LE PROBLEME ESPAGNOL
DEVANT LA CONSCIENCE
UNIVERSELLE
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Conf�rence organis�e par la Ligue Fran�aise des Droits
de l'Homme � la Salle Pleyel de Paris le 7 Avril 1949
prononc�e par
Monsieur ]. PAUL-BONCOUR
Ancien Pr�sident du Conseil des Ministres de France
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SERVICES DE L'INFORMATION ET DE LA PROPAGANDE
DE LA REPUBLIQUE ESPAGNOLE |
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Allocution de M, le Pr�sident" Paul-Boncour
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Citoyennes,
Citoyens, J'ai r�pondu � l'appel de la Ligue des Droits de l'Homme
et des r�publicains espagnols pour prendre la parole ce soir. Depuis le d�but, j'ai v�cu, sinon jour par jour, au moins
mois par mois, les �tapes de ce que j'appellerai le martyre de la R�publique Espagnole, le d�ni constant de justice dont elle a �t� l'objet et, il faut bien le dire, la l�chet� des gouverne- ments qui en ont �t� la cause. (Applaudissements.) A la Soci�t� des Nations, j'ai lutt� pour que celle-ci fasse
son devoir, qu'elle fl�trisse d'abord, qu'elle aide ensuite, par tous les moyens en son pouvoir : qu'elle fl�trisse le coup d'Etat, qu'elle aide les R�publicains espagnols. A l'int�rieur de mon pays, j'ai lutt� contre mes adver-
saires et aussi un peu contre la ti�deur de mes amis pour qu'on f�t cesser cette conception hypocrite et boiteuse qu'on appelait la non-intervention. Et ce soir j'�l�ve la voix pour alerter l'opi- nion publique, pour qu'elle songe � ce qui se passe l�-bas, de l'autre c�t� de l'Atlantique, � Lake Success, � l'Organisation des Nations Unies, et qu'elle emp�che que, par des chemine- ments souterrains et inqui�tants, ce que certains se pr�pare- raient � faire et qui serait donner la cons�cration d�finitive au r�gime du g�n�ral Franco en admettant l'Espagne actuelle dans l'Organisation des Nations Unies. Je dis l'Espagne actuelle, car j'esp�re bien que l'Espagne,
redevenue libre et r�publicaine, saura prendre une place emi- nente dans l'Organisation des Nations Unies et, je dois le dire pour rendre justice � ce qui s'est pass�, reprendre la place |
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qu'elle a connue sous la monarchie espagnole, car je n'oublie
pas que son repr�sentant, Monsieur Qui�ones de Le�n, a tou- jours aid� Briand, ainsi que moi-m�me, par ses efforts � la So- ci�t� des Nations, et je veux, avec vous, reprendre toutes les �tapes de ce que j'appelle encore, et je le r�p�te, le martyre de la R�publique espagnole. LA BOUTIQUE DE NON-INTERVENTION
A la date historique du coup d'Etat de Franco, des �lec-
tions libres ont eu lieu. Une R�publique d�mocratique et lib�- rale existe en Espagne. Tous les organismes constitutionnels fonctionnent normalement. Aux Cort�s, il y avait une majorit� de gauche de 269 d�put�s. Mais la droite en poss�de 142. La ma- � jorit� de gauche comprend 90 socialistes et 16 communistes : tous les autres sont des r�publicains. Pas une minute il ne vient � l'esprit de la droite de contester la l�gitimit� des Cor- t�s et la preuve en est qu'elle a accept� sa repr�sentation dans le bureau. Toutes les libert�s publiques, tous les droits priv�s se trouvent garantis par les lois des tribunaux, sans que le pouvoir ex�cutif d�passe le moins du monde les limites de sa l�gitime activit�. Donc, aucune excuse, aucune raison plausible � l'insurrection. Mais elle �tait pr�par�e depuis 1934. En 1934, les Espagnols fascistes ou fascisants avaient
�t� trouver Mussolini qu'on m'a reproch� � j'avais pourtant raison ! � d'avoir appel� « C�sar de Carnaval », et, ensem- ble, ils s'�taient entendus pour qu'il apporte une aide morale et mat�rielle � l'insurrection qui se pr�parait. L'ann�e suivante, m�me, entrevue, m�me r�sultat avec
Hitler et Goering. Et, en 1936, dans l'atmosph�re politique que j'ai d�crite tout � l'heure et dont j'ai tenu, � rester rigoureuse- ment dans les grandes lignes, �clate l'insurrection de Franco. Mais bien vite, comme l'h�ro�sme des r�publicains espagnols risque d'amener son �chec, Hitler et Mussolini interviennent, d'abord par une aide mat�rielle, puis par l'intervention directe et massive de leurs bateaux, de leurs avions, de leurs effectifs et de leur mat�riel. Eh bien, en pr�sence de cela, que va faire la Soci�t� des
Nations ? D�l�gu� permanent de la France, ' alors, j'ai suivi toutes les �tapes du calvaire qu'ont gravi vos repr�sentants : Alvarez del Vayo, ministre des Affaires Etrang�res, Azc�rate. votre Ambassadeur � Londres, se heurtant sans cesse � l'in- diff�rence, � l'hypocrisie. Le Conseil de S�curit� se refusait, s'abritant derri�re les d�clarations hypocrites et verbales, � appliquer ce qui �tait la rigueur m�me des textes de la Soci�t� des Nations. Il y avait un article 16 qui �tait le point central, la cl�
de vo�te de l'�difice du pacte de la Soci�t� des Nations. Il di- sait, cet article : « Si un membre de la Soci�t� recourt � la |
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« guerre, contrairement aux engagements pris aux articles 12,
« 13 et suivants, il sera consid�r� comme ayant commis un acte « de guerre contre tous les autres membres de la Soci�t�. Ceux- « ci s'engageront � rompre imm�diatement avec lui toutes re- « lations commerciales ou financi�res, � interdire tous rapports «avec les nationaux et ceux de l'Etat en rupture de pacte et � « faire cesser toutes communications financi�res, commerciales « ou personnelles entre les nationaux de cet Etat et ceux de « tout autre Etat, membres ou non, de la Soci�t�. » Eh bien, est-ce que ce n'�tait pas le cas d'un recours �
la guerre, et � la guerre la plus brutale et la plus injuste qu'il se p�t et qu'accomplissaient l'Allemagne et l'Italie en faisant la guerre contre le gouvernement l�gal attaqu� par une insur- rection int�rieure ? Je sais, on me dira : ni l'Allemagne, ni l'Italie n'�taient
plus membres de la Soci�t� des Nations. Pardon ! Il y avait un article 17 qui �tait ainsi con�u :
« En cas de diff�rend entre deux Etats dont l'un seulement « est membre de la Soci�t�, l'Etat ou les Etats �trangers � la « Soci�t� sont invit�s � se soumettre aux' obligations qui s'im- « posent � ses membres, aux fins de r�glement du diff�rend, « aux conditions, etc.. Si l'Etat invit�, non membre de la So- « ci�t� des Nations (donc, en l'esp�ce, l'Allemagne et l'Italie), « refuse d'accepter les obligations de membre et recours � la «guerre contre un membre (l'Espagne), les dispositions de « l'article 16 (dont je viens de dire la rigueur et l'automatis- « me) lui sont applicables. » Donc, les textes �taient clairs. Le devoir l'�tait aussi,
mais le Conseil de S�curit�, d�sign� sans cesse, r�pondait par des d�clarations hypocrites et verbales � l'imp�ratif de ces textes. - - Carence de la Soci�t� des Nations. Bien ! mais alors ?
Qu'allaient faire les Etats voisins ? Qu'allait faire la France, voisine de l'Espagne ? Qu'allait faire l'Angleterre, qui avait �t� m�l�e si �troitement � sa politique ? H�las !... L'Angleterre et la France � et la France, il faut bien le dire, sous l'influen- ce et m�me la pression de l'Angleterre � se renferment dans une politique dite de non-intervention. Eh bien, cette politique- l�, m�me si l'Allemagne et l'Italie n'avaient pas �t� dans la p�ninsule, combattantes avec les rebelles espagnols contre le gouvernement l�gal, j'affirme et je vais prouver que cette po- litique de non-intervention �tait contraire � tous les principes du droit international, universellement reconnu, m�rns si le gouvernement l�gal de la R�publique espagnole n'avait eu en face de lui que les insurg�s de Franco, le devoir des Etats d�- mocratiques �tait de l'aider mat�riellement, de lui laisser faire avec eux le commerce des armes, du mat�riel, des mati�res premi�res, etc. � 3 � �
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LA DOCTRINE INTERNATIONALE
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Les textes sont d'une nettet� absolue.
« On affaiblit l'ind�pendance des Etats, dit Monsieur D�-
baquet, en paralysant les efforts qu'ils pourraient faire pour r�primer une r�volte et affermir leur politique int�rieure. » Monsieur No�l Henri dit, de son c�t� : « Sauf le cas o�
les rebelles auraient �t� reconnus bellig�rants, les deux parties en conflit ne doivent pas �tre trait�es de mani�re �gale. Il existe, d'un c�t�, un gouvernement ami et reconnu dont la ca- pacit� demeure intacte et, de l'autre c�t�, des insurg�s qui n'ont absolument aucun droit. » L'Institut de Droit International proclamait, lors de ses
r�unions � Neufch�tel, en 1900, que le « droit international im- pose aux puissances �trang�res, en cas de mouvement insurrec- tionnel ou de guerre civile, certaines obligations � l'�gard des gouvernements �tablis et reconnus qui ont � faire face � des insurrections ». La Conf�rence panam�ricaine de 1928 reprenait cette doc-
trine et, en application de celle-ci, le « Manchester Guardian » soutenait, en juillet 1936, que ce n'�tait pas s'immiscer dans les affaires int�rieures d'un pays que de procurer des armes � des gouvernements l�gitimement constitu�s. Interpr�te �galement de l'opinion britannique � du moins
de cette partie de l'opinion britannique qui �tait plus �clair�e �, Sir Stafford Cripps, dans un discours prononc� en 1936 � Clayton, disait : « Le gouvernement espagnol l�gal �lu confor- m�ment � sa Constitution par le peuple espagnol, a droit � tou- tes les facilit�s qu'un gouvernement consente � un autre avec lequel il entretient des relations amicales, conforme � la cou- tume internationale. » Vous m'excuserez, mon cher Pr�sident du gouvernement
r�publicain espagnol, de reprendre, dans vos nobles interven- tions, la citation si d�cisive de ces textes. Et un homme poli- tique fran�ais, qui avait des d�fauts, mais aussi des qualit�s, L�on Archambault, �crivait dans « L'�uvre » (dans « L'�u- vre » d'avant guerre... depuis ?) : « Dans une guerre civile, seul compte le gouvernement r�gulier. C'est � lui seul qu'ont affaire les puissances, avec lui seul qu'elles doivent traiter, et les Etats tiers doivent tenir leurs engagements sans attendre la fin des hostilit�s et sans modifier d'aucune fa�on leurs rela- tions avec le gouvernement. Vendre des armes ou, pour le moins, laisser des particuliers en vendre n'est pas soutenir une neutralit� nullement en litige ; ce n'est pas non plus interve- nir. Le gouvernement r�gulier d'Espagne que nous soumettons � un v�ritable blocus, sous pr�texte de non-intervention, sera en droit de nous dire qu'en r�alit� nous intervenons dans ses affaires int�rieures. » (Vifs applaudissements.) Eh bien, tout cela, doctrine, jurisprudence, coutumes, pra-
tiques internationales, tout cela fut m�connu et viol� au pr�- |
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judice de la R�publique espagnole par la fameuse .non-interven-
tion qui n'e�t �t� qu'une erreur funeste et regrettable si le gou- vernement de la R�publique espagnole n'avait eu � faire face qu'� ses insurg�s, mais qui devenait un crime le jour o� Hitler et Mussolini se mettaient aux c�t�s des insurg�s. Qu'a-t-on fait ? La non-intervention, d�j� condamn�e par
les textes de droit international que j'ai cit�s, devenait, je le r�p�te, criminelle le jour o� l'Allemagne et l'Italie �taient dans la p�ninsule, transformant une guerre civile en une guerre �trang�re. La non-intervention, d�j� condamnable de par ces textes,
�tait une v�ritable duperie criminelle, il faut bien le dire, en face de l'inter-vention si positive et si massive de l'Allemagne et de l'Italie, n'est-il pas vrai ? On a �t� jusqu'� admettre qu'Hitler et Mussolini inter-
venant en Espagne avec leurs bateaux, avec leurs avions, avec leurs effectifs, avec leur mat�riel, continuent de si�ger au Co- mit� de non-intervention de Londres ! Et on a eu l'audace de nous chercher des difficult�s parce que quelques pauvres wa- gons traversaient la fronti�re � Cerb�re et � Hendaye, appor- tant des secours que des ministres z�l�s donnaient aux r�pu- blicains espagnols en cachette de leur gouvernement..." LA POSITION DE I,A FRANCE
ET E'ATTITUDE ANGLAISE Il a fallu, pour que ce scandale cesse, qu'en 1938, L�on
Blum revienne au pouvoir et me demande d'�tre son Ministre des Affaires Etrang�res. Ah ! je n'ai pas admis un pareil scan- dale. J'ai parl� fort � l'Angleterre. Voyez-vous, je suis un par- tisan non pas seulement r�solu mais sentimental de l'alliance anglaise. J'aime l'Angleterre pour le lib�ralisme de ses insti- tutions, pour la dignit� de l'individu, je dirai que je l'aime jus- que -dans ses coutumes de vie, dans sa fa�on de vivre. Je pen- se, avec Monsieur de Talleyrand, que l'alliance de l'Angleterre et de la France est aussi n�cessaire que celle du cavalier et du cheval. Mais j'ajoute, comme lui, qu'il ne faut pas toujours �tre le cheval (rires). Et je fis valoir, en Angleterre, que la France ne pouvait pas tol�rer cette absurdit� de voir si�ger Hitler et Mussolini dans un Comit� dit de non-intervention alors qu'ils intervenaient en Espagne. Et, d'accord avec Blum, nous nous sommes mis en mesure de pr�ter au gouvernement r�publicain espagnol les secours mat�riels que les lois internationales nous permettaient de prendre. H�las ! il �tait trop tard. Les r�publicains espagnols, d�-
bord�s par le nombre et par ces forces allemandes et italien- nes qui combattaient dans le pays, refluaient vers nos fronti�- res. Nous tomb�mes, et (vous, mes amis r�publicains espagnols, vous avez pris les durs chemins de l'exil. Mais il avait suffi que le gouvernement dont je faisais partie � et, personnelle- |
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ment, je prends toute la responsabilit� de ce que j'ai fait alora
� il a suffi que nous voulions appliquer les r�gles du droit in- ternational en venant en aide aux insurg�s pour que la r�ac- tion fran�aise f�t terrible, r�action, il faut bien le dire, qui �tait aussi celle de certains repr�sentants du gouvernement bri- tannique. Il y avait, � ce moment-l�, � l'ambassade, un certain Monsieur Mender," tr�s influent, en contact avec la presse, et je sais les campagnes qu'il a suscit�es, dirig�es contre L�on Blum et contre moi. Ce fut � tel point que je re�us, dans mon cabinet de Ministre des Affaires Etrang�res, une d�l�- gation � la t�te de laquelle il y avait Monsieur Montigny, dont on conna�t l'attitude dans la d�faite vis-�-vis du gouvernement P�tain et qui venait me demander tr�s s�rieusement de pren- dre l'engagement qu'aucun soldat fran�ais ne traverse la fron- ti�re et n'aille en Espagne. D'autres, et de plus haut plac�s, nous sommaient de fermer la fronti�re aux malheureux r�pu- blicains espagnols qui venaient se r�fugier chez nous. Nous avons repouss� avec m�pris cette sommation inhumaine. Mais il y a eu mieux, et je vais vous conter une histoire bien signi- ficative. Il faut vous dire que le repliement des r�publicains espa-
gnols avait co�ncid� avec l'envahissement de l'Autriche par Hitler. Arriv� aux Affaires, il �tait trop tard pour emp�cher l'enjeu qui �tait fait. Je vis clairement que la prochaine victi- me serait la Tch�coslovaquie et, en plein accord avec Blum, je fis savoir � la Tch�coslovaquie que la France �tait d�cid�e � tenir ses engagements vis-�-vis d'elle. Et puis, je fis le con- traire de ce qu'on avait fait au moment de la Rh�nanie : je ne demandais pas � l'Angleterre la permission d'agir, j'agis d'a- bord, en pr�venant la Tch�coslovaquie, et je dis � l'Angleterre : voil� ce que nous ferons. Qu'est-ce que vous ferez, vous ? Et le 24 mars 1938, j'obtins de Monsieur Chamberlain
cette d�claration aux Communes : « La France nous a fait sa- voir que, si la Tch�coslovaquie �tait attaqu�e, elle tiendrait ses engagements vis-�-vis d'elle. Nous n'avons pas, vis-�-vis de la Tch�coslovaquie, les m�mes engagements que la France, mais nous en avons avec la France. H est peu. probable que nous pourrions rester � l'�cart du conflit. » Vous sentez l'importance de l'hypoth�que que nous pre-
nions alors sur le gouvernement anglais. Je n'ai pas besoin de dire ce que fit de cette hypoth�que Bonnet, qui m'a succ�d�, en accord avec Daladier. Je n'ai pas besoin de rappeler Mu- nich. La question n'est pas l�. Mais cette position si ferme, prise vis-�-vis de la Tch�coslovaquie, heurtait, vous le pensez bien, toute la cinqui�me colonne. Mais, � ce moment-l�, les esprits n'�taient pas suffisamment pr�par�s, les choses n'�taient pas assez m�res pour qu'on puisse prendre position contre la Tch�coslovaquie : il a fallu attendre quelques mois et Munich pour cela. |
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LES RESPONSABILITES
DE LA REACTION EUROPEENNE Alors, c'est par le d�tour de notre politique espagnole
qu'on a cherch� � nous atteindre. C'�tait parce que nous vou- lions aider le gouvernement espagnol, suivant les r�gles du droit international, qu'on nous accablait, visant, � travers no- tre politique espagnole, notre politique vis-�-vis de la Tch�co- slovaquie. Il s'est produit ceci � mes explications sont un peu lon-
gues mais elles �taient n�cessaires pour que vous compreniez l'int�r�t de ce qui va venir maintenant �, il s'est produit ce- ci : je dis � Blum : « Tr�s bien, nous avons pris des engage- ments vis-�-vis de la Tch�coslovaquie, mais il faut savoir quels sont les moyens mat�riels et militaires de les tenir. « R�unis- sez donc le Comit� de la D�fense Nationale ». Il s'agissait l� d'une sorte de Conseil sup�rieur de la D�-
fense nationale, pur et simple. La r�union eut lieu. Il y avait trois chefs d'�tat-major, le mar�chal P�tain, le Ministre des Affaires Etrang�res, Blum, L�ger, c'�tait tout. La discussion s'ouvre et nous constatons, h�las ! que bien
des choses ont �t� laiss�es � l'abandon, que nous aurions de la peine � tenir nos engagements. Nous cherchons les moyens de les prendre. C'est alors que Blum pose la question suivante : « Si nous �tions oblig�s d'intervenir en Tch�coslovaquie (il s'adressait au g�n�ral Gamelin qui �tait �galement pr�sent), est-ce que le point le plus vuln�rable de l'Allemagne et de l'Ita- lie ne serait pas en Espagne o� elles sont en train de combat- tre ? » Et je vois encore Gamelin, ouvrant un gros dossier qu'il avait apport� et qui prouvait, clair comme le jour, le p�- ril de mort qu'il y avait, pour la France, � laisser l'Allemagne et l'Italie combattre � nos fronti�res, sur le territoire espa- gnol. C'�tait contraire � toute la tradition de la politique ext�- rieure fran�aise. N'oubliez pas que, toujours, le souci de la po- litique ext�rieure fran�aise a �t� en Espagne pour qu'aucune puissance �trang�re ne puisse s'y installer. En d�finitive, la guerre de 1870 est sortie de cette conception-l�. C'�tait donc rigoureusement conforme � toute notre politique ext�rieure, � nos int�r�ts les plus �vidents. Que s'est-il pass� ? Le mar�chal P�tain, qui �tait l� et
qui n'avait pas dit un mot � les seuls mots qu'il ait pronon- c�s, � la fin de la discussion, furent pour dire : « C'est la faute de la semaine de 40 heures » (rires) � le mar�chal P�tain, soit qu'il n'ait pas compris, soit qu'il ait �t� de mauvaise foi, je n'en sais rien, raconta � un de ses officiers d'ordonnance, dont il avait d� d'ailleurs se s�parer parce que trop compromettant dans cette affaire-l�, que Blum et moi avions pr�conis� l'inter- vention arm�e en Espagne, � tel point que ce pauvre Dormoy, qui a pay� de sa vie sa vigilance r�publicaine ,re�ut une d�p�- che du Pr�fet des Pyr�n�es-Orientales lui signalant que des |
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cin�astes �taient arriv�s dans ce d�partement pour filmer le
passage des Pyr�n�es par les troupes fran�aises... Voil� o� nous en �tions, voil� quel �tait l'�tat d'esprit
vis-�-vis des r�publicains espagnols. Eh bien, comment s'explique une telle aberration ? Com-
ment s'explique la carence de la Soci�t� des Nations ? Com- ment s'explique cette politique de non-intervention o� nous avons accept� d'�tre accul�s ? Elles s'expliquent par plusieurs choses. La premi�re, �vi-
demment, vous la saisissez : c'est l'anti-communisme, cette tarte � la cr�me de toutes les r�actions, je le crois... (rires). On s'�tonnait de la part, que certains tenaient pour pr�pond�- rante, qu'avaient prise les communistes dans la guerre civile. Ah ��, voyons... � qui la faute ? D�s lors que les grandes d�- mocraties abandonnaient la R�publique espagnole et que l'U.R.S.S., au contraire, lui apportait des secours, comment vouliez-vous que les communistes espagnols n'en profitent pas ? Pour appr�cier la situation, il faut se placer non pas au mo- ment de la guerre, mais au moment o� la malheureuse R�pu- blique espagnole, abandonn�e par les grandes d�mocraties, est forc�e de se tourner vers ceux, dont je n'ai pas � appr�cier les fins politiques, qui lui fournissaient armes, mat�riel et m�me, dans une certaine mesure, soldats. Il faut se dire que la part importante, c'est vrai, prise par les communistes dans la guer- re civile espagnole tient � la carence des d�mocraties. Voil� la v�rit� ! (Vifs applaudissements.) Vous savez que c'est encore l'anti-communisme qui est la
cause de la ti�deur avec laquelle les affaires de la R�publique espagnole sont examin�es � l'Organisation des Nations Unies. I/O.NU. ET LE FRANQUISME
Pour moi, la d�claration solennelle de 1946 n'a pas �t�
appliqu�e. Et m�me, elle tombe de plus en plus en quenouille que les relations diplomatiques reprennent, plus ou moins de fa�on occulte, ouverte, avec Franco. Que les affaires repren- nent aussi et que la France, il faut bien le dire l�-dedans, la France actuelle qui, � son honneur, a fait son devoir, � vrai- ment tenu t�te aux autres nations, m�me les nations amies, in- tervienne pour qu'on ne continue pas ce scandale de l'aide pr�- t�e � Franco. La France, qui avait ferm� sa fronti�re, a �t� oblig�e de la rouvrir puisque c'�tait la seule � l'avoir fait et que c'�tait inefficace. Eh bien, au fond de tout cela, il y a la crainte que la R�publique espagnole, si elle venait � se r�tablir, ne tombe sous le contr�le communiste. C'est la premi�re raison, la raison de fond, la raison per-
manente, plus ou moins avou�e, qui d�termine l'attitude des puissances de l'Organisation des Nations Unies vis-�-vis de l'Espagne. � 8 �
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Il y a d'autres causes aussi. Il y a l'�pret� du capitalis-
me, il faut bien le dire, � faire des affaires, et il para�t que celles de l'Espagne sont tr�s fructueuses parce que Franco, aux abois, livre son pays aux puissances �conomiques �tran- g�res. Et puis, il y a aussi � et l�, c'est le plus grave � la
pens�e que l'Espagne est n�cessaire � la d�fense de l'Europe, qu'en cas de guerre entre l'U.R.S.S. et les Etats-Unis, elle fournirait � la fois des bases navales et a�riennes n�cessaires et que son arm�e viendrait augmenter de fa�on appr�ciable les effectifs � opposer � l'U.R.S.S. Eh bien, voulez-vous que nous examinions �a au fond,
parce que, je le r�p�te, c'est plus grave. Voyons, je vous le demande, quelle importance strat�gi-.
que, quelle puissance offensive pourrait avoir un pays aussi profond�ment divis� que l'est, � l'heure actuelle, l'Espagne ? Ses plaies sont saignantes. Plaies de la guerre civile, elles sai- gnent chaque jour puisque,' malgr� la d�claration de l'Organi- sation des Nations Unies de 1946, le r�gime n'a pas chang�, puisqu'en 1947, on compte 60 fusill�s ; en 1948, 23 ; de jan- vier 1949 � mars 1949, 6 ; au total 89. On compte encore : assassin�s sans proc�s r�gulier : en 1947 : 175 ; en 1948 : 174 ; de janvier � mars 1949 : 21 ; total : 370. On compte enfin : condamn�s par le Conseil de Guerre, pendant l'ann�e 1948 et de janvier � mars 1949 : 408. Condamn�s � mort non ex�cut�s, de janvier � mars 1949 : 14 � peines- de mort, de janvier au 20 mars 1949 : 43. Et les statistiques p�nitentiaires avouent un total de plus de 100.000 d�tenus dans les prisons espagno- les, parmi lesquels plus de 20.000 femmes. Voil� o� on en est depuis la r�solution solennelle de l'As-
sembl�e des Nations Unies de d�cembre 1946 rest�e, vous le voyez, inappliqu�e et d�risoire. Eh bien, quel pauvre secours, je vous le demande, min�e
par une partie de son peuple en r�volte contre lui, pourrait constituer une Espagne qui se trouve dans ces conditions et sous ce r�gime ? Et au contraire, au contraire, si la R�publique espagnole
existait, quel concours elle apporterait � l'Organisation des Nations Unies et � la s�curit� collective ! Les Espagnols ne sont pas des mercenaires, les Espagnols ne veulent �tre tu�s que pour la justice. Pour avoir des soldats en Espagne, il faut d'abord y avoir des amis ! (Tr�s vifs applaudissements.) Que de libres consultations ressorte une R�publique es-
pagnole ressuscit�e, -apr�s avoir �t� assassin�e ! Qu'elle entre alors, toutes portes grandes ouvertes, � l'Organisation des Na- tions Unies ! Elle se pr�tera de plein c�ur � l'Organisation des Nations Unies, � l'application de la s�curit� collective, car c'est bien de la s�curit� collective qu'il s'agit, n'est-il pas vrai ? Une guerre avec l'U.R.S.S. ne peut �tre envisag�e que si c'est |
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l'U.R.S.S. qui est l'agresseur. Autrement, je crois qu'il ne fau-
drait plus compter sur la France, pas plus que sur l'Espagne pour faire la guerre. (Vifs applaudissements.) Mais, je vais plus loin. Je crois avoir r�pondu aux pr�occupations.qui sont m�me celles de bons esprits inclin�s � accepter l'entr�e de l'Es- pagne actuelle dans l'Organisation des Nations Unies. Mais, je le r�p�te, je vais plus loin : je dis que les textes, la Charte de San Francisco, s'y opposent de mani�re absolue. Il y a dans la Charte de San Francisco, un article 4 qui
dit ceci : « Peuvent devenir membres des Nations Unies tous « autres Etats pacifiques qui acceptent les obligations de la «pr�sente charte et, au jugement de l'Organisation, sont ca- « pables de les remplir et dispos�s � le faire. » Comment ? Peut-on pr�tendre que le "g�n�ral Franco soit
qualifi� pour accepter les obligations d'une Charte qui est toute enti�re bas�e sur la lutte contre les puissances de l'Axe, alors que son r�gime a �t� �tabli gr�ce aux puissances de l'Axe, alors que, pendant la guerre, de fa�on directe ou indi- recte, il a aid� les puissances de l'Axe ? ! Alors qu'il y a eu cette n�gociation �pouvantable o� il s'engageait � entrer en guerre aux c�t�s de l'Axe si celui-ci lui laissait d�pecer de lar- ges morceaux du territoire fran�ais et du Maroc ? ! ! Voyons ! Quel paradoxe il y a � accepter un r�gime qui
a �t� m�l� aussi �troitement aux destins de l'Axe ! Voil� pour l'ext�rieur.
Et pour l'int�rieur ? Il y a un article 55 qui dit : « En
« vue de cr�er les conditions de stabilit� et de bien-�tre n�ces- « saires pour assurer entre les nations des relations pacifiques « et amicales, fond�es sur le respect du principe de l'�galit� « des droits des peuples et de leur droit � disposer d'eux-m�- « mes-, les Nations Unies favoriseront : a) le rel�vement de « leur niveau de vie ; b) la solution des probl�mes internatio- « naux ; c) le respect universel effectif des droits de l'homme « et des libert�s fondamentales pour tous, sans distinction de « races, de sexes, ou de religions. » Et cette d�claration du respect des droits de l'homme a
re�u une cons�cration �clatante du fait de la derni�re Assem- bl�e qui a proclam� la d�claration internationale des droits de l'homme que nous avons c�l�br�e, mon cher Pr�sident, dans cette derni�re et magnifique s�ance au grand amphith��tre de la Sorbonne. Alors, comment peut-on envisager l'entr�e, dans l'Orga-
nisation des Nations Unies, d'un r�gime responsable des arres- tations, des massacres dont j'ai donn�, tout � l'heure, les sta- tistiques exactes, sans compter � j'en aurais pour trop long- temps � les atteintes aux libert�s que vous trouverez d'ailleurs dans l'excellent discours du Pr�sident du Gouvernement r�pu- blicain espagnol ? Non, je ne crois pas que ce soit possible. |
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APPEL AU DEVOIR DES DEMOCRATIES
Cependant, il faut prendre garde. Il y a les efforts des
fascistes ou des fascisants. On a eu le grand tort, d'ailleurs, de les admettre, eux aussi, dans l'Organisation des Nations Unies, comme on avait eu tort, � la Soci�t� des Nations, de ne pas tenir rigoureusement la main de ceux qui disaient que seuls pouvaient faire partie de la Soci�t� des Nations les Etats qui se gouvernaient librement, comme on a eu tort de ne pas en exclure Hitler et Mussolini au lieu d'attendre qu'ils quittent eux-m�mes la Soci�t� des Nations apr�s l'avoir affaiblie et d�s- honor�e. Il y a les efforts de ces nations-l�, et puis, il faut bien le dire, il y a la ti�deur, les arri�re-pens�es de grands Etats, des phis grands m�me, incontestablement d�mocratiques, irr�prochablement d�mocratiques, mais qui, pour des raisons que j'ai analys�es tout � l'heure : anti-communisme, affaires commerciales et industrielles, pr�paration de bases et d'une aide militaire possible, inclinent, sans trop l'avouer et sans trop para�tre au premier plan, mais agissant dans les coulis- ses, inclinent pour que, par des moyens d�tourn�s, par exem- ple participations aux organisations techniques des Nations Unies pr�parant une adh�sion plus compl�te, on donne, au r�- gime actuel dont souffrent tellement les r�publicains espagnols, une compr�hension internationale. J'esp�re, je veux croire que la France, dans cette tentati-
ve, fera tout son devoir. Je lui demande seulement de parler un peu plus haut qu'elle n'a coutume de le faire dans les con- f�rences internationales... (applaudissements), qu'elle ne se tra�ne pas � la remorque de ses grands alli�s, que vaincue, bien entendu, diminu�e dans ses ressources, de toute mani�re, mais fi�re de la richesse de son pass�, de son patrimoine moral, elle ose faire entendre la voix qu'attendent tant de petites nations qui ont les yeux fix�s sur elle ! Et, si j'ai accept� de prendre la parole ce soir devant
vous, en vous remerciant de la bienveillance avec laquelle vous avez bien voulu m'�couter, c'est pour alerter, certes, la cons- cience universelle, comme l'intitule un peu grandement cette conf�rence, mais c'est aussi pour alerter la consicence de mon propre pays. (Chaleureux applaudissements.) |
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Paroles finales de Monsieur Fernando Valera
V ice-Ps�sident du Conseil et Ministre des Finances
du Gouvernement R�publicain Espagnol Monsieur le Pr�sident,
Mesdames,
Messieurs,
Au nom de Leurs Excellences, le Pr�sident de la R�pu-
blique Espagnole et le President du Gouvernement � l'exil, j'ai l'honneur d'exprimer la reconnaissance de notre peuple � la Ligue fran�aise des droits de l'homme, et � vous tous qui avez bien voulu nous accompagner ce soir, pour entendre la voix autoris�e et �loquente de M. le Pr�sident Paul-Boncour, ce grand Fran�ais et, � la fois, grand citoyen du monde � puisqu'il ne faut pas renoncer � sa propre patrie pour devenir citoyen du, monde � qui a toujours su harmoniser ses devoirs de patriote avec son sentiment d'homme universel, et unir dans un m�me service l'amour, les traditions progressives de la France et le culte d�sint�ress� de toutes les causes justes de l'humanit�. Nous, Espagnols exil�s, nous saluons en lui, d'une �motion profonde, la France immortelle, seconde patrie adop- tive de tous les hommes qui ont perdu leur patrie, �cole, foyer et temple de la vraie d�mocratie, o� l'on garde et l'on apprend l'amour permanent de la libert�, de la paix et de la justice. Apr�s ce que nous avons entendu, je dois ajouter bien
peu de choses. Le probl�me espagnol pourrait se r�sumer, du point de vue r�publicain, de cette mani�re : 1" Avant l'intervention du totalitarisme �tranger, l'Es-
pagne constituait une r�publique ordonn�e, d�mocratique au plus pur sens du mot, membre de la Soci�t� des Nations, lib�- rale et progressive, issue tie, et appuy�e, sur le suffrage uni- versel. 2" Cette R�publique a �t� d�truite, comment et par qui ?
Eh bien, je laisse la parole � l'Assembl�e G�n�rale des Nations Unies qui dans la Pr�face � l'accord du 9 d�cembre 1946, a dit avec une pr�cision admirable : « a) De par son origine, sa nature, sa structure et son
« activit� g�n�rale, le r�gime franquiste est un r�gime de type « fasciste �tabli suivant le mod�le et, dans une large mesure, « gr�ce � l'aide re�ue de l'Allemagne nazie de Hitler et de l'Ita- « lie fasciste de Mussolini. « b) Au cours de la longue lutte men�e par les Nations
« Unies contre Hitler et Mussolini, Franco, en d�pit d'inces^ |
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« sant�s protestations alli�es, a fourni une aide tr�s substan-
« tielle aux puissances ennemies. « c) Des documents irr�futables ont �tabli que Franco a
« �t� un participant coupable, avec Hitler et Mussolini, dans la « conspiration pour d�cha�ner la guerre contre les pays qui, au « cours de celle-ci, devaient s'associer en tant que Nations « Unies. Cette conspiration pr�voyait que la participation de « Franco � la guerre devait �tre ajourn�e jusqu'� une date fix�e « d'un commun accord. » L'Assembl�e G�n�rale ajoute qu'elle est persuad�e que le
Gouvernement fasciste de Franco ne repr�sente pas le peuple espagnol. 3" Donc, s'il est vrai.que la R�publique Espagnole est le
seul gouvernement l�gal, renvers� par une r�bellion fasciste qui a �t� encourag�e, pr�par�e et appuy�e par l'intervention des Allemands et des Italiens, la rigueur du syllogisme et aussi la force de la morale obligent � tirer la conclusion qu'il n'y a d'autre solution juste et pratique au probl�me espagnol que de reconna�tre la l�galit� de la R�publique et de faciliter son r�tablissement dans le territoire national. * Mais pour atteindre ce but, il ne suffit pas de dire aux
Espagnols : « D�barrassez-vous de Franco ! » ; ce serait aussi inefficace que si l'on avait conseill� au peuple allemand de se d�barrasser d'Hitler. Les Espagnols ont fait tout ce qu'on pour- rait attendre d'eux. Un auteur am�ricain, C. Folz Junior, dans son livre « The masquerade in Spain », �value � 1.300.000 les Espagnols morts par cons�quence de la r�bellion de Franco. Ajoutez-y les quelques 400.000 exil�s et les milliers de person- nes emprisonn�es. Les Espagnols font toujours tout ce qu'ils peuvent : r�-
sister, lutter, souffrir, mourir, mais il leur manque une colla- boration internationale qui soit quelque chose de plus efficace que la simple condamnation morale et platonique de Franco. Il s'agit, non pas d'une intervention de l'Etranger dans les affaires espagnoles, mais plut�t d'une « d�sintervention », � si l'on peut inventer un mot pour une nouvelle r�alit� �, d'une d�sintervention, dis-je, puisque c'est une intervention �tran- g�re qui a plac� Franco au pouvoir. La simple condamnation morale de l'O.N.U. a d�cid�
Franco � envisager la restauration d'une esp�ce de royaume m�di�val. C'est une preuve qu'� la moindre pression de la part des nations d�mocratiques, Franco aurait disparu sans dou- leur, sans offense et sans carnage, comme le disait jadis M. L�on Blum. Des mesures adopt�es en temps voulu par le Conseil de
S�curit� dans le « d�lai raisonnable » qu'on avait signal�, il y a deux ans et plus, auraient �pargn� au peuple espagnol plu- sieurs victimes et bien de souffrances inutiles. En ce moment, lorsque le r�gime totalitaire s'effondre de lui-m�me dans la |
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ruine" et le d�shonneur, nous ne demandons pas autant. Il nous
suffit qu'on le laisse mourir sans lui accorder des cr�dits ou lui procurer des coups d'effet psychologiques pour prolonger son agonie et qui ne seraient pratiquement qu'une nouvelle moda- lit� de cette esp�ce de non-intervention consistant � intervenir dans les affaires de l'Espagne, toujours en faveur du tyran et contre les int�r�ts du peuple. Quelles sont ces mesures qui pourraient rem�dier � la si-
tuation, puisque dans un « d�lai raisonnable » � m�me trop raisonnable � de deux ann�es et demi, « ne s'est pas �tabli en Espagne le gouvernement dont l'autorit� �mane du consente- ment des gouvern�s ? » Le Pr�sident Albornoz les a plusieurs fois indiqu�es. Ces mesures sont au nombre de deux. L'une : faire effective dans le domaine �conomique la condamnation universelle du franquisme, par le blocus de trois produits es- sentiels : le p�trole, le coton et le caoutchouc. L'autre : appuyer d�cid�ment la formation d'un gouvernement national, sur le fondement de la loi r�publicaine, dont l'instauration en Espa- gne signifierait l'incorporation imm�diate du peuple espagnol aux affaires internationales, et l'effectivit� d'une collaboration �conomique pour sa reconstruction. Ces deux mesures adop- t�es, il se produirait un mouvement d'opinion capable de d�- placer sans grande violence, nous en sommes s�rs, le r�gime fasciste, que toutes les classes et tous les secteurs sociaux et politiques du pays, m�me ceux qui l'ont appuy� d'abord, d�tes- tent aujourd'hui, par des raisons d'honneur et de patriotisme. Mais, au lieu d'appuyer la l�galit� r�publicaine, qui est
la seule chose efficace et pratique, on a perdu un temps pr�- cieux � la recherche de solutions inefficaces, sans tenir compte de la volont� populaire, bas�es sur l'ignorance des faits. Nous sommes d'accord avec le membre du parlement anglais Mr. Francis-Noel Baker, lorsqu'il �crit : « On a sugg�r� parfois « qu'une restauration monarchique pourrait �tre une solution « au probl�me espagnol. En raison de l'histoire des rois, de « l'appui personnel que le pr�tendant donna au g�n�ral Fran- « co pendant la guerre civile et, surtout, de l'absence de tout « mouvement monarchiste uni et effectif � l'int�rieur du pays, « cette proposition n'a jamais pu �tre prise au s�rieux. La « grande majorit� des Espagnols pense que pendant des g�n�- « rations la monarchie a �t� synonyme de dictature et d'op- « pression. Aujourd'hui, une restauration monarchique ne se- « r.ait possible qu'avec le consentement du dictateur. Il ne pour- « rait en r�sulter que la prolongation de la dictature fasciste « sous un nouveau d�guisement. » Les Phalangistes eux-m�mes le reconnaissent, ainsi qu'en
f ait foi le journal officiel de la Phalange � Madrid, dans l'�di- torial publi� le 9 avril 1947, o� l'on lit : |
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« Si le Comte de Barcelone (1) veut- �tablir sa monarchie
« traditionnelle sur la d�mocratie lib�rale (sic) (et s'il s'agit « d'autre chose nous n'en comprenons pas la n�cessit�) il n'est « pas besoin de la Monarchie ; on devrait reconna�tre les pou- « voirs de la R�publique, proclam�e aux �lections, dont la vali- « dite fut reconnue par son p�re Alphonse XIII (ainsi que la « perte de l'estime des Espagnols) et d'accord- avec la l�galit� « d�mocratique, il n'y aurait autre chose � faire qu'� r�tablir « la R�publique ». CETTE FOIS-CI NOUS SOMMES D'ACCORD
AVEC LES PHALANGISTES
Voil� pourquoi les R�publicains espagnols s'opposeront r�-
solument � l'implantation arbitraire de tout autre r�gime, mais ils sont dispos�s � faciliter la formation d'un gouvernement na- tional qui, sous l'�gide r�publicaine, pr�sidera � une nouvelle consultation �lectorale libre de laquelle sodtira, nous en som- mes persuad�s, une victoire r�publicaine cat�gorique. Mais dans le cas o� notre foi nous tromperait, cela n'en permettrait pas moins une �volution pacifique vers d'autres formes politiques que, nous autres r�publicains, nous ne servirions naturellement pas, mais que nous aurions le devoir de respecter et d'accepter tant qu'elles seraient l'expression non-�quivoque de la volont� souveraine du peuple. Ce n'est certes pas se montrer trop exigeants que de de-
mander, que soit accord�e au peuple espagnol une opportunit� que l'on ne refuse pas � d'autres peuples � peine sortis d'une vie �l�mentaire et ^primitive. L'id�al de justice le demande, la paix future du monde le
conseille, car on' ne peut laisser allum� ce foyer de fascisme peut-�tre sans danger momentan�ment, mais dont une �tincelle pourrait, � un certain moment, d�cha�ner l'incendie sur l'Eu- rope. Le prestige de la d�mocratie l'exige, car il ne se base pas seulement sur la force des armes ou sur le pouvoir corrup- teur de l'argent, mais avant tout � les hommes sont des �tres moraux � sur le respect du Droit et sur le culte de la Libert� et de la Justice. Si la d�mocratie veut m�riter vraiment la foi des peuples
et �veiller leur enthousiasme, elle aura besoin de cultiver ses valeurs id�ologiques, mystiques, si vous aimez mieux, les seu- les qui poussent les hommes vers les grandes t�ches universel- les et historiques. Et pour cela, il est n�cessaire que la d�mo- cratie se refuse � couvrir du prestige de son �tiquette la mar- chandise avari�e des grands crimes du totalitarisme. Elle doit montrer, au contraire, par des r�parations telle que celle que le monde doit � l'Espagne, que la d�mocratie est r�ellement |
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(1) C'est le titre qu'on donne au Pr�tendant.
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une Cause noble, digne des millions de h�ros qui sont tomb�s
sous ses drapeaux, convaincus qu'ils donnaient leur vie pour le bien de l'Humanit� et du progr�s. Si la d�mocratie veut devenir un id�al poss�dant une for-
ce mystique capable de pousser les hommes vers les grandes t�ches historiques, elle devra avoir le courage de se solidari- ser avec les peuples opprim�s, en les aidant � se lib�rer, avec la m�me d�cision 'dont font preuve les tyrans pour se soutenir les uns les autres. Le peuple espagnol, qui est un peuple d�sar- m� et domin�, bien qu'insoumis, aura besoin de cette assistan- ce de la d�mocratie internationale pour se d�gager d'un sys- t�me qui lui a �t� impos� par la coalition mondiale des puis- sances totalitaires, malgr� une longue et h�ro�que r�sistance. Nous remercions nos amis de tout ce qu'ils ont fait pour
la Cause r�publicaine. Ce sont de bonnes semences d'amour qui ne seront pas perdues, puisque l'Espagne est un pays roman- tique et sentimental qui saura r�pondre � l'amour par l'amour. Je vous remercie, Mesdames, Messieurs, mes amis, et je
vous dis : . Quand vous vous sentez heureux d'�tre un peuple libre,
pensez toujours qu'il y a encore un peuple esclave, un peuple qui souffre, un peuple honn�te et digne qui attend avec une passion d�sesp�r�e que sonne pour lui l'heure de la Lib�ration et de la Justice. |
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SOCI�T� PARISIENNE D'IMPRESSIONS
4. rue Saulnier - PARIS MX) |
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