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5327-78. CoiiBEii,. — Typ. et stér. de Citéri
RIJKSUNIVERSITEIT UTRECHT
LE
Le Comte de SAPORÏA
COUnESPO^iDA^T DE l/lNSTITET
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ET 118 FIGURES DA?JS LE TEXTE
PARIS
G. AIASSÜN, ÉDITEUïT
LIBRAIllE DE l’acADÉMIE DE MÉDECINE
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EX FACE liE I.’ÉXOLE DE MÉDF.CIXE
18 7 9
ünlversltorts-
Un ouvrage, quelle que soit l’unité qu’il présente d’ailleurs, n’est pas toiijours uiie ceu’vre de premier jet. Bien des espritsnbsp;ne saisisseut pas tout d’abord la porlée réelle ui l’extensionnbsp;possible d’uu sujet. C’est seulemeut après en avoir parcourunbsp;les avenues et sondé les perspectives, qu’ils voient se déga-ger les lignes générales de l’édifice.
II en aura été ainsi des pages qui suivent et dont beaucoup ont paru dans plus d’un recueil, avaut qu’il fut question denbsp;les réunir en volume. La Revue des Deux Mondes en a regunbsp;la meilleure part; d’autres, plus spécialement descriptives,nbsp;ont été insérées dans Ie journal la Nature, de M. G. Tissau-dier; celles-ci étaient accompagnées de figures explicatives,nbsp;exécutées avec art et fidélité.
Plus tard cependant, la pensée est venue a l’auteur de coordouuer ces études éparses, composées a des dates asseznbsp;éloignées, mais ququot;uu lien visible rattache sans effort les unesnbsp;aux autres. II lui a été facile de reconnaitre qu’elles apparte-naient au même ordre d’idées et de recherches et qu’ellesnbsp;s’adaptaient a un cadre détermiué, de manière a former uunbsp;seul ensemble.
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AVERTISSEMENT.
L’auteur a cru a l’uülité de répaiidre des notions encore très-nouvelles, n’ayant en jusqu’ici qu’un faible retentisse-inent, soustraites par cela même, malgré lenr importance,nbsp;a l’examen raisonné de la plupart des lecteurs frangais. —nbsp;Elles rósument pourtant les plus remarquables découvertesnbsp;de la « Paléoutologie » et plus spécialemeut de la « Paléon-tologie végétale ».
II ne s’agit pas d’ailleurs de descriptions purement techniques, ayant pour but unique la reconstitution, assuré-ment fort curieuse par elle-même, d’un être ancien par Ie rapprochement de ses débris. Les enseignements qui dérivent denbsp;ce livre vont plus haut et s’avancentplus loin : ilstoucheut aunbsp;phónomène de la vie dans ce qu’il a de plus mystérieux etnbsp;de plus profond, c’est-a-dire a son origine, a sa marche, anbsp;riiistoire de ses développements et de ses perfectionnementsnbsp;graduels; ils s’attachent a di^finir des procédés dont on commence a peine a saisir les ressorts et a fixer Ie sens.
Ce livre s’adresse done a la fois a plusieurs classes de lecteurs : aux penseurs comme aux gens du monde envieuxnbsp;de s’instruire sans trop de fatigue, aux philosophes étrangersnbsp;a 1’étude des sciences naturelles aussi bien qu’aux natura-listes de profession, a tons ceux enfin qu’inféresse Ie progrèsnbsp;des sciences d’observafion et qui admettent, non saus raison,nbsp;qu’a force de scruter la nature on doit flnir par atteindrenbsp;quelques-unes de ses formules, siuon toutes ses lois.
De ce que Ie problème de la « créatiou », tenu naguère pour si simple, posé, pour ainsi dire, a portée de Thomme etnbsp;dans les limites de la chronologie historique, se trouve rejeténbsp;bien au dela^ tout au fond d’uu éloiguement incalculable, ilnbsp;serait puéril de uier, par cela même, son existence. Les
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termes de ce problème se trouvent dép]acés,il est vrai; mais, il est juste de I’avouer, ils n’oiit été nullement intervertis.nbsp;Les plans de I’liorizon out beau se multiplier et se dérouler,nbsp;en reculant toujours devant nous; Fordre relatif des objetsnbsp;que nous considérons demeure exactemeut le même.
Le « monde des plantes », pour devenir accessible dans son passé, devait donner lieu a deux parties ou divisions très-distinctes : la première, destinée a Fexposé des vues générales que soulève Fexamen des êtres organisés fossiles, com-prenaut par conséquent la discussion des bases théoriquesnbsp;sur lesquelles eet examen est appuyé ; la seconde, ayant pournbsp;objet 1’histoire abrégée des périodes végétales successives etnbsp;retraqant la physionomie des paysages d’autrefois, ainsi quenbsp;celle des principales espèces de plantes qui servaient a lesnbsp;décorer.
Dans cette seconde partie, les révolutions dont la flore terrestre a donné plusieurs fois le spectacle seront analyséesnbsp;dansleur raison d'être et déterminées dans leurs caractères. —nbsp;Un résumé final permettra d’apprécier la marclie assuré-ment tres complexe qui a entrainé, a travers les temps géo-eogiques, le règue végétal tout entier; il mettra en lumièrenbsp;les causes, soit inhérentes a Forgauisme, soit extérieures parnbsp;rapport a lui, qui nont cessé de provoquer des variations denbsp;valeur très-diverse cliez les végétaux de toutes les époques.
Nous adressons ici un remerciment collectif a tons ceux qui nous out aidé et soutenu; leurs noms se retrouventnbsp;inscrits en bien des eudroits d’un ouvrage dont ils peuventnbsp;revendiquer la meilleure part : 1’énumération en serait trop
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longue. Une reconnaissance plus étroite et l’écliange répété de vues et de documents nous fout cependant un devoir de men-tiouuer les noms de Schimper, Heer, Lesquereux, Decaisne,nbsp;Gaudry, Touruouër, Grand’Eury, Falsan, a qui nous avons ennbsp;recours a tant de reprises. Enfin, nous seriousingrat enne pasnbsp;assignant un rang particulier anotre amileprofesseur Marion,nbsp;de la Faculté des sciences de Marseille. Non-seulementnousnbsp;lui devons plusieurs dessins, a la fois scientifiques et artisti-ques, mais il a bien voulu revoir nos épreuves, en s’attachantnbsp;au point de vue zoologique, qui lui est plus spécialementnbsp;lamilier. — Nous sommes heureux de lui faire agréernbsp;Fexpression de notre gratitude.
-ocr page 15-PREMIERE PARTIE
LES THEORIES
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-ocr page 18- -ocr page 19-CHAPITRE PREMIER
ËT L ORIGINE
DES PREMIERS ORGANISMES TERRESTRES
La vie est Ie plus merveilleux comme Ie plus incompi’éhcn-sible des phénomènes. Non-seulement elle se produit sous des aspects infiniment variés, raais elle reside a la fois en nous et aunbsp;dehors de nous. C’est d’elle qu’émane la pensée, et cependantnbsp;cette pensée, repliée sur elle-même, se prend a la considérernbsp;comme un ressort caché dont elle scrute curieusement les rouages;nbsp;la vie devient par la un phénomène objectif au mème titre quenbsp;ceus du monde extérieur. Comme l’espace, comme la durée,nbsp;comme la gravitation, elle semble illimitée dans les effets dontnbsp;on peut la croire susceptible; elle ofFre pourtant cette particula-rité que, loin de se suffice a elle-même, elle doit forcéinent dé-tourner a son usage des éléments étrangers et en tirer les conditions de sa propre existence. La vie enfin est contingente ; ellenbsp;ne se réalise que sous l’empire de circonstances déterminées,nbsp;mais on ne saurait affirmer qu'elle soit une conséquence nécessaire de ces circonstances; il est certain au contraire que la vienbsp;ne s’est pas toujours montrée sur notre globe, de même qu’ellenbsp;peut cesser un jour de s’y maintenir. 11 faut remarquer encore
-ocr page 20-4 nbsp;nbsp;nbsp;LES PHÉNOMÈN'ES ET LES THEORIES.
que, loin d’avoir été toiijours semblable a elle-inême, la vie est esentiellement complexe, evolutive et progressive. Ellc s’estnbsp;déroulée dans une direction et suivant un ordre constants ; ellenbsp;marche vers un but dont Ie terme nous est inconnu, et tend anbsp;s’éloigner de plus en plus de ce qu’elle fut originairement. Lanbsp;vie, sous ce rapport, est comparable aux nébuleuses stellairesnbsp;qui se ferment et se condensent pen a peu : comme celles-ci,nbsp;elle possède des annales et doit aboutir a un dénoüment final.nbsp;Si pour elle, comme pour les nébuleuses, la terminaison futurenbsp;de sa destinée se cache au fond de l’avenir, nous pouvons dunbsp;moins nous rendre compte de ce qu’elle a été dans un age re-lativement voisin de ses premiers commencements.
La vie est consciente ou inconsciente, sensible ou insensible ; elle montre tous les passages depuis Ie moi Ie plus explicite, qninbsp;est celui de la personnalité humaine, jusqu’a l’insensibilité lanbsp;plus absolue, celle du lichen attaché a la pierre. A tous les de-grés de cette échelle immense, la vie possède toujours des partiesnbsp;élémentaires qui jonissent, soit isolément, soit en s’agrégeantnbsp;entre elles, de la double faculté de se nourrir et de se reproduire.nbsp;C’est pour s'’entretenir, s’accroitre et se prolonger, que la vienbsp;emprunte a la nature brute les matériaux dont elle use, et qu’ellenbsp;garde plus ou moins longtemps, en les soumettant a une actionnbsp;particuliere. Toutefois les rouages qu’elle met en mouvement nenbsp;semblent se perfectionner chez les êtres supérieurs qu’a la condition de devenir plus complexes et par cela raème plus délicats.
Laissons de cóté Ie vaste champ dont la physiologie a fait son domaine, mais insistons sur les procédés de la vie organique.nbsp;La^ toute partie correspondant a une fonction constitue un or-gane, toute réunion d’organes concourant a un but communnbsp;constitue un corps; chaque corps est un atelier spécial, un centrenbsp;limité et particularisé, ou autrement un individu. La vie senbsp;manifeste au moven des individus, elle n’existe que par eux, elle
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nait et meurt av(3c eux ; mais chaque individu vivant est toujours Je prolongement d’un individu antérieur, et souvent aussi Ie pointnbsp;de départ de nouveaux individus. De la une chaine dont lesnbsp;anneaux sont reliés entre .eux par d’innombrables connexions,nbsp;mais non sans une foule de lacunes et d’irrégularités. La vie estnbsp;tout a la fois une et multiple : multiple par les individus qui lanbsp;représentent, et revêtant par eux une quantité immense de formesnbsp;simultanées ou successives; une a cause des liens qui réunissentnbsp;les séries individuelles et les rattachent en défmitive a unenbsp;souche ou type cominun d’oü il semble que toutes soient origi-nairement dérivées. Unité et pluralité, tels sont les deux grandsnbsp;caractères des manifestations de la vie.
La pluralité s’accuse par les dissemblances de foute sorte qui séparent les êtres vivants. — La terre, on Ie sait, n’a jamais pos-sédé longtemps les mêmes populations d’animaux et de plantes ;nbsp;les aspects, les formes, les proportions relatives, ont été sujets anbsp;de perpétuels changements. La différence la plus radicale quinbsp;divise les productions de la vie résulte de la coexistence de deuxnbsp;séries, l’une animale, l’autre végétale. Tune douée, l’autrc dé-pourvue de sensibilité; Tune possèdant au moins les rudimentsnbsp;d’un appareil nerveux, l’autre réduite aux seules functions denbsp;nutrition et de reproduction, privée de celles de relation. Lenbsp;règne végétal exerce sous 1’influence nécessaire de la lumière sanbsp;fonction la plus essentielle, qui est de fixer, a l’aide de l’acidenbsp;carbonique absorbé et décomposé, la substance verte des feuilles.nbsp;L’autre règne, bien qu’il possède seul des organes destinés anbsp;percevoir la lumière, peut dans beaucoup de cas se passer de celnbsp;agent, mais non pas d’oxygène ; il brule ce gaz, qui devient pournbsp;lui une source de chaleur; enfin il manifeste des sensations elnbsp;opère des mouvements voulus. Ce n’est pas tout: les diversitésnbsp;de la vie sont bien plus étonnantes lorsqu’on s’attache unique-ment aux individus. En effet, l’individu, dans les limites de sonnbsp;existence particuliere, ne reste pas plus semblable a lui-niêmenbsp;que les séries d’êtres organisés, considérés a des points successifsnbsp;de leur histoire. Ce sont tantot des modifications graduelles con-
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stituant simplement les ages, tantöt des mutations assez marquees pour déterminer des états, ou enfin de véritables transformationsnbsp;qui amènent un être a des conditions d’existence entièrementnbsp;nouvelles; ces dernières prennent Ie nom de metamorphoses. Lanbsp;séparation des sexes cbez les animaux et chez les plantes, Ienbsp;dimorphisme ou la dualité permanente de certaines divergencesnbsp;de structure, les croisements eux-mêmes et ces milliers de nuances que présente a chaque instant l’organisme, sont entre lesnbsp;mains de la nature vivante autant de moyens qui lui servent anbsp;introduire au milieu de ses productions une diversité très-grande,nbsp;l’on peut même dire une constante mobilité.
L’unité est cependant au fond de ces divergences de tous les degrés; elle en est la base et probablement Ie point de depart.nbsp;Buffon a dit que la faculté de se reproduire, que possèdent tousnbsp;les êtres vivants, supposait entre eux plus de choses communesnbsp;que l’on ne serait porté a l’admettre au premier abord. Pournbsp;saisir la profondeur de cette reflexion, vieille pourtant de plusnbsp;d’un siècle, il faut rechercher la signification vraie des etotó quenbsp;traverse la généralité des êtres, mais qui sont toujours plus ac-centués chez ceux qui sont inférieurs. Les êtres supérieurs sontnbsp;effectivement ceux dontles individus demeurent Ie plus constam-ment semblables a eux-mêmes dans Ie cours de leur existence.nbsp;Plus complexes et plus spécialisés, its se prêtent bien moins anbsp;ces conversions rapides, a ces confusions pleines d’ambiguïlé quinbsp;permettent aux organes des êtres inférieurs de s’adapter a plusnbsp;d’une fonction et d’en remplir successivement ou simultanémentnbsp;Ie róle. L’existence des organismes les plus élevés se passe anbsp;élaborer dans la pbase embryonnaire, a développer dans celle denbsp;l’enfance, a conserver ensuite pendant une certaine durée lesnbsp;parties de leur corps, dont la position relative et les fonctions senbsp;maintiennent a peu prés les mêmes de la naissance a la mort.nbsp;Pour rencontrer plus d’un état a partir de la naissance, il faut,nbsp;chez les vertébrés, descendre jusqu’aux batraciens. Les étatsnbsp;transitoires se prononcent et se multiplient lorsque Pon continuenbsp;a descendre. Les insectes passent Ie plus ordinairement par
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quatre périodes ; au sortir de Yoeuf, ils sont larve, puis 7iymphc, et en dernier lieu insecteparfait. Dans ce dernier état seulement,nbsp;ils deviennent capables de se reproduire ; mais d’autres êtres,nbsp;soit animaux, soit végétaux, possèdent la faculté singuliere denbsp;maintenir paria propagation une de ces phases, susceptible dèsnbsp;lors de dexenir permanente pour une ou plusieurs générations.nbsp;C’est la Ie phénomène de la generation alternante.
Chez les êtres les plus inférieurs, l’adaptation a un genre de vie déterminé est vague, multiple, nullement arrêtée ni exclusive. La vie se seinde en une succession d’états partiels, et la per-sonnalité de l’individu s’amoindrit plus ou moins. A raesure quenbsp;1’on s’élève vers des types déja moins imparfaits, un mouvementnbsp;inverse tend a faire prévaloir un des états sur tous les autres, ennbsp;sorte que ceux-ci, plus ou moins subordonnés au premier, quinbsp;garde seul Ie privilége de la fécondité, en sont seulement lesnbsp;prodromes, et y aboutissent commeaundénoümentinévitable. Lesnbsp;états successifs que traversent les types inférieurs, et qui repré-sentent pour eux un moyen de perfectionnement relatif, sontnbsp;rapidement franchis par les types les plus élevés de chaque sérienbsp;et relégués chez eux soit dans la vie embryonnaire, soit dans lanbsp;première enfance. Pour les types intermédiaires, la metamorphosenbsp;abrége la lenteur des mutations graduées en provoquant unenbsp;crise physiologique soudaine et générale. Ce sont, a proprementnbsp;parler, les procédés du développement embryonnaire appliquesnbsp;a une autre période de 1’existence. C’est par 1’effet d’un phénomène analogue que beaucoup d’animaux perdent de bonnenbsp;heure la faculté de se mouvoir en se fixant au fond des eaux;nbsp;1’état d’immobilité, qui se prolonge chez eux de manière a de-venir Ie principal, n’est cependant jamais Ie seul, il est toujoursnbsp;précédé d’un autre état qui durepeu, il est vrai. C’est ainsi quenbsp;les jeunes hui tres nagent agilement avant de s’attacher a la placenbsp;oü 1’adhérence de leur coquille les retiendra durant Ie reste denbsp;leur vie. II en est de même des larves d'éponges et de celles desnbsp;polypes a polypiers ; ces animaux, doués d’abord de mouvementnbsp;et d’organes ciliaires propres a Ie faciliter, naissent libres et
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nageurs; ils deviennent plus tard immobiles et perdent leur première apparence, les uns pour se changer en une masse informe a peu prés insensible, les autres pour se multiplier par Ie bour-geonnement et devenir un arbuste a Tecorce vivante, aux ra-meaux anirnés et fleuris.
Les piantes elles-mêmes, en s’arrêtant aux moiiis élevées, passent par plusieurs états, dont quelques-uns les éloignent telle-ment de ce qui semble constituer Ie caractère Ie plus essentie! du règne, l’absence de mouvements spontanés, qu’il est possiblenbsp;de se demander si la végétation tout entière ne serait pas sortienbsp;d’une adaptation très-ancienne, de venue ensuite absolue et générale cbez les êtres qui en auraient été l’objet. Dans co cas, etnbsp;ce ne saurait être que 1’énoncé d’uiie pure hypothese, l’accidentnbsp;primitif, en se développant et se substituant a tout Ic reste, au-rait produit finalement cette multitude d’organismes inertes etnbsp;fixés au sol que nous nommons des piantes^ mais dont les plusnbsp;élémentaires (qui sont en mêmc temps les plus anciens) ne sontnbsp;en réalité dépourvus ni de mouvement, ni d’appareil de locomotion, quoique ces propriétés ne se montrent cbez eux quenbsp;dans une période très-courtc, limitée aux premiers instantsnbsp;de chaque existence individuellc.
Les oscillaires, qui sont des algues d’eau douce, les diatomées, dont la nature est ambigue, olTrent des mouvements dont lanbsp;signification est trop obscure pour qu’on puisse en rien conclure ;nbsp;mais les zoospores on corpuscules reproducteurs animés desnbsp;conferves (piantes filamenteuses de la classe des algues) ne senbsp;comportent pas autrement que les larves des spongiaires et lesnbsp;spermatozoïdes des animanx sexués. Les zoospores, munis ennbsp;avant de cils vibratiles, nagent librement au sortir de la celluienbsp;mère jusqu’au moment oii, fixés au fond de Fcau, ils donnentnbsp;naissance a une algue pareille a celle dont ils tiennent l’cxis-tence. Ce phénomène, dont la portée est immense au point denbsp;vue de l’origine possible de la vie, n’est pas particulier aux seulesnbsp;algues; toutes les Cryptogames, spécialernent les fougères, ennbsp;offrent des excmples. Cbez ces piantes, les spores, plus propre-
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iDent noininées sémitiules. produisGnt non pas iinniédiatenicnt un pied semblable a celui dont elles proviennent, maïs un or-gane interimaire ou prothallium, sorte d’cApansion membra-ncuse qui sert de support aiix organes sexuels proprement dits.nbsp;La celluie femelle [archégoné) est fixe, mais l’appareil male ounbsp;anthérozoïde est done de mouvement. II consiste en un long filament enroulé sur lui-même en spirale, couvert de cils vibratilesnbsp;et transportant a l’aide de Icurs mouvements une petite vésicule,nbsp;entourée de ses replis, qui constitue Ie corps fécondateur. De lanbsp;résulte une progression dont la cause, peut-être due a des agentsnbsp;purement physiques, échappe encore a l’analyse, mais qui rap-pelle ce que montre Ie spermatozoïde. Voila done trois états biennbsp;distincts que revêt nécessairement la jeune fougère avant denbsp;devenir semblable a son auteur : d’abord séminule, puis prothallium, ensuite anthérozoïde; c’est seulement l’union de cenbsp;dernier avec \archégoné qui dót cette série de transformations,nbsp;dont l’analogie avec ce que produit chez les animaux Ie pbéno-mèno de la generation alternante est certainement des plus re-marquables. La motilité plus ou moins intentionnelle est l’apa-nage de l’un de ces états, lequel correspond peut-être (il est hardi,nbsp;mais non absurde de Ie soupgonner) a une phase primitive quenbsp;Ie monde des plantes aurait traversée avant de devenir ce qu’ilnbsp;est. De toutes fapons, il est exact d’avancer que les végétaux cheznbsp;lesquels on remarque des mouvements de translation présententnbsp;passagèrement par celamême les caractères de 1’animalité, avantnbsp;de posséder définitivement ceux de leur propre règne.
Tout converge, on peut Ie dire, vers I’animalitc inférieure ou plusexactement versie « stade uniccllulaire », et, si Ton consentnbsp;a faire abstraction des organismes supérieurs, qui par Ie fait nenbsp;sont venus dans ce monde qu’après les autres, on 'se trouve ennbsp;presence d’une collection d’êtres qui se ressemblent au moinsnbsp;une fois dans Ie cours de leur existence, laquelle se partage ennbsp;plusieurs périodes. Or c’est a l’état de germe, d’embryon ounbsp;d organc rcproducteur, c’est-a-dire au point de depart de chaquenbsp;individu, que Ia similitude est Ie plus frappante; au contraire.
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LES PHENOMENES ET LES THEORIES.
c’est a I’aide des états subséquents que l’écart se prononce entre eux et ya s’accentuant jusqu’al’état adulte. 11 est possible de con-clure de ces prémisses que tous ces êtres different bien plus parnbsp;les transformations de tout genre qu’ils subissent que par Ie fondnbsp;réel des cboses. Si Ton tient compte uniquement de l’état origi-naire en éliminant tous les autres, surtout si l’on considère l’in-dividu coinme offrant un tableau résumé des yicissitudes de lanbsp;race dontilsort, rien ne s’oppose a ce que ces êtres nousapparais-sent comme s’ils avaient été modelés primitivement d’après unnbsp;type, non pasprécisément identique, mais sensiblement uniforme.
Au fond des productions de la vie, on retrouve done les élé-ments d’une puissante unite qui lui sert de substratum et de base. Elle est comme un terrain solide, maintenant caché, surnbsp;lequel de nouvelles constructions se sont incessamment élevées,nbsp;multipliant les ailes et les étages. La diversité s’est si bien entéenbsp;sur cette unité primitive, que les branches et les rameaux en-tremêlés nous dérobent Ia souche et nous empêchent de con-stater si elle est formée d’un seul tronc ou de plusieurs piedsnbsp;réunis et soudés. La limite qui sépare les deux règnes ne sauraitnbsp;même être tracée d’une fagon absolue. D’ailleurs, a quoi se ré-duirait cette limite, si tant est qu’elle existe? 11 fautbien l’avouer;nbsp;a une simple divergence dans Ie mode d’absorption ou d’exha-laison de certains gaz, dans la presence de certaines combinai-sons de substances préférablement a d’autres, et dès lors cettenbsp;divergence, n’étant accompagnée d’aucune distinction de formenbsp;OU de structure bien marquée, n’établirait qu’une distance asseznbsp;faible entre des êtres doués d’autre part de facultés presquenbsp;semblables. La difficulté de concevoir entre eux une ligne denbsp;démarcation s’accroitrait encore, si ces êtres, déja voisins a plusnbsp;d’un titre, habitaient a la fois Ie même milieu. On serait alorsnbsp;disposé, selon l’expression de Button, a les considérer tousnbsp;comme étant presque du même ordre, et c’est la effectivementnbsp;Ie spectacle qu’ont dü présenter originairement tous les êtresnbsp;vivants, d’abord exclusivement aquatiques. La mer est vérita-blement Ie point de départ initial de ce qui est organisé ; on peut
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dire, comme la Genese, qiie l’esprit de Dien a flotté un jour sur Tabime des eaux pour Ie rendre fécond. Ensuite, les Toies, lesnbsp;directions, les adaptations se sont mis a varier; tont a changénbsp;peuapeu, tont s’estcompliquégraduellement. Nés au sein del’é-Icment aquatique, les êtres ne sont parvenus a en sortir qu’a la faveur de nouvelles cireonstances, aidant a la réalisation déflnitivenbsp;d’un mouvement d’abord partiel et incomplet. II est facile de Ienbsp;prouver, non-seulement la vie a été aquatique avant de devenirnbsp;amphibie, amphibie avant de devenir aérienne, mais la vie pu-rement terrestre, en tant que phénomène général, ne date quenbsp;d’une époque relativement récente, et, depuis qu’elle s’est mon-trée, elle est restée l’apanage incontestable des êtresles plus nobles,nbsp;les plus complexes, et, parmi les animaux, des plus intelligents.
Arrêtons-nous quelque peu sur la demonstration de ce mouvement d’une importance sans égale, véritable problèmenbsp;que la vie s’est longtemps appliquée a résoudre. Elle a même,nbsp;pour y parvenir, essayé de divers moyens, mais on peut direnbsp;qu’elle n^a pleinement atteint Ie but qu’elle se proposait qu’anbsp;force de hardiesse et de persévérance. Un savant contemporain,nbsp;M. Bronn, considérant ce but comme Ie principal, celui versnbsp;lequel a toujours gravité la nature organique, désigne sous Ienbsp;nom de mouvement terripète l’impulsion qui a poussé constam-ment les séries d’ètres vivants a quitter l’eau, a raesure qu’ellesnbsp;s’avan^aient vers Ie ferme de leur perfectionnement, et a gagnernbsp;la terre ferme pour s’y établir a l’air libre, comme dans unenbsp;region plus noble et plus éloignée de leur premier berceau.
C’est ce berceau liquide de tous les êtres qu’il faut con-sidérer avant tout; il constitue un milieu égal et permanent qui présente de nos jours aux organismes qu’il renferme des conditions d’existence sensiblement pareilles a celles qu’il leur offraitnbsp;déja dans les temps les plus reculés. Dès l’époque primordiale,nbsp;a un age oü lés roebes ont cessé d’etre azoïqiies (1), mais oü les
(l) G’est-a-dire mns vie, ou plutöt dénuces de vestiges susceptibles de denoter 1 existence d’êtres organisés.
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LES PHÉNOMÈNES ET LES THEORIES.
animaux et lesplantes terrestres sont encore inconnns ou bien iront laissé d’eux que des vestiges d’une rareté exceptionnelle etnbsp;presque controversables, la marche déja complexe, variée et indé-pendante, des diverscs categories d’êtres marins éclate commenbsp;un pbénomène inhérent a leur nature, destine a caractériser leurnbsp;dévcloppement et leur progrès. — Mais, dira-t-on, en quoi con-siste, a proprement parler, Ie progrès chez les êtres organises ?nbsp;II est utile, en effet, de s’expliquer sur la vraie signification d’unnbsp;tcrme dont on n’a que trop souvent abuse en Ie faisant servir denbsp;prétexte ades declamations creuses. Appliqué ala nature vivante,nbsp;Ie progrès est simplement ime marche qui s’opère dans unenbsp;direction déterminée, suivant Ie sens du mot latin jirogredi,nbsp;s’avancer. L’organisme s’avance : en s’avanfant, ilse modifieetsenbsp;complique plus ou moins ; de Ia Ie perfcctionnement, qui n’estnbsp;que Ie progrès relatif et compare. Le pcrfectionnement absolunbsp;est le résultat possible mais non pas nécessaire de cette manièrenbsp;de procéder. Le progrès demeure ainsi un pbénomène essen-tiellement relatif pour chaque être et cbaque série d’êtres ennbsp;particulier, puisque le mode de progression, n’étant pas lenbsp;même pour tons, est loin de produire pour tons les mêmes effets.nbsp;Mais si l’on considère l’ensemble des êtres, le progrès en ressortnbsp;comme étant la base même et l’essence du plan général desnbsp;choses créées; c’est Ic ciment qui relie toutes les parties de l’édi-fice et sans lequel il s’écroulerait aussitót pour s’en aller ennbsp;poussière. — Partir de l’algue et du mollusque inférieur ounbsp;même de plus bas encore pour aboutir a rhorrime el a I’liommenbsp;intelligent, moral et religieux, n’est-ce pas constater le plusnbsp;magnifique et le plus incontestable enchainement de progrès.nbsp;L’être uuicellulaire, inerte a force de simplicite organique, senbsp;montre an seuil de la création tout entière ; puis, a mesure quenbsp;les siècles se deroulent par myriades, a travers d’innombrablesnbsp;vicissitudes, les êtres se multiplient, se compliquent, se specia-lisent, se ramifient; ils acquièrent pen a peu la force, la souplesse, la divcrsite ; ils s’ecartcnt toujours'davantage les uns desnbsp;autres; leurs opérations se compliquent de même que leurs or-
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LA ISATSSANCE DE LA VIE.
ganes ; leurs facuUés se iocalisent; leurs instincts se prononccnt; rintelligence parait la dernière, comme nn soleil d'.abord faiblenbsp;qui se lèverait a l’horizon et dissiperait enfin les nuages. Quelnbsp;spectacle que 1’exécution de ce plan qui se poursuit inexorable-ment, comme un drame éternel marehant d’acte en acte, denbsp;scène en scène, pour aboutir a un inevitable dénoüment, celuinbsp;oü nous devenons acteurs nous-mêmes, en pleine possession denbsp;nos destinées et conscients du róle qui nous a été dévolu ! Toutnbsp;cela parait grand, simple, facile a exposer, et cependant rien n’anbsp;été plus complexe, plus entremêlé de détours^^et d’irrégularités.
It faut effeclivement distinguer Ie résultat suprème et dernier des accidents partiels, Ie but poursuivi de l’ensemble des voiesnbsp;accessoires qui ont contribué a la réalisation de ce but; autantnbsp;Ie point d’arrivée est certain et visible, autant les chemins qni ynbsp;conduisent sont difficiles a reconnaitre et sujets a se perdrenbsp;dans des sentiers tortueux qui aboutissent a de vrais labyrinthes.
Les mers primitives dont les dépots, remarquables par leur épaisseur et correspondant par conséquent a une durée immense,nbsp;sont loin d’avoir été explorés partout, ces mers paraissent avoirnbsp;été d’abord en grande partie désertes. Les systèmes laurentiennbsp;et Imronien, dont Ie développement au Canada atteint un espacenbsp;vertical de 50,000 pieds anglais, ne contiennent d’autres tracesnbsp;organiques que celles de \'Eozo7i, rhizopode suppose, d’unenbsp;nature plus que problématique; Ie système cambrien, qui vientnbsp;ensuite, ne renferme encore, en réunissaut tous les indices ob-servés jusqu’ici, principalement en Angleterre et en Suède,nbsp;qu’une cinquantaine d’espèces au plus, parmi lesquelles lesnbsp;empreintes de végétaux marins et les traces d’annélides tiennent Ienbsp;premier rang; les bracbiopodes remplacent presque exclu-sivement les mollusques; des spongiaires, des polypiers, denbsp;rares échinideSj complètent eet ensemble, Ie plus ancien de tousnbsp;et composé, en délinitive, quoi qu’on en dise, de types générale-naent inférieurs a ceux qui leur ont succédé dans cbaque sérienbsp;organique. Mais eet ensemble est-il réellement Ie premier? Cettenbsp;faune cambrienne oü se révèlent les manifestations primitives
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de la yie en Europe et en Ame^ique exprime-t-elle vraiment les débuts de l’organisme sur Ie globe? II est permis d’en douter etnbsp;de penser que la yie organique a du être originairement loca-lisée dans une region mere (probablement voisine du pole selonnbsp;la belle pensee de Buffon), d’oü elle aurait ensuite rayonné peunbsp;a pen pour envahir graduellement d’autres régions et s’élendrenbsp;de proche en proche, dubassin oü elleaurait pris naissance, versnbsp;d’autres bassins, a mesure que ces derniers se trouvaient placésnbsp;dans des conditions favorables a la diffusion des nouveaux êtres.nbsp;II faut done se garder de croire que les couches et les terrainsnbsp;nous traduisent ici, au moyen de la presence de certains fossiles,nbsp;la réalité objective des phénomènes relatifs a la naissance de lanbsp;vie, phénomènes dontils ne font que nous répercuter une sortenbsp;d’écho affaibli.
C’est ainsi que l’on voit les principaux groupes d’animaux se compléter graduellement; protozoaires, zoophytes, radiaires,nbsp;annélides, crustacés, mollusques, ensuite céphalopodes, finale-ment poissons et par conséquent vertébrés; la vie pullule denbsp;bonne heure au fond de ces eaux; rien ne l’entrave, rien ne lanbsp;gêne ; dans toutes les directions, elle marche librement. Le milieu aquatique, peuplé d’une infinité de petits organismes mous,nbsp;flottants, entiers ou décomposés, de toutes les tailles et de toutesnbsp;les formes, a toujours procure a ses habitants, mème aux plusnbsp;monstrueux, comme les baleines, des aliments faciles.
Dans les mers, autrefois, rien n’a limité I’extension des êtres. Pourvus d’appareils respiratoires des plus varies, tantot libres etnbsp;nageurs, tantot fixés au sol, ils ont offert tons les modes de déve-loppement et se sont ramifiés dans tons les sens, sans que cheznbsp;eux la complication croissante, que les plus élevés de chaquenbsp;seri'e ont acquise, ait amené d’autre résultat qu’une adaptationnbsp;de plus en plus exclusive au milieu qu’ils habitent ou biennbsp;encore un luxe de formes dans lequel la nature se complait par-fois, comme si elle tenaita fournir des preuves de son inépuisablenbsp;fécondité.
En réalité, les populations des mers primitives s’écartaient
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de celles de nos océans, bien plus par la predominance relative de certaines catégories que paria nature même de l’ensemble.nbsp;Des groupes d’abord obscurs et subordonnés se sont développésnbsp;successivement, tandis que d’autress’épuisaient après avoir long-temps joué un róle brillant. C’est l’histoire des dynasties et desnbsp;nations humaines transportée dans Ie domaine paléontologique.nbsp;Ces évolutions organiques ont été tantót brusques et subites, aunbsp;moins relativement, tantót lentes et graduelles. — Les trilobites,nbsp;arthropodes primitits, très-inférieurs organiquementa nos crabesnbsp;et a nos écrevisses, occupent Ie premier rang parmi les animauxnbsp;marins des temps siluriens; ils multiplient a profusion leursnbsp;genres, leurs families, leurs espèces, puis ils cessent brusque-ment vers l’époque des bouilles et sont a peine représentés dansnbsp;l’ordre vivant par les limules.
Les ammonitidés qui, a l’exemple de Fargonaute, leur cousin éloigné, savaient faire voguer a la surface des Hots calmes elnbsp;transparents leur coquille nacrée, aussi fragile et plus mincenbsp;que la plus fine plaque de porcelaine, ciselée de mille fa?ons,nbsp;variée de forme et d’une exquise elegance, les ammonitidés ontnbsp;disparu a un moment donné comme les trilobites; mais lorsquenbsp;l’on suit les vicissitudes de leur odyssee a travers les ages, lorsquenbsp;Fon voit leur coquille d’abord enroulée el composée de logesnbsp;aux cloisons simplement sinueuses donner lieu plus tard auxnbsp;combinaisons les plus complexes, soit en dépliant sa spire,nbsp;soit en multipliant les replis des cloisons, on est oblige d’ad-mettre que ce type n’a succombé qu’a force de perfection et denbsp;délicatesse.
Comme ces fleurs charmantes, mais frêles, qu’un soufle enlève de leur tige, qu’une goutte flétrit, qu’un rayon fane, Fammonite,nbsp;en se compliquant outre mesure, n’eut plus qu’une existencenbsp;précaire et difficile. Exclue de certaines mers devenues inbospi-lalières, elle put se réfugier dans des bassins plus intérieurs,nbsp;mieux abrités, et s’y maintenir durant un temps plus ou moinsnbsp;long ; mais des lors elle était fatalement destinée a disparaitre,nbsp;la lutte pour Fexistence devenant pour elle trop inégale. Et ce-
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pendant la masse des caux, malgré Ie courroux de ses vagues et la terreur qu’inspire sa profondeür et son immensité, est un plusnbsp;sur asile que la surface terrestre pour les êtres menaces de •nbsp;déchéance. Elle possède, pour les cacher et les souslraire a leursnbsp;ennemis, des solitudes immenses, des retraites inaccessibles oünbsp;riiomme a su sinon pénétrer, du moins constater leur presence.nbsp;Les regions sous-marines mieux explorées nous ménagent sansnbsp;doLite bien des surprises. Les cncrines ou lis de mer, dont lanbsp;foule peuplait d’une forêtxivante la plupart des mers primitives,nbsp;ont été retrouvés aux Antilles et récemment sur les cótes mêmenbsp;de la Scandinavië ; des coquilles que l’on pouvait croire éteintesnbsp;sont représentées a l’état vivant par desexemplaires uniques dansnbsp;quelques riches collections. Les poissons ganoïdes, dont Ie typenbsp;precede dans Ie temps celui de nos poissons téléostéens, existentnbsp;en assez grand nombre dans les lacs et dans les fleuves denbsp;l’Afrique tropicale et de l’Arnérique; enfin, un Ceratodiis,nbsp;genre triasique que l’on considérait comme éteint depuis très-longfemps et dont les dents avaient frappé par leur structurenbsp;singuliere, vient d’etre retire du fond des eaux intérieures de lanbsp;Nouvellc-Hollande. Avec l’aspect d’un poisson écailleux, Ienbsp;Ceratodiis présente cette organisation ambigue, intermédiaire auxnbsp;poissons, aux batraciens et aux reptiles dont Ie Lépidosirène étaitnbsp;jusqu’a présent Ie seul exemple connu dansla nature vivante,nbsp;mais qui était fréquente au sein des mers les plus anciennes.
L’eau constitue un milieu auquel la plupart des organismes inférieurs se trouvont nécessairement adaptés. Des classes en-tières d’animaux et de plantes, comme les algues, les zoophytes,nbsp;la majorité des molluques et tous les poissons, vivenl confinésnbsp;dans eet élément, quails ne peuvent quitter sans périr. Non-seulement l’eau sert de véhicule aux gaz respirés par ces êtres,nbsp;mais elle baigne ces derniers et les pénètre ; Ie système aquifèrenbsp;des mollusques comprend même tout un ensemble d’ouverturesnbsp;et de canaux. C’est la, il faut bien Ie dire, un des caractères lesnbsp;mieux prononcés d’infériorité relative. Prenons les algues aussinbsp;bien que les animaux mous, nous verrons qu’a peine retirés de
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l’eau, ces organismes se dessèchent et perdent par I’evaporation Ie liquide qui maintient en eux la circulation et la \ie. Sansnbsp;doute ce n’est pas l’eau qui les aninie, leurs organes élaborentnbsp;les fluïdes nourviciers en retenant les elements utiles et rejetantnbsp;les autres; mais leurs cellules et leurs fibres se trouvent ennbsp;communication directe avec Ie liquide ambiant, qui s’infiltrenbsp;jusque dans leur intérieur. M. Félix Plateau n’a-t-il pas prouvénbsp;qiie la mort des invertébrés raarins plongés dans Peau doucenbsp;était due a l’absence du sel, dont Faction sur la trame de 1’or-ganisme ne pouvait ètre suppléée par rien ? Cette trame estnbsp;d’ailleurs trop lache, et les tissus vivants sont trop peu dos pournbsp;retenir les liquides, ce qui a lieu nécessairement chez les êtrcsnbsp;destinés a vivre a Fair libre. Ces êlres respirent Fair en nature,nbsp;mais ne s’cn nourrissent pas ; Feau cesse d’etre Ie véhicule desnbsp;gaz respirés, mais elle est toujours celui des sues réparateurs.nbsp;Inutile a Finhalation, elle reste nécessaire a la nutrition; ellenbsp;alimente également la sexe et Ie sang, elle continue a baignernbsp;les corps dvants, mais c’est a Fintérieur seulement, et, pournbsp;qu’elle y séjourne, il faut qu’elle soit retenue comme dans unnbsp;vase dos. L’être organise terrestre, qu’il demeure fixé au sol ounbsp;qu’il soit libre, conserve avec lui sa provision d’eau; seulementnbsp;cette provision se trouve garantie centre ladéperdition par despa-roisprotectrices, —écorees, peaux, épidermes, etc. Pour obtenirnbsp;nnpareil résultat, il a fallii de telles modifications de structurenbsp;que plusieurs categories d’êtres ne sont jamais parvenues jusqu’anbsp;la vie terrestre, et que d’autres ne Font acquise que d’une fagonnbsp;imparfaite et par Femploi de moyens détournés. Dans tous lesnbsp;cas, entre Ie point de départ et Ie point d’arrivée, il existe unenbsp;foule d’états ambigus et de combinaisons intermédiaires quinbsp;font voir combien la vie a dü surmonter d’obstacles et subir denbsp;tatonnements avant de résoudre entièrement Ie problème.
Les êtres purement aquatiques meurent promptement une fois retirés de Feau ; mais on congoit qu’une atmosphere très-liumidenbsp;soit presque Féquivalent d’un milieu liquide. C’est ainsi que lesnbsp;cloportes, quoique respirant par des bi’anchies comme les autresnbsp;De Saporta. — Monde vegetal.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^
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crustacés, vivent a Fair sous les pierres et dans l'herbe mouillée. Les lichens et les mousses, bien que terrestres, ne végètent quenbsp;sous 1’influence de Feau. Inertes tant que Fair reste sec, cesnbsp;plantes suspendent pour ainsi dire Ie cours de leur existence ;nbsp;leur xie s’arrête pour reprendre sa marche des que Fhumiditénbsp;leur rend la souplesse et la vigueur. La lenteur de la Tégétationnbsp;des lichens, dont la plaque ne s’accroit que par la périphérie,nbsp;est vraiment incroyable. Un siècle entier amène chez eux peu denbsp;changement, et tel lichen que nous regardons avec dédain remonte par son age au dela des temps historiques. La vie, cheznbsp;de pareils végétaux, se ranime par intermittence ; il en est denbsp;même des infusoires qui peuplent les eaux stagnantes et jusqu’anbsp;celle de nos gouttières ; Févaporation les dessèche et leur enlèvenbsp;Fapparence de la vie, dont ils reprennent les fonctions avec Ienbsp;retour de Félément liquide. La suspension momenfanée de lanbsp;vie SC retrouve, moins prononcée, il est vrai, chez des êtres plusnbsp;élevés dans Féchelle. Les experiences poursuivies a eet égardnbsp;par M. Ie professeur Bureau sont concluantes, puisqu’elles dé-montrent la ténacité de la vie chez certains êtres et la possibiliténbsp;de la faire renaitre après un anéantissement apparent. Cquot;est unnbsp;pur mécanisme qui reprend son mouvement, comme la rouenbsp;hydraulique qui s’arrête quand Feau lui manque, et tournenbsp;derechef lorsque celle-ci revient. Des plants de fougères exposésnbsp;a la chaleur d’un fourneau et rendus tellement arides qu’ilsnbsp;tombaient en poussière au moindre contact se sont remis a vé-géter et a dérouler leurs feuilles comme auparavant; il a suffi denbsp;les tremper dans Feau pour opérer ce miracle.
L’air humide a été sans doute la voie par laquelle la vie a retire autrefois ses productions du sein de Feau pour les éta-blir a la surface du sol. Les fougères, qui sont ,les plus anciennes plantes terrestres dont on ait connaissance, ne prospè-rent jamais autant que dans une atmosphèrc brumeuse. D’autrenbsp;part, la difference entre le milieu aquatique et le milieu at-mosphérique a du originairement se réduire a presque rien.nbsp;L’air obscurci de vapeurs, se résolvant en pluies continuelles,
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offrait aux plantes et aux animaux des conditions d’existence sensiblement analogues a celles qu’ils rencontrent au milieunbsp;mème des flots.
Le mollusque pulmoné, celui chez lequellesbranchies setrou-vent remplacées par des poches a air et qui respire hors de 1’eau, n’est parvenu a ramper a terre qu’a force de précautions. Animalnbsp;a la peau motie et nue, il ne saurait cheminer sur le sol sausnbsp;perdre les mucosites qui suintent de son corps, et servent anbsp;faciliter sa marche. Aussi, pour ne pas s’épuiser promptement,nbsp;il habite des retraites obscures et humides d’oü il ne sort quenbsp;la nuit OU par les jours de pluie, et pour ceux qui possèdent unenbsp;coquille le danger de s’exposer a l’air est si pressant qu’ils nenbsp;manquent pas de se clore hermétiquement, soit en sécrétant unenbsp;humeur visqueuse, soit en usant d’un opercule. Retires au fondnbsp;d’une retraite étroite, mais sure, les mollusques a coquilles at-tendent parfois durant des mois et des saisons les occasions fa-vorables ; ils demeurent inertes tant que rhumidité ne les tirenbsp;pas de leur torpeur; on a même pu voir quelquefois avec éton-nement les animaux de certaines collections de coquilles, éti-quetés et classés depuis des années, sortir de leur repos sousnbsp;l’influence d’un bain, et reprendre inopinément le mouvementnbsp;et la vie. — Les animaux et les plantes dont il vient d’être question n’ont pu s’établir a Fair qu’a l’aide de moyens détournés,nbsp;de ce qu’on pourrait nommer des subterfuges, c’est-a-dire ennbsp;recberchant 1’eau en dehors des lieux oü eet élément se ras-semble en masse. Pour former des êtres déflnitivement aériensnbsp;et terrestres, la vie a congu des plans plus complexes et d’unenbsp;execution plus longue. Elle y est arrivée principalement par lanbsp;respiration pulraonaire chez les animaux vertébrés, et chez lesnbsp;plantes par le jeu combiné d’un ensemble d’organes qui sontnbsp;inconnus ou rudimentaires dans les végétaux inféi’ieurs, tels quenbsp;l’appareil radiculaire chargé de puiser les matériaux de la séve,nbsp;le système vasculaire, les feuilles remplissant le róle de bran-chies aériennes, enfin la réduction des phases proembryon-naires, désormais restreintes au développement de 1 ovule
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contenu finalement au sein d’un organe dos. Le progrès de l’organisme devenu terrestre est dü siutout a l’existence d’unnbsp;réservoir intérieur qui lui perinet d’accoinplir les fonctions lesnbsp;plus complexes a l’aide des liquides qu’il s’approprie. Chaquenbsp;corps individuel possède ainsi un milieu qui le haigne au dedans,nbsp;et OU les éléments hislologiques puisent la croissance et la reparation. Cette source féconde se trouve mesurce et distribuée avecnbsp;un art et une économie admirables, a la condition seulementnbsp;qu’un apport journalier ne cesse de l’alimenter. La soit n’estnbsp;qu’un instinct qui nous avertit de la diminution de l’eau dans lanbsp;masse liquide du sang et nous pousse a réparer cette perte.
Chez les plantes aussi bien que chez les animaux, la vie s’est perfectionnée par une division plus savante du travail orga-nique. Les appareils qui correspondent aux principales fonctionsnbsp;se sont specialises en se compliquant et se localisant de plus ennbsp;plus. L’être inférieur aquatique et le poisson lui-même puisentnbsp;a la fois dans le liquide ambiant le gaz qu’ils respirent et l’ali-ment qui les nourrit; le même acte entraine le plus ordinairementnbsp;l’un et l’aulre résultat. Cependant le poisson, qui possède aunbsp;moins d’une fafon rudimentaire la structure des vertébrés, de-meure inférieur aux autres classes de son embranchement parnbsp;sa respiration branchiale. Chez lui, rien ne semble annoncernbsp;les pdumons, qui se développent chez les batraciens après unnbsp;premier état, et fonctionnent exclusivement chez les reptiles,nbsp;les oiseaux et les mammifères. L’appareil respiratoire et celuinbsp;de la circulation, qui est dans une étroite dépendance du premier, se perfectionnent de classe en classe, a mesure que l’onnbsp;remonte des batraciens aux sauriens, puis aux crocodiliens.
pour arriver aux vertébrés a sang chaud. Chez ceux-ci se trouve
décidément constitué un foyer intense de réaction calorique et par conséquent d’énergie et de force. On voit que la vie arrivéenbsp;a ce point achève de se compliquer rapidement. Evidemment,nbsp;si elle a pu atteindre son maximum de puissance, c’est en adap-tant d’une part les plantes au sol émergé, et de l’autre les vertébrés a une existence purement terrestre. Par ces deux adapta-
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tions, les plus exclusives qui aient jamais eu lieu sur la terre, les deux règnes se sont trouvés rejetés dans deux directionsnbsp;entièrement opposées. — Plus de zoospores ni A.'anthérozoïdesnbsp;cliez les plantes phanérogames ou a sexes apparents; plus denbsp;phases successives, ni d’états varies, mais seulement des germesnbsp;se détachant de la plante mere, déja pareils a elle et susceptiblesnbsp;de prendre immédiatement racine. Chaque partie de la plantenbsp;a désormais son role et ses fonctions determines. Les combi-naisons de formes, de couleurs, d’organes, sont variées a l’infini,nbsp;mais elles concourent a 1’harmonie de l’ensemble, et montrentnbsp;dans Ie règne vegetal la réalisation des effets d’une force vivantenbsp;qui, tout inconsciente et insensible qu’elle est, a toujours mar-cbé, comme sous une impulsion irrésistible, avec une intaris-sable fécondité.
Si tont est privé de mouvement et de spontanéité dans Ie règne vegetal devenu parfait, ce sont des facultés inverses qui se pro-noncent de plus en plus chez les animaux supérieurs, surtout anbsp;partir du moment oü ils entrent en possession de la vie terrestre.nbsp;lis n’ont plus a craindre d’etre fixes au sol; les états successifsnbsp;disparaissent ou perdent leur importance. La liberté la plusnbsp;absolue des mouvements et des actes, la recherche d’un régime,nbsp;Ie choix d’une demeure, la faculté toujours plus explicite denbsp;vouloir, d’aimer, de haïr et de craindre, tels seront les carac-tères inhérents a l’animalité terrestre chez les vertébrés: carrièrenbsp;immense dont Phoinme résumera plus tard tons les traits, ennbsp;y ajoutant l’usage de la raison, la recherche de 1’idéal et Ienbsp;frein de la moralité.
L’immensité d’une pareille perspective n’interdit pas de s’atla-cher a la modification organique qui en marque l’origine ; nous voulons parler de la respiration pulmonaire, sans laquelle on nenbsp;saurait concevoir l’existence d’aucun vertébré terrestre. L’appa-rition d’un nouvel organe ne constilue généralement pas un faitnbsp;isolé; presque toujours il résulte, si l’on se renferme dans lesnbsp;limites d’un même embranchement, de la modification d’unnbsp;autre organe préexistant, qui nous Ie montre a l’état d ébauche
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OU de rudiment, ou bien encore adapté a un autre emploi. Aussi s’est-on demandé si les poissons ne présentaient pas quelquenbsp;partie analogue aux poumons des vertébrés supérieurs, et qui ennbsp;fut comme un premier vestige. Cette partie, c^est la vessie na-tatoire. La vessie natatoire des poissons (1), qui serait plus juste-ment nommée sac a air, est sujette a de grandes variations denbsp;forme; elle disparait même chez beauconp d’espèces, et n’estnbsp;pas par conséquent nécessaire a la vie des poissons; mais, quandnbsp;elle existe, elle remplit Ie róle d’un poumon amoindri, elle con-tient des gaz et surtout de l’oxygène, que l’animal absorbe ounbsp;retient a volonté. Enfin, chez certains poissons dont la structurenbsp;ambiguë rappelle les types des époques anciennes, la vessie natatoire, que l’on croyait d’abord destinée uniquement a faciliternbsp;la natation en augmentant ou diminuant Ie poids spécifique, senbsp;rapproche d’un véritable poumon, elle présente des commencements d’alvéoles, et fournit des passages curieux vers l’organenbsp;respiratoire des vertébrés supérieurs.
II
Nous venons de puiser dans l’ordre acluel une de ces particu-larités organiques par lesquelles la vie semble nous instruire de ses procédés d’autrefois. Or, de même que des poumons anbsp;l’état d’ébauche coexistent déja avec les branchies dans certainsnbsp;poissons, de même chez certains batraciens (les protées et lesnbsp;axolotl) l’appareil branchial persiste encore a cóté de véritablesnbsp;poumons. Le passage des animaux sans poumons a ceux qui ennbsp;sont pourvus s’opère aussi bien par les batraciens inférieurs quenbsp;par les poissons eux-mêmes, et les classes tendent ainsi a senbsp;rejoindre; ce qui ne veut pas dire pourtant qu’a l’aide des batraciens les moins élevés on aboutisse a de vrais poissons : trop denbsp;distance sépare encore les premiers des derniers a d’autres points
(1) Voyez Darwin, de VOriginé des espèces, passim; — Émile Blanchard,.fa Poissons des eaux douces de la France, p. 94; — Traité de Zoologie. par le D' Clauss, traduct. fr., p. 195. Paris, Savy, 1878.
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de viie ; mais on arrive, en suivant cette direction, a des êtres purement aquatiques comme les poissons et a pen prés dumêmenbsp;rang que cesderniers.
D’après ce que nous avons dit, il ne faut pas s’étonner de ren-contrer chez les plus anciens vertébrés terrestres des traits d’af-finité évidents avec les batraciens d’une part et de l’autre avec les poissons, tandis que ces êtres primitifs présentent en inêmenbsp;temps un ensemble de caractères qui engage a les considérernbsp;comme des reptiles, mais des reptiles entachés d’ambiguïté etnbsp;d’imperfection, qui en un mot, sans être encore tout a fait membres de cette classe, tendaient a Ie devcnir. « Cette marche, dit-on, qui est familière a la vie, ne prouve pas en définitive la filiation réciproque des espèces. » II est parfaitement vrai que Ie faitnbsp;même d’une filiation directe et immédiate échappe a l’analyse,nbsp;et l’impossibilité de Ie saisir n’a rien de surprenant par elle-même, puisque Ie phénomène dont il s’agit embrasse un tempsnbsp;d’une durée incalculable etqu’il s’applique a des êtres derneurésnbsp;Ie plus souvent obscurs ou inconnus, au moment même oü ilnbsp;seraitle plus intéressant de les observer. Cependant, si les chosesnbsp;ont marché comme elles l’eussent fait en admettant la réalité denbsp;revolution, si tont concorde dans Ie passé, comme dans Ie présent, et qu’il existe constamment des transitions entre des typesnbsp;opposés, il estloisible d’avancer, ce qui est énorme, que la théorienbsp;transformiste s’adapte sans effort aux faits connus. La preuvenbsp;directe et décisive reste a faire, mais on sait bien que, dans lesnbsp;termes oii l’on s’obstine a la demander, cette preuve est impossible. Songeons encore a ceci : si nous en étions a soupfonnernbsp;certaines métamorphoses d’insectes ou seulement l’éclosion denbsp;l’oeuf des oiseaux, sans les avoir jamais observées directement,nbsp;comment persuaderait-on les incrédules de la réalité de cesnbsp;sortes de transformations? Ici pourtant ce n’est pas Ie lien lui-mêine, c’est une partie seulement des termes interposes qui fontnbsp;défaut. Rien ne peut suppléer aux lacunes résultant de l’insuf-fisance des documents ; il en reste pourtant assez pour exciter lanbsp;curiosité et forcer même la conviction.
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La convergence effective des diverses classes de vertébrés, a mesure que l’on s’enfonce dans Ie passé, résulte de l’ensemblenbsp;des recherches sur les animaus fossiles de eet emhranchement.nbsp;Plus on se rapproche des temps primitifs, plus on voit s’effacernbsp;les comhinaisons organiques les mieux en rapport avec Ie carac-tère particulier de chaque classe. C’est ainsi qu’au dela des tempsnbsp;tertiaires, en remontant au sein du passé jusque dans Ie juras-sique, on ne rencontre, en fait de mammifères, que des didel-phiejis, prohahlementmême des êtres inférieurs aux didelphiens,nbsp;c’est-a-dire des monotrèmes, sorte d’animaux qui, par la remar-quahle combinaison de caractères qu’ils présentent, rattachentnbsp;les mammifères aux oiseaux et aux reptiles et sont ovovivipares anbsp;la fafon de plusieurs de ces derniers.
Les oiseaux, d’après les quelques exemples cOnnus, suivent Ie même mouvement et l’accentuent encore davantage, puisquenbsp;les caractères de l’oiseau jurassique, trouvé a Solenhoffen, atté-nuent évidemment la distance qui sépare maintenant cettenbsp;classe de celle des reptiles. h’Archeopteryx, tel est Ie nom de eetnbsp;oiseau primitif, était pourvu d’une queue véritable, cornposéenbsp;de vingt vertèbres et garnie d’autant de paires de longues plumes, qui remplafait Ie croupion des oiseaux actuels; de plusnbsp;son membre antérieur, imparfaitement transformé pour Ie vol,nbsp;présentait encore deux doigts libres et armés de griffes, au-dessus de celui qui faisait l’office d’aile. L’adaptation de l’oiseaunbsp;au genre de vie dont il est devenu Ie type était done loin d’etrenbsp;achevée et plusieurs vestiges d’un état primitif persistaient cheznbsp;lui jusque dans l’age adulte; aujourd’hui ces mêmes vestiges,nbsp;encore amoindris, ne s’observent plus que d’une fapon transitoire,nbsp;et seulement pendant la phase emhryonnaire. De plus, l’.4r-cheopteryx se rattachait au groupe des dinosauriens, reptiles ter-restres secondaires, du rang Ie plus élevé, par l’intermédiairenbsp;du Compsognathus longipes, A. Wagn., de Solenhofen, et celui-ci, de son cóté, constitue une sorte de « dinosaurien bipède, »nbsp;plus voisin du type des oiseaux que ses congénères. Par contre.
les remarquables vestiges d’espèces aviformes, a mandibules
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eacore munies de plusieurs dents, découverts récemment dans la craie d’Amérique, montrent des paléornithes déja, plus éloi-g-nés du point de départ, moins reptiles par conséquent que VAr-cheopterijx ai bien distincts pourtant des oiseaux actuels par desnbsp;vestiges d’organes depuis entièrement disparus. Cependant,nbsp;même aujourd’hui la filiation présumée des oiseaux se révèlenbsp;par les traits de leur squelette dont l’analogie avec celui des-sauriens n’est contestée par aucun savant sérieux.
Cliez les reptiles, les effetsdu même mouvement sont d’autant mieux visibles que cette classe a conservé longtemps sur lesnbsp;autres animaux terrestres une preponderance incontestée, et anbsp;laissé de nombreuses traces. Les Dolichosaures, moitié lézards,.nbsp;moitié serpents, marquent Ie moment oü ceux-ci ont commencénbsp;a se détacber du tronc commun des lacertiens ; plus loin ennbsp;arrière, les lacertiens se perdent comme ordre distinct, et l’onnbsp;observe des types qui joigncnt les lézards aux iguanes et lesnbsp;monitors aux crocodiles. Les crocodiles eux-mêmes modifientnbsp;leurs caractcres ostéologiques pour en revctir d’autres, que Tonnbsp;n’observe maintenant cbez eux que dans la vie foetale. Les Lahy-rinthodonles enfin se rapprochaient des batraciens et même desnbsp;poissons. Getto 1'amille de reptiles est a la fois une des plus anciennes, ime des plus singul ières et une des plus ambigués dunbsp;monde primitif. Sa grande taille, 1’arinure de plaques osseusesnbsp;qui recouvrait son corps, sa tête cuirassée, empêchent dc recon-naitre de vrais batraciens dans les animaux qu’elle comprenait.nbsp;Les Lahyrinthodontes respiraient par des poumons, au moins anbsp;Lage adulte, ilsmarchaientsur Ie sol, enfinils succédaient, commenbsp;nous Ie verrons, a d’autres reptiles qui avaient des habitudes plusnbsp;aquatiques. Ilsreprésen tent probablementunétat particulier que lanbsp;classe entières des reptiles a dü traverser autrefois avant de deve-nir terrestre. Cela ne prouve pas que les reptiles aboutissentorigi-nairement aux batraciens proprementdits, maisLon peut affirmernbsp;qu’ils ont dü émerger d’une souche typique opérant, a Lexemplenbsp;des batraciens, Ie passage d’une organisation purement aquatiquenbsp;a une organisation d’abord amphibie et finalement terrestre.
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Dans ces sortes d’appréciations rétrospectives, on est malheii-reusement force de faire abstraction des parties molles et surtont des appareils circiilatoires, dont l’étude guiderait si bien 1’ana-logie. L’expérience prouve cependant que l’ostéologie, quoiquenbsp;ses ressources soient restreintes, fournit une base solide snrnbsp;laquelle la science peut s’appuyer en toute sureté. D’ailleurs lanbsp;paleontologie use de tous les moyens susceptibles de la mener anbsp;ses fins, même des plus indirects en apparence. C’est ainsi que,nbsp;a propos Aes Labyrinthodontes, elle s’est attachée al’examen desnbsp;empreintes de pas que ces animaux laissèrent jadis en marchantnbsp;sur la vase molle des plages qu’ils fréquentaient. II est asseznbsp;singulier que ces empreintes se rapportent généralement a unenbsp;même période géologique, celle du trias. En Saxe, a Lodèvenbsp;dans rilérault, en Écosse, dans Ie Connecticut et Ie New-Jerseynbsp;en Amérique, des empreintes variées de pas d’animaux ontnbsp;été observées par divers savants et rapportées par eux a I’line desnbsp;subdivisions du trias, celle du grès bigarré. La presence de cesnbsp;vestiges sur un assez grand nombre de points contemporainsnbsp;ferait supposer que Ia surface continentale a dü être configuréenbsp;presque partout a cette époque de manière a favoriser la répé-tition des mèmes scènes et Ia production du même phénomènc.nbsp;II suffit effectivement d’admettre l’existence d’une suite de mersnbsp;intérieures, comme 1’Aral ou la Caspienne, vastos, mais peunbsp;profondes et exposées a des alternatives de desséchements par-tiels et de crues subites, pour obtenir dans l’intervalle des débor-dements d’imrnenses plages recouvertes d’un limon fin, asseznbsp;fermes pour donner accès a une foule d’animaux, assez mollesnbsp;pour que leurs pieds pussent y imprimer un creux durable ounbsp;même un moule exact de leur face plantaire. Ces vestiges senbsp;nomment en langage de vénerie des traces, et ces traces sontnbsp;généralement assez bien caractérisées pour permettre aux chasseurs de reconnaitre 1’age, Ie sexe et la taille de l’animal dontnbsp;elles trahissent la présence.
Sur une plage unie et limoneuse, non-seulement les animaux laisseront des vestiges de leur marche, mais la pluie elle-même,
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tombant a larges gouttes, y marquera son action en creusantune multitude de petites cavités arrondies. Toutes ces traces durci-ront par Ie progrès du desséchement, qui fmit par amener Ienbsp;fendillement en tout sens de l’argile superficielle. Et maintenantnbsp;supposons l’arrivée d’une crue pareille a celles qui changentnbsp;périodiquement les limites des lacs du Soudan ; si elle recouvrenbsp;d’un lit de sable fin la surface déja consolidée de la plage oünbsp;s’abattaient naguère une fonle d’animaux, nous concevrons très-bien comment Ie sable se moulera dans les moindres creux. Sinbsp;plus tard Ie limon disparaissait, les monies en relief de l'assisenbsp;de grès resteraient comme un témoignage éternel du passage desnbsp;anciens êtres, des effets de l’averse et du fendillement de l’argile.nbsp;— Tels sont effectivement les faits observes sur plusieurs pointsnbsp;du terrain triasique par les géologues. L’intérèt de semblablesnbsp;observations consiste principalement dans les notions qu’ellesnbsp;nous fournissent au sujet des plus anciens animaux terrestres.nbsp;Les animaux triasiques n’ont point été proprement les premiers;nbsp;mais il semble que les animaux du trias aient été les premiersnbsp;qui se soient répandus en troupes nombreuses sur des plagesnbsp;que des émersions opérées sur une large échelle leur ouvraientnbsp;de tons cótés. Un géologue justement regretté, M. d’Archiac,nbsp;s’est étonné du caractère de singularité que manifestent les formations triasiques. L’ambiguïté des dépots, les indices de lanbsp;faible profondeur des eaux^ la delimitation vague des bassins,nbsp;les amas de sel gemme et de gypse, enfin la rareté des vestigesnbsp;d’êtres réellement marins, tandis que les restes de plantes et lesnbsp;lits formés de débris de poissons, de reptiles et d’insectes senbsp;montrent fréquemment, toutes ces circonstances réunies fontnbsp;que l’on se demande oü s’était alors retirée la masse de l’Océan,nbsp;et de quelle nature étaient les eaux qui ont laissé tous ces sédi-ments. Ouelquefois les traces organiques manquent absolument,nbsp;comme s’il s’agissait de mers entièrement désertes. La présencenbsp;du sel gemme semble une conséqnence du desséchement de cer-taines méditerranées, oü la concentration des éléments salinsnbsp;se serait opérée a la longue. De nos jours, les lacs sales de 1 A-
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mérique, de l’Asie et de l’Afrique se couvreat a certaincs époques de sel a l’état de croüte solide qui entoure d’une ceinturenbsp;éblouissante de blancheur la partie demeurée liquide, qui gardenbsp;sa teinte azurée ; mais l’eau, a ce degré de salure, ne contientnbsp;plus aucuQ être 'vivant, ello devient funeste a tout organisme ;nbsp;on Ie sait par I’csemple de la nier Morte ; et l’étang saté de lanbsp;Valduc, en Provence, ne renferme en fait d’animaus que Ienbsp;singulier crustacé appelé Artemia salina, sorte de « brancbipc »nbsp;adapté a des conditions biologiques aussi anormales que curieuses, et dont les transformations surprenantes, dues a l’in-fluence des divers milieux, qu’il est susceptible d’habiter, ont éténbsp;décrites récemment par M. Schmankewitcli (1).
Dans Page triasique, les mers inlérieures de toutes les formes et de toutes les grandeurs abondaient, ainsi que les lagunes plusnbsp;oil moins saumatres, tantót envabies par des végétaux amisnbsp;des marécages^ tantót peuplées de reptiles amphibies et de pois-sons. Ges lagunes, exposées soit a des dessécbements partiels, soitnbsp;a des crues subites, ont dü s’étendre sur une grande partie denbsp;notre globe etremplacer presque partout l’Océan proprement dit,nbsp;dont on n’observe des traces que sur des points fort restreints.nbsp;On confoit combien, ii une époque oii les animaux terrestres
(1) Notre ami Ie professeur Marien neus transmet, h propos des changements de forme et des mutations de caractères que présente VArtemia salina, une note quenbsp;nous nous faisons un plaisir d’insórer ici : « Le petit crustacé appelé Artemia salinanbsp;se développe ordinairement dans des eaux marines concentrées, au moment oü leurnbsp;deasitü correspond è 8“ Baumé. A mesure que la concentration s’accroit et atteintnbsp;14quot;, 15quot;, 18° Baumé, les caractères morphologiques de 1’animal se modifient, les lobesnbsp;de la queue s’atrophient et la surface des lames branchiales augmente. L’animalnbsp;fluit par revêtir l’apparence du crustacé que l’on avait nommé Artemia Mülhausenü.nbsp;Schmankewitcli a suivi toutes ces phases, que traversent également les petites bêtes denbsp;la Valduc. Si l’on prend des Artemia arrivés au stade qui correspond 5 VArtemia Mül-haiisenii et si, en ajoutant de l’eau douce, on diminue la densité du milieu dansnbsp;lequel vivent ces Artemia, peu k peu VArtemia salina normal se rétablit ; les lobesnbsp;de la queue apparaissent de nouveau avec leurs soies caractéristiques. II est biennbsp;entendu que ces changements exigent plusieurs générations. Schmankewitcli, pous^nbsp;sant Texpérience plus loin, est parvenu k faire vivre 1’Artemia salina dans des eauxnbsp;presque douces, et il a vu alors se former un type nouveau fort remarquable, ren-trant dans le genre Branchijjtis des eaux douces, mais constituant une espèce parti-culière que l’on est en droit de considérer comme le prototype ancestral desnbsp;Artemia.»
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manifestaient encore des allures amphibies, cette diffusion des bassins éparpillés ct vaguement délimités a dü être favorable aunbsp;développement de pareils êtres. Malgré la difference des temps,nbsp;les choses se passent a pen pres de raème sur les bords du plusnbsp;grand des lacs africains. Le docteur Barth, explorant.Ie Tsad,nbsp;était arrêté a cbaque pas par des marécages. véritables labyrin-thes sans issues qui coupent d’interminables plaines ou le regardnbsp;se perd sans apercevoir ni la nappe centrale ni un point saillantnbsp;pour se reposer. La configuration du sol change d’année ennbsp;année; rien n’est stable, pas même remplacement des villes,nbsp;que les crues submergent en effondrant le sol. De la Timpossi-bilité de fixer au lac une limite et de lui assigner un niveau.nbsp;De grands papyrus, des lotus, de puissantes graminées encom-brent les parties inondées, et leurs débris décomposés altèrentnbsp;la teinte et la qualité de l’eau. D’immenses troupes d’antilopesnbsp;bondissent a travers les plages, inaccessibles au pied de rhomme;nbsp;les anses sont peuplées d’hippopotames, les lisières servent d’abrinbsp;a des crocodiles et a de grands lézards, les élépliants eux-mêmcsnbsp;se fraient fa ct la un passage au sein des cantons dont le sol estnbsp;ondulé et ombragé de grands arbres, tandisque d’innombrablcsnbsp;troupes de canards nagent au milieu des prairies de nénufars.nbsp;Ici la surface boueuse de la plage porte les traces de pas desnbsp;girafes, des cochons sauvages et des grands échassiers qui la visi-tent tour a tour; ailleurs le marécage disparait sous de sombresnbsp;forêts OU dominent le gigantesque baobab, plusieurs espèces denbsp;figuiers et des acacias; ou bien encore des bouquets de palmiersnbsp;élèvent leur stipe terminé par une royale couronne de frondes ennbsp;éventail.
Places dans des circonstances analogues, mais entourés d’une végétation très-différente, les animaux triasiques étalaient pournbsp;la plupart des formes entièrement étrangères a notre mondenbsp;d’aujourd’tiui. C’étaient en premier lieu des bipèdes, sans doutenbsp;plus éloignés encore du type des oiseaux actuels que l’espèce denbsp;Solenbofen, mais qui ne sont connus que par l’empreinte de leursnbsp;pas, dont Penjambée accuse parfois des dimensions quadruples
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de celles de l’autruche. Le nombre et la disposition des doigts rcvèlent pour d’autres de telles singularilés qu’en l’absence dnnbsp;squelette on ne sait comment les définir. Parmi les reptiles, lesnbsp;uns rappellen! les tortues, les aiitres les lézards on les crocodiles,nbsp;OU bien encore, comme les Dicynodon, dontles macboires étaientnbsp;armées de defenses recourbées dans le genre de celles des morses,nbsp;ils présenten! les caractères mélanges de ces divers groupes. Lanbsp;plus grande espèce de labyrinlhodonte est connue a la fois parnbsp;ses ossements et par l’empreinte de ses pattes, assez semblablesnbsp;a une main d’homme dont les doigts courts et le pouce écarténbsp;seraient terminés par des griffes. Auprès de Lodève, les vestigesnbsp;de pas sont accompagnés de ceux d’une queue trainante, susceptible d’imprimer un sillon sur le sol en le balayant. Cet animal,nbsp;moitié salamandre, moitié crocodile, avait le corps reconvertnbsp;d’une carapace de fines écailles cornées. La taille des plus grandsnbsp;labyrinthodontes atteignait plusieurs metres de long; leursnbsp;membres étaient courts, mais robustes, ct la disproporlion relative entre le train de derrière et celui de devant marqué lesnbsp;allures d’un reptile sauteur, avec des fafons plus lourdes quenbsp;celles des modernes batraciens. On peut se faire une idéé de cesnbsp;animaux, les plus anciens de ceux dont Porganisation fut adaptéenbsp;a une existence tout a fait terrestre : peu actifs, voraces, croqueursnbsp;de petites proies, ródant sur le sable humide, protégés par unenbsp;armure impénétrable, rois de la création a une époque oü ilnbsp;snffisait d’etre solidement charpenté pour obtenir le sceptre, ilsnbsp;n’avaient a redouter d’ennemi d’aucun genre, puisqu’ilne s’agis-sait encore ni d’intelligence, ni de rapidité ni d’énergie, et quenbsp;l’instinct lui-même se réduisait a 1 accomplissement des actesnbsp;indispensables a l’entretien et a la propagation de l’espèce. Lanbsp;vie de pareils êtres s’écoulait dans sa monotonie a suivre lesnbsp;eaux dans leurs alternatives d’cnvahissement et de retrait; ilsnbsp;respiraient et se mouvaient a l’air libre, mais sans s’écarter beau-coup du voisinagedePélémcnt qui avait étéleurpremier berceau.
Le type des labyrinthodontes était ancien lors du trias, qui en marque l’apogée; on le rencontre, déja reconnaissable, dans le
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terrain carbonifère. Toutefois, a cette époque recutée, on trouve a cóté de lui un autre type a la fois plus imparfait^ plus ambigu etnbsp;plus voisin du point de départ ; c’est celui des Ganocéphales. Cenbsp;type nous fait toucher au point oü les reptiles, déja peut-être'nbsp;organises pour une respiration aérienne, n’avaient pas encorenbsp;cessé d’être nageurs pour devenir marcheurs. Les ganocéphalesnbsp;sont, a vrai dire, des labyrinthodontes moins avancés. L’ossifi-cation de leurs vertëbres est imparfaite, la disposition ainsi quenbsp;la structure de leurs dents les rapprochent de plusieurs poissons.nbsp;Leur taille (comme il arrive presque toujours lorsque l’on a sousnbsp;les yeux les tenues primitifs d’une série) s’ainoindrit en face desnbsp;labyrinthodontes du trias. Le plus grand des ganocéphales, r*4r-chegosaurus, ne mesurait pas plus de 1 metre de long. Les membres étaient faibles et plutot disposés pour nager ou ramper quenbsp;pour la marche ; ils sc terminaient pourtant par des extrémitésnbsp;pourvues de doigts distincts. Les habitudes étaient carnassièresnbsp;comme celles des labyrinthodontes. L’archégosaure était a ceux-ci ce qu’est a la grenouille le type des salamandres, des tritonsnbsp;et des protées, qui tous s’arrêtent a certains degrés de la métamor-pbose, et demenrent plus ou moins tetards durant touteleur vie.
Les Protées, petits batraciens aveugles des lacs souterrains de la Carniole, constituent, au sein de la nature actuelle, un de cesnbsp;groupes singuliers destinés a fournir un tenue précieux de coiu-paraison avec les êtres d’autrefois, et a servir de trait d unionnbsp;entre des catégories dont ils contribuent a atténuer la distance ;nbsp;ils se lient aux poissons par l’axolotl, la sirene et Ie lépidosirène,nbsp;types de plus en plus ambigus. Le dernier présente mêmcle corpsnbsp;écailleux, les branchies intérieures et jusqu’a la vessie natatoirenbsp;des vrais poissons. De plus l’intestin du lépidosirène est garni ennbsp;dedans d’une lame contournée en spirale, a peu pres comme unenbsp;vis d’escalier qui serait appliquée contre les parois d’une tournbsp;ronde et vide dans le milieu. Cette structure caractéristique se re-trouve encore chez les Sélaciens, c’est-a-dire chez les poissons car-tilagineux, qui comprennent les squales et les raies, et dont l’exis-tence au sein des mers primitives ne saurait faire 1’objetd’un doute.
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L’état cartilagineux, évidcmnient antérieur a l’état osseux, a dü ètre coinmun a Tensemble des vertébrés a ce moment de leur bis-toire, oü tous également étaient encore aquatiques; il n’est pasnbsp;surprenant qu’il ait pu se former alors des êtres joignant a lanbsp;structure cartilagineuse une perfection relative, supérieure a plu-sieurs égards a celle de certains types osseux survenus plus tard.nbsp;C’est ce que l’on remarque chez les sélaciens, que l’on sépare main-tenant des vrais poissons pour les ranger dans une categorie a part;nbsp;non-seulement ils s’accouplent réellement, mais leurs femellesnbsp;ont nne sorte de matrice oii les oeufs séjournent et souvent mèmenbsp;éclosent avant la ponte. Plus forts, plus vivaces, plus élevés parnbsp;certains cótés, plus voisins en tout cas du point de depart, ils ontnbsp;peu cbangé dans Ie cours des temps, tandis que les poissons ordi-naires ne sontpour ainsi dire que Ie dernier terme d’une longuenbsp;suite de transformations. II n’y a done pas lieu de s’étonner desnbsp;connexions que présentent les sélaciens avee les autres classes denbsp;vertébrés et particulièrement avec les reptiles nageurs et marins,nbsp;mais a respiration aérienne, appelés Enaliosauriens, auxquels étaitnbsp;dévolii dans les anciennes mers Ie róle attribué aux cétacés au seinnbsp;des nótres. II a été possible en eCfet de constater chez les plus ré-pandus de ces animaux, les IchtJiyosaures, l’existence de la disposition spirale de Pintestin que nous avons signalée comme carac-térisant a la fois les sélaciens et Ie lépidosirène. On y est parvenunbsp;par 1’observation des excréments fossiles ou coprolithes, quelque-fois occupant encore leur place naturelle a l'intérieur de l’animal,nbsp;et fournissant en tout cas la preuve visible de la structure de l’in-testin. Ajoutons la découverte d’im petit ichthyosaure tout formé,nbsp;renfermé dans la cavité abdominale d’un sujet adulte, et nousnbsp;pouvons affirmer que, chez ces monstres marins d’autrefois, l’é-closion des ceufs précédait la ponte, comme chez une partie desnbsp;sélaciens et chez plusieurs reptiles.
Les houillères du Canada, de FOhio, de la Caroline, celles de rirlande et de la Grande-Bretagne ont fourni une riche moissonnbsp;de découvertes qui ont successivement élevé Ie nombre des reptiles prirnitifs. Néanmoins ils ne sont encore que tres-imparfaite-
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ment connus, la plupart n’ont pu être détachés de la gangue oü leur squelette demeure engage. On remarque en eux une tropnbsp;grande variété de caractères pour croire qn’ils rentrent naturel-lement dans Ie cadre des deux ou trois families que l’on a éta-blies, et pourtant tons plus ou moins présentent des indices d’unenbsp;sorte d’affinité mutuelle et géuérale qui empêche de reconnaitrenbsp;en eux une réunion de types isolés et distincts. Les termes denbsp;Ganocéphales et de Labyrinthodontes, selon M. Gaudry, excellentnbsp;juge en pareille matière, représentent non pas deux families,nbsp;mais deux états successifs que les reptiles primitifs auraient traversés, et dont l’un, celui de ganocéphale, serait a l’autre, celuinbsp;de labyrinthodonte, ce que Ie têtard est a la grenouille. On estnbsp;même en droit de supposer par dela les ganocéphales l’existencenbsp;d’un OU plusieurs états de reptiles, opérant une transition plusnbsp;marquee encore vers une organisation purement aquatique,nbsp;branchiate et cartilagineuse. En effet, de l’absence de reptilesnbsp;dans un terrain plus ancien que celui des houilles, on ne sauraitnbsp;conclure qu’ils n’ont point existé. 11 faut dire seulement que,nbsp;oil les fossiles cesscnt, les êtres eux-mêmes tcndent a revêtir eetnbsp;état de faiblesse et d’obscurité qui caractérise également 1’enfancenbsp;chez rindividu et Ic début chez les races.
A coup sur, les reptiles qui se trainèrent les premiers sur Ie sol humide, les vertébrés pisciformes ou salamandroïdes qui par-vinrent a aspirer 1’air dans leurs poumons rudimentaires, cesnbsp;êtres a contours a demi ébauchés, a structure ambigue, points denbsp;départ vagues et flottants des groupes auxquels ils ont donnénbsp;lieu, offriraient a l’étude un immense attrait, si l’on retrouvaitnbsp;jamais, avec les pieces de leur squelette, l’empreinte de leursnbsp;parties molles; mais quelque merveilleuses que soient les perspectives dont l’avenir garde Ie secret, il faut pourtant se résignernbsp;d’avance a ignorer ce qui estrelatif aux commencements mêmesnbsp;de la vie. Non-seulement les eaux douces n’ont donné lieu a au-cun dépot important a la surface des plus anciennes terres fermes,nbsp;non-seulement Ie régime des courants d’alors a été contraire anbsp;la formation de lits renfermant des débris fossiles, mais ces ré-De Saporta. — Monde vegetal.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3
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gions primitives ont du rester longtemps désertes a Finténeur. La vie terrestre, sortie pen a peu du sein de Feau, a dü se fixernbsp;en premier lieu non loin de ses rives; elle a habité d’abord d’unenbsp;fafon exclusive certaines plages bumides ou fréquemment inon-dées. A la surface du sol, de même qu’au fond des mers, la vie anbsp;été d’abord localisée ; partie d’un ou de plusieurs centres, elle anbsp;pris possession peu a peu de la totalité du domaine qui lui étaitnbsp;dévolu. La zone littorale, agrandie par des émersions répétées,nbsp;est justement celle oü les plantes de Fépoque carbonifère, s’ac-cumulant au fond des lagunes qu’elles avaient envabies, donnè-rent lieu aux lits de bouille. La disposition de ces dépots en unenbsp;série de bassins disséminés sur Ie pourtour des anciennes regionsnbsp;insulaires a frappé les observatcurs. II semble done avéré que lanbsp;vegetation s’est irradiée en partant de certaines regions, commenbsp;d’un point initial, avant de recouvrir tout Ie globe.
II existe dans la marebe et te mode d’évolution originaire des deux règnes une remarquable correspondance. Les plantes lesnbsp;plus anciennes connues sont des algues siluriennes, de mêmenbsp;que les animaux marins précédent tons les autres, èt c’est a unenbsp;date postérieure que les premiers vegétaux terrestres et les premiers vestiges d’animaux a respiration aérienne commencent anbsp;se manifester, presque en même temps, lors de la formation dé-vonienne; mais de même qu’il a dü exister des reptiles antérieiirsnbsp;a ceux du terrain carbonifère et des insectes plus anciens quenbsp;ceux du terrain dévonien, on a été amené a penser que les plantesnbsp;dévoniennes, si peu éloignées de celles dn temps des bouilles,nbsp;n’avaient pas été réellement les premières, avant même que desnbsp;observations récentes soient vennes confirmer cette prévision.nbsp;Plusieurs indices très-divers, difficiles a révoquer en doute, dé-rnontrent effectivement Fexistence de plantes terrestres, des Ienbsp;milieu de Fépoque silurienne. M. Léo Lesquereux a publié unnbsp;certain nombre d’espèces recueillies vers la partie supérieure dunbsp;silurien inférieur, dans Ie groupe de Cincinnati; elles compren-nent une sigillariée {Protostigma sigillarioides, Lesq.), des lyco-podiacces? {Psilophytum) et des calamariées [Anmdaria Romin-
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geri, Lesq., Sphenophylliim primsevum, Lesq.), c’est-a-dire des cryptoganies vasculaire et des gymnospermes, par conséquentnbsp;des types relativement élevés dans la série des organismes desti-nés a vivre sur Ie sol émergé et susceptibles en grande partienbsp;d’etre classés dans les inèmes groupes que ceux de la -tlore car-bonifère. Un résultat semblable a été obtenu simultanéinent ennbsp;Europe oü les ardoises d’Angers ont fourni a M. Ie professeiirnbsp;Morière de Caen nne très-belle empreintede fougère, VEopterisnbsp;Morierei, Sap. (l),la plus ancienne espèceconnue de celte familienbsp;végétale qui contribue encore a I’embellissement de la tlore ac-tuelle. Les autres types siluriens sont aujourd’hui perdus, et pournbsp;ce qui est des Psilophyton, dont l’affinité véritable n’a pu êtrenbsp;encore déterminée avec certitude, ils avaient disparu avant mêmenbsp;Lépoque carbonifère proprement dite.
On voit que l’organisation déjii complexe du règne végétal, lors de son début apparent a la surface du sol, fait présumer l’exis-tence d’une période, denieurée inconnue, de végétaux terrestresnbsp;beaucoup plus simples que les fougères, les calamariées et lesnbsp;sigillaires. Lorsque les pluies étaient pour ainsi dire perpétuellesnbsp;a la surface, lorsque la chaleur encore sensible des eaux provo-quait une évaporation incessante, des végétaux d’une structurenbsp;élémentaire ont du coiivrir Ie sol. Ces plantes primitives vivaientnbsp;sans doute a la fa(;on des algues que la marée ne délaisse quenbsp;pour les recouvrir de nouveau; comme celles-ci, elles demeu-raient plongées dans iin bain a peine interrompu. C’est a la suitenbsp;d’une longue série de siècles qu’elles ont du revêtir les formesnbsp;que révèlent les plus anciennes empreintes. Durant Ie temps oünbsp;se déposèrent les scbistes, les quartzites et les calcaires desnbsp;systèmes lanrentien, cambrien etsz/wcfen, temps énoriue, puisqu’ilnbsp;correspond a un ensemble de couches, épais de 12 a 15 kilometres dansles iles Britanniques et au Canada, Fair a dü s’épurer,nbsp;les pluies cesser a la fin d’etre continues pour devenir inter-mittentes, et I’atmosphere, tout en demeurant chaude et bru-
(1) Gonsultez la planche placee en tcte de 1’ouvrage, pi. I.
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meuse, se constituer une seconde mer suspendue au-dessus de rOcéan. Alors aussi la végétation terrestre a dü élaborer desnbsp;formes et des organes nouveaux appropriés a des circonstancesnbsp;nouxelles. Pour la première fois, les végétaux ont présenté desnbsp;feuilles, émis des racines, diversifié la structure de leurs tissus,nbsp;et acquis la beauté qui résulte d’une symétrie de plus en plusnbsp;rigoureuse des parties, aussi bien que la force qui nait de l’é-nergie croissante des fonctions vitales. Cette marcbe, qu’il nousnbsp;est permis de suivre a partir du système dévonien, a été des plusnbsp;longues, et elle a été constamment liée a celle du règne animalnbsp;tout entier. Les plantes ont fourni aux animaux des alimentsnbsp;d’autant plus riches qu’elles ont été plus parfaites et qu’elles senbsp;sont éloignées davantage de leur point de départ. Des lenteursnbsp;incalculables ont été la consequence fatale de cette solidarité ; onnbsp;peut mème dire d’une facon générale que Ie règne végétal estnbsp;longtemps demeuré en retard sur l’autre règne et qu’il a obligénbsp;celui-ci de l’attendre. Au sein des eaux la xie animale, bien plusnbsp;livrée a elle-même et moins dépendante du monde des plantes,nbsp;a dépassé presque aussitot la végétation, laissant celle-ci arrêtéenbsp;a son plus bas niveau; mais a Pair libre la vie animale, placéenbsp;dès Ie début dans une étroite dépendance de la végétation, a éténbsp;forcée de suivre celle-ci pas a pas. 11 est évident que la terrenbsp;ferme a seule procuré a la végétation les éléments d’une progression effective dont Ie terme n’a été atteint que fort tard, et dontnbsp;l’agriculture achève sous nos yeux de tirer parti. De leur cóté,nbsp;les animaux terrestres, après avoir promptement atteint un degrénbsp;rernarquable de complication organique, sesonttrouvés hors d’etat d’aller plus loin a l’aide de leurs seules forces; ils ont dü for-cément attendee Ie progrès de l’autre règne. C’est la ce qui ex-plique pourquoi Pon rencontre des mammifères avant la fin dunbsp;trias, pourquoi Pon en découvre encore vers Ie milieu et la finnbsp;des temps jurassiques, et pourquoi ils se montrent toujoursnbsp;rares, chétifs, imparfaits, en réalité stationnaires. La végétationnbsp;de ces mèmes époques est indigente, elle comprend des formesnbsp;peil variées et de structure coriace. Elle ne se complete que
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longtemps aprcs, vers la fm des temps crétacés, et alors seulement un mouvement parallèle se manifeste chez les mammifères;nbsp;mais il se prononce après celui qui entraine les végétaux,nbsp;et ne devient sensible qu’a l’origine des temps tertiaires. Tellenbsp;est la marche inhérente a Tanimalité terrestre ; l’absencenbsp;d'herbages, de parties tendres et succulentes chez les végétaux,nbsp;s’est longtemps opposée a la multiplication des mammifères herbivores, et, par une conséquence obligée, a celle des carnassiersnbsp;qui vivent auxdépens des premiers. Tantque eet état de choses anbsp;persisté, la classe entière ne pouvait ni croitre en nombre, ni senbsp;perfectionner. 11 existait bien dès les temps secondaires quelquesnbsp;quadrupèdes mangeurs de végétaux, mais ce róle restait dévolunbsp;a d’énormes reptiles aux puissantes machoires, sortes de pachy-dermes a sang froid. Les dents formidables des Iguanodon, quinbsp;s’usaient jusqu’a la racine par la trituration, pouvaient cértaine-ment broyer les substances végétales les plus dnres; mais lesnbsp;mammifères jurassiques, faibles et inoffensifs, incapables denbsp;s’attaquer a de grands animaux, étaient forces de se rabattre surnbsp;les insectes, comme Ie prouve leur dentition.
L’apparition des insectes, vers laquelle nous sommes ainsi ramenés, se rattache aux temps les plus reculés; ils sont ter-restres comme les vertébrés supérieurs, bien qu’ils respirent nonnbsp;pas a l’aide de poumons, mais par des trachées, c’est-a-dire aunbsp;moyen d’ouvertures distribuées Ie long du corps, qui donnentnbsp;lieu a autant de cavités ramifiées servant a introduire l’air jusquenbsp;dans Fintérieur des organes.
III
Les insectes sont caractérisés, non-seulement par leur respiration trachéenne, mais par leur circulation imparfaite. Le système nerveux se trouve ici réd uit a un certain nombre de ganglionsnbsp;disposés en files ou séries et reliés par des cordons. Le corps senbsp;partage en anneaux ou segments ; il est protégé par une enveloppe extérieure plus ou moins résistante, et dépourvu d axe
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solide intérieur. Ce sont des animaux a exosquelette; en outre la disposition relative de leurs organes est inverse par rapport anbsp;ce qii’elle est chez les vertébrés et les mollusques, l’appareilnbsp;nerveux étant placé au-dessous de l’appareil digestif. Lesinsectesnbsp;en un mot sont conpus d’après un autre plan que les vertébrés,nbsp;etn’ont avec ccnx-ci d’autre relation de structure que celle quinbsp;résulte de la présence d’organcs et de fonctions bomologues.nbsp;Les insectes respirent, digèrent, remuent; ils ont des humeurs,nbsp;des sécrétions, des muscles ; ils possèdent des sens, ont desnbsp;sexes, et se reproduisent par des oeufs comme les animaux plusnbsp;élevés (:1) ; mais chez eux Texercice de toutes ces fonctions et lanbsp;distribution des organes sont Ie résultat d’un ordre de com-binaisons tout a fait différent de celui qui existe cbez nous.nbsp;Nous avons peine a comprendre cette distribution dc la vie parnbsp;anneaux, ayant chacun leurs ganglions distincts et doués d’unenbsp;vie partielle liée a la vie générale, mais non confondue avecnbsp;elle. La personnalité est plus ou moins divisée chez les insectes,nbsp;et I’idcntite du moi, si toutefois elle existe, se trouve formuléenbsp;d’une fafon diffuse, puisque les sensations se localisent d’abordnbsp;dans chacuti des anneaux auxquels appartient le ganglion d’oiinbsp;ellcs relevent avant de se répandre partout. L’ébranlement desnbsp;centres nerveux secondaires, en se transmeltant d’un ganglion anbsp;nn autre, doit s’alfaiblir comme l’écbo qui se répercute ; on anbsp;vu des insectes prives de leur abdomen continuer a manger.nbsp;Cependant, a mesure qu’on s’élève vers les types d’insectes supérieurs, la concentration du systeme nerveux se prononce, et lenbsp;ganglion céphaliqne tend a prédominer de plus en plus sur lesnbsp;autres. Cette disposition est évidente chez les araignées, les
(I) II conyiendrait d’ajouter que ces ceufs nc se distinguent pas par leur structure fondamentalo, ni par leur « processus » originairc de ceux des animaux supérieurs.nbsp;L’airo germinative donne également lieu dans tous a un double feuillet blastoder-mique : I’un, interne ou « intestinal », d’ou sorlent les organes de la vie nutritive;nbsp;1’autre, externe ou « cutané sensitif », d’ou proviennent ceux de relation et par consequent l’appareil nerveux. Les animaux les plus inférieurs ne s’élèvent pas au-dessusnbsp;de ce premier stade, auquel on a recemment applique le nom de « gastrula ». Lesnbsp;différenciations de plan, dues h des déplacements et amp; des dévoloppements consccu-tifs, sont toutes postorieures ii cette première phase ou u phase gastréenne n.
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abeilles et les fourmis, oü ^instinct revêt quelques-uns des carac-tères de Tintelligence.
Le plan d’organisation des insectes n’a rien de simple ; dans toutes les directions, il n’arrive a la perfection relative qu’ennbsp;accumolant les complications. Les organes des sens, ceux denbsp;préhension et de locomotion, ceux qui servent au vol, a la defense ou a la propagation, comme les aiguillons, les scies, lesnbsp;tarières, étonnent souvent par la multiplicité et Ic fini des piecesnbsp;dont ils sont formés. On connait les yeux a faceltes innombrablesnbsp;des libellules, des mouches et des papillens ; pour manger, lesnbsp;insectes broyeurs déploient tout un attirail de pieces dont lenbsp;mécanisme est loin cependant de valoir en süreté le jeu de nosnbsp;mckhoires. L’abeille elle-même se sert, pour piquer, d’un instrument a la fois complexe et délicat, veritable arme de luxe quinbsp;se trouve presque aussitót hors d’usage. Les insectes, on peutlenbsp;dire, sont des animauxde détail, mais leur plan de structure, anbsp;cause de cette minutie, exclut la grandeur. Le développementnbsp;s’y est fait par la diversification et ce que l’on pourrait noramernbsp;la ciselure des parties, mais l’ensemble est demeuré inextensible;nbsp;Vexosqiielette s’est trouvé une enveloppe sans élasticité dont lanbsp;trame s'est prêtce rarement ii dépasser des proportions médiocres. Un insecte de la grosseur du plus petit des mammifères estnbsp;un géant dans sa classe. Les crustacés atteignent, il est vrai, anbsp;de plus fortes dimensions que les insectes proprement dits; maisnbsp;ces articulés participent de la taille considerable départie auxnbsp;organismes marins; la proportion relative ne change pas, si l’onnbsp;compare le homard a la baleine. D’ailleurs les crustacés respi-rent par des branchies, et les plus élevés d’entre eux possèdentnbsp;une circulation véritable, assez compléte, quoique encore lacu-naire. La respiration trachéenne et la circulation imparfaite desnbsp;insectes ont dü opposer un obstacle insurmontable au développement de la classe au dela d’une certaine limite de perfecti-bilité. On peut dire qu’elle s’est épuisée en une multitude denbsp;combinaisons secondaires, sans jamais rencontrer un passagenbsp;vers une organisation vraiment supérieure.
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La particularité la plus saillante du groupe des insectes, comme de celui des crustacés, réside dans les états qu’ils traversent tous avant de devenir adultes ; c’esttantót une transformation brusque et très-inarquée, tantótune série de modificationsnbsp;lentes et partielles, analogues a celles que produitla croissancenbsp;chez les autres animaux. On distingue ainsi des insectes a metamorphoses completes ou incomplèies, et cette distinction se trouvonbsp;en rapport avec l’ordre d’apparition des principales families. Onnbsp;aurait tort cependant de croire qu’il existe entre les deux categories une ligne de démarcation rigoureuse. Plusieurs ordresnbsp;d’insectes réunissent les deux modes de développement, et ilnbsp;existe entre l’un et Pautre des nuances si bien ménagées quenbsp;l’on ne saurait dire oü s’étend la limite réciproque. En cela commenbsp;en bien d’autres points, la vie a marché librement, dispensantnbsp;une telle diversité de caractères, une telle profusion de pbéno-mènes, qu’elle a réalisé toutes les combinaisons possibles, tontnbsp;en respectant les lignes essentielles du plan qu’elle se proposait.
L’état de larve est un état d’enfance, mais d’une enfance souvent revêtue d’une forme entièrement étrangère a la forme adulte. Celle-ci est la seule définitive, puisqu’a elle seuleappar-tient la faculté de se reproduire, et cependant la durée de cettenbsp;dernière période est toujours plus courte que celle de la périodenbsp;larvaire. Beaucoup d’insectes vivent a peine quelques jours,nbsp;d’autres seulement quelques beures a l’état parfait; ils ne pren-nent leur robe virile que pour reinplir les fonctions dont elle estnbsp;Ie symbole et mourir aussitót après. Tous les insectes parfaitsnbsp;respirent par des trachées, et présentent dans eet état les caractères qui .servent a établir entre eux des rapports déterminés.nbsp;Au contraire, a l’état de larves, d’étroites rcssemblances rappro-chent parfois des êtres très-éloignés en réalité, ou bien c’est l’in-verse qui a lieu. Le régime des larves peut différer totalement denbsp;celui de l’insecte parfait auquel elles donnent naissance. Lesnbsp;larves ne volent jamais ; beaucoup sont aquatiques, divisées ennbsp;segments égaux ousubégaux, et pourvues de pattes rudimen-taires ou nulles. Ce qu’il faut surtout considérer dans la
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larve, c’est son apparence vermifornie, et, chez celles qui sont aquatiques, la présence d’im appareil branchial destine a dispa-raitre lors de la dernière mue, pour faire place aux trachées.
Rénnissons en un seul faisceau tous ces divers traits, et nous reconnaitrons sans peine, dans la période organique a laquellenbsp;ils se rapportent, les indices caractéristiques d’un état antérieurnbsp;et originaire qui aurait été général a la classe entière des insectes,nbsp;a un moment donné de son histoire primitive. Un pareil état, si onnbsp;Ie supposait permanent par la suppression de l’état parfait, affai-bliraitsensiblement la distance qui sépare maintenant les insectesnbsp;des annélides. Dès lors l’état de larve représenterait vis-a-visnbsp;des premiers ce que l’état cartilagineux a dü être jadis pournbsp;l’ensemble des vertébrés, ceque les états ganoïde et ganocópbalenbsp;ont été respectivement aux poissons téléostéens et aux reptiles,nbsp;OU l’état marsupial aux mammifères enx-mèmes, ce qu’entinnbsp;l’état de têtard est encore pour les batraciens. Ce serait un degrénbsp;inférieur, un mode d’existence transitoire destine a ètre francbi,nbsp;soit par les races, soit par les individus, avant d’atteindre a unnbsp;développement plus élevé et plus complexe. On pourrait donenbsp;considérer les insectes comme des articulés inférieurs qui senbsp;seraient transformés peu a peu en sortant de l’eau, et auraientnbsp;acquis de nouveaux organes par la reduction, la spécial!sationnbsp;•et Ie perfectionnementde ceuxqu’ils possédaient originairement.nbsp;Lesmétamorphosesne seraient qu’nne reproduction plus ou moinsnbsp;fidele des diverses phases qu’ils auraient du traverser avant denbsp;trevètir la forme définitive devenue propre a chacun d’eux; cnnbsp;un mot, l’existence de l’individu résumerait l’bistoire de la race.
Ce que nous avons dit du séjour prolongé des eaux a la surface des premiers continents, longtemps plats ou faiblement ondulés,nbsp;Concorde très-bien avec Ie mode présumé de développement desnbsp;insectes. Les articulés a branchies permanentes ou crustacés,nbsp;plongés dans un milieu demeuré toujours semblable a lui-même,nbsp;¦ont suivi la mème marche que les poissons auxquels ils se trou-vaient associés. Cette marche a consisté dans une adaptation denbsp;plus en plus exclusive des types aux conditions d’existence de
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l’habitat aquatique et marin. Par suite de cettc tendance, leurs parties se sont graduellement différenciées, les organes ainsinbsp;qiie les fonctions se sont localises en se centralisant, et l’en-semLle s’est écarté de plus en plus de la monotonie du type pri-mitif, qui se rapprochait de celui des articulés inférieurs par lanbsp;similitude des anneaux, pourvus égalemcnt des mêmes ganglionsnbsp;et des mêmes appendices. Les insectes, d’abord simples xersnbsp;articulés, habitant les eaux superficielles et Ie limon humide,nbsp;devenus plus tard terrestres et trachéens a mesure que l’atmo-splière et Ie sol se dépouillaient de leur humidité excessix'e, ontnbsp;exécuté un mouvement analogue a celui des crustacés, mais ennbsp;l’appropriant a des circonstances nouvelles résultant de la pré-sence d’un milieu qui se transformait peu a peu. Comme onnbsp;pouvait Ie présumer, les insectes a métamorphoses incomplètes,nbsp;cbez lesquels l’état parfait ne constitue qu’un dernier terme denbsp;croissance, se montrent avant les autres, ou du moins sont anbsp;l’origine les plus nombrcux. Un changement rapide et completnbsp;de l’organisme est Ie signe d’une adaptation exclusive, et lesnbsp;groupes dans lesquels ces changemcnls se manifestent se trou-vent voilés pour la plupart a un régime strictement déterminé.nbsp;Les premiers insectes sont plutót ródeurs et polyphages ou sim-plement carnassiers ; ils posscdent déja des ailes, mais ils nenbsp;sont pas construits uniquement en vue du vol, puisque ces ailes,nbsp;d’abord absentes, constituent a peu prés Ie seul changement quinbsp;distingue la nymphe et mème la larve de l’individu parfait.
Essentiellement liésau monde des plantes, les insectes suivent pas a pas Ie développeraent de celles-ci. L’apparition des tleurs,nbsp;des fruits succulents, des sécrétions gommeuses, huileuses,nbsp;amylacées, des sues mielleux et sucrés, la presence des bourgeons tendres, des feuillages délicats, des tissus spongieux,nbsp;datent d’une époque relativement recente ; il ne laut done pasnbsp;s’étonner de ne rencontrer d’abord ni les fourmis, niles abeilles,nbsp;ni les papillens, ni même les mouebes. Les insectes étaient, parnbsp;cette raison, bien moins variés au début; en même temps ils nenbsp;causent de surprise par aucune singularité bien saillante. Les
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genres dont ils font partie existent encore sous nos veux on s’écartent assez pen de ceux de la nature actuelle. Aucune classenbsp;n’a monlré plus de souplesse par sa tendance a se diversifier anbsp;I’infini, mais aucune n’a déployé plus de persistance a conservcrnbsp;les traits une fois acquis.
Cependant la convergence mutuelle des ordres et inême des classes s’observe cliez les articules (1) de la même fafon que clieznbsp;les vertébrés lorsque Ton remonte dans un passé très-rcculé.nbsp;Les Bellinunis, crustacés inférieurs du terrain primaire, offrentnbsp;des caractères qui les rapprochent a la fois des trilobitos d’unenbsp;part, des arachnides de l’autre. Du reste, les Bygnorjonidcs, dansnbsp;la nature actuelle„ marquent Ie même passage des crustacésnbsp;vers les arachnides. Des insectes dévonicns observés récemmentnbsp;et qui sont les plus anciens de tons ceux trouvés jusqu’ici pré-sentent a un degré remarquable la réunion de caractères aujour-d’hui épars ; cc sont des névroptcrcs ou libellules dont les pattesnbsp;étaient construitesdemanière a produirepar Ie frottemcnt un cbantnbsp;comme celui des orthoptères de la tribu des acridiens ou criquets.
Les insectes se multiplient dans Ic terrain houilter, qui succèdc au terrain dévonien ; Ie nombre en est encore cependant biennbsp;restreint; M. Heer, il y a peu d’années, ne comptait que vingtnbsp;et une espèces; on en compte aujoiird’hui de vingt-sept a trentenbsp;au plus. Les principaux dc ces insectes, après les blattes, quinbsp;comprennent a elles seules plus de la moitié des espèces, sontnbsp;des sauterelles, des termiles, des éphémères et des libellules.nbsp;La presence des myriapodes est certaine : on en a rccueiili unnbsp;en Amérique dans un tronc de sigillaire, oii il avail sans doutenbsp;etabli autrefois sa demeure. Un autro myriapode découvertnbsp;récemment dans I’lllinois, VAnthraccps, laisse voir les trous res-piratoires ou trachées, qui prouvent que depuiscette époque lesnbsp;caractères propres a la classe dont il fait partie n’ont pas change.nbsp;L existence de la classe des arachnides est attestée dans Ie terrainnbsp;carbonifère par un magnitique scorpion, trouvé en Bohème et
0) Sous Ie nomd'ar Heul és sont compris les crustacés, les arachnides, les myriapodes e es insectes ; ils forment autant de classes et dependent du móme type organique.
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peu différent des grandes espèces venimeiises de la zone tropi-cale actuelle.
De ces articulés, les un's sont carnassiers, comme les rnyria-podes OU mille-pieds, les scorpions et les libellules; les aiitres, comme les éphémères, voisins des libellules, bien connus parnbsp;la courte durée de leur vie aérienne a l’état parfait, n’ont qu’unenbsp;bouche dépourviie de véritables organes de manducation; leursnbsp;larves seules, aquatiques et voraces, se nourrissent de matièresnbsp;animales. M. Dawson a signalé dans la honille du Canada desnbsp;épbémères ayant 7 ponces d’envergure, dimension bien supérieure a celle d’aucune espèce actuelle d’épbémériens, groupenbsp;remarquable plutót par la petitesse de ses formes. La multiplication des épbémériens est parfois si prodigieuse qu’ils donnentnbsp;lieu a des nuages capables d’obscurcir Ie jour, et que leurs restesnbsp;accumulés au bord des ruisseaux peuvent simuler une épaissenbsp;couche de neige. Les autres articulés des temps primitifs senbsp;nourrissaient de substances végétales de toute sorte. On sait lesnbsp;ravages des sauterelles; ceux des termites consistent a détruirenbsp;les bois de charpente, les meubles et les constructions. 11 y anbsp;d’ailleurs plus d’un trait de commun entre Lord re des névro-ptères (libellules, épbémères, termites) et celui des orthoptèresnbsp;(sauterelles, blattes). Le rapprochement était plus intime encorenbsp;dans les temps primitifs, comme l’a fait ressortirM. Heer. Ainsinbsp;la convergence des orthoptères et des névroptères, que nous avonsnbsp;vue attestée dans le dévonien par la presence d’im type qui résu-mait les caractères confondus des deux ordres, persiste après ccnbsp;premier age et s’accusepar la prédominance des groupes au moyennbsp;desquels cettc affinité mutuelle se manifeste avec le plus d’éner-gie. Les blattes abondent dans les contrées méridionales; ellesnbsp;s’attachent a toutes les provisions domestiques, surtout a la la-rine. Durant le jour, elles se tiennent blotties dans les fissures;nbsp;leurs métamorphoses sont lentes et incomplètes. leur vie longuenbsp;et tenace, leurs moïurs remarquables par le soin qu’elles pren-nent de leur progéniture. On voit que l’instinct le plus développénbsp;était loin de faire défaut aiix insectes primitifs. Le scorpion, sous
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ce rapport, n’est pas inférieur aux arachnides les mieiix doués; il vit parmi les décombres et ne sort gnëre que la nuit, commenbsp;les blattes et les termites. Ces animaiix demeuraient sans doutenbsp;a Tombre épaisse des forêts de l’age des houilles : les uns pé-nétraient dans I’interieur des vieux troncs pour les ronger, lesnbsp;autres s’insinuaient dans les fentes pour rechercher les partiesnbsp;moelleuses et féculentes, ou se cachaient dans les amas détriti-ques qui devaient abonder. C’est la peut-être que leurs racesnbsp;ont contracté, il y a des millions d’années, par un long séjournbsp;dans Tobscurité des bois, sous un ciel bas et voilé, les habitudesnbsp;nocturnes qui les distinguent encore ; mais a cóté d’eux les sau-terelles et les libellules traversaient l’air librement, les premièresnbsp;s’attaquant aux feuilles des fougères, les autres poursuivant unenbsp;proie vivante : de la les principales scènes animées et probable-ment les seuls cris et les rares bourdonnemcnts qui troublaientnbsp;Ie silence de cette nature primitive.
Au sein d’immenses tourbières, la végétation inaugurait alors 1’éclat do sa jeune et déja merveilleuse beauté (1). Son caractèrcnbsp;était la profusion plulot que la richesse, la vigueur plutot quenbsp;la variété, l’originalité plutot que la grace. Les formes se super-posaient, se mêlaient, se croisaient avec une énergie quelquenbsp;peil désordonnce, que faisait encore ressortir la régularité singuliere avec laquelle étaient disposés les tiges, les rameaux et lesnbsp;feuilles. En pénétrant dans ces forêts, Ie regard n’aurait rencontré ni domes de verdure, ni masses de feuillage, ni espacesnbsp;xides entremêlés d’épais taillis, ni même des fourrés intermi-nables comme ceux des jongles de l’lnde qui servent aux tigresnbsp;de lieu de refuge inaccessible. C’était une association de grandesnbsp;et élégantes fougères au-dessus desquelles se dressaient en colonnes des troncs nus, couverts d’une écorce partagée en unenbsp;tnultitude d’écussons saillants ; la cime seule de ces végétaux étaitnbsp;couronnée d’un feuillage menu, raide et piquant, qui garnissaitnbsp;1 extrémité des dernières ramifications. II n’existait chez les ar-
(1) Consultez la planche II: Vue idéale d'un pay sage de Vépoque des houilles»
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bres d’alors, moinspuissants qiie ceux denos grandes forêts, que deux sortes de port. Les uns présentaient, comme les dragonniersnbsp;et certains palmiers actuels, un ensemble de bifurcations succes-sives, c’étaient les Lepidendron; les antres, et parmi eux il fautnbsp;citer les Calamariées, groupaient régulièrement de distance ennbsp;distance autour de la branche principale leurs rameaux secon-daires avec les ramules et les feuilles. La variété mème n’avaitnbsp;accès chez ces végétaux qu’a l’aide d’une répétition monotone denbsp;la même ordonnance. Des perspectives semblables se reprodui-saient invariablement sur tous les points, et il anraitsuffi de visiter un coin de ces tourbières, auxquelles nous devons la houille,nbsp;pour connaitre a fond ce qu’elles étaient partout ailleurs. Quel-ques rares reptiles perdus au sein de certaines mares, un très-petitnbsp;nombre de coquilles terrestres, habitaient ces profondes solitudes; les insectes seuls s’y glissaient, sans trop d’obstacles^ anbsp;travers les feuilles, les rameaux, les branches tombées, sous lesnbsp;fougères et dans les détritus humides, anssibien qu’au sommetnbsp;des tiges et jusque dans leur intérieur. Oü Thomme et la plupart des vcrtébrés n’auraient pu ni subsister ni même se sou-tenir, sur un sol imbibé, tremblant et vaseux, au milieu desnbsp;plantes serrées, dépourvues encore de fleurs et de fruits, ne pos-sédant même pour la plupart aucune des qualités nutritives quinbsp;les font recliercber par les animaux supérieurs, dans cette naturenbsp;si ingrate a tant de points de vue, les insectes avaient déja leurnbsp;place marquée. — Un pen plus tard, immédiatement après l’agenbsp;du trias, sur lequel les rcnseignements relatifs aux insectes sontnbsp;rares et incomplets, nons les retrouvons a l’origine méme du lias,nbsp;et nous pouvons mesurer sans peine les progrès accomplis parnbsp;cette classe depuis Ie terrain houiller. M. lieer a décrit centnbsp;quarante-trois espèces d’insectes infraliasiques, provenant d’unenbsp;seule localité d'Argovie. Les Coléoptères ou Scarabées sont pré-pondérants dans ce nouvel ensemble, ou reparaissent les blattesnbsp;et les termites. Les insectes suceurs [Cicadelles ou Rhynchotes),nbsp;qui vivent de la séve des plantes, commencent a se montrer ; maisnbsp;les papillons, les abeilles, les fourmis et les mouches sont encore
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a peu pres inconnus. Les iasectes broyeurs, carnassiers, mangeiirs de bois et de feuilles, domineat sur tous les autres, et Ie mouvement dont nous avons marqué Ie début continue en s’accentuant.
Les données que nous venons d’esquisser, malgré les lacunes que l’avenir comblera ct celles qui'subsisteront toujours, laissentnbsp;entrevoir une vaste réunion de parties évidemment solidaires.nbsp;Tout se tient dans l’oeuvrc de la vie naissante, comme dans lanbsp;série d’évolutions qui jalonnent sa route. La vie, avant de senbsp;manifester a l’air libre, a dü quitter Ie sein des eaux; cette origine est ia même pour les animaux et pour les plaiites. Les deuxnbsp;règnes en ont gardé l’empreinte ; elle est en eux comme unnbsp;vestige de la filiation qui rattache leur berceau a l’élémentnbsp;aquatique, et Ie principe du philosoplie Thalès reste vrai. Lesnbsp;organes reproducteurs des plantes inférieures, les larves denbsp;beaucoLip d’insectes, celles même des vertébrés terrestres lesnbsp;plus imparfaits, exigent la presence de Feau, et tous les êtres,nbsp;pour exister normalement en dehors de eet élément, ont dü senbsp;ménager un réservoir liquide intérieur oü leurs particules élé-mentaires demeurent plongées. Bien plus, a se fier a certainsnbsp;indices, il semblerait que les deux règnes eussent eux-mêmesnbsp;confiné originairernent de fort pres. La divergence que les règnes, et après les règnes les classes et les families, manifestentnbsp;comme Feffet d’un mouvement qui les aurait poussés dans desnbsp;directions ramifiées a 1’infini, résulte d.'adaptations toujours plusnbsp;marquées, plus variées et plus exclusives. C’est en cela surtoutnbsp;que réside Ie perfectionnement des ctres, perfectionnement re-latif qui n’a rien d’incompatible avec les dégradations partielles,nbsp;les déviations de toute sorte et l’etfacement des caractères anciens remplacés peu a peu par des caractères nouveaux.nbsp;Sans doute Ie perfectionnement absolu a été la consequencenbsp;de cette marche; mais, loin d’en être une conséquence forcéenbsp;et générale, il n’a été départi qu’a certaines séries dont il estnbsp;devenu Fapanage, et seulement dans une mesure inégale. Denbsp;la, au milieu de Fimmense diversité des êtres, la prépondé-rance effective de quelques-uns et la lutte établie entre tous, qui
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profite en dernier lieu aux plus forts et aux plus intelligents.
La paléontologie nous présente une collection d’organismes éteints qu’elle classe dans un ordre chronologique de inême quenbsp;nous disposons par années et par siècles les monuments de I’an-liquité. Les notions historiques nous feraient totalement défauLnbsp;qu’enxoyant les formes de I’art se modifier et passer insensible-ment d’un style a un autre, nous n’hesiterions pas a conclure denbsp;cette marche qu’une suite de peoples sortis les uns des autres etnbsp;demeures en possession d’une tradition constante d’idées, denbsp;moeurs et de procédés a pu seule accomplir une oeuvre de cettenbsp;nature. Si l’on venait nous dire alors que cette marctie, en appa-rence si réguliere, est cependant Ie fait de plusieurs races, étran-gères l’une a l’autre, qui se sont succédé sur Ie même sol sansnbsp;avoir pu ni se concerter ni se connaitre, nous nous refiiserionsnbsp;d’ajouter foi a une assertion aussi pen vraisemblable. L’impossi-bilité oü nous serions d’assigner une limite exacte a chacune denbsp;ces races supposées, la presence d’une foule d’oeuvres d’art alliantnbsp;les tendances de deux époques contiguës, nous paraitraient avecnbsp;raison attestor la réalité de la première des deux opinions. C’estnbsp;pourtant la théorie opposée que soutiennent ceux pour qui lanbsp;nature vivante ne comprend que des espèces créées d’époque ennbsp;époque, sans relation de parenté avec celles qui les ont pré-cédées OU suivies. Dès lors il faudrait admettre qu’a chaque émis-sion d’espèces nouvelles Ie plan si étroitement coordonné quinbsp;embrasse l’ensemble de la nature organique aurait été laissé,nbsp;puis repris au point même oü il venait d’etre subitement inter-rompu pour être continué sans suture ni lacune visibles jusquüanbsp;parfait achèvement de toutes ses parties. Ainsi l’aurail voulu,nbsp;dit-on, l’auteur de la création elle-même ; sit pro ratione voluntas! — Cette fafon de trancher Ie plus considerable des pro-blèmes prête trop a la critique pour qu’il ne soit pas permis d’ynbsp;regarder de pres et d’en reprendre un a un tous les termos. Lanbsp;paléontologie, non pas cette science purement descriptive quinbsp;détermine chaque forme fossile pour l’étiqueter et passer a unenbsp;autre, mais la paléontologie générale et comparée, en se préoccu-
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pant des rapports des ètres entre eux, des caractères inhérents aux diverses populations c[ui ont jadis habité Ie globe, de leurnbsp;raison d’etre, de leur facon de se maintenir et de se modifier, senbsp;charge i'orcément d’introduire ime question qui d’ailleurs s’im-pose d’elle-même a l’esprit.
La question des origines de la vie est en effet trop pressante pour être éludée, trop importante pour être négligée, trop hautenbsp;pour être dédaignée. Presque aussi jeune que la critique histo-rique, l’archéologie monumentale et la linguistique, la paléon-tologie use des mêmes procédés que ces sciences; elle accroitnbsp;patiemment d’année en année Ie trésor déja immense des documents qui lui servent de point d’appui. Chez elle, quoi qu’on ennbsp;dise, les grandes lignes sont arrêtées, Ie cadre existe, il ne s’agitnbsp;que de Ie remplir, et de tous les cótés on travaille avec ardeur anbsp;y parvenir, a en juger par la fréquence des découvertes et Pétcn-due incessamment agrandie des perspectives.
HE Sapohta.
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La plupart des idéés nouvelles, même les plus vraies et les plus fécondes, sont destinées a subir Ie choc de la contradiction.nbsp;Au lieu de périr, elles puisent, on peut Ie dire, danslalutte, lanbsp;force qui parait d’abord leur manquer, elles prennent corps peunbsp;a peu et parvlennent a conquérir une place définitive. La doctrine de Pévolution achève en ce moment de traverser unenbsp;période de ce genre ; toujours sur Ie point d’etre abaltue, si 1’onnbsp;interroge ses adversaires, elle soutient vaillamment des combatsnbsp;qui, loin de 1’affaiblir, lui fournissent 1’occasion d’exposer aunbsp;grand jour les principes qui la dirigent, et Ie nombre de sesnbsp;adhérents grandit d’année en année. Un penseur énergique,nbsp;habile et profond, a su condenser dans une série de livres, deve-nus promptement célèbres, des aspirations Jusqu’alors tlottantesnbsp;et arrêter les linéaments d’un puissant travail de synthese.nbsp;L’école dont il a été l’organe Ie plus retentissant a paru mêmenbsp;SC personnifier en lui, comme l’indique Ie terme de darwinisme,nbsp;appliqué souvent a 1’ensemble des idéés transformistes, maisnbsp;qu’il est plus juste de restreindrc a la série d’hypothèses a la
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fois hardies et ingénieuses dont Ie naturaliste anglais a été si prodigue.
Comprise dans un sens général, la théorie transformiste est loin de dater de nos jours; une plume autorisée a tracé (1) avecnbsp;talent l’histoire de ses origines et critique, non sans raison,nbsp;quelques-unes de ses tendances extrêmes ; mais quelle est cellenbsp;de nos théories scientifiques que l’on n’ébranlerait pas en lanbsp;poussant ainsi a ses dernières conséquences ? Quand on a affairenbsp;a une doctrine encore en voie de déxeloppement, au lieu d’en re-chercher les dévialions et les obscurités inévitables, ne vaut-ilnbsp;pas mieux s’attacher a en saisir plu tot les cótés vrais et solides? Anbsp;ce point de vue, la paléontologie offre un secours précieux. Ennbsp;réalité, c’est dans la paléontologie surtout que la croyance anbsp;Tévolution a sa raison d’être. Sans la certitude que nous a\onsnbsp;de l’antiquité de la vie organique sur Ie globe, cette croyance nenbsp;serail qu’un jeu d’esprit; avec cette assurance, elle devient unenbsp;hypothese qui s’adapte mieux que toute autre aux faits observés.nbsp;En dehors de revolution, les phénomènes anciens ne constituentnbsp;en effet qu’une énigme indéchitfrable.
Le terme A'espèce, dans Ie sens que nous lui donnons, signifie l’apparence morphologique sous laquelle se manifestent a nousnbsp;les êtres organises soit vivants, soit fossiles, au moment oü ilnbsp;nous est donné de les considérer. Si l’apparence est la mêmenbsp;OU presque identique ou sensiblement pareille chez deux indi-vidus comparés, on dira d eux qu’ils appartiennent a une mêmenbsp;espèce. Si quelque diversité un peu notable les distingue, sansnbsp;que leur ressemblance mutuelle cesse d’être visible, la plupartnbsp;des naturalistes hésiteront a ge prononcer ou se déciderontnbsp;d’après le penchant plus ou moins marqué qui les porte anbsp;désunir ou a rejoindre les formes. C’est a la solution des pro-blèmes relatifs a l’origine réelle et a l’exacte signification denbsp;ces analogies et de ces différences, qui dans la nature caracté-
^ (L Voyez, dans la Revue des Deux Mondes des 15 décembre 1868, !quot;¦ janvier, Iquot; mars, 15 mai et 1quot; avril 1869, les études de M. de Quatrefages sur les Origines desnbsp;espèces animales el végétales.
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risent tout individu compare ,a un autre, què s’applique particu-lièrementla doctrine transformiste. Si les espèces, insistons sur ce point, ne sont pas sorties les unes des autres par voie de filiation, elles ont dü se montrer subitement par l’efTet d’une sérienbsp;d’opérations mystérieuses dont il est impossible de fournir lesnbsp;preuves. Faire intervenir Faction directe d'une volonté supérieure, c’est introduire gratuitement 1’inconnu et 1’arbitrairenbsp;dans Ie domaine de la science. Sans doute, pour défendrenbsp;1’autre solution, on est aussi obligé de faire appel a des circon-stances encore imparfaitement connues; on a du moins unenbsp;base solide, Fexemple des métamorphoses qui sous nos yeuxnbsp;transforment les individus et quelquefois influent sur plusieursnbsp;générations. L’évolution est un pbénomène du même ordre quenbsp;la métamorphose ; seulement elle a eu une période de tempsnbsp;presque indéfinie pour se dérouler. Inconnu pour inconnu, celuinbsp;qu’entraine Fidée de revolution parait plus vraisemblable quenbsp;1’autre, si toutefois Fon consent a se dépouillerde tout parti prisnbsp;en faveur de Fancien système, pour lequel une longue possessionnbsp;semble, aux yeux de beaucoup de naturalistes, un excellent tilre.nbsp;C’est dans eet esprit que nous aborderons Fétude des principalesnbsp;questions que l’école transformiste a tenté dernièrement denbsp;saisir et d’expliquer, sinon de résoudre entièrement.
La croyance a Févolution est loin d’impliquer, comme on affecte souvent de Ie dire, Fexistence d’une variabilité incessantenbsp;et universelle chez les êtres organisés. A qui voudrail voir par-tout Finstabilité, il serait facile d’opposer Fordre régulier etnbsp;l’apparente fixité de la nature actuelle. Heureusement il n’estnbsp;pas nécessaire de recourir a des changements perpétuels, il suffitnbsp;d’admettre que les êtres organisés aient cbangé quelquefois, sousnbsp;1’empire de causes déterminées, pour expliquer Forigine desnbsp;principales diversités qui nous frappent en eux, On a, il estvrai,nbsp;des exemples d’êtres demeurés a peu prés invariables depuis un
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très-reculé ; raais d’autres organismes, par suite de quelque circonstance favorable, ont du éprouver au contraire des chan-gements et donner lieu a de nombreuses variétés. 11 n’y a riennbsp;d’impossible a admettre que quelques-uns de ces derniers, s’ac-centuant plus que les autres, aient dominé enfin par Texclusionnbsp;graduelle des nuances intermédiaires. On conpoit tous les passagesnbsp;qui,de la simple diversité individuelle, conduisent de cettefaponnbsp;aux divergences les plus marquées ; on conpoit aussi I’influence dunbsp;temps et celle des agents extérieurs ou milieux. Ces vicissitudesnbsp;composent l’histoire même de la vie ; bien que semée de lacunesnbsp;et entacliée d’obscurité, elle témoigne pourtant d’une fapon très-nette qu’il s’est écoulé un temps exlrêmement long depuis quenbsp;Ie globe est liabité, et elle montre l’ordre dans lequel les ètres vi-vants se sont succédé ala surface de la terre. L’homrne est parvenunbsp;a saisir les faits géologiques par l’étude des coucbes accurnuléesnbsp;au fond des eaux de chaque époque. C’est en examinant ces couches, en les numérotant une a une, comme les feuillets d’unnbsp;livre, que les savants ont pu diviser Ie passé de notre planète ennbsp;un certain nombre de périodes dont l’ensernble entraine l'idéenbsp;d’une durée a peu prés incalculable. Pour en être persuade, ilnbsp;suffit de songer a l’épaisseur énorme de certains étages dont lanbsp;formation a dü pourtant s’opérer avec beaucoup de lenteur; ilnbsp;suffit encore de constater que, dans Ie passage d’une couche anbsp;la suivante, on voit Ie plus souvent les espèces, dont les vestigesnbsp;caractérisent chacune de ces couches, être d’abord éliminées par-tiellement, pour se trouver enfin enti'erement renouvelées.
Lorsqu’on tient compte du très-grand nombre de ces renou-vellements successifs et du temps qu’ils ont sans doute exigé, on demeure comme accablé du poids de tant de durée. Rien nenbsp;change en effet autour de nous, ou du moins Ie changement,nbsp;s’il existe, est si insensible que 1’homme ne saurait s’en aper-cevoir. Les insectes du lleuve Hypanis, vivant un jour entier,nbsp;pouvaient, en avanfant en age, remarquer Ie déclin de lanbsp;lumière; mais s'il existait des êtres dont la vie fut d’une demi-seconde, combien faudrait-il de générations pour qu’a la fin une
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d’elles entrevit Ie mouvement apparent du soleil? 11 en est ainsi de l’homme par rapport auv êtres qui l’entourent; il lui paraitnbsp;que rien ne varie; il s’appuie avec orgueil, pour Ie soutenir, surnbsp;des observations qui remontent a quelques milliers d’années, etnbsp;certes rien ne serait venu Ie contredire, si lui-même ne s’étaitnbsp;avisé récemrnent de pénétrer dans Ie passé du globe et d’ennbsp;dépouiller les archives. Alors tout un monde nouveau lui estnbsp;apparu.
M. Agassiz, dans son livre sur Tespèce, dit que M. Elie de Beaumont, cherchant a classer les changements survenus dansnbsp;les chaines de montagnes, en a constate au moins soixante ounbsp;même cent, correspondant a autant de révolutions plus ou moinsnbsp;générales. La paléontologie n’établit pas moins de renouvelle-ments dans la faune et la flore terrestres ; c’est en combinantcesnbsp;deux ordres de faits que l’on est parvenu a fixer un nombrenbsp;déterminé de périodes embrassant a la fois les phénomènesnbsp;physiques et ceux qui se rapportent aux êtres organisés. L’his-toire de la vie se confond ainsi avec celle du globe lui-même,nbsp;et cependant y a-t-il en réalité entre les modifications de lanbsp;matière brute et celles des animauxet des plantes une connexionnbsp;nécessaire? M. Agassiz, qui voit dans Ie développement de lanbsp;vie l’exécution d’un plan déterminé, sorti des volontés d’une intelligence souveraine, croit a une coincidence probable entre lesnbsp;rénovations organiques et les révolutions physiques. 11 admetnbsp;Ie « synchronisme et la corrélation » de ces deux ordres denbsp;phénomènes; il reconnait dans l’un une cause au moins occa-sionnelle, prévue, a ce qu’il pense, et conforme au plan dont ilnbsp;attribue les détails aussi bien que la pensée a l’auteur de toutesnbsp;choses.
Malgré cette autorité et celle de plusieurs savants distingués qui pensent de même, il est bien difficile de croire qu’il y aitnbsp;eu autrefois aucune relation directe de cause a effet entre lesnbsp;changements survenus dans Ie relief du globe et Ie renouvelle-ment des animaux et des plantes qui Ie peuplaient. Le nombrenbsp;de ces prétendues révolutions générales n’a jamais pu être fixé,
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même approMURitivemeiit. On admet sans doute cn geologie de grandes divisions, et Ton s’accorde a reconnailre l’existencenbsp;^'époques distinctes, de terrains successifs ; mais des qu’il s’agitnbsp;de determiner les limites précises de chaque terrain, de s’enten-dre sur Ie nombre, lavaleiir, l’étendue exacte des étages ousub-divisons, les difficultés deviennent inevtricables, et finalementnbsp;entre deux terrains en apparence très-distincts vient s’intercalernbsp;un terrain mixte qui exclut entre eux toute idéé de séparationnbsp;Iranchée. 11 semble impossible aujourd’hui d’admettre qn’il ynbsp;ait jamais eu des perturbations assez intenses et assez généralesnbsp;pour détruirc la totalité ni même une notable partie des ètresnbsp;vivants; Ie temps n’est plus oii la présence seule des fossilesnbsp;semblait être Ie témoignage d’un enfouissement violent. Le plusnbsp;grand calme a du au contraire présider a de pareils phénomènes;nbsp;l’immense majorité des coquilles marines ont vécu sur place,nbsp;et l’on peut observer en bien des points les traces successivesnbsp;du sol marin reporlé peu a peu a divers niveaux, sans aucunnbsp;indice de convulsions subites. Du reste il est évident que lesnbsp;modifications ainsi observées, bornées a quelques points res-treints des anciennes mers, ne peuvent passer pour l’expressionnbsp;de renovations biologiques générales et nous en donner la clef.nbsp;11 y a plus, l’on peut afliriner que les anirnaux et les plantesnbsp;terrestres sont loin d’avoir subi les mêmes vicissitudes que lesnbsp;ètres marins. Le desséchement d’ime raéditerranée ou d’unenbsp;caspienne peut amener l’extinction d’une foule d’espèces, tandisnbsp;que l’air n’est sujet ni a disparaitre, ni a s’altérer comme l’eau.nbsp;Enfin il existe entre les plantes et les anirnaux vivant a la surface du sol une différence radicale. La plupart des anirnauxnbsp;sont fibres de leurs mouvements, tandis que les plantes sontnbsp;attachées a la terre et y puisent leur nourriture. 11 est impossible aux plantes de fuir le danger, de marcher volontairernentnbsp;dans une direction déterminée, d’opérer des migrations an-nuelles, ce qui est loisible aux anirnaux. Cette immobilité desnbsp;vegetaux n’est pas cependant pour eux, comme on pourrait lenbsp;croire, une cause de destruction facile, encore moins universelle.
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Doués de plus de longévité, susceptibles dans beaucoup de cas de s’établir profondément dans Ie sol, ils I’envahissent, s’étendentnbsp;de proche en procbe et disséminent partout leurs graines, dontnbsp;la vitalité est souvent très-persistante. A moins d’une submersionnbsp;totale OU de changements brusques dans Ie cliniat, les végétauxnbsp;résistent comme types, sinon comme individus ; leur agonie peutnbsp;se prolonger pendant des siècles ; il est done plus que difficile denbsp;croire a la disparition brusque des diverses flores qui se sontnbsp;succédé autrefois sur la terre. La paléontologie démontre ennbsp;effet que les modifications subies par la vegetation ne sont deve-nues définitives qu’a la suite d’un temps très-long.
Les animaux terrestres, au contraire des plantes, peuvent marcher^ fuir, émiger_, ils ne puisent pas leur nourriture dans Ienbsp;sol; mais a ce point de vue ils dépenden! des plantes et des animaux eux-mêmes. Leur dépendance, pour être moins matérielle,nbsp;n’en est pas moins réelle, et surtout elle varie suivant les groiipesnbsp;zoologiques que l’on considère. Les plus petits et les plus infimesnbsp;peuvent marcher sans doute, mais pour beaucoup d’entre euxnbsp;cette marche se réduit a rien. En dehors de certaines catégories,nbsp;comme les sauterelles, la plupart des insectes, attachés a unenbsp;classe déterminée de végétaux ou rnême a une seule plante,nbsp;vivent et meuren! avec elle. Les grands animaux profitent mieuxnbsp;de leur liberté de mouvement; toutefois justement a cause denbsp;leur régime moins borné, de leur taille, de leur facilité denbsp;changer de pays et de s’accommoder de plusieurs climats, ilsnbsp;subissent les effets d’une concurrence mutuelle dont Ie résultatnbsp;est de les contenir dans des limites proportionnelles qui chan-gent peu, tant que les circonstances elles-mêmes ne changentnbsp;pas. Les animaux fouisseurs, rongeurs, ceux qui vivent d herbage, de racincs ou de fruits, se multiplieraient au dela de toutenbsp;mesure et jusqu’a l’entier épuisement des substances qu’ilsnbsp;mangent, si les carnassiers n’étaient la pour en diminuer Ienbsp;nombre. C’est done par suite d’un étroit enchainement de com-binaisons très-complexes que l’ensemble organique se fonde etnbsp;se maintient; 1’équilibre, aisément rompu, se rétablit avec la
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raème facilité. On doit concevoir cependant que plus on remonte la série des êtres pour se rapprocher des animaux supérieurs,nbsp;plus aussi les réactions réciproques, par conséquent les occasionsnbsp;de variabilité se muUiplient. Le végétal inférieur ou cryptogame,nbsp;très-borné dans ses exigences, varie peu et se rencontre presquenbsp;partout; le temps comme l’espace apportent chez lui peu denbsp;changements. 11 n’en est déja plus ainsi pour les xégétaux d’unnbsp;ordre élevé, chez lesquels la division du travail organique estnbsp;mieux marquee; plus délicats, plus sensibles, plus disposés anbsp;des adaptations détinies, ils doivent tendre a se spécialiser denbsp;plus en plus et donner lieu a de nombreuses variations de formenbsp;et de détails. C’est en effet ce que l’on remarque lorsqu’on remonte d’étage en étage pour s’attacher a suivre les principauxnbsp;genres de plantes. Les groupes les plus anciens sont a la fois lesnbsp;plus fixes, les plus tranchés et les moins nombreux. Ceux dontnbsp;l’origine est plus récente affecten! une très-grande variété denbsp;formes ; mais les traits essentiels de structure sont bien plus monotones : les types ont, a force de dédoublements, perdu ennbsp;originalité ce qu’ils ont gagné en diversité.
Les animaux inférieurs offrent les mêraes limites de variabilité que les plantes ; ceux des eaux, habitant un milieu qui change peu, et les types terrestres dépendant de conditions très-générales, ont toujours eu une longue existence. Les insectes etnbsp;les mollusques d’eau douce des terrains secondaires différentnbsp;assez peu des nótres^ et a eet égard la nature a montréheaucoupnbsp;moins de mobilité depuis des temps très-reculés qiÉon ne le croitnbsp;généralement. 11 n’en est plus de mêine dés que l’on touche auxnbsp;animaux supérieurs, si compliqués par leur organisation, si libres,nbsp;si susceptifales de varier leur régime, de réagir contre le climatnbsp;par la chaleur intense du foyer qu’ils portent en eux. Ouellenbsp;diversité de mceurs, de tendances et d’allures ! L’intelligence etnbsp;le choix se mêlent a l’instinct; Tours vit tantót d’ceufs, de mielnbsp;et de fruits, tantót de proie vivante ; le chat guette ses victimes,nbsp;le chien chasse librement; d’autres animaux peuvent découvrirnbsp;le lichen sous la neige, comme le renne, changer de pays par
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caprice ou par nécessité. Ne voit-on pas combien ces circon-stances et une foute d’autres doivenl susciter de variations au sein de l’organisine ? Aussi les anitnaux se sont-ils modifies d’au-tant plus vile, suivant une loi établie par M. Gaudry, ifue leurnbsp;structure est plus parfaite et leur rang plus élevé dans chaquenbsp;série. Cette loi, qu’il est impossible d’infirmer, contredit lanbsp;pensée de ceux qui rattacbent l’origine des êtres a des créationsnbsp;successives, car ces créations auraient dü ètre motivées parnbsp;quelque chose, tandis qu’a des termes rapprochés, comme Ienbsp;sont les derniers étages tertiaires, il est impossible de com-prendre pourquoi les espèces de tapirs, de mastodontes, denbsp;rhinoceros, se seraient remplacées a de si courts intervalles alorsnbsp;que Ie règne végétal tont entier et Timmense majorité des ani-maux inférieurs avaient déja revêtules traits qui les distinguentnbsp;encore.
Si les renouvellements biologiques, ainsi que nous venons de Ie montrer, n’offrent aucun caractère de généralité, si de plus cesnbsp;changements, considérés dans les diverses séries d’êtres organisés,nbsp;n’ont rien qui doive les faire coïncider entre eux et s’ils ne se rat-tachent par aucun lien direct aux perturbations physiques qui ontnbsp;modifié Ie relief de la surface terrestre, il est évident que Ic seulnbsp;système susceptible d’etre invoqué en dehors de celui de l’évolu-tion consisterait dans l’introduction successive de nouvelles espèces, créées une a une, a des moments irréguliers et par inter-mittences. Séduisantc par sa simplicité, cette idee a été adoptéenbsp;par beaucoup d’esprits, aux yeux desquels elle paraissait traduirenbsp;les faits dans l’ordre même oii Ie géologue les observe. En effet,nbsp;lorsque celui-ci explore les diverses parties d’un terrain et quenbsp;son attention s’arrête sur une espèce qu’il rencontre pour la première fois, il se dit instinctivement que cette espèce a du autrefoisnbsp;apparaitre au sein des eaux de la même fafon qu’elle se faitvoirnbsp;a lui, c’est-a-dire sans antécédent visible. Cette manière de rai-sonner n’est rigoureuse qu’en apparence, en réalité elle trans-forme en solution Ie pbénomène lui-même dont il s’agit de pé-nétrer l’origine. La présence a l’état fossile de coquilles plus ou
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moins distinctes de celles (jui s étaient montrées auparavant n’im-plique pas nécessairement l’idée que ces espèces venaient d’etre créées au moment oü l’on commence a les observer ; tout au plusnbsp;peut-on conclure qu’elles étaient jusqu’alors trop rares, ou si-tuées trop a l’écart du point oü on les rencontre, pour avoir eunbsp;l’occasion d’y laisser des traces. Or, entre la première de ces deuxnbsp;manières de juger et la seconde, il existe un abimc ; en voici lanbsp;preuve. Si au lieu d’un mollusque marin ou d’un rayonné ilnbsp;s’agissait d’un animal supérieur ou d’une plante terrestre dont Ienbsp;hasard seul peut entrainerla dépouille au fond des eaux,on se gar-deraitbien de considérer comme nouvellement créée 1’espèce in-connue dont on recueilleraitl’empreinte; pourtant Ie pbénomènenbsp;est identique des deux parts, puisque les couches marines, mêmenbsp;les plus riches en fossiles, ne nous font jamais connaitre qu’unenbsp;faible partie des regions sous-marines de chaque période. Com-bien de lits et d’étages dont les fossiles sont absents ou réduits anbsp;l’état de débris informes! Les ceintures littorales, les fonds sa-bleux OU rocailleux, n’ont-ils pas disparu généralement sansnbsp;laisser de vestiges? Et combien de terrains reconverts sur unenbsp;grande étendue par des formations plus récentes et soustraits anbsp;nos recherches! Évidemment ce n’est pas une série de faits denbsp;cette nature qu’on devra invoquer a l’appui de la théorie qui veutnbsp;que chaque forme spécifique ait apparu subitemeiit, au momentnbsp;même oü ses vestiges arrivent a nous pour la première fois.
Les traces de filiation, les liens tantót directs, tantót éloignés entre les diverses parties du monde organique, existent, de l’aveunbsp;de tous les naturalistes. M. F.-J. Pictet, si opposé pourtant auxnbsp;idéés de transformation, avoue que, lorsque l’on compare entrenbsp;elles les faunes de chaque étage a celles de l’étage immédiate-ment postérieur, on reste frappé des liaisons intimes qui se ma-nifestent, la plupart des genres étant les mêmes et un grandnbsp;nombre d’espèces se trouvant tellement voisines qu’il serait aisénbsp;de les confondre (t). Tous les auteurs^ a partir de Cuvier et en-
(gt;) Traité de Paleontologie ou Histoire naturelle des animaux fossiles eonsidérés dans leurs rapports zoologiques et géologiques, par M. F.-J. Pictet, t. Iquot;, p. 88.
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suite de Flourens, adrnettent que la manière dont les ètres se sont succédé et les rapports qu’ils présentent entre eux, lorsquenbsp;l’on en compare la structure intime, indiquent l’existence d’unnbsp;« plan » dont les déviations les plus profondes en apparence n’al-tèrent cependant jamais les traits essentiels. Ainsi les lacunes,lesnbsp;anomalies, les transformations apparentes, les appropriations lesnbsp;mieux défmies, comme celle des mammifères cétacés a l’habitatnbsp;marin, s’opèrent au moyen du raccourcissement ou de l’allonge-ment, de la disparition ou de la multiplication de certaines parties,nbsp;sans que ces modifications entrainent jamais Ie déplacement re-latif des organes eux-mèmes. Les parties constitutives du sque-lette des mammifères et par suite des Yerlébrés en général senbsp;retrouvent dans la cbarpente osseuse de la baleine; si on comparenbsp;celle-ci a celle d\m oiseau ou d’un reptile, la conformité du plannbsp;frappera l’observateur attentif; cette conformité sera encore xi-sible, quoique déja plus éloignée, en parcourantla série des pois-sons. Si des vertébrés on passe aux niollusques et aux insectes, cenbsp;ne sera plus dans la structure que résidera l’analogie, ce seranbsp;dans l’existence des mêmes organes essentiels, quoique différem-ment disposés, jusqu’a ce qu’enfin, descendant aux êtres les plusnbsp;inférieurs, on ne trouve plus comme lien entre eux. et les précé-dents que la celluie, xéritable unite xivante dont ils sont tousnbsp;également composés.
Ainsi l’unité de plan embrasse tous les animaux et même toutes les plantes, quoiqu’a des degrés très-di(Iérents; mais si, aunbsp;lieu de l’universalité des êtres, on observe les divisions les plusnbsp;générales, les embranchements, les classes et les ordres, on re-connait non-seulement qu’ils ont une tendance a se rapprocbernbsp;par leurs séries extremes, mais qu’aussi ces séries sont justementnbsp;celles q-ui se montrent les premières dans Ie temps. Ainsi lesnbsp;poissons cartilagineux et cuirassés sont les moins vertébrés parminbsp;les vertébrés, et ce sont précisément les plns anciens de tous.nbsp;Les marsupiaux et les monotrèmes sont les plus imparfaits desnbsp;mammifères, et les premiers mammifères ont avec la classe desnbsp;didelpbiens et celle des monotrèmes des affinités non douteuses.
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L’unité de plan se manifeste encore par les phases de la vie em-bryonnaire et les metamorphoses qui reproduisent d’une fagon passagère dans les séries supérieures certains caractères définitifsnbsp;des séries moins élevées. Elle se révèle aussi par les adaptationsnbsp;multiples qui modifient les organes des différents êtres de chaquenbsp;série pour les rendre propres a remplir certaines functions, ounbsp;les atrophient sans les détruire complétemenh lorsqu’ils devien-nent inutiles. De cette fagon, Ie vestige même d’un organe sansnbsp;emploi atteste la liaison intime des animaux qui Ie présenten!nbsp;avec ceux chez lesquels ilreste développé. Chacun saitque les osnbsp;de la queue existent, a l’état rudimentaire chez Thomme, aprèsnbsp;avoir subi un arrêt de développeraent dans Ie foetus ; Ie chevalnbsp;présente encore des vestiges de doigts latéraux, et Ie protée aveu-gle des cavernes de Carinthie conserve des traces du nerf optique.nbsp;Les mêraes os disposés dans Ie même ordre, mais allongés ounbsp;raccourcis, forment la main chez Thonime et constituent la pattenbsp;des animaux, la nageoire des cétacés, Ie pied a sabots des ruminants, 1’ailo de l’oiseau et de la chauve-souris. Dien plus, la pa-léontologie montre que ces adaptations si diverses ont été l’objetnbsp;d’une sorte d’élaboration gradiiée dont les termes n’ont pas tonsnbsp;disparu de la nature vivante.
Malgré tant d’indices révélateurs, l’unité de plan, dans la pensee de ceux qui en proclament Texistence avec Ie plus denbsp;conviction, n’est cependant qii’une formule abstraite ; ils n’ynbsp;voientqu’une confirmation du dessein qu’auraiteu l’intelligencenbsp;créatrice, tout en produisant les êtres isolément et a plusieursnbsp;reprises, de les réunir pourtant par les traits généraux et les détails même de leur organisation. Toutes ces similitudes, toutesnbsp;ces liaisons, seraient trompeuses, puisque ces êtres, si analoguesnbsp;en apparence, n’auraient par Ie fait rien de commun; il nquot;y au-rait entrê eux aucun lien de filiation même éloigné, sauf cependant pour les variétés et les races. Soit; mais pourquoi admettrenbsp;alors une semblable exception en faisant appel aux effets d’unenbsp;variabililé arbitrairement limitée? Pourquoi l’espèce, si difficilenbsp;a distinguer de la race, est-elle choisie de preference au genre
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OU a l’ordre pour représenter « une enüté réelle et objective », et quelle preuve apporter de la légitimité de ce choix? Serait-cenbsp;la prétendue tixité de l’espèce? Cette fixité est justement ce qu’ilnbsp;faudrait prouver, non-seulement eu ce qui touche l’heure présente, niais pour toute la durée des périodes antérieures. Dés lorsnbsp;l’unité de plan, con^ue en dehors de toute base réelle, n'est plusnbsp;qu’une simple idéalisation, une sorte d’esthétique, résumé abstraitnbsp;desfaits,relégué audeladesfaits eux-mêmes. — Quel’on consentenbsp;au contraire a la prendre pour l’expression fidéle des titres denbsp;filiation des êtres organisés, l’unité de plan fournit un moyennbsp;sur d’apprécier les liens de parenté qui les rattachent les unsnbsp;aux autres; on voit ces liens s’affaiblir gradiiellement lorsque,nbsp;s’élevant au-dessus des genres, on remonte de groiipe en groupenbsp;jusqu’au dela des embranchements. La trace de l’évolution estnbsp;d’autanl plus obscure que son point de depart est plus éloigné,nbsp;clle disparait enfin ; mais ou Ie lil conducteur s’arrête, Ie savantnbsp;doit aussi s’arrêter et avouer franchement son ignorance. D’ail-leurs la doctrine transformiste est loin de proclamer la puissancenbsp;absolue des agents physiques. La force et la matière reunies n’ex-pliquent pas a elles seules la raison d’etre de l’organisation etnbsp;Ie développement progressif du moi réflexe et de l’intelligence;nbsp;Ténigme reste la même, qiioique les termos en soient posés diffé-remment. L’idée de causalité ne sort pas du monde, elle y estnbsp;seulement introdiiite par une autre voie et congiie autrementquenbsp;jadis. Le savant préfère une hypothèse qui s’adapte mieux quenbsp;l’ancienne aux faits paléontologiques et semble confirmée parnbsp;une foule d’indices; il se garde bien de vouloir tout expliquer, ninbsp;de croire que le passé de notrc planète se laisse dépouiller en unnbsp;jour des voiles qui le couvrent, et dont l’obscurité se troiive seulement un peu diminuée.
Pour nous done, l’unité de plan n’est que la mesure' des liens qui réunissent tons les êtres. Évidents chez quelques-uns, visibles, mais déja voilés chez d’autres, ils s’effacent ou se rédui-sent, dans un grand nombre, a des indices a peine saisissables;nbsp;mais cette gradation n’a rien qui doive surprendre. Les espèces
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ont diverge de plus en plus en s’éloignant du rameau commun oü se rattache leur origine. Chacun de ces ramcaux est sortinbsp;d’une branche issue elle-mêine d’une souche plus ancienne.nbsp;L’ensemble de ces ramifications compose un arbre généalogiquenbsp;immense donton ne retrouve plus maintenant que des fragmentsnbsp;épars. Les branches mères qui correspondent aux embranche-ments et aux règnes échappent a nos investigations. Rien n’au-torise done, en dehors d’indices paléontologiques suffisants, lanbsp;croyance li im prototype unique ou multiple d’oü seraient sortisnbsp;tous les êlres, sinon a titre de pure hypothese. L’école transfor-miste n’a pas plus a se préoccuper de cette question que les partisans des creations successives n’ont en a rechercher les circon-stances, assurément très-singulières, qui auraient été Ie corollairenbsp;ohligé de l’apparition instantanée des espèces. Tout ce que lanbsp;Science peut faire, c’est de remontcr jusqu’a la plus vieille période biologique. Au dela, 1’esprit trouve une barrière encorenbsp;fermée, qu’il conserve pourtant l’espoir de tourner, sinon denbsp;franchir quelque jour.
La recherche des liaisons et des passages devait être la principale preoccupation de l’école Iransformiste ; c’est aussi la pensee qui domine dans les cours professés au Muséum de Paris par M. Albert Gaudry et qui a dernièrement inspiré a ce savant sonnbsp;ouvrage sur les Enchainements du monde animal. Ce livre nousnbsp;fait suivre pas a pas les modifications successives des divers or-ganes des mammifères. C’est ainsi que nous voyons les équidés,nbsp;les rhinocéridés, les ruminants, partir en divergeant d’une souchenbsp;commune, celle des pachydermes de l’éocène supérieur, distri-buée en trois rameaux graduellement divergents, dont les carac-tères, d’abord indécis, s’accentuent et se fixent au moyen d’unenbsp;longue séries de stades. Un pen plus haut et plus loin versie passé,nbsp;ce sont des marsupiaux qui dominent et qui semblent marquernbsp;l’existence d’un état antérieur que tous les mammifères pla-centaires auraient eu a traverser, en s’y attardant plus ou moinsnbsp;longtemps. Tracée de cette fafon, 1’histoire de la vie se déroule parnbsp;lambeaux, elle se déchiffre d’après des hiéroglyphes informes;
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mais elle est pleine de mouvement et de vues fécondes. 11 s’agit surtout de vaincre la difficulté croissante que I’on éprouve d’ob-server des passages des que Ton quitte les espèces pour abordernbsp;les groupes les plus élevés. Les liens de parenté, graduellementnbsp;amincis, devenus enfin pareils a des fils imperceptibles, se sontnbsp;rompus dans la plupart des cas ; il faut s’attacher aux moindresnbsp;indices. La nature actuelle, moins riche en traits originaux quenbsp;celle des anciennes périodes, mais plus accessible et mieux explo-rée, fournitelle-mêrae des exemples de transition ménagée entrenbsp;les embranchements et les classes. Les batraciens ne forment-ilsnbsp;pas un trait d’union entre les reptiles, avec lesquels ils ont éténbsp;longtemps confondus, et les poissons qu’ils continent par Laxolotlnbsp;et Ie lépidosirène ? Ne sont-ce pas justement des batraciens voi-sins des salamandres, pourvus en même temps de caractères quinbsp;les rapprochent des grenouilles, mais possédant encore unenbsp;queue, très-courte, il est vrai, que M. Gaudry a signalés a la partienbsp;récente du terrain houiller, vers la fin de Lage paléozoïque, sousnbsp;Ie nom de Protriton petrolei? Si l’on considère les poissons, onnbsp;voit que Ie type de vertébré tend a s’effacer ou du moins s’amoin-dritetperd de sa distinction chez les poissons cartilagineux. Lesnbsp;derniers vertébrés, a l’aide de Lamphioxus, se confondent avecnbsp;les «ascidies » ou tuniciers et touchent ainsi a un groupe d’êtres,nbsp;inférieur certainement aux mollusques eux-mêmes, et offrant,nbsp;nialgré cette infériorité relative, un passage qui conduit versiesnbsp;animauxles plus élevés, a travers une longue suite de termes en-chainés, dont quelques-uns seulement subsistent encore.
A eet égard cependant, les enseignements de la paléontologie font entrer dans Ie vif de la question, en montrant comment lesnbsp;êtres se sont graduellement transformés. Les premiers ensemblesnbsp;d’animaux sont marins, car la vie, comme nous l’avons établinbsp;plus haut, a dü prendre naissance au sein des eaux. Quoiquenbsp;tous les types organiques soient dés lors représentés, il est facilenbsp;de reconnaitre, dans les êtres de ces ages anciens, les caractèresnbsp;d’une evolution dont I’accomplissement se poursuit. La fortenbsp;proportion des brachiopodes est bien en rapport avec cette pen-
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sée, puisque c’est la un groupe qui, n’ayant des mollusques qiie l’apparence, est originairement sorti d’une adaptation hative etnbsp;spéciale des vers annelés dont il reproduit transitoirement la structure a l’étatlarvaire, pourrevêtir ensuite, arétatadulte,rappareilnbsp;conchoïde qui lui est propre. On con?oit dèslorsla supérioriténbsp;momentanée des brachiopodes, due a Tapparition et au développe-ment plustardits de la classedes mollusques, de même que leurnbsp;déclin graduel devant les progrès de celle-ci. La faible proportionnbsp;originaire des gastéropodes n’a pas une autre signification, etnbsp;l’absence même des acéphales dans la faune primordiale sertnbsp;de confirmation a notre manière de voir, puisque ces derniersnbsp;doivent avoir été Ie produit d’une adaptation regressive. L’ex-tension rapide et la prépondérance effective des crustacés tri-lobites, dans les mers siluriennes, n’a rien qui doive surprendre ;nbsp;avantla venue des poissons, avant même cello des céphalopodes,nbsp;les trilobites, bien que ceidainement inférieurs a des types denbsp;crustacés plus récents, spécialement a celui des décapodes, re-présentaient pourtant des organismes relativement élevés, quinbsp;n’eurent longteinps a redouter aucune concurrence ; ils purentnbsp;done obtenir et conserver l’empire tant qu’aucun être plus actif,nbsp;plus fort et plus intelligent, ne vint Ie leur disputer. M. Bar-rande remarque que les espèces a segments thoraciques nom-breux, acquis un a un a l'aide d’une longue série de métamor-phoses, dominent originairement et que les espèces munies anbsp;l’état adulte d’un nombre moyen ou très-petit de segments senbsp;multiplient au contraire dans les faunes deuxième et troisièrae.nbsp;Ces sortes de changement par adjonction de parties similairesnbsp;se répétant plus ou moins entrainent une idéé d’inférioriténbsp;relative et devaient effectivement tendre a disparaitre dans lesnbsp;espèces en voie de progrès. 11 en est de même de la taille quinbsp;se montre, chez les trilobites, avec des extrêmes de grandeur etnbsp;de petitesse, tant que Ie groupe conserve sa marche ascension-nelle, ou du moins tant qu’il réussit a se maintenir, raais quinbsp;s abaisse a partir du moment ou Ie déclin se manifeste, pournbsp;arriver enfin a de très-faibles proportions chez les dernières for-Cquot; DE Saporta.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;5
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mes survivantes, dans l’age qui précède immédiatement l’extinc-tiori du groupe. L’introduction des nautilcs, céphalopodes rc-marquablement organises, dont l’extension vraiment surpre-nante coincide aveclatroisième faune siliirienne deM. Barrande, a été une première cause de decadence pour les Irilobites; maisnbsp;leur déclin est devenu sans doute plus rapide et plus absolu parnbsp;l’apparition des poissons cartilagineux, vers Ie milieu, peut êtrenbsp;même dès Ie début de la faune Iroisième. Les trilobites se trou-vèrent dès lors aux prises avec des êtres certainement supérieursnbsp;par leur agilité, leur force et leur intelligence, bien qu’ils nenbsp;fussent ni aussi nettement vertébrés, ni aussi étroitement adaptésnbsp;ii la vie piirement aquatique que les poissons osseux dont ilsnbsp;furent la souche.
Chez les poissons de cette première époque, au squelette interne, souvent mou ou peu resistant, correspondait un exosque-lette OU cuirasse enveloppante formée de pieces juxtaposées, qui semble, selon la judicieuse remarque de M. Gaudry, s’ainoindrirnbsp;a mesure que Ie squelette interne constitue, en s’ossifiant, unenbsp;charpente solide. Les plus curieux, connus sous Ie nom de placo-ganoïdes, plastronnés a la partie antérieure du corps et présen-tant par la une singulière analogie avec les crustacés, semblentnbsp;effectivement s’en rapprocher extérieurement, sans diminuernbsp;pour cela l’intervalle énorme qui sépare les deux embranche-ments. En considérant les caractères de ces poissons primitifs,nbsp;qui continuent a dominer jusque dans les temps secondaires, pournbsp;devenir ensuite de plus en plus rares et faire place aux poissonsnbsp;actuels, on voit que leurs vertèbres incoinplétement ossitiées et Ienbsp;prolongement de leur queue constituent un type embryonnairenbsp;de vertébrés et un degré inférieur de la classe des poissons. Lesnbsp;poissons d’aujourd’hui, couverts d’écailles mobiles, plus libresnbsp;dans leurs mouvements et en tout plus parfaits, seraient Ie termenbsp;supérieur de revolution des précédents. La même tendance senbsp;manifeste chez les plus anciens reptiles, qui présentent avec lesnbsp;poissons eux-mêmes plus d’un rapprochement. L’ordre des laby-rinthodontes, dont ces reptiles font partie, offre des caractères
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ambigus qui Ie placent, dans Topinion de M. Picteb entre les batraciens d’une part et les sauriens de Pautre. Enfin c’est encore un type embryonnaire que 1’oiseau de Solcnhofen ou Ar-cheeopteryx, dont les vertèbres caudales fournissent un exemplenbsp;d’organisation analogue aux precedents. Les inammifères denbsp;l’époque secondaire, plus nombreux et inieux connus que lesnbsp;oiseaux, sont propres a confirmer dans les mêmes idees. Rares etnbsp;chétifs en Amérique comme en Europe, ils se rattachent auxnbsp;mammifères les plus imparfaits, a ceux qui rappellent Ie plusnbsp;les ovipares.
Ainsi, malgré d’énormes lacunes, ce que nous savons du début de chaque classe nous montre toujours des combinaisons ina-chevées servant de transition vers une structure plus avancée.nbsp;Chaque groupe, a mesure qu’il grandit en importance, revêtnbsp;successivement des caractères plus distinctifs et plus compliqués.nbsp;Les dégénérescences elles-mêmes sont 1’effet naturel de certainesnbsp;complications. Parmi nos poissons modernes, il en est certaine-ment d’inférieurs aux poissons cartilagineux des premiers ages,nbsp;et chez les reptiles les serpents dépourvus de membres, de mêmenbsp;que les édentés chez les mammifères, n’ont rien de vraimentnbsp;supérieur aux types qui se montrent li l’origine de chacune denbsp;ces classes. Ils sont cependant Ie produit d’une série d’élabora- ’nbsp;tions et d’adaptations de plus en plus complexes.
Si les embranchements et les classes convergent au début, les ordres et les genres doivent manifester les mêmes tendances : ennbsp;effet, la même ambiguïté de caractères se remarque a l’originenbsp;de toutes les séries, snrtout dès qu’elles sont bien connues. Lesnbsp;premiers carnassiers ont une infériorité relative. Les types inter-médiaires entre les tribus les plus distinctes de 1’ordre actuel senbsp;multiplient a mesure que l’on rcdescend la série des étages etnbsp;jusqu’au moment oü les derniers types se dégagent et se fixent.nbsp;h'Amphicyoti, remarque M. Gaudry, était moitié chien, moitiénbsp;ours; VHyxnarctos^ plus rapproché des temps quaternaires, étaitnbsp;ours aux trois quarts, mais retenait encore un peu du chien,nbsp;tandis que Ie Pseiidocyoii était au contraire très-près du chien et
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un peil oiirs; d’autres se placent entre les civettes et les chiens, entre les civettes et les hyènes. Le singe de Pikerini confine auxnbsp;semnopithèques par Ic crane et aux macaques par les membres;nbsp;plutót marcheur que grimpeur comme les macaques, vivant denbsp;rameaux autant que de fruits, se réunissant en petites troupesnbsp;intolérantes pour toute autre espèce que la sienne, tel a du êtrenbsp;•ce singe. dont M. Gaudry a pu restituer jusqu’a l’instinct par lesnbsp;inductions tirées de toutes les parties conservées de son squelette.
La liaison graduelle des types d’une même série se laisse voir d’une manière remarquable dans la familie des elephants, autrefois composée de trois genres, dont deux sont entièrementnbsp;éteints, et dont le dernier se trouve réduit aux elephants d’Asie etnbsp;d’Afrique. Le type du Dinothérium, le plus ancien des trois,nbsp;est aussi celui dont les tendances vers d’autres groupes, entrenbsp;autres vers celui des morses et des lamantins, s’accusent lenbsp;mieux, tandis que par sa dentition fixe le dinothérium différaitnbsp;beaucoup des éléphants et même des mastodontes. 11 en avaitnbsp;pourtant l’aspect, la masse, la trompe et les defenses, sans doutenbsp;aussi les instincts et les mceurs. Les mastodontes avoisinent biennbsp;plus les vrais éléphants, surtout celui d’Afrique ; les collines denbsp;leurs molaires se rapprochent, s’amincissent et se plissent dansnbsp;certaines espèces, de manière a revêtir le caractère distinctif denbsp;celles de ce dernier genre; c’est a travers une longue série denbsp;formes intermédiaires que l’on arrive jusqu’a celui-ci. Les mêmesnbsp;remarques s’appliquent a d’autres groupes, comme les rhinoceros, les tapirs, les chevaux, les cerfs, les bcenfs; il est très-difficile de determiner les limites réciproques des espèces anciennes. A mesure que I on touche a des temps voisins des nótres,nbsp;on voit constamment dans l’un ou l’autre règne chacune de nosnbsp;espèces vivantes ou récemment éteintes précédée par des espècesnbsp;fossiles qui n’en différent que par de minimes détails de structure. Dès lors quoi de plus naturel que d’admettre une filiationnbsp;dont on découvre pour ainsi dire tous les degrés? De 1’éléphantnbsp;« antique » a celui d’Asie et de l’élephant « méridional » a celuinbsp;d’Afrique, la distance est déja bien faible; mais du grand hippo-
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potame 1'ossile a celui de nos jours, qui a jadis habité Ie bassin de Paris; de Tours des cavernesa Tours brun ; du boeuf primitifnbsp;et du cbeval tertiaire a notre bceuf et a notre cbeYal, 1’intervallenbsp;se réduit presque a rien, si Ton tient compte d’une foule d’inter-médiaires successifs.
M. Scbimper, en interrogeant Ie règne vegetal, aobtenu les inêmes réponses et expliqué de même par Tévolution Ie dévc-loppenient progressif du monde des plantes. Notons cependant-quelques points essentiels : les genres et les families ont généra-lement une vie plus longue cbez les végétaux que chez les animauxnbsp;supérieurs. Cette V'italité reporte Ie berceau de la plupart d’entrenbsp;eux a une époque bien plus éloignée, malbeureusement très-pauvre en documents fossiles.. D’un autre cöté, les berbes fontnbsp;presque enlièrement défauta Tétat fossile. Pourtant, si Ton con-sidère les plantes ligneuses, dont Tbistoire est assez bien connue,nbsp;on voit cbaque genre représenté, durant plusieurs périodes, parnbsp;une suite d’espèces assez peu différentes de celles que nous avonsnbsp;sous les yeux. Les liens de filiation réciproque sont d’autantnbsp;plus saisissables que, pour beaucoup de ces séries, nous possé-dons a Tétat vivant Ie terme définitif auquel Tévolution graduellenbsp;du type est venue aboutir. On découvre alors des coincidencesnbsp;remarquables. Lorsquc en effet les particularités de structure,nbsp;de distribution géograpbique, qui distinguent une plante de nosnbsp;jours, se trouvent en rapport exact avec cc que Ton sait d’une ounbsp;plusieurs espèces fossiles du même genre, il est légitime de nenbsp;pas s’arrêter devant certaines variations de détail et de considérernbsp;la plus récente des deux espèces comme une continuation directenbsp;de Tautre. Agir autrement, ce serait renoncer a tout ce quenbsp;Tanalogie et Tinduction offrent de ressources, c’est-a-dire a lanbsp;méthode même. Eb bien! en acceptant ces prémisses, on peutnbsp;dire qu’il n’est pas d’arbre ou d’arbuste en Europe, dans TAmé-rique du Nord, aux Canaries, dans la région méditerranéenne,nbsp;qu’on ne rencontre a Tétat fossile sous une forme spécifique plusnbsp;OU moins rapprocbée de celle d’aujourd’bui. Presque toujoursnbsp;un type très-anciennement développé toucbe maintenant a son
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déclin, de inême qu’une apparition tardive est souvent la marqué dïine grande extension actuelle. Les affinités végótales entrenbsp;I’Enrope et l’Amérique du Nord, dont l’existence a étéplusieursnbsp;1'ois proclaniée, sont bien plus étroites encore lorsqu’on interrogenbsp;les périodes antérieures. Si les animaux éleints de Pikermi ontnbsp;révélé a M. Gaudry une liaison visible avcc ceux qui habitentnbsp;maintenant Ie centre de l’Al'rique, la flore fossile du midi denbsp;l’Europe trahit a la même époque les mêmes tendances, et lesnbsp;iles Canaries semblent représenter Ie point oü Ie double courant,nbsp;américain et africain, est venu se confondre. Les terres polaires,nbsp;dont la végétation tertiaire est bien connue, grace a l’infatigablenbsp;M. Heer, ont constitué aussi dans Ie même temps une regionnbsp;mixte OU les formes associces des deux continents s’étaientdonnénbsp;rendez-vous. Les arbres géants de la Californie, Ie dragonniernbsp;de Ténérillé, Ie thuya de l’Algérie, ne sont que les derniers sur-vivants d’arbres dont la presence a été conslatée dans l’anciennenbsp;Europe. Le cyprès chauve de la Louisiane fournit l’exemplenbsp;d’un végétal autrefois répandu dans EEurope entière, et qui,nbsp;après l’avoir quitlée, a continué a vivre en Amérique sansnbsp;éprouver aucun changement. Même lorsqu’on constate des dif-férences entre les espèces fossiles et les espèces vivantes simi-laires, elles ne sont pas assez tranchées pour empêcher de croirenbsp;a la filiation des unes par les autres.
Précisons encore en insistant sur quelques exemples : l’ai'bre de Judée ou gainier est maintenant spontané sur un seul pointnbsp;de la vallée du Rhone, non loin de Montélimart; cette mêmenbsp;region a présenté a quatre reprises, et dans quatre ages succes-sifs, des gainiers voisins du notre, distincts pourtant a quelquesnbsp;égards. Faut-il supposer que ces espèces aient péri cbaque foisnbsp;pour ressuscitcr sous une forme légèrement, quoique visiblementnbsp;modifiée? Le laurier-rose tertiaire, observe dans la Sarthe, puisnbsp;en Grèce et ensuite en Bohème, a été rencontré dernièrementprèsnbsp;de Lyon. 11 se montre dans ces diverses localités sous des formesnbsp;successives arrivant enfin a se confondre avec la forme actuelle. Lenbsp;laurier-rose est de nos jours indigene en Grèce et dans le midi dc
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la France ; on con{;oit très-bien que eet arbre, après avoir varié dans une certaine mesure, ait été enfin chassé par Ie froid dunbsp;centre de l’Europe. Le laurier ordinaire, Ie laurier des Canariesnbsp;et le grenadier étaient associés au laurier-rose lorsque celui-cinbsp;babitait les environs de Lyon ; tous ont été peu a peu refoulésnbsp;vers le sud. Est-il besoin d’appeler a son aide une série de créa-tions instantanées pour expliquer des faits aussi simples d’évo-lution et de variabilité ? D’un autre cóté, l’explication une foisnbsp;admise pour les espèces les mieux connues, comment ne pas l’é-tendre aux autres par analogie ?
On a objecté souvent, a titre d’argument opposé a la doctrine de l’évolution, 1’extrême perfection des types qui dominaientnbsp;dans la flore du terrain houiller et qui disparurent ensuite, ennbsp;ne laissant après eux que des descendants obscurs et arnoindris.nbsp;Ces types qui ne comprenaient pas de « phanérogames angiosper-mes gt;) témoignent pourtant déja par cette exclusion de l’inférioriténbsp;relative du règne végétal, dans cette première période. La florenbsp;carbonifère se compose, par moitiés a peu prés égales, de crypto-games vasculaires analogues aux prêles, aux fougères, auxlycopo-des de notre temps, mais évidemmentplus différenciées que ceux-ci, et de gymnospermes plus élevées aussi en organisation, si 1’onnbsp;veut, que les conifères, confmant même par cerlaines d'entrenbsp;elles aux gnélacées et fournissant par la une sorte d’acliemine-ment vers les angiospermes qui ne se développeront que beau-coup plus tard. Enfin, ajoute-t-on, tous ces types déclinèrent anbsp;la fois et disparurent en ne laissant après eux que des tracesnbsp;insignifiantes^ au commencement des temps secondaires. Cettenbsp;dernière assertion n’est pas strictement vraie ; sans parler desnbsp;Equisetian et des Schizonexira du trias et de l’oolithe^ sans invo-quer certaines fougères qui conservent, dans des temps postérieurs,nbsp;le type de celles de l’age carbonifère, sans même nous arrêternbsp;sup les prêles, les marattiées, les sélaginellées, les rhizocarpéesnbsp;des temps actuels qui ne sont évidemment que des restes desnbsp;plantes de l’époque primitive, il est maintenant démontré parnbsp;les recherches de M. Grand’Eury, qu’il exislait déja, lors du car-
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bonifère, des conifères et des cycadées, assimilables générique-ment a celles des temps secondaires. Ce sont les genres Walchia ei Pto'ophyllum, découverts récemment a Saint-Étienne, et lesnbsp;Ginkgophyllum, tige évidente des « salisburiées ». Les flores primaire et secondaire ne contrastent tellement a leur point denbsp;contact mutnel que par suite des lacunes qne l'on est force denbsp;constater aussi bien dans Ie permien que dans Ie trias, deux terrains contigus, également pauvres en debris yégétaux. Que lanbsp;végétation se soit amoindrie après Ie temps des houilles, qu’ellenbsp;ait cessé d’être exubérante et que les conditions présidant a sonnbsp;développejnent n’aient plus été les mèmes, rien de plus certain;nbsp;mais, de la a une révolution brusque et générale, a une rénova-tion qui aurait remplacé les formes antérieures par d’autresnbsp;formes dissemblables, sans filiation d’origine des unes par lesnbsp;autres, il y a un abime et c’est eet abime que nous nous refusonsnbsp;a laisser ouvrir.
Les types carbonifères, il est vrai, tant gymnospermes que cryptogames, paraissent supérieurs a ce que ces deux classesnbsp;ont contenu depuis; leur taille, leur vigueur, la perfectionnbsp;mèrne de leurs organes dépasse réellement tout ce que iiousnbsp;pouvons concevoir; mais il ne faut pas oublier que cettenbsp;perfection relative est Ie résultat d’une adaptation a des circons-tances d’une nature spéciale ; elle sc manifeste chez des végétauxnbsp;qui n’avaient a soutenir encore aucune concurrence de la partnbsp;des classes vraiment supérieures dont l’apparition date d’unenbsp;époque bien plus récente; les familes venues en dernier lieu,nbsp;moins originales, moins belles peut-être que celles qui les avaientnbsp;précédées, furent douées en revanche d’une vigueur organique,nbsp;d’une facilité d’adaptation aux conditions biologiques, d’unenbsp;süreté de propagation, dont les plantes, si curieuses qu’ellesnbsp;soient, de la période carbonifère étaient certainement dépour-vues. Comment s’étonner que les cryptogames et les gymnospermes des premiers ages, n’ayant pas a lutter contre des typesnbsp;encore dans l’enfance, dont l’élaboration se poursuivait obscu-rément et ne devait aboutir que longtcmps après, étant par
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conséquent saiis rivales et rencontrant des circonstances cscep-tionnellement l'avorablcs, aient produit des types dont la per-l'ection et la complexité organiques excitent noire admiration? C’est comme si, en présence des prodigieux mécanismes quonbsp;nous montrent beaucoup d’insectes, avec leurs yeux aux millenbsp;facettes, leurs appareils de inanducation, de defense et denbsp;reproduction si délicats et si varies, nous les proclamions supérieurs aux vertébrés dont la perfection résulte Ie plus souvent de combinaisons plus simples, inais tout aussi süres. Lesnbsp;végétaux houillers ont pu vivre^, se développer et prospérer, ilsnbsp;ont pu atteindre un bant degré de complexité organique, sousnbsp;1’empire de conditions qui n’étaient pas destinées a durer tou-jours. Si d’autres végétaux plus robustes et plus accomraodants,nbsp;mieux défendus et par cela mème plus rigoureusement adaptésnbsp;aux exigences de la vie terrestre, ne s’étaient pas substitucs aeux,nbsp;la surface du globe serait restéc dénuéc de plantes ou n’en auraitnbsp;offert que de chétives et de clair-semées. Cela est bien certain etnbsp;cela ressort de toutes les études dc i'econstitution de la llorenbsp;bouillère si bien explorée par M. Grand’Eury, en dépit mèmenbsp;des opinions de ce savant, peu portc vers les idéés évolution-nistes.
II serait d’ailleurs invraisemblable d’admeltre que les plantes carbonifères, ni même les dévoniennes aient été réellement lesnbsp;premières. Antérieurement a Cage des houilles, période de luxe,nbsp;s’il en fut jamais, pour Ie règne végétal encore imparfait, lesnbsp;terrains par leur dénument, en fait de plantes fossiles, montrentnbsp;bien que les circonstances originaires furent sans doute tontnbsp;autres. 11 faudrait pourtant se garder de conclure, comme on Ienbsp;fait quelquefois, de cette rareté des empreintes a une indigencenbsp;absolue ou a une trop grande nouveauté du règne végétal, pournbsp;les temps ou elle se manifeste. La nature organique a du effec-tivement traverser bien des phases dont la stérilité des couches nous enlève la connaissance, sans que Ton soit en droitnbsp;de conclure a Tabsence de toute vegetation; les exemples denbsp;plantes terrestres siluriennes qui vont en se multipliant tendent
-ocr page 92-LKS PHÉNOMÈNES ET LES THEORIES-a proiiver la réalité de ce point de viie. La nuUité ou la ra-reté des empreintes ne doivent en aucun cas être confondues avec la nullité ou la pauyreté du règne yégétal lui-même. IInbsp;n’y a pas, entre les deux ordres de phénomènes, une connexionnbsp;directe et nécessaire, mais simplement un rapport éloigné, sujetnbsp;a bien des irrégularités et dont il est difficile a une pareillenbsp;distance dc saisir ou d’apprécier la yéritable signification.
Telle est en résumé la filière d’idées par laquelle l’étude des ètres anciens a conduit a la doctrine de revolution les esprits lesnbsp;plus divers. M. Darwin en Angleterre, en Fi'ance MM. Gaudry,nbsp;Schimper et tant d’autres, dans des branches enticrement dis-tinctes, se plagant même parfois a des points de vue très-opposés,nbsp;sont arrivés pourtant a constater des faits eta formuler des résul-tats identiques. Le premier dc ces savants, préoccupé de la théorienbsp;a laquelle il a attaché son nom, en a surtout recherché les applications iramédiates aux ètres actuels. 11 a peut-être ainsi tropnbsp;raultiplié les tentatives de solution pour cbaque cas particulier;nbsp;mais il a su ouvrir une voie immense. En vrai savant, il s’est ap-puyé sur l’expérience el a poursuivi la vérité avec une sortenbsp;d’acharneraent que ses adversaires ont été obligés de louer. II anbsp;pensé enfin que lesmerveilleuses transformations subies autrefoisnbsp;par les ètres, dues a des elfets sans doute très-lents et soustraitsnbsp;par cela même a nos observations, pouvaient cependantredevenirnbsp;visibles en interrogeant ceux des phénomènes présents qui re-flètent le mieuxles phénomènes d’autrefois. L’action de l’hommenbsp;sur les plantes et les animaux a paru a M. Darwin propre anbsp;nous éclairer sur les antiques évolutions des espèces, bien qu’ellenbsp;soit plus intense a certains égards, moins efficace et surtout dif-féremment efficace, a d'autres, que Faction de la nature livrée anbsp;elle-même. 11 faut done, pour avoir une idee compléte des pro-grès récents accomplis par 1’école de revolution, exposer sesnbsp;idéés sur la culture et la domesticité, et clore cette étude par unenbsp;analyse de toutes les notions que résumé et condense celle denbsp;Fhérédité.
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II
Les êtres vivants, loia d’etre représentés, comme les fossiles, par des debris inforaaes laissant entre eux d’énormes lacunes,nbsp;constitaent un ensenable harmonieux oü rien ne saurait écbappernbsp;a la sagacité de l’observateur attentif, ni les moeurs, ai les instincts^ ni les particularités d’organisation et de structure. C’est anbsp;cette consideration (ju’a obéi M. Darwin lorsqu’il s’cst attaché anbsp;faire sortir de l’investigation raisonnée de la nature présente lesnbsp;lois qni ont du gouverner Ie monde depuis l’apparition de la xie.nbsp;De cette pensée est né son livre sur \Origine desespèces^ ou l’au-teur accumule tant de preuves en faveur de ce principe, quenbsp;l’action modificatrice de Fhomme sur les animaux et sur lesnbsp;plantesn’estqu’une imitation raisonnée des procédés inconscientsnbsp;de la nature. Cette idéé, il a chercbé a la développer d’une ma-nière toute spéciale en étudiant dans un ouvrage postérieur lesnbsp;effets de la domesticité. II a voulu montrer comment les êtresnbsp;sauvages, une fois soumis a Faction de Fhomme, se sont com-portés. La question abordée par M. Darwin compte parmi lesnbsp;plus curieuses. Elle est et sera longtemps un champ de controverse ouvert aux naturalistes et aux philosophes; elle se lie anbsp;Fétude des premiers pas de Fhomme enfant dans la voie dunbsp;progrès.
Nul doute qu’avant de soumettre les animaux a la domesticité et de cultiver les plantes, Fhomme n’ait traversé un état transi-toiro et imparfait durantlequel il essayait son intluence, sans ennbsp;soupfonner encore toute Fétendue. Les Lapons en sont encore la;nbsp;leurs troupcaux de rennes sont toujours a demi sauvages; ils lesnbsp;surveillent et les parquent en employant Fadresse ou la force,nbsp;mais sans jamais en être les maitres paisihles. Ni les femelles,nbsp;lorsqiFil s’agit de les traire, ni lesjeunes, lorsqu’on veut s’ennbsp;emparer pour les abattre, ne se laissent approcher sans résistance,nbsp;et les malos étrangers se mêlent librement aux troupeaux domes-tiques dont ils contribuent a maintenir et a améliorer la race.
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Les premiers hommes, exclusivement chasseurs, out dü voir d’innombrables herbivores parcourir Ie fond des vallées. Lanbsp;terreur qu’inspire aux animaux sauvages la presence de rhommenbsp;n’a pas dü toujours exister; dans les régions oü il aborde pournbsp;la première fois, dans celles même oü il se montre rarement, desnbsp;troupes familières l’entourent, Ie pressent et se laissent touchernbsp;sans defiance; l’instinct qui pousse les animaux a fair devant.nbsp;riiomme ne se développe cbez eux qu’a la longue. Vivre a porteenbsp;des plus utiles et des plus sociables pour en retirer certainsnbsp;avantages, tel est sans doute Ie point de départ de la domestication ; de cette idéé a celle de les parquer, de s’emparer des jeunesnbsp;pour les élever, il n’y a qu’un pas. II fut franchi lorsque lesnbsp;animaux, plus vivement pourchassés ct s’éloignant de rhomme,nbsp;I’obligerent a s’ingénier pour se procurer des ressources. Tantnbsp;qu’il trouva dans les plaines des proies faciles, I’liomme n’eutnbsp;prés de lui aucun animal domeslique, sauf peut-être Ie chien,nbsp;qu’il dut de bonne beure associer a son existence. D’ailleurs il nenbsp;s’est attaqué aux mammifères que lorsque la connaissance du feunbsp;lui eut appris a en modifier la chair par la cuisson ; sa dentitionnbsp;Ie voue naturellement a un régime compose de racines, de fruits,nbsp;peut-être d’mufs etdcpetits animaux; il adü toujours recherchernbsp;les substances végétalcs, et, d’après ce que nous ont appris a eetnbsp;égard les cités lacustres, il utilisait autrefois jusqu’aux fruits lesnbsp;plus misérables. Le sauvage de nos jours, auquel ressemblaitnbsp;certainement l’Européen primitif, traine une existence précairenbsp;et est exposé a de grandes disettes. line faut done pas s’étonnernbsp;de trouver les inures, les baies de prunellier, les chataignes d’eaunbsp;et même les glands au nombre des substances alimentaires usi-tces dans les premiers ages. L’hommc a certainement goüté denbsp;tont avant de faire un eboix raisonné parmi les plantes dont il senbsp;nourrit, et M. Darwin est porté a croire que nos céréales ont dü anbsp;leur grain, promptement grossi par la culture, de se voir préférernbsp;a une foule de graininées a peine comestibles que le besoin pous-sait d’aborda recueillir.
L’idée de la domesticité, étroitement liée a celle des plus an-
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ciens progrès de Thomme, se perd done avec lui dans la nuit des temps^ et pourtant c’est justement Ie mystèee des origines premières quo notre esprit tiendrait a percer. II faiit recourir pournbsp;cela aux recherches récentes sur les ages de la pierre taillée, denbsp;la pierre polie et du bronze. Les vestiges des anirnaux domesti-ques y sont relativement plus rares que ceux des anirnaux sau-xages. Quant aux plantes, les découvertes opérées surl’emplace-inentdesanciennes cites lacustres ontdévoilé Ie mode d’alimenta-tionetragriculture rudimentairedesracesprimitives. Ona observenbsp;un chien, probablementdomestique, dans les débrisde cuisine denbsp;la période néolithique en Danemark; du temps des cites lacustres,nbsp;dans l’age de la pierre polie, c’est-a-dire a peu pres a la mêmenbsp;époque, il existait aussi en Suisse un chien de taille moyenne,nbsp;intermédiaire au loup et au chacal. L’age du bronze, en Scandinavië comme en Suisse, fait voir un autre chien de plus hautenbsp;taille, remplacé dans r%e du fer par un animal encore plusnbsp;grand, — Le cheval était domestiqué vers la fin de la pierrenbsp;polie ; mais ses débris sont bien plus rares que lorsqu’il ne servaitnbsp;qu’a l’alimentation, comme dans l’age précédent. — Deux cspècesnbsp;de pores, deux ou trois sortes de boeufs, une petite race de moutonsnbsp;il jambes hautes et grêles, et différant tout a fait des races actuelles,nbsp;composaient le bélail; la chèvrc parait avoir été plus abondantenbsp;en Suisse que le mouton. — Les habitants de LEurope méridionale ont de leur coté utilisé et probablement apprivoisé très-anciennement le lapin.
L’agriculture devaitêtrebien peu avancée; cependant elle com-prenait déja dix sortes de céréales, cinq de froment, trois d’orge et deux autres graminées; Les pois, le pavot, le lin, la pomme, lanbsp;poire et la noisette ont été recherchés et par conséquent cultivésnbsp;de bonne heure. Dureste les grains de blé et d’orge étaient petitsnbsp;et peu nourris; les fruits chétifs et le grand nombre de plantesnbsp;et d’animaux sauvages utilisés comme aliment prouvent ii quelnbsp;point les ressources fourniespar la culture etparl’élève du bétailnbsp;etaient encore précaires. De la simplicité de ce premier état, lanbsp;domesticité et la culture sont arrivées peu a peu a ce qu’elles sont
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de nos jours, oii leurs riches produits couvrentle monde et suf-fisent a l’alimentation de peuples innombrables. Quelle énumé-ration ne faudrait-il pas entreprendre pour compter les plantes de toute sorte, alimentaires, oléagineuses, saccharines, fourra-gères, textiles, tinctoriales, médicinales, que les Européens ontnbsp;introduites ou améliorées ! Quant aux animaux, il suffit de rap-peler les merveilles obtenues par l’élevage des bêtes de somme,nbsp;de labour, et de celles qui sont destinées a donner leur toison ounbsp;a fournir leur chair; enfin comment ne pas mentionner, mêmenbsp;incidernment, ce que l’homme a fait du cheval, en créant d’unenbsp;part les races les plus fières et les plus rapides, de l’autre les plusnbsp;utiles et les plus vigoureuses? A l’imitation de la nature, il a faitnbsp;surgirpartout de nouveaux êtres analogues a ceux que nous dési-gnons du nom d’espëces.
II est impossible en effet de nier les differences qui séparent entre elles les races domestiques; mais, si ces diversités sautentnbsp;aux xeux, il est permis de se demander quelle en est la valeurnbsp;réelle et surtoutla raison d'etre originaire. lei l’accord cesse denbsp;se manifester parmi les naturalistes, et l’on voit se dessiner troisnbsp;écoles bien distinctes. Les uns considèrent surtout que l’homme,nbsp;en se rendant maitre des animaux et des plantes qu’il a plies a sonnbsp;usage, a du profiler de certaines circonstances faxorables et denbsp;certaines aptitudes inherentes a ces êtres eux-mêmes, et qui n’ontnbsp;dü se rencontrer qu’assez rarement et sur des points limités.nbsp;Admettant en outre que Thomme est apparu sur la terre a unenbsp;époque relativement récente, et que toutes les races humainesnbsp;descendent d’une souche unique, ils pensent qu’il a domestiquénbsp;originairement un nombre d’espèces assez restreint qui l’auraientnbsp;accompagné dans ses migrations et auraient ensuite xarié dansnbsp;des limites considérables; mais ces diversités pour eux ne dépas-sent jamais une certaine mesure, et les races domestiques, unenbsp;fois abandonnées a elles-mêmes, ne tardent pas de reprendrcnbsp;leurs caractères primitifs. Ainsi, pour cette écolc, toutes nosnbsp;races domestiques remonteraient a une, au plus a deux ou troisnbsp;espèces qu’on ne saurait identifier avee les espèces libres simi-
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lairesque lorsqu’on observe une fécondité réciproque sanslimite. Quelques-unes des races domestiques auraient continué d'existernbsp;a l’état sauvage, tandis que d’autres auraient été entièrementnbsp;subjuguées par rhomme. — D’autres esprits sont plus esclusifs ;nbsp;a leurs yeux, les moindres dissemblances appréciables entre lesnbsp;ètres vivants deviennent des différences radicales. II leur paraitnbsp;impossible que la diversité des formes ne soit pas la preuve d’unenbsp;origine distincte pour chacune d’elles; ils admettent done sansnbsp;peine la pluralité des souches sauvages d’oü les races domestiquesnbsp;seraient issues. Chaque race de porc, de boeuf, de rnouton, cha-que variété de poire, de pêche, de cerise, seraient descenduesnbsp;d’autant d’espèces primitivement sauvages. — Tout autre seraitnbsp;la signification donnée aux races domestiques par la dernièrenbsp;école, en tète de laquelle est venu se placer M. Darwin. Eliesnbsp;seraient Ie produit d’une série de modifications d’autant plusnbsp;variées que les voies suivies pour les obtenir auraient été plusnbsp;diverses. L’homme, poussé par Ie besoin, 1’instinctou Ie caprice,nbsp;serait venu faire ce que faisait avant lui la nature par des inoyensnbsp;plus lents. 11 aurait fourni a des types naturellement plastiquesnbsp;l’occasion de se transformer, et son intérêt l’aurait porté a fixernbsp;autantque possible les résultats de ces transformations. Le pro-blème serait d’ailleurstrès-coinplexe, si, corame Tassure M. Darwin, la domesticité avail eii pour elfet principal d’activer lanbsp;fécondité mutuelle des êtres qui Tont subie, en sorte que lesnbsp;descendants d’espèces distinctes auraient pu devenir susceptiblesnbsp;de se rapprocher et de reconstruire une race mélangée laoü,ennbsp;dehors deThoinme, les deux types seraient restesisolés ouraêmenbsp;hostiles.
Cette considération, que l’origine presque assurée de certaines races de chiens par le loup rend très-vraisemblable, jette unenbsp;confusion de plus sur la filiation des races domestiques. Anssi lenbsp;savant anglais, dans sa discussion des origines, a-t-il eu recoursnbsp;a tons les indices. C’est ainsi qu’il a mis dans son jour ce phéno-mène important et peu mentionné avant lui, que dans bien desnbsp;cas les animaux rendus a la liberté, loin de reprendre des ca-
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ractères uniformes, conservent une partie de ceux quïls doivent a l’intervenlion de Thomme, et ferment, sous l’influence des conditions nouvelles qu’ils subissent, des races particulières et dé-finitives. —II en estainsi en particulier du chien, dont l’histoirenbsp;est d’autant plus obscure que sa domestication est plus reculéenbsp;et plus universelle. Quelques auteurs Tont fait descendre dunbsp;loup, du cbacal ou d’une espèce primitive unique; mais Topi-nion qui Ie fait venir de plusieurs espèces d’abord distinctes,nbsp;puis diversement mélangées, semble avoir prévalu. En consultant certains monuments historiques, on voit qu’il existait déja,nbsp;il y a quatre mille ou cinq mille ans, plusieurs races séparées,nbsp;présentant destraits caractéristiques desnótres, chiens pariabs,nbsp;lévriers, courants, dogues, bichons et bassets. Pourtant on nenbsp;saurait songer a identifier ces races avec les variétés correspon-dantes actuelles, qui en sont plutot des répétitions parallèles quenbsp;des prolongeinents directs. La ressemblance singuliere de beau-coup de races de chiens de divers pays avec les animaux sau-vages qui habitent a cote d’eux est encore un élément qui doitnbsp;être pris en considération. Réelle, fortuite ou exagérée, cettenbsp;ressemblance a de tout temps préoccupé les voyageurs, et dansnbsp;certains cas elle constitue un indice frappant. Les croisementsnbsp;volontaires des chiens domestiques avec les espèces sauvages con-génères paraissent être pratiques par les Indians d’Amérique;nbsp;plus au nord, chez les Esquimaux, le rapport devient tout a faitnbsp;frappant. 11 est vrai que les chiens des contrées polaires ont unnbsp;role et des fonctions spéciales a remplir. Ils constituent les atte-lages des t^aineaux, et regoivent en retour une part de nourriturenbsp;qu’il leur serait impossible de se procurer dans la saison froide,nbsp;s’ils étaient abandonnés a leur instinct; mais en dehors du service qu’on exige d’eux ils ne montrent pourl’homme aucun at-tacbcment : livrés a eux-mêmes, se roulant sur la neige, insen-sibles aux caresses, ils conservent les allures, le regard farouche,nbsp;la queue basse du loup, et se croisent fréquemment avec ce dernier, donnant alors les produits d’une sauvagerie extréme. Idnbsp;done la prétendue barrière entre la race du loup et celle du
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chien disparail, et que Ie chien des Esquimaux soit uu loup ap-privoisé, ou Ie loup arctique un chien sauxage ayant les moeurs du loup, la confusion entre les deux races n’en est pas moins
manifeste.
Les chiens de rAmérique méridionale ressemblent de même au cancrier [Ca7iis caiiaivoriis) ei sa croisent fréquemment avecnbsp;lui; les chiens d’Awhasie rappellent Ie chacal, ceux de la cótenbsp;de Guinee se rapprochent du renard; il n’est pas jusqu’au chiennbsp;de Hongrie dont la ressemhlance avec Ie loup d’Europe ne soitnbsp;très-marquée, de même que celle des chiens pariahs de l’Indenbsp;avec Ie loup du même pays. D’un autre coté, rendus a l’état sau-vage, nos chiens domestiques sont très-loin de revêtir partoutnbsp;une coloration uniforme, d’atfecter les mêmes moeurs et de présenter les mêmes caractères. Les uns perdentla faculté d’ahoyer,nbsp;et les autres, comme ceux de la Plata, laconservent; ceux de Cubanbsp;different des chiens marrons de Saint-Doraingue par la couleurnbsp;de la robe et celle des yeux. Les chiens domestiques voient leursnbsp;caractères les plus fixes en apparence s’altérer ou disparaitre aunbsp;bout d’un temps trcs-court, s’ils passent d’un milieu dansun autre. Les races d’Europe ne persistent pas dans l’lnde; ailleursnbsp;elles perdent leur voix, leur pelage, leur forme, ou changentnbsp;d’instincts; Pouvrage de Phomme se trouve ainsi détruit plus ounbsp;moins vite; il s’était aidé de circonstances particulières, et sonnbsp;oeuvre tombe devant des circonstances opposées. Pourtant ce n’estnbsp;pas aux circonstances uniquement que Pon doit certaines dévia-tions du squelette ni la coexistence dans la même contrée denbsp;formes aussi différentes que Ie lévrier et Ie bouledogue. Pour senbsp;rendre compte de modifications aussi accusées. il faut bien avoirnbsp;recours aux forces latentes de Porganisme, sollicitées par Phommenbsp;et produisant des variations subites, fixées ensuite par Peffortnbsp;réuni de la sélection et de Phérédité.
C’est a peu prés ce qui doit être arrivé pour Ie porc. Toutes les races, même celles que Pon a observées dans les iles écartéesnbsp;du Pacifique, paraissent descendre de deux types distincts, 1’unnbsp;encore sauvage, Ie sanglier, Pautre originaire de Siam et de la
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Chine, et dont la forme primitive serait perdue. Les races dérivées du sanglier existent encore, d’après Nathusius, sur différentsnbsp;points du centre et du nord de l’Europe; elles disparai'ssent de-vant des races améliorées, produit direct de Tindustrie humaine.nbsp;Chacun connait les races anglaises, chez lesquelles toutes les aptitudes ont pour hut de favoriser l’engraissage et Ie développe-rnent des parties utiles aux dépens des autres. Le groin, les crocs,nbsp;les machoires, les soies, tendent a surgir par un mouvement inverse dès gue Fanimal est livré a une vie plus active. II y a déjanbsp;loin du porc amélioré du Yorkshire au porc a moitié lihre d’Ir-lande ou de nos départements de l’ouest et du midi; aussi voit-onnbsp;apparaitre chez ces derniers des particularités dont il n’existe pasnbsp;trace chez les autres. La taille varie selon les climats, ainsi quenbsp;la consistance des poils; les pores tures el westphaliens repren-nent aisément la livrée des marcassins; les individus des valléesnbsp;chaudes de la Nouvelle-Grenade sont au contraire presque nns,nbsp;et d’autres, a des hauteurs de 7 et 800 pieds, revêtent une four-rure épaisse de poils laineux. Les bêtes bovines different a telnbsp;point que l’on serait tenté d’y distinguer deux divisions princi-pales. Tune pour les zébus ou boeufsabosse, l’autre pour les boeufsnbsp;sans hosse, comme notre taureau. Cependant partout ou les premiers se sont trouvés en contact avec notre gros bétail, il en estnbsp;sorti des croisements féconds. En Europe, on reconnait a l’étatnbsp;fossile au moins trois espèces de boeufs qni paraissent avoir éténbsp;domestiqués de toute antiquité, et dont le type s’estperpétuéparminbsp;nos races indigenes. Une race a demi sauvage, conservée ennbsp;Angleterre dans le pare de Chillingham, parait reproduire a peunbsp;pres les caractères dubenufprimitif ou primigenms, de même quenbsp;le bétail noir du pays de Galles se rattache au type du longifrons.
D’autres animaux, et le cheval en tête, pourraient bien ètre issus d’un type originaire unique ou du moins très-uniforme ;nbsp;mais quel est le point de depart veritable de cette race qui, sui-vanl Ehomme dans ses émigrations, s’est étendue avec lui jus-qu’aux extrémités de la terre? Pour le determiner, M. Darwinnbsp;invoque la recurrence de certains caractères qui, renaissant après
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LA THÉORIE DE L’ÉVOLUTION.
un long- sommeil, sont comme un souvenir lointain des habitudes primitives. Non-seulement Ie cheval peut supporter un froid intense, puisque 1’on en rencontre des troupes sauvagesnbsp;dans les plaines de la Sibérie jusqu^au 56' degré de latitude,nbsp;mais il conserve longtemps l’instinct de gratter la neige pournbsp;retrouver l’berbe au-dessous. Les tarpans sauvages de l’Orient,nbsp;les chevaux libres des iles Falkland, ceux du Mexique et de l’A-mérique du Nord possèdent également eet instinct, qui se ratta-che sans doute a quelque particularité de leur vie antérieure, aunbsp;sein de la contrée dont ils sont originairement sortis. S’il en estnbsp;ainsi, Ie cheval n’aurait été adapté au climat sec et brülant denbsp;1 Arabie et de FAfrique que par Ie fait de rhomme. C’est la pour-tant qu’il a acquis ses plus nobles qualités, ses formes les plusnbsp;parfaites, et que la race la plus pure s’est formée. La selectionnbsp;exercée sur Ie cheval a créé en lui des facultés loutes particu-lières. Déja bien éloignée des parents arabe et berbère dont ellenbsp;est issue, la race de course anglaise possède et transmet fidèle-ment les particularités artificielles accumulées chez elle. Que denbsp;différences encore d’un type de cheval a un autre! Les racesnbsp;insulaires et montagnardes sont généralement chétives, celles desnbsp;plaines et des gras paturages massives et de*grande taille. Cer-taines robes, comme 1’isabelle, fréquentes dans l’Europe oriëntale et rAsieintérieure, sont a peu prés inconnues chez Ie chevalnbsp;de course anglais et Ie cheval arabe, dont il descend. 11 existenbsp;cependant chez toutes les races chevalines une particularité denbsp;. coloration que l’on serait tenté de regarder comme un retournbsp;vers Ie pelage d’un ancêtre éloigné, tant cette particularité estnbsp;conforme a celle qui distingue plusieurs espèces vivantes dunbsp;groupe des équidés; nous voulons parler des raies ou bandes soitnbsp;dorsale, soit zébrines, qui reparaissent dans toute les races ; ellesnbsp;se montrent ordinairement sur les fonds isabelle ou alezan clair,nbsp;ou encore gris de souris, et s’effacent parfois avec l’age; d’autresnbsp;fois elles se manifesten! tard, et persistent alors pendant toutenbsp;la vie. Ces retours de coloration sont faciles a observer chez lesnbsp;pigeons domestiques, divisés maintenant en une infinite de races
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LES PHÉNOMENES ET LES THEORIES.
et de variétés, qui toutes cependant paraissent provenir du seul pigeon de roche ou biset. Le caprice des amateurs, la passion denbsp;la nouveauté et même de la bizarrerie, engendrent peu a peu cesnbsp;diversités, bientót fixées a l’aide d’une sélection systématique ;nbsp;mais la tendance au retour partiel vers l’ancêtre commun nenbsp;subsiste pas moins : la livrée bleu-ardoise et les barres transver-sales des ailes qui distinguent le biset reparaissent aisémentnbsp;chez les descendants transformésdecetteespèce, quel’excellencenbsp;de sa chair a fait accueillir dans tous les pays. Les inêmes effetsnbsp;de variation, de croisement et de réversion se retrouvent cheznbsp;les races gallines, qui toutes paraissent avoir divergé d’un typenbsp;unique, le Gallus hankiva, espèce qui habite a l’état sauvagenbsp;1’Inde septentrionale, I’lndo-Chine, et s’étend jusqu’aux Philippines et a Timor.
L’apparition d’un caractère ou d’une faculté ne constitue jamais chez les animaux un acte complétement indépendant; les différents organes tendent a s’équilibrer et a réagir les unsnbsp;sur les autres. C’est cette dépendance plus ou moins étroite,nbsp;mais toujours réelle, des différentes parties de l’ensemble quenbsp;M. Darwin appelle correlation de croissance. Ainsi les membresnbsp;antérieurs nè sauraient changer sans amener des changementsnbsp;dans les postérieurs ; 1’allongement des jambes produit ordinai-rement celui du cou et de la tête ; les parties dures, les cornes,nbsp;les ongles, les appendices tégumentaires, se renforcent cheznbsp;ceux oü prédominent les parties molles. Si des animaux nousnbsp;passons aux plantes, les mêmes lois générales se laissent recon-naitre, mais dans d’autres limites et a l’aide de combinaisons ennbsp;rapport avec la distance qui sépare les deux règnes.
La plante et surtout l’arbre ne sont pas composes, comrne l’a-nimal, d’un nombre rigoureusement déterminé de parties. L’in-dividu végétal n’est, a proprement parler, que le support d’une réunion d’organes groupés d’une manière tantót simullanée,nbsp;tantót successive, solidaires pourtant, puisque la sélection denbsp;l’homme ne saurait en transformer un sans influer sur les autres.nbsp;La poire ne s’améliore point sans que le poirier lui-même ne
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la théorie de L’ÉVOLUTION.
prenne un autre aspect qu’a l’état sauvage. II existe done aussi chez les végétaux une veritable corrélation de croissance ; maisnbsp;ce qui sépare surtout les plantes des animaux, c’est que cheznbsp;elles les appareils sexuels ne sont ni uniques ni permanents. Cenbsp;sont presque toujours des organes multiples qui se montrentnbsp;pour accomplir leurs fonctions et disparaissent ensuite. Malgrénbsp;cela, les qualités, les formes, les couleurs, les caractèresde toutenbsp;sorte et jusqu’aux nuances les plus fugitives se transmettent cheznbsp;les végétaux. Quoique en eux tout soit passif, la nature a varié anbsp;l’infini les moyens de croisement, soit en séparant les sexes, soitnbsp;cn employant les insectes aux opérations délicates du transportnbsp;de la poussière fécondante, soit enfin par cette circonstance quenbsp;les fleurs peuvent se féconder réciproquement.
A l’absence de mouvements volontaires et par conséquent de spontanéité se joint chez les végétaux la difficulté de réagir contrenbsp;les milieux ambiants, par suite de l’absence d’un foyer de combustion intérieure. Non-seulement la chaleur qu’ils portent en euxnbsp;garantit les animaux, surtout les plus élevés en organisation,nbsp;contre Ie froid, mais ils peuvent, par Ie choix des aliments ab-sorbés, accroitre l’intensité de cette force de résistance. Les végétaux sous ce rapport sont évidemment bien plus dépourvus denbsp;moyens de defense; ilsréagissent pourtant, maistrès-lentement.nbsp;par une sorte de sélection. L’organisation, basée sur des combi-naisons trop délicates et trop complexes, des végétaux du midinbsp;succombe a coup sur sous une atteinte souvent très-faible.nbsp;Quelques-uns d’entre eux se montrent pourtant robustes et cosmopolites, quelle que soit leur provenance. Le blé, Ie riz, Ienbsp;maïs, la pomme de terre, le tabac, la vigne mème, occupent desnbsp;espaces qui se prolongent bien au dela des limites de la distribution naturelle de ces plantes. L’homnie a su agrandir le eerdenbsp;danslequel on les peut cultiver, en s’attachantaux seules partiesnbsp;qu’il utilise dans chacune d’elles.
II existerait bien des singularités a signaler en considérant la distribution des plantes cultivées relativement a celle des regionsnbsp;d OU on presume qu’elles sont sorties. Le bananier, maintenant
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répandu dans toute la zone torride des deux mondes, a dü cepen-dant être apporté en Amérique de l’Asie méridionale a une époque dont il est impossible de fixer exactement la date, maisnbsp;qui, si Ton s’en rapportait a certains indices, serait peut-être an-térieure a la découverte. Le maïs est au contraire américain d’o-rigine, il était cultivé par les indigenes; cependant il n’a jamaisnbsp;été retrouvé a l’état sauvage. II en est sans doute de même dunbsp;froment. II est a pen prés certain qu’on ne l’observe nulle partnbsp;a l’état spontane, et les exemples cités par quelques voyageursnbsp;se rapporten! plus probablement a des semis sporadiques qu’anbsp;des plantos réellement sauvages et indigènes. Le froment pri-mitif existe peut-être dans une des nombreuses espèces de tri-ticum, OU blé naturel, que les botanistes connaissent sans qu’ilnbsp;soit possible d’en saisir la parenté avec le froment cultivé. Lesnbsp;grains de blé les plus anciens proviennent des ruines des citésnbsp;lacustres; ils ne sont qu’iraparfaitement séparés de la glume etnbsp;bien plus petits que les nótres, puisque les plus gros n’ont quenbsp;six, rarement sept millimetres de longueur, et les plus faiblesnbsp;seulement quatre, tandis que les grains modernes en mesurentnbsp;presque toujours sept ou buit. La culture a done su modifier lanbsp;céréale primitive, dont le grain était a peine comestible, et a dé-veloppé chez elle une tendance a varier et a grossir qui s’y trou-vait a l’état latent. Aucune plante ne semble plus artificielle quenbsp;le froment, aucune n’exige des soins plus constants et une sé-lection plus attentive ; les changements obligés de semence et lenbsp;choix qu’il faut faire des plus beaux grains pour empêcher I’es-pèce de dégénérer le prouvent surabondamment.
Dans ses serais de poirier, M. Decaisne est parvenu a faire re-produire par chaque sujet dont il avait semé les pepins la plupart des types de nos races cultivées. C’est done a l’aide de semis successifs, volontaires ou accidentels, que nos fruits se sontformés ;nbsp;en les améliorant, on a profité d’une disposition que Lon observenbsp;dans toutes les races naturelles. Tel est le point de depart:nbsp;rhomme se saisit de cette force latente, il la détourne a sonnbsp;usage et parvient a en accentuer les effets en les accumulant;
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mais la nature elle-même la possède et la manifeste sous nos yeux, quoique a un moindre degré. Les difficultés qu’éprouve Ienbsp;botaniste a determiner les limites réciproques des espèces con-génères dès que Ie genre dont elles font partie est compacte etnbsp;distribué sur un grand espace, ces difficultés sont du mèmenbsp;ordre que celles qui arrètent Ie pomologue dans Ie classementnbsp;de certaines variétés de fruits. Ainsi nos procédés ne differentnbsp;pas de ceux de la nature; I’liomme n’a fait que s’appropriernbsp;ceux-ci pour arrivcr a ses fins: seulement, dans la race domes-tique, les circonstances occasionnelles, étant de son fait, sontnbsp;plus OU moins artificielles et fugitives. La race domestique estnbsp;done une espèce créée en vue de I’liomme plus rapidement quenbsp;l’espèce sauvage et par cela mème établie sur des bases moinsnbsp;fixes. L’espèce spontanée a du se faire lentement, sous l’empirenbsp;de nécessilés permanentes, au moyen de la mème force inhérente a l’organisme, mais agissant plus sürement que lorsquenbsp;1’homme s’en empare pour en profiler. Or, justement paree quenbsp;Fespèce est l’etret d’une longue série de causes combinées etnbsp;solidaires dont elle garde l’empreinte et qui sont susceptibles denbsp;se réveiller en elle, mème après un long sommeil, elle n’a riennbsp;d’absolu; de la les difficultés éprouvées par ceux qui, voulantnbsp;en faire la pierre angulaire de tout l’édifice de la nature, nenbsp;peuvent pourtant s’accorder pour définir en quoi elle consiste.
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Lorsque, s’élevant au-dessus des parlicularités, on considëre les phénomènes de la vie en eux-mêmes, et non plus pour décrirenbsp;simplement les èlres qui les personnifient, on ne tarde pas a dé-couvrir un principe général qui embrasse en quelque sorte tonsnbsp;les autres; c’est celui de l’hérédité, force active et impulsive,nbsp;raison d’être de tout ce qui vit. L’bérédité est proprement unenbsp;continuation de l’être organisé. Sans elle, il n’y aurait que desnbsp;personnalités privóes de liens réciproques, destinées a périr après
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im certain temps. Par elle seule, nous concevons de nouveaux êtres possédant des caractères propres et des caractères transmis.nbsp;L’hérédité, ainsi considérée, source a la fois des variations etnbsp;des ressemblances, est Ie seul moyen a Ia portee de notre intelligence par lequel nous puissions nous expliquer l’existencenbsp;des êtres vivants, ainsi que celle des intervalles par lequels ils senbsp;rapprochent OU se séparent. D’autre part, Texpérience nous ap-prend que l’hérédité résulte nécessairement d’une série plus ounbsp;moins nombreuse de generations, que par elle les divergencesnbsp;vont en s’accentuant, de même que les similitudes en se fixant,nbsp;et que les degrés intermédiaires peuvent et doivent disparaitre ;nbsp;il n’y a done pas pour nous d’impossibilité directe a ce que lesnbsp;êtres vivants qui possèdent entre eux quelques traits similairesnbsp;aient pu sortir les uns des autres, et remontent en réalité a unnbsp;petit nombre d’ancêtres communs. Dansla majorité des cas, lanbsp;somme des similitudes organiques étant plus forte que celle desnbsp;divergences, la supposition par elle-même n’a rien que de plausible. Buffon,qui n’avait encore qu’une idee confuse de la duréenbsp;presque sans limite du globe, s’étonnait en termes magnifiquesnbsp;« de ce monde d’êtres relatifs et non relatifs, de cette inflnité denbsp;combinaisons harmoniques et contraires, de cette perpétuité denbsp;destructions et de renouvellements; » il y voyait avec raisonnbsp;une sorte d’unité toujours persistante et éternelle ; il exprimaitnbsp;enfin cette belle pensée, que la faculté de se reproduire, communenbsp;a tous les êtres, supposait entre eux « plus d’analogie et de chosesnbsp;semblables que nous ne pouvons l’imaginer, » et suffisait pournbsp;nous faire croire que « les animaux et les végélaux étaient desnbsp;êtres a peu prés du même ordre (1). » Ce lien de riiérédité em-brasse done l’universalité de ce qui a vie; tout ce qui se meutnbsp;OU végète lui est soumis, et M. Darwin, comme Bufion, s’arrêtenbsp;devant la multiplicité des effets qu’il produit. Les merveilles denbsp;rhérédité sont sous les yeux de chacun de nous, elles sont ennbsp;nous-mêmes, il ne dépend que de nous de les constater et d’y
(1) Voyez Buffon, Discours sur la manière de trailer et d'étudier l’histoire naturelle, et Hisloire générale des Animaux.
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rcconnaitre, en les analysant, plusieurs ordros de phénomènes distincts relevant de la même cause. Pénétrons a la suite de l’é-minent auteur anglais dans l’intérieur de ce vaste laboratoire, aunbsp;sein diiquel la vie lutte incessamment pour réparer ses pertes,nbsp;maintenir et étendre son domaine.
11 faut d’abord^ dans l’hérédité, distinguer d’une part la transmission des caractères antérieurement acquis, de l’autre l’appa-rilion des caractères nouveaux et la possibilité pour ceux-ci de se fixer a leur tour. Parl’un de ces phénomènes, on confoitlaperpé-tuité possible de certaines particularités ; par l’autre, on comprendnbsp;la divergence progressive des races. Ces deux ordres de faits sontnbsp;connexes inalgré les résultats opposes auxquels ils conduisent.nbsp;Dans la transmission aux enfants des caractères possédés par lesnbsp;parents, Phérédité seule agit. Cette ressemblance est ce qui nousnbsp;frappe Ie plus dans Phérédité. Quoi de moins varié que les indi-vidus d’un même troupeau, que les cerfs d’une même contrée,nbsp;que les lièvres, les loups, les renards, comparés les uns auxnbsp;autres? Cependant, même chez les animaux les plus semblablesnbsp;en apparence, la diversité n’existe pas moins, puisquo les animauxnbsp;sauvages se reconnaissent entre eux, et que Ie berger distinguenbsp;sans hésiter chacune de ses bêtes. Les individus les plus analoguesnbsp;possèdent done une physionornie qui leur est propre ; cheznbsp;quelques-uns, ces différences peuvent accidentellement devenirnbsp;plus saillantes, et enfin, s’il se produit des particularités entière-ment nouvelles, elles n’en seront pas moins sujettes a la transmission héréditaire. Dans ce dernier cas, Phérédité n’agit pasnbsp;seule. Pour expliquer cette variation, lorsqu’ellc est sans précédent et qu’ellene sauraitêtreattribuée ni a Phérédité proprementnbsp;dite, ni a Phérédité éloignée ou atavisme, il faut nécessairementnbsp;recourir soit a Paction spontanée de Porganisme, soit a Pinfluencenbsp;des circonstances extérieures. Ces deux causes se combinent ennbsp;effet pour faire surgir de nouveaux caractères, et dans beaucoupnbsp;de cas il est difficile de décider si c’est Pune plutót que Pauti'enbsp;que Pon doit invoquer de preference. Cependant on a vu senbsp;manifester parfois des particularités organiques tellement impré-
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vues qu’il est difficile d’admettre que les circonstances extérieures y aient contribué en quelque chose ; ainsi l’homme porc-épic dontnbsp;l’épiderme portait des appendices cornés en forme de plaquesnbsp;raides, sorte de carapace qui muait périodiquement, ne devait anbsp;aucune cause externe cette singuliere defense qu’il transmit anbsp;plusieurs de scs descendants. La plupart des monstruosités animales, les pores a deux jambes cites par M. Hallam, les lapins anbsp;oreilles pendanteS;, sont dans Ie mème cas, et l’organisme seiil,nbsp;obéissant aux forces qui Ie dirigent, a dü certainement les pro-duire. Même lorsqu’il fautinvoquer Faction des milieux, l’organisme demeure toujours la source première de tous les change-ments; les circonstances extérieures ne sont que 1’occasion;nbsp;1’organisrae est Ie centre et Ie point de depart des diversités quinbsp;surviennent et qui se consolident plus tard par 1’hérédité.
Si Forganisme était entièrement livré a lui-même, c’est-a-dire si les circonstances extérieures ne changeaient pas, il s’établiraitnbsp;paree seul fait une très-grande uniformité chez les êtres vivants.nbsp;Cette uniformité serait telle que des formes particulières appa-raitraientrarement et se maintiendraient plus rarement encore.nbsp;On peut même ajouter que, sous Fempire permanent d’un pareilnbsp;état, la somme des ressemblances parmi les êtres animés dépas-serait de beaucoup celle des differences ; mais il n’en est pas ainsi,nbsp;les circonstances extérieures peuvent et doivent changer. Riennbsp;n’est stable ni définitif ici-bas; Ie sol, les climats, les conditionsnbsp;de nourriture, la composition même des liquides et des gaz, ontnbsp;changé a plusieurs reprises dans Ie cours des ages géologiques,nbsp;tantótpar un mouvement insensible, tantót par Ie fait des révo-lutions. Ils changent encore sous nos yeux dès que Fon passenbsp;d’une contrée dans une autre. Pour certaines categories d’ani-maux et de plantes, il suffit même de se déplacer de quelquesnbsp;lieues pour voir se renouveler Faspect des choses extérieures etnbsp;des êtres vivants. L’acclimatation, c’est-a-dire Fadaptation desnbsp;organismes aux exigences d’une patrie nouvelle, constitue unenbsp;opération délicate, sujette a bien des mécomptes, et dont la diffi-culté même atteste combien les animaux et les plantes sont sen-
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siblesa [’influence desconditions extérieures. L’attitude rampante contractée par certains végétaux alpins, cornme Ie genévrier denbsp;[’Himalaya et celui des Alpes, est certainement im eifet de tanbsp;rigueur du froid dans ceshautes régions. Peu d’années suffisentnbsp;pour produire la variété de froment que Pon nomme blé de prin-temps. Le maïs apporté directement du Brésil est d’abord plusnbsp;sensible au froid que les variétés européennes; maïs il acquiert,nbsp;au bout de deux ou trois générations, le même degré de rusticiténbsp;que celles-ci. Enfin beaucoup de plantes des plaines d’Europenbsp;présenten! des variétés alpines que les meilleurs botanistes n’ennbsp;séparent pas, et auxquelles il a suffi de vivre dans un milieunbsp;spécial pour revêtir des caractères différents. Si des plantes onnbsp;passe aux animaux, Pintluence des milieux est encore plus visiblenbsp;et plus prompte ase manifester. Les cbiens européens dégénèrentnbsp;dans Pinde ; leurs instincts s’effacent, leurs formes s’altèrent; lenbsp;dindon change dans le même pays ; le canard domestique oublienbsp;de voler. II serait facile de multiplier ces exemples. Nul doutenbsp;que Phomme n’ait usé de ce moyen puissant pour produire lesnbsp;races, qui se sont ensuite consolidées sous ses yeux par la selection et Pbérédité. On ne saurait douter non plus que de légersnbsp;changeraents n’aient été dans la plupart descas le point de départnbsp;des races les plus accentuées et les plus fixes. Ces races, une foisnbsp;devenuespermanentes, n’ontpas tardé a supplanter les individusnbsp;dépourvus des qualités reconnues avantageuses qui, chez elles,nbsp;n’avaient cessé de s’accroitre a cbaque génération. M. Darwinnbsp;fait observer avec quelle rapidité les bceufs courtes-cornes ontnbsp;éliminé leurs concurrents a longues comes, et les pores de racenbsp;améliorée les anciennes races porcines, dès que Pinfériorité denbsp;celles-ci a été reconnue. Cependant, quelle que soit Pinfluencenbsp;décisive des circonstances extérieures sur [’organisme, celui-ci,nbsp;loin de subir d’une fafon passive les changements qui se mani-festent en lui, les coordonne et les fait servir a Pexécution d'unnbsp;plan général, par lequel Pbarmonie de Pensemble se maintientnbsp;sans alteration a travers les changements les plus radicaux ennbsp;apparence.
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Si l’organistne peut être facilement ébranlé en effet, les variations qu’il éproLive, même partielles, ne sont jamais entièrement isolées ; toutes les parties les ressentent. II s’établit entre les or-ganes une correspondance nécessaire par suite de la corrélationnbsp;de croissance. II n’est pas toujours facile de se rendre compte denbsp;la nature de ces effets de corrélation. Suivant M. Darwin, il existenbsp;un rapport constant entre la coloration de ia tête et celle desnbsp;membres; les chevaux et les cbiens qui portent sur Ie front desnbsp;taches d’une autre teinte que Ie fond de la robe ont aussi lesnbsp;extrémités des jambes marquées de la même couleur. Chez lesnbsp;bommes, une exubérance extraordinaire du système pileux anbsp;quelquefois amené une dentition imparfaite ou surabondante. IInbsp;existe une corrélation certaine entre la couleur du pelage et cellenbsp;de l’iris; mais il est plus singulier de signaler 1’existence d’unnbsp;rapport entre la coloration des yeux et la surdité : il paraitraitnbsp;en effet que les chats blancs a iris bleu sont presque constammentnbsp;sourds. A cóté de la variabilité correlative, on peut placer encorenbsp;la variabilité analogique, qui montre des diversités de mêmenbsp;nature se produisant chez des êtres éloignés ; c’est ainsi qu’onnbsp;remarque des arbres a rameaux pleureurs dans des groupes biennbsp;différents. Tous ces changements et bien d’autres dépendent denbsp;l’organisme; c’est lui qui donne l’impulsion que 1’hérédité pro-longe en l’accélérant. La puissance de celle-ci, une fois en jeu,nbsp;ne connait pas de limites ; elle peut tout transmettre, les carac-tères physiques les plus saillants, les plus légers ou les plus acci-dentels, aussi bien que les instincts et les particularités denbsp;mémoire, d’intelligence, etjusqu’aux habitudes les plus futiles.
On pourrait écrire des volumes a eet égard; les races de cbiens, dechevaux, debétail,sicomplétementtransforméesparl’liomme,nbsp;celles de divers oiseaux qu’il a fafonnés, en sont des preuvesirré-cusables. Si l’on s’attache a Thomme lui-même, l’étonnementnbsp;redouble; certains gestes habituels, des tics bizarres se trans-mettenten dehors même de la fréquentation des parents qui lesnbsp;possèdent; certains genres de mémoire, celle des noms et desnbsp;dates par exemple, se trouvent l’apanage commun de toute une
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familie ; il en est de mème des dispositions mentales, de celle au suicide même, dont il serait aisé de citer des exemples frappants. La goutte, l’apoplexie, la phthisic, sont évidemraent héré-ditaires et se montrent bien souvent chez les fils au même agenbsp;que chez Ie père. On a même vu quelquefois des anomalies denbsp;conformation dans les mains et les pieds, et jusqu'a des marquesnbsp;superficielles, comine des cicatrices, reparaitre chez les enfantsnbsp;de ceux qui les présentaient et acqucrir ainsi une sorte de permanence. On pourrait a la rigueur trouver dans ces faits unenbsp;explication des difformités caractéristiques qui existent norma-lement chez beaucoup d’animaux sauvages, comme la bossenbsp;des charaeaux et des zébus, la lèvre supérieure des phacocèresnbsp;percée par les crocs recourbés de ces animaux; ces difformitésnbsp;auraient été un accident avant de devenir un caractère communnbsp;a tons les individus de l’espèce. ü’un autre cóté, d’autres altéra-tions longtemps répétées semblent n’infiuer en rien sur les pro-duits de l’hérédité. Beaucoup de races d’hommes se mutilentnbsp;volontaii’ement de temps immemorial, soit en s’arrachant lesnbsp;incisives, soit en se privant d’une phalange ou même en prati-quant la semi-castration, comme les Cafres, sans que la conformation des enfants s’en soit jamais ressentie. On ne voit pas nonnbsp;plus que les chiens auxquels on coupe la queue aient été affectésnbsp;dans leur descendance par la perte constante de cetorgane. L’or-ganisme réagit done dans beaucoup de cas; raais il suffit qu’ilnbsp;se modifie dans d’autres pour que certains accidents aient pu senbsp;transmettre par voie héréditaire.
Si l’hérédité est la source d’une telle multitude de phéno-mènes, elle ne s’exerce pourtant que dans des conditions et par des moyens déterminés, constituant ce que l’on nomme la fécon-dité. Élément indispensable de celle-ci, se manifestant Ie plusnbsp;souvent a l’aide des sexes, d’autres foisen dehors d’eux, la fécon-dité n’a été départie que dans une mesure très-inégale aux différents êtres. Presque illimitée chez les organismes inférieurs, onnbsp;la voit décroitre a mesure que l’on s’élève dans la série animalenbsp;et se réduire tinalcment a une seule portee annuelle ou hienne,^
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comprenant très-peu depetits ou même un seul. Les accidents de toiite sorte diminuent encore cette fécondité déja si faible, et lanbsp;ramènent a de telles proportions que, si rien ne change dans unenbsp;contrée, les mammifères sauvages qui 1’habitent ne dépasserontnbsp;jamais certains chifl'res relatifs. La rareté de la nourriture, ré-duite par la concurrence générale au strict nécessaire, doit con-tribuer a ce résultat, car l’alimentation indue directement sur lanbsp;fécondité, et parmi les faits mis en lumière par M. Darwin, s’ilnbsp;en est un qui paraisse hors de contestation, c’est l’accroissementnbsp;de la fécondité par la domestication et la culture. La mêmenbsp;cause diminue ou fait disparaitre la stérilité des produits d’unnbsp;croisement hybride. On est bien forcé de Ie penser en se rappe-lant l’origine multiple de plusieurs de nos races domestiquesnbsp;dont les descendants actuels sont indéfmiment féconds ; il n’y anbsp;d’exception que pour Ie mulct, et cependant il paraitrait que lanbsp;difficulté de l’obtenir est moindre que dans les temps anciens.nbsp;Si la domestication accroit la fécondité, la captivité, chez lesnbsp;espèces sauxages qui refusent d’en accepter Ie joug, produitnbsp;souvent Ie résultat opposé. La domestication n’est définitivenbsp;pour une espèce que lorsque celle-ci consent a se reproduire.nbsp;Certaines races, apprivoisées en apparence, refusent de Ie faire. IInbsp;en est ainsi des éléphants dés qu’on les arrache a leurs forêts ; lesnbsp;tigres et plusieurs autres carnassiers ne produisent que très-rare-ment en captivité, quelquefois même des oiseaux males perdentnbsp;en cage leur coloration pour revêtir les livrécs de la femelle. 11nbsp;semble qu’un changement trop brusque dans la manière denbsp;vivre soit venu pervertir l’instinct de ces animaux et détruire ennbsp;eux Ie germe de tous les désirs. Enlevés a leurs solitudes, a lanbsp;vie errante, aux aspects du sol natal, privés de leurs compagnons, ils demeurent en proie a une nostalgie particuliere. Telnbsp;est Ie sort des naturels droits et fiers chez les animaux ; d’autresnbsp;montrent plus de souplesse et de sociabilité ; Thomme a pu lesnbsp;plier plus ou moins vite a ses desseins et leur faire accepter unenbsp;nouvelle vie plus facile et par cela même plus favorable a lanbsp;fécondité.
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II faiit maintenant examiner trois phénomènes dont l’étude a été poursuivie avec im soin tout particulier par M. Darwin. Lanbsp;consanguinité oii les effets des unions consangnines, Ie croise-ment on rapprochement entre des races distinctes^ enfin l’hybri-dité ou croiseraent entre des races congénères, mais naturelle-mentinfécondes, nous donneront la clef d’une foule deproblèmesnbsp;relatifs a l’espèce. — Les ayantages de la consanguinité sont facties a saisir ; ce moyen, universellement en usage chez lesnbsp;animaux domestiques, est Ie seul par lequel on puisse fixer héré-ditairement et surtout accroitre les caractères dont l’utilité estnbsp;reconnue. De pareilles unions se multiplient presque al’infininbsp;au sein de la domesticité. Chez l’homme lui-même, l’inévitablenbsp;effet des unions consangnines souvent répétées est de perpétuernbsp;au sein des families certains caractères physiques et rnoraux ; mais,nbsp;si les qualités se transmettent, les défauts et les vices de constitution, les germes des maladies, se transmettent aussi, et la consanguinité poussée a Fextrême a des inconvénients qui finissent parnbsp;prévaloir d la longue. (Jne certaine faiblesse nerveuse.une délicatesse extréme, des tendances morbides, par-dessus tont unenbsp;stérilité sinon radicale, du moins partielle et croissante, parais-sent être la suite des unions consanguines trop répétées. A cenbsp;dernier égard surtout, les témoignages abondent; la féconditénbsp;ne disparait pas, mais elle se trouve atteinte, et la nécessité d’unnbsp;croisement finit toujours par se faire sentir. Les éleveurs Tontnbsp;ainsi compris; un mélange de sang nouveau leur parait nécessaire de temps a autre pour cimenter les races obtenues a I’aidenbsp;de la consanguinité et les rendre parfaiternent fécondes. Dansnbsp;les pares anglais on Ton conserve a l’état libre des troupeaux denbsp;daims, I’introduction de males étrangers est employee méthodi-qiiement. Les boeufs de Chillingham, qui sont livrés a eux-mêmes, ne forment qu’un troupeau pen nombreux qui se reproduit difficilement et dont la taille semble avoir diminué peu anbsp;peu. L’effetdes unions consanguines est encore plus rapide cheznbsp;les végétaux; la même semence ne peut longtemps servir anbsp;propager nos legumes et nos céréales. Si les plantes n’étaient
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pas renouvelées, leurs grains s’amoindriraient; elles perdraicnt jusqu’a la vertu germinative, en étant soumises a se fccondernbsp;toujours entre elles.
La consanguinité, tellc qu’clle est pratiquée chez les animaux domestiques, n’existe pas chez l’homme; que ce soit par im instinct supérieur des inconvénients qu’elle entraine ou par l’effetnbsp;d’un sentiment moral conservateur des lois de la familie, unnbsp;préjugé irresistible a fait partout repousser ces sortes d’unions,nbsp;flétries du nom d’inceste et proscrites jusque dans les sociétésnbsp;humaines les plus dégradées. Les mariages entre frère et soeurnbsp;ont été pourtant quelquefois en usage, et nos traditions religien-ses elles-mèmes les admettent, au moins a l’origine. La fablenbsp;d’OEdipe nous montre avec quelle horreur on regardait chez lesnbsp;Grecs les rapports entre parents et cnfants ; quelqiies récits denbsp;la Bible sembleraient, il est vrai, impliquer des idéés moins ré-pulsives; ils se rattacbent pourtant a des circonstances exception-nelles et présentent une singularité qui prouve combien les faitsnbsp;qu’ils relatent étaient en opposition avec les habitudes con-temporaines. Les prohibitions, encore maintennes par l’Eglisenbsp;comme par la loi, affirment la persistance de l’opinion contrairenbsp;a la consanguinité.
Le croisement au contraire active la fécondité et communique aux êtres vivants une énergie particuliere. Les végétaux eux-mèmes en rcsscntent les effets bienfaisants. Dans un livre récentnbsp;sur les Effets de la fécondation croisée, production des plus re-marquables de M. Darwin, ce savant a exposé le résultat de sesnbsp;propres expériences. Bicn que le croisement ne soit pas indispensable et qu’il n’intervienne pas nécessairement dans les phé-nomènes relatifs a la fécondation des plantes, ses effets influentnbsp;cependant, dans l’immense majorité des cas, sur la taille et lanbsp;vigueur des produits, qu’ils tendent a accroitre dans une notablenbsp;proportion. M. Darwin a contribué a démontrer, de concert avecnbsp;d’autres botanistes, que la nature avait employé a la réalisation denbsp;la fécondation croisée chez les végétaux des moyens très-diversnbsp;et très-ingénieux. Ellc y estparvenue, soit en modifiant la struc-
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nifester la vigueur
ture des organes sexuels et des eaveloppes florales, dans les plantes les plus élevées, soit en faisant intervenir les insectes quinbsp;vivent du sue des fleurs ou de la poussière pollinique et qui opè-rent, en butinant, un acte que beaucoup d’espèces livrées aelles-mêines se trouveraient incapables d’accornplir. 11 est rare elfec-fivement, surtout dans les fleurs a corolles développées et ome-mentales, que les organes male et feinelle, bien que réunis etnbsp;contigus, arrivent simultanément a l’ctat qui leur permet denbsp;remplir leur role respectif. En d’autres termes, la pollinisationnbsp;coincide rarement, au sein de la même fleur, avec l’épanouisse-inent du stigmate ou partie de l’organe femelle destinée a rece-voir l’imprégnation sexuelle. 11 fautbien suppléerpar un pollennbsp;emprunté a une autre fleur, souvent même a une autre plante,nbsp;au défaut de celui dont la dissemination a été trop hative ou tropnbsp;lente. C’esta ce transport de la poussière fécondante que s’appli-quenl les insectes, qui se font ainsi les agents inconscients les plusnbsp;actifs de la fécondation croisée. C’est a leur action indéfinimentnbsp;répétée qu’il est loisibie d’attribuer les plus grandes merveillesnbsp;durègnevégétal,peut-être même Ie développementet l’extensionnbsp;originaire des phanérogaraes angiospermes, c’est-a-dire des categories les plus brillantes, les plus nobles et les plus variées,nbsp;parmi celles qui se partagent de nos jours Ie règne végétal tontnbsp;ontier. — En effet, si l’abondance et la diversité croissantes desnbsp;sues mielleux, nectariens et sucrés ont eu pour conséquencenbsp;de multiplier dans une proportion énorme la classe des insectesnbsp;qui vivent exclusivernent de ces sortes d’aliments, ces mêmesnbsp;insectes, a partir d’une époque déterminée et a mesure qu’ilsnbsp;se répandaient, ont dü favoriser Ie phénomène du croiseraentnbsp;dans les plantes qu’ils ont fréquentées et qui auparavant étaientnbsp;réduites a Taction du vent pour de semblables effets. Dès lorsnbsp;quel ébranlement dans les organismes soumis a une incitationnbsp;de cette nature, directement influencés a chaque nouvelle géné-ration! On con^oit très-bien comment chez les produits d’unenbsp;fécondation croisée, ainsi exercée indéfiniment, ont du se mala variété croissante des formes et te déve-C'' DE Sapoiita.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;7
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loppement d’une foiile de caractères, dans un grand nombre de sections végélales, d’abord pauvrement représentées. C’est la unnbsp;tableau succinct des effets possibles du croisement; il faudraitnbsp;des pages et des volumes pour en établir l'importance. Les avan-tages du croisement paraissent done incontestables. II existenbsp;cependant une limite a eet accroissement de la fécondité par Ienbsp;croisement, et cette limite est celle oü commence l’hybridité. Sinbsp;rintervalle qui sépare les races s’élargit au dela d’une certainenbsp;limite, il arrive un moment oü la fécondité réciproque devientnbsp;difficile OU s’arrête même, a raoins qu’on ne parvienne a l’ob-tenir artificiellement; alors commence Ie róle de l’bybridité.
Sur cette question de Fliybridité, il est nécessaire d’entrer dans quelques explications, car c’est Ie nceud même de lanbsp;doctrine transforrniste. On peut soutenir d’abord que les races sont fécondes entre elles paree qu^elles appartiennent a lanbsp;même espèce, tandis que les espèces distinctes sont stériles anbsp;raison même de cette distinction ; mais ici la différence spécifi-que que l’on invoque se trouve justement basée sur Tobserva-tion même du fait qui sert a l’établir ; c’est done une vraie péti-tion de principe. Du reste la stérilité des hybrides n’est ninbsp;absolue ni permanente ; elle présente bien des degrés divers etnbsp;successifs, depuis la fécondité partielle jusqu’a la fertilité constante et indéfmie, perpétuée a Faide de nouveaux croisementsnbsp;avec Fune des deux formes parentes. Deux espèces voisines ennbsp;apparence donnent lieu a des produits viciés, tandis que Fonnbsp;voit d’autres hybrides provenant d’espèces bien plus éloignéesnbsp;présenter des produits féconds, au moins partiellement. Souventnbsp;les hybrides retournent après quelques générations a Fune desnbsp;souches mères, et cela n’a rien de surprenant. C’est la un phéno-mène d’atavisme pareil a ceux dont les croisements offrent tantnbsp;d’exemples. Si les espèces sont presque toujours stériles entrenbsp;elles, si les hybrides qu’elles produisent accidentellement Ienbsp;sont au moins partiellement, il ne s’ensuit pas qu’une différencenbsp;originelle s’élève comme un mur infranchissable pour lesnbsp;séparer. La fécondité mutuelle est sans doute Ie résultat
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d’une convenance organique, et les espèces lentement formées n’ont du acquérir qii’a la longue les caractères [qui les distin-guent et les constrastes par conséquent qui s’opposent tinale-ment a ce qu’il s’établisse entre elle des rapports suivis d’effets.
La cause du phénomène nous parait être toute physiologique ; livrés a eux-mêmes, les animaux se croisent tant que la diversiténbsp;qui les attire est pour eux un stimulant, ils s’éloignent^dès qu’ellenbsp;devient un obstacle ou une source de repugnance. Le point oünbsp;cesse 1 attrait et ou commence le dégout est certainement obscurnbsp;et indécis; la difficulté doit être souvent franchie accidentelle-ment avant de devenir insurmontable. Ce ne sont jamais d’ail-leurs deux êtres parfaitement semblables qui s’unissent; mêmenbsp;dans les unions consanguines, ce sont deux individus dont lesnbsp;différences, bien qu’accessoires, sont réelles et souvent très-frap-pantes. Le produit réunit en lui les deux ressemblances, mais anbsp;un degré nécessairement inégal, puisque, en fait de caractères,nbsp;il ne possède jamais que ceux du sexe qui lui a été départi. 11nbsp;devrait done par ce cóté au moins tenir exclusivement du pèrenbsp;ou de la mère, et par conséquent les produits males d’un coq,nbsp;d’un ebeval de course, d’un taureau, auraient seuls l’énergie, lanbsp;rapidité, le courage qui distinguent les males de ces races d’ani-maux. Cependant, Lexpérience le prouve, pour obtenir ces qua-lités, on a recours également aux deux sexes. Ce fait, si naturelnbsp;qu’il n’a pas besoin de preuves, constitue pourtant un phénomène de la plus haute valeur, que M. Darwin a soin de mettrenbsp;en lumière. 11 y voit la démonstration de ce qu’il nomme desnbsp;caratères latents, c’est-a-dire dont l’existence demeure cachéenbsp;chez celui qui les a, et qui sont pourtant susceptibles, dans eetnbsp;ctat, d’être transmis a sa descendance, même éloignée. Lesnbsp;caractères distinguant le male et la femelle, — qui dans cer-taines espèces se ressemblent fort peu, — attendent toujours,nbsp;pour paraitre, l’age de la puberté, c’est-a-dire qu’ils restent anbsp;l’état dormant durant une partie de la vie ; il est singulier d’ob-server qu'ils sont quelquefois susceptibles de se montrer cheznbsp;des individus d’un sexe différent lorsque par l’age ou par quel-
-ocr page 118-que aiitre circonstance Ie sexe propre vient a s’effacer. Les instincts de la femelle, commc la tendance au couvage, se réveillent dans Ie chapon, tandis que par un effet inverse les femelles quinbsp;cessent de pondre reprennent dans quelques cas la livrée du male.nbsp;M. Darwin cite des biches qui avaient pris du bois en vieillissant,nbsp;et l’on sait que Ia barbe pousse assez souvent aux femmes agées.nbsp;Tous ces effets procèdent de caractères qui demeurent enfouis,nbsp;pour ainsi dire, dans les profondeurs de l’organisme. Les quali-tés, les défaiits, les prédispositions morbides, peuvent se trans-mettre de cette fagon et sauter a travers une' ou plusieurs generations ; seulement Ie phénomène devient alors plus complexe, ilnbsp;prend Ie nom ^'atavisme ou de recurrence, et Ie caractère quinbsp;fait ainsi retour peut demeurer longleraps inconnu chez les descendants de celui qui en a transmis Ie germe.
Ilérédité, croisement, recurrence, toutce qui relève de lavita-lité semble dépendre d’une force unique dans son principe, multiple dans ses applications, toujours active et permanente,nbsp;raison d’etre de tout ce qui est organisé, depuis la celluie et l’em-bryon jusqu’aux entités les plus élevées et les plus complexes. Cenbsp;sont les ressorts secrets de cette force que M. Darwin a essayé denbsp;saisir et d’expliquer a l’aide d’une hypothèse ingénieuse, maisnbsp;qui pourtant, il faut Ie dire,, laisse l’esprit aussi perplexe aprèsnbsp;l’avoir écoutée qu’il l’était auparavant. Cette hypothèse, consi-dérée par l’auteur lui-même comme provisoire, est noinmée parnbsp;lui pangénèse, c’est-a-dire génération universelle ; elle ofire unnbsp;mélange évident des idéés de Buffon sur la génération et de cellesnbsp;de plusieurs physiologistesmodernes,principalementdcM. Claudenbsp;Bernard (1). D’après Buffon, la matière organisée comprendraitnbsp;une foule d’éléments ou molécules douées de vie et de mouvement, qui circuleraient dans tous les corps, s’y introduiraientnbsp;par la nutrition, et s’y accumuleraient de manière a réparernbsp;les pertes et a fournir les matériaux des nouveaux êtres. La vienbsp;organique résulterait done d’un tourbillon perpétuel, dont
(1) Voyez dans la Revue du 1quot; septembre 1864, Études physiologiques sur quciqurs poisons amèricaüiSy — Ie Cururey par M. Claude Bernard.
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les elements, entrainés dans un courant sans fm, ne devien-draient libres que pour s associer de nouveau. Aux yeux des physiologistes les plus éminents de notre époque, non-seulemenlnbsp;chaque organe possède sa vie propre et sou autonomie, mais ilnbsp;n’est lui-mêrne qu’un assemblage d’autres parties plus petites,nbsp;et celles-ci se divisent de la même manière jusqu’a ce que l’onnbsp;arrive a la celluie, élément primordial, véritable unité organiquenbsp;dont est nécessairement composéeen dernière analysetoute entiténbsp;vivante et corporelle. Selon les meilleures observations, chaquenbsp;celluie est une véritable individualité élémentaire ; elle remplitnbsp;un róle, desfonctions, en même temps qu’elle présente une formenbsp;déterminée. Les animaux supérieurs ne sont qu’une agrégationnbsp;complexe d’une multitude de ces éléments étroitement associésnbsp;au sein des liquides qui les baignent. La trame de l’organismenbsp;est telle qu’elle circonscrit des cavités intérieures, oü, commenbsp;au sein d’un petit monde dos de tous cótés, viennent se rendrenbsp;les substances gazeuses et fluides, les sues nourriciers, que Ienbsp;torrent de la circulation apporte a chaque celluie. Les partiesnbsp;constitutives des tissus organiques peuvent ainsi participer a lanbsp;vie générale qui anime l’agrégation tout entière, et posséder ennbsp;même temps une individualité résultant de sa forme et de sesnbsp;fonctions. Le cycle de l’existence de chaque celluie doit aussinbsp;avoir un tenue, après lequel elles sont éliminées et remplacéesnbsp;par d’autres, et ces nouvelles cellules naissent le plus souvent,nbsp;sinon exclusivement, du sein des précédentes.
C’est a cette donnée, universelleinent admise par la science moderne, que M. Darwin semble avoir rattaclié la théorie, asseznbsp;peu modifiée, de Buffon sur lesmolécules organiques. Partant denbsp;Lidée de l’individualité de chaque celluie, il s’est demandé si,nbsp;outre la multiplication par scissiparité, les cellules ne possédaientnbsp;pas un autre mode de multiplication qui consisterait dans lanbsp;faculté d’émettre, a un moment donné, des corpuscules, desnbsp;« gemmules cellulaires », susceptibles de circuler dans les fluidesnbsp;de tont le système, de se subdiviser, et enfin « de se développernbsp;ultérieurement en cellules semblables a celles dont elles derive
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raient. » II faadrait supposer encore que ce développement dépend de l’union préalable des gemmules avec d’autres gem-mulesquiles précéderaient dans Ie cours régulier de leur crois-sance, c’est-a-dire que l’ordre relatif de développement serait,nbsp;pour ainsi dire, déterminé d’avance, et qu’il ne pourrait avoirnbsp;lieu en l’absence de tout rapport réciproque des gemmules entrenbsp;elles. Les gemmules devraient ainsi se greffer les unes sur lesnbsp;autres en séries dont les termes seraient rigoureusement coor-donnés. On confoit la nécessité de cette supposition pour rendrenbsp;raison de la régularité parfaite de cbaque plan organique, dansnbsp;lequel les parties conserven! invariablemenl leur position relative. II faudrait supposer aussi qu’a l’état dormant, c’est-a-direnbsp;avant tout développement, les gemmules ont les unes pour lesnbsp;autres une affinité qui les dispose a se grouper pour former soitnbsp;des bourgeons, soit des éléments sexuels.
Dans cette bypothèse, toutes les parties dilférentes des tissus organiques, par cela même qu’elles sont hétérogènes, devraientnbsp;émettre des gemmules dont l’agrégation ultérieure reproduiraitnbsp;l’ensemble ; les seules parties entièrement homogènes, commenbsp;en présentent les êtresles plus bas de l’échelle, n’auraientbesoinnbsp;d’émettre qu’une seule celluie, sauf a la multiplier ensuite. 11 estnbsp;vrai que, lorsqu’on attribueachaque celluie la propriété d’émettrenbsp;des gemmules capables de la reproduire, cette supposition estnbsp;entièrement gratuite par elle-même. Elle n’est pas cependantnbsp;dénuée de toute probabilité, si l’on considère combien la naturenbsp;tend au fractionnement et a la multiplicité des parties élémen-taires a mesure que l’on pénètre dans les profondeurs de l’orga-nisme. L’ovulation, dont la reproduction cellulaire ne seraitnbsp;qu’une image, atteint a des nombres très-considérables chez lesnbsp;êtres inférieurs, et, si l’on s’étonne de la prodigieuse quantité denbsp;gemmules dont l’bypothèse de M. Darwin a besoin pour fonc-tionner, la surprise dirninue des qu’on songe aux 6,800 oeufs denbsp;la morue, aux 63,000 des ascarides,'enfin au million de grainesnbsp;d’une seule capsule d’orchidée. Le nombre des ovules tendant anbsp;s’accroitre a mesure que Ton descend la série des êtres, il n’y
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aurait rien d’improbable a ce que les gemmules de l’unité cellulaire, s’il en existe de telles, soient produites dans iine proportion pour ainsi dire incalculable. La ténuité presque infinie de cesnbsp;geminules en expliquerait la dissemination a travers I’organisme,nbsp;ainsi que la circulation au moyen des fluides.
On congoit que, ces premisses une fois concédées, l’hypothèse marche d’elle-même. Les gemmules accumulées dans l’intérieurnbsp;des corps vivants donneraient raison de tous les phénomènes denbsp;riiérédité, de la transmission et de la modification des caractères,nbsp;de 1 apparition de ceux-ci a un moment déterminé. Les évolutionsnbsp;de gemmules rendraient aussi bien compte de la croissance ounbsp;développement normal et continu que des métamorphoses et desnbsp;métagénèses, c’est-a-dire des changements rapides qui s’opèrentnbsp;dans Forganismetout entier. Danslamétamorphose, lesnouveauxnbsp;organes se moulent sur les anciens, dont ils se détachent commenbsp;d’une enveloppe ; dans la métagénèse, il semble qu’une vie nouvelle fasse germer sur des points distincts des precedents desnbsp;organes tout a fait indépendants et n’ayant rien de commun avecnbsp;ceux de la période qui se termine. Les cirrhipèdes, a 1’époque denbsp;leurs derniers changements, acquièrentdesyeux nouveaux qui senbsp;montrent sur une autre partie du corps que les autres. Plusieursnbsp;échinodermes, dans la seconde phase de leur développement,nbsp;naissent d’un bourgeon apparu dans l’intérieur du premier animal, qui est ensuite rejeté tout entier. La génération sexuelle nenbsp;serait elle-mème qu’un mode particulier de bourgeonnement, etnbsp;n^en différerait en réalité que par la nécessité de Funion denbsp;deux elements distincts; mais chacun de ces éléments corres-pondrait a Fensemble de Fètre qu’il représenterait : ce seraitnbsp;toujours des agrégationsde gemmules, susceptibles des deux partsnbsp;de reproduire Findividu dont elles proviennent, mais trop faiblesnbsp;pour y parvenir isolément et sans une combinaison préalable.nbsp;Cette insulTisance de chacun des sexes pris séparément serait ennbsp;réalité Funique cause de la nécessité du concours qu’ils se prêtent,nbsp;si les cas de parthénogénèse cités par plusieurs auteurs étaientnbsp;entièrement avérés. Geluide M. Jourdan, relatif aux femelles de
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versa soie, est des plus reraarquables : sur 58,000 oeufs pondus en dehors du contact du male, un grandnombre auraient traversénbsp;l’ètat embryonnaire, c’est-a-dire auraient paru susceptibles denbsp;développement, 29 seulement auraient donné des vers. Dans cenbsp;cas, si Ie fait était incontestable, l’énergie vitale aurait seule faitnbsp;défaut, et la différence entre les deux generations consisteraitnbsp;surtout en ce que la reproduction sexuelle serait progressive,nbsp;qu’elle ferait passer Ie produit sorti d’elle par une série d’étatsnbsp;successifs qui, en lui procurant l’avantage d'une élaboration plusnbsp;lente et plus graduée, lui assurerait celui plus évident encorenbsp;du croisement. Quanta la variabilité, qui joue un si grand rólenbsp;chez les êtres vivants, soit pour les changer pen apeu, soit pournbsp;faire naitre en eux des différences que l’hérédité consolide, ellenbsp;serait, dans rhypothèse de la pangénèse, une conséquencenbsp;directe des modifications éprouvées par chaqiie celluie, et qu’unenbsp;foule d’impressions, d’habitudes et d’influences de toute sortenbsp;ne manqueraient pas de pi’ovoquer. Les gemmules successive-ment émises porteraient la trace de ces changements, qui senbsp;transmettraient ensuite comme tout Ie reste. On congoit en elfetnbsp;que ces gemmules modifiées suivraient la même marche que lesnbsp;autres, et pourraient, comme elles, prendre place dans Ie nouvelnbsp;organisme, on demeurer latentes pour se monteer ensuite aprèsnbsp;un sommeil plus on moins prolongé.
Ainsi tout s’expliquerait sans peine a Taide des gemmules diversement combinées et transmises; ce qui se passe au fond denbsp;l’organisme deviendrait clair et simple; mais cette simpliciténbsp;même a lieu d’étonncr lorsque l’on observe tant de combinaisonsnbsp;dans les phénomènes de la vie. N’est-ce pas a l’aide de complications croissantes et variées a l’infini, que la nature arrive a sesnbsp;tins, a mesure qu’elle tisse la trame organique des êtres supérieurs? Si tout vient d’une molécule xivante, si Ie point de départnbsp;de tout être nouveau est une celluie, comment concevoircesamasnbsp;de gemmules innombrables, déja en partieagrégées, dunt l’exis-tence complexe serait si peu en rapport avec la simplicité d’ap-pareil des premières cellules de l’embryon?
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La generation, quel que soit Ie mode jiar lequel elle procédé, prolonge l’individu qui engendre par celui qui est engendré;nbsp;mais nous ignorons justement la nature de ce prolongement. Lenbsp;nouvel être emporte-t-il toiites les parties élémentaires de celuinbsp;dont il sort, ou bien regoit-il simplement de lui une impulsionnbsp;decisive qui détermine non-seulement son plan de structure, maisnbsp;la lorme même des parties qui se développeront plus tard? C’est lanbsp;un mystère que I’liomme ne percera peut-être jamais; cequi estnbsp;certain, c’est qu’a mesure que l’ons’élève versies êtres supérieurs,nbsp;on voit le germe fécondé subir une élaboration d’autant plusnbsp;parfaite qu’il reste plus longtemps attaché a la mère. Cependantnbsp;l’intluence de celle-ci ne se fait pas plus sentir dans le résultatnbsp;final que celle du père. Si les gein mules accumulées jouaient icinbsp;un róle décisif, la mère n’en fournirait-elle pas une plus grandenbsp;part par la communication des liquides nourriciers qui serviraientnbsp;justement de véhicule a ces germes? Or il est évident par lesnbsp;ressemblances qu’elle n’ajoute rien a ce qu’elle a fourni toutnbsp;d’abord, On pourrait élever bien d’autres objections, et pourtantnbsp;il serait téméraire de condamner entièrement l’bypothèse denbsp;M. Darwin. L’assimilation analogique de la génération sexuellenbsp;au bourgeonnement, aux métamorphoses et a la croissance, la vienbsp;indépendante des unités corporelles ou cellules, la certitude denbsp;multiplication de celles-ci par division spontanée, prêtent beau-coup de vraisemblance a lafaculté qu’onleur attribue d’émettrenbsp;desgemmules. La transmission fidéle, l’état latent des caractèresnbsp;paternels, les variations del’organisme a certains points de vue,nbsp;la fixité qu’il présente sous d’autres, sont autant d’indices suscep-tiblds de faire pencher la balance en faveur d’une doctrine exposéenbsp;d’ailleurs avec un art infini et une science d’observation con-sommée. A notre avis pourtant, le véritablebutque s’est proposenbsp;M. Darwin n’est pas celui qu’il essaie d’atteindre au inoyen de lanbsp;pangénése. Les ressorts de la vie organique nous resteraientnbsp;inconnus que nous pourrions encore nous demander commentnbsp;se sont formés et d’oü sont venus les êtres que nous grouponsnbsp;sous la dénomination d’espèces. La recherche des questions d o-
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rigine, lalutteconlre d’ancienspréjiigés, Feclaircissement patient et graduel de la fafon dont il est possible de concevoir les phéno-mènes d’ëvolution, voila la yraie tache que Ie naturaliste anglaisnbsp;a SU s’imposer et qu’il accomplittouslesjours.il a montré ennbsp;effet aux esprits non prévenus qu’un lien général réunit tous lesnbsp;êtres organisés, que ce lien dexientplus étroit a mesure qu’on di-xise ceux-ci, en groupes secondaires, jusqu’a ce que l’on arrivednbsp;des individualités tellement rapprochées qu’on est en droit denbsp;les considérer comme provenant d’une même souche. 11 a montré aussi que, si l’on quitte les espèces sauvages^ dont les carac-tères sont d’autant plus fixes qu’ils se sont atFermis plus lente-ment, pour aborder les animaux et les plantes domestiques, onnbsp;voit les mêmes pKénomènes revêtir une physionomie particuliere due, il est vrai, a l’intervention de 1’homme, maïs quinbsp;n’en est pas moins propre a nous dévoiler la marche de la nature. Les espèces créées'par I homme ou races ne sont pointnbsp;pareilles a celles que la nature a formées ; Ie résiiltat dilfère,nbsp;mais seulement dans la mesure de la diversité des moyens employés.
Arrivons a une conclusion : la notion de l’espèce, telle que l’école de Cuvier l’avait définie, devra nécessairement changernbsp;de sens. L’espèce ne peut ètre envisagée que dans son présent ounbsp;dans son passé. Or, si l’on étudie l’état actuel des choses, cettenbsp;notion, dont on voudrait faire la base immobile de tout Ie système,nbsp;est impossible a définir rigoureusement.Tantótélargie de manièrenbsp;a comprendre des êtres tout a fait dissemblables, tantót réduitenbsp;a des limites étroites et presque insaisissable, elle fait Ienbsp;désespoir des naturalistes les plus éminents, et se dérobe anbsp;l’analyse. Si l’on plonge dans Ie passé, l’origine des espècesnbsp;par voie de modifications successives s’impose a l’esprit, nonnbsp;plus comme une théorie, mais comme un fait qui se dégagenbsp;de l’ensemble même des investigations. Ici, pour résoudrenbsp;Ie problème, ce que l’on doit surtout invoquer, c’est l’impossi-bilité d’expliquer autrement la marche des phénomènes paléon-tologiques. Tout inène a ce résultat : il n’y a plus de limites
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précises entre les diverses périodes; celles-ci varient en nom-bre, en intensité, et en durée ; elles sont caractérisées différem-ment, suivant que l’on prend pour point de vue telle on telle série d’animaux on de plantes. Les liaisons se multiplient, lesnbsp;sous-étages tendent a confondre les divisions principales en unenbsp;suite continue de phénomènes enchainés. Les espèces présentesnbsp;se rattachent presque toujours a celles qui les ont précédées, etnbsp;celles-ci Font été a leur tour par d’autres qui s’éloignent des premières par une sorte de gradation en rapport avec Ie tempsnbsp;écoulé. On retrouve ainsi comme des jalonsintermédiaires entrenbsp;les espèces, les genres et les ordres; on apergoit quelques-imsnbsp;des échelons que la vie organique a dü gravir successivementnbsp;avant d’arriver jusqu’a nous. Sans doute les formes spéciliquesnbsp;n’ont pas toujours varié; elles ont pintot varié dans une mesurenbsp;inégale, de manière a aboutir a des résultats inégaux aussi. Denbsp;la la valeur essentiellement relative des termes actuels de lanbsp;série organique; de la aussi la nécessitc de ne voir dans les êtresnbsp;que nous avonssous les yeux que les derniers acteurs d’une luttenbsp;qui a commence avec la vie elle-même, et s’est prolongée a travers Fimmensité des siècles. La lutte acharnée pour Fexistence,nbsp;et nous ne saurions mieux terminer que par cette pensée em-pruntée a M. Darwin, est la preuvela plus puissante de Fabsencenbsp;de causes finales combinées a la fafon bumaine; mais, cettenbsp;absence une fois constatée, Ie problème de la raison d’etre desnbsp;choses est loin d’etre éclairci, et Fon se trouve en présence d’unenbsp;difficulté aussi inabordable que celle du libre arbitre et de lanbsp;prédestination.
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L’homme n’a pas encore réussi a fouler toutes les parties du solterrestre; qu’il s’avance vers les poles ou qu’il gravisse 1’Hi-malaya, il s’arrête a la fm devant l’obstacle, jusqu’ici insurmon-table, que lui oppose Ie climat, rendu excessif par Ie froid. L’eaunbsp;convertie en bloes solides, ou devenue une poussière inerte, rendnbsp;inaccessibles les points qu’elle occupe dans ces états. Sans eau,nbsp;aucune vien’est possible; toutefois, pas plus que Peau, la vie nenbsp;disparait brusquement. Sur les limites indécises qui bornent sonnbsp;domaine, elle lutte avec énergie, quoique avec peine, elle senbsp;cramponne aux parois abritées de certaines roebes, elle se glissenbsp;jusque dans la neige fondante avec Ie Protococcus; en un mot,nbsp;elle se montre partout oii Ie milieu liquide reparait au moins parnbsp;intervalles, mais elle s’évanouit iriévitablement avec lui. Chargénbsp;de glacés permanentes aux poles et sur la cime des grandesnbsp;chaines, Ie globe, malgré la puissance vitale qui se manifeste a sanbsp;surface, ressemble a un corps dont les extrémités seraient blan-chies et paralysées par lage. Pour Ie croire doué des attributsnbsp;d'une éternelle jeunesse, il faudrait ne pas lever les yeux trop
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haut OU ne pas les fixer trop loin; il faudrait surtout se garder d’interroger Ie passé. Ne serait-ce pas trop exiger de cette ambition de savoir qui possède si bienle coeur deThomme?
Si l’on veilt au contraire se rendre compte des conditions qui président a Ia vie, l’exaltent, la maintiennent ou l’affaiblissent,nbsp;il faut étudier Ie climat, c’est-a-dire la manière dont la cbaleurnbsp;et l'eau se trouvent distribuées a la surface du globe. Cette distribution, inégale ou même capricieuse en apparence, est cependantnbsp;soumise a des regies; elle dépend de certaines causes déterminées;nbsp;enfin, et c’est la surtout Ie phénomène que nous chercherons anbsp;examiner, elle a changé selon les temps. L’histoire des révolu-tions du climat, liée a celle des êtres organisés, a été gouvernéenbsp;par une loi de développement dont Tunité est visible, et qui sansnbsp;doute a sa raison d’être,bien qu’il soit a peine possible de l’entre-voir. On reconnait a ce point de vue, comme sous d’autres rapports, que la terre a été jeune, puis adolescente, qu’elle a mêmenbsp;traversé l’age de la maturité ; Thomme est venu sur Ie tard, alorsnbsp;qu’un commencement de déchéance physique avait frappé Ienbsp;globe qui est devenu son domaine. Exclue de certaines parties,nbsp;sans connaissance directe des événements qui précédèrent sa venue, noire race s’elForce par tons lesmoyens de reconquérir I’es-pace etle temps, le premieren allant jusqu’auxextrémités de lanbsp;terre, le second en penetrant les secrets de son origine. Nousnbsp;allons tenter un de ces efforts en faisant revivre les combinaisonsnbsp;climatériques d’autrefois, combinaisons disparues depuis sousnbsp;I’empire de circonstances dont il est difficile de percer I’obscu-rité ; mais avant tout tachons de saisir la disposition actuelle desnbsp;climats etla nature des causes très-simples, en réalité, auxquellesnbsp;Cent leur existence.
La presque totalité de la chaleur que recoit maintenant la terre ii sa surface lui vient dusoleil, bien qu’elle possède dansses pro-fondeurs une cbaleur propre, et que I’espace céleste lui-même
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n’en soit pas entièrement dépourvu. La chaleur de l’espace, toute negative, suftit a peine pour empêcher les régions polaires de senbsp;refroidir en hiver au dela d’une limite de heaucoup inférieurenbsp;au point de congelation, et la chaleur propre ne devient appré-ciable qu’au-dessous d’une profondeur d’environ 30 mètres (1).
A la surface, la chaleur solaire est done seule sensible; mais elle serait aussi rapidement dissipée pendant la nuit qu’acquisenbsp;pendant Ie jour, si l’atmosphère n’en retenait une partie, ou,nbsp;pour mieux dire, si l’enveloppe de gaz et de vapeur qui nousnbsp;entoure ne s’opposait a la déperdition trop subite de la chaleurnbsp;repue. Plus l’enveloppe est dense, plus la déperdition est lente etnbsp;graduelle; plus elle est rare et subtile, moins elle met d’obstaclenbsp;au rayonnement, et ce dernier effet se manifeste pour peu quenbsp;Ton s’élève au-dessus du niveau de lamer. A une hauteur relativenbsp;assezpeu considérable,rair n’absorbe plus qu’une faible quantiténbsp;de chaleur solaire et la perd très-rapidement. De la Ie froid desnbsp;régions montagneuses. L’altitude suffit pour annuler tous lesnbsp;effets du climat; seulement ces effets persistent plus ou moins,nbsp;suivant que la température de Ia surface est plus ou moins chaude.nbsp;Sous les tropiques, la limite des neiges éternelles est placée entrenbsp;4,800 et 5,500 mètres; dans l'Europe centrale, elle commence anbsp;3,00f) mètres; en Laponie, elle descend a 1,200 mètres, etnbsp;s’abaisse dans Ie Spitzberg de manière a atteindre presque Ienbsp;niveau de la mer. Le froid polaire et Ie froid altitudinaire senbsp;confondent ainsi; Fair, dans la zone glaciale, s’échauffe a peinenbsp;au contact des rayons solaires, il n’y pergoit qu’une lumièrenbsp;dispensée par intermittence, absente durant une partie de l’année,nbsp;oblique et sans intensité pendant l’autre partie. Cette successionnbsp;incessamment répétée de lumière et d’obscurité, qui nous parait
(1) Cet accroissement est évalué en moyenne amp;, 1 degré par 32 mètre?, mais les résultats donnés par les forages de puits artésiens accusent des variations d’intensitónbsp;calorique très-étendues. L’accroissement s’élève parfois jusqu’i 1 degré par 10 etnbsp;|3 mètres de profondeur, et le pliénomène, influence sans doute par des causesnbsp;locales, est loin de montrer la régularité nécessaire pour permottre d’établir un calculnbsp;général. L’existence de la chaleur intérieure n’est cependant nullement douteuse parnbsp;elle-même, et les eruptions de laves en fusion déoiontrent que cette chaleur continuenbsp;il s’élevor dans des profondeurs inaccessibles k nos observations directes.
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si naturelle^ s’efface graduellement vers Ie pole, oü les jours et les nuits, agrandis démesurément, se changent en deux saisonsnbsp;extrêmes, séparéespar une série de crépuscules. Nous resterionsnbsp;surpris de l’annonce seule de ces phénomènes, si la geographicnbsp;ne nous les rendait familiers des l’enfance; chez les Grecs dunbsp;temps d’Hérodote, la notion légendaire en arrivait aux peuplesnbsp;des bords de la Méditerranée, pêle-mêle avec les fables les plusnbsp;chimériques. On sait que la cause du climat polaire est due anbsp;Vinclinaison de l'axe terrestre sur Ie plan de l'orbite. Par Ie seulnbsp;effet de cette inclinaison de Paxe qui reste parallèle a lui-même,nbsp;c’est-a-dire qui garde une même direction iminuable dans l’es-pace celeste, les jours et les nuits se succèdent, égaux a l’équa-teur seulement, faibleinent inégaux jusqu’aux tropiques, denbsp;plus en plus inégaux a mesure que l’on s’avance vers les poles ;nbsp;les longs jours de l’été répondent exactement aux longues nuitsnbsp;de Ihiver, et l’hiver de l’un des deux hemispheres a Fété denbsp;1 hémisphère oppose, tandis que dans l’intervalle qui sépare lesnbsp;deux saisons extrêmes viennent se placer les equinoxes, seulsnbsp;moments oü Ie jour et la nuit s’égalisent par toute la terre avantnbsp;de croitre ou de diminuer alternativement. L’obliquité desnbsp;rayons solaires ou, ce qui revient au même, l’essor de l’astrenbsp;central sur l’horizon se trouve en rapport nécessaire avec cettenbsp;inégalité des jours et des saisons; atteignant Ie zénith sous lanbsp;zone torride seulement, on voit Ie soleil, sous les zones tempé-rées, s’éloigner de plus en plus de la verticale en décrivant desnbsp;arcs de eerde de moins en moins élevés, jusqu’a ce qu’au delanbsp;des cercles polaires il disparaisse entièrement pendant l’hiver etnbsp;cesse de se coucher en été. 11 rase alors l’horizon en répandantnbsp;une lumière dont la continuité même est impuissante a corrigernbsp;lafaiblesse, tandis que des brumes incessantes et des tourmentesnbsp;de neige en voilent la tardive et courte splendeur. La progressionnbsp;des jours et dos nuits polaires est du reste des plus rapides, quandnbsp;on s’avance d’un lieu donné vers un autre plus reculé dans lanbsp;direction du nord. Le jour de vingt-quatre heures commencenbsp;un peu au dela de Tornea, oü,une fois dans l’année, on aper^oit
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Ie soleil de miniiit; au cap Nord, par 71°, 12'lat., Ie jour estival est déja de deux mois; il est de quatre mois au Spitzberg vers Ienbsp;78° degré de latitude. II est vrai que dans ce dernier pays Ie soleilnbsp;s’élève au plus de 37 degrés au-dessus de l’horizon; il n’envoienbsp;que des rayons sans chaleur, telum imbelle sine ictii; il éclairenbsp;de sa lueur pale une terre glacée ou frissonnent quelques raresnbsp;plantes ensevelies sous les frimas, et qui ne sortent du sommeilnbsp;qui les tient dix mois inertes que pour accomplir hativement leursnbsp;fonctions vitales et se rendormir de nouveau. Quel tableau, sinbsp;l’on songe aux forêts vierges du Brésil et de Java, aux valléesnbsp;profondes du Népaul, aux savanes noyées de l'Orénoque, oünbsp;la vie surabonde, oü une lumière ardente, vive etdorée, ondulenbsp;de toutes parts, soulève de tièdes vapeurs, joue avec l’ombre etnbsp;fait resplendir les formes des plus merveilleux végétanx! Sousnbsp;les tropiques, Thomme se sent écrasé par une vie exubérante ; ilnbsp;lutte incessamraent pour maintenir sa place au milieu de la nature dont il est dominé ; ses plus fortes oeuvres sont envahies ennbsp;pen de temps; les arbres immenses reprennent possession dunbsp;sol, dès que celui-ci est abandonné a lui-mème. Dans rextrêmenbsp;Nord, la faiblesse de Tbomme est encore plus évidente, maisnbsp;c’est du poids de la nature inerte qu’il est accablé. Les élémentsnbsp;règnent seuls dans ces régions dévastées, oü l’atmosphère senbsp;trouve livrée a d’époiivantables tourmentes. La neige dérobe lesnbsp;aspérités du sol, la glacé couvre la mer d’un sol factice, souventnbsp;mobile et toujours dangereux; la confusion estpartout, Ie calmenbsp;nulle part; chaque pas est pénible, la vie elle-même devient unnbsp;effort que l’énergie la mieux trempée ne peut soutenir longtempsnbsp;sans succomber. Ce sont la des contrastes inouïs, mais ce nenbsp;sont pas les seuls. Si la terre a sa surface avait partout Ie mêmenbsp;aspect et les mêmes accidents, les jours et les climats seraientnbsp;disposés dans un ordre régulier de l’équateur au pole. Onnbsp;passerait a l’aide d’insensibles transitions de Textrême chaleurnbsp;a I’extreine froid, du jour constant de douze heures au journbsp;semestriel du 90° degré. II suffirait dès lors de savoir la latitudenbsp;d’un lieu pour en connaitre Ie climat. II est très-loin d’cn être
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ainsi dans la réalité ; les terres et les mers, les déserts froids ou brülants, les plateaux élevés, les bassins intérieurs, les chainesnbsp;de montagnes et les fleuves sont distribués de la fa^on la plusnbsp;iri’égulière, et de celte irrégularité naissent des influences denbsp;toute sorte qui aggravent ou corrigent, effacent ou modifientnbsp;profondément les effets de la latitude, c’est-a-dire dérangent lesnbsp;climats astronoiniques et normaux pour en créer d’arlificiels,nbsp;plus OU moins différents des premiers. Les courants atmosphéri-ques et les courants raarins constituent les plus puissantes de cesnbsp;influences combinées. Ilsontpour résultat d’empêcher les lignesnbsp;isotherines, c’est-a-dire celles qui passent par les lieux dont lanbsp;température est la même, de coïncider axec les parallèles, etnbsp;leur font décrire les courbes les plus capricieuses. 11 suffit denbsp;l’existence, dans l’océan Atlantique, d’un courant d’eau chaude,nbsp;Ie Gidf-Stream, pour relever tons les isotherines Ie long desnbsp;plages exposées a son influence et les reporter de 10 degrés plusnbsp;au nord, tandis qu’on les voit s’abaisser en sens inverse dansnbsp;l’intérieur des deux continents. II existe une très-grande diffé-rence entre les climats maritimes, c’est-a-dire ceux des terresnbsp;que la mer baigne, et les climats continentaux, c’est-a-dire ceuxnbsp;des regions méditerranéennes. Les premiers sont exempts denbsp;saisons extrêmes, les conditions tendent a s’y égaliser; I huini-dité y est plus constante et la chaleur plus modérée. Les climatsnbsp;continentaux sont au contraire excessifs, les hivers y sont froidsnbsp;et les étés brulants, les pluiesy sont rares ou intermittentes. Cer-taines contrées, comme Ie Sahara, LArabie déserte et Ie désertnbsp;de Gobi, sont même privées de pluies et presque dépourvuesnbsp;d’êtres vivants, non plus par l’effet du froid, mais par l’absencenbsp;d’eau ; l’eau et la chaleur sont effectivement les deux élémentsnbsp;dont l’union féconde engendre nécessairement la vie ou du moinsnbsp;la rend possible,
Ce rapide exposé permet de comprendre la nature et Ie röle des éléments qui concourent a former Ie climat, ou, pour mieuxnbsp;dire, des facteurs d’oü il résulte dans sa diversité. Le soleilnbsp;fournit la chaleur, la position de l’axe détermine l’angle sous
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lequel Ie globe la.perfoit, et Tatmosphère, suivant sa densité relative, l’absorbe plus oii moins et I’empecbe de se dissiper. Le róle de ces trois facteurs étant parfaitement déterminé, on con-f oit très-bien qu’il suffise de cbanger l’un d’eux pour renversernbsp;les proportions et produire des combinaisons entièreinent diffé-rentes. C’est effectivement ce qui se passe sous nos yeux lorsqu’onnbsp;s’élève sur les hautes montagnes, oü la rarefaction de l’air luinbsp;enlève une partie de son pouvoir calorifique. Au pied de l’Hi-malaya, dans les plaines de l’Inde, la végétation conserve son ca-ractère tropical jusqu’a 1,000 mètres; a 2,000 metres, la neigenbsp;est encore inconnue, mais les palmiers et les bananiers djspa-raissent, tandis que les chênes et les pins commencent a senbsp;montrer ; la moyenne de cbaleur annuelle estalorsde 14 degrésnbsp;centigrades, a peu pres celle du midi de la France. A 3,000 mètres d’altitude, la neige tombe en biver, mais elle fond presquenbsp;aussitót; les sapins se mêlent aux arbres a feuilles caduques,nbsp;et le paysage rappelle celui des plaines de 1’Europe centrale.nbsp;Vers 3,300 mètres s’étend la région des cèdres, et au-dessus cellenbsp;des bouleaux, qui ne se termine entièrement que vers 5,000 mètres d’altitude. A cette elevation, déja supérieure a celle dunbsp;mont Blanc, le seigle est encore cultivé; certaines plantes dé-passent même cette région de quelques centaines de mètres etnbsp;parviennent jusqu’a la limite des neiges permanentes. — Anbsp;5,500 OU 5,800 mètres, les dernières traces de la vie ontdisparu,nbsp;en Amériquc comme en Asie, et la glace remplace tout. La seulenbsp;raréfaction de l’air amène ces changements sur une hauteur verticale relativement assez faible, si on la compare a l’étenduenbsp;totale de l’atmosphère, évaluée au moins a 30 kilomètres. 11nbsp;suffirait done d’augmenter la densité des couches aériennes pournbsp;accroitre immédiatement l’étendue verticale du domaine de la
On verrait se produire des modifications analogues, s’il était permis de supposer un changement quelconque dans la naturenbsp;des deux autres facteurs, et que la cbaleur solaire put gagnernbsp;OU perdre en intensité, ou qu’elle nous fut déversée sous un
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angle différent par suite d’une autre direction de 1’axe. Ces hypotheses seniblent purement gratuites, puisque rien n’en justifie radroissibilité, et cependant elles nous font toucher au coeurnbsp;même de notre sujet, c’est-a-dire aux Tariations passées du cli-inat. En étabiissant Ie fait de ces variations, nons saurons parnbsp;cela même que l’un des trois facteurs a du nécessairementnbsp;changer, et que la source du calorique, la direction de Ease et lanbsp;composition de l’atmosphère n’ont pu évddemment rester dansnbsp;les mêmes termes relatifs ; sanscela, les variations climatériquesnbsp;auraient été nulles, ou tout au moins elles auraient été renfer-mées dans d’étroites limites.
Les astronomes êtablissent que la direction de l’axe tei’-restre, sauf Ie petit mouvement oscillatoire nommé nutation, a dü rester immuable depnis l’origine même de la rotation denbsp;notre globe ; mais, invariable pour chaque planète en particulier,nbsp;la direction de l’axe n’est rien moins qii’iiniformepourl’ensemblenbsp;du système solaire, et les diversités que présentent sous ce rapportnbsp;plusieurs planètes comparées a la notre nous fournissent Ie tableau véritable de ce que celle-ci serait, si par impossible l’axenbsp;de rotation s’élait redressé ou incline par rapport a ce qu’il estnbsp;sous nos yeux. Si l’axe terrestre, au lieu de couper obliquementnbsp;Ie plan de l’orbite, était dirigé parallèlement a ce plan, et qu’auxnbsp;solstices l’un des poles eut Ie soleil a son zenith, quelle perturbation profonde ne résulterait-il pas de cette disposition quenbsp;présente, a peu de chose pres, la planète Mercure ! Le cerclenbsp;polaire se confondrait avec l’équateur, et les tropiques avec lenbsp;pole; une fois par an, le soleil éclairerait verticalement chaquenbsp;pole; les deux hémisphères distrihués dès l’équateur, comme lenbsp;sont maintenant les seules zones glaciales, c’est-a-dire par cli-mats de jours et de mois, auraient tour a tour des étés brülantsnbsp;et des hivers glacés, tandis que vers l’équateur le soleil, verticalnbsp;aux equinoxes, raserait l’horizon aux solstices, ainsi qu’il le faitnbsp;aux poles maintenant. Les contréesvoisines del’équateur seraientnbsp;seules habitables, a ce qu’il semble, sur une terre construite denbsp;cette fafon, car les alternatives de chaleur tropicale et d’obscu-
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rité glacée qui seraient propres aux alentours des poles et a la plus grande partie de notro zone tempérée feraient de duresnbsp;conditions aux êtres vivants qui y seraient fixes. Le climat d’unnbsp;globe pareil serait excessif. — II serait tout autre, si l’axe, eiitiè-rement redressc, comme dans Jupiter, de\enait perpendiculairenbsp;au plan de 1’orbite ; le jour et la nuit n’auraient alors d’inégaliténbsp;nulle part, tandis qu’aux poles la mêine clarté se maintiendraitnbsp;toute 1’année a l’état de crépuscule. Avec l’axe vertical, les latitudes existeraient, plus régulières seulement qii’aujourd’hui, etnbsp;les différences de climat ne tiendraient qii’a l’obliquité croissantenbsp;des rayons solaires a mesure que l’on s’avancerait vers les poles,nbsp;ces rayons n’étant verticaux qu’a l’équateur. Dans ces conditions,nbsp;la zone equatoriale percevrait une somme de chaleur égale anbsp;celle qui lui est maintenant départie; les nuits n’étant longuesnbsp;nulle part, nulle part aussi la terre ne se refroidirait assez pournbsp;présenter des glacés polaires, tandis que les courants marins etnbsp;atmosphériques tendraient a uniformiser partout les climats.nbsp;Les zones moyennes sur un globe ainsi disposé auraient unenbsp;température douce, mais sans chaleur, et les régions polaires,nbsp;faiblement, mais sans cesse éclairées, seraient enveloppées d’unnbsp;voile de vapeurs brumeuses.
Ces hypotheses cosmiques reposent pourtant sur des fonde-ments sérieux, puisque l’astronomie en atteste la réalité pour d’autres astres que le notre. Nous n'avons pas le droit d’avancer,nbsp;il est vrai, que la terre ait traversé de pareils états et que l’axe dunbsp;globe ait jamais subi des déplacements. Ce serait une conjecturenbsp;que la science positive combattrait, et qui d’ailleurs ne serailnbsp;appuyée par aucun indice direct. Le phénomène est par lui-même des plus complexes ei la direction de l’axe, nous 1 avons vu,nbsp;n’est qu’un des tenues de la question ; s’il est resté immuable,nbsp;comme toutporte a le croire, l’atmosphère terrestre et la chaleurnbsp;solaire ont pu cependant varier dans de larges limites; mais,nbsp;avant dechercher des explications au phénomène, il faut avantnbsp;tout rechercher en quoi il consiste et quels sont par conséquent les chaiigeinents qui se sont opérés dans les climats ter-
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restres, dans quel temps ils se sont prodiiits, et quelle marche ils ont suivie.
L’idée confuse que la terre a plusieurs fois change d’aspect, de climats etd’habitants estancienne etpourainsi dire légendaire.nbsp;On la découvre dans l’age d’or des poëtes, dans les tableaux dunbsp;paradis terrestre, dans les rénovations cosmiques de Platon, enfinnbsp;dans cette opinion populaire, souvent répétée, que certaines cultures tendent a reculer de siècle en siècle par suite d’un abaisse-nient graduel de la temperature. Arago, reprenant cette thèsenbsp;pour la conibattre dans VAnnuaire du Bureau des longitudesnbsp;de 1834, s’est attaché a prouver au contraire que, depuis lesnbsp;temps historiques les plusreculés, la Syrië et l’Égypte ontgardénbsp;absolument Ic mème climat, puisque maintenant comme autrefois la vigne et Ie palmier y mürissent simultanément leursnbsp;fruits, tandis qu’il auraitsufti d’une faible modification caloriquenbsp;en plus OU en moins pour exclure Tune ou l’autre de ces deuxnbsp;essences. Les observations d’Arago, adoptees depuis par Forbes,nbsp;sont justes, si 1’on considère les quatre ou cinq mille ans aux-quels elles s’appliquent; mais les découvertes de ces dernièresnbsp;années nquot;en démontrent pas moins qu’en s’écartant un peu aunbsp;dela de cette limite dans Ie passé, on remarque des vestiges denbsp;changements climatériques considerables. Pour cela, il n’estpasnbsp;nécessaire de s’adresser aux époques géologiques les plus anciennes : ces sortes d’indices sont bien plus récents, et, pour les con-stater, il suffit de se reporter a un temps déja éloigné, si Ponnbsp;compte les siècles, mais d’un éloignement relatif très-modéré ennbsp;définitive, car la presence de Phomme y a été signalée avecnbsp;certitude.
Lorsqu’on s’attache a l’ensemble de cette période que les géo-logues ont nominee quaternaire, on est frappé de l’accroissement très-sensible de 1’humidité sur toute la face de notre hémisphèrenbsp;et probablement dans Ie monde entier par rapport a 1’étathygro-
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métrique actuel. En Europe, les fleuves ne sontcjue des niisseaux en comparaison de ce qu’ils étaient alors. La plupart, réduits anbsp;un mince filet d’eau, se sont creusé un sillon an milieu desnbsp;dejections de l’ancien lit. Les berges actuelles montrentsur leurnbsp;tranche des lits horizontaux de sable, d’argile et de caillouxnbsp;roulés ; comme ces lits se correspondent exactement d’un bordnbsp;a l’autre, il est aisé de rétablirlenr continuité et de reconstituernbsp;l’ancien fleuve. On reconnail souvent alors qu’il remplissait lanbsp;vallée entière, la oü son courant cache maintenant a un niveaunbsp;inférieur Ie volume amoindri de ses eaux. 11 en estainsi non-senlement du Rhone et du Rhin, qui descendent des Alpes, maisnbsp;encore de la Seine^ de la Somme et de Icurs moindres affluents.nbsp;L’Yonne, aujourd’hui faible rivière, a cbarrié autrefois jusqu’anbsp;Auxerre des bloes entrainés des bauteurs du Morvan. La'Craunbsp;de Provence n’est que I’embouchure du Rhone primitif; ellenbsp;s’étendait sans discontinuité des environs d’Istres et de Foznbsp;jusque dans EHérault. Sur tout eet espace, d’énormes caillouxnbsp;roulés de quartzite alpin attestent la puissance des anciennesnbsp;eaux. Quelle force d’impulsion ne leur fallait-il pas pour remuernbsp;et polir de pareilles masses et les mouvoir, sur un plan très-peunbsp;incliné, a plus de soixante lieues de leur gisement d’origine ! Cenbsp;n’étaient pas seulement les courants, c’étaient encore les sourcesnbsp;qui répondaient a cette extreme abondance des eaux. Un ingénieurnbsp;de mérite, M. Belgrand, a remarqué que, même aux environsnbsp;de Paris, oii Ie climat est demeuré relativement humide, leurnbsp;point actuel d’émergence était toujours très-inférieur au niveaunbsp;du surgisseraent primitif; leur volume est aussi bien diminué, etnbsp;Ie premier phénomène est la conséquence du second. En effet,nbsp;on congoit que les sources, en s’atfaiblissant, coulent toujours ennbsp;contre-basde l’endroit oii elles jaillissent, lorsqu’elles sont dansnbsp;toute leur force. Sur tont Ie sol francais, dans l’Europe méridionale et jusqu’en Algérie, les anciennes sources, déchues de leurnbsp;puissance, ont laissé des vestiges grandioses de ce qu’elles ontnbsp;été; ce sont les dépots de tufs qu’elles ont accumulés. Ces tufsnbsp;constituent parfois de vérilablesmontagnesoudevastes plateaux.
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L’abondance des eaux était alors universelle. Les mêmes phéno-niènes, plus marqués encore par Ie contraste de l’état antérieur avec rótat actuel, ont été obseryés en Egypte, en Syrië et ennbsp;Arabic, regions oü de nos jours les pluies sont rares ou mêmenbsp;inconnues. Qui n’a entendu parler des fleuves sans eau des désertsnbsp;égyptiens ? M. Louis Lartet a signalé de norabreux indices d’an-ciennes sources et d’anciens courants sur Ie rivage occidental denbsp;la mer Morte (1). L’abaissementsuccessif du niveau de cette mernbsp;est uniquement dü a la pénurie des eaux, jadis bien plus abon-dantes,ainsi quele prouve la disproportion des rivieres actuelles,nbsp;presque toujours a sec, avec la grandeur de leur lit et les alluvions auxquellos elles ont originairement donné lieu (2). Lenbsp;missionaire Hue, en traversant l’Asie centrale, a été frappé dunbsp;même spectacle. II est impossible de ne pas conclure de touscesnbsp;fails que Thumidité générale a été beaucoup plus considerablenbsp;a line époque immédiatement antérieure a la nólre, et quenbsp;cette huinidité correspondait sans doute a une autre nature denbsp;climat.
11 s’agit de recherclier quel était ce climat. Etait-il plus cliaud ou plus rigOLireux que le nótre? A priori et en debors de toutenbsp;autre considération, l’abondance des eauximpliquerait l'existencenbsp;d'un climat égal et tempéré, puisque sous nos yeux l’extrêmenbsp;humidité amène le plus souvent ce résultat. Cependant deuxnbsp;écoles se sont formées et ont posé des conclusions contradictoi-res, au moins en apparence.
L’étude des anciens glaciers est certainement une de celles qui honorent le plus l’esprit scientifique de notre temps. Lesnbsp;noms d’Agassiz, Escher de la Linth, Sartorius, Martins, Desor etnbsp;de bien d’autres y demeurent attachés; c’est elle qui a donné lanbsp;clef du transport des bloes erratiques dansle nord de l’Europe,nbsp;aussi bien que dans la région des .\lpes. Elle a fait voir qu’a unnbsp;moment donné les glaciers du mont Blanc s’étendaient jusqu’au
Jura, etM. A. Falsan les a suivis derniëreinent jusqu’auprès de
(1) nbsp;nbsp;nbsp;Géologie de la 'Palestine .— Annales des sciences géologiques, I, p- 323.
(2) nbsp;nbsp;nbsp;Ann. des sc. géoL, I, p. 282.
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Lyon. Les Vosges avaient leurs glaciers; celui d’Argelès, dans les Pyrenees, décritparMM. Martins et Collomb, présentait desnbsp;dimensions colossales ; il en a été signalé des vestiges authenti-ques dans la Lozere et Ie Cantal. La Scandinavië, se dressantnbsp;alors au sein de la Baltique, comme Ie fait Ie Spitzberg dansnbsp;l’océan Boréal, prolongeait jusqu’a la mer les parties inférieuresnbsp;de ses glaciers.
C’est done justement que la période correspondant a ces phé-nomènes a pris Ie nom de glaciaire, c'est bien la période des glaciers, rien de moins contestable, et les glaciers inodernes nenbsp;sont que les restes amoindris de ceux d’autrefois; mais on a éténbsp;plus loin, on a voulu inférer de tous ces faits 1’existence d’unenbsp;période de refroidi.ssement et en étendre les effets a la terre en-tière. Le célèbre Lyell en Angleterre, Escher et Heer en Suisse,nbsp;remarquant sur bien des points les tracés du froid et des pbéno-mènes qui lui servent d’indice, ont été portés a en généralisernbsp;l’existence. Voici les raisons qu’ils donnent: les rennes, les bceufsnbsp;musqués, les marmottes, animaux maintenant relégués sur lesnbsp;bautes montagnes ou dans l’exlrême Nord, habitaient alors lesnbsp;plaines de l’Europe centrale ; les coquilles arctiques peuplaientnbsp;les iners d’Angleterre ; le pin des tourbières, les sapins, les bou-leaux, les mousses des regions froides formaient le fond de lanbsp;végétation; les plantes de Laponie et de Norwége étaient sansnbsp;doute répandues partout : ce sont elles justement que Pon rencontre au sommet des Alpes, ou elles out du s’y réfugier lorsquenbsp;la température s’est adoucie de nouveau. Les grands animaux denbsp;cette époque, comme le mammouth et le rhinocéros a narinesnbsp;cloisonnées, étaient construits pour supporter un froid rigou-reux, ainsi que l’atteste la toison épaisse dont ils étaient revêtus.nbsp;D’ailleurs a quoi comparer FEurope d’alors, sinon aux terresnbsp;arctiques? Non-seulement Fanalogie est frappante sous le rapport physique, mais les animaux et les plantes se trouvent ennbsp;partie les mèmes.
Ce point de vue est celui oü se place M. Heer dans son livre sur la Suisseprhnitwe, et qu’adéveloppé M. Martins, bien qu’avec
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plus de réserve, dans une série d’études insérées dans la Revue des Deux Mondes. Lorsqu’on y réfléchit cependant, il paraitnbsp;difficile de comprendre comment une époque aussi rigoureusenbsp;aurait coïncidé justement avec Ie premier essor de la race hu-maine. On peutse dire aussi queles contrées alors soumises al’ac-iion directe des glaciers, comme les massifs alpins et pyrénéens,nbsp;ne sont guère susceptibles de nous instruire du véritable état denbsp;cboses qui régnait dans Ie reste de l’Europe, pas plus que lesnbsp;abords immédiats des glaciers actuels ne donneraient la mesurenbsp;des conditions climatériques propres a l’ensemble de notre continent. Du reste il est vraiseinblable aussi que les troupeaux denbsp;rennes n’ontété refoulés par dela Ie eerde polaire, de mème quenbsp;Ie chamois sur Ie soramet des Alpes, que par Ie fait de l’homme.nbsp;Sans lui, ces animaux fréquenteraient les plaines, au moins pendant l’hiver, et, des que l’on admet une extension énorme desnbsp;glaciers, y a-t-il lieu de s’étonner que les animaux et les plantesnbsp;attachés a leur voisinage aient pu descendre avec eux jusquenbsp;dans les vallées inférieures? Enfin les découvertes, en se multi-pliant, ont permis d’alléguer des faits entièrement contraires.nbsp;Les restes de grands animaux recueillis dans les alluvions anciennes de la Seine et de la Somme, déterminés avec soin parnbsp;M. E. Lartet et par M. A. Gaudry, ont démontré que les espècesnbsp;considérées comme étant l’indice d’un climat très-froid se trou-vaient associées a d’autres d’im caractère tout opposé. A cótédunbsp;mammouth, on a rencontré l’éléphant antique, qui se rappro-chaitde celui de l’lnde ; l’hippopotame des tleuves africains peu-plait les eauxde la Seine dansce rnême temps représenté commenbsp;si froid, tandis qu’une coquille remarquable des bords du Nilnbsp;[Cyrene fluminalis) se montrait dans la Somme, et que l’hyènenbsp;du Gap fréquentait la France méridionale. L’examen de ia végé-tation forestière, dont les tufs contemporains de ces animaux ren-ferment beaucoup de débris, conduit aux mêmes résultats ; lanbsp;vigne, Ie laurier et Ie figuier s’y présentent en abondance non-seulement dans Ie midi de la France, mais aussi a Moret, pres denbsp;Paris ; on y observe inême Ie laurier des Canaries, bien plus dé-
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licat que Ie nótre. Les arbres du Nord a la mème époque étaient des pins, des tilleiils, des érables, des cbênes.
II est impossible de se refuser a Tévidence, Ie climat boreal ainsi que les aniraaux et les plantes arctiques n’existaient alorsnbsp;que dansle voisinage des glacierseux-mêmes. Enles quittant, onnbsp;auraitrencontré au sein des vallées inférieures un climat plusnbsp;doux, mais aussi bien plus bumide que Ie nótre. Entre des maniè-res de voir si divergentes, la conciliation n^’est pas impossibledepuisnbsp;que Ie docteur Ilochstetter a rendu compte des observations denbsp;M. Haast sur les glaciers de la Nouvelle-Zélande. Ces glaciers,nbsp;situés sous une latitude moins avancée que ceux de nos Alpes etnbsp;disposés sur les flancs de cimes bien moins élevées, descendentnbsp;pourtant beaucoup plus bas au fond de vallées dont Ie climat estnbsp;a la fois très-tempéré et tres-bumide. Des essences délicates,nbsp;mème des fougères en arbre, peuplent ces vallées de la Nouvelle-Zélande, a une faible distance des masses glacées, et les deuxnbsp;extrêmes se rencontrent. C’est done a ce dernier résultat quenbsp;nous amènent toutes les considerations réunies ; beaucoup plusnbsp;d’bumidité, mais aussi plus d’égalité et mème d’élévation calo-rique dans Ie climat, dès que l’on s’enfonce dans Ie passé denbsp;notre globe. C’est un premier point qui demeure acquis; maisnbsp;tous les autres vont suivre, et nous les verrons s’enchainer dansnbsp;une progression constante et régulière. Le mouvement en etfetnbsp;ne s’arrête pas, et de plus il n’a rien d’oscillatoire ; il se déroulenbsp;en remontant d’age en age par une marche que rien ne semblenbsp;entraver.
Nous n’avons effectivement qu’a nous transporter un peu plus loin dans l’époque immédiatement antérieure a l’extension de lanbsp;race humaine (1), pour constater le progrès manifeste de la cha-leur. La moyenne de chaleur annuelle indispensable pour fairenbsp;végéter les lauriers, les vignes et les figuiers que nous venons
(1) C’est la période que les géologues nommewt pliocène ou la partie la plus récente de l’age tertiaire, age dont la période miocène forrao le milieu et la période éocène lanbsp;partie la plus ancienne (consulter le tableau « des terrains et des périodes » placénbsp;au commencement de la seconde partie; « Notions préliminaires ».)
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LES ANCIENS CLIMATS.
d’observer en France pendant Ie quaternaire, ne saurait être éva-liiée a moins de 14 a 15 degrés centigrades. En nous plagant en pleine période pliocène, c’est auprès de Lyon que nous rencon-trons ces mêmes Yégétaux, auxquels il faiit en ajouter d’autresnbsp;d'iin caractère encore plus méridional. Le lanrier-rose fleurissaitnbsp;alors sur les Lords de la Saóne et s’y mariait au laurier et a l’a-vocatier des Canaries, au bambou, au magnolia, au chêne yert.nbsp;Cet ensemble, compose d’essences dont les exigences climatéri-ques sont faciles a apprécier, assigne a la contrée qui les com-prenait une moyenne annuelle de 17 a 18 degrés centigrades. Lanbsp;moyenne actuelle de Lyon étant de 11 degrés centigrades seule-ment, on peut aisément juger de la difference qui sépare lesnbsp;deux époques. Cette différence ne saurait d’ailleurs être fixéenbsp;d’une fafon plus précise, puisque l’on connail très-bien le de-gré de chaleur nécessaire pour que le laurier-rose développenbsp;ses fleurs et le degré de froid suffisant pour faire périr l’avoca-tier des Canaries. Le climat qui permettait a ces deux arbresnbsp;de se trouver réunis dans une même contrée peut être défininbsp;avec autant de certitude que s’il s’agissait de celui d’un pays quenbsp;nous habiterions.
II est xrai qu’au moment oii les espèces actuelles disparaissent pour faire place a d’autres plus ou moins éloignées de celles-cinbsp;OU même ayant appartenu a des genres particuliers, il est plusnbsp;difficile de se prononcer sur la nature du climat contemporainnbsp;de ces espèces; les conclusions que l'on proclame devraient, acenbsp;qu’il semb]e_, perdre de leur netteté des que les indices sur les-quelsle calcul se base deviennent moins précis. En réalité, le filnbsp;de l’analogie est un guide tellement sur, un moyen d’investiga-tion si puissant, qu’il s’amincit sans se rompre, et que l’obser-vateurquien estmuni, même en accordant une large part a 1’incertitude, parvient encore a de surprenants résultals. En etïet, cenbsp;sont non pas seulementles espèces, mais encore les genres et lesnbsp;families dont les aptitudes, lorsqu’elles sont bien déterminées,nbsp;permettent de définir la nature du climat propre au temps oü ilsnbsp;ont xécLi. Les palmiers, les camphriers, les cannelliers, les ba-
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naniers, les dragonniers, les baquois, les cycadées et plusieurs autres catégories de végétaiix sont trop exclusivement caracté-ristiques des regions chaudes pour ne pas trabir les mêmes exigences dans Ie passé. Le naturaliste qui constate l’existence denbsp;l’un de ces groupes ne saurait done errer que dans de faiblesnbsp;limites, et, dans un pareil ordre de recherches^ c’est déja beaii-coup que d’atteindre a la vérité approximative.
Non-seulement le chiffre qui exprime le climat de Lyon a l’époque pliocene se trouve plus élevé que celui qui s’appliquaitnbsp;aux environs de Marseille pour l’époque quaternaire^ mais, aunbsp;lieu de correspondre au 43' degré de latitude, ce chiffre plusnbsp;élevé coincide avec le 46'; il marque ainsi une progression denbsp;la chaleur, ou processus calorique, dans le sens des latitudes,nbsp;qui tend a faire remonter vers le nord les hautes temperatures anbsp;mesure qiie l’on s’enfonce dans le passé. Cette progression estnbsp;naturellement bien plus sensible lorsqu’on aborde le miocène,nbsp;période antérieure au pliocène, et précédée elle-même d’une période plus chaude encore que Fon désigne sous le nom A'éocène.
lei les documents abondent dans Fhémisphère boréal tout en-tier. Ce n^’est plus un point isolé comme Lyon, ou Paris, dontil et possible de déterminer le climat, c’est la série presque entièrenbsp;des latitudes, du 40' au 80' degré, que l’on a réussi a reconstruire,nbsp;grace aux immenses travaux poursuivis par M. Heer depuis dixnbsp;ans. Une circonstance heureuse est venue accroitre le nombre et lanbsp;valeur des documens relatifs au climat miocène^ ce sont les dé-coiivertes de plantes fossiles faites sur plusieurs points des régionsnbsp;polaires, et qui devront, a raison de leur importance, nous ar-rêter quelque peu.
Les terres polaires arctiques sont disposées au nord des deux continents de manière a circonscrire une grande mer intérieurenbsp;dont la partie centrale, jusqu’a présent inaccessible, comprendnbsp;le pole lui-même. Cette mer communique avec Focéan Pacifi-que par le détroit de Behring, avec l’Atlantique par plusieursnbsp;passes. La plus large, située entre 1’Islande et la Norvége, donnenbsp;accès vers l’archipel du Spitzberg, dont la pointe septentrio-
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LES ANCIENS CLIMATS.
nale dépasse au nord Ie 80® parallèle, ct marque jusqu’ici Ie point Ie plus avancé qu’il ait été donné a riiornme d’atteindre (1).nbsp;La plus grande largeur de celte mer, en la supposant librenbsp;vers son milieu, mesurerait environ 40 degrés ou plus de 1,000nbsp;lieues entre Ie cap Nord et Ie détroit de Behring. Cette largeurnbsp;serail de 30 degrés seulement en partant du cap Taymir, a l’ex-trémité de la Sibérie, pour aller aboutir a I’embouchure dunbsp;üeuve Mackensie, sur la cote américaine opposée. Au point denbsp;vue climatologique , la région polaire est circonscrite de tousnbsp;cótés, vers Ie sud par une ligne imaginaire, sinueuse, et quinbsp;coincide très-imparfaitement avec Ic eerde polaire. Cette lignenbsp;passe par tous les lieux ou la moyenne de chaleur annuelle senbsp;réduit a 0 degré, c’est-a-dire oü Ie froid hibernal est assez fortnbsp;pour annuler la chaleur de l’été. La limite de la vegetation ar-borescente dessine une ligne généralement intérieure par rapport a la précédente, sinueuse et irréguliere comme elle, ennbsp;de^a de laquelle on ne rencontre plus que des plantes herbacées,nbsp;et qui constitue en réalité la véritable frontière de la régionnbsp;arctique (2). Les parties boréales de la Sibéfie, du Canada et denbsp;l’Amérique anglaise sont ainsi englohées dans les parages quinbsp;cement cette méditerranée du Nord, et lui font une enceintenbsp;non-seulement sans verdure, mais pour ainsi dire sans rivages,nbsp;puisque les glacés, en s’acciimulant, cachentparlout la limite réciproque des terres et des mers.
On est resté longtemps en effet sans pouvoir déterminer d’une fafon exacte la nature et l’étendue des archipels compliqués dont
(1) nbsp;nbsp;nbsp;Du cóté du canal de Smith et par la terre de Grinnel, Thomme a cependant at-teint Ie 82' degré.
(2) nbsp;nbsp;nbsp;Ces deux lignes sent très-loin d’etre concentriques; leurs sinuosités, au lieu denbsp;se correspondre, dessinent des écarts en sens inverse, enfin elles se croisent sur plusnbsp;d’un point. Ces irrégularités proviennent de ce que la vógétation arborescente peut senbsp;maintenir malgré des froids très-violents, pourvu que la chaleur eslivale soit asseznbsp;intense et assez prolongée pour permettre au ligneux de se former et de se consolidernbsp;chaque année. C’est ce qui arrive dans la Sibérie septentrionale, tandis que l’ile desnbsp;Ours et même l’Islande sont dépourvus d’arbres, paree que les étés y sont sansnbsp;chaleur, bien que les Invers y soient relativeraent modérés. Les arbres cessent dansnbsp;Ie Labrador dès Ie 57' degré de latitude, tandis que dans la Laponie suédoise on ennbsp;voit encore au deli du 70' degré.
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cette mer est parsemée. Nous connaissons Ie Spitzberg, situé sur Ie prolongement de la Scandinavië, et l’lslande, placée beaucoupnbsp;plus au sud, presque en dehors du eerde polaire. A l’ouest de cesnbsp;lies s’élend Ie Groenland, sorte de petit continent polaire, plusnbsp;grand que l’Italie, la France et FAllemagne réunies, et dontla ter-minaison septentrionale n’est pas encore bien fixce. A 1’occidentnbsp;du Groenland, la baie de Baffin, dans laquelle on pénètre au sudnbsp;par Ie large détroit de Davis, et que ferme au nord Ie détroit denbsp;Smith, forme une mer particuliere, limitée sur Ie bord occidentalnbsp;par de grandes iles que divisent des passes étroites et sinueuses, Ienbsp;plus souvent soudées par des glacés. Une d’elles, plus large etnbsp;plus praticable, constitue Ie canal de Lancastre, paroü 1’onabou-tit au détroit de Barrow, et parcelui-cienfina une autre merinté-rieure, moins étendue que la baie de Baffin, et qu’entourentplu-sieurs archipels. C’est au nord l’archipel des iles Parry avec lesnbsp;trois grandes iles Bathurst, Melville et Prince-Patrick, a l’ouestnbsp;la terre de Banks et celle duPrince-Albert, etausud-est, presquenbsp;a 1’entrée du détroit de Barrow, File Sommersetet celle duPrince-de-Galles. En sortant par Ie détroit de Banks, situé entre File denbsp;ce nom et celle de Melville, si Fon dépasse File de Prince-Patrick, on retrouve, a ce qu’il parait, la mer libre; mais ce motnbsp;de libre peut-il être employé ? Les voyageurs qui, au péril denbsp;leur vie, comme Boss, Parry, Mac-Clure et Ingefield, ou en lanbsp;sacrifiant, comme Franklin et Bellot, ont exploré ces regions, ontnbsp;toujours vu la mer se fermer a la fin devant eux. Ce n’est qu’au prixnbsp;de fatigues inouïes, en hivernant chaque année, en choisissantnbsp;mème la saison froide pour parcourir en traineau d’immenscsnbsp;étendues glacées, qu’ils ont pu enfin relever les traits géogra-phiques de ces regions et former des collections d’histoire naturelle dont les musées de Londres, de Dublin, de Copenhague etnbsp;de Stockholm ontrecueilli la meilleure part. On conpoitcombien surnbsp;ces terres desolées, oü les épaves de la mer offrentleseul movennbsp;de se procurer du bois, la vue des restes évidents d’une puissantenbsp;végétation a du frapper tous les voyageurs. Les troncs fossiles,nbsp;tantót a demi charbonnés, tantót pénétrés de sues calcaires ou
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ferrugineux, ont presque partout conserve leur apparence ; ils semblent parfois entassés régulièrement par la main du bücheronnbsp;qui les aurait coupés ; les feuilles, les fruits, a l’état d’empreintes,nbsp;ont encore leur forme et leurs nervures. A les voir accumulés ennbsp;si grand nombre, on croirait fouler Ie sol dmne forêt récemmentnbsp;dépouillée. Mac-Clure et Ie docteur Armstrong parlent avec éton-nement, dans leurs relations, des amas de bois a moitié pétrifiésnbsp;qu'ils rencontrèrent sur la cóte nord-ouest de la terre de Banks.nbsp;Ces bois couvraient les flancs d’une série de collines solitaires, aunbsp;fond d’un paysage tristement encadré par un entassement confusnbsp;depics bizarres dont la neige fraichement tombée blanchissait lanbsp;cime. Les troncs étaient couchés dans Ie plus grand désordre, et aunbsp;milieu d’eux on apercevait fa et la des souches et des rejetons encore en place. Ces découvertes ne sontpas isolées ; il semble quenbsp;cette nature polaire, autrefois vivante, se soit endormie a un moment donné. Elleest demeurée depuis lorsensevelie sous la glace,nbsp;comme Herculanum sous la cendre; rien n’a plus vécu dans l’ex-trème Nord, maisaussi rien n’achangé; l’ancien aspect demeurcnbsp;pétrifié, mais intact, la ou Ie frottement de la glace nel’apas en-levé. En pénétrant au fond de certaines vallées écartées, en gra-vissant ces pentes désertes semées des ruines de la nature, c’estnbsp;vraiment Ie sol d’autrefois qne l’on foule; ces troncs, ces feuilles,nbsp;touscesdébris des anciennes forêts, n’ont éprouvé d’autre changement que celui qu'ils doivent auxeaux calcaires ou ferrugineusesnbsp;qui sont venues les durcir et les incruster.
L’un des principaux gisements est situésur la cóte occidentale du Groenland, a Atanekerdluk, par 70 degrés de latitude, dans lanbsp;presqu’ile de Noursoak, que domine du cóté de la terre un énormenbsp;glacier. Pres du rivage, les troiifons dehois fossile alternent avecnbsp;des lits de charhon qui ont été exploités a plusieurs reprises; maisnbsp;si l’on gravit un ravin escarpé, a une hauteur de 1,000 pieds anglais, on trouve des lits entièrement petris de feuilles et d’autresnbsp;débris empatés dans une roche en grande partie ferrugineuse. Lanbsp;masse des feuilles entassées est vraiment surprenante ; des troncsnbsp;encore en place, des fruits, desfleurs, des insectes, les accompa-
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gnent, et attestent qu’il s’agit bien d’iuie Yégétation développée sur leslieux mêmes. La, selonM. Heer, s’élevait une vaste forêtounbsp;dominaieut les sequoias, les peupliers, les chênes, les magnolias,nbsp;les plaqueminiers, les houx, les noyers et bien d’autres essences.nbsp;L’lslande et Ie Spitzberg ont égaleinent fourni un grand nombrenbsp;de végétaux aujourd’hui entièrement absents de ces parages. Ceuxnbsp;de Llslande, oü ne croissent plus maintenant que de maigres bou-leauxetseulement dansles partiesméridionalesde l’ile, ontdonnénbsp;lieu, en se décomposant, a un charbon tourbeux, nommé su7'-tiirbrmid, que les habitants utilisent coinme combustible, et quenbsp;séparent des lits de tuf oii les feuilles ont laissé leurs ernprein-tes. L’exploration des richesses paléophytologiques du Spitzberg,nbsp;Ie long de la cóte occidentale, est surtout due aux efforts du cé-lèbre voyageur suédois Nordenskiöld, qui, au prix de beaucoupnbsp;d’efforts et de temps, en a rapporlé des plantes de toutes les époques, houillères, jurassiques, crétacées, tertiaires. Les plantesnbsp;jurassiques proviennent du cap Boheman (78°, 24'); les plantesnbsp;crétacées du .cap Staratschin, pres de la baie Verte (78°); lesnbsp;plantes tertiaires d’un grand nombre de points, soit a l’entrée denbsp;la baie de la Cloche (77°, 30'), pres du cap Lyell, soit au fond denbsp;cette baie, Ie long de la baie secondaire de Van-Mijen, soitnbsp;encore sur la cóte méridionale du fiord des Glacés, vers la mon-tagne de Heer (78°, 10'); soit enfin plus loin vers Ie nord, a lanbsp;baie du Roi, vers Ie 79° degré de latitude. De ces divers points nousnbsp;sont verms non-seulement des vestiges de plantes aquatiques :nbsp;potamots, nénuphars, joncs, etc., mais des empreintes de cyprèsnbsp;chauve, de thuya, de pins et de sapins, puis de nombreusesnbsp;traces de platanes, de tilleuls, d’érables, de sorbiers, même denbsp;magnolias, espèces bien reconnaissables, qui formaient de gran-des forêts et qui s’avanpaient jusqu’aux approches du 80° degré,nbsp;sans rien perdre de leur puissance. On voit que les eaux ruis-selaient autrefois sur Ie sol arctique, et remplissaient Ie fondnbsp;des vallées de lagunes bordées d’une riche ceinture de végétaux arborescents.
Mais la constatation de eet ancien état de choses n’était qu’un
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premier pas; il fallait qu’iine science sure d’elle-mème vintpro-noncer en dernier ressort sur la signification de tant de debris. Un dépouillement du dossier polaire était nécessaire pour en sai-sir Ie sens et en déterminer l’age, c’est-a-dire pour établir l’épo-que avancéeou reculée, primitive on récente, alaquelle on devaitnbsp;les rapporter. La tache immense de classer les collections arcti-ques, dévolue a M. Ie professenr Heer, de Zurich, a exigé de sanbsp;part des années de labeur; mais elle a conduit a des résultatsnbsp;décisifs, et ce savant a constaté, en publiant toutes ces plantes,nbsp;que beaucoup d’entre elles appartenaient a la vegetation miocèm,nbsp;végétation déja étudiée en Europe, la mieux connue et la plusnbsp;généralement répandue de toutes celles des anciens ages.
L’une des conséquences des recherches de M. Heer est la certitude, désormais acquise a la science, du non-déplacement de Eaxe terrestre. Le pole, pour mieux dire, occupait dans l’agenbsp;tertiaire le même point géographique que de nos jours. Lesnbsp;latitudes étaient aussi disposées dans le même ordre ; seulementnbsp;toutes recevaient plus de chaleur, et par suite la ligne des tro-piques remontait bien plus loin dans la direction du nord. Lanbsp;difference, lors de la période miocène, peut être évaluée a 23 ounbsp;30 degrés de latitude en ce qui concerne les regions boréales,nbsp;c’est-a-dire qu’il faut aujourd’hui descendre jusqu’au40” ou 43nbsp;degré pour retrouver la temperature et la végétation qui existaientnbsp;alors vers le 70“ degré dans le Groënland. L’immutabilité dunbsp;pole ressort de la comparaison des plantes miocènes vemamp;ïWie,?, surnbsp;les bords du fleuve Mackensie et dans 1 e territoire de l’Alaska (Amé-rique russe)avec celles du Spitzberg, de l'lslande et du Groënland.nbsp;Les plantes des premières localités se trouvent séparées de cellesnbsp;de l’lslande et du Spitzberg par pres d’une demi-circonférencenbsp;du eerde polaire, et leur longitude s’écarte d’au moins 80 degrés de celle des cótes occidentales du Groënland. Cependantnbsp;partout se montrent les mêmes combinaisons végétales et ennbsp;partie les mêmes espèces. Ces espèces,comme d’autres maintenantnbsp;a leur place, caractérisaient par leur presence les regions arc-tiques tertiaires, et quelques-unes paraissent leur avoir été spé-
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dales. Ce n’étaient pas, il est vrai, ces rares gazons, ces plantes naines et rampantes, ces fleurs aiix teintes pales, rapidementnbsp;écloses sous Finfluence des courts étés de notre pole; ce n’étaitnbsp;pas même cette verdure sombre que les sapins prêtent a des ré-gions déja moins rudes, et dont la severe beauté n’efface point Ienbsp;caractère morne. C’étaient de puissants tilleuls, des ormes, denbsp;grands érables, des boux, des bouleaux et des charmes, des au-nes et des peupliers au feuillage mobile; c’était plus encore,nbsp;puisqu’au milieu de ces arbres on aurait admiré les mêmes.sequoias, les mêmes cyprès cbauves qui habitent la Louisiane et lanbsp;Californie, des platanes, des chênes, des magnolias et des tuli-piers presque semblables a ceux de la partie méridionale desnbsp;Etats-Unis. Cet ensemble s’étendait sans interruption, servantnbsp;de ceinture au pole miocène, présentant la même unité de caractère et presque la monotonie qui distinguent encore Ia végéta -tion polaire, sur quelque point de son domaine qu’on aillenbsp;1’observer. En effet, la conformité des conditions extérieures senbsp;traduit toujours par 1’uniformité de physionomie des êtres vi-vants qui s’y trouvent soumis.
Voici, a propos même de cette uniformité, une remarque due a M. Heer, et qui met dans tout son jour Fesprit ingénieux de cenbsp;savant. Les plantes de FAlaska sont trop pareilles a celles dunbsp;Mackensie et celles-ci aux plantes d’Atanekerdluk pour ne pasnbsp;dénoter Fexistence d’un climat identique sur tons ces pointsnbsp;supposés contemporains. Or leur latitude respective diffère d’unenbsp;manière sensible; elle est de 37 degrés pour les iles Sickta dansnbsp;FAlaska, de 6S degrés pour Ie gisement du Mackensie, de 70 degrés pour celui du Groenland. Une concordance aussi complete,nbsp;malgré un écart aussi prononcé dans la situation géographique,nbsp;est attribuée par M. Heer a Finflexion des lignes isotliermesnbsp;miocènes, inflexion en rapport sans doute avec la distributionnbsp;ancienne des terres et des mers, et qui ne serait pas sans analogienbsp;avec ce qui existe de nos jours, oü Fisotberme de 0° s’éloignenbsp;peu du 35° parallèle dans Ie centre de deux continents, tandisnbsp;qu’il dépasse Ie 70' a la hauteur du cap Nord.
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11 ne nous reste plus maintenant qu’a suivre Fordre des latitudes miocènes, en marquant Ie degré de chaleur assigné a cha-cune d’elles a partir de la plus avancée vers Ie nord. Les plantes miocènes les plus Yoisines du pole que l’on ait observéesnbsp;jusqu’ici ont été rapportées, par Ie capitaine Feilden, du Grinnel-Land ou Terre de Grinnel, sitiiée au nord du détroit de Smith,nbsp;vers Ie 82® degré parallèle. Sur ce point, qui n’est plus séparénbsp;du pole que d’environ 200 lieues, il existait encore de grandsnbsp;arbres, principalement des conifères, parmi lesquelles on remar-que notre sapin argenté et Ie cyprès cbauve d’Amérique. Unnbsp;peuplier, un noisetier, un bouleau, des viornes étaient associésnbsp;a ces essences résineuses, et les eaux qui s’étendaient a leur piednbsp;voyaient s’épanouir a leur surface les fleurs d’un nénupharnbsp;[Nympheea arctica, Hr.), tandis que leurs bords se couvraientnbsp;d’unelégion de roseaux. C’est a peu prés Ie climat actuel desnbsp;Vosges, des montagnes boisées du Wurtemberg et de la Saxe,nbsp;contrées oü Ie sapin argenté se trouve etfectivement associé aunbsp;bouleau, au tremble et au noisetier; la température annuellenbsp;oscille dans ces pays entre 7° et 8° centigrades, et cette moyennenbsp;doit être considérée comme applicable probablement a la Terrenbsp;de Grinnel, au commencement de l’age miocène. La moyenne annuelle duSpitzberg pour cette époque est évaluée par M. Heernbsp;a un minimum de S degrés 1/2 raême centigrades; mais il estnbsp;bien plus vraisemblable de porter cette moyenne a 8 degrés,nbsp;peut être même jusqu’a 9, lorsque Fon considère les essencesnbsp;qui prospéraient alors dans cette region, particulièrement Ienbsp;platane, Ie cyprès cbauve et jusqu’a des magnolias a feuillesnbsp;caduques. La moyenne actuelle étantde — 8“,6 centigrades sui-vant les observations deM. Martins, la différence entre Ie climat miocène et Ie climat moderne serait de IS degrés au moins,nbsp;plus probablement de 17 a 18 degrés, en se plagant vers Ienbsp;80® degré de latitude.
Certaines essences méridionales, spécialement les magnolias a feuilles persistantes, étaient dès lors exclues du Spitzberg. Cesnbsp;essences se montraient dans Ie Groenland vers Ie 70° degré, c’est-
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a-dire 10 degrés plus au sud. Les espèces de cette contrée se rapprochaient beaucoup de celles qui habitent maintenant lesnbsp;États-Unis vers Ie 40® degré parallèle. Après ime étude attentive, M. Heer assigne a cette partie du Groenland miocène unenbsp;moyenne annuelle de 9°,7 centigrades, qu’il faut, selon nous,nbsp;relever jusqu’a 12 degrés au moins pour être dans la véi’ité desnbsp;fails. La région oü les séquoias, les magnolias, les plaquemi-niers et les vignes se mêlent aux érables et aux cbênes possèdenbsp;cette température dans l’Ohio et la Californie. Le climat pré-sumé de l’lslande a la même époque n’apporte a ces chiffresnbsp;que bien peu de changements; mais on en remarque d’évidentsnbsp;en atteignant le SS® degré, aux environs de Dantzig, oü les plan-tes miocènes abondent dans les terrains qni renferment t’ambrenbsp;jaune, cette résine fossile qui découlait dutroncdes thuyas ter-tiaires. Ici, Lon rencontre des lauriers, des camphriers, des can-nelliers, des lauriers-roses, qui s’avangaient jusqu’a la régionnbsp;baltique, mais jusqu’a présent aucun palmier. Cette végétationnbsp;diffère peu de celle que nous avons antérieurement signalée au-près de Lyon pour la période pliocene; elle indique par conséquent la même température de 17 a 18 degrés en moyenne. Lanbsp;progression calorique est done parfaitement sensible ; elle mesure un espace de 10 degrés en latitude ou 250 lieues relative-ment au pliocene; elle équivaut a prés de 400 lieues, si l’on senbsp;reporte au quaternaire^ elle est au moins de 500 lieues eu égardnbsp;aux temps actuels. Descendons un peu plus bas, et nous trouve-rons des palmiers, dont la limite septentrionale a l’époque miocène coïncidait avec le nord de la Bohème, les provinces rbéna-nes et la Belgique, c’est-a-dire a peu prés avec le 50® parallèle.nbsp;Nous obtenons par la une moyenne annuelle probable de 20 degrés centigrades pour cette latitude. La température de l’Europenbsp;centrale et méridionale dans la même période accuse un carac-tère tropical, attesté par de nombreux examples. Elle a été évaluéenbsp;par M. Heer a 22 degrés centigrades pour la Suisse ; en Provence,nbsp;elle témoigne de la même élévation, et ne parait pas s’accroitrenbsp;d’une manière appréciable lorsque l’on s’avance plus au sud
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pour se placer en Grèce ou en Asie Mineure, vers Ie 38“ degré de latitude, oü cependant on voit paraitre une cycadée appurtenant a un genre africain des mieux caractérisés, celui des En~nbsp;cephalartos dont l’espèce la plus septentrionale habite de nosnbsp;jours la cóte de Zanzibar. Tous ces pays faisaient aiors partie aunbsp;inême titre de la zone tropicale^ peut-être moins excessive quenbsp;maintenant, inais certainement plus étendue dans la directionnbsp;du nord, puisque la limite boreale des palmiers, au lieu de s’arnbsp;rêter au 30“ ou au 33“ degré de latitude (1), comme maintenant,nbsp;dépassait un peu Ie 50“.
Le tableau climatérique que nous venons d’exposer est Ie plus complet de ceux que la paléontologie est parvenue a composernbsp;jusqu’ici. En ce qui concerne les périodes plus anciennes que lenbsp;miocène, nous n’avons encore que des observations éparses;nbsp;elles suffisent cependant pour démontrer que la progression denbsp;la chaleur ne cesse pas de] se prononcer dans le sens des latitudes, a mesure que d’un age plus récent on passe a une périodenbsp;plus reculée et a raison mêmede cette ancicnneté relative. Forcenbsp;de condenser en quelques pages des notions par elles-mêmesnbsp;très-complexes, nous avons négligé de faire voir que dans lesnbsp;pays oü les documents étaient les plus ricbes, comme la Suissenbsp;el le midi de la France, la période miocène se montrait d’autantnbsp;plus cbaude qu’on l’observait a un moment plus rapprocbé denbsp;son debut. Des que l’on aborde la période éocènc, la multiplication et l’extension des palmiers dans le nord, la présence des pan-danées, des bananiers et d’autres plantes exclusivement tropi-
(1) Je négligé quelques rares exceptions ; la principale nous est fournie par le Cha-mserops Immilis ou palmier nain, qui s’avance jusqu’en Espagne et en Sicile, et se maintenait li l’état sauvage prés de Nice il y a quelques années. C’est lii plutöt unnbsp;dernier vestige du rotrait successif des palmiers, cliassés de l’Europe par Ia rigueurnbsp;croissante du climat. On sait que le dattier, dont la tige supports sans périr plusieursnbsp;degrcs de froid, ne mürit parfaitement ses fruits ni dans TAlgério proprement dite,nbsp;ni même dans le Maroc (les dattes incomplétement mures et presque dénuées de sa-veur des palmiers de Cannes et de Nice sont cependant susceptibles de propagernbsp;l’espèce par le semis). La region oü le dattier est cultivó pour ses fruits ne commence qu’au sud de l’Atlas avec les premières oasis, et plusieurs de ces oasis, situeesnbsp;dans de profondes depressions, constituent pour ainsi dire un sol artiflciel ou senbsp;concentre une clialeur bien supérieure ü celle de la contróe environnante.
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cales jiisque dans l’Angleterre et FAllemagne du Nord obligent bien d’admettre une diffusion plus prononcée de la zone tropicalenbsp;et l’existence d’une moyenne annuelle de 25 degrés centigradesnbsp;pour tons les points du continent européen on notre investigation a pu porter. Parvenu a cette limite après avoir suivi pas anbsp;pas Ie mouvement qui pousse vers Ie nord la ligne des tropi-ques, il ne reste plus qu’a la voir s’avancer au dela même dunbsp;eerde polaire, de manière a égaliser enfin tous les climats. C’es'tnbsp;ce qui est arrivé effectivement, et quoique la pénurie relativenbsp;des documents s’oppose a la détermination exacte du moment oünbsp;Ie phénomène s’est réalisé, l’existence même n’en saurait êtrenbsp;douteuse, tant les indices qui viennent a son appui sont sérieuxnbsp;et répétés.
Quoi qu’il en soit du moment précis, a l’époque de la craie moyenne (1), Finfluence de la latitude est très-faible en Europe,nbsp;bien qu’elle n’y soit pas entièrement nulle. On peut en jugernbsp;par la comparaison des plantes cénomaniennes de Bohème (50quot;nbsp;lat.) avec celles qui ontété recueillies au Beausset, pres de Toulon (43° lat.), apeu prés sur Fhorizon même géognostique. La florenbsp;de Bohème est celle des premières dicotylédones; on y observenbsp;un genre éteint caractéristique, celui des Credneria^ puis d’au-tres types plus ou moins tropicaux, comme celui des Hymeneanbsp;qui appartient a la tribu des légumineuses-csesalpiniées , desnbsp;Aralia, Aes Magnolia, des laurinées et des ménispermées; maisnbsp;il cóté de ces types on rencontre aussi un lierre {Hedera primor-dialis, Sap.) qui diffère très-peu de la race actuelle d’lrlande;nbsp;Fensemble revêt un caractère évident d’opulence et de fraicheur,nbsp;qui dénote une végétation exubérante. Auprès de Toulon,nbsp;7 degrés plus au sud, on ne rencontre que d’assez rares dicotylédones ; les tormes dorninantes sont des conifères, parmi lesquel-les on distingue un très-bel Araucaria, un genre éteint, celui desnbsp;Cyparissidium, et ensuite des fougères aux frondes coriaces, denbsp;physionomie entièrement jurassique. Ici done il semble que
(1) La période de la craie précède la période éocène, de même que la période ju-rassique précède celle de la craie»
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l’on constate Taction d’un climat plus chaud, et la presence d’une flore moins transformée, plus rapprochée que celle dunbsp;nord de TAllemagne de la vegetation des temps antérieurs. Lesnbsp;latitudes a ce moment commenfaient a peine a se différencier;nbsp;elles étaient encore voisines de Tégalité originaire et la florenbsp;elle-même devait garder dans Ie Midi bien des traits de cettenbsp;uniformité première sur Ie point de disparaitre. II sembleraitnbsp;aussi que Tintroduction des dicotylédones, qui constitue Tévéne-ment principal de cette période, se fut effectuée en marchant dunbsp;nord vers Ie sud; les dernières découvertes sur la flore crétacéenbsp;arctique autorisant cette pensée.
En effet, entre la Bohème cénornanienneetle gisementd’Atané dans Ie Groënland septentrional (70° lat.), qui se range a peu presnbsp;sur Ie même niveau, la différence est peut-être moins prononcéenbsp;qu’entre la première de ces localités et celle des environs denbsp;Toulon. II existait alors des Credneria, un figuier, peut-être unnbsp;bambou et une scitaminée dans la region circumpolaire; maisnbsp;on n’y a rencontré jusqu’ici ni palmiers, ni laurinées a feuillesnbsp;persistantes, a une époque oiices deux groupes commenfaient anbsp;se montrer dans Ie centre et jusqu’au nord de TEurope. Biennbsp;que rattachée par des liens directs a celle de TAllemagne, la florenbsp;crétacée groënlandaise se distingue certainement de la premièrenbsp;par son caractère tropical moins accentué et par la substitution, en ce qui concerne cei’tains groupes, corame les sapinsnbsp;et les peupliers, des types particuliers a la zone tempérée bo-réale a ceux qui sont restés Tapanage exclusif des pays chauds.nbsp;Mais a mesure que Ton s’enfonce vers Ie passé et que Ton mar-che vers une égalisation climatérique assez absolue pour quenbsp;les méuies végétaux se montrent indiö'éremment en Moravie ounbsp;en Saxe, dans la Suède centrale ou par dela Ie eerde polaire, onnbsp;constate aussi un autre phénomène qu’il est indispensable de dé-linir, puisqu’il donne peut-être la clef de tout Ie reste : la temperature ne semble plus augmenter; elle tend a devenir station-naire, ou du moins a osciller dans de certaines limites. Unenbsp;cbaleur analogue a celle des tropiques submerge alors toutes
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les latitudes, elle se propage jusque dans 1’extrême nord ; mais elle ne dépasse pas en intensité Ie degré nécessaire pour fairenbsp;végéter des palmiers et des pandanées, et avant ces végétanx desnbsp;cycadées, des fougères et des araucarias, c’est-a-dire des plantesnbsp;qni sent loin d’exiger un degré de chaleur supérieur en moyennenbsp;a celui de la zone torride actuelle.
Le Groenland a encore fourniiiM. fleer une preuve de l’éga-lisation relative des climats a l’époque de la craie inférieure. Une flore de eet age a été observée a Kome, dans le golfe d’Otnenak,nbsp;par 70°,40' de latitude. Les espèces recueillies sont en grandenbsp;partie identiques a celles que présente Vnrgonien, un des étagesnbsp;inférieurs de la craie, dans le centre de l’Europe. Cependant unenbsp;feuille isolée de peuplier et quelques sapins du groupe des Tsuganbsp;se trouvent associés dans certains gisements aux cycadées et auxnbsp;fougères de la tribu des gleichéniées qui dominent l’ensemble.nbsp;Ce mélange assurément fort remarquable peut-il être considérénbsp;comme le premier indice du refroidissement polaire commen-pant a se manifester? C’est fort possible et mêrae probable; cependant, pour ne négliger aucun des éléments qui touebent anbsp;une question aussi obscure, il faut ajouter que vers la mêmenbsp;époque, dans le Hainaut en Belgique, et un peu plus loin dansnbsp;le nord-ouest de la France, en Normandie et même en Angle-terre, on observe également des pins de plusieurs sortes, desnbsp;cèdres et même des sapins, caractérisés par leurs cones : ainsinbsp;le contraste singulier qui ressort de l’association de ces arbresnbsp;avec Araucaria, des cycadées et des fougères tropicales n’anbsp;rien d’absolument particulier aux contrées arctiques de l’époquenbsp;que nous considérons ; il se reproduisait ailleurs et n’était dünbsp;peut-être qu’a l’existence de régions montagneuses et boiséesnbsp;dont la trace aurait disparu. Ces cèdres et ces pins, malgré leurnbsp;ressemblance extérieure si frappante avec ceux que nous possé-dons, auraient-ils différé beaucoup de ces derniers par leursnbsp;aptitudes et même par leur port? On serait fort embarrassé denbsp;répondre nettement a Tine interrogation de ce genre.
11 est vrai qu'a mesure que l’on remonte le cours des
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ages, les paysages, a force de se modifier, prennent enfin line physionomie étrange, quelqiie chose de bizarre et d’ina-clievé dans les traits qui nous transporte en plein inconnu.nbsp;C’est qu’en nous éloignant toujours davantage du temps présent,nbsp;nous pénétrons enfin dans ce que l’on pourrait justement nom-mer Ie moyen age de l’histoire du globe. L’époque jurassique présente ce caractère a un très-haut degré. L’égalité climatériquenbsp;devient alors manifeste; elle ressort de l’observation des ani-maux comme de celle des plantes. Les reptiles, dont la classenbsp;dominait a cette époque, réclament une grande chaleur extérieure; elle seule, a défaut de leur sang, qui en est privé, communique de l’énergie a leurs mouvements, et favorise l’éclosionnbsp;de leurs oeufs. Les végétaux jurassiques recueillis dans l’Indenbsp;anglaise, dans la Sibérie et au Spitzberg, ainsi qu’en Europe,nbsp;font Yoir de leur cóté que rien ne distinguait a ce moment lesnbsp;llores des pays voisins de la ligne de celles de nos pays ou denbsp;l’extrême Nord, et que les différences, lorsqu’elles existent, portent sur les détails secondaires, mais non pas sur Ie fond.
En remontant plus haut, nous rencontrerions de nouveaux documents et de nouveaux phénomènes, mais aucun ne vien-drait contredire la croyance a l’égalisation des climats par toutenbsp;la terre et a l’intluence d’une chaleur n’excédant nulle part cer-taines limites. Tout porte a penser cependant, lorsque Tonnbsp;aborde Ie temps des houilles et l’age Ie plus reculé de Thistoirenbsp;des ètres organisés, que, si rien n’est changé relativement anbsp;faction du foyer calorique qui inonde la terre entière de sesnbsp;effluves, d’autres changements ont du se produire, et qu’ils fu-rent sans doute assez profonds pour imprimer a notre globe unnbsp;aspect très-éloigné de celui qu’il a présenté depuis, et pour créernbsp;même des conditions d’existence dont rien ne saurait plus nousnbsp;donner l’idée.
L’épaisseur heaucoup plus grande de ratmosphère tamisant une lumière diffuse, chargée de brumes ticdes et lourdes; desnbsp;étendues continentales amoindries et morcelées ; Ie globe lui-mème moins contracté et occupant une plus large surface; la
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chaleur intérieure enfin se manifestant au dehors par certains etfets et sur certains points, telles sont les causes que l’on peutnbsp;entrevoir comme ayant influé sur la constitution des climatsnbsp;tout a fait primitifs et preside au développement des êtres lesnbsp;plus anciens; mais ces causes, si l’on peut les entrevoir vague-ment, on ne saurait les analyser, tout au plus pourrait-on in-sister sur certains faits qui paraissent s’y ratlacher plus ou moins.nbsp;Non-seulement les végétaux analogues a ceux des premiers agesnbsp;recherchent l’ombre de preference, comme Ie font lesfougères,nbsp;mais les races d’insectes les plus anciennes que l’on ait observées senbsp;tiennent etvivent maintenant encore dans l’obscurité, commenbsp;les blattes, les termites, les scorpions. M. Heer, a qui revientnbsp;cette remarque, pense saisir dans les habitudes actuelles de cesnbsp;petits ètres une tradition confuse de l’obscurité nébuleuse denbsp;ces premiers ages. La lumière, si amorti qu’en fut l’éclat, exis-tait pourtant, comme Ie prouvent les yeux réticulés des trilobi-tes. II est vrai que les perceptions visuelles sont souvent obtusesnbsp;chez les animaux inférieurs, lorsqu’elles n’y sont pas nulles, etnbsp;la disposition de beaucoup d’entre eux a fuir une vive lumière,nbsp;de mème que la certitude que leur existence remonte générale-ment très-loin dans Ie passé, parlerait en faveur de l’opinionnbsp;émise, d’ailleurs sous toutes réserves, par l’éminent professeurnbsp;de Zurich.
La tendance de la vie a se localiser, dans les temps voisins de son apparition, est encore un phénomène qui se lie a des particu-larités de climat. 11 est certain que les regions primaires sontnbsp;vastes etfréquentes dans les alentours de l’équateur, et cependantnbsp;sur ces terres demeurées a sec dès l’origine les traces d’animauxnbsp;et de plantes terrestres, particulièrement les empreintes du tempsnbsp;des houilles, sont presqueinconnues jusqu’a présent. Ilse peut,nbsp;suivant la belle peuséedeBuffon, quela vie se soit montrée d’abordnbsp;vers les poles, et qu’elle y ait été cantonnée pour ainsi dire. Lanbsp;région oü s’est forraée la houille, et au sein de laquelle une végé-tation opulente s’est ici-bas développée pour Ia première fois, nenbsp;s’étendait pas cependant jusqu’aupole même; unemer immense
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se prolongeait au nord du 76“ degré, et ce n’est qu’au sud de cettelimite, dansles iles Melville, Bathurst et Prince-Patrick,nbsp;que Pon observe les dépots de houille les plus septentrionaux.nbsp;Une zone occupant de Pest al’ouest toute laterre, maisque bor-nerait au sud Ie 40“ degré parallèle, au nord Ie 76“, marqueraitnbsp;assez exactement les limites de la region des houilles. On saitnbsp;qu’avant l’époque carbonifère les organismes terrestres ne senbsp;montrent guère, soitqu’ils aientété encore très-rares, soit qu’au-cune circonstance n’en ait favoriséla conservation. Les premiersnbsp;êtres sontmarins, ils forment dans Ie terrain silurien eet ensemblenbsp;auquel M. Barrande a donné Ie norn de faune •primordiale. Cettenbsp;première faune, suivie de plusieurs autres, est elle-même pré-cédée des plus anciens vestiges de la vie organisée. Ici encore,nbsp;les indices de localisation paraissent évidents; les organismesnbsp;primitifs se montrent de préférence dans Ie Canada et les Etats-ünis, en Angleterre, en Bohème et surtout en Scandinavië, anbsp;l’intérieur d’une bande qui ne s’écarte jamais beaucoup du 50“nbsp;degré de latitude. Cette zone peut être considérée coinme corres-pondant a 1’équateur de la vie originaire^ comme la lisière qu’ellenbsp;aurait franchie avant de se déverser sur notre hemisphère, pournbsp;de la se répandre de proche en proche et remplir ensuite toutenbsp;la terre.
Allons-nous maintenant déterminer la vraie cause de Péléva-tion de température des anciens climats? 11 faudrait pouvoir la saisir ou tout au rnoins l’entrevoir, et jusqu’ici la science hésitenbsp;entre plusieurs solutions très-diverses. Elle n’ose faire un choix;nbsp;il faut être modeste comme elle et se contenter de quelques ré-flexions générales, suivies de l’examen critique des systèmesnbsp;les moins invraisemblables par lesquels on a cherché a expli-quer ce qui finira peut-être par s’expliquer de soi-même. Résu-mons ce qui précède.
L’universalité d’une chaleur égale, mais non excessive, par-tout Ie globe durantlaplus grande partie des périodes anciennes.
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la persistance de cette elevation calorique a travers bien des modifications organiques et d’innombrables variations partielles,nbsp;ressorlent pour nous de l’ensemble des faits et particulièrementnbsp;de l’étude des végétaux fossiles les mieux connus. En effet,nbsp;les fougères en arbre du premier age n’ont pas exigé une plusnbsp;grande somme de cbaleur que les cycadées et les pandanéesnbsp;du second age, les palmiers et les bananiers du troisième. Pendant très-longtemps, c’est-a-dire jnsqu’au commencement dunbsp;troisième age, les végétaux observés au dela du eerde polairenbsp;sonl pareils on presque pareils a ceux de notre continent, etnbsp;ceux-ci ne se distinguent pas de ceux de Pinde. L’égalité estnbsp;absolue, et Pélévation n’excède pas probablement 25 degrésnbsp;centigrades en moyenne, 30 degrés au plus. Rien ne change anbsp;ces deux égards; pourtant la lumière versée a dü êlre d’age ennbsp;age plus vive et plus intense. A Pégale distribution de la cha-leur accompagnée d’une lumière diffuse a succédé peu a peu unenbsp;distribution de plus en plus inégale de la cbaleur et de la lumière. Ainsi la nuit et Ie jour, Pbiver et Pété, auraient contrasténbsp;de plus en plus; les latitudes et les climats se seraient différen-ciés et accentués toujours davantage, mais seulement a partirnbsp;d’une certaine époque. II estcurieux de constater que cette époque est justement celle oü les animaux a sang ebaud ont com-mencé a se répandre et a se multiplier. L’incubation etla gestationnbsp;ont ebez eux, il faut Ie remarquer, pour but immédiat de procurer aleurs produits une période de cbaleur égale et artificielle,nbsp;absolument indépendante de la variation des milieux. L’ovulationnbsp;est au contraire a peu pres toujours extérieure, et Péclosionnbsp;dépendante du climat chez les reptiles, dont Ie règne précèdenbsp;celui des mammifères. Chez eux aussi la ponte marque ordi-nairement Ie tenue des relations entre la femelle et ses petits.
La marche de tous ces phénomènes n’aurait rien d’obscur par elle-même, si Pon ne se demandait instinctivement la cause quinbsp;a pu les engendrer. Est-ce dans la terre mème, est-ce dans Ienbsp;soleil OU dans Pespace qu’il faut la rechercher? Nous avons vunbsp;que Ie climat se composait deplusieurs facteurs, et qu’il suffisait
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de la modification de Tun d’eux pour entrainer Ie changement de tons les rapports. D’ailleurs on con^oit qu’il ait pu existernbsp;autrefois d’autres coefficients dont l’action combinée avec cellenbsp;des premiers aiirait cessé de se manifester depuis longtemps, etnbsp;qui nous demeureraient inconnus. Ces causes pourtant, et c’estnbsp;la ce qui doit encourager les explorateurs. ne sauraient ètrenbsp;très-nombreuses, du moins si 1’on écarté celles qui sont fabuleuses OU tont a fait inyraisemblables; nons rangeons dans cettenbsp;dernière catégorie une hypothese souvent invoquée, celle denbsp;rinfluence persistante du noyau central en fusion, influencenbsp;supposée assez forte pour supprimer d’abord, pour atténuernbsp;ensuite les effets de la latitude. Les impossibilités de toute sortenbsp;attachées a cette opinion auraientdu la faire abandonner depuisnbsp;longtemps ; aussi les meilleurs géologues n’apportent-ils aucunenbsp;preuve a l’appui, OU ils lamentionnent sans y insister, commes’ilsnbsp;en comprenaient Ie pen de solidité. M. d’Archiac, dans Ie résuménbsp;généralqui termine son livre intitule Geologie et paleontologie (1),nbsp;se contente d’affirmer que la vie organique n’a plus dépendu quenbsp;de Faction solaire, a partir du moment ou la température denbsp;Fatmosphère, cessant de participer a celle de la terre, a perdunbsp;graduellement son uniformité première. C’est énoncerun principe des plus vagues en ayantsoin d’enesquiver les consequences.nbsp;M. d’Omalius d’Halloy (2) dit bien, il est vrai, que la chaleurnbsp;centrale exergait encore une grande influence sur Ie climatnbsp;pendant Fépoque tertiaire, mais il ne donne pas les raisons denbsp;cette croyance. M. Schimper a' tout récemment (3) avoué que ianbsp;science ne pouvait fournir a eet égard aucune réponse satisfai-sante. Enfin M. Burmeister, dans son Histoire de la creation,nbsp;fait voir que Finterposition d’une écorce solide a du opposernbsp;depuis longtemps, peut-être même des Forigine des êtres vivants,nbsp;un obstacle infranchissable a Faction du foyer interne sur lanbsp;température de la surface ; mais en revanche il croit al’inlluence
(1) nbsp;nbsp;nbsp;Paris, 1866, p. 760.
(2) nbsp;nbsp;nbsp;Vrécis élémentaire de géoloqie^ 2® edit., Paris et Bruxelles, 1868, p. 279.
(3) nbsp;nbsp;nbsp;Traité de paléontologie végétale, I, p. 99.
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réchauffante des matières en fusion rejetées au dehors. Lespor-phyres, les basaltes et les laves successivement épanchés a la surface auraient, en exhalant leur calorique et en se solidifiantnbsp;peu a peu, contribué a maintenir l’élévation de la temperature,nbsp;et en auraient rendu plus tard l’abaisseraent moins rapide. 11nbsp;suffit d’énoncer un pareil système pour reconnaitre qu’il nenbsp;repose sur aucune base sérieuse. Les volcans sous nos yeux n’ont-ils pas, comme d’autres montagnes, leurs neiges éternelles ?nbsp;A-t-on jamais penséque les eruptions du mont Hékla aient servinbsp;a adoucir Ie climat de l’Islande? Si de pareils effets s’étaientnbsp;produits dans les temps antérieurs, a quelles étroites limites nenbsp;faudrait-il pas les ramener pour rester dansle vrai? Dans tonsnbsp;les cas, ils seraient loin de pouvoir rendre compte des phénomènesnbsp;grandioses dont nous avons exposé les phases. La difficulté n’estnbsp;pas d’admettre que notre globe ait longtemps possédé une cha-leur propre, capable de contre-balancer l’influence des latitudes:nbsp;il en a été certainement ainsi a 1’origine; mais il est aisé denbsp;reconnaitre que ce phénomène initial n’a rien de commun avecnbsp;la persistance singuliere d’une temperature tropicale sur tout Ienbsp;globe, et qu’enfin l’abaissement tardif et graduel de cette mêmenbsp;temperature a du dépendre d’une tout autre cause.
L’épaisseur énorme des terrains solidifies les premiers, la faible conductibilité calorique des roebes dont ils sont composés, enfinnbsp;l’énormité du temps écoulé, sont autant d’arguments décisifsnbsp;contre cette manière de voir. Du reste, si Ie refroidissement dunbsp;globe était la vraie cause de la décroissance de la temperature,nbsp;cette décroissance aurait nécessairement suivi une marche gra-duelle, et elle entrainerait pour les époques très-anciennes,nbsp;comme celle des houilles, une chaleur hors de toute proportionnbsp;par son intensité avec ce que nous connaissons des êtres vivantsnbsp;de cette époque, incompatible même avec toute espèce d’or-ganisme. La chaleur centrale, a quelque point de vue que l’onnbsp;se place, ni la moindre élévation des montagnes, pas plus que lanbsp;distribution géographique des terres, ne fourniront l’explicationnbsp;démandée. Cette explication dépend sans doute d’une cause plus
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générale qui plane au-dessus de toutes les autres, sans exclure pourtant les causes secondaires et les causes partielles.
Le savant M. Heer a émis Tidée que Ie système solaire tout entier, tournant autour de l’astre invisible qui lui sert de centre,nbsp;avait pu, dans le cours de cette année incommensurable dontnbsp;rhomme ne verra jamais la fin, traverser des parties inégale-ment échauffées de l’espace stellaire. De cette marche seraientnbsp;sorties des périodes de froid et de cbaleur qui se succéderaientnbsp;comme des saisons, mais a des époques indéterminées. C’est lanbsp;sans doute une théorie séduisante au premier abord, mais ilnbsp;faut songer que rien, dans les phénomènes observés jusqu’ici,nbsp;ne ressemble a des intermittences marquées de cbaleur et denbsp;froid. La cbaleur originaire se prolonge plus oumoinslongtemps,nbsp;puis elle décline sans queLonait droit de soupgonner l’existencenbsp;d’abaissemcnts antérieurs, tandis que l’on constate aisémentunenbsp;succession continue d’espèces affiliées exigeantune cbaleur supérieure a celle que nos zones tempérées ou froides sont mainte-nant en mesure de leur départir. La parfaite coincidence desnbsp;latitudes, disposées autour du pole tertiaire etmême crétacé dansnbsp;le même ordre relatif qu’aujourd’hui, empêche de supposer,nbsp;comme le voudrait M. Evans, que ce pole se soit successivementnbsp;déplacé. Nous avons déja insisté sur ce point; mais il existe unenbsp;autre hypothese que nous ne saurions passer sous silence, pareenbsp;qu’elle a été adoptée par plusieurs hommes de talent, biennbsp;qu’elle ne nous semble pas plus vraisemblable que les précé-dentes. Nous voulons parlerde la périodicité des déluges, baséenbsp;sur le déplacement lent et périodique du grand axe de l’orbitenbsp;terrestre par suite du phénoraène de laprécession des équinoxes,nbsp;d’oü résulte une différence dans la longueur respective des saisons. Le cycle entier de ce déplacement mesure une périodenbsp;d’environ 21,000 ans. Actuellement le printemps et l’été réunisnbsp;de notre hémisphère dépassent de sept jours la durée de l’au-tomne et de l’hiver. C’est en 1248 que les saisons chaudes ontnbsp;atteint leur plus grande longueur dans notre hémisphère; ellesnbsp;tendent depuis a diminuer, et cette diminution continuera jus-
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qu’a l’année 6498, oü l’égalité sera rétablie entre les saisons extrêmes; mais après ce tertne, Ie mouvement continuant d’agir,nbsp;l’hiver et l’automne empiéteront de plus en plus sur l’été et Ienbsp;printemps jusqu’en 11784 de notre ere, après quoi une oscillationnbsp;en sens inverse ramènera peu a peu les saisons vers les proportions actuelles. II faiit ajouter encore que les saisons chaudes denbsp;notre hémispbère correspondent aux saisons froides de l’hémi-sphère austral, et que c’est raaintenant ce dernier qui supportenbsp;les hivers les plus longs. En partant de cette donnée astrono-mique, M. J. Adhémar, auteur des Revolutions de la mer, etnbsp;M. H. Lehon après lui ont cru que les glacés, en s’accumulantnbsp;vers l’un des poles, pouvaient changer l’équilibre et déplacer Ienbsp;centre de gravité du globe.
Les terres de Ehémisphère austral seraient maintenant noyées, et leurs sommités recouvertes de glacés, tandis que celles denbsp;rhéraisphère boréalse trouveraientpresquea sec, et que les glacés n’auraient cessé de diminuer autour du pole nord j usque versnbsp;Ie milieu du xiii’’ siècle. Le mouvement déja commencerait anbsp;se ralentir, etun moment viendrait oü notre héinisphère, envahinbsp;de nouveau, disparaitrait en partie sous les eaux. On conjoit lesnbsp;consequences géologiques d’une pareille théorie, si elle étaitnbsp;admise. La période glaciaire aurait correspondii au temps oü lesnbsp;hivers de notre héinisphère ont été les plus longs, elle auraitnbsp;produit ses effets les plus intenses vers Fan 9250 avant notre ère ;nbsp;mais le déplacement du centre de gravité serait temporaire etnbsp;périodique comme le phénomène dont il dépendrait. Le retournbsp;d’étés plus longs, en fondant les glacés de Fun des poles, amè-nerait inévitahlement une débacle, a la suite de laquelle lesnbsp;eaux, brusquement rejetées vers Fhémisphère opposé, inaugure-raient pour lui une nouvelle ère glaciaire et balayeraient les êtresnbsp;sur leur passage. C’est la ce qui serait arrivé jadis en Sibérienbsp;lors de Fensevelissement des mammouths, et ce qui nous arri-verait de nouveau lorsque les glacés de Fhémisphère austral fon-draientaleur tour, circonstance qui se présenterait dans cinq ounbsp;six mille ans d’ici.
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Quelque spécieuse qu’elle paraisse, cette théorie ne supporte guère l’examen. Oii trouver danste passé la trace de ces actionsnbsp;glaciaires qui auraient du se succéder a de courts et réguliersnbsp;intervalles ? Rien de périodique ne se remarque dans les faitsnbsp;de l’ordre géologique ; on observe au contraire une élévation denbsp;teinpérature bien supérieure a cetle que les phénomènes dont ünbsp;vient d’etre question ont jamais pu produire. Afin de prouvernbsp;cette chaleur supposée, dont Ie maximum se place forcémentnbsp;dans Ie xiii” siècle, on est oblige de s’attacher aux traditions etnbsp;aux récits exagérés du moyen age. Les calculs auxquels on s’estnbsp;livré, échafaudés sur de petits faits légendaires, sont d’autantnbsp;moins concluants que Ie naturaliste n’ignore pas que la végéta-tion européenne a très-peu change depuis les temps historiquesnbsp;les plus reculés, sinon par Ie fait de Thomme. L’extension desnbsp;glaciers n’est pas un fait particulier a notre hémisphère; desnbsp;vestiges analogues, rapportos également a la période quaternaire,nbsp;ont été observes dans riiémisphère austral et démontrent plutótnbsp;l’universalité que la périodicité alternative de ces sortes de phénomènes. D’ailleurs, si les eaux et les glacés, par une consé-quence de la precession, se sont accumulées vers l’un des polesnbsp;en plus grande quantité que sur l’autre, ce n’a pu être que parnbsp;im progrès très-lent, et la fonte des glacés n’a dü aussi s’opérernbsp;que d’une fagon graduelle. On ne saurait concevoir de débaclenbsp;assez brusque pour opérer un mouvement général de la massenbsp;liquide. Le froid polaire et la calotte de glace qui en résulte nenbsp;coincident pas même aA^ec le pole réel; enfin le poids total de cesnbsp;amas semble trop faible pour avoir jamais pu déplacer le centrenbsp;de gravité. 11 faut nécessairement chercher une autre cause ounbsp;avouer l’irapuissance d’en concevoir aucune.
La densité présumée plus grande de 1’atmosphère aux époques antérieures doit être prise en considération. On sait comment lanbsp;raréfaction de 1’air amène le froid aussitot que 1 on s élève sur lesnbsp;montagnes. 11 suffirait sans doute d’accroitre l’épaisseur de la cou-che atmosphérique pour la rendre capable d’accumuler plus denbsp;chaleur; non-seulement les végétaux et les animaux des pre-C‘® DE SapORTA.
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miers ages semblent avoir vécu sous un ciel plus voilé et plus lourd, mais l’effet mème d’une chaleur plus concentrée serait denbsp;réduire a l’état de vapeur une plus grande quantité d’eau etnbsp;d’accroitre ainsi la tension de Tatmosphère. L’étude même de lanbsp;geologie semble démontrer que dans Ie passé les pluies et lesnbsp;phénomènes relevant de Faction des eaux courantes ont présenténbsp;plus d’intensité que de nos jours. L’atmosphère de son coté anbsp;perdu une grande partie des gaz qu’elle renfermait originaire-ment, et qui se sont fixés en entrant dans la composition de différents corps. Diminuée d’étendue, elle n’a pu contenir la mêmenbsp;quantité de vapeur d’eau, et a laissé échapper Ie surplus, qui estnbsp;allé grossir la masse liquide. On voit que la chaleur elle-mêinenbsp;contribuait a maintenir un état atmosphérique favorable a lanbsp;déperdition lente et faible de cette même chaleur. Cependant cesnbsp;propriétés de l’atmosphère des premiers ages, en les supposantnbsp;vraies, obligent toujours de recourir a Faction d’un foyer calo-rique, sinon plus énergique que Ie nótre, du moins disposé denbsp;fa?on a élever la température des régions polaires au niveau denbsp;celle de la zone équatoriale actuelle. Cette intensité partout égalenbsp;et si longtemps persistante, Fépaisseur seule de Fatmosphère nenbsp;saurait la donner par suite de la longue obscurité des nuits dunbsp;pole, que rien ne peut compenser. En avanfant du restevers desnbsp;temps plus modernes, on voit se développer des végétaux, commenbsp;lespalmiers, qui s’accommodent a la fois de la chaleur et d ’une vivenbsp;lumière. La chaleur se maintient a peu pres égale pour les hautesnbsp;latitudes, alors même que Fatmosphère a enfin acquis la transparence qiFelle a depuis conservée. Les plantes tertiaires differentnbsp;si peu de celles des régions tropicales de nos jours, qu’elles n’onlnbsp;puvivresous un autre ciel; mais elles altestenten même tempsnbsp;la force du foyer calorique qui, dans la première moitié de eetnbsp;age, étendait encore son influence sur FEurope entière. Si riennbsp;n’avait été changé dans la situation respective de la terre et dunbsp;soleil, de pareilles conditions auraient entrainé, malgré tout etnbsp;d’oü que vint Félévation thermique, la présence d’un climat et denbsp;saisons extrêmes, c’est-a-dire chaleur supra-torride k Féquateur,
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jour estival ardent, mais hiver sombre et glacé dans les regions polaires. Ceseffets, nous Ie savonsdéja, nesont pasceux que Tonnbsp;observe en étudiant l’ancienne végétation polaire, oü les indicesnbsp;d’une saison d’biver des plus modérées ou même nulle ne fontnbsp;pas défaut jusque dans Textrème nord. Des lors c’est plutót unenbsp;cause d’égalisation climatérique qu’il s’agirait de determiner, etnbsp;la question se simplifie, du moins en apparence.
L’inclinaison de l’axe sur Ie plan de l’orbite est actuellement, on Ie sait aussi, la cause unique de la diversité des climats et desnbsp;saisons dans l’intérieur de chaque climat. Par conséquent il n’ynbsp;aurait qu’a en supposer Ie redressement, au moins partiel, pournbsp;obtenir aussitót Pégalitéqsrésumée, et, la densité atmosphériquenbsp;venant en aide, Ie passé de notre globe se trouverait facilementnbsp;expliqué. 11 ne faut pas oublier néanmoins qu’en invoquant cettenbsp;bypotbèse on se beurte a d’insurmontables difficultés. Bien quenbsp;la stabilité des lois astronomiques soit fondée principalement surnbsp;la connaissance de la structure récente de l’univers, et qu’a eetnbsp;égard on ne puisse répondre d’événements dont la trace se perdnbsp;dans la nuit des temps, rien ne saurait autoriser non plus anbsp;croire sans preuve directe que Ie système solaire ait jamais cessénbsp;d’etre régi par les mêmes lois qu’aujourd’bui. En effet, la direction de l’axe de rotation d’un corps céleste est immuable, sinbsp;d’autres corps plus puissants ne viennent Ie solliciter en 1’attirantnbsp;dans un autre sens que celui de la rotation normale, ou en trou-blerla marebepar un cboc. Enun mot, sans une perturbation,nbsp;très-possible il est vrai, mais dont on ne saurait admettre gra-tuitement la réalité, cette direction ne cbangera jamais. En denbsp;bors done du petit mouvement appelé nutation, aucun ebange-meot de cette nature ne peut être invoqué pour fournir une explication plausible a des pbénomènes d’un ordre très-différent.nbsp;Une perturbation violente ne seraitpas même acceptable des qu’ilnbsp;s’agit d’une succession de faits évidemment connexes, et dont lanbsp;marebe lente et réguliere a mis des millions d’années a se dé-rouler. L’axe terrestre a-t-il pu, d’abord perpendiculaire sur Ie plannbsp;de l’orbite, comme dans Jupiter, s’incliner peu a peu? Pareille
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question n’a jamais été examinée par les astronomes,et rien, a ce qu’il semble, dans la mécanique, ne justifierait cette hypothese.
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11 en est autrement d’une supposition encore plus hardie émise, il y aquelques années,par M. Ie docteur Blandetavec l’assentimentnbsp;du regretté M. d’Archiac. Elle a du moins eet avantage qu’ellenbsp;s’accorde parfaitement avec les données de la célèhre théorie denbsp;Laplace. Onsait, que d’aprës cette théorie, Ie systèrae solaire toutnbsp;entier aurait formé d’ahord une immense néhuleuse qui se seraitnbsp;condensée en ahandonnant successivement des anneaux de ma-tière cosmique, origine des astres secondaires, planètes et satellites, tandis que l’astre central, réduit a des dimensions toujoursnbsp;moindres, maisplusdense, plus lumineuxetplus ardent, devenaitnbsp;a la longue un globe pareil a ce qu’il est maintenant. Notre soleilnbsp;ne serait done que Ie dernier terme de la condensation d’unenbsp;série de soleils antérieurs. 11 en résulte qu’avant de mesurer Ienbsp;diamètre encore énorme de 357,290 lieues et Ie diamètre apparent sur notre ciel d’un peu plus d’un demi-degré, Ie soleil a dunbsp;nasser par bien des états de grandeur réelle et de grandeur ap-parente. La masse très-inégale des planètes, dont les plus éloi-gnées du soleil sont aussi les moins pesantes et dont la plusnbsp;rapprochée de eet astre (Mercure) est en même temps la plusnbsp;lourde, semble fournir une preuve indirecte de ce mouvement denbsp;condensation de la matière solaire a travers les ages; mais lors-que la dernière planète a été détachée de l’astre central, aujour-d’hui formé d'un mélange de gaz et de vapeurs incandescentesnbsp;dont la densité n’équivaut qu’au quart de celle de notre globe, Ienbsp;soleil était encore très-loin de se trouver réduit aux dimensionsnbsp;que nous lui connaissons, et qu’il n’a probablement acquisesquenbsp;par une marebe très-lente. Sans doute il est impossible de savoirnbsp;par quelle sorte de soleil ont été éclairées les scènes de la vienbsp;primitive. On peut cependant conjecturer que ce soleil différaitnbsp;beaucoup du notre, et l’immensité du temps écoulé permet denbsp;croire qu’il était d’une grandeur en rapport avec Ie terme encorenbsp;très-éloigné du mouvement de condensation auquel il n’a pasnbsp;peut-être entièrement cessé d’obéir.
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Un soleil égal en diamètre a l’orbite de la planète Mercure serail énorme, vu de la terre. II apparaitrait sous un angle denbsp;plus de 40 degrés ; il remplirait a lui seul Ie quart de l’horizonnbsp;et donnerait lieu a des crépuscules si lumineux et si prolongésnbsp;que la nuit en serail annulée. A plus forte raison, il en serailnbsp;de même de l’effet des latitudes ; la zone torride, transportéenbsp;sous nos climats, déborderait bien au dela des cercles polaires.nbsp;Avec un soleil n’occupant que la moitié seulement du mêmenbsp;orbite, les mêmes effets se produiraient encore, et I’iUuminationnbsp;des crépuscules compenserait, surtout au sein d’une atmospherenbsp;plus étendue, la diminution du diamètre apparent, qui excéderaitnbsp;encore de plus de quarante fois la dimension actuelle. Un sera-blable soleil brillerait d^une lumière plus calme et répandraitnbsp;une chaleur moins vive, mais plus égale, justement paree que Ienbsp;foyer en serail moins concentré; il reliendrait encore quelques-uns des caractères de la nébuleuse primitive; il prolongerait Ienbsp;jour par I’amplitude de la réfraction, et reculerait les hornes denbsp;la zone tropicale en projetant des rayons verticaux jusque dansnbsp;nos régions. Sans doute cette hypothese est loin de tout résoudre,nbsp;mais elle s’adapte si naturellement aux phénomènes du mondenbsp;primitif, elle fait si bien comprendre ses lois climatériques, sesnbsp;jours a demi-voilés, ses nuits transparentes, la tiède temperaturenbsp;de ses contrées polaires, l’extension originaire, puis Ie retraitnbsp;progressif de la zone torride, réduite enfin aux limites actuelles,nbsp;que 1’on est fortement tenté d’y croire, tout en se répétant a voixnbsp;basse: serait-ce done la I’unique cause d’une reunion si complexenbsp;de phénomènes?
En réalité, ces recherches touchent encore a leur debut, et déja l’esprit de Thoinme voudrait tout saisir, tout parcourir, toutnbsp;deviner, nil mortalibus archmm. II ne s’avoue pas assez que sanbsp;nature est bornée, successive; que les élans subits, qui réussis-sent parfois a certains génies, sont plutót pour Ie commun desnbsp;hommes Ie signe d’une impatience nerveuse et maladive quinbsp;altère la sureté du jugement, trouble l’analyse, et empèche denbsp;prendre la voie de la deduction patiënte et graduelle. Cette voie
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est cependant la seule qui ne trompe jamais. Elle mènera quel-que jour, a travers des détours imprévus, a la connaissance directe de bien des questions, aujourd’hui a l’état de problè-mes scientifiques. Celle des anciens climats est une des plusnbsp;curieuses, mais une de celles aussi qui exigent Ie plus d’attentioi^nbsp;et de persévérance pour être a la tin comprises et résolues. Avantnbsp;tout, et c’est ce qui lui a manque jusqu’ici, il faut qu’elle ob-tienne Ie concours de plusieurs sciences combinées, réunissantnbsp;leurs efforts etles faisant converger vers Ie mêmeobjet.
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NOTIONS PRÉLIMINAIRES
SUR LES
Le charme si pénétrant que la nature a déposé dans ses oeuvres résulte en grande partie de la fagon dont les masses végétales senbsp;trouvent accentuées. L’impression que l’on éprouve en parcou-rant une vallée agreste. dominee par des pentcs richement boi-sées, OU bien en abordant une vaste et profonde forèt, portenbsp;avec elle quelque chose de vague^ d’indéfmi. Mais^ si l’on essayenbsp;de soumettre cette impression a l’analyse, on fmit par recon-naitre que, sous l’apparente confusion du spectacle dont on estnbsp;frappé, se cachent un ordre reel et des lois déterminées. Pournbsp;parvenir a le comprendre, il faut décomposer un a un les or-nements qui décorent la scène, en préciser la forme, le carac-tère et la destination. De Humboldt, s’engageant un des premiers dans cette voie, avait rapporté de ses courses a travers lesnbsp;deux mondes de précieuses notions sur le róle dévolu a chaquenbsp;catégorie de plantes, dans les paysages du tropique. II fit voirnbsp;que les diverses régions de la zone equatoriale devaient leur phy-sionomie distinctive a la prédominance ou a l’association d’unnbsp;certain nombre de végétaux caractéristiques qui tantót se com-binaient pour former des groupes harmoniques, tantót se déta-chaient du milieu des autres, comme sur un fonds, tantót enfinnbsp;occupaient le sol d’une fagon a peu pres exclusive. Au sein mêmenbsp;de nos contrées, si pauvres cependant en tableaux de ce genre, onnbsp;peut s’assurer que l’expression du paysage change avec les arbres
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NOTIONS PRELIMINAIRES
qui le composent: la viie de sombres sapinières ajoute certaine-ment a la sévérité des sites alpins, tandis que la verdure frai-che et nuancee de teintes variées, qui se presse au bord des eaux tranquilles, fait naitre un sentiment de calme et repose aussi biennbsp;I’esprit que lesyeux. La nature dispose en effet d’une multitudenbsp;de formes, qui sont comme les couleurs de sa palette et dont ellenbsp;tire de puissants etfets en les melangeant de mille manières;nbsp;mais ces formes qu’elle tient dans ses mains invisibles pour lesnbsp;distribuer avec tant de profusion a la surface du globe, d’oünbsp;proviennent-elles? et que sait-on de leur origine?— Sont-ellesnbsp;nées simultanément on se sont-elles montrees dans un ordrenbsp;successiL et lequel? — Que peut-on avancer au sujet de la mar-cbe qu’elles ont suivie et du developpement auquel elles outnbsp;obei?— Ce sont la autant de questions que la paléontologie vé-gétale essaye d’aborder, sinon pour les résoudre entièrement, dunbsp;moins pour s’expliquer a leur égard et énoncer le dernier motnbsp;de la science humaine. C’estcette science que nous allons inter-roger ; elle nous enseignera par quelle méthode d’investigationnbsp;on a réussi a s’enfoncer dans un passé tellement lointain que lenbsp;calcul de l’homme ne saurait en fixer les limites. Nous avonsnbsp;passé en revue les lois générales et apprécié plus particulièrementnbsp;celles qui régissent Lensemble desphénomènes biologiques; nousnbsp;allons maintenant suivre l’application de ces lois et des procédésnbsp;qui en relèvent, en trawant la chronique spéciale du règne vé-gétal; nous apprendrons ainsi comment on est parvenu a re-trouver les plantes des plus anciens ages, a décrire leur aspect, anbsp;connaitre leurs organes, et a reconstituer jusqu’a la physionomienbsp;des paysages primitifs.
C’est a l’aide de débris, en apparence informes, que la paléontologie végétale a accompli ces merveilles. Les plantes d’autre-fois, en effet, n’ont pas disparu sans laisser d’elles des vestiges qui sont comme le souvenir de leur passage sur la terre. Maisnbsp;ces vestiges^ les gens du monde, même les plus instruits, ontnbsp;d’abord quelque peine a en comprendre le sens. Lorsque le ha-sard OU la curiosité les met en présence d’une collection de ce
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SUR LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
genre, certaines pieces très-apparentes, comme les troncs de la forêt pétrifiée du Caire, attirent seules leur attention; partoutnbsp;ailleurs, ils n’entrevoient que des linéaments confus. Des plaquesnbsp;bizarrement colorées, tantól portant des taches brunes sur unnbsp;fond gris, tantót entièrement noires, défilent sous leur regard,nbsp;et sont pour eux autant d’énigmes qu’ils se lassent bientót denbsp;chercher a deviner. Ce sont pourtant la les phrases éparses dunbsp;¦vieux livre de la nature. Si l’on s’attache a les déchiffrer, on oublie bien vite la singularité des caractères, et Ie mauvais étatnbsp;des pages. La pensée se léve, les idees se développent, Ie ma-nuscrit se déroule ; c’est la tombe qui parle et livre son secret.nbsp;Le naturaliste Ie plus modeste opère parfois ces merveilles; ünbsp;retrouve un organe isolé, une feuille, par exemple, et la connais-sance de cette feuille lui permet de reconstruire le -vegetal toutnbsp;entier. La loi de l’analogie, si puissante et si sure, autorise effec-tivement a juger du passé par ce que nous avons sous les yeux;nbsp;et, applicable a tous les temps, elle rend les parties d’un mêmenbsp;ensemble tellement solidaires que des associations disparates, anbsp;quelque age que Ton se reporte, ne sont jamais concevables.nbsp;Toutefois, si l’harmoniela plus constante a toujours présidé auxnbsp;manifestations de la vie organique, les débris végétaux fossiles senbsp;présentent a nous sous des états très-divers,” dont la différencenbsp;est due a la multiplicité des circonstances qui nous les ont conserves.
Des substances épaisses, comme les bois, peuvent, dans certains cas très-rares, n’avoir subi qu’une altération superficielle; maisnbsp;presque toujours les végétaux anciens ont été changés, sous Faction d’une combustion lente, en une masse charbonneuse etnbsp;compacte. Telle est Forigine de nos combustibles minéraux, lanbsp;houille, Fanthracite, le lignite, la tourbe. M. Goeppert a dé-montré, il y a plusieurs années, qu’on pouvait extraire des houil-les les plus anciennes d’imperceptibles fragments qui, ayantnbsp;conservé des traces de leur structure primitive, indiquent la nature et la proportion des plantes auxquellos il faut rapporter lanbsp;formation des houillères. Ces sortes de résidus nous ramènent
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NOTIONS PRÉLIMINAIRES
aux premiers ages dii monde; I’esprit s’effraye lorsqu’il cherche a supputer le temps écoulé depuis l’époque qui les a vues s’accu-muler, et cependant on pent encore, dans certains cas„ retirer dunbsp;moule qui les contient les tissus végétaux desséchés, mais con-servant une sorte de souplesse qui les rend pareils aux specimens de nos herbiers.
D’autres végétaux fossiles, principalement des tiges, des fruits et des graines, an lieu de se réduire en charbon, out été I’objetnbsp;d’une transformation remarquable. Cbez eux une matière nouvelle, minérale, souvent très-dure et plus ou moins translucide,nbsp;s’est substituée a celle dont l’organe était originairement formé,nbsp;en gardant jusque dans les moindres détails la trame des tissusnbsp;intérieurs; mais ce qui, plus que toutle reste, a contribué a fairenbsp;arriver jusqu’a nous les formes de 1’ancienne végétation, ce sontnbsp;les empreintes laissées par elle dans les divers sédiments. Unenbsp;empreinte végétale n’est pas autre cbose qu’un moule des partiesnbsp;extérieures d’une plante, formé par une matière plastique ap-pliquée d’abord centre les inégalités ou aspérités de l’originalnbsp;et ensuite consolidée. L’bomme n’agit pas autrement lorsqu’ilnbsp;moule un objet quelconque; seulement la nature arrive a sesnbsp;fms par des moyens a la fois plus lents et plus sürs, et elle pro-duit des résultats dont Ia délicatesse surpasse de beaucoup cellenbsp;des oeuvres humaines. Tout le monde connait le jeu capricieuxnbsp;des concrétions de tuf. D’anciennes sources ont ainsi encroüténbsp;des feuilles, des tiges et des fruits. Les roebes qui renfermentnbsp;ces sortes d’empreintes, résultat de Taction cbimique d’eauxnbsp;courantes, présentent une disposition un peu confuse. Les empreintes les plus fréquentes s’observent au contraire dans des litsnbsp;parfaitements réguliers dont 1’origine est due a des dépots limo-neux. Pour se rendre compte de la manière dont les eboses senbsp;sont alors passées, on n’a qu’a jeter les yeux en automne surnbsp;une mare ou sur un réservoir. A cette époque de Tannée, lesnbsp;feuilles détacbées naturellement et celles que poussent les rafalesnbsp;viennent joneber la surface de Teau ; elles flottent d’abord, maisnbsp;bientot elles deviennent plus lourdes en s’imbibant et vont sue-
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cessivement s’étaler au fond avec beaucoup de régularité. Au sein des couches consolidées qui les renferment, les feuilles fos-siles sont disposées dans Ie même ordre, c’est-a-dire suiyant unnbsp;plan horizontal et non pas coulees en désordre, comme elles Ienbsp;seraient, si c’était un courant rapide qui les eüt apportées. Lesnbsp;organes des yégétaux se décomposent promptement au fond denbsp;nos mares et de nos bassins, oü ils se confondent avec la vase;nbsp;mais il n’en serait pas de même, si une couche, quelque mincenbsp;qu’on la suppose, d’un limon argileux venait les recouvrir et lesnbsp;soustraire aux causes d’altération qui les atteignent d’ordinaire.nbsp;Sous l’abri protecteur d’un lit de sédiment impermeable, cesnbsp;organes cliangeraient lentement de couleur et de consistancenbsp;pour passer enfin a l’état de residu charbonneux et laisser aprèsnbsp;eux une empreinte qui garderait la trace de leurs moindresnbsp;lineaments.
La nature n’a pas suivi d’autre marche pour produire la plupart des empreintes fossiles, et cela inontre, non-seuleraent que Ienbsp;plus grand calme a dü présider aux pbénomènes auxquels senbsp;rattache leur existence, mais que ces pbénomènes sont essentiel-lement limités. 11 est clair en effet que ni Ie milieu des lacs, ninbsp;les rivages trop nus ou trop a l’écart des forèts, ni les rivieresnbsp;rapides, n’ont pu donner lieu a des empreintes végétales. Pournbsp;que des plantes se soient conservées a l’état fossile, il a fallunbsp;qu’il existat des tourbières, des plages heureusement disposées,nbsp;enfin des eaux douées de propriétés incrustantes ou chargées denbsp;substances minérales en dissolution. Ce point de vue exclutpres-que entièrement les effets attribués si souvent et si gratuitementnbsp;aux cataclysmes physiques. Des mouvements violents auraientnbsp;inévitablement détruit les débris végétaux, au lieu d enopérer lanbsp;conservation, et d’ailleurs, ainsi que nous 1 avons fait voir dansnbsp;la première partie de l’ouvrage, la science géologique inclinenbsp;légitimement a croire que les revolutions les plus fortes dans lanbsp;distribution relative des terres et des mers ont été Ie résultat denbsp;causes très-lentes, agissant a de longs intervalles et par des mouvements insensibles. L’écorce terrestre se trouve, il est vrai.
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NOTIONS PRÉLIMINAIRES
compliquée actuelleraent par des rides, des plissements et des fractures. Mais tout concourt a démontrer que ces grandes iné-galités superficielles sont Ie résultat d’un retrait graduel, d’unnbsp;affaissement, régulier si l’on s’attache a l’ensemble, irrégulier sinbsp;Tonne Yoit que les détails. Ce mouvement, poursuivi de périodenbsp;en période, tend évidemment a rendre deplus en plus sensiblesnbsp;les accidents de la surface terrestre, tont en réduisant Ie diamètrenbsp;de celle-ci. Les périodes primitives doivent done avoir vu Ienbsp;globe dénué a la fois de très-hautes montagnes et de bassins ma-ritimes très-profonds ; les eaux^ contenues dans des dépressionsnbsp;plus faiblement creusées, occupaient en revanche une plus largenbsp;étendue, et les continents, réduits a de moindres dimensions, nenbsp;présentaient que des ondulations d’autant moins accentuées quenbsp;Ton remonte plus loin dans Ie passé. Tel est Texposé succinct denbsp;la théorie qui parait être la plus autorisée et a laquelle s’adaptentnbsp;très-bien les notions fournies par les plantes. Les premiers géo-logues cédaient a une idéé préconfue, lorsqu’ils crurent retrou-ver la trace d’un certain nombre de bouleversements générauxnbsp;partageant Thistoire du globe en autant de périodes tranchées,nbsp;dont cbacune était inaugurée par une création distincte et ter-minée par une destruction subite et universelle. Cette théorie,nbsp;séduisante par sa simplicité, avait plu a beaucoup d’esprits,nbsp;pour qui la régularité du classement semble devoir exister dansnbsp;les choses de la nature aussi bien que dans les vitrines d’unnbsp;musée. 11 a fallu y renoncer devant la valeur et la profusionnbsp;des preuves contraires. La nature toujours active n’a eu réelle-ment ni intermittence ni temps de sommeil; la vie, depuis sonnbsp;apparition première, n’a cessé d’habiterlaterre. Affaiblieparfois,nbsp;jamais interrompue, elle y a fait circuler sans trêve une sévenbsp;constamment féconde. Les époques et les révolutions, auxquellesnbsp;les géologues ont donné des noms, n’ont de valeur qu’autant quenbsp;Ton s’en sert pour introduire de grandes lignes divisoires au seinnbsp;d’une durée, pour ainsi dire, incalculable; mais, a voir les chosesnbsp;de pres, lesêtres se sont toujours snccédé, sans que Textinctionnbsp;de certains d’entre eux ait jamais empêché les autres de survivre
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SUR LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
a ces derniers et d’occuper leur place. Les revolutions physiques, essentiellement accidentelles et inégales, n’ont jamais été radica-lement destructives. S’il a existé des périodes moins favorahlesnbsp;que d’autres au développement de la vie, ces intervalles relative-ment appauvris ont cependant possédé des êtres organises quinbsp;plus tard, en se multipliant et se diversifiant, ont aisément re-peuplé Ie globe.
II existe done des périodes biologiques et par cela même des périodes végétales, de la même faijon qu’il existe desnbsp;chapitres et des règnes dans l’histoire des nations humaines,nbsp;de la même facon également qu’il existe pour les astronomesnbsp;des régions de l’espace, déterminées et cependant contiguësnbsp;et dénuées d’autres frontières que de limites purement idéa-les. Sous ces réserves, si l’on veut se faire une idéé juste dunbsp;nombre, de l’ordre successif et de la durée relative des périodesnbsp;végétales, il est nécessaire d’avoir présente a l’esprit l’échelle desnbsp;terrains ou grandes formations qui expriment Ie résultat matérie! (sédiments ou dépots) de ces périodes et qui de plus nous ontnbsp;fourni les documents a l’aide desquels il nous a été possible denbsp;les analyser et de les définir.
'Voici, d’une fagonaussi condensée que possible, Ie tableau de ces terrains et des périodes végétales correspondantes. 11 est facile dejuger, en jetant les yeux sur ce tableau, que, de mêmenbsp;que les terrains principaux, au nombre de cinq, se partagent ennbsp;étages OU systèmes secondaires, de même aussi les grandes périodes végétales se subdivisent en un certain nombre de périodesnbsp;subordonnées, parfois difficiles a définir et a délimiter, maisnbsp;qui expriment assez bien les phases successives des changementsnbsp;éprouvés par l’ancienne végétation du globe. Les liaisons, lesnbsp;passages, les nuances transitionnelles et les irrégularités qui font,nbsp;en réalité, de toutes ces phases une série de phénomènes étroi-tement enchainés, ne sauraient évidemment trouver place dansnbsp;un tableau aussi succinct que celui que nous donnons ici.
Tableau :
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NOTIONS PRÉLIMINAIRES
TABLEAU MONTRANT LA CONCORDANCE DES TERRAINS OD FORMATIONS GÉOLOGIQUES ET DES PÉRIODES VÉGÉTALES CORRESPONDANTE3.
Époques phvtolo- Périodes -végétales
Terrains ou pandes nbsp;nbsp;nbsp;Éjages ou systèmes.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;o/grandes subdiy!sk.ns des
formations géologiques. - Subdiyisions des terrains.
tales. nbsp;nbsp;nbsp;giques.
1. Terrain primordial( nbsp;nbsp;nbsp;(primordialeoui .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.. ,
OU protoziique.....'' j..............i éophytiquo. jPTimordiale.
Idevonienne. paléanthracitique.nbsp;carbonifère.nbsp;supra-carbonifère.nbsp;permienne.
(grès bigarré... .i
(Triasique... {conchylien.....\ nbsp;nbsp;nbsp;. .
(keuper.........| nbsp;nbsp;nbsp;/triasique.
(Hoe nbsp;nbsp;nbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Imfrahasique.
Jurassiquc. ppj.—--Isecondaire ou liasique.
ou mésozoique ....) nbsp;nbsp;nbsp;,„aienbsp;nbsp;nbsp;nbsp;inférieurer°^“P'’quot;“'lquot;®fc^aM^.
i nbsp;nbsp;nbsp;l OUnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;néocoraienlnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(urgonienne.
[ nbsp;nbsp;nbsp;Icraienbsp;nbsp;nbsp;nbsp;moyenne]
1 « nbsp;nbsp;nbsp;,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;) OU cliloritée../
Cirétacé (
jcraie de Rouen. nbsp;nbsp;nbsp;\nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;/cénomanienne,
icraie superieure 1 nbsp;nbsp;nbsp;Isiipra-crétacée.
ou crate blan-rp j,|,jg^jj.g pipaléocène.
' nbsp;nbsp;nbsp;®®..........[ néophytiqueiéocène.
4. Terrain tertiaire ou( nbsp;nbsp;nbsp;.................... oligocène.
..........( nbsp;nbsp;nbsp;Pliocène.................../ nbsp;nbsp;nbsp;xpliocène.
Los grandes périodes ou époques phytologiques sont ainsi au nombre de quatre, dont la plus reculée, dite primordiale ounbsp;éophytiqiie, est a peine conuue, tandis que la dernière ounbsp;ncophytique embrasse, outre Ie terrain tertiaire tout entier,nbsp;une partie du terrain secondaire, a partir de la craie moyennenbsp;ou étage cénomanien.
La durée de ces époques princi pales ne saurait être calculée rigoureusement; tout au plus peut-on l’évaluer approximative -ment, d’une part, au moyen de l’épaisseur des dépots afféreats anbsp;chacune d’elles ; d’autre part, en appréciantla nature des chan-gements survenus dans les êtres organisés dont ces dépots renferment les vestiges. Mais ces modes d’évaluation ne sauraientnbsp;êtreabsolus; il est évident en effet qu’un terrain relativementnbsp;mince peut avior mis un temps très-long a se constituer, tandis
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SUR LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
qu’im autre terrain beaucoiip plus épais qne Ie premier n’aurait exigé qu’un intervalle chronologique plus court, axant d’etrenbsp;définitivement formé. D’un autre coté, on conpoit égaleinentquenbsp;les modifications subies par les êtres -vivants de chaque époquenbsp;ne soient pas.rigoureusement proportionnelles a la durée chronologique, certaines périodes et certains pbénomènes extérieursnbsp;ayant pu provoquer les changements et les accélérer, tandis quenbsp;d’autres périodes et des pbénomènes différents étaient plutót denbsp;nature a favoriser Ie maintien et la consolidation des caractèresnbsp;acquis. D’une fafon générale, il est certain cependant que lesnbsp;périodes primitives sont réellement celles dont la durée relativenbsp;a été la plus prolongée. Non-seulement^ les systèmes ou ensembles de couches qui se rapportent a ces périodes et ceux mêmenbsp;oil l’on observe les premiers vestiges de la vie organisée sontnbsp;d’iine énorme épaisseur par rapport a ceux qui suivirent; maisnbsp;les renouvellements successifs des êtres, animaux ou plantes, s’ynbsp;repetent atant de reprises; ils s’expriment par des substitutionsnbsp;et des associations d’espèces et de types si multipliées et si exclusives, que la pensee d’unc longue accumulation de siècles, pendant ces ages reculés, en ressort invinciblement.
tl
Cquot; DE SaPOETA.
CHAPITRE PREMIER
DES ÉPOQUES PRIMITIVE ET SECONDAIRE.
EPOQUE PRIMORDIALE.
Si l’ceil humain, aidé de l’intelligence qui saisit les moindres indices et sait leur attribuer la vraie signification qu’ils entrai-nent, pouyait lire au sein de l’époque éophytique, celle des premières ébauches de la nature végétale encore voisine de sonnbsp;berceau ; s’il pouvait, a force d’investigations, pénétrer les secretsnbsp;de eet age et renouer la chaine des êtres qui vécurent pendantnbsp;sa durée, en dégageant peu a peu leurs caractères; que de mer-veilles nous aurions a signaler aussitót! iNotre esprit s’enivrantnbsp;d’un spectacle qui se perd et disparait dans Ie lointain saisiraitnbsp;Ie comment de la création ; il yerrait, selon l’expression de lanbsp;Genèse, l’élément aride, premier ébauche de nos continents,nbsp;éraerger deVocéan originaire et former peu apeu des ilots, puisnbsp;des terres basses, faiblement accidentées. A la suite de cette extension graduelle, il verrait aussi les plantes, d’abord unique-ment aquatiques, quitter Ie sein des eaux et s’essayer aPhabitat
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aérien, sous les tièdes ondées d’une atmosphere haignée de va-peurs.
Mais, au lieu du rève, il faiit se contenter d’une réalité, jus-qu’ici plus que modeste. Un bien petit nombre de débris de plantes se montrent, en effet, dansles sédiments de l’époque primordiale, qui ont été exposés a tant d’actions mécaniques et ontnbsp;subi tant d’altérations chimiques. Ce sont des empreintes éparses,nbsp;presque toujours incomplètes, souvent mème conjecturales. Lanbsp;presence du graphite ou nidsde substance charbonneuse presquenbsp;pure marque pourtant, dans Ie Laurentien, qu’il existaitdès lorsnbsp;des amas de substances végétales, accumulées avec une certainenbsp;abondance. Puis, dans Ie cambrien et Ie silurien inférieur, onnbsp;rencontre des algues, si toutefois ce sontvraiment des algues.—nbsp;On y a cru; puis on a voulu en douter; maintenant on revientanbsp;1’idée première, tout en s’en étonnant et l’on cherche a se l’ex-pliquer. Ces traces serpentineuses, disposées en cordons marquésnbsp;de stries, ces corps rubannés, cylindriques ou simplement gau-frés, peut-être même fistuleux, couverts de sillons, de linéaments,nbsp;de cannelures, tantót isolés, tantót accouplés par deux ou fasci-culés en grand nombre, d’autrefois encore repliés en spirale,nbsp;faut-il les attribuer a des trous de vers se frayant un cheminnbsp;dans Ie sable? Faut-il y voir plutot des tubes d’annélides ? Ounbsp;bien encore, al’exemple d’un savant suédois, M. Nathorst, faut-il reconnaitre dans quelques-uns d’entre eux destrainées d’objetsnbsp;purement inertes, promenés par Ie remous des vagues et rayantnbsp;un fond vaseux ? L’esprit hésite, piüsqu’il s’agit d’un age ou toutnbsp;semble mystérieux, a raison de l’éloignement; et pourtant quel-que chose lui dit que cette multitude de vestiges provenant d’êtresnbsp;organisés, qui reparaissent sur tant de points des mers primor-diales, a partir des premiers dépots siluriens, ne saurait être duenbsp;absolument au hasard, et que les plantes marines peuvent ennbsp;réclamerleur part en toute probabilité.
Les Bilobites, sirépandus a la base du silurien, paraissent avoir été de vraies algues de très-grande taille, dont les frondes robus-tes s’élevaient sur un stipe ou support épais et cartilagineux,
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peut-être même fistuleux, Ie plus souvent formé de deux cylin-dres accolés, circonstance d’oü provient la denomination qui leur a été improprement appliquée. Presque toujours, il n’est
I. Bilohites rugosa [Cruziana rugosa, d’Orb.), partie inférieure on support d’un pliyllome (silurien de la sierra d’Algarre). — 2. Uarlania Hallii, Goepp. (siluriennbsp;sup.), portion d’une fronde ou phyllome, pourvu de ramifications.
resié des bilobites que des tronpons épars du support, moulés dans Ie sédiinent ancien et se rapportant a Faccolade des deuxnbsp;parties qui constiuiaient la base du phyllome, mais on reconnaitnbsp;par l’examen d’autres empreintes que ce phyllome donnait lieunbsp;supérieurement, par Ie moyen d’une série de ramifications confuses, toujours attenantes et dirigées dans Ie même plan, aunenbsp;expansion gaufrée, vaguement terminée vers les bords et d’unenbsp;étendue considérable. La fronde des bilobites, dónt Ie diamètrenbsp;mesurait sans doute plusieurs pieds a l’endroit de sa plus grandenbsp;largeur, était occupée extérieurement par des silluns multipliés,nbsp;sinueux, obliquement places et recouvrant la surface entière dunbsp;phyllome ; ces sillons étaient du reste indépendants des replis etnbsp;des enfoncements, en forme de sutures commissurales, qui ac-
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compagnaient les bandes cylindroïdes soudées, dont la réunion composait Fensemble de l’organe.
D’autres empreintes présenten! des expansions on des rangées de lineaments, contournées en spirale; ce sont les Spifophyton
Fig. ?. — Plantes marines primordiales.
1. Spirophijton de Hall (silurien d’Amérique). — 2. Murchisonites Forhesi, Gcepp. (sil. d’Irlande). — 3. Chondrites fruticulosus, Goepp.
qui se rapporten! a un type d’algiies si saillant, qu’il est difficile dele méconnaitre, et qui se montre de nouveau, sous les nomsnbsp;de Taonurus et de Cancellophycus, a tous les degrés de la sérienbsp;des terrains secondaires. D’autres encore, comme Ie Palcepophy-cus virgatiisAe, Hall rapproché du Siphonites Heberti du lias inférieur, se lient incontestablement a des types d’algues plusnbsp;modernes dont elles reproduisent la forme générique caracté-ristique. II suffit de cette liaison, dont il serait facile de multiplier les exemples pourprouver que cette première flore marine,nbsp;déja variée, remarquable par la taille de plusieurs de ses types
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LES PERIODES VEGÉTALES
et par la singularité de quelqucs-uns d’entre eux, ne se sépare réellement pas de celles qui suivirent; en sorte que dès mainte-nant il est possible d’affirmer que certaines algues siluriennesnbsp;ont eu line durée si prodigieuse et une ténacité de caractères
tellement prononcée, que leurs derniers descendants directs peu-plaient encore les iners européennes, vers Ie milieu des temps tertiaires.
Les plantes terrestres primordiales offriraient a l’étude un immense intérêt, a raison des transformations que notre espritnbsp;est porté a attribuer aux plus anciennes de cette categorie, lors-qu’il suppose qu’elles s’adaptèrent graduellement aux conditionsnbsp;de la vie aérienne, au sortir de leur élément d’origine. Malheu-reusement, ces plantes, sans être précisément inconnues, sontnbsp;jusqu’ici d’uneexcessive rareté ; deplus, les échantillons recueil-lis, soit en France, soit en Amérique, semblent démontrer que,nbsp;dès Ie milieu de l'époque silurienne, les formes végétales nenbsp;différaient pas beaucoup de celles que 1’on rencontre dans Ienbsp;devonien et Ie carbonifère ancien ou paléanthracitique. Unenbsp;fougère découverte par M. Ie professeur Morière dans les schistesnbsp;ardoisiers d’Angers (zone a Calymene Tristani, — base du silurien moyen), r£'optem ilfonem', Sap., représente pour nous lanbsp;plante terrestre la plus ancienne qui ait été encore observée:
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DES ÉPOQUES PRIMITIVE ET SECONDAIRE.
elle ressemble évidemment aux Cijclopteris du terrain houiller ; seulement, la hampe de la fronde supporte des folioles inordinéesnbsp;et de dimension inégale, les plus grandes se trouvant entremê-lées a d’autres plus petites. Une disposition aussi singuliere distingue a elle seule cette curieuse plante, figurée ici pour lanbsp;première fois (voyez la planche I).
Les quelquesplantes du silurien supérieur signalées aux Etats-Unis, parM. Lesquereux, et au Canada par M. Dawson, com-prennent des types, comme celui des Sphenophyllum^ qui sont également caractéristiques de Ia période carbonifère. Un seulnbsp;genre, dans lequel M. Dawson a pensé reconnaitre une Lycopo-diacée, mérite une mention particulière : c’est Ie genre PsilopMj-ton qui disparait avec Ie devonien, après s’être montré d’abord
Fig. 4. — Plantes terrostres primordiales, observées par M. Lesquereux dans lo silurien supérieur d’Amórique.
1. Psilopkyton cornutum, Lqx. — 2-4. Sphenophyllum primssvum, Lqx. —5. An-nularia Romingeri, Lqx. — 6. Protostigma sigillarioides, Lqx.
dans Ie silurien. 11 semble réunirdes caractères ambigus, denature a Ie rapprocher a la fois des fougères, par les hyraénophyllées,nbsp;des lycopodiacées par les Psilotiim et des rhizocarpées par lesnbsp;Pilularia. Les tiges des Psilophyton, presques nues, divisées parnbsp;dichotomies successives, roulées en crosse lors de leur dévelop-pement, donnaient lieu a des ramifications élancées, garnies denbsp;feuilles petites, simples et plus ou moins coriaces; les derniersnbsp;ramuscules supportaient a leur sommet des corps ovoïdes, pro-bablement reproducteurs. Les Psilophyton ont dü vivre en colo-
-ocr page 190-168 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES
6®
1. Duhjmophyllum reniforme, Dn. (Canada.) — 2-4. Psilophyton princeps. Dn. (Canada). — 5-6. Cordaites angustifoUa, Dn. (Canada.) — 7. Cordaïtes Robbii, Dn.,nbsp;fragment d’un feuille (Canada et silurien supérieur do l’IIérault).
1. Calmnodendron tenuistriatum, Dn., trongon de tige. — 2. Bomia iransitionis, Goopp., tige feuillée. — 3. Asterophyllites latifoUa, Dn. — Annularia laxa. Dn.
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DES ÉPOQUES PRIMITIVE ET SECONDAIRE.
flore primordiale; mais cette ambigiiïté résulte peut-être aussi de l’ignorance oü nous sommes de Ja vraie nature de ces végé-taux. Vis-a-vis d’eux, l’analogie, eet instrument si puissant, perdnbsp;de sa force; il s’émousse et son emploi devient presque inutile,nbsp;dès qu’il s'agit de types qui ne rentrent plus dans aucune desnbsp;classes encore vivantes. Les Bornia [Archxocalamites de Stur),nbsp;dont l’existence s’est prolongée jusque bien avant dans Ie car-bonifcre (voyez la figure 6), dressaient des tiges striées, coupéesnbsp;de nceuds, cylindriques et probableinent fistuleuses. Chaquenbsp;noeud était garni d’un entourage de longues feuilles, verticilléesnbsp;et très-nombreuses, étroites comme des aiguilles de pins, maisnbsp;divisées par dichotomie en plusieurs segments. C’étaient donenbsp;des prêles gigantesques par l’aspect; mais leur structure inté-rieure plus élevée et la conformation de leurs organes appen-diculaires les éloignent des équisétacées et invitent a les reporternbsp;plutót parmi les gymnospermes, sans qu’il soit permis de riennbsp;affirmer de bien explicite a leur égard.
Tig- I- — Plantes devoniennes caractéristiques (Canada).
1-2. Lepidodendron gaspianum, Dn. ; 1, fragment de tige ; 2, rameau terminé par un strobile. — 3-4. Lycopodites Mathewi, ramules. — 5-6. Archsopteris JacksonUnbsp;Dn., fragments de fronde. — 7. Cyclopteris {NephropterU) varia. Dn., foliole. —nbsp;8. Cyclopteris Brownii, Dn., feuille ou foliole.
Ce qui n’est pas contestable, c’est que, vers Ie dévonien, Ie règne végétal était déja puissant et varié. Si nous Ie connaissonsnbsp;mal, c’est que les circonstances se prêtaient assez peu a la conservation des débris de végétaux. Ces circonstances, éminem-ment favorables soit a Lessor des plantes terrestres, soit a leur
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LES PERIODES VEGETALES
passage a l’état fossile, Ie temps des houilles ou autrement la période carbonifère les vit naitre, en sorte que les mêmes causesnbsp;qui dotèrent alors Ie règne végétal d’une exiibérance inconnue
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Fig. 8. — Plantes devoniennes caractéristiques (Canada).
jusque-la et qui depuis ne fut jamais égalée, contribuèrent aussi a nous transmettre les vestiges de la tlore sortie de ces circon-stances.
II
ÉPOQUE CARBONIFERE.
Avec l’époque carbonifère, et presque sans transition, nous rencontrons non-seulement l’abondance, mais la profusion, aunbsp;sein du monde végétal. Des circonstances a la fois physiques etnbsp;climatériques durent concourir sinon a la naissance, du moins anbsp;l’extension de l’état de choses dont les houilles furent Ie produitnbsp;et dont les tourbières de notre temps nous traduisent encorenbsp;comme une sorte d’image très-affaiblie. Aussi, avant de parlernbsp;del’époque carbonifère, nousdirons quelques mots des tourbiè-
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res; Ie mécanisme qui donne naissance a celles-ci nous aidera a comprendre la raison d’etre desphénomènes d’autrefois, et nousnbsp;établirons entre eux un rapport analogique dont il nous seranbsp;plus facile ensuite de préciser Ie vrai caractère et de faire ressortirnbsp;les divergences.
L’existence des tourbières depend de plusieurs causes combi-nées; il leur faut une temperature égale, peu élevée, puisqu’il n'existe plus de tourbes au sud du 40“ degré de latitude, unenbsp;humidité presque constante, un pays plat, oü les eaux puissentnbsp;accourir de toutes parts, un sous-sol impermeable qui les retiénnenbsp;et les oblige de se rassembler en nappes d’un faible volume,nbsp;mais permanentes, possédant une issue réguliere, enfin pures denbsp;tout apport limoneux ou torrentiel. Dans ces conditions, certai-nes associations de plantesamies des marécages envahissent toutnbsp;1’espace occupé par les eaux, et forment un tapis serré qui re-couvre entièrementla nappe aquatique. Les conditions demeurantnbsp;toujoursles mêmes, lesproduits de la vegetation se succèdent etnbsp;s’accumulent selon un mode très-uniforme ; les résidus de tiges,nbsp;de feuilles et de racines forment au fond un lit qu’une actionnbsp;lente, dont la chimie explique les effets, convertit peu a peu ennbsp;une paté homogene, d’autant plus compacte qu’elle est plus an-cienne. Lorsqu’on tranche une tourbière en activité, on rencontre done trois couches bien distinctes: la couche inférieurenbsp;charbonneuse, reposant sur Ie sous-sol imperméable, la couchenbsp;moyenne, occupée par l’eau et dans laquelle plongentles racinesnbsp;des plantes serrées du tapis vegetal qui lui-même constitue lanbsp;couche supérieure. Les mousses, les joncs, les graminées, lesnbsp;arbustes débiles et rampants qui croissent dans les tourbièresnbsp;constituent un sol artificiel, dangereux aparcourir, mais cepen-dant fertile a cause des substances végétales décomposées qu’ilnbsp;contient et de l’eau qui Ie pénètre. Favorisés par ces circonstan-ces, de grands arbres, même des forêts entières, peuvents’y éle-ver. Les saules, les trembles, les bouleaux, les pins, hantent cesnbsp;sortes de stations et y prennent un accroissement rapide ; maisnbsp;ils se soutiennent mal sur un sol inconsistant : entrainés par Ie
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poids, les troncs s’inclinent, tombent ets’enfoncent sous la végé-tation herbacée qui tend ales recouvrir. lis arrivent enfin dans la couche inférieure, oü parviennent également les fruits coria-ces, les debris d’animaux et les objets de toute nature abandon-nés a la surface. C’estainsiqueFon a retire d’anciennes tourbières
Fig. 9. — Plantos cai’actóristiques du devonion inférieur d’Europe.
1. Sigillaria Hausmanniana, Gcepp. (base du devonion en Scandinavië). — 2. IJali-serites, Vechenianus, Gcepp. (Grauwacke de Coblentz).
des squelettes entiers d’animaux perdus, des armes, des instruments, dans un état de conservation quelquefois merveilleux.
Les bouilleres s’établirent dans des conditions qui ne sont pas sans relation avec celles que nous venons d’exposer. Les recherches de divers savants sur la composition et le mode de formationnbsp;de la houille, I’etude microscopique de fragments imperceptiblesnbsp;qui ont conservé leur structure, au milieu de la masse amorphenbsp;et comprimee dont le charbon mineral est forme ; recemment, lesnbsp;investigations intelligentes et consciencieuses de M. Grand’Eury,nbsp;ont réussi a soulever une partie du voile qui nous derobait lenbsp;secret de ces ages mystérieux. Les phénomènes d’ou vintla splen-deur végétale qui les caracterise par-dessus tout furent d’un
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«rdre très-complexe, mais tous, a des degrés divers, concouru-rent a la realisation du mêrae résultat: Texubérance de la vegetation, restreinte pourtant a deux classes, alors maitresses exclusives, de nos jours entièrement subordonnées : celles desnbsp;« Cryptogaraes vasculaires » et des « Phanérogames gymnosper-mes ».
Ilyeut d’abord, a l’époque carbonifère, une émersion opérée sur une grande échelle, émersion suivie de retours, mais renou-velée a plusieurs reprises, de l’espace insulaire ou continental,nbsp;jusque-la reconvert par les eaux. Ce mouvement d’émersion eutnbsp;pour effet de constituer autour des terres primitives, dont Ie reliefnbsp;tendait a s’accentuer, une ceinture de plages basses destinées anbsp;retenir les eaux venant de l’intérieur et a les réunir au fond denbsp;vastes depressions. C’est ainsi que s’établirent des lagunes auxnbsp;bords vagues, aussi vastes que peu profondes, facilement enva-hies par les plantes amies des stations aquatiques.
A cette première circonstance, toute physique, a laquelle des oscillations alternatives d’exhaussement et d’affaissement dunbsp;sol achèvent de restituer son vrai caractère, il faut joindre lanbsp;chaleur humide de la température, l’épaisseur d’une atmosphèrenbsp;chargée de vapeurs et enfin l’influence d’un climat soumis a desnbsp;précipitations aqueuses d’une violence extreme et d’une frequence dont rien ne saurait maintenant donner l’idée.
Si l’on admet ces prémisses, la flore carbonifère perd beaucoup de sa singularité, et Ie mode de formation des houilles s’expliquenbsp;de même trés naturellement. Le règne végétal, hatons-nous denbsp;Ie rappeler, était encore très-incomplet lorsque de semblablesnbsp;•conditions s’établirent et vinrent étendre sur lui leur action. Cenbsp;fut une action essentiellement favorable au développement desnbsp;parties vertes et charnues des organes appendiculaires, ainsinbsp;¦qu’a celui des tiges molles et gorgées de sue, favorable encore anbsp;la croyance rapide et a la prompte evolution des plantes, parnbsp;suite a I’accumulation des organes anciens, incessamment renou-velés.
Les cryptogames et les gymnospermes réalisèrent done tout
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Les études de M. Grand’Eiiry, associées a celles de M. Renault, ont permis de restaurer plusieurs des végétaux de l’époque car-bonifère. Ces savants, succédant a M. Adolphe Brongniart etnbsp;continuant son oeuvre, out fait Ie départ des cryptogames et desnbsp;gymnospermes, longtemps confondues dans eet ensemble pri-mitif. Appuyés sur l’analyse, ils ont défini, au inoins approxi-mativement, toutce que les regies de l’analogie leur permettaientnbsp;de saisir et de décrire a coup sur.
Pénétrons a la suite de ces savants dans Ie domaine qu’ils ont si bien explore et résumons leurs découvertes, sans négligernbsp;celles d’une foule d’aiiteurs etrangers : Corda, Goeppert, Geinitz,
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Goldenberg, Stur, en Allemagne ou en Autriche; Schimper, a Strasbourg; Williamson, Binney, en Angleterre ; Lesquereux,nbsp;Dawson, Dana, en Amérique ; leurs noms rempliraient des pagesnbsp;entières, s’il fallait en compléter la liste.
Dans la phalange des cryptogames se placent en têle les « Calamariées », c’est-a-dire les végétaux qui rappellen! les
Fig. II. — Types de plantes carbonifères; — Calamariées.
1-2. Annularia longifolia, Brngt. ; 1, rameau; 2, épis fructiflé; 2’, organe fructi-flcateur grossi, pour montrer la disposition des sporangos attachés è. un sporan-giophore, situé dans I'intervalle des feuilles bractéales (d’après M. Renault). — 3-1. Asterophyllites equisetiformü, Brngt.; 3, rameau feuillé ; 4, rameau fructiflénbsp;4quot;, organe fructiflcateur grossi; — la determination de la situation du sporangiophorenbsp;est due aux recherches de M. Renault. L’appareil fructiflcateur est reproduit d'a-près un échantillon figuré par M. Binney.
prêles de nos jours, sous une apparence gigantesque. A coté des calamariées, dont les calamites sont les représentants les mieuxnbsp;connus, se rangent aussi les plantes qui torment les trois grou-pes des astérophyllites, des annulariées et des sphénophyllées.nbsp;Ces plantes ont pour caractère commun de présenter des segments foliaires toujours verticillés, c’est-a-dire réunis en étoilesnbsp;successixes, Ie long des rameaux Ie plus souvent minces etnbsp;flexibles. Selon M. Grand’Eury, les astérophyllites vraies étaientnbsp;des plantes a tige élancée, pliant sous Ie poids du feuillage, demandant d’être soutenues, analogues aux rotangs ou palmiers
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
grimpants des forêts vierges tropicales. Les Annularia et les Sphe-nophyllum, moins érigés encore auraient été flottants et a demi-submergés; ils auraient étalé a la surface des eaux tranquilles leurs rosettes defeuilles découpées, toujours étalées dans lemêmenbsp;plan. Les plusrécentes études de M. Renaulttendent a rapprochernbsp;les Sphenophylhan, dont ce savant a décrit toute la structure in-térieure, des « Salviniées » modernes. Celles-ci seraienten definitive les représentants chétifs et déformés, au sein des eauxnbsp;dormantes actuelles, de l’un des types les plus élégants du passénbsp;de notre globe.
Les cryptogames carbonifères comprennent encore des fou-gères et des lycopodiacées ou type « lépidendroïdes «.
Les fougères laissaient bien loin toutes celles qui leur ont suc-cédé. La plupart se rattachent de plus ou moins pres aux « Glei-chéniées», aux «Marattiées», aux «Lygodiées», tribussubordon-nées a celle des « Polypodiacées «, dansl’ordre actuel, mais alors prédominantes et donnant lieu a des combinaisons de forme et denbsp;structure bien plus variées et plus remarquables que celles dontnbsp;il existe encore des exemples. M. Grand’Eury fait surtout res-sortir Ie contraste qui existait entre les Protopteris, fougères auxnbsp;troncs cylindriques et élancés, couronnés par un bouquet denbsp;grandes feuilles, elles Aulacopte?’is ou d/ye/opto'Mqui servaientnbsp;de souche bulboïde a des espèces du groupe des neuroptéridées.nbsp;De la base épaisse des Aulacopteris surgissaient des frondesnbsp;aux subdivisions multiples qui mettaientun temps très-long a dé-vclopper leurs segments et dont les hampes ou parties anciennesnbsp;prenaient de l’accroissement, a la fapon des Angiopteris actuels,nbsp;tandis que les parties jeunes et supérieures achevaient de senbsp;développer.
Les lycopodiacées comprenaient Ie type si élevé des « Lépi-dodendrées », dont rien de nos jours ne retrace l’aspect. II faut que l’imagination suppose des lycopodes arborescents, a la tigenbsp;élancée, divisée par dichotomie en mennes ramifications, termi-nées par des pinceanx de feuilles longuement aciculaires, repo-sant sur des coussinets décurrents. La superficie corticalc était
-ocr page 199-recouvei’te dc compartiments en losanges réguliers, qui se rapporten! aux bases accrues et persistantes des feuilles détachées.nbsp;Les cones des lépidodendrées surpassaient en elegance et ennbsp;perfection de structure ceus de nos conifères dont ils offrent la
Fig. 12. — Types de plaates carbonifères : — lycopodinées.
I. Sphenophyllum Schlotheimi, Brngt., rameau torminé par un appareil fructifica-teur, d'après un écliantilloii de Radnitz (Boliême), figure par M. Schimper: I“, détails grossis pour montrer Ia forme et la disposition des sporangos sur les bractéos.
— nbsp;nbsp;nbsp;2. Lijcopodium primsuum, Gold. (Saarbruck), tige dont les rameaux latérauxnbsp;sont Icrminés par des appareils fructiflcateurs semblablos i ceux des Sélaginellées.
— nbsp;nbsp;nbsp;0-5. Organes divers des Lepidodendron; 3, tige compléte, d’après Goldenberg,nbsp;réduite au 300” de la grandeur naturelle; un des rameaux est torminé par un strobile fructificateur; 4, portion de rameau avec les feuilles adhérant en partie auxnbsp;coussinets, en partie détachées; 5, rameau jeune, feuilló ; 6, c6no jeune on partienbsp;recouvert d’écailles étroitoment imbriquées.
forme extérieure. D’autre part, l'organisation cryptogamique de ces appareils et la disposition de leurs sporanges a corpusculesnbsp;males, et femelles séparément groupés, reportent l’esprit versnbsp;les « Isoëtées », ces plantes naines, ensevelies de nos jours aunbsp;fond des eaux de certains lacs.
Entre les crytogames et les gymnospermes de la flore carbo-
DE Sapobta. nbsp;nbsp;nbsp;12
-ocr page 200-nifère, certains groupes encore imparfaitement définis semblent se placer, comme un trait d’union de nature a atténuer l’inter-valle séparateur : nousaYons citéles Bornia, il faudraitajouterlesnbsp;« calamodendrées «, souvent confondues avec les astérophyllitesnbsp;et dans lesquelles M. Grand’Eury entrevoit des Sitb-Conifères.
Les sigillariées constituent Ie plus remarquable et Ie plus important de ces groupes ambigus. Leur tige, qui pouvait attein-
1. Sigillaria, tronc encore debout, réduit au 100' de la grandeur naturelle, d’après un échantillon observe dans les minos de Saarbruck. — 2. Sigillaria pachyderma.nbsp;Brngt., écorce montrant la surperficio extérieure, avec la marque des écussonsnbsp;foliaires, et la zone interne dópouillée du tegument cortical. — 3. Appareil fructi-ficateur d’une sigillaire, d'après Goldenberg. — 4. Bractée ou écusson eu spatule,nbsp;surmontó d'uue pointe acuminée et montrant la face interne couverte do corpus-cules reproducteurs arrondis et accumulds, d’après Goldenberg. — 5. Feuille denbsp;sigillaire en forme d’aiguille (Ie sommet se trouve interrompu). — G. Stigmaria,nbsp;appareil radiculaire des Sigillaria, d’après une figure très-réduite de Goldenberg.nbsp;— 7. Stigmaria ficoides, Brngt., portion de racine, garnie de radicclles latéralementnbsp;et présentant sur la face les cicatrices d'insortions radiculaires, disposóes on sériesnbsp;quinconciales.
dre ou excéder 40 metres; leur appareil radiculaire, connu de-puis longtemps sous Ic nom de stigmaria; les cicatrices en forme d’éciissons réguliers qui rccouvraient leur tronc; leur port ennbsp;colonne massive et nue presque jusqu’au sommet; tont annonce,nbsp;ebez les sigillariées, un type saus analogie directe ni mêmenbsp;éloignée avec les végétan.v que nous connaissons. Étroitementnbsp;adaptées aux conditions d une nature spéciale, qui prévalurent
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du temps des houilles, les sigillariées, comme les lépidoden-drées et les calamites, comme les astérophyllites, dont nous avons parlé, et les «cordaïtées», que nous citerons hientót, dispa-rurent de la scène du monde des que ces conditions eurent cessénbsp;d’etre. Mais^ plus isolées on plus radicalement atteintes, elles nenbsp;laissèrent aucun descendant, même dégénéré, et, dans leur étude,nbsp;l’analogie, qui hésite a se prononcer, n’est guidée que par desnbsp;indices trop vagues pour recueillir les éléments d’une réponsenbsp;directe. Pourtant les sigillariées ont découvert leur structurenbsp;ligneuse a MM. Brongniart et Renault, et ces deux savants ontnbsp;pu s’attaclier a décrire leur anatomie intérieure.
11 sernblerait, a vrai dire, que les cycadées eussent gardé plu-sieurs des traits caractéristiques de cette structure qui comprend une zone ligneuse mince, une moelle interne volumineuse, unenbsp;large couche parenchymateuse terminée a l’extérieur par unnbsp;étui cortical d’une remarquable densité et dont la croissancenbsp;devait avoir une durée fort longue : tels sont d’une fagon générale les caractères des sigillariées ;mais cette épaisseurdela regionnbsp;corticate, comparée au faible dévcloppement relatif ducylindrenbsp;ligneux intérieur, ne distingue pas seulement les sigillariées;nbsp;elle est propre a beaucoup d’autres tiges d’une époque oii ne senbsp;montrait pas encore un ordre régulier de saisons. Sous l’im-puision d’une chaleur humide constante, les végétaux tendaientnbsp;incessamment a accroitre leurs parties molles et purementnbsp;cellulaires. L’épuisement senl pouvait mettre un terme a leurnbsp;évolution qui se prolongeait sans trêve ; et rien de périodiquenbsp;n’amenait pour cux ces stadcs alternatifs de repos et d’activiténbsp;qui caractérisent maintenant les opérations de la vie des plantesnbsp;et dont les pbanérogames actuelles nous donnent a peu presnbsp;toutes Ie spectacle.
Les jdianérogarnes de Page carbonifère étaient des gymno-spermes, c’est-a-dire des végétaux assimilables par la classe aux cycadées, aux conifères ou aux gnétacées actuelles, et n’ayant,nbsp;en fait d’organes propogateurs, quedesovules diversement distri-tribués et « nus ». c’est-a-diro dépourvus d’une enveloppe des-
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tinée a les protégcr et preoant Ie nom d’ « ovaire ». Les « gyin-nospermes» sont done des phanérogames imparfaites ou mieux encore plus simples, moins éloignées des cryptogames que lesnbsp;« angiospermes n ou phanérogames proprement dites. Celles-cinbsp;ne se manifesteront que beaucoup plus tard, et surtout oliesnbsp;ne parviendront pas de longlemps a saisir la prépondérance.
11 existait déja dans la tlore cai’bonifère quelques rares cyca-dées : Ie type AvilSceggcrathia foliosa de Sternberg, et même un
ris. 14.
Types de plantes carboiiifèros ; — gymnospormos.
I. Nmgigerathia foliosa, Sternb., portion d’uno fronde garnie de folioles (carbonifèro moyen de Radiütz). — 2-3. Cordaites, sommité et base d'une feuiUe. — 4. Antho-lithus, inflorescence da Cordaïtes formée d'épillets disposés dans un ordre dis-tique, Ie long d’un axe, et supportant des pédicolles terminós par des graines anbsp;divers degrés de développement, nominees samaropsis par Goeppert. — 5. Car-diocarpus, graines de gymnosperme adhérant au racliis et situées ii l’aisselle donbsp;bractées écailleuses.
Pterophyllum, découvert dernièrement par M. Grand’Eurv, en font foi. II y existait même des conifères, soit des conifèresnbsp;vraies, comme les Walchia, soit des taxinées plus ou moinsnbsp;rapprochées de notre cc Ginkgo » ; mais les gymnospermes pa-
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DES ÉPOQUES PRIMITIVE ET SECONDAIRE.
léozoïques étaient surtoiit représenfées par Ie groupe des cordaï-tées, sibien restitué par M. Grand’Eiiry et dont Ie cadre ne cesse de s’agrandir a la suite de nouvelles découvertes, dues princi-palement a M. Lesquereux.
Les cordaïtées étaient pour la plupart de grands arbres, a la tige puissante et ramifiée, rappelant les Podocarpus actuels parnbsp;Ie port, les Dammara par les feuilles, mais plus robustes,nbsp;plus rapidement accrus, plus ramifies que leurs analogues vi-vants, n’ayant a l’intérieur de leur tronc qu’un cylindre ligneuxnbsp;d’une faible étendue, mais reconverts extérieurement d’unezonenbsp;corticale épaisse et résistantc. Leurs feuilles sessiles, en rubannbsp;allongé OU en spatule, toujours un peu élargies au sommet,nbsp;rappelaient celles des dragonniers; mais elles atteignaient par-fois plusieurs pieds de long. Coriaces, dépourvues de médiane,nbsp;mais parcourues de la base au sommet par une multitude denbsp;nervures longitudinales, ces feuilles communiquaient aux cordaïtées, considérées dans leur port, une physionomie que Ie dessinnbsp;peutrendre, mais qu’il est difficile de comparer a rien de ce quinbsp;existe aujourd’hui. Les fleurs males et femelles des cordaïtéesnbsp;ont été observées et décrites par M. Renault; elles constituaientnbsp;de longs épis garnis de bractées; et elles rappellcnt les gnétacéesnbsp;par leur mode de groupement, tandis que les fruits, qui variaientnbsp;beaucoup de forme, témoignent d’une assez forte analogie avecnbsp;ceux de nos taxinées. II est certain que, par la disposition de l’ap-pareil male et par plusieurs particulai’ités de structure, Ie typenbsp;des cordaïtées se montre supérieur a celui des conifères; il confinenbsp;aux cycadées par la disposition anatomique des faisceaux foliaires,nbsp;d’après des observations tout a fait récentes de M. Renault, maisnbsp;il dépasse ce groupe en force, en puissance, en beauté. Celtenbsp;perfection relative des cordaïtées, non-seulement marque leurnbsp;place au premier rang des gymnospermes^ mais elle dénote cheznbsp;les végéfaux de cette classe, lors de l’époque carbonitére, des tendances a une transition vers la classe supérieure des angio.sper-mes. Le passage s’effectua sans doute a l’aide de types demeu-rés inconnus, mais dont on est en droit d’affirmer l'existence et
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dont on réussira peut-être quelqiie jour a retrouver les traces.
Et maintenant, sans qu^il soit nécessaire d’insister davantage sur les cléments essentiels de la flore carbonifère, on peut com-prendre comment les masses végétales se multipliaient, en en-vahissant de toutes parts les abords des bassins au fond des-quels Yinrent s’accumuler tant de résidus charriés par les eaux.
La pensée n’a qu’a se laisser emporter a travers un lointain aussi reculé ; elle contemplera des plages basses, au sol mou-vant et imbibé, a peine assez élevées pour fermer aux flots de lanbsp;mer l’accès des lagunes intérieures, dominéés par des hauteursnbsp;peu hardies et souvent voilées par une brume épaisse, se pro-longeant a perte de vue et ceignant d’une verdure épaisse unenbsp;nappe dormante aux contours indécis. Ce fut la Ie berceau desnbsp;houillères; des myriades de ruisseaux limpides, alimentés parnbsp;des pluies intarissables, se déversaient des pentes voisines et desnbsp;vallées supérieures, comme autant d’affluents de chacun de cesnbsp;bassins. Si l’on avait longtemps vécu sur leursbords^ on auraitnbsp;xu, par une sorte de roulement, non exempt de monotonie, lesnbsp;fougères on les calamariées, les lépidodendrées, les sigillariéesnbsp;et les cordaïtées se succéder ou s’associer dans des proportionsnbsp;très-diverses. On aurait remarqué dans Ie port raide et nu desnbsp;calamites, dans la tenue en colonne des sigillaires, dans l’inex-tricable lacis des fougères entremêlées, bien des sujets d’étonne-ment; mais la grace infinie des fougères arborescentes avec leurnbsp;couronne de feuilles géantes; la beauté réguliere des lépido-dendrons, la souplesse et la légèreté des astérophyllites ; Ie jeunbsp;dquot;une lumière caressante, tamisée a travers des ombrages si pleinsnbsp;d’opposition, auraient amené une surprise dontaucun spectaclenbsp;terrestre ne saurait de nos jours donner l’idée. Pourtant, un con-traste, qu’il faut bien signaler, serail de nature a détourner Tes-prit de son enchantement, et l’admiration excitée par la vue denbsp;tant de merveilles ne serait pas exempte de tristesse. Adolphenbsp;Brongniart, un de ceux qui ont Ie plus contribué a dévoilernbsp;cette surprenante époque des houilles, n’a pas manqué denbsp;faire ressortir ce que l’aspect des paysages d’alors avait de
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morne et de dar. Parmi ces tiges de calarnites, de lépidoden-drons, de sigillaires, érigées avec tant de raideur, diviseessui-vant des lois presque mathématiqiies, dont les feiiilles pointues OU coriaces se dressent de toutes parts, aucune fleur ne se mon-trait encore. Les organes sexuels étaient réduits aux seules parties indispensables; privés d’éclat, ils ne se cachaient sous aucune enyeloppe ou s’entouraient d’écailles insignifiantes. Lanbsp;nature, devenue peu a peu opulente, a rougi plus tard de sa nu-dité ; elle s’est tissé des vêtements de noce ; pour cela elle a sunbsp;assouplir les feuilles les plus voisines des organes fondamentaux,nbsp;elle les a transformées en pétales; elle en a varié Ia forme, l’as-pect et Ie coloris. En compliquant ainsi des appareils d’abordnbsp;réduits aux seules parties les plus essentielles, elle a créé lanbsp;fleur, comme la civilisation a créé Ie luxe, en Ie faisant sortirnbsp;peu a peu des nécessités de l’existence améliorée et embellie.
Mais comment la houille elle-même ou les lits de combustible charbonneux se sont-ils formes? un fait fort simple, mis en lumière par M. Grand’Eury, contribue a nous Ie faire sa voir:nbsp;il consiste en ce que la houille se compose de fragments denbsp;troncs, de debris de tiges et de rameaux, de lambeaux de feuil-les,dantót très-divers, tantót très-uniformes dans leur provenancenbsp;et dans leur nature, accumulés, agglutinés, si l’on vent, maisnbsp;toujours resultant de résidus appliques a plat Tim sur l’autre,nbsp;se recouvrant mutuellement, comme si ces résidus étaient allésnbsp;au fond de l’eau s’y déposer horizontalement, dans une situationnbsp;trop uniforme pour qu’elle ne soit pas l’indice de l’action permanente d’un véhicule liquide. Ainsi les debris de végétauxnbsp;amoncelés dont l’ensemble a donné naissance a la houille ont éténbsp;entrainés au fond des eaux, et ces eaux ne contenaient pendantnbsp;la période correspondante au dépot de cliaque Ut charbonneuxnbsp;aucun autre sediment de nature a en altérer la pureté. La végé-tation avait alors tout envahi sur un périmètre très-étendu ; ellenbsp;s’avancjait fort loin dans les terres comme un rideau impéné-trable et, du cóté des eaux réunies en lagunes, elle occupait éga-lement Ie sol submergé.
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II est certain que les souches, les racines et les tiges se trou-vent encore fréquemment en place dans les houillèrcs, a l’en-droit même et dans la situation oii elles étaient a hétat yivant. Toutes les plantos carhonifères n’ont pas vécu dans l’eau, mais,nbsp;outre que plusieurs croissaient soit au contact de Teau, soit dansnbsp;la vase molle ou sur un sol fréquemment inondé, toutes dunbsp;moins ont certainement fréquente les abords immédiats desnbsp;grandes lagunes de l’époque et puisé dans ce voisinage et cettenbsp;influence la vigueur qui les caractérise et l’élément nécessairenbsp;a l’accomplissement de leurs fonctions. Ce qui prouve Ie transport des résidus végétaux par Ie moyen des eaux, c’est la position constamrncnt horizontale de ceux-ci; mais ce qui prouvenbsp;que ce transport s’est toujours cffectué a une petite distance dunbsp;lieu d'origine, c’est la fagon remarquable dont une foule d’or-ganes délicats ou aisément altérables se trouvent conservés jus-que dans les moindres détails de leur structure. On reconnait ennbsp;même temps que d’autres parties et spécialement les tiges ontnbsp;du séjourner quelque temps sur Ie sol humide avant d’etre en-trainés au fond des eaux; certains tissus ont presque constam-ment disparu, comme si Ie végétal aA^ait subi un commencementnbsp;de décomposition a l’air lihre, et les tiges évidées a l’intérieurnbsp;sont les plus ordinaires ; dans d’autres cas Ie cylindre ligneux anbsp;seul résisté et les parenchymes tendres„ ainsi que les moelles,nbsp;fontdéfaut. En réunissant ces diverses circonstances, il est facilenbsp;de faire dépendre la formation des lits de houille d’une causenbsp;principale^ pour ainsi dire unique, incessamment active, et plusnbsp;active sansdoutea l’époque carbonifère que dans aucuneautre;nbsp;je veux parler des précipitations aqueuses dont rien de ce quenbsp;nous voyons maintenant, même sous la ligne, ne saurait rendrenbsp;la violence et qui, tout en admettant une trës-grande égaliténbsp;danslatempérature, devaient se renouveleravecplusd’abondancenbsp;relative a certains moments déterminés, correspondant a nosnbsp;saisons.
Les lagunes carhonifères, situées pour la plupart Ie long de plages récemment exondées, ctablies sur les depressions d’un sol
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encore asscz peu accidenté, ont du éprouver de faibles mais de constantes oscillations, qui tantót approl'ondissaient et tantót di-minuaieiit la masse des eaux, tantót faisaient pénétrer dans leurnbsp;sein et tantót en écartaient les courants susceptibles d’y amenernbsp;des limons et des détritus entrainés des hauteurs et des valléesnbsp;intérieures du pays. De la deux sortes d’états bien différents, senbsp;succédant a d’assez longs intervalles : l’un donnant lieu a des litsnbsp;de sediments accumulés ; l’autre laissant la lagune avec ses eauxnbsp;calmes excliisivement lixree a la végétation, fermée a l’accès desnbsp;eaux courantes limoneuses. Dans ce second état, la lagune pou-xait librement et indéfiniment, grace Èi des plantes dont Ie contact de l’eau favorisait l’essor, se couvrir de xéritables forêts, denbsp;masses énormes de verdure, composces de certaines categoriesnbsp;de plantes se remplagant et profitant tour a tour du hasard desnbsp;circonstances pour s’avancer au sein de l’étendue aquatique. Dèsnbsp;lors, les alentours de semblables lagunes, d’autant plus vaguesnbsp;qu’on se rapprochait deleur limite indécise, par lafaible saillie dunbsp;sol, par l’aftluence mème des précipitations aqueuses susceptibles d’en doubler momentanément Ie périmètre, sous Factionnbsp;des eaux courantes pures de limon, mais entrainant de toutesnbsp;parts les débris de végétaux, dexaient donner lieu a unimmensenbsp;apport de substances organisées, destinées a se convertiren char-bon. Tout ce que la chute annuelle des organes, la destructionnbsp;des tiges vieillies, la caducité des diverses parties, aussi rapide-ment usées que rapidement óvoluées, peuvent produire de ré-sidus, venait s’ensevelir au fond de la nappe par un mouvementnbsp;incessant, que les lits charbonneux et mème les lignites desnbsp;époques subséquentes nous rcprésentent certainement, quoiquenbsp;sous des proportions bien plus médiocres.
La flore permienne n’est qu’un prolongement anioindri de celle des temps carbonifères proprement dits; les éléments ca-ractéristiques de l’age précédent tendent alors a disparaitre,nbsp;tandis que les cycadées, les conileres, les taxinées et certainesnbsp;fougères accentuent leurs traits et vont bientót acquérir la pré-pondérance. Le permien, comme toutes les périodes de transi-
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LES PERIODES VÉGÉTALES
!lt;¦
tion, présente a certains égards une ambiguïté de caractères, jointe a nne indigence de particularités réellement distinctives,nbsp;qui est de nature a accroitre les difficultés de l’étude ; inais cettenbsp;ambiguïté mêine n’est pas sans attrait; il semble qu’on suive les
oscillations graduelles d’une végétation qui se transforme et se dispose insensiblement a changer de direction. Les quelquesnbsp;exemples tirés de la tlore permienne que nous figurons per-mettront de saisir cette nuance en montranr, des formes déjanbsp;moins éloignées que les précédentes de celles que nous avonsnbsp;sous les yeux.
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ÉPOQUE SECONDAIRE OU MÉSOPDYTIQÜE.
La troisième de nos grandes périodes végétales, après avoir commencé avec Ie trias, accentue ses traits et prononce ses ca-ractères vers Ie commencement des temps jurassiques, a partirnbsp;de l’étage que Ton nomme « infralias », paree qu’il précède im-médiatement Ie lias ou jurassique inférieur, lui-mème suivid’unenbsp;série d’étages compris sous Tappellalion commune de formation
Fig. 16. — Plantes caractéristiques du trias : — fougères.
1. Danseopsis marantacea, Hr., fragment d’une fronde. — 2-.3. Tieniopteris superba, Sap., base et tenninaison supérieure d'une fronde.
oolithique. Cette période se prolonge ensuite, avec des alternatives diverses qui pourtant n’altèrent jamais Ie fond de sa physionomie, jusque vers Ie milieu de la craie. C’est l’époque secondaire ou encore «jurassique », paree que Ia flore des temps ju-
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rassiques marque Ie milieu et l’apogée d’un état de choses dont Ie déclin coincide avec Ie début de la craie pour aboutir a une renovation subite, en apparence au moins, et presque générale, versnbsp;l’horizon de l’étage « cénomanien », ainsi nommé des environsnbsp;du Mans et des points de la Normandie on il a été signalé ennbsp;premier lieu et oü il i)résente un développement tout particulier.
Le trias, age rnal connu etcaractérisé par des traits ambigus, parait correspondre a une de ces périodes de renouvellementnbsp;OU les types en voie de decadence achèvent de disparaitre,, tan-dis que ceux qui doivent les remplacer s’introduisent successive-ment. Les premiers laissent des vides paree qu’ils se réduisent anbsp;un nombre décroissant d’individus, les seconds sont encore obs-
Fig. n. — Plantes caractéristiques du trias ; — conifères.
1-4. Voltzia heterophylla, Scliimp.: 1, rameau avec feuilles aciculaires; 2, rameau avec feuilles falciformes; 3, strobile; 4, graine. — h. Albertia Braunii, Schimp.,nbsp;rameau.
curs et clair-semés. La vieillesse et 1'enfance sont également fai-bles, et, dans les temps oii ces deux extremes se trouvent seuls en presence, la nature revêt nécessairement un caractère denbsp;démiment et de monotonie. C’est a peine si vers la fm de lanbsp;période les espèces qui composent cette végétation appauvrie,nbsp;et cependant curieuse, prennent un peu plus de variété, ünnbsp;mouvement de transformation, un équilibre nouveau des élé-ments qui entrant dans la composition de l’ensemble se mani-
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DES ÉPOQUES PRIMITIVE ET SECONDAIRE.
festent et s’établissent, dès ie seiül de l’époque jurassiqiie ; mais ce qni frappe surtout dans Ia flore jurassique, c’est son immobi-lilé et, a cóté de cette immobilité, son indigence relative. Lesnbsp;types carbonifères ont alors disparu ; mais les « angiospermes »,nbsp;c’est-a-dire les végétaux qui comprennenta eux seuls les neufnbsp;dixièmes des plantes actuelles, ne sont pas encore venus, sil’onnbsp;excepte quelques rares « monocotylédones ». La flore ne com-prend tonjours qiie des « cryptogaines » et des « gymnosper-mes» : les premières sont représentées par des fougères ou desnbsp;prêles ; parmi les secondes dominent a pen pres exclusivementnbsp;deux classes que nous avons vues poindre dans Lage précédent,nbsp;les « cycadées » et les « conifères ». Du Spitzberg a l’Indoustannbsp;et des arcbipels qui formaient l’Europe d’alors jusqu’au fond
1. Clathroptcris platyphylla, Gcepp., segment de fronde. — 2. Thinnfeldia rotun-data, Natli., fragment de frpndo. — 3. Sagenopteris rhoïfolia, PresL, feuille.
de la Sibérie de l’lrkutsk, les mêmes formes végétales s’étalent, accusant par leur port, leur aspect, leur configuration une
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
pliysionomie des plus monotones, dans l’ensemble de la vegetation.
Cependant, il est des lors possible de signaler deux sortes d’associations végétales, Tune particuliere aux localités basses etnbsp;marécageuses, l’autre couvrant de preference les sols accidentésnbsp;et l’intérieur des terres.
Les stations fraiches, Ie voisinage des estuaires et Ie bord des lagunes étaient alors peuplés de fougères aux frondes large-mentdéveloppées(C/a/Aro/9^erM, Thaumatopteris, Dictyophyllum,nbsp;Sagenopteris) Q\\ délicatemcnt découpées. Certains types de cyca-
ït:
Fig. 10. — Plantes jurassiques caractéristiques : — types de cycadées des localités Immides (étage rhótien ou infraliasique).
1. Podozamites distans, Presl., jeune plante. — 2. Pterophyllum Jcsgeri, Bi’ongn., sommitó d’une feuille. — 3. Pterozamites comptus, Scliimp., partie inférieurenbsp;d'uno feuille (étage oolitliiquo).
dées, comme les Podozamites, les Nilssonia et les Pterophyllum, s’associaient a ces fougères et admettaient auprès d’eux desnbsp;taxinées voisines de notre « ginkgo », des Palissya et des Schi-zolepis, conifères plus ou moins comparables aux Cryptomerianbsp;et aux Sequoia des ages postérieurs. — Ces formes et d’autres
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semblables reparaissent a divers niveaux successifs, dès qu’il s’agit de dépots scbisteux et mariio-charbonneux, iadices certainsnbsp;d’une station oü séjournaient les eaux dormantes.
En revanche, sur les terrains plus élevés et plus secs, repré-sentés surtout par des dépots sablonneux ou calcaires, entrainés par les cours d’eau de l’époque jusqu’au fond des baies et desnbsp;embouchures, on observe plus particulièreinent des fougèresnbsp;aux frondes maigres, exiguës ou coriaces {Ctenopteris, Cyca-
Fis:. ‘20.
Plantes jurassiques caractéristiques :
accidentées.
1. Scleropieris Pomelii, Sap., somnütó d'une fronde (étage corallien). — 2. Sta-chypteris lithophylla (Pom.), Sap., sommité d’une fronde (étage corallien). —
3. nbsp;nbsp;nbsp;Lomatopteris Balduini, Sap., fronde compléte, brisee (étage bathonien).—
4. nbsp;nbsp;nbsp;Cycadopteris Brauniana, Zign., fronde prcsque entière (étage kimméridien).
dopteris, Lomatopteris., Scleropteris, etc.), d’autres genres de cycadées [Zamites, Otozamites, Sphenozamites) et enfin des co-nifères de grande taille qui constituaient évidemment la massenbsp;principale des forêts d’alors.
Nous avons appris a connaitre les cycadées par celles de ces plantes, plus curieuses que réellement élégantes, que la culturenbsp;et la mode ont introduites dans nos serres. Elles otfrcnt Tappa-
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rence de petits palmiers; leur tronc court et massif, souvent rentlé et comme ovoïde, revêt a la longue une cuirasse écail-leuse, provenant de la persistance des résidus des bases de petioles ; il supporte a l’extrémité supérieure un bouquet de frondes
Fig. 21.
Plantes jurassiques caractéristiques : — types de cycadées des iocalités accidentées.
1. Zamites Moreaucmus, Brengt., fronde compléte (étage corallien). — 2. Otozamites deconis, Sap.; fronde brisée par Ie haut (étage bathonien). — 3. Sphenozamitesnbsp;latifolius, Brongt., fragment de fronde (étage kimméridien).
ailées, aux segments Ie plus souvent étroits, allongés et coriaces. Les cycadées vivent maintenant dans Ie voisinage des tropiques,nbsp;OU même sous la ligne, en Afrique, dans les Indes, en Australië, dans les Antilles et plus loin vers Ie nord, au Japon etnbsp;dans la Floride , qui marquent les points extrêmes de leurnbsp;aire d’liabitation actuelle. — Les anciennes cycadées euro-péennes, dont on connait les troncs, les feuilles et pour plu-sieurs d’entre elles les organes reproducteurs males ou femelles,nbsp;ne different pas plus de ces cycadées actuelles, que les diversnbsp;genres de ces dernières, parqués chacun dans une région a part,
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ne different entre eux. Seulemenf, en dehors de quelques exceptions, les plantes fossiles de ce groupe étaient d’une taille médiocre OU méme remarquableraent petite. Elies devaient former
a elles settles Ic soubassement des bois de l’époque ou bien encore en garnir les lisières et les interstices.
Les conifères jurassiques étaient pour la plupart des arbres élevés, plusietirs de première grandeur. Les tines ressemblaientnbsp;aux Araucaria ou même faisaient légitimement partie de cenbsp;genre, les autres avaient Laspect de nos cyprès, avec des rameauxnbsp;plus forts et plus vigotireux ; d’autres enfin, plus particulière-mentdistinctivesde l’époque secondaire (ce sontles5rac%p%/-lum), n’offraient que des rameaux raides et des tiges nues ou petinbsp;divisées. Lesfetiilles de cesderniers se réduisaient aux proportionsnbsp;de simples écailles mamelonnées, étroitement contiguës et dessi-nant a la surface des parties anciennes tinemosaïque a compar-timents réguliers, donirage ne faisait qti’accroitre Ie périmètre.
L’Ëurope jttrassiqtie ne forma d’abord qu’tin archipel de grandes ties (1). Le plateau central, a la fin du lias, était encore
(1) Consultez la planche IV qui représente la configaration approximative de notre continent, « vers le commencement de Tépoque oolithique i».
DE Saporta, nbsp;nbsp;nbsp;13
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
séparé du massif de la Vendee, a l’ouest, de la region des Vosges et de celle des Alpes, au nord-est et a Test; mais ces iles ten-daient a se souder et a se réunir peu a peu, de manière a nenbsp;plus former qu’une seule masse continentale. Cette reunionnbsp;s'opéra a l’aide d’isthmesou de seuils, par Poitiers, dans une di-
rection, par la Bourgogne, dans l’autre, durant Ie cours de l’oolithe.
Lors du wéaldien, premier terme de la craie ou, si l’on pré-fère, dernier terme de la série oolithique, la soudure continentale est évidente, et l’émersion, elfectuée sur une grande échelle, s’accuse sur une foule de points: en .Angletcrre, dans Ie nordnbsp;de I’AHemagne, dans Ie Jura et ailleurs, par l’extension desnbsp;eaux lacustres ou fluviatiles dont Ie rólc devient très-considéra-ble. Cesont la les indices avant-coureurs de la révolution végétalenbsp;qui se prépare et dont les préliminaires, les debuts et la marchenbsp;évolutive nous sont malheureusement inconnus. II est certain cependant que la flore urgonienne de Wernsdorf, dans lesnbsp;Carpathes, et celle même de la craie ancienne du Groenland
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Fig. 24. — Plantes jurassiques caractéristiques : — conifères {oolillio).
1-2. Brachyphyltum nepos. Sap. : 1, rameau; 2, écussons foliaires grossis. — 3-4. Pa-chyphyllum majus, Brong. : 3, rameau; 4, écaille dótacliéo d’un strobile. — 5. Pa-chyphyllum araucarinum, Pom., rameau.
Fig. 25. —Plantes caractéristiques de la craie inférieure (étages wéaldien eturgonien).
1. Sphenopteris Hartlebeni, Dunk., fronde (wéaldien). — Aneimidium Mantellij Schk., foliole (wéaldien). —2. Glossozamites obovatus, Schk., fragment de frondenbsp;(urgonien). — 3. Salüburia pluripartita, Hr., fouille (wéaldien).
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
n’annonce en apparence Ie déclin alors imminent des cycadées, la fin prochaine du règne exclusif des gymnospermes, et la
diffusion, prête a se réaliser, des dicotylédones on plantes a feuillage.
IV
ÉPOQUE CRÉTACÉE k PARTIR DU CÉNOMANIEN.
L’éxolution organique a laquelle les dicotylédones durent leur existence et ensuite leur extension s’accomplit sans doute sousnbsp;l’influence de conditions très-diverses. II se peut effectivementnbsp;que cette évolution ait été lente et obscure originairement ; il senbsp;peut aussi qu’elle se soit réalisée a l’écart, dans une région sé-parée on mère patrie, grace a certaines circonstances locales etnbsp;exceptionnelles; il se peut encore, et on est même en droit denbsp;Ie supposer, qu’elle ait été Ie produit de l’intervention des in-
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sectes, inultipliant, a un moment donné, les effetsdu croisement et amenant des combinaisons favorables a ces sortes de végé-taux. Enfin, il est a la rigueur concevable qu’il ait suffi d’unnbsp;temps relativement court et de Tinfluence de causes maintenantnbsp;ignorées, pour donner l’essor aux plantes de la categorie quenbsp;nous considérons. Quelle que soit Thypothèse que l’on préfère,nbsp;Ie fait même de la multiplication rapide des dicotylédones et denbsp;leur presence simultanée sur un grand nombre de points denbsp;notre hémisphère, a partir de l’horizon de la craie cénoma-nienne, ne saurait être contesté.
C’est a ce niveau que se rattache en Amérique Ie « Dakota-group », formation des plus remarquables, récemmcnt explorée dans Ie Kansas, l’Arkansa, Ie Nebraska, Ie Minesota, et dont lanbsp;base comprend des grès ferrugineux, dWigine lacustre, très-riches en empreintes végétales. Les dépots du Dakota-group reposent immédiatement sur Ie trias ; par conséquent, la vastenbsp;région qui s’étend de nos jours du Missouri aux montagnes Ro-cheuses était émergée et peuplée de végétaux, c’est-a-dire terrenbsp;ferme depuis un age des plus reculés, lorsque les eaux fluvio-marines vinrent l’occuper vers Ie milieu de la craie. Les empreintes végétales, observées a la base de cette formation, nousnbsp;traduisent done, a ce qu’il semble, un état déja ancien, au moment oü il nous est donné de l’entrevoir. II en est de mêmenbsp;pour la Bohème, terre primitive, que les eaux douces alternantnbsp;avec celles de la mer, envahirentaussi lors ducénomanien ; de lanbsp;vinrent les dépots qui constituent Ie « quadersandstein » inférieur des Allemands et qui, sur beaucoup de points, sont richesnbsp;en plantes fossiles. La Moravie, Ie Harz, certaines localités de lanbsp;Saxe, de la Westphalie, de la Scanie; les environs d’Aix-la-Chapelle et ceux de Toulon ont fourni a divers savants une suitenbsp;assez considérable de végétaux appartenant a la seconde moitiénbsp;des temps crétacés, et enfin les découvertes du célèbre Nor-denskiöld, dans la presqu’ile de Noursoak, a Atané (Groenland),nbsp;ont fait connaitre les plantes qui habitaient a la même époquenbsp;les régions arctiques. Partout alors les dicotylédones ou végé-
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LES PERIODES VEGÉÏALES.
taux a feuillacje, auparavanl inconnus, sont devenus dominants ; partout une réyolution, aussi rapide dans sa marche qu’univer-selle dans ses effets, favorise l’introduction de cette categorie denbsp;plantes et partout aussi les cycadées et les conifères, jusqu’alorsnbsp;les dominateurs incontestés du règne végétal^ tendent a décroitre,nbsp;et a reculcr.
En entrant dans les détails, on remarque pourtant bien des singularités et aussi des divergences entre plusieurs regionsnbsp;comparées.
La localité la plus méridionale est celle du Beausset, pres de Toulon, localité située au fond d’un petit golfe de la mer tu-ronienne, celle de Tétage qui succède immédiatement au céno-manien. C’est cependant celte localité dont la llore comprendnbsp;la plus faible proportion numérique de dicotylédones, cellenbsp;aussi oü les fougères et les conifères paraissent avoir gardé Ie
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plus de points de contact avecle passé paria nature des types qii’elles comprennent (genres Lomatopteris, Cyparissidiim, Araucarüi).
Les dicotylédones abondent bien davantage dans I’AUemagne cénonianienne, en Moravie, en Saxe, en Bobême, en Silésie,nbsp;entre 49° et 51° lat. N. Au sein de cette région, située alors anbsp;proximité des plages d’une mer septentrionale (1), les plantes anbsp;feuillage présentent un mélange curieux de genres éteints, denbsp;genres devenus exotiques et tropicaux et de genres demeurés eu-ropéens on du moins encore indigenes de la zone boréale extra-européenne. Le genre Credneria est un exemple des premiers;
Fig. 28. — Plantes caractéristiquos de la craie cénonianienne de Bohème: — dicotylédones primitives.
1. Aralia Kov)alewskiana, Sap. et Mar., feuille. — 2. Hymenea primigenia, Sap ,
feuille.
Ie genre Hymenea, qui fait partie du groupe des légumineuses-césalpiniées (2), atteste la présence des seconds; le lierre, le ma-
(1) nbsp;nbsp;nbsp;Consultez la planche V qui représente la configuration approximative do notrenbsp;continent, « h, l’époque de la mer cénomanienne ».
(2) nbsp;nbsp;nbsp;Le groupe des césalpiniées est encore reprcsenté en Europe par une espècenbsp;monotype de la flore méditerranéenne, le Ceratonia siliqua ou caroubier qui formenbsp;un bois clair-semé le long de la cote abritée, dans tout Tespace qui s’ctend denbsp;Nice k Menton. G’est 1^ un curieux exemple de la longévité que peuvent aiteindrenbsp;certains types de végétaux protégés par des circonstances exceptionnellement fa-vorables et survivant è. tous ceux de l’ordre auquel ils appartiennent.
-ocr page 224-200 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
gnolia, Ie comptonia doivent être signalés parmi les derniers. Ces types, fixes dès lors dans leurs traits principaiix, n’ont plusnbsp;donné lieu par la suite qu’a d’insignifiantes variations.
Fig. 29. — Plantes caractóristiques de la craie cénomanionne de Boh6rae : — dicotylédones primitives.
1-2. Hedera primordialis, Sap. : 1, fouille des rameaux appliques ; 2, feuille des
raineaux libres.
Le genre Credneria, dont les affinités véritables sont loin d’a-voir été encore délerminées et que l’on a successivement rap-
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proché des peupliers, des platanes, des tiliacées et des po-lygonées, s’éloigae en réalité de tons par certains details carac-téristiqnes de ses feuilles, larges, grandes, fermes, aux nervures saillantes, lobées ou sinuées Ie long des bords supérieurs, ter-minées en coin inférieureinent, avec une cóte moyenne accom-pagnée de deux latérales, celles-ci partant d’un point situé au-
1. Credneria triacuminata, Ilampe, feuillo. — 2. Abietites curvifolius, Dkr., rameau. — 3. Dryophyllum Haussmanni, Dkr., fouille.
dessus de la terminaison basilaire du limbe. Les feuilles de ce genre curieux, souvent roulées sur ellcs-mêmes, comme sinbsp;elles s’étaient détachées naturellement de la tige qui les portalt et avaient été entrainées dans Ie sable ou dans la vase, ont éténbsp;rencontrées, non-seuleinent en Bohème et en Saxe, mais aussinbsp;dans Ie Harz, a Blankenburg ; en Westphalie; a Ai v-la-Chapelle etnbsp;jusque dans Ie Groenland septentrional. Le genre auquel senbsp;rapporten! ces feuilles avait certainement alors une très-grandenbsp;extension. C’est ce que l’on nomme en paleontologie un genrenbsp;caractéristique.
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LES PERIODES VEGETALES.
En Amérique, la flore du Dakota-group présente, sinon des espèces identiques a celles de la Bohème et de la Moravie céno-maniennes, du moins des formes équivalentes. Les araliacéesnbsp;sont répandues de part et d’autre ; les laurinées se montrentnbsp;également, ainsi que les ménispermacées, les magnolias et biennbsp;d’autres types qu’il serait trop long d’énumérer. On remarquenbsp;dans cette flore, dont la connaissance est due aux savantes recherches de M. Lesquereux, la présence du platane, du hêtre^
¦ Quercus
1. Fagus polyclada, Lqx., feuille. — 2. Platanus primseva, Lqx., feuille. ¦ [castanea?) primordialis, Lqx., feuille.
d’un chène ou d’un chataignier , d^un lierre, etc., et si les Credneria ne se montrent pas, comme en Europe, on découvrenbsp;a leur place deux types, Protophyllum ei Aspidiophyllum, qui ennbsp;remplissent éxidemment Ie role et en accusent les traits caractéristiques.
Les premiers palmiers qu’on ait encore signalés, en ne tenant pas compte des fausses indications souvent appliquées a desnbsp;végétaux de la flore carbonifère, étrangers en réalité a cettenbsp;classe, se montrent en Europe dans la seconde moitié de lapé-
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riode crétacée. Des deux espèces principales, Tune, Flabellaria chameeropifolia, Gcupp., du Quadersandstein de Ticfenfurt en Si-lésie, avail des frondes en éventail, semblables a celles de nosnbsp;Chamxrops ou palmettes ; elle était par conséquent de petitenbsp;taille ; l’autre observée en premier lien a Mutbinansdorf en Au-triche et dernièrement dans la craie dquot;eau douce de Provence,nbsp;dénote un palmier de grande taille, comparable aux Geonoma ac-
1. Aralia gii'mquepartita, Lqx., feuille. — 2. Protophyllum multinerve, Lqx., feuille (type óteint).
tuels, mais surtout assimilable au Phcenicophorium Sechellarum, Wendl., remarquable espèce des Séchelles, un des plus admi-rables ornements de nos serres chaudes. 11 présentait des frondesnbsp;larges, a rachis on cote médiane prolongé jusqu’a l’extrémité supérieure d’un limbe dont les segments demeuraient soudés entrenbsp;eux ou ne se divisaient que vers les bords, a l’aide de fissuresnbsp;irrégulières et peu prononcées. Ce type tenait ainsi Ie milieunbsp;nntre celui des palmiers a frondes pinnées, comme les dattiers.
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LES PERIODES YEGETALES.
etcelui des palmiers a frondesflabellées^ comme Ie sont les sabals. La plupart des palmiers portent dans leur enfance des frondesnbsp;construites sur ce modèle, a^ant de prendre leur entier ckWelop-pement et de revêlir leur forme definitive. II est curieux d’ob-server un type scmblable a l’origine du groupe, et Texclusion denbsp;ce groupe des regions arctiques constitue également, commenbsp;nous Tavons fait remarquer précédcmment, un précieux indicenbsp;dc l’abaisseraent de la température, commencjant a se prononcernbsp;dans rextrême Nord.
M. Heer signale pourtant dans la flore crétacée du Groënland, a Noursoak, une zinzibéracée, c’est-a-dire une sorte de balisier,nbsp;probablement aussi un bambou [Arundo groënlandica. Hr.). 11nbsp;y signale encore une cycadée bien authentique, Ctjcaditesnbsp;Dicksoni, Hr., la dernière qui ait probablement vécu a l’intérieurnbsp;du eerde polaire, et enfin plusieurs fougères de la tribu subtro-picale des gleichéniées. Le type peuplier, représenté par lesnbsp;plus anciennes espèces du genre, domine évidemment parmi lesnbsp;dicotylédones de la craie arctique; ces espèces sont alliées denbsp;pres a la section dunbsp;nbsp;nbsp;nbsp;euphratica, 011. ou section des peu-
pliers coriaces. Les dicotylédones de Noursoak comprennent encore un figuier, plusieurs myricées, des araliacées, des magnolias et des vestiges de légumineuses de la tribu des lotées. Des pins, Aas Sequoia, diverses cupressinées, un ginkgo {Sailsburianbsp;primot'dialis, Hr.) complètent eet ensemble curieux qui nous dé-couvre une des étapes successives, par lesquelles la végétationnbsp;polaire a dü passer, avant de se dépouiller des richesses qu’ellenbsp;comprenait a l’origine.
La flore de la craie moyenne constitue le premier tenue de la dernière des quatre grandes périodes végétales que nous avonsnbsp;admises au commencement de cette étude; cette période part dunbsp;cénomanien ets’étend jusqu'a nous, a travers l’ensemble des tempsnbsp;tertiairesquiy sontenglobés: le complément durègnevégétalparnbsp;l’adjonction des classes les plus élevées, des plantes« a fleurs et anbsp;feuillage gt;; qui leur faisaient jusque-la défaut, tel est l’événe-ment principal qui inaugure cette période et dont les faits qui
-ocr page 229-ÉPOQUE CRÉTACÉE A PARTIR DU CÉN'OMANIEN. 205
suivirent n^ont été que des consequences et des dévcloppements.
Dès cette époque, si yoisine pourtant du berceau des angio-spermes et plus particulièrement de celui des dicotylédones, la juxtaposition, en Europe, de deux séries de types, les uns des-tinés a disparaitre ou a être refoulés vers Ie Sud, les autres de-meurés indigenes a notre zone, frappe comme un fait constantnbsp;et démontré. J’ai parlé des peupliers, des hêtres, des lierres,nbsp;des chataigniers, des platanes de ce premier age associés, non-seulement a des magnolias, mais a des palmiers, a des Hymenca,nbsp;a des Aralia, a des Persea, a des pandanées, dont les types ferment de nos jours Fornement des regions intertropicales; Fexis-tence simultanée de deux séries qui nous semblent maintenant des-tinéesa s’exclure, ax^ait sansdoute alors sa raison d’etre. Endépitnbsp;de la chaleur, certainement tempérée par 1’humidité et proba-blement fort égale, elles pouvaient vivre associées dans un ensemble des plus barmonieux. L’ampleur presque générale desnbsp;formes végétales de cette époque annonce un temps et des saisonsnbsp;favorables au développement du monde des plantes, et ces conditions expliquent très-bien 1’extcnsion rapide des divers typesnbsp;qui se partagent la classe de dicotylédones. La plupart d’entrcnbsp;eux effectivement, si 1’on s’attache aux families que Fon rencontre Ie plus ordinairement a Fctat fossile remontent jusqu’a eetnbsp;age et avaient dès lors revêtu les caractères qui les distinguentnbsp;encore.
Plus tard seulement, et après des vicissitudes dont nous essaye-rons de tracer Fhistoire, Fune des deux séries, celle que notre zone possédait d’abord on commun avec les tropiques, subit unnbsp;déclin prolongé, tandis que la série opposée obtenait, au contraire, par des moyens très-divers, il est vrai, une prépondé-rance a la fin exclusWe.
Sous ce dernier rapport, la seconde moitié de la craie peut être considérée comme Ie point de depart de la végétation particuliere a notre zone, de mème que Ie temps des houilles marquenbsp;celui du règne végétal tont entier. Dès Ie cénomanien, en effet,nbsp;commence une évolulion a Faide de laquelle les tribus nouvelles
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LES PERIODES VEGETALES, ETC.
¦vonten se multipliant eten se difFérenciant dans une proportion toujours croissante. Sans doute les diversités de sol, de climat, denbsp;station, qui vonten s’accentuant, contribuent a cerésultat; maisnbsp;la Ilexibilité des organismes, qui atteignent leur « maximum »nbsp;de perfection et de complexité relatives, y contribue aussi dansnbsp;une très-large mesure.
Le climat européen, nous devrons Ie constater, a varié a bien des reprises et par la s’explique la preponderance alternative,nbsp;dans le cours du temps tertiaire, des associations d’espèces aunbsp;feuillage maigre et coriace et des associations distinguées parnbsp;l’ampleur de leurs organes appendiculaires. Les choses se passent encore de même sous nos yeux : les differences de region anbsp;région, d’une station a une autre station, retracent le tableau denbsp;celles que le temps fit naitre et qui se succédèrent sur notre sol.nbsp;De cette sorte, les phénomènes que nous observons maintenant,nbsp;en comparant entre eux certains points de la surface terrestre,nbsp;se sont manifestés autrefois a travers la suite des ages. Les procédés de la nature sont au fond restés les mèmes. Elle a réussi denbsp;tout temps a plier les organismes 'sous l’intluence des milieux,nbsp;et de cette influence elle a fait sortir une force susceptible denbsp;réveiller les tendances a la variabilité, inhérentes a tons lesnbsp;êtres vivants. C’est la une action d’autant plus énergique qu’ellenbsp;est permanente et qu’entin elle s’applique a des organismesnbsp;fixes au sol, comme les végétaux, qui la subissent sans ètre capable de s’y soustraire par la fuite.
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DE L’ÉPOQÜE TERTIAIRE.
NOTIONS PRELIMINAIRES.
Avant l’époque tertiaire, Ie règnc végétal, longtemps pauvre et monotone, bien que puissant par intervalles, s’était cependantnbsp;complété par l’adjonction de la classe des dicotylédones angio-spermes, et, a coté de cette classe, celle des monocotylédones,nbsp;longtemps faible et siibordonnée, avait également accru sonnbsp;importance, quoique dans une.moindre proportion. Au momentnbsp;oü s’ouvre cette grande époque, Ie climat de notre continentnbsp;est tempéré plutót que très-chaud ; Fhiver est encore nul ounbsp;presque nul; la mer écbancre l’Europe sur bien des points d’oünbsp;elle s’est ensuite retirée. Elle constitue une terre plus découpéenbsp;que de nos jours; pourtant l’Europe est déja une region continentale d’une étendue considérable. La chaine centrale quinbsp;forme maintenant son ossature principale n’existe pas ou nenbsp;consiste encore que dans des hauteurs presque insignifiantes;nbsp;peut-être a la place des Alpes d’autres montagnes, maintenantnbsp;ruinées, élevaient-elles leur cime; mais ce sont la des conjecturesnbsp;que les recherches futures auront pour tache de confirmer.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
Ce qui est certain, c’est que, peu de temps après Ie début des temps tertiaires, on voit sur la ligne des Alpes et Ie long desnbsp;Pyrénées la mer s’établir et s’ayancer, laissant des ilots, commenbsp;pour jalonner la direction selon laquelle se prononcerontnbsp;plus tard ces massifs, dont Ie róle et l’aspect ont si fort changenbsp;depuis lors.
Pendant la durée des temps tertiaires, non-seulement I’Eu-rope est découpée par des mers qui la pénètrent a plusieurs reprises et dans plus d’un sens, mais elle se couvre de lacs dont remplacement varie, comme celui des mers elles-mêmes, et dontnbsp;il est difficile, a raison rnême de cette circonstance, de dressernbsp;la carte, puisque beaucoup d’entre eux n’ont pas existé simul-tanément et que souvent, dans les oscillations qui se produisaient,nbsp;il s’est trouvc que Ie fond d’un lac, soulevé, a servi de littoral etnbsp;de terre ferme, soita une mer, soit a un autre lac, venant occupernbsp;la place de ce qui n’avait été jusque-la qu’un sol émergé. Cesnbsp;mouvements oscillatoires, compares a ceux d’une charnière,nbsp;sont bien connus des géologues, et, quant aux lacs tertiaires, lanbsp;botanique fossile leur doit, de même qu'aux tufs ou calcairesnbsp;concrétionnés, aux cendres volcaniques consolidées oucinérites,nbsp;ainsi qu’aux divers limons déposés par les cours d’eau, la conservation des plantes fossiles de chaque couche ou étage suc-cessifs, dont la réunion constituela série des formations tertiaires.nbsp;C’est a l’aide de ces éléments qua Pon a pu recomposer la chronologie des phases par lesquelles la végétation a passé, ennbsp;observant, a chacun des échelons de la série, au moins quelquesnbsp;vestiges des plantes que possédait 1’Europe contemporaine. Onnbsp;obtient de cette fagon un ensemble presque sans lacunes, puis-qu’il n’est pas, pour ainsi dire, d’étages ni de sous-étages quinbsp;n’aient fourni quelques spécimens ; mais eet ensemble est inégalnbsp;et imparfait en ce sens que nos connaissances ne s’appuient quenbsp;sur des documents partiels, que Ie hasard seul a mis entre nosnbsp;mains et qui font succéder, sans raison apparente, a uneprofu-sionparfois étonnante,une pénurie a peu prés compléte, faite pournbsp;désespérer, sans que l’on ait pour cela Ie droit d’en être surpris.
-ocr page 233- -ocr page 234-liORDS D U.NE LAGUNE E.N liOIIEME, A L EPOQUE C K N O M AN I E N N E.
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Longtemps on ne s’est enquis ni des causes véritables, ni de ]a signification réelle de cette pénurie intermittente. On recueil-lait des espèces pour les enregistrer et les décrire, mais sans leurnbsp;attribuer un sens autre que celui qui résulte du fait même denbsp;leur existence. Parfois on a poussé l’esprit de système jusqu’anbsp;croirequeles ernpreintes fossiles traduisaient exactement Ie passénbsp;tertiaire et qu’une tlore appauvrie ou des spéciinens clair-semésnbsp;étaient l’indice de l’indigence de la végétation contemporaine.nbsp;Enfin on a également admis, sans preuves et comme de confiance,nbsp;qu’une flore fossile locale nous faisait connaitre l’associa-tion de plantes qui couxrait alors tout un pays et que ce pays nenbsp;possédait pas une foule d’autres espèces, a cóté de celles dontnbsp;on recueillait les Testiges. De cette filière d’idées sont néces-sairement sorties une quantité d’appréciations erronées, que lesnbsp;recherches et les découvertes futures redresseront peu a peu.nbsp;Dans les détails que nous allons donner nous suivrons unenbsp;marche et nous adopterons une méthode bien différentes. Nousnbsp;nous efforcerons avant tont de particulariser les découxertes etnbsp;d’appliquer aux divers dépots d’oii proviennent les plantesnbsp;fossiles Ie sens vrai qu’ils comportent, celui de représenter autantnbsp;d’associations d’espèces végétales, localisées et restreintes, dontnbsp;il s’agit avant tout de fixer la physionomie et de définir lanbsp;portée, en évitant toutes les tendances exagérées.
Au point de vue exclusif des modifications que la végétation a éprouvées, l’époque tertiaire prise dans son ensemble se par-tage en cinq divisions ou périodes secondaires, désignées dansnbsp;1’ouvrage d’un éminent paléophytologue (1), a partir de la plusnbsp;ancienne, sous les noms de Paléocène, Eocène, Oligocène, Miocene., Pliocene. Ce sont la des phases précédées ou suivies denbsp;passages et de liaisons, n’ayant elles-mêmes rien d’absolumentnbsp;fixe dans leur physionomie d’un bout a l’autre de leur durée ;nbsp;mais enfin ces phases mobiles, si peu nettement limitées qu’onnbsp;les suppose, sont cependant des étapes qui marquent Ie cbemin
(l) Scliimper, Traité de pal. vég., t. IH, p. 680 et suiv. C'® DE S.1PORTA.
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LES PERIODES VEGETALES
quela nature végétale a suivi en Europe, dans sa marche a travers les temps tertiaires. Elle n’a pas accompli une marche aussinbsp;longue, sans éprouver des vicissitudes de toutes sortes, sans senbsp;modifier peu a peu ; elle a remplacé graduellement chacune desnbsp;formes qu’elle possédait a l’origine par des formes voisines, alliéesnbsp;de pres a leurs devancières et cependant différentes de celles-cinbsp;a certains égards ; puis, a partir d’un certain moment, sous I’in-fluence d’une température qui devenait insensiblement plusnbsp;froide et moins égale, la végétation européenne s’est vue dé-pouiller peu a peu de ses éléments les plus précieux ; une foulenbsp;de types dont la presence ne lui laissait rien a envier aux paysnbsp;méridionaux les plus richement favorisés ont finalement dis-paru ; alors seulement un age est venu oil, par I’effet des progresnbsp;lentement accomplis de cette élimination, la flore de notre continent s’est trouvée telle que nous la connaissons, peuplée d’es-peces appropriées aux exigences climatériques de la zone tem-pérée froide dans le nord et le centre, moins dévastée dans lenbsp;midi oil Ton rencontre encore fa et la un certain nombre denbsp;types échappés a la destruction, réfugiés sur quelques points etnbsp;attestant par leur persistance le souvenir d’un état de choses de-puis longtemps détruit, mais dont ils furent pourtant les témoins.
Chacune des cinq périodes que nous venonsde signaler, malgré le peu de précision de leurs limites respectives, revet pourtant unenbsp;physionomie saisissable et se rattaclie a une configuration spéciale du sol européen, configuration souvent très-différente denbsp;ce qu’elle était dans la période antérieureou de ce qu’elle fut dansnbsp;la suivante, souvent aussi bien éloignée dece qu’elle est mainte-nant sous nos yeux. Mais il convient d’ajouter pourtant que l’en-semble des terrains tertiaires répond a une si longue durée, qu’ilnbsp;serait inexact de croire que la distribution des terres et des mersnbsp;soitdemeurée stable dans l’intérieur de cliaque période ; le contraire est vrai^ du moins pour plusieurs d’entre elles, et pendantnbsp;l’éocène, comme pendantle miocène et le pliocene, les mers chan-gèrent de lit et d’assiette a diverses reprises, ou même des nappesnbsp;lacListres furent remplacées par des bassins marins et réciproque-
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ment, sur les mêmes lieux, sans que ces variations, immenses lorsqu’on les considère en elles-mêmes, aient entrainé dans la vé-gétation contemporaine aucune perturbation assez sensible pournbsp;justifier 1'établissement d’une période a part, correspondant aunbsp;temps précis pendant lequel chacun de ces mouvements partielsnbsp;se serait accompli. C’est ainsi que dans Ie cours du miocène, lanbsp;Suisse fut d’abord couverte delacs (étage aquitmiieri), envahienbsp;par la mer de la mollasse (étage molassique ou helvétietii), dontnbsp;Ie retrait partiel donna plus tard lieu a l’établissement de nou-velles nappes lacustres (étage ceningien).
Malgré ces vicissitudes, dont Ie midi de la France reproduit également Ie tableau, la végétation miocène, prise, dans son ensemble, conserve assez d’unité, et les traits caractéristiques de sanbsp;physionomie sont assez persistants, assez uniformes d’un bout anbsp;1’autre de chaque période, pour qu’il n’y ait ni avantage ni motifnbsp;sérieux a vouloir scinder celle-ci; il est probable en effet que, ennbsp;dépit de ces alternatives d’envahissement et de retrait des eaux,nbsp;les conditions régulatrices du climat européen restèrent a peu presnbsp;les mêmes, sauf une légere diminution de la chaleur primitive.nbsp;Celle-ci tendit a s’abaisser par 1’effet du temps écoulé et par suitenbsp;d’un phénomène d’un ordre, a ce qu’il semble, purement cosmi-que et dont la vraie cause n^a pu être saisie jusqu’a présent. Maisnbsp;les réflexions seraient interminables et la pensée s’égarerait a lanbsp;poursuite d’une multitude de détails, si nous ne nous hations denbsp;rentrcr au coeur du sujet et de revenirauxlignesprincipales, ennbsp;reprenant une a une les cinq périodes dont il vient d’etre question. Nous essayerons de les passer en revue et d’en tracer aunbsp;moins une legére esquisse.
PÉRIODE PALÉOCÈNE.
Cette première période correspond au suessonien de d Orbigny, olie succède a la craie, non pas cependant d’une fapon tout anbsp;fait immediate, car, en Europe au moins, elle est séparée de a
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craie la plus récente (1) ou craie de Maëstricht par une lacune dont il est difficile d’apprécier l’étendue et d’estimer la durée.nbsp;La période paléocène est assez mal connue, non-seulement pareenbsp;que les dépots qui nous en ont transmis les vestiges sont peunbsp;puissants, et qu’ils n’ont été observés jusqu’ici que sur un petitnbsp;nombre de points, mais aussi paree que la mer d’alors, au lieunbsp;d’entrer en Europe et de l’occuper jusqu’au centre, comme Ienbsp;tirent les mers nummulitique, tongrienne et mollassique, s’étaitnbsp;retirée de telle fagon que l’espace continental était presque aussinbsp;vaste que de nos jours.
Le climat, de même que la physionomie des formes végétales, avaient peu change depuis la fin de la craie. C’est au nord-est denbsp;Paris, vers l’Aisne et la Marne, dans le Soissonnais et la Champagne, du coté de Sézanne, de Reims, de Vervins et, en continuant dans la même direction, en Belgique, dans le Hainaut etnbsp;la province de Liége, que les formations tertiaires paléocenes ontnbsp;été observées. Elles consistent en des marnes, des sables, desnbsp;calcaires, généralement peu épais, souvent reconverts par desnbsp;dépots postérieurs, et par conséquent difficiles a atteindre.
(1) II s'agit, bien entendu, d’une lacune purement accidentelle, qui pourrait dispa-raitre par Tefifet d’heureuses découvertes. En Provence, un vaste système lacustre, observé dans la vallée d’Arc et mis en lumière par M. Matheron, présente une sérienbsp;continue de dépots qui conduisent sans interruption de la craie supérieure vers desnbsp;assises incontestablement tertiaires, mais dépourvues de plantes et relativementnbsp;pauvres en fossiles. Le garumnien de M. Leymerie, qui consiste en une alternancenbsp;de lits marins et fluviatiles, qui se prolonge jusqu’on Espagne et se rattaclie intime-ment au système provengal, offre aussi les caractères d’une formation complexenbsp;servant de passage entre les deux époques. En Amérique, le groupe du Dakotanbsp;{Dakota-group'j, qui comprend une flore crétacée fort riche, mentionnée plus liaut, senbsp;soude supérieurement avec la puissante formation tertiaire du lignilic : mais si lanbsp;liaison matérielle entre les deux terrains et, par conséquent, les deux époques, peutnbsp;fitre constatée, nulle part encore on n’a découvert de plantes fossiles provenant denbsp;la partie des couches au moyen desquelles s’opère le passage lui-même, ni surtoutnbsp;assez nombreuses pour constituer une flore d’une certaine importance. C’est lil un faitnbsp;négatif dont il serait puéril de vouloir retlrer quelque conclusion ii l’appui d’une pré-tendue revolution qui aurait renouvelé le règne vegetal et qui correspondrait a 1’in-tervalle situé entre les deux terrains. Ce serait faire une supposition gratuitenbsp;qu’aucun fait ne confirmerait. En réalité, entre la dernière flore crétacée et la première de l’éocène inférieur, on ne remarque pas plus de divergence qu’il n’en existonbsp;entre les flores de deux étages tertiaires compares.
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DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE; — PALÉOCÈNE.
tantót marins, tantót d’origine lacustre ou saum^re; on rencontre encore ces formations a l’état d’argiles accompagnés de minces couches de lignites et supportant des gres, comme dansnbsp;Ie Soissonnais, ou bien ce sont des sables inconsistants commenbsp;ceus de Bracheux ou encore des calcaires concrétionnés, commenbsp;les tufs de Sézanne.
On voit, en réunissant ces notions, que l’observateur se trouxe transporté Ie long des plages d’une mer peu étendue et peunbsp;profonde, s’avanfant ou se retirant tour a tour, recevant desnbsp;cours d’eau dont on retrouve les sédiments d’embouchure ou
Fig. 33. — Chênes paléocènes de la foröt de Geilden.
1. Quemis parceserrata, Sap. et Mar. — 2. Q. diplodon, Sap. et Mar. —3. Q. Lonzi, Sap. et Mar. — 4. Gland dépouillé de sa coque. — 5. Q. arciloba, Sap. et Mar.
s’éloignant de fa^'.on a permettre aux eaux douces et jaillis-santes de xixifier Ie sol et d’y favoriser l’essor des grands xégé-taux. II est done possible, quelque restreint que soit Ie théatre oü nous transporté la pensée, d’obtenir, en interrogeant cer-taines localités, des renseignements de plus d’une sorte ; c’est cenbsp;que les explorateurs n’ont pas manqué de faire et, tandis quenbsp;les marnes de Gelinden, prés de Liége, nous dévoilent la composition d’une forêt paléocène, tandis que les tufs de Sézannenbsp;nous font connaitre les yégétaux servant a la même époque denbsp;ceinture et de couronnement aux eaux limpides d’une cascade,
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les flancs ravines par les eaux pluviales ont abandonné aux courants de l’époque les dépouilles des arbres et des plantes qui les recouvraient. Ces dépouilles emportées par des eaux limoneuses,nbsp;au moment des crues, allèrent s’ensevelir dans les vases dontnbsp;1’embouchure d’un petit fleuve était encombrée, pêle-mêle avecnbsp;des plantes marines que Ie remous des vagues rejetait vers lanbsp;cóte. La forêt ne pouvait être bien éloignée du point oü Ie fleuvenbsp;heersien (c’est Ie nom de l’étage auquel Ie dépot de Gelinden ap-partient) venait se jeter dans la mer, mais elle occupait sansnbsp;doute line station accidentée, au sein d’une région plus ou moinsnbsp;élevée et montagneuse. Non-seulement la nature des arbres dont
Fig. 35. — Laurinées paléocènes de la forêt de Gelinden,
1. LUssea elatinemis. Sap. et Mar. ¦— 2. Cinnamomum sezannense. Watt. — 3. Per-ssea palsomorpha, Sap. et Mar. — 4. Laurus Omalii, Sap. et Mar.
elle était composée Ie prouve, mais Ie limon dont Ie dépot a donné naissance au lit marno-crayeux d’oü proviennent les plantesnbsp;a dü être arraché par les eaux fluviatiles a des escarpements asseznbsp;abrupts pour être aisément entamés.
-ocr page 242-2i6 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES
Les arbres les plus répandus de cette forêt étaient des quer-cinées, dont on apu recueillir une douzaine d’espèces, etensuite des laurinées. Parmi les premières, les unes étaient, a ce qu’ilnbsp;paraiL de vrais chênes semblables a ceux des regions monta-gneuses de la zone tempérée cbaude; les autres se rapprochentnbsp;de nos cbataigniers, raais avec des feuilles persistantes commenbsp;celles des Castanopsis indiens. Les laurinées comprennent unnbsp;vrai Laurtis, L. Omalii Sap. et Mar., des Litssea, des Persea ou
Fig. 36. — Viorne paléocöne de la forêt de Gelinden.
Aralia Loozuma, Sap. et Mar.
Viburnum vitifolium, Sap. et Mar.
avocatiers, des cannelliers et des camphriers; elles différent du reste fort peu des formes du même groupe qui se montrent ennbsp;Europe dans un age bien plus récenb c’est-a-dire jusqu’a la flnnbsp;du miocène et même dans la première moitié de la période sui-yante (fig. 35, 1, 2, 3). Des yiornes, un lierre, une sorte d’ellé-bore, plusieursaraliacées, des ménispermées, des célastrinées etnbsp;des myrtacées acbevaient l’ensemble (lig. 36, 37, 38,). II faut ynbsp;ajouterun thuya, assez rare, et quelques fougères, dont une bien
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connue, l’osmonde (fig. 39), sous une forme a peine différente, fait encore Tornement de nos ruisseaux, au fond des bois et aunbsp;pied desberges humides et ombragées.
Cet ensemble, Ie plus ancien dont l’époque tertiaire a son début nous ait encore offert Ie spectacle, n’a done rien en soinbsp;d’insolite, ni même de très-exotique, rien, en un mot, qui dé-tonne sur Ie fond des paysages de notre zone, pour peu que l’onnbsp;redescende de quelques degrés versie sud. Le Japonméridionalnbsp;nous présenterait des bois presque semblables ; ilpossède encorenbsp;de nos jours des viornes, des thuyas et des cbênes très-ressem-blants a ceux de Gelinden, et même, sans aller aussi loin, versienbsp;midi de l’Europe, on rencontrerait un chêne dont une des espècesnbsp;paléocènes reproduit fidèlement les principaux traits ; nous vou-ionsparlerdu Quercuspseudosuber om chêne faux-liége, qui croitnbsp;en Algérie, comme en Espagne. Jusqu’ici on n’a point observénbsp;de palmiers a Gelinden, mais peut-être serait-il possible d’y signaler quelques débris de folioles d’une cycadée, et ces vestigesnbsp;semblent nous avertir de ne pas conclure hativement dn particulier au général. A quelques pas de ce bois de cbênes et denbsp;lauriers toujours verts, bien d’autres végétaux pouvaient s’élevernbsp;sans que rien soit venu nous en révéler l’existence. Nousnbsp;avons appris seulement, grace a I’ctude de ce dépot, que sur certains points de l’Europe paléocène, vers la province de Liége etnbsp;le nord de la France actuelle, des bois se rencontraient et quenbsp;ces bois comprenaient une association végétale assez peu différente de celles qui sont propres aux stations de même nature dansnbsp;la partie australe de notre zone. C’est déja beaucoup que d’avoirnbsp;a constater une aussi précieuse notion.
Les abords de la cascade de Sézanne, entourés d’arbres gran-dioses, ensevelis dans l’ombre et couverts de plantes amies de la fraicheur, nous révèlent, avec d’autres conditions, un luxenbsp;de végétation qui ne saurait nous surprendre. lei c’est unenbsp;profusion de fougères, les unes frêles et délicates, les autresnbsp;aussi robustes qu’élégantes, et quelques-unes au moins arbo-rescentes (tig. 40). Elles croissaient en partie inclinées sur l’eau.
-ocr page 244-218 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES YÉGÉTALES
cène de Sézanne (portion de fronde). Alsophila thelypteroïdes, Sap.
Fig. 39. — Fougère paléocène de la forêt Fig. 40. — Fougère arborescente paléo-de Gelinden (sommité d’une fronde.) nbsp;nbsp;nbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-
Osmunda eocenica. Sap. et Mar.
-ocr page 245-DE L’ÉPOQUE tertiaire; — PALÉOGÈNE. nbsp;nbsp;nbsp;210
cailles tapissées d’hépatiques, en partie au fond de la forèt attenante.
De grands lauriers parmi lesquels on reconnait un sassafras aiix feuilles trilobées (fig. 41), des noyers opulents, de puissantes
KA
42
Fig. 41.— Laurinée paléocènede Sezanne. Fig. 42. — Lieri-e paléocène de Sézanne.
Sassafrasprimigenium, Sap. nbsp;nbsp;nbsp;Hedera prisca, Sap.
tiliacées, des magnolias, des aimes el des saules, entremêlés de viornes, de cornouillers revêtus d’une physionomie exotique etnbsp;de forme exubérante, se pressaient de toutes parts. Mais au milieu de ces grands végétaux, auxquels il faut joindre des arto-carpées, des figuiers, des méliacées, des ptérospermées, des sym-plocos, d’affinité tropicale, dont on a parfois retrouxé jusqu’auxnbsp;fleurs conservées dans la substance incrustante, on aurait encorenbsp;aperpu un lierre a peine distinct de la variété irlandaise de celuinbsp;d’Europe et même une vigne, analogue aux formes du genre quinbsp;habite les vallées agrestes du Népaul et de l’Asie intérieurenbsp;(fig. 42 et 43).
Ici done, comme a Gelinden, malgré l’opulence et la variété
-ocr page 246-22Ü nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉÏALES
des formes, dues a la fraicheur de l’ancienne localité, nous avons encore a constaler, non pas la presence exclusive, maisnbsp;la predominance des formes demeurées propres a la partie méridionale de notre zone, surtout en Asie, associées, il est vrai, anbsp;des types que l’on rencontre plus habituellement dans des pays
tout a faitchauds et a d’autres enfin quiparaissent avoir disparu, comme, par exemple, une curieuse tüiacée de Sézanne, dont lesnbsp;fleurs seront sans doute décrites quelque jour et figurées a coténbsp;des feuilles, grace aux admirables préparations qu’ont réussi anbsp;obtenir MM. Munier-Cbalmas et Renault.
Les sables de Bracbeux et les gres du Soissonnais, provenant de plages plus basses, plus découvertes et plus cbaudes, ontnbsp;fourni des plantes d’un aspect plus varié et particulièreraent desnbsp;myricées, des araucariées, un bambou et enfin plusieurs pal-miers a frondes flabellées dont M. Watelet, a qui en est due lanbsp;découverte, a publié la description et les figures.
Une particularité de la flore paléocène d’Europe, que je veux
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DE L’ÉPOQUE tertiaire; — PALÉOCÊNE-
mentionner ici paree qu elle ressort d’observations toutes ré-centes, c’est de se rattacher par une assez étroite parenté d’as-pect et inême par la présence de certains types caractéristiques possédés en commun, d’une part a la flore du lignitic-formationnbsp;de la region américaine située entre Ie Missouri et les monta-gnes Rocheuses et, de l’autre, a la flore tertiaire du Groënlandnbsp;et des autres contrées polaires.
La flore du lignitic, vaste formation tertiaire riche en combustible et qui s’étend sur un espace immense dans les nou-veaux territoires de l’Ouest, Ie Colorado, TUtah, Ie Wyoming, est a peine connue. Elle a été récemment soumise, sous la hautenbsp;direction du géologue Hayden, a l’examen de M. Léo Lesqué-reux, qui Ea distribuée en trois niveaux superposés dont Ie plusnbsp;inférieur correspond visiblement a notre éocène. La liaison denbsp;celui-ci avec la flore paléocène d’Europe est sensible malgrénbsp;l’éloigneinent géographique des localités respectives. Cette liaison se manifeste par l’étroite affinité de quelques-unes des fou-gères du lignitic avec celles de Gelinden ou de Sézanne„ par lanbsp;présence des types de palmiers très-ressemblants, des deux parts,nbsp;d’artocarpées ou morées qui rappellent les Protoficiis et les Ar-tocarpoïdes de Sézanne. Les Cinnamomum ou cannelliers du li-gnitic reproduisent l’aspect de ceux de Gelinden, Ie Viburnumnbsp;marginatum de Lesquéreux se distingue a peine du Viburnumnbsp;vitifolium dont on peut consulter ici la figure (fig. 36); il en estnbsp;de même de plusieurs autres espèces et la réunion de ces indicesnbsp;d’affinité a quelque chose de trop net et de trop frappant pournbsp;ne pas entrainer Vidée d’un lien commun entre les deux floresnbsp;et les deux régions, lien qui les aurait unies a l’époque on ellesnbsp;possédaient respectivement les plantes dont nous observons lesnbsp;traces.
L’analogie de la flore paléocène d’Europe avec la flore tertiaire des régions arctiques, particulièrement avec Ie dépot d’A-tanekerdluk, dans Ie Groënland occidental, n’est pas moins frappante. Elle est de nature a faire penser que celle-ci est réellement antérieure au miocène inférieur, étage dans lequel elle a été
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
provisoirement rangée par M. Ie professeur Heer, a qui en est due la publication. 11 existe, en effet, entre cette flore et cellenbsp;du paléocène europeen une sorte de parallélisme d’espèces quenbsp;l’on ne saurait attribuer uniquement au hasard. Ce parallélisme, qui va dans plusieurs cas jusqu’a Fidentité presquenbsp;absolue des formes respectives correspondantes, a d’autant plusnbsp;Ie droit de fixer Fattention qiFil semble particulier a la périodenbsp;que nous envisageons, tandis qu’il s’altère ou disparait mèmenbsp;tout a fait dans celle qui lui succède, c’est-a-dire dans la périodenbsp;éocènejiroprementdile. Les phénomènes dontil semble que FEu-rope ait été Ie tbéatre dans cette dernière période, et sur lesquelsnbsp;nous nous réservons de revenir, expliquent peut-être d’une fafonnbsp;très-naturelle cette discordance dont Fapogée doit être placénbsp;vers Ie début de Foligocène ; mais il faut avouer aussi que lesnbsp;causes génératrices de ces oscillations de Fancienne vegetationnbsp;européenne sont encore trop obscures et leurs effets trop im-parfaitement définis, pour que Fon ose se flatter d’en avoirnbsp;la clef.
Les rapprochements eux-mêmes, dont il nous serait aisé de donner la liste, sont trop nombreux, et certains d’entre eux sontnbsp;trop frappants pour n’être que fortuits. Peut-être cette commu-nauté de formes entre FEurope et Fextrême Nord provient-ellenbsp;uniquement de ce que la différenciation des latitudes était encore très-faiblement accusée dans la période que nous considé-rons et dans un temps encore si voisin de Fépoque secondaire.nbsp;Dès lors il suffisait de connexions géographiques pour annulernbsp;la distance qui sépare les deux régions et permettre aux espècesnbsp;végétales de s’étendre librement de Fune vers Fautre. Dans Fagenbsp;suivant, au contraire, les divergences, sans être encore très-marquéeset sansconstituer une barrière infranchissable, seraientnbsp;allées plutót en s’accentuant. Ainsi que nous Ie montrerons, unenbsp;influence méridionale, suivie d’une invasion de formes arrivéesnbsp;par Ie sud vint alors modifier FEurope et y introduire de nouvellesnbsp;especes qui, dans leur marche vers Ie nord, n’ont jamais dünbsp;dépasser certaines limites. Le destin des espèces boréales fut
de Sapoi’U)
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FLABEld.AKlA EAMANONIS , Ad, Brongn. Empreinle d uiie fronde de palmier des gypses d aix.
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bien différent; provisoirement refoiilées, elles étaient destinées a opérer plus tard un retour vers les contrées du midi, en émigrant dans cette direction, par beffet de l’abaissement graduelle-ment amené de la température terrestre. De la combinaison etnbsp;du conflit de ce double mouvement opéré en sens inverse l’unnbsp;de l’autre, l’un ayant son point de départ et d’impulsion dans Ienbsp;sud, l’autre ayant Ie sien dans Textrème nord', sortirent lesnbsp;périodes suivantes et tous les phénomènes auxquels elles ontnbsp;donné lieu.
Ill
PERIODE ÉOCENE.
Cette période est caractérisée, d’un cóté, par l’établissement el la persistance de la mer 7iummulitique, qui découpe l’Europe surnbsp;un grand nombre de points ; elle déborde plus loin en Asienbsp;et en Afrique, de manière a constituer une sorte de médiler-ranée, dont celle de nos jours n’est qu’une image très-réduite ;nbsp;d’un autre cèté, la chaleur semble croitre en Europe, et les terresnbsp;de notre continent se trouvent envahies par des formes végétalesnbsp;dont raffinilé avec celles de I’Afrique, de l’Asie australe et desnbsp;lies de la mer des Indes se révèle clairement. En combinant cesnbsp;deux points, on se rend coinpte de la double influence qui s’exerQanbsp;a cette époque, et a laquelle est du l’aspect général de la flore,nbsp;ainsi que l’extension des types qui, une fois introduits ou pro-pagés, ne quittèrent plus tard notre sol qu’a la suite de nouveauxnbsp;changements dans l’orographie et dans Ie climat.
Pendant la durée de l’age éocène, ou, plus exactement, de la première partie de eet age, la mer du calcaire grossier occupenbsp;Ie bassin de Paris et s’étend jusqiEa Londres et en Belgique ; puisnbsp;des oscillations se produisent, et a mesure que Pon s’avance versnbsp;la fin de la période, toutes les mers intérieures se retirent gra-duellement; elles vont en se desséchant et s’amoindrissant, ou
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LES PÉRIODES VEGETALES
parfois elles cedent la place a des eaux douces^ docmantes ou fluviatiles.
Dans Ie midi de la France, particulièrement en Provence, ce sont des bassins lacustres qui se torment, et qui généraleraentnbsp;persistent avec diverses variations pendant Ie cours de la périodenbsp;suivantc et encore au dela. La Provence, a partir de 1’éocènenbsp;jusqu’a l’invasion de la mer mollassiqiie, a mérité Ie noin denbsp;region des lacs; elle en était parsemée et sans doute que, cheznbsp;elle, une configuration physique bien éloignée de celle qu’ellenbsp;présente de nos jours a coïncidé avec la profusion des nappesnbsp;lacustres qu’ellc comprenait, et dont plusieurs ont du être pro-fondes, sinon très-étendues, et d’autres se convertir parfois ennbsp;lagunes a demi saumatres.
Lamer nummulitique traversait diagonalement l’Europe (1), allant de Nice en Crimée, en suivant la direction de la chainenbsp;des Alpes, dont ses dépots, plus tard soulevés, constituent lesnbsp;hauts sornmets sur une foule de points. Elle s’étendait encorenbsp;vers les Pyrénées, en Espagne, en Italië, en Grèce, en Asienbsp;Mineure, enAfrique, en Syrië, en Arabie, et, plus loin, jusqu’ennbsp;Perse, dans les Indes et en Chine. C’est une des mers intérieuresnbsp;les plus vastes dont les annales géologiques aient eu a constaternbsp;1’existence. L’aspect uniforme des roebes sédimentaires qui luinbsp;doivent leur origine atteste, a la fois, 1’étendue très-grande etnbsp;l’unité de ce bassin, aussi bien que l’égalité des conditions bio-logiques établies dans son sein et sur ses bords.
La mer du calcaire grossier parisien formait un petit golfe ou baie sinueuse, dont les limites ontbeaucoup varié selon les temps,nbsp;mais qui ne parait avoir eu aucune communication directe avecnbsp;la grande mer nummulitique. Les plantes recueilbes autour denbsp;ce golfe, a Londres (Sheppy), en Belgique, auprès de Paris, té-moignent de la chaïeur qui régnait Ie long de ses plages, a telnbsp;point que Pon avait été d’abord tenté d’expliquer leur présencenbsp;par des transports, a l’aide de courants marins qui les auraient
(I) Consultez, pl. X, Ia carte de l’Europe k l’ópoque de la mor nummulitique.
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amenées de regions lointaines. On est revenu plus tard de cette idéé singuliere, et, d’après une foule d’indices, on a pu consta-ter au contraire que les mèmes formes dorainaient partout anbsp;la périphérie de l’ancien golfe, et que ces formes rappelaientnbsp;celles de l’Afrique austro-orientale et des iles ou rivages in-diens.
C’est ainsi que des fruits, quelquefois très-gros, comprimés-anguleux, revêtus d’une enveloppe filamenteuse, et en tont assez analogues a des noix de coco, ont dü flotter a la surface des eaux,nbsp;pour venir s’ensevelir dans les sables ou les dépots vaseux dunbsp;rivage; ces fruits, qui abondent sur plusieurs points de l’anciennenbsp;mer parisienne, ont été reconnus pour être ceux d’un Nipa, typenbsp;indien qui sert de passage entre Ie groupe des pandanées et celuinbsp;des palmiers et qui habite aujourd’hui les borcls du Gauge, versnbsp;Fembouchure de ce fleuve; les Nipci, semblables a des palmiers par Ie port, plongent leurs racines dans la vase des lagunes a demi salées, et laissent tomber leurs fruits réunis ennbsp;régime a la surface des eaux qui baignent leur pied et qui en-trainent ces organes dans les sédiments déposés au temps desnbsp;crues.
Les cours d’eau qui se jetaient au fond du golfe éocène pari-sien avaient leur embouchure accompagnée d’une lisière de Nipa [Nipadites Burtini, Brongn. (tig. 44), N. Parkinsoni, Bow.,nbsp;N. Bowerhanki, Ett.), dont les fruits, ensevelis au fond de Feau,nbsp;après avoir flotté, sont parfois d’une admirable conservation. IInbsp;en est surtout ainsi de ceux de File de Sbeppy, décrits par Bower-banck; mais alors des sues calcaires ou siliceux, ou encorenbsp;métalliques, lesontpénétrés, en conservant et consolidant les détails de leur structure. A Paris, dans la vase marno-sableuse dunbsp;Trocadéro, ces mèmes fruits se montrent a Fétat d’emprein-tes. A la suite des travaux de terrassement entrepris sur ce pointnbsp;a 1 occasion de FExposition de 1867, des dépots fluvio-marinsnbsp;provenant de Fembouchure d’un cours d’eau, furent mis a dé-couvert, et l’on put recueillir dans un des lits, formé d’un limonnbsp;sablo-marneux, assez bon nombre de végétaux fossiles. lisnbsp;HE Saporta.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;15
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donnent une idéé fort juste de la tlore immédiatement riveraine et des plantes mêmes qiii encombraient les lagunes de l’estuaire,nbsp;OU qui hantaientles grèves littorales, a une faible distance de lanbsp;mer.
Dans les eaux mêmes vivait, a la fafon de nos potamots, une hydrocharidée aux larges feuilles multinerviées, flottantes etnbsp;submergées, procbe parente et probablement congénère des
Oltelia actuels, qui jouent Ie même róle dans les lagunes littorales et Ie Yoisinage des embouchures en Afrique, aux Indes, a Ceylan et jusque dans l’Australie. L’espèce du Trocadéro {Otte-lia parisiensis. Sap. (fig. 45), Phyllites miiltinervis, Brongn.) retrace visiblement les principaux traits de VOttelia ulvaefolia, PI.,nbsp;plante indigene de la cote oriëntale de Madagascar, dont elle at-teignait ou dépassait même, dans certains cas, les dimensions.nbsp;Les fruits de Nipa n’étaient pas rares dans la xase inondée quinbsp;servait de sol a VOttelia parisiensis, mais les frondes de ces vé-gétaux, qui garnissaient la plage environnante, n’ont pas éténbsp;encore observées a Paris ou a Londres, dans les dépots oü 1’onnbsp;recueille les yestiges de leurs organes fructificateurs.
Parmi les autres espèces du Trocadéro qui fréquentaient les abords de 1’ancienne plage ou la lisière des eaux courantes, il
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l'aut citer en première ligne une euphorbe, analogue anx gran-des espèces frutescentes du genre, qui croissent Ie long des cótes et sur la déclivité des falaises maritimes, dans Ie midi de l’Eu-
rope, en Afrique et aux Canaries; puis un laurier-rose, Nerium parisiense, Sap. (tig. 46), ami comme Ie nótre des lieux huinides,nbsp;mais bien plus petit; espèce naine, dont les feuilles étroites etnbsp;longues différent pen cepenóant, paria forme, de celles de notre
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
laurier-rose actuel, et dont il est possible de reconstituer jusqu’a la fleur, qui nous est connue par un fragment de corolle.
Les plaines et les collines, a une certaine distance de la riviere éocène du Trocadéro, n’étaient peuplées que d’une vegetation assez maigre : de petits palmiers-éventails ; quelques coni-fères, pins et thuyas, des chênes rabougris, a feuilles étroites et
Fig. 46. — Nerium parisiense, Sap. Laurier-rose éocène des marnes du Trocadéro.
1-3. Feuilles. — 4. Corolle vue par-dessous.
coriaces, de maigres myricées, un type de protéacées qu’il est naturel de rapporter au genre australien des Dryandra (fig. 47,nbsp;6 et 7); enfin un jujubier reproduisantlaphysionomie des formesnbsp;africaines du genre : telles sont, en gros, les plantes qui domi-naient dans cette curieuse association végétale, assez pauvrenbsp;d’ailleurs.
Bien que pcu nombreuses, ces plantes révèlent un phénomène des plus curieux, dont il est impossible de ne pas toucher icinbsp;quelques mots; cephénomène est celui de la «récurrence», quinbsp;amène la réapparition, par une sorte de retour périodique et denbsp;répétition, se présentant a des intervalles successifs, des formesnbsp;végétales déja apergues une première fois et combinées toujoursnbsp;a peu prés de la même manière, les unes par rapport aux autres.nbsp;C’est ainsi que plusieurs des espèces recueillies dans les marnesnbsp;du Trocadéro se montrent de nouveau dans Ie dépot oligocènenbsp;de Hsering en Tyrol, presque sans changement ou avec desnbsp;changements si faibles, qu’il est facile de reconnaitre dans les
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espèces plus récentes Ie type de leurs devancières. Dans Tinter-valle pourtant, il semble que ces espèces aient disparu, puisque l’on cesse de les rencontrer; mais ce n’est la sans doute qu’une
Fig. n.
1-3. — Comptonia Vinoyi, Sap. (Haute-Loire). — 4-7. Dryandra Micheloti, Wat. (Les tigures 4, 6 et 7 représentent des espèces du bassin de Paris; la figure 5 se rap-porte h un specimen de la Haute-Loire.) — S. Myrica crenulata, Sap. (Haute-Loire.) — 9. Myrica subhseringiana, Sap. (Bassin de Paris).
illusion, et ce sont en réalité les mêmes plantes que l’on re-trouve quelque peu modifiées par l’influence du temps et des circonstances, lorsque nous les Toyons s’offrir a nous pour lanbsp;seconde Ibis. Leur absence momentanée dans l’age interimairenbsp;indique seulement qu’il ne s’est alors formé aucun dépot situénbsp;dans des conditions favorables el a portée des stations oü crois-saient ces espèces, ainsi que l’association végétale dont ellesnbsp;faisaient partie, Le phénomène, bien que parfaitement expli-
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cable, et sans qu’il soit nécessaire de recourir a l’hypothèse d’unc seconde, et dans certains cas d’une troisième creation, n’en estnbsp;pas moins très-attachant, puisque, grace a lui, nous obtenons lanbsp;mesure exacte des cbangements opérés dans l’espace intermédiaire et que nous saisissons sans effort les aptitudes de fixité ou
de plasticité inhérentes aux anciennes- espèces, en constatant l’étendue des modifications plus ou moins sensibles éprouvéesnbsp;par elles. Les figures qui accompagnent ces lignes (fig. 47 et 49)nbsp;exposent les éléments de la question, en ce qui concerne lesnbsp;flores comparées d’Hiering et du Trocadéro, la première oligo-cène, et par conséquent bien plus récente que la seconde qui,nbsp;nous venons de Ie voir, se rapporte a l’éocène moyen.
A coté de la flore du calcaire grossier parisien, il faut placer celle que MM. Aymard et Vinay ont recueillie dans les arkosesnbsp;éocènes du Puy en Velay. Cette dernière collection comprend
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les mêmes formes caractéristiques que la première, entre aulres Ie Bryandra Micheloti (fig. 47). Mais la localité du Puy doit êtrenbsp;signalée, avant tout, a cause d’un remarquable palmier décou-vert par M. Aymard, et dontla fronde, a peu pres complete, estnbsp;de plus accompagnée de son régime ou inflorescence male, quinbsp;présente des caractères suffisant a la détermination du genre, dont
cetfe ancienne espèce faisait partie. Le Phoinix Aymardi, Sap. (fig. 50), par les caractères réunis de sa fronde, aux segmentsnbsp;pinnés, et de son régime dilaté en une spatule aplatie, divisée aunbsp;sommet en une multitude de ramuscules ou axes secondairesnbsp;étalés en faisceau et supportant des résidus de .bractées et denbsp;fleurs males situées a l’aisselle de celles-ci, dénote certainementnbsp;un type allié de pres au Phoenix dactylifera ou dattier, maisnbsp;distinct de celui-ci, non-seulement par certains détails faciles anbsp;saisir, mais encore par sa taille beaucoup plus petite. Le genrenbsp;Phoenix èÏKni de nos jours principalement africain, cette assimilation confirme l’existence, attestée déja par bien d’autres indices, d’un lien étroit rattachant la flore éocène de l’Europe a
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celle du continent qui touche Ie notre dans la direction du sud.
En remontant la série des dépots éocènes, nous trouvons encore des flores a deux autres niveaux successifs, correspondantnbsp;au milieu et a la fm de la période que nous examinons. Nousnbsp;parlerons d’abord du plus ancien de ces deux niveaux. — Posté-rieurement au retrait de la mer, au fond de laquelle se déposa Ienbsp;calcaire grossier parisien, les eaux douces vinrent a leur tournbsp;occuper les depressions du sol, dans les vallées de la Seine etnbsp;dans 1’espace correspondant au plateau qui sépare actuelle-ment la Seine de la Loire. C’est ainsi que les gres de Beauchamp, Ie calcaire de Saint-Ouen, et finalement les gypses denbsp;Montmartre, se formèrent, et, en même temps qu’eux, des dépotsnbsp;équivalents et synchroniques qui occupent la Sarthe et les environs d’Angers et qui renferment des plantes. L’ile de Wight etnbsp;les gres a lignites de Skopau en Saxe ont fourni a M. Ie profes-S(;ur Heer les restes d’une flore contemporaine de celle des gresnbsp;de la Sarthe, et cette dernière a élé l’objet des recherches parti-culières de M. Crié, dans Ie cours des années précédentes.
En suivant les traces de Fexplorateur franpais, nous ne sommes plus transportés sur des terres basses et fréquemmentnbsp;inondées, a la périphérie intérieure d’un golfe, ni sur des plagesnbsp;chaudes et en partie stériles; nous apercevons plutót les restesnbsp;de forêts luxuriantes, peuplées de podocarpées, de chênes verts,nbsp;de lauriers, de plaqueminiers, de myrsinées, embellies, dans Ienbsp;voisinage des eaux, par un Nerium ou laurier-rose, différent denbsp;celui du Trocadéro, et comprenant aussi plusieurs fougères denbsp;physionomie exotique qui croissaient a Tombre des grands arbres.nbsp;A ces végétaux se joignait une conifère de grande taille, dont lesnbsp;rameaux présentent l’aspect de ceux des Araucaria. 11 existenbsp;encore dans les gres du Mans des vestiges de plusieurs sortes denbsp;fruits dquot;une structure fort curieuse, mais d’une déterminationnbsp;difficile ; les uns ressemblent a ceux des Morinda, genre denbsp;rubiacées des pays chauds, dont les fleurs, réunies en capitulenbsp;serre, donnent lieu a « un syncarpe» formé par la soudure mu-tuclle, et 1 accrescence de tous lesovaires; d^autres semhleraient
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LES PERIODES VEGETALES
dénoter une tiliacée de grande taille ; d’autres enfin représen-tent les calices épars de plusienrs types de Diospyros. On voit que les formes actuellement exotiques dominent dans eet ensemble, sans exclure précisément les antres. Mais ces dernières nenbsp;reproduisent jamais que de très-loin Taspect des espèces enro-péennes de nos jours, et leurs similaires doivent plutót êtrenbsp;recherchés dans les contrées du midi. Cette affinité de la végé-tation éocène de la Sarthe avec celle des pays chands est encorenbsp;attestée par la présence, je devrais même dire par l’abondancenbsp;des palmiers qui sontreprésentés par plusienrs espèces, quelques-unes remarquables par la vigueur et la beauté de leurs frondesjnbsp;puis rappellen! celles des sabals de Cuba et de la Floride.
La flore des gypses d’Aix, placée sur un horizon plus récent que les précédentes, vers les limites extremes de la période,nbsp;mais de beaucoup la plus riche et la mieux connue, mérite notrenbsp;attention a plus d’un égard.
Elle offre un singulier mélange de formes encore indigenes en Europe ou sur les bords de la Méditerranée et de formes de-venues entièrement exotiques, dont il faut chercher maintenantnbsp;les similaires dans l’Afrique austro-occidentale ou dans Ie sud-estnbsp;de l’Asie. Au premier abord, ce mélange surprend, et la confusion qui en résulte semble inextricable; avec de la réflexion,nbsp;on finit par se l’expliquer; mais il faut avant tont reconstituer cenbsp;que l’on peut nommer l’orographie de Fancienne localité tertiaire.
Laville d’Aix est située au nord de la petite riviere de 1’Arc (plus exactement, au lieu de FArc, il faudrait dire Ie Laré), rivière de-meurée célèbre, paree que c’est sur ses bords que Marius défit, a lanbsp;fin du second siècle avant notre ère, les Cimbres et les Teutons.nbsp;L’Arc coule dans une vallée étroite, dirigée est-ouest, dont Couverture correspond a une oscillation du sol, par suite de laquelle,nbsp;vers Ie milieu des temps éocènes, les eaux lacustres se trouvèrentnbsp;rejetées hors du bassin qu’elles occupaient jusqu’alors et repor-tées plus loin dans la direction du nord. De nouvelles eaux vinrentnbsp;constituer un autre lac dansl’espacequisépare actuellement laville
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d’Aix de IcT Durance. C’ctait un bassin profond, mais d’une assez faible étendue (approximativement, il mesurait 15 kilometres denbsp;largeur, sur 18 a 20 de longueur); il était dominé a Test par unenbsp;inontagne, celle de Sainte-Victoire^ sans doute inoins élevée au-jourd’hui qu’elle ne l’était alors, et dont les roebes triturées parnbsp;les eaux qui sillonnaient ses flancs vinrent combler en partie lesnbsp;dépressions du lac éocène. La position de ce lac vis-a-xis des es-carpements de Sainte-Victoire peut être comparéc a celle dunbsp;lac de Neucbatel par rapport au Jura, ou a celle qu occupe Ie lacnbsp;des Quatre-Cantons, aupied des Alpes de la Suisse centrale. Sanbsp;dnrée se prolongea du reste bien au dela deslimites de 1 eocene,nbsp;dans l’oligocène et Ie miocène inférieur ou aquitanien; il fut,nbsp;pendant la première partie de sa durée, Ie théatre de nombreuxnbsp;pbénomènes : des sources tbermales, tantót sulfureuses, tantótnbsp;chargees de silice ou de carbonate de chanx en dissolution, desnbsp;emanations de gaz méphitiques et plus tard des éruptions xol-caniques, suivies de coulées de basalte, témoignent de l’actionnbsp;souterraine qui ne cessa de se produire au milieu mêmc des eaux,nbsp;et qui xint a plnsienrs reprises apporter Ie trouble ou la mortnbsp;aux êtres xivants dont elles étaient peuplées. Des bancs entiersnbsp;de poissons furent surpris et ensevelis dans la vase marneuse dunbsp;fond, qui nous en a fidèlement conservé les empreintes; ils ap-partenaient a plusieurs genres, dont l’un [Lebias) habite encorenbsp;les eaux douces de la Sardaigne et de l’Afrique septentrionale.nbsp;Les insectes eux-mêmes, asphyxiés en grand nombre, et parminbsp;eux, des moucherons imperceptibles, des papillens, deslibellules,nbsp;des fourmis ailées, des abeilles, abandonnèrent alors leurs dé-ponilles au caprice des vents, et parsemèrent les plaques schis-teuses en voie de formation de leurs vestiges délicats, qui lais-sent parfois entrevoir jusqu’a la trace des couleurs. Pendant cenbsp;temps, les eaux courantes, au moment des crues, les ruisseauxnbsp;et les sources, joignant leur action a celle des vents et de lanbsp;pluie, charriaient au fond du lac des debris végétaux de toutenbsp;sorte, et surtout les feuilles, les rameaux, les fleurs et les fruits,nbsp;enfin toutes les parties arrachées aux plantes ou tombées natu-
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LES PÉRIODES VEGETALES
rellement des arbres et arbustes, qui peuplaient la contrée ou se pressaient Ie long du rivage. Dans les circonstances ordinaires,nbsp;les espèces les plus rapprochées des eaux et les plus communesnbsp;sont les seules dont les sediments aient conserve des traces,nbsp;mais ici les conditions qui présidèrent au dépot furent excep-tionnellement favorables; non-seuleroent la plage était acci-dentée et richement peuplée ; mais la rnontagne qui devait plusnbsp;tard emprunter son nom a la victoire de Marius, dominait a
l’est les eaux du lac de ses escarpements, et s’avanpait mème, a ce qu’il semble, en forme de promontoire, a l’endroit ou s’é-lève aujourd’hui la butte, dite des Moulins-a-vent. C’est ainsinbsp;qu’a Taide d’iine rivière, dont 1’emboucbure a laissé des vestigesnbsp;notables sur Ie même point et des affluents de cette rivière, cer-taines espèces montagnardes ou croissant alors au fond des boisnbsp;et des vallons escarpés, ont pu venir jusqu’a nous; l’existence denbsp;ces espèces n’est souvent attestée que par une feuille isolée, quel-
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quefois même par un organe léger et de faible dimension, mais eet organe est de nature a avoir été aisément porté par Ie ventnbsp;jusqu’a une distance éloignée de son point de départ.
Aux abords du lac gypseux se pressaient une foule de conifères dont les figures ci-jointes représentent quelques spécimens, choi-sis parmi les plus caractéristiques.
C’étaient des pins de petite taille, a ce qu’il parait, mais de formes variées et dont les rameaux, les cones (voy. la figure dunbsp;cóne du Piniis Philiberti (fig. 31, 9), un des plus curieux par sa
Fig. 52. - Espèces caractéristiques de la flore des gypses d’Aix. 1-2. Lomatites aquensis. Sap. — 3. Aratia multi/ida, Sap.
torme étroite etallongée) et jusqu’aux bourgeons et aux chatons males sont arrivés Jusqu’a nous. Associés aux pins, on distinguenbsp;de nombreux thuyas, d’affinité africaine (genres Callitris etnbsp;Widdringtonid), et même un genévrier {Juniperus ambigud) analogue a notre sabine, mais qui se rapproche surtout d’une sabine
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LES PÉRIODES VEGETALES
iodigène enAsie Mineure et en Grèce, \amp; Jiinipei'iis fcetidissima, Wild. Les fruits de l’espèce fossile, qui justifient ce rapprochement, ont été découverts tont récemment par M. Ie professeurnbsp;Philibert; ils sont relathement gros, et la figure qui Ie repré-sente, pour la première fois (voy. fig. 51, 8), perraet de jugernbsp;de son aspect.
Parmi les tormes deyenues exotiques, associées autrefois aux conifères, aux abords immédiats du lac gypseux, trois typesnbsp;doivent surtout attirer l’attention. Le premier est celui des pal-miers-éventail ou Flabellaria^ dont l’espèce principale a été dé-diée par M. Brongniart au naturaliste Lamanon, sous le nom denbsp;Flabellaria Lamanonis [\). Les frondes de cette espèce, dont lesnbsp;pétioles n’étaient pas épineux, mesuraient jusqu’a 1”,50 denbsp;longueur; leur limbe se divisait en de nombreux segments ounbsp;rayons dixergents. Lui et ses congénères de la flore d’Aix nenbsp;constituaient pourtant, selon toute apparence, que des arbres denbsp;petite taille, comparables par la proportion et 1’aspect au palmiernbsp;de Chusan ou palmier a chanvre, introduit de Chine et cultivénbsp;maintenant, comme plante d’ornement, dans les jardins du midinbsp;de la France.
Le deuxième type ne se retrouve plus maintenant qu’aux Canaries, en avangant dans la direction du sud; cquot;est celui desnbsp;Draccena ou dragonniers, célèbres par l’épaisseur énorme quenbsp;leur tige, d’ailleurs basse et trapue, peut acquérir a la longue,nbsp;en donnant lieu a des subdivisions dichotomes de plus en plusnbsp;nombreuses. Les feuilles des dragonniers sont conformées ennbsp;glaive et en tout analogues a celles des Yucca, si répendus dansnbsp;nos plantations d’agrément. Les Dracsena de la flore d’Aix com-prennent plusieurs espèces, dont une, au'moins, se rapprochaitnbsp;par la taille de celle des iles Canaries. Cette espèce est le Dra-csena Brongniartii, Sap., représenté dans les vitrines du Muséumnbsp;par un anneau périphérique qui correspond a la region la plus
(1) Consultez plus haut la planche VIII, qui représente une belle fronde AxiFlabel-loLvicL Lüïiifinonis h l’état dempreinte brisée dans le haut et sur les cötés, mais intacte S. la base et montrant le sommet du pétiole.
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extérieure d’un tronc évidé a l’intérieur et encore garni, autonr de cette région, de débris de feuilles réduites a leur base et occupant leur position naturelle.
Le troisième type est celui des bananiers, dont il existe des xestiges reconnaissables dans la flore d’Aix, consistant en lam-beaux de feuilles munies parfois de leur cóte médiane et denbsp;fragments de pétiole. Ces vestiges indiquent l’existence d’unenbsp;espèce de taille médiocre, assimilable par ses caractères au Musanbsp;ensete ou bananier actuel d'Abyssinie et de l’Afrique équi-noxiale.
D’autres formes aujourd’hui perdues ou analogues a celles des pays lointains mériteraient une mention particuliere ; nóusnbsp;ne pouvons songer a mentionner que les plus saillantes.
Les myricées et les protéacées, les laurinées, les rbamnées, les célastrinées, les pittosporées, les térébinthacées, enfin les aralia-cées tiennent le premier rang et comptaient, a coup sur, parminbsp;les types les plus fréquents, au moins dans le périmètre de l’an-cienno plage lacustre.
Les laurinées n’ont rien de particulier; ce sont toujours, comme a Gelinden, et com me plus tard au temps de la mollasse,nbsp;des camphriers et des cannelliers, sans doute aussi de vrais lau-riers; enfin, des Persea, des Phoebe et des Oreodaphne, genresnbsp;encore indigenes aux iles Canaries, et dont l’existence a dünbsp;se prolonger en Europe presque jusqu’a la fin de l’age tertiaire.
Le type des protéacées de l’Australie est surtout représenté par le Lomatites aqtiensis, Sap. (fig. 52); celui des myricées parnbsp;une très-belle forme de Myrica, le M. Matheroni, dont il fautnbsp;chercher les similaires actuels dans l’Afrique austro-orientale etnbsp;a Madagascar.
Les Rbamnées ont également fourni un très-beau Zyziphus, d affinité javanaise. Les célastrinées reproduisent fidèlementlesnbsp;formes de ce groupe qui dominent actuellement dans les partiesnbsp;chaudes et intérieures du continent africain.
D une fafon générale, les végétaux épineux, a rameaux héris-
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LES PERIODES VÉGÉTALES
sés, raides et buissonneux, a feuilles étroites, sèches et coriaces, dominaient dans la tlore des gypses d’Aix, comme aujourd’huinbsp;ils Ie font dans la region du Cap, dans l’intérieur de l’Afrique etnbsp;a Madagascar.
Des Aralia frutescents (fig. 52, 3), aux feuilles ornementales, palmatinervées et profondément incisées^ se dressaient pa et la aunbsp;milieu des massifs, ajoutant a la physionomie exolique du paysage.nbsp;On doit les comparer aux Cussonia de l’ordre actuel. Enfin, il nenbsp;fanl pas oublier de mentionner un C er cis on gainier (fig. 53), vul-gairement arbre de Judée, dontles fleurs dexaient faire au prin-temps rornement de cette nature semée de contrastes, a la fois
severe et gracieuse.
En avangant plus loin dans l’intérienr des terres, on se serait trouvé en presence d’une region boisée, très-analogue par l’as-pect et la combinaison des formes végétales avec celles que ren-ferme l’Afrique centrale.
Les Acacia ou gommiers y dominaient évidemment. On en a découvert jnsqu’ici une dizaine d’espèces reconnaissables a leursnbsp;fruits et a leurs folioles éparses; nos figures reproduisent leursnbsp;principales formes. On sait que de nos jours les girafes fontnbsp;des rameaux de ces arbres leur nourriture favorite; dressantnbsp;leur long cou au milieu des solitudes peuplées de ces arbres.
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Ui
DE L ÉPOQUE tertiaire; — ËOCÈNE.
elles voiitbroutant leur l'euillage léger, divisé en inenues 1'olioles, atteignant sans peine au sommet des plus hautes branches. Lesnbsp;girafes ne se montrent en Europe que vers la fin du miocène,nbsp;mdis, parmi les animaux qui composaient la faune du temps desnbsp;gypses d’Aix, on remarque Ie Xiphodon, sorte de ruminant pro-totypique, aux formes grêles et au long cou, dont les moeurs etnbsp;Ie régime alimentaire devaient se rapprocher de ceux de lanbsp;girafe, et qui, probablement, broutaitcomme celle-ci lesrameauxnbsp;des acacias éocènes.
A cóté des acacias se plagaient de nombreux Diospyros ou plaquerainiers, reconnaissables a leurs calices fructifères, marqués de fines rugosités extérieures.
Fig. 54. ¦
1-3. Catalpa microsperma, Sap. (1, corolle; 2, fruit; 3,semence). — 4. Fraxinus exilis, Sap., samaro. —5. Ailantus prisca, Sap., saraare. — e. Palsocarija atavia,nbsp;Sap.; fruit muni do son involucre. — 7. Heterocalyx Ungeri, Sap., fruit supportenbsp;par un calice persistant aux sopales accrus et scarieux. — 8. Bombax seputti-ftoriim, Sap.; corolles détacliées, munies de leurs ctamines.
D’autres essences forestieres ne nous sont connues que par des débris fort rares de quelques-uns de leurs organes ; ellesnbsp;devaient croitre sur un plan plus éloigné, peut-être vers Ie fondnbsp;de certaines vallées, Ie long des ruisseaux ou sur Ie penchantnbsp;des escarpements boisés.
DE Sapouta. iii
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LES PÉRIODES VÉGÉÏALES
1-3. Jietula gypsicola, Sap., bouleau éocène de la flore d’Aix (1, feuille; 2, brac-tée fructifère gr. nat.; 2”, même organe grossi. — 3, samare, gr. nat.; 3”, même or-gane grossi.)-ï 4-6. Chênes éocènes de la flore d’Alx. — 4. Qiiercus salicina, Sap. — 5-6. Qiiercus antecedens. Sap. — 7. Myrica Matheronii, Sap. — 8. Salixnbsp;ag'ïtmsfs, Sap., saule éocène d’Aix. —9-10. Microptelea Marioni, Sap., ormeaunbsp;éocène de la flore d’Aix (0, feuille; 10, samare, gr. nat., 10*, même organe grossi).nbsp;— 1[. Ficus venusta, Sap., figuier éocène de la flore des gypses d’Aix.
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deux fois seuleraent. Les magnifiques corolles, détachées et encore munies de leurs étamines, d’un Bombax ou fromager,nbsp;sorte d’arbre qui contribue puissaminent a Fornement desnbsp;grandes forêts tropicales, ne sauraient être passées sous silence ;nbsp;enfin nous devons dire quelques mots de deux genres qui parais-sent éteints : Fun est Ie Palseocarya qui appartient aux juglandéesnbsp;et dénote un type allié de très-près a celui des Engelhardtia^ denbsp;FAsie australe ; Fautre, VHeterocalyx, se rattacbe aux anacar-diacées et retrace, par plusieurs des caractères qui Ie distin-guent, les Astronium et les Loxostylis, sans se confondre pour-tant avec ceux-ci.
Les parties fraiches de Fancienne region comprenaient un figuier remarquable par la ressemblance que présenten! sesnbsp;feuilles avec celles du Ficus pseudocarica, Miq., de la Haute-Egypte, dont les fruits sont comestibles bien que douceatres etnbsp;presque sans saveur ; nous figurons ce figuier éocène sous Ie nomnbsp;de F. vemisla. Mais Félément Ie plus eurieux de la végétationnbsp;locale de cette époque récente de Féocène consiste dans une réu-nion de formes congénères de celles qui sont depuis demeuréesnbsp;Fapanage plus particulier de notre zone tempérée. II n^y avaitnbsp;pas seulement auprès d’Aix, du temps des gypses, des palmiers,nbsp;des dragonniers, des Acacia, des Bombax et tous les types d’ar-bres OU arbustes dénotant une station chaude, que nous venonsnbsp;de passer en revue; on y rencontrait encore des aunes, des bou-leaux, des charmes, des chênes, des saules et des peupliers, desnbsp;onnes, des érables, des amélancbiers assez peu éloignés deceuxnbsp;que nous avonssousles yeux et dénotant, pour eet age, Fexistencenbsp;de conditions locales, de nature a justifier leur presence et anbsp;favoriser leur essor.
Ces derniers types nous sont connus par de rares échantillons, dont Fauthenticité ne saurait être pourtant contestée, puisquenbsp;dansla plupart des cas leurs feuilles se trouvent accompagnéesnbsp;de leurs fruits ou de leurs semences, surtout lorsque ces fruitsnbsp;ou ces semences étaient ailés ou aisérnent transportables a causenbsp;de leur légèreté. Les samares d’orme et de bouleau, celles d’é-
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rabie et de frêiie ; certains organes frêles et inenibraneus, comme une bractée trilobée du bouteau (voy. la figure 55) desnbsp;gypses, attestent la présence de ces genres et engagent anbsp;admettre qu’ils jouaient alors un róle réel, bienque subordonné.nbsp;La rareté même de ces vestiges qui auraient du , s’il s’agissait denbsp;végétaux très-répandus, abonder sur les plaques marneuses,nbsp;favorise l’hypothèse que nous avons affaire a des espèces quenbsp;leur station plagait assez loin et assez haut au-dessus du niveaunbsp;de l’ancien lac, pour qu’elles aient été soumises a I’influencenbsp;d’un climat distinct de celui des vallées inférieures, climat anbsp;la fois plus tempéré et moins sec.
II faut observer, en outre, que des nuances différentielles, importantes aux yeux du botaniste, séparent ces formes, congé-nères des nótres, de celles que nous possédons maintenant ennbsp;Europe ou dans Ie reste de la zone tempérée froide.
Le bouleau des gypses, Betida gypsicola, Sap. (lig. 55,1-3), dont la feuille, la bractée fructifère et la samare sont jusqu’a présentnbsp;repré-sentées par des échantillons uniques, doit être rangé, nonnbsp;pas parmi les bordeaux du Nord, maisparmi Betulaster, bou-leaux particuliers a l’Asie centrale. 11 en est de même de l’or-meau des gypses, Microptclea Marmii, Sap. (voy. les figures 53,nbsp;9 et 10), qui se rattache au groupe sud-asiatique des Microptelea,nbsp;qui craignent le froid et présentent des feuilles semi-persistantesnbsp;et sub-coriaces.
Les chênes de laflored’Aixressemblenta ceuxde laLouisiane, OU bien ils viennent se ranger auprès de nos yeuses ou chênesnbsp;verts de l’Europe méridionale. Quant au saule, .Sö/m aquensis,nbsp;Sap., et au peuplier, Populus Heerii, Sap., c’est avec les saulesnbsp;africains OU avec le type du peuplier des bords du Jourdain etnbsp;de l’Euphrate qu’il est naturel de les comparer. Ainsi, toutenbsp;proportion gardée, les indices d’un climat chaud percent jusquenbsp;dans les végétaux de la flore d'Aix qui, au premier abord, sem-bleraient faire contraste avec la masse des espèces, méridionalesnbsp;d’aspect, de cette flore.
Sa variété, sarichesse, son originalité, la profusion et le mé-
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lange des formes qu’elle comprend iie sauraient faire question, et cette richesse, alliée pourtant d’ordinaire a une stature asseznbsp;faible et concordant avec la petitesso des organes, chez la plupartnbsp;des espèces, se reproduit tout aussi bien, soit que l’on interroge lesnbsp;parties situées a l’écart, soit que Ton explore, par la pensée, lesnbsp;plages mêmes du lac et son sein oü abondaient les plantes submer-gées et aquatiques, comme les potamots, les alismacées, les vallis-néries, les nymphéacées qui comptaient au moins trois espèces,nbsp;etdont les fleurs venaient s’étaler a la surface des eaux calmesnbsp;et limpides. Lesroseaux, les massettes, les joncs, de frêles gra-minées, plusieurs mousses; enfin une pJante singuliere, dontnbsp;les tiges se soutenaient au-dessus du sol sous-lacustre, au moyennbsp;d’une multitude de racines aériennes, les rhizocaulées, complé-taient ce grand ensemble, dont Ie tableau, même abrégé, nousnbsp;entrainerait trop loin, si nous voulions l’esquisser dans son entier.
L’influence d’une nature chaude, d’un climat comprenant des alternatives très-prononcées de saisons sèches et brülantes et denbsp;saisons pluvieuses et tempérées; favorable pourtant au dévelop-pement d’une végétation ricbe et variée, a la fois élégante etnbsp;frêle ; peuplée de formes originales, mais généralement petites,nbsp;ayant une certaine maigreur distinctive et quelque chose de dur,nbsp;de coriace dans les formes; privée d’opulence, mais vivace etnbsp;surtout diversifiée suivant les pays et les stations ; ressemblantnbsp;au total a celle de l’Afrique intérieure, avec des traits empruntésnbsp;al’Asie méridionale et a la Chine: tels sont, a ce qu’il semble,nbsp;les caractères inhérents a la flore éocène du midi de l’Europe ;nbsp;et nous verrons ces caractères persister, malgré des changementsnbsp;partiels, jusqu’a la fin de l’age suivant ou oligocène.
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LES PÉRIODES VEGETALES
PÉRIODE OLIGOCENE OU TONGRIENNE.
La nouvelle période végélale dont nous allons tracer Ie tableau fournit un argument de plus en faveur de ce que nous avons avancé au sujet de la connexion intirne des agesnbsp;successifs et de l’impossibilité d’assigner a chacun d’eux desnbsp;limites précises. Nous avons passé en revue les plantes quinbsp;entouraient Ie lac gypseux d’Aix, a la tin de l’éocène; la barrièrenbsp;étroite qui nous séparait de l’oligocène une fois franchie, nousnbsp;allons voir ces mêmes plantes ou d’autres espèces leur ressem-blant de très-près, continuer a sc montrer dans des conditionsnbsp;qui restent semblables en apparence. Et cependant, a mesure quenbsp;les niveaux géognostiques se superposent, et qu’on avance a travers un temps que Féloignement seul nous fait paraitre court,nbsp;on commence a saisir des changements partiels: des espèces nou-velles et caractéristiques de la période suivante ou miocène s’in-troduisent, d’abord isolées et subordonnées ; graduellement plusnbsp;nombreuses et plus fréquentes, elles acquièrent enfin la prépon-dérance, a mesure qu’elles profitent des circonstances de plusnbsp;en plus favorables, qui tendent visiblement a prévaloir, pournbsp;exclure, oudumoins pour rejeterdans l’ombre leurs devancières.nbsp;Ces circonstances funestes a certaines catégories de plantes, aidant a l’extension des autres, il faut avant tont les définir; il fautnbsp;ensuite déterminer la marche suivie par les types récemmentnbsp;introduits, que pour bien des raisons nousne pouvonsconsidérernbsp;comme étant Ie produit d’une création immédiate et subite. C’estnbsp;a ces deux questions que nous répondrons tout d’abord ; nous re-viendrons ensuite a l’Europeoligocène pour en déterminer la configuration géographique, pour en préciser les régions lacustres etnbsp;maritimes, avant de passer enfin a la description des principalesnbsp;associations végétales dont il aété possible de réunir les débris.
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L’oligocène est done en résumé la transmission d’un régime ancien a un régime nouveau. On con^oit que la végétationnbsp;change, si les conditions qui président a son développementnbsp;changent de leur cóté ; mais Ie changement ne saurait être brns-que ni général, a moins que les phénomènes perturbateurs nenbsp;présenten! eux-mèmes uii caractère de brusquerie et d’intensité,nbsp;que rien ne laisse entrevoir dans la période qui nous occupe.nbsp;Nonsavons vu quel était Ie climat europeen, on du moins celui
Fig. 56, — Thuias oligocènes caractéristiques.
1-2. — LihocedriiS salicornioïdes, Endl. — 3-5. Chamieq/paris europa-a, Sap. (3, ra-inule ; 4, strobile ; 5, semence).
du midi de l’Europe, a la fin de 1’éocène, et la physionomie variée, originale, mais non opulente de la flore : semblable anbsp;celle de l’Afrique intérieure, soumise a des alternatives de cha-leur sèche et de chaleur humide, a des pluies intermittentes,nbsp;laissant entre elles de longs intervalles, elle comprenait néces-sairement des formes maigres, étroites^ épineuses et coriaces,nbsp;avec des extremes de toute sorte, et des diversités dues a l’ex-position des lieux, a la nature des stations, enfin au voisinage ounbsp;a l’éloignement des eaux de source et des eaux dormantes ou flu-viatiles. La signification du changement qui s’opéra nous est évi-demment dévoilée„ d’iin cóté, par Ie point de depart que nous
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LES PERIODES VEGETA LES
venons de définir,et, de l’autre, par Ie pointd’arrivée, c’est-a-dire par l’état de choses qui devint permanent et qni persista presquenbsp;sans modification, pendant Ie cours entier dela période miocène.nbsp;Or, cetétat de choses marqué l’influence d’un climat plus éga-lement et plus universellement humide. Les végétaux qui s’in-troduisirent sur notre sol, dans 1’oligocène, et qui occupèrentnbsp;ensuite l’Europe durant de longues séries de siècles, exigent anbsp;peu pres tous Ie voisinage de l’eau ou l’influence d’un del plu-vieux : aucun d’eux ne saurait résister ,a des sécheresses prolon-gées, a l’exemple des types prédominants del’éocène.
Ces types noin^eaux durent probahlement leur extension a une transformation lente et graduelle du climat, se prononcant tou-jours plus dans Ie sens d’une égalisation absolue, a mesure quenbsp;l’on approche du début de la période suivante, c’est-a-dire de lanbsp;sous-période aquikmienne. Les preuves abondent en faveur denbsp;cette assertion.
Les principaux types de végétaux, dont on constate 1’appari-tion en Europe, dans Ie cours de l’oligocène, sont les suivants; parmi lesconifères Ie JAbocedrm salicornioides, Endl., plusieursnbsp;Chamsicyparis [Ch. ouropaea^ Sap.: voy. fig. o6), Ch. massilien-sis, Sap.); plusieurs Sequoia [Sequoia Sternberqii, Hr., S. Tour-nalii^ Sap., S'. Couttsiee,\{r.), Ie Taxodiumdistichummioceniciim,nbsp;Hr., Ie Glyptostrobus europseiis, Hr.
Parmi les palmiers, leSabal haermgiana, Hr., Ie Sabal major, Ung.jlc Flabellarialatiloba, Hr., — parmi les myricées, Ie typenbsp;des Comptonia (fig. 57), et certains Myrica a feuilles largementnbsp;linéaires, dentées sur les bords, tendent alors a prédominer.nbsp;Quelques chênes a feuilles munies de lobes anguleux, mucronésnbsp;au sommet et peu nombreux, commencent a se répandre; lesnbsp;érables sont moins rares ; les plantes aquatiques et en particuliernbsp;les nenuphars et les nélumbos, prennent de l’ampleur etse diver-sifient. De pareils faits, choisis parmi les plus saillants, peuventnbsp;se passer de commentaire. Les Libocedriis et les Chamwcyparis,nbsp;les TaxodiumeX les Sequoia, les Sabal et les Comptonia, sontnbsp;des types américains anxquels laprésence de Peau ou l’influence
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d’un sol et d’un climat humides sont encore nécessaires mainte-nant. L’abondance des lanrinées et des nyinphéacées, la multiplication des érablcs, des charmes, des onnes, de certains chênes, ne sont pas moins significatives. Ces types s’associent d’abord, senbsp;substituentensuite auxCo/Zz/ns, aux Widdringtonia eta d’autresnbsp;plantos, ayant des affinités africaines, et gui généralementnbsp;'i’exigent pas, pour prospérer, la même frequence de précipita-
bons aqueiises. — 11 est done visible que Ie climat europeen se uiodifie dans un sens déterminé, a mesure que ces types, soitnbsp;américains, soit communs a 1’Amérique du Nord et k l’Asie dunbsp;t*acifique, pénètrent et se propagenta travers toute TEurope.
Mais, d’oii venaientces végétaux, soitceux que je viens de signaler, soitencore ceiix quisuivirentetqui, durantune fort longue époque, firentcomme les premiers et accomplirent la même marche?
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
11 y a peu d’années encore, on n’aurait pii répondre a line pareille question; rnaintenant, grace aux admirables travaux de M. Ie pro-fesseur Heer, grace anx explorations d’une foule de voyageursnbsp;anglais, danois, américains, et plus spécialement des Suédois,nbsp;en fête de qui il faut placer Ie nom du célèbre Nordenskiöld, onnbsp;sait, a n’en pouvoir douter, que les régions polaires, aujourd’buinbsp;désertes et glacées, ont été longtemps recouverles d’une richenbsp;vegetation forestière. Nous ne dirons rien ici des plantes carboni-fères, qui s’étendaient uniformément sur toute l’étendue de l’hé-misphère boreal; mais comment ne pas toucher en passant aux
plantes jurassiques et crétacées du Groenland et du Spitzberg, chez lesqiielles se présentent déja des nuances qui marquent lesnbsp;progrès, d’abord a peine sensibles, de l’abaissement de la tem-pérature des régions polaires comparées aux nótres? Les premièresnbsp;divergences entre les deux zones résultent de l’apparition plusnbsp;hative, vers Ie pole, de certains genres ou de certains types, destines a ne s’introduire ou a ne se multiplier en Europe, quenbsp;lorsque ce continent aura lui-mème commencé a se refroidir.nbsp;Elles se manifestent également par l’exclusion d’autres genres ounbsp;types d’aflinité méridionale, longtemps indigènes, sur notre sol,
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DE L’ÉPOQUE tertiaire; — OLIGOCÈNE.
mais que les terres arctiques paraissent n’avoir jamais possédés. Lors du Jura et de la craie, les pays polaires, comme l’Europenbsp;elle-même, ont eu des gleichéniées, en fait de fougères, denbsp;norabreuses cycadées et une foule de formes maintenant éleintesnbsp;OU reléguées dans Ie voisinage des tropiques. Des lors cependantnbsp;les terres arctiques se distinguent par quelques traits qui leur
1-3. Sequoia Sternhergii, Hr. (1-2, ramules; 3, strobile). — 4. S. ambigua, Hr. (Groenland). — 5-7. S- Tournalii, Sap. (5-6, ramules; 7, strobile). — S. Smittianalt;nbsp;Hr. (Groenland). — 8-9, ramules. — 10, strobile.
sont propres: les vestiges des abiétinés y sont moins rares, les Sequoia y sont plus varies, plus opulents, plus répandus quenbsp;partout ailleurs ; les Glyptosirobus, les thuyas, les taxinées y sontnbsp;déja présents; et ces végétaux s’y montrent sous un aspect qui
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
sera justement celui qu’ils auront en Europe, lors du tertiaire moven (tig. 59). Les dicotylédones angiospermes font leur apparition dans la llore crétacée du Groenland, vors Ie cénomanien,nbsp;ii peu pres a la mêine époque qu’en Bohème et dans Ie Nebraska.nbsp;On reconnait parmi elles des peupliers et des magnoliers ; mais
on constate aussi, dans la même flore arctique, l’absence des palmiers, des dracénées et des pandanées, et, dès ce moment, lesnbsp;pays situés en dedans du eerde polaire présentent une flore quinbsp;contraste par son caractère moins méridional, et spécialementnbsp;par la rareté des types a feuilles persistantes et des familiesnbsp;d’afiinité nettement tropicale, avec celle dont l’Europe éocènenbsp;nous a fourni l’exemple, que notre continent possédait encorenbsp;du temps de l’oligocène, et qu’il conserva, partiellement aunbsp;moins, jusqu’a la terminaison de l’age suivant ou miocène.
A cette époque, sur un horizon quo tout convie a paralléliser avec celui de l’éocène supérieur ou de Toligocène d’Europe, les
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terres arctiques, parsemées de grands lacs alimentés par des eaux jaillissantes, thermales, calcarifères, siliceuses, surtout fer-rugineiises; déja tourmentées par des eruptions basaltiques, etnbsp;subissant les meines phénomènes dont notre continent donnaitnbsp;alors Ie spectacle, étaient ombragées de xastes forêts, dont il a éténbsp;possible de reconstituer les traits d’ensemble. C’estla quela plupart des espèces appartenant aux genresnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Taxodmm, Gly-
ptostrolms, Libocedrus, Chamsecyparis, Torreya, Salisburia, etc., qui s’introduisirent dans l’Europe tertiaire, paraissent avoir eunbsp;leur premier berceau; c’est la que l’on observe réunis, commenbsp;dans une région mère d’oü ils auraient rayonné pour se propager aunbsp;loin vers Ie sud, les sapins, les hêtres, les chataigniers, les chênes-rouvres, les noisetiers, lesplatanes, les liquidambars, les tilleuls,nbsp;les ormes, bouleaux, sassafras, etc., et tant d’autres arbres qui,nbsp;d’abord rares et disséminés, lors de leur immigration en Europe,nbsp;s’y multiplièrent ensuite et marchèrent dans la direction du sudnbsp;pour occuper finalement notre zone tempérée tout entière. Cenbsp;sont ces plantes puissantes, robustes, déja adaptées a un climatnbsp;relativement plus rude, envahissantes et sodales, qui allèrentnbsp;partout former des bois ou suivre les eaux et servir de rideaunbsp;aux fleuves, dont Ie cours commencait a se dessiner. C’est effec-tivement l’age dans lequel les diverses parties de notre continentnbsp;se soudent peu a pen a l’aide d’émersions partielles et renou-velées. L’orographie, longtemps indécise, fmira par accentuernbsp;ses traits, et les vallées, d’abord fermées par une foule d’obstacles,nbsp;ouvriront un accès de moins en moins difficile aux eaux cou-rantes, vers les différentes mers; mais ce travail d’un continentnbsp;qui se forme, ne s’est pas effectué en un jour: avant d’aboutir anbsp;la configuration que nous avons sous les yeux, il a été interrompunbsp;a plusieurs reprises et même exposé a des retours qui semblaientnbsp;devoir amener des résultats bien différents de ceiix dont nousnbsp;constatons 1’existence. Disons quelques mots de ces événementsnbsp;géologiques, dont l’influence s’est d’ailleurs étendue a la végé-tation elle-même, dont elle a contribué ii modifier l’aspect.
La nier, qui avait si longtemps occupé remplacement actuel
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LES PÉRIODES VÉGÉÏALES
des Alpes, en suivant la direction de cette chaine, dessinée alors par de faibles reliefs, s’était desséchée pen a pen; au lieu d’unnbsp;bassin puissant et continu, elle ne présentait au regard denbsp;bexplorateur qu’une série de lagunes salées, pen profondes etnbsp;irrégulières, sans communication avec les mers de l’époque, quinbsp;du reste, au sud comme au nord, s’étaient beaucoup éloignées denbsp;la région des Alpes. Les sediments déposés au fond de ces lagunes ont repu Ie nom de Flysch ou schistes a fucoïdes. Ils nenbsp;contiennent aucune trace de coquilles, mais ils sont petris etnbsp;parfois entièrement composés d’impressions d’algues, dont lesnbsp;eaux du Flysch, sans doute peu profondes et fortement salées,nbsp;avaient favorisé la multiplication. Une circonstance singulièrenbsp;semble prouver que ces eaux, comme la Caspienne et la mernbsp;d’Aral,“constituaient effectivement des bassins fermés, délais-sements d’une mer intérieure, réduite a un espace de plus ennbsp;plus faible et sur Ie point de disparaitre complétement; effectivement, non-seulement les algues du Flysch n’ont que des rapports éloignés avec celles de nos mers actuelles, mais par lesnbsp;types qu’elles comprennent, elles se lient étroitement a la florenbsp;algologique des mers secondaires ; les genres éteints, Chondrites,nbsp;Phymatoderma, Munsteria, Zoophycos, Zonarites, etc. (Voy. quel-ques-uns de ces genres représentés tig. 60), continuent a s’ynbsp;montrer comme dans des temps bien plus reculés, et, de plus, lesnbsp;principales espèces du Flysch, comparées a celles de la craie denbsp;Bidard, pres de Biarritz, ne présentent réellement aucune dif-férence sensible qui les sépare de ces dernières. II faut en conduce que ces formes, dont quelques-unes, avec des variationsnbsp;très-faibles, remontent a l’age paléozoïque, avaient dü Ie prolon-gement de leur existence, au sein d’iine nature presque entièrement renouvelée, a la persistance d’une mer fermée ; aprèsnbsp;avoir trouvé un asile sur dans ses eaux, elles disparurent pournbsp;toujours, lorsque les dernières lagunes du Flysch achevèrent denbsp;se dessécher.
L’emplacement des Alpes actuelles forraait ainsi une région a part, probablement disposée en plateau, couverte de flaques
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salées, a l’exemple de ce qiie montrent maintenant certaines contrées désertes de I’Asie et de l’Afrique intérieure.
Vers la fin de la période éocène, la mer s’était graduellement retirée, en Europe, de tons les points précédemment occupés.nbsp;Les dépots marins correspondant directement a l’éocène tont anbsp;fait supérieur, a l’étage ligurien de M. Mayer, aux gypses d’Aisnbsp;et de Montmartre, et a Lage paléothérien proprement dit sontnbsp;partout extrêmement rares ou très-douteux, tandis que les formations lacuslres se multiplient et persistent pour la plupartnbsp;sans beaucoup de xariations dans les mêmes cuxettes. En unnbsp;mot, comme Ie formulait dernièreraent devant nous un obser-vateur des plus habiles (1) dont nous sollicitions l’opinion, on nenbsp;retrouve que sur quelques poinls du littoral actuel de l’Europenbsp;des vestiges pouvant se rapporter a une mer intermédiaire entrcnbsp;celle de l’éocène et celle du tongrien proprement dit.
L’oligocène, tel que nous Ie concevons, en nous plafant unique-ment au point de vue de la flore, ne consiste que dans l’age postérieur au retrait dont nous venons de parler, retrait qui vit, d’une part, les lagunes du Flysch achever de disparaitre, et de l’autrenbsp;une mer nouvelle, celle du tongrien, s’avancer et envahir certainsnbsp;points déterminés de notre continent. C’est done du retour momentané d’une mer distincte de celles que nous avons mention-nées, distincte aussi de celle de la mollasse ou mer falunienne,nbsp;qu’ils’agit. — Lamertongrienne est loin d’égalerla mer nummu-litique, ni celle de la mollasse ; elle échancre Ie continent euro-péen, rnais dans une tout autre direction : occidentale et septen-trionale, elle occupe de nouveau Ie bassin de Paris, oü ses dépotsnbsp;sableux ont donné lieu aux gres de Fontainebleau; elle con-tourne la Normandie, touche a Cherbourg et entame a peinenbsp;1’Angleterre par Tile de Wight. Au nord, elle couvre ia Belgique, d’Ypres et de Gand a Liége et a Maestricht; elle court ennbsp;Westphalie, et, après avoir contourné Ie massif du Harz, ellenbsp;pénètre par Ie golfe de Cassel dansla vallée du Rhin supérieur,
(1) M. R. Touniouer, président dc la Socióté géologiiiue de France.
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LES PERIODES VEGETALES
et de la, ü travers toute l’Alsace, jusqu’au Jura suisse ; elle forme ainsi une Adriatique étroite et sinueuse, a laquelle les Vosges,nbsp;d’un cóté, Ie massif de la Forêt-Noire, de l’autre, servaient de-limites. En Bretagne vers Rennes, en Aquitaine vers la Girondenbsp;et TAdour, Ie long de la Méditerranée, vers les Basses-Alpes etnbsp;dans la Ligurie ; plus loin au pied des Alpes, pres de Vérone,nbsp;dans Ie Tyrol et aillenrs, on trouve des vestiges de la mer oli-gocène, qni n’est puissante mille part, et dont les traces discontinues annoncent presque partoui Tétendue relativement faiblcnbsp;et la courte durée.
Les lacs se rencontrent au contraire sur une foule de points. En Auvergne, en Provence, dans Ie Gard, pres d’Alais, a Hieringnbsp;en Tyrol, a Sotzka en Styrie, a Sagor en Carinthie, dans ITtalienbsp;du Nord et jusqu’en Dalmatie, a Monte Promina, on trouve desnbsp;formations lacustres, riches en empreintes végétales et fournissantnbsp;les éléments d’une flore remarquable, autant par la profusionnbsp;des espèces que par l’unité des éléments dont elle est cornposée.nbsp;La plupart de ces lacs ne furent pas exclusivement propres a lanbsp;période a laquelle nous les rattachons; ils existaient avant et cou-tinuèrent après qu’elle se fut terminée ; mais la partie des sédi-ments déposés au fond de ces lacs, qui correspond a l’oligocène,nbsp;présente des caractères qui attirent sur eux l’attention, inème ennbsp;dehors des plantes qu’ils renferment. Les animaux qui vécurentnbsp;dans leurs eaux, de même que les phénomènes géognostiquesnbsp;dont ces eaux furent Ie théatre, témoignent d’une très-grandenbsp;intensité de vie, d’une remarquable uniformité dans les conditions qui présidèrent a son développement et, en même temps,nbsp;du trouble intermittent que les agents intérieurs et les matièresnbsp;en fusion, rejetées a la surface, durent apporter sur certainsnbsp;points déterminés et surtout dans Ie voisinage des principauxnbsp;lacs. Les volcans actucls, a cratères permanents couronnant unnbsp;eóne d’éruption, n’avaient pas encore paru dans les contrées oünbsp;ils s’établirent plus tard, et 1’Auvergne elle-même ne présentaitnbsp;encore aucun relief de quelque importance; mais les préludes des grandes actions plutoniques agitaient partout Ie sol de
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vagues frémissements; les eaux tliermales, sulfureuses, calcari-fères, siliceuses, ferrugineuses, surgissaient de toutes parts avec une extréme abondance ; elles alimentaient les nappes lacustresnbsp;de substances minérales de toute sorte, tenues en dissolution; etnbsp;ces dernières ont donné lieu aux gateaux et aux rognons de silex,nbsp;aux calcaires concrétionnés, aux amas de gypse, aux sidérites etnbsp;aux pbospbates qui se trouvent associés en diverses proportionsnbsp;aux sediments ordinaires ou, encore, sont entremêlés a des couches de lignites.
Dans la Haute-Loire, c’est a Ronzon, pres du Puy, que l’on a recueilli des plantes associées aux débris d’une faune aussi va-riée que puissante, découverte et décrite par M. Aymard, etnbsp;dans laquelle se rencontrent les plus anciens ruminants connus.
En Provence, les plantes oligocènes proviennent des gypses de Gargas, des lits calcaréo-marneux de Saiot-Zacharie et de Saint-Jean de Garguier, des schistes marneux de Gereste; dans Ienbsp;Languedoc, elles se rencontrent pres d’Alais, a Barjac, aux Fumades, etc.
En Alsace, M. Schimper a recueilli des empreintes végétales appartenant a ce même horizon, a Speebach. J’ai déja men-tionné les localités autrichiennes de Sotzka, H®ring, Sagor,nbsp;Promina, etc.
II faut encore signaler a part la localité d’Armissan, pres de Narbonne ; non-seulement a cause de sa richesse exceptionnelle,nbsp;mais paree qu’elle opère visiblement la transition de l’oligocènenbsp;au miocène inférieur ou aquitanien.
En réunissant les plantes de tous ces dépots, on obtient un total d’environ buit a neuf cents espèces, énumérées dans Ienbsp;grand ouvrage du professeur Schimper; mais comme nous nenbsp;pouvons songer un instant a les examiner en détail, nous nousnbsp;contenterons d’attirer l’attention sur certaines d’entre elles,nbsp;«n ajoutant a cette revue quelques reflexions générales sur lesnbsp;caractères d’enscmble de cette flore.
L’aspect du paysage n’a pas sensiblement change depuis la fin de 1’éocène ; les masses végétales sont toujours maigres,
C’® DE SaPORTA.
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clair-semées ou même chétives; elles sont en inème temps va-riées et ne manquent ni de puissance, ni d’élégance, nid’une certaine grace qu’elles doivent a leur port élancé et grèle, ainsinbsp;qu’aux ramifications multiples des tiges ; la végétation actueJlenbsp;de l’Australie reproduit de nos jours une image assez fidele denbsp;eet ancien aspect.
Les palmiers sont toujours nombreux; beaucoup d’entrc eux sont encore de petite taille, couronnés de frondes en éventailnbsp;d’une étendue médiocre ; mais, au milieu d’eux, Ie Sabal major 61), luttant presque d’ampleur el de beauté de feuillage
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OLIGOCÈNE.
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avec Ie palmier parasol des Antilles ou Sabal iimbracidifera, dresse sa tête majestueiise et se trouve représenté au bord de lanbsp;plupart des lacs et dans Ie voisinage immédiat de Peau. Cettenbsp;espèce, une des mieux connues, a laissé de nombreux vestigesnbsp;qui témoignent de son abondance. Son analogue vivant, introduit sous divers noms, dans les cultures du littoral méditerra-néen, de Toulon a Nice, fait maintenant Tornement des plusnbsp;riches villas. Dans la période tongrienne, il s’étendait dans toutonbsp;TEurope et se trouvait accompagné d’un cortège de palmiersnbsp;pJuspetits qu’il dominait de toute sa hauteur (1). Aux palmiers senbsp;mêlaient pa et la des dragonniers. Les Sequoia et les Taxodiumnbsp;partageaient encore Ie sol avec les Callitris et les Widdringtonia;nbsp;les premiers étaient nouveau veniis en Provence, et c’est seule-ment aux environs d’Alais que Ton commence a rencontrer Ic Sequoia Sternbergii (voy. la figure 59), pris longtemps pour un Araucaria, et très-fréquent d’ailleurs a Ha3ring et a Sotzka. D’autresnbsp;Sequoia, plus rapprochés de ceux de Californie , les Sequoianbsp;Tounialii, Sap. et Couttsise, Hr., se montrent plus tard encorenbsp;d^ns Ie midi de la France ; on les observe a Armissan. A Gargas,nbsp;a Saint-Zacharie, a Saint-Jean de Garguier, localités se rappor-tant a la partie inférieure ou ancienne de l’oligocène, les Sequoianbsp;sont encore absents, mais on y observe en revanche les premiersnbsp;vestiges de deux types de conifères auparavant inconnus : Ienbsp;Libocedrus salicornioides (voy. plus haut la figure 56), dont Ienbsp;représentant actuel ne se trouve plus que dans Ie Chili, et Ienbsp;Chamsecrjparis massiliensis, Sap. Ces deux espèees ne nous sontnbsp;connues que par de très-pctits fragments; leur rareté originairenbsp;s’accorde très-bien avec leur récente immigration présumée. Lenbsp;voisinage des eaux lacustres se trouvait peuplé d’une profusionnbsp;de myricées, de protéacées mal définies, d’éricacées du type desnbsp;Lewco^/me,d’araliacéesa feuillesdigitéesou palmées(fig. 62et6;i),nbsp;lt;le sterculiers, de sapindacées a l’apparence chétive, auxquelsnbsp;il faut joindre des célastrinées, des anacardiacées, des houx,
(1) Consultcz la planclie XIII qui représento les principaux palmiers dc l’age tertiaire moyeu rcconstitucs d’après leurs frondes et groupés au bord d’une lagune.
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des rhamnées, des jujubiers, un certain nombre de myrtacées odorantes et des légumineuses (papilionacées, césalpiniées, mi-
mosées) aux minces folioles. II y a la des nuances différentielles assez sensibles pour les naturalistes qui étudient les espèces une
Fig. 03.
a une, qui méditent sur leur groupement et leur importance relative ; mais ces nuances disparaissent aux yeux de l’observa-
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DE L’ÉPOQUE tertiaire; — OLIGOCÈNE.
teur siiperficiel, qui retrouye a peu pres les mêmes elements qu’il avait remarqnés a l’époque de I’éocène. La presence denbsp;certaines espèces caractéristiques, Ie Comptonia dryandreefolianbsp;(voy. la figure 57); Ie Zizyphus Ungeri (voy. flg. 64); plusieursnbsp;myrsinées d’affinité africaine, Myrsine celastroides^ Ett. (fig. 64),nbsp;M. subincisa, Sap., M. cuneata, Sap. (fig. 64), les Diospyrosnbsp;hserinyiana, Ett., varians, Sap. (voy. fig. 64), l’abondance des
Paleeocarya (voy. fig. 65), juglandées éteintes du type des En-gellhardtia de l’Inde, certains Mimosa [M. Aymardi, Mar., fig. 65) ot Acacia [A. Bousqiieti, Sap., A. sotzkiana, Ung.), guidentnbsp;pourtant l’analogie au milieu de ce labyrinthe de formes, a lanbsp;fois variées et cependant taillées sur un patron commun atoutes,nbsp;de telle sorte qiie des espèces appartenant aux genres les plusnbsp;éloignés revêtent, au premier abord, une physionomie presquenbsp;semblable. C’est la du reste ce qui permet a l’esprit de définir
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LES PÉRIODES VEGETALES
saus trop de peinc les caractères distinctifs des végélaiix de i’é-poque quo nous considérons; la flore oligocène tü’c en réalité sou originalité la plus saillante du passage insensible d’un agenbsp;vers un autre, passage qu’elle opère a l’aide de changements
incessainment renouvelés. Les progrès de cette renovation, d’a-bord si lents qu’il est difficile de les entrevoir, deviennent cepen-dant saisissables, si l’on s’attacbe ii certaines categories de plantes cn particulier.
Nous avons vu précédemment que les rares représentants des genres demeurés européens et caractéristiques de notre zone,nbsp;aune, bouleau, charme, orme, peuplier, érable, étaient encore, a la fm de l’éocène, relégués dans des stations situées anbsp;l’écart, probablement sur des montagnes, dont l’altitude justi-fiait leur présence. Ces mêmes genres continuent a être peunbsp;fréquents dans Ie cours de l’oligocène; ils Ie sont déja plusnbsp;cependant, et il est rare que chaque localité tongrienne n’ennbsp;réunisse pas quelques-uns, et quelquefois ne les coinprennenbsp;tous, lorsqu’elle est riche ct suffisamment explorée. En prenant
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les localités provenfales dans l’ordre de leur ancienneté relative, nous observons effectivement les faits suivants (fig. 66) ;
Gargas, dont l’horizon est un peu plus récent que celui des gypses d’Aix, n’a fourni jusqu’a présent les vestiges d’aucun denbsp;ces genres, en dehors du seul Querciis cimeifoha Sap. (voy.nbsp;fig. S8), espèce a feuilles coriaces et paucilobées, qui semble
devoir être rattachée au groupe américain des Erythrobalanus. Au bord du petit lac de Saint-Zacharic, un peu plus récent parnbsp;son age que Gargas, on a recueilli au contraire les traces d’unnbsp;aune [Alnus prisca. Sap.), d’un bouleau [Betida iilmacea, Sap.),nbsp;d’un Ostrya [O. tenerrima, Sap.), d’un charme [Carpinus cus-jndata, Sap.), d’un orme {Ulmtts pj'imxva. Sap.), d’un érablenbsp;(Acer primseviim, Sap.), presquc tons accornpagnés de leursnbsp;fruits, bien que leurs empreinles, sauf en ce qui concerne l’é-rable, soient extrêmement rares. A Saint-Jean de Garguier,nbsp;localité peut-être un peu plus récente que celle de Saint-Zacharie, les bouleaux, charmes, érables, reparaissent avecnbsp;une fréquence relative qui, rapprochée du nombre restreintnbsp;des espèces recueillies, ne laisse pas que de maCquer un progrès
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LES PERIODES VEGÉTALES
constant. Ce progrès nous est enfin révélé avec certitude par Armissan, dont la flore se rapporte visiblement a une grandenbsp;forêt, établie, a portee d’un lac aux eaux liinpides et profondes,nbsp;sur Ie sol secondaire de la Clape, massif situé entre Armissannbsp;et la mer, a Test de Narbonne.
La forêt d’Armissan est a l’oligocène ce que la flore des gypses d’Aix est a l’éocène supérieur, un terme extréme, un point opé-rant la soudure entre deux périodes. La plupart des espèces quinbsp;caractérisent l’aquitanien se montrent a Armissan, mais ellesnbsp;sont encore associées aux formes caractéristiques de l’oligocène,nbsp;particulièrement au Comptonia dryandriefolia. Dans cette forêt,nbsp;on dominaient de puissantes laurinées, des juglandées du typenbsp;des Engelhardtia, des anacardiacées, des houx, des Aralia desnbsp;dalbergiées, des sophorées, des mimosées, on rencontrait éga-lement des bordeaux de plus d’une espèce, des peupliers etnbsp;des érables, remarquables par l’ampleur de leurs feuilles ;nbsp;enfin des ormes, et probablement des chataigniers. Dans l’oli-gocène également, a Bonzon d’une part, et de l’autre a Armis-
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San, on constate pouc la première fois l’existence d’« espèces » demeurées depuis indigenes dans Ie midi de l’Europe, et ayantnbsp;par conséquent conservé sans allération les caractères qui les
distinguaient des ce moment. C’est ainsi que . Ie professeur Marion a signalé a Ronzon (Haute-Loire) des folioles de len-tisque {Pistacia lentiscus, L.), et que des vestiges du térébinthe,nbsp;représenté par une forme actuellement spontanee a Constantinople, comprenant des feuilles et une tige encore garnie d unenbsp;grappe de fruits, ont été recueillis, a 1’état d’empreintes, dansnbsp;la localité voisine de Narbonne, toujours a Armissan.
On voit done se dessiner peu a pen les linéaments de l’état de choses qui a depuis prévalu. Les eaux de l’époque a laquellenbsp;nous ramène Ia consideration de l’oligocène n’étaienl pas moinsnbsp;favorisées que leurs rives et les régions occupées par les accidents montagneux : une foule de plantes se pressaient dans leurnbsp;sein, flottaient au milieu d’elles ou s'épanouissaient a leur surface. L’étude détaillée de ces plantes serait pleine d’attrait, maisnbsp;elle nous entrainerait trop loin; nous nous contenterons denbsp;tracer une esquisse des traits de physionoraie des plus saillantcsnbsp;d’entre elles.
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Nous laisserons done les roseaux, les cypéracées [Carex et Cype-ms), les massettes ou typhacées, les potamots, qui envahis-^ nbsp;nbsp;nbsp;saient alors, comme aujourd’hiii, les
'i.
fu
eaux dormantes ou animéesd’un fai-ble mouvement; mais nous ne sau-rions passer sous silence un type des plus singuliers, déja ancien a l’agenbsp;oligocène, puisqu’on en trouve anté-rieurement des traces dansles lits flu-vio-lacustres de la craie supérieurenbsp;du bassin de Fuveau, ainsique dans
Fig. 69. — Type de plante palustre oligocène, aujourd’hui éteint. (Ré-duit k 1/10 de grandeur naturelle).
Rhizocaulon polystachium, Sap. (Saint-Zacliarie).
les gypses d'Aix cux-mèmes. Ce type est celui des lihizocaidées, plantes palustres (lig. 69), dont la multiplication Ie long des
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iiords de ia plupart des lacs et des lag-unes oligocènes de Provence, marque la place dans notre étude. Ces plantes out laissé partout dans Ie midi de la France des vestiges de leurs tiges, denbsp;leurs feuilles et de leürs radicules éparses; mais cc qui a sur-tout permis de les reconstituer et de leur assigner une placenbsp;non loin des restiacées et des rhizocaulées, groupes aujourd’huinbsp;exotiques, a Fexception d’une espèce unique perdue dans lesnbsp;marais de l’lrlande, c’est, d’une part, l’observation de leurs inflorescences disposées en épillets (fig. 71) paniculés, formes d’é-cailles scarieuses étroitement imbriquées, et, de l'autre. cettenbsp;particularité curieuse, que des touffes entières de ces plantes,nbsp;encore debout ou renversées au fond des eaux, ont été convertiesnbsp;en une masse siliceuse qui conserve l’organisation merveilleuse-inent intacte des parties internes, visible sous Ie microscope.
Les llhizocaulon, genre dont la découverte première est due a M. Brongniart, croissaient dans des eaux pen profondes, enra-cinant dansla vase leurs tiges indéfiniment inultipliées. Ils for-maient, Ie long des anciens rivages, de vastes colonies d’indivi-dus presses, s’élevant de plusieurs metres au-dessus des eaux.nbsp;Leurs tiges, résistantes a la surface, mais remplies a l’intérieurnbsp;d’une moelle lache, trop hautespour leur fermeté relative, tou-jours assez faible, chargées de larges feuilles rubannées et éri-gées, ou des lambeaux déchirés de ces mêmes feuilles, avaientnbsp;la faculté d’émettre, Ie long des entre-nceuds, une foule de radicules adventives et aériennes qui descendaient de toutes parts, senbsp;frayant un passage a travers les résidus desséchés, pour gagnernbsp;Ie fond des eaux; ces radicules, par leur disposition, constituaientnbsp;done autant de supports a la tige qu’elles accompagnaienL anbsp;1’exemple de ce qui a lieu chez les Pandanus; elles n’avaientnbsp;pourtant qu’une durée limitée, et, au bout d’un certain temps,nbsp;elles se détacliaient en laissant une cicatrice sur Ie point d’oünbsp;elles avaient émergé ; mais elles ne quiltaient la plante que pournbsp;être incessamment remplacées par des radicules nouvelles quinbsp;Se succédaient jusqu’a ce que la tige eut achevé Ie cycle entiernbsp;de ses fonctions, en atteignant sa taille défiuitive. Ëlle fleurissait
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alois, en éinettant a son extrémité supérieure une panicule ra-meuse (voy. la figure 71, 2), dont les derniers pédicelles suppor-taient unou deuxépillets. C’estl’ensemble d’imeplante de Rhizo-caidon, reconstituée a l’aide de l’étude de ses diverses parties,
Fig. 71. — Détails principaux du Wiizocaulon poltjsfachium, Sap.
I. Fragment de tige dépouillée de feuilles, avec les cicatrices des radicules tombéos. — 2. Portion d’une panicule chargée d’épis; V, épillet grossi pour montrer la formenbsp;des écailles dont il était compose. — 3. Lambeau de feuille perforé sur trois pointsnbsp;par suite du passage des radicules. — 4. Portion d’une radicule.
que représente notre figure 70 ; mais pour reproduire l’aspect de ees hótes, depuis si longtemps disparus, de nos lacs méridio-naux, il faut encore multiplier par la pensee les tiges et lesnbsp;individus; il faut évoquer leur foule pressée, changée en unenbsp;masse immense de verdure, a la fois élégante et monotone, cou-vrant les abords des plages submergées, si fréquentes auprès desnbsp;lacs de cette époque. Peut-être même ces plantes, comme ilnbsp;arrivé encore de nos jours, sur la lisière des lacs africains, pournbsp;d autres végétaux auxquels est dévolu un róle semblable, atten-daient-elles de longs mois, leurs radicules aériennes a moitiénbsp;détruites, leurs rhizomes enfoncés dans la vase desséchée etnbsp;fendillée, sous un soleil ardent, avant que la saison des pluiesnbsp;vint ramener, avec l’eau des bas-fonds, l’élément nécessaire anbsp;l’activité de leurs fonctions momentanément suspendues. Ce quinbsp;est certain, c’est que les rhizocaulées ont peu survécu a 1’oligo-
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cène; on n’en découvre plus que de faibles et rares vesliges dans l’age suivant, et la période falunienne les vit disparaitre anbsp;jamais, en raême temps que les circonstances qui avaient jusque-la motive et favorisé leur presence. Cette presence était du restenbsp;peut-être restreinte a certains points déterminés. II est surpre-nanten effet d’observer qu’en dehors de la France méridionale,nbsp;oü elles abondent depuis Ia craie jusqu’a l’aquitanien, les rhizo-caulées n’aient encore été signalées nulle autre part.
Mais les plantes souveraines des eaux tranquilles étaient alors, comme de nos jours, dans des proportions, il est vrai, inconnuesnbsp;maintenant a notre zone, les nymphéacées ou nenuphars. C’estnbsp;en Egypte, en Nubie, dans les eaux de la Sénégambie, au fondnbsp;des savanes noyées de la Guyane ou Ie long des lagunes de Eindenbsp;OU de la Chine qu’il faut aller chercher des exemples, encorenbsp;affaiblis, de ce qu’étaient en Europe les lis des eaux, dans l’agenbsp;que nous décrivons.
Non seulement leiVefenïtó/m ffMc/«n,Ett., de Monte Promina et les fragments de rhizomes, observés par M. Heer dans File denbsp;Wight, attestent 1’existence de néliunbos européens oligocènes;nbsp;non seulement les Nymphaia proprement dits {Nymphsea par-vida, Sap.,iV. Charpentieri, Hr.) dénotent des plantes doubles aunbsp;moins de celles de notre N. alba; mais il existait de plus, dansnbsp;EEurope d’alors, des genres ou sections de genre, actuellementnbsp;éteints, dont nous ne pouvons, en effet, apprécier que trés im-parfaitement les caractères, mais qui pourtant s’écartent asseznbsp;des espèces vivantes pour autoriser la croyance que leurs fleursnbsp;nous réserveraient des surprises et exciteraient notre admiration,nbsp;s’il nous était donné de les contempler.
Le premier de ces types tertiaires a un représentant dans les gypses d’Aix [Nymphsea gypsorum, Sap.), un autre a Saint-Za-charie [N. polyrhiza, Sap.); un troisième, a ce qu’il semble, dansnbsp;Eaquitanien de Manosque [N. calophylla, Sap.); un fragment donbsp;ses fruits, accoinpagné de lambeaux de pétales, recueilli a Saint-Zacharie, dénote chez lui Eexistence de fleurs doubles au moinsnbsp;de celles de notre Nymphma indigene, et construites sur un plan
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assez différent; mais les plus beaux échantillons de ce type ont été dëcouverts par M. Lombard-Duims, de Soinmières (Gard),nbsp;non loin d’Alais. Ce sont des feuilles d’une conservation admirable (fig. 72), qui paraissent se reporter a line espèce distincte,
Fig. — NijmphcVa Diwiasii, Sap. : environs d’Alais (Gard). (1/4 gr. nat.)
bien que voisine des précédentes. Ces feuilles, largement orbi-culaires, entières sur les bords et lëgèrement ondulées a la peripheric, étalaient a la surface, des eaux un disque fendu jusqu’au centre, du cóté de la base, et parcouru par des nervures rayon-nantes très-nombreuses, divisées dans leur partie supérieure ennbsp;rameaux dichotomes élancés, relies entre eux par quelques anastomoses. L’aspect des feuilles et ce que bon connait des fleurs,nbsp;des fruits et des graines de ces nympbéacèes semblent annoncernbsp;qu^olles formaient un groupe assez peu distant des Nymphxanbsp;actuels, dont elles se séparaient plutót par des particularités denbsp;structure organique que par ia physio nomie extérieure. Le secondnbsp;type, dont nous avons formé un genre souslenomd’Anceciowm'anbsp;(tig. 73), s’écarte beaucoup plus des nénuphars vivants, non par
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l‘!s Icuilles, mais par l’aspect de ses rhizomes, et siirtout par la structure singuliere de son fruit, dont les stigmates n’étaient pasnbsp;Adherents a la surface du disque, et dont les parois, au lieu de
s ouvrir au moyen de fentes irrégulières, comme font ceux des ^ymphaia, se divisaient a la maturité en compartiments transversa-lement allongés, correspondant aux bases d’insertion des pétales
disposés dans Ie mème ordre que ceux-ci. Ce genre, dont les •leursont dü être grandes et helles, aen juger par certains débris,nbsp;l'iisait Cornement Ie plus merveilleux des eaux limpides etnbsp;^'Almes des bassins lacustres d’Armissan et de Saint-Jcan denbsp;^’Arguier.
La première de ces deux localités nous amène. a travers plu-s’aurs échelons, jusque sur Ie seuil d’une nouvelle période, la plus briilante et la mieux explorée de celles qui divisent lesnbsp;l^^ciups tcrtiaires.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
PERIODE MIOCENE.
Avec la période miocène, nous touchons a la partie la moinsin-connue de l’époque tertiaire, a celle dontles animaiix, les plantes, les paysages, la configuration géographique peuvent être décritsnbsp;de la faconlaplus exacte et la plus precise. Les liniites mêmesnbsp;de la période sont cependant flottantes; les commencements ontnbsp;quelque chose d’incertain, la terminaison échappe. Nous con-naissons en gros la suite des événements et leurs conséquencesnbsp;immédiates ; nous ignorons en grande partie les causes qui leurnbsp;donnèrent lieu, et la fafon brusque ou lente, gouvernée par desnbsp;phénomènes décisifs ou accompagnée d’oscillations répétées, axecnbsp;laquelle ils s’accomplirent. Au lieu de courir après les hypotheses, Ie mieux est de s’en tenir aux points les plus saillants etnbsp;de tacher de les hien définir.
Si l’on termine, comme nous Taxons fait, la période oligocène avec Ie retrait de la mer tongrienne, cette mer qui, d’une part,nbsp;s’avangait Ie long du Rhin jiisqu’au fond de TAlsace et, d’autrenbsp;part, formait prés de Paris un golfe, au fond duquel se déposè-rent les gres de Fontainebleau, il faut convenir que Ie trait Ienbsp;plus accentué de lapériodesuivante, celle que nous allons consi-dérer, consiste dansun retour de TOcéan au sein de notre continent, retour offensif qui Ie submerge partiellement de nouveau.nbsp;Les tlots marins traversent alors TEurope en écharpe,du sud-ouestnbsp;au nord-est et a Test; ils la découpent de part en part dans cettenbsp;direction, tandis que, dans une direction opposée, la mer desnbsp;faliins, contemporaine de la mer mollassique, occupe de grandsnbsp;espaces dans toutl’ouest de la France, et pénètre hien avantdansnbsp;les terres, par les vallées de la Garonne, de la Charente et de lanbsp;Loire. Mais il est facile de constater que eet envahissement nenbsp;SLiccéda pas immédiatement au retrait de la mer tongrienne.
PI. X et XL
EUROPE
a l’époqxLe de la mer nummulitiq\Le
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DE L’ÉPOQUE tertiaire; — MIOCÈNE.
Unintervalle très-appréciable, rempli par des formations inter-calaires, sépare constammenl les deux niveaux, et oblige de croire a l’existence d’une période de jonction plus ou moins pro-longée, pendant la durée de laquelle la mer tongrienne s’étaitnbsp;déja retirée, tandis que celle de la mollasse ne s’était pas encorenbsp;avancée.
Dans Ie bassin de Paris, c’est Ie calcaire de Beaiice. qui repose sur Ie grès de Fontainebleau et qui, par sa position très-nette et Ienbsp;caractère tranché de ses fossiles, constitue un horizon que Ponnbsp;retrouve sur une foule de points, dans Ie centre et l’ouest de lanbsp;France, dans FAuvergne, l’Allier, leCantal, Ie canton de Vaud,nbsp;dans lavallée du Rhone, la Ligurie, etc.; sur d’autres points,nbsp;spécialement aux environs de Bordeaux (/«/«n de Bazas), dansnbsp;les Basses-Alpes (Barrème) et sur les cótes de Provence (Carry),nbsp;ce sont des dépots complexes, soitmarins, soit fluvio-marins ounbsp;saumatres, dont Ie classement embarrasse les observateurs, maisnbsp;qui marquent cependant les progrès et les étapes de la mer re-commeufant a s’étendre; Fambiguité même de ces dépots lesnbsp;range avec vraisemblance a la base des formations miocènesnbsp;proprement dites.
Dans Ie midi de la France, les couches lacustres que les géolo-gues s’accordent a désigner comme Féquivalent d’eau douce des dépots oligocènes inarins sont partout surmontées par des litsnbsp;également lacustres, nécessairement plus modernes ; sur les-quels s’appuie la grande formation mollassique et qui datentnbsp;par conséquent d’un age antérieur a Farrivée de la mergénéra-trice de cette formation.
L’ordre successif que nous venons d’exposer n’est contesté par aucun géologue, mais il ne saurait avoir aux yeux des statigraphesnbsp;d’autre importance que celle du fait; tandis que, pour celui quinbsp;cherche a tracer Fhistoire de la végétation, ce fait se rattache anbsp;tout un ensemble de phénomènes qui influèrent visiblement surnbsp;la flore européenne, en accélérant Ie mouvement dont nous avonsnbsp;signaléle début etquitendit de plus en plus a devenir complet.
11 est difficile d’admettre que Finvasion de la mer mollassique
DE SaPORTA.
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jusqii’aii centre de l’Eiirope et dans des regions, comme la lisière septentrionale des Alpes, que Télément marin ayait délais-sées depuisle dessèchement diillysch, n’ait pas été précédée oiinbsp;1'avoriséedanssamarche par des mouvements du sol, des ruptures,nbsp;des plissements et des affaissemcnts de nature a modifier Ie relief,nbsp;la direction des yallées et l’orographie européenne tout enlière.nbsp;Les Alpes commencèrent alors peut-être a accentuer leur saillie,nbsp;et les yallées que parcourent la plupart de nos grands fleuyes, lanbsp;Loire, la Garonne, Ie Rhone, Ie Pó et Ie Danube, deyinreutnbsp;des golfes et des bras, s’afl’aissant pour seryirde cuyetteaux eauxnbsp;salées; mais, s’il est yraique d’aussiremarquables changements nenbsp;se confoiyent pas sans réyolutions physiques, il faut bien ayouernbsp;que la yégétation d’alors n’en subit qu’ii peine Ie contre-coup indirect ;iln’est pas démontréeffectiyementqu’clle en ait étéatteintenbsp;ni troublée immédiatementdans ses elements constitutifs. Rien denbsp;plus calme, de plus une a ce dernier point de yue, et de moinsnbsp;susceptible de se prêter a des subdiyisions trancliées, que lanbsp;période qui court du retrait de la mer tongrienne a la fin de lanbsp;mer mollassique proprement dite, et comme cette fin n’eul riennbsp;de brusuue, comme ce fut a 1’aide d’une série de retraits partielsnbsp;et d’oscillations graduelles que la mer de mollasse disparut elle-même, nous yerrons également la yégétation qui couyrait sesnbsp;riyages, non pasdisparaitrc subitement, mais diminuer peuapeunbsp;de force, de yariété et de beauté, perdre insensiblement les ca-ractères et les cléments empruntés au tropique, qu’elle possédanbsp;longtemps, et revêtir a la longue une autre physionomie,nbsp;jusqu’au moment ou elle donna a lafinnaissance,aforced’ap-pauvrissement et de changements partiels, a la yégétation européenne actuelle.
On Ie Yoit : en dépit des mouyements du sol plus ou moins yiolents et étendus, qui coïncidèrent ayec l’inyasion mollassique, il est également difficile de ne pas considérer l’intervalle quinbsp;sépare l’oligocène du moment précis oü s’effectua l’immer-sion, comme un temps de profonde tranquillité, essentiellementnbsp;fayorable au déyeloppement des plantos par la prédominance
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d’iin cliraat cloux et tiède, pendant lequel des lacs étendus, grace a la configuration du sol, a sa pente pen rapide, a Tassiette desnbsp;vallées construites de raanièrea retenirles eaux, s’établirent surnbsp;une foule de points. Souvent aussi ces lacs eurent leurs bords etnbsp;line partie de leur périmètre envabis par une végétation puissante,nbsp;sous l’empire de conditions propres a la production des lignites.
Nous diviserons, d’après ces données, en deux sections, la grande période miocène; la première ou sous-période aquitanienncnbsp;a refu son nom du falun de Bazas, prés de Bordeaux, type de terrain qui représente Ie mieux eet horizon ; elle commence avec Ienbsp;relrait de la mer tongrienne, et se termine a l’invasion de la mernbsp;Diollassique. La seconde ou sous-période mollassique correspondnbsp;aux temps qui suiyirent cette invasion, et coincide avec la duréenbsp;dc celle-ci. Plus tard.la mer de mollasse, loin de se relirer brus-quement, comme avaitfait celle du tongrien, affecta, sans doutenbsp;par Veffet du relief croissant des Alpes, une marebe pour ainsinbsp;dire inverse ; elle s’éloigna par étapes successives du centre denbsp;1’Europe et, persistant plus ou moins vers les extrémités de cenbsp;continent, elle fit place a une nouvelle mer, peuplée d’une faunenbsp;différente, ayant des limites particulières, et donnant lieu a desnbsp;dépots distincts des précédents. C’est a ces lits plus récents, aux-quels on a appliqué Ie nom de couches a congeries ou de formation mio-pliocène que s’arrête la sous-période mollassique,nbsp;pour céder Ie terrain a la période suivante ou pliocene, la der-nière de celles entre lesquelles se partagent les temps tertiaires ;nbsp;non pas qu’il y ait lieu de les distinguer a 1’aide de divergencesnbsp;bien accentuées au point de vue de la végétation, mais par lanbsp;raison qu’une délimitation étant nécessaire, il existe des motifsnbsp;plausibles de l’établir comme nous Ie proposons, et que tout autrenbsp;sectionnement aurait plus d’inconvénient que d’avantage, sur-buit en considérant la flore, qui seule doit nous préoccuper ici.
* Sous-période aquitanienne.
La mer tongrienne ou oligocène, dont Ie retrait inaugure cette sous-période, bien moins ctendue que celle dc la mollasse, avait
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été, pour ainsi dire en tout, Ie contre-pied de ce que devait ètre cette dernière. Venue du nord etdel’ouest, au lieu d’arriver parnbsp;Ie sud et par Test, elle avait projetédans la direction de la valléenbsp;du Rhin, jusqu’au pied du Jura, son fiord principal. C’est par lenbsp;nord aussi quelle dut opérer son retrait; restreinte dans ses ii-mites, peu avancee dans les terres du sud de I’Europe, éloignée,nbsp;a ce qu’il semble, de la vallée du Rhone proprement dite, les oscillations auxquelles elle dut sa naissance et son extension, et quinbsp;plus tard accompagnèrentsans doute son départ, se firenttres-peunbsp;sentir dans cette dernière region oil Ton voit les lacs de la période précédente continuer tranquillement leurs dépots et demeu-rer circonscrits dans les mêmes limites qu’auparavant. Seulementnbsp;la tendance de ces lacs a diminuer de profondeur, a se laisser en-vahir par une végétation de plantes aquatiques, et a recevoirnbsp;leurs débris accuraulés peut ètre aisément constatée; de la sansnbsp;doute la présence des lignites si fréquents et quelquefois si pnis-sants sur I’horizon de l’aquitanien. Les principales localités d’oünbsp;nous sont venues des plantes aquitaniennes, et qui comprennentnbsp;aussi des lignites exploités, sont celles de Manosque en Provence,nbsp;de Cadibona en Piémont, de Thorens en Savoie, de Ia Paudèzenbsp;et de Monod dans Ic canton de Vaud, de Bovey-Tracey dans Ienbsp;Devonshire, de Coumi en Grèce (Eubée); il faut joindre a cettenbsp;énumération les lignites de la region de Pambre ou région bal-tique, ceux des environs de Bonn, et enfin le dépot de Radobojnbsp;en Croatie; cette liste déja longue pourrait ètre aisément grossienbsp;d’une foule de points secondaires. Le niveau sur lequel se placentnbsp;toutes ces localités est sensibleinent le même d’un bout de l’Eu-rope a l’autre, sur une étendue en latitude de plus de 15 degrés,nbsp;et dans tont eet espace la flore contemporaine présente une sinbsp;notable proportion d’elements communs qu’il en ressort invin-ciblementla notion d’une égalité, sinon absolue, du moins très-sensible dans les conditions de climat et de température qui pré-sidèrent a son développement.
Voici d’abord une indication des principaux types et des formes les plus caractéristiques de la flore aquitanienne; je revien-
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drai ensuite sur leur distribution g-eograiibique, avant de passer a la description des localités les plus intéressantes, considéréesnbsp;séparément, de manière a ofl'rir Ie tableau approximatif desnbsp;paysages du temps.
Les fougères montrent par leur fréquence et l’ampleur rela-ÜYe de leurs frondes I’influence dbm sol et d’un climat humides, influence qui a cessé de s’accroitre depuis la dernière période.
Une très-belle osmonde, Osmimda lignitum (Gieb.), Ung., dominait alors dans les lieux inondés et sur Ie bord des lagunes.nbsp;La figure 74, 1 donne une idee de son aspect, tont en ne représentant qu’une faible portion de sa fronde. Longtemps désignéenbsp;sous dhers noms, elle n’a été rejointe que tont dernièrement aunbsp;groupe des osmondes. Elle s’écarte beaucoup du type indigenenbsp;de notre O. regalis, qui fait l’ornement des ruisseaux ombreux etnbsp;des sols sablonneux, baignés par des eaux claires et dormantes.nbsp;L’0. lignitum retrace la forme d’une espèce propre aux régionsnbsp;boisées de l’Asie sud-orientale, et que l’on rencontre a Ceylan,nbsp;aux Philippines, a Java et dans la Chine méridionale. C’est l’O.nbsp;presliana, J. Sm. (Milde, Monogr. gen. osmimdse, p. 118; Ple-nasium aiireum, Presl.). L’espèce fossile et l’espèce actuelle senbsp;ressemblent tellement, qu’on serait tenté de les confondre. Ennbsp;tous cas, il s'agit bien réellement d’une osmonde ayant joué Ienbsp;même role , et reproduisant fidèlement l’aspect d’une plantenbsp;confinée maintenant dans les parties les plus chaudes de l’Asienbsp;austro-orientale. On peut dire que Pon est amené a de sembla-bles conclusions par la présence des Lygodium, fougères grim-jiantes de la zone subéquatoriale, qui continuent a se montrernbsp;dans l’aquitanien (lig. 74, 3); leurs tiges flexibles et délicatesnbsp;s’enroulent autour des arbustes et s’attachent aux troncs mous-seux, sous l’ombre épaisse des grands arbres. Les deux espècesnbsp;les plus septentrionales du groupe se rencontrent maintenant,nbsp;l’une en Floride, l’autre au Japon. Dans l’espace intermédiaire,nbsp;il faut descendre jusqu’a la latitude des iles du Cap-Vert, denbsp;1’Abyssinie el de Pinde anglaise pour rencontrer des Lygodium.
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Le Lygodium aquitanien Ie plus répandu, L. Gaudini^ Hr., retrace pliitot l’aspect de l’espèce américaine actuelle. La mêmo impression résulte encore de la considération du type des Lastrseanbsp;OU Goniopteris, si répandu a cette époque et dont le L. stynaca,
1. Osmunda lignitiini (Giob.), Ung. — 2. Lastrxa (Goniopteris) styriaca, Ung. — 3. lygodium Gaudini, Hr.
Ung. (fig. 74, 2), le plus connu de tous, peut servir a faire con-naitre l’aspect. Cette cspèce annonce une fougère de grande taille, peut-être mème arborescente, et qui pourrait bien avoirnbsp;fait partie de la tribu des cyathées. Les nomhvenx Aspidium quinbsp;se groupent autour des Goniopleris ont la mème signification. —
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Nous ne pouvons nous empêcher de signaler en dernier lieuun très-beau Chrysodium, genre d'acrostichées dont une espèce encorenbsp;inédite, recuéillie aux enyirons de Manosque, se rattache directe-ment aux formes les plus netteraent tropicales. Les Chrysodium
Fig. 75. — Principaux palmiers aquitaniens restaurés d'après leurs frondes.
I. Flabellaria runimiana. Hr. — 2. Sahal major, üng. — 3. Phoinicites specta-
bilis, üng.
sont des fougères aquatiqucs qui peuvcnt, selon M. Fée, attein-dre jusqu’a 3 metres de hauteur, et qui vivent a moitié plongées dans l’eau, a la manière des Typha ou massettes.
Les palmiers (voyez la figure 75) sont en grande partie ceux de la période précédente; leur extension en Europe n’a pas encore diminué; on peut dire pourtant que leur frequence estdéjanbsp;moindre ; ils comraencent a s’éloigner du bord des eaux, de lanbsp;ceinture immediate des lacs et du fond des vallées intérieures,nbsp;oü d’autres arbrcs, d’im aspect moins meridional, a feuillage
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touffu, et même des essences a feuitles cadiiques s’introduisent et se multiplient. Les palmiers européens de cette époque recher-chent de préférence les stations chaudes et abritées; ils ne sontnbsp;précisément exclus d’aucun endroit; seulement il est bien desnbsp;points oü ils deviennent rares, leur existence ne s’y trahit quenbsp;par quelques debris fort clair-semés. Cette longue exode desnbsp;palmiers européens s’acbèvera beaucoup plus tard; elle débutenbsp;a peine maintenant par leur cantonnement sur des points dé-terminés, qui répond a leur élimination partielle sur d’autres;nbsp;Ie climat conserve sa cbaleur, mais il devient graduelleinentnbsp;plus humide et plus tempéré.
Aux sabals, déja mentionnés, et dont Ie Sabal major, Ung., est toujours Ie type, viennent se joindre des Flabellaria {Fl. rii-miniana, Hr., Fl. latiloha. Hr.); auprès d’eux lesPhoenicites specta-bilis, Ung. et Palavicini,E. Sism., ce dernier de Cadibona, re-présentent Ie type de nos dattiers. D’autres espèces rencontréesnbsp;fa et la sur Ie même horizon paraissent avoir appartenu soit auxnbsp;Chammrops (Ch. Helvetica, Hr.), soit au groupe des Géonoméesnbsp;(Geonoma Steigeri, \{r.,Manicariafnrmosa, Hr.), soit a celui desnbsp;calamées ou palmiers-rotangnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Sp., Palseospathe dse-
monorops, Hr.).
Les croquis figurés ci-contre (fig. 75 et 76) reproduisent l’as-pect et Ie port approximatif des principaux palmiers aquita-niens; ils sont empruntés en partie au bel ouvrage de JVl. Heer sur la Suisse primitive, en partie a la flore tertiaire de Piémontnbsp;de Sismonda.
Les conifères, d’un effet si puissant dans Ie paysage, sont toujours celles dont nous avons signalé Pintroduction dans l’oligo-cène. Seulement, Xbs Sequoia et, parmi eux, les S. Couttsise, Hr., Toumalii,'S9.\\.eiLangsdorfii, Hr.,tendenta,prédominer. Ils’yjointnbsp;Ie Glyptostrobiis europxus. Hr. (fig. 77) et Ie Taxodium distichumnbsp;miocenicum : Ie premier de ces deux types, sous une appa-rence a peine changée, habile maintenant la Chine; Ie secondnbsp;se retrouve dans les Etats-Unis et Ie Mexique. Quant aux Sequoia,nbsp;on sait que les deux seules espèces de ce genre, que la nature
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actuelle ait conservées, sont confinées sur les pentes fraiches et exposées aux averses du Pacifique des montagnes californiennes.nbsp;Le S. Sternhergil. que nous axons signalé comme caractérisantnbsp;l’oligocène, devient par contre de plus en plus rare et disparait
finalement sans laisser de descendance. Les pins sont bien moins cornrnuns dans l’aquitanien que dans Lage précédent; il en estnbsp;de même des Callitris et des Widdringtonia; ils se montrentnbsp;moins fréquemment et sont absents ou du moins exceptionnelsnbsp;dans certaines régions, comme la Suisse. Ces types, dépossédésnbsp;peuapeu, fmirent par quitter l’Europe; c’est en Afrique seule-ment qu’on les observe de nos jours.
En revanche, certains groupes, pauvres et clair-semés jus-
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qu’alors, fayorisés sans doute par la douceur et I’liumidite crois-santes du cliraat, par la multiplication des stations 1'raiches et l’extension des nappes lacustres, sortent maintenant de l’obscu-rité, soit qu’ils arrivent des environs du póle, soit qu’ils descendent des montagnes, ils viennent occuper, au sein de la végéta-tion, une place dont Timportance est destinée a grandir, a raisonnbsp;même du progrès constant des circonstances auxquelles cettenbsp;importance est due en premier lieu. Je nommerai surtout lesnbsp;aunes et les bouleaux, les charmes et les bêtres, les peupliers etnbsp;les saules,les Irenes et les érables, c’cst-a-dire toutun ensemblenbsp;de types a feuillcs caduques, indices de I’inlluence d’une saisonnbsp;froide ou du moins fraiche relativement, et qui désormais tien-dront un-rang déterminé dans la tlore, sans y prédominer cepen-dant encore. Plusieurs de ces espèces ressemblent tellement anbsp;des formes actuellement vivantes, indigenes ou exotiques, qu’ilnbsp;est difficile de se refuser a admettre l’existence d’un lien de filiation rattachant celles-ci aux premières. Nous verrons bientótnbsp;les faits de ce genre se multiplier; il suffit d’en signaler maintenant les premiers exemples.
Le Fagits pristina, Sap., qui se montre a Manosque (fig. 78, o a 7), ne diffère pas ou presque pas du hètre actuel d’Amérique,nbsp;F. /erraymea, Michx. Le Carpmus Ungeri, Ett., de la même loca-lité, dont les involucres fructifères (fig. 78, 1 a 3) n’ont été ob-servés par nous que tout deruièrement, rappelle beaucoup aussinbsp;le charme de Virginie, C. Virginiana, Michx.
h’Alnussporadum, Ung., de Coumi (Eubée)(fig. 79), se confond presque avec l’A. siibcordata, C. A. Mey., dePAsie Mineure, toutnbsp;en manifestant de l’affinité avec PA. orientalis, Dne, de Syrië. Lanbsp;tlore de Manosque, de son cóté, comprend une forme A'Alnus,nbsp;alliée de très-près a la précédente, A. phocseensis, Sap. (fig. 79),nbsp;mais qui se rapprocherait plus de PA. orientalis que Paune cau-casien, A. siibcordata. Ce sont la des oscillations qui marquentnbsp;seulement Pexistence des vicissitudes innombrables qiront su-bies jadis les espèces en traversant les ages, pour arriver enfinnbsp;jusqu’a nous.
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L’érable miocène par excellence, VAcer trilobatum, qui commence alors a paraitre, a des liens évidents, selon M. Heer, avec l’H. ruhnim, L. d’Amérique, dont il est cependant séparé par denbsp;t'aiblesnuances différentiellcs, faciles a saisir.L’H. decipiens, Hr.,
Fig. 78. — Charmes et hêtres aquitaiiiens.
1-K Carpinus Ung-eriy EU. (Manosque). — 5-7. Fagus pristina^ Sap. (Manosque;.
V A.recognitiim, Sap., de Manosque (fig. 80), commencent au contraire une double série dont les termes enchainés viennent ¦aboutir a deux types d’érables encore aujourd’hui eiiropéens,nbsp;celui de VA. monspessulanum et celui de VA. opidifoliiim. H nenbsp;faudrait pas croire que la végétation europécnnc ent dès lorsnbsp;revêtu une pbysionomie analogue a celle qu’clle présente de
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nos jours, même dans les parties les plus australes du continent. En négligeant, si l’on vent, les détails et les exceptions, l’abon-dance senle des laurinées, la fréquence et la variété des inyri-cées, des diospyrées, des Andromeda du type des Leucothoe et
d’une foule de légumineuses arborescentes empêcbait cette vé-gétation de resseinbler, même au premier abord, a celle dont nous avons Ie spectacle sous les yeux. Les cbênes eux-mêmes,nbsp;ces végétaux qui contribuent si fortement a la composition et anbsp;la beauté des forêts de la zone tempérée actuelle, non-seiilementnbsp;ne semblent occnper encore qn’une place relativement subor-donnée, mais ils se trouvent représentés par des formes quenbsp;Toeil exercé du botaniste est seul capable de saisir comme ayantnbsp;appartenu a ce genre. La période aquitanienne marque cepen-dant Ie moment on les cbênes eux-mêmes commencent a prendre
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lessor, a se diversifier et a laisser paraitre les lineaments des traits morphologiques qui seryent plus particulièrement a les distin-guer de nos jours. En examinant Ie point de départ, nous verronsnbsp;plus tard se prononcer les phases de cette evolution dont la
marche, une fois inaugurée, ira toujours on s’accentuant et se compliquant.
Le groupe immense des chênes se partage actuellement en un certain nombre de sections, d’autant plus difficiles a définir quenbsp;les particularités qui les séparent se trouvent basées sur des ca-ractères d’une faible valeur intrinsèque, ou se réduisent même anbsp;de simples nuances, dont quelques-unes pourtant ont assez donbsp;tixité pour reparaitre dans une foute d’espèces etservir par conséquent a les grouper. La configuration des styles, la maturitcnbsp;annuelle ou bienne du fruit; l’apparence, la consistance et lenbsp;mode d’agencementdesécailles de la cupule; le somraet mutiquenbsp;OU mucronulé des lobes de la feuille, telles sont les principales
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de ces notes dilTérontielles, etl’on concjoit quc les espèces oules races qui témoignent par la similitude absolue de ces particu-larités organiques de leur étroite parenté, puissent être considé-rées comme sorties originairement d’une même souche, qui senbsp;serait ensuitc ramifiéea travers les siècles, en conservant intactsnbsp;les détails de structure que possédait en propre Ie prototype donlnbsp;elles seraient issues. Les sections actuelles les mieux défmiesnbsp;correspondraient ainsi a autant d’entités primitives ou races-souches dont les races modernes, décorées ou non du titre d’es-pèces, ne seraient réellement que des variétés ou formes dérivées.nbsp;Mais alors il devient évident que les caractères de section n’ontnbsp;acquis I’importance qui leur est maintenant dévolue, qu’a raisonnbsp;même des résultats d’iine descendance commune, grace a la-quelle ces caractères ont pu se maintenir définitivement cheznbsp;tous les rejetons de la souche qui les présentait originairement.nbsp;ChacLine de ces souches typiques a du nécessairement existernbsp;d’abord a 1 ’état de race et, dans ce premier état, on con^oit qu’ell onbsp;ait été associée a d’autres types semblables, mais chez lesquelsnbsp;les caractères, arrêtés postérieurement paries effets de l’héréditénbsp;et devenus plustard caractères desection, n’avaient encore acquisnbsp;ni la même importance ni la même fixité. On voit par la que sinbsp;quelques-unes de ces espèces primitives ont pu, en se dédoublant,nbsp;donnernaissanceauxprincipales sections actuelles,d’autres ont dünbsp;périr sans laisser de descendants, et d’autres enfin ont pu,au contraire, arriver jusqu’a nous en demeurant faibles, isolées, pour-vues de caractères variables ou ambigus, qui ne permettent denbsp;les ranger dans aucune des sections existantes; consequence desnbsp;plus naturell es, puisque ces espèces ambiguësdateraientd’un tempsnbsp;oules sections que nous connaissons n’étaientpas encore définitivement constituées. 11 s’ensuit encore que l’aspect des formes comprises dans ces mêmes sections a dü beaucoup varier; elles sontnbsp;allées en se compliquant et se diversifiant, par Ie fait même dunbsp;mouvement de ramification, au moyen duquel elles n’ont cessénbsp;de s’étendre et de se développer. Au contraire, les types isolés etnbsp;peu féconds, a raison même de ce défaut de plasticité, ont dü
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garder a peu prés intacts les traits de leur physionomie antérieure, soumise aux effets d’une yariabilité bien plus restreinte.
La marche quenous venons d’esquisser a du êtrecelle durègne végétal presquc eutier, dès que l’on admct les lois de l’évolution;
mais elle est surtout applicable au groupe des chênes, et c’est puur cela que ceu.x de la flore aquitanienne, qui se rattacbent anbsp;un tenips oü Ie genre lui-même commeufait a obéir a un mouvement d’expansion, ressemblent soita nos chênes verts qui tou-chent aux Cerris, d’une part, aux Le.pidobalanus, de Fautre; soitnbsp;au Quercus virens d’Amérique, type aujourd’hui très-isolé, quinbsp;se rapproche égalemeutdcs Lepidobalanus eides Erythrobalauus
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du groiipe des aqiiatica, par Tintermédiaire d’une race hybride fort CLirieuse, leQ. heterophylla, Michx. La figure 81 aidera mieuxnbsp;que Ie raisonnement a saisir Ie point de vue que nous avonsnbsp;cherché a établir.
Nous avons déja cité Ie Q. eloena, Ung. comme ressemblant au Q. phellos et au Q. virens, Ait.; il reparait dans l’aquitanien anbsp;Manosque, a Bonnieux et ailleurs. Les Quercus divionensis, Sap.
provectifolia, Sap. (fig. 81, 1) reproduisent Ie type des Q. im-bricaria eilaiirifolia d’Amérique ; il en est demême du Q. Lyelli. Hr., des lignites de Bovey-Tracey. Le Q.larguensis, Sap., de Manosque, présente des feuillesirrégulièrement lobées comme cellesnbsp;du Q. polymorpha, Cham. et Schl., du Mexique. Le Q. Biichii,nbsp;Web. (fig. 81, 2) ressemble évidemment au Q. heterophylla,nbsp;Michx. et au Q. aquatica, Micbx., espèces américaines dont lesnbsp;feuilles sont tantót caduques, tantót semi-persistantes. Enfin_, lenbsp;Q. mediterranea, Ung. (fig. 81, 5-9), de Coumi, retrace fidèle-ment les traits du Q. pseiidococcifera, Desf., race ambigue etnbsp;jusqu’a présent imparfaitement connue, qui se place entre lesnbsp;Q. ilex et coccifera, qu’elle sert a relier entre eux.
II existe encore a cette époque de nombreuses rhamnées, des juglandées, soit du type ordinaire, soit du type des Engelhardtianbsp;asiatiques,quelques pomacées comparables a notre buisson ardentnbsp;OU Mespilus pyracantha, L., et, parmi les légumineuses, des Cer-cis, des Calpiirnia, des casses, des césalpiniées, des Acacia. Nousnbsp;devons signaler, en terminant cette revue nécessairementincom-plète, une curieuse espèce de Gymnocladus que son fruit ouvertnbsp;en deux valves aplaties et d’une remarquable conservation rangenbsp;auprès du G. chinemis, Baill. (fig. 82), récemment signalé aux environs de Shang-Haï. Les Gymnocladus ne comprennent d’ail-leurs, dans la nature actuelle, .que les deux seuls G. chinensis etnbsp;caii'idensis, séparés par de grands espaces intermédiaires. Lesnbsp;types qui setrouvent dans cette situation ontgénéralement chancenbsp;d’etre rencontrés a l’état fossile; leur disjunction actuelle étantnbsp;un indice de leur ancienneté relative et de leur extension a unnbsp;moment donné des ages antérieurs.
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Si l’on rapproche la flore de Courni, localité aquitanienne siluée dans l’ile d’Eiibée, sous Ie 38' degré parallèle, des floresnbsp;également aquitaniennes de la region de l’ambre (S4° lat.), et de
Bovej-Tracey, dans Ie Devonshire (51quot; lat.), on est immédia-tement frappé des resseinblances qui relient les trois localités, et qui démontrent évideminent une très-grande uniformité denbsp;conditions climatériques pour TEurope entière, dans l’age dontnbsp;ces flores ont fait partie. Partout, les raêmes formes dominantesnbsp;et caractéristiques reparaissent; partout les masses végétales sontnbsp;accentuées de la menie facon, et Ie résultat ne changerait pas,nbsp;si Pon joignait aces dépots dispersés aux extrémités de 1’Europenbsp;celui de Manosque en Provence.
Les Sequoia, les Taxodium, les Glyptostrobus, parmi les coni-fères; les aunes des types orienlalis et subcordata, certaines myri-[Myrica banksiaefolia, Ung., M. hakesefolia, Ung.,71/. leevi-yata, Hr.); des laurinées, particulièrement des camphriers, des Andromeda dugroupe des Leucothoe persistent a se montrerpartoutnbsp;en première ligne et dominentévidemmentdans les divers ensem-
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LES PÉRIODES VÉGETALES.
bles. II serail pourtant inexact de croire que 1’influence de la latitude fut alors de nul effet. La région de 1’ambre, versies bords de laBaltique actuelle,estla plus septentrionale de toutes leslocalitésnbsp;aquitaniennes; les camphriers (fig. 83), qui maintenant ne végè-
tent en plein air que sur les points les plus abrités du littoral mé-diterranéen, y abondent, il est vrai; mais, d^autre part, on y remarque l’absence, jusqu’a présent absolue, des palmiers. 11nbsp;s’y montre seuleraent une plante a large feuille du groupe desnbsp;scitaininées, peut-être une zingibéracée; mais on y observe ennbsp;revanche de nombreux Smilax, des pins varies du type de nosnbsp;/flrfceo, une sorte de Nerium [Apocynophyllum elongatum, Hr.),nbsp;MyrsineelLeucothoe^ et enfin une rubiacée très-curieusenbsp;[Gardenia Wetzleri, llr,), reconnaissable a ses fruits et que l’onnbsp;voit reparaitre a Bovey-Tracey, ainsi que sur les bords du Rhinnbsp;(Bonn).
Les lignites de Bovey, dans Ie Devonshire, raarquent a peu pres
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la limite boreale des Palmiers, lors de l’aqiiitanien ; cette limite coïncidait avec Ie 52° degré lat. M. Heer asignalé dans cette mêmenbsp;localité des vestiges qu’il rapporte, sinon avec certitude, du moinsnbsp;avec probabilité a la spathe, hérissée d’épines a la surface, ounbsp;enveloppe protectrice de l’appareil fructificateur d’un palmiernbsp;de la section des calamées [Palmacites doemonorops, Hr.). II fautnbsp;de nos jours aller jusque dans l’Inde ou dans FAfrique inté-rieure pour rencontrer des palmiers-rotang a l’état spontané.
Le Sabal major se montre un peu plus au sud dans les lignites de Bonn, par 50°,45' de latitude. Ces lignites fournissent d’autresnbsp;exemples de plantes vraiment tropicales, entre autres les foliolesnbsp;d’un Mimosa ou sensitive, plusieurs Acacia^ une Araliacée auxnbsp;feuilles digitées, une dombeyée, etc. Par contre, a ces végétauxnbsp;se joignent des onnes, des érables, des frênes, mélange inévi-table a l’époque que nous considérons.
En continuant a descendre vers le sud, on rencontre, non loin de Dijon, les calcaires concrétionnés de Brognon, dont lesnbsp;bloes sont pétris de debris végétaux ; leur étude offre d’autantnbsp;plus d’intérêt qu’il s’agit, non pas d’une formation marécageusenbsp;comme celle des lignites, mais d’une collection de plantes ayantnbsp;servi d’entourage a des eaux limpides et jaillissantes. Un palmiernbsp;a très-larges frondes, le Flabellaria latiloba, signalé égalementnbsp;dans la mollasse rouge inférieure des environs de Lausanne, estnbsp;ici l’espèce dominante ; une belle fougère, LastrBa[Cyathea?)nbsp;Lucani, Sap., qui était peut-être arborescente, accompagne lenbsp;palmier; elle croissait au bord des eaux, non loin d’un groupenbsp;de chênes a feuilles saliciformes [Querciis provectifolia, Sap.,nbsp;Q. divionensis, Sap.), prés d’un figuier, d’un jujubier, d’unnbsp;laurier, et ces divers arbres se mariaient a un gainier [Gereisnbsp;Tournoneri, Sap., tig. 84), dont les feuilles ont été moulées ennbsp;grand nombre par la substance calcaire incrustante que les eauxnbsp;aquitaniennes, probablement thermales, tenaient en dissolution
Nous avons ainsi un tableau abrégé et partiel, saisi au coin d’un bois, une échappée de paysage auquel ne manque aucun
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trait essentiel et qu’anime Ie fracas des eaux se précipitant en flots écumeux.
La scène devient tont autre, si Ton consent a suivre Ie professeur Heer aux environs de Lausanne, et a lui demander l’esquisse denbsp;la contrée aquitanienne qui occupaitla place du canton de Vaud.
Fig. 84. — Gainier aquitanicn.
1-2. Gereis Tourmueri, Sap. ; Feuilles.
Rien de plus frais, de plus calnie, de plus opulent et de plus varié a la fois ne saurait se concevoir. Nousne pouvons mieux faire quenbsp;de répéter les détails et d’emprunter jusqu’aux expressions duesnbsp;a la plume du savant professeur de Zurich (1). — Un lac s’éten-dait alors des environs de Vevey a ceux de Lausanne. Sur sesnbsp;bords, on voyait se profiler les froudes en éventail des sabals etnbsp;des Flabellaria, et les longues palmes du Phoenicites. Plus loin,nbsp;les lauriers, les figuiers, les boux, certains chênes, mêlaient leurnbsp;feuillage ferme, lustre ou d'un vert sombre et mat, aux branchesnbsp;opulentes, déployées en masses profondes, des camphriers et desnbsp;canneliers. Les acacias aux rameaux tordus et aux fines foliolesnbsp;se détachent gracieusement sur Ie miroir des eaux ; des fougèresnbsp;grimpantes a la tige flexible et déliée, des salsepareilles entre-
(1) Voy. Ie Monde primitif de la Suisse. Trad. de Tallemand par Isaac Demole, 540. — Genève et Bale, lib, Georg., 1872.
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lacées aux rameaux des arbres dont elles étreignent Ie tronc; plus loin, des érables plantureux complètent Ie rideau que formenbsp;autour du lac une lisière continue de végétaux. A la surface denbsp;1’eau s’épanouissent les feuilles du l^ijmphsea Charpentieri, Hr.,nbsp;associé au Nelumbium Btichü. Les laiches a grandes feuilles, lesnbsp;souchets, de grands roseaux s’élèvent du sein des eaux, tandisnbsp;que dans Ie fond paraissent d’autres palmiers de formes diversesnbsp;et même une broméliacée épiphyte, plante a physionomie exo-tique, dont la présence n’exclut pas celle d’un grand noyer, d’unnbsp;aune et d’un nerprun, peu différents de ceux que nous avonsnbsp;sous les yeux. — M. Heer estime qu’il faudrait maintenant ré-trogarder de 15 degrés plus au sud pour avoir la possibiliténbsp;d’obtenir un ensemble pareil a celui dont les vestiges ont éténbsp;recueillis aux environs de Lausanne.
Manosque n’offre rien de plus meridional dans l’aspect. Les débris de végétaux que cette localité nous a conservés, consistentnbsp;principalement en feuilles et en fruits légers ou en semencesnbsp;aiiées, qui paraissent avoir été entrainés au fond des eaux ou senbsp;formait Ie dépot, surtout par l’impulsion du vent combinée avecnbsp;l’action d’un faible courant a son embouchure. Le lac était considerable ; il mesurait au moins 60 kilometres, de Peyruis auxnbsp;alentours de Grambois, non loin de Pertuis; il semble que l’en-droit qui a fonrni la majeure partie des empreintes, et qui senbsp;nomme le quartier du Bois-d'Asson, point situé enlre Dauphinnbsp;et Volx, ait été jadis a proximité d’un puissant escarpementnbsp;montagneux, dont le rocher secondaire de Volx serait un derniernbsp;débri. Une végétation fraiche et d’un caractère relativement moinsnbsp;meridional aurait reconvert lesflancstournés au nord de ce grandnbsp;massif (1). La flore de Manosque, comme celle des gypsesnbsp;d’Aix, renferme deux catégories juxtaposées de végétaux; maisnbsp;ici les deux catégories, bien que totijours inégales, se balancentnbsp;mieux. D’un cóté, sont de rares débris de palmiers, des Sequoia,
(1) Consultoz la planche XII qui roprésente une vue idéale du lac aquitanien dc Manosque.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
des Glyptostrobus, des myricées, a feuilles allongées, coriaces et dentées, des Diospyros, des Leucothoe, une foule de laurinées,nbsp;des ailantes, des légumineuses yariées et d’affmité subtropicale ;nbsp;de Faiitre, paraissent des aunes et des boiileaux, des hêtres etnbsp;des charmes, des peupliers et des saules, des frênes et desnbsp;érables, quelques pins; moins abondants comme nombre etnbsp;comme frequence, quelcs arbres de la première categorie ceux-ci croissaient a l’écart et leurs dépouilles entrainées des pentesnbsp;et des escarpements boisés de la montagne sont vennes, biennbsp;qu’avec moins de facilité, se confondre au sein de l’eau avec lesnbsp;espèces qui entouraient immédiatement Fancienne plage lacus-tre. Ce n’est la qu’une conjecture ; mais elle ne manque ni denbsp;vraisemblance ni d’un commencement de preuves.
Les eaux tranquilles du lac de Manosque étaient fréquentées par une belle nymphéacée (Nymphsea calophylla, Sap.) par une
foule de cypéracées et par des massettes. A Fombre des grands
arbres, croissaient des fougères variées dont nous avons précé-demment signalé les principales: Osmimda lignitum, Ung., Las-trsea styriaca^ Ung., Pteris pemiseformis, tlr., Pteris urophylla, Ung., Lygodiiim Gaiidini, Hr., Chrysodium aquitanicum, Sap.nbsp;(nov. sp.).
Avant de passer en Grèce et d’aborder la localité de Coumi, déja mentionnée, si nous nous dirigeons vers Fest et que nousnbsp;francbissions les Alpes, nous rencontrerons Ie dépot aquitaniennbsp;des lignites de Cadibona^ caractérisé par la présence du Phce-nicites Palavicini, Sism. Deux autres points de la region piémon-taise, Stella etBagnasque, situés sur Ie mème horizon, ont égale-ment fourni des plantes qui different trop peu de celles denbsp;Manosque pour mériter de nous arrêter; mais si Fon traversenbsp;Fltalie pour atteindre Ie rivage opposé de F.Adriatique, on rencontre, en Croatie, Ie célèbre dépot de Radoboj, dontles plantesnbsp;fossiles, décrites par Ie professeur Unger, s’élèvent a plus denbsp;280 espèces. Radoboj n’est pas un dépot purement lacustre,nbsp;comme la plupart des précédents, ni terrestre et superficielnbsp;comme celui des calcaires concrétionnés de Brognon, mais
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un dépot d’embouchure, formé sous l’influence d’un courant fluviatile au contact des tlots de la mer. La présence d’unnbsp;certain nombre d’algues, associées aux empreintes des plantesnbsp;terrestres, atteste la réalité de cette situation. Les espècesnbsp;sont en grande partie celles qui ont été désignées commenbsp;caractérisant plus particulièrement 1’aquitanien ; d’autres sontnbsp;communes a eet étage et au miocène proprement dit; d’autres aussi,nbsp;comme Ie bel Aralia Eercules, les Palxocarya, VOstrya atlan-tidis, Ung., etc., se retrouventa Armissan et accusent une liaisonnbsp;avec Ie tongrien supérieur, ou tout au moins avec la partie an-cienne de l’aquitanien. Le fleuve dont les eaux entrainèrent unnbsp;si grand nombre de fossiles et de débris yégétaux de toutesnbsp;sortes, parcourait sans doute une region fertile et boisée. Lesnbsp;groupes aujourd’hui exotiques des rubiacées frutescentes, desnbsp;myrsinées, des sapotacées, celui des diospyrées, les malpighia-cées, les sapindacées, les célastrinées, et, par-dessus tont, les lé-gumineuses de toutes les tribus sont riebement représentés. L’A-cacia insignis, Ung. (fig. 85), ressemble beaucoup a l’A. Bousqiieti,nbsp;Sap., d’Armissan, de mème que le Copeiifera radobojana, Ung.,nbsp;se range non loin de Copaifera armissanensis. Sap. Généra-lement, les deux localités tertiaires, celle de Croatie et celle denbsp;l’Aude, présentent une étroite liaison par la quantité de formesnbsp;identiques ou seulement analogues qu’elles renferment. Un genrenbsp;de plantes sarmenteuses et yolubilcs, dont les tiges devaient s’en-lacer dés cette époque aux branches des plus grands arbres etnbsp;s’associer aux salsepareilles, a encore laissé des traces incontes-tables de sa présence a Radoboj ; je veux parler des aristoloches,nbsp;dont la figure 86 représente une fort belle espèce, provenant denbsp;cette localité et qui parait avoir échappé a la perspicacité du pro-fesseur Unger, qui ne Ua pas conniie.
La localité de Coumi (ile d’Eubée) se distingue de celle de Manosque, dont elle est contemporaine, par une plus grandenbsp;profusion de formes méridionales, bien que celles de la zonenbsp;tempérée soient loin d’en être exclues. Les genres aune, bouleau,nbsp;charme, peuplier, érable, s’y trouvent représentés, mais seule-
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LES PERIODES VEGETALES.
ment a l’aide d’un petit nombre d’exemplaires. Les chênes verts, les myricées a feuilles persistantes, les Diospyros, les myrsinées,nbsp;les légiimineuses abondent et forment la grande masse de l’en-
. Acacia insignis, üng., legumes. — 2-3. Co-paifera radobojama, üng. ; 2, fragment de feuille avec foliole; 3, fruit.
semble. On distingue une araliacée de type africain (fig. 87), dont les feuilles digitées ressemblent a celles des Cussonia; les acaciasnbsp;y sont fréquents, les Sequoia et les Glyptostrohus doininentparminbsp;les conifères, sans exclure précisément les Calütris et Widdring-tonia, a l’exemple de ce qui se passait en Provence a la mêmenbsp;époque. Les palmiers sont jusqu’ici inconnus a Coumi, mais, énnbsp;revanche et comme pour attester I’infinence de la latitude et Ienbsp;voisinage de l’Afrique, une cycadée congénère Encephalartos
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de ce continent y a été découverte, il y a environ trois ans, par M. Gorceix; c’est VEncephalartos Gorceixianus^ Sap., dont la figure 88 représente une fronde presqiie entière. Cette cycadée estnbsp;sans doute une des dernières qui ait persisté sur Ie sol de 1’Europe
Fig. 87. — Araliacée aquitanienne de Coumi (Eubée). — Cussoma polydrys, üng.
Feuille digitée presque compléte, y compris Ie petiole, d’après un spécimen flguré
par M. ünger.
tertiaire, oü la présence du groiipe a été longtemps considérée comme problématique. II faut bien l’avouer, nous ne connaissonsnbsp;que très-superficiellement la végétation miocène et seulementnbsp;par ses cótés les plus vulgaires. Les stations rapprocbées desnbsp;eaux OU voisines des parties boisées sont presque les seules dontnbsp;il nous ait été donné de recueillir les planfes. Les autres points
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
situés a l’écart, abrités par certains accidents du sol, on placés dans des conditions toutes spéciales, nous échappent nécessaire-ment. Bien des épaves soustraites aux destructions antérieuresnbsp;devaient alors sur^ivre fa et la au sein de l’Europe, comme cesnbsp;edifices gothiques qui frappent l’ceil au milieu des quartiersmo-
dernes de nos grandes villes. Cette uniformité qui nous frappe si justement dans Ie flore aquitanienne devait s’étendre surtoutnbsp;au voisinage des lacs, alors si nombreux. Certaines stations, plusnbsp;rares et en général plus pauvres que les dépots les mieuxnbsp;connus, semblent échapper effectivement aux effets de Tunifor-mité dont l’aspect parait alors si général; ces stations nous dé-
-ocr page 332-voilent tont dquot;un coup Ie tableau d’associations végétales dont la physionomie contraste avec celles que l’on observe Ie plus ordi-nairement. 11 en est ainsi de Bonnieux (1), en Provence, localiténbsp;voisine d’Apt (Vaucluse) etpresque contemporaine de cclle deMa-nosque. Des protéacées, desrbizocaulées, de maigres qnercinées,nbsp;un saule de type entièrement exotique, des arbustes de petitenbsp;taille, et probablement chétifs de feuillage, peuplaient ce cantonnbsp;vers Ie commencement de l’aquitanien ; la aussi une cycadéenbsp;{Zamites epibius, Sap.) a laissé l’empreinte d’une fronde de très-faible dimension, et cette empreinte se trouve accompagnéenbsp;d’une autre qui rappelle singulièrement les strobiles de cer-taines zamiées actuelles.
11 faut conclure de ces divers faits que dans touteslcs epoques la nature végétale ne s’est dépouillée que graduellement de l’as-pect qu’elle avait d’abord revêtu, et qu’elle a gardé plus ounbsp;moins longtemps certains éléments isolés et comme dépaysés aunbsp;milieu d’un ensemble déja presque entièrement renouvelé. C’estnbsp;ainsi que, de nos jours, plusieurs plantos eiiropéennes ne senbsp;inainiiennent plus que par artifice, sur des points restreints ounbsp;même dans des stations uniques; d’autres, comme Ie Ceratonia
(1) Une découvorte toute récente, due principalement k M. Goret, sous-inspecteur des forcts k Digne, vient de faire coniiaitre une flore locale, destinée k servir denbsp;complément k celle de Bonnieux; cette flore est comprise dans des schistes calcaréo-marneux, simple prolongement des lits de Bonnieux, et qui aftleurent k Gereste, pointnbsp;situé sur Ie revers nord du mont Eéberon, k distance presque égaie d’Apt et de Ma-nosque. L’ensemble des caractères, joint k 1’étude stratigrapliique de gisement, denote un age un peu antérieur k celui de l’aquitanien proprement dit. Le Saljcd major et le S. Hmringiana ont laissé des vestiges reconnaissables dans ce dépot; lesnbsp;Callitris et Libocedrus s’y trouvent, comme k Armissan, associés k des Sequoia. Lesnbsp;' feuilles de Mimosa, les folioles éparses et les fruits i'Acacia parsèment la surfacenbsp;des plaques. Les iaurinées dominent par le nombre des empreintes et la variété desnbsp;formes ; leurs espèces sont les mêmes qu’k Manosque. On distingue, en fait de ra-retés, le fruit d’un clématite, les feuilles d’une viorne d’afflnité japonaise {Viburnum Goreti, Sap.), enfin l’appareil fructificateur presque complet, d’un Lygodium,nbsp;fougère grimpante dont nous avons plus haut figure uiie fronde {fig. 74), sous lenbsp;nom de L. Gaudini. Cette dernière espèce se trouve k Manosque et caractérisenbsp;l’aquitanien. Des insectes, des poissons et même des oiseaux, recueillis k Gerestenbsp;en même temps que les plantes et réunis en collection par les soins de 1’administra-tion forestière. fourniront des notions précieuses sur 1’age auquel se rapportent tousnbsp;ces êtres organises et qui a du servir de transition entre l’oligocène et l’aquitanien,nbsp;ainsi que sur les particularités distinctives de I’ancienne region. Celle-ci, k en jugernbsp;par les seuls végétaux, constituait sans doute autrefois une station cliaude et relati-vement sèche, peu différente de celle de Bonnieux.
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LES PERIODES VEGETALES.
siliqua et Ie Chamoerops humilis, achèvent de disparaitre du sol fraufais, tandis que Ie houx. a quitté, il y a moins d’un siècle, lanbsp;Norvége ou 1’on en connaissait quelques individus que l’onnbsp;chercherait vainement a l’heure qu’il est.
** Sous-période mollassique.
Cette seconde sous-période est celle qui correspond a l’in-vasion et au séjour prolongé de la mer miocène. Cette mer est la dernière qui ait pénétré notre continent, et qui l’aitnbsp;découpé en archipels et en péninsules, comme I’avaient faitnbsp;auparaTant la mer nummulitique, et plus anciennement cellesnbsp;du lias et de l’oolithe. A l’ouest, la mer des faluns, qui nenbsp;communiquait pas direclement avec celle de la mollasse,nbsp;occupait une partie du bassin actuel de la Garonne ; elle y for-mait un golfe qui s’étendait au pied des Pyrénées, dans les alentours de Toulouse, et jusqu’auprès d’Albi. Entre Poitiers etnbsp;Blois, cette même mer remontait Ie cours de la Loire, et prolon-geait xers la Limagne d’Auvergne une sorte de fiord sinueux.nbsp;La mer de la mollasse ne couvrait pas la ligne même des Alpes,nbsp;comme l’avait fait celle des nummulites : après avoir pénétrénbsp;dans la vallée du Rhone et s’être avancée jusqu’en Suisse par lanbsp;basse Saóne, les environs de Lyon et la région du Jura, ellenbsp;remplissait la partie plate de la Suisse, au nord du massif alpin,nbsp;dont Ie relief commenfait a s’accentuer, et de la, a travers la Ba-vière, elletenaitla vallée entière du Danube(l). En Italië, la mernbsp;miocènc suivait Ie pied des Alpes, et contournait, en l’échan-crant, la plage occidentale de l’Adrialique ; elle circonscrivaitnbsp;ainsi une grande terre en forme de péninsule, qui rattachait lanbsp;région des Alpes a celles de ITllyrie, de la Thrace et d’une section de la Grèce, et a laquelle M. Heer donne Ie nom de Pennino-caniietine. Cette terre jouait sans douteun róle considérable dansnbsp;1’économie de l’Europe contemporaine dont elle contribuait a
(!) Consultez la planclie XI qui représente les contours approximatifs de la mer miocène ou mollassique, en Europe.
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accenluer la physionomie géographique ; la Provence en fai-sait partie, située a son extréme Occident. Déconpée en fiords étroits et multiples, celle-ci accusait par son orographie encorenbsp;visible I’aspect que présenten! de nos jours les cotes de la Scandinavië on celles dii littoral dalmate. La manière dont s’opéranbsp;sur ce point I’invasion mollassique est d’autant plus facile anbsp;observer que les premiers dépots marins se superposent, sansnbsp;lacune ni brusquerie, aux derniers lits formés an sein des lacsnbsp;aquitaniens, envahis par les eaux salées._ A Aix, a Manosquenbsp;même, aux environs d’Apt et de Forcalquier, la transition entrenbsp;les deux systemes est visible ; il est également visible que cettenbsp;transition eut lieu sans effort, et Ton voit les sédiments marins,nbsp;d’abord incohérents et ferrugineux ou marno-vaseux, se lier in-timement avec les sédiments lacustres, en montrant vis-a-vis denbsp;ces derniers une parfaite concordance des plans respectifs denbsp;stratification. Cette substitution d’un terrain plus recent a unnbsp;autre terrain qu’il recouvre estcependant loin d’être universelle.nbsp;La mer de la mollasse n’atteignit et ne submergea pas en Provence tous les niveaux précédemment occupés par les lacs aquitaniens ; en d’aiitres termes, le périmètre de cette mer fnt loinnbsp;de coïncider partout avec celui des eaux lacustres aquitaniennes.nbsp;II faut supposer qu’il y eut alors des mouvements du sol, suffi-sants pour émerger certains points de la contrée, en abaissantnbsp;les autres de fapon a donner acces aux Hots marins qui les sub-mergèrent. Une tres-belle coupe qui existe a Carry, au bordnbsp;même du golfe actuel de Marseille, et qui présente des lits marinsnbsp;d’un age pins recule que la mollasse de I’interieur du pays, sertnbsp;a démontrer que I’invasion eut alors lieu du sud au nord, etnbsp;que, dans cette direction, la mer miocène a son début ne cessanbsp;de progresser et d’empiéter, de même que tors de son retrait,nbsp;le mouvement de recul s’effectua du nord au sud par etapesnbsp;graduelles, en sorte que le bas Rhone et les parties attenantesnbsp;du Card et de l’Hérault resteren! occupés par une mer mio-pliocene, alors que celle-ci avait quitté les environs de Lyon, lanbsp;Suisse entière et le haut Danube.
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II est difficile de ne pas admettre que cette mer miocène n’ait été pour l’Europe qu’elle rendait semblable a l’arcbipel Indiennbsp;une cause puissante d’adoucissement du climat. Une temperature égale, clémente durant l’hiver, pluvieuse pendant l’ét'é, n’anbsp;cessé, tant qiEelle a persisté, de régner sur notre continent et d’ynbsp;favoriser Ie maintien d’une végétation aussi riche que yariée. Lenbsp;refroidissement de la zone tempérée actuelle ne s’arrèta pas,nbsp;rnais il ne fit que des progrès très-lents, sensibles seulement sinbsp;Ton considère la marcbe envahissante des genres a feuilles ca-duques, particulièrement de ceux qui sont l’apanage le plusnbsp;ordinaire de noscontrées ; on voit alors ces genres se multipliernbsp;partout et obtenir finalement la predominance.
Parmi eux, il faut citer principalement celui des peu-pliers, qui ne furent jamais si puissaminent développés ni si variés que dans 1’age miocène. L’Europe mollassique était cer-tainement plus riche en peupliers que le monde entier ne Testnbsp;maintenant. Toutes les sections du genre étaient représentéesnbsp;sur notre sol, et plusieurs des formes yivantes paraissent être desnbsp;descendants a peine modifies des espèces de cette époque.
11 en est ainsi du Vopidus euphratica^ OIL, ou peuplier co-riace, qui croit le long des grexes humides, sur le bord des ruis-seaux et des fleuves, en Algérie, pres du Jourdain et de l’Eu-phrate. C’est ii eet arbre que fait sans doute allusion le verset poétique si connu du psaume de Jérémie, Super flumina Baby-hnis : « Sur les rives du fleuve de Babylone, nous nous sommesnbsp;assis et nous avons pleuré au souvenir de Sion. Aux saules quinbsp;s’avancaientjusqu'au milieu des eaux, nous suspendimes nos in-
truments de musique____» Effectivement les feuilles du peuplier
de l’Euphrate sont très-variables ; tantót ovales, tantót cordifor-mes, eiiticres ou dentées, elles s’allongent d’autres fois et se ré-trécissent de fagon a ressembler a celles des saules ; ses rameaux Ilexibles et abondants rappellent a 1’esprit ceux du saule pleu-reur, arbre d’origine chinoise, introduit a une époque relati-vement récente et que les Ilébreux n’ont certainement jamaisnbsp;connu.
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DE L’ÉPOQUE tertiaire; — MIOCÈNE.
Le Populus mutabilis ou peuplier a feuilles changeantes, si répandu a OEningen, et dont on retrouve tons les organes,nbsp;rappelle a s’y méprendre le Populus euphratica. 11 a depuisnbsp;quitté FEurope, et comme tant d’autres espèces tertiaires que
les progrès continus du refroidissement ont cliassés vers le sud, il revit presque sans changement dans son homologue actuel denbsp;FAfrique boréale et de l’Asie occidentale. Beaucoup de formesnbsp;européennes miocènes sont en effet trop rapprochées par tonsnbsp;leurs caractères visibles d’espèces encore vivantes, dispersées
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LES PERIODES VÉGETALES.
dans la zone tempérée chaude des deux continents, pour ne pas admettre un lien de filiation des secondes par les premières.nbsp;Quelques-unes de ces espèces, dites homologues des plantes ter-tiaires, sont encore a portee de nos frontières, comme si l’événe-ment qui les a frappées d’ostracisme était récent et n’avait eu
d’autre elfet que de les rejeter en dehors des limites de notre continent.
Le platane, Ie liquidambar, Ie planère ou orme de Sibérie, Ie Pterocarya ou noyer du Caucase sont justement dans ce casnbsp;(voy. la fig. 90). D’autres fois, c’est plutót en Amérique qu’il faut
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aller chercher les végétaux similaires de ceux qiie comprend la flore miocène d’Europe et de la la supposition, exempte d’invrai-semblance, d’anciennes connexions géographicjues rejoignant lesnbsp;deux continents. II est vrai que ces sortes de liaisons d’espècesnbsp;s’expliquent encore mieux par des immigrations venues du pole,nbsp;qui auraient déversé les végétaux particuliers aux contrées arc-tiques dans des regions plus méridionales, vers lesquelles ces végétaux auraient rayonné comme d’un centre, en divergeant dansnbsp;plusieurs directions a la fois. C’est ainsi que Ie phénomène, sinbsp;connu des botanistes, des genres a espèces disjointes, c’est-a-dire séparées par de grands espaces, et distribuées a la fois dansnbsp;les deux continents, s’explique de la fagon la plus naturelle,nbsp;sans qu’il soit même nécessaire d’évoquer l’intervention de mou-vements physiques trop fréquents, de nature a bouleverser l’éco-nomie géographique du globe.
Lors du miocène et tant que persista la mer mollassique, on voit la végétation européenne offrir une association d’espèces con-
génères de celles que nous avons sous les yeux, bien que géné-ralement distinctes de celles-ci a certains égards, et de types décidément étrangers a l’Európe, qui se marient barmonieuse-ment entre eux pour former un ensemble dont la richesse a lieunbsp;d’étonner. Quelques-uns de ces types paraissent ne plus existor
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nulle part; ils ont pu cependant, grace a l’abondance des vestiges qu’ils ontlaissés, être définis avec precision. Nous citerons en exemple les Podogonium^ sortes de légumineuses césalpiniées,nbsp;analogues aux Gleditschia, aux Tamarindiis, aux Copaifera,nbsp;mais enréalité différantde tous les genres actuels. Leurs feuil-les, abruptement pinnées, étaient divisées en folioles nombreu-ses ; leurs fruits consistaient en un legume débiscent, mono-sperme et pédicellé, dont la graine unique, poussée a la matu-rilé en dehors des valves, demeurait adhérente au trophospermenbsp;par un court funicule.
Les fougères se rapprochent graduellement des formes encore existantes, du rnoins si l’on consulte les pays situés au sud denbsp;l’Europe. \]Adiantum renatiim, Ung., est l’ancêtre de 1’^. reni-forme, L., des Canaries ; Ie Pteris pennaeformis, Hr., ressemblenbsp;au P. longifolia, L. ; Ie P. ceningensis, Ie Woodwardia Reessne-riana sont les parents incontestables de notre P. aquilina et dunbsp;W.radicans. \JOsmunda Hecrii, Gaud., diffère réellement très-peu de rO. regalis, L.
Les conifères dominantes appartiennent toujours aux trois types Sequoia, Taxodium, Glypiostrobus; il s’y joint probable-mentaussides Thuya et Ae^Torreya et surement un Salishurianbsp;qui se confond spécifiquement avec notre Ginkgo en Salishurianbsp;adiantifolia du Japon.
Les graminées se multiplient, parmi les monocotylédones, et ferment partout des gazons, servant de pature aux herbivores quinbsp;tendent partout aussi a se répandre. Quelques palmiers se raon-trent encore, mais ils sont de plus en plus clair-semés, et ce sontnbsp;les derniers qui aient habité l’Europe centrale.
Les bouleaux, les aunes, les charmes, les saules, les pla-tanes, sontalors répandus en.tout lieu. Les érables n’ont jamais été plus florissants, plus nombreux et plus diversifies. L’ampleurnbsp;de leur feuillage augmente; on recueille leurs divers organes ;nbsp;plusieurs de leurs espèces se trouvent reconstituées, comme s’ilnbsp;s’agissait desplantes d’un herbier. Les rayricées continuent a senbsp;montrer sous les formes les plus variées, et les Comptonia en par-
-ocr page 342-plupart des figuiers sont entachés de certaius doutes qui s’oppo-sent a leur exacte détermination; Ie plus fréquent de tous, Ie Ficus tilicefolia, Al. Br., n’échappe pas a cette remarque ; il pour-rait tout aussi bien dénoter un Pterospermum qu’im Ficus;nbsp;mais, s’il a réellement appartenu a ce dernier genre, il se place anbsp;cóté én Ficus bengalensis, L., ou figuier des Banians.
Si nous tournons nos regards vers les chênes, nous remar-quons a OEningen des chênes verts, analogues a ceux du Mexique et de la Louisiane ou reproduisant l’aspect des Cer-ris a feuilles serai-persistantes de l’Asie ; cependant, des formes plus rapprochées de celles que nous avons sous les yeuxnbsp;commencent des lors a s’introduire au sein des bois monta-gneux; elles se répandront peu a peu, et la physionomie de quel-ques-unes dAntre elles semble montrer que leur feuillage senbsp;llétrissait sous l’influence de la saison froide. La flore du montnbsp;Charray en Ardèche est instructive a eet égard; elle est rangée
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dans Ie miocène supérieur et comprend, avec des érables, des charmes [Ostrya] (1), des chataigniers, un certain nombre de chê-nes qui leur étaient associés. Ces chênes encore inédits sont ac-compagnés de leurs fruits ou du moins de leurs cupules, et leurnbsp;étude (voy. la fig. 93) prouve que les sections ilexQi cerris étaient
1-2. Quercus palseocerris, Sap. : 1, feuille; 2, deux cupules accolées. — 3-4. Quercus subcrenaia, Sap,: 3, feuille; 4, cupule. — 5, 6. Quercus prseilex, Sap. : 5, feuille;nbsp;6, deux fruits, l’un muni de son gland ; 1'autre imparfaitement développé, soutenue sur pédoncule commun, gros et court.
alors représentées dans l’Europe méridionale par des formes voisines du Quercus ilex, L. , et des Q. cerris, L. et pseudosuber,nbsp;Sant. Les chênes de la section de nos robur ne se font voir encore nulle part ; mais on les rencontre un peu plus tard dans Ienbsp;pliocene inférieur d’Auvergne. Les laurinées continuent a êtrenbsp;puissantes; elles touchent pourtant au moment de leur déclinnbsp;qui, une fois inauguré, ne s’arrêtera plus. Les genres Laurus,nbsp;Persea, Benzoin, Oreodaphne, Cinnamomum et Camphora s’a-yancent jusqu’au centre de l’Europe et y mürissent leurs
(1) Cet Ostrya se confond peut-être avec VOstrya ilalica, Scop., qui, de nos jours encore, habite les pentes fraiches et Ie bord des ruisseaux ombreux dans les Alpesnbsp;maritiines, prés de Vence et de Nice.
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fruits, grace a la douceur des hivers et a la chaleur égale etlong-temps prolongée des étés.
Aux Tégétaux qui précédent, il faut ajouter des myrsinées, des sapindacées, des araliacées, des magnoliacées et des anonacées,nbsp;des sterculiacées, de nombreuses célastrinées, de puissantes ju-glandées, des térébinthacées et finalement des légumineusesnbsp;variées„ pour tracer une esquisse rapide et cependant incomplète
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de la vegetation contemporaine de la mer de la mollasse et de celle des faluns.
Certains types, auparavant inconnus en Europe, comme celui des tilleuls, commencent a se montrer, en suivant, pour y venir,nbsp;la direction du nord ; les exemples répétés de Cellis ou micocou-liers sontbien authentiques, et les ormes affectent des caractèresnbsp;qui permettent de les confondre avec VUlmus campestris, L., denbsp;l’Europe actuelle.
A cette époque, notre continent possédait un tulipier (fig. 95, 3-4), un liquidambar (fig. 90, 4-5), un platane (fig. 90, 2-3), unenbsp;vigne très-peudifférente de la notre (fig. 96, 1), un robinier dontnbsp;on a signalé a la fois les feuilles et les fruits (fig. 96,2-3). Ees aigrettes plumeuses recueillies a OEningen prouvent la presence
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LES PERIODES VEGETALES
de nombreuses synanthérées; l’Europe comprenait encore des frênes, des lauriers-roses, des cornouillers, des viornes, desnbsp;clématites et une foule d’autres types que nous sommes forcé
de passer sous silence. Cependant, une curieuse hamamélidée (tig. 96, 2), Ie Parrotia fagifolia, Hr., doit être mentionnée, pareenbsp;qii’elle a été observée dans les regions arctiques et qu’elle senbsp;retrouve, bien après la fin du miocène, dans les marnes anbsp;Elephas meridionalis du midi de la France, en compagnie dunbsp;Planera Ungeri (Toy. fig. 90, 1), dont l’homologue vivant existe
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Ae nos jours en Crète, tandis que rhamamélidée la plus rappro-chée du Pan'otia fagifolia, Ie P. persica, est indigene de la Perse, comme l’indique son nom.
C’était done au total une riche et noble vegetation que celle qui couvrait l’Europe au temps de la mollasse : elle offraitun
mélange harmonieux de formes maintenant dispersées dans des régions très-diverses; son opulence, sa variété, la beauté desnbsp;forêts, Pélégance des massifs qui servaient de rideau aux eauxnbsp;dormantes ou accompagnaient Ie bord des fleuves, tout s’accor-dait en elle pour étaler iinmerveilleux spectacle, qu’il n’était pasnbsp;donné a Fhomme de saisir ni d’apprécier.
11 est vrai qu’on a prétendu faire remonter jusqu’au miocène les premiers vestiges de notre race, mais d’autres observations
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portent a rejeter ces indices comme ne s’appuyant sur rien de réel, et revolution encore imparfaite de plusieurs séries de mam-mifères, parmi lesquels les ruminants n’avaient encore d’autresnbsp;représentants que des cerfs et des bouquetins, est bien faite pournbsp;servir de confirmation a ces doutes. Les pachydermes dominentnbsp;toujours dans la faune mollassique; les tapirs et les rhinocerosnbsp;ont remplacé les anthracotheriums; les dinotheriums, puis lesnbsp;mastodontes précédent les éléphants, et les hipparions du mio-cène supérieur annoncent les chevaux encore absents.
De nombreuses localités du temps de la mollasse, riches en empreintes végétales, ont offert a plusieurs savants d’innombra-bles documents sur la flore de eet age, qu’ils ont dépouillés denbsp;manière a en reconstituer fidèlement Ie tableau.
Les lignites de la Wétéravie (Salzhausen, Rockenberg, etc.), Gunzbourg en Bavière, Bilin en Bohème, Menat en Auvergne,nbsp;Ie mont Charray en Ardèche, OEningen en Suisse, Parschlugnbsp;et Gleichenberg en Styrie, Tokay en Hongrie, les environs denbsp;Vienne en Autriche, sont les principales de ces localités dontnbsp;quelques-unes ont acquis une juste célébrité.
Nous ne parlerons ici que de la plus remarquable et de la mieux explorée de toutes, celle d’OEningen, pres de Schatfouse, quinbsp;résumé, pour ainsi dire, en elle toutes les autres, et qui ren-ferme non-seulement des plantes, dont M. Heer a décrit pres denbsp;500 espèces (475), mais de nombreux restes d’animaux : mammi-fères, oiseaux, reptiles et poissons, mollusques et crustacés,nbsp;arachnides, insectes; ces derniers ont fourni plus de 800 espèces.nbsp;C’est a OEningen qu’on a recueilli la grande salamandre, An-drias Scheuchzeri, HolL, dont Ie type vivant a été retrouvé aunbsp;Japon [Andrias japonicus, Tem.). Les immenses travaux denbsp;M. Heer qui ont eu a la fois pour objet les végétaux et les insectes de ce dépot ont suggéré a eet auteur des rapprochementsnbsp;ingénieux et Tont amené a des inductions a la fois si hardies etnbsp;si précises sur Tancienne configuration des lieux, sur les événe-ments physiques et biologiques dont ils furent Ie théatre ,nbsp;sur les caractères de la flore, la nature du climat et Tordre des
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saisons, a l’épocjue oü s’accumulèrent les plaques fossilifères, que nous ne pouvons inieux faire que d’emprunter les détails suivantsnbsp;a son livre intitulé : Le monde primitif de la Suisse.
Selon l’exposé de M. Heer, les eaux du lac d’OEningen subi-rent dans le cours des %es de grandes transformations qu’il est naturel d’attribuer aux caprices de la rivière qui avait sur cenbsp;point son emboucbure; mais il est en même temps possiblenbsp;qu’un relèvement et un affaissernent du sol, provenantde mou-¦yements Yolcaniques, y aient aussi contribué.
Dans une assise inférieure, nommée couche d insectes, et com-posée d’environ deux cent cinquante lamelles on feuillets, on distingue jusqu’aux saisons qui ont dü présider a la formation denbsp;chacun d’eux. Les fleurs de camphrier, associées a des feuillesnbsp;de peuplier, annoncent le printemps. Les fruits d’orme, de peu-plier et de saule, réunis sur la même plaque, font naitre la pen-sée du commencement de l'été; enfin les fruits de camphrier etnbsp;de Diospyros, ceux de la clématite et de plusieurs synanthéréesnbsp;rassemblées pèle-mêle rnarquent l’approche de l’automne.
L’arbre le plus commun est un érable, Ace?' trilobatum, Al. Br., qui devait vivre sur un point rapproché des anciennes eaux;nbsp;il en est de même des peupliers, Populus latior et P. mutabilisnbsp;(lig. 89), d’un Sapindus, S. falcifolius, Hr., d’un noyer, Jiiglansnbsp;acuminata, Al. Br., et des Podogonium. Ces derniers, associés anbsp;de nombreuses laurinées et a plusieurs chênes, formaient sansnbsp;doiite de grandes forêts. Les plantes aquatiques proprement ditesnbsp;sont rares, mais celles qui servaient aux eaux de bordure im-raédiate, comme les roseaux, les massettes, un bel iris, I.nbsp;Escheri, Hr., des joncs et des cypéracées, sont au contraire fortnbsp;répandues.
L’hiver était particulièrement doux; il suspendait quelque peu, sans l’interrompre réellement, le cours de la végétation.nbsp;Dans l’opinion de M. Heer, les saules, les platanes, les liqui-dambars et le camphrier fleurissaient dès le mois de mars,nbsp;comme ils le font actuellement a Madère.
La coincidence des fourmis ailées (les fourmis perdent leurs
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ailes yers Ie milieu de l’été) et des fruits raürs de Podogonium, situés a la surface de la même plaque, indique Ie moment denbsp;l’année oü ce type aujourd’hui perdu achevait Ie développementnbsp;de ses fruits et disséminait ses graines, après avoir fleuri dès Ienbsp;premier printemps.
Des orages étaient saus doute fréquents et les pluies abondantes a cette époque de l’année; les feuilles, les fleurs, les rameaux,nbsp;fréquemment arrachés aux branches des arbres et des arbustesnbsp;étaient entrainés violemment jusque dans Ie fond des eaux. Lanbsp;proportion considérable de végétaux a feuilles persistantes quenbsp;l’on observe, fait voir que la nature végétale ne se livrait pas anbsp;un repos complet. Les fleurs ou les fruits se montraient fa et lanbsp;toute l’année, et, selon l’expression même de M. Heer, «la vienbsp;ne disparaissait jamais entièrement de ces forèts primitives; ellenbsp;se renouvelait en répandant a profusion ses richesses, et réali-sait en Europe Ie tableau de ces zones bénies, oü de nos jours lanbsp;vegetation ne perd jamais son activité. » Le climat d’OEningennbsp;est assimilé a celui de Madère, de Malaga, du sud de la Sicile, dunbsp;Japon méridional et de la Géorgie par le savant professeur denbsp;Zurich, qui lui assigne une moyenne annuelle de 18 a 19 degrésnbsp;centi grades.
Telle était l’Europe jusqu’au temps oü la mer de la mollasse opéra son retrait. A ce moment, s’ouvre la dernière des périodesnbsp;entre lesquelles se partage l’ensernble des temps tertiaires, lanbsp;période pliocène; c’est elle qui nous reconduira, a travers unenbsp;longue série d’oscillations, jusqu’au seuil de l’age moderne.nbsp;Elle ne sera pas terminée que l’homme se sera glissé en Europe,nbsp;en y laissant des vestiges assures de sa première apparition.
PÉRIODE PLIOCÈNE.
De période en période, nous avons atteint la dernière de celles entre lesquelles se divisent les temps tertiaires; nous avons vu
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successiTement s’étendre et se retirer les mers nummulitique, tongrienne, mollassique ; nous avons vu, en Europe, les eaux desnbsp;lacs reiuplacer a plusieurs reprises les bassins maritimes ennbsp;voie de dessèchement. Ces vicissitudes ont en leur contre-coupnbsp;dans la végétation, dont l’aspect et les éléments constitutifs ontnbsp;parallèlement varié : a la flore si vigoureuse et si complete dunbsp;du premier age tertiaire,, un ensemble plus maigre, mais remar-quable par l’inépuisable variété de ses formes, est venu se subs-tituer. A la fois cbétive et tenace, semée de contrastes, emprun-tant ses traits distinctifs au continent africain et a l’Asie austro-orientale, cette seconde flore caractérisa l’éocène et se maintintnbsp;partiellement durant la plus grande partie de la période sui-vante; elle céda pourtant peu a peu devant l’invasion de typesnbsp;et de formes adaptés a un climat moins sec et moins chaud, anbsp;des saisons moins trancbées, a l’influence déja marquée d’unnbsp;hiver, dont les rigueurs n’avaient rien pourtant de comparablenbsp;a ce que sont les nótres, même dans les parties méridionales denbsp;notre zone. Nous avons vu cette nouvelle végétation, dont lesnbsp;affinités n’ont plus rien d’africain, ni de sud-asiatique, maisnbsp;dont les types continuent depuis lors a habiter les parties tem-pérées de l’bémisphère boréal, prendre graduellement de l’exten-sion, puis de la prépondérance et dominer d’une fagon presquenbsp;absolue, dans Vage qui correspond a l’établissement de la mernbsp;mollassique en Europe. Cet age marque pour notre continentnbsp;une ère de splendeur végétale, un temps de calme, d’humiditénbsp;égale et bienfaisante, sans extremes d’aucune sorte, qui ne repa-raitra plus et qui indique l’apogée du développement de la nature végétale sur notre sol^ encore exempt des épreuves qu’ilnbsp;était destiné a subir.
La période pliocene est celle oü Ie déclin s’accomplit, oü les conditions climatériques s’altèrent définitivement, oii la végétation se dépouille graduellement et s’appauvrit pour ne plusnbsp;rien acquérir désormais. La marcbe du phénomène est lente etnbsp;presque insensible, mais elle glisse sur une pente qui ne s’ar-rête jamais. Ces ornements que nous envions aux regions favo-
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LES PÉRIODES VÉGÉÏALES
risées du soleil, cetle reunion d’arbres précieux, de plantes nobles OU élégantes auxqnelles nous ouvrons un abri artiflciel au fond de nos serres et que l’Europe possédait jusque-la, elle vanbsp;les perdre pour jamais. Les végétaux frappés d’ostracisme pren-dront un a unie chemin de l’exil; ils s’éloigneront par étapes ;nbsp;c’est leur exode que nous aurions a décrire, s’il nous était donnénbsp;de les suivre pas a pas dans leur route rétrograde, et de les signaler un a un, a raesure qu’ils abandonnent notre sol.
Dans la période pliocene, comme dans toutes celles qui ont précédé, nous avons a considérer plusieurs sortes de phéno-mènes, étroitement enchainés, les uns physiques, les autres cli-matériques, les derniers organiques et resultant des premiersnbsp;comme des conséquences forcées d’autant de prémisses.
Le fait matériel Ie plus saillant qui se présente a l’esprit, sitót que l’on touche au pliocène, consiste dans le retrait de lanbsp;mer qui, après avoir longtemps baigné l’Europe centrale et l’a-voir découpée de part en part, s’en est retirée en laissant a lanbsp;masse de notre continent la configuration qui lui est restée. Cenbsp;retrait, il est vrai, ne s’est pas fait en un jour; les causes quinbsp;l’amenèrent furent d’abord lentes a se produire. Quelque violencenbsp;que l’on cherche a attribuer aux événements géologiques qui lenbsp;déterminèrent, ceux-ci furent accompagnés d’une foule d’in-dices et d’accidents précurseurs qui, tous, présentèrent la mêmenbsp;signification et tendirent a restreindre l’étendue de la mer ou anbsp;introduire leseaux douces la oü les dots salés avaient jusqu’alorsnbsp;exclusivement dominé.
En Provence, sur bien des points de la vallée inférieure de la Durance et même aux environs d’Aix, la mollasse marine anbsp;Ostrsea crassissima passe supérieurement a des formations d’eaunbsp;douce, lacustres ou palustres, comme si des bassins alimentésnbsp;par des eaux courantes avaient immédiatement succédé auxnbsp;derniers dépots marins. II en est ainsi a Cucuron, au pied dunbsp;Mont-Léberon, sur les lieux ou M. Albert Gaudry a exhuménbsp;d’innombrables ossements de mammifères; il en est encore ainsinbsp;un peu plus loin, pres de Peyrolles et de Mirabeau, oü M. le
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professeur Collot a observe im calcaire travertineux supra-mol-lassique qui recouvre la formation marine sur une assez grande étendue. Ce calcaire renferme des empreintes de végétaux ter-restres et, parmi ces restes difficiles a extraire de la roche, nous
Fig. 97. — Végétaux du miocène supérieur d’eau douce de Provence.
I et 2. Ficus Colloti, Sap.; base et terminaison supérieure d’une feuille.
avons distingue les fragments de tige d’nn bambou et les feuilles d’un figuier d’aspect entièrement exotique.
Ce que l’on sait de l’époque correspondant au premier déclin de lamer mollassique annonceim temps de calme etl’influence d’unnbsp;climat essentiellement favorable a l’essor des deux règnes, plusnbsp;étroitement solidaires l’un de l’autre qu’ils ne Ie furent jamais.nbsp;La multiplication des herbivores oblige etfectivement d’admettrenbsp;1 abondance et la variété des plantes dont ces animaux se nour-rissent exclusivement. C’est Ie moment des riches faunes du
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LES PERIODES VÉGÉTALES
Mont-Léberon en Provence, de Pikermi en Grèce, d’Eppelsheim sur les bords du Rhin. M. Gaudry, en décrivant les espèces dontnbsp;il a retrouvé des troupes entières, a proclamé avec raison cenbsp;fait qui ressort invinciblernent de ses recherches, que la fin denbsp;l’époque miocène a été caractérisée par Ie grand développementnbsp;des herbivores. L’évolution de ces êtres supérieurs touche alorsnbsp;a son terme; après une longue et obscure élaboration, leursnbsp;types tendent fmalement a se fixer, après s’être spécialisés.nbsp;L’ébranlement qui pousse Porganisme vers de nouvelles com-binaisons, qui l’engage dans des voies graduellement divergentesnbsp;et Ie conduit a des adaptations de forme, de fonctions et de régime de plus en plus nettement distincts, eet ébranlement nenbsp;peut se produire et se maintenir de fapon a réaliser ses dernièresnbsp;consequences, que sous l’impulsion des circonstances exté-rieures. Sans doute, c’est Porganisme seul qui, en se transformant, a changé peu a peu les pachydermes en ruminants, d’unenbsp;part, en rhinocéros et en solipèdes, de Pautre; mais si Pautrenbsp;règne n’avait pas grandi d’age en age, s’il ne s’était pas graduellement diversifié, s’il n’avait pas présenté aux mammifères unenbsp;nourriture toujours plus variée et plus abondante, Ie phéno-mène organique d’ou tant de types si rigoureusement adaptésnbsp;sont a la fin sortis, n’aurait pu se réaliser, ou, en se faisant jour,nbsp;iln’aurait abouti qu’a de moindres résultats. 11 faut done néces-sairement recourir au règne végétal pour comprendre et pournbsp;expliquer les merveilles de Pautre règne ; Ie premier ne sauraitnbsp;être cbétif et pauvre, sans que Pautre ne Ie devienne également,nbsp;tellement tout s’enchaine dans les deux ordres de créatures vi-vantes, destinées a une perpétuelle et nécessaire association.
A Cuenron, a Pikermi, a Eppelsheim, les équidés, les ruminants, et surtout les gazelles, disputen! Ie pas aux pachydermes qui se maintiennent, aux proboscidiens qui sont en voie de déve-lopperaent. Les éléphants ne se montrent pas encore, mais lesnbsp;Dinotherium et les mastodontes sont déja venus. Les girafesnbsp;comprennent Ie type perdu de VHelladotherium, a cóté de celuinbsp;des Camelopardalisles hipparions précédent les chevaux dont
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ils différent encore a quelques égards. Les cerfs proprement dits commencent a paraitre, mais ils sont encore rares et leur boisnbsp;est presque simple; les bovidés sont absents. — Nous touchonsnbsp;au monde moderne; places au contact de ses limites, nous allonsnbsp;les aborder et les franchir ; mais dans la direction que nous au-rons a suivre pour y parvenir, nous serons entrainés, sinon in-sensiblement, du moins par une série de mouvements partiels etnbsp;d’oscillations répétées.
Deux faits principaux dominent tous les autres : Ie retrait de la mer miocène et l’abaissement définitif de la température;nbsp;l’un et l’autre demandent des explications qui en fassent saisirnbsp;la portée.
Les symptómes précurseurs, sur lesquels nous avons d’abord insisté^ montrent bien que Ie sol de l’Europe tendit graduelle-ment a s’exhausser, et eet exhaussement eiit évidemment lieunbsp;Yers Ie centre de 1’espace que la mer miocène ax^ait précédem-inentoccupé. Non-seulement cette mer abandonna alors la plainenbsp;helvétique, c’est-a-dire l’intcrvalle qui sépare de nos jours lanbsp;x^allée du Rhone de celle du Danube, mais aucune formationnbsp;réguliere, aucun dépot lacustre post-miocène ne succéda ennbsp;Suisse a la mer qui se retirait. Les eaux réunies en nappe dor-mante n’eurent plus d’accés dans cette région dont Ie reliefnbsp;s’accentua, peut-être rapidement, et oü les grandes chaines denbsp;l’Europe établirent en seredressant laligne departage des eaux,nbsp;en sorte que la distribution des x^allées hydrographiques du continent en a depuis dépendu d’une faijon absolue. 11 est visible, ennbsp;effet, que Ie retrait de la mer mollassique est intimement lié aunbsp;soulèvement des Alpes; que ce soulèvement ait été lent ounbsp;brusque, qu’il se soit opéré en une fois ou qu’il ait été préparénbsp;par une série de mouvements préliminaires, ou bien encore qu’ilnbsp;ait donné lieu tout d’abord a une chaine encore plus élevée quenbsp;celle qui constitue de nos jours l’ossature principale de notrenbsp;continent. Le nagelflüe, amas énorme de roebes concassées, denbsp;sédiments broyés, anguleux, polis ou détritiques, accumulés ennbsp;Suisse sur d’énormes épaisseurs, est la pour attester la puissance
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
du phénornène et la grandeur des résultats dont il fut suivi. Cet amoncellement de pouddingues, de brèches et de marnes incon-sistantes oincimentées, demeure comme un témoin irrécusablenbsp;de I’etfort qui releva les masses alpines, en leur imprimant Ie relief et la direction que nous leur connaissons.
Par cet événement principal, accompagné sans doute de plusieurs autres mouvements partiels et secondaires, la mernbsp;se trouva défmitivement rejetée dans la vallée du Rhone,nbsp;d’une part, dans celle du Danube inférieur, de Pautre; tandisnbsp;que la vallée du Pó était encore immergée jusque dans Ie Pié-mont, vers PAstésan et Ie Tortonnais. Au lieu d’un canal unique,nbsp;partant du golfe du Lion pour aller aboutir a la itier Noire, etnbsp;contournant Ie massif des Alpes actuelles pour aller découper ennbsp;tronfons épars Pltalie, nous obtenons maintenant trois golfesnbsp;distincts et profonds, sortes d’Adriatiques ayant chacunes leurnbsp;configuration, et remontant a la fois dans Pintérieur des terresnbsp;par les vallées respectives du Rhone, du Danube et du Pó. Cesnbsp;Adriatiques iront en diminuant d’étendue et de profondeur;nbsp;d’autres échancrures ayant une origine semblable et situées dansnbsp;Ie Roussillon, vers Pembouchure du Têt; dans les Alpes-Mari-times, a Pembouchure du Var; dans les Landes, entre PAdournbsp;et la Garonne ; en Relgique, entre Bruges, Bruxelles et Anvers;nbsp;sur la cóte occidentale de PAngleterre, au-dessus de la Tamise;nbsp;dans Pltalie centrale, en Sicile, en Algérie et ailleurs, auront lanbsp;même destinée. Partout, la mer ira en s’amoindrissant, tout ennbsp;attestant, par sa persistance sur quelques points et par Pépaisseurnbsp;des dépots qu’elle y accumulera, la longue durée d’une époquenbsp;dont les formations se dérobent Ie plus souvent a notre examen ;nbsp;celles-ci effectivement demeurent soustraites a nos moyens d’in-vestigation dans tout Ie périmètre des mers actuelles, partoutnbsp;oü Ie rivage de ces mers ne s’est pas déplacé depuis les tempsnbsp;pliocènes.
Mais revenons sur nos pas et reprenons la suite des événe-ments ou nous Pavons laissée; n’oublions pas surtout que nous sommes dans la partie récente du miocène, au moment oü cette
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période tend yers sa terminaison et Ta se sonder ayec cello qui lui suGcède. La mer se retire dans la yallée du Rhone, ellenbsp;s’avance a peine jusqu’a Valence; bientót après, elle n’arriveranbsp;plus même jusqu’a Montélimart. C’est dans eet age qu’il faut placer un niveau remarquable, caractérisé par l’invasion d’une faunenbsp;venue de proche en proche par la direction de l’orient et ayantnbsp;habité, dans un age déterminé, les estuaires fluvio-marins denbsp;l’Europe presque entière ; on a donné Ie nom de couches a congé-ries aux formations qui, vers Ie Danube inférieur et moyen, dansnbsp;ritalie centrale et Ie midi de la France, contiennent cette faune,nbsp;et qui s’intercalent entre Ie tortonien et l’astien de manière anbsp;indiquer d’une fafon relativement précise la fin du miocène etnbsp;Ie point de départ de la période suivante. On a parfois appliquénbsp;la dénomination de mio-pliocène a l’age ambign qui relienbsp;les deux périodes, et constitue une transition réellement insensible de l’une vers 1’autre, surtout si l’on s’attache a lanbsp;végétation. Arrivé a ce point, nous rencontrons, soit en Italië,nbsp;soit en France, soit enfin en Autriche, bien des examples de cenbsp;qu’était la flore européenne; nous ne pouvons tout dire a sonnbsp;égard; mais nous allons au moins saisir quelques-uns de sesnbsp;traits distinctifs, ils serviront de guides et de jalons dans le voyagenbsp;que nous voulons entreprendre. En établissant d’abord ce qu’é-taient la végétation et le climat, nons jugerons sans peine denbsp;1’abaissement successif de ce dernier, et nous constaterons plusnbsp;facilement l’élimination, graduellement accomplie, des formesnbsp;que I’Europe possédait encore au début des temps pliocenes.
On serait tenté de croire, en s’attachant a un point de vue su-perficiel, que, FEurope étant devenue continentale par le retrait de la mer et de hautes montagnes hérissant maintenant sa surface, cette configuration nouvelle de noire continent eut été lanbsp;cause déterminante de I’abaissement du climat, survenu depuisnbsp;ces événements. 11 est difficile pourtant d’admettre qu’il en aitnbsp;été réellement ainsi. En effet, une fois le phénomène accompli,nbsp;le resultat n’aurait pas manqué de se produire dans toute sonnbsp;intensité. Si l’élévation antérieure de la température avail été
et' DE Saporta. 21
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
uniquement due a l’influence de la mer mioeène, s’avaufant jusqu’au cceur de l’Europe, Ie retrait seul de cette mer etnbsp;l’apparition de très-hautes montagnes devenues bientót neigeu-ses, auraient presque immédiatement entrainé raltération de lanbsp;température et du climat. Saus nier que des éyénements du genrenbsp;de ceux que nous relatons aient du contribuer a la réalisationnbsp;d’un semblable résultat, ou du moins aient eu pour effet de Ienbsp;rendre plus rapide et plus décisif, ce serait, nous Ie pensons, unenbsp;grave erreur que de vouloir s’en tenir a la configuration géogra-phique, en la rendant responsable de tout. Une action localisée,nbsp;quelque énergique qu’on la suppose, ne saurait suffice pournbsp;expliquer les phénomènes climatériques qui se déroulèrent pendant la période pliocene. La forme et Ie relief d’une contrée, lanbsp;direction des chaines de montagnes qui la divisent et des mersnbsp;qui la baignent sont, il est vrai, susceptibles de déterminer lanbsp;presence d’un climat plus rude ou plus clément, plus humidenbsp;OU plus sec, et, s’il ne s’agissait que de variations de cette sorte,nbsp;l’Europe aurait très-bien pu les éprouver tour a tour et passernbsp;des extremes de l’Asie centrale aux conditions égales en toutenbsp;saison, départies au Japon, sans qu’il fut nécessaire, pour com-prendre les transformations corrélatives de sa (lore, de recourirnbsp;a des causes plus générales. Mais Ie pbénomène auquel il fautnbsp;rapporter l’abaissement de la température n’a rien de particulier a l’Europe; il n’a rien mème de brusque, d’accidentel ninbsp;de passager. Nous avons signalé l’origine du mouvement dès lanbsp;fin de l’éocène; nous l’avons vu se prononcer tout d’abord avecnbsp;une intensité croissante dans les régions polaires, et de la s’é-tendre graduellement vers Ie sud. Au début de Foligocène, lanbsp;végétationde la zone tempérée boréale change de caractère; desnbsp;éléments nouveaux, venus par Ie nord, et dénotant les premiersnbsp;progrès du refroidissement, s’introduisent et se propagent. Nousnbsp;avons étudié les signes de cette révolution, au moyen de laquellenbsp;la difference des latitudes tend a s’accentuer peu a peu; nousnbsp;n’avonspas ay revenir, mais il est impossible de ne pas admettre,nbsp;en considérant cette marche que rien n'arrête, et qui se continue
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. ïlt
avec raesure et régularité, I’influence d’un phénomène cosmique, embrassant Ie globe terrestre tout entier. Devant ce mouvementnbsp;expansif, ayant au pole sou point de depart initial et son siegenbsp;permanent, on est bien forcé de concevoir un moment ou lesnbsp;glacés arctiques, d’abord sporadiques, puis normalement an-nuelles et périodiques, auront fmi par devenir permanentes surnbsp;une foule de points et, une fois permanentes, n’auront cessé denbsp;prendre de l’extension et de recouvrir Ie sol des régions circum-polaires, jusqu’au moment ou elles auront donné lieu a desnbsp;masses tlottantes. De la, une cause certaine de refroidissementnbsp;pour l’ensemble des contrées boréales, cause évidemment secondaire et consécutive, relevant d’une cause première plus générale. Si l’on combine cette action des glacés polaires avec cellenbsp;qui dérive des glaciers dont l’apparition résulte de circonstancesnbsp;du même ordre et se rattache a la même époque, on aura saisinbsp;les deux particularités les plus saillantes auxquelles l’abaisse-mentdu climat ait donné naissance et dont Ie contre-coup se soitnbsp;fait senti r sur l’ensemble de la végétation, dans la période pliocene.
Un temps très-long fut sans doute nécessaire pour accomplir ces changements. La mer miocène s’étaitdéja retirée du centrenbsp;de l’Europe et Ie soulèvement des Alpes avait eu lieu probable-ment au moment oüse déposèrentles couches a congeries; pour-tant la végétation gardait encore la pinpart des traits qui la ca-ractérisaient lors du miocène proprement dit. Nous allons assisternbsp;a la transition d’une période vers l’autre; mais cette transition nenbsp;s’opérera qu’a l’aide de degrés successifs, comme sous l’impul-sion d’une force venant de haut et de loin, dont les effets seraientnbsp;a peine sensibles, sans cesser pourtant de se prononcer et d’agir.nbsp;Le bassin de Vienne, en Autriche, nous fournit a eet égard desnbsp;renseignements instructifs, grace a la disposition de plusieursnbsp;étages superposés, qu’il présente. Au-dessus de la mollasse miocène proprement dite, se place, dans cette contrée, l’étage sar-matique ou a cérithes et la partie supérieure de ce dernier com-prend une flore fort riche, dont les espèces caractéristiques sontnbsp;identiques a celles d’OEningen.
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LES PERIODES VÉGÉTALES
Le Callitris Brongniartii, que nous avons signalé dans l’éo-cène, etqui joue un róle si considérable dans les gypses d’Aix, persiste a se montrer alors, entouré du même cortége de Cin-namomum ou camphriers.
Le Sequoia Langsdorfii, le Carpinus grandis, le Dryandroides lignitiim, VAcer irilobatum, le Sapindus falcifolius, les Podogo-nium, VAcacia parschlugiana, et bien d’autres espèces que nousnbsp;pourrions citer attestent la permanence des mêmes types, dansnbsp;nn ago déja postérieur a celui d’OEningen. 11 est vrai qu’on nenbsp;saurait signaler aucun palmier dans la flore sarmatiqiie, maisnbsp;nous avons fait Yoir que ces végétaux étaient déja fort i’ares anbsp;OEningen. Rien done ne dénoterait ici de proebains change-ments, si l’on ne remarquait, auprès de Vienne, la presencenbsp;répétée de certaines formes^ apparemment douées d’une vitaliténbsp;plus robuste que d’autres et qui^ déja présentes ou abondantesnbsp;dès le miocène, sont destinées a prolonger leur existence jus-qu’au milieu ou même jusqu’a la tin de la période suivante. Cenbsp;sont avant tout; Glyptostrohus europseus, Br., Betida prisca,nbsp;Ett., Planera Ungeri, Ett., Liquidambar europseum, Al. Br.,nbsp;Platanus aceroides, Goepp., Parrotia pristina, Ett., Grewia cre-nata, Ung., Acer Ponzianum, Gaud., A. integrilobum, O. Web.,
etc..... La plupart de ces espèces ont été figurées précédem-
ment; nous donnons ici la représentation de celles qui ne Tont pas été, et le lecteur doit s’attendre a les retrouver toutes, ennbsp;remontant la série.
La flore qui succède immédiatement a celle de Cétage sar-matique, dans le bassin de Vienne, celle des couches a congeries, permet de constater plusieurs changements : le Callitris et lesnbsp;camphriers ne se montrent plus, les Acacia sont absents; cesnbsp;types ont quitté pour toujours notre sol, mais on observe encore celui des Sequoia et, sous le nom de Phragmites, on trouvenbsp;de vrais bambous; favorisés sans doute par Thumidité du cli-mat qui tend a s’accroitre, nous les verrons persister, associésnbsp;a nos roseaux, et faire un pen plus tard rornement des floresnbsp;franchement pliocenes de Meximieux et du Cantab Sur bhori-
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zon des couches a congéries, on voit apparaitre aussi, plus fré-quemment que dans Ie miocène proprement dit, Ie hêtre,.non
pas préciséinent notre hêtre, Fagus sylvatica, mais un type très-voisin de lui qui s’étend et se propage de toutes parts et qui
atteste, par cette extension même, I’influence de rhumidité, si nécessaire a la prospérité de cette essence forestière.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
En Italië, on doit rapporter a un niveau a peu prés équivalent a celui des couches a congeries, les tlores de Stradella, prés de Pavie, et de Senigaglia, dans les Marches; elles déno-tent les mêmes comhinaisons, en laissant voir plus d’élévationnbsp;dans la température, a raison de la position plus méridionalenbsp;de ces deux localités. Les gypses de Stradella montrent l’asso-ciation du camphrier miocène, Cinnamomum pohjmorphum,nbsp;Hr. , avec Ie hêtre, Fagus Deucaliofiis, Gcepp., Ie charme et diversnbsp;érables pliocenes. A Senigaglia, dont la flore est d’une grandenbsp;richesse, non-seulement les palmiers ont laissé des vestiges certains ; mais on observe de plus, a cóté de certains types mio-cènes, comme les Sequoia Sternbergii et Langsdorfii, Ie Lïbo-cedrus salicornioidcs, Ie Taxodium dubium, Goepp., \e Sapindusnbsp;falcifoliiis, etc., dont la presence ne saurait être douteuse, desnbsp;formes de chênes, d’érables, d’ormes, de charmes, de hêtres, denbsp;noyers, intimement alliées a celles qui peupleront Ie pliocene etnbsp;par celles-ci a des espèces encore vivantes. La flore de Senigaglianbsp;est riche également en formes végétales communes aux deuxnbsp;périodes et que nous devons citer comme caractérisant aussinbsp;hien Ie pliocene que Ie miocène; ce sont principalement lesnbsp;suivantes : Ghjptostrobus europeeiis, Hr., Salisburia adiantoides,nbsp;Ung. (tig. 100), Pfaneranbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Ett., Platanus aceroides, Gcepp.,
Liquidambar europseum, AL Br., Sassafras Ferretiamim, Massal., Oreodaphne Fleerii, Gaud., Liriodendron Procaccinii, Ung., Tilianbsp;mastaiana, Massal., Juglans bilinica, Ung., Gereis Virgiliana,nbsp;Massal., etc. (fig. 101, 6-7) (1). Ces espèces et hien d’autres quenbsp;1’on pourrait citer, non-seulement persistèrent en Europe par delanbsp;Page miocène, oü Pon commence a les rencontrer, mais elles présenten! encore des correspondents directs au sein de la naturenbsp;actuelle. Ces correspondants sont presque tous, il estvrai, situésnbsp;hors de PEurope et plusieurs très-loin de ce continent, en Amé-
(1) Parmi les espèces mio-pliocènes de Senigaglia, que représente notre figure 101, il faut remarquer les deux chênes, Quercus Fallopiana et Cornalise. Le Q. Fallopiananbsp;reproduit le type de nos rohur : le Q. Cornaliss, au contraire, se rattache de très-près au type infectoria. Quant S, l’Acer Cornaiix (fig. 100, 5), il appartient évidem-ment au groupe de VAcer opuUfolium, Vill.
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rique, comme Ie tulipier et Ie sassafras; en Chine ou au Japon, cornme Ie ginkgo et Ie Glyptostrobusd autres aux Canaries,nbsp;Oreodaphne, ou dans 1’Asie occidentale, platane, planère, li-quidambar. Le plus petit nombre [Gereis, Acer) est demeuré eu-
re
re
Fig. 100. — Espèces mio-pliocènes caractéristiques de Senigaglia.
1-2- Salisburia adiantoides, Dng. — 3. Sassafras Ferreiianum, Mass. - 5. Acer
Cornalise, Massal.
ropéen ; mais, en dépit de cette dispersion, la parente est si etroite entre les formes restées si longtemps indigenes, si tar-
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LES PERIODES VEGETALES
divement éliminées de notre sol, et leurs homologues de la nature Tivante, qu’il est impossible de ne pas admettre que les lines et les autres ne soient originairement issues de la mêmenbsp;souche.
La présence répétée du hêtre et du platane, et leur association presque inevitable dans ce premier %e, a l’aurore même des temps pliocenes, constituent des indices qui ne sauraient êtrenbsp;trompeurs de la douceur et de Fhumidité du climat. Un climatnbsp;extréme nè saurait convenir au hêtre, auquel il faut des pré-cipitations aqueuses dans toutes les saisons; et des étés sans cha-
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leur n’auraient pu fayoriser l’extension du platane, auquel la chaleur et l’eau sont a la fois nécessaires pour lui faire obtenirnbsp;tout son développement. Remarquons encore la présence dunbsp;tilleul, auparavant inconnu ou très-rare en Europe, reléguénbsp;plutót vers les regions arctiques et que nous allons maintenantnbsp;retrouver partout. Signalons aussi Ie tulipier, Ie sassafras, Ienbsp;platane, Ie liquidambar, Ie ginkgo, auxquels la fraicheur estnbsp;absolurnent nécessaire, et qiii tous avaient eu, dans un age an-térieur, les alentours du pole pour première demeure, avant quenbsp;l’Europe, devenue moins chaude et plus humide, sans cesser encore d’etre tempérée, leur eut ouvert des terres oü ces typesnbsp;purent se propager en toute liberté.
Dans la vallée du Rhone, a la même époque, la mollasse marine de Saint-Fons (Isère) comprend Ie platane; les lignites de la Tour-du-Pin montrent ce même platane associé au hêtrenbsp;pliocene [Fagus sylvatica pliocenica) a feuilles déja entières etnbsp;ondulées sur les bords et a une juglandée voisine de notrenbsp;noyer indigene. Par. ces lignites, par celles de Hauterives, parnbsp;les sables de Trévoux, nous entrons dans Ie pliocene et nousnbsp;rencontrons partout Ie hêtre, que les cinérites du Cantal vontnbsp;nous offrir en grande abondance. Get arbre doit être pour nousnbsp;l’indice Ie plus précieux du climat que possédait l’Europenbsp;d’alors et qui lui permit de conserver dans une association har-monieuse les éléments qui constituent les plus riches forêts dunbsp;Nord, combinés avec ceux qui entrent dans la composition desnbsp;massifs boisés des iles Canaries et des confins de la région cau-casienne.
Avant de pénélrer au sein de ces forêts primitives encore a 1’abri des atteintes de Phomme, déja présent « peut-être », maisnbsp;trop faible ou trop isolé, pour avoir la pensée de les détruire,nbsp;imitons ces voyageurs qui abordent par mer une contréenbsp;inexplorée, qu’ils cherchent a visiter : des fouilles opérées parnbsp;M. Ie professeur Marion et par nous, pres de Vaquières, dansnbsp;Ie Gard, donnent la facilité de reconstituer intégralement lanbsp;végétation qui accompagnait alors les rives d’un petit fleuve, vers
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LES PERIODES VEGETALES
son embouchure. La mer au sein de laquelle 'venait se perdre ce cours d’eau qui se confondait sans doute avec Ie Gardon actuelnbsp;appartient aux premiers temps de la période pliocene, puis-que ses dépots sont immédiatement postérieurs a ceux des couches d congeries. Les eaux probablement limpides du Gardonnbsp;pliocène étaient ombragées d^un rideau toutfu d’aunes, appar-
tenant a une élégante espèce qui tient Ie milieu entre un aune syrien, Alnus orientalis,Dne,ei\''Alnus maritima, Reg., du Japon.nbsp;A eet aune aux feuilles élancées, fmement denticulées sur lesnbsp;bords [Alnus stenophjlla, Sap. et Mar.) (fig. 102, 3-5), se mêlaientnbsp;des xiornes, dont Tune rappelle notre laurier-tin, tandisque l’au-
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PLIOCENE.
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tre a son analogue actuel en Chine. Plus loin, des sassafras, des érables, de la section de notre érable a feuilles d’obier, un cé-lastre épineux d’affinité africaine formaient des fourrés, qu’unnbsp;Smilax sarmenteux rendait inextricables. A l’écart, non loin desnbsp;eaux, dans Ie sable humide, croissait Ie Glyptostrobus europaeus,nbsp;dont Fhomologue chinois sert d’encadrement aux rizières de lanbsp;province de Canton; mais de plus, a Vaquières, un grand ro-seau, assimilable a une race, qui de nos jours couvre les bordsnbsp;du Nil OU encore a VArundo mauritanica, Desf., d’Algérie,nbsp;multipliait ses colonies au contact mème de Peau qui baignaitnbsp;en mème temps les touffes d’une élégante fougère, Osmundanbsp;hilinica (Ett.), Sap. Cette osmonde offre cette particularité denbsp;dénoter la présence d’une section devenue étrangère a l’Europe,nbsp;oü ro. regalis, L. est de nos jours l’unique représentant dunbsp;groupe. Les empreintes de ces espèces, quelques-unes, commenbsp;celles du roseau [Arundo mgyptia antiqua, Sap. et Mar.), accu-mulées en masse, ont été recueillies dans la vase sableuse quenbsp;l’ancien fleuve entrainait jusqu’ala mer, au moment des crues;nbsp;elles nous découvrent l’aspect que présentait un petit coin dunbsp;littoral pliocene.
Pour bien juger des grandes scènes qui se déroulent a l’inté-rieur des terres, il faut remonter au fond de I’ancien golfe et gravir, au dela de Lyon, les premiers escarpements du sol pliocene. Les eaux douces sourdent de toutes parts; elles jaillissentnbsp;'lu haut des pentes et forment des cascades sur la lisiere immé-diate ou sous 1’ombre même des grands bois, fréquentés par lesnbsp;cerfs, les mastodontes, les tapirs, maitres incontestes de ces solitudes. L’homme existe peut-être déja, mais il n’a pas encorenbsp;trouvé le chemin de l’Europe, et d’ailleurs il est si timide, ilnbsp;choisit avec tant de soin pour demeure les lieux écartés et d’unnbsp;ac:cès difficile que ses traces nous échappent. Les Linotherium senbsp;sont éclipsés depuis longtemps, mais les premiers éléphants, lesnbsp;premiers chevaux, les rhinocéros a larges narines errent fa etnbsp;Ié, tandis que Pours [Ursus arverncnsis), I’hyene pliocene et unnbsp;lerrible carnassier, le Machairodus, rodent pour chercher leur
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
proie; tachons de recomposer, avec Ie paysage, les masses vëgétales qui servaient d’abri a ces aniraaux et fournissaient leur nourriturenbsp;a la plupart d’entre eux. Les calcaires concrétionnés de Mexi-mieux permettent d’esquisser ce tableau. Les eaux incrustantesnbsp;de la localité pliocene, non pas découxerte, mais explorée pournbsp;la première fois avec intelligence parM. Falsan, étaient couron-nées de plantes qui se penchaient sur elles, entourées de grandsnbsp;arbresqui oinbrageaient leur cours; elles traxersaient de puis-santes forêts dont les dépouilles entrainées par les flots rapidesnbsp;ontlaissé dans la rocbe en xoie de formation Tempreinte fidelenbsp;de leurs dixerses parties : feuilles, fruits, fleurs, rameaux, ham-pes, folioles éparses et parfois des tiges ou des branches en-tières.
La forêt de Meximieux xessemblait a celles qui font encore l’admiration des xoyageurs_, dans l’archipel des Canaries. Cenbsp;sont, en partie au moins, les mêmes essences qui reparaissent,nbsp;en tenant compte de la richesse plus grande dont la localiténbsp;pliocene garde Ie prixilége. Pour émettre a son égard une justenbsp;appréciation, il faut joindre aux Canaries l’Amérique du Nord,nbsp;a l’Europe moderne l’Asie caucasienne et oriëntale, et recomposer, au moyen des éléinents empruntés a ces dixers pays, un ensemble qui donnera la mesure exacte de la xégétation qui cou-xrait alors Ie sol, aux enxirons de Lyon.
Beaucoup de ces plantes étaient des essences purement fores-tières et sociales; on distingue parmi elles : une taxinée, Torreya m^ce'/erö!,maintenantjaponaise; un c\\èr\e\eïi,Quercusprsecursor,nbsp;Sap. (fig. 106, 5-6), presque semblable au notre, si l’on consultenbsp;les xariétés aux plus larges feuilles du Q. ilex, L.; plusieurs lauri-nées canariennesou américaines [Laurus canariensis,^amp;\i\y,Oreo-dapgt;hne Heerii, Gaud. (fig. 103,1-3), Apollonias canariensis, Webb.nbsp;Persea carolinensis, etc.); un tilleul, Tilia expansa, Sap. et Mar.nbsp;(fig. 103), Ae?, évdihle?, [Acer opulifoliumplioceniciim, Acer leetum,nbsp;C. .4. Mey.), dont l’un se retrouxe en Asie, tandis que l’autre a per-sisté sur Ie sol de l’Europe; un noyer, Jiiglans minor, Sap. et Mar.,nbsp;etc. Parmi les arbres d’une taille moins élexée,il faut mentionner
-ocr page 368-des hou^ {Ilex canariensis, Wehh, Ilex Falsa7ii, Sap.); et, parmi les arbustes, un Daphne, D. pontica, D. C., maintenant réfugié
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Fig. 104. — Espèces caractéristiques des tufs pliocènes de Meximieux.
1, 2. Glyptostrobus europsus, Hr. : 1, rameau; 1*, fragment du même, grossi; 2, strobile. — 3. Torreya nucifera var. brevifoUa, Sap. et Mar. ; 3*, feuille gros-sie. — 4. Torreya nucifera actuel, rameau figure comme terme de comparaison. —nbsp;5, 6. Wodwardia radkans, L., deux fragments de fronde. — 7, 11. Punica Plan-choni. Sap.; 7 et 8, deux feuilles; 9 et 10, boutons S, fleurs avant leur épanouis-sement; 11, a, b, c, d, e, f, plusieurs autres boutons de la même espèce, vusnbsp;dans diverses positions.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
feuilles, Tune vue par la face supérieure (4), l’autre par la face opposée (5). —
6. nbsp;nbsp;nbsp;Viburnum rugosum (Pers.) pliocenicum, feuille vue par la face supérieure. —
7, nbsp;nbsp;nbsp;8. Buxus pliocenica, Sap. et Mar. : 7, feuille; 8, fruit vu par cóté en a et par-dessous en b. — 9. Ilex Falsani, Sap., feuille vue par-dessus. — 10-12. Juglansnbsp;minor. Sap. et Mar. : 10, sommité d’une feuille ailée ; 11, noix vue par cóté ; 12,nbsp;même organe vu par-dessous.
Sap. et Mar., a peine di fférent du nêtre, et enfin plusieurs ’viornes [Viburnumpseudo-tinus, Sap., V. rugosum, Pers.), dont Tune aunbsp;inoins se retroiiye aux Canaries (fig. 105).
Les arbres qui suivaient de préférence Ie bord des eaux cou-rantes ou se pressaient dans leur voisinage comprenaient, avec
notre peuplier blanc, Popidus alha pliocenica, ie platane^ Ie magnolia et Ie tulipier, a pen pres tels que les possède l’Amé-rique, mais avec des nuances différencielles, d’autant plus curieuses, qu’elles sont reconnaissables, en même temps que peunbsp;sensibles. La catégorie des plantes sarinenteuses comptait une clé-matite et une ménispermée (Cocculus) d’affinité nord-ainéricaine.
-ocr page 372-I’ll INC l PA UX PALM I mis ET CYCADÉES Do I’aifc tpi'tiairy nioycn, cn Kuropo.
DE L'ÉPOQUE tertiaire; — PLIOCENE. nbsp;nbsp;nbsp;337
Le laurier-rose, presque semblable a ce qu’il e.st mainte-nant, et un grenadier {Punica Planchoni, Sap.) particulier a 1’Eu-rope pliocene, mais peu éloigné de celui que la culture nous a transmis, servaient aux eaux de ceinture immediate. Présnbsp;d’elles encore, le Glyptostrobiis tertiaire, G. europceics, dont onnbsp;a recueilli jusqu’aux cones, survivait comme un souvenir de Pagenbsp;précédent; mais on ne saurait passer sous silence un bambou,nbsp;B. Lugdiinensisy Sap., de taille médiocre (fig. 106), dont les nom-breuses colonies surgissaientpartout, le long des berges humides.nbsp;Aux rocailles des cascatelles étaient attachées deux fougèresnbsp;remarquables, dont Tune, Adiantum reniforme, L., répanduenbsp;entre les tropiques, ne dépasse plus aujourd’hui 1’archipel desnbsp;Canaries dans la direction du nord, tandis que l’autre, Wood-loardia radkansy Cav., également canarienne, s’avance sporadi-quement jusqu’aux Asturies et jusqu’auprès de Bologne. Cesnbsp;deux fougères étaient elles-mêmes représentées, locs dumiocène^nbsp;par deux formes auxquelles ünger a appliqué la dénominationnbsp;A'Adiantum renatnm et de Woodwardia Rcesneriana. On voit quenbsp;les éléments de filiation des plantes vivantes par celles des tempsnbsp;géologiques n’échappent pas toujours a l’analyse, et qu’il estnbsp;maiiitenant difficile de ne pas admettre que la plupart de nosnbsp;espèces n’aient eu leur raison d’être et leur point de départ ancestral au sein des périodes antérieures. On con^oit en inêmcnbsp;temps que les termos généalogiques deviennent d’autant plusnbsp;vagues et d’autant plus obscurs, que l’on s’efforce de remonternbsp;plus loin dans le passé.
ATépoque oii vivaient en France \cMastodon dissimüiSyiomA., ei\lt;i Tapirus «roemensfs, l’ancienne Adriatique lyonnaise, déjanbsp;aux deux tiers délaissée par la mer qui se retirait vers Avignon et Beaucaire, était jalonnée, du cóté de l’Ardèche et dunbsp;Vivarais, et plus loin dans la Haute-Loire, le Cantal et le massifnbsp;auvergnat, par une double ou même par une triple rangée denbsp;volcans, dès lors en pleine activité. Les bouclies éruptives denbsp;cette régioii, si longtcmps tourmentée et dont les dernières convulsions ensevelii ent sous la cendre les hommes de la Denyse, sui-Cquot; DB Saporta.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;22
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T.ES PÉRIODES VEGETALES
virent,avantde prendre la forme des Tolcans actLiels,une marche graduelle et rin développement dont les études de M. B. Barnes,nbsp;d’Aurillac, ont contribuc a faire connaitre les progrès.
Cc furent d’abord des syinptómes précurseurs, des eaux ther-males, des mouvements oscillatoires, des fractures et des soulève-ments partiels agitantune contrée et un sol généralernent primi-tifs et qui depuis l’origine des terrains étaient demeurés émergés, dans un calme profond. C’est alors, et a la suite de ces manifestations initiales des forces intérieures que s’établirent les premiers lacs, bientot siiixis des premiers épanchements debasalte.
Les dépots lacustres qui succédèrent a l’apparition du rieux basalte ont offert a M. B. Barnes, dans Ie Cantal, des ossementsnbsp;A'Amphicyon, de Machairodus, Ie Mastodon angustidens, Ie Dmo-therium gigantcum et les Hipparion, indices qui nous placent surnbsp;l’horizon du miocène supérieur du Mont-Léberon et de Pikermi.nbsp;Ensuite 'vinrent des basaltes plus récents (basalte porphijroïdé) etnbsp;les premiers conglomérats tracbytiques. Le relief se prononcaitnbsp;de plus en plus, mais le volcan proprement dit n’étaitpas encorenbsp;constitué ou du moins n’existait qu’a l’état d’ébauche. La contrée,nbsp;déja accidentée et montagneuse, était partout courerte de pro-fondes forêts dont la composition variait suivant Paltitude et lanbsp;direction. Les revers nord des escarpements dilleraient a eetnbsp;égard des pentes tournécs vers le sud. La vie végétale, commenbsp;la vie animale, avail acquis un degré de splendeur et de forcenbsp;qu’il lui a été rarement donné d’atteindre. C’est alors que denbsp;nouvelles éruptions de trachyte, de basalte, puis de phonolithesnbsp;et fmalement de laves se firent jour, alternant selon les lieux etnbsp;tendant a concentrer les forces expulsives sur un point déter-miné. Ainsi s’établirent a la longue les cratères permanents,nbsp;fonctionnant soit passagèremsnt, soit a demeure, a la fagonnbsp;de ceux qui surmontent les cones volcaniques actuels. C’estnbsp;surtout en Auvergne que l’on observe des modèles de ces der-niers, qui se rapportent évidemment a la plus récente périodenbsp;du tertiaire; quelques-uns de ces cratères sonta peine égueulés.nbsp;Le volcan de la montagne du Cantal est plus ancien que ceux-ci:
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bien que Ie cóne de dejection qui snrmontait la masse actuclle, a l’époque de sa plus grande activité pliitonique, ait plus tardnbsp;disparu, Ie cirque on enlonnoir central d’oü fiirentvomisles pbo-nolithes, les trachytes et Ie dernier basalte est encore visible, biennbsp;que ses remparts soient en partie effondrés et que ses llancs aientnbsp;été ravinés par les courants postérieurs de la période glaciaire.
En Auvergne et dans Ie \'elay, ce sont des tufs ponceux et des conglomérats trachytiques ou irassoïtes, forrnés aiix dépensnbsp;des roebes éruptives remaniées, qui comprennent une multitudenbsp;d’empreintes végétales, appartenant a divers niveaux successifsnbsp;de la série pliocene.
Pres du Puy, MM. Aymard et Haydes ont recueilli de noin-breux débris de plantes dans une marne a tripoli grisatre, observée non loin de Ceyssac. Dans Ie Cantal, la tlore pliocenenbsp;la plus riche est due aux recherches de M. B. Barnes, qui l’anbsp;exhumée des cinérites, c’est-a-dire des cendres d^origine eruptive,nbsp;remaniées, cimentées et stratifiées par les eaux, probablementnbsp;par reffet des précipitations aqueuses qui précédent ou accom-pagnenl les coulees de matières en fusion.
Ces phénomènes, d’une grande violence, eurent pour consé-quence d’entrainer la chute d’une foule d’arbres dont les troncs couchés se montrent a l’état de moule creux, disposés dans unnbsp;vérilable désordre. Les branches, les tiges, les rameaux 1'urentnbsp;reconverts; Ie sol jonché d’un lit de feuilles et d’une quantiténbsp;de menus organes disparut sous un amas de cendres qui refutnbsp;1’einpreinte de tous ces objets, même des plus délicats. Larochenbsp;ainsi reconstituée et ensuite durcie nous les a fidèlement transmis,-dansl’état oü chacu.nd’euxse trouvaitau moment de la catastrophe,nbsp;réalisant au profit de la science les merveilles d’un « Herculanum»nbsp;Tégétal, qui n’a pas dit son dernier mot. La présence du bambounbsp;de Mexiinieux et les indices tirés des études stratigraphiques denbsp;M. B. Rames permettent de croire que les forêts pliocenes dunbsp;Cantal étaienta peu prés contemporaines de celles des environsnbsp;de Lyon. 1! ne faut done pas s’étonner de voir reparailrc ici lesnbsp;inêmes érables, Ie même tilleul, ainsi que certaines espèces
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LES PÉRIODES VEGETALES-
l'ranchement miocènes, corame Ie Grewia crenata, Hr., Ie Zyqo-phyllum Brojinii{Ulrmis Bronnii, Ung.), Sap., et Ie Sassafras Fer-relianum, Massal., de Senigaglia. Mais une foute d’indices, aussi curieus qu’inattendus, nous avertissent que nous sommes icinbsp;placés sur un sol montagneux et que nous remontons, a traversnbsp;des pentes boisées, jusqu’a une attitude suffisante pour admettrenbsp;une végétation différente de celle des valtées inférieures. N’ou-blions pas que c’est justement cette dernière que la plage de Va-quières et les abords des cascatelles de Meximieux nous ont faitnbsp;entrevoir. Les cinérites du Cantal vont nous introduire a leurnbsp;tour au milieu d’une flore revètue d’un autre caractère et plusnbsp;appropriée aux escarpements sous-alpins auxquels elle servaitnbsp;de couronnement.
Au Bas de la Mougudo^ sur t’un des contreforts méridionaux du volcan pliocene, l’arbre dominant est un aune, notre Ahiusnbsp;yhitinosa, L., qui présente ici des feuilles largement orbicu-laires (tig. 107). Les arbres principaux sont un tilleul, celui denbsp;Meximieux, Tilia expansa, Sap. et Mar., une juglandée, Ptero-carya fraxinifolia, Spach, maintenant confinée dans Ie Caucase,nbsp;un planère de la même région [Planera crenata), un charmenbsp;presque semblable au Carpinus orientalis qui s’avance de nosnbsp;jours jusque dans la Carniole, un orme qui se rattache a l’unnbsp;de nos ormeaux indigenes, VUlmus ciliata.
Le hêtre se montre également; mais il était rare dans l’an-cienne localité; peut-être fréquentait-il de préférence une région un peu supérieure; l’existence de celle-ci se trouve attestée ennbsp;tont cas par une écaille détachée d’un cóne de sapin, entrainéenbsp;jusque-la d’un sommet plus élcvé, et dénotant une espèce alliéenbsp;de très-près a VAbies pinsapo, Boiss., de la Sierra-Nevada.
La flore de Saint-Vincent, localité située sur le versant septentrional du Cantal, dévoile clairement les diversités qu’entrainait alors, dans la composition du tapis végétal, l’altitude jointe a 1’ex-position touruée au nord. Nous rencontrons ici une seconde juglandée, aujourd’hui éteinte, Carya maxima, Sap., a cóté dunbsp;Pterocarya fraxinifolia. Deux érables, qui ne different pas de
-ocr page 378-ï'jg. 107. — Espèces caractéristiques des cinérites du Cantal; — Pas de Ia Mougudo.
1. Alnus glutinosa orbiculata, Sap. (feuille légèrement resfauróe). — 2. Tilia expmisa, Sap. et Mar. (feuille restaurée h l’aide de plusieurs fragments). — 3-1. Abieanbsp;pmsapo, Boiss., pliocenica : 3, feuille ; 3gt;, la mème grossie ; 4, écaille détachéenbsp;d'un strobile. Obs.; la feuille rossemble h celles de 1'Abies numidica, que M. Besson ne distingue pas de VA. pinsapo; la dimension de récaille est supérieure Iinbsp;celle des parties correspondantes du cöne de l’espèce moderne.
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
ceux de Maximieiix, Ie charme, les onnes reparaisscnt, ainsi que Ie hêtre ; mais celui-ci abonde bien plus a Saint-Vincent quenbsp;dans l’autre station, et il se trouve accompagné d’un chêne comparable a notre rouvre [Querciis robnr plioccnica, Sap.), du tremblenbsp;si répandu de nos Jours dans les mêmes bois; deux laurinéesnbsp;a feuilles caduques [Sassafras Ferretianum et Benzoin latifo-lium), et une vigne, Vitis subintecjra, Sap., marquent encorenbsp;cette station, dont une forêt de pins couronnait les escarpements.nbsp;Au Pas de la Mongiido, comme a Saint-Yincent, on observe,nbsp;non sans surprise, une espèce d’érable maintenant japonaise,nbsp;remarquable par la découpure éb'gante de ses feuilles; c’estnbsp;VAcer polymorphum, Sieb., que les borticulteurs ont récemmentnbsp;introduit en Europe, a titre de rareté digne de Fattention desnbsp;amateurs (fig. 108,6). UAcer polymorphum n’a done fait que re-prendre possession de son ancienne patrie, lorsqu’il est revenunbsp;dernièrement parmi nous.
N’oublions pas de Ie remarquer, avant de quitter Ie Cantal pour l’Auvergne et Ie Velay, les espèces européennes, encore vi-vantes, occupent déja leur patrie actuelle dès Ie début des tempsnbsp;pliocenes. Elies alfectent, avec des variations secondaires et desnbsp;nuances plus ou moins prononcées, les mêmes caractères que denbsp;nos jours; on les distingue sans trop de peine au milieu de lanbsp;foule des espèces perdues ou émigrées qui les entoure; ellesnbsp;sont, on peut Ie dire, aux formes actuelles ce que sont, les unesnbsp;vis-a-vis des autres^ les variétés et les races locales que compren-nent souvent celles-ci; mais surtout ces espèces européennesnbsp;primitives, destinées a ne plus quitter notre sol, se tiennent vi-siblement a Fécart; olies hantent de préférence les montagnes,nbsp;et enfin elles se rattaebent presque toujours par quelque cóté,nbsp;parfois mème d’une fapon intime, a des espèces antérieures,nbsp;nettement miocènes, qu’elles prolongent, pour ainsi dire, en ten-danta les remplacer.
Le lien continu qui joint Ie Planera Ungeri, Ett., au Planera pliocène, et celui-ci m Planera crenata actucl, du Caucase, nenbsp;montre nulle part ni interruption ni suture, et cependant le Pla-
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Tig. 108. —Espèces caractcristiques dos cinérites du Cantal; — Saint-Viiicent.
1- J^'agust fylvatica pliocenica, Sap. — 2. Quercus robur pHocenica, Sap. — 3. Popu-lus trcmula, L. — 4. Sassafras Ferretianum, Mass. — 5. Yitis subintegra, Sap. — G. Acer polymorphum, Sieb. et Zucc., pAiocenicum,
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LES PERIODES VEGÉTALES
joignent par desintermédiaires. 11 en est ainsi de beaucoup d’es-pèces et en particulier de celles dont on retrouve les termes sue* cessifs; ces termes condnisent insensiblement d’un type anté-rieur aujourd’hui perdu Ters celui qui, tout en se modifiant, estnbsp;cependant parvenu jusqu’a nous. Ce serait la l’histoire de toutesnbsp;les espèces végétales, si elle pouvait être déchiffrée dans sesnbsp;moindres détails. Les lacunes seules nous arrêtent et nous con-damnent forcément a des inductions, appuyées pourtant de tropnbsp;de preuves pour ne pas laisser entrevoir la vérité.
Les marnes a tripoli de Ceyssac (Haute-Loire), peut-être moins anciennes que les cinérites, découvrent des indices de même nature que ceux dont nous sommes redevables a la flore du Cantal,nbsp;avec des espèces en partie diff'érentes, qui semblent avoir peuplénbsp;Ie fond d’une vallée agreste et profonde, encadrée par de hautsnbsp;sommets oü s’élevaient des pins et des sapins. L’aune glutineux denbsp;Ceyssac n’est pas Ie même que celui du Cantal; ses feuilles sontnbsp;plus petites; ses fruits et toutes ses proportions annoncent un arbrenbsp;plus cbétif. A cóté du cbarme et de 1’érable asialique {Acer lee-tum, C. Mey.) dont nous avons signalé la presence dans Ie Cantal,nbsp;se montre Ie peuplier grisaille [Popuhis canescens, Sm.), un or-meau qui se confond avec VUlmus montana européen, un aubé-pin [Cratsegus oxyacanthoides, Goepp.), peu différent du nótre, etnbsp;enfin un érable très-curieux paree qu’il reproduit intégralemenlnbsp;les caractères d’une race a feuilles semi-persistantes, confinée denbsp;nos jours sur les montagnes de la Crète et connue des botanistesnbsp;sous les noms A’Acer creticum, L., et d’Acer sempervif'ens, Ait.nbsp;(fig. 109). Les florespliocènesd’Auvergne, encore imparfaitementnbsp;connues, malgré leur riebesse, donneraient lieu a des remarquesnbsp;semblables. Les chênes, les charmes, les ormes, les peupliers,nbsp;les érables, les frênes et les noyers y multiplient les traces denbsp;leur présence et les preuves de leur prépondérance.
Notre tremble s’étendait alors partout; il en est de même du type des noyers. Les cbênes offraient les formes les plus variées,nbsp;et malgré les difficultés qui s’opposent a Texacte determinationnbsp;de leurs espèces, on voit bien qu’a cóté de formes alliées de pres
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a nos rouvres, il en existait d’autres comparables soit au Querciis Mirbeckii, Du Rieu, d’Algérie, soit au Querms Imitanica d’Es-pagne, soit enfin au Querms mferAoria de l’Asie Mineure ; ou biennbsp;encore dénotant des types aujourd’hui disparus ou émigrés vers
des regions plus chaudesouplusreculées dans la direction du sud.
Dans la llaute-Loire, des vestiges datant de la mèrae époijue démontrent que l’épicéa et même Ie mélèze étaient des lorsnbsp;1‘épandus en Europe ; sur divers points de l’Allemagne cesnbsp;niêmes arbres associés a l’if et au hêtre ont également laissénbsp;des traces certaincs de leur existence. Vers un horizon sensi-blenient pareil, les plus récentes formations tertiaires du litto-i*!!! toscan, du Val d’Arno, ainsi que les travertins des ilesnbsp;Lipari, permettent de constater Fapparition et l’extension sue-
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LES PERIODES VEGETALES
cessive, dans Tltalie moyenne, du hêtre, de divers chênes, entre autres du Quercus Farnetto, Ten., qui vit maintenant ennbsp;Calabre, du gainier ou Gereis siliquastrum : on y observe éga-lement Ie laurier noble et celui des Canaries, Ie laurier-tin,nbsp;Ie buisson ardent [Mespilus pyracantha, L.), Ie lierre, Ie cbênenbsp;vert, etc., sous l’aspect que nous connaissons a ces divers vtigé-taux (fig. 110); et enfin Ie Chamxrops hitmilis, Ie dernier desnbsp;palmiers européens, celui de tous qui s’est Ie plus longtempsnbsp;attardé sur notre sol. avant de Ie quitter, et dont les travertinsnbsp;de Lipari, confinant peut-être aux derniers dépots tertiaires, nousnbsp;ont conservé des vestiges.
Par la revue rapide de ces divers documents, nous appro-chons graduellement du terme de notre course ; nous touchons a la fin de Page pliocene : la to^mpérature s’abaisse peu a peu;nbsp;les glaciers, après avoir ocenpé Ie tlanc des plus hautes mon-tagnes, descendent graduellement dans les vallées inférieuresnbsp;et tendent a les envahir. L’humidité du climat favorise évidem-ment cette marche ; les précipitations aquenses, devenues réel-lement excessives, expliquent par leur abondance Ie régime desnbsp;eaux fluviatiles et jaillissantes, qui s’élève de plus en plus pournbsp;atteindre des proportions vraiment surprenantes, au début desnbsp;temps quaternaires.
La puissance des eaux qui s’épanchent a la surface du sol ou qui en parcourent les dépressions constitue Ie trait Ie plus saillant de la seconde nioitié du dernier age tertiaire, si 1’on ynbsp;joint l’exlension des glaciers et Ie phénomène erratique dunbsp;nord qui n’en furent que des conséquences plus ou moins direc-tes. L’immersion prolongée des plaines de l'Europe septen-trionale, contre-coup inévitable de rexhaussement des Alpes,nbsp;marque encore la fin de cette même période, et son examennbsp;détaillé nous entrainerait si loin que Ie plus sur est de ne pasnbsp;s’y arrêter.
Dans la seconde moitié du pliocene, les circonslances nc cessèrent de favoriser en Europe Ie développement du règnenbsp;végétal, pris en masse, bien que Tabaissement continu de la
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1 Quercus Mirbecknantiqua,%A\). (Auvergne). —2. Quercus Lamottü,^s.\i.(kavevgne). — 3. Quercus rohuroides, Gaud. (Massa-Maritima). — 4. Quercus ilex, L. (Lipari).
S. Pogus sylvatica, L. (Val d’Arno sup.'. — 6, Viburnum tinus, L. (travertins tos-cans). —7. Vitis vinifera (travertins d’Era). —8, Mespilus pyracantha, L.(travertins toscans).
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LES PÉRIODES VÉGETALES
la variété des éléments qui Ie composaient. Les maramifères, de leur cóté, n’avaient cessc de se multiplier et de grandir ennbsp;force, en perfection et en beauté, tout en perdant une partienbsp;des genres qu’ils comprenaient lors du pliocene inférieur.nbsp;M. Ie professeur Gaudry, dans ses Maiériaux pour l’histoire desnbsp;temps quaternaires, désigne eet étage sous Ie nom A’age dunbsp;forest-bed ou pleistocene; nous sommes disposé a y cornpren-dre Ie niveau de Saint-Martial, dans l’HérauU, et la partie lanbsp;plus récente du Val d’Arno. Les mastodontes et les tapirs ontnbsp;alors quitté l’Europe ; les singes ont émigré et repris Ie ebeminnbsp;de l’Afriqiie ; mais les élépbants, les rbinocéros, les hippopo-tames n’ont jamais été plus puissants, et leur développement,nbsp;de même que celui des cervidés et des bovidés est un indicenbsp;certain de 1’inépuisable quantité d’alirnents, mise a leur portéenbsp;par l’autre règne.
h'Elephns meridionalis, Ie plus gigantesque des animaux ter-restres qui ait jamais existé, caractérise plus particulièrement eet age ; il estaccompagné de VElephas antiquus, des Rhinocerosnbsp;leptorinus et Merkii^ de VHippopotamus major, des Cervus Sedg-ivickii et martialis, etc.
Les végétaux recueillis sur quelques points de l’Ilérault et du Gard, dans les mêmes gisements que VElephas meridionalis,nbsp;a Saint-Martial, prés de Pézenas, d’une part; de l’autre, anbsp;Durfort (Gard), sont instructifs, malgré leur nombre restreint.
— nbsp;nbsp;nbsp;A Saint-Martial, il faut signaler un cóne dénotant unenbsp;espèce qui a dü appartenir au groupe de notre pin d’Alepnbsp;{Pinits halepensis, Mill.), mais avec une affinité évidente vers Ienbsp;Pinus caroliniana, Carr., race distincte qui recherche riiumi-dité plus que Ie type ordinaire et qui se trouve reléguée de nosnbsp;jours dans certaines vallées intérieures des versants pyrénéens.
— nbsp;nbsp;nbsp;A Durfort, les marnes sableuse», sorte de limon grisatrenbsp;d’ou, grace a 1’initiative de M. Ie professeur Gervais et sous lanbsp;surveillance de M. Cazalis de Fondouce, des squelettes entiersnbsp;A'Elephas merddionalis et de rbinocéros ont été retirés, renferment aussi les empreintes de plusieurs espéces de chênes, asso-
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DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE
ciées a d’autres plantes, dont deux, Ie Planera Vngeri, Ett., et Ie Parrotia pristina, Ett., sont certaineraent miocènes. Quelques-unes de ces dernières persistaient encore a ce moment sur Ie solnbsp;franpais ; dernières épaves d’une flore en grande partie élimi-née, elles étaient elles-mêmes destinées a bientót disparaitre.nbsp;Les principaux chênes de Durfort, dont VElephas meridionalisnbsp;a mangé certainement les rameaux, ont été identifies par nousnbsp;avec les Querctis Farnetto (fig. 311,2-3), Ten., de l’Italie méridionale, et hisitanica, Webb, ce dernier indigene de l’Espagnenbsp;moyenne et du Portugal. Ainsi, les espèces dominantes du sudnbsp;de la France étaient alors des formes qui ont depuis émigré ;nbsp;elles étaient associées a des types miocènes a la veille de s’éteindre,nbsp;et nos chênes rouvres^ représentés actuellement en France parnbsp;les Querciis sessiliflora, pedunculata et pubescens, ne se mon-traient pas encore ; leur introduction, relativement récente, nenbsp;date guère que du quaternaire, bien que la section dont cesnbsp;races font partie soit bien plus ancienne ; mais, a la fin dunbsp;pliocèns, Ie centre et Ie nord de la France devaient les avoirnbsp;recues; en tout cas, Ie Q. sessiliflora se laisse voir a Kannstadtnbsp;et Ie Q. pubescens lui-même abonde dans les tufs a Elephas anti-qiius de la Provence.
Aux approches de la terminaison du pliocène, les differences climatériques cntre Ie nord et Ie sud de l’Europe sont plus accen-tuées, a un certain point de vue, qu’elles ne Ie furent dans aucunnbsp;autre temps. Pendant que Ie Chameerops humilis palmette senbsp;maintient a Lipari, alors que Ie Piniis caroliniana, les Querciisnbsp;liisüanica et Farnetto, Ie Laurus canariensis, etc., peuplent encorenbsp;la vallée du Rhone et Ie bas Languedoc, Ie forest-bed, explorenbsp;dans Ie Norfolk et rapporté par M. Gaudry a l’horizon du pliocènenbsp;Ie plus récent, montre une flore dont Ie caractère contraste avecnbsp;celui des précédents, et ce contraste suffit pour faire concevoirnbsp;1’écart exislant alors entre les deux regions. Nous avons refu dunbsp;forest-bed, par l’intermédiaire du révérend Gunn, des cones dunbsp;sapin argenté [Abies pectinata, D. C.), du Picea cxcelsa et du pinnbsp;sylvestre ; ces cones prouvent que des arbres résineux, spécifi-
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LES PÉRIODES VEGETALES
quement identiques a ceus que possède notre continent, f'or-maient a ce moment de grandes forêts sur les cotes d’Angle-terre, probablement encore réunie a la plage franpaise opposée.
Fig. 111. — Espèces caractéristiques de 1’age de VElcphas meridionale, dans Ie midi
de la France.
1. Pinus cai'oliniana , Carr., cunc (Saint-Martial, Hórault). — 2-3. Quercus Farnetto,. Ten. — 4-5. Quercus lusUanica, Webb. — G. PaiTotia pristina,Fit.
M. Heer, qui a étudié a Londres les restes de ces mèmes plantes, signale de plus Ie pin des montagnes [Pinus montana.nbsp;Milt-, tig. 112,1-2), l’if commun, Ie noisetier commiin, Ie chênenbsp;et plusieurs plantes aquatiques, parmi lesquelles il fautnoterlesnbsp;nénufars blanc et jaune. Le pin des montagnes et les sapinsnbsp;ont depuis quitté le sol anglais, de même que le figuier, lenbsp;laurier et le gainier, que l’on rencontre pres de Paris, dans lesnbsp;tufs quaternaires de Moret, et qui ont, depuis Page du mam-
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mouth, emigre plus au sud. Nous voila done entrés en plein dans la période des ploMes emigrées, et la faune, si nous exposionsnbsp;ce qui la concerne, nous découvrirait des fails analogues, jus-tifiant une dénomination caractéristique qui succède a celle des
Fig. 112. — Espèces du Forest-bed (pliocene snp.).
1-3. Pimis montana, Mill., c6nes. — 3-4. Abies pectinata, D. C., écaillos détachóes
d’iin strobile.
espèces éteintes ou émigrées, qui s’applique a la période précé-dente, de même que la période antérieure pourrait s’appeler celle des types éteints jusqu’au moment ou, remontant heau-coup plus loin dans Ie passé, nous trouverions une époque ounbsp;non-seulement les types^ rnais les sections de genre^ les genresnbsp;eux-mêmes, et finalement les families, seraienl distincts denbsp;ceux que nous connaissons. Dans Ie sens contraire, a mesurenbsp;que l’on se rapproche des temps actuels, les différences s’atté-nuent, les formes s’avoisinent, puis se touchent et s’identifient :nbsp;cette preuve est la raeilleure qui atteste que rien ne s’est passénbsp;jadis avec soubresauts; les enchainements qui relient tons lesnbsp;êtres forment un ensemble de séries parallèles et continues,nbsp;dont les soudures respectives ne frappent les regards qu’a causenbsp;des lacunes que nos recherches, malgré leur activilé, n’ont pasnbsp;encore réussi a combler.
-ocr page 389-CHAPITRE III
SUR L’ENSEMBLE DES PÉRIODES
Les notions déyeloppées dans les pages précédentes se ratta-chent a trois ordres de phénoinènes très-distincts, bien qu’il y ait entre eiix des connexions de plus d’une sorte et qu’ils aientnbsp;fréquemment et nécessairement réagi l’un sur l’autre : nousnbsp;voulons parler de la configuration géographique du sol de l’Eu-rope, des yariations et de l’abaissement final de la température,nbsp;enfin des cbangements éprouyés par Ie règne yégétal, considérénbsp;en lui-raême, c’est-a-dire au point de yue des modifications pu-rement organiques dont il a donné Ie spectacle. L’existence denbsp;ces trois ordres de phénomènes ne saurait être sérieusement con-testée. —11 est certain que l’étendue relatiye des terres et des inersnbsp;et l’orographie de notre continent ont éprouvé des yicissitudesnbsp;notables dans Ie cours des temps tertiaires. II n’est pas moinsnbsp;exact qu’ii partir d’un moment donné, et indépendamment de lanbsp;configuration des terres et des mers, Ie climat européen est allénbsp;en se dégradant jusqu’a ce que les conditions qui Ie régissentnbsp;inaintenant se soient fmalement réalisées. On ne saurait nier nonnbsp;plus, a moins de s’obstiner dans des préyentions non justifiées,nbsp;que les formes yégétales ne se soient graduellement modifiées,nbsp;et,enparlant de ces modifications, nous n’ayons passeulement ennbsp;yue les adjonctions ou les yides dus a Paction des causes locales,
VUES GÉNÉRALES SUR L’ENSEMBLE DES PÉRIODES, 3Ö3
lt;]iis encore a Ueffet des migrations qui ont suecessivement communiqué OU repris a FEurope une parlie de ses richesses végé-tales, mais encore et surtont nous considérons les mutations attribuables a Forganisme seul, que Ie temps entraine forcémentnbsp;cbez les espèces et les types dont il est possible de suivre lanbsp;marche a travers les ages, comme une consequence directe denbsp;Factivité biologique, sujette parfois a demeurer latente^ maisnbsp;qui ne se repose cependant jamais entièrement.
On doit rcconnaitre aussi que, de ces trois ordres de pliéno-mènes, deux au moins ont rarement agi d’une facon isolée; en sorte que Ie climat de chaque période a été nécessairemcnt af-fecté par Ie relief du sol et la distribution relative des terres etnbsp;lt;les mers, tandis que cette distribution et ce relief exer^aient unenbsp;influence sensible sur la composition de la flore, soit en favo-risant Fintroduction en Europe de telle on telle categorie de vé-gétaux, soit en leur en interdisant Fentrée. Quant a Faction dunbsp;climat sur Ie monde des plantes, il n’est pas besoin d’y insisternbsp;et son importance parle d’elle-même. C’est cette action, jointe anbsp;la configuration du sol emerge, qui constitue Ie milieu avec le-quel Forganisme est mis en contact, qui Ie sollicitc dans des sensnbsp;très-divers et qui donne naissance aux cbranlements d’oü sortentnbsp;enfin les diversifés morpbologiques, qui nous frappen! cbez lesnbsp;ètres que nous examinons, qu’ils vivent encore ou que nous ennbsp;possédions seulement les vestiges.
Considérons maintenant les trois ordres de phénomènes que nous venons de définir, pour les décrire séparément en assignant’nbsp;a chacun d’eux la part qui lui revient dans les fails dont se compose Fhistoire de la végétation, mais en nous abstenant toutefoisnbsp;lt;le remonter jusque dans im passé partrop éloigné. Si Fon veutnbsp;se bomer a rechercher seulement ce qu’était Ie continent europeen au commencement des temps tertiaires, il faut d’abord senbsp;cendre comptc de sa configuration dans les ages immédiatementnbsp;antérieurs. Vers Ie milieu de Fépoque jurassique , notrc Europenbsp;ne formait encore qu’un archipel de grandes iles, qui pourtant ten-daient graduellement a se rejoindre, puisque, en France notarn-C' DE Saporta.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;23
-ocr page 391-3öi
LES PERIODES VEGETALES-
ment, Ie seuil de la Bourgogne et celui du Poitou coinmencèrent a se prononcer lors de la grande oolitbe et soudèrentl’ile centralenbsp;a la region des Vosges, d’une part, a la Vendee et a la Bretagne,nbsp;de l’autre (1). A l’époque de la craie blanclie, si on laisse denbsp;cóté la Scandinavië, qui formait sans doute, dans la directionnbsp;du nord, une contrée plus vaste que de nos jours, on constatenbsp;l’existence d’un continent central qui parait comme une reduction de l’Europe actuelle (voj. la planche IV).
L’AIlemagne du milieu et celle du sud, la France de Pest, du centre et presque toute celle du sud-est, ctaient alors émergées,nbsp;sauf quelques ilots; l’Italie au contraire était presque entièrementnbsp;sous les eaux. Mais a mesure que Pon se rapproche de la termi-naison supérieure de la craie, on voit les émersions se prononcer de plus en plus et Pétendue des mers se restreindre tellementnbsp;que PAllemagne du Nord est tout a fait délaissée par Pocéan d’a-lors, sauf une lisière du cóté de la Westphalie, des provincesnbsp;Rhénanes et de la Néerlande. Le bassin de Paris tenda s’amoin-didr a la même époque, la mer pisolitique se trouvant comprisenbsp;dans des limites bien reduites, si on la compare a celle de lanbsp;craie blancbe. 11 en est de même vers le midi de la France,nbsp;entre JNice et les Pyrénées. Dans eet espace, les derniers dépólsnbsp;datent du sénonien supérieur ; les écbancrurcs peu accuséesnbsp;des mers crétacées méridionales, leurs sediments d’origne sauma-tre, les alternatives qui tirent succéder sur beaucoup de pointsnbsp;Paction des eaux tluviales a celle.s des eaux salées, témoignentnbsp;de ce retrait qui, bien avant la fm de la période crétacée, senbsp;trouve définitivement accompli. On est alors en présence de puis-sants dépots tluvio-lacustres que le géologue peut suivre depuis'nbsp;le Var jusqu’au dela des Pyrénées, en Aragon et au centre denbsp;PEspagnc; ils semblcnt se rattacher a une série de lacs pi’o-fonds reliés par des déversoirs et dénotent Pexistence d’une contrée étendue, excédant de beaucoup les limites du littoral médi-terranéen actuel.
C’est aim's que s’ouvre la période paléocène, la première de
(I) Consultez la planche III.
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celles entre lesquelles nous avons partagé l’age tertiaire. Les mers se trou vent restreintes a de faibles limites dans tout Ie périmètrenbsp;européen; presque mille part, sauf en Belgique, aux environs denbsp;Mons et sur quelques points de la Champagne ou de la Picardie,nbsp;elle n’empiète sur Ie sol continental actuel. Malgré cetle extensionnbsp;de l’espace émergé, Ie climat paléocène ne parait avoir en riennbsp;d’extrême ni trop continental. Une température élevée, favorable a la diO'usion des palmiers et de beaucoup de plantes d’af-finité tropicale, jusque dans Ie nord de la France et par delanbsp;Ie 50quot; degré de latitude, s’y laisse reconnaitre, et la chaleur de cenbsp;temps devait être égale et modérée par Fhumidité, puisque,nbsp;d’une part, les formes opulentes y sont plus fréquentes que dansnbsp;la période suivante, et que, d’autre part, certains types caractéris-tiques des zones tempérées, que nous perdons de vue dans l’éo-cène et Ie miocène inférieur ponr les retrouver plus tard dans Ienbsp;pliocene, se montrent ici et témoignent de la predominancenbsp;d’un climat moyen. iMous citerons senlement, a Fappui de cettenbsp;dernière assertion, Ie sassafras (sorte de laurinée a feuillcs cadu-ques), Ie lierre, la vigne répandus a Sézanne, et quelques chênesnbsp;de la forêt de Gelinden dont la physionomie rappelle ceux denbsp;l’Asie Mineure, des montagnes de la Syrië ou du Japon. Pournbsp;ce qui est dela température, elle devait être encore distribuée très-égalenient du nord au sud de l’Europe, entre Ie 40quot; et Ie 60° degré de latitude, c’est-a-dire sur un espace d’au moins vingt degrés.nbsp;Nous possédons, en effet, grace a la flornle paléocène de Saint-Gely, pres de Montpellier, un terme de comparaison des plusnbsp;précieux entre la France méridionale et la Belgique, lors denbsp;l’époque paléocène. La roebe de Saint-Gely est nn calcaire con-crétionné plus cristallin et plus compacte que celui de Sézanne;nbsp;inais elle a été visiblement formée dans des conditions presquenbsp;semblables, et les plantes dont elle renferme les empreintes,nbsp;malgré leur petit nombre, sont tellement analogues a celles denbsp;Sézanne qu’on est bien force de reconnaitre que les deux loca-lités devaient être soumises a des conditions sensiblement pa-reilles. On observe a Saint-Gely une marchantiéc [Marchantia
-ocr page 393-tacée, Ie M. Geinitzii, Hr., de la craie de Moletein, en Moravie. En dépit du nombre restreint des espèces énumérées, on constate aisérnent l’absence dfiine discordance un peumarquée entrenbsp;Ie nord et Ie midi de la France, au point de Yue des cléments con-stitutifs, dans la flore paléocène.
La révolution qui ramena les eaux de l’Océan jusqu’au centre du continent et qui inaugura l’éocène proprement dit, en
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étendant vers les Alpcs, les Pyrenees et plus loin vers 1’Orient, l’Asie Mineure, la Perse, TEgyple et la Barbarie, la mer oü vé-curent les nummulites, cette revolution eut pour effet, non-seulement de constituer une Méditerranée quatre ou cinq foisnbsp;plus vaste que la nótre, maïs encore de bouleverser tellementnbsp;l’économie géographique de l’Eiirope que son climat et sa florenbsp;durent inévitablemcnt subir Ie contre-coup de pareils événe-ments. II ne resta rien^ on peut Ie dire, qui rappelat 1’état précédent, sauf dans Ie bassin de Paris, oii la mer du calcaire grossiernbsp;parisien vint former un golfe arrondi, assez.ressemblant a celuinbsp;auquel la mer de la craie blanche avail aiiparavant donné lieu,nbsp;bien que plus rostreint. On sait que la mer nummulitique nenbsp;pénétra pas dans la vallée du Rhone, ni dans Ic périmètre quinbsp;s’étend entre les Alpes Maritimes et la montagne Noire, au-dessus de Narbonne. 11 y eut seulement des lacs en Provencenbsp;pendant l’éocène, et quelques-uns de ces lacs, spécialementnbsp;celui d’Aix, celui de Saint-Zacharie et celui de Manosque,nbsp;persistèrent postérieurement au retrait de la mer nummulitique.nbsp;Celle-ci se dessécha peu a peu, mais sa terminaison finale estnbsp;difficile a fixer, si Ton n’admet pas que Ic flysch en représentenbsp;les derniers délaissements. II semble que la Provence ait dunbsp;faire partie a ce moment d’une sorte de péninsule étroite etnbsp;longue, analogue a Tltalie actuelle et partant de la haute Provence pour aller aboutir en Afrique, non loin de Bougie, [anbsp;travers la Corse et la Sardaigne, dont elle aurait englobé lanbsp;plus grande partie. Entre cette péninsule et Ie littoral dalmate,nbsp;il y aurait eu une large mer, couvrant 1’ltalie et formant unnbsp;golfe avec plusieurs iles. Au dela s’étendait une grande terrcnbsp;péninsulaire sinueuse, comprenant une partie des provinces illy-riennes et de la Hongrie, presque toute laTurquie d'Europe, lanbsp;Grèce, rArchipel,et allant empiétersur l’Asie Mineure, découpéenbsp;elle-même en plusieurs regions insulaires (consul tez la plancheX,''cnbsp;L’intluence d’une mer pénétrant si profondément au seinnbsp;des terres aurait dü avoir pour effet Ie mainticn d’un climanbsp;égal et doux, humide et chaud en toutcs saisons. Le contraire.
-ocr page 395-3Ö8 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
nous l’avons vu, semble résulter de l’étude de la flore éocène.
Cette flore affecte surtout une physionomie et des affmités afri-caines; elle accuse beaucoup de chaleur ettémoigne par I’amoin-drissement des formes, par leur consistance souvent coriace, par leur disposition fréquemment épineuse, par la stature médiocre desespèces, une atmospbère déversant l’eau par intermit-tence et l’alternance probable de deux saisons très-marquées,nbsp;1’une sècbe, l’autre humide, se succédant a plusieurs moisnbsp;dMntervalle. 11 semble aussi que, Ie rivage méridional de la mernbsp;nummulitique longeant l’Afrique vers les confins du Sahara,nbsp;l’introduction et la persistance des formes propres a ce continentnbsp;aient été Ie résultat d’une colonisation ayant son point de departnbsp;dans Ie siid. L'émigration aurait gagné de proche en proche,nbsp;demanière a envahir Ie périmètre des terres en contact avec lanbsp;mer nummulitique et a faire partout dominer des élémentsnbsp;semblables, a l’exemple de ce qui se voit de nos jours Ie longnbsp;des plages de la Méditerranée, ainsi que sur Ie pourtour dunbsp;golfe du Mexique, de la mer des Antilles et de celle du Japon.nbsp;Rien de surprenant a ce que, conformément a ce qui a lieu dansnbsp;ces diverses regions, la végétation se soit uniformisée sur lesnbsp;rivages opposes, et d’un bout ii l’autre du grand bassin intérieur éocène, dont Ie diamètre, entre Ie Soudan et les Alpes,nbsp;mesurait environ 30 degrés ou plus de 700 lieues, dimensionnbsp;double de celle que présente la Méditerranée, du fond de lanbsp;grande Syrte au golfe de Gènes.
11 est a croire que l’influence directement exercée sur les terres de CEurope par une mer chaude et méridionale, touchant aunbsp;tropiquevers Ie sud, ne fut pas étrangère a l’établissement dunbsp;climat qui semble avoir prévalu durant l’éocène. Echauffée pé-riodiquement par Ie soleil, a 1’époque de l’année oü eet astrenbsp;s’avance vers Ie cancer, la mer nummulitique devait donner lieunbsp;a des moussons coïncidant avec la tin de 1’été et précédées d’unenbsp;saison sècbe qui partait de Réquinoxe du printemps et duraitnbsp;jusqu’après Ie solstice. Telle est probablement la clef d’un pro-blème dont la solution résulte a la fois et de la configuration
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de TEurope eocene et de Fétude des plantes que possédait alors notre continent, et dont nous avons figuré les principales.
On doit fixer a Téocène et faire coïncider avec la presence de la mer du calcaire grossier parisien Ie moment de la plusnbsp;grande élévation thermique que Ie climat europeen ait présenféenbsp;durant Ie cours des temps tertiaires. INon-seulement les Nipanbsp;et peut-être les cocotiers s’étendircnt alors jusqu’en Belgique etnbsp;en Anglelerre, mais les espèces a feuilles caduques ne furentnbsp;jamais aussi peu nombreuses; leur présence constatée se réduitnbsp;a quelques rares exceptions. C’était Ie temps des jujubiers afri-cains, des gornmiers, des myricées aux feuilles coriaces, desnbsp;Aralia, des Podocarpus, des Nerium ou lauriers-roses, des eu-phorbes arborescentes, des myrsinées, etc. Les palmiers étaientnbsp;nombreux sur tons les points du territoire franpais: M. Crié ennbsp;a compté récemment cinq espèces dans les gres éocènes de lanbsp;Sartbe. Les forêts montagneuses de cette dernière region com-prenaient une association de lauriers et de cbênes a feuillesnbsp;persistantes, mélées a des Diospyros et a des tiliacées, a desnbsp;myrsinées, a des anacardiacées et a plusieurs Podocarpus. Lesnbsp;fougères les plus répandues étaient des lygodiées. Get étatnbsp;de cboses parait s’être maintenu dans Ie midi de l’Europe, sansnbsp;grande alteration, jusqu’a la tin de l’éocène. Monte-Bolca, ennbsp;Italië, en fournit des exemples et la flore des gypses d’Aix ennbsp;Provence conduit aux mêmes conclusions. Vers la tin de l’éo-cène, la mer nummulitique tendait partout a s’amoindrir, sinonnbsp;a disparaitre. Des lacs s’étaient établis sur une foule de pointsnbsp;et les stations marécageuses, fréquentes sur leur bord, favori-sèrent l’extension de la faune paléotbérienne en mettant a lanbsp;portée desanimauxde eet age une nourriture abondante, par-ticulièrement des rbizomes de nénufars et autres plantes palustres que les pachydermes reeberebaient en baugeant en troupesnbsp;dans les lagunes. Ces lacs aux plages souvent envabies par lanbsp;végétation avaient des alternatives de crues et de dessécbementsnbsp;en rapport avec les conditions climatériques de l’époque. 11 estnbsp;a remarquer également que les lacs éocènes, qui persistèrent en
-ocr page 397-360 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
Provence sans changement pendant Ie tongrien et mème l’aqui-tanien, étaient distribués de manière a correspondre cbaciin a l’un des versants des chaines de montagnes qiii s’élèvent dansnbsp;cette partie de la France et qiii se présentent maintenant commenbsp;les premiers contre-forts des Alpes. L'importanco et surtout lanbsp;profondeur de ces lacs dénotent Ie voisinage d’accidents orogra-phiques plus prononcés encore quo ceux qui se montrent de nosnbsp;jours aux mêmes lieux. Ni Ie Léberon on Ie rocher de Volx quinbsp;se dressent au sud de l’ancicnne cuvette lacustre de Manosque,nbsp;ni la montagne de Lure dans Ie nord, ni mème Ie Ventoux,nbsp;qui domine les vallées d’Apt, encore moins Sainte-Victoirc,nbsp;située dans la mème relation par rapport au lac gypseux d’Aix,nbsp;pas plus que les massifs de la Sainte-Baume et de l’Étoile, aunbsp;pied desquels sont places les dépots lacustres do Saint-Zacliarienbsp;et d^Aubagne, ne suffisent pour expliquer la présence de sem-blables depressions. 11 est done permis de supposer que lesnbsp;montagnes de la region provengale ont perdu depuis la fin denbsp;l’éocène une partie de leur relief et ne constituent réellementnbsp;que des hauteurs inférieures a celles d’autrefois, si l’on tientnbsp;compte des roebes triturées et des fragments détritiques arra-chés jadis a leurs flancs et accumulés au fond des bassins lacustres étendus autrefois a leur pied. Cc voisinage immédiat desnbsp;montagnes pres des lacs de l’éocène supérieur, en Provence, anbsp;permis de saisir qiielques-uns des traits qui distinguaient les boisnbsp;montagneux et la végétation sous-alpine de l’époque. 11 est maintenant certain que la llore des gypses d’Aix comprenait unnbsp;bouleau, un orme, un frêne, plusieurs saules ou peupliers, unnbsp;érable, qui croissaient dans une region supérieure et formaientnbsp;une association végétale différente de cello des alentours im-médiats de l’ancien lac. Cette dernière florc se composait denbsp;palmiers, de dragonniers et mème de bananiers; elle présentaitnbsp;des Callitris, des Widdrmgtonia, des Podocarpiis, des pins, et,nbsp;en fait de dicotylédones, en première ligne, des laurinées, desnbsp;bombacées, des araliacées, des anacardiacées et des mimosées.nbsp;En inscrivant les plus récentes découvertes, on constate qu’il
VUES GÉ^’ÉRALES SUR L’ENSEMRLE DES PÉRIODES- 36t
existait au moins cinq espèces de palmiers dans la flore dos gypses d’Aix, dont une seulement, Ie Sahal major, Ung., senbsp;retrouve dans Ie miocène.
L’exemple tiré de la flore d’Aix prouve que, x^ers la fin do l’éocène, les types a feuilles cadnques ne se montraient guèrenbsp;au-dessons d’un certain niveau altitudinaire, sur lequel leur presence accuse pourtant des Inrs l’influence d’une saison plus froidenbsp;se manifestant sur Ie liane des montagnes, a une hauteur déter-minée. On coiifoit très-bien, par cela même, comment cesnbsp;mêmes types descendirent vers les regions inférieures pour s’ynbsp;étendre et s’y multiplier, dès qu’un ahaissement d’abord modéré,nbsp;et, en réalité, peu sensible, joint a rhumidité croissante dunbsp;climat, vint favoriser ce mouvement. C’est ce qui eut effective-ment lieu dans l’oligocène, cette période de transition qui suc-cède immédiatement a l’éocène et qui precede Ie miocène pro-prement dit.
11 faut distinguer cc mouvement, si facilement realisable, par-tout OU des régions élcvées se trouvaient en contact avec des plaincs inférienres, d’un autre mouvement contemporain dunbsp;premier, mais bien plus généi'al dans ses effets qui exigèrentnbsp;pourtant un temps plus long pour s’accomplir. Je veux parlcr denbsp;l’exode d’une foule de types et d’espèces arctiques, s’avanpantnbsp;vers Ie sudet quittantles alentours du pole sous l’impulsion de lanbsp;temperature qui s’abaisse et du climat devenu gradiielleinentnbsp;plus humide. C-’est dans Toligènc qu’il faut placer aussi l’originenbsp;de ce mouvement, qui, pourtant, ne manifesta ses effets que dansnbsp;la période suivante.
Le nouveau changement qui moditla la configuration de 1’Europe par l’établissement de la mer oligocène dnt contribuernbsp;R rendre le climat européen plus tempéré et moins extréme. Nousnbsp;avons constaté que cette mer était une mer septentrionale, et sonnbsp;influence agit certainement en sens inverse de celle qu’avaitnbsp;exercée la mer nummnlitique. Les types africains et austro-indiens commencèrent done a rétrograder, tandis que les lacsnbsp;antérieurs occupaient les mêmes emplacements ou augmcntaient
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
en nombre et en étendue, dans Ie snd de l’Europe. C'est par Ie moyen des sédiments lacustres de eet age que la flore oligocènenbsp;se trouYe si bien connue. Nous avons vu que les localités denbsp;Sagor, Ha3ring, Sotzka, Mont-Promina, Salcedo et bien d’autresnbsp;appartenaient a eet horizon, sur lequel il faut également rangernbsp;les llores provencales de Gargas, Saint-Zachaine, Saint-Jean denbsp;Garguier, de Céreste et celle de Cejlas dans Ie Gard. Le mouvement qui amena la multiplication des types a feuilles caduques aunbsp;sein de ces flores fut évidemmenttrès-lent a se produire ; proba-blement aussi le climat ne changea de caractère que d’une faconnbsp;graduelle et par une marche, pour ainsi dire, insensible. Ennbsp;Provence, e’est seulement par la répétition plus fréquente desnbsp;charmes, des ormes, de certains érables, et aussi paria prédo-minance d’un palmier, le Saóa/ major, auparavant très-rare,nbsp;enfin par l’introduction de certains types, plus spécialement desnbsp;Chamascyparis, du Libocednis salicornioides, du Sequoia Stern-berejii, du Comptonia dryandrsefolia, sortes de plantes mieuxnbsp;adaptées a un sol et a un climat humides que ne l’étaient leursnbsp;devancières, que la revolution végétale en voie de s’accomplirnbsp;commence a se manifester. Le fond de la végétation reste cepen-dant le mème, non pas seulement en Provence, mais partout oiinbsp;la flore oligocène a laissé des traces, soit en Styrie (Sotzka) ou ennbsp;Dalmatie (Mont-Promina), soit dans le Tyrol (Haïring), soit enfinnbsp;dans le centre de la France (Bonzon, Haute-Loire). Les exem-ples d’espèces empruntées a ces diverses localités, que nous avonsnbsp;figurées, nous dispensent de revenir sur les appréciations qu’ellesnbsp;nous ont suggérées.
C’est dans la période suivante ou aquitanienne, immédiate-ment après le retrait de la mer tongrienne, après l’entier dessé-chement des eaux salées du flysch, mais avant l’invasion de la mer mollassique, a une époque de grands lacs et de lagunesnbsp;toLirbeuses, favorable a la production des lignites, époque d’humi-dité permanente, de chaleur égale et modérée, que Ia revolutionnbsp;végétale dont les prodromes s’étaient montrés durant Toligocène,nbsp;se trouve en voie de complet achèvement. La transformation du
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climat s’est alors visiblement opérée; l’extension des lacs et rabondance des dépots d’eau donee s’expiiquent par riiiuniditënbsp;croissante du ciel. L’opulence des formes vegetates de eet age,nbsp;comparée a l’exigiiïté relative de celles de l’age précédent’,nbsp;s’explique de la mème fafon. Les grands lacs sont par tont a cenbsp;moment: a Manosque, en Provence; pres de Narbonne, dans Ienbsp;Languedoc; en Savoie, en Suisse, sur plusieurs points de l’Alle-magne, en Autriebe, en Italië et en Grèce. Ailleurs, comme anbsp;Radodoj (Croatie), ce sont des sédiraents d’embouchure; partoutnbsp;ils comportent Ie mème enseignement.
C’est alors aussi qu’il convient de signaler les premiers arri-vages des types polaires destines a se répandre en Europe pendant tout Ie miocène. Le platane, Ie liquidambar, Ie Glyptostrobus, plusieurs Sequoia, probablement le hêtre et le tilleul font partie denbsp;cette catégorie. Les peupliers et les saules, les aunes et les bou-leaux, les ormes et les charmes, les érables, les frênes, lesnbsp;noyers, etc., prennent visiblement Lessor dans Laquitanien,nbsp;sans exclure toutefois les types des pays cbauds ni mème lesnbsp;palmiers, auxquelsles premiers se trouvent alors associés sur unnbsp;grand nombre de points (1).
C’est done la une période d’un très-grand luxe de végétation, non-seulement paree que la température ne s’est pas abaisséenbsp;d’une manière assez sensible pour éliminer les formes anté-rieures, mais aussi par la raison que l’humidité égale du climatnbsp;favorise évidemment Lessor du monde dos plantes.
La juxtaposition, dans plusieurs localités, de deux ensembles, Lun montagnard et forestier, trabissant plus de fraicheur, l’autrenbsp;approprié aux stations inférieures et dénotant des aptitudes plusnbsp;méridionales, se laisse assez facilemeut reconnaitre. Elle est visiblenbsp;notammenta Armissan, ainsi qu’a Manosque. Toutefois les deuxnbsp;ensembles contrastent déja moins qu’ils ne le faisaient a Lépoquenbsp;des gypses d’Aix; ils se balancentrnieux; ils se sont rapprochés etnbsp;se pénètrent davantage. Celui des deux qui réunit des types amis
(1) Consultez la planche XITI qui représente un groupe des principaux types de palmiers de Vage miocène, restaurés d'après l’ótude de leurs organes.
36i- nbsp;nbsp;nbsp;LES PERIODES VÉGÉTALES.
(ki nord et de la fraicheur est peiit-être moins nombreux en es-pèces, mais il est plus riche en individus; il tend graduellement a l’emporter sur l’autre. A Armissan, prés de Narbonne, la profusion des pins est si grande que l’on doit concevoir l’existencenbsp;d’une region boisée et inontucnsc, occnpée par une grande forêtnbsp;d’arbres résineux, coinine on l’observe de nos jours au pic denbsp;Ténériffe et sur les bauts plateaux mexicains. Cette région auraitnbsp;coincide avec Ie massif secondaire de la Ciape qui forme aujour-d’bui un plateau accidenté entre Armissan et la mer. Les pinsnbsp;de cette forêt comprenaient au rnoins dix espèces, la plupart denbsp;grande taille et assimilables par leurs cones, leur feuillage etnbsp;leur port, soit au pin des Canaries, soit aux espèces mexicainesnbsp;OU a celles de I’Himalaya. A ces pins se joignait sans doute unnbsp;sapin dont les cones senls sont connus et ont été décrits sous Ienbsp;nom A'Entomolejns cynarocephala^ Sap. L’analogue de ce type denbsp;sapin tertiaire, maintenant fort rare, s’observe en Chine, oü existenbsp;VAbies jezoensis, Lindl. {Keteleeria Fortimei, Carr.), senle espècenbsp;yivante qu’on puisse comparer a celle d’Armissan, a cause desnbsp;écailles frangées-lacérées de ses strobiles. Les arbres servant denbsp;ceinture a cette forêt d’essences résineuses, a Armissan, étaientnbsp;principalement des bouleaux, des charmes, des chataigniers, certains chênes a feuilles persistantes, auxquels il faut joindre unnbsp;peuplier, un saule, divers érables, de très-beaux houx et plusieursnbsp;noyers. Au bord même du lac se pressaient des Sequoia, des pal-miers, des dragonniers, des Aralia aux feuilles palmées on digi-tées, associés a une foule de myricées, a des laurinées, a desnbsp;Acacia et a des Eugelhardtia, sortes de juglandées tropicales. Onnbsp;voit que les deux ensembles, bien que contigus ctassoz mélangésnbsp;pour que leurs débris aient été s’enfouir pêle-mêle au fond desnbsp;mêmes eaux, peuvent encore se distinguer, lorsqu’on les examine de pres pour opérer Ie triage de leurs elements respectifsnbsp;A Manosque, un contraste de même nature est amené, d’unnbsp;cóté, par des aunes, des bouleaux, des liêtres, quelques chênes,nbsp;des charmes, des saules et des peupliers, des érahles, des Irenesnbsp;et des noyers, qui formaient sans doute un bois situé a l’écart
VUES GENERALES SUR I/ENSEMBLE DES PÉRIODES. 365
sur des pentes monlagneuses et, de Tautre, par des masses de myi’icées aux feuilles dentées-épineuses, de lauriers, de cam-phriers^ de myrsinées et de diospyrées, de sophorées, de césal-piniées et de mimosées, auxquels se joignaient quelqucs rares pal-miers. Le long des eaux s’étcndait line lisière de Gbjptostrobusnbsp;et Sequoia, entremêlés de fougères subtropicalcs, amies desnbsp;stations inondées. La distinction, on le voit, est encore possible,nbsp;mais plus tard on remarque iin mélange de plus en plus intimenbsp;des deux ensembles qui se confondent et partagent tes mêmesnbsp;stations, celui dont Faftinité pour Ia chaleur est visible, ten-dant a perdre de son importance et a décliner de plus en plus,nbsp;tandis que l’autre erapiète sur le premier, jusqu’au momentnbsp;oil, grace aux circonstances, il réussii'a a Léliminer d’une ma-nière presquc absolue.
C’est a 1’époque oii Tissue de la latte était encore indécise et OU la balance penchait en apparence en faveur de I’asso-ciation de plantos, alliée de plas ou moins prés a celles du tro-pique, que Tinvasion de Ia mer mollassique et de la mer desnbsp;faluns ent lieu dans le centre, dans le sud et dans l’ouest denbsp;l’Europe, qui fut de nouveau découpée a peu prés comme ellenbsp;l’avait été antérieurement, a 1 epoque des nummulites. La difference consiste cctte fois en ce que, le relief de la region des Alpesnbsp;commengant a se prononcer, la nouvelle mer se trouva rejetéenbsp;vers le nord de facon a occuper les depressions que jalonnent encore de nos jours la vallée du Rhone, celle de LAar, celle dunbsp;Rhin siqiérieur et plus a Lest celle du Danube (consultez lanbsp;planche XI).
L’Europe centrale conserva une temperature tiède et un climat fort doux pendant toute la durée de la mer miocène, dontnbsp;la presence au centre de notre continent et plus loin, au milieunbsp;de l’Asie, dut contribuer a ce maintien; nous ne reviendrons pasnbsp;sur cette influence aisée a comprendre, ni sur les résultats opposesnbsp;qui tendirent a prévaloir après le retrait de cette mer. Ces résultats amenèrent assez promptement dans le nord de l'Europe unnbsp;abaissement de la température dont la marche fut cependant
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LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
beaucoup plus lente dans Ie sud du continent et surtoutpar dela Ie revers méridional de la chaine des Alpes. II snftirade noter,nbsp;comme un indice précieux de la géographie botaniqne de TEu-rope miocène, que dans l’aquitanien les plantes de la régionnbsp;baltique ou région de l’ainbre démontrent que la limite boréalenbsp;des campbriers s'avanfait jusqu’au 55® degré latitude. L’Alle-raagne, a la même époque, avait des paliniers au dela du 50quot; degré de latitude. Get état de choses a persisté tant que la mer miocène n'a pas été déplacée, et Ton conpoit sans peine comment lesnbsp;plages sinueuses de cette mer, sur les deux rives du canal étroitnbsp;qu'elle profilait du bas Jura aux environs de Vienne, en Au-triche, avaient dü revêtir a la longue un aspect uniforme. Lesnbsp;mêmes essences végétales s’étaient étendues de part et d’autre,nbsp;d’après une loi dont une foule d’exemples empruntés au mondenbsp;actuel offrent la confirmation.
Cette circonstance favorable au maintien d’une douceur excep-tionnelle du climat européen miocène n’empêche pas de con-cevoir Ie refroidissement du globe terrestre, comme dépendant d’une cause tout a fait générale, sur laqnelle l’attention du lee-teur a été déja attirée a plus d’une reprise. Le phénomène, unenbsp;ibis inauguré, n’a jamais dü arrêter absolument ses progrès; sanbsp;marcbe, presque insensible a l’origine, avait atteint les régionsnbsp;voisines du pole, nous l’avons fait voir, bien avant de se manifester en Europe, et le contre-coup de ces premiers effets n’anbsp;pas été sürement sans influence sur la rapidité relative du refroidissement auquel l’Europe elle-même fut a la tin soumise.
Nous avons précédemment insisté sur les prodromes de ce dernier événement, mais il est bien certain, pour le redire ennbsp;deux mots, que les régions polaires se trouvantdéja refroidies anbsp;la tin de l’éocène, c’est-a-dire dès lors pourvues d’une vegetationnbsp;peu différente de celle que posséda plus tard l’Europe pliocène,nbsp;celle-ci, a son tour, dut nécessairement se trouver en contactnbsp;avec des régions polaires partiellement envahies par les glacésnbsp;et ressemblant fort a ce que devint plus tard l’Europe qua-ternaire.
VUES GÉNÉRALES SUR L’ENSEMBLE DES PÉRIODES. .367
Tant qiie les terres arctiques, simplement refroidies, ne pos-sédèreiit pas des glacés pernianentes accumulées et par conséquent ne produisircnt pas des glacés llottantes, l’Europe, bien que soumise elle-même a un abaissement de tempéralure pro-venant d’nn pbénomène extérieur a elle, ne refut de ce voisi-nage que des efOuves et des courants médiocrement actifs. IInbsp;lEen a plus été de même plus tard, et des lors les glacés polairesnbsp;soit fixes, soit llottantes, ont dii accélérer singulièrement par leurnbsp;contact OU leur proximité la rapidité du mouvement qui tendaitnbsp;a déprimer partout la température. C’est la un point de vue capital et une cause dont la puissance, jointe au retrait de la mernbsp;miocène, adü contribuer plus que tout autre a réaliser dans no-tre zone les conditions climatériques qui la gouvernent main-tenant.
11 nous reste a exposer ce qui toucbe au dernier des trois ordres de phénomènes que nous avons eu en vue au début de ce résumé : celui qui résulte des modifications éprouvées par Ie règnenbsp;végétal, soit dans la distribution et la coinbinaison de ses élé-ments constitutifs, soit en lui-même, par suite des variationsnbsp;morpbologiques de l’organisme. 11 y aurait done lieu a deuxnbsp;séries de considerations, en réalité très-distinctes, les unes relatives au caractère des divers ensembles de végétaux qui ontnbsp;babité successivement l’Europe tertiaire, les autres concernantnbsp;les types eux-mêmes, indépendamment de leur róle dans cha-cun de ces ensembles, mais au point de vue de leur filiationnbsp;présumée et des variations subies par les espèces qui les ontnbsp;représentés.
Nous savons eiïectivement qu’il a existé des éléments très-dis-tincts dans la vegetation européenne tertiaire, et que de la disposition et de la predominance simultanée ou alternative de ces éléments sont sortis un certain nombre d’ensembles, propres iinbsp;cbacune des périodes que nous avons signalées.
Considérée dans ses traits les plus généraux, la végétation tertiaire a changé quatre fois en Europe, et ces changements, en ne tenant pas compte des transitions souvent très-ménagées au moyen
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LES PERIODES VEGETALES.
(lesquelles ils se sont accomplis, ont donné naissance a quatre ensembles successifs de végélaux qui doivent ètre nommés : paléo-cène, éocèno, miocène et pliocene. Cependant, Ie dernier de ces quatre ensembles n’est qii’iine suite on une consequence de celuinbsp;qui l’a précédé ; a bien prendre les choses, la flore pliocene n’estnbsp;qu’une flore miocene dépouillée de la plus grande partie de sesnbsp;types d’affinité méridionale ou tropicale, et graduellement trans-('ormée par la preponderance de Tun des éléments partiels quenbsp;comprenait celle-ci.
Ce sont ces éléments constitiitifs qu’il nous faut définir avant tout,
Gardons-nous de confondre tout d’abord les éléments indigenes OU autochthones, avec les éléments introduits ou implantés ennbsp;Europe par voie de migration ou de communication, que ceux-cinbsp;se soient maintenns ensuite sur notre sol ou qu’ils en aient éténbsp;plus tard totalement ou partiellement éiiminés. Une autre distinction qu’il ne faut pas manquer de faire, pour la juste appreciation des éléments de la végétation tertiaire, c^est celle du typenbsp;ou genre et de l’espèce comprise dans cc type ; la marche et lesnbsp;enchainements de l’un n’ayant au fond rien de commun axec lanbsp;liliation et I’liistoire particuliere de l’autre. L’Europe peut avoirnbsp;possédé de tout temps certains types, et cependant avoir recu dunbsp;dehors a un moment donné d’autres espèces faisant partie denbsp;ces mêmes types, mais introduites par voie d’immigration etnbsp;demeurées depuis indigenes, tandis que les formes plus anciennes auraient fini par ètre éliminées. Dans ce dernier cas,nbsp;Ie type autochthone auVa survécu, mais seulement a 1’aide d’unenbsp;forme importée du dehors et originairement étrangère. Ainsi,nbsp;l’Europe parait avoir eu a tous les ages tertiaires des chênes;nbsp;mais ces chênes étaient d’abord des chènes verts^ et Ie typenbsp;de nos rouvres, qui représente a lui seul aujourd’hui Ie genrenbsp;Quercus dans Ie centre de l’Europe, pourrait bien avoir été im-porté du dehors. Le type bouleau et Ie type orme remontent fortnbsp;loin dans le passé ; il est pourtant a croire que notre bouleaunbsp;commun et notre ormeau vulgaire nous sont venus du nord et ne
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se sont montrés en Europe, en tant que formes spécifiques, qu’a partir de Fépoque oü Ie climat avaitperdu décidément sa chaleur.nbsp;II existait bien des tiliacées en Europe, au commencement dunbsp;tertiaire ; mais Ie genre Tilia proprement dit, polaire d’origine,nbsp;n’est arrivé en Europe que vers la fm du miocène, et il y a éténbsp;vraisemblablement importé en même temps que Ie platane et Ienbsp;ginkgo, que notrc continent nquot;.a pas conserves, mais qui existentnbsp;sous des latitudes équivalentcs, en Asie, en Amérique, au Japon.nbsp;Ce sont Ia pour nous des types acquis, les uns momentanément,nbsp;les autres d’une facon definitive. Mais, comme les types, genresnbsp;OU sections de genre, sont nécessairement représentés par desnbsp;espèces ou races héréditaires, quelquefois même par une espècenbsp;unique, il se trouve, en ce qui touche par exemple km Salisburianbsp;OU ginkgo, que l’Europe, après avoir possédé une première foisnbsp;Ie genre, lors des temps secondaires, a refu beaucoup plus tardnbsp;Ie Salisbiiria adiantoides, forme a peine differente de l’espècenbsp;chinoise actuelle. Ainsi, dans ce dernier cas, Ie type seul seraitnbsp;autochthone en Europe, et, après une longue interruption, il y.nbsp;aurait été réintégré au moyen d’une espèce partie des environs dunbsp;pole pour s’avancer de la vers Ie sud. On voit combien ces phé-nomènes de filiation et de migration se trouvent complexes, lors-que Eon cherche a les préciser, en se servant de particularitésnbsp;empruntées a la tlore fossile.
En résumé, nous distinguons en fait d’éléments de végétation ou catégories de types associés :
l“Une première categorie, indigènc ou autochthone, compre-nant des types nés dans la region et ne l’ayant jamais quittée a partir de leur première origine. Le laurier, la vigne^ Ie lierre, Ie laurier-rose, divers érables, le térébinthe, ie gainier, etc., pa-raissent être dans ce cas.
2“ Une deuxième categorie également autochthone, mais com-posée de types d’affinité tropicale et spéciaux d l'Europe tertiaire. qu’ils auraient servi a caractériser autrefois. Ce sont des genresnbsp;éteints a partir d’un certain moment : les genres lihizocaiuon,nbsp;Dewalqiiea, Flabellaria (parmi les palmiers), Pufeocarya pamii
DB SapORTA. n
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LES PÉRIODES VEGEÏALES.
juglandées, certaines protéacées, araliacées, anacardiacées, etc., observes sur plusieurs points de l’Europe éocène ou oligocène,nbsp;rentrent dans cetle catégorie.
3° Une troisième catégorie, plutót cosmopolite cpie réellement indigene, mais ancienne sur Ie sol de l’Europe et comprenantnbsp;des plantes d’affmité tropicale que l’Europe a longtemps comprises, qu’elle a ensuite perdues, mais que l’on retrouve hors denbsp;notre continent, principalement dans l’Asie du sud et du sud-est. Bien des plantes se trouvent faire partie de cette catégorienbsp;dont la présence démontre que, « sans Ie refroidissement du cli-mat », l’Europe aurait eu en partie les mèmes végétaux que lesnbsp;Indes, les archipels de l’Asie, la Chine méridionale et Ie Japon.nbsp;11 faut y ranger les Lygodium, les ailantes, beaucoup de lau-rinées, surtout les camphriers et les cannelliers, les Mimosa etnbsp;Acacia, les Bombax, les dragonniers, les Pittosporiim et tantnbsp;d’autres.
4® Ene autre catégorie également indigene et perdue pour l’Europe, comme la précédente, mais composée principalementnbsp;de types aujourd’hui répandus dans la zone teinpérée chaudenbsp;dont ils habitent les régions montagneuses et forment les massifsnbsp;forestiers. Cette catégorie comprend les Betiilaster, les Alnaster,nbsp;les AHcroptelea, certains peupliers et érables, des sanies, etc., etnbsp;elle renferme des types ayant généralement précédé en Europenbsp;les espcces des mêmes groupes que nous possédons encore, maisnbsp;dont ces types se distinguent par des aptitudes plus méridio-nales, par des feuilles semi-persistantes et par leur susceptibiliténbsp;relative vis-a-vis du froid de nos hivers.
5° Une catégorie qui semble empruntée plus particulièrement au continent africain et aux iles qui en dépendent, paree quenbsp;les types et les formes similaires de ceux qui existaient autrefois en Europe s’y retrouvent de nos jours dispersés a traversnbsp;cette region, depuis les Azores et les Canaries a l’ouest, la Bar-barie au nord, l’Abyssinie et Ie Soudan, au centre et a Eest,nbsp;jusqu’a la région du Cap et aux iles Madagascar, Maurice etnbsp;Bourbon. Cette cinquième catégorie est surtout représentée par
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des Phos7iix, Dracsena^ Musa, Arundo, par les genres Callüris, Widdringtonia, Encej)halartos, par pliisieurs types A'Acacia,nbsp;A'Aralia, de Alyrica, de Ziziphus, de Ilhus, par des myrsinées,nbsp;des célastrinées, des anacardiacées et bien d’autres qiiïl seraitnbsp;trop long d’émimérer. 11 est certain que l’Europe tertiaire a pos-sédé ces types en common avec Ie contiuent africain et qu’ellenbsp;les a ensuite perdus, tandis que celui-ci les a conservés.
6° Une categorie moins nombreuse que les précédentes, mais encore assez saillante par les types qu’elle comprendet dont l’af-finité avec ceux des parlies méridionales ou austro-occidentalesnbsp;de rUnion américaine est visible. Je citerai seiilement a l’appuinbsp;les palmiers sabals, les pins de la section Pseudo-strobus et lesnbsp;groupes de chênes alliés aux Quercus phellos et virens. Ces typesnbsp;et d’autres qui sont dans Ie raème cas ont longtemps babité l’Eu-rope et se trouvent de nos jours exclusivement confines en Amé-rique.
7“ Une dernière categorie dont la provenance des regions po-laires est notoire, depuis les découvertes relatives aux flores fos-siles crétacées et tertiaires, du Spitzberg et du Groenland, dont 1’examen permet de constater cetle provenance. Les types denbsp;cette categorie, parmi lesquels il faut ranger en première lignenbsp;\amp;?, Sequoia, Taxodium., Glyptostrobus, Salisburia, Platanus, Li-quidambar, les chênes de la section Robur; les bouleaux, sapins,nbsp;onnes, hêtres, chataigniers, tilleuls, etc., enfin beaucoup de typesnbsp;a feuilles caduques ou marcescentes qui sont demeurés l’apanagenbsp;des regions du nord, ces types ont cela de commun qu’ayant eunbsp;tous également les alentours du pole pour point de depart, ils ennbsp;ont rayonné comme d’une région mère, de manière a se répan-dre a la fois dans l’ancien et Ie nouveau continent, en donnantnbsp;lieu aux phénoraènes des espèces disjointes.
Les sept catégories qui viennent d’être signalées et auxquelles on pourrait adjoindre facilement d’autres groupes d’une moin-dre importance n’ont pas coexisté toutes a la fois en Europe ;nbsp;elles ont empiété 1’une sur l’autre et se sont substituées l’une anbsp;l’autre selon les temps et d’après l’influence des événements
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LES PÉRIODES VEGÉTALES.
surveniis qui ont tantót favorisé leur diffusion, et tantót ont cu pour effet de les atteindre et de les éliminer. On pent concevoirnbsp;et déterminer en gros de la fa?on suivante la inarche affectéenbsp;par elles.
Dans Ie paléocène : coexistence des trois premières catégories et en partie au inoins de la quatrième. Cela veut dire que l’onnbsp;observe a la fois dans cette période : des types autochthones, de-meurés depnis indigenes, comme ceux du lierre, de la vigne,nbsp;du laurier;—des types spéciaux a l’Europe d’alors, mais depuisnbsp;éteints: Dewalquea, Grewiopsis, etc.;— des types éteints ennbsp;Europe, mais caractérisant de nos jours encore la flore tropicale,nbsp;comme les camphriers, les cannelliers, avocatiers, etc.;—enfinnbsp;des types affiliés a ceux de la flore boreale^ mais présentant desnbsp;caractères de section qui les assimilent a des sous-genres aujour-d’hui extra-européens: il en est ainsi de la plupart des chênesnbsp;et chataigniers de Gelinden, des ormes, saules et peupliers denbsp;Sézanne.
Dans l’éocène^ on retrouve ces quatre catégories: la première représentée par Ie laurier, Ie térébinthe, Ie gainier^ les plusnbsp;anciens érables, etc.; la denxième par divers types de protéa-cées et de myricées, par les genres Rhizocaulon, Anoectomeria,nbsp;Apcibojjsis, Palseocanja^ Heterocalix, etc.; la troisième par unenbsp;foule de Cinnamomum, Ailantus, Phcenix, Dracxna, Acacia,nbsp;Bombax, Aralia, etc.; la qnatrième par quelques races Betula'ster,nbsp;Populus (type coriace), Microptelea, etc. — Mais il s’y joint lanbsp;cinquième catégorie on catégorie africaine, qui s’étend alorsnbsp;partout en Europe et s’y implante pour un temps très-long. 11nbsp;s’y joint encore un certain nombre de types de la sixième catégorie OU catégorie américaine, dont les chênes fournissent desnbsp;exemples.
Dans l’oligocène, les mêmes catégories continuent a se monteer ; mais la quatrième augmente d’importance, de même que la sixième, et quelques types appartenant a la septième commen-cent a s’introduire.
Le nombre et l’importance des types appartenant a ces der-
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nières categories tend a s’accroitre dans la période suivante, celle de Taquitanien, pendant laqnelle la predominance estnbsp;surtout acquise a la quatrieme categorie, tandis que la cin-qviième tend a s’eclipser gradnellement.
Le mème mouvement se prolonge en s’accenluant encore du-rant le miocène ; la sixieme categorie s’empare de la place que lui abandonne la cinquième successivement amoindrie; lanbsp;deuxième disparait pen a pen, bien qu’elle soit encore repré-sentée par les Podogonium dans le miocène supérieur.
Dans le pliocene, enfin, il n’existe plus guere quo des types de la première, de la quatrième et de la septième categorie,nbsp;combines encore avec des épaves de plus en plus clair-seméesnbsp;de la cinquième et de Ia sixième. Dans ia flore européennenbsp;actuelle, il serail possible de signaler les derniers vestiges denbsp;celles-ci, que comprend encore la vegetation des bords de lanbsp;Méditerranée : le caroubier, le myrte, VAnagyris foetida, le len-tisque, l’euphorbe en arbre, etc., en sont des exemples quenbsp;M. le professeur Martins n’a pas manqué de mettre récemmentnbsp;en lumière.
Après avoir marqué les effets directs ou éloignés de la configuration géograpbique du sol et de la nature du climat sur l’en-semble de la vegetation de cbaque période, il nousreste a décrire les modifications éprouvées paries plantes considérées en elles-mêmes, en tant que « phénomènes purement organiques ». Nousnbsp;sommes conduit par la pente même du sujet a ce dernier pointnbsp;de vue, subjectif par rapport a Fautre, et, après avoir défininbsp;Fétendue des actions exlérieures qui influent sur les végétaux etnbsp;qui sollicitent leur tendance a la variabilité, nous examineronsnbsp;ce qui en résulte pour la plante , c’est-a-dire les caractères etnbsp;Famplitude des cbangements morphologiques auxquels Findi-vidu végétal et la race sortie de lui sont susceptibles de donnernbsp;naissance.
C’est la une étude, non-seulement très-nouvelle et, pour ainsi dire, a ses premiers débuts, mais qui ne dispose jusqu’ici quenbsp;d’un très-petit nombre de matériaux; nous ne saurions done la
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LES PERIODES VÉGÉTALES.
poiisser bien loin; noiis tacherons plulót de reconrir, antantcjue faire se pourra, aux documents assez nombreux contenus dansnbsp;les pages qui précédent. Ces documents, auxqucls nons ren-voyons, joints a qnelques autres choisis a vee soin, suffiront pournbsp;donner une idéé assez juste des phénomèneS que nous avons anbsp;signaler. — On doit les distribuer sous trois cbefs.
Sous le premier, nous rangerons les modifications les plus générales, celles qui out trait a la dimension, a la consistancenbsp;des organes et des tissus, a leur durée plus ou moins longue, anbsp;leur renouvellement periodique, a certains moments et dansnbsp;certaines saisons. On congoit que ces sortes de modifications senbsp;soient manifestées dans un sens déterminé et sous I’empire denbsp;certaines circonstances, de manière a s’étendre a des catégoriesnbsp;entières de végétaux, indépendamment du genre et de la provenance de ces végétaux.
Sous le deuxième chef, il faut placer les modifications d’une nature assez grave pour affecter un type organique et faire dé-couvrir en lui des déviations assez prononcées pour servir denbsp;passage vers un autre type, au moyen de l’interposition d’un ounbsp;plusieurs termes transitionnels. Ce sont la, a proprement parler,nbsp;les cnchainements de Forganisme, dans l’un et l’autre règne,nbsp;enchainements dont M. Albert Gaudry a publié dernièrementnbsp;de si beaux exemples, empruntés a l’étude des mammifères ter-tiaires.
Le troisième chef, enfin, comprend toutes les diversités ou enchainements d’un ordre purement spécifique, de nature a dé-montrer les variations successives de l’espèce et la filiation de chaque forme plus récente par une forme antérieure ou par unenbsp;suite de formes antérieures, dont la moins ancienno serait iné-vitablement issue.
La stature ou dimension relative des divers organes,, particu-lièrement du limbe foliaire; si l’on prétére, le développement OU la réduction de celui-ci sont en étroite connexion avec lanbsp;chaleur et Thumidité, soit seules, soit reunies et agissant denbsp;concert. On sait généralement que les êtres vivants et, par consé-
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quent, les parties de ces êtres sont plus étendus, toute proportion gardée, dans les pays chauds que dans les pays froids on tem-pérés ; on sait encore que eet effet se manifeste avec une energienbsp;toute partienlière si, comme cela arrive souvent, Thuinidité estnbsp;jointe a la chalenr. Les plus grands insectes, les plus grandsnbsp;reptiles, les végétaux les plus puissants, porteurs des feuilles lesnbsp;plus larges, viennent certainement de pays a la fois Iminides etnbsp;lt; !iauds. Cependant, si Ie cliinat est a la fois chaud et sec, lesnbsp;dimensions iront en snmoindrissant, paree que, dans ce cas, etnbsp;je parle surtout en ceci du règne vegetal, les plantos n’obtenantnbsp;qu’en petite quantité Ie liquide servant de véhicule aux suesnbsp;nourriciers seront jjlacées dans la nécessité d’acquérir des tissusnbsp;résistants, pen extensibles,construits de fafonas’opposer a toutenbsp;déperdition de substance, par conséquent coriaces. Si la clialeurnbsp;diminue, mais que rhumidité persiste on augmente, les plantesnbsp;subissant cette influence verronl s’acci’oitre la dimension denbsp;leurs organes, Ie milieu aquatiquo favorisant nécessairement lanbsp;taille des organismes mis en contact avec lui. Des deux causesnbsp;combinées qui favorisent leur dilatation. Tune anra été dépri-mée, maisl’antre, conservant son activité, exercera son influencenbsp;et tendra iiproduire desrésnltats analogues. C’est pour cela quenbsp;certains végétaux du Midi, plantés dans les contrées du Nord etnbsp;exposés a une plus gi’ande humidité que dans leur pays d’origine,nbsp;])ortent des feuilles plus amples, quoique moins fermes. Par Ienbsp;défaut de chalenr leur port perd de sa puissance, leur taillenbsp;s’abaisse, mais leurs feuilles prennent de l’extension, sous Fin-fluence de Fhumidité, et elles deviennent plus larges qu’elles nenbsp;Fauraient été au contact d’un climat plus chaud, mais aussi plusnbsp;sec. C’est efïectiveracnt ce qui arrive au chêne vert, au figuier etnbsp;au myrte, lorsque ces arbres sont cultivés en Bretagne ou ennbsp;INormandie, au milieu des bruines et des averses, loin des splendours du soleil méridional.
Des effets semblablesse sont inévitablement produits autrefois et on observe en effet des contrastes très-marqués dans la dimension relative des espèces, en comparant les formes homologues
-ocr page 413-376 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
de plusieurs périodes ou localités placées sous des tonditions ex-térieures xisiblement opposées.
Les extrêmes de grandeur dans la dimension des i'euilles sont offerts par certaines espèces de la flore de Sézanne qui appar-tiennent a une époque et a une localité au sein desquelles lanbsp;chaleur etl’humidité réunies ont dü atteindre leur apogée.
üne feuille de Grewi,opsis [G. sidsefolia, Sap.), de cette station, mesure pres de 30 centimetres de largeur sur une longueur de 20 centimetres, non compris Ie pétiole. Cette dimension estnbsp;de beaucoup supérieure a celle de la plupart des feuilles desnbsp;Luhea actuels, type de tiliacées sud-américaines, auquel lesnbsp;Grewiopsis de Sézanne doivcnt être assimités. De son cóté, Ienbsp;Greioia crenata, Ung., espèce miocènequi xivait encore a l’épo-que des cinérites du Cantal, et qui parait répondre trait pournbsp;trait au Grewiopsis de Sézanne, présente des feuilles dont Ienbsp;plus grand diamètre n’excède pas 7 centimetres, sur une hauteur, de la base au sommet du limbe, de 3 centimetres et deminbsp;a 6 centimetres seulement. On yoit par la combien la diminution de la chaleur, sansdoute aussi indispensable que rhumidité-a la yigueur de ce type, avait contribué a l’amoindrir par sonnbsp;abaissement graduel dans l’espace qui sépare Ie paléocène dnnbsp;miocène. La sécheresse, d’autre part, avait sans doute forcé cenbsp;même type de se tenir a l’écart durant Téocène, période dans Ienbsp;cours de laquelle on cesse do l’observer. On pourrail faire lesnbsp;mêmes remarques au sujet des yiornes, des cornouiliers et desnbsp;juglandées de Sézanne qui marquentpour ces groupes une sortenbsp;de maximum d’ampleur du limbe foliaire, qui ne semblenbsp;plus avoir été ensuite dépassé.
L influence de la chaleur et de rhumidité, agissant tantót sé-parément, tantót de concert, se laisse voir surtout dans Ie groupe des chênes, dont on rencontre des formes caractéristiques surnbsp;tousles niveaux successifs, depuis Gelinden, a la base du paléocène, jusqu’a l’extrémité supérieure de la série. Les premiersnbsp;chênes sont tous des chênes verts, c’est-a-dire que leurs feuillesnbsp;étaient plus ou moins ferraes, lustrées et persistantes. Si Ton
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cherche a grouper par categories les formes de eet age , on re-cennait aisément des chênes a feuilles entières et plus ou moins laiiriformes et d^autres dont le's feuilles sont dentées, créne-lées OU lobuléees.
Considérons d’abord les premiers. — A mesure que l’on s’éloi-gne du paléocène, on voit chez eux des diversitós se produire: les uns garden! des feuilles plus ou moins ovalaires, tandis que cheznbsp;d’autres Ie limbe tend a s^allonger ; puis, sous l’influence continue du climat sec et chaud de l’éocène, les dimensions des es-pèces de certaines stations se réduisent, et l'on observe, d’abordnbsp;dans Ie calcaire grossier parisien, au sein d’une contrée située
Fig. 114. — Formes liomologues de chênos paléocènes et éocènes comparées (types h feuilles entières).
1. Quercus Lamberti, Wat. (paléocène). — 2. Quercus txniata. Sap. (éocèno moyen, grès de la Sarthe). — 3. Quercus macilentn. Sap. (éocène moyen, calcaire grossier parisien). —4. Quercus palsophellos, Sap. (éocène sup., gypses d’Aix). —nbsp;S. Quercus elliptica, Sap. (gypses d’Aix). — 6. Quercus salkina. Sap. (gypsesnbsp;d’Aix).
au voisinage de l’ancienne mer (couches du Trocadéro), puis dans les gypses d’Aix, les formes sensiblement atténuées, re-présentées par nos figures (fig. 114), et qui expriment bien réel-
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lement les résultats de I’action climatérique de l’éocène. Nous avons Yu d’ailleurs que cette action avail continué a se prononccrnbsp;dans la période suivante, pendant laquelle les chênes conser-vèrent leurs proportions amaigries.
En détournant les regards vers une autre catégorie, celle des espèces a feuilles dentées ou lobulées, nous constatons aisémentnbsp;une marche absolument analogue. Pour en ètre convaincu, nousnbsp;n’avons qu’a comparer, en recourant a des figures précédentesnbsp;(voy. plus haut la figure 33), les feuilles des chênes de la forêtnbsp;de Gelinden, surtont Ie Qiiercus parceserrata, Sap., au Q. ante-€edens, Sap., des gypses d’Aix, au Quercus cimeifolia, Sap., denbsp;Gargas (fig. 113), et au Q. velmma, Mar., de Ronzon. C’estnbsp;par suite du rétrécisseinent des dimensions du liinbe, sous 1’in-tluence du climat éocène, que fut constituéc en Europe la sectionnbsp;des Ilex ou Chlorobalaniis qui depuis a persisté jusqu’a nous, toutnbsp;en modifiant ses caractères, c’est-a-dire en présentant des feuillesnbsp;plus larges ou plus étroitcs, selon les alternatives de climatnbsp;plus humide ou plus sec, qui se produisaient. Le chêne vertnbsp;de Coumi et de Radoboj [Quercus mcditerranea, Ung.) a déjanbsp;des feuilles plus grandes que celles du Q. aniecedens; mais lesnbsp;formes relevant du même type que Pon rencontre soit au montnbsp;Charray, soit a Meximieux, c’cst-a-dirc dans le miocène supérieur et dans le pliocene inférieur, au sein de stations plusnbsp;fraiches et sous rinOuence prolongée d’un climat plus humidenbsp;que dans Page antérieur, ces formes [Q. prseilex et Q. precursor, Sap.) portent des fenilles encore plus amples, dont les dentsnbsp;épinenses disparaissent ou tendent a s’effacer (fig. 113). Denbsp;nos jours, le Quercus ilex, dans les limites d’une espèce re-marqnable par sa polymorpbie, réunit une foute de nuances,nbsp;variétés individuelles ou races locales, les unes au teuillagenbsp;ample réservées anx stations bumides, les autres au feuillagenbsp;étroit et coriace, plus fréquentes sur les sols et dans les expositions, secs et chauds.
Après avoir rendu un coinpte très-sommaire des modifications •qui ont afl'ecté Porganisme des végétaux d’une facon générale et
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dans une direction déterminée, il serail très-intéressant de pou-Yoir saisir et décrire celles au moyen desquelles les types se sont graduelleinent transformés, avant de revêtir les caractères qiiinbsp;les distinguent et quelle série d’états successifs chacun d’eux a
Fig. 115.
1. Quercus cuneifolia, Sap. (oligocène inf., Gargas). — 2. Quercus armata, Sap. (aqiiitanien inf., Armissan). — 3. Quercus antecedcns, Sap., (éocène sup., gypsosnbsp;d’Aix). — A. Quercus mediterranean Ung. (miocène inf., Coumi). — 5. Quercusnbsp;precursor, Sap. (pliocene inf., Meximieux).
traversés soit en se fixant, soit en donnant naissance a un type voisin. Ces sortcs de mutations sont visibles dans les animauxnbsp;supérieurs, je veux parler des mammifères; cliez ces derniers,ilsnbsp;se sont accomplig dans Ie cours de l’époque tertiaire, a des inter-valles assez rapprocliés et en produisant des ramifications asseznbsp;nombreuses, pour devenir l’objet d’une récente étude de M. A.nbsp;Gaudry sur les Enchainemcnts du règne animal. Mais ici juste-rnent se présente l’application rigoureuse de deux lois, dont runenbsp;a été formulée par ce même savant: celle-ci veut que les êtres, aunbsp;sortir de cette élaboration toujours obscure, longue et difficile anbsp;suivre, d’ou les catégories supérieures paraissent issues, aientnbsp;été l’objet de transformations d’autant plus rapides que ces êtresnbsp;sont plus élevés en organisation. Cette loi isolée serail insuffi-sante a l’explication des phénomènes que nous considérons, si
-ocr page 417-380 nbsp;nbsp;nbsp;les Périodes végétales.
on ne lui en adjoignait une autre qui établit une solidarité nécessaire entre les deux règnes; d’après cette seconde loi, Ienbsp;développement des animaux terrestres estforcément subordonnénbsp;a celui de la végétation, qui leur fournit des aliments ; par conséquent, loin d’être antérieur, Ie développement des premiers n’anbsp;pu mème coïncider avec l’évolution a laquelle Ie monde desnbsp;plantes a dü son complément ; il l’a suivie seulement et encorenbsp;d’assez loin.
A raison de ces deux lois combinées et des conséquences qu’entraine leur combinaison, il se trouve que Ie règne végé-tal avait acquis ses traits caractéristiques bien avant que l’autrenbsp;eüt compléte les siens; en sorte que les principaux groupes etnbsp;même les genres de plantos qui constituent Timmense majo-rité de nos flores actuelles étaient arrètés et a peu pres fixésnbsp;dans les limites qu’ils ont encore, des l’origine, probablementnbsp;même avant Ie début des temps tertiaires. 11 est facile de con-stater effectivement un très-grand contraste a ce point de vuenbsp;entre l’un et l’autrc règne. Les véritabies herbivores, qui sontnbsp;les ruminants, ne commencent a se manisfester que vers l’oligo-cène, et leurs genres les mieux définis ne se montrent que beau-coup plus tard. 11 en est de même pour les carnassiers et pournbsp;une foule de genres et de groupes comme celui des équidés etnbsp;des proboscidiens dont l’évolution n’était pas encore achevée anbsp;la fin du miocène. Le règne végétal, point de depart nécessairenbsp;de l’évolution des faunes de vertébrés supérieurs, a dü forcémentnbsp;devancer celles-ci. Les flores paléocènes de Gelinden et de Sezanne , malgré le nombre relativement restreint des espècesnbsp;qu’elles renferment, permettent d’affirmer qu’un nombre consi-dérablede families végétales étaient des lors arrêtées dans leursnbsp;limites actuelles et que leurs genres ou leurs principales sectionsnbsp;n’ont plus beaucoup varié. En l’affirmant des types que l’onnbsp;connait, on peut l’avancer d’une foule d’autres par analogie,nbsp;sauf en ce qui concerne les families herbacées et très-nom-breuses, dont les genres ne résultent guère que de modifications organiques d’une minime importance, comme on le
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remarque chez les ombellifères, les composées et la plupart des gamopétales.
La flore de Gelinden démontre qu’il existait dès lors de vrais chêneseta cóté d’eux de vrais chataigniers; la craie ayant fourninbsp;des A'estiges reconnaissables de hètres, on peut dire qu’a cettenbsp;époque les cupulifères étaient déja parlagées comme maintenantnbsp;en trois sections dont les subdivisions ou sous-genres seuls n’é-taient peut-être encore ni définis ni coinbinés, ainsi qu’ils Tontnbsp;été ensuite. Une 1'oule de genres ou même de sections de genrenbsp;n’ont plus change depuis cette date, k l’exemple de ceux quinbsp;précédent. Dès Ie paléocène, par exemple, Ie type des viornes,nbsp;celui dulierre, celui de la vigne, déja distinct de celui des Cissitsnbsp;qui en est si rapproché, celui des saules, des cornouillers, etc.,nbsp;étaient représentés par des .formes se rattachant aux nótres denbsp;trop prés, pour que l’on soit en droit de supposer des différencesnbsp;tant soit peu marquées dans ccux de leurs organes qui ne sontnbsp;pas venus jusqu’a nous. Les Laurinées ont du réellementnbsp;comprendre dès ce temps les mèmes coupes génériques que denbsp;nos jours et notamraent des Cinnamomnm, Law'iis; Persea,nbsp;Sassafras. 11 faudrait done, d’après de pareils indices, remonternbsp;plus loin que Ie tertiaire pour retrouver une période de dicotylé-dones ou simplement d’angiospermes prototypiques comprenantnbsp;des genres flottants, qui n’auraient encore qu’une partie de leursnbsp;caractères distinctifs ou offriraient des passages des uns vers lesnbsp;autres. 11 faudrait même, croyons-nous, explorer au dela de lanbsp;craie cénomanienne pour découvrir quelque chose des débutsnbsp;de la classe, réduite a l’état d’ébaucbe. Get horizon cénomaniennbsp;est celui des plus anciennes dicotylédones connues, et déja ilnbsp;nous présente un certain nombre de types dont les variationsnbsp;subséqnentes n’ont plus été que d’une nature purement spé-cifique ; Ie lierre, Ie magnolia, Ie genre Bymenea parmi lesnbsp;légumineuses-césalpiniées doivent être signalés en premièrenbsp;ligne. On peut dire cependant, en examinant cette premièrenbsp;association de dicotylédones, qu’elle comprend de préférencenbsp;des types floraux moins complexes, formés de parties plus dis-
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LES PÉRIODES YÉGÉTALES.
tinctes el resultant d’une soudure moins avancée que ceux qur simirent. Les découvertes futures apporteront seules, si ellesnbsp;se réalisent jamais, la clef d’un pareil problème. 11 est a croirenbsp;égalemenl que les plus anciens palmiers, ceux qui proviennentnbsp;de la craie supérieure, ne sont réelleinent pas les premiers ennbsp;date; ils marquent sans doute l’un des stades d’une marchenbsp;evolutive, déja éloignée de son origine. Cependant l’espèce lanbsp;plus répandue, Ie Flabellaria longirhachis, Ung., reproduit l'ap-parence d’un type intermédiaire aux frondes tlabellées et auxnbsp;frondes pinnées. L’aspect est celui de deux formes spécialesnbsp;aux Sécbelles et qui sont Ie PhoBnicophorium Sechellarmm^nbsp;Wen dl., et Ie Verschaffeltia splendida.
Ainsi, ce ne sont pas des genres proprement dits, mais plutót des sous-genres et des sections ou groupes d’espèces dontnbsp;il serail possible de suivre la marche et de décrire la formation,nbsp;a travers Ie cours du tertiaire, si tous les organes des végétauxnbsp;de eet age étaient venus jusqu’a nous, de telle facon qu’il futnbsp;possible d’analyser les parties des fleurs et la structure inté-rieure des organes de la fructification, comme on Ie fait lors-qu’il s’agit de la dentition et du squelette des vertébrés.
Les types végétaux sont incontestablement plus tenaces, leur vie est plus longue et leurs caractères essentiels sont moinsnbsp;mobiles que ne Ie sont les types correspondants de l’autre règne.nbsp;11 faut done se contenter, dans l’examen que l’on en fait, denbsp;suivre et de définir les innombrables diversités spécifiques aux-quelles leurs genres, une fcis fixés, ont donné lieu. Cette disposition inhérente a l’organisme des végétaux, sous l’intluencenbsp;du temps et des circonstances, a fait naitre d’incessantes x^aria-tions que la comparaison des formes fossiles avec leurs homolo-gues actuels permet de définir très-rigoureusement.
L’enchainement qui relie toute une série d’espèces affines et qui nous amène de la plus ancienne jusqu’a celle que nous avonsnbsp;encore sous les yeux, se compose souvent d’un nombre relative-rnent considérable de termes successifs, assez rapprochés pournbsp;faire disparaitre la plupart des lacunes. Par ce moyen qui s’ap-
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piiie, il est Yrai, sur Fexamen des feuilles seulement, on dé-couvre réellement les vicissitudes d’une filiation dont Torig-ine remonte plus ou moins haul dans Ie passé et qiii, dans certainsnbsp;cas, s’avance au dela de l’époque tertiaire. Nous constatons ainsinbsp;quC;, si les dicotylédones, a un moment donné voisin de leurnbsp;berceau et par des procédés dont Ie mécanisme nous échapponbsp;faute de documents, ont donné l’exemple d’une evolution rapidenbsp;et d’une extension plus rapide encore, cette première extensionnbsp;a du ètre précédée d’une longue période d’obscurité, au fond denbsp;laquelle il nous faut renoncer de les suivre; mais leurs princi-paux types, une fois caractérisés, ont manifesté au contrairenbsp;une remarquable fixité ou, s’ils sont efemeurés plastiques, cenbsp;n’est plus dans les traits constitutifs de leur structure qu’ils senbsp;sont montrés variables, mais uniquement par certains cótés se-condaires. Ce sont ces variations de détails qui ont engendrénbsp;successivement loutes les formes auxquelles les botanistes s’ac-cordent a appliquer Ie nom d’espèce.
Pour signaler des exemples saillants de ces sortes de filiations, conduisant, a travers les ages, d’une espèce vers une autre plusnbsp;ancienne, celle-ci étant elle-même précédée par une forme an-térieure, jusqu’a la plus reculée, dans Ie temps, qu’il ait éténbsp;donné de découvrir, il faut s’adresser de prélérence a certainsnbsp;types a la fois tenaces et peu féconds ou memo réduits sous nosnbsp;yeux a une espèce unique, mais en mème temps n’ayant jamais quitté Ie solde l’Europe. II en est ainsi, entre autres, dunbsp;laurier, du lierre, de la vigne, du laurier-rose, du gainier, denbsp;divers érables, etc., dont nos figures aideront a saisir la marebenbsp;a travers les diverses périodes, au moins pour queiques-unsnbsp;d’entre eux.
Le type du laurier noble (L. nobilis, L.), dont Ie laurier des Canaries (L. canariensis, Webb.) ne constitue de nos jours qu’unenbsp;race, se trouve représenté dans le paléocène par le Latirus Omalii,nbsp;Sap. et Mar.; dans l’éocène, par le Laurus Decaisneana, Heer.nbsp;Lors de l’éocène supérieur des gypses d’Aix, le même type com-prend un certain nombre de formes, parmi lesquelles il faut
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LES PERIODES VEGETALES.
distinguer Ie Laurus primigenia, Ung., dont les variétés larges conduisent insensiblement hm. Laurus canar'iensis (fig. 116). Hnbsp;semble que les formes étroites de ce même L. primigenia, quinbsp;sont en même temps les plus anciennes, marquent l’existence
1. Laurus primigenia, Ung. (oligocène). — 2. Laurus primigenia, Ung. (oligocèna sup.). — 3. Laurus primigenia, Ung. (aquitanien). — Laurus princeps, Hr,nbsp;(miocène sup.). — 5. Laurus canariensis pliocenica (Meximieux).
d’une race due a I’influence du climat éocène; les effets de cette influence s’atténuent graduellement a mesure que l’on s’avancenbsp;vers 1’aqiiitanien et a Armissan d’abord, a Manosque ensuite,nbsp;la liaison entreles feuilles amplifiées du L. primigenia et cellesnbsp;des Laurus canariensis et nobilis se prononce de plus en plus.nbsp;Le Laurus princeps. Hr., du miocène supérieur, se rapproclienbsp;plus encore de notre laurier, dont la race canarienne se montrenbsp;enfin, avec tons les caractères que nous lui connaissons, dans lenbsp;pliocène inférieur de Meximieux.
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-ocr page 422-VUES GÉNÉRALES SUR L’ENSEMBLE DES PÉRIODES. 385 Le lierre europeen, que nous allons maintenant considérer,
remonte par son origine bien au dela des temps tertiaires; son ancêtre le plus éloigné est une espèce de la craic cénomaniennenbsp;de Bohème, Hedera primordialis, Sap., précédemment figuréenbsp;(fig. 29), dont les feuilles caulinaires étaient largement orbicu-laires et cordiformes, avec des feuilles deltoïdes et latéralementnbsp;arrondies sur les rameaux libres. Ces feuilles étaient enlières onnbsp;faiblement sinuées le long des bords;. ellesrappellen!d’assez loinnbsp;celles de certains Greojjanax d’Amérique, mais elles ressemblentnbsp;surtout a la race algérienne, connue sous le nom de lierre d’Alger, dont les feuilles presquc aussi larges sont cependant ennbsp;général plus longuement atténuées en pointe au sommet. Lesnbsp;échantillons fossiles, de forme deltoïde, peuvent même être com-parés avec avantage aux feuilles les plus larges des rameauxnbsp;libres de notre type indigene; la disposition des nervures basi-laires et même leur nombre (2 a 3 paires de chaque cóté de lanbsp;médiane) se trouvant les mêmes de part et d’autre. On peut direnbsp;sans exagcration que l’aspect de VHedera primordialis suffit anbsp;hu seul, a raison de I’amplcnr du limbe foliaire, pour attesternbsp;riiumidité de I’ancienne localité cénomanienne qui nous a con-servé ses restes.
Le lierre paléocène de Sézanne,//ecfera jömca. Sap. (fig. 117), dont nous possédons plusieurs feuilles, s’éloigne assez sensi-blement de VH. primordialis. Ses feuilles sont d’abord plusnbsp;petites, leur dimension égalant a pen pres celle des formes vigou-reuses de notre lierre. Les sinuosités de la marge sont de-venues ici des saillies anguleuses assez peu prononcées, il estnbsp;vrai, mais cependant sensibles; la base est arrondie ou confor-mée en coin obtns; les nervures principales ne comptent jamaisnbsp;au dela de deux paires, outre la médiane. Cette espèce rappellenbsp;incontestablement notre race irlandaise dont elle diffère seule-ment paria distance proportionnelle plus marquée existant entrenbsp;les nervures basilaires et les secondaires issues de la médiane,nbsp;dont le développement est moindre que dans notre lierre. II ennbsp;est du lierre comme de la vigne, du sassafras et de quelquesnbsp;Cquot; DE Sapohta.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;25
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LES PÉRIODES VÉGETALES.
autres types; on cesse de les reiicontrer ou du raoins leur présence devient exceptionnelle dans Ie cours de l’éocène pro-prement dit. 11 est probable que la chaleur sèche du climat res-treignit alors l’airc d’habitation de ces types et obligea certainsnbsp;d’entre eux a émigrer vers Ie Nord ou a se réfugier sur Ie hautnbsp;(les montagncs.
On n^a découvert jusqu’ici aucune trace du lierre ni dans Ie calcaire grossier parisien, ni dans les gres de la Sartlic, ni anbsp;Skopau OU a Monte-Bolca; Ie dépot des gypses d’Aix n’cn avaitnbsp;pas encore offert de vestige; mais une découvcrte importante, duenbsp;aM. Ie professeur Pliilibert, est venue démontrer tout récemmentnbsp;l’existence du lierre éocène et en même temps sa rareté a cettenbsp;époque, puisqu’il s’agit de I’empreinte d’une feuille unique,nbsp;ayant appartenu aux rameaux appliqués; elle a été apportéenbsp;peut-etre de loin et provient saus ^doute d’une station moinsnbsp;chaude que la zone de végétaux qni servait de ceinture immé-diate a l’ancien lac. Le climat éocène a produit sur Ie lierrenbsp;d’Aix, Fledera Philiberti, Sap., son influence ordinaire ; la feuillenbsp;de cette espèce est i’elativement étroite et allongée; son sommetnbsp;donne lieu a une pointe apicale beaucoup plus développée quenbsp;les lobules latéraux, réduits a de simples sinuosités anguleuses.nbsp;Cette remarquable empreinte a tout a fait l’aspect et retrace lesnbsp;caractères des formes les plus inaigres du lierre d’Alger, etnbsp;notre lierre indigene offre parfois aussi, lorsque sestiges rampentnbsp;sur le sol, des variétés analogues a celle-ci; en sorte que VHe-dera Philiberti représente le point de depart commun du lierrenbsp;européen actuel et de la race algérienne.
Dans le miocène inférieur de la région arctique, c’est a la race irlandaise ou lierre d’lrlande que correspond VHederanbsp;Mac-Cluri, Hr., qui revêt une forme a peine distincte de celui-la. VEedera Kargii, Br., du miocène supérieur d’OEningen,nbsp;nous fait connaitre une race a très-petites feuilles qui semblenbsp;dériver, a l’aide de plusieurs intermédiaires aujourd’hui perdus,nbsp;de VHedera prisca arnoindri. Le lierre, sous une forme très-rap-prochée de celle du type européen ordinaire et qui se relie en
-ocr page 424-Fig. 117. — Modifications successives du typo liorre (Heclera) dans le cours do I'epoquo
tertiaire.
1. Hedera prisca, Sap. (paléocène, Sézanne). — 2. Iledera Philiberti, Sap. (óocène snp.j gypses d’Aix). — 3. Iledera Kargii, Br. (miocène, OEningen). — 4. Hederanbsp;aciltelobata. Sap. (pliocène inf , Dornbacli). — 5. Hedera Mac-Cluri, Hr. (miocène inf., Groenland). — 0. Hedera Strozzi, Gaud, (pliocène inf., Toscane).
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LES PERIODES VEGETALES.
même temps au type des gypses d’Aix, amplifié par I’intluence du climat miocène, se montre vers Ie pliocene inférieur, dansles sphérosidérites de Dernbach, aux environs de Coblentz ; c’estnbsp;VHcdera aciitelobata (Lndw.), Sap., dont les fenilles pourvues denbsp;cinq lobes anguleux sont surinontées d’une pointe terminale plusnbsp;large et moins saillante que celle de VHcdera PInliberti et s’é-loignent par conséquent davantage de la race d’Alger. Ce lierrenbsp;n’est réellement séparé de l’espèce actuelle que par une nuancenbsp;a peine sensible. A pen pres a la même époque, c’est-a-dire dansnbsp;la première moitié du pliocène, notre liedera helix normal, ca-ractérisé par les mêmes diversités morphologiques qu’il présentenbsp;de nos jours, s’était répandu dans toute l’Europe : il abonde par-ticulièrement en Italic et peuple plus tard aussi les tufs quater-naires de la France cntièrc. En résumé, Ie type du lierre, très-anciennement fixé, n’a donné lieu dans la suite des temps qn’;'»nbsp;des variétés ou races llottantes, trop peu accentuées pour qu’ilnbsp;soit permis d’appliquer légitimement a aucune d’elles Ie nomnbsp;d’espèce, sauf peut-être a YBedera Kargii dont les dimensionsnbsp;minimes constituent pourtant la nuance différentielle la plusnbsp;marquée. Le type actuel, lorsqn'on l’interroge avec soin, laissenbsp;voir des diversités analogues, comprises dans les limites d’unc-espèce unique.
Le laurier-rose, dont nous voulons parler maintenant, a suivi une marcbe a peu prés semblable a celle dont le lierre vient de-nous laisser voir les particularités. Le type du Neriiim est re-prescnté dans la craie supérieure par une forme qui parait ctrc-la soucbe de toutes celles qui suivirent, et celles-ci n’ont jamaisnbsp;produit que des variations très-peu accentuées. C’est la visible-ment un type doué d'une tendance très-faible a la polymorphic,nbsp;aptitude qui explique a la Ibis sa remarquable fixité a traversnbsp;le temps etl’existence actuelle de deux espèces isolée«. Tune in-dienne, l’autre méditerranéenne, assez voisines pour s’hybrider,nbsp;lorsqn’on a cherché a les rapprocber l’une de l’autre.
Le laurier-rose crélacé, Nerium Rohlii, Mark, ressemble sin-gulièrement aux plus larges fenilles du N. odoratum des Indes et
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lt;lc Java, dont les empreintes fossiles ont la forme, les dimensions el la longueur de petiole ; les feuilles du temps de la craie étaientnbsp;^^epeiidant moins linéaires et plutót lancéolées-allongées; elles senbsp;lerminaient aussi plus obtusément dans la direction du pétiolenbsp;et elles paraissent avoir eu desnervures plus fines et plus nom-breuses. Ce sont la au total de faibles divergences, et si les autresnbsp;parties de l’ancienne plante n’en présentaient pas de plus marquees, ce que nous ignorons, il est vrai, on peut dire que Ienbsp;.'V. liohlii ne diflërait pas plus du N. odoratum que celui-ci nenbsp;diffère du N. oleander des bords de la Méditerranée.
Le laurier-rose n’a pas été encore observe dans Ie paléocène; «n revanche, nous connaissons deux Neriiim éocènes très-nette-ment caractérisés : ce sont les 'Nerium parisiense, du calcairenbsp;grossier parisien, et sarthacense, Sap., des gres de la Sarthenbsp;(tig. 118). Tous deux peuvent passer pour être derives du précé-•dent, et pourtant ils different assez notablement l’un de l’autre.nbsp;Le Nerium parisiense, remarquable par ses dimensions cxigucs,nbsp;¦denote une race qui aurait subi I’influence ordinaire du climatnbsp;¦de la période éocène ; en outre, il habitait une station en contactnbsp;nvec les plages de la mer parisienne, probableraent les rivesnbsp;xl’iin cours d’eau vers son embouchure; par conséquent il étaitnbsp;indigene d’une region basse, plus chaude que l’intérieur dunbsp;pays. Le Nerium sarthacense, au contraire, habitait probable-ment une region boisée et monlagneuse du continent éocène ;nbsp;il représente évidemment une race plus vigoureuse et sesnbsp;feuilles atteignaient a une largeur triple de celle des empreintesnbsp;lIu dépot parisien.
Le Nerium parisiense, malgré sa petite taille a laquelle ses fleurs, dont les corolles nous sont connues (voy. tig. 46), répon-daient parleurs proportions modestes, se rattache certainementnbsp;au type du N. odoratum, et, par conséquent, a celui du iV. Roh-lii, dont il s’écarte surtout, en dehors de sa petite taille, par lanbsp;terminaison plus ou moins obtuse du sommet de ses feuilles.nbsp;Le Nerium sarthacense, dont une feuille a déja été figurée anbsp;la planche XVII de notre Mémoire sur les végétaux fossiles de
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LES PERIODES VEGETALES.
1. Neriwn liohlii, Mark (craie sup. do Wostphalie). — 2. Nerium parisiense, Sap. (éocène du bassin de Paris). — 3-4. Nerium sarthacense, Sap. (éocène moyen^nbsp;grès de la Sartlie). — 5. Nerium repertiim, Sap. (éocène sup., gypscs d’Aix). —nbsp;G. Nerium Gaud7’i/a7ium, Bvngt. (miocène inf. ,Oropo). — 7. Ne7'iu7n bilinicumnbsp;Ett. (miocène sup., Bohème). — 8-9. iVm'Mm oleander pUoce7iicum, Sap. (plio-cèneinf., Meximieux).— 10. Ne7'ium olemider,li. (époque actuelle, bords de lanbsp;Médilerranéo).
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dentelles auxquelles il était sujet, mais il s’en écarté par l’éten-due proportionnelle du petiole. En outre, dans l’espèce de la Sarthe, la plus grande largeur du limbe se trouve reportée versie tiers inférieur de l’organe, au lieu d’exister plus haut, ainsinbsp;que cela se voit dans la majorité des feuilles de notre laurier-rose rnéditerranéen. II semblerait done que l’on touebat ici a l’é-poque actuelle et pourtant on n’y arrive tinalement qu’au moyennbsp;de plusieurs terrnes successifs intercalés. Le Nerium reperlum^nbsp;Sap., des gypses d’Aix, est iniparfaitement connu ; on voit pourtant que ses feuilles (fig. 118,5) sont plus petitesque la moyennenbsp;de celles des gres de la Sarthe dont elles offrent l’apparence extérieure, sauf le pétiole qui tend a se raccourcir. Ce raccour-cissement du pétiole restera désormais le caractère coinmun denbsp;tons les lauriers-roses d’Europe, et l’on peut rappoiier a ce moment l’époqua a laquelle dut s’opérer la séparalion definitivenbsp;des deux espèces, l’indienne et l’européenne, dont la secondenbsp;s'étend aussi dans l’occident de l’Asie. Le Nerium Gaitdrt/anum,nbsp;Brngl., du miocène inférieur d’Oropo, en Attique, se rapprochenbsp;un peu plus du N. oleander que les précédents par son pétiolenbsp;très-court et le contour lancéolé du limbe ; mais les dimensionsnbsp;restent encore inférieures et la forme du contour général estnbsp;plus étroite que dans la majorité des feuilles du N- oleandernbsp;actuel. Presque a la même époque, le Nerium bilinicum, Elt., desnbsp;couches de Kutschlin, en Bohème, manifeste la même liaisonnbsp;avec un agrandissement marqué des dimensions du limbe et peut-être aussi avec unc nuance d’affinité plus sensible vis-a-vis dunbsp;N. odoratum. M. d’Ettingshausen mentionne de plus un Neriumnbsp;styriacum, de Leoben, espèce inédite qui aurait des feuilles plusnbsp;larges et des nervures secondaires moins raides. Cette forme semblerait indiquer un nouveau degré d’acheminement vers le lau-rier-rose vivant. Le laurier-rose de Meximieux, Nerium oleandernbsp;pliocenicum, ne saiirait ctre légitimemenl séparé de celui de nosnbsp;jours: dimension et forme du pétiole, contour et dimension dunbsp;limbe foliaire, tout est pareil des deux parts a l’exception d’unenbsp;faible nuance.
-ocr page 429-392 nbsp;nbsp;nbsp;LES PÉRIODES VÉGÉTALES.
11 ne ticndrait qu'a nous, si la nécessité de ne pas élargir outre mesure Ie cadre de cette étude n’y faisait obstacle, d’inter-roger plusieurs autres types, pour en analyser la marche et dé-finir la signification des éléments morphologiqucs que chacunnbsp;d’eux a successiveraent compris; mais un livre entier suffiraitnbsp;a peine a effleurer une matière aussi riche, et d’aillenrs, ennbsp;multipliant les détails, en prodiguant les preuves, nous ne fe-rions que confirmer ce qui ressort déja de l’ensemble de nosnbsp;considérations, Tunité ou, pour mieux dire, la continuité denbsp;l’ancienne xégétation, la solidarité intime de toutes les partiesnbsp;dont elle se compose, reconnaissable a traxers les modes, lesnbsp;stades et les x^ariétés innombrables que Ie temps a fait naitre etnbsp;que les circonstances ont développées, en éveillant les tendancesnbsp;inhérentes a l’organisme. Ce qui ressort, en effet, des recherchesnbsp;entreprises sur l’histoire de la xie et Ie passe du monde, c’estnbsp;surtout l’enchainement des phénomènes soit organiques, soitnbsp;physiques. 11 y a la un ensemble prodigieux de causes et d’effetsnbsp;étroitement combinés, dont l’action réciproque n’a cessé de senbsp;faire sentir et d’entrainer des conséquences occasionnelles desti-nées a produire sans cesse de nouvelles formes d’existence. C’estnbsp;ce renouvellement perpétuel des choses visibles, a travers unenbsp;foule d’accidents particuliers et des allures très-diverses, quenbsp;l’on a voulu nier, lorsque l’on a cru pouvoir mettre ii sa placenbsp;un certain nombre de termes initiaux, marquant pour les êtresnbsp;particuliers ou pour les différentes catégories d’êtres et de faitsnbsp;un point de départ originaire, dégagé de tont antécédent. Nosnbsp;études nons ont conduit vers un point de vue directement op-posé : au lieu de percevoir des interruptions périodiques dansnbsp;les manifestations de la vie, au lieu de signaler des destructionsnbsp;radicales et de constater des intervalles correspondant a desnbsp;temps dépourvus de créatures organisées ; nous avons, au contraire, saisi ou entrevu partout la trace de connexions allant denbsp;l’antérieur au postérieur; leur multitude nous a paru si grandenbsp;et leur complexité telle que notre esprit succomberait a vouloirnbsp;analyser leurs entre-croisernents. Mais, si Ton remonte de ph^.
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nomène en phénomène plus haul que les apparences mobiles et contingentes, il semble que l’on aboutisse forcément a quelquenbsp;chose d’entier, d’immuable et de supérieur, qui serait l’expres-sion première et la raison d’etre absolue de toute existence, ennbsp;qui se résumerait la diversité dans l’unité, éternel problèmenbsp;que Ja science ne saurait résoudre, maïs qui se pose de lui-même devant la conscience humaine. La serait la vraie sourcenbsp;de l’idéal religieux; de cette pensee, se dégagerait d’une fa?onnbsp;lumineuse cette conception de notre ame, a laquelle nous ap-pliquons instinctivement Ie nom de Dien.
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DES 1‘LANGHES ET DES FIGURES
PLAXCIIES
Pasres-
Pl. I. — Eopteris Morierei, Sap.; — la plus aucieniie plante ter-restre connue; reproduction, réduite au demi-diamctrc, d’uiie empreinte provonant des schistes ardoisicrs
d’Angers (silurien moyen)............. 1
PI. 11. — Vue idéale d’uii paysage do l'époque des houilles, d’a-
près un croquis de M. le professour Marion..... 49'
PI. IV et V. — I. Europe vers le ccmmeocement de l’époque oolitlii-
que; II, Europe ii l’époque de la craie cénomanienne . nbsp;nbsp;nbsp;16(1
PI. VI. — Vue idéale d'une plage boisée, a l’époque oolitliique;
d’après une reconstitution exacte des végétaux contemporains, a I’aide de leurs débris........193
PL VIl. — Bords d'une lagune en Bohème, ii l’époque cénomanienne, d’après l’étude d’une collection de plantes fossiles recueillie dans le quadersandstein inférieur
des environs de Prague, par M. Kowalewski..... 209-
PI. VIII. — Flabellaria Lamannnis, Brongt., reproduction, réduite au demi-diamétre, d’une empreinte de fronde du principal
palmier éocéne des gypses d’Aix.........223
PI. XII. — Vue idéale du lac aquitanien de Manosque, d’après un
croquis de M. le professeur Marion.........30a
PI. XIII. — Principaux palmiers et cycadées de 1’age tertiaire moyen en Europe, reconstitués d’après les débris denbsp;leurs frondes et de leurs tiges, recueillis al’étatfossile. 336
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TABLE EXPLICATIVE
FIGURES
Obs. — Ces figures sont Ic plus souvent réduites a 1/2 de leur grandeur naturelle; lorsqu’elles con-servent leur dimension ou qu’eiles sont grossics; la légende placée au bas des figures a soin dc I'indiquer, etle lecteur doit, dans tous les cas, recourir aux explications de cette légende.
Pages.
Fig. I. — Plantes marines primordiales..............164
Fig. 2.— Plantes marines primordiales (d'après Gffippert)......163
Fig. 3. — Plantes marines primordiales (d’après Hall et Gffippert). . . 166 Fig. 4. — Plantes tcrrestres primordiales, observées par M. Lesquereux
dans le silurien supérieur d’Amérique..............167
Fig. 5. — Plantescaractéristiquesdudévonien mférieur(d’aprèsDawson) 168
Fig. 10. — Plantes caractéristiques du dévonien supérieur d’Europe
(d’après Gffippert) .......................174
Fig. 11. nbsp;nbsp;nbsp;— Types de plantes carbonifères: — calamariées......173
Fig. 12. nbsp;nbsp;nbsp;—• Types de plantes carbonifères: — lycopodinées......177
Fig. 13. — Types de plantes carbonifères: — sigillariées (d’après Gol-
denberg) . . . .lt;.......................178
Fig. 14. —¦ Types de plantes carbonifères: — gymnospermes.....180
Fig. 13. — Plantes permiennes caractéristiques:—^ conifères. .... nbsp;nbsp;nbsp;186
Fig. 16. nbsp;nbsp;nbsp;— Plantes caractéristiques du trias; — fougères......187
Fig. 17. nbsp;nbsp;nbsp;— Plantes caractéristiques du trias: — conifères......188
Fig. 18. — Plantes jurassiques caractéristiques: — fougères des loca-
lités huinides (étage rliétien ou nbsp;nbsp;nbsp;infraliasique)...........189
Fig. 19. — Plantes jurassiques caractéristiques: — types de cycadées
des localités humides (étage rhétien nbsp;nbsp;nbsp;ounbsp;nbsp;nbsp;nbsp;infraliasique).......190
Fig. 20. — Plantes jurassiques caractéristiques: —• types de fougères
des localités accidentées....................191
Fig. 21. —Plantes jurassiques caractéristiques; — types de cycadées
des localités accidentées....................192
Fig. 22. — Plantes jurassiques caractéristiques : — organes fructiflca-
teurs des cycadées.......................193
Fig. 23. — Plantes jurassiques caractéristiques : — taxinées.....194
Fig. 24. — Plantes jurassiques caractéristiques ; — conifères (oolithe). 193 Fig. 23. — Plantes caractéristiques de la craie inférieure (étages wéal-
dien et urgonien).......................193
Fig. 26. — Plantes caractéristiques de la craie arctique urgonienne
-ocr page 434-DES PLANCHES ET DES FIGURES. nbsp;nbsp;nbsp;397
Paji^es.
(reproduction des figures de Heer)................196
Fig. 27. — Plantes caractéristiques de la craie moyenne ; — fougères, conifères et dicotylédones primitives do l’étage turonien de Toulon (reproduction d’espèces encore inédiles, découvertes par M. Toucas) ^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;198
Fig. 29. — Plantes caractéristiques de la craie cénomanienne de Bohème ; — dicotylédone primitive (reproduction d’une espèce inédite,
Hedera vrimordialis, Sap.)....................200
Fig. 30. — Plantes caractéristiques de la craie sénonicnne du Harz :
— dicotylédones primitives (H’après Hnmpe nbsp;nbsp;nbsp;et Dunker).......201
Fig. 31. — Plantes caractéristiques de la craie cénomanienne dhVmé-rique (Dakota-group.) : — dicotylédones primitives (d’après Lesque-
reux).............................202
Fig. 32. — Plantes caractéristiques de la craie cénomanienne d’Amé-rique (Dakota-group.); — dicotylédones primitives (d'après Lesque-
reux).............................203
Fig. 33. — Chênes paléocènes de la t'orét de Gelinden (d’après des es-
pcces déterminées par l’auteur).................213
Fig. 34. — Chataignier paléocène de la forêt de Gelinden (d’après un
dessin de Tauteur).......................214
Fig. 3ö. — Laurinées paléocènes de la Ibrèt de Gelinden (figures em-pruntées, ainsi que les suivantes, a une récente publication de Tau-
teurl.............................215
Fig. 36. —Viorne paléocène de la forêt de nbsp;nbsp;nbsp;Gelinden.........210
Fig. 37. — Araliacée paléocène de la forêt de Gelinden.......210
Fig. 38. .— Helléborée(?) paléocène de la forêt de Gelinden......218
Fig. 39. — Fougcre paléocène de la forêt de Gelinden (sommité d’une
fronde)............................218
Fig. 40. — Fougcrc arborescente (?) paléocène de Sézanne (portion de
fronde)...........................218
Fig. 41. — Laurinée paléocène de Sézanne.............219
Fig. 42. — Lierre paléocène de Sézanne..............219
Fig. 43. — Vigne paléocène de Sézanne (récemment découverte d’après
les indications de M. Munier-Chalrnas ..............220
Fig. 44. — Nipadites Burtini (Brongn.), Schimp, (d’après des emprein-tes recueillies dansles couches du Trocadéro, a Paris, parM. Arnould
Locard)...........................220
Fig. 43. — Ottdia parisiensis, Sap. (reproduction d’une espèce inédite,
même provenance).......................227
Fig. 46. — Neriumparisiense, Sap., laurier-rose éocöne des marnes du
Trocadéro (reproduction d’une espèce non encore flgurée).....228
-ocr page 435-398 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE EXPLICATIVE
Page .
Fig. 49. — Espèces oligocènes des lignites d’Hsering, on Tyrol (d'apres
M. d’Ettingshausen)......................231
Fig. bO. —¦ Phcenix Aymardi, Sap.; dattier éocène des arkoses du Pny en Velay, frondo accompagnéc dTin régime de Beurs males (d’aprcsnbsp;Texemplaire original existant dans la collection de M. Aymard, réduit
a i de la grandeur naturelle)...................232
Fig. bl. — Conifères eocenes de la Bore dcs gypses d’Aix......236
Fig. 54. — Fleurs et organes légers de divers types de végétaux do la
Bore des gypses d’Aix......................241
Fig. 55. — Espèces caractéristiques de la Bore des gypses d’Aix. . . . nbsp;nbsp;nbsp;242
Fig. 56. — Tliuias oligocènes caractéristiques............247
FAg. 57. —Diverses formes de Comptonia oligocènes.........249
Fig. 58. — Chênes oligocènes a feuilles coriaces paucilobiilées.....250
Fig. 59. — Types comparés de Sequoia oligocènes européens et de
Sequoia de la craie polaire (Groenland et Spilzberg)........251
Fig. 60. — Algues du Flysch (d’après lieer).............252
Fig. 61. —Palraier-parasol oligocèno : partie moyenne d’une fronde (d’après une empreinte provenant des couches du bassin de carénage
a Marseille)..........................258
Fig. 62. — Araliacée du tongrien récent d’Armissan (Aude)......260
Fig. 63. —Araliacée ii feuilles digitées (Saint-Zacharie); feuille restau-
rée..............................260
Fig. 64. — Types divers de végétaux oligocènes caractéristiques (figures empruntées, ainsi que la plupart des suivantes, anx publications de
l’auteur)...........................261
F'ig. 65.—Types divers de végétaux oligocènes caractéristiques. . . . nbsp;nbsp;nbsp;262
Fig. 66. — Types de végétaux oligocènes demeurés européens.....263
Fig. 67. —¦ Types européens oligocènes...............264
Fig. 68. — Divers types d’érables oligocènes............265
Fig. 69. — Populus palxomelas, Sap. (Armissan, d’après une magniflque
empreinte encore inédite)...................266
Fig. 70. — Type de plante palustre oligocène, aujourd’hui éteint (réduit
a ^ de gr. nat.)........................266
F'ig. 71. — Détails principaux du/(/itaocaMloM poft/si(7c/tn(m, Sap. . . . nbsp;nbsp;nbsp;268
F’ig. 72. — Nymplixa Dumasii, Sap. : environs d’Alais (Gard), d après une empreinte inédite, communiquée par M. l.ombard-Dumas, de
Sommière...........................270
Fig. 73. —Anwetomeria Brongniartti, Sap. (Armissan) : fruit arrivé a
maturité, au moment de la dehiscence..............271
F'ig. 74. — Fougères aquitaniennes caractéristiques.........278
Fig. 75. — Principaux palmiers aquitaniens restaurés d’après leurs
-ocr page 436-DES PLANCHES ET DES FIGURES. nbsp;nbsp;nbsp;390
Pages,
i'roiides (reproduction d’une figure de M. Heer)..........279
F'ig. 76. —¦ Dattier aquitanien de la haute Italië (restauration d’après
M. Sismonda).........................281
1'ig. 77. — Glyptostrobus europanis, Heer (Manosque).........281
Fig. 78. — Charmes et hêtres aquitaniens (Manosque'i........283
Fig. 79. — Aunes aquitaniens (Manosque et Coumi).........284
Fig. 80. —Peuplier et érables aquitaniens (Manosque et Coumi). • . nbsp;nbsp;nbsp;285
1'Tg. 81. — Principaux chênes aquitaniens.............287
Fig. 82. — Gymnocladiis macrocarpa. Sap. (Manosque)....... . nbsp;nbsp;nbsp;289
Fig. 83. —¦ Camphrier européen miocène. — Cinnamomiim polymor-
phum, Ung. (principaux organes restaurés nbsp;nbsp;nbsp;d’aprcsnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Heer)......290
Fig. 84. — Galnier aquitanien ; — Gereis Tournoueri, Sap.......292
Fig. 83.' — Types de légumineuses de Radoboj en Groatie (d’après
Unger)............................296
Fig. 86. —AristolocMa venusta, Sap.; feuille nbsp;nbsp;nbsp;(Radoboj)........296
Fig. 87. — Araliacée aquitanienne de Coumi (Eubée), reproduction
d’une figure de Unger.....................297
Fig. 88. —Dernière cycadée européenne ; portion de fronde (reproduction d’une empreinte originale, recueillie a Coumi par M. Gorceix, et
faisant partie de la collection de l’auteur).............298
Fig. 89. — Peupliers miocènes caractéristiques (d’après des figures de
Heer).............................303
Fig. 90. — Plantes miocènes caractéristiques (d’après des figures de
Heer).............................304
Fig. 91. — Organes principaux du Podogonium Knorrii, Al. Rr. (d’après
M. Heer)............................303
Fig. 92. — Espèces miocènes caractéristiques............307
Fig. 94. — Espèces miocènes caractéristiques (d’après des figures de
Unger)............................309
Fig. 97. — Végétaux du miocène supérieur d’eau douce, en Provence ¦ reproduction d’une espèco iuédite découverte par M. Ie professeur
Fig. 98. — Espèces mio-pliocènes caractéristiques..........32a
Fig. 99. — Hêtre mio-pliocène d’ltalie ; formes diverses........32a
Fig. 101. — Espèces mio-pliocènes caractéristiques de Sénigaglia (d'a-
près Massalongo).............•...........328
Fig. 102. —Plantes pliocènes de Vaquières (Gard)..........330
Fig. 103. — Espèces caractéristiques des tuts pliocènes de Meximieux figure empruntée, ainsi que les suivantes, a une publication do
-ocr page 437-400 TABLE EXPIJCAÏIVE DES PI.ANCHES ET DES FIGURES-
Pages.
Tauteur)...........................333
Fig. 104. — Espèces caractéristiques des tvifs pliocenes de Meximieux. 334 Fig. 103. — Espèces caractéristiques des tufs pliocenes de Meximieux .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;33ö
Fig. i06. — Espèces caractéristiques des tufs pliocènes de Meximieux. 336 Fig. 107. — Espèces caractéristiques des cinérites du Cantal; — Pasnbsp;de la Mougudo (d’après des échantillonsinédits appartenant a la collection de Tauteur).......................341
Fig. 108. — Espèces caractéristiques des cinérites du Cantal; — Saint-
Vincent (figurées pour la première fois).............343
Fig. 109. — Espèces caractéristiques des marnes a tripoli de Ceyssac
(Haute-Loire).........................343
Fig. 110. — Espèces caractéristiques du pliocène récent d’Auvergne et
d’Italie.............................347
Fig. m. — Espèces caractéristiques de Page de VElephas primigenius
dans Ie midi de la F’rance (publiées pour la nbsp;nbsp;nbsp;première fois).....330
Fig. 112. — Espèces du forest-bed (pliocène supérieur)........331
Fig. 113. —Plantes paléocènes caractéristiques de Saint-Gely (Hérault)
(publiées pour la première fois).................336
Fig. 114.— Formes liomologues de chcnes paléocènes et éocènes
comparées...........................377
Fig. 113. — Formes homologues de chênes oligocènes et mioccnes
comparées...........................379
Fig. 110. — Formes successives du type laurier, pour montrer Ie passage conduisant du Laurm primigenia au Laiirus nbsp;nbsp;nbsp;canarimsis.....384
Fig. 117. — Modifications successives du type lierre dans Ie cours de
Page tertiaire..........................387
-ocr page 438-BES GENRES ET DES ESPÈCES DE PLANTES FOSSILES
FIGURES, DECRITS OU MENTIONNÉS DANS CET OUVRAGE
Obs. — L’iiidication relative aux figures se trouve placée « entre deux parentheses », imrnédiatement après Ie nom du genre ou de l’espèce figurée ; Ie premier chiffre désigne Ie numéro d’ordre des figures; Ie second chiffrenbsp;séparé de Tautre par une virgule se rapporte aux numéros de la légende quinbsp;accompagne cliaque figure et sert a en désigner les diverses parties.
A
Pages.
Abies cilicica (Koisch.) pliocmica [üg. 109, 4)............ 345
— nbsp;nbsp;nbsp;pectinata, D. C. (lig. 112, 3-4)..............349^ 33 (
— nbsp;nbsp;nbsp;pmsapo (Boiss.) pLocemcft (fig. 107, 3-4)........... 341
Abielites curvifoUus, Dkr. (fig. 30, 2)................ 201
Acacia (flg. 03, 3-7)........ 240, 291, 299, 324, 364, 370, 371, 372
Acacia RoMsgueff, Sap. (fig. 63, 4).............2Hf, 262 293
— nbsp;nbsp;nbsp;insignis, öng. (fig. 85, 1)..................’293
— nbsp;nbsp;nbsp;parschlugiana, Ung..................... 30^
— nbsp;nbsp;nbsp;sofaSiana, Ung. (lig. 65, 5-6)............... ^0.2
Acer Cornalix, Massal (flg. fOO, 4)................. 397
— nbsp;nbsp;nbsp;creficam, L. (A. sempcraiVenSjAit.) (flg. 109, 15-10)..... 34i 345
— nbsp;nbsp;nbsp;decipiens, Hr................... 283
— nbsp;nbsp;nbsp;integrüobum, O. Web. (flg. 93, 3)., . .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.......... 324
— nbsp;nbsp;nbsp;Isetum, C. A. Mey. (flg. 105, 3)..............335, 343
— nbsp;nbsp;nbsp;opuiifolium (Will.) pliocenicum [Hg. 103,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;2).......... 335
— nbsp;nbsp;nbsp;P0^2/»*orp/iMm(Sieb. et Zucc.) pfecc/dcumnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 108, 6). . . . 312 343
— nbsp;nbsp;nbsp;Ponziannm, Gaud. (flg. 98, 2)................’ 324
C‘' DE Saporta. nbsp;nbsp;nbsp;26
-ocr page 439-402 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABÉTIQUE.
raises.
Acer primsevum, Sap. (fig. 68, 1)............... 203, 26o
— nbsp;nbsp;nbsp;recognitum, Sap. (fig. 80, 4)............... 283, 283
— nbsp;nbsp;nbsp;lt;rilt;o6a/wm, Al. Br. (fig. 80, 2-3)......... 283, 28Ö, 313, 32i
Adiantum renatum, Ung.................... 306, nbsp;nbsp;nbsp;336
— nbsp;nbsp;nbsp;reniforme, L. (fig. 100, d)................ 336, nbsp;nbsp;nbsp;337
Ailantus............................. 372
Ailantus prisca, Sap. (fig. 54, o).................. 241
Albertia Braunii, Schimp, (fig. 17, 5)................ 188
Alnaster............................ 3/0
Alnus ylutinosa orbicularis, Sap. (fig. 107, 1).......... 340, 3-51
— nbsp;nbsp;nbsp;Aymardi, Sap. (fig. 109, 5-7). ............... 345
¦— phocseensis, Sap. (fig. 79, 5)............... 282, nbsp;nbsp;nbsp;284
— nbsp;nbsp;nbsp;prisca, Sap. (fig. 67, 1)................. 263, nbsp;nbsp;nbsp;264
— nbsp;nbsp;nbsp;sporadum, Ung. (fig. 79, 1-4)............... 282, nbsp;nbsp;nbsp;284
— nbsp;nbsp;nbsp;stenophylla. Sap. et Mar. (fig. 105, 2-Ö)........... 330
Alsophila Rouvillei, Sap...................... 355
— nbsp;nbsp;nbsp;thelypteroides. Sap. (fig. 40)................. 218
Anmctomeria......................... 270, nbsp;nbsp;nbsp;372
Anmctomeria Brongnartii, Sap. (fig. 73).............. 271
Andromeda..........................284, nbsp;nbsp;nbsp;289
Andromeda neglecta. Sap. (fig. 64, 7)................ 261
Annulariu laxa, Dn. (fig. 6, 4)................... 168
— nbsp;nbsp;nbsp;longifolia, Bvngl. (fig. 11, 1-2)............... 175
— nbsp;nbsp;nbsp;Romingeri, Lqx. (fig. 4-5)............... 34, 107, 176
Antholithus (fig. 14, 4)...................... 180
Antholithus devonicus, Dn. (fig. 8, 1)................ 170
Apeibopsis........................... 372
Apocynopliyllurn elongatum. Hr.................. 290
Apollonias canariensis,'Viebb......... 332
Arcdia....................... 240, 359, 371, 372
Arcdia (Panax) circularis. Hr. (fig. 95, 1)............. 310
— nbsp;nbsp;nbsp;Hercules, Ung. (fig. 62)..... 260, nbsp;nbsp;nbsp;295
— nbsp;nbsp;nbsp;hnoalewskiania. Sap. et Mar. (fig. 28, 1;........... 199
— nbsp;nbsp;nbsp;Looziana, Sap. et Mar. (fig. 37)............... 216
— nbsp;nbsp;nbsp;muUifida, Sap. (fig. 52, 3). ... .............. 237
— nbsp;nbsp;nbsp;quinquepartita, Lqx. (fig. 32, 1) ... ........... 203
— nbsp;nbsp;nbsp;zachariensis. Sap. (fig. 53)................. 260
Araucaria..................... 134, 193, 199, 233
Araucaria Toiicasi, Sap. (fig. 27, 2)................ 198
Archseopteris Jacksoni, Dn. (fig. 7, 5-6)............... 169
Artocarpoides.......................... 221
Arundo............................. 371
Arundo gegyptai antiqua. Sap. et Mar. (fig. 102, 1-2)....... 330, 331
— nbsp;nbsp;nbsp;groenlundica. Hr...................... 204
— nbsp;nbsp;nbsp;mauritaniC'i, Desf.....................’ 331
-ocr page 440-403
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pagi’S.
202
Aspidiophyllum.......................
Asterophyllites eqnisetiformis, Brngt. (flg. H, 3-4).......... 17S
— latifolia, Dn. (fig. 3, 3'................... 168
Aulacopteris........................... 176
Baiera gracilis, Dumb. (flg. 23, 4)................. 191-
— Münsteriana, Hr. (flg, 23, 1 et 5............... 194
Ilambusa lugdunensis, Sap. (Tig. 106, 2-4)............ 336, 337
Beania gracilis, Carr. (flg. 22, 3)................. 193
308
Benzoin............................
Benzoin latifolium. Sap.........^............. 342
Betula gypsicola. Sap. (flg. öö, t-3)............... 242, 244
— nbsp;nbsp;nbsp;prisca, EU........................ 324
— nbsp;nbsp;nbsp;pulchella. Sap. (flg. 00, I).................. 263
— nbsp;nbsp;nbsp;ultnacea. Sap........................ 203
Betulastcr.......................... 370, 372
163
Bilobites............................
Bilobites rugosa [iig. 1, 1)..................... 164
Bomhax........................... 370, 272
Bombax sepultiflorum. Sap. (flg. 54, 8)............. 241, 244
109
Bornia............................
Bornia transitionis, Goepp. (flg. 6, 2)................ 168
Brachyphyllum......................... 193
Brachyphyllum nepos, Sap. (flg. 24, 1-2).............. 193
Buxus pliocenicu. Sap. et Mar. (flg. lOS, 7)...........333, 333
Calamodendron tenuistriatum. Dn. nbsp;nbsp;nbsp;(flg.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;0,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1)............ 168
Calumopsis............................ 280
CallUris................ 237, 2Ö0, 281, 296, 299, 300, 371
Callitris Brongniartü, Eiidl. (flg. 51, 1-4)............ 236, 324
Camphora............................ 3O8
Cancellophycus.......................... 163
Cardiocarpus (flg. 14, 5)...................... 180
Cardiocarpum {Sarnaropsis) cornutum, Dn. (flg. 8, 2)......... 170
— nbsp;nbsp;nbsp;(Trigonocirpum) racemosum.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Dn.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(flg.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;8, 3).......... 170
Carpiiius cuspidata. Sap. (flg. 66, 2-5)............... 263
— nbsp;nbsp;nbsp;grandis. Eng....................... 324
— nbsp;nbsp;nbsp;orientulis, L........................ 340
— nbsp;nbsp;nbsp;Ungeri, Ett. (flg. 78, 1-4)................ 282, 283
Carya maxima. Sap....................- . ^ nbsp;nbsp;nbsp;340
-ocr page 441-404 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Catalpa microsperma, Sap. (fig. b4, 1-3)............2*1, ‘2^2
Caulopteris antiqua, Newb. (fig. 8, 8)...............
Celastrinites gelyensis, Sap. (fig. 113, 3).............. 386
Celastrus splendidus, Sap. (fig. 64, 4)............... 261
— nbsp;nbsp;nbsp;Zachariensis, Sap. (fig. 64, 8)................ 261
Celtis..............................
Celtis trachytica, Ung. (fig. 94, 2-4)................ 309
{Jcycis ,......’..***-*quot;'****‘***’**** nbsp;nbsp;nbsp;240
Cercis antiqua, Sap. (fig. 83, 1-2).................. 240
— nbsp;nbsp;nbsp;siliquasinim, .........................
— nbsp;nbsp;nbsp;Tournoueri, Sap. (fig. 84).................. 291
— nbsp;nbsp;nbsp;Vtrgiifima, Massal. (fig. 101, 6-7)............. 326, 328
nsio nbsp;nbsp;nbsp;oen
Chamxcyparis................... ’ Trn
Chamsecyparis europxa, Sap. (fig. 86, 3-8)............. 2*7 -
— nbsp;nbsp;nbsp;massiliensis, Sap. - • -..................
Chamxrops Helvetica, Hr...................... 280
— nbsp;nbsp;nbsp;hiimilis, ........................
Chondrites...........................
Chondrites antiquus, Sternb. (fig. 3,1)............... gt;68
— nbsp;nbsp;nbsp;arbuscida, F. 0. (fig. 60, 3)................. ' ®
— nbsp;nbsp;nbsp;intricatus, F. 0. (fig. 60, 4)................
— nbsp;nbsp;nbsp;fruticulosus, Goepp. (fig. 2, 3)................ ^^3
Chry sodium...........................
Chrysodium aquitaidcum. Sap..................^ nbsp;nbsp;nbsp;~
/~t• nbsp;nbsp;nbsp;...•••• ~2il• 30ö« 3/2
Cmnamomum..........‘ \ nbsp;nbsp;nbsp;-lan
CinnciïïioinuTn polytuorphum, Ung. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;83)...........?
_ Sezannense, Wat. (fig. 38, 2).......... 21a
Clathropteris..........................
Clathropteris platyphylla, Goepp. (fig. 18, -1).............
^ nbsp;nbsp;nbsp;^nbsp;nbsp;nbsp;nbsp; 3ib,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;307
Comptoma...............
Comptonia anutiloba, Brngt. (fig. 92, 2)...... ’ ' nbsp;nbsp;nbsp;.....
— nbsp;nbsp;nbsp;dryandrxfolia, Brngt. (fig. 49, l-o et 87, 1-a). .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;231,249,
¦' nbsp;nbsp;nbsp;261,264,362
— nbsp;nbsp;nbsp;dryandroides, Ung. (fig. 37, 7)............... 249
— nbsp;nbsp;nbsp;Matheroniana, Sap. (fig. 87, 8)............... 2*9
— nbsp;nbsp;nbsp;ofitusHofto, Hr. (fig. 37, 6)..................
— nbsp;nbsp;nbsp;Vinaj/i, Sap. (fig. 47, 1)................... ,
Copaifera radobojana, Ung. (fig. 83, 2, 3).............. ^
_ arinikanensis, Sap......................
Cordaites angustifolia, Dn. (fig. 5, 3-6)............... |68
_ Robbii, Dn. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;3, 7)................... 168
Credneria triacuminata, nbsp;nbsp;nbsp;Hampenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 30, 1)............. 201
Cruziana rugosa, d’Orb. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 1,1)................. *
-ocr page 442-TABLE ALPHABÉTIQUE. nbsp;nbsp;nbsp;405
? nbsp;nbsp;nbsp;Pages.
Cryptomcria........................... 190
Ctenopteris........................... 191
Ciissonia polydrys, Ung. (fig. 87)................. 297
Cycadites Dickoni, Hr...................... 204
Cycadupteris.......................... 191
Cycadopteris Brauniana, Zign. (fig. 20, 4)............. 191
Cycadospadix Hennoquei, Schimp, (fig. 22, nbsp;nbsp;nbsp;1)............ 193
Cyclopteris........................... i 67
Cyclopteris Brownii, Dn. (fig. 7, 8)................. 169
— nbsp;nbsp;nbsp;{Nephroptcris) varia (Bg. 1,1)................ 169
— nbsp;nbsp;nbsp;{Palxopteris) hibernica, Gcepp. {Bg. iO, i)........... 174
Cyparissidium........................134, nbsp;nbsp;nbsp;199
Cyparissidium gracile, Hr. (fig. 26, 3-4)............... 196
D
Danseopsis marantacea, Hr. (fig. 16, 1)............... 187
Daphne. . ........................ 333
Daphne pontica, D. C. ...................... 333
Dewalquea......................... 369, nbsp;nbsp;nbsp;372
Dewalquea gelindenensis, Sap. et Mar. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 38)........... 218
Didymophyllum......................... 190
Didymophyllum reniforme, Dn. (fig. 5, nbsp;nbsp;nbsp;I).............. 168
Diospyros..................... 234, 241, 296, 2S9
Biospyros hxringianu , Eli.................... 261
— nbsp;nbsp;nbsp;raminervis, Sap. (fig. 113, 2)................ 3o6
— nbsp;nbsp;nbsp;varians, Sap. (fig. 64, 8).................. 261
Bracxna........................ 238,371, nbsp;nbsp;nbsp;372
Bracsena Brongniartii, Sap.................... 238
Bryandra............................ 228
Bryandra Micheloti, Wat. (fig. 47, 4)................ 229
B^njandroides lignitum, Ung.................... 324
Bryophyllum Haussmanni, Dkr. (fig. 30, nbsp;nbsp;nbsp;3)............. 201
— nbsp;nbsp;nbsp;Deioalquei, Sap. et Mar. (fig. 34)............... 214
E
Encephalartos. . . ..................... 296, nbsp;nbsp;nbsp;371
Eneephalartos Gorceixmius, nbsp;nbsp;nbsp;Sap. (fig. 88)............ 297, nbsp;nbsp;nbsp;298
Engelhardiia.......................... 364
Entomolepis cynarocephalu, Sap.................. 364
Eopteris Motderei, Sap. nbsp;nbsp;nbsp;(pi.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;I)..................3a, nbsp;nbsp;nbsp;167
Erythrobalawis......................... 263
EuphorbiophyHum veins, Sap. (fig. 48, 1-2)..... 230
-ocr page 443-406
TABLE ALPHABETIQUE.
Fagus Deucalionis, Ung. (fig. 99)................ 32Ö, 326
— nbsp;nbsp;nbsp;polyclada, Lqx. (fig. 31, 4)................. 202
— nbsp;nbsp;nbsp;pristina, Sap. (fig. 78, S-7)............... 282, 283
— nbsp;nbsp;nbsp;sylvatica, L. {fig. MO, 5).................. 347
— nbsp;nbsp;nbsp;sylvatica pliocenica, Sap. (fig. 108, 1)........... 329, 343
Ficus nbsp;nbsp;nbsp;Colloti, Sap. (fig. 97j.................... 317
— nbsp;nbsp;nbsp;tilisefolia, Al. Br. (fig. 92, 3)................ 307
— nbsp;nbsp;nbsp;venusta,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Sap.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;5o,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;M)............... 242, nbsp;nbsp;nbsp;243
Flabellaria.......................... 292, nbsp;nbsp;nbsp;369
Flabellaria chamseropifolia, Goepp........• ...... 203
— nbsp;nbsp;nbsp;gelyensis, Sap....................... 3o!)
— nbsp;nbsp;nbsp;Lanianonis, Brngt. (pi. VllI)................ 238
— nbsp;nbsp;nbsp;latiloba,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Hr...................... 280, nbsp;nbsp;nbsp;291
— nbsp;nbsp;nbsp;longirhachis, Ung..................... 382
Fraxinus exilis, Sap. (fig. 64, 4).................. 241
— nbsp;nbsp;nbsp;gracilis. Sap. (fig. 109, 13-14)................ 343
Gardenia Wetzleri, Hr...................... 290
Geonoma Steigert, Hr....................... 280
Ginkgophyllum......................... 72
Ginkgophyllum Grasseti, Sap. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;13, 3).............. 186
Gleichenia Zippei, Hr. (fig. 26, 1)................. 190
Glossozamites obovatus, Schk. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;23, 4).............. 195
Glyptostrobus........... 231, 233, 289, 296, 306, 363, 363, 371
Glyptostrobus europseus, Hr. (fig. 77 et 104, 1-2). nbsp;nbsp;nbsp;280, 281, 324, 330, 334, 336
Goniopteris.......................... 278
Grewia crenata, Ung. (fig. 98, 1).............. 324, 339, 376
Grewiopsis.......................... 372, 376
Grewiopsis sidsefolia, Sap..................... 376
Gymnocladus.......................... 288
Gymnocladusmacrocarpa, Sap. (fig. 82)............... 2S9
II
Halyserites Dechenianus, Goepp. (fig. 9, 2).............. 172
Harlania Hallii, Goepp. (fig. 1,2)................. 164
lledera acutelobata, Sap. (fig. M7, 4).............. 387, 388
— nbsp;nbsp;nbsp;Kargii, Al. Br. (fig. 117, 4)................ 386, nbsp;nbsp;nbsp;387
— nbsp;nbsp;nbsp;Mac-Cluri, Hr. (lig. 117, 3;............... 386, nbsp;nbsp;nbsp;387
— nbsp;nbsp;nbsp;Philiberti, Sap. (fig. 117, 2)............... 386, nbsp;nbsp;nbsp;387
-ocr page 444-TABLE nbsp;nbsp;nbsp;ALPHABÉÏIQUE.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;407
Pages.
Jledera primordialis. Sap. (fig. 29)............. 134, 200, 383
— nbsp;nbsp;nbsp;prisca, Sap. (fig. 42 et 117, 1)..........219, 385, 386, 387
— nbsp;nbsp;nbsp;Sfroizi, Gaud. (fig. 117, 6)............... 387, 388
Heterocalyx........................... 372
Heterocalyx TJngeri, Sap. (fig. 34, 7).............. 241, 243
Hymema........................ 134, 199, 381
Thjmenea primigenia, Sap. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;28,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;2j............... 199
1
Hex canariensis, Webb..................... 333
— nbsp;nbsp;nbsp;celastrina. Sap. (fig. 64, 6)................. 261
— nbsp;nbsp;nbsp;Fakani, Sap. (fig. 103, 9,'.................. 333
Iris Escheri, Hr......................... 313
J
Juglans acuminata, Al. Br..................... 313
— nbsp;nbsp;nbsp;bilinica, Ung............... 326
— nbsp;nbsp;nbsp;mmoj'. Sap. et Mar. (fig. 103,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;10-12) ............ 333
Janiperus atnbigua, Sap. (fig. 31, 7-S)............. 236, 237
L
Laslrxa Lucani, Sap....................... 291
— nbsp;nbsp;nbsp;siyriaca, Ung. (fig. 74,2)................ 278, 294
Laurus............................. 308
Lauras canariensis, Webb (fig. 103, 2-3, el 116, 3). . nbsp;nbsp;nbsp;332, 333, 349, 383, 384
— nbsp;nbsp;nbsp;Decaisneana, Hr...................... 383
— nbsp;nbsp;nbsp;7iobilis,L......................... 383
— nbsp;nbsp;nbsp;Omalii, Sap. et Mar. (fig. 33, 4)............. 213, 383
— nbsp;nbsp;nbsp;primigenia, Ung. (fig. 116,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1-3)............... 384
— nbsp;nbsp;nbsp;princeps. Hr. (fig. 116, 4).................. 384
Lcpidodendron.......................... 46
— nbsp;nbsp;nbsp;gaspianum, Dn. (fig. 7, 1-2)................. leO
Leucothoe........................ 284, 289, 290
Libocedrus......................... 233, nbsp;nbsp;nbsp;299
Libocedrus salicornioides, Endl. (fig. 36, 1-2)...... 247 , 239 , 3 56, 362
Liquidambar.......................... 371
Liqiiidambar europseum, Al. Br. (fig. 90, 4-3)........ 304, 324, 326
Liriodendron Procaccinii, Ung. (fig. 93, 4 ; 101,3 ; 103, 1). nbsp;nbsp;nbsp;310, 326, 328, 333
Litsxn ehitinervis. Sap. et Mar. nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;33,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1)............. 213
Lomatites aquensis. Sap. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 32, 1-2).............. 237, nbsp;nbsp;nbsp;239
Loniatopteris......................... 191, nbsp;nbsp;nbsp;199
-ocr page 445-408 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pages.
Lomatopteris Balduini, Sap. (fig. 20, 3)............... 194
— nbsp;nbsp;nbsp;superstes, Sap. (fig. 27, 1)................. 198
Lycopodites Matheivi, Dn. (fig. 7, 3-4)............... 16!)
Lycopodium primxvum, Gold. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 12, 2).............. 177
Lygodium Gaudini, Hr. (fig. 74, 3)............. 278, 294, 299
Magnolia.......................... 134,242
Magnolia Ludwigi, EU. (fig. 93, 2-3)............... 310
— nbsp;nbsp;nbsp;meridionalis, Sap. (fig. 113, 1)................ 3öG
— nbsp;nbsp;nbsp;telonensis, Sap. (fig. 27, 3).........¦....... 198
Manicaria formosa, Hr...................... 280
Marchantia sezannensis, Sap.................... 333
Megalopteris Daivsoni, Hart. (fig. 8, 6;. ,.............. d70
Mespiluspyracantha, nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 110,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;8).............. 346,347
Microptelea......................... 370, 372
Microptelea Marioni, Sap. (fig. 3.3, nbsp;nbsp;nbsp;9-10)............ 242, 244
Mimosa......................... 291, 299, 370
Mimosa Aymardi, Mar. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 63, 3)............... 261, 2ti2
Morinda............................ 233
Münsteria.......... 254
Miinsteria annulata, Schafli. (fig. 60,1;............... 232
Murchisonites Forbesi, Goepp. (fig. 2, 2)............... 163
Musa............................. 371
Myelopteris........................... 176
Myrica banksisefolia, LTig..................... 289
— nbsp;nbsp;nbsp;crenulata, Sap. (fig. 47, 8)................. 229
— nbsp;nbsp;nbsp;hseringiana, Ett. (fig. 49, 4-0)............... 331
— nbsp;nbsp;nbsp;hakexfolia, Ung...................... 289
— nbsp;nbsp;nbsp;Isevigata, Hr....................... 289
— nbsp;nbsp;nbsp;Matheroni, Sap. (fig. 33, 7). . ............. 239, 242
— nbsp;nbsp;nbsp;(Eningensis, Al. Br. (fig. 92, 1;............... 303
Myrsine. . . . •...........•........... 290
Myrsine celastroides, Etl, (fig. 64, 1-2)............... 201
— nbsp;nbsp;nbsp;cuneala, Sap. (fig. 64, 3).......... 261
Myrtophyllumpulchrum, Sap. (fig. 113, nbsp;nbsp;nbsp;4;.............. 330
Myrtus caryophylloides, Sap. (fig. 64, nbsp;nbsp;nbsp;11.............. 261
— nbsp;nbsp;nbsp;rectinervis. Sap. (fig. 64, 10)................ 261
N
Nelumbium Buchii, Etl.................... 269, 293
Nerium......................... 233, 290, 339
NeriumbiUnicum, EH. (fig. 118,7)............... 390, 391
-ocr page 446-TABLE ALPHABÉTIQUE. nbsp;nbsp;nbsp;40lt;gt;
Pages.
Nerium Gaudryanim, Brngt. (fig. if8, 6)............3!)0, 391
— nbsp;nbsp;nbsp;oleander pliocenicum. Sap. (fig. iOS, 4-a et U8, 8-9). . 333, 390, 39f
— nbsp;nbsp;nbsp;parisiense, Sap. (fig. 46 et H8, 2). . 227, 228, 233, 290, 359, 389, 390
— nbsp;nbsp;nbsp;repertum, Sap. (fig. 118, 5)................. 391
—, Rohm, Mark (fig. 118, 1).............. 388, 389, 390
— nbsp;nbsp;nbsp;sarthacense, Sap. (fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;118, 3-4)............. 389,390-
— nbsp;nbsp;nbsp;styriacum, Elt....................... 391
Neuropteris retorquata, Dn. (fig. 8, 4-5).............. 170
ISilssonia............................ 190
Nipadites Buriini, Brngt. (fig. 44)................. 225
— nbsp;nbsp;nbsp;Boiverbanki, Ett...................... 225
— nbsp;nbsp;nbsp;Parkinsoni, Bow. . .................... 225
Nocggerathia foliosa, iHevnh. [Rg. 14,1).............. 180'
Nyrnphsea arctica,lir. ...................... 131
—~ calophylla, Sap.................... 269, 294
— nbsp;nbsp;nbsp;Charpentieri, Hr.................... 269, 293
— nbsp;nbsp;nbsp;Dwnasii, Sap. (fig. 72)................... 270
— nbsp;nbsp;nbsp;gypsorum, Sap..................... 260
— nbsp;nbsp;nbsp;parviila, Sap....................... 269
—¦ nbsp;nbsp;nbsp;polyrhyza, Sap...................... 260
O
Oreodaphne........................... 308
Oreodaphne Heerii, Gaud. (fig. 103, 1)........... 326, 332, 333
Osmunda bilinica (Ett.) Sap.................... 331
— nbsp;nbsp;nbsp;eocenica, Sap. et Mar. (fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;39)................ 218
— nbsp;nbsp;nbsp;Heerii, Gaud.............1......... 306
— nbsp;nbsp;nbsp;lignitum, Ung. (fig. 74, 1).............. 277,278, 294
Ostrya.................. *08
Ostrya atlantidis, Ung...................... 295
— nbsp;nbsp;nbsp;ilalica. Scop. ....................... 308
Otozamiles.....• . .................... fOf
Otozamites decorus, Sap. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;21,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;2)................ 192
Otteliaparisiensis. Sap. (fig. 45)................ 226, 227
P
Pachypllyllum araucarinum, Pom. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 42, 5)............ 195-
— nbsp;nbsp;nbsp;mcyus, Brngt. (fig. 24,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3-4)................. 193
Palxocarya..................... 261, 295, 369, 372
Palseoca7‘ya atavia. Sap. ifig. 51, ................. 241, 243
Palxophycus virgatus, Hall.................... 165
Palxospatlie dxmonoropjs. Hr................... 280
Palissya............................ 190-
-ocr page 447-410 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABÉTfQUE.
Pag:ei.
Palmacites dsemonorops. Hr.................... 291
Parrotia fagifoUa, Goepp. (fig. 96, 2)............ 310, 311, 324
— nbsp;nbsp;nbsp;pristina, Ett. (fig. Ill, 6)................ 349, 330
Persea............... 31^
Persea carolinensis, L..... 332
— nbsp;nbsp;nbsp;pakeomorpha, Sap. et Mar. (fig. 33, 3)............ 213
Phoenicites........................... 292
Phmnicites Palaviccini, Sism. (fig. 76)........... 280, 281, 294
— nbsp;nbsp;nbsp;upectabilis, Ung. (fig. 73). ................. 270
Phmnix............................. 371
Pheenix Aymardi, Sap. (fig. 30)................ 231, 232
Phymatoderma......................... 234
Picea excelscijham..............,.......... 349
— nbsp;nbsp;nbsp;— pftocemca. Sap. (fig. 109, 1-3)........... 343
Pinus halepensis, Mill....................... 348
— nbsp;nbsp;nbsp;TOontona, Mill. (fig. 112, 1-2)................. 331
— nbsp;nbsp;nbsp;Paroliniana, Carr. (fig. 111,1).............. 348, nbsp;nbsp;nbsp;330
— nbsp;nbsp;nbsp;Philiberti, Sap. (fig. 31, 9)................ 236, nbsp;nbsp;nbsp;237
P
Pittospomm...........................
Ptanera crenata, Sp................... 340, 342, 349
— nbsp;nbsp;nbsp;TIngeri, Ett. (fig. 90,1).......... 304,310,324,326,342
Platanus............................ 371
Platanus aceroides, Goepp. (fig. 90, 2-3).......... 304, 324, 326
— nbsp;nbsp;nbsp;primxva, Lqx. (fig. 31, 2).....,............ 202
Podocarpus......................... 339, 360
Podogonium.................... 313, 314, 324, 373
Podogoniicm Knorrii, Al. Br. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;91)............... 305
Podozamites.......................¦ . . . nbsp;nbsp;nbsp;190
Podozamites distans, Presl (fig. 19, nbsp;nbsp;nbsp;1)................ 190
Populus cdba pUocenica..................... 336
— nbsp;nbsp;nbsp;canescens, Sm. (fig. 109,10)............... 344, 3i3
— nbsp;nbsp;nbsp;euboica, Sap. (fig. 80, 1).................. 283
— nbsp;nbsp;nbsp;Heerii, Sap........................ 244
— nbsp;nbsp;nbsp;lalior. Hr. (fig. 89, 2-4)................. 303, nbsp;nbsp;nbsp;313
— nbsp;nbsp;nbsp;mutabilis, Al. Br. (fig. 89,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1).............. 303, nbsp;nbsp;nbsp;313
— nbsp;nbsp;nbsp;palxomelas, Sap. (fig. 69).................. 266
— nbsp;nbsp;nbsp;tremula, L. (fig. 108, 3)................... 343
Proto ficus............................ 221
Protophyllim.......................... 202
Protophyllum mullinerve, Lqx. (fig. 32, 2).............. 203
Protopteris........................... 1quot;6
Protostigma sigillnrioides, Lqx. (fig. 4, 6)............34, 167
-ocr page 448-TABLE ALPHABÉTIQLE. nbsp;nbsp;nbsp;411
Pages.
Psilophyton........................3i, 33, 167
Psilophyton cornutum, Lqx. (fig. 4, 1)'.............. 167
— nbsp;nbsp;nbsp;prmceps, Dn. (fig. o, 2-4).................. 168
Pêerü pennseformis, Hr.................... 294, 306
— nbsp;nbsp;nbsp;(Enmgensis,Hv....................... 306
— nbsp;nbsp;nbsp;urophylla, ling.......... 294
Pterocarya........................... 304
Pterocarya fraxinifoUa, Sp.................... 340
Pterophyllum.........................72, 190
Pterophyllum concinnum. Hr. (fig. 26, 6).............. 176
— nbsp;nbsp;nbsp;Jxgeri, Brngt. (fig. 19, 2).................. 190
Pterozamites comptus, Schimp, (fig. 19, 3)............. 190
Punica Planchoni, Sap. (fig. 104, 7-11)............ 334, 336
Q
Quercus antecedens, Sap. (fig. Sö, ö-6 et 113, 3)....... 242, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;arciloba, Sap. et Mar. (fig. 33, 3).............. 213
— nbsp;nbsp;nbsp;armata, Sap. (fig. 38, 3, et 113, 2).......... 242, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;Buchii, 0. Web. (fig. 81, 2).............. 287, 288
— nbsp;nbsp;nbsp;CornalicB, Mass. (fig. 101, 2)................. 328
• — ctineifolia, Sap. (fig. 38, 1-2, et 113, 1)...... 230,203, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;Cyri, Ung. (fig. 81, 4)................... 287
— nbsp;nbsp;nbsp;diplodon, Sap. et Mar. (fig. 33, 2).............. 213
— nbsp;nbsp;nbsp;divionensis, Sap.................... 288, 291
— nbsp;nbsp;nbsp;elxna, Ung.............. 288
— nbsp;nbsp;nbsp;elUptica, Sap. (fig. 114, 3).................. 377
— nbsp;nbsp;nbsp;Fallopiuna, Mass. (fig. 101, 1)................ 328
— nbsp;nbsp;nbsp;FarweMo, Ten. (fig. Ill, 2-3)............ 347, 359, 330
— nbsp;nbsp;nbsp;ilex, L. (fig. no, 4).................. 346, 378
— nbsp;nbsp;nbsp;Lamherti, Wat. (fig. 114, 1)................ 377
— nbsp;nbsp;nbsp;LamoUii, Sap. (fig. 110, 2)................. 353
—• larcjucmis. Sap. (fig. 81, 3)............... 287, 288
— nbsp;nbsp;nbsp;loozt. Sap. et Mar. (fig. 33, 3)............... 213
— nbsp;nbsp;nbsp;hmtanica, Webb (111, 4-3)............... 349, 330
— nbsp;nbsp;nbsp;macilenta, Sup. (fig. 114,3)................ 377
— nbsp;nbsp;nbsp;mediterranea, Ung. (fig. 81, 3-0, et 113, 4). . . .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;287, 288, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;Mirbbkii antiqua, Sap. (fig. 110, 1)............. 347
— nbsp;nbsp;nbsp;oliijodonta. Sap. (fig. 38, 4-3)................ 230
— nbsp;nbsp;nbsp;palxocerris, Sap. (fig. 93, 1-2)............... 308
—¦ nbsp;nbsp;nbsp;palxophellos, Sap. fig. 114, 4)................ 377
— nbsp;nbsp;nbsp;parceserrata, Sap. et Mas. (fig. 33, I)........ 213, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;precursor, Sap. (fig. 100, 3-6, et 113, 3)..... 332, 337, 378, 379
— nbsp;nbsp;nbsp;prxilex, Sap. (fig. 93, 3-6).............. 308, 378
— nbsp;nbsp;nbsp;primordialis, Lqx. (fig. 31,3)................ 202
-ocr page 449-412
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Papes.
Quercus provectifolia, Sap. (fig..81, 1)........... 287, 288, 291
— nbsp;nbsp;nbsp;roburoides, Gaud. (fig. llO, 3)................ 347
-— robur pliocenica, Sap. (fig. 108, 2)........... 342, 343
—¦ Salicina, Sap. (fig. 35, 4, et 114, 0)........... 242, 377
— nbsp;nbsp;nbsp;subcrenata, Sap. (fig. 93, 3-4)................ 308
— nbsp;nbsp;nbsp;teniuta. Sap. (fig. 114, 2).................. 377
— nbsp;nbsp;nbsp;vetauna, Mar. (fig. 38, 6).................. 200-
Rhizocaulon....................... 208, 369, 372
Rhizocaulon pohjstacliium, Sap. (fig. 70 et 71'............ 260
Rhus.............................. 371
Robinia Regeli, Hr. (fig. 90, 3-4)................. 311
Sabal hseringiana, Ung...................... 299
— nbsp;nbsp;nbsp;major, Ung. (fig. 6T et 73)...... 238, 279, 291, 299, 361, 362
Sagenaria Weltheimiana, Pr. (fig. 10, 1-2)............. 174
Sagenopteris........ 190
Sagenopteris rhoifolia, Presl (fig. 18, 3)............... 189
Salisburia. ...................... 233, 300, 371
Salisburia adiantoides, Vng. (fig. 100, 1-2)......... 326, 327, 309
— nbsp;nbsp;nbsp;pluripartita, Hr. (fig. 23, 3)................ 193
— nbsp;nbsp;nbsp;primordiulis, Hr...................... 204
Sa.lix aquensis, Sap. (fig. 53, 8)................ 242, 244
Sapindus falcifoHus, Hr................. 313, 324, 326
Sassafras Ferreliamm, Mass. (fig. 100, 3, et 108, 4). . . nbsp;nbsp;nbsp;326, 327, 340, 343
—¦ primigenium, Sap. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;41)................. 219
Schizolepis........................... 190
Sder'opteris........................... 191
Scleropteris Pomelii, Sap. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;20, 1)................ 191
Sequoia........ 190, 231, 233, 239, 289, 296, 300, 363, 364, 371
Sequoia ambigua, Hr. (fig. 26, 2, et 39, 4)........... 196, 231
— nbsp;nbsp;nbsp;Couttsiee, Hr..................... 239, 280
— nbsp;nbsp;nbsp;Langsdnrfii, Hr.................. 280, 324, 326
— nbsp;nbsp;nbsp;Sternbergii, Hr. (fig. 39,1-3)........ 231, 239, 281, 326, 362
— nbsp;nbsp;nbsp;Smittiana, Hr. (fig. 39,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;8-10)................ 2.il
— nbsp;nbsp;nbsp;Tournalii, Sap. (fig. 39, 3-7)........... 231, 239, 280
Sigillaria (fig. 13, 1)...................... 178
SUjillaria pachyderma, Brngt. nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;13, 2).............. 178
— nbsp;nbsp;nbsp;Hausmanniana, Gojpp.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;9, 1;.............. 172
Siphonites Heberti, Sap...................... 163
-ocr page 450-TABLE nbsp;nbsp;nbsp;ALPHABÉÏIQUE.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;4IT
Pages.
Smilax........................... 290, 331
Sphxrococcites Scharyaims, Gcepp. (fig. 3, 2)............ 166
Spheiiophylliirn Hartlebcni, Dkr. {Rg. “ia, \)............. 195
— nbsp;nbsp;nbsp;primxvum, Lqx. (fig. 4, 2-4j............ 35, 167, 176
Schlotheimi, Brngt. nbsp;nbsp;nbsp;(fig. 12,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;1).................. 175
Sphenopteris................. 167
Sphenopteris marginata, Du. nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;8,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;7).............. 170
— nbsp;nbsp;nbsp;pachyrachis, Gojpp. (fig. 10, 3). .............. 174
Sphenozamites............ 191
Sphenozamites latifuhiis, Brngl. (lig. 21. 3). . . . ......... 192
Spirophyton (fig. 2, nbsp;nbsp;nbsp;1)...................... 165
Stachypteris lilhophylla, Pom. (lig. 20, 2)............. 191
Ste7iorhachis Poncekti nbsp;nbsp;nbsp;Sap. (lig. 22,2)........... 193
Stigmaria (fig. 13, 6)..................... 178
Stiymaria ficoides, Brngl. (lig. 13,7)'............... 178
1
Txniopteris siiperfta, Sap. (lig. 16, 2-3;.............. 187
Taonunis............................ 165
Taxodium.............,...... 253, 258, 289, 306, 371
Taxodium distichum miocenicum, Hr................ 280
— nbsp;nbsp;nbsp;duhium, Goapp....................... 326
Tkaumalopteris......................... 190
Thimifeldia I'otundata, Nath. (fig. 18, 2).............. 189
Thuia............................. 306
TUia expaiisa, Sap. el Mar. (fig. 103, 4, 5, et 107, 2). . nbsp;nbsp;nbsp;332, 333, 340, 341
— nbsp;nbsp;nbsp;Masittiawa, Mass. (fig. 101,4-5)............. 326,328
— nbsp;nbsp;nbsp;vindobonensis, Ung. (lig. 94, 5)............... 309
Totreya........................... 253, 306
Toi’reya Dir,ksoniana,.Kr. (fig. 26, 5).....•......... 196
— nbsp;nbsp;nbsp;nucifera, var. breoif'olia, Sap. et Mar. (fig. 104, 3). . . .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;332, 334
Tsuga............................. 136
U
JJlmannia frumentaria, Goepp. (fig. 15, 3-4'............ 186
IJlmus Bronnii, Hr. (fig. 94, 1-2).................. 309
— nbsp;nbsp;nbsp;palxomontana, Sap. (fig. 109, 8-9)...........344, 345
— nbsp;nbsp;nbsp;primxva, Sap. (fig. 67, 5-6)............... 262, 264
V
Viburnum asswiile, Sap. ct Mar. (fig. 102, 7)............ 330
— nbsp;nbsp;nbsp;Goreti, Sap........................ 299
-ocr page 451-^14 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pajies.
Viburnum marginatum, Lqx.................... 221
— nbsp;nbsp;nbsp;p«laso?norp?tttTO, Sap. et Mar. (fig. 102, ti,........... 330
— nbsp;nbsp;nbsp;paeudotimis, Sap..................... 336
— nbsp;nbsp;nbsp;rugosum (Pers.) pliocenicum (fig. lO.ï, 6).........33ö, 336
— nbsp;nbsp;nbsp;tinus, L. (fig. 110, 6).................... 317
— nbsp;nbsp;nbsp;vitifoHum, Sap. et Mar. (fig. 36)............. 216, 221
Vitis prxvinifera, Sap. {iig. 96, 1)................. 311
—¦ sezannensis, Sap. (fig. 43)................. 220
— nbsp;nbsp;nbsp;subintegra, Sap. (fig. 108, «gt;)............... 342, 343
— nbsp;nbsp;nbsp;vinifera, L. (fig. 110,7).................. 347
Voltzia heterop/ujUa, Schimp, (fig. 17, 1-i)............. 188
W
Walchia.......................... 72, nbsp;nbsp;nbsp;180
Walchia piniformis, Sternb. (fig. 13, 1-2)............. 186
Widdrinijtonia................ 237, 250, 281,296, 360, 371
Widdringtonia brachyphylla, Sap. (fig. 51, 5-6)........... 236
Woodwardia IlcBsneriuna, Hr................. 306, nbsp;nbsp;nbsp;336
— nbsp;nbsp;nbsp;radicans,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;L.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;(fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;104, 5-6)............... 334, nbsp;nbsp;nbsp;336
L
Zamiostrobus incrassatus, L. et H. (fig. 22, 4)............ 193
Zamites.............................'191
Zamites ejdbius, Sap....................... 299
— nbsp;nbsp;nbsp;Moi-eauanus, Bvttgt. (lig. 21, 1)............' . . . nbsp;nbsp;nbsp;192
Zizyphus.......................... 239, nbsp;nbsp;nbsp;371
Zizyphus ovatus, 0. Web. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;109, 17).............. 343
— nbsp;nbsp;nbsp;pseudo-JJngeri, Sap. (fig.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;48, 3-5). . ............ 230
— nbsp;nbsp;nbsp;ÏJjïg'm', EU. (fig. 49, 7-8, et 64, !))............ 231, 261
Zonarites...................... 234
Zonarites alcicornis, F. 0. (fig. nbsp;nbsp;nbsp;60, 2)............... 252
Zoophycos..................... 254
Zygophyllum Bronnii, Sap.................... 340
-ocr page 452-Pages
Avertissemekï........................ V
PREMIÈRE PARTIE
Les phénomènes et les theories................... • • • nbsp;nbsp;nbsp;^
Chapitre premieh. — La naissance de la vie et les premiers organismes terrestres........................... 3
].................................... 4
IT.................................... 22
Chapitre II. —• La théorie de 1’évolution ou Ie transformisme. . . nbsp;nbsp;nbsp;50
I .................................... 52
lil.................................... 87
Chapitre III.—Les anciens climats................. . nbsp;nbsp;nbsp;108
1.................................... 109
III .................................... 139
DEUXIÉME PARTIE
Les Périodes végétales........................, . jg)
Notions préliminaires sur les périodes végétales........... 153
Chapitre premier. — Les périodes végétales des époques primitive et secondaire........................... 162
I. Époque primordiale........................ 162
II. nbsp;nbsp;nbsp;Époque carbonifère.................. 170
III. nbsp;nbsp;nbsp;Époque secondaire ounbsp;nbsp;nbsp;nbsp;mésophytique............... 187
IV. nbsp;nbsp;nbsp;Époque crétacée a partir dunbsp;nbsp;nbsp;nbsp;cénomanien............. 196
-ocr page 453-¦H6 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE DES CHAPITRES.
Pages.
lt;T!Apithe n. — Les périodes végétales de Tépoque tertiaire. . nbsp;nbsp;nbsp;207
I. nbsp;nbsp;nbsp;Notions préliminaires....................... 207
II. nbsp;nbsp;nbsp;Période paléocène......................• . . 2ii
IR. Période éocène.......'................... 223
IV. nbsp;nbsp;nbsp;Période oligocène ou tongrienne................. 246
V. nbsp;nbsp;nbsp;Période miocène......................... 272
* Sous-période aquitanienne..................... 27S
** Sous-période mollassique.....................300
VI. nbsp;nbsp;nbsp;Période pliocene.......................... 314
Chapitre IR. — Vues générales sur 1’ensemble des périodes. . . nbsp;nbsp;nbsp;332
Table des pj.ancbes et des figures intercalées dans i.e texte...... 39ö
Table alphabétique des genres ei des figures...............401
FIN DE LA TABLE DES CHAPITRES.
ERRATA
Page
195, flg. 25 : dans la logende, ajoutez Ie cliiffre 2 avant Ie mot Aneimidium; remplaCGZ Ie cliiffre 2 par Ie cliiffre 3 avant Ie mot Glossozandtes, et Ienbsp;cliiffre 3 par Ie cliiffre 4 avant Ie mot Salisburia.
Page 204, ligne 23 : au lieu de Sailsburia, lisez : Salisburia.
Page 237, flg. 52 ; dans la légende, au lieu de Aratiii, lisez : Aralia.
Page 238, ligne 4 : au lieu de qid Ie, lisez ; qui les.
Page 266, au lieu de flg. 69, lisez : 70, et au Keu de flg. 70, lisez : CO.
5327-78. — ('.üitnt.ii,. Typ. et ster. de Ciu-te.
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