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ÁLBUM HORS SERIE
PRIX : 5 FRS
AOUT 1936
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L'ILLUSTRATION
AOUT
1936
94e ANNÉE
RENE BASCHET, Directeur.
Gaston SORBETS, Rédacteur en chef.
Louis BASCHET, Codirecteur.
LA LUTTE FRATRICIDE AUTOUR^DE MADRID :
HALTE DE RENFORTS GOUVERNEMENTAUX AUX APPROCHES DU FRONT DE GUADARRAMA
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LA GUERRE CIVILE EN ESPAGNE
de l'autre moitié; le désarmement de la garnison à Grenade après
lesplus cruelles batailles ; des bandes qui sortaient de quelques cités
pour aller combattre ou mourir dans d'autres cités sans savoir
sûrement par quoi ni pour quoi ; l'anarchie à Valence ; les
partidas
de Sierra Morena ; le canton de Murcie livré à la démagogie et
celui de Castellón aux apostoliques; les bourgs de Castille appelant
du haut de la barricade à une guerre des communes; une horrible
et mystérieuse scène de querelles et de coups de poignard entre les
émissaires des cantonalistes et les défenseurs du gouvernement à
Valladolid; la capitale de l'Andalousie en armes; Carthagène en
délire ; Alicante et Almería bom-
bardées ; l'escadre espagnole
passant du pavillon rouge aupa-
villon étranger ; les côtes dépecées ;
l'insécurité de toutes parts; nos
parcs se dissipant en fumée et
notre escadre coulant au fond de
la mer ; la ruine de notre sol ; le
suicide de notre parti...» L'ora-
teur espérait que ces déchirements
de la
« malheureuse Espagne »
ne recommenceraient pas.
L'histoire se répète, hélas !
avec des drames aggravés. La
guerre fratricide de 1936 dépasse
en horreur et en destruction
le tableau du désordre d'il y
a soixante-trois ans.
Et le chaos
ÍA guerre civile qui, depuis le milieu de juillet 1936, déchire,
ensanglante et ruine l'Espagne est devenue, par son caractère
social et par les risques d'incendie qu'elle fait naître en
Europe, la plus immédiate des préoccupations internationales.
Ce conflit, où s'opposent deux implacables mystiques, marquera
dans notre siècle, quelle que soit l'issue de la lutte en cours, une
date plus décisive encore, peut-être, que celle de la chute de la
monarchie espagnole et de l'avènement de la République.
En raison de l'importance européenne de la tragédie qui se
développe au delà de notre frontière des Pyrénées,
L'Illustration
a voulu réunir dans un album
d'histoire, comme elle l'a déjà
fait pour la guerre éthiopienne, la
somme documentaire des photo-
graphies, dessins, cartes, corres-
pondances et articles reçus par
elle pendant la première phase
de l'insurrection espagnole.
Bien que dirigée par des
généraux, cette révolte contre
le gouvernement de Madrid
ne saurait être en rien comparée
aux précédents coups d'Etat
militaires qui ont fait de la
péninsule Ibérique la terre élue
des
pronunciamientos. Deux
masses s'affrontent et, si
l'élément militaire apparaît
plus important chez les insurgés
que chez les
« loyalistes », le
Le corps sanglant du député monarchiste Calvo Sotelo assassiné, le 13 juillet,
par des gardes d'assaut.
d'aujourd'hui a des raisons
trop profondes pour qu'entre les
gros des forces, de part et
d'autre, est formé de civils en
armes. Dans ce conflit, la tra-
dition, représentée par l'union
de tous les partis anticollecti-
vistes, depuis le carlisme et la
droite monarchiste jusqu'à des
républicains indiscutables
comme l'illustre écrivain
Miguel de Unamuno, fait bloc
contre l'esprit révolutionnaire
pénétré d'internationalisme et
qui trouve son expression
extrême dans les groupements
communistes et anarchistes.
Guerre que rendent atroce
et sans merci les violences qui
marquent les passions du
caractère espagnol. Car les
ruines désolantes, les incendies
d'églises, les massacres de
vaincus et les prises d'otages ne
sont pas chose nouvelle dans
l'histoire intérieure de l'Espagne.
Le 26 mai 1874, cinq mois après
la chute de son gouvernement,
Emilio Castelar, qui fut l'un
des rares hommes d'Etat de la
République tourmentée de 1873,
fit à Grenade, devant un audi-
toire républicain, le bilan des
troubles où, l'année précédente,
le carlisme et la démagogie
avaient eu leurs responsabilités
respectives.
« Nous vîmes, dit-il,
des émeutes quotidiennes ; des
sonneries de tocsin générales ;
l'indiscipline militaire ; des
républicains chers au peuple
tués par le fer dans les rues ; des
populations pacifiques excitées
à la rébellion ; une dictature
démagogique à Cadix ; de
sanglantes rivalités à Malaga
de presque la moitié des habitants
et la guerre entre les factions
adversaires on puisse espérer
une conciliation. Etrange fatalité
de la vie des peuples ! Depuis
la guerre hispano-américaine
et hors des sacrifices exigés pour
son établissement dans une zone
marocaine, l'Espagne, dans une
atmosphère européenne troublée,
avait eu une situation de pri-
vilège. La catastrophe de 1914
à 1918, où furent engagées et
meurtries presque toutes les
nations européennes, ne l'avait
pas atteinte. Au contraire, cette
crise dont elle fut la spectatrice
et dont profita son économie
nationale lui permit de relever
sa trésorerie et de développer
son industrie, son commerce,
ses fortunes. Que l'on se rappelle
ce temps où, sur notre littoral
et près de la frontière, tant de
propriétés de la France
appauvrie passèrent entre les
mains d'acquéreurs espagnols,
tandis que le tourisme en masse
allait visiter les trésors artis-
tiques et les sites intacts de ce
pays alors paisible.
Aujourd'hui tout change.
L'Espagne perd son sang avec ses
richesses, et, sur son sol et dans
son âme, la guerre intérieure
fait plus de ravages que n'en
aurait peut-être produit une
guerre étrangère. La France,
qu'un voisinage immédiat et
tant de liens étroits unissent à
cette sœur latine, est le témoin
désolé du cataclysme qui passe
sur elle, car, chez nous, hors
des sympathies ou des hostilités
partisanes, on ne saurait voir
dans les deux Espagnes en conflit
qu'un seul pays que nous aimons
et qui souffre.
Le serment des amis de Calvo Sotelo au cimetière
OÙ fut inhumé la victime. — Photographies Keystone.
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L'ILLUSTRATION
A la frontière de Gibraltar, devant le rocher, des sentinelles marocaines gardent la route.
Un pont de fortune établi par les insurgés, sur l'emplacement
de l'ancien pont détruit par les gouvernementaux, près de Huesca.
Une pièce d'artillerie au quartier général des insurgés à Vera.
Photographies Associated Press.
A Barcelone : rassemblement des camions emmenant des contingents de miliciens populaires à l'attaque de Saragosse. — Umonphoto-Reïssner
CHEZ LES GOUVERNEMENTAUX ET CHEZ LES INSURGÉS
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L'ILLUSTRATION
Artillerie gouvernementale montée sur camion.
Avion prêt au départ pour aller bombarder Saragosse.
un réformisme tempéré, les conservateurs, mis en
échec par la dernière consultation électorale,
reconstituaient leurs forces. Le désordre écono-
mique et politique, les grèves continues, les excès
et les représailles, marqués par de nombreux
sante que constituait la pression communiste
valurent des alliances nouvelles à l'opposition
traditionaliste.
Des mesures de méfiance peut-être trop brutales
exaspérèrent certains chefs militaires, dont la dis-
grâce ne supprima point l'influence sur les états-
majors et sur les troupes. Et il apparut bientôt
que deux grandes fractions espagnoles, aux concep-
tions farouchement contradictoires, faisaient deux
mondes distincts qui ne pouvaient coexister.
Le cabinet Quiroga, composé de républicains de
gauche et de radicaux de la nuance socialisante
de M. Martinez Barrio, vécut ses heures les plus
difficiles quand il connut qu'il avait à défendre le
régime à la fois contre la menace d'un coup de
force de la droite et contre l'usurpation de l'auto-
rité de fait par un extrémisme de gauche qui ne
cessait d'entretenir dans le pays l'agitation des
masses et dont le but proclamé restait la révolu-
tion sociale totale, le Front populaire n'étant pour
lui qu'une simple phase préparatoire de cette
révolution. La crise, dans la première quinzaine de
juillet, était latente. Elle devait être précipitée
par un geste sanglant qui décida de la guerre
civile : l'assassinat, dans des conditions odieuses
et par des hommes appartenant aux milices gou-
vernementales, de M. Calvo Sotelo, chef du groupe
parlementaire monarchiste.
LA GUERRE CIVILE EN ESPAGNE
Les origines du mouvement
Sans doute peut-on faire remonter l'origine du
conflit actuel au temps même de la révolution
espagnole qui, en raison de la division des esprits,
des divers climats politiques des provinces, et
aussi des contradictions de la race, ne pouvait
faire l'unanimité de la nation. Les élections à la
Constituante, en 1931, assurèrent le pouvoir des
partis de gauche et la mise en oeuvre, déjà tour-
mentée, de leur programme de réformes. Les élec-
tions de novembre 1933 provoquèrent une réaction
conservatrice. Le renouvellement des Cortés
en 1936 assura le triomphe du Frente Popular ;
celui-ci, fort exalté par sa victoire, fut exaspéré par
une opposition demeurée, dans le pays encore plus
qu'au parlement, extrêmement combative. Entre
les extrémismes de droite et de gauche, le gouver-
nement issu des élections de février a tenté péni-
blement de maintenir le régime, assuré, disait-il,
que la majorité de la population acceptait de voir
appliquer dans la légalité des réformes hardies.
C'était méconnaître, sans doute, les violences
partisanes et dogmatiques du caractère espagnol.
Tandis que les masses ouvrières, dirigées par des
organisations puissantes, se montraient hostiles à
La façade canonnée du siège
des Olympiades populaires à Barcelone.
attentats individuels que le gouvernement de
Madrid n'avait le pouvoir ni de prévenir ni de
réprimer, et par-dessus tout la menace grandis-
LASSASSINAT DE M. CALVO SOTELO
En réplique au meurtre d'un de leurs officiers
abattu à coups de revolver par quatre inconnus
au moment où il allait prendre son service,
plusieurs gardes d'assaut enlevèrent de son domi-
cile, le 13 juillet, M. Calvo Sotelo, à qui cependant
avait été donnée une protection de police. Quelques
heures plus tard on découvrait dans le cimetière
municipal de Madrid le cadavre du député monar-
chiste, ancien ministre des Finances de la dictature
Primo de Rivera. M. Calvo Sotelo avait été tué
d'une balle de revolver à la nuque.
Cette exécution d'un adversaire politique par
des hommes du Frente popular, ce geste atroce
de représaille spontanément exercée par des mili-
ciens volontaires du gouvernement, devait provo-
quer dans toute l'Espagne une émotion qui, chez
les opposants, prit la forme d'une fureur sacrée.
A la deputation permanente des Cortés, réunie
sous la présidence de M. Martinez Barrio, prési-
dent de la Chambre, pour discuter de la prolon-
gation de l'état d'alarme, le comte de Valellano,
qui remplaçait M. Calvo Sotelo comme chef de la
« Rénovation espagnole », prononça un violent
réquisitoire contre le gouvernement tenu pour
responsable du meurtre du leader monarchiste.
« Ce crime sans précédent dans notre histoire
politique, déclara l'orateur, a été commis par
les propres agents de l'autorité, grâce à l'am-
biance créée par les incitations à la violence et
à l'attentat personnel contre les députés de droite
qui sont proférées chaque jour au parlement. Le
président du Conseil lui-même a menacé Calvo
Sotelo de le rendre responsable personnellement,
à priori, sans enquête, d'événements faciles à pré-
voir, qui pourraient se produire en Espagne. Triste
destin que celui d'un gouvernement sous les ordres
duquel les agents de l'autorité se transforment en
délinquants ! Nous ne pouvons vivre un moment
de plus au côté des complices moraux de ces
L'occupation insurgée, dans la première phase, s'est étendue : au Nord jusqu'à Valladolid et Saragosse :
au Sud, de Huelva à Almería, remontant en pointe jusqu'à Tolède.
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L'ILLUSTRATION
A Barcelone : départ de troupes envoyées contre les insurgés de Saragosse.
bué beaucoup à créer l'ambiance actuelle. « Les
socialistes, ajouta M. Prieto, sont disposés à
approuver toutes les mesures susceptibles d'apaiser
les esprits. »
Les esprits ne s'apaisèrent point, en dépit des
arrestations de gardes d'assaut par quoi le gouver-
nement affirmait se désolidariser du meurtre. Aux
obsèques de la victime M. Goicoechea, au nom
du parti monarchiste, déclara, la main tendue vers
la tombe : « Je te promets de venger ta mort.
Notre mission est de sauver l'Espagne et nous la
sauverons ! »
l'insurrection
L'insurrection dès lors était décidée, sa date
probablement fixée et, le 17 juillet, quatre jours
après le meurtre de M. Calvo Sotelo, le mouve-
ment éclatait à la fois au Maroc, aux Baléares,
dans la Péninsule et toute l'Espagne était à feu
et à sang. Le signal fut donné aux Baléares et
actes. Nous ne voulons pas tromper le pays et
l'opinion internationale en acceptant un rôle dans
la farce qui consiste à peindre l'existence d'un
Etat civilisé et normal, quand en réalité, et depuis
le 16 février, nous vivons en pleine anarchie sous
le règne d'une monstrueuse subversion de la morale
qui a réussi à mettre l'autorité et la justice au
service de la violence et du crime. »
Parlant à son tour du meurtre, M. Gil Robles
accusa le Front populaire d'avoir excité les esprits
jusqu'au paroxismo et mit directement en cause
le président du Conseil. « Le sang de M. Calvo
Sotelo, conclut-il, noiera le gouvernement. »
Le chef socialiste, M. Indalecio Prieto, reconnut,
en le déplorant, que le pays se trouvait plongé
dans un état de guerre civile et d'anarchie qui
déshonorait l'Espagne. Mais il serait injuste,
ajouta-t-il, d'en rejeter la responsabilité exclusive
sur le Front populaire, alors que la répression du
mouvement d'octobre 1934, en particulier, a contri-
Pendant une perquisition à Barcelone.
Des volontaires de la milice populaire à Madrid.
Photographies Keystone.
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L'ILLUSTRATION
Après l'échec de la révolte à Madrid : la foule se rue vers la caserne de la Montana reprise par les forces du gouvernement.
Des officiers faits prisonniers à la caserne de la Montana
sont encadrés par les miliciens.
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Des volontaires vont en cortège chercher des armes.                                                           Une bombe d'avion, non éclatée, dans un jardin.
LES HEURES SANGLANTES DE MADRID
Photographies Keystone.
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L'ILLUSTRATION
V
A
Cadavres d'officiers et de soldats dans la cour de la caserne.
Les parents des victimes viennent reconnaître les corps.
APRÈS LA REPRISE DE LA CASERNE DE LA MONTANA
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L'ILLUSTRATION
En famille dans la cour de la caserne de la Montana.
L'initiation au maniement du fusil.
Autos gouvernementales et miliciens dans une petite ville bombardée de la sierra Guadarrama.
Un poste de carabiniers et de soldats
fidèles au gouvernement.
Le service des « autos-bars » destiné à rafraîchir les miliciens de garde
dans les faubourgs de la ville.
A MADRID ET SUR LE « FRONT »
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L'ILLUSTRATION
Du coté DES insurgés. — Le bombardement d'Urtrera (à 30 kilomètres de Seville) et la fouille d'un groupe de communistes prisonniers
(les mains sur la tête pendant qu'on les désarme).
Du coté des gouvernementaux. — Une mise en batterie par des artilleurs et des hommes de la milice populaire aux environs de Guadalajara.
DANS LE SUD ET DANS LE NORD DE L'ESPAGNE
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L'ILLUSTRATION
nation de l'Espagne. Vraisemblablement il devait prendre
le commandement des troupes du Sud en marche vers
Madrid. Mais, au départ même, l'avion heurta un arbre,
capota, prit feu et le général Sanjurjo périt carbonisé tandis
que le pilote, jeté hors de l'appareil, échappait à la
mort.
M. Gil Robles, chef de la Confédération espagnole des
droites autonomes, ou C. E. D. A., était-il dans la confi-
dence ? Rien n'est moins certain, et il a lui-même affirmé
que non. Il s'était réfugié à Biarritz, dont le gouverne-
ment français, à la suite de divers incidents, lui a interdit
le séjour. Ce qui, en revanche, est fort probable, c'est une
connivence des carlistes avec les militaires. Les carlistes
n'ont pas l'illusion de ramener sur le trône leur prétendant,
le vieux don Carlos, âgé aujourd'hui de quatre-vingt-six
ans, mais ils se sont associés à un mouvement dont le but
proclamé est de détruire en Espagne le communisme.
Le gouvernement espagnol n'était pas sans avoir eu
vent de ce qui se tramait. Il avait fait procéder à des
perquisitions chez des suspects et à des arrestations pré-
ventives. Au domicile d'un lieutenant d'intendance madri-
lène on avait trouvé un dépôt d'armes et de munitions ;
185 fascistes de la Phalange avaient été emprisonnés.
Et l'on avait supprimé toutes les permissions des gardes
d'assaut et des gardes civils. Enfin, on se hâtait d' « épu-
rer » l'armée en remplaçant par des officiers dévoués
au régime ceux qui étaient signalés comme hostiles. Ces
mutations eurent d'ailleurs pour effet d'indisposer parti-
Caridad Mercader, membre du comité central communiste espagnol,
entraîne ses miliciens vers l'hôtel des Postes.
au Maroc dont les garnisons se soulevèrent. Les
officiers qui voulaient résister furent faits prison-
niers ou même tués par les mutins. Presque aussi-
tôt, tout le protectorat marocain se trouva aux
ordres du général Franco, qui fit une entrée triom-
phale à Ceuta, le 19 juillet. Le premier communi-
qué gouvernemental du 18 avouait qu'une partie de
l'armée du Maroc s'était insurgée, mais il ajoutait
que « personne, absolument personne ne s'était
joint dans la Péninsule à une tentative aussi
absurde ». Cela n'était pas exact ou allait, le jour
même, cesser de l'être. Dans presque toutes les
villes d'Espagne, en effet, avec une concordance
qui suffit à prouver une préparation minutieuse,
généraux et officiers, à la tête de leurs troupes qui
ne savaient pas toujours à quelle aventure on les
menait, cherchaient à renverser les autorités civiles
et à s'emparer des points stratégiques. Ce fut avec
des fortunes diverses. Les insurgés l'emportèrent
assez facilement dans le Sud, notamment à Cadix
et à Seville, où le général Queipo de Llano prit
la direction des opérations. Ils réussirent moins
bien à Huelva et à Malaga. Cette dernière ville,
qui a beaucoup souffert, resta aux mains des com-
munistes. Les environs de Gibraltar virent de san-
glants combats.
Si l'insurrection s'est déclenchée brusquement
dans l'émotion et la colère provoquées par le
meurtre de M. Calvo Sotelo, elle ne fut cepen-
dant point un événement spontané. Il semble que
la conjuration était préparée depuis environ deux
mois entre un certain nombre de généraux, et un
personnage dont le nom a été souvent prononcé
dans la politique espagnole depuis la chute de la
monarchie : le général Sanjurjo, paraît avoir eu
■—i—mui
L'examen attentif des colis à la douane de Barcelone aux premiers jours de l'insurrection.
dans le prologue insurrectionnel un rôle prépon-
dérant.
Cet ancien commandant en chef de la garde
civile avait puissamment aidé à l'installation de
la République en 1931, mais l'année suivante, alors
qu'il commandait la division de Seville, il avait
fomenté une insurrection contre le gouvernement
Azana. Arrêté, il fut condamné à mort et vit sa
peine commuée en travaux forcés à perpétuité.
L'amnistie de 1934 le libéra. Il se retira alors au
Portugal, à Estoril, près de Lisbonne. Le 20 juil-
let, à l'aérodrome de Cascaes, il prenait place sur
un avion piloté par l'aviateur Ansaldo, à desti-
culièrement les troupes du Maroc où les légion-
naires et les « regulares » avaient pour leurs
officiers un attachement très vif. La sédition maro-
caine devait en être facilitée. Malgré tout, le
gouvernement a été surpris. Il ne s'attendait pas
à un déclenchement aussi brutal. Le président de
la République se disposait même à partir pour
Santander où il aurait passé l'été.
Sans doute fit-on grief au cabinet Quiroga
de n'avoir pas été assez prévoyant. Démission-
naire après les premières heures de l'insurrection,
il a été remplacé par un cabinet Giral, M. Martinez
Barrio ayant renoncé à former le ministère. Le
Dans les rues de Barcelone...
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L'ILLUSTRATION
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.. ,.. - ■■■■ ■■ ■ i
Carmélites arrachées à la tombe et exposées sur le parvis d'une église.
Après une rencontre, plaza Cataluña : des corps d'hommes et de chevaux tués et blessés sont restés sur place.,
et les pigeons familiers sont revenus picorer.
CENT ANS APRÈS GOYA : BARCELONE 1936
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L'ILLUSTRATION
La fouille méthodique des suspects.
Une mitrailleuse en batterie à l'entrée d'une rue.
Des autos se consument sur la Rambla...
Un transport de blessés.                                                                                On essaie de brûler les cadavres des chevaux.
SCÈNES DE GUERRE CIVILE A BARCELONE
Photographies Keystone et Associated Press.
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L' ILLUSTRATION
La progression dans les rues de Tolède en direction de 1'Alcazar, où sont réfugiés des insurgés.
Phot. Rol.
Devant l'église de Las Salesas, à Barcelone. Phot. Merletti.                  Une grille du cloître de « Las Mercedarias », à Seville. Phot. Serran,,
RUINES, DÉCOMBRES...
12
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L'abside de l'église de Belen (Barcelone).
Le porche de l'église Omnium Sanctorum (Seville).
P
-^
La façade de San
LA GRANDE PITIÉ DES
Photographies
La nef de Santa Anna (Barcelone).
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Le chœur de Santa Anna (Barcelone).
Une chapelle de l'église San Gil (Seville).
Madrona (Barcelone).
SANCTUAIRES ESPAGNOLS
L'église San Francisco (Barcelone).
Mtifletti et S entino.
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L'ILLUSTRATION
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Deux officiers insurgés faits prisonniers quittent l'hôtel Colon devenu le siège du parti socialiste unifié catalan.
Défilés de miliciens armés.
La foule paisiblement rassemblée sur les « ramblas » pour écouter les nouvelles.
LES CONTRASTES DE BARCELONE
Photographies Merletti.
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L'ILLUSTRATION
premier acte du gouvernement Giral a été d'armer
les masses populaires.
LES FORCES EN PRÉSENCE
Au début du mouvement, le quartier général de
l'insurrection s'est trouvé à Tetouan, sur la côte
marocaine, avec pour chef le général Franco, arrivé
des Baléares par avion, dès le 17 juillet. Celui-ci,
qui n'est âgé que de quarante-trois ans, est une
des figures les plus marquantes de l'armée espa-
gnole. Après s'être illustré dans la guerre du Rif,
il était parvenu au poste de chef d'état-major,
mais l'avènement du Front populaire lui avait
valu d'être envoyé en disgrâce à Las Palmas
comme gouverneur militaire des îles.
A Tetouan, le général Franco fit aux premiers
journalistes qui l'interrogèrent quelques déclara-
tions sur le sens et l'origine du mouvement. Il
ne s'agissait nullement, a-t-il précisé, d'une tenta-
gère et formations indigènes, s'est trouvé contrarié
et pratiquement empêché, aux heures décisives,
par la flotte et par l'aviation. Les insurgés, en
effet, n'ont pas été suivis autant qu'ils l'espéraient
par les marins et par les aviateurs. Sur les navires
de guerre, les matelots ont refusé d'obéir à leurs
officiers. Ils les ont séquestrés ou tués. L'inter-
vention de la flotte, croisant dans le détroit de
Gibraltar, aurait pu être fort dangereuse pour les
insurgés si les bâtiments avaient été en mesure
immédiate de se ravitailler. Mais, faute de combus-
tible, ils durent s'immobiliser à Tanger ou s'abriter
à Gibraltar, et leur présence ici et là ne fut pas
sans créer des complications internationales. Quant
à l'aviation, demeurée en grande partie fidèle au
gouvernement, elle lui fournit de précieux moyens
de défense et d'attaque en cette première phase
où le général Franco n'avait encore pu que faib'e-
ment organiser ses forces aériennes.
Il est difficile de faire un tableau exact de
l'Espagne en guerre, car il est des régions pour
lesquelles les renseignements demeurent très impré-
cis. On peut admettre que, dans le Guipúzcoa, au
nord ; dans les provinces au sud-est de Madrid
et jusqu'à la Méditerranée, le gouvernement a
maintenu son autorité ou l'a à peu près reconquise.
Mais les rebelles sont maîtres du Sud-Ouest de
la Péninsule et d'une grande partie du Nord, où
ils tiennent la Navarre avec Pampelune, l'Aragon
avec Saragosse, la province de Leon avec Leon
et Valladolid, la Vieille Castille avec Burgos et
Ségovie. Les deux échecs les plus sensibles de
l'insurrection, et qui ont gravement compromis
ses débuts, furent à Madrid et à Barcelone.
A Madrid, les milices populaires ont pris d'assaut
les casernes où les troupes s'étaient retranchées.
De véritables scènes de carnage ont eu lieu,
notamment à la caserne de la Montana. Finale-
ment, la sédition a été complètement matée.
A Barcelone, on s'est battu avec acharnement
pendant plusieurs jours. Là encore, le gouverne-
ment de la Généralité eut le dessus, et les chefs
des rebelles, les généraux Goded et Buriel, furent
emprisonnés en attendant d'être jugés et fusillés.
Cependant, un vaste mouvement d'encerclement
se dessinait autour de Madrid, que !es insurgés,
venus du Nord, où commandait le général Mola,
et du Sud, où le général Queipo de Llano établit
son quartier général à Seville, s'efforçaient à la
fois d'investir et d'affamer. Les effectifs envoyés
du Nord ont pour point de concentration la
Sierra de Guadarrama, dont les passes monta-
gneuses défendent le nord de Madrid. C'est à
leur rencontre que se sont portées les milices du
Front populaire qui n'ont cessé de leur livrer
bataille pour la possession des cols.
La guerre, lente sur les champs de bataille,
prend son caractère le plus affreux dans les villes,
où !cs passions et les haines sont aux prises. On
a, dès la première semaine, parlé de vingt mille,
de vingt-cinq mille morts. Et l'on ne disait pas le
Fenêtres d'une maison protégées par des matelas
et d'où tiraient les miliciens populaires.
Une barricade à Seville.
tive monarchiste pour rétablir la dynastie déchue
ni même, malgré les apparences, d'un pronuncia-
miento militaire. Sans doute, l'armée avait-elle
pris l'initiative de la révolte, mais elle n'agissait
pas seule ni pour son compte : elle avait avec
elle tous les Espagnols qui voulaient arrêter leur
pays sur la pente révolutionnaire où il glissait et
l'arracher au marxisme. Si l'entreprise réussissait,
le nouveau régime instauré respecterait les institu-
tions républicaines.
D'après le général Franco, toute l'armée était
avec l'insurrection. « Je mets au défi les commu-
niqués gouvernementaux, a dit quelqu'un de son
entourage, de citer le numéro- d'un seul régiment
qui se soit rallié en corps aux ordres de Madrid. »
Affirmation qui s'est prouvée excessive. Si elle
était vraie, dans une large mesure, pour les officiers,
elle l'était moins pour les soldats qui, dans bien
des unités, sont restés partiellement fidèles et où
des sous-officiers ont pris le commandement. Le
gros des forces gouvernementales n'en est pas
moins constitué par les gardes d'assaut, les gardes
civils — d'un loyalisme plus incertain — et par
les masses populaires, volontaires armés en hâte
et naturellement indisciplinés. La plupart d'entre
ces miliciens sont des syndicalistes ou des membres
de la Fédération anarchiste ibérique. Sans doute
y avait-il urgence, pour le gouvernement, d'impro-
viser des troupes avec les éléments qui s'offraient
à lui. Il n'en est pas moins apparu que ce fut une
expérience hasardeuse de mettre des fusils et des
mitrailleuses entre toutes les mains. Les insurgés,
eux aussi d'ailleurs, se sont renforcés de civils :
jeunes gens des ligues dans les centres urbains et,
dans les campagnes, paysans réfractaires aux idées
marxistes.
Que furent, au début, les gains et les pertes de
l'insurrection ?
Si, dès les premiers jours, les troupes du Maroc,
éléments de choc, avaient pu être transportées en
Espagne et dirigées sur Madrid, le gouvernement
se fût trouvé tout de suite en péril. Mais le
débarquement des effectifs marocains, légion étran-
Miliciens aux aguets à une fenêtre.
PENDANT LES COMBATS DE TOLÈDE
nombre des blessés, ni celui des prisonniers sus-
pects ou des otages emprisonnés. La répression,
quand elle sévit, est aussi meurtrière que le com-
bat. Il y a eu des exécutions en masse, à la
mitrailleuse, et l'on ne compte pas les meurtres
individuels. Parmi les exécuteurs comme parmi les
victimes on a vu des garçons de quinze ou seize
ans. Ajoutons d'ailleurs que ces drames, dont on
ne saurait dès maintenant écrire l'histoire, restent
assez mal connus. ,
C'est même là une singularité curieuse de
l'époque où nous vivons. Le téléphone, le télé-
graphe, la T. S. F., la radiodiffusion, l'aviation
ont pratiquement supprimé les distances. Une
nouvelle peut être propagée instantanément dans
le monde entier. Et pourtant nous sommes aussi
peu informés des événements espagnols que si tous
ces moyens modernes n'existaient pas. Non que les
nouvelles manquent : mais elles sont à ce point
confuses ou contradictoires qu'il est à peu près
impossible de faire le départ entre la vérité, le
mensonge et la fantaisie. Les deux sources prin-
cipales sont les radios émis par les dirigeants des
deux partis antagonistes. Or, ils cherchent beau-
coup moins à renseigner qu'à encourager des
partisans ou à démoraliser l'adversaire. La radio,
elle aussi, est une arme de guerre. Quant aux
correspondants de presse — ceux qui étaient déjà
sur place comme ceux qui sont parvenus à s'infil-
trer en Espagne ou à y atterrir en avion — ils
voient leurs dépêches arrêtées par la censure et
les communications téléphoniques leur sont inter-
Un insurgé blessé à Burgos.
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A TOLÈDE : DES COMBATTANTS DU FRONT POPULAIRE, A L'ASSAUT DE LA PLACE ZOCODEVER, S'ABRITENT DERRIÈRE UN TANK
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L'ILLUSTRATION
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L'Alcazar en flammes.
Les combats de Tolède. — Une barricade à l'entrée de la place Zocodever.
avec ces éléments d'information qu'il faut suivre
le grand drame qui se joue au delà des Pyrénées.
Quant aux documents photographiques — qui ne
parviennent que bien difficilement — leurs témoi-
gnages directs n'évoquent évidemment que des
épisodes fragmentaires, mais ils attestent mieux
que n'importe quel récit l'intensité et l'atrocité
de cette lutte implacable.
L'armée insurgée du Nord n'est pas seulement
occupée par la marche sur Madrid : elle doit
aussi se couvrir sur ses arrières, le long de la
frontière française de la Bidassoa, comme dans
la région de Saint-Sébastien, très disputée aux
premiers jours et où les gouvernementaux résistent
fortement. Là comme à Madrid et Barcelone, la
vie de nombreux étrangers s'est trouvée en péril
dites. Il leur faut une ingéniosité inouïe et
bien du courage aussi pour réussir à faire con-
naître ce qu'us voient et ce qu'ils prévoient. Sus-
pectés, souvent brimés, ils courent plus de risques
assurément que les correspondants de guerre atta-
chés aux états-majors respectifs des deux armées
adverses ; et l'un d'eux, M. Guy Mazière, a trouvé
la mort dans son avion abattu. C'est pourtant
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L'ILLUSTRATION
Une « chauffeuse »
du parti communiste.
Deux aviateurs devant les 8 bombes qu'ils lâchaient
quelques heures plus tard, au-dessus de Teruel (30 juillet).
Une milicienne
armée d'un fusil de chasse.
Troupes envoyées de Valence à la défense de Madrid.
Tank et camion blindé construits par les insurgés.
IMAGES DE GUERRE A VALENCE
Photographies Vidal el Rol.
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L'ILLUSTRATION
Le retour de l'artillerie après la prise du quartier de Triana.
Un autocar transportant des suspects arrive à la prison.
Des troupes revenant de Choron entrent en ville.
Tramway et camion incendiés par les marxistes.
A SEVILLE AVEC LES INSURGÉS
Photographies Serrano.
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UN ÉMOUVANT ÉPISODE : A TOCINA (NORD-EST DE SEVILLE) UN GROUPE D'HABITANTS EST CERNÉ PAR UN DÉTACHEMENT D'INSURGÉS
QUI VIENT DE PRENDRE LE VILLAGE
^
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VISION POIGNANTE : DANS LE VILLAGE DE CONSTANTINA (NORD-EST DE SEVILLE) OU LES TROUPES GOUVERNEMENTALES, AVANT DE SE REPLIER, ONT FUSILLÉ
UNE CENTAINE DE SUSPECTS, LES INSURGÉS SONT ACCUEILLIS PAR LES FEMMES IMPLORANT LA VIE SAUVE POUR LES HOMMES QUI RESTENT
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L'ILLUSTRATION
LA PRISE DU VILLAGE DE CANTILLANA, A 30 KILOMÈTRES AU NORD-EST DE SEVILLE, PAR LES TROUPES INSURGÉES
En haut : les troupes traversent en bac le Guadalquivir pour aller à l'attaque du village. — En bas : l'entrée des troupes dans le village
(remarquer, à droite, la femme qui présente une serviette blanche et, derrière elle, la vieille paysanne les mains à demi levées).
et leur rapatriement a dû être organisé. Ceux-ci
se sont réfugiés dans ¡es légations et les ambas-
sades qui, pendant la saison estivale, ont coutume
de transporter leur siège dans cette station bal-
néaire. L'ambassadeur de France, M. Herbette,
a demandé des secours. Des navires de guerre
ont été envoyés. pour rapatrier les Français. Les
Anglais et les Italiens ont fait de même. Des
bâtiments des diverses nations ont, d'ailleurs, dès
les premiers jours, mouillé dans les différents ports
espagnols. Depuis lors, leur nombre n'a cessé
de s'accroître, car l'existence et les biens des ressor-
tissants des diverses nations sont constamment
menacés par les bombardements, les violences
locales et les pillages.
Les milliers d'étrangers qui, grâce aux vigilances
de leur pays, ont pu quitter ce pays de guerre
civile ont donné de terrifiants récits des heures
qu'ils ont vécu.
Rien, au surplus, ne donne mieux une idée
de la confusion régnant actuellement en Espagne
que l'énoncé des divers pouvoirs qui se par-
tagent la Péninsule. Le gouvernement de Madrid,
transformé en une sorte de comité de salut
public, a délégué une partie de son autorité à
une junte spéciale, présidée par M. Martinez
Barrio, président des Cortès, qui a son siège à
Valence. En Catalogne, collaborant avec Madrid,
fonctionne le gouvernement de la généralité,
présidé par M. Companys. Du côté des rebelles,
le Maroc et l'Espagne du Sud sont pratiquement
sous la dictature militaire du général Franco et,
dans le Nord, un comité de défense nationale
a été formé à Burgos, sous la présidence du général
Cabanedas, en attendant l'organisation d'un gou-
vernement régulier.
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L'ILLUSTRATION
I :'"L' ■-
Miliciens tirant du toit de l'église de Sigiienza
(130 kilomètres au nord-est de Guadalajara).
Le donjon du château d'Oropesa, à 100 kilomètres à l'ouest de Tolède,
couronné de miliciens qui viennent de s'en emparer.
Le donjon du château mudejar de Carpió (25 kilomètres de Cordoue)
après son bombardement.
Une vieille tour de Sigiienza défendue par les miliciens
pendant une attaque des insurgés.
Deux miliciennes se restaurent.
Campement dans la cour du château d'Oropesa.
AVEC LES MILICIENS GOUVERNEMENTAUX
-ocr page 27-
laCorogne
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MAROC ESPAGNOL
¡a éclaté l'insurrection!
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COMMENT LES PROVINCES ONT VOTE
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DERNIÈRES ELECTIONS
(FÉVRIER 1936)
G. PARTIS DE GAUCHE
D_________DE DROITE
C________DU CENTRE
1 Dans celles indiquées (50.50), les partis ont ob-
tenus un nombre devotes apppoximativementegal.
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PÉNINSULE IBÉRIQUE
élections de février dernier. Les noms des anciennes provinces sont dessinés en caractères italiques blancs.
PERSPECTIVE SUR LA
Les noms des différentes provinces sont suivis d'une lettre (G, C ou D) rappelant les résultats globaux des
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PÉNINSULE IBÉRIQUE
élections de février dernier. Les noms des anciennes provinces sont dessinés en caractères italiques blancs.
PERSPECTIVE SUR LA
Les noms des différentes provinces sont suivis d'une lettre (G, C ou D) rappelant les résultats globaux des
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L'ILLUSTRATION
Une section de miliciens sous les armes rassemblée sur la route
aux environs de Saint-Sébastien.
Au monument du col de Guadarrama, des soldats du général Mola
ont entassé des armes prises au gouvernementaux.
Une des salles du casino de Madrid transformé en hôpital.
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Une chambre d'hôtel de Guadarrama transformée en dortoir pour les miliciens
et détruite par une bombe des insurgés.
Le vice-consul d'Angleterre à Algésiras et sa femme
devant les ruines du consulat après le bombardement de la ville.
IMAGES DE GUERRE...
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L'ILLUSTRATION
risque fait, en ces jours,
dans les pays directement
intéressés, le thème des
débats politiques et de
l'activité diplomatique. Il
ne faut pas se dissimuler
que la présence actuelle
dans les eaux espagnoles
de près de quatre-vingts
bâtiments envoyés par les
nations étrangères pour as-
surer la protection de leurs
ressortissants, de même que
la situation délicate de
Tanger, où s'abritaient
naguère encore plusieurs
unités fidèles au gouverne-
ment espagnol, peuvent
faire naître des incidents
dont on ne saurait prévoir
les conséquences. Mais,
surtout, il y a la question
du ravitaillement en armes,
en avions, en munitions,
par tolérance ou par contre-
évidemment un atterrissage de fortune ; celui-ci
dégénérait en catastrophe. Des débris on retirait
deux morts et trois blessés, dont l'un succombait
bientôt ; l'identification des victimes était facile
avec le rôle d'équipage fixé à bord et qui précisait
qu'il s'agissait d'officiers et de sous-officiers de
l'aviation militaire italienne.
Un second avion semblable, qui était apparu au
même moment, prolongeait son vol vers l'est
presque jusqu'à la Moulouya, mais devait se poser
— intact — en territoire français. Pendant même
qu'on retirait ce trimoteur plus loin de la mer et
qu'on s'assurait des six hommes d'équipage —
également officiers et sous-officiers italiens — un
troisième avion du même type venait jeter sur la
plage un paquet de vêtements de légionnaires
espagnols et un message invitant l'équipage à
revêtir cet uniforme afin de pouvoir se donner
comme des légionnaires égarés.
On apprenait bientôt qu'un avion de la compa-
gnie belge « Sabena » avait identifié un autre
D'un avion rebelle abattu au nord de Madrid les miliciens du Front populaire
dégagent le corps du pilote.
bande. Et c'est là surtout
qu'est, pour la paix de
l'Europe, le grand danger.
Le gouvernement français, d'abord par les expli-
cations de M. Léon Blum et de M. Yvon Delbos
à la commission sénatoriale des affaires étrangères
le 30 juillet, ensuite par une déclaration du
ministre des Affaires étrangères à la Chambre des
députés, a, tout en affirmant la légitimité de
livraisons d'armes qui pourraient être faites au
gouvernement légal de l'Espagne, affirmé son atti-
tude de non-ingérence absolue afin de « ne point
donner à d'autres Etats la tentation d'intervenir »,
et quelques jours après, dans un discours à Sarlat,
M. Yvon Delbos répétait : « Point de croisades
d'idéaux. » Ainsi prenait fin l'incertitude, dont
s'étaient alarmés chez nous l'opinion publique et
les milieux parlementaires, sur les intentions du
gouvernement. Mais voici qu'au lendemain de ces
déclarations de la France on apprenait que des
avions italiens, dont l'un se perdit en mer, dont
deux autres échouèrent sur notre territoire africain,
avaient été reçus dans la zone marocaine où
s'exerce le pouvoir du général Franco. Avions
appartenant — ont dit les pilotes tombés dans la
zone française — à une entreprise privée ; appareils
destinés — a expliqué le général Franco — au
rapatriement de résidants italiens, mais qui pour-
tant étaient chargés de munitions et de mitrail-
leuses. Voici d'ailleurs sur cet incident les infor-
mations réunies par l'enquête à laquelle a présidé
le général Denain :
Le 30 juillet, à 11 heures, les baigneurs de la
plage de Saïdia (Maroc français), à quelque
15 kilomètres dans l'ouest de la Moulouya, qui
marque la frontière du Rif espagnol, voyaient
venir de la mer un grand avion blanc dont les
trois moteurs s'arrêtaient aussitôt ; l'équipage de
l'appareil, sans doute à bout d'essence, tentait
LA GUERRE CIVILE ET L EUROPE
En somme, pendant les premières semaines de
cette guerre fratricide, on s'est battu du sud au
nord et de l'est à l'ouest sans qu'aucun véritable
événement militaire ait pu faire prévoir une solu-
tion prochaine.
En dépit des clameurs victorieuses des commu-
niqués, où chacun des partis annonce des succès
locaux et proclame sa victoire imminente, il reste
difficile de faire le point. Ce qui est apparu, c'est
que la situation militaire jusqu'ici n'a évolué
qu'avec une extrême lenteur, aucun des belligé-
rants ne disposant de la supériorité de moyens et
d'effectifs qui lui eût permis d'imposer rapidement
sa décision à l'adversaire. Chacun, après des enga-
gements où ne semblent avoir pris part que des
forces assez limitées, a procédé à des regroupe-
ments et à des consolidations de position. Les
insurgés, qui manquèrent leur tentative brusquée
sur Madrid, tiennent Guadarrama, les cols de
Somosierra et de Leon, soit une partie des défilés
qui permettent d'accéder au plateau où se trouve
la capitale. Ils ont occupé la ville de Huelva,
dans le Sud, et défait la colonne de gouvernemen-
taux lancée sur Saragosse. Mais, pour marquer une
avance sensible dans le Nord, où le Guipúzcoa
reste en son ensemble loyaliste, il' faut que l'in-
surrection, déjà maîtresse de Tolosa, s'établisse
dans la région frontière et le littoral où les insur-
gés pourront recevoir du ravitaillement par mer
en même temps qu'ils enlèveront cette chance
à l'adversaire et protégeront contre lui leurs
arrières.
Les gouvernementaux s'efforcent d'organiser leurs
troupes avec plus de cohésion. La délégation que
le gouvernement maintient à Valence a pu diriger
sur Madrid quelques effectifs disciplinés — cepen-
dant que l'état-major insurgé de Tetouan est
parvenu à transporter à Algésiras des troupes
marocaines.
De part et d'autre on se prépare à des opé-
rations étendues, mais l'impression des informa-
teurs de presse sur les divers fronts est qu'il
faut s'attendre à une guerre d'usure, dans l'épuise-
ment réciproque des munitions — à moins que
cette situation, uniquement espagnole dans sa
première phase, ne soit transformée soudain par
des complications extérieures.
Car voilà bien le grand péril qui menace la
paix de l'Europe au moment où une détente inter-
nationale s'affirmait par les adhésions de l'Alle-
magne et de l'Italie à la conférence à cinq. Le
caractère particulier de cette guerre civile, où
s'affrontent, avec des résolutions implacables,
marxisme et nationalisme, risque de faire de
l'Espagne un champ clos où s'opposeraient des
dogmes en armes.
Or, il est d'une tragique évidence que l'ingé-
rence déclarée ou masquée de l'un quelconque
des pays d'Europe dans les affaires espagnoles
doit entraîner automatiquement des interventions
contraires et que l'on irait vite ainsi à une
conflagration générale. La question de ce grand
A Valence : le peuple se ravitaille en armes
après la prise des casernes.
appareil posé au large d'Oran; il devait être impos-
sible aux embarcations de sauvetage de retrouver
cet avion, mais l'équipage belge assurait qu'il
s'agissait d'un trimoteur Savoia S-81. Tel était
bien en tout cas, le type des deux appareils restés
en territoire français. Or, ce type est le plus
récent et le plus puissant des bombardiers cons-
Bombardement d'un sous-marin gouvernemental par une batterie d'Algésiras.
-ocr page 31-
L'ILLUSTRATION
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Les casernes de Loyala où se soulevèrent les troupes aux premiers jours de la révolte.
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Dans la cour de la caserne des inscriptions tracées sur le sol appelaient des renforts.
LE FOYER DES PREMIÈRES HEURES DE RÉBELLION A SAINT-SÉBASTIEN
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L'ILLUSTRATION
Miliciens prêts à partir pour le front de combat.
Gouvernementaux en position.
Départ pour le combat d'une auto blindée au milieu de la curiosité de la foule.
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Barricade dans une rue.                                                                                              Derrière les sacs à terre percés de balles.
PENDANT LES COMBATS DE SAINT-SÉBASTIEN
Photographies Marín.
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L'ILLUSTRATION
Le général Queipo de Llano,
chef des forces opérant au nord de Seville.
Le général Franco,
commandant l'ensemble des forces insurgées.
Le général Cabanellas,
chef de la junte nationale de Burgos.
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Le général Mola inspectant un détachement de gardes
au quartier général de Burgos.
Le général Riquelme (gouvernemental)
sur le front de Guadarrama.
L'animateur du « Frente popular », Largo Caballeros, au milieu de miliciens                                                                 M. Companys,
sur le front de Guadarrama.                                                                                    président de la généralité de Catalogne.
LES PRINCIPAUX CHEFS GOUVERNEMENTAUX ET INSURGÉS
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L'ILLUSTRATION
traits en série pour la Regia Aeronáutica italienne.
Egalement, on signalait que sur le champ
d'aviation de Tetouan se trouvaient des appareils
portant la croix gammée. En raison de ces faits,
une note de notre ministère des Affaires étran-
gères, revenant sur les déclarations faites à la
Chambre, a précisé qu'au cas de fournitures
d'armes aux belligérants par des pays étrangers
la France reprendrait sa liberté d'appréciation. Mais,
en même temps, le gouvernement français adressait
un pressant appel aux principaux gouvernements
intéressés pour que soient promptement adop-
tées et rigoureusement observées, au regard de
l'Espagne, des règles communes de non-interven-
tion.
LES TROUPES DU MAROC PASSENT LE DÉTROIT
Tandis que s'échangeaient entre les capitales
les premières vues sur la proposition de la France,
le général Franco forçait le détroit de Gibraltar.
Il y eut, le 5 août, une véritable bataille entre
des unités de la flotte gouvernementale et les
avions du général Franco. Une canonnière loyaliste
fut coulée au cours du combat et plus d'un millier
de légionnaires et de regulares abordèrent ce jour-là
en terre espagnole. D'autres effectifs suivirent et
le passage, dès lors, soit par mer, soit par de
puissants avions de transport que l'insurrection a
réussi à se procurer, ne semble pas s'être inter-
rompu, les troupes expédiées du Maroc étant
remplacées localement par des volontaires ou par
des formations indigènes alimentées par un recru-
tement intensif. Aussitôt débarqués, les « Maro-
cains » sont dirigés par camions sur Seville où
le général Franco lui-même est venu établir son
quartier général. Tandis qu'il était encore à Ceuta
le chef insurgé avait reçu la visite quasi officielle
des états-majors du Deutschland et du Luch et
la ville avait fait un accueil enthousiaste aux
équipages allemands.
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Le vieux paquebot Uruguay, en rade de Barcelone,
transformé en bateau-prison et à bord duquel furent jugés les généraux Goded et Buriel.
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Pendant le jugement : de profil à droite, entre deux gardes, les généraux Buriel et Goded.
Lettre du général Goded qui entraîna
sa condamnation à mort.
« Général Goded au chef de la base d'aviation. — Il
m est urgent que les quatre hydravions qui sont venus avec
moi prennent l'air à bref délai et détruisenc en les bombar-
dant les appareils d'aviation militaire
trouvant à la base
aérienne du Prat. »
L EUROPE EN ALERTE
Cette guerre chaotique, surtout quand elle sévit
dans une aire aussi étroite que le détroit de
Gibraltar, ne va pas sans inconvénients pour les
neutres. Des bâtiments anglais, français, allemands
ont manqué d'être atteints par les obus et des
représentations ont dû être faites par les nations
intéressées aussi bien aux insurgés qu'aux gou-
vernementaux. L'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie
entretiennent, comme la France, dans les eaux de
la Péninsule une flotte très vigilante. Le comité
international de Tanger a fermé ce port à la flotte
espagnole. La France a dû exiger que lui fussent
restitués par le gouvernement légal espagnol trois
avions qui, envoyés pour le rapatriement de nos
nationaux, avaient été réquisitionnés par l'autorité
militaire. Le Reich, pour des appareils civils,
également retenus, a fait la même réclamation
énergique. En même temps, une vive émotion
se manifestait en Allemagne, où l'on venait
Dans les rues de Barcelone : la foule suit les détails du procès diffusé par haut-parleurs.
Le procès des généraux Goded et Buriel a Barcelone.
-ocr page 35-
L'ÎLLtrSTRÀTiÔM
par ses exécutions en masse de vaincus. Des deux
côtés, c'est le même prétexte : représailles.
Le 12 août, à Barcelone, dans les fossés de la
forteresse de Montjuich, les généraux Goded et
Buriel, condamnés à mort par un conseil de guerre
pour avoir dirigé l'insurrection des troupes a Bar-
celone, ont été fusillés.
A Madrid, le général Fanjul et le colonel Quin-
tana, accusés d'avoir fomenté l'insurrection à la
caserne de la Montana, ont été condamnés à mort
par la cour suprême et passés par les armes.
Ces exécutions n'ont fait naturellement qu'exas-
pérer les insurgés, qui ont répondu en fusillant
des captifs.
Quant aux opérations militaires, elles ont pris,
du 10 au 20 août, une exceptionnelle intensité.
Les renforts venus du Maroc au général Franco
ont permis aux insurgés de marquer un esprit
offensif qui leur a donné sur plusieurs points
l'initiative des opérations. Le fait de guerre le
plus important, ce fut, le 14 août au soir, après
un bombardement conjugué de l'artillerie et de
l'aviation, la prise par les troupes de Franco
de la ville de Badajoz, dont les défenseurs se
firent tuer sur leurs positions. Précédemment, par
l'occupation de Mérida, nœud important de com-
munication sur la route de Madrid, la liaison
des forces insurgées du Nord et du Sud avait
pu s'amorcer. Elle se trouve complètement établie
par la prise de Badajoz, qui ferme toute la fron-
tière portugaise aux gouvernementaux et permet
h la ligne des insurgés de former autour de
Madrid un arc de cercle continu de Sigüenza à
l'extrémité nord-est de l'Estremadure.
Le général Fanjul                                                               Le colonel Quintana
condamnés à mort par la cour suprême de Madrid, et exécutés.
d'apprendre que quatre jeunes Allemands avaient
été tués près de Barcelone.
Ceci, comme cela, ne pouvait que démontrer
l'urgence de cette entente internationale proposée
fermement par la France et qui, sur le plan de
la non-ingérence, pourrait prévenir ou réduire le
périlleux inconvénient de démarches distinctes,
prologue d'interventions plus graves.
Dès la communication de la note française aux
chancelleries, des adhésions se sont manifestées et
des réserves se sont exprimées. Première phase
des entretiens diplomatiques au sujet de l'accord.
A Londres, à Bruxelles, l'initiative du gouverne-
ment français a reçu un accueil franchement
sympathique.
L'U. R. S. S. également fit connaître son adhé-
sion de principe. Cependant, de vastes manifes-
tations en faveur du gouvernement de Front
populaire de Madrid et une campagne pour le
soutenir moralement et matériellement se pour-
suivaient dans toute la Russie soviétique. Un prélè-
vement était consenti par les ouvriers sur leurs
salaires, et la souscription ouverte en vue de
constituer un fonds de secours pour les combat-
tants espagnols fidèles au gouvernement atteignait
une somme équivalant à plus de 36 millions de
francs. De tels gestes, évidemment, ne facilitaient
point la création d'une atmosphère favorable à
l'accord, non plus que la souscription analogue
ouverte en Angleterre par les travaillistes. D'où
certaines objections auxquelles donna lieu, dès
les premiers jours, en Italie et en Allemagne, la
proposition du gouvernement français.
L'Italie demanda des éclaircissements sur les
conceptions de neutralité et de soutien moral.
;< La solidarité morale avec l'un des partis en
conflit en Espagne, solidarité qui s'exprime par
des manifestations publiques, des campagnes de
presse, des soutiens financiers, des engagements
volontaires, ne constituerait-elle pas en elle-même
..ne forme éclatante et dangereuse d'interven-
tion ? » « Armer les esprits dans une lutte
internationale d'idées politiques n'est pas moins
dangereux qu'armer les bras », a précisé le Giomale
d'Italia.
Désireux de hâter l'accord en répondant au
questionnaire italien, où s'exprima, au surplus, le
sentiment du Reich, le gouvernement français
a, dès le 6 août, communiqué aux puissances le
texte de son projet de non-intervention, qui com-
porte les dispositions suivantes :
Défense d'exporter, importer ou transporter
du matériel de guerre destiné à l'Espagne, y
compris bateaux de guerre et avions de tout
genre, militaires, touristiques et commerciaux ;
interruption de toutes les livraisons en cours,
même si elles correspondent à des commandes
passées avant la crise ; échange de tous rensei-
gnements relatifs aux mesures qui seront prises
pour donner effet à ces promesses...
Le gouvernement français ne s'est pas contenté
de déterminer le projet pour lequel il sollicitait
l'accord des puissances. Il a voulu, le premier,
donner les gages de l'absolue neutralité de la
France. Ainsi a-t-il décidé de suspendre les expor-
tations destinées à l'Espagne, « exportations qui
d'ailleurs, précise le communiqué officiel, n'avaient
porté en fait, jusqu'à ce jour, que sur des livrai-
sons entrant dans le cadre étroit de la décision
du 25 juillet ». D'où il suit que même la réserve
précédemment formulée par lui (déclaration du
25 juillet) en ce qui concerne la livraison par
l'industrie privée d'avions non armés se trouvait
suspendue et que l'attitude nettement adoptée pai-
la France était celle de non-intervention absolue.
Il est précisé, d'autre part, dans un communique
officieux que cette attitude de la France ne sera
maintenue que si les autres Etats s'y conformaient
complètement. Si cette première phase des négo-
ciations pour l'accord ne s'est pas conclue par une
entente rapide et unanime, la ferme position de
notre gouvernement n'en a pas moins agi sur une
atmosphère internationale chargée de fièvre et qui
a marqué une sensible détente.
LA CHRONIQUE DE LA GUERRE CIVILE
DU 10 AU 20 AOUT
Tandis que se sont poursuivis en Europe les
entretiens pour isoler le conflit, la guerre civile
s'est développée en Espagne avec, de part et
d'autre, un égal héroïsme, avec aussi, hélas ! une
férocité progressive. Vraiment, il semble que l'on
revienne à la barbarie des vieux siècles, à la
terrible croisade des Albigeois ou au fanatisme
sanglant des guerres de Religion. La tragédie espa-
gnole se déshonore par ses massacres d'otages,
A Barcelone : mur couvert de sang coagulé d'une
boutique devant laquelle éclata un obus tuant
8 personnes et en blessant 11.
Au nord, le 12 août, l'entrée des insurgés à
Tolosa leur a donné les moyens de poursuivre
plus vigoureusement leurs opérations contre Iran
et contre Saint-Sébastien, secondés par les plus
fortes unités de la flotte des nationaux, l'Almi-
rante Cervera,
le croiseur España et le torpilleur
Velasco, ces deux derniers bâtiments ayant été
hâtivement remis en état au Ferrol.
Sur les autres fronts, les opérations se pour-
suivent dans une confusion et dans une incertitude
que n'éclairent point les communiqués contradic-
toires des deux partis.
En marge des opérations militaires, les faits
susceptibles de soulever des incidents internatio-
naux se sont multipliés. L'Italie et l'Allemagne
ont poursuivi leurs réclamations en ce qui concerne
leurs nationaux tués à Barcelone. L'Allemagne y
a joint la question, aujourd'hui réglée semble-t-il,
des appareils allemands réquisitionnés par les
autorités militaires du gouvernement de Madrid.
La Colombie a fait également des représentations
très vives au sujet du meurtre par les rouges de
huit sujets colombiens. Une énergique protestation
a été adressée par le gouvernement de Lisbonne
au gouvernement de Madrid en raison d'une
Ecriteau sur une église de Barcelone réquisitionnée
par les autorités.
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Un peloton s'exerce au tir contre le Christ de la « colline des Anges », aux environs de Madrid..
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puis, la statue ayant été abattue, ses débris jonchent les marches du monument.
FANATISME ANTIRELIGIEUX
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Sur la route de Guadarrama.
Une mitrailleuse en position.
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Une colonne motorisée bombardée près de Lina, sur la route de Saragosse ;
En tirailleurs sur le front de Guadarrama.
AVEC LES GOUVERNEMENTAUX DANS LES RÉGIONS
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Le pont écroulé de Guadarrama.
Un canon lourd en batterie.
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on distingue les miliciens s'enfuyant à travers les champs. — phot. Ra¡\
Auto blindée bombardée sur la route de Guadarrama.
QU'ILS DÉFENDENT OU QU'ILS ATTAQUENT
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ne peut plus donner à l'Europe l'impression qu'elle
est gouvernée.
A Madrid, toute l'énergie du pouvoir se donne
à l'organisation de ses forces combattantes et
d'un ravitaillement que la pression des insurgés,
dont le but semble être de réduire la capitale
par l'isolement et la famine, peut rendre critique.
Aux premiers communiqués gouvernementaux
annonçant chaque fois pour le lendemain l'écrase-
ment des insurgés ont succédé des déclarations
faisant prévoir une longue durée de la guerre. Le
pouvoir essaie de ramener un peu d'ordre dans le
grand désordre qui vint de l'armement des anarcho-
communistes et de la liberté qu'on laisse à ces
éléments de pratiquer les visites domiciliaires et
les exécutions sommaires. Le gouvernement ne
semble pas néanmoins s'être libéré des contraintes
que lui imposent ses impérieux alliés extrémistes
et nombreux sont les représentants de l'Espagne
à l'étranger qui ont résigné leurs fonctions en
donnant ce motif que leur conscience ne leur
permettait plus de servir un pouvoir qui a changé
de main. Si l'on ajoute que les Cortés, désorga-
nisées et congédiées de fait, ne jouent plus leur
rôle auprès du pouvoir exécutif, on voit les condi-
tions anormales, extra-constitutionnelles, dans les-
quelles s'exerce l'autorité du gouvernement de
Madrid.
A Barcelone, le président Companys et son
cabinet gouvernent sous l'impulsion et avec le
If Ti f. !
A Saint-Sébastien, aux premières heures des troubles.
incursion de miliciens en armes sur son terri-
toire. La Grande-Bretagne a réclamé la libération
d'ingénieurs anglais retenus aux mines de Rio
Tinto par les mineurs en armes. Les ingénieurs
ont pu quitter Huelva et reprendre la route du
rapatriement.
Quant à la France, elle ne peut pas ne pas
s'inquiéter des violations constantes de la fron-
tière sinueuse des Pyrénées par l'un ou l'autre
parti. Un avion espagnol, un Junkers, portant les
couleurs gouvernementales mais dont la prove-
nance exacte reste incertaine, a bombardé, le
16 août, le village français de Biriatou, au bord
de la Bidassoa. Par miracle, il n'y a pas eu de
victimes et, seule, une maison a été fort endom-
magée. Enfin notre sol limitrophe se trouve
constamment battu par les balles, malgré les
représentations qui ne cessent d'être faites aux
deux belligérants.
Ces incidents quotidiens et qui pourront prendre
soudain une gravité extrême ont fourni autant
d'arguments à notre ministre des Affaires étran-
gères pour montrer l'urgence d'une entente de
l'Europe afin que les représentations des pays
intéressés ne sortent pas du plan de la non-ingé-
rence.
?
QUI GOUVERNE L ESPAGNE
Bien qu'il existe aujourd'hui en Espagne trois
gouvernements, l'Espagne, en état de guerre civile,
Dans le quartier du port, à Valence.
soutien de l'extrémisme. La généralité, tout en
restant unie à la capitale pour la défense com-
mune, donne l'impression d'ère devenue un Etat
distinct, réalisant les aspirations séparatistes de
la population catalane. Des mesures prises par le
gouvernement, les confiscations de biens et d'in-
dustries aussi bien que les empiétements commu-
nistes tolérés indiquent l'orientation soviétique de
la Catalogne.
A Burgos, la junte militaire, présidée par le
général Cabanellas, est le gouvernement de l'in-
surrection. Ce gouvernement, établi à titre provi-
soire, a notifié son existence aux nations. Il a
même tenté d'accréditer des représentants auprès
d'elles en s'annexant plusieurs diplomates démis-
sionnaires qui sympathisent avec les rebelles. Mais,
dans l'état actuel des événements, il était difficile
au gouvernement du général Cabanellas d'obtenL
même une simple reconnaissance de fait. L'Es-
pagne des insurgés apparaît d'ailleurs aussi peu
cohérente que l'Espagne du président Azana.
A noter, cependant, que les récentes conférences
des généraux Cabanellas, Mola et Franco témoi-
gnent que l'accord se maintient entre les person-
nalités dirigeantes d'une insurrection où, hors de
l'alliance contre le marxisme, l'on trouve autant
de conceptions politiques différentes qu'il en
existe dans le Front populaire gouvernemental.
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A Seville, la porte de la Macarena.
Barricades du nord au sud de l'Espagne.
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Près de Cordoue, un camion transportant une pièce d'artillerie passe sur un pont hâtivement réparé avec des traverses de chemin de fer.
Un mort sur la route, dans le village de Sietamo, près de Huesca : un petit chat semble avoir été attiré par la flaque de sang.
IMAGES DE GUERRE..
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A Madrid, puerta del Sol, devant le ministère de l'Intérieur : une colonne, venue du front où elle a été relevée, est acclamée par la foule.
On distingue les soldats en vêtements sombres, pressés par la foule, devant l'édifice. — Ph"t. Keystone.
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