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K
LETTRE
MONSIEUR LE BOURGMESTRE DE LA VILLE
DE BONN,
■ ■■■-: f .
CONTENANT LES PREUVES DE l'ORIGINE HOL-
LANDAISE DU CÉLiîIIRE COMPOSITEUR
€o\û& tiau îicctïtoucn,
PAR
W. VAN MARSDIJK.
à AMSTERDAM,
J. D. SIJBRANDI.
1836.
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Nirgends ist die genaueste Sicherheit noihwendiger,
als in historischen Erörterungen.
G. W. Fihk.
C. à. d.
La plus scrupuleuse exactitude n'est nullepart au-
tant requise que dans les recherches historiques.
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1 ï
Monsieur ,
Liorame Ie moment approche où, sous vos auspices,
un monument va être élevé en l'honneur du célèbre
compositeur louis van beethoven, vous voudrez bien
me permettre quelques observations sur l'origine de
ce grand homme.
Les Allemands, et après eux presque tous les peu-
ples de l'Europe , le disent né dans votre ville; il n'y
a que les Hollandais qui lui assignent une autre o-
rigine, et qui se font gloire de le compter parmi
leurs compatriotes. Mais ils réclament malheureu-
sement cet honneur dans leur langue qui n'a pas ,
comme l'Allemand, l'Anglais et le Français, l'avan-
tage d'être répandue sur une grande partie de l'Eu-
rope.
» Lotis van beethoven , disent mes compatriotes ,
»naquit au mois d'août de l'an 1772 à Zulphen
»dans la province de Gueldre ; donc, il est
1*
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_ A —
» Kollandais : — les vôtres prétendent, les uns ,
»qu'il est né en 1770, les autres en 1772 à
a Bonn sur le Rhin; les uns, f qu'il est fils de
»johann van Beethoven, les autres, qu'il est fils
»naturel de tréderic second, Roi de Prusse."
Tel est l'état de la question.
Veuillez, monsieur, me permettre de vous expo-
ser les raisons qu'allèguent mes compatriotes en fa-
veur de leur opinion.
Si, disent-ils, si le célèbre louis van Beethoven
est d'origine allemande, il faut bien que son nom
de famille s'en ressente plus ou moins; ainsi, par ex.
les noms de paganini, de chérubini , Rossini, bocche-
riri indiquent assez clairement une origine itali-
enne ; ceux de iaïont , méhui, , aüber , BoyëLDiEO
une origine française ; ceux de weber , spohr , haydn,
Mozart , Bach , une allemande ; personne ne s'y
trompera.
Cependant lorsmême que des doutes pussent s'é-
lever sur le peuple auquel l'un ou l'autre de ces
noms appartient, celui de van beethoven est telle-
ment caractéristique , qu'il est impossible de se mé-
prendre sur sa véritable origine.
Ce nom de famille est composé de deux mots
qui n'appartiennent à aucune autre langue de l'Eu-
rope , sinon à celle que nous parlons.
Et d'abord la préposition van, que les Allemands
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traduisent von , les Anglais or, les Français de ,
ne se trouve dans le dictionnaire d'aucune langue
vivante, hormis dans celui de la nôtre.
Mais c'est surtout le nom propre beethoven , qui
ne laisse aucun doute sur son origine. Ce mot est
composé de deux substantifs hollandais ; le pre-
mier beet signifie bêterave , l'autre iioven veut dire
jardins ou champs : traduit en Allemand, le pre-
mier ferait Rüben, le second Gärten.
Aussi les noms de famille , qui se terminent en
Gärten , sont fort communs en Allemagne; je n'ai ,
monsieur, qu'à vous citer celui de baumgSrten, com-
posé de Baum (arbre) et de Gärten (jardin) ; celui
de Rosengarten et d'autres. Si donc l'artiste fut d'o-
rigine allemande, au lieu de van beethoven , son
nom de famille serait von rübengürten : ce qui, com-
me vous voyez, monsieur , diffère essentiellement
du nom hollandais du compositeur.
Le nom de notre compatriote, le célèbre sculpteur
marttn van den bogaert , au ciseau duquel les Fran-
çais doivent plusieurs bustes ainsi que le tombeau
de louis XIV, ce nom, dis-je, fut traduit par ceux-
ci en celui de martin desjardins , quoique van den
bogaert signifie proprement nu verger , et c'est sous
ce nom francisé qu'il a été connu depuis. Mais,
comme monsieur van beethoven n'a pas voulu d'u-
ne pareille méthamorphose pendant sa vie, je suis
intimement persuadé que les Allemands respectent
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trop la mémoire de ce grand homme, pour le nom-
mer von RÜBEireäRTEK après sa mort, et qu'ils con-
damneront même ceux d'entre les éditeurs allemands
de la musique de notre célèbre compatriote, les-
quels, pour des raisons que je ne veux pas appro-
fondir ici ,
se sont permis de traduire la préposition
van en von. Non, l'empreinte inextirpable de l'o-
rigine de l'illustre défunt, qui signait toujours van
Beethoven, ne sera pas rendue méconnaissable par
un si ignoble procédé.
D'ailleurs , combien de noms de lieux et de- l'a-
milles n'y a-t-il pas dans notre pays, et exclusive-
ment dans le nôtre,
qui ont la même terminaison.
Voici les villes de Schoonhoven, de VollenAope« ,
d'EindAocera ; voilà les familles des Vtenhoven , Mid-
delhoven, CoudenAot'ew, BroekAoce«, auxquelles
il serait aussi ridicule d'attribuer une origine alle-
mande , que de vouloir que les noms de Skrzynec-
ki
, de . Rothschild, Zumalacarragui, Lafayette ,
Blackwood
et autres, indiquassent une origine
hollandaise.
y
                        On lit dans le journal anglais, le Tyne Mercury :
• Le 21 Février 1836 est mort à sa tare d'Auck-
j land , à l'âge de 76 ans , le très-révérend Guillau-
»me van Mildert, lord-évèque de Durham. Le
»docteur van Mildert, qui était d'origine hollan-
»daisc, devait son élévation non à sa naissance ou
»à de puissantes protections, car il était de parens
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— 7 ■ —
»pauvres, mais à ses talens etc." Voici donc une
gazette qui certifie l'origine hollandaise del'évèque,
mais la préposition van, qui précède le nom du dé-
funt, l'indiquerait sans la déclaration du journal.
Rappeliez-vous encore, monsieur, feu le comte van
suchtelen , l'amiral van der heyben , tous les deux
au service de la Russie, ensuite le vice-président
des Etats-Unis h. van burek, et vous douterez en-
core moins de leur origine hollandaise , que leurs
noms de famille dérivent, soit de quelque ville, soit
d'un village dans une de nos provinces. Il en est
de même de l'île van Diemen (a) découverte par
un navigateur hollandais : Diemen est un village tout
proche d'Amsterdam et d'où le capitaine du vais-
seau avait emprunté son nom. .
Mais pourquoi citer tant d'exemples d'au delà des
mers, les noms des peintres hollandais van Huysum,
van Dyk, van Ostade et de tant d'autres, ne sont-
ils pas assez connus pour prouver qu'une famille,
dont le nom est précédé de van (de) ou de van der
(de la), indique toujours une Origine hollandaise.
Je me garderai bien , monsieur, de vous deman-
der à cette occasion, si peut-être vous le croyez
(a) Les Français prononcent ce mot Dièman , comme ils
lisent le nom de tak beethoyei» , Bèfovan; c'est surtout
pour eux que j'ajoute que le premier se prononce Dimiii ,
le second Bét-hâ-vèn.
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vraisemblable , qu'une famille allemande ait jamais
pris son nom dans une langue qui lui était incon-
nue ? — Non, ce serait une ironie plutôt qu'une
demande sérieuse. Qui a jamais vu que des navi-
gateurs anglais aient donné un nom hollandais à une
île ou à un détroit découverts par eux ! Une ques-
tion un peu plus raisonnable serait peut-être celle
de savoir , si les parens de m. l. van beethoven n'ont
pas renoncé à leur origine hollandaise, du moment
où ils quittaient notre patrie et venaient s'établir à
Bonn ? — Mais à cette demande l'on peut en op-
poser plusieurs autres : Le duc de Glocester, mort
en 183-4, est-il italien pour être né en 1776 à Ro-
me? Et réciproquement, les enfans du comte de
Bulow sont-ils anglais pour être nés à Londres ?
Enfin, les familles bavaroises qui sont allées chercher
une autre patrie dans les Etats-Unis, ne sont-elles
pas d'origine allemande ? —
Mais voyons s'il n'y a pas d'autres indices encore
de l'origine hollandaise du célèbre compositeur.
Vous avez fait ouvrir, il y a deux ans, le re-
gistre baptistère de sa famille, et l'extrait qui en
a été publié nous a appris que le nom de son pè-
re était joHAw», et que sa mère s'appelait helena
kevericb. Or ces deux noms de johanb (jean) et
, d'flELENA sont encore plutôt hollandais qu'alemands ;
car il y a certains noms qui ont plus de vogue
chez tel peuple que chez un autre. Vos compafrio-
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tes, par ex. font grand cas des noms de Friedrich,
August, Karl, Gottlieb pour les fils ; de Hännchen,
Henrike, Lischen pour les filles. Les Français em-
ploient ordinairement les noms de Louis, Joseph ,
Philip pour les garçons, ceux de Louise, Virgi-
nie, Célestine pour les filles. Parmi les Hollan-
dais ce sont les noms masculins de Guillaume, Pier-
re , Jean, et les féminins de Gertrude, Marie, Hé-
lène etc. qui prédominent, en sorte que les noms
de Jean et d'Hélène sont beaucoup plus communs
ehez-nous qu'en Allemagne. Ceci, je l'avoue, ne
prouve pas beaucoup pour l'origine hollandaise du
père ni de la mère, mais il prouve plus cependant que
si le père eût été baptisé Gottlieb ou Friedrich, et la
mère Hännchen ou Franziska. En attendant, la ter-
minaison d'Helewa, que l'extrait ' baptistère ajoute
au nom de la mère, est bien décidément hollandai-
se; toujours les Allemands et les Français écrivent
et prononcent ce nom féminin Hélène.
Il y a plus : Le nom de Eeverich , qui est celui
de la famille de la mère du compositeur, porte en-
core l'empreinte de son origine hollandaise. Kever
veut dire hanneton, et pendant que dans notre lan-
gue , le V se trouve, dans une multitude de noms
et de verbes, entre deux voyelles (dans beethoven
par ex.) il n'y a, que je sache, dans la vôtre que
le seul substantif Frevel (méchanceté) où cette con-
sonne se trouve ainsi placée. Je parle des mots .
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originairement allemands et non de ceux empruntés
à une autre langue, comme Révision, Clavier, ni
des composés Zu-versicht (con-fiance) Ge-vatter (com-
père.
Quant à la terminaison ich ou ig, elle est com-
mune aux deux langues , comme dans les mots alle-
mands schmierig , kleberig , jugendlich , et dans
leurs équivalens hollandais smerig, kleverig, jeug-
dig.
Enfin, comme le mot hollandais kever veut dire
dans votre langue Kaffer, il s'ensuit, que le nom
de la mère de feu m. t. vak beemovek Helena Ke-
verich,
's'écrirait en allemand Helene Käfferich.
Et voilà donc, monsieur, qu'aussi le nom de fa-
mille de la mère du célèbre compositeur parle, ce
me .semble , en faveur de mes compatriotes, quand
ils prétendent que cette famille est d'origine hol-
landaise et non pas allemande. Reste à savoir si
t. van beethoven est né en Allemagne ou bien chez
nous.
L'on fait ordinairement peu de cas d'une famille
obscure , comme celle des van beethoven; aussi leur
histoire est fort peu connue ; tout ce que mes com-
patriotes en savent, c'est que le père et la mère
du célèbre compositeur, faisaientprimitivement partie
d'une troupe de musiciens-ambulans, qui fréquen-
taient les kermesses delà Hollande. Ces artistes voya-
geurs , qui aujourd'hui nous viennent de l'Allemagne ,
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étaient, surtout dans ce temps-là, pour la plupart
d'Amsterdam, de Maestricht etc. ; ils commençaient
leurs courses au mois de mai, et s'en retournaient
chez-eux au mois de septembre ou d'octobre. Mais
le grand-père de l. van beethoven, ayant quitté la
Hollande et s'étant établi à Bonn, quelques années
avant la naissance du compositeur, les parens de
celui-ci s'y rendaient en automne, et y passaient
l'hiver, et cela par la raison toute simple, qu'ils pou-
vaient mieux exister en Allemagne de ce qu'ils a-
vaient amassé pendant l'été, que non pas en Hollan-
de, à cause de la cherté des comestibles et du loyer
d'une maison ou d'une chambre; tandis que, vivant
avec leur père, ils faisaient le menage en commun,
et se soulageaient ainsi les uns les autres.
Les van beethoven , qui vivent encore parmi nous,
ou qui se trouvent établis dans l'île de Java, sem-
blent être les descendans d'un frère de l'aïeul du
compositeur.
Quant au père de celui-ci, se trouvant dans une
de ses courses, au mois d'août de l'an 1772, à la
foire de Zutphen, jolie ville :de la Gueldrè, son é-
pouse Helena KEVERicHy accoucha d'un fils, dans
une très-chétive auberge qui avait pour enseigne
de Fransche tuin ; c'est à dire : au jardin Français,
nom que plusieurs auberges portent en HoUande , et
qui leur vient de ce que là se réunissaient primi-
tivement les ouvriers français qui avaient dû quitter
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leur patrie, par suite de la Révocation de l'Edit de
Nantes. La dite auberge était située dans le quar-
tier le moins apparent de la ville, et derrière les
Lands-stallen, c'est à dire ; derrière les écuries de
la garnison. Elle a été démolie depuis.
■II.y a quelques traits de ressemblance, entre l'his-
toire de la vie de lodis van beethoven et celle de son
contemporain napoléon bonaparte , que je ne crois
pas inutile de signaler ici. L'on s'est disputé sur
la date précise de la naissance de napoléon , comme
l'on se dispute encore aujourd'hui sur celle de van
beethoven. Les uns ont voulu que bonaparte fût Ita-
lien, les autres qu'il fût Français : de même les Al-
lemands se disent les compatriotes devAN beethoven,
tandis que nous autres lui assignons une extraction
hollandaise. Les noms qu'ils ont portés sont com-
posés d'un nombre égal de lettres, soit qu'on les
écrive de la manière accoutumée, ou plus confor-
mément au génie de la langue maternelle de leurs
parens respectifs, napoléone boonaparte et lodewijk
van beethoven. Celui-ci vint au monde dans une mi-
sérable auberge , celui-là dans une des îles les moins
apparentes de l'Europe. L'un et l'autre, doués d'un
puissant génie, chacun dans sa carrière s'est ac-
quis une célébrité à laquelle nul autre n'était par-
venu avant eux. Enfin', après avoir vécu à peu près
le même nombre d'années, napoléon est mort dans
une île phus obscure encore que celle où il vit. le
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jour, tandis qu'une auberge plus affreuse que celle .
de Zutphen, fut l'endroit où van beethoven gagna
une maladie mortelle qui bientôt l'entraina au tom-
beau.
Figurez-vous en attendant, monsieur le bourg-
mestre, la position de ses parens lors delà foire de
Zutphen en 1772. Une mère en couches, un pauvre
enfant, un père nécessiteux ! Quelles sont les res-
sources d'une pareille famille musicienne pour subvenir
aux frais d'une naissance ? Croyez-vous que des parens
si dénués, observeront scrupuleusement les formali-
tés de leur religion? Croyez-vous qu'ils feront des
dépenses pour tenir dûment leur fils sur les fonts
baptismaux ? N'est-il pas beaucoup plus naturel de
penser que les couches, les maillots et le logis ab-
sorbent le peu qu'ils ont pu gagne, et qu'à moins
de trouver des coeurs généreux, il leur sera à pei-
ne possible de regagner Bonn avant l'approche de
l'hiver ?
Telles étaient les circonstances défavorables sous
lesquelles venait au monde celui dont le génie éton-
nerait un jour l'univers. Mais cette malheureuse
situation détermina aussi ses parens à abandonner
le métier de musiciens àmbulans, et à se fixer pour
toujours à Bonn , espérant que la fortune leur y fe-
rait trouver un autre moyen d'existence, afin de
n'avoir plus besoin de courir le monde.
Aussi leurs voeux furent remplis. Le père ob-
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U —
tint une place à la chapelle de l'électeur de Co-
logne et fut dès-lors à même de s'occuper de son
enfant. Celui-ci montra, dès l'âge le plus tendre,
des dispositions extraordinaires pour la musique,
ensorte que l'électeur le prit en sa protection, et
quand louis van beethoven eut atteint l'âge de vingt
ans, son bienfaiteur l'envoya à Vienne et le recom-
manda aux soins du célèbre haydn.
Cette histoire , monsieur , explique un grand mys-
tère dans la vie du célèbre compositeur. Tous sa-
vez combien l'on s'est tourmenté en Allemagne,
même pendant la vie de l'auteur, pour savoir la
date précise de sa naissance. Mais le moyen, s'il
vous plait, de la fixer autrement que par approxi-
mation? Les foires de la Hollande, que fréquen-
taient ses parens, commençaient au mois de mai
et finissaient en octobre, d'où suit, que les enfans
qui leur naissaient pendant'cet intervalle, virent le
jour dans le pays où les parens étaient nés eux-mê-
mes; ceux au'; contraire qui venaient au monde du
mois d'octobre à celui de mai, étaient natifs de
Bonn.
Aussi Louis vak beethoven avait-il eu deux frères
plus âgés que lui ; le premier était né le 2 avril 1769
et l'autre le 17 décembre 1770, c'est à dire, l'un
avant ■ et l'autre après les kermesses ou foires de la
Hollande, et pendant que ses parens se trouvaient
à • Bonn; mais quant â lui-même, sa mère le mit
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au monde à la foire de Zutphen, qui a toujours
lieu au mois d'août.
Chose singulière ! Un homme de cinquante ans ,
et qui dès l'âge le plus tendre avait donné des
preuves d'un génie surprenant, se voit forcé de
soutenir devant ses amis, qu'il sait mieux qu'eux
l'âge qu'il a !
»Vous avez cinquante-deux ans" lui disent-ils.....
»Mais je vous trouve admirables" leur répond
monsieur il van beethoven ; tandis que les uns me
font passer pour un fils naturel du roi de Prusse ,
les autres parlent du jour de ma naissance, comme
s'ils avaient assisté aux couches de ma mère : je
crois cependant en savoir à cet égard un peu plus
que vous, et je vous déclare que j'ai cinquante ans
ni plus ni moins.-»Mais," répliquent-ils, »com-
ment pouvez-vous n'avoir que cinquante ans quand
vous êtes né en 1770."-Lui: »C'est une erreur ; je
ne suis venu au monde que deux ans après." Eux:
»Cependant l'extrait baptistère de l'église de Bonn
indique le 17 décembre 1770, comme le jour de la
naissance de louis van beethoven?" Lui: * C'est le
jour de la naissance du cadet de mes frères défunts
et non le mien: ce frère est mort avant ma nais-
sance; il s'appela comme moi, louis, et ce nom
m'a été donné à sa place par mes parens. J'ai eu
encore un frère né en 1769, mais il n'a vécu
que quelques jours ; celui-là s'appela louis marie. —
*
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Eus: Mais si vous êtes né en 1772, comme vous
dites, d'où vient donc que pendant les quatre an-
nées de 1771 jusqu'en 177-4, l'on ne trouve dans le
registre baptistère de la ville de Bonn, aucune nais-
sance de la famille van beethoven ; que ni le nom
de vos parens ni le vôtre n'y soient mentionnés?....
Pour répondre à cette demande, il faut, mon-
sieur, se mettre à la place du compositeur. Ne de-
vait-il pas en effet éprouver de la répugnance à ex-
poser l'état de misère dans lequel il était né ? Ou
plutôt, n'est-il pas dans la nature de l'homme , sur-
tout de l'homme devenu célèbre, de donner du re-
lief à son origine ; de cacher dumoins autant que
faire se peut, la bassesse de son extraction? N'était-
ce pas surtout la circonstance de n'avoir pas été
baptisé qu'il lui importait de ne pas révéler?
Oui, c'est spécialement cette dernière particulari-
té, c'est cette humiliante histoire dont ses amis,
les plus intimes même, ne devaient rien savoir.
Aussi, depuis la mort de son frère cadet, ses pa-
rens ne risquaient rien, en substituant à la date de
la naissance du nouveau-né, celle de son frère dé-
funt. Le seul embarras qui pouvait en résulter pour
eux, c'était la différence de l'âge. Mais comme
personne au monde ne s'intéresse aux cnfans d'une
famille obscure, il n'y avait pas à craindre que le
public découvrit jamais cet anachronisme : pourvu
que leur fils seul fût initié dans le secret du chan-
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gement de la date de sa naissance, nul autre ne
se douterait qu'il ne fût loois , né le 17 décembre
1770 à Bonn.
Mais s'il importait à l'honneur de m. l. van beet-
hoven de ne pas révéler les fâcheuses circonstances
qui avaient signalé son entrée au monde, il im-
portait bien plus à ses parens d'indiquer cette der-
nière ville comme le lieu de sa naissance, afin de
lui concilier la protection des Allemands, et spécia-
lement de l'électeur de Cologne, qui l'avait pris en
affection. Ce prince et ses compatriotes, se se-
raient-ils intéressés à un enfant hollandais comme à
un enfant allemand?—Ce n'est donc pas sans ré-
flexion que ses parens en agissaient ainsi, puisque
d'un côté il y allait de l'honneur, et de l'autre,
du bonheur de leur enfant.
Si donc m. i. van beethoven soutenait constam-
ment que le 17 décembre 1770'était le jour delà
naissance d'un frère défunt, il n'est guère probable
que lo sien arrivât exactement deux ans après. Ce
serait en effet une coïncidence des plus rares que de
voir une mère accoucher deux fois d'un fils, préci-
sément à la même date, mais à deux ans d'inter-
valle. N'est-il pas beaucoup plus conforme au cours
ordinaire des naissances, qu'une mère accouche à
des intervalles presque égaux, en sorte que l'âge
de tous ses enfans diffère d'un certain nombre de
mois ?
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Or, si LOüis MAME va» BEETHovEH est né en avril
17G9, si un autre enfant d'nELEKA keverich est venu
au monde en décembre 1770,, et si enfin le célèbre
compositeur est né au mois d'août 1772, il y a
vingt mois d'intervalle entre chaque naissance, ce
qui, selon nous, est bien moins extraordinaire que
de voir, dans une famille, arriver l'anniversaire
de deux enfans à la même date.
Ajoutez-y que la naissance du premier-né , qui
eut lieu le 2 avril 1769, n'empêcha pas ses pareus
d'aller encore la même année fréquenter les foires
de la Hollande, qui ne commencent que dans le
courant du mois de mai ; que de même la naissance
du puis-né (en décembre 1770) ne mit aucun obsta-
cle à leur excursion en 1771. Mais la grossesse
d'helena KEVMiicH était trop avancée en 1772, pour
rejoindre son beau-père à Bonn avant ses couches.
Vouloir donc trouver le nom et la date de la
naissance du célèbre compositeur, dans le registre
baptistère de l'église de Bonn, est chose impossible,
il ne peut renfermer que ceux de ses frères qui
sont nés dans l'intervalle du mois d'octobre au mois
de mai.
Je crois donc, monsieur le bourgmestre, avoir prou-
vé , que la famille des van beethoven est d'origine
hollandaise. Je crois l'avoir prouvé :
1. Par la préposition van qui précède son nom et
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qui ne s'écrit de cette manière dans aucune
autre langue connue.
2.    Par le mot beethoven , qui en Allemand signi-
fie Rübengärten, et que l'on pourrait tra-
duire en Français par Kaviere, en Anglais par
Beetfield.
3.    Par la manière dont Helewo, le nom de la mè-
re du compositeur, a été consigné dans l'ex-
trait baptistère de l'église de Bonn.
h. Par le nom de famille de cette mère Keverich,
vu que les Allemands n'ont qu'un seul sub-
stantif dans leur langue où le v se trouve
entre deux voyelles.
5.    Par nos compatriotes van Beethoven.
6.    Par le souvenir et le témoignage des habitans
âgés de Zutphen, qui vous nomment l'auberge
et le quartier de leur ville où louis van beet-
hoven est né.
7.    Par l'absence de la date de sa naissance dans
le registre baptistère de l'église de Bonn ; enfin,
8.   Par la singulière contradiction des Allemands
entr'eux et le compositeur lui-même , au su-
jet de cette date.
Peut-on raisonnablement exiger des preuves plus
convaincantes, plus irrécusables et plus intimes à
la fois ?—
Et quelle peut être mon intention , monsieur le
bourgmestre, en vous adressant ces lignes ? Serait-
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20 —
ce de vouloir diminuer le mérite de vos compatrio-
tes ? Mais un peuple qui peut citer des compositeurs
et des virtuoses comme hummel, ries, spohr, haydn,
hozart et de tant d'autres génies , perdrait-il quel-
que chose de sa renommée, si même l. van beetho-
ven n'eût jamais existé?
Non, je n'ai ni le désir d'en vouloir à votre
célébrité, ni celui d'envier à la ville de Bonn le
monument, que votre gratitude va élever en l'hon-
neur d'un de ses plus illustres enfans adoptifs. Je
n'ai voulu que vous faire connaître, dans une langue
plus répandue que la nôtre, l'opinion de mes com-
patriotes sur l'origine de cet homme célèbre, et la
seule grâce que je vous demande, et que votre gé-
nérosité ne me refusera point, c'est de vouloir citer
dans l'inscription monumentale du grand composi-
teur, qu'il était d'origine hollandaise, mais que le
soleil de l'Allemagne a échauffé et développé les ger-
mes de son génie audacieux.
J'ai l'honneur d'être avec les sentimens de la
considération la plus distinguée,
Monsieur ,
Votre très-humble serviteur,
W. Y AN MARSDIJK.