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SUR
L�HISTOIRE G�N�RALE
PENDANT
LA R�VOLUTIO�f FRANCAISE.
Associ� de l�Institut National de France, Professeur au Coll�ge de France , etnbsp;Membre de la Soci�t� Philomatique denbsp;Paris,
..........artes,
Per quas Latinum nomen, et Italst Crevere vires, famaque , et imperinbsp;Porrecta majestas ad ortumnbsp;Solis, ab Hesperio cubili.
Hokat. Carm, lib. IT.
{D U P R A T, F UCBS , I
Chez
AN 1 1.
iV,. �
-ocr page 8- -ocr page 9-SUR
PENDANT
LA REVOLUTION FRANCAISE.
On se propose de tracer, dans eet �crit, l�Histoire g�n�rale des Sciences , pendant lanbsp;Revolution ; on s�a'ttacliera moins a d�taillernbsp;leurs cl�couvertes, quA montrer Ja partnbsp;qn�elles ont prise a eet �v�nement, et Ienbsp;sort qu�elles ont �prouv� : leur situationnbsp;k cette �poque est sans exemple. On lesnbsp;avait vues, jusqu�alors, fleurlr sous les Gou-verneinens �clair�s et s��teindre dans lesnbsp;dlssentions civiles. Le despotisme r�volu-tionnaire leur donna une existence politique , il s�eri servit pour inspirer de lanbsp;confiance au peuple , pour pr�parer desnbsp;victoireset gagner des batailles. Les secoursnbsp;qu�elles fournirent furent si grands , quenbsp;l�on voulut les perp�tuer. C�est ce qui fit
-ocr page 10-cr�er plusieiirs �tablissemens d�instmction publique , et entr�autres l��cole Polytechai-que et P�cole Normale : precaution clevenuenbsp;trop n�cessaire , car un grand nombre dgnbsp;savans avait d�ja p�ri , d�autres �taientnbsp;caches ou dans les fers; Ie reste, organisenbsp;en 'ateliers, �tait employ� atravailler pournbsp;la Revolution , et contraint de racheter, parnbsp;des prodiges continuels, la vie qui leurnbsp;�tait conserv�e.
Mais avant d�en venir a ces teras mal-lieureux., il est n�cessaire de rappeler quel �tait F�tat des Sciences , lorsque la R�vo-lution cornmenqa , afin que Ton connaissenbsp;avec les faits les causes qui leur ont donn�nbsp;naissance.
Les �crivaius du si�cle de Louis XIV avaientport� les lettres au plus haut degr�nbsp;de perfection. La langue franlt;jaise leurnbsp;devait sa puret� et son �l�gance ; toutesnbsp;ses beaut�s, toutes ses ressources �taientnbsp;d�ploy�es dans leurs ouvrages. Leurs suc-cesseurs ne purent les �galer dans les genresnbsp;OU ils �taient a la fois cr�ateurs et mod�les,nbsp;et les parties les plus brillaiites de la lit-t�rature �tant, pour ainsi dire , �puis�cs,nbsp;Ie talent d��crire vint animer les Sciencesnbsp;et embellir la Philosopliie.
-ocr page 11-Ce changement, centre lequel on a beau-coap d�claui� , est peut-�tre moins l�effet du manque de g�nie que Ie r�sultat inevitable de la marclie de l�esprit hmnain.nbsp;Toujours les beaux tems de la po�sie pr�-par�rent Ie r�gne des Sciences; Platon etnbsp;Aristote , chez les Grecs , avaient �t� precedes par Sophocle et Euripide; chez ksnbsp;Romains , Pline et Sen�que suivirent Ienbsp;grand si�cle d�Auguste.
An reste , par une consequence n�cessaire , les lettres en perdant leur �clat �tendlrent leur quot;pouvoir. Les passions quenbsp;la po�sie fait naitre ne durent qu�un moment; ces jeux de l�itnagination n�influentnbsp;point sur les �v�nernens politiques : la phi-iosophie au contraire , agissant sur la raison , a des efl�ts lents rnais durables, etnbsp;Ibrsqu�elle sait, pour plaire , se parer desnbsp;charmes du style, la puissance qu�eile exercenbsp;sur l�opinion peut aller jusqu�a changer lesnbsp;mcEurs des peuples et Ie sort des �tats. Lanbsp;France , depuis Ie r�gne de Louis XIV ,nbsp;offre un exeraple continuel de cettev�rit�.
Boileau, Pi.acine et Corneille n�avaient obtenu que Padmiration de leur si�cle ,nbsp;Voltaire prit de l�autorit� sur Ie sien. IInbsp;n�atteignit pas la perfection, exclusive de
1 *
-ocr page 12-ces grands mod�les , uiais 11 eut un talent plus flexible , un esprit plus vari� , desnbsp;connciissances plus �tendues ; leur go�t exquis dans la litt�rature se changea chez luinbsp;en un tact d�licat qui s��tendit h tout:nbsp;assez riche pour n�avoir besoin que denbsp;c�l�brit� , il donna aux gens de lettres unenbsp;dignit� , une consideration qu�ils n�avaientnbsp;point encore ; sa critique , tout-a-la-foisnbsp;mordante et leg�re , s�aidant de l��nergienbsp;de Rousseau, et de la raison de Montesquieu , fonda cette puissance de l�opinionnbsp;publique , a laquelle rien ne peut r�sister.
Tout contribuait alors a donner du cr�dit aux lettres , Ie rang , Ie nombre , Ie m�ritenbsp;de ceux qui les cultivaient : les Sciencesnbsp;m�me , rev�tues par elles de formes plusnbsp;aimables , trouvaient place aupr�s des gensnbsp;du monde. Fontenelle les avait, pour ainsinbsp;dire , introduites dans la bonne compagnie.nbsp;Les graces dont ils les avait embelliesnbsp;leur donn�rent pour partisans , outre ceuxnbsp;qui les aimaient en effet, ceux qui vou-laient simple ment avoir Fair de s'�en oc-cuper. d�Alembert prouvaqu�elles n�exduentnbsp;ni la finesse de Fesprit, ni Ie talent d��-crire. Buffon montra qu�elics se pr�tent anbsp;tous les effets de la plus grande eloquence.
-ocr page 13-Tant de succ�s �taient blen propres a les mettre en faveur ; ils firent naitre pournbsp;elles un gout universel, et la litt�rature ,nbsp;devenue en vieillissant plus m�thodiquequenbsp;passionn�e , dut leur c�der son empire.
Peut-�tre l�attrait de Ia nouveaut� con-tribua-t-il a cette revolution ; mais ce n�en fut pas la seule cause : rien n�est plus beau,nbsp;rien n�est plus digne de l�admiration desnbsp;hommes , que Ie g�nie d�veloppant avecnbsp;noblesse les lois �ternelles de la nature.
Les Sciences, en r�pandant ainsi leurs lumi�res, contribuaient de la mani�re lanbsp;plus sure , a faire disparaitre les pr�jug�snbsp;que combattait la philosophie. Pour seconder leurs efforts , on consul 1�id�e d�unnbsp;ouvrage ou toutes les connaissances hu-maines seraient renfermees suivant un ordrenbsp;systematique ; et dans lequel on pourraitnbsp;cependant retrouver , a point nomm�, leursnbsp;plus petits d�tails.Tel est I�objet et le plan denbsp;1�Encyclop�die que Diderot et d�Alembertnbsp;publi�rent. Get immense travail, r�dig� a lanbsp;bate par une foule d��crivains diff�rens ,nbsp;devait n�cessairement manquer d�ensemble.nbsp;On peut m�me lui reprocher beaucoupnbsp;d'imp)erfections dans les details 5 mais ilnbsp;n�en a pas moins rempli son veritable but.
-ocr page 14-qui �tait de mettre sous les yeux des gens du monde , une table de mati�ies o� ilsnbsp;pussent apprendte l�existence d�une foulenbsp;de connaissances positives qui leur �taientnbsp;cnti�rement inconnues', C��tait Ie premiernbsp;pas et Ie plus dif�icile a faire pour leurnbsp;inspirer Ie gout de la veritable instruction ;nbsp;car c�est un effet naturel et constant denbsp;Tamour-propre de faire m�priser les chosesnbsp;one Ton a long-tems ignor�es. Sous cenbsp;point de vue , l�Encyclop�die �tait unenbsp;barri�re qui emp�chait pour t�ujours Fes-prit humain de retrograder. Les ennemisnbsp;de la philosopliie s�en effray�rent; ils senbsp;veng�rent par des pers�cutions j inais enfinnbsp;Ia raison Feraporta. Et quoique eet ouvragenbsp;doive par sa nature devenir Incomplet , anbsp;mesure que les Sciences et les Arts s�aggran-dissent, Ie souvenir en restera comme d�unnbsp;monument �galement honorable pour lesnbsp;hommes qui ont os� Fentreprendre , pournbsp;Ie penple chez lequel il s�est ex�cut� , etnbsp;pour Ie si�cle qui a m�rit� qu�on F�levat.
On vlent de voir par quels degr�s les Sciences se sont empar� , vers la lin dunbsp;i8.e si�cle , de Finfluencc que les lettresnbsp;avaient jusqu�alors exerc�e ; il reste amon-trer dans leur �tat a cette �poque , sur-tout
-ocr page 15-dans la marclie qu�eiles ont prise , les causes qui rendront cette foveur durable.
Une opinion s�est �lev�e, rev�tiie d�une apparence de sagesse , appuy�c sur denbsp;grandes autorit�s. On a voulu faire entendre que les connaissances huniaines ontnbsp;coinme les Hots de la raer, leur flux etnbsp;leur reflux au milieu dos dges du monde;nbsp;qu�elles ne s��l�vent a certaines �poques ,nbsp;que pour s�abaisser dans d�autres ; et qu�en-fin elles reconnaissent aussi des bornesnbsp;qu�elles ne peuvent jamais passer. On ap-porte en t�molgnage Ie peu de progr�snbsp;qu�ont faits les Sciences depuis qu�elles sontnbsp;cultiv�es , la bizarrerie et la contradictionnbsp;des syst�mes qui ont successivement oc-enp� les hommes 5 sur-tout 1�insuffisance desnbsp;m�thodes les plus pierfectionn�es , lorsqu�onnbsp;les fait lutter contre l�adresse myst�rieusenbsp;de la nature. Ces id��s de vicissitudesnbsp;plaisent a Timagination inqui�te, qui cherclienbsp;toujours dans Ie pass� Ie souvenir d�un �tatnbsp;meilleur 5 et tandis que Pon deplore la fai-blesse des moyens qui ont �t� donn�s anbsp;1�homme , on condamne comme des esprits t�m�raires ceux qui cherchent a lesnbsp;augnienter.
Quelle est cependant cette antiquit� si
-ocr page 16-recuk'e , dont on veut regarder I�esperience comrne �tablissant la luesure de notre entendement ? Les annales des peuples , cellesnbsp;du moins qi� ne venfennent que des faitsnbsp;authentiques , ne reaiontent gu�res au-dela de 28 si�cles. Dans eet intervalle, onnbsp;conrpterait �' poine linit cents ans qui aientnbsp;�t� fertiies pour Lesp.rit huraain : Ie restenbsp;est nn desert abandonn� �. l�isnorance
O
ct a la barbarie. Les Grecs et les Roinains , qui ont vu une partie de ces tems favorabes ,nbsp;les ont consacr�s a l��tude de la morale etnbsp;a ravanceinent des lettres. Ce n�est que clieznbsp;nous autres occidentaux, sur-tout depuisnbsp;la d�couverte de riraprimerie , que lesnbsp;Sciences ont �t� g�n�ralernent cultiv�es jnbsp;alors sculeinent elles ont pris une marclienbsp;pbilosophique 5 c�est-a-dire , que chacunenbsp;d�elles a �t� appliqu�e au perfectionnementnbsp;des autres , et leurs progr�s , depuis cettenbsp;�poque , ont �t� pour toujours assures.nbsp;II sulfit, pour s�en convaincre , de jeternbsp;les yeux sur leur histoirc.
Lorsque Ie commerce des Arabes et celui des Grecs �chapp�s a la prise de Constantinople , ramen�rent en Europe Ie goutnbsp;des Sciences depuis long-tems oubli�es ,nbsp;l�histoire naturelle se ranima une des pre-
-ocr page 17-mi�res. Les ouvrages d�Avistote farent lus et rn�dit�s, Quelques naturalistes se for-m�rent: c��taient des coinpiJateurs �ruditsnbsp;qui r�pandirent Ie go�t de la Science , etnbsp;la servirent sans Tavancer.
Cependant l�habitude des voyages fit naitre Ie talent de l�observation. Ce fut plusnbsp;assez d��tudier 1�image de la nature dansnbsp;les �crits des anciens , on voulut la voirnbsp;elle-m�ine , ma�s vivante et anim�e. Bien-t�t la d�couverte d�un nouveau mondenbsp;rempll de productions inconnues , entrainenbsp;une multitude d�observateurs : les faits etnbsp;les descriptions se multiplient. D�ja Fonnbsp;s�attache k rapprocber les �tres par desnbsp;rapports naturels j on cherche a les group-per par families , k les distribuer en classes.nbsp;L�histoire naturelle s�avance ainsl jusqu�aunbsp;i8.e si�cle , en marchant toujours d�un pasnbsp;�gal.
Alors Linn�e, concevant l�Id�e vaste d�une m�thode syst�matique universelle ^ ras-semble ces mat�riaux �pars , saisit les traitsnbsp;qui les unissent ^ et les enlace tous dansnbsp;un r�seau immense, dontles fils, toujoursnbsp;distincts, conduisent avecs�ret� jusqu�auxnbsp;plus petits d�tails. Dans Ie m�me tems,nbsp;Buffon para�t, s��lance aux vues les plus
-ocr page 18-liarclies, d�couvre r�qiiilibre de Tunivers dans Ie balancement perp�tuel des forcesnbsp;sans cesse agissanles , dont les esp�ces ,nbsp;ces individus immortels sont anim�es; etnbsp;sa grande eloquence , annoblissant tons lesnbsp;�tres par leurs rapports au syst�me general,nbsp;montre enfin la nature dans toute sa ma-jest�. Une foule d�hommes c�l�bres secon-dent ces efforts , et Fliistolre naturelle estnbsp;portee au premier rang parmi les connais-sances humaines.
Parvenue a ce dernier p�riode , cette Science , d�sormais trop �tendue pour �trenbsp;complettement embrass�e dans Ie coursnbsp;d�une seule vie , se partage en plusienrsnbsp;branches qui prennent des accroissemensnbsp;rapides.
L�bistoire des animaux ne se r�duit plus a une description souvent imparfaite denbsp;leurs formes ext�rieures, elle offre Ic tableau de leurs nioeurs; elle observe leursnbsp;habitudes , non-seulement dans les plusnbsp;grands d�entr�eux , dont Finstinct ij�est pres-que de la force, raais aussi dans les plusnbsp;petits dont les ruses et la pr�voyance sontnbsp;proportionn�es a leur faiblesse, Appuy�enbsp;sur Fanatomie , elle chercbe , dans la conformation de leurs organes int�rieurs , Fex-
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plication des ph�noin�nes qu�ils pr�sentent; et par la ^ elle assigne leur place dansi�en-semble general des �tres.
La botanique ne se borne plus a notnmer et a cl�crire les v�g�tanx ; line physiquenbsp;d�licate est employee pour d�couvrir lesnbsp;lois de leurs diverses fonctions. Les m�thodes artificielles se multiplient ct facilitentnbsp;Fentr�e de la science. En m�tne temsnbsp;une �tude plus importante et plus relev�enbsp;fixe les efforts des savans. Ils comparentnbsp;les organes des plantes, pour y reconnaitrenbsp;leurs rapports naturels. Bientot ils les d�-couvrent a Torigine de la vie , dans cesnbsp;premiers d�veloppemens que Ia nature anbsp;soumis a des lois immuables chez tous lesnbsp;�tres organises : alors la m�thode syst�ina-tique, r�duite a son veritable usage, nenbsp;sert plus a classer les v�g�taux , mais seu-lement a les reconnaitre , et la m�thodenbsp;naturelle , fond�e sur une longue suite d�ob-servations h�r�ditaires , atteint a�la-fois cenbsp;double but.
La mineralogie ne se contente plus des caract�res �peu pr�cis qu�offre Faspect ext�rieur ; elle emprunte de la chimie lesnbsp;moyens d�analyseretde classer les min�raux.nbsp;Elle cherche les propri�t�s physiques qui
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peuvent rendre leur determination facile j elle remonte par nne sorte de dissectionnbsp;jusqu�aux premiers �l�mens des corps cris-talises , et partant de ces formes simplesnbsp;recompose par leur superposition g�om�-trique des divisions v�ritablementnaturelles.nbsp;Aggrandie par ces secours , elle joint auxnbsp;charmes des Sciences naturelles, la precision qui r�sulte toujonrs de I�lieureuse application du calcul. L�etude du globe ter-restre qui autrefois s�y trouvait comprise ,nbsp;devient une Science particuli�re qui, sous lenbsp;nom de geologie , consid�re la structure denbsp;la terre , et reconnait par leurs traces ter-ribles les bouleversemens successifs quinbsp;I�ont agit�e.
Libre des entraves que les pr�jug�s et la superstition lui avaient donn�s, I�anatomienbsp;fait des progr�s immenses, et devient labasenbsp;de I�histoire des �tres anini�s. A la circulationnbsp;du sang qui �tait d�ja reconnue, on ajoutenbsp;les ph�nom�nes iraportans de Firritabilit�,nbsp;I�existence des sues qni preparent la decomposition des alimens , la disposition etnbsp;1�usage des vaisseaux , qui, par leurs ramifications infinies , vont porter en m�menbsp;terns h tons les points du corps la nour-xiture et la vitalite. On ne se contente
-ocr page 21-plus d�observer des individus , on snit les �tats progressifs des divers organes depuisnbsp;Fenfance jusqu�a la vieiUesse. L�enseiiiblenbsp;de ces connaissances fournit des lumi�resnbsp;pr�cieuses a la physiologic qui n�est encore qu�une Science d�observation. La chirurgie en devient plus hart�e , paree qu�ellenbsp;est plus �clair�e; elle simplifie 1�art d�extir-per la pierre et ses cruelles douleurs; elle osenbsp;provoquerpar Finoculation cettemaladieterrible qui germe en nous avec la vie , et qu�ilnbsp;faut, pour ainsi dire , surprendre pour lanbsp;combattre avec avantage. La sagesse unie knbsp;Fexp�rienced�couvre unefouled�op�rationsnbsp;aussi admirabies quesures, pour Ie soula-gement de 1�humanit�. Enfin, Ia multi-plicit� des faits observes permet de lire dansnbsp;leur rapprochement les lois g�n�rales denbsp;Forganisation animale , et Ie genre d��tudonbsp;qui avait conduit en botanique �. la m�thodenbsp;naturelle forme Fanatomie compar�e.
Des grands voyages sont entrepris pour reconnaitre des contr�es �ioign�es , d�cou-vrir de nouvelles terres, et enrichir Fhis*nbsp;toire naturelle. Toutes les productions'dunbsp;globe sont renferm�es dans un vaste edifice,nbsp;o� la m�thode rapprochant les �tres desnbsp;climats �loign�s , pr�sente sous un seul point
-ocr page 22-de vue l�ensemble et tous les d�tails de Ia nature.
Voila ce qu�a fait pour les Sciencesna-turelles ce i8.e si�cle, tant d�cri� par l�ignorance.
Les progr�s de l�esprit humain vers cette �poque sont encore plus sensibles dans lesnbsp;Sciences qui , joignant I�exp�rience a l�ob-servation , empruntentde iapbilosophie lesnbsp;moyens d�interroger la nature.
Ces Sciences avaient �t� peu avanc�es par les Grecs et les Romains , dont T�tudenbsp;favorite �tait la philosophic morale. Apr�snbsp;la renaissance des lettres , elles rest�rentnbsp;long-tems stationnaires en Europe, ou Tonnbsp;ne s�occupait que de th�ologie. Des anticipations t�m�raires et pr�matur�es , unenbsp;dialectique bonne pour disputer et nonnbsp;pour inventer , voila ce qui composait alorsnbsp;la philosophie naturelle.
Galil�e par son exemple , Bacon par ses �crits d�tourn�rent les savans de ces effortsnbsp;st�riles , et les rappell�rent a i�exp�rience 5nbsp;non pas a cette exp�rience hasardeuse quinbsp;ressemble au tatonnement dont on se sertnbsp;pendant Ia nuit, mais a ceUe qui toujoursnbsp;sure et f�conde , fait d�abord brilier lanbsp;lumi�re et d�couyre la trace de la v�rit�.
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Descartes, plus propre a. entrainer les hommes , acheva cette revolution. II delivranbsp;ses contemporains de Fesp�ce de culte qu��snbsp;rendaient a la pliiloEOj)hle d�Aristote , etnbsp;leur apprit par la chute de cette grandenbsp;idole a Ie juger hientot lui'in�me. D�s lorsnbsp;on ne reconnnt d�autorit� que celle denbsp;l�exp�rience et de Ia raison. Les Sciences ,nbsp;d�gag�es de l�esprit de syst�me qui lesnbsp;avait �gar�es , entr�rent dans leur veritablenbsp;route.
Les eff'ets de ce changement se firent d�abord sentir dans la physique qui , opposant les corps les uns aux autres pournbsp;observer leurs actions r�ciproques , est Ianbsp;plus simple des Sciences apr�s I�liistoire naturelle , qui les classe et les d�finit. Onnbsp;doit rapporter a cette �poque , Ie commencement de ses progr�s et Torlgine des grandsnbsp;travaux qui Font depuis enrichie.
La physique , consid�rant F�tat des corps comme permanent qu corarne variable , senbsp;partage naturelleinent en deux divisions.nbsp;La premi�re comprend les actions in�ca-niques que les corps exercent les uns surnbsp;les autres , en veitu de leurs propri�t�snbsp;g�n�rales j la seconde renferme les modi-
-ocr page 24-fications dues a des forces accidentelles et variables , conime la chaleur , l��lectri-cit� , Ie magnetisme.
Les ph�nom�nes dus a des causes per-manentes , �tant les plus simples, se sont offerts les premiers a i�attention des obser-vateurs. D�ja , du tems de Newton , lesnbsp;lois de l��quilibre et du mouvement sontnbsp;trouv�es ; Ie pendule est -appliqu� a lanbsp;mesure du tems^ et Ie telescope aux usagesnbsp;astronomiques ; la pesanteur de l�air estnbsp;d�montr�e j Ie barom�tre est invent� j enfin,nbsp;par les travaux de ce grand homme , lanbsp;propagation du son et celle do la lumi�renbsp;sont reconnues ; la lumi�re est d�compos�e jnbsp;lesinstrumens d�optique sont perfectionn�s,nbsp;et une foule de faits sont expHqu�s par cesnbsp;d�couvertes.
Les ph�nom�nes physiques , danslesquels l��tat des corps varie , �taient alors peunbsp;�tudi�s ; on connaissait seulement les ef-fets g�n�raux de la chaleur, pour dilaternbsp;les corps , et quelques propri�t�s attractivesnbsp;du magnetisme et de F�lectricit�.
Depuis Newton , la partie m�canique de la physique a encore regu des perfection-nemens ; on a porte plus de precision dansnbsp;quelques details. L�optique a doivn� aux
navigateurs , rOctant dont ils se servent pour les longitudes en mer , et aux astro-nomes Ie eerde r�p�titeur si utile dansnbsp;les operations relatives a la mesure de lanbsp;terre. Le calcul et l�exp�rience ont cr��nbsp;la th�orie des instrumens a vent et cellenbsp;des lunettes achromatlques.
Mais la partie de cette science qui traite des causes accidentelles , a fait sur toutnbsp;des pas remarquables.
On a determine, avec plus d�exactitude, faction de la chaleur. Le barom�tre et lenbsp;thermom�tre ont �t� perfectionn�s. L�in-fluence de la temperature sur le ressortnbsp;de l�air, a �t� mesur�e ; sa facult� de dis-soudre de l�eau a �t� reconnue : on a cr��nbsp;un instrument pour marquer son degr�nbsp;d�humidit� apparent. Par suite de ces recherches, les modifications de l�athraosph�renbsp;ont �t� mieux observ�es. On a cherch� lesnbsp;lois suivant lesqnelles la chaleur se communique ; les diff�rens �tats oii elle devientnbsp;sensible , ont et� distlngu�s. Enfin , on s�estnbsp;�lev� a cette consideration g�n�rale quenbsp;la solidit� , la liquidit� et l��tat a�riforme ,nbsp;sont de simples modifications produitesparnbsp;les forces sans cesse oppos�es de la chaleur qui tend k �carter les molecules des
corps f et de l�attraction qui tend a les rapprocher.
L��lectricft� et Ie magn�tisme ont pr�sent� des d�couvertes encore plus bril-lantes.
Quelque tems apr�s la mort de Newton, les ph�nom�nes �lectriques se multipli�rentnbsp;entre les mains de Gray et de Dufay ; onnbsp;d�couvrit les effets �tonnans de la bou-�eille de Leyde. Le bruit de ces exp�-riences s��tendit jusqu�en Am�rique : cettenbsp;terre , encore a demi sauvage , avait d�janbsp;produit un homme , que sa sagesse et sanbsp;tranquilit� d�arne , rendaient �galementnbsp;propre a observer la nature et h civi-liser son pays. Ayant re^u d�Angleterrenbsp;line machine �lectrique , Franklin suivitlesnbsp;nouveaux ph�nom�nes. Bient�t il parvintnbsp;a les repr�senter tons par Faction oppos�enbsp;des deux �lectricit�s , dont la combinaisonnbsp;forme F�tat naturel des corps. II d�couvritnbsp;le pouvoir des pointes , et expliqua Fex-p�rience de Leyde. Alors guid� par Fana-logie que pr�sentent les effets de la foudronbsp;et ceux de la mati�re �lectrique , il pro-nonlt;ja et prouva leur identit� : ce fut lanbsp;Forigine des paratonerres,
Epiuus exposa et rectifiala doctrine de
-ocr page 27-Franklin , dans nn ouvcage oii le calcul et Texperience se pr�tent un mutiiel seconrs.nbsp;II restait a determiner la loi suivant la-quelle la force respulsive de la mati�re �lec-trique , varie avec la distance : on y par-vint en cream nn appareil d�une sirapli-cite et d�une exactitu^f , inesp�r�es. La loinbsp;de ces phenom�nes s��t�ndit aux attractionsnbsp;magnetiqueSj et se trouva la ineme que cellenbsp;de la gravitation observee dans les espacesnbsp;c�lestes.
Pen de terns apr�s , on fit en France une experience encore plus bardie que celle
de Franklin tats; et riiomme, k qui la
Mongolfier inventa les aeros-
nature avait refuse des ailes , alia I�interroger au seinnbsp;des nu�es et des orages.
Pendant que ces experiences �tonnaient l�Europe , il se faisait, dans un coin denbsp;ritalie, une d�couverte k laquelle on donnanbsp;d�abord peu d�attention, et qui maintenantnbsp;parait li�e aux phenoin�nes les plus ira-portans de la mort et de ia vie. En 1789,nbsp;un �tudiant en m�decine dc Bologne , dis-s�quant une souris vivante , et la tenantnbsp;d�une main fixement assujettie, toucha denbsp;l�autre un de ses nerfs avec son scalpel , etnbsp;ressentit aussit�tune commotion�lectriqne/
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Rien n�est ^ n�gliger dans les sciences; ce seul fait a �t� Ia source des r�sultats lesnbsp;plus �tonnans.
Vers cette �poque la cWmie venait d�eprouquot; ver une de ces revolutions qui renouvellentnbsp;les sciences j r�volutions bien dignes de fixernbsp;Tattention du philosophe , paree qu�elles nenbsp;cofitent point de sang, et qu�elles montrent,nbsp;dans ses efforts progressifs, un des mouve-jnens les plus remarquables de l�esprit hu-inain.
Jusqu�au dix-septi�me si�cle, la chimie m��tait presqu�un lecueil de faits isol�s ou denbsp;proc�d�s secrets. Stalh parut ^t en fit unenbsp;Science. II lia tous les pb�nom�nes connusnbsp;par la seule hypoth�se du phlogistique ou dunbsp;feu combin�. Mais un jour suffit pour ren-verser les syst�mes , Ie tems ne confirme quenbsp;les lois de la nature. La th�orie fit naitre lanbsp;discussion et l�exainen des faits: en les observant avec plus de soin, on vit que plu-sieurs des circonstances qui les accompa-gnent avaient �t� n�glig�es: enfin on s�ap-percut que les fluides �lastiques , qui senbsp;d�gagent dans une infinit� d�exp�riences,nbsp;et que Stalh , sans examen, avait regard�snbsp;comme de Fair ordinaire, �taient r�ellementnbsp;des substances tr�s-diff�rentes les unes des
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autres. Cette d�couverte fit �tudier leur influence : en les analysant on apper^ut une multitude de faits inexplicables par Ja doctrine du phlogistique. Alors vivait un liommenbsp;qui joignait a une grande fortune deux qua-lit�s ordinairement contradictoires ; Ie g�nie , qui generalise , et la pr�cision, quinbsp;mesure les d�tails. Cet homme , c��tait Lavoisier, abandonnant les ph�nom�nes secon-daires, s�attacha au plus important de tons, anbsp;celui de la combustion. II s�astreignit a toutnbsp;recueillir, a tout peser, et il prouva d�abordnbsp;que l�augmentation du poids des m�taux pendant la calcination , �tait due a une portionnbsp;de Pair athmosph�rique qui s�y fixait. Lavoisier fit voir que ce principe absorb� �tait plusnbsp;respirable que l�air ordinaire; il prouvanbsp;qii�il est un des principes constituans de eetnbsp;air que 1�on avait jusqu�alors regard� commenbsp;un corps simple. Lorsqu�il eut ainsi reconnunbsp;la nature et Faction de ces substances invisibles, avec autant de precision que s�il eutnbsp;pu les voir et les touclier, il fut conduit hnbsp;nne infinite de d�couvertes, toutes li�es lesnbsp;unes aux autres j et il arriva enfin a la c�l�-bre experience de la decomposition del�eau :nbsp;ce fut Ie compl�ment de sa th�orie, qui estnbsp;maintenant adopt�e dans toute FEurope
-ocr page 30-SOUS Ie nom de doctrine pneumatique fran-caise.
Les travaux de Lavoisier, et ceux de plu-sieurs chimistes franqais qui secondaient puissaminent ses efforts, ne chang�rent pasnbsp;seulement l��tat de la science , ils lui don-n�rent une marche et une logique nouvelle.nbsp;On sentit la n�cessit� de joindre I�exactitudenbsp;des experiences a la rigueur du raisonne-inent. Peut-etre les chimistes d�rent-ils cettenbsp;reforme au commerce des g�om�tres , dontnbsp;ils s�etaient rapproches lorsqu�ils avaient eunbsp;besoin de m�thodes precises. Mais aussi lesnbsp;g�om�tres apprirent k cultiver les sciencesnbsp;physiques , et a y trouver le sujet de leursnbsp;plus belles applications : cet echange de lu-mi�res est la preuve certaine de la perfection des sciences , en m�me terns qu�il leurnbsp;assure de nouveaux progr�s : il a donne a la
chimie la vraie th�orie de la chaleur, et le
' premier instrument exact qui ait servi a la
mesurer.
A I�origine des sciences tous les faits pa-raissent principaux : en avancant, on apper-qoit des rapports 5 enfin , lorsque Uobjet de leurs recherches est susceptible d�exacti-tude, il arrive un moment ou tout ce quinbsp;semblait g�n�ral devient particulier, et S9
i
-ocr page 31-ram�ne k un petit nombre de principes. De ces sommets �lev�s, on peut redescendrenbsp;avec facilit� dans ies d�tails : la marche estnbsp;simple et naturelle. Alors si l�on fixe cesnbsp;points de depart a l�aide de signes bien choi-sis , et qu�on exprime ensuite, par les modifications de ces signes, la d�pendance qu�on.nbsp;apper^oit entre les objets dont la science estnbsp;compos�e , cette science a une langue philo-sophique on l�analogie est observ�e , et qui,nbsp;par cela m�oie, peut indiquer de nouveauxnbsp;rapports : telle est la nomenclature que lesnbsp;savans francais ont donn�e a la cliimie.nbsp;Quoique cette langue nouvelle fut sollicit�enbsp;p; r 1�accroissement des d�couvertes , I�ideenbsp;de ses a vantages ne pouvait naitre que d�unenbsp;pliil�sophie tr�s-perfectionn�e, et Ie talentnbsp;litt�raire n��tait pas moins n�cessaire pour lanbsp;cr�er que les connaissances chimiques.
Si Ie perfectionnement de la philosophie a puissarament contribu� aux progr�s desnbsp;sciences qui ont pour objet l��tude desph�-nom�nes naturels, il devait influer plus sen-siblement encore sur les matb�matiques,nbsp;dans lesquelles la m�tliode est tout : c�estnbsp;aussi ce qui est arriv�.
Les trait�s qui sont parvenus jusqu�a. nous, nous montrent les anciens g�om�tres born�s
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aux simples �l�mens; leur g�nie est comme ressetr� dans ce eerde �troit dont il ne peutnbsp;sonir. Si l�on cherche la cause qui retientnbsp;des t�tes aussi fortes sur de pareils d�tails, onnbsp;voit bient�t que c�est Ia m�thode. La synthese , dont ils font usage, proc�d� des v�ri-t�s connues a celles qu�il s�agit de d�montrerjnbsp;et comme toutes les v�rit�s n*ont pas, lesnbsp;unes avec les autres , une liaison �galementnbsp;in time , ce n�est que par une sorte de tactnbsp;qu�on de vine cell e qui conduit au but; onnbsp;ne peut m�me esp�rer d�y parvenir quenbsp;si ce hut est tr�s-rapproch� : la marche desnbsp;sciences , par cette m�thode , est done lentenbsp;et difficile.
Les modernes suivent �ne route contraire ; ils partent de ce qui est en question , pour revenir au centre commun des v�-rit�s d�ja connues. Cette m�thode inversenbsp;constitue l�analyse math�matique : aussi ri-goureuse que la synth�se , elle est plus directe et plus rapide. On lui dolt la plusnbsp;grande partie des d�couvertes faites dansnbsp;ces derniers tems,
De toutes ses applications, la plus belle est la recherche des lois qui r�gissent Ie syst�menbsp;du monde L�esprit, en effet, a besoin. d�unenbsp;m�thode sure pour saisir tant de rapports
-ocr page 33-divers, pour les suivre avec Constance et percer, a travers lexir enchainement, lesnbsp;voiles dont s�enveioppe la nature. C�est lanbsp;que I�analyse est indispensable , et de cettenbsp;n�cessit� m�me sont n�s presque tous sesnbsp;progr�s. Graces a son secours, trois si�clesnbsp;ont suffi pour decouvrir et fixer tous lesnbsp;ph�nom�nes celestes.
C�est a Copernic qu�il faut rapporter I�ori-gine de ces travaux : inspire par les ecrits de plusieurs philosophes de I�antiquite, il fit re-vivre leur syst�me, plaga le soleil au centrenbsp;du monde , mit les plan�tes et la terre elle-m�me en mouvement autour de eet astre , etnbsp;r�duisit la revolution diurne du ciel a unenbsp;simple illusion produite par la rotation dunbsp;globe. Tous les ph�nom�nes astronomiquesnbsp;vinrent naturellement se plier k eet arran-gementj simple comme lav�rit� m�me. Mais,nbsp;pour ne pas effrayer les pr�jug�s de son si�cle , Copernic le pr�senta comme une hypo-th�se purement math�matique , et sa mort,nbsp;qui arriva peu de teros apr�s, pr�vint les per-s�cutions qu�il aurait sans doute essuy�es.
Ces id��s. d�abord peu suivies, reprirent faveur par les d�convertes de Galil�e surnbsp;les satellites de Jupiter, et le mouvementnbsp;de Venus autour du Soleil, Ces phases ,
-ocr page 34-ces eclipses , ces retours p�rio^iqnes s�ap-piiquaient naturellement a la Terre. L�ana-logie �tait frappante ; innJs Ie rnouvement de cette plan�tequot; �tait en contradiction avecnbsp;quelques passages de 1��criture. Sur cettenbsp;autorit�, Galll�e, ag� de soixaiite-dix ans ,nbsp;fut cit� au tiibunal de I�inquisilion , etnbsp;condamn� comme h�r�tique a une prisonnbsp;perp�tuelle.
Dans Ie m�me tems , Kepler d�couTrait et publiait les lois fond amen tales des mou-vemens celestes. Mais c��taient la des v�rit�snbsp;d�un autre ordre que celles dont Galil�enbsp;�tait victime ; elles �taient trop abstraites,nbsp;trop envelopp�es de calculs , pour faire denbsp;nombreux partisans. On ne cherche jamaisnbsp;k �touffer la v�rit� que dans sa naissance jnbsp;d�s qu�elle s��l�ve , elle �cbappe a-la-fois aunbsp;vulgaire et a ses pers�cuteurs.
Cependant les progr�s de l�analyse sui-vaient ceux de Tobservation. Cette �poque est fameuse dans l�histoire des sciences ,nbsp;par 1�invention des logarithmes j artifice admirable qui, en abr�geant les calculs , �tendnbsp;pour ainsi dire la vie des astronomes, commenbsp;Ie t�lescope avait aggrancli leur vue.
L�alg�bre , qui n�est que la combinaison
-ocr page 35-analydqiie des nombres , iacl�pendaminent de leurs valeurs pai'ticiili�res , �tait d� janbsp;fort avanc�e lorsque Descartes parut; maisnbsp;on n�en avait fait usage que pour des quesHgt;nbsp;tions d�termin�es, c�est-a-dire, pour trouvernbsp;des quantit�s dont Ie nombre de valeurs estnbsp;liinit�. Descartes, parune nouvelle abstraction Pemploya pour exprimer la loi suivant la�nbsp;quelle se succ�dent les valeurs des quantit�snbsp;variables ; de-la Ie calcul des lignes courbesnbsp;et l�application de l�alg�bre aux probl�ines
de geometrie ind�termin�s.
C�est par des abstractions que les idees se g�n�ralisent. Celle-ci fit faire un grandnbsp;pas aux sciences phvsiques et matb�ma-tiques;elle favorisa puissarament rimpulsion,nbsp;g�n�rale que Descartes leur avait donn�e.nbsp;Peut-�tre aurait-il pu lui-m�me tirer unnbsp;plus grand parti de l'instrument qu�il avaitnbsp;cr�� ; mais ce g�nie impatient semblaitnbsp;moins suivre la nature que la pr�venir :nbsp;les idees de Copcrnic et les lois de Kepler ,nbsp;qui renfermaient la clef du v�ritable sys-t�me du monde, rest�rent inutiles entre sesnbsp;mains.
Huygens, qui connut ces travaux , n�en tira pas non plus ce qu�ils renfermaient;
-ocr page 36-mais il s�illustra par d�autrcs d�eouvertes, II appliqiia Ie pendule aux horloges , ex-pHqua les apparencesdel�anneaudeSaturne^nbsp;�t fit connaitre ,les lois du mouvement.
Enfin, Newton parut , et les sciences ache verent de s��clairer. On �tudia les quan-tit�s dans leurs plns petites variations ,nbsp;OU leur nature se trouve empreinte par desnbsp;caract�res plus g�n�raux : de-la Ie calcuinbsp;diff�rentiel invent� en m�me-tems par Leibnitz et Newton. Cette rencontre ne doknbsp;point surprendre j les grandes d�couvertesnbsp;sont ordinairement amen�es par l�accroisse-ment des connaissances ; elles sont en quel-que sorte inevitables^ et les hommes de g�nienbsp;qui sont en avant de leurs si�cles, doiventnbsp;�tre port�s vers elles par Ie mouvement general auquel ils participent toujours.
Ici la Science n�est plus born�e a des d�tails st�riles. Newton �tablit la loi de la pesanteur universelle. D�apr�s ce seul principe, Ie syst�me du monde est expliqu� , lesnbsp;grands ph�nom�nes qu�il pr�sente sont cal-cul�s , et la philosophie naturelle est fon-d�e sur des bases in�branlables.
L�impulsion que Newton avait imprim�e autour de lui, fut quelques tems a se pro-pager dans Ie reste de l�Europe. Les obs-
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tacles qu�avail rencontr�s Galilee, lorsqu�il proposa riiypoth�se du mouvement de lanbsp;lerre , s��lev�rent aussi centre la loi de lanbsp;gravitation, Mais cette fois Tignorance com-battit sans avoir Ie pouvoir de pers�cuter :nbsp;Ie tems fit triompher la v�rit�. On a de-puis beaucoup accru les richesses que Newton avail laiss�es. De grands voyages ontnbsp;�t� entrepris pour reconnaitre et mesurernbsp;la figure de la terre. Les mouvemens denbsp;la lune ont �t� calcul�s avec une admirablenbsp;pr�cision. On a trouv�, dans l�applatisse-raent de ia terre ^ la cause de la pr�cessionnbsp;des �quinoxes , et celles de la nutationnbsp;de l�axe terrestre d�ja reconnue par lesnbsp;observations. Le calcul des differences par-tielles et celui des variations , ont �t�nbsp;invent�s. Le mouvement de la lumi�re ,nbsp;combin� avec celui de la terre , a fait con-naitre Ia cause de llaberration des �toiles.nbsp;Enfin , ^ l��poque de la r�volution , lesnbsp;principes de la m�canique analytique �taientnbsp;�tablis;le calcul des probabilit�s avail requ lanbsp;plus grande extension 5 tous les ph�nom�nesnbsp;connus dn syst�me du monde , ceux m�raenbsp;que leurs longues p�riodes semblaient d�-rober aux observations modernes, �taientnbsp;expliqu�s et soumis a des lois rigoureuses.
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Une nouvelle plan�te avalt �t� observ�e ; elle confirmait, de la mani�re la plus �clatante , la th�orie Newtonienne | eniin pournbsp;que rien ne rnanquat a la gloire de i�astro-noinie , une plume �loquente avait �crit sonnbsp;liistire,
Voilk qnels ont �t� les progr�s de Tesprit humain dans les Sciences physiques et ma-th�raatiques ; on n�y remarque que deux p�riodes distinctes-.l�une avant, l�autre apr�s lanbsp;renaissance des lettres en Occident. Dans lanbsp;premi�re , qui comprend toute Fantiquit� ,nbsp;les philosophes iraaginent de vastes syst�mesnbsp;dont ils s�ef�brcent ensuite de d�montrernbsp;la v�rit� : rien n�est caleul� , rien n�est me-sur�. Quelques trait�s sont composes parnbsp;des hommes de g�nie ; ils renferment lanbsp;collection, des r�sultats connus , et non desnbsp;m�thodes d�avanceinent et de recherches. Onnbsp;observe quelques ph�nom�nes, on recueillenbsp;des faits; mais toujours dans des vues par-ticuli�res , et non pour fonder , sur leursnbsp;rapports , la philosophie naturelle. En unnbsp;mot, quelques d�tails existent: l�ensemblenbsp;des sciences n�existe pas.
Dans la seconde p�riode , qui comprend les tems modernes , on se sert des faitsnbsp;moins pour en retirer des applications im-
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mediates que pour d�velopper les v�rit�s qui en d�rivent. On passe d�abord de cesnbsp;faits a leurs consequences les plus simplesnbsp;qui n�en sont presque que des�nonc�s. D�nbsp;celles ci on s��i�ve k d�autres plus �tendues,nbsp;jusqu�a ce qu�on arrive enfin , par des degr�snbsp;insensibles , aux g�n�ralil�s les plus abs-traites. La m�thode est une inductionnbsp;sans cesse v�rifi�e par l�exp�rience. Ellenbsp;donne a Fintelligence humaine , non desnbsp;ailes qui l��garent, mais des x�nes qui Ianbsp;dirigent. Les sciences unies par cette phi-losopbie commune , s�avancent de front �nbsp;les pas que fait chacune d�elles , seryentnbsp;a entrainer les atitres. Leur marche , parnbsp;cette m�thode, est done �.-la-fois sfire etnbsp;f�conde. Elle sera toujours croissante etnbsp;irresistible, puisqu�il faudrait pour l�arr�ter,nbsp;an�antir ensemble et au m�rne instant ,nbsp;toutes lesconnaissanceshumaines :*malbeurnbsp;affreux, dont ia d�couverte de fimprimerienbsp;nous a pour toujours pr�serves.
Lorsqu�au milieu d�une nuit obscure , perdu dans un pays sauvage , un voyageurnbsp;e�avance avec peine a travers mille dangers jnbsp;s�ibse trouve enfin au sommet d�une hautenbsp;montaguequ�domineunvastehorison jet que
Ie soleil, en se levant, d�couvre a ses veux
-ocr page 40-�ine contr�e fertile, et un chemin facile pour Ie reste du voyage , transport� de joie,nbsp;il reprend sa route , et bannit les vainesnbsp;terreurs de la nuit. Nous , a la vive lumi�renbsp;de la philosophie , oublions done aussi cesnbsp;craintes chim�riques du retour de Tigno-rance , et marclions d�un pas ferme dansnbsp;rimmense carri�re d�sormais ouyerte a i�es-prit liumain.
Les savans et les gens de lettres, qui avaient �lev� l��difiee des connaissances hu-maines a une si grande hauteur, jouissaientnbsp;de la consideration qu�ils avaient acquise:nbsp;on recherchait leurs personnes, on admiraitnbsp;leurs �crits, on ambitionnait leurs suffrages.nbsp;Assez courageux pour conseiller Ie bien , ilsnbsp;avaient quelquefois assez de cr�dit pour fairenbsp;reparerle mal. Les uns, possesseurs d�unenbsp;grande fortune , l�employaient k propagernbsp;les sciences et les artsj les autres, sortis parnbsp;leurs talens de la classe obscure ou Ie hasardnbsp;les avait places, n��taient, quoique moinsnbsp;riches, ni moins estim�s, ni moins accueil-lis 5 il semblait que Ie m�rite m�lat les rangsnbsp;dans la soci�t�, Ceux que leurs talens et leursnbsp;helles qualit�s avaient Ie plus distingu�s ,nbsp;formaient une sorte d�acad�mie , unie parnbsp;ramiti� au sein, de Tacad�mie elle-m�me,
Rapproch�s par Iturs gouts, leurs travaux et ieurs vues, ils mettaient eu couimun leursnbsp;efforts ; �lev�s , par un noble d�sint�resse-ment, au-dessus des mis�res de I�envie et denbsp;I�amour-propre , ravancement des sciencesnbsp;les occupait beaucoup plus que leur gloirenbsp;particuliere : de ce nombre furent Condorcet,nbsp;Railly et Lavoisier; les deux dernicrs ont p�rinbsp;sur l��chafaud pendant la revolution, Ie premier s�est empoisonn� pour s�y soustraire.nbsp;Quelques-uns de leurs arnis ont surv�cu ; cenbsp;sont eux qui ont rallum� en France Ie llam-Leau des lumi�res que Fanarcbie av�it �teint.nbsp;Mais n�anticiponspointsurl�ordre des terns.nbsp;INous voici arriv�s a une �poque pleine denbsp;malheurs publics et d�inlbrlunes particu-li�res : a peine trouverait-on en France unenbsp;seule familie qui n�en ait �prouv� les effeis.nbsp;De-la sont n�s une multitude d�int�r�ts, denbsp;souvenirs, de haines quisubsistent encore , etnbsp;ren dent difficile 1�histoire de cette revolution j car les hommes, selon qu�ils ont �t�nbsp;diff�remment agit�s , alt�rent la v�rit� denbsp;diverses mani�res : les uns, par l�euvie denbsp;flatter ou de d�nigrer les gouvernans ; lesnbsp;autres , paree qu�ayant perdu courage, ilsnbsp;ont cess� de prendre int�r�t a Ia chose pu-blique , qu�iis ont regard�e comme ie patri-
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-ocr page 42-jnolne des factions ; mais celui qui, �tranger a tous les partis , ne s�est point laiss� aigrirnbsp;par l�adversit�, parle sans amiti� comme sansnbsp;liaine , et dit avec sinc�rit� Ie bien commenbsp;Ie mal.
Lorsque la r�volutioncommenqa, tousles esprits se tourn�rent vers la politique. Lesnbsp;sciences furent subitement abandonn�es :nbsp;elles ne pouvaient �tre d�auciin poids dansnbsp;la lutte qui s��tait engag�e et qui occupaitnbsp;toutes les t�tes. Bient�t on onblia compl�-teinent leur existence : la libert� f�aisait Ienbsp;sujet de tous les �crits , de tous les discours jnbsp;il serablait que les orateurs eusscnt seuls Ienbsp;pouvoir de la servir, et cette erreur a �t� eunbsp;partie la cause de nos maux. La plupart desnbsp;savans rest�rent simples spectateurs des �v�-nemens qui se pr�paraient ; aucun ne pritnbsp;ouvertement parti contre la revolution ;nbsp;quelques-uns s�y engag�rent. Ce furent ceuxnbsp;qui �taient agit�s par de grandes vues, etnbsp;qui trouvaient, dans Ie renouvellement denbsp;Forganisation sociale, un moyen d�appliquernbsp;et de r�aiiser lours theories. Us crurent mai-tviser la revolution ,�et furent entrain�s parnbsp;elle; mais on �tait plein d�esp�rance alors.nbsp;Si l�amour de la libert� n�est que de l�exa-g�ration, si Ie desir de rendre les hommes
-ocr page 43-meilleurs et plus heureux, n�est qu�une chim�re , on peut pardonner ces erreurs a ceux qui les ont payees do leur vie.
Par mi les grandes idees que r�alisa cette premi�re �poque de la revolution , il fautnbsp;compter celle d�un syst�me uniforme de me-sures, De tous les points de la France on r�-clamait contre la multitule de celles quinbsp;�taient en usage ; plusieurs rois avaientnbsp;essay� de faire disparaitre cette diversit�,nbsp;nuisible au commerce l�gitime , favoralfe anbsp;ragiotage et a la l'rande ; ce qu�ils n�avaientnbsp;pu faire, Fassembl�e constituanteI�entreprit.nbsp;Elle d�clara qu�il ne devait y avoir qu�unnbsp;seul poids et une seule mesure dans un paysnbsp;soumis aux in�mes lois. L�acad�mie desnbsp;Sciences fut charg�e de cheichct et de pr�senter Ie meilleur runde d�ex�cution. Cettenbsp;compagnie pi oposa d�adopti r la division d�-cinrale , en p-enant pour unite fondamen-taie la dix inillionni�me partie du quart dunbsp;m�ridien terrcstre. Les 'motifs qui d�termi-n�rent ce choix luren t I�extrdme simplicit�nbsp;du calcul d�ciraal, et Favantage d�avoir unenbsp;mesure prise dans la nature. Cette derni�renbsp;condition out �t� , a la verit� , remp ie , sinbsp;i�on eut pris , pour unite fondamentale , lanbsp;longueur du pendule a secondes pour une
latitude donn�e j raais la mesure d�un arc du m�ridien , ex�cut�e avec la precision quenbsp;comportait les m�thodes et les instrumensnbsp;actuels, �tait extr�mement int�ressante pournbsp;la th�orie de la figure de la terre 5 ce fut cenbsp;qui d�cida I�academie, et si les motifs qu�ellenbsp;pr�senta a Tassembl�e constituante n��toientnbsp;pas tout-a-fait les v�ritables, c�est que lesnbsp;sciences ont aussi leur politique : quelque-fois pour servir les hommes il faut se r�sou-dre a les trompet.
L�effervescence g�n�rale , que la revolution avaitfait naitre, s��tait �tendue jusques dans les universit�s. Le tocsin avait retentinbsp;dans ces retraites silencieuses; a chaque instant des bandes r�volt�es, m�l�es de femmes , d�enfans et d�hommes de tous les �tats,nbsp;venaient troubler les �tudes , et f�orqant lanbsp;jeunesse de se ranger sous leur sale banni�re,nbsp;lui pr�sentaient le spectacle de tous lesnbsp;exc�s. II n�en fallait pas tant pour d�sorga-niser une institution d�ja vieilli� , et quinbsp;n�avait presque plus de consideration dansnbsp;l�opinion publique : les coll�ges devinrentnbsp;d�serts ; la plupart cess�rent leurs exercices.nbsp;Le vide qui allait s�op�rer dans l�instructionnbsp;publique, et les funestes effets qui devaientnbsp;en r�sulter , frapp�rent Fassembl�e consti-
-ocr page 45-tuante. Elle d�cr�ta que Fenseignement ne serait pas un instant suspendu, et qneJe roinbsp;seiait prie d�ordonner la rentree des coll�ges comine a Fordinaire. Mais- il �tait tropnbsp;tard, Fimpnlsion �tait donn�ej personnenbsp;n�avait le pouvoir de Farr�ter. Par - toutnbsp;Finstruction publique fut nulle ou languis.nbsp;sante ; bient�t on la regarda comme inutile.
Au milieu de la secousse g�nerale qui �branlait la Franee, la chute des universit�s nenbsp;fit aucune sensation ; mais Finfluence de c�tnbsp;�v�nement, sur la g�n�ration qui s��l�ve ,nbsp;n�en sera pas moins sensible un jour. L�or-ganisation actuelle de la soci�t� est fond�enbsp;sur les progr�s de la civilisation ; elle a Fins'nbsp;truction g�n�rale pour une de ses bases; onnbsp;ne peut y porter atteinte sans rompre unenbsp;partie des ressorts qui meuvent le corps social. Le mal est d�abord Insensible j on n�anbsp;pas d�truit Ia vie, on a fl�tri les organes denbsp;la reproduction. Aussi, lorsque la rac� nouvelle est amen�e par le teras dans le syst�menbsp;politique , les hommes sont petits et faibles,nbsp;F�tat, qu�ils ne peuvent soutenir, s�abaissenbsp;entre leurs mains : puissent des moyens r�parateurs preserver la France de ce tristenbsp;sort.
Ce n�estpas que je veuille pr�senter Fan-
-ocr page 46-cifiiDG education cornrae la seulc quipuisso donner a la palrie des citoyens �clair�s ; jenbsp;je sais qu�il iui inanquait beaucoup de cho-ses pour remplir ce but ; inais i�exp�riencenbsp;nous a trop appris, qn�en fait d�insrructionnbsp;publique, il faut, si Ton ne veut pas tout per-dre , am�liorer et non d�truire.
Quelque sentiment que 1�on ait conserve sur Tancienne universit� de Paris , il fautnbsp;conv nir qu�elle �tait en arri�re de plusieursnbsp;si�cies pt ur tout ce qni concerne les Sciencesnbsp;et les arts. P�ripat�ticienne, lorsque Ie mondenbsp;savant avait renonce , avec Descartes , a Ianbsp;philosophie d�Aristote , elle devint cart�-sienne quand on fut newtonien : telle est lanbsp;coutuute des corps enseignans qui ne fontnbsp;point de d�convertes. Investis a leur formation d�une grande influence sur les opinionsnbsp;scientifiques , paree qu�ils sont composes desnbsp;liommes les plus instruits du tems, ils veu-lent constamment consorver ces avantages.nbsp;Ils souffrent diflicilement qn�il se forme,nbsp;hors de leur sein, des opinions nouvelles,nbsp;qui pourraient balancer les leurs j et si Ienbsp;progr�s des Sciences les oblige enfin d�aban-donner leur doctrine , ils n�adoptent jamaisnbsp;^es theories les plus modernes , fussent-ellesnbsp;d�aiiieurs preferables j ils embrassent celles
-ocr page 47-qui leur �taient ant�rieures de quelque tems, etqu�eux-iii�ines avaient pr�c�ueinmentcom-battues. Cette inertie des corps enseignans,nbsp;est un mal inevitable , paree qu�elle est l�ef-fet de l�aiiiour-propre, la plus invariable desnbsp;passions,
Une pareille fixit� d�opinions pouvait avoir quelques avantages lors de la d�-cadence des sciences et des lettres : ellenbsp;conservait sans alt�ratlon Ie d�pot desnbsp;connaissances humaines , ce qui �tait Ienbsp;plus grand bienfait que des si�cles d�igno-rance pussent transinettre a la post�rit�,nbsp;C�est une justice que l�on doit aux congregations monastiques, qui de tout temsnbsp;ont �t�, dans leur int�rieur, des corps en-seignans. Mals maintenant que les sciencesnbsp;ont une marche rapiJe et assur�e, mainte-nant que rimprimerie nous a d�fendu pournbsp;toujours contre les efforts de la tyrannic etnbsp;de i�ignorance , des corporations enseignan-tes, et par-la m�me stationnaires, ne fe-raient que retarder les progr�s des lumi�resnbsp;sans produire aucun bien j puisque Ie seulnbsp;service qu�elles paissent rendre est devenu knbsp;jamais inutile.
L�assembl�e constituante ayant vaineraent essay� de maintenir i��ducation existante,
-ocr page 48-quelques-uns de ses membres tlernand�rent qu�on posdt au moins les bases n�cessairesnbsp;a son r�tablissement. Plusiours projets furentnbsp;pr�sent�s et leur r�sultat general fut soumisnbsp;a la discussion. Dans tons on s�accordaitnbsp;a regarder I�instruction publique commenbsp;Ie seul moyen de g�n�ro�ser la libert� civilenbsp;et de raaintenir la libert� politique. On con-venavt de I�insuffisance des anciennes institutions , qui avaient �t� cr��es pour un butnbsp;tout diff�rent 5 enfin on proposait divers de-gr�s d�enseignement, depuis les connaissan-ces qui sont n�cessaires a tous les hommes,nbsp;Jusqu�aux speculations �lev�es par lesque�esnbsp;s�op�re Ie perfectionnement general et gra-duel de 1�esprit huraain. Les inoyens d�ex�-cution attach�s a ces divers plans �taient a-peu-pr�s les in�mes en les combinant, ii eutnbsp;�t� facilede former un excellent syst�med�ins-truction.Maisacette �poque Tassembl�e constituante toucliait a sa dissolution. Les partisnbsp;qui la divisaient �taient trop occup�s de leursnbsp;int�r�ts pr�sens pour songer a ceux de l�ave-nir ; ils �taient peu port�s a �tablir , avecnbsp;quelqu�apparence de stabilit� ,unedifice quenbsp;tous,par des motifs djvers.se promettaientin-t�rieurement de detruire. L�organisation denbsp;Tinstruction publique fut doncrenyoy�e a Tas-
-ocr page 49-sembl�e legislative ; on ne voulntpas m�me d�cr�ter l�existence des �coles primaires : lesnbsp;motifs apparens de eet ajournement furentnbsp;riiuportance de l�objet, et les meditationsnbsp;profbndes qn�il exige. Les y�ritabies ,nbsp;�taient la crainte de laisser ce moyen d�in-fluence entre les mains du pouvoir ex�-cutif que l�on voulait abaisser,
L�assernblee legislative, encore plus agit�e que la constituante, s�occupa peudes sciencesnbsp;et de Tinstruction publique. Condorcet luinbsp;pr�senta sut cette mati�re un vaste plan quinbsp;ne fut pas adopt�. Ce n��tait pas au momentnbsp;de la chute du tr�ne, ce n��tait pas au milieunbsp;des massacres de septernbre, que l�on devaitnbsp;songer a donner aupeuple lesinstitutions quinbsp;�clairent l�esprit, r�glent les inoeurs , ensei-gnent a respecter les lois , la justice etl�hu-manit�. Cette assemblee impuissante, pournbsp;d�fendre Ie gouvernement, trop faible pournbsp;Ie remplacer, fut renvers�e avec lui.
La convention nationale lui succ�da. Ce fut un m�lange de tous les partis; a c�t�nbsp;d�hommes honn�tes et �clair�s, on reconnutnbsp;lesf�roces auteurs des vengeancespopulaires.nbsp;Ces derniers , d�jii reinplis d�audace, se for-tifi�rent encore par la terreur et 1�impunit�.nbsp;Saus cesse attach�s a flatter les passions de la
-ocr page 50-multitude, appelant i�ordre unvil esclavage , I�au torite des lois une insupportable tyrannic,nbsp;ils s'�entour�rentd�une efiVayante popularite.nbsp;Ennemis de tout ce qui pouvait ramener lanbsp;tranquilit� , ils �cart�rent avec derision lesnbsp;lois relatives I�orfiranisation de I�instruction
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publique. Foinentant le trouble et la defiance par des denonciations continuelles ; parlant sans cesse de conspirateurs et denbsp;trahison; montrant le souverain dans lesnbsp;sections de Paris, et la volonte du peuplenbsp;dans celle des comit�s i'�volutionnaires jnbsp;entretenant, dans la commune de Paris ,nbsp;une autorit� a eux , rivale de la conventionnbsp;elle-meme , ils acquirent bientot xrn pouvoirnbsp;terrible qu�ils manifest�rent a leur rnani�re ,nbsp;c�est-a-dire , par des atrocit�s. Quelquesnbsp;hommes courageux resistaient encore j ilsnbsp;�taient redontables par leur civisme, leursnbsp;talens et leurs vertus : on fit deraander I�ar-restation des principaux d�entr�eux par lanbsp;commune, qui enapporta la listc. Le 2 juinnbsp;1798 , ils furent proscrits , et iln�y eutplusnbsp;de libert�.
Ce fut pourtant an milieu de cette crise que 1�on decreta Faggrandissement dunbsp;Museum d�fiistoirc naturelle ; et ce quinbsp;�tait plus utile encore, que 1�cn en fit
-ocr page 51-nn etaWissemer.t [d�iristruction publiqiie. Quelles etalent done ces mains blenfaisantes,nbsp;niais invisibles , qui soiitenaient encorenbsp;I�edifice des sciences, lorsque I�Etat etaitnbsp;renverse ?
Conclorcet, que Ton avait d�abord oubli� , ne tarda pas a epronver le sort des deputes de son parti. Ses vues g�n�reuses ne pouvaient s�accorder avec les principes desnbsp;septCxiiDriseurs. 11 denonqa a ses commettansnbsp;i�outrage que venait de recevoxr la representation nationale; il les prevint contrenbsp;la constitution qu�on allalt ieur donner.nbsp;C�etait unacte de courage que la mortseulenbsp;pouvait expier. On ordonnason arrestation.nbsp;Celui qni se chargea de I�accuser, lui litnbsp;en quelque sorte un crime d�avoir �t� aca-deinicien et philosophe.
Quelques jours apres,Robespierre, comme s�il eut voulu faire croire que la conventionnbsp;n�avait rien perdu du c�t� des talens , ra-menaladiscussion sur 1'instruction publique.nbsp;II lut a la tribune , un long projet d��duca-tion nationale , onvrage postume de Lepel-ietier , et en vota fortement I�adoption.nbsp;Ce plan portait que tous les enfans , sans exception , seraient �lev�s en commun aux
-ocr page 52-frais dc la r�publique. Ptobespierre pre-senta ces dispositions co mine les seules qui pussent assurer la conservation, des principes r�publicains. Cependant il trouva desnbsp;contradicteurs, Lesunscombattirent leprojetnbsp;comme inex�cutable et immoral y d�autres Ienbsp;regard�rent comme inutile. En g�n�ral, ilsnbsp;ne voyaient pas la n�cessit� d�organiser Tins-truction publique , qui , toujours plus knbsp;portee du ricbe que du pauvre , leur pa-raissait contraire ar�gallt�. Apr�s une dis-cusion long tems prolong�e , on se borna anbsp;decider qu�il y aurait une education commune , mals libre j et ee r�sultat insigni-fiant, eut du moins Favantage de preserver Finstruction et la morale publiques,nbsp;des maux irr�parables que leur aurait f'aitsnbsp;nn plan conqu et tx�cut� a cette �poque.
Cependant au milieu d�une deliberation qui semblait Touer la France a Pigno-rance, on saisit les avantages d�un travail qui avait exig� toutes les ressourcesnbsp;des Sciences et des Arts. Ee nouveaunbsp;systeme de poids et mesures fut mis ennbsp;activit�. Quoique les operations entre-prises pour ia d�termination d�un are dnnbsp;maridien , ne fussent pas encore acbey�es ,
-ocr page 53-I�academie avait calcul� Ie Metre d�apr�s les observations anciennes , avec une exactitude suffisante pour tons les besoins de lanbsp;societ�, Elle avait determine , par des experiences pr�cises , Ia longueur du pendule a secondes , et Ie poids d�un centimetre-cube d�eau distill�e : c��taient lesnbsp;�l�mens de toutes les autres mesures. Lesnbsp;observations nouvelles ne pouvaient appor-ter a leurs valeurs que des corrections in-sensibles j on s�empressa d�en introdnirenbsp;l�usage, molns peut �tre par amour du biennbsp;public , qu�en balne des anciennes institutions. La convention d�clara qu�elle �taitnbsp;satil'alte du travail de I�academie; elle adoptanbsp;ses rssultats , ordonna I�etablissernent dunbsp;nouveau syst�ine dans toute l��tendue de lanbsp;r�publique , et l�offrit a l�adoption des nations �trang�res.
Quelques jours apr�s , les acad�mies fu-rent supprim�es ; on laissa seulement sub-sister Ia commission chargee, par I�acadernie des Sciences, du travail relatif aux poidsnbsp;et mesures.
Quoique I�edncation commune eut �t� d�-cret�e sur la proposition de Robespierre, lea hommes �clair�s qui restaient dans la
Convention , trouv�rent Ie raoyen d�en~ traver cette mesure. I!s firent demander,nbsp;par les autorit�s constitu�es de Paris , Jenbsp;r�tablissement de 1�instruction publique ;nbsp;et eniev�rent , en quelque sorte par surprise , un d�cret qui �tablissait, outre lesnbsp;�coles primaires , trois degr�s d�enseigne-mens ; c��tait revenir aux projets de i�as-sembl�e constituante. Les r�volutionuairesnbsp;voulurent faire raporter cette decision,nbsp;comme contraire a T�galit� , ef^ la loi quinbsp;ordonnait une education commune ; maisnbsp;cette fois ils eurent Ie dessous. Par cenbsp;m�me d�cret les coll�ges de plein exercice ,nbsp;les facult�s de th�ologie , de m�decine , desnbsp;arts et de droit furent supprim�es.
Ces faits montrent assez ce qu��tait alors la convention j divis�e en deux partis qui,nbsp;sous les m�mes dehors , marcliaient a desnbsp;buts contraires : Pun, compose d�hommesnbsp;ignorans et f�roces, dominait par la force ;nbsp;l�autre plus �clair� , se soutenait par 1�a-dresse. Les premiers , possesseurs inquielsnbsp;d�un pouvoir absolu, et decides a toutnbsp;perdre poor le garder , s�efforcaieiit d�a-n�antir les talens et les lumi�res qui leurnbsp;fesaient sentir leur humiliante inf�riorit�.nbsp;Les autres , tenant le m�me langnge,
1
-ocr page 55-agissaient dans un sens oppose ; ils sau-vaient les Sciences et les Arts , en les couvrant du manteau de leurs ennemis.nbsp;Mais obliges, poui' conserver leur influence,nbsp;de ne jamais se montrer a d�couvert , ilsnbsp;n�eroployaient leurs moyens qu�avec unenbsp;extreme r�serve ; et ce rapprochement ex-plique h'la fois Ie bien qu�ils ont fait, Ienbsp;mal qu�ils ont eaip�ch� , et les malheursnbsp;qu�ils ii�ont pas pu pr�yenir.
La France touchait a sa pertej Lan.drecies, Ie Quesnoy , Cond� , Valenciennes �talentnbsp;au pouvoir dc Tennemi j Toulon s��tait livr�nbsp;aux Anglais ; des flottes nombreuses tenaientnbsp;la mer et effectuaient des d�barquemens,nbsp;Au-dedans , la famine et la terreur j la Vend�e , Lyon, Marseille en �tat de r�volte.nbsp;Point d�armes, point de poudre , aucun alli�nbsp;qui put OU qui voulut en fournir 5 et, pournbsp;toute ressource , un gouvernement anarchi-que , saus plan , sans moyens de defense,nbsp;habile seulement a pers�cuter. Tont annon-cait que la r�publiqne allait p�rir avantnbsp;d�avoir eu une armee d�existence.
Dans cette extr�mit� on appela au comit� de salut public deux nouveaux membres ,nbsp;que Ton chargea dc la par tie militaire.
-ocr page 56-lis organis�rent les arm�es, congurent �es plans de campagne, pr�par�rent les ap-provisioiinemens.
II fallait armer neuf cent mille hommes ; et, ce qui �tait plus difficile, il fallait persuader la possibiiit� de ce prodige a un peu-ple m�fiant, toujonrs pret a crier �. la trahi-son. Pour cela les anciennes manufacturesnbsp;jn��taient rien; plusieurs , situ�es sur lesnbsp;Ifonti�res, �taient envahies par l�ennemi.nbsp;On les recr�a par-tout avec une activit� jus-qu�alors inconnue. Des savans furent charg�s de d�crire et de simplifier leurs proc�d�s 5 la fonte des cloches donna tout Ie cui-vre n�cessaire. L�acier manqnait, on n�ennbsp;pouvait tirer du dehors, i�art de Ie faire �taitnbsp;ignore ; on demanda aux savans de Ie cr�er,nbsp;ils y parvinrent ; et cette partie de ia d�-fense publique devin� ind�pendante de l��-tranger.
Les besoins de la guerre avaient fait sentir, de la mani�re la plus pressante , la n�cessit�nbsp;d�avoir Une bonne topographie , et Finsuffi-sance des cartes que Pon poss�dait. Mieuxnbsp;instruit par l�exp�rience , on rappela auxnbsp;arm�es les ing�nieurs g�ographes qne l�as-sembl�e constituante avait supprim�s 5 et
quoiqu�ils
-ocr page 57-quoiqii�ils n�aient pas pu, dans ces premiers inomens, dormer a leurs travaux l��tenduenbsp;et Ie d�tail n�cessaires , ils ont cependantnbsp;pr�par� les grands r�sultats ohterms depuisnbsp;dans cette partie. Rien n�est plus ais� quenbsp;de d�truire j rien n�est si difficile, et sur-tont si long, que de r��difier.
On eut �galement la sagesse de conserver a leurs fonctions , les �l�ves et les Ing�nieursnbsp;des travaux civilsqui se trouvaient dans l�agenbsp;de la requisition. Quelque besoin que l�onnbsp;eut de d�fenseurs , on sentait qu�il faut dixnbsp;ans d��tude pour faire un ing�nieur , tan-dis que la sant� et Ie courage suffisent pournbsp;cr�er un soldat. Cette �poque d�sastreusenbsp;offre des exeniples de prudence et d�habilit�,nbsp;que l�on n�a pas toujours imit�s dans desnbsp;tems plus tranquilles.
Les Sciences venaient de rendre de grands services, on les calomnia ; ceux qui lesnbsp;avaient ernploy�es furent oblig�s de les d�-fendre, et Ie firent avec courage, Une cir-Constance , aussi impr�vue que singuli�re ,nbsp;acheva de faire rechercfi�r leurs secours,
Un officier arrive au comit� de salut pu-filic ; il annonce que les arm�es sont en pr�sence , mais qu�on n�ose envoyer Ienbsp;soldat au feu paree que les eaux-de-vie
� nbsp;nbsp;nbsp;4
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sont empoisonn�es j des malades en ont bu dans les h�pitaux, et sont inorts. II prienbsp;Ie comit� de les faire examiner, lui de-inande des ordres sur eet objet, et reut re-partir a 1�instant.
On fait assembler aussit�tles plus habiles ebimistesj on leur ordonne d�analyser lesnbsp;eaux-de-vie , et d�indiquer , dans Ie jour ,nbsp;Ie poison et Ie rem�de.
Ces savans travaillent sans relache, seuls , et ne se liant qu�^ eux-m�mes pour les plusnbsp;petits d�tails; a peine leur laisse-t-on Ie temsnbsp;d�acliever leurs operations. Ils arrivent aunbsp;comit� de salut public, Robespierre pr�si-dait.
Ils annoncent que les eaux-de-vie ne sont point empoisonn�es; qu�on y a seulementnbsp;ajout� de Peau dans laquelle se trouve denbsp;l�ardoise en suspension , en sorte qu�il suffitnbsp;de les liltrer pour leur �ter toutes leurs pro-pri�t�s nuisibles.
Robeamp;pierre , qui esp�rait une trahison , demande aux commissaires s�ils sont biennbsp;surs de ce qu�ils viennent d�avancer. Pournbsp;toute r�ponse , un d�eux fait apporter unnbsp;filtre , y passe la liqueur , et n�h�site pasnbsp;a en boire : tous les autres suivent sonnbsp;exemple. Comment, lui dit Robespierre ,
-ocr page 59-oscz vous boire de ces eaux empoisonn�es ? J�ai bien os� davantage, r�pondit-il ,nbsp;quand j�ai nns mon nom au bas du rapport,
Ce service , qnolque peu important par lui-rn�me , aclieva de faire concevoir l�uti-lit� des savans : on en appela un plus grandnbsp;nombre p/�s du comit� do salut public. Lanbsp;jls �taient a l�abri des d�nonciateurs subal-ternes, dont la France �tait peupl�e. N�ayantnbsp;de relations qu�avec les membres charg�snbsp;de la parfie militaire , qui cherchait a lesnbsp;sauver , ils pouvaient , en gardant Ie silence , �chapper aux regards soupconnenxnbsp;des tyrans. II n�y avait alors qu�une seulenbsp;ressource pour Ie m�rite et la vertu : cacher
sa vie et se faire oublier. O Lavoisier , Bailly , Condorcet, pourquoi n�eutes-vousnbsp;pas ce bonheur ? R�unis aujourd�hui a ceuxnbsp;de vos amis qu�une sage obscur it� a sauv�s,nbsp;vous jouiriez comme eux de la gloire denbsp;la France , dont vous feriez Fornement.
D�ja , a 1��poque dont nous parlons , Bailly n��tait plus. Ses vertus , ses talens ,nbsp;son nom c�l�bre dans toute l�Europe , lanbsp;raani�re noble et courae;euse dont il avaitnbsp;pr�sid� a la naissance de la libert� fran-qaise 5 en un mot, tont ce qni attire 1�estime
II
-ocr page 60-et Ie respect des hommes , f�t une barri�re inutile contre la rage f�roce qui Ie poursuirait. II mourutj et les d�tails de sonnbsp;supplice furent all'reux.
Au milieu de cette sanglante persecution , tous les moyens de defense sortirent de l�atelier obscur ou Ie g�nie des Sciencesnbsp;s��tait retire.
La poudre �tait ce qui pressait Ie plus : Ie soldat allait en manqtier. Les arsenauxnbsp;�taieiit vides. On asseiiibla la r�gie pournbsp;savoir ce qu�elle pourrait fairq,. Elle d�-clara que ses produits annuels s��levaientnbsp;�i trois inilHons de livres 5 qu�ils avaientnbsp;pour base du salp�tre tir� de i�Inde 5 quenbsp;desencouragemensextraordinairespouvaientnbsp;les portee a cinq millions ; mais qu�on nenbsp;devait rien esp�rer de plus. Lorsque les membres du comit� de salut public annonc�rentnbsp;aux administrateurs , qu�il fallait fabriquernbsp;diX'Sept millions de poudre dans l�espace denbsp;quelques mois, ceux-ci rest�rent interdits :nbsp;si vous y parvenez, dirent-ils , vous avez desnbsp;moyens que nous ignorons.
C��tait cependant Ia seule voie de salut. On ne pouvait soriger atx salp�tre de l�Inde ,nbsp;puisque la mer �tait ferm�e. Les savans of-frireiit d�extraire tout du sol de la r�pu-
-ocr page 61-bliqtie. Une requisition g�n�rale appela a ce travail , I�universaiite des citoyens. Unenbsp;instruction courte et simple , r�pandue avecnbsp;line inconcevable activit� , fit , d�un art difficile , une pratique vulgaire. Toutes le�nbsp;deraeures des hommes et des animaux fu-rent fouill�es. On chercha Ie salp�tre jus-ques dans les ruines de Lyon j et Ton dutnbsp;recueillir la soude dans les for�ts incendi�esnbsp;de la Vendee.
Les r�sultats de ce grand mouvement eussent �t� inutiles, si les Sciences ne lesnbsp;eussent secondes par de nouveaux efforts.nbsp;Le salp�tre brut n�est pas propre a fairenbsp;de la poudre j il est m�l� de seis et de terres,nbsp;qui le rendent huinide , et diminuent sonnbsp;activit�. Les proc�d�s employ�s pour lenbsp;purifier , deinandaient beaucoup de tems.nbsp;La seule construction des moulins a poudrenbsp;eut exig� plusieurs mois : avant ce terme ,nbsp;la France �tait snbjugu�e. La chymie in-venta dos moyens nouveaux pour rafiner etnbsp;s�cher le salp�tre en quelques jours. On sup-pl�a aux moulins , en faisaut tourner parnbsp;des hommes , des tonneaux ou le charboii,nbsp;le souffre et le salp�tre pulverises, �taientnbsp;m�l�s avec des boules de culvre. Par cenbsp;moyen la poudre se fit en douze heures.
-ocr page 62-Ainsi se v�rifia cetfe assertion hardie d�un inembre du comit� de salut public : onnbsp;raontrera la terre salp�tr�e , et cinq joursnbsp;apr�s on en chargera le canon.
Les circonstances �taient favorables pour fixer dans toute leur perfection , les seulsnbsp;ro'ts qai occupaient la France. Des citoyensnbsp;de tons les departeiriens furent envoyes anbsp;Paris, pour s�instruire dans la fabricationnbsp;des armes et du salp�tre. On fit sur cat objetnbsp;dcs cours rapides , que Ton, appela r�volu-lionnalres. Ils contribu�rent peu au mouvement general qui avail sauve la r�publique ;nbsp;inais ils eurent un.effet non moins important;nbsp;celui de rnettre eri evidence I�etonnante fa-cllite des Irangais pour apprendre les sciencesnbsp;ct les arts. Heureux don qui forme un desnbsp;plus beaux traits du caract�re de la nation, etnbsp;qui devait, qnelques instans plus tard , lesnbsp;retire!� de la barbarie.
Malgre tant de services rendus par les sciences , les savans n��taient pas moins persecutes ; les plus c�l�bres �taient les plus expos�s. Lo v�n�rable d�Aubenton n��chappanbsp;a la proscription, que paree qu�ayant com-pos� un ouvrage sur I�amelioration des trou-peaux, on le prit pour un simple berger.nbsp;Cousin , qui avail �t� moins heureux,
-ocr page 63-composait dans sa prison des onvrages de geometrie , et donnait des lemons de physique �. ses compagnons d�ini'ortune-.
Lavoisier avait �t� aussi arr�t� ; il f'alsait partie de la commission des poids et mesmes : on crut que ce litre pourrait Ienbsp;faire mettre en requisition par Ie comit�nbsp;de salut public, et Ie rendre a la libert�.nbsp;Pes d�marches furent fakes dans cette intention ; mais c��talt mal connaitre l�espritnbsp;du moment. Elles mirent en evidence lanbsp;commission de Facad�mie , a laquelle onnbsp;ne songeait plus ; on la cassa cornme suspecte j et on laissa Lavoisier en prison. Peunbsp;de tems apr�s , eet homme illustre fut conduit a F�chaffaud. II vivrait encore si onnbsp;eut agi sur Favidit� des tyrans, plut�t quenbsp;de s�adresser a leur justice.
Ceux m�mes que les besoins indispensables de la guerre avaient fait appelen aupr�s dunbsp;comit� , n��chappaient k la mort qu�en senbsp;cachant dans Ie silence de leurs travaux,nbsp;Parler ou m�ine penser sur Ie gonverne-inent, c��tait conspirer. Que pouvaient desnbsp;hommes qu�un mot conduisait a 1��chaf-faud r Et combienn�y aurait-il pas d�injustic�nbsp;a les rendre responsables de ce qu�iis n�ontnbsp;pu emp�clier ?
-ocr page 64-Vers cette �poque , quelques membres de la Convention appel�rent la discussionnbsp;sur rinstrnction publique , et demand�rentnbsp;fortement qu�on organisat les �coles pri-maires. Le parti r�volutionnaire s�y opposa.nbsp;II ne voyait dans les sciences, qu�un poison,nbsp;qui �nerve les r�publiques. Les plus bellesnbsp;�coles �taient les s�ances publiques des d�-partemens et des soci�t�s populaires. Desnbsp;bommes tr�s-�clair�s , sans employer lenbsp;rn�me langage , parl�rent dans le m�menbsp;sens. Plus politiques que les premiers , ilsnbsp;sentaient que le bien �tait impossible; etnbsp;qu�en Youlant le faire, on exposait auxnbsp;plus grands dangers le petit nombre d�hom^nbsp;mes instruits que la France poss�dait encore.
On fit sous ce rapport tont ce que les circonstances perrnettaient. On cr�a unenbsp;�cole militaire, on des jeunes gens de tousnbsp;les d�partemens devaient �tre exerc�s aunbsp;maniement des armes et a la vie des camps :nbsp;ce fut PEcoie de Mars. Son but n��tait pas denbsp;former des officiers , mais des soldats instruits qui , r�pandus dans les arm�es fran-^aiscsjles rendissent bient�t les plus�clair�esnbsp;de FEurope, cornme elles �taient d�ja lesnbsp;plus aguerries. Le succ�s des cours r�volu-
-ocr page 65-tionnaires , relatifs aux poudres et salp�tre, avait fait concevoir la ppssibillt� de cettenbsp;instruction rapide, dont lesavantages �taientnbsp;alors si pr�cieux. On paria m�me d��tablirnbsp;sur ce plan , une �cole normale , o� lesnbsp;savans les plus distingu�s fbrmeraient desnbsp;professeurs, et donneraient des lemons surnbsp;Tart d�enseigner.
Ainsi, un petit nombre d�hommes , dont on a trop mal appr�ci� la conduite , retar-daient seuls , par de constans efforts , lesnbsp;progr�s de la barbarie , et luttaient de millenbsp;mani�res contre l�oppression que d�autresnbsp;se contentaient de supporter.
Enfin , Ie tr�ne sanglant que s��tait �lev� Robespierre , fut renvers� : l�esp�rancenbsp;succ�da a la terreur, et la victoire auxnbsp;revers.
Alors les sciences , sortant du foyer o� elles avaient �t� concentr�es et cacli�es ,nbsp;reparurent dans tout leur �clat, On con�nbsp;nut les fervices qu�elles avaient rendus ,nbsp;les dangers qui les avaient menac�es. II futnbsp;permis , � Condorcet , de savoir et de d�-plorer votre triste sort.
Le plan de campagne form� dans Ie comit� de salut public , avait oomplettement r�ussi.
-ocr page 66-Les arni�cs francalses s��talent port�es sur les derri�res de Tennerai , et menacant sanbsp;retraite , l�avaient force d�abandonner pr�ci-pitamment les places qu�il avait conquises :nbsp;on marchait de succ�s en succ�s sur sonnbsp;territoire.
Les sciences et les arts , ranim�s par Ia libert�, travaill�rent avec une activit� nouvelle a preparer les victoires au dehors , etnbsp;a r�parer les maux du dedans. Tout ce quenbsp;Ie g�nie, Ie travail et Factivit� peuvent cr�ernbsp;de ressources, fut employ� pour que lanbsp;France put seule se soutenir contre toutenbsp;l�Europe , et se suffire k elle-m�me tautnbsp;que dnrerait la guerre , fut elle �ternellenbsp;et terrible (i).
Les savans qni avaient op�r� de si gran-dss cboses , jouissaient d�un cr�dit sans hornes, On ii�ignorait pas que la r�publiquenbsp;leur dcvait son salut et son existence. Ilsnbsp;prolit�rent de eet instant de faveur , pournbsp;assurer a la France cette sup�riorit� de lu-ini�res qui i�avait fait triomplier de ses en-nemis. Telle fut 1�origine cle l��cole Poly-techriique : les faits parlaient trop bant alorsnbsp;pour que Ton put mettre en doute Futilit�nbsp;des sciences et des arts.
-ocr page 67-Cet �tablissement avait un triple but; former ties ing�nieurs pour les diff�rens services; r�pandre dans la soci�t� civile desnbsp;hommes �clair�s ; exciter les talens quinbsp;]gt;ourraient avancer les sciences : riennefutnbsp;cpargn� pour remplir cette importante destination.
II �tait tems en effet de r�organiser l�ins-truction des corps destines aux services publics; la plupart en raariquaient enti�rement. Quelques-uns avaient, a la v�rit�, des �colesnbsp;particuli�res; mais Fenseignement y �taitnbsp;faible etincomplet. Celle du g�nie militaire ,nbsp;la inleux dirig�e de toutes , avait suspendunbsp;ses exercices par suite de Ia revolution.nbsp;On avait �t� r�duit a former une �cole provisoire , OU Fori donnait rapidernent auxnbsp;�l�ves , les premi�res notions de Fattaquenbsp;et de la d�feiise des places; apr�s quoi,nbsp;on les envoyait aux arm�es.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n
De pareilles institutions ne r�pondaient, nl aux besolns de FEtat ni a sa gloire.nbsp;Leur falblesse devait �tre sur-tout sentienbsp;par des hommes habitu�s aux id��s g�n�rales , et dont la revolution avait encorenbsp;exalte les esprits et aggrandi les vues. Cesnbsp;hommes voulurent que la nouvelle �colenbsp;des trayaux publics, fut digne en tout d�
-ocr page 68-Ia nation � laquelle elle �tait destines. Leur plan fut vaste dans son objet, maisnbsp;simple dans son execution , et s�.r dans sesnbsp;r�sultats.
IIs virent que la science d�un bon ing�nieur se compose de notions g�n�rales, communes a tous les genres de service ,nbsp;et de d�tails pratiques propres k chacunnbsp;d�eux. Parmi les premi�res et an premiernbsp;rang, sont les math�matlques �lev�es quinbsp;donnent de la tenue et de Ia sagacit� k l�es-prit. Yiennent ensuite les grandes theoriesnbsp;de la chiraie et de la physique. Celles-ci,nbsp;fond�es sur des d�finitions moins rigou-xeuses, mais proc�dant corame les math�-'nbsp;matiques , d�veloppent cette sorte de tactnbsp;qui sert a interroger la nature , et montrentnbsp;les ressources qu�elle peut fournir. Enfin,nbsp;on doit y comprendre les principes g�n�rauxnbsp;de toutes les esp�ces de construction , dontnbsp;la connaissance est n�cessaire pour rendrenbsp;l�ing�nieur ind�pendant des circonstancesnbsp;et des localit�s. On eut done , dans la nouvelle �cole des cours de math�matlquesnbsp;pures et appliqu�es , des leqons de geometrie descriptive, de fortification , de dessinnbsp;et d�architecture civile , navale et militaire.
-ocr page 69-Quand aux d�tails pratiques , on les renvoya aux anciennes �coles �, qn�on laissanbsp;subsister , en elevant toutef'ois leur ensei-gnement. On r�tablit le corj s des ing�nieurs g�ograplies : on cr�a une �cole desnbsp;mines, par ce moyen les besoins du service �taient assures, quelque fut le succ�snbsp;du nouveau plan : r�serve bien sage et quenbsp;Ton aurait du toujours imiter.
II y avait encore bien loin de la conception de ce projet a son execution. C��tait peu d�avoir clioisi les professeurs parmi lesnbsp;premiers savans de I�Europe , si Ton nenbsp;fixait leur leqon dans les esprits. Nenbsp;pouvant se communiquer a cbaque �l�venbsp;en particulier , ils avaient besoin d�agensnbsp;qui transmissent leurs actions k cettenbsp;nombreuse jeunesse , et qui fussent ennbsp;quelqtie sorte les nerfs de ce corps : lesnbsp;former fut le premier objet dont on s�oc-cupa.
Parmi les jeunes gens qui s��taient pr�-sent�s au concours, on en clioisit vingt des plus distingu�s. On leur donna desins-trumens de physique , un laboratoire denbsp;cliiinie , et on les exerga sans relache surnbsp;toucesles parties du plan qu�il s�agissait d�ex�-
-ocr page 70-cuter. Ces �l�ves , sortis pour la plupart des �coles de service public , sentaient l�in.nbsp;suffisance de Finstruction qu�on y donnalt.nbsp;Avides de savoir , ils s�enflainm�rent parnbsp;la presence des hommes c�l�bres qui �taientnbsp;sans cesse avec eux. Les jours ne suffisalentnbsp;pas a leur z�le ; en trois mois ils furent ennbsp;�tat de remplir les fonctions qui leur �taientnbsp;destin�es.
Ce n��ta�t pas tout encore. Dans un tems oh 1�opinion et Ie pouvoir pouvaient variernbsp;d�un moment a l�autre , on lisquait beau-coup si l�on ne donnait d�abord h L�colenbsp;polytechnique , sa forme definitive. Lesnbsp;cr�ateurs de ce vaste pro jet , avaient vnnbsp;de trop pr�s la r�volution , pour ne pasnbsp;sentlr cette v�rit�, Mais aupiaravant , ilsnbsp;voulurent qu�un essai fait en grand , assu-rat leur m�thode , classat les �l�ves, etnbsp;montrat ce 'que l�on en pouvait attendre.nbsp;Ils d�velopp�rent done a leurs yeux , dansnbsp;des cours rapides, Ie plan g�n�ral de 1�lns-truction. On parcouruten trois mois la ma*nbsp;ti�re du travail de trois ann�es. Cette esp�cenbsp;d�existence au milieu des idees les plus sublimes qui aient occup� les hommes , ex-citait, dans ces ames neuves, un v�ritablonbsp;enthousiasme. C��tait un spectacle tou-
-ocr page 71-cliant, au milieu des divisions et des liaines que les partis avaient excit�es, de voir qiaatrenbsp;cents jeunes gens pleins de confiance etnbsp;d�amltl� les nns pour les autres , �coutantnbsp;avec une attention profonde , les savansnbsp;illustres que la mort avait �pargn�s.
Les r�sultats d�une si grande experience, surpass�rent toutes les esp�rances que l�onnbsp;en avait conques.
Apr�s cette instruction pr�liminaire , les �l�ves furent r�partis en brigades , etnbsp;l�enseignement prit la marche qu�il devaitnbsp;toujours conserver.
On avait tout fait pour l��coie polytech-nique ; mais son sort d�pendait d�un �l�ment alors plus incertain que les vents et les flots : c��tait Ie tems. II ne fallait qu�unnbsp;moment d�orage pour renverser ce fanalnbsp;dress� aux sciences et replonger la Francenbsp;dans les t�n�bres. On voulut qu�une vastenbsp;colonne de lumi�re sortit tout-a-coup dunbsp;milieu de ce pays desol�, et s��lev�t sinbsp;haut, que son �clat immense put couvrirnbsp;la France enti�re , et �clairer l�avenir-
On a conserve , avec un respect religieux, les noms de ces hommes dont l�existcncenbsp;se perd dans la nuit de� tems, et qui s��-
-ocr page 72-levant par leur g�nie au-dessus d�un si�cle tarbare , civilis�rent les peuples , en. leurnbsp;donnant les lettres , les sciences et les arts.nbsp;Telle fut a la lln du i8.e si�cle , la mission qu�eurent a remplir les illustres restesnbsp;du g�nie frangais. Depuis Tart de la parole qui r�unit les hommes en soci�t� , jus-qu�a ces meditations profondes d�ou sortentnbsp;les loix g�n�rales de la nature , il fallut toutnbsp;rapprendre , tout recr�er; mais ce qui autrefois ne s��tait op�r� que par la forcenbsp;lente et irresistible du tems , fut dans l�es-pace de quelques mois, connu, entreprisnbsp;et execute.
L��cole normale , car on sent assez que c�est d�elle que nous parlons ici, telle quenbsp;Ie comit� de salut public l�avait con^ue ,nbsp;devait durer plusieurs ann�es , et memenbsp;devenir permanente , si Ie succ�s repondaitnbsp;aux esp�rances que Fon s�en �tait form�es.nbsp;Les professeurs furentdans tous les genres^nbsp;les hommes les plus c�l�bres de la France jnbsp;et il faut Ie dire , a la gloire de notre pa-trie , malgr� tant de malheurs qu�elle avaitnbsp;�prouv�s , c��tait aussi les plus savans hommes de FEurope. On la composa de 1200nbsp;�l�ves pay�s par F�tat. Noinbre immense,nbsp;si Fon regarde les d�penses qui devaient
en revSnlter; mais a peine suffisant, si Ton consld�re quel point l�ignorance s��taitnbsp;accrue, et combien ii failait se hater d�ar-racherla France a )a baibarie. Ce peoplenbsp;qui avait vu et resseuti , en peu d�ann�es ,nbsp;toutes les secousses de Tliistoire ^ �tait de-venu insensible aux impressions lentes etnbsp;jnocl�r�es ; il ne pouvait �tre report� auxnbsp;travaux des sciences que par une main denbsp;g�ant, C��tait en lui montrant des secoursnbsp;pour la guerre , qu�on devait Ie raiuenernbsp;aux arts de la paix.
L��cole normale offrit Ie premier exemple de lecons orales donn�es en m�me-tems surnbsp;touteslesparties des connaissances humainesnbsp;Des st�nographes recueiilaient ces legonsnbsp;qui sur-le-champ multipli�es par l�impressionnbsp;se propageaient dans tous les points de lanbsp;France avec une inconcevable activit�. Onnbsp;apprit enfin la veritable niani�re d�enseignernbsp;les sciences|j on connut, pour la premi�renbsp;fois , la m�taphysique de leurs principes.nbsp;Elles parurent a tous les yeux comme unnbsp;temple antique , que visitent les voyageursjnbsp;mais qui reste ignore aux liabitans des chaU'-mi�res qui l�environnent, jusqu��. ce qu�unenbsp;main puissante vienne en d�gager la route,
et relever les ruines qui en obstruaiont
5
I�entr�e: c��tait faire pour leur enseigne-ment , ce que Galilee , Bacon et Descartes avaient fait pour leurs progr�s. Quand i��-cole normale, n�aurait eu que ce seul r�-sultat , son existence eut �t� un bienfait : lanbsp;hauteur a laquelle les sciences sont paive-nues est immense. La v�rit� nait mainte-nant au-dessus des nuages qui arr�tent lesnbsp;regards du vulgaire : elle plane long-temsnbsp;dans ces regions �lev�es , avant de des-cendre vers Ie commun des hommes j etnbsp;que d�obstacles n�a-t-elle pas a vaincre pournbsp;erriver jusqu�a eux.
Un �tablissement si vaste ne pouvait sub-Sister long-tems / des causes multipli�es, vinrent hdter sa ruine; mais l�impulsionnbsp;�tait donn�e , et sa destin�e �tait remplieJ
Le comit� de saint public avait con^u l��cole normale. Ce fut le comit� d�instmc-tion publique que l�on chargea de l�orga-niser et de la diriger : de - ld le manquenbsp;absolu de plan , les oppositions sans cessenbsp;renaissantes , le d�faut de force et de te-uue. Le comit� d�instruction publique , knbsp;Bon tour, se d�chargea sur deux de sesnbsp;membres , du soin qui lui �tait confi�. Anbsp;peine investis de cette nouvelle autorit� ,nbsp;ils devinrent un objct de jalousie. L��cole
-ocr page 75-normale ne fut plus que leur affaire par-ticuli�re ; et par Teffet de cette rivalit�, toute rinfluence qui aurait a peine suffinbsp;pour la soutenir, se reunit pour la reuverser.
A cette cause s�en joignit une autre. Lorsque les �l�ves furent convoques , lanbsp;France sortait a peine de dessous lahachenbsp;de Robespierre. Les agens de cette tyrannic �taient par-tout en horreur j raais I�ef-froi qu�ils avaient inspire , joint h la craintenbsp;que Ton avalt du retour de leur puissance ,nbsp;leur conservait un reste de credit. Us ennbsp;profitaient pour saisir les occasions de s�e-loigner des lieux oh ils avaient exercenbsp;leurs vexations. Plusieurs se firent nom-mer �l�ves de I�ecole normale. Ils y por-t�rent , avec Fignorance qui leur �taitnbsp;propre , la haine , la ra�fiance et Ie m�prisnbsp;qui les suivalt par tout. A c�t� d�eux, senbsp;trouvaient des hommes pleins de sagessenbsp;de talens et de lumi�rcs j des hommesnbsp;dont Ie nom �tait c�l�bre dans toute FEu-rope; mais Ie respect dont ceux-ci �taientnbsp;rev�tus , ne put enyelopper les autres jnbsp;1�envie s�empara de ce pr�texte ; la mal-veillance Fexagera, et F�cole normale fut
supprira�e.
Cependant la plus helle partie de cette ins-
tit�tion , Pesprit qui Pavait anirn�e, subsists dans Ie recueil de ses s�ances. Cet ou-vrage , en rendant �l�mentaires des m�thodes r�serv�es jusqu�alors aux savans,nbsp;�carta les notions imparfaites et vaguesnbsp;que i�on avait coutume d�y substituer. Desnbsp;�crivains distingu�s, des professeurs habiles,nbsp;r�pandirent cette seraence f�conde , et lanbsp;m�thode philosophique ainsi popularis�e,nbsp;changea pour toujours, la face de Pen-seignement.
C�est sur-tout dans la physique et les ma-th�matiques que cette am�boration s�est fait eentir d�une mani� re remarquable. L�his-toire naturelle et Ia chimie en ont aussinbsp;retir� des avantages , mais ils devaient �trenbsp;moins importans. Ces sciences nouvelles,nbsp;et propres en quelque fa^on au iS.esi�ccle,nbsp;evaient pris d�abord son caract�re philosophique : elles �taient par cons�quent mieuxnbsp;enseign�es. II n�en �tait pas de m�me desnbsp;deux autres. Jamais la th�orie , de la structure des cristaux, celle de la propagationnbsp;du son et de la chaleur, celle de P�lectri-cit� et du magn�tisme , n�avaient �t� sinbsp;clairement et sur-tout si exactement expli-qu�es. Jamais les �l�mens des math�matiquesnbsp;n�avaient �t� pi�sent�s d�une mani�re plug
-ocr page 77-simple , plus precise , plus d�gag�e de ces idees in�xactes dont une fausse m�thaphi-sique les enveloppait, Jamais enfin les grandsnbsp;r�sultats ducalcul des probabilit�s n�avaientnbsp;�t� expos�s avec autant de clart� et d��lo'nbsp;quence. Telle est Ia cause de Tenthou-siasme que ces leQons ont excit�es, et denbsp;Tinfluence qu�elles ont eue. Le g�nie re-garde de haut j il voit ais�ment des rapports inconnus aux yeux ordinaires j etnbsp;lorsqu�il les �i�ye dans sa sph�re , en ag-grandissant leur vue , Ia sirnplicit� danbsp;spectacle qu�ils d�couvrent , les frappenbsp;d��tonnement et d�admiration.
Les desseins que Ton avait eus, en �ta-blissant l��cole normale^ pouvaient ais�ment se leporter a F�cole polytechnique, il suf-fisait de maintenir et de completter le genrenbsp;d�instruction qui s�y �tait �tabli. Ce plannbsp;offrait les plus grands avantages et un succes certain. Mais k cette �poque, les sa-vans devenus moins n�cessaires, avaientnbsp;d� ja perdu une partie de leur cr�dit : onnbsp;souffrait encore leurs conseils , on ne lesnbsp;laissait plus fibres d�ei�cuter. En vain es-say�rent-ils de d�velopper les grandes vuesnbsp;qu�il les dirigeaient. Leurs plans furent trait�s de chiin�riques. Une faible d�pense
-ocr page 78-pr�sente ne put �tre balanc�e par l�espoir assure d�un immense avantage. Au lieu d��-Jever reiiseigiiement de i��cole polytecK-nique , on Tabaissa ; Ie nombre de sesnbsp;�l�ves fut dimiau� , ce lt;pui obiigea de s�as-surer de leur travail par des r�glernens plusnbsp;s�v�r�s. Ce ne fut plus un �tablissementnbsp;libre , anim� par I�enthousiasme de Fotude,nbsp;et consacr� au perfectionnement des sciencesnbsp;et des arts , ce fut une �cole ou Fon formanbsp;des ing�ni�urs. Elle ne cessa point d��trenbsp;�tile , et ni�me n�cessaire ; mais Ie genre ,nbsp;et sur-tout Ie d�gr� de son utilit� , futnbsp;change. On a procligu� si souvent les tr�-sors , pour asservir ou pour tromper lesnbsp;hommes : fallait-il done �tre avare quandnbsp;il s�agissait de les �clairer ? et quellenbsp;bonteuse parcimonie que celle qui s'attachenbsp;a dess�cher les sources oii se nourrit Fes-prit huraain!
Mais Ie feu des sciences �tait rallum� dans trop de foyers ; il brillait par tout d�un tropnbsp;vif �clat, pour �tre �touff� en un momentnbsp;sous Ie pouvoir passager de Fignorance. Lesnbsp;mains qui avaient reconstruit F�difice desnbsp;connaissances humaines , s'�taient d�abordnbsp;empress�es de relcver ses respectables debris. Tandis que de nouveauxctabllssemens
-ocr page 79-d�instruction naissaient de toutes parts , ceux qui avaient langui pendant la revolution gt; �taient d�ja ranim�s j d�autresnbsp;que la terreur avait renvers�s, �taient d�jinbsp;retablis sur des plans plus vastes et desnbsp;fondemens plus solides : on s��tait efforc�nbsp;de rendre au moins les bienfaits durables ,nbsp;car on savait que la reconnaissance ne de-vait pas �tre �ternelle.
De toutes les institutions anciennes , celle qui rec^ut Ie plus d�accroissement, fut Ienbsp;Mus�um d�histoire naturelle. Cet �tablissement , consacr� dans l�origine alaculture desnbsp;plantes m�dicinales , n�offrait que des coursnbsp;destines k en faciliter la connaissance ,nbsp;OU a en indiquer les applications, Devenu ,nbsp;par Ia renommee de Buffon et les soinsnbsp;de Daubenton, Ie d�pot general de toutenbsp;riaistoire naturelle, il avait vu s�accroitronbsp;ses ricliesses plus encore que son utilit�,nbsp;A la revolution il s��tait trouv� prot�g� parnbsp;cette sorte de respect qu�ont les hommesnbsp;les plus grossiers pour les productions denbsp;la nature , dont iis reqoivent ou dont ilsnbsp;attendent des soulaaemens a leurs maux.nbsp;II avait m�me �t� constamment d�fendu parnbsp;les administrations r�volutionnaires , quinbsp;Vavaient dans leur d�pendance. Le regar-
-ocr page 80-dant en qnelque sorte comrae leur pro-pri�f� particuliere , eiles mettaient de 1�or-gueii a Ie conserver , et atiraient infaillible-ment fait r�volter les Iiabitans du faubourg qui I�environne , si on eut cssay� de luinbsp;porter aiteinte. Ces circunstances singu-li�res, jointes ^ Ia grande union des pro-fesseurs avaient maintenu ce bel �tablissement dans un �tat sinon croissant du moinsnbsp;.stationnaire. A la renaissance de l�ordre,nbsp;On songea a lui donner rexteiision qu�ilnbsp;pouvait acqu�rir , et qui avait �t� d�janbsp;projett�e et ordonn�e au milieu m�nte dcnbsp;la terreur. On. aggrandit Ie jardin de bota-nique j on doubla T�tendue du terrein destine a r�tablissement } une menagerie futnbsp;form�e j de nouvelles serres, de nouvellesnbsp;galeries s��lev�rent j on conlirma Taddition.nbsp;des nouveaux professeurs; tontes les d�pensesnbsp;n�cessaires lurent faites avec magnificence.nbsp;Ainsi, dans Ie in�me lieu ou toutes les productions duglobe setronr'aient r�unies, l�his-toire naturelle fut pour lapremi�re foisensei-gn�e dans son ensemble; et ces cours de-venus c�l�bres par l��clat de5 faits qu�on ynbsp;expose, Ie nombre des �l�vesqui los fr�quen-tent, et les grands onvrages dont ils ont �t� Ianbsp;cause ou Ie motif, ont fait du mus�um d�his-
-ocr page 81-toire naturelle, nn des premiers �tablissemens d�instruction aui existent en Europe.
Un autre non moins important par son Titilit� , mais plus vaste dans son objet , Ienbsp;coll�ge de France avail aussi surv�cu a lanbsp;revolution , et reprenait ses exercices. Hnbsp;n e devait sa conservation ni k son antiquenbsp;c�l�brit� , ni aux talens des professeurs quinbsp;Ie composaient. N�ayant point de riches collections qui pussent attirer les regards ,nbsp;point de biens particuliers qui pnssent tenter l�avidit� , il fut simpleoient oubli� parnbsp;les r�volutionnaires , et dut son salut anbsp;leur ignorance. Les professeurs partag�rentnbsp;riionorable persecution qui s�attachait alorsnbsp;a tout ce qui avait un m�rite reconnu 5 maisnbsp;s�ilsn��chapp�rent pas tons a Ia captivit�, dunbsp;moins aucun ne perdit la vie. Enfin, lors-que des tems plus calmes permirent a lanbsp;vertu de se montrer , et aux talens denbsp;reparaitre , ils revinrent dans cette �cole ,nbsp;illustr�e par leurs travaux et ceux de leursnbsp;pr�d�cesseurs j ils y reprirent leurs hono-rables fonctions , sans s�informer du sortnbsp;qu�on leur r�servaitj seulement anira�sparnbsp;Ie besoin et, si Fon peut s�exprimer ainsi,nbsp;�par Fhabitude d��tre utiles. Mais bient�tnbsp;Fappui du gouvernement et la consideration
-ocr page 82-publique , vinrent r�coinpenser leur z�le* Le coll�ge de France est aujourd�huinbsp;chez nous , et peut-�tre dans le reste denbsp;l�Europe , le seul �tablissement o� l�on pro*nbsp;fesse , dans toute leur �tendue , I�enseniblenbsp;xles connaissances humaines. Son but est denbsp;r�pandre sans cesse les notions �lev�es desnbsp;sciences; de maintenir, de preparer les pro-gr�s de la lltt�rature , soit en conscryantnbsp;le go�t et la pureta dee auteurs anciens ,nbsp;soit en faisant briller l�ordre , F�dat et lanbsp;ricliesse des modernes. Son devoir est d�etrenbsp;sans cesse a la t�tede tons les �tablissemensnbsp;d�instruction publique, pour agiter devant euxnbsp;ie flambeau des lumi�res , les guider et lesnbsp;en trainer.
Par une de ces bizarreries inexplicables dont la revolution n�a offert que tropnbsp;d�exemples , les �coles de M�decine avaientnbsp;�t� suppriin�es, � T�poque ou leur servicenbsp;devenait le plus n�cessaire , pour fournirnbsp;�. nos nombreuses arm�es les officiers denbsp;sant� dont elles avaient besoin. Leur r�ta-blissement fut un des premiers objets dontnbsp;on s�occupa , quand la tourmente qui availnbsp;agit� la France cornmen^a a s�appaiser.
Jusqu�a ces derniers temps , la m�decine et la chirurgie , separ�es i�une de 1�autre ,
-ocr page 83-se disputaient mutueilementla preeminence.
Toutes deux avaient leurs formes , leurs �coles particuli�res ^ elles semblaient s��trenbsp;divis� rhomanit� souiTrante , au lieu de senbsp;r�unir pour la soulager. De part etd�autrenbsp;les hom mes de m�rite m�prisaient ces inu-tiles distinctions , reste grossier des pr�-jug�s qui accompagnent l�enfance des sciences. 11b sentaient que 1�art de gu�rir doit com-prendre toutes les connaissances , tous lesnbsp;moyens qui peuvent contribuer k ses succ�sjnbsp;inais ces id��s �lev�es �taient combattuesnbsp;par les petits esprits , qui n��tant pasnbsp;capables de saisir des rapports g�n�raux,nbsp;attaclient toujours aux d�tails une grandenbsp;importance. La r�volution tertnina ces dis
pittes
en r�unissant les uns et les autres
dans les in�mes malheurs.
Lors du r�tablissement de Tinstruction publique , les �coles de sant�, fond�es surnbsp;les plans et par les conseils des hommes lesnbsp;plus �clair�s^ pr�sent�rent un ensemble d�en-*nbsp;seignement complet sur toutes les partiesnbsp;de Tart de gu�rir. La physique et la chi-mie , qui en font la base, s�y trouv�rentnbsp;naturellement comprises , et rien de ce quinbsp;peut y contribuer , dans l��tat actuel desnbsp;sciences, nefut oubli�. De-1^ sont d�jasortis
-ocr page 84-(ks professeurs habiles , des axiatomistes c�l�bres , �t une multitude d��l�ves dis-tingu�s , qui ont port� dans les arm�es etnbsp;dans toutes parties de la France , Ie coui�agenbsp;et Ie talentde leurs maitres.
Enfin , pour completter les moyens qui pouvaient contribuer au r�tablissement desnbsp;lurni�res, on songea a Torganisation denbsp;Fenseigueraent �l�mentaire Ie plus difficilenbsp;et Ie plus important lt;le tous j on adopta,nbsp;comme Tavaitfait TAsseinbl�e constituante ,nbsp;trois degr�s d�instruction publique , parnbsp;cons�quent trois sortes d�enseignemens j lesnbsp;�coles primaires , les �coles secondaires etnbsp;les �coles centrales. Ma�s les premi�res etnbsp;les derni�res furent les seules �tablies : Ianbsp;formation des autres fut d�abord n�glig�e ,nbsp;ensuite oubli�e , et enfin regard�e commenbsp;inutile ; on a trop vu depuis que eetnbsp;interm�diaire est indispensable pour liernbsp;les anneaux extr�mes de l�enseignement.nbsp;Le vulde qu�on avait d�abord laiss� entr�euxnbsp;n�a pas emp�ch� les �coles centrales denbsp;fournir un grand nombre d��i�ves , de pro�nbsp;duire d�exceilens iivres �l�mentaires, et denbsp;conserver pures a la jeunosse les sourcesnbsp;de l��ducatlon j mais il a affaibli leur forcenbsp;en �iendant la sph�re de leur aelivit� j et
-ocr page 85-cette cause , jointe aux entraves contt-nuelles que lesdivers partis leur ont oppo-s�es , a d� amener leur ruine.
Au reste, quelque forme que l�on donne a I�enseignement �l�mentaire dans lesnbsp;�coles publiques, il existe dans 1��tat actuelnbsp;des connaissances des conditions auxquellesnbsp;il doit satisfaire , si Ton veut qu�il soitnbsp;utile a leur progr�s.
La premi�re est que les sciences et les lettres s�y trouvent alli�es et reunies. On nenbsp;doit plus les s�parer dans leurs bases, lors-qu�elles sont confondues a leurs sommets. Cenbsp;sont les lettres qui ont donn� aux sciencesnbsp;l�eclat dont elles brillent aujourd�hui. Sansnbsp;les sciences la nation la plus lettr�e devien-drait faible et bient�t esclave; sans les lettresnbsp;la nation la plus savante retomberait dans lanbsp;barbaric.
II est�galement n�cessaire que les sciences soient enchain�es les unes aux autres. Cettenbsp;union fait leur force et leur v�ritable philo-pbie : elle seule a �t� la cause de tousnbsp;leurs progr�s.
II faut enfin que les professeurs soient guid�s et non pas asservis. Si tout est fix�nbsp;jusqu�aux moindres d�tails , il n�y a pinsnbsp;d��mulation : que l�objet de Tenseiguement
-ocr page 86-soit determine : que la forme g�nerale en soit r�gl�e ; qu�il soit dirig� par une reunion d�ho mm es �clair�s , mais que 1�instruc-tion publique soit -vivante ; que l�on cher4nbsp;che a exciter les esprits plut�t qu�a lesnbsp;enchainer. Ainsi, point de corporations en-seignantes; elles ressernblent a ces statuesnbsp;antiques qui servaient autrefois k guidernbsp;les voyageurs , et dont Ie doigt immobilenbsp;indique encore, apr�s des rnilliers d�an-n�es , des routes qui n�existent plus.
Sur-tout n�oublions pas que tien n�est parfait dans sa naissance. Le tems seulnbsp;amenera un bon plan d��ducation , lors-qu�on profitera des d�fauts indiqu�s parnbsp;l�exp�rience, pour corriger et non pournbsp;d�truire. Sans doute le plan sur lequelnbsp;furent �tablies les �coles centrales �taitnbsp;imparfait; mais r�unissez les plqs savantsnbsp;hommes de FEurope, chargez les d�organisernbsp;l�instruction publique , en leur laissant lanbsp;plus enti�re libert� j leurs plans seront vas-tes , briilants , solides , cependans ils aurontnbsp;hesoin d��tre modifies avec le tems. Lenbsp;tems est un levier qu�aucune puissance bu-maine ne peut suppleer. On ne fait pasnbsp;en un instant ce que vingt siecles n�ont punbsp;faire. Tachons done d�ara�liorcr jusqu�a ce
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que nous soyons sArs de remplacer avec avantage. Quoique l�ancienne educationnbsp;fut tr�s incompl�te , Ia destruction subite desnbsp;universit�s a �t� un grand mal ; n�imitonsnbsp;pas ceux que nous blainons , sur-tout dansnbsp;les torts qu�ils ont eus.
Voila les monnmens qu��lev�rent, dans l�espace de quelques mois , un petit nombrenbsp;de savants a peine �chapp�s aus ravagesnbsp;de la terreur. Que Ton parcoure les an-nales des peoples ; que l�on rassemble , s�ilnbsp;Ie faut, plusieurs pays et plusieurs 3ges , onnbsp;re trouvera pas une nation , pas une �poquenbsp;oil Ton ait tant fait pour I�esprit humain.
II resterait a exposer les grands r�sukats qui sont n�s de ces efforts. On verrait lanbsp;France gu�rie de ses blessures, reprenantnbsp;sa place parmi les nations savantes de 1�Eu-rope; mais plus forte, et comrne grandie parnbsp;Tadversit�. On verrait la nuit de la terreurnbsp;dissip�e par la lumi�re �clatante de cesnbsp;hommes de g�nie, qui, calmes au milieunbsp;de forage , m�ditaient profond�ment sur lesnbsp;ouvrages �ternels de la nature. II faudraitnbsp;montrer un des plus grands peuples dunbsp;monde, transport� tout-�-coup des arse-naux de Ia guerre .aux ateliers des arts ,nbsp;d�ployant dans ces �tudes paisibles la m�me
uperiorit� qus dans les combats. II fau-
-ocr page 88-drait peindre nos arra�es port�es sur les mers jusques dans ces cliraats mysterieus qui ont vu les premiers travauxnbsp;des hommes j faisant asseoir les sciencesnbsp;et les arts sur Ie char de la victoire, ra-menant enfin Ie calrae , et rendant a l�Eu-rope d�sol�e un repos depuis si long-temsnbsp;perdu.
Mais ici je m�arr�te : mon hut n�a pas �t� de suivre la marche tranquille desnbsp;sciences, lorsqu�elles sVvancent sous unnbsp;ciel sans nuages , �clair�es par la doucenbsp;lumi�re de la paix. Ce n�est pas Ie calmenbsp;que j�ai d� peindre , mais la temp�te jnbsp;j�ai voulu montrer les Sciences luttant avecnbsp;toutes leurs forces contre la plus violentenbsp;des revolutions; lorsque tout �tait conjure pour les d�truire , qu�elles �taientnbsp;proscrites, pers�cut�es, et qu'au milieunbsp;de cette persecution m�me , elles tiraientnbsp;encore de leur propre sein Ie salut de lanbsp;patrie : j�ai voulu enfin faire sortir denbsp;cette experience terrible, les ph�nom�nesnbsp;m�motables, qui attestant leur iramuablenbsp;stabilit� , ontprouv� aux races futures qu�ilnbsp;n�est point de tyrannic assez pesante pournbsp;replonger l�esprit humain dans les abimes denbsp;l�ignorance dont il est sorti pour toujours.
Fin.
-ocr page 89-( Si )
Les moyens d�avoir du fer, de 1�acier , du sal-petre , de la poudre et des armes, avaient �t� cr��s pendant la terreur. Void , au commencement de lanbsp;troisi�me ann�e de la R�publique , les r�sultats denbsp;ee grand mouvement.
12 millions de salp�tre extraits du sol de la France , dans 1�espace de 9 mois. A peine en retirait-on autrefois uu million par ann�e.
i5 fonderies en activit� pour la fabrication des bouches a l�u de bronze. Leur produit annuel port�nbsp;amp; 7000 pieces. II ' n�existait en France que deux �ta-blissemens de ce genre avant la revolution.
3o fonderies pour les bouches a feu en fer f donnant aSooo canons par ann�e. II n�y en avait que quatrenbsp;au moment de la guerre : elles donnaient annuelle-inent 900 canons.
Les usines pour la fabrication des projectiles et des attirails d�artillerie multipli�es dans Ie m�me rapport.
20 nouvelles manufactures d�armes blanches dirig�es sur des proc�d�s nouveaux. II n�en existait qn�uno-seule avant la guerre.
Une immense fabrique d�armes a feu cr��e tout � coup a Paris m�me , et donnant 140,000 fusils parnbsp;ann�e � c�est-�-dire , plus que toutes les anciennesnbsp;fabriques ensemble. Plusieurs �tablissemens de ce genrenbsp;form�ssurie m�me plan dans les diff�rens d�partemenenbsp;de la R�publique.
-ocr page 90-188 ateliers de reparation pour les armes de touts esp�ce. Avant la guerre il n�en existait que six.
L�etablissement d�une manufacture de carabines : armes dont la fabrication �tait jiisqu�alors inconnuenbsp;en France.
L�art de renouveller les lumi�res des canons d�-couvert , et port� aussit�t a une perfection qui permet de 1�exercer au milieu des camps.
La description des moyens par lesquels on peut extraire du Pin Ie goudron n�cessaire � la marine.
L�A�rostat et Ie T�l�grapbe devenu* des machines de guerre.
Tons leS proc�d�s des arts de la guerre simplifi�s et peifectiorin�s par 1�application des theories les plusnbsp;sarantes.
Un �tablissement secret forme a Meudon pour eet objet. On y faisait des experiences sur la poudre denbsp;muriate suroxig�n� de potasse , sur les bouletsnbsp;incendiaires , les boulets creux , les boulets knbsp;bague.
De grands travaux commences pour extraire du sol de la France tout ce qui sert i la construction,nbsp;� i��quipement' et aux approvisionnemens des vais-seauxi
Plusieurs recherches pour remplacer ou reproduire les raati�res premi�res que les besoins de la guerrenbsp;avaient d�vor�cs ; pour multiplier Ie salin et lanbsp;potasse que la fabrication d� la poudre enievaientnbsp;aux manufactures.
Une instructi�n simple �t lumineuse pour fixer l�art
-ocr page 91-de fabriquer Ie savon, et Ie mettre a portee de tons les citoyens,
L�invention de la p�.te qui compose les crayons que 1�on tirait pr�c�deminent de l'Angleterre.
Et ce qui �tait inapr�ciable dans ces circonstances j, la d�couverte d�une m�thode pour tanner, en peunbsp;de jours , les cuirs qui exigeaient ordinaireiaeiit plu-,nbsp;sieurs ann�es de preparation.
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