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DISSERTATION /
S U R
SAINT PIERRE,
PAR FEU Mr. BOULANGER..
Je frapperai Ie Pattern^ & les Brebis
feront difperföes.
Zacherie Chap. XIII. v. 7.
A LONDRES.
MDCCLXVU
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TABLE des TRAITES
Contenu dans ce volume.
DiJfertaUon Pur St. Pierre.         Pag. I
Reflexions de TEmpereur Julien.          30
La Mdifade.                                    95
Qaeftion de Tbtologie.                      108
L'cmti-Thiologien. ',                     j 14.
La Bathfebatb.                               330
Mpitre a Atbened's^                         3,3 j-
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DISSERTATION
S U R
SAINT PIERRE,
P4R FEU Mr. BOULANGER.
Je frapperti le Pafteur, & Ies Brebis
ieront difperßes:
FercutiaViPaflsrem Ö» difpergentur Oves,
Zach. Ch. XIII. v. 7.
piERRE, difciple & apötrede Jefus, eft
univerfellement reconnu, de'puis qu'il
ce aJ r^"rrEsiife Chr^ienne, pour le prin-
a^drtl S a £ P°ur le Premier des douze
doutP i ■ ?KS fon maitre e'eft celui fans
E°t1onf V 6S, Chl^iens »nt le plus d'obli-
1\Ha ' c celui 1ui raente de leur part le
föeferf/Peil&.le PIus de confutation!
m em °!ld apr<bs Dieu> c'eft etre le pre-
m«r parmi les hommes.
                       *
A 3
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( 6)
Aldouin*, Jdfuite,qui a ^critfuriesPapes
au i;e. fiecle, a commence^ commeil le de-
voir, par la vie de St. Pierre: il en a meine
dbnne le veritable portrait avec celuidetous
fes fucceffeurs, fans en omettre aucun; ce
qui fuppofe de fa part de grandes recherches.
En effet il convient que pour compofercet-
te vie intereffante il a lu & confuke plus
de cinq cens auteurs. Avec tant de fecours
nous devons erre (könnet d'etre auffi peu in-
ftruits que nous le fommes fur le fondateur
du premier fiege de FEglife. Excepte" quel-
ques verfets des Evangeliftes & quelques cha-
pitres des Actes, il ne reite que des tradi-
tions tellement conteftees que plus delamoi-
tie du monde favant doute que Pierre ait ja-
mais fiege dans Rome.
On a cepen'dan't poffede plufieurs ouvrages
fous le nom de cet apötre; mais les uns one
<5td rejettes en divers temps, & lesautres, en
petit nombre , ont dt<5recus. L'Evangile de
St. Pierre s'eft conferve pendant deux fiecles
chez une partie des Chretiens; enfuite il a;
616 rejette cornme ouvrage fuppofe. II en a
itä de meine de fon Apocalypfe. La premiere
de fes lettres a eteplus heureufe & s'eft trans-
niife jufqu'ä nos jours fans le moindre foup-
^on. Quant ä la feconde, eile a d'abord d-te"
recue, puis longtemps foupconnee&rejettee
aieme de quelques-uns, attendu que fon fti-
( *) Bibl. Chois. de Le Clerc. T. 4. 17*.
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(7)
5e ne reiTembloit point ä celui de la premte-
re (i ) I eufin eile a 6to rehabilitee unanime^
merit fur ce qu'un fage (St. Jerome) a dit
que I'apötre avoit alors change de föcrdtaire.
Ces lettres font datees de Babylone (.c'd*
toit le nam que les Chretiens donnoient au-
trefois ä la ville de Rome)& elles font adres«
föes aux difRrens peuples de l'Afie mineure^
chez lesquels il avoit longtemps voyage" &
demeure. Ce qu'o.n a le plus remarquedans
ces lettres, c'eft qu'il y avertiflbit les fide-
les & fei amis que la fin de totites chofes 6-
toit prochaine, (2) qu'ils eulfent ä fe tenir
prets, & quebientötils verroient,.comme au
temps de Noe , de nouveaux cieux & une-
Houvelle terre: ph^nomene pen dignede cu^
riofite\- beureufemeot qu'ils font encore a
paroitre (3 ): ubiefl promiffto de aivtntu ejus?
Ce font ces difficulty's & Pobfcurite- d'un
[ujet, fi grand d'ailleurs, qui m'ont engage"
» le confiderer de plus pres que nefait le vul-
gaire. Je n'ai pas confulti, comme Aldou-
m, cinq cens auteurs; je n'ai pas meme lu
les Bollandiftes, mais peut-£tre mon travail
ft'en fera-t-il que meilleur.
Je me fuis adreffe directement auxanciens
habitans de l'Afie mineure, particuli^remenf
( 1 ) Hid. Eccl.deFleuty.T01u. 1. & 2. pag'. 21.0»
Bible de S.aci avec explication. T. 31 p. ,oi.
( 2 ) 1 £p. de S. Piene. 4. r. 7. 2 £p. de S. Pierre
»• «• 12.
(5)2. Ep. de S. Pierre. 3. v.4.
A4
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CS)
aux Phrygiens, & je Ieur ai demande" quells
&oit eette tete chauve & venerable , & que
reprefentoit l'imagede ce vieillardqui pleure
amerement ,& qui prie les mains jointes. Je
feignis ainfi d'ignorer afin de m'inftruire.
„ Cell Annac, me dirent-ils, c'eft unde
„ nos plus anciens Rois. II vivoit au temps
„ de Deucalion. Religieux & cheri desDieux
„ dans un temps corrompu, im Oracle lui
„ r^vela qu'apres fa mort le monde peiiroit :
„ il en avertit les hommes pour les engager
„ au r(5pentir, il priameme lesDieuxen leur
,, faveur & crut flt'chir la colere du ciel en
flearam toute fa vie. Ce fut en vain. An-
„ nac
mourut, & la Phrygie fut fubmergee :
,, cemalheur qui a Steine la memoire dupaf-
„ fö, & qui a renouvelte les etres, n'a pu
„ (keindre. ndanmoins le fouvenir de ce prin-
„ ce, ami du genre bumain. Son.nom & fes
„ larmes ( continuerent les Phrygiens) vi-
,, vent encore jufques dans nos proverbes.
,, Nous difons de tous ct\\xoys\$lturent ame-
,, rement: ilspieurentcomme Annac; &par-
„ ce que les temps de fon regne font acluel-
, „ lement tres recul<5s, nous difons aufli de
„ toutee qui eft antique: il efi vieux comme
„ Annac.
Les Hebreux nos voiiins difent.'
vieux comme Henoch; & les Romains qui def-
„ cendentde nous, difent dans le raeme fens:
„ inconnu comme la nourrice d'Ancbife.
C'eft
„ ainfi que les nations ont conferva lam^moi-
„ re de notre ancien Monarque, meine en
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C9)
> corrompant fon nom & fon hiftoire. Et
. remarquez que fi les Romains ne pariert
i point des larmes d'Anchtfe, ils n'ont fait que
i les transferer ä fon fils Aeneach '*), Heros
i auffipleureurquereligieux,parcequ'il n'eft
• ainfi que fon pere, qu'un double emploi de
notre A mac.
>. Nous derivons le nom de notre prince de
■dnack, foitpher, fleurer, & c'eft la fa vraie
racine. Quelques Grecs qui l'ont prononce
Cannae l'ont cherche dans lemCaino, s'en*
trouvir; & comme les derives de ce nom
Yrec donnent Canna & Caos, tronc, Ou-
vertüre , abime, ils ont confondu notre An.
»«c
avecle Chaos & la confufion dumonde.
r 61 ^ne imaSmat*on que 'es evenemens du
jiecle de notre prince peuvent feiils excufer.
LesH^breux, dontlelangage eft rude en-
core , le derivent de Hanac, conduire: erreur
qui les a precipites dans une autre fable.Cet-
te derniere racine eft commune au nom d'Hc
»ochia
quia ete donne ä la lune, parce que
ie nomd'Hsnoch a fans doute ete aufllun des
anciens titres du foleil qui regie & conduit
° • c.h.ofe-ll y a meme encore une confteN
'won dueHemtchus, L'ufage de ce nom
dans la primitive Aftronomie, joint ä la me-
llr a J1*™« fur la racine de notre^»-
f«, e t ace que nous penfons, la feulerai-»
ion qui leur a fait imagine* que lew U*mt a
A?
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( 10 )
„ <Jte le premier Aftronome, que e'efl: luiqui
„ adivift' le temps par femaines, par mois,
,, par faifons&parannees.&qu'ileftrinven-
j, teur des douze fignes du Zodiaque. La fui-
,, te de cette opinion fabuleufen'aete que de
a, les porter ä une aufre abfurdite, qui leur a
„ fait donner ä cePatriarche aftronome une
j, vie toute aftronomique de 365 ans.parce que
j, le foleil circule en 365 jours. lis pretendent
,, qu'en(uiteilai$t£enlev£du milieu des hom-
„ mes & n'eft point mort. Cell: fans doute
j, aufll parce que le foleil ne meurt point &
„ qu'il ne flnit fa courfe de 36s jours que pour
j, en recommencer une autre. Ce font lä, com-
„ me vous voyez, de pures imaginations, &
j, nos hiftoires ne rapportent point de telles
„ fables de notre Annac. II eft mort laveille
„ du deluge ,& n'eft immortalifö dans nos con-
}, träes queparlefouvenirde fon amour pour
„ nous & de feslarmes. Les Romains ne pr£-
„ tendent non plus que leur vieil Anchife ait €•
teainfi enlev£; inais, ce qui n'eft peut-e-
„ treque la meme fable tranfpofee, ils cro-
„ ient que Creufe fa femme & la fille de notre
„ dernier & malheureux roi Priam a 6t& en-
„ levde par F«»«j,lorsde l'embrafement de
,, Troye. Cette tradition ridicule & plufieurs
„ autres de ce genre nous font foupconner que
„ depuis la fortie des Romains hors de la Phry-
s, gie, ils ont confondu les anecdotes & la r«i-
„ ne de leur premiere patrie avec les anecdo-
„ tes ou plutot les fables de 1 ancienne ruine d«
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(II)
» fflonde. lis ne fönt pas an refte les feuls dans
ii cecas.&prefquetoucesles nations ont ainfi
» confondu le fouvenir des revolutions natu-
. relies avecceluides revolutions politiques
> & civiles.
,, Les differentes fictions des H^breux
. n'empSchent point cependant que ce Hanoi
i» oucetHMsoeÄnereffembletofiniment ä n»'
i> tre jinnac. IIa&e\ ainfi que lui,religieux
ii & cheri des Dieux; le deluge lui a ete revels
u dememe; commelui, ilenainutilementa-
ii vertiles homines, & lesHebreux le regar-
ii dent encore cornme leur mddiateur & leur
>> intercefleur dansie ciel, .Si vousjoignez 4
ii ces traits les evenemens arrives,felon eux,du i
ii temps de cet autre Patriarche qu'ils appel-
11 lent Noach (cm Ha-noacb avec 1'article) vous
ii aurez alors un Henoch biftorique & com-
i plet,c'eft-ä-dire,un veritable Annac. LestW-
» breux eufient ete fages de s'en tenir a ces pre-
11 mieres traditions,fans les divifer, fans les cor.
ii rompre,& fans les amplifier;mais parcaradle-
>i reils onttoujours ixh plus portes z la fable
ii qu'aucune autre nation. Us font inepuifables
>i fur \&üYKenoch;\\s Ie confiderent encore com«
»j me I'auteur des prieres employees pour les
ii confecrations,les dddicaces &les expiations,
>• & des formules d'excommunication contre
>i les impies. Les Egyptiens & les Grecs attri-
» buent de leur cöte ces inftitutions religieufes
» a cet Homes que les Latins appellent Mm*-
si '■«.Poi« les meore tous d'aecord, ü feroir, faci»
A 6
-ocr page 11-
„ lede leur montrer qu'ils ont les uns & les ao-
„ tres abufe des mots. Herem, d'ou vient
Hern & Hermes, fignifie dans nos langues
„ Orientales devouement, anathime; dans /a
„ langue des Giecs un fon voifin de celui-lä
„ veutdire lnterprhe,& ils ont fait A'Hermes
uninterprete JesDieuxSr l'auteur des ana.
„ themes, Hanac, racine de Hanoch , H£-
„ breu, fignifie, comme nous avons dit,
,, conduire, & deplusdonnerdes loix, dedier,
' „ fonder, confacrer;
&dela, les Hebreuxeri
„ ont fait auffi un fondateur & un inftituteur
„ de rit religieux. Cette facon de compofer
„ 1'hiftoire doit vous degoüter, me dirent
„ ces Phrygiens, de tout ce qui vient du pays
„ des Hebreux. Tenez vous en done ä nos
„ traditions beaucoup plus fimples& par con-
j, fequentplus vraies. Cette image enfin que
„ vous nous montrez n'eft autre que celle
„ d'Annac, quiz p!redh knos peres la fin da
„ monde, &qui apleure & priö poureux ".
Surpris de cette tradition Phrygienne fur
les antiques legendes du Annas, du Henoch &
du Hermes que je ne cherchois point» elie me
parut auffi bizarre que pouvelle; öttranfporte"
iiloin de mon veritable objet, je me croyois
£gare dans les religions mythologiques.lorfque
je me rappellois que les dofteurs Grecs des pre-
miers fiecles de notre Ere avoient, ainfi que
les Phrygiens, reconnu l'Htaot Hebreu dans
VHemes Egyptien, & qu'ils avoient meine recti
avec v6n&ation les livres apocalypfliques,pro-
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( 13)
pb<£tiques & myfliques, quiexiftoient de Ieurs
temps (bus ces deux noms. Fortifi£par ceres-
fouvenir.ler^citdesPhrygiensme paint moins
etrange;& fijene les croyois tout-ä-faitje dou-
tai moins.
J'auroisalorsvolontiersdemande ä ces Pe-
res Grecs pourquoi ces perfonnages de la haute
antiquite" avoientainfi ete les types du prince
des douze apötres.Pierre apleurecommeAmae,
il a predit la fin du monde comme Henoch & No-
ach
, & comme Hermes il eft le fabricateur des
foudres de la religion. Ilyavoitdans ces rap-
ports , ä ce qu'il me paroiffbit, tin excellent fu-
jet d'inftruction & de controverfe, mais je crai-
gnis deleur faire des queftions indifcretes, &je
n'ofaimontrer des doutesäcesprddicateurs de
lafoi.-peut-etrem'euffent-ils dit: croyezainfi
que nous & ne dhTertez point.
Je cherchai done ä m'eclairer plus Iibrement
ailleurs, ou ä noyer mes doutes dans un nou-
veau. chaos. Je m'approchai des antiquaires du
fiecled'Augufte.&leurmontrant mon imageje
leur demandai de meine ce qu'elle reprefen-
toit; ils l'examinerent avec encore plus d'atten-
tion que IesPhrygiens,& remarquerent les deux
cles&.m&me lew^.attributs infeparables de no-
treapötre. „ C'eft jf*»«*,merepondirent-ils:
» c'eft Janus. II eft aufll ancien que le cahos,
„ me dit Ovide, & c'eft le vieux cahos lui-me-
„ me. C'eft, me dit un autre, le fils de Creu-
u fe, fille d'Ere&hh, le premier roi du Latium,
j» le p remier qui aic deve' des temples &. qui ait
-ocr page 13-
( 14 )
„ «Stabil une religion panni les mortels; fon
„ nom vient de Janua ,porte, parce qu'il a ou-
,, vert unenouvellevie, parce qu'il preTide au
„ paffö & ä l'avenir, ä l'orient & äl'occident, &
,, auxportes de nos veftibules, de nos mai-
„ fons, &denosviIles. Ileftlepoffeffeur des
,, des,parce qu'il0uvre&vtu'üf*rmekfongr6
,, leciel&la terre , qu'il eitle mattre des tem-
,, ples & qu'il difpofe de la paix & de la guerre:
}> iln'eft pas un Romain qui neconfefTe l'^ten-
„ due de fon pouvoir; aufll c'efl: il par Janus
„ que nous ouvrons la journee en invoquant
„ lesDieux, & fon nom fe trouve en tecedans
,, toutes nos prieres. Ilefinotre m£diateur&
„ notre genie tutelaire, ainfi qu'il nous l'a fait
3, voir quand il nous a delivre' des Sabins par le
,, miracle fignale' de la porte Viminale. Enfin
„ c'efl: lui que nos pretres faliens appellent en-
,, coreleDieu des Dieux. Oui, fans doute,
„ reprit alorsMacrolee;cette image eft celle du
„ pluspuiffant& dumieuxfaifant des Dieux,
„ puifque c'eftle foleil lui-meme& le mairre
„ des uouze fignes du Zodiaque: fes attributs
„ font varies fuivant le temps & fuivant les
„ lieux;lors qu'il repreTente le cours folaire an-
„ nuel les doigts de fa main droite expriment
„ 300; & ceux de fa main gauche expriment 65
„ lorfqu'il reprefente fon cours journalier. On
„ met ce c»q ä fes pieds aufll bien qu'ä ceux de
j, Mercure, qui de meine eft regard^ comme un
„ meffager&un mddiateur entre Dieu &les
n homjnesjtnais quin'eft.ainfiquecette imag«
J
-ocr page 14-
OS)
i, de Janus*, que le foleil lui-meme".
En vain nretois je attendu ä une nouvelle
hiftoire, je reconnusfacilement celle desPhry-
giens, desGrecs& des Hebreux dans celle de
cesRomains;ieiareconnusdansces details, &
dans l'efprit de ces details, mais fur-tout dans
lesallufions&Iesjeuxdemotsquimeparurent
chez tous en avoir ete la bafe commune. Jeme
gardai bien de Ieur direce que je penfois de Ieur
legende; je nepenfaiqu'äJamknne&me dis
ä moi-meme: l'image de notre apötre a done ce
privilege d'etre reconnu par tous les yeux &
par tous les temps pour celle d'un chef ^e reli-
gion fur la terre, & d'un fouverain dans le ciel,
qui a le droit de le fermer & de l'ouvrir.
Ainfi ayant decouvert que par le moyen d'u-
»eformule primitive, e'etoitun fliint de tous
les ages, e'en fiitaffez pour moi, & fans cher-
c'ier une nouvelle inftruclion, mesid^es fe
fixerent & Ines vues s'etendirent tellement
qu'enfin je connus Pierre comme fi jel'euffe
fait moi-meme.Les differences que j'avois re-
marquäes entre quelques anecdotes de ces le-
gendes ne me parurent plus provenirque de la
difference meme deslangues qui s'e'oientplus
ou moins pretees ä favorifer les preventions
despeuples;je crutmemey diftinguerauffi les
Varietes que la religion de chaque age avoi't dii'
* Anuhis, Mercure Phenicien, eft aufil reprefente
"ans les monumens avec les deux cles de Janus. Le
co<j etoit je fymbole du foleil Knaiffani chaque
-ocr page 15-
C 16 )
neceffairement y mettre. Si, par exemple,
jH«»«6n'eftdans la Genefe qu'un Patriarche
, qui a vecu 365 ans, c'eft que les Hebreux qui fe
font tromp£s fur un embieme fo'.aire, n'en one
pu fake qu'un homme, leur loi leur ayant d&
fendu de faire des Dieux. Chez les Romains i-
dolätres, ce nombre chronique n'etoit que le
figne de I'office de Janus, mais ce Janus etoit a-
dored'euxcommeunDieufoleil quiouvroit &
qui fermoit les annees & les jours: & e'etoit en
confluence qu'ilsavoientdonne fon nom au
premi?r:des douze mois; & les douze fignes du
zodiaque done ces memes Romains faifoient le
cortege & les miniftres de Janus, ont du les re-
former en hommes ainfi que leur maltre, aus-
fkotquelamythologiea ete obligee de chan-
ger fon ancien langage.
11 feroit inutile de chercher les canaux qui
ont tranfmis d'äge en äge ces fingulieres legen-
des , & de vouloir connoltre tous les moyens
qui ont fervi ä en tranfmuer ainfi les objets en
certains temps. Ce feroit tenter un travail im-
pofIible,& Ton aura toujours fur ce fujetplus de
foupQon que d'idees nettes & precifes: ce qu'il
y a de plus certain & ce que l'exp^rience appu-
ye, c'eft qu'il n'y a pas d'abfurdite" ä laquelle on
ne doive s'attendre de la part du fanatifme joint
ä une fauffe fcience, & de la credulity j ointe
ä l'ignorance.
L'hiftoire de ces legendes doit appartenir &
l'origine meme des religions, qui toutes ont eu
ape naiffance obfeure & lent«, pendant la-
-ocr page 16-
(17)
quelle ces peuples ignorans & profilers ont
moinsinventedenouvelles legendes que cor-
rompu les anciennes, pour les approprier ä leux
nouvelle facon decroire& de voir les chofes.
Les hommes fönt bienmoins inventeurs qu'on
ne penfe en fait de religion.Ce n'eft pas cepen-
dantqueie vulgaire feul & Ie hafardaveclui y
aientuniquementprdfid^j ilyena aufli quel-
quefois un travail d'eiprit de la part de quel-
ques gens; & il eft ä croire qu'une longue habi-
tude ayant rendu certains etres & cenisines ide--
es necefTaires aux peuples,ceux qui les ont con-
duits les premiers par un autre chemin, ont
nueuxaimeleurmontrerfous un atitre afpeft
les objets primitifs de leur veneration que de
les fupprimer tout-ä-fait. II eftvrai qu'en cela
ces nouveaux condufteurs fe trompoient eux-
niemes, maisils gagnoientä tromper les au<-
tres; &iiss'embaraltbienCpeuque la nouvel-
le religion futla dupe de l'ancienne , pourvu
qu'ils enfure.it regardedparle peuple comme
resfondatenrs. Voilaquelleae'tependant plu-
ueurs fiecles la fource de tant de legendes apo-
cnphes & de tant d'ouvrages fuppofes. On
"'auroitpas tant preche la foi, s'ii y avoit eu de
la bonne foi.
Quoiqu'il nefoitpfus ne"ceuaire de montrer
que la legende de notre apötre ne contient rien
quin ait&econnudelaplus haute antiquiti,..
aJOutons cependant aux traits geneVaux que
"ous avoos appercus dans les Annac, les
'"*" & lesjams,ce que nous pourrons enca-
-ocr page 17-
( iS)
re appercevoir de particulier dans l'rnftoire
meme de Pierre.telle qu'elle eft recue aujourd -
huiparlesmoinscr&iules&ies plus raifonna-
bles. Nousyretrouveronscesmemes jeuxde
mots qui ontfiprodigieufementecendu es do-
maims
de la mythologie ,- ces memes allu ions
recherchees& cetefprit de figunfme quidece-
lentle gout cabaliftique de nos premiers ecn-
vains, tels qu'ils foient & tels qu'ils aient 6te.
Notre^a*»i moderne etoit, dit-en, te his
de Jobana», en Grec Joannes,^ Jean dans no-
tre laneue. Cenom%M'^bimfaifant, mije-
ricordieux&eeluiqmpurdonne.
On peut le re-
gardercommelaracinepiimitivedu Janus La-
tin que les pretres fallens nommoient Je*», Ja-
nes,
& d'autres ?•* On fem alors pourquoi
ce Dieu etoitchez les Romains la forte de l au-
dience des Dieux
&lecanal de l'invocauon, &
pourquoi lenom de jean eft joint i^celul de
Pierre dans nos prieres journaheres duioirtf
du matin.Quelquefois notre Janus apoftohaue
eft auffiappelle le fils de jona: ce n eft pas une
meprife fans doute, mais une autre allufionqui
nous avertit dene voir dans le Jonaqu a pie
dit laruine deNinive , quira««^'«
tence & qui aete accabled une grande trittelle,
qu'un5F««Affirien, c'eft-a-dire, unJnnac
ou un Henoch CI).
                  , ,.t <..mna
Le premier nom de notre apotreetoit Swm
(i) Jon. ch„ +.
A
-ocr page 18-
( 19)
(,*), ace que Ton dit encore; il fignifie ^»/2»
* tab li confiitue. Son autre nom Ctfhas, c'efl>
a'dire Pierre,\emb\e ainfi n'etre qu'une fuite du.
Premier: auifl fon maitrelui dit-il,en leluidon-
nan t,tuesPierrs& fur cettePiw/^jebatiraimon
Eglife: rien n'eft plus confequert/urtout dans
le genie-oriental. A cette promefle fon mat-
fte a jouta: les portesde l'enfer ne prevaudront
jamais contre eile: je te donnerai de plus les
cles du RoyaumedesCieux, & tout ce que tu
delieras fur la terre fera deliä dans le cief.Il fem-
ale ici que le texte auroit du dire en bonne Lo-
Rique, & tout ce que tu ouvriras fur la terre,.
fera ouvert dans leciel; car on nedelie pas a-
Vecunecle, maisonouvre. Cette irregulari-
ty dans l'expreflion vient du fon du motCephas,
»vec lequel on a voulu faire allufion dans le
refte dudifcours. On nepouvoit prendre cette
sllufion dans aucun des mots quillgnifioient
c'es, porter & ouvrir; mais la confonnance
& rctrouvoit dans Kephas, delivrer, mettre.
enliberte; & dans Cephas, Her, enchainer :
cetoitfansdoute une licence permife,a lafa-
veur de laquelle ce que la promefle nepouvoit
r^gulierement deriver du mot Cephas, ellele
tiroit de tous les fons voiiins.
Cegoüt particulier pour les alluflons, qui
•ait de l'hiftoire une efpece de logogryphie, fe
rencontre jusques dans la profeffion & la de>
»eure de Pierre. 11 etoitpecheur, dit S. Mat-
C ) Racine.
-ocr page 19-
( 10)
thieu, & de la ville de BethfaMe.ditS. Jean:cc
nom de ville veut dire maifon de la peche. El-
le etoit fituee fur le lac de Genezareth, non
löin de Geth Epber.anciennepatriede Jonas.
Perfonne n'ignore queJefus dit auili äPierre:
Pecheur de poiifons, \e te ferai pecheur d'hoin-
mes. Rien negate la fagacite cabaliftique, ei-
le ne neglige rien. En confluence de cette
exactitude, la barque de Pierre ne pourroic-elle
pas etre audi le vaifleau des medailles dejafcm,
l'arche de Noe, & lenavire de Jonas? Tous
ces gens d'ailleurs qui dattoient ou qui par-
loient du deluge ont couru de grands rifques
fur mer.
Ceux qui ont fait parier notre apötre dans fes
epitres, n'ont pas manque non plus de lui fai-
re tenir un langage oil il fut reconnoiifable.
S'il exhorte les fidelesa croire äTavenement de
Jefus , c'eft parce qu'il eft la pierrede I'angle ,
lapierre vivante , la pern de Sio»,
& qu'il faut
audi qu'ils foient tous des S. Pierres Spirituel-
les, fans quoi Jefus ne fera pour eux qu'une
pierre de chute, & qu'une pierre de fcandale.
Tout eft Pierre avec Pierre, i. Ep. ch. 2'.
Les cles du Ciel dont il eft parle dans la pro-
meffe y font en oppofition aux portesde l'En-
fer, ces elds devoient appartenir ä Pierre puis-
qu'il etoit predeftine pour reunir en fa perfon-
ne lepouvoir des Hermes, des Henoch & des
Janus: mais ilavoit auili fur ces cles un droit
dire£t& perfonnel qu'il ne tenoitque de (on
Horn & qu'il importede counottre. La reu«.
M
-ocr page 20-
C st )
»ton de ces deux droits fur fa tete eft la fuite du
concours le plus fingulierdes anciennes Ian-
sues, Kcette ddcouverte tient ä une dtymo-
'ogie delicate, qu'il eft cependant neceffaire
«approfondir pour arriveralapleineconnois-
«ncedenotreobj'et.
*K^e^0t ^e Pierren'ea> commeon fait, que la
wadudion francoife du Petra desLatins, du Pe-
'»»deiGrecs.&diiC^« desOrientaux,&
ngnifte communement ce que nous enten-
«°nsparunepierre, un cai]Iou> m xQ
naisfi, quant au fon, nous le confiderons
^ornme^unmotHe'breuouPhdnicien, il fieni-
Je ouvnr, & il doit s'dcrire^Vr, dont la racine
Vp,k ' a ouvert- Lesautres temps de ce
croe ne nous font pas moins connoltre ce fon
£ purre avec 1'ideVhiitorique que nous y atta-
ins comme a un nom d'homme. On y trouve
r.fui ' J"ai ouvert; Piiretha masculin, & Pia.
cl.iteminin tu a ouvert; & Pttreth ou Poereth
^ne
qui ouvre & ce qui ouvre.
Si cet accord n'etoit du qu'au hafard, on au-
fs-1 eJlcor?lieu d'etre furpris de trouver ce ha-
«d dans l'hiftoire d'un apötre qui a le droit
ouvnr; mats ficen'en eft point un, comme
raLi°ÄteVra,lfembIance' on demanderaquel
iX & ?>UelIe anaI°gie il y a entre ce que
ten^PpeIlons u?e pierre & ce que nous en-
» Äpar mvnr> & cone "tte analoge
Orie connue des anciens & furtout des
fondU •X'qui ne dev°tont point attacher aa
«tf«,, ouvrir, i'idee que nous y attachons
-ocr page 21-
{ 22 )
virigairement de P'tern & de Caillou. Cher-
chons d'abordfi l'analogie des fonsa 6tä con-
nue de l'antiquite\
Entre les därivtSs de paar & de^i<r & dans !es
modes des conjugaifons de ce verbe oü il
prend des lettres prefixes, je trouve apasr, fox.
vrirai, &.epaer,]e feralouvert.
Or ces fons nous
avertiuent que le Latin aperire, autfi bien que
le Francois ouvrir qui tienc lieu d'averire on
d'auvrlre, font derives dapaar & dapier Orien»
tal. Ileneft dememedi.i/>eiredesGrecs. Ls
mot Potreth cite ci-deffus & qui figniSe telle ^.i
tuvretkee<iaiouvre,
apuauffife lireporthdans
la prononciation, Stlemot^orta des Latins en
derive fi naturellement qu'ils n'ont pu dans
leur langue le deliver que d'aperta. Ofons ac-
tuellement & pourun moment-en deriver aus-
fi Petra, & meme Petrus, comme s'ilvenoit
d'apertus, puisqu'il apu Ce faire que les derives
d'aperire aient plus d'une fois perdu la prefixes
qui fe trouve incorporee dans tons les modes
du verbeLatin,contre I'ufage desOiientaux qui
nel'emp'.oyoient que.pour certains temps, &
contre I'ufage des Grecs, qui dans Peira&dans
fes derives Tont rejettee tout-ä-fait. Voilä pour
l'analogie des fons: chercnons quelle a pu e-
tre l'analogie des fens & quel rapport il y a,
parexemple, entre porta. unejwe, une.o»-
verturt, kpetra, une pierre.
La plupart des arts St des chofes, utiles ont
ete fouvent trouvees par hafard. On pretend
«me lesincendies des volcans ont fait deca«-
;
-ocr page 22-
( »? )
yrir lesmetaux, ce qui eft. eres vraisemblabfei
il en a pu etre de memedes pierres & des car-
rieres: elles n'aurontetetrouvees& connues
que paries fences & les ouvertures naturelles
&accidentelles, & enfuite par celles que 1'in-
duflrie butnaine aura faites pour imiter ou pour
aider la nature qui lui montroit une chofe utile:
de-lä les premieres carrieres auront ete appel-
lees (implement foeroth, des ouvertures, & ce
tteme nom aura ete donne par la fuite ä ce
lu'on entiroit: c'eftainfique nous appellons
"«»e le mdtal que nous tirons des mines.
Nous pouvons done conjefturer que les pre-
miers Grecs auront fait de poeroht d'abord fo-
r»th&fottroth,&.er\ün,pons&petrt>s,
qui nen
font que des matathefes & des dialeftes; que
nos predeceffeurs auront fait fernere * pour fig-
nifier une carriere, &pitrre pour defigner ce
lue Ton en tire. Pour donnerä cette conjec-
ture toute la force quelle peut avoir, je rappel«
terai que le,peiro des Grecs fignifioitoMxrir avec
effort, faire paflage en creuünt, & quefon de-
rive ^<>r« joignoitala fignification de/n>»,de"
forte & depajfage, celle d'un lieu pierreux.
Obfervonsenfiniflänt, fur cet aride rriais
fingulier fujet, queces rapports de fons & de
•fens dans les derives Occidentaux du mot Qri-
* Cetermede terriere eft beaucoup.plus d'ufage
«9ns nos provinces que celui de carriere. je. loucponne
5*e ce dernier termevient de Carah , ireußr Sc fou-
"""■: peut-ctre viant-ü des caneaux que Ton
-ocr page 23-
(«4)
ental ne fe trouvent point dans l'Orient. Les
mots depierre & forte y ont ehacun leur origine
& leur racine diftin&e & particuliere. C'eft
une fingularite de plus, mais elle nous oblige
d'admettre le concours des Grecs & des Latins
avec les H^breux, dans la conpoluion des fa-
bles qui concernent notre apdtre; c'eft ce
qu'on a deja du preffentir d'ailleurs.
L'analogieetantcomme notre mot Francois
fierre, lapis, & le mot Hebreu/rer, ouvrir ,
ainfiqueles allufions qui enont^te lafuite, il
importeencore de favoir que de ce mememöt
Orientaletoitfortilenomd'un autre etre my-
thologique fort connu de premiers Ifraelites &
des peuples leurs voifins, c'eft celui de l'idole
Peer, adored par les Moabites &lesMadiani-
tes. Quelquefois cette idole eft appellee Baal-
Peer,
c'eft-ä-dire le feigneur Peer; & la Vulgate
l'ecrit tantöt Ohegor & tantöt Beel-Bbogor, ä
caufe de diverfes pronunciations del'ajin(*).
Les interpretes qui n'ont eu auCune dtendue
de connoiffance furl'idolatrie.ont dit que le
Dieu Peor etoit une idole d'ordttre & de nudite,
parce qu'en Latin aferire peut fignifier decou-
vrir
(*) II paroit^ne cette pronoaciation de 1'Ajin en
fn'ctoit pas fort ufitöe des aneiens. Les Grecsavoieat
ait de pier -rcvya & non Ksiia, & les Latins«»
pegrio & non aptrio jd'ailleurs les tradu&eurs de la Vul -
gate ne font pas conftans dans leurs principes fnr
I'ajin. Pour les fuivre exaftement ,' jls auroient
du dire Btgel-Pbe&or, puisqu'il y a un ajin dans
Baal.
-ocr page 24-
( is)
"vrir auffi bien qaouvrir, mais en H.tLbrcvi.paar'
defigne {Implement ce que nous entendons par
euvrir, c'eft ä-dire faire Ouvertüre : auffi Peor
nefignifie-t-il qu'apertor & janitor, celuiquio»-
vre, U portier; & c'eft encore un Janus.anti-
flue deiaPbinicie, quifouslenom de Belphe-
gor
n'eft plus aujourd'hui connu que dans la dc-
tnonotnanh.
Pour s'inftrui're defa veritable ou du moins
de fa primitive fonftion, il ne faut qu'exami-
nerletems & la circonftance oil il en eft fait
toendon. Les Ifraelites avoient err6 dans le deV
fertquarante annees & sy etoient livrds ä di-
verfes idolatries fucceffives, lorsqu'ilss'adres-
fereut enfin au Dieu Peor. Quoique leur feu-
le fuperftition put rendre raifon de ces cukes
infenfes,on doit remarquer nöanmoins qu'ils a-
Voient recours ä ces cultes fuivant leur fituation
& felon la nature de leurs befoins.Si des le com-
mencement ilsfe fonf fait unveau d'or, c'etoit,
commeonfäit, pour reprefenter leur condiic-
teurqu'ilscroyoient perdu; &ft, furlafinde
leur long pcSl^iinage, lorfqu'ils etoient devant
Jericho prets de paffer lejourdain &'prets d'en-
trer dans cette terre promife, ils ont eu re-
cours äune nouvelle Divinite', la circonftance
Housditque c'etoit pour en obtenir un heu-
reux paffage, pour qu'elle leur ouvnt enfin un
Pays qui leur avoit ete fi longtemps firme ; &
'e nom de Dieu fi longtemps invoquäen eftu-
ne demonftration. C'eft de plus aupres du
temple de Peor que Mo'ife qui ne devoit point
B
-ocr page 25-
( *6)
entrer en Canaan mourut & fut eiifeveli. Ne
faliok-il pas que celui qui ne devoit poiiit
franchirlepaifage mourut ä Youverturt iScpres
du Portier de la terre promife ? Ce tour hiftori-
que eft digne du genie Hdbreu: aufli toute cet-
tebiftoire ne me paroit-elle qu'nne alldgorie
oü les lieux font ajuftds aux noms & les noms
aux lieux,& oil les faits font toujours facrifife ä
: 3'illufion comme dans tout le rette de ces anna-
les. Si ce Mo'ife , dont onn'a jamais trouve la
fepulture& que les rabins difent enleve1 comme
Benocb,& quePierre a vu en effet fur leThabor
svecfi/«, (autre finge d'Henoch)n'etoit lui-me-
jne que ce Dieu Peer, cela feroit fans doute as-
fez plaifaat, & n'eft pas fans vraifemblan-
.ce. (*)
Mais it faut quitter ce Pwr,content de 1'avoir
trouve & reconnupour ce qu'il eft. Sonnom
au refte a puproduiredireftement & par une
fuccefTion de diale&es le nom de notre apötre,
en fe confervant dans les contre>s Ori.entales
• comme un nom propre qui a pu infenfible-
ment fe changer en peir & en f itr. Defagonou
d'autre, il n'en eft pas moins certain que ce
Bom Apoftolique eft des plus antiques ,& qu'il
a ete connu des plus anciens mythologiftes
(v\ Nous noterons encore fur ce mot deP«r,quc
les Arabes & les Syriens s'en fervent ponr exprimer les
ouvertures&lesfeiuesdesmontagnes. Delä fa«s dou-
te eft venu l'ufage d'appeller certaines val lees des par-
tis
On adit les Perm Cefpienw. Bibl. Chois, de le
Clerc. Tom. 7.
-ocr page 26-
( ^7 )
CöiBme des modernes, pour le nom d'une puis-
fance fupdrieure qui avoit le pouvoir des
des.
11 nous rede tres peu de chofe ä obferver
dans notre legende, maisce peu eft encore uti-
le &va confirmer-ces dernieres ddcouvertes.On
rernarquera done que lorfqu'il eft queftion de
Pierre dans l'Ecriture & dans les traditions, il
y eft pre'fque töajours aufli queftion de porte,
&qucc'e(täla porte que fe paffent les dvdne-
mens ies plus intereflans de fa vie.
De\ja nousavonsvuquelesportesde l'enfet
ne preVaudront jamais contre Ja puiffance.
C'eftenfuiteäla porte d'un veftibule qu'll
renonce le bon maitre qui l'a combld de pro-
meffes &quiluipardonnefurle champ,
Celt ä la belle forte du temple qu'avec Jean
fon collegue il guerit un boiteux; peut-etre en
eft-il de ce miracle comme de celui de Janus a
la porte Viminale.
Lorfqu'HerodesIefakmettreen prifon , la
porte de fer s'ouvre d'elle-meme. Pierre fe fau-
vechez5w»&frappeä in forte. Une fervante
aecourt, entendfavoix&le laiffe frapperä la
forte .pourapprendre äla compagnie que Pier-
re eft &\a forte.
Quand les/wfwdes prifons de Rome lui font
ouvertes, Pierrtfefauve de meine; mais ar-
rive' ä la forte de la ville, Jefus lui äpparolt.l'air-
*ete & l'engage ä fe faire crueifier: Pierre j
c°nfent: il retourne, il eft pris & crueifiö la te-
le en bas; & pour que tout foit exact dans fa 16-
-ocr page 27-
( 18 )
pende, la tradition rapporte que c'eft fur le
Janicule qu'il aconfomme' fon facrifice. Voilä
cequia ett5 dit, 6crn, &, ce qui eft plus 6-
tonnant, ce quiae-tecru. (*)
Tel eft le digne complement & la fin de cette
hiftoire, hifloire fabuleufe ä la verity, mais qui
furpafle en antiquity tout ce qu'on pouvoit en
attendre, &cen.'eft pas une petite confide'ra-
tion.Elle nous a d^couvert des chofes que nous
ne favions.pas ,& c'eft.encor.e un merite. Nous
ignorions, parexemple, que lorfque les hom-
ines ont quitt£ le Paganifme pour la religion
Chr<5tienne, lesDieux n'ontpas e'te' les der-
niers ä fe convertir auffi, & que plufieurs d'en-
.tr'eux ont quitte' le ciel Poetique pour aller en
Paradis. C'eft fort bien fait ä eux fans doute,
mais c'eft encore mieuxfait a nous d'en 6tre in-
ftruitsaujourd'hui, apresl'avoir ignore' pendant
,tant defitcles. Refte ä favoir s'ils y refteront
longtemps.
On eft de\jä dansle-goüt de donner la chalfe ä
cesanciensobietsdelacrtklulite' des peuples;
&plus d'un Theologien meine a montr^ dans
ce fiecle ce nouveau zele. II eft vrai qu'ils ne fe
font encore adrelRs qu'aux plus petits & aux
foibles; ce qui n'eft pas montrer un veritable
courage, «iprendre le plus für moyen d'e^pou-
vanter les autres & d'abr^ger cette grande ope-
ration. II conviendroit dans ce genre de com-
bat, comme dans tous les autres, de commea-
(*) Hift. Eccl. de Flenri. T, 1, 2. p. nz.
-ocr page 28-
(29)
osrpar sttaquer les premiers & les cbefc de ces
idoies Watifiees: la dtsroute d'une armöe efl or*
uinairementlafuitedelaprifedu G^ndral. Ea
»oici un que je viens de prendre. Je vous Is
1'vre, Meffieurs les Th^ologiens: Frappez
!ePafleur& les Br^bis feront difperföes; car
vous n'ignorez pas qu'il faut que les predictions
s'accompliiTent.
Lorfque Ton aura preTente" & analyfe" de la
forte une vingtaine de Legendes, tant ancien-
nes que modernes, petit-Stre arrivera-t-on a
la connoiffance du vrai fyftime de lä myt'bolo-
giefacree & profane (s'il yen a un). Aumoins
en les comparant enfemble, onpourra apperce-
voir que! en aura 6te" le premier fond & de quel-
le part feront venusleursornemens & leur va-
riete". Nous n'anticiperonspoint fur ce qui ne
peut-etrequele.reTultat & l'efl'e't du concours
deplufieurslegendes; marscelle-ci eft aflezd-
tendue & diverflfiöe.pour que nous puiflions en
tirer une lec,on generale &un principe que les.
autres ne pourront que confirmer.
S'il n'yavoiteu qu'yne feule langue fur la
ferre, iin'y auroit point eu de mythofogie, ou,
'• n'y en auroit cu qu'tme.
B 3
-ocr page 29-
( 3°)
REFLEXIONS
D E
L'EMPEREUR JULIEN
SUR LES DOGMES
D E L A
/
RELIGION CHRETIENNE.
TRADUIT du GREC.
Un temps viendra, oh Vitude £? appli-
cation de nos neveux divoileront tons ces
tnyßeres
; unjour nos defcendans jerontfur-
}>ris, que nous ayonspu ignorer des chofes
auß claires, & dont la de'couverte etoit fi
aijie.
Seneque Ouefl: Nat: Zibr.VII. Ch. 25.
IL m'a paru ä propos d'expofer, ä la vue de
tout le monde, les raifons que. j'ai eues de
me perfuader, que la Sefte des Galileens
n'eft qu'une fourberiepurement humaine, &
malicieurement inventee, qui , n'aiant rien
de divin, eft pourtant venue ä bout de feduire
-ocr page 30-
C3i )
les efprifö foibles, & d'abufer de l'affecYion que
leg hbinsies ont pour les fables, en dormant u-
tie couleur de verity Sc de perfuafion ä- des flec-
tions prodigieufes.
]e parlerai d'abord de tous les differents
Dogmes des Chretiens, afin que, fi quelques-
unsdeceux, quilironteet outrage, veulent
y rdpondre, ils fuivent la mdthode etablie dans -
les Tribunauxjudiciaires; .qu'ilsn'agitentpas
une autre caufe, & qu'ils n'aient pas recours a
line recrimination, qui ne.peut fervir ä rien,
s'ils n'ont auparavant detruit les accufations
dont on les charge,& juftifie les Dogmes qu'ils .
foutiennent. En fuivant cette maxime, leur
defFenfe, fi eile eft bonne, en fera plus clai-
re, plusvdrtdique, &plus propre ä ddtruire
nos reproches.
II eft d'abord ndceflaired'&ablir, en pen de
paroles, d'oü.nous vient l'idde de Dieu, &
qiielle eft celle que nous devons en avoir. En«
fuite nous comparerons la notion qu'en ont les
Grecs avec.celle des Hdbreux: & apres les a-
voirexaminees toutesles deux, nous interro-
gerons les Galileans, quine penfent ni com-
me les Grecs ni comme les He-breux.Nous leur
demanderons, fur quoi ils fe fon.dent, pour
prdferer leurs fentiments aux nötres, d'autant
qu'ils en ont changd fouvent, & qu'apres s'e*
tre eloigned des premiers, ils ont embrafle un
genre de vie different decelui de tous les au-
ttes hommes. Ils pretendent qu'il n'y a rien de
b°n & d'honnete chez les Grecs & cbez les He«
B 4
-ocr page 31-
(3-)
Lreux, eependantils fe font appropries, non
les vertus, mais !es vices de ces deux Nations.,
lis ont puifö chez les Juifs la haine implaca-
ble contretoutes les differentes religions des
Nations; & legenrede vie infame &m£prifa-
ble , qu'ils pratiquent dans la pareffe & dans la
legerete, ils Tont pris des Grecs. C'eft la ca
qu'ils regardent comme le veritable culte de la
Divinite.
11 faut convenir que, par mi le bas peuple.les
Grecs ont cru & invente des fables ridicules,
Tnememonftrueufes. Ces homines fimples &
vulgaires ont dit, que Saturne aiant de vore* fes
enfansiesavoitvomis enfuite; que Jupiter a-
voit fait un manage inceftueux, & donna pour
Epoux ä fa propre fille un enfant, qu'il avoit eu
d'un commerce criminel. A ces contes ab-
furdes on ajoüte ceux du demembrement de
Bacchus, & du replacement de les membres.
Ces fables font repanduesparmilebas peuple;
maisvoions comment penfent les gens dclai-
x£s. Examinons ce qu'ont dit Us Legislateurs ca*
les Philofiphes.
ConfideronscequcPlaton e^crit de Dieu &
de fon effence ,• & faifons attention ä la manie-
redontil s'exprimelorsqu'il parle de la crea-
tion du monde, & de l'Etre fuprö-me qui l'a for-
me\ Oppofons enfuite ce Philofophe Grec i
Moife, &voionsquidesdeuxaparlede Dieu
avec plus de grandeur &dedigniti. Nous d£-
couvrirons alors aifement, qual eft celui qui
merke le plus-d'etre admire, & de parkr de
J
-ocr page 32-
C 330
FECre fupreme; cm Platon qui admit les Tern«
pies & les fimulacres des Dieux, ou Moi'fe qui,
felon I'Ecritore, converfoic face ä face & fa-
milidrement avec Dieu. Au commencement,
dit cet Hebreux (*) Dieu fit le Ciel ey la Terre; la
Terre etoitvuide *&fans forme ,i? les tenebres e-
toient fur la fur face de I'abime; v"l'Efprit de Dien
etoit porte fur la fur face des Eaux. Et Dieu dit que
la lumiere foit
, o1 la lumiere fut; Et Dieu vit que
la lumiere etoit bonne; V Dieufepara la lumiere
des tenebres
: v Dieu appelia la Lumiere jour, &
ilappella les tenebres la nuit. Ainfifui lefoir, ain-
fifut le matin; ce futle premier jour. Et Dieu dit
quil y ait un firmament an milieu des Eaux;
©•
Dieu nomma le Firmament le Ciel; zr Dieu dit
que I'eau, qui eft fousle Ciel, fe rajjemble enfem-
ble afin que le fee paroiffe
; V cela fut fait. Et
Dieu dit que la Terre porte I'her be e? les Arbret,
Et Dieu dit quil fe fajjfe deux grands iuminai'e>
dans l'etendue des Cieux pour eclairer le Ciel
o*
la Terrs. Et Dieu lesplaca dans le firmament du
Ciel, pour luire fur la terre
, v pour faire I*
nuit & le jour.
Remarquons d'abord que dans toute cette
narration Moyfe ne dit pas, que i'abirne ait
&eproduit par Dieu; il garde lememe fiience
furl'eau& fur les tenebres; mais pourquoi,
aiant&ritque la lumiere avoit 6t£ produite
parDieu, nes'eft-ilpasexpliqu<5de niemefui
C*) Genefe, Chap. I. v. i, fcfitf vans. •
B5
-ocr page 33-
(34 3
lestenebres, furl'eau&furl'abime? Am con-
traire,il paroit les regarder comme des Etres
pre exiftans,&ne fait aucune mention de leur
creation. De meine ilnedit pas un mot des An-
ges; dans toute la relation de la creation il n'en
eft fait aucune mention. Onuepeut rien ap-
prendre qui nous inftruife, quand, comment,
de quelle maniere,& pourquoi ils ont ete crees.
JVloyfe parle cependant amplement de la for-
mation de tous les Etres corporels, qui font
contenus dans le Ciel & fur la Terre; enforte
qu'il femble que cet Hebreux ait cru.que Dieu
n'avoit a6€ aucun Etre incorporel, mais qu'il
avoit feulement arrange la matiere qui lui ätoit
aflüjettte. Cela paroit Evident par ce qu'il dit
de la Terre. (i)Et la terre itoit vuide & fans
forme.
On comprend aifement que Moyfe a
vouludire, que la matiere etoit une fubftance
humide, informe Steternelle qui avoit ete ar-
rangee par Dieu.
Comparons la difference des raifons, pour
lesquelles le Dieu de Platon & le Dieu de Moy-
fe creel emonde. (2)Dieu dit, felon Moyfe,
faifons l'homme a, notre image & a. notre rejjem-
blance.pour qu'il dominefur les poijfons de la Mer,
©• fur les oifeaux des Cieux , &fur les bites,& fur
toute la Terre
, & fur les reptiles qui rambent fur
\a Terre. Et Dieußt l'homme a [on image
, V il les
frea male tyfemelle, & il leur dit; crofßes, mul-
tiplies
, remplijjes la Terre, commandes auxpois-
\
i) Genefe, Chap. 1.
i) Genefe, Chap. I. v. *«.'
-ocr page 34-
C 350
fans de la Mir, aux volatUles des Chun, »toutes
les bites
, a tons Us befiiaux , v a toute la Terre.
Entendons a&uellement parier le Crea-
teur de i'univers par la bouche de Platon.Vo»
ions les difcours que luipretecephilofbpbe.
„ Dieux! moiqui fuis vötre Crc5ateur & celui
,, detouslesEtres, jevous annonce, que les
„ chofes que j'ai cree.es ne periront pas, par-
» ce que les aiant produites je veux qu'elles fo-
„ ient<;ternelles. lieft vraiquetoutes lescho-
„ fes conftruites peuvent etre detruites; ce- ■
,, pendant il n'eft pas dans l'ordre de la juftice ■
„ dedetruire, cequia ete produit par la rai" ■
;, fon. Aiiifi quoique vous aies etc creeps im-
,, mortels, vous ne l'etes pas invinciblement
,,.& necefiairement par votre nature, inais ■•
a, vous l'etes par ma volonte. Vousne ;n';irös
„ done jamais, &la mort ne pourra rtsn Air
,, vous;car ma volonte eft infiniment plus puis- ■
„ fantepour vötre eternite1 que la nature, & les
„qualites que vous recutes lors de vötre for-
„ matk>n.Appren£s done ce que je vais vous
„ decouvrir.IlnousreftjtroisdiiFerentsganres j
>, d'Etres mortels. Si nous les oublions, ou
„ que nousen ommettionsquelqu'un,' laper-
j, feftion de 1'Univers n'aurapas lieu, & tous
,, Ies differens genres d'Etres, qui font dans -
,, l'arrangement du monde, ne ferontpas ani-
>, mes. Si je les cree avec 1'avantage d'etre
>, douesdela vie, alors ils feront necefTaire-
» ment egaux aux Dieux. Afin done que les E-;
» tresd'une condition mortelle föient enges.-i
B ..(■'-
-ocr page 35-
( 3<5)
„ dr&.&cetuniveis rendu parfait, recevie"s
", pour vötre partnge,le droit d'engendrer des
Creatures, imit^s des vötre naiflaxe la for-
ce de mon pouvoir. L'effence immortelle,
quevous avds recue, neferajamais altered
lorsqu' ä cette eiTence vous ajouteris une
, partie mortelle; produifds des Creatures.en-
", gendres, nourriffes-vous d'alimens, & re-
\ par£s les pertes de cette partie animal e &
., mortelle. "
Confid6rons fi cequeditici Platon doit etre
traiti de fonge & de vifion. Ce Philofophe
nomine des Dieux que nouspouvons voir, le
Soleil.laLune, les Aftres&les Cieux: mais
toutes ces chofes ne font que les fimulacres
d'Etres immortels, que nousne faurions apper-
cevoir.Lorsque nous confiderons le foleil.nous
regardons l'image d'une chofe intelligible &
que nous nepourrons d^couvrir: il en ell de
memequand nous jettons les yeux fur la lime
ou fur quelque autre aftre. Tous ces corps nia-
t<5riels ne font que les fimulacres des Etres, que
nous ne pouvons concevoir que par l'efprit.
Platon a done parfaitement connu tous ces
Dieux invifibles.qui exiftent par leDieti & dans
Je Dieu fupreme, & qui ont ete" faits & ergen-
dres par lui. Le Cröateur du Ciel, de la Terre,
&delaMer, e^antaufficeluides Aftres, qui
nous reprefentent les Dieux invifibles, dont
ils font les fimulacres.
Remarquons avec quelle fagefles'exphque
Platon dans la creation des Etres mortels. U
-ocr page 36-
( 37)
tn»nqut; dit-il, treisgenresc?Etresmonth;ci±
luides hommes, des bites v des flantes
, (car'
cestroisefpecesfont feparöes par leurs difFei-
renteseffence^.) Siquelquunde cesgenres d'E-
ires eft creepar mot, ilfaut qu'il Joit ahfolttment
&neceßalrement immortel.
Or fi le monde, que
nous appercevons, & les Dieux ne jouiflent de
i'immortalitiqueparcequ'ils ont iti cre&par
le Dieu fupreme, de qui toutce qui eftimnior»
tel doit avoir regu I'Etre & la naiflance , il s'en-
fuit que l'ame raifonnable eft immortelle par
cette meme raifon.Mais le Dieu fupreme a cede*
aux Dieux fubakerteslepouvoir de cr^er, ce
qu'il y a de mortel dans le genre des hommes:
ces Dieux, aiant regude leurPere & deleur
Cr^ateur cette puiffance, ont-produit fur la teir-
re les differents genres d'animaux-, puisqu'fT
cut fallu, fi le Dieu fupreme eut-6töe*galement
le createur de tous les Etres, qu'il n'y eut eu
aucune difference entre le Ciel & l'hemme,en-
tre Jupiter & les ferpens, les betes-fereces, les
poiflbns. Mais puisqu'i! y aun intervalie im-
menfe entre les Etres immorteis & les mortels,
les prem iers ne pouvant etre ni ameliores ni de-
tejiores, les feconds t(tantfoumis,aucontrai-
re, aux changemens en bien & en mal, il fa I.
loitnexeflairementquelacaufe, quia produit
les uns, fut difference de celle qui a cr66 les ait-
tres.
Iln'eftpas nekeflaire que j'aie recours au«
Grecs &auxHebreux, pour prouver qu'il ya
une difference immenfe entre les Dieux cr£&
ß7
-ocr page 37-
( 35)
par 1'Etrefupreme, & les etres mortels produits
par ces Dieux crees. Quel eft, par exemplc,
l'homme qui ne fente en lui-meme la divinite du
Ciel, & qui n'eleve fes mains ve^lui, lorsqu'il
prie & qu'il adore 1'Etre fupreme ou les autres
Dteux? Cen'eft pas fans caufe, que ce fenci-
mentdereiigionenfaveurdu foleil & des au-
tres aftres eft etabli dans l'efprit des homines,
lis fe font appercus qu'il n'arrivoit jamais au-
cun changement dans les chofes celeftes;qu'el-
les n'etoient fujettes ni iraugmentation ni ä la
diminution; qu'elles alloient toujours d'un
mouvement egal, & qu'elles confervoient les
memes regies. (Lesloix ducours de la lune ,
du lever, du coucher du foleil aiant toujours
lieu dans les terns marques.) De cet ordre ad-
mirable les hommes ont conclu avec raifon,
queleSoIeiletoitun Dieuoula demeure d'u»
Dieu. Carune chofe , qui eft par fa nature ä
l'abri du changement, ne peutetrefujetteäk
mort; & ce qui n'eft point fujet ä la mort, doit
etre exempt de toute imperfection. Nous vo-
ionsqu'unEtre qui eft immortel & immuable
ne peut etre port£ & mu dans J'Univers, que
par uneame divine & parfaite: qui eft dans lui,
ou p ~ un mouvement qu'il recoit de 1'Etre fu-
pre" ; ainfi qu'eft celui que je crois qu'a l'ame
des /ommes..
? .aminons äprefentl'opinion des Juifs fur
ce Jui arriva ä Adam & ä Eve dans ce Jardin,
fait pour leur demeure, & qui avoit &e planti
-ocr page 38-
( 39 )
par Dieu meme. (*)ll rieft pas boa, ditDieu,
quel'kommefoitfiul. Faifonslui utte Compagnt
qui putfle I'aider z?qui lut rejfembie.
Cependant
cette com'pagne non feulementne lui eft d'au-
cun fecours, mais eile ne feit qu'ä le tromper,
al'induiredanslepiegequ'elle lui tend, &ä le
faire chaffer du Paradis. Quipeut, dans cette
narration, nepas voir clairementles fables les
plusincroiables? Dieu devoit fans doute con-
noltre, quecequ'il regardoit comme un fe-
cours pour Adam feroitfaperte, &queIacom-
pagne qu'il lui donnoit dtoit un mal plutöt
qu'un bien pour lui. ..
Que dirons-nous duferpent qui parloit avec
Eve ? de quel langage fe fervit-il ? fut-ce de
celui de Fhomme? y a-t-il rien de plus ridi-
dule dans les fables populaires des Grecs?
N'eft - ce pas la plus grande des abfurdite's
de dire que Dieu aiant cree Adam & Eve,
leur interdit la connoiffance du bien & du
mal? quelle.eft la creature qui puiffe etre
plus ftupide, que cells qui ignore le bien &
le mal, & qui ne fauroit les diftinguer? II
eft evident qu'elle ne peut, dans aucu'neoc-
cafiou, eviter le crime ni fuivre la vertu, puis-
qu'elle ignore ce qui eft crime, & ce ^uieft
vertu. Dieu avoit deffendu ä 1'hon e de
goüter du fruit, qui pouvoit feul le re e fa-
ge & prudent. Quel eft Phomme affez '.upi»
de pour nepas fentir, que fans la coi ais«
(*) Gtnefe, Chap» II. v. is..
-ocr page 39-
(4*y
fance du bien & du mal, il eft impoffible k
I'homme d'avoir aucune prudence?
Le ferpent n'etoit done point ennemi du
genre-humain, en lui apprenant ä connoitre
ce qui pöuvoit le rendre fage; mais Dieu lui
portoit envie, car Lorsquilvit, que I'homme
Itoit devenu capable de diftinguer la vertu ia
vice, il le chaffa du paradis terreftre , dans
]a cr'ainte qu'il'ne goutät du bois de l'arbre
de vie, en lui difaht: (*) Voki Mam, qui
eß devenu comme l'un de nous, Jachant le bien
er le mal; mais pour qu'il rietende pas mam-
tenant fa main, qu'il ne prenne pas du bois de
la vie, qu'il n'en mange pas, w qu'il ne vienne
pas avivre toujours, fEternel Dieu le met hers
dujardin d'Eden..
Qu-eft-cequ'unefembla-
~ble narration? on ne-peut l'excufer qu'en di-
faht, qu'elle eft une fable allegorique, qui
cache un fens fe'eret. Quant ä moi, je ne
trouve, dans tout cedifcours, quebeaucoup
de blafphemes contre la vraie eflence & la
vraie nature, de Dieu, qui ignore, que la fem-
me qu'il donne pour Compagne & pour fe-
cours ä Adam, fera la caufe de fon crime; qui
interdit ä I'homme la connoiflfance du bien
& du mal, la feUle chofe qui püt regier
fes mceurs, & quicraint que ce meme hom-
me, apres avoir pris de l'arbre de vie , n»
devienne immortel. Une pareille-crainte,
(*) Genele, Chap. III. r. a,
-ocr page 40-
( 4 t )
& une eavie femblable conviennent-eiles ä k
nature de Dieu?
Le peu de chofes raifonnables que les He«
breux one dit de l'efTence de Dieu, nos Pe-
res, des les premiers.Siecles, nousenontin-
ftruk: & cette Doctrine qu'ils s'attribuenteft
Ja nötre. Moyfenenous arienappris de plus;
lui qui parlant plufieurs fois des Anges, qui
executent les ordres de Dieu, n'a rien ofö
nous dire, dans aucun endroit, de la nature
de ces Anges: s'ils font crees,ou s'ilsfontin-
crees, s'ils ont ete faits par Dieu ou par une
autre caufe, s'ils obe'iffent ä d'autres Etres.
Comment Moyfea-t-il pü garder, fur tout ce-
la, un filence obftinö, apres avoir parle1 fi
amplement de la creation du Ciel & de la Ter-
re, des chofes qui les ornent & qui y font con-
cenues? Remarquons ici, queMoyfedit, que
Dieu ordonna que plufieurs chofes fuffent fai-
tes ([)>c°mme lejour , la lumiere, le rirma-
pa-ent: qu'il en fit plufieurs lui-meme comme
(2) le Ciel, laTerre, IeSoleil, la Lune; &
qu'il fepara celles qu|exiftoientdeja, coimne
l'eau &l'aride. D'ailleurs Moyfe n'ä ofe rien
ecrire ni fur la nature ni fur la creation del'Ef-
prit. II s'eft contente de dire vaguement, (3)
i#'ilitoit parte fur Its eaux. Mais cet Efprit,
(0 Genefe. Chnp i.
(2) Geneie. Chip. i.
(ij Gene(e, C*ap. 1,
-ocr page 41-
C.4*-)
porte fur les eaux, etoit-il cre£, t?toit-il in«
cree?
Com me il eft evident, que Moyfe n'a point
aflez examine & explique les chofes, qui
concernent le Cr^ateur & la creation de ce
monde,,je comparerai les differents fenti-
ments des Hebreux & de nos Peres fur ce fu-
jet. Moyfe dit, que le Createur du monde
choillt pour fon Peuple la nation des Hebreux,
qu'il eutpour eile toute ia predilection poffi-
ble, qu'ilenpntun foin particulier, & qu'il
ndgligea pour eile tous lesautres Peuples de la
Terre Moyfe, en effet, ne dit pas un feul
mot, pour expliquer comment les autres na-
tions ont ete protegees & confervees par le
Createur, & par quels Dieux elles out ete gou- -
vernees: il femble ne leur avoir accorde d'au-
tre bienfait de l'Etre iupreme, que de pouvoir;
jouir de la lumiere du foleil& de celle- de la lu-.
ne. C'eft ce que nous obferverons bientdt.
Venons actriellement auxlfraelites & aux Juifs,
les feuls hommes, äce qu'il dit, aimes de
Dieu. Les Prophetes ont tenu, ä ce fujet,
le meine langage que Moyfe. Jefus deNaza-
ret'les a imite.; &PauI, cethommequi a ete
le plus grand des impofteurs, & le plus in-
figne desfourbes, a fuivi cet exemple.Voici
done comment parle Moyfe. _ (*)'/» diras a
Pharaon, Ifraelmon fiispremier ne
.....5 <"
(*) Exode. Chap. IV. v. 22. 23. Exod. Chap.
V. v. 3. Exod. Chap. VII. v. 16.
J
-ocr page 42-
( 43 )
<£*, renvois mon Peuple, afin qu'il me jerve,
>nais tu n'us pas voulu le renvoier.....Et ilslui di-
ronf.LeBieti desHebreux nous a. appelle,nous par-
t irons pour le defert, & nousferons un, chimin ds,
trois jours,pour que nous facrifions a notreDiete....»
Le ieigneur le Dieu des Htbreux m'a envoye au-
fres de toi, difant: Renvoi mon Peuple pour qu'il
ferve dans le defert.
Moyfe & Jefus n'ont pas dtd les feuls qui di-
fent, que Dieu des Je commencement avoit
piis un foin tout particulier des Juifs, & que
leur fort avoit 6t& toujours fort heureux. II
paroit que c'eft lalefentimentdePaul, quoi-
que cethommeait toujours ete vacillant dans
fes opinions, & qu'il en ait change fi fouvent
fur le dogme de la nature de Dieu: tantöt fou-
tenant que les Juifs avoient eu feuls l'herita-
ge de Dieu, & tantöt aflurant quelesGrecsy
avoient eu part; comme lorsqu'il dit: ffl-ce
qu'il etoit feulement le Vieudes Hebreux ou \'i-
toit
- il au/fi des nations t certainement il I'etoit
des nations.
II eft done naturel de demander
ä Paul, pourquoi fi Dieu a ete non-feulement
le Dieu des Juifs, inais aufficelul des autres
Peuples, il a comble les Juifs de biens& de gra-
ces, il leur a donne Moyfe, la Loi, les Pro-
phetes, il a fait en leur faveur plufieurs mi-
racles , & meine des prodiges qui paroiffent fa»
buleux. Entendes les Juifs, ils difent: L'hom-
""•e a mange le pain des Anges.
Enfin Dieu a;,
envoie aux Juifs Jefus qui nefut, pour les au- .
'fes nations, ni un Prophete, ni un Docteur,
-ocr page 43-
(44)
laimimeunPnMicateur de cette grace divine
& future, a laquelleä la fin ils devoientavoir
part. Mais avant ce terns il fe paffa plufieurs
milliers d'annees, ou les nations furent plou-
ghs dans la plus grande ignorance, rendant,
felon les Juifs-, un culte criminel aux fiaiula-
cres des Dieux. Toutes les nations qui font-
fitu^es fur la terre depuisPorientäl'occident,
& depuis le midi jusqu' au feptentrion, ex-
cept^ un petit peuple, habitant depuis deux-
mille ans une partie de la Paleftine , furent
done abandonnees de Dieu. Mais comment
eft-il poflible, ii ce Dieu eft Ienötrecomme.
le vötre, f'il a crie ögalement toutes les na-
tions, qu'il les ait ft fort mcSprifäes, &qu'i! ait
neglige tous les peuples de la terre? Quand
meme nous conviendrions avecvous, que le
Dieu de toutes les nations a eu une preferen-
ce marquee pour ia vö-tre, & un mepris pour
toutes les autres, ne f'enfuivra-t-il pas de la,
que Dieu eft envieux, qu'il eft partial? or
comment Dieu peut-il etre fujet ä l'envie , ä
la partiality, &punir, comme vousledites,
les pechds des Peres fur les enfans innocens?
Eft il rien de fi contraire a la nature divine, n&~
cefTairetoent bonne par fon effence ? ■
Apres avoir examine l'opinion des Juifs, fur
la bonti de Dieu envers les hommes, voions
quelle eft celle des Grecs. Nous difona
que le Dieu fupreme, le Dieu createur, eft
1c Pvoi & le Pfirecommun de tous les hom-
ines; qu'il a diltribue toutes les nations a des-
M
-ocr page 44-
C40
Dieux, ä quiil en a commis le (bin psrticu«
lier, & qui lesgouvernentde la maniere qui
leur eft la meilleure & la plus convenable: car
dans leDieu fupreme, dans le Pere, toutes
les chofes font .parfair.es & unes; mais les
Dieux crees agiltent, dans les particulieres qui
leur font commifes, d'une maniere difFerente.
Ainfi Marsgouverne lesguerres dins les nati-
ons, Minerve leur diftribue &leur infpire la
prudence, Mercurelesinftruitplucötde ce qui
orne leur efprit, que de ce qui peut les rendre
audäcieufes. Les Peuples fuiventlesimpres-
fions, & les notions qui leur font donnees par
les Dieux qui les gouvernent. Si ['experien-
ce ne prouve pas ce que nous difons, nous
confentons que nos opinions (bient regardees
comme des fables, & les vötres comme des Ve-
ritas. Mais fi une experience-, toujours uni-
forme & toujours certaine, a ve'rifie' nos i'en-
timens, & montrela fauffete des vötres, aux-
quels eile n'a jamais räpondu; pourquoi con-
fervas-vous une croianceaulfifauffeqiiel'eft
lavötre? AppreneVnous, s'fl eft poffible,
comment les Gaulois & les Germains font
audacieux, les Grecs & les Romains polices
& humains, cependant courageux & belli-
queux? les Egyptiens font ingenieux & fpiri-
tuels,- les Syrien», peu propres aux armes, font
prudents, rufes, dociles? S'ri n'y a pas une
^aufe&une raifonde ladiverfitedesmceurs &
des inclinations deces nations, &qu'ellefoit
produite par le hafard, il faut neceffairemcnt
-ocr page 45-
( 4« )
en eonclure qu'auciine providence ne gouver-
ne le mohde. Mais fi cette diverfite fi mar-
quee, eft toujours la meme & eft produite par
unecaufe, qu'on m'apprenne d'oü ellevient,
fi c'eftdireaement par le Dieu fupreme, ok
far Us Dieux nqui il aconfiiUf»indesnations.
II eftconftant qu'il yadesloix etablies chez
tous les bommes, qui s'accordent panaite-
ment aux notions & anx ufagesde cesmemes
hommes. Ces loix font humaines & donees
chez les Peuples', qui font portc's ä la douceur:
elles font dures & meme cruelles chez ceux
dont les mceurs font feroces. Les differents
Letjislateurs, dans les inftruftions qu'ils ont
donnees aux nations, fe font conformed a eurs
idees;ils ont fort peu ajoute& change a leurs
principales coutumes. C'eft pourquoi les Scy-
thes regarderent Anacharfis commeun in en-
fe, parce qu'il avoit vouluintroduiredesloix
contrairesa leurs mceurs. Lafacon de penfer
des differentes nations ne peut jamais etre
chaneee entitlement. L'on trouvera fort peu
de peuples, fitues ä l'occident, qui cultivent
la philofophie & la geometrie, & qui meme fo-
ient propres ä cegenre d'etude, quoique 1 Em-
pire Romain ait etendu fi loin fes conquetes.
Si quelques-uns des hommes les plus fpintuels
de ces nations, font parvenus fans etfifle a ac-
querir le talent de s'enoncer avec -clarte, &
avec quelque grace, c'eft ä lafimple force de
leur genie qu'ils en font redevables. D ou
vient done la difference eternelle des mceurs,
-ocr page 46-
( 47 )
«©s ufages, des iddes des nations, fi ce n'efi
»e la volonte des Dieitx , a qui leur conduite a ete
lonfieeparleDieu fuprime i
Venons aftuelletnent ä la variety des lan-
gues, & voions combien eft fabuleufe , la
caufe que Moyfe lui donne. II dit que les
Bis des hommes, aiant multiplied voulurent
faire une ville, & bätir au milieu une gran-
ge tour: Dieu dit alors qu'il cefcendroit,
& qu'il confondroit leur langage. Pour qu'on
ne me foupconne pas d'alterer les paroles
de Moyfe, je les rapporterai ici. (*) jj[s
Urem
( les hommes ) vtnes, bdtiffonsunevil-
It ,w une tour, dontle fommet aillejafqu'au del,
<?acquerons nous de la reputation avant que nous
foions difperfes fur la furfaKe de la terre. Et k
ttigneur dejcendit pottr voir la ville, a- la tour
lue lesfils des hommes avoitnt baties
; c le Seig-
neur dit; void-, ce n'eßqu'unmimepeuple
, ilfont
tin meme langage, & Us commencent a. travaiiier,
^rnaintenaniriennelts emphhera d'executerce
lulls ontprojttte.orca defcendons & confondom
leur langage
, afin qu'ils n'entendent pas le langa-
Selundel'autre.AinfileSeigneurlesdifperfa de la
Par toute la terre,&ils cejjerent de bdtir leur vilU.
v^oilä les contes fabuleux, auxquels vous vou-
les que nous ajoütions foi: & vous refutes de
croire, ce que dit Homere des Aloides, qui
rnirent trois montagnes Tune fur 1'autre pour
*e faire un chemin jusqu'au Ciel. Je fais que
(*) Genefe. Chap. i. v. 4. 5- 6. 7. j.
-ocr page 47-
(48)
l'une &f autre de ces hiftoires font Ägalemest
fabuleufes: mais puisque vous admettes fa
viirite de la premiere, pourquoi refufes-vous
de croire ä la feconde ? ces contes font 6ga-
fcment ridicules : Je penfe qu'on ne doit pas
ajouter plus de foi aux uns qu'aux autres, ie
crois meme, que ces fables nedoivent pas li-
tre proposes comme des verities ä des horn*
mes ignorans. Comment peut-on esperer de
leurperfuader, que tousles homines habitans
dans une contree, & fe fervant de la meme lan-
gue , n'aientpas fenti l'impoffibilite de troti-
ver, danscequ'ilsöteroientdela terre, afßs
de materiaux pour ei£ver un bätiment, qui al-
Jätjufqu'au'Ciel? il faudroit emploier tout ce
que les difKrens cötes de la terre cotitiennent
defolide, pourpouvoirparvenir jufqu'ä 1'or-
be de lalune.D'ailleurs, quelle Vendue les fon-
demens, &lespremiersStages d'unfemblable
ddifice ne demanderoient-ils pas ? Mais fuppo-
fonsque tousles hommesdel'Univers fe reu-
niffentenfemble, &parlant la memelangue,
euffent voulu epuifer la terre de tons les cotes,
&enemploiertoutela matiere pourelever uti
batiment; quand eft-ce que ces homines au-
roientpüparvenirauCiel, quand meine l'ou-
veagequ'ilsentreprenoient, cut etede lacon-
ftruftion la plus fimple ? Comment done pou-
ves-vousdeluter& croire une fable aufll pueri-
le, &commentpouveVvousvous attribuerb
connoiffancedeDieu, vous qui dites qu'il fit
naltre la confufion des langues, parce qu'i'
crai-
-ocr page 48-
(49)
craigm't les homines? Peat-on avoir uneidesx
plus abfurde de la Divinite !
Mais arretons nous encore quelque terns fur
ce que Moyfe dit de la conruüon des larcgues. II
l'attribue ä ce que Dieu craignit, que les hom-
ines, parlant un meme langage , ne vinffent
I'attaquer jusques dans Ie Ciel. -II en defcendit
done apparemment pour venir fur la terre, car
oil pouvoit il defcendreailleurs? e'etoit mal
prendre fes precautions: piiisqu'il craignoit
que les homines ne I'atiaquaffent dans le Ciel,
i plus forte raifondevoit-il les apprehender fur
la terre.A I'occafion de cette confufion des Ian-
gues, Moyfe ni aucun autre Propbete n'a par-
lö de la caufe de la difference des mosurs & des
loixdes hommes, quoiqu'il y ait encore plus
d'oppofition, & de contrarieties dans les mosurs
& dans les loixdes nations, que dans leur lan-
gage. Quel eftle Grecqui ne fegarde comme
Un crime de connoitre cbarnellementfamere,
fa lille, & meine fa foeur? LesPerfespenfenE
difFeremment, cesinceftes ne font point cri-
niinels chez eux.Il n'eftpasneceffairepour fai-
re fentir la diverfite' des moeurs, que je mon-
tfecombienlesGermainsaimentla liberti, a-
vec quelle impatience ils font foumisä une do-
mination Prangere; les Syriens, les Perfes, 'es
Parthes font, au contraire , doux, paifibles
äinfi quetoutesles autre? nation'*, qui font ä
l'°rient & aü midi. Si cette contrariete des
m°eurs, desloix, chez les difFerents peuples,
n'eft que la'fuite du hazard, pourquoi cesmj-
-ocr page 49-
( SO )
anes peuples, quinepeuventrien attendre de
mieuxde l'Etre Supreme, honorent-ils & ado-
rent iis un Etre, dont la provide* cene f'etend
point fur eux ? Car celui qui ne prend aucun
foin du genre de vie, des iTieeurs,des coutümes,
des reglemens, des loix, & de tout ce qui eon-
eerne Tetat civil des homines, ne fsuroit exi-
ger un cul te de ces memes hommes, qu'il aban -
donneau hazard, & aux ames desquels il ne
prend aucune part. Voez combien vötre opi-
nion eft ridicule dans lesbiens qui concernent
les hommes: obfervons ici que ceux qui regar-
dent 1'efprir font bien au deffus de ceux du
corps. Si done l'Etre Supreme a meprife' le bon-
heuv de nos ames, n'a pris aucune part ä ce qui
pbuvoit rendre nfirreetatheureux , ne nous a
jamais envois, pour nous inftruire, des üoe-
teurs, des Legislateurs, mais feft content^
d'avoir foin des Hebreux, de les faire inftruire
parMoyfe, &parlesProphetes, de quelle ef-
pece de grace pouvons nousle remercierPl.oin
qu'unfentiment, audi injurieux ä ia Divinite'
Supreme, foit veritable, voiez combien nous
luidevonsde bienfaits qui vous font inconnus.
Elle nous a donn£ des Dieux,& des Protetteurs
qui ne font point infPrieurs 4 celui queles juifs
ont adore des le commencement, & que Moy-
feditn'avoir eud'autre foin que celui des He-
breux. La marque Evidente, que le Crtfateur
de l'Univers a connu, que nous avions de lui
une notion plus exafte & plus conforme 4 fa na-
ture , que n'en avoient les Juifs, ceft qu'il nous
-ocr page 50-
C n )
a cctnbld de biens, qu'il nous a donne en abon*
dance ceux de I'efpi it, & ceux du corps, com-
nie nous le verrons dans pen. 11 nous a envoid
plufieurs Legislateurs, dont les moindres n'6-
toientpas infeneurs ä Moyfe; &lesauties!ui
dtoient bien fuperieurs.
S'iln'eftpasvrai, que I'Etre Supreme a don-
ne k g luvernemtntparticulierdechaque na-
tion ä un Dieu, ä un Genie qui regit & protege
im certain nomfare d'&tres animus, qui font
coiiimis ä fa garde, aux mcetirs & aux loix des-
quelsil prend part :qu'on nous apprenne d'oü
vient, daus les loix & les mceurs des hom-
ines, la difference qui fy trouve. Repondre
que cela fe fait par !a volonte de Dieu, c'eft ne
nous apprendre rien- 11 ne fuffit pas d'ecrire
dan< un Livre : Dieu a dit, wies chofes cm iti
faites;
carilfaut voir . li ces chotes qu'on dit
avoir ete faites par la volonte de i>ieu, ne lont
pascontrairesäreffence des chofts: au quel
casellesnepeuvent avoir ete1 faites par la vo-
lonte de Dieu, quine peut chanter I'eflence
des chofes. Je m'expliquerai plus cla'rement.
Par exemple, Dieu commanda que le feiis'e'le-
Vat, &que laterrefutaudeflbus. J1 falloitdonc
que le feu fut plus legrr&la terreplus ptfante.
II en eft ainfi de toutes les chofes. Dieu ne fau-
*oit faire que l'eau fut du feu, & le feu de IVau
en meme terns, parceque l'eflence de ces ele-
"^nsnepeutpermettre ce chaagement, me-
*e parle pouvoir divin. 11 en ell de meme des
C 2"
-ocr page 51-
(5*)
eflences divines que des mortelles, elles ne
peuventütre changers.D'ailleurs il eft contrai-
re-a l'id^e que nous avons de Dien de dire,qu'il
execute des chofesqu'il fait etre comraires a
1'ordre, &qu'il veutdetruirecequt eilbien fe«
Ion fa nature. Les homines peuventpenfer d'u-
ne maniere au'ffipeu jutte > parcequ'^tant nds
mortelsils font foibles, fujets atix paiiions &
ported au changement. MaisDieu itant ker-
nel, immuable, cequ'ilaordonnedoit l'etrt
aufli. 'fouteslescbofesqui exiftent font pro-
duitesparleurnature,&conformes ä cettemä-
me nature. Comment eftce que la nature pour-
roit doncagircontre le pouvoir divin , & f'6
loignerde T'ordre, dans lequel eile doit etre
neceffairement? Si Dieudoncavoit voulu, que
non feulement les Ungues des nations, mais
kurs moBurs& leurs loixfuffentconfondues,&
changers tout ä coup, cela dtant contraire ä
1'elTencedes chofes, iln'auroitpule faire par
fa feule volonte; il auroitfailu, qu'il eut agi
felon l'effence des chofes, or il ne pouvoit
changer les difFerentes natures des Stres, qui
foppofoient invinciblementa ce changement
fubit. Ces difFerentes natures f'appercoivent
non feulement dans les efprits, mais encore
dans les corps des hommes , nes dans dif-
Ferentes nations. Combien les Gervnains &
les Scythes ne font-ils pas entierement dif-
ferens des Africains &des Ethiopiens?Peut-on
attribueruneaufligrande difference au fimple
ordrequiconfonditles langues, & n'eft-ilpas
-ocr page 52-
(53)
P'as raifonnable d'en chercherTorigine dans
•'air, dans la nature du climat, dans l'afped: da
Ciel,& chezIesDieuxquigouvernentceshom-
mes dans des climats oppofes 1'un ä I'autre?
11 eft Evident que Moyfe a connu cette veri-
ty, maisil acherche' a lade^ivfer &ä 1'obfcur-
cir. C'efi ce qu'on voitclairemeiu , (ironfait
't'ention qu'il a attribue la divifion des langues,
ion ä un feu! Dieu, mais ä plufieurs. II
"e dit pas que Dieu defcendit feul ou nccompa-
?nd d'un autre; il ecrit, qu ils dsfcendirentplu-
fieurs
Leftdonccertainqu'il acru, queceux
qui de:cendirent avec Dieu ötoient d'aunea
Oieux. N'eft-il pas naturel depenfer, que f'ils
'e trouvercnt ä la confufion deslangues, & fits
enfuvent la cdufe, ils furent aufli celle de la
diverfite des moeurs &des loix des nations,
Jorsdeleursdifperfions. "
Pour reduire en peu de mots ce dont j« viens
de parier amplemenc, jedisque fi leDieu de
Moyfe eft le Dieu Supreme, Je CrtJateur du
Hionde, nous I'avonsmieux connu que le Le-
feiflateur Hebreu, nous qui le regardons com-
nielePere&le Roi de l'Univers dont.il a etele
Cr^ateur. Nous necroions pas, queparmi les
Pieuxqu'ila donnesaux peuples, &auxquels
^ en a confiele foin, il aitfavorife l'un beau-
coup plus que I'autre. Mais quand meine Dien
enauroitfavorife un, & lui auroit attribue' le
gouvernementdel'Univers, ilfaudroit croire
que c'eft a un de ceux qu'il nous adonne , ä qui
« a accords cet avantage. N'eft-il pas plus na-
-ocr page 53-
(54)
tureld'adorer ä'a place du Dieu Supreme, ce-
lui qu'ilauroir charsjc1 de iadomination de tout
1'Univers, quecelui aucue! il n'auroit confie
le (bin que d'une ties-petite partie dece meme
Univers?
I-es [uifs vantemheaucouples loix de Ieur
Decalogue. Tunevoleras.point. (i) lunetuaas
pas. Tu ne rendras pas dt faux temoignage.
Ne
voiiä-t-ilpasdes ioix bien admirables, & aux
quell« il a fallubeaucoup penfer pour les eta-
biir! Placons ici lesautres precfptes du De-
calogue , que Moyfe aflure avoirete diftes par
Dieu meme Je (j.) fuls le :-eigneur ton Dieu,
qui t'ai retire de la terre d'Egypte. Tu riauras
point d autre Dieu que mot. Tu ne te fern: pas des
fimulacres.
En void !a raifon Je juis le etgneur
ton Dieu
; quipunit lespsches des Peres fur les En~
fans
; car je fuis un Dieujahux. Tu neprendras
pas tnon nom en vain. Souviens toi du jour du
Sabbat. Honoreton Perevta Mere. Ne commets
pas d'adultere. Ne tue point, Ne rends pas de/aux
temoignage
, e? ne defire pas le bien de ton pro-
chain.
Quelle eft la nation", qui connoifle lei
Dieux, & qui nefuive pas tous ces pr^ceptes,
fi Ton en excepte ces deux .fouviens toidu Sab-
bat & »'adore pas lesautres Dieux'U
y a des pei-
nes ordonntJes par tous les peuples contre ceux,
qui violent ces loix. Chez certaines Nations
ces peines font plus fe veres que chez les Juifs,
(i) Deuteronome. Chap. V. v. 19.
(zj Id- v. 6.
-ocr page 54-
( 55 )
chez d'autres elles font! es mSmes queparmi le«
Hebreux: quelques Peuples en ont &ablies de
plus humaines.
Mais con(ideronsce paflage: Tu n'adortras
feint les Dieux des «utres nations.
Ce difcours
eftindJgne de 1'EtreSupreme, quidevient, fe-
lon Moyie, un Dieujiilouxi Audi cet Hebreu
ditil, dans un autre endroit, Notre Dieu eft un
feudevorant.
Je vous demande ti un nomme
jatoux& envieux ne vous paroit pas digrle de
blame? comment pouvezvous done croire ,
que Dieu foit fusceptible de haine & de jalou •
fie, lui qui eft la fouveraine perfection ? eft-il
convenable de parier auffi mal de la nature, de
l'eflence de Dieu, ,de mentir auffi manifefle-
rnent?Montronsplusclairementl'abfurditede
vos opinions. Si Dieu eft jaloux, il f'enfuit nö-
ceffairement que les autres Dieux font adores
rnalgre' lui: cependant ils le font par toutcs les
autres nations. Or pour contenter fa jaloufie,
pourquotn'a-t-ilpas empechtS, que les bom-
rnesnerendiflentunculte ä d'autre Dieu qu' a
lui ? En agiflant ainli, ou il a manque de pou-
voir, ou au commencement il n'a pas voulu
defFendre le eulte des autres Dieux ;il l'a toler6
&memepermis. La premiere de ces propofiti-
°ns eil impie, car qui peut borner la puiifance
de Dieu? La feconde foumet Dieu ä toutes les
foiblefleshumaines: il pennet une chofe, &
'adeffendenfuite par jaloufie; il foufFre pen-
dant longtems que toutes les nations tombent
«ans l'erreur.N'eft-ce pas agir comme leshom-
-ocr page 55-
( 5ö )
meslesmoinsloiiables,quedepermettrelemal
pouvant l'empecher V Ceffez de fouttnir des er-
xeurs, qui vous rendent oüieux ä tous les gens
-qui penfent.
Allons plus ava^t. Si Dieu veut etre feul ado>
T&, pourquoi, Galilcens, adorez-vous ce pre-
tendulils que vous iui donnez, qu'il neconnut
Jamais, &dont.i n'a aucune idee? Jene fais
par quelle raifon vous vous efFo)■ce^ de lui
doi.ner un fubiiitut, & de mectre un autre i
fa place.
Ii n'eft aucunmortel audi fujet äla violen-
ce des paffions, que le Dieu des Hebreux. II
fe livre fans'ceffe ä 1'indignation, a la colere,
ä la fureur: il paffe dans un moment d'un par.
ti ä 1'autre. Ceux qui parmi vous, Galiieens,
one 1Ü le Livre, auquelles Hebreuxdonnent
\e rom deNombres, connoiffentla verite' de ce
quejedis. Apres quel'homme, qui avoit amend
uneMadianite, qu'il aimoit, eut-ete tu£ lui &
cettefemtnepar uncoupde javeline , Die« dit
ä Moyfe: (*) Phineesßls d'Eieafar ,fis d Auren
le Sacrificateur
, a detourne ma colere de dejjus
les Enfans dlfrael, parceqx'ila foe anime demon
zele a» milieu deux, v je n'ai point coniumi
& rtduit en cendres les enfans d'lfrael par men
tirdeur.
Peut on voir une cauie plus legere,
que celle pour laquelle l'Ecrivain Hebreu re-
preTente l'Etre Supreme livre1 äla plus terrible
colere? & que peut-on dire deplusabfurde&
(*)Nomb. Ch.XXV. verf. 10, u & »,
-ocr page 56-
Cn)
tie plus contraire ä la nature de Dieu ? Si dis
homines, quinzefil'onveut, mettonsen cent,
allons plusavant mille, ont desobdi aux or-
dres de Dieu, faut-i! pourpunir dixhommes
& meme mille, en faire pdrir vlngt-quatre md-
le, comme il arriva dans cette occafion ? Com-
bien n'eft-il pas plus conforme ä la nature de
Dieu, de fauver un coupable ai'ec mille in-
nocens, que de perdre un coupable en per-
dant mille innocens? Le Dieu de Moyfe, que
cet Hebreu appelle le Crtateur du Ciel & de
la terre, fe livre ä de fi grands exces de cole-
re, qu'il a voulu pluficurs fois detruire entie-
rement la nation des Juifs, cette nation qui
lui etoit fi chere. Si la violence d'un genie ■,
fi celle d'un fimpLe heros peutetre funefte ä
tant de villes, qu'arriveroit-ii done aux de- .
mons j aux anges, a tousles homines fous un
Dieu auffi violent & auffi jaloux que celuide
Moyfe ?
Comparons maintenant, non Moyfe,mais
le Dieu de Moyfe, ä.Lycurguequifut unL6-
gislateurfage, ä Solon qui futdoux& clement,
aux Romains qui uferent de tant de bonte' &
de tant d'e'quiti envers les crhnineis.
Apprenez, Galileans, ccmbien nosloixcc
nos iiiceurs font prciförables aux vötres. Nos
Legislateurs & nos Philofophes nous ordon-
"ent d'imiter lesDieux, autant que nous pou-
v°ns> ils nous prescrivent, pour parvenir ä
cette imitation, de contempler & d'etudier
la nature de* choles. C'eft dans la contempte-
-ocr page 57-
(J8 )
tion, dans lerecueillement, & lesreflexions
de l'arqe fur elle-meme , que Ton peut ac-
querir les vertus qui nous approchent des
Dieux, &nous rendent, pour ainfidire, fem-
blables ä eux. Mais qu'apprend chez les He-
breux l'imitation deleurDieu? eile enfeigne
aux homines ä fe livrer ä la fureur, ä la cole-
re, &alaja!oufielapluscruelle Pkinees.ditle
Dieudes Hebreux, (*) a appaife ma fureur,
parcequila
eteanime.de mm z,ele centre les En-
fansd'Jfrael.
Ainfi le DieudesHebreuxces-
fe d'etre en colere, s'iltrouve quelqu'un qui
partage fon indignation & fon chagrin. Moy-
fe parle de cette maniere en plufieurs endroits
de fes Ecrits.
Nous pouvons prpuver eVidemment, que
]'Etre Supreme nes'en eft pas tenu ä prendre
foin des Hebreux, mais que fa bont£ & fa pro-
vidence fe font etendues fur toutes les autres
nations, elles ont meme recu plus de graces
que les juifs. Les Egyptiens ont eu beaucoup
de Sages qui ont fleuri chez eux , & dont les
noms font connus. Plufieurs deces Sagesont
fucced£ ä Hermes: je parle de ce Hermes, qui
fut le troifieme dece nomqui vintenEgypte.
11 y a eu chez les Caldeens & chez les Affiriens
an grand nombre de philofophes depuis An-
nus&fielus; &chez les Grecs une quantity
eonfiderable depuis Chiron, parmi lesquels
il ya eu des homines eel aires, qui ont perfec-
{*) Nomb. Ohap. 2J. v. lo & u.
-ocr page 58-
{ 59)
tionne les arts, & interprete Ies chofes divi-
nes. LesHebreuxfe vantentridiculement d'a.
voir tous cesgrands homines dans un feuI.Mais
David & Samfon meritenc plutöt le mepris que
l'eftime des gens eclaires. lis ontd'ailleursd-
te fi mediocres dans Part de la guerre, & 11
peu comparable« aux Grecs, qu'ils n'ont pa
etendre leur domination au de lä des bornes
d'un tres petit pays.
Dieu adonne ad'antres nations, qu'äcelle
des Hebreux, !a connoiffance des fciences &
de la philofophie. L'Aftronomie, ayantpris
naifläncechez les Babyloni.ens, a et<5 perfec-
tionnee par les Grecs; la Geometrie, inventee
par les Egyptiens, pour faci.liter la jufte
divifion des terres, a ete pouifee au point
oüelle eft aujourd'hui par ces memes Grecs.
lis ont encore leduit en art, & fait une feien-
ce utile des nombres dont Ja connoiirance a-
voit commence cbez les Pheniciens. Les Grecs
fe fervirent enfuite de la Geometrie, del'As-
tronomie, de la connoiffance des nombres,
pour former un troifieme art. Apres avoir
joint l'Atironomie ä la Geometrie, & la pro-
priete des nombres ä ces deux fciences, ils y
unirent la modulation, formerent, leur mu-
fique, la rendirentmelodieufe, harmonieufe,
capable de flaterl'oreilleparlesaccords&par
la j ufte proportion des fons.
Continuerai-ie de parier des diff&entes
fciences, qui ont fleuri dans toutes les nations*
oubienferai-ie mention des hommes, qui s'y
font diitingues par leurs lumieres & par leux
C 6
-ocr page 59-
(6o)
probite? Platon, Socrate, Ariftide, CimonJ
Thales, Licurgue, Agefilas, Archidamus;
enfin, pour le dire en un mot, les Grecs
ont eu un peuple de Philofophes, de grands
Capitaines, de Legislateurs, d'habiles arti-
ftes; & meine les Generaux d'armee, qui
parmi eux ont ec<5 regarded conime les plus
cruels & les plus fc&erats, ont agi, envers
ceuxquilesavoient offenfes, avec beaucoup
plus de douceur & de clemence, que Moyfe
ä l'egard de ceux de qui il n'avoit recu aucune
offenfe.                          „ .,
De quel regnc glorieux & utile aux hommes
tous parlerai je ? fera-ce de celui de Perfee,
d'Eaque; ou de MinosRoi de Crete? ceder-
nier purges la mer des Pirates, apres avoir mis
lesbarbares enfuite, depui»la Syrie jufqu'en
Sicile. 11 etablit fa domination, non feulement
furtoutesles villes, mais encore fur toutes les
cötes maritimes. Le meine Minos , ayant
affocie fon frere ä fon Roiaume, lui donna
ä gouverner une partie de fes fujets. Minos
etabl'itdesloix admirables, quiluiavoient dte"
communiquees par Jupiter , & c'etoit felon
ees loix que Rbadamanteexercoit la juftice.
Mais qu'a fait votre Jefus, qui apres avoir
feduit quelques Juifs des plus meprifables, eft
connu feulement depuis trois cens ans?pendant
le cours de fa vie il n'a rien execute,dont la me-
moire foit digne de paffer ä la pofterite, fi ce
n'eft que Ton ne mttte au nombre des grandes
aäions, qui ont fait le bonheur de 1'Uni vers,
-ocr page 60-
. Cöi )
la guerifon de quelques boiteux, & de quelques
demoniaques des pecits villages de Betbfaida et
de 'Bethanie.
Apres que Rome eutdti fondle eile föutint
plufieurs guerres, fe deffendit contre les enne-
niis qui I'environnoient, & en vainquit line
grande partie: mais le peril dtant augmen-
ts, &parconfequentIefecoursluietant deve-
nuplus ndeeflaire , Jupiter Iui donna Numa ,
qui fut unhommed'une vertu admirable, qui
fe retirant fouvent dans des lieux exart^s con-
verfoitaveclesDieuxfamilierement,' &rece-
voit d'eux des avis Jres falutaires fur les loix
qu'il etablit, & fur le eulte des chofes religieu-
fes.
II paroit que Jupiter donna lui-meme une
partiede ces inftitutions divines ä la ville de
Korne, par des infpirations ä Numa, par ia
Sybilie, &par ceux que nous appellons De-
vins. Un bouclier tomba du Cief, on trouva
une tete en creufant fur le mont Capitolin,d'oü
leTempledugrandJupiterpritfon nom.Met-
trons-nous ces bienfaits, & ces prefents des
Dieux au nombre des premiers, ou des feconds
qu'ils font aux nations ? Mais vous, Galileans,
les plus malheureux des mortels par votre pre-
vention , lorsque vous refufezd'ädörer le bou-
clier tombe du Ciel, honore depuis tant de fle»
clesparvosancetres, comme un gage certain
delagleiredeRome, & comme une marque
de la protection direfte de Jupiter & de Mars,
vous adorez le bois d'une croix, vous en falte»
C 7
-ocr page 61-
(6i )
le figne fur vötre front, & vous le placez dans
leplusfrequente de vos appartements. Doit-
on hair.ouplaindre&miipriferceux, qui pas-
fent cbez vous pour etre les plus prudents , &
quitombentcependant dans des erreurs fi fu-
neftes ? ces infenfes, apres avoir abandonne"
le cuke des Dieux eternels, fuiviparleurs Pe-
res, prennent pour leur Dieuun homme mort
chez les Juifs.
L'infpiration divine, que les Dieux envo-
ient auxhommes, n'eft le partage que de quel-
ques-uns dont le nombre eft petit; il eft difficile
d'avoirpart ä cet avantage, & le tems n'eii peut
Strefixe. Ainfiles Oracles, &les Proprieties
non feulement n'ont plus lieu chez les Grecs,
niaismemechez les Egypriens. L'on voitdes
Oracles fanieux cefler dans la tevolution des
tems: c'eft pourquoi Jupiter, le protecteur & le
bitnfaiteur des homines, leur a donne" 1'obfer-
vat'ondeschofesqui fervent ä la divination,
arin qu'ils ne foient pas entierementprives de la
fociete des Dieux, & qu'ils recoivent, par la
connoiffancedecette fcience, les chofes qui
leur font neceffaires.
           _
Peu fen eft fallu, que je n aie oubhe le
plus grand des bienfaits de Jupiter & du Soleil:
ce n'eft pas fans raifon que j'ai differe d'en par-
ier iufqu'ä prefent. Cebienfaitne regardepas
les feulsGrecs, mais toutes les nations quiy
ont eupart. Jupiter aiant engendre Esculape,
fee font des verites couvertes par la fable, &
Jjuel'efpritpeutfeulconnoicre }ceDieu de la
Medecinefutvivifi^danslemonde, par la it-
-ocr page 62-
(63)
conditio du Soleil.Un Dieu fi fa!utaire aux horn*
mes (kant done defcendu du Ciel, fous la for-
me bumaine, parut d'abord a Epidaure; en-
fuiteiletenditunemain fecourablepartoute ia
terre. D'abord Pergame fe reffende de fes bien-
faits , enfuite l'Jonie & Tartnte: quelque
tems apres Rome, I'lledeCo, & les regions
de la Mtr Eg^e.Enfm toutes les nations eurent
part auxfaveurs de ce Dieu, qui guerit e^gale-
ment les maladies del'efprit.&ceUesdu corps,
detruit les vices du premier & les infirmit^s du
fecond.
Les Hebreux peuvent ils fe vanter d'avoir
recu un pareil bienfaitde 1'Etre Supreme ? Ce-
pendant, Galileans, vous nous avez quitt^, &
vous avez pour a in fi dire- paffe- comme des
transfuges aupres des Hebreux. Du inoins vous
eufllezdu, apres vous etre joints äeux, dcou-
terleursdifcours, vous ne ftriez pas a&uelle-
ment aufli malheureux que vous l'Stes; & quoi-
que vötre fort foit beaucoup plus raauvais.que
lorsque vous etiez parminous, onpourroit le
regarder comme fupportable, fi apres avoir a-
bandonne lesDieux, vous en euffiez du moins
reconnu un, & n'cuffiez pas adoriL'un fiinple
homme comme vous faites aujourd'hüi, II eft
vrai que vous aurieztoujours 6t6 malheureux
d'avoir embraffö une Loi, remplie de grofliere-
te & de baibarie, mais quant au culte que
vous auriez, il feroit bien plus pur & plus rai-
fonnabie, que celui que vous profeffez: il vous
eft arrive la mime chofe qu'aux fangfues, vous
-ocr page 63-
(«4)
avez tire" le fang le plus corrompu, & vous aves
laifle le plus pur.
Vous n'avez point recherche cequ'ily avoit
debon chez les Hebreux; vous n'avez 616 occa-
p&s
qu'ä imiter leur mau vais caraclere & leur fu-
reur: commeeux vous diitruifez les temples &
les autels. Vous egorgeznon feulement ceux
qui font Chretiens, auxquels vous donnez le
nom d'heretiques t parcequ'ils ontdes Dogmes
differentsdes vötres> fur lejuifmis ämortpar
les Hebreux; mais les opinions, que vous fou-
tenez, font des chimeres que vous avezinven.
ttes. Carnijefus, ni Paulne vousontrienap-
pris fur ce fujet, La raifon en eft toute fimple;
c'eft qu'ils ne fe font jamais figure-, que vous
parviniliez ä ce degre de puiflfance, que vous
avezatteint. C'e-toitafTezpoureuxde pouvoir
tremper quelques fervantes, & quelques pau-
vresdomeftiques; de gagner quelques femmes
& quelques hommes du peuple comme Corne-
lius &Sergius, Jeconfensde pafferpour un
impofteur, fiparmi tousles homines, quifous
le regne de Tibere & de Claude, ont embrafles
le Chriftianifme, onpeut en citer un qui ait
ete diftingue ou par fa naiflance.ou par fon me-
rke.
Je fensun mouveinent qui paroit m'etreinfpi-
re, & qui m'oblige tout a coup,Ga!ileens,a vous
demander , poürquoi vous- avez defend les
Temples de nos Dieux, pour vous fauver chez
les liebreux. Eftce parceque les Dieux ont
donneäRomerErnpirede Fünivers, & que
-ocr page 64-
C65 )
les juifs, fi Ton excepte un tres court interva*
le.onttoujoursetiles efclavesdetoutes les na-
tions ? ConfiJerons d'abord Abraham , il fute-
tranger&voyageur dans un pays, dont il n'e-
toit pas citoien. lacob ne fervit-il pas en Syrie ,
enfuicedansIaPaleftine, &enfindansfa vieil-
lefleen Egypte? Mais, dira-t-on , eftceque
MoyfenefitpasfortirdEgypre les defcendants
de Jacob, & ne Iesarracha-t ilpasde la mai-
fon de fervitude? ä quoi fervitaux Juifsquand
i'sfuremdansla Paleftine, leurdelivranced'E-
gypte? eft ce que leur fortune endevintmeil.
teure? eile changea aufll fouvent que la cou-
leurduCameleon.TantötfoumisäleursJuges,
tantötä des etrangers, enfuite a des Rois, que
leur Dien neleuraccorda pas de bonne grace;
force par leurimpartunite, ilc.onfentit a. leur
donner des Souverains, les averiiflant qu'ils
feroient plus mal fous leurs Rois, qu'ils ne l'a-
voientete auparavant. Cependantmalgre cet
avis ilt cultiverent, & habiterent plus de qua-
trecens ans leur pays.Enfuiteilsfurentefclavss
des Affyiiens, des Medes,. des Perfes-, & il.s
«Mit les nötres aujourd'hui.
Ce Jefusque vousprechez, O-Galileens! fut
un fujec de Cefar. Sivousrefufezd'enconvc.
"j1'» je vous le prouverai bientdt & meine
°es ä prefent. Ne dices vous pas qu'il fut
c°inpris, avec fon Pere & fa Mere, dans le
''enombrement fous Cyrenius? Dites-.moi.,
^elbien a-t-il fait, apres fa naiffance, ä fes
c°ncuoyens, & quelle utilite lis en out retiree?
-ocr page 65-
(66 )
ils n'ont pasvoulu croire en lui, & orit refute
de lui obelr. Mais comment eft il arrive que ce
peuple, dont lecc?ur & l'efprit avoient la dure-
tödela pierre, ait o>?ei ä Moyfe, & qu'il ait
mdprii'e jefus qui, felon vos difeoüi s, comman-
doitauxKfprits, ma.choit fur la mer, chas-
foitl es demons, ciquimeme, s'ilfautvous en
croire, avoitfi.it leciel & laterre? lleftvrai,
qu'aucun :e fes Difciples n'a jamais ofe cure
rien, qui concerne ce dernier article; il ce
n'eft jean, qui fed: me me expliquö la dsffus-
d'une maniere tres obfcure & trfcs cnigaiati-
que: maisenfin convenons, qu'iladii claire-
mentcjue |efusavoii.faitleciel&laierre. Avcc
tant de puiffance, comment n'a-t-il pu faire ce
que Moyfe avoit execute, &parque!le raifon
n'a-t-il pas opere le falut de fa patrie, & chan-
ge les mauvaifes difpofitions de fes concito-
iens ?
Nous reviendrons, dans la fuite, ä cette
queftion, lorsque nous examinerons les pro -
diges & les menfonges, dont les Evangites
font remplis. Maintenant je vous demande
quel eft le plus avantageux, de jouir perpetu-
ellement de la liberre, de commander a la plus
grande partie de I'Univers, ou d'etre efclave
& foumis ä une puiffance etrangere ? Perfon-
ne n'eft affez infenfe pour choifirce dernier
parti, car quel eft 1'hornme affez ftupide, pour
aimer mieux etre vaincu que de vaincre ä la
guerre? Ce quejedisetantevident, montreg»
moi chez les Juif« quelque Heros, qui foit com-
-ocr page 66-
(67 )
parable ä Alexandre &ä Cefar. Je fais que j'ou-
Crage cesgrands homines de les comparer ädes
Jaifs, mais je les ai nommes parcequ ils font
ties iiluftres. D'ailieursje n'ignorepasqu'il
y a des Generaux, qui leurctant bien inferi-
eurs, font encore fuperieursaux Juifs les plus
cel^bres; & un ftul de ces hommes eft preföra-
b!e ä tous ceux que la nation des Hebreux a pro-
duits.
PaTons de la guerre ä la politique: nous
verrons que les ioix civiles, la forme des juge-
mens, ladminiftrartondesvilles, lesiciences
& 'es arts n'eurent rien que de miferable & de
barbare chez les Hebreux, quoiqu' Eufebe
veut qu'ils aienc connu la verfification, & qu'ils
n'aien: pas ignore1 la logique. Quelle Ecole de
medecine les Hebrtuxont-ils jamais eu fembla-
ble ä celle d'Hippocrate, &aplufeurs autres
qui furent ^tablies apres lafienne?
Mettons en parallele le tres fage Salomoa
avec Phocylide, avec Theognis, on avec I-
focrate,- combien 1'Hebreu ne fera-t-ilpas in-
ftrieur au Grec f Si I'on compare les avis d'lfo-
crate avec les Proverbes de Salomon, Ton ver-
I'aaifement, que le tils deTheodoreTempor-
te de beaucoup fur le Roi tres fa^e. Mais, di-
ra-t-on, Salomon avoit 616 ihftruit divine-
ment dans le culte & la connoiffance de fori
Dieu; qu' importe? Iern6me Salomon n'ado-
*a -1 - il pas nos Dieux, trompe, ä ce que difent
'es Hebreux, parunefemme? Ainli done le
tresfage Salomon ne put vaincre la voluptd,
-ocr page 67-
( 63 )
mais les difconrs d'une fern me vainquirent Is
ties face Salomon. O grandeur de-vertu! O
richeffes de fageilfe.' Galileens, fi Salomon s'eil
laifle vaincre par une femme . ne l'appelez plus
fage: fi au eontraire vous croiez qu'il a tStci ve-
ritablement fa,;e, ne penfez pas qu'il fefoic
Jaiffe honteufeinentf^duire. C'eft par pruden-
ce, par fe^efTe, par l'ordre meme de fön
Dieu, que.vous cr oiezfetre reveled lui, qu'il
a honors} les autres Dieux.. L'envie eft une
paffion indigne des.hommes venueux, ä plus
forte raifon des Anges & des Dieux Quant
ävous, Galileens, vous etes fovtement atta-»
chesä un culte particulier: c'eft la une vaine
ambition , & une gloire ridicule dont les Dieux
ne font pas fufceptibles.
Pourquoi etudiez vous dans les eeoles des
Grecs, 0 vous trouveztoutes les fciences abon-i
damment dans vo? Ecritures ? II eft plus nexes-
faire que vous eloigniezceuxquifontde vötre
religion destfcoles de nosPhilofopb.es,_ que
des facrifices & des viandes oiTertes aux Dieux:
car vötre Paul dit, «iai qui mange nebie/fe point..
Mais, dites-vous, la confcience de vötre fre-
re, qui vous voit participer aux facrifices, eft
offenfee; O les plus fages des homines! pour-
quoi la confcience de voire frere n'eß-eliepas offen-
fee d'une chofe bienplus dangereujepour voire Re-
ligion?
car par la frequentation des ecoles de
nos maltres& denosPMlofopb.es, quiconque
eftn'i d'une condition honorable parmi vous,
abandoane bientöt vos iinpietes. II vous eft-
-ocr page 68-
(69)
dene plus utile d'eloigner les homines des
feiences des Grecs que des vidtimes. Vous
n'ignorez pas d'ailleurs, combieu nos inftruc-
tions font preferables aux vötres, pour acque-
riria vertu & la prudence. Perfoone ne devi»
ent fage & meilleur dans vos ecoles, & n'en-
rapporte aucune utilite : dans les nötres les
temperaments les plus vicienx , & les carafk-
res les plus mauvais font rendusbons, mal-
gre' lesoppofitionsquepeuventapporter ä cet
heureuxchangement lapefanteurdel'ame, &
le peud'etenduedel'efprit. S:ilfe rencontre
dans nos Ecoles une perfonne d'un genie heu-
reux, il paroit bientöt commeun prelent, que
les Dieux font aux hommes pour leur inftruc-
tion-5 foit par l'etendue de fee lumieres, foit par
lespreceptesqu'il donne, foit en mettant en
fuitelesennemisde fapatrie. foit en parcou-
rantlaterrepour etre utile au genre bumnir ,
& devenant par la £gal aux plus grands heros...,
Nousavons des marques evidentes Je cette ve-
rite. Iln'eneftpasdememeparmi vosenfans,
& furtoutparmi ceux que vous choifiGTez, pour
s'appliquerär^tudede vos Ecritures. Lois-
qu'ilsontatteintuncertain age, ilsfont unpeu
audeffusdes Efclaves. Vouspenfez, quand
je vous parle ainfi, que je m'eloigne delarai-
fon, cependant vous en etes vous-meme fi pri-
ves, & vötre folie eft fi grande, que vous pre-
nez pour des initruclions divines celles qui ne
pendent perfonne meilleur, qui ne ferventni
a la prudence, ni ä la vertu, ni au courage;
& lorfque vous voiez des gens qui posfedent-
-ocr page 69-
(70 )
ces vertus , vous les aftribuez aux inftruc-
tions de Satan, & ä ce! les de ceux que vous di.
tes 1'adorer.
Efculape guerit nos corps, les Mufes inftrui-
fent ndtre ame. Apollon & Mercure nous pro-
curent le meme avantage.Mars &Belloneiont
nos compagnons & nos aides dans la guerre:
Vulcainnous inftru'tde tout ce qui a rapport
aux arts. Jupiter, & Pallas cette Vierge ne'e
fans Msre, reglent toutes ces chofez. Voiez
done par combien d'avantages nous famines
fup&rieurs: par les confeils, par la fage-de, par
les arts, fait que vous conüderiezeeux qui ont
rapport ä nos befoins, foit que vous faffiez at-
tention a ceux qui font fimplement une imita-
tion dela belle nature; comme la Sculpture,
la Peintureajoatonsä cesar's I'economie, & la
medecine,qui venant d'Rfculape s'efl: repandu
partoure la terre, & y a apporttS de grandes
commodity, dont ce Dieu nous fait jouür Cell
luiquim'agueride plufieurs maladies, & qui
m'a appiis les remedes qui etoient propres ä
leur guerifon: Jupiter en eft letemoin. Sinous
fommes done mieux avantagds que vous dts
dons de l'ame& du corps, pourquoi , enaban-
donnant toutes ces qualites fi utiles , avez-vous
embrafRs desDogmes qui vous en e^oignent?
Vos opinions font comraires ä celles des He-
breux,& ä la Loi qu'ils difent leur avoir ete don-
nere par Dieu Apres avoir abandonne la cro-
iance de vos peres.vous avez voulu fuivre les ev-
ents des Prophetes, &vous Stesplus eloignJs
aujourd'hui de leuvs fentiments que desnötres.
-ocr page 70-
(7i )
Si quelqu'un examine avecattention v6tre re-
ligion.ii trouvera que > osimpieres viennenten
Partie de In ferocite &del'infolencedes Juifs,
& en parcie de I'indifference & de la confufion
desGentils. Vous avezpris des Hebreux, &
des autres peuples ce qu'ils avoient de plus
mauvais, au lieu de vous approprier ce qu'ils a-
voient de bon. De ce melange de vices vous er»
avez forme vötre croiance. Les Hebreux ont
plufieurs loix, plufieurs ufages, & piuileurs
preceptes utiles pour la conduire de la vie. Leur
Legiflateur fetoit contente d'ordonner de r,e
rendre aucun hommage auxDieux Grangers ,
&d'adorerle feul Dieu, dont la portion iß jo»
peuple
, & Jacob U lot de Jon heritage. A ce
premier precepte Moyfe en aioüteunfecond:
Vous ne maudirez. point les Diettx: mais les He-
breux dans la fuite voulant, par un crime & line
audace detetlables, demure les Religions des
autres nations, tirerent du Dogmed'honorer un
feul Dieu la pernicieufeconfequence, qu'il fal-
loitmaudire les autres. Vous avez adopte ce
principe cruel, & vous vous en etes fervi, pour
vous elever contre tous les Dieux, & pour a-
bandonner le culte de vos Peres, dont vous
n'avez retenu quelaliberte de manger detou-
tes fortes de viandes. S'ilfautque je vous dife
ce que jepenfe, vous vous etes efforces de vous
couvrir de confufion: vous avez choill parmi
les Dogrnes, que vous avez pris, cequi con-
sent egalement aux gens meprifables de toutes
Jes nations: vous avez penfe devoir conferver,
dans vötre genre de vie, ce qui eft conforme a
-ocr page 71-
( 72 )
#elui des cabaretiers, des publicains, des ba!a<
dins, & de cette efpece d'hommes qui leur res-
femblent.
Cen'eft pas auxfeuls Chretiens, quivivent
aujourd'hui, äqui Ton peut faire ces repro-
cbes; ils conviennent ögalement aux premiers,
ä ceux raeme qui avoienret^ inftruits par Paul.
Celaparoit Evident par ce qu'il leur ecrivoit;
car ie ne crois pas, que Pauleut h6 affez im-
pudent pour reprocher, dans its lettres, des
crimesäfes Difciples dontilsn'avoient pasctd
coupables. S'illeur eut ecrit des louanges, &
qu'eileseuffentetefaufTes, il auroit pü en a-
Toir honte , & cependant tacher, en diffiriiu-
lant, d'eviter le foup^on de flaterie & de bas-
fefle; maisvoicice qu'il leur mandoit fur leurs
vices. „ Ne tombez pas dans l'erreur; lesido-
latres, les adulteres , les paillards , ceux
', quicouchentaveclesgarcons, lesvoleurs,
les avares, les ivrognes, les querelleurs,
', ne pofTederont pas le Roiaume des Gieux.
Vous n'ignorez pas, mes freres, quevous
\t aviez autrefois tous ces vices; mais vous
avez ete1 plonges dans l'eau, & vous avez
ete fanfcifies au nom de Jefus Chrift?,, 11
eft evident, que Paul dit ä fes Difciples, qu'ils
avoient eu les vices dont il parle, mais qu'ils a-
voient fte abfous & purifies par une eau, qui a
la vertu de nettoier, de purger, & qui penetre
jufqu'äl'ame Cependant l'eaudubateme n'd-
tepoivtlalepre, les dartres, nedetruit pas les
»nauvaifes tiuiieurs, ne guerit ni la goiue ni la
dis-
-ocr page 72-
( 73 )
«JüJenterie, neproduit enfin aucun effet fur
les grahdes & ies petites maladies du corps,
nuüs eile detrmtl'adultere, Ies rapints,& net-
toie l'aine de tous fes vices.
Les Chretiens foutiennent, qu'ils ont rai-
fondes'etre feparäs des Juifs. lis pretendent
etre aujourd'hui les vrais Ifraelites, & les feuls
qui croient ä Moyfe, & aux Prophetes, qui
lui out fuccede" dans la Judee. Voions done en
luoi ils font d'aecord avecces Prophetes; com-
Jnencons d'abord par Moyfe, qu ils pretendent
avoirpredit lanaiffance dejefus. CetHebreu
dit, nonpns uhe feule fois, maisdeux, raais
trois, mais plufieurs, qu'on ne doit adorer
qu'un Dieu, qu'il appelle le Dieu Supreme,
il ne fait jamais mention d'un fecond Dieu Su-
preme. 1! parle des anges, des puiffances ce-
leries, des Dieux des nations: il regarde tou-
jours le Dieu Supreme comme le Dieu unique,
il ne penfa jamais qu'il y en eüt un fecond,
qui lui füt femblable, ou qui lui fut inegal,
comme le croient les Chretiens. Si vous trou-
vez quelque chofe de pareil dans Moyfe , que
ne le dites-vous; vous n'avez rien ä repondre
fur cet article: c'eft meme fans fondement que
Vous attribuez au fils de Marie ces paroles; (*)
ttStigneur .votrcDieu . vous (ujeitera un Prt-
phete, teiqucmoi, dans vosfrireszy vous l'ecou-
ttrez,
Cependant, pour abreger la difpute , je
veux bien convenir que ce paifage regarde ]e-
(*) Deut, Chap. ig.
D
-ocr page 73-
(74)
fus. VoiezqueMoyfe dit, qu'il fera fembla-
bleälui, &nonpasa Dieu; qu'il feraprispar*
inileshoinmes, &non pas chez Dieu. Void
encore un autre paffage, dont vous vous effbr-
cez de vous fervir: le Princene manquera joint
dans Juda
ty.it chefd'entrefes jambes; cela ne
peutetre attribue' ä Jefus, maisauRoiaumede
David qui unit (bus le Roi Zedechias.D'ailleurs
1'Ecriture, dans ce paffage que vous citez, eft
certainement interpose, & l'on y lit le texte de
deux manieres differentes: le prince ne manque-
ra fas dam Juda
, rylechefd'enire fes jambes,
jufques ä aqueleschofis, qui lut cnt foe refer-
vies, arrivext;
mais vous avez mis ä la place
de ces dernieres paroles, jufques a ce que ce qui
aitirefervearrive.
(*) Cependantdequelque
maniere que vous lifiezcepaffage , il eftmani-
fefte qu'il n'y a rien-la, qui regarde Jefus.. &
quipuiffeluiconvenir: iln'etoitpas de Juda,
puisque vous nevoulcz pas qu'il (bit n& de Jo-
feph; vous foutenez qu'il a £te engende par
le <'aint Efprit Quant ä Jofeph, vous tachez de
le faire defcendre de Juda, mais vous n'avez
pas eu affe d'adreffe pour y parvenir, & Ton
reproche avec raifon a Matt
oppofe Tun ä l'autre dans la
ieu&aLucdetre
enealogie de Jo>
feph.
Nous examinerons la verite'vtte££tte'genea-
logiedansun autre Livre, &nousreviendrons
(*) Gcnef, Cht 49. y. i,
A
-ocr page 74-
C 75 >
a&uellement au fair principal Suppofons done
que Jefus foit un Prince fortide Juda, il ne fen
Pas un Diet* venu deDku,comme vous le dites,ni
toutesleschofesn'ontpasetefaitespar !ui, ©*
ritnn'auraete fait fans lut. Vous repliquerez,
qu'il ell die danste livredesNombres, (1 )ilft
lever aune etoile de Jacob & un homme d'lfrael.
l! eft evident que cda concerne David & fes
fucceffeurs, car Davidetoitfils de Telle. Sice-
pendant vous croiez pouvoir tirer quelque a-
Vantage de ces deux mots, je confens que vous
le faffiez; mais pour un pafTage obfeur, que
vous m'oppoferez, j'en ai un grand nombre de
elairs que je vous citerai.qui montrent que
Moyfe n'a jamais parle que d'un feul& unique
Dieu; du Dieu d'lfrael (2). IlditdansleDeu-
teronome : Afin que tu fach es, que le jeigjfeur
ton Dieu eft feulzy unique
, er qu'il n'y en a paint
d'autre que lui,
& peu hpves ,f«i*he done ejr rap-
pelle dans ton efprit, que le Seigneur ton Dieu eß
tu del
er fur la turn; V quit n'y en a point
d autre que lui.... Entend lfrael le ^eigneurni.
'reOieu, il eft le feul Dieu.....Enfin Moyfe,
faifant parlor le Dieu des Juifs, lui fait dire:
f'iez. qui je :uis ,ilny apoint A'autre Dieu que
**ot. Voilä des preuves de l'evidence la plus
claire, que Moyfe ne reconnut & n'admit ja-
mais d'autre Dieu que le Dieu d'lfrael, leDiei»
(1) Nom. chip. j+. v. 17.
U) Dent, chap, f. De at. chap. «,
D 1
-ocr page 75-
(76)
unique. Les Galileans repondront peut-etre,
qu'ils n'enadiqettent ni deuxni trois: mais je
lesforceraideconvenirducontraire, parl'au-
torite de jean, dont je rapporterai le temoigna-
ge: (i) au commencement etoit'U verbs ,&le )
vnbe etoit chez Lieu ey Die» etolt le vet be.
Re-
marques qu'il eft dit, que celui qui a iti engen-
drd de Marie dtoit en Dieu .- orfoit que cefoit
•n autre I)ieu(car il n'eft pas n^ceffaire que
j'examine 3 preTent l'opinion de Photin: je j
vous laiffe, O Galileens, ä terminer les difpu- '
tes qui font entre vous ace fujet) il s'en fuivra i
toujours,que puisque ce verbe a ete avec Dieu,
& qu'il y a etudes le commencement, c:eft un' '
fecond Dieu qui lui eft e"gal. je n'ai pas befoin
de citer d'autre temoignage de vötre croiance ,
que celui de Jean. Comment done vos fenti-
ments peuvent-ils s'accorder avecceuxdeMoy- '
fe? Vous repliquerez, qu'ils font conformes aux
Ecrits d'Efaie, qui dit; (2) Void urn vierge dont
la matrice efi rtmplie, & tile aura un fih.
Je
veux fuppofer, que celaa £te\dit par l'infpira-
tiondivine, quoiqu'ilnefoitriendemoinsve-
ritable , cela ne conviendra pas cependant a ,
Marie: onnepeutregardercommeVierge,& I
appeller de ce nom celle qui 6toit mari£e,& qui |
avant que d'enfanter avoit couchäe avec fon •
mari. Paflbns plus jivant, & convenors que
(1) Evang. de Jean. Chap. I.
(*J Efaie, Chap. 7, v. I+, ts.
-ocr page 76-
( 77 )
les paroles d'Efaie regardent Marie.il s'eft bien.
garde de dire , que cette Vierge accoucheroit
d'un Dieu: mais vous, GaliMens , vous ne
ceffez de donner ä Marie le nom de Mere de
Dieu Eft ce qu'Efaie a ecrit. que celui qui
naitvoit de cette Vierge feroit le fils unique en
gtndre de Dieu,&lefremiernidettutesles Crea•
tares?
pouvez-vous, OGaüleens! montrer,
dans aucun Prophete, quelque chofe qui con-
viennea ces paroles de Jean, (iftoutcs ch»(es ont
itefaitesfarlui. W fans lut rien »a etc fait}
Entende/. au contraire corntne s'expiiquent vos
Proph *tes. ^eigneurnotre Dieu, ditEtaie (2.)
fois notre proteßeur, excefte toi nous n'en connois-
fonspoint d'autre.
Le meme Efaie introduifant
leRoi Ezechias, priant Dieu, lui fair dire:
{^) Seigneur Dieu d'Ifrael, fei qui eftaffis fur les
cherubins, tu es le feul Dieu.
Voiezqu'Efaie
nelaiilepaslaliberte d'admettre aucun autre
Dieu,
Si le verbe eft un Dieu, venant de Dieu ain-
fi que vous le penfez, s'il eft produit par la fub-
ftance de fon Pere, pourquoi appellez-vous
done Marie la Mere de Dieu ? & comment a-
t-elleenfante unDieu, puisque Marie etoitun
homme ainfi que nousFDe meme comment eft-
ilpolfible, Iorsque Dieu dit lui-m&ne dans l'E-
Cl) Jean. I.
(2)  Efaie XXVI.
(3)  EfaieXXVII.
D3
-ocr page 77-
( 78 )
critiire; 5f f**** h feal Ditu e? le feul conferva
*»r,qu'il y ait »n autre confervateui «Cependant
vousoe. dormerlenomdeSauveuralhomrne
«jui eft re de Marie. Ccmbien ne trouvez-vous
pas de contradictions entre vos fentimens & ce-
lui des anciens Ecrivains hebreux! Quittons cet-
te inatiere & venous a une autre.
Apprene.:, Galileens, paries paroles me-
ines de Movfe , qu'il dorne aux Anges le nom
«leD'en Zesenfans de Dim '*) dit-il ,veiant
»uelefßlles des hommes etoient be'les. ilsenchoi-
prentparmi dies, riont ilfirent Iturtfemmes: &
lesen ans'hTiie-iaiant connu les fides des horn-
mes
. lis tngtndrirent lesgeans qui ont eti des
hommes renommisdans tonslesfieclesAlett.
done
manifefte, que Moyfe parle des Anges, cela
n'eft ni emprunteni fuppofe. II paroit encore
par ce qu'il dit, qu'ils engendrerentdesgeans,
& non pas des hommes. Si Moyfe eutcru que
les Geans avoienteupour peres des hommes,
il ne Ieur en eut point cherche chez les Anges,
qui font d'une nature bien plus elevee&bien
plusexcellente. Maisil a voulu nous appren-
dre, que lesgeansavoient etdproduits par le
melange d'une nature mortelle & d'une nature
immortelle. Confiderons ä prefent que Moy-
fe, qui fait mention des mariages des enfans
des Dieux, auxquels il donne le nom d'Anges,
ne ditpasunfeulmotdufils deDieu Eft-ilpos-
(*) Genefe. Chap. 6. t. 4.
-ocr page 78-
(79)
üble de fe perfuader, que s'il avoit connule
verbe, le fils unique engendre' de Dieu, (don-
nez lui le nom que vous voudrez) il n'en eut fait
aucunc mention, & qu'il eut dedaigne de le fai-
re connoitreclaiiement aux hommes, lui qui
penfoiE, qu'ildevoits'expliqueravecfoin& a-
vecoftentation fur I'adoption d'lfrael, & qui
dit: (i'jlfrad man fils premier n'e ? Pourquoi
n'a t-ildonc pas dit la meine chofe de jefus?
Moyfeenfei;;noit, qw'ila'yawott qu'un Dieu
qui avoit oiuGeurs enfans ou piufieurs An.^es,
a qui it avoit diftribue' les Nations, il r'avoit
jamais eu aucune idea de cefiispremier nk , dt et
vtrbe'Ditu,
& de toutes les fables que vous de-
bits i ä ce fujet, & que vous ave/. inventies. &•
coutez parier ce meme Moyfe, & les auttes
Pfophetesquile fuivirent. Vous (2} cramdrez.
le ieigneurvötre Dieu, & vous ne fervirez qut lui.
Comment eft-il poflihie que jefus ait dil
Dlfcipies : (3) /illez enfeigner les Nations,vtts
banj'ez. att nom du Pere, du Fils
, c du S. EJ'prit:
il ordonnoit done que les nations devoient l'a-
doreravec le Dieu unique? &vous foutenez
rette erreur, puisqus vous dites, que le fils eß
Dien ainßqueU Pert,
Pour trouver encore plus de contrariety en-
tre vosfentiments & ceux des Hebreux, au-
presdes'quels, apres avoir quitte la ctoiancc
Ci) Exod. 4.
(2) Deut. 6.
(3j Match, 27.
D +
-ocr page 79-
( Bo )
de vosperes, vousvous etes refugids, ^rou-
te/ ce que tlit Moyfe des expiation?. ( C)llpren-
Ära deux boucs en offrande pour les peches, eyun
letter pour l'holocofle • ey Aaron offrira fon veatt
tn offrande pour les peches
, <&> il priera pour lut
W pour ja maijon,
er il prendra les deux boucs ejr
lesprefentera devant le Seigneur a I'entree du Ta-
bernacle d afftgnation. Et puis Aaron jettera It
Jort furlesdeux boucs, unfortpour le Seigneur,
ey unfort pour le bouc
, qui doit itre chargi des
iniquites, afin qu'il foil renvoie dansle defert, Il
igorgera an ft I'autre bouc, celui du Peuple, qui
eft I'offrande pour le piche , ejr il apportera fon
fang au dedans du •voile , eyil en arrofera la bafe
de t'autel , ey il fera expiation pour le fanc-
tuaire des foutllures des enfant d'lfrael ey de
lexrsfautes felon tous leurs peches,
II eft Evi-
dent, par ce que nous venons de rappoi ter.que
Moyfe a etabli I'ufage des facrifices, & qu'il n'a
pas penfe, ainfi que vous Galileens , qui les
regardez comme immondes. Ecoutez le mSme
Moyfe: {i)Sluiconquemangeradela chair ds*
facrifice deprosperite, laquelle appartient au Sei-
gneur , ey qui aura fur lui quelque fouillure, fera
retranche d'entrefon Peuple.
L'on voit coinbien
Moyfe fut attentif & religieux dans tout ce qui
regardoit les facrifices.
11 eft terns attuellementde venir ä la raifon,
quinousa fait parcourir toutes les opinions,
(i) Levit. 16.
(z) Ibid. vetf. ij& is.
-ocr page 80-
(Si )
que nous venonsd'examiner. (Nous avons en
le deffein de prouver.qu'apres nous avoir aban-
donne, pour paffer chez Ies Juifs, vous n'avez
point embrafföleurreligion &n'avezpas adop-
te leurs fentiments les plus effentiels. Peut-6tre
quelque Galilean mal inftruit repondra ,
les Juifs ne facrinent point. Je lui repli-
querai, qu'il parle fans connoiffance: pre-
mierement, parceque les Galileens n'obfer-
yent aucun des ufages, & des preceptes des
Juifs: fecondement , parceque les juifs fa-
crifientaujourd'hui en fecret,&qu'ilsfenour.
riffent encore de vi&imes: qu'ils prient avant
d'offrir les facrifices, qu'ils donnent l'epaule
droite des viftimes ä leurs Pretres. Maiscom-
me ils n'ont point de temples, d'autels, & de ce
qu'ils appelent coinmunement SanEluaire, ils
nepeuvent point offriräleurDieu lespreinices
des viaimes. Vous autres, Galileans, qui avez
invent^ un nouveau genre de facrifice& qui n'a-
vez pas befoin de jerufalem, pourquoi ne fa-
crifiez-vous done pas comme les juifs, cliezles-
quels vous avez paflS en qualite" de transfuges?
11 feroit inutile & fuperfiu fi je m'etendois plus
longtems fur ce fujet, puisque j'en ai deja parte
amplement, lorsquej'ai vouluprouverqueles
juifs ne different des autres Nations, que dans
lefeulpointdela croiance d'un Dieu unique.
Ce Dogme, etranger ä tous les peuples, n'eii
proprequ'äeux, D'ailleurs, toutes Jes autre*
P S
-ocr page 81-
(82)
chofes font communes entre eux & nous: les
temples, lesautels, les luftrations, plufieurs
ceremonies religieufes; dans toutes ces chofes
nous penfons comme les Hebreux, ou nous
differons de fort peu de chofe en qu'elques-u-
nes,
Pourquoi, Galiteens, n'obfervez-vous pas
la loi de Moyfe, dans l'ufage des viandes?Vous
pretendez , qu'il vous eft permis de manger de
toutes, ainfi que de differentes fortes de legu-
mes. Vous vous en rapportez ä Pierre, qui
vous adit: (i) Ne dis point que cequeBieuapu-
rifie feit immonde
Mais par quelle raifon le
Dieu d'Ifrael a-t-il tout ä coup declare pur, ce
qu'il avoit jug<£ immonde pendant fi longtems ?
Moyfe parlant des quadrupedes dit: (a) Tout
animal qui a Vongle fepare,& quirumim, eft pur
,
tout autre animal eft immondt. Si depuis la vi-
fion de Pierre le pore eft un animal qui rumine,
nous le croions pur: & e'eft un grand miracle fi
ce changement s'eft fait dans cet animal apres
la vifion de Pierre ,• mais fi au contraire Pierre a
feint, qu'il avoit eu chez le Tanneur, oü il lo-
geoit, cette revelation (pour me fervir de vos
expreffions) pourquoi le croirons-nous fur fa
parole, dans undogme important ä eclaircir?
En effet quel precepte difficile ne vous eutil
pas ordonne', fi outre la chair de cochon, il
11) Aft io.
(z) Levit. ii. & Dew. 14.
-ocr page 82-
(S3)
vous eut defendu de manger des oifeaux, der,
poiiTons, & des animaux aquatiques , aflu-
rant que tous cesanimaux »outre lescochonj,
avoient 6t6 declares immondes&defFendus par
Dieu?
Mais pourquoi m'arreter ä refuter ce que di-
fent les Galileens, lorsqu'il eft aife de voir, que
leurs raifons n'ont aucune force. lis pretendent
que Dieu, apres avoir etabü une premiere
Loi, en a donn<£ une feconde: que la premiere
n'avoit eti fake que pour un certain tems, &
que la feconde lui avoit fucccde, parceque cel-
Je de Moyfe n'en avoit ete que le type, je de-
montrerai, par l'autoritcde Moyfe, qu'il n'eft
riende fi faux que ce quedifent ier Galileens.
Cet Hebreu dit expreffement, non pas dans
dixendroitsmais dans mille, que la loi qu'il
donnoit feroit eternelle. Voions ce qu'on trou-
vedans 1'Exode : (r) Cejourvous/era memora-
ble, Wousletilebrerezpour le ieignettr dam
nut es les gen'irations*Vous lecelebrerex. comme »-
tiißtt folemaellepar ordonnance perpetuelle. Vous
mttngerez. pendant jept jours du pain fans lev am,
V des le premier jour voüs cterex. le leva's» de vos
maijons.
Jepafleunnombredepafiäges que j«
ne rapporte pas , pour ne point trop les multi-
plier, & qui prouvent tous e^galement, que
Moyfe donna fa Loi comme devant etre 6tet-
nelle. Montrez-moi, O Galileens! dans quel
endroicdevosEcritujesileftdit,ce cjucfaik %.
(i) Exod, is, is.
-ocr page 83-
C 84 )
ofö avancer (i) que U Chrifi etoit la fin de laLti.
Oütrouve-t-on .queDieuaitpromisauxJfrae-
lites de leur donner dans la fuite une autre Loi,
que celle qu'ilavoitd'abord etabii chez eux?
lln'eftparledans aucunlieude cette nouvelle
Loi, il n'eft pas meme dit qu'il arriveroit aucun
changement a la premiere. Entendons parier
Moyfelui-meme. Qx)Vousn,ajoutenz.rien aux
eommandemens que je vous donnerai,
c vous n'e»
: tterex, run. Obfervez Its Commandemens du Seig-
neitr votre Dieu, & tout ce que je vous or donnerai
Aujourd'hui. Mauditsfoient tous ceux, qui n'ob-
fervent fas tous les Commandements de la Loi.
Maisvous, Galileens, vous contez pour peu
de chofe d'öter & d'ajouter ce que vous vouiez
aux prdceptes, qui font Merits dans la Loi. Vous
lesardezcomme grand Äglorieux de manquer
acette meme Loi; agiflantainfice n'eft pas la
verite que vous avez pour but, mais vous vous
conformez ä ce que vous voiez &tre approuve'
duvulgaire.
Vous etes fi peu fenfös, que vous n'obfervez
pas meme J'es preceptes, que vous ont donne"
les Ap6tre(s. Leurs premiers fuccefleurs les ont
altere par uneimpiet^&une mechancete, qui
tie peuvent etre affez blamees. Ni Paul, ni
Matthieu, ni Luc, ni Marc n'ont ofö dire que
jefus futun Dieu: mais lorsque Jean eut ap-
fi) S. Paul aux Rom. 10.
(j) Dent, *, ie. & »«.
-ocr page 84-
* 85)
pris, que dansplufieurs villes de la Grece & de
1'Italiebeaucoupdeperfonnes, parmi le Peu-
pie, &oient tomb^es dans cetce erreur; fa-
chant d'ailleurs que lesTombeaux de Pierre*
de Paul cominencoient d'etre honored, qu'on
yprioitenfecret; ils'enhardit jusqu'a dire que
Jefus ätoit Dieu. Le verbe, dit-il, s'eft fait
chair & a habite; dans nous. Mais il n'a pas ofe
cxpliquer de quelle inaniere; car en aucun en-
droit il ne nomme ni Jefus ni Chrift, lorsqu'il
nomine Dieu & le Verbt.W cherche a nous trom-
per d'une maniere couverte, imperceptible-
ment, & peu.a peu. II dit que JeanBaptifte
avoit rendu temoignage ä Jefus, & qa'il avoit
d^clari que c'^toit lui qui dtoit le verbe de
Dieu.
Je neveux point nier, que Jean Baptiften'ait
parte de Jefus dans ces tennes, quoiqueplu-
lieursirrehgieux parmi vous prskendent que
Jefus Chrifi: n'eft pointle verbe, dorit parle
Jean. Pourmoi, jenefuispas de Ieur fenti-
ment: puisque Jean dit, dans un autre endroit
que le verbe qu'ilappelle Dieu, Jean Baptifte
areconnuquec-fkoit cememe jefus. Remar-
quons aauellementaveecombiendefineiTe de
management, & de precaution fe conduit jean
Ilintroduit, avecadrefie, l'impieti fabuleufe
qu'il veut &ablir: il fait fi bien fe fervir de tous
lesmoiens, quelafraudepeutluifournir que
parlant derechef d'une facon ambigue, il' dit :
E>7
-ocr page 85-
(86)
(i) Perfonneri'ajamais v& Ditu. Lefilsuniqüt,
qui efl au fein dupere,eß etlui qui nous I'arevile.
II faut que ce fils,qui eft dans Its fein de fon Pere.
foit ou le Dieu verbe, cm un autre fils. Or fi c'eft
leverbe, vous avez neceflairementvüDieu,
puisque le verbe a habit eparmi vous, & que vous
nvez. vA (agloire.
Pomquoi Jean dit-iJ done,
que jamais perfonne n'avu Ditu. Si vous n'avez
pas vu Dieu le Pere, vous avez certainement
tu Dieu le verbe: maisflDieu, ce fils unique,
eft un autre que le verbeDieu, comme je Tai
entendudire fouventäplufieurs de votre reli-
gion , Jean ne femble»xl pas, dans fes difcours
obfeurs, ofer dire encore quelque chofe de
femblable, & rendre douteux ce qu'il dit ail-
leurs?
On doit regarder Jean comme le premier
auteur du mal, & la fource des nouvelles er-
reurs que vous avez etablies, en, ajoutant aa
culte du Juif mort que vous adorez celui de plu-
fieurs autres. Qui peut affez s'elever contre un
pareil exces.' Vousrempliffeztousleslieux de
tombeaux, quoiqu'il ne foit dit, dans aucun
endroit de vos Ecritures, que vous deviez fre-
quenter & honorer les fepulcres. Vous etes
parvenus ä un tel point d'aveuglement, que
vous croiez fur ce fujet ne devoir faire aucun
cas de ce que vous a ordonne Jefus de Naza-
reth. Ecoutez ee qu'il dit des tombeaux.
, (i) Evang. 4e S. Jean chap, I. t. ii.
-ocr page 86-
( 87 >
(*) Malheur a vsus, fcribes, pharifeens, hip»-
crites, parcequevousites femblablesk des fepul-
cres reblanchis
: an dehors le fipulcre paroit beau,
mats en dedans si efl plein d'offemens de marts, &
de toutes fortes d'ordures.
Si Jefus dit, que les
fepulcres ne font que le receptacle des immon-
dices & des ordures, comment pouvez-vous in-
voquer Dieu fur eux? Voiezceque Jefus re-
pondit ä un de fes Difciples, qui lui difoit:
Seigneur, permettezavant que je parte, que'ftn-
fevelißemon Pere. iulvez, mot
, repliqua Jefus,
V laiflez aux morts a enterrer leurs morts.
Cela tont ainfi, pourquoi courez- vous avec
tantd'ardeur aux fepulcres? voulez-vous en
fa voir lacaufe? jene la dirai point, vousl'ap-
prendrez du Prophete Efaie : lis dortnent dans
les fepulcres, & dans les caverfies a caufe des [en-
ges.
On voit clairement par ces paroles, que
e'etoit un ancien ufage chez les Jm'fs dc fe fervir
des fepulcres, comme d'une efpece de charme
& demagie, pour fe procurer des fonges. II
eft apparent, quevosApötres, apres la mort
de leurMaitre, fuivirent cette coutume, &
qu'ils l'ont transmife ä vos ancetres, qui ont
emploie cette efpece de magie beaucoup plus
habilement que ceux qui vinrent apres eux, qui
expoferent en public les lieux (& pour ainfi dire
les laboratoires) oüils fabriquoient leurs char-
mes.
(*>M«tth: Chap, j, r, zi. & 22,
-ocr page 87-
(88 )
r' Tous pratiquez done ce que Dieu a deffendu,
foit par Moyfe» foit par les Prophetes. Au con-
traire, vous craignez de faire ce qu'il a ordon-
lie par ces memes Prophetes: vous n'ofez facri-
fier&offrirdes viftimes fur les autels. 11 eft
vrai que le feu ne defcend plus du ciel, comme
vous dites qu'il defcendit du terns de Moyfe,
pour confumer la victime; mais cela, devotre
aveu, n'eft arrive qu'une fois fous Moyfe, &
une autre fois longtems apres fous EIie,natif de
Tesbe;d'ailleurs je montrerai que Moyfe a cru
qu'on devoit apporter le feu d'un autre lieu ,
& que le Patriarche Abraham avoit eu long-
tems avantlui le memefentiment. A l'hiftoire
du facrifice d'l faac, ojuiftrtoit hi-mame le boh G?
lefeu,
je joindraicelled'Abel, dontlesfacri«
ficesnefurent jamais embrafös par le feu du
ciel, mais par le feu qu'Abel avoit pris. Peut-6-
tre feroit-ce idle lieu d'examiner, par quelle
raifon leDieu des Hebreux approuva le facrifr-
' ce d'Abel,& reprouva celui deCain, & d'expli-
quer en meme tems ce que veulent dire ces pa.
roles,./» tu offris lien ay que tu divifes mal,n'as-ttt
fas feche>
Quant ä moi, je penfe que l'offrande
d'Abel fut mieux rei;ue que celle de Cain,parce-
que le facrifice des vi&imes eft plus digne de la
grandeur de Dieu, que l'offre des fruits de 1«
terre.
Ne confiderons pas feulement ce premier
paffage; voions en d'autres qui ont rapport aux
premices offertes äDieu paries enfans d'Adam.
gitHregardaAM&fo» obfontn, mäiil?'<Ht
-ocr page 88-
( 89.0
point d'egarda Cain, & il ne confidera pas Jen
cbiation, Cain devintfort trifle, &• Jon vifage
fut'abattu kt lebeigneurdit aCain, pourquoi
es - tu devenu trifte w pourquoi ton vijage eft il
abattu! tie phhes ta
(*) pas, ß tu affres blent?
que tu ne divi/es pas bien.
Voulez-vous favoir
qu ■ es cHoient les oblation's d'Abel & de Cain?
Oriiarriva apres que'quesjours, queCainpre-
fenta au Seigneur les prentices des fruits de la ttr-
re
, c/ Abel offrit aujfi les premiers nes de Jon trou-
peauvr leurgraijfe.
Ce n'eltpaslefacriike, di-
lent les Gaiildens , mais c'eft la divifion que
Dieu eondamna . lorsqu'il adreflaces paroles ä
Cain : N as tubas piche fi ta as bien offert V fi
tu as mal divife.
Ce fut la ce que me repondit
a ce fujet un de leurs Eveques, qui paffe pour
§tre im des plus fages. Alors l'aiant pri^ de me
dire, queltkoitledeTautqu'il'yavoit eu dans
la divifion
de Cain , il ne put jamais le trouver,
nidonner la moindre reponfe un peu fatisfai-
fante & vraifemblable. Comme je m'appercus
(ju'ilne favoitplus que dire: ileftvrai, lui.re-
pondis-je, que Dieu a condamne, avecraifon,
ce que vous dues qu'il a condamnd: la volenti
etoit egale dans Abel & dans Cain, 1'un & I'au-
tre penfoient qu'il falloit ofFrir ä Dieu des obla-
tions; maisquantaladivifion, Abel atteignit
aubut, &l'autre fetrompa» Comment cela
arriva-t-il, medemanderez-vous? Je vousre-
pondrai, que parmi les chofes terreftres lesu-
nes font animees,& les autres font privöes de IV
(*) Genef. Chap. IY. v. 3 &fuiv.
-ocr page 89-
(90)
me: les chofcs animees font plus dignes d'etre
offenes que les inanimees au Dieu vivant & au-
teur de la vie, parcequ'elles participent ä la vie,
&qu'ellesont plus de rapport avecl'efprit.Ainfi
Dieu favorifa ce/ui, qui avoit offert un facrifice
parfait, &qui n'avoit point peche dans ladivi-
fion.
II faut que je vous dernande, Galildens,
pourquoi ne circoncifez- vous pas? Vous re*
pondez, Paul a ditquela circoncifionduccBur
£toit n^ceffaire, mais nonpascelle ducoips:
felon lui cel!e d'Abrahara ne fut doncpns veri-
tablement charnelle, & nous nous en rappör-
tons furcet article a la d<kifion de Paul & de
Pierre. Apprenez, Galileens,-qu'il eft mar-
que dans vos Ecrirures, que Dieu a donnc a
Abraham la circonciiion de la chair, comme un
temoignage&une marque autentique. Cefi
icimtrn Allianceentremoiz?vous, entre tapos-
terit e dans la fuite des generations. Etvous cir-
concirex. la chair de voire prepuce
, & ceia [era
pour figm de Valliance entre moi<& vous ,
C5* en-
tre moi zy lapoßerit e.
Jefusn'a-t-il pasordonn6 lui-meme d'obfer-
verexactement iaLoi.(*) "3e ne fuis point venu,
dit il, pourdetruirela Loiv les PropbStes,mail
pour les accomplir
Et dans un autre endroit ne
dir-i!pas encore.- Celui qui manquera au plus
petit despreceptes de la Lei, iy qui enfeignera aux
!*) Etang. Selon. Matth. Chap. 5. v 17. i<*ein
ibidem.
-ocr page 90-
(91 )
hommes a tie pas Vobferver , fem le dernier dans
UroyaumeduCiel.
Puisque Jefus aordonnö ex-
picflement d'obferver foigneufemcnt la Loi,
&qu'il a dtabli des peines, pour punir celui
qui pecho.it contre le moindre commandement
de cette Loi, vous Galileens, qui manque? a
tons , quelle excufe pouve:^-vous apporter
pour vous juftifier? Ou Jefus ne dit pas la
verity, oubien vous etes des deferteurs de la
Loi.
Revenons ä la circoncifion. LaGenefediC;
la circoncifion ferafaite fur la chair Vous I'avez
entierement fupprimee, & vous repondez :
tJeuiJomme' circoacis par le coettr. Ainli done
chez vous , Gah'lee;.s , perfonne n'eft niechant,
ou crimine!, vous Stes tons circoncis par le coettr.
Lortbien. Mais les Azimes, mais ia..Paque ?
VousrepUquez: nous nepouvons point obfer-
verla fete des Azimes ni Celle de la Päque,
Chrift s'efi immole' pour nous, une fois pour
routes, & il nous a deffendu de manger des A«
2imes. Je fuis tinfiqm vousvm de ceux qui con-
dainnentles fetes des Juifs, & qui n'y pren-
lentaucunepart: cependant j'adore le Dien
qu'adorerent Ahraham, Ifaac, & Jacob, qui
ctant Caldsfens, &de race facerdotale, aiant
Voiagö chez I.esEgyptiens, en prirent l'ufage
de Ieur circoncifion. lis honorerent unDieu qui
«urfut favorable, de meme.qu'il i"eft a moi&
* tons ceux qui I'invoquent ainfi qu'Abraham.
-ocr page 91-
(91 )
Iln'jr aqu'ä vousfeuls, ä qui il n'accorde pas
les bienfaits, puisque vous n'irnitez point A-
bntbam foit en lui elevant des autels, (bit en
oftrantdesfacrifices.
Non-feulement Abraham facrifioit fouvent
ainfi que nous;mais il fe fervoit de la divination
comme Ton fait chez les Grecs. II fe confioit
beaucoup aux augures, & fa maifon trouvoit
la confervaiion dans cette fcience.Si quelqu'un
parmi vOUS, OGalildens! refufe decroire ce
quej'edis.jevousleprouveraiparl'autorit^de
Moyfe Ecoute^le parier: Afrit ces chofet ,
( lafarole du Seigneur fut adnfjee a Abra-
ham dam une vifion, en difant: Ne crains
point, Abraham, je tef rotige , rjr ta recompen-
jeferagrande. Abraham dit, Seigneur que me
donnerex. -uousi je men vait fant laijfer den-
fant ü-lefilsdemafervantefera mon heritier*
Et dabordla votx du Seigneur t'adrejje a lui a-
Imditi celuicineferafattonheritier; mais ce-
lut qmfortira de toi, celulla [era ton heritier. A-
lortilleconduifitdehort, wlui dit: regarde au
Ciel& compte let Etoilet
, fitupeuxlet compter;
tafofieritefera de mime. Abraham cruta Dieu,
& celalui fut refute a.juftice.
Ditesmoi actuel-
lement, pourquoicelui qui repondit ä Abra-
ham, foit que ce fut un Ange foit que ce fut un
Dieu, le conduifit-il bors de fon logis? car
(*) Genef. Chap. is. vr. i. z, 3. +. s.s- &7-
-ocr page 92-
(ö3>
quoiqu'ii fut auparavant dans fa maifon, i! n'i-
gnoroitpas la multitude innombiable d'etoiles
qui Iuifent pendant la nuit. Je Alis affiire que ce-
lui qmfaifoit fortir Abraham, vouloit lui mon-
trer le mouvement des Aftres, pour qü'il put
confirmer fa.promeffe, par les decrets du Ciel
qui regit tout, & dans lequel font ecrits les eve-
nemens.
Arm qu'on ne regarde pas comme forcde
explication du pafTage que je viens de citer, je
Ja confirmerai par ce qui fuit ce meme parage.
{ )Le Seigneur dtt a Abraham .je fuis ton Die»,
tu, tat fan fortir du pays des Caläunspur te
donnercettefernen heritage.
Abraham repon-
dit, ytgneur! comment connoitrai-je quej 'heu-
te,
at de cette terre ? Le Seigneur lui repondit:
frens unegeniffe de troisans, une chevre de troh
ans, un belter de trois ans, une tourterellt w un
P'geon. Abrahamprit done toutes ces chofes,
er
lespartagea aumilieu, er mit chaque moitie vis-
* vis l une de lautre; mats H nepartagea pas les
»I'*"*- Et une volee d'oifeaux defeendit fur ces
bStes mortes, & Abraham feflaca avec elles.
Re-
inarquez que celui qui converioit avec Abra.
flam, foitquecefut un ange, foit que ce fut
un uieu, ne confirm»pas faprediftion legere-
ment, maispar la divination & les vidimes:
'Ange ou le Dieu qui parloit ä Abraham, lui
promettoit de certifier fa promelTe par le vol
(*) Genef. Chap, ij, v. s. 9.10.118c 1 2.
-ocr page 93-
(94)
des oifeaux. Car i! ne fuffitpas d'une jromeflc
vague, pour autorifer la verü6 d'une chofe ,
mais il eft ntkeffaire qu'une marque certain«
affure la certitude de la prediction, qui doi;
s'accomplir dans t'avenir.
LA
-ocr page 94-
(95)
LA MO IS A DE.
J'Ai parcouru toques les contrees de l'Uni»
vers, j'ai examine les mceurs, lesufages,
les coutum'es de tous les pays qui le com-
pofeat, & partout j'ai vü la fuperfticion, les
prüfliges, l'interet, leprejugc, l'oigueihnc-
me tenirlieude toute Religion. J ai rencon-
tre 1'homrne partout, &n'ai trouveDieu nulle
part.
Plein demilleideesconfufes &accab!antes,
incapable de concevoir un infini, & de me cor%
prendre moi-meme; choquedetoutes parts ou
d'un culte ridicule qu'abjure le bon fens, ou
d'une Religion abfurde qui aneintit toute Divi-
nite, j'dtoispretä n'admettre que l'exiftence
des chofes fenfibles & palpables, lorque tout-
ä.coup j'entendsparier d'une nation qui n'ado-
re qu'unDieu, &pourDieu, qu'unpurEfprit,
qu'un Etre fimple, qu'un Etre fouveraine-
ffient parfait. Je cours, je vole parmi les
juifs dans l'esperance de trouver enfin Ja ve-
rite.
Je veux etre inftruit, je demande des li-
vres, je lis; que de grandeur, que de puis-
fance, que de merveilles.'
II ordonne: & auffitdt des efprits d^gages de
toute matiere, des hommes compo/es d'un
corps & d'un efprit, vivenc, penfent, agiiTent.
-ocr page 95-
(96 )
La terre, cette mafle Enorme fufpendue dans
lavafte etendue des airs, les cieux, les as-
tres qui l'eclairent, les mers, qui l'environ-
nein, lesfleuvesqui l'arrofent, les animaux,
lesplantes, tout fort ducahos, tout fuitpar
»in pouvoir irr^fiftible ce premiermouvement,
que la main du Tout-puiffant lut a impritne;
toutconcourt, ä former un ordre parfait, tout
parle, tout annonce un Ouvrier intelligent, un
Cr^ateur tout-puiffant.
C'eil ici, dis-je en moi-meme , oü je dois
terminer ma courfe. Je vais trouver ici un vrai
Dieu, un culteparfait, une morale faine, des
principescertains, deshommes raifonnables;
quoi de plus heureux!
Je continue cependant ma ledture ; ah! que
jpfuistrompelCette admirable perfpeftive qui
avoitd'abordravimonefprit & encbante mes
fens; ces idees pures & confolantes, qui a-
■voientenflammemoncceur&presque fatisfait
maraifon, tout ce fublime difparoit pour ne
faire place qu'ä des objets hideux & revoltans.
En parcourant ce livre recu, dit-on, des mains
de Dieu, par l'entremife de fon ferviteur
Mo'ife&defesautresprophetes, jefuis indi-
gn6 d'y trouver des traits qui bleflent la gran-
deur & la majefte Divine , & qui me le depei-
gnentauffimauvaisqu'ildoitetrebon.Tout me
revoke, jecroiserrerdans le champ de riin-
pofture; tout pone le fceau du fanatifme; tout
eil marque au coin de l'impettinence & du ridi-
cu-
-ocr page 96-
C$7)
cute, de la miaute" & de la barbaric.
Dieu trace fur le front d'un des enfans
du premier homme les traits de facolere, fait
couler dans fori creur lepoifonde l'envie, de
jaragecontre fon frere, & le rend pour tou-
jouis, l'objet de l'extoiuion de ceux qui
doiventnaitredeluiou de fon pere.
Dieu fe repent d'avo.ir cred l'bomrne , pi'
"ket.
Quel blafpbeme! Quoi! Dieu feroit-il
1'homme qu'il a cred, imparfait, borne", chan-
geant, capricieux? Auroit-i! pu, par defaut
de connoiffarice & de capacite, former un Ou-
trage mauvais, &s'expofer, fautede fagefle
& de prudence, ä fe repentir d'une faute rdelle?
Seroit-il Dieu en meine temps, &nele feroit-
il pas? quelle horrible impietd! quel mon-
ftrueux paradoxe!
L'Univers entier eft ä peine forti du ndant &
des mains de fon Createur, & deja je vois les
Cieux s'dcrouler, fe diflbudre. II ouvre fes
Catara&es, une mer affreufe couvre auflitöt
lafurfacede la terre, renverfe, d£truit tout;
I'Universeftenfiveli fous fes ondes, tout ce
qui vivoit perit.
Unfeulhomme trouve" jufteparmi tous les
homines, ecbappe avecfa famille ä la deftruo.
'iongdndrale de toils fes femblables. Dieu qui
* connu fa faute & s'en eft repenti en fe ven-
pant fur 1' ouvrage de fes mains, va fans doute
preparer, en formantle coeur des nouveaux
"°mmes qu'il va faire naltre* Leur arret eft d£-
E
-ocr page 97-
C 98 )
ja porte. Une ivreffe profonde plonge Nöi
dansun profond fommeilj un de fes enfans,
Cham, le furprqnd dans une pofture indecen-
te & fait de cette pofture un badinage aupres
de fes freres. Noe qu'infpire fon Dieu , ap-'-
prend ä fon reveil la conduite de fon fils. II en-
tre en fureur & maudit Cham avec toute fa pos-
terit«''. Ah Cham! qu'as-tu fait &pourquoies-tu
ae?Tes defcendans qui formeront la plus gran-
de partie du Monde , feront neceffairement
reprouves , & ton imprudence a produit plus
demai que ton. Dieu n'a jamais fait de bien.
Mais les annexes & les fages avancent. je vois
paroltre avec gravitö de grands perfonnages
qui out fu dans leur temps garder des trou-
peaux, de veneiables Patriarches, I'ornement
de l'hiftoire & de leur fiecle.
Dans la fuite Abraham , Pere des croyans,
modele de la foi des juifs & des. Chretiens, eft
Je feul fur qui Dieu parmi tous les peuples qu'il
laiffedansl'erreur, & qu'il punit pour n'avoir
pas les lumieres qu'il leur refufe, jette parbon-
teun regard favorable.il lui parle & fe commu-
nique ä lui. II luideVeloppe 1'avenir. Dieu doit
fortirdefes defcendans; maisilveut s'asfurer
de la fidelite d'unhomme qu'il veut Clever fi
haut, il veut une obeiffanceaveugle ; il lui or-
donnedone, pourleprouver, d'immolerfon
fils unique. Quelle epreuve! Abraham qui ne
connoit point les desfeins de fon Dieu, faittai-
le fes entrailles de pere, repouffe une mere
tendre quidemande grace pour uninnocenC,
-ocr page 98-
(99)
ftouffe tous Ies fentimens de la nature & de It-
pitie", & monte par toutes Ies horreurs au com-
hle de la perfe&ion; il fe difpofe ä obeir. Deja
l'autel eft drefle, le bucher pr^pare~, la flamme
eft toute prate. La vi&ime s'ofFre, la vue de fon
fang qu'il va verier Ietouche; il fent qu'il eft
pere, il.tremble, il craint, ilhifite, il com-
bat, il fait un dernier effort de cruaut^, il
triomphe enfin & leve le bras pour dgorger I-
faac, & va frapper.... Arrete monftre, arrS-
t«: ton Dieu t'aime,. & je te d&efte.
Ifaac echapp^ ä la vertuferoce d'unpere de"-'
natura, apres un grand nombre d'ann£es pas-
fees fans tklat, infirme, aveugle & catTe de
vieillefTe, va rejoindre fes ayeux parmi Ies
morts. Mourra-t-il fans donner une idfe de
fon Dieu ? Deux enfans, ennemis declares dans
Ies entrailles meme de Ieur mere, vontie fai-
re connoitre. Dieu, le Dieud'Ifaac, choifit
Jacob qu'il aime pour en faire un fujet beureux
& I'ufurpateur du pays qu'arrofe le jourdain,
&abandonne Efaü qu'il d&efte, pour en faire
une victime de fa colere.
Dieu bon.Dieu jufte.aimezjacob.vxms le pou-
vez,fans donner atteintea votre exiftence.Mais
n'eft - ce pas d£ja trop qu'Efaii naifle criminel,
fans ajouter encore ä fon malheur une baine
particuliere qu'il n'a point marine? Attendez
qu'il vive, qu'il penfe, qu'il puiiTe ptScher,
on jugerea de fes crimes par Ies maux dont vov»
l'accablerez. Mais il n'eft pas encore nä, il
n'apas encore pü vous offenfer. C'eft trop par-
-ocr page 99-
{ 100 )
ier. Ifaac va expirer. Levez-vous, mon pe-
re, dit Jacobäifaac, je fuis votre fils bien-ai-
me, votre fils Efaii, prenez, mangez le gi-
bier que je vous ai prepare & donnez moi vo-
tre bentJdi&ion. Ce font bien les mains d'E-
fäü,. dit Ifaac, inais c'eftla voixde Jacob.
Ne craignez rien, Ifaac.beniffez cet impos-
teur, ce fourbe qui veut s'elever fur la perte
de Ton frere. Votre Dieu qui le conduit, au-
pres de vous, ratifiera votre benediction , le
comblera de gloire & le fera pere d'un grand
peuple. Que vous etes heureux, Jacob, fi
j'etois maltre du tonnere, je vous ecraferois
d'un coup de foudre. Mais la fentence eft
prononcee. L'amiti^duTres-haut, la rofec
du ciel, la graiffe de ia terre, feront votre par-
tage. Vosdefcendans^gälerontle nombre des
ötoiles du firmament. Votre nom fera I'efFroi
de toutes les nations, & 1'infortune Efaii qu'un
tendre refpect a toujours rendu attentifauxor-
dres de fon pere, qui s'eft fait un plaifir de
lui obeir, & un bonheur de lui plaire, Efaii
fera l'efclave de fon frere & l'enneini eternel
de fon Dieu.
Mais quel fpectacle affreux s'offre ä mes
yeux! Eft-ce un Dieu qui parle ou qui agit?
Sont-cedes hommes que Ton extermine? Le
cielveutilfeconfondre avec la terre? L'uni-
vers va-t-il rentrer dans le neant? Dieu veut
<5crafer lEgypte; illuifautun pretexte, ilen
trouve. Allez, dit Dieu ä Moife: dites ä Pha-
raon, je fuis celui qui eft, Ego fur» qui /"««•
|e vous ordonne de taifieramon peuple la B-
-ocr page 100-
C 101 >
bertd de forrir de vos Etats, pourvenir facri-
fier dans le deTert. Hommes, femmes, en-
fans, vieillards, troupeaux, je veux tout,
je veux etre obef. Pharaon ne vous Ecoutera
point, fa fentence eft prononce"e, ilfaut qu'il
pfiffe. Je veux deployer mon bras redoutable
& faire fondre fur l'Egypte les trefors de ma fu-
reur. J'aiformd le cosur del'hoinme, j'en fuis
le maitre,je Iemeus.je le fais agir comme il me
p!alt,'j'endurcirai celui dePharaon,pour qu'il ne
m'ob^ifTepoint. Pharaon endurci ßcn^cefiaire-
rnent rebelle aux ordres de Dieu, mettra par fa
desob&ffancema jufticeä couvert de tout re-
proche. Allez, necraignez rien , jefefai par-
tout avec vous, & l'on connoitraque je fuis
le Seigneur votre Dieu.
Mo'ife , de fimple berger. devenu miniflre
du Tres-haut qu'ii dit avoir vu dans un buis-
fon, la face cached & ne lui montrant que fon
derriere; Moi'fe, dis je, plein delafureurde
fon Dieu, fö transporte ä !a cour de Pharaon,
pour y annoncer infolemment les ordres de fori
Dieu. Pharaon que la volonte1 toute-puisfan-
te d'un Dieu invincible a mis dans la ne'ceifi«
t^ d'etre coupable, rejette Moife, fes
ordres & fon Dieu. Moi'fe delate, Dieu
frappe, & dejä je vois des rivieres de fang ar-
rofer les campagnes & mettre des peuples en-
tiers dans la ntoffiti de mourir de foif ou de
s'empoifonner.
Des infeftes detoutes efpecesformentdans
I'air un nuage e'pais, que ne peuvent percer
E3
-ocr page 101-
( I02 )
I
les raions duvfoleil, & fondent enfuite fur la
terre qu'üs d^pouillent de toutes fes richeffes.
Des grdles affreufes ^crafent, enlevent ce
que les infectes avoient epargne. Le ciel eft
tout en feu; le tonnere gronde, la foudre dela-
te de toutes parts, & des flammes devorantes ft-
chevent de detruire ce qui fubfifre encore.
Trouble, faifi d'horreur, je mefauve, &
tout a coup des tinebres palpables me furpre-
nentim'environnent,rne plongent dans Ia nuit la
plus noire. Lalumiere paroitenfin. Quelob-
jet frappe ma vue! Le Roi, les grands, les
peuples, tout eft couvertd'ulceres. Jenevois
partout que des hommes hideux qui fe fuyent
les uns les autres, des millions de malheureux
qui ne counoiffent le Roi que par les ivnpöts
qu'on leur fait payer de fa part, & qui portent
neanmoins la peine de fon crime & d'un crime
involontaire.
, L'orage fe diflipe, un autre fuccede.Une pes-
te generale enleveunchefachaquefamille.Le
tröne.Iavüle, lacampagne, rien n'eft epar-
gne\ Les animaux memes qui ne penfent point,
qui nc font point coupables, päriffent & fera-
Llent en expirant accufer ie ciel de cruautt: ,• les
plaintes, les errs, la mort, l'horreur regnent de
toutes parts.
Sortez, peuple d'Ifrael, fortez de l'Egypte ,
prenez, volez, pillez aux Egyptiens, ä qui
vous devez la vie, lepeu de richeffes que leur
a laiffd vötre Dieu inhumain; & apres avoi/
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(ion
tout, faccage", fauvez-vous , brigands, dans les
deferts.
Maisl'Egypte poffede encore une poignd©
d'hommes. Le Dieu de Jacob leur laiiTera-t-il
la liberte de vivre ? Ils vont bientöt ceffer d'e-
tre, ils ne font deja plus. Je les vois furunemer
orageufe, Pharaon ä leur täte, flottant, au gre"
desvagues, avecleurscbevaux, leurs chars,
& leurs Equipages. Un vent favorable les pous-
fefur lerivage &donneauxenfans de Jacob les
trefors qu'ils n'ont pü enlever.
Chautez , Moi'fe, chantez les louanges de
votremaitre, quelepeupIefeprofterne,&tous
enfemble cdl^brez la puiflance, mais furtout
la miföricorde & la tendrefle de votre Dieu,
qui vient d'eclater par la perte de fes en-
fans.
Une colonne de feu brille fur ma täteile jour
parolt & cout-a-coup ce feu fe change en uu
image dpais, qui fans priver de fa lumiere ga-
rantit de la trop grande ärdeur du foleil. Sui-
vons ce nuage & ce peuple qu'il va con-
duire.
J'entre dans ledeTevtr. Quelle vaftefolitude.'
deux millions d'hommes fortent de I'Egypte;
quel lieu plus propre ä leur fervir detombeau!
Sur (e haut dune montagne, au miüeu des &-
clairs, au bruit du tonnere paroit avec e"clat
porte fur les nues un legifjateur nouveau, Dieu
lui-meme, environne de toute fagloire, donne
fes ordres ä Moife, & grave fur deux tables de
Pierre fes loix fupremes, dont il rend depofi-
E-4
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( '04 )
taire le chef d'Ifrael. Mo'ife, plein de I'efprit de
fon Dieu ,inftruit de fesdevoirs, quitte a pei-
ne fon maitre qu'il entend de la montagne fain-
tedescrisdejoie& le fon de plufieurs inftru-
mens. Un veau d'or elevepar !e peuple, ,de l'a-
veu de fon frere Aron, comme l'objet de fori
culte , eft ce qui d'abord frappe fa vue. Que va-
t-il faire?!! entre en fureur, & facrilege par ze!e
il brife le d£p6t que lui a confie leTres-haut.Sa
fre'n^fie ne fe borne pas ä cet exces. Que qui-
conque a duzelepourlefeigneur, fe joigne i
moi, s'dcrje-t-il: Une troupe de fren^riques fe
lange al'inftant defon parti. Qu'on s'arine,
qu'on marche au carnage , qu'on n'exoute ni la
pitie' ni le fang. Le Seigneur eft irrire , il veut e-
tre vengi;. Plus les victimes que vous iinmo-
lerez vous feront cheies, plus Dieu fera fat
cisfait.
Quelle force n'a point ce difcours facrilege J
je vois les fatellites de Mo'ife femblables ä des
tigres furieux, l'oeil eYuicelant, l'air enrag£,
courir parlecamp d'Ifrael, voler de tente en
tente& porter partout aveceux la fureur, la
rnort, le carnage, l'horreur. Hommes, fem«
rnes & enfans, tout tombe fous le fer meurtrier
des efclaves de Mo'ife. Le zele pour leur Dieu
lesanime. Dieu lui-meme les agite: ilsne font
plus des hommes., maisdes monftres furieux,
infenfibles ä la vue des membres palpitans & du
fang de leurs plus pioches parens; les cris la-
mentables de ceux-ci ne fe font plus entendre a
ces cceurs firoces que la rage de leurDieu trans-
-ocr page 104-
o°j>
porte. Ici coute Ie fang d'un fils malTacre* par
fbnpere; la fument encore !es entrailles d'un
pere engorge' par fon fils ,• plus loin un dpoux
fanguinaire & denature" poignarde du meme
coup & fon innocente femme & le fruit mal-
beureuxqu'elleporte. Vingt-trois mille hom-
ines periflent dans cet afFreux carnage.
ArrStez, enfans de Levi, le foleil refufe
d'^clairervosforfaits, &votreDieuveut epar-
gnerlerefte du peuplepour Pexterminer dans
un autre temps. Venez recevoir les benedic-
tions quem£ritentvos crimes. Soyez be"nis du
Treshaut, vous que fa gloire intdrefle : que la
rofee du ciel tombe fur vos proches; quel'hui-
Ie&levin foientchez vousen abondance; fo-
yezriches en moiflbns & en troupeaux; qu«
vos defcendans peuplent la terre , & que
Ieurnombrefoit comparable aux grains de fa-
ble &auxatomes.
Mais fuyonsce trifte fe"jour. Les cris des as-
faffins, les plaintesdes mourans , le fang des
morts Ie rendent trop afFreux.
Hants, fiers, gdne>eux.,entreprenans,Da-
than& Abiron reproehentavec refpeft& fou-
miffionäMo'ife fa fourberie, fon orgueil ex-
treme & Ie pouvoir qu'il veut ufurper fur Ifrae'.
Dathan & Abiron , vous perirez; mais perirez-
vous feuls? non.- vos femmes, vos enfans ,
vos troupeaux; tout ce qui vous appartient
perira avec vous. La terre s'entr'ouvre & dejä
jenevoisplusles ennemis de Mo'ife. Les en-
fans de jacob murmurent; ils fuivront Abiron.
E5
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( io6)
Des Terpens monftrueux.fortis des entrailles de
laterre par l'ordre du ciel.jettent partout l'ef-
froi & la confternation, & ne laifTent la vie qu'ä
unepoign£ed'hommes,que lapefte va bicn-
töt detruire. Je Ies apper$ois deja foibles, pa-
les, Iivides & expirans fous les coups redou-
bled d'une Divinite terrible.
L'osuvre eil confommee: l'Egypte eft anean-
tie; les enfans deJacob font defcendus chez les
morts; lesMinifires&Pretresdu Tres-ha'ut,
Mo'ife&Aron vontbientötn'etre plus. Deux
homines reftes feuls des efclaves de l'Egypte
vont conduire les enfans des morts dans une
terre fl fouvent promife & fi cherement ache-
tee.
Petits-fils d'Abraham, d'Ifaac & de Jacob,
icoutez pour la derniere fois votre chef que
vous allez perdre: Hte dich Dominus. Voici
les Decrets de l'Eternel. Vous avez vü pe>ir vos
peres, & vos enfans ä leur tourferontetouffes
fur vos cendres. Vous avez des Juges ,vous au-
rezdesRois. Juges, Rois, Peuples, tout
fera extermine. La guerre, l'efclavage, la
pefte, la famine & la lepre feront votre
partage. On vous aura vus riches, puisfans,
xedoutables, l'effroi des nations. Sans llois,
fans pretres , fans facrifices, fans loix,
erranspartoutela terre, on vous verra l'op-
probre des autres nations, le rebut & l'execra-
tiondeshommes.
Quelle tendreffe dans un Dieu fouveraine-
menebon.' Quelle moderation dans un Dieu
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( 107 )
foüvefainement jufte, fage &mife>icordieux,
pour un peuple qu'il a choifi , qu'il» a conduit,
qu'il ch6rit par predile&ion fur tons le« autres
peuples, pourlequelilavoitöpuife les treTors
de faprovidence,&faitagirtousles refibrts de
fonpouvoir fupreme jufqu'a inierrompre l'or*
dre linmuable de la Nature entiere! Eft-ce bien
lä le Dieu de l'Univers, le Dieu que je dois re-
connoitre & adorer? Ai-jeeneffet trouv£ la
vitki que je chercbe ?
Meurs, Mo'ife, meurs, tyran dertruaeur,'
Que le ciel rtcrafe de fes foudres vengeurs;que
la terre irritde comine leciel de ta perfidie &
de ta cruautö, s'entr'ouvre fous tes pas cri-
minels &t'engloutiffe, monftre abominable,
dont l'haleine empeitie a foufflö fur töute !a
farface de la terre les femences empoifonne'es
du plus horrible & du plus deteftablefanatifrne,
dont eile ell encore malheureufement infe&ee;
queta memoire abominable refte en horreur
dans tous les fiecles.& chez tous les homines, &
periflentceuxqui la reverent!
Et vous, peuple furieux & infenfe, hommes
vils &grofliers, dignes efclaves du joug que
vous portez ... Allez, reprenez vos livres, &
^loignez-vous de moi.
\
E tf                &PES'
-ocr page 107-
( ioS )
QUESTION DE THEOLOGIE.
V|Ur un Prix remporte' a l'Acaddmie- des
• Sciences en 1728, pour prouver que lcs
Thiologiens ne connoiffent point Dieu.
Cesignoran;ferontignores. Cor. 14.38.
Ceux qui ne connoiffent point Dieu font des in'
fenfes
, qui ne font experts qua faire le mal.
Jean 4. 2.2.
Cefont les per [hut curs des juftes qui ne con-
noiffent point Dieu ni [es attributs.
1. Corinc
2. a.
Dans cetems-lh, nul »'aura befoin d'en feigner
fonprochain ä connoitre Dieu; Car tons les etus le
ionnoitront, alt It Seigneur.
Heb. 8.11.
QuicCnque ftra mourir les jußes, dir a encore
qu'il rend [ervicea Dieu , pane que ttls Perfecu-
teurs ne connoijjtnt point Dieu.
Jean 16.1 & %•
QU E ST 10 N.
Vous Dofteurs en Theologie,
Puisque nous void dansce lieu;
- Sansaucune Amphibologie,
Bites nous ce que c'eft que Dieu?
R E P 0 N S E.
Loin de rien decider fur cet Etre fupreme,
Gardons enTadorant, un filence profond;
Ce myftere eft iminenfe & I'efprit s'y confond•;
Pour dire ce qu'il eft, il faut etre lui-mSrne.
>
-ocr page 108-
C 109 )
R E P L I QU £:.
Quoi! Parmi vos plus beaux esprits,
Cette r^ponfe piroyable
Quineditriendu tout, aremporte Ieprix?
Lesvers enfontpolis.l'harmonieagreable;
Mais que voit-on de raifonnable ? :
Si vous n'avez jamais compris
L'efpritdei'Univers.l'Etrefeul adorable, ,
Mal4-propos,Do£teurs, avez-vous entrepris
De Touloir enfeigner Ton culte a tout Je monde,-
Quand votre ignorance profonde
Ne fait quel eft ce Dieu, fait-elle en bonne foi,
Quelle eftfa volenti, fonculte, ni la loi?
He! comment voulez-vous que fur vous-on f#
fonde?
Puisque vous ne connoiflez point,
Quelle eft la Nature.divine j
A quoi fert done votre Doctrine,
Qu'ä nous abufer fur ce point ?
Pourquoinousprßchcz-vous de croire des mjt-
iteres,
Que vous n'avez jamais con$us ?
Qui nous aflurera que de vaines chiineres, -
N'auroient point abufönosperes,
Dont la tradition vous a decus, com me eux.
Dans un etre tout bon, efr il de la colere ?
De la vengeance, desfureurs?
Qu'une humeur jalonfe 1'altere ?
Qu'ilaitdela rancune?etmilleautreserreurs3
Qu'il fe repente enfin d'a voir fait un ouvragej
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( no y
Aihfiqueprechent ces do&eurs?
EtqueFEtretouthon, tout prevoyaut, tout
fage,
Aux iäches paffions, com me aux vils attributs,
Se trouve affujeti, fuivant le tshnoignage,
De leurs ^coles de Bibus ?
Le peuple admirateur de frivoles rebus.
Dans ce quatrain, peut-etie, y trouve du fi>
blime:.. ■
Mais l'hommebien fenfe n'en fera point d'es-
time:
Cen'eftqu'uhridicule abus :
Ainfi fontfaits tous ceux dont 1'erreur nous op-
prime.
En nous cachant ia vtfriti,
Par les dötours lubtils de la vainemagie,
Qu'on nomme avec refpeft, chez nous trt&»
logie,
Mais qui n'eft tout aü plus, qu'un favoir in«
vented
Pour couvrirlaraifond'affreufeobfcuriti.
He.1 qui pourroit, dofteurs, felon votre doc-
trine , ,
Croire, adorer ,aimer une Diviniti,
La fervir, la prier que fa bonte" divine
Soulage nötreinfirmite?
Si nous n'en ayons nulle id<£e,
Sa Grace a nos defirs peut-elle etre accordee •?
Helcommentfaurons-nouscomme il faut l'in-
voquer.
yeut-etre en vous fuivant, ce ferale chequer?
-ocr page 110-
C Hi)
Car qui peut bien fervir un maitre,
Quandilnel'a jamais connu?
Et meme felon vous, ne le pouvantconnoitre-, ,
Faudra-t il l'invoquer en langage inconnu,
CommeRome toujoursavoulule prefcrire?
Quoüpouvons-nousbien nous flatter,
Quand nous nefavons pas ce que nous ofons .
dire,
Que Dieu voudra nous ^couter ?
Je l'avois bien preVu , que nötre intelligence
Ignoroit du vrai Dieu rentiere connoiflance ;
Sans droit & fans raifon.vous dreflez des autels,
Cependantvous voulez faire errer les mortels
Sansqu'ilspuiflent fuflireä vos laches deman-
des;
Vous leur faites donner offrandes fur offraa-
des :
Voilä le feul motif de v6tre doftorat,
Que vous nousannoncez, avectantd'apparat.
Docteurs, en verite, vous vous trompez vous-
meme;
Vos fillogismes,vos fiftemes,
Ne font qu'un vain babil, &tousvos argumens
Ne font que des embrouilleinens,
Qui voudroient nous 6ter rentiere connois-
fance,
Que nous avons d'un Dieu, tout puiflant, tout
immenfe,
Tout bon, tout grand, tout faint,toutjufte,tou{
parfait,
Qui fit tout, par qui toutfutfait;
-ocr page 111-
C M*')
Mais fidubien, du mal , vous cherehez 1'ori-
gine,
Dans ce fabricateur, dans cette ame divine ,•
Sachez que le mal & le bien,
Sont deux principes ntSceffaires,
Qui fubfi (tent par lenrseontraires.
Cardans 1'Univers il n'eft rien
Qui n'aitquelquecontraire , ou quelque anti-
pathie:
II n'eft nul bien fans mal, & cette verite"
Nous fait voir que la fauffete"
Avec le vrai ne peut avoir de fimpathie..
La lumiere, & l'obfcurirf,
La joie, &la melancolie,
Sont contraires de quality,
Ainfi que la fante l'eft de la maladie.
Ainfi par le contrafte, en incidents divers,
La Nature fubfifte, &rögitl'univers.
Ainfi Dieu, de tout terns, Payant determined,
Elle doit ä jamais fuivre fa deftinee.
Malgre tousles vceux desmortels ,
Les prieres, l'encens futnant fur Ies autels,
N'extirpent point la femence des vices;
Des humains, les pompeux & devots facrifices,
Car Dieuprevoyant tout, a toutprdordonnd,
Et neceffairement tout predetermine.
II n'eft preftige ,ni miracle,
Qui puiffe y faire aucun obftacle.
Ainfi fans nousenteurmenter;
Ce qui doit arriver, arrivera fans doute^
De nos conditions il faut nous contenter,
Et fuivre fagement le cours de notre route,
-ocr page 112-
( "3 )
• En jouiflant des biens, avec fobrieti.
Que vötre aveugle foi, fuivantl'obfcurite*,
Dofteurs, vous mene aux lieux, ou l'ame ne,
voit goute,
Pour nous de la raifon, nous fuivrons la claxt&
Qui conduit au fejour de lafeliciti.
VAN'
-ocr page 113-
C»4)
L'JNTl'THEOLOGIEN.
COntre touslesProfeffeurs du menfonge,
& de la fuperflition, qui veulent faire
paffer leurs reveries & leurs chimeres pour ar-
ticles de foi.
Aux Ama teurs De La Droite
Raison & De La Verite.
2'ua-a'mis, nt vous fiez. point a tout Efprit,
mais eprouvez. UsEfprits,[avoir s'ilsjont de Dien:
CarplufieursfauxDotteitrsJont venus an monde.
I. jean. 4... 1.
PREFACE,
Aux fanatiquts, idolatres, £? juperfiuieux;
tnntmis de la verhe,qui nepeuventfoujfrir la fat-
ne doclrine; mais ayant les ortilles portets atf
menfonge , era I'errear, ce font des dofteurs Jul-
vant leurs defirs ,&enfe detourna nt du ftrvict
duvraiDieu,ils s'abandonntnt aux fabuleufes
chimeres de cesfophißes.
Timoth. 2. 4. 3-
V
Ous ennemis de la droite raifon,
Qui rejettez cette clarte celefte ,
Letteurs nourris du dangereux poifon , .
Done vous feduit le menfonge funefte: .
Eauxfeftateius de preüiges pervers.,
-ocr page 114-
(■IIS-)
front eft rempli tout ce vafteUnivers» -
Et qu'on diroit qu'une noire magie
Enforcela de fa theologie. (
Si vous pou vez, r^pondez a ces vers
Peupleinfenfe.peuplevifionnaire,.
Et fanatique, et fuperftitieux,
Esclave vil de l'erreur menfongere,
Adorateur d'une fotte chimere,
fre prejuges, et d'une foi fansyeux,
Sans fond'ement, raifon, ni connoiffance,
D'opinions chacun eft entete,
Suivant l'inftinct de fa craffe ignorance,
Raifonne enfin comme un änebäte,
Sans rien favoir, fans nulle intelligence,
Qu'un refte impur que l'ecole a dicti,
Qui n'efl aufond .qu'erreur, qu'extravagance»
Qu'amufement, qu'abus, que fauffete;
Or de ces gens d'efprittant infecle,
Vous allez voir l'autentique fentence...
L'AN-
-ocr page 115-
C *16 )
V ANTI-THEOLOGIEN.
"M On,MeflIeurs Ies Dofteurs, vosfophis-
•*■
            mes divers
Ne detruirontjamais laraifon qui m'^claire.
De vos dogmes trompeurs, vous troublez 1'U'
nivers,
Mais votre aveugle foi, n'eft qu'erreur, que
chimere,
Qo'une illufion temeraire,
Comme vous verrez en ces vers.
Il faut, nous dices-vous, croire tous vos myfte-
res,
Ou nous ferons damned.... damned! lemot eft
doux!
Mais ces myfteres faints.de qui Ies tenez-vous?
Dfi qui ? nous Ies tenons des lecons de nos pe-.
res.
Par la tradition, ils font pace's ä nous.,
II faut croire, fans contredire, ]
L'aveuglement doit nous fuffire,
Et nous nous y foumettons tous.
Fort bien; mais dites-moi, fans chagrin, fans
couroux,
Tous Ies hommes font faux, vos peres pou-
voient l'etre,
Ou bien des ignorans, autant que vous peut-
etre,
Quelle preuve avez-vous de leur vocation,
Pour croire aveuglement ä leur tradition?
-ocr page 116-
(ill)
Vousrte pouvez avoir pour fonder vos fyrte-
rnes,
Que ce qu'ils vous ont dit eux-memes,
Eux-memes les ont dits,commeilsies ont con-
nus,
Eux-memes pourroient bien avoir 6ti d^cus,
f uisque tant de docteu*s errent ä votre compte,
Vous pouvez bien auffi, comme eux, errer
fans honte.
Qui fait la verite"? Eft-ce vous ? oui; abus.
Vous favez nous tromper, dodleurs, & rien de
. plus;
Car fuivant tous vos paradoxes,
Parmi tous ceux que vous blamez,
Vous ne fauriez jamais paffer pour orthodo-
xes,
Us vous condamnent tou», & vous Ies corr-
damnez.*
«"as deux du meme avis, pas un qui ne difföie s
Surlafoi dequelque myltere:
Vous blamez tous les gens dontvous etesbla--
Qui devroit decider ? La raifon ce me femble■:
joint du tout, direz-vous, ce doit etre la foi :
*i eft vrai, l'une & 1'autre eft aifez mal enfem-
ble,
Carlafoifefaituneloi
Oe croire fans raifon, fanspreuve, ni fans dou-'
T te,
< out myftere oü jamais le bon-fens ne vit gou-
te.
c'eftainfi qu'il faut croire;
unpouvoir abfolu
L
-ocr page 117-
C "8 )
' Vousl'ordonne. Croyez: 1'eglife l'a voulu,
Mais je demande quelle eglife
Medoitprefcrire un reglement,
Sur qui doit mon ame foumife,
Pofer I'affure fondement ?
Chacun tient pour la fienne & la croit ferme-
ment,
, Croyez votre pafteur^, en matiere fihaute,
S'il fait mal ä fon dam, ce n'efl pas votre faute,
J'en conviens; mais lequel dois-je avoir pour
pafteur ?
Simon pafteur eft faux,dois-jeen un precipice»
Suivre fes pas errans , pour plaire ä fon caprice,
Comme un aveugle fult un mauvais conduc-
ted ?
Dois-je, enfin, me foumettre aux foins d'un
impofteur ?
Dieu me faura-t-ilgr^fi je fuis un perfide,
Untraitre, oubienunradoteur?
De cent docteurs, enfin, que je prendrai pour
guide,
C'eft une queftion que pas un ne decide:
Ou chacun la decide en fa propre faveur.
Chacun la veut pour foi: chacun dit c'eft la nö-
tre.
Qui vaut mieux de l'une ou de l'autre ?
Qu'on me prouve,ie viens toujours fur ce point
Et ne puis croire fans celä.
Ma raifon veut avoir quelque preuve plus clait
re;
Que les lieux coramuns d'un cur£;
-ocr page 118-
( TI*)
'■' Ce fatras obfcur de chimeres,
Qu'on debite au peuple effari,
Avec le fens commun ne s'accommode guere.
Qu'on me parle raifon, d'un efprit 6pure^,
Je fuis pretd'^couter, & croire vos myfteres;
Et fi par la raifon, on n'y peut rien con noitre,
Certes, pour croire il faut done Stre
Bien aveugle, ou bien ^claire';
Bien dclaire pour voir du vrai dans des myfteres
Si discordans entre eux, as bon fens fi contrai-
res i
Bien aveugle pour ne voir pas
Les panneaux, que Ton tend a ces araes vul-
gaires
Quicroyent, & font fi grand cas
De ces fraudeleufes chimeres,
Qu'ils gouteront un jour des biens imaginaires;
Ouque, pourlespunir, Dieucreufe fous leurs
pas,
Un enfer apres le trepas.
Oui: mais, dites-vous, on rifque ä ne pas croire,
Et croyant, vous ne rifquez rien;
Qui vous a come- cette hiftoire ?
Pouvez-vous croire tout, & le mal, & le bien ?
Le faux, le fou, 1'injufte, ainfi que l'üquitable?
La veritd, comme la fable ?
Non: done il faut opter, & choifir un pirti :
De cent, nonante-neuf auront le dementi,
Votre parti tout feul fera le veritable.
Mais, que prouve-t-il plus qu'un autre, rien,
helas!
Nous retombons toujours dansle m6me em-
barrass
-ocr page 119-
( no )
line prouvera rien, il croira fans comprendre,
Sans raifon, s'appuyantdeliuslafoid'autrui,
II payera les tributs que chacun peut pr&endre,
Toujoursfoumisätout, toujourspietä ferea-
dre.
Quand on n'a ni bon-fens, ni raifon pour appui.
8
ue faire f ce parti h'eft pas mauvais ä pren die.
naveugle conduit par un autre dira
Sij'ytombe, ilytombera.
La confolation eft toujours quelque chofe..
Mais venons,ileft terns, au principe des cau-
fes,
Et voyons fi quelqu'un de vous contredira ?
Plus je cherche, & plus j'envifage
De ce vafte Univers, le merveilleux ouvrage;
Plus je vois de temoins de la divinit6,
J'en concoisl'excelience&lafolidit^,
J'adore enfremiffant, l'immenfede'ite,
Dont mon efprit fe forme une fi belle image:
Mais fi j'en cherche da vantage,
Je ne trouve qu'obfcurite' :
La verite cachee au milieu d'un nuage,
A mon efprit confus, n'offre plus de clarte;
Rien ne fixe mon doute, &ma perplexite,
En vain de tous cötes, je cherche quelque tt-
fage
Qufdubon, quidudroitne foit pas ecarte;
De mille prejuges, chaque peuple entete,
Me tientun different langage,
Et la raifon prudente & fage
Ne decouvre qu'erreur, & qu'ambiguitd.
ChrC-
-ocr page 120-
( 121 )
Chrdtien, Turc.Chinois, toutlemonde rai»
fonne:
Chacun dit, ma croyance eft bonne :
L'un dit blanc, l'autre noir; & ne s'accords
point.
Qui croirai-je, du Talapoin,
Ou bien du docteur de Sorbonne?
Aucun: mais je demande un juge fur ce point,
Qui foitjuge fincere, & n'dpoufe perfonne:
Ce fera le bon fens qui vous dit en deux mots,
Dofteurs, vous etes tous des fourbes& des fots:
Car fi vous croyez veiitables
Tout ce que vous prSchez, & debitez aux gens,
Vous ne diftinguez point le vrai, d'entre les fa-
bles,
Vous etes done des ignorans
D'dclaircir un myftere, en 6tant incapables.
Si vous ne croyez point, avouez donc,docteurs,
Que vous etes des impofteurs.
he vulgaire en aveugle, a I'erreurs'abandonne;
Et la plus froide fiction,
Sous l'auftere manteau de la religion,
Des fots admirateurs, dont le monde foiflbnne,
Frappe l'imagination.
Les relations creufes & path&iques,
L'enfer, leparadis, foumettent la fierte";
£t la crainte, ou l'efpoir dont- on eft agitö,
Tout donne aux ignorans, cette dociliti ,
Qui dans toutes les republiques,
Entretient laftupiditi.
Leshommesvains &fanatiques
Recoivent fans difficult^,
-ocr page 121-
( 111 )
Les fables les plus chimeriques.
Un petit mot d'tfternite,
Les rend benins & pacifiques;
Et Ton re'duit ainii le vulgaire hebete,
A baifer les liens dont-il ell garotte\
Certain legiflateiir par femblables pratiques,
Süt fixer autrefois unPeuple inquiete%
Etfurpritfacredulite,
En donnant fes loix politiques,
Sousle nom fpecieux d'une divinity,
Puis feignant d'a'voir vü fur un mont ecarte*,
Des vifions beatifiques,
11 fit entendre alors ä ces peuples rtiftiques,
Du'unDieudansfon eclat, &dar.s fa majefte",
A fes yeux(~ploais s'etoitmanifefte.
Apres il leur fit voir les ordres autentiques,.
- Fabriquez ä fa volonte:
II appuya le tout par des dits pathetiques,
Que fon propre interet avoit ainfi dicte;
Qui furent toblir les ordres defpotiques,
Et fonder fon autorite,
Sur cent ffiaximes tyranniques.
Ox, «Tun gouvernement de la forte inventor
Tout ce peuple fut enchante",
De ces fadaifes magnifiques,
Dont jufques ä preTent le Monde eft infede".
Cedifcoursunpeufort, vousdeplaira peute*
tre,
Docteurs, & pour certain, vous le condainne-
rez,
Par la loi du plus fort, dont vous vous annerez;
Catte loi qui decide en maitre;
-ocr page 122-
( 123 )
Eft la feule raifon dont vous vous fervirez.
Mais pour des raifons raifonnables,
Raifons juftes & fans de-tours,
Elle vous manqueront toujours,
Pour la defenfe de vos fables ,-
Comme on pent colliger par tout cet entretien:
Ce n'efl pas votre gout: mais chaciin a le fieri.
Je ne dis pas pourtant qu'il n'efl aucun myftere.
Point d'enfer, de demons, d'anges, deparadis,
De refurredtion, &lerefte. , Je dis,
Sans raifonner en temeraire ,
Ques'ileneft, pour fur, nul homme n'en fait
rien,
Et fur ce qu'on ignore,on doit toujours fe taire.
La foi, me direz vous, le montre pourtant bien
Cette preuve eft certaine & claire:
Parfoinous connoiffons. He quoi ? vaine chi;
mere!
Pantdme decevant! avez vous de la foi ?
Vous, quoi! pourriez vous bien me le prouver
ä moi?
Allez done dans les mers profondes,
Planter des arbresau milieu.'
Tranfportez les monts deleurlieu;
Cheminez au travers des ondes :
Arretez le foleil: docteurs faites nous voir
Des morts reflucitez, des prodiges etranges..«
"oint du tout, ces travaux paffent vötre fa-
voir,
'-ependantvousparlez d'enfers, de diabies,
d'anges,
F 2
-ocr page 123-
( 124 )
De gens griinpez en I'air, de celeftes phalaii'
ges;
Meffieurs propofez vouschofe en vötre pou-
voir,
De prouver, oufi non, taifez vous fur ces cho-
fes,
Et fur maint autre encore que vous ne favez
point:
Adorons d'un coeur droit, la principe des cau-
fes,
LeCrdateurdetout ,Dieuc'efl I'unique point:
Remettons en lui feul, Alamort, & la vie,
Aimons le , faifons bien, gardons nous de tout
mal.
Au rede, pafTons fans envie,
Par deffus le favour fatal,
Qu'ila voulu cacher: Car toute notre dtude
Ne peut en debrouiller le tenebreux cahos :
Toute recherche en eil& temeraire, & rude-'
Paffons nötre vie en repos
La raifon & la confcience.
Que nous avons regusau fortirde l'enfance,
Suffifentpour nous amener
A cette fin, que Dieu deftine:
Le plus fur eil;, fans tant tourner;
De fuivre cette loidivine;
Qu'il veut bien ä tous nous donner.
Pourquoi la fiftionpar l'homme imagined»
Doit eile l'emporter fur laröalite?
L'ame au menfonge abandonee»
En depitdubon fens.fuivra lafaufleti?
En rejettant le vrai, le röel , la ehrte"!
-ocr page 124-
( "5 )
Qu'elle thefe pourroit etre plus erronee ?
lit puifque la raifon ä mon ame eft donnere;
Je crois que c'eft pour raifonner,
Examiner, determiner;
Sans cela, pourquoi Dieu I'auroit-il ordonne^e?
Et pourquoi, puifque j'ai des yeux,
Dois-je voir par les yeux des autres ?
Qu'on me montre done, que les vötres.
Sontplusfürs queles miens, &meguideront
mieux;.
Que c'eft par vous, enfin, que je dois me con-
duire,
Qua vötre aveugle foi, ma clarrd doit fous-
crire,
Que Dieu vous a comm is au Monde pour celä,
Quejedoisobör, que je n'ai'rienä dire,
Et qu'enfin c'eft bien vous que mon choix doit
'elire:
Qu'on me prouve, & j'en reftelä.
Mais vousniez,dit-on,lesprincipes vulgaires,
Sur quoifontfondez nos myfleres :
Comment peut-onprouver•' ho! voicil'embar-
ras!
He quoi! ne dent il done qu'ä batir un fatras.
Deprincipes imaginaires,
D'opinions & de chimeres ?
Car chacun en batit meffieurs, dans un tel
cas,
Avant que propofer les chofes,
*I faut en ötablir le principe, & les caufes,
Avec preuves, G non, l'on ne vous croirapasj
Ur tout principe de foi-meme,.
-ocr page 125-
C 126)
Se peut prouver fort aifement :
Ce ne doit pas etre un fyfteme,
Obcur ä nötreentendement.
L'amedel'Univers, auteur de la Nature,
L'Etre fabriquateur de toute creature,
Qui du vafte infini pofe les fondemens,
Et dans Timmen :1fe plate les Clemens,
Ce Dieu qui fut fixer I'obfcur & lalumiere,
Debrouiller le cahos , le vuide & la matiere ,
A nötre entendement, fe Iaiffe appercevoir;
Mais vous,docteurs,faites nous voir.
La vtSrite' de vos principes,,
De vos types, & prototypes,
Prouvez, jeeedeäleurpouvoir,
Repondez nous, docceurs, foutcnez I'hipoj
tefe,
Si non, j'ajouterai ce point,
Que votre doctorat fe taife.
Buvez, niangez, dormez, toujours bienävö«
tre aife,
Et ne nous en doctrinez point.
Allez parmi les aftrqlogues,
Ce? clifetirs ct'horofpoce, & les chiromantiens,
Debiterädesfots, vos magn<hiques drogues
Comme font les forcier«, & les magiciens :
Car il eft de ces gens, beaucoup plus qu'on ne
penfe,
Quoique plufieurs difent que non:
Je foutiens qu'il en eft; rnais toute leur enge-
ance.
Se nomme par quelque autre norru
-ocr page 126-
C 127 )
Eo&eurs, repondezdonc, fi vous favez re-r
pondre ?
Ou ne repondez point : certes vous ferez
bien;
Tout votre do&orat n'eft qu'un foible fou-
tien,
Votre foi fens raifon, ne fert qu'ä vous confon-
die;
Et puifque fans raifon, vous ne fauriez repon-
dre,
Defaites vous, vous ferez bien,
D'une ridicule doctrine,
Quin'aniraifon, nibonfens.
Mais avec ma raifon, je concois & j'entens,
Jerefiechis, jepenfe, enun mot j'examine,
Jeconclus, je me determine,
Je crois avec raifon, voilälajufteloi.
La raifon fuitdes fens la veritable route,
Elle juge par eux, euxfeuls luifontla loi,
Le mufc fe reconnoitpar l'odorat fans doute f.
Sil'oncroitleblanc, blanc, c'eftparce qu'on
le voit:
On croit l'abfinte amer au moment qu'on la*
goute,
Ainfi, c'eft par les fens , que notre raifon
croit.
Maiscroirefans raifon, do&eurs, jefoutiens
moi,
Qu'on eft aveugle, fot, ignorant, imbecile^
Incapable de tout, &quecertainement,
Votre the^ologie eft fauffe , eft inutile ,
Et n'eft que pour les fots, un fot amuferneiit,
F4
-ocr page 127-
( »8)
Ce n'eft que chofe tdin^ratre,
Sans darts' & fans jugement,
Qu'ellepropofeatous de faire:
Croyev. fans raifonner. C'eft fur ce fondement,
Surlafoi, puis fur lemyftere,
Qu'elleetablitfon fentiment.
Toute religion parle m&me langage;
Lesmyfteres, lafoi, lesmiracles, c^efttouf.
Ce que de concevoir aucun ne vient ä bout;
Faudra-t-il fe livrer äce rude efclavage ?
Croire, obeMr, ä qui ? ä de gens conime nous,
Qui n'en favent pas plus, fouvent bien moms
encore.
Qui tiennent des propos de fous,
Fropos que le plus docte ignore,
Faut-il croire pourtant, fans pieuve & fans
raifon?
FaufMl facrifier, pour cet arret funefte,
Et notre intelligence, & les fens, & le refte ?
Quoique beaucoupplus furs, & fans compa-
raifon,
Plus conformes enfin aux loix de la nature,
C'eft ä dire aux decrets de la divinite!
Car il n'eft aucune impofture,
Dans l'ordre naturelqueDieu nousadicW,
Done la raifon doit feule etre la regie fure.
Q ui conduit ä la v<£rite\
Fuisencor, de la , nous propofe.
D'aiffierleCifjateurpardeffus toute chofc,
Et d'aimerleprocbain aufli:
Or je conclas de tout ceci,
-ocr page 128-
f iio i
Quec'eftpar la raifon, que Ton connoitla
caufe,
Et le principe de tout bien r
Toute fehcite dans ce bien eftenclofe,
A fuivre encar ce bien , la raifon nous difpoie ?
Süivons le donc,c'efc tout. Tout le reften'eft
rien,-
*s
-ocr page 129-
( i3° )
LA BATHSEBATH,
AUtre fois fur le point du jour,
Une certaine Bathfabdc
Apres fa cornctte lavee,
Voulut fe laver ä fon tour.
D'abord fut pour oter la crafle,
Des doigts ä la jambe Ton paffe,
De la jambe jusqu'augenou;
Et de lä, je ne fai par oü :
Tantqu'ä la fin, chemife bafle
Elle s'en donna jufqu'aucou,
S'agitant de fi bonne grace,
Qü'un fage en fut devenu fou.
David du haut de fa terraße,
Je ne fai comment l'appercut;
Eile etoit blonde,blanche &grafTe:
Le voila tout d'un coup en rut.
Le grand veneur de telle chalfe.
D'abord chez la belle courut,
Croyant d'y trouver bonne plac
11 fit l'ambaflade qu'il dut;
Mais avec que fa bonne grace,
La belle afiez mal le regut.
Soit pour la feinte, ou la grimace c
Maisälafin, ellelecrut.
David la joint, David rembraffe;
Et tant il fit qu'elle concut-
La premiere fois ce ne fut
Qu'afin de mieux marquer lachaiTe j
L'enfant naquit, 1'enfant mouruc:
Mais pour la feconde valut9.
-ocr page 130-
C 151 )
Un trefor ä l'hnmaine race;
Car de Ja vint comme ä Dieu plot,
De main en main, notre falut.
II faut avouer que la grace
Fait bien des tours de paffe, paffe,
Avantd'arriverä fon but.
EPITRE a ATHEN AIS.
V Ous dont la main fage & fövere,
A, par un effortgeneieux,
Arrache de l'erreurlebandeau fpecieux
Et fu brifer les liens odieux,
Qu'elle fait adorer au ftupide vulgaire •
Athenai's, vous que la ve'rite'
De fes fecrets a pris le foin d'inftruire •
Et fortant devant vous de fön obfcurfte'
A vos yeux, ä l'inftanc, avez vü fe ddtniire
Lesprejuges trompeurs qui viennent nous fö-
duire
Dansce fentierpeu frequente-,
Prennant la fageffe pour guide,'
Heureux qui, comme vous.d'une courfe rapide
Peutvoler vers ce vrai, ce vrai tant fouhaite,
Et raffurant fa demarche timide,
Dans ce fentier neglige- des humains;
Fixer fes pas trop longtems incertains.
Mais, les tdndbres reverses
De J'ignorance &de l'erreur,'
" De la credulite le charme föducteur
OntfaitprendieauxmorteJsces traces dgar^.
& 0
-ocr page 131-
( «3? >
Cependant en naiffant l'bomme porte en fon
coeur,
De la raifon les femences facrdes:
D'elle depend fon unique bonheur,
Mais loin de cultiver cette plante divine,
Lcsfuneftes impreßions.
De centfaufles opinions,
,1/etoufferent bientöt jufques dans la racine.
A la clartidu jour ä peine ouvrantles yeux,
L'homme commence ici bas fa carriere,
Qu'on le livre au joug rigoureux.
Des pr^jug^s & de l'erreur altiere:
Tyranscmels, tyrans imperieux,
Dontil s'eft fait lui-meme efclave volontaire
Nature cette tendre mere
Lui donna.pour le rendre heureux,
Des pafllons ä fatisfaire,
Mais aveugleartifan de fon fort rigoureux,
L'homme mit follement fa gloire ä les abatre,
Etforgea, tropinduftrieux,
Des pre'Jugfo pour les combatre.
Pour les plaifirs l'homme fans doute eft ni,
Enfant cheri de la Nature,
Le fein de cette mere eö une fource pure,
Des douceurs dont partout il eft environn^
Sur l'univers entier que Ton jette la vue,
Tousnosfens font flattez des cbarmesles pjus
doux;
Oü trouver un endroit dans fa vafte etendue,
Quine foitpoint marque" par fes bont^s pour
nous,
Pans les bifilis que laterre enfaat&
-ocr page 132-
C 133 )
Connoiflbns cettevdriti,
Son immenfe feconditd,
De nos devoirs eft h lecon vivante.
Indpuifableen fertility.
Voyons de toutes parts; prodigue en fes lar*
gefTes,
Nature äpleines mains repandre fes richelfes,
Etfous cesnomspar nous memeinventez.
Faire naltre & mürir les biens qu'elle nous
. donne.
Les prefens de Ce"rds, de Bacchus, dePomone,.
Sont des prefens de fes bontds.
.Dans nos champs eile fe pare
Pour un terns des epis croiflans;
Etpuis eile abandonne au laboureuravare
De fesguerets lestreforsjauniflans.
Ici toujours plus favorable
De rros delicieuxcdteaux,
Elle fait couler ä longs flots.
Cette iiquer adorable,
Dont 1'encbantement aimable.
Sait au milieu de tranquilles feflins,
Faire naltre la joye & mourir les chagrins?
Dans cc pays, l'arbrefertile.
Dont lesrameaux, honneur de nos vergers*
Courbent fous le poids utile.
Des fruits dont ils font charges,
Semble nous annoncer par une voix touchan«.
te,
Aprochez, 0mends! venezencesbeaux
lieux,
-ocr page 133-
C 134)
C'eftpourvous que font faitsmes fruits ddi-
cieux:
Cueillez ,. favourez en la douceur innocente;
Et beniffez l'auteur de ces dons precieux,
Ce n'eft qu'ä vous qu'il les prefente.
Ces richeffes ne fontni pourlui ni pour moi»
Ufez en, livrez vous ä cette douce loi;
Etrendezgraceäfa main bienfaifante.
Nous eniendous partout la meme voiXj
Tout ici bas au plaifir nous invite,
A jouir tout nous excite;
Les yeux font öbloüis du vif email des fleurs.
Que'zephir dans nos champs au matin fait i»
clore,
Et qu'il fait embelir des plusbelles couleurs»
Pour en faire hommage ä Flore.
Ici les douxoifeaux volant furies buiffons,
Gazouillent, äl'envi, mille chanfons .•
Ce clair ruifleau qui fait dans la prairie,
Etfaitfäns s'arretermille cercles divers,
Melantfondoux murmure ä leur tendrehar-
monie,
Forme les plus charmants concerts.
Partout brille Pdclat de fa magnificence,
Chaque faifon encor vous offre fa beaute,
Afin que vous goutiez, dans cette difference,
Les agremens de 1'abondance
Etceuxdelavarietä.
La Nature ainfi doncne cherchant qu'4 nous
plaire „
Prodigue fes trefors ouverts de tous cotez; i
Et p|r tout nos fens enchantez.
-ocr page 134-
( 135 )
Trouvent de quoi fe fatisfaire;
Rien n'echape ä fes tendres foins,
Et fes bont& toujours propices,
Nous font trouver des delices
Oil nous cherchions nos befoins.
Nos adtions indispenfables
Sont pleines demille agr&nens:
Neceffäires en meine teins,
Elles font toutes agreabies;
Et pour combler notre felicite",
Nos befoins fontinfeparables
Des attraits de !a volupte'
Mais que nous ont fervi ces dons ineftimables?
Helas &Ies mortelsinfenfez.
Sont de l'aveuglement devenus les victimes.
Aux biens qui ies cherchoient ils fe font refu«
fez.
Dans des plaifirsfi purs, ils ont place; des cri«
mes;
Esclavesrampans &honteuxj ' '
De fana'tifme & d'ignorance,
Us ont interdit ä leurs vceux
Lesdoux plaifirs, enfans de i'innbcence,
Qui s'offroit partout devant eux.
Mais regardez quelle eft votre imprudence j
Et rougifiez, o mortels trop foumis!
Quoi! ce n'eft que pour votre perte,
Que ces biens ont ete" produits ?
Desfieursle vif<Sdat& ladouceurdes fruits,
Tous les treforsdont la terre eftcouverte,
Etalentä vos yeux leurs perfides faveurs,.
-ocr page 135-
( »3« )
Pour verfer furement le poifon dans vos
Quoi cesvifs fentimens dont notre ame efte-
miie ,
A l'afpetl de la beaut^,
Ces charmes attrayans qu'elle offre a notre
vue,
Ou font melez les traits de la divinite,
Ces agitations aimables,
Ces defirs, ces transports qu'elle faitnaltre en
nous.
Sont-ils des mouvemens qui nous rendent cou-
pable?
Nebrillet-ellehelasldesattraitsle plus doux,
Qu'afin de nous porter des coups,
Auffi cruelsqu'indvitables?
O vous.Etre-fupreme, auteur.de tous les biens-
Dontvousoffrezlajouiffance,
Sices riches prefens, ouvrage de vos mains,
Sontdespiegestendus contre notre innocen-
ce.
Retirez, retirezvosbienfaits inhumains;
Sauvez nous par pitid des perils trop certains,
D'une fi funefte abondance.
Mais loin de nous de pareils fentimens,
Etouffons ces Injuftss craintes;
Etne portons pas nos plaintes,
A qui ne nous devons que des remerciemens.
Jouiffons, jouiflbns avec reconnoiiTance,
Des bienfaits infinis de fa magnificence.
Mais ennemis de leur propre bonheur,
Les hommes ontde la Nature,
-ocr page 136-
( 137)
EtoufFe la voix filiate & pure,
Qui parloit fans ceffe ä leur creur,
Pour fe foumettreädesloixchimeriques,
A des devoirs fantaftiques
Qui rempliffent leur jours d'^pouvante &
d'horreurs-
11 n'eft plus rien pour eux de legitime,
Un regard, un defir, un penfer eft un crime,
lis n'ont plus ä cueillir parmi tant de malheurs,
Que de trifles moiffons d'amertume & dc
pleurs.
L'homme ainfi s'eft charge* de chalnes crop pe-
fantes,
Qisile font fans ceffe g£mir;
Toujours elles fe font Crop vivement fentir;
Mais que peuvent fes mains foible & languish
fantes ?
A peine tente-t-il des devoirs fuperflus.
Ces chaines foulevdes.
Bientdt par leur chute aggrav^es,
Nefont que s'appefantirplus.
Vous qui voyezleserreurs &lespeines.
Du refte des foibles humains,
Sage par leurs malheurs, libre de craintes vzi~
nes,
Coulez, coulez des jours plus purs & ferains
Athenais fuivez l'infaillible lumiere»
Du flambeau de la v^rite":
Vers les plaiiirs c'eft lui qui vous ^clairej
Ne fermez pas les yeux ä la clartö,
Comme fait le peuple hebete",
Done la debile & treaiblamepaupiejej
-ocr page 137-
C 138)
N'en peut fouffrui'eclat & la vivacity
Pour moi disciple d'Epicure,
Ami de la vertu, fectateur des.plaifirs,
jeneconnoisquela Nature;
Etn'obeisqu'äfes defirs.
He quoi! la frivole espdrance
, Des biens d'undouteuxavenir,
Detruiroit la jouiflance
De ceux qu'on peut prevenir ?
Pour fuivre une ombre fugitive,
^ousfuirionslesattraitsqu'offre la volupte";
Et dans une'attente craintive,
Nous pafierions notre feliciti.
Nonmon: notre ame ainfi ne peut etre captive,
Nous trouvons dans nos fens plus de realite:
Auxplaifirs de l'eternite^,
Faudra-t-il done que Ton immole
Tous les plaifirs d'ici bas;
Que notre ame fans cefle vole
A ceux qu'elle ne connoit pas;
D'un bonheur imaginaire
Je ne repais pas mon coeur ,•
. Lefeul bienprefent peut faire
' Mon unique & vrai bonheur.
Qui peut affurer fi la vie ,
Par la deftruftion des fragiles refforts,
Dont eft compote notre corps,
Nous fera pour jamais ravie;
Ou fi la mort fera d'un autre £tat fuivie ?
Mais fil'&repenfant, que nous nommons e-
fprit,
N'eft rien qu'un fang (ubtil,une flanjme legere,
-ocr page 138-
( 139 )
Modalite de la matiere,
Quis'altere & s'evanoüit,
Puis qu'il doit un jour fe reToudre,
Se changer, s'exhaler & fe require en poudre,
J'attendrai tranquillement
L'heure qui doit me rendre a mon premier
neant.
La Nature,dit-on, fent une horreur extreme.
Pour cetaneantiflement,
Moi, je ne connois point de pareils fentimens-
Comine j'en fuis forti, j'y rentrerai de meine.
Si l'esfprit aucontraire, efiimmateriel,
En brifant les liens de faprifon groffiere,
Que Ton faitici bas fervir ä Ja matiere,
Ce feu facrtS, cet efprit immortel,
Doit, par foneflence divine,
Re tourner dans le fein de cet Etre kernel,
Dont il tire fon origine.
Attendant cet inftant vainement redoute",
Profitons bien de ceux que Je deftin nous laüTe:
Aux piaifirs notrecoeur porte^,
Entre leurs bras doit aimer la fagefle,
Mere de la tranquillity.
Que fes Jecons foient fans foibleflel          ;
Ainfi que fans ferocitd.
La voluptueufe indolence
Ouvre ä nos yeux fon fein tranquflle & douX'l,,
Tandis que le foleil fe leve encor pour nous
Coulons dans les plaifirs des jours plein d'innC«
cence,
Soumis en tout aux ordres du deftin,
Sachons, par une heureufeaddrefle.
-ocr page 139-
C 140 )
DenoÄj'oursreculerUfin:
Mais fongeons,cependant avec quelle vitetTe ,
Ces inftans precieux s'echapent de nos mains:
Ce tems,cet heureux tems fe derobbe fans ces-
fe                                                                        ■ ,
Etfuitbien loin de moi, tandis que je men
plains,                                         .
Goutons done les douceurs que donne la jeu-
A thenais, ainfi le present la fageffe;
Et puis qu'il nous faut tous perir,
Tactions aumoins de vi vre,
Avant que de mourir.
E I N.