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E S S A I

SUR

L’HISTOIRE GÉNÉRALE

DES SCIENCES

PENDANT

LA RÉVOLUTIOïf FRANCAISE.

Pak. J. B. riot,

Associé de l’Institut National de France, Professeur au Collége de France , etnbsp;Membre de la Société Philomatique denbsp;Paris,

..........artes,

Per quas Latinum nomen, et Italst Crevere vires, famaque , et imperinbsp;Porrecta majestas ad ortumnbsp;Solis, ab Hesperio cubili.

Hokat. Carm, lib. IT.

A Paris,

{D U P R A T, F UCBS , I


Quai des Augustins j rue des Mathurinsj

18o3.


Chez


AN 1 1.


iV,. ¦

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E S S A I

SUR

LTIISTOIRE DES SCIENCES

PENDANT

LA REVOLUTION FRANCAISE.

On se propose de tracer, dans eet écrit, l’Histoire générale des Sciences , pendant lanbsp;Revolution ; on s’a'ttacliera moins a détaillernbsp;leurs clécouvertes, quA montrer Ja partnbsp;qn’elles ont prise a eet événement, et Ienbsp;sort qu’elles ont éprouvé : leur situationnbsp;k cette époque est sans exemple. On lesnbsp;avait vues, jusqu’alors, fleurlr sous les Gou-verneinens éclairés et s’éteindre dans lesnbsp;dlssentions civiles. Le despotisme révolu-tionnaire leur donna une existence politique , il s’eri servit pour inspirer de lanbsp;confiance au peuple , pour préparer desnbsp;victoireset gagner des batailles. Les secoursnbsp;qu’elles fournirent furent si grands , quenbsp;l’on voulut les perpétuer. C’est ce qui fit

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créer plusieiirs établissemens d’instmction publique , et entr’autres l’école Polytechai-que et Pécole Normale : precaution clevenuenbsp;trop nécessaire , car un grand nombre dgnbsp;savans avait déja péri , d’autres étaientnbsp;caches ou dans les fers; Ie reste, organisenbsp;en 'ateliers, était employé atravailler pournbsp;la Revolution , et contraint de racheter, parnbsp;des prodiges continuels, la vie qui leurnbsp;était conservée.

Mais avant d’en venir a ces teras mal-lieureux., il est nécessaire de rappeler quel était Fétat des Sciences , lorsque la Révo-lution cornmenqa , afin que Ton connaissenbsp;avec les faits les causes qui leur ont donnénbsp;naissance.

Les écrivaius du siècle de Louis XIV avaientporté les lettres au plus haut degrénbsp;de perfection. La langue franlt;jaise leurnbsp;devait sa pureté et son élégance ; toutesnbsp;ses beautés, toutes ses ressources étaientnbsp;déployées dans leurs ouvrages. Leurs suc-cesseurs ne purent les égaler dans les genresnbsp;OU ils étaient a la fois créateurs et modèles,nbsp;et les parties les plus brillaiites de la lit-térature étant, pour ainsi dire , épuisécs,nbsp;Ie talent d’écrire vint animer les Sciencesnbsp;et embellir la Philosopliie.

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Ce changement, centre lequel on a beau-coap déclauié , est peut-être moins l’effet du manque de génie que Ie résultat inevitable de la marclie de l’esprit hmnain.nbsp;Toujours les beaux tems de la poësie pré-parèrent Ie règne des Sciences; Platon etnbsp;Aristote , chez les Grecs , avaient été precedes par Sophocle et Euripide; chez ksnbsp;Romains , Pline et Senèque suivirent Ienbsp;grand siècle d’Auguste.

An reste , par une consequence nécessaire , les lettres en perdant leur éclat étendlrent leur quot;pouvoir. Les passions quenbsp;la poësie fait naitre ne durent qu’un moment; ces jeux de l’itnagination n’influentnbsp;point sur les événernens politiques : la phi-iosophie au contraire , agissant sur la raison , a des eflëts lents rnais durables, etnbsp;Ibrsqu’elle sait, pour plaire , se parer desnbsp;charmes du style, la puissance qu’eile exercenbsp;sur l’opinion peut aller jusqu’a changer lesnbsp;mcEurs des peuples et Ie sort des états. Lanbsp;France , depuis Ie règne de Louis XIV ,nbsp;offre un exeraple continuel de cettevérité.

Boileau, Pi.acine et Corneille n’avaient obtenu que Padmiration de leur siècle ,nbsp;Voltaire prit de l’autorité sur Ie sien. IInbsp;n’atteignit pas la perfection, exclusive de

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ces grands modèles , uiais 11 eut un talent plus flexible , un esprit plus varié , desnbsp;connciissances plus étendues ; leur goüt exquis dans la littérature se changea chez luinbsp;en un tact délicat qui s’étendit h tout:nbsp;assez riche pour n’avoir besoin que denbsp;célébrité , il donna aux gens de lettres unenbsp;dignité , une consideration qu’ils n’avaientnbsp;point encore ; sa critique , tout-a-la-foisnbsp;mordante et legére , s’aidant de l’énergienbsp;de Rousseau, et de la raison de Montesquieu , fonda cette puissance de l’opinionnbsp;publique , a laquelle rien ne peut résister.

Tout contribuait alors a donner du crédit aux lettres , Ie rang , Ie nombre , Ie méritenbsp;de ceux qui les cultivaient : les Sciencesnbsp;même , revêtues par elles de formes plusnbsp;aimables , trouvaient place auprès des gensnbsp;du monde. Fontenelle les avait, pour ainsinbsp;dire , introduites dans la bonne compagnie.nbsp;Les graces dont ils les avait embelliesnbsp;leur donnèrent pour partisans , outre ceuxnbsp;qui les aimaient en effet, ceux qui vou-laient simple ment avoir Fair de s'’en oc-cuper. d’Alembert prouvaqu’elles n’exduentnbsp;ni la finesse de Fesprit, ni Ie talent d’é-crire. Buffon montra qu’elics se prêtent anbsp;tous les effets de la plus grande eloquence.

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Tant de succès étaient blen propres a les mettre en faveur ; ils firent naitre pournbsp;elles un gout universel, et la littérature ,nbsp;devenue en vieillissant plus méthodiquequenbsp;passionnée , dut leur céder son empire.

Peut-être l’attrait de Ia nouveauté con-tribua-t-il a cette revolution ; mais ce n’en fut pas la seule cause : rien n’est plus beau,nbsp;rien n’est plus digne de l’admiration desnbsp;hommes , que Ie génie développant avecnbsp;noblesse les lois éternelles de la nature.

Les Sciences, en répandant ainsi leurs lumières, contribuaient de la manière lanbsp;plus sure , a faire disparaitre les préjugésnbsp;que combattait la philosophie. Pour seconder leurs efforts , on consul 1’idée d’unnbsp;ouvrage ou toutes les connaissances hu-maines seraient renfermees suivant un ordrenbsp;systematique ; et dans lequel on pourraitnbsp;cependant retrouver , a point nommé, leursnbsp;plus petits détails.Tel est I’objet et le plan denbsp;1’Encyclopédie que Diderot et d’Alembertnbsp;publièrent. Get immense travail, rédigé a lanbsp;bate par une foule d’écrivains différens ,nbsp;devait nécessairement manquer d’ensemble.nbsp;On peut même lui reprocher beaucoupnbsp;d'imp)erfections dans les details 5 mais ilnbsp;n’en a pas moins rempli son veritable but.

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qui était de mettre sous les yeux des gens du monde , une table de matièies oü ilsnbsp;pussent apprendte l’existence d’une foulenbsp;de connaissances positives qui leur étaientnbsp;cntièrement inconnues', C’était Ie premiernbsp;pas et Ie plus difïicile a faire pour leurnbsp;inspirer Ie gout de la veritable instruction ;nbsp;car c’est un effet naturel et constant denbsp;Tamour-propre de faire mépriser les chosesnbsp;one Ton a long-tems ignorées. Sous cenbsp;point de vue , l’Encyclopédie était unenbsp;barrière qui empêchait pour tóujours Fes-prit humain de retrograder. Les ennemisnbsp;de la philosopliie s’en effrayèrent; ils senbsp;vengèrent par des persécutions j inais enfinnbsp;Ia raison Feraporta. Et quoique eet ouvragenbsp;doive par sa nature devenir Incomplet , anbsp;mesure que les Sciences et les Arts s’aggran-dissent, Ie souvenir en restera comme d’unnbsp;monument également honorable pour lesnbsp;hommes qui ont osé Fentreprendre , pournbsp;Ie penple chez lequel il s’est exécuté , etnbsp;pour Ie siècle qui a mérité qu’on Félevat.

On vlent de voir par quels degrés les Sciences se sont emparé , vers la lin dunbsp;i8.e siècle , de Finfluencc que les lettresnbsp;avaient jusqu’alors exercée ; il reste amon-trer dans leur état a cette époque , sur-tout

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dans la marclie qu’eiles ont prise , les causes qui rendront cette foveur durable.

Une opinion s’est élevée, revêtiie d’une apparence de sagesse , appuyéc sur denbsp;grandes autorités. On a voulu faire entendre que les connaissances huniaines ontnbsp;coinme les Hots de la raer, leur flux etnbsp;leur reflux au milieu dos dges du monde;nbsp;qu’elles ne s’élèvent a certaines époques ,nbsp;que pour s’abaisser dans d’autres ; et qu’en-fin elles reconnaissent aussi des bornesnbsp;qu’elles ne peuvent jamais passer. On ap-porte en témolgnage Ie peu de progrèsnbsp;qu’ont faits les Sciences depuis qu’elles sontnbsp;cultivées , la bizarrerie et la contradictionnbsp;des systêmes qui ont successivement oc-enpé les hommes 5 sur-tout 1’insuffisance desnbsp;méthodes les plus pierfectionnées , lorsqu’onnbsp;les fait lutter contre l’adresse mystérieusenbsp;de la nature. Ces idéés de vicissitudesnbsp;plaisent a Timagination inquiète, qui cherclienbsp;toujours dans Ie passé Ie souvenir d’un étatnbsp;meilleur 5 et tandis que Pon deplore la fai-blesse des moyens qui ont été donnés anbsp;1’homme , on condamne comme des esprits téméraires ceux qui cherchent a lesnbsp;augnienter.

Quelle est cependant cette antiquité si

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recuk'e , dont on veut regarder I’esperience comrne établissant la luesure de notre entendement ? Les annales des peuples , cellesnbsp;du moins qiü ne venfennent que des faitsnbsp;authentiques , ne reaiontent guères au-dela de 28 siècles. Dans eet intervalle, onnbsp;conrpterait •' poine linit cents ans qui aientnbsp;été fertiies pour Lesp.rit huraain : Ie restenbsp;est nn desert abandonné è. l’isnorance

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ct a la barbarie. Les Grecs et les Roinains , qui ont vu une partie de ces tems favorabes ,nbsp;les ont consacrés a l’étude de la morale etnbsp;a ravanceinent des lettres. Ce n’est que clieznbsp;nous autres occidentaux, sur-tout depuisnbsp;la découverte de riraprimerie , que lesnbsp;Sciences ont été généralernent cultivées jnbsp;alors sculeinent elles ont pris une marclienbsp;pbilosophique 5 c’est-a-dire , que chacunenbsp;d’elles a été appliquée au perfectionnementnbsp;des autres , et leurs progrès , depuis cettenbsp;époque , ont été pour toujours assures.nbsp;II sulfit, pour s’en convaincre , de jeternbsp;les yeux sur leur histoirc.

Lorsque Ie commerce des Arabes et celui des Grecs échappés a la prise de Constantinople , ramenèrent en Europe Ie goutnbsp;des Sciences depuis long-tems oubliées ,nbsp;l’histoire naturelle se ranima une des pre-

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mières. Les ouvrages d’Avistote farent lus et rnédités, Quelques naturalistes se for-mèrent: c’étaient des coinpiJateurs éruditsnbsp;qui répandirent Ie goüt de la Science , etnbsp;la servirent sans Tavancer.

Cependant l’habitude des voyages fit naitre Ie talent de l’observation. Ce fut plusnbsp;assez d’étudier 1’image de la nature dansnbsp;les écrits des anciens , on voulut la voirnbsp;elle-mêine , maïs vivante et animée. Bien-tót la découverte d’un nouveau mondenbsp;rempll de productions inconnues , entrainenbsp;une multitude d’observateurs : les faits etnbsp;les descriptions se multiplient. Déja Fonnbsp;s’attache k rapprocber les êtres par desnbsp;rapports naturels j on cherche a les group-per par families , k les distribuer en classes.nbsp;L’histoire naturelle s’avance ainsl jusqu’aunbsp;i8.e siècle , en marchant toujours d’un pasnbsp;égal.

Alors Linnée, concevant l’Idée vaste d’une méthode systématique universelle ^ ras-semble ces matériaux épars , saisit les traitsnbsp;qui les unissent ^ et les enlace tous dansnbsp;un réseau immense, dontles fils, toujoursnbsp;distincts, conduisent avecsüreté jusqu’auxnbsp;plus petits détails. Dans Ie même tems,nbsp;Buffon paraït, s’élance aux vues les plus

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liarclies, dëcouvre réqiiilibre de Tunivers dans Ie balancement perpétuel des forcesnbsp;sans cesse agissanles , dont les espèces ,nbsp;ces individus immortels sont animées; etnbsp;sa grande eloquence , annoblissant tons lesnbsp;êtres par leurs rapports au systême general,nbsp;montre enfin la nature dans toute sa ma-jesté. Une foule d’hommes célèbres secon-dent ces efforts , et Fliistolre naturelle estnbsp;portee au premier rang parmi les connais-sances humaines.

Parvenue a ce dernier période , cette Science , désormais trop étendue pour êtrenbsp;complettement embrassée dans Ie coursnbsp;d’une seule vie , se partage en plusienrsnbsp;branches qui prennent des accroissemensnbsp;rapides.

L’bistoire des animaux ne se réduit plus a une description souvent imparfaite denbsp;leurs formes extérieures, elle offre Ic tableau de leurs nioeurs; elle observe leursnbsp;habitudes , non-seulement dans les plusnbsp;grands d’entr’eux , dont Finstinct ij’est pres-que de la force, raais aussi dans les plusnbsp;petits dont les ruses et la prévoyance sontnbsp;proportionnées a leur faiblesse, Appuyéenbsp;sur Fanatomie , elle chercbe , dans la conformation de leurs organes intérieurs , Fex-

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plication des phénoinènes qu’ils présentent; et par la ^ elle assigne leur place dansi’en-semble general des êtres.

La botanique ne se borne plus a notnmer et a clécrire les végétanx ; line physiquenbsp;délicate est employee pour découvrir lesnbsp;lois de leurs diverses fonctions. Les méthodes artificielles se multiplient ct facilitentnbsp;Fentrée de la science. En mêtne temsnbsp;une étude plus importante et plus relevéenbsp;fixe les efforts des savans. Ils comparentnbsp;les organes des plantes, pour y reconnaitrenbsp;leurs rapports naturels. Bientot ils les dé-couvrent a Torigine de la vie , dans cesnbsp;premiers développemens que Ia nature anbsp;soumis a des lois immuables chez tous lesnbsp;êtres organises : alors la méthode systéina-tique, réduite a son veritable usage, nenbsp;sert plus a classer les végétaux , mais seu-lement a les reconnaitre , et la méthodenbsp;naturelle , fondée sur une longue suite d’ob-servations héréditaires , atteint a«la-fois cenbsp;double but.

La mineralogie ne se contente plus des caractères ‘peu précis qu’offre Faspect extérieur ; elle emprunte de la chimie lesnbsp;moyens d’analyseretde classer les minéraux.nbsp;Elle cherche les propriétés physiques qui

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peuvent rendre leur determination facile j elle remonte par nne sorte de dissectionnbsp;jusqu’aux premiers élémens des corps cris-talises , et partant de ces formes simplesnbsp;recompose par leur superposition géomé-trique des divisions véritablementnaturelles.nbsp;Aggrandie par ces secours , elle joint auxnbsp;charmes des Sciences naturelles, la precision qui résulte toujonrs de I’lieureuse application du calcul. L’etude du globe ter-restre qui autrefois s’y trouvait comprise ,nbsp;devient une Science particulière qui, sous lenbsp;nom de geologie , considère la structure denbsp;la terre , et reconnait par leurs traces ter-ribles les bouleversemens successifs quinbsp;I’ont agitée.

Libre des entraves que les préjugés et la superstition lui avaient donnés, I’anatomienbsp;fait des progrès immenses, et devient labasenbsp;de I’histoire des êtres aniniés. A la circulationnbsp;du sang qui était déja reconnue, on ajoutenbsp;les phénomènes iraportans de Firritabilité,nbsp;I’existence des sues qni preparent la decomposition des alimens , la disposition etnbsp;1’usage des vaisseaux , qui, par leurs ramifications infinies , vont porter en mêmenbsp;terns h tons les points du corps la nour-xiture et la vitalite. On ne se contente

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plus d’observer des individus , on snit les états progressifs des divers organes depuisnbsp;Fenfance jusqu’a la vieiUesse. L’enseiiiblenbsp;de ces connaissances fournit des lumièresnbsp;précieuses a la physiologic qui n’est encore qu’une Science d’observation. La chirurgie en devient plus hartüe , paree qu’ellenbsp;est plus éclairée; elle simplifie 1’art d’extir-per la pierre et ses cruelles douleurs; elle osenbsp;provoquerpar Finoculation cettemaladieterrible qui germe en nous avec la vie , et qu’ilnbsp;faut, pour ainsi dire , surprendre pour lanbsp;combattre avec avantage. La sagesse unie knbsp;Fexpériencedécouvre unefouled’opérationsnbsp;aussi admirabies quesures, pour Ie soula-gement de 1’humanité. Enfin, Ia multi-plicité des faits observes permet de lire dansnbsp;leur rapprochement les lois générales denbsp;Forganisation animale , et Ie genre d’étudonbsp;qui avait conduit en botanique è. la méthodenbsp;naturelle forme Fanatomie comparée.

Des grands voyages sont entrepris pour reconnaitre des contrées éioignées , décou-vrir de nouvelles terres, et enrichir Fhis*nbsp;toire naturelle. Toutes les productions'dunbsp;globe sont renfermées dans un vaste edifice,nbsp;oü la méthode rapprochant les êtres desnbsp;climats éloignés , présente sous un seul point

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de vue l’ensemble et tous les détails de Ia nature.

Voila ce qu’a fait pour les Sciencesna-turelles ce i8.e siècle, tant décrié par l’ignorance.

Les progrès de l’esprit humain vers cette époque sont encore plus sensibles dans lesnbsp;Sciences qui , joignant I’expérience a l’ob-servation , empruntentde iapbilosophie lesnbsp;moyens d’interroger la nature.

Ces Sciences avaient été peu avancées par les Grecs et les Romains , dont Tétudenbsp;favorite était la philosophic morale. Aprèsnbsp;la renaissance des lettres , elles restèrentnbsp;long-tems stationnaires en Europe, ou Tonnbsp;ne s’occupait que de théologie. Des anticipations téméraires et prématurées , unenbsp;dialectique bonne pour disputer et nonnbsp;pour inventer , voila ce qui composait alorsnbsp;la philosophie naturelle.

Galilée par son exemple , Bacon par ses écrits détournèrent les savans de ces effortsnbsp;stériles , et les rappellèrent a i’expérience 5nbsp;non pas a cette expérience hasardeuse quinbsp;ressemble au tatonnement dont on se sertnbsp;pendant Ia nuit, mais a ceUe qui toujoursnbsp;sure et féconde , fait d’abord brilier lanbsp;lumière et découyre la trace de la vérité.

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Descartes, plus propre a. entrainer les hommes , acheva cette revolution. II delivranbsp;ses contemporains de Fespèce de culte qu’üsnbsp;rendaient a la pliiloEOj)hle d’Aristote , etnbsp;leur apprit par la chute de cette grandenbsp;idole a Ie juger hientot lui'inême. Dès lorsnbsp;on ne reconnnt d’autorité que celle denbsp;l’expérience et de Ia raison. Les Sciences ,nbsp;dégagées de l’esprit de systême qui lesnbsp;avait égarées , entrèrent dans leur veritablenbsp;route.

Les eff'ets de ce changement se firent d’abord sentir dans la physique qui , opposant les corps les uns aux autres pournbsp;observer leurs actions réciproques , est Ianbsp;plus simple des Sciences après I’liistoire naturelle , qui les classe et les définit. Onnbsp;doit rapporter a cette époque , Ie commencement de ses progrès et Torlgine des grandsnbsp;travaux qui Font depuis enrichie.

La physique , considérant Fétat des corps comme permanent qu corarne variable , senbsp;partage naturelleinent en deux divisions.nbsp;La première comprend les actions inéca-niques que les corps exercent les uns surnbsp;les autres , en veitu de leurs propriétésnbsp;générales j la seconde renferme les modi-

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fications dues a des forces accidentelles et variables , conime la chaleur , l’électri-cité , Ie magnetisme.

Les phénomènes dus a des causes per-manentes , étant les plus simples, se sont offerts les premiers a i’attention des obser-vateurs. Déja , du tems de Newton , lesnbsp;lois de l’équilibre et du mouvement sontnbsp;trouvées ; Ie pendule est -appliqué a lanbsp;mesure du tems^ et Ie telescope aux usagesnbsp;astronomiques ; la pesanteur de l’air estnbsp;démontrée j Ie baromètre est inventé j enfin,nbsp;par les travaux de ce grand homme , lanbsp;propagation du son et celle do la lumièrenbsp;sont reconnues ; la lumière est décomposée jnbsp;lesinstrumens d’optique sont perfectionnés,nbsp;et une foule de faits sont expHqués par cesnbsp;découvertes.

Les phénomènes physiques , danslesquels l’état des corps varie , étaient alors peunbsp;étudiés ; on connaissait seulement les ef-fets généraux de la chaleur, pour dilaternbsp;les corps , et quelques propriétés attractivesnbsp;du magnetisme et de Félectricité.

Depuis Newton , la partie mécanique de la physique a encore regu des perfection-nemens ; on a porte plus de precision dansnbsp;quelques details. L’optique a doivné aux

navigateurs,

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navigateurs , rOctant dont ils se servent pour les longitudes en mer , et aux astro-nomes Ie eerde répétiteur si utile dansnbsp;les operations relatives a la mesure de lanbsp;terre. Le calcul et l’expérience ont créénbsp;la théorie des instrumens a vent et cellenbsp;des lunettes achromatlques.

Mais la partie de cette science qui traite des causes accidentelles , a fait sur toutnbsp;des pas remarquables.

On a determine, avec plus d’exactitude, faction de la chaleur. Le baromètre et lenbsp;thermomètre ont été perfectionnés. L’in-fluence de la temperature sur le ressortnbsp;de l’air, a été mesurée ; sa faculté de dis-soudre de l’eau a été reconnue : on a créénbsp;un instrument pour marquer son degrénbsp;d’humidité apparent. Par suite de ces recherches, les modifications de l’athraosphèrenbsp;ont été mieux observées. On a cherché lesnbsp;lois suivant lesqnelles la chaleur se communique ; les différens états oii elle devientnbsp;sensible , ont eté distlngués. Enfin , on s’estnbsp;élevé a cette consideration générale quenbsp;la solidité , la liquidité et l’état aériforme ,nbsp;sont de simples modifications produitesparnbsp;les forces sans cesse opposées de la chaleur qui tend k écarter les molecules des

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corps f et de l’attraction qui tend a les rapprocher.

L’électricfté et Ie magnétisme ont présenté des découvertes encore plus bril-lantes.

Quelque tems aprês la mort de Newton, les phénomènes électriques se multiplièrentnbsp;entre les mains de Gray et de Dufay ; onnbsp;découvrit les effets étonnans de la bou-ïeille de Leyde. Le bruit de ces expé-riences s’étendit jusqu’en Amérique : cettenbsp;terre , encore a demi sauvage , avait déjanbsp;produit un homme , que sa sagesse et sanbsp;tranquilité d’arne , rendaient égalementnbsp;propre a observer la nature et h civi-liser son pays. Ayant re^u d’Angleterrenbsp;line machine électrique , Franklin suivitlesnbsp;nouveaux phénomènes. Bientöt il parvintnbsp;a les représenter tons par Faction opposéenbsp;des deux électricités , dont la combinaisonnbsp;forme Fétat naturel des corps. II découvritnbsp;le pouvoir des pointes , et expliqua Fex-périence de Leyde. Alors guidé par Fana-logie que présentent les effets de la foudronbsp;et ceux de la matière électrique , il pro-nonlt;ja et prouva leur identité : ce fut lanbsp;Forigine des paratonerres,

Epiuus exposa et rectifiala doctrine de

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Franklin , dans nn ouvcage oii le calcul et Texperience se prêtent un mutiiel seconrs.nbsp;II restait a determiner la loi suivant la-quelle la force respulsive de la matière élec-trique , varie avec la distance : on y par-vint en cream nn appareil d’une sirapli-cite et d’une exactitu^f , inespérées. La loinbsp;de ces phenomènes s’éténdit aux attractionsnbsp;magnetiqueSj et se trouva la ineme que cellenbsp;de la gravitation observee dans les espacesnbsp;célestes.

Pen de terns après , on fit en France une experience encore plus bardie que celle

de Franklin tats; et riiomme, k qui la

Mongolfier inventa les aeros-

nature avait refuse des ailes , alia I’interroger au seinnbsp;des nuées et des orages.

Pendant que ces experiences étonnaient l’Europe , il se faisait, dans un coin denbsp;ritalie, une découverte k laquelle on donnanbsp;d’abord peu d’attention, et qui maintenantnbsp;parait liée aux phenoinènes les plus ira-portans de la mort et de ia vie. En 1789,nbsp;un étudiant en médecine dc Bologne , dis-séquant une souris vivante , et la tenantnbsp;d’une main fixement assujettie, toucha denbsp;l’autre un de ses nerfs avec son scalpel , etnbsp;ressentit aussitótune commotionélectriqne/

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Rien n’est ^ négliger dans les sciences; ce seul fait a été Ia source des résultats lesnbsp;plus étonnans.

Vers cette époque la cWmie venait d’eprouquot; ver une de ces revolutions qui renouvellentnbsp;les sciences j révolutions bien dignes de fixernbsp;Tattention du philosophe , paree qu’elles nenbsp;cofitent point de sang, et qu’elles montrent,nbsp;dans ses efforts progressifs, un des mouve-jnens les plus remarquables de l’esprit hu-inain.

Jusqu’au dix-septième siècle, la chimie m’était presqu’un lecueil de faits isolés ou denbsp;procédés secrets. Stalh parut ^t en fit unenbsp;Science. II lia tous les pbénomènes connusnbsp;par la seule hypothèse du phlogistique ou dunbsp;feu combiné. Mais un jour suffit pour ren-verser les systêmes , Ie tems ne confirme quenbsp;les lois de la nature. La théorie fit naitre lanbsp;discussion et l’exainen des faits: en les observant avec plus de soin, on vit que plu-sieurs des circonstances qui les accompa-gnent avaient été négligées: enfin on s’ap-percut que les fluides élastiques , qui senbsp;dégagent dans une infinité d’expériences,nbsp;et que Stalh , sans examen, avait regardésnbsp;comme de Fair ordinaire, étaient réellementnbsp;des substances très-différentes les unes des

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autres. Cette découverte fit étudier leur influence : en les analysant on apper^ut une multitude de faits inexplicables par Ja doctrine du phlogistique. Alors vivait un liommenbsp;qui joignait a une grande fortune deux qua-lités ordinairement contradictoires ; Ie génie , qui generalise , et la précision, quinbsp;mesure les détails. Cet homme , c’était Lavoisier, abandonnant les phénomènes secon-daires, s’attacha au plus important de tons, anbsp;celui de la combustion. II s’astreignit a toutnbsp;recueillir, a tout peser, et il prouva d’abordnbsp;que l’augmentation du poids des métaux pendant la calcination , était due a une portionnbsp;de Pair athmosphérique qui s’y fixait. Lavoisier fit voir que ce principe absorbé était plusnbsp;respirable que l’air ordinaire; il prouvanbsp;qii’il est un des principes constituans de eetnbsp;air que 1’on avait jusqu’alors regardé commenbsp;un corps simple. Lorsqu’il eut ainsi reconnunbsp;la nature et Faction de ces substances invisibles, avec autant de precision que s’il eutnbsp;pu les voir et les touclier, il fut conduit hnbsp;nne infinite de découvertes, toutes liées lesnbsp;unes aux autres j et il arriva enfin a la célè-bre experience de la decomposition del’eau :nbsp;ce fut Ie complément de sa théorie, qui estnbsp;maintenant adoptée dans toute FEurope

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SOUS Ie nom de doctrine pneumatique fran-caise.

Les travaux de Lavoisier, et ceux de plu-sieurs chimistes franqais qui secondaient puissaminent ses efforts, ne changèrent pasnbsp;seulement l’état de la science , ils lui don-nèrent une marche et une logique nouvelle.nbsp;On sentit la nécessité de joindre I’exactitudenbsp;des experiences a la rigueur du raisonne-inent. Peut-etre les chimistes dürent-ils cettenbsp;reforme au commerce des géomètres , dontnbsp;ils s’etaient rapproches lorsqu’ils avaient eunbsp;besoin de méthodes precises. Mais aussi lesnbsp;géomètres apprirent k cultiver les sciencesnbsp;physiques , et a y trouver le sujet de leursnbsp;plus belles applications : cet echange de lu-mières est la preuve certaine de la perfection des sciences , en même terns qu’il leurnbsp;assure de nouveaux progrès : il a donne a la

chimie la vraie théorie de la chaleur, et le

. . . , . , ,

' premier instrument exact qui ait servi a la

mesurer.

A I’origine des sciences tous les faits pa-raissent principaux : en avancant, on apper-qoit des rapports 5 enfin , lorsque Uobjet de leurs recherches est susceptible d’exacti-tude, il arrive un moment ou tout ce quinbsp;semblait général devient particulier, et S9

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ramène k un petit nombre de principes. De ces sommets élevés, on peut redescendrenbsp;avec facilité dans ies détails : la marche estnbsp;simple et naturelle. Alors si l’on fixe cesnbsp;points de depart a l’aide de signes bien choi-sis , et qu’on exprime ensuite, par les modifications de ces signes, la dépendance qu’on.nbsp;apper^oit entre les objets dont la science estnbsp;composée , cette science a une langue philo-sophique on l’analogie est observée , et qui,nbsp;par cela mêoie, peut indiquer de nouveauxnbsp;rapports : telle est la nomenclature que lesnbsp;savans francais ont donnée a la cliimie.nbsp;Quoique cette langue nouvelle fut sollicitéenbsp;p; r 1’accroissement des découvertes , I’ideenbsp;de ses a vantages ne pouvait naitre que d’unenbsp;pliilósophie très-perfectionnée, et Ie talentnbsp;littéraire n’était pas moins nécessaire pour lanbsp;créer que les connaissances chimiques.

Si Ie perfectionnement de la philosophie a puissarament contribué aux progrès desnbsp;sciences qui ont pour objet l’étude desphé-nomènes naturels, il devait influer plus sen-siblement encore sur les matbématiques,nbsp;dans lesquelles la métliode est tout : c’estnbsp;aussi ce qui est arrivé.

Les traités qui sont parvenus jusqu’a. nous, nous montrent les anciens géomètres bornés

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aux simples élémens; leur génie est comme ressetré dans ce eerde étroit dont il ne peutnbsp;sonir. Si l’on cherche la cause qui retientnbsp;des têtes aussi fortes sur de pareils détails, onnbsp;voit bientót que c’est Ia méthode. La synthese , dont ils font usage, procédé des véri-tés connues a celles qu’il s’agit de démontrerjnbsp;et comme toutes les vérités n*ont pas, lesnbsp;unes avec les autres , une liaison égalementnbsp;in time , ce n’est que par une sorte de tactnbsp;qu’on de vine cell e qui conduit au but; onnbsp;ne peut même espérer d’y parvenir quenbsp;si ce hut est très-rapproché : la marche desnbsp;sciences , par cette méthode , est done lentenbsp;et difficile.

Les modernes suivent «ne route contraire ; ils partent de ce qui est en question , pour revenir au centre commun des vé-rités déja connues. Cette méthode inversenbsp;constitue l’analyse mathématique : aussi ri-goureuse que la synthèse , elle est plus directe et plus rapide. On lui dolt la plusnbsp;grande partie des découvertes faites dansnbsp;ces derniers tems,

De toutes ses applications, la plus belle est la recherche des lois qui régissent Ie systêmenbsp;du monde L’esprit, en effet, a besoin. d’unenbsp;méthode sure pour saisir tant de rapports

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divers, pour les suivre avec Constance et percer, a travers lexir enchainement, lesnbsp;voiles dont s’enveioppe la nature. C’est lanbsp;que I’analyse est indispensable , et de cettenbsp;nécessité même sont nés presque tous sesnbsp;progrès. Graces a son secours, trois siéclesnbsp;ont suffi pour decouvrir et fixer tous lesnbsp;phénomènes celestes.

C’est a Copernic qu’il faut rapporter I’ori-gine de ces travaux : inspire par les ecrits de plusieurs philosophes de I’antiquite, il fit re-vivre leur systême, plaga le soleil au centrenbsp;du monde , mit les planètes et la terre elle-même en mouvement autour de eet astre , etnbsp;réduisit la revolution diurne du ciel a unenbsp;simple illusion produite par la rotation dunbsp;globe. Tous les phénomènes astronomiquesnbsp;vinrent naturellement se plier k eet arran-gementj simple comme lavérité même. Mais,nbsp;pour ne pas effrayer les préjugés de son siècle , Copernic le présenta comme une hypo-thèse purement mathématique , et sa mort,nbsp;qui arriva peu de teros après, prévint les per-sécutions qu’il aurait sans doute essuyées.

Ces idéés. d’abord peu suivies, reprirent faveur par les déconvertes de Galilée surnbsp;les satellites de Jupiter, et le mouvementnbsp;de Venus autour du Soleil, Ces phases ,

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ces eclipses , ces retours pério^iqnes s’ap-piiquaient naturellement a la Terre. L’ana-logie était frappante ; innJs Ie rnouvement de cette planètequot; était en contradiction avecnbsp;quelques passages de 1’Écriture. Sur cettenbsp;autorité, Galllée, agé de soixaiite-dix ans ,nbsp;fut cité au tiibunal de I’inquisilion , etnbsp;condamné comme hérétique a une prisonnbsp;perpétuelle.

Dans Ie même tems , Kepler découTrait et publiait les lois fond amen tales des mou-vemens celestes. Mais c’étaient la des véritésnbsp;d’un autre ordre que celles dont Galiléenbsp;était victime ; elles étaient trop abstraites,nbsp;trop enveloppées de calculs , pour faire denbsp;nombreux partisans. On ne cherche jamaisnbsp;k étouffer la vérité que dans sa naissance jnbsp;dés qu’elle s’élève , elle écbappe a-la-fois aunbsp;vulgaire et a ses persécuteurs.

Cependant les progrès de l’analyse sui-vaient ceux de Tobservation. Cette époque est fameuse dans l’histoire des sciences ,nbsp;par 1’invention des logarithmes j artifice admirable qui, en abrégeant les calculs , étendnbsp;pour ainsi dire la vie des astronomes, commenbsp;Ie télescope avait aggrancli leur vue.

L’algèbre , qui n’est que la combinaison

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analydqiie des nombres , iaclépendaminent de leurs valeurs pai'ticiilières , était dé janbsp;fort avancée lorsque Descartes parut; maisnbsp;on n’en avait fait usage que pour des quesHgt;nbsp;tions déterminées, c’est-a-dire, pour trouvernbsp;des quantités dont Ie nombre de valeurs estnbsp;liinité. Descartes, parune nouvelle abstraction Pemploya pour exprimer la loi suivant la«nbsp;quelle se succèdent les valeurs des quantitésnbsp;variables ; de-la Ie calcul des lignes courbesnbsp;et l’application de l’algèbre aux problêines

de geometrie indéterminés.

C’est par des abstractions que les idees se généralisent. Celle-ci fit faire un grandnbsp;pas aux sciences phvsiques et matbéma-tiques;elle favorisa puissarament rimpulsion,nbsp;générale que Descartes leur avait donnée.nbsp;Peut-être aurait-il pu lui-même tirer unnbsp;plus grand parti de l'instrument qu’il avaitnbsp;créé ; mais ce génie impatient semblaitnbsp;moins suivre la nature que la prévenir :nbsp;les idees de Copcrnic et les lois de Kepler ,nbsp;qui renfermaient la clef du véritable sys-tème du monde, restérent inutiles entre sesnbsp;mains.

Huygens, qui connut ces travaux , n’en tira pas non plus ce qu’ils renfermaient;

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mais il s’illustra par d’autrcs déeouvertes, II appliqiia Ie pendule aux horloges , ex-pHqua les apparencesdel’anneaudeSaturne^nbsp;ét fit connaitre ,les lois du mouvement.

Enfin, Newton parut , et les sciences ache verent de s’éclairer. On étudia les quan-tités dans leurs plns petites variations ,nbsp;OU leur nature se trouve empreinte par desnbsp;caractères plus généraux : de-la Ie calcuinbsp;différentiel inventé en même-tems par Leibnitz et Newton. Cette rencontre ne doknbsp;point surprendre j les grandes découvertesnbsp;sont ordinairement amenées par l’accroisse-ment des connaissances ; elles sont en quel-que sorte inevitables^ et les hommes de génienbsp;qui sont en avant de leurs siècles, doiventnbsp;être portés vers elles par Ie mouvement general auquel ils participent toujours.

Ici la Science n’est plus bornée a des détails stériles. Newton établit la loi de la pesanteur universelle. D’après ce seul principe, Ie système du monde est expliqué , lesnbsp;grands phénomènes qu’il présente sont cal-culés , et la philosophie naturelle est fon-dée sur des bases inébranlables.

L’impulsion que Newton avait imprimée autour de lui, fut quelques tems a se pro-pager dans Ie reste de l’Europe. Les obs-

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tacles qu’avail rencontrés Galilee, lorsqu’il proposa riiypothèse du mouvement de lanbsp;lerre , s’élevèrent aussi centre la loi de lanbsp;gravitation, Mais cette fois Tignorance com-battit sans avoir Ie pouvoir de persécuter :nbsp;Ie tems fit triompher la vérité. On a de-puis beaucoup accru les richesses que Newton avail laissées. De grands voyages ontnbsp;été entrepris pour reconnaitre et mesurernbsp;la figure de la terre. Les mouvemens denbsp;la lune ont été calculés avec une admirablenbsp;précision. On a trouvé, dans l’applatisse-raent de ia terre ^ la cause de la précessionnbsp;des équinoxes , et celles de la nutationnbsp;de l’axe terrestre déja reconnue par lesnbsp;observations. Le calcul des differences par-tielles et celui des variations , ont éténbsp;inventés. Le mouvement de la lumière ,nbsp;combiné avec celui de la terre , a fait con-naitre Ia cause de llaberration des étoiles.nbsp;Enfin , ^ l’époque de la révolution , lesnbsp;principes de la mécanique analytique étaientnbsp;établis;le calcul des probabilités avail requ lanbsp;plus grande extension 5 tous les phénomènesnbsp;connus dn système du monde , ceux mêraenbsp;que leurs longues périodes semblaient dé-rober aux observations modernes, étaientnbsp;expliqués et soumis a des lois rigoureuses.

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Une nouvelle planète avalt été observée ; elle confirmait, de la manière la plus éclatante , la théorie Newtonienne | eniin pournbsp;que rien ne rnanquat a la gloire de i’astro-noinie , une plume éloquente avait écrit sonnbsp;liistire,

Voilk qnels ont été les progrès de Tesprit humain dans les Sciences physiques et ma-théraatiques ; on n’y remarque que deux périodes distinctes-.l’une avant, l’autre après lanbsp;renaissance des lettres en Occident. Dans lanbsp;première , qui comprend toute Fantiquité ,nbsp;les philosophes iraaginent de vastes systèmesnbsp;dont ils s’efïbrcent ensuite de démontrernbsp;la vérité : rien n’est caleulé , rien n’est me-suré. Quelques traités sont composes parnbsp;des hommes de génie ; ils renferment lanbsp;collection, des résultats connus , et non desnbsp;méthodes d’avanceinent et de recherches. Onnbsp;observe quelques phénomènes, on recueillenbsp;des faits; mais toujours dans des vues par-ticulières , et non pour fonder , sur leursnbsp;rapports , la philosophie naturelle. En unnbsp;mot, quelques détails existent: l’ensemblenbsp;des sciences n’existe pas.

Dans la seconde période , qui comprend les tems modernes , on se sert des faitsnbsp;moins pour en retirer des applications im-

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mediates que pour développer les vérités qui en dérivent. On passe d’abord de cesnbsp;faits a leurs consequences les plus simplesnbsp;qui n’en sont presque que desénoncés. Dénbsp;celles ci on s’éiève k d’autres plus étendues,nbsp;jusqu’a ce qu’on arrive enfin , par des degrésnbsp;insensibles , aux généralilés les plus abs-traites. La méthode est une inductionnbsp;sans cesse vérifiée par l’expérience. Ellenbsp;donne a Fintelligence humaine , non desnbsp;ailes qui l’égarent, mais des xènes qui Ianbsp;dirigent. Les sciences unies par cette phi-losopbie commune , s’avancent de front •nbsp;les pas que fait chacune d’elles , seryentnbsp;a entrainer les atitres. Leur marche , parnbsp;cette méthode, est done è.-la-fois sfire etnbsp;féconde. Elle sera toujours croissante etnbsp;irresistible, puisqu’il faudrait pour l’arrêter,nbsp;anéantir ensemble et au mêrne instant ,nbsp;toutes lesconnaissanceshumaines :*malbeurnbsp;affreux, dont ia découverte de fimprimerienbsp;nous a pour toujours préserves.

Lorsqu’au milieu d’une nuit obscure , perdu dans un pays sauvage , un voyageurnbsp;e’avance avec peine a travers mille dangers jnbsp;s’ibse trouve enfin au sommet d’une hautenbsp;montaguequïdomineunvastehorison jet que

Ie soleil, en se levant, découvre a ses veux

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ïine contrée fertile, et un chemin facile pour Ie reste du voyage , transporté de joie,nbsp;il reprend sa route , et bannit les vainesnbsp;terreurs de la nuit. Nous , a la vive lumièrenbsp;de la philosophie , oublions done aussi cesnbsp;craintes chimériques du retour de Tigno-rance , et marclions d’un pas ferme dansnbsp;rimmense carrière désormais ouyerte a i’es-prit liumain.

Les savans et les gens de lettres, qui avaient élevé l’édifiee des connaissances hu-maines a une si grande hauteur, jouissaientnbsp;de la consideration qu’ils avaient acquise:nbsp;on recherchait leurs personnes, on admiraitnbsp;leurs écrits, on ambitionnait leurs suffrages.nbsp;Assez courageux pour conseiller Ie bien , ilsnbsp;avaient quelquefois assez de crédit pour fairenbsp;reparerle mal. Les uns, possesseurs d’unenbsp;grande fortune , l’employaient k propagernbsp;les sciences et les artsj les autres, sortis parnbsp;leurs talens de la classe obscure ou Ie hasardnbsp;les avait places, n’étaient, quoique moinsnbsp;riches, ni moins estimés, ni moins accueil-lis 5 il semblait que Ie mérite mêlat les rangsnbsp;dans la société, Ceux que leurs talens et leursnbsp;helles qualités avaient Ie plus distingués ,nbsp;formaient une sorte d’académie , unie parnbsp;ramitié au sein, de Tacadémie elle-même,

Rapprochés

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Rapprochés par Iturs gouts, leurs travaux et ieurs vues, ils mettaient eu couimun leursnbsp;efforts ; élevés , par un noble désintéresse-ment, au-dessus des misères de I’envie et denbsp;I’amour-propre , ravancement des sciencesnbsp;les occupait beaucoup plus que leur gloirenbsp;particuliere : de ce nombre furent Condorcet,nbsp;Railly et Lavoisier; les deux dernicrs ont périnbsp;sur l’échafaud pendant la revolution, Ie premier s’est empoisonné pour s’y soustraire.nbsp;Quelques-uns de leurs arnis ont survécu ; cenbsp;sont eux qui ont rallumé en France Ie llam-Leau des lumières que Fanarcbie avüit éteint.nbsp;Mais n’anticiponspointsurl’ordre des terns.nbsp;INous voici arrivés a une époque pleine denbsp;malheurs publics et d’inlbrlunes particu-lières : a peine trouverait-on en France unenbsp;seule familie qui n’en ait éprouvé les effeis.nbsp;De-la sont nés une multitude d’intérêts, denbsp;souvenirs, de haines quisubsistent encore , etnbsp;ren dent difficile 1’histoire de cette revolution j car les hommes, selon qu’ils ont éténbsp;différemment agités , altèrent la vérité denbsp;diverses manières : les uns, par l’euvie denbsp;flatter ou de dénigrer les gouvernans ; lesnbsp;autres , paree qu’ayant perdu courage, ilsnbsp;ont cessé de prendre intérêt a Ia chose pu-blique , qu’iis ont regardée comme ie patri-

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jnolne des factions ; mais celui qui, étranger a tous les partis , ne s’est point laissé aigrirnbsp;par l’adversité, parle sans amitié comme sansnbsp;liaine , et dit avec sincérité Ie bien commenbsp;Ie mal.

Lorsque la révolutioncommenqa, tousles esprits se tournèrent vers la politique. Lesnbsp;sciences furent subitement abandonnées :nbsp;elles ne pouvaient être d’auciin poids dansnbsp;la lutte qui s’ëtait engagée et qui occupaitnbsp;toutes les têtes. Bientöt on onblia complè-teinent leur existence : la liberté f’aisait Ienbsp;sujet de tous les écrits , de tous les discours jnbsp;il serablait que les orateurs eusscnt seuls Ienbsp;pouvoir de la servir, et cette erreur a été eunbsp;partie la cause de nos maux. La plupart desnbsp;savans restèrent simples spectateurs des évé-nemens qui se préparaient ; aucun ne pritnbsp;ouvertement parti contre la revolution ;nbsp;quelques-uns s’y engagèrent. Ce furent ceuxnbsp;qui étaient agités par de grandes vues, etnbsp;qui trouvaient, dans Ie renouvellement denbsp;Forganisation sociale, un moyen d’appliquernbsp;et de réaiiser lours theories. Us crurent mai-tviser la revolution ,’et furent entrainés parnbsp;elle; mais on était plein d’espérance alors.nbsp;Si l’amour de la liberté n’est que de l’exa-gération, si Ie desir de rendre les hommes

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meilleurs et plus heureux, n’est qu’une chimère , on peut pardonner ces erreurs a ceux qui les ont payees do leur vie.

Par mi les grandes idees que réalisa cette première époque de la revolution , il fautnbsp;compter celle d’un systême uniforme de me-sures, De tous les points de la France on ré-clamait contre la multitule de celles quinbsp;étaient en usage ; plusieurs rois avaientnbsp;essayé de faire disparaitre cette diversité,nbsp;nuisible au commerce légitime , favoralfe anbsp;ragiotage et a la l'rande ; ce qu’ils n’avaientnbsp;pu faire, Fassemblée constituanteI’entreprit.nbsp;Elle déclara qu’il ne devait y avoir qu’unnbsp;seul poids et une seule mesure dans un paysnbsp;soumis aux inêmes lois. L’académie desnbsp;Sciences fut chargée de cheichct et de présenter Ie meilleur runde d’exécution. Cettenbsp;compagnie pi oposa d’adopti r la division dé-cinrale , en p-enant pour unite fondamen-taie la dix inillionnième partie du quart dunbsp;méridien terrcstre. Les 'motifs qui détermi-nèrent ce choix luren t I’extrdme simpliciténbsp;du calcul déciraal, et Favantage d’avoir unenbsp;mesure prise dans la nature. Cette dernièrenbsp;condition out été , a la verité , remp ie , sinbsp;i’on eut pris , pour unite fondamentale , lanbsp;longueur du pendule a secondes pour une

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latitude donnée j raais la mesure d’un arc du méridien , exécutée avec la precision quenbsp;comportait les méthodes et les instrumensnbsp;actuels, était extrêmement intéressante pournbsp;la théorie de la figure de la terre 5 ce fut cenbsp;qui décida I’academie, et si les motifs qu’ellenbsp;présenta a Tassemblée constituante n’étoientnbsp;pas tout-a-fait les véritables, c’est que lesnbsp;sciences ont aussi leur politique : quelque-fois pour servir les hommes il faut se résou-dre a les trompet.

L’effervescence générale , que la revolution avaitfait naitre, s’était étendue jusques dans les universités. Le tocsin avait retentinbsp;dans ces retraites silencieuses; a chaque instant des bandes révoltées, mêlées de femmes , d’enfans et d’hommes de tous les états,nbsp;venaient troubler les études , et f’orqant lanbsp;jeunesse de se ranger sous leur sale bannière,nbsp;lui présentaient le spectacle de tous lesnbsp;excès. II n’en fallait pas tant pour désorga-niser une institution déja vieillié , et quinbsp;n’avait presque plus de consideration dansnbsp;l’opinion publique : les colléges devinrentnbsp;déserts ; la plupart cessèrent leurs exercices.nbsp;Le vide qui allait s’opérer dans l’instructionnbsp;publique, et les funestes effets qui devaientnbsp;en résulter , frappèrent Fassemblée consti-

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tuante. Elle décréta que Fenseignement ne serait pas un instant suspendu, et qneJe roinbsp;seiait prie d’ordonner la rentree des colléges comine a Fordinaire. Mais- il était tropnbsp;tard, Fimpnlsion était donnéej personnenbsp;n’avait le pouvoir de Farrêter. Par - toutnbsp;Finstruction publique fut nulle ou languis.nbsp;sante ; bientót on la regarda comme inutile.

Au milieu de la secousse génerale qui ébranlait la Franee, la chute des universités nenbsp;fit aucune sensation ; mais Finfluence de c«tnbsp;événement, sur la génération qui s’élève ,nbsp;n’en sera pas moins sensible un jour. L’or-ganisation actuelle de la société est fondéenbsp;sur les progrès de la civilisation ; elle a Fins'nbsp;truction générale pour une de ses bases; onnbsp;ne peut y porter atteinte sans rompre unenbsp;partie des ressorts qui meuvent le corps social. Le mal est d’abord Insensible j on n’anbsp;pas détruit Ia vie, on a flétri les organes denbsp;la reproduction. Aussi, lorsque la rac« nouvelle est amenée par le teras dans le systêmenbsp;politique , les hommes sont petits et faibles,nbsp;Fétat, qu’ils ne peuvent soutenir, s’abaissenbsp;entre leurs mains : puissent des moyens réparateurs preserver la France de ce tristenbsp;sort.

Ce n’estpas que je veuille présenter Fan-

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cifiiDG education cornrae la seulc quipuisso donner a la palrie des citoyens éclairés ; jenbsp;je sais qu’il iui inanquait beaucoup de cho-ses pour remplir ce but ; inais i’expériencenbsp;nous a trop appris, qn’en fait d’insrructionnbsp;publique, il faut, si Ton ne veut pas tout per-dre , améliorer et non détruire.

Quelque sentiment que 1’on ait conserve sur Tancienne université de Paris , il fautnbsp;conv nir qu’elle était en arriêre de plusieursnbsp;siècies pt ur tout ce qni concerne les Sciencesnbsp;et les arts. Péripatéticienne, lorsque Ie mondenbsp;savant avait renonce , avec Descartes , a Ianbsp;philosophie d’Aristote , elle devint carté-sienne quand on fut newtonien : telle est lanbsp;coutuute des corps enseignans qui ne fontnbsp;point de déconvertes. Investis a leur formation d’une grande influence sur les opinionsnbsp;scientifiques , paree qu’ils sont composes desnbsp;liommes les plus instruits du tems, ils veu-lent constamment consorver ces avantages.nbsp;Ils souffrent diflicilement qn’il se forme,nbsp;hors de leur sein, des opinions nouvelles,nbsp;qui pourraient balancer les leurs j et si Ienbsp;progrès des Sciences les oblige enfin d’aban-donner leur doctrine , ils n’adoptent jamaisnbsp;^es theories les plus modernes , fussent-ellesnbsp;d’aiiieurs preferables j ils embrassent celles

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qui leur étaient antérieures de quelque tems, etqu’eux-iiiêines avaient précéueinmentcom-battues. Cette inertie des corps enseignans,nbsp;est un mal inevitable , paree qu’elle est l’ef-fet de l’aiiiour-propre, la plus invariable desnbsp;passions,

Une pareille fixité d’opinions pouvait avoir quelques avantages lors de la dé-cadence des sciences et des lettres : ellenbsp;conservait sans altératlon Ie dépot desnbsp;connaissances humaines , ce qui était Ienbsp;plus grand bienfait que des siècles d’igno-rance pussent transinettre a la postérité,nbsp;C’est une justice que l’on doit aux congregations monastiques, qui de tout temsnbsp;ont été, dans leur intérieur, des corps en-seignans. Mals maintenant que les sciencesnbsp;ont une marche rapiJe et assurée, mainte-nant que rimprimerie nous a défendu pournbsp;toujours contre les efforts de la tyrannic etnbsp;de i’ignorance , des corporations enseignan-tes, et par-la même stationnaires, ne fe-raient que retarder les progrès des lumièresnbsp;sans produire aucun bien j puisque Ie seulnbsp;service qu’elles paissent rendre est devenu knbsp;jamais inutile.

L’assemblée constituante ayant vaineraent essayé de maintenir i’éducation existante,

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quelques-uns de ses membres tlernandèrent qu’on posdt au moins les bases nécessairesnbsp;a son rétablissement. Plusiours projets furentnbsp;présentés et leur résultat general fut soumisnbsp;a la discussion. Dans tons on s’accordaitnbsp;a regarder I’instruction publique commenbsp;Ie seul moyen de généroüser la liberté civilenbsp;et de raaintenir la liberté politique. On con-venavt de I’insuffisance des anciennes institutions , qui avaient étó créées pour un butnbsp;tout différent 5 enfin on proposait divers de-grés d’enseignement, depuis les connaissan-ces qui sont nécessaires a tous les hommes,nbsp;Jusqu’aux speculations élevées par lesqueüesnbsp;s’opère Ie perfectionnement general et gra-duel de 1’esprit huraain. Les inoyens d’exé-cution attachés a ces divers plans étaient a-peu-près les inêmes en les combinant, ii eutnbsp;été facilede former un excellent systêmed’ins-truction.Maisacette époque Tassemblée constituante toucliait a sa dissolution. Les partisnbsp;qui la divisaient étaient trop occupés de leursnbsp;intéréts présens pour songer a ceux de l’ave-nir ; ils étaient peu portés a établir , avecnbsp;quelqu’apparence de stabilité ,unedifice quenbsp;tous,par des motifs djvers.se promettaientin-térieurement de detruire. L’organisation denbsp;Tinstruction publique fut doncrenyoyée a Tas-

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semblée legislative ; on ne voulntpas même décréter l’existence des écoles primaires : lesnbsp;motifs apparens de eet ajournement furentnbsp;riiuportance de l’objet, et les meditationsnbsp;profbndes qn’il exige. Les yéritabies ,nbsp;étaient la crainte de laisser ce moyen d’in-fluence entre les mains du pouvoir exé-cutif que l’on voulait abaisser,

L’assernblee legislative, encore plus agitée que la constituante, s’occupa peudes sciencesnbsp;et de Tinstruction publique. Condorcet luinbsp;présenta sut cette matière un vaste plan quinbsp;ne fut pas adopté. Ce n’était pas au momentnbsp;de la chute du tröne, ce n’était pas au milieunbsp;des massacres de septernbre, que l’on devaitnbsp;songer a donner aupeuple lesinstitutions quinbsp;éclairent l’esprit, règlent les inoeurs , ensei-gnent a respecter les lois , la justice etl’hu-manité. Cette assemblee impuissante, pournbsp;défendre Ie gouvernement, trop faible pournbsp;Ie remplacer, fut renversée avec lui.

La convention nationale lui succéda. Ce fut un mélange de tous les partis; a cöténbsp;d’hommes honnêtes et éclairés, on reconnutnbsp;lesféroces auteurs des vengeancespopulaires.nbsp;Ces derniers , déjii reinplis d’audace, se for-tifièrent encore par la terreur et 1’impunité.nbsp;Saus cesse attachés a flatter les passions de la

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multitude, appelant i’ordre unvil esclavage , I’au torite des lois une insupportable tyrannic,nbsp;ils s'’entourèrentd’une efiVayante popularite.nbsp;Ennemis de tout ce qui pouvait ramener lanbsp;tranquilité , ils écartèrent avec derision lesnbsp;lois relatives I’orfiranisation de I’instruction

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publique. Foinentant le trouble et la defiance par des denonciations continuelles ; parlant sans cesse de conspirateurs et denbsp;trahison; montrant le souverain dans lesnbsp;sections de Paris, et la volonte du peuplenbsp;dans celle des comités i'évolutionnaires jnbsp;entretenant, dans la commune de Paris ,nbsp;une autorité a eux , rivale de la conventionnbsp;elle-meme , ils acquirent bientot xrn pouvoirnbsp;terrible qu’ils manifestêrent a leur rnanière ,nbsp;c’est-a-dire , par des atrocités. Quelquesnbsp;hommes courageux resistaient encore j ilsnbsp;étaient redontables par leur civisme, leursnbsp;talens et leurs vertus : on fit deraander I’ar-restation des principaux d’entr’eux par lanbsp;commune, qui enapporta la listc. Le 2 juinnbsp;1798 , ils furent proscrits , et iln’y eutplusnbsp;de liberté.

Ce fut pourtant an milieu de cette crise que 1’on decreta Faggrandissement dunbsp;Museum d’fiistoirc naturelle ; et ce quinbsp;était plus utile encore, que 1’cn en fit

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nn etaWissemer.t [d’iristruction publiqiie. Quelles etalent done ces mains blenfaisantes,nbsp;niais invisibles , qui soiitenaient encorenbsp;I’edifice des sciences, lorsque I’Etat etaitnbsp;renverse ?

Conclorcet, que Ton avait d’abord oublié , ne tarda pas a epronver le sort des deputes de son parti. Ses vues généreuses ne pouvaient s’accorder avec les principes desnbsp;septCxiiDriseurs. 11 denonqa a ses commettansnbsp;i’outrage que venait de recevoxr la representation nationale; il les prevint contrenbsp;la constitution qu’on allalt ieur donner.nbsp;C’etait unacte de courage que la mortseulenbsp;pouvait expier. On ordonnason arrestation.nbsp;Celui qni se chargea de I’accuser, lui litnbsp;en quelque sorte un crime d’avoir été aca-deinicien et philosophe.

Quelques jours apres,Robespierre, comme s’il eut voulu faire croire que la conventionnbsp;n’avait rien perdu du cóté des talens , ra-menaladiscussion sur 1'instruction publique.nbsp;II lut a la tribune , un long projet d’éduca-tion nationale , onvrage postume de Lepel-ietier , et en vota fortement I’adoption.nbsp;Ce plan portait que tous les enfans , sans exception , seraient élevés en commun aux

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frais dc la république. Ptobespierre pre-senta ces dispositions co mine les seules qui pussent assurer la conservation, des principes républicains. Cependant il trouva desnbsp;contradicteurs, Lesunscombattirent leprojetnbsp;comme inexécutable et immoral y d’autres Ienbsp;regardèrent comme inutile. En général, ilsnbsp;ne voyaient pas la nécessité d’organiser Tins-truction publique , qui , toujours plus knbsp;portee du ricbe que du pauvre , leur pa-raissait contraire arégallté. Après une dis-cusion long tems prolongée , on se borna anbsp;decider qu’il y aurait une education commune , mals libre j et ee résultat insigni-fiant, eut du moins Favantage de preserver Finstruction et la morale publiques,nbsp;des maux irréparables que leur aurait f'aitsnbsp;nn plan conqu et txécuté a cette époque.

Cependant au milieu d’une deliberation qui semblait Touer la France a Pigno-rance, on saisit les avantages d’un travail qui avait exigé toutes les ressourcesnbsp;des Sciences et des Arts. Ee nouveaunbsp;systeme de poids et mesures fut mis ennbsp;activité. Quoique les operations entre-prises pour ia détermination d’un are dnnbsp;maridien , ne fussent pas encore acbeyées ,

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I’academie avait calculé Ie Metre d’après les observations anciennes , avec une exactitude suffisante pour tons les besoins de lanbsp;societé, Elle avait determine , par des experiences précises , Ia longueur du pendule a secondes , et Ie poids d’un centimetre-cube d’eau distillée : c’étaient lesnbsp;élémens de toutes les autres mesures. Lesnbsp;observations nouvelles ne pouvaient appor-ter a leurs valeurs que des corrections in-sensibles j on s’empressa d’en introdnirenbsp;l’usage, molns peut être par amour du biennbsp;public , qu’en balne des anciennes institutions. La convention déclara qu’elle étaitnbsp;satil'alte du travail de I’academie; elle adoptanbsp;ses rssultats , ordonna I’etablissernent dunbsp;nouveau systèine dans toute l’étendue de lanbsp;république , et l’offrit a l’adoption des nations étrangères.

Quelques jours après , les académies fu-rent supprimées ; on laissa seulement sub-sister Ia commission chargee, par I’acadernie des Sciences, du travail relatif aux poidsnbsp;et mesures.

Quoique I’edncation commune eut été dé-cretée sur la proposition de Robespierre, lea hommes éclairés qui restaient dans la


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Convention , trouvèrent Ie raoyen d’en~ traver cette mesure. I!s firent demander,nbsp;par les autorités constituées de Paris , Jenbsp;rétablissement de 1’instruction publique ;nbsp;et enievèrent , en quelque sorte par surprise , un décret qui établissait, outre lesnbsp;écoles primaires , trois degrés d’enseigne-mens ; c’était revenir aux projets de i’as-semblée constituante. Les révolutionuairesnbsp;voulurent faire raporter cette decision,nbsp;comme contraire a Tégalité , ef^ la loi quinbsp;ordonnait une education commune ; maisnbsp;cette fois ils eurent Ie dessous. Par cenbsp;même décret les colléges de plein exercice ,nbsp;les facultés de théologie , de médecine , desnbsp;arts et de droit furent supprimées.

Ces faits montrent assez ce qu’était alors la convention j divisée en deux partis qui,nbsp;sous les mêmes dehors , marcliaient a desnbsp;buts contraires : Pun, compose d’hommesnbsp;ignorans et féroces, dominait par la force ;nbsp;l’autre plus éclairé , se soutenait par 1’a-dresse. Les premiers , possesseurs inquielsnbsp;d’un pouvoir absolu, et decides a toutnbsp;perdre poor le garder , s’efforcaieiit d’a-néantir les talens et les lumières qui leurnbsp;fesaient sentir leur humiliante infériorité.nbsp;Les autres , tenant le même langnge,

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agissaient dans un sens oppose ; ils sau-vaient les Sciences et les Arts , en les couvrant du manteau de leurs ennemis.nbsp;Mais obliges, poui' conserver leur influence,nbsp;de ne jamais se montrer a découvert , ilsnbsp;n’eroployaient leurs moyens qu’avec unenbsp;extreme réserve ; et ce rapprochement ex-plique h'la fois Ie bien qu’ils ont fait, Ienbsp;mal qu’ils ont eaipêché , et les malheursnbsp;qu’ils ii’ont pas pu préyenir.

La France touchait a sa pertej Lan.drecies, Ie Quesnoy , Condé , Valenciennes étalentnbsp;au pouvoir dc Tennemi j Toulon s’était livrénbsp;aux Anglais ; des flottes nombreuses tenaientnbsp;la mer et effectuaient des débarquemens,nbsp;Au-dedans , la famine et la terreur j la Vendée , Lyon, Marseille en état de révolte.nbsp;Point d’armes, point de poudre , aucun alliénbsp;qui put OU qui voulut en fournir 5 et, pournbsp;toute ressource , un gouvernement anarchi-que , saus plan , sans moyens de defense,nbsp;habile seulement a persécuter. Tont annon-cait que la républiqne allait périr avantnbsp;d’avoir eu une armee d’existence.

Dans cette extrémité on appela au comité de salut public deux nouveaux membres ,nbsp;que Ton chargea dc la par tie militaire.

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lis organisèrent les armées, congurent öes plans de campagne, préparèrent les ap-provisioiinemens.

II fallait armer neuf cent mille hommes ; et, ce qui était plus difficile, il fallait persuader la possibiiité de ce prodige a un peu-ple méfiant, toujonrs pret a crier è. la trahi-son. Pour cela les anciennes manufacturesnbsp;jn’étaient rien; plusieurs , situées sur lesnbsp;Ifontières, étaient envahies par l’ennemi.nbsp;On les recréa par-tout avec une activité jus-qu’alors inconnue. Des savans furent chargés de décrire et de simplifier leurs procédés 5 la fonte des cloches donna tout Ie cui-vre nécessaire. L’acier manqnait, on n’ennbsp;pouvait tirer du dehors, i’art de Ie faire étaitnbsp;ignore ; on demanda aux savans de Ie créer,nbsp;ils y parvinrent ; et cette partie de ia dé-fense publique devinü indépendante de l’é-tranger.

Les besoins de la guerre avaient fait sentir, de la manière la plus pressante , la nécessiténbsp;d’avoir Une bonne topographie , et Finsuffi-sance des cartes que Pon possédait. Mieuxnbsp;instruit par l’expérience , on rappela auxnbsp;armées les ingénieurs géographes qne l’as-semblée constituante avait supprimés 5 et

quoiqu’ils

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quoiqii’ils n’aient pas pu, dans ces premiers inomens, dormer a leurs travaux l’étenduenbsp;et Ie détail nécessaires , ils ont cependantnbsp;préparé les grands résultats ohterms depuisnbsp;dans cette partie. Rien n’est plus aisé quenbsp;de détruire j rien n’est si difficile, et sur-tont si long, que de réédifier.

On eut également la sagesse de conserver a leurs fonctions , les élèves et les Ingénieursnbsp;des travaux civilsqui se trouvaient dans l’agenbsp;de la requisition. Quelque besoin que l’onnbsp;eut de défenseurs , on sentait qu’il faut dixnbsp;ans d’étude pour faire un ingénieur , tan-dis que la santé et Ie courage suffisent pournbsp;créer un soldat. Cette époque désastreusenbsp;offre des exeniples de prudence et d’habilité,nbsp;que l’on n’a pas toujours imités dans desnbsp;tems plus tranquilles.

Les Sciences venaient de rendre de grands services, on les calomnia ; ceux qui lesnbsp;avaient ernployées furent obligés de les dé-fendre, et Ie firent avec courage, Une cir-Constance , aussi imprévue que singulière ,nbsp;acheva de faire rechercfiér leurs secours,

Un officier arrive au comité de salut pu-filic ; il annonce que les armées sont en présence , mais qu’on n’ose envoyer Ienbsp;soldat au feu paree que les eaux-de-vie

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sont empoisonnées j des malades en ont bu dans les hópitaux, et sont inorts. II prienbsp;Ie comité de les faire examiner, lui de-inande des ordres sur eet objet, et reut re-partir a 1’instant.

On fait assembler aussitötles plus habiles ebimistesj on leur ordonne d’analyser lesnbsp;eaux-de-vie , et d’indiquer , dans Ie jour ,nbsp;Ie poison et Ie remède.

Ces savans travaillent sans relache, seuls , et ne se liant qu’^ eux-mêmes pour les plusnbsp;petits détails; a peine leur laisse-t-on Ie temsnbsp;d’acliever leurs operations. Ils arrivent aunbsp;comité de salut public, Robespierre prési-dait.

Ils annoncent que les eaux-de-vie ne sont point empoisonnées; qu’on y a seulementnbsp;ajouté de Peau dans laquelle se trouve denbsp;l’ardoise en suspension , en sorte qu’il suffitnbsp;de les liltrer pour leur öter toutes leurs pro-priétés nuisibles.

Robeamp;pierre , qui espérait une trahison , demande aux commissaires s’ils sont biennbsp;surs de ce qu’ils viennent d’avancer. Pournbsp;toute réponse , un d’eux fait apporter unnbsp;filtre , y passe la liqueur , et n’hésite pasnbsp;a en boire : tous les autres suivent sonnbsp;exemple. Comment, lui dit Robespierre ,

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oscz vous boire de ces eaux empoisonnées ? J’ai bien osé davantage, répondit-il ,nbsp;quand j’ai nns mon nom au bas du rapport,

Ce service , qnolque peu important par lui-rnême , aclieva de faire concevoir l’uti-lité des savans : on en appela un plus grandnbsp;nombre p/ès du comité do salut public. Lanbsp;jls étaient a l’abri des dénonciateurs subal-ternes, dont la France était peuplée. N’ayantnbsp;de relations qu’avec les membres chargésnbsp;de la parfie militaire , qui cherchait a lesnbsp;sauver , ils pouvaient , en gardant Ie silence , échapper aux regards soupconnenxnbsp;des tyrans. II n’y avait alors qu’une seulenbsp;ressource pour Ie mérite et la vertu : cacher

sa vie et se faire oublier. O Lavoisier , Bailly , Condorcet, pourquoi n’eutes-vousnbsp;pas ce bonheur ? Réunis aujourd’hui a ceuxnbsp;de vos amis qu’une sage obscur ité a sauvés,nbsp;vous jouiriez comme eux de la gloire denbsp;la France , dont vous feriez Fornement.

Déja , a 1’époque dont nous parlons , Bailly n’était plus. Ses vertus , ses talens ,nbsp;son nom célèbre dans toute l’Europe , lanbsp;raanière noble et courae;euse dont il avaitnbsp;présidé a la naissance de la liberté fran-qaise 5 en un mot, tont ce qni attire 1’estime

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II

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et Ie respect des hommes , f«t une barrière inutile contre la rage féroce qui Ie poursuirait. II mourutj et les détails de sonnbsp;supplice furent all'reux.

Au milieu de cette sanglante persecution , tous les moyens de defense sortirent de l’atelier obscur ou Ie génie des Sciencesnbsp;s’était retire.

La poudre était ce qui pressait Ie plus : Ie soldat allait en manqtier. Les arsenauxnbsp;étaieiit vides. On asseiiibla la régie pournbsp;savoir ce qu’elle pourrait fairq,. Elle dé-clara que ses produits annuels s’élevaientnbsp;èi trois inilHons de livres 5 qu’ils avaientnbsp;pour base du salpêtre tiré de i’Inde 5 quenbsp;desencouragemensextraordinairespouvaientnbsp;les portee a cinq millions ; mais qu’on nenbsp;devait rien espérer de plus. Lorsque les membres du comité de salut public annoncèrentnbsp;aux administrateurs , qu’il fallait fabriquernbsp;diX'Sept millions de poudre dans l’espace denbsp;quelques mois, ceux-ci restèrent interdits :nbsp;si vous y parvenez, dirent-ils , vous avez desnbsp;moyens que nous ignorons.

C’était cependant Ia seule voie de salut. On ne pouvait soriger atx salpêtre de l’Inde ,nbsp;puisque la mer était fermée. Les savans of-frireiit d’extraire tout du sol de la répu-

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bliqtie. Une requisition générale appela a ce travail , I’universaiite des citoyens. Unenbsp;instruction courte et simple , répandue avecnbsp;line inconcevable activité , fit , d’un art difficile , une pratique vulgaire. Toutes leünbsp;deraeures des hommes et des animaux fu-rent fouillées. On chercha Ie salpêtre jus-ques dans les ruines de Lyon j et Ton dutnbsp;recueillir la soude dans les forêts incendiéesnbsp;de la Vendee.

Les résultats de ce grand mouvement eussent été inutiles, si les Sciences ne lesnbsp;eussent secondes par de nouveaux efforts.nbsp;Le salpêtre brut n’est pas propre a fairenbsp;de la poudre j il est mêlé de seis et de terres,nbsp;qui le rendent huinide , et diminuent sonnbsp;activité. Les procédés employés pour lenbsp;purifier , deinandaient beaucoup de tems.nbsp;La seule construction des moulins a poudrenbsp;eut exigé plusieurs mois : avant ce terme ,nbsp;la France était snbjuguée. La chymie in-venta dos moyens nouveaux pour rafiner etnbsp;sécher le salpêtre en quelques jours. On sup-pléa aux moulins , en faisaut tourner parnbsp;des hommes , des tonneaux ou le charboii,nbsp;le souffre et le salpêtre pulverises, étaientnbsp;mêlés avec des boules de culvre. Par cenbsp;moyen la poudre se fit en douze heures.

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Ainsi se vérifia cetfe assertion hardie d’un inembre du comité de salut public : onnbsp;raontrera la terre salpêtrée , et cinq joursnbsp;après on en chargera le canon.

Les circonstances étaient favorables pour fixer dans toute leur perfection , les seulsnbsp;ro'ts qai occupaient la France. Des citoyensnbsp;de tons les departeiriens furent envoyes anbsp;Paris, pour s’instruire dans la fabricationnbsp;des armes et du salpêtre. On fit sur cat objetnbsp;dcs cours rapides , que Ton, appela révolu-lionnalres. Ils contribuèrent peu au mouvement general qui avail sauve la république ;nbsp;inais ils eurent un.effet non moins important;nbsp;celui de rnettre eri evidence I’etonnante fa-cllite des Irangais pour apprendre les sciencesnbsp;ct les arts. Heureux don qui forme un desnbsp;plus beaux traits du caractère de la nation, etnbsp;qui devait, qnelques instans plus tard , lesnbsp;retire!’ de la barbarie.

Malgre tant de services rendus par les sciences , les savans n’étaient pas moins persecutes ; les plus célèbres étaient les plus exposés. Lo vénérable d’Aubenton n’échappanbsp;a la proscription, que paree qu’ayant com-posé un ouvrage sur I’amelioration des trou-peaux, on le prit pour un simple berger.nbsp;Cousin , qui avail été moins heureux,

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composait dans sa prison des onvrages de geometrie , et donnait des lemons de physique è. ses compagnons d’ini'ortune-.

Lavoisier avait été aussi arrêté ; il f'alsait partie de la commission des poids et mesmes : on crut que ce litre pourrait Ienbsp;faire mettre en requisition par Ie comiténbsp;de salut public, et Ie rendre a la liberté.nbsp;Pes démarches furent fakes dans cette intention ; mais c’étalt mal connaitre l’espritnbsp;du moment. Elles mirent en evidence lanbsp;commission de Facadémie , a laquelle onnbsp;ne songeait plus ; on la cassa cornme suspecte j et on laissa Lavoisier en prison. Peunbsp;de tems après , eet homme illustre fut conduit a Féchaffaud. II vivrait encore si onnbsp;eut agi sur Favidité des tyrans, plutöt quenbsp;de s’adresser a leur justice.

Ceux mêmes que les besoins indispensables de la guerre avaient fait appelen auprès dunbsp;comité , n’échappaient k la mort qu’en senbsp;cachant dans Ie silence de leurs travaux,nbsp;Parler ou mêine penser sur Ie gonverne-inent, c’était conspirer. Que pouvaient desnbsp;hommes qu’un mot conduisait a 1’échaf-faud r Et combienn’y aurait-il pas d’injustic©nbsp;a les rendre responsables de ce qu’iis n’ontnbsp;pu empêclier ?

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Vers cette époque , quelques membres de la Convention appelèrent la discussionnbsp;sur rinstrnction publique , et demandèrentnbsp;fortement qu’on organisat les écoles pri-maires. Le parti révolutionnaire s’y opposa.nbsp;II ne voyait dans les sciences, qu’un poison,nbsp;qui énerve les républiques. Les plus bellesnbsp;écoles étaient les séances publiques des dé-partemens et des sociétés populaires. Desnbsp;bommes très-éclairés , sans employer lenbsp;rnême langage , parlèrent dans le mèmenbsp;sens. Plus politiques que les premiers , ilsnbsp;sentaient que le bien était impossible; etnbsp;qu’en Youlant le faire, on exposait auxnbsp;plus grands dangers le petit nombre d’hom^nbsp;mes instruits que la France possédait encore.

On fit sous ce rapport tont ce que les circonstances perrnettaient. On créa unenbsp;école militaire, on des jeunes gens de tousnbsp;les départemens devaient être exercés aunbsp;maniement des armes et a la vie des camps :nbsp;ce fut PEcoie de Mars. Son but n’était pas denbsp;former des officiers , mais des soldats instruits qui , répandus dans les armées fran-^aiscsjles rendissent bientöt les pluséclairéesnbsp;de FEurope, cornme elles étaient déja lesnbsp;plus aguerries. Le succès des cours révolu-

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tionnaires , relatifs aux poudres et salpêtre, avait fait concevoir la ppssibillté de cettenbsp;instruction rapide, dont lesavantages étaientnbsp;alors si précieux. On paria même d’établirnbsp;sur ce plan , une école normale , oü lesnbsp;savans les plus distingués fbrmeraient desnbsp;professeurs, et donneraient des lemons surnbsp;Tart d’enseigner.

Ainsi, un petit nombre d’hommes , dont on a trop mal apprécié la conduite , retar-daient seuls , par de constans efforts , lesnbsp;progrès de la barbarie , et luttaient de millenbsp;manières contre l’oppression que d’autresnbsp;se contentaient de supporter.

Enfin , Ie tröne sanglant que s’était élevé Robespierre , fut renversé : l’espérancenbsp;succéda a la terreur, et la victoire auxnbsp;revers.

Alors les sciences , sortant du foyer oü elles avaient été concentrées et cacliées ,nbsp;reparurent dans tout leur éclat, On con»nbsp;nut les fervices qu’elles avaient rendus ,nbsp;les dangers qui les avaient menacées. II futnbsp;permis , ö Condorcet , de savoir et de dé-plorer votre triste sort.

Le plan de campagne formé dans Ie comité de salut public , avait oomplettement réussi.

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Les arniécs francalses s’étalent portées sur les derrières de Tennerai , et menacant sanbsp;retraite , l’avaient force d’abandonner préci-pitamment les places qu’il avait conquises :nbsp;on marchait de succès en succès sur sonnbsp;territoire.

Les sciences et les arts , ranimés par Ia liberté, travaillèrent avec une activité nouvelle a preparer les victoires au dehors , etnbsp;a réparer les maux du dedans. Tout ce quenbsp;Ie génie, Ie travail et Factivité peuvent créernbsp;de ressources, fut employé pour que lanbsp;France put seule se soutenir contre toutenbsp;l’Europe , et se suffire k elle-même tautnbsp;que dnrerait la guerre , fut elle éternellenbsp;et terrible (i).

Les savans qni avaient opéré de si gran-dss cboses , jouissaient d’un crédit sans hornes, On ii’ignorait pas que la républiquenbsp;leur dcvait son salut et son existence. Ilsnbsp;prolitèrent de eet instant de faveur , pournbsp;assurer a la France cette supériorité de lu-inières qui i’avait fait triomplier de ses en-nemis. Telle fut 1’origine cle l’école Poly-techriique : les faits parlaient trop bant alorsnbsp;pour que Ton put mettre en doute Futiliténbsp;des sciences et des arts.

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Cet établissement avait un triple but; former ties ingénieurs pour les différens services; répandre dans la société civile desnbsp;hommes éclairés ; exciter les talens quinbsp;]gt;ourraient avancer les sciences : riennefutnbsp;cpargné pour remplir cette importante destination.

II était tems en effet de réorganiser l’ins-truction des corps destines aux services publics; la plupart en raariquaient entièrement. Quelques-uns avaient, a la vérité, des écolesnbsp;particulières; mais Fenseignement y étaitnbsp;faible etincomplet. Celle du génie militaire ,nbsp;la inleux dirigée de toutes , avait suspendunbsp;ses exercices par suite de Ia revolution.nbsp;On avait été réduit a former une école provisoire , OU Fori donnait rapidernent auxnbsp;élèves , les premières notions de Fattaquenbsp;et de la défeiise des places; après quoi,nbsp;on les envoyait aux armées.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;n

De pareilles institutions ne répondaient, nl aux besolns de FEtat ni a sa gloire.nbsp;Leur falblesse devait être sur-tout sentienbsp;par des hommes habitués aux idéés générales , et dont la revolution avait encorenbsp;exalte les esprits et aggrandi les vues. Cesnbsp;hommes voulurent que la nouvelle écolenbsp;des trayaux publics, fut digne en tout d«

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Ia nation è laquelle elle était destines. Leur plan fut vaste dans son objet, maisnbsp;simple dans son execution , et sü.r dans sesnbsp;résultats.

IIs virent que la science d’un bon ingénieur se compose de notions générales, communes a tous les genres de service ,nbsp;et de détails pratiques propres k chacunnbsp;d’eux. Parmi les premières et an premiernbsp;rang, sont les mathématlques élevées quinbsp;donnent de la tenue et de Ia sagacité k l’es-prit. Yiennent ensuite les grandes theoriesnbsp;de la chiraie et de la physique. Celles-ci,nbsp;fondées sur des définitions moins rigou-xeuses, mais procédant corame les mathé-'nbsp;matiques , développent cette sorte de tactnbsp;qui sert a interroger la nature , et montrentnbsp;les ressources qu’elle peut fournir. Enfin,nbsp;on doit y comprendre les principes générauxnbsp;de toutes les espèces de construction , dontnbsp;la connaissance est nécessaire pour rendrenbsp;l’ingénieur indépendant des circonstancesnbsp;et des localités. On eut done , dans la nouvelle école des cours de mathématlquesnbsp;pures et appliquées , des leqons de geometrie descriptive, de fortification , de dessinnbsp;et d’architecture civile , navale et militaire.

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Quand aux détails pratiques , on les renvoya aux anciennes écoles •, qn’on laissanbsp;subsister , en elevant toutef'ois leur ensei-gnement. On rétablit le corj s des ingénieurs géograplies : on créa une école desnbsp;mines, par ce moyen les besoins du service étaient assures, quelque fut le succèsnbsp;du nouveau plan : réserve bien sage et quenbsp;Ton aurait du toujours imiter.

II y avait encore bien loin de la conception de ce projet a son execution. C’était peu d’avoir clioisi les professeurs parmi lesnbsp;premiers savans de I’Europe , si Ton nenbsp;fixait leur leqon dans les esprits. Nenbsp;pouvant se communiquer a cbaque élèvenbsp;en particulier , ils avaient besoin d’agensnbsp;qui transmissent leurs actions k cettenbsp;nombreuse jeunesse , et qui fussent ennbsp;quelqtie sorte les nerfs de ce corps : lesnbsp;former fut le premier objet dont on s’oc-cupa.

Parmi les jeunes gens qui s’étaient pré-sentés au concours, on en clioisit vingt des plus distingués. On leur donna desins-trumens de physique , un laboratoire denbsp;cliiinie , et on les exerga sans relache surnbsp;toucesles parties du plan qu’il s’agissait d’exé-

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cuter. Ces élèves , sortis pour la plupart des écoles de service public , sentaient l’in.nbsp;suffisance de Finstruction qu’on y donnalt.nbsp;Avides de savoir , ils s’enflainmèrent parnbsp;la presence des hommes célèbres qui étaientnbsp;sans cesse avec eux. Les jours ne suffisalentnbsp;pas a leur zèle ; en trois mois ils furent ennbsp;état de remplir les fonctions qui leur étaientnbsp;destinées.

Ce n’étaït pas tout encore. Dans un tems oh 1’opinion et Ie pouvoir pouvaient variernbsp;d’un moment a l’autre , on lisquait beau-coup si l’on ne donnait d’abord h Lécolenbsp;polytechnique , sa forme definitive. Lesnbsp;créateurs de ce vaste pro jet , avaient vnnbsp;de trop prés la révolution , pour ne pasnbsp;sentlr cette vérité, Mais aupiaravant , ilsnbsp;voulurent qu’un essai fait en grand , assu-rat leur méthode , classat les élèves, etnbsp;montrat ce 'que l’on en pouvait attendre.nbsp;Ils développèrent done a leurs yeux , dansnbsp;des cours rapides, Ie plan général de 1’lns-truction. On parcouruten trois mois la ma*nbsp;tière du travail de trois années. Cette espècenbsp;d’existence au milieu des idees les plus sublimes qui aient occupé les hommes , ex-citait, dans ces ames neuves, un véritablonbsp;enthousiasme. C’était un spectacle tou-

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cliant, au milieu des divisions et des liaines que les partis avaient excitées, de voir qiaatrenbsp;cents jeunes gens pleins de confiance etnbsp;d’amltlé les nns pour les autres , écoutantnbsp;avec une attention profonde , les savansnbsp;illustres que la mort avait épargnés.

Les résultats d’une si grande experience, surpassèrent toutes les espérances que l’onnbsp;en avait conques.

Après cette instruction préliminaire , les élèves furent répartis en brigades , etnbsp;l’enseignement prit la marche qu’il devaitnbsp;toujours conserver.

On avait tout fait pour l’écoie polytech-nique ; mais son sort dépendait d’un élément alors plus incertain que les vents et les flots : c’était Ie tems. II ne fallait qu’unnbsp;moment d’orage pour renverser ce fanalnbsp;dressé aux sciences et replonger la Francenbsp;dans les ténèbres. On voulut qu’une vastenbsp;colonne de lumière sortit tout-a-coup dunbsp;milieu de ce pays desolé, et s’élevêt sinbsp;haut, que son éclat immense put couvrirnbsp;la France entière , et éclairer l’avenir-

On a conserve , avec un respect religieux, les noms de ces hommes dont l’existcncenbsp;se perd dans la nuit deè tems, et qui s’é-

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levant par leur génie au-dessus d’un siècle tarbare , civilisèrent les peuples , en. leurnbsp;donnant les lettres , les sciences et les arts.nbsp;Telle fut a la lln du i8.e siècle , la mission qu’eurent a remplir les illustres restesnbsp;du génie frangais. Depuis Tart de la parole qui réunit les hommes en société , jus-qu’a ces meditations profondes d’ou sortentnbsp;les loix générales de la nature , il fallut toutnbsp;rapprendre , tout recréer; mais ce qui autrefois ne s’était opéré que par la forcenbsp;lente et irresistible du tems , fut dans l’es-pace de quelques mois, connu, entreprisnbsp;et execute.

L’école normale , car on sent assez que c’est d’elle que nous parlons ici, telle quenbsp;Ie comité de salut public l’avait con^ue ,nbsp;devait durer plusieurs années , et memenbsp;devenir permanente , si Ie succès repondaitnbsp;aux espérances que Fon s’en était formées.nbsp;Les professeurs furentdans tous les genres^nbsp;les hommes les plus célèbres de la France jnbsp;et il faut Ie dire , a la gloire de notre pa-trie , malgré tant de malheurs qu’elle avaitnbsp;éprouvés , c’était aussi les plus savans hommes de FEurope. On la composa de 1200nbsp;élèves payés par Fétat. Noinbre immense,nbsp;si Fon regarde les dépenses qui devaient

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en revSnlter; mais a peine suffisant, si Ton consldère quel point l’ignorance s’étaitnbsp;accrue, et combien ii failait se hater d’ar-racherla France a )a baibarie. Ce peoplenbsp;qui avait vu et resseuti , en peu d’années ,nbsp;toutes les secousses de Tliistoire ^ était de-venu insensible aux impressions lentes etnbsp;jnoclérées ; il ne pouvait être reporté auxnbsp;travaux des sciences que par une main denbsp;géant, C’était en lui montrant des secoursnbsp;pour la guerre , qu’on devait Ie raiuenernbsp;aux arts de la paix.

L’école normale offrit Ie premier exemple de lecons orales données en même-tems surnbsp;touteslesparties des connaissances humainesnbsp;Des sténographes recueiilaient ces legonsnbsp;qui sur-le-champ multipliées par l’impressionnbsp;se propageaient dans tous les points de lanbsp;France avec une inconcevable activité. Onnbsp;apprit enfin la veritable nianière d’enseignernbsp;les sciences|j on connut, pour la premièrenbsp;fois , la métaphysique de leurs principes.nbsp;Elles parurent a tous les yeux comme unnbsp;temple antique , que visitent les voyageursjnbsp;mais qui reste ignore aux liabitans des chaU'-mières qui l’environnent, jusqu’è. ce qu’unenbsp;main puissante vienne en dégager la route,

et relever les ruines qui en obstruaiont

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I’entrée: c’était faire pour leur enseigne-ment , ce que Galilee , Bacon et Descartes avaient fait pour leurs progrès. Quand i’é-cole normale, n’aurait eu que ce seul ré-sultat , son existence eut été un bienfait : lanbsp;hauteur a laquelle les sciences sont paive-nues est immense. La vérité nait mainte-nant au-dessus des nuages qui arrêtent lesnbsp;regards du vulgaire : elle plane long-temsnbsp;dans ces regions élevées , avant de des-cendre vers Ie commun des hommes j etnbsp;que d’obstacles n’a-t-elle pas a vaincre pournbsp;erriver jusqu’a eux.

Un établissement si vaste ne pouvait sub-Sister long-tems / des causes multipliées, vinrent hdter sa ruine; mais l’impulsionnbsp;était donnée , et sa destinée était remplieJ

Le comité de saint public avait con^u l’école normale. Ce fut le comité d’instmc-tion publique que l’on chargea de l’orga-niser et de la diriger : de - ld le manquenbsp;absolu de plan , les oppositions sans cessenbsp;renaissantes , le défaut de force et de te-uue. Le comité d’instruction publique , knbsp;Bon tour, se déchargea sur deux de sesnbsp;membres , du soin qui lui était confié. Anbsp;peine investis de cette nouvelle autorité ,nbsp;ils devinrent un objct de jalousie. L’école

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normale ne fut plus que leur affaire par-ticulière ; et par Teffet de cette rivalité, toute rinfluence qui aurait a peine suffinbsp;pour la soutenir, se reunit pour la reuverser.

A cette cause s’en joignit une autre. Lorsque les élèves furent convoques , lanbsp;France sortait a peine de dessous lahachenbsp;de Robespierre. Les agens de cette tyrannic étaient par-tout en horreur j raais I’ef-froi qu’ils avaient inspire , joint h la craintenbsp;que Ton avalt du retour de leur puissance ,nbsp;leur conservait un reste de credit. Us ennbsp;profitaient pour saisir les occasions de s’e-loigner des lieux oh ils avaient exercenbsp;leurs vexations. Plusieurs se firent nom-mer élèves de I’ecole normale. Ils y por-tèrent , avec Fignorance qui leur étaitnbsp;propre , la haine , la raéfiance et Ie méprisnbsp;qui les suivalt par tout. A cóté d’eux, senbsp;trouvaient des hommes pleins de sagessenbsp;de talens et de lumièrcs j des hommesnbsp;dont Ie nom était célèbre dans toute FEu-rope; mais Ie respect dont ceux-ci étaientnbsp;revêtus , ne put enyelopper les autres jnbsp;1’envie s’empara de ce prétexte ; la mal-veillance Fexagera, et Fécole normale fut

suppriraée.

Cependant la plus helle partie de cette ins-

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titütion , Pesprit qui Pavait anirnée, subsists dans Ie recueil de ses séances. Cet ou-vrage , en rendant élémentaires des méthodes réservées jusqu’alors aux savans,nbsp;écarta les notions imparfaites et vaguesnbsp;que i’on avait coutume d’y substituer. Desnbsp;écrivains distingués, des professeurs habiles,nbsp;répandirent cette seraence féconde , et lanbsp;méthode philosophique ainsi popularisée,nbsp;changea pour toujours, la face de Pen-seignement.

C’est sur-tout dans la physique et les ma-thématiques que cette améboration s’est fait eentir d’une manié re remarquable. L’his-toire naturelle et Ia chimie en ont aussinbsp;retiré des avantages , mais ils devaient êtrenbsp;moins importans. Ces sciences nouvelles,nbsp;et propres en quelque fa^on au iS.esièccle,nbsp;evaient pris d’abord son caractère philosophique : elles étaient par conséquent mieuxnbsp;enseignées. II n’en était pas de même desnbsp;deux autres. Jamais la théorie , de la structure des cristaux, celle de la propagationnbsp;du son et de la chaleur, celle de Pélectri-cité et du magnétisme , n’avaient été sinbsp;clairement et sur-tout si exactement expli-quées. Jamais les élémens des mathématiquesnbsp;n’avaient été piésentés d’une manière plug

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simple , plus precise , plus dégagée de ces idees inéxactes dont une fausse méthaphi-sique les enveloppait, Jamais enfin les grandsnbsp;résultats ducalcul des probabilités n’avaientnbsp;été exposés avec autant de clarté et d’élo'nbsp;quence. Telle est Ia cause de Tenthou-siasme que ces leQons ont excitées, et denbsp;Tinfluence qu’elles ont eue. Le génie re-garde de haut j il voit aisément des rapports inconnus aux yeux ordinaires j etnbsp;lorsqu’il les éièye dans sa sphère , en ag-grandissant leur vue , Ia sirnplicité danbsp;spectacle qu’ils découvrent , les frappenbsp;d’étonnement et d’admiration.

Les desseins que Ton avait eus, en éta-blissant l’école normale^ pouvaient aisément se leporter a Fécole polytechnique, il suf-fisait de maintenir et de completter le genrenbsp;d’instruction qui s’y était établi. Ce plannbsp;offrait les plus grands avantages et un succes certain. Mais k cette époque, les sa-vans devenus moins nécessaires, avaientnbsp;dé ja perdu une partie de leur crédit : onnbsp;souffrait encore leurs conseils , on ne lesnbsp;laissait plus fibres d’eiécuter. En vain es-sayèrent-ils de développer les grandes vuesnbsp;qu’il les dirigeaient. Leurs plans furent traités de chiinériques. Une faible dépense

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présente ne put être balancée par l’espoir assure d’un immense avantage. Au lieu d’é-Jever reiiseigiiement de i’école polytecK-nique , on Tabaissa ; Ie nombre de sesnbsp;élèves fut dimiaué , ce lt;pui obiigea de s’as-surer de leur travail par des réglernens plusnbsp;sévèrès. Ce ne fut plus un établissementnbsp;libre , animé par I’enthousiasme de Fotude,nbsp;et consacré au perfectionnement des sciencesnbsp;et des arts , ce fut une école ou Fon formanbsp;des ingéniéurs. Elle ne cessa point d’êtrenbsp;«tile , et niême nécessaire ; mais Ie genre ,nbsp;et sur-tout Ie dégré de son utilité , futnbsp;change. On a procligué si souvent les tré-sors , pour asservir ou pour tromper lesnbsp;hommes : fallait-il done être avare quandnbsp;il s’agissait de les éclairer ? et quellenbsp;bonteuse parcimonie que celle qui s'attachenbsp;a dessécher les sources oii se nourrit Fes-prit huraain!

Mais Ie feu des sciences était rallumé dans trop de foyers ; il brillait par tout d’un tropnbsp;vif éclat, pour être étouffé en un momentnbsp;sous Ie pouvoir passager de Fignorance. Lesnbsp;mains qui avaient reconstruit Fédifice desnbsp;connaissances humaines , s'étaient d’abordnbsp;empressées de relcver ses respectables debris. Tandis que de nouveauxctabllssemens

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d’instruction naissaient de toutes parts , ceux qui avaient langui pendant la revolution gt; étaient déja ranimés j d’autresnbsp;que la terreur avait renversés, étaient déjinbsp;retablis sur des plans plus vastes et desnbsp;fondemens plus solides : on s’était efforcénbsp;de rendre au moins les bienfaits durables ,nbsp;car on savait que la reconnaissance ne de-vait pas être éternelle.

De toutes les institutions anciennes , celle qui rec^ut Ie plus d’accroissement, fut Ienbsp;Muséum d’histoire naturelle. Cet établissement , consacré dans l’origine alaculture desnbsp;plantes médicinales , n’offrait que des coursnbsp;destines k en faciliter la connaissance ,nbsp;OU a en indiquer les applications, Devenu ,nbsp;par Ia renommee de Buffon et les soinsnbsp;de Daubenton, Ie dépot general de toutenbsp;riaistoire naturelle, il avait vu s’accroitronbsp;ses ricliesses plus encore que son utilité,nbsp;A la revolution il s’était trouvé protégé parnbsp;cette sorte de respect qu’ont les hommesnbsp;les plus grossiers pour les productions denbsp;la nature , dont iis reqoivent ou dont ilsnbsp;attendent des soulaaemens a leurs maux.nbsp;II avait même été constamment défendu parnbsp;les administrations révolutionnaires , quinbsp;Vavaient dans leur dépendance. Le regar-

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dant en qnelque sorte comrae leur pro-priéfé particuliere , eiles mettaient de 1’or-gueii a Ie conserver , et atiraient infaillible-ment fait révolter les Iiabitans du faubourg qui I’environne , si on eut cssayé de luinbsp;porter aiteinte. Ces circunstances singu-lières, jointes ^ Ia grande union des pro-fesseurs avaient maintenu ce bel établissement dans un état sinon croissant du moinsnbsp;.stationnaire. A la renaissance de l’ordre,nbsp;On songea a lui donner rexteiision qu’ilnbsp;pouvait acquérir , et qui avait été déjanbsp;projettée et ordonnée au milieu mênte dcnbsp;la terreur. On. aggrandit Ie jardin de bota-nique j on doubla Tétendue du terrein destine a rétablissement } une menagerie futnbsp;formée j de nouvelles serres, de nouvellesnbsp;galeries s’élevèrent j on conlirma Taddition.nbsp;des nouveaux professeurs; tontes les dépensesnbsp;nécessaires lurent faites avec magnificence.nbsp;Ainsi, dans Ie inême lieu ou toutes les productions duglobe setronr'aient réunies, l’his-toire naturelle fut pour lapremière foisensei-gnée dans son ensemble; et ces cours de-venus célèbres par l’éclat de5 faits qu’on ynbsp;expose, Ie nombre des élèvesqui los fréquen-tent, et les grands onvrages dont ils ont été Ianbsp;cause ou Ie motif, ont fait du muséum d’his-

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toire naturelle, nn des premiers établissemens d’instruction aui existent en Europe.

Un autre non moins important par son Titilité , mais plus vaste dans son objet , Ienbsp;collége de France avail aussi survécu a lanbsp;revolution , et reprenait ses exercices. Hnbsp;n e devait sa conservation ni k son antiquenbsp;célébrité , ni aux talens des professeurs quinbsp;Ie composaient. N’ayant point de riches collections qui pussent attirer les regards ,nbsp;point de biens particuliers qui pnssent tenter l’avidité , il fut simpleoient oublié parnbsp;les révolutionnaires , et dut son salut anbsp;leur ignorance. Les professeurs partagèrentnbsp;riionorable persecution qui s’attachait alorsnbsp;a tout ce qui avait un mérite reconnu 5 maisnbsp;s’ilsn’échappèrent pas tons a Ia captivité, dunbsp;moins aucun ne perdit la vie. Enfin, lors-que des tems plus calmes permirent a lanbsp;vertu de se montrer , et aux talens denbsp;reparaitre , ils revinrent dans cette école ,nbsp;illustrée par leurs travaux et ceux de leursnbsp;prédécesseurs j ils y reprirent leurs hono-rables fonctions , sans s’informer du sortnbsp;qu’on leur réservaitj seulement aniraésparnbsp;Ie besoin et, si Fon peut s’exprimer ainsi,nbsp;•par Fhabitude d’être utiles. Mais bientótnbsp;Fappui du gouvernement et la consideration

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publique , vinrent récoinpenser leur zèle* Le collége de France est aujourd’huinbsp;chez nous , et peut-être dans le reste denbsp;l’Europe , le seul établissement oü l’on pro*nbsp;fesse , dans toute leur étendue , I’enseniblenbsp;xles connaissances humaines. Son but est denbsp;répandre sans cesse les notions élevées desnbsp;sciences; de maintenir, de preparer les pro-grès de la llttérature , soit en conscryantnbsp;le goüt et la pureta dee auteurs anciens ,nbsp;soit en faisant briller l’ordre , Fédat et lanbsp;ricliesse des modernes. Son devoir est d’etrenbsp;sans cesse a la têtede tons les établissemensnbsp;d’instruction publique, pour agiter devant euxnbsp;ie flambeau des lumières , les guider et lesnbsp;en trainer.

Par une de ces bizarreries inexplicables dont la revolution n’a offert que tropnbsp;d’exemples , les écoles de Médecine avaientnbsp;été suppriinées, è Tépoque ou leur servicenbsp;devenait le plus nécessaire , pour fournirnbsp;é. nos nombreuses armées les officiers denbsp;santé dont elles avaient besoin. Leur réta-blissement fut un des premiers objets dontnbsp;on s’occupa , quand la tourmente qui availnbsp;agité la France cornmen^a a s’appaiser.

Jusqu’a ces derniers temps , la médecine et la chirurgie , separées i’une de 1’autre ,

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se disputaient mutueilementla preeminence.

Toutes deux avaient leurs formes , leurs écoles particulières ^ elles semblaient s’êtrenbsp;divisé rhomanité souiTrante , au lieu de senbsp;réunir pour la soulager. De part etd’autrenbsp;les hom mes de mérite méprisaient ces inu-tiles distinctions , reste grossier des pré-jugés qui accompagnent l’enfance des sciences. 11b sentaient que 1’art de guérir doit com-prendre toutes les connaissances , tous lesnbsp;moyens qui peuvent contribuer k ses succèsjnbsp;inais ces idéés élevées étaient combattuesnbsp;par les petits esprits , qui n’étant pasnbsp;capables de saisir des rapports généraux,nbsp;attaclient toujours aux détails une grandenbsp;importance. La révolution tertnina ces dis

pittes

en réunissant les uns et les autres

dans les inêmes malheurs.

Lors du rétablissement de Tinstruction publique , les écoles de santé, fondées surnbsp;les plans et par les conseils des hommes lesnbsp;plus éclairés^ présentèrent un ensemble d’en-*nbsp;seignement complet sur toutes les partiesnbsp;de Tart de guérir. La physique et la chi-mie , qui en font la base, s’y trouvèrentnbsp;naturellement comprises , et rien de ce quinbsp;peut y contribuer , dans l’état actuel desnbsp;sciences, nefut oublié. De-1^ sont déjasortis

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(ks professeurs habiles , des axiatomistes célèbres , ét une multitude d’élèves dis-tingués , qui ont porté dans les armées etnbsp;dans toutes parties de la France , Ie coui’agenbsp;et Ie talentde leurs maitres.

Enfin , pour completter les moyens qui pouvaient contribuer au rétablissement desnbsp;lurnières, on songea a Torganisation denbsp;Fenseigueraent élémentaire Ie plus difficilenbsp;et Ie plus important lt;le tous j on adopta,nbsp;comme Tavaitfait TAsseinblée constituante ,nbsp;trois degrés d’instruction publique , parnbsp;conséquent trois sortes d’enseignemens j lesnbsp;écoles primaires , les écoles secondaires etnbsp;les écoles centrales. Maïs les premières etnbsp;les dernières furent les seules établies : Ianbsp;formation des autres fut d’abord négligée ,nbsp;ensuite oubliée , et enfin regardée commenbsp;inutile ; on a trop vu depuis que eetnbsp;intermédiaire est indispensable pour liernbsp;les anneaux extrêmes de l’enseignement.nbsp;Le vulde qu’on avait d’abord laissé entr’euxnbsp;n’a pas empêché les écoles centrales denbsp;fournir un grand nombre d’éièves , de pro»nbsp;duire d’exceilens iivres élémentaires, et denbsp;conserver pures a la jeunosse les sourcesnbsp;de l’éducatlon j mais il a affaibli leur forcenbsp;en éiendant la sphère de leur aelivité j et

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cette cause , jointe aux entraves contt-nuelles que lesdivers partis leur ont oppo-sées , a dü amener leur ruine.

Au reste, quelque forme que l’on donne a I’enseignement élémentaire dans lesnbsp;écoles publiques, il existe dans 1’état actuelnbsp;des connaissances des conditions auxquellesnbsp;il doit satisfaire , si Ton veut qu’il soitnbsp;utile a leur progrés.

La première est que les sciences et les lettres s’y trouvent alliées et reunies. On nenbsp;doit plus les séparer dans leurs bases, lors-qu’elles sont confondues a leurs sommets. Cenbsp;sont les lettres qui ont donné aux sciencesnbsp;l’eclat dont elles brillent aujourd’hui. Sansnbsp;les sciences la nation la plus lettrée devien-drait faible et bientót esclave; sans les lettresnbsp;la nation la plus savante retomberait dans lanbsp;barbaric.

II estégalement nécessaire que les sciences soient enchainées les unes aux autres. Cettenbsp;union fait leur force et leur véritable philo-pbie : elle seule a été la cause de tousnbsp;leurs progrès.

II faut enfin que les professeurs soient guidés et non pas asservis. Si tout est fixénbsp;jusqu’aux moindres détails , il n’y a pinsnbsp;d’émulation : que l’objet de Tenseiguement

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soit determine : que la forme génerale en soit réglée ; qu’il soit dirigé par une reunion d’ho mm es éclairés , mais que 1’instruc-tion publique soit -vivante ; que l’on cher4nbsp;che a exciter les esprits plutót qu’a lesnbsp;enchainer. Ainsi, point de corporations en-seignantes; elles ressernblent a ces statuesnbsp;antiques qui servaient autrefois k guidernbsp;les voyageurs , et dont Ie doigt immobilenbsp;indique encore, après des rnilliers d’an-nées , des routes qui n’existent plus.

Sur-tout n’oublions pas que tien n’est parfait dans sa naissance. Le tems seulnbsp;amenera un bon plan d’éducation , lors-qu’on profitera des défauts indiqués parnbsp;l’expérience, pour corriger et non pournbsp;détruire. Sans doute le plan sur lequelnbsp;furent établies les écoles centrales étaitnbsp;imparfait; mais réunissez les plqs savantsnbsp;hommes de FEurope, chargez les d’organisernbsp;l’instruction publique , en leur laissant lanbsp;plus entière liberté j leurs plans seront vas-tes , briilants , solides , cependans ils aurontnbsp;hesoin d’être modifies avec le tems. Lenbsp;tems est un levier qu’aucune puissance bu-maine ne peut suppleer. On ne fait pasnbsp;en un instant ce que vingt siecles n’ont punbsp;faire. Tachons done d’araéliorcr jusqu’a ce

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que nous soyons sArs de remplacer avec avantage. Quoique l’ancienne educationnbsp;fut trés incomplète , Ia destruction subite desnbsp;universités a été un grand mal ; n’imitonsnbsp;pas ceux que nous blainons , sur-tout dansnbsp;les torts qu’ils ont eus.

Voila les monnmens qu’élevèrent, dans l’espace de quelques mois , un petit nombrenbsp;de savants a peine échappés aus ravagesnbsp;de la terreur. Que Ton parcoure les an-nales des peoples ; que l’on rassemble , s’ilnbsp;Ie faut, plusieurs pays et plusieurs 3ges , onnbsp;re trouvera pas une nation , pas une époquenbsp;oil Ton ait tant fait pour I’esprit humain.

II resterait a exposer les grands résukats qui sont nés de ces efforts. On verrait lanbsp;France guérie de ses blessures, reprenantnbsp;sa place parmi les nations savantes de 1’Eu-rope; mais plus forte, et comrne grandie parnbsp;Tadversité. On verrait la nuit de la terreurnbsp;dissipée par la lumière éclatante de cesnbsp;hommes de génie, qui, calmes au milieunbsp;de forage , méditaient profondément sur lesnbsp;ouvrages éternels de la nature. II faudraitnbsp;montrer un des plus grands peuples dunbsp;monde, transporté tout-é-coup des arse-naux de Ia guerre .aux ateliers des arts ,nbsp;déployant dans ces études paisibles la méme

uperiorité qus dans les combats. II fau-

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drait peindre nos arraées portées sur les mers jusques dans ces cliraats mysterieus qui ont vu les premiers travauxnbsp;des hommes j faisant asseoir les sciencesnbsp;et les arts sur Ie char de la victoire, ra-menant enfin Ie calrae , et rendant a l’Eu-rope désolée un repos depuis si long-temsnbsp;perdu.

Mais ici je m’arrête : mon hut n’a pas été de suivre la marche tranquille desnbsp;sciences, lorsqu’elles sVvancent sous unnbsp;ciel sans nuages , éclairées par la doucenbsp;lumière de la paix. Ce n’est pas Ie calmenbsp;que j’ai dü peindre , mais la tempête jnbsp;j’ai voulu montrer les Sciences luttant avecnbsp;toutes leurs forces contre la plus violentenbsp;des revolutions; lorsque tout était conjure pour les détruire , qu’elles étaientnbsp;proscrites, persécutées, et qu'au milieunbsp;de cette persecution même , elles tiraientnbsp;encore de leur propre sein Ie salut de lanbsp;patrie : j’ai voulu enfin faire sortir denbsp;cette experience terrible, les phénomènesnbsp;mémotables, qui attestant leur iramuablenbsp;stabilité , ontprouvé aux races futures qu’ilnbsp;n’est point de tyrannic assez pesante pournbsp;replonger l’esprit humain dans les abimes denbsp;l’ignorance dont il est sorti pour toujours.

Fin.

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( Si )

NOTE.

Les moyens d’avoir du fer, de 1’acier , du sal-petre , de la poudre et des armes, avaient été créés pendant la terreur. Void , au commencement de lanbsp;troisième année de la République , les résultats denbsp;ee grand mouvement.

12 millions de salpètre extraits du sol de la France , dans 1’espace de 9 mois. A peine en retirait-on autrefois uu million par année.

i5 fonderies en activité pour la fabrication des bouches a lëu de bronze. Leur produit annuel porténbsp;amp; 7000 pieces. II ' n’existait en France que deux éta-blissemens de ce genre avant la revolution.

3o fonderies pour les bouches a feu en fer f donnant aSooo canons par année. II n’y en avait que quatrenbsp;au moment de la guerre : elles donnaient annuelle-inent 900 canons.

Les usines pour la fabrication des projectiles et des attirails d’artillerie multipliées dans Ie même rapport.

20 nouvelles manufactures d’armes blanches dirigées sur des procédés nouveaux. II n’en existait qn’uno-seule avant la guerre.

Une immense fabrique d’armes a feu créée tout è coup a Paris même , et donnant 140,000 fusils parnbsp;année ƒ c’est-è-dire , plus que toutes les anciennesnbsp;fabriques ensemble. Plusieurs établissemens de ce genrenbsp;forméssurie même plan dans les différens départemenenbsp;de la République.

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( so

188 ateliers de reparation pour les armes de touts espèce. Avant la guerre il n’en existait que six.

L’etablissement d’une manufacture de carabines : armes dont la fabrication était jiisqu’alors inconnuenbsp;en France.

L’art de renouveller les lumières des canons dé-couvert , et porté aussitót a une perfection qui permet de 1’exercer au milieu des camps.

La description des moyens par lesquels on peut extraire du Pin Ie goudron nécessaire è la marine.

L’Aérostat et Ie Télégrapbe devenu* des machines de guerre.

Tons leS procédés des arts de la guerre simplifiés et peifectiorinés par 1’application des theories les plusnbsp;sarantes.

Un établissement secret forme a Meudon pour eet objet. On y faisait des experiences sur la poudre denbsp;muriate suroxigéné de potasse , sur les bouletsnbsp;incendiaires , les boulets creux , les boulets knbsp;bague.

De grands travaux commences pour extraire du sol de la France tout ce qui sert i la construction,nbsp;è i’équipement' et aux approvisionnemens des vais-seauxi

Plusieurs recherches pour remplacer ou reproduire les raatières premières que les besoins de la guerrenbsp;avaient dévorécs ; pour multiplier Ie salin et lanbsp;potasse que la fabrication dè la poudre enievaientnbsp;aux manufactures.

Une instructión simple ét lumineuse pour fixer l’art

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de fabriquer Ie savon, et Ie mettre a portee de tons les citoyens,

L’invention de la pê.te qui compose les crayons que 1’on tirait précédeminent de l'Angleterre.

Et ce qui était inapréciable dans ces circonstances j, la découverte d’une méthode pour tanner, en peunbsp;de jours , les cuirs qui exigeaient ordinaireiaeiit plu-,nbsp;sieurs années de preparation.

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