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Rapport sor lo question espagnole
de l'ancien Ministre M. Daniel Mayer
devant la Commission oes Mires Etrangères do l'Assemblée nationale
La doctrine des Nations Unies
sur le régime franquiste
La proposition de résolution présentée
par M. Legendre et un certain nombre de
membres de l'Assemblée Nationale, et ainsi
rédigée : « L'Assemblée Nationale invite
Je Gouvernement à renouer immédiatement
des relations diplomatiques normales avec
l'Espagne » est parfaitement recevable du
point de vue légal et en fonction des réso-
lutions adoptées par l'Assemblée des Na-
tions Unies.
TouteTois, une erreur s'est introduite
dans l'exposé des motifs de cette propo-
sition de résolution. Ses signataires écri-
vent, en effet, que l'Assemblée Générale
des Nations Unies vient, par 38 voix contre
10 et 12 abstentions, de voter une résolu-
tion « invitant » les Etats membres à en-
voyer des ambassadeurs et des ministree
plénipotentiaires à Madrid et à admettre
l'Espagne dans les institutions spécialisées
de l'O.N.U.
En réalité, il ne s'agit pas d'une invita-
tion, ni même d'une recommandation, com-
me il est indiqué plus loin. Voici en fait
comment se pose le problème :
Le 8 février 1946, le Bureau décida de
recommander à l'Assemblée Générale d'ins-
crire à l'ordre du jour un projet de réso-
lution soumis par »le représentant du Pana-
ma, au sujet des relations des Membres des
Nations Unies avec l'Espagne. Sur la sug-
gestion du représentant dee Etats-Unis, ap-
puyé par les représentants de l'U.R.S.S. et
du Venezuela, le Bureau décida de recom-
mander l'Assemblée Générale de procéder
à l'examen de ce projet, sans le renvoyer
à une Commission. Voici le texte de la
résolution :
« 1. -— L'Assemblée Générale rappelle
que la conférence de San Francisco a adop-
té une résolution aux termes de laquelle le
paragraphe 2 de l'article 4 du chapitre II
de la Charte des Nations Unies ne pourra
s'appliquer à das Etats dont les régimes ont
été installés avec l'aide des forces militai-
res des pays qui ont lutté contre les Na-
tions Unies tant que ces régimes seront au
pouvoir.
« 2. — L'Assemblée Générale rappelle
que, à la Conférenée de Potsdam, les gou-
vernements du Royaume-Uni, des Etats-
Unis d'Amérique et de l'Union soviétique,
ont déclaré qu'ils n'appuieraient pas une
demande d'admission aux Nations Unies du
présent gouvernement espagnol, « lequel,
fondé avec l'appui des puissances de l'Axe,
ne possède pas, en raison de ses origines,
de sa nature, de ses antécédants et de son
étroite association avec les états agres-
seurs, les titres nécessaires pour justifier
son admission.
« 3. — L'Assemblée Générale, faisant
siennes ces deux déclarations, recommande
aux Membres des Nations Unies de se con-
former à la lettre et à l'esprit de ces décla-
rations dans la conduite de leurs futures
relations avec l'Espagne. »
Au cours de la discussion qui eut lieu
le 9 février 1946 à la vingt-sixième séance
plénière de l'Assemblée Générale, les repré-
sentants des Etats-Unis, de la France, de
la Norvège, du Royaume-Uni, de l'Uru-
guay, du Venezuela, de la Yougoslavie,
parlèrent en faveur de la résolution. Le
représentant de la Tchécoslovaquie estima
que les différents Membres des Nations
Unies devaient tirer, de la résolution pro-
posee, ■ les conséquences qui s'imposaient
dans leurs relations avec l'Espagne et
soutenir les Républicains espagnols. Le re-
présentant du Mexique declara que son
gouvernement, en tant que siège du gou-
vernement républicain espagnol, en exil,
était moralement lié à la cause de l'Espa-
gne républicaine, et que son pays, eans
chercher à s'immiscer dans les affaires in-
térieures de l'Espagne, demandait cepen-
dant aux Membres des Nations Unies de
s'abstenir d'entretenir des relations diplo-
matiques avec le régime illégal du Général
Franco. Le représentant de la République
socialiste soviétique de Biélorussie attira
l'attention de l'Assamblée Générale sur le
fait que son pays était effectivement en
guerre avec l'Espagne du fait qu'une divi-
sion espagnole avait combattu, aux côtés
de l'Allemagne, sur le front de l'Est.
L'Assemblée Générale adopta cette réso-
lution par 45 voix contre 2.
Enfin, le 12 décembre 1946, la résolution
suivante, qui est l'élément principal dans
la position que devaient avoir ensuite les
Nations participantes, a été adoptée :
« A San-Francisco, à Potsdam et à Lon-
dres, les peuples des Nations Unies ont
SUR la proposition de résolution formulée par le député M. Legendre et
quelques autres membres de l'Assemblée Nationale, tendant à inviter
le Gouvernement à renouer des relations diplomatiques normales avec
l'Espagne, le député M. Daniel Mayer, ancien Ministre, a présenté un rap-
port du plus haut intérêt et d'une sereine objectivité. L'Association des
Amis de la République Espagnole
croit faire son devoir en diffusant ce
magnifique document, rendant ainsi, service à l'opinion mondiale souvent
victime d'une propagande mensongère.
1.   •— d'abroger la clause de la résolu-
tion 39 (I) adoptée le 12 décembre 1946
par l'Assemblée Générale, aux termes de
laquelle l'Assemblée recommandait aux
Etats Membres de rappeler de Madrid leurs
ambassadeurs et ministres ;
2.  — d'abroger la recommandation visant
à empêcher l'Espagne d'adhérer à des ins-
titutions internationales établies par les
Nations Unies ou reliées à l'Organisation,
recommandation qui figure dans la même
résolution adoptée par l'Assemblée Géné-
rale en 1946 et relative aux relations entre
les membres des Nations Unies et l'Espa-
gne. »
On- le voit, il s'agit, exclusivement,
d'abroger les paragraphes de la résolution
du 12 décembre 1946 recommandant le re-
trait des ambassadeurs et empêchant l'Es-
pagne d'adhérer aux organismes interna-
tionaux. Tous les autres paragraphes, y
compris la constatation que le régime fran-
quiste est un régime fasciste, qu'il a fait
le jeu des puissances de l'Axe, et le con-
damnant pour ces deux raisons principales,
demeurent valables.
Illégitimité du Gouvernement
fasciste espagnol
Il est sans doute exact que l'assimilation
pure et simple au national-socialisme est
une exagération. En particulier, Franco ne
réclame pas le leading européen pour l'Es-
pagne. H ne croit pas à la supériorité d'une
race sur une autre., Il ne désire pas que les
autres nations soient serves à l'égard de
l'Etat espagnol. Cependant, son régime est
bien un régime de type fasciste.
Tout d'abord, le gouvernement de Franco
est illégitime. Au lendemain des élections
aux Cortès, la majorité, située à gauche,
comprenait seulement 16 communistes, So
socialistes, 163 républicains, soit 269 dépu-
tés, contre 142 des partis de droite. Ainsi
que le rappelait dans une émouvante con-
férence, salle Pleyel, le chef du gouverne-
ment républicain espagnol, Don Alvaro de
Albornoz, « pas une minute il ne vient à
l'esprit de la droite de contester la légi-
timité des Cortès et la preuve en est
qu'elle accepte les représentations qui lui
reviennent au Bureau de la Chambre. Tou-
tes les libertés publiques et tous les droits
privés se trouvent garantis par les lois et
les tribunaux sans que le Pouvoir exécutif
dépasse le moins du monde les limites de
sa légitime activité. La liberté de presse
est absolue et permet aux adversaires du
régime non seulement la critique nécessaire
au fonctionnement de l'opposition constitu-
tionnelle, mais encore l'attaque immodérée
où se confondent liberté et licence et où
rivalisent injure et calomnie. Le droit d'as-
sociation est si scrupuleusement respecté
par tous les organismes gouvernementaux
que même les cercles où l'on conspire con-
tre la République échappent à tout con-
trôle. Il existe une liberté de tribune illi-
mitée... »
L'insurrection nationale n'est « le plus
sacré des devoirs » qu'au cas où ces liber-
tés ne sont pas respectées. Elles l'étaient.
Au contraire, le régime qu'on a substitué
à la République est caractérisé par la con-
centration des pouvoirs politiques en la
personne du général Francisco Franco,
Caudillo, chef de l'Etat, chef du Gouver-
nement, chef du parti unique de la pha-
lange traditionnaliste espagnole, généralis-
sime des Armées. « Le chef assume, en
toute plénitude, l'autorité la plus absolue.
Le chef en répond devant Dieu et devant
l'Histoire. » (Statuts de la Phalange.)
Les Cortès, créées par la loi de juillet
1942, comptent 466 membres. Une cinquan-
taine sont nommés par le Caudillo. Les
autres sont des membres de droit (hauts
fonctionnaires, chefs du syndicat unique,
etc..) mais leur désignation a générale-
ment dépendu de l'Etat ou du parti unique,
la Phalange.
Organisme purement consultatif, les Cor-
tès franquistes ne jouent pratiquement au-
cun rôle (depuis le début de Tannée 1949,
ils ont été réunis une seule journée, pour
entendre un discours du général Franco).
Parti unique, la Phalange est « la disci-
pline par laquelle le peuple, uni dans l'or-
dre, monte à l'Etat (art. I des statuts).
Les organismes directeurs (Junta politi-
que et Conseil national) sont, en grande
partie, nommés par le Caudillo, chef de la
Phalange, ou désignés en raison de leurs
postes, attribués aussi sur nomination du
Caudillo.
Toute activité politique distincte de celle
de la Phalange est interdite. Les trans-
condamné le régime de Franco existant en
Espagne et décidé qu'aussi longtemps que
ce régime subsistera, l'Espagne ne pourra
être admise comme Membre des Nations
Unies.
« L'Assemblée Générale, dans sa résolu-
tion du 9 février 1946, a recommandé aux
Membres des Nations Unies de se confor-
mer à la lettre et à l'esprit des déclarations
de San-Francieco et de Potsdam.
« Les peuples des Nations Unies assurent
la nation espagnole de leur sympathie
constante et de l'accueil chaleureux qu'elle
recevra lorsque les circonstances lui per-
mettront d'être admise dans T'Organisation
des Nations Unies.
« L'Assemblée Générale rappelle qu'en
mai et juin 1946, le Conseil de sécurité a
procédé à une étude des mesures que les
Nations Unies pourraient prendre ultérieu-
rement à cet égard. Le Sous-comité du
Conseil de sécurité chargé de cette étude
a conclu unanimement :
a)   par son origine, sa nature, sa struc-
ture et son comportement général, le ré-
gime franquiste est un régime fasciste cal-
qué sur l'Allemagne nazie de Hitler et
l'Italie fasciste de Mussolini et institué en
grarrie partie grâce à leur aide ;
b)   Au cours de la lutte prolongée .menée
par les Nations Unies contre Hitler et Mus-
solini, Franco, en dépit des protestations
réitérées des Alliés, a fourni une aide très
importante aux puissances ennemies. Tout
d'abord, par exemple, de 1941 à 1945, la
division bleue d'infanterie, la Légion espa-
gnole des volontaires et l'escadrille Salva-
dore ont combattu contre la Russie sovié-
tique sur le front de l'Europe orientale.
En second lieu, en été 1940, l'Espagne a
pris Tanger en violation du statut inter-
national de cette ville et, du fait qu"elle
entretenait une armée dans le Maroc espa-
gnol, elle immobilisait des effectifs consi-
dérables de troupes alliées en Afrique du
Nord ;
cTDes documents irréfutables établissent
que Franco a été coupable, à côté de Hitler
et de Mussolini, d'avoir fomenté la guerre
contre les pays qui, au cours de la guerre
mondiale, se sont finalemest associés eous
le nom de Nations Unies. Il a été prévu,
dans le plan de cette conspiration, que la
participation intégrale de Franco aux opé-
rations de guerre serait différée jusqu'à un
moment à déterminer d'un commun accord.
« L'Assemblée Générale,
« convaincue que le Gouvernement fas-
ciste de Franco en Espagne, qui a été im-
posé par la force au peuple espagnol, avec
l'appui des puissances de l'Axe, et qui a
fourni une aide matérielle aux puissances
de l'Axe dans la guerre, ne représente pas
le peuple espagnol et rend impossible, tant
qu'il restera au pouvoir en Espagne, la par-
ticipation du peuple espagnol aux affaires
internationales avec les autres peuples des
Nations Unies ;
« recommande que l'on empêche le gou-
vernement espagnol franquiste d'adhérer à
des institutions internationales établies par
les Nations Unies ou reliées à l'Organisa-
tion et de participer aux conférences ou
autres activités qui peuvent être organisées
par les Nations Unies ou par les institu-
tions précitées, jusqu'à la formation, en
Espagne, d'un gouvernement nouveau et
acceptable.
« L'Assamblée Générale,
« désirant, en outre, que tous les peuples
pacifiques, y compris le peuple espagnol,
participent à la communauté des nations ;
« recommande que, si dans un délai rai-
sonnable, il n'est pas établi un gouverne-
ment tenant son autorité du consentement
des citoyens, qui s'engage à respecter la
liberté de parole, de culte et de réunion,
et à organiser sans délai des é'ections par
lesquelles le peuple espagnol, libéré de tou-
te contrainte ou intimidation, et sans con-
sidération de partis, puisse exprimer sa
volonté, le Conseil de sécurité étudie les
mesures adéquates à prendre pour remé-
dier à cette situation ;
« recommande, dès maintenant, à tous
les membres des Nations Unies de rappeler
de Madrid les ambassadeurs et ministres
plénipotentiaires qu'ils y ont accrédités.
« L'Assemblée Générale recommande en
outre aux Etats membres de faire rapport
au Secrétaire général et à la prochaine as-
semblée sur les mesures qu'ils auront pri-
ses en exécution de la présente recomman-
dation. »
En fonction de ce dernier paragraphe,
on apprenait qu'au cours de l'année 1947,
quatre Etats firent connaître au Secrétaire
général qu'ils avaient rappelé les ambassa-
' deurs et lee ministres qu'ils avaient en
Espagne ; dix-huit Etats déclarèrent qu"ils
n'avaient dans ce pays ni ambassadeurs ni
ministres ; trente firent connaître qu'ils
n'avaient aucune relation diplomatique
avec le gouvernement de Franco ; enfin, un
Franco-Hitler (Bendaye, 1942)
Etat fit savoir q'il adhérait à la résolution.
Un autre-Etat se contenta d'accuser récep-
tion du télégramme du Secrétaire général
au sujet de la résolution de l'Assemblée.
Au cours de sa session de 1947, l'Assem-
blée Générale rappela les mesures prises
par les Etats membres pour se conformer
à sa résolution de 1946 et exprima son as-
surance que le Conseil de sécurité s'acquit-
terait des responsabilités qui lui incombent
en vertu de la Charte aussitôt qu'ils con-
sidérerait que la situation concernant l'Es-
pagne l'exigerait.
La résolution qui a semblé motiver la
proposition de résolution de M. Legendre
a été adoptée par l'Assemblée Générale de
l'Organisation des Nations Unies le 4 no-
vembre 1950. En voici le texte :
« L'Assemblée Générale,
« considérant qu'elle a adopté en 1946,
au cours de la deuxième partie de sa pre-
mière session, plusieurs recommandations
au sujet de l'Espagne, dont l'une visait à
empêcher l'Espagne d'adhérer à des institu-
tions internationales établies par les Na-
tions Unies ou reliées à l'Organisation, et
dont une - autre recommandait aux Etats
Membres de rappeler de Madrid leurs am-
bassadeurs et ministres.
« que l'établissement de. relations diplo-
matiques et l'échange d'ambassadeurs et
de ministres avec un gouvernement n'im-
pliquent aucun jugement sur la politique
intérieure de ce gouvernement,
« que les istitutions spécialisées des
Nations Unies ont un caractère technique
et, en grande partie, non po itique, qu'elles
ont été créées pour servir les peuples de
tous les pays et qu'en conséquence elles
doivent être libres de décider d'elles-mêmes
s'il est de l'intérêt de leurs travaux que
l'Espagne y participe,
« décide :
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générale des prisons, parues dans la presse
franquiste.
J'ai également la liste nominative des
313 anti-franquistes identifiés qui ont été
également fusillés ou assassinés pendant
les seules années 1948, 1949 et 1950, c'est-
à-dire les plus récentes. Une émouvante
photographie, marquant le front du chris-
tianisme et du socialisme contre Franco,
montre des prêtres et des religieuses em-
prisonnées à Carmona, province de Seville,
entourant mon camarade BESTEIRO, an-
cien Président des Cortes, dans la cour de
cette prison où il devait mourir.
J'ai enfin la liste nominative des 466
membres du clergé basque fusillés, empri-
sonnés ou bannis par les autorités du gé-
néral Franco à la fin des hostilités, dans le
seul pays basque, et de ceux qui se sont
exilée pour échapper à la répression.
Le régime de Franco
et les Gouvernements
de l'Europe Orientale
On a fait, dans la polémique qui a pré-
cédé le dépôt et l'exposé du rapport, une
assimilation entre le régime franquiste et
celui qui sévit dans certains pays de l'Eu-
rope orientale. Il est exact qu'une certaine
analogie n'est pas invraisemblable, et le
socialiste que je suis dénoncerait avec la
même vigueur et la même sincérité les
faits que je eignale ici, quel que soit le
* pays où ils se déroulent.
Toutefois, quatre arguments, notamment,
les différencient :
a)   une résolution de l'O.N.U. condamne
le régime franquiste ; il n'en est pas de
même du régime soviétique ;
b)   cette résolution a recommandé le re-
trait des ambassadeurs à Madrid ; il n'en
est pas de même pour Moscou ou les capi-
tales des pays satellites ;
c)   il s'agit, actuellement, à l'égard de
l'Espagne franquiste, de désigner un nou-
vel ambassadeur, de revenir symbolique-
ment sur un état de fait, d'en consacrer
non moins symboliquement un autre ; il
n'en sera pas de même pour la Russie et
je n'ai entendu personne réclamer dans
l'opinion publique le retrait des représen-
tants de la France dans aucun pays situé
au delà du rideau de fer ;
d)~i] est impossible, en tout cas, depuis
1941, d'établir la moindre analogie entre
l'attitude espagnole et l'attitude soviétique
dant le conflit international qui a abouti
à la chute de Hitler.
Franco et l'Axe
Rappelons par quelques faits l'attitude
de Franco à l'égard des Alliés :
Dans une lettre adressée par Hitler à
Franco, le 6 février 1941, le dictateur alle-
mand rappelle au dictateur espagnol :
Nous étions tombés d'accord, à notre ren-
contre, sur le fait que l'Espagne se déclare
prête à signer le pacte des trois puissances
'et à entrer en guerre. Dans la fixation de
la date, nous n'avons jamais parlé d'avenir
très lointain, mais c'était au bout d'une
période extrêmement brève que vous pen-
siez, Caudillo, pouvoir prendre les diverses
mesures économiques utiles à votre pays. »
Dans le même document, Hitler poursuit :
« L'entrée de l'Espagne dans cette lutte
n'a pas été envisagée au bénéfice exclusif
des intérêts allemands et italiens. L'Espa-
gne elle-même a présenté de très importan-
tes revendications territoriales, pour la réa-
lisation desquelles le Duce et moi-même
nous sommes d'accord, dans la mesure con-
ciliable avec une nouvelle ordonnance des
positions coloniales de l'Europe en Afri-
que. »
'Vingt jours après, le 26 février, le géné-
ral Franco répondait à Hitler. Il s'expri-
mait notamment ainsi : « Vous ne devez
absolument pas douter de mon absolu loya-
lisme à l'égard de cette conception politique
et de la réalisation de la fusion de notre
avenir national avec celui de l'Allemagne
et de l'Italie. C'est avec cette même loyauté
que je vous ai, depuis le début de nos
négociations, exposé clairement notre si-
tuation économique qui constitue l'unique
raison pour laquelle il ne nous a pas été
possible, jusqu'à présent, de fixer la date
de l'entrée en guerre de l'Espagne. » -
Si l'on veut des détails sur les préten-
tions espagnoles, ce sont les « archives se-
crètes » du Comte Ciano, publiées aux Edi-
tions Pion, qui nous les fournissent. On
lit, en effet, page 393, comme conditions
posées par Franco en 1940 pour entrer en
guerre contre l'Angleterre :
« Franco s'étai montré enclin à entrer
en guerre dès le mois de juin, au moment
de l'écroulement de la France. Le 8 août,
l'ambassadeur allemand à Madrid informait
Berlin que Franco était toujours du même
avis, mais formulait plusieurs demandes.
En premier lieu, l'assurance que Gibraltar,
le Maroc français, la partie de l'Algérie
colonisée et habitée surtout par des Espa-
gnols (Oran) reviendraient à l'Espagne,
avec un agrandissement des territoires du
Rio de Oro et des colonies du Golfe de
Guinée... »
Et, page 402, ce compte rendu de l'entre-
vue du Duce avec le Fiihrer en présence du
ministre du Reich, von Ribbentrop, et du
Comte Ciano :
« ...Hitler résume brièvement la marche
de ses pourparlers avec Serrano et parle
du protocole proposé par les Espagnols,
d'après lequel l'Allemagne devait s'engager
à de larges ravitaillements à l'Espagne
contre la promesse d'une intervention espa-
gnole, dès que les préparatifs militaires se-
les plus distingués de ce genre d'interro-
gatoire ont reçu les surnoms de David et
d'Arias, qui ne sont pas près d'être ou-
bliés... »
Un grand nombre de victimes ont été,
naturellement, dénombrées. Je ne donnerai
la liste nominative que des parlementaires
et des journalistes. Cinquante-cinq parle-
mentaires ont été fusillés, dont voici la
sanglante enumeration :
—    1 de la Gauche catalane :
José SUNYOL GARRIGA
—    4 communistes :
Cayetano BOLIVAR
Bautista GARCES
Daniel ORTEGA
Eduardo SUAREZ MORALES
—    5 de l'Union Républicaine :
Luis BARRENA
Ricardo CORRO MONCHO
José GONZALEZ Y FERNANDEZ
BANDERA
Gabriel GONZALEZ TALTABULL
José MIÑONES
—  13 de la Gauche Républicaine :
Francisco AGUADO DE MIGUEL
Francisco CASAS SALA
Eliseo CUADRADO GARCIA
José Maria DIAZ VILLAMIL
Eliseo GOMEZ SERRANO
Manuel MUÑOZ MARTINEZ
José PALANCO ROMERO
Juan PESET
Casto PRIETO CARRASCO
Luis RODRIGUEZ FIGUEROA
Miguel RODRIGUEN MOLINA
Gregorio VILATELA
—  30 Socialistes :
Antonio ACUNA CASBALLAR
Graciano ANTUNA ALVAREZ
José ANDRES MANSO
Manuel BARRIOS JIMÉNEZ
Rafael BERMUDO ARDURA
Antonio BILBATUA ZUBELDIA
Antonio BUJALANCE LOPEZ
Rafael CALVO CUADRADO
Victor Adolfo CARRETERO RODRI-
GUEZ
Manuel CASTRO MOLINA
Nicolas de PABLO
Luis DORADO LUQUE
Isidro ESCANDELL UBEDA
Ernesto FERNANDEZ JIMENEZ
Higinio GRANADO VALDIVIA
Juan GUTIERREZ PIETRO
Federico LANDROVE LOPEZ
José LOPEZ QUERO
Juan LOZANO RUIZ
José MAESO SAN JOSE
Antonio MARTÍN GARCIA
Vicente MARTIN ROMERA
Francisco MENOYO BAÑOS
Manuel MOLINA CONEJERO
José MOYA NAVARRO
Alejandro PERIS CARUANA
Carlos RUBIERA .
Luis RUFILANCHAS SALCEDO
Miguel VILLALTA
Ricardo ZABALZA ELORGA
—■ soit 53 députés, auxquels il convient
d'ajouter :
—  Lluis COMPANYS JOVER. Député
aux Cortés et Président du Gouverne-
ment autonome de Catalogne (Gau-
che cataalane),
—  Julian ZUGAZAGOITIA, Député aux
Cortès et ancien ministre (socialiste),
tous deux arrêtés en 1940 par des forma-
tions de la Phalange espagnole avec l'in-
tervention de la Gestapo, dans la zone d'oc-
cupation allemande en France, où ils se
trouvaient en qualité de réfugiés politiques,
conduits en Espagne, condamnés à mort et
fusillés.
Devaient d'ailleurs subir le même sort :
—• Juan PEYRO, Ancien Ministre (Con-
fédération Nationale du Travail),
—  Francisco CRUZ SALIDO, Ancien di-
recteur du journal « El socialista ».
Sont, en outre, décédés dans les prisons
espagnoles :
—  Julian BESTEIRO FERNANDEZ,
Professeur à l'Université de Madrid,
Ancien Président des Cortès de la
République ( socialiste ).
—  Luis LUCIA LUCIA, Député aux
Cortès et ancien Ministre appartenant
à la Démocratie chrétienne espagnole.
Voici enfin les noms des 39 journalistes
espagnols fusillés ou morts en Espagne à
la suite des persécutions :
— Manuel ALVAR,
Mauro BAJATIERRA (assassiné chez lui
par la Phalange), Eduardo BARRIOBERO
(soumis au garrot), BENIGNO BEJARA-
NO, Javier BUENO (pendu), José BUILL,
« BLUFF », Mariano CABRUJA, Carrasco
DE LA RUBIA, José CLARAMUNT, Ma-
nuel CIGES APARICIO, Isidro ESCAN-
DELL, José ESCOFET (suicidé), Victor
GABIRONDO, Antonio GAYA, Julio GI-
MÉNEZ, Angel GUZMAN, Angel GUIJA-
RRO, Eduardo DE HARO, Miguel HER-
NANDEZ (mort en prison), Antonio DE
HOYOS Y VINENT MARQUES DE HO-
YOS, Manuel LUSTRES (traîné dans les
rues), Vicente MARCO MIRANDA (dispa-
ru), Federico MORENA, Gabriel OLIVER,
Carlos RAHOLA, Constancio RUTZ CAR-
NERO (assassiné chez lui par la Phalan-
ge), J. REQUEJO, F. SANCHEZ MON-
REAL, Vicente SIMON, J. SUNYOL Y
GARRIGA, Esteban URQUIAZU, Joaquin
VILA VISA, P. VENTURA VIRGILI,
Anastasio VITOIRIA GARCIA, Augusto
VIVERO, ZAFRILLA.
Je possède également le détail par zones
pénitentiaires et par sexe des 89.000 pri-
sionniers politiques actuellement incarcérés
ou soumis au travail forcé. Ces chiffres
sont tirés des déclarations de la Direction
raient terminés. Toutefois, il n'a pas été
demandé que du ravitaillement, mais aussi
la cession à l'Espagne de Gibraltar et du
Maroc français, d'Orari compris jusqu'au
Cap Blanc. A ce moment, le Fiihrer sou-
ligne, au préalable, que l'Allemagne reven-
dique un morceau de la Côte marocaine
comme point d'appui de son propre com-
merce. Cela pourrait être Casablanca ou
Agadir. Comme le Reich retrouvera ses
colonies, et constituera un Empire dans
l'Afrique occidentale, il a besoin de pos-
séder une base intermédiaire. Mais à part
cela, Hitler craint que l'engagement de
cessions territoriales de pareille nature à
l'Espagne soit susceptible de déterminer
deux réactions : en premier lieu une occu-
pation anglaise des bases espagnoles des
Canaries et, en second lieu, l'adhésion de
l'Empire français d'Afrique du Nord au
mouvement de Gaulle. Cela serait grave et
obligerait l'Axe à étendre ses fronts d'opé-
ration. »
Les revendications franquistes
sur des territoires français
-M. Charles Roux, dans « Cinq mois tra-
giques aux Affaires étrangères (21 mai-
ler nov. 1940) », publié à Paris, librairie
Pion, confirme (page 224) :
~« ...Je n'ai jamais douté que le vacarme
de presse et de radio déchaîné au delà des
Pyrénées pour revendiquer le Maroc et
l'Oranie ne fût à la fois, en effet, de la
propagande allemande en Espagne et un
gage donné à l'Allemagne par le gouver-
nement de Franco. »
Enfin, dans un document officiel « The
Spanish Government and the axis », publié
en mars 1946 par le Département d'Etat
des Etats-Unis d'Amérique, sous le titre :
« Memorandum de l'ambassadeur allemand
à Madrid », on retrouve les mêmes rensei-
gnements :
« Berlin, 8 August 1940,
« Operation : Gibraltar.
« Conditions for Spain's entry into the
war.
« Fulfilment of a set of national terri-
torial demands : Gibraltar, French Marro-
cco, that part of Algeria colonized and
predominatly inhabited by Spaniards
(Oran) and further the enlargement of Rio
de Oro and of the colonies in the Gulf
of Guinea. »
Quelle est maintenant la position du ré-
gime de Franco à l'égard de la France ?
Passons rapidement sur les messes offi-
cielles et solennelles qui commémorent,
dans la péninsule, la mort de ceux qu'on
appelle les « martyrs de Nuremberg »,
c'est-à-dire les Criminels de guerre jugés à
Nuremberg ».
Quelques faits :
Le 2 mai était, 'raguère, en Espagne,
l'anniversaire du soulèvement contre Napo-
léon. Cette fête nationale a été supprimée
par la République parce qu'elle avait un
caractère anti-français. Franco l'a rétablie.
A la pointe de Graves, alors que, parmi
les F.F.I., se battaient le Bataillon « Liber-
tad » et la brigade « Basque » contre les
Allemands, ceux-ci étaient ravitaillés par
des avisos partis des bases franquistes.
C'est symboliquement que l'occupation de
Tanger — contre le statut international de
la ville ;— par les troupes espagnoles s'est
déroulée le 13 juin 1940, jour de l'entrée des
Allemands à Paris.
Les Français qui ne pouvaient pas avoir
de faux-papiers canadiens ou anglais, par
exemple, étaient impitoyablement gardés
durant la guerre dans le camp de Miranda
et ne pouvaient rejoindre les forces fran-
çaises libres.
Enfin, plus récemment, l'extradition des
assassins de Marx Dormoy a été refusée
par le gouvernement de Madrid.
S'agit-il maintenant de connaître l'état
d'esprit créé par la presse à l'égard de la
France ?
Le 14-4-47, les journaux espagnols an-
nonçaient l'arrestation, au Lycée français
de Madrid, de trois surveillants espagnols
membres d'une organisation universitaire
clandestine. Ci-dessous, quelques titres :
« Le Lycée français de Madrid, centre
d'activités clandestines. »
« La police y a découvert des bombes,
des pétards et des documents subversifs
(« Madrid », 14-4-47). »
« Trois professeurs du Lycée français de
Madrid responsables de manèges de carac-
tère subversif (« Ya », 14-4-47). »
« On découvre un dépôt de propagande
subversive et des munitions au Lycée fran-
çais (« Pueblo », 14-4-47). »
Les journaux espagnols ne se font pas
faute de tenir leurs lecteurs au courant
des scandales de la vie intérieure française.
Voici les titrs :
«" La politique obscène. Inflation de scan-
dale et inflation monétaire ( « Pueblo », 3-
4-47). »
« En France, chaque nouveau scandale
devient une arme politique (« Madrid »,
3-4-47). »
Haine franquiste contre
la France
Après avoir parlé de l'immoralité en Eu-
rope, « Arriba » (13-6-46) poursuit en ces
termes :
« Approchons-nous maintenant de la
France avec toutes les précautions neces-
saires — qui ne seront jamais suffisan-
tes — et laissons de côté un reportage
photographique — « d'un réalisme atro-
ce », dit Combat — pubJ'4 par l'hebdoma-
gressions sont rigoureusement poursuivies
devant les tribunaux militaires (délit de
rebellion).
« Lia « communauté nationale syndica-
liste » est le syndicat unique et obligatoire
dans le cadre de la Phalange. Les chefs
des syndicats de chaque branche de produc-
tion sont nommés par le Gouvernement.
La Phalange contrôle l'ensemble de la
presse (les installations, le matériel en sont
devenus sa propriété) qui est, en outre,
soumise à la censure préalable. Son organe
officiel est « Arriba ».
Un catéchisme actuellement utilisé dans
toute l'Espagne pour l'initiation catholique,
« le nouveau Ripalda », est pariculièrement
symptômatique s'il s'agit de savoir ce que
l'on veut apprendre aux enfants en ce qui
concerne les notions de liberté. Qu'on en
juge par ces quelques extraits :
Question : Que signifie la liberté de la
presse ?
Réponse : Le droit d'imprimer et de pu-
blier sans censure préalable toutes sortes
d'opinions, quelque absurdes et corruptrices
qu'elles puissent être.
Question : Le Gouvernement doit-il sup-
primer cette liberté par le moyen de la
censure ?
Réponse : Evidemment, oui.
Question : Est-ce un péché grave que de
s'abonner à un périodique libéral ?
Réponse : Oui, parce que c'est consacrer
son argent au mal, placer son 'espérance
dans le désordre et donner aux autres un
mauvais exemple.
Question: Y a-t-il d'autres libertés né-
fastes ?
Réponse : Oui. Liberté d'enseignement,
liberté de propagande, liberté de réunion.
Question : Pourquoi ces libertés sont-elles
néfastes ?
Réponse : Parce qu'elles permettent d'en-
seigner l'erreur, de propager le vice, et
de comploter contre l'Eglise.
L'organisation de la police
et la repression
En ce qui concerne le régime intérieur,
il est bon de lire, ou de relire, ces extraits
du livre « L'Espagne de Franco », par
Emmet John Hugues, chargé du service de
presse et d'information à l'Ambassade des
Etats-Unis à Madrid. (Ce livre a été publié
aux Etats-Unis sous le titre : « Report
from Spain ».) :
(Page 184) « ...Le gouvernement 'espa-
gnol considère la suppression brutale de
toute opposition comme une de ses fonc-
tions normales et essentielles. Cette convic-
tion est d'ailleurs la base de la Loi des
Responsabilités politiques du 9 février 1939.
Après un préambule consacré à de longs
éloges de sa propre modération, cette loi
explique : « Les offenses retenues sont tous
les actes subversifs commis entre le 1er
octobre 1934 et le 18 juillet 1936, ainsi que
tous les actes d'opposition au Gouverne-
ment nationaliste postérieur à cette der-
nière date. Les omissions graves sont assi-
milées aux actes subversifs ». Il n'y a ainsi
pas moins de dix-sept catégories d'actes
reprehensibles, depuis l'opposition délibérée
au Mouvement jusqu'au vaste domaine des
« actes ayant contribué à entretenir l'anar-
chie qui prévalait avant le soulèvement na-
tionaliste ». Les peines prévues sont la
mort, la prison, la déportation, la privation
des droits civiques, les amendes, à la dis-
crétion de la Cour nationale des Responsa-
bilités politiques et des lois militaires en
vigueur. »
(page 189) « ...La police agit de multi-
ples façons contre les « indésirables poli-
tiques ». Fidèle aux méthodes nazies, elle
exerce*une- surveillance vigilante sur tous
les « ennemis de l'Etat » présumés qui ne
sont pas sous les verrous. Elle y ajoute
d'incessantes expéditions dans les bars et
les cafés des quartiers populeux des gran-
des villes. Ses agents entrent brusquement,
examinant les papiers de tous les consom-
mateurs et « embarquent » ceux dont les
antécédents politiques ne leur paraissent
pas satisfaisants, ou simplement dont la
physionomie et le comportement ne leur
plaisent pas. Il ne s'agit pas tant, dans
ces expéditions, de mettre la main sur telle
ou telle individualité « dangereuse » que
de rappeler aux masses que la police est
vigilante, qu'elle peut frapper partout, à
tout moment.
« Une fois arrêtée, la victime se trouve
aux prises avec une procédure qui, tout
en la privant des recours les plus élémen-
taires et en comportant parfois de cruelles
tortures, la désespère par son infinie com-
plexité, jusqu'à lui donner le sentiment
d'être perdue dans un labyrinthe, dont elle
ne sortira jamais...»
(page 191) « ...L'interrogatoire commen-
ce dans les ving-quatre heures qui suivent
l'arrivée et s'accompagne quand c'est
nécessaire, d'une variété de traitements
propres à susciter les « aveux ». L'arra-
chage des ongles des mains et des pieds
est généralement le premier utilisé, car il
est considéré comme l'un des moins con-
vaincants. Vient ensuite le travail des yeux
ît des parties génitales, qui comporte tou-
tes sortes de raffinements. Pour les fem-
mes, on s'attaque, suivant les meilleures
.raditions médiévales, aux organes les plus
.sensibles. Dans les affaires importantes, on
recourt à un traitement au gaz assez coû-
teux, ou bien on fait passer dans les corps
des détenus un courant électrique de faible
voltage. Tout cela n'exclut pas, bien enten-
du, l'utilisation des lanières de cuir, où des
lourds brodequins qui martèlent le prison-
nier étendu sur le sol. Deux des spécialistes
-ocr page 3-
comme supérieur à l'occupant. En outre,
les Allemands n'admettront jamais qu'ils
ont été vaicus par les Français... On peut
affirmer qu'au début de la troisième année
d'occupation, le vainqueur est jugé par le
vaincu avec une sorte de pitié mêlée d'un
sentiment de supériorité auquel ne manque
pas une certaine dose d'affection... Mais
cette affection ne serait-elle pas, par ha-
sard, une conséquence du sentiment de
supériorité ?
Les miliciens français
collaborateurs der journaux
espagnols antifrançais
« Madrid » publiait, les 11 et 12 mars
1949, deux articles particulièrement odieux
contre la Résistance de l'ancien chef mili-
cien Maurice Ivan Sicard. Ces articles pu-
bliés sous le titre « La vérité sur la Libé-
ration de la France » ont pour but non
seulement de discréditer entièrement le rôle
joué par la Résistance dans la libération
de la France, mais encore de rendre la
Résistance française responsable des atro-
cités allemandes dp Tulle et d'Oradour-sur-
Glane. L'ancien milicien présente les ac-
tions terrorristes allemandes comme repré-
sailles des atrocités commises par la popu-
lation française sur les soldats allemands,
La population féminine d'Oradour aurait,
notamment, crevé les yeux de ces soldats.
Les véritables chefs de la Résistance fran-
çaise, du C.N.R., des F.T.P. et des F.F.I.
étaient, selon lui, des officiers russes dont
il cite les noms. La conclusion est que la
Résistance entre les mains des communis-
tes avait surtout pour but l'extermination
des anticommunistes français.
Le 12 mars 1949, « Madrid » publiait un
second article de Maurice Ivan Sicard qui,
s'appuyant sur certains témoignages, dres-
se le bilan des « assassinats commis par
les libérateurs, qui se chiffrent par 100.000
exécutions. »
Rappelons que M. Maurice Ivan Sicard,
ancien agent de Doriot, a été condamné à
mort par contumace par les tribunaux
français.
Tous ces extraits sont tirés du Bulletin
de presse espagnole.
Y a-t-il quelque chose de changé depuis
leur publication ?
Certainement pas. Voici ce que publiait,
en juillet 1950, le journal « Si », organe
de la Garde de Franco :
« Souvenez-vous, instant par instant, de
Gibraltar, qui nous fait affront. Souvenez-
vous du vol des deux tribus marocaines
à la faveur de la convention de 1925, alors
que la France nous appelait à l'aide pour
qu'Abdel-Krim n'écrasât pas ses posses-
sions du Maroc, alors que nous nous em-
ployions au fameux débarquement d'Alhu-
cemas. Souvenez-vous de Tanger, comme
de Gibraltar, avec la même tension. Et
d'un autre dépouillement, de Sidi-Ifni —
Santa Cruz de Mgr Pequeña — réduit à
quinze cents kilomètres, parce que l'on
avait faussé les limites sur les cartes lors-
que se réunirent les plénipotentiaires es-
pagnols et français. N'oubliez pas l'ampu-
tation de n°s droits sur la Guinée qui fut
ramenée au tiers, non plus que la confis-
cation de grandes étendues en Afrique
saharienne, les poignées de sable que l'on
nous jeta comme un os à un chien. Ni
cette Andorre, autre enclave comme Gi-
braltar, urticaire permanente de n°tre sen-
timent 'national. Et ne manquez pas d'étu-
dier la carte du Maroc avant les traités,
notamment celui de 1902, les frontières
entre les embouchures du Sebou et de la
Moulouya.
« C'est un .minimum, un minimum im-
minent. Nous ne parlons pas de l'Oranais,
ni'de l'Algérie, peuplés «et faits du sang et
avec les bras d'Espagnols que la coaction
de l'Etat français convertit en gavaches,
sous peine d'expulsion et de spoliation.
Nous ne parlerons pas non plus, mainte-
nant, des Pyrénées. Simplement de ce qui
doit nous être rendu, en stricte morale,
parce que n'appartenant ni à l'Angleterre,
ni à la France. Pour les peuples, les années
sont des minutes. Et l'horloge du monde
va très vite. Ce qui veut dire que, si au
XIXo siècle on a transformé la carte au
caprice des puissants, à toute heure (à
l'heure « H » de la troisième guerre mon-
diale, par exemple) la carte peut être de
même modifiée par le crayon des chancel-
leries. Rien n'est définitif, sauf ce qu'en
milice on qualifie de « volonté de vaincre ».
Parlant du réarmement allemand, le nu-
méro du 25 octobre 1950 de « El Pensa-
miento Navarro » écrit :
« Les politiciens français, reconnaissant
toujours leur incapacité et même leur man-
que de décision pour se défendre (ni aux
yeux des Allemands, ni aux Yeux des Rus-
ses) n'ont d'autre aspiration que de laisser
l'Allemagne désarmée afin d'être libérés
d'attaques éventuelles, même si un jour la
Russie bolchevique s'annexait l'Europe jus-
qu'à la Médterranée. Il ny a pas à discuter.
L'Europe occidentale pourra se sauver avec
l'Allemagne ; sans elle, elle est perdue. La
France n'est pas une garantie, mais bien
le contraire. Un pays qui n'aspire qu'à vi-
vre de la faiblesse de l'autre ne va nulle
part, et c'est la porte ouverte à tous les
envahisseurs. »
Le 22 novembre 1950, on lit ces lignes
dans « La Gaceta del Norte » :
« Que peut-on attendre d'une politique
qui donne ces jours-ci, en France, le spec-
tacle répugnant et rancunier d'une oppo-
sition à ce que finisse l'opprobre d'avoir
incarcéré le maréchal Pétain, avec ses 96
ans et son immense gloire ? »
daire « Globe », sous le titre « dix mille
prostituées en grève ». Dans les journaux
illustrés, lea informations sensationnelles
ne prennent jamais la place des nus fémi-
nins, indispensables et abondants, si la re-
vue veut conserver son tirage et l'augmen-
ter...
« H y a quelque temps, un correspondant
d'un journal sud-américain écrivait sur
l'immoralité de Paris une chronique que le
sous-directeur d'« Arriba » me fit lire. On
ne peut rien lire de si triste, de plus hon-
teux, pour un peuple civilisé, ni rien qui
ravale plus une race évangélisée... C'était
aussi une de ces choses qui exigent des
journaux blindés comme il convient et une
clientèle- idoine, qui n'est pas nombreuse
en Espagne, heureusement. »
Le « Bulletin ecclésiastique de l'Arche-
vêché » publia la circulaire suivante du
Cardinal Primat (Tolède, 19-4-47) :
Etant donné que quelques livres d'au-
teurs étrangers mentionnés à « l'Index des
Livres interdits » ont circulé, nous attirons
l'attention des fidèles sur le fait que toutes
les œuvres d'Anatole France sont interdi-
tes par décret du Saint Office du 31 mai
1922 et que tous les livres d'Henri Beyle
et tous les romans d'Henri Murger se trou-
vent également à l'index. Nous avons attiré
l'attention de la direction générale de la
Propagande sur ce fait 'et nous avons eu
la satisfaction de la voir publier une cir-
culaire en date du 14 déclarant que « afin
d'éviter aux éditeurs certains inconvé-
nients... La Direction générale publie sa
décision de considérer comme interdits, en
vertu de la convention établie entre le
Saint-Siège et le gouvernement espagnol,
les ouvrages mentionnés à « l'Index des
Livres interdits ».
« Outre les livres cités dans l'Index, no-
tre devoir est d'attirer l'attention sur les
romans et les ouvrages étrangers traduits
en espagnol, ouvrages très libres et incon-
venants, surtout pour la jeunesse espagno-
le. En effet, leurs récits sont très crus et
ils défendent des doctrines immorales. Le
jugement critique du secrétariat de l'As-
semblée technique de l'Action catholique
pourra être très utilement consulté par les
lecteurs et par ceux qui ont la charge de
diriger la conscience de ceux-ci. »
« Production », Madrid, 22-2-1947 :
« La France, l'ennemi public n° 1.
« La France, violant une fois de plus
ses engagements internationaux, a mis en
liberté le chef riffain Abd-el-Krim, de si-
nistre mémoire pour les Espagnols, le
transportant sur la Côte d'Azur pour qu'il
puisse conspirer contre la paix du Maroc
espagnol. La France poursuit ainsi son his-
toire de pays agresseur et perturbateur...
« Aucun pays au monde ne peut rivaliser
avec la France comme provocateur de
guerres et organisateur de conspirations.
Si la France était plus puissante,' personne
ne pourrait vivre tranquille en Europe. Les
Français se plaignent d'avoir été envahis
envahis trois fois au cours des derniers
soixante-dix ans, mais ils ne disent pas que
ce sont eux qui ont essayé d'envahir les
autres et qu'ils ont trouvé à qui parler,
essuyant deux honteuses défaites pour cal-
mer leur appétit de tueries et de pillage.
« C'est la France qui a armé Abd-el-
Krim en 1921, pour qu'il puisse assassiner
les Espagnols et c'est elle qui le soutint
jusqu'au jour où, après le retrait de Xauen,
le chef riffain paya ees protecteurs de la
monnaie qu'ils méritaient en faisant s'ef-
fondrer, en vingt-quatre heures, la zone
française et en mettant le siège à Fez.
« La France appela l'Espagne au secours
et, oubliant sa honteuse attitude, nous nous
montrâmes, comme toujours, généreux en
acceptant d'attaquer Abd-el-Krim qui fut
délogé de sa tarière et complètement
écrasé dans la campagne d'Alhucemas.
Une fois de plus, selon sa perfide tactique,
la France, à qui Abd-el-Krim s'était volon-
tairement rendu, refusa de le livrer à l'Es-
pagne... Maintenent, au mépris de sa pa-
role et de sa signature apposée au bas
d'inviolables documents, elle prend unilaté-
ralement la décision de le remettre en li-
berté. La République française est l'ennemi
n° 1 de l'Espagne et le gouvernement de
Paris n'a d'autre espoir que de déchaîner la
guerre en Espagne et de lancer le monde
entier contre l'Espagne. Comme les tueurs,
dont le plus grand plaisir est de donner
des coups de couteau dans le dos et de
voler des portefeuilles, la France ne pense
qu'à troubler la vie des peuples honorables,
dignes et laborieux qui ont le malheur
d'être ses voisins. »
L'hebdomadaire de la Phalange, « El
Espagnol », publiait les 1er et 8 mars 1947,
des articles reproduisant les déclarations
vraies ou fausses d'Espagnols revenus de
France. Voici le titre de ces articles :
« En France fonctionnent des camps de
concentration et des tchékas, pour Espa-
gnols. »
« Dans la prison de Rivesaltes, on em-
ploie la chaise électrique (1-3-47). »
« Rouges espagnols dans les prisons de
France. »
« C'est dans les prisons de Elnes, Mont-
pellier, Rennee-les-Bains et dans le camp
de Noet que l'on trouve les groupes les
plus vnombreux (8-3-47). »
« En France fonctionnent des tchékas pi-
res que celles de Barcelone durant la pé-
riode marxiste. On y brutalise les détenus
en leur infligeant des châtiments répu-
gnants. On ne permet pas aux prisionniers
de se défendre et on leur refuse même la
nourriture. Les camions de la Croix Rouge
sont utilisés pour le transport et l'assassi-
nat des internés. Et tout cela ne se fait
pas toujours de manière clandestine, mais
souvent en plein jour et avec la collabo-
ration de ce qu'on appelle les « autori-
tés » du pays voisin. Il est paradoxal que
ce soit dans le pays d'où partent les cris
les plus forts réclamant la liberté et la
démocratie que l'assassinat soit devenu une
profession et la délation un moyen de vivre.
(« El Español », 1-8-47). »
La suppression du bagne de l'île du Dia-
ble a provoqué des articles de « La Pren-
sa » de Barcelone et de « Arriba » (28-4-
46), accusant le système pénitentiaire fran-
çais des pires atrocités. Parmi les peines
infligées aux condamnés, figurerait celle-
ci :
« ...L'une d'elle consiste à déshabiller la
victime et à l'attacher à un arbre, et les
Indiens, chasseurs d'hommes, frappent
avec des écorces aussi flexibles que des
lanières de cuir celui qui essaie de fuir. Le
châtiment ne cesse que quand le corps du
condamné est en sang. Quand il perd con-
naissance, on le transporte dans un cachot
souterrain.
« Jamais un condamné n'est sorti vivant
de ce martyre. Voici, à grands traits, une
courte explication du magnifique système
de rédemption que suit dans ses colonies
pénitentiaires « la douce France ».
Des éléments phalangistes, encadrés par
la S.E.U. (syndicat espagnol universitaire),
« Pétain a sauvé l'Europe à Montoire ».
Le dramaturge espagnol, Jacinto Bena-
vente, s'est lancé dans un long plaidoyer
en faveur du maréchal Pétain. « ABC »
(28-11-47) publie en première page, sur
trois colonnes et en petits caractères, l'ar-
ticle où Benavente tente de justifier la
conduite du maréchal pendant l'occupation.
Cet article s'achève par cet appel pressant :
« Que pouvait faire le maréchal Pétain ?
Qui pourrait l'accuser d'antipatriotieme ?
H ne s'agit pas d'une immixtion dans les
affaires privées de la France, quoique, de
toute façon, la France ne doive pas trou-
ver si étonnantes ces interventions. N'y au-
ra-t-il pas une voix autorisée, celle d'un
chef d'Etat ou du Père de la Chrétienté,
une voix seulement qui demande la grâce,
la liberté du maréchal Pétain ? La France
est la première à devoir lui être reconnais-
sante. Quand l'Histoire retrouvera sa ma-
jestueuse sérénité... la condamnation du
maréchal Pétain ne sera pas une page glo-
rieuse dans l'Histoire de la France, ni
da'voir permis que ce soient les portes
d'une prison qui s'ouvrent pour laisser pas-
ser le défenseur de Verdun dans l'Eternité...
« Je ne sais ce que les lecteurs penseront
de mon article. Mais je sais qu'il obéit à
une véritable obsession qui va jusqu'à trou-
bler mes rêves... »
Le lendemain, « ABC » publiait un edi-
torial dans lequel il déclare que « tous les
Rappelez-vous^ Français
hommes de bonne volonté devraient se
joindre aux généreuses paroles de M. Ja-
cinto Benavente et qu'« ABC » le fait avec
ardeur. »
« La même soif de justice et de clémence
qui poussait hier la plume glorieuse de don
Jacinto Benavente clame depuis longtemps
dans l'esprit de tous les hommes dont le
sens du droit n'a pas encore été terni par
le sectarisme politique. »
Sous d'énormes titres, le journal phalan-
giste « Juventud » (4-12-47), qui ne mé-
nage pas ses injures à la France, clame :
« Nous demandons la liberté pour Pétain ».
Nous citons quelques lignes significatives :
« La France qui se rendit sans combat-
tre au Fiihrer nazi, la France des Thorez,
dee Blum, des Charles de Gaulle... fait dou-
ter et doute elle-même de sa capacité de
sauvegarde. Aujourd'hui elle se flatte de
tenir sous les verrous l'homme qui lui donna
la gloire et la sauva à un moment décisif
qu'elle est incapable de reconnaître. Il
sauva ce qui restait de son honneur. »
Le 14-9-47, « Arriba » publiait un repor-
tage sur l'occupation française en Alle-
magne :
« Cette tentative de rapprochement est
entravée par les chef de l'occupation qui
sont des germanophobes enragés. Les pro-
cédés inventés par Koenig pour vexer les
Allemands sont infinis. Ils font descendre
les Allemands du trottoir lorsqu'un officier
français passe ; ils vont jusqu'à les obliger
à assister à la levée du drapeau. Mais cette
politique d'humiliation ne peut conduire à
rien, tout au moins, à rien de bon.
« Ce que les Français ont importé,
d'abord, en Allemagne, a été la bureaucra-
tie centralisatrice qui est la leur depuis
l'époque napoléonnienne. L'Allemand s'est
rendu compte que le Français est l'ami des
paperasses, mais que le fonctionnaire
éprouve une paresse invincible devant son
travail et que la machine bureaucratique
fonctionne bien plus mal que le système...
Tout Allemand sait aujourd'hui que le
moyen d'obtenir quelque chose d'un Fran-
çais c'est de lui apporter tous les papiers
en ordre et même d'indiquer par une croix
la place où le fonctionnaire doit apposer
sa signature... L'occupant allemand de la
France faisait tout selon un plan supérieur.
« Le Français qui occupe l'Allemagne
fait tout selon son inspiration, son humeur
et les ressources locales. Cette différence
sépare les Français des Allemands. C'est
l'unique zone d'occupation où l'occupé se
soit considéré, dès le premier .moment,
avaient organisé, le 11 mars 1946, une
grande manifestation antifrançaise qui de-
vait se porter devant les édifices de l'am-
bassade de France et de l'Institut français.
La police dispersa les manifestants. Cepen-
dant, quelques petite groupes se rendirent
dans le centre de Madrid, portant des pan-
cartes qui demandaient par dérision : « La
grâce pour Petiot, héros du maquis fran-
çais », réponse, qui voulait être humoris-
tique, à la campagne menée en France
pour obtenir la grâce de Cristino GARCIA.
Les journaux quotidiens ont fait le silen-
ce sur cette manifestation. Néanmoins, le
journal phalangiste universitaire, « La
Hora » (14-3-46) lui consacre sa première
page, sous le titre :
« Liberté pour Petiot. Pitié pour le pau-
vre petit Petiot ! Le peuple espagnol cons-
cient contre la terreur française. »
« Gouin menace la paix et la démocra-
tie. »
Un editorial ironique demande « aux
universitaires de tous les pays de s'unir
contre les féodalités. Pour les libertés hu-
maines, vive le Dr Petiot ! »
Sous le titre « Quatre ans de pouvoir »,
le journal « ABC » annonçait, le 8 janvier
1949, qu'il avait acquis l'exclusivité pour
l'Espagne « des mémoires écrits par le ma-
réchal Pétain à l'île d'Yeu ». Il publie, le
9, en première page, la photographie du
maréchal tapotant la joue d'un enfant. Ces
mémoires sont en réalité les notes remises
par le maréchal Pétain durant son procès
à son avocat M" Isorni.
La lettre de l'amiral Leahi au maréchal
Pétain lue au cours de l'audience du 1er
août 1945 est reproduite dans ces notes.
Mais la traduction qui en est faite change
totalement le sens du dernier paragraphe.
Au lieu d'écrire « un refus positif de faire
la moindre concession aux demandes de
l'Axe, s'il pouvait amener immédiatement
des peines supplémentaires à votre peuple,
n'en aurait pas moins été, à la longue,
avantageux pour la France », la version
espagnole donne : « un refus positif...
n'aurait pas été, à la longue, avantageux
pour la France ». (« ABC »', 9, 11, 12-1-
49).
Par ailleurs, sous la rubrique « Lettres
au Directeur » et sous le titre « Pétain
l'innocent n° 1 », la revue hebdomadaire
« Criterio » publiait, le 15-1-49, une lettre
ouverte de M. Diaz-Ratg qui, s'étant trouvé
enfermé à Fresnes durant quinze mois,
affirme y avoir acquis la conviction que
nnaHngmBHBBÉflB&ttinUBHnnBBHHSHMO
-ocr page 4-
le répétons, neutralité. » (« ABC », août
1948).
« Deiu seul sait s'il y aura la guerre
avec la Russie ; mais, telle que la chose
se présente, il nous semble que cette af-
, faire nous importera bien peu, à nous, Es-
pagnols, n'en déplaise à M. Truman... Nous
avons le front occidental de la paix : le
front Madrid-Buenos-Aires. Que les cham-
pions de l'Occident arrangent leurs affai-
res eux-mêmes. » (« La Voz de España »,
Saint-Sébastien).
« L'Espagne pense toujours à sa troi-
sième neutralité. » (« El Pensamiento Ala-
ves », Vitoria).
« La dernière guerre idéologique que le
monde ait connue, fut la Croisade espa-
gnole, à laquelle les puissances démocra-
tiques ne portèrent pas grand intérêt. En
quoi pourrait donc nous intéresser la guerre
impérialiste qui les préoccupe tant ? La
position espagnole devant une conflagra-
tion possible serait définie par nous comme
une « neutralité armée ». (« ABC », Ma-
drid).
« On parle beaucoup de l'Espagne, en ce
moment, au dehors... Et nous en avons
assez... Nous préférons qu'ils nous laissent
la paix... Nous devons faire savoir aux
puissances que se souvenir de l'Espagne
« in extremis » pour que nos gars aillent
tout bonnement sur le Rhin ou sur l'Elbe,
c'est nous en demander trop. » (« La Voz
de España », 24 août 1950).
« Malgré ce que croient certains imbé-
ciles, l'Espagne n'a pas tellement d'intérêt à
souscrire des pactes l'obligeant à envoyer
des troupes hors de ses frontières. » ( « Si »,
organe de la Garde de Franco, 20 août
1950).
3°) Enfin, on nous dit bien souvent :
« Le danger le plus important aujourd'hui
pour notre civilisation, c'est le bolchévisme.
Il faut augmenter à tout prix les moyens
de défense à lui opposer. Rien pour cala
ne doit ère négligé. Peu nous importe le
régime intérieur des pays auxquels cette
nécessité nous associe. »
A quoi nous répondons :
La civilisation à laquelle nous sommes
attachés doit demeurer également opposée
au totalitarisme, qu'il soit bolchevique ou
fasciste. Nous sommes partisans de l'épa-
nouissement de l'individu humain dans une
harmonie née d'une équitable répartition
des richesses entre tous. Nous sommes les
adversaires décidés et actifs de toutes les
atteintes à la liberté de l'homme, quels
que soient les faux principes au nom des-
quels cette atteinte est portée. Actuelle-
ment, le choix proposé dans le monde aux
esprits de bonne volonté est : démocratie
ou bolchévisme. Et chacun, d'un élan ou
peu à peu, choisit la démocratie.
Polluer les eaux de ce grand courant
vivifiant par l'adjonction d'états fascistes
dans la communauté des rations libres —
car l'envoi à Franco d'ambassadeurs ne
ferait flue précéder son admission au Pacte
Atlantique — c'est fausser le sens et la
nature du combat. C'est substituer au choix
actuel Un dilemme redoutable : front fas-
cisto-démocratique ou bolchévisme. Qui
garantit alors où iraient, dans une telle
hypothèse, les masses ouvrières, déjà mi-
sérables sur le plan social et qu'aucun idéal
ne soutiendrait plus ? Peu à peu d'ailleurs,
les extrêmes, on le sait, l'emportent tou-
jours au sein de coalitions immorales ; le
choix deviendrait : fascisme ou bolché-
visme (1).
Pour se guérir du choléra, est-il néces-
saire de s'innoculer la peste en sachant à
l'avance que le médecin lui-même y suc-
combera ?
Faut-il, pour gagner quelques kilomètres
carrés de terrain, perdre des centaines de
milliers de combattants et, par surcroît,
l'enthousiasme de ceux qui restent ?
C'est cet ensemble de raisons qui me fait
vous demander de rejeter la proposition de
résolution soumise à votre délibération par
M. LEGENDRE. (2)
Vous le ferez, non pas dans un esprit
d'hispanophobie — comme m'en accusait
récemment un journal partisan — mais, au
contraire, dans un esprit d'amitié pour le
peuple espagnol.
Aujourd'hui, être contre Franco, c'est
être fidèle à Lope de VEGA, à CERVAN-
TES, à Blasco IBANEIZ, et à ce jeune
poète anti-fasciete,fusillé pendant la guerre
civile, qui s'appelait Garcia de LORCA.
ouvert, etc.. L'actuel système d'entraîne-
ment, ' adopté par toutes les armées du
monde, est presque inconnu des mi-
litaires espagnols, au moins dans son
application. Une preuve : il y a quelques
mois, les journaux espagnols publiaient, à
grand renfort de titres, qu'on avait réalisé
les premières manœuvres de parachutistes,
avec grand succès. Dans ces manœu-
vres, prirent part la totalité des forces de
cette spécialité : 45 hommes. Cette propa-
gande d'un fait qui dans n'importe quel
autre pays serait passé inaperçu, est une
preuve du retard de l'armée espagnole, en
ce qui concerne son instruction militaire.
De même, M. Joseph G. HARRISSON
écrivait en juillet 1949, dans « the Chris-
tian Science Monitor » (Boston) :
« Mettre l'Espagne en conditions pour
donner une aide importante en cas d'atta-
que russe contre l'Europe occidentale — et
l'on ne discute cette question qu'à cet égard
— ne nous coûterait point des centaines de
millions, mais, probablement, des milliards
de dollars. Voici pourquoi : l'armée espa-
gnole est complètement dépourvue de tanks
modernes ; elle n'a qu'une poignée de tanks
allemands et italiens d'il y a quinze ans.
Elle est également dépourvue d'artillerie,
qui serait nécessaire pour défendre les cols
des Pyrénées et sa longue côte. Elle a
assez de fusils pour la moitié de ses sol-
dats, mais ceux-ci seraient probablement,
très vite, sans munitions. Elle a Peu de
matériel de communications, d'hôpitaux de
campagne, de camions et de mortiers. En
outre, du fait de cette carence, elle n'a
pu entraîner ses officiers et ses soldats à
l'emploi de ces armes. L'arme aérienne est
virtuellement inexistante. Dans un monde
où ne comptent que les avions-fusées et
où les superfortereeses elles-mêmes ont
passé de mode, ce pays n'a que quelques
avions de chasse qui avaient déjà été relé-
gués dans tous les pays avant la seconde
guerre mondiale. Quant aux bombardiers,
elle n'en a aucun qui ne serait détruit dans
la demi-heure suivant l'entrée en guerre.
La marine est un peu mieux, mais elle ne
compte que cinq croiseurs, 18 destroyers,
cinq sous-marins et une cinquantaine de
bâtiments auxiliaires... »
Dans « U.S. and World Report » (Was-
hington) on lisait en mars 1949 :
« ...Politiquement, l'aide à Franco n'est
pas la meilleure façon de se gagner l'appui
du peuple espagnol. Le gouvernement diri-
ge le pays par la force, et non par le
libre choix des Espagnols. Il y a une armée
de plus de 500.000 hommes, et une police
de plus de 10O.OO0. On voit partout des uni-
formes. Au total, le gouvernement dépense
plus de 50 % de son budget pour ses seules
forces de sécurité. Les fonctionnaires du
gouvernement admettent, en privé, que
Franco ne pourra jamais gagner d'élections
libres. Des observateurs conservateurs lui
concèdent l'appui de 25 % de la popula-
tion. »
M. Homer BIGERT, dans le « New-York
Herald Tribune », écrivait en mars 1949 :
« ...L'aide américaine doit être rigou-
reusement conditionnée. Il faudrait établir
un projet de restauration progressive des
libertés civiles et ne concéder de crédits
qu'à mesure de leur rétablissement. Et,
compte tenu de la corruption du régime
franquiste, tout projet important de restau-
ration économique de l'Espagne, financé
par les U.S.A., exigerait la présence en
Espagne d'une commission de contrôle
américaine.
« En attendant, à moins que l'évolution
de Franco ne s'accélère de façon considé-
rable, l'Espagne ne sera que d'une faible
valeur comme alliée contre le commu-
nisme. »
La presse anglaise lui fait écho daas un
numéro du « Manchester Guardian » d'oc-
tobre 1948 :
« Le pire serait de servir la vanité de
Franco ,en lui disant qu'il est indispensable
à l'Occident et de lui faire des offres pour
renforcer l'armée qui est son instrument de
pouvoir. L'intelligence politique des militai-
res de carrière n'est pas toujours très éle-
vée et il est compréhensible que ceux qui
dressent les plans stratégiques recherchent
de préférence — comme ils l'ont toujours
fait durant des siècles — les possibilités
techniques de la Péninsule ibérique. Mais
les politiciens professionnels devraient
avoir un peu plus de sens de la réalité. »
L'« United Presse » écrivait, le 12 fé-
vrier 1950 :
« ...Bien que l'armée soit bien instruite
et disciplinée, et malgré la réputation de
combattant endurci qui acocmpagne le sol-
dat espagnol, il y a bien peu d'experts
militaires en Espagne pour croire que celle-
ci pourrait supporter l'attaque énergique
d'une armée moderne, ou que les Pyrénées
seraient un sérieux obstacle dans la guerre
moderne. »
2°) Ce sont les journaux de l'Espage
franquiste, eux-mêmes, qui nous informent
qu'il ne faut pas compter sur l'aide de leur
pays.
Ils seront neutres, dans un éventuel con-
flit, que nous voulons épargner au monde.
Citons pêle-mêle :
« En cas de guerre l'Espagne demeu-
rera neutre, car elle est pacifique et maî-_
tresse de ses destinées. Le fait que nous*
ayons combattu et vaincu le communisme
ne signifie aucunement que nous nous por-
terions aux côtés du bloc occidental en cas
de conflit. » (Martin Artajo, octobre 1948).
« Nous traçons notre attitude, une fois
de plus : neutres par droit propre ; neutres
tant que l'on n'attentera pas, bien entendu,
à notre indépendance. Entre temps nous
Socialistes, communistes, républicains,
sont volontairement confondus. Le journal
« ABC », du 2 décembre 1950, parle en
ces termes du gouvernement travailliste de
Grande-Bretagne :
« L'Angleterre s'oppose à ce que le gé-
néral américain Mac Arthur bombarde les
bases mandchouriennes de l'armée chinoise
qui est entrée ces jours derniers en action,
et cause des ennuis à l'armée des Nations
Unies.
« L'Angleterre s'oppose à ce que les
Etats-Unis prennent telle ou telle décision
définitive contre l'U.R.S.S.
« L'Angleterre s'oppose à tout ce qui
pourrait amener l'U.R.S.S. à perdre sa sé-
rénité et à déclarer une guerre ouverte.
« L'Angleterre, ■— ou plutôt, le travail-
lisme anglais — s'oppose et s'opposera à
l'anéantissement de l'U.R.S.S. au moyen de
la guerre. Les travaillistes savent fort bien
que la destruction du communisme en Rus-
sie sera suivie, peu de temps après, de la
mort par épuisement du socialisme sous
toutes ses formes. Aussi, l'Angleterre s'op-
posera-t-elle tant qu'elle le pourra à
l'anéantissement militaire de l'U.R.S.S.
« Communisme et socialisme sont frè-
res ; la seule différence réside dans leur
tempérament : le communisme est nerveux,
impatient et passionné ; le socialisme est
plus serein, plus prudent, plus patient : il
veut arriver au même but, mais sans bruit,
sans violence. »
Nouvelle vague de
revendications visant la France
Les prétentions de la presse à l'égard de
la terre africaine sont reprises très officiel-
lement par le Général Franco lui-même qui,
le 21 octobre 1950, à Villa Cisneros, fit
le discours suivant (« Documentation fran-
çaise », n° 105, du 20 novembre 1950) :
«...Nous avons parcouru, ces jours-ci, du
nord au sud, nos possesssions africaines,
ces résidus de la mauvaise et injuste ré-
partition de cette côte du nord-ouest afri-
cain dont on ne nous a donné que la peau
et les os (Vifs applaudissements). Cet état
de chose s'est traduit par des difficultés
sans nombre puisqu'il ne s'agit pas d'une
zone où l'on puisse établir une industrie de
grand rendement, ni de l'occupation de
grandes zones peuplées où les résultats ré-
compensent les sacrifices, mais de terres
arides, de terres assoiffées, de terres rudes,
dures et pierreuses...
« Personne ne pourra nous dire que le
peuple espagnol n'est pas un peuple colo-
nisateur. Nous pouvons assurer en outre
que c'est un peuple qui fait des miracles
parce qu'il n'existe pas une seule nation
dans l'univers qui ait eu à affronter une
œuvre civilisatrice semblable à celle que
l'Espagne a entreprise. Si (au siècle der-
nier) le pays n'avait pas été éloigné des
grands problèmes européens, et si sa poli-
tique avait été bonne et saine, notre posi-
tion en Afrique eût eu une puissance et
une extension rarement égalées par d'au-
tres nations. A cet égard, le Mouvement
national est venu revaloriser l'esprit espa-
gnol dans tous ses aspects et il affronte
aujourd'hui les problèmes du Sahara et
d'Ifni et tous les problèmes intérieurs et
extérieurs, en leur donnant la solution ,ap-
propriée... »
« ...Ce fut en 1887 que les Sultans re-
connurent à notre patrie le droit de possé-
der un territoire derrière les Canaries en
terre africaine. J'espère que si le monde
s'engage dans la voie qui convient, les
injustices que nous avons subies seront.cor-
rigées et que nous arriverons à une situa-
tion qui rendra notre effort plus fructueux.
Tel est le prix que nous pouvons mettre à
notre amitié étant donné qu'on nous a fait
obstacle tant de fois. »
Après ce discours, le général Franco fit,
à Santa-Cruz de Tenerife, une nouvelle al-
lusion aux revendications coloniales qu'il
avait rappelées à Villa Cisneros.
Dans la note de la Documentation fran-
çaise n° 105, du 20 novembre 1950, à la-
quelle je viens de me référer, nous lisons
la confirmation de ces discours sous la
forme suivante :
« L'article paru dans la revue « Africa »
de septembre 1950 et qui rappelait les
justes revendications de l'Espagne » annon-
çait une nouvelle offensive des « Africa-
nistes » et du gouvernement, qui avaient
mis une sourdine à ces revendications de-
puis la victoire alliée.
« Sous le titre « L'Afrique à la lumière
des événements actuels », M. Joaquin
Arraras écrivait, dans la revue des Africa-
nistes espagnols :
« ...Il est juste de dire que l'on ne nous
a pas permis grand'chose en Afrique. Nous
avons toujours été traités dans les con-
férences, traités et congrès, comme un peu-
ple satellite de troisième ordre et, en cer-
taines occasions, des conjurations furent
ourdies pour diminuer encore nos droits.
Nous avons été désavantagés d'une façon
indigne et injuste chaque fois que l'on a
procédé à la répartition du continent afri-
cain. L'Espagne africaine représente les
derniers pourcentages de la répartition. En
ce qui concerne la valeur économique, l'An-
gleterre possède les 40 % de la richesse
africaine, la France les 42 %, l'Italie et la
Belgique les 3 % chacune, le Portugal les
2 % et l'Espagne le 0 03 % ... L'orgueil
espagnol souffre de cet état de choses... La
dispersion même des parcelles de territoire
laissées à l'Espagne rend suprêmement hé-
térogène le lot mesquin de l'Afrique espa-
gnole. On nous a laissés les raclures, disait
un homme politique en commentant le
Traité de 1912.
« Et cependant, chaque fois que se po-
sent les problèmes relatifs au continent
africain, l'Espagne surgit, convoquée par
la force irrésistible de sa géographie et
par l'impératif de son destin historique...
La frange marocaine que l'on nous a as-
signée est un corridor qui va d'une mer à
une autre. En face est l'Espagne, vigie du
Détroit, qui tient sous sa domination un
des points vitaux du monde. C'est pour
cela que malgré toutes les considérations
et tous les efforts pour nous annuler et
nous reléguer- dans un coin, aux heures
critiques, lorsque se décide le destin de la
planète, l'Espagne surgit telle qu'elle est
en réalité, la première et la plus considé-
rable avancéede l'Afrique, le boulevard pri-
mordial entre l'Atlantique et la Méditerra-
née. C'est à ces heures solennelles que l'on
nous rend justice, une justice qui a tous
les caractères d'un acte de contrition. »
Plus grave peut-être, encore 'est la décla-
ration de M. Martin ARTAJO, ministre des
Affaires étrangères d'Espagne, lue aux
Cortés le 14 décembre et dont voici des
extraits, d'après l'Agence Reuter :
« Mais l'Espagne, dit M .ARTAJO, est
en droit de demander des réparations pour
le préjudice économique qu'elle a subi du
fait de l'isolement à la suite de l'action des
Nations Unies... »
« ...C'est dans le domaine économique
beaucoup plus que dans n'importé quel au-
tre, poursuit M. ARTAJO, que nous espé-
rons une modification sincère de l'attitude
des autres nations à notre égard. C'est
dans ce domaine que le dommage causé à
notre peuple peut être le plus facilement
réparé. »
Nous voilà fixés sur les revendications
espagnoles.
Le fascisme espagnol
et la politique
de défense occidentale
Dans la dernière partie de ce rapport,
je voudrais m'adresser plus particulière-
ment à ceux de nos collègues qui s'imagi-
nent pouvoir faire entrer demain, après
qu'on lui aura envoyé urn ambassadeur,
l'Espagne franquiste dans le Pacte Atlan-
tique ou dans des associations quelconques
des puissances occidentales.
Trois arguments principaux me parais-
sent s'opposer à une telle conception :
10  En matière d'armement, il est impos-
sible de compter sur l'Espagne. Un certain
nombre de renseignements provenant de
sources diverses confirment cette appré-
hension.
La qualité de l'armement dans l'armée
espagnole est très déficiente. Par exemple,
prenons une division d'infanterie : selon
les dotations officielles, une division doit
posséder l'armement suivant : 240 fusils
mitrailleurs, 108 mitrailleuses, 24 mitrail-
leuses antiaériennes, 54 mortiers de 50, 18
mortiers de 80, 36 canons antichars et 36
pièces d'artillerie de campagne. Actuelle-
ment, il n'y a pas une seule division espa-
gnole dont l'armement dépasse 60 % l'ar-
mement prévu officiellement. Et ces 60 %
sont composés d'un matériel hétérogène,
dont la plus grande partie a été utilisé
pendant la guerre civile espagnole.
11  en est de même dans les unités d'ar-
tillerie. Tout l'armement est très ancien et
dans sa plus grande partie hors d'usage.
Pour se faire une idée plus nette de cette
affirmation, voici les canons actuellement
en service :
« Schneider » modèle 1906, de 70 ;
« Schneider » modèle 1900, de 75 ; « Legio-
nario » modèle 1900, de 75 ; « Legionario »
modèle 1911, de 75 ; « Krupp » court et
long de 77 ; « Legionario » modèle 1914,
de 100 ; canon d'accompagnement « Legio-
nario » système « Schneider » de 105 ; obu-
sier d'accompagnement « Vickers » modèle
1933 de 105; obusier de montagne « Schnei-
der » modèle 1919, de 105 ; obusier
« Krupp » modèle 1914, de 149 ; canon T.R.
« Krupp » modèle 1815, de 150 ; obusier
« Schneider » modèle 1817, de 155 ; mortier
« Schneider » modèle 1916, de 260 ; obusier
« Legionario » modèle 1917, de 305.
Létat du matériel dans les unités moto-
risées est encore pire que dans les autres
unités de l'Armée, n'arrivant pas aux
40 % du matériel utilisable. Un exemple :
dans un des derniers défilés militaires qui
a eu lieu à Madrid, les chars de combat
ont défilé sur des camions, dans l'impossi-
bilité où ils se trouvaient de pouvoir se
déplacer par leurs propres moyens. Les
chars de combat en usage sont : le Vickers
Carden de dix tonnes ; Maybach, de 5,5
tonnes ; Krupp, de 5 tonnes ; Ansaldo Fiat
lt l'allemand « Tigre ».
Les effectifs nominaux de l'armée espa-
gnole s'élèvent à peu près à 300.000 hom-
mes. En réalité, les effectifs qui font du
service actif et qui reçoivent pourtant une
certaine instruction militaire, sont réduits
à 50 % du chiffre antérieur. Les autres
font leur service miliaire dans leurs foyers,
avec une permission illimitée qui a été dis-
pensée par un officier de l'unité à laquelle
ils appartiennent. Ce système de permis-
sions illimitées est très généralisé dans l'ar-
mée espagnole, et c'est une source de reve-
nus pour les officiers, du moment qu'il n'y
a aucune dépense pour des soldats consi-
dérés comme présents dans leurs unités.
L'instruction militaire pour les soldats,
sous-officiers et officiers reste à peu près
la même que celle d'avant la guerre civile :
maniement du fusil, instruction en champ
(1) Un de nos collègues de la commission des
Affaires étrangères, d'ailleurs hostile aux con-
clusions de mon rapport, avait ajouté loyale-
ment un argument en faveur de la thèse que
je présente ici en indiquant que l'entrée de
l'Espagne dans le camp occidental présenterait
aussi un autre danger : la tentation pour l'état-
major international, et plus particulièrement
pour les Anglais.et les Américains, d'abandon-
ner la ligne de défense de l'Elbe, voire celle
du Rhin, en faveur de la ligne des Pyrénées,
ce qui aboutirait à l'abandon du territoire
français.
(Z) Cette résolution devait être retirée, au
cours du débat par les amis politiques ou les
co-signataires de M. LEGENDRE, ce qui a per-
mis à la commission d'adopter, finalement, à
l'unanimité les deux premiers paragraphes, et
à la majorité de 21 voix contre 20, 2 absten-
tions et 1 absent, le troisième paragraphe de
la résolution suivante :
« La commission des Affaires étrangères,
après avoir entendu le rapport défavorable de
M. Daniel MAYER sur la proposition de M. LE-
GENDRE, « tendant à inviter le Gouvernement
à renouer immédiatement des relations diplo-
matiques avec l'Espagne »,
« enregistre le retrait de cette proposition de
résolution,
« invite le Gouvernement à ne pas renouer
des relations diplomatiques avec . l'Espagne
franquiste. »
Société Parisienne d'Impressions
4, Rue Saulnier — PARIS (IX")