � cet �gard.
« En pla�ant, suivant l'opinion la plus g�n�ralement adopt�e, et que je ne veux pas
discuter ici, l'�poque o� l'auteur des po�sies hom�riques a v�cu, vers l'an 1000 avant
notre �re, et l'exil de X�nophon, qui, comme tout le monde le sait, est ant�rieur � la
composition de la plupart de ses ouvrages, vers l'an 393, nous voyons que plus de
600 ans s�parent la r�daction de Y Iliade de l'�poque o� X�nophon a �crit ses deux
trait�s.
« Certes, si l'art de ferrer les chevaux e�t �t� connu des Grecs, X�nophon en aurait
parl�, il en e�t montr� les avantages et, en m�me temps, les inconv�nients. Dans tous
les livres �crits par les modernes, et qui concernent le cheval, aucun d'eux n'a pass�
sous silence la ferrure, qui est de la plus grande importance pour l'animal, dont elle sert
pied, pour l'a-
vitesse el la so-
sent tant celui
Mal faite,la fer-
cheval inhabile!
elle va jusqu'�
pied, dont la
non entam�e
(l'unearmaturc
a prot�ger le
nimal dont la
lidit� int�res-
qui le monte.
rure rend le
� la marche;
d�former le
corne nue et
Par les clous
Fer gallo-romain.
Fer celtique.
Fer gaulois.
m�tallique quelconque, aurait beaucoup mieux support� la fatigue, les mauvais
chemins, l'humidit�, la neige; enfin, elle rend cet animal impropre au service qu'on
lui demande habituellement; et, d�s lors, comment supposer, un seul instant, que
X�nophon e�t gard� le silence � ce sujet, si l'usage de la ferrure e�t �t� connu de son
temps, ou m�me seulement pratiqu� dans certaines circonstances? Or, dans les deux
trait�s en question, nulle part il n'est parl� de la ferrure, et cependant, comme cela
�tait naturel, l'auteur appelle, � plusieurs reprises, l'attention de ses lecteurs sur l'im-
portance du pied du cheval. Et lorsque, en t�te de son trait� -toi Ws�i�, il cite Simon,
dont Yllipposcopique para�t avoir joui d'une grande estime chez les Grecs, il n'oublie
Pas de rappeler que ce v�t�rinaire assure qu'on reconna�t, au besoin, la bont� du pied
� la duret� de la corne : « En quoi, » dit X�nophon, « il a parfaitement raison, cai le sabot
creux resonne sur le sol comme une cymbale. » Wep y*? xty�aXov ipy�i^k t<;> Sz-n�Sy r,
*°&v) o-a-,;. Nous retrouvons ici le pied d'airain des po�sies d'Hom�re.
« Mais X�nophon avait une occasion toute naturelle pour parler de la ferrure des che-
vaux si, � son �poque, elle avait �t� connue et pratiqu�e; comme auteur de l'exp�dition
du jeune Cyrus, o� la cavalerie grecque a jou� un r�le important, et durant laquelle,
comme nous l'avons dit plus haut, il commandait, lui-m�me, un corps de cette arm�e :
or il a gard� � cet �gard un silence complet. N�anmoins, il n'a pas oubli� de mentionner
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36                                                           LE CHIC A CHEVAL.
que les soldats grecs dont les pieds avaient �t� � moiti� gel�s, pour remplacer les sou-
liers qui leur manquaient, se mirent aux pieds des xap&fcnvai, faits de cuir de b�uf. (X�-
nophon, Anabase, liv. IV, chap. v.) Aristote, de son c�t�, nous apprend que ce mot d�-
signait, chez les Grecs, les chaussures des chameaux dont les pieds �taient devenus
douloureux � la suite d'une longue marche. Le dessous du pied du chameau est charnu,
ainsi que celui de l'ours. C'est par cette raison que, lorsqu'on m�ne des chameaux � la
suite d'une arm�e, et que la fatigue de la marche leur a rendu le pied malade, on l'enve-
loppe d'une chaussure. (Aristote, De animalibus historise, lib. II, cap. n.)
« De nos jours, quelques nations chaussent leurs chevaux de la m�me mani�re, les Ja-
ponais notamment, (Kaempfer, Histoire naturelle, civile et eccl�siastique du Japon,
t. II, liv. V, page 117.) « Les chevaux portent des esp�ces de souliers faits de paille cor-
donn�e, auxquels on attache de longues cordes, aussi de paille, pour les attacher aux
pieds des chevaux, � la place de nos fers
d'Europe, dont on ne se sert pas dans ce
pays. »
« Il arrive assez souvent que les traduc-
teurs latins des �crivains grecs, dont les
yeux sont habitu�s � voir des chevaux fer-
r�s, ne sachant comment rendre certaines
expressions, traduisent ces expressions, qui
d�signent des esp�ces de chaussures en usa-
ge, notamment pour les b�tes de somme,
par des mots latins qu'ils consid�rent comme �quivalant aux mots grecs, ce qui a
grandement contribu� � jeter de l'obscurit� sur la question. Mais ce qui est plus
d�cisif en faveur de la th�se que nous soutenons, c'est que Pollux, pr�cepteur de l'em-
pereur Commode, qui �crivait au deuxi�me si�cle cle notre �re, en �num�rant les
parties du harnais du cheval : le mors, xo&ivo'�; la museli�re, xyi^o?, et toutes ses par-
ties; les annelets, A�llwv; les brides, vjvwv; les anneaux, cW.-ruli.ov; le licou, «pop�ei'a, et
toutes les vari�t�s de mors; la t�ti�re, Kopu�afoc; la housse, �W/ov, �cpCimov; la musette,
cwpcttuo�; etc., ne mentionne nulle part les fers � cheval; les Grecs ne les connaissaient
donc pas au deuxi�me si�cle de notre �re. Si tous les �crivains que nous avons consult�s
� ce sujet, gardent un silence complet sur cette utile invention, ils sont loin d'�tre
muets � l'�gard de chaussures � peu pr�s semblables aux semelles faites de cuir que por-
taient les hommes de la cavalerie, auxquelles les Grecs donnaient le nom �'^J^a.',. Ces
�'z&xTai �taient sans doute des esp�ces de gu�tres, port�es par les cavaliers, et qui ser-
vaient tout � la fois de d�fense et de chaussure � la jambe des soldats. Apsyrtus, v�t�ri-
naire des arm�es romaines en Orient, sous le r�gne de Constantin, parle assez longue-
ment des maux occasionn�s par les d�fenses des pieds du cheval et par les ligatures de
ces d�fenses.
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LES HUNS.
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LE CHIC A CHEVAL. �                                                    37
« Dans tous les cas, rien n'emp�che d'admettre que, si la ferrure proprement dite n'a
pas �t� pratiqu�e par les Romains, ils aient fait usage de soles, de chaussures en cuir
ou en paille, auxquelles les Grecs avaient recours, et que les Romains aient chauss�
leurs b�tes de somme ou m�me les chevaux malades de sole� ferre�, semblables � celles
qui ont �t� retrouv�es, dans le sein de la terre, en nombre assez r�duit, au surplus, et,
jusqu'� pr�sent, presque exclusivement sur le sol de,1a France et de l'Allemagne.
« Je donne, ici, quelques sp�cimens des fers antiques qui ont figur� � une r�cente expo-
sition de ferrure, � Londres, et je laisse scrupuleusement la d�signation qui leur a �t�
donn�e � cette exposition. Du reste, le seul fer romain qui porte des marques de clous
me semble de structure bizarre, et j'avoue ne pas comprendre comment il pouvait �tre
clou�, le clou du milieu venant se placer ainsi � l'endroit de la fourchette. Je ne le donne
donc qu'� titre de curiosit�.
« Mais, si ce n'est ni chez les Grecs, ni chez les Romains, ainsi que nous le pr�tendons
dans l'�tat actuel de la science arch�ologique, que l'art de la ferrure a �t� invent�, ne
devient-il pas permis d'en attribuer l'invention aux populations barbares qui envahi-
rent l'empire romain dans les premiers si�cles de l'�re chr�tienne? Ne peut-on regarder
comme ayant �t� fabriqu�s par elles les fers � clous qui ont �t� retrouv�s, en assez
grand nombre, dans plusieurs parties de la Gaule et de la Germanie, confondus, � ce
qu'on assure, avec les sole� ferre� employ�es, quoique rarement, et sans doute tardi-
vement, pour les b�tes de somme, � l'�poque imp�riale, et dont il est quelquefois ques-
tion dans les �crivains latins? Ces populations barbares, dont la cavalerie a �t� fr�-
quemment au service des Romains, avaient d�, de tr�s bonne heure, reconna�tre la
n�cessit� de la ferrure, parce qu'elles habitaient un sol naturellement fangeux, tr�s sou-
vent et, surtout, tr�s longtemps recouvert par la glace ou la neige.
« Les Grecs, les Latins ont chauss� leurs b�ufs, leurs chevaux, leurs �nes, leurs mules,
t�moin le muletier de Vespasien; ils ne les ont jamais ferr�s comme nous le faisons
maintenant. Tout au plus ont-ils employ�, surtout en cas de maladie, les sole� /erreic
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38
LE G HIC A CHEVAL.
de nos collections publiques que certains antiquaires d�crivent et figurent comme des
fers de chevaux romains; ils ne les ont pas attach�s et fix�s au moyen de clous, ils n'ont
jamais eu de mar�chaux ferrants (ceux-ci eussent �t� aussi n�cessaires � l'�poque ro-
maine que de nos jours) ; et, rien ne s'oppose � ce que les anciens aient re�u les arma-
tures en fer dont ils se sont servis, des nations barbares auxquelles ils empruntaient une
nombreuse cavalerie. S'ils ne leur ont pas emprunt� plus t�t les fers proprement dits,
c'est tr�s probablement qu'ils n'en reconnaissaient pas bien l'utilit�. Quant � nous,
jusqu'� preuve du contraire, nous n'h�sitons pas � regarder les fers de chevaux sem-
blables � ceux que nous employons, ou qui, du moins, n'en diff�rent pas sensiblement,
qui ont �t� d�couverts � une plus ou moins grande profondeur sur divers points de
l'Europe, comme �tant d'origine celtique.
« Cependant, il n'est pas facile de d�terminer, avec quelque vraisemblance, � quelle
population barbare le cheval, qui n'existe
plus � l'�tat sauvage, si ce n'est peut-�tre
sur le plateau de l'Asie centrale, a d� ce
stigmate ineffa�able de la domesticit�, cette
ferrure qui est pour lui la cause de tant de
souffrances. Les nations scythiques, qui
buvaient le lait de leurs juments, qui ont
imagin� de ch�trer les chevaux m�les pour
les rendre plus dociles, pratique que les Ro-
Sole� fcrreee.
mains ont adopt�e, ont peut-�tre �t� les pre-
mi�res � reconna�tre la n�cessit� de ferrer
ces animaux, tr�s nombreux chez elles. Rien n'emp�cherait alors de penser qu'elles ont
fabriqu� les fers � clous, qui n'ont �t�, nulle part, rencontr�s en plus grand nombre
que dans le nord de l'Europe, surtout depuis une cinquantaine d'ann�es. »
Nous avons cit�, presque en entier, dans les pages qui pr�c�dent, une tr�s curieuse
brochure de M. Pol Nicard, publi�e en novembre 1866, et ins�r�e dans le XXIXe vo-
lume des M�moires de la Soci�t� imp�riale des Antiquaires de France, parce que cette
question de la ferrure est une de celles qui int�ressent le plus vivement les gens de
cheval.
Le capitaine Picard, dans son livre si int�ressant sur les origines de l'�cole de cava-
lerie, consacre, lui aussi, plusieurs pages � cette mati�re.
«... Avant l'�re chr�tienne, la ferrure � clous �tait certainement en usage en Gaule,
en Bretagne, en Germanie.................................
« Il r�sulte de ce qui pr�c�de que la ferrure � clous �tait pratiqu�e bien avant la con-
qu�te de la Gaule; � cette �poque, il existait d�j� plusieurs esp�ces de fers � cheval et,
cons�quemment, plusieurs centres de fabrication. Il est donc permis de croire que, si
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LE CHIC A CHEVAL.
les Celtes n'en sont pas les inventeurs, c'est par eux, du moins, qu'elle s'est r�pandue en
Occident. »
M. Rossignol pr�tend que les fameux myst�res de Samothrace n'�taient autres que
ceux de la m�tallurgie. Il pense �galement que, parmi les trois classes dont �tait com-
pos�e la hi�rarchie druidique, c'�tait � la deuxi�me classe, celle des Ovales, qu'�taient
r�serv�es les fonctions industrielles.
Quoi qu'il en soit, il semble que c'est � peu pr�s au moment o� les �triers ont �t�, si ce
n'est invent�s, du moins g�n�ralement employ�s, que la ferrure para�t avoir �t� adopt�e
par toutes les nations qui se servaient du cheval pour les usages de la paix et pour ceux
de la guerre.
L'invention de la selle, au contraire, invention qui remonte � une haute antiquit�,
mais que les Romains furent assez lents � adopter, eux-m�mes, aurait d� conduire beau-
"�dow, dis Ceftes ci cl es
C^o-iaiolS .
coup plus t�t � l'invention des �triers. Quant aux Grecs, il para�t certain qu'ils n'ont
jamais employ� la selle.
Th�odose, dans un rescrit de l'ann�e 385 {Codex Theodosianus, lib. VIII, tit. V, 47),
d�termine le poids de la selle et ne veut pas qu'elle d�passe (30 livres.
« Et quoniam veredorum quoque cura pari ratione tractanda est, sexaginta Iibras sella cum frenis, tngenta
quinque vero averta non transeat. »
Au livre VI, vi, 4, V�g�ce dit que c'est de la Perse qu'on tirait les meilleurs chevaux
de selle. C'est �galement en Perse que l'usage des housses para�t avoir pris naissance
Quant � l'usage commun des �triers, il ne nous para�t pas plus ancien que celui de
la ferrure. Les mots latins : stapes, slaffa, slapia, staphium employ�s au moyeu �ge
Pour d�signer les �triers, paraissent d�river du mot simple allemand stapf, staf. La pre-
mi�re mention qui soit faite des �triers se trouve dans un ouvrage du septi�me si�cle,
attribu� � l'empereur Maurice et intitul� : « Art mil Un ire » : « M* fyeiv «c toc? c�k*� «oXo�
«^vip�� &,0, etc.. »
Nous mentionnerons ici quelques t�moignages historiques, invoqu�s par les arch�olo-
gues, pour d�terminer l'�poque o� la ferrure � clous devint d'un usage g�n�ral en Eu-
rope. Lorsque Boniface III, le Pieux, marquis de Toscane, alla, en 1038, au devant-de
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LE CHIC A CHEVAL.
40
B�atrix, sa fianc�e, ni�ce de la grande comtesse Mathilde, devenue si c�l�bre pour avoir
constitu�, en partie, le patrimoine de Saint-Pierre, il marchait accompagn� d'un cort�ge
aussi brillant que magnifique; ses chevaux, au lieu de porter des fers semblables aux
n�tres, sous le rapport de la mati�re, �taient chauss�s d'argent. C'est, en effet, ce que
nous apprend Donizone, qui a �crit, envers latins, la vie de la grande comtesse; et les fers
d'argent de la monture du fianc� de B�atrix devaient appartenir � celui qui les ramasse-
rait sur la route suivie par le cort�ge. Si l'on en croit le P�re Daniel, en France, au
neuvi�me si�cle, on ne ferrait les chevaux que pendant la gel�e. Parlant de la cavalerie
de Louis le D�bonnaire, il dit que la gel�e, qui avait suivi les pluies de l'automne,
avait g�t� les pieds de la plupart des chevaux, qu'on ne pouvait faire ferrer dans un
pays devenu tout � coup hostile, au moment o� l'on s'y attendait le moins.
Les �crivains anglais attribuent � Guillaume le Conqu�rant l'introduction de la fer-
rure en Angleterre. Nous trouvons, au tome III de YArcheologia Britannica, que Guil-
laume avait donn� � Simon Saint-Liz, un de ses compagnons, la ville de Northampton
et le comt� de Falkley, estim�s 4 livres sterling de rente, � charge de fournir de fers
les chevaux du prince.
Henri de Ferres, ou Ferrers, qui accompagnait Guillaume, devait, tr�s probablement,
son nom � sa profession de mar�chal-ferrant, ou � ce qu'il dirigeait les mar�chaux. Du
reste, l'auteur du trait� : « Discovery of errorsin the catalogue of nobility » (Londres,
1619) donne comme armoiries � la famille des Ferrers, six fers � cheval; et, Bracy-
Cl�rke rapporte que, dans le comt� de Rutland, le plus petit de l'Angleterre, lieu de
r�sidence de la famille des Ferrers, il a exist� longtemps un usage assez singulier. Lors-
qu'un noble, � cheval, traversait la capitale du comt�, on lui confisquait un des fers de
son cheval, � moins qu'il n'aim�t mieux payer une l�g�re redevance. Le fer d�tach� du
pied de l'animal, ou tout autre fer admis � le remplacer, �tait clou� aux portes du ch�-
teau des Ferrers, et le nom du propri�taire inscrit � c�t�. Il en r�sulta qu'au bout d'un
certain nombre d'ann�es, ces portes furent couvertes de fers, dont quelques-uns �taient
tr�s grands et quelques autres, dor�s.
Fers du moyen �ge.
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CHAPITRE
V
LES ROMAINS.
es Romains ne nous ont laiss� aucun trait� technique sur l'�qui-
tation. Nous ne poss�dons donc pas, pour appr�cier ce qu'�tait
l'�quitation chez eux, des renseignements aussi exacts que ceux
que nous fournit X�nophon, en ce qui concerne les Grecs. L'�-
quitation n'�tait cependant pas d�daign�e � Rome; elle y fut
m�me en honneur, d�s les temps les plus recul�s, et parmi les
hautes classes de la soci�t�. L'existence des chevaliers, en effet,
remonte � l'origine de Rome.
_________| Les premiers chevaliers romains formaient la cavalerie de
^ Wr                               l'arm�e. On les d�signait par les noms de Celeres, t leximenes,
Trossuli.
Plus tard, il cessa d'en �tre de m�me; les chevaliers ne se confondirent plus avec les
cavaliers des l�gions, ils form�rent une classe dans l'�tat, l'ordre �questre, qui �tait la
haute bourgeoisie du temps. Ils recherchaient surtout les fonctions financi�res et judi-
ciaires. Quant aux cavaliers, ils furent recrut�s de la m�me fa�on que les fantassins des
l�gions.
A l'�poque royale, les rois d�signaient, eux-m�mes, ceux qui devaient servir dans la
cavalerie. L'�tat leur fournissait un cheval, et la nourriture de ce cheval.
Sous la R�publique, ce sont les censeurs qui choisissent les cavaliers parmi lesjeunes
gens poss�dant le census equestris (1). Ils d�signent ceux qui, par leurs bonnes m�urs
et leur naissance honorable, sont clignes de figurer sur les r�les de la cavalerie.
(1) Sou
e, le census equestris s'�levn jusqu'� 400,000 sesterces.
<:»i<: A r.iii�vu..
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LE CHIC A CHEVAL.
i2
Ce sont encore les censeurs qui veillent � ce qu'une rigoureuse discipline maintienne
cette troupe d'�lite en bon �tat. Chaque ann�e, donc, ils passent une revue de la cavale-
rie. Ils proc�dent, � cette revue, � peu pr�s de la m�me fa�on, et � la m�me �poque que
les inspecteurs g�n�raux et les intendants, chez nous.
Le 15 juillet, ces magistrats se rendent sur la place publique, prennent place � leur tri-
bunal, et font d�filer devant eux, un � un, et � l'appel de leur nom, tous les chevaliers.
Chaque homme est � pied, et tient son cheval par la bride.
Si quelqu'un a une accusation � formuler contre un chevalier, il sort de la foule, et
�nonce ses griefs. Le chevalier est-il convaincu d'un manquement de quelque importance,
le censeur prononce sa d�gradation, par cette sentence, qui le prive de son cheval :
« l�ecide equurn. » Not� d'infamie, le coupable est, d�sormais, indigne de servir dans la
cavalerie. Si, au contraire, l'accus� est reconnu innocent, le magistrat lui ordonne de
passer outre, avec son cheval : « Traduc equum. »
Les censeurs se montraient tr�s rigoureux, tr�s s�v�res dans cet examen; ils ne lais-
saient passer aucune faute grave, sans la frapper, et punissaient, m�me, la n�gligence et
le manque de soins. Nous citerons, � ce propos, une anecdote emprunt�e � Aulu-Gelle :
« Scipion Nasica et Marcus Pompilius �tant censeurs, et passant l'inspection annuelle,
virent un cavalier, brillant d'embonpoint, et avec toutes les apparences de la bonne
sant�, pr�sentant son cheval maigre, mal pans� et en mauvais �tat. « Pourquoi », lui
dirent-ils, « es-tu en meilleur �tat que ton cheval? � C'est », r�pondit-il, « que mon
valet,panse mon cheval, et que je me panse moi-m�me. » La plaisanterie ne fut pas go�-
t�e, et les censeurs retir�rent son cheval � cet indigne chevalier. Mais, les jugements
rendus par les censeurs, en ces mati�res, n'�taient pas toujours dict�s par l'�quit�; par-
fois, ces magistrats abusaient de leur pouvoir pour frapper injustement ceux contre qui
ils avaient quelque motif d'animosit�. Parmi les anecdotes rapportant des faits de ce
genre, nous citerons la suivante : « Maintenant, faisons para�tre deux grands hommes,
marchant, comme attach�s au m�me joug, dans la carri�re des vertus et des honneurs,
et n�anmoins divis�s entre eux par le sentiment d'une �pre rivalit�. Avec quelle rigueur
Claudius N�ron et Livius Salinator, ces deux fermes soutiens de la patrie pendant la se-
conde guerre punique, n'exerc�rent-ils pas ensemble la censure! Ils passaient en revue
les centuries des chevaliers, dont leur �ge et leur forte constitution leur permettaient
encore de faire partie. Quand le tour de la tribu Pollia fut venu, le crieur, apercevant
sur la liste le nom de Salinator, s'arr�ta, incertain s'il devait l'appeler. N�ron comprit
son embarras; non seulement il fit appeler son coll�gue; il lui commanda encore de
vendre son cheval, pour avoir �t� condamn� par un jugement du peuple. Salinator fit
subir la m�me peine � N�ron : il en donna pour motif que son coll�gue ne s'�tait pas
sinc�rement r�concili� avec lui. » � (Val�re-Maxime, traduction C.-A.-F. Fr�mion.)
Quelquefois, les chevaliers auxquels on avait enlev� le cheval qui leur avait �t� confi�
par l'�tat, �taient condamn�s � servir avec un cheval leur appartenant en propre. C'est
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43
LE CHIC A CHEVAL.
ce � quoi furent condamn�s tous les cavaliers qui avaient surv�cu � la d�faite de Cannes.
Le privil�ge d'�tre class� parmi ceux � qui l'�tat confiait un cheval, quoique fort hono-
rable, �tait tr�s on�reux pour certains citoyens, car la somme allou�e au chevalier n'�tait
pas suffisante. Il en r�sultait qu'un certain nombre de ceux qui �taient port�s sur les
r�les de la cavalerie, invoquaient les services signal�s qu'ils avaient pu rendre, pour se
faire dispenser d'un co�teux honneur.
Le cong� du cavalier avait une dur�e
de dix ans; temps apr�s lequel il remet-
tait au censeur le cheval qui lui avait �t�
confi�.
Apr�s la chute de la R�publique, les
empereurs pass�rent, en personne, la
cavalier romain.                                 revue annuelle de la cavalerie, revue ap-
pel�e probaUc equitum. Ce n'�tait pas
l� une simple parade. La conduite, la vie de chaque chevalier y �taient soumises � un
s�v�re examen. Suivant la nature de la faute commise, le coupable recevait une r�pri-
mande, r�primande inscrite sur des tablettes, qu'il lisait � voix basse, en pr�sence du
l,euple, ou �tait frapp� d'une peine plus ou moins forte. Certains chevaliers, par exemple,
encoururent une p�nalit� pour avoir emprunt�, � un faible int�r�t, de l'argent qu'ils
Pla�aient � un taux sup�rieur.
T°us les ans, l'ordre �questre, r�uni tout entier, parcourait lentement le Forum, la
t�te couverte de rameaux d'olivier, et montait au Capitule, apr�s avoir salu�, au passage.
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M                                                           LE CHIC A CHEVAL.
le temple de Castor, l'une des divinit�s auxquelles les chevaliers rendaient des honneurs
particuliers.
Chaque l�gion romaine comprenait de la cavalerie ; et, la force de cette cavalerie n'at-
teignait pas, d'ordinaire, le dixi�me de l'effectif. La cavalerie de chaque l�gion �tait di-
vis�e en dix turmes ou compagnies, fortes de trente hommes, avec un cadre de trois
grad�s. La turme �tait, le plus souvent, rang�e sur huit hommes de front et quatre de
profondeur, afin de pouvoir circuler facilement dans les intervalles des lignes de l'infan-
terie, et de combattre sur tous les terrains. Des trois grad�s, deux figuraient dans le rang,
avec les hommes de troupe.
« Cet amalgame des armes diff�rentes, se secourant et se p�n�trant mutuellement, a
toujours paru aux ma�tres de l'art anciens et modernes, la partie la plus essentielle, la
plus d�licate et la plus savante de la guerre. » � (Carrion-Nisas, Histoire g�n�rale de
l'art de la guerre.)
Lorsque l'ordonnance de la l�gion fut modifi�e, qu'elle forma une ligne pleine et com-
pacte, au lieu de pr�senter des intervalles, qu'elle fut devenue une sorte de phalange,
l'amalgame des diff�rentes armes cessa d'avoir lieu, et la cavalerie l�gionnaire fut dis-
pos�e � la droite et � la gauche de la ligne de bataille. Chacun de ces groupes de cava-
lerie portait le nom�'aile. D'apr�sHygin, pour une arm�e comptant quatre l�gions, une
aile �tait r�guli�rement form�e de seize turmes; c'�tait, � peu pr�s, la cavalerie de deux
l�gions.
M-arius, on le sait, fit subir aux institutions militaires des Romains des r�formes capi-
tales, r�formes qui atteignirent aussi la cavalerie. Elle cessa d'�tre recrut�e exclusive-
ment parmi les chevaliers, mais le fut aussi parmi les citoyens de toutes classes et
parmi les alli�s qui, auparavant, n'�taient appel�s sous les armes qu'exceptionnellement.
Dans la suite, la cavalerie romaine compta clans ses rangs un grand nombre d'auxi-
liaires gaulois, espagnols et germains. La cavalerie de Jules C�sar �tait, en majeure
partie, compos�e d'auxiliaires �trangers. Nous emprunterons, au capitaine Picard, le
r�cit d'un engagement livr�, par ces cavaliers, � une tribu gauloise : « Cependant l'esprit
national se r�veille, sur les rives del� Loire; un h�ros angevin, Dumnacus, a entrepris
de secouer la domination de Rome; il passe le fleuve et s'avance en Poitou. Mais Fabius,
g�n�ral romain, accourt avec une nombreuse cavalerie, pour couper la retraite aux
Andes. Il occupe le pont que Dumnacus a jet� sur la Loire ; un combat sanglant s'engage ;
les Andes sont �cras�s, et douze mille des leurs sont foul�s aux pieds des chevaux.
« Les cavaliers romains », dit Hirtius, « �gorg�rent, tant que leurs chevaux purent
charger les fuyards, et que leurs bras purent se lever pour frapper. »
Les Romains trouv�rent, en Anjou, une r�gion essentiellement favorable � la re-
monte de leur cavalerie, et ils durent user largement de ses resources.
Notons, ici, que les Romains et les Grecs, ignorant l'usage des �triers, allaient
fort peu au trot, et avaient une pr�dilection marqu�e pour l'amble et pour le galop.
I
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CAVALIER ROMAIN,
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m
LE CHIC A CHEVAL.
Ajoutons que les v�t�rinaires �taient inconnus clans les arm�es romaines; c'�taient
les m�decins, attach�es aux corps de troupes, qui soignaient les chevaux malades ou
bless�s, que l'on r�unissait dans un endroit appel� velerinarium.
Les cavaliers romains �taient dress�s avec soin. On s'attachait surtout � les habituer
� se mettre promptement en selle. Voici quels �taient, d'apr�s V�g�ce, les proc�d�s
employ�s pour dresser les recrues de la cavalerie : « On mettait, pendant l'hiver,
dans un lieu bien couvert, et, pendant l'�t�, dans le Champ de Mars, des chevaux de
bois, sur lesquels on faisait sauter les jeunes cavaliers. Pour s'y accoutumer, ils
commen�aient d'abord sans armes, ensuite, tout arm�s; et, � force de soin et d'ha-
bitude, ils parvenaient � sauter, � cheval et � terre, �galement de droite et de gauche;
l'�p�e ou la lance � la main; aussi n'�taient-ils pas embarrass�s de le faire, plus
tard, dans le tumulte du combat. »
Il dit, plus loin, � propos du d�curion, officier qui com-
mandait une larme : « On doit, tout particuli�rement, cher-
cher de la vigueur et de la l�g�ret� dans un d�curion, afin
qu a la t�te de sa troupe, il puisse, portant la cuirasse, et avec
toutes ses armes, sauter, de bonne gr�ce, sur son cheval, et
te bien manier. Il faut qu'il sache se servir adroitement de sa
lance, tirer habilement de l'arc, et dresser les cavaliers de sa
'urine � toutes les �volutions de la cavalerie; il doit aussi les
obliger � tenir en bon �tat leurs cuirasses, leurs casques, leurs
lances et toutes leurs armes, parce que l'�clat qu'elles jettent en
Bride romaine
ant�rieure � l'empire.
impose � l'ennemi. D'ailleurs, que peut-on penser du courage
d un soldat qui laisse manger ses armes par la rouille et la mal-
propret�? Mais il n'est pas moins n�cessaire de faire travailler continuellement les
chevaux, pour les maintenir en �tat d'entra�nement, que d'exercer les cavaliers : c'est
au d�curion � y tenir la main; quant au g�n�ral, il doit veillera l'entretien et � la
s�ret� de sa troupe. »
D'apr�s Polybe, Scipion l'Africain instruisait admirablement sa cavalerie. Tout
d abord, chaque cavalier �tait accoutum� � tourner, individuellement, sur sa droite
ct sur sa gauche. Quand l'instruction individuelle des hommes �tait achev�e, on
Proc�dait aux man�uvres par escadron. On leur faisait ex�cuter, dans toutes les di-
rections, et avec une pr�cision extr�me, les conversions les plus compliqu�es, simples,
doubles ou triples. Ils devaient savoir se rompre promptement, soit par les ailes,
soit par le centre, et se reformer avec la m�me promptitude. Scipion veillait, surtout, a
ce que sa cavalerie march�t � l'ennemi avec le plus grand ordre, et � ce qu'elle se
repli�t de m�me. Il voulait qu'� quelque allure que se fissent les �volutions, les cava-
liers gardassent toujours leur rang et maintinssent strictement leurs intervalles.
Si nous en croyons Plutarque, C�sar et Pomp�e furent des hommes de cheval hors
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.
1.1*
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LE CHIC A CHEVAL.
de pair. C�sar ne reculait devant aucun exercice �questre. Bien souvent, mont� sur-
un cheval sans bride, il le faisait �voluer, en conservant les mains derri�re le dos. A
cinquante-huit ans, Pomp�e mettait l'�p�e � la main, et la repla�ait dans le fourreau,
alors que son cheval �tait lanc� � toute vitesse. « Peu de jeunes gens », ajoute
Plutarque, « lan�aient le javelot avec autant de force et d'adresse que le vieux
Pomp�e. »
Les armes du cavalier romain �taient une �p�e longue, qu'il portait suspendue � un
baudrier (balteus) ; une lance longue et solide (lancea), dont le fer avait la forme
d'une feuille de sauge; un bouclier, en bois peint (parma), garni d'un cercle de
bronze. Il �tait muni d'un seul �peron, au pied droit.
Le harnais du cheval se composait de la bride, avec un mors bris�, et de Yepip-
pium,
qui servait de selle, et qui consistait en deux couvertures, de drap, de laine
ou de cuir, superpos�es. La couverture sup�rieure �tait de moiti� moins grande que
l'inf�rieure. Elles �taient assujetties, sur le cheval, par un
sangle, un poitrail et une croupi�re. Le harnais des chevaux
des officiers �tait, d'ordinaire, enrichi d'ornements d'or ou
d'argent, voire m�me de pierres pr�cieuses.
<^ro^- ^fer ou l*.
             Les trois ornements distinctifs des chevaliers romains
f* «*«-i'«v]p"w« 'K.ma^. �taient : les phal�res, l'anneau d'or et la trab�e.
Les phal�res (phaler�), �taient des colliers que l'on ne
portait qu'en tenue militaire. Il en �tait autrement de l'anneau d'or. On sait qu'� la
bataille de Cannes, un si grand nombre de chevaliers romains furent tu�s ou faits
prisonniers, qu'�nnibal put envoyer trois boisseaux d'anneaux d'or au s�nat de Car-
thage. La trab�e (trabea), n'�tait pas un habit de guerre, mais la robe que rev�taient
les chevaliers dans les grandes c�r�monies. De m�me forme que la toge, elle �tait
de couleur blanche, avec une bordure de pourpre appel�e angusticlave.
De m�me que les Grecs, les Romains se hissaient sur leur cheval, soit �la mani�re per-
sique, c'est-�-dire avec l'aide d'un esclave, soit en appuyant le pied sur une sorte de mar-
che-pied, fix� au bas du bois de leur lance. On pla�ait aussi, de distance en distance, le
long des routes, des bornes qui permettaient aux cavaliers de monter facilement � che-
val. On peut encore voir, � Pomp��, des bornes de ce genre. Sous l'empire, les princes
et les g�n�raux avaient, aupr�s d'eux, des hommes nomm�s statores, dont la fonction
consistait � les aider � monter � cheval. Le sort des armes infligea � un empereur
romain l'humiliation de remplir le m�me office aupr�s du roi de Perse Sapor.
Bien avant Horace, qui signale le fait, la passion pour les chevaux �tait grande a
Rome. On leur d�cernait des honneurs, de m�me qu'en Gr�ce. Aux vainqueurs du
cirque, on �levait ds statues; on leur b�tissait dee magnifiques tombeaux. L'his-
toire a conserv� le souvenir d'un certain nombre d'entre les chevaux qui jouirent
d'une grande c�l�brit� � Rome.
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LE CHIC A CHEVAL
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�taient8"" *' raPP°rte Su�tone' « montait un cheval remarquable, dont les pieds
]en Presque de forme humaine. Ses sabots �taient fendus, de mani�re � pr�senter
^ PParence de doigts. C�sar avait �lev�, avec des soins minutieux. ce cheval, qui �tait
H futT Sa ma!S°n' Car les arusPices avaient promis � son ma�tre l'empire du monde.
e premier qui le monta; jusque-l�, l'animal n'avait souffert aucun cavalier.
ja suite, C�sar lui �leva une statue, devant le temple de V�nus Genitrix »
des i h ^ Ch6Val ^ CaligUl;'' "''^ FlS m°inS C�l�bre- °U Sai' «ue> Ia Vi'ille
le vois^ CUqUe' 1,empereur faisait °^onner le silence le plus strict, dans tout
nage, pour que le repos de son cheval ne f�t pas troubl�. L'�curie d'Incitatus
lico CG m            aVeC Une man-eoire d'ivoire; ses couvertures, de
pourpre; ses
^ «s, garnis de pierres pr�cieuses. Caligula fit plus en-
^re; i] ]ui donna UQ ^.^ M CQmposa ^ maison> lui
«mit un luxueux mobilier, afin que ceux qu'on inviterai)
^ son nom fussent re�us magnifiquement. On pr�tond
me qu'il avait l'intention de lui d�cerner le titre de
consul.
ons encore, parmi les empereurs qui �lev�rent des
^onuments � leur monture, Auguste et Adrien. De plus.
cheval d'Auguste fut c�l�br�, en vers, par Germanicus.
son' T1PereUr V�rUS avait fait fondre, ei1 or, une image de
ne levai, qui s'appelait Volucris. 11 ne se s�parait jamais
e cette image; et, quand l'animal fut mort, il lui fit �le-
Gr Un tombeau au Vatican.
Bride romaine en usage en France
jusque vit* le XIIe si�cle.
oici quels �taient les noms par lesquels les Romains d�-
laient chaque vari�t� de chevaux : ils appelaient can-
' ' , Vlent Probablement le mot canter, les chevaux de selle et de promenade;
s . ".' ambleurs; itinerarii, les chevaux dont on se servait pour voyager;
j
             l�' s c�levaux destin�s � porter les bagages; venatici. les chevaux de (liasse.
de | --t * qUe ln montait P°«r aller a Ia campagne �tait appel� mannus; le cheval
ja �>3u'mentum. Le mot caballus �tait une expression du latin populaire, et avail
signification de mauvais cheval, de rosse, de bidet.
cj
                  ^«e 'es Grecs, qui, on ie sait, �taient passionn�s pour les courses do
- pour les jeux �questres, les Romains montr�rent, de bonne heure, un
"t extr�me
j,
           ' e pour ces sortes de spectacles. A mesure que la prosp�rit� de Rome se
. *c' os courses et les jeux du cirque prirent une extension de plus en plus
-                e' sans faire tort, du reste, � d'autres spectacles, qui procuraient des
ns PIus violentes, tels que les combats de gladiateurs.
|-
          ' aucteurs de chars, ou cochers, �taient divis�s en quatre troupes ou fac-
4 avaient chacune leur couleur distinctive. Ces couleurs �taient : le blanc,
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LE CHIC A CHEVAL.
48
le rouge, le bleu, le vert. Les deux factions les plus importantes, celles pour lesquelles
on pariait le plus volontiers, �taient la bleue et la verte. On mentionne aussi, quel-
quefois, deux autres factions, la faction dor�e et la faction de pourpre, institu�es par
l'empereur Domitien. Ces factions n'eurent jamais la m�me vogue que les pr�c�-
dentes.
Voici, d'apr�s Nieupoort, la description d'une course de chars, � Rome : « On
tirait au sort la place que les chars devaient occuper devant la barri�re; car il y avait
des places plus avantageuses les unes que les autres, et d'o� il y avait moins d'es-
pace � parcourir pour arriver au but. Celui qui pr�sidait aux jeux donnait le si-
gnal, par un linge ou un morceau d'�toffe qu'il d�ployait. Aussit�t, ils partaient et
couraient vers la droite du cirque, afin de tourner � gauche autour de la borne.
Celui qui le premier avait achev� sept fois cette course, �tait le vainqueur; en quoi
il fallait beaucoup d'adresse et d'habilet�. Ces sept tours autour de la borne s'appe-
laient missus et il y en avait ordinairement vingt-trois, chaque jour des jeux du
cirque, et, quelquefois, davantage. Et, de peur de se tromper dans le nombre des
sept tours, il y avait sept dauphins, ou sept �ufs de bois, plac�s sur la pointe de
la borne, dont, � chaque tour, on enlevait un. Le dauphin �tait un animal consacr� �
Neptune, en l'honneur duquel les jeux du cirque avaient �t� institu�s. Graevius, qui
explique un peu autrement ces dauphins et ces �ufs, pr�tend qu'ils �taient plac�s
sur des colonnes. Lorsque les sept tours �taient achev�s, le vainqueur sautait sur
la borne; il �tait proclam�, et il recevait le prix, qui souvent �tait consid�rable et
en argent comptant. »
Quant aux jeux �questres, consistant surtout en exercices de voltige et d'adresse,
ceux que l'on peut voir dans nos cirques donnent une id�e assez exacte de ce qu'�-
taient les jeux de cette nature � l'�poque romaine. La citation qui suit fournira, du
reste, quelques �claircissements sur ce point : « Les coureurs arrivaient, mont�s, ou
debout sur un ou deux chevaux, en tenant d'autres en main, souvent jusqu'au
nombre de six, sautant, pendant la course, de l'un sur l'autre....... Ces exhibitions
sc�niques repr�sentaient les perfections du dressage d'alors, un dressage purement
m�canique; on faisait piaffer (1) les chevaux en cadence, on leur apprenait � ex�-
cuter certaines danses, on les montait � des allures relev�es, qu'on avait obtenues
en leur attachant des rouleaux de bois aux paturons. »
(1) Les Romains exprimaient l'id�e .de piaffer par le mot tripudium.
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VI.
CHAPITRE
LES NUMIDES, LES PARTHES, LES SARMATES, LES SCYTHES, LES HUNS.
es Numides, qui, dans l'antiquit�, �taient consid�r�s comme des ca-
valiers hors ligne, �taient des tribus de race libyenne, qui occupaient
le nord de l'Afrique, bien avant l'arriv�e des Ph�niciens et la fon-
dation de Carthage. Tour � tour tributaires des Carthaginois et des
Romains, ils ne furent jamais qu'imparfaitement soumis, et con-
serv�rent, en grande partie, leurs qualit�s natives : l'�nergie.
l'amour de l'ind�pendance, le go�t des aventures et l'instinct
guerrier. Ces qualit�s, on les retrouve, � peu pr�s intactes, chez
les Kabyles, qui sont, vraisemblablement, les descendants des Numides,
m�tiss�s avec les diverses populations qui domin�rent successivement le
nord-ouest de l'Afrique. Dans ces conditions, il ne faut pas s'�tonner que
R�tablissement de notre domination en Kabylie nous ait co�t� tant d'efforts.
Tout le monde conna�t Iarbas, Masinissa, Micipsa, Jugurtha : nous n'entrepren-
drons donc pas de rappeler, ici, ce que l'on sait d'eux; nous nous bornerons � faire
remarquer que le r�le qu'ils ont jou� atteste qu'ils commandaient � un peuple re-
dout� et redoutable.
Les Numides ne nous ont transmis aucune donn�e relative c� leur histoire; et les
renseignements que l'on poss�de sur eux sont emprunt�s aux historiens grecs et
aux historiens latins.
Us montaient, para�t-il, � cheval sans selle, et, souvent, sans bride; menant quel-
quefois deux chevaux de front, et sautaient de l'un sur l'autre, pendant le combat,
avec une agilit� incroyable. Leur costume devait �tre, � peu de chose pr�s, celui
7
ca�c a cheval.
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LE CHIC A CHEVAL.
50
que portent encore les Kabyles, costume qui est, du reste, d'une extr�me simpli-
cit�. Chose singuli�re, ces peuples, qui, jadis, �taient renomm�s par leur hardiesse
comme cavaliers, ces peuples qui se distingu�rent comme tels, en maintes rencon-
tres, dont les charges, op�r�es � fond, d�cid�rent d'importantes victoires, sont de-
venus des montagnards qui combattent presque toujours � pied, et pratiquent admi-
rablement la guerre de chicane. Mais, ce qu'il importe de signaler, c'est que les
v�tements de dessous courts, la longue �p�e � fourreau de bois, les jambi�res de cuir
que portent ces fantassins, sont des legs de l'�poque lointaine o� ils fournissaient une
cavalerie incomparable. 11 convient aussi de noter que, conform�ment aux id�es che-
valeresques dont sont, d'ordinaire, imbus les peuples cavaliers, les nations amies du
cheval, ils ont plus de consid�ration pour les femmes que les Arabes, et leur accordent
plus de libert�. En ce qui concerne les Arabes, chez qui l'usage du cheval de selle est
tr�s fr�quent, nous dirons, plus loin, ce qu'il faut penser, comme hommes de cheval,
de ceux qui ont invent�, pour un animal aussi doux et aussi maniable que le cheval
arabe, cet instrument de torture qui s'appelle le mors arabe.
Les Numides, qui, avec les mercenaires gaulois et espagnols, formaient la cavalerie
de l'arm�e d'Annibal, contribu�rent, dans une large part, aux succ�s de ce grand
homme de guerre. A la bataille de Cannes, ils �taient plac�s � la droite de l'arm�e
carthaginoise, en face de la cavalerie des alli�s, dispos�e � l'aile gauche de l'arm�e
romaine. Au d�but de l'action, cinq cents d'entre ces Numides, qui, outre leurs armes
habituelles, portaient des �p�es cach�es sous leurs cuirasses, quitt�rent les rangs des
leurs et se dirig�rent vers les lignes de l'arm�e romaine. Ils avaient eu soin de placer
leur bouclier sur leur dos, pour bien montrer qu'ils d�sertaient l'arm�e d'Annibal.
Quand ils arriv�rent en pr�sence des Romains, ils descendirent de cheval, et jet�rent �
terre leurs boucliers et leurs javelines. On leur fit alors traverser les rangs de l'arm�e
romaine, et ils furent conduits sur les derri�res. Ce n'�tait l� qu'une ruse de guerre
peu loyale. En effet, lorsque le combat fut chaudement engag�, que les Romains �taient
tout occup�s � faire t�te � ceux qui les avaient assaillis de front, les faux transfuges,
saisissant des boucliers abandonn�s sur le champ de bataille, attaqu�rent inopin�-
ment les Romains � revers, les frappant dans le dos, leur coupant les jarrets. Le
carnage fut grand, parmi les Romains, et le d�sordre plus grand encore. Ainsi qu'on
le voit, la mani�re de combattre des Numides consistait dans l'emploi de la ruse,
aussi bien que dans celui de la force; c'�taient des adversaires avec lesquels il
fallait s'attendre � tout; ils �taient aussi peu scrupuleux que ceux pour le compte
desquels ils guerroyaient.
Les Numides pouvaient mettre sur pied des contingents consid�rables; en effet, si
l'on en croit un historien arabe, An-Abou-Dinar, � la grande bataille livr�e par les
Romains aux Carthaginois, sur les bords de l'Oued-Medjerda, l'arm�e carthaginoise
comptait 80,000 cavaliers, en majeure partie Numides.
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5J
LE CHIC A CHEVAL.
Sur les bas-reliefs de la colonne Trajane figurent des ca-
valiers enti�rement couverts d'�caill�s de fer. C'�taient des
cavaliers auxiliaires, soldats toujours nombreux dans les
arm�es romaines, o� la cavalerie r�guli�re �tait d'un effectif
relativement faible, et �tait loin d'avoir la m�me valeur que
l'infanterie nationale. De plus, ces auxiliaires, recrut�s dans
le pays o� l'on faisait campagne, fournissaient d'excellents
�claireurs. Ammien Marcellin, qui appelle ces cavaliers Ca-
taphracti,
dit qu'ils portaient un v�tement ajust�, embras-
sant exactement toutes les formes du corps, et garni de lames
de m�tal semblables � celles du crocodile. Ce v�tement, fait
de toile ou de cuir, �tait enti�rement recouvert d'�caill�s d'ai-
rain, de cuivre, de fer ou de corne, tr�s r�guli�rement im-
briqu�es.
H para�t �vident que les peuples dont la principale force
militaire consistait clans la cavalerie, les Parthes, les Sar-
mates et m�me les Perses, durent �tre les premiers � recon-
na�tre la n�cessit� de prot�ger, dans la plus large mesure
Possible, le cavalier et son cheval contre les traits
de l'ennemi. Ces nations eurent donc, d�s la plus
haute antiquit�, des armures compl�tes; et, �vi-
demment, ce n'est qu'apr�s en avoir reconnu l'excellence,
� leurs d�pens, que les Grecs et les Romains suivirent, jus-
qu'� un certain point, l'exemple de peuples qu'ils fl�trissaient
du nom de barbares.
X�nophon, qui avait vu, chez les Perses, des cavaliers
compl�tement couverts de fer, recommandait aux Ath�niens
de s'armer de la m�me mani�re. Ces cavaliers perses avaient
la t�te couverte d'un casque d'airain, le corps et les mem-
bres prot�g�s par une cotte, des brassards et des cuissards,
�galement d'airain; leurs chevaux portaient un chanfrein,
un poitrail et, sur la croupe, des bardes de m�me m�tal.
Us �taient donc arm�s, d�fensivement, d'une fa�on absolu-
ment analogue aux hommes d'armes du moyen �ge.
Les Parthes, qui disposaient d'une cavalerie nombreuse
et redoutable, furent, on le sait, de terribles adversaires
Pour les Romains, auxquels ils inflig�rent plus d'un sanglant
d�sastre. Le plus retentissant de ces d�sastres est celui qu'ils
flrent subir � Crassus.
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52
LE CHIC A CHEVAL.
« Toutes leurs institutions �taient militaires. Comme les Germains et les Sar-
mates, ils �taient constamment arm�s; comme eux aussi, ils consacraient aux exc�s
de la table les temps de repos qui interrompaient leurs exercices. Ils consid�raient les
cheveux longs comme le signe de la libert�, et m�me comme une parure r�serv�e aux
rangs les plus �lev�s. Ils n'estimaient que l'homme de cheval; leur noblesse ne con-
naissait m�me que ce moyen de combattre; leur costume aurait rendu difficile pour
eux le service de l'infanterie. Aussi une fois d�mont�s, ils perdaient jusqu'� la fa-
cult� de se d�fendre. » � (L. Reynier, De VEconomie publique et rurale des Perses et
des Ph�niciens.)
Justin nous donne les d�tails suivants sur leur tactique : « Ils ne savent pas com-
battre en ligne et de pr�s, ni assi�ger et prendre les villes. On les voit, dans le
combat, tant�t lancer leurs chevaux sur l'ennemi, tant�t fuir � la h�te; souvent
m�me ils feignent d�tourner le dos, pour que l'ennemi, dans sa poursuite, se m�fie
moins de leurs coups. Le tambour, et non la trompette, est leur signal de bataille. Ils
ne peuvent combattre longtemps; mais ils seraient invincibles, si leur force et leur
pers�v�rance r�pondaient � l'ardeur de leur choc. Souvent, au plus chaud de la
m�l�e, ils se retirent, et reviennent bient�t de la fuite au combat; et, � l'instant o�
on les croit vaincus, il faut recommencer la lutte. Cavaliers et chevaux sont enti�re-
ment bard�s de lames de fer, en forme de plumes. Ils n'emploient l'or et l'argent
que dans leurs armures. » � (Livre XLI, chapitre h.)
Les Sarmates �taient coiff�s d'un casque, ordinairement en cuir, garni de lames
de fer ou de bronze, ou m�me enti�rement en m�tal. Leur armure rappelait celle des
Parthes. Leur cheval, lui aussi, �tait prot�g� par un capara�on de cuir ou de toile, sur
lequel �taient appliqu�es des �cailles de fer ou de bronze. Du reste, cet armement
d�fensif du cheval para�t avoir �t� en usage chez un grand nombre de peuplades bar-
bares de l'est et du nord-est de l'Europe.
Les femmes sarmates, comme celles de presque tous les peuples barbares, accom-
pagnaient leurs maris dans leurs aventureuses exp�ditions, et contribuaient, par leur
pr�sence, � enflammer leur courage. Cette coutume des femmes sarmates n'a rien
qui puisse �tonner, �tant donn� que les Sarmates, ou Sauromates, pr�tendaient �tre
issus des unions temporaires des Scythes avec les Amazones.
Quant aux Scythes, de m�me que celle de presque tous les nomades, leur histoire
est des plus vagues. Une chose semble certaine, cependant, c'est que les Scythes n'ap-
partenaient pas � la race mongole, ainsi qu'a cherch� � l'�tablir Niebuhr. Voici du reste
un passage de M. Charles Lenormant, qui s'est attach� � d�montrer l'erreur dans
laquelle �tait tomb� Niebuhr.
« Si r�ellement les Scythes d'Europe avaient �t� des Mongols, comment un obser-
vateur aussi exact qu'H�rodote n'aurait-il pas signal� leur face plate, leurs pom-
mettes saillantes, leurs larges oreilles, leurs yeux obliques et relev�s par le bord
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CHEF GAULOIS.
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53
LE CHIC A CHEVAL.
kW/pf?>p3Ti
Lrs Barbares.
ext�rieur? Comment les Scythes, qui
se mettaient au service d'Ath�nes,
___________________________________I            qui faisaient dans la ville office de
gendarmerie, et dont le corps de
garde �tait au milieu de la place publique, n'auraient-ils pas �t� ridiculis�s pour leur
Physionomie, si diff�rente de celle des Grecs? Comment Aristophane, qui parle de ces
Scythes dans ses com�dies, n'aurait-il pas fourni des arguments � l'opinion de
Niebuhr? Comment l'art grec, aussi habile � saisir les expressions comiques cl. les
bizarreries de conformation qu'� rendre la beaut� humaine, ne nous aurait-il pas
transmis, au milieu de ces N�gres, de ces Pygm�es, de ces satyres chauves et camus
dont les collections de marbres et de vases peints abondent, quelque repr�sentation
ciui p�t se rapprocher du type mongol? Quand, dans sa description de la Scythie,
H�rodote arrive aux peuples qui ne sont pas Scythes, il a grand soin de nous repr�-
senter un peuple chauve, camus, dont les joues sont d�velopp�es, et qui parle une
langue particuli�re, lequel enfin n'a de ressemblance avec les Scythes que l'habit. Le
Portrait de ces peuples ressemble beaucoup � celui des Tartares, niais c'est une raison
de Plus pour qu'on croie que les Tartares et les Scythes n'avaient absolument rien «le
S(1"iblable. » � {Introduction � l'histoire de l'Asie occidentale.)
D'apr�s H�rodote, les Scythes adoraient le Dieu de la guerre sous la forme d un
sabre; ils suspendaient � leur selle les t�tes des ennemis tomb�s sous leurs coups,
lls buvaient dans les cr�nes de leurs victimes, se faisaient dos blessures volontaires
;| l;l mort de leur roi, etc., etc.
La nation des Scythes se divisait en deux grouj.es. les Scythes d'Asie et les Scythes
d'E
~urope qui, du reste, �taient originaires ,l'Asie. Les Scythes venus d'Asie en
Europe, �tablirent leur domination sur de vastes territoires occup�s par des peu-
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ifxy�: <&
ity
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LE CHIC A CHEVAL.
M
plades cimm�riennes ou sarmates, qu'ils refoul�rent ou qu'ils subjugu�rent. Dans la
suite, les Scythes repouss�rent victorieusement une grande exp�dition dirig�e contre
eux par Darius; mais, plus tard, les Sarmates, redevenus redoutables, et plus nom-
breux que les Scythes, entreprirent contre ces derniers une guerre d'extermination
qui entra�na leur ruine. Ces Sarmates ont �t� la tige de la plupart des nations
slaves. Quant � la trace des Scythes, tout semble prouver qu'il faut la suivre parmi
les peuples de la Germanie.
Les Massag�tes, peuple de hardis cavaliers, eux aussi, formaient un rameau im-
portant de la nation des Scythes.
« Jornand�s emploie les mots Scythse, Get�et Gothi, comme absolument synonymes.
Quelques-uns, ainsi qu'on l'a pu voir dans les autorit�s cit�es plus haut, appellent
Scythes les G�tes ou Goths; d'autres appellent G�les ou Goths les Scythes. Ces mots
sont parfaitement identiques, et m�me, selon toute apparence, ne sont qu'un seul et
m�me mot diff�remment orthographi�. » � (J. Pinkerton, Recherches sur l'origine
et les divers �tablissements des Scythes ou Goths.)
Les Huns, ces cavaliers sauvages, qui firent peser si longtemps la terreur sur l'Eu-
rope et sur l'Asie, �taient des peuplades de race finnoise. On les d�signait par les noms
de Khounn, de Hounn. Vers 220 ou 210 avant J.-C, leur conf�d�ration occupait le
grand d�sert de Gobi, en Asie. Dans la suite, elle s'�tablit plus � l'ouest, sur les
deux versants de l'Oural et dans la vall�e du Volga.
« Elle y existait d�s le second si�cle de notre �re, puisqu'un g�ographe de cette
�poque, Ptol�m�e, nous signale l'apparition d'une tribu de Khounn parmi les Slaves du
Dnieper; et qu'un autre g�ographe nous montre des Hounn camp�s entre la mer Cas-
pienne et le Caucase, d'o� leurs brigandages s'�tendaient en Perse et jusque dans
l'Asie Mineure. On croit m�me retrouver, dans les inscriptions cun�iformes de la Perse,
ce nom terrible inscrit au catalogue des peuples vaincus par le grand roi. Qu'il nous
suffise de dire qu'au quatri�me si�cle la conf�d�ration hunnique s'�tendait tout le long
de l'Oural et de la mer Caspienne, comme une barri�re vivante entre l'Asie et l'Europe,
appuyant une de ses extr�mit�s contre les montagnes m�diques, tandis que l'autre
allait se perdre, � travers la Sib�rie, dans les r�gions d�sertes du p�le. » � (Am�d�e
Thierry, Histoire d'Attila et de ses successeurs.)
Ces Huns, hideux cavaliers, au cr�ne pointu, au teint jaun�tre des Kalmouks, aux
yeux petits et profond�ment enfonc�s, au nez �cras�, aux �paules larges, ne voyageaient
et ne combattaient qu'� cheval; ils vivaient de viande mortifi�e sous leur selle, de ra-
cines crues, et buvaient le sang de leurs chevaux quand les vivres leur manquaient.
Leurs m�urs se rapprochaient de celles de tous les nomades de l'Asie, � cela
pr�s qu'ils �taient les plus f�roces d'entre eux. Ils habitaient dans de grands cha-
riots, qui servaient � transporter leurs familles, poussant devant eux d'innombrables
troupeaux razzi�s au passage.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          53
ri
s de peaux de b�tes, qu'ils laissaient pourrir sur eux, ils portaient des
. ' e bI'aies, en peau de ch�vre, ou s'entouraient les jambes de lambeaux de
' "*» eur chaussure informe les rendait maladroits � pied.
n ivlarcellin, t�moin de leur premi�re apparition sur le Danube, en fait un
peu avantageux : « Ils sillonnent profond�ment avec le fer les joues de leurs
ouveau-n�s, afin que les poils de la barbe soient �touff�s sous les cicatrices;
~1]s, jusque dans leur vieillesse, le menton lisse et d�garni. Leur corps
5 ec des membres sup�rieurs �normes et une t�te d�mesur�ment grosse, leur
ne apparence monstrueuse; vous diriez des b�tes � deux pieds, ou quelqu'une
gures en bois, mal charpent�es, dont on orne les parapets des ponts. Au dc-
^ ran , ce sont des �tres qui, sous forme humaine,
eurs chevaux �taient petits et laids, mais infati-
SaMes et rapides comme l'�clair.
eritables Centaures, les Huns passaient, en quelque
agr
G' Ur vie cheval, tant�t � califourchon, tant�t
asSIS de Cot�, comme des femmes. Ils tenaient leurs
^'em ees, achetaient, vendaient, buvaient et man-
daient sans descendre de cheval. Il leur arrivait sou-
Ven* de se livrer
au sommeil inclin�s sur le cou de
leur
s montures.
Cavalier sarmate.
(D'apr�s la colonne Trajane.)
An
0s Imes de Javelots, dont la pointe �tait form�e d'un ^^^^^^^^^^^^
�^pointu, ou d'armes enlev�es aux vaincus, ils atta-
uaient en chargeant � fond de train, poussant des hurlements horribles, semant
1 °ut la terreur, ne laissant que ruines et d�combres derri�re eux, en un mot, jus-
l�lnt Cette ParoIe du roi des rois, Attila : « L'herbe ne cro�t plus o� mon cheval a
d*         a *�' dit Chateaubriand, « du fond de sa ville de bois, dans les herbages
a Pannonie, ne savait lequel de ses deux bras il devait �tendre pour saisir
mpire d'Orient ou celui d'Occident, et s'il arracherait Rome ou Constantinople �
Ja terre.
les" °US leS nomades des steppes tartares et sarmates, toutes les tribus slaves, toutes
Populations teutoniques; enfin le monde barbare presque entier, de la mer Cas-
pourne et de Ia mer Noire jusqu'au Rhin et � l'Oc�an du Nord, reconnaissait Attila
ce t^ S61gneur^ et s'�branlait, dans ses plus sombres profondeurs, � l'appel de
errible roi, la barbarie incarn�e : 500,000 ou 600,000 hommes de guerre se le-
vaient
au premier ordre d'Attila.
ur, le terrible orage de l'invasion hunnique fondit sur la Gaule, la couvrit
' rUlne* et l'inonda de sang.
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56                                                           LE CHIC A CHEVAL.
Un grand nombre de villes furent impitoyablement saccag�es, entre autres Tr�ves,
Metz et Reims.
A l'approche des hordes d'Attila, l'�pouvante s'�tait empar�e des habitants de
Lut�ce, et ils avaient r�solu d'abandonner leur ville. Les conseils et les exhortations
d'une jeune fille, Genevi�ve, c�l�bre par ses vertus et par sa pi�t�, les d�termin�rent
cependant � ne pas s'�loigner. « Les Parisiens se laiss�rent persuader et rest�rent.
Genevi�ve avait bien vu. Les bandes d'Attila, ralli�es entre la Somme et la Marne,
n'approch�rent point de Paris, et cette ville dut sa conservation � l'obstination cou-
rageuse d'une pauvre et simple fille. Si ses habitants se fussent alors dispers�s, bien
des causes auraient pu emp�cher leur retour, et, selon toute apparence, la petite
ville de Lut�ce, r�serv�e � de si hautes destin�es, serait devenue, comme tant de
cit�s gauloises plus importantes qu'elle, un d�sert dont l'herbe et les eaux recouvri-
raient aujourd'hui les ruines, et o� l'antiquaire chercherait peut-�tre une trace de
l'invasion d'Attila. » � (Am�d�e Thierry, Histoire d'Attila et de ses successeurs.)
Cependant, A�tius �tait accouru d'Italie pour tenter d'arr�ter le torrent de l'invasion
hunnique. Il n'avait avec lui qu'une poign�e d'hommes; mais sa pr�sence valait une
arm�e, elle rendit courage aux Gallo-Romains et aux barbares �tablis en Gaule.
Bient�t, A�tius se vit � la t�te d'une arm�e consid�rable, arm�e composite, sans doute,
mais r�unie dans une pens�e commune, celle d'expulser les hordes d'Attila.
Jornand�s a retrac� en ces termes le principal �pisode de la lutte gigantesque qui
d�termina la retraite d'Attila, lutte dans laquelle la cavalerie joua un r�le important :
« La m�l�e s'engage; bataille affreuse, multiple, �pouvantable, opini�tre, telle que
l'antiquit� n'en raconte pas de semblable; on rapporte qu'il s'y fit des prodiges de
valeur, au point que l'homme priv� de ce merveilleux spectacle n'a pu dans sa vie
rien voir de plus beau. Car, si l'on peut ajouter foi � nos p�res, un ruisseau qui,
dans les plaines dont nous avons parl�, roule de faibles ondes, gonfl� par le sang
qui s'�chappait des blessures des morts, et grossi, non par les pluies, comme � son
ordinaire, mais par un liquide inaccoutum�, fut chang� en torrent par les flots de
sang m�l�s � ses eaux. Ceux qui, perc�s de blessures, furent pouss�s vers ce ruisseau
par une soif br�lante, se virent r�duits � boire de cet horrible m�lange; ainsi, forc�s
par un sort mis�rable � une affreuse boisson, ils aval�rent le sang qui avait coul� de
leurs plaies. »
Notons, en terminant, que ces barbares parmi les barbares, qui inspiraient � l'an-
cien monde une telle frayeur qu'on les disait engendr�s d'unions form�es, dans les
d�serts de la Scythie, entre des sorci�res et les esprits infernaux, semblent �tre les
premiers qui aient eu l'id�e de se servir d'�triers. Ils r�unissaient trois morceaux de
bois en triangle, et, les suspendant � leur selle, s'en servaient pour soutenir le
poids de la jambe.
On conserve bien, au mus�e de Naples, des �triers dont nous donnons ici le
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                57
»sm, et qu'on d�nomme �triers antiques; mais rien ne prouve qu'ils soient ant�rieurs
aU Clnq«i�me si�cle; et, dans tous les cas, ce n'est qu'apr�s les invasions des
ar ares> et m�me longtemps apr�s, que nous voyons l'usage des �triers se g�-
n�raliser et devenir courant.
n voit, par cette rapide revue des peuples dits barbares, que ce sont eux, en r�alit�,
qui ont �t� les premiers peuples cavaliers, et que s'ils n'ont, comme les Grecs, rien
aiss� d'�crit sur l'�quitation, ils n'en ont pas moins �t� les premiers � la perfec-
3Dner et Par !a ferrure et par le harnachement.
Etriers antiques; mus�e de Naples.
C�"C A CHEVAL.
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-ocr page 84-
VII.
CHAPITRE
LES GAULOIS ET LES FRANCS.
�] ous avons d� intervertir, quelque peu, l'ordre chronologique,
afin d'en finir avec certains peuples de hardis cavaliers aux-
quels on donne le nom commun de Barbares, peuples qui,
en g�n�ral, se sont m�lang�s avec d'autres popula-
tions, ou ont �t� conquis par des nations plus civi-
lis�es, et n'ont pas constitu� des �tats ind�pendants.
Retournant maintenant en arri�re, nous allons nous
occuper, tout particuli�rement, de l'�quita<ion dans
ne j
                                               notre beau pays de France, en dehors duquel nous
°us permettrons d�sormais que de rares excursions.
iNo« cavaliers et nos �cuvers, � toutes les �poques, ont toujours �t� les premiers
u monde. L'�quitation, en tant qu'art d'�l�gance et de finesse, a toujours �t� un art
ktellement fran�ais. Il en est encore ainsi, aujourd'hui, quoique puissent dire
aS Romanes. D'apr�s eux, le cheval ne doit �tre qu'un moyen d'aller vite; il ny
^Ue V�9mtation large, en dehors, etc., etc.. Tout se r�sume pour eux en ces mots :
*a comme je te pousse! »
;ela e*t, nous en convenons, plus facile, et moins compliqu� que l'art v�ritable.
. ls "oublions pas que les fanatiques cle cette th�se n'ont, d'ordinaire, pas mis les
In n An8-lete^e; que, pour eux, la pr�occupation principale de l'homme de cheval
eu n G �tre le Ch0ix de «>n costume et, surtout, la d�termination de la coupe de sa
Que 7 CetlG
C°Upe est sa�^ ^ recherch�e, mais elle est aussi grotesque. En elle
^ suffl PlUS ridicuIe' de Plus disgracieux que la largeur d�mesur�e dudit v�tement.
raitr-il pas de pavoir juste assez �toff� pour y �tre � son aise?
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LE GHIG A CHEVAL.
60
N'oublions pas, non plus, que s'il est vrai que les Anglais ont su cr�er d'admirables
races de chevaux, s'ils savent les soigner mieux que partout ailleurs, et qu'ils m�nent
«
comme des anges » dirait notre ami Lavedan, il est �galement incontestable
qu'ils sont loin de monter � cheval comme on monte chez nous. Sans doute, au mo-
ment de la « season » , Hyde Park offre, au Parisien �bahi et toujours admirateur de
l'�tranger, un fort joli spectacle; mais les l�gendaires escadrons de jeunes filles aux
cheveux dor�s, en dehors du coup d'ceil agr�able qu'ils offrent, laissent l'homme de
cheval absolument froid. Suivez ces amazones, si souvent cit�es comme exemple,
suivez-les galopant au galop de charge, et regardez-les tourner au « Row », toujours
� fond de train, et sur n'importe quel pied; et dites-moi si ces charmantes enfants ont
d'autre m�rite que leur hardiesse et d'autres qualit�s que celle qui consiste � avoir
d'admirables chevaux, avec lesquels on est dispens� de toute
science !
Voil�, certes, qui ne fait pas l'affaire des fanatiques de l'�-
quitation anglaise, et de tout ce qui vient de l'autre c�t� du
d�troit. Nous voyons d'ici l'un de ces anglomanes convaincus,
qui pense fermement que le bon go�t est d'origine britanni-
que, qui envoie blanchir son linge � Londres, mais qui, moins
heureux que ses chemises, n'a probablement jamais franchi
la Manche, nous objecter que les Anglais sautent, � la chasse,
Mors ayant appartenu � l'empe-
reur Constantin
, fait avec un des
clous de la croix. Conserv� sous
le nom de
■ saint clou » dans l'�-
glise Saint-Si/frcin de Carpen-
tras.
des obstacles dont nous n'avons pas id�e, qu'ils sont, par
cons�quent, d'incomparables cavaliers, etc., etc..
« Pardon, Monsieur », lui r�pondrions-nous, « leurs che-
vaux sautent des obstacles extraordinaires, parfait; mais, ce
sont les chevaux qui sont admirables, et non les cavaliers. Je vous vois hors de vous,
ce qui n'est pas anglais, Monsieur, et tous les plis de votre culotte anglaise en
fr�missent de rage. Du calme ! Monsieur, du calme! ne chassait-on pas, sous Louis XIII,
sous Louis XIV et sous Louis XV, et les airs de man�ge ont-ils arr�t� l'�lan de la
maison du roi � Fontenoy? Allez donc faire un tour au concours hippique, et vous
verrez que les le�ons des la Gu�rini�re, des Dupaty de Clam, des d'Aure, des L'Hotte,
des Cahou�t, des Vaulog� et des Bellegarde ne sont pas que des hors-d'�uvre; et
que les vainqueurs du steeple sont ces m�mes cavaliers qui, la tunique noire sur le
dos, le petit chapeau en bataille, sur la t�te, faisaient tout � l'heure passager les
pur-sang, et apprenaient aux vigoureux sauteurs, ces vieux airs fran�ais : la crou-
pacle,
la capriole, la ballottacle et la courbette. »
Je sais que je ne vous am�nerai pas � vous d�juger, Monsieur, car vous avez la
pr�tention d'�tre un convaincu; je sais que vous continuerez � porter des culottes
anglaises, et � dire : « les Anglais! les Anglais! » tant que ce sera la mode de
demander � l'Angleterre le mot d'ordre en mati�re d'�l�gance. Aussi, n'est-ce pas pour
-ocr page 86-
BRUNEHAUT, REINE D'AUSTRASIE.
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01
LE CHIC A CHEVAL.
vous que je parle, mais pour nos officiers de cavalerie, qui, eux, montenl remarqua-
blement, depuis tant�t vingt ans. On ne saurait trop les admirer, et r�p�ter partout
qu ils sont les premiers cavaliers du monde, et qu'ils
aissent de bien loin derri�re eux leurs brillants col-'
( Rues de l'arm�e anglaise, m�me quand ceux-ci,
comme au moment o� j'�cris (juin 1890), gagnent,
avec lm cheval de toute beaut�, et bien sup�rieur � tous
les n�tres, le grand military d'Auteuil.
11 appert des documents que nous a transmis l'anti-
quit�, que nos anc�tres, les Gaulois, �taient des cava-
1 *
lers P^ins de hardiesse, de fougue et de bravoure.
Selle du Y1W
ont�s sur leurs chevaux, qu'ils dirigeaient avec un
nple bridon, ils parcoururent en vainqueurs une
partie de l'Europe et de l'Asie: pillant Delphes, infligeant, sur les bords de l'Allia,
une sanglante d�faite aux Romains, entrant victorieux dans Home. Les Romains
evaient conserver un souvenir ineffa�able de ce d�sastre. Aussi, chaque fois que,
daus la suite, ils eurent affaire aux Gaulois, ils d�claraient qu'il y avait tumulte,
c ost-a-dire que la patrie �tait en danger, et ils levaient tous les hommes en �lal de
Porter les armes.
rofitant adroitement de la haine que les Gaulois ressentaient pour les Romains,
nnibal en incorpora un grand nombre dans son arm�e, et les lan�a sur l'Italie. Us
ne se m�nag�rent pas pendant cette lutte de Carthage contre Rome; et, � maintes
reprises, les l�gions l�ch�rent pied devant les escadrons gaulois. Une fois m�me,
Rome put craindre d'�-
                                                   voir � �prouver le m�me soit
qu'apr�s l'Allia, elle put
Une fois ce mot terrible
craindre d'entendre encore
et si vrai « Malheur aux vain-
eus! »
Le cheval du cavalier
c°mpagnon,unami. Sa
^blement li�e � celle de
c°mpagnait jus-
que dans la tom
be.
m, un
destin�e �tait indisso-
son ma�tre, qu'il ac-
gaulois
3
C^cron- �. ua obet <(W
v-ttw�Le
cU commencement eWXVI» sii<l« , ta t")« <*� °-i1, ,
_______ pu voir,
au chapitre de la
lm'ure, que les Celtes connurent l'emploi du fer � cheval longtemps avant les Ro-
"^us; et, c'est probablement au cours de leurs exp�ditions dans la Gaule, que ces
' '''"lers comprirent les avantages qu'il y avait �, ferrer les chevaux.
Nous avons �galement dit, en parlant des Huns, qu'ils furent vraisemblablement
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LE CHIC A CHEVAL:
62
les premiers � se servir d'�triers, et qu'ils en r�pandirent l'usage dans la Gaule et
dans le reste de l'empire romain.
C'est aussi apr�s les invasions barbares que l'on voit l'emploi de la selle se g�n�ra-
liser en Europe. La selle proprement dite n'appara�t, du reste, que dans les derniers
temps de l'empire romain. C'est � Byzance, dit-on, qu'elle fut invent�e, ou plut�t
perfectionn�e, car certains peuples barbares, les Huns, par exemple, semblent s'�tre
servis d'une selle rudimentaire. Un point qui para�t �galement acquis, c'est que les
cavaliers francs faisaient usage de la selle.
Quoi qu'il en soit, l'adoption de la selle et des �triers marque une �re nouvelle
tion; ou, plut�t, c'est � da-
mence l'histoire raison n�e
�triers », dit le capitaine
commodit�, une assurance,
dans la tenue, inconnues
plus de cavaliers glissant
� l'arri�re, surchargeant,
ri�re-main, et fatiguant le
le malaise des cuisses et
tions, comme autrefois,
par un poids variable, plus
dorsale, en prenant toute-
et plus de cavaliers entam�s
le rapport du combat, les
dans l'histoire de l'cquita-
<g�
'
w
Gbtron. d
cl nrmti du-
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ITYY1 iTl C.
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GVseron. °
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i �,l«cU
*^*
O'h croA
da
IX'* Si
JL.
ter de ce moment que com-
de l'�quitation.
« Avec la selle et les
Picard, « on trouva une
une solidit� et une fixit�
jusqu'alors. D�s ce moment,
alternativement de l'avant
tour � tour, l'avant ou l'ar-
cheval par l'oscillation et
des jambes; plus d'affec-
plus de chevaux meurtris
de chevaux bless�s � l'�pine
fois les pr�cautions voulues,
par elle. Il y a plus, sous
�triers donn�rent aux cavaliers un nouveau point d'appui avec les moyens de con-
server leur tenue, au milieu des mouvements les plus irr�guliers, en leur donnant
la facilit� d'�tendre l'usage de leurs armes, et de porter leurs coups avec plus de
vigueur. Sous le rapport de l'�quitation, il y eut aussi plus de justesse; la selle main-
tenait le cavalier dans la position o�, en fatiguant le moins le cheval, il se trouvait
le plus commod�ment, lui-m�me, pour sa tenue et pour le gouverner; et, au moyen
des �triers, les jambes, venant se placer le long des sangles, se trouv�rent plus voisines
du centre de gravit�, et purent op�rer avec plus de pr�cision et de finesse. »
C'est sous les M�rovingiens, �galement, que l'emploi de mar�chal, qui, pendant la
p�riode gallo-romaine, avait �t� exerc� par des esclaves, devint un m�tier d'homme
libre. Dans les grandes fermes des rois de la premi�re race, les mar�chaux �taient
plac�s sous l'autorit� du Cornes stabuli (comte de retable), alors simple intendant,
mais qui deviendra bient�t le conn�table, l'un des grands dignitaires cle la couronne.
C'est � partir du huiti�me si�cle, apr�s la bataille de Poitiers, que, disent les an-
ciens historiens, les Fran�ais prirent « le go�t exclusif et exag�r� de la cavalerie »■
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11:!
LK CHIC A CHIiVAL. ^^^^^^^^^^^^^^^
e A mesure qu'ils �tendaient leur empire, les rois francs, oblig�s de guerroyer au
01n> avaient d� augmenter leur cavalerie. C'�tait facile, d'ailleurs. Ils disposaient des
cUX chevaux gaulois, et les invasions des
Peuples cavaliers, comme les Huns, les Sar-
*ans, les Goths et les Vandales, avaient
) »ui le sol conquis, un grand nombre
cavaliers aguerris et entreprenants. »
Ples la chute de l'empire romain, l'im-
Portance de l'infanterie va en diminuant; la
erie tend, de plus en plus, a former la
c
for
ce
Principale des arm�es. Apr�s la bataille
de Poit
�tait
lei'S, o� la cavalerie l�g�re des Arabes
nue se briser, � maintes reprises,
contre les gros bataillons et les lourds esca-
ronsde l'arm�e franque, l'effectif de la ca-
i rat
Selle normande du XI' si rie
erie s'augmenta sans cesse dans cette der-               ^^^^^^^^^^^^^^
er>e arm�e. Sous Charlemagne, les troupes
achevai constituaient une partie consid�rable de l'arm�e; et cette cavalerie avait un
3 Pr�pond�rant sur les champs de bataille. Apr�s Charlemagne, le r�le de la ca-
valerie prime, de plus en plus, celui de l'infanterie : tous ceux qui ont les moyens
Ce Poss�der un cheval et de le nourrir, combattent � cheval. Son importance, la ca-
Valerie deyait la conserver pendant plusieurs si�cles. Il faut arriver au quatorzi�me
'* cle5 pour lui voir subir des �checs retentissants, en pr�sence de troupes � pied. Ces
�checs, il faut ]e dire^ �ta.ent caug�s^ mo.ns par ]e manque de bravoure ou d'habilet�
n cavalier, pris individuellement, que parle mauvais emploi de la cavalerie. Les
C*ecs auxquels nous faisons allusion sont ceux de Courtray, de Cr�cy, de Poitiers, et,
Sl�cle suivant, celui d'Azincourt, Nous avons dit que ces grandes d�faites furent, en
J^ajeure partie, dues � un mauvais emploi de la cavalerie : en effet, � Courtray, la cava-
6rie chargea sur un terrain qui n'avait pas �t� explor�, et elle se pr�cipita dans un ca-
|a I qui couvrait la ligne des fantassins flamands; � Cr�cy, elle se lan�a � l'attaque dvx
Prions anglaises avec des chevaux fatigu�s, et sur un terrain d�tremp� par la pluie;
1 P°itiers, renon�ant � la puissance que lui donne le choc, elle mit pied � terre
Po»r d�loger les archers anglais, bien abrit�s sur une colline couverte de vignes.
n m�me temps que la cavalerie se d�veloppait comme nombre, on s'attachait, de
P,IUS en plus, � prot�ger ses hommes et ses chevaux, et � augmenter ses moyens
actlon. L'armure du cavalier et celle du cheval se perfectionnaient donc «l'une fa�on
constante.
D
es
Poque de Charlemagne, l'armement d�fensif du cavalier �tait d�j� pouss�
tr
es loin t
u- J-a citation qui suit en fournit la preuve
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LE CHIC A CHEVAL.
64
« Alors parut Charles, lui-m�me », dit le moine de Saint-Gall, « cet homme de fer,
la t�te couverte d'un casque de fer, les mains garnies de gantelets de fer; sa poitrine
de fer et ses �paules de marbre d�fendues par une cuirasse de fer; la main gauche
arm�e d'une lance de fer, qu'il soutenait �lev�e en l'air, car sa main droite, il la te-
nait toujours �tendue sur son invincible �p�e. L'ext�rieur des cuisses, que les autres,
pour avoir plus de facilit� � monter � cheval, d�garnissaient m�me de courroies, il
l'avait entour� de lames de fer. Que dirai-je de ses bottines? Toute l'arm�e �tait
habitu�e � les porter constamment de fer. Son cheval avait la couleur et la force du
fer. »
Dans les Capitulaires de Charlemagne, on trouve les prescriptions suivantes, en ce
qui concerne les armes :
« Que le comte ait soin que les armes ne manquent
pas aux soldats qu'il doit conduire � l'arm�e, c'est-�-dire
qu'ils aient une lance, un bouclier, un arc � deux cordes
et douze fl�ches; qu'ils aient des cuirasses et des cas-
ques. »
Du reste, pendant toute la dur�e de son r�gne, Char-
lemagne d�ploya une constante sollicitude pour la cava-
lerie; il la voulait nombreuse et redoutable.
C'est sous Charlemagne, et � la suite des guerres con-
tre les Arabes d'Espagne, que le cheval espagnol, cheval
Fnuct dont se servaient les dames du moyen
�ge pour monter � cheval.
fort estim� depuis longtemps d�j�, puisqu'il est cit� dans
un �dit d'Honorius : « Arles, o� se trouvent r�unis les
tr�sors de l'Orient, les parfums de l'Arabie, les chevaux de l'Espagne... », fut intro-
duit en France sur une assez grande �chelle.
Les chevaux espagnols, am�lior�s par des croisements avec les chevaux de race sar-
razine, fournirent, depuis lors, des �talons tr�s recherch�s, dont la r�putation se
maintint pendant fort longtemps. En effet, nous voyons, en 1650, le marquis de
Newcastle en parler, encore, comme de chevaux hors ligne.
«... Son sang oriental, un ciel temp�r� et de riches herbages avaient donn� � ce
cheval plus de hauteur et de corps que son ascendant. Le destrier de ce pays �tait le
premier cheval de bataille connu. » � (Capitaine Picard.)
Par ce fait qu'� dater, surtout, du r�gne de Charlemagne, l'importance de la cava-
lerie alla sans cesse croissant, que cette cavalerie �tait presque uniquement re-
crut�e dans les classes riches, que l'adoption d�plus en plus r�pandue des armures
n�cessitait une plus grande pratique du cheval, on s'expliquera ais�ment le go�t pas-
sionn� qui se manifesta alors pour l'�quitation, rendue plus facile, du reste, par les
perfectionnements qui avaient �t� introduits dans le harnachement des chevaux.
L'�levage du cheval se d�veloppe. On s'attache � cr�er des types de chevaux appro
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CAVALIER NORMAND DU XI" Sf�CLE,
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         63
aux besoins du temps, et capables de porter leurs lourds capara�ons et leurs
Paliers bard�s de fer.
T >
ri d ge la ferrure se g�n�ralise rapidement, les mar�chaux, qui pendant la p�-
m'f             romaine �taient tant�t des proscrits, tant�t des affranchis, voient leur
evenir de plus en plus honor�; quelques auteurs pr�tendent m�me que l'�-
u moyen �ge n'est pas autre chose que l'ancien mar�chal dont la fonction est
devenue honorifique.
l�cv,- ( °0mte de l'�table » va devenir le conn�table, et le b�ton de commandement qu'il
ux mar�chaux de France est bien la preuve de ses fonctions primitives.
est
issement de la f�odalit�, en exag�rant encore la sup�riorit� du cavalier, qui
des eSqUe t0Uurs noble, sur le fantassin, qui appartient � la classe des manants,
iers, des vilains, donnera une nouvelle impulsion � l'�quitation.
les � Petlts"fi]s du grand empereur avaient h�rit� du go�t de Charlemagne pour
^ ^ x militaires; et Nitard, fils d'une des filles de l'empereur, nous raconte que :
cice 6UX rois5 Karl et Lodewig, le Germanique, adroits � toute esp�ce d'exer-
guerr &lmaient fort ces Jeux- Souvent ils assemblaient la multitude des gens de
%al ^ danS Un li<3U convenable- C>n rangeait, d'abord, face � face et en nombre
'. eilx troupes de Saxons, de Wascons, d'Austrasiens, de Bretons. Au signal
ment ' 3deux bandes se ruaient imp�tueusement l'une sur l'autre; puis, au mo-
%ait ' S entreheurter> l'un des escadrons tournait bride; et, le bouclier au dos,
nai ' aU �T^op, vers ses camarades, demeur�s en r�serve; les fuyards se retour-
les de a °rS' 6t poursuivaient ceux devant lesquels ils avaient fui, jusqu'� ce qu'enfin
brand. *' r°ls' et toute la jeunesse, s'�lan�ant de toute la vitesse de leurs chevaux et
et nr, Sant leurs Javelines, � grands cris, accourussent se pr�cipiter dans la m�l�e,
P°ursuivre lnniA+ i
D�s ]
                         S Uns' tant�t les autres. »
m�me °rS' t0Ut ce qui est nobIe' ou asPire a l�tre' monte a cheval : deS femmes
et enfo' ^ C6la Pendant tout le moyen �ge, s'arment quelquefois comme les hommes,
pare.lJ1Chent' c°mme eux, le cheval de bataille, le destrier.
^va-t-n 6 Ch°Se' dU reste' s'�tait vue' Plus d'une fois' a r�P0(lue m�rovingienne. N'ar-
si entr PaS fort auvent, par exemple, � Brunehaut, cette reine d'Austrasie si belle,
reste lepi>enante et si dissolue, de chevaucher � la t�te de ses leudes? On sait, du
servi'dmment elle P�rit' attach�e � la queue d'une cavale indompt�e, apr�s avoir
d'Ange J°Uet aux ^ldats de Clotaire. De nos jours, �galement, une mode, venue
ne cheriT6' naturellement, et frisant le ridicule comme toutes les modes anglaises,
tethmj elle Pas � nous priver du spectacle si �l�gant des femmes montant en
f°Urch0 T,116 VOudrait-elIe pas essayer de faire monter nos jolies Parisiennes � cali-
Nous                                                                                                                    .,
elles jaig P r°ns bien que les Fran�aises ne se laisseront pas prendre� ce vilain pi�ge;
SSer°nt ,es hommes copier les modes anglaises et garderont, elles, ce cachet,
C",C A CHEVAt.
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LE CHIC A CHEVAL.
66
ce chic parisien que les filles d'Albion n'auront jamais, quoiqu'elles fassent ; n'est-ce pas
trop d�j� qu'un couturier anglais puisse trouver � Paris, cette reine de l'�l�gance, quel-
ques clientes au go�t fauss�, et leur imposer ses modes mesquines et pr�tentieuses?
Montez en amazones, Mesdames, et surtout restez Parisiennes : vous �tes adorables
ainsi; laissez les Anglaises se ridiculiser � plaisir; le dernier des trottins parisiens sera
toujours plus attrayant que la plus grande dame anglaise.
Mais n'anticipons pas et, surtout, ne nous attardons pas � �tudier l'�quitation
d'une �poque sur laquelle on ne poss�de que peu de documents touchant les ma-
ti�res hippiques. C'est, en effet, seulement � dater des jours lumineux de la Renais-
sance, que l'�quitation deviendra un art v�ritable, r�gi par des r�gles bien d�finies;
et qu'elle ira sans cesse se perfectionnant, gr�ce aux efforts des ma�tres �minents qui
nous ont laiss� tant de pr�cieux �crits.
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CHAPITRE VIII.
LA F�ODALIT�, LES CROISADES, LA CHEVALERIE.
endant toute la dur�e du moyen �ge, l'�quitation a un caract�re
essentiellement militaire. En effet, "l'�tat de guerre est, en
quelque sorte, l'�tat normal ; et l'on peut dire de la soci�t�,
� cette �poque, que tout s'y faisait pour la guerre et par la
guerre.
Apr�s le partage de l'empire de Charlemagne, la civilisa-
tion avait subi un temps d'arr�t, une v�ritable �clipse. La
souverainet� s'�miettait, le pouvoir central allait sans cesse
s'affaiblissant, les notions de droit et de justice s'obscurcis-
saient, le monde n'�tait que trop souvent r�gi par la force. Les
luttes �r,^ ,.
                     temps �taient sombres, la vie humaine de peu de prix; les
accoure ^f08' incessantes. Pour comble de malheur, les nations demeur�es barbares
,e
carnaoGnt ** CW�e deS DeuPIes civilis�s, pillant, saccageant, semant les incendies et
la Scand86' ^ respeclant rien- Ces barbares, c'�taient les Normands, venus par mer de
et Plus- maVie Gl deS rivages de la Baltique- Ensuite parurent les Hongrois, plus cruels
^n traitlnPlt°yableS enC°re qUG Ies Normands- Ils n'�pargnaient m�me pas les enfants.
°gres de SUffira pour donner id�e de l'�pouvante que provoquaient leurs incursions : les
Les ,T legendes Populaires, ces �tres friands de chair humaine, ce sont les Hongrois.
tats) qu7f1Sa<�eS eXerc�rent une heureuse influence, non point � cause de leurs r�sul-
rieu'reg ' Urent n�gatifs, mais parce qu'elles d�tourn�rent les esprits des rivalit�s int�-
loin ^ ' luttes de ch�teau � ch�teau, des guerres priv�es, et qu'elles entra�n�rent au
d'une e .Caracl�res turbulents. De plus, ceux qui avaient surv�cu aux rudes �preuves
�dition de ce genre revenaient clans leur patrie, ainsi qu'il arrive d'ordi-
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68                                                           LE CHIC A CHEVAL.
naire � ceux qui ont vu du pays, avec des id�es nouvelles, qu'ils propageaient autour
d'eux. De nouvelles id�es, de nouvelles coutumes, de nouvelles connaissances, il y
avait, en effet, ample moisson � faire parmi ceux que l'on appelait les Infid�les, car
ils �taient infiniment plus civilis�s que les
Crois�s. Ces derniers avaient donc beaucoup �
gagner � entrer en contact avec les Infid�les.
Ajoutons que c'est pendant les croisades qu'ont
pris naissance les premiers ordres religieux et
militaires de chevalerie, l'ordre des Templiers
et celui des Hospitaliers de Saint-Jean. Guid�s
par des principes tr�s �lev�s, par des id�es d'un
Selles d'armes, d'apr�s ('Histoire du roy Arlus;
ms. du XIII" si�cle.
mysticisme d�licat, soutenus par la force in-
vincible que donne la foi, ces chevaliers reli-
gieux, et aussi les chevaliers la�ques, formaient l'�lite militante de la soci�t�.
Disons-le, � l'honneur de notre pays : c'est la France qui, dans ces temps troubl�s,
a �t� la nation chevaleresque par excellence, celle
XIIP
o� le chevalier se montrait le plus enclin � rompre
une lance en faveur du bon droit.
« Fay ce que doiz, et aveigne que peut. » Telle
est la devise du chevalier qui pr�te serment d'�tre
toujours « courtois sans villenie, d�bonnaire sans
folie, piteux envers les souffreteux, large et ap-
pareill� de secourir les indigents, pr�t et en-
labul� de d�truire les voleurs et les meurtriers,
de juger sans amour et sans haine
».
O� trouver plus belle et plus noble devise, et
comment ne deviendrait-il pas vaillant et magna-
nime ce chevalier qui « ne doit, par paour de mort, faire chose o� l'on puisse
honte cognoistre, et qu'il doit plus redoubler honteuse
vie que la mort
» ?
Voil�, certes, d'admirables principes, une morale
pleine de noblesse et d'�l�vation, formul�e dans des
W !m B\l tt r�gles simples et courtes. C'est que la mode n'�tait pas,
f /Jj R \a I alors, aux. gros volumes et aux longs discours; on n'en
m » V W avait que faire : l'action primait la pens�e, et le br�-
/^ __^^^^|
              viaire de la morale devait �tre de peu d'�tendue. La su-
p�riorit� ne s'acqu�rait pas en p�lissant sur les livres,
mais en payant de sa personne. Aussi, � cette �po-
�trier en usage du x° au xm° m�cie. que, l'�ducation du jeune noble tend-elle, presque uni-
-ocr page 98-
RICHARU CQEUR-DE-LION.
-ocr page 99-
69
guement f�rir, et pour qu'il
s'accoutumast � l�g�rement
lever ses bras, il faisoit le
soubresaut, arm� de toutes
pi�ces. A un grand homme
mont� sur un grand cheval,
sailloit de derri�re, � chevau-
chon, sur ses �paules, en pre-
nant ledit homme par la man-
che, � une main, sans autre
advantaige.
« En mettant une main sur
l'ar�on de la selle du grand
coursier, et de l'autre empr�s
les oreilles, le prenoit par les
crins, en pleine t�te, et sail-
loit, par entre ses bras, de l'au-
tre part du coursier... Si deux
parois de piastre fussent aune
brasse, et l'une pr�s de l'autre,
qui fussent de la hauteur d'une
tour, � force de bras et de
jambes, sans autre aide, mon-
toit tout au plus haut, sans
cheoir au monter ni au d�va-
loir. Item, il montoit au revers
d'une grande �chelle, dress�e
contre un mur, tout au plus
haut, sans toucher des pieds,
mais seulement sautant, des
deux mains ensemble, d'�che-
lon en �chelon, arm� d'une
cotte d'acier, et, ot�e la cotte,
� une main sans plus, montoit
plusieurs �chelons..... Quand
il �toit au logis, s'esseyoit avec
les autres �cuyers � jetter la
lance, ou autres essais de
guerre, n� ja ne cessoit. »
LE CHIC A CHEVAL.
quement, � d�velopper sa for-
�e, son adresse, son courage.
page, �cuyer, chevalier, il ap-
prend � monter � cheval, �
manier une lourde lance; en
Un mot, � �tre pr�t � servir,
en tout lieu et � toute heure,
( s°n Dieu, son Roi et sa
ame
»� Qu'il se connaisse en
evaux) en chiens, en oiseaux
et en armes; qu'il sache ga-
^mment tourner un compli-
ment, qu'il soit brave et loyal,
en toute rencontre, on ne lui
en demande pas plus : il n'a
que faire de la tactique pr�-
tentieuse et savante des Grecs
du Bas-Empire. Il se pr�oc-
CuPe peu de tactique et de ma-
n°euvres d'ensemble, et corn-
pour son propre compte,
mettant sa confiance en Dieu
et en son �p�e.
°n ne s'�tonnera plus de la
aiJle et de la vigueur des
oninies de ce rude temps, si
1 sait par quels exercices le
Jeune noble se pr�parait au
M�tier d'homme d'armes.
:< J1 s'esseyoit � saillir sur
n coursier, tout arm�, et
aloit lortgUement � pied, pour
'accoutUmer � avoir longue
aleine, et souffrir longue-
ent travail ; autres fois f�ris-
d'une coign�e ou d'un
' grande pi�ce. Pour bien
g Ulr au harnois et endurcir
bras et ses mains � lon-
�t
,%u^*
Troph�e d'armes ; XIII" si�cle.
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LE CHIC A CHEVAL.
70
Alors, la seule mani�re de se former pour combattre �tait la haie. Cette haie �tait
compos�e de chevaliers dispos�s sur un seul rang, car aucun n'e�t souffert d'�tre plac�
au second et masqu� par un autre.
Derri�re, venaient les �cuyers, les
archers et les coutilliers.
Le moyen �ge est aussi l'�poque
des tournois, dont la v�ritable ori-
gine para�t remonter aux Ger-
mains, ainsi que semble le prouver
ce passage de Tacite :
« Ils n'ont qu'un genre de spec-
tacle, uniforme dans toutes leurs
r�unions. Des jeunes gens, qui
ont l'habitude de ce jeu, sautent
nus � travers les pointes mena�an-
tes de glaives et de fram�es. L'exer-
cice a produit l'adresse, et de l'a-
dresse est n�e la gr�ce. Et ici, nul
^
Cavalier chargeant. D'apr�s un Ms. de 13!i0.
espoir de r�compenses : l'unique
salaire de ce p�rilleux divertisse-
ment, c'est le plaisir des spectateurs. » � (Tacite, M�urs des Germains, cha-
pitre XXIV, traduction E. Burnouf.)
Voici maintenant ce que dit La Gu�rini�re au sujet de l'origine du tournois. Son
opinion est int�ressante � citer, bien qu'elle ne paraisse point absolument conforme � la
v�rit� historique.
« Les Tournois, suivant quelques auteurs, ont �t� invent�s
par Manuel Comn�ne, empereur de Constantinople. Ce n'�-
toit, clans le commencement, qu'une simple course de che-
vaux, qui se m�loient les uns avec les autres, en tournant et
retournant de diff�rents c�t�s, ce qui leur a fait donner le
nom de Tournois. Les cavaliers se servirent ensuite de b�-
tons qu'ils se jettoient les uns aux autres, en se couvrant de
leurs boucliers. Ce jeu de b�ton �tait, � peu pr�s, le jeu de
Troye qui, de l�, passa chez les Grecs et la jeunesse romaine,
et que les Turcs, les Persans et quelques autres nations
chanfrein du xiv si�cle.            orientales, pratiquoient encore au dix-huiti�me si�cle.
-ocr page 102-
LE CHIC A CHEVAL.
« Les Maures furent tr�s adroits dans ces exercices. Ils introduisirent les
eniffres, les enlacements de lettres, les devises et les livr�es dont ils orn�rent
eurs armes et les housses de leurs chevaux. Us firent aussi une infinit�
applications myst�rieuses des couleurs, donnant le noir � la tristesse, le
Vert � l'esp�rance, le blanc cala puret�, le rouge � la cruaut�, etc., etc.;
71
et, par cette diversit� de couleurs m�l�es, ils expliquoient leurs pen-
eurs desseins. Comme ils �toient tr�s galants, ils donnoient
6 urs Touraois, le bal aux dames, qui distribuoient le prix
Va iers. Les autres nations ajout�rent quelque chose � ces
P^eils. Les Goths et les Allemands mirent sur leurs
dragons ail�s, des harpies, des mufles de lions et autres
es, pour les rendre « plus fiers et plus terribles
jettes, des bouquets de plumes sur de hauts bon-
s�es et
� la fin
aux che-
sortes d'ap-
casques des
choses sembla-
et, ensuite, des ai-
nets : c'est ce qu'on
nommoit cimiers.
« Les Fran�ois se servirent de cottes
Un v�tement que les grands seigneurs et
SUr leurs cuirasses. Les armoiries
9-Ue Ja connaissance des �cus, el
d'armes, qui �toient
les chevaliers portoient
ne furent, dans l'origine,
les marques de distinctions
se faire reconna�tre, et dans
nois. De l�, ils pass�rent dans
une marque de noblesse,
surnomm� l'Oiseleur, introdui-
des tournois, dans le dixi�me
noblesse et lui donner de l'�mula-
^e les nobles employ�rent pou
combats et dans les tour
les famlHes, o� ils devinrent
« Henri ^ empereur,
Slt en Allemagne l'usage
Pour exercer la
I on .^^^^^^^^
* Et cequinzi�mflt ia ncice*-» Lstatide* Ton,
qui furent suivis jusqu'� la fin du
furent interrompus par le m�pris qu'en
qui pr�f�ra la mollesse � ces nobles exer-
mi�res r�gles des tournois et aussi de l'�-
f�odale sont expos�es dans le « R�glement
nois
», de Geoffroy de Preuilly, gentilhomme
mort en 1066.
celte �poqtie, donc, les r�gles sont pr�cises et �ta-
de fa�on � ce que ces jeux ne d�g�n�rent pas
en batailles sanglantes. On doit combattre � armes courtoises,
c'est-�-dire avec des lances � fers carr�s obtus, avec des
epees sans pointes et « rabattues », c'est-�-dire �mouss�es, avec des masses
peu pesantes. Et, encore, il n'est permis de se servir de ces armes que
d'une certaine fa�on; il n'est pas loisible d'en tirer tout leur effet utile. Les
-ocr page 103-
LK CHIC A CHEVAL.
72
chevaliers, en effet, ne doivent frapper leur
adversaire que du haut en bas, « sans le bouter
d'estocq ou hachier
».
Malgr� toutes ces r�gles s�v�rement �tablies,
on comprend que, bien souvent, les tournois
d�g�n�raient en luttes sanglantes.
Parfois, en effet, les deux partis s'animaient
outre mesure, s'exasp�raient et changeaient le
tournoi, la lutte courtoise, en une v�ritable
bataille. C'est ce qui arriva � Ch�lon, en 1274,
dans le tournoi o� figuraient, d'un c�t�, le roi
Edouard et des chevaliers anglais; de l'autre,
le comte de Ch�lon et des chevaliers bourgui-
gnons. Plusieurs des champions y rest�rent sur
Chien employ� contre la cavalerie;
XIV" si�cle.
le carreau. Et, m�me lorsque les adversaires se
comportaient loyalement, les accidents inh�-
rents � de semblables rencontres faisaient encore bien des victimes. Par exemple,
dans un tournoi qui eut lieu � Nuys, pr�s de Cologne, plus de soixante chevaliers
p�rirent suffoqu�s par la poussi�re, ou �cras�s sous les pieds des chevaux.
Aussi papes et rois fulminent-ils, mais en vain,
contre les tournois. Ordonnances et bulles restent sans
effet, et ces f�tes militaires deviennent de plus en plus
fr�quentes. Il en fut ainsi jusqu'� la guerre de Cent
ans. Les gentilshommes viennent aux tournois en bril-
lant �quipage, car ce sont les dames qui d�cernent le
prix au vainqueur. Aussi les chevaliers ne se bornent
pas � rivaliser de force et d'adresse en combattant; ils
rivalisent encore de luxe et de magnificence dans leurs
v�tements, leurs armes, le har-
nais de leur monture.
« Aussi ces exercices, » dit
M. Viollet-Leduc, « devenaient
souvent l'origine de rivalit�s et
de haines profondes, et l'on
con�oit que les rois, qui avaient
bien assez d'embarras lorsqu'il s'agissait de mettre l'accord
entre leurs vassaux, sur des questions d'un int�r�t plus s�-
rieux, dussent s'opposer � ces nouveaux pr�textes de rancunes
Bride du cheval de Barnabo
Visconli;
13�ii,
et de vengeance.
-ocr page 104-
CHEVALIER DU XII" SI�CLE.
-ocr page 105-
LE CHIC A CHEVAL.                                                                 73
Au douzi�me et treizi�me si�cles, on ne d�ployait pas encore tout le luxe et le c�-
r�monial qui furent d'usage � partir du quatorzi�me. Ainsi, dans « li Romans de
Brut,
» les chevaliers quittent la table, apr�s le repas, et, pour passer le temps, les
uns vont « bohorder », c'est-�-dire jouter de la lance; d'autres organisent des courses
de chevaux; quelques-uns combattent � pied ou jouent au palet, sautent des foss�s
ou lancent des dards :
«   Les dames sor le mur montoient,
«  Qui les jus agarder voloient,
«  Qui ami avoient en la place,
«  Tost li montre l'�il et la face. »
Et, dans « U Romans d'Amadas et Ydoine », on lit :
«  Ensi a vint qu'� I. haut iour,
«  En la court du duc son signour,
«  Doi fil � barons du pa�s,
«  De haut parage et de haut pris,
«  Avoient pris sur le gravier
«  I. bouhourde�s mult pleinier,
«  De II. pars i ot compaignons
«  Mand�s, et lonc et pr�s semons,
«  De tout le mix de sa contr�e.
«  Apr�s mangier la relev�e,
«  Pour bouhourder sunt aprest�
«  Et issent hors la cit�.
«  Si sunt venu dehors au plain
«   Plus sunt de C. ; n'i a vilain,
«  Ains sunt tuit gentil damoisel,
«  Bien bouhourdant et preu et bel.
«  De la vile issent mult grant gent
«   Pour veoir le tournoiement;
«  Et chevaliers et damoiseles,
«  Esquier, bourjois et danseles. »
Dans un autre po�me du treizi�me si�cle, « li Romans de Garin le Loherain, on peut
paiement lire le r�cit de belhourdis ou bouhourdeis, qui se font sans fa�ons et sans
aPpr�ts.
« Quand mangi� orent et midis fu pass�s,
« Chevaus demandent, on lor a amen�.
« Les escus prennent, beharder vont aspr�s. »
Mais il ne s'agissait l� que de r�cr�ations, de passe-temps, et non de v�ritables tour-
nois.
Le v�ritable tournoi, en effet, �tait annonc� assez longtemps � l'avance.
U avait lieu en champ clos, dans un endroit entour� de tribunes, pour les dames et les
auts Personnages qui n'y prenaient pas une part effective; et, nous disent Chrestien
royes et Godefroi de Ligny, dans « li Romans de la Charette » :
10
CDIC A CHEVAL.
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-ocr page 107-
LE CHIC A CHEVAL.
74
« La o� li tornoiz devoit estre
« Ot unes granz loges de fust
« Par ce que la Reine i fust
« Et les dames et les puceles :
« Einz mis ne vit loges si b�les
« N� si longues n� si bien faites. »
Le po�me si curieux du treizi�me si�cle publi� par M. Michelant, d'apr�s le manus-
crit de Vienne, et intitul� : « Merangis de Portlesguez », nous apprend que le prix du
tournoi �tait quelquefois un baiser :
« Cui l'ounars parra avenir
« De vainscre le tornoiement,
« Si emportera quitement
« Un cigne qui elpr� sera;
« Et si vouz di qu'il baisera
« La pucele de Landemore
« Qui n'est mie laide ne more. »
On le voit, il y avait dans ce moyen �ge si sombre, o� la force brutale primait sou-
vent le droit, des sentiments pleins de noblesse et de d�licatesse, des usages charmants
et v�ritablement chevaleresques.
Tout cela est bien loin de nous, et para�t maintenant assez �trange, � une �poque
sceptique qui se qualifie elle-m�me d'�poque « fin de si�cle ». Cependant, n'�tait-ce pas
un spectacle charmant, empreint d'une vivante po�sie, de voir ces hommes si valeu-
reux, qui portaient si all�grement leur pesant harnais de guerre, ces hommes habi-
tu�s � lever haut la t�te devant les autres hommes, plier volontiers le genou devant les
femmes, ne f�t-ce que pour en recevoir une rose ou un baiser?
Combien elles devaient �tre pittoresques ces « chevauch�es » d'hommes d'armes de
stature gigantesque, mont�s sur des chevaux appropri�s � leur taille, superbes animaux
bien dignes de porter leur vaillant cavalier !
C'�tait le temps, alors, de ce qu'on pourrait appeler l'individualisme militaire. Le
courage, la bravoure, l'audace de chaque combattant �taient les principaux facteurs de
la victoire. La force physique jouait donc un r�le consid�rable, tant dans les batailles
que dans les tournois. Cependant, dans ces rencontres d'homme � homme, dans ces
duels multiples, la vigueur physique n'�tait pas tout; elle n'assurait pas toujours la su-
p�riorit�; le courage, le sang-froid, l'adresse �taient aussi des �l�ments importants-
Assez souvent, le champion le plus habile � manier son cheval, � pointer sa lance, l'em-
portait sur un adversaire .pi us vigoureux, mais moins adroit.
A la vue des engins de guerre modernes, que dirait Montluc, s'il lui �tait donn� de
revenir sur terre? lui qui, d�s le seizi�me si�cle, s'exprimait ainsi en parlant de l'arque-
buse : « Pl�t � Dieu que ce malheureux instrument n'e�t jamais �t� invent�, je n en
-ocr page 108-
LE CHIC A CHEVAL.
n'en porterais pas les mar-
et vaillants hommes ne
main le plus souvent des
ches, qui n'oseraient re-
de loin, ils renversent de
par terre; ce sont l� des
nous faire entretuer. »
Un grand nombre d'his-
age sous des couleurs tr�s
travaux, ceux de M. Viollet-
c°b, entre autres, sont ve-
ait de beaucoup que ce
Poque de barbarie. La
role consid�rable; mais
binant. Du reste, ce serait
73
ques..., et tant de braves
fussent pas morts de la
plus poltrons et plus l�-
garder au visage celui que,
leurs malheureuses balles
artifices du diable pour
toriens ont peint le moyen
sombres; mais de savants
Leduc et du bibliophile Ja-
nus prouver qu'il s'en fal-
f�t v�ritablement une
force, certes, y jouait un
non point un r�le pr�do-
sortir de notre cadre que
1er que la civilisation du
brillants, de parler, par
Figure du milieu du XIVe si�cle donnant la
position d'un chevalier chargeant dans un
tournoi.
d'entreprendre de rappe-
m°.yen �ge avait des c�t�s _______________________________
^ne6' -dU merVeilleUX d�ve]oppement de certains arts � cette �poque"; carVeTt
de do"6 S1' danS ^ °adre r6streint que nous nous sommes trac�, il nous sera possible
de n!reF Une id�G suffisamment exacte de ce qui se rapporte directement � l'objet
notre travail : le cavalier et le cheval.
: Un point que nous vou-
drions mettre en lumi�re,
c'est que tous ces jeux �ques-
tres : joutes, tournois, pas
. .0,65-....... . . .
�peron d'armes du C du XIV,
d'armes, « bahourts, quin-
^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^1 taines », ne demandaient
majs
         .                                                                            pas seulement de la force,
� ce « T 7 ^^ haUt degr� d'adresse> d'a�^t�, de sang-froid. Voici ce que dit,
Le sujet, le capitaine Picard :
U exil"! fallait ^ Seulement de la fQrce, mais aussi de la souplesse et du savoir.
toujo               r�gl6S' Gt CeIUi qUi S'J conformait l'emportait
^J urs sur celui gui n'�tait que robuste. Il fallait, d'une
q^' qUe lG cheva,ier s�t manier son cheval; d'autre part,
^ snt porter un coup de lance, d'�p�e ou de masse. ,
�trier
du
XV" si�cle
vue d T t0US l6S CaS' Sl 1�0US n<3 jUge°nS qU'au point de
sontl qUltati°n' n'eSM1 paS jUste de se raPPe]er que ce
es chevaliers qui ont invent� tous ces airs de man�ge
ont Po*+ *
rait partie int�grante de l'�quitation pendant plu-
-ocr page 109-
LE CHIC A CHEVAL.
76
sieurs si�cles; dans lesquels nos �cuyers ont �t� sup�rieurs � ceux de toutes les nations,
aux �poques brillantes o� la France, non seulement, ne subissait en rien l'influence
de ses voisins, mais encore leur donnait le ton pour tout ce qui demande de l'adresse
et du go�t. Sur ce point, nous ferons un nouvel emprunt
au capitaine Picard, dont le beau travail doit servir d�-
sormais de base � toute �tude qui touche � l'�quitation :
« Le chevalier, sans cesse occup� � guerroyer, � rompre
des lances, qui passait d'un tournoi � un autre, devait
savoir man�uvrer son cheval en tous sens; aussi, par
l'exercice des voltes sur les hanches et sur les �paules,
se mettait-il en mesure de faire face � l'ennemi de tous
les c�t�s.
« Le repolond, par exemple, �tait une esp�ce de demi-
volte ferm�e, pour �viter son ennemi.
« La posade ou pesade lui servait � parer un coup, en
faisant enlever son cheval l�g�re-
ment du devant, ou � le pr�parer �
sauter; c'�tait aussi une gracieuse
lieuses de chasse du XIV si�cle.
courbette pour saluer la dame de
ses pens�es.
« La passade �tait tr�s utile ; c'�tait une ligne droite sur la-
quelle le cheval passait et repassait, voltant aux extr�mit�s, et
lorsqu'un combattant avait donn� un coup de masse, de lance ou
Selle avec le hourd ; d'apr�s le
« Roman de Tristan » ; fin du
XIVe
si�cle.
d'�p�e � son adversaire, plus t�t il pouvait retourner son cheval,
apr�s cette action, plus t�t il �tait en �tat de repartir et de fournir
un nouveau coup.
« Il y avait deux sortes de passades : celle au petit galop, tant sur la ligne de la
passade que sur les demi-voltes, et celle qu'on appelait furieuse, dans laquelle on
partait � toutes jambes,
                                                     depuis le milieu de la li-
gne droite jusqu'� l'endroit               ^^�k Wto^.               ou l'on marcluai� l'arr�t
pour commence]- la demi-           Jm             ^m 1^.          volte.
A A si M Ri
« Le passage, enfin, M          Wjam'm L �tait un trot relev� et ca-
denc� qui faisait briller m W,M n V ■ *on cavalier dans les tour-
nois. »
                                             BP M ■\^B I
Ce n'est que vers la fin       « Wf m H \1 m      du quatorzi�me si�cle que
les nobles adopt�rent, pour        ^^^tffl *j�jM W        les tournois, des armures
d'une forme particuli�re;           ^^                  ^r             mais ce n'est que vers le
milieu du quinzi�me si�cle                   ^^^^^                    que l'on trouve une des-
�trier ajour� pour recevoir un coussinet ;
cnption d�taill�e de ces                 fm du xiv si�cle.                  « adoubements. »
-ocr page 110-
GENDARME DU XIV* SI�CLE, EN HARNAIS DE GUERRE.
-ocr page 111-
LE CHIC A CHEVAL.                                                           77
En 1458, Antoine de la Salle compose un trait�
plein d'int�r�t sur les tournois. « Avant le com-
bat, » dit-il, « les tournoyeurs s'enferment dans une
salle o� sera grant feu, car les behours requi�rent
le temps plus froid que plus chaut pour le grand
travail qui y est; l� sont jusques aux petiz draps
despoillez tous nudz; lors le maistre et ses plus
suffisans varletz leur mectront ung demy pour-
point de deux toilles, sans plus, et
du faulx du corps en bas qui sera
par devant laschi�, et � iceluy leurs                     (^r
chausses attacheront; et apr�s
chausseront leurs esp�rons, et puis
��S
le bel harnoys de jambes luy ar-
meront; apr�s les armeront de gar-
de-braz et avant-braz, et quant est
des jambes et des braz arm�s, ilz
Tournoyeur du XV si�cle; ms. du roi Ren�.
arment le corps, et apr�s le chief. »                                                 __________________
Ren� d'Anjou, roi de Naples et de Sicile, c�l�bre, � plus d'un titre, sous le nom
de roi Ren�, est celui qui a �crit le trait� le plus complet sur la mati�re des tournois.
Son livre est bien connu, c'est « le Livre de Tournoy », dont le manuscrit est � la
Biblioth�que nationale, enrichi de pr�cieuses miniatures. C'est ce livre qui
nous a appris � conna�tre, dans tous ses d�tails, les r�gles du tournoi.
Nous n'en citerons que cette phrase
du commencement, qui est pleine de
saveur et de couleur locale : « Qui veult
faire ung tournoy, faut que ce soit quel-
Eperon du XV' si�cle.
que prince, ou du moins hault baron,
_____________________________'■ ou banneret, lequel doit faire ainsy que
cy apr�s sera devis�. »
Cet ouvrage est plein de charme et d'int�r�t, et nous regrettons que le cadre res-
treint de notre ouvrage nous interdise d'y puiser quelque passage
plus ample que celui que nous venons de citer.
                              <J*i
C'est dans un tournoi, en 1338, que Duguesclin fait ses pre
bi�res armes et commence � se faire remarquer.
Ag� de vingt ans � peine, il s'�tait �chapp�
^e la maison paternelle, sur un cheval
ue labour, et s'�tait rendu � Rennes. Le
Jour du tournoi, voyant un chevalier
qui                              Soleret avec l'�peron fixe.
-ocr page 112-
-ocr page 113-
LE CHIC A CHEVAL
78
quittait le combat, il se jette en pleurant � ses pieds, le suppliant de lui confier une
armure et un cheval : puis, une fois arm�, s'�lan�ant dans l'ar�ne, il fournit quinze
courses victorieuses et obtient le prix du tournoi. Toute sa vie ne fut gu�re autre chose
qu'une suite de combats singuliers. Avant chaque bataille, en effet, les chevaliers
des deux arm�es avaient coutume de s'adresser des d�fis. C'�tait le temps des beaux
coups d'�p�es et des prouesses de la lance.
L'armure est devenue et va �tre, surtout au quinzi�me si�cle, une merveille d'a-
justement et de l�g�ret� relative; et, � cette �poque, les chevaliers fran�ais comptent
et les plus vaillants
r�le de la chevalerie
et, malgr� les beaux
Fornoue, de Ravenne
gr� les beaux coups
fanterie commence �
batailles, l'artillerie
portance. D�sormais,
porter sur l'arme
cavalerie sera, d'or-
� enfoncer les lignes
d�tonations des ar-
solument rudimen-
port�e, et avec lesquel-
de viser, n'avaient
frayer les chevaux. 11
parmi les plus braves
du monde. H�las! le
touche alors
Si Sel fin,
poussis de lances de
et de Marignan, mal-
d'�p�e de Pavie, l'in-
devenir la reine des
acquiert plus d'im-
l'arme � feu va l'em-
blanche, le choc de la
dinaire, impuissant
de l'infanterie.
Tout d'abord, les
mes � feu, armes ab-
taires, d'une faible
les il �tait malais�
Plan d'un champ clos r�serv� � un tournoi; d'apr�s les
indications du roi Ren�; XV" si�cle.
AA. Tribunes pour les dames et les nobles.
B. Tribunes des juges-diseurs.
CO. Entr�es du seigneur appelant et du seigneur d�fendant.
DD. Cordes attach�es aux traverses de la barri�re int�rieure et cou-
p�es au moment du laisser-aller.
EE. Espace entre les lices r�serv� aux gens de pied.
gu�re servi qu'� ef-
devait en �tre autrement plus tard.
Dans les guerres modernes, on le sait, la cavalerie n'a plus, sur les champs de ba-
taille qu'un r�le accessoire. Mais, en d�pit des modifications de la tactique, dues �
l'augmentation de la port�e des armes � feu, la cavalerie fran�aise, digne h�riti�re
des traditions de l'ancienne chevalerie, n'a jamais h�sit� � charger � fond. Qu'il
nous suffise de rappeler les m�l�es de cavalerie de Rezonville, l'h�ro�que et inutile d�-
vouement des troupes � cheval � Waterloo, � Reischoffen, � Sedan!
Dans des temps o� la cavalerie constituait l'�l�ment principal des arm�es, o� le
cheval devait porter un poids consid�rable, puisque son cavalier et lui �taient munis
d'une armure, l'�levage du cheval de guerre �tait l'objet d'un soin extr�me.
Les croisades avaient amen� en Europe nombre de chevaux arabes, dont les bril-
lantes qualit�s avaient d� n�cessairement s�duire les crois�s. Le croisement des races
fran�aises avec des chevaux arabes eut certainement une salutaire influence, et la
quantit� de « sang » dut singuli�rement s'en accro�tre. Les armures et les harnais
-ocr page 114-
LE CHIC A CHEVAL.
79
augmentant sans cesse de poids, les chocs devenant de plus en plus violents, on fut
amen� � rechercher et � produire des chevaux de grande et
forte taille. C'�taient les destriers, ou « grands chevaux »,
race admirable comptant de magnifiques sujets. On peut juger
de ce qu'ils �taient en jetant un coup d'�il sur les chevaux
de certains r�giments de gardes � cheval qui subsistent encore
en Europe. Qui n'a vu et admir� les superbes chevaux noirs
des life-guards et des horse-guards, � Londres? Ceux des
chevaliers-gardes et des gardes � cheval russes sont �ga-
lement fort beaux, et de taille gigantesque. Quant �
ceux des gardes du corps et de la plupart des r�gi-
ments de cuirassiers allemands, ils sont aussi de grande
taille et remarquablement beaux.
Du reste, nous dirons plus
loin quelques mots des diff�rentes
imier d'un tournoyem
du XV" si�cle.
remontes de la cavalerie moderne,
en Europe, et si nous avons men-
chevaux �trangers, c'est parce
         ^_
blent avoir gard� les qualit�s de
tionn� ici certains
qu'ils nous sem-
hJj&J
taille et de beaut� que devaient avoir les destriers du moyen
�ge, si on en juge par les armures qu'ils �taient capables de
porter, et avec lesquelles ils pouvaient fournir des charges.
Mon spirituel ami Lavedan m'a souvent reproch� de des-
siner des chevaux trop grands. J'avoue que j'ai toujours
eu un go�t marqu� pour les chevaux de grande taille, et
que, si un petit cavalier n'est jamais ridicule sur une tr�s
grande monture, en revanche, un grand cavalier est bien
difficilement gracieux sur un
JE5*-,.,
■*»-
petit cheval.
Lorsque le seigneur partait
1 ""W.*^*
Chanfrein du XV" si�cle.
en campagne, sa chevauch�e
marchait g�n�ralement dans
l'ordre suivant : d'abord les
« grands chevaux » mont�s par les pages; puis l'�-
cuyer, et, derri�re lui, les pages partant les armes. « L'esj^
cuyer se tient plus pr�s que tout autre de son seigneur
et maistre, que nul ne se puisse trouver plus � propos
de le secourir, car l'escuyer d'honneur doit deffense au
chevalier son patron, et si le chevalier est d�mont�,
�tr
ter � fen�tres; XV' si�cle.
-ocr page 115-
80
LE CHIC A CHEVAL.
l'escuyer, mettant pied � terre, t�chera de le monter sur son cheval,
quelque chose qui lui puisse advenir, f�t-ce la mort m�me.
« L'escuyer, au partir du logis, s'armera de toutes pi�ces, hormis
la sallade qu'un page lui portera; quand le prince ou seigneur yra
� la guerre, l'escuyer m�nera d'ordinaire quatre chevaux de combat,
dont au moins le plus fort aye une selle arm�e; et que tous soient
bien �quip�s de sangles, surfaix et harnais, et pour les ferrer et pan-
ser; il fera marcher avec soy son mareschal, un palefrenier � cheval
et un gar�on d'escuyerie � pied, et laissera le maistre palefrenier
pour conduire et gouverner le reste des grands chevaux avec leurs
�quipages.
« L'escuyer doibt �tre curieux d'avoir ses armes si bien
faites qu'� peine on puisse cognoistre s'il a sa cuirasse
sur le dos ayant sa cuirasse ceinte, et doibt m�me por-
tant ses tassettes, gantelets et sallade, il faut que tout
Botle en cuir souple; ms. de Girart de Nevers
soit si proprement
agenc� et arrest� en si juste poinct, comme aussi
l'�p�e � son cost�, que rien ne branle ni claque
en trottant, courant et maniant, non plus que s'il
n'allait que le pas, et n�anmoins que tous ses mou-
vements puissent �tre libres. »
Le « destrier' » ou « grand cheval » est le che-
val de bataille. Son nom de destrier lui vient de ce
qu'en le conduisant en main le page le tenait tou-
jours � sa droite.
Le ipalefroy », g�n�ralement de moindre taille,
est le cheval de parade, de chasse.
Selle de la seconde moiti� du XV" si�cle.
Le « roussin » est le cheval de voyage; c'est
aussi le cheval d'armes des varlets. C'est souvent une fort bonne b�te; moins brillant
que le palefroy, il a plus de solidit� et plus de fond.
La « haquen�e », qu'on choisissait blanche, de pr�f�-
rence, est la monture de la ch�telaine; elle marche l'am-
ble. La « haquen�e du gobelet » est celle qui porte les
provisions de bouche du ma�tre.
L' « ambleur » est celui qui rapportera les chevaliers
bless�s.
11 nous reste, pour terminer ce rapide aper�u des
m�urs �questres du moyen �ge, � dire quelques mots de
�lrier � grille; fin du XV" si�cle.             1«* J0U16.
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CHATELAINES DU MILIEU DU XIV SI�CLE.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                 81
La joute, jouste ou jouxte est le combat singulier � la lance,
entre cavaliers.
L'usage de
charger, avec la
lance en arr�t,
sous le bras, ne
s'�tant gu�re g�-
n�ralis� que vers le douzi�me si�cle, c'est � cette �poque
seulement qu'il convient de faire remonter les joutes.
Dans la joute � la barri�re, les deux cavaliers s'avan-
cent, � fond de train, l'un sur l'autre, et chacun ayant
son adversaire
�1 Sel gauche; ils sont seulement s�par�s
l'un de l'autre par une palissade ayant environ quatre
pieds de hauteur. L'adresse des combattants consiste sur-
tout � frapper l'adversaire aux parties sup�rieures du corps,
et � le renverser sous le choc, ou � briser le bois de sa lance, d'o� l'ex-
pression, rest�e dans la langue « rompre une lance ».
C'�tait toujours en l'honneur de quelque dame ou de quelque princesse
que les jouteurs rompaient en lice. Le fer de la lance de joute avait une
forme sp�ciale et �tait �mouss�. Il s'appelait « roc » ou « rochet ». C'est
encore aux romans du temps que nous ferons appel, pour donner de la
couleur locale � la description de ces joutes.
« Li Romans dou chastelaing de Coucy », qui date des premi�res
ann�es du treizi�me si�cle, nous raconte que le sire de Coucy, fort �pris
de la dame de Fayel, l'invita � embellir de sa pr�sence une joute qui se
devoit donner entre Vandeuil et la F�re, et il la supplia de lui octroyer
un manche, pi�ce honorable d'�toffe brod�e, que les jouteurs s'attachaient
au bras droit, pour l'amour de leur dame.
« Rid�e as las, large dessous,
« Qu'en mon destre bras porteroie ;
« Espoir que plus preus en seroie. »
La dame se laisse toucher, elle accorde au sire de Coucy la faveur qu'il
lrnPlore. La joute aura lieu un lundi; nombre de seigneurs et de « gor-
Qiases
» dames s'y rendent :
« De tous l�s venoit li harnois,
« De Poitevins et de Fran�ois,
« De Normans et de Bourgoingnons
« De Loherains et de Bretons,
« Et venoient li Corbiais
« Avecque cilz de Vermandais. »
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-ocr page 118-
'■■-&3uef vous swift fLLl.
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7! iommes loui tawoof;.
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barotsse aty( cXi
-ocr page 119-
LE CHIC A CHEVAL.
« Et le comte de Soissoiis, » ajoute M. Viollet-Le-
duc, « le duc de Limbourg, le comte Philippe de Na-
mur, etc.
« Le lundi, de grand matin, les h�rauts vont criant
devant les h�tels que les jouteurs aient � s'appr�ter.
Alors, de tous c�t�s, sortent valets, �cuyers; les che-
vaux sont couverts de leurs harnais. Au mouvement, au
bruit de la foule se m�le le son des trompettes. Les jou-
teurs vont entendre la messe, puis les dames s'empres-
sent de se rendre aux tribunes qui
leur sont pr�par�es. D'apr�s le ro-
man, qui ne para�t pas avoir �t�
compos� post�rieurement � 1230,
il ne semble pas qu'une barri�re
f�t dispos�e suivant le grand axe
de la lice, pour s�parer les jou-
teurs, puisque, dans deux �pisodes
de ces combats singuliers � la lan-
ce, il est dit que les chevaux se *
froissent. Les jouteurs se frappent
si rudement de leurs lances, que
leurs �cus sont bris�s, leurs heau-
mes enlev�s, et que tous deux,
souvent, sont renvers�s avec leurs
chevaux. Lorsque les combattants
ne sont pas bless�s, ils retournent
� leurs « rens », c'est-�-dire aux deux extr�mit�s de la
lice. L� ils remontent d'autres chevaux, remplacent les
pi�ces d'armures bris�es et reprennent d'autres lances,
pour fournir une nouvelle course; cela jusqu'� trois re-
prises, si possible est. »
Les plus beaux coups consistaient � rompre les deux
lances sans quitter les ar�ons.
« Les chevaus radement brod�rent
« Et si roidement s'adquointi�rent,
« Qu'ils ont fait les lances froer,
« Et lor escus esquarteler.
« Li chevalier, bras estendus,
« Escus tro�s, estriers perdus,
-ocr page 120-
83
LE CHIC A CHEVAL.
« Pass�rent oultre sans atendre
« Quanque chevaus lor pevent rendre.
« C'este jouste fut moult lo�e
« De ceulz qui Forent esgard�e. »
« Les joutes � la lance, » continue M. Viollet-Leduc, « plus dangereuses encore
que les tournois, firent adopter de bonne heure un genre
d'�quipement particulier. On renfor�a les heaumes, que
les jouteurs frappaient lorsque la lance glissait de bas
en haut sur l'�cu, et qui devaient r�sister � un choc ter-
rible; on les attacha solidement au corselet d'acier, par
devant et par derri�re. On donna aux �cus une forme
sp�ciale pour diviser les chocs � droite et � gauche; on
renfor�a le bras droit de pi�ces d'armures solides. On
�leva beaucoup l'ar�on de la selle, et on l'accompagna
d'un hourd comme pour les tournois, afin de garantir
les cuisses et les genoux.................
« Les jouteurs paraissent, avant tout, s'�tre pr�occup�s
des dispositions particuli�res � donner � la selle de joute.
Ils pr�tendirent opposer aux coups de lance d�vi�s des
neuse de chasse ou de voyage du XV sic
cle;
(Livre de chasse de Gaston Ph�bus.)
garde-corps et garde-cuisses, puis donner � la selle
une forme telle que le cavalier ne p�t �tre d�sar�onn�.
Sur les li�ges de l'ar�on de devant on ajouta des b�tes
Qui masquaient compl�tement le ventre du jouteur. A cette b�te s'attachait un collier
lourde, c'est-�-dire fait d'osier, recouvert de toile rembourr�e, puis d'une peau peinte.
Avant cette �poque, vers le milieu du quatorzi�me si�cle, on inventa m�me des selles
ue joute compl�tement ferm�es et dans lesquelles le
cavalier �tait pris comme dans une bo�te : les deux
andes qui r�unissaient la b�te de devant � la b�te
e derri�re �taient � charni�res et boucl�es en avant
au troussequin; la b�te de devant formait hourd
Vec garde-cuisses verticaux. »
ttien n'est plus curieux � lire que le r�cit que
°us fait Froissart de la joute ou plut�t des joutes
qui eurent lieu, enlre l'abbaye de Saint-Ingelberth et
Cal
aisj en 1390, dans les derniers jours de mai. Les-----'�
ants �taient trois jeunes chevaliers fran�ais : Bou-
lcaut le jeune, Regnault de Roye et le sire de Saint-
Selle hourd�e; XIV'si�cle.
-ocr page 121-
LE CHIC A CHEVAL.
Py. De nombreux chevaliers, profitant de la tr�ve, vinrent d'Angleterre pour jouter.
Les trois tenants, ayant fait
dresser leurs trois pavillons sur
un des c�t�s de la lice, y appen-
dirent une targe de guerre et une
targe de paix. « Et estoit ordonn�
que cil qui courir et faire armes
voudroit � l'un d'eux, devoit tou-
cher ou envoyer faire toucher
l'une des targes ou toutes s'il lui
plaisoit; et il seroit recueilli et
d�livr� de joute selon que il de-
Harnais de t�te du cheval de
Charles VI; d'apr�s une tapis-
serie de la cath�drale de Reims.
Bride du XV" si�cle.
manderoit. »
Apr�s diff�rentes courses, le comte de Huntingdon,
chevalier anglais, envoie toucher la targe du seigneur de Saint-Py. « Et cil qui jamais
n'eust refus�, issit tantost hors de son pavillon et monta � cheval, et prit sa targe et
sa lance ; et quant le comte sut qu'il estoit prest et qu'il ne demandoit que la joute,
il �peronna le cheval de grand'volont�, et Saint-Py autant bien le sien. Si aval�rent
leurs lances et s'adress�rent l'un sur l'autre. Mais � l'entrer ens, les chevaux croi-
s�rent, et toutes fois ils se consuivirent ; mais, par la croisure qui fut prise � meschef,
le comte fut d�sheaum�. Si retourna vers ses gens et moult tost il se fist renheaumer
et prit sa lance, et le sire de Saint-Py la sienne; et �peronn�rent leurs chevaux et
s'encontr�rent de plei-
rent es targes dur et
le point que de porter
mais ils sangl�rent les
bes et bien tinrent; et
son lez, et se rest�-
rent vent et haleine,
lande (Huntingdon),
avoit de faire honora-
reprit sa lance et se
�peronna son cheval;
Saint-Py le vit venir,
s'envint � l'encontre
que oneques il put. Si
chevaliers de leurs
les heaumes d'acier, si
�tincelles toutes ver-
n�s lances, et se f�ri-
roide; et furent sur
l'un l'autre � terre,
chevaux de leurs jam-
retourn�rent chacun �
chirent un petit et pri-
Messire Jean de Hol-
qui grand'affection
blement ses armes,
joignit en sa targe, et
et quand le sire de
il ne refusa pas, mais
de luy au plus droit
se atteignirent les deux
lances de guerre sur
dur et si roide que les
meilles en vol�rent.
Mors du milieu du XV si�cle.
-ocr page 122-
XVe SI�CLE.
« .... EN T�TE, LE DESTRIER DU SEIGNEUR MONT� PAR UN TR�S PETIT PAGE.... »
[Entr�e dans la ville des tenants d'un tournoi.)
-ocr page 123-
85
LE CHIC A CHEVAL.
De celle atteinte fut le sire de Saint-Py d�sheaum�. Et pass�rent les deux chevaliers
moult frichement outre, et retourna chacun sur son lez. »
Au quinzi�me si�cle, les armures de joute deviennent de
v�ritables machines de guerre. Celles des Allemands de cette
�poque, en particulier, sont gigantesques et d'un poids colos-
sal. Les joutes deviennent surtout, alors, une occasion de
d�ployer un grand faste et un luxe magnifique d'armures
et de harnais. Olivier de la Marche d�crit, avec force d�tails,
le pas d'armes qui se tint sur la place du March� de Bruges,
en 1474, � l'occasion du mariage de Charles le T�m�raire
avec Marguerite d'York, s�ur du roi d'Angleterre.
Ces pas d'armes ou passes d'armes �taient un souvenir
d'une ancienne coutume de la chevalerie errante. On sait
Boite de postillon ; XV' si�cle.
que le chevalier qui voulait m�riter les faveurs de sa dame,
se portait � un d�fil�, pont, passage, enfin, � un « pas », et
for�ait tout venant � reconna�tre les m�rites et la beaut� de sa dame. Comme natu-
rellement le chevalier qui voulait franchir le passage se refusait,
le plus souvent, � faire la d�claration demand�e, il s'ensuivait
un combat. Il est bien �vident que cette fa�on de voyager n'�-
               (^P
lait pas pour raccourcir le chemin, et elle fait songer aux vers
de Musset :
« Ah ! temps d�pourvus de po�sie,
« Ces grands chemins s�rs nuit et jour,
« Sont ennuyeux comme un amour
« Sans jalousie. »
�trier du XIVe si�cle
Les joutes, du reste, �taient de diverses sortes. Il y avait, par
exemple, la joute � la « large fut�e » ou « � la bavi�re, � la queue, � la po�le ».
Toutes ces sortes de joutes furent fort en honneur pendant tout le moyen �ge. C'�tait,
pour les hommes d'armes, une occasion de d�ployer
un grand faste; et, en outre, un excellent exercice
qui entretenait la vigueur, aiguisait l'adresse, d�ve-
loppait la souplesse et maintenait, parmi les gen-
tilshommes, une noble �mulation. Les discoureurs
alors n'avaient gu�re beau jeu ; il fallait agir et payer
de sa personne, et on prisait plus un beau coup d'�p�e
ou un vigoureux coup de lance qu'un long et ennuyeux
discours.
Terminons ce chapitre par quelques lignes emprun-
t�es � Viollet-Leduc et relatives � l'entr�e en ville des
-ocr page 124-
'«!»
-ocr page 125-
LE CHIC A CHEVAL.
86
devaient pren-
tournoi :
ainsi pr�pa-
gneurs appe-
dant doivent
la ville o� ils
logis, quatre
f�te et en gran-
seigneurs qui
dre part � un
« Les choses
r�es, les sei-
lant et d�fen-
entrer dans
prennent leurs
jours avant la
c'est-�-dire ac-
plus grand
ble de tour-
dans l'ordre
de pompe ,
compagnes du
nombre possi-
noyeurs et
Selle en ivoire du XIV" si�cle.
suivant. En
t�te, le des-
trier du seigneur rev�tu d'une housse ayant les armes du prince cousues au-dessus des
quatre membres, la t�te orn�e de plumes, des grelots au cou, et mont� par un tr�s
petit page sur une petite selle. Apr�s viennent les chevaux des tournoyeurs de sa
compagnie, deux � deux, housses, avec les armes de chacun d'eux de m�me. Puis
les trompettes, les h�rauts et poursuivants, v�tus de la cotte d'armes; puis enfin les
tournoyeurs � cheval. »
-ocr page 126-
CHAPITRE IX.
XVP SI�CLE.
L. RUSIUS.
C. FIASCIII.
FR. GRIS0N.
LA BROUE.
vec le seizi�me si�cle commence l'histoire de l'�quitation pro-
prement dite, et, surtout, de l'�quitation th�orique. Jusque-
l� les principes et les traditions se sont transmis d'homme
� homme, sans �tre fix�s nulle part en corps de doctrine.
A partir du seizi�me si�cle, les trait�s d'�quitation vont se
succ�der; chaque �poque, chaque r�gne produisant le sien,
�dit� avec le go�t artistique qui caract�rise les produc-
tions de l'ancienne monarchie, et posant d'une mani�re
immuable les bases de cette vieille et savante �quitation
fran�aise qui atteindra son apog�e avec La Gu�rini�re,
et restera, quoi qu'on en fasse et quoi qu'on en dise, la
eule et la vraie �quitation, faite toute de tact, d'�l�gance et de v�ritable science.
^ est vers la fin du quinzi�me si�cle que Benjamin de Hannibale compose ses « Rudi-
erds de l'art de monter � cheval ».
Vers le m�me temps, l'invention et la propaga-
°n de l'imprimerie vont donner toutes facilit�s aux �cuyers pour r�pandre leurs
eories, et les livres sur l'�quitation vont se multiplier. Avant d'en commencer l'exa-
* en) nous tenons � citer un passage, extrait du « Loyal Serviteur », et relatif � l'�du-
IQn de Bayard; il nous apprendra comment, alors, les jeunes nobles s'initiaient au
etier des armes et � la science �questre.
A treize ans, « esveill� comme ung esm�rillon, » il entend porter noblement le
m de ses anc�tres, et demande � son p�re de suivre la carri�re des armes. Celui-ci
" nsulte, sur cette question, son beau-fr�re, l'�v�que de Grenoble, qui lui r�pond :
"" Mon fr�re, vous s�avez que nous sommes en grosse amiti� avecques le duc Charles
-ocr page 127-
88                                                                  CHIC A CHEVAL.
de Savoye, et nous tient du nombre de ses bons serviteurs; je croy qu'il le prendra
voulentiers pour ung de ses paiges. Il est � Chamb�ry; c'est pr�s d'icy : si bon vous
semble, et � la compaignie, je le lui m�nerai demain au matin, apr�s l'avoir tr�s bien
mis en ordre et garny d'ung bas et bon petit roussin...
« Alors tout incontinent envoya le dict �vesque � la ville qu�rir son tailleur, au-
quel il manda apporter veloux, satin, et autres choses n�cessaires pour habiller le
bon chevalier. Il vint et besogna toute la nuyt, de sorte que le lendemain matin fut
tout prest : et apr�s avoir desjeun�, monta sur son roussin, et se pr�senta � toute la
compaignie, qui �tait en la basse-court du ch�teau, tout ainsi que si on l'eust voulu
pr�senter d�s l'heure au duc de Savoye. Quand le cheval sentit si petit faix (fardeau) sur
luy, joinct aussi que le jeune enfant avoit ses esp�rons dont il le picquoit, commencea
� faire trois ou quatre saulx; de quoy la compagnie eut paour qu'il affolast le garson.
Mais en lieu de ce qu'on cuydoit qu'il deust crier � l'ayde, quand il sentit le cheval
si fort remuer sous luy, d'un gentil cueur assur�, comme ung lyon, luy donna trois
ou quatre coups d'esperon et une carri�re dedans ladicte basse-court : en sorte qu'il
mena le cheval � la raison comme s'il e�t eu trente ans.......
«�Sus! sus! » dist le bon �vesque de Grenoble qui estoit prest � partir; «mon nepveu,
mon amy, ne descendez point, et de toute la compaignie prenez cong�. »
-ocr page 128-
ARMURE MAXIMILIENNE DU XVIe SI�CLE.
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LE CHIC A CHEVAL.
89
Le p�re lui donna alors
Set b�n�diction.
« La povre dame de
m�re estoit en une tour du
chasteau, qui tendrement
ploroit, car combien qu'elle
fust joyeuse dont son fils
estoit en voye de parvenir,
amour de m�re l'admones-
toit de larmoyer.
« Toutefois, apr�s qu'on
lui fust venu dire : « Ma-
an�ois I" en harnais de guerre, � Marignan; d'apr�s un des bas-reliefs de son
tombeau, � Saint-Denis.
« dame, si voulez venir
« voir votre fils, il est tout
a cheval prest � partir, » la bonne gentille femme sortit par le derri�re de la tour et
st venir son filz vers elle... Elle lui fit force recommandations avant de le quitter.
* Alors la bonne dame tira de sa manche une petite bourcette en laquelle avoit
� eulement six escus d'or et ung en monnoye, qu'elle donna � son filz; et appela ung
es serviteurs de l'�vesque de Grenoble, son fr�re, auquel elle bailla une petite malette
11 laquelle avoit quelque linge pour la n�cessit� de son fils...
« Sur ce propos, print l'�vesque de Grenoble cong� de la compaignie, et appela son
epveu, qui pour se trouver sur son gentil roussin pensoit estre en ung paradis. Si com-
encerent � marcher le chemin droict � Chamb�ry, o� pour lors estoit le duc Charles
de Savoye.......
(< Apr�s la messe dicte, le duc le mena par la main (l'�v�que de Grenoble) disner
ec luy, o�, durant icelluy, estoit son nepveu le bon chevalier, qui le servoit de boire
1,s bjen en ordre, et tr�s mignonement se contenoit; ce que regarda le duc, pour la
nesse qu'il voyait en l'enfant; de sorte qu'il demanda � l'�vesque :
■ Monseigneur de Grenoble, quel est ce jeune enfant qui nous donne le boire?
respondit-il, « c'est ung
vous suis venu pr�senter
vous plaist, mais il n'est
le veulx donner. Apr�s
plaisir, le verrez,
le duc, qui desj� l'eust
P
P
bien estrange
qui tel
Posent refuserait.
Et le bon cheva-
aux «lorceaulx apr�s le
""C- A CHEVAL.
lier,... ne s amusagueres
disner; ains s'en va au
12
Etrier de Fran�ois l"r; muse,: de Cluny.
-ocr page 130-
-ocr page 131-
90
LE CHIC A CHEVAL.
logis faire seller son roussin,... et
s'en vint le beau petit pas en la
court de la maison du duc de Sa-
voye, qui desj� estoit sorty de sa
salle, appuy� sur une gallerie. Si
veit entrer le jeune enfant qui fai-
soit bondir son cheval, de sorte qu'il
sembloit homme de trente ans et
Etrier en bois; XVI" si�cle.
qui toute sa vie eust veu la guerre.
« Lors s'adressa le duc � l'�-
vesque, auquel il dis! :
« � Monseigneur, je croy que c'est vostre petit mignon
Mo7°s de la premi�re moiti�
du XVI" si�cle.
qui si bien chevauche ce cheval?
« Oui, Monseigneur, » respondit l'�vesque, « c'est mon nep- .
veu; il est d'une race o� il y a eu de gentils chevaliers. Son p�re, qui, par les coups
qu'il a receus es guerres et batailles o� il s'est trouv�, est tant myn� de faiblesse et
vieillesse qu'il n'a peu venir devers vous, se recommande tr�s humblement � vostre
bonne gr�ce, et vous en faict pr�sent.
« � En bonne foy, respondit le duc, j'accepte voulentiers; le pr�sent est beau et hon-
neste. Dieu le face preud-homme !
« Lors commanda � ung sien escuyer d'escurie, en qui plus se fioit, qu'il print en sa
garde le jeune Bayard, qui, � son opinion, seroit ung jour homme de bien.....
« Le bon chevalier demoura paige avecques le duc Charles de Savoye bien l'espace de
demy an, o� il se fit tant aymer des grands et petits, qu'oneques jeune enfant ne le fust
plus. Il estoit serviable aux seigneurs et
dames, tant que c'estoit merveille. En tou-
tes choses n'y avoit jeune paige ne seigneur
qui fust � comparer � luy: car il saultoit,
luyttoit, jectoit la barre selon sa grandeur,
et chevaulchoit au mieux possible. »
Quels beaux et vaillants sentiments, et
avec quelle saveur charmante tout cela est
�crit! que ne fait-on lire et relire � nos jeu-
nes gens des r�cits de ce genre, qui leur
fortifieraient le c�ur et �l�veraient leurs
sentiments ! Nos vieilles chroniques sont
pleines de ces enseignements sains et vi-
goureux, bien autrement int�ressants, pour
Selle d'armes allemande.
-ocr page 132-
91
LE CHIC A CHEVAL.
nous autres Fran�ais,
relie de Cic�ron avec
r�cit des malheurs
Nous ne ferons que
donnance du 1er f�-
chevalier dit que :
mes monteront des
moins six palmes et
de hauteur; et que les
bien � cheval. »
Nous nous conten-
que la grande que-
Catilina ou que le
d'�n�e.
citer, en passant, l'or-
vrier 1534, o� le roi
« Les hommes d'ar-
chevaux qui auront au
quatre doigts (lm,54)
chevau-l�gers seront
terons �galement de
Selle italienne du commencement du XVI' si�cle.
mentionner un ouvrage de la m�me �poque, compos� par Guillaume de Bellay, ou-
vrage qui est intitul� : « De la discipline militaire », et nous signalerons un travail
d'un grand int�r�t, dont l'auteur est Laurentius Rusius.
« Hippiatricasive marescalia », tel est le titre de ce trait�, int�ressant en plus
d'un endroit. Une �dition, imprim�e � Paris, en 1533, fut d�di�e : « A tr�s noble et
magnanime Fran�ois de Montmorency
», qui passait pour �tre le meilleur homme de
cheval de son temps.
Nous emprunterons au capitaine Picard quelques fragments traduits de ce trait�.
« Apollonius demanda � Damis, son compagnon, ce qu'il jugeait �tre le principal
devoir et fonction d'un beau chevaulcheur, lequel r�pondit que ce n'�tait autre chose
que de se tenir droit sur le cheval et puissamment le dominer, tourner la bride partout
°� il voudra aller et le punir avec l'esperon quand il n'ob�ira pas; en outre, de faire
en sorte que le cheval, en courant, �vite la boue et de tomber dans les fondri�res, et,
en m�me temps, en montant des endroits escarp�s et tortueux, de rendre mod�r�ment
Ja bride, et, en descendant, la retirer; lui caresser doucement les oreilles et ne pas
le
piquer continuel-
lement de l'esperon
verge.
manda de rechef de
un sage et prudent
d'armes qui fr�quen-
alors, lui r�pondit
tre dit et ce qui va
qu'assaillir et frap-
d�fendre; en outre,
ni le battre avec la
« Ledit lui de-
quel art doit user
chevalier homme
le la guerre. Lequel,
que ce qui vient d'�-
�tre dit encore, tel
Per son ennemi, se
le Poursuivre, se re-
est, le chasser et met-
c°ustumer son che-
Craigne ni ]e son et
tirer quand besoin
tre en fuite et ac-
val � ce qu'il ne
le bruit des armes
Selle de joule; �poque de Henri II.
-ocr page 133-
92                                                           LE CHIC A CHEVAL.
et harnois ni la lueur et clart� des reluisants heaumes, ni que, pareillement, il ne
s'effraye ni s'�pouvante des cris des combattants; qu'ainsi donc, le fait d'un brave
chevalier est de dompter et de dresser le cheval en la mani�re susdite, comme ne
pourroit le faire celui qui ne conna�troit pas la mati�re et les qualit�s du cheval et
toutes les meilleures connaissances qu'on doit savoir. Pour lesquelles choses, � l'hon-
neur et grande utilit� de tous nobles, et, principalement, � l'honneur de ton nom, ce
pr�sent livre a �t� fait sans �pargner aucuns frais, etc., etc..............
<x Quand on veut monter un cheval, il faut d'abord regarder s'il est ferr�, si la selle
porte bien sur le dos, ni trop en arri�re ni trop sur le devant; faire que les sangles
soient fermement mises, pour que la selle ne tourne ni ne remue sur le dos.
« Pour dresser le cheval, il faut d'abord lui donner un mors l�ger et le plus doux pos-
sible, et, quand on le lui mettra, au commencement, on doit le frotter de miel ou de
quelques mati�res douces, car quand il sentira la douceur, il le prendra mieux.
« Puis il faudra le monter tout doucement, sans selle et sans esp�rons, le faisant mar-
cher peu � peu, le d�tournant � droite, ensuite � gauche, avec une petite baguette; et,
si on le croit n�cessaire, on le fera mener � la main par un homme qui sera � pied, de
grand matin, par les lieux unis et non pierreux, jusqu'� ce qu'on puisse le mener
partout o� l'on voudra, sans conducteur et sans compagnie.
« Mais, d�s qu'il fera froid, il faudra lepromener dans les gu�rets et sillons, tout dou-
cement, le matin, comme je l'ai dit, en le tournant plus � droite qu'� gauche; ainsi
qu'il faut que la branche gauche du mors soit un peu plus courte que l'autre, car un
cheval se tourne naturellement plut�t � gauche qu'� droite.
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C�SAR FIASCHI.
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93
LE CHIC A CHEVAL
XVI ' «5iecf
Joui-
nn« ■iou.bbuv Cjuv
n cuisses la teste �
u.n.a houlcLui'U
'Tou/u fou-b cloeYaw.)( et
h
oiula�AS C|m ojvt Tnal a,
-Se imvtU�
ta bouche
« On le m�nera alors plus souvent par terres labour�es que par lieux unis, car les
petites mottes et accidents de terrains apprennent tous les jours au cheval, en l'accoutu-
mant � lever les pieds et les jambes, � ployer les jarrets : aussi on devra �galement le
mener dans les endroits sablonneux, ce qui lui apprendra � marcher plus s�rement. »
Si tout cela n'est pas encore de l'�quitation savante, c'est d�j�, en tout cas, ce que
nous appelons un bon d�bourrage; mais voici, maintenant, ce qui est le principe
fondamental, l�sine qua non de l'�quitation; voici, tout au long, l'id�e de la mise
en main,
que nous avons d�j� signal�e chez X�nophon :
« Toutefois, je te diroi une chose utile. C'est que
celui qui monte un cheval doit, en le faisant trotter,
galoper ou courir, tirer � lui les r�nettes de la bride,
et sur le garrot du cheval, pour qu'il plie et recourbe
le col, et incline la t�te vers la poitrine; et ceci se fera
d�s le commencement, tout doucement et peu � peu,
comme on le trouvera n�cessaire. »
Et, un peu plus loin, voici toute la th�orie rudimen-
taire de l'entra�nement :
«... Et, quand il sera bien embouch�, qu'il aura la
mani�re d'�tre brid�, ce qui ne sera aucunement diffi-
cile, le faudra accoustumer � courir bien matin, toutes
les semaines, une fois en un lieu uni et nullement
sablonneux. Au commencement, un demi-quart de
R�m�r� m�me du xri* si�cle.            lieue, puis une demi-lieue, en augmentant ainsi qu'il
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rt
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LE CHIC A CHEVAL.
94
fois, il faut savoir que tant
cheval court, pourvu que
en est plus l�ger et sou-
bitude en est cause. »
pr�ceptes justes et attes-
val, est-on fort surpris et
on voit de quels mo}rens
seille de se servir pour
semblera �tre bon. Toute-
plus et plus souvent le
ce soit moyennement, il
dain � la course ; et, l'ha-
Aussi, apr�s tous ces
tant un homme de che-
absolumentr�volt�, quand
Laurentius Rusius con-
r�duire un cheval r�tif.
« Le chevaucheur par-
ferm� pr�alablement dans
rante jours sans sortir; il
�tricr a grille ayant appartenu � Maximi-
lien I", empereur d'Allemagne.
tira sur le cheval r�tif, en-
une �curie pendant qua-
aura de grands esp�rons
aux talons et des verges � la main, il se fera suivre par un homme ayant un fouet;
ou bien le chevaucheur aura dans la main un b�ton en fer de trois ou quatre pieds,
termin� par trois crochets pointus et aigus; et, si le cheval recule, il lui mettra sur
la croupe ce rampon qu'il tirera en avant; et, en m�me temps, fera r�sonner un
fouet sans toucher le cheval. Une autre fois, il fera chauffer une canne ou une verge
et la lui mettra sous la queue, le piquant des �perons de toute sa force. »
Il y a l� de quoi faire bondir tout homme de cheval.
Rusius traite aussi de la v�t�rinaire de son �poque, mais elle ne se r�sume gu�re
qu'en des pr�ceptes de cette force : « Pour purger le cheval on lui fait avaler deux ou
trois ventres de tanches ou de barbeaux, coup�s en petits morceaux, et m�l�s � du vin
blanc. »
« En r�sum�,
dit le capitaine Picard, « l'ouvrage de L. Rusius est le point de d�-
part, bien rudimentaire, il est vrai, d'une th�orie raisonn�e.
« Nous serons plus satisfaits des �cuyers qui ont �crit quelques
ann�es apr�s cet �cuyer v�t�rinaire, mais nous ne marcherons
franchement dans la voie du progr�s qu'� partir des �cuyers de
la Renaissance, qui nous ont laiss� des souvenirs ineffa�ables de
leurs principes �questres. »
Six ann�es plus tard, en 1539, para�t le trait� de C�sar
Fiaschi, qui fonde la c�l�bre �cole de Naples, d'o� sont sortis
nombre d'�cuyers remarquables, entre autres le fameux Pigna-
telli, qui fut le professeur de La Broue et de Pluvinel.
De m�me que Rusius, Fiaschi d�crit nombre de mors et de
fers, invent�s par lui ou en usage de son temps.
Son travail est divis� en trois parties :
« /. De la mani�re de bien emboucher les chevaux et de
Le marquis d'Ascoli, seigneur de                           ,                                                      , .                 -77 ^o/T
la suite de charies-Quint. la nature cl iceux. � //. Du moyen de bien marner les chevaux
^k
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95
LE CHIC A CHEVAL.
avec les dessins. III. Du moyen de bien ferrer les chevaux avec les dessins des
fers qui y sont propres.
»
Lorsque l'on consid�re les mors dessin�s et recommand�s par les �crivains �questres
de toutes ces �poques, on se demande quel pouvait bien �tre exactement le r�sultat
obtenu. Il est �vident que l'on employait, de pr�f�rence, de gros et lourds chevaux,
cela, surtout, � cause du poids des armures
et des harnais que ces chevaux devaient por-
ter � la guerre. Ayant moins de sang que les
n�tres, ces animaux devaient �videmment
avoir besoin de stimulants plus vigoureux; ce-
pendant, il est certain qu'avec de pareils mors,
sous une main dure ou malhabile, un cheval
�tait promptement ruin�. Le grand but pour-
suivi, avant tout, semble �tre d'�viter que le
cheval ne prenne le mors aux dents. Cette
crainle indique combien la pauvre b�te se r�-
voltait contre de pareilles tortures. Si la main
du cavalier �tait douce et habile, il est clair
qu'il pouvait obtenir beaucoup de brillant, ar-
river facilement � des allures relev�es et � un
assembl� ais�; mais le tout sans grand plai-
Slr pour le cheval. Et, par exemple, l'arr�t,
avec les proc�d�s du temps, devait fort res-
sembler � celui des Arabes, qui arr�tent court
et, cons�quemment, sur les jarrets leur mon-
ture lanc�e � plein galop. Pareille chose exas-
p�re, � bon droit, les gens de cheval, mais
cause toujours une profonde admiration aux
ignorants.
Du reste, plus nous irons et plus nous ver-
Armure � la Romaine de Charles-Quint.
°ns tous ces anciens �cuyers chercher � rem-
placer la force et le domptage par l'adresse, la l�g�ret� de main et le dressage, en un
m°t, tenter d'obtenir, parla douceur des moyens et par l'�quilibre m�canique, tous
as mouvements qu'un cheval mis doit ex�cuter facilement et sans contrainte.
foute l'�quitation est l�.
Dans le second livre de son ouvrage, Fiaschi parle des diff�rentes figures de man�ge
en usage de son temps : les voltes au trot et au galop; le galop raccourci, la capriole,
la Passage.
« C�sar Fiaschi fust un des premiers de son temps, en Italie, qui sceut instruire le
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96
LE CHIC A CHEVAL.
grant nombre d'escuyers qui ont acquis une singuli�re recommandation parmi nous.
Ce qui l'a surtout distingu� des aultres, ce sont les diversit�s de mors, de brides et de
fers qu'il a r�duit par escript, ce que nul aultre n'a encore fait. Puis la mani�re de
dresser les chevaux par les tons et accords de la musique. »
Voici comment l'auteur explique l'usage de sa m�thode :
« Les Sybarites et Libyens, lorsqu'ils guerroyoient
contre les Crotoniens, domptoient et galopoient leurs
chevaux au son des instruments (1), mais la non-
chalance de leurs successeurs, � leur grant honte,
nous a frustr� de cette industrie. Vue m�mement
que les actions des hommes, en toutes choses, ten-
dent � une harmonie et contentement qui sont les
effets de la musique. La liaison et enclavure des os
et membres du corps humain entretiendraient-ils
sans accord sa proportion ? Les �l�ments aussi ne
feraient rien produire, si tout � coup le discord s'y
rencontrait. Le monde s'an�antissant par corruption
se verroit dissoudre, ce que Pythagore voulait faire
entendre lorsqu'il travailloit � prouver que les es-
paces et intervalles de la Terre � la Lune, de la
Lune � Mercure, � V�nus et autres plan�tes n'�toient
que des tons et demi-tons, et que le tout si propor-
tionnellement reigl� de Saturne au firmament, et le
ciel �toile faisoit diapason en harmonie universelle.
« En terre il n'y a rien que la musique n'attire,
et si, d'adventure, quelque gaillard chevalier trouve
�trange qu'en ce second livre, j'aie voulu ins�rer et
prendre quelques traits et notes de musique, pensant
Mors du milieu du XVI' si�cle;
les branches ont 0'",38.
qu'il n'en �tait pas besoin, je lui r�ponds que sans
temps etmesure ne se peut faire aucune bonne chose. »
Chaque mouvement du cheval se fait avec l'accompagnement d'une vocalise sp�-
ciale; et il ne faut pas croire, en somme, que cette m�thode soit aussi pu�rile qu'elle
le para�t au premier abord. Cette fa�on d'employer le chant, devait �videmment ame-
ner une certaine cadence et une certaine mesure, sans jeu de mots, dans l'emploi des
moyens et des aides; elle devait, dans tous les cas, d�velopper s�rement la gr�ce et la
souplesse du cavalier. Qui de nous, du reste, lorsqu'il s'est trouv� seul au man�ge n a
(1) On rapporte que les chevaux de la cavalerie sybarite, dans les revues, dansaient au son des instrunien -■
Cette danse �tait, sans doute, le tripudium dont nous avons parl� dans un chapitre ant�rieur.
-ocr page 140-
/
LE CHIC A CHEVAL.
97
fredonn�, surtout aux allures raccourcies, quelque air dont la mesure s'appropriait � la
cadence de l'allure; et je ne serais pas �tonn� que le cheval, qui est un animal tr�s
nervfiiiY o+ +v>Ac �w-..^~.~~~
nerveux et tr�s impression
impressionn�. Ajoutons que,
tation est g�n�ralement tr�s
vient rappeler au cheval ce
trois quarts dans la r�ussite
Il est vrai que nos �cuyers
haute �cole sans musique, et
cun mouvement appr�ciable
�cuyers de cirque n'obtien-
et de ridicules d�placements
nable, n'en soit agr�ablement
dans nos cirques, o� l'�qui-
mauvaise (1), la musique, qui
qu'il doit faire, est pour les
des mouvements,
de Saumur font toute leur
qu'ils obtiennent, sans au-
pour le spectateur, ce que les
nent qu'� force de contorsions
d'assiette, mais, nous l'avons
XVIe si�cle.
dit d�j�, et nous ne saurions trop le r�p�ter, nos �cuyers militaires sont devenus, depuis
plusieurs ann�es, des ma�tres absolument sup�rieurs; ils ont gard� les traditions
�questres des vieux ma�tres fran�ais, et ils en sont les dignes successeurs.
Pour en revenir au seizi�me si�cle et � C�sar Fiaschi, voici quel est le jugement que
Porte sur lui, le capitaine
« Quant � la mar�cha-
blen sup�rieur � ses de-
rentius Rusius,etc.. Mais
dles des chevaux; son ou-
llvre d'�quitation, tandis
seurs sont plut�t des li-
naire dans lesquels r�qui-
^ment. »
Le troisi�me livre de
Un v�ritable trait� de fer-
cl�apitres de ce livre. Ils
er�t, et valent la peine
^ " r- En forme de prologue. �
l"?'eur cognoistre la bont�
^�rencequ'ilyaentreles
Qe derri�re, et pareillement
^du cheval.-IV. De quelle
Picard :
lerie, C. Fiaschi est aussi
vanciers, Hi�rocl�s, Lau-
il ne parle pas des mala-
vrage est avant tout un
que ceux de ses pr�d�ces-
vres de m�decine v�t�ri-
tation n'entre qu'accessoi-
l'ouvrage de Fiaschi est
rure. Voici les titres des
ne sont pas d�nu�s d'in-
d'�tre lus :
II. Avis touchant la couleur de
et la malice d'itcelle. � III. De
mains et les pies de devant et les
entre les talons et les pointes des
Harnais du cheval de Charles-Quint.
fa�on doivent �tre les bons fers
cr s Ples de devant et pour
que S' clous &lace crert�s,
- Parf0ls on me* aux fers des pieds de devant
les pies de derri�re. �■ V. Des
barbettes et quelques annelets
Cartilage du "                           r-� «■- """""^ �
VI. De la forme qu'on doit garder pour ouvrir le talon et le
que doibve J"0 CheVa1' 6t P°Ur VUMer la P°inte de r°ngIe et icelui nettoJ'er Par dedans. - VII. De la forme
avoir ordinairement les fers des pies de devant pour les bien mettre en �uvre. - VIII. Quels doib-
qui est 1
un cavalier tr�s remarquable.
CHIC A CHEVAL.
quelques �cuyers, comme M»°* �lisa et Emilie Loisset, et surtout M. J. Fillis,
13
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98                                                                  LE CHIC A CHEVAL.
vent �tre ordinairement les fers des pies de derri�re. � IX. De la mani�re d'ajuster le fer et l'ongle du cheval en-
semble. � X. Quels doibvent �tre les clous pour bien asseoir les fers des chevaux. � XI. De la bordure ou pan-
cette que l'on met quelquefois au fer. �XII. D'aucun advertissement pour cognoistre le bon pi� du cheval, et du
moyen qu'il faut tenir pour le bien ferrer. � XIII. De l'ongle forte, toutefois moyennement temp�r�, avec un discours
touchant icelui. � X1III. De l'ongle forte, en temps chauds, laquelle devient seiche.� XV. Des pies ou ongles forts,
ou vitriols ou �clatants comme verre, et encore de ceux qui sont un peu ou assez fistellez, plats et pleins comme
un bignet. � XVI. Du pied qui a le talon et le cartilage tendre et d�licat. � XVII. Du pi� fort et encastell�. �
XVIII. Du pi� fort � la semblance de celui d'un mulet.................................
XXII. Advertissement proufitable et honorable pour urig chevalier. �XXIII. Justification de l'auteur avec quelques
advertissements n�cessaires au chevalier.
Le trait� qui suit celui de
nologique, est celui de Phi-
tato di Marescalia. » C'est
et nous ne le citons que
« Si nous admettons que
tation viennent d'Italie, ou
gi�rent apr�s la prise de Cons-
tre para�t avoir �t� pouss�
Empire nous donne d'abord,
vention des ar�ons, bient�t
si�cles plus tard, l'usage des
toris� � dire que la pratique
grande sup�riorit� dans no-
chevaleresques prirent nais-
rent si profond�ment qu'elles
apr�s s'�tre effac�es chez nos
ajouter que, si les nobles
manoirs, �cole �questre et de
les jeunes gentilshommes
C. Fiaschi, dans l'ordre chro-
lippode Loghacozzo : « Tra-
un ouvrage de peu de valeur
pour m�moire,
les premiers pr�ceptes d'�qui-
mieux encore, qu'ils s'y r�fu-
tai! tinople, o� l'art �ques-
fort loin, puisque le Bas-
dans le quatri�me si�cle, l'in-
apr�s celle de la selle, et deux
�triers,... nous sommes au-
de l'�quitation dut avoir une
tre France, o� les m�urs
sance, et o� elles s'enracin�-
s'y maintinrent longtemps
voisins. Toutefois, il faut
ch�telains avaient, dans leurs
prouesse,et s'ils pr�paraient
qu'ils recevaient en bas �ge,
igpi
mm
XVI" si�cle.
dans leurs castels, suivant les usages du temps, � para�tre avec honneur dans les
tournois, il faut convenir aussi qu'ils se piquaient si peu de science, qu'ils d�daignaient
de savoir lire et �crire, que leurs mains n'�taient habiles qu'� manier la lance ou l'�p�e,
dans les joutes et les combats, et qu'ils �taient dans l'impuissance de transmettre
leurs m�thodes.
« Sans cette cause, quel est l'�cuyer de Naples, de Rome ou cle Ferrare qui l'e�t
disput� au simple gentilhomme qui eut l'honneur de conf�rer � Fran�ois Ier l'ordre
de chevalerie, � notre Bayard, au chevalier sans peur et sans reproche, dont le premier
pas dans la carri�re des armes fut un immense succ�s �questre, d'abord, devant le duc
de Savoie, puis, devant Charles VIII et toute sa suite, qui, d�s ce moment, l'attacha
� sa personne comme page, et l'emmena pour son exp�dition de Naples?
-ocr page 142-
LE CHIC A CHEVAL
99
« Bien mieux, nous sommes autoris� � croire que si Bavard
nous e�t transmis ses pratiques et ses principes, ils n'eussent pas
�t� entach�s de ces moyens violents et barbares que cette �qui-
tation venue des acad�mies de Naples et de Rome importa en
France. 11 suffit, en effet, de jeter un coup d'�il sur les embou-
chures en usage alors, sur les branches monstrueuses destin�es
� les faire agir. » � (Capitaine Picard, Origines de l'�cole de
cavalerie.)
Cependant, comme, � cette �poque, il n'y a pas encore en
France d'�cole bien �tablie, c'est en Italie que les Fran�ais vont
puiser les principes qui vont renouveler l'�quitation.
« Ce sont les Italiens qui ont trouv� des r�gles pour mettre
en pratique les pr�ceptes qu'ils avoient invent�s pour dresser les
chevaux et les rendre capables de servir utilement � la guerre, et
de donner toute la satisfaction et le plaisir possible dans la car-
Bride de parade du cheval
de Henri II.
ri�re. Et comme ils mettoient eux seuls ce bel art en pratique, les
Fran�ois et les autres nations, d�sireuses d'apprendre, �toient
oblig�s d'aller en Italie pour s'y perfectionner. Naples estoit le principal si�ge de
l'Acad�mie, et Rome ensuitte, o� les Fran�ois abondoient en foule pour se rendre
hommes de cheval, mais ceux qui vouloient parvenir � une plus grande perfection,
passoient «� Naples, o� on les tenoit des deux ou trois ans, avant qu'on leur dist seu-
lement s'ils estoient capables d'apprendre et de r�ussir en cet exercice; tant ces mes-
sieurs les escuyers savoient bien faire valoir leurs talents, lesquels asseur�ment ils ne
prodiguoient point comme on fait pr�sentement. Le plus fameux escuyer qui a jamais
est� en Italie estoit un signor Jean Baptista Pignatelli, N�apolitain, demeurant � Na-
ples, lequel n'a jamais �crit, quoy qu'il en fust tr�s capable et des plus habiles qui
ayent jamais est� en Italie. Monsieur de La Broue monta soubs luy cinq ans, mon-
sieur de Pluvinel neuf ans, et monsieur de Saint-Antoine plusieurs ann�es. Le mords
� libert� de langue, qui est pr�sentement fort en usage,
est nomm�e � la Pignatelli. »
Le perfectionnement des armes � feu ayant oblig� l'hom-
me d'armes � diminuer le poids de son armure, cette mo-
dification devait fatalement en amener une dans l'�quita-
tion. « Cette subversion m�tamorphose les cavaliers en
fantassins, et l'�quitation en est cons�quemment amoin-
drie. » � (Capitaine Picard.)
Une chanson, compos�e vers 1562, et qui fait partie de
la collection Maurepas (t. I, f. 121), nous montrera qu'on
xvi'si�cle.                    commen�ait d�j�, alors, � railler les hommes d'armes.
-ocr page 143-
LE CHIC A CHEVAL.
100
Le ton de cette chanson, comme on peut le voir, est loin de ressembler � celui des
romans de chevalerie du quinzi�me si�cle.
Un corporeau fait ses pr�paratifs
Pour se trouver des derniers � la guerre.
S'il en e�t eu, il e�t vendu sa terre ;
Mais il vendit une botte d'oignon.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau avant que de partir,
D�votement fait chanter une messe ;
Et si vous a pri� Sainte-Hardiesse
De n'assaillir jamais que des oysons,
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau bravement se monta
D'un asne fort qui portoit la poir�e,
Et son varlet d'une pecque (1) escroupp�e (2);
Pour son sommier (3) il prit le poullichon.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau gr�ves cuissots (4) et cuissot (5) avoit,
Bien fa�onnez d'une longue citrouille,
Clouez de bois qui jamais ne s'enrouille ;
Un plat d'�tain il print pour son plastron.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau des gantelets avoit,
Dont l'un estoit fait d'osier et d'�clisse (6),
Pour l'aultre il print une grande ecrevisse
Et meit la main dedans le croupion.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau en son escu portoit
Le rouge et blanc de la sommellerie ;
D'ongles de porc sa lance �toit garnie,
Et sa devise �toit : « Nous enfuirons. »
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau une arbaleste avoit
D'ung vieil cerceau, d'une pipe (7) rompue;
Sa corde estoit d'estouppe toute �crue.
De bois tortu estoit le vireton.
Viragon, vignette sur vignon.
(1)  Cheval de rebut.
(2)  Morveux.
(3)  Cheval qui porte les bagages.
(4)  Armure des jambes.
(5) Armure des cuisses.
(6)  Petits b�tons de bois flexibles comme de l'osier.
(7)  Tonneau.
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JEUNE GENTILHOMME DE LA SUITE DE CHARLES-QUINT.
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LE CHIC A
CHEVAL.
Un corporeau une harquebuze avoit
D'ung franc sureau cueilly de ceste ann�e ;
Son casque �toit d'une courge escorn�e,
Et les boullets (1) de navets de maison.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau sa brigandine avoit
De vieux drapeaux et de vieille f�raille,
Et si gardoit pour ung jour de bataille
Ung vieil estoc d'ung viel fer d'Aragon.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau � la montre (2) s'en va ;
Il a pri� monsieur le commissaire
De lui passer sa jument et son haire (3).
Et l'advouer pour vaillant champion.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau au tr�sorier s'en va :
« Morbieu! sangbieu! puisque le roy me paye,
Despechez-vous de me bailler ma paye,
Et me conter des escus ou testons. »
Viragon, vignette sur vignon.
Le tr�sorier en la bource fouilla,
Et lui a dit : « Corporeau vaillant homme,
Contentez-vous, tenez, voil� en somme
Quarante francs en mereaux (4) et jettons. »
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau retourne en sa maison ;
A son retour ses voisins il convie,
Leur dit : « Voyez, je suis encore en vie ;
Gard� me suis de six coups de canon. »
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau � ses voisins conta
Qu'il avait eu contre un reistre querelle,
Et toutes fois qu'� grands coups de bouteille,
Il l'avait fait venir � la raison.
Viragon, vignette sur vignon.
Un corporeau � ses amis jura
Ne retourner jamais � la bataille,
Si pour s'armer n'avoit une muraille
Cent pies d'espais, et un voulge (5) aussi long.
Viragon, vignette sur vignon.
) Projectiles de plomb qu'on lan�ait avec la fronde.
(2)  Parade.
(3)  Sorte de v�tement.
« M�reau » signifie ici les petits cailloux qui servaient � compter.
ique.
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102                                                                 LE CHIC A CHEVAL.
Un corporeau devant Dieu protesta
Que pour la peur qu'il avoit de combattre,
Il aimoit mieux chez lui se faire battre,
Que de chercher si loing les horions.
Viragon, vignette sur vignon.
Cette chanson, d'une saveur toute rabelaisienne, fut compos�e apr�s le massacre
de Vassy, o� avait �t� bless� Fran�ois, duc de Guise. Toute la France prit alors les
armes, ceux-ci pour Guise, ceux-l� pour Cond�. L'auteur a probablement voulu
ridiculiser cette prise d'armes.
Mais, puisque nous en sommes aux chansons, qu'on nous permette de remonter
quelques ann�es plus haut, � 1525, et d'en citer une autre, d'un ton bien plus �lev�.
Ces deux chansons rompront, du reste, heureusement, la monotonie inh�rente � un
expos� chronologique, comme est le pr�sent chapitre.
Chanson sur la bataille de Pavie.
1525.
H�las ! La Palice (1) est mort,
11 est mort devant Pavie ;
H�las ! s'il n'estoit pas mort,
Il seroit encore en vie.
Quant le roy partit de France,
A la malheur il partit ;
Il en partit le dimanche,
Et le lundy il fut pris.
Il en partit le dimanche,
Et le lundy il fut pris;
Rens-toy, rens-toy, roy de France,
Rens-toy donc car tu es pris.
Rens-toy, rens-toy, roy de France,
Rens-toy donc car tu es pris ;
« Je ne suis point roy de France,
Vous ne savez qui je suis.
Je ne suis point roy de France,
Vous ne savez qui je suis;
Je suis pauvre gentilhomme
Qui s'en va par le pa�s.
(1) La Palice, dont il est ici question, �tait le c�l�bre Jacques de Chabannes, sieur de la Palice, mar�chal de
France, tu� � la bataille de Pavie, le 24 f�vrier 1525. Comme s'il e�t pr�vu la triste fin de cette journ�e, il avait
fait tous ses efforts pour emp�cher le roi de livrer bataille.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                103
Je suis pauvre gentilhommme
Qui s'en va par le pa�s. »
Regard�rent � sa casaque
Advis�rent trois fleurs de lys.
Regard�rent � sa casaque,
Advis�rent trois fleurs de lys.
Regard�rent � son esp�e,
Fran�ois ils virent escry.
Regard�rent � son esp�e :
Fran�ois ils virent escry.
Ils le prirent, et le men�rent
Droit au ch�teau de Madry.
Ils le prirent, et le men�rent
Droit au ch�teau de Madry :
Et le mirent dans une chamhre
Qu'on ne vo�oit jour ny nuict.
Et le mirent dans une chambre
Qu'on ne vo�oit jour ny nuict,
Que par une petite fenestre
Qu'estoit au chevet du lict.
Que par une petite fenestre
Qu'estoit au chevet du lit.
Regardant par la fenestre,
Un courier par l� passit.
Regardant par la fen�tre,
Un courier par l� passit,
« Courier qui porte lettre,
Que dit-on du roy � Paris?
Courier qui porte lettre,
Que dit-on du roy � Paris?
�■ Par ma foy, mon gentilhomme,
On ne s�ait s'il est mort ou vif.
Par ma foy, mon gentilhomme,
On ne s�ait s'il est mort ou vif.
� Courier qui porte lettre,
Retourne-t'en � Paris.
Courier qui porte lettre ,
Retourne-t-en � Paris ;
Et va-t-en-dire � ma m�re,
Va dire � Montmorency (1),
fi) Le mar�chal de Montmorency fut charg� de remettre aux envoy�s de Charles-Quint la ran�on des enfants
de France.
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104
LE CHIC A CHEVAL.
Et va-t'en dire � ma m�re,
Va dire � Montmorency:
Qu'on fasse battre monnoye
Aux quatre coins de Paris.
Qu'on fasse battre monnoye
Aux quatre coins de Paris ;
S'il n'y a de l'or en France,
Qu'on en prenne � Saint-Denis.
S'il n'y a de l'or en France
Qu'on en prenne � Saint-Denis;
Que le dauphin on am�ne,
Et mon petit-fils Henry (1).
Que le dauphin on am�ne,
Et mon petit-fils Henry ;
Et � mon cousin de Guise (2),
Qu'il vienne ici me requery.
Et � mon cousin de Guise,
Qu'il vienne ici me requery. »
Pas plus tost dit la parolle
Que Monsieur de Guise arrivy.
Cette chanson est pleine d'une saveur extr�me; le dernier couplet, surtout, et, en
particulier, les deux derniers vers sont d'un grand effet.
Revenons maintenant, aux ma�tres italiens et � l'historique de l'�quitation sous
Henri II.
Pendant le r�gne de Henri II, les tournois et les joutes furent plus en honneur que
jamais. On sait que ce roi mourut d'un coup de lance, que lui porta Montgommery,
clans une joute qui eut lieu au quartier Saint-Antoine. Apr�s la mort tragique du roi, les
joutes furent prohib�es; mais ces f�tes �questres ne tard�rent pas � �tre remplac�es par
d'autres f�tes, tout aussi brillantes, mais moins dangereuses : les carrousels. Les gentils-
hommes abandonn�rent alors les lourdes armures pour de riches v�tements de soie. Il
ne s'agissait plus, en effet, dans ces f�tes, de risquer d'�tre tu� ou estropi�, mais de
faire �talage de luxe, de d�ployer de l'adresse et de la gr�ce.
A partir de ce moment, les nobles cessent d'�tre ces « rudes jouteurs » dont parlent
sans cesse les anciennes chroniques. La raison d'�tre de cet abandon des tournois et des
joutes, il faut, du reste, moins la chercher dans l'accident arriv� � Henri II que dans la
transformation que subissait alors l'art de la guerre. En effet, le r�le des hommes d'ar-
mes, des cavaliers bard�s de fer, luttant sans ordre, chacun pour leur propre compte,
n'�tait plus le m�me sur les champs de bataille. D�s lors, il n'y avait plus grande uti-
(1)  Henri, duc d'Orl�ans, depuis le roi Henri II.
(2)  Claude de Lorraine, premier duc de Guise, cinqui�me fils de Ren� II, duc de Lorraine.
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LE CHIC A CHEVAL.
105
lit� � se livrer � des exercices devenus quelque peu surann�s, et qui ne constituaient plus
une bonne pr�paration � la guerre.
La mode des carrousels fut, du reste, loin d'�tre nuisible aux progr�s de l'�-
quitation. En effet, pour �tre brillant, « gallant », comme on disait alors, un
cheval souple et bien mis �tait indispensable; il fallait, soi-m�me, le monter avec gr�ce
et habilet�. Il en r�sulta que l'�quitation raisonn�e prit une place de plus en plus
importante.
Ce qui le prouve, c'est que les trait�s sur la mati�re se succ�d�rent rapidement; cha-
que auteur affirmant, selon l'habitude, que sa m�thode �tait la meilleure.
En 1567, Clau-
un ouvrage sur
le titre est : « Glo-
Quelques an-
1573, il fait pa-
veau trait�, inti-
lerice, de Messire
de Pavie, dans le-
de la nature des
mani�re de les
dresser, et de tout
te aux chevaux
lerice, augment�
tr�s utiles et tr�s
« D�di� � Vin-
puissant et tr�s
de France,
dio Corte publie
l'�quitation, dont
ria del cavallo. »
n�es pi us tard,en
ra�tre un nou-
tul� : « Le Cava-
Claudio Corte,
quel il est traict�
chevaux, de la
dompter, de les
ce qui se rappor-
et au bon cava-
el orn� de choses
agr�ables,
vincible, tr�s
chr�tien roi
Charles IX.
»
En 1583, Fr�d�ric Grison, gentilhomme napolitain, expose une nouvelle m�thode de
dresser les chevaux de guerre. Son ouvrage, qui se divise en quatre livres, « indique »,
dit le capitaine Picard, « un grand esprit d'observation et une pratique tr�s �clair�e ».
Grison veut qu'on emploie, avec le cheval que Ton dresse, toute la douceur pos-
sible; mais, d�s qu'il croit voir de la mauvaise volont�, il exige une grande s�v�rit�;
souvent m�me il pr�conise d'une fa�on exag�r�e l'emploi de la violence, comme ses
Pr�d�cesseurs.
c< Si le cheval, ou par crainte du travail ou par obstination, ne veut pas s'approcher
^u montoir pour se laisser cheminer, alors vous lui donnerez du b�ton entre les oreil-
les et sur la t�te (mais gardez les yeux), et sur tous les endroits du corps o� il vous vien-
dra mieux � propos, etc. ; et encore le mena�ant avec voix rude et terrible, de sorte
^Ue vous voyant obstin� contre lui, il deviendra doux au montoir comme un agneau,
et sans plus faire r�sistance s'en approchera. Mais, aussi, vous faut-il le caresser toutes
14
OHIfi A CHEVAL.
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106
LE CHIC A CHEVAL.
les fois qu'il s'y rendra de bon gr� et fera ce que vous
voudrez.
« Et, si tous ces moyens ne r�ussissent pas, il faut
le fatiguer en cercle, tant�t � droite, tant�t � gauche,
�peron bavarois ; premi�re moiti� du
XVI" si�cle.
et le faisant suivre par un ou plusieurs hommes arm�s
de baguettes. »
Dans son discours sur l'admiration du noble cheval, Grison s'�crie :
« Or, qui vous pourroit jamais dire � plus de louanges et la grande vertu du cheval?
Qui est celui qui ne le reconnoit Roy des animaux, et tr�s fid�le compagnon des Roys?
Mesmement que Buc�phale, accoustr� de ses harnois royaux, ne voulut jamais se
laisser chevaucher par un autre que son Alexandre; et, bless� � la prise de Th�bes,
ne voulut jamais qu'Alexandre le d�mont�t pour monter sur un autre, semblablement
le cheval de C�sar ne voulut jamais porter autre que C�sar. Il est infinis actes g�n�-
reux et gestes glorieux d'autres chevaux, pour raison desquels, en leur vie, ils ont �t�
caress�s et accoustr� de draps pr�cieux; et, depuis leur mort, honor�s par pompes
fun�bres, braves s�pulchres, hautes pyramides et par vers pleins de leurs louanges.
Alexandre fit b�tir une ville, l� o� Buc�phale fut enterr�, laquelle il nomma, en sa m�-
moire, Buc�phale... Finalement, il ne se peut dire qu'il y eut jamais ny abondances
de vivres, ny brave jeu, ny f�tes accomplies, ny bataille grande o� les chevaux n'ayent
est�; et il n'est degr�, est�t, qualit� ny profession humaine, soit de religion, de lettres
ou d'armes, o� ils ne soient perp�tuellement n�cessaires, etc., etc.. »
11 commence son dressage par le trot, ce qui est assez singulier. La raison de ce
proc�d�, c'est qu'il supposait que, le pas �tant l'allure habituelle du cheval, celui-ci
savait marcher naturellement au pas, ce qui est une erreur. Nos �cuyers modernes
savent, en effet, qu'il est de toute importance d'avoir, avant tout, un cheval bien droit
au pas et de l'�quilibrer � cette allure.
« Mettant au cheval, » dit-il, « le cave�on ou simple licol, tenant dans la main gau-
che les cordes ou r�nes attach�es au cave�on, pr�s du chanfrein, un homme suivant par
sur le droit et sur les vol-
noter, c'est que l'on com-
la n�cessit� de l'accord
�tre le premier qui ait
jambes.
� droite, vous luy ayderez
vous le faites volter �
derri�re, il le faut mener
tes ou cercles. »
Un point important �
mence alors � comprendre
des aides ; et Grison semble
r^w
conseill� de se servir des
�peron bourguignon; commencement du
XVI" si�cle.
« Si vous le faites volter
du cost� gauche; et, si
gauche, vous luy ayderez du c�t� droit.
« 11 sera toujours meilleur, avant de luy apprendre � galoper, de l'exercer sur le
parer et les pesades. »
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          107
Le premier, aussi, il a pens� � donner de la l�g�ret� au cheval en le faisant reculer :
« Quand le cheval p�sera trop sur la bride, et qu'en cheminant il forcera la main du
cavalier, il faudra, chaque fois qu'il l'arr�te, le faire reculer quelques pas.
« Outre les voltes et les ronds dont je vous ai parl�, qui sont merveilleusement
Fin du XVI" si�cle et commencement du XVII0.
propres pour donner haleine et appuy et pour rendre le cheval juste et l�ger, il serait
bon, tous les matins, par l'espace de dix � douze jours, de faire gravir au cheval une
longue mont�e d'un mille, au pas furieux, tant qu'il le pourra souffrir, et puis, apr�s,
le faire descendre par le m�me chemin; et, encore, si cette mont�e est labour�e �
sillons ou raies � travers, d'autant plus le cheval haussera les bras; mais, alors, il
faudra aller de mesure et non si vite... et il deviendra plus gaillard, avec meilleure
haleine et plus juste de bouche. Et, encore, s'il buttoit des fers de derri�re avec ceux
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LK CHIC A CHEVAL.
108
de devant, le faisant monter en ceste sorte, il se corrigera de fa�on qu'il ne se touchera
plus si souvent. »
C'est �galement Grison qui a donn�, le premier, les indications de ce qu'on appelle
les airs; la pesade, qui lui servait � rendre le cheval l�ger du devant, et la ruade,
� le rendre l�ger du derri�re. En faisant ex�cuter simul-
tan�ment la pesade puis la ruade, il avait la capriole.
Grison recommande d'employer la voix � l'aide de cha-
que mouvement, et de varier ces intonations. Si l'on veut
encourager le cheval, on criera : « Hap! hap! » ou : « Hep!
hep! » Si l'on se propose de le faire sauter ou ruer : « Hop!
hop ! » Si le cheval oppose de la r�sistance, on poussera un
cri �pre et mena�ant, et on s'�criera d'une voix propre �
l'effrayer : « Or, sus! or l�! or l�! Ha! ha, tra�tre! Ha, ri-
baud! Tourne, tourne, arr�te! Tourne cy! Tourne l�! »
« Mais, aussi, quand il sera vaincu et r�duit, il faudra in-
continent se taire et, avec un ton plaisant, le caresser sur l'en-
colure, etc., etc., disant � voix base : « Ho, ho! Ho, ho! »
« A la passade, et pour l'encourager, le chevaulcheur dira :
« Eya, eya! » ou « Vie, vie! etc.. »
Le quatri�me livre nous donne la m�thode employ�e par
Fr�d�ric Grison pour dresser le cheval de guerre.
« Il commen�ait par aller au pas, puis au trot, parlant
avec douceur � l'animal, la baguette entre les deux oreilles,
Chanfrein ; commencement du
XVIe si�cle.
puis de chaque c�t� de la t�te, et pr�s des yeux, le cares-
sant ensuite en la lui passant sur le cou; et, quand il parais-
sait bien tranquillis�, il pla�ait un homme face � face avec lui, un b�ton � la main, fai-
sant mine de vouloir le frapper par la t�te. Il caressait alors de nouveau le cheval,
le for�ant � marcher sur l'homme, qui reculait aussit�t et semblait fuir.
« Apr�s cette premi�re �preuve, l'homme � pied prenait une �p�e et ex�cutait, avec
elle, la m�me pantomime qu'avec le b�ton. Fr�d�ric Grison passait ensuite � plusieurs
pi�tons qui renouvelaient, tous ensemble, la premi�re et la seconde �preuve, mena�ant
le cheval � haute voix et allant trois fois sur lui : la premi�re, au pas; la deuxi�me,
en courant; la troisi�me, en sautant; puis ils prenaient la fuite; alors l'�cuyer
fon�ait sur eux. Les hommes devaient bien prendre garde de ne pas frapper l'a-
nimal.
« Pour accoutumer plus vite un jeune cheval, l'�cuyer le mettait souvent entre deux
chevaux aguerris; puis il faisait sonner la charge, l�cher l'arquebuse; et, pendant ces
exercices, il encourageait son cheval de la voix, le caressait, etc.. Apr�s que ces
�preuves intelligentes �taient termin�es, Fr�d�ric Grison mettait deux cavaliers en
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SEIGNEUR ALLEMAND DU XVIe SIECLE.
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109
LE CHIC A CHEVAL.
que les deux chevaux se
des cavaliers reculait son
courage � l'autre,
cices pr�paratoires avaient
ne plus rien craindre, il
de plusieurs chevau-
eux une rencontre et ex�-
sades, les courbettes, les
pr�sence, de telle fa�on
voyaient face � face : l'un
cheval pour donner du
« Puis, quand ces exer-
bien dispos� le cheval �
faisait une petite guerre
cheurs, simulant entre
cutant les voltes, les pas-
cabrioles, etc., etc..
« A c�t� de judicieuses           ,                                            remarques, des principes
�trier de Wolfgang de Neubourg,
extraordinaires : il vou-             prince de ia maison de Bavi�re.              lait que le cheval f�t plac�
la t�te basse, parce qu'il                                                       trouvait un avantage,
Pour se servir de ses armes contre un cavalier, d'avoir « le cheval ayant le mufle
entre les jambes, ce qui n'est pas moins profitable contre les hommes � pied qui se
jettent toujours � la t�te des chevaux ».
La position � cheval qu'il pr�conisait n'�tait pas moins bizarre :
« Je veux que l'on se tienne droit sur les �triers, que l'�trier de droile soit plus
court que l'autre pour ce qu'en combattant on s'appuie toujours de ce c�t�, que le
nez du cavalier soit sur le toupet, entre les deux oreilles du cheval. Je ne veux pas que,
comme les anciens chevaliers, la pointe du pied soit tourn�e en dedans, mais lorsque
je tourne la t�te, sans effort, la pointe du pied soit au bout de mon nez et la gaule
entre les oreilles du cheval. »
En r�sum�, travail de pied ferme, rassembler, mise en main, mobilisation et im-
mobilisation des
pesade, ruade, ca-
de mains, reculer
de c�t�, assouplisse-
Peron, travail de la
Perche de la l�g�-
par�, dressage du
de guerre, telles sont
n�esde la m�thode
« Sans doute ces
M�langes incoh�-
rees par des moyens
nent de la civilisa-
membres, jambette,
briole, oppositions
mieux compris, pas
ments, arr�t sur l'�-
jambe oppos�e, re-
ret�, �quilibre pr�-
cheval aux exercices
les principales don-
de Fr�d�ric Grison.
d�couvertes ont des
rents et sont d�natu-
empiriques qui tien-
tion encore barbare
Plaque de devant d'une selle du XVI0 si�cle.
ri
cette �poque , mais il faut faire la part de chaque temps et juger le m�rite de
devanciers suivant les moyens d'action qui ont �t� mis en leur pouvoir. » � (Ca-
me Picard, Origines de l'�cole de cavalerie.)
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LE CHIC A CHEVAL.
110
En 1559, Francisco Lanfray, �cuyer italien et �l�ve de Grison, publia les principes de
son ma�tre, sous ce titre :
« L'�curie du sieur Fr�d�ric Crison, gentilhomme Napolitain, en laquelle est
montr� l'ordre et l'art de choysir, dompter, piquer, dresser et monter les chevaux,
tant pour l'usage de la
modit�de l'homme, avec
guerre qu'autre com-
tes figures de diverses
Naguerre traduite d'Ita-
vellement revue et aug-
dentes impressions. Plus
tiers pour les maladies
par le signor Fran-
italien. »
ra�t « YAnatomia del
suoiremedii
», par Carlo
Saint-Antoine, il n'a rien
sortes de mors de bride,
», - �
lien en Fran�ois, et nou-
ment�e outre les pr�c�-
les rem�des tr�s singu-
F t
cles chevaux adjoustez
cisco Lanfray, escuyer
En 1559 ou 1560, pa-
Cavallo, infirmita et
Ruini. Quant � M. de
7/
^,
�crit; mais, camarade
de Pluvinel, � l'acad�-
rest� c�l�bre comme
« M. Saint-Antoine,
d'�cole de La Broue et
mie de Pignatelli, il est
homme de cheval.
Fran�ois, estoit fort bon
XVII"
homme de cheval, en-
voy� de France par
Henry IV, pour apprendre au prince Henry d'Angleterre. M. de La Coste fut
son page, et travailloit admirablement bien, principalement les chevaux sauteurs.
M. de Boyclair monta sous luy et estoit un excellent homme de cheval. M. Fon-
tenay, qui estoit ou son neveu ou son fils naturel, car il luy donna tout en mourant,
estoit aussi un fort bon homme de cheval, mais pas un de ceux-l� n'a jamais �crit
de la m�thode ni l'art de monter � cheval. »
Les �crivains dont nous allons avoir � parler maintenant sont des �crivains fran-
�ais. Celui dont nous nous occuperons tout d'abord est le c�l�bre La Broue, n�,
�lev� en Gascogne « et nourri page avec beaucoup d'honneur en la maison de
Monseigneur le comte d'Anbjoux. »
« Cette premi�re saison de ma vie, » dit-il dans son livre, « a �t� occup�e � suivre
Monseigneur aux arm�es, � la cour, � la chasse, et quelquefois � l'exercice de mon-
ter � cheval; mais, le plus souvent, � une infinit� de d�bauche et singeries aux-
quelles la jeunesse fol�tre et licencieuse, portant l'habit de page, se pla�t d'ordinaire,
autant qu'elle est ennemie de l'�tude, qui, avec la vertu, apprend � bien discourir. »
Ses deux ouvrages : « l'�ducation de la jeunesse » et « le Cavalerice Fran�ois »
sont rest�s c�l�bres dans les annales de l'�quitation.
Le cavalerice Fran�ois, compos� par Salomon de La Broue, escuyer d'escurie
du Roy et de Monseigneur le duc cl'Espernon, contenant les pr�ceptes principaux
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          111
qu'il faut observer ^------->. ^^r~~~^           exactement pour bien
dresser les chevaux // S*~~~\ \\ A f "\ \       aux exercices de la
carri�re et de la cam- ' f il xVH I j     pagne. Le tout divis�
en trois livres. v\ lj \%\ il
«. Le premier tr aide \\ �3/ \^ LJ       de V ordre g�n�ral et
plus facile des susdits    Fer , onilUs de chaU ou Fers. sous_pieds et cram_    exercices et de la pro-
nri�f� dll CflDfl�ipr                       Varagonnaise.                        pons, � l'aragonnaise.
« Le second, des                                                                     modernes et plus
justes proportions de tous les beaux airs de man�ges.
« Le troisiesme, des qualilez de toutes les parties de la bouche du cheval et des di-
vers effets de plusieurs brides diff�rentes pourtraites et repr�sent�es par leurs justes
mesures aux lieux n�cessaires.
»
Son premier chapitre est intitul� : « Avis du sieur de La Broue sur le devoir de
l'escuyer de grande escuirie.
»
« M. de La Broue, comme tous les grands ma�tres, a excit� un enthousiasme et
un d�vouement difficiles � d�crire parmi ses �l�ves.
« Dans ce travail, il prend le jeune page � douze ans et le conduit � l'�ge o� il
devient homme. Il lui apprend ses devoirs civils, religieux et militaires ; il lui indique
tout ce qu'il est n�cessaire au chevalier de conna�tre, et l'initie aux d�tails que com-
portent les diff�rents arts de sa profession. M. de La Broue passe en revue le temps de
paix, le temps de guerre, car les devoirs variaient suivant ces deux phases. Pour bien
comprendre la port�e du travail de l'auteur, il faut suivre le jeune page faisant son
apprentissage du service � l'�curie, � la carri�re, au tournoi, au carrousel et � la
guerre; on aura une id�e juste de l'importance d'une bonne direction dans les tra-
vaux de la jeunesse de cette �poque.
« Les ha-                                                                                              billements et
Jes armures                     ^r %                               i                             y sont d�crits,
ainsi que tou-                    ISS�                              / ."*■' pre"
cautions �                    Ia/vW»                           Jlr^%l                   prendre dans
«te exercices                  SiSS                           fif;'®?fl                 et le combat.»
� (Ca.pita.nc                 mmimM                           Mv&�mM�                Picard.
La Broue                 fa 'Il                                                            estlepremier,
Cr°yons-nous                 fMf 1                          lll�Sl               qai exige le
bl>idon pour                p ^' -M                          E H 1              le commen"
cement du     ,s~~( ~ ^IL^ mmj�^Mr              dressage. Du
reste, avec lui     'i$ff5p                 fK;i     ^88»                     1    et ses succes"
«eurs, nous    * ^%'l$'$S):.,   F�W       :' %&   allons voir
Peu � peu dis-             M          m                               JF*��F$            para�tre les
ni°rs � con-                                          Et��auxvi°si�cle.                                         formations
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112                                                          LE CHIC A CHEVAL.
extraordinaires. Il faudra, cependant, encore plus d'un si�cle avant qu'on raccourcisse
compl�tement les branches de la bride.
En lisant l'ouvrage compos� par La Broue, on comprend ais�ment l'enthousiasme
qu'il excita, l'influence qu'il exer�a, et le renom que lui valut ce travail. Ce travail,
en effet, fait �poque dans l'histoire de l'�quitation. La Broue est le premier �crivain fran-
�ais qui ait �crit, sur les mati�res hippiques, un livre remarquable � bien des titres. Peu
d'ouvrages sur l'�quitation sont trait�s d'une fa�on aussi juste et aussi savante. Du
reste, les quelques extraits qui suivent feront mieux appr�cier le m�rite de La Broue,
par les hommes du m�tier, que tous les �loges que nous pourrions lui prodiguer :
« Ce n'est pas tout que le cavalier soit curieux de s'�quiper proprement et de faire
bien agencer le cheval, je veux aussi que, �tant � cheval, il ait l'assiette juste et belle,
� savoir qu'il tienne la t�te droite et le visage directement � l'opposite de la nucque
du cheval, espaules �galement droites et nivel�es, plut�t un peu pench�es en arri�re
que trop en avant, sans que la droite soit plus recul�e que la gauche, comme il advient
d'ordinaire si l'on y pense curieusement, � cause de la posture du bras de la bride, qui
n�cessairement est le plus avanc� et aussi de la plus part des actions de celui de l'�-
p�e, ou de la gaule, qui de nature se fait plus facilement en arri�re qu'en avant : le
poing de la bride, �la hauteur et au niveau du coude d'iceluy et, commun�ment, environ
trois ou quatre doigts plus haut que la t�te de l'ar�on de la selle, et deux doigts plus
avanc�s que l'os de la hanche, un peu plus ouvert plus souvent et loin du corps que
celui de la bride. La gaule, le plus souvent mouvente, ayant pointe en haut, l'estomac un
peu avanc� pour ne pas para�tre avoir les �paules vo�t�es ; les fesses avanc�es aussi afin
de ne pas se trouver assis trop loin de l'ar�on de devant, ce qui est une particularit�
mals�ante; les reins droits et roides; les cuisses fermes et comme coll�es dedans la
selle; les genoux serr�s et plut�t tourn�s en dedans qu'en dehors; les jambes autant
proches du cheval qu'il se pourra, tendues et droites, comme quand on est � pied. »
De m�me que Fr�d�ric Grison, il veut r�trier droit plus court que le gauche, « parce
que le premier soutient davantage la plus grande part des actions du corps et mieux
celles du bras droit du chevalier. Et qu'il ne saurait donner un grand coup d'�p�e ni
de gaule, empoigner un homme ni faire beaucoup d'autres mouvements forts et vio-
lents que s'il ne s'appuye beaucoup plus sur l'estrier droit que sur le gauche ; et aussi
parce que s'il re�oit un coup de
                                    lance , c'est commun�ment du
c�t� gauche, qui par cons�quent                         _�> le pousse sur l'estrier droit; et
s'il donne un semblable coup, m/ik v^l^� il en est �galement ramen� sur
le m�me c�t�, parce que la lance v^W~i|P se doit rompre croisant un peu
en biais sur l'oreille gauche du
        ^ « tIt          cheval ; et pour la moindre rai-
son, l'estrier gauche �tant le ^^iMj              P^usn�n on y me^ P^us. a*s^~
ment le pied pour monter � *>�^7 y              cheval. »
Le chapitre sur les chevaux             Xvi> si�cle.             r�tifs est des mieux faits et des
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HOMMES D'ARMES DU XVI" SI�CLE.
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113
LE CHIC A CHEVAL.
plus int�ressants. Les id�es en sont neuves et presque toujours justes. M. de La
Broue, du reste, r�pudie bon nombre des erreurs de ceux qui Font pr�c�d�. Sa mise
en main, bien plus rationnelle que celle de Grison, est bas�e sur le principe d'arr�ter
et de rendre, au lieu de r�-
ce
dernier.
Il ne veut pas qu'on batte
bien qu'on lui apprenne �
frayent.
Ensuite il classe de la fa�on
/. Pour avoir �t� trop battus
�t� trop battus et gour-
III. Les chevaux r�tifs et
vaux r�tifs ou entiers �
f�rence du r�tif � l'entier
sister pour faire c�der, de
le cheval qui a peur, mais
conna�tre les objets qui l'ef-
suivante les chevaux r�tifs :
sur la t�te. � //. Pour avoir
mand�s des esp�rons.

malicieux. IV. Les che-
quelque main, avec la dif-
sur les voltes.
XVI" si�cle.
« Il est difficile, » dit le capitaine Picard, « d'apporter un esprit d'observation
plus droit que ne l'a fait M. de La Broue dans la peinture qu'il a rendue des dif-
f�rents caract�res des chevaux, et dans les moyens sages qu'il emploie pour les
rendre � leur naturel primitif, quand les maladresses des hommes les en ont sortis. »
« Souvent, » dit La Broue, « il arrive que des chevaux m�lancoliques sont vrai-
ment r�tifs de pure malice et, peut-�tre, pour avoir �t� redout�s des chevaliers qui
les ont exerc�s. »
Il indique tr�s nettement le principe des flexions d'encolure, que Baucher reprendra
plus tard, comme une chose neuve, et que tous les �cuyers un peu habiles ont d�
toujours employer, sinon th�oriquement, au moins pratiquement.
Notons encore cette phrase qui, � elle seule, suffirait pour mettre M. de La Broue
hors de pair : « La plus grande et g�n�rale preuve que le cheval puisse montrer de
Ses forces et de son
faire un bel arrest,
fin d'une longue et
Il convient de ne
arr�t ferme et l�ger
� fond de train, ar-
et le nez en l'air,
admirer fr�quem-
La Broue touche
ob�issance , est de
ferme et l�ger, h la
furieuse course. »
pas confondre cet
avec celui du cheval
r�t� sur les jarrets
Ce spectacle, on peut
ment en Alg�rie,
m�me quelquesmots
�triers allemands.
Ja mise en main � l'�peron : « Aussi le peut-on quelquefois contraindre de baisser
la t�te
et d'approcher le nez vers la poitrine (m�mement s'il est ramingue et fort
sible) en le serrant discr�tement des deux �perons entre l'aisselle et la premi�re
&le, tenant les jambes le plus ferme qu'il sera possible. »
C,ll<: A CHEVAL.
15
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LE CHIC A CHEVAL.
114
En lisant ce qui suit, les d�tracteurs actuels du man�ge verront quel �tait le but
que se proposait toute cette savante �quitation :
« A quoi servirait au cavalier de ne savoir que tourner � droite et gauche,
parer, volter, etc., s'il ne sait sauter les haies et les foss�s en rase campagne,
s'il ne sait apprendre ces exercices au cheval, et tout ce qui est n�cessaire � l'homme
de guerre? Le man�ge, selon les meilleurs �cuyers, serait inutile s'il ne condui-
sait au r�sultat de pouvoir faire faire au cheval, en rase campagne, toutes les dif-
ficult�s �questres; et celui qui sait, dans son man�ge, annihiler les forces instinc-
tives du cheval peut fort bien �tre embarrass� quand il a entre les jambes un ani-
mal dont les forces instinctives sont autrement d�velopp�es au dehors, o� son ap-
pareil de relation est en quelque sorte priv� d'aliment puisqu'il n'a que les quatre
murs en face de ses organes. »
La Broue indique alors comment il faut apprendre, progressivement, au cheval
� sauter la claie, d'abord, puis le foss�.
Naturellement, il recommande la chasse, comme tr�s utile au cheval cle guerre,
puis la course des bagues, etc., etc..
En r�sum�, M. de La Broue fit faire d'immenses progr�s � l'�quitation : on peut
dire, sans exag�ration, qu'il est le fondateur de l'�quitation moderne. Ses principes
sont rest�s; et c'est � juste titre que ses contemporains le regardaient comme
un des plus �minents entre les hommes de cheval.
Selle de la mule d'un pr�lat.
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CHAPITRE X.
DIX-SEPTIEME SIECLE. � PLUVINEL ET SES SUCCESSEURS.
ntoine de La Baume Pluvinel! quel est l'homme de cheval
qui n'a entendu retentir ce nom � ses oreilles? Quel
est l'artiste qui n'a feuillet� les planches de Crispian
de Pas? Quel est l'�cuyer qui n'a lu au moins des ex-
traits de « l'Instruction du Roy en l'exercice de mon-
ter � cheval
»? Certes, voil� un nom dont l'histoire
de l'�quitation fran�aise a le droit de s'enorgueillir.
Pluvinel naquit en 1555, � Crest, dans le Dauphin�.
D�s l'�ge de dix-sept ans, il se fit remarquer par son
habilet� et ses aptitudes �questres. �l�ve de l'�-
cole d'Italie, qui �tait la seule o� l'on p�t alors se perfectionner, il en sortit
ecuyer accompli. Le duc d'Anjou, qui fut ensuite Henri III, le prit comme premier
ecuyer, l'emmena avec lui en Pologne, et le ramena en France, lorsque la mort de
Charles IX l'appela au tr�ne de France. Sous Henri IV, il fonda une acad�mie
°U �cole d'�quitation. Il devint ensuite directeur de la grande �curie, chambellan,
sous-gouverneur du dauphin (Louis XIII), ambassadeur en Hollande, conseiller au
c°nseil d'�tat et ecuyer principal. Il fut, plus tard, pr�cepteur du duc de Vend�me;
et> enfin, gouverneur de la grosse tour de Bourges.
W avait mis par �crit les principales r�gles de sa m�thode, pour l'usage du dau-
phin.
Ce manuscrit, il le tenait soigneusement cach� � tous, et il le montra, quel-
le temps seulement avant sa mort, � son �l�ve et ami Ren� de Menou Charnizay.
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116
LE CHIC A CHEVAL.
Celui-ci, sur l'ordre du roi, publia, en 1626, un volume in-4°, accompagn� de 66 plan-
ches, et portant le titre suivant :
« L'instruction du Roy en l'exercice de monter � cheval par Messire Antoine
de Pluvinel, son sous-gouverneur,
etc., etc., etc.. Lequel respondant � Sa Majest�,
luy faict remarquer l'excellence de sa m�thode pour r�duire les chevaux en
peu de temps � l'obeyssance des justes proportions de tous les plus beaux airs
et maneiges. Le loid enrichy de grandes figures en taille-douce, repr�sentant
les vrayes et na�ves actions
des hommes et des chevaux
en tous les airs, et ma-
neiges, courses de bague,
rompre en lice au Quintan
et combattre � l'Esp�e :
ensemble les figures des
brides, les plus n�cessaires
� cet usage, desseign�es et
grav�es par Crispian de
Pas. A Amsterdam, chez-
Jean Schirper avec pri-
vil�ge du Roy Tres-Chres-
i m\
tien. »
Selle de VAnneria real de Madrid; fin du XVI" si�cle.
Ren� de Menou Charnizay
commence par une d�dicace
au Roi, d�dicace dans laquelle il loue fort, et en termes �mus, son ancien ami :
« l'ayant c�gnu pour le plus excellent de tous ceux qui ont jamais chauss� les esp�-
rons, pour mettre l'art dont je parle � sa perfection; le plus doux pour faire con-
cevoir aux hommes la mani�re d'atteindre au vray poinct de la science, le plus bret
en toutes sortes d'inventions, pour tirer des chevaux, sans beaucoup les travailler,
ce qu'on d�sire d'eux; le plus poly en ce qui d�pend de la perfection du chevalier;
et qui en a rendu de telles preuves, qu'il se peut dire de luy avec v�rit�, qu'il a
plus dress� d'hommes et de chevaux, que tous ceux qui s'en sont meslez depuis
cent ans. »
Comme le dit le titre, l'ouvrage est fait sous forme de questions du Roi et de r�-
ponses de M. de Pluvinel.
Le Roi s'adresse d'abord � M. le Grand, c'est-�-dire � M. de Bellegarde. grand �cuyer
de France. Ce nom de Bellegarde n'�veille-t-il pas mille souvenirs chez l'homme de
cheval? Le nom de Bellegarde, en effet, est inscrit en lettres d'or partout o� l'on
monte � cheval, et il me souvient, pour ma tr�s humble part, lorsque j'�tais ca-
valier-�l�ve � Saumur, de m'�tre bien souvent �chapp�, pour aller, en cachette,
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COESAR-AUGUSTE DE BELLEGARDE,
marquis de Termes, comte de Montbard, chevalier des ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel,
grand ecuyer de france.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          117
au man�ge des �cuyers, admirer M. de Bellegarde, alors capitaine �cuyer � l'�-
cole; et, s�rement, nul de ceux � qui leur bonne chance a procur� ce plaisir n'ont
oubli� quel remar-
cheval il �tait, au mi-
Pl�iade d'�cuyers, de
sous-ma�tres de ma-
lais , apr�s ce juste
rendu � un homme
revenons au dialo-
Roi, le grand �cuyer
Louis XIII, donc,
Grand lui dit : « Mon-
quable homme de
lieu de cette brillante
sous-�cuyers et de
n�ge.
tribut d'admiration
de cheval �minent,
gue engag� entre le
et Pluvinel.
s'adressant � M. le
sieur le Grand, puis-
force me permettent
que j'ay, il y a long-
�bien mener un che-
que mon aage et ma
wr"^wm*''^wny<jBi�reJairf^>lit^«"Jt'«*1
'«Wi./fllLU-M�MV.-HMj^^.,^,
de contenter le d�sir
temps, d'apprendre
Selle � la Pluvinel.
val pour m'en servir, soit � la teste de nos arm�es, ou sur la Carri�re pour les ac-
ions de plaisir : je veux en s�avoir non seulement ce qui m'est n�cessaire comme
^015 mais aussi ce qu'il en faut pour atteindre � la perfection de cet exercice afin de co-
buoistre parmy tous ceux de mon Royaume les plus dignes d'estre estimez. »
M. le Grand lui r�pond : « Sire, Vostre Majest� a raison de souhaiter passionn�-
ment d'apprendre le plus beau, et le plus n�cessaire de tous les exercices qui se
Pratiquent au monde, non seulement pour le corps, mais aussi pour l'esprit; comme
� de Pluvinel luy donnera parfaitement � entendre, estant tr�s aise de ce qu'il a
c°re assez de vigueur pour enseigner � Vostre Majest� la perfection de cette
science. »
U1s� le Roi demande � M. de Pluvinel en quel sens il entend que l'exercice du
eval n'est pas seulement n�cessaire pour le corps, mais aussi pour l'esprit.
Voici la r�ponse de Pluvinel :
' L'homme ne le peut apprendre qu'en montant sur son cheval, duquel il faut
1U il Se r�solve de souffrir toutes les extravagances qui se peuvent attendre d'un
lmal irraisonnable, les p�rils qui se rencontrent parmy la chol�re, le d�sespoir, et
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*
118                                                          LE CHIC � CHEVAL.
la laschet� de tels animaux, joincte aux appr�hensions d'en ressentir les effects.
Toutes lesquelles choses ne se peuvent vaincre ny �viter, qu'avec
la cognoissance de la science, la bont� de l'esprit, et la solidit�
du jugement : lequel faut qu'il agisse dans le plus fort de tous
ces tourments, avec la m�me promptitude, et froideur que fait
celuy qui, assis dans son cabinet, tasche d'apprendre quelque chose
dans un livre. Tellement, que par l�, Vostre Majest� peut cognoistre
tr�s clairement, comme quoy ce bel exercice est utile � l'esprit, puis-
qu'il l'instruict, et l'accoustume d'ex�cuter nettement, et avec ordre,
toutes ces fonctions, parmy le tracas, le bruict, l'agitation et la peur
continuelle du p�ril, qui est comme un acheminement pour le rendre
capable de faire ces mesmes op�rations parmy les armes, et au mi-
lieu des hazards qui s'y rencontrent; y ayant encores une chose
Botte � la piuvineiie. tr�s digne de remarques, et tr�s n�cessaire pour les grands Roys :
c'est que la plus-part des hommes, et mesmes ceux qui sont destinez
pour leur enseigner la vertu, les flattent le plus souvent : mais si, en cette science,
je voulois flatter Vostre Majest�, j'aurois la honte qu'un animal sans raison m'ac-
cuseroit de faux devant elle, et par cons�quent d'infid�lit� : c'est pourquoy, afin que
je n'encoure cet inconv�nient, elle ne trouvera mauvais, s'il luy plaist, si en la re-
prenant je dis la v�rit�.
« Quant � ce qui touche le profit que le corps re�oit au continuel usage de cet exer-
cice, c'est qu'outre qu'il oblige l'homme � vivre sobrement et reiglement, il le rend
libre en toutes les parties, le fait �viter toutes sortes d'excez et de desbauches, qui pour-
raient troubler la sant�, s�achant bien estre impossible � celuy qui ressent la moindre
incommodit� en sa personne, de pouvoir entreprendre quoy que ce soit, � cheval de
bonne gr�ce, ny autrement. »
Apr�s avoir d�crit au Roi le costume qu'il trouve le plus propre � l'�quitation, Plu-
vinel, sur une question de Louis XIII, lui explique la diff�rence qui existe entre le bel
homme de cheval et le bon homme de cheval; ces lignes auraient pu �tre �crites hier,
elles seront bonnes � lire demain, �tant de toute v�rit�, et en dehors de la mode.
« Je la fais tr�s grande, cette diff�rence, Sire, car encores qu'il soit bien mal-ais�
d'estre bon homme de cheval, neantmoins on peut estre bel homme � cheval sans
�tre bon homme de cheval : d'autant qu'il suffit d'estre bien plac� sur le cheval depuis
la teste jusques aux pieds, pour se dire bel homme de cheval; et celuy qu'on aura
veu en ceste posture cheminant seulement au pas, se pourra dire beau : et s'il a assez
de fermesse pour souffrir un plus rude maniement en gardant sa belle posture, il ac-
querra tousjours r�putation de bel homme de cheval, quand mesmele cheval ne feroit
rien qui vaille quoique bien dress�. Car si l'homme garde tousjours sa bonne pos-
ture, on accusera plust�t son cheval que luy, et n'y aura que les tr�s s�avants qui ve-
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119
CHIC A
CHEVAL.
LE
connoistront d'o� vient la faute; d'autant que la plus-part ne peuvent pas s'imaginer
qu'un homme puisse �tre ferme, et en bonne posture, sans estre bon homme de cheval.
Comme aussi pour bien faire et acqu�rir la perfection de la science, il faut commen-
cer, continuer, et finir par la bonne posture du chevalier; parce qu'il y a bien plus de
plaisir de voir un bel homme de cheval ignorant en la science, qu'un tr�s s�avant de
mauvaise gr�ce. Mais, pour estre parfaitement bon homme � cheval, il faut s�avoir,
par pratique et par raison, la mani�re de dresser toutes
|
                                      sortes de chevaux � toutes sortes d'airs et de man�ges;
jp                                    connoistre leurs forces, leurs inclinations, leurs habi-
V^m<m0m^%s^M^ tudes, leurs perfections et imperfections, et leur nature
-=====A
                                   enti�rement; surtout cela faire agir le jugement, pour
�peron de l'armure de Louis xiii. scavoir � quoy le cheval peut estre propre, afin de n'en-
treprendre sur luy que ce qu'il pourra ex�cuter de bonne
gr�ce : et ayant cette cognoissance commencer, continuer, et achever le cheval avec
la patience, et la r�solution, la douceur, et la force requise, pour arriver � la fin o�
le bon homme de cheval doit aspirer; lesquelles qualitez se rencontrant en un homme,
on le pourra v�ritablement estimer bon homme de cheval. »
Rajeunissez les lignes qui pr�c�dent ou, plut�t, changez-en l'orthographe, et mettez-
les en t�te de n'importe quel trait� d'�quitation, vous ne pourrez rien dire de plus
sens� et de plus vrai. Naturellement, le Roi demande quelles sont les qualit�s requises
pour �tre bon homme de cheval, et M. de Pluvinel, prenant pour mod�le M. de Belle-
garde, explique au jeune Roi quelle doit �tre le position de l'homme � cheval.
« Vous remarquerez donc, Sire, s'il vous plaist, quelle est sa posture, depuis la
teste jusques aux pieds, » etc.. Et il prononce, entre autres, cette phrase qui para�tra,
sans doute, superficielle aux profanes, mais qui, cependant, a sa grande importance :
« Consid�rez la gayet� de son visage, car c'est une des parties tr�s requises au che-
valier, d'avoir la face riante, en regardant quelquefois la compagnie, sans la gu�re
tourner ny �� ny l�, <ifin que cette gayet� face cognoistre qu'il n'est
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120                                                         LE CHIC A CHEVAL.
vous le voyez, de mesmes que quand on est sur ses pieds... » Ce pr�cepte est certai-
nement moins bon que ce qui pr�c�de; mais la position que pr�conise Pluvinel est
celle qui �tait exig�e depuis le commencement du moyen �ge jusque vers Louis XV,
�poque � laquelle on commencera � plier la jambe.
«... Et que Vostre Majesl�, » dit-il en forme de p�roraison, « que Vostre Majest�
retienne (s'il luy plaist) que nous n'avons point d'autre tenue, ny n'en devons
esp�rer que celle-l�... »
Le Roi demande alors � M. de Pluvinel de lui indiquer l'ordre dans lequel il
proc�de et pour le dressage des hommes et pour celui des chevaux. Il s'enquiert
aussi s'il faut instruire l'homme et le cheval en m�me temps.
Ce � quoi Pluvinel r�pond :
« Sire, encores qu'il ne soit pas impossible de dresser un homme et un cheval tout
ensemble, quoy qu'ils soient tous deux ignorans : n�antmoins, � cause qu'il y a plus
de difficult�, s'il m'est possible, je d�sire dresser l'homme le premier, etc., etc.. Ayant
estim� que le moyen de parvenir � toutes ces choses, avec la fermet� et la bonne pos-
ture que je d�sire du chevalier, estoit de le mettre premi�rement sur un cheval dress�,
pour luy donner parfaite cognoissance de ce que je viens de dire, afin qu'apr�s qu'il
le s�aura, il puisse plus facilement juger le bien et le mal que le cheval ignorant
ex�cutera sous luy, pour le caresser du bien et le ch�tier du mal... Voil� pourquoy,
Sire, je voudrois commencer � dresser l'homme le premier... »
Louis XIII s'informe alors par quels moyens on peut arriver � cette justesse et �
cette science qu'il admire, et, surtout, comment on peut faire pour l'enseigner :
« Et, remarquera Vostre Majest�, » lui r�pond M. de Bellegarde, « que pour atteindre
cette perfection, il convient que celuy qui enseigne, et qui veut pratiquer cette m�-
thode soit plein de patience et de r�solution, tout ensemble : deux choses que M. de
Pluvinel vous pourra dire en deux mots. »
On passe ensuite � l'examen des diverses races de chevaux « les plus propres pour
bien servir soit en guerre, soit sur la carri�re ».
Il est assez int�ressant de conna�tre, sur ce point, l'avis de Pluvinel, car cet avis
peut montrer quelles �taient ces races, et ce qu'elles valaient au juste.
« Sire, plusieurs provinces nous donnent des chevaux : ceux que nous avons Ie
plus commun�ment viennent d'Italie, o� la plus-part des races � pr�sent sont perdues
et abastardies; tellement qu'il ne nous en arrive plus de si bons. D'Espagne nous en
avons rarement, encores ceux qui nous passent ne sont pas les meilleurs. De Turquie?
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LE CHIC A CHEVAL.
121
il nous en vient si peu que nous n'en devons pas faire cas, quoy qu'ils soient tr�s ex-
cellens, et plus que ceux que j'ay nommez. Les Barbes nous sont plus communs, or-
dinairement bons, et tous propres � faire quelque chose. L'Allemagne, la Flandre et
l'Angleterre nous en donnent aussi; mais pour moy, je trouve, Sire, que ceux qui
naissent en vostre Royaume sont aussi bons, ou meilleurs, qu'aucuns de ceux qui
nous viennent de toutes ces nations estrang�res; car j'en ay veu de Gascongne, d'Au-
vergne , de
Poictou, de
de Bretagne
gongne de
lents. Et si
et la Noblesse
Royaume es-
rieux de faire
vaux, il n'y
monde o� il
si bons; car
que ceux qui
ont toutes les
qualitez re-
beau et bon
Limosin, de
Normandie,
et de Bour-
tr�s excel-
les Princes,
de vostre
toi en t cu-
race de che-
a lieu au
y en eust cle
j'ai remarqu�
y naissent
excellentes
quises au
cheval. »
Selle, de l'Armeria real de Madrid.
On voit que
ce « butor »,
comme l'appelle ce bavard de Tallemant des R�aux, lequel, probablement, avait �t�
�vinc� par l'illustre �cuyer qui, sans doute, avait autre chose � faire qu'� « potiner »;
°n voit, disons-nous, que Pluvinel n'�tait pas un homme � pr�jug�s, puisqu'il ajoute :
« Et pour moy, je ne m'enquiers point de quel pays ils soient, quand je les voy avoir
bonne taille, beaux pieds et belles jambes, avec de la force et de la l�g�ret�, et d'une
bonne et douce nature... »
« Au diable », a-t-il l'air de dire, « les importuns qui ergotent, sans cesse, sur les
choses secondaires; voyons le r�sultat et ne discutons pas �ternellement sur les
causes. Pauvre Pluvinel! que n'es-tu n� deux cents ans plus tard; tu aurais bien ri.
On am�ne ensuite devant le royal �l�ve le fameux Bonnite, le triomphe du dressage
"e M. de Pluvinel. M. le Grand (de Bellegarde) le loue d'une fa�on extraordi-
naire, et explique de quelle fa�on Pluvinel est arriv� � en faire un cheval merveil-
leusement dress�, alors que M. de la Broiie, « tr�s excellent en l'exercice de la Cava-
Jerie »5 et « M. le Connestable » eurent renonc� � en rien tirer : « A cause de
Sor* impatience, de sa teste malassur�e, ayant les gencives, et la barbe o� repose la
Soumette, si tendre, qu'il ne pouvoit souffrir qu'� grand'peine ny embouchure ny
Soumette, et si sensible de tous costez, qu'il n'y avoit nul moyen de branler tant
16
CHIC A CHEVAL.
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■*«■ -Jf
122                                                         LE CHIC A CHEVAL.
soit peu dessus, qu'il ne le mist en d�sordre : n�antmoins quelque jugement qu'en
fissent ces excellens hommes, M. de Pluvinel m'asseura de le rendre � la perfection
o� un cheval pouvoit atteindre. Cela m'obligea (ayant tant de fois veu les preuves de
sa suffisance) de luy abandonner mon cheval pour le dresser et manier du tout �
sa volont�, � quoy il travailla, de sorte que par sa patience et son industrie, il luy
donna le parfait appuy � la main, en lui faisant porter � diverses fois plusieurs sortes
de groumettes. La premi�re d'un bien petit ruban de soye, l'autre d'une tresse de
soye, l'autre de chevrotin, l'autre de marroquin, l'autre de grosse vache, l'autre de fer
en forme de jazeran, et la derni�re, qu'il porte maintenant en servant Vostre Majest�,
elle la peut voir semblable � celles que portent d'ordinaire tous les autres chevaux. Peu
de jours apr�s il me le monstra � Fontainebleau, o� il le fit manier � courbettes par
le droit, apr�s deux voltes � main droite, deux voltes � main gauche, et deux voltes
� main droite, toutes six d'une haleine, sans sortir d'un rond � peu pr�s de la lon-
gueur du cheval, et puis il le fit manier en avant, en arri�re, de cost�, de��, et de l�,
et � une place : en faisant une courbette de cost�, tant de fois qu'il plaisoit au Che-
valier. Je nommay tout � l'heure ce Maneige la Sarabande du Bonnite, que nous n'a-
vons jamais veu faire qu'� luy, quand M. de Pluvinel estoit dessus. Et pour conclu-
sion, il luy fit faire les excellentes passades relev�es, avec la gr�ce et la beaut� du
cheval en toutes ces actions, et tout cela en pr�sence de M. le Connestable, qui fut en
extr�me admiration de voir (contre le jugement qu'il en avoit donn�) une si grande
et juste obeyssance en tous ces Maneiges... »
Et lorsque M. de Pluvinel, prenant la parole, apr�s M. de Bellegarde, explique
au Roy les commencements du dressage, il dit entre autres cette phrase qui nous
montre que, d�cid�ment, il n'�tait rien moins que « butor » :... « ... En prenant bien
garde de ne l'ennuyer (le jeune cheval), si faire se peut, et d'�touffer sa gentillesse :
car elle est aux chevaux comme la fleur sur les fruicts, laquelle ost�e ne retourne
jamais. »
Pluvinel commence le dressage en mettant le cheval autour d'un pilier, parce
que : « la plus grande difficult� qu'ayent les chevaux est de tourner ».
« N'y a-t-il point de raison », demande alors le jeune roi, « pourquoy ils sont
portez � tourner plus volontiers � main gauche? »
Voici la r�ponse de Pluvinel : « Sire, il y a quelques-uns qui en ont voulu cher-
cher la cause avant la naissance du cheval, et asseurent que le poullain estao
dans le ventre de sa m�re, est tout pli� du cost� gauche; d'autres ont dit, qu'ordi-
nairement les chevaux se couchent le plus souvent sur le cost� droit, qui les oblige
de plier le col et la teste � main gauche. Mais moy, qui ne recherche point tou
cette philosophie invisible, et qui m'arreste � ce que je voy apparemment, je ne croy
ny aux uns ny aux autres : et puis assurer � Vostre Majest�, que la seule coustum
leur produit cette mauvaise habitude, laquelle ils prennent d�s qu'ils sont hors d a
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^^"■«p
LE CHIC A CHEVAL.
123
pr�s de leur m�re, et at-
tachez dans l'Escurie.
Premi�rement le licol,
le filet, la bride, la selle
et les sangles se mettent
du cost� gauche. Ja-
mais, ou rarement, le
Palefrenier ne com-
mence � panser son
cheval, ny ne luy donne
a manger que de mesme
cost�. Et toutes sortes de
valets, soit Palefrenier
°u autres (s'ils ne sont
gauchers) conduisent
musjours un cheval de
la main droicte, et par
ce moyen luy tirent la
teste � main gauche. »
Pluvinel ayant dit
qu'on ne doit pas battre
les chevaux au com-
mencement du dres-
sage, son royal �l�ve
mi demande comment
u faut s'y prendre avec
Jes chevaux m�chants,
car il y en a de di-
Vei'se nature ».
Pluvinel lui r�pond :
(< Sire, quand j'ay dit
qu'il falloit garder de
battre le cheval � ce
c°mmencement, pour
Ies raisons que j'ay d�-
clar�es, j'ay dit si faire
! peut; mais je passe
°utre et asseure qu'il
ne faut nullement battre
au commencement, au
milieu ny � la fin (s'il
est possible de s'en em-
pescher), estant bien
plus n�cessaire de le
dresser par la douceur
( s'il y a moyen ), que
par la rigueur, en ce
que le cheval qui manie
par plaisir, va bien de
meilleure gr�ce que
celuy qui est contraint
par la force. Davantage
en le for�ant il en ar-
rive le plus souvent des
accidens � l'homme et
au cheval : � l'homme,
en ce qu'il court fortune
de se blesser, si la force
dont il use n'est con-
duitte avec grand juge-
ment; et au cheval, qui,
en courant la mesme
risque, estouffe sa gen-
tillesse, s'use les pieds
et les jambes , se ren-
dant par l� incapable de
bien servir. Mais d'au-
tant que les Fran�ois
ne sont pas de l'humeur
des autres nations, en
ce que leurs chevaux,
de quelque nature qu'ils
soient, bien que sans
force, sans adresse et
sans gentillesse, ils
veulent, sans consid�rer
ces choses, les faire
dresser. J'ay creu avant
Lance de joule et lance pour la course
de bague; r�gne de Louis XIII.
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CHIC A CHEVAL.
124
LE
que passer outre devoir dire � Vostre Majest� un petit mot de la nature des che-
vaux en particulier.
« Premi�rement il est tout certain que j'ay remarqu� par les lieux ou j'ay est�
hors ce Royaume, mesmement en Italie, o� on a tousjours
fait grande profession de l'exercice de la Cavallerie, qu'ils
n'entreprennent point un cheval, qu'il n'aye toutes les qua-
litez n�cessaires pour bien manier ; et si on leur en m�me
qui soient col�res et impatiens, meschans, lasches, pares-
seux, de mauvaise bouche et pesante, infailliblement quel-
que beaux qu'ils puissent estre, ils ne les entreprennent
point, au contraire ils les envoyent au carosse. Ce que les
Fran�ois ne trouveroient nullement bon, et accuseroient
d'ignorance les Escuyers qui renvoyeroient leurs chevaux
de la sorte. C'est l'occasion, Sire, qui m'a fait plus soi-
gneusement rechercher la m�thode de laquelle j'use, pour
ce que par autre voye il me seroit impossible de r�duire
quantit� de chevaux que l'on m'ameine, dont la plus-part
ont les mauvaises qualitez ci-dessus. Qui me fait dire, sans
vanit� ny pr�somption, que si je n'eusse recognu mes rei-
gles plus certaines, et beaucoup plus briefves que toutes
les autres que j'avois apprises, je n'aurois pas quitt� la plus
grande partie de celles du Seigneur Jean Baptiste Pigna-
tel, Gentilhomme Neapolitain, le plus excellent homme
de cheval qui ait jamais est� de notre si�cle..... »
Pluvinel veut que l'on s'adresse le plus possible � l'in-
telligence du cheval, t�chant : « peu � peu � gaigner quel-
que chose sur sa m�moire ». Il attache le cheval entre deux piliers, apr�s lui avoir
donn�, autour du pilier isol�, la le�on du pas, du trot, et du galop ; et lui apprend
doucement � ranger les hanches, � l'aide de la houssine. Puis, il fait abattre les
�triers pour accoutumer le cheval � les supporter; et, enfin, le fait monter p&r
« quelque jeune escolier bien l�ger et bien ferme ».
Et, lorsque le cheval est accoutum� � ce « poids l�ger », comme disait � Saumur
un �cuyer c�l�bre, lorsque le cheval est docile sous son jeune cavalier, Pluvinel
lui donne la premi�re le�on de la bride, et cette le�on est de tout point remarquable-
La voici :
« Sire, lorsque je cognoy le cheval accoutum� � porter l'homme, et ob�ir sous
luy sans se deffendre, je mets dessus quelque escolier plus s�avant, et qui aye de pra'
tique � la main et au talon, lequel sans luy toucher des talons, s'accourcira douce-
ment les r�nes, afin que peu � peu le cheval sente la main, et qu'il s'accoutume
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PHILIPPE IV: ARMURE FLAMANDE.
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125
LE CHIC A CHEVAL.
� s'y laisser conduire, le cavesson aidant tousjours comme devant, et se faisant
suivre par celuy qui tient la chambri�re. Si le cheval a tant soit peu de force,
il maniera tout seul, et commencera � prendre l'appuy de la main, et on pourra
continuer ceste le�on jusques � ce qu'en maniant, il souffre la main, et qu'il s'y
laisse conduire : mais il faut que celui qui est dessus, prenne garde de lui donner
cette le�on avec discr�tion, et sans l'incommoder de la bride, pour l'en ch�tier en
aucune fa�on, mais avec prudence et jugement lascher ou rafermir la main, selon
le besoin et le point o� sera le cheval; puis selon l'obeyssance qu'il aura rendue �
l'entour du pilier, le renvoyer, ou finir la le�on entre deux piliers... »
Le dressage continue, le cheval apprend � ob�ir � la houssine; cela am�ne une ques-
tion du roi, question qui provoque une r�ponse d'une remarquable justesse, et formul�e
avec toute l'autorit� et toute la comp�tence qui appartenaient � un professeur comme
Pluvinel.
Le Roy.
c< ... Mais pourquoi vous servez-vous plustost de la houssine que des talons, puisque
vous d�sirez que la houssine frappe au mesme endroit que feroient les talons?
Pluvinel.
« Sire, je le fais parce que je ne me veux servir des talons qu'en toute extr�mit�; car
s* les chevaux n'alloient point par autres aydesque parles coups d'esperon, je confesse
franchement que je quitterois l'exercice de la Cavalerie, n'y ayant nul plaisir de faire
Manier un cheval par la seule force : parce que jamais l'homme n'aura bonne gr�ce tant
^u il sera contraint de le battre ; et jamais le cheval ne sera plaisant � regarder en son
man�ge, s'il ne prend plaisir � toutes les actions qu'il fera. »
Lt, plus loin, il dit encore : « ... car s'il est possible, il faut estre avare des coups, et
prodigue des caresses, � fin, comme j'ay desj� dit, et redirai tousjours, d'obliger le che-
ai a obeyr, et � manier plustost pour le plaisir que pour le mal. »
�poque Louis XIII.
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126
LE CHIC A CHEVAL.
Dans la le�on de la courbette, comme dans les autres, Pluvinel veut qu'on confirme le
cheval dans le mouvement en avant.
Ensuite viennent les le�ons des demi-courbettes et des demi-terre-�-terre, le tout tou-
jours entrem�l� devoltes autour du pilier; puis, ce quePluvinel appelle : « souffrir l'ayde
des talons ».
Le roi apprend ensuite comment il faut s'y prendre pour r�veiller les chevaux « qui
ont assez de bonne force, beaux pieds et belles jambes,
mais que le peu de courage rend si lasches et insensibles
qu'il faut y apporter bien de l'artifice pour les r�veiller ».
Puis, que voici de belles et nobles paroles, sentant bien
leur vaillante �poque, �poque qui recherchait avec passion
la gloire des armes.
ta.             « Partant, Sire, Vostre Majest� trouvera bon (s'il luy
toit*1 plaist) de suivre mon conseil, afin d'obliger toutes ces per-
latToi-eb sonnes de qualit�, que voil� devant elle, qui d�sirent, il y
cl aine                                  x               '. x
a si long-temps, de la voir en cet est�t, qui leur donne es-
p�rance que bien-tost elle se portera � la teste de ses ar-
m�es : donnant un si bon exemple de sa vertu, qu'elle obli-
gera, par l�, toute sa noblesse, en l'imitant de le suivre, et
de se rendre digne de la bien et dignement servir. »
Dans la seconde partie de son ouvrage, M. de Pluvinel
donne la le�on, le roi �tant � cheval.
Les conseils qui suivent ont leur importance et peuvent
profiter � tous les professeurs.
« .. N'estant pas tousjours n�cessaire de reprendre l'homme de toutes les fautes qu'il
fait, soit en la conduite de son cheval, soit en sa posture; � chaque fois qu'il les com-
met (au commencement qu'il apprend), mais il faut reprendre, quand il est temps, afin
de ne luy embrouiller point la cervelle : appartenant seulement au prudent Escuyer de
cognoistre quand il est temps. »
Ces autres r�flexions ne sont-elles pas d'une justesse extr�me ; n'�tonnent-elles pas
dans la bouche d'un homme que d'aucuns qualifiaient de « butor » ?
« Sire, on peut plus dresser d'hommes en parlant peu, et quand il en est temps, qu'en
criant � toutes heures, comme presque la plus-part de ceux qui enseignent ont accous-
tum� : ne croyant pas (plusieurs y a-t-il) estre dignes d'estre appeliez Escuyers si de
moment en moment ils n'usoient de menaces, d'injures...
« Il n'en peut r�ussir aucun bon effect, en ce que l'homme ignorant, estant desja
assez estonn� de se voir sur un cheval qui l'incommode, dont les extravagances le
mettent en crainte; si parmy tout cela celuy qui l'enseigne, va augmenter son
appr�hension par ses menaces... Or, Sire, quand l'Escolier qui commence � appren*
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LE CHIC A CHEVAL.
127
dre, commet quelque faute, soit en son action, ne gardant la bonne posture
qu'on lui aura enseign�e, soit en la conduite de son cheval; il faut consid�rer s'il
est � propos de le reprendre : et pour le cognoistre, il faut juger le sujet qui le fait
faillir, si c'est manque de teniie, si c'est �tonnement, ou si c'est faute d'esprit qui
l'aye empesch� de retenir ce qu'on luy aura dit. Si c'est manque de teniie, ce seroit une
Un cavalier l�ger; Louis XIII.
tohe bien grande, de reprendre un homme de sa bonne posture, et de manquera la
c°nduite de son cheval, lequel est si empesch� � se tenir, qu'il ne songe � autre chose :
11 faut donc auparavant que d'en venir � la r�pr�hension, luy apprendre � se tenir ferme.
Au. semblable, si c'est quelqu'un qui s'estonne, on profiterait fort peu durant cet
estonnement de censurer ses fautes, parce qu'il n'a rien devant les yeux qu'une conti-
nuelle appr�hension qui rend sourd � tout ce qu'on lui peut dire... Si c'est faute d'es-
Drn\ c'est ce qui est plus f�cheux, car il est tr�s difficile d'en donner � celuy qui n'en
a Pas : n�antmoins les r�pr�hensions aigres, les menaces et les tourments ne luy en
°nneront davantage et ne le rendront plus s�avant; au contraire, elles estoufferont
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LE CHIC A CHEVAL.
128
ce peu qu'il en aura, de telle sorte qu'elles le rendront incapable de quoy que ce
soit... »
Il faudrait citer tout le livre; car, � propos du passage, que l'on �crivait alors pas-
seige, le roi pose � Pluvinel la question suivante :
« Que nommez-vous passeiger, et qu'est-ce que passeige? »
Voici en quels termes Pluvinel explique au roi ce que c'est que le passage :
« Sire, le vray passeige est un pas raccourcy que le cheval fait sous luy plus prest que
le pas ordinaire et moins que le trot, en une action tousjours dispos�e � obeyr � la main,
et aux talons, sans surprise, ayant bon et juste appuy de la main, et s'y laissant con-
duire en bonne obeyssance aux talons pour faire le semblable. »
Apr�s avoir fait passer le roi par tous les exercices : passades, passades furieuses,
voltes, demi-voltes, etc., etc., Pluvinel termine cette seconde partie par ce qu'il appelle
« la conclusion de toutes les justesses. »
« Sire, ce sont les bonnes voltes bien rondes, lesquelles il faut que le cheval fasse lar-
ges, moyennes et estroites � la discr�tion du Chevalier : car, comme j'ay dit au commen-
cement de mon premier discours, tout ce que le cheval treuve le plus difficile est de
tourner et de manier sur les voltes. »
La troisi�me partie de l'ouvrage de Pluvinel est consacr�e, d'abord, aux diff�rents airs
de man�ge : « capr�oles, un pas et.un sault, courbettes ».
A ce propos, le roi ayant entendu parler « d'un courtaut dress� � M. le Grand, le pa-
rangon v�ritablement de tous les plus excellents saulteurs qui se soient veus en no-
tre temps », demande au grand �cuyer ce que c'est que cet excellent sauteur. Celui-ci
lui r�pond, d'une fa�on assez amusante, en racontant les exploits de ce fameux cheval :
« C'estoit le plus excellent, que je croy, qui aye jamais est� de notre temps et de ce-
luyde nos P�res, voire de m�moire d'homme. Car il manioit parfaictement � toutes sor-
tes d'airs; � capr�oles, � un pas un sault, � courbettes,
et terre-�-terre, et si s�avant et obeyssant, que je luy
ay veu tout d'une haleine changer d'air sous M. de Plu-
vinel, � tous les temps qu'il luy plaisoit : de tous les
quatre que je viens de dire, sans luy desrober un seul
temps des autres airs, tant il estoit parfait en obeys-
sance. en force et en disposition : ayant compt� quatre-
vingt-trois capr�oles qu'il a faites d'une haleine sous le
Sieur de Betbez� que voil�, qui estoit encor page de
Vostre Majest�, et avec tant de gayet�, qu'il en eust peu
encor bien faire davantage s'il eust pieu � Monsieur de
Pluvinel : en quoy, Sire, je loue fort sa coustume de ne
d�sirer rien tirer d'un cheval qu'� peu pr�s la moiti� de
ce qu'il peut; la treuvant appuy�e d'une fort bonne rai-
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LE CHIC A CHEVAL.
129
son, qui est que faisant autrement, le Chevalier et le cheval perdent toute leur bonne
gr�ce; pour ce que si le cheval vient � s'affoiblir de force et d'haleine en maniant, il faut
n�cessairement que les aides du Chevalier soient plus grandes et plus apparentes, per-
dant par ce moyen la bonne gr�ce en leur action...
... « 11 est tr�s vray que personne n'a jamais mont� sur ce cheval qui soit demeur� en
selle, si auparavant que de le faire manier, je ne l'ay adverty. Et cela venoit de la na-
ture du cheval, le-
toit quelqu'un sur
fort ais�ment con-
lors que l'homme
premi�re action
de prendre une
gauche, laquelle
souffroit desrober,
verty de l'en em-
� l'instant des con-
et si fascheux, que
pr�les deux ar�ons
rudesse de son es-
possible � quelque
�ust, de pouvoir
Sans quitter la sel-
quel quand il sen-
luy, il se laissoit
duiredepas; mais
le vouloitlever, la
qu'il faisoit, estoit
demi-volte � main
si le Chevalier luy
et qu'il ne fust ad-
pescher, il faisoit
tretemps si rudes
je luy ay veu rom-
de sa selle par la
quine : estant im-
homme que ce
souffrir ces efforts
le. Et puis asseu-
Etriers de Wallenslein, duc de Friedland; 1G00 1634.
rer Vostre Majest�, l'avoir veu en une matin�e jetter quatorze personnes par terre,
^t une autre fois un qui se disoit Escuyer, le faisant manier en un endroit o� il y
avoit quelques petits arbres, il l'enleva si haut par-dessus la selle (en pr�sence de plus
®e deux cents personnes) qu'il le jetta sur l'un d'iceux. Mais la souveraine perfection
et gentillesse du cheval estoit qu'apr�s avoir jette quelqu'un par terre, au lieu de lui
taire du mal, il s'arrestoit tout court, l'alloit sentir, le souffroit relever, et le laissoit
reprendre � luy. Je pourrais raconter � Vostre Majest� cent tours pareils qu'il a faits. »
Apr�s avoir appris tous les airs de man�ge, le roi veut qu'on lui enseigne corn-
ant il se faut comporter dans la course des bagues.
(( Car je veux aussi bien me rendre beau et bon gendarme, comme bel et bon
°rnnie de cheval, afin de pouvoir aussi parfaictement juger sur la carri�re, dans
es triomphes et tournois, de la bonne gr�ce et de l'adresse des Chevaliers, comme
Je s?auray faire dans les batailles, de la g�n�rosit� et de leur courage. »
^a r�ponse de Pluvinel sent son vert-galant d'une lieue :
<( Cet exercice se fait pour donner plaisir aux Dames, et est le seul de tous pour
17
CIUC A CHEVAL.
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LE CHIC A CHEVAL.
130
lequel elles donnent prix. Si bien que, pour plaire, chacun t�che avec passion � se
rendre agr�able � toutes en g�n�ral, et � quelqu'une en
particulier... Je conseille � toutes sortes de gallants hom-
mes, de ne pratiquer cet exercice en public, qu'ils n'y
soient tr�s asseurez auparavant : afin que les Dames et
particuli�rement les belles (qui, ce semble, ont plus de
loy de se moquer que les autres) ne le fissent � son
pr�judice... »
Suivent r�mun�ration des « qualitez qu'il faut au bon
cheval de bague, et la proportion que doit avoir la lance ».
Pluvinel exige qu'on se tienne fort bien pendant la
course : « car en cette action il semble qu'on n'excuse
pas si volontiers les mauvaises postures qu'aux autres qui
s'exercent � cheval ». La raison de cette s�v�rit� c'est :
« que les Chevaliers qui paraissent sur la carri�re le font
tout expr�s, et avec dessein de se rendre agr�ables aux
Dames qui les regardent, se promettant qu'ils ne peuvent
rien faire que de bon en leur pr�sence..........
« Tellement que si par hazard il paroist quelque geste
qui ne soit de bonne gr�ce, soit avant la course, durant
icelle ou apr�s, la ris�e s'en fait g�n�rale parmy elles,
qui supposent avec raison, que personne ne se doit pr�-
senter sur la carri�re, ny dans la lice, pour leur donner
du plaisir, qui n'ex�cute gentiment, avec hardiesse, et de
bonne fa�on, tout ce qu'il entreprendra sans demeurer
court, estant certain que les belles et gentilles prennent
davantage de plaisir � voir un gallant Chevalier commencer, continuer et finir une
belle course, sa lance ferme dans la main, par un beau dedans, que de consid�rer
un mauvais gendarme, mal plac� sur son cheval, mal partir, sa lance tousjours
branlante, et vacillante le long de la carri�re : et au lieu d'un beau dedans, brider
la potence. »
N'avions-nous pas raison d'�voquer l'ombre du Vert-Galant, du roi par excellence,
d'Henri IV, enfin; et, est-il possible d'�tre plus finement gaulois en restant dans
le bon ton? Ces vieux livres fran�ais, de notre vieille et belle France, au temps ou
tout �tait � sa place, ont pour nous une saveur exquise.
Peut-�tre sommes-nous aussi un « butor » comme ce pauvre Pluvinel ; mais nous
avouons que nous nous demandons souvent pourquoi, au lieu de bourrer nos jeunes
gens de grec et de latin, et de leur apprendre, de force (car Dieu sait que ce n'eS
pas gai), les hauts faits des h�ros grecs et latins, on ne leur met pas plus lib�rale-
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          131
ment entre les mains, nos vieux auteurs. Nos anciennes chroniques abondent, elles
aussi, en beaux et glorieux faits d'armes. Eh, que diable! Bayard, au pont du
Garigliano, vaut bien Horatius Cocl�s, voire m�me Cyn�gire. Il est moins loin de
nous, et son histoire, plus certaine, devrait, ce nous semble, nous int�resser davan-
tage.
Notre vieille langue est, peut-�tre, moins brillante et moins raffin�e que celle de
Platon ou de Virgile, mais on respire dans nombre de r�cits de nos chroniques et de
nos chansons de gestes, une franchise, une na�vet� qui n'excluent en rien la finesse.
Dans tous les cas, et
sujet, le cheval a ceci de
moral, que, pour monter
de corps et bien conform�;
science du monde ne va-
de cheval, quelques gout-
Monter � cheval est un
veut un homme complet.
Qui de nous, militaire
tr�, le matin, � cheval,
Mahon? Qui de nous, s'il
souvenir des temps glo-
que, de Crim�e et d'Italie,
cavalier dont la m�le phy-
et franchise? La vue de ce
�voque la pens�e de ces
avons parl�, allant droit
arrive. On sent que ce glo-
pour en revenir � notre
bon et de profond�ment
� cheval, il faut �tre sain
tout l'esprit et toute la
lent pas, pour �tre homme
tes de sang g�n�reux,
exercice d'homme, et qui
%
#lCTii.sa
wm�mm
'M
ou Parisien, n'a rencon-
M. le Mar�chal de Mac-
vibre un tant soit peu au
rieux des guerres d'Afri-
n'a admir� ce vigoureux
sionomie respire loyaut�
vaillant homme de guerre
preux chevaliers dont nous
leur chemin, quoi qu'il
rieux cavalier est le digne
Muserolle allemande dat�e de lOOi;
collection A. Jubinal.
descendant de Duguesclin, de Bayard, et que, comme le mar�chal P�lissier, il pourrait
prendre pour devise : « May d'honour que d'honnours. » � « Plus d'honneur que
d'honneurs. »
Mais, revenons au roi Louis XIII. Apr�s avoir, sous l'�il vigilant de Pluvinel et
du grand �cuyer, puis devant toute la cour, place Royale, couru brillamment la
bague, il apprend � rompre en lice. Nous avons suffisamment parl� de cet exercice,
dans un des chapitres pr�c�dents, pour n'y plus revenir.
Voici donc le Roi parfait cavalier et parfait gendarme. Il en t�moigne sa gratitude
a son excellent professeur; et celui-ci en profite pour lui donner quelques conseils.
** lui demande, en outre, d'aider les « acad�mies » de sa munificence.
Nous terminerons nos emprunts au livre de Pluvinel par l'extrait qui suit :
Le Roy : � « Pourquoy ceux qui tiennent � pr�sent les acad�mies ne le peuvent-
1 s faire avec la splendeur que m�rite la chose?
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132                                                                LE CHIC A CHEVAL.
Pluvinel : � Sire, c'est qu'il y a fort peu de gens de qualit� en cet est�t qui
se m�lent de cet exercice, et que la plus-part de ceux qui y vaquent n'ayant d'autre
but que leur profit particulier, il est impossible que par cette voye ils puissent bien
s'acquiter de leur devoir :
AFFAIRES DOMESTIQUES ONT TOUS-
PUBLIQUES. »
Nous avons essay� d'ana-
dentes, aussi bri�vement que
M. de Pluvinel.
Ce ma�tre justement re-
�l�ves, et la noblesse de
principes.
M. de Menou, seigneur de
fut en quelque sorte l'ex�-
�cuyer si remarquable; il
pour son propre compte :
« La pratique du cavalier
cheval, qui enseigne la m�-
dans l'ob�issance des plus
ESTANT TOUT CERTAIN QUE LES
JOURS NUY, ET NUIRONT AUX
lyser, dans les pages pr�c�-
possible, la m�thode de
nomm� laissa de nombreux
France se passionna pour ses
Charnizay, nous l'avons dit,
cuteur testamentaire de cet
publia, en outre, vers 1651,
ou l'exercice de monter �
thode de r�duire les chevaux
beaux airs et man�ges, par
messire Ren� de Menou, seigneur de Charnizay. Revu, corrig� et augment� par
luy-mesme, avec les figures, pour en donner l'intelligence. Ensemble, un trait�
des moyens d'empescher les duels, et bannir les vices qui les causent.
»
Ses principes, sa m�thode sont naturellement ceux de son ma�tre; et son ouvrage,
divis� en six parties, dont la sixi�me est relative aux duels, n'est gu�re autre chose
que la r�p�tition de celui de M. de Pluvinel.
A cette �poque, la science v�t�rinaire n'existait qu'� l'�tat rudimentaire, et les
extraits suivants donneront un exemple des curieuses recettes dont on se servait alors.
« Examen et forme de Test�t de mar�chal o� le maistre interroge le compagnon.
d. � Qu'est-ce que l'art de mareschal?
r. � Science, exp�rience, cognoissance et �uvre de main.
d. � Qu'est-ce qu'oeuvre de main?
r. � C'est bien chauffer le fer, le bien souder, bien forger, bien ferrer, bien cau-
t�rizer, bien soigner, estre adroit et hardy � bien panser un cheval des accidents
qui luy peuvent survenir.
d. � Combien l'animal a-t-il de veines?
r. � Une.
d. � Quelle est-elle?
r. � C'est dans le foye qui est la vraye fontaine et source et gros tuyau, d'o� se
s�parent les branches et ruisseaux, qui courent par toutes les autres parties du corps.
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MARQUISE DE NEWCASTLE.
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133
LE CHIC A CHEVAL.
d. � Qui sont les quatre �l�ments qui baillent nourriture � l'homme et aux ani-
maux?
r. � Le feu, l'air, l'eau et la terre.
d. � S�ais-tu bien les douze signes et leurs noms? Et quelles parties gouvernent
ces douze signes?
r. � Le B�lier gouverne la teste; le Taureau, le col; les G�meaux, les espaules et
les bras; l'Escrevisse ou le Cancre gouverne l'estomach et la poitrine; le Lyon, le c�ur;
la Vierge, le ventre et les boyaux: la Balance, les reins et les fesses; le Scorpion, les
parties honteuses; le Sagittaire, les cuisses; le Capricorne, les genouils; le Verse-eau,
les jambes; le Poisson, les pieds. » � (Le mareschal expert traictant, etc., par M. Beau-
grand, maistre mareschal � Paris, 1619.)
Voici maintenant une recette du m�me auteur qui a bien aussi sa saveur.
« Receptes pour le Farcin. Il faut avoir deux esguillettes de chien, et qu'elles soient
rouges, et quand vous les aurez, vous cueillerez neuf feuilles d'herbe porette, et la
piller avec neuf grains de sel, et luy metterez dans les aureilles devant que le soleil
soit lev�, et lier avec les deux esguillettes, et les y laisserez vingt-quatre heures; et
au bout des vingt-quatre heures luy deslierez les aureilles et oterez ladite herbe. »
Peu apr�s, vers 1622, para�t le « Grand Mareschal Fran�ois, etc., par J. Prome. »
Les ordonnances du sieur Prome sont fort singuli�res. Nous en citerons une en
raison de son caract�re amusant :
« Avvives, c'est un mal que l'on compare � la pleur�sie parce qu'il proc�de d'es-
chauffement et refroidissement. Quand vous voyez que le cheval perd l'app�tit tout
d'un coup, et se met � travailler, il a les avvives. Le meilleur et le plus court rem�de
c'est de les luy oster;
mais parce qu'il ne se trouve pas-toujours un mareschal � la
n�cessit�, il se faut servir de l'occasion pour conserver le cheval; et, en ce faisant, faut
dire, en tenant l'aureille du montoir en vostre main gauche : « Prseceptis salutaribus
vnoniti et divina inslilulione formali audemus dicere : Pater noster,
etc. » Il faut r�-
p�ter par trois fois ces paroles; puis le seignez de la veine de la langue et luy rafrais-
chirla bouche de vinaigre et sel, et lui en mettre dans les aureilles, et le cheval sera
gu�ry. »
Si, par hasard, vous �prouvez le besoin « d'aller aussi viste que la poste », ma�tre
Prome vous fournira une recette infaillible. La voici, du reste :
« Vous vous servirez de cecy pour vostre usage. Pren�s un c�ur de b�uf, et le
c°up�s bien d�licatement, puis le mettes dans une terrine de terre vernie, et
la mettes dans un four afin que les morceaux deviennent tous secs, puis apr�s
v°us les mettr�s en poudre bien subtille. Quand vous voudr�s faire diligence, quelques
Jours de devant vous luy bailler�s de la poudre cy-dessus descrite; et au partir de la
Maison vous ir�s environ une poste au grand trot ou au gallop; arrivant � la dite
Poste, vous mettr�s incontinent pied � terre; et fer�s tirer hastivement un sceau d'eau;
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i%°. j
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LE CHIC � CHEVAL.
134
et, ce fait, vous mettr�s dedans une poign�e de la dite poudre de c�ur de b�uf, que
vous porterez dans un sac de cuir, puis en bailler�s � boire au cheval, vous retour-
ner�s le brider, et de l�, adieu. »
Cet « adieu » n'est-il pas d�licieux?
Selle de postillon de l'attelage du pape Paul V.
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CHAPITRE XL
LOUIS XIV. � LE MARQUIS DE NEWCASTLE.
fouis XIV, avec son go�t pour le faste, pour les magnifiques
carrousels, donne une nouvelle impulsion � l'�quitation.
Plus que jamais, les chevaux sont enguirland�s de rubans
et par�s, pour les f�tes de Versailles et pour les marches
triomphales � travers les provinces conquises. Van der
Meulen nous a conserv� le type des robustes coursiers du
temps, qui �taient, le plus souvent, pie ou blanc tachet�
de noir. C'est l'�poque (1658) o� para�t la « M�thode et
invention nouvelle de dresser les chevaux, par Ib tr�s
noble, haut, et tr�s puissant prince Guillaume, marquis
et comte de Newcastle, vicomte de Manfield, baron de
Balsover et Ogle, seigneur de Cavendish, Bothel et
Hepwel, pair d'Angleterre; qui eid la charge et l'honneur d'estre gouverneur du
ser�nissisme Prince de Galles en sa jeunesse, maintenant Roy de la Grande Breta-
9ne ; lieutenant pour le Roy de la comt� de Notlhingham, et de la for�t de Sherwood;
capitaine g�n�ral en toutes les provinces entre la rivi�re de Trent, et autres endroits
u royaume d'Angleterre ; Gentilhomme de la chambre du lit du Roy ; conseiller
$ &tat et priv� ; chevalier du tr�s noble ordre de la Jarreti�re, etc. �uvre auquel on
aPprend � travailler les chevaux selon la nature, et � parfaire la nature par la
Suotilit� de l'art; traduit de l'anglois de l'auteur, par son commandement, et en-
rtchy de plus de quarante belles figures en taille douce. »
^e frontispice repr�sente le noble marquis sur un cheval ail� et entour� de rayons ;
Ut autour, des chevaux agenouill�s rendent hommage au tr�s titr� et peu modeste
ecuyer. C'est qu'il y a loin, en effet, de la bonhomie modeste et savante du vieux Plu-
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136                                                          LE CHIC A CHEVAL.
vinel � l'assurance affirmative du marquis de Newcastle. On en jugera par ce qui suit :
Le marquis de Newcastle d�crit sa selle, en donne la figure, et �crit carr�ment au-des-
sous : « V�cy la plus excellente selle qui puisse �tre. » Quant � sa m�thode, il la pr�-
sente comme « assur�ment infaillible ». Il ne faut pas croire cependant que Newcastle
n'ait aucun m�rite; il parle tr�s excellemment de l'assouplissement des �paules « pivot
sur lequel tout roule », et de l'emploi du bridon.
« Le bridon n'appuie que sur les l�vres et peu sur les barres, et la barbe se conserve
en son entier. Il est bon pour les chevaux qui p�sent � la main, portent bas, et s'ar-
ment, pour les relever. On peut gourmander un cheval en tirant les deux r�nes du
bridon l'une apr�s l'autre, fortement et plusieurs fois de suite, comme si on voulait lui
scier la bouche. 11 est encore bon, pour acheminer un jeune cheval, lui apprendre �
tourner au pas, au trot, l'arr�ter. La sujettion de la bride lui peut donner occasion de
se d�fendre, et le bridon le dispose � mieux ob�ir � la bride... Il n'est pas bon pour ceux
qui n'ont point d'appui, qui battent � la main ; car, comme il �te l'appui � ceux qui
en ont trop, il g�te ceux qui n'en ont point. »
11 inventa un cave�on, dont il se servait � cheval pour le dressage. « Ce cave�on �tait
pourvu de deux anneaux lat�raux fix�s � un pouce du chanfrein; une r�ne partait de
chaque c�t� de la batte de la selle, traversait l'anneau et revenait dans la main du ca-
valier; l'effet en �tait tr�s puissant, et �tait destin� � assurer la position de l'encolure et
de la t�te r�clam�e par le mouvement � ex�cuter. »
Il se servait, en outre, d'une cravache dont le bout �tait muni d'une molette d'�-
peron. On voit de suite quels r�sultats l'�cuyer pouvait obtenir avec de pareils moyens.
Amenant de force le bout du nez du cheval � la botte, il mettait la malheureuse b�te
fort mal � son aise, et, sans doute, bien emp�ch�e d'ex�cuter le mouvement qu'il lui
demandait.
On sent cependant au milieu de tout le fatras pr�tentieux de son livre, le d�sir du
marquis de Newcastle de conserver « la bouche saine et enti�re, les barres et la-
place de la gourmette ».
Il n'est, du reste, pas partisan des piliers que Pluvinel pr�conisait, et on sent fort bien
qu'il est jaloux de la juste renomm�e de ce dernier. Le marquis de Newcastle a tout
lu, approfondi toutes les m�thodes et n'y a rien trouv� de bon. Lui seul est infaillible,
lui qui �crit que le cavalier doit se « seoir droit sur l'enfourchure et non sur les fesses,
combien que plusieurs croient que la nature les a faites pour s'asseoir dessus ».
En r�sum�, le marquis de Newcastle nous appara�t comme un �cuyer, non sans m�-
rite, sans doute, mais chez lequel l'orgueil et la suffisance dominent � ce point qu'il
pense avoir invent� la seule et vraie �quitation.
Il publia � Londres, en 1667, une seconde �dition de ses principes. La premi�re �di-
tion avait paru � Anvers. Les deux ouvrages sont loin, m�me au point de vue purement
artistique, de valoir celui de M. de Pluvinel. La France demeurait donc alors, vraiment
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137
LE CHIC A CHKVAL.
sup�rieure aux autres peuples en �quitation; d�sormais, du reste, c'est elle qui tiendra
de ce chef, pour longtemps encore, la t�te des nations civilis�es.
C'est avec Louis XIV que commence la r�putation de la c�l�bre �cole de Versailles
qui, jusqu'� la R�volution, tiendra le haut du pav�, non seulement comme �cole d'�-
comme foyer de l'�l�-
la politesse. Elle ne
avoir jet� le plus vif
de et aux belles ma-
calculable de jeunes
invoquera toutes les
pirer des bonnes tra-
c'est d'elle que sorti-
plus justement renom-
dudix-neuvi�mesi�cle.
blier, dans le courant
un grand nombre de
et de v�t�rinaire, mais
teurs �taient absolu-
connaissances en ana-
aucune valeur m�di-
qu'un int�r�t de cu-
m�me, qui publie le
ment s�rieux de mar�-
du « Parfait Mares-
la
pratique des op�ra-
ge � cette �poque, ni
des de ses devanciers,
ter ici comment il traite
nousconseillons � ceux
sont pasennemis d'une
dans le beau livre de
le proc�d� pr�conis�
quitation, mais encore
gance, du go�t et de
dispara�tra qu'apr�s
�clat et form� au mon-
ni�res un nombre in-
gens. C'est elle qu'on
fois qu'on voudra s'ins-
ditions �questres; et
font les �cuyers les
mes du dix-huiti�me et
On continue � pu-
du dix-septi�me si�cle,
trait�s d'hippiatrique
ces trait�s, dont les au-
ment d�pourvus de
tomie hippique, n'ont
cale et ne pr�sentent
riosit�.
M. de Solleysel lui-
premier trait� vrai-
chalerie, sous le titre
chal: » n'�chappe ni �
lions barbares, enusa-
aux incroyables rem�-
Nous ne pouvons ci-
le cheval fourbu, mais
de nos lecteurs qui ne
douce gaiet�, de lire,
M- le capitaine Picard,
Fonte de pistolet;
XVIIe si�cle.
Par M. de Solleysel.
M. de Solleysel, qui traduisit et annota en fran�ais l'ouvrage du marquis de Newcastle,
0rs assez peu connu en France, nous apprend � quel point exact en �tait l'entra�ne-
nt des chevaux de courses en Angleterre. Nous ne pouvons passer sous silence un
°cument de cette importance; le voici donc tout entier :
c< En Angleterre, ils ont des chevaux destin�s seulement pous faire de grandes cour-
C'IIC A CHEVAL.
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138                                                         LE CHIC A CHEVAL.
ses; ils sont si curieux de ce divertissement qu'ils les nourrissent expr�s pour cela, et
leurs chevaux, qui sont naturellement de grande haleine, et qui ont une extr�me vi-
tesse, sont mis en un tel est�t par cette sorte de pr�paration, qu'ils fournissent et font
des courses incroyables, non pas au petit et au grand galop comme les nostres, mais
� toutes jambes; en sorte que ceux qui ne l'ont jamais veu, ont peine � se persuader
comme un cheval peut r�sister � la violence de leurs courses pendant cinq et six
milles, et on en voit beaucoup, en ce pays-l�, fournir des courses de cette longueur.
« Pour choisir un cheval de course, il le faut long de corps, nerveux, de grande
ressource et fort vite, lequel, outre la bonne haleine, doit avoir l'�peron fin et �tre grand
mangeur. Le cheval, avec tout cela, doit estre anglais, barbe ou au moins de l�g�re taille,.
la jambe assez mince, mais le nerf d�tach� de l'os, court jointe et le pied bien fait; les
pieds larges n'ont jamais r�ussi � ce m�tier. Pour pr�parer le cheval de course, il ne luy
faut point donner d'avoine ni de foin; mais luy faire du pain moiti� orge, moiti� f�ves,
le faisant bien cuire en forme de g�teau plat, et n'en donner jamais au cheval qu'il ne
soit rassis, et plut�t dur que tendre; trois livres � midy et trois livres au soir suffisent
pour son ordinaire, et cela au lieu d'avoine; de la gerb�e de froment au lieu de foin;
de l'eau ti�de � boire, o� vous mettrez sur un seau une joint�e de farine de f�ves et
d'orge; le tenir bien couvert avec un drap et couverture, dans une �curie o� il n'y ait
aucun jour, bonne liti�re nuit et jour et toujours couvert; l'ayant nourry quatre jours
de la sorte, le cinqui�me, au matin, l'ayant tenu brid� pendant trois heures, donnez-luy
des pillules, compos�es d'une livre de beurre frais, qui n'ait pas �t� lav�, c'est-�-dire
d'abord que la cresme est chang�e en beurre, sans le laver, m�lez parmy vingt-cinq
ou trente gousses d'ail concass�es, de tout faites pillules grosses comme de grosses
noix, que vous ferez avaller au cheval, avec une pinte de vin blanc, puis le tenir trois
heures brid�, la teste fort haute; ensuite le trailer � l'ordinaire avec son pain, son eau et
de la paille m�diocrement, car il ne le faut pas engraisser, mais au contraire, en l'amai-
grissant, luy augmenter la vigueur et l'haleine. Le septi�me jour, c'est-�-dire un jour
pass� apr�s la prise des pillules, promenez-le au matin une heure avant soleil lev�, et
une heure apr�s soleil couch�, au pas et au galop. Si le cheval demeurait trop gras, il
le faut promener une heure apr�s soleil lev�, et une heure
avant soleil couch�, puis le ramener � l'�curie, l'essuyer et le
bien couvrir, et le nourrir � son ordinaire, et continuer � le
promener tous les jours, et luy donner tous les cinqui�mes
jours les pillules de beurre, observant le jour de la prise ny
le lendemain de le point promener.
« Quand il aura pris trois prises de pillules, c'est-�-dire
quinze jors apr�s qu'on l'a commenc�, il le faut promener
au matin deux heures, et autant au soir, au galop, � toute
bride, et au pas, pour luy laisser reprendre haleine de temps
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          139
en temps, observant toujours de ne le point courrir les jours de pillules, ny le lende-
main; il le faut ramener en main, au petit pas, bien couvert; le bien essuyer, le
frottant jusqu'� ce qu'il soit sec, l'attacher la teste haute,' le laisser brid� trois heures,
puis luy donner � boire de son eau plus que ti�de, puis le nourrir � l'ordinaire : il le
faut nourrir son mois entier de cette m�thode, prenant les pillules toujours apr�s les
quatre jours; et, les cinq ou six derniers jours du mois, le courre tant qu'on juge que
son haleine peut fournir, le galopant pour le laisser souffler, ne le travaillant n�an-
moins que deux heures au matin et deux heures au soir, le ramenant au petit pas,
en main, bien couvert d'un drap et d'une couverture, puis l'essuyant et le faisant boire
comme j'ai enseign�. Au bout de ce temps, si la fiente est encore gluante ou humide,
il n'est pas bien
continuer jus-
fiente s'�mie
humidit�; lors
en �tat de faire
vous voudrez,
de faire la cour-
toute la nuit; �
matin, luy fai-
chopinesdevin
dans lequel on
vingt ou vingt-
d'�uf, le rebri-
aPr�s la prise,
pr�par� ; il faut
qu'� ce que la
sans aucune
le cheval sera
les courses que
Un jour avant
se, il sera brid�
deux heures du
re avaler deux
d'Esp agne,
aura d�lay�
cinq jaunes
cler deux heures
puis le monter
Voicy la plus excellente selle qui puisse �tre (comte de Newcastle).
au petit galop d'abord, puis � toute bride, autant que son haleine pourra fournir, en-
suite au petit galop pour prendre haleine, et apr�s � toute bride, et cela pendant trois
heures; le bien couvrir, le ramener au petit pas, le bien essuyer, puis le laisser trois
heures brid�, la teste haute* et apr�s lui donner son eau, mais il la faut le plus chaude
(11 il la pourra boire, puis le traiter � l'ordinaire. Le jour de la course, il faut qu'il
ait aval� le vin d'Espagne et les jaunes d'�ufs deux heures avant la course, et qu'il
clt est� brid� six heures avant de prendre son vin d'Espagne. Vous notterez que le jour
vant la course et le jour d'icelle il ne doit manger que moiti� de son foin � chaque
epas, et moiti� de la paille qu'on avait coutume de luy donner. Les jours que les
_ vaux ne font pas les courses, et lorsqu'on ne s'en sert pas � cela, il les faut tou-
jours nourrir et promener comme j'ai dit, hors que, depuis qu"ils sont pr�parez, on
e donne les pillules qu'au bout de huit jours seulement.
* Si le cheval �tait d�go�t� et fort resserr�, pendant cette pr�paration ou apr�s,
taut lui donner de bons lavements avec deux pintes de lait et une chopine d'huile
°'ive, le tout ti�de. On ne doit courre ces chevaux qu'avec des filets fort menus,
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LE CHIC A CHEVAL.
140
afin de ne leur �ter l'haleine, comme feroit un de nos mors, se courber sur le
col en courant pour emp�cher que le vent ne vous prenne, avoir des habits fort
joints au corps, point de casaque volante, un bonnet au lieu de chapeau, de petits
esp�rons fort aigus, et picoter le cheval aux flancs, les grands coups arrestent les
chevaux, et ne les font pas courre; point de croupi�re, ni de poitrail, une selle
fort l�g�re et le cavalier aussi.
« Voil� ce que ce cavalier m'a appris de la course des chevaux anglais. En voil�
assez pour satisfaire la curiosit� de ceux qui auront envie de pr�parer des chevaux,
comme on le pratique en Angleterre; pour moi j'aime mieux dresser un cheval pour
la guerre, ou pour le man�ge, que de le pr�parer � pareilles courses, o� le soin et
la peine sont plus grands que le plaisir qu'on en retire. Adieu. »
En 1665, M. de Beaurep�re, �cuyer de la Grande �curie, publie « le Mod�le du ca-
valier fran�ais.
» 11 fait para�tre, en 1690, un « Trait� des rem�des les plus utiles
et n�cessaires pour la gu�rison des chevaux.
» Nous en extrairons le passage qui
suit :
« Pour les blessures : Prenez les trois parts de fiente de mouton et de la fleur de
farine de seigle, meslez bien le tout et le faites cuire moyennement, puis en pansez
la plaie; nostez en ce lieu que le jus d'�clair� est tr�s souverain pour toutes sortes
de playes sous la celle; la fiente de poule ard�e, brusl�e et mise en poudre et appli-
qu�e sur le mal, a le m�me effet. »
Pour terminer ce chapitre, nous emprunterons quelques renseignements au capi-
taine Picard, touchant l'organisation de la cavalerie fran�aise � cette �poque.
« Pour ce qui regarde plus particuli�rement l'�quitation militaire, nous devons dire
qu'il n'y avait pas d'uniformit� adopt�e ni pour les exercices d'�quitation, ni pour le
service int�rieur, ni pour les man�uvres; en un mot, pas encore de r�glement d'exer-
cices. Les capitaines de compagnies faisaient l'instruction, chacun � sa mani�re, en s'ins-
pirant des m�thodes d'�quitation en vogue ; ils n'�taient tenus qu'� certaines lois tr�s
larges, ordonnances et r�glements du roi, auxquels il ne faudrait pas donner la signi-
fication qu'on attribue aujourd'hui � ces noms. Si l'on veut une comparaison, ces ordon-
nances ressembleraient plut�t aux d�crets de notre Journal militaire. Donc, pas de
m�thode, m�me g�n�rale qu'on puisse analyser. Un but d'instruction � atteindre, et
c'est tout comme direction. »
Et M. le capitaine Picard cite le « Manuel de Cavalerie par le Sieur de Birac. »
� (La Haye, 1693.)
Il n'entre pas dans le cadre de ce modeste ouvrage de parler de toutes les r�formes
importantes qui signal�rent le r�gne du grand Roi, nous mentionnerons donc seu-
lement quelques-unes de celles qui touchent directement � notre sujet.
C'est sous Louis XIV que les hussards, cavaliers d'origine hongroise, font leur
apparition dans l'arm�e fran�aise, o�, apr�s des fortunes diverses, ils ont vite acquis
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UN �L�VE DU MARQUIS DE NEWCASTLE.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          141
un renom l�gendaire de bravoure et d'�l�gance. Ce sont eux qui introduisirent,
dans notre arm�e, l'usage de la schabraque et de la sabretache. Leur armement pri-
mitif consistait en deux sabres, l'un recourb�, pour attaquer et combattre; l'autre,
sorte de longue latte qu'ils portaient sous le genou, � peu pr�s de la m�me fa�on
que nos spahis, leur servait � poursuivre l'ennemi.
C'est �galement sous Louis XIV qu'on adopta l'usage de combattre sur trois rangs.
L'introduction de v�tements uniformes (r�forme si importante au point de vue de la
discipline) dans la cavalerie, date de 1690.
C'est Colbert qui, en 1680, cr�e les haras nationaux.
Nous citerons, pour m�moire seulement, les noms des principaux �crivains sp�ciaux
ou �cuyers du r�gne de Louis XIV. Ce sont : M. de Beaumont, qui publie en 1682
« l'Escuyer Fran�ois ».MM. Coulon, de Qu�rinay, de Rochefort, Dugard, �cuyer de la
Grande �curie; MM. d'Ainaut, Bernardi, Duvernet et de Moismont, de Long-Pr�, de
Bournonville, du Plessis, que Saint-Simon appelle le premier homme de cheval de son
temps; les fr�res de La Vall�e; MM. de Neuville, Delcampe, qui �crit en 1690 : « L'art
monter � cheval.
»
Rappelons encore M. de Vendeuil, qui eut la gloire d'�tre le professeur de M. de La
Gu�rini�re.
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CHAPITRE
XII.
GASPART DE SAUNIER.
LA GUERINIERE.
ous voici arriv�s � une des �poques les plus brillantes et
les plus aimables de l'histoire de la soci�t� fran�aise. Le
spectacle qu'offrent les classes sup�rieures de cette so-
ci�t� est plein de charme. Tout y para�t fait pour le
plaisir des yeux; l'art, le go�t, cette qualit� si �minem-
ment fran�aise, sont partout et dans tout. Hommes et
femmes rivalisent de gr�ce, d'�l�gance; un nuage de
poudre � la mar�chale semble planer dans l'air, affinant
les �tres et les choses. Le moindre meuble, le plus petit
objet cle ces temps charmants portent l'empreinte d'un
go�t exquis, un peu affect�, un peu mani�r� quelquefois,
prrSW
mais toujours ravissant.
Au dix-huiti�me si�cle, nulle nation, en Europe, ne peut rivaliser avec la France
en mati�re artistique; tout ce que peuvent faire les �trangers, c'est de nous imiter,
mais de loin. La royaut� du bon go�t appartient � la France.
^a mode fran�aise, la langue fran�aise r�gnent en ma�tresses dans toute l'Europe.
^ 2ela est si vrai, que si l'on se prom�ne dans les grands mus�es de l'Europe, au
^0�th-Kensington, par exemple, qui renferme tant de tr�sors, toutes les fois que l'�il
3st arr�t� sur un joli meuble, sur un bibelot gracieux, on est s�r de lire au-dessous :
Prance, XVIIIe si�cle.
L'�quitation, elle aussi, a sa part de cette gloire. Le nom seul de La Gu�rini�re en
" assez; son livre, qui est intitul� : « �cole de cavalerie », est certes le plus beau et
Plus artistique monument �lev� � l'�quitation.
Mais avant de parler de cet ouvrage si remarquable, il convient de dire quelques
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LE CHIC A CHEVAL.
U4
mots d'un �cuyer �galement c�l�bre, et dont les aventures romanesques sont bien
connues. J'ai cit� Gaspart de Saunier.
Je n'entreprendrai du reste pas ici de raconter la vie agit�e du jeune Saunier, et je
m'occuperai seulement de ses ouvrages.
« La parfaite connaissance des chevaux » est de 1732; c'est un simple trait� d'hippia-
trique. Saunier publia ensuite « Les vrais principes de la cavalerie » et, enfin, son
dernier livre : « L'art de la cavalerie. »
Il est un des premiers � r�agir contre les doctrines de Newcastle. Il condamne l'abus
du cave�on et ne veut plus qu'on se serve des mors extraordinaires jusque-l� en usage.
« Moins le cheval », dit-il, « a de fer dans la bouche, et plus il est � son aise. »
Dans les lignes qui suivent, Saunier s'attache � d�montrer que l'officier de cavalerie
doit �tre tr�s expert en �quitation.
« Il est n�cessaire qu'un cheval de guerre et de combat entende bien les aides; car
plus il les entendra, plus le cavalier, qui sera dessus, aura l'avantage sur son ennemi,
soit dans une bataille, soit dans un combat particulier. Mais aujourd'hui la mollesse
r�gne parmy les jeunes gens, ils pensent que pour peu qu'ils puissent se tenir sur un
cheval qui va droit son chemin sans tomber; que cela, dis-je, doit leur suffire. Mais je
voudrais bien voir comment tous ces messieurs les petits-ma�tres, dans un jour d'action,
se tireraient d'affaire.
« Je parle ici pour avoir vu ; que de braves gens se sont fait tuer faute de savoir
gouverner leur cheval !
« Que l'on juge donc de la perte que fait un officier � la t�te d'une troupe, lorsqu'il
ne peut pas conduire son cheval. Outre sa vie qu'il risque, il expose au m�me danger
toute sa troupe. Outre ce malheur, si l'officier n'est pas bon homme de cheval,
seigner � ses cavaliers la
chevaux? D'un autre c�-
pas mieux que leur offl-
ils parer les coups, tandis
leurs deux mains � con-
quelle main pourront-ils
et se d�fendre? »
preuve, l'auteur raconte
cheval qui sautait parfai-
Italie, � un parti de hus-
dont il fait usage sont :
comment pourra-t-il en-
mani�re de cond uire leurs
t�, si ceux-ci ne le savent
cier, comment pourront-
qu'ils seront occup�s de
duire leur cheval? De
combattre leurs ennemis
Et, en mani�re de
comme quoi, ayant un
tement, il �chappa, en
sards. Les diff�rents airs
Selle anglaise; 1740.
le manier terre-�-terre, le mezair, les courbettes, les voltes relev�es, les voltes � crou-
pades et les voltes � bollotades; « quant aux voltes � caprioles, elles ne consistent
que dans l'imagination de quelques auteurs qui ne les ont jamais faites ». Tous ces
mouvements s'ex�cutent de deux pistes.
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GUERRIER JAPONAIS.
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LE CHIC A C H H VAL.
Gaspard Saunier s'occupe aussi de l'�quitation anglaise; et son jugement est si net,
sa mani�re de voir si juste, qu'il n'y trouverait, en somme, que peu de chose � modifier
s'il lui �tait donn� de les formuler aujourd'hui.
« Autrefois, l'Angleterre avoit quantit� de bons �cuyers, mais pr�sentement la
nation fait peu de cas de cette science; de mani�re que si un �tranger alloit � pr�sent
dans ce royaume, f�t-il
le plus habile qui ait
paru dans le monde,
n'�tant point n� en An-
gleterre, il ne seroit ni
�cout�, ni m�me regar-
d�. Mais un jeune valet,
tort l�ger et hardi, ca-
pable de monter un che-
val de course � New-
tnarquet ou ailleurs,
sera plus estim�, de
m�me que le ma�tre va-
Selle anglaise � la Ragotski.
let qui auroit mis le
cheval en haleine, en t�chant de gagner la course; ces deux hommes, dis-je, seront
plus estim�s que les plus habiles �cuyers de l'univers, ce qui provient de ce que les
Man�ges sont pr�sentement n�glig�s en Angleterre.
« Je me souviens aussi que, lorsque le roy Jacques quitta l'Angleterre pour passer
en France, plusieurs seigneurs et milords le suivirent, et lorsque Louis XIV fut �
Fontainebleau, plusieurs de ces seigneurs anglais crurent pouvoir chasser comme
chez eux, c'est-�-dire avec leurs bridons, et leur petite selle � l'angloise; mais ils
trouv�rent bien du changement par rapport au terrain et aux bois remplis de mon-
tagnes tr�s escarp�es, rencontrant partout des rochers et de grosses pierres. C'est ce
lui obligea Louis XIV de faire aplanir le terrain en beaucoup d'endroits, et d'y faire
tirer de grandes all�es qui r�pondaient souvent les unes aux autres, ce qui n'�toit pas
auparavant. Louis XIV vouloit alors courir le cerf dans une esp�ce de voiture � quatre
r°ues, ce qui n'est cependant pas la mani�re des v�ritables chasseurs, qui doivent
0ujours suivre la queue des chiens ; ce que les piqueurs et les amateurs de chasse
assoient � travers les bois et les rochers. Tous ces lords et seigneurs �trangers, qui
Soient pr�sens, pr�tendoient alors l'emporter sur les Fran�ois, et c'est en quoi ils
Uroient r�ussi, s'ils eussent trouv� un terrain comme dans leurs pa�s; mais avec
eurs bridons, leurs petites selles et leurs petites bottines, aussi souples qu'elles doi-
ent �tre dans un man�ge, pour passer � travers toutes les grandes for�ts remplies de
ls-taillis, de gros et de petits arbres, entre les rochers et les cailloux, tant�t l'un se
'�HIC A CHEVAL.
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cassoit la jambe en donnant de vitesse contre les arbres pour �viter les rochers; tant�t
d'autres ne pouvant conduire leurs chevaux comme ils auroient pu faire avec la bride,
les branches d'arbres les emportaient de dessus leurs petites selles; tant�t, apr�s
avoir mont� une �minence, trouvant de l'autre c�t� un pr�cipice, ils ne manquoient
pas de faire la culbute, de se casser le cou ou une jambe, faute de pouvoir retenir leurs
chevaux, qui, quelquefois m�me, se trouv�rent fort estropi�s.
« Je cite tout cela pour l'avoir vu arriver plusieurs fois; mais
l'ann�e suivante, je vis ces seigneurs et lords, qui �toient venus en
France, oblig�s de prendre les mani�res fran�oises, c'est-�-dire de
se servir de bride et de selles vulgairement nomm�es � la royale,
qui ont �t� invent�es pour la commodit� de Louis XIV. Ces sei-
gneurs furent aussi contraints de prendre des bottes fortes, afin
de pouvoir passer en s�ret� � travers les bois-taillis et autres brous-
sailles. Cette seconde ann�e donc, il ne fut plus question ni de
bridons, ni de selles � l'angloise, ni de bottines l�g�res. »
Nous avons, il est vrai, adopt� la selle anglaise, comme infi-
niment plus commode que la vieille selle � la fran�aise. Mais, �
l'�poque o� �crivait Saunier, les for�ts �taient bien moins perc�es
de routes et de chemins accessibles qu'elles ne le sont aujourd'hui;
et il est encore certains pays, le Limousin, par exemple, o� les
« chantilly » vernies font triste figure. Il y faut chausser la grosse
botte de cuir fauve, ce qui, du reste, est loin d'�tre moins pitto-
resque.
A l'appr�ciation de Saunier sur l'�quitation anglaise, nous join-
drons celle du capitaine Picard, appr�ciation qui trouve tout natu-
Masiicadour.           Tellement place ici, et qui r�sume admirablement, et avec toute
l'autorit� que donne la comp�tence d'un pareil juge, les principes
ou plut�t le manque cle principes qui caract�rise l'�cole anglaise.
« L'�cole anglaise a fait une r�volution compl�te dans le monde hippique. C'est
elle qui a institu� les courses de vitesse et a r�g�n�r� les races de chevaux. Mais si,
tout d'abord, elle a eu une m�thode et des ma�tres, elle est bient�t tomb�e � un �tat
latent. Il en est rest� dans le pays un go�t tr�s d�velopp� du cheval ; quant aux pr�-
ceptes �questres, ils ont compl�tement disparu. Les cavaliers ont une hardiesse incon-
testable , mais de m�thode, point. »
Le capitaine Picard pourrait ajouter, ce que nous avons d�j� dit, � savoir que leurs
plus grandes qualit�s hippiques sont celles de leurs chevaux.
En 1733, Fr. R. de la Gu�rini�re publie le si remarquable ouvrage dont nous avon
d�j� mentionn� le titre : Ecole de Cavalerie.
On a dit, avec juste raison, que La Gu�rini�re �tait « le p�re de l'�quitation a
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LE CHIC A CHEVAL.
147
i�%\
-/�Lo�A * La- b n-r^u-�. _
tuelle ». En effet, tout ce qu'il a �crit est aussi
vrai aujourd'hui qu'il l'�tait de son temps, et
son livre justifie le titre qu'il lui a donn�,
car il r�sume toutes les connaissances en
mati�re d'�quitation.
L'�cole de Cavalerie est d�di�e « � Son Al-
tesse Monseigneur le prince Charles de Lor-
raine, comte d'Armagnac, de Charny, etc.,
pair et grand �cuyer de France, chevalier des
ordres du Roy, lieutenant g�n�ral de ses ar-
m�es, gouverneur et lieutenant g�n�ral de
Sa Majest� en la province de Picardie, Artois,
Boulonnais, et pays reconquis, grand s�n�-
chal h�r�ditaire de Bourgogne, gouverneur
des ville et citadelle de Montreuil-sur-Mer ».
Voici, d'apr�s ce que dit l'auteur lui-m�me,
comment il a divis� son travail.
« Dans la premi�re partie, je donne le nom
et la situation des parties ext�rieures du che-
val, avec leurs beaut�s et leurs d�fauts : et je
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148                                                         LE CHIC A CHEVAL.
traite de l'�ge, de la diff�rence des poils, des chevaux de diff�rents pays, de l'embou-
chure, de la ferrure et de la selle.
La deuxi�me renferme les principes pour dresser les chevaux, soit pour le man�ge,
soit pour la guerre, pour la chasse ou pour le carrosse : en un mot, suivant les diff�-
rents usages auxquels on les destine. J'ai joint � cette partie un Trait� des tournois, des
joutes, des carrousels et des courses de t�tes et de bague. La troisi�me partie contient
l'ost�ologie du cheval, la d�finition de ses maladies, les rem�des pour les gu�rir,
avec un Trait� des op�rations de chirurgie qui se pratiquent sur cet animal...... »
« Enfin », dit-il dans sa pr�face, « j'ai tout mis en usage pour r�veiller cette an-
cienne �mulation qui r�gnoit dans les beaux jours de la cavalerie : Et c'est dans cette
vue que j'ai cherch� � d�voiler des myst�res qui sembloient n'�tre r�serv�s que pour
personnes... Il faut l'a-
mour du vrai beau de
ralenti de nos jours; on
d'une ex�cution un peu
qu'autrefois on recher-
faisoient l'ornement de
lant des revues, des
des. »
premi�re partie, qui est
connaissances et de pr�-
un tr�s petit nombre de
vouer � notre honte, l'a-
cet exercice s'est bien
se contente pr�sentement
trop n�glig�e, au lieu
choit les beaux airs, qui
nos man�ges et le bril-
pompes et des para-
Laissant de c�t� la
Selle � la royale; 1740.
pourtant remplie d'utiles
cieux conseils, nous analyserons la seconde : « De la mani�re de dresser les chevaux
suivant l'usage auquel on les destine, » qui est de beaucoup plus importante. Voici
le d�but de cette seconde partie :
« Toutes les sciences et tous les arts ont des principes et des r�gles, par le moyen
desquels on fait des d�couvertes qui conduisent � leur perfection. La cavalerie est
le seul art pour lequel il semble qu'on n'ait besoin que de pratique; cependant la
pratique d�pourvue de vrais principes, n'est autre chose qu'une routine, dont tout le
fruit est une ex�cution forc�e et incertaine, et un faux brillant qui �blouit des demi-
connoiseurs, surpris souvent par la gentillesse du cheval, plut�t que par le m�rite de
celui qui le monte.................Le sentiment de ceux qui comptent pour
rien la th�orie dans l'art de monter � cheval, ne m'emp�chera pas de soutenir que
c'est une des choses les plus n�cessaires pour atteindre � la perfection. Sans cette th�orie,
la pratique est toujours incertaine. Je conviens que dans un exercice o� le corps a
tant de part, la pratique doit �tre ins�parable del� th�orie, puisqu'elle nous fait d�-
couvrir la nature, l'inclination et les forces du cheval ; et par ce moyen on d�terre sa
ressource et sa gentillesse, ensevelies pour ainsi dire dans l'engourdissement de ses
membres. Mais pour parvenir � l'excellence de cet art, il faut n�cessairement �tre pr�-
par� sur les difficult�s de cette pratique par une th�orie claire et solide. La th�orie nous
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UN MAR�CHAL DE FRANCE;
1712.
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LE CHIC A CHEVAL.
149
enseigne � travailler sur
principes, au lieu de s'op-
servir � la perfectionner
« La pratique nous don-
ex�cution ce que la th�orie
acqu�rir cette facilit�, il
�tre vigoureux et hardi,
tience. Ce sont l� les prin-
le v�ritable homme de
« Quand je dis qu'il faut
diesse, je ne pr�tends pas
lente, et cette t�m�rit� im-
cavaliers se parent, et qui
grands dangers, qui d�ses-
tiennent dans un conti-
une force haute, qui main-
crainte et dans la soumis-
les ch�timents du cava-
de bons principes; et ces
poser � la nature, doivent
par le secours de l'art,
ne la facilit� de mettre �
nous enseigne; et pour
faut aimer les chevaux,
et avoir beaucoup de pa-
cipales qualit�s qui font
cheval.
de la vigueur et de la har-
que ce soit cette force vio-
prudente, dont quelques
leur fait essuyer de si
p�rent un cheval et le
nue! d�sordre; j'entends
tienne un cheval dans la
sion pour les aides et pour
lier, qui conserve l'aisan-
Bolte de postillon.
ce, l'�liquibre et la gr�ce, qui doivent �tre le propre du bel homme de cheval, et qui
sont d'un grand acheminement � la science.
« La difficult� d'acqu�rir ces qualit�s, et le temps qu'il faut pour se perfectionner
dans cet exercice, font dire � plusieurs personnes, qui affectent un air de capacit�,
que le man�ge ne vaut rien, qu'il use et ruine les chevaux, et qu'il ne sert qu'� leur
apprendre � sauter et � danser. Ce qui, par cons�quent, les rend inutiles pour l'usage
ordinaire. Ce faux pr�jug� est cause qu'une infinit� de gens n�gligent un si noble et si
utile exercice, dont tout le but est d'assouplir les chevaux, de les rendre doux et ob�is-
sants, et de les asseoir sur les hanches, sans quoi un cheval, soit de guerre, de chasse,
ou d'�cole, ne peut �tre agr�able dans ses mouvements, ni commode pour le cavalier;
ainsi la d�cision de
ceux qui tiennent
Un pareil langage
�tant sans fonde-
ment, il seroit inu-
tile de combattre
des opinions qui se
d�truisent suffisam-
ment d'elles-m�-
mes. »
NOUS lie pOUVOnS,                                                                   Selle de postillon.
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LE CHIC A CHEVAL.
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malheureusement, citer tout ce qui int�resse l'homme de cheval dans ce remarquable
livre; cela nous entra�nerait � des citations par trop longues, car l'ouvrage est excel-
lent. Nous nous contenterons donc d'en extraire �� et l� quelques passages. Ceux qui
ont d�j� lu ces fragments les retrouveront, nous n'en doutons pas, avec plaisir; quant
aux autres, nous esp�rons que ces quelques citations leur donneront le d�sir de lire en
entier un ouvrage qu'il faut absolument conna�tre si l'on veut se dire homme de
cheval.
Dans l'endroit o� il parle du dressage du jeune cheval, La Gu�rini�re nous apprend
un ancien usage, dont il d�plore l'abandon � bien juste titre.
« Il y avoit autrefois des personnes pr�pos�es pour exercer les poulains au sortir du
haras, lorsqu'ils �toient encore sauvages. On les appelloit Calvalcadours de bardelle ;
on les choisissoit parmi ceux qui avoient le plus de patience, d'industrie, de hardiesse
et de diligence ; la perfection de ces qualit�s n'�tant pas si n�cessaire pour les chevaux
qui ont d�j� �t� mont�s, ils accoutumoient les jeunes chevaux � souffrir qu'on les ap-
proch�t dans l'�curie, � se laisser lever les quatre pies, toucher de la main, � souffrir la
bride, la selle, la croupi�re, les sangles, etc. Ils les assuroient et les rendoient doux au
montoir. Ils n'employoient jamais la rigueur ni la force, qu'auparavant ils n'eussent
essay� les plus doux moyens dont ils pussent s'aviser ; et par cette ing�nieuse patience,
ils rendoient un jeune cheval familier et ami de l'homme; lui conservoient la vigueur
et le courage; le rendoient ob�issant aux premi�res r�gles. Si l'on imitoit � pr�sent la
conduite de ces anciens amateurs, on verroit moins de chevaux estropi�s, ruin�s, re-
bours, roides et vicieux. »
Le chapitre iv, intitul� : « Des termes de l'art », est particuli�rement int�ressant. H
montre quels progr�s �normes l'�quitation avait faits, � cette �poque, et quel homme
de cheval �tait celui qui les d�crivait. L'�quitation est un
art sp�cial qui a ses termes particuliers connus et compris
seulement des initi�s; d�telle sorte que rien qu'� la conver-
sation d'un homme ou � son style, on voit de suite s'il sait
ce que c'est qu'un cheval ou s'il l'ignore. L�-dessus, comme
dans tout ce qui concerne le cheval, le moindre valet d e-
curie en sait plus que l'homme le plus savant de l'Universit�.
Il en est de cela comme du m�tier militaire, la compilation
de tous les livres possibles, toute la strat�gie en chambre
du monde, ne font pas conna�tre l'arm�e. Il faut en �tre
ou en avoir �t� longtemps, pour en pouvoir parler sans
provoquer le haussement d'�paules des gens du m�tier. L -,
du reste, il en est de m�me en toutes choses, et le vieu
proverbe qui dit : « Chacun son m�tier et les vaches serou
trousse-queue.                  bien gard�es », sera �ternellement vrai.
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LE CHIC A CHEVAL.
loi
Cela �tabli, voici quelques-uns des principaux termes hippiques employ�s par La
Gu�rini�re ; ces termes sont aussi exacts aujourd'hui que nagu�re.
« Man�ge. Ce mot a deux si-
gniflcations
savoir, le lieu o�
l'on exerce les chevaux et l'exer-
« Air est la belle attitude que
diff�rentes allures; c'est aussi la
cice qu'on leur fait faire,
doit avoir un cheval dans ses
cadence propre � chaque mouve-
re, soit naturelle, ou artificielle,
le cavalier se sert pour faire aller
moyens consistent dans les diff�-
des jambes. On dit qu'un homme
ment qu'il fait dans chaque allu-
« Aides sont les moyens dont
son cheval et le secourir : ces
rents mouvements de la main et
Fer de chef-d'�uvre.
de cheval a des aides fines lorsque ses mouvements sont peu apparents, et qu'en
gardant un juste �quilibre, il aide son cheval avec science, avec aisance et avec gr�ce;
ce qu'on appelle aussi aides secrettes. On dit qu'un cheval a les aides fines, lorsqu'il
ob�it promptement et avec facilit� au moindre mouvement de la main et des jambes
du cavalier.
« Rendre la main, c'est le mouvement que l'on fait en baissant la main de la bride,
soit pour adoucir, ou pour faire quitter le sentiment du mors sur les barres. Il faut
remarquer qu'on entend toujours par la main de la bride, la main gauche du cavalier;
car, qu'on se serve quelquefois de la main droite pour tirer la r�ne droite, ce n'est alors
qu'une aide � la main gauche, qui reste toujours la main de la bride.
« Tirer � la main. Ce d�faut regarde le cheval ; c'est lorsque sa bouche se roidit contre
'a main du cavalier, en tirant et en levant le nez par ignorance ou par d�sob�issance.
« Battre � la main, c'est le d�faut des chevaux qui n'ont pas la t�te assur�e, ni la
bouche faite, et qui, pour �viter la suj�tion du mors, secouent la bride, et donnent des
coups de t�te.
Bottes Louis XV.
« Appui est le sentiment que produit l'action de la bride dans la main du cavalier,
ei r�ciproquement l'action que la main du cavalier op�re sur les barres du cheval.
" V a des chevaux qui n'ont point d'appui, d'aidres qui en ont trop et d'autres
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LE CHIC A CHEVAL.
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qui ont l'appui � pleine main. Ceux qui n'ont pas d'appui, sont ceux qui crai-
gnent le mors, et ne peuvent souffrir qu'il appuie sur les barres ; ce qui les fait
battre � la main et donner des coups de t�te. Les chevaux qui ont trop d'appui,
sont ceux qui s'appesantissent sur la main. L'appui � pleine main, qui fait la meil-
leure bouche, c'est lorsque le cheval, sans peser ni battre � la main, a l'appui ferme,
l�ger, et temp�r� : Ces trois qualit�s sont celles de la bonne bouche d'un cheval, les-
quelles r�pondent � celles de la bonne bouche d'un cheval qui doit �tre l�g�re, douce
et ferm,e.
»
Les quelques lignes qui pr�c�dent r�sument toute la th�orie la plus fine de la bouche;
elles sont de celles qui int�ressent au plus haut point l'homme de cheval. Il est impos-
sible de mieux parler d'une chose aussi importante et, dirons-nous, aussi passionnante
pour le cavalier. En transcrivant ces lignes je me reportais de plusieurs ann�es en
arri�re, et mes souvenirs rappelaient une conf�rence que nous fit, sur la bouche et
la main, M. de Cahou�t, si justement renomm� comme homme de cheval, et alors
sous-�cuyer � Saumur. Je revois encore la salle d'�tude, tout l�-haut, avec une fen�tre
ouverte sur le Chardonnet, et l'autre sur la colline de Bagneux. Nous �tions l� une tren-
taine de cavaliers-�l�ves, tous grands admirateurs du c�l�bre �cuyer. Pendant une
heure, il nous tint sous le charme d'un sujet qu'il �tait plus apte que personne � traiter;
et cette le�on, ou plut�t cette causerie, demeure dans mon souvenir comme une des
plus int�ressantes et des plus attrayantes de tout le cours.
« Rassembler un cheval, c'est le raccourcir dans son allure, ou dans son air, pour
le mettre sur les hanches : ce qui se fait en retenant doucement le devant avec la main
de la bride et chassant les hanches sous lui avec le gras des jambes, pour le pr�parer
� le mettre dans la main et dans les talons.
« Bien mis, c'est-�-dire bien dress�; bien mis dans la main et dans les talons.
« Travailler de la main � la main, c'est lorsqu'on tourne un cheval d'une piste
avec la main seule et peu d'aide des jambes; ce qui est bon pour le man�ge de
guerre.
« Dedans et dehors. C'est une fa�on de parler dont on se sert, au lieu de droite
et de gauche, etc.. »
On sait que M. de La Gu�rini�re, pour employer une expression militaire, « con-
naissait son tabac ». Le d�faut d'espace nous a contraint � ne citer que quelques-uns
des termes d'�quitation d�finis par La Gu�rini�re; mais tous ceux qu'il a employ�s
sont rest�s dans la langue hippique et y ont conserv� la m�me signification.
Dans le chapitre vi, « De la belle posture de l'homme de cheval, etc.. », nous trouvons
le passage suivant : « La gr�ce est un si grand ornement pour un cavalier, et un si
grand acheminement � la science, que tous ceux qui veulent devenir hommes de cheval
doivent, avant toutes choses, employer le temps n�cessaire pour acqu�rir cette qualit�.
J'entends par gr�ce, un air d'aisance et de libert�, qu'il faut conserver dans une pos-
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LE CHIC A CHEVAL.
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ture droite et libre, soit pour se tenir et s'affermir � cheval, soit pour se rel�cher �
propos, en gardant autant qu'on le peut, dans tous les mouvements que fait un cheval,
ce juste �quilibre qui d�pend du contre-poids du corps bien observ�, et 'que les mou-
vements du cavalier soient si subtils qu'ils servent plus � embellir son assiette qu'�
para�tre aider son cheval. »
Que dirait donc l'auteur s'il voyait les mouvements exag�r�s des �cuyers de cirque
que le b$n public ne se lasse pas d'applaudir; mais, aussi, quelle ne serait pas sa
satisfaction s'il assistait, � Saumur, au man�ge des �cuyers, � une reprise de ces ad-
mirables
sang
pur
dress�s et
des �cuyers
gnes d'eux,
sont l'hon-
tre �cole de
pourrait di-
eu n lieu du
n'existe un
plus suscep-
battre le
l'homme de
M. de La
termine son
par cette
mont�s par
bien di-
�cuyers qui
neur de no-
cavalerie. Il
re qu'en au-
monde, il
spectacle
tiblede faire
c�ur de
cheval.
Gu�rini�re
Selle � piquer.
vi° chapitre
remarque
qui nous semble fort juste :
« Dans une �cole bien r�gl�e, on devroit, apr�s le trot, mettre un cavalier au piafer
dans les pilliers; il apprendroit dans cette action, qui est tr�s ais�e, � se tenir de bonne
gr�ce. Apr�s le piafer, il faudroit un cheval qui all�t � demi courbette ; ensuite un �
courbette; un autre � ballotade ou � croupade, enfin un � capriole. Insensiblement, et
sans s'en apercevoir, un cavalier prendroit avec le temps, la mani�re de se tenir ferme
et droit sans �tre roide ni g�n�... »
Le chapitre xi traite de « l'�paule en dedans, » et s'�tend longuement sur ce mou-
vement, qui est une innovation d'une grande importance, due � la Gu�rini�re.
Au chapitre xix : « Des chevaux de guerre », l'auteur explique la relation qui existe
entre chaque �volution de cavalerie et un air de man�ge.
« Enfin », dit-il, « il est constant que le succ�s de la plupart des actions militaires
est d� � l'uniformit� des mouvements d'une troupe, laquelle uniformit� ne vient que
d'une bonne instruction; et qu'au contraire, le d�sordre qui se met souvent dans un
escadron, est caus� ordinairement par des chevaux mal dress�s ou mal conduits. »
Le chap. xx est consacr� aux chevaux de chasse.
r.mr. a cheval.                                                                                                                                              20
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134
LE CHIC A CHEVAL.
La chasse, dont les clan-
lent dans une certaine me-
d'apr�s LaGu�rini�re, « un
port aux sentiments d'h�-
grands princes ».
« Bien des gens », diten-
sent que la fa�on de dresser
de chasse est tout � fait op-
ge. Une opinion si mal fon-
trop g�n�rale, fait n�gliger
donc pour guide que la
ont fait na�tre et qui favo-
quiert qu'une fermet� sans
c�e et sans fondement,
de jugement, avancer qu'un
quer les principes d'une
il est en �tat de juger de la
lui former un air, n'a pas
gers et les �motions rappel-
sure ceux de la guerre, est,
exercice qui a tant de rap-
ro�sme ins�parables des
suite La Gu�rini�re, « pen-
des chevaux de guerre et
pos�e aux r�gles du man�-
d�e, et malheureusement
les vrais principes. N'ayant
fausse pratique de ceux qui
risent cette erreur, on n'ac-
gr�ce et une ex�cution for-
Pourroit-on, avec un peu
cavalier capable de prati-
bonne �cole, et par lesquels
Sac qui servait � enfermer la queue
du cheval.
nature de son cheval, et de
plus de facilit� encore pour
assouplir et rendre ob�issant celui qu'on destine � la guerre, et pour �tendre et donner
de l'haleine � celui qu'il juge propre pour la chasse, puisque ce ne sont l� que les pre-
miers �l�ments de l'art de monter � cheval. »
Le chapitre xxi, qui parle des chevaux de carrosse, est tr�s curieux, tr�s int�ressant,
mais nous nous contentons de le signaler, car il ne rentre pas dans le cadre de ce
livre.
Le chapitre xxn traite des tournois, des joutes et enfin des car-
rousels.
Voici quelle �tait la physionomie d'un carrousel au dix-huiti�me
si�cle et quelles en �taient les r�gles :
« Le carrousel est une f�te militaire ou imaige du combat, re-
pr�sent�e par une troupe de cavaliers, divis�e en plusieurs qua-
drilles destin�s � faire des courses pour lesquelles on donne des
prix.
« Ce spectacle doit �tre orn� de chariots, de machines, de d�co-
rations, de devises, de r�cits, de concerts et de ballets de che-
vaux, dont la diversit� forme un magnifique coup d'oeil.
« Comme ces f�tes se font dans la vue d'instruire les princes et
les personnes illustres en faveur de qui elles se font, ou d'honorer
leur m�rite, le sujet doit en �tre ing�nieux, militaire, et convenable
Bride italienne;
xvni'si�cle.            aux temps, aux lieux et aux personnes.
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LE CHIC A CHEVAL.
Joo
« 11 y a plusieurs choses � consid�rer dans un v�ritable carrousel :
« 1° Le mestre de camp et ses aides.
« 2° Les cavaliers qui composent chaque quadrille.
« 3° Leurs cartels, leurs noms, leurs habits, leurs devises, leurs armes, leurs ma-
chines, leurs pages, leurs esclaves, leurs valets-de-pi�s, leurs estafiers, leurs chevaux et
leurs ornements.
« 4° Les personnes des r�cits et des machines, et les musiciens.
« 5° Les diff�ren-
ts cavaliers et pour
des prix.
« Le mestre de
conduit toute la
marche; qui fait fl-
leurs �quipages; qui
carri�re et dans les
cavaliers dans leurs
que le lieu des ma-
« Les aides de
le servent dans ces
sent que par ses or-
comme lui, des b�-
ment.
« Le moindre
les pour un v�rita-
quatre, et le plus
tes courses que font
lesquelles on donne
camp est celui qui
pompe; qui r�gle la
1er les quadrilles et
introduit dans la
lices; qui place les
postes; et qui indi-
chines.
camp sont ceux qui
fonctions. Ils n'agis-
dres, en portant,
tons de commande-
nombre des quadril-
ble carrousel est de
grand de douze.
Cavalier de la grande fauconnerie.
Elles doivent �tre toutes de nombre pair, afin que les partis soient �gaux entre eux
pour combattre et pour faire les courses doubles.
« Le nombre de cavaliers dont chaque quadrille est compos�e, est ordinairement de
quatre, quelquefois de six, de huit, de dix ou de douze, non compris le chef, qui est
la personne la plus qualifi�e, � moins que les cavaliers ne soient de condition �gale;
et, alors, on tire au sort celui qui doit l'�tre, pour �viter les contestations. Dans les
carrousels c�l�bres, ce sont ordinairement les princes qui sont chefs.
« Il y a deux sortes de quadrilles; celle des tenants et celle des assaillants. La qua-
drille des tenants est la plus consid�rable.
« Les tenants sont ceux qui ouvrent le carrousel, et qui font les premiers d�fis par
des cartels que des h�rauts publient. Ils sont dits tenants, parce qu'ils avancent cer-
taines propositions qu'ils s'engagent de soutenir les armes � la main contre tout
venant.
« Ils composent les premi�res quadrilles.
-ocr page 217-
LE CHIC A CHEVAL.
136
« Les assaillants sont ceux qui s'offrent, par leurs r�ponses, aux d�sirs et aux cartels
des tenants, � soutenir le contraire; ils composent les quadrilles oppos�es.
« Le cartel se fait au nom du chef de la quadrille qui lui donne ses livr�es. »
Les cartels contiennent ordinairement cinq choses :
« 1° Le nom et l'adresse de ceux que les tenants envoient d�fier;
« 2° Le sujet que les tenants ont de d�fier au combat ceux qu'ils attaquent;
« 3° Quelques autres propositions qu'ils veulent soutenir les armes � la main contre
tous venants;
« 4° Le lieu et la mani�re du combat;
« 5° Le nom des tenants qui envoient le d�fi ou le cartel ; lesquels noms sont
tir�s de l'histoire ou de la fable.
« Ces cartels peuvent �tre en prose ou en vers; et comme l'occasion de ces d�fis
est le d�sir d'acqu�rir de la gloire et de se faire conna�tre, ils sont assaisonn�s de
quelques rodomontades. On excepte les princes des d�fis et des cartels que l'on donne
aux autres. Comme les sujets des carrousels sont historiques, fabuleux et embl�-
matiques, les tenants et les assaillants y prennent ordinairement des noms conformes
au sujet qu'ils repr�sentent. Par exemple, ceux qui repr�sentent des illustres Romains,
prennent le nom de J. C�sar Auguste, etc..
« On prend aussi des noms de romans, comme les chevaliers du Lys, du Soleil, de
la Rose, etc.. Quelquefois ils sont de pure invention comme Florimond, Lysandre, etc..
« Les noms doivent r�pondre aux devises des cavaliers, et la quadrille doit aussi
en porter le nom. Leurs habits, leurs livr�es, leurs armes, leurs machines, leurs
esclaves, leurs cartels doivent �tre uniformes.
« Les pages sont ordinairement � cheval; ils portent les lances et les devises.
et les estafiers conduisent
se tiennent aupr�s des
en Turcs, en Maures, en
en Arm�niens, en singes,
et la volont� du chef de
sique, et la plupart des
la pompe du carrousel,
Italiens, qui ont toujours
ses la fin de l'application
« Les valets de pieds
les chevaux de main et
machines. On les d�guise
esclaves, en
sauvages,
en ours, suivant le sujet
la quadrille.
« Les r�cits, la mu-
machines qui servent �
sont de l'invention des
Selle rase; 1731.
recherch� en toutes cho-
et qui ont excell� dans ce genre.
« Les personnes des r�cits et des machines sont comme des acteurs de th��tre,
qui repr�sentent diverses choses, selon le sujet; il y a aussi quelquefois des vers all�-
goriques en l'honneur de ceux pour qui l'on fait ces f�tes.
« Les musiciens sont employ�s aux concerts de voix et d'instruments, et l'harinoni
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LE PASSEGE A LA NAPOLITAINE; 1727.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          157
qu'on employ� � ces f�tes est de deux sortes; l'une militaire, c'est-�-dire, fi�re et
guerri�re; l'autre douce et agr�able. La premi�re est � la t�te de chaque quadrille,
pour animer les cavaliers et pour annoncer leur venue, leur entr�e dans la car-
ri�re, qu'on nomme comparse, et leurs courses; l'autre ne sert qu'aux r�cits, aux
machines et � la pompe.
« Pour l'harmonie guerri�re, on emploie des trompettes, des tambours, des tim-
bales, des haut-bois et des fifres.
« Pour celle qui accompagne les chars et les machines, ce sont des violons, des
fl�tes, des haut-bois, etc.. On fait aussi au son de ces instruments des danses et des
ballets de chevaux. »
Dans la IIP partie, nous citerons entre autres choses curieuses ou int�ressantes,
dignes d'attirer l'attention :
« La mani�re de faire les pelotes blanches ou �toiles. »
« Il y a plusieurs mani�res pour faire une pelote blanche : mais la meilleure est
celle qui suit :
« Il faut avec un poin�on, fait en forme de grosse al�ne de cordonnier, percer la
peau au milieu du front, de travers en travers, et d�tacher la peau de l'os avec le dit
pom�on; il faut prendre ensuite qua-
tre petites lames de plomb, �troites
et longues d'environ quatre doigts,
et � chaque trou que l'on fait, y pas-
ser une lame, en sorte que les deux
bouts de la dite lame, sortent par
Jes deux extr�mit�s : on en met de
cette fa�on quatre en forme d'�toile,
                     �peron arabe en acier incrust�.
-ocr page 220-
LePass�ge au F
Napolitaine
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-ocr page 221-
138                                                         LE CHIC A CHEVAL.
qui passent les uns sur autres, et forment une esp�ce de bosse dans le milieu du
front. Cela �tant fait, il faut avec une ficelle serrer les extr�mit�s des dites lames, en
serrant la ficelle de plus en plus, et l'arr�ter : on laisse le plomb et la ficelle deux
fois vingt-quatre heures; on l'�te ensuite, on laisse suppurer la plaie sans y toucher;
il s'y fait une esp�ce de cro�te, le poil tombe de soi-m�me, et celui qui revient est
blanc.
« D'autres se servent d'une tuile ou brique, en frottent la partie jusqu'� ce que le
poil soit tomb� et la peau �corch�e, et frottent ensuite l'endroit avec du miel.
« D'autres se servent d'une pomme qu'ils font r�tir au feu, et l'appliquent toute
br�lante sur la partie; ce qui forme une escarre, et le premier poil qui revient, est
blanc.
« D'autres rasent la partie, la frottent avec du jus d'oignon ou de poireau, appli-
quent ensuite sur l'endroit ras�, une mie de pain sortant du four, l'y laissent jusqu'�
ce qu'elle soit refroidie, et frottent ensuite la partie avec du miel. »
Nous citerons aussi, � titre de curiosit�, de quelle mani�re on s'y prenait pour faire
sur les chevaux blancs ou gris ces taches noires que nous remarquons dans pres-
que tous les tableaux du temps, car, alors, les chevaux tachet�s �taient pour le
moins aussi � la mode que les chevaux pies.
« Il faut prendre environ une demi-livre de chaux vive, un quarteron de savon d'Es-
pagne coup� bien-menu, et une demi-livre de litarge d'or en poudre, dans un pot o�
on aura mis de l'eau de
pluie suffisamment. On
met cette composition sur
le charbon, on remue
comme pour faire de la
bouillie : lorsque le tout
est cuit et bien m�l� en-
semble, on le laisse re-
froidir en le m�lant tou-
jours, jusqu'� ce qu on
puisse y toucher avec la
main; on l'applique en-
suite sur le poil qu'on veut
teindre en noir, apr�s quoi
on met un linge blanc
avec un bandeau l�ger,
Selle arabe . � la genette ».                                               jusqu'� Ce que la Hiatie
soit s�che ; on lave ensuite
la place avec de l'eau fra�che. Afin- que cette teinture dure longtemps, il faut 1 aP
-ocr page 222-
159
LE CHIC A CHEVAL.
que pas de saveur.
« Deux poign�es de
crotte de ch�vre fra�-
che , une demi-livre
demie], une once d'a-
lun en poudre, une
chopine de sang de
porc; faites bouillir
le tout ensemble et
frottez en les crins.
« On assure que ce
rem�de est excellent
non seulement pour
faire cro�tre les crins,
mais encore pour les
faire revenir o� ils
sont tomb�s. »
Voici maintenant
comment on s'y pre-
nait, en Angleterre,
pour couper la queue
aux chevaux :
« Les mar�chaux
anglais, apr�s avoir
coup� la queue assez
longue, font cinq ou
six incisions d'�gale
distance, depuis la
naissance de la queue
en dessous, jusqu'�
l'extr�mit� si elle est
coup�e. Ils laissent
une suffisante quan-
tit� de crin au bout
de la queue, pour y
attacher une longue
corde de la grosseur
du petit doigt; ils
passent ensuite l'an-
pliquer lorsque le che-
val aura mu�, et cela
durera un an sans
changer de couleur.
« Pour faire des
marques de couleur
de poil de ch�taigne,
il faut prendre une
livre d'eau-forte, une
once d'argent br�l�,
une once de vitriol en
poudre, une once de
noix de galle en pou-
dre; mettre le tout
dans une grande bou-
teille , ayant- aupara-
vant fait consumer
l'argent par l'eau-
forte ; on laisse le tout
ensemble l'espace de
neuf jours avant que
de s'en servir, et il
faut que ce soit avec
un pinceau, et plus
d�licatement qu'avec
l'autre composition ;
si l'on veut seulement
une couleur d'alezan,
^ faut mettre plus ou
moins d'argent br�l�
dans l'eau-forte, et la
couleur sera plus ou
moins fonc�e. »
Un peu plus loin,
La Gu�rini�re indi-
que une recette pour
faire cro�tre la cri-
t�re et la queue,
recette qui ne man-
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-ocr page 223-
160                                                         LE CHIC A CHEVAL.
tre extr�mit� de cette corde dans une poulie qui est attach�e au plancher, positi-
vement au-dessus du milieu du dos du cheval, lorsqu'il a la t�te � la mangeoire; la
m�me corde doit passer ensuite dans une autre poulie, aussi attach�e au plancher,
derri�re la croupe, au milieu de l'�curie; on suspend au bout de cette corde un poids
d'une certaine pesanteur, de sorte que le cheval �tant couch� ou relev�, ait toujours
la queue soulev�e et renvers�e sur la croupe. On laisse cette corde jusqu'� ce que les
cicatrices soient ferm�es. Cette op�ration leur fait porter ce qu'on appelle la queue �
l'anglaise. »
La sensibilit� �tait du reste loin d'�tre exag�r�e � l'�poque o� vivait La Gu�rini�re;
et si les lignes qui pr�c�dent n'ont pas convaincu le lecteur, qu'il �coute ce que dit le
m�me �crivain touchant la mani�re de tailler les grandes oreilles pour les rendre
petites.
« Il faut faire faire deux moules de forte t�le, par un habile serrurier, qui prendra la
mesure juste d'une oreille bien faite; il formera les moules de m�me : il faut qu'il y
en ait un plus petit que l'autre; le plus petit sera mis en dedans de l'oreille du cheval
et le plus grand en dehors. L'oreille �tant ainsi prise entre ces deux moules, il faut
la serrer fortement en dedans et en dehors par le moyen d'un instrument � vis, en-
suite, avec un bistouri, on coupera ce qui d�borde de l'oreille.
« L'op�ration �tant ainsi faite aux deux oreilles, on �te les moules, et il faut laisser
le cheval quatre ou cinq heures au filet, attach� entre les deux pilliers dans l'�curie, de
mani�re qu'il ne se frotte pas. Lorsque le sang sera arr�t�, il se formera une cro�te
autour des oreilles, et le lendemain on frottera la plaie tout autour avec de l'onguent
pour la br�lure, ou parties �gales d'altheax, de miel et de saindoux fondues ensemble
on applique de l'un ou de l'autre onguent avec la barbe d'une plume, soir et matin,
jusqu'� ce que cette cro�te tombe d'elle-m�me. Avant de faire cette op�ration, w
faut couper ou raser le poil des oreilles en dedans et en dehors le plus pr�s qu on
pourra.
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LA COURBETTE,
1750.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          161
« Pour relever les oreilles des chevaux qui les ont �cart�es et pendantes (d'o� vient
qu'on les appelle vieillards), on leur coupe environ deux doigts de la peau au-dessus
de la t�te, entre les deux oreilles; il faut ensuite rapprocher et coudre les deux peaux
pour les rejoindre; on pansera la plaie � l'ordinaire jusqu'� gu�rison. »
Ces cruaut�s ne sont pas sans inspirer quelques scrupules au bon La Gu�rini�re, mais
il ne s'agit � proprement parler que d'un doute, d'un soup�on de scrupule; car apr�s
avoir �mis ce doute, il indique, avec une na�vet� charmante, une raison pour ne pas
condamner ces barbares traitements.
« Il parait qu'il y a un peu de cruaut� dans les op�rations ci-dessus; mais il y a
les curieux � qui cela pla�t. »
Notons ici, pour corroborer les citations ant�rieures, que le cheval que monte le baron
Eisemberg, dans le dessin intitul� « Pass�ge � la Napolitaine », a les oreilles coup�es,
t m�me assez courtes. Ce cheval, qui s'appelait « le Galant », appartenait � M. le comte
e Daun, vice-roi de Naples, dont le baron d'Eisemberg �tait le grand �cuyer. Voici
du reste ce qu'en dit le baron et comment il parle du passage � l'Italienne :
« Dans le temps que j'avais l'honneur d'�tre Grand-�cuyer de son Excellence, il y
avait parmi les autres chevaux de man�ge, un cheval qui passageoit de la m�me ma-
ni�re qu'on voit ici, et dont la figure �toit si jolie sous son homme, que tous ceux qui
le voyaient en �toient charm�s, et que moi-m�me je l'estimois au-dessus de tous, non
seulement parce qu'il passageoit si bien, mais parce qu'il galoppoit d'une mani�re extr�-
mement relev�e et tout � fait brillante. Il faisoit des passades de trois temps o� il n'y
avoit rien � d�sirer. En un mot, il �toit aussi adroit qu'aucun cheval de man�ge puisse
l'�tre.Le cavalier doit repr�senter l'assiette que j'avais en le montant, qui �toit ais�e et
libre et j'ose dire que je l'ai fait manier sous moi, sans faire para�tre des aides fortes;
et ce qu'il y avoit de plus difficile, c'est que je l'ai passage sur la volte, et chang� de
main sans perdre un seul temps, ni d�rang� sa cadence, qui �tait si juste et si �gale,
que je n'ai jamais vu un cheval qui l'ait surpass� en fait de man�ge. Je dirai ici en
peu de mots en quoi consiste la diff�rence du Pass�ge italien d'avec celui des autres.
Leurs chevaux sont plus assis sur la hanche que les n�tres, mais par cette m�me raison
ils ne l�vent pas si haut la jambe de derri�re qui doit r�pondre � proportion � la
jambe de devant; ce qui est compt� ailleurs pour la beaut� du pass�ge. On nomme
en italien l'action du cheval qui passage : « la Ciambella ».
Pour r�sumer et pour terminer ce chapitre, tout entier consacr� � M. de La Gu�ri-
ni�re, nous ne saurions mieux faire que de citer l'opinion de M. le capitaine Picard
sur ce c�l�bre �cuyer.
« ... En simplifiant les moyens de dressage, il enseigna au cavalier � chercher
ses moyens de tenue dans l'�quilibre et dans la rectitude de la position. L'�quitation
qu'il professa fut raisonn�e et naturelle. Il parla de l'�quilibre du cheval, fit usage
du mouvement de l'�paule en devant pour l'assouplir; il alla jusqu'� recommander,
CHIC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                             2'
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162                                                         LE CHIC A CHEVAL.
pour les chevaux de chasse, de les habituer � tourner � faux et � serpenter au
galop en changeant de pied....
« En r�sum�, M. de La Gu�rini�re fit faire � l'�quitation une �volution compl�te...
« Ce fut lui qui, le premier, prescrivit l'aisance � cheval, et indiqua les moyens
de l'obtenir. »
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CHAPITRE XIII.
Les
SUCCESSEURS DE La Gu�RINI�RE.
ous avons essay�, dans le chapitre qui pr�c�de, d'ana-
lyser les principes de la Gu�rini�re et de donner un
rapide aper�u de sa m�thode. On a pu juger quel im-
mense progr�s il avait fait faire � l'�quitation. Apr�s
lui, tous, qu'ils le veuillent ou non, s'inspirent de
ses id�es. C'est vers cette �poque que l'�quitation mi-
litaire commence � se s�parer de l'�quitation civile;
et nombre d'�cuyers �crivent sp�cialement pour l'ar-
m�e, et cherchent � lui inculquer des principes plus
rationnels, plus pratiques que ceux qui avaient cours
alors, � l'arracher � la routine, � lui faire rejeter des
erreurs o�, faute d'une direction �clair�e et comp�-
tente, elle est retomb�e � plusieurs reprises. Un des
premiers, le mar�chal de Saxe s'�tait pr�occup� d'am�liorer la cavalerie.
L'extrait suivant indique d'une mani�re bien nette comment il entendait que f�t
men�e l'instruction des troupes � cheval.
« 11 faut que la cavalerie soit leste, qu'elle soit mont�e sur des chevaux rendus
propres � la fatigue, et surtout qu'elle ne fasse point son point d'honneur d'avoir des
chevaux gras. Il est certain que l'on ne conna�t pas la force de la cavalerie, ni les
avantages qu'on en peut tirer. D'o� vient cela? De l'amour que l'on a pour les che-
vaux. J'ai eu un r�giment de cavalerie allemande, en Pologne, avec lequel j'ai fait,
en dix-huit mois plus de 1,500 lieues, soit en marches ou en courses, et je puis assurer
que ce r�giment �tait plus en �tat de tenir au bout de ce temps-l� qu'un autre qui
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164                                                         LE CHIC A CHEVAL.
e�t eu des chevaux gras. Mais pour cela, il faut faire les chevaux peu � peu au mal, et
les endurcir � la fatigue par des courses et des exercices violents, ce qui les con-
serve plus sains et les fait durer bien davantage. Quand ils y sont faits, vous pouvez
compter avoir de la cavalerie, au lieu que vous n'en aviez pas auparavant. De plus,
cela rompt et style nos cavaliers, leur donne un air de guerre qui sied bien; mais
il faut faire galoper les chevaux, il faut les faire courir � toutes jambes en escadrons
et les mettre peu � peu en haleine. On ne doit pas se contenter de man�uvrer tous
les trois ans une fois avec une lenteur extr�me, de peur que ces pauvres b�tes se
tuent... etc., etc. »
Sous l'inspiration de ce grand homme de guerre, le comte Drumont de Melfort
�crit en 1748 son « Essai sur la cavalerie l�g�re », qui fut le point du d�part de
tous les r�glements ou ordonnances de cavalerie. Une grande partie des innovations
pr�conis�es par les �crivains finirent par passer dans la pratique. Le comte de
Melfort ne s'occupe, du reste, que de la cavalerie et des am�liorations qu'il juge indis-
pensable d'y introduire. Loin de m�priser l'�quitation savante, on sent, au contraire,
qu'il l'estime � sa valeur; mais il s'oppose � ce qu'on en embarrasse le cerveau sou-
vent assez �troit des cavaliers de r�giment : il veut des cavaliers vite � chaval et
recommande qu'on ne les attarde pas � des finesses qui ne seraient pas comprises
et, partant, pr�senteraient plus d'inconv�nients que d'utilit�.
Ses id�es sont d'une grande justesse et, aujourd'hui encore, la lecture de son
livre n'est point d�nu�e d'int�r�t.
« Toutes les finesses de l'art », dit-il � ce propos, « tels que peser sur un �trier
plus que sur l'autre, de serrer le jarret ou le talon du dehors, pour porter le
cheval en dedans, sont superflues � la cavalerie; on se contentera de dire que le ca-
valier doit �viter de se servir de l'�peron, toutes les fois que par la vigueur de ses
jarrets il pourra d�terminer son cheval en avant; et que l'aide du gras des jambes est
fait pour avertir le cheval, qui n'a pas r�pondu � l'aide des cuisses, que les �perons
sont pr�ts � agir, s'il n'ob�it pas � ce second avertissement. »
En 1754, para�t le livre de M. de la Porterie « Instructions militaires pour la ca-
valerie et les dra-
Porterie,mestre-de-
major du r�giment,
n�ral des dragons
. »
L'ann�e 1753 voit
tion provisoire du
1755 « l'Ordonnance
premiers r�glements
gons, par M. de la
camp de dragons,
Mestre-de-camp
Re-
para�tre « l'Instruc-
14 mai », et l'ann�e
du roi » qui sont les
officiels de cavalerie.
mo
Fer � planche;
■fer � sous-jneds.
A cette �poque, de nombreuses Ecoles d'�quitation s'�taient form�es, et chacune
avait produit des �cuyers renomm�s.
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LE GHIG A CHEVAL.                                                          165
Parmi les �cuyers de l'�cole de Versailles, on remarque MM. de Nestier, de Salvert,
de Neuilly.
MM. de Lubersac, de Montfaucon deRogles appartenaient � l'�cole des chevau-l�gers.
Au nombre des �cuyers de l'�cole militaire figuraient MM. d'Auvergne et de Bois-
deffre.
L'�cole ou le Man�ge de Lun�ville comptait, parmi les siens, MM. Mottin de
La Balme et de Bo-
M. Dugaste el M.
s�rent avec �clat au
ries ou �cole des
ce m�me man�ge
vait devenir si triste-
ies annales r�volu-
apr�s avoir abrit�
plus �l�gants et les
leur �ducation et
lait voir l'immonde
venir d�biter ses ha-
han.
de Villemotte profes-
Man�ge des Tuile-
pages d'Orl�ans. C'est
des Tuileries qui d�-
ment c�l�bre dans
tionnaires et qui,
les jeunes gens les
plus distingu�s par
leur naissance, al-
tourbe jacobine y
rangues haineuses
et criminelles.
M. de Nestier, qui
Man�ge de Versail-
c�demment, inventa
caract�rise ce mors,
courtes que celles du
temps.
fut l'un des plus brillants �cuyers du
les, ainsi que nous l'avons dit pr�-
le mors qui porte son nom. Ce qui
c'est que les branches en sont plus
mors g�n�ralement en usage de son
tampe de Daull� devenue tr�s rare et
tableau de Delarue, dat�e de 1753,
Une tr�s belle es-
Selle orientale, prise � Belgrade,
par Max-Emmanuel.
grav�e, d'apr�s un
repr�sente M. de Nestier montant Florido, cheval andalou que le roi d'Espagne avait
envoy� � Louis XV. La vogue obtenue par cette gravure fut consid�rable ; on la voyait
chez tous ceux qui avaient la pr�tention d'�tre hommes de cheval.
M. de Lubersac, qui fut le fondateur de la c�l�bre �cole des chevau-l�gers, est aussi
rest� en possession d'une renomm�e bien m�rit�e : « Le fameux M. de Lubersac ne
se servait que du pas pour dresser ses chevaux, il s'en emparait sit�t qu'ils �taient
ce qu'on appelle d�bourr�s; il les montait pendant dix mois ou deux ans, toujours
au pas, et quand, au bout de ce temps, il les mettait sous ses plus forts �coliers, ils
�taient tout �tonn�s de trouver � ses chevaux le passage le plus cadenc�, et la galo-
pade la plus �cout�e et la plus juste. »
M. d'Auvergne, lieutenant-colonel de cavalerie, fut longtemps chef de l'�quitation �
l'�cole royale militaire.
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LE CHIC A CHEVAL.
166
« A l'�poque o� d'Auvergne fut l'�cuyer en chef de l'�cole militaire, les id�es nou-
velles sur la position �questre prouv�es par la m�canique s'�taient d�j� fait place. Il
les adopta, mais en les d�gageant des erreurs sp�culatives dans lesquelles plusieurs
de Clam, voulaient les entra�-
se montre tr�s partisan de la
sous son patronage, la ca-
l'�quitation militaire sur l'�-
pas voulu souscrire � cette
�poque que date surtout la
maintenue si longtemps, entre
dite acad�mique, qui eut son
man�ge de la maison du roi,
man�ge de Versailles, et ceux
pr�sent�e successivement par
sailles, de Lun�ville, d'An-
Saumur; enfin, en dernier
de cavalerie. » (Capitaine Pi-
cavalerie.)
th�oriciens, tels que Dupaty
ner. N�anmoins d'Auvergne
nouvelle science qui devint,
ract�ristique du progr�s de
quitation civile, qui n'avait
innovation. C'est de cette
scission profonde, qui s'est
les principes de l'�quitation
origine et sa source dans le
repr�sent� plus tard par le
de l'�quitation militaire, re-
les �coles d'�quitation de Ver-
gers, de Saint-Germain, de
lieu, par le man�ge de l'�cole
card, Origine de l'�cole de
Bride � la Neslicr.
L'�uvre de Dupaty de Clam se compose des ouvrages suivants :
« La pratique de l'�quitation », 1769. � « Trait� de cavalerie », traduit de X�no-
phon, 1771. � « La science et l'art de l'�quitation d�montr�s d'apr�s nature », 1776.
� « Les diff�rentes parties de l'�quitation », 1781.
M. de Montfaucon de Rogles avait �crit un important ouvrage qui ne fut publi�
qu'apr�s sa mort, par les soins de son fr�re, en 1778. C'est le : Trait� d'�quitation
par feu M. de Montfaucon de Rogles, �cuyer ordinaire de la petite �curie du Roi
commandant l'�quipage de feu Monseigneur le Dauphin.
»
Ce trait�, r��dit� en 1803, � une �poque o� les �cuyers, dispers�s par la R�volution,
faisaient presque compl�tement d�faut, « eut une grande influence sur les m�thodes
militaires qui se r�organisaient alors ».
En 1814, lorsqu'on proc�da � l'installation de l'�cole de Saumur, c'est de l'ouvrage
de M. de Montfaucon que l'on s'inspira pour r�diger le manuel d'instruction �ques-
tre destin� � cette �cole. « C'est donc par l'interm�diaire de Montfaucon que l'�quita-
tion militaire s'est renou�e � la tradition acad�mique dont elle s'�tait
�cart�e. »
Notons ici, en passant, que l'origine premi�re de l'�cole de Saumur est
ant�rieure � 1814; elle remonte � 1763. A cette date, en effet, le Royal-
carabiniers, qui avait pour chef honoraire le comte de Provence, qui fut
Ferpathoiogi- depuis Louis XVIII, vint tenir garnison � Saumur. C'est l� un fait im-
que� pince Iron-                                                                                                                                                                  , . 'p
qu�e.                portant dans les fastes de l'histoire de la cavalerie, car c'est de 1 arriv�e
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LE CHIC A CHEVAL.
167
dans cette ville de ce corps, si justement renomm� pour son �cole
d'�quitation, que date l'histoire de l'�cole de cavalerie de Saumur.
Les « Essais sur l'�quitation », de Mottin de La Balme, ont
�t� publi�s en 1773.
Quelques ann�es plus tard, en 1781, parut l'ouvrage le
plus clair et le plus �tudi� qui e�t encore �t� compos�
sur la cavalerie. Cet ouvrage, qui resta longtemps la
pierre d'angle de toutes les instructions et de toutes
les ordonnances qui suivirent, est demeur� jus-
ment c�l�bre.
teur de l'ouvrage en question est le g�n�ral
han. Son travail a pour titre : « Examen
du militaire fran�ais.
» C'est dans le
volume, qui est intitul� : « Principes
� cheval et dresser les chevaux de
sont expos�s les principes de l'�-
Mieux que tous les commentai-
traits, j udicieusement choisis,
de la valeur de l'�uvre du
te-
L'au-
de Bo-
critique
troisi�me
pour monter
guerre
», que
minent �crivain.
res, quelques ex
permettront de jug
g�n�ral de Bohan.
Voici, tout d'abord, l'o-
Bohan au sujet du travail �
« On se gardera bien de se
thode usit�e dans presque toutes
commencer par faire trotter les ca-
longe sur des cercles, et, souvent, sur
chevaux dont l'allure irr�guli�re exige
gue pratique pour n'�tre pas d�plac�s ; mais,
m�me on choisirait le cheval le plus doux, le
sage et qui trotte le plus r�guli�rement,
corps, dans le mouvement circulaire, en proie
aux forces centrifuges et centrip�tes, pr�sente des
difficult�s pour conserver son aplomb, difficult�s qu'un
commen�ant ne saurait vaincre, s'il n'est, dans ses le-
�ons, occup� qu'� se tenir par des moyens de force. »
M. de Bohan se montre tr�s oppos� � l'emploi des vieux
airs de man�ge; il est adversaire d�cid� de toutes les finesses
du dressage de haute �cole pour la cavalerie.
De son temps, on ne faisait sortir les chevaux cle la cavalerie
pinion du g�n�ral de
la longe :
servir de la m�-
les �coles, de
valiers � la
de jeunes
une lon-
quand
plus
le
Mors de l'Ecole de Versailles.
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168                                                         LE CHIC A CHEVAL.
que huit fois par mois. Il recommande, et avec juste raison, qu'on les exerce tous les jours.
Ajoutons que, tout en insistant pour que le cheval de guerre soit mis aux grandes
allures, sur des lignes droites, ce qui est absolument juste, et en tout conforme aux
id�es actuelles, M. de Bohan est un homme de cheval trop habile pour nier l'utilit�
du man�ge. Aussi, quand il parle du dressage du cheval de man�ge, il reconna�t qu'il
doit avoir l'�ducation la plus perfectionn�e.
« Des piliers. � Je ne conseille pas � la cavalerie de faire usage des piliers dans l'�-
ducation des chevaux; il y a peu d'avantage � en tirer, et la perte d'un temps qu'on
emploierait beaucoup mieux � allonger les chevaux sur de grands cercles, et plus
encore sur des lignes droites; mais cette le�on donn�e par un habile ma�tre, � un jeune
cheval destin� au man�ge, devient tr�s utile, en donnant une grande justesse et un
grand liant aux ressorts de l'animal, en lui faisant plier les articulations avec gr�ce
et agilit�, et lui apprenant � r�partir proportionnellement le poids de son corps sur
les jambes posant � terre, ce que j'appelle se rassembler. »
Ce que dit M. de Bohan au sujet de l'embouchure est d'une justesse extr�me et,
de plus, fort spirituellement pr�sent� :
« Si je ne consid�rais l'embouchure des chevaux que relativement � l'�quitation, �
peine ce chapitre trouverait-il place ici, puisque la plus l�g�re attention suffit pour
donner au cheval un mors qui lui convienne. C'est ainsi, du moins, que l'homme de
cheval envisage cette partie : il ne regarde la bride que comme un moyen secondaire;
il rapproche les diff�rences que l'on a multipli�es � l'infini sur les formes et propor-
tions de mors. C'est l'ignorance des �cuyers qui a fait de l'�peronnerie un art de char-
latanisme ; tout le monde veut monter, ma�triser et dresser des chevaux, et peu de
gens ont fait un suffisant apprentissage de ce m�tier difficile... On s'adresse �
un �peronnier pour trouver les moyens de mener un cheval
qu'une mauvaise assiette et une mauvaise main ont mis de
travers et ont fait d�fendre; on encourage l'artiste mercenaire,
on lui persuade ais�ment que son art est un art essentiel et
profond : il faut bien que celui-ci, � son tour, prenne un
air scientifique; il passe les doigts dans la bouche du cheval,
palpe les l�vres, les barres, la langue; le voil� magicien, il
parle beaucoup, vous dit des mots qu'il ne comprend certaine-
ment pas lui-m�me; n'importe, il ajuste un mors; il vous r�-
pond de son effet, et vous vous retirez content. Le cheval, �tonn�
et intimid� de la nouvelle machine qu'on lui a mis clans la bou-
che, para�t en effet plus ob�issant, mais la victoire n'est pas
longue..............................�
Costume de cheval � l'anglaise;
usa.
« Ce n'est jamais par la force qu'il faut pr�tendre ma�triser
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EN L'AN VIII.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          169
les chevaux, ses effets sont insuffisants; s'ils semblent r�ussir quelquefois, c'est tou-
jours en produisant d'extr�mes d�sordres et d'extr�mes dangers...........
« Tous les poulains quelconques sont ob�issants au bridon. C'est avec cet ajustement
que l'homme de cheval les accoutume au joug, et avec un, un peu plus fort, il d�ses-
p�rerait l'animal. »
Sur ce sujet si int�ressant, M. de Bohan ajoute encore :
« Ce n'est donc pas la pression sur les l�vres, ni sur les barres, qu'il faut augmenter,
mais il faut apaiser le cheval, l'assouplir; et, dans le dernier cas, surtout, r�duire
presque � rien l'effet des mains. »
Selle de poste; XVIII» si�cle.
Comment mieux r�sumer, et en moins de mots, la th�orie de la main?
M. de Bohan continue ainsi :
« Ce sera assez clair pour ceux qui ont vu beaucoup de chevaux, parce qu'ils ont
rencontr� souvent des hommes tr�s vigoureux, employant toute la force dont ils
�taient capables, emport�s par des chevaux qu'un homme plus habile qu'eux menait
avec la plus grande facilit�, en ne se servant que d'un seul bridon.
»
Nous recommandons de m�diter ce passage � ces cavaliers qui pensent que la vi-
gueur des biceps peut tenir lieu d'art et de pratique, et qui disent avec une na�ve suf-
fisance : « Oh! j'ai des bras, » La force de leurs poignets, il faut en effet qu'ils la
d�ploient tout enti�re par d�faut d'exp�rience, pour parvenir � arr�ter leurs chevaux.
Cela se voit surtout � la chasse.
Il convient de faire remarquer ici que le passage en question n'a pas �t� �crit par
un « cavalcadour », un de ces vieux ma�tres ne connaissant que le man�ge, mais par
un homme qui ne pr�conisait que la grande ligne et l'allure franche, par un homme
dont les id�es �taient en avance d'un si�cle sur celles de ses contemporains.
CHIC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                     22*
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LE CHIC A CHEVAL.
170
C'est pour ce motif que nous avons fait au livre de M. de Bohan d'assez amples
emprunts, et que nous y puisons encore les quelques extraits qui vont suivre :
« Dans ce m�tier-ci, la th�orie ne suffit pas; je l'ai d�j� dit, et il est n�cessaire de
le r�p�ter, il faut pratiquer, et beaucoup voir. J'engage donc mon lecteur � se trans-
porter souvent sur ces terrains o� l'on pousse les chevaux � des courses rapides, o�
des escadrons font des simulacres de charges qui ressemblent si souvent � des simu-
lacres de fuite, par le d�sordre qui y r�gne : c'est l� o� il verra les hommes les plus
forts emport�s par les plus petits chevaux, dont ils mettent pourtant la bouche
en sang, etc. »
On ne saurait mieux dire, assur�ment; et ces conseils, formul�s il y a plus d'un si�cle,
n'ont rien perdu de leur valeur.
A ce propos, il nous semble que si l'on voulait composer un trait� d'�quitation re-
marquable par la science et par la saveur, un trait� bien sup�rieur � ceux que peuvent
�crire tels ou tels chefs d'�cole, il n'y aurait qu'� faire un choix judicieux dans les ou-
vrages des anciens ma�tres, qui, certes, ne se piquaient pas, eux, de litt�rature, mais qui
�crivaient de ce qu'ils savaient bien pour y avoir consacr� leur vie.
Les id�es contenues dans le passage qui suit sont pleines de justesse:
« La lenteur du progr�s, dans tous les arts, doit �tre plus souvent imput�e � la m�-
diocrit� des ma�tres qu'au manque de dispositions des �coliers; rien n'est si difficile que
de bien monter; nul n'est trop savant pour cet emploi; voil� mon avis, d'apr�s lequel
on peut juger combien je bl�me l'usage g�n�ral o� est la cavalerie d'abandonner le soin
de l'instruction � des sous-
rement qu'une grossi�re
pour juger les d�fauts de
pour s'�noncer d'une ma-
muniquer leurs pens�es sur
en �tat d'exposer les prin-
fond. »
Les id�es du g�n�ral de
tes et les haras sont loin
officiers qui n'ont ordinai-
routine, sont sans aptitude
leurs �l�ves, et sans talent
ni�re juste et pr�cise, com-
un art dont on n'est jamais
cipes si on ne les poss�de �
Bohan touchant les remon-
d'�tre banales. Elles attes-
une grande comp�tence de
que l'on remont�t la cava-
Les arguments qu'il em-
tent un esprit sup�rieur,
la mati�re.
M. de Bohan aurait voulu
Jll o»v^w.i-vr =it Jie.iti.fcV-
1?5J
lerie en chevaux entiers,
ploie pour soutenir sa mani�re de voir sont fort int�ressants, et il termine ainsi son
plaidoyer :
« Je para�trai peut-�tre extravagant, mais j'opinerai pour que la cavalerie soit mont�e
sur des chevaux entiers, qu'elle soit exerc�e tous les jours, qu'elle entreprenne des
marches qne l'on appelle aujourd'hui marches forc�es, et qu'on l'habitue � passer les
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LE CHIC A CHEVAL.
171
plus mauvais pas, et m�me � sauter et franchir les obstacles qui l'arr�tent actuellement.»
Je terminerai cette rapide analyse d'un ouvrage qui m�rite d'�tre lu et relu, par
cette seule appr�ciation : qu'il est regrettable que de semblables livres ne soient pas
non seulement classiques mais obligatoires dans la cavalerie, et que, dans les examens,
leur connaissance ne soit pas exig�e de pr�f�rence � celle de l'histoire des Gracques. On
ne peut �videmment tout savoir; pourquoi s'obstiner � tirer de leur poussi�re des gens
qui ne demandent qu'� y dormir en paix, alors que, quelquefois, on ignore des choses
qui touchent de si pr�s � notre
m�tier.
Pendant qu'en France les
hommes comp�tents r�cla-
maient des r�formes et deman-
daient que la cavalerie f�t sur-
tout instruite en vue de la
guerre, une r�forme de ce
genre s'�tait accomplie en
Prusse. Gr�ce au g�nie et � l'�-
nergie du grand Fr�d�ric, cette
puissance avait �t� dot�e d'une
cavalerie v�ritablement hors
ligne.
« C'est lui » , dit le capitaine
Picard, « qui fit faire � l'�-
quitation militaire le plus
grand pas, en voulant une
cavalerie mobile, avec de la
vitesse et du choc. Avec des
cavaliers montant bien et ayant
beaucoup d'allant, il adopte
Cavalier velu " � l'espagnole"; XVIII6 si�cle.
l'ordre mince, le combat �
l'arme blanche, ploie et d�ploie rapidement ses escadrons. L'�quitation devenait plus
hardie, en m�me temps que la cavalerie devenait ce qu'elle est toujours, l'arme de
vitesse. »
Le grand Fr�d�ric fut singuli�rement aid�, clans l'accomplissement de son �uvre
de r�organisation, par Ziethen et Seydlitz, qui �taient � la fois des �ducateurs �minents
et de vaillants et habiles entra�neurs d'escadrons.
Voici comment l'ami de Voltaire, le roi c�l�br� par les philosophes, manifestait sa
mauvaise humeur lorsque les exercices qui s'accomplissaient sous ses yeux ne le satis-
faisaient pas : « Je vais vous secouer le poil; il faut que cela change, ou nous ver-
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112                                                          LE CHIC A CHEVAL.
rons. » � « Pas de sang, pas de vie, pas d'ordre. Les bougres montent comme des
savetiers. Vous aurez affaire � moi. » Et il tenait parole.
Le grand Fr�d�ric avait du reste une id�e fort �lev�e de la mission qui
incombe aux officiers de cavalerie. Il leur disait en effet : « Votre service est tel
que je dois obtenir davantage d'un lieutenant de cavalerie que d'un major d'infan-
terie. »
Pendant la guerre de Sept ans, la cavalerie prussienne, qui comprenait admira-
blement le r�le qu'ont � remplir, en campagne, les troupes � cheval, se montra
presque toujours sup�rieure � la cavalerie fran�aise.
Ces �checs r�p�t�s firent comprendre, en France, qu'il importait de rem�dier au mal,
de renoncer � d'anciens et d�plorables errements, que des r�formes profondes �taient
indispensables.
Faire des r�formes, �tant donn�e l'organisation de la cavalerie, o� les capitaines
�taient encore propri�taires de leurs compagnies, c'�tait l� une t�che bien difficile.
On devait fatalement se heurter � une foule de mauvais vouloirs et de r�sistances
int�ress�es.
Il fallait, pour r�ussir, un homme dou� � la fois d'une forte dose de courage et
d'habilet�. Les talents et la fermet� n�cessaire pour mener � bonne fin l'�uvre de
r�organisation qu'il avait entreprise, le duc de Choiseul, ce ministre si �minent, les
poss�dait. Il commen�a par d�cider que les compagnies ne seraient plus la propri�t�
de leurs capitaines, mais que toutes les troupes seraient entretenues par le roi. C'�tait
l� une r�forme capitale, qui devait bient�t porter ses fruits. La cavalerie, en effet, ne
tarda pas � changer de face; et l'on peut dire que c'est en grande partie au duc de
Choiseul, qu'elle dut la juste renomm�e qu'elle acquit depuis. De plus, le duc de
Choiseul r�organisa les haras et encouragea, de tout son pouvoir, la cr�ation de
nouveaux man�ges et de nouvelles acad�mies.
C'est en 1776 que le sport des courses fit son apparition en France.
L'ann�e suivante, il y eut, � Fontainebleau, une grande course � laquelle pri-
rent part quarante chevaux. Elle fut
suivie d'une autre course o� figuraient
quarante �nes.
Patronn�es par de grands seigneurs
comme le comte d'Artois, fr�re du roi,
l'un des anglomanes les plus passionn�s
du temps, le duc de Chartres, le prince
de Nassau, le prince de Gu�m�n�, le
marquis de Conflans, le duc de Fitz-
James, ces courses ne tard�rent pas �
obtenir une vogue extr�me.
-ocr page 242-
I.A RENCONTRE
1805.
-ocr page 243-
�173
LE CHIC A CHEVAL,                                                   ^^^
La faveur dont jouissait ce sport, nouveau en France, �tait du reste loin de plaire
� ceux qui avaient � c�ur de conserver les traditions de l'�cole fran�aise.
c< L'anglomanie faisait des progr�s rapides et soulevait de vives r�criminations c
la part des �cuyers aux m�thodes classiques, qui voyaient leurs principes s�v�res de
tenue et de correction battus en br�che par le laisser-aller des anglomanes. »
Selle orientale.
Le man�ge de Versailles », dit le capitaine Picard,
co
ntinuait d'�tre le mod�le
acad�mique
«
de l'�quitation fran�aise, �quitation classique s il en lui,           l
pour en faire b�n�ficier l'arm�e. »                                                         avec beauC0up
L'auteur des : Origines de l'�cole de ^" °^ le chevalier d'Abzac,
de saveur, quelques anecdotes sur le marquis de la uib
deux des plus brillants �cuyers de l'Acad�mie de J*^^. d>Abzac sont rest�s
« Les noms de M. le marquis de la Bigne et de .
                    & ^ ^
l�gendaires comme les plus parfaites expressions. de c»i^ ^ ^ ^^ destructeur
voulu s'incarner tout enti�re en eux, avant de s ^J ^ deux hommes de cheval
de l'ouragan r�volutionnaire. En effet, la sup�riori e
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%sm
1820
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174                                                         LE CHIC A CHEVAL.
�tait si �clatante aux yeux de tous leurs contemporains, qu'ils n'ont pas os� se pro-
noncer sur la priorit� de l'un ou de l'autre. Cependant, pour formuler une appr�ciation
quelconque, ils ont d� recourir � un subterfuge, du reste assez ing�nieux. Pour faire
un �cuyer qui n'a jamais exist�, disait-on � cette �poque, il faudrait les jambes de La
Bigne et la main de d'Abzac.
« Quanta M. de La Bigne, son nom restera attach� au souvenir d'un exploit que
nous allons rapporter.
« 11 fit et gagna le pari de mettre une heure, sans quitter le galop un instant, �
se rendre de la porte de la grande �curie � la grille du ch�teau de Versailles, c'est-
� dire, � traverser la place d'Armes, son cheval ayant pour toute embouchure un fil
de soie pass� dans la bouche! Ah! oui, il lui a fallu des jambes, mais il n'a pas d�
manquer de main non plus. »
Une chose certaine, c'est qu'un pareil cavalier n'aurait �t� aucunement embarrass�
de suivre, sur un terrain difficile, et sur le cheval anglais le plus vite, la chasse la
plus rapidement men�e. Reste � savoir, par contre, quelle aurait bien pu �tre l'atti-
tude d'un chasseur de renard quelconque sur le cheval avec lequel M. de la Bigne
gagna son pari.
Mais l'anglomanie s�vissait ferme sous le patronage du comte d'Artois. Du reste,
Selle mauresque � lagenette; armeria de Madrid.
la r�volution approchait rapidement; toute �l�gance allait dispara�tre, d�truite par
la m�diocrit� ou l'envie que toute sup�riorit� blessait. Il ne fallait plus ni grand
seigneur aux �l�gantes mani�res, ni �cuyers au talent incontestable, � ces hallucin�s
i
-ocr page 246-
�7S
LE CHIC A CHEVAL.
qui osaient dire en parlant de Lavoisier : « La nation n'a pas besoin de chimistes. »
Parmi les adversaires d�clar�s de l'anglomanie, dans laquelle on donnait en plein
vers la fin de l'ancien r�gime, il convient encore de citer M. de Boisdeffre, l'un des
�cuyers les plus distingu�s de l'�cole militaire. Dans ses Principes de cavalerie,
publi�s en 1788, il prend vivement � partie les fanatiques de l'�quitation anglaise.
« La mode, cette reine fantasque qui gouverne avec d'autant plus d'empire qu'elle
se montre plus bizarre, a fait adopter sans discernement la mani�re de la m�thode
anglaise, par laquelle l'animal est mis dans une attitude d�plorable � sa beaut� et �
la s�ret� de sa marche, et o� la position de l'homme est aussi ridicule que d�fec-
tueuse. »
M. Levaillant de Saint-Denis, qui �crivait en 1789, ne se montrait pas moins s�v�re
� l'�gard des anglomanes.
«■ Ne nous �tions-nous pas d�j� rendus assez ridicules, en suivant indistinctement
les modes et les costumes anglais, sans
vouloir encore pousser la folie jusqu'�
brider et seller nos chevaux comme cela se
pratique en Angleterre; en un mot, � de-
venir les singes des jockeys... Les Anglais,
dont on vante les longues courses, mon-
tent des chevaux d'excellentes races; ils
n'�pargnent rien pour avoir des montures
de qualit� sup�rieure; encore durent-elles
bien peu sous eux, soit par la mani�re dont
elles sont men�es, soit faute d'avoir su les
dresser et de leur avoir donn� le temps
de se fortifier; aussi voit-on souvent, en
Angleterre, beaucoup de chevaux de quatre
ans totalement us�s, que l'on met dans
les pr�s, et dont on nous revend la plu-
part de ceux qui ont pu se remettre. »
Qu'il y ait un peu d'exag�ration dans
cette mani�re de juger les Anglais, en tant
qu'hommes de cheval, nous ne saurions
le contester; mais, pour nous, le fond en
>� Max-Eumanuel.
reste vrai.
Selle orientale prise � Belgrade pat
Cependant, je ne veux pas passer pour
un d�tracteur syst�matique des Anglais; je reconnais, en effet, qu'ils ont eu le
m�rite insigne d'avoir su faire une race de chevaux hors de pair. La passion du che-
val, si je puis m'exprimer ainsi, est plus r�pandue chez eux qu'en France; et je n hesi e
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LE CHIC A CHEVAL.
176
pas � dire que nous aurions tout avantage � �tudier de plus pr�s la fa�on dont ils
soignent les chevaux.
Ces concessions faites, je me h�te d'ajouter que nos officiers montent beaucoup mieux
que les officiers anglais et que les sportmen les plus distingu�s de la Grande-Bretagne.
Quant au coup d'�il que pr�sente la cavalerie anglaise, il est admirable, nous
n'h�sitons pas � le reconna�tre ; mais si le revenu des officiers fran�ais �galait celui
des officiers anglais, si le budget du cavalier �tait aussi �lev� en France qu'en Angle-
terre, la r�putation de sup�riorit� de la cavalerie anglaise ne serait bient�t qu'un
souvenir.
Notre historique de ce que fut l'�quitation en France, au dix-huiti�me si�cle, serait
incomplet si nous n'y tracions une rapide esquisse de l'organisation de ce qu'on a appel�,
jusqu'� la R�volution, les �curies du roi. Ces �curies comprenaient, la grande �curie
et la petite �curie ; la premi�re contenant les chevaux de selle, de man�ge, de chasse et
de guerre ; la seconde, les chevaux de carrosse.
Le grand �cuyer, M. le Grand, �tait le chef sup�rieur et le ma�tre absolu des �curies.
De plus, nulle acad�mie priv�e ne se pouvait �tablir sans sa permission. Il avait sous ses
ordres : un intendant, un tr�sorier, deux pages d'armes et g�n�alogistes, huit four-
riers
, douze chevaucheurs, douze h�rauts, deux poursuivants d'armes, trois porte-
�p�e de parement, deux porte-manteau, deux porte-caban, deux m�decins, quatre
chirurgiens, deux apothicaires, des gardes-malades
, gardes-meubles, lavancliers,
portiers, drapiers, passementiers, merciers, tailleurs, selliers, �peronniers, char-
rons, bourreliers, brodeurs, menuisiers, trompettes, joueurs de violon, hatdbois, sa-
queboutes, cornets, musettes de poiron, joueur de fifre, tambours, cromornes et
trompettes marines, un ambleur et conducteur de chariot; notons encore des ma�-
tres : en fait d'armes, des ma�tres des exercices de guerre, des ma�tres � danser, des
ma�tres de math�matiques, des ma�tres � �crire, � dessiner, � voltiger.
Il y avait aussi : un argentier proviseur, un �cuyer commandant, quatre �cuyers
pour le man�ge, un �cuyer ordinaire et un cavalcadour, quatre ou cinq �cuyers or-
dinaires sans fonctions, quarante pages, un gouverneur, deux sous-gouverneurs, un
pr�cepteur, un aum�nier, huit premiers valets des pages, quatorze palefreniers,
quatre mar�chaux, un arroseur de man�ge, un concierge, quarante-deux grands
valets de pied.
Ce personnel du haras royal comprenait : un �cuyer capitaine du haras, six gardes
du haras, deux mar�chaux, deux pages; d�plus, un m�decin, un chirurgien, un
apothicaire, un taulpier, �taient attach�s � ce haras.
Pour le service sp�cial de la petite �curie, on comptait un �cuyer de main ordinaire
et vingt �cuyers de quartier, un �cuyer ordinaire commandant la petite �curie, et
deux autres �cuyers ordinaires; vingt pages, un argentier proviseur, un gouverneur,
un pr�cepteur, un aum�nier et seize petits valets de pied.
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PAYSANNE DES ENVIRONS DE CAEN, CT DU SI�CLE;
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LE CHIC A
CHEVAL.
177
On comprend combien un pareil luxe, bien digne de la vieille Maison de France et
admirablement organis� pour augmenter le prestige de la royaut�, devait exciter la
haine et l'envie des philosophes.
Parmi les grands seigneurs qui, au dix-huiti�me si�cle, occup�rent avec le plus d'�-
clat les hautes fonctions de grand �cuyeret de chef des �curies royales, qui formaient
une seule charge, une place � part doit �tre faite au prince de Lambesc, l'un des
princes lorrains qui vinrent s'�tablir en France � la suite du mariage de Marie-Antoinette
d'Autriche avec le Dauphin (Louis XVI).
On trouvera dans la citation qui suit d'int�ressants d�tails sur le prince de Lambesc.
« Dans notre pays, � toutes les �poques, il y a toujours eu de grands personnages que
l'on a pris pour mod�le de ton, de mani�re et de mise. Dans le beau temps de l'�qui-
tation, personne n'�tait plus recherch� que le prince de Lambesc, dans sa tenue de ma-
n�ge; il passait pour le cavalier de France le mieux bott� � l'�cuy�re, genre de bottes
le plus convenable pour monter � cheval. Tout le monde �questre voulait �tre bott� et
�peronn� comme M. le Grand �cuyer, qui �tait un des plus beaux officiers de la cour,
et qui savait relever le costume tr�s simple qu'il avait adopt�.
« Le prince de Lambesc excellait dans l'art de l'�quitation; il �tait grand �cuyer de
France, tr�s proche parent de la reine, tr�s bel homme, et, cons�quemment, en posi-
tion de donner le genre dans le monde �l�gant : on n'�tait pas encore dans l'usage de
copier la mise, la tournure des jockeys de l'Angleterre.
« Quelques �cuyers faisaient un mouvement qui �tait assez gracieux quand il n'�tait
pas Irop grand ; c'�tait d'ouvrir un peu le bas de la jambe � chaque temps de galop o�
le cheval retombe sur le sol; le cavalier saissisait ce moment pour baisser les talons,
se grandissant du haut du corps en se liant au mouvement du cheval; quand ce temps
�tait pris juste, les jambes du cavalier faisaient, en petit, le mouvement de celles du
du nageur; mais il ne fallait pas l'outrer, car il serait devenu ridicule. On appelait cela
le temps d'�triers du prince de Lambesc. » Nous emprunterons encore au m�me ou-
vrage la citation d'une vieille coutume des man�ges fran�ais :
« Il y avait toujours des paquets de gaules � la disposition des �l�ves; ces derniers
payaient une l�g�re r�tribution pour cet objet, qui regardait uniquement les palefre-
niers charg�s de pr�parer et de fournir ces gaules. Il �tait d'usage, quand une per-
sonne de distinction visitait un man�ge et les �curies qui en d�pendaient, que l'�cuyer
lui pr�sent�t une gaule, bien que cette personne ne d�t point y monter � cheval; et
comme dans ce temps, les rois, les princes et les princesses avaient g�n�ralement le
go�t de l'�quitation, ils ne passaient jamais dans une ville fran�aise ou �trang�re
sans en visiter le man�ge. On con�oit que c'�tait peu, pour de tels visiteurs, de laisser
vingt-cinq louis aux palefreniers pour les gaules. »
Mais il nous faut dire adieu pour jamais � cette brillante soci�t� fran�aise qui va dis-
para�tre pour toujours. La guillotine physique et morale va saper toutes les �l�gances,
CHIC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                           23
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m-
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\ A
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LE CHIC A CHEVAL.
178
et, comme l'a dit Musset, ce qui survivra au monde va prendre le deuil et se v�tir de
noir, autre victoire de la m�diocrit� sur le go�t. La mode anglaise restera ma�tresse de
la France et, apr�s la brillante �pop�e napol�onienne, chassera de l'arm�e le vieil ha-
bit « � la fran�aise » qui avait vu Fontenoy eti�na; on donnera aux soldats la redingote
sous le nom de tunique, en attendant qu'on lui inflige le veston sous le nom de clolman.
Hottes de la fin du XVIJI" si�cle.
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CHAPITRE XIV
IA R�VOLUTION, LE PREMIER EMPIRE.
a cavalerie eut beaucoup moins � souffrir que l'infanterie
des secousses de la r�volution. Cette arme aristocratique
devait cependant lui inspirer plus de m�fiance. Mais la
difficult�, l'impossibilit� m�me d'improviser rapidement
des troupes � cheval retinrent les soup�ons des plus fa-
rouches conventionnels. En effet, pour maintenir une ca-
valerie en bon �tat, il faut non seulement des chevaux
dress�s, des cavaliers habitu�s � les monter en maniant
,leurs armes, soignant et faisant vivre leurs b�tes, les ani-
mant et s'identifiant en quelque sorte � leur existence, mais aussi des chefs qui poss�-
dent au plus haut degr� l'exp�rience et l'amour des d�tails de leur m�tier. » (Jules
Richard, Histoire de l'arm�e fran�aise, illustr�e par Edouard D�taille.)
Voil� qui est parfaitement dit, mais si la cavalerie garda un tant soit peu de coh�sion
et put encore faire son service, elle le dut � ce qu'un grand nombre de nobles ou de
royalistes s'y r�fugi�rent sous des noms d'emprunt. Quant � l'�quitation, elle subit
une telle �clipse, elle tomba dans une telle d�cadence, que, lorsque le calme com-
men�a � se r�tablir, on constata que tout �tait � refaire.
Nous avons vu qu'avant le commencement des troubles, le man�ge de Versailles bril-
lait d'un tr�s vif �clat. Ce man�ge poss�dait, au moment m�me o� les exigences de la
politique emp�chaient d'y consacrer les soins n�cessaires : « outre les deux cents che-
vaux entiers espagnols, napolitains, navarrins, etc., qui �taient le fonds du man�ge
permanent de Versailles, environ cinq cents hongres, tant anglais que normands et
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LE CHIC A CHEVAL.
180
limousins, etc., que l'on dressait tous les ans au man�ge pour les autres services de la
maison du roi; une grande quantit� de sauteurs de piliers en libert�; et, enfin, des che-
vaux de haute �cole, au rang particulier des �cuyers. Les piqueurs cle man�ge, qui
�taient g�n�ralement des gens de m�rite, dressaient les jeunes chevaux et rectifiaient
les chevaux de man�ge qui avaient �t� d�rang�s par les clercs. »
Lorsque la tourmente r�volutionnaire sera pass�e, c'est � ces piqueurs que l'on aura
recours pour reconstituer une nouvelle �cole d'�quitation.
L'abandon de Versailles
le manque d'�nergie de-
malheurs , fut naturelle-
cette brillante �cole, qui est
comme le plus parfait mo-
bonne tenue � cheval, et de
L'anglomanie n'y p�n�tra
�ais et bien fran�ais tant
me mani�res; et les che-
« puissants dans les hanches
ont joui d'une r�putation
par le roi Louis XVI, dont
vait �tre la cause de tant de
ment l'arr�t de mort de
rest�e dans la tradition
d�le de l'�l�gance, de la
l'accord parfait des aides,
jamais, tout y resta fran-
comme principes que com-
vaux dress�s � cette �cole,
et galants dans la bouche »,
m�rit�e.
men�a � reconna�tre que
des choses dans les institu-
A l'�poque o� l'on com-
Selle anglaise du commencement du si�cle.
l'on aurait d� �pargner bien
tions et dans les coutumes � l'�gard desquelles on s'�tait montr� si impitoyable, c'est
avec les d�bris de l'�cole de Versailles, peu auparavant si brillante, que les hommes
nouveaux s'efforc�rent d'�tablir, en 1796, une �cole nationale d'�quitation. Cette �cole
eut le m�rite de sauver ce qui pouvait �tre sauv� alors, de renouer la cha�ne de la tra-
dition.
Ses principaux �cuyers furent Coup�, Jardin, Gervais, Cordier, Rousselet et « quel-
ques autres, d�bris du man�ge de Versailles; la plupart anciens piqueurs des �curies du
Roi, �l�ves de d'Abzac ».
Mais, depuis le d�but de la p�riode r�volutionnaire, surtout depuis le commencement
de l'�migration, l'�quitation avait �t� presque compl�tement d�laiss�e, car les profes-
seurs manquaient. Le trouble et la d�sorganisation �taient partout.
Quant aux livres sur l'�quitation, � peine est-il besoin de dire qu'on n'en vit point
para�tre pendant la R�volution. Ces ouvrages, on le comprend, n'auraient pas trouv� de
lecteurs; ils ne convenaient pas � des temps aussi troubl�s, aussi tragiques.
Nous venons de dire que la p�riode r�volutionnaire fut compl�tement st�rile en ce qui
concerne la litt�rature hippique. C'est l� une exag�ration, car c'est en l'an VII, par cons�-
quent vers la fin de la R�volution, que le citoyen Charles Thiroux publia un volume
sur l'�quitation.
Ce volume m�rite une mention toute particuli�re.
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OFFICIER DES CHEVAU-LEGERS LANCIERS;
1813.
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181
LE CHIC A CHEVAL.
Mais il est indispensable, pour �clairer ce qui va suivre,
de faire observer que ce fac�tieux �crivain avait, avant la R�-
volution, sollicit� et obtenu du prince de Lambesc l'auto-
risation d'ouvrir un man�ge aux Madelonnettes ; et qu'ayant
manqu� � des engagements formels, contract�s avec le
grand �cuyer, son �tablissement avait �t� ferm�, « ce qui
rendit le directeur tr�s partisan des doctrines r�volution-
naires; aussi devons-nous � cette circonstance un ouvrage
d'�quitation fort divertissant. L'auteur annonce partout
l'intention bien formelle d'instruire avec plus de soin le
domestique que le ma�tre. « J'�cris pour tous de peur d'�tre
confondu avec l'inf�me Pluvinel, qui osait se glorifier
d'avoir mis un jeune tyran � cheval.
»
Partisan bien d�termin� des id�es de violence qui avaient
cours alors, Charles Thiroux approuve hautement les actes
de vandalisme dont avaient �t� l'objet les statues des an-
ciens souverains du pays. Cette guerre aux statues lui para�t
on ne peut plus l�gitime. Notons cependant une circonstance
att�nuante en faveur de Thiroux : il ne peut s'emp�cher de
regretter le cheval de Louis XIII, victime, comme ceux de
Lyon, de la fureur populaire.
On sait que la statue �questre de Louis XIII d�corait la
place Royale.
France ; coiffures de la cavalerie l�-
g�re;
1789-1830.
Les opinions hippiques de Charles Thiroux ne sont pas
moins curieuses que ses principes politiques.
Il veut, par exemple, m�tamorphoser chaque �curie en un petit haras; composer
chaque attelage d'un cheval et d'une jument, qui travailleront dans un �tat de mariage
aussi heureux que moral.
L'id�e n'est-elle pas plaisante?
Voici maintenant, d'apr�s Charles Thiroux, quelle est la position la plus solide et la
plus �l�gante pour le cavalier : «... Le ventre gonfl�, le bas des reins creus�, ceinture
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182                                                          LE CHIC A CHEVAL.
et hanches en avant, croupion pos� sur la selle...... ayant tous les cercles de devant du
corps le plus ouverts qu'il peut, ce qui lui fait prendre la tournure d'un S. »
Impossible, n'est-ce pas, d'imaginer une position plus simple et plus conforme � la
nature. L'inf�me Pluvinel n'aurait s�rement pas imagin� pareille chose. Du reste, tout
le trait� de Charles Thiroux est rempli d'une phras�ologie pr�tentieuse, de laquelle il
se d�gage peu d'id�es pratiques, mais qui atteste que l'auteur est un excellent patriote!
Franchement, le moindre �cuyer ferait bien mieux notre affaire; mais on sait que dans
ces temps singuliers, le brevet de civisme tenait lieu de toute capacit�.
Notons, en passant, que Thiroux se piquait d'�tre expert en �tymologies. Il veut bien,
par exemple, nous expliquer l'origine du mot chambri�re. Cette explication, nous ne
saurions r�sister au d�sir de la citer; c'est une perle, en effet : « Que de donneurs de
le�ons d'�quitation, qui ne savent pas pourquoi l'on appelle une chambri�re, le fouet
avec lequel ils se pavanent au milieu de leurs �l�ves! Sauvons-leur l'embarras de la
r�ponse. Si l'on se rappelle que les fonctions d'une fille, rangeant les meubles autour
d'une chambre, lui ont fait donner le nom de chambri�re, on sentira la justesse de
l'application du m�me nom � l'instrument qui sert, au man�ge, � ranger, bon gr� mal
gr�, dans la piste qui r�gne le long des murs, des chevaux... etc. »
Bravo! excellent Thiroux! voil�, en effet, qui est d'une grande importance en fait
d'�quitation. Et que l'on go�te la simplicit� des d�finitions par cet exemple :
« Le cheval marche au pas d'�cole, toutes les fois que son �ducation achev�e sert �
faire conna�tre aux �l�ves ce que c'est que le travail du man�ge ; et le cheval est au pas
rassembl�, lorsque c'est l'�cuyer qui donne cette premi�re le�on du travail; ainsi le
pas d'�cole a lieu quand le cheval en sait plus que le cavalier, et la m�me erre {sic) devient
le pas rassembl� si c'est le cheval qui apprend � travailler, dessous un cavalier qui en
sait plus que lui. »
C'est simple et clair, n'est-ce pas?
Les autres d�finitions de Thiroux valent, � peu pr�s toutes, celle qui pr�c�de, et c'est
bien le cas de dire : Ab uno disce omnes.
Nous nous abstiendrons donc de faire de plus amples
emprunts � l'�trange ouvrage de cet �cuyer; et, pour
qu'on ne nous accuse pas d'une s�v�rit� outr�e � son
�gard, ni d'un parti pris de d�dain et de d�nigrement,
nous reproduirons le jugement qui a �t� port� sur Thi-
roux par un de nos hommes de cheval les plus autoris�s.
« En r�sum�, Thiroux, malgr� son gros livre, ses
grandes phrases et ses belles prouesses, n'a fait faire
aucun progr�s � l'�quitation ; son style pr�tentieux a
certainement contribu� � en embrouiller les plus sim-
Cavalier de la garde imp�riale                       -
en petite tenue.                         pleS principes. »
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183
LE CHIC A GHEVjAL.
Enfin voici venir la fin de ces tristes temps o� il n'y a
rien � glaner dans aucun art. Napol�on le Grand, d'abord
consul puis empereur, va reconstituer la soci�t� fran�aise.
Sa main puissante va faire rentrer dans l'ombre les inca-
pables qui avaient g�r� les affaires de la France pendant
le Directoire. D�s lors, le r�gne des bavards et des dis-
coureurs sera fini et bien fini d�sormais, plus de phrases
creuses et pr�tentieuses, plus de discussions st�riles, mais
des actes.
Il ne nous appartient naturellement pas de raconter
ici l'admirable �pop�e des guerres du Consulat et de
l'Empire, de suivre le demi-dieu entrant en vainqueur
dans toutes les capitales de l'Europe; nous ne parlerons
que des mesures qu'il prit pour faire rena�tre l'�quitation.
Un de ses premiers soins fut de d�cider que sa maison
et ses �quipages seraient organis�s � la fran�aise; et il
voulut qu'il en f�t de m�me « pour ses ministres, et les
officiers sup�rieurs de son �tat-major ». C'�tait l� une me-
sure en compl�te opposition avec la mode du moment, car
sous le Directoire et m�me sous le Consulat l'anglomanie
avait �t� pouss�e jusqu'au dernier ridicule. « Il y avait
beaucoup d'anglomanes � Paris, qui n'avaient jamais mis
le pied en Angleterre, mais qui donnaient le genre an-
glais. » C'est de cette �poque que M. M. de Goncourt a dit :
« Autour des hommasses, dulcin�es garrott�es sur leurs selles avec de
fortes sangles et de bonnes courroies de cuir de Hongrie, les anglo-
cavalcadours paradent � cheval, �cuyers improvis�s plus heureux qu'ha-
biles, se criant de l'un � l'autre « Weri-woel » (sic). Le Weri-woel
est le salut du jour. »
Le grand homme devait faire prompte ex�cution de tous ces ridi-
cules et envoyer � l'arm�e bon nombre de ces jeunes gens � la mode,
de ces « incroyables », o�, du reste, ils se conduisirent fort bien.
L'empereur prit pour piqueur M. Jardin, ancien piqueur du
man�ge de Versailles; il l'autorisa � rendre le man�ge des Tuile-
ries, ancien man�ge des pages d'Orl�ans, � sa premi�re destina-
tion.
Il encouragea tous les �cuyers qui avaient gard� les saines
traditions de l'�cole fran�aise : les Coup�, les Jardin, les Pel-
lier, les fr�res Le Roux, les Aubert, les Chapelle, etc., etc.
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LE CHIC A CHEVAL.
184
Une anecdote montrera, du reste, quelle importance l'empereur attachait �l'�quitation.
On sait qu'il avait fait construire, � Saint-Cloud, un man�ge sur le plan de celui des
Tuileries, mais arrondi aux extr�mit�s. Ce man�ge �tait destin� � l'institution de ses
pages. Un jour l'Empereur, qui assistait � une reprise, fait appeler M. Jardin qui
donnait la le�on et lui ordonna de porter de sa part un billet � M. Est�ve, tr�sorier
de sa maison. Ce billet contenait un ordre de payer � M. Jardin une gratification de
30,000 francs. Qu'aurait dit l'int�gre Thiroux? il aurait probablement empoch� sans
fa�on, lui aussi, les 30,000 francs du tyran.
En 1803, parut un ouvage destin� � servir de manuel pour les troupes � cheval.
C'est F « �cole du cavalier � pied, jjar demandes et r�ponses, pour servir d'in-
troduction � l'instruction d�taill�e concernant les man�uvres de cavalerie, mises en
pratique � l'�cole de Versailles.
»
L'ann�e 1803 vit �galement para�tre un autre ouvrage d'�quitation militaire,
1'« �cole d'escadron par demandes et par r�ponses, bas�e sur l'ordonnance de 1788...
mise en pratique � l'Ecole d'instruction des troupes � cheval �tablie � Versailles,
par le citoyen Cordier, officier au
19e r�giment de chasseurs � cheval, �l�ve de
l'�cole d'instruction.
»
L'auteur, le citoyen Cordier, �tait le m�me qui devait, par la suite, diriger si ha-
bilement le man�ge de Saumur.
Nous avons dit plus haut que l'Empereur avait affect� le man�ge de Saint-Cloud �
l'instruction de ses pages. Napol�on, en effet, avait r�tabli cette institution de la mo-
narchie : trente-quatre jeunes gens, appartenant aux meilleures familles de France
ou des pays conquis, formaient cette �cole, plac�e sous l'autorit� du grand-�cuyer et
la direction d'un gouverneur et de deux sous-gouverneurs � l'un officier g�n�ral,
l'autre eccl�siastique � auxquels �taient adjoints dix professeurs et quatre r�p�titeurs.
Ces pages �taient destin�s � devenir officiers; et ils ont fourni plusieurs officiers g�-
n�raux. C'�tait un page qui, en campagne, portait la lunette de l'empereur.
Notons encore qu'� son av�nement au tr�ne Napol�on avait admis clans ses �curies
ce qui restait des piqueurs de
En 1806, Napol�on r�orga-
d�cret, il cr�a deux �coles d'ex-
« Ainsi, » dit l'auteur �
du premier coup d'�il, Napo-
qu� tous ceux qui avaient ad-
�poque. La cr�ation de deux
t�te, � l'article premier de son
rait. Il mettait le savoir en
partout, par ce moyen il �tait
Louis XVI.
nisa les haras; et, par le m�me
p�rience.
Des origines de la cavalerie ».
l�on vit par o� avaient man-
ministr� les haras avant son
�coles sp�ciales marchait en
d�cret. C'�tait ainsi qu'il op�-
premi�re ligne toujours et
assur� du succ�s; il ne lui
qu'en cette mati�re comme en
Bride de compagnie l�g�re ,
premier Empire.
avait jamais failli. » On voit
-ocr page 260-
LE PANTALON A LA COSAQUE;
1817.
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LE CHIC A CHU VAL.
-185
presque toutes les autres, le g�nie du grand empereur dominait le pass� et le pr�sent.
Napol�on, du reste, savait tirer un profit pratique de ses victoires; il usait large-
ment, par exemple, des ressources en chevaux des pays conquis pour remonter sa
cavalerie.
C'est ainsi qu'en 1806 les dragons de la garde imp�riale furent remont�s en entier,
� Postdam, et que les cavaleries autrichienne,
prussienne, hanovrienne, hessoise, sarde et espa-
gnole c�d�rent, � plusieurs reprises, leurs che-
vaux � nos r�giments victorieux.
Jusqu'en 1809, l'�cole militaire �tablie par
l'empereur � Fontainebleau, puis transf�r�e �
Saint-Cyr, avait fourni des sous-lieutenants � la
cavalerie.
A cette �poque, au milieu des pr�paratifs d'une
campagne contre l'Autriche, l'empereur d�cida
la fondation d'une �cole sp�ciale de cavalerie,
fondation qu'il avait en vue depuis l'ann�e pr�-
c�dente.
En cons�quence, le 8 mars 1809, l'�cole de
Versailles fut supprim�e et une �cole sp�ciale de
cavalerie cr��e � Saint-Germain. Cette �cole ne
' ^                              , .^
2i
CHIC A CHEVAL.
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LE CHIC A CHEVAL.
186
recevait que des �l�ves pensionnaires, de l'�ge de seize ans,
et payant 2,400 francs de pension. Le colonel du g�nie, M. de
Montfort, proc�da aux travaux n�cessaires pour approprier � sa
nouvelle destination le ch�teau de Saint-Germain, d�sert depuis
l'�poque o� il avait servi d'asile � Jacques II. Le colonel de Mont-
fort avait estim� les d�penses � faire � 160,000 francs. L'em-
pereur, dont les projets, lorsqu'il les reconnaissait utiles au
pays, ne s'�ternisaient pas dans les commissions, sous-commis-
sions, comit�s, sous-comit�s, etc., etc., pour en sortir m�connais-
Bottes d'officier] de cavalerie
l�g�re ; premier Empire.
sables ou inopportuns, accorda 30,000 francs, et mit � la dispo-
sition du g�nie tous les terrains appartenant � l'�tat; puis il
partit pour se rendre sur le Danube.
C'est de Sch�nbriinn, le 17 mai 1809, quatre jours apr�s l'occupation de Vienne, qu'est
dat� le d�cret qui donna � l'�cole de Saint-Germain son organisation d�finitive.
« Le soin que l'empereur prit, lui-m�me, de r�gler tous ces d�tails, malgr� la pr�oc-
cupation de la gigantesque campagne qui devait aboutir au coup de foudre de Wagram,
indique l'importance qu'il attachait � cette institution, l'espoir qu'il fondait sur elle,
et la mesure des services qu'il attendait de sa cavalerie, pendant la guerre, puisqu'il
voulait tirer tous les ans de Saint-Germain 150 sous-lieutenants, le double environ
de ce que fournit aujourd'hui � cette arme l'Ecole sp�ciale militaire. Un s�jour de
trois ou de quatre ann�es dans une telle �cole attestait, en outre, la volont� d'incul-
quer � ces jeunes officiers l'instruction la plus solide; et le chiffre �lev� de la pension,
celle de ne les puiser qu'au sein des familles opulentes de l'Empire, et, parce moyen,
assurer leur bonne composition. » Dans une lettre du 11 d�cembre 1809, adress�e par
le ministre de la guerre au commandant de l'�cole, et relative au choix des �l�ves, le
ministre insiste sur ce point « que la fortune est n�cessaire pour servir dans les trou-
pes � cheval ».
Le grand empereur dut �tre pleinement satisfait, lorsqu'il vit avec quel empres-
sement toutes les grandes familles de la France, de l'Italie, de la Belgique et de la
Hollande r�pondaient � son appel. Les listes d'admission contiennent nombre de noms
illustres, et il en sera toujours ainsi. En effet, quoi qu'on fasse, quoi qu'on d�clame,
la cavalerie a �t�, est et sera l'arme de l'aristocratie, et il faudra en passer par l�
tant qu'on voudra garder � cette arme ses qualit�s les plus importantes, l'entrain,
le savoir �questre et le brillant que donne non seulement l'instruction, mais surtout
l'�ducation et les sentiments de gentilhommerie inh�rents � certaines classes de la
soci�t�.
L'uniforme des �l�ves de l'�cole de Saint-Germain �tait, du reste, parfaitement choisi
pour inspirer aux jeunes gens le d�sir de le porter. Voici quel �tait cet uniforme :
casque de dragon, habit vert, lis�r� de blanc et doubl� de rouge, culotte de peau
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LE CHIC A CHEVAL.
187
blanche et bottes � l'�cuy�re; et, � pied, culotte verte et gu�tres noires. Combien cette
tenue �tait plus �l�gante que l'horrible et incommode pantalon de cheval basan� et
la tunique � longs pans dont on nous affublait � Saumur, il y a quelques ann�es!
C'est qu'� cette �poque o�, pourtant, on ne songeait pas qu'� la parade, on ne voyait
pas des escadrons traverser les villes en bourgeron,
■mm~<-
pour aller � la man�uvre; on man�uvrait et on se
battait en grande tenue, plumet au vent. Ajoutons,
ce qui a son imporlance, que l'effectif moyen de la
cavalerie s'�levait alors � quatre-vingt-quatorze
r�giments !
Pour en revenir � l'�cole de Saint-Germain, �cole
qui fournit � l'arm�e bon nombre de tr�s remar-
quables officiers de cavalerie, disons que sa-vogue,
tout d'abord tr�s grande, finit par d�cliner sensi-
blement, et cela pour des causes d'organisation in-
t�rieure. Aussi, le 3 avril 1812, l'empereur adressa
au ministre une lettre de reproches dans laquelle il
disait entre autres choses :
« Monsieur le duc de Feltre, il me revient toutes
sortes de plaintes sur l'�cole de Saint-Germain.....
e
Cette �cole ne rem-
plit pas mon attente.
Elle est destin�e � re-
cevoir les enfants des
familles les plus riches
de France, et on les en
�loigne, etc. »
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188                                                         LE CH1G A CHEVAL.
Le 14 avril, l'empereur arrivait � l'�cole sans s'�tre fait
annoncer. Sa visite fut loin de le satisfaire, bien que les
�l�ves eussent fait de leur mieux. « Ils man�uvr�rent
avec cet amour-propre qui se d�veloppe d'une fa�on in-
croyable dans notre milieu militaire, sous le regard d'un
personnage illustre, �lectrise les c�urs et conduit � la
perfection par l'accord des volont�s », dit le capitaine Pi-
card, qui raconte dans tous ses d�tails cette visite imp�-
riale.
L'empereur ordonna d'importants changements dans
l'�conomie int�rieure de l'�cole, qui, sous le commande-
seiu de posmion.                  ment du g�n�ral de Maupoint, changea compl�tement
d'aspect, et entra dans une �re nouvelle de prosp�rit�.
Mais cette p�riode de prosp�rit� n'�tait pas destin�e � durer longtemps.
En effet, l'horizon s'�tait subitement assombri en 1812. Apr�s les grandes victoires,
�taient venus les grands revers. Bien que nous eussions �t� vainqueurs des Russes dans
presque toutes les rencontres, la campagne entreprise contre eux s'�tait termin�e par un
immense d�sastre.
Cette campagne fut particuli�rement funeste � notre cavalerie : des nombreux et bril-
lants escadrons qui avaient franchi le Ni�men, il ne revint que des d�bris.
« Quel magnifique spectacle que celui de cette cavalerie europ�enne, resplendissante
d'or et d'acier, aux rayons d'un soleil du mois de juin, �talant ses lignes sur les flancs
des coteaux du Ni�men, et brillante d'ardeur et d'audace. Quels amers souvenirs que
ceux de ces vaines man�uvres qui l'ont �puis�e, contre des Cosaques jusqu'alors si d�-
daign�s et qui ont plus fait pour le salut de la Russie que les autres arm�es de cet em-
pire; chaque jour on les
sur une ligne immense,
agiles venaient nous bra-
on se formait, on marchait
ment d'�tre atteinte, dispa-
montrait plus que des bou-
heure apr�s, lorsque nos
manger, l'attaque recom-
se d�veloppait de nouveau;
man�uvres qui avaient le
que la plus belle et la plus
puisa et se consuma devant
voyait � l'horizon, �tendus
tandis que leurs �claireurs
ver jusque dans nos rangs;
� cette ligne, qui au mo-
raissait; et l'horizon ne
leauxet des pins; mais une
chevaux commen�aient �
men�ait, et une ligne noire
on renouvelait les m�mes
m�me r�sultat. C'est ainsi
valeureuse cavalerie s'�-
des hommes qu'elle jugeait
Brida de Cosaque.
indignes de sa valeur, et qui cependant suffirent pour sauver l'empire dont ils sont les vrais
soutiens et les seuls lib�rateurs. » � (L'Arm�e selon la Charte, parle comte Morand.)
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1834.
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LE CHIC A CHEVAL.
189
La fortune nous avait abandonn�s en 1812, elle nous fut encore contraire en 1813.11
en fut de m�me l'ann�e suivante malgr� l'immortelle campagne de 1814. La France fut
envahie. Oblig� de tenir t�te � d'innombrables adversaires, trahi ou mal second� par
plusieurs de ceux qu'il avait combl�s de faveur, et qui avaient assez de la guerre, le
grand homme qui avait conduit nos arm�es � de si prodigieux triomphes, fut contraint
de descendre du pouvoir.
L'�cole de Saint-Germain avait ressenti le contre-coup de ces funestes �v�nements.
En 1814 on ne put lui consacrer que de faibles sommes, car les fonds manquaient.
Apr�s la chute de Napol�on, elle fut supprim�e, et ses �l�ves r�unis � ceux de l'�cole
de Saint-Cyr.
Le premier �l�ve de l'�cole de Saint-Germain promu sous-lieutenant avait �t� M. de
Clermont-Tonnerre, nomm� au 13e de cuirassiers, le 20 juin 1810. La derni�re promo-
tion fut celle de M. de Saint-Firmin, � la date du 14 juillet 1814.
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CHAPITRE XV
LA RESTAURATION, LOUIS-PHILIPPE.
pr�s les tristes �v�nements de
1814 et de 1815, nous allons
peu � peu voir rena�tre en
France le go�t de l'�quitation,
dont on n'avait gu�re eu le loi-
sir de se pr�occuper pendant
les derni�res ann�es de l'Em-
pire troubl�es par des guerres
incessantes et par deux inva-
sions. « Les cavaliers appre-
naient � monter � cheval sou-
vent entre deux �tapes. »
Le 23 d�cembre 1814, le ma-
r�chal Soult �tablit � Saumur,
dans l'ancien quartier occup� jadis par les carabiniers, dont le man�ge avait acquis une
notori�t� m�rit�e, l'�cole d'instruction des troupes � cheval. Le g�n�ral L�vesque de la
Ferri�re, glorieux d�bris de l'�poque imp�riale, en eut le commandement.
Deux hommes de grande valeur, tous deux, mais ayant des principes oppos�s, furent
mis � la t�te des man�ges de l'�cole. Quant aux profondes divergences de vues qui
divisaient ces hommes �minents, voici en quoi elles consistaient : M. le marquis Du-
croc de Chabannes, �l�ve de d'Auvergne et de l'�cole militaire, condisciple de Bohan,
voulait restreindre l'instruction �questre � l'�quitation purement militaire; le
second professeur, M. Cordier, �l�ve de l'�cole de Versailles, �tait partisan de l'�qui-
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192
LE CHIC A CHEVAL.
tation acad�mique et s'appuyait sur les principes de Montfaucon de Rogles, partant
sur ceux de la Gu�rini�re.
M. Cordier l'emporta sur son coll�gue, dont le m�rite �tait, du reste, aussi incontes-
table que le sien. Et, quoi qu'on en ait dit, ce fut peut-�tre un grand bien que cette vic-
toire des vieilles traditions; ce fut elle, sans nul doute, qui pr�para l'alliance f�conde,
alliance si longtemps cherch�e, des vieux principes, appliqu�s avec justesse et ayant la
force des traditions,
moderne, large et en
v�e, par une certaine
n�s m�thodes, des exa-
quelles donnaient les
homme de cheval en
M. Cordier resta donc
de Saumur. Son nom
� c�t� de celui de toutes
L'�cole fut, d�s lors,
chose pr�s, comme elle
de cette �poque que date
avec l'�quitation toute
dehors; mais pr�ser-
fusion avec les ancien-
g�rations dans les-
anglomanes et tous les
g�n�ral.
directeur de man�ge
y brille en lettres d'or
les c�l�brit�s �questres,
organis�e, � peu de
l'est actuellement. C'est
le costume, rest� l�gen-
Jeune sportman, 1833.
cole : l'habit veste, la
daire, des �l�ves de l'�-
culotte, les bottes et le petit chapeau lampion, dernier reste de l'ancien costume fran-
�ais, costume simple, s�v�re et �l�gant s'il en fut.
Nous ne saurions trop regretter que ce costume ait �t� modifi� dans ces derni�res
ann�es; qu'au chapeau lampion on ait substitu� le shako, cette coiffure si disgracieuse
et si peu commode, et qu'on ait remplac� l'habit par l'in�vitable dolman-veston, en at-
tendant probablement la sainte blouse !
D'un autre c�t�, le man�ge de Versailles avait �t� r�tabli, et sa direction confi�e �
un �cuyer �minent, M. le chevalier d'Abzac. Cet homme de cheval de haut m�rite fit
briller d'un nouveau lustre cette �cole, dont la r�putation avait �t� si consid�rable. Il
la dirigea avec un grand savoir et une in�branlable fermet�. Il fut second� dans sa t�-
che par des �cuyers de premier ordre, tels que le vicomte d'Aure, le vicomte O'Hegerty,
MM. de Vandi�re, de Millange, de Cubi�res, etc., etc..
L'�cole de Versailles redevint le sanctuaire des traditions, de l'�l�gance, de .la bonne
tenue. Les chevaux anglais y tinrent la place qui �tait due � leurs grandes qualit�s,
mais l'�quitation resta fran�aise. Son vieux et illustre directeur donna, lui-m�me, tou-
jours l'exemple, veillant � ce que chaque �cuyer mont�t � cheval tous les jours.
Il payait du reste d'exemple, car il monta r�guli�rement ses chevaux jusqu'� ce que
la mort l'enlev�t � son �uvre de r�g�n�ration de l'�cole fran�aise. 11 mourut � l'�ge
de quatre-vingt-huit ans.
Son rival en c�l�brit�, le marquis de la Bigne, dont nous avons parl� pr�c�demment,
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LE TROT A L'ANGLAISE; 1835.
I
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LE CHIC A CHEVAL.
193
mourut � quatre-vingt-dix ans. Il avait mont� deux chevaux le jour o� il rendit le
dernier soupir. Le marquis de la Bigne avait servi pendant trente-six ans dans la mai-
son du roi.
En 1821, l'�cole des pages avait �t� �galement reconstitu�e. Cette �cole d�pendait de
celle de Versailles. Le vicomte O'Hegerty �tait le chef du man�ge. Les pages ont laiss�
le renom d'excellents cavaliers, et ont fourni � l'arm�e des officiers tr�s remarquables.
En 1822, une conspiration, dont le g�n�ral Berton �tait l'instigateur, �clata � Sau-
mur. A la suite de cette conspiration, l'�cole est licenci�e, et un r�giment de carabi-
niers, tout d�vou� aux Bourbons, vient tenir garnison dans les b�timents de l'�cole.
Les effets de la suppression de l'�cole de Saumur ne tard�rent pas � se faire sentir;
et, pour y rem�dier, une ordonnance du 5 novembre 1823 cr�a � Versailles une �cole
d'application de cavalerie.
D�s le 17 novembre 1824, cette �cole fut transf�r�e de Versailles � Saumur. Le g�-
n�ral marquis Oudinot pr�sida � sa r�organisation. Cet homme si remarquable y a
laiss� d'ineffa�ables souvenirs.
Autour du g�n�ral se group�rent M. Cordier, �cuyer en chef; MM. Le Roy, Ducroc de
Chabannes, que le g�n�ral Oudinot eut le m�rite de rappeler; MM. Rousselet, Flandrin,
Deleuze etBeucher de Saint-Ange, presque tous anciens officiers de cavalerie distingu�s,
et tous hommes de cheval d'un grand m�rite.
M. Cordier, dont le nom revient si souvent dans l'histoire de l'�quitation, sous la
Restauration, a laiss� un fort remarquable trait�, intitul� :
« Trait� raisonn� d'�quitation, en harmonie avec l'ordonnance de cavalerie, r�-
dig� par M. Cordier, chevalier des ordres royaux de Saint-Louis et de la L�gion
d'honneur, premier �cuyer
n�ge de l'Acad�mie de la
Ce trait�, on ne peut gu�-
proche, celui de rejeter
qui est s�rement une des
nous devions � l'�quitation
M. Cordier �tait d'accord
cienne �cole, devant qui le
mais trouv� gr�ce. Puisque
ques bienfaits que l'on peut
se, signalons une mesure
qui fut accomplie pendant
le g�n�ral Oudinot. En 1826,
ayant la direction du ma-
dite �cole. »
� (1824).
re lui faire qu'un seul re-
Temploi du trot � l'anglaise,
rares pratiques utiles que
anglaise. En cela, du reste,
avec les �cuyers de l'an-
trot � l'anglaise n'avait ja-
nous en sommes aux quel-
devoir � l'�quitation anglai-
d'une grande importance
que l'�cole �tait dirig�e par
le g�n�ral fit accorder au
1840.
man�ge une remonte de vingt-cinq chevaux irlandais, co�tant en moyenne 1,200 francs;
il obtint en outre l'autorisation de faire fabriquer vingt-quatre selles anglaises, le tout
destin� au travail de carri�re. On sait � quel degr� de perfection ce travail en carri�re
CntC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                                      25
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xi. W^
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194
LE CHIC A CHEVAL.
a �t� port� depuis. C'est le v�ritable compl�ment de l'instruction acad�mique donn�e
au man�ge. Ces magnifiques chevaux de carri�re, si admirablement soign�s, aux
allures si franches et si rapides, sont une des gloires, et non des moindres, de l'�cole de
Saumur. Je ne crois pas qu'il en puisse exister actuellement une plus belle r�union
en aucune �cole d'Europe.
Le 20 juin 1828, l'�cole donna un carrousel en l'honneur de la duchesse de Berrv.
Cette princesse, jolie femme, et qui repr�sentait � la cour le c�t� vivant et �l�gant,
par opposition � la duchesse d'Angoul�me, fut tr�s acclam�e par tous ces jeunes gens
� l'esprit enthousiaste et chevaleresque.
Ce carrousel eut du reste plein succ�s. Ce qui l'atteste, c'est qu'un �cuyer de renom
qui �tait venu y assister, non sans pr�vention, s'en retourna tr�s satisfait de ce qu'il
avait vu, et termina par ces lignes ses appr�ciations sur cette belle f�te militaire :
« J'ai vu avec plaisir que plusieurs anglomanes, bien prononc�s contre la tenue fran-
�aise, apr�s avoir �t� t�moin des f�tes de Saumur, convenaient que les bottes � l'�-
cuy�re et le chapeau � trois cornes allaient parfaitement bien avec les �paulettes, les
d�corations militaires des �cuyers, et ne d�paraient pas non plus le grand cordon
rouge du commandant, M. le g�n�ral Oudinot. »
A cette �poque, l'anglomanie �tait le dernier mot du bon go�t �questre et d�sesp�rait
les vieux �cuyers. Depuis lors, cette manie de singer les Anglais n'a fait que cro�tre,
et elle a gard� les plus grandes chances d'�tre toujours � la mode, pour une raison bien
simple, c'est qu'il sera toujours plus facile d'�tre ignorant que savant, et que le manque
de savoir et de tenue se masquent admirablement par ce qu'on qualifie de « mani�re an-
glaise ». Il faut �tre juste, du reste, et constater que c'est surtout parmi les cavaliers ci-
vils que l'anglomanie a rencontr� les adeptes les plus fervents, et pour cause... L'�qui-
tation militaire en fut toujours sauvegard�e par les bonnes traditions conserv�es
� Saumur.
Ventre Saint-Gris! comme disait quelqu'un de bien fran�ais,
quand donc redeviendrons-nous Fran�ais? Fran�ais tout d'une
pi�ce, avec nos d�fauts, mais aussi avec nos qualit�s? Quand, ces
mots : « II a tout � fait l'air d'un gentleman anglais » cesseront-ils
d'�tre le plus doux compliment qu'on puisse adresser � une
classe d'hommes qui ont dans leur nom, dans leur race, dans leur
�l�gance naturelle vingt fois le « chic » des Anglais? Les Fran-
�aises, heureusement, n'ont pas donn� dans ce travers ; elles ont
compris qu'elles n'avaient qu'� rester elles-m�mes pour demeurer
les reines du go�t et de la mode. Essayez donc de dire � une Pa-
risienne qu'elle a l'air d'une Anglaise. Vous verrez si elle prend
cela pour un compliment.
Amazone; 183")
Tr�s affect� des progr�s incessants de l'anglomanie, un con-
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195
LE CHIC A CHEVAL.
temporain en d�plorait en ces termes les fu-
nestes effets : « Beaucoup de jeunes gens qui
ont appris dans les man�ges � bien placer
leurs jambes et � en faire un juste emploi, se
privent de cet aide pour se conformer au genre
dit Anglais. »
D�s 1824, le g�n�ral, marquis de Cler-
mont-Tonnerre, avait d�cid� l'�tablissement
d'un camp, � Lun�ville, pour �tudier les
moyens de reviser l'ordonnance de l'an XIII.
Une commission fut nomm�e, dont faisaient
partie les g�n�raux Oudinot, Dujeon, de Saint-
Alphonse, Grouvel, Cavaignac, de France.
Elle �tait pr�sid�e par le g�n�ral comte Mer-
met. (A cette �poque la commission charg�e
des choses de l'arm�e �tait compos�e unique-
ment de gens du m�tier; on n'avait pas encore
trouv�, le progr�s aidant, qu'il valait mieux
les composer de m�decins et d'avocats.)
Un nouveau r�glement de cavalerie, qui parut en 1829, fut le r�sultat des exp�riences
faites � Lun�ville.
En 1828, le g�n�ral de la Roche-Ay mon fit para�tre un ouvrage ayant pour titre :
« De la cavalerie ou des changements n�cessaires dans la composition et l'instruction
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196
LE CHIC � CHEVAL.
des troupes � cheval. » Cet ouvrage, remarquable
� bien des points de vue, n'eut malheureusement pas
l'influence qu'il aurait d� avoir. On jugera de sa
valeur, au point de vue de la question de l'instruc-
tion militaire par ce simple extrait :
« Jusqu'ici, dans l'ordonnance de la cavalerie fran-
�aise, la premi�re le�on a �t� consacr�e � faire monter
le recrue � cheval sur une couverture. Je n'ai jamais
pu me rendre compte du motif'qui a fait adopter cette
�lrier japonais,
m�thode... Dans tous les man�ges, celui qui apprend
� monter � cheval est plac� de suite sur une selle; pourquoi donc, dans l'�quitation
militaire, s'�loigner de ce principe? D'ailleurs la position du recrue n'est plus en
harmonie avec celle qu'il sera oblig�e d'avoir une fois sur la selle........, . . .
............Pourquoi donc ces deux principes?....................
« Tous les peuples cavaliers, tous les chasseurs, conservent le pied horizontal et
l'�trier chauss�.
L'exp�rience leur en a s�rement d�montr� l'utilit�; et, en effet, elle
est r�elle. Par cette position, qui est toute naturelle, l'�trier ne se perd jamais, et l'�peron
�tant plus pr�s du corps, son aide est plus instantan�e que quand il s'agit d'approcher
du corps du cheval le talon qui en est plus �loign� par sa position baiss�e... »
Chose assez ignor�e, le judicieux g�n�ral avait pr�vu et conseill� presque toutes les
r�formes op�r�es aujourd'hui : la r�glementation des allures, la suppression des guides
g�n�raux et la seule direction donn�e par le point de direction, l'alignement par les
grandes man�uvres mi-
les ordres de chefs atti-
manence de leurs com-
tr�s et pourvus en per-
mandements respectifs.
un autre oificier de ca-
bot, disait :
mouvements pr�par�-
tes troupes en parade,
les �volutions du champ
ception, le simulacre de
0.0} S
Etrier d'Indien Pahuenche (Patagonie). Le cava-
lier ne se sert de l'�trier que pour poser l'orteil.
� la
ce qui se passe
guerre, et la man�uvre
qui ne remplit pas ces
conditions est inutile et
doit �tre bannie des ordonnances. »
La r�volution de 1830 eut naturellement une influence f�cheuse sur l'�quitation.
Le man�ge de Versailles fut supprim�. « Les �cuyers et les piqueurs form�s � cette
belle �cole furent encore une fois dispers�s, et leurs talents n'eurent plus m�me de
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HABILL�E PAR HUMANN!
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LE CHIC A CHEVAL.
cr�dit aupr�s des anglomanes de la nouvelle mode. » C'est cependant
de ce man�ge qu'on a pu dire : « Il n'y a pas de man�ge o� l'on
parle moins que celui de Versailles, et il n'y en a pas o� l'on monte
mieux � cheval. »
La crise subie, � cette �poque, par l'�quitation* fran�aise, inspire �
un �cuyer de valeur, M. Aubert, des r�flexions empreintes de tristesse,
r�flexions qui, aujourd'hui, n'ont rien perdu de leur v�rit�. « Tel est,
dans notre pays, l'empire de la mode, qu'on ne peut aujourd'hui se
montrer � la promenade en bottes � l'�cuy�re, sans �tre montr� au
doigt et pris souvent pour un gendarme. Or beaucoup de gens sont
persuad�s qu'un tr�s ample pantalon de coutil, de grands �perons et
un gourdin � la main sont, pour monter � cheval, d'une imp�rieuse
n�cessit�, et surtout d'un go�t exquis, comme mise; il ne faudrait
plus qu'une pipe pour compl�ter cette tenue �questre. »
Et le capitaine Picard d'ajouter fort spirituellement : « Le progr�s
s'est accompli; de nos jours la pipe est de rigueur. »
L'auteur �minent des « Origines de l'�cole de cavalerie », d�peint
ensuite, de main de ma�tre, les causes qui firent �voluer l'�quitation
apr�s les « trois glorieuses ».
« Le steeple-chase », dit-il, « a servi de transition et de pr�texte �
cette transformation de l'�quitation fran�aise. Apr�s la r�volution de
1830, une jeunesse riche, �l�gante et appartenant � un certain milieu
social, profila de ce mouvement politique pour prendre en main la
direction de la mode et de la fashion parisienne. Elle arrivait aux
affaires � que l'on veuille bien nous passer cette expression passa-
blement hasard�e � imbue des habitudes anglaises. Jetant loin d'elle
les errements de la vieille tradition fran�aise, elle op�ra � son tour
une r�volution dans l'ordre d'id�es dont elle �tait l'expression. On
fonda le Jockey-Club. Le pompeux c�r�monial de la v�nerie fut rel�gu�
au cabinet des antiques, l'habit rouge et la botte � revers rempla�ant
l'uniforme galonn�, le lampion et les bottes � chaudron. Puis comme
il fallait bien encore fonder quelque chose, le steeple-chase, jusqu'alors
inconnu en France, m�me de nom, fit brusquement son apparition,
sous le patronage de quelques cavaliers hardis, aventureux, ayant fait
� � huis-clos � leur indispensable apprentissage en Angleterre.
« A son origine, la course au clocher n'�tait courue que des chas-
seurs de renard, c'est-�-dire des gentlemen. Pour exercer leurs chevaux
avant l'ouverture de la saison, ou pour se rendre compte de leurs
qualit�s respectives, on se r�unissait dans une contr�e connue pour
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LE CHIC A CHEVAL.
198
pr�senter de s�rieuses difficult�s. On avisait un clocher, dans le lointain, et on le pre-
nait pour poteau d'arriv�e. Puis les coureurs partaient, chacun suivant la ligne qui
lui convenait, en affrontant, au train qu'il voulait, toutes les chances diverses de cette
route inconnue. Le premier arriv� au clocher �tait proclam� vainqueur de la course.
« Dans ce cemps, ce sport �tait donc le partage exclusif des gentlemen-riders. Cet
exercice rentrait, d'ailleurs, beaucoup plus dans leurs aptitudes que dans celle des
jockeys de profession. Un steepe-chase de cette nature, en effet, doit �tre mont�
dans un style se rapprochant plus de l'�quitation ordinaire que de la sp�cialit� du
jockey.
« Aussi, en consid�rant attentivement les vieilles gravures anglaises, voit-on tous les
cavaliers de steeple-chase de cette �poque bien assis dans leurs selles, les chevaux em-
bouch�s avec des mors de bride, en un mot, les uns et les autres agenc�s en vue
du but auquel ils voulaient atteindre. En course plate, au contraire, tout est calcul�
pour tirer la quintessence de la vitesse de l'animal. L'effort d'un cheval ne dure et ne
peut durer que quelques minutes; mais il n'est pas n�cessaire d'�tre un homme de
cheval bien complet pour s'imaginer la figure que pourrait faire un jockey sur une
selle de trois ou quatre livres, droit sur ses �triers, emmen� � travers pays par un
cheval avec un filet tirant � plein bras ; tous deux n'en auraient pas pour trois mi-
nutes.
« Il y a bien loin de l'organisation toute primordiale de la course au clocher � la
physionomie de steeple-chase de nos jours, qui ne pr�sente plus que l'aspect d'une
course d�guis�e.
« Cette transformation fort regrettable s'est op�r�e progressivement, � mesure que
les chevaux de pur-sang ont pris part � ces luttes, autrefois r�serv�es � des chevaux
de demi-sang et d'origine non trac�e au stud-book. »
L'auteur termine par cette p�roraison fort judicieuse :
« Les man�ges ne tard�rent pas � �tre n�glig�s, puis d�laiss�s, enfin compl�tement
abandonn�s. A cela il y aurait eu au moins une compensation, si le nouvel �tat de
choses e�t conserv� la physionomie qu'il affectait � son d�but : au lieu d'�cuyers
fins et savants, comme MM. le marquis de La Bigne, le chevalier d'Abzac, le vicomte
d'Aure et Baucher, nous aurions eu d'intr�pides et aventureux cavaliers, poss�dant
une pratique pouvant tenir lieu de la science, tels que d'abord MM. le comte de
Vaublanc, capitaine Allouard, de Saint-Pol, de Normandie, comte Le Coulteux, formant
la premi�re g�n�ration de ces transformations de l'�quitation fran�aise proprement
dite; puis, apr�s eux, MM. le comte et le vicomte de Montecot, du Bou�xie, de la
Mothe, comte deTournon,Mackensie-Gri�ves; enfin la derni�re pl�iade, plus nombreuse
encore, compos�e de MM. le vicomte Artus Talon, vicomte A. de Lauriston, ducdeGra�u-
mont, de Saint-Germain, marquis de Saint-Sauveur, comte de Cossette, marquis de
La Bigne, etc.. »
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LE CHIC A CHEVAL
199
M. Aubert, ex-�cuyer de l'�cole royale d'applica-
tion d'�tat-major, dont nous avons parl� ant�rieu-
rement publia, apr�s 1830, son : « Trait� raisonn�
d'�quitation.
» Ce trait�, qui contient d'excellentes
choses bas�es sur ces deux principes : « Tout dans
la belle position quand on commence. � Tout dans
le sentiment du temps de jambe par lev�e et foul�e
quand on aspire � devenir �cuyer consomm�.
Dans son pr�ambule, M. Aubert traduit l'impres-
sion de tristesse qu'�prouvaient les hommes du
m�tier en pr�sence de la vogue des
id�es anglaises. « Malheureusement
l'anglomanie est le mal du pays;
c'est surtout depuis que tout le
monde v
cl cl cheval � l'anglaise
c'est-�-dire ridiculement et sans
aucune r�gle ni principes, que
personne n'apprend � conduire
ses chevaux s�rement et habile-
ment. Je ne pouvais donc choisir
a»»«jSai^�!iSi�
V'.v,.
une �poque plus d�favorable pour publier
un trait� d'�quitation, que celle o� tant de
gens influents n'ont que des paroles mo-
queuses pour le man�ge et les �cuyers fran-
�ais, et citent avec extase les jockeys anglais,
comme le beau type du cavalier mod�le. »
Ce n'�tait cependant pas un homme sans
valeur celui qui �crivait ce qui suit : « Il
est vraiment p�nible que, dans un temps
aussi �clair� que le n�tre, il y ait encore des
�cuyers dont les le�ons, calqu�es sur celles
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LE CHIC A CHEVAL.
200
des temps de barbare ignorance, tendent toujours � monter le jeune cheval qu'on
dresse comme un ennemi qu'il faut combattre, en le tenant dans une crainte conti-
nuelle, quand il faut, au contraire, le consid�rer comme un enfant qu'il faut instruire
en lui inspirant une grande confiance. »
Voici encore un extrait du m�me auteur qui contient des conseils dont les �cuyers
de cirque devraient bien
avertir qu'il n'y a rien de
principes de la bonne �cole,
que font certains �cuyers
cheval change de pied en
qu'affectent particuli�re-
point �t� form�s au man�ge,
changer de pied, ne l'aide
il ne fait que rendre le ca-
des connaisseurs.
»
C'est vers la fin de l'ann�e
ci�t� d'encouragement pour
en France. L'id�e �tait loua-
de bons r�sultats, elle con-
la fureur des paris, ainsi
joint : « Les r�unions de
r�unions de parieurs et les
en minime partie sur le
faire leur profit : « je dois
si faux, de si contraire aux
que ce mouvement de corps
dans le moment o� leur
l'air. Ce d�hanchement
ment les cavaliers qui n'ont
croyant aider le chevaP�
nullement dans cette action,
valier ridicide aux yeux
1833 que se constitue la So-
l'am�lioration des chevaux
ble, mais, si elle produisit
tribua aussi � . d�velopper
que l'atteste l'extrait ci-
courses se transforment en
amateurs d'�quitation sont
turf. » Cette d�viation du
Amazone; -I8M.
but des courses, on le sait,
mais nous n'insisterons pas
n'a fait qu'aller croissant;
sur ce point.
Veut-on savoir quels �taient, pendant les premi�res ann�es du r�gne de Louis-Phi-
lippe, les hommes les plus marquants dans le sport? Voici une liste de leurs noms,
liste qui, bien entendu, n'a pas la pr�tention d'�tre compl�te.
MM. le baron Daru, baron d'Aubigny, baron de Grandmaison, Gatoryes, �ler, baron
de Curnieu, Gaussen, marquis de Miramon, comte de Montigny, Pellier, comte de Tour-
non, comte d'Imecourt, Villars, comte de Rochefort, l'une des plus pures gloires de
la cavalerie; marquis de Mac-Mahon, vicomte James O'Hegerty, comte d'Hinnisdal,
Denormandie, marquis et comte de l'Aigle, baron de Vaublanc, comte E. Ney, de
Beaurepaire, de Morny, de Nieuwerkerke, comte A. deNoailles, Pradeau, prince de Cha-
lais, marquis de Perthuis, comte Max de B�thune, comte Ch. de B�thune-Sully, comte
de P�rigord, comte de Jouffroy, comte de Mac-Carthy, comte de Sainte-Ald�gonde,
marquis de Saint-Vallier, marquis de Saint-Mars, prince de Wagram, comte de Champ-
chevrier, comte de Saint-Roman, comte de Valanglard, marquis de Lign�ries, etc., etc.
Je m'arr�te, car il y a l� de quoi rendre fou de col�re cet excellent Thiroux, l'ennemi
/
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AMAZONES U'HUMANN;
1837.
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LE CHIC A CHEVAL
201
des tyrans. Les �crivains �questres abondent aussi � ce moment; c'est, en effet, en
1835, que para�t le « Dialogue sur V�quitation entre MM. Baucher et Pellier », qui
professaient au m�me man�ge.
M. de Lancosme-Br�ves, qui avait vou� sa vie � l'�tude et � la pratique du cheval,
fut aussi un �crivain f�cond et fort distingu�.
L'un des plus importants, parmi ses nombreux travaux, est certainement le
« Trait� de V�quitation et des haras ».
Nous nous bornerons � citer quelques-uns des principes de M. de Lancosme-Br�-
ves; ils suffiront � �tablir qu'il �tait un homme de cheval hors ligne.
« Les moyens les plus doux sont les meilleurs pour an�antir les forces instinctives
du cheval, qu'on ne doit jamais provoquer � des luttes imprudentes. »
« La sensibilit� del� bouche n'influe pas sur l'�quilibre, c'est l'�quilibre qui influe
sur la bouche. »
« Les deux centres de gravit� de l'homme et du cheval ne doivent faire qu'un.
Mais le principe change si le cheval est � l'�tat de r�volte. »
Voici le jugement port� sur M. de Lancosme-Br�ves par M. le capitaine Picard :
« C'est un �cuyer savant, trop savant peut-�tre; mais il ne faut pas oublier qu'il
avait fort � faire, � son �poque, pour aider au triomphe des principes de l'ancienne
�cole, sur les ridicules innovations qui se flattaient de n'en pas avoir, et de dispenser
leurs adeptes d'une �tude souvent fastidieuse et toujours mortifiante pour leurs pr�ten-
tions orgueilleuses. »
Il est un livre dont on a dit souvent qu'il �tait le « br�viaire de toid officier de
cavalerie
». Nous voulons parler des « Souvenirs d'avant-postes de cavalerie l�g�re ».
On n'a rien �crit de mieux sur cette mati�re si importante; nul �crivain n'a mieux
Pari gagn�en 1844pat un petit cheval anglais de demi-sang appel� Kol> et qui a pr�c�d� pendant cent milles (33 lieues)
la malle-poste de Boston.
r.inn A cheval.                                                                                                                                    26
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LE CHIC A CHEVAL.
indiqu� la t�che qui incombe � la cavalerie l�g�re. Ce
livre, si plein de faits et de critique, est � juste titre
populaire dans l'arm�e, et nous aimons � croire qu'il
n'est ignor� d'aucun de ceux qui ont eu l'honneur de
Eperon des Indiens du Chili.
servir dans la cavalerie.
Bien que son auteur n'ait pas �t�, de son temps,
compl�tement appr�ci� comme il m�ritait de l'�tre, il fut cependant appel� au com-
mandement de l'�cole de cavalerie, le 2 septembre 1838.
C'�tait le g�n�ral de Brack, qui avait �t� contemporain des Mur�t, des Lasalle, des
Montbrun, des Colbert, des Cur�ly et de tant d'autres, et form�, par cons�quent, � la
grande �cole de Napol�on qui, on le sait, excellait dans l'art de se servir de la cava-
lerie l�g�re pour le service de s�ret� et pour celui des renseignements.
Le g�n�ral de Brack a laiss� � Saumur, o� il fut estim� � sa juste valeur, le sou-
venir le plus brillant. Son nom, qui resplendit dans ce temple de la cavalerie � c�t�
de celui des Oudinot, des Rochefort, des Thorthon et des L'Hotte, restera toujours
grav� dans la m�moire des cavaliers.
Mais il est temps de parler d'une de nos plus grandes c�l�brit�s hippiques, du comte
d'Aure, �l�ve du chevalier d'Abzac et de la c�l�bre �cole de Versailles. Le comte d'Aure
�tait sorti du Prytan�e militaire de la Fl�che et de l'�cole de Saint-Cyr. Il entra,
en 1813, comme sous-lieutenant dans l'infanterie; de l� il passa aux gardes-clu-corps,
d'o� il fut d�tach� au man�ge de Versailles. En 1817, Louis XVIII l'attacha � sa
maison, en qualit� d'�cuyer, et il conserva cette fonction jusqu'en 1830.
Apr�s la chute de Charles X, il donna sa d�mission, et se mit � la t�te de ceux qui
pr�conisaient l'�quitation du dehors et le saut d'obstacles.
Le comte d'Aure est s�rement un de ceux auxquels l'�cole de Saumur doit sa grande
sup�riorit� sur toutes les �coles qui l'ont pr�c�d�e; sup�riorit� qui consiste � avoir su
�tre raisonnablement �clectique dans l'alliance des vieux principes acad�miques du
man�ge, et de ceux, plus modernes, de l'�quitation large, vigoureuse de l'ext�rieur.
Ce sera l'honneur des officiers qui ont command� l'�cole, et des �cuyers qui en ont
dirig� le man�ge, d'avoir su se garder, en m�me temps, des exag�rations de la
la nouvelle; d'avoir, par
v
une direction raisonn�e,
toute esp�ce de pr�jug�,
qui paraissait impossible, �
traditions de l'�cole de Ver-
bon dans la m�thode qu'on
glaise; bien � tort, en effet,
intelligente et d�gag�e de
men� � bien cette �uvre,
savoir : la fusion des saines
sailles et de tout ce qui est
a, bien � tort, appel�e an-
puisque l'�quitation an-
�peron br�silien.
glaise r�elle est surtout caract�ris�e par le manque de m�thode.
En un mot, tous ces remarquables �cuyers, et le comte d'Aure peut revendiquer
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LE CHIC A CHEVAL.
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une large part de leur gloire, sont arriv�s par leur fermet� et leurs talents � cr�er une
�cole qui est sans rivale au monde; �cole o�, non seulement le savoir et les qualit�s
militaires sont exig�es, mais o� les bonnes mani�res, la politesse et l'�l�gance de la
tenue, si importante � plus d'un point de vue, sont �galement � l'ordre du jour.
Le 24 novembre 1838, l'�cole recevait la visite du c�l�bre comte d'Aure, qui, plus
tard, devait en commander si brillamment le man�ge. Cette visite donna lieu � une
grande solennit�; et les �l�ves de l'�cole firent � l'�minent �cuyer une sympathique
et chaleureuse ovation.
Ecoutez, cher lecteur, le r�cit �mu qu'en fit un t�moin; et, si vous-m�me n'�tes pas
vous n'�tes pas
cheval, vous n'�-
glais!
Royale de cava-
voir une v�ri-
M. le vicomte
yer si justement
France est fi�-
jaloux, a visit�
retenu par les
n�ral comman-
des officiers et
la plus aimable
nouvel� cinq fois
son �quitation si
remu� et �mu,
un homme de
tes qu'un... An-
ce Notre �cole
lerie vient d'a-
table solennit� ;
d'Aure, cet �cu-
c�l�bre, dont la
re, et l'�tranger
son man�ge, o�,
instances du g�-
dant et celles
�l�ves, il a, avec
obligeance, re-
les miracles de
Jockey.
pure et si hardie,
qu'il a produit
L ' enthousiasme
est difficile � d�-
crire, et, sans le respect inspir� par le lieu, il se serait �chapp� un cri d'admiration.
« Il �tait curieux d'observer l'aspect du man�ge; tandis que l'�cuyer unique domi-
nait, magn�tisait, pour ainsi dire, ployait � sa moindre volont� le cheval qu'il montait
pour la premi�re fois, les tribunes �taient encombr�es d'officiers et d'�l�ves au regard
fixe, � la respiration suspendue; puis, apr�s les exercices, ces �l�ves, convi�s par
M. d'Aure, entourant son cheval, �coutant chacune des explications que suivait imm�-
diatement l'exemple, tout cela compl�tait le spectacle le plus �lectrisant et le plus atta-
chant auquel j'aie jamais assist�.
« Pour compl�ter l'�motion, MM. les officiers du man�ge, par un sentiment des plus
vrais et des plus nobles, ont vivement touch� le c�l�bre �cuyer en lui disant : « Vous
�tes notre ma�tre, commandez-nous. » Puis, mont�s sur des chevaux simplement har-
nach�s, ils en ont pr�sent� un richement capara�onn� � M. d'Aure, qui a ex�cut� � leur
t�te une des savantes reprises de l'ancien man�ge de Versailles.
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LE CHIC A CHEVAL.
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« En descendant de cheval, MM. les officiers du man�ge ont r�clam� la cravache de
M. d'Aure, qu'ils ont aussit�t �chang�e contre une autre, sur laquelle �tait inscrite l'ex-
pression de leur admiration. »
C'est aussi en 1838 que se passa, � Saumur, un �v�nement qui fit grand honneur �
M. Rousselet, l'�cuyer en chef du man�ge de l'�cole. Un jour, pendant une le�on, un
cheval emballa son cavalier; M. Rousselet se fit amener le cheval, le caressa, lui �ta son
mors et le rempla�a par un fil de soie; puis, montant l'animal, il le lan�a � fond de train,
et l'arr�ta court, montrant ainsi quel tact merveilleux il avait comme �cuyer.
En 1842, Baucher, qui, depuis quelque temps, faisait fort parler de lui, fut admis �
exp�rimenter son syst�me de dressage sur les chevaux de l'arm�e. L'exp�rience eut lieu
� Saumur o�, malgr� tout l'enthousiasme que le c�l�bre �cuyer excita, les partisans
fanatiques qu'il se concilia, on reconnut bien vite que sa m�thode �tait absolument
inapplicable aux chevaux de l'arm�e. Cette m�thode, qu'il qualifie lui-m�me ainsi : « un
rasoir entre les mains d'un singe », a �t� formul�e par son auteur de la fa�on suivante :
« remplacer les forces instinctives par les forces transmises ». Le syst�me de Baucher
consiste � annuler, tout d'abord, par une s�rie d'assouplissements tr�s compliqu�s, toutes
les forces naturelles du cheval, puis � les remplacer par ce qu'il nomme des effets
d'ensemble.
Il est hors de doute, maintenant, que plac� plus � distance on peut mieux juger
l'homme et sa m�thode; il est hors de doute que Baucher fut un �cuyer de haute �cole,
absolument hors ligne; qu'il obtint, par exemple, sur des chevaux tout � fait ordinai-
res, comme Topaze ou Robert de Normandie, des r�sultats v�ritablement �tourdis-
sants; mais, outre que ses principes n'�taient pas nouveaux, n'�tant autres que ceux des
vieux �cuyers du dix-septi�me si�cle, plus perfectionn�s, il est vrai, et appliqu�s avec
une science, une s�ret� de main tout � fait exceptionnelles, son �quitation se confinait
dans le man�ge. Elle s'�levait � une perfection que depuis Ton n'a jamais pu atteindre
dans les cirques, et c'�tait tout. Elle n'avait rien des franches allures de l'ext�rieur et
ne pratiquait pas les sauts d'obstacles. On comprend donc, maintenant qu'on raisonne
sans passion, quels dangers une pareille instruction pouvait faire courir � la cavalerie.
Baucher n'avait pas trouv� � Saumur des gens inaptes � appr�cier ses id�es, ou hos-
tiles, de parti pris, � sa m�thode; mais, il affecta une telle morgue � l'�gard des gens
tr�s comp�tents, comme le g�n�ral de Sparre, par exemple, qui �taient charg�s d'ap-
pr�cier son syst�me, qu'il fut, lui-m�me, une des causes de son insucc�s.
Naturellement les journaux de l'opposition firent de Baucher un martyr, et les po-
l�miques violentes all�rent bon train, embrouillant les cartes comme toujours Mais,
sur ce point d'histoire de l'�quitation, nous laisserons la parole � des gens plus com-
p�tents que nous, et dont l'autorit� en pareille mati�re ne saurait �tre contest�e.
Voici d'abord l'opinion d'un de nos plus brillants officiers de cavalerie .
« M. Baucher a �t� un admirable �cuyer de haute �cole... Mais, l'ambition aidant, il
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         205
a voulu universaliser ses proc�d�s, cr�er l'�quitation de l'avenir, et il s'est tromp� ab-
solument. Entre les moyens de dressage employ�s pour un cheval uniquement destin�
� la haute �cole, qui r�p�te son r�le tous les jours, et ceux qui conviennent aux chevaux
de guerre, de selle ou de chasse, il y a un ab�me.
« En peu de temps, Baucher se posa en homme de progr�s, sorti des rangs du peuple,
simple travailleur.....................................
La presse se mit de la partie et apporta ce qu'elle nomme sans rire son sacerdoce.
Lisez les gazetiers du temps, vous y verrez qu'avant la venue du Proph�te on ne savait
pas monter � cheval :
tes lettres; � peine que�-
avaient la pr�tention,
du seigneur. Aujour-
nale est n�e. »
Voici maintenant l'ap-
Hohenlohe :
« Baucher s'�tait en-
cirque Dejean, � Berlin,
� un certain nombre d'of-
trente le�ons, parce qu'il
livre avait �t� mal com-
prendre � monter en si
aussi bien que vous et
l'ennemi de la pr�cipita-
c'est �crit presque en tou-
ques vieux marquis en
reste des anciens droits
d'hui, l'�quitation' natio-
pr�ciation du prince de
gag�, alors qu'il �tait au
� enseigner son syst�me
ficiers dans un cours de
s'�tait aper�u que son
pris. Qu'on ne p�t ap-
peu de temps, il le savait
moi. Il �tait au contraire
tion dans le dressage des
Cavalier espagnol.
chevaux, et son mot favori �tait : « Plus vous irez lent (sic) plus vous irez vite! » Je
reconnus, pendant le temps que je montais avec lui, que personne ne lui nuisait plus
que ceux qui montaient d'apr�s son livre sans l'avoir compris. La pauvret� de la lan-
gue lui a jou� de mauvais tours : il demande, comme tout vrai cavalier, que le cheval
soit entre la jambe et la r�ne, et conclut logiquement qu'il doit �tre en avant de la
jambe et en arri�re de la main.
« Mais ce qu'il appelle en arri�re de la main, c'est �tre dans les r�nes selon nos
�cuyers; o� nous disons que le cheval est en arri�re de la main, Baucher dit qu'il est
en arri�re de la jambe...............C'est pourquoi tous ceux qui ne
montent que d'apr�s son livre, mettent le plus souvent leurs chevaux en arri�re de la
main, au sens o� nous le comprenons, et perdent la r�putation du ma�tre en rendant
leurs chevaux r�tifs....................................
« A tout prendre, il a fait sensation; il a ramen� l'attention sur l'art de l'�quitation,
� l'�poque du r�gne de l'anglomanie; il a provoqu� la discussion et la r�flexion. Et
quand bien m�me il aurait toujours eu tort, quand il n'aurait fait qu'amener ses ad-
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206                                                         LE CHIC A CHEVAL.
versaires � retrouver la vraie voie, � la faire rechercher, ce serait d�j� un bien grand
m�rite. »
Baucher �tait un homme de trop grande valeur pour ne pas avoir fait �cole, pour ne
pas avoir recrut� de fervents disciples. Parmi ses partisans les plus fanatiques nous
citerons M. Delherm de Novital, qui fut longtemps �cuyer en chef � Saumur;M. de
Gerhardt, qui fut depuis capitaine instructeur aux lanciers de la garde imp�riale; le
capitaine Raabe. Tous �taient des cavaliers fort remarquables; mais les �l�ves qu'ils for-
m�rent �taient loin de leur ressembler.
Comme l'avait dit tr�s judicieusement le prince de Hohenlohe, toutes ces controverses
eurent au moins pour r�sultat de donner un nouveau stimulant � l'�quitation.
L'�quitation fut, du reste, tr�s en honneur sous le gouvernement de Juillet. Les
princes, fils du roi, jeunes, �l�gants, tous entour�s d'une aur�ole de gloire militaire,
comptaient parmi les hommes de sport les plus renomm�s. C'�taient le duc d'Orl�ans,
le duc d'Aumale, le duc de Nemours, dont tous ceux qui man�uvraient, vers 1846,
sur le Champ de Mars, ont pu admirer la belle prestance en uniforme et aussi le ma-
gnifique cheval de pur-sang noir. M. Mackensie-Grieves, qui est rest� l'un de nos hom-
mes de cheval les plus �l�gants, peut donner une id�e � notre jeune g�n�ration de la
fa�on dont on montait alors.
Nous reproduirons, pour terminer ce chapitre, quelques-unes des appr�ciations sur-
la cavalerie de cette �poque, par M. J. Richard, dont le beau livre « l'Arm�e fran�aise »
a �t� illustr� avec un si magistral talent par M. Edouard D�taille.
« Nous avons d�j� fait allusion aux magnifiques man�uvres et � la belle tenue de
de notre cavalerie de 1830 � 1848, et nous avons dit que c'�tait l'�uvre des anciens divi-
sionnaires de l'Empire; nous avons indiqu� �galement que leurs �l�ves surench�rirent
encore dans cette voie. Jamais, m�me sous le second Empire,
o� l'on porta tr�s loin le go�t des beaux uniformes et l'amour
des man�uvres rectilignes, jamais les r�giments de cavalerie
n'ont �t� mieux tenus que sous Louis-Philippe.......
......D�s le lendemain de la r�volution de 1830, un des
officiers de cavalerie l�g�re du premier Empire, tr�s amusant,
tr�s actif, dans les veines duquel coulait le sang des Lasalle,
des Montbrun, des Colbert, des Pajol, avait �t� rappel� au
service. Plac� peu de temps apr�s � la t�te du 4° hussards,
le colonel de Brack essaya de faire revivre dans son r�gi-
ment les traditions de hardiesse de la R�publique et de
l'Empire. Il fut un des premiers promoteurs du travail indi-
viduel .........
« Il a laiss� sur la mati�re un livre aussi utile que char-
�l�gants de 1841.              mant : « Avant-postes de cavalerie l�g�re; souvenirs », qui est
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LE CHIC A CHEVAL.
207
un des classiques de l'arm�e. Malheureusement cet ancien chef d'escadron des lan-
ciers rouges portait bien son nom; c'�tait une t�te chaude; on ne le prit pas assez
au s�rieux, on ne fit attention qu'aux timbaliers qu'il amena un jour au Champ de
Mars, et qui lui m�rit�rent des arr�ts. L'influence de la grosse cavalerie ne fut en
ce temps de paix contrecarr�e par rien. La cavalerie l�g�re avait, il est vrai, l'Afri-
que ...........................L'ombre des cuirassiers de Mil-
haud et de Kellermam, l'ombre des immortels cuirassiers de Waterloo, si follement
sacrifi�s par Ney, planait sur la cavalerie........................
« Sous la Restauration, les princes �taient rentr�s avec deux sortes de vues, les unes
�trang�res, les autres r�trogrades; mais comme, apr�s tout, ils �taient des hommes intel-
ligents et bien �lev�s, ils avaient tr�s vite compris que les m�thodes militaires des com-
pagnons de Napol�on �taient sup�rieures atout ce que pouvaient dicter leurs rancunes ou
leurs souvenirs. Ils aimaient sinc�rement l'arm�e et la France; ils firent pour le mieux.
C'est de leur haute direction que sont sortis les comit�s d'armes, impuissants � faire
vite le bien, toujours pr�par�s � laisser le mal se perp�tuer.
« Sous Louis-Philippe, les comit�s prirent une proportion �pique. Le parlementarisme
et ses discussions minuscules s'introduisirent dans les m�urs du haut �tat-major . . .
.... ........La th�orie d�passait de beaucoup la pratique, et les choses en
arriv�rent � ce point que le ministre rejetait la responsabilit� de tout ce qui se passait
sur le comit�; le comit� se plaignait de l'influence de la cour, et la cour, anim�e de
tr�s bons sentiments, mai-s oblig�e de se d�fendre, accusait et le ministre et le comit�.
Tous �taient �galement en dehors de la v�rit�.
« La raison, le motif et la cause du luxe des documents administratifs, r�glements
d'instruction, d'habillement, d'administration, sous le r�gne de Louis-Philippe, c'�tait la
paix, la paix trop longue pour une nation qui d�pensait trois cents et quelques millions
par an pour son arm�e, et trop longue pour une arm�e qui se sentait vaillante, forte,
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LE CHIC A CHEVAL.
208
unie et qui portait lourdement, surtout dans la cavalerie, une inaction co�teuse pour le
pays. »
En somme, et pour nous r�sumer en quelques mots, le r�gne de Louis-Philippe est
loin d'avoir �t� st�rile au point de vue hippique.
Trop de discussions et de t�tonnements peut-�tre, mais, en r�alit�, un d�veloppement
tr�s significatif du sport et du go�t des choses du cheval.
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OFFICIER DES GUIDES DE LA GARDE; SECOND EMPIRE.
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CHAPITRE XVI.
LE SECOND EMPIRE.
n revirement en faveur de l'arm�e se produisit � la suite des �v�-
nements qui mirent fin au r�gime de 1848 ; � la fin de l'ann�e
1851, on vit jusqu'� neuf r�giments de cavalerie � Paris; la bour-
geoisie, peu brave de sa nature, comprenait que c'�tait par les
troupes r�guli�res qu'elle venait d'�tre sauv�e.
La R�publique de 1848, pas plus que sa grrrande devanci�re!
n'avait rien fait et n'avait d'ailleurs rien pu faire pour l'�quitation,
ni pour la cavalerie; mais l'Empereur aimait les chevaux, et �tait
fort bel homme de cheval ; aussi « lorsque le chef de l'�tat aime
les chevaux, on peut �tre certain que la cavalerie sera sup�rieu-
rement mont�e; lorsqu'il se conna�t en chevaux, qu'il les monte avec prestesse,
�l�gance et s�ret�, les r�giments deviennent vite magnifiques. Le neveu de l'Empe-
reur.........encouragea donc les bruits qui se formaient dans l'arm�e � propos de son
humeur guerri�re, et la cavalerie, fut peut-�tre l'arme qui y fit le meilleur accueil. »
(Jules Richard, l'Arm�e fran�aise.)
Et, plus loin, M. Jules Richard , dont la comp�tence ne saurait �tre ni�e, ajoute : « Il
convient donc de marquer l'apog�e de la valeur de notre cavalerie sous le second Empire
aux ann�es 1855 � 1859, c'est-�-dire de la p�riode qui s'�tend de la guerre d'Orient � la
campagne d'Italie...........Si l'on songe que tous les r�giments de cavalerie d�sign�s
comptaient un nombre suffisant de cavaliers exerc�s, mont�s d'excellents chevaux,
ayant tous cinq ans au moins, purent ais�ment, sans demander du secours � des r�gi-
ments voisins ou � une remonte h�tive, mettre quatre beaux escadrons en ligne, on est
forc� de reconna�tre que le minist�re Randon, qui succ�da au minist�re Vaillant, a port�
chic a cheval.                                                                                                                                                             27
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LE CHIC A CHEVAL.
210
un coup funeste � l'organisme de la France.
Sous l'Empire, la cavalerie n'eut pas toutefois de moments de
repos absolu. Tous les ans, depuis 1858, quatre, cinq et jus-
qu'� sept r�giments allaient s'exercer au camp de Ch�lons.
En 1868 et en 1869, il y eut m�me deux s�ries. Il passa donc,
dans les treize ann�es de l'Empire, en d�falquant les ann�es o�
le camp fut r�serv� � la garde imp�riale, 70 r�giments par les
plaines de Ch�lons, c'est-�-dire que plusieurs r�giments durent
y revenir une ou deux fois. Avec l'Afrique et les campagnes
de guerre; avec Lun�ville, Sathonay, Versailles, la cavalerie
avait donc des occupations suffisantes, et l'habitude du grou-
1850.
pement ne devait pas lui manquer....... Mais j'ai entendu alors
vingt fois des colonels de cavalerie d�plorer que les mar�chaux
ou les g�n�raux de division � qui pr�sidaient d'ordinaire les solennit�s militaires cle
Ch�lons � oubliassent trop souvent, les jours de simulacres d'un grand combat, qu'ils
avaient sous leurs ordres une division de troupes � cheval. G�n�ralement ils ne se le
rappelaient qu'au moment du d�fil�; alors un aide de camp partait au galop lui ordon-
ner de se mettre en mouvement, et les journaux militaires � cette plaie de la publi-
cit� � c�l�braient � l'unisson sa belle tenue.......... »
Un fait incontestable, c'est que la cavalerie accueillit le r�tablissement de l'Empire
avec un grand enthousiasme. Victor Hugo, dans son Histoire d'un crime, lance � la
cavalerie ce sanglant repro-
du poulet, l'infanterie n'avait
Au d�but de son r�gne,
une arme qui s'�tait pronon-
qu'il estimait, arme dont plu-
intimes faisaient partie et dont
veille �la haute id�e qu'il avait
Mais, comme le fait re-
on eut le tort, en 1865, de
fectif agissant de la cavalerie :
s�ment surpris lorsqu'on lui
plus temps de r�agir; le r�-
celui du parlementarisme lui
L'opposition, devenue de
surtout l'arm�e qu'elle savait
cesse donc de demander des
d'effectifs. « M. Thiers de-
che ! « La cavalerie avait eu
re�u que du veau??? »
l'Empereur fit beaucoup pour
c�e la premi�re en sa faveur,
sieurs de ses familiers les plus
le brillant convenait � mer-
du prestige d'un chef d'�tat,
marquer M. Jules Richard,
supprimer le septi�me de l'ef-
« L'Empereur fut douloureu-
apprit la v�rit�. Mais il n'�tait
gne de l'autorit� �tait pass�,
succ�dait. »
plus en plus violente, visa
d�vou�e � l'Empire. Elle ne
�conomies et des r�ductions
manda et obtint de M. �. 01-
Coslumc de chasse; 18">3.
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211
LE CHIC A CHEVAL
livier que le contingent annuel f�t r�duit de 10,000 hommes. Ce sont l� des faits qui
ne sauraient �tre pass�s sous silence dans l'histoire d'une arme o� l'on n'improvise
pas des r�giments. »
On a tant reproch� � la cavalerie de n'avoir pas su �clairer l'arm�e, en 1870, que
nous avons voulu essayer, en quelques lignes, de montrer par quelles vicissitudes avait
pass�, sous le second Empire, cette arme si impressionnable et si int�ressante.
Ces vicissitudes expli-
r�le que la cavalerie joua
Nous allons reprendre
des faits.
On a vu que sous le gou-
quitation avait �t� fort � la
les sympathies qui nous
pour l'Empire, nous ne
reconna�tre que l'�quitation
ment brillante au d�but du
par d�cliner d'une fa�on
tamment, de l'avis m�me
monta aussi mal dans l'ar-
L'une des causes principa-
choses fut s�rement le trou-
la m�thode Baucher, m�-
g�r�e par certains �cuyers,
Une autre cause aussi fut
sieurs officiers g�n�raux,
n�ral Grand, en 1856 et en
ment les courses d'officiers,
quent en grande partie le
en 1870.
maintenant la chronologie
vernement de Juillet, r�-
mode ; mais, malgr� toutes
portent � �tre indulgent
pouvons nous emp�cher de
militaire, d'abord relative-
r�gne de Napol�on III, finit
assez sensible. Jamais, no-
des anciens officiers, on ne
m�e qu'� la fin de l'Empire,
les de ce regrettable �tat de
ble jet� dans les esprits par
thode qui fut encore exa-
comme le capitaine Raabe.
qu'� diverses reprises, plu-
comme par exemple le g�-
1858, interdirent formelle-
motivant ainsi cette d�fen-
cieraeCavaleri
petite tenue.
se : « Ces d�plorables exercices, sans aucune utilit� pour l'instruction, ne peuvent
avoir pour r�sultat que la ruine des meilleurs chevaux de l'�cole (1) et devenir la
cause des accidents les plus graves, compromettant l'avenir des officiers. »
On se fit d'autre pan, dans certains r�giments, pour ne pas dire tous, un grand
point d'honneur des chevaux gras, qu'on appelait alors, « en bon �tat ». Il est juste de
dire qu'en revanche ces chevaux �taient merveilleusement soign�s par les vieux cava-
liers, auxquels on ne pouvait les �ter lorsqu'ils les avaient « tir�s ».
Quant � l'�quitation civile, voici ce qu'en disait un contemporain, vers 1860 :
« Parlons maintenant de l'�quitation du dehors, de ces gens qui ne veulent pas tra-
vailler dans les man�ges, et ne veulent pas pratiquer davantage en plein champ; car
(1) Le g�n�ral inspectait l'�cole de Saumur.
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LE CHIC A CHEVAL.
212
il ne faut pas croire que la haine de la demi-volte et du contre-changement de main de
deux pistes entra�ne jusqu'au full-cry, au saut de fence, au furious speed ; non, on
trouve qu'il est ridicule de se casser le cou; on arrive, � force de prudence, � ne pas
se mettre � l'eau sans savoir nager. Jamais les chevaux sages n'ont �t� aussi en vogue;
on en demande partout, � tout le monde, � toutes les races, � toutes les m�thodes;
il n'est pas de fr�n�tique amateur du turf qui n'envoie son hackdans un man�ge borgne
pour le mettre dans la main. »
Et cependant, malgr� la d�faveur que subissait l'�quitation, malgr� cet �vanouisse-
ment �vident du go�t pour le cheval,il y eut, pendant toute la dur�e de l'Empire,
un endroit o� l'art �questre fut toujours en grand honneur, l'�cole de Saumur, et dans
l'arm�e comme dans la soci�t�, des gens de cheval d'une tr�s grande valeur. L'Empe-
reur, le premier, contribua plus que personne � d�velopper le go�t des beaux chevaux,
bien soign�s et harnach�s avec « chic » ; ses �curies ont toujours �t� cit�es comme des
merveilles de bonne tenue. Le g�n�ral Fleury, qui en avait la surveillance, �tait un
cavalier des plus distingu�s; son fils, du reste, a suivi les traditions paternelles ; il est,
ainsi que le capitaine Conneau, instruit � la m�me �cole, et un des plus brillants et des
meilleurs cavaliers de l'arm�e. Le g�n�ral de Rochefort, qui commanda l'�cole de cava-
lerie apr�s 1852, fut aussi une c�l�brit� hippique; il a laiss� � Saumur le renom d'un
officier de grand m�rite.
M. de Montigny, ancien �l�ve du vicomte d'Aure, ami personnel de Baucher. et
auteur de nombreux et tr�s estim�s ouvrages sur l'�quitation, professa aussi � Saumur.
Voici le jugement qu'il portait sur Baucher, apr�s la c�l�bre conversion de ce dernier :
« Baucher �tait un g�nie ; il m'a appris � raisonner, � chercher. Dans sa premi�re �cole
il y avait du bon pour le cirque (pour vingt minutes de repr�sentation) : pour le dehors
et l'�quitation militaire, ce n'�tait rien, absolument rien. Dans la seconde �cole de
Baucher, qui se rapprochait un peu de l'ancienne �cole, le cheval avait plus de per�ant.
Mais l'arri�re-main �cras�e, le devant trop haut �taient contraires � l'�quilibre horizontal
et � la progression harmonieuse du cheval de service. »
Le comte de Montigny a publi�, ainsi que nous venons de le
dire, plusieurs ouvrages qui sont bien connus des gens de
cheval. Nous mentionnerons, entre autres :
« Le Manuel oie l'�leveur ou M�thode simplifi�e de dres-
sage des chevaux au monloir et au trait par M. de Mon-
tigny, ancien officier de cavalerie hongroise, ex-�cuyer,
professeur � l'Ecole d'�tat-Major, professeur � l'Ecole na-
tionale de haras.
»
« Le Manuel des Piqueurs » a �t� fort bien accueilli lors
de sa publication, et il est depuis rest� classique. C'est un vo-
Bride de la cavalerie de la garde
imp�riale ; im.               lume qui, sous un format restreint, contient nombre d excel-
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TROMPETTE DES CUIRASSIERS DE LA GARDE IMP�RIALE
1860.
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213
LE CHIC A CHEVAL.
lents renseignements, et sur la mani�re de monter et sur celle de mener.
Un petit trait� d'entra�nement, traduit de l'anglais, est joint � ce vo-
lume qui est un de ceux dont la place est marqu�e dans la biblio-
th�que du sportman.
A Saumur, le comte de Montigny, qui succ�da � la
personnalit� tr�s marquante de M. Rousselet, fut un
de ceux qui contribu�rent � donner � l'�cole ce
cachet d'�clectisme bien entendu qui a �t�
une des forces de cette �cole.
En
ta un
porain
« Lune mque le
1852, un M. Casimir No�l de Memors r�gulateur, sur lequel un
connu, M. Raabe, a �crit ces
mors vraiment ex
tion nouvelle, tout
dit-il, « pren-
�nven-
contem-
1 ign�s :
traordinaire, cr�e
aussi extraordinaire
dre un certain nombre
faire diiHger imm�diate-
en �quitation.
tageux pour les ignorants en
tion, un cavalier sera plut�t
immense progr�s pour les
la nouvelle position de la
la main fix�e sans rendre et
�tre aussi commode que gra-
de jeunes chevaux et les
ment par les plus ignorants
« Voil�, certes, qui est avan-
�quitation. Avec cette innova-
forme qu'un fantassin. Quel
troupes � cheval, surtout avec
main de la bride. « En tenant
sur la ceinture m�me.
Ce doit
cieux. »
« L'�quilation enseign�e
« Nous ne sommes plus
temps � M. No�l de Meaux
qu'un fantassin; peste,
Et, puisque nous
en vingt-cinq minutes. »
�tonn� s'il faut moins de
pour former un cavalier
vingt cinq minutes ! »
venons de parler de
ment qu'a port�
'J to*i
V
M. Raabe, don
tout de suite le juge-
nons
des « Origines de l'�cole de la
cavalerie ».
latons la perturbation jet
le monde
par l'ouvrage du capitaine Raabe, r�futa-
visible du cours d'�quitation de Saumur, que
en fut r�primand� par le ministre de la guerre,
que ce cours d'�quitation du comte d'Aure avait une
cons�cration officielle; on se rappelle que le ministre de 1
guerre en avait ordonn� et dirig� la r�daction. Le capita
Raabe, partisan, m�me exag�r�, du syst�me Baucher, �tait natur
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y
214                                                         LE CHIC A CHEVAL.
lement l'ennemi de cette m�thode; il s'�tait cr�� une nombreuse client�le d'admirateurs
avec ses tours de force d'�quitation; et, soit par fanatisme, soit par esprit d'ind�pendance
� le fond de son caract�re � il avait �crit d'une plume ac�r�e ses principes �questres,
qui devaient fatalement repr�senter une attaque en r�gle contre le syst�me d'Aure.
« Le capitaine Raabe commandait alors un escadron du 6e de dragons, qui partit
bient�t pour la guerre de Crim�e. Ce d�part �teignit, pour le moment, cette pol�mique
�questre renouvel�e des luttes de M. Baucher. M. Raabe continua l�-bas ses prodiges, et
il trouva un brillant champion dans l'arm�e anglaise, le capitaine Nolan, qui fit plus d'un
assaut �questre avec lui. Mais les �chos de cette remarquable rivalit� n'arriv�rent que
bien affaiblis jusqu'en France, domin�s par le bruit des batailles et par bien d'autres
nouvelles plus absor-
auxquels nous faisons
nus que du plus petit
part, le capitaine Raabe
« Cependant, nous
ser supposer que les
sent les seuls m�rites
�tait, au contraire, un
remarquable, ayant un
ba.ntes. Aussi les traits
allusion ne sont-ils con-
nombre, et, pourlaplu-
fut oubli�.
ne voudrions pas lais-
talents �questres fus-
decet officier; M. Raabe
capitaine commandant
grand ascendant sur
Fers sans clous, maintenus avec une bande de caout-
chouc;
employ� pendant la guerre de Crim�e, poul-
ies chevaux d�ferr�s.
ses hommes, et de grandes qualit�s militaires; mais � coup s�r ses talents �questres,
mieux que tout autre don, le mettaient hors de pair.
« Revenu en France, le capitaine Raabe reprit sa lutte de syst�me, au point o� il
l'avait laiss�e, et par la particularit� de sa m�thode et son refus de concessions il se fit
le nom que tout le monde conna�t. »
Du reste les m�thodes plus ou moins bonnes ne manquaient pas alors, et les exp�-
riences se succ�daient � de courts intervalles dans la cavalerie, ce qui ne laissait pas
que d'y jeter un certain trouble; car, m�me mauvaise, une id�e nouvelle rencontre tou-
jours des adh�rents qui, la plupart du temps, sont gens en qu�te des moyens cle se faire
remarquer, et esp�rent toujours avoir, comme disent les soldats, « trouv� le joint ».
C'est ainsi qu'en 1854 on fit grand bruit autour du nom d'une �cuy�re Mme Marie
Isabelle. Et comme, en tout temps, le plus grand d�sir des civils a �t� cle se m�ler des
choses militaires, tout en interdisant formellement aux militaires de se m�ler des choses
civiles, Mme Isabelle, de m�me que Baucher, avait grande envie de voir sa m�thode
exp�riment�e et appliqu�e par l'arm�e.
Gr�ce aux nombreuses influences dont elle disposait, elle obtint qu'une commission,
pr�sid�e par le g�n�ral Regnault de Saint-Jean d'Angely, qui commandait alors la garde,
examin�t sa m�thode. Cette commission, dont faisait partie le comte d'Aure, se r�u-
nit au man�ge de l'�cole d'�tat-Major.
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LE CHIC A CHEVAL.
Cela se passait en juillet 1854.
En novembre de la m�me ann�e, Mme Isabelle fut envoy�e � Sau-
mur pour y d�montrer ses principes de dressage. C'est ce qui a pu
faire dire � un �crivain, �videmment mal renseign�, que le man�ge, �
une certaine �poque de l'Empire, avait �t� sous les ordres de Mlle Isa-
belle, confondant sans doute cette derni�re avec la bouqueti�re du
Jockey-Club.
Commenc�s le 14 novembre 1854, les cours de cette dame se conti-
nu�rent jusqu'en avril 1855, et se termin�rent par le fiasco le plus com-
plet qu'on puisse r�ver.
Naturellement, l'�cuy�re se pr�tendit victime des pr�jug�s surann�s et
d'une opposition malveillante. Un des aides de camp du roi de Portugal,
le capitaine de Canha Salgado, �tant venu visiter l'�cole, on lui montra
le dressage des chevaux confi�s � Mme Isabelle.
« Ce fut simplement pitoyable; les �gards qu'on doit � une dame,
quand m�me, nous emp�chent de r�p�ter le mot dont s'est servi l'of-
ficier portugais pour juger une m�thode qui offrait de pareils r�sul-
tats. »
En autorisant de semblables exp�riences, il est incontestable que le
ministre de la guerre engageait grandement sa responsabilit�. N'�tait-
ce pas, du reste, ce m�me ministre qui d�fendait formellement aux of-
ficiers de suivre les chasses � courre, « qui ne pouvaient que d�tour-
ner des �tudes essentielles et s�rieuses ».
On comprend qu'avec d�telles d�fenses, dont on peut rapprocher celle
�dict�e le 23 juin 1869, �poque � laquelle un autre ministre rappela qu'il
�tait formellement interdit aux officiers de « figurer sur aucun hippo-
drome avec leurs chevaux d'armes, � aucune course plate ni m�me �
aucun steeple chase ». On comprend, r�p�terons-nous, que les officiers
de cavalerie, laiss�s aux seules ressources de la man�uvre, trois fois
par semaine, et qu'on voyait d'un mauvais �il monter leurs chevaux
isol�ment, eurent vite perdu le go�t de l'�quitation.
Ces malheureux principes subsist�rent du reste fort longtemps; et
je me souviens d'avoir servi, en 1876, sous les ordres d'officiers de la
vieille �cole, lesquels ne comptaient l'�quitation absolument que com-
me une chose secondaire, comme du « fricotage », pour employer leur
expression. Il est juste d'ajouter que d�s lors une vigoureuse r�ac-
tion contre ce singulier �tat de choses commen�ait � se produire; mais
nous en parlerons en temps et lieu.
Nous avons d�j� cit� le nom de M. le comte Savary de Lancosme-
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LE CHIC A CHEVAL.
216
Br�ves : en 1855 il fit
l'ami du cheval », qui
historique, scientifi-
choses qui ont rapport
�uvre remarquable �
n'a malheureusement
Un peu plus tard,
cosmes-Br�ves publia
taurisation », ou -
dont les principes fu-
des d�tachements du
niers envoy�s � coteffet
mission fut constitu�e
g�n�ral pr�sident le
compos�e du lieute-
para�tre son « Guide de
est � la fois une revue
que et pratique des
� l'�quitation. Cette
tous les points de vue
pas �t� termin�e,
en 1860, M. de Lan-
son trait� de la « Cen-
vrage rest� c�l�bre, et
rent exp�riment�s par
1er et du 2° de carabi-
� Saumur. Une com-
sous la pr�sidence du
comit� de cavalerie, et
nant-colonel d'Avo-
:,:>:->'^:!v
i.Wtt
Russie; chevaliers gardes.
court, du 6e de dragons; du chef d'escadron de La Jaille, du 7e de dragons; du ca-
pitaine Effantin, du 7 de dragons et du capitaine de Mauduit, du 6e de dragons. Elle
avait pour mission de juger la nouvelle m�thode.
Voici quelles furent les conclusions de cette commission. « En r�sum�, le travail
des trente premi�res le�ons a donn� les r�sultats suivants :
«Les hommes ont le corps et les jambes parfaitement plac�s ; ils se servent de leurs
agents sans d�ranger pour cela ni leur assiette ni leur position, et ils sont en �tat
d'ex�cuter, avec toute la r�gularit� d�sirable, les mouvements des hanches et le recu-
ler, mouvements difficiles pour le jeune cheval; ils savent galoper sur l'un et l'autre
pied et s'enl�vent sans effort � cette allure.
« Enfin, cavaliers et chevaux poss�dent une instruction de beaucoup sup�rieure � celle
qu'ils acqui�rent d'habitude dans nos r�giments.
« Un pareil r�sultat est �vident, incontestable et parle de lui-m�me. Est-il besoin de
rien dire de plus en faveur d'une m�thode qui n'est nullement en contradiction avec
les principes de l'Ordonnance, en tous points applicable � l'instruction de la cavalerie
et qui habitue les hommes � conduire les chevaux avec patience et douceur?
« Paris, le 15 avril 1860. »
Comme tous les gens de m�rite, M. de Lancosmes-Br�ves eut ses d�tracteurs et ses
tr�s chauds partisans; les premiers l'accusant de renier les principes du ma�tre (on
sait que M. de Lancosmes-Br�ves avait �t� l'�l�ve et l'ami de Baucher), les seconds lui
reprochant d'avoir trahi l'�cole de Versailles.
Il s'en est d�fendu, lui-m�me, mieux que personne ne l'aurait pu faire et en ces termes :
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COSAQUE DE LA GARDE.
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LE CHIC A CHEVAL.
217
« Il est difficile d'expliquer les attaques qui me sont adress�es par quelques parti-
sans exalt�s de M. Baucher, puisque, malgr� mon d�saccord avec lui sur un grand
nombre de questions,
ceux de ses plus fer-
conjurer l'insucc�s g�-
France et � l'�tranger,
veut la sortir de son
du dressage. Si la ques-
je garderais encore le
consid�ration pour le
ma�tre; mais il s'agit
quitation, et admettre
j'ai joint mes efforts �
vents disciples, pour
n�ral de sa m�thode en
insucc�s m�rit�, si on
v�ritable cadre, celui
tion me concernait seul,
silence, tant j'ai de
talent personnel du
ici des progr�s de l'�-
son travail tel qu'il le
tique, c'est s'associer
sible, c'est conduire
donne, sans aucune cri-
Un des chevaux du shah de Perse cl son gelodar.
� une instruction nui-
soi-m�me tout cavalier cr�dule dans une voie aboutissant � de f�cheux r�sultats.
« Je vais donc m'exprimer nettement sur la nouvelle �quitation de M. Baucher. Je tiens
� montrer que nos deux �coles sont enti�rement distinctes, et qu'il y a, entre celle de
ce ma�tre et la mienne, la m�me diff�rence qu'entre le p�rim�tre du Champ de Mars
et celui du Cirque. Apr�s cette d�claration franche et claire, provoqu�e par la conduite
de nos adversaires � mon �gard, j'esp�re que les partisans de la m�thode Baucher
ne chercheront plus � confondre les principes de leur ma�tre avec ceux que je professe.
Il est sans doute impossible de ne pas se rencontrer quelquefois sur certains prin-
cipes; mais il n'en est pas moins r�el que notre point de d�part et nos r�sultats ne
sont pas les m�mes, ainsi que je vais l'expliquer. »
critique tr�s juste et tr�s serr�e
vant citer toute cette discussion,
ces quelques passages.
de solidit� pr�sent�s par M. Bau-
� toutes les lois de l'aisance,
cheval ; ils nuisent � la parfaite
cavalier et l'animal; cette pre-
je le dis avec regret, enti�re-
Et l'auteur continue par une
de la m�thode Baucher. Ne pou-
nous en transcrivons seulement
« Les principes de tenue et
cher sont, selon moi, contraires
de la solidit� et de la gr�ce �
union qui doit exister entre le
mi�re partie de la m�thode est,
ment manqu�e.........
« La mise en main par les
par ceux qui sont non seulement
tre, familiaris�s avec les prin-
ce Et remarquons, en outre,
embarrass� qu'on ne le peut
CHIC A CHEVAL.
attaques n'est applicable que
de bons cavaliers, mais, en ou-
cipes anciens..........
que le cavalier est bien plus
supposer, s'il n'est �l�ve que
�28
Piqueur d'attelage de l'empe-
reur Napol�on III; livr�e

l'anglaise.
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218                                                         LE CHIC A CHEVAL.
de M. Baucher, car il doit �tre roide, s'il a suivi exactement les principes du ma�tre,
notamment celui qui, selon moi, emp�che d'acqu�rir de l'aisance et de la solidit� �
cheval : « C'est par la force que l'�l�ve arrivera � �tre liant, et non par l'abandon, tant
et si inutilement recommand�. » Principe pernicieux et qui doit �tre rejet� bien loin.
« Pour sortir de ce dilemme �questre, ou plut�t pour faire partir son cheval, le
cavalier est tr�s heureux de retrouver les principes de l'�cole de Versailles, qui appre-
nait � ses �l�ves comment il faut porter son cheval en avant. Mais le baucheriseur
proprement dit, se d�courage et reste sans moyens de d�fense, livr� � un animal de-
venu son ma�tre. Aussi vouloir citer le travail remarquable de plusieurs officiers de
Tarm�e, comme une preuve de l'excellence de la m�thode Baucher, ne prouve abso-
lument rien; les bons cavaliers savent toujours remplir, sans h�siter, les lacunes d'une
th�orie mauvaise ou incompl�te, � plus forte raison quand ces cavaliers sont des
�cuyers sortis de l'�cole de Saumur. Et parce que ces derniers travaillent eux-m�mes
avec un fonds de science qui leur appartient, dira-t-on, pour cela, que leur succ�s vient
de la m�thode Baucher? Tandis qu'il est plus vrai de dire qu'il est, avant tout, le
r�sultat des bons enseignements de MM. Rousselet, d'Aure, Saint-Ange, Gu�rin et
Briffaut etc., qui ont mis ces officiers en �tat d'appliquer toutes les m�thodes connues
ou � conna�tre.
« En un mot, la m�thode Baucher, isol�e, ne fera que des cavaliers disgracieux,
taquins, f�cheux pour le cheval, qu'ils rendent r�tif; accept�e comme appendice,
elle est d'une utilit� incontestable, si on la d�pouille de ses erreurs, et les exp�riences
nous prouvent chaque jour que les cavaliers qui savent en faire une bonne application,
avaient pr�alablement appris � monter � cheval avant de chercher � l'appliquer.
« Comment en serait-il autrement? La m�thode Baucher est un r�sum� philoso-
phique de l'�quitati�n des �cuyers anciens, pr�sent� sous une forme nouvelle par
un praticien hors ligne dans sa sp�cialit�. Et ne lit pas qui veut dans ce livre o� le
g�nie, si longtemps m�connu des Fr�d�ric Grison, des
de La Broue, etc., se refl�te � chaque instant. »
On voit que ce jugement, trac� de main de ma�tre,
et par un homme dont la haute comp�tence ne sau-
rait �tre mise en doute, r�sume bien plus clairement
la question que les pol�miques violentes de ceux qui
n'ont cherch�, en se faisant les champions de Bau-
cher et de ses principes, qu'� attirer l'attention sur
leur nom ou � « donner une bonne le�on au gou-
vernement ».
Mais, nous avons quelque peu anticip� sur l'ordre
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LE CHIC A CHEVAL.
219
chronologique, pour r�sumer en un seul contexte les principes de M. de Lancosmes-
Br�ves, et il nous faut maintenant revenir � l'ann�e 1855.
C'est en effet � cette date que parut un ouvrage d'�quitation d'un tr�s grand m�-
rite pratique : « Le�ons de science hippique g�n�rale, ou Trait� coinplet de l'art de
conna�tre et gouverner et d'�lever le cheval, par la baron de Curnieu.
»
En 1856, nouvelle d�cision minist�rielle interdisant, d'une mani�re formelle, la par-
ticipation des offi-
ciers de F�cole de
courses plates ou
On con�oit sans
sagr�ables im-
reilles prohibi-
causer dans la ca-
voulu, de propos .
ger toute vell�it�
duel, qu'on ne s'y
trement. Il n'y a
des r�sultats
sionsdece genre;
gie, l'amour du
t�risenos officiers
que leur arme
tiers et sous-offi-
cavalerie aux
auxsteeple-chase.
peine quelles d�-
pressions de pa-
tions devaient
valerie. E�t-on
d�lib�r�, d�coura-
de travail indivi-
serait pas pris au-
pas � s'�tonner
qu'eurentdesd�ci-
et il a fallu l'�ner-
m�tier qui carac-
de cavalerie, pour
n'ait pas �t� com-
v�e par de sem-
pl�tement �ner-
Le Prince Imp�rial en 480fi.
blables h�r�sies.
C'est aussi de cette m�me ann�e 1856 que commence la r�putation du capitaine Ger-
hardt, qui tient une place honorable dans l'histoire de l'�quitation. Alors capitaine
instructeur au 1er de lanciers, il fut appel�, avec son grade, aux lanciers de la garde im-
p�riale lors de la formation de ce magnifique r�giment; et le g�n�ral Morris, qui com-
mandait la cavalerie de la garde, lui ayant laiss� toute latitude, il exp�rimenta avec
grand succ�s sa m�thode sur des chevaux r�tifs de diff�rents r�giments.
C'est �galement en 1S56, que le comte de Lancosmes-Br�ves gagna son fameux pari
de trot en arri�re. Parti des Champs-Elys�es, � la hauteur de la porte du palais
de l'Industrie, il arriva, en cinq minutes trente sept secondes, � l'ob�lisque, but de
sa course. Il avait forc� tous les chevaux pr�sents � le suivre au trot.
En feuilletant le beau livre de M. le capitaine Picard, auquel nous avons fait de si
nombreux emprunts, et qui nous a servi de guide pour notre travail, persuad� que
nous �tions de ne pouvoir faire mieux que de suivre un si parfait mod�le, nous
trouvons le r�cit du d�part du g�n�ral de Rochefort qui commandait l'�cole de cava-
lerie depuis 1852.
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220
LE CHIC A CHEVAL.
Nous croyons bon de citer en entier ce passage; car il atteste quel vigoureux esprit
r�gnait alors dans la cavalerie.
« Le mardi 8 juin 1859, le g�n�ral de Rochefort re�ut l'ordre de partir imm�diatement
pour l'Italie. Il avait le commandement d'une brigade dans le 4e corps, division Niel.
« M. de Rochefort re�ut des t�moignages de sympathie de toute l'�cole et de la
ville enti�re. Apr�s la revue, un vieux cavalier de remonte, � l'�il p�tillant, la
moustache retrouss�e, le front couvert de rides, le type de ce soldat fran�ais dont
l'allure atteste l'�nergie et la franchise, s'avan�a d'un pas ferme vers son g�n�ral et,
lui pr�sentant un sabre, se fit en ces termes l'interpr�te de la compagnie.
« Mon g�n�ral, je viens au nom de la compagnie enti�re et comme doyen des ca-
valiers de remonte, vous offrir ce sabre. Nous savons qu'il sera bien port� (1). Que
Dieu vous prot�ge et prot�ge l'Fmpereur, vive l'Empereur. Vive le g�n�ral!
M. de Rochefort, tout �mu, re�ut dans ses bras ce vieux soldat, le remercia de son
t�moignage, et lui dit avec effusion qu'il saurait r�pondre � leur attente.
« Au d�fil� de la revue, les cris de vive le g�n�ral de Rochefort! �taient m�l�s �
ceux de vive l'Empereur! Toute la journ�e, l'h�tel du g�n�ral fut envahi par ses
nombreux amis, qui venaient lui exprimer leurs v�ux.
« Le jeudi soir, � neuf heures, M. de Rochefort quitta Saumur. Les officiers, en corps,
l'escort�rent avec des torches jusqu'� la gare; plus de cinq � six mille personnes, tant
civiles que militaires, se trouv�rent r�unies sur la place du chemin de fer. Avant de
descendre de cheval, le g�n�ral adressa quelques paroles, Sa voix fut couverte des
cris de vive l'Empereur! vive le g�n�ral! vive
l'arm�e d'Italie! Au moment o� il entra dans la
salle, la foule se pr�cipita dans la gare, le recon-
duisit jusque sous la marquise. L�, plusieurs sol-
dats lui serr�rent la main; M. de Rochefort, tout
P>
�mu, les remercia et leur dit qu'il se rappellerait
toute sa vie d'avoir �t� � l'�cole de cavalerie.
« Aussit�t MM. les officiers se port�rent, arm�s
de torches, sur le passage du train et salu�rent
une derni�re fois M. de Rochefort des cris de vive
le g�n�ral ! »
En f�vrier 1861, le mar�chal Randon, ministre
de la guerre, ordonna de faire une �tude com-
(1) L'Allemand Offenbach n'avait pas encore compos� \a.Grande-
Duchesse
et commenc� a « blaguer » avec un esprit contestable, les
choses qu'on avait auparavant le go�t �videmment « vieux jeu »
de respecter ; et ce vieux cavalier de remonte �tait probablement
de ceux qui, selon la railleuse expression du regrett� Villiers de
l'Isle-Adam, « donnaient encore dans ces ponts-l� ». (L. Vallet.)
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SUR LES HAUTS PLATEAUX;
1881.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                          221
parative sur les moyens relatifs des chevaux anglais et des chevaux normands.
Voici ce que dit France hippique de cette exp�rience, qui se termina un an plus
tard, en f�vrier 1862.
« Son Exe. M. le Mar�chal Randon, d�sirant se rendre compte de la valeur
r�elle des chevaux anglais et des chevaux normands employ�s � l'�cole de cavalerie de
Saumur, pour le service de la carri�re, sous le rapport de la vigueur, des allures et du
fond, donna des instructions � M. le g�n�ral commandant l'�cole pour que l'�tude
comparative e�t lieu, pendant un an, entre dix chevaux achet�s par l'�cole � un mar-
chand de Paris, et dix chevaux normands achet�s par le d�p�t de remonte de Caen.
Le r�sultat de cette exp�rience vient d'�tre consign� clans le rapport suivant adress�
D'apr�s des documents anglais.
par le g�n�ral Crespin, commandant l'�cole de Saumur, � son Exe. M. le Mar�-
chal Randon qui a bien voulu nous en donner communication. Ce document int�-
ressera nos lecteurs et surtout nos �leveurs. 11 prouvera une fois de plus que la
France peut, aussi bien que l'Angleterre, fournir de beaux et bons chevaux, et qu'a-
vec un �levage rationnel et des soins intelligents, elle peut rivaliser avec les autres
pays �trangers, et m�me devenir, � son tour, le grand march� de l'Europe, puisqu'elle
peut cr�er toutes les vari�t�s de l'esp�ce chevaline.
«. �cole imp�riale de Cavalerie. Rapport sur l'�tude comparative faite entre dix
chevaux achet�s par l'�cole � M. Perrault, marchand de chevaux � Paris, et dix
chevaux livr�s par le d�p�t de remonte de Caen pour le service de la carri�re.
« Conform�ment aux prescriptions d'une d�p�che de son Exe. M. le Mar�chal mi-
nistre de la Guerre, en date du 28 f�vrier 1861, les dix chevaux anglais achet�s
par l'�cole � M. Perrault, et les dix chevaux livr�s par le d�p�t de remonte de Caen,
dans le courant du mois de f�vrier 1861, pour le service de la carri�re, ont �t� suivis
� part et �tudi�s parall�lement jusqu'ici.
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pHnmBBi^
.
y?
Lu.-
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LE CHIC A CHEVAL.
222
« Pendant les premiers mois d'examen, la sup�riorit�
semblait acquise aux chevaux anglais, parce que, habi-
tu�s au travail et � peu pr�s dress�s au moment de l'achat,
ils ont pu �tre mis en service quelques semaines apr�s
leur arriv�e; mais � mesure que les influences du r�gime
et de l'acclimatation ont disparu, les chevaux normands
ont pris peu � peu le dessus, et aujourd'hui, quoique
ces derniers, �g�s de cinq ans en moyenne, n'aient pas
atteint tout � fait leur complet d�veloppement, il est facile
Joueur de polo.
de conclure en faveur des chevaux fran�ais, car les An-
glais, plus �g�s, ne peuvent que perdre, tandis que les
autres ont encore � gagner.
« En r�sum�, comme vigueur, allure et �nergie, les chevaux normands me paraissent
l'emporter, jusqu'� ce jour, sur les chevaux anglais. »
Nous ne nous permettrons pas de formuler un avis sur cette question, n'ayant certes
pas la comp�tence n�cessaire, et nous nous contenterons de noter que parmi l'�tat-major
de l'�cole se trouvaient, � cette �poque, les personnes dont les noms suivent :
MM. Gu�rin, �cuyer en chef; Vallon, v�t�rinaire principal ; Grandin, capitaine instruc-
teur; Dutilh, capitaine �cuyer; Lenfum� de Ligni�res et Pi�tu qui, tous trois, sont
au premier rang parmi les c�l�brit�s hippiques, et qui ont, aussi tous les trois, com-
mand� successivement le man�ge de Saumur.
Il serait curieux, en tous cas, �tant donn�e la sup�riorit� incontestable de l'�poque
actuelle sur celle dont nous esquissons l'histoire, de faire une nouvelle exp�rience et d'y
convier non pas les gens dont les coudes en dehors, la culotte grotesque et le filet de
courses sont les seuls titres en �quitation, mais des �cuyers dont la notori�t� bien �tablie
serait un s�r garant de leur
C'est en 1861 �galement que
d'hui g�n�ral des plus en vue,
puis d�finitivement adopter, sa
quelle se trouvaient des prin-
ce La qualit� essentielle du
ter franchement en avant; on
lui donner. »
« La souplesse de la m�-
est pr�t � c�der; il faut donc,
vement, s'assurer que cette
impartialit�.
M. le capitaine Bonie, aujour-
obtint de faire exp�rimenter,
m�thode de dressage dans la-
cipes de cette valeur :
cheval de guerre est de se por-
doit tout faire pour arriver � la
choire indique que le cheval
avant l'ex�cution de tout mou-
souplesse existe. »
Bride d'officiers
de hussards allemands.
« Il est indispensable pour la sant� du jeune cheval qu'il soit au grand air le plus
possible. » « Porter en avant le cheval qui se d�fend doit �tre signal� au cavalier
comme but principal de ses efforts. »
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LE CHIC A CHEVAL.
223
« Il (le cheval) ne deviendra r�ellement cheval de guerre qu'apr�s avoir acquis, au
dehors, du fond et de la vitesse par l'entra�nement. »
Remarquons que le capitaine Bonie est le premier �crivain militaire qui ait os� parler
de l'entra�nement. Pour se rendre un compte exact de toute la hardiesse qu'il y avait
alors � pr�coniser, une m�thode o� l'entra�nement tenait une place importante, il est in-
dispensable de se souvenir des id�es qui avaient alors cours sur ladite mati�re dans
la majeure partie des gens du m�tier.
La commission r�unie pour examiner les r�sultats de l'application des principes du
jeune capitaine fut du reste �merveill�e de ces r�sultats. Elle constata que les chevaux
entra�n�s par la m�thode du capitaine Bonie avaient pu parcourir d'abord 3,500 m�tres
au galop puis fournir une charge d'un kilom�tre.
Notons que c'est en 1862 qu'on envoya, pour la premi�re fois, � Saumur des jeunes
Arabes. Ils suivirent les cours comme cavaliers-�l�ves, et devaient sortir comme mar�-
coutume s'est conserv�e
des cavaliers-�l�ves en
qui, comme moi, ont eu
ti�de l'�cole, ont pu voir
ces fameux cavaliers lors-
fauteuil qui leur sert de
tre assis commod�ment
les r�actions sont nul-
des juments de pur sang.
enfants du d�sert nous
bon moment. L'un d'en-
pas citer le nom, mon-
mes, une certaine ju-
rah, tr�s ensell�e et tr�s
chaux des logis. Cette
jusqu'� la suppression
1879. Ajoutons que ceux
l'honneur de faire par-
quelle triste mine font
qu'ils sont priv�s du
selle, et qu'au lieu d'�-
sur un cheval arabe dont
les, ils sont camp�s sur
Je me souviens que ces
ont fait passer plus d'un
tre eux, dont je ne veux
tait, comme cheval d'ar-
ment nomm�e Basso-
Monsieur Loyal !
charg�e en ganache, qui remmenait tr�s tranquillement notre ben.....etc., �
l'�curie, malgr� tous les conseils que lui prodiguait M. de Gontaut-Biron, qui �tait
alors notre tr�s excellent instructeur.
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224                                                                LE CHIC A CHEVAL.
En 1863, parut le « Cours d'hippologie » de M. Vallon, v�t�rinaire principal � l'�cole
de cavalerie. Ce cours est devenu classique.
Les jeunes cavaliers de Saurour ont fait sur M. Vallon une chanson qui est un petit
chef-d'�uvre empreint d'un vif sentiment de gaiet� militaire.
Nous demandons la permission d'en citer quelques couplets, regrettant de ne la pou-
voir reproduire dans son entier � cause du ton un peu gaulois de certains de ses couplets.
Que les puristes en litt�rature ne se montrent pas trop s�v�res � l'�gard de cette chan-
son; ils ont fait bien des vers qui, pour �tre plus corrects que ceux que nous citons, ne
survivront pas aussi longtemps. L'ennui qu'ils distillent les a condamn�s � un oubli
�ternel; ceux-ci sont sans fa�on et ne visent qu'� faire rire, c'est ce qui les fera se trans-
mettre de g�n�ration en g�n�ration......tant qu'il y aura des Saumuriens.
VALLON A L'OLYMPE.
Un jour
Jupin. l� haut �tait tout attrist�,
Car dans l'Olympe,
Quand on y grimpe,
On ne trouve pas toujours la ga�t� !
C'�tait lundi, les dieux avaient man�ge;
D�j� V�nus �tait sur le sauteur,
Quand retentit une voix sacril�ge;
Vulcain fr�mit et Mars trembla de peur !
Dans l'assembl�e
Tout �tonn�e,
Un vieux savant s'avan�ait � cheval,
Et la structure
De sa monture
Etait des os avec du fil d'archal.
Tranquillement il marchait sur la piste,
Le front soucieux, deux bouquins sous son bras;
Mais Jupiter avait le nectar triste,
Il s'�cria : Mortel, on n'entre pas ici;
Quelle imprudence !
Quelle insolence!
Oser troubler la reprise des dieux!
Quelle est ta vie
Et ton g�nie?
Qui t'a permis de venir en ces lieux ?
Mai le savant rassembla son squelette,
Dont les os craqu�rent tout � coup,
Et puis il dit en faisant la courbette :
0 Jupiter, de gr�ce! pas d'� coup!
-ocr page 320-
UN OFFICIER DU DE CHASSEURS EN COLONNE;
SUD ORANAIS 1881.
-ocr page 321-
LE CHIC A CHEVAL.
Daigne m'entendre
Et me comprendre ;
Bien que je parle un dr�le de fran�ais
Les dieux, j'esp�re,
Comme sur terre,
Appr�cieront mon nom et mes succ�s.
Je suis Vallon, j'ai fait l'Hippologie,
J'ai diss�qu� plus d'un carcan morveux;
A bouquiner, j'ai br�l� ma bougie,
Pour abrutir tous nos petits-neveux.
Qu'un autre raille
Et puis travaille ;
Mon cr�ne us�, s'il veut, lui servira.
Mais � l'�cole,
Sur ma parole,
Apr�s ma mort mon nom retentira.
J'ai bien des fois pill� ce bon Saint-Ange,
En bien des points j'ai fait plus mal que lui.
Peut-�tre un jour quelque affreux m�lange
M'enfoncera, mais je r�gne aujourd'hui.
Un exemplaire
Peut-il vous plaire ?
Ce n'est pas fort, mais on a fait plus mal,
Et puis, cher Sire,
Il faut vous dire
Qu'� l'instant m�me je sors de l'h�pital.
Pour douze francs j'ai vendu ma science,
C'est pour les frais de mon enterrement;
Mais les sous-offs n'ont pas pay� d'avance,
Cela viendra je ne sais trop comment.
Pour le vulgaire
La chose est ch�re,
Surtout au prix qu'est le beurre � Saumur;
Mais la gravure,
D'apr�s nature,
Est abondante et du trait le plus pur.
Mais Jupiter le lendemain lui dit : La renomm�e
Mon vieux savant, toujours te survivra;
Ta mort soudaine a fait g�mir l'arm�e,
Mais ta m�moire longtemps y restera.
Prends ma couronne,
Car je m'abonne.
Je veux agir comme un sous-officier
Etc . . . etc . . etc . . . .
La chanson de Saint-Georges, que nous empruntons �galement au r�pertoire des �l�ves
29
CHIC A CHEVAL.
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226                                                                LE CHIC A CHEVAL.
de Saumur est pleine, elle aussi, de finesse et d'une franche gaiet�. Elle se chante sur
un air bien connu des troupiers.
LA SAINT-GEORGES
Depuis longtemps les artilleurs
F�tent la Sainte-Barbe,
Les laisserons-nous, mes amis,
Trinquer � notre barbe?
Je vous entends r�pondre non,
La faridondaine, la faridondon,
Nous aurons notre f�te aussi, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Nous avons un saint cavalier
Qui fait bien notre affaire,
Saint Georges fut un �cuyer
Et un grand militaire.
Nous le choisissons pour patron,
La faridondaine, la faridondon,
Et nous trinquerons avec lui, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Nous aurions bien pris saint Martin,
Sans sa f�cheuse affaire,
Couper un manteau de sa main
�a vaut le conseil de guerre,
Et rhabillement, songez-y donc !
La faridondaine, la faridondon,
A qui donc l'imputerait-il? biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Vous savez tous, les cuirassiers,
Que saint Georges fut un gros fr�re,
Il a servi dans les lanciers,
Et m�me dans la l�g�re,
Il terrassa bien un dragon,
La faridondaine, la faridondon,
Mais pas un de ceux d'aujourd'hui, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                227
Mais il faut que bas nous chantions
De peur des jalousies,
On prendrait pour conspiration
L'�clat de nos bougies,
Et comme une congr�gation,
La faridondaine, la faridondon,
Ou nous expulserait, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Or j'ai r�v� pour notre saint
Un brillant mariage,
Que l'artillerie nous donne la main,
Nous entrons en m�nage;
Que sainte Barbe ne dise pas non,
La faridondaine, la faridondon.
Je r�ponds que saint Georges dira oui, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Pour dot nous lui demanderons
Trois ou quatre batteries
Pour faire � nos belles divisions,
Un peu de bijouterie,
Et avec �a nous nous ficherons,
La faridondaine, la faridondon,
De tout le reste du fourbi, biribi,
A la fa�on de Barbari, mon ami.
Voil� qui certes vaut bien « En revenant de larevue ». C'est moins pr�tentieux, mais
c'est � coup s�r plus militaire et beaucoup plus fin.
Mais nous voil� bien loin de l'ann�e 1863. Il nous faut cependant y revenir pour parler
de nouveau du capitaine Raabe. Nous n'en dirons du reste qu'un mot, car nous avons
d�j� exprim� notre fa�on de penser sur ce disciple de Baucher. Nous nous bornerons
donc � indiquer sa « M�thode de haute �cole d'�quitation », avec atlas, . . . qui parut
en 1863, et souleva de nouvelles et interminables pol�miques.
Le capitaine Picard a r�sum� cette m�thode en une ligne :
« Dressage m�canique second� par un tact tout sp�cial. »
En 1865, vingt-cinq cavaliers, choisis dans l'escadron des cent-gardes, ex�cut�rent,
sous les ordres de M. de Lancosmes-Br�ves, et d'apr�s ses principes, l'�cole de peloton,
les sauts et la charge.
Ceci se passait sur le Champ de Mars; et, pour l'exp�rience finale, les cavaliers d�bri-
d�rent leurs chevaux, d�pos�rent � terre bride et filet, et, n'ayant comme aides que les
diverses r�partitions du poids du corps et la cravache, ils man�uvr�rent au commande-
ment du comte de Lancosme-Br�ves.
Ce r�sultat si curieux et si probant avait �t� obtenu en six semaines, par les exercices
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LE CHIC A CHEVAL.
gradu�s de l'instructeur qui ne cessait de r�p�ter � ses �l�ves :
qu'il n'y a pas d'�quitation possible sans l'union physique et mo-
rale entre le cavalier et sa monture.
La serpentine �tait un des exercices auxquels le comte de Lan-
cosme-Br�ves attachait la plus grande importance pour faire
saisir ses principes. (Origines de l'�cole de cavalerie.)
En 1866, le 19 avril, l'�cole de Saumur donna un grand car-
rousel � Paris au palais de l'Industrie.
L'Empereur, qui assistait � ce carrousel avec l'imp�ratrice et
le prince imp�rial, t�moigna sa vive satisfaction de la fa�on dont
furent ex�cut�es les diff�rentes reprises, et le lieutenant-colonel
L'Hotte, qui les commandait, fut fait officier de la L�gion d'hon-
neur.
En 1867, nouvelle interdiction fut faite aux officiers de pren-
dre part aux courses avec leurs chevaux d'armes; « les courses
militaires n'ayant produit depuis leur institution aucun r�sultat
au point de vue de l'am�loriation de l'instruction �questre de
nos officiers, elles ont �t� d�finitivement abandonn�es!!! ».
En 1869 on �dicta encore une d�fense du m�me genre.
Arrivent les temps noirs de 1870-1871. Nous n'en dirons qu'un
mot ; la cavalerie y fit h�ro�quement son devoir. Si elle �claira
mal l'arm�e, il faut dire qu'elle n'y avait �t� nullement pr�-
par�e et se reporter aux causes d'�nervement et d'�masculation
que nous avons soulign�es. Les diff�rents ministres qui s'�taient
succ�d� pouvaient avoir des qualit�s tr�s grandes ; ils ne sor-
taient pas de la cavalerie.
La cavalerie n'avait eu qu'un r�le tr�s restreint en Crim�e
et en Italie. Apr�s le Mexique elle fut sacrifi�e aux �conomies
r�clam�es par l'opposition. N�anmoins, on ne saurait le dire
trop haut, les qualit�s de bravoure personnelle et d'abn�gation
qui y ont �t� toujours tr�s d�velopp�es ont suppl��, autant qu'elles
l'ont pu, au nombre qui manquait.
Reischoffen, Gravelotte, Sedan ont montr� quel parti on aurait
pu tirer de ceux qui ont si vaillamment ramen� la brigade
Von Bredow et qui, quelques jours plus tard, l'h�ro�que
g�n�ral marquis de Galliffet ayant r�pondu qu'on chargerait
« tant qu'il en resterait un ! » arrachait au roi victorieux ces
mots : « Ah! les braves gens! »
Montrons-nous donc un peu moins s�v�res pour ceux qui
-ocr page 326-
UN PIQUEUX.
-ocr page 327-
LE CHIC A CHEVAL.
229
ont su prouver qu'apr�s tout, ils �taient les dignes fils des braves qui avaient fourni les
charges l�gendaires de Waterloo.
Beaucoup de ceux qui n'�pargnent gu�re la critique, d'abord parce que les critiqu�s
n'ont pas droit de r�ponse, beaucoup de ceux-l� auraient peut-�tre eu pi�tre mine
s'ils s'�taient trouv�s � cheval, dans les houblonni�res de Reischoffen, le jour o�
« ca chauffait ».
Selle de cavalerie allemande.
-ocr page 328-
'feTi^Sc
-ocr page 329-
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J
-ocr page 330-
CHAPITRE XVII.
CONTEMPORAINS.
l faut dire qu'une des plus grandes qualit�s de la cavalerie � l'heure
pr�sente, c'est de monter admirablement � cheval. Apr�s les temps
sombres de 1870 et de 1871, on comprit qu'il fallait de toute n�ces-
sit� refaire une cavalerie alerte, vigoureuse et surtout sachant monter
� cheval.
Nos g�n�raux ne se laiss�rent pas abattre par la d�faite, et avec une
abn�gation, un courage qu'on ne saurait trop exalter, ceux m�mes qui
ne pouvaient gu�re esp�rer voir la revanche, se mirent � l'�uvre sans
se laisser intimider par les roquets qui leur aboyaient dans les jambes.
La t�che �tait lourde, l'heure peu encourageante ; il s'agissait de
semer la moisson que d'autres cueilleront, qu'importe! le vieux sang
fian�ais �tait l�. 11 ne peut mentir. O� le p�re n'avait pu passer il fallait que l'enfant
passe! Et eux qui avaient pu, � juste titre, esp�rer une retraite glorieuse sous les lau-
riers si vaillamment cueillis, ils consentirent � tout pour pr�parer cette tardive revan-
che; � tout, m�me � laisser discuter les choses qui leur �taient les plus ch�res par des
avocats, et � passer en revue des bataillons de gamins dont le b�ton de r�glisse de-
vrait �tre la seule arme.
Tous les officiers ont droit � leur large part des r�sultats acquis; tous ont donn�
sans marchander et leur temps et leurs forces � l'�uvre entreprise, en comptant pour
ce qu'elles valaient, les critiques des militaires en chambre.
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LE CHIC A CHEVAL.
232
Parmi tous ces officiers, trois hommes surtout ont fait faire � la cavalerie tous les
progr�s qu'elle �tait capable de faire en les circonstances actuelles.
Le g�n�ral Thornton, le g�n�ral marquis de Galliffet, le g�n�ral L'Hotte.
Essayons de notre mieux de rendre un juste hommage aux efforts de ces illustres
officiers g�n�raux, tous les trois cavaliers des plus remarquables.
Et d'abord disons, et disons-le bien haut, jamais � aucune �poque de l'histoire nos
officiers de cavalerie n'ont �t� ma�tres en �quitation comme ils le sont aujourd'hui. A
coup s�r ils tiennent le haut du pav�, sur tout ce qui monte � cheval. Beaucoup de
civils montent certainement tr�s bien, mais la plupart sont d'anciens officiers. Un grand
nombre de sportsmen ont du reste admir� trop exclusivement les Anglais, se contentant,
lorsque leur fortune le leur permet, de monter de tr�s jolies b�tes, nullement mises,
du reste ou mises avant qu'ils les ach�tent. Nous l'avons dit et ne cesserons de le r�p�ter,
pour beaucoup, la culotte, la « Chantilly » impeccable sont tout; il ne s'agit que
d'aller faire un tour chaque matin « aux poteaux » ou de para�tre � quelque chasse
pas trop p�nible, qu'on peut du reste suivre jusqu'au bout sans m�me froisser son col
de chemise; l'habit rouge sort intact de cette petite promenade. 11 est certain que si c'est en
cela que consiste l'�quitation, les Anglais sont de beaucoup nos ma�tres. Hyde Park est
rempli de sportsmen et sportswomen �m�rites, et le « Row » les voit chaque jour depuis
l'�ge le plus tendre jusqu'au plus avanc� faire « a good walking », parcourant les
all�es cavali�res de cette paisible promenade « in a furious speed » sur n'importe quel
pied du reste et exactement comme si, tous, ils faisaient de l'entra�nement.
�videmment l'�il est charm� de cette nombreuse r�union d'hommes impeccable-
ment habill�s, la boutonni�re fleurie, et de jeunes misses ou ladies la plupart fort
jolies, le tout mont� sur d'admirables animaux de pur-sang. Mais vo}'ons, la main sur
la conscience, l'homme de cheval, qui a admir� ce spectacle, car il vaut certes qu'on
l'admire, peut-il trouver l� rien qui soit de l'�quitation. C'est « chic », assur�ment tr�s
chic, mais r�ellement ce n'est que cela, et la moindre reprise de sous-ma�tres est
bien autrement int�ressante.
Je ne puis nommer personne, mais un de nos officiers
de cavalerie l�g�re dont les succ�s hippiques ou autres ne
se comptent plus, m'a bien des fois racont� qu'en Angle-
terre, au temps ou il montait � c�t� d'un noble et vaillant
prince dont la mort a mis en deuil tous les gens de c�ur,
les murmures admiratifs susurraient sur tout leur pas-
sage. Et que ceux qui reconna�tront de qui je veux parler,
me disent si jamais ils ont vu un Anglais monter aussi
�l�gamment et aussi bien.
Ah ! je sais ce que vous allez me dire, anglomanes incor-
Fuetde course,                 rigibles que vous �tes : il y a la chasse; les avez-vous vus
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EN ROUTE POUR LE DRAG.
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LK CHIC A CHEVAL.
233
les Anglais � la chasse? Oui je les ai vus, oui ils ont des hunters merveilleux, oui
ils sautent cr�nement. Mais j'ai vu aussi nos �quipages fran�ais. Et croyez-vous que
ces braves gens en jaquette rouge et en « tube » gris, qui s'en vont soufflant dans des
cornets de conducteurs de tramways et galopant comme des aveugles � la queue de
chiens muets, ont un chic quelconque aupr�s de nos vieux �quipages � la fran�aise?
L�, la chasse est une science et une vraie science, depuis celui qui « fait le bois » jus-
qu'aux vaillants « Piqueux » qui sonnent si all�grement dans la grande « Dampierre »
et font r�son-
vieilles for�ts de
Vend�e, la Per-
Puys�gur.
Ilya-t-il,pour
man(l),unemu-
tante que celle
trompe de chas-
de nos bons tou-
fran�ais, et de la
Mais aussi c'est
� cheval, c'est
pour de bon,
ner, dans les
Sologne ou de
thuis ou la
le vrai sport-
sique plus exal-
que font, et la
se, et la « voix »
tous; l�, tout est
bonne marque,
l� qu'on monte
l� qu'on chasse
ne se contentant
Filet de course.
pas, comme dans la triste Angleterre, de galoper une demi-heure � toute bride apr�s
un malheureux chevreuil qu'on sort de sa bo�te au moment de la chasse.
Croyez-moi, anglomanes, mes amis, notre France vaut largement tous les pays du
monde, et le jour o� nous aurons le courage d'�tre Fran�ais, fiers d'�tre Fran�ais et
rien que Fran�ais, nous serons tout �tonn�s, vous anglomanes les premiers, de voir que
le vrai chic c'est le n�tre et que, si nous voulions, c'est chez nous qu'on prendrait le mot
de la mode. Et ce jour-l� arrivera, ou plut�t il reviendra le jour o� quelque jeune
prince ou quelque grand seigneur aura le courage de remettre la France � la mode.
Nous avons dit que le g�n�ral Thornton avait contribu� dans une large part � la r�or-
ganisation de notre cavalerie.
Tous ceux qui ont servi connaissent et saluent avec respect ce beau soldat, dont la
rude physionomie respire la droiture, la franchise et la vaillance. Tous ceux qui ont
�t� cavaliers-�l�ves de 1872 � 1876 ont eu l'honneur de s'asseoir � la table du g�n�ral
commandant l'�cole (2) et ne peuvent se rappeler, sans �motion, de quelle respectueuse
(1)  Je suis bien oblig� d'employer ce mot anglais puisqu'il n'a pas son �quivalent dans notre langue hippique.
« �cuyer » est bien d�mon�tis� !
(2)  Le g�n�ral Thornton, lorsqu'il commandait � Saumur, avait comme planton un brigadier-�l�ve et invariable-
ment ce planton �tait invit� � d�jeuner entre le g�n�ral et MUo Thornton, sa s�ur. Ces souvenirs sont de ceux
qu'on n'oublie pas. Qui ne se rappelle de « Punch » et de la belle jument neig�e.
CHIC A CHEVAL.
30
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iiutr iw^Tn t r, frfF^r-^f^wf^g
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234                                                          LE CHIC A CHEVAL.
affection �tait entour� ce brillant officier, qui nous connaissait tous, du plus petit au
plus grand, par notre nom. Ce sera, certes, une de mes plus grandes joies d'avoir pu,
dans ce modeste livre, parler d'un g�n�ral que nous aimions, � l'�cole, de toute la force
de nos jeunes c�urs et qui a laiss� dans la m�moire de tous ceux qui ont servi sous
ses ordres le souvenir le plus sympathique qui se puisse �tre.
Les titres de service du g�n�ral sont du reste aussi brillants que possible :
Engag� volontaire en 1842 au 59e d'infanterie, il entre � Saint-Cyr et en sort le 1er
octobre 1845 comme sous-lieu-
un coursa Saumur du 1er jan-
tenant au 8° de dragons. Il suit
vier 1846 au 1er octobre 1847 et
Lieutenantlel 1 novembre 1848,
vier 1850 au 1er octobre 1851.
1851, il est successivement ad-
teur, capitaine �cuyer � Saint-
officier d'ordonnance du g�-
m�e. Le 2 ao�t il est chef d'es-
14 mars 1859, il passe aux cui-
avec ce beau r�giment qu'il
passe au 4° de cuirassiers,
il revient � Saumur du 1er jan-
Capitaine du 30 septembre
j udant-major, capitaine instruc-
Cyr. Le 1er juin 1854, il est
n�ral Morris et part en Cri-
cadron au 4e de hussards. Le
rassiers de la garde, et c'est
fait la campagne d'Italie. Che-
Bride moderne, dite « bride
anglaise *
.
valier de la L�gion d'honneur
lieutenant-colonel au 1er de
carabiniers le 11 ao�t 1862 et colonel au 7e de chasseurs le 12 ao�t 1866. � Il fait
partie du corps exp�ditionnaire de Rome du 4 novembre 1867 au 10 f�vrier 1868. �
Officier de la L�gion d'honneur le 24 d�cembre 1869. � En 1870, il est � l'arm�e du
Rhin du 8 ao�t au 9 septembre, et � l'arm�e de l'Est du 26 septembre jusqu'� l'entr�e
en Suisse. Le 3 octobre, il est nomm� g�n�ral de brigade, et on lui donne le comman-
dement d'une division d'infanterie. Le 24 novembre 1870, il est nomm� divisionnaire au
titre provisoire, mais la revision des grades le remet g�n�ral de brigade. Le 12 f�vrier
1872, il est nomm� au commandement de l'�cole de cavalerie.
Il y a trois noms qui, � Saumur, ont marqu� plus que tous les autres et qui feront
toujours partie de la l�gende de l'�cole : Oudinot, de Rochefort, Thornton.
Il est hors de doute que tous les directeurs de cette c�l�bre �cole ont �t� des per-
sonnalit�s de grande valeur; mais les trois noms que nous venons de citer sont assur�-
ment ceux qui, � l'�cole, ont personnifi� le brio, le « chic » pour tout r�sumer en un
seul mot, qui a toujours pass� pour �tre l'apanage de la cavalerie en g�n�ral et de
Saumur en particulier.
Dans le cours de cette rapide revue des grands �v�nements hippiques, nous avons
constamment fait remarquer que Saumur avait eu le discernement d'un �clectisme abso-
lument n�cessaire � tout progr�s. Nous avons montr� comment cette �cole avait su d'a-
bord, � sa fondation, remettre en honneur les vieilles traditions �questres, alors que
tous les principes �taient partis � vau-l'eau; comment, se gardant intelligemment
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         235
des exag�rations de l'anglomanie, elle en avait n�anmoins accueilli ce qu'il y avait
de bon; puis, pendant la grande dispute d'Aure-Baucher, de quelle intelligente fa�on ell©
avait conserv� la solide m�thode du premier, tout en ne se d�fendant pas d'accueillir
ce que celle du second pouvait avoir de brillant etdejuste. Aujourd'hui, la r�putation de
cette admirable �cole n'est plus � faire. Les services qu'elle a rendus � l'�quitation en
g�n�ral et � la cavalerie en particulier ne se comptent plus; pas un progr�s s�rieux
qui n'y soit bien accueilli, pas une id�e juste qui n'y soit imm�diatement adopt�e.
Sa brillante r�putation est europ�enne; des officiers de toutes les nations sont venus
successivement la visiter, rendant un juste hommage � ses m�rites. Son �clat d�-
passe m�me celui, si vif cependant, de l'ancienne �cole de Versailles.
Peut-�tre les successeurs du g�n�ral Thornton ont-ils trop cherch� � rapprocher la
mani�re d'�tre de l'�cole de celle d'un quartier mod�le, enlevant ainsi, � ce
temple du brio et de l'�l�gance, un peu de ces deux qualit�s si n�cessaires � l'arme.
Mais il ne nous appartient certainement pas de les juger sans appel : leur person-
nalit� est trop haute, leurs qualit�s trop �videntes pour que nous osions les critiquer.
Les commencements du g�n�ral Thornton � Saumur furent loin d'�tre faciles, il
fallait tout r�organiser, pour ainsi dire tout fonder; la base, le recrutement de l'ar-
m�e �tant absolument chang�.
Sans inutiles t�tonnements, sans h�sitations, ce remarquable officier dont on a pu
dire qu'il « avait le g�nie de ce commandement difficile », fit du premier coup de
l'�cole ce qu'elle est rest�e, la premi�re du monde; aussi, lorsque M. le Mar�chal de
Mac-Mahon, pr�sident de la R�publique, vint � Saumur le 4 mai 1874, « il f�licita le
g�n�ral Thornton des r�sultats qu'il avait obtenus; il ne croyait pas qu'apr�s la
d�sorganisation qui avait suivi les ann�es n�fastes de 1870-1871, on e�t pu, en si peu
de temps, ramener l'�cole de cavalerie � un degr� aussi prosp�re ».
Le premier soin du g�n�ral fut de s'entourer d'officiers qui tous avaient fait leurs
preuves et dont la comp�tence �tait indiscutable.
Le commandant Lenfum� de Ligni�res eut la direction
du man�ge.
Le commandant Tordeux, qui passait � juste titre pour
un des officiers les plus remarquables de l'�tat-major,
fut charg� de la direction des �tudes.
Des capitaines tels que MM. de Quincerot, de Boysson,
de Mazieux, de Bellaing, de Cl�ric furent nomm�s capi-
taines instructeurs.
Quant au man�ge, les noms de MM. de Bellegarde,
de Benoist, de Briey, Joannard, de Marc�, de Piolant
comme �cuyers, de Peter, etc.. comme sous-ma�tres,
en disent assez pour se passer de tout comment
aire.               Bride de la cavalerie anglaise.
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LE CHIC A CHEVAL.
236
Un des premiers et des plus heureux r�sultats d'une semblable col-
laboration fut l'introduction du cheval de pur sang � Saumur.
L'�cuyer en chef, M.deLigni�res, �tait un sportman fanatique. C'est
lui qui r�tablit � Saumur les courses si peu encourag�es dans les der-
ni�res ann�es qui pr�c�d�rent la guerre; et son but, but atteint du
reste, �tait de donner � Saumur d'abord, � la cavalerie ensuite,
un allant et une vigueur qui lui avaient manqu� jusque-l�.
Il eut le tr�s grand m�rite de prouver, le premier, que le
cheval de pur sang est un merveilleux ins-
trument, pr�t � ex�cuter tout ce qu'on veut lui
demander. C'est ainsi qu'il pr�tendait, ajuste
titre, que le cavalier et le cheval devaient
�tre aussi propres au man�ge qu'au dehors.
Et le fameux cheval « Le Chat » admirable
pur sang alezan, �tait � la fois un cheval
de courses de premier ordre et un cheval de
Selle de voltige et chambri�re modernes.
haute �cole tr�s brillant. Pas commode tous
les jours, par exemple, « Le Chat! »
M. de Ligni�res eut donc le grand talent de prouver que le v�ritable homme de
cheval devait �tre � la fois un brillant �cuyer de man�ge et un sportman �m�rite.
Et c'est de cette �poque que date la grande sup�riorit� des cavaliers militaires
sur les cavaliers civils. Tout aussi bien que ces derniers, et avec plus de m�rite, car
leurs chevaux d'armes sont loin de valoir les purs sang que certains sportmen payent
une dizaine de mille francs, ils courent un « steeple » ou suivent un « drag », et, ce dont
sont incapables la plupart de nos jeunes �l�gants, ces m�mes officiers m�nent jus-
qu'au bout un dressage de haute �cole entre les quatre murs d'un man�ge.
Le commandant de Ligni�res savait donc conduire tr�s brillamment une reprise de
man�ge sur Born�o, et donner un vigoureux « canter » sur Nicanor.
Aussi, d�s les premi�res courses de Saumur, voyons-nous parmi les vainqueurs, les
noms d'officiers qui tous sont rest�s des hommes de cheval de grande valeur. Entre
autres, et pour ne pas les citer tous : MM. de Saint-Geni�s, le m�me qui, sous le nom de
Richard 0' Monroy, a �crit de si amusantes nouvelles militaires ; de Canisy, dont le
nom est connu de tout ce qui monte � cheval; de Damas, de Seroux, Pinot, de Nexon,
Le Chanoine du Manoir de Juaye, tous brillants cavaliers et officiers de cavalerie des
plus remarquables.
Il est impossible d'�crire un r�sum� de l'histoire de l'�quitation sans parler de M. le
commandant Dutilh.
Ici ouvrons une parenth�se. On me reprochera sans doute de ne parler que de l'�-
quitation militaire. Il y a � cela deux raisons : la premi�re, c'estque pour le moment l'�-
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A LA CAMPAGNE.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         237
quitation militaire tient la t�te; elle seule fait �cole et a encore une �cole, les �cuyers
militaires seuls ont �crit depuis une vingtaine d'ann�es et, qu'on le veuille ou non,
Saumur est l'h�riti�re directe et unique des �coles dont la filiation constitue l'histoire
de l'�quitation.
Seconde raison ; je suis loin de nier qu'il y ait des civils montant remarquablement,
je dois m�me dire que l'�quiiation, sauf aux temps brillants des La Gu�rini�re, des
Nestier et des d'Abzac, n'a jamais �t� aussi en honneur; mais, les gens de sport se
divisent en deux classes : celle des sportmen parisiens (celle-l�, M. le baron de Vaux
en a parl� avec une bien plus grande autorit� que je ne le saurais faire dans son beau
livre, les hommes de sport), l'autre est celle des chasseurs � courre, des gent-
lemen-farmers ; ceux-l�, � mon avis, sont de v�ritables hommes de cheval, montant
s�rement, justement, sans souci de la galerie. Leur �quitation est exactement la
m�me que celle des militaires avec lesquels, du reste, ils sont en constant contact,
car il ne faut pas se dissimuler qu'on monte bien plus s�rieusement et surtout bien
plus, en Touraine par exemple, qu'� Paris. Au Bois, la tenue est parfaite, les culottes
ont certes toute la largeur voulue pour �tre suffisamment ridicules, mais quand on a
fait son tour de Bois, c'est tout le temps qu'on puisse donner au cheval. En province,
on monte il est vrai bien souvent avec la vieille culotte toute rapi�c�e aux genoux,
mais on a du chemin et du temps devant soi. Le cheval est la seule distraction; aussi
est-ce bien en province qu'il faut aller pour juger de l'�quitation civile, et n'allez pas
croire, ami lecteur, que par province j'entends petite ville. Non, les sportmen des petites
villes sont en g�n�ral de tristes �chantillons du sport. Par province, j'entends les
ch�teaux, la Normandie, la Touraine, la Sologne, le Limousin, etc.
Donc fermons la parenth�se et retournons � Saumur, comme nous sommes rest�s �
Versailles pendant tout le dix-huiti�me si�cle.
J'ai parl� du commandant Dutilh, c'est-�-dire d'une des personnalit�s les plus bril-
lantes et les plus justement estim�es du l'histoire de sport moderne. M. Dutilh avait
�t� huit ans sous-ma�tre sous les ordres du comte d'Aure. De l'avis de tous ceux qui ont
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LE CHIC A
CHEVAL.
238
eu le plaisir de le voir achevai, il est certes un des �cuyers les plus complets qui aient �t�.
Presque toute sa carri�re militaire s'est faite � l'�cole de cavalerie o� il arrivait, en
1846, comme cavalier de 2e classe pour en sortir capitaine en 1861. En 1874, il revient
prendre la direction de ce man�ge qui l'avait si souvent vu � cheval. Professeur
comme il s'en est peu rencontr�, M. Dutilh a fait de chacun de ses �l�ves autant de
fanatiques. Il �tait pour nous autres, pauvres petits cavaliers-�l�ves qui ne pouvions
que l'admirer de loin, comme une sorte de dieu de l'�quitation. C'est qu'en r�alit�,
ceux qui ont vu le commandant Dutilh sautant les haies sur Betting ou conduisant
une reprise des �cuyers sur Le Drille, admirable petit pur sang alezan br�l�, ne pour-
ront jamais l'oublier et ne verront rien d'aussi parfait comme �quitation.
M. Dutilh fut un des premiers �cuyers qui pr�conisa la conduite � quatre r�nes,
embouchant son cheval avec pelharn et un filet. Aussi il fallait voir quelle finesse de
touche, quel merveilleux doigt� avait le ma�tre. C'est de lui, du reste, que vient l'ex-
pression qui fait image : « Jouez du piano », r�p�tait-il souvent, voulant que la main
du cavalier et la bouche du cheval fussent dans un constant contact, « le cavalier devant
conserver constamment le sentiment de la bouche du cheval et la r�sistance devant
produire l'effet de r�nes en caoutchouc. » Il voulait de fr�quentes descentes de main,
mais conduites par le cavalier et non impos�es par le cheval.
« La progression de dressage qu'il a laiss�e, est une m�thode des plus s�res; il
l'appelait sa gymnastique �questre, et elle donne des r�sultats certains. C'est une �qui-
tation coulante et pour ainsi dire naturelle, qui peut �tre pouss�e aussi loin qu'on veut
la mener, les allures artificielles venant comme couronnement du dressage et deve-
nant pour ainsi dire naturelles. Mais ce crit�rium a manqu� au commandant Dutilh,
car le g�n�ral l'Hotte, en prenant le commandement de l'�cole, rappela son interdic-
tion formelle d'user des allures artificielles dans l'�quitation militaire.
« N�anmoins, le nouvel �cuyer en chef a marqu� comme auteur d'une v�ritable
m�thode, simple, pr�cise, pratique. Tout ce qu'il a pro-
fess� pour l'entra�nement du jeune cheval de service est
des plus remarquables. Aucun homme de cheval n'a
mieux compris l'application des id�es nouvelles appro-
pri�es au dressage du cheval d'armes. Personne n'a
mieux d�fini l'appui sur la main associ� � la l�g�ret�
qui r�sulte de l'assouplissement et de la r�partition du
poids. Il appliqua la fusion des deux �quitations (celle
du man�ge et celle du dehors) qui, avant lui, se pra-
tiquaient pour ainsi dire parall�lement, sans trait d'u-
nion.
i j 'c J, -?- \C
                    Les hommes comme les chevaux furent soumis � cette
Jeune Anglaise.                      dualit� d'aptitudes.
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LE CHIC A CHEVAL.
239
« La fa�on dont le commandant Dutilh d�ployait son cheval en le faisant passer du trot ou
du galop ralenti au trot ou au galop allong�, tout en tenant des hanches sur un change-
ment de main diagonal, �tait on ne peut plus remarquable et empreinte d'une perfec-
tion et d'un brio tout particuliers. Il excellait � ex�cuter un changement de pied sur
un changement de main diagonal, dans la pl�nitude de l'allure, par une seule opposi-
tion de r�ne, ce qui faisait un mouvement tr�s d�tendu au lieu de ce brusque saut de
pie qu'accuse le cheval trop renferm�. » (Origines de l'�cole de cavalerie.)
Oh voit par ce qui pr�c�de que nous ne sommes pas seul � admirer passionn�ment
le commandant Dutilh et � pr�tendre qu'il a �t� un des �cuyers les plus remarquables qui
aient eu la direction du man�ge de l'�cole. Si je cite quelques-uns des �cuyers qui ont pro-
fess� sous lui, et des sous-ma�tres qu'il a form�s, on conviendra qu'il s'est rarement
rencontr� aussi brillante et aussi compl�te r�union de cavaliers absolument hors de
pair. Je prends au hasard MM. Joannard, de Piolant, de Witte, de Sesmaisons, Picot
de Vaulog�, Siey�s, de Cahou�t, Froger-Desch�nes, de Canisy, Mallet, Leddet, �cuyers
et sous-�cuyers ; de Boisgelin, d'Hebray, Vincent, Bastien, de Lizaranzu, Barbier,
Caffarelli, Breuil, de Gontaut-Biron, de Blacas, d'Amilly, de Mirandol. Aucun de ces
noms n'est inconnu � quiconque s'occupe de cheval, et plusieurs brillent en toute pre-
mi�re ligne dans les annales de l'�quitation.
Le commandant Dutilh, sur les instantes sollicitations de ses �l�ves, a �crit un r�sum�
de sa m�thode. Ce petit livre, qui parut en 1875, est un chef-d'�uvre de justesse, de
simplicit� et de science. Son �loge n'est du reste plus � faire. Pas un homme de cheval
qui ne l'ait lu.
En voici le titre et quelques trop courts extraits, qui, mieux que tout ce qu'on en
pourraitdire, feront juger l'�cuyer.
M�thode progressive applicable au dressage du cheval de troupe, d'officier et d'a-
mateur, par M. M.-F. Dutilh.
Tout le monde conna�t sa mani�re de placer les r�nes; elle a �t� adopt�e par tous
ceux qui en ont essay� :
« Pour faire placer les quatre r�nes dans la main gauche, en les supposant abandon-
n�es sur l'encolure du cheval, l'instructeur prescrit aux cavaliers de prendre le filet
par le milieu � pleine main, avec la main gauche, et d'ajuster alors les r�nes de bride
dans cette m�me main sans avoir �gard au filet, le second doigt, c'est-�-dire l'annulaire,
entre les deux r�nes de bride au lieu du petit doigt. Faire placer la main gauche au-des-
sus du pommeau de la selle, � la position indiqu�e par l'ordonnance. De cette fa�on,
les quatre r�nes sont �galement tendues dans la main gauche ; le petit doigt s�pare
les deux r�nes gauches et agit particuli�rement sur la r�ne du filet qui, par rapport
� la r�ne de bride du m�me c�t�, est ext�rieure et sup�rieure. De la main droite, pren-
dre la r�ne droite du filet avec le petit doigt et l'annulaire remis par-dessus la r�ne de
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bride, et cette derni�re avec le m�dium et l'indicateur �galement r�unis; en d'autres
termes, deux doigts pour chaque r�ne, celle du filet en dehors. Conserver cette main
les ongles en dessous, le bras demi-tendu », comme le dit tr�s bien M. Dutilh : « La
conduite avec quatre r�nes a l'avantage, en offrant au cheval l'appui du bridon
qui lui est connu, de le conduire insensiblement et sans qu'il s'en doute, � l'action
plus complexe du mors de bride agissant seul. L'effet du bridon, dans ce cas, est de
produire une esp�ce d'enr�nement qui encadre la t�te et l'encolure dans le plan
m�dian du corps.
»
Quant � ce qui regarde les assouplissements, loin de les nier, le commandant Dutilh
les d�finit d'une fa�on juste, simple et absolument claire. « Les assouplissements ont
pour premier but de rendre la t�te l�g�re sur l'encolure, d'habituer cette derni�re �
se d�tendre, droit devant elle, pour favoriser la locomotion, particuli�rement les
allures vives, et � revenir sur elle-m�me, en se rouant sup�rieurement, puis les
mouvements cadenc�s ou raccourcis, pour les ralentissements ou changements d'allures
et pour les arr�ts. » Impossible, n'est-ce pas, d'�tre plus pr�cis et de mieux dire en
moins de mots?
Et voici, quelques lignes plus loin, un principe formel, admirablement �nonc� et
qui devrait �tre la base de tout trait� d'�quitation, en m�me temps qu'une r�futation
sans r�plique des exag�rations du baucherisme :
« La t�te et les deux premi�res vert�bres de l'encolure sont les seules parties de la
r�gion cervicale qu'on doive assouplir.
« Il ne faut que monter une seule fois un cheval dont toute l'�tendue de l'encolure a
�t� soumise � des applaudissements lat�raux qui am�nent la t�te jusqu'� la botte du
cavalier, pour bien se rendre compte des �normes difficult�s qu'il pr�sente dans sa
conduite. »
Suit la fa�on de proc�der pour ex�cuter les assouplissements.
A citer encore, entre mille autres, le passage relatif aux descentes de main lat�rales.
« Pour obtenir la descente de main lat�rale � droite, par exemple, le cavalier, tenant
les quatre r�nes comme il a �t� prescrit, place son cheval � droite et provoque la
mobilit� de la m�choire en divisant les appuis sur l'embouchure. D�s que l'encolure se
d�tend, le cavalier suit le mouvement de la t�te en maintenant la r�ne droite l�g�rement
tendue pour que le d�placement ait lieu dans la direction du plan diagonal, qui passe-
rait par la hanche et par l'�paule droite. »
Et encore ce passage qu'on ne peut passer sous silence : « Comme r�gle, l'action
combin�e des r�nes et des jambes a lieu comme les allures du cheval, c'est-�-dire en
diagonale ; ce qui revient � dire que tout d�placement de la t�te � gauche, par exemple,
n�cessite une action plus marqu�e de la jambe droite que de la jambe gauche et vice
versa. »
Enfin et pour finir, voici en quelques mots quel but le commandant Dutilh voulait que
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PROMENADE AU BORD DE LA MER.
JL
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LE CHIC A CHEVAL.
l'�cuyer poursuive. Les quelques lignes qui suivent montre-
ront bien [quel remarquable homme de cheval la mort a ravi
� l'arm�e. Personne n'a mieux que lui d�fini la fusion des
deux �quitations, celle de course et celle de man�ge. Un che-
val pour �tre r�ellement mis doit r�aliser ce desideratum.
C'est la grande sup�riorit� de l'�cole moderne sur toutes
celles qui l'ont pr�c�d�e, c'est celle qui laisse bien loin der-
ri�re elle l'�quitation anglaise, par l'excellente raison que
celle-ci n'est, pour ainsi dire, qu'un seul des deux chapitres
qui doivent �tre r�unis pour faire le livre complet.
« Le cheval de course rentrant � l'int�rieur y doit deve-
nir le cheval de man�ge le plus docile... L'officier doit pou-
voir maintenir les allures ralenties d'une colonne de route,
par exemple, aussi bien que produire le maximum de vi-
tesse de l'attaque... pourtant, dans les deux cas, le cheval
doit �tre conduit ais�ment, sans efforts ni fatigues inutiles
fc� V.r: v* ■
pour le cavalier, deux
n�cessit�s contraires
auxquelles il faut �gale-
ment satisfaire. Voyez le
^^^^^^^^^^^^^^^ cheval de course galo-
pant sur l'hippodrome, son encolure est basse, elle
est droite, elle est compl�tement allong�e; la t�te
elle-m�me tend � se placer dans son prolongement.
Ces deux positions oppos�es sont absolument n�ces-
saires pour que l'animal puisse, au man�ge, donner
des allures brillantes et cadenc�es, et sur la pelouse,
le maximum de sa vitesse : sa conformation l'exige.
31
CHIC A CHEVAL.
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soit pour allonger le jeu de la machine. »
C'est ainsi qu'un des plus brillants �l�ves de Dutilh, le capitaine Siey�s, commente la
m�thode de ce remarquable professeur, dans une brochure parue en 1885 et qui prenait
ce modeste titre : « Dressage du cheval de guerre et du cheval de chasse suivant la m�-
thode de feu M. le commandant Dutilh, par un de ses �l�ves ». En effet, le seul reproche
qui a pu �tre fait � Dutilh, c'est de ne pouvoir gu�re �tre compris que par les initi�s.
M. Siey�s entreprit de combler cette lacune en vulgarisant cette admirable m�thode.
J'ai eu l'honneur, en 1875, de monter � l'ancien petit man�ge, sous les ordres de
M. Siey�s, � cette �poque, sous-lieutenant-�cuyer. A tous tant que nous �tions, cavaliers-
�l�ves, gamins � peine �chapp�s du coll�ge, nul mieux que M. Siey�s n'a su inspirer,
en m�me temps qu'une grande et respectueuse admiration pour son talent, un vif amour
des choses du cheval.
Notre professeur repr�sentait pour nous, jeunes enthousiastes pr�ts � vibrer � toutes
les belles choses, l'id�al le plus complet que nous nous faisions de l'�cuyer; tenue
toujours absolument correcte et de l'�l�gance la plus raffin�e, politesse exquise, patience
� toute �preuve (et il en fallait), mani�res de la plus parfaite distinction, montant
admirablement et professant avec la plus grande simplicit�, en un mot, gentilhomme
et gentleman, c'est tout dire.
Le livre du capitaine Siey�s est une merveille de clart� et de pr�cision; je ne connais
pas de meilleur trait� d'�quitation.
Il n'entre pas dans notre cadre de parler du R�glement de 1876 qui modifia absolu-
ment l'aspect des man�uvres de cavalerie ; nous ne citons donc qu'� titre de m�moire
les noms des membres de la commission � laquelle on dut ce nouveau r�glement.
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         243
G�n�ral du Barrail, pr�sident; g�n�raux Thornton, Corn�t, de Vouges de Chanteclair,
L'Hotte; colonels Savin de Larclause, Grandin; lieutenants-colonels de Jess�, Robert
d'Orl�ans, duc de Chartres; capitaines Ghis et Meynier.
En 1877, le lieutenant-colonel A. Gerhardt publie un livre justement appr�ci� :
« Trait� des r�sistances du cheval. » Le sous-titre de cet ouvrage le r�sumera admi-
rablement : « M�thode raisonn�e du dressage des chevaux difficiles, donnant la solu-
tion de tous les probl�mes embarrassants qui peuvent se pr�senter dans le dressage
du cheval de selle, et en g�n�ral dans la pratique de l'�quitation,et philosophie hippique
d�duite de la physiologie et de la m�canique animale. »
En 1880, M. Gaume, d�j� connu par ses « Causeries chevalines » et ses « Remarques
sur les chevaux de guerre », publie un livre plein de v�rit�s et d'humour intitul� « Recher-
ches sur l'�quitation militaire par un ancien soldat ». M. Gaume a, comme nous, comme
tous les gens qui aiment vraiment le cheval pour le cheval, une opinion bien arr�t�e
sur l'�quitation des Anglais. Cette mani�re de voir est trop pr�s de celle que nous
avons nous-m�me pour ne pas citer les quelques lignes qui suivent.
« Il nous para�t urgent de mettre une sourdine � notre anglomanie, ou plut�t de la
r�duire � ses v�ritables proportions. Nous aimons des Anglais la fa�on de produire,
d'�lever, de soigner les chevaux, de les entra�ner et de les monter en course ou derri�re
les chiens; mais il y a des bornes � tout. Nous d�testons, en g�n�ral, la tenue des An-
glais � cheval en dehors du turf; � force de vouloir poser pour la nonchalance, ils
ressemblent � des gens qui ont d�n� trop copieusement et que la digestion incommode.
Quant � leurs chevaux de selle (nous ne parlons pas ici du m�rite intrins�que du
cheval, mais de l'�quitation du cavalier), ils n'ont, mont�s par eux, rien de gai, de
souple ni de brillant; ils sont raides, moroses et aussi peu gracieux que leurs ma�tres.
« L'�quitation d'�cole, acad�mique, classique, est aujourd'hui � peu pr�s tomb�e en d�-
su�tude, elle n'est plus de mode; le temps est � la vitesse en toutes choses. Or, un
cheval de haute �cole n'est pas vite, et un cavalier capable de le dresser est encore plus
lent... � former.
« C'est saltimbanque, dit-on. (Il y a un si�cle, c'�tait encore l'occupation des princes.)
Saltimbanque, pourquoi? Parce que, dit La Bruy�re, dire
d'une chose qu'elle est bonne demande du bon sens. Il
est plus court de prononcer d'un ton d�cisif, et qui em-
porte la preuve de ce qu'on avance, qu'elle est ex�crable.
« La loyaut� serait de dire que l'�quitation d'�cole n'est
plus dans nos go�ts ni dans nos habitudes, qu'elle de-
mande un apprentissage long et p�nible auquel personne
ne veut plus s'astreindre, parce que les r�sultats n'en
sont ni compris ni appr�ci�s; mais la trouver ridicule,
.                                                                                                                                  Selles' anglaises modernes, avee
c est agir sottement. »                                                                                 et mns avances.
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Mais, cher M. Gaume, ceux qui vous lisent sont convaincus � l'avance; quant aux autres,
les anglomanes ind�crottables, comment les convaincre... ils ne lisent jamais!
M. Gaume n'est pas, du reste, le seul �crivain hippique qui voudrait qu'on regar-
d�t Un peu en arri�re, de temps en temps. M. le baron d'�treillis, dont personne, je
pense, ne niera la comp�tence en �quitation, soutient la m�me th�se dans son livre paru
en 1883, « �cuyers et Cavaliers, autrefois et aujourd'hui ».
Le seul reproche que nous ferons � ces deux auteurs, dont, du reste, nous partageons
absolument la haine de l'anglomanie, le seul reproche, dis-je, c'est de ne pas s'�tre assez
rappel� qu'� Saumur on professe encore, qu'on y monte encore avec des principes, et
que toute la hardiesse du steeple, si n�cessaire aux cavaliers, s'y concilie fort bien avec
une tenue et une m�thode impeccables.
Il nous faut citer, en cette ann�e 1884, le raid ex�cut� par plusieurs officiers du
2e de chasseurs, sous les ordres du colonel de Ligni�res.
Nous allons de nouveau retrouver des noms bien connus : MM. de Cahouet, Grellet,
Des Francs, d'Harambure, de Fleury, de Moracin et Caillau, partis de Tours le 30 juin
� 2 heures du matin, y rentr�rent le 3 juillet � midi, apr�s avoir fait, sans changer de
chevaux, un trajet de 400 kilom�tres en 82 heures, entre Ch�tellerault, Poitiers, Bres-
suire, Angers, Saumur.
Voil� un exploit hippique bien digne d'hommes de cheval comme M. de Ligni�res
et comme les officiers qui l'accompagnaient.
Le g�n�ral Boulanger, ministre, faillit porter un coup funeste � l'�quitation militaire, en
supprimant pour les officiers de cavalerie l'autorisation de participer aux concours hip-
piques, mesquine mesure qui �tonne peu quand on sait que le g�n�ral �tait un cavalier
tr�s ordinaire, et si l'on se
qu'avait, aux yeux des con-
s�duisait tant les ignorants
C'est par ce ministre �ga-
� Saumur les aiguillettes qui
Aciers du cadre de Saumur
n�ge, pas bien co�teux pour-
tant � Saumur, par tradi-
une marque distinctive sp�-
souvient du peu de valeur
naisseurs, le cheval noir qui
des choses du sport,
lement que furent supprim�s
relevaient la tenue des of-
et le petit chapeau de ma-
tant, et auquel on tenait
tion, et parce qu'il �tait bien
ciale � l'�cole. La tenue des
distinction et d'�l�gance s�-
modifi�e; � la place de la
�cuyers, tenue admirable de
Selle de cavalerie l�g�re; mod�le 1874.
v�re, fut en m�me temps
tunique noire qui seyait merveilleusement � cheval et qui, avec les aiguillettes
d'or et le petit chapeau en bataille, constituait un costume absolument unique au monde,
donnant � son homme un l�ger cachet Louis XVI tr�s appropri� au man�ge, on a affu-
bl� les pauvres �cuyers de l'in�vitable dolman noir, et comme coiffure absolument prati-
que pour monter � cheval on leur a donn� quoi? un shako � plumet rouge. Impossible,
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245
LE CHIC � CHEVAL.
n'est-ce pas, de choisir avec un
plus mauvais go�t et une igno-
rance plus absolue de l'esth�tique
�questre. Quel est donc le spiri-
tuel chroniqueur qui a dit que
c'�tait une tenue de major hollan-
dais? Avec la barbe, le costume
A
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246
LE CHIC A CHEVAL.
serait absolument complet. Mais pourquoi ne pas donner tout de suite � ces pauvres
officiers, auxquels on semble faire un crime de leur �l�gance et de leur distinction, le
charmant petit veston coin de feu en drap gris bleu que portent les officiers d'infanterie?
Avec cela, un bon bonnet grec, et on sera � son aise, au moins.
Ah! nous sommes loin des houzards, des grenadiers et de tous les brillants soldats du
&Le± Cjff�aetJ du S ^yl eaiment dJtaaonj-
vou* puent ae leur -fane Xnonneur
<x a*>Ji�fer au <Jlai
Uue - cAaper ai.
i auta lieu
~ ^ag- «f« JWjems-         � ykvurv-�Z........h j i/vv\,. [�°\ CL
I^endcj Vous
premier Empire ; ceux-l� se battaient en grande tenue, plumets au vent, et je ne sache pas
que les grognards de la vieille garde aient retir�leurs hauts bonnets � poil pour accomplir
ces fameuses marches forc�es de la Seine � la Marne en 1814. N'a-t-on pas �crit mille
fois que nos pauvres soldats �taient les plus mal habill�s de l'Europe? Il faut n'avoir
jamais voyag� pour ne pas �tre persuad� que cela est absolument juste. Le supr�me de-
sideratum en France, c'est qu'un homme ait un uniforme fait pour une taille sup�rieure
� la sienne; alors, voil� un homme bien habill�, et qui doit �tre fier de ce qu'il porte!
Aucune grande nation militaire, ni la Russie, ni l'Allemagne, ni l'Autriche, ni
l'Angleterre, n'a voulu de l'horrible et incommode pantalon de cheval. La France seule
garde le monopole de ce v�tement lourd, disgracieux, co�teux et insupportable � por-
ter. On a bien mis en essai dans diff�rents r�giments la culote demi-collante et les hautes
bottes jaunes. Cela suffisait pour changer l'aspect des troupes du tout au tout; le soldat
d�gag�, mieux � cheval, reprenait un peu de l'allure pimpante de ses pr�d�cesseurs.
C'�tait fort joli, tr�s commode, d'un entretien peu co�teux et passionn�ment souhait� par
les sous-officiers et tous les hommes. Tous les avis des officiers ont �t� favorables, mais
il y a les rapports, sous-rapports, commissions, sous-commissions, comit�s et sous-
comit�s, toute la paperasse, enfin! C'est assez dire que ce ne sera jamais adopt� et que
nous verrons, longtemps encore, nos pauvres cavaliers porter ce mis�rable pantalon dont
le seul et unique m�rite est d'avoir �t� invent� par un officier de cavalerie � coup s�r
tr�s brillant g�n�ral, mais sans cloute pas tr�s cavalier.
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LE CHIC A CHEVAL.
247
On ne saurait trop le r�p�ter, et tous les grands capitaines ont �t� de cet avis, la cava-
lerie �tant une arme d'effet moral et se recrutant forc�ment parmi les classes sup�rieures
de la nation, doit �tre tr�s soign�e comme tenue; les chamarrures ne sont du reste pas n�-
cessaires pour cela : le choix judicieux des couleurs, le go�t pr�sidant � la coupe des v�te-
________                                       ments, remplacent avantageusement toute
esp�ce de clinquant. Et qu'on n'aille pas
objecter le fameux « pratique ». D'a-
x
bord les hommes ont besoin
d'�tre maintenus un peu , sous
\
         peine de les voir glisser dans le
' i .                                   -                        \ n�glig�; ensuite je ne sache pas
,/ (         "U '                                                   \ que le haut plumet de son col-
WW- : ' '-■ :\...........�,........=.........�■
11
Wk
back ni sa brillante pelisse rouge
aient emp�ch� le mar�chal des logis
Guindet de. si bien occire certain
prince, � certaine bataille, en 1806.
Tout cela, il faut bien le dire, c'est
encore l'influence des modes an-
glaises , non pas de leurs modes mi-
litaires qui sont fort belles, mais de
leurs horribles modes civiles ; n'est-
il pas du dernier chic, de l'�l�gance
la mieux entendue, d'avoir un pale-
tot qui semble avoir �t� fait pour
un monsieur deux fois gros comme
celui qui le porte? La si gracieuse
Paper-hunt donn� en juin 1890 par les officiers
du
8e de dragons dans les environs de Meaux.
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LE CHIC A
CHEVAL.
248
culotte anglaise (que du reste les officiers anglais se gardent bien de porter en uniforme)
ne doit-elle pas, pour �tre portable par un homme qui se respecte, ressembler � un
cale�on de g�teux?
Et qu'on n'aille pas croire que je pr�conise la culotte extra collante. Certes non ; pour
monter �. cheval il faut �tre � son aise, mais il n'est pas n�cessaire d'�tre ridicule.
Certainement si le go�t changeait (et il changera lorsque quelque jeune prince
ou quelque homme �l�gant aura le courage de porter des effets taill�s pour lui et non
pour le voisin), chacun hausserait les �paules quand on lui montrerait les culottes actuel-
les. C'est assur�ment aussi laid que l'�tait la crinoline sous l'Empire.
Et n'y aurait-il pas un moyen bien simple, pour un ministre un peu... gaulois, de
faire tomber cette vilaine mode?
Tout simplement : circulaire portant d�fense formelle d'user de la culotte dite an-
glaise ; les chefs de corps, cependant, pourront en autoriser le port aux officiers dont la
mauvaise conformation naturelle doit �tre soigneusement cach�e aux yeux du public!!
La culotte anglaise aurait v�cu.
On a beaucoup cri� aussi contre le grand k�pi qui s'enfonce jusqu'aux oreilles. Cela,
c'est � tort et sans connaissance de cause; il est absolument n�cessaire � l'homme qui
monte � cheval, galope, saute les obstacles, d'avoir une coiffure qui tienne sur la t�te,
or le petit k�pi n�cessite l'emploi si laid et si incommode de la jugulaire de cuir; le k�pi
un peu grand et tenant bien est donc indispensable.
Tous les gens qui montent � cheval ont des coiffures embo�tant toute la t�te, exemple :
les chasseurs, les jockeys; le grand k�pi est donc absolument n�cessaire, en outre il
n'est pas disgracieux et se rapproche beaucoup par la forme nouvelle qu'on lui a donn�e
de la casquette autrichienne, laquelle est fort jolie.
Ce qui, par exemple, est la continuation de ce mauvais go�t qui voulait imposer le
veston m�me � la garde municipale (dernier reste de r�giments compos�s de vrais
soldats et ayant gard� une apparence de belle tenue), c'est d'avoir cru faire d'une
casquette de n�glig�, car au fond ce n'est que cela, une coiffure distinctive en y ajou-
tant de mesquins attributs. Regardez un peu si les Allemands,� qui cependant on
ne saurait reprocher le sens militaire pratique, ne conservent pas avec soin colbacks
et schapskas, plumets et fourrag�res.
Toutes ces suppressions, tous ces enlaidissements de la tenue,
surtout dans celle de la cavalerie, ont bien une raison. Je ne puis
la dire ici, craignant d'�tre accus� de parti pris, mais elle est bien
connue de ceux qui en font partie.
Pour terminer, examinons, en quelques lignes rapides, les
diff�rents peuples qui s'occupent du cheval.
J'ai dit � plusieurs reprises, dans le cours de cet ouvrage, ce
1878 ; boite Chantilly � tige
en drap.              qU 'il faut penser de « l'Arabe et son coursier ». Les Arabes grands,
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CIRCASSIENS DE L'ESCORTE DU CZAR.
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LE CHIC A CHEVAL.
249
d'une fort belle race guerri�re, ayant conserv� un costume tr�s
pittoresque sont, �videmment, fort curieux � voir lorsqu'ils
Se Espagn
livrent, en l'honneur de quelque grand mariage ou de la r�cep-
tion de quelque g�n�ral, � leurs l�gendaires « fantasias » ;
leurs chevaux, tr�s jolies b�tes (jolie est le mot), aux al-
0                             XJ                                     '                            Hollande
lures brillantes, dou�s d'une grande souplesse et de tr�s
gracieux mouvements, sont tout indiqu�s pour un
semblable exercice. Mais, � coup s�r, si on retirait
manteaux flottants et les selles richement
les grands
brod�es; si
Belgique
de ce pays,
drait pas grand
morte.
�trier embo�tant le
bon sens, �perons
un fauteuil , voil�
bes. Si on ajoute � cela
r�actions � peu pr�s nulles
dress�s en naissant, on com-
comme le sont g�n�rale-
pas grand m�rite � dompter
surtout on voilait le soleil, grand magicien
on serait fort d�sillusionn� et on ne pren-
plaisir � un exercice o� l'�quitation est lettre
Instrument de torture comme mors,
Italie
pied et raccourci au del� de tout
criminels, selle ressemblant fort �
tout le bilan de l'�quitation des Ara-
que leurs chevaux ont des
et sont, pour ainsi dire,
prendra que des g�ants
ment les Arabes, n'aient
leurs petites montures.
J'ai dit plus haut,
ieterre
du reste, quelle triste mine faisaient
voy�s des spahis � Saumur lorsqu'on
anglaise sur un cheval de carri�re,
terium auquel il n'y a rien � ajouter,
n�es pass�es sur les hauts plateaux alg�riens
les cavaliers en-
A llemagne
les mettait en selle
Cela est un cri-
Trois an-
m'ont ab-
T r es
avec un
vaux de
bien au-
Russie
France
Autriche
solument confirm� dans cette id�e,
cavaliers, au contraire, les Cosaques, qui,
simple bridon dans la bouche de leurs che-
ch�tive apparence, ex�cutent des tours de force
trement difficiles et des fantasias bien autrement cu-
rieuses que celles des Arabes.
Les Cosaques, en effet, sont un peuple cavalier par excel-
lence, et comment en douter lorsqu'on conna�t quelques-
unes de leurs pens�es hippiques :
« les chevaux demandent a dieu de les faire aimer par leurs ma�-
tres. »
« le cheval marche avec la nourriture de la veille et non avec
celle du jour. »
CHIC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                              3'2
Coiffures d'officiers
de cavalerie
(petite tenue).
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250                                                         LE CHIC A CHEVAL.
« LES PLUS GRANDS ENNEMIS DU CHEVAL SONT LE REPOS ET LA GRAISSE. »
On conna�t aussi la l�gende du lion et du cheval.
Le lion et le cheval, nobles b�tes entre toutes, se disputaient un jour pour savoir
lequel des deux avait la vue la plus per�ante; on attendit la nuit obscure, et le lion
vit, � travers les t�n�bres et � une grande distance, un poil blanc dans du lait; le
cheval fit mieux encore : il
distingua un poil noir dans
du goudron. Le cheval �tait
vainqueur.
De m�me que les anciens,
et que tous les peuples orien-
taux, les Cosaques attachent
une grande importance �
la robe du cheval et � ses particularit�s.
Ainsi, la pelote brod�e irr�guli�rement est un signe peu estim�. Comme nous,
ils appr�cient peu le cheval belle face, celui qui boit dans son blanc et les quatre
balzanes.
Nous connaissons tous le proverbe fran�ais : « Balzane un... balzane deux, cheval
de gueux; balzane trois, cheval de roi; balzane quatre, cheval � abattre. »
Les Cosaques disent qu'un cheval qui a trop de blanc porte son linceul avec lui.
Les chevaux qui ont pelotes, listes ou balzanes se vendent infiniment moins chers
que les autres dans leur pays.
A quatre ans les jeunes Cosaques sont mis � cheval, et pour de bon; aussi, arriv�s
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LE CHIC A CHEVAL.                                                         251
� l'adolescence, sont-ils tout � fait extraordinaires, ex�cutant sur le cheval lanc� � fond
de galop tout ce que le gymnasiarque ex�cute sur une barre fixe, tout ce que le fan-
tassin le plus d�gourdi peut faire sur « le plancher des vaches ». L'homme et le che-
val semblent n'avoir qu'une seule volont�, l'animal se couchant pour abriter de son
corps le cavalier qui tire son coup de fusil, puis tous deux se relevant, repartent au
triple galop ; le Cosaque montant debout sur la selle, se couchant, se collant aux
flancs du cheval, ramassant � toute allure son fusil ou m�me une pi�ce de monnaie.
Un cheval tu�, deux, trois Cosaques montent sur le m�me et continuent � com-
battre.
Ils ont une haine inv�t�r�e pour l'Allemand auquel ils infligent le nom de « Nie-
metz », terme le plus m�prisant dont on puisse fl�trir un coquin.
On sait quelle remarquable course � travers la Sib�rie vient d'accomplir un officier
russe, le lieutenant des Cosaques de l'Amour, Dmitri Peschkoff. Parti le 7 nov. (V. S.)
1889 de Blagoveschtchensk , ville de la Sib�rie Orientale, il est arriv� � Saint-P�ters-
bourg le 19 mai 1890 apr�s avoir parcouru � cheval 8,283 verstes (8,829 kil.) en
1,109 heures; voyageant souvent par un froid de 50° centigrades et se frayant quel-
quefois un passage avec son sabre � travers les masses de neige durcies. Son che-
val, hongre gris �g� de 15 ans, �tait sa monture ordinaire, au r�giment, et il ne
lui avait fait subir aucun entra�nement pr�alable; l'illustre ataman des Cosaques,
le grand-duc Nicolas, a fait placer dans ses propres �curies la brave b�te, qui, durant
ce tour de force hippique, a franchi jusqu'� 93 kil. en 9 heures par un froid des
plus rigoureux et � travers des routes presque impraticables.
En un mot, la Russie poss�de une fort belle et fort nombreuse cavalerie. Les uni-
formes, quoique bien simplifi�s depuis le dernier r�gne, ont cependant gard� une cer-
taine originalit�, et quelques r�giments, tels que les admirables chevaliers-gardes et les
brillants hussards n° 1 et 2, ont conserv� leurs riches tenues. Quant � l'escorte de
l'Empereur, elle est l�gendaire, et aucun souverain n'en peut avoir une semblable.
Il est malheureusement superflu de dire que l'Allemagne, elle aussi, revendique
une des premi�res places, sinon la premi�re, parmi la cavalerie europ�enne. Les offi-
ciers, bien moins sportmen que chez nous, montent un peu raides mais tr�s militaire-
ment, et leur tenue est g�n�ralement irr�prochable, quoique d'une
�l�gance qui n'est pas la n�tre.
Les Autrichiens, dont la cavalerie, bien souvent battue, a tou-
jours joui d'une grande renomm�e, ont, depuis plusieurs ann�es
d�j�, perdu les splendides costumes dont ils semblaient avoir
le monopole. Je dois m�me dire que ceux actuellement en usage
sont assez disgracieux. Cependant leurs officiers, tr�s distingu�s de
race et de mani�res, s'efforcent de conserver le renom d'�l�gance
Botte moderne, dite, « chan-
tuiy ».               qu ont eu jadis les troupes austro-hongroises.
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LE CHIC A CHEVAL.
252
Les Italiens sont fort laids de tenue, montant mal de tr�s vilains chevaux, et d'une
�l�gance dont on laisse dans les autres pays la sp�cialit� aux gar�ons coiffeurs. Rien
de plus � en dire, n'est-ce pas ?
Les Anglais, superbes ! ! chevaux magnifiques , quoique quelquefois un peu lourds.
Les uniformes, du plus grand luxe et surtout de la coupe la plus �l�gante qu'on
puisse d�sirer; les hommes, tr�s beaux et tr�s fiers avec juste raison de leurs beaux
costumes, ont une tr�s belle et tr�s grande allure. On se demande comment un peuple
ayant aussi peu de go�t, a pu trouver une r�union d'aussi beaux uniformes (je ne
parle que de l'arm�e r�guli�re). Tout militaire qui a vu, � la parade de White-Hall, les
Horse-guards relever le poste de Life-guards peut se dire qu'il a admir� les plus beaux
soldats et les plus beaux chevaux du monde. Voil� ce que les anglomanes devraient
bien t�cher de copier.
L'Espagne a bien baiss�, en �quitation comme dans tout le reste, depuis les
beaux temps de la monarchie espagnole. Il est juste de dire, cependant, qu'elle ren-
ferme encore quelques fort bons cavaliers ; les Parisiens ont pu admirer de quelle
fa�on montent certains caballeros en plaza.
J'ai donn�, page250, un dessin de ce qu'on appelle dans le pays du Cid : Derribar in
campo abierto. C'est, en d'autres termes, ce qui sert d'�preuves pour le choix des
novillos (jeunes taureaux).
Deux cavaliers, bien mont�s, et arm�s de lances ayant dix ou douze pieds de long,
foncent en plein champ sur le novillo, qui, g�n�ralement, s'enfuit en droite ligne avec
une vitesse surprenante, et telle que les cavaliers ne le rattrapent qu'au bout de deux
ou trois kilom�tres. Piqu� et renvers� par la violence du coup, le novillo est d'abord
�tonn�, puis s'il charge sur ses agresseurs, il est imm�diatement class� comme bon
pour la course, sinon on en fait imm�diatement un b�uf, et il finit ses jours � l'abat-
toir. En somme, tout cela est assez brutal, et on ne peut qualifier d'ami du cheval un
peuple qui met son plus grand plaisir dans l'�ventrement de malheureux chevaux
hors d'�tat de se d�fendre.
Nous donnons �galement, mais � titre de simple curiosit�, un cavalier japonais du
temps o�, ayant conserv� leur grande originalit� artistique, ils �taient int�ressants.
Aujourd'hui que l'imitation des Europ�ens leur a �t� tout cachet, ils n'ont plus
aucun int�r�t.
Nous voici arriv�s � la fin de cette courte �tude sur le cheval et ce qui s'y rapporte
comme �quitation. Loin de moi la pr�tention d'avoir trait� � fond ce sujet in�puisable.
Je n'ai fait que l'effleurer: il faudrait cent volumes pour tout dire sur le cheval, et
-ocr page 360-
LE CHIC A CHEVAL.
253
il faudrait surtout une autre comp�tence que la mienne pour le bien dire, car : « pas
UN SENTIER BATTU DE L'HISTOIRE O� SON SABOT N'AIT LAISS� SON EMPREINTE ET FAIT JAILLIR UNE
�TINCELLE. »
-ocr page 361-
-ocr page 362-
LE CADRE D'OR
COMPOSITION
DU MAN�GE DE L'�COLE DE CAVALERIE
DEPUIS 1872.
1872.
Lenfum� de Ligni�res.......................| Chef d'escadron, �cuyer en chef.
Laforgue de Bellegarde...................... ]
De Benoist.......... ....................... f � . .
DeBriey................................. Capiten.es �cuyers.
JOANNARD .................................. I
De Marc�.................................... ) T .
_, .              _                                                             > Lieutenants sous-ecuyers.
D AVIAU DE PlOLANT........................... (                                          J
1873.
Lenfum� de Ligni�res....................... I Chef d'escadron, �cuyer en chef.
De Benoist................................ i
De Briey...................................j Capitaines �cuyers.
Laforgue de Bellegarde..................... j
D'Aviau de Piolant..........................
De Marc�..................................
Gay de Nexon..............................
Pinot........................................y Lieutenants sous-�cuyers.
Fr�vols d'�ubignac.......................
De Ribains................ ..................
Tremeau...................... .............
1874.
Lenfum� de Ligni�res........................ I Chef d'escadron, �cuyer en chef.
De Benoist.................................
Laforgue de Bellegarde....................
Joannard.....................................\ Capitaines �cuyers.
D'Aviau de Piolant...........................
De Witte...................................
-ocr page 363-
256                                                         LE CHIC � CHEVAL.
De Marc�..................................... i
Gay de Nexon................................ > Lieutenants sous-�cuyers.
Pinot........................................)
De Frevol d'Aubignac de Ribains............
De Damas...................................
Sous-lieutenants sous-�cuyers.
Laperrine................................
Baroux.....................................
1875.
Dutilh...................................... I Chef d'escadron, �cuver en chef.
JOANNARD................�...................
D'AVIAU DE PlOLANT........................
De Sesmaisons...............................) Capitaines �cuyers.
De Witte...............................|
De Lamerville...........................,'
De Damas...............................| Lieutenant.
Picot de Vaulog�.........................\
Siey�s...................................j
De Cahouet.............................■ f �
^, ^                                                                   > Sous-lieutenants sous-ecuyers.
Froger-Deschekes.....................1
Carbonnel de Canisy....................j
D'Espinay Saint-Luc...................../
1876.
Dutilh..............................I Chef d'escadron, �cuyer en chef.
D'AVIAU DE PlOLANT..................
De Sesmaisons........................
> Capitaines ecuyers.
De Witte...........................
De Lamebville.......................
Mallet.............................
De Lur-Saluces......................
Picot de Vaulog�....................../ Lieutenants sous-�cuyers.
Siey�s...............................I
De Cahouet . . . . ,...................../
Froger Desch�nes......................I �
; Sous-lieutenants sous-ccuyers.
Leddet..............................
1877.
Pi�tu...............................I Chef d'escadron, �cuyer en chef.
D'AVIAU DE PlOLANT....................
De Sesmaisons.......................
De Witte............................[� Capitaines �cuyers
Heurtaut de Lamerville................
Renouard de Bussi�res.................
-ocr page 364-
MONSIEUR DE B***n, SOUS-MAITRE DE MAN�GE,
MONTANT SON SAUTEUR, ARISTOPHANE, EN.LIBERT�;
1875.
L
-ocr page 365-
LE CHIC A CHEVAL.
Mallet.............................
De Lur-Saluces......................
Picot de Vaulog�.....................
Siey�s.............................../■ Lieutenants sous-ccuyers.
De Cahouet..................�.......
Froger-Desck�nes.....................
Leddet ............................
1878.
Pi�tu...............................j Chef d'escadron, �cuyer en chef.
d'aviau de piolant....................
De Sesmaisons.......................
Heurtaut de Lamerville.................j* Capitaines �cuyers.
Rexouard de Bussi�res.................
Mallet............................
De Lur-Saluces.......................
Picot de Vaulog�......................
^ �.                                                                          > Lieutenants sous-ecuyers.
De Cahouet .........................
Leddet ............................
Gay de Nexon.........................  \
Coust�.............................  \ Sous-lieutenants.
Chrestien de Poly......................  )
1879.
Pi�tu..............................| Chef d'escadron, �cuyer en chef.
D'Aviau de Piolant....................
De Sesmaisons.......................
De Lachoue de la Mettrie...............^ Capitaines �cuyers.
isle de bauchaine....................
Mallet............................
De Lur-Saluces......................
Picot de Vaulog�......................
_ �                                                                          > Lieutenants sous-ccuyers.
De Cahouet..........................{
Leddet ............................
Gay de Nexon.........................)
Chrestien de Poly......................> Sous-lieutenants.
Le Moine des Mares....................)
1880.
Pi�tu...............................I Chef d'escadron, �cuyer en chef.
D'Aviau de Piolant....................
De Sesmaisons........................
Isle de Bauchaine......................\ Capitaines �cuyers
Mallet............................
Marette de la Garenne.................
CHIC A CHEVAL.
257
33
-ocr page 366-
l-WW
^r
-ocr page 367-
258
LE CHIC A
CHEVAL.
Picot de Vaulog� . .
Siey�s..........
De Cahouet ......
Leddet .........
Gay de Nexon ....
Chresties de Poly .
Le Moine des Mares
) Lieutenants sous-�cuyers.
. . . j Sous-lieutenants.
. . . ]
1881.
. . . I Chef d'escadron, �cuyer en chef
>   Lieutenants sous-�cuyers.
. . > Sous-lieutenants.
1882.
. . ] Chef d'escadron, �cuyer en chef.
' Capitaines �cuyers.
. . > Lieutenants sous-�cuyers.
Sous-lieutenants.
1883.
. . j Chef d'escadron, �cuyer en chef.
>   Capitaines �cuyers.
. . > Lieutenants sous-�cuyers.
Pl�TU ............
D'AviAU DE PlOLANT . .
isle de beauchaine . . .
Mallet...........
Marette de Lagarexne
Picot de Vaulog� ....
De Cahouet ........
Leddet ...........
Lhuillier.........
moreau de bellaing . .
Andr� ............
De Gontaut-Biron ....
De La Forgue de Bellegardb
D'AVIAU DE PlOLANT......
Durand de Villers.......
De Merval.............
Carbonel de Canisy.......
De Scourion de Beaufort . .
Voisin................
Moreau de Bellaing......
Andr� ................
De Gontaut-Biron.......
De La Forgue de Bellegarde
De Merval..............
De Carbonnel de Canisy . . . .
De Lestatts.............
Charlerie de la Masseli�re .
Peter .................
Hache.................
Ta�ip�.................
JOCHAUX DU PlESSIX........
Andr� Joubert...........
-ocr page 368-
LE CHIC A CHEVAL.
De Beaurepaire de Louvagny
Laparre de Saint-Sernin ....
Sous-lieutenants.
1884.
. . | Chef d'escadron, �cuyer en chef.
>   Capitaines couvera.
>   Lieutenants sous-�cuyers.
1885. �
. . [ Chef d'escadron, �cuyer en chef.
. . > Capitaines �cuyers.
>   Lieutenants sous-�cuyers.
Sous-lieutenants.
1886.
. . j Chef d'escadron, �cuyer en chef.
. . J> Capitaines �cuyers.
>   Lieutenants sous-�cuyers.
1887.
| Chef d'escadron, �cuyer en chef.
>   Capitaines �cuyers.
De la Forgue de Bellegarde
Carbonnel de Canisy......
De Lestapis............
Charlerie de la Masseliere. .
De Ferluc .............
Picot de Vaulog�........
jochaud du plessix.......
Peter ................
Hache ................
Tamp� ................
De Lizaranzu...........
De la Forgue de Bellegarde
Carbonnel de Canisy......
De Lestapis............
Charlerie de la Masseliere .
Picot de Vaulog�........
jochaud du plessix.......
Durand de Mareuil......
De Lizaranzu...........
De Contades-Gizeux......
Doynel de Quincey.......
De la Forgue de Bellegarde
Carbonnel de Canisy......
Charlerie de la Masseliere.
Picot de Vaulog�........
jochaud du plessix.......
DoMENECH DE CELLES......
Durand de Mareuil......
De Lizaranzu...........
De Contades-Gizeux......
Doynel de Quincey .......
D'Aviau de Piolant
Carbonnel de Canisy
Picot de Vaulog� . .
Mahot..........
jochaud du plessix .
-ocr page 369-
l;e chic a cheval.
260
De Lizaranzu........................j
Doynel de Quincey.....................> Lieutenants sous-�cuyers.
L'Hotte.............................)
Champion............................I Sous-lieutenant.
1888.
D'AVIAU DE PlOLANT .
Carbonnel de Canisy
Picot de Vaulog� . .
Mahot..........
| Chef d'escadron, �cuyer en chef.
)
> Capitaines �cuyers.
jochaud du plessix
domenech de celles
De Lizaranzu.....
doynel de quincey .
L'Hotte.........
Champion........
Morgon .........
1 Lieutenants sous-�cuyers.
I Sous-lieutenant.
I Chef d escadron, �cuyer en chef.
> Capitaines �cuyers.
� Lieutenants sous-�cuyers.
Sous-lieutenants.
D'AVIAU DE PlOLANT .
Carbonnel de Canisy
Picot de Vaulog� . .
Mahot..........
jochauddu plessix .
domenech de celles
doynel de quincey .
Champion........
De Marcieu......
Morgon.........
noblemaire......
1890.
Carbonnel de Canisy....................| Chef d'escadron, �cuyer en chef.
Mahot..............................\
Voisin................................I
Tamp�..................................> Capitaines sous-�cuyers.
jochaud du plessix........................\
domenech de celles.......................'
doynel de quincey
L'Hotte .........
Lieutenants.
GaBORIT DE MONTJON
Morgon.........
Noblemaire..............................| Sons-lieutenant.
-ocr page 370-
PRINCIPALES SOURCES CONSULT�ES
Girard de Nevers (XVe s.).
Mirou�r historial (XIVe s.).
De Goncourt. � Madame de Pompadour. La
Femme au XVIIIe si�cle.
La Soci�t� sous te Di-
rectoire.
Le comte d'Hezecques. � Souvenirs d'un page de
la cour de Louis XVI.
Baron d'Eisemberg. � Description du man�ge mo-
derne dans sa perfection.
Montfaucon de Rogles. � Trait� d'�quitation.
G. Demay. � Le Costume au moyen �ge, d'apr�s les
sceaux.
Baron de Rohan. � Principes pour monter et dresser
les chevaux de guerre.
Ed. D�taille et J. Richard. � L'Arm�e fran�aise.
BauCHER. � M�thode d'�quitation.
Comte d'Aure. � Trait� d'�quitation.
Cordier. � Trait� d'�quitation.
Baucher. � Souvenirs �questres.
Debost. � Trait� d'�quitation rationnelle.
De Pons d'Hostun. � L'�cuyer de* Dames.
Comte de Montigny. � L'�quitation des Dames.
Manuel.
Pichard. � Manuel des Haras.
Bourgelat. � Le Nouveau Newcastle.
Comte Savary de Lancosme-Br�ves. � Th�orie
de la centaurisation.
Vallon. � Cours d!Hippologie.
Capitaine Picard. � Origines de l'�cole de cavalerie.
Dictionnaire des science* (XVIII0 s.).
Hom�re. � Iliade.
X�nophon. � De VEquitation. Traduction Talbot.
Du commandant de cavalerie. Traduction Talbot.
Plutarque. � Vie d'Alexandre.
Pol Nicard. � Les anciens ont-ils connu la ferrure
� clous.
Colonel Carrion-Nisas. � Histoire g�n�rale de
l'Art militaire.
Codex Theodosianus.
Discovery oferrors in the Catalogue of noiilily.
Veg�oe. � Passim.
Ren� d'Anjou. � Trait� de la forme et devis d'ung
Tournois.
Ephrem Houel. � Histoire du cheval.
Froissard. � Chroniques.
Penguilly l'Haridon. � Catalogue du Mus�e d'ar-
tillerie.
Viollet-Leduc. � Dictionnaire raisonn� du Moliilier
fran�ais.
Roumans d'Alexandre (XIII0 s.).
Histoire du roi Artus (XIIIe s.).
Roman de Tristan (XIV s.).
Le Livre de Guyron le Courtois (XVe 3.).
Lancelot du Lac (XVe s.).
Girard de Nevers. � Miroir historial (XVe s.).
G�n�ral Susane. � Histoire de la cavalerie.
Jehan de Vicnay. � Le Livre des esc�ts.
Tristan et IseuU (XVe s.).
Le Livre de Guyron le Courtois (XVe s.).
Le Roman d'Amadas cl Tdoine (XIIIe s.).
-ocr page 371-
262
LE CHIC A CHEVAL.
De la Bboue. � Le Cavaleries Fran�ois.
De Pluyinel. � L'Art de monter � cheval.
Newcastle. � M�thode nouvelle pour dresser les chc
vaux (Anvers, 1658). � Nouvelle M�thode pour
dresser les chevaux (Londres, 1667).
De la Gu�eini�be. � �cole de cavalerie.
Du Paty de Clam. � Pratique de l'�quitation, 1769.
La Science et l'Art de l'�quitation d�montr�s d'apr�s
nature (1775). � Diff�rentes parties de l'�quitation
(1781).
Thiboux de Mond�sib.�Manuel du Dragon (1781).
Fbeudenbeeg. � Monument du costume physique et
moral � la fin du XVLIL0 si�cle.
Cabinet des Modes
(1786).
La M�sang�be. � Le Costume parisien.
Racinet. � Le Costume historiqiee.
Armeria re�u de maana.
         de Turin.
Cil. Aubby. � Histoire pittoresque de l'�quitation.
La Cuene de Sainte-Palave. � M�moires de l'an-
cienne chevalerie.
Le Roman de Cari le Loherain (XIIIe s.).
Le Roman de la Charetle (XIIIe s.).
Merangis de Portlesguez (XIIIe s.).
Les Romans dou chastelain de Goucy (XIIIe s.).
Le Livre du roy Modus et de la rogne Racio (XIVe s.).
Des d�duis de la chasse des lestes sauvaiges et des ogseaux
de proye
(Gaston Ph�bus XIVe s.).
Laueentius Rusius. � Hippiatrica sive marescalia.
C�sar Fiaschi.
Claudio Coete. � Gloria del Cavallo. Le Cava-
lerice.
L'Ecurie du sieur Griscm.
Bride de l'�poque de Louis XV.
-ocr page 372-
TABLE DES ILLUSTRATIONS
PLANCHES HORS TEXTE.
Pages.
PI. 1.    Officier du 5e de hussards, compagnie d'�lite; 1806..................... Frontispice.
PL 2.    Un Centaure............................................        4
PI. 3.    Amazone.............................................       8
PL 4.    Wlasta; amazones de Boh�me; 735...............................      16
PL 5.    Cavalier grec; vers 850 avant J.-C................................      25
PL 6.    Les Huns.................................:...........      86
PL 7.    Cavalier romain.........................................      44
PL 8.    Chef gaulois...........................................      52
PL 9.    Brunehaut, reine d'Austrasie...................................      60
PL 10.    Cavalier normand; XIe si�cle...................................      64
PL 11.    Richard C�ur-de-Lion.......................................      68
PL 12.    Chevalier du XIIe si�cle.....................................      72
PL 13.    Gendarme du XIVe si�cle, en harnais de guerre..........................      76
PL 14.    Ch�telaines du milieu du XIVe si�cle...............................      80
PL 15.    XV0 si�cle. «... En t�te, le destrier du seigneur mont� par un tr�s petit page....... » � Entr�e
dans la ville des tenants d'an tournoi..............................      84
PL 16.    Armure maximilienne du XYI si�cle...............................      88
PL 17.    C�sar Fiaschi...........................................      92
PL 18.    Jeune gentilhomme de la suite de Charles-Quint.........................    100
PL 19.    Seigneur allemand du XVIe si�cle................................    108
PL 20.    Homme d'armes du XVIe si�cle..................................    112
PL 21.    C�sar-Auguste de Bellegarde, marquis de Termes........................    116
PL 22.    Philippe IV; armure flamande....................................    124
PL 28.    Marquise de Newcastle......................................    132
PL 24.    Un �l�ve du marquis de Newcastle...............................    140
PL 25.    Guerrier japonais........................................    144
PL 26.    Un mar�chal de France; 1712.................................    148
-ocr page 373-
264
LE CHIC A CHEVAL.
Pages.
PI. 27. Le « pass�ge » � la Napolitaine ; 1727..............................    156
PI. 28. La courbette; 1750.......................................    160
PI. 29. Man�ge ouvert; 1751......................................    164
PI. 80. En l'an YIII..........................................    168
PI. 81. La rencontre; 1805.......................................    172
PL 32. Paysanne des environs de Caen ; commencement du si�cle....................    176
PL 33.' Officier des chevau-l�gers lanciers ; 1813.............................    180
PL 34. Le pantalon ce � la Cosaque » ; 1817...............................    184
PL 35. 1834...............................................    188
PL 36. Le trot � l'anglaise; 1835....................................    192
PL 87. Habill�e par Humann !.....................................    196
PL 38. Amazones d'Humann ; 1837....................................    200
PL 39. Au man�ge Pellier; 1836....................................    204
PL 40. Officier des guides de la garde imp�riale ; second empire.....................    208
PL 41. Trompette des cuirassiers de la garde imp�riale..........................    212
PL 42. Cosaque de la garde........................................    216
PL 48. Sur les hauts plateaux; 1881...................................    220
PL 44. Officier du 9e de chasseurs en colonne; Sud-Oranais, 1881....................    224
PL 45. Un piqueux...........................................    228
PL 46. En route pour le drag......................................    282
PL 47. A la campagne..........................................    236
PL 48. Promenade au bord de la mer..................................    240
PL 49. Circassien de l'escorte du czar..................................    248
PL 50.    Monsieur de B****n, sous-ma�tre de man�ge, montant son sauteur, Aristophane, en libert�;
1875.............................................    256
Chanfrein du cheval de Louis, dauphin de Viennois; 1409.
-ocr page 374-
GRAVURES DANS LE TEXTE
CHAPITRE PREMIER.
NEPTUNE. � BELL�ROPHON. � LES CENTAURES. � LES AMAZONES.
Pages.
Fig. 1. Lettre orn�e.........................................        1
Fig. 2. Amazone..........................................       5
Fig. 3. Penth�sil�e , reine des Amazones...............................        7
Fig. 4. Equi�as; buste de la d�esse protectrice des cochers et des chevaux...............       8
CHAPITRE II.
LES ASSYRIENS ET LES BABYLONIENS.
Fig. 5. Lettre orn�e.........................................        9
Fig. G. Bride assyrienne......................................      10
Fig. 7. Chasse � courre. Bas-relief assyrien de Ninive.........................      H
Fig. 8. Longue �p�e des cavaliers assyriens..............................      12
CHAPITRE III.
LES GRECS; HOM�RE, X�NOPIION, LES MAC�DONIENS.
Fig. 9. Lettre orn�e...................................... . .      13
Fig. 10. « Il est bon de les exercer � sauter un mur ». � X�nophon..................      15
Fig. 11. Cavaliers grecs traversant un gu�..............................      17
Fig. 12. En �claireurs.....................................      19
Fig. 13. Troph�e grec........................................      22
Fig. 14. Eperon de cavalier grec...................................      27
Fig. 15. Bride grecque.......................................      29
Fig. 16. Peinture de vase grec. Collection du chevalier Coghill....................      31
CHAPITRE IV.
LA FERRURE.
Fig. 17. Lettre orn�e........................................      33
Fig. 18. Fer saxon ; fer germain ; fer du moyen �ge..........................      34
CHIC A CHEVAL.                                                                                                                                                             3i
-ocr page 375-
LE CHIC A CHEVAL.
266
Pages.
Fig. 19. Fer gaulois; fer celtique; fer gallo-romain........... . . . . .....      35
Fig. 20. Hipposandales .......................................      35
Fig. 21. Fers Scandinaves et romains................................      37
Fig. 22. Sole� ferrese........................................      38
Fig. 23. Mors romains, celtes, gaulois et visigoths..........................      39
Fig. 24. Fers du moyen �ge.....................................      40
CHAPITRE V.
LES ROMAINS.
Fig. 25. Lettre orn�e........................................      41
Fig. 26. Cavalier romain.......................................      43
Fig. 27. Bride romaine ant�rieure � l'empire.............................      45
Fig. 28. Eperon en fer de la fin de l'empire romain..........................      46
Fig. 29. Bride romaine en usage en France jusque vers le XIIe si�cle..................      47
CHAPITRE VI.
LES NUMIDES, LES PARTHES, LES SARMATES, LES SCYTHES, LES HUNS.
Fig. 30. Lettre orn�e........................................      49
Fig. 31. Troph�e barbare......................................      51
Fig. 32. Les barbares........................................      53
Fig. 33. Cavalier sarmate ; d'apr�s la colonne Trajane..........................      55
Fig. 34. �triers antiques; Mus�e de Naples............................. .      57
CHAPITRE VII.
LES GAULOIS ET LES FRANCS.
Fig. 35. Lettre orn�e........................................      59
Fig. 36. Mors ayant appartenu � l'empereur Constantin........................      60
Fig. 37. Selle du VHP si�cle.....................................      61
Fig. 38. Eperon de chevalier recueilli sur le champ de bataille d'Azincourt; �peron d'un chef m�rovingien ;
�peron du commencement du XVIe si�cle........................       »
Fig. 39. �perons des IXe, Xe et XIe si�cles...............................      62
Fig. 40. Selle normande du XIe si�cle..................... . .........      03
Fig. 41. Fouet dont se servaient les dames du moyen �ge pour monter � cheval..............      64
Fig. 42. Cavalier franc....................�..................      66
CHAPITRE VIII.
LA F�ODALIT�, LES CROISADES, LA CHEVALERIE.
Fig. 43. Lettre orn�e........................................      67
Fig. 44. Selles d'armes, d'apr�s VHistoire du roy Artus; ms. du XIIIe si�cle...............      68
Fig. 45. XIIIe si�cle; �peron de roussin; �peron d'armes........................       »
Fig. 46. �trier en usage du Xe au XIIIe si�cle.............................       »
Fig. 47. Troph�e d'armes; XIIIe si�cle................................      69
Fig. 48. Cavalier chargeant; d'apr�s un ms. de 1360......................... .      70
Fig. 49. Chanfrein du XIVe si�cle..................................       »
Fig. 50. Troph�e XIVe si�cle...................................� .      71
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LE GHIG A CHEVAL.                                                                267
Pages.
Fig. 51. Chien employ� contre la cavalerie ; XIV0 si�cle........................      72
Fig. 52. Mors d'armes du XVe si�cle.................................       »
Fig. 53. Bride du cheval de Barnabo Visconti; 1354..........................       »
Fig. 54. Figure du milieu du XIV0 si�cle donnant la position d'un chevalier chargeant dans un tournoi . .      75
Fig. 55. �peron d'armes du commencement du XIV0 si�cle......................       »
Fig. 56. Etrier du XV0 si�cle.....................................       »
Fig. 57. Heuses de chasse du XIV0 si�cle...............................      76
Fig. 58. Selle avec le hourd; d'apr�s le « Roman de Tristan » ; fin du XI0 si�cle............       »
Fig. 59. Etrier ajour� pour recevoir un coussinet; fin du XIVe si�cle...................       »
Fig. 60. Tournoyeur du XVe si�cle ; ms. du roi Ren�.........................      77
Fig. 61. �peron du XVe si�cle.................................. .       »
Fig. 62. Soleret avec l'�peron fixe..................................       »
Fig. 63. Plan d'un champ clos r�serv� � un tournoi; d'apr�s les indications du roi Ren�; XVe si�cle ...      78
Fig. 64. Cimier d'un tournoyeur; XV0 si�cle..............................      79
Fig. 65. Chanfrein ; XVe si�cle...................................       »
Fig. 65. Etrier � fen�tres; XVe si�cle.................................       »
Fig. 67. Botte en cuir souple ; ms. de Girart de Nevers........................      80
Fig. 68. Selle de la seconde moiti� du XV0 si�cle............................       »
Fig. 69. Etrier � grille ; fin du XV0 si�cle...............................       »
Fig. 70. Encadrement de page; XVe si�cle..............................      81
Fig. 71. Mors des XIV0 et XV0 si�cles.................................       »
Fig. 72. Harnais de cheval ; XVe si�cle................................      82
Fig. 73. lieuse de chasse ou de voyage du XV0 si�cle; (Livre de chasse de Gaston Ph�bus).......      83
Fig. 74. Selle hourd�e; XIV0 si�cle..................................       »
Fig. 75. Bride du XV0 si�cle.....................................      84
Fig. 76. Harnais de t�te du cheval de Charles VI ; d'apr�s une tapisserie de la cath�drale de Reims ....       »
Fig. 77. Mors du milieu du XVe si�cle.................................       »
Fig. 78. Botte de postillon; XVe si�cle................................      85
Fig. 79. Etrier du XIV0 si�cle....................................       »
Fig. 80. Etrier de la fin du XV0 si�cle.................................       »
Fig. 81. Selle en ivoire du XIV0 si�cle................................      86
Fig. 82. Cul-de-lampe........................................       »
CHAPITRE IX.
XVIe SI�CLE.
L. RUSIUS. � C. FIASCHI. � FT. GRISON. � LA BROUE.
Fig. 83. Lettre orn�e........................................      87
Fig. 84. Mors du XVIe si�cle.....................................      88
Fig. 85. id....................................       »
Fig. 86. Fran�ois Ier en harnais de guerre, � Marignan; d'apr�s un des bas-reliefs de son tombeau, � Saint-
Denis ........................................
      89
Fig. 87. Etrier de Fran�ois Ior ; mus�e de Cluny............................       »
Fig. 88. Etrier en bois; XVIe si�cle..................................      90
Fig. 89. Mors de la premi�re moiti� du XVIe si�cle .........................       »
Fig. 90. Selle d'armes allemande..................................       »
Fig. 91. Selle italienne; commencement du XVIe si�cle........................      91
Fig. 92. Selle de joute; �poque de Henri II ..............................       »
Fig. 93. Mors d�crits par Rusius ; 1530................................      92
F�g. 94. id. ...............................      93
Fig. 95. Bride de la premi�re moiti� du XVIe si�cle......................... .       »
Fig. 96. Etrier � grille ayant appartenu � Maximilien Ier, empereur d'Allemagne .............      94
Fig. 97. Le marquis d'Ascoli, seigneur de la suite de Charles-Quint...................       »
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268                                                                LE CHIC A CHEVAL.
Pages.
Fig. 98.     Armure � la romaine de Charles-Quint...........................      95
Fig. 99.     Mors du milieu du XVIe si�cle; les branche sont Om,38.....................      96
Fig. 100.    Harnais de cheval; XVIe si�cle...............................      97
Fig. 101.    Harnais du cheval de Charles-Quint. ............................        »
Fig. 102.    Chanfrein du XVIe si�cle. .............'.....................      98
Fig. 103.    Bride de parade du cheval de Henri II............................      99
Fig. 104.    Bottes du XVIe si�cle...................................       »
Fig. 105.    « Mors descripts par F. Grison » ; 1560............................    105
Fig. 106.    Eperon bavarois; premi�re moiti� du XVIe si�cle......................    106
Fig. 107.    �peron bourguignon ; commencement du XVIe si�cle.....................      »
Fig. 108.    Chevalier en harnais de guerre; fin du XVIe si�cle et commencement du XVIIe si�cle.....     107
Fig. 109.    Chanfrein; commencement du XVIe si�cle.........................     108
Fig. 110. � Etrier de Wolfgang de Neubourg, prince de la maison de Bavi�re...............     109
Fig. 111.    Plaque de devant d'une selle du XVIe si�cle.........................      »
Fig. 112,    Chanfrein du XVIIe si�cle.................................    110
Fig. 113.    Fer � oreilles de chat, ou � l'aragonnaise; fer � sous-pieds et � crampons...........    111
Fig. 114.    �triers du XVIe si�cle....................................      »
Fig. 115.    Bottes du XVIe si�cle....................................     112
Fig. 116.                   id....................................113
Fig. 117.    Etriers allemands.....................................      »
Fig. 118.    Selle de la mule d'un pr�lat.................................     114
CHAPITRE X.
DIX-SEPTI�ME SI�CLE. � PLDVINKL ET SES SUCCESSEURS.
Fig. 119.    Lettre orn�e........................................     115
Fig. 120.    Selle de l'Armeria real de Madrid ; fin du XVIe si�cle.....................     116
Fig. 121.    Selle � la Pluvinel.....................................     117
Fig. 122.    Le Quintan; mannequin qui frappait de son sabre celui qui le touchait autre part qu'au front. .      »
Fig. 123.    Botte � la Pluvinel . ....................................     118
Fig. 124.    Eperon de l'armure de Louis XIII..................� ...........     119
Fig. 125.    Louis XIII rompant en lice; 1617...............................»
Fig. 126.    Fa�on de la chambri�re ou fouet; XVIIe si�cle........................     120
Fig. 127.    Selle de l'Armeria real de Madrid..............................     121
Fig. 128.    Lance de joute et lance pour la course de bague ; r�gne de Louis XIII. . ......... .    123
Fig. 129.   Canon � la Pignatelle; XVIIe si�cle..............................    124
Fig. 130.    Bottes de l'�poque Louis XIII................................     125
Fig. 131.    Embouchure � la Pignatelle; XVIIe si�cle..........................     126
Fig. 132.    Un cavalier l�ger; Louis XIII................................    127
Fig. 133.    Cavalier; 1638.......................................    128
Fig. 134.    �triers de Wallenstein, duc de Friedland; 1600 � 1634....................     129
Fig. 135.    Mors avec des escaches � la Pignatelle............................     130
Fig. 136.    Muserolle allemande dat�e de 1604; collection A. Jubinal...................     131
Fig. 137.    Embouchure garnie d'annelettes avec le campanelle; XVIIe si�cle........... ...     132
Fig. 138.    Selle de postillon de l'attelage du pape Paul V........................     134
CHAPITRE XI.
LOUIS XIV. � LE MARQUIS DE NEWCASTLE.
Fig. 139.    Lettre orn�e...................................... .     135
Fig. 140.    Fonte de pistolet; XVIIe si�cle................................    137
Fig. 141.    Bottes Louis XIV......................................     138
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LE CHIC A CHEVAL.                                                                269
Pages.
Fig. 142. « Voicy la plus excellente selle qui puisse �tre ». � Comte de Newcastle...........     139
Fig. 143. Cul-de-lampe.......................................     141
CHAPITRE XII.
GASPART DE SAUNIER. � LA GU�PJNI�RE.
Fig. 144. Lettre orn�e.......................................    143
Fig. 145. Selle anglaise ; 1740.....................................    144
Fig. 14G. Selle anglaise � la Ragotski.................................     145
Fig. 147. Masticadour........................................     140
Fig. 148. Mors vers 1755.......................................     147
Fig. 149. Selle � la royale ; 1740...................................    148
Fig. 150. Botte de postillon.....................................    149
Fig. 151. Selle de postillon.....................................       >>
Fig. 152. Trousse-queue........................................     150
Fig. 153. Fer de chef-d'�uvre....................................    151
Fig. 154. Bottes Louis XV . . .'...................................      »
Fig. 155. Selle � piquer.......................................    153
Fig. 150. Sac qui servait � enfermer la queue du cheval........................    154
Fig. 157. Bride italienne; XVIIIe si�cle................................      »
Fig. 158. Cavalier de la grande fauconnerie......'.......................     155
Fig. 159. Selle-rase; 1751......................................    150
Fig. 100. �triers � grilles; XVIIIe si�cle...............................    157
Fig. 101. Eperon arabe en acier incrust�...............................      »
Fig. 102. Selle arabe « � la genette ».................................    158
Fig. 163. Fers � cercle, � demi-cercle, � tous pieds, etc................ .......    159
Fig. 164. Fers anglais, espagnol, allemand, � la turque, etc......................     160
Fig. 165. Fer � �crou invent� par le comte de Charolais.................... . . . �    102
CHAPITRE XIII.
LES SUCCESSEURS DE LA GU�RIiNIEKE.
Fig. 100. Lettre orn�e........................................    103
Fig. 107. Fer � planche ; fer � sous-pieds ; 1770...........................    104
Fig. 108. Selle orientale, prise � Belgrade, par Max-Emmanuel.....................    105
Fig. 169. Bride « � la Nestier »...................................    160
Fig. 170. Fer pathologique � pince tronqu�e.............................      »
Fig. 171. Mors de l'�cole de Versailles.................................    107
Fig. 172. Costume de cheval � l'anglaise; 1786............................    108
Fig. 173. Selle de poste; XVIIIe si�cle................................     169
Fig. 174. Monsieur de Nestier, �cuyer ordinaire de la grande �curie du Roy; 1751............    170
Fig. 175. Cavalier v�tu » � l'Espagnole »; XVIIIe si�cle.........................    171
Fig. 176. �trier sarrazin.......................................     172
Fig. 177. Selle orientale.......................................    173
Fig. 178. Selle mauresque « � la genette » ; Armeria de Madrid.................... .     174
Fig. 179. Selle orientale prise � Belgrade par Max-Emmanuel......................    175
Fig. 180. Bottes de la fin du XVIIIe si�cle............................. .    178
CHAPITRE XIV.
LA R�VOLUTION, LE PREMIER EMPIRE.
Fig. 181. Lettre orn�e. .......................................    179
Fig. 182. Selle anglaise du commencement du si�cle..........................    180
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270
LE CHIC A CHEVAL.
Pages.
Fig. 183. France ; coiffures de la cavalerie l�g�re ; 1789-1830.......................     181
Fig. 184. Cavalier de la garde imp�riale en petite tenue........................    182
Fig. 185. Troph�e de drapeaux.................................... 183
Fig. 186. Bride de cavalerie l�g�re ; premier Empire..........................    184
Fig. 187. Paysan du commencement du si�cle.............................    185
Fig. 188. Bottes d'officiers de cavalerie l�g�re ; premier Empire.....................    186
Fig. 189. Amazones premier Empire..................................    187
Fig. 190. Selle de postillon......................................    188
Fig. 191. Bride de Cosaque...................................... »
Fig. 192. Uniforme de cuirassier russe. ...............................     189
CHAPITRE XV.
LA RESTAURATION. � LOUIS-PHILIPPE.
Fig. 193. Lettre orn�e........................................     191
Fig. 194. Jeune sportman; 1833......................'.............     192
Fig. 195. Amazone; 1840.......................................193
Fig. 196.           id. ; 1835.......................................    194
Fig. 197. En promenade; 1840....................................     195
Fig. 198. �trier japonais........................................    190
Fig. 199. Etrier d'Indien Pahuenche; Patagonie............................ »
Fig. 200. Lance de carrousel ; Saumur.................................    197
Fig. 201. Chevauch�e; 1840....................................    199
Fig. 202. Amazone; 1841......................................    200
Fig. 203. Pari gagn� en 1844 par un petit cheval anglais de demi-sang appel� Kob, et qui a pr�c�d� pendant
cent milles (33 lieues) la malle-poste de Boston......................    201
Fig. 204. �peron des Indiens du Chili................................    202
Fig. 205. �peron br�silien...................................... »
Fig. 206. Jockey..........................................    203
Fig. 207. Cavalier espagnol......................................    205
Fig. 208. �l�gants de 1841......................................    200
Fig. 209. Le d�part.........................................    207
Fig. 210. Cul-de-lampe.......................................    208
CHAPITRE XVI.
LE SECOND EMPIRE.
Fig. 211. Lettre orn�e........................................    209
Fig. 212. Amazone; 1850.......................................    210
Fig. 213. Costume de chasse ; 1853.................................. »
Fig. 214. Officier de cavalerie l�g�re; petite tenue...........................    211
Fig. 215. Bride de cavalerie; garde imp�riale, 1859......................... .    212
Fig. 216. Lances ancien mod�le et mod�le 1889............................    213
Fig. 217. Fers sans clous maintenus avec une bande de caoutchouc, employ�s pendant la guerre de Crim�e
pour les chevaux d�ferr�s. ...............................    214
Fig. 218. Troph�e d'armes russes..................................    215
Fig. 219. Russie ; chevaliers-gardes..................................    216
Fig. 220. Un des chevaux du shah de Perse et son gelodar .......................    217
Fig. 221. Piqueur d'attelage de l'empereur Napol�on III; livr�e � l'anglaise................ »
Fig. 222. Selle de dragons, en usage avant le mod�le actuel......................    218
Fig. 223. Le prince imp�rial en 1866.................................    219
Fig. 224. Le polo-game........................................    220
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CHIC A CHEVAL.
LE
271
Pages.
Fig. 225. Aux Indes anglaises. � Courses d'officiers « Ponies races »..................    221
Fig. 226. Joueur de polo...................................... .    222
Fig. 227. Bride d'officiers de hussards allemands...........................      »
Fig. 228. Fera cheval; chambri�re et gants.............................    223
Fig. 229. Monsieur Loyal !......................................      »
Fig. 230. Troph�e de la cavalerie allemande..............................    228
Fig. 231. Selle allemande......... . '............................    229
CHAPITRE XVII.
CONTEMPORAINS.
Fig. 232. Lettre orn�e......................................, .    231
Fig. 233. Filet de course......................................    232
Fig. 234. id...........................................    233
Fig. 235. Bride moderne, dite « bride anglaise »...........................    234
Fig. 236. Bride de la cavalerie anglaise..........■......................    235
Fig. 237. Selle de voltige et chambri�re modernes...........................    236
Fig. 238. « Going to the meet....................................    237
Fig. 239. Jeune anglaise..................................... . .    238
Fig. 240. Promenade du matin. ...................................    241
Fig 241. En plaine!. ........................................    242
Fig. 242. Selles anglaises modernes, avec et sans avances.......................    243
Fig. 243. Selle de cavalerie l�g�re; mod�le 1874............................    244
Fig. 244. Aux man�uvres......................................    245
Fig. 245. Carte d'invitation du 8e de dragons....................... .....    246
Fig. 246.    « Paper hunt » donn� en juin 1890 par les officiers du 8e dragons dans les environs de Meaux. . .    247
Fig. 247. 1878; botte Chantilly � tige en drap.............................    248
Fig. 248, Coiffures d'officiers de cavalerie (petite tenue)........................    249
Fig. 249. « Derribar in campo abierto »................................    250
Fig. 250. Botte moderne, dite « Chantilly »..........................� . . . .    251
Fig. 251. Cul-de-lampe........................................    253
Fig. 252. Bride Louis XV (principales sources consult�es ; cul-de-lampe)...............    262
Fig. 253.    Chanfrein du cheval de Louis, dauphin de Viennois; 1409 (table des planches hors texte; cul-
de-lampe)........................................
    264
Fig. 254.    Harnachement de mule, d'apr�s un dessin du Mus�e du Louvre attribu� au Pisan; fin du
XVe si�cle (table des gravures dans le texte; cul-de-lampe)................    271
Harnachement de mule, d'apr�s un dessin du Mus�e du Louvre
attribu� au Pisan; fin du XV" si�cle.
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TABLE DES MATI�RES
Pages.
Lettre de M. Henri Lavedax.................................... vu
Symphonie du cheval.......................................... ix
CHAPITEE PEEMIER.
Neptune. � Bell�rophon. � Les Centaures. � Les Amazones.....................         1
CHAPITRE II.
Les Assyriens et les Babyloniens......................................        9
CHAPITRE III.
Les Grecs ; Hom�re, X�nophon , les Mac�doniens............................. 1 :�
CHAPITRE IV.
La Ferrure................................................. 3:�
CHAPITRE Y.
Les Romains........................."....................... 41
CHAPITRE VI.
Les Numides, lesParthes, les Sarmates, les Scythes, les Huns....................... 49
CHAPITRE VIL
Les Gaulois et les Francs........................................... 59
CIHC A CHEVAL.                                                                                                                                                                                                                35
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274
LE CHIC A CHEVAL.
CHAPITRE VIII.
Pages
La f�odalit�, les croisades, la chevalerie.................................. 67
CHAPITRE IX.
XVI0
si�cle. � L. Rusius. � C. Fiaschi. � Fr. Grison. � La Broue.................. 87
CHAPITRE X.
XVIIe si�cle. �Pluvinel et ses successeurs................................ 115
CHAPITRE XL
Louis XIV. � Le marquis de Xeweastle.................................. 135
CHAPITRE XII.
Gaspart de Saunier. � La Gu�riai�re................................... 1-13
CHAPITRE XIII.
Les successeurs de La Gu�rini�re...................................... 103
CHAPITRE XrV.
La R�volution; le premier Empire.................................... 179
CHAPITRE XV.
La Restauration. � Louis-Philippe................................... 191
CHAPITRE XVI.
Le second Empire.............................................. 209
m
CHAPITRE XVII.
Contemporains............................................... 231
Le livre d'or. � Composition du man�ge de l'�cole de cavalerie depuis 1872............. 255
Principales sources consult�es........................................ 261
Table des illustrations............................................ 263
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