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SAINT PIERRE,
PAR FEU Mr. BOULANGER..
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Je frapperai Ie Pattern^ & les Brebis
feront difperföes. Zacherie Chap. XIII. v. 7.
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A LONDRES.
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MDCCLXVU
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TABLE des TRAITES
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Contenu dans ce volume.
DiJfertaUon Pur St. Pierre. Pag. I
Reflexions de TEmpereur Julien. 30
La Mdifade. 95
Qaeftion de Tbtologie. 108
L'cmti-Thiologien. ', j 14.
La Bathfebatb. 330
Mpitre a Atbened's^ 3,3 j-
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DISSERTATION
S U R
SAINT PIERRE,
P4R FEU Mr. BOULANGER.
Je frapperti le Pafteur, & Ies Brebis
ieront difperßes: FercutiaViPaflsrem Ö» difpergentur Oves,
Zach. Ch. XIII. v. 7. piERRE, difciple & apötrede Jefus, eft
univerfellement reconnu, de'puis qu'il ce aJ r^"rrEsiife Chr^ienne, pour le prin- a^drtl S a £ P°ur le Premier des douze doutP i ■ ?KS fon maitre e'eft celui fans E°t1onf V 6S, Chl^iens »nt le plus d'obli- 1\Ha ' c celui 1ui raente de leur part le föeferf/Peil&.le PIus de confutation! m em °!ld apr<bs Dieu> c'eft etre le pre-
m«r parmi les hommes. * A 3
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Aldouin*, Jdfuite,qui a ^critfuriesPapes
au i;e. fiecle, a commence^ commeil le de- voir, par la vie de St. Pierre: il en a meine dbnne le veritable portrait avec celuidetous fes fucceffeurs, fans en omettre aucun; ce qui fuppofe de fa part de grandes recherches. En effet il convient que pour compofercet- te vie intereffante il a lu & confuke plus de cinq cens auteurs. Avec tant de fecours nous devons erre (könnet d'etre auffi peu in- ftruits que nous le fommes fur le fondateur du premier fiege de FEglife. Excepte" quel- ques verfets des Evangeliftes & quelques cha- pitres des Actes, il ne reite que des tradi- tions tellement conteftees que plus delamoi- tie du monde favant doute que Pierre ait ja- mais fiege dans Rome. On a cepen'dan't poffede plufieurs ouvrages
fous le nom de cet apötre; mais les uns one <5td rejettes en divers temps, & lesautres, en petit nombre , ont dt<5recus. L'Evangile de St. Pierre s'eft conferve pendant deux fiecles chez une partie des Chretiens; enfuite il a; 616 rejette cornme ouvrage fuppofe. II en a itä de meine de fon Apocalypfe. La premiere de fes lettres a eteplus heureufe & s'eft trans- niife jufqu'ä nos jours fans le moindre foup- ^on. Quant ä la feconde, eile a d'abord d-te" recue, puis longtemps foupconnee&rejettee aieme de quelques-uns, attendu que fon fti- ( *) Bibl. Chois. de Le Clerc. T. 4. 17*.
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5e ne reiTembloit point ä celui de la premte-
re (i ) I eufin eile a 6to rehabilitee unanime^ merit fur ce qu'un fage (St. Jerome) a dit que I'apötre avoit alors change de föcrdtaire. Ces lettres font datees de Babylone (.c'd*
toit le nam que les Chretiens donnoient au- trefois ä la ville de Rome)& elles font adres« föes aux difRrens peuples de l'Afie mineure^ chez lesquels il avoit longtemps voyage" & demeure. Ce qu'o.n a le plus remarquedans ces lettres, c'eft qu'il y avertiflbit les fide- les & fei amis que la fin de totites chofes 6- toit prochaine, (2) qu'ils eulfent ä fe tenir prets, & quebientötils verroient,.comme au temps de Noe , de nouveaux cieux & une- Houvelle terre: ph^nomene pen dignede cu^ riofite\- beureufemeot qu'ils font encore a paroitre (3 ): ubiefl promiffto de aivtntu ejus? Ce font ces difficulty's & Pobfcurite- d'un
[ujet, fi grand d'ailleurs, qui m'ont engage" » le confiderer de plus pres que nefait le vul- gaire. Je n'ai pas confulti, comme Aldou- m, cinq cens auteurs; je n'ai pas meme lu les Bollandiftes, mais peut-£tre mon travail ft'en fera-t-il que meilleur. Je me fuis adreffe directement auxanciens
habitans de l'Afie mineure, particuli^remenf ( 1 ) Hid. Eccl.deFleuty.T01u. 1. & 2. pag'. 21.0»
Bible de S.aci avec explication. T. 31 p. ,oi. ( 2 ) 1 £p. de S. Piene. 4. r. 7. 2 £p. de S. Pierre »• «• 12.
(5)2. Ep. de S. Pierre. 3. v.4.
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aux Phrygiens, & je Ieur ai demande" quells
&oit eette tete chauve & venerable , & que reprefentoit l'imagede ce vieillardqui pleure amerement ,& qui prie les mains jointes. Je feignis ainfi d'ignorer afin de m'inftruire. „ Cell Annac, me dirent-ils, c'eft unde
„ nos plus anciens Rois. II vivoit au temps „ de Deucalion. Religieux & cheri desDieux „ dans un temps corrompu, im Oracle lui „ r^vela qu'apres fa mort le monde peiiroit : „ il en avertit les hommes pour les engager „ au r(5pentir, il priameme lesDieuxen leur ,, faveur & crut flt'chir la colere du ciel en „ flearam toute fa vie. Ce fut en vain. An- „ nac mourut, & la Phrygie fut fubmergee : ,, cemalheur qui a Steine la memoire dupaf- „ fö, & qui a renouvelte les etres, n'a pu „ (keindre. ndanmoins le fouvenir de ce prin- „ ce, ami du genre bumain. Son.nom & fes „ larmes ( continuerent les Phrygiens) vi- ,, vent encore jufques dans nos proverbes. ,, Nous difons de tous ct\\xoys\$lturent ame- ,, rement: ilspieurentcomme Annac; &par- „ ce que les temps de fon regne font acluel- , „ lement tres recul<5s, nous difons aufli de „ toutee qui eft antique: il efi vieux comme „ Annac. Les Hebreux nos voiiins difent.' „ vieux comme Henoch; & les Romains qui def- „ cendentde nous, difent dans le raeme fens: „ inconnu comme la nourrice d'Ancbife. C'eft „ ainfi que les nations ont conferva lam^moi- „ re de notre ancien Monarque, meine en |
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> corrompant fon nom & fon hiftoire. Et
. remarquez que fi les Romains ne pariert i point des larmes d'Anchtfe, ils n'ont fait que i les transferer ä fon fils Aeneach '*), Heros i auffipleureurquereligieux,parcequ'il n'eft • ainfi que fon pere, qu'un double emploi de notre A mac. >. Nous derivons le nom de notre prince de
■dnack, foitpher, fleurer, & c'eft la fa vraie racine. Quelques Grecs qui l'ont prononce Cannae l'ont cherche dans lemCaino, s'en* trouvir; & comme les derives de ce nom Yrec donnent Canna & Caos, tronc, Ou- vertüre , abime, ils ont confondu notre An. »«c avecle Chaos & la confufion dumonde. r 61 ^ne imaSmat*on que 'es evenemens du
jiecle de notre prince peuvent feiils excufer. LesH^breux, dontlelangage eft rude en- core , le derivent de Hanac, conduire: erreur qui les a precipites dans une autre fable.Cet- te derniere racine eft commune au nom d'Hc »ochia quia ete donne ä la lune, parce que ie nomd'Hsnoch a fans doute ete aufllun des anciens titres du foleil qui regie & conduit ° • c.h.ofe-ll y a meme encore une confteN 'won dueHemtchus, L'ufage de ce nom dans la primitive Aftronomie, joint ä la me- llr a J1*™« fur la racine de notre^»- f«, e t ace que nous penfons, la feulerai-» ion qui leur a fait imagine* que lew U*mt a |
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„ <Jte le premier Aftronome, que e'efl: luiqui
„ adivift' le temps par femaines, par mois, ,, par faifons¶nnees.&qu'ileftrinven- j, teur des douze fignes du Zodiaque. La fui- ,, te de cette opinion fabuleufen'aete que de a, les porter ä une aufre abfurdite, qui leur a „ fait donner ä cePatriarche aftronome une j, vie toute aftronomique de 365 ans.parce que j, le foleil circule en 365 jours. lis pretendent ,, qu'en(uiteilai$t£enlev£du milieu des hom- „ mes & n'eft point mort. Cell: fans doute j, aufll parce que le foleil ne meurt point & „ qu'il ne flnit fa courfe de 36s jours que pour j, en recommencer une autre. Ce font lä, com- „ me vous voyez, de pures imaginations, & j, nos hiftoires ne rapportent point de telles „ fables de notre Annac. II eft mort laveille „ du deluge ,& n'eft immortalifö dans nos con- }, träes queparlefouvenirde fon amour pour „ nous & de feslarmes. Les Romains ne pr£- „ tendent non plus que leur vieil Anchife ait €• „ teainfi enlev£; inais, ce qui n'eft peut-e- „ treque la meme fable tranfpofee, ils cro- „ ient que Creufe fa femme & la fille de notre „ dernier & malheureux roi Priam a 6t& en- „ levde par F«»«j,lorsde l'embrafement de ,, Troye. Cette tradition ridicule & plufieurs „ autres de ce genre nous font foupconner que „ depuis la fortie des Romains hors de la Phry- s, gie, ils ont confondu les anecdotes & la r«i- „ ne de leur premiere patrie avec les anecdo- „ tes ou plutot les fables de 1 ancienne ruine d« |
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» fflonde. lis ne fönt pas an refte les feuls dans
ii cecas.&prefquetoucesles nations ont ainfi » confondu le fouvenir des revolutions natu- . relies avecceluides revolutions politiques > & civiles. ,, Les differentes fictions des H^breux
. n'empSchent point cependant que ce Hanoi i» oucetHMsoeÄnereffembletofiniment ä n»' i> tre jinnac. IIa&e\ ainfi que lui,religieux ii & cheri des Dieux; le deluge lui a ete revels u dememe; commelui, ilenainutilementa- ii vertiles homines, & lesHebreux le regar- ii dent encore cornme leur mddiateur & leur >> intercefleur dansie ciel, .Si vousjoignez 4 ii ces traits les evenemens arrives,felon eux,du i ii temps de cet autre Patriarche qu'ils appel- 11 lent Noach (cm Ha-noacb avec 1'article) vous ii aurez alors un Henoch biftorique & com- i plet,c'eft-ä-dire,un veritable Annac. LestW- » breux eufient ete fages de s'en tenir a ces pre- 11 mieres traditions,fans les divifer, fans les cor. ii rompre,& fans les amplifier;mais parcaradle- >i reils onttoujours ixh plus portes z la fable ii qu'aucune autre nation. Us font inepuifables >i fur \&üYKenoch;\\s Ie confiderent encore com« »j me I'auteur des prieres employees pour les ii confecrations,les dddicaces &les expiations, >• & des formules d'excommunication contre >i les impies. Les Egyptiens & les Grecs attri- » buent de leur cöte ces inftitutions religieufes » a cet Homes que les Latins appellent Mm*- si '■«.Poi« les meore tous d'aecord, ü feroir, faci» A 6 |
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„ lede leur montrer qu'ils ont les uns & les ao-
„ tres abufe des mots. Herem, d'ou vient „ Hern & Hermes, fignifie dans nos langues „ Orientales devouement, anathime; dans /a „ langue des Giecs un fon voifin de celui-lä „ veutdire lnterprhe,& ils ont fait A'Hermes „ uninterprete JesDieuxSr l'auteur des ana. „ themes, Hanac, racine de Hanoch , H£- „ breu, fignifie, comme nous avons dit, ,, conduire, & deplusdonnerdes loix, dedier, ' „ fonder, confacrer; &dela, les Hebreuxeri „ ont fait auffi un fondateur & un inftituteur „ de rit religieux. Cette facon de compofer „ 1'hiftoire doit vous degoüter, me dirent „ ces Phrygiens, de tout ce qui vient du pays „ des Hebreux. Tenez vous en done ä nos „ traditions beaucoup plus fimples& par con- j, fequentplus vraies. Cette image enfin que „ vous nous montrez n'eft autre que celle „ d'Annac, quiz p!redh knos peres la fin da „ monde, &qui apleure & priö poureux ". Surpris de cette tradition Phrygienne fur les antiques legendes du Annas, du Henoch & du Hermes que je ne cherchois point» elie me parut auffi bizarre que pouvelle; öttranfporte" iiloin de mon veritable objet, je me croyois £gare dans les religions mythologiques.lorfque je me rappellois que les dofteurs Grecs des pre- miers fiecles de notre Ere avoient, ainfi que les Phrygiens, reconnu l'Htaot Hebreu dans VHemes Egyptien, & qu'ils avoient meine recti avec v6n&ation les livres apocalypfliques,pro- |
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pb<£tiques & myfliques, quiexiftoient de Ieurs
temps (bus ces deux noms. Fortifi£par ceres- fouvenir.ler^citdesPhrygiensme paint moins etrange;& fijene les croyois tout-ä-faitje dou- tai moins. J'auroisalorsvolontiersdemande ä ces Pe-
res Grecs pourquoi ces perfonnages de la haute antiquite" avoientainfi ete les types du prince des douze apötres.Pierre apleurecommeAmae, il a predit la fin du monde comme Henoch & No- ach, & comme Hermes il eft le fabricateur des foudres de la religion. Ilyavoitdans ces rap- ports , ä ce qu'il me paroiffbit, tin excellent fu- jet d'inftruction & de controverfe, mais je crai- gnis deleur faire des queftions indifcretes, &je n'ofaimontrer des doutesäcesprddicateurs de lafoi.-peut-etrem'euffent-ils dit: croyezainfi que nous & ne dhTertez point. Je cherchai done ä m'eclairer plus Iibrement
ailleurs, ou ä noyer mes doutes dans un nou- veau. chaos. Je m'approchai des antiquaires du fiecled'Augufte.&leurmontrant mon imageje leur demandai de meine ce qu'elle reprefen- toit; ils l'examinerent avec encore plus d'atten- tion que IesPhrygiens,& remarquerent les deux cles&.m&me lew^.attributs infeparables de no- treapötre. „ C'eft jf*»«*,merepondirent-ils: » c'eft Janus. II eft aufll ancien que le cahos, „ me dit Ovide, & c'eft le vieux cahos lui-me- „ me. C'eft, me dit un autre, le fils de Creu- u fe, fille d'Ere&hh, le premier roi du Latium, j» le p remier qui aic deve' des temples &. qui ait |
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„ «Stabil une religion panni les mortels; fon
„ nom vient de Janua ,porte, parce qu'il a ou- ,, vert unenouvellevie, parce qu'il preTide au „ paffö & ä l'avenir, ä l'orient & äl'occident, & ,, auxportes de nos veftibules, de nos mai- „ fons, &denosviIles. Ileftlepoffeffeur des ,, des,parce qu'il0uvre&vtu'üf*rmekfongr6 ,, leciel&la terre , qu'il eitle mattre des tem- ,, ples & qu'il difpofe de la paix & de la guerre: }> iln'eft pas un Romain qui neconfefTe l'^ten- „ due de fon pouvoir; aufll c'efl: il par Janus „ que nous ouvrons la journee en invoquant „ lesDieux, & fon nom fe trouve en tecedans ,, toutes nos prieres. Ilefinotre m£diateur& „ notre genie tutelaire, ainfi qu'il nous l'a fait 3, voir quand il nous a delivre' des Sabins par le ,, miracle fignale' de la porte Viminale. Enfin „ c'efl: lui que nos pretres faliens appellent en- ,, coreleDieu des Dieux. Oui, fans doute, „ reprit alorsMacrolee;cette image eft celle du „ pluspuiffant& dumieuxfaifant des Dieux, „ puifque c'eftle foleil lui-meme& le mairre „ des uouze fignes du Zodiaque: fes attributs „ font varies fuivant le temps & fuivant les „ lieux;lors qu'il repreTente le cours folaire an- „ nuel les doigts de fa main droite expriment „ 300; & ceux de fa main gauche expriment 65 „ lorfqu'il reprefente fon cours journalier. On „ met ce c»q ä fes pieds aufll bien qu'ä ceux de j, Mercure, qui de meine eft regard^ comme un „ meffager&un mddiateur entre Dieu &les n homjnesjtnais quin'eft.ainfiquecette imag« |
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i, de Janus*, que le foleil lui-meme".
En vain nretois je attendu ä une nouvelle
hiftoire, je reconnusfacilement celle desPhry- giens, desGrecs& des Hebreux dans celle de cesRomains;ieiareconnusdansces details, & dans l'efprit de ces details, mais fur-tout dans lesallufions&Iesjeuxdemotsquimeparurent chez tous en avoir ete la bafe commune. Jeme gardai bien de Ieur direce que je penfois de Ieur legende; je nepenfaiqu'äJamknne&me dis ä moi-meme: l'image de notre apötre a done ce privilege d'etre reconnu par tous les yeux & par tous les temps pour celle d'un chef ^e reli- gion fur la terre, & d'un fouverain dans le ciel, qui a le droit de le fermer & de l'ouvrir. Ainfi ayant decouvert que par le moyen d'u-
»eformule primitive, e'etoitun fliint de tous les ages, e'en fiitaffez pour moi, & fans cher- c'ier une nouvelle inftruclion, mesid^es fe fixerent & Ines vues s'etendirent tellement qu'enfin je connus Pierre comme fi jel'euffe fait moi-meme.Les differences que j'avois re- marquäes entre quelques anecdotes de ces le- gendes ne me parurent plus provenirque de la difference meme deslangues qui s'e'oientplus ou moins pretees ä favorifer les preventions despeuples;je crutmemey diftinguerauffi les Varietes que la religion de chaque age avoi't dii' * Anuhis, Mercure Phenicien, eft aufil reprefente
"ans les monumens avec les deux cles de Janus. Le co<j etoit je fymbole du foleil Knaiffani chaque |
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C 16 )
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neceffairement y mettre. Si, par exemple,
jH«»«6n'eftdans la Genefe qu'un Patriarche , qui a vecu 365 ans, c'eft que les Hebreux qui fe font tromp£s fur un embieme fo'.aire, n'en one pu fake qu'un homme, leur loi leur ayant d& fendu de faire des Dieux. Chez les Romains i- dolätres, ce nombre chronique n'etoit que le figne de I'office de Janus, mais ce Janus etoit a- dored'euxcommeunDieufoleil quiouvroit & qui fermoit les annees & les jours: & e'etoit en confluence qu'ilsavoientdonne fon nom au premi?r:des douze mois; & les douze fignes du zodiaque done ces memes Romains faifoient le cortege & les miniftres de Janus, ont du les re- former en hommes ainfi que leur maltre, aus- fkotquelamythologiea ete obligee de chan- ger fon ancien langage. 11 feroit inutile de chercher les canaux qui
ont tranfmis d'äge en äge ces fingulieres legen- des , & de vouloir connoltre tous les moyens qui ont fervi ä en tranfmuer ainfi les objets en certains temps. Ce feroit tenter un travail im- pofIible,& Ton aura toujours fur ce fujetplus de foupQon que d'idees nettes & precifes: ce qu'il y a de plus certain & ce que l'exp^rience appu- ye, c'eft qu'il n'y a pas d'abfurdite" ä laquelle on ne doive s'attendre de la part du fanatifme joint ä une fauffe fcience, & de la credulity j ointe ä l'ignorance. L'hiftoire de ces legendes doit appartenir &
l'origine meme des religions, qui toutes ont eu ape naiffance obfeure & lent«, pendant la- |
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quelle ces peuples ignorans & profilers ont
moinsinventedenouvelles legendes que cor- rompu les anciennes, pour les approprier ä leux nouvelle facon decroire& de voir les chofes. Les hommes fönt bienmoins inventeurs qu'on ne penfe en fait de religion.Ce n'eft pas cepen- dantqueie vulgaire feul & Ie hafardaveclui y aientuniquementprdfid^j ilyena aufli quel- quefois un travail d'eiprit de la part de quel- ques gens; & il eft ä croire qu'une longue habi- tude ayant rendu certains etres & cenisines ide-- es necefTaires aux peuples,ceux qui les ont con- duits les premiers par un autre chemin, ont nueuxaimeleurmontrerfous un atitre afpeft les objets primitifs de leur veneration que de les fupprimer tout-ä-fait. II eftvrai qu'en cela ces nouveaux condufteurs fe trompoient eux- niemes, maisils gagnoientä tromper les au<- tres; &iiss'embaraltbienCpeuque la nouvel- le religion futla dupe de l'ancienne , pourvu qu'ils enfure.it regardedparle peuple comme resfondatenrs. Voilaquelleae'tependant plu- ueurs fiecles la fource de tant de legendes apo- cnphes & de tant d'ouvrages fuppofes. On "'auroitpas tant preche la foi, s'ii y avoit eu de la bonne foi. Quoiqu'il nefoitpfus ne"ceuaire de montrer
que la legende de notre apötre ne contient rien quin ait&econnudelaplus haute antiquiti,.. aJOutons cependant aux traits geneVaux que "ous avoos appercus dans les Annac, les '"*" & lesjams,ce que nous pourrons enca-
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( iS)
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re appercevoir de particulier dans l'rnftoire
meme de Pierre.telle qu'elle eft recue aujourd - huiparlesmoinscr&iules&ies plus raifonna- bles. Nousyretrouveronscesmemes jeuxde mots qui ontfiprodigieufementecendu es do- maims de la mythologie ,- ces memes allu ions recherchees& cetefprit de figunfme quidece- lentle gout cabaliftique de nos premiers ecn- vains, tels qu'ils foient & tels qu'ils aient 6te. Notre^a*»i moderne etoit, dit-en, te his
de Jobana», en Grec Joannes,^ Jean dans no- tre laneue. Cenom%M'^bimfaifant, mije- ricordieux&eeluiqmpurdonne. On peut le re- gardercommelaracinepiimitivedu Janus La- tin que les pretres fallens nommoient Je*», Ja- nes, & d'autres ?•* On fem alors pourquoi ce Dieu etoitchez les Romains la forte de l au- dience des Dieux &lecanal de l'invocauon, & pourquoi lenom de jean eft joint i^celul de Pierre dans nos prieres journaheres duioirtf du matin.Quelquefois notre Janus apoftohaue eft auffiappelle le fils de jona: ce n eft pas une meprife fans doute, mais une autre allufionqui nous avertit dene voir dans le Jonaqu a pie dit laruine deNinive , quira««^'« tence & qui aete accabled une grande trittelle, qu'un5F««Affirien, c'eft-a-dire, unJnnac ou un Henoch CI). , ,.t <..mna Le premier nom de notre apotreetoit Swm
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(i) Jon. ch„ +.
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A
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(,*), ace que Ton dit encore; il fignifie ^»/2»
* tab li confiitue. Son autre nom Ctfhas, c'efl> a'dire Pierre,\emb\e ainfi n'etre qu'une fuite du. Premier: auifl fon maitrelui dit-il,en leluidon- nan t,tuesPierrs& fur cettePiw/^jebatiraimon Eglife: rien n'eft plus confequert/urtout dans le genie-oriental. A cette promefle fon mat- fte a jouta: les portesde l'enfer ne prevaudront jamais contre eile: je te donnerai de plus les cles du RoyaumedesCieux, & tout ce que tu delieras fur la terre fera deliä dans le cief.Il fem- ale ici que le texte auroit du dire en bonne Lo- Rique, & tout ce que tu ouvriras fur la terre,. fera ouvert dans leciel; car on nedelie pas a- Vecunecle, maisonouvre. Cette irregulari- ty dans l'expreflion vient du fon du motCephas, »vec lequel on a voulu faire allufion dans le refte dudifcours. On nepouvoit prendre cette sllufion dans aucun des mots quillgnifioient c'es, porter & ouvrir; mais la confonnance & rctrouvoit dans Kephas, delivrer, mettre. enliberte; & dans Cephas, Her, enchainer : cetoitfansdoute une licence permife,a lafa- veur de laquelle ce que la promefle nepouvoit r^gulierement deriver du mot Cephas, ellele tiroit de tous les fons voiiins. Cegoüt particulier pour les alluflons, qui
•ait de l'hiftoire une efpece de logogryphie, fe rencontre jusques dans la profeffion & la de> »eure de Pierre. 11 etoitpecheur, dit S. Mat- |
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C ) Racine.
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( 10)
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thieu, & de la ville de BethfaMe.ditS. Jean:cc
nom de ville veut dire maifon de la peche. El- le etoit fituee fur le lac de Genezareth, non löin de Geth Epber.anciennepatriede Jonas. Perfonne n'ignore queJefus dit auili äPierre: Pecheur de poiifons, \e te ferai pecheur d'hoin- mes. Rien negate la fagacite cabaliftique, ei- le ne neglige rien. En confluence de cette exactitude, la barque de Pierre ne pourroic-elle pas etre audi le vaifleau des medailles dejafcm, l'arche de Noe, & lenavire de Jonas? Tous ces gens d'ailleurs qui dattoient ou qui par- loient du deluge ont couru de grands rifques fur mer. Ceux qui ont fait parier notre apötre dans fes
epitres, n'ont pas manque non plus de lui fai- re tenir un langage oil il fut reconnoiifable. S'il exhorte les fidelesa croire äTavenement de Jefus , c'eft parce qu'il eft la pierrede I'angle , lapierre vivante , la pern de Sio», & qu'il faut audi qu'ils foient tous des S. Pierres Spirituel- les, fans quoi Jefus ne fera pour eux qu'une pierre de chute, & qu'une pierre de fcandale. Tout eft Pierre avec Pierre, i. Ep. ch. 2'. Les cles du Ciel dont il eft parle dans la pro-
meffe y font en oppofition aux portesde l'En- fer, ces elds devoient appartenir ä Pierre puis- qu'il etoit predeftine pour reunir en fa perfon- ne lepouvoir des Hermes, des Henoch & des Janus: mais ilavoit auili fur ces cles un droit dire£t& perfonnel qu'il ne tenoitque de (on Horn & qu'il importede counottre. La reu«. |
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M
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C st )
»ton de ces deux droits fur fa tete eft la fuite du
concours le plus fingulierdes anciennes Ian- sues, Kcette ddcouverte tient ä une dtymo- 'ogie delicate, qu'il eft cependant neceffaire «approfondir pour arriveralapleineconnois- «ncedenotreobj'et. *K^e^0t ^e Pierren'ea> commeon fait, que la
wadudion francoife du Petra desLatins, du Pe- '»»deiGrecs.&diiC^« desOrientaux,& ngnifte communement ce que nous enten- «°nsparunepierre, un cai]Iou> m xQ naisfi, quant au fon, nous le confiderons ^ornme^unmotHe'breuouPhdnicien, il fieni- Je ouvnr, & il doit s'dcrire^Vr, dont la racine Vp,k ' a ouvert- Lesautres temps de ce croe ne nous font pas moins connoltre ce fon £ purre avec 1'ideVhiitorique que nous y atta- ins comme a un nom d'homme. On y trouve r.fui ' J"ai ouvert; Piiretha masculin, & Pia. cl.iteminin tu a ouvert; & Pttreth ou Poereth ^ne qui ouvre & ce qui ouvre. Si cet accord n'etoit du qu'au hafard, on au-
fs-1 eJlcor?lieu d'etre furpris de trouver ce ha- «d dans l'hiftoire d'un apötre qui a le droit ouvnr; mats ficen'en eft point un, comme raLi°ÄteVra,lfembIance' on demanderaquel iX & ?>UelIe anaI°gie il y a entre ce que ten^PpeIlons u?e pierre & ce que nous en- » Äpar mvnr> & co™ne "tte analoge Orie connue des anciens & furtout des fondU •X'qui ne dev°tont point attacher aa «tf«,, ouvrir, i'idee que nous y attachons |
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{ 22 )
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virigairement de P'tern & de Caillou. Cher-
chons d'abordfi l'analogie des fonsa 6tä con- nue de l'antiquite\ Entre les därivtSs de paar & de^i<r & dans !es
modes des conjugaifons de ce verbe oü il prend des lettres prefixes, je trouve apasr, fox. vrirai, &.epaer,]e feralouvert. Or ces fons nous avertiuent que le Latin aperire, autfi bien que le Francois ouvrir qui tienc lieu d'averire on d'auvrlre, font derives dapaar & dapier Orien» tal. Ileneft dememedi.i/>eiredesGrecs. Ls mot Potreth cite ci-deffus & qui figniSe telle ^.i tuvretkee<iaiouvre, apuauffife lireporthdans la prononciation, Stlemot^orta des Latins en derive fi naturellement qu'ils n'ont pu dans leur langue le deliver que d'aperta. Ofons ac- tuellement & pourun moment-en deriver aus- fi Petra, & meme Petrus, comme s'ilvenoit d'apertus, puisqu'il apu Ce faire que les derives d'aperire aient plus d'une fois perdu la prefixes qui fe trouve incorporee dans tons les modes du verbeLatin,contre I'ufage desOiientaux qui nel'emp'.oyoient que.pour certains temps, & contre I'ufage des Grecs, qui dans Peira&dans fes derives Tont rejettee tout-ä-fait. Voilä pour l'analogie des fons: chercnons quelle a pu e- tre l'analogie des fens & quel rapport il y a, parexemple, entre porta. unejwe, une.o»- verturt, kpetra, une pierre. La plupart des arts St des chofes, utiles ont
ete fouvent trouvees par hafard. On pretend «me lesincendies des volcans ont fait deca«- |
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yrir lesmetaux, ce qui eft. eres vraisemblabfei
il en a pu etre de memedes pierres & des car- rieres: elles n'aurontetetrouvees& connues que paries fences & les ouvertures naturelles &accidentelles, & enfuite par celles que 1'in- duflrie butnaine aura faites pour imiter ou pour aider la nature qui lui montroit une chofe utile: de-lä les premieres carrieres auront ete appel- lees (implement foeroth, des ouvertures, & ce tteme nom aura ete donne par la fuite ä ce lu'on entiroit: c'eftainfique nous appellons "«»e le mdtal que nous tirons des mines. Nous pouvons done conjefturer que les pre-
miers Grecs auront fait de poeroht d'abord fo- r»th&fottroth,&.er\ün,pons&petrt>s,qui nen font que des matathefes & des dialeftes; que nos predeceffeurs auront fait fernere * pour fig- nifier une carriere, &pitrre pour defigner ce lue Ton en tire. Pour donnerä cette conjec- ture toute la force quelle peut avoir, je rappel« terai que le,peiro des Grecs fignifioitoMxrir avec effort, faire paflage en creuünt, & quefon de- rive ^<>r« joignoitala fignification de/n>»,de" forte & depajfage, celle d'un lieu pierreux. Obfervonsenfiniflänt, fur cet aride rriais
fingulier fujet, queces rapports de fons & de •fens dans les derives Occidentaux du mot Qri- * Cetermede terriere eft beaucoup.plus d'ufage
«9ns nos provinces que celui de carriere. je. loucponne 5*e ce dernier termevient de Carah , ireußr Sc fou- """■: peut-ctre viant-ü des caneaux que Ton e» |
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ental ne fe trouvent point dans l'Orient. Les
mots depierre & forte y ont ehacun leur origine & leur racine diftin&e & particuliere. C'eft une fingularite de plus, mais elle nous oblige d'admettre le concours des Grecs & des Latins avec les H^breux, dans la conpoluion des fa- bles qui concernent notre apdtre; c'eft ce • qu'on a deja du preffentir d'ailleurs. L'analogieetantcomme notre mot Francois
fierre, lapis, & le mot Hebreu/rer, ouvrir , ainfiqueles allufions qui enont^te lafuite, il importeencore de favoir que de ce mememöt Orientaletoitfortilenomd'un autre etre my- thologique fort connu de premiers Ifraelites & des peuples leurs voifins, c'eft celui de l'idole Peer, adored par les Moabites &lesMadiani- tes. Quelquefois cette idole eft appellee Baal- Peer, c'eft-ä-dire le feigneur Peer; & la Vulgate l'ecrit tantöt Ohegor & tantöt Beel-Bbogor, ä caufe de diverfes pronunciations del'ajin(*). Les interpretes qui n'ont eu auCune dtendue de connoiffance furl'idolatrie.ont dit que le Dieu Peor etoit une idole d'ordttre & de nudite, parce qu'en Latin aferire peut fignifier decou- vrir
(*) II paroit^ne cette pronoaciation de 1'Ajin en
fn'ctoit pas fort ufitöe des aneiens. Les Grecsavoieat
ait de pier -rcvya & non Ksiia, & les Latins«» pegrio & non aptrio jd'ailleurs les tradu&eurs de la Vul - gate ne font pas conftans dans leurs principes fnr I'ajin. Pour les fuivre exaftement ,' jls auroient du dire Btgel-Pbe&or, puisqu'il y a un ajin dans Baal. |
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"vrir auffi bien qaouvrir, mais en H.tLbrcvi.paar'
defigne {Implement ce que nous entendons par euvrir, c'eft ä-dire faire Ouvertüre : auffi Peor nefignifie-t-il qu'apertor & janitor, celuiquio»- vre, U portier; & c'eft encore un Janus.anti- flue deiaPbinicie, quifouslenom de Belphe- gor n'eft plus aujourd'hui connu que dans la dc- tnonotnanh. Pour s'inftrui're defa veritable ou du moins
de fa primitive fonftion, il ne faut qu'exami- nerletems & la circonftance oil il en eft fait toendon. Les Ifraelites avoient err6 dans le deV fertquarante annees & sy etoient livrds ä di- verfes idolatries fucceffives, lorsqu'ilss'adres- fereut enfin au Dieu Peor. Quoique leur feu- le fuperftition put rendre raifon de ces cukes infenfes,on doit remarquer nöanmoins qu'ils a- Voient recours ä ces cultes fuivant leur fituation & felon la nature de leurs befoins.Si des le com- mencement ilsfe fonf fait unveau d'or, c'etoit, commeonfäit, pour reprefenter leur condiic- teurqu'ilscroyoient perdu; &ft, furlafinde leur long pcSl^iinage, lorfqu'ils etoient devant Jericho prets de paffer lejourdain &'prets d'en- trer dans cette terre promife, ils ont eu re- cours äune nouvelle Divinite', la circonftance Housditque c'etoit pour en obtenir un heu- reux paffage, pour qu'elle leur ouvnt enfin un Pays qui leur avoit ete fi longtemps firme ; & 'e nom de Dieu fi longtemps invoquäen eftu- ne demonftration. C'eft de plus aupres du temple de Peor que Mo'ife qui ne devoit point B |
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entrer en Canaan mourut & fut eiifeveli. Ne
faliok-il pas que celui qui ne devoit poiiit franchirlepaifage mourut ä Youverturt iScpres du Portier de la terre promife ? Ce tour hiftori- que eft digne du genie Hdbreu: aufli toute cet- tebiftoire ne me paroit-elle qu'nne alldgorie oü les lieux font ajuftds aux noms & les noms aux lieux,& oil les faits font toujours facrifife ä : 3'illufion comme dans tout le rette de ces anna- les. Si ce Mo'ife , dont onn'a jamais trouve la fepulture& que les rabins difent enleve1 comme Benocb,& quePierre a vu en effet fur leThabor svecfi/«, (autre finge d'Henoch)n'etoit lui-me- jne que ce Dieu Peer, cela feroit fans doute as- fez plaifaat, & n'eft pas fans vraifemblan- .ce. (*) Mais it faut quitter ce Pwr,content de 1'avoir
trouve & reconnupour ce qu'il eft. Sonnom au refte a puproduiredireftement & par une fuccefTion de diale&es le nom de notre apötre, en fe confervant dans les contre>s Ori.entales • comme un nom propre qui a pu infenfible- ment fe changer en peir & en f itr. Defagonou d'autre, il n'en eft pas moins certain que ce Bom Apoftolique eft des plus antiques ,& qu'il a ete connu des plus anciens mythologiftes (v\ Nous noterons encore fur ce mot deP«r,quc
les Arabes & les Syriens s'en fervent ponr exprimer les ouvertures&lesfeiuesdesmontagnes. Delä fa«s dou- te eft venu l'ufage d'appeller certaines val lees des par- tis On adit les Perm Cefpienw. Bibl. Chois, de le Clerc. Tom. 7. |
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CöiBme des modernes, pour le nom d'une puis-
fance fupdrieure qui avoit le pouvoir des des. 11 nous rede tres peu de chofe ä obferver
dans notre legende, maisce peu eft encore uti- le &va confirmer-ces dernieres ddcouvertes.On rernarquera done que lorfqu'il eft queftion de Pierre dans l'Ecriture & dans les traditions, il y eft pre'fque töajours aufli queftion de porte, &qucc'e(täla porte que fe paffent les dvdne- mens ies plus intereflans de fa vie. De\ja nousavonsvuquelesportesde l'enfet
ne preVaudront jamais contre Ja puiffance. C'eftenfuiteäla porte d'un veftibule qu'll
renonce le bon maitre qui l'a combld de pro- meffes &quiluipardonnefurle champ, Celt ä la belle forte du temple qu'avec Jean
fon collegue il guerit un boiteux; peut-etre en eft-il de ce miracle comme de celui de Janus a la porte Viminale. Lorfqu'HerodesIefakmettreen prifon , la
porte de fer s'ouvre d'elle-meme. Pierre fe fau- vechez5w»&frappeä in forte. Une fervante aecourt, entendfavoix&le laiffe frapperä la forte .pourapprendre äla compagnie que Pier- re eft &\a forte. Quand les/wfwdes prifons de Rome lui font
ouvertes, Pierrtfefauve de meine; mais ar- rive' ä la forte de la ville, Jefus lui äpparolt.l'air- *ete & l'engage ä fe faire crueifier: Pierre j c°nfent: il retourne, il eft pris & crueifiö la te- le en bas; & pour que tout foit exact dans fa 16- |
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pende, la tradition rapporte que c'eft fur le
Janicule qu'il aconfomme' fon facrifice. Voilä cequia ett5 dit, 6crn, &, ce qui eft plus 6- tonnant, ce quiae-tecru. (*) Tel eft le digne complement & la fin de cette
hiftoire, hifloire fabuleufe ä la verity, mais qui furpafle en antiquity tout ce qu'on pouvoit en attendre, &cen.'eft pas une petite confide'ra- tion.Elle nous a d^couvert des chofes que nous ne favions.pas ,& c'eft.encor.e un merite. Nous ignorions, parexemple, que lorfque les hom- ines ont quitt£ le Paganifme pour la religion Chr<5tienne, lesDieux n'ontpas e'te' les der- niers ä fe convertir auffi, & que plufieurs d'en- .tr'eux ont quitte' le ciel Poetique pour aller en Paradis. C'eft fort bien fait ä eux fans doute, mais c'eft encore mieuxfait a nous d'en 6tre in- ftruitsaujourd'hui, apresl'avoir ignore' pendant ,tant defitcles. Refte ä favoir s'ils y refteront longtemps. On eft de\jä dansle-goüt de donner la chalfe ä
cesanciensobietsdelacrtklulite' des peuples; &plus d'un Theologien meine a montr^ dans ce fiecle ce nouveau zele. II eft vrai qu'ils ne fe font encore adrelRs qu'aux plus petits & aux foibles; ce qui n'eft pas montrer un veritable courage, «iprendre le plus für moyen d'e^pou- vanter les autres & d'abr^ger cette grande ope- ration. II conviendroit dans ce genre de com- bat, comme dans tous les autres, de commea- (*) Hift. Eccl. de Flenri. T, 1, I» 2. p. nz.
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osrpar sttaquer les premiers & les cbefc de ces
idoies Watifiees: la dtsroute d'une armöe efl or* uinairementlafuitedelaprifedu G^ndral. Ea »oici un que je viens de prendre. Je vous Is 1'vre, Meffieurs les Th^ologiens: Frappez !ePafleur& les Br^bis feront difperföes; car vous n'ignorez pas qu'il faut que les predictions s'accompliiTent. Lorfque Ton aura preTente" & analyfe" de la
forte une vingtaine de Legendes, tant ancien- nes que modernes, petit-Stre arrivera-t-on a la connoiffance du vrai fyftime de lä myt'bolo- giefacree & profane (s'il yen a un). Aumoins en les comparant enfemble, onpourra apperce- voir que! en aura 6te" le premier fond & de quel- le part feront venusleursornemens & leur va- riete". Nous n'anticiperonspoint fur ce qui ne peut-etrequele.reTultat & l'efl'e't du concours deplufieurslegendes; marscelle-ci eft aflezd- tendue & diverflfiöe.pour que nous puiflions en tirer une lec,on generale &un principe que les. autres ne pourront que confirmer. S'il n'yavoiteu qu'yne feule langue fur la
ferre, iin'y auroit point eu de mythofogie, ou, '• n'y en auroit cu qu'tme. |
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B 3
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( 3°)
REFLEXIONS D E
L'EMPEREUR JULIEN
SUR LES DOGMES
D E L A /
RELIGION CHRETIENNE. TRADUIT du GREC.
Un temps viendra, oh Vitude £? appli-
cation de nos neveux divoileront tons ces tnyßeres; unjour nos defcendans jerontfur- }>ris, que nous ayonspu ignorer des chofes auß claires, & dont la de'couverte etoit fi aijie. Seneque Ouefl: Nat: Zibr.VII. Ch. 25.
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IL m'a paru ä propos d'expofer, ä la vue de
tout le monde, les raifons que. j'ai eues de me perfuader, que la Sefte des Galileens n'eft qu'une fourberiepurement humaine, & malicieurement inventee, qui , n'aiant rien de divin, eft pourtant venue ä bout de feduire |
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C3i )
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les efprifö foibles, & d'abufer de l'affecYion que
leg hbinsies ont pour les fables, en dormant u- tie couleur de verity Sc de perfuafion ä- des flec- tions prodigieufes. ]e parlerai d'abord de tous les differents
Dogmes des Chretiens, afin que, fi quelques- unsdeceux, quilironteet outrage, veulent y rdpondre, ils fuivent la mdthode etablie dans - les Tribunauxjudiciaires; .qu'ilsn'agitentpas une autre caufe, & qu'ils n'aient pas recours a line recrimination, qui ne.peut fervir ä rien, s'ils n'ont auparavant detruit les accufations dont on les charge,& juftifie les Dogmes qu'ils . foutiennent. En fuivant cette maxime, leur defFenfe, fi eile eft bonne, en fera plus clai- re, plusvdrtdique, &plus propre ä ddtruire nos reproches. II eft d'abord ndceflaired'&ablir, en pen de
paroles, d'oü.nous vient l'idde de Dieu, & qiielle eft celle que nous devons en avoir. En« fuite nous comparerons la notion qu'en ont les Grecs avec.celle des Hdbreux: & apres les a- voirexaminees toutesles deux, nous interro- gerons les Galileans, quine penfent ni com- me les Grecs ni comme les He-breux.Nous leur demanderons, fur quoi ils fe fon.dent, pour prdferer leurs fentiments aux nötres, d'autant qu'ils en ont changd fouvent, & qu'apres s'e* tre eloigned des premiers, ils ont embrafle un genre de vie different decelui de tous les au- ttes hommes. Ils pretendent qu'il n'y a rien de b°n & d'honnete chez les Grecs & cbez les He« B 4 |
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Lreux, eependantils fe font appropries, non
les vertus, mais !es vices de ces deux Nations., lis ont puifö chez les Juifs la haine implaca- ble contretoutes les differentes religions des Nations; & legenrede vie infame &m£prifa- ble , qu'ils pratiquent dans la pareffe & dans la legerete, ils Tont pris des Grecs. C'eft la ca qu'ils regardent comme le veritable culte de la Divinite. 11 faut convenir que, par mi le bas peuple.les
Grecs ont cru & invente des fables ridicules, Tnememonftrueufes. Ces homines fimples & vulgaires ont dit, que Saturne aiant de vore* fes enfansiesavoitvomis enfuite; que Jupiter a- voit fait un manage inceftueux, & donna pour Epoux ä fa propre fille un enfant, qu'il avoit eu d'un commerce criminel. A ces contes ab- furdes on ajoüte ceux du demembrement de Bacchus, & du replacement de les membres. Ces fables font repanduesparmilebas peuple; maisvoions comment penfent les gens dclai- x£s. Examinons ce qu'ont dit Us Legislateurs ca* les Philofiphes. ConfideronscequcPlaton e^crit de Dieu &
de fon effence ,• & faifons attention ä la manie- redontil s'exprimelorsqu'il parle de la crea- tion du monde, & de l'Etre fuprö-me qui l'a for- me\ Oppofons enfuite ce Philofophe Grec i Moife, &voionsquidesdeuxaparlede Dieu avec plus de grandeur &dedigniti. Nous d£- couvrirons alors aifement, qual eft celui qui merke le plus-d'etre admire, & de parkr de |
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FECre fupreme; cm Platon qui admit les Tern«
pies & les fimulacres des Dieux, ou Moi'fe qui, felon I'Ecritore, converfoic face ä face & fa- milidrement avec Dieu. Au commencement, dit cet Hebreux (*) Dieu fit le Ciel ey la Terre; la Terre etoitvuide *&fans forme ,i? les tenebres e- toient fur la fur face de I'abime; v"l'Efprit de Dien etoit porte fur la fur face des Eaux. Et Dieu dit que la lumiere foit, o1 la lumiere fut; Et Dieu vit que la lumiere etoit bonne; V Dieufepara la lumiere des tenebres: v Dieu appelia la Lumiere jour, & ilappella les tenebres la nuit. Ainfifui lefoir, ain- fifut le matin; ce futle premier jour. Et Dieu dit quil y ait un firmament an milieu des Eaux; ©• Dieu nomma le Firmament le Ciel; zr Dieu dit que I'eau, qui eft fousle Ciel, fe rajjemble enfem- ble afin que le fee paroiffe; V cela fut fait. Et Dieu dit que la Terre porte I'her be e? les Arbret, Et Dieu dit quil fe fajjfe deux grands iuminai'e> dans l'etendue des Cieux pour eclairer le Ciel o* la Terrs. Et Dieu lesplaca dans le firmament du Ciel, pour luire fur la terre, v pour faire I* nuit & le jour. Remarquons d'abord que dans toute cette
narration Moyfe ne dit pas, que i'abirne ait &eproduit par Dieu; il garde lememe fiience furl'eau& fur les tenebres; mais pourquoi, aiant&ritque la lumiere avoit 6t£ produite parDieu, nes'eft-ilpasexpliqu<5de niemefui C*) Genefe, Chap. I. v. i, fcfitf vans. •
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lestenebres, furl'eau&furl'abime? Am con-
traire,il paroit les regarder comme des Etres pre exiftans,&ne fait aucune mention de leur creation. De meine ilnedit pas un mot des An- ges; dans toute la relation de la creation il n'en eft fait aucune mention. Onuepeut rien ap- prendre qui nous inftruife, quand, comment, de quelle maniere,& pourquoi ils ont ete crees. JVloyfe parle cependant amplement de la for- mation de tous les Etres corporels, qui font contenus dans le Ciel & fur la Terre; enforte qu'il femble que cet Hebreux ait cru.que Dieu n'avoit a6€ aucun Etre incorporel, mais qu'il avoit feulement arrange la matiere qui lui ätoit aflüjettte. Cela paroit Evident par ce qu'il dit de la Terre. (i)Et la terre itoit vuide & fans forme. On comprend aifement que Moyfe a vouludire, que la matiere etoit une fubftance humide, informe Steternelle qui avoit ete ar- rangee par Dieu. Comparons la difference des raifons, pour
lesquelles le Dieu de Platon & le Dieu de Moy- fe creel emonde. (2)Dieu dit, felon Moyfe, faifons l'homme a, notre image & a. notre rejjem- blance.pour qu'il dominefur les poijfons de la Mer, ©• fur les oifeaux des Cieux , &fur les bites,& fur toute la Terre , & fur les reptiles qui rambent fur \a Terre. Et Dieußt l'homme a [on image, V il les frea male tyfemelle, & il leur dit; crofßes, mul- tiplies , remplijjes la Terre, commandes auxpois- |
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i) Genefe, Chap. 1.
i) Genefe, Chap. I. v. *«.'
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fans de la Mir, aux volatUles des Chun, »toutes
les bites, a tons Us befiiaux , v a toute la Terre. Entendons a&uellement parier le Crea- teur de i'univers par la bouche de Platon.Vo» ions les difcours que luipretecephilofbpbe. „ Dieux! moiqui fuis vötre Crc5ateur & celui ,, detouslesEtres, jevous annonce, que les „ chofes que j'ai cree.es ne periront pas, par- » ce que les aiant produites je veux qu'elles fo- „ ient<;ternelles. lieft vraiquetoutes lescho- „ fes conftruites peuvent etre detruites; ce- ■ ,, pendant il n'eft pas dans l'ordre de la juftice ■ „ dedetruire, cequia ete produit par la rai" ■ ;, fon. Aiiifi quoique vous aies etc creeps im- ,, mortels, vous ne l'etes pas invinciblement ,,.& necefiairement par votre nature, inais ■• a, vous l'etes par ma volonte. Vousne ;n';irös „ done jamais, &la mort ne pourra rtsn Air ,, vous;car ma volonte eft infiniment plus puis- ■ „ fantepour vötre eternite1 que la nature, & les „qualites que vous recutes lors de vötre for- „ matk>n.Appren£s done ce que je vais vous „ decouvrir.IlnousreftjtroisdiiFerentsganres j >, d'Etres mortels. Si nous les oublions, ou „ que nousen ommettionsquelqu'un,' laper- j, feftion de 1'Univers n'aurapas lieu, & tous ,, Ies differens genres d'Etres, qui font dans - ,, l'arrangement du monde, ne ferontpas ani- >, mes. Si je les cree avec 1'avantage d'etre >, douesdela vie, alors ils feront necefTaire- » ment egaux aux Dieux. Afin done que les E-; » tresd'une condition mortelle föient enges.-i B ..(■'- |
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„ dr&.&cetuniveis rendu parfait, recevie"s
", pour vötre partnge,le droit d'engendrer des Creatures, imit^s des vötre naiflaxe la for- ce de mon pouvoir. L'effence immortelle, quevous avds recue, neferajamais altered lorsqu' ä cette eiTence vous ajouteris une , partie mortelle; produifds des Creatures.en- ", gendres, nourriffes-vous d'alimens, & re- \ par£s les pertes de cette partie animal e & ., mortelle. " Confid6rons fi cequeditici Platon doit etre
traiti de fonge & de vifion. Ce Philofophe nomine des Dieux que nouspouvons voir, le Soleil.laLune, les Aftres&les Cieux: mais toutes ces chofes ne font que les fimulacres d'Etres immortels, que nousne faurions apper- cevoir.Lorsque nous confiderons le foleil.nous regardons l'image d'une chofe intelligible & que nous nepourrons d^couvrir: il en ell de memequand nous jettons les yeux fur la lime ou fur quelque autre aftre. Tous ces corps nia- t<5riels ne font que les fimulacres des Etres, que nous ne pouvons concevoir que par l'efprit. Platon a done parfaitement connu tous ces Dieux invifibles.qui exiftent par leDieti & dans Je Dieu fupreme, & qui ont ete" faits & ergen- dres par lui. Le Cröateur du Ciel, de la Terre, &delaMer, e^antaufficeluides Aftres, qui nous reprefentent les Dieux invifibles, dont ils font les fimulacres. Remarquons avec quelle fagefles'exphque
Platon dans la creation des Etres mortels. U |
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tn»nqut; dit-il, treisgenresc?Etresmonth;ci±
luides hommes, des bites v des flantes, (car' cestroisefpecesfont feparöes par leurs difFei- renteseffence^.) Siquelquunde cesgenres d'E- ires eft creepar mot, ilfaut qu'il Joit ahfolttment &neceßalrement immortel. Or fi le monde, que nous appercevons, & les Dieux ne jouiflent de i'immortalitiqueparcequ'ils ont iti cre&par le Dieu fupreme, de qui toutce qui eftimnior» tel doit avoir regu I'Etre & la naiflance , il s'en- fuit que l'ame raifonnable eft immortelle par cette meme raifon.Mais le Dieu fupreme a cede* aux Dieux fubakerteslepouvoir de cr^er, ce qu'il y a de mortel dans le genre des hommes: ces Dieux, aiant regude leurPere & deleur Cr^ateur cette puiffance, ont-produit fur la teir- re les differents genres d'animaux-, puisqu'fT cut fallu, fi le Dieu fupreme eut-6töe*galement le createur de tous les Etres, qu'il n'y eut eu aucune difference entre le Ciel & l'hemme,en- tre Jupiter & les ferpens, les betes-fereces, les poiflbns. Mais puisqu'i! y aun intervalie im- menfe entre les Etres immorteis & les mortels, les prem iers ne pouvant etre ni ameliores ni de- tejiores, les feconds t(tantfoumis,aucontrai- re, aux changemens en bien & en mal, il fa I. loitnexeflairementquelacaufe, quia produit les uns, fut difference de celle qui a cr66 les ait- tres. Iln'eftpas nekeflaire que j'aie recours au«
Grecs &auxHebreux, pour prouver qu'il ya une difference immenfe entre les Dieux cr£& ß7 |
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par 1'Etrefupreme, & les etres mortels produits
par ces Dieux crees. Quel eft, par exemplc, l'homme qui ne fente en lui-meme la divinite du Ciel, & qui n'eleve fes mains ve^lui, lorsqu'il prie & qu'il adore 1'Etre fupreme ou les autres Dteux? Cen'eft pas fans caufe, que ce fenci- mentdereiigionenfaveurdu foleil & des au- tres aftres eft etabli dans l'efprit des homines, lis fe font appercus qu'il n'arrivoit jamais au- cun changement dans les chofes celeftes;qu'el- les n'etoient fujettes ni iraugmentation ni ä la diminution; qu'elles alloient toujours d'un mouvement egal, & qu'elles confervoient les memes regies. (Lesloix ducours de la lune , du lever, du coucher du foleil aiant toujours lieu dans les terns marques.) De cet ordre ad- mirable les hommes ont conclu avec raifon, queleSoIeiletoitun Dieuoula demeure d'u» Dieu. Carune chofe , qui eft par fa nature ä l'abri du changement, ne peutetrefujetteäk mort; & ce qui n'eft point fujet ä la mort, doit etre exempt de toute imperfection. Nous vo- ionsqu'unEtre qui eft immortel & immuable ne peut etre port£ & mu dans J'Univers, que par uneame divine & parfaite: qui eft dans lui, ou p ~ un mouvement qu'il recoit de 1'Etre fu- pre" ; ainfi qu'eft celui que je crois qu'a l'ame des /ommes.. ? .aminons äprefentl'opinion des Juifs fur
ce Jui arriva ä Adam & ä Eve dans ce Jardin, fait pour leur demeure, & qui avoit &e planti |
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par Dieu meme. (*)ll rieft pas boa, ditDieu,
quel'kommefoitfiul. Faifonslui utte Compagnt qui putfle I'aider z?qui lut rejfembie. Cependant cette com'pagne non feulementne lui eft d'au- cun fecours, mais eile ne feit qu'ä le tromper, al'induiredanslepiegequ'elle lui tend, &ä le faire chaffer du Paradis. Quipeut, dans cette narration, nepas voir clairementles fables les plusincroiables? Dieu devoit fans doute con- noltre, quecequ'il regardoit comme un fe- cours pour Adam feroitfaperte, &queIacom- pagne qu'il lui donnoit dtoit un mal plutöt qu'un bien pour lui. .. Que dirons-nous duferpent qui parloit avec
Eve ? de quel langage fe fervit-il ? fut-ce de celui de Fhomme? y a-t-il rien de plus ridi- dule dans les fables populaires des Grecs? N'eft - ce pas la plus grande des abfurdite's
de dire que Dieu aiant cree Adam & Eve, leur interdit la connoiffance du bien & du mal? quelle.eft la creature qui puiffe etre plus ftupide, que cells qui ignore le bien & le mal, & qui ne fauroit les diftinguer? II eft evident qu'elle ne peut, dans aucu'neoc- cafiou, eviter le crime ni fuivre la vertu, puis- qu'elle ignore ce qui eft crime, & ce ^uieft vertu. Dieu avoit deffendu ä 1'hon e de goüter du fruit, qui pouvoit feul le re e fa- ge & prudent. Quel eft Phomme affez '.upi» de pour nepas fentir, que fans la coi ais« |
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(*) Gtnefe, Chap» II. v. is..
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(4*y
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fance du bien & du mal, il eft impoffible k
I'homme d'avoir aucune prudence? Le ferpent n'etoit done point ennemi du
genre-humain, en lui apprenant ä connoitre ce qui pöuvoit le rendre fage; mais Dieu lui portoit envie, car Lorsquilvit, que I'homme Itoit devenu capable de diftinguer la vertu ia vice, il le chaffa du paradis terreftre , dans ]a cr'ainte qu'il'ne goutät du bois de l'arbre de vie, en lui difaht: (*) Voki Mam, qui eß devenu comme l'un de nous, Jachant le bien er le mal; mais pour qu'il rietende pas mam- tenant fa main, qu'il ne prenne pas du bois de la vie, qu'il n'en mange pas, w qu'il ne vienne pas avivre toujours, fEternel Dieu le met hers dujardin d'Eden.. Qu-eft-cequ'unefembla- ~ble narration? on ne-peut l'excufer qu'en di- faht, qu'elle eft une fable allegorique, qui cache un fens fe'eret. Quant ä moi, je ne trouve, dans tout cedifcours, quebeaucoup de blafphemes contre la vraie eflence & la vraie nature, de Dieu, qui ignore, que la fem- me qu'il donne pour Compagne & pour fe- cours ä Adam, fera la caufe de fon crime; qui interdit ä I'homme la connoiflfance du bien & du mal, la feUle chofe qui püt regier fes mceurs, & quicraint que ce meme hom- me, apres avoir pris de l'arbre de vie , n» devienne immortel. Une pareille-crainte, (*) Genele, Chap. III. r. a,
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& une eavie femblable conviennent-eiles ä k
nature de Dieu? Le peu de chofes raifonnables que les He«
breux one dit de l'efTence de Dieu, nos Pe- res, des les premiers.Siecles, nousenontin- ftruk: & cette Doctrine qu'ils s'attribuenteft Ja nötre. Moyfenenous arienappris de plus; lui qui parlant plufieurs fois des Anges, qui executent les ordres de Dieu, n'a rien ofö nous dire, dans aucun endroit, de la nature de ces Anges: s'ils font crees,ou s'ilsfontin- crees, s'ils ont ete faits par Dieu ou par une autre caufe, s'ils obe'iffent ä d'autres Etres. Comment Moyfea-t-il pü garder, fur tout ce- la, un filence obftinö, apres avoir parle1 fi amplement de la creation du Ciel & de la Ter- re, des chofes qui les ornent & qui y font con- cenues? Remarquons ici, queMoyfedit, que Dieu ordonna que plufieurs chofes fuffent fai- tes ([)>c°mme lejour , la lumiere, le rirma- pa-ent: qu'il en fit plufieurs lui-meme comme (2) le Ciel, laTerre, IeSoleil, la Lune; & qu'il fepara celles qu|exiftoientdeja, coimne l'eau &l'aride. D'ailleurs Moyfe n'ä ofe rien ecrire ni fur la nature ni fur la creation del'Ef- prit. II s'eft contente de dire vaguement, (3) i#'ilitoit parte fur Its eaux. Mais cet Efprit, (0 Genefe. Chnp i.
(2) Geneie. Chip. i. (ij Gene(e, C*ap. 1, |
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C.4*-)
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porte fur les eaux, etoit-il cre£, t?toit-il in«
cree? Com me il eft evident, que Moyfe n'a point
aflez examine & explique les chofes, qui concernent le Cr^ateur & la creation de ce monde,,je comparerai les differents fenti- ments des Hebreux & de nos Peres fur ce fu- jet. Moyfe dit, que le Createur du monde choillt pour fon Peuple la nation des Hebreux, qu'il eutpour eile toute ia predilection poffi- ble, qu'ilenpntun foin particulier, & qu'il ndgligea pour eile tous lesautres Peuples de la Terre Moyfe, en effet, ne dit pas un feul mot, pour expliquer comment les autres na- tions ont ete protegees & confervees par le Createur, & par quels Dieux elles out ete gou- - vernees: il femble ne leur avoir accorde d'au- tre bienfait de l'Etre iupreme, que de pouvoir; jouir de la lumiere du foleil& de celle- de la lu-. ne. C'eft ce que nous obferverons bientdt. Venons actriellement auxlfraelites & aux Juifs, les feuls hommes, äce qu'il dit, aimes de Dieu. Les Prophetes ont tenu, ä ce fujet, le meine langage que Moyfe. Jefus deNaza- ret'les a imite.; &PauI, cethommequi a ete le plus grand des impofteurs, & le plus in- figne desfourbes, a fuivi cet exemple.Voici done comment parle Moyfe. _ (*)'/» diras a Pharaon, Ifraelmon fiispremier ne.....5 <" (*) Exode. Chap. IV. v. 22. 23. Exod. Chap.
V. v. 3. Exod. Chap. VII. v. 16. |
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<£*, renvois mon Peuple, afin qu'il me jerve,
>nais tu n'us pas voulu le renvoier.....Et ilslui di-
ronf.LeBieti desHebreux nous a. appelle,nous par-
t irons pour le defert, & nousferons un, chimin ds, trois jours,pour que nous facrifions a notreDiete....» Le ieigneur le Dieu des Htbreux m'a envoye au- fres de toi, difant: Renvoi mon Peuple pour qu'il ferve dans le defert. Moyfe & Jefus n'ont pas dtd les feuls qui di-
fent, que Dieu des Je commencement avoit piis un foin tout particulier des Juifs, & que leur fort avoit 6t& toujours fort heureux. II paroit que c'eft lalefentimentdePaul, quoi- que cethommeait toujours ete vacillant dans fes opinions, & qu'il en ait change fi fouvent fur le dogme de la nature de Dieu: tantöt fou- tenant que les Juifs avoient eu feuls l'herita- ge de Dieu, & tantöt aflurant quelesGrecsy avoient eu part; comme lorsqu'il dit: ffl-ce qu'il etoit feulement le Vieudes Hebreux ou \'i- toit - il au/fi des nations t certainement il I'etoit des nations. II eft done naturel de demander ä Paul, pourquoi fi Dieu a ete non-feulement le Dieu des Juifs, inais aufficelul des autres Peuples, il a comble les Juifs de biens& de gra- ces, il leur a donne Moyfe, la Loi, les Pro- phetes, il a fait en leur faveur plufieurs mi- racles , & meine des prodiges qui paroiffent fa» buleux. Entendes les Juifs, ils difent: L'hom- ""•e a mange le pain des Anges. Enfin Dieu a;, envoie aux Juifs Jefus qui nefut, pour les au- . 'fes nations, ni un Prophete, ni un Docteur, |
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laimimeunPnMicateur de cette grace divine
& future, a laquelleä la fin ils devoientavoir part. Mais avant ce terns il fe paffa plufieurs milliers d'annees, ou les nations furent plou- ghs dans la plus grande ignorance, rendant, felon les Juifs-, un culte criminel aux fiaiula- cres des Dieux. Toutes les nations qui font- fitu^es fur la terre depuisPorientäl'occident, & depuis le midi jusqu' au feptentrion, ex- cept^ un petit peuple, habitant depuis deux- mille ans une partie de la Paleftine , furent done abandonnees de Dieu. Mais comment eft-il poflible, ii ce Dieu eft Ienötrecomme. le vötre, f'il a crie ögalement toutes les na- tions, qu'il les ait ft fort mcSprifäes, &qu'i! ait neglige tous les peuples de la terre? Quand meme nous conviendrions avecvous, que le Dieu de toutes les nations a eu une preferen- ce marquee pour ia vö-tre, & un mepris pour toutes les autres, ne f'enfuivra-t-il pas de la, que Dieu eft envieux, qu'il eft partial? or comment Dieu peut-il etre fujet ä l'envie , ä la partiality, &punir, comme vousledites, les pechds des Peres fur les enfans innocens? Eft il rien de fi contraire a la nature divine, n&~ cefTairetoent bonne par fon effence ? ■ Apres avoir examine l'opinion des Juifs, fur
la bonti de Dieu envers les hommes, voions quelle eft celle des Grecs. Nous difona que le Dieu fupreme, le Dieu createur, eft 1c Pvoi & le Pfirecommun de tous les hom- ines; qu'il a diltribue toutes les nations a des- |
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Dieux, ä quiil en a commis le (bin psrticu«
lier, & qui lesgouvernentde la maniere qui leur eft la meilleure & la plus convenable: car dans leDieu fupreme, dans le Pere, toutes les chofes font .parfair.es & unes; mais les Dieux crees agiltent, dans les particulieres qui leur font commifes, d'une maniere difFerente. Ainfi Marsgouverne lesguerres dins les nati- ons, Minerve leur diftribue &leur infpire la prudence, Mercurelesinftruitplucötde ce qui orne leur efprit, que de ce qui peut les rendre audäcieufes. Les Peuples fuiventlesimpres- fions, & les notions qui leur font donnees par les Dieux qui les gouvernent. Si ['experien- ce ne prouve pas ce que nous difons, nous confentons que nos opinions (bient regardees comme des fables, & les vötres comme des Ve- ritas. Mais fi une experience-, toujours uni- forme & toujours certaine, a ve'rifie' nos i'en- timens, & montrela fauffete des vötres, aux- quels eile n'a jamais räpondu; pourquoi con- fervas-vous une croianceaulfifauffeqiiel'eft lavötre? AppreneVnous, s'fl eft poffible, comment les Gaulois & les Germains font audacieux, les Grecs & les Romains polices & humains, cependant courageux & belli- queux? les Egyptiens font ingenieux & fpiri- tuels,- les Syrien», peu propres aux armes, font prudents, rufes, dociles? S'ri n'y a pas une ^aufe&une raifonde ladiverfitedesmceurs & des inclinations deces nations, &qu'ellefoit produite par le hafard, il faut neceffairemcnt |
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en eonclure qu'auciine providence ne gouver-
ne le mohde. Mais fi cette diverfite fi mar- quee, eft toujours la meme & eft produite par unecaufe, qu'on m'apprenne d'oü ellevient, fi c'eftdireaement par le Dieu fupreme, ok far Us Dieux nqui il aconfiiUf»indesnations. • II eftconftant qu'il yadesloix etablies chez tous les bommes, qui s'accordent panaite- ment aux notions & anx ufagesde cesmemes hommes. Ces loix font humaines & donees chez les Peuples', qui font portc's ä la douceur: elles font dures & meme cruelles chez ceux dont les mceurs font feroces. Les differents Letjislateurs, dans les inftruftions qu'ils ont donnees aux nations, fe font conformed a eurs idees;ils ont fort peu ajoute& change a leurs principales coutumes. C'eft pourquoi les Scy- thes regarderent Anacharfis commeun in en- fe, parce qu'il avoit vouluintroduiredesloix contrairesa leurs mceurs. Lafacon de penfer des differentes nations ne peut jamais etre chaneee entitlement. L'on trouvera fort peu de peuples, fitues ä l'occident, qui cultivent la philofophie & la geometrie, & qui meme fo- ient propres ä cegenre d'etude, quoique 1 Em- pire Romain ait etendu fi loin fes conquetes. Si quelques-uns des hommes les plus fpintuels de ces nations, font parvenus fans etfifle a ac- querir le talent de s'enoncer avec -clarte, & avec quelque grace, c'eft ä lafimple force de leur genie qu'ils en font redevables. D ou vient done la difference eternelle des mceurs, |
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«©s ufages, des iddes des nations, fi ce n'efi
»e la volonte des Dieitx , a qui leur conduite a ete lonfieeparleDieu fuprime i Venons aftuelletnent ä la variety des lan-
gues, & voions combien eft fabuleufe , la caufe que Moyfe lui donne. II dit que les Bis des hommes, aiant multiplied voulurent faire une ville, & bätir au milieu une gran- ge tour: Dieu dit alors qu'il cefcendroit, & qu'il confondroit leur langage. Pour qu'on ne me foupconne pas d'alterer les paroles de Moyfe, je les rapporterai ici. (*) jj[s Urem ( les hommes ) vtnes, bdtiffonsunevil- It ,w une tour, dontle fommet aillejafqu'au del, <?acquerons nous de la reputation avant que nous foions difperfes fur la furfaKe de la terre. Et k ttigneur dejcendit pottr voir la ville, a- la tour lue lesfils des hommes avoitnt baties; c le Seig- neur dit; void-, ce n'eßqu'unmimepeuple, ilfont tin meme langage, & Us commencent a. travaiiier, ^rnaintenaniriennelts emphhera d'executerce lulls ontprojttte.orca defcendons & confondom leur langage, afin qu'ils n'entendent pas le langa- Selundel'autre.AinfileSeigneurlesdifperfa de la Par toute la terre,&ils cejjerent de bdtir leur vilU. v^oilä les contes fabuleux, auxquels vous vou- les que nous ajoütions foi: & vous refutes de croire, ce que dit Homere des Aloides, qui rnirent trois montagnes Tune fur 1'autre pour *e faire un chemin jusqu'au Ciel. Je fais que |
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(*) Genefe. Chap. i. v. 4. 5- 6. 7. j.
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l'une &f autre de ces hiftoires font Ägalemest
fabuleufes: mais puisque vous admettes fa viirite de la premiere, pourquoi refufes-vous de croire ä la feconde ? ces contes font 6ga- fcment ridicules : Je penfe qu'on ne doit pas ajouter plus de foi aux uns qu'aux autres, ie crois meme, que ces fables nedoivent pas li- tre proposes comme des verities ä des horn* mes ignorans. Comment peut-on esperer de leurperfuader, que tousles homines habitans dans une contree, & fe fervant de la meme lan- gue , n'aientpas fenti l'impoffibilite de troti- ver, danscequ'ilsöteroientdela terre, afßs de materiaux pour ei£ver un bätiment, qui al- Jätjufqu'au'Ciel? il faudroit emploier tout ce que les difKrens cötes de la terre cotitiennent defolide, pourpouvoirparvenir jufqu'ä 1'or- be de lalune.D'ailleurs, quelle Vendue les fon- demens, &lespremiersStages d'unfemblable ddifice ne demanderoient-ils pas ? Mais fuppo- fonsque tousles hommesdel'Univers fe reu- niffentenfemble, &parlant la memelangue, euffent voulu epuifer la terre de tons les cotes, &enemploiertoutela matiere pourelever uti batiment; quand eft-ce que ces homines au- roientpüparvenirauCiel, quand meine l'ou- veagequ'ilsentreprenoient, cut etede lacon- ftruftion la plus fimple ? Comment done pou- ves-vousdeluter& croire une fable aufll pueri- le, &commentpouveVvousvous attribuerb connoiffancedeDieu, vous qui dites qu'il fit naltre la confufion des langues, parce qu'i' crai-
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craigm't les homines? Peat-on avoir uneidesx
plus abfurde de la Divinite ! Mais arretons nous encore quelque terns fur
ce que Moyfe dit de la conruüon des larcgues. II l'attribue ä ce que Dieu craignit, que les hom- ines, parlant un meme langage , ne vinffent I'attaquer jusques dans Ie Ciel. -II en defcendit done apparemment pour venir fur la terre, car oil pouvoit il defcendreailleurs? e'etoit mal prendre fes precautions: piiisqu'il craignoit que les homines ne I'atiaquaffent dans le Ciel, i plus forte raifondevoit-il les apprehender fur la terre.A I'occafion de cette confufion des Ian- gues, Moyfe ni aucun autre Propbete n'a par- lö de la caufe de la difference des mosurs & des loixdes hommes, quoiqu'il y ait encore plus d'oppofition, & de contrarieties dans les mosurs & dans les loixdes nations, que dans leur lan- gage. Quel eftle Grecqui ne fegarde comme Un crime de connoitre cbarnellementfamere, fa lille, & meine fa foeur? LesPerfespenfenE difFeremment, cesinceftes ne font point cri- niinels chez eux.Il n'eftpasneceffairepour fai- re fentir la diverfite' des moeurs, que je mon- tfecombienlesGermainsaimentla liberti, a- vec quelle impatience ils font foumisä une do- mination Prangere; les Syriens, les Perfes, 'es Parthes font, au contraire , doux, paifibles äinfi quetoutesles autre? nation'*, qui font ä l'°rient & aü midi. Si cette contrariete des m°eurs, desloix, chez les difFerents peuples, n'eft que la'fuite du hazard, pourquoi cesmj- |
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( SO )
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anes peuples, quinepeuventrien attendre de
mieuxde l'Etre Supreme, honorent-ils & ado- rent iis un Etre, dont la provide* cene f'etend point fur eux ? Car celui qui ne prend aucun foin du genre de vie, des iTieeurs,des coutümes, des reglemens, des loix, & de tout ce qui eon- eerne Tetat civil des homines, ne fsuroit exi- ger un cul te de ces memes hommes, qu'il aban - donneau hazard, & aux ames desquels il ne prend aucune part. Voez combien vötre opi- nion eft ridicule dans lesbiens qui concernent les hommes: obfervons ici que ceux qui regar- dent 1'efprir font bien au deffus de ceux du corps. Si done l'Etre Supreme a meprife' le bon- heuv de nos ames, n'a pris aucune part ä ce qui pbuvoit rendre nfirreetatheureux , ne nous a jamais envois, pour nous inftruire, des üoe- teurs, des Legislateurs, mais feft content^ d'avoir foin des Hebreux, de les faire inftruire parMoyfe, &parlesProphetes, de quelle ef- pece de grace pouvons nousle remercierPl.oin qu'unfentiment, audi injurieux ä ia Divinite' Supreme, foit veritable, voiez combien nous luidevonsde bienfaits qui vous font inconnus. Elle nous a donn£ des Dieux,& des Protetteurs qui ne font point infPrieurs 4 celui queles juifs ont adore des le commencement, & que Moy- feditn'avoir eud'autre foin que celui des He- breux. La marque Evidente, que le Crtfateur de l'Univers a connu, que nous avions de lui une notion plus exafte & plus conforme 4 fa na- ture , que n'en avoient les Juifs, ceft qu'il nous |
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C n )
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a cctnbld de biens, qu'il nous a donne en abon*
dance ceux de I'efpi it, & ceux du corps, com- nie nous le verrons dans pen. 11 nous a envoid plufieurs Legislateurs, dont les moindres n'6- toientpas infeneurs ä Moyfe; &lesauties!ui dtoient bien fuperieurs. S'iln'eftpasvrai, que I'Etre Supreme a don-
ne k g luvernemtntparticulierdechaque na- tion ä un Dieu, ä un Genie qui regit & protege im certain nomfare d'&tres animus, qui font coiiimis ä fa garde, aux mcetirs & aux loix des- quelsil prend part :qu'on nous apprenne d'oü vient, daus les loix & les mceurs des hom- ines, la difference qui fy trouve. Repondre que cela fe fait par !a volonte de Dieu, c'eft ne nous apprendre rien- 11 ne fuffit pas d'ecrire dan< un Livre : Dieu a dit, wies chofes cm iti faites; carilfaut voir . li ces chotes qu'on dit avoir ete faites par la volonte de i>ieu, ne lont pascontrairesäreffence des chofts: au quel casellesnepeuvent avoir ete1 faites par la vo- lonte de Dieu, quine peut chanter I'eflence des chofes. Je m'expliquerai plus cla'rement. Par exemple, Dieu commanda que le feiis'e'le- Vat, &que laterrefutaudeflbus. J1 falloitdonc que le feu fut plus legrr&la terreplus ptfante. II en eft ainfi de toutes les chofes. Dieu ne fau- *oit faire que l'eau fut du feu, & le feu de IVau en meme terns, parceque l'eflence de ces ele- "^nsnepeutpermettre ce chaagement, me- *e parle pouvoir divin. 11 en ell de meme des C 2" |
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eflences divines que des mortelles, elles ne
peuventütre changers.D'ailleurs il eft contrai- re-a l'id^e que nous avons de Dien de dire,qu'il execute des chofesqu'il fait etre comraires a 1'ordre, &qu'il veutdetruirecequt eilbien fe« Ion fa nature. Les homines peuventpenfer d'u- ne maniere au'ffipeu jutte > parcequ'^tant nds mortelsils font foibles, fujets atix paiiions & ported au changement. MaisDieu itant ker- nel, immuable, cequ'ilaordonnedoit l'etrt aufli. 'fouteslescbofesqui exiftent font pro- duitesparleurnature,&conformes ä cettemä- me nature. Comment eftce que la nature pour- roit doncagircontre le pouvoir divin , & f'6 loignerde T'ordre, dans lequel eile doit etre neceffairement? Si Dieudoncavoit voulu, que non feulement les Ungues des nations, mais kurs moBurs& leurs loixfuffentconfondues,& changers tout ä coup, cela dtant contraire ä 1'elTencedes chofes, iln'auroitpule faire par fa feule volonte; il auroitfailu, qu'il eut agi felon l'effence des chofes, or il ne pouvoit changer les difFerentes natures des Stres, qui foppofoient invinciblementa ce changement fubit. Ces difFerentes natures f'appercoivent non feulement dans les efprits, mais encore dans les corps des hommes , nes dans dif- Ferentes nations. Combien les Gervnains & les Scythes ne font-ils pas entierement dif- ferens des Africains &des Ethiopiens?Peut-on attribueruneaufligrande difference au fimple ordrequiconfonditles langues, & n'eft-ilpas |
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P'as raifonnable d'en chercherTorigine dans
•'air, dans la nature du climat, dans l'afped: da Ciel,& chezIesDieuxquigouvernentceshom- mes dans des climats oppofes 1'un ä I'autre? 11 eft Evident que Moyfe a connu cette veri-
ty, maisil acherche' a lade^ivfer &ä 1'obfcur- cir. C'efi ce qu'on voitclairemeiu , (ironfait 't'ention qu'il a attribue la divifion des langues, ion ä un feu! Dieu, mais ä plufieurs. II "e dit pas que Dieu defcendit feul ou nccompa- ?nd d'un autre; il ecrit, qu ils dsfcendirentplu- fieurs Leftdonccertainqu'il acru, queceux qui de:cendirent avec Dieu ötoient d'aunea Oieux. N'eft-il pas naturel depenfer, que f'ils 'e trouvercnt ä la confufion deslangues, & fits enfuvent la cdufe, ils furent aufli celle de la diverfite des moeurs &des loix des nations, Jorsdeleursdifperfions. " Pour reduire en peu de mots ce dont j« viens
de parier amplemenc, jedisque fi leDieu de Moyfe eft le Dieu Supreme, Je CrtJateur du Hionde, nous I'avonsmieux connu que le Le- feiflateur Hebreu, nous qui le regardons com- nielePere&le Roi de l'Univers dont.il a etele Cr^ateur. Nous necroions pas, queparmi les Pieuxqu'ila donnesaux peuples, &auxquels ^ en a confiele foin, il aitfavorife l'un beau- coup plus que I'autre. Mais quand meine Dien enauroitfavorife un, & lui auroit attribue' le gouvernementdel'Univers, ilfaudroit croire que c'eft a un de ceux qu'il nous adonne , ä qui « a accords cet avantage. N'eft-il pas plus na- |
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tureld'adorer ä'a place du Dieu Supreme, ce-
lui qu'ilauroir charsjc1 de iadomination de tout 1'Univers, quecelui aucue! il n'auroit confie le (bin que d'une ties-petite partie dece meme Univers? I-es [uifs vantemheaucouples loix de Ieur
Decalogue. Tunevoleras.point. (i) lunetuaas pas. Tu ne rendras pas dt faux temoignage. Ne voiiä-t-ilpasdes ioix bien admirables, & aux quell« il a fallubeaucoup penfer pour les eta- biir! Placons ici lesautres precfptes du De- calogue , que Moyfe aflure avoirete diftes par Dieu meme Je (j.) fuls le :-eigneur ton Dieu, qui t'ai retire de la terre d'Egypte. Tu riauras point d autre Dieu que mot. Tu ne te fern: pas des fimulacres. En void !a raifon Je juis le etgneur ton Dieu ; quipunit lespsches des Peres fur les En~ fans; car je fuis un Dieujahux. Tu neprendras pas tnon nom en vain. Souviens toi du jour du Sabbat. Honoreton Perevta Mere. Ne commets pas d'adultere. Ne tue point, Ne rends pas de/aux temoignage, e? ne defire pas le bien de ton pro- chain. Quelle eft la nation", qui connoifle lei Dieux, & qui nefuive pas tous ces pr^ceptes, fi Ton en excepte ces deux .fouviens toidu Sab- bat & »'adore pas lesautres Dieux'U y a des pei- nes ordonntJes par tous les peuples contre ceux, qui violent ces loix. Chez certaines Nations ces peines font plus fe veres que chez les Juifs, (i) Deuteronome. Chap. V. v. 19.
(zj Id- v. 6. |
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chez d'autres elles font! es mSmes queparmi le«
Hebreux: quelques Peuples en ont &ablies de plus humaines. Mais con(ideronsce paflage: Tu n'adortras
feint les Dieux des «utres nations. Ce difcours eftindJgne de 1'EtreSupreme, quidevient, fe- lon Moyie, un Dieujiilouxi Audi cet Hebreu ditil, dans un autre endroit, Notre Dieu eft un feudevorant. Je vous demande ti un nomme jatoux& envieux ne vous paroit pas digrle de blame? comment pouvezvous done croire , que Dieu foit fusceptible de haine & de jalou • fie, lui qui eft la fouveraine perfection ? eft-il convenable de parier auffi mal de la nature, de l'eflence de Dieu, ,de mentir auffi manifefle- rnent?Montronsplusclairementl'abfurditede vos opinions. Si Dieu eft jaloux, il f'enfuit nö- ceffairement que les autres Dieux font adores rnalgre' lui: cependant ils le font par toutcs les autres nations. Or pour contenter fa jaloufie, pourquotn'a-t-ilpas empechtS, que les bom- rnesnerendiflentunculte ä d'autre Dieu qu' a lui ? En agiflant ainli, ou il a manque de pou- voir, ou au commencement il n'a pas voulu defFendre le eulte des autres Dieux ;il l'a toler6 &memepermis. La premiere de ces propofiti- °ns eil impie, car qui peut borner la puiifance de Dieu? La feconde foumet Dieu ä toutes les foiblefleshumaines: il pennet une chofe, & 'adeffendenfuite par jaloufie; il foufFre pen- dant longtems que toutes les nations tombent «ans l'erreur.N'eft-ce pas agir comme leshom- |
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meslesmoinsloiiables,quedepermettrelemal
pouvant l'empecher V Ceffez de fouttnir des er- xeurs, qui vous rendent oüieux ä tous les gens -qui penfent. Allons plus ava^t. Si Dieu veut etre feul ado>
T&, pourquoi, Galilcens, adorez-vous ce pre- tendulils que vous iui donnez, qu'il neconnut Jamais, &dont.i n'a aucune idee? Jene fais par quelle raifon vous vous efFo)■ce^ de lui doi.ner un fubiiitut, & de mectre un autre i fa place. Ii n'eft aucunmortel audi fujet äla violen-
ce des paffions, que le Dieu des Hebreux. II fe livre fans'ceffe ä 1'indignation, a la colere, ä la fureur: il paffe dans un moment d'un par. ti ä 1'autre. Ceux qui parmi vous, Galiieens, one 1Ü le Livre, auquelles Hebreuxdonnent \e rom deNombres, connoiffentla verite' de ce quejedis. Apres quel'homme, qui avoit amend uneMadianite, qu'il aimoit, eut-ete tu£ lui & cettefemtnepar uncoupde javeline , Die« dit ä Moyfe: (*) Phineesßls d'Eieafar ,fis d Auren le Sacrificateur , a detourne ma colere de dejjus les Enfans dlfrael, parceqx'ila foe anime demon zele a» milieu deux, v je n'ai point coniumi & rtduit en cendres les enfans d'lfrael par men tirdeur. Peut on voir une cauie plus legere, que celle pour laquelle l'Ecrivain Hebreu re- preTente l'Etre Supreme livre1 äla plus terrible colere? & que peut-on dire deplusabfurde& (*)Nomb. Ch.XXV. verf. 10, u & »,
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Cn)
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tie plus contraire ä la nature de Dieu ? Si dis
homines, quinzefil'onveut, mettonsen cent, allons plusavant mille, ont desobdi aux or- dres de Dieu, faut-i! pourpunir dixhommes & meme mille, en faire pdrir vlngt-quatre md- le, comme il arriva dans cette occafion ? Com- bien n'eft-il pas plus conforme ä la nature de Dieu, de fauver un coupable ai'ec mille in- nocens, que de perdre un coupable en per- dant mille innocens? Le Dieu de Moyfe, que cet Hebreu appelle le Crtateur du Ciel & de la terre, fe livre ä de fi grands exces de cole- re, qu'il a voulu pluficurs fois detruire entie- rement la nation des Juifs, cette nation qui lui etoit fi chere. Si la violence d'un genie ■, fi celle d'un fimpLe heros peutetre funefte ä tant de villes, qu'arriveroit-ii done aux de- . mons j aux anges, a tousles homines fous un Dieu auffi violent & auffi jaloux que celuide Moyfe ? Comparons maintenant, non Moyfe,mais
le Dieu de Moyfe, ä.Lycurguequifut unL6- gislateurfage, ä Solon qui futdoux& clement, aux Romains qui uferent de tant de bonte' & de tant d'e'quiti envers les crhnineis. Apprenez, Galileans, ccmbien nosloixcc
nos iiiceurs font prciförables aux vötres. Nos Legislateurs & nos Philofophes nous ordon- "ent d'imiter lesDieux, autant que nous pou- v°ns> ils nous prescrivent, pour parvenir ä cette imitation, de contempler & d'etudier la nature de* choles. C'eft dans la contempte- |
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tion, dans lerecueillement, & lesreflexions
de l'arqe fur elle-meme , que Ton peut ac- querir les vertus qui nous approchent des Dieux, &nous rendent, pour ainfidire, fem- blables ä eux. Mais qu'apprend chez les He- breux l'imitation deleurDieu? eile enfeigne aux homines ä fe livrer ä la fureur, ä la cole- re, &alaja!oufielapluscruelle Pkinees.ditle Dieudes Hebreux, (*) a appaife ma fureur, parcequila eteanime.de mm z,ele centre les En- fansd'Jfrael. Ainfi le DieudesHebreuxces- fe d'etre en colere, s'iltrouve quelqu'un qui partage fon indignation & fon chagrin. Moy- fe parle de cette maniere en plufieurs endroits de fes Ecrits. Nous pouvons prpuver eVidemment, que
]'Etre Supreme nes'en eft pas tenu ä prendre foin des Hebreux, mais que fa bont£ & fa pro- vidence fe font etendues fur toutes les autres nations, elles ont meme recu plus de graces que les juifs. Les Egyptiens ont eu beaucoup de Sages qui ont fleuri chez eux , & dont les noms font connus. Plufieurs deces Sagesont fucced£ ä Hermes: je parle de ce Hermes, qui fut le troifieme dece nomqui vintenEgypte. 11 y a eu chez les Caldeens & chez les Affiriens an grand nombre de philofophes depuis An- nus&fielus; &chez les Grecs une quantity eonfiderable depuis Chiron, parmi lesquels il ya eu des homines eel aires, qui ont perfec- {*) Nomb. Ohap. 2J. v. lo & u.
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tionne les arts, & interprete Ies chofes divi-
nes. LesHebreuxfe vantentridiculement d'a. voir tous cesgrands homines dans un feuI.Mais David & Samfon meritenc plutöt le mepris que l'eftime des gens eclaires. lis ontd'ailleursd- te fi mediocres dans Part de la guerre, & 11 peu comparable« aux Grecs, qu'ils n'ont pa etendre leur domination au de lä des bornes d'un tres petit pays. Dieu adonne ad'antres nations, qu'äcelle
des Hebreux, !a connoiffance des fciences & de la philofophie. L'Aftronomie, ayantpris naifläncechez les Babyloni.ens, a et<5 perfec- tionnee par les Grecs; la Geometrie, inventee par les Egyptiens, pour faci.liter la jufte divifion des terres, a ete pouifee au point oüelle eft aujourd'hui par ces memes Grecs. lis ont encore leduit en art, & fait une feien- ce utile des nombres dont Ja connoiirance a- voit commence cbez les Pheniciens. Les Grecs fe fervirent enfuite de la Geometrie, del'As- tronomie, de la connoiffance des nombres, pour former un troifieme art. Apres avoir joint l'Atironomie ä la Geometrie, & la pro- priete des nombres ä ces deux fciences, ils y unirent la modulation, formerent, leur mu- fique, la rendirentmelodieufe, harmonieufe, capable de flaterl'oreilleparlesaccords&par la j ufte proportion des fons. Continuerai-ie de parier des diff&entes
fciences, qui ont fleuri dans toutes les nations*
oubienferai-ie mention des hommes, qui s'y
font diitingues par leurs lumieres & par leux
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probite? Platon, Socrate, Ariftide, CimonJ
Thales, Licurgue, Agefilas, Archidamus; enfin, pour le dire en un mot, les Grecs ont eu un peuple de Philofophes, de grands Capitaines, de Legislateurs, d'habiles arti- ftes; & meine les Generaux d'armee, qui parmi eux ont ec<5 regarded conime les plus cruels & les plus fc&erats, ont agi, envers ceuxquilesavoient offenfes, avec beaucoup plus de douceur & de clemence, que Moyfe ä l'egard de ceux de qui il n'avoit recu aucune offenfe. „ .,
De quel regnc glorieux & utile aux hommes
tous parlerai je ? fera-ce de celui de Perfee, d'Eaque; ou de MinosRoi de Crete? ceder- nier purges la mer des Pirates, apres avoir mis lesbarbares enfuite, depui»la Syrie jufqu'en Sicile. 11 etablit fa domination, non feulement furtoutesles villes, mais encore fur toutes les cötes maritimes. Le meine Minos , ayant affocie fon frere ä fon Roiaume, lui donna ä gouverner une partie de fes fujets. Minos etabl'itdesloix admirables, quiluiavoient dte" communiquees par Jupiter , & c'etoit felon ees loix que Rbadamanteexercoit la juftice. Mais qu'a fait votre Jefus, qui apres avoir
feduit quelques Juifs des plus meprifables, eft connu feulement depuis trois cens ans?pendant le cours de fa vie il n'a rien execute,dont la me- moire foit digne de paffer ä la pofterite, fi ce n'eft que Ton ne mttte au nombre des grandes aäions, qui ont fait le bonheur de 1'Uni vers, |
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la guerifon de quelques boiteux, & de quelques
demoniaques des pecits villages de Betbfaida et de 'Bethanie. Apres que Rome eutdti fondle eile föutint
plufieurs guerres, fe deffendit contre les enne- niis qui I'environnoient, & en vainquit line grande partie: mais le peril dtant augmen- ts, &parconfequentIefecoursluietant deve- nuplus ndeeflaire , Jupiter Iui donna Numa , qui fut unhommed'une vertu admirable, qui fe retirant fouvent dans des lieux exart^s con- verfoitaveclesDieuxfamilierement,' &rece- voit d'eux des avis Jres falutaires fur les loix qu'il etablit, & fur le eulte des chofes religieu- fes. II paroit que Jupiter donna lui-meme une
partiede ces inftitutions divines ä la ville de Korne, par des infpirations ä Numa, par ia Sybilie, &par ceux que nous appellons De- vins. Un bouclier tomba du Cief, on trouva une tete en creufant fur le mont Capitolin,d'oü leTempledugrandJupiterpritfon nom.Met- trons-nous ces bienfaits, & ces prefents des Dieux au nombre des premiers, ou des feconds qu'ils font aux nations ? Mais vous, Galileans, les plus malheureux des mortels par votre pre- vention , lorsque vous refufezd'ädörer le bou- clier tombe du Ciel, honore depuis tant de fle» clesparvosancetres, comme un gage certain delagleiredeRome, & comme une marque de la protection direfte de Jupiter & de Mars, vous adorez le bois d'une croix, vous en falte» C 7 |
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le figne fur vötre front, & vous le placez dans
leplusfrequente de vos appartements. Doit- on hair.ouplaindre&miipriferceux, qui pas- fent cbez vous pour etre les plus prudents , & quitombentcependant dans des erreurs fi fu- neftes ? ces infenfes, apres avoir abandonne" le cuke des Dieux eternels, fuiviparleurs Pe- res, prennent pour leur Dieuun homme mort chez les Juifs. L'infpiration divine, que les Dieux envo-
ient auxhommes, n'eft le partage que de quel- ques-uns dont le nombre eft petit; il eft difficile d'avoirpart ä cet avantage, & le tems n'eii peut Strefixe. Ainfiles Oracles, &les Proprieties non feulement n'ont plus lieu chez les Grecs, niaismemechez les Egypriens. L'on voitdes Oracles fanieux cefler dans la tevolution des tems: c'eft pourquoi Jupiter, le protecteur & le bitnfaiteur des homines, leur a donne" 1'obfer- vat'ondeschofesqui fervent ä la divination, arin qu'ils ne foient pas entierementprives de la fociete des Dieux, & qu'ils recoivent, par la connoiffancedecette fcience, les chofes qui leur font neceffaires. _ Peu fen eft fallu, que je n aie oubhe le
plus grand des bienfaits de Jupiter & du Soleil: ce n'eft pas fans raifon que j'ai differe d'en par- ier iufqu'ä prefent. Cebienfaitne regardepas les feulsGrecs, mais toutes les nations quiy ont eupart. Jupiter aiant engendre Esculape, fee font des verites couvertes par la fable, & Jjuel'efpritpeutfeulconnoicre }ceDieu de la Medecinefutvivifi^danslemonde, par la it- |
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conditio du Soleil.Un Dieu fi fa!utaire aux horn*
mes (kant done defcendu du Ciel, fous la for- me bumaine, parut d'abord a Epidaure; en- fuiteiletenditunemain fecourablepartoute ia terre. D'abord Pergame fe reffende de fes bien- faits , enfuite l'Jonie & Tartnte: quelque tems apres Rome, I'lledeCo, & les regions de la Mtr Eg^e.Enfm toutes les nations eurent part auxfaveurs de ce Dieu, qui guerit e^gale- ment les maladies del'efprit.&ceUesdu corps, detruit les vices du premier & les infirmit^s du fecond. Les Hebreux peuvent ils fe vanter d'avoir
recu un pareil bienfaitde 1'Etre Supreme ? Ce- pendant, Galileans, vous nous avez quitt^, & vous avez pour a in fi dire- paffe- comme des transfuges aupres des Hebreux. Du inoins vous eufllezdu, apres vous etre joints äeux, dcou- terleursdifcours, vous ne ftriez pas a&uelle- ment aufli malheureux que vous l'Stes; & quoi- que vötre fort foit beaucoup plus raauvais.que lorsque vous etiez parminous, onpourroit le regarder comme fupportable, fi apres avoir a- bandonne lesDieux, vous en euffiez du moins reconnu un, & n'cuffiez pas adoriL'un fiinple homme comme vous faites aujourd'hüi, II eft vrai que vous aurieztoujours 6t6 malheureux d'avoir embraffö une Loi, remplie de grofliere- te & de baibarie, mais quant au culte que vous auriez, il feroit bien plus pur & plus rai- fonnabie, que celui que vous profeffez: il vous eft arrive la mime chofe qu'aux fangfues, vous |
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avez tire" le fang le plus corrompu, & vous aves
laifle le plus pur. Vous n'avez point recherche cequ'ily avoit
debon chez les Hebreux; vous n'avez 616 occa- p&s qu'ä imiter leur mau vais caraclere & leur fu- reur: commeeux vous diitruifez les temples & les autels. Vous egorgeznon feulement ceux qui font Chretiens, auxquels vous donnez le nom d'heretiques t parcequ'ils ontdes Dogmes differentsdes vötres> fur lejuifmis ämortpar les Hebreux; mais les opinions, que vous fou- tenez, font des chimeres que vous avezinven. ttes. Carnijefus, ni Paulne vousontrienap- pris fur ce fujet, La raifon en eft toute fimple; c'eft qu'ils ne fe font jamais figure-, que vous parviniliez ä ce degre de puiflfance, que vous avezatteint. C'e-toitafTezpoureuxde pouvoir tremper quelques fervantes, & quelques pau- vresdomeftiques; de gagner quelques femmes & quelques hommes du peuple comme Corne- lius &Sergius, Jeconfensde pafferpour un impofteur, fiparmi tousles homines, quifous le regne de Tibere & de Claude, ont embrafles le Chriftianifme, onpeut en citer un qui ait ete diftingue ou par fa naiflance.ou par fon me- rke. Je fensun mouveinent qui paroit m'etreinfpi-
re, & qui m'oblige tout a coup,Ga!ileens,a vous demander , poürquoi vous- avez defend les Temples de nos Dieux, pour vous fauver chez les liebreux. Eftce parceque les Dieux ont donneäRomerErnpirede Fünivers, & que |
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les juifs, fi Ton excepte un tres court interva*
le.onttoujoursetiles efclavesdetoutes les na- tions ? ConfiJerons d'abord Abraham , il fute- tranger&voyageur dans un pays, dont il n'e- toit pas citoien. lacob ne fervit-il pas en Syrie , enfuicedansIaPaleftine, &enfindansfa vieil- lefleen Egypte? Mais, dira-t-on , eftceque MoyfenefitpasfortirdEgypre les defcendants de Jacob, & ne Iesarracha-t ilpasde la mai- fon de fervitude? ä quoi fervitaux Juifsquand i'sfuremdansla Paleftine, leurdelivranced'E- gypte? eft ce que leur fortune endevintmeil. teure? eile changea aufll fouvent que la cou- leurduCameleon.TantötfoumisäleursJuges, tantötä des etrangers, enfuite a des Rois, que leur Dien neleuraccorda pas de bonne grace; force par leurimpartunite, ilc.onfentit a. leur donner des Souverains, les averiiflant qu'ils feroient plus mal fous leurs Rois, qu'ils ne l'a- voientete auparavant. Cependantmalgre cet avis ilt cultiverent, & habiterent plus de qua- trecens ans leur pays.Enfuiteilsfurentefclavss des Affyiiens, des Medes,. des Perfes-, & il.s «Mit les nötres aujourd'hui. Ce Jefusque vousprechez, O-Galileens! fut
un fujec de Cefar. Sivousrefufezd'enconvc. "j1'» je vous le prouverai bientdt & meine °es ä prefent. Ne dices vous pas qu'il fut c°inpris, avec fon Pere & fa Mere, dans le ''enombrement fous Cyrenius? Dites-.moi., ^elbien a-t-il fait, apres fa naiffance, ä fes c°ncuoyens, & quelle utilite lis en out retiree? |
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ils n'ont pasvoulu croire en lui, & orit refute
de lui obelr. Mais comment eft il arrive que ce peuple, dont lecc?ur & l'efprit avoient la dure- tödela pierre, ait o>?ei ä Moyfe, & qu'il ait mdprii'e jefus qui, felon vos difeoüi s, comman- doitauxKfprits, ma.choit fur la mer, chas- foitl es demons, ciquimeme, s'ilfautvous en croire, avoitfi.it leciel & laterre? lleftvrai, qu'aucun :e fes Difciples n'a jamais ofe cure rien, qui concerne ce dernier article; il ce n'eft jean, qui fed: me me expliquö la dsffus- d'une maniere tres obfcure & trfcs cnigaiati- que: maisenfin convenons, qu'iladii claire- mentcjue |efusavoii.faitleciel&laierre. Avcc tant de puiffance, comment n'a-t-il pu faire ce que Moyfe avoit execute, &parque!le raifon n'a-t-il pas opere le falut de fa patrie, & chan- ge les mauvaifes difpofitions de fes concito- iens ? Nous reviendrons, dans la fuite, ä cette
queftion, lorsque nous examinerons les pro - diges & les menfonges, dont les Evangites font remplis. Maintenant je vous demande quel eft le plus avantageux, de jouir perpetu- ellement de la liberre, de commander a la plus grande partie de I'Univers, ou d'etre efclave & foumis ä une puiffance etrangere ? Perfon- ne n'eft affez infenfe pour choifirce dernier parti, car quel eft 1'hornme affez ftupide, pour aimer mieux etre vaincu que de vaincre ä la guerre? Ce quejedisetantevident, montreg» moi chez les Juif« quelque Heros, qui foit com- |
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parable ä Alexandre &ä Cefar. Je fais que j'ou-
Crage cesgrands homines de les comparer ädes Jaifs, mais je les ai nommes parcequ ils font ties iiluftres. D'ailieursje n'ignorepasqu'il y a des Generaux, qui leurctant bien inferi- eurs, font encore fuperieursaux Juifs les plus cel^bres; & un ftul de ces hommes eft preföra- b!e ä tous ceux que la nation des Hebreux a pro- duits. PaTons de la guerre ä la politique: nous
verrons que les ioix civiles, la forme des juge- mens, ladminiftrartondesvilles, lesiciences & 'es arts n'eurent rien que de miferable & de barbare chez les Hebreux, quoiqu' Eufebe veut qu'ils aienc connu la verfification, & qu'ils n'aien: pas ignore1 la logique. Quelle Ecole de medecine les Hebrtuxont-ils jamais eu fembla- ble ä celle d'Hippocrate, &aplufeurs autres qui furent ^tablies apres lafienne? Mettons en parallele le tres fage Salomoa
avec Phocylide, avec Theognis, on avec I- focrate,- combien 1'Hebreu ne fera-t-ilpas in- ftrieur au Grec f Si I'on compare les avis d'lfo- crate avec les Proverbes de Salomon, Ton ver- I'aaifement, que le tils deTheodoreTempor- te de beaucoup fur le Roi tres fa^e. Mais, di- ra-t-on, Salomon avoit 616 ihftruit divine- ment dans le culte & la connoiffance de fori Dieu; qu' importe? Iern6me Salomon n'ado- *a -1 - il pas nos Dieux, trompe, ä ce que difent 'es Hebreux, parunefemme? Ainli done le tresfage Salomon ne put vaincre la voluptd, |
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mais les difconrs d'une fern me vainquirent Is
ties face Salomon. O grandeur de-vertu! O richeffes de fageilfe.' Galileens, fi Salomon s'eil laifle vaincre par une femme . ne l'appelez plus fage: fi au eontraire vous croiez qu'il a tStci ve- ritablement fa,;e, ne penfez pas qu'il fefoic Jaiffe honteufeinentf^duire. C'eft par pruden- ce, par fe^efTe, par l'ordre meme de fön Dieu, que.vous cr oiezfetre reveled lui, qu'il a honors} les autres Dieux.. L'envie eft une paffion indigne des.hommes venueux, ä plus forte raifon des Anges & des Dieux Quant ävous, Galileens, vous etes fovtement atta-» chesä un culte particulier: c'eft la une vaine ambition , & une gloire ridicule dont les Dieux ne font pas fufceptibles. Pourquoi etudiez vous dans les eeoles des
Grecs, 0 vous trouveztoutes les fciences abon-i damment dans vo? Ecritures ? II eft plus nexes- faire que vous eloigniezceuxquifontde vötre religion destfcoles de nosPhilofopb.es,_ que des facrifices & des viandes oiTertes aux Dieux: car vötre Paul dit, «iai qui mange nebie/fe point.. Mais, dites-vous, la confcience de vötre fre- re, qui vous voit participer aux facrifices, eft offenfee; O les plus fages des homines! pour- quoi la confcience de voire frere n'eß-eliepas offen- fee d'une chofe bienplus dangereujepour voire Re- ligion? car par la frequentation des ecoles de nos maltres& denosPMlofopb.es, quiconque eftn'i d'une condition honorable parmi vous, abandoane bientöt vos iinpietes. II vous eft- |
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dene plus utile d'eloigner les homines des
feiences des Grecs que des vidtimes. Vous n'ignorez pas d'ailleurs, combieu nos inftruc- tions font preferables aux vötres, pour acque- riria vertu & la prudence. Perfoone ne devi» ent fage & meilleur dans vos ecoles, & n'en- rapporte aucune utilite : dans les nötres les temperaments les plus vicienx , & les carafk- res les plus mauvais font rendusbons, mal- gre' lesoppofitionsquepeuventapporter ä cet heureuxchangement lapefanteurdel'ame, & le peud'etenduedel'efprit. S:ilfe rencontre dans nos Ecoles une perfonne d'un genie heu- reux, il paroit bientöt commeun prelent, que les Dieux font aux hommes pour leur inftruc- tion-5 foit par l'etendue de fee lumieres, foit par lespreceptesqu'il donne, foit en mettant en fuitelesennemisde fapatrie. foit en parcou- rantlaterrepour etre utile au genre bumnir , & devenant par la £gal aux plus grands heros..., Nousavons des marques evidentes Je cette ve- rite. Iln'eneftpasdememeparmi vosenfans, & furtoutparmi ceux que vous choifiGTez, pour s'appliquerär^tudede vos Ecritures. Lois- qu'ilsontatteintuncertain age, ilsfont unpeu audeffusdes Efclaves. Vouspenfez, quand je vous parle ainfi, que je m'eloigne delarai- fon, cependant vous en etes vous-meme fi pri- ves, & vötre folie eft fi grande, que vous pre- nez pour des initruclions divines celles qui ne pendent perfonne meilleur, qui ne ferventni a la prudence, ni ä la vertu, ni au courage; & lorfque vous voiez des gens qui posfedent- |
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ces vertus , vous les aftribuez aux inftruc-
tions de Satan, & ä ce! les de ceux que vous di. tes 1'adorer. Efculape guerit nos corps, les Mufes inftrui-
fent ndtre ame. Apollon & Mercure nous pro- curent le meme avantage.Mars &Belloneiont nos compagnons & nos aides dans la guerre: Vulcainnous inftru'tde tout ce qui a rapport aux arts. Jupiter, & Pallas cette Vierge ne'e fans Msre, reglent toutes ces chofez. Voiez done par combien d'avantages nous famines fup&rieurs: par les confeils, par la fage-de, par les arts, fait que vous conüderiezeeux qui ont rapport ä nos befoins, foit que vous faffiez at- tention a ceux qui font fimplement une imita- tion dela belle nature; comme la Sculpture, la Peintureajoatonsä cesar's I'economie, & la medecine,qui venant d'Rfculape s'efl: repandu partoure la terre, & y a apporttS de grandes commodity, dont ce Dieu nous fait jouür Cell luiquim'agueride plufieurs maladies, & qui m'a appiis les remedes qui etoient propres ä leur guerifon: Jupiter en eft letemoin. Sinous fommes done mieux avantagds que vous dts dons de l'ame& du corps, pourquoi , enaban- donnant toutes ces qualites fi utiles , avez-vous embrafRs desDogmes qui vous en e^oignent? Vos opinions font comraires ä celles des He-
breux,& ä la Loi qu'ils difent leur avoir ete don- nere par Dieu Apres avoir abandonne la cro- iance de vos peres.vous avez voulu fuivre les ev- ents des Prophetes, &vous Stesplus eloignJs aujourd'hui de leuvs fentiments que desnötres. |
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Si quelqu'un examine avecattention v6tre re-
ligion.ii trouvera que > osimpieres viennenten Partie de In ferocite &del'infolencedes Juifs, & en parcie de I'indifference & de la confufion desGentils. Vous avezpris des Hebreux, & des autres peuples ce qu'ils avoient de plus mauvais, au lieu de vous approprier ce qu'ils a- voient de bon. De ce melange de vices vous er» avez forme vötre croiance. Les Hebreux ont plufieurs loix, plufieurs ufages, & piuileurs preceptes utiles pour la conduire de la vie. Leur Legiflateur fetoit contente d'ordonner de r,e rendre aucun hommage auxDieux Grangers , &d'adorerle feul Dieu, dont la portion iß jo» peuple, & Jacob U lot de Jon heritage. A ce premier precepte Moyfe en aioüteunfecond: Vous ne maudirez. point les Diettx: mais les He- breux dans la fuite voulant, par un crime & line audace detetlables, demure les Religions des autres nations, tirerent du Dogmed'honorer un feul Dieu la pernicieufeconfequence, qu'il fal- loitmaudire les autres. Vous avez adopte ce principe cruel, & vous vous en etes fervi, pour vous elever contre tous les Dieux, & pour a- bandonner le culte de vos Peres, dont vous n'avez retenu quelaliberte de manger detou- tes fortes de viandes. S'ilfautque je vous dife ce que jepenfe, vous vous etes efforces de vous couvrir de confufion: vous avez choill parmi les Dogrnes, que vous avez pris, cequi con- sent egalement aux gens meprifables de toutes Jes nations: vous avez penfe devoir conferver, dans vötre genre de vie, ce qui eft conforme a |
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#elui des cabaretiers, des publicains, des ba!a<
dins, & de cette efpece d'hommes qui leur res- femblent. Cen'eft pas auxfeuls Chretiens, quivivent
aujourd'hui, äqui Ton peut faire ces repro- cbes; ils conviennent ögalement aux premiers, ä ceux raeme qui avoienret^ inftruits par Paul. Celaparoit Evident par ce qu'il leur ecrivoit; car ie ne crois pas, que Pauleut h6 affez im- pudent pour reprocher, dans its lettres, des crimesäfes Difciples dontilsn'avoient pasctd coupables. S'illeur eut ecrit des louanges, & qu'eileseuffentetefaufTes, il auroit pü en a- Toir honte , & cependant tacher, en diffiriiu- lant, d'eviter le foup^on de flaterie & de bas- fefle; maisvoicice qu'il leur mandoit fur leurs vices. „ Ne tombez pas dans l'erreur; lesido- latres, les adulteres , les paillards , ceux ', quicouchentaveclesgarcons, lesvoleurs, les avares, les ivrognes, les querelleurs, ', ne pofTederont pas le Roiaume des Gieux. Vous n'ignorez pas, mes freres, quevous \t aviez autrefois tous ces vices; mais vous avez ete1 plonges dans l'eau, & vous avez ete fanfcifies au nom de Jefus Chrift?,, 11 eft evident, que Paul dit ä fes Difciples, qu'ils avoient eu les vices dont il parle, mais qu'ils a- voient fte abfous & purifies par une eau, qui a la vertu de nettoier, de purger, & qui penetre jufqu'äl'ame Cependant l'eaudubateme n'd- tepoivtlalepre, les dartres, nedetruit pas les »nauvaifes tiuiieurs, ne guerit ni la goiue ni la dis-
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«JüJenterie, neproduit enfin aucun effet fur
les grahdes & ies petites maladies du corps, nuüs eile detrmtl'adultere, Ies rapints,& net- toie l'aine de tous fes vices. Les Chretiens foutiennent, qu'ils ont rai-
fondes'etre feparäs des Juifs. lis pretendent etre aujourd'hui les vrais Ifraelites, & les feuls qui croient ä Moyfe, & aux Prophetes, qui lui out fuccede" dans la Judee. Voions done en luoi ils font d'aecord avecces Prophetes; com- Jnencons d'abord par Moyfe, qu ils pretendent avoirpredit lanaiffance dejefus. CetHebreu dit, nonpns uhe feule fois, maisdeux, raais trois, mais plufieurs, qu'on ne doit adorer qu'un Dieu, qu'il appelle le Dieu Supreme, il ne fait jamais mention d'un fecond Dieu Su- preme. 1! parle des anges, des puiffances ce- leries, des Dieux des nations: il regarde tou- jours le Dieu Supreme comme le Dieu unique, il ne penfa jamais qu'il y en eüt un fecond, qui lui füt femblable, ou qui lui fut inegal, comme le croient les Chretiens. Si vous trou- vez quelque chofe de pareil dans Moyfe , que ne le dites-vous; vous n'avez rien ä repondre fur cet article: c'eft meme fans fondement que Vous attribuez au fils de Marie ces paroles; (*) ttStigneur .votrcDieu . vous (ujeitera un Prt- phete, teiqucmoi, dans vosfrireszy vous l'ecou- ttrez, Cependant, pour abreger la difpute , je veux bien convenir que ce paifage regarde ]e- (*) Deut, Chap. ig.
D
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fus. VoiezqueMoyfe dit, qu'il fera fembla-
bleälui, &nonpasa Dieu; qu'il feraprispar* inileshoinmes, &non pas chez Dieu. Void encore un autre paffage, dont vous vous effbr- cez de vous fervir: le Princene manquera joint dans Juda ty.it chefd'entrefes jambes; cela ne peutetre attribue' ä Jefus, maisauRoiaumede David qui unit (bus le Roi Zedechias.D'ailleurs 1'Ecriture, dans ce paffage que vous citez, eft certainement interpose, & l'on y lit le texte de deux manieres differentes: le prince ne manque- ra fas dam Juda, rylechefd'enire fes jambes, jufques ä aqueleschofis, qui lut cnt foe refer- vies, arrivext; mais vous avez mis ä la place de ces dernieres paroles, jufques a ce que ce qui aitirefervearrive. (*) Cependantdequelque maniere que vous lifiezcepaffage , il eftmani- fefte qu'il n'y a rien-la, qui regarde Jefus.. & quipuiffeluiconvenir: iln'etoitpas de Juda, puisque vous nevoulcz pas qu'il (bit n& de Jo- feph; vous foutenez qu'il a £te engende par le <'aint Efprit Quant ä Jofeph, vous tachez de le faire defcendre de Juda, mais vous n'avez pas eu affe d'adreffe pour y parvenir, & Ton |
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reproche avec raifon a Matt
oppofe Tun ä l'autre dans la |
ieu&aLucdetre
enealogie de Jo> |
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feph.
Nous examinerons la verite'vtte££tte'genea-
logiedansun autre Livre, &nousreviendrons (*) Gcnef, Cht 49. y. i,
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A
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C 75 >
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a&uellement au fair principal Suppofons done
que Jefus foit un Prince fortide Juda, il ne fen Pas un Diet* venu deDku,comme vous le dites,ni toutesleschofesn'ontpasetefaitespar !ui, ©* ritnn'auraete fait fans lut. Vous repliquerez, qu'il ell die danste livredesNombres, (1 )ilft lever aune etoile de Jacob & un homme d'lfrael. l! eft evident que cda concerne David & fes fucceffeurs, car Davidetoitfils de Telle. Sice- pendant vous croiez pouvoir tirer quelque a- Vantage de ces deux mots, je confens que vous le faffiez; mais pour un pafTage obfeur, que vous m'oppoferez, j'en ai un grand nombre de elairs que je vous citerai.qui montrent que Moyfe n'a jamais parle que d'un feul& unique Dieu; du Dieu d'lfrael (2). IlditdansleDeu- teronome : Afin que tu fach es, que le jeigjfeur ton Dieu eft feulzy unique, er qu'il n'y en a paint d'autre que lui, & peu hpves ,f«i*he done ejr rap- pelle dans ton efprit, que le Seigneur ton Dieu eß tu del er fur la turn; V quit n'y en a point d autre que lui.... Entend lfrael le ^eigneurni. 'reOieu, il eft le feul Dieu.....Enfin Moyfe,
faifant parlor le Dieu des Juifs, lui fait dire:
f'iez. qui je :uis ,ilny apoint A'autre Dieu que **ot. Voilä des preuves de l'evidence la plus claire, que Moyfe ne reconnut & n'admit ja- mais d'autre Dieu que le Dieu d'lfrael, leDiei» (1) Nom. chip. j+. v. 17.
U) Dent, chap, f. De at. chap. «, D 1 |
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unique. Les Galileans repondront peut-etre,
qu'ils n'enadiqettent ni deuxni trois: mais je lesforceraideconvenirducontraire, parl'au- torite de jean, dont je rapporterai le temoigna- ge: (i) au commencement etoit'U verbs ,&le ) vnbe etoit chez Lieu ey Die» etolt le vet be. Re- marques qu'il eft dit, que celui qui a iti engen- drd de Marie dtoit en Dieu .- orfoit que cefoit •n autre I)ieu(car il n'eft pas n^ceffaire que j'examine 3 preTent l'opinion de Photin: je j vous laiffe, O Galileens, ä terminer les difpu- ' tes qui font entre vous ace fujet) il s'en fuivra i toujours,que puisque ce verbe a ete avec Dieu, & qu'il y a etudes le commencement, c:eft un' ' fecond Dieu qui lui eft e"gal. je n'ai pas befoin de citer d'autre temoignage de vötre croiance , que celui de Jean. Comment done vos fenti- ments peuvent-ils s'accorder avecceuxdeMoy- ' fe? Vous repliquerez, qu'ils font conformes aux Ecrits d'Efaie, qui dit; (2) Void urn vierge dont la matrice efi rtmplie, & tile aura un fih. Je veux fuppofer, que celaa £te\dit par l'infpira- tiondivine, quoiqu'ilnefoitriendemoinsve- ritable , cela ne conviendra pas cependant a , Marie: onnepeutregardercommeVierge,& I appeller de ce nom celle qui 6toit mari£e,& qui | avant que d'enfanter avoit couchäe avec fon • mari. Paflbns plus jivant, & convenors que (1) Evang. de Jean. Chap. I.
(*J Efaie, Chap. 7, v. I+, ts. |
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les paroles d'Efaie regardent Marie.il s'eft bien.
garde de dire , que cette Vierge accoucheroit d'un Dieu: mais vous, GaliMens , vous ne ceffez de donner ä Marie le nom de Mere de Dieu Eft ce qu'Efaie a ecrit. que celui qui naitvoit de cette Vierge feroit le fils unique en gtndre de Dieu,&lefremiernidettutesles Crea• tares? pouvez-vous, OGaüleens! montrer, dans aucun Prophete, quelque chofe qui con- viennea ces paroles de Jean, (iftoutcs ch»(es ont itefaitesfarlui. W fans lut rien »a etc fait} Entende/. au contraire corntne s'expiiquent vos Proph *tes. ^eigneurnotre Dieu, ditEtaie (2.) fois notre proteßeur, excefte toi nous n'en connois- fonspoint d'autre. Le meme Efaie introduifant leRoi Ezechias, priant Dieu, lui fair dire: {^) Seigneur Dieu d'Ifrael, fei qui eftaffis fur les cherubins, tu es le feul Dieu. Voiezqu'Efaie nelaiilepaslaliberte d'admettre aucun autre Dieu, Si le verbe eft un Dieu, venant de Dieu ain-
fi que vous le penfez, s'il eft produit par la fub- ftance de fon Pere, pourquoi appellez-vous done Marie la Mere de Dieu ? & comment a- t-elleenfante unDieu, puisque Marie etoitun homme ainfi que nousFDe meme comment eft- ilpolfible, Iorsque Dieu dit lui-m&ne dans l'E- Cl) Jean. I.
(2) Efaie XXVI.
(3) EfaieXXVII.
D3
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critiire; 5f f**** h feal Ditu e? le feul conferva
*»r,qu'il y ait »n autre confervateui «Cependant vousoe. dormerlenomdeSauveuralhomrne «jui eft re de Marie. Ccmbien ne trouvez-vous pas de contradictions entre vos fentimens & ce- lui des anciens Ecrivains hebreux! Quittons cet- te inatiere & venous a une autre. Apprene.:, Galileens, paries paroles me-
ines de Movfe , qu'il dorne aux Anges le nom «leD'en Zesenfans de Dim '*) dit-il ,veiant »uelefßlles des hommes etoient be'les. ilsenchoi- prentparmi dies, riont ilfirent Iturtfemmes: & lesen ans'hTiie-iaiant connu les fides des horn- mes . lis tngtndrirent lesgeans qui ont eti des hommes renommisdans tonslesfieclesAlett. done manifefte, que Moyfe parle des Anges, cela n'eft ni emprunteni fuppofe. II paroit encore par ce qu'il dit, qu'ils engendrerentdesgeans, & non pas des hommes. Si Moyfe eutcru que les Geans avoienteupour peres des hommes, il ne Ieur en eut point cherche chez les Anges, qui font d'une nature bien plus elevee&bien plusexcellente. Maisil a voulu nous appren- dre, que lesgeansavoient etdproduits par le melange d'une nature mortelle & d'une nature immortelle. Confiderons ä prefent que Moy- fe, qui fait mention des mariages des enfans des Dieux, auxquels il donne le nom d'Anges, ne ditpasunfeulmotdufils deDieu Eft-ilpos- |
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(*) Genefe. Chap. 6. t. 4.
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üble de fe perfuader, que s'il avoit connule
verbe, le fils unique engendre' de Dieu, (don- nez lui le nom que vous voudrez) il n'en eut fait aucunc mention, & qu'il eut dedaigne de le fai- re connoitreclaiiement aux hommes, lui qui penfoiE, qu'ildevoits'expliqueravecfoin& a- vecoftentation fur I'adoption d'lfrael, & qui dit: (i'jlfrad man fils premier n'e ? Pourquoi n'a t-ildonc pas dit la meine chofe de jefus? Moyfeenfei;;noit, qw'ila'yawott qu'un Dieu qui avoit oiuGeurs enfans ou piufieurs An.^es, a qui it avoit diftribue' les Nations, il r'avoit jamais eu aucune idea de cefiispremier nk , dt et vtrbe'Ditu, & de toutes les fables que vous de- bits i ä ce fujet, & que vous ave/. inventies. &• coutez parier ce meme Moyfe, & les auttes Pfophetesquile fuivirent. Vous (2} cramdrez. le ieigneurvötre Dieu, & vous ne fervirez qut lui. Comment eft-il poflihie que jefus ait dil Dlfcipies : (3) /illez enfeigner les Nations,vtts banj'ez. att nom du Pere, du Fils, c du S. EJ'prit: il ordonnoit done que les nations devoient l'a- doreravec le Dieu unique? &vous foutenez rette erreur, puisqus vous dites, que le fils eß Dien ainßqueU Pert, Pour trouver encore plus de contrariety en-
tre vosfentiments & ceux des Hebreux, au- presdes'quels, apres avoir quitte la ctoiancc Ci) Exod. 4.
(2) Deut. 6. (3j Match, 27. D +
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( Bo )
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de vosperes, vousvous etes refugids, ^rou-
te/ ce que tlit Moyfe des expiation?. ( C)llpren- Ära deux boucs en offrande pour les peches, eyun letter pour l'holocofle • ey Aaron offrira fon veatt tn offrande pour les peches, <&> il priera pour lut W pour ja maijon, er il prendra les deux boucs ejr lesprefentera devant le Seigneur a I'entree du Ta- bernacle d afftgnation. Et puis Aaron jettera It Jort furlesdeux boucs, unfortpour le Seigneur, ey unfort pour le bouc, qui doit itre chargi des iniquites, afin qu'il foil renvoie dansle defert, Il igorgera an ft I'autre bouc, celui du Peuple, qui eft I'offrande pour le piche , ejr il apportera fon fang au dedans du •voile , eyil en arrofera la bafe de t'autel , ey il fera expiation pour le fanc- tuaire des foutllures des enfant d'lfrael ey de lexrsfautes felon tous leurs peches, II eft Evi- dent, par ce que nous venons de rappoi ter.que Moyfe a etabli I'ufage des facrifices, & qu'il n'a pas penfe, ainfi que vous Galileens , qui les regardez comme immondes. Ecoutez le mSme Moyfe: {i)Sluiconquemangeradela chair ds* facrifice deprosperite, laquelle appartient au Sei- gneur , ey qui aura fur lui quelque fouillure, fera retranche d'entrefon Peuple. L'on voit coinbien Moyfe fut attentif & religieux dans tout ce qui regardoit les facrifices. 11 eft terns attuellementde venir ä la raifon,
quinousa fait parcourir toutes les opinions, |
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(i) Levit. 16.
(z) Ibid. vetf. ij& is.
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(Si )
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que nous venonsd'examiner. (Nous avons en
le deffein de prouver.qu'apres nous avoir aban- donne, pour paffer chez Ies Juifs, vous n'avez point embrafföleurreligion &n'avezpas adop- te leurs fentiments les plus effentiels. Peut-6tre quelque Galilean mal inftruit repondra , les Juifs ne facrinent point. Je lui repli- querai, qu'il parle fans connoiffance: pre- mierement, parceque les Galileens n'obfer- yent aucun des ufages, & des preceptes des Juifs: fecondement , parceque les juifs fa- crifientaujourd'hui en fecret,&qu'ilsfenour. riffent encore de vi&imes: qu'ils prient avant d'offrir les facrifices, qu'ils donnent l'epaule droite des viftimes ä leurs Pretres. Maiscom- me ils n'ont point de temples, d'autels, & de ce qu'ils appelent coinmunement SanEluaire, ils nepeuvent point offriräleurDieu lespreinices des viaimes. Vous autres, Galileans, qui avez invent^ un nouveau genre de facrifice& qui n'a- vez pas befoin de jerufalem, pourquoi ne fa- crifiez-vous done pas comme les juifs, cliezles- quels vous avez paflS en qualite" de transfuges? 11 feroit inutile & fuperfiu fi je m'etendois plus longtems fur ce fujet, puisque j'en ai deja parte amplement, lorsquej'ai vouluprouverqueles juifs ne different des autres Nations, que dans lefeulpointdela croiance d'un Dieu unique. Ce Dogme, etranger ä tous les peuples, n'eii proprequ'äeux, D'ailleurs, toutes Jes autre* P S |
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chofes font communes entre eux & nous: les
temples, lesautels, les luftrations, plufieurs ceremonies religieufes; dans toutes ces chofes nous penfons comme les Hebreux, ou nous differons de fort peu de chofe en qu'elques-u- nes, Pourquoi, Galiteens, n'obfervez-vous pas
la loi de Moyfe, dans l'ufage des viandes?Vous pretendez , qu'il vous eft permis de manger de toutes, ainfi que de differentes fortes de legu- mes. Vous vous en rapportez ä Pierre, qui vous adit: (i) Ne dis point que cequeBieuapu- rifie feit immonde Mais par quelle raifon le Dieu d'Ifrael a-t-il tout ä coup declare pur, ce qu'il avoit jug<£ immonde pendant fi longtems ? Moyfe parlant des quadrupedes dit: (a) Tout animal qui a Vongle fepare,& quirumim, eft pur, tout autre animal eft immondt. Si depuis la vi- fion de Pierre le pore eft un animal qui rumine, nous le croions pur: & e'eft un grand miracle fi ce changement s'eft fait dans cet animal apres la vifion de Pierre ,• mais fi au contraire Pierre a feint, qu'il avoit eu chez le Tanneur, oü il lo- geoit, cette revelation (pour me fervir de vos expreffions) pourquoi le croirons-nous fur fa parole, dans undogme important ä eclaircir? En effet quel precepte difficile ne vous eutil pas ordonne', fi outre la chair de cochon, il |
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11) Aft io.
(z) Levit. ii. & Dew. 14.
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(S3)
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vous eut defendu de manger des oifeaux, der,
poiiTons, & des animaux aquatiques , aflu- rant que tous cesanimaux »outre lescochonj, avoient 6t6 declares immondes&defFendus par Dieu? Mais pourquoi m'arreter ä refuter ce que di-
fent les Galileens, lorsqu'il eft aife de voir, que leurs raifons n'ont aucune force. lis pretendent que Dieu, apres avoir etabü une premiere Loi, en a donn<£ une feconde: que la premiere n'avoit eti fake que pour un certain tems, & que la feconde lui avoit fucccde, parceque cel- Je de Moyfe n'en avoit ete que le type, je de- montrerai, par l'autoritcde Moyfe, qu'il n'eft riende fi faux que ce quedifent ier Galileens. Cet Hebreu dit expreffement, non pas dans dixendroitsmais dans mille, que la loi qu'il donnoit feroit eternelle. Voions ce qu'on trou- vedans 1'Exode : (r) Cejourvous/era memora- ble, Wousletilebrerezpour le ieignettr dam nut es les gen'irations*Vous lecelebrerex. comme »- tiißtt folemaellepar ordonnance perpetuelle. Vous mttngerez. pendant jept jours du pain fans lev am, V des le premier jour voüs cterex. le leva's» de vos maijons. Jepafleunnombredepafiäges que j« ne rapporte pas , pour ne point trop les multi- plier, & qui prouvent tous e^galement, que Moyfe donna fa Loi comme devant etre 6tet- nelle. Montrez-moi, O Galileens! dans quel endroicdevosEcritujesileftdit,ce cjucfaik %. (i) Exod, is, is. |
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C 84 )
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ofö avancer (i) que U Chrifi etoit la fin de laLti.
Oütrouve-t-on .queDieuaitpromisauxJfrae- lites de leur donner dans la fuite une autre Loi, que celle qu'ilavoitd'abord etabii chez eux? lln'eftparledans aucunlieude cette nouvelle Loi, il n'eft pas meme dit qu'il arriveroit aucun changement a la premiere. Entendons parier Moyfelui-meme. Qx)Vousn,ajoutenz.rien aux eommandemens que je vous donnerai, c vous n'e» : tterex, run. Obfervez Its Commandemens du Seig- neitr votre Dieu, & tout ce que je vous or donnerai Aujourd'hui. Mauditsfoient tous ceux, qui n'ob- fervent fas tous les Commandements de la Loi. Maisvous, Galileens, vous contez pour peu de chofe d'öter & d'ajouter ce que vous vouiez aux prdceptes, qui font Merits dans la Loi. Vous lesardezcomme grand Äglorieux de manquer acette meme Loi; agiflantainfice n'eft pas la verite que vous avez pour but, mais vous vous conformez ä ce que vous voiez &tre approuve' duvulgaire. Vous etes fi peu fenfös, que vous n'obfervez
pas meme J'es preceptes, que vous ont donne" les Ap6tre(s. Leurs premiers fuccefleurs les ont altere par uneimpiet^&une mechancete, qui tie peuvent etre affez blamees. Ni Paul, ni Matthieu, ni Luc, ni Marc n'ont ofö dire que jefus futun Dieu: mais lorsque Jean eut ap- fi) S. Paul aux Rom. 10.
(j) Dent, *, ie. & »«. |
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* 85)
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pris, que dansplufieurs villes de la Grece & de
1'Italiebeaucoupdeperfonnes, parmi le Peu- pie, &oient tomb^es dans cetce erreur; fa- chant d'ailleurs que lesTombeaux de Pierre* de Paul cominencoient d'etre honored, qu'on yprioitenfecret; ils'enhardit jusqu'a dire que Jefus ätoit Dieu. Le verbe, dit-il, s'eft fait chair & a habite; dans nous. Mais il n'a pas ofe cxpliquer de quelle inaniere; car en aucun en- droit il ne nomme ni Jefus ni Chrift, lorsqu'il nomine Dieu & le Verbt.W cherche a nous trom- per d'une maniere couverte, imperceptible- ment, & peu.a peu. II dit que JeanBaptifte avoit rendu temoignage ä Jefus, & qa'il avoit d^clari que c'^toit lui qui dtoit le verbe de Dieu. Je neveux point nier, que Jean Baptiften'ait
parte de Jefus dans ces tennes, quoiqueplu- lieursirrehgieux parmi vous prskendent que Jefus Chrifi: n'eft pointle verbe, dorit parle Jean. Pourmoi, jenefuispas de Ieur fenti- ment: puisque Jean dit, dans un autre endroit que le verbe qu'ilappelle Dieu, Jean Baptifte areconnuquec-fkoit cememe jefus. Remar- quons aauellementaveecombiendefineiTe de management, & de precaution fe conduit jean Ilintroduit, avecadrefie, l'impieti fabuleufe qu'il veut &ablir: il fait fi bien fe fervir de tous lesmoiens, quelafraudepeutluifournir que parlant derechef d'une facon ambigue, il' dit : E>7
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(i) Perfonneri'ajamais v& Ditu. Lefilsuniqüt,
qui efl au fein dupere,eß etlui qui nous I'arevile. II faut que ce fils,qui eft dans Its fein de fon Pere. foit ou le Dieu verbe, cm un autre fils. Or fi c'eft leverbe, vous avez neceflairementvüDieu, puisque le verbe a habit eparmi vous, & que vous nvez. vA (agloire. Pomquoi Jean dit-iJ done, que jamais perfonne n'avu Ditu. Si vous n'avez pas vu Dieu le Pere, vous avez certainement tu Dieu le verbe: maisflDieu, ce fils unique, eft un autre que le verbeDieu, comme je Tai entendudire fouventäplufieurs de votre reli- gion , Jean ne femble»xl pas, dans fes difcours obfeurs, ofer dire encore quelque chofe de femblable, & rendre douteux ce qu'il dit ail- leurs? On doit regarder Jean comme le premier
auteur du mal, & la fource des nouvelles er- reurs que vous avez etablies, en, ajoutant aa culte du Juif mort que vous adorez celui de plu- fieurs autres. Qui peut affez s'elever contre un pareil exces.' Vousrempliffeztousleslieux de tombeaux, quoiqu'il ne foit dit, dans aucun endroit de vos Ecritures, que vous deviez fre- quenter & honorer les fepulcres. Vous etes parvenus ä un tel point d'aveuglement, que vous croiez fur ce fujet ne devoir faire aucun cas de ce que vous a ordonne Jefus de Naza- reth. Ecoutez ee qu'il dit des tombeaux. , (i) Evang. 4e S. Jean chap, I. t. ii.
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(*) Malheur a vsus, fcribes, pharifeens, hip»-
crites, parcequevousites femblablesk des fepul- cres reblanchis: an dehors le fipulcre paroit beau, mats en dedans si efl plein d'offemens de marts, & de toutes fortes d'ordures. Si Jefus dit, que les fepulcres ne font que le receptacle des immon- dices & des ordures, comment pouvez-vous in- voquer Dieu fur eux? Voiezceque Jefus re- pondit ä un de fes Difciples, qui lui difoit: Seigneur, permettezavant que je parte, que'ftn- fevelißemon Pere. iulvez, mot, repliqua Jefus, V laiflez aux morts a enterrer leurs morts. Cela tont ainfi, pourquoi courez- vous avec
tantd'ardeur aux fepulcres? voulez-vous en fa voir lacaufe? jene la dirai point, vousl'ap- prendrez du Prophete Efaie : lis dortnent dans les fepulcres, & dans les caverfies a caufe des [en- ges. On voit clairement par ces paroles, que e'etoit un ancien ufage chez les Jm'fs dc fe fervir des fepulcres, comme d'une efpece de charme & demagie, pour fe procurer des fonges. II eft apparent, quevosApötres, apres la mort de leurMaitre, fuivirent cette coutume, & qu'ils l'ont transmife ä vos ancetres, qui ont emploie cette efpece de magie beaucoup plus habilement que ceux qui vinrent apres eux, qui expoferent en public les lieux (& pour ainfi dire les laboratoires) oüils fabriquoient leurs char- mes. (*>M«tth: Chap, j, r, zi. & 22,
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r' Tous pratiquez done ce que Dieu a deffendu,
foit par Moyfe» foit par les Prophetes. Au con- traire, vous craignez de faire ce qu'il a ordon- lie par ces memes Prophetes: vous n'ofez facri- fier&offrirdes viftimes fur les autels. 11 eft vrai que le feu ne defcend plus du ciel, comme vous dites qu'il defcendit du terns de Moyfe, pour confumer la victime; mais cela, devotre aveu, n'eft arrive qu'une fois fous Moyfe, & une autre fois longtems apres fous EIie,natif de Tesbe;d'ailleurs je montrerai que Moyfe a cru qu'on devoit apporter le feu d'un autre lieu , & que le Patriarche Abraham avoit eu long- tems avantlui le memefentiment. A l'hiftoire du facrifice d'l faac, ojuiftrtoit hi-mame le boh G? lefeu, je joindraicelled'Abel, dontlesfacri« ficesnefurent jamais embrafös par le feu du ciel, mais par le feu qu'Abel avoit pris. Peut-6- tre feroit-ce idle lieu d'examiner, par quelle raifon leDieu des Hebreux approuva le facrifr- ' ce d'Abel,& reprouva celui deCain, & d'expli- quer en meme tems ce que veulent dire ces pa. roles,./» tu offris lien ay que tu divifes mal,n'as-ttt fas feche> Quant ä moi, je penfe que l'offrande d'Abel fut mieux rei;ue que celle de Cain,parce- que le facrifice des vi&imes eft plus digne de la grandeur de Dieu, que l'offre des fruits de 1« terre. Ne confiderons pas feulement ce premier
paffage; voions en d'autres qui ont rapport aux premices offertes äDieu paries enfans d'Adam. gitHregardaAM&fo» obfontn, mäiil?'<Ht |
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( 89.0
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point d'egarda Cain, & il ne confidera pas Jen
cbiation, Cain devintfort trifle, &• Jon vifage fut'abattu kt lebeigneurdit aCain, pourquoi es - tu devenu trifte w pourquoi ton vijage eft il abattu! tie phhes ta (*) pas, ß tu affres blent? que tu ne divi/es pas bien. Voulez-vous favoir qu ■ es cHoient les oblation's d'Abel & de Cain? Oriiarriva apres que'quesjours, queCainpre- fenta au Seigneur les prentices des fruits de la ttr- re, c/ Abel offrit aujfi les premiers nes de Jon trou- peauvr leurgraijfe. Ce n'eltpaslefacriike, di- lent les Gaiildens , mais c'eft la divifion que Dieu eondamna . lorsqu'il adreflaces paroles ä Cain : N as tubas piche fi ta as bien offert V fi tu as mal divife. Ce fut la ce que me repondit a ce fujet un de leurs Eveques, qui paffe pour §tre im des plus fages. Alors l'aiant pri^ de me dire, queltkoitledeTautqu'il'yavoit eu dans la divifion de Cain , il ne put jamais le trouver, nidonner la moindre reponfe un peu fatisfai- fante & vraifemblable. Comme je m'appercus (ju'ilne favoitplus que dire: ileftvrai, lui.re- pondis-je, que Dieu a condamne, avecraifon, ce que vous dues qu'il a condamnd: la volenti etoit egale dans Abel & dans Cain, 1'un & I'au- tre penfoient qu'il falloit ofFrir ä Dieu des obla- tions; maisquantaladivifion, Abel atteignit aubut, &l'autre fetrompa» Comment cela arriva-t-il, medemanderez-vous? Je vousre- pondrai, que parmi les chofes terreftres lesu- nes font animees,& les autres font privöes de IV (*) Genef. Chap. IY. v. 3 &fuiv. |
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me: les chofcs animees font plus dignes d'etre
offenes que les inanimees au Dieu vivant & au- teur de la vie, parcequ'elles participent ä la vie, &qu'ellesont plus de rapport avecl'efprit.Ainfi Dieu favorifa ce/ui, qui avoit offert un facrifice parfait, &qui n'avoit point peche dans ladivi- fion. II faut que je vous dernande, Galildens,
pourquoi ne circoncifez- vous pas? Vous re* pondez, Paul a ditquela circoncifionduccBur £toit n^ceffaire, mais nonpascelle ducoips: felon lui cel!e d'Abrahara ne fut doncpns veri- tablement charnelle, & nous nous en rappör- tons furcet article a la d<kifion de Paul & de Pierre. Apprenez, Galileens,-qu'il eft mar- que dans vos Ecrirures, que Dieu a donnc a Abraham la circonciiion de la chair, comme un temoignage&une marque autentique. Cefi icimtrn Allianceentremoiz?vous, entre tapos- terit e dans la fuite des generations. Etvous cir- concirex. la chair de voire prepuce , & ceia [era pour figm de Valliance entre moi<& vous , C5* en- tre moi zy lapoßerit e. Jefusn'a-t-il pasordonn6 lui-meme d'obfer-
verexactement iaLoi.(*) "3e ne fuis point venu, dit il, pourdetruirela Loiv les PropbStes,mail pour les accomplir Et dans un autre endroit ne dir-i!pas encore.- Celui qui manquera au plus petit despreceptes de la Lei, iy qui enfeignera aux !*) Etang. Selon. Matth. Chap. 5. v 17. i<*ein
ibidem. |
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(91 )
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hommes a tie pas Vobferver , fem le dernier dans
UroyaumeduCiel. Puisque Jefus aordonnö ex- picflement d'obferver foigneufemcnt la Loi, &qu'il a dtabli des peines, pour punir celui qui pecho.it contre le moindre commandement de cette Loi, vous Galileens, qui manque? a tons , quelle excufe pouve:^-vous apporter pour vous juftifier? Ou Jefus ne dit pas la verity, oubien vous etes des deferteurs de la Loi. Revenons ä la circoncifion. LaGenefediC;
la circoncifion ferafaite fur la chair Vous I'avez entierement fupprimee, & vous repondez : tJeuiJomme' circoacis par le coettr. Ainli done chez vous , Gah'lee;.s , perfonne n'eft niechant, ou crimine!, vous Stes tons circoncis par le coettr. Lortbien. Mais les Azimes, mais ia..Paque ? VousrepUquez: nous nepouvons point obfer- verla fete des Azimes ni Celle de la Päque, Chrift s'efi immole' pour nous, une fois pour routes, & il nous a deffendu de manger des A« 2imes. Je fuis tinfiqm vousvm de ceux qui con- dainnentles fetes des Juifs, & qui n'y pren- lentaucunepart: cependant j'adore le Dien qu'adorerent Ahraham, Ifaac, & Jacob, qui ctant Caldsfens, &de race facerdotale, aiant Voiagö chez I.esEgyptiens, en prirent l'ufage de Ieur circoncifion. lis honorerent unDieu qui «urfut favorable, de meme.qu'il i"eft a moi& * tons ceux qui I'invoquent ainfi qu'Abraham. |
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(91 )
Iln'jr aqu'ä vousfeuls, ä qui il n'accorde pas
les bienfaits, puisque vous n'irnitez point A- bntbam foit en lui elevant des autels, (bit en oftrantdesfacrifices. Non-feulement Abraham facrifioit fouvent
ainfi que nous;mais il fe fervoit de la divination comme Ton fait chez les Grecs. II fe confioit beaucoup aux augures, & fa maifon trouvoit la confervaiion dans cette fcience.Si quelqu'un parmi vOUS, OGalildens! refufe decroire ce quej'edis.jevousleprouveraiparl'autorit^de Moyfe Ecoute^le parier: Afrit ces chofet , ( lafarole du Seigneur fut adnfjee a Abra- ham dam une vifion, en difant: Ne crains point, Abraham, je tef rotige , rjr ta recompen- jeferagrande. Abraham dit, Seigneur que me donnerex. -uousi je men vait fant laijfer den- fant ü-lefilsdemafervantefera mon heritier* Et dabordla votx du Seigneur t'adrejje a lui a- Imditi celuicineferafattonheritier; mais ce- lut qmfortira de toi, celulla [era ton heritier. A- lortilleconduifitdehort, wlui dit: regarde au Ciel& compte let Etoilet, fitupeuxlet compter; tafofieritefera de mime. Abraham cruta Dieu, & celalui fut refute a.juftice. Ditesmoi actuel- lement, pourquoicelui qui repondit ä Abra- ham, foit que ce fut un Ange foit que ce fut un Dieu, le conduifit-il bors de fon logis? car |
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(*) Genef. Chap. is. vr. i. z, 3. +. s.s- &7-
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quoiqu'ii fut auparavant dans fa maifon, i! n'i-
gnoroitpas la multitude innombiable d'etoiles qui Iuifent pendant la nuit. Je Alis affiire que ce- lui qmfaifoit fortir Abraham, vouloit lui mon- trer le mouvement des Aftres, pour qü'il put confirmer fa.promeffe, par les decrets du Ciel qui regit tout, & dans lequel font ecrits les eve- nemens. Arm qu'on ne regarde pas comme forcde
explication du pafTage que je viens de citer, je Ja confirmerai par ce qui fuit ce meme parage. { )Le Seigneur dtt a Abraham .je fuis ton Die», tu, tat fan fortir du pays des Caläunspur te donnercettefernen heritage. Abraham repon- dit, ytgneur! comment connoitrai-je quej 'heu- te,at de cette terre ? Le Seigneur lui repondit: frens unegeniffe de troisans, une chevre de troh ans, un belter de trois ans, une tourterellt w un P'geon. Abrahamprit done toutes ces chofes, er lespartagea aumilieu, er mit chaque moitie vis- * vis l une de lautre; mats H nepartagea pas les »I'*"*- Et une volee d'oifeaux defeendit fur ces bStes mortes, & Abraham feflaca avec elles. Re- inarquez que celui qui converioit avec Abra. flam, foitquecefut un ange, foit que ce fut un uieu, ne confirm»pas faprediftion legere- ment, maispar la divination & les vidimes: 'Ange ou le Dieu qui parloit ä Abraham, lui promettoit de certifier fa promelTe par le vol |
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(*) Genef. Chap, ij, v. s. 9.10.118c 1 2.
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des oifeaux. Car i! ne fuffitpas d'une jromeflc
vague, pour autorifer la verü6 d'une chofe , mais il eft ntkeffaire qu'une marque certain« affure la certitude de la prediction, qui doi; s'accomplir dans t'avenir. |
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LA
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LA MO IS A DE.
J'Ai parcouru toques les contrees de l'Uni»
vers, j'ai examine les mceurs, lesufages, les coutum'es de tous les pays qui le com- pofeat, & partout j'ai vü la fuperfticion, les prüfliges, l'interet, leprejugc, l'oigueihnc- me tenirlieude toute Religion. J ai rencon- tre 1'homrne partout, &n'ai trouveDieu nulle part. Plein demilleideesconfufes &accab!antes,
incapable de concevoir un infini, & de me cor% prendre moi-meme; choquedetoutes parts ou d'un culte ridicule qu'abjure le bon fens, ou d'une Religion abfurde qui aneintit toute Divi- nite, j'dtoispretä n'admettre que l'exiftence des chofes fenfibles & palpables, lorque tout- ä.coup j'entendsparier d'une nation qui n'ado- re qu'unDieu, &pourDieu, qu'unpurEfprit, qu'un Etre fimple, qu'un Etre fouveraine- ffient parfait. Je cours, je vole parmi les juifs dans l'esperance de trouver enfin Ja ve- rite. Je veux etre inftruit, je demande des li-
vres, je lis; que de grandeur, que de puis- fance, que de merveilles.' II ordonne: & auffitdt des efprits d^gages de
toute matiere, des hommes compo/es d'un corps & d'un efprit, vivenc, penfent, agiiTent. |
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La terre, cette mafle Enorme fufpendue dans
lavafte etendue des airs, les cieux, les as- tres qui l'eclairent, les mers, qui l'environ- nein, lesfleuvesqui l'arrofent, les animaux, lesplantes, tout fort ducahos, tout fuitpar »in pouvoir irr^fiftible ce premiermouvement, que la main du Tout-puiffant lut a impritne; toutconcourt, ä former un ordre parfait, tout parle, tout annonce un Ouvrier intelligent, un Cr^ateur tout-puiffant. C'eil ici, dis-je en moi-meme , oü je dois
terminer ma courfe. Je vais trouver ici un vrai Dieu, un culteparfait, une morale faine, des principescertains, deshommes raifonnables; quoi de plus heureux! Je continue cependant ma ledture ; ah! que
jpfuistrompelCette admirable perfpeftive qui avoitd'abordravimonefprit & encbante mes fens; ces idees pures & confolantes, qui a- ■voientenflammemoncceur&presque fatisfait maraifon, tout ce fublime difparoit pour ne faire place qu'ä des objets hideux & revoltans. En parcourant ce livre recu, dit-on, des mains de Dieu, par l'entremife de fon ferviteur Mo'ife&defesautresprophetes, jefuis indi- gn6 d'y trouver des traits qui bleflent la gran- deur & la majefte Divine , & qui me le depei- gnentauffimauvaisqu'ildoitetrebon.Tout me revoke, jecroiserrerdans le champ de riin- pofture; tout pone le fceau du fanatifme; tout eil marque au coin de l'impettinence & du ridi- cu-
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C$7)
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cute, de la miaute" & de la barbaric.
Dieu trace fur le front d'un des enfans
du premier homme les traits de facolere, fait couler dans fori creur lepoifonde l'envie, de jaragecontre fon frere, & le rend pour tou- jouis, l'objet de l'extoiuion de ceux qui doiventnaitredeluiou de fon pere. Dieu fe repent d'avo.ir cred l'bomrne , pi'
"ket. Quel blafpbeme! Quoi! Dieu feroit-il 1'homme qu'il a cred, imparfait, borne", chan- geant, capricieux? Auroit-i! pu, par defaut de connoiffarice & de capacite, former un Ou- trage mauvais, &s'expofer, fautede fagefle & de prudence, ä fe repentir d'une faute rdelle? Seroit-il Dieu en meine temps, &nele feroit- il pas? quelle horrible impietd! quel mon- ftrueux paradoxe! L'Univers entier eft ä peine forti du ndant &
des mains de fon Createur, & deja je vois les Cieux s'dcrouler, fe diflbudre. II ouvre fes Catara&es, une mer affreufe couvre auflitöt lafurfacede la terre, renverfe, d£truit tout; I'Universeftenfiveli fous fes ondes, tout ce qui vivoit perit. Unfeulhomme trouve" jufteparmi tous les
homines, ecbappe avecfa famille ä la deftruo. 'iongdndrale de toils fes femblables. Dieu qui * connu fa faute & s'en eft repenti en fe ven- pant fur 1' ouvrage de fes mains, va fans doute preparer, en formantle coeur des nouveaux "°mmes qu'il va faire naltre* Leur arret eft d£- E |
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C 98 )
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ja porte. Une ivreffe profonde plonge Nöi
dansun profond fommeilj un de fes enfans, Cham, le furprqnd dans une pofture indecen- te & fait de cette pofture un badinage aupres de fes freres. Noe qu'infpire fon Dieu , ap-'- prend ä fon reveil la conduite de fon fils. II en- tre en fureur & maudit Cham avec toute fa pos- terit«''. Ah Cham! qu'as-tu fait &pourquoies-tu ae?Tes defcendans qui formeront la plus gran- de partie du Monde , feront neceffairement reprouves , & ton imprudence a produit plus demai que ton. Dieu n'a jamais fait de bien. Mais les annexes & les fages avancent. je vois
paroltre avec gravitö de grands perfonnages qui out fu dans leur temps garder des trou- peaux, de veneiables Patriarches, I'ornement de l'hiftoire & de leur fiecle. Dans la fuite Abraham , Pere des croyans,
modele de la foi des juifs & des. Chretiens, eft Je feul fur qui Dieu parmi tous les peuples qu'il laiffedansl'erreur, & qu'il punit pour n'avoir pas les lumieres qu'il leur refufe, jette parbon- teun regard favorable.il lui parle & fe commu- nique ä lui. II luideVeloppe 1'avenir. Dieu doit fortirdefes defcendans; maisilveut s'asfurer de la fidelite d'unhomme qu'il veut Clever fi haut, il veut une obeiffanceaveugle ; il lui or- donnedone, pourleprouver, d'immolerfon fils unique. Quelle epreuve! Abraham qui ne connoit point les desfeins de fon Dieu, faittai- le fes entrailles de pere, repouffe une mere tendre quidemande grace pour uninnocenC, |
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ftouffe tous Ies fentimens de la nature & de It-
pitie", & monte par toutes Ies horreurs au com- hle de la perfe&ion; il fe difpofe ä obeir. Deja l'autel eft drefle, le bucher pr^pare~, la flamme eft toute prate. La vi&ime s'ofFre, la vue de fon fang qu'il va verier Ietouche; il fent qu'il eft pere, il.tremble, il craint, ilhifite, il com- bat, il fait un dernier effort de cruaut^, il triomphe enfin & leve le bras pour dgorger I- faac, & va frapper.... Arrete monftre, arrS- t«: ton Dieu t'aime,. & je te d&efte. Ifaac echapp^ ä la vertuferoce d'unpere de"-'
natura, apres un grand nombre d'ann£es pas- fees fans tklat, infirme, aveugle & catTe de vieillefTe, va rejoindre fes ayeux parmi Ies morts. Mourra-t-il fans donner une idfe de fon Dieu ? Deux enfans, ennemis declares dans Ies entrailles meme de Ieur mere, vontie fai- re connoitre. Dieu, le Dieud'Ifaac, choifit Jacob qu'il aime pour en faire un fujet beureux & I'ufurpateur du pays qu'arrofe le jourdain, &abandonne Efaü qu'il d&efte, pour en faire une victime de fa colere. Dieu bon.Dieu jufte.aimezjacob.vxms le pou- vez,fans donner atteintea votre exiftence.Mais n'eft - ce pas d£ja trop qu'Efaii naifle criminel, fans ajouter encore ä fon malheur une baine particuliere qu'il n'a point marine? Attendez qu'il vive, qu'il penfe, qu'il puiiTe ptScher, on jugerea de fes crimes par Ies maux dont vov» l'accablerez. Mais il n'eft pas encore nä, il n'apas encore pü vous offenfer. C'eft trop par- |
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ier. Ifaac va expirer. Levez-vous, mon pe-
re, dit Jacobäifaac, je fuis votre fils bien-ai- me, votre fils Efaii, prenez, mangez le gi- bier que je vous ai prepare & donnez moi vo- tre bentJdi&ion. Ce font bien les mains d'E- fäü,. dit Ifaac, inais c'eftla voixde Jacob. Ne craignez rien, Ifaac.beniffez cet impos-
teur, ce fourbe qui veut s'elever fur la perte de Ton frere. Votre Dieu qui le conduit, au- pres de vous, ratifiera votre benediction , le comblera de gloire & le fera pere d'un grand peuple. Que vous etes heureux, Jacob, fi j'etois maltre du tonnere, je vous ecraferois d'un coup de foudre. Mais la fentence eft prononcee. L'amiti^duTres-haut, la rofec du ciel, la graiffe de ia terre, feront votre par- tage. Vosdefcendans^gälerontle nombre des ötoiles du firmament. Votre nom fera I'efFroi de toutes les nations, & 1'infortune Efaii qu'un tendre refpect a toujours rendu attentifauxor- dres de fon pere, qui s'eft fait un plaifir de lui obeir, & un bonheur de lui plaire, Efaii fera l'efclave de fon frere & l'enneini eternel de fon Dieu. Mais quel fpectacle affreux s'offre ä mes
yeux! Eft-ce un Dieu qui parle ou qui agit? Sont-cedes hommes que Ton extermine? Le cielveutilfeconfondre avec la terre? L'uni- vers va-t-il rentrer dans le neant? Dieu veut <5crafer lEgypte; illuifautun pretexte, ilen trouve. Allez, dit Dieu ä Moife: dites ä Pha- raon, je fuis celui qui eft, Ego fur» qui /"««• |e vous ordonne de taifieramon peuple la B- |
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C 101 >
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bertd de forrir de vos Etats, pourvenir facri-
fier dans le deTert. Hommes, femmes, en- fans, vieillards, troupeaux, je veux tout, je veux etre obef. Pharaon ne vous Ecoutera point, fa fentence eft prononce"e, ilfaut qu'il pfiffe. Je veux deployer mon bras redoutable & faire fondre fur l'Egypte les trefors de ma fu- reur. J'aiformd le cosur del'hoinme, j'en fuis le maitre,je Iemeus.je le fais agir comme il me p!alt,'j'endurcirai celui dePharaon,pour qu'il ne m'ob^ifTepoint. Pharaon endurci ßcn^cefiaire- rnent rebelle aux ordres de Dieu, mettra par fa desob&ffancema jufticeä couvert de tout re- proche. Allez, necraignez rien , jefefai par- tout avec vous, & l'on connoitraque je fuis le Seigneur votre Dieu. Mo'ife , de fimple berger. devenu miniflre
du Tres-haut qu'ii dit avoir vu dans un buis- fon, la face cached & ne lui montrant que fon derriere; Moi'fe, dis je, plein delafureurde fon Dieu, fö transporte ä !a cour de Pharaon, pour y annoncer infolemment les ordres de fori Dieu. Pharaon que la volonte1 toute-puisfan- te d'un Dieu invincible a mis dans la ne'ceifi« t^ d'etre coupable, rejette Moife, fes ordres & fon Dieu. Moi'fe delate, Dieu frappe, & dejä je vois des rivieres de fang ar- rofer les campagnes & mettre des peuples en- tiers dans la ntoffiti de mourir de foif ou de s'empoifonner. Des infeftes detoutes efpecesformentdans
I'air un nuage e'pais, que ne peuvent percer E3 |
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( I02 )
I
les raions duvfoleil, & fondent enfuite fur la
terre qu'üs d^pouillent de toutes fes richeffes. Des grdles affreufes ^crafent, enlevent ce
que les infectes avoient epargne. Le ciel eft tout en feu; le tonnere gronde, la foudre dela- te de toutes parts, & des flammes devorantes ft- chevent de detruire ce qui fubfifre encore. Trouble, faifi d'horreur, je mefauve, &
tout a coup des tinebres palpables me furpre- nentim'environnent,rne plongent dans Ia nuit la plus noire. Lalumiere paroitenfin. Quelob- jet frappe ma vue! Le Roi, les grands, les peuples, tout eft couvertd'ulceres. Jenevois partout que des hommes hideux qui fe fuyent les uns les autres, des millions de malheureux qui ne counoiffent le Roi que par les ivnpöts qu'on leur fait payer de fa part, & qui portent neanmoins la peine de fon crime & d'un crime involontaire. , L'orage fe diflipe, un autre fuccede.Une pes- te generale enleveunchefachaquefamille.Le tröne.Iavüle, lacampagne, rien n'eft epar- gne\ Les animaux memes qui ne penfent point, qui nc font point coupables, päriffent & fera- Llent en expirant accufer ie ciel de cruautt: ,• les plaintes, les errs, la mort, l'horreur regnent de toutes parts. Sortez, peuple d'Ifrael, fortez de l'Egypte ,
prenez, volez, pillez aux Egyptiens, ä qui vous devez la vie, lepeu de richeffes que leur a laiffd vötre Dieu inhumain; & apres avoi/ |
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tout, faccage", fauvez-vous , brigands, dans les
deferts. Maisl'Egypte poffede encore une poignd©
d'hommes. Le Dieu de Jacob leur laiiTera-t-il la liberte de vivre ? Ils vont bientöt ceffer d'e- tre, ils ne font deja plus. Je les vois furunemer orageufe, Pharaon ä leur täte, flottant, au gre" desvagues, avecleurscbevaux, leurs chars, & leurs Equipages. Un vent favorable les pous- fefur lerivage &donneauxenfans de Jacob les trefors qu'ils n'ont pü enlever. Chautez , Moi'fe, chantez les louanges de
votremaitre, quelepeupIefeprofterne,&tous enfemble cdl^brez la puiflance, mais furtout la miföricorde & la tendrefle de votre Dieu, qui vient d'eclater par la perte de fes en- fans. Une colonne de feu brille fur ma täteile jour
parolt & cout-a-coup ce feu fe change en uu image dpais, qui fans priver de fa lumiere ga- rantit de la trop grande ärdeur du foleil. Sui- vons ce nuage & ce peuple qu'il va con- duire. J'entre dans ledeTevtr. Quelle vaftefolitude.'
deux millions d'hommes fortent de I'Egypte; quel lieu plus propre ä leur fervir detombeau! Sur (e haut dune montagne, au miüeu des &- clairs, au bruit du tonnere paroit avec e"clat porte fur les nues un legifjateur nouveau, Dieu lui-meme, environne de toute fagloire, donne fes ordres ä Moife, & grave fur deux tables de Pierre fes loix fupremes, dont il rend depofi- E-4 |
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( '04 )
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taire le chef d'Ifrael. Mo'ife, plein de I'efprit de
fon Dieu ,inftruit de fesdevoirs, quitte a pei- ne fon maitre qu'il entend de la montagne fain- tedescrisdejoie& le fon de plufieurs inftru- mens. Un veau d'or elevepar !e peuple, ,de l'a- veu de fon frere Aron, comme l'objet de fori culte , eft ce qui d'abord frappe fa vue. Que va- t-il faire?!! entre en fureur, & facrilege par ze!e il brife le d£p6t que lui a confie leTres-haut.Sa fre'n^fie ne fe borne pas ä cet exces. Que qui- conque a duzelepourlefeigneur, fe joigne i moi, s'dcrje-t-il: Une troupe de fren^riques fe lange al'inftant defon parti. Qu'on s'arine, qu'on marche au carnage , qu'on n'exoute ni la pitie' ni le fang. Le Seigneur eft irrire , il veut e- tre vengi;. Plus les victimes que vous iinmo- lerez vous feront cheies, plus Dieu fera fat cisfait. Quelle force n'a point ce difcours facrilege J
je vois les fatellites de Mo'ife femblables ä des tigres furieux, l'oeil eYuicelant, l'air enrag£, courir parlecamp d'Ifrael, voler de tente en tente& porter partout aveceux la fureur, la rnort, le carnage, l'horreur. Hommes, fem« rnes & enfans, tout tombe fous le fer meurtrier des efclaves de Mo'ife. Le zele pour leur Dieu lesanime. Dieu lui-meme les agite: ilsne font plus des hommes., maisdes monftres furieux, infenfibles ä la vue des membres palpitans & du fang de leurs plus pioches parens; les cris la- mentables de ceux-ci ne fe font plus entendre a ces cceurs firoces que la rage de leurDieu trans- |
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o°j>
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porte. Ici coute Ie fang d'un fils malTacre* par
fbnpere; la fument encore !es entrailles d'un pere engorge' par fon fils ,• plus loin un dpoux fanguinaire & denature" poignarde du meme coup & fon innocente femme & le fruit mal- beureuxqu'elleporte. Vingt-trois mille hom- ines periflent dans cet afFreux carnage. ArrStez, enfans de Levi, le foleil refufe
d'^clairervosforfaits, &votreDieuveut epar- gnerlerefte du peuplepour Pexterminer dans un autre temps. Venez recevoir les benedic- tions quem£ritentvos crimes. Soyez be"nis du Treshaut, vous que fa gloire intdrefle : que la rofee du ciel tombe fur vos proches; quel'hui- Ie&levin foientchez vousen abondance; fo- yezriches en moiflbns & en troupeaux; qu« vos defcendans peuplent la terre , & que Ieurnombrefoit comparable aux grains de fa- ble &auxatomes. Mais fuyonsce trifte fe"jour. Les cris des as-
faffins, les plaintesdes mourans , le fang des morts Ie rendent trop afFreux. Hants, fiers, gdne>eux.,entreprenans,Da-
than& Abiron reproehentavec refpeft& fou- miffionäMo'ife fa fourberie, fon orgueil ex- treme & Ie pouvoir qu'il veut ufurper fur Ifrae'. Dathan & Abiron , vous perirez; mais perirez- vous feuls? non.- vos femmes, vos enfans , vos troupeaux; tout ce qui vous appartient perira avec vous. La terre s'entr'ouvre & dejä jenevoisplusles ennemis de Mo'ife. Les en- fans de jacob murmurent; ils fuivront Abiron. E5 |
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Des Terpens monftrueux.fortis des entrailles de
laterre par l'ordre du ciel.jettent partout l'ef- froi & la confternation, & ne laifTent la vie qu'ä unepoign£ed'hommes,que lapefte va bicn- töt detruire. Je Ies apper$ois deja foibles, pa- les, Iivides & expirans fous les coups redou- bled d'une Divinite terrible. L'osuvre eil confommee: l'Egypte eft anean-
tie; les enfans deJacob font defcendus chez les morts; lesMinifires&Pretresdu Tres-ha'ut, Mo'ife&Aron vontbientötn'etre plus. Deux homines reftes feuls des efclaves de l'Egypte vont conduire les enfans des morts dans une terre fl fouvent promife & fi cherement ache- tee. Petits-fils d'Abraham, d'Ifaac & de Jacob,
icoutez pour la derniere fois votre chef que vous allez perdre: Hte dich Dominus. Voici les Decrets de l'Eternel. Vous avez vü pe>ir vos peres, & vos enfans ä leur tourferontetouffes fur vos cendres. Vous avez des Juges ,vous au- rezdesRois. Juges, Rois, Peuples, tout fera extermine. La guerre, l'efclavage, la pefte, la famine & la lepre feront votre partage. On vous aura vus riches, puisfans, xedoutables, l'effroi des nations. Sans llois, fans pretres , fans facrifices, fans loix, erranspartoutela terre, on vous verra l'op- probre des autres nations, le rebut & l'execra- tiondeshommes. Quelle tendreffe dans un Dieu fouveraine-
menebon.' Quelle moderation dans un Dieu |
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( 107 )
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foüvefainement jufte, fage &mife>icordieux,
pour un peuple qu'il a choifi , qu'il» a conduit, qu'il ch6rit par predile&ion fur tons le« autres peuples, pourlequelilavoitöpuife les treTors de faprovidence,&faitagirtousles refibrts de fonpouvoir fupreme jufqu'a inierrompre l'or* dre linmuable de la Nature entiere! Eft-ce bien lä le Dieu de l'Univers, le Dieu que je dois re- connoitre & adorer? Ai-jeeneffet trouv£ la vitki que je chercbe ? Meurs, Mo'ife, meurs, tyran dertruaeur,'
Que le ciel rtcrafe de fes foudres vengeurs;que la terre irritde comine leciel de ta perfidie & de ta cruautö, s'entr'ouvre fous tes pas cri- minels &t'engloutiffe, monftre abominable, dont l'haleine empeitie a foufflö fur töute !a farface de la terre les femences empoifonne'es du plus horrible & du plus deteftablefanatifrne, dont eile ell encore malheureufement infeⅇ queta memoire abominable refte en horreur dans tous les fiecles.& chez tous les homines, & periflentceuxqui la reverent! Et vous, peuple furieux & infenfe, hommes
vils &grofliers, dignes efclaves du joug que vous portez ... Allez, reprenez vos livres, & ^loignez-vous de moi. |
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E tf &PES'
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( ioS )
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QUESTION DE THEOLOGIE.
V|Ur un Prix remporte' a l'Acaddmie- des
• Sciences en 1728, pour prouver que lcs Thiologiens ne connoiffent point Dieu. Cesignoran;ferontignores. Cor. 14.38.
Ceux qui ne connoiffent point Dieu font des in'
fenfes , qui ne font experts qua faire le mal. Jean 4. 2.2. Cefont les per [hut curs des juftes qui ne con-
noiffent point Dieu ni [es attributs. 1. Corinc 2. a. Dans cetems-lh, nul »'aura befoin d'en feigner
fonprochain ä connoitre Dieu; Car tons les etus le ionnoitront, alt It Seigneur. Heb. 8.11. QuicCnque ftra mourir les jußes, dir a encore
qu'il rend [ervicea Dieu , pane que ttls Perfecu- teurs ne connoijjtnt point Dieu. Jean 16.1 & %• QU E ST 10 N.
Vous Dofteurs en Theologie,
Puisque nous void dansce lieu; - Sansaucune Amphibologie, Bites nous ce que c'eft que Dieu? R E P 0 N S E.
Loin de rien decider fur cet Etre fupreme,
Gardons enTadorant, un filence profond; Ce myftere eft iminenfe & I'efprit s'y confond•; Pour dire ce qu'il eft, il faut etre lui-mSrne. |
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C 109 )
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R E P L I QU £:.
Quoi! Parmi vos plus beaux esprits,
Cette r^ponfe piroyable Quineditriendu tout, aremporte Ieprix? Lesvers enfontpolis.l'harmonieagreable; Mais que voit-on de raifonnable ? : Si vous n'avez jamais compris L'efpritdei'Univers.l'Etrefeul adorable, , Mal4-propos,Do£teurs, avez-vous entrepris De Touloir enfeigner Ton culte a tout Je monde,- Quand votre ignorance profonde Ne fait quel eft ce Dieu, fait-elle en bonne foi, Quelle eftfa volenti, fonculte, ni la loi? He! comment voulez-vous que fur vous-on f# fonde? Puisque vous ne connoiflez point, Quelle eft la Nature.divine j A quoi fert done votre Doctrine, Qu'ä nous abufer fur ce point ? Pourquoinousprßchcz-vous de croire des mjt- iteres, Que vous n'avez jamais con$us ? Qui nous aflurera que de vaines chiineres, - N'auroient point abufönosperes,
Dont la tradition vous a decus, com me eux. Dans un etre tout bon, efr il de la colere ? De la vengeance, desfureurs? Qu'une humeur jalonfe 1'altere ? Qu'ilaitdela rancune?etmilleautreserreurs3 Qu'il fe repente enfin d'a voir fait un ouvragej |
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( no y
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Aihfiqueprechent ces do&eurs?
EtqueFEtretouthon, tout prevoyaut, tout
fage, Aux iäches paffions, com me aux vils attributs,
Se trouve affujeti, fuivant le tshnoignage,
De leurs ^coles de Bibus ? Le peuple admirateur de frivoles rebus.
Dans ce quatrain, peut-etie, y trouve du fi>
blime:.. ■ Mais l'hommebien fenfe n'en fera point d'es-
time: Cen'eftqu'uhridicule abus :
Ainfi fontfaits tous ceux dont 1'erreur nous op-
prime. En nous cachant ia vtfriti, Par les dötours lubtils de la vainemagie,
Qu'on nomme avec refpeft, chez nous trt&»
logie, Mais qui n'eft tout aü plus, qu'un favoir in«
vented Pour couvrirlaraifond'affreufeobfcuriti.
He.1 qui pourroit, dofteurs, felon votre doc-
trine , , Croire, adorer ,aimer une Diviniti,
La fervir, la prier que fa bonte" divine
Soulage nötreinfirmite? Si nous n'en ayons nulle id<£e, Sa Grace a nos defirs peut-elle etre accordee •?
Helcommentfaurons-nouscomme il faut l'in-
voquer. yeut-etre en vous fuivant, ce ferale chequer?
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C Hi)
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Car qui peut bien fervir un maitre,
Quandilnel'a jamais connu? Et meme felon vous, ne le pouvantconnoitre-, , Faudra-t il l'invoquer en langage inconnu, CommeRome toujoursavoulule prefcrire? Quoüpouvons-nousbien nous flatter,
Quand nous nefavons pas ce que nous ofons . dire, Que Dieu voudra nous ^couter ? Je l'avois bien preVu , que nötre intelligence Ignoroit du vrai Dieu rentiere connoiflance ; Sans droit & fans raifon.vous dreflez des autels, Cependantvous voulez faire errer les mortels Sansqu'ilspuiflent fuflireä vos laches deman- des;
Vous leur faites donner offrandes fur offraa- des :
Voilä le feul motif de v6tre doftorat, Que vous nousannoncez, avectantd'apparat. Docteurs, en verite, vous vous trompez vous- meme; Vos fillogismes,vos fiftemes, Ne font qu'un vain babil, &tousvos argumens Ne font que des embrouilleinens,
Qui voudroient nous 6ter rentiere connois- fance,
Que nous avons d'un Dieu, tout puiflant, tout immenfe,
Tout bon, tout grand, tout faint,toutjufte,tou{ parfait, Qui fit tout, par qui toutfutfait; |
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C M*')
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Mais fidubien, du mal , vous cherehez 1'ori-
gine,
Dans ce fabricateur, dans cette ame divine ,• Sachez que le mal & le bien,
Sont deux principes ntSceffaires,
Qui fubfi (tent par lenrseontraires.
Cardans 1'Univers il n'eft rien
Qui n'aitquelquecontraire , ou quelque anti- pathie:
II n'eft nul bien fans mal, & cette verite" Nous fait voir que la fauffete"
Avec le vrai ne peut avoir de fimpathie.. La lumiere, & l'obfcurirf,
La joie, &la melancolie,
Sont contraires de quality,
Ainfi que la fante l'eft de la maladie. Ainfi par le contrafte, en incidents divers, La Nature fubfifte, &rögitl'univers. Ainfi Dieu, de tout terns, Payant determined, Elle doit ä jamais fuivre fa deftinee. Malgre tousles vceux desmortels ,
Les prieres, l'encens futnant fur Ies autels, N'extirpent point la femence des vices; Des humains, les pompeux & devots facrifices, Car Dieuprevoyant tout, a toutprdordonnd, Et neceffairement tout predetermine. II n'eft preftige ,ni miracle, Qui puiffe y faire aucun obftacle. Ainfi fans nousenteurmenter; Ce qui doit arriver, arrivera fans doute^ De nos conditions il faut nous contenter, Et fuivre fagement le cours de notre route, |
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( "3 )
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• En jouiflant des biens, avec fobrieti.
Que vötre aveugle foi, fuivantl'obfcurite*, Dofteurs, vous mene aux lieux, ou l'ame ne, voit goute,
Pour nous de la raifon, nous fuivrons la claxt& Qui conduit au fejour de lafeliciti. |
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VAN'
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C»4)
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L'JNTl'THEOLOGIEN.
COntre touslesProfeffeurs du menfonge,
& de la fuperflition, qui veulent faire paffer leurs reveries & leurs chimeres pour ar- ticles de foi. Aux Ama teurs De La Droite
Raison & De La Verite. 2'ua-a'mis, nt vous fiez. point a tout Efprit,
mais eprouvez. UsEfprits,[avoir s'ilsjont de Dien: CarplufieursfauxDotteitrsJont venus an monde. I. jean. 4... 1. PREFACE,
Aux fanatiquts, idolatres, £? juperfiuieux;
tnntmis de la verhe,qui nepeuventfoujfrir la fat- ne doclrine; mais ayant les ortilles portets atf menfonge , era I'errear, ce font des dofteurs Jul- vant leurs defirs ,&enfe detourna nt du ftrvict duvraiDieu,ils s'abandonntnt aux fabuleufes chimeres de cesfophißes. Timoth. 2. 4. 3- |
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V
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Ous ennemis de la droite raifon,
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Qui rejettez cette clarte celefte ,
Letteurs nourris du dangereux poifon , .
Done vous feduit le menfonge funefte: .
Eauxfeftateius de preüiges pervers.,
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(■IIS-)
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front eft rempli tout ce vafteUnivers» -
Et qu'on diroit qu'une noire magie
Enforcela de fa theologie. (
Si vous pou vez, r^pondez a ces vers „
Peupleinfenfe.peuplevifionnaire,.
Et fanatique, et fuperftitieux,
Esclave vil de l'erreur menfongere,
Adorateur d'une fotte chimere,
fre prejuges, et d'une foi fansyeux,
Sans fond'ement, raifon, ni connoiffance,
D'opinions chacun eft entete,
Suivant l'inftinct de fa craffe ignorance,
Raifonne enfin comme un änebäte,
Sans rien favoir, fans nulle intelligence,
Qu'un refte impur que l'ecole a dicti,
Qui n'efl aufond .qu'erreur, qu'extravagance»
Qu'amufement, qu'abus, que fauffete;
Or de ces gens d'efprittant infecle,
Vous allez voir l'autentique fentence...
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L'AN-
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C *16 )
V ANTI-THEOLOGIEN. "M On,MeflIeurs Ies Dofteurs, vosfophis-
•*■ mes divers Ne detruirontjamais laraifon qui m'^claire.
De vos dogmes trompeurs, vous troublez 1'U' nivers,
Mais votre aveugle foi, n'eft qu'erreur, que chimere,
Qo'une illufion temeraire, Comme vous verrez en ces vers. Il faut, nous dices-vous, croire tous vos myfte- res,
Ou nous ferons damned.... damned! lemot eft doux!
Mais ces myfteres faints.de qui Ies tenez-vous? Dfi qui ? nous Ies tenons des lecons de nos pe-. res.
Par la tradition, ils font pace's ä nous., II faut croire, fans contredire, ]
L'aveuglement doit nous fuffire, Et nous nous y foumettons tous. Fort bien; mais dites-moi, fans chagrin, fans couroux,
Tous Ies hommes font faux, vos peres pou- voient l'etre,
Ou bien des ignorans, autant que vous peut- etre,
Quelle preuve avez-vous de leur vocation, Pour croire aveuglement ä leur tradition? |
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(ill)
Vousrte pouvez avoir pour fonder vos fyrte-
rnes, Que ce qu'ils vous ont dit eux-memes,
Eux-memes les ont dits,commeilsies ont con- nus,
Eux-memes pourroient bien avoir 6ti d^cus, f uisque tant de docteu*s errent ä votre compte, Vous pouvez bien auffi, comme eux, errer fans honte.
Qui fait la verite"? Eft-ce vous ? oui; abus. Vous favez nous tromper, dodleurs, & rien de . plus; Car fuivant tous vos paradoxes,
Parmi tous ceux que vous blamez, Vous ne fauriez jamais paffer pour orthodo- xes, Us vous condamnent tou», & vous Ies corr- damnez.*
«"as deux du meme avis, pas un qui ne difföie s Surlafoi dequelque myltere:
Vous blamez tous les gens dontvous etesbla-- Qui devroit decider ? La raifon ce me femble■:
joint du tout, direz-vous, ce doit etre la foi : *i eft vrai, l'une & 1'autre eft aifez mal enfem- ble, Carlafoifefaituneloi Oe croire fans raifon, fanspreuve, ni fans dou-' T te, < out myftere oü jamais le bon-fens ne vit gou- te.
c'eftainfi qu'il faut croire; unpouvoir abfolu L
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C "8 )
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' Vousl'ordonne. Croyez: 1'eglife l'a voulu,
Mais je demande quelle eglife Medoitprefcrire un reglement, Sur qui doit mon ame foumife, Pofer I'affure fondement ? Chacun tient pour la fienne & la croit ferme- ment, , Croyez votre pafteur^, en matiere fihaute, S'il fait mal ä fon dam, ce n'efl pas votre faute, J'en conviens; mais lequel dois-je avoir pour pafteur ?
Simon pafteur eft faux,dois-jeen un precipice» Suivre fes pas errans , pour plaire ä fon caprice, Comme un aveugle fult un mauvais conduc- ted ? Dois-je, enfin, me foumettre aux foins d'un impofteur ?
Dieu me faura-t-ilgr^fi je fuis un perfide, Untraitre, oubienunradoteur? De cent docteurs, enfin, que je prendrai pour guide,
C'eft une queftion que pas un ne decide: Ou chacun la decide en fa propre faveur. Chacun la veut pour foi: chacun dit c'eft la nö- tre. Qui vaut mieux de l'une ou de l'autre ? Qu'on me prouve,ie viens toujours fur ce point Et ne puis croire fans celä.
Ma raifon veut avoir quelque preuve plus clait re; Que les lieux coramuns d'un cur£; |
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( TI*)
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'■' Ce fatras obfcur de chimeres,
Qu'on debite au peuple effari, Avec le fens commun ne s'accommode guere. Qu'on me parle raifon, d'un efprit 6pure^, Je fuis pretd'^couter, & croire vos myfteres; Et fi par la raifon, on n'y peut rien con noitre, Certes, pour croire il faut done Stre Bien aveugle, ou bien ^claire'; Bien dclaire pour voir du vrai dans des myfteres Si discordans entre eux, as bon fens fi contrai- res i Bien aveugle pour ne voir pas Les panneaux, que Ton tend a ces araes vul- gaires Quicroyent, & font fi grand cas
De ces fraudeleufes chimeres, ■ Qu'ils gouteront un jour des biens imaginaires; Ouque, pourlespunir, Dieucreufe fous leurs pas, Un enfer apres le trepas. Oui: mais, dites-vous, on rifque ä ne pas croire, Et croyant, vous ne rifquez rien; Qui vous a come- cette hiftoire ? Pouvez-vous croire tout, & le mal, & le bien ? Le faux, le fou, 1'injufte, ainfi que l'üquitable? La veritd, comme la fable ?
Non: done il faut opter, & choifir un pirti : De cent, nonante-neuf auront le dementi, Votre parti tout feul fera le veritable. Mais, que prouve-t-il plus qu'un autre, rien, helas!
Nous retombons toujours dansle m6me em- barrass |
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( no )
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line prouvera rien, il croira fans comprendre,
Sans raifon, s'appuyantdeliuslafoid'autrui, II payera les tributs que chacun peut pr&endre, Toujoursfoumisätout, toujourspietä ferea- dre.
Quand on n'a ni bon-fens, ni raifon pour appui. |
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8
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ue faire f ce parti h'eft pas mauvais ä pren die.
naveugle conduit par un autre dira |
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Sij'ytombe, ilytombera.
La confolation eft toujours quelque chofe.. Mais venons,ileft terns, au principe des cau- fes,
Et voyons fi quelqu'un de vous contredira ? Plus je cherche, & plus j'envifage
De ce vafte Univers, le merveilleux ouvrage; Plus je vois de temoins de la divinit6, J'en concoisl'excelience&lafolidit^, J'adore enfremiffant, l'immenfede'ite, Dont mon efprit fe forme une fi belle image: Mais fi j'en cherche da vantage, Je ne trouve qu'obfcurite' : La verite cachee au milieu d'un nuage, A mon efprit confus, n'offre plus de clarte; Rien ne fixe mon doute, &ma perplexite, En vain de tous cötes, je cherche quelque tt- fage
Qufdubon, quidudroitne foit pas ecarte; De mille prejuges, chaque peuple entete, Me tientun different langage, Et la raifon prudente & fage Ne decouvre qu'erreur, & qu'ambiguitd.
ChrC-
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( 121 )
Chrdtien, Turc.Chinois, toutlemonde rai»
fonne: Chacun dit, ma croyance eft bonne :
L'un dit blanc, l'autre noir; & ne s'accords point. Qui croirai-je, du Talapoin,
Ou bien du docteur de Sorbonne? Aucun: mais je demande un juge fur ce point, Qui foitjuge fincere, & n'dpoufe perfonne: Ce fera le bon fens qui vous dit en deux mots, Dofteurs, vous etes tous des fourbes& des fots: Car fi vous croyez veiitables
Tout ce que vous prSchez, & debitez aux gens, Vous ne diftinguez point le vrai, d'entre les fa- bles, Vous etes done des ignorans
D'dclaircir un myftere, en 6tant incapables. Si vous ne croyez point, avouez donc,docteurs, Que vous etes des impofteurs.
he vulgaire en aveugle, a I'erreurs'abandonne; Et la plus froide fiction,
Sous l'auftere manteau de la religion, Des fots admirateurs, dont le monde foiflbnne, Frappe l'imagination.
Les relations creufes & path&iques, L'enfer, leparadis, foumettent la fierte"; £t la crainte, ou l'efpoir dont- on eft agitö, Tout donne aux ignorans, cette dociliti , Qui dans toutes les republiques, Entretient laftupiditi. Leshommesvains &fanatiques Recoivent fans difficult^, |
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( 111 )
Les fables les plus chimeriques.
Un petit mot d'tfternite, Les rend benins & pacifiques; Et Ton re'duit ainii le vulgaire hebete, A baifer les liens dont-il ell garotte\ Certain legiflateiir par femblables pratiques, Süt fixer autrefois unPeuple inquiete% Etfurpritfacredulite, En donnant fes loix politiques, Sousle nom fpecieux d'une divinity, Puis feignant d'a'voir vü fur un mont ecarte*, Des vifions beatifiques,
11 fit entendre alors ä ces peuples rtiftiques, Du'unDieudansfon eclat, &dar.s fa majefte", A fes yeux(~ploais s'etoitmanifefte. Apres il leur fit voir les ordres autentiques,. - Fabriquez ä fa volonte:
II appuya le tout par des dits pathetiques, Que fon propre interet avoit ainfi dicte; Qui furent toblir les ordres defpotiques, Et fonder fon autorite, Sur cent ffiaximes tyranniques. Ox, «Tun gouvernement de la forte inventor Tout ce peuple fut enchante", De ces fadaifes magnifiques, Dont jufques ä preTent le Monde eft infede". Cedifcoursunpeufort, vousdeplaira peute* tre,
Docteurs, & pour certain, vous le condainne- rez,
Par la loi du plus fort, dont vous vous annerez; Catte loi qui decide en maitre; |
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( 123 )
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Eft la feule raifon dont vous vous fervirez.
Mais pour des raifons raifonnables, Raifons juftes & fans de-tours, Elle vous manqueront toujours, Pour la defenfe de vos fables ,- Comme on pent colliger par tout cet entretien: Ce n'efl pas votre gout: mais chaciin a le fieri. Je ne dis pas pourtant qu'il n'efl aucun myftere. Point d'enfer, de demons, d'anges, deparadis, De refurredtion, &lerefte. , Je dis, Sans raifonner en temeraire , Ques'ileneft, pour fur, nul homme n'en fait rien,
Et fur ce qu'on ignore,on doit toujours fe taire. La foi, me direz vous, le montre pourtant bien Cette preuve eft certaine & claire:
Parfoinous connoiffons. He quoi ? vaine chi; mere!
Pantdme decevant! avez vous de la foi ? Vous, quoi! pourriez vous bien me le prouver ä moi? Allez done dans les mers profondes, Planter des arbresau milieu.' Tranfportez les monts deleurlieu; Cheminez au travers des ondes : Arretez le foleil: docteurs faites nous voir Des morts reflucitez, des prodiges etranges..« "oint du tout, ces travaux paffent vötre fa- voir,
'-ependantvousparlez d'enfers, de diabies, d'anges, F 2
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( 124 )
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De gens griinpez en I'air, de celeftes phalaii'
ges;
Meffieurs propofez vouschofe en vötre pou- voir,
De prouver, oufi non, taifez vous fur ces cho- fes,
Et fur maint autre encore que vous ne favez point:
Adorons d'un coeur droit, la principe des cau- fes,
LeCrdateurdetout ,Dieuc'efl I'unique point: Remettons en lui feul, Alamort, & la vie, Aimons le , faifons bien, gardons nous de tout mal. Au rede, pafTons fans envie,
Par deffus le favour fatal,
Qu'ila voulu cacher: Car toute notre dtude Ne peut en debrouiller le tenebreux cahos : Toute recherche en eil& temeraire, & rude-' Paffons nötre vie en repos
La raifon & la confcience.
Que nous avons regusau fortirde l'enfance, Suffifentpour nous amener
A cette fin, que Dieu deftine:
Le plus fur eil;, fans tant tourner;
De fuivre cette loidivine;
Qu'il veut bien ä tous nous donner.
Pourquoi la fiftionpar l'homme imagined» Doit eile l'emporter fur laröalite? L'ame au menfonge abandonee»
En depitdubon fens.fuivra lafaufleti? En rejettant le vrai, le röel , la ehrte"! |
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( "5 )
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Qu'elle thefe pourroit etre plus erronee ?
lit puifque la raifon ä mon ame eft donnere; Je crois que c'eft pour raifonner, Examiner, determiner; Sans cela, pourquoi Dieu I'auroit-il ordonne^e? Et pourquoi, puifque j'ai des yeux, Dois-je voir par les yeux des autres ? Qu'on me montre done, que les vötres. Sontplusfürs queles miens, &meguideront mieux;.
Que c'eft par vous, enfin, que je dois me con- duire,
Qua vötre aveugle foi, ma clarrd doit fous- crire,
Que Dieu vous a comm is au Monde pour celä, Quejedoisobör, que je n'ai'rienä dire, Et qu'enfin c'eft bien vous que mon choix doit 'elire: Qu'on me prouve, & j'en reftelä.
Mais vousniez,dit-on,lesprincipes vulgaires, Sur quoifontfondez nos myfleres :
Comment peut-onprouver•' ho! voicil'embar- ras!
He quoi! ne dent il done qu'ä batir un fatras. Deprincipes imaginaires, D'opinions & de chimeres ? Car chacun en batit meffieurs, dans un tel cas, Avant que propofer les chofes, *I faut en ötablir le principe, & les caufes, Avec preuves, G non, l'on ne vous croirapasj Ur tout principe de foi-meme,. |
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C 126)
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Se peut prouver fort aifement :
Ce ne doit pas etre un fyfteme, Obcur ä nötreentendement. L'amedel'Univers, auteur de la Nature, L'Etre fabriquateur de toute creature, Qui du vafte infini pofe les fondemens, Et dans Timmen :1fe plate les Clemens, Ce Dieu qui fut fixer I'obfcur & lalumiere, Debrouiller le cahos , le vuide & la matiere , A nötre entendement, fe Iaiffe appercevoir; Mais vous,docteurs,faites nous voir. La vtSrite' de vos principes,, De vos types, & prototypes, Prouvez, jeeedeäleurpouvoir, Repondez nous, docceurs, foutcnez I'hipoj tefe, Si non, j'ajouterai ce point,
Que votre doctorat fe taife. Buvez, niangez, dormez, toujours bienävö« tre aife, Et ne nous en doctrinez point. Allez parmi les aftrqlogues, Ce? clifetirs ct'horofpoce, & les chiromantiens, Debiterädesfots, vos magn<hiques drogues Comme font les forcier«, & les magiciens : Car il eft de ces gens, beaucoup plus qu'on ne penfe, Quoique plufieurs difent que non: Je foutiens qu'il en eft; rnais toute leur enge- ance. Se nomme par quelque autre norru |
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C 127 )
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Eo&eurs, repondezdonc, fi vous favez re-r
pondre ?
Ou ne repondez point : certes vous ferez bien;
Tout votre do&orat n'eft qu'un foible fou- tien,
Votre foi fens raifon, ne fert qu'ä vous confon- die;
Et puifque fans raifon, vous ne fauriez repon- dre, Defaites vous, vous ferez bien, D'une ridicule doctrine, Quin'aniraifon, nibonfens. Mais avec ma raifon, je concois & j'entens, Jerefiechis, jepenfe, enun mot j'examine, Jeconclus, je me determine,
Je crois avec raifon, voilälajufteloi. La raifon fuitdes fens la veritable route, Elle juge par eux, euxfeuls luifontla loi, Le mufc fe reconnoitpar l'odorat fans doute f. Sil'oncroitleblanc, blanc, c'eftparce qu'on le voit:
On croit l'abfinte amer au moment qu'on la* goute,
Ainfi, c'eft par les fens , que notre raifon croit.
Maiscroirefans raifon, do&eurs, jefoutiens moi,
Qu'on eft aveugle, fot, ignorant, imbecile^ Incapable de tout, &quecertainement, Votre the^ologie eft fauffe , eft inutile , Et n'eft que pour les fots, un fot amuferneiit, F4 |
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( »8)
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Ce n'eft que chofe tdin^ratre,
Sans darts' & fans jugement,
Qu'ellepropofeatous de faire:
Croyev. fans raifonner. C'eft fur ce fondement, Surlafoi, puis fur lemyftere,
Qu'elleetablitfon fentiment. Toute religion parle m&me langage; Lesmyfteres, lafoi, lesmiracles, c^efttouf. Ce que de concevoir aucun ne vient ä bout; Faudra-t-il fe livrer äce rude efclavage ? Croire, obeMr, ä qui ? ä de gens conime nous, Qui n'en favent pas plus, fouvent bien moms encore. Qui tiennent des propos de fous,
Fropos que le plus docte ignore,
Faut-il croire pourtant, fans pieuve & fans raifon?
FaufMl facrifier, pour cet arret funefte, Et notre intelligence, & les fens, & le refte ? Quoique beaucoupplus furs, & fans compa- raifon,
Plus conformes enfin aux loix de la nature, C'eft ä dire aux decrets de la divinite! Car il n'eft aucune impofture,
Dans l'ordre naturelqueDieu nousadicW, Done la raifon doit feule etre la regie fure. Q ui conduit ä la v<£rite\
Fuisencor, de la , nous propofe.
D'aiffierleCifjateurpardeffus toute chofc, Et d'aimerleprocbain aufli:
Or je conclas de tout ceci,
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f iio i
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Quec'eftpar la raifon, que Ton connoitla
caufe,
Et le principe de tout bien r
Toute fehcite dans ce bien eftenclofe, A fuivre encar ce bien , la raifon nous difpoie ? Süivons le donc,c'efc tout. Tout le reften'eft rien,-
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*s
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( i3° )
LA BATHSEBATH, AUtre fois fur le point du jour,
Une certaine Bathfabdc Apres fa cornctte lavee, Voulut fe laver ä fon tour.
D'abord fut pour oter la crafle,
Des doigts ä la jambe Ton paffe,
De la jambe jusqu'augenou;
Et de lä, je ne fai par oü :
Tantqu'ä la fin, chemife bafle
Elle s'en donna jufqu'aucou,
S'agitant de fi bonne grace,
Qü'un fage en fut devenu fou.
David du haut de fa terraße,
Je ne fai comment l'appercut;
Eile etoit blonde,blanche &grafTe:
Le voila tout d'un coup en rut.
Le grand veneur de telle chalfe. D'abord chez la belle courut,
Croyant d'y trouver bonne plac
11 fit l'ambaflade qu'il dut;
Mais avec que fa bonne grace,
La belle afiez mal le regut.
Soit pour la feinte, ou la grimace c
Maisälafin, ellelecrut.
David la joint, David rembraffe;
Et tant il fit qu'elle concut-
La premiere fois ce ne fut
Qu'afin de mieux marquer lachaiTe j
L'enfant naquit, 1'enfant mouruc:
Mais pour la feconde valut9.
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C 151 )
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Un trefor ä l'hnmaine race;
Car de Ja vint comme ä Dieu plot,
De main en main, notre falut.
II faut avouer que la grace
Fait bien des tours de paffe, paffe,
Avantd'arriverä fon but.
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EPITRE a ATHEN AIS.
V Ous dont la main fage & fövere,
A, par un effortgeneieux,
Arrache de l'erreurlebandeau fpecieux Et fu brifer les liens odieux,
Qu'elle fait adorer au ftupide vulgaire • Athenai's, vous que la ve'rite'
De fes fecrets a pris le foin d'inftruire • Et fortant devant vous de fön obfcurfte' A vos yeux, ä l'inftanc, avez vü fe ddtniire Lesprejuges trompeurs qui viennent nous fö- duire Dansce fentierpeu frequente-,
Prennant la fageffe pour guide,'
Heureux qui, comme vous.d'une courfe rapide Peutvoler vers ce vrai, ce vrai tant fouhaite, Et raffurant fa demarche timide, Dans ce fentier neglige- des humains;
Fixer fes pas trop longtems incertains.
Mais, les tdndbres reverses De J'ignorance &de l'erreur,' " De la credulite le charme föducteur OntfaitprendieauxmorteJsces traces dgar^.
& 0 |
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( «3? >
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Cependant en naiffant l'bomme porte en fon
coeur, De la raifon les femences facrdes:
D'elle depend fon unique bonheur,
Mais loin de cultiver cette plante divine, Lcsfuneftes impreßions.
De centfaufles opinions,
,1/etoufferent bientöt jufques dans la racine. A la clartidu jour ä peine ouvrantles yeux, L'homme commence ici bas fa carriere, Qu'on le livre au joug rigoureux.
Des pr^jug^s & de l'erreur altiere:
Tyranscmels, tyrans imperieux,
Dontil s'eft fait lui-meme efclave volontaire Nature cette tendre mere
Lui donna.pour le rendre heureux,
Des pafllons ä fatisfaire,
Mais aveugleartifan de fon fort rigoureux, L'homme mit follement fa gloire ä les abatre, Etforgea, tropinduftrieux,
Des pre'Jugfo pour les combatre.
Pour les plaifirs l'homme fans doute eft ni, Enfant cheri de la Nature,
Le fein de cette mere eö une fource pure, Des douceurs dont partout il eft environn^ Sur l'univers entier que Ton jette la vue, Tousnosfens font flattez des cbarmesles pjus doux;
Oü trouver un endroit dans fa vafte etendue, Quine foitpoint marque" par fes bont^s pour nous, Pans les bifilis que laterre enfaat&
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C 133 )
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Connoiflbns cettevdriti,
Son immenfe feconditd,
De nos devoirs eft h lecon vivante.
Indpuifableen fertility.
Voyons de toutes parts; prodigue en fes lar* gefTes,
Nature äpleines mains repandre fes richelfes, Etfous cesnomspar nous memeinventez. Faire naltre & mürir les biens qu'elle nous . donne.
Les prefens de Ce"rds, de Bacchus, dePomone,. Sont des prefens de fes bontds.
.Dans nos champs eile fe pare
Pour un terns des epis croiflans;
Etpuis eile abandonne au laboureuravare De fesguerets lestreforsjauniflans. Ici toujours plus favorable
De rros delicieuxcdteaux,
Elle fait couler ä longs flots.
Cette iiquer adorable,
Dont 1'encbantement aimable.
Sait au milieu de tranquilles feflins, Faire naltre la joye & mourir les chagrins? Dans cc pays, l'arbrefertile. Dont lesrameaux, honneur de nos vergers* Courbent fous le poids utile.
Des fruits dont ils font charges,
Semble nous annoncer par une voix touchan«. te, Aprochez, 0mends! venezencesbeaux
lieux, |
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C 134)
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C'eftpourvous que font faitsmes fruits ddi-
cieux:
Cueillez ,. favourez en la douceur innocente; Et beniffez l'auteur de ces dons precieux, Ce n'eft qu'ä vous qu'il les prefente.
Ces richeffes ne fontni pourlui ni pour moi» Ufez en, livrez vous ä cette douce loi; Etrendezgraceäfa main bienfaifante. Nous eniendous partout la meme voiXj Tout ici bas au plaifir nous invite, A jouir tout nous excite;
Les yeux font öbloüis du vif email des fleurs. Que'zephir dans nos champs au matin fait i» clore,
Et qu'il fait embelir des plusbelles couleurs» Pour en faire hommage ä Flore.
Ici les douxoifeaux volant furies buiffons, Gazouillent, äl'envi, mille chanfons .• Ce clair ruifleau qui fait dans la prairie, Etfaitfäns s'arretermille cercles divers, Melantfondoux murmure ä leur tendrehar- monie, Forme les plus charmants concerts.
Partout brille Pdclat de fa magnificence, Chaque faifon encor vous offre fa beaute, Afin que vous goutiez, dans cette difference, Les agremens de 1'abondance
Etceuxdelavarietä.
La Nature ainfi doncne cherchant qu'4 nous plaire „
Prodigue fes trefors ouverts de tous cotez; i Et p|r tout nos fens enchantez.
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( 135 )
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Trouvent de quoi fe fatisfaire;
Rien n'echape ä fes tendres foins,
Et fes bont& toujours propices,
Nous font trouver des delices
Oil nous cherchions nos befoins.
Nos adtions indispenfables
Sont pleines demille agr&nens:
Neceffäires en meine teins,
Elles font toutes agreabies;
Et pour combler notre felicite",
Nos befoins fontinfeparables
Des attraits de !a volupte'
Mais que nous ont fervi ces dons ineftimables? Helas &Ies mortelsinfenfez.
Sont de l'aveuglement devenus les victimes. Aux biens qui ies cherchoient ils fe font refu« fez.
Dans des plaifirsfi purs, ils ont place; des cri« mes; Esclavesrampans &honteuxj ' '
De fana'tifme & d'ignorance,
Us ont interdit ä leurs vceux
Lesdoux plaifirs, enfans de i'innbcence, Qui s'offroit partout devant eux.
Mais regardez quelle eft votre imprudence j Et rougifiez, o mortels trop foumis! Quoi! ce n'eft que pour votre perte,
Que ces biens ont ete" produits ?
Desfieursle vif<Sdat& ladouceurdes fruits, Tous les treforsdont la terre eftcouverte, Etalentä vos yeux leurs perfides faveurs,. |
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( »3« )
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Pour verfer furement le poifon dans vos
Quoi cesvifs fentimens dont notre ame efte-
miie , A l'afpetl de la beaut^,
Ces charmes attrayans qu'elle offre a notre vue,
Ou font melez les traits de la divinite, Ces agitations aimables,
Ces defirs, ces transports qu'elle faitnaltre en nous.
Sont-ils des mouvemens qui nous rendent cou- pable?
Nebrillet-ellehelasldesattraitsle plus doux, Qu'afin de nous porter des coups,
Auffi cruelsqu'indvitables?
O vous.Etre-fupreme, auteur.de tous les biens- Dontvousoffrezlajouiffance,
Sices riches prefens, ouvrage de vos mains, Sontdespiegestendus contre notre innocen- ce. Retirez, retirezvosbienfaits inhumains; Sauvez nous par pitid des perils trop certains, D'une fi funefte abondance.
Mais loin de nous de pareils fentimens, Etouffons ces Injuftss craintes;
Etne portons pas nos plaintes,
A qui ne nous devons que des remerciemens. Jouiffons, jouiflbns avec reconnoiiTance, Des bienfaits infinis de fa magnificence. Mais ennemis de leur propre bonheur, Les hommes ontde la Nature,
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EtoufFe la voix filiate & pure,
Qui parloit fans ceffe ä leur creur,
Pour fe foumettreädesloixchimeriques, A des devoirs fantaftiques
Qui rempliffent leur jours d'^pouvante & d'horreurs-
11 n'eft plus rien pour eux de legitime, Un regard, un defir, un penfer eft un crime, lis n'ont plus ä cueillir parmi tant de malheurs, Que de trifles moiffons d'amertume & dc pleurs.
L'homme ainfi s'eft charge* de chalnes crop pe- fantes, Qisile font fans ceffe g£mir;
Toujours elles fe font Crop vivement fentir; Mais que peuvent fes mains foible & languish fantes ?
A peine tente-t-il des devoirs fuperflus. Ces chaines foulevdes.
Bientdt par leur chute aggrav^es,
Nefont que s'appefantirplus.
Vous qui voyezleserreurs &lespeines. Du refte des foibles humains,
Sage par leurs malheurs, libre de craintes vzi~ nes,
Coulez, coulez des jours plus purs & ferains Athenais fuivez l'infaillible lumiere» Du flambeau de la v^rite":
Vers les plaiiirs c'eft lui qui vous ^clairej Ne fermez pas les yeux ä la clartö, Comme fait le peuple hebete",
Done la debile & treaiblamepaupiejej |
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C 138)
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N'en peut fouffrui'eclat & la vivacity
Pour moi disciple d'Epicure,
Ami de la vertu, fectateur des.plaifirs, jeneconnoisquela Nature;
Etn'obeisqu'äfes defirs.
He quoi! la frivole espdrance
, Des biens d'undouteuxavenir, Detruiroit la jouiflance
De ceux qu'on peut prevenir ?
Pour fuivre une ombre fugitive,
^ousfuirionslesattraitsqu'offre la volupte"; Et dans une'attente craintive,
Nous pafierions notre feliciti.
Nonmon: notre ame ainfi ne peut etre captive, Nous trouvons dans nos fens plus de realite: Auxplaifirs de l'eternite^,
Faudra-t-il done que Ton immole
Tous les plaifirs d'ici bas;
Que notre ame fans cefle vole
A ceux qu'elle ne connoit pas;
D'un bonheur imaginaire
Je ne repais pas mon coeur ,•
. Lefeul bienprefent peut faire ' Mon unique & vrai bonheur. Qui peut affurer fi la vie ,
Par la deftruftion des fragiles refforts, Dont eft compote notre corps,
Nous fera pour jamais ravie;
Ou fi la mort fera d'un autre £tat fuivie ? Mais fil'&repenfant, que nous nommons e- fprit,
N'eft rien qu'un fang (ubtil,une flanjme legere, |
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Modalite de la matiere,
Quis'altere & s'evanoüit,
Puis qu'il doit un jour fe reToudre,
Se changer, s'exhaler & fe require en poudre, J'attendrai tranquillement
L'heure qui doit me rendre a mon premier neant.
La Nature,dit-on, fent une horreur extreme. Pour cetaneantiflement,
Moi, je ne connois point de pareils fentimens- Comine j'en fuis forti, j'y rentrerai de meine. Si l'esfprit aucontraire, efiimmateriel, En brifant les liens de faprifon groffiere, Que Ton faitici bas fervir ä Ja matiere, Ce feu facrtS, cet efprit immortel,
Doit, par foneflence divine,
Re tourner dans le fein de cet Etre kernel, Dont il tire fon origine.
Attendant cet inftant vainement redoute", Profitons bien de ceux que Je deftin nous laüTe: Aux piaifirs notrecoeur porte^,
Entre leurs bras doit aimer la fagefle, Mere de la tranquillity.
Que fes Jecons foient fans foibleflel ;
Ainfi que fans ferocitd.
La voluptueufe indolence
Ouvre ä nos yeux fon fein tranquflle & douX'l,, Tandis que le foleil fe leve encor pour nous Coulons dans les plaifirs des jours plein d'innC« cence, Soumis en tout aux ordres du deftin,
Sachons, par une heureufeaddrefle.
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C 140 )
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DenoÄj'oursreculerUfin:
Mais fongeons,cependant avec quelle vitetTe , Ces inftans precieux s'echapent de nos mains: Ce tems,cet heureux tems fe derobbe fans ces- fe ■ ,
Etfuitbien loin de moi, tandis que je men
plains, .
Goutons done les douceurs que donne la jeu-
A thenais, ainfi le present la fageffe;
Et puis qu'il nous faut tous perir, Tactions aumoins de vi vre, Avant que de mourir. |
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E I N.
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