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-ocr page 2- -ocr page 3- -ocr page 4- -ocr page 5- -ocr page 6- -ocr page 7- -ocr page 8- -ocr page 9-EXTRAIT Dü RÈGI.EMENT.
Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages a publier, et clioisit les personnes les plus capables d’en preparer et d’en suivre lanbsp;publication.
II nomme, pour chaque ouvrage a publier, un Coinmissairc responsable , chargé d’en surveiller 1’exécution.
Le nom de 1’Éditeur sera placé a la tète de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraitre sous le nom de la Société sans l’autorisation du Conseil, et s’il n’est accompagnc d’une declaration du Commissaire responsable, portant que le ti avail lui a parunbsp;mériter d’être publié.
Le Commissaire responsable soussigné declare que ïEdition préparée par M. C. Moreau da Choix de Mazarinades,nbsp;lui a para digne d’etre pnbliée par la Société de l’His-ToiRE DE France.
Fait a Paris, le 26 février 1853.
Ccrtifié ,
Le Secrétaire de la Sociéié de THiöloire de trance, 3. ÖESNOÏERa.
-ocr page 10- -ocr page 11-Dans tons les troubles civils qui out agile et ensan-glanté la France depuis I’invention de rimpritnerie, on a beauconp imprime et encore plus ecrit. On a com-battu avec la parole et avec la plume autanl qu’avecnbsp;l’épée. Les sermons, les pamphlets, les balailies, toutnbsp;cela c’etait la guerre. C’est qu’il ne fallait pas seule-ment vaincre; il fallait persuader et convertir. II fallaitnbsp;prouver la purete de sa cause, la droiture de ses intentions, la nécessilé de son triomphe; il fallait ralliernbsp;a soi les passions et les intéréts; il fallait agir sur lesnbsp;appetits et sur les intelligences. Dans les guerres ci~nbsp;viles il en est toujours ainsi; et la raison en estnbsp;simple : ce sont les opinions qui font les partis; c’estnbsp;la predication qui fait les opinions.
Les pamphlets irnportent done a I’etude de I’his-toire. 11s n’ont assurement pas la méme valeur que les mémoires qu’ils completent ou qu’ils contrólent;nbsp;mais leurs discussions, leurs recits, les bruits qu’ils ré-pètent, les jugements qu’ils propagent, les calomniesnbsp;méme qu’ils inventent, sont autant de témoignagesnbsp;des preoccupations de I’opinion publique. Les auteursnbsp;de mémoires ont été pour la plupart mêlés aux événe-ments qu’ils racontent, soit qu’ils en aient profité,nbsp;soit qu’ils en aient souffert. Us en ont connu lesnbsp;causes, et ils ont pu en mesurer la portée; maisnbsp;I.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;a
-ocr page 12-II nbsp;nbsp;nbsp;PRÉFACE.
riioiïiine ne se dépouille jamais tout entier, Aux passions de son époque, il mêle ses propres passions. II inodifie au gré de ses opinions personnelles les opinions des partis. L’esprit public, au contraire, se ré-vèle avec toute sa naiveté dans ces pamplets qui pré-paraient ou aclievaient les triomphes de l’arquebusenbsp;et de l’épée. II s’y montre sans precaution, sans réserve, sans pudeur méme, parfois libre jusqu’a lanbsp;licence, hardi jusqu’au cynisme. Dans les mémoiresnbsp;l’intérét personnel domine; c’est la passion publiquenbsp;dans les pamphlets. Dans les premiers il y a plus denbsp;riiomme; dans les seconds, plus du peuple, ounbsp;mieux, plus des partis.
II est d’ailleurs des faits que les mémoires n’ont pas pu développer dans toutes leurs circonstances. Desnbsp;auteurs, les uns étaient places trop baut, les autresnbsp;trop loin pour bien voir et pour tout voir. Il y a desnbsp;causes et des effets méme qui leur ont écbappé néces-sairement. La multitude agissait; ils ne savaient pasnbsp;tout ce qui la faisait agir. Ils ne se rendaient pas unnbsp;compte exact de ses sentiments et de ses pensees. Aunbsp;contraire on pénètre dans les entrailles des partis etnbsp;de la société a I’aide de ces pamphlets qui ont étérédi-gés par des hommes d^s partis et pour les partis, parnbsp;des hommes du peuple et pour Ie peuple. L’auteur desnbsp;mémoires se pose en face de la postérité; il pense anbsp;l’avenir. Le pamphlétaire n a de preoccupation quenbsp;pour le présent. L’un écrit pour les passions contem-poraines ; l’autre écrit, s’il faut ainsi parler, sous leurnbsp;dictee. L’auteur de mémoires est toujours un avocat;
-ocr page 13-Tü
PRÉFACE.
Ie pamphlétaire est un lénioin qui souvent depose centre lui-même.
Cette utilité des pamphlets pour la critique hislo-rique a élé sentie dès les premiers jours de leur apparition. Charles IX n’était pas a la moitié de son règne que déja Pierre Estiart imprimait a Strasbourg Ie Re-cueil des choses me'morables faites et passe'es pour Ienbsp;faict de la religion el estat de ce royaume depuis lanbsp;mort du roj Henry H jusqu’au commencement desnbsp;troubles.
Quatre ans après, Ie protestant La Popelinière ter-minait au bruit des joyeuses acclamations de la paix de 1570 et publiait a la Rochelle VHistoire de notrenbsp;temps OU Recueil des choses mérnorables passe'es ennbsp;France depuis Fédit de mars 1568. Ce sont en quel-que sorte les pieces ju.stificatives de sa grande histoii enbsp;des guerres de religion.
Puis vinrent les Mémoires de l'estat de France sous Charles neuvième en 1576 ; les Mémoires de la Ligue ;nbsp;Ie Recueil des pieces les plus curieuses qui ont été faitesnbsp;pendant Ie règne du connestable M. de Luyne, dont lanbsp;première edition est de 1622; en 1637, Diversesnbsp;pieces pour la défense de la reyne mere du roy tres-chretien Louis XIII, faides et revues par Mathieu denbsp;Morgues; enfin en 1640 Ie Recueil de diverses piecesnbsp;pour servir a thistoire que Duchatelet a pultlie pournbsp;la defense du cardinal de Richelieu.
Vers le milieu du xviip siècle, le premier de tous ces recueils fut refondu et augmente par Secousse,nbsp;continue par Lenglet Dufresnoy sous le litre de Mé-
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moires de Condë; et les Mémoires de la Ligue repa-nirentavec des augmentations considerables del’abbé Goujet.
Ainsi depuis Henri II jusqu’a Louis XIII inclusive-ment, nous avons une suite a peu prés non interrom-pue de recueils de pamphlets qui loucbent a tons les grands éve'nements de ces règnes successifs. Sansnbsp;doute ce n est pas tout ce que la passion politique anbsp;écrit OU public; il y manque beaucoup de pieces etnbsp;des meilleures. Pourtant les recueils sont a ceux quinbsp;veulent étudier sérieusement Thistoire, d’une très-réelle utilité.
Pour continuer a suivrel’ordre des temps, ily avait a recueillir dans la volumineuse collection des Maza-rinades un certain nornbre de pièces les plus curieusesnbsp;par les faits qu’elles contiennent, les meilleures parnbsp;I’babileté de la composition ou par Féclat du style,nbsp;(i’est ce que j’ai essayé de faire.
Dés 1649, après la paix de Saint-Germain, des li-braires réunirent sous un titre general les pamphlets que Ie public avait semblé recevoir avec Ie plus de faveur; et on vit paraitre presque en méme temps Ienbsp;Recueil de touics les pièces fakes contre Ie cardinalnbsp;Mazarin sur ïenlècenient du roi, Ie Recueil de ce quinbsp;s'est passé contre Ie mauvais gouvernement de Julesnbsp;Mazarin, Ie F^eeueil de plusieurs pièces curieuses- tantnbsp;en vers qu'en prose, Ie Recueil des pwces irnprirnéesnbsp;durant les mouvements de I'annee \ 649 et d’autres encore ; mais tous ces recueils ont été faits sans intelligence, sans critique; ils ne comprennent guère d’ail-
-ocr page 15-PRÉFACE. nbsp;nbsp;nbsp;V
leurs que les trois premiers mois de la Fronde ; enfin ils sont très-rares.
Oblige de me renfermer dans un cadre assez étroit, j’ai d’abord écarté toutes les pièces officielies : arrêts,nbsp;edits, ordonnances, déclarations. On les trouve dansnbsp;^Histoire du temps de Du Portail et dans Ie Journal dunbsp;parlement. Je me’suis ensuite attaché aux pamphletsnbsp;qui font plus particulièrement connaitre les opinions etnbsp;les intéréts des partis, les caractères et les situations desnbsp;personnages. Quand a Fintérêt historique ou politiquenbsp;ils n’ont pas joint un certain mérite littéraire , je menbsp;suis contenté de les publier par extraits.
C’est a 1’année 1649 que j’ai emprunté Ie plus grand nombre de pièces par deux raisons ; la première estnbsp;que les griefs de I’opinion contre la personne et I’ad-ministration du cardinal Mazarin sont exposés d’unenbsp;manière plus compléte et plus détaillée dans les pamphlets de cette date; la seconde que pendant le blo-cus de Paris les intéréts individuels se sont plus effacésnbsp;dexant les intéréts collectifs et que la fronde y a con-servé mieux un caractère apparent d’unité. Ou sailnbsp;comment les partis se sont divisés après la paix denbsp;Saint-Germain.
La Fronde n’a certes pas inventé le pamphlet en vers. File ne I’a pas méme perfectiormé; il est constantnbsp;qu’elle n’a rien de plus hardi, de meilleur, de plus fa-meux que la Miliade de 1638 ; mais elle lui a donnénbsp;un développement qu’il n’avait pas eu auparavant,nbsp;qu’il n’a plus eu après. Tout alors s’écrivait en vers :nbsp;les controverses comme les récits. II s’est rencontré
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PRÉFACE.
des poètes pour traduire en vers Ie Courrier francois et Ie Théologien d'estat. C’est Ie litre d’un pamphletnbsp;en vers (la Mazarinade), qui est devenu Ie nom géné-rique de toutes les pieces qui pendant quatre ans ontnbsp;été publiées pour et contre Ie cardinal Mazarin.
Cet usage, je diraisvolontiers eet abus de lapoésie, est un des caractères extérieurs de la Fronde; et a sonnbsp;tour la poésie de la Fronde a un caractère propre ; ellenbsp;est burlesque. Par cette double raison j’ai cru que jenbsp;devais donner aux vers burlesques une large place dansnbsp;Ie recueil des Mazamkade .
J’ai la confiance que, méme réduit aux proportions sur lesquelles j’ai du Ie mesurer, ce recueil suffira.nbsp;Apres tout on pourra loujours recourir a la Bibliogra-phie des Mazarinades oü j’ai réuni tons les litres denbsp;ces pamphlets, autant que les recherches les plus pa-tientes m ont permis de Ie faire, et qui contient desnbsp;citations plus courles, il est vrai, mais plus nom-breuses et plus variées. Je ne puis qu’y renvoyer Ienbsp;lecteur désireux de pénétrer plus avant dans les secretsnbsp;de la Fronde. La Bibliographic des Mazarinades a éténbsp;concue de manière a suppleer au dépouilleraent desnbsp;collections les plus volumineuses pour ceux qui n’ontnbsp;pas besoin de se livrei- a une étude approfondie denbsp;cette époque. Pour les Iravailleurs qui sont jaloux denbsp;rernonter aux sources, elle sera un guide fidéle, je l es.nbsp;père, nécessaire, j’en suis certain.
-ocr page 17-Les nutnéros qui suivent les litres entre crochets, tant dans Ie texte que dans les notes, sont ceux desnbsp;pamphlets dans la Bibliographic des Mazarinades.
Les dates exprimées a la suite des litres ne sont pas exactement celles des pieces. .I’ai mieux aimé rappelernbsp;les dates des groupes dans lesquels les Mazarinadesnbsp;sont rangées dans la liste chronologique a la fin dunbsp;troisième volume de la Bibliographic. II m’a semblénbsp;qu’en renvoyant ainsi Ie lecteur a cette lisle, je luinbsp;fournirais un moyen utile de diriger et de compléternbsp;ses recherches, s’il en avail Ie désir.
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(1648.)
Ie veux chanter les barricades ^
Et les populaires boutades Dont tout Paris fut alarmé,
Alors que Ie badaud armé Donna de si belles vezardesnbsp;Au braue régiment des gardes,
Et fit voir que Ie batelier Est dangereux sur son paillier.nbsp;Raconte-moy, muse grotesque,
D’oü vient cette humeur soldatesque. Apprens-moy de ces mouuemens
' Cette pièce est attribuée au baron de Verderonne, un des gentils-bommes du due d’Orléans. Naudé la met au-dessus des meilleures poésies burlesques de Scarron. La version que j’en donne a été établie sur lanbsp;comparaison des trois editions de 1649.
’ Du 26 aoüt 1648.
I nbsp;nbsp;nbsp;1
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Quels furent les commencemens,
Et quel succes eut la furie De la nouuelle laquerie.
Depuis tantót cinq ou six ans L’auarice des Partisans,
Traitans, soutraitans, geus d’Affaire , Race a notre bonlieur contraire,nbsp;Pilloit avec impuniténbsp;Les biens du peuple en liberté;
Et sous prëtexte du Tariffe '
Rien ne s’échappoit de leur griffe.
Ce mal nous alloit deuorant;
Et comme l’on voit vn torrent Tombant du sommet des montagnes,nbsp;Se répandant sur les campagnes,nbsp;Étendre partout sa fureur.
Porter la crainte et la terreur Dans les villes, dans les villages;
Ainsi l’excez de leurs pillages, Comme celuy de leur pouuoir.
Nous réduisoit au désespoir,
Quand Ie bon Démon de la France, Touché de voir nostre souffirance.
Fit que, perdans Ie jugement,
Ils se prirent au Parlement,
Se promettant que leur malice Triompheroit de la lustice,
Et que ce grand corps atterré.
Leur repos seroit assure.
La Polette fut la machine ^
' D’octobre 1646. II comprenait toutes les marchandises qui entraient a Paris, soit par eau, soit par terre.
® On appelait ainsi Ie droit du soixantième, que Charles Paulet, secrétaire de la cliamhre du roi, avait, au commencement du siècle, imagine de faire mettre sur Ie prix des offices de justice et de finance. Moyennant
-ocr page 21-Destinée pour sa mine;
Et Ie piège que I on tendit Aux officiers, certain editnbsp;Lequel mettoit en apparencenbsp;Leurs Offices en asseurance ‘.
On demandoit par eet Arrest,
Comme par manière de prest,
Quatre années de tons leurs gages.
Mais lorsque l’on vint aux suffrages,
II parut, et non sans raison,
Dessous ce miel quelque poison,
Dont la Uqueur estoit mortelle A la santé de Tescarcelle.
En mesme temps de tous costés,
Des autres corps les Deputes Attaquez de pareilles craintes,
Arriuent, parlent, font leurs plaintes Contre la persecution,
Implorent la pi-otection
De ceux qu’ils appellent leurs Pères,
Disent l’estat de leurs misères Et que sans doute ils sont perdusnbsp;Si par eux ne sont deffendus.
Demandant que chacun s’vnisse Pour résister a I’iniustice,
Et remonstrer coniointement A la Reyne ce traitement.
Ie payemenl annuel de ce droit, les officiers pouvaient, durant 1’année, vendre leurs cliarges aux successeurs qu’ils se clioisissaient, avec l’agré-ment du roi cependant.
' Le droit du soixantlème se renouvelait tous les neuf ans. Cette fois l’édit de renouvellement portalt que les compagnies souveraines autresnbsp;que le parlement abandonneraient au roi quatre années de leurs gagesnbsp;par manière de pret. II est du commencement de mai 1648.
* De la chambre des Comptes, de la Cour des Aides, et du Grand Conseil.
-ocr page 22-4 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Cette affaire mise en balance Fut trouuée de consequence;
Et comme il ne faut sottement S’embarquer, ni légèrement,
LVnion très-fort balottée Ne fut pas d’abord arrestee.
Les registres sont apportez Et soigneusement consultez.
O
On lit, on voit, on examine La loy ciuile* et la diuine;
Mais enfin pour conclusion Les voix furent o l’vnion *.
Les partisans, par cette voye,
Voyant éuanouyr leur proye Et leur fonds estre diuerty,
Duquel ils auoient fait party,
Et, s’il faut dire, quelque auance,
Baptisent cecy d’insolence,
Qui fait brèche a Tauthorité De la Royale Majesté,
Ainsy qu’aux droits de la Couronne.
De tous costez cecy résonne;
Et Ie Gonseil faict vn Edict Qui ryiiion leur interdit “.
Le Parlement demeura ferme.
Et la chose estant en ce terme,
On mit par auis du Gonseil Au mal vn second appareil.
Et, pour dissiper eet orage,
Quelques-vns furent mis en cage ®.
* nbsp;nbsp;nbsp;Le 13 mai 1648.
* nbsp;nbsp;nbsp;Du 12 juin.
= On avait enlevé, le 28 mai, Turgot et d’Argouges du Grand Gonseil, qui furent conduits a Mézières. Le surlendemain deux conseillers de lanbsp;Cour des Aides, Guérin etCheselier, furent exilés a Nancy; Lottin, président du Grand Conseil, et Dreux, conseiller, a Pont-a-Mousson.
-ocr page 23-Si 1’on fit mal, si l’on fit bien,
Ie m’en rappoi’te et n’en scay rien;
Et, pour dire vray, ne me pique De me connoistre en Politique ;
Car en ce mestier Ie hazard A souuent la meilleure part.
Aux nouuelles de cette piise,
La Bazoche fut fort surprise.
Le mal, au lieu de se calmer,
Parut de nouueau s’allumer.
On s’assemble, on crie, on proteste; Qui iure, qui gronde, qui peste.nbsp;Quelqu’vn parle plus hautementnbsp;Et se plaint du gouuernement,nbsp;I’entends celuy de la finance;
Pour l’autre on garde le silence.
C’est bien assez de le penser,
De peur de se trop auancer. Dependant la Reyne Régente,
Gomme elle est sage et très-prudente, Voulant a cecy promptementnbsp;Trouuer quelque tempérament.
Remit, pensant calmer l’affaire,
La Polette a son ordinaire.
Fit reuenir les exilez,
De la frontière rappelez;
Mais deffendit aux Compagnies De se tenir encore vnies,
Puisque leur remettant le prest,
EUes estoient hors d’intérest. Maintenant Messieurs des Enquestes,nbsp;Dont aucuns sont de fortes testes,
Et d’ordinaire, a dire net,
L’ont assez proche du bonnet,
Furent d’opinion contraire.
-ocr page 24-CHOIX
L'vn dit: « Messieurs, c’est vn mystère. Si nous cessons d’estre assemblez,
Dans trois iours nous sommes sanglez. Nos biens, de mesme que nos vies,nbsp;Releueront de ces harpies.
Enfin ce n’est pas d’auiourd’huy Qu’on dit : Ce qu’il te fait, fais-luy.nbsp;Machiauel, grand politique,
Qui des Cours auoit la pratique,
Dans son damnable art de régner Ne l’a sceu que trop enseigner.
Toutes ces faueurs apparentes Sont des marques très-éuidentesnbsp;Du venin cache la-dessous.
Hélas! Messieurs, souuenez-vous De Sinon, du cheual de Troye,
Comme Ilium fut mis en proye Et Ie vieil Priam pen rusénbsp;Sous vn faux cheual abuse.
Permettez que ie vous Ie die ;
Tout cecy n’est que comédie.
Les biens receus hors de saisou,
Les recompenses sans raison,
Ainsi que les chants des Sirenes , Marquent les tempestes prochaines.
Le salut dans vn mauuais pas Consiste a ne relacher pas.
Souuent c’est proche du riuage Que les matelots font naufrage.
En deux mots voicy mon advis ;
Si mes sentiments sont suiuis,
Messieurs, auant toute autre chose , Afin d’affermir nostre cause,
Qui n’est pas sans besoin d’appuy, Nous conclurons tous auiourd’huy
-ocr page 25-Que 1’on soulage les canailles,
Que l’on remette vn quart des tailles,
Que de nos pais désolez Les Intendans soient rappelez,
Que les Eleus, bien que vermine, Exercent au moins pour la minenbsp;Et soient mis en leurs fonctioiïs.
G’est par telles inuentions Que Ie peuple prompt et volagenbsp;Se ment, se conduit et s’engage.
Quand Ie peuple sera pour nous,
Sans doute on filera plus doux.
Mais si nous manquons cette voye, Quelque temps calme que ie voye,nbsp;I’apprébende fort Einterdit.
Songez-y bien, Messieurs. F ai dit.«
Lors chacun parlant a I’oreille Auec son voisin se conseille.
Faut-il le croire, ce dit-on.
LVn dit qu’ouy, 1’autre que non.
Tout est d’opinion diuerse.
L’vnla suit; 1’autre la trauerse.
L’vn dit que c’est trop attente;
L’autre la seide seurete.
Cette venerable consulte Auoit fort de Fair d’vn tumulte.
Et comme nous voyons souuent,
Lorsque Ton chasse a mauuais vent,
Que des voix de diuers meslange Font aux vieux chiens prendre le change,nbsp;(3u confus dans vn si grand bruit,
Ne suiure les voyes, la nuit;
Encor’ que parmy cette emeute,
Les Présidens, clefs de la meute,
D abord ne donnassent les mains ,
-ocr page 26-CHOIX
Tous leurs obstacles furent vains. Sans fruit les vieillards résistèrent.nbsp;Enfin les frondeurs l’emportèrent.
Et, suiuant leur intention,
L’on se tint a la ionction ‘.
D’Emery*, contre son attente, Trouua la fortune changeante.
Par des conseils accommodans On réuoqua les Intendans.
La Reyne mesme, a ce qu’il semble, Trouue fort bon que l’on s’assemble.nbsp;Gens de Palais et gens de Cournbsp;Ont conférence a Luxembour ‘.
Le Due d’Orléans, fils de France,
Au Parlement prit sa séance 5 Et le feu loin de s’embraser,nbsp;Paraissoit quasi s’appaiser,
Alors que la prison nouuelle Du bon-homme Monsieur Bruxelle ,nbsp;Riche d’honneur, pauure de biens,nbsp;Arma tous ses concitoyens.
Ce fut au temps que la victoire, Amoureuse de nostre gloire,
Fit a Lens, ainsy qu’a Rocroy, Triompher nostre ieune Roynbsp;De ces redoutables cohortesnbsp;Qui sembloient menacer nos portes.nbsp;L’illustre Prince de Condé,
Par son courage seconde,
Auec ses troupes, comme vn foudre , Réduit leurs escadrons en poudre,
Et les suiuant iusqu’a Douay,
‘ Arrèl du 15 juin.
“ Surinteiidant des finances.
’ Le 2f juin cut lieu k preinièie conférence.
-ocr page 27-Venge la perte de Courtray Chacun béiiissoit sa prouesse.
Tout estoit remply d’allégresse;
Mais comme en vn beau iour d’Esté,
Plein de lumière et de clarté,
Le Ciel se couurant de image Change le beau temps en orage,
Et des misse aux font vne mer Qui ne peut pourtant pas durer,
La ioye en nos coeurs préparée Ne fut pas de longue durée.
De tout temps nos Roys très-pieux Par vn zèle déuotieux,
Quand le Ciel a bëny nos armes,
Et la valeur dé nos gendarmes,
Vont en cortege solennel Rendre graces a 1’Eternel,
Deuant le temple ou Ton réuère Le nom de sa très-chaste mere.
Les Gardes dès le point du iour Assemblez au son du tambournbsp;Dessus le Pont-neuf se logèrenlnbsp;Et par les rues s’arrangèrent,
Quand, laReyne estant de retour,
Vn bruit s’epand tout a I’entour Que r on auoit pris le bon-hommenbsp;Que le peuple son père nomme *.
L vn dit: « On I’emmene par la; »
L’autre cecy, 1’autre cela.
Le murmure eschauffe la bile Des batteliers, gent mal docile.
Et chacun s’arme aux enuirons
' Courtray, pris en 164-7 par les Espagnols pendant que le prince de Condé faisait le siege d’Ypres.
“ Pierre Broussel, conseiller au parlement.
-ocr page 28-10 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Qui de crocs et qui d’auirons,
De cailloux, de pies et de pelles,
De bans, de treteaux, d’escabelles,
De barres de fer, de leuiers,
De grez que l’on prend aux euiers.
Le peuple farouche et fantasque lure, maudit, peste et renasque.
Tout est plein de confusion D’horreur et de sedition.
Des plaintes on vient aux murmures, Aux cris, aux fureurs, aux iniures;
Et les soldats du Régiment *,
Repoussez assez brusquement,
Voyant leur partie mal faite,
Firent vne prompte retraite;
Et dans ce bizarre combat, Quelques-vns sont mis au grabat;nbsp;D’autres suiuis avec brauades.
Le peuple fait les Barricades.
De tous costez on fait grand bruit;
On court, on s’auance, l’on fuit. Macons, Charpentiers, Estuuistes,nbsp;Imprimeurs, Relieurs, Gopistes ,
Garcons de Postes et Relais,
Colporteurs et Cleres du Palais, Tailleurs, Pages d’Apotiquaires,nbsp;Maquignons, Ecorcheurs, Libraires,nbsp;Fourbisseurs, Charrons, Batteliers,nbsp;Crocheteurs, Doreurs, Ecoliers,
Crieurs de noix et d’eau de vie, Moutardiers et vendeurs d’oublie ,nbsp;Crieurs de passement d’argent,nbsp;Assistants, Recors et Sergent,
' Le régiment des gardes , appclé par excellence le Régiment.
-ocr page 29-11
Meneurs de liacquets et broueltes, Marqueurs, enfants de la Raquette,nbsp;Porte-chaires, passeurs de Bac,nbsp;Vendeurs de pipes et tabac,
Cureurs de puits et de gadoue, Charetiers qui mènent la boue,nbsp;Mareschaux, Forgerons, Selliers,nbsp;Partout s’épandent par milliers.
Aux Halles les Fripiers s’armèreut; Et les Bourgeois se cantonèrent,
Au prés aussi bien comme au loiu, Sur Ie Quay, sur Ie port au Foin.nbsp;Chacuii sou compagnon réclame,nbsp;Fourbit sou mousquet et sa lamenbsp;Et iurant saus cesse morbieunbsp;Prend Ehallebarde ou quelque épieu.nbsp;Cette martiale iournéenbsp;Par la nuit ne fut terminée.
On vit de moment en moment,
Sans sc^uoir pourquoy ni comment, Aux portes et par la fenestre.
Peter fortement Ie salpestre.
Et ces gens, a n’eii mentir point, Estoient braues au dernier point.
Le lendemain la belle Aurore Les trouua tous armez encore;
Et comme ils nlauoient pas dormy, Remplis de vin plus qu’a demy,
De ce vin leur ame eschauffée Se promettoit quelque trophée.
Le Chancelier, a ce matin, Conduit par son mauuais destin,nbsp;Portoit a la Cour Souuerainenbsp;Vn ordre envoye par la Reyne.
On luy crie : « Demeure la. »
-ocr page 30-12 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Luy, surpris de ce Quy va la,
Qui est vn terme de milice Peu cognu des gens de lustice,
Les ayant appelez mutins,
Gagna Ie Quay des Augustins.
Le peuple s’émeut dans la me,
Le suit, le clabaude, le hue.
Son carrosse fendit le vent.
La troupe le va poursuiuant;
Et d’ vne ardeur fiére et mutine, Inuestit l’Hostel de Luyne,
Rompt la porte de la maison.
L’vn en sa main tient vn tison,
Vn chenet, vne lichefrite,
Le couuercle d’vne marmite.
Ils iurent tous qu’il en mourra,
Que iamais sceau n’appliquera.
Luy, réduit a eet accessoire.
Et qui, pour auoir leu 1’Histoire, Scait fort bien comme d’autrefois,nbsp;Sous le règne des anciens Roys,
Vn chancelier fut mis en broche Par le noble écorcheur Caboche,nbsp;Assisté de quelques mutins,nbsp;Vulgairement des Maillotlns,
Grut sa dernière lieure venue.
A deux genoux, la. teste nue.
Dans ce peril rude et pressant,
II inuoquoit le Tout Puissant;
Et fit, comme on peut bien le craire, A l’Euesque de Meaux, son frère,
De ses péchez confession ,
Auecqne protestation
Que si du danger il eschappe,
Iamais plus on ne l’y attrappe ;
-ocr page 31-13
De ces angoisses oppressé,
Aussi passé quVn trépassé.
Les Gardes viennent a la file. D’abordla canaille fait gile.
Et suruint a eet accident IjC Mareschal Surintendant *,nbsp;Tousiours fier comme son espée,
Au sang des ennemis trempée,
Dont il occit vn Crocheteur Qui n’estoit la que spectateur,nbsp;Excitant sar liiy mainte pierrenbsp;Qui pensa Ie ietter a terre.
Et d’Ortis arriuant soudain Prit Ie Chancelier par la main,
Que la Cronique médisante Dit qu’il auoit froide et tremblante.nbsp;Ce grand Ministre de l’Estat,nbsp;Eschappé de eet attentat,
Alla chercher sa seureté Au Palais de sa Majesté.
La suite de eet beur extreme Pour les siens ne fut pas de mesme.nbsp;Auprès de luy l’Exempt Picotnbsp;A la mort paya son escot.
Sa triste et funeste auenture,
Fait
Sans qu’il soit besoin qu’on en iure,
voir que pour ne pas mourir,
II n est rien tel que de courir Et qu’en de semblables affairesnbsp;Les iambes sont fort salutaires ’.
Laissons ce ministre dispos Au Palais Royal en repos.
Faisons vn tour parmy les rues.
* Le maréchal de La Meilleraye.
’ Ces quatre vers rappellent le premier quatrain de 1’épigramme bien
-ocr page 32-14 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Partout les chaisnes sont tendues; Des caues on sort des tonneaux ¦nbsp;On amène des tombereaux,
Des chariots et des charrettes;
On appreste les escoupettes;
Et nos Bourgeois fort résolus, Vieux soldats tont frais esmoulus,nbsp;Sont attachez aux Barricades,nbsp;Comme forcats a leurs rancades.nbsp;Carmeline, l’Opérateur *,
Vestu d’vn colet de senteur, Chausses de Damas a ramage,
La grosse fraize a double estage, Bas d’attache, Ie brodequinnbsp;De vache noire ou maroquin,
Le sabre pendant sur la handle, Et sur le tout l’escharpe blanche,nbsp;Tenant en main bec de corbin,nbsp;Mouté sur vn cheual Aubin,nbsp;Gardoit avec six cens et onzenbsp;Le poste du Cheual de Bronze;
Et fit assez diligemraent Vn bizarre retranchement.
De cette belle architecture A peu prés void la peinture ;
De l’vn iusqu’a l’autre pilier On mit de dents vn ratelier.
connue que Passera! a écrite contre le due d’Aumale dans la Satire Me-nippée :
A chacun nature donne Des pieds pour le secourir :
Les pieds sauvent la personne;
II n’est que de bien courir.
* nbsp;nbsp;nbsp;Carmeline, en vn coin reclus,
Voit ses pelicans siiperflus.
Le Mlmstre (LEstat flamhé [2470].
-ocr page 33-15
DE MAZARINADES.
Sur les dents on mit des machoires, Des brayers, des suppositoires,
Des pellicans, des bistoris,
Des boetes de poudre d’Iris,
Des chalits, des portes, des cruches, Des coquemars, des ceufs d’Autruches,nbsp;Quelques saloirs remplis de lard;
Et sur ce solide rampart,
On fit vn parapet de grilles,
Par OU guignoient deux crocodilles.
II est vray qu’ils ne viuoient pas;
Mais chacun ne Ie scauoit pas.
La forme estoit pentagonale, Triangulaire ou bien ouale;
Qui voudroit en leuer Ie plan,
Ne Ie scauroit en moins d’vn an.
Ie Ie donne au grand Archimède,
Aux compagnons de Diomède,
A Vitruue, a Nostradamus,
A feu I’ingenieur Camus,
Gamorin, Targon et de Ville,
A Roberual qui monstre en ville, Villedot*, Mercier, Mestrezeau,
Sainct Felix, le Pautre, le Veau, lean Tiriot, qui fit la diguenbsp;Et Trazor, du temps de la Ligue,
Aux ingénieurs comme Alemans ,
Aux Italiens et Flamans,
A Steuin comme au sieur des Cartes, A Blaeu qui descrit tant de cartes,
A Mercator, a Oudinet,
Au geographe Bertinet,
Avec compas mathematiques,
‘ II a donne son nom a une des rues de Paris,
^ La digue de la Rochelle.
-ocr page 34-16 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Instrumens nouueaux et antiques, Den faire la descriptionnbsp;Dans la iuste dimension;
Tant l’on auoit mis d’artifice A bastir ce noble edifice.
A la Halle et aux enuirons On se retranche de marons,
De citrouilles , pommes pourries, D’artichaux, fourmages de Brie,
De cboux, de concombre et naueaux, D’epinards, raues et porreaux,
Prunes , brugnons, poires , oranges; Les cabats trainent dans les fanges;
Et le cordon de ce trauail Estoit de fine gousse d’ail,
Oil Ton aiousta quelques bottes De très-puantes eschalottes;
Ce qui faisoit vn bel effet Dont le peuple fut satisfait.
Derrière, maintes Harangères,
Plus affreuses que des Mègères, Mettant la main sur les roignons,nbsp;Crioient; lt;¦ Par la teste aux oignons,nbsp;Ces traitres nous font donne belle.nbsp;Vine le Roy! viue Bruxelle!
Viue la Cour de Parlement!
Et sacre du Gouuernement! »
Elies adioustoient autre chose Qui ne se peut dire qii’en prose.nbsp;Harangères certainement,
A le dire confidamment,
Meriteroient d’estre fessees,
Et d’ auoir les langues percees.
Mais passons aux autres carriers Ou les garcons de tons mestiers,
-ocr page 35-Quitlaiit Ie soiii de la boutique,
Prenoient l’hallebarde ou la picque,
Le coutelas ou l’espadon,
Le brin d’estoc ou le bourdon;
Chacun saisissant a la baste Ce qul se trouue sous sa paté.
Seruantes au haut des grenlers Portoient cailloux a pleins paniers.
Les femmes estoient aux fenestres.
Tout s’en mesloit, bormis les Prestres.
Mais ceux qui n’estoient qu’b* sacris Animoient les gens par leurs cris.
De barricade en barricade,
Constantin iouoit sa boutade*
Et par vn martial fredon Sonnoit l’alarme en faux bourdon.
Au milieu de ce grand désordre L’on voit arriuer en bon ordre,
A pas comptés et grauement LTllustre Cour de Parlement.
Tout le peuple leur fait grand feste.
Messieurs baissant parfois la teste,
Auec vn modeste sousris,
Flattoient ces nouueaux aguerris.
A leur abord la populace
De tous costez s’ouure et fait place,
Disant: « Allez, nos Protecteurs;
Abolissez les Collecteurs,
Tous imposts; et faites en somme Que vous nous rameniez nostre homme. «nbsp;Cependant au Palais Royalnbsp;On discouroit, qui bien, qui mal.
L’vn disoit: c’est trop entreprendre.
' Voyez plus loin la chanson de Blot sur la ph'mte de l’Mmour contie la guerre parisienne.
-ocr page 36-CliOlX
L’autre : ils font bien de se défendre. Enfin la Reyne les recent;
Et les Huissiers ayant fait chut,
Molé d’vn visage assez ferme A pen prés luy dit en ce terme:nbsp;a Reyne, 1’Image du grand Dieu,
Si nos souhaits auoient eu lieu,
Et que, pour Ie bien de la France,
On eust pris en vous confiance,
Tout ce tumulte hors de propos Ne troubleroit vostre repos.
Quoy! dans fallégresse publique Par vne fausse politique,
Mettre, hors de temps et de saison,
Les bons Magistrats en prison Pour auoir auec asseurancenbsp;Dit leur aduis en conscience!
Ce qui maintient les Potentats,
Le plus ferme appuy des Estats Est de régner auec lustice.
Mettre en vsage 1’artifice,
La fourbe et le déguisement,
C’est en saper le fondement.
Madame, les mauuais copistes Des conseils Machiauélistesnbsp;Qui séduisent vostre douceur,
Eloignent de nous vostre coeur Par des raisons imaginaires,
Au bien de vostre Estat contraires;
Vous disant pour leur intérest La chose autrement qu’elle n’est.
Mais las! il n’est plus temps de feindre. Tout s’émeut; le peuple est a craindre.nbsp;Dieu quel peuple ! vn grand peuple arme,nbsp;De rage, de fureur animé,
-ocr page 37-19
Qui met son salut en ses armes!» Lors quelques véritables larmes,
Quoy que disent les enuleux, Parurent couler de ses yeux.
Chacun peut en croire ce qu’il pense. Puls auec la mesme eloquence,
II poursuiuit: « Ne craignez pas, Madame, de faire vn faux pas,nbsp;Cédant, comme il est nécessaire,
A la fureur du populaire.
Quand Ie vent agite les flots,
Les plus habiles matelots,
Pour se garantir du naufrage,
Par vn conseil prudent et sage,
Au lieu de résister au vent,
Calent la voile bien souuent,
Et les yeux arrestés sur l’Ourse, Nauigent d’vne oblique course.
Ce que pratiquent les nochers Parmy les bancs et les rochers,nbsp;Apprend aux Roys a se conduirenbsp;Dans les troubles de leur Empire.nbsp;Comme Ie perfide élément,
Le peuple s’esmeut aysément;
Mais il s’appalse tout de mesme. Votre sagesse tout extreme.nbsp;Madame, éloignera de nousnbsp;Ce malheur dont ie crains les coups,nbsp;En accordant a nos prièresnbsp;La liberté de nos confrères.
Le peuple a le mesme désir.
II n’y a pas lieu de choisir.
Ie crains que, perdant l’espérance, II n’en vienne a la violence.
Ce sont des cbeuaux escliappez,
-ocr page 38-‘iO nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
D’ardeiir et de foiigiie eniportez,
Dont la fureur choque et renuerse Tout ce qui vient a la trauerse,
Faciles a s’effarouclier,
Difficiles a rapprocher.
Songez bien que cette iournée Dolt faire nostre destinée;
Que pour Ie salut de l’Estat II faut terminer ce débat,
Et qu’a des troupes bien armées,
D’vn iuste prétexte animées,
Les canons tous prests a tonner,
Refuser tout, c’est tout donner.»
La Reyne, pleine de sagesse, Dissimulant auec adresse,
Luy repartit et accorda,
Non pas tout ce qu’il demanda,
Mais seulement vne partie;
Dont la populace auertie,
Quand ils sortirent, les poursuit,
Se plaint, murmure et fait grand bruit. Quelqu’vn plus hardy que les autres * ;
« C’est vous qui, comme chef des vostres. Dit il au premier Président,
Respondrez de l’éuènement. »
Et luy présente 1’hallebarde.
Mais est bien gardé que Dieu garde.
11 conserua Ie magistral;
Car rhallebarde prit vn rat.
La rumeur se faisant plus forte,
II fut poussé dans vne porte.
‘ Tout Ie passage qui commence par ce vers et finit a celui-ci : Mais reprcnons nostre brisée,nbsp;ne se trouve que dans la iroisième edition.
-ocr page 39-21
iout Ie peuplc en confusion Crioit auec emotion ;
« Retournez; dites a la Reyne
Que nous voulons qu’on nous l’amène.
II n’y a point a, barguigner.
Depeschez vous sans tant lorgner. « Les autres, force réuérence ,nbsp;Néantmoins auec doléance ;
« Quoy, disoient-ils, Pères Consents, Ces gens demeureront proscrits!nbsp;Souffrirez vous que l’on vous berne?nbsp;Quoy, vous payer de baliuerne!
Nous les voulons présentement. »
— nbsp;nbsp;nbsp;Ah! mes amis, tout doucement.nbsp;Pour Dieu, de grace, patience !
Nous marchons et en diligence. »
— nbsp;nbsp;nbsp;« A quoy bon tant de faconsP »nbsp;Cecy donna de grands soupeons
A quelques vns de 1’Assemblee,
Qui, l’ame de frayeur troublée,
Se figurant comme ces gens Ne sont tous rien moins que prudens ,nbsp;Craignant de rudes accolades,nbsp;S’escartant de leurs camarades,nbsp;S’ëcoulèrent a petit bruit.
D’autres attendirent lanuit.
Vu Officier craint que sa trongne Ne fasse passer sa personaenbsp;Pourvn des illustres patrons,
Met sur son dos vn corbillon,
A ses pieds pantoufles de natte,
Entre ses iambes vne latte,
So teste dans vn chaperon,
Plumes de cocq a 1’enuiron,
Vn garde robe d’étamine,
-ocr page 40-22 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Et tout barbouillé de farine,
Tout semblable a Dame Alizon,
Enfin regaigne sa maison;
Ce qul ne fut pas sans risee.
Mais reprenons nostre brisée.
Le Parlement trés effaré De ce succès inespéré,
Voyant que ces ames vulgaires Traitoient ainsi leurs Tutélaires,
Fait de nécessité vertu,
Et de diners soins combattu,
Deux a deux en belle ordonnance Vers le Palais Royal s’auance.
Le peuple redouble ses cris Les plus hardis se trouuent prisnbsp;Pesle mesle auec la canaille.
Le soldat se met en bataille.
On murmure, on parle, on discourt Dans I’anti-chambre et dans la cour.nbsp;Ainsi ces Messieurs arriuèrentnbsp;Et par le grand degré montèrent.nbsp;Chacun se rangeant a 1’entournbsp;S’enquiert d’ou vient ce prompt retour.nbsp;L’vn disoit, faisant grise mine :
« Le retour vaudra bien matine. »
L’autre d’vn gracieux mamlien ;
« Croyez moy; ce ne sera rien. »
Et chacun, suiuant son génie,
Ou rioit OU n’en rioit mie.
Comme le mal estoit pressant,
Que le danger alloit croissant,
On résolut, sans plus attendre^
De relacber et de les rendre.
Cheuaux et coches attellez Et proches parents appellez,
-ocr page 41-23
On s’achemliie en diligence Droict au Mesnil Madame Rance ‘
Ou Bruxelle estolt arresté.
Ceux qui furent de ce costé,
Passèrent auec peu de peine.
Ceux qui allèrent a Vincenne;
Après auoir fait maint détour,
Quand la nuit eut cliassé Ie iour, Sentirent sur eux pesle meslenbsp;Tomber de cailloux vne greslenbsp;Qu’en la ruë des Chiffonniersnbsp;On lancoit du haut des greniers.
Toute la populace émeue Crioit: demeure ! tue! tue ! tue!
Et dans ce populaire effort Tout leur représentoit la mort.nbsp;Demeurer, c’est chose mortelle;
De reculer, point de nouuelle.
Mais Le Gouldray se résolut,
Ainsy que le bon Dieu voulut,
De leur faire vne tentative.
On lui crie de loin : Qui viue ?
— nbsp;nbsp;nbsp;Viue le Roy! — Ge nest assez.
— nbsp;nbsp;nbsp;Viue le Parlement! — Passez.
Qui estes-vous? — Gens des Enquestes, Fauorables a vos requestes,
Amis qui, pour vous secourir, Hazarderont iusque au mourir.
Tout de bon, n’en faites nul doute.
' «Quelques troupes ennemles de la Garnison de Sainct-Denys.... out estépiller plusieurs Bourgs des enuirons, et entr’autres le Menil Madamenbsp;Ranse, oü ils ont fait plusieurs desgats en haine de ce que de ce lieu Monsieur de Brousse!, Conseiller au Parlement,... auoit esté remmené gloriep-sement dans la ville de Paris. »
QuatrièTJie arriuée du courrier francois.
-ocr page 42-24 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
— Messieurs, de nuict on ne voit goutte;
Et d’aller ainsy sans flambeau,
Morbieu, cela n’est bon ni beau;
G’est affronter Ie corps de garde.
Pour vous nous n’y prenons pas garde.
A Nosseigneurs tont est permis;
Et vous estes de nos amis.
Eux échappez de la déroute,
Suiuent pareillement leur route,
Et firent si bien leur deuoir Que Blanc Mesnil vint dès Ie soir *.
Cependant nos nouueaux gendarmes Ne voulant ny poser les armes,
Ny rentrer dans leurs maisons,
Ils allèguent mille raisons,
Disant que Ton les veut surprendre ,
Qu’il se prépare vn grand esclandre,
Que l’on pretend les renfermer Dans Paris pour les affamer,
Vser enuers eux de finesse Boucher Ie chemin de Gonesse,
Qu’il n’y a rien pour Ie certain De si long comme vn iour sans pain,
Et qu’ils y donneront bon ordre.
Tout Paris est plein de désordre,
De terreur, de crainte et d’effroy,
Sans néantmoins scauoir pourquoy.
La nuict se passe de la sorte,
Sans souffrir que personne sorte De la ville dans Ie faux bourg.
Quand Ie Soleil fut de retour,
Quelques geus arriuent en foule Qui disent que procbe du Roule,
‘ Polier de Blancmesnil, président a mortier, arrêté en même temps que Broussel.
-ocr page 43-A Boulogne et aux enuirons Paroist quantité d’escadrons,
Qu’ils en ont veu bien prés de mille.
Le peuple a s’alarmer facile Prend cela pour argent comptant,
Et s’en trouble tont a l’lnstant,
Gronde, tempeste, s’effaroucbe,
Dit ce qu’11 luy vlent a la bouche,
Et tont lui deuenant suspect,
Parlant sans cralnte et sans respect,
Que ce malheur est sans remède,
Et que la Reyne de Suède Erlac * OU blen le Loup garounbsp;Ont pris leur quartler a Saint Clou.
Quelqu’vn dit qu’il a veu la Seyne De monstres marlns toute plelne,
Conduits par le polsson Colas,
Qu’lls ont en mains le coutelas.
Et que les ayant veu parestre,
S’approchant pour les recognolstre ,
Soudaln les ayant veu plonger De leur nombre 11 n’a pu lugerquot;,
Que néantmolns la troupe est grande Et qu’lls sont blen plus d’vne bande;
Que l’on dolt a son sentiment Cralndre vn funeste éuènement,
Et qu’il y a parmy ces bestes Quelques Chimères a cent testes.
Le peuple qui croit de léger.
Et qui ne craint que le danger.
Dit que cela pourroit bien estre,
Que mesmement deuant Bissestre II paroist des magdaléons
' Jeaa-Louis comte d’Eiiach, general cle l’arinée weymanoniic. Voyoz cnli'C autres la Champagnt désolée par l’armée d’Erlach [C77],
-ocr page 44-CHOIX
Monte/, sur des Gaméléoiis,
Que l’on y voit des hypogrifes Des Caualiers ou Hiéroglyfes,nbsp;Qu’entr’eux mesme sur vn dragonnbsp;On recognoist Ie Roy Hugonnbsp;Qui, pour leur ruine certaine,
Est party de Tours en Touraine, Que cecy n’est point visionnbsp;Et qu’ils sont plus d’vn million,nbsp;Qu’ils iettent Ie feu par la gorge,nbsp;Qu’il faut mander M. Saint Georgenbsp;Lequel depuis plus d’an et iournbsp;Au sepulchre fait son séiour,
Faire en sorte que la Pucelle,
Ainsy qu’il combattit pour elle,
L’engage en ce malheur pressant Au secours d’vn peuple innocent.
La ville, a cette r enommee,
De nouueau se voit rallumée Et quelque vin dessus Ie ieu,
Dont ils auoient pris plus qu’vn peu, Faisoit que les gens vénérablesnbsp;Estoient de raison peu capablesnbsp;Quand a neuf heures du matinnbsp;On vit au faux bourg Saint Martinnbsp;Arriuer par bonne aduenturenbsp;Monsieur Bruxelle et sa voiture.
Ce retour fut vn coup du Ciel.
Le peuple depose son fiel,
De deux costez se range en haye; Mais pourtant, craignant vne baye,nbsp;Veut voir le bon homme chenunbsp;Qui de force gens n’est cognu.nbsp;Aussitost qu’il monstre sa teste,nbsp;Chacun, son arquebuze preste,
-ocr page 45-27
DE MAZARINADES.
Son mousquet et son poitrinal,
Fait vne salue en general.
Partout Ie cry se renouuelle Vine Ie Roy! vine Bruxelle!
Quatre cents hommes a l’instant Le conduisent tambour battantnbsp;Et le promènent par les rues.
Les chaisnes furent détendues Tous les tonneaux sont renuersez,
Mais non les soupcons effacez.
II est conduit en la Grand’ Chambre.
Ses Compagnons furent le prendre. Ensuite vn Arrest est donnénbsp;Par lequel il est ordonnénbsp;A chacun d’ouurir sa boutique,
Les Clercs reprendre la pratique; Mousquets remis au ratelier,
Macons iront a 1’atelier,
Les charretiers a leurs charrettes,
Les Vinaigriers a leurs brouettes,
Les Mareschaux a leurs marteaux;
Les Porteurs d’eau prenneirt leurs seaux; Les Charpentiers la besaguë;
Et la magnifique cohue Tout doucement se sépara;
Chacun chez soy se retira A la Cour ainsy qu’a la villenbsp;Tout parut remis et tranquille.
Chacun reprit sa belle humeur.
Ainsy finit cette rumeur.
Ie ne scaurois, pour moy, comprendre S’il y a du feu sous la cendre;
Mais sans pousser 1’affaire a bout, Nostradamus et Dieu surtout.
-ocr page 46-28
CHOIX
(1648,)
Supplient humblement les trois Estats du gouuerne-ment de l’Isle de France, joinct auec les bourgeois et habitants de la bonne ville de Paris, se faisant forts dunbsp;consentement et vnion des treize prouinces et gouuerne-ments du Royaume, et spéciallement de toutes les grandesnbsp;villes, de la bonne volonté et intention desquelles lesditsnbsp;Estats sont associés, tant par parolles que par escrit,nbsp;comme aussi par la conionction de l’intérest commun.nbsp;Disans que depuis Ia mort du Roy Louys XIII, d’heu-reuse mémoire, quoy que les Princes, grands Seigneursnbsp;et Officiers, de resouuenance des énormes iniustices etnbsp;maux intollérables qui leur ont esté faits et a tout Ienbsp;Royaume par ceux qui s’estoient emparé de la puissance absolue prés du Roy, sous Ie nouueau nom denbsp;premier ministre d’Estat, eussent protesté hautementnbsp;de ne plus souffrir quVn particulier s’eslevast ainsinbsp;sur les espaules des Roys, et a 1’oppression de tout Ienbsp;monde, néantmoins par Ie trop de bonté qu’ils ontnbsp;eu, il est auenu quVn estranger nommé lulle Mazarinnbsp;s’est installé dans ce souuerain ministère, oit il n’a estenbsp;esleué par sa naissance ny par aucun seruice notablenbsp;rendu a eet Estat ny par aucun mérite, veu que l’onnbsp;scait qu’il est Cicilien d’origine et naturel suiet du Roy
' Naudé dit de ce pamplilet qu’il faut lui dunner lieu entre les bonnes pièces; et Omer Talon nous apjuencl que riniprimeiir, qu’il ne nomnienbsp;pas, fut anvté et oondamne par Ie C'liAtlt;‘let a faire amende honorable einbsp;a éire hanni.
-ocr page 47-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;29
d’Espagne, de tres sordide naissance, qui a esté vallet en diners endroits a Rome, après y auoir seruy mesme dansnbsp;les plus abominables desbauches de ce pays-la, et s’es-tant poussé par ses fourbes, plaisanteries et intrigues,nbsp;de tel action est venu en France , oii il s’est introduit parnbsp;les mesmes moyens dans l’esprit de ceux qui gouuer-noient, lesquels Tont auancé pour leur seruir d’espionnbsp;et de ministre pour leurs intrigues particulières, et auecnbsp;Ie temps s’est rendu fort puissant sur l’esprit et sur Ienbsp;conseil de la Royne, tenant hautement tous les grandsnbsp;du Royaume, sans qu’on ayt recognu pendant ce tempsnbsp;d’autre autorité a la Cour et dans toutes les affaires dunbsp;dedans et du dehors que la sienne, au grand scandale denbsp;toute la maison Royalle et de toute la France, et a lanbsp;derision mesme des nations estrangères; qu’ainsi depuisnbsp;six ans il a plus fait de mal, de dégast et de rauage quenbsp;les plus cruels ennemis ny scauroient faire, s’ils y estoientnbsp;venus a main armee et vainqueurs; car il a disgracié,nbsp;banny et emprisonné sans suiet ny forme de lustice lesnbsp;Princes, Officiers de la Couronne et Cour de Parlement,nbsp;les grands Seigneurs et les plus seruiteurs des Roys etnbsp;des Princes, faict mourir quelqu’vns d’iceux par poison,nbsp;entre autres Ie président Barillon', faisant pour crimenbsp;d estre trop affectionné au seruice du Roy; il n’a auprèsnbsp;de lui que des gens tres mescliants, sans honneur et sansnbsp;foy, traistres, concussionnaires, impies et athées; il s’estnbsp;attribué la charge de gouuerneur du Roy, pour Ie nour-rir a sa mode et l’empescher de la compagnie des chosesnbsp;nécessaires a bien régner, afin de demeurer tousioursnbsp;son maistre, luy insinuer des sentiments d’auersion
' On peut voir les Dernières actions et paroles de monsieur Ie président Bariïlon decédó a Pignerol Ie 30 r.oiU 16-43. etc. [1030.]
-ocr page 48-30 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
contre les geus de bieo, centre ses Parlements et contre ses bonnes villes, de peur qu ils ne s’approchent vn iournbsp;pour luy faire cognoistre Ia vérité du malheureux estatnbsp;oil il les veut réduire; il a corrompu ce qui estoit denbsp;¦candeur, de foy, de bonnes moeurs dedans la Cour, parnbsp;des artifices, four bes et perfidies; y a par son exemplenbsp;inis en regne les berlans et ieux de hazard, qui sont lesnbsp;ruines des plus grandes maisons, et autorisé 1’impudiciténbsp;et rauissement, dont il s’est plus veu d’exeinples notablesnbsp;depuis qu’il ne s’en estoit veu depuis cent ans; a osté lesnbsp;charges sans cognoissance de cause a des personnes denbsp;mérite pour les donner a d’autres, afin d’en faire ses creatures; a violé et renuersé lalustice, empeschant que l’onnbsp;en puisse auoir aucune contre ceux qui lui appartiennent,nbsp;arrestant les iustes poursuites contre des crimes atroces,nbsp;cassant et elludant a tous moments les Arrests des Coursnbsp;souueraines par des euocations et des Arrests de Com-missaires d’en haut; qui pis est, il a pillé et raui toutesnbsp;les Finances du Roy et réduit sa Maiesté en vne indigence extreme, et tous les suiets dans vne misère pirenbsp;que la mort; car non seulement il a espuisé tout ce qu’ilnbsp;y auoit de deniers liquides par des comptans qui mon-tent par an a des cinquante et soixante millions ; maisnbsp;encore il a consommé par auance 3 années de reuenunbsp;du Roy, pour embrouiller et confondre a iamais l’ordrenbsp;des finances; il a auctorisé et amplifié estrangement cettenbsp;maudite engeance de Partisans, qui, la plus part venusnbsp;de laquais et palferniers, gourmandent toute la France anbsp;coups d’estriuières, ont mis les Tailles en partis, les fai-sant leuer par Ie moyen des compagnies de fuzeliers quinbsp;sont autant de Démons dechainez, ont créé grandenbsp;qiiantité d’Officiers de toute sorte, et fait de iour en iour
-ocr page 49-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;31
des imposts insupportables, pour l’exécution desquels ils se sont seruy de cruauté, et de tortures capables de ti-rer de la moüelle des os des malheureux Francois, quinbsp;eussent esté bien aises d’en estre quittes pour leur aban-donner tout leur bien et paistre l’herbe comme de pau-ures bestes, s’estant veu tout a la fois 23 000 prisonniersnbsp;dans les Provinces du Royaume pour les taxes des Taillesnbsp;et autres imposts, dont il en est mort cinq mile hommesnbsp;dans cette langueur Tan mil six cens quarante-six, ainsinbsp;qu’il se vérifie par les escroues et registres des Geolliers.nbsp;Néantmoins quoiqu’il ait consommé tous les ans plus denbsp;cens OU six vingts millions, ainsi qu’il est aisé de iusti-fier par les Comptes, en deniers provenus tant desnbsp;Tailles, des Fermes, des Parties Casuelles, des gagesnbsp;et droicts, il n’a payé ny les gens de guerre, ny lesnbsp;pensions desquelles toutefois il monstre de grands estatsnbsp;pour couurir ses pilleries, ni pourueu les places fron-tières d’hommes ny de munitions, ny satisfait aux estatsnbsp;de la Marine et de l’Artillerie, dont il est deub plus denbsp;quatre années; n’a fait aucun bien aux gens de vertu etnbsp;de mérite, ny donné aucune recompense a ceux qui ontnbsp;prodigué leur bien et leur sang pour Ie seruice du Roy;nbsp;au contraire il a fait périr de mal faim et de nécessiténbsp;presque toutes les armées du Roy, lesquelles n’ayant touché depuis cinq années que deux monstres par an, il estnbsp;iDort plus de six vingts mil soldats de misère et de nécessité et horrible pauureté; si bien qu’il est certain,nbsp;et se peut prouuer par plusieui's tesmoings irrëpro-chables, qu’il a partagé des grandes sommes de deniersnbsp;auec ceux qu’il a auctorisé, et en a englouti la plusnbsp;grande partie, qu’il a fait transporter, tant par lettresnbsp;d’eschange qu’en espèces et pierreries, et ce sous pré-
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CHOIX
texte de faire la guerre en Italië et de conquérir quel-ques places comme Piombino et Po?'tolongone‘^. Done partant on scait bien qu’il a laissé les garnisons mourirnbsp;de faim, leur estant deub encores a présent huict mons-tres, et qu’il n’a point fait faire les reparations néces saires de sorte qu’elles ne peuuent résister a la nioindrenbsp;attaque de l’ennemy; de plus, pour auoir suiet de conti -nuer tousiours Ia guerre et par mesme moyen les pré-textes de sa tyrannie et de ses volleries, il a esloigné lanbsp;paix lorsque la France la pouuoit auoir la plus aduanta-geuse; toutes les armées victorieuses ont esté sur Ienbsp;point de faire de grands progrès; il a rompu et des-tourné par des malices secrettes et n’a point eu de conscience de les perdre et dissiper, et mesme d’exposer lesnbsp;Princes qui les commandoient, comme l’on a veu ennbsp;Catalogue par deux fois au siège de Lérida, a la surprisenbsp;de Courtray et aux affaires de Naples®; qu’il a laissénbsp;dépérir non sans beaucoup d’apparence qu’il s’entendnbsp;auec les ennemis de l’Estat, afin de trouuer refuge cheznbsp;eux, si la France ennuyée de sa tyrannie vient a Ie chasser.
Ce considéré, Messieurs , et de plus qu’il est estran-ger, et establi naturel suiet du Roy d’Espagne, partant incapable d’auoir charge en France par les loix dunbsp;royaume, par les Ordonnances des Roys, qui ont si sou-uent banny les Italiens, et par 1’Arrest autentique etnbsp;célèbre de l’année mil six cens dix sept, ensuitte de la
' Sllhon donne la raison de cette conqnéte dans la pièce intitulée : Êclaircissement de quelques dlfficultez touchant Padministration du cardinalnbsp;i?/azarin [1108],
“ Les deux sieges de Lérida, par Ie comte d’Harcouvt en 16i6, et par Ie prince de Condé en 1647; Courtray pris en 1646 par les Espagnols,nbsp;pendant que Ie prince de Condé assiégeait Ypres ; l’expédition de Naplesnbsp;par Ie due de Guise.
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mort du Maresclial d’Ancre, il voijs plaise faire remonstrance a la Royne sur les grands malheurs et des-ordres que ledit Mazarin a causez, et sur ceux qu’il cau-seroit a l’advenir s’il demeuroit plus longtemps dans cette domination illégitime et violente; Comme aussi denbsp;faire entendre et remonstrer aux Princes du Sang lanbsp;captiuité oü les premiers^ Ministres de TEstat ont misnbsp;eux et tout Ie Royaume depuis si longtemps, les extremesnbsp;dangers ou ils les ont mis par plusieurs fois •, leur remonstrer deuant les yeux les reproclies que leur ferontnbsp;la postérité de s’estre laissé surprendre, et de ne souffrirnbsp;plus qu’vn estranger mette en seruitude pour iamais Ienbsp;Roy et toute la Maison Royale. Partant que Sa Majesténbsp;et lesdits Princes, preuenant les dangers inéuitables quinbsp;en arriueront s’ils n’y pouruoyent promptement, veulentnbsp;faire arrester ledit Mazarin sous bonne et seure garde,nbsp;repéter de luy les finances du Roy qu’il a vollées, et Ienbsp;chastier exemplairement de tant de crimes énormes qu’ilnbsp;a commis. Et afin que la France et les Roys, Princes etnbsp;peoples ne retombent plus a l’aduenir dans vne mesmenbsp;seruitude, que les Princes veulent se donnev la peine,nbsp;comme enfants de la Maison, et leur intérest coniointnbsp;auec ceux de 1’Estat, et que ceux des Francjois fauoris ynbsp;sont tousiours contraires, de manier lesdites affaires parnbsp;leurs propres mains, non plus par celles des fauoris quinbsp;les trabissent et les vendent, et de vouloir gouuernernbsp;eux mesmes par 1’advis des Seigneurs et des personnesnbsp;de quabté, d’expérience et de probité irréprochable,nbsp;sans plus permettre l’entrée du Conseil a des gens denbsp;néant, corrompus et tels que ledit Mazarin y a intro-dults; afin qu’ayant exlerminc tous les imposts et lesnbsp;ruines de la tyrannic passée , et remédié aux désordresnbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3
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CHOIX
infinis qui en sont prouenus, ils puissent gouuerner la France sous les loix de Dieu et celles du Royaume, con-clure vne paix aduantageuse, faire respirer les peuples quinbsp;n’en peuuent plus, et enfin rendre eet Estat si puissantnbsp;et si heureux au dedans et au dehors qu’il ne craigne plusnbsp;Toppression des meschants Ministres, ny les efforts desnbsp;ennemis, protestant les Estats et les autres bons Francoisnbsp;qui, Dieu mercy, sont encore en grand nombre, que,nbsp;s’il n’y est pourueu promptement et comme il est nécessaire, ils y employeront, s’ils y sont contraints, toutnbsp;leur bien et leur sang pour y remédier, et se seruiront denbsp;tous les moyens que la nature et Ie deuoir enseignentnbsp;pour deffendre son Roy, son pays, sa liberté et sa vie.
(1648.)
Vous remonstrent les partisans De toutes espèces, Disans ;
Qu’ils ont appris a la mal heure Que Maiesté, quoique mineure,
Sans réfléchir par elle assez Dessus leurs sendees passés,
A créé chambre de lustice Pour que financiers on punisse;
Mais pourtant c’est vn a scauoir Si Régente auoit Ie pouuoirnbsp;De fulminer des bulles telles
' Contre la Declaration du 16 juillet 1648, portant établissement d’une ehambre de justice.
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A ses bons suiects si mortelles,
Car c’est en purs termes de droit Tont ce que Ie maieur pourroit,
Ne tenant lieu que de tutrice Et de simple administratricenbsp;Qui ne peut rien sans nulliténbsp;Changer durant minorité *.
Or, ce faisant, la bonne Reyne Sans doute Ie fonds aliènenbsp;Au Roy, nostre maistre, son fils,
Qu’on scait estre au rang des pupils,
Et qui est dans son indigence Secouru de nostre finance;
Si que sans nostre crédit prompt L’Estat eust recu maint affront.
Cependant nous donnant la chasse Comme a quelque maudite race,
De nous outrager on permet;
Et par tel édit on nous met,
Nous dont l’argent soustient la France ,
Dans Ie danger de la potence.
Nos seigneurs, ce considéré,
R vous plaise de vostre gré Nous receuoir par ces présentesnbsp;Appellans de telles patentesnbsp;Tout comme d’abus bien constant,
Qu’aussy de iuge incompétent,
Mais d’incompétence notoire,
Ainsy qu’en auons bon mémoire;
Et de tel enregistrement Comme fait précipitément,
Sans pièce vue, a la volée,
' C’est une thèsc que les partisans des princes ont fortement soutenue et longiiement développéeen 1681 et 1652.
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Sur des défauts mal obtenus Et dires de nouueaux venusnbsp;De peu d’aage et d’expériencenbsp;Dans les matières de financenbsp;Qui ne peuuent encor scauoirnbsp;Combien il fait bon en auoirnbsp;A titre de pensionnairenbsp;Ou bien en quelqu’autre manière;nbsp;Tant y a que nous soustenonsnbsp;Que nos moyens d’appel sont bons ,nbsp;Et soit au fonds, soit en la formenbsp;Y a vice en telle réforme ;
En la forme, bas iusticiers Ne sont iuges de financiers.
Or Parlement (c’est vostre grace)
A seulement iustice basse ;
Et si chastier il nous faut,
Ce doibt estre chambre d’en haut. Au fond, voler prince et patrienbsp;N’est pas vn crime qu’on chastie ;nbsp;On Ie souffre, pour faire court,
Aux Prouinces comme a la Cour; Et loing de Ie punir en France ,
Au contraire on Ie recompense. Encor d’autres moyens auonsnbsp;Que, bien conseillez, réseruons,nbsp;Puisque celuicy Ton dédaigne,
Aux assises d’vn autre règne Ou connoistra postériténbsp;Qu’en ce trop viste on a esténbsp;Et qu’on fit Chambre de Iusticenbsp;Pour manger nouueau pain d’espicenbsp;Et non point pour aucuns subiectsnbsp;Utiles a prince et subiects,
Ainsy comme chacun conté
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Qul est pourtant vu grand mécoute. Done sur nostre appel droit faisant,nbsp;Faut, Nos Seigneurs, dès a présentnbsp;Declarer cette belle bullenbsp;Vitieuse, abusiue et nuUenbsp;Pour les cas touchés cydessusnbsp;Et bien d’autres qui ne sont sceus;nbsp;Du moins nous donner surséancesnbsp;Ou plustost de bonnes deffenses ,nbsp;Faisant sur peine d’attentatnbsp;Demeurer choses en estat.
Que si, par vn coup qui nous outre, Nonobstant l’appel, on passe outre,nbsp;Sans nullement y déférer,
Afïin de nous désespérer,
Non plus que Requeste Ciuile,
De chicane dernier azyle ,
Ou propositions d’erreur,
Voyes de droit et de douceur,
Du moins ayant esgard aux offres Que faisons de vuider nos coffresnbsp;De la finance qu’auons pris,
Vertu de légions d’édits.
Plains de cire de mainte sorte Mais non pas pourtant assez forte,nbsp;Ayant, pour durer longuement,nbsp;Besoin du sceau du Parlement,
Et de ces plumes souueraines Qui rendent patentes certainesnbsp;Et sans quoy n’y a seureténbsp;D’aduancer a sa Maiesté,
Donnez vpe ordonnance prompte Que parties viendront a compte.
Si deuons, voulons en ce cas Payer comptant les reliquas;
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Que lustice qui nous lanterne,
Gontre seule bourse décerne Veniat ou prise de corps,
Si bien que corde en soit dehors.
Assez ce nous est d’infortune De donner tout nostre pécunenbsp;Sans estre encor, corame lobetz,nbsp;Pendans d’oreilles de gibetz.
Et Yous, Nos Seigneurs des Enquestes^ Qui grondez comme des tempestes,nbsp;Songez, sans ruer plus grands coups,nbsp;Que sommes hommes comme vous;nbsp;Que vostre corps qui si haut dame,nbsp;Cesse de chanter nostre gamme,nbsp;Suiuant l’exemple du Seigneur'
Qui ne veut la mort du pécheur.
Ayez compassion de toute La familie de Maletoute.
Aucuns de vous bien piaffants Ont l’honneur d’estre ses enfants.
Du ciel n’attirez la colère En faisant mourir vostre mère;
Et, sans délibérer, sauuez La vie a qui vous la deuez.
Pour vostre sang fermez la bouche;
Et qu’autre intérest ne vous touche., Faisant ainsi, vous ferez bien;
Et mieux encor n’en faisant rien.
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DE MAZARINADF.S.
(8 janvier 1649-)
Av nom de Dieu Ie Créateur; A lous présens el a ve-nir: Furent présens en leurs Augustes représentations, Illustre et sage Sergneur Ie Parlement de Paris, tant ennbsp;son nom que stipulant pour l’Ordre , !a Police et la Justice et pour toutes les Loix, Ordonnances, Coutumes,nbsp;Pratiques et Maximes de la France, d’vne part; et Puis-sante et bonne Dame la Ville de Paris , aussi tant en sonnbsp;nom que stipulante pour tous ses Bourgeois et Habitansnbsp;dans l’enclos de ses Murailles, de ses Fauxbourgs etnbsp;Banlieue , et généralement pour tous les bons Francois ,nbsp;d’autre ; Lesquelles parties volontairement, en la présencenbsp;ct par l’induction de tres bauts et puissants Princesnbsp;ct Princesses, Ie deuoir, l’amour, la raison et la néces-sité, Reconnurent et confessèrent auoir fait entre Ellesnbsp;de bonne foy lesTraicté, promesses et conuentions de Ma-ciage et d’vnion qui ensuiuent : C’est a scauoir que leditnbsp;Seigneur Parlement prend ladite Dame Ville de Paris pournbsp;sa femme et légitime Espouse, comme pareillement laditenbsp;Dame prend ledit Seigneur Parlement de Paris pour sonnbsp;mary et légitime Espoux, pour estre lesdits Seigneur etnbsp;Dame Parlement et Ville de Paris ioints et vnis perpétuel-lement et indissolublement, s’entr’aymer et s’entr’ayder
‘ Naudé classe ce pamplilet parmi les pièces soutenues et raïsonnées Ma-zarin croyait que Ie coadjuteur. (cardinal de Retz) y avail eu quelque part. On trouvera plus loin une réponse au Contract de. mariage dans Ie bandeau let'édc dessus les yeux des Parisiens, etc.
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coi'dialement et sincèrement; a eet effet seront lesdits Seigneur et Dame présens, Espoux et conioints vns etnbsp;communs en tous leurs désirs, actions, passions et interests généralement quelconques, suiuant Ie bien del’Estatnbsp;et la conseruation du Roy et du Royaume; au dësir des-quels Ie present Mariage et vnion sera régi, et auquelnbsp;apporteront leur consentement tous les autres Parle-ments de France, frères puisnez de celui de Paris, commenbsp;ils en sont conuiez et priez, et pareillement toutes lesnbsp;autres Villes de France, soeurs puisne'es de celle de Paris,nbsp;qui en sont aussi conuiées et priées , et enfreront tous,nbsp;s’il leur plaist, en la présente alliance pour Ie bien vni-versel du Royaume et a la gloire de Dieu.
Se prennent l’vn l’autre desdits Seigneur et Dame présents Espoux et conioints auec tous leurs droits, noms, raisons et actions, deuoirs et obligations qui leur peu-uent compéter et appartenir, toucher et regarder, généralement quelconques et spécialement aux charges et conditions qui ensuiuent:
Que Dieu sera tousiours seruy et honoré, craint et aymé, comme il se doit;
Que les Athées, impies , libertins et sacriléges seront punis exemplairement et exterminez incessamment •,
Que les vices, les péchez et les scandales seront cor-rigez autant qu’il se pourra ;
Que la Religion sera maintenue et deffendue iusques au dernier soupir de la vie;
Que Ie bien de l’Estat et la conseruation du Roy et du Royaume seront tousiours soigneusenient embrassez etnbsp;pourchassez ;
Que Ie soulagement du pauure peuple sera de mesme procuré autant qu’il sera possible ;
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Que Ie Roy donné de Dieu au Royautne de France sera seruy et honnoré, aymé et obey de tous ses suiets ; etnbsp;afin qu’il leur scache vn iour dignement commander,nbsp;qne les Loix de Dieu et celles de son Royaume, auec lesnbsp;autres sciences et vertus nécessaires aux Princes, luy se-ront enseignées par des personnes doctes, vertueuses etnbsp;sainctes, telles que ledit Seigneur Parlement de Paris iu-gera plus propres et nommera, auxquels l’éducation etnbsp;1’instruction sera particulièrement commise et chèrementnbsp;recommandée ;
Qu’en la tendresse de l’aage en laquelle SaMaiesté se trouue maintenant, qui est foible pour Ie gouuernementnbsp;de son Estat, ledit Seigneur Parlement présentera desnbsp;personnes Illustres et de suffisance requise a vne si importante fin , lesquelles seront prises des Ordres dunbsp;Clergé, de la Noblesse et de la Magistrature;
Que ces sages et vertueux personnages seront après les Princes du Sang comme Conseillers naturels et Minis-tres nécessaires au soulagement de la Régence;
Que toutes les matières d’Estat et de gouuernement se résoudront par l’aduis des Princes du Sang et des Conseillers et Ministres d’Estat et par la pluralité des voix,nbsp;comme il est conuenable ès minoritez des Roys;
Que ces Conseillers et Ministres, proposez par ledit Seigneur Parlement, acceptez et establiz par Ie Roy,nbsp;pourront estre destituez ou changez selon que leurs dé-portemens ou incapacitez y donneront lieu;
Que Ie Parlement demandant formellement la destitution de ceux qui pourront en auoir donné subiet, il n’y sera apporté aucune contradiction, et ceux qui serontnbsp;nommez en leur place, y seront receus sans difficulté;
Que tous les Conseillers et Ministres d’Estat feront Ie
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GHOIX
serment requis et nécessaire au Roy et en plain Parlement pour la particuliere confiance et satisfaction de tout Ie Royaume;
Que ceux qui se trouuent maintenant prés du Roy, s’ils sont soupconnez et accusez de s’estre mal compor-tez dans leurs fonctions, respondront de leurs actionsnbsp;suiuant les Lok du Royaume, seront iugez et traitteznbsp;ainsi qu’il se deura en Justice ;
Que les autres Conseillers etMinistres d’Estat qui se sont retirez de quelque facon et pour quelque cause que c’aitnbsp;esté, respondront et seront iugez et traittez de mesme;
Que les veufues , enfans, héritiers et ayant cause des Ministres d’Estat qui sont morts depuis vingt années, seront aussi tenus de respondre ciuilement des déporte-mens de ces Ministres, et subir aux iugemens qui serontnbsp;donnez a leur esgard, si mieux lesdites veufues, enfans,nbsp;héritiers et bien-tenans de ces defuncts Ministres n’ay-ment a renoncer a leurs biens et successions;
Que pour la distribution des Benefices qui viendront a vacquer, et particulièrement pour la nomination auxnbsp;Éueschez, l’aduis et consentemant des Princes du Sangnbsp;et des Ministres d’Estat sera absolument nécessaire, etnbsp;sans iceluy ne sera disposé d’aucun Éuesché ny Abbayenbsp;de grand reuenu;
Que pendant la minorité du Roy il ne sera estably aucune coadiutorerie aux prélatures et dignitez, ny ac-cordé aucune suruiuance de gouuernemens et d’offices denbsp;iudicature et de finances;
Que toutes les suruiult;ances des Gouuerneurs et des Offices qui peuuent auoir esté accordées depuis l’aduène-ment a la couronne du Roy, seront reuocquées et de-meureront nulles:
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DE MAZARINADES.
Qu^aux charges principales des Parlemens et autres Compagnies souueraines, quand elles viendront a vac-quer, il y sera procédé comme a la nomination desnbsp;Eueschez, et que l’approbation et consentement de tonsnbsp;les Ministres d’Estat y sera nécessaire après celuy desnbsp;Princes du Sang;
Qu’il ne sera donné aucune dispense d’aage pour te-nir office de iudicature et de finances, et que pour les prouisions d’offices et réceptions d’officiers les formesnbsp;prescrites par les Ordonnances seront exactement suiuies;
Qu’en matière de gouuernemens de places fortes et des frontières il sera plustost regardé Ie bien et la seu-reté de l’Estat et la capacité de la personne pour eetnbsp;employ que pour récompense de mérites ou de seruices;
Qu’aucun fils ou gendre de Gouuerneur, de quelque qualité et mérite qu’il soit, ne pourra succéder au gou-uernement de son père ou beau père, pour déracinernbsp;vn pernicieux usage de succéder aux gouuernemensnbsp;comme aux patrimoines;
Que la foy publique si scandaleusement violée depuis certainesannées sera restablie autant que faire se pourra,nbsp;et a l’aduenir tenue sacré-saincte ;
Que les finances du Royaume seront doresenauant ad-ministrées par personnes de probité et intégrite, con-nues et choisies entre ceux que Ie Parlement de Paris nommera et présentera au Roy;
Que la charge de Controlleur general des finances sera suprimée et exercée doresenauant en commission et parnbsp;deux personnes du Corps du Parlement qui seront parnbsp;ledit Seigneur Parlement nommées et changées tous lesnbsp;ans;
Que l’vsage du comptant sera restraint lt;a vne somme
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CHOIX
raisonnable, puisqu’il ne doit eslre compose que de parties secretes;
Que Ie fonds necessaire a la despence et entretien des maisons royalles sera fait dès Ie commencement de cha-cune année, et néantmoins ne pourra estre leué par ad-uance; mais au temps que les receptes ou les fermes qui ynbsp;seront destinées, Ie deuront produire, et qu’il ne sera di-uerty pour quelque cause ou occasion que ce puisse estre;
Que les charges de l’Estat seront payees chacune année, suiuant ce qui a esté régie par la dernière Declarationnbsp;du mois d’Octobre 1648, et que les rentes publiques,nbsp;de quelque nature que ce soit, et les gages d’Officiers,nbsp;de quelque qualité qu’ils soient, seront payez ainsi qu’ilnbsp;est spécifié par ladite Declaration, et pendant la guerrenbsp;seulement, après laquelle lesdites rentes et gages d’Ofli-ciers seront entièrement payez ;
Que ladite Declaration du mois d’Octobre 1648 sera ponctuellement et diligemmentexécutée en tous ses poinctsnbsp;et selon sa forme et teneur, ensemble les précédentes dunbsp;mois de luillet de ladite année'; a eet effet que du Corpsnbsp;du Parlement de Paris et de tous les autres du Royauinenbsp;et a leur particuliere nomination et eslection, chacun ennbsp;droit soy, il sera compose vnë Chambre de lustice pournbsp;la connoissance et punition des abus et maluersationsnbsp;commises au faict des finances, tant par les ordonna-teurs, de quelque qualité qu’ils soient, que par les Comp-tables, coinmis, et parties prenantes, ensemble des vols
' Du 13 julUet, du 16 et du 31, portant revocation de toutes commissions extraordinaires, inême de celles des intendants de justice, décharge des restes des tailles avant 1647, remise d’un demi-quartier pour 1648nbsp;et 1649, établissement d’une chambre de justice, promesse de ne plusnbsp;faire aucune imposition a l’avenir qu’en vertu d’édits verifies.
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publics , concussions , péculats et autres violences et crimes commis dans toutes les prouinces du Royaume;
Que 'conformément a la susdite Declaration du mois d Octobre \ 648 , Ie Parlement trauaillera incessammentnbsp;a l’exécution du contenu au sixiesme article pour la restitution des sommes receues des rentes racheptées etnbsp;finances remboursées par Ie Roy et nouuelle constitutionnbsp;au denier quatorze desdites rentes, ainsi qu’il est spécifiénbsp;audit article;
Que sur les restitutions des deniers qui se feront, Ie Parlement interuiendra dans la nouuelle constitution denbsp;rentes, et fera laisser Ie fonds d’icelles pour les quatrenbsp;quartiers et les payer entièrement et perpétuellementnbsp;sans aucun retranchement, diminution ni diuertisse-ment;
Que ceux qui ont acquis des rentes, de quelque nature que ce soit, des premiers et originaires proprié-taires audessous de la veritable finance d’icelles pour les bas prix auxquels la mauuaise conduite des Ministres dunbsp;Conseil des finances les auoient réduites, et qui ne senbsp;trouuent racheptées, seront obligez d’en faire leur declaration sincere et veritable pour estre pourueu tant anbsp;la conseruation de leurs acquests legitimes que d’unenbsp;iuste et proportionnée iouyssance aux sommes payeesnbsp;pour iceux;
Que les deniers de la Taille, Taillon et Subsistance lesquels pour faire la substance de l’Estat, sont tirez denbsp;celle du peuple, seront imposez et leuez par Tautboriténbsp;et ministère des Officiers préposez a ces fins, payez parnbsp;les contribuables en quatre diuers payemens, et porteznbsp;ès Receptes générales et a l’Espargne quatre quartiersnbsp;de r année, ainsi qu’il est prescrit par les Ordonnances
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et Réglemens sur ce fait, bien et duement vériflez et
approuuez;
Qu’il ne sera iainais fait ny souffert aucun party des deniers de la Taille, Taillon et Subsistance, pour éuiternbsp;les désordres et les maux qui en sont cy deuant arriueznbsp;et en arriueraient cy apres, attendu que toutes les contributions du peuple sont de leur nature et origine vnenbsp;concession volontaire plustost qu’vne debte d’obligation;
Que s il est fait quelque party de ces deniers, sous quelque titre, forme et nom que ce soit, faction seranbsp;tenue pour vn crime capital d’offense publique et punyenbsp;du dernier supplice;
Qu’il ne sera non plus fait aucun traitté ny party des rentes des particuliers et des gages et droicts d’Officiers,nbsp;estant notoirement Ie bien d’autruy, a la prise duquelnbsp;tels traittés et partis ont cy deuant donné lieu auec tantnbsp;de scandale et de dommage;
Que ceux qui ont exercé des commissions d’Intendans dans les prouinces, ne pourront présentement ny a 1’ad-uenir exercer aucune charge qu’ils ne se soient plus tostnbsp;purgez en plain Parlement ou en plaine chambre denbsp;Justice de leurs déportemens et conduite et qu’ils nenbsp;soient deschargez de toutes accusations et imputations;
Que lesdits Intendans des prouinces seront tenus de restituer les sommes qu’ils ont receues pendant Ie tempsnbsp;de leurs fonctions ou de la part du Roy ou de la part desnbsp;Partysans et Traittans, attendu qu’ils n’ont pu seruirnbsp;deux maistres, ny d’en prendre double salaire, et pournbsp;eet effet qu’ils se purgeront sincèrement et véritablementnbsp;quelles sommes de deniers ils ont touché pendant leurnbsp;intendance , et se sousmettront a toutes peines en cas denbsp;faux serment;
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Quil sera fait vn estat veritable des sommes deues par Ie Roy aux Partysans, Traittans et Presteurs pour lesnbsp;partis, Traittez et prests qu’ils ont fait, lequel estat seranbsp;de la part des Ministres du Conseil des Finances mis aunbsp;Greffe du Parlement auec affirmation de vérité et sincé-rite et soumission a toutes peines en cas du contraire;
Que eet estat des debtes du Roy contiendra Ie veritable nom des créanciers, les sommes principales qui ont esténbsp;effectiuement prestées, et les interests ou remises qui ynbsp;ont esté ioints, afin que la liquidation et reduction con-uenable soit faite en lustice et en conscience;
Que Ie payement des sommes qui pourront estre deues par Ie Roy, aux Partisans, Traittans et Presteursnbsp;sera sursis généralement iusques après l’establissementnbsp;de la Chambre de lustice , et alors ne pourra estre faitnbsp;que des sommes de deniers qui prouiendront desnbsp;amendes et confiscations qui seront adiugées au Roy parnbsp;les Arrests de condemnation de la Chambre de lustice;
Que ledit remboursement ou payement des sommes deues par Ie Roy aux susdits Partysans, Traittans ou Presteurs se fera en contribution, en esgale distribution pournbsp;les personnes, et au sol la liure pour les sommes deues;nbsp;en sorte que tous généralement touchent a mesme tempsnbsp;ce qui leur deura proportionnément reuenir, sauf pournbsp;ceux des Partysans, Traittans ou Presteurs qui dénonce-ront et vérifieront des mal-versations et forfaitures etnbsp;fourniront des preuues des concussions, péculats et vols,nbsp;lesquels par préférence a toutes personnes et debtes, denbsp;quelque qualité et condition qu’ils soient, seront payez denbsp;leurs debtes entièrement des confiscations qui se ferontnbsp;sur leurs dénonciations et preuues;
Qu’il sera fait vne exacte recherche et punition des
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crimes de favissc-nionnoye, rongneures, hillonnemens d’espèces d’or et d’argent et transport d’icelles hors dunbsp;royaume depuis et compris Tan trente cinq, et que lesnbsp;lettres d’abolition ou remission de tels crimes ne seruirontnbsp;a ceuxqui les ont négotiées depuis ledit temps, que pournbsp;la peine instituée et la confiscation de corps, attendunbsp;qu’en l’expédition, distribution et entérinement de cesnbsp;abolitions et remissions il a esté mal vsé et indignementnbsp;procédé, ayant esté expédiées en blanc sans connoissancenbsp;de cause ny de personne et entérinées sans raison ny lus-tice;
Que tous autres crimes commis depuis la guerre et qui sont demeurez impunis a cause d’icelle, seront re-cherchez pour estre Ie procez fait et parfait aux cou-pables, et iceux chastiez selon leurs démérites;
Que Ie pauure peuple sera soulagé réellement et effec-tiuement, ainsi qu’il est porté par la susdite dernière Declaration du mois d’Octobre 1648, qu’il sera protégénbsp;et deffendu de toutes oppressions, que l’ordre en toutesnbsp;choses sera remis et Ie règne de la lustice plainementnbsp;restabli dans toutes les prouinces du Royaume;
Et parceque toutes ces bonnes cboses ne peuuent ar-river tant que Ie Cardinal Mazarin commandera a eet Estat auec l’insolence et la tyrannic auec laquelle il senbsp;comporte, lequel après auoir peruerti toutes les bonnesnbsp;régies d’vn légitime et raisonnable gouuernement parnbsp;vne extreme ignorance et malice, et fait des voleries ex-borbitantes des Trésors du Royaume, a enleué scanda-leusement et périlleusement la sacrée personne du Roynbsp;et de Monsieur son frère, séduit les autres Princes dunbsp;vSang et impudemment et faussernent accusé des Membresnbsp;de eet Auguste Corps du Parlement d’intelligence auec
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les enneinis de l’Estat, a cause de quoy ayant esté par Arrest solemneD, declare Perturbateur du repos public etnbsp;ennemy du Roy et de son Estat, il sera incessamment pour-suivy lusques a ce qu’il soit mis entre les mains de la lus-tice pour estre publiquement et exemplairement execute;
Que Ie Pape, les Républiques de Venise, de Gênes et de Lucques et autres Princes d’Italie seront requis etnbsp;pnez que recherches et saisies soient faites dans leursnbsp;Terres des biens meubles, pierreries et deniers qui y ontnbsp;estë enuoyez par ledit Mazarin, pour estre restituez a lanbsp;Couronne et au Royaume auquel ils ont esté volez;
Qu’il sera fait vne authentique Declaration qu’aucun Estranger ne pourra iamais possédcr Office ny Beneficenbsp;dans Ie Royaume, sauf des charges de guerre seulement,nbsp;pour ceux qui s’en seront rendus digues ;
Que !es Cardinaux Francois qui sont maintenant et seront cy après, seront tenus de faire leur residence ordinaire a Rome, remplir leurs places dans Ie Sacré College auquel ils auront esté admis, sauf pour les Princesnbsp;de naissance auxquels sera permis de résider en France;
Que les Gouuernemens des Places et des Yilles de dix lieues a la ronde de la bonne Ville de Paris seront anbsp;pei'pétuité a la nomination et prouision dudit Seigneurnbsp;Parlement pour les faire tenir en son nom pour Ie biennbsp;et seruice de ladite Dame son Espouse, si roieux onnbsp;n ayme en faire déinollr et raser toutes les fortifications;
Que la Lettre enuoyée par Ie Cardinal Mazarin sous Ie nom du Roy aux Prévost des marchands et Escheuinsnbsp;de Paris®, sera déclarée calomnieuse, et tout Ie Parlement auec tons les Officiei-s qui Ie composent, reconnu
' Du 8 janvier 16i9. Du fi janvier 1649.nbsp;1
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et déciaré plein de fidélité, d’affection et de sagesse, comme il est;
Que Ie Roy sera. trés humblement supplié de reuenir dans son Trosne et Ie plus asseuré siége de son Empire,nbsp;f'ui est Paris, pour de la ordonner de la paix ou de lanbsp;guerre, donner cellela a ses sujets et porter cellecy cheznbsp;ses Enuemis, s’il est conuenable;
Que Ie present Mariage ne pourra iaroais se dissoudre moyennant la grace de Dien et qu’aucune des partiesnbsp;ne pourra iamais prétendre et demander ny consentirnbsp;a aucune separation et désvnion pour quelque cause etnbsp;occasion qui puisse estre ;
Car ainsi Tont promis et iuré ledit Seigneur Parlement et ladite Dame Ville de Paris sur les Saincts Euan-giles deuant l’Église de Nostre Dame au mois de lanvier l’an mil six cens quarante neuf; et ont signé.
(8 janvier 1649.)
Adieu done, pauure Mazarin.
Adieu, mon pauure Tabarin.
Adieu, mon Conseiller supresme.
Adieu, destructeur de caresme.
Adieu, peste du Carnaual.
Adieu, beaxi mais meschant cheual.
Adieu, Toiicle aux Mazarineltes.
Adieu, père aux marionnettes.
Adieu, l’auteur des Théatins.
-ocr page 69-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;5i
Adieu, maistre des Triuelins.
Adieu, grand faiseur de machines.
Adieu, cause de nos ruines.
Adieu, grand remueur de glands.
Adieu, Ie plus beau des galands.
Adieu, beuueur de limonades.
Adieu, l’inuenteur de pommades Adieu, rhomme aux bonnes senteurs.
Adieu, l’ami des sénateurs.
Adieu, l’abbé a vingt chapitres.
Adieu, seigneur a mille litres.
Adieu, des Ministres Ie chef.
Adieu, gouvernail de la nef.
Adieu, timon de ma brouette.
Adieu, ma plaisante chouette.
Adieu, grand inuenteur du hoe.
Adieu, frère iadis dVn froc*.
Adieu, la moustache collée.
Adieu, braue teste pelée.
Adieu, Calotte. Adieu, Bonnet.
Adieu, piece de cabinet.
Adieu, bastisseur d’escui’ies.
Adieu, l’esprit a fourberies.
Adieu, gentil Sicilien.
Adieu, phorphante Italien.
Adieu, qui ne veux esti’e éuesque.
Adieu, rhomme a bibliotbèque.
Adieu , tout, si ce n’est pédant.
Adieu done, supresme Intendant De reducation royale.
Adieu, teste a nulle autre égale.
' Voyez la Lettre d'un religieux envoyée a monseigneur Ie prince de •Condè^ etc.
^ Miclicl Mazarlni, cardinal de Sainle-Cécile, archevêque de Lyon, avait été jacobin.
-ocr page 70-CHOIX
Vraiment c’est bien vous faire grace Que de vous laisser quelque place,nbsp;Permettant qu’en autre paysnbsp;Vous disposiez de nos Louys.
J’ai souuent ce mot a la bouche;
Mals c’est leur pertequime touche. Pardonnez-le-moi, s’il vous plaist;
Et, saus iazer, venous au fait.
Ne serez-vous pas bien a plaindre, Lorsque, n’ayantplus rien a craindre,nbsp;Daas quelque lieu de seureté,
Vous viurez dans la volupté Et ferez de belles despensesnbsp;Soit en parfums, soit en essences,
Sans enuieux et sans ialoux,
Tenant singes sur vos genoux ?
Car icy tousiours quelque affaire De vos plaisirs vous vient distraire.nbsp;Tousiours courrier dessus courriernbsp;Vous prie de l’expédier.
Quelque rencontre, quelque attaque , Quelque béntTice qui vaque ,
Quelque aduis par vos espions Des estrangères nations,
Quelque partie casuelle
Vous tiennent tousiours en ceruelle;
Et tenant cartes ou cornet,
Vous font entrer au cabinet.
Mais, direz-vous, i’aime la France; Et les grands soins de la Régencenbsp;Me dinertissent seulement;
Car la Cour est mon élément.
11 est bien doux de voir des princes Et des gouuerueurs de prouinces,
-ocr page 71-53
Des dues et pairs, des mareschaux Louer mon hostel a cheuauxnbsp;Et dire que mon Éminencenbsp;Scait mieux iouer qu’homme de France.nbsp;Ie l’auoue : c’est grand plaisir;
Mais parlons vu peu a loisir. Respondez-moi, Messire luie,
Qui passez pour parent d’Iule,
Paree que nous sommes tous venus, Nous et luy, de dame Vénus,
Si cette gloire vous agree D’auoir l’autoritë sacrée,
Quoique vous ne Ie soyez pas ‘,
Que regarder de haut en bas,
Nous commander i la baguette Soit ce que vostre eoeur souhaite,nbsp;Donnant pensions et breuetsnbsp;lusqu’au moindre de vos laquais,
Ce nest vn ergo nécessaire Qu’aussi cela nous doiue plaire;
Et c’est assez qu’en bons Francois Nous obéyssions a nos Rois;
Car enfin nous sommes trop braues Pour deuoir estre vos esclaues.
Si vous vous fussiez contenté De quelque médiocrité,
Si, sans usurper la couronne On du moins le droit qu’elle donne,nbsp;Vous eussiez, en homme d’Estat,
Serui nostre bon potentat,
Vos défauts et vostre naissance N’eussent pas tant eboqué la France 5
* L’autcur de la Lettre a monsieur le Cardinal, burlesque, dit: Quoy que ne soyez in sacris,
N’ayant oidies donnez ny prls.
-ocr page 72-54 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Et tl’ vn accès de cliarité Elle eust encor patienté;
Mais a présent, mon cher Compere, Vostre depart est nécessaire;
Car il est certain que Paris Vn jour reuerra son Louys,
Que vous n’auez pas espérance De transporter hors de la France,
Ainsy que Ie rouge métal
Pour vous fort bien, pour nous fort mal.
Or Ie Roy reuenant en ville,
Ie vous crois homme trop habile,
Et pourtant ne Testes pas trop,
Potuquot; y reuenir au galop,
Au trot, au pas ou d’autre sorte;
Car eussiez-vous meUleure escorte Que n’auiez dans vn autre tempsnbsp;Allant au palais d’Orléans,
Ie vous iure par ce Burlesque Qu’vne meschante soldatesquenbsp;Iure tous les iours par sa foynbsp;De vous couper ie ne sais quoynbsp;Qu’on coupa iadis a vn autrenbsp;Dans vn pays fort volsin du vostrenbsp;Et qui mesme estoit, ce dit-on,
Vn peu de meilleure maison.
Les femmes sont encore en vie Qui cle vous traitter ont enuienbsp;Comme Conchino Conchini,nbsp;luste rime a Mazarini.
C’est pour quoy, si vous estes sage,.
Allez faire vn petit voyage lusqu’au climat sicilien,
Si mieux n’aimez 1’italien Que deuez aimer dauantage;
-ocr page 73-Gar il me souuient d’vn passage Qui dit que Ie coeur et 1’argentnbsp;Vont tousiours ensemble logeant.
Vous respondrez qu’auez en France Encor beaucoup plus de cheuance,
Que derechef Partis et Prests Doiuent grossir vos interests;
Mais c’est iustement I’encloueure;
Et c’est pour vous a la malheure Que, pour empescher tels desseins,
Paris en veut venir aux mains.
On crira tousiours ; guerre! guerre!
Si vous ne quittez cette terre;
Et nous serions soudain d’accord Si vous estiez absent ou mort.
Ainsy done par vos limonades,
Par vos excellentes pommades,
Par la bonne odeur de vos gands,
Par Ie mouuement de vos glands,
Par vostre petite calote,
Par vostre teste vn pen falote,
Par les singes que tant aimez Qui comme vous sont parfumez,
Par les belles Mazarinettes,
Par toutes les marrionnettes,
Par la robe des Tbéatins,
Par les grands Manes lacobins,
Par Beautru, par Tubeuf, par Lopes*,
Par les masses et par les topes,
Par point, sequence et par fredon ,
Par tout ce que vous trouuez bon,
' Guillaume Bautru, un des courtisans du cardinal; Charles Tubeuf, urésident a niorlier au parlement de Paris; Lopès, marchand portugais,nbsp;qui avail été fort avant dans la faveur de Richelieu, et que Mazarin recevaitnbsp;familièrement. On peut voir son Historietle dans Tallemant des Rcauv.
-ocr page 74-56 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Pur tout ceJque dire ie ti'oze,
Ni dans les vers ni dans la prose , Surtout par la feste des rois,
Par vn blocus depuis deux mois, Par la cherte de la farine,
Par la crainte de la famine,
Par la perte de nos traffics,
Par la reforme des tarifs,
Par la discorde des deux frères*, Enfin par toutes nos misèresnbsp;Dont nous!gardons le souuenir,nbsp;Allez sans iamais reuenir.
[2962]*.
(11 janvier 1649.)
Vous me demandez ce qu’on pensoit de mon temps de la confiance que la Reine Mère, Marie de Medicis,nbsp;auoit establie an Marechal d’Ancre. Moy qui, sans m’in-teresser beaucoup a ce qu’on faisoit a la Cour, i’ai tous-iours trauaille et pris soin pour m’instruire de ce qu’onnbsp;y deuoit faire, ie vous aduoue que ie suis beaucoup em-pesche de quelle £3900 ie vous dois obeir. Mon aage nynbsp;mes occupations ne me permettent pas de composernbsp;vn volume stir cette matière; et pourtant ie scay biennbsp;qu’il y a suffisamment pour en faire vn ; de sorte que ie
* nbsp;nbsp;nbsp;Le prince de Conde et le prince de Conty-
* nbsp;nbsp;nbsp;C’est une des bonnes pièces, suivant Naude. Elle se continue ennbsp;quelcjue sorte dans VAnathème et I*excommunication d*un. ministre (VEstatnbsp;estranger qui suit.
-ocr page 75-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;57
vous satisferay sans doute imparfaitement. Cependaiit il ne faut pas consulter de faire ce que vous in’ordonnez;nbsp;et tout ce que ie puis dire, est de vous escrire en abrégénbsp;les sentimens de nostre vieille Cour et d’y ioindre vnnbsp;extrait des temps et des Histoires pour vous monstrernbsp;^ue les Estrangers ne doiuent point estre admis au ma-niement des affaires publiques.
C’est vne maxime politique receue de tout temps, que les Estrangers introduisent les moeurs et les vices de leursnbsp;pays dans celuy qu’ils viennent habiter, qu’ils y corrom-pent toutes choses, et que de celte corruption naissentnbsp;les vices, qui donnèrent autrefois suiet au prophete Éze-chiel de s’écrier contre Hiérusalem ; « Ta souche et tanbsp;generation est de la terre de Chanaan; ton pere estnbsp;Amorrhéen, et ta mere Céthe'enne. » C’est pourquoy Ienbsp;Sage defend absolument d’admettre les Estrangers auxnbsp;honneurs qui sont deus aux véritables Citoyens. « Nenbsp;transfère point aux Estrangers les honneurs qui tenbsp;sont deubs, et ne commets point tes iours a l’hommenbsp;cruel^ de crainte que les Estrangers ne se fortifient denbsp;tes forces, et que les fruits de tes trauaux ne passentnbsp;dans one main estrangère. »
Ce mesme fondement a seruy au Philosophe dans sa Politique pour luy faire dire hardiment que Ie moyennbsp;de destruire vn Estat est d’y appeler des Estrangers.nbsp;Ce qu’il fortifie par vne longue suite d’exemples, faisantnbsp;voir que tous les Estats qui les ont receus, ont été ren-uersez par eux ou par les diuisions ausquelles ils ontnbsp;donné naissance, parceque tout ce qui n’est pas de mesmenbsp;nature que Ie reste, est vn principe de diuision, et toutenbsp;diuision emporte auec soy la ruine de la chose diuisée.nbsp;C’est pourquoy en toutes les Républiques bien policées,
-ocr page 76-58
CHOIX
les Estrangers n’ont point este admis. Vous ne s^auriez douter de celle des Hébreux, puisque ie vous ai fdésianbsp;fait voir l’auersion qu’ils y auoient, et Ie conseil de leursnbsp;Sages sur cela. Ou s’il reste encore quelques scrupules,nbsp;escoutez la defense qui en fut faite au peuple, lorsquenbsp;Dien !uy promit vn Roy : Tu ne pourras, dit Ie Seigneur, élire vn Roy d’vne nation estrangère; maïs tunbsp;Ie choisiras parrnj tes frhres.
Les Parthes ont tousiours eu de l’auersion pour les Estrangers; et les Athéniens n’ont pas mesme voulu leurnbsp;donner 1’entree de leur ville. Et a cette loy de Solon,nbsp;Pericles adiousta que ceux-la seulement fussent faits Ci-toyens d’Athènes, qui seroient nez de père et de mèrenbsp;Athéniens. De sorte que Negoras eut de la peine, aprèsnbsp;beaucoup de bienfaits et de seruices rendus a la Répu-blique, d’y être admis au rang des Citoyens. Après quoynbsp;il enchérit sur les autres et fit vne loy par laquelle lesnbsp;Bastards estoient priuez des droits de la Bourgeoisie.nbsp;Voyez iusqu’ou alloit la délicatesse des Anciens quand ilnbsp;falloit estre estimé Citoyen de leur République.
Les Lacédémoniens et les Thébains, par ordre de Lycurgue, donnèrent l’exclusion des charges de leur République aux Estrangers. Les Spartes obseruèrent sinbsp;exactement cette loy qu’ils furent appelez Dirinaxènes,nbsp;c’est-a-dire, comme vous scauez, Inhospitaliers. Et sinbsp;quelques Citoyens sortant de Sparte séiournoient cheznbsp;les Estrangers, ils estoient punis de mort, pour ce qu’ilsnbsp;s’estoient exposez et mis en danger de s’infecter de leursnbsp;vices et de les rapporter parmy leurs Concitoyens.
Les Égyptiens ne vouloient point auoir de commerce auec eux. Et les Romains enfin les considéroient tousiours comme indignes de porter les marques de leurs Ci-
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toyens. C’est pour cela qu’vne de leurs anciennes loix leur défendoit de monter sur la muraille de la ville. C’estnbsp;pour cela que Marcellus, Consul, ne put souffrir qu’vnnbsp;Estranger, a qui lules César auoit donné Ie droit denbsp;Bourgeoisie, fust esleu a la charge de Décurion, et qu’ilnbsp;Ie fit prendre et fouetter dans la place publique, afin denbsp;luy oster l’impression qu’il auoit eue qu’on Ie deust traiternbsp;comme Citoyen Romain. Et c’est pour cette mesme raison que Claudius César défendit aux Estrangers, sur peinenbsp;de mort, de prendre des noms de families romaines, denbsp;peur qu’ils ne confondissent entr’eux ce qui n’estoit deubnbsp;qu’aux Citoyens de Rome. Vous auez leu comme moy lesnbsp;plaintes qu’on faisoit contre lules César : César, di-soit-on, triomphe des Gaulois et les amène captifs ennbsp;cette ville; et les mesmes Gaulois quittent dans Ie Sénatnbsp;leurs robbes courtes et en prennent de longues , au rapport de Tacite, liure IV de ses Annales.
L’Empire d’Alemagne s’estant composé des débris du Romain, en a gardé beaucoup de loix fondamentales, en-tre lesquelles est celle-cy : que la dignité de l’Empire nenbsp;puisse estre transférée a celuy qui n’est pas origlnairenbsp;Alemand. Ce qui fit que Charles Quint, lorsqu’il fit Ienbsp;serment que les Empereurs sont obligez de faire, iuranbsp;qu’il n’admettroit point aux affaires publiques les Estrangers , mais seulement des personnes choisies dans lanbsp;Noblesse d’Alemagne.
La République de Venize ne souffre point les Estrangers dans son Estat. Les Suisses n’admettent dans les chargesnbsp;que leurs Compatriotes. Et les Princes des Pays Bas trou-uent entre les loix, sur l’obseruation desquelles ils sontnbsp;obligez de iurer, quand ils entrent dans Ie Gouuernement,nbsp;celle de ne donner aucune charge publique aux Estrangers.
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CHOIX
Que vous diray-ie des anciens pays de l’Europe ? Les coustumes en sont diuerses. Mais partout l’inclination anbsp;esté de tout temps égale. lamais les suiets naturels n’ont punbsp;souffrir la domination estrangère. Les Polonois qui, parnbsp;Ie droit d’ÉIection, prennentdesRois oubon leur semble,nbsp;ne purent souffrir que Casimir donnast les charges denbsp;Magistratures a des Alemands. Ils cbassèrent pour celanbsp;Boleslas Ie Chauue et Ie vieil Mizelas du Royaume.
Les Escossois aimèrent mieux donner leur foy et ren-dre obéissance a vne femme Angloise qu’a Francois Ie Dauphin. Et les Anglois, voyant qu’ils ne pouuoient em-pescher que Marie, leur reine, espousast Philippe de Cas-tille, fils de Charles Quint, dont elle achepta la possessionnbsp;avec vne somme immense d’argent, entre les conditionsnbsp;moyennant lesquelles ils consentoient au manage, celle-lanbsp;fut la première : qu’aucun Estranger n’auroit la Magis-trature ny ne seroit receu aux honneurs publics. Et biennbsp;qu’il yeustvne parfaite vnion alors entr’euxet les Espa-gnols, laialousie pourtant qu’ils en conceurent, lorsqu’iisnbsp;appréhendoient de leur voir tomber Ie Ministère entre lesnbsp;mains, fut si grande qu’ils commencèrent leur capitulationnbsp;par-la, comme l’endroit qui leur estoit Ie plus sensible.
Les Francois, qui ont tousiours voulu viure selon leur ancienne liberté, n’ont iamais pu souffrir Ie Ministèrenbsp;des Estrangers, non-seuleinent pour l’appréhension qu’ilsnbsp;ont de se voir deuancez par eux dans les charges et dansnbsp;les honneurs dont ils sont trés ialoux, mais pource qu’i!nbsp;leur a presque esté impossible de s’accoustumer a la lé-geretc des Anglois, a la pesanteur des Alemands, au fastenbsp;des Espagnols, et a la longueur des Italiens tant a biennbsp;résoudre qu’a bien faire. Les nouuelles fagons d’agirnbsp;lt;[u’on a voulu introduire parmy eux, et surtout dans les
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choses oü il y a de 1’intérest des particuüers, leur ont este insupportables. Et notrc Histoire nous en reinarquenbsp;pen cjiii ayent remporté tont l’auantage qa’ils s’en es-toient promis. Charlemagne eut beaucoup de peine anbsp;etouffer par adresse ou par force les conspirations quenbsp;les I,orrains firent contre luy, paree que, pour la iusticenbsp;Gt pour les armes, il se seruoit plustost des Estrangersnbsp;que de ceux du pays.
Charles, Due de Bourgogne, après auoir essuye les plaintes que ses suiets firent contre luy, parcequ’il auoitnbsp;esleue le Comte de Campobacbo, Napolitain, iusques anbsp;sa faueur et a son Ministère, trouua qu’il auoit donnenbsp;son affection a vn traistre, et que son Estat estoit ennbsp;danger par I’infidelite de celuy a qui il en auoit confienbsp;la conduite.
Charles le Simple, ayant voulu, au mépris des Francois , remettre les principaux soins de ses affaires a des Alemands, fut enfin dépouillé de sa Couronne, et finitnbsp;sa vie en prison. Et Lothaire, son petlt-fils, ne s’estantnbsp;point rendu prudent par le malheur d’autruy, laissanbsp;l’Empire si foible et si fragile a son fils, qu’il fut lenbsp;dernier de la race de Charlemagne qui y commanda.nbsp;L’Empereur Louys mesme ne se put garantir qu’auecnbsp;beaucoup de peine des conspirations faites contre sanbsp;personne par ses propres enfants et par les Princes denbsp;1 Empire, parcequ’il avoit fait venir dans sa Cour Bernard, Comte d’Espagne, et qu’il luy auoit donne le secret de ses affaires auec la charge de son Maistre denbsp;Cliambre.
Enfin, pour abréger tous nos exemples en vn seul, rappelez en vostre memoire la fin tragique du Mareschalnbsp;d’Ancre et I’Arrest de la Cour de Parlement contre les
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GHOIX
Estrangers pour les exclure du Ministère'; et prestez 1’oreille aux murmures publics et particuliers de tous lesnbsp;gens de bien qui s’esleuent si hautement contre Ie Cardinal Mazarin, dont on ne peut plus supporter la faconnbsp;d’agir entièrement contraire a celle de nostre nation. Ienbsp;ne touche point asa vie et ne m’amuse point a exaggérernbsp;les reproches que quelques vns font contre la pureté ounbsp;l’impureté de ses mceurs. Ie diray seulement qu’il s’estnbsp;gouuerné auec nous en softe que s’il continuoit plusnbsp;longtemps, Ia rage mesme ne trouueroit pas de quoynbsp;mordre; outre que la dignité qui Ie met a couuert contrenbsp;toute sorte d’atteintes, m’empesche d’en exaggérer da-uantage.
Mais s’il faut parler des choses qui ont esté visibles, ie vous prle d’examiner sans passion chaque Courtisannbsp;en particulier. Et au cas que tons ne crient et ne pro-testent qu’il a espuisé par ses longueurs la bourse denbsp;tous ceux qui luy faisoient la cour, et la patience des plusnbsp;sages, dites que ie suis vn meschant. Ils vous aduouerontnbsp;(et ie n’en excepte pas ses plus intimes amis) que Ia len-teur auec laquelle il faisoit du bien, rendoit ses ennemisnbsp;ceux qui Ie receuoient, parcequ’ils Ie payoient au doublenbsp;auant que de Ie receuoir; et que la difficulté qu’il y auoitnbsp;de Ie voir et de luy parler, a ruiné dans les cceurs de toutenbsp;la noblesse l’affection qu’on auoit au commencement pournbsp;luy; parceque les Francois croyent qu’on les oblige deuxnbsp;fois quand on leur donne promptement et de bonne gracenbsp;ce qu’ils croyent leur estre deu, estant accoustumez a lanbsp;facon de viure des Dues de Luynes et de Richelieu, quinbsp;enuoyoient chercher les honnestes gens chez eux pour
* Arrét de la cour de parlement, du 8 juillet 1617, douné contre Ie défunt marquis d’Ancre et sa femme [204].
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leur faire du bien, qui préuenoient les désirs et les iiéces-sitez de ceux qui Ie méritoient. En vu mot, les promesses generales qu’il faisoit a tout Ie monde, et Tinexécutionnbsp;dont tout Ie monde se plaignoit, sont les raisons quinbsp;1 ont dépourueu d’amis et de creatures. Hé! d’oü vientnbsp;tout cela, sinon des moeurs de son pays, auxquelles vou-lant tousiours se tenir ferme, il se conduisoit par desnbsp;voyes entièrement opposées aux nostres ?
Ie vous ay iustifié par les Loix et par les exemples comme les Estrangers ont esté bannis du maniement desnbsp;affaires publiques. Maintenant ie m’en vais dire succinc-tement les raisons sur lesquelles on leur donne l’exelusion.
La première, si ie ne me trompe, a esté celle qu’Aris-tote et saint Augustin après luy ont rapportée, que la difference des moeurs et du langage met la discorde en-tre les coeurs.
Le Prince estranger (dit vn de nos Docteurs) voulant conformer Ie peuple aux moeurs et aux coustumes de sonnbsp;propre pays et croyant que ce qui est honneste parmi lesnbsp;siens, le soit et le doit estre dans l’Estat oü il commande,nbsp;non-seulement il ne le corrigera pas, mais il le perdra.nbsp;Aussi c’estoit la plus grande louange qu’on donnoit anbsp;1’Empereur Probus, de ce qu’il connoissoit les naturesnbsp;de toutes les nations qui composoient son Empire. C’estnbsp;pourquoy le meilleur de nos Historiens dit que quand vnnbsp;Estranger gouuerneroit bien l’Estat, toutefois a cause de lanbsp;difference qui sera entre son esprit et les nostres, sa ma-nière de viure et celle des Fran9ois, il donnera tousioursnbsp;quelque suiet de plainte, estant impossible qu’il connoissenbsp;particulièrement la République qu’il conduit, comme lesnbsp;Suiets naturels, cette connoissance luy estant absoluraentnbsp;nécessaire auant toutes choses.
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CHOIX
La seconde raison est pour ce que ianiais vn Estrauger ne conduit l’Estat auec la mesme passion qui se trouuenbsp;dans vn Suiet naturel. Le plus grand de ses soins est d’es-leuer sa maison, d’accumuler des thrésors, et de faire sanbsp;retraite quand il n y aura plus rien a prendre dans vnnbsp;Royaume. Les Conseillers, dit Thucydide, qui sont es-trangers, ne trauaillent iamais aux choses qui regardentnbsp;Ie public; ou ils ne sont passionnez que pour leurs affaires particulières, ou s’ils résoluent quelque chose pournbsp;l’Estat, c’est sans y apporter vne meure deliberation.nbsp;C’est pourquoy les Politiques les appellent negligens etnbsp;intéressez et croyent que les Suiets en receuront tous-ioursbien moins de graces et de bien-faits que des autres.nbsp;Vn Prince, dit Tacite, instruit aux coustumes estran-gères plustost qu’en celles de son Royaume, sera non-seulement suspect au peuple, mais il passera tousioursnbsp;pour fascheux et peu bienfaisant. Et ce que eet Autheurnbsp;dit d’vn Prince, il le faut entendre également d’vn Mi-nistre, parceque, bien qu’il y aye de la difference dansnbsp;le caractère, il n’y en a presque point dans le pouuoir.
Cette authorité de Tacite me fait passer a la troisièine raison, qui est qu’vn Estranger ne peut estre en seureténbsp;contre la defiance du peuple, ny conlre la ialousle desnbsp;grands, si premièrement il ne se fortifie de gardes, s’ilnbsp;ne dispose des meilleures places, s’il ne change les Ma-gistrats, s’iln’engloutitles charges sëculièresetles digniteznbsp;Ecclésiastiques, s’il n’arrache les Citoyens de leur bien,nbsp;et s’il ne leur oste le crédit pour donner tous les deuxnbsp;a des Estrangers, en vn mot, s’il ne se fait diuerses creatures , pour 1’agrandissement desquelles il faut abaissernbsp;tont le reste; et ces moyens sont insupportables au peuple.
Enfin, e est vne ebose bonteuse a vn pevqjle qui ne
-ocr page 83-manque pas de personnes capables du Ministère, de se voir soumis a vn Estranger. C’est pourquoy, comme lors-que cette eslection vlent du peuple, elle luy est désauan-tageuse, parceque c’est vne marque de sa lascheté et denbsp;son ingratitude, puisqu’il ayme mieux se soumettre a vnnbsp;Estranger qu’a vn de ses Concitoyens; de mesme lors-que Ie choix d’vn Estranger pour Ministre vient de Ianbsp;volonté du Prince, il est honteux a celui qui Ie fait, etnbsp;au peuple qui Ie soufre , parceque c’est vne marquenbsp;presqu’infaillible que dans tout I’Estat il n’y a pointnbsp;d’hommes assez intelligens pour s’en bien acquitter; cenbsp;qui est la plus miserable condition et du prince et dunbsp;peuple dans laquelle ils se puissent trouuer. Et les Scythes, quoique barbares, 1’ont si bien recognu que mesmenbsp;ils ne s’en purent taire, estant en la puissance du grandnbsp;Alexandre. Bien que tu sois, luy direntils, plus fortnbsp;quetous les autres^ toutefois souuiens toy que personnenbsp;ne veut souffrir la domination des Estrangers, commenbsp;Ie reinarque Hérodote en son liure VI.
A. LA RETNE.
( H janvier iQA9. )
Madame, s’il est veritable, comme l’on n’en peut dou-ter, que les Roys sont les images de Dieu, puisqu’ils
' Bonne pièce, dit Naudé, qui est composée avcc adresse, et dont Ie raisonnement est ingénieusement aiguisé et propremcnt assaisonné.
I nbsp;nbsp;nbsp;5
-ocr page 84-66 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
portent l’auguste caractère de sa grandeur en la souue-raineté de leur puissance, il faut de nécessité qu’ils l’imi-tenten son gouuernement, et qu’ils estudient sa Politique pour ne point pécher dans la conduite des peuples. Onnbsp;en a monstré les moyens et les voyes’ a Vostre Ma-iesté dans la nécessité que l’on Itiy a exposée d’exclurenbsp;de son Royaume celuy qui ne s’y est introduit que pournbsp;Ie perdre; et comme c’en est vne agréable de donner vnnbsp;libre consentement aux Oracles Sacrez, estant vray cenbsp;que dit la Vérité mesme : Qu’vn lien a trois noeuds nenbsp;peut estre rompu®, on a estiraé que pour entraisnernbsp;vostre esprit, et Ie réduire a accorder a vos bons Su-iets Ie bien qu’ils demandent, moins pour eux que pournbsp;vous raesme, il falloit y employer vn lien de cette nature. On l’a fait, Madame; on a estably la lustice denbsp;cette demande commune sur vn triple fondement. On anbsp;produit tout a la fois et l’expérience, et l’exemple, et lanbsp;raison; mais en vain, puisque vous n’en auez point esténbsp;persuadée. Vous auez creu vous garantir de telles es-preuues par les addresses d’vne prudence victorieuse ;nbsp;Que les exemples produits de tous les Empires et de tousnbsp;les Royaumes ennemis de tels commerces vous estoientnbsp;iniurieux, parceque vous soustenez vne authorité sansnbsp;exemple, et que les raisons alléguées ne vous apparte-noient point, vous estant facile de maintenir la concordenbsp;dans la difference des moeurs et du langage, d’accommo-der la passion d’vn homme du debors a celle du suietnbsp;naturel, et de Ie mettre en seureté contre la deffiance dunbsp;peuple et la ialousie des grands par des moyens plusnbsp;doux que ceux que nous remarquons ordinairement en
* nbsp;nbsp;nbsp;Dans lesd-Estat contre Ic ministère estranger^ qui précédent.
* nbsp;nbsp;nbsp;Funiculus triplex difficile rumpitur.
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leur conduite. Vos resistances, Madame, ont esté iustes, paree qu on ne vous a rien produit de fort. II faut tous-lours prendre vn esprit par ce qu’il a de plus solide, etnbsp;iae luy pas présenter de moindres lumières que cellesnbsp;dont il est esclairé. A vne ame Royale qui ne doit agirnbsp;que par des motifs tous diuins, il ne faut point luy don-uer des raisons humaines. 11 vaut mieux la battre parnbsp;1’Escriture que par l’histoire, par les choses qui se fontnbsp;dans les Estats de Dieu, que par celles qui se sont pra-tiquées dans les Empires des hommes.
C’est par la. Madame, que ie prends la liberté de Vous faire voir la lustice des voeux et des plaintes de tousnbsp;vos Suiets, dans la requeste et la trés humble supplication qu’ils vous présentent. Ie laisse toute sorte d’expé-rience sur cette matière; ie passe sous silence, quoyquenbsp;trés conuainquantes et trés bonnes, toutes les raisons denbsp;l’exclusion que l’on demande a Vostre Maiesté; et au lieunbsp;des exemples que ie pourrois produire de Sparte, d’A-thènes, de Lacédémone, de Parthe, de Thèbes, d’Égypte,nbsp;de Rome, d’Aleinagne, de Pologne, d’Escosse, et denbsp;tous les anciens pays de l’Europe, ie ne m’arreste seule-ment qu’a l’Erapire de Dieu, qui doit estre l’idée et lanbsp;régie du vostre.
Qui ne sqait, Madame , que Dieu a tousiours eu en auersion les Estrangers (quoyque luy mesme l’alt paru anbsp;ses frères*), iusquesla que d’ordonner de ne point prendre femme que de sa Tribu et de sa Nation comme fitnbsp;Abraham, donnant charge a Eliézer de chercher vnenbsp;espouse a son fils Isaac. La loy en est couchee au liure desnbsp;Nombres : Quelles se rnarient^ ditDieu, a quielles pou*
' Extraneus factus sum fratribus mels.
^ Incie accipias vxorem filio nieo. Cttn., xxiv.
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dront; mais que leurs alliances ne se fassent point hors de leur terre, de peur que leurs heritages et leurs Mensnbsp;ne soientmeslez el confondus'^. Ce fut Ie crime des luifs,nbsp;passant de Babylone en lérusalem, d’auoir désobéy a cesnbsp;ordres®, dont Esdras, qui les auoit pris sous sa conduite,nbsp;ayant esté instruit, il deschira ses vestements, confessanbsp;leurspéchez et les pleura; et ayant appellé les infracteursnbsp;du précepte, il commanda aux rebelles de répudier lesnbsp;Estrangères les engageant a Ie faire par des promessesnbsp;tres solemnelles. Si Salomon, qui les viola, aymant cellesnbsp;qui estoient éloignées de son pays, eust obey a cette loy,nbsp;il eust esté plus innocent que malheureux; mais portantnbsp;son cceur hors de ses terres, il deuint pecheur. C’estnbsp;contracter vne espece d’impureté que de se mesler etnbsp;confondre auec des Estrangers. Pour cela Dieu deffendoitnbsp;vn tel meslangeet Esther ha'issoit vn tel commercenbsp;Dans I’institution de I’Agneau Paschal, symbole denbsp;liberté, gage illustre d’vn double Sacrifice, non seulementnbsp;le passant et le mercenaire estoient priuez de sa mandu-cation; mais encore 1’Estranger ennemy du peuple denbsp;Dieu, desolateur de ses fortunes et perturbateur de sonnbsp;repos®. Au lieu de ce mot Estranger, le Caldeen ditnbsp;Apostat; le Cardinal Cajetan dit vn mechant et vn im-pie; quelques autres lisent vn impudique et vn volup-tueux; S. Bernard I’entend d’vn superbe et d’vn inso-
‘ Nubant quibus volunt, tarnen vt suae tribus hominibus ne commis-ceatur possessio. Num., xxvi.
® Adamans mulieres alienigenas. Ill Reg-y xi.
* Vos transgress! estis et duxistis vxores alienigenas; nunc separa-mini. T Esdr. Mundavi eos ab alienigenis. II Esdr.^ xiii.
^ Alienigena non miscebitur. Num., xviii.
® Nosd Dominum quia detestet cubile omnis alienigenae, Esther, xtv.
® Omnis alienigena non comedet ex eo. Exod., xii.
-ocr page 87-lent‘5 S. Grégoire l’entend de celuy qui sème ia guerre et la diuision parmy les peuples Jansénius et Rodolplienbsp;sont de ce mesme sentiment; Ie Paraphraste Caldéen entend Ie calomniateur; et tout cela se réduit a ce termenbsp;d Estranger, que Dieu, par sa loy, rebute des chosesnbsp;sainctes et priue de la participation des victimes, aussinbsp;bien que de la manducation des pains que Ton offroit ennbsp;la consecration des Prestres, auxquels il estoit expressé-nient deffendu d’en receuoir, ny toute autre chose de lanbsp;main de l’Estranger pour l’offrir a Dieu, ces choses es-tant vitiées et corrompues, et par conséquent abomina-bles et indignes et de la grandeur de Dieu et de l’excel-lenee du Sacrifice.
Quel pensez-vous que fut Ie dessein de Dieu, Madame, aduertissant Éléazar par son législateur Moyse de re-cueillir les encensoirs enueloppez dans les flames et lesnbsp;braziers qui venoient de réduire en cendres deux censnbsp;cinquante hommes, et de les pendre prés de l’Autel a desnbsp;lames de cuiure, sinon pour apprendre (comme dit Ienbsp;Texte) aux enfants d’Israël de ne permettre iamaisnbsp;qu’vne main estrangére, a moins de vouloir subir Ienbsp;mesme chastiment que Core, fust si audacieuse que denbsp;fumer l’encens du Seigneur’.
Si l’expérience de tant de malheurs causez dans tous les Estats par l’ambition pernicieuse et fatale des Es-trangers n’est point capable de nous faire comprendrenbsp;iusques a quel point doiuent aller les horreurs que nousnbsp;deuons auoir pour eux, escoutons celuy qui doit régler
' V. Bernard., Lib. de gradibus humanis.
gt; D. Greg., p. 3, Cura: pastoralis adj. xxiv.
* Ne quls accedet alienigena ad offerendujn incensum Donuno, ne, etc.
XVI.
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nos sentimens et former nos amours et nos haines : Ad-mets chez toi I Estranger; et il ne manquera pas de femporter comme m tourbillon de vent et de fesloi~nbsp;gner de tes amis et de tes proches'^. II semble que lenbsp;bien lui soit Impossible; et pour cela le Fils de Dieu nenbsp;tient pas pour vn moindre miracle que celuy qu’il venoitnbsp;d’operer, qu’apres auoir guery dix lepreux, vn seul (etnbsp;encore Estranger) luy en rende ses remerciments pendant que les autres ne payent que d’ingratitude la gue-rison qu’ils ont receue.
Ce doit estre, Madame, vne aussi grande abomination a vn bon Francois qu’a vn luif de se ioindre ou d’auoir intelligence auec vn Estranger®; et si le Dieu quenbsp;nous adorons, I’estoit, nous pourrions legitimement luynbsp;refuser nos hommages, cesser de luy offrir nos voeux etnbsp;discontmuer nos Sacrifices, puisqu’en tons lieux de I’Es-criture, il nous deffend de rendre nos adorations a desnbsp;Diuinitez estrangères qui estoient si méprisées chez lesnbsp;Payens, qu’aymant mieux en auoir de prochaines quenbsp;d’esloignees, ils en faisoient a leur mode en leur nation,nbsp;se souciant fort peu de la vérité de leur estre, pourueunbsp;qu’ils fussent assurez qu’elles estoient de leur pays. Et denbsp;fait, quel auantage peut on esperer d’vn suiet qui estnbsp;hors de ses terres ? Le peuple d’Israël est en Eabylone;nbsp;et s’il change ses chants en soupirs, ses ioyes en larmes,nbsp;suspendant aux arbres leurs orgues et leurs instrumentsnbsp;de musique, au lieu de s’en seruir pour charmer leurs
‘ Admitte ad te alienigenam, et subuertet in turbine et abalienabit te a tuis propriis. Ecclesiast., ia,
“ Non est inuentum qui rediret et daret gloriam Deo, nisi hie alieni-gena. Luc., xvn.
* nbsp;nbsp;nbsp;Abominatlo est ludaeo coniungi ant accedere ad alienigenam. Act., %
* nbsp;nbsp;nbsp;Noli adorare Deum alienum. Exod., xxxiy.
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douleurs, ils n’en attribuent point la cause a leurs chais-nes et a leur captiuité, mais a leur esloignement ‘; comme SI c estoit vne chose impossible d’estre bon hors de cheznbsp;soy et de continuer chez les autres de rendre a Dieu auecnbsp;fidélité toutes les choses dont nous luy sommes redeua-bles et tributaires’.
Les Sages, Madame, ne souffrent iamais les Estran-gers; leurs paroles ne sont que mensonges; leurs pensees ne butent qu’a leur intérest particulier et a la ruine commune; et s’ils se portent a agir, leurs actions ne sontnbsp;que des semences de diuisions et des ouurages de fureur.nbsp;Et pour cela Ie Prophete, s’abandonnant au gré d’vnenbsp;iuste cholère contre cette sorte d’engeance, contre la-quelle Dieu a tousiours fulminé TAnathême en ses Estats,nbsp;après auoir formé quelques plaintes de leur tyrannic etnbsp;de leur oppression, il en demande la perte et croit nenbsp;pouuoir mieux souhaiter a ses oppresseurs domestiques,nbsp;pour punition des mauxdont ils l’accablent, rien de plusnbsp;rude et de moins supportable que la desolation de leursnbsp;fortunes, acquises auec tant de sueurs, par des personnesnbsp;estrangères’. C’est a la rage de ces peuples que Dieu aban-donne Ie Royaume de luda et de lérusalem, dans Ie des-sein de chastier leur ingratitude auec leurs autres péchez,nbsp;et de les soumettre par la verge, puisqu’il ne l’a pas punbsp;faire par ses bienfaits : Malheur a toj, nation infidelle,nbsp;peuple ingrat, engeance malheureuse! quels supplicesnbsp;peuuent esgaler tes me'connoissances et tes rëuoltes ?nbsp;Quelle se'ue'rite' puis ie adiouster maintenant a mes
* nbsp;nbsp;nbsp;Quomodo cantabimus canticum Domini in terra aliena? Psalm. xvn.
* nbsp;nbsp;nbsp;Filii alieni mentiti sunt mihi. Psalm.xvri. Alieni insurrexerunt in me..nbsp;Psalm. Liii.
‘ Diripiant alieni laborei illius. Psalm, cxxvrii.
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anciennes rigueurs, trop domes pour la grandeur de tes crimes, mais trop fascheuses pour Vexcez de mesnbsp;hontez. II semble que ma Justice ait tire' des magazinsnbsp;et des tre'sors de son Ire ce quelle auoii de plus austere pour t'adoucir. Que puis ie faire dauantage, aprèsnbsp;auoir este mesme iusques d ce point cjue de te faire lanbsp;project la curée d’m Estranger^l II semble par cenbsp;langage que Dieu ait déployé toute sa fureur quand il anbsp;réduit son peuple a cette extrémité. Israël l’oublie. Cettenbsp;oubliance ne peut estre expiée par vne peine qui l’esgale.nbsp;Quelle sera elle ? La voicy : Tu m’as oublié, dit Dieu,nbsp;et pour cela tu sérrmras Ie germe dvn Estranger^. Lenbsp;Prince de Tyr, esleué auec tant de pompe et de si superbes appareils au faiste d’vne grandeur Royale, esblouynbsp;de l’esclat de son sceptre, rendu malheureux par sa pro-pre félicité, pour auoir portë son cceur au dessus de sonnbsp;throsne, et auoir voulu ioindre vne éléuation insolentenbsp;a vne autre plus légitime, ne recoit pas vn moindre chas-timent : D’autant, dit le Prophéte de la part du Seigneur, que tu as esleué ton cceur et t’es estimé vn Dieunbsp;n’estant qu’vn simple hoinme, i’amèneray l’Estrangernbsp;sur toy et te feray mourir entre ses mains ^ L’Égypte,nbsp;le plus florissant des Royaumes, ne fut pas autrementnbsp;désolé que par ces voyes extremes, qui sont les dernièresnbsp;et les plus grandes calamitez que le ciel puisse introduirenbsp;parmy nous. Celuy qui en fut le Prince, cruel a ses su-iets et tyran a ceux dont il deuoit estre et le Roy et lenbsp;Père, Pharaon, dont l’orgueil et la superbe marchoitnbsp;d’esgal auec celle d’Assur, semblable en son esléuation a
’ Reglonem vestram coram uobis alieni devorant. Isayas^ xvn.
Oblita es Dei tui; germen alienum seminabis. Isayas^ xvii.
^ Adducamsuper tealienos; in manu alienorum morieris Ezech.,xx\iïi^
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vn Cèdre du Liban, beau en ses rameaux, touffu en son feuillage, admirable en sa hauleur, profond en sa ra-cine, bien nourry par ses eaux, ne se voit, selon la Pro-phétie, couppé, abbatu, sa pompe ruinée et sa gloire obs-curcie que par des peuples qui n’estoient point suiets anbsp;sa couronne et ne releuoient aucunement de sa puissancenbsp;et de son authorité b
C’est la, Madame, Ie dernier de tous les malheurs d’auoir affaire aux Estrangers; c’est Ie dernier ressort denbsp;la Diuine Justice, préparée a punir son peuple de sonnbsp;auarice et de son idolatrie, que de l’abandonner a leurnbsp;volonté et ses femmes a leur fureur^ Si Vostre Maiesténbsp;preste l’oreille a leurs plaintes, elle recognoistra qu’ilsnbsp;se plaignent particulièrement de cette misère comme denbsp;la plus extreme; que c’est la principale qui les fait gé-mirquot;; et que, comme s’ils n’estoient sensibles qu’a celle-cy, ils ne disent rien de toutes les autres; ou au contrairenbsp;c’est la plus grande grace qui nous puisse arriuer de lanbsp;part de Dieu, dans Ie sentiment de Dieu mesme, que denbsp;nous en déliurer. Il a infiniment oblige ceux qu’il a choi-sis pour son lot et pour son he'ritage; les bienfaits qu’il leurnbsp;a communiquez, sont sans nombre; et neantmoins, commenbsp;s’il n’estimoit rien tous les autres et les auoit oubliez, ilnbsp;ne leur parle (que) de celuy qu’il leur a fait, les deliurantnbsp;de la domination et de la puissance de I’Estranger*. Lenbsp;plus grand bonheur qu’il leur peut promettre, les reti-rant de la seruitude, c’est de leur faire secouer pournbsp;tousiours cette sorte de ioug, ne leur donnant pour Sou-
' Dissipabo terrain et plenitudinem cius manu alieiiorum. Ezech., xxx. Succident eum alieni crudeles. Ezech., xxxr.
* Dabo mulieres eorum exteris. lerem...^ -vni.
“ Non erk in vobis alienus. hayas, xliii.
^ Non doniinabuntur aniplius alieni. lerem., xxx.
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verains et pour Ministres que ceux de leur patrie, leurs proches et leurs concitoyens. Et quand 11 nous veut four-nir vne idee de la beauté de lérusalem dans son renou-uellement, après son debris et sa ruine, 11 ne dit pasnbsp;qu’il relèuera ses Palais, qu’il réparera la pompe de sesnbsp;plus superbes edifices, qu’il rétablira ses tours si esleuéesnbsp;et ses chasteaux si magnifiques dans leur première esléua-tion; mais réduisant tout Ie restablissement a vne seulenbsp;chose, comme si en celle la seule consistoit toute sa reparation et sa gloire, opposant contraires a contraires,nbsp;il leur promet seulement qu’il n’y aura point d’Estrangernbsp;en cette ville1.
C’est done, Madame, vne souueraine misère qu’vn Estranger en vne domination dont il n’est point Ie suiet.nbsp;Nous n’en pouuons douter; et Vostre Maiesté ne peutnbsp;tenir ce sentiment pour suspect et digne de réplique,nbsp;pulsque c’est celuy de Dieu qui n’en souffre point, maisnbsp;qui veut estre receu dans vostre ame Royale auec toutenbsp;sorte de soumlssion, et graué dans vostre coeur d’vn ca-ractère ineffacable aussi fortement que sur Ie marbre etnbsp;sur l’airain. Et si auiourd’huy vous voyez prosterneznbsp;humblement a vos pieds tous vos bons et fidèles suietsnbsp;pour demander a Eostre Maiesté de les déliurer de celuynbsp;qui les oppresse, improuuerez vous vne requeste si iustenbsp;et qui ne tend qu’a la déliurance d’vne souueraine misère? Vous ne Ie pouuez. Madame, sans commettrevnenbsp;souueraine iniustice. II n’est pas raisonnable, dit la Vé-rité mesme, de prendre Ie pain des enfants^pour Ie don-ner aux Estrangers; il lesfaut séparer d’IsraëP. Les plus
Alieni non transibunt per earn. ïoel^ ni.
*Non est bonum sumere panem fiUorum.
® Separauerimt onanem alienigenam ab Israel. 11 Esdr.^ xiii.
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saintes alliances leur sont deffendues; ils ne peuuent, sans impiété et sans crime, entrer dans Ie sanctuaire, nynbsp;mesme approcher du Tabernacle a moins que de perdrenbsp;la vie1 et de subir vne mort honteuse pour chastimentnbsp;de leur désobéissance et de leur témérité. Et néantmoinsnbsp;nous voyons en ce poinct toutes les Loix violées, et Di-uinesethumaines. Vn homme decette estoffes’est introduit parmy nous, pretend aux alliances les plus illustres,nbsp;s’eslèue insolemment sur Ie trosne du premier des Mo-narques, se fait iour iusques dans le fonds du Sanctuaire,nbsp;ie veux dire iusques dans le coeur du Prince, pour disposer en la charge qu’il soustient auec iniustice, et a lanbsp;bonte des plus capables, de ses volontez par vne administration illegitime. Eh! nous ne dirons mot? Pardon-nez nous, Madame, la douleur est trop grande pour senbsp;taire, et le mal trop violent pour le dissimuler.
II est iuste, et la nature I’exige aussi bien que la raison, que la mere nourrisse ce qu’elle a engendré. La France a produit son Monarque; c’est a elle a luy don-ner I’education et les conseils; c’est a elle a luy fournirnbsp;des Ministres, a moins que de se rendre suiette aux re-proches du Prophéte et de contreuenir a ce conseil qu’ilnbsp;nous donne : Ne donne point ta gloire a m autre; et nenbsp;cede point la dignite' qui t’appartient, d me autre nation qu'd la tienne^', ou bien a celuy du Sage, expri-mée en ces termes : Ne donne point I’honneur que tunbsp;mérite, a des Estrangers, de peur qiéils ne se remplis-sent de tes forces, moissonnant auec facilité les fruitsnbsp;que tu as semez auec tant de peine, et que tu riaye
Quisquis alienus accesserit, morte morietur. Num., ni.
Ne tradas alteri gloriam tuam et dignitatem tuam aliente gentle Baruch, iv.
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d’autre consolation que tes larmes en ton extrémite. Pourquoy, mon pis, te nourris tu dans Ie sein d’vnnbsp;autre? que Von voye couler dehors tes fontaines; bojnbsp;Teau de tes cisternes et de tes puits, sans en aller cher-cher si loin; diuise les dans toutes tes places;possède lesnbsp;tout seal, sans les partager auec d'autres; et ne per-mets aucunement que des Estrangers te possèdent etnbsp;te gouuernenp. Si eet aduis est iniuste, Madame, nousnbsp;auons tort de Ie suiure; mais s’il est saint, comme il ennbsp;faut denieurer d’accord, puisque c’est la Sagesse Éter-nelle qui nous Ie donne, nous serions tout a fait cou-pables de ne Ie pas exécuter. C’est agir sur bonne etnbsp;valable caution que de Ie faire sur sa parole et l’infailli-bilité de ses oracles. Quelle bonte nous seroit ce que l’onnbsp;nous vint dire, comme autrefois a luda : Tu as disperse'nbsp;tes coyes a l’Estranger^, ou comme a Ephraim : Quenbsp;des Estrangers ont de'uore' nostre force Toutefois nousnbsp;sommes en ce hazard, Madame, si Vostre Maiesté nenbsp;nous en retire.
Nous voyons auiourd’hiiy en vérilé Ie malheur que Ie Sage ne vit autrefois qu’en figure ; Vn homme a quinbsp;Dieu a donné des richesses, de grandes et de norn-breuses for tunes, qu’il a esleué au comble de tous lesnbsp;honneurs imaginables, qui possède tout ce qu’il peutnbsp;desirer, et qui pourtant est comme m Tantale au milieu de tant de biens, iien ajant ny l’usage ny la
* nbsp;nbsp;nbsp;Ne des alieno honorem tuum, ne forte impleantur extraneï viribusnbsp;tuis, et labores tui sint in domo aliena et gemas in nouissimis. Bibenbsp;aqiiam de cisterna tua; quare, fili mi, faueris in sinu alterius? Deriuen-tur fontes tui foras; habeto eas solus; nee sint alieni participes tui.nbsp;Pr OU., Tii.
* nbsp;nbsp;nbsp;Dispersisti vias tuas alienis. lerem., iii.
® Comederunt alieni robur eius. Osece, vu.
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iouissance, pareequ’vn Estranger, par vn malheureux pillage, les usurpe impunément'. Et c’est, dit Ie Sage,nbsp;Ie plus grand de tous les malheurs, qui nous doit donnernbsp;suiet en nostre foiblesse et en notre impuissance de pous-ser nos plaintes vers Ie Ciel, et implorant son secoursnbsp;(si celuy de la terre nous manque), de dire a Dieu ; Res-souuenez mus, Seigneur, de ce qui nous est arriué; re-gardez, s'il mus plaist, nostre opprobre; nos biensnbsp;et nostre heritage ont passé en des mains estrangères /nbsp;et nos maisons sont tomhées en leur possessioré. C’estnbsp;Ie langage de lérémie, déplorant Ie sac et la ruine de lanbsp;plus belle et de la plus fleurissante de toutes les villes.nbsp;Et ce sont les paroles, Madame, que forme auiourd’huynbsp;vostre peuple sur la destruction de la plus superbe denbsp;vos Citez et de la Métropolitaine de vos Estats. Escouteznbsp;ses iustes clameurs. Madame, et vous laissez vaincre anbsp;ses gémissements et a ses larmes, plus iustes et raison-nables que celles qu’vn ressouuenir funeste et malheureux des anciennes beautez de Sion tira autrefois de tantnbsp;d’yeux affligez sur la perte et la destruction de cette ville.nbsp;Ou bien si Vostre Maiesté persiste encore dans Ie desseinnbsp;de ne pas fléchir a nos voeux et de ne rien accorder anbsp;nos soupirs, qu’elle ne nous oste pas tout du moins lanbsp;liberté de laisser conduire nos langues au Saint Esprit,nbsp;et de nous rendre comme son truchement et ses Echosnbsp;en nostre malheur et en nostre affliction, répdtant cettenbsp;prière en ces paroles qu’il nous a laissé comme en dé-
gt; Aliud malum vidi : vir cui Deus dedit diuitias et honorem; et nihil deest anima! sute ex omnibus quse desiderat; nee tribuit ei Deus potesta-tem ut comedat ex eo; sed homo extraneus vorauit illud. Eccles., ti.
* Recordaro, Domine , quid accident nobis; iutuere et respice opprobrium nostrum; hereditas nostra versa est ad alienas. lerem., v.
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post : Ijeuez vostre main sur I'Estranger, ó Seigneur^ afin qu’il recognoisse vostrepuissance; renouuellez vosnbsp;prodiges; redouhlez vos merueilles; excite-z vostre fu-reur; respandez vostre Ire; ostez nostre aduersaire etnbsp;Ie vostre; affligez nostre ennemy; en vn mot, ayeznbsp;pitiéde nous'^. Nous oster cette prière de la bouche estnbsp;faire taire Ie Saint Esprit et luy imposer silence.nbsp;a|Nous ne croyons pas, Madame, que Vostre Maiesténbsp;veuille entreprendre de faire taire celuy qui la doit fairenbsp;parler. Bien loin de ces sentiments, nous nous persua-dons par la grandeur et la solidité de sa vertu qu’incli-nant les oreilles a ses douces semonces et soumettant sonnbsp;cceur a ses mouuements sacrez, elle fléchira aux voeux etnbsp;aux prières communes, et que chassant de ses terres Ienbsp;lébuséen® qui y habite, elle dispensera les siècles futursnbsp;des reprocbes qui furent autrefois imputez a nos pèresnbsp;par leurs enfants, et que les Boys de luda recoiuent encore auiourd’huy de leur postérité ; Ils ont donne' leurnbsp;gloire d vn Estranger^. C’est Ie reproche; inais ne per-niettez point. Madame, que ce soit nostre bonte et nostrenbsp;confusion. Vne Dame fut autrefois blasmée d’auoir aban-donné son espoux a la mercy des Philistins; et Dieu parnbsp;son Prophéte condamne du crime d’adultère celle qui,nbsp;violant la foy qu’elle a promise, abandonne Ie sien pournbsp;entretenir auec d’autres des intelligences secrettes et illi-cites*. Vostre Royaume, Madame, est vostre espoux;
’ Leua manum tuam super alienigenam vt vicleat potentiam tuam; in nova signa excita furorem; et effunde iram; tolle aduersarium et affligenbsp;inimicuin; miserere nostri. Eccles., xxxvi.
“ Intra fines tuos laabitat lebusEeus.
“ Dederunt gloriam suam alienigense genti. Meeles.^ xlix.
' Quasi mulier adultera quse super virum suum inducit alienos. xvï.
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et c est Ie crime que ie viens de noramer, et que Vostre Maieste, pour Ie respect que ie luy dois, me deffend denbsp;repeter encore, que d’en abandonner a vn Estrangernbsp;1 administration et la conduite, laquelle ne peut auoirnbsp;qu vn succez malheureux, s’il est vray qu’elle supposenbsp;la cognoissance parfaite de la volonté du Prince, dontnbsp;Ie coeur est tellement et précieux et profond qu’il fautnbsp;estre vn Dieu' (c’est a dire sans intérest et non pas sansnbsp;lumières, puisqu’il en faut d’infinies) pour en diriger lesnbsp;mouuements et en sonder les abismes; et cette cognoissance des secrets et des conseils du Roy n’appartient pasnbsp;a 1’Estranger puisque Dieu l’en exclut et deffend aunbsp;Souuerain de luy en donner lumière, de l’introduire ennbsp;son conseil, ny mesme de Ie tenir en sa presence®.
On ne doute point, Madame, que Vostre Maiesté n’ait des lumières trés esclatantes pour faire vn iuste discer-nement des esprits et cognoistre ceux qui luy sont vtilesnbsp;et nécessaires en ses conseils. Nous Ie sauons : Dieunbsp;ne manque iamais d’en donner de trés grandes a cellesnbsp;que la vertu ne couronne pas moins aduantageusementnbsp;que la naissance; maïs icy il n’est point question de cognoissance et de lumière, puisque Dieu parle générale-ment et ne met point d’exception en cette Loy qui fait,nbsp;autant que nostre propre intérest, Ie fondement de nosnbsp;plaintes et la continuation de nos requestes. Nous vousnbsp;aymons trop, Madame , pour permettre en vostre per-sonne Royale 1’expérience du chastiment dont nous auonsnbsp;la menace aux Prouerbes : La personne, telle qiCelle
' Cor regis in manu Domini.
® Secretum extraneo ne reueles. Prou., xxv.
’ Coram extraneo ne facias concilium ; nescis enim quid pariet, Eccles.. vin.
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soit, qt^i prendra en mam la cause de l’Estranger, s'en trouuera mal et en receura Ie chastiment^clias-timent qui semble, au langage du mesme, ne deuoirnbsp;estre autre que la nudité et la dépouille : Ostez Ie veste-ment a celuy qui se porte plège et caution pour TEs-tranger^.
C’est vn Dieu qui parle, Madame, et qui nous authorise dans nos demandes et dans nos plaintes, auxquelles vos propres interests vous obligent autant d’estre fauo-rable que nostre propre vtilité. Nous ne vous assiégeonsnbsp;plus par des maximes politiques et des raisons d’Estat,nbsp;mais par la parole, la Loy et la volonté de Dieu, qui ennbsp;a moins pour nous Ie dire que pour se faire obéyr.nbsp;Obéyssez done, Madame, a celuy qui vous a donné ennbsp;main de quoy vous faire des suiets et des obéyssans; re-iettez du Tabernacle ce profanateur des choses sainctes;nbsp;exterminez du Sanctuaire ce perturbateur du repos public; mettez hors de vostre Royaume eet ennemy com-mun et du Prince et du suiet. Nous sommes serablahlesnbsp;a ces ouailles dont il est parlé dans S. lean : nous nenbsp;suiurons pas Ie mercenaire et 1’Estranger nous ne co-gnoissons point ses voyes; et nous n’entendons point sanbsp;parole*. Nous voulons bien des Ministres, mais qui relè-uent auec nous d’vne mesme Couronne, qui soient auecnbsp;nous suiets d’vn mesme Prince, et que Ie droict naturelnbsp;engage si fort dans les interests du Royaume qu’ils nenbsp;fassent rien qu’a l’aduantage de celuy qui en est Ie Souue-rain; ce qui n’est pas naturel a ceux qui ne sont pas Fran-
' Affligetur malo qui fidem facit pro extraneo. Prou., xi. “Tolle vestimentum cius qui fideiussor extitit alieni. Prou., xx.nbsp;Alienum autem non sequuntur. loan., x.
Non audinius vocem al'enorum. loan., i.
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DE MAZARIISADES.
cois; car si cela estoit, celui-cy dont nous demandons 1 exclusion, auroit-il fait tant de mal sans departir aucunnbsp;bien ? auroit-il emprisonnë les grands, banny les gensnbsp;de bien, abaissé les vertueux, esleué les meschans, authorise les vices, protégé les Athées et les impies, ensei-gne' les trahisons, semé la ialousie entre les Princes, re-fuséles aduantages delapaix', désolé les families, establynbsp;des partisans et des traistres, empoisonné nos Sénateurs,nbsp;gourmandé nos Parlemens, anéanty Tauthorité Royale,nbsp;ruiné ses fondemens et ses appuis, mis en proye tout Ienbsp;Royaume et confondu également et la Religion et 1’Estat,nbsp;pour s’esleuer aux dépens de tous les deux sur la dé-pouille de nos Temples et les debris de nos fortunes,
Et partant. Madame, que vostre Maiesté, puissam-ment éclairée du malheur qui nous arriue de 1’éléuation d’vn tel homme et de la nécessité qu’il y a de l’exclurenbsp;par l’Arrest et l’Anathème que Dieu a fulminé mesmenbsp;contre les Estrangers indifférens, suiuant l’exemple denbsp;ses ancêtres, dont elle porte et Ie Sceptre et la Couronne,nbsp;se réglant aux maximes et aux pratiques de sages maieursnbsp;(qu’elle ne dira pas auoir manqué en ce poinct), de Chil-déric premier, de Charles Ie Sage, de Charles six, sonnbsp;fils, de Louys second, et de Charles septiesme, obéys-sant aux Edits de ses pères, qui luy ordonnent expressé-ment ce que nous luy demandons; mais surtout se sou-mettant auec respect au Dieu de ses pères et rendant vnenbsp;obéissance autant aueugle que raisonnable a ses volonteznbsp;et a ses ordres, accorde a nos humbles supplications,nbsp;accompagnees de nos gemissements et de nos larmes,
• 11 a été répondu a ce reproclie par la publication de plusieurs pieces dont la Ihte se trouve a I’artlcle des Causes du reiardement de la paix, etc.nbsp;[657.]
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cette grace dont elle est redeuable a ses propres interests, si elle ne veut que Dieu se fasse luy-mesme lustice etnbsp;n’exécute l’Arrest couché dans Ie Liure des Nombres :nbsp;Si quelque Estranger, dit-il, prend en main Ie Ministère, ilpérira; ie Ie ferap mourir^. C’est ce qu’appré-hendent dauantage,
De Vostre Maiesté,
Madame ,
Les trés-bumbles, très-obéissans et très-fidelles serui-leurs et Suiets.
(H janvier 1649.)
Grand Prince, ie scay que vous compatissez a ma disgrace, et que vous meslez de bon cceur vos larmes auec les miennes; et puisqu’il vous fasche extrêmement de menbsp;voir auiourd’huy réduite au plus deplorable estat oü ienbsp;pouuois iamais estre, ie m’adresseray a Vostre Altessenbsp;pour 1’entretenir de ma douleur, et pour luy demandernbsp;quelque remède aux maux qui m’accablent et qui infailli-blement me vont faire périr si vous n’accourez a monnbsp;secours.
Vous auez vne longue et triste experience des calami-tez que i’ay endurées; et sans vous obliger de relire les guerres que i’ay eues auec les Anglois et contre Charles
^ Externus q^ui ad minislrandum accesserit, morietur. Num.^ iii.
Naudé signale cette pièce comme ime des mcilleures.
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Ie Quint et Phiiippe II, il me suffit de vous dire qiie vous estes venu au monde durant les troubles des Religion-naires et dans la plus fascheuse saison de cette monarchie, Vous auez veu naistre la Ligue et les autres guerresnbsp;qu elle a produites; et ie m’asseure que vostre esprit fré-mit encore des spectacles d’horreur qui ont paru en cenbsp;temps—la sur mon theatre. La féiicité du Règne denbsp;Henry IV en auoit réparé toutes les pertes; et les Francois ne se souuenoient plus des maux soufferts et desnbsp;disgraces passées. Sous Louys XIII, les misères publi-ques ont repris de si profondes racines qu’elles suhsistentnbsp;encore. Et les peuples, extrêmement lasses et autant af-foiblis par les victoires que par les pertes, estoient a lanbsp;veille de respirer et de iouir d’vn bienheureux repos.
Vn malheur qui n’a point d’exemple dans l’Histoire, va r’ouurir toutes mes blessures et mettre en pieces mesnbsp;pauures entrailles; va auec Ie fer et Ie feu se répandrenbsp;par toutes mes Prouinces, et va causer Ie plus grand em-brasement qui ait iamais paru dans Ie monde. Et ce quinbsp;m’estonne et me surprend, est qu’on n’a point veu denbsp;guerre qui n’ait eu quelque fondement ou du moins vnnbsp;légitime prétexte, et dont la fin n’ait regardé l’intérestnbsp;de quelques particuliers. Les troubles de la Religion ontnbsp;fomenté l’ambition des Princes qui vovdoient, a quelquenbsp;prix que ce fust, gouuerner l’Estat et posséder par forcenbsp;et par violence les bonnes graces des Roys. La Liguenbsp;auoit pour but 1'vsurpation de la monarchie; et ellenbsp;vouloit esteindre et coupper la racine de la Maisonnbsp;Royale. Mais dans cette fatale et cruelle conioncture, onnbsp;ne respire que Ie bien general; on ne trauaille qu’a m-ain-tenir Tauthorité souueraine; on ne cherche que la féli-cité puhüque; et on ne demande au Ciel que Ie bonheur
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de tous mes suiets; et la Cour est en cela d’accord auec Ic Palais; et tous les Francois crient vnanimement:nbsp;VtVE LE Roy!
II n’y a pas mesme quasi lieu de se plaindre; et si les désordres ou les nécessitez publiques ont déuoré plusieursnbsp;millions, et si les dispensateurs des deniers publics ontnbsp;eu des mains, ils ne seront pas exempts de la repetitionnbsp;et recherche qui s’en doit faire. Vn bon reglement fer-mera la bouche a tout Ie monde et réunira tous mes en-fans. Et après tout, Grand Prince, est-il iuste que pournbsp;réparer vne faute, il faille employer vn remède pire millenbsp;fois et plus fascheux que Ie mal mesme, et que les Francois versent tout leur sang les vns centre les autres pournbsp;puis après deuenir les esclaues de leurs ennemis et fairenbsp;changer de face a la plus redoutable et la plus florissantenbsp;de toutes les monarchies. Que diront les amis et les al-liez de cette Couronne? Que ne feront point les ennemis?nbsp;Quelle gloire et quelle reputation produira vhe telle le-uée de boucliers? Quel iugement en feront les autresnbsp;nations? et qu’en croira la postérité? Estrange aueugle-ment! que ceux qui sont auiourd’huy les Maistres et lesnbsp;Arbitres de la Chrestientè soient peut-estre obligez de-main de se soumettre, et que des victorieux ayent lanbsp;honte et la confusion de receuoir la loy des vaincus!
La Reine ne demande que de l’obéissance; et ceux de Paris n’ont point d’autre pensee que de luy en rendre;nbsp;et sans entrer plus auant dans de grandes irruptions, nynbsp;faire des actes inouïs d’ostilité, ne vaut-il pas mieux senbsp;réconcilier de bonne heure et n’attendre pas que Ie dés-ordre soit monté a vn excez qui Ie rende irreparable?
Faites, Grand Ppunce, qu’vn fauorable accord ou vne heureuse Amnistie préuienne vne infinite de pillages,
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cl incenclies, de sacrileges, de violemens, de meurtres, de larcins et de tant d’autres meschancetez c[ui sont en vsagenbsp;et que la guerre cluile pratique. Et dans les malheursnbsp;dont 1 auenir nous menace, faites voir qu’il est aussi dan-gereux de vaincre que d’estre vaincu, puisque les victo-rieux ne remporteront que de funestes trophées et desnbsp;deplaisirs mortels d’auoir combattu les vns contre lesnbsp;autres.
Vostre Altesse, c[ui est issue de l’illustre tige des Valois, et qui a portc; les armes et trauaillc puissamment a soustenir la gloire et l’establissement des Bourbons, vousnbsp;n’ignorez pas combien la guerre fait de miscirables, etnbsp;iuscjuesou peut aller la licence et I’impunitc du soldat; etnbsp;encore en cette pitoyable occasion, oü Ie père est contrenbsp;Ie fils, oü vn frère médite la mort de l’autre, et oü tousnbsp;les parens ne pensent qu’a se défaire de leurs plus proches.
Enfin que reuiendroit-il du sac et de la mine de la plus belle et florissante Ville du monde? et qui est celuynbsp;qui n’en détesteroit point la solitude? Perdre les Pari-siens, n’est-ee pas perdre les plus fidelles et passionneznbsp;suiets de ce royaume? Dans vn malheur general ne sont-ilspas capables de seruir vtilement? Et il n’y en a peut-estre pas vn qui n’ait assez de force et de courage pournbsp;prodiguer sa vie et répandre son sang pour vn B.oy, s’ilnbsp;estoit attaqué auec perte óu désauantage; comme il ar-riua lorscfue les ennemis s’emparèrent de Corbie et desnbsp;autres villes frontières, lorsqu’ils portèrent Ie fer et Ienbsp;feu dans toute la Picardie, et lorsqu’ils donnèrent i’es-pouuente et la terreur a tous les Francois.
C’est cette puissante et superbe Ville qui fit vn effort digne d’elle, et (]ui donna moyen au feu Boy de couurirnbsp;vne fautc et de róparer rimprudence du Cardinal cle Ri-
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CIIOIX
clielieu, qui auoit laissc cette parlie de l’Estat trop a de-couuert. En effet, les Espagnols mesme, parlant de cette Ville, se sont assez fait entendre quand ils ont publiénbsp;bauteinent r vbs pr^ualct oi hi, cpie c'estoit vn pro—nbsp;dige et vne merueille de Ia nature, par Ie moyen denbsp;laquelle mes lioys peuuent a meilleur tiltre se dire Mo-narques, que non pas les Assyriens, les Mèdes, les Perses,nbsp;les Grecs et les Romains, puisqu’elle est capable de leurnbsp;ouurir Ie cheinin et la conqueste de EVniuers.
Mals ce qui est admirable, elle ne veut point faire ron-iioistre sa force et sa puissance que pour Ie seruice de son Prince et de sa Patrie; et quoy qu’i! luy puisse ar-riuer, elle veut demeurer ferme et constante dans Ie de-uoir et l’obéissance qu’elle doit a son Souuerain. C’estnbsp;la toute l’ambition de Messieurs du Parlement. Ils dë-testent et condamnent toutes les vsurpations, soit qu’ellesnbsp;ayent esté heureuses, soit que Ie succez en ait esté funeste. Ils ont mesme en horreur I’establissement de lanbsp;République Romaine, qui n’a pas commence si heureu-sement qu’eux; comme aussi les Suisses, qui ne se sontnbsp;pas liguez auec tant d’auantage, et mesme les Estats denbsp;Hollande et les Parlementaires d’Angleterre, qui o’ontnbsp;pas agy auec tant de force ny auec vne conduite pareillenbsp;a la leur. Ils ne trauaillent que pour soustenir la grandeur et la dignité de cette Coift'onne et pour rendre éter-nelle Ia Monarchie Francoise, qui est si bien establienbsp;qu’a vray dire, elle ne peut périr que par elle-mesme etnbsp;par la diuision du peuple.
GiiAifD Prince, agissez done noblement et de toute vostre force, comme ie vous en coniure, par les cris, lesnbsp;larmes et Ie sang d’vne infinite de inisërables; et faitesnbsp;en sorte qu’il arriue la mesme chose aux Francois qui
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ai’i’iua autrefois aux Espagnols. lis estoieut diuisez et auoient peine a supported la domination des Alleinansnbsp;et a souffrir 1’humeur de Charles Ie Quint. Vne guerrenbsp;ciuile s’estoit eruellement allumée en Castille, et a direnbsp;vray, elle y eust cause vne espouuentable desolation, sinbsp;1 armee Franeoise qui fut enuoyée pour la conqueste denbsp;Nauarre, se fust contentée d’au oir pris Pampelune etnbsp;triomphé en quinze iours de tout Ie Royaume; mais l’im-prudence et l’auarice de ceux qui commandoient, lesnbsp;porta a entrer hostileinent en Espagne, oü ils ne firentnbsp;autre progi-ez que de réunir les Espagnols diuisez, estein-dre des animositez domestiques et inettre fin a vne guerrenbsp;sanglante, qui sans doute eust miné les affaires de l’Ein-pereur et donné en proye toute 1’Espagne, qui en vunbsp;iour victorieux reconquit tout vn Royaume et donna vnenbsp;chasse honteuse aux Francois.
Et après que tous les esprits se seront réconciliez, et la Cour et Ie Palais estantbien d’accord, toutes les troupes Francoises iront fondre en Flandre et forceront l’Es-pagne mesme de redemander vne seconde fois la Paix;nbsp;et vous aurez Ie contentement d’auoir essuyé mes larmesnbsp;et mis fin a mes desplaisirs, et la satisfaction d’auoirnbsp;beaucoup contribué au repos public et rendu la seureténbsp;et 1’abondance a tous les Francois, qui auront tout Ienbsp;ressentiment qu’on peut auoir d’vne si parfaite obligation.
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CHOIX
(1 i janvier 1649.)
Louet : Ha, ha, hé Dieu te gare, mon cousin Erase.
Erase : Ho, ho, hon ior don, mon cousin Louet.
— nbsp;nbsp;nbsp;Mordié, que ie te voy Ie vesage chagrigneux etnbsp;maussade.
— nbsp;nbsp;nbsp;Asseuzément que tu as quioque dafficusté dans tonnbsp;intesieur.
— nbsp;nbsp;nbsp;larnidié, ie Ie cray bian; car tot est pardu.
— nbsp;nbsp;nbsp;Testedié, tu es tréjours aussi affaizant que de cous-tume.
— nbsp;nbsp;nbsp;La, la, i’ay bian raison de m’affaizé. Si tu auasnbsp;ouy de tes proupres ozilles cela que i’ay entendu, tu n’ennbsp;fezais pas mins.
— nbsp;nbsp;nbsp;Ie ne scay pas quelque tu veux dize; mais en m’a ditnbsp;que i’azin diminution, stannée, du qu’art de nos Tailles.
— Est-ce la ce que tu en scay? Y nia bien d’autres nouuelles; c’est qu’in nommé Margazin veut tot deman-ché et dapsé ce que nos bons Monsieurs du Parlementnbsp;auint prin grand peine a faize.
— Et qu’est done eet ouuriais-IL?
— nbsp;nbsp;nbsp;G’est in qui est venu de FEstallye.
— nbsp;nbsp;nbsp;De l’Estallye! tan pis. Ces Estallians n’ant fait quenbsp;des trébouillemens dans la France. I’ay bean mémoize
‘ Naudé Ie qualifie d’un des plus agréables et ingéuieux livrets que 1’on ait faits contre Ie cardinal. On appelait alors guépeins les habitants denbsp;l’Orléanais.
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d’iurie qu’on appelet la Roene Catelene. I’attas encoze ieune verdlouzio; mais iarnidié, a fit bean du mau. Pisnbsp;après auons eu Mazie, la mèze du defunct Roe. A l’attetnbsp;asse bonne fanne; mais a lamenit Ie Marquis d’Ancre.nbsp;Y velet estre Ie maistre. Y chassit et accartit tot nos bonsnbsp;Princes, comme sticy veut faize.
— nbsp;nbsp;nbsp;Mais que ly dit done noutre Roene ?
— nbsp;nbsp;nbsp;A n’eii dit rean; a ly lasche tot faize.
— nbsp;nbsp;nbsp;Y veut rebailler encoze les Tailles aux Maltoutiersnbsp;et faize reuenir Bar::::
— nbsp;nbsp;nbsp;O teste dié, si y fait reueny ce vouleux-la, tot estnbsp;pardu; iamais ie n’en releuezon. Asteuze qu’il a totnbsp;mangé et accorché tot ces pauures gens de la Biauce, etnbsp;qui sont tot ruiné, y se ietteza sur nous.
— nbsp;nbsp;nbsp;Va, ie trouuezon des amis.
—^ On fait Bar:;:; si meschant; mais il ne les pas, non. Nan m’a dit qu’y n’attet que Ie valet des Maltoutieznbsp;qui auint prins la Taille et qu’il fallet qui fist tot ce quynbsp;velint; autrement y l’eussint chassé. Aussi y ly balllintnbsp;bon gage; mais nan dit qu’il a tot manche ses seruices anbsp;leux baillé des carluzes de vantre et qu’il est gueux asteuze.
— nbsp;nbsp;nbsp;Yn’y a que son bon voleux deSéerétaize qui a esténbsp;Ie pus fin. Possible aussi nourrira il son maistre.
— Laschons la tote cette canille de Maltoutiez. Le bon Oieu les puniza tou ou tard. II ont trop fait de ma-lusion. Mais conté moï ce qui se passe.
¦— Pardié , men enfan, il ont fait emporté noutre bon petit Roe a sainct Germain, la nué des Roes, le pouurenbsp;enfant! et pis il ont enuoyé des soudars a l’entor de Pazisnbsp;pour empesclié qu’y ne leux vint des harnas de geule.
— Mourdié, cela lez a bian aponté; et ie panse que
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nous pouures Mousieux tlu Parlement attin biau aba-lobez.
.— Pas tant; car il auint encoze in petit de pain et de vin qu’an ne se doutet pas; et pis après , il ont leué desnbsp;soudars por en faire venir tot leur sou.
— nbsp;nbsp;nbsp;A tou basards, i’auon poussible bian deux censnbsp;poinsons de vin tot peur d’auuarna, moé, moii frèze Ci-dras et mon frèze Marcoux. Ie vouras qu’il en tinsintnbsp;chaque nan et qui ne leuinssint point de soudars; autre-inent tot est pardu, si Ie bon Dien, la bonne Vierge Ma-zie, Monsieur Sainct Loup et Monsieur Sainct Ambrase,nbsp;nos bons Patrons, ny boutte la main.
— nbsp;nbsp;nbsp;Mais ny auet pas moujan de les boute d’écord au-parauant qu’y s’enharnachissint pus auant dans ce tré-bouillement la. Que n’assembloint y tou leux bons émys?
¦— Mourdié, c’est dommage que nos deffuncts bons parassians et vartuzeux personnages ne san en ce monde :nbsp;Braze Vaillant, lean Démouseux, Loup Fauclieux, Thomas leunssin, Sidiac Vaillant, Dauid Gigot, Fiaci’e Sor-nicle, Bastian Poiulane, lacob l’Auesque, Pasqué Ienbsp;Groux, Thomas Barbé, Gentian lauoy, Fiacre Malesio,nbsp;loussaincts Panasse et tant d’autreshébilles gens qui sontnbsp;morts.
— Hé, oü sont-y asleuze? Jarnidié, y ne lasclierint pas ca d’emparla. Ils en viarint bien a bot, eux; ils ennbsp;ont bian dabrouillé d’autres en leu temps, d’aussi plan-luzeuse importation qu’eux.
— Par la raorgoué, y faut y boute ordre auant que cela sat pus auancé; autrement y nous fezint inne guairrenbsp;qui nous reineret de fon en comble.
—^ Quant i’y pensé, i’auon encoze bian pardu a la mort de PEiiocat Boudin. La morgouc , (ju’il auat vne
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belle loquence et eust bian débagoulé tot noustre fé. Ie 1 eussins habillé d’vne belle laquette a ruejos d’orgues,nbsp;les clezons a point luezans; et si i’en eussins esté quettesnbsp;a bon marché; car ie m’assuze qui se fust contenté d’vnnbsp;quart de vin.
— nbsp;nbsp;nbsp;II en fauret d’abauché quéqu’autre.
— nbsp;nbsp;nbsp;Mordié, quand y sont vn petit sauan, y font tropnbsp;les fiollans. Hé, y faudret prendre queiique fort Pour-cuzeux qui sceut Ie tran tran des affezes; car n’y en anbsp;qui ont si bonne gueule.
— nbsp;nbsp;nbsp;Ouy, mais y n’auon point de Latein dans Ie corps.
— nbsp;nbsp;nbsp;Ho, il n’en peut chaloué pou Ie Latein; car celanbsp;sent l’Estallian; et en n’en veut pas ouy parlé.
— nbsp;nbsp;nbsp;Pardié, si n’en me veut crézé, i’iray bian, moué,nbsp;et fezay vne harlangue a la Roene, pourueu que sas ac-cotté d’vne douzaine des pus appazans des Parrasses d’aunbsp;long de nous.
— En connas-tu bian quéqu’vn en chaque Parrasse ? cela soulageret nos frais.
— nbsp;nbsp;nbsp;Aga, depez que ie n’allon pus au Corsaincts, ie nenbsp;quenasson pus personne de nos voisins.
— O bian, y ny a remède. Quand tot cela se feza a nos despens, ie n’en mouzon pas; et si ie fezon grandnbsp;bian por tote la France et por noute Parrasse; i’y vaurasnbsp;desia estre. Ie diras a la Roéne : « Madanioiselle la Roene,nbsp;si vous voulez boute Ie dafinement a tous ces trebouille-mens illec, y faut que vous boutiez dehors de la Francenbsp;ce Margazin qu’en est cause, qui no bailie tant de ches-niement, et que vos remené nostre petit Roé dans sonnbsp;Louure et qu’ou si mandez Monsieur nostre Du et tousnbsp;nos bons princes et nos bons Monsieurs du Parlement,nbsp;et qu’a leus dizes a tretous: « Messieurs, ie ne me veux plus
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mesler de rian que de prier Dieu. Faites les affaizes de mon Fils en sen Reaume, et la paix aussi auec mon Frèze,nbsp;Ie Roé d’Espagne; et pis tons nos soudars et les siensnbsp;iront contre Ie Teur. »
— nbsp;nbsp;nbsp;Mordié, Garcon, que ta goulle pette bian! Tarni-dié, que ie serin aize, el elle aussi; car après ca, ie leunbsp;diras tot ce qui fauret qui fissiens por rebouter tot ennbsp;ordre; mais Ie principal seret d’apprendre bian Ie inettiénbsp;a nostre petit Roé, per a celle fin qui ne laschit pas faizenbsp;vn autre; car quand in maistre lasche faize sa breugne anbsp;son valet, cela ne va pas bian. Pren Ie par toué mesme.
— nbsp;nbsp;nbsp;Tu dis la vésité; mais agatean, ceux-la qui sontnbsp;aupres de ly, ne ly aprenron pas, por qu’il ayt tousioursnbsp;affaize d’eux.
Lettre d vn Religieux enuoyée d Monseigneur Ie Prince de Condé, a Saint-Germain-cn-Laye,nbsp;contenant la vérité de la vie et moeurs dunbsp;Cardinal Mazarin. Auec exhortation auditnbsp;Seigneur Prince d’abandonner son party
[1695] ^.
(18 janvier 16^9.)
Monseigwevr , les faueurs, et les insignes bienfaits par lesquels vous vous estes acquis les coeurs, les affections et les voeux de tous ceux de nostre Ordre, en quel-que endroit qu’ils soient dans toutes les parties dunbsp;monde, obligent a présent, par vn malheur inopiné,
’ Naudé et Guy-Patiu I’estiment a l’égal de la Lettre du chevalier Georges de Paris, qn’on tronvera plus loin. L’auteur est M. Brousse, curé de Saiiit-Rocli.
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1 vn de ses moindres rellgieux de inettre la main a la plume pour vous parler sur du papier , ne luy estantnbsp;pas permis de Ie faire de bouche , comme il auoit cy-de-uant accoustumé, lorsqu’il auoit Thonneur de trouuernbsp;1’accès libre auprès de vostre personne. Et ie prends cettenbsp;liberté d’autant plus hardiment, que c’est en vn suietnbsp;OU ily va del’interest de votre gloire, et de cette grandenbsp;estime que vous vous êtes acquise par vostre générositénbsp;incomparable, pour la conseruatlon de laquelle nousnbsp;voudrioiis sacrifier tout ce qu’il y a de bien , de crédit etnbsp;de pouuoir dans toute nostre Congregation. Car, Monseigneur, personne n’ignore que vous estes de trop illustrenbsp;naissance , trop bon Francois , trop seruiteur du Roy,nbsp;trop vigoureuse branche de la maison de Bourbon , tropnbsp;sage dans votre conduite, et trop généreux dans vos actions, pour soustenir Ie party, oii il semble d’abordnbsp;que vous vous engagiez. Tout Paris a de la peine denbsp;croirc (et sans doute, non seulement toute la France,nbsp;mais toute l’Europe sera dans ce mesme sentiment) quenbsp;vous veüilliez fauoriser de vostre protection , contre Ienbsp;bien du Roy et de l’Estat, vne personne que tout Ienbsp;monde scait estre Ie Perturbateur du repos public,nbsp;l’Ennemy, Ie Destructeur , la perte et Ia ruine de toutenbsp;la France. Et chacun demeure d’accord , qu’il faut qu ilnbsp;se soit seruy de quelque puissante magie pour vous charmer les oreilles , et siller les )'eux , afin de vous einpes-cher de voir 1’excès de ses voleries, et d’entendre lesnbsp;plaintes de Ia misère publique, qui sont montées ius-ques au ciel, et ont attiré la miséricorde de Dieu surnbsp;eux, et prouoqué la Justice a en faire la punition surnbsp;rautlicur de tant de maux. C’est dans cette deplorablenbsp;conioncture que nous sommes contraints de reconnoistre,
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par cette experience funeste, que tout ce que nous auons enseigné iusques a présent avec tant de contention etnbsp;d’opiniastreté, est notoirement faux; et d’auoüer que Ianbsp;grace de Dieu est nécessaire a toutes les actions desnbsp;hommes pourestre bonnes; qu’il ne la doit a personne,nbsp;et ne la donne qu’a ceux qui luy plaist; et que la refu-sant aux raeschans, il les abandonne dans la licence denbsp;leur vie, les aueugle dans leur conduite, et les laissenbsp;dans I’endurcissement pour y finir malheureuseinent,nbsp;qui est Ie sceau et Ie dernier caractère de la reprobation.nbsp;Car quel autre iugement peut-on faire du Cardinalnbsp;Mazarin apres tant de desordres causez, fomentez, etnbsp;entretenus dans toute I’Europe, par ses brigues et parnbsp;ses fourberies ? Apres auoir souleue les suiets contre leursnbsp;princes , et fait assassiner vn million d’ames dans la ragenbsp;et la furie des rebellions ? Apres la persécution de plu-sieurs personnes de toutes conditions? apres le violementnbsp;de toute iustice, tant diuine qu’humaine? apres le volnbsp;de toutes les finances? apres auoir succe le sang dunbsp;peuple iusques dans les moiielles ? s’estre porté dans cetnbsp;excez de hardiesse et d’insolence que d’entreprendre surnbsp;la personne du Roy? le faire comme son prisonnier?nbsp;I’enleuer en pleine nuict, sans eonsiderer le peril de sanbsp;vie dans la tendresse de son age ? le tirer de son Palaisnbsp;et du centre de la seurete de sa personne, pour le con-duire ou bon luy semblera, dans la creance qu’il a quenbsp;Monsieur le Prince luy seruira de Boucher, ou plustot denbsp;Préuost, d’archer, de concierge et de sergent ? Peut-onnbsp;s’imaginer vn plus grand aueuglement ? Et faut-il douternbsp;que Dieu voyant la mesure de ses crimes a son eomble,nbsp;n’ayt permis qu’il I’ayt surchargee de ce dernier attentat,nbsp;qui seul mérite l’exécration du ciel et de la terre, afin
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cl en faire vn exemple de punition pour les sièclesfuturs, a tous ceux qu’vn orgueil furieux comme Ie sien poiirroitnbsp;solliciter a des desseins si estranges et si inouis.
Si vous n’estiez pas tant clair-voyant comme vous estes; ou si vous auiez moins d’expérience de sa conduitenbsp;et de ses actions que vous n’auez pas, ie vous dirois vnenbsp;partie de ce qu’il est, et ce qu’il a esté; et il seroit aisénbsp;d’en tirer la consequence certaine et démonstratiue denbsp;ce cju’on se doit promettre d’vne personne de sa nais-sanee et de son tempérament. Son origine n’est pas denbsp;ces illustres et de ces conquérants qui ont esté autrefoisnbsp;la terreur de tout Ie monde, cependant que les Aiglesnbsp;Romaines commandoient a tout EVniiiers. Sa noblessenbsp;n’est pas de plus vieille datte que les honneurs qu’il a re-ceus en France, sans les auoir méritez : Et quoy cju’ilnbsp;prenne les haches auec Ie faisceau de verges pour sesnbsp;armes, il ne fautpas s’imaginer que ce soient celles quinbsp;seruoient de marque d’authorité aux anciens Sénateursnbsp;de cette florissante République, mais bien les hachesnbsp;dont son ayeul fendoit du bois, et les houssines dontnbsp;son père foüettoit les cheuaux. Car on scait que sonnbsp;ayeul estoit vn pauure chappellier, Sicilien de nation,nbsp;qui eut la fortune si peu fauorable qu’il fut contraint denbsp;faire banqueroute et de cpiitter son pays. Son père es-tant ieune et dans cette indigence, commenca ses ser-uices a Rome dans vne Escurie a penser des cheuaux; etnbsp;peu après s’auancant, deuint Pouruoyeur et Maistrcnbsp;d’Hotel de la maison d’vne personne de condition ; oünbsp;faisant valoir auec industrie ses petits profits, cju’on ap-pelle en France les tours du baston, il eut enfin de quoynbsp;payer en partie l’office de Maitre des Postes de Rome anbsp;Naples, sa fortune estant encore si foible, que de deux
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enfans qu’ii auoit, il fut contraint d’en faire vn lacobin, afin de soulager sa familie.
Cependant eet autre fils qu’on appelait lules, estant encor ieune, seruoit de lacquais ou d’estafier, pour nenbsp;dire pas dans les plus honteuses et sales voluptés que Ienbsp;Démon ait pü inuenter pour perdre les hommes par lanbsp;corruption et concupiscence de la chair. Tout Rome scaitnbsp;ce qu’il estoit, et Ie rang qu’il tenoit pour lors dans lesnbsp;maisons des Cardinaux Sachetti et Antonio ‘. Chacunnbsp;scait aussi que son esprit formé sous l’astre de Mercurenbsp;et né au larcin et a la fourberie, ne s’employoit qu'anbsp;I’estude de sou inclination; qu’il feit voyage a Venizenbsp;et a Naples pour apprendre les piperies qu’on pratiquenbsp;dans les ieux de hazard , dont il deuint maistre si parfait en peu de temps, qu’on luy donnoit par excellencenbsp;Ie nom de pipeur ; De quoy toute la France scait la vé-rité, et plusieurs ont fait experience a leur très-grandnbsp;préiudice et de toute leur familie. Mals pour passer sousnbsp;silence toutes ces choses qul feroient la matière d’vnnbsp;gros volume, il suffit de considérer ce qui s’est passé ennbsp;sa personne depuls qu’il est en France, ce qu’il estoitnbsp;au temps qu’il y est venu, ce qu’il y est, et qu’il y a faitnbsp;iusques a présent. Lors de son arriuée, de petit postillon qu’il estoit, pour s’estre signalé par vne fourbe ,nbsp;qui noircissoit et la conscience et l’honneur du Pape, etnbsp;qui fut comme l’allumette des flammes qui par la guerrenbsp;déuorent la chrestienté, n’osant plus retourner a Rome,nbsp;il fut recueilly par Ie Cardinal de Richelieu, qui Ie trou-uant d’vn esprit assez conforme au sien, et propre auxnbsp;intrigues dont il auoit besoin pour la conduite des des-
' Antonio Barberini, 1’ainé des nevenx du pape-TJrbain Vilt.
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seins desquels la vanité luy auoit remply Ie cerueau, 1 employa auprès de luy, luy donna plusieurs commissions pour tromper les vns et les autres, principalementnbsp;Ie prince de Monaco; et outre les dépences de sesnbsp;voyages, luy faisoit donner tous les ans vne pension notable par Ie Roy, sans parler de ce qu’il auoit sous mainnbsp;en qualité d’espion. Mais paree que tout cela n’estoit pasnbsp;suffisant pour ses desseins, et qu’estant fort adroit, il sca-uoit bien par ou il falloit s’insinuer dans l’affection desnbsp;Grands, connoissant I’liumeur du Cardinal de Richelieunbsp;d’vne superbe sans pareille, qui comme vn Dieu ne vou-loit pas estre abordé, ny adoré les mains vuides, il em—nbsp;ployoit tout ce qu’il auoit de pensions en achat de présens qu’il luy faisoit, afin de se conseruer dans ses bonnesnbsp;graces; si bien qu’il estoit contraint de pouruoirnbsp;d’ailleurs a vne partie de sa dépence et de son entretien.nbsp;Et pour eet effet, suiuant la profession de son ayeul, ilnbsp;faisoit trafic, par l’entremise d’vn sien doraestique, de li-ures qu’il faisoit venir de Rome, de tables d’ébène etnbsp;de bois de la Chine, de tablettes, de cabinets d’Alle-magne, de guéridons a teste de More, et autres cu-riositez, qui se vendoient publiquement dans vne salienbsp;de 1’Hotel d’Estrée , en la rüe des Bons-Enfants, qu’ilnbsp;auoit loüée pour ce suiet : Et de l’argent qu’il en ti-roit, acheptoit des montres et quelques pierreries qu’ilnbsp;enuoyoit a Rome, afin que de tous costez , il tirast cenbsp;qui estoit nécessaire a sa subsistance. Et eet esprit mer-cenaire et de trafic luy est tellement naturel, qu’a present qu’il est Cardinal, gorgé de biens, et suffoqué pres-que de toutes les richesses de l’Estat, il ne scauroit senbsp;retenird’en vser; car l’on scait qu’il fournit a la maisonnbsp;du Roy et de la Reyne, toutes sortes d’estofes, de tapis-
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series, de vaisselle, de pierreries, par I’entremise de l’vn de ses petits émissaires, 1’Abbé Mondin*, qui denbsp;Lacquais Piedmontais est deuenu Prélat de trente milnbsp;liures de rente; et par eet auare, mais infame commercenbsp;oste la vie a cinquante families de Paris, qui la gai-gnoient légitimement sur les choses qu’elles fournis-soient a la cour, chacune selon sa condition. O Dleu!nbsp;qui auroit creu en ce temps la qu’il fust iamais paruenunbsp;en l’estat auquel nous Ie voyons au grand malheur denbsp;toute la France? Qui se Ie seroit persuade , mais qui Ienbsp;croira iamais dans les siècles futurs, Ie lisant dans l’his-toire, qu’en moins de six ou sept années, il se soit elleuénbsp;sur Ie faiste de l’auctorité, des richesses, de la grandeurnbsp;et du luxe, au dela de ce que , non les liistoires, maisnbsp;les romans et les fables nous racontent de plus inconce-uable dans l’antiquité ? Qui croira iamais, qu’vn petitnbsp;estranger, sorti de la dernière lie du peuple, subiet nénbsp;du Roy d’Espagne, soit monté dans six ans iusques surnbsp;les espaules du Roy de France? ait fait la loy a tous lesnbsp;Princes, banny les plus zélez au bien de l’Estat, ache-pté a Rome vn superbe Palais, oii il a fait conduire plusnbsp;de trois cents ballots de meubles des plus précieux denbsp;toute l’Europe, fait des profusions et des dépences in-comparables pour l’entretien de sa vanité et de son luxe;nbsp;et tout cela au prix du sang des pauures Francois; etnbsp;que cette nation généreuse qui autrefois auoit de la peinenbsp;a supporter Ie ioug de ses Princes legitimes, se soit,nbsp;comme vn mouton, laissé non pas tondre, mais escor-
• « Il salt fort bien..,. composer des pastes et des eaiix luxurieuses, telles que celles qu’il donnoit a garder a son fidéle dépositaire, Mondini, et qui,nbsp;ayant esté trouuées a l’inuentaire de eet lionneste ecclésiastique, causèrentnbsp;Tn estrange scandale a tous ceux qui eurent la curiosité d’en gouster. »
Réponse aulibelle /nfim/e:Bonsacluis sur plu.sieurs mauuais aduls[3377].
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dier, sans oser mesme se plaindre? que les Princes 1’ont seen, 1 ont tolléré et approuué; et a présent que l’onnbsp;s efforce a secoüer Ie ioug de ce Tyran, vous , Monseigneur, luy vouliez seruir d’appuy et de soustien, pour Ienbsp;mamtenir dans ses voleries, auec la perte peut-estre dunbsp;Roy, d’ vn million d’ames innocentes, et Ie peril et lanbsp;rmne de toute la France ? Car, Monseigneur, y a t’il riennbsp;en tout cela que vous ne scachiez et que vous ne voyez ?
Ie laisse a part son impiété en la Religion que nous professons, dont il prostituë l’innocence par Ie luxe denbsp;sa vie, et en prophane la candeur et la maiesté par lesnbsp;fourbes et les malices de sa conduite. lamais homme nenbsp;fut plus attaché que luy aux obiets des sens, ny plus en-seuely dans les plaisirs et dans la volupté. N’a-il pas employé la fainéantise des Moines d’Italie, trois années en-tières, a composer des pomades pour blanchir ses mains?nbsp;n’a-il pas inuenté une nouuelle sorte de breuuage pournbsp;la satisfaction de sa langue, dont Ie prix excède toutenbsp;pensee ? n’a-on pas donné son nom au pain, aux pasteznbsp;et aux ragousts, les amorces de la gourmandise ? Qui nenbsp;scait ce que coustent a la France les comédiens chanteurs, qu’il a fait venir d’Italie, parmi lesquels estoit vnenbsp;infame qu’il auoit desbauchée a Rome, et par l’entremisenbsp;de laquelle il s’estoit insinué dans les bonnes graces dunbsp;Cardinal Antonio ? Tout cela durant Ia guerre, dans Ienbsp;temps qu’on mettoit Ie peuple a la presse pour contri-buer a la subsistance des armées; et Ie sang des pauuresnbsp;estoit employé a faire rire Ie Cardinal Mazarin , a la satisfaction de ses conuoitises, et a prouoquer Tire denbsp;Dieu contre nous ; faisant connoistre a tout Ie mondenbsp;qu’il n’a point d’autre Religion que celle de Machiauel •nbsp;que portant la pourpre de l’Eglise Romaine, ce n’est
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que pour montrer les sanglantes saignées qu’il luy a fait souffrir en Allemagne et que sous l’ombre de ses en-seignes il est Ie plus cruel ennemy qu’elle se puisse figu-rer. En effect, quelle vengeance a-il fait tirer des sacrileges commis contre Ie corps de lésus Christ dans Ienbsp;plus Auguste de nos mystères ? Au contraire, n’a-il pasnbsp;tiré les Autheurs des mains de la lustice pour en empes-cher la punition ? n’a-il pas toléré, voire approuué lanbsp;violence et la fracture des lieux consacrez pour la retraite des Vierges, et cela au milieu de Paris ? Quiconquenbsp;lira a 1’aduenir Ie traité fait en faueur des Suédois etnbsp;des Protestants d’Allemagne sous 1’appuy de la France,nbsp;au préiudice de l’Église, ne se pourra iamais persuadernbsp;qu’il soit d’autre conseil et d’autre esprit que celuy d’vnnbsp;Turc OU d’vn Sarrazin déguisé sous Ie manteau d’vnnbsp;Cardinal. Aussi quelles personnes voit-on auprès de luynbsp;pour ses plus confidens et fidelles conseillers, que desnbsp;impies, des libertins et des Atbées? Quine les connoist,nbsp;dy-ie, pour des gens de sac et de corde, pour desnbsp;monstres d’hommes, plus nourris au sang que les Can-nibales, et dont les conseils après estre gorgez de vin, nenbsp;tendent qu’aux meurtres et aux assassins ? Et néantmoinsnbsp;pour feindre d’estre fort Religieux, il nous a fait venirnbsp;d’Italie les Théatins, qui, ces iours derniers, attiroientnbsp;tout Ie monde par la curiosité de leurs marionnettes 1 ,nbsp;cependant qu’il minuttoit Ie cai'nage et Ie sac denbsp;Paris, faisoit transporter, toutes les nuits, vne partie desnbsp;voleries de l’Estat qui estoient dans sa maison, et s’estu-dioit de conduire a chef, comme il a fait, l’attentat Ie
nbsp;nbsp;nbsp;Parle traité de Munster oil de Westpbalie.
* nbsp;nbsp;nbsp;Vovez, sur les marionettes des Théatins la Leitre a monsieur Ie Cardinnbsp;nal^ hiirlesquCy cy-après.
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plus hardy et Ie plus insolent qui se soit iamaisveu dans toutes nos Histoires. Que s’il falloit parler de son or-gueil, il n’en faut point demander d’autres nouuellesnbsp;qu a vous mesme. N’a-il pas eu la témérité de vous vou-loir précéder ? Et dans cette presomption arrogante,nbsp;quelle peine ne vous a-il point donnee ? et quelles parties ne vous a-il point dressees sous la tyrannie du Cardinal de Richelieu? Qui I’a porte a retenir dans vnenbsp;captiuite rigoureuse Monseigneur le due de Beaufort,nbsp;i’vn des Mars de nostre siècle et leCoriphee des vaillans,nbsp;si vous n’estiez pas, sinon 1’ambition d’auoir des gardesnbsp;comme son prédécesseur, trouuant par ce moyen I’arti-fice de se faire loger dans le palais du Roy, afin d’auoirnbsp;les mesmes gardes que son Souuerain, pour ne rien direnbsp;du lieu et de la disposition de son appartement.
De quel crime estoit coupable le Marechal de La Motte sinon d’estre trop généreux et trop incorruptible , pour souffrir outre sa prison, les fourbes, les malices et les faussetez des teinoins qu’on luy a suscitez,nbsp;afin de luy rauir I’honneur auec la vie? IS’est-ce pas lenbsp;Cardinal, pour donner couuerture a ses voleriespropres,nbsp;en I’accusant de peculat, et d’auoir dérobé a la Milice cenbsp;que luy mesme auoit vole a I’Estat, et enuoye en Italicnbsp;et ailleurs? et pour luy rauir auec autant d’infamie quenbsp;d iniustice , les gratifications glorieuses dont le defunctnbsp;Roy auoit reconnu sa valeur et ses sueurs ? Quel pretextenbsp;a-il pris pour faire mourir par poison !e presidentnbsp;Barillon dans vn exil hors de la France? Vous le scauez
* Henry de La MotKe Houdancourt, mort archevêque d’Auch, a publié pour la defense de son frère le inart'chal, cinq pieces volumineuscs. Voy.nbsp;le Premier factum, ou Defense, dc messire rhilippe de la llotlie. lloudan-court, etc, [28i9].
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et l’auez pu apprendre de feu Monseigneur Ie Prince : Aucun, sinon qu il estoit bon Francois, et que par vnnbsp;esprit extrêmement iudicieux, ce scauant et ce Sénateurnbsp;préuoyant les choses de loing, il ne pouuoit supporternbsp;eet orgueilleux Sicilien et Mazarin, qu’il voyoit s’éleuernbsp;auec trop d ardeur, et se bastir vn Trosne de la ruinenbsp;de ses compatriotes. Ce qu’il a exercé a l’endroit desnbsp;vns, qui doute qu’il eust manqué d’en faire autant a l’en-droit de vostre personne, lorsque l’occasion s’en seroitnbsp;présente'e, et que vostre épée luy auroit esté moins nécessaire qu’elle n’a pas esté iusqu’a maintenant ? Aussinbsp;combien de fois vous a-il exposé a dessein de vous per-dre ? Combien de fois vous a-il engagé dans les combatsnbsp;en Flandre et en Catalogue, auec des forces extrêmementnbsp;inégales a celles des ennemis, d’oü vous n’estes sortynbsp;victorieux que par vne espèce de miracle; Dieu fauori-sant vos intentions pour Ie bien de la France contre cellesnbsp;de eet orgueilleux, qui eust voulu vous perdre auec lanbsp;perte de dix Batailles et de trente Villes, afin de s’osternbsp;Ie seul obstacle qu’il voyoit en vostre personne, pournbsp;venir au hut de ses pernicieux desseins ?
N’est-ce pas dans ce mesme esprit qu’il a taut fait dé-penser d’argent et perdre d’bommes dans les guerres d’Italie? Quel dessein a-il en pour Orbitello, Portolon-gone et Piombino sinon d’auoir des places pour l’es-tablissement d’vne Principauté, ayant assez de Financesnbsp;pour la rendre la plus riche de l’Italie? Quel motif 1’anbsp;porté a la rébellion de Naples et d’y engager Monsieurnbsp;de Guise, sinon celuy d’y establir quelqu’vn des siensnbsp;pour y régner, après que ce Prince y auroit employé
* On peut rapprocher de ce passage qiielqucs lignes du texte et une note de la Reqvestc des trots Estats^ etc., qui précèdc.
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DE MAZAUINADES.
auec ses travaux, son sang et pent eslre sa vie, pour tirer ces peuples de la domination de leur Souuerain legitime ?
Et afin que vous n’estimiez pas que i’entre trop auant dans ses intentions, que ie fasse le Prophete, ou entre-prenne sur I’offiee de Dieu, a qui seul appartient de pe-netrer le eceur des hommes, iugez, s’il vous plaist, de sesnbsp;desseins sur Naples, par ce qu’il a pratique en Catalogne.nbsp;Ie rougis de honte quand i’y pense; la main me tremblenbsp;quand ie I’ecris; et ie voudrois pour I’honneur de lanbsp;Franee et de ses Prinees, le pouuoir effacer auec monnbsp;sang de la memoire des hommes et des histoires estran-gères, auec la mesme facilite que ie le ferois auec denbsp;1’encre sur ce papier. Car qui le croira iamais? qui nenbsp;1’estimera au dela des Romans et des Fahles? Que lanbsp;France, cette nation belliqueuse, ces Peuples nais pournbsp;commander, et non pour obeir, au mesme temps qu’ilsnbsp;passoient sur le ventre a leurs ennemis, et qu’ils por-toient la terreur et I’effroy par la générosité de leursnbsp;armes dans tons les Royaumes voisins, que ces Francois,nbsp;dy-ie, et dans cette glorieuse conioncture, se soyent trou-uez tellement depourueus non seulement de Princes, maisnbsp;de simples Soldats ou hommes de conduite, qu’ils ayentnbsp;este necessitez d’aller en Italië chercher vn Moine Men-diant, lacobin de profession, luy faire quitter son frocnbsp;et sa besace pour en faire vn Vicei’oy en Catalogne’? Quinbsp;le croira d’icy a cent ans, quand mesme vous seriez encore viuant pour I’asseurer en foy de Prince? C’est vnenbsp;tache sur le front de la France, qu’elle n’effacera iamaisnbsp;que par Timpossibilite que les generations futures aurontnbsp;d’y adiouster foy comme a vne vérité plus fabuleuse
* Michel Mazarini, cardinal de Sainte-Cccile, archevèque de Lvon^ nommé vice-roide Catalogne cn 1647, après le prince de Conde.
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qu’apparente. Dès la il ne faut pas s’estonner s’il tranche du Souuerain. S’il ne parie que de son Ministère. S’ilnbsp;s’est ioüé de Monseigneur Ie Due de Longueuille durantnbsp;la négociation de Munster, par les intrigues secrettes denbsp;son fidéle Seruient’. Si Monseigneur Ie Due d’Orléansnbsp;n’a pas l’authorité de donner passeport a vn valet denbsp;pied pour venir a Paris, et qu’il faille l’auoir signé denbsp;Mazarin. Si dans Ie plus grand bruit de ces tonnerresnbsp;qu’il a excitez pour ruiner l’Estat, il emprisonne lesnbsp;principaux Officiers et les gardes de Tonele du Roy etnbsp;Lieutenant general de la Régence, par la perfidie et lanbsp;trahison d’vn coquin qui, suiuant Tallusion de son nom,nbsp;n’estbonquepourla riuière®. S’il oste les Gouuernementsnbsp;aux Princes et casse les Capitaines des Gardes, pour ynbsp;mettre ou des Italiens, ou des personnes de sa caballe.nbsp;Si la cuisine du Roy ayant manqué, la sienne dans Ienbsp;mesme Palais fumoit auec plus de délices que celle d’au-cun Prince de Ia Terre. S’il a remply la Cour et Parisnbsp;d’Itaiiens qui gourmandent insolemment et les Bourgeoisnbsp;et les Courtisans. S’il a fait venir de petites harangèresnbsp;de Rome’, les fait éleuer dans la maison du Roy auecnbsp;train de Princesses du sang, et sous la conduite de cellenbsp;qui a eu Thonneur d’estre Gouuernante du Roy. S’il anbsp;trouué vn nouueau genre de supplice pour tirer Ie sangnbsp;du Peuple, scauoir les Partisans et les Fusilliers, des démons desguisez sous des apparences humaines. S’il anbsp;donné la grace a vne troupe de filous et de coupeurs denbsp;bourses, pour s’en faire vne Compagnie d’assassins mar-
'Abel Seryien, marquis de Sablé, second plénipotentiaire du roi 4 Munster, etdepuis secrétaire d’Etat.
’ Louis Barbier, abbé de La Rivière, évéque de Langres.
• Marie Mancini et Marie Martlnozzi, nièces de Mazarin.
-ocr page 123-chant par Paris en forme de Bataillon autour de son carrosse, comme s’ils conduisoient vn Empereur dans vnnbsp;char de triomphe. Si la Noblesse en foule se presse a sanbsp;porte pour entrer, et attend, lesmois entiers, pour rece-uoir vne ceillade de son Éminence. S’il a fait donner desnbsp;gardes a Mademoiselle et l’a tenue longtemps captiuenbsp;dans son logement des Tuileries. S’il a fait affront aunbsp;Pape sous Ie nom du Roy, afin d’empescher la restitution des vols que les Barbarins ont fait au trésor denbsp;Saint Pierre. S’il a traitté auec tant d’indignité, et sinbsp;souuent Ie Parlement de Paris, Ie plus auguste Sénatnbsp;de 1’Vniuers. S’il luy a fait rendre de si mauuais trait-temens; s’il a fait non seulement casser, maïs déchir-rer ses Arrests; et si au milieu des triomphes du Roynbsp;sous vostre conduite, il a fait enleuer les plus zélez desnbsp;Magistrats, afin de ternir 1’esclat de vostre gloire parnbsp;cette action tyrannique, et changer les acclamations pu-bliques en des larmes vniuerselles. Si, par vn attentatnbsp;contre l’Église, et sans exemple dans Ie passé, il a faitnbsp;emprisonner vn scauant Docteur de Sorbonne ct célèbrenbsp;Prédicateur', parcequ’il auoit parlé trop auantageuse-ment de l’authorité du Roy, fait prier Dieu pour sa Ma-iesté et pour les nécessitez de l’Estat. S’il fait obseruernbsp;Monseigneur Ie Due d’Orléans, et Ie tient comme captif,nbsp;de crainte qu’il a qu’il ne se vienne mettre a la teste desnbsp;Princes vnis pour la conseruation du Roy et la libertenbsp;de sa personne sacrée d’entre les mains de ce Tyran.nbsp;Toutes ces choses et beaucoup d’autres que ie passe sousnbsp;silence, et que nous tiendrions pour fabuleuses si nousnbsp;ne les voyons, a notre grand regret, ne causeront point
' M. Charles Hersent, dont Davenne parle dans les Conclusions pro-posées par la reine régente a messieurs du parlement, etc, [730],
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d’estonnement dans 1 Esprit des Royaumes estrangers, ny des generations futures. On les croira facilementnbsp;après auoir appris qu’vn Sicilien, Moine Mendiant, la-cobin a esté fait Viceroy en Catalogue a la place du Ma-reschal de La Motte, du Comte d’Harcourt, et du Princenbsp;de Condé, les Hercules de nostre siècle, parcequ’il estoitnbsp;frère Mazarin ; et qu’on l’a veu depuis pompeux et ma-gnifique dans Paris, dans vn luxe digne de sa nation,nbsp;mettre la main sur Ie sein des plus belles dames de lanbsp;Cour, se persuadant que les Francoises n’estoient pas plusnbsp;chastes que les Italiennes. Après cela qui peut douternbsp;qu’il n’eust résolu d’establir en France vne Monarchienbsp;plus barbare et plus dure que celle des Ottomans? Etnbsp;après auoir mis les Princes et les Grands de l’Estatnbsp;comme en captiuité et a la chaisne, disposer de la vle etnbsp;des facultez de tous les peuples selon ses humeurs capri-cieuses et Ie mouuement irrégulier de son imagination,nbsp;OU pour mieux dire, de sa fureur?
En suite de ces exces, il n’est point nécessaire de par-ler de l’abondance prodigieuse de ses richesses par ses larcins et ses voleries sur les Finances, ny des artificesnbsp;barbares qu’il a inuentez pour les amasser. II est superflunbsp;de dire les millions qu’il a rauis sous la couuerture desnbsp;Comptans, dont il a remply les bourses d’Amsterdam,nbsp;les banques de Yenise, et les Monts de Piété de Rome,nbsp;tant sous son nom que sous celuy de ses confidens. Depuis trois ans on ne scait plus en France s’il y a eu autrefois des pistoles d’Italie; celles d’Espagne ne sont pasnbsp;moins rares que les roses en Hyuer; et 1’on aura de lanbsp;peine a croire, encore qu’il ne soit que trop vray par lanbsp;deposition de témoins oculaires, que les nouueaux Louysnbsp;d’or ont esté fondus et mis en lingots pour estre trans-
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portez en Italië auec plus de facilité et moins de soup-con, dans des ballots de ineubles et de marchandises.
^oila, Monseigneur, vne partie de Ia vie, de Ia conduite et de l’esprit du Cardinal Mazarin, que l’on dit que vous fauorisez de vostre protection, ce que nous nenbsp;croyons pas, n’y ayant point d’apparence qu’vn grandnbsp;Prince tel que vous estes, qui a sceu par son trauail vnirnbsp;si parfaitement la Science, la vertu auec la générosité;nbsp;qui pratique les Vertus Morales, Politiques et Cbrétien-nes auec vn si parfait exemple; qui s’est acquis tant denbsp;gloire par ses victoires, qu’il semble auoir enseuely lanbsp;mémoire des Alexandres et des Césars, tombast dans eetnbsp;aueuglement estrange, de vouloir volontairement fairenbsp;perte de son honneur et de sa conscience, en se faisantnbsp;1’appuy de l’ennemy de son Roy et de son Estat. lugez,nbsp;Monseigneur, si ce malheur arriuoit, ce qu’on diroit denbsp;vous, ce qu’on diroit de nous! Vous scauez que nous nenbsp;sommes pas sans enuieux et sans ialoux, qui, fauoriseznbsp;de quelques exemples, ne manqueront pas de publier quenbsp;c’est Ie fruit de nostre mauuaise education ‘ pour lesnbsp;moeurs, et de nostre doctrine, non seulement accommo-dante, mais dangereuse pour Ia seureté des Roys, l’au-thorité des Magistrats, Ie repos des peoples, et I’inté-grité du commerce public.
De vous aussi, quel moindre iugement en pourroit-on faire, sinon que dégénérant a vostre naissance et a lanbsp;gloire de la race des Bourbons, vous voulez par vn caprice inconceuable effacer de l’histoire la mémoire de
' II est clair par ce passage que l’auteur a voulu mettre Ia Lettre sur Ie compte d’un religieux jésuite. C’est cn effet par les jésuites qu’avait éténbsp;élevé Ie prince de Condé. On aura pu d’ailleurs remarquer au commen-rnbsp;cement quelques lignes curieuses sur Ia gr,tce.
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vos belles actions, pour vous rendre complice et compagnon du plus vil et du plus infame de tous les hommes. Ne souffrez done point que Ie iugement que Ton doitnbsp;faire de vostre conduite, soit plus longtemps en suspens,nbsp;a vostre propre détriment et a celuy de tant de millionsnbsp;d’ames qui patissent sous cette violence tyrannique. Osteznbsp;a ces estrangers et ennemis de l’Estat cette folie persuasion et ce dernier refuge qui leur reste, que vous per-drez la France et vous-mesme pour empescher qu’ilsnbsp;n’ayent ce qu’ils méritent. Souuenez-vous de tant de gé-néreux exploits en Flandre, en Allemagne, en Catalogne,nbsp;de tant de Batailles gagnées et de villes forcées; et nenbsp;donnez pas lieu aux Histoires Estrangères, quand lesnbsp;nostres, par consideration, ne Ie voudroient pas faire,nbsp;d’apprendre a la postérité que vous auez couronné tantnbsp;de belles actions par la plus lasche de toutes celles quinbsp;peuuent partir d’vne personne de vostre condition; etnbsp;qu’après auoir bien fait du mal au Roy d’Espagne, en Ienbsp;dépoüillant de ses villes et de ses Prouinces, vous luy ennbsp;auez fait la restitution au centuple, en tournant la forcenbsp;de vos armes contre la France, afin de la luy liurer entrenbsp;les mains, par la desolation que vous y méditez, et quenbsp;vous commencez auec ce malheureux, qui, voyant qu’ilnbsp;n’y a plus de lieu pour ses vols, ny de seureté pour sanbsp;personne, veut la perdre auant que de partir, ou s’il nenbsp;peut eschaper que par la mort, dresser vn Mausolée anbsp;ses cendres des ruines de Paris et du reste de l’Estat.
Quittez, Monseigneur, eet insolent auec ses pretentions barbares et criminelles! Traittez ce cerueau des-monté en habitant des Petites Maisons! Riez-vous des fu-mées de cette bile qui luy inspirent des resueries si extra-uagantes et si pernicieuses! Saisissez-vous de eet Ennemy
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du roy et peste de son Estat, et Ie conduisant captlf au derriere de vostre Carrosse, quoy qu’il ne mérite pas eetnbsp;honneur, venez a Paris acheuer son procez auec ces ver-tueux et sages Sénateurs, et luy faire souffrir et a tousnbsp;ses adherents les iustes peines duës a leurs démérites,nbsp;pour vn exemple éternel aux Estrangers, aux Orgueil-leux et aux mauuais Francois. C’est par vne action sinbsp;louable, si généreuse et si sainte, que vous mériterez lesnbsp;faueurs duCiel, la gloire d’vn prince du Sang Royal, lesnbsp;loüanges de toutes les Nations, les benedictions de toutenbsp;l’Église, les congratulations de toute la France, auec lesnbsp;prières de toute nostre Congregation, et de tout Ie monde.
(23 janvier 1649.)
Amy Scarron, constant malade,
Et plus qu’vn nauire a la rade,
Inesbranlable dans ton lit,
Veux tu scauoir ce que Ton dit.^
Voicy d’vn homme veritable Le récit d’vn épouuantablenbsp;Conuoy, qui nous vient de venir’,
Que le bon Dieu veuille bénir.
‘ Ce pamphlet pourrait bien étre de Salnt-JuUen, 1’auteur du Courrier francais en vers burlesques, et du Courrier burlesque de la guerre de Paris.
® « Ce jour (19 janvier), Monsieur le Duo d’Elbceuf estant sorty auec de la Caualcrie, pour aller du costé de la Prouince de Brie, deffit desnbsp;Troupes Mazarines qui emmenoient quantité de bestial, et particulière-ment quatre a cinq cens pores, lesquels il fit conduire a Paris. »
Seconde arriuée du Courrier Francois.
-ocr page 128-Sans te parler de nos Gens d’armes Ni de tant de beaux exploits d’armesnbsp;Qu’a faits ce grand Due de Beaufortnbsp;Que tout Paris ayme si fort,
Sans te parler de la retraite Paries gens de Mazarin faite,
Qui Youloient prendre le Conuoy,
II est entré. Vive le Roy!
Nostre bourgeois a de quoy frire, Quoy qu’a la Reyne on veuille direnbsp;Que de faim la ville perit.
En ce temps que tout s’aguerrit, Marchoient les premiers en bataillenbsp;Cinq cens coebons de belle taille.
Ils tenoient inieux leur grauité Que Caton qu’on a tant vante,
Et se carroient a nostre veue Comme pourceaux dans vne rue.
Leur bataillon sage et discret Laissoit vn estron a regret;
Mais parcequ’ils marchoient en ordre, Chacun le laissoit sans le mordre.nbsp;Aussi ces sobres animauxnbsp;Reconnoissoient des Généraux.
Vn gros verrat, leur capitaine,
Se faisoit obéir sans peine.
Quatre autres seruant de Sergens Les tenoient chacun dans leurs ransfs;nbsp;Et tous d’vn rang serrant la fdle,nbsp;S’aduancoient deuers nostre Ville.nbsp;Pourle bruit qu’ils faisoient, ce iour,nbsp;le n’entendis pas leur tambour.
Leurs Chefs de grande experience Ne pouuoient obtenir silence.
Mais pardonnons-leur aisement,
-ocr page 129-Puisque dans ce point seulement Qu’on ne les pouuoit faire taire,
Ils violoient Tart militaire.
Et dit-on que eet animal Crioit contre Ie Cardinal,nbsp;lamais vn soldat en furienbsp;N’alla mieu-x. a la boucherie.
Au reste, ces guerriers prudens Portoient des viures pour longtemps.
Ce qui fait que ie te Ie mande,
C’est que i’ay sceu dVn de leur bande Que parmy leurs prouisionsnbsp;Ils auoient cbacun deux iambonsnbsp;Et du lart a faire potage,
Les vns moins, d’autres dauantage.
Après ces Messieurs les gorets,
Pour soustenir leurs interests,
II marchoit en corps dans la plaine,
Vn troupeau de bestes a laine,
Vulgairement dits des moutons Qu’on menoit a coups de bastons;
Moutons que tous nos premiers pères Ont estimë peu sanguinaires,
Qui ne iurèrent iamais Dieu,
Et qu’on placa dans Ie milieu,
Pour n’auoir pas l’humeur actiue,
Ains auoir l’ame fort craintiue,
Et telle quegt; Tont ces soldats
Qui luuisy ne passent pas
Ils estoient en nombre deux mille
* Les soldats du parlement. Allusion a une expedition qui avail pour tut de faire lever Ie siége de Corbeil, et qui s’arrêta a Juvisy. Ou peutnbsp;voir sur cette expédition la piece ci-après qui commence par ces mots :nbsp;, Le Roy veut que Ie Parlement sorte de Paris, » et Ie Courrier burlesquenbsp;de la guerre de Paris.
-ocr page 130-112 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Qui drilloient tous vers nostre Ville. Leur Chef estoit vn peu guerrier.nbsp;C’étoit vu illustre belliernbsp;Qui bondissoit par la campagnenbsp;Comme vnieune cbeual d’Espagne.
II ne demandoit qu’a beurter Ce qui se vouloit présenter.
Et si par sa teste baissée I’ay peu iuger de sa pensee,
Plus courageux que n’est vn coq,
II ne respiroit que Ie choq.
En effet de ses cornes fortes II s’en vint beurter a nos portes,
Que sitost qu’on Ie vid courir Le Bourgeois se basta d’ouurir.
Ensuite venoit vne troupe De buict cens bceufs a faire souppe.nbsp;Bref les pourceaux, moutons et boeufs,nbsp;Escortez par messieurs d’Elbeuf,
Vitry, Narmoutier, la Boullaye Leur faisoient vne belle baye.
Mesmes le grand Due de Beaufort Empeschoit qu’on ne leur fist tort.nbsp;Tous ces guerriers braues et ieunesnbsp;Nous ont sauué beaucoup de ieusnes.nbsp;Ie passe pour faire plus court,
Le vaillant La Mothe Houdancourt,
A qui tout le petit Poëte Cent benedictions souhaitte,
Comme il fait a nostre bon Roy, Comme il fait a tout le Conuoy,
A ces Messieurs dont la prudence Va faire refleurir la France,
A toy, Scarron, amy lecteur,
Dont il est fort le seruiteur.
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Catalog've des partisans, ensemble leur généalogie et extraction, xie, moeurs et fortune
(26 janvier 1649.)
succession de Cornuel cy-deuant Intendant des Finances. Cornuel, son frère, cy-deuant Thrésorier extraordinaire de la Guerre, qui denieure rue des Francs-Bourgeois, et a plusieurs belles terres aux Champs, rentes sur la Ville et autres biens.
La succession Darragomois [Darragonnois], coinmis dudit Cornuel, dont la veufue demeure aux Marais , ruenbsp;d’Anjou, qui est extrêmement riche, quoy qu’elle n’ayenbsp;rien eu en mariage.
La succession dudit [de du] Vouldy, beau-frère dudit Cornuel, Intendant, dont la veufue demeure aux Marais, rue des Quatrefils, est extrêmement riche, a ad-uancé ses enfans en mariage de plus de quarante millenbsp;escus chacun, bien qu’elle en ayt dix.
Vaille comte [Vallicont], beau-frère dudit Cornuel, Intendant, demeure dans Ie Temple.
D’Alibert, confident dudit Cornuel, qui demeure rue
* nbsp;nbsp;nbsp;C’est, avec Ie titre de la première edition, Ie texte des editions aug-meiitées. Il m’aurait été facile de multiplier les notes, en me servant denbsp;Tallemant des Réaux, d’autant plus facile que M. Panlin Paris voulaitnbsp;bien mettre a ma disposition son excellent travail sur les Historiettes; maisnbsp;j’ai craint d’étre trop long pour l’espace qui m’était accordé; et d’ail-leurs, certain que la nouvelle édition de Tallemant ne tardera pas a êtrenbsp;livrée au public, j’ai pensé qu’il suffiraltici des rapprochements que peu-vent me fournir les Mazarinades.
* nbsp;nbsp;nbsp;(( On a ven comrae des Harpies subalternes nées pour la ruyne dunbsp;peuple, vn Cornuel qui estoit Fame de Bullion; ce qui est tout dire ennbsp;vn mot pour exprimer sa vertu et sa probité. »
La vérité toiite nue, etc. [4007].
I nbsp;nbsp;nbsp;8
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CHOIX
(les Vieux Augustins, a esté de tous les traitez qui se sont faits, par Ie moyen desquels il possède de grands biens,nbsp;tant en maisons dans Paris qu’en rentes constituées.nbsp;Berault, leur associé, demeure rue Geoffroy-Lasnier.
Le Febure1, associé dudit Cornuel, qui demeure prés l’Hostel d’Espernon, estoit vendeur d’huyle a Melun, anbsp;commence de s’enrichir par le pillage qu’il a fait des deniers du Roy, prouenant de l’imposition mise aux en-trées du vin lors du siége de Corbie, et depuis par plu-sieurs traitez de taxes faites sur les officiers.
Bautru Nogent®, Cousin germain et associé dudit Le Febure, demeure aux Marais, rue d’Anjou. Caniuet,nbsp;beau-frère dudit Le Febure, demeure auec luy.
Des Brosses Guénégaud, commis dudit Cornuel, Intendant, demeure rue neufue Sainct-Louys. Le Vasseur, son beau-père, demeure en mesme maison.
Mauroy®, commis dudit Cornuel, Intendant, demeure aux Marais, rue de Poitou.
Bordierquot;, fils d’vn Chandelier, qui demeure aux Ma-
Quid ?
Le petit Lefebure la Barre,
Qui (fut -vn temps) faisoit fanfare Contre ce fat de cardinal,
S’est fait du vilain le vassal.
Le Parlement burlesque Je Pontoisc, etc. [2701],
s « N’est-ce pas vne impudence capitale de présenter a la reine vne boucliée de pain et luy faire a croire qu’elle vaut vne pistole a Paris ? »
Manuel du bon c'üoyen, etc. [2106],
11 parait que 1’anecdote est de Bautru.
® II était intendant des finances en 16S2. On raconte dans le Grippeme-naud de la cour, etc. [1519], qu’il refusa, cette année-la, de préter vingt mille livres au cardinal Mazarin, qui venait de rejoindre la cour a Poitiers.
*« Vn Bordier qui, tirant son illustre naissance d’vn Chandelier de Paris, a despeusé plus do trois cens mille cscus a bastir sa maison du Rincé
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rais, me des trois Pauillons, a esté de tous les traitez qui se sont faits iusques a présent, dont il s’est enrichynbsp;au point qu’outre les grandes despences et auantagesnbsp;qu il a faits a ses enfans, ayant donné a sa dernière fillenbsp;huict cens mille liures en mariage, il a fait faire son bas-timent qui luy couste plus de quatre cens mille liures ,nbsp;et a achepté vne charge huict cens mille liures, sansnbsp;compter sa maison de Paris, ses beaux meubles et plu-sieurs autres biens qu’il possède, montant six fois plusnbsp;que ce qui est cy-dessus.
Macquars, son commis, demeure proche de luy.
La Forests, son nepueu, demeure aux Marais, rue Sainct-Anastaze.
Doublet*, qui a fait toutes les maltotes du Clergé et Ie retranchement de cinq grosses Fermes, demeure auxnbsp;Marais pres Bordier.
Ses associez, entr’autres, sont du Mas, qui demeure rue Beaubourg; Margonne, prés ledit Bordier;
[Raincy], par vne insolence sans exemple, mais qui mériteroit, ponr 1’exemple, qu’on Ie logeast a Montfaucon, qui en est tont proche. »
La vérité toute nue, etc, [i007].
« Ce deuxiesme au nez boutoniié Et de rubis damasquiné,
Est de Bordier la géniture Et d’vn Chandelier la facture.
Son père fut de tous mestier.s,
Et parmy les maletostiers A tenu la première place.
C’est comme il s’est de biens farcy,
Tesmoln 1’insolent Raincy.
De ce fils la plus grande gloire Est de manger et de bien boire. »
Le Parlement burlesque de Pontoise, etc. [2701].
’ II est sous le nom de Telbuod, anagramme de Doublet, un des per-^nnages de la Farce des courtisans de Pluton, etc. [1372].
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CHOIX
La Magne [Lumagne?], demeurant rue des Roslers;
Gargan’, demeurant rue du Temple, prés la rue Chappon.
Le Vasseur, l’aisné, loge aux Marais, pres la rue Sainct-Louys.
De Bordeaux®, qui a iadis fait banqueroute et demeure a présent rue des Francs Bourgeois, a aussi esté de tousnbsp;les traitez, et possède des biens immenses dont la Declaration seroit trop longue.
Maillet, son confident et associé, et qui a traité du sol pour liure et des taxes des ayses sur les Tailles, a eu pournbsp;associez, outre ledit de Bordeaux, entr’autres les cy-après nommez, scavoir : deffunct Galand, dont la veufuenbsp;est a présent remariée*, demeurante pres TEschelle du
* nbsp;nbsp;nbsp;II figure dans le rédt du Grippemenaud de la cour^ etc. [tSt9]. Sfulnbsp;de tous les intendants des finances, il compta au cardinal Mazarin lesnbsp;vingt mille llyres que celui-ci leur demandait.
* nbsp;nbsp;nbsp;« Vn de Bordeaux qui, pour n’en auoir pas du tout tant {^ue Breton-villiers), ne doit pas estre accusé de negligence, puisqu’11 a tousiours esténbsp;beaucoupplus ardent et plus hardy que luy pour en acquérir. »
La vérité toute nue, etc. [4007].
« Bordeaux, race de partisan,
De malices grand artisan. »
Le Parlement burlesque de Pontoise, etc. [2701].
5 « Vn Galland qui, estant fils d’vn paysan de Chasteau-Landon, s’est fait si riche en peu d’années, qu’yn Président au Mortier n’a pas eu hontenbsp;d’espouser sa vefve. »nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;^ ^
^ nbsp;nbsp;nbsp;La eerite toute nue, etc. [4007],
Le Parlement burlesque de Pontoise va nous apprendre quel était ce président au mortier: nbsp;nbsp;nbsp;.
« Coigneux, ce petit arrogant,
Des foux le plus extrauagant,
Qui son cours a fait a 1’Escole De la Durier, oü l’on bricole;
Et pour éuiter pauureté,
A la Galland il s’est frotté. »
Pour l’intelligence compléte de ce passage, il faut yoir les Lamentations de la Duriéde Saint-Cloud, etc. [1800].
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Temple, dans vn Palais magnifique que ledit deffunct a fait bastir, et possède plusieurs belles Terres aux Champs,nbsp;rentes constituées et argent monnoyé.
Le Camusson beau-frère, qui demeure rue Sainct-Auoye, pres ladite Eschelle du Temple, a fait bastir vne superbe maison a Colombe, qui luy reuiendra a plus denbsp;cent mille escus, et possède plusieurs autres grands biens,nbsp;quoy qu’il ne soit que fils d’vn Notaire.
De Mons, commis dudit Galand, a présent Greffier du Conseil, et qui demeuroit, il y a six mois, en la ruenbsp;du Temple, d’oii il est deslogé pour esuiter le pillage denbsp;sa maison, et est allé demeurer en la cousture Saincte-Catherine, pres des lesuistes, et se fait appeler Vicomtenbsp;d’Andreselle, qui est vne terre considerable qu’il a acquis depuis peu, outre sondit Office, qui luy couste qua-tre cens mille liures, sans compter plusieurs autres biensnbsp;qu’il possède, tant en rentes constituées que immeublesnbsp;et argent contant, quoy qu’il n’ayt espousé que la fillenbsp;du plombier de la Pome, dont il n’a eu que dix ou douzenbsp;mille liures en mariage, et qu’il ne soit que fils d’vn ou-urier en soye de Tours.
Ce de Mons et ledit Camus sont associez au retran-chement des gages et droits de tous les Officiers de France, traité des taxes du droit Royal, confirmationnbsp;d’hérédité, Offices quatriennaux, taxes d’aysez sur lesnbsp;entrées de Paris et plusieurs autres traitez.
Picard®, fils d’vn cordonnier, qui depuis a esté Thré-sorier des parties casuelles, a esté intéressé auec ledit
• « Vn Ie Camus qui, estant venu de rien et ayant au moins six en-fants, a laissé au moins vn million de liures a chacun. »
La vérité toute nue, etc. [4007].
’ C’est le Dracip de la Farce des courtisans de Pluton , etc. [1372].
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Catelan, de Mons, Galand, Le Camus et autres en tous les traitez cy-dessus, outre plusieurs qu’il a faits. II demeurenbsp;au Marais, rue du Grand-Chantier, pres les Enfants-Rouges, et prend le titre de Marquis de Dampierre, dontnbsp;il a fait acquisition, outre plusieurs biens qu’il possède.
Bonneau petit-flls d’vn ouurier en soye de Tours, a esté de toutes les mal totes, et est a présent Fermier desnbsp;Gabelles, auec les nommez Merault, Rolland, Quentin,nbsp;de Richebourg et Aubert, lequel Aubert a esté lacquais,nbsp;et nonobstant cette noble compagnie de Gabeleurs auxnbsp;despens des deniers du Roy acquiert des Marquisats etnbsp;autres Terres considerables par les voleries qu’ils fontnbsp;sur lesdites Gabelles et sur les taxes sur les Officiersnbsp;d’icelle, dont ils se sont faits Partisans, mesmes sur lesnbsp;rentes de la Ville qu’ils ont fait retranclier, et en ontnbsp;fait consommer le fonds iusques a plus de vingt-cinq ounbsp;trente millions depuis dix ans.
Marin1 est fils d’vn Paysan de Bourgogne; et entr’autres traitez qu’il a faits, il a eu celuy de la suppression des droits aliénez sur les Tailles et Gabelles en \ 644,nbsp;qui a ruiné tous les Officiers du Royaume et autres par-ticuliers intéressez en ces affaires, pour enrichir vnenbsp;douzaine d’autres qui y auoient intérest, entr’autres le-dit Cornuel Intendant et son frère, ledit deffunct du
nbsp;nbsp;nbsp;Voyez les Entretiens de Bonneau, de Catelan et de La Raillière, etc.nbsp;[1248] Dans les Moyens infaillibles pour faire périr le cardinal Mazarin, etc.nbsp;[2517], Bonneau est dénoncé parmi les personnes qui doivent de 1’argentnbsp;au cardinal ou ont de ses meubles en dépot. II est nommé enfin dans lenbsp;Quas-tu vu de la cour? etc. [2941].
* nbsp;nbsp;nbsp;« L’on a trouué a Paris dans vn Couuent de Religieux plusieurs pa-piers de consequence, appartenant au nommé Marin, cy-deuant Thrésoriernbsp;du mare d’or, parmy lesquels il y en a beaucoup concernant les traittez etnbsp;partis des gages retrancliez des Officiers et d’autres sortes de monopoles. »
Ze Courrier francoisy etc. [830], 5® arrivée.
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Vouldy, d Alibert, deffunctBoyer, qui alaissé ses enfans riches de plus d’vn million a chascun, lesdits Bonneau,nbsp;dont 1 vn, qui est mort, a laissé a chascun de ses enfans plusnbsp;d vn million, ledit deffunct Galand, qui est mort riche denbsp;plus de six millions de liures, etn’a point laissé d’enfans,nbsp;son bien ayant esté partagé entre sa veufue et son frère.
Deffunct Camus, qui demeuroit derrière Sainct-Leu, a laissé a ses enfans, au nombre de neuf, plus de quatrenbsp;cens mille escus chascun, el auoit pour intéressez en sanbsp;part ses deux fils aisnez, dont 1’vn est a présent Control-ieur Général des Finances, et l’autre est mort et a laissénbsp;a sa veufue plus de cent mille liures de rente d’acquisi-tions par luy faites, laquelle, après auoir vescu en veufvenbsp;Gaillarde pendant six ou sept ans, s’est enfin remariéenbsp;depuis peu; et a esté, ledit Camus et ses fils, intéressez ennbsp;toutes les fermes et traitez qui ont esté fails pendant sa vie.
De Mery [d’Esmery] pendant son Intendance, Con-trolle Général et sur Intendance, a pris des pots-de-vin et des pensions, fait rembourser des rentes sur diuersnbsp;prétextes, a diuerty et destourné les deniers du Boy pournbsp;les appliquer a son profit, comme 11 paroist en ce quenbsp;depuis quinze a vingt ans il a despensé plus de trois censnbsp;mille liures par an, fait de grandes et considérables ac-
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CHOiX
qiüsitions, basty des Palais somptueux, tant a la Yille qu’aux Champs, ornez de meubles precieux dont I’esti-mation est presqu impossible 5 cependant chascun scaitnbsp;qu’il n’a eu aucuns biens patrimoniaux, son pere et sonnbsp;frère estant morts insoluables dans la Conciergerie, aprèsnbsp;auoir fait banqueroute a leurs legitimes creanciers. Aussinbsp;1’inclination qu il a tousiours eu au larcin luy ayant faitnbsp;entreprendre de voler iusques dans la Garderobbe dunbsp;Roy, il fut pour la reparation condamne a estre pendujnbsp;ce qui n’a pas este execute par la corruption des mauuaisnbsp;luges, qui ont mieux aymé le sauuer pour de I’argent quenbsp;de le faire exécuter : les suposts de ses desbauches, des-bordements, larcins, violements et persecutions qu’il anbsp;exercees pendant ses emplois, et auec lesquels il partage lenbsp;butin, sont Petit, son honneste macquereau, qui est ce^nbsp;luy qui receuoit tons ces pots-de-vin et pensions, par lenbsp;moyen de quoy luy et Chabenat, son Gendre, esleue dansnbsp;les mesmes intrigues, ont acquis chascun plus d’vn million de liures debien, quoy que, comme il est notoire,nbsp;ledit Petit fust auparauant Procureur au Chastelet a tortnbsp;et sans cause, et ledit Chabenat copiste au Conseil.
Catelan cette maudite engeance, est venu des mon-, tagnes du Dauphine, lequel, après auoir este lacquais ennbsp;cette ville, fut marie par Cornuel a la soeur d’vne nom-née la Petit, sa bonne amie, a present femme d’vn
' Parmi les meubles dont le Counter francais annonce la saisie sous la date du 3 février, 11 y en axait qvu appartenaient a Catelan. On peut con-suiter sur ce traitant célèbre VAdieu du sieur Catalan— au sieur de Lanbsp;Raillière, etc. [43], et la Rdponse de La RaUière, etc. [3394], les Entretiensnbsp;de Bonneau^ de Catelan et de La Llailltaraj etc. [1248], le Factum notable,nbsp;pour Thomas Carref etc. [1363]. Suivant la Rdponse de La RaUière, lanbsp;femme de Catelan était fille, et non soeur de la Petit. Catelan est le Na-Iclac dc la Farce des courlisans de Pluton, etc. [1372].
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;121
nommé Nauarrot; pour faciliter lequel mariage dudil Catelan, iceluy Cornuel donna audit Catelan, en faueurnbsp;dudit mariage, tous les Offices de sergens vacans iusquesnbsp;alors et ensuite: ledit Catelan s’est aduancé dans la Mal-tote sous feu Bullion et Tubeuf, et entr’autres traitez, anbsp;fait celuy des retranchemens de gages, droits et reuenusnbsp;de tous les Officiers de France, dont il a fait recepte etnbsp;fecouurement sous Ie nom du nommé Moysel’, qui estnbsp;son nepueu et s’appelle Catelan comme luy. Cependantnbsp;il luy a fait prendre ledit nom suposé de Moysel, pensant se mettre a couuert de ses voleries et exactions.
Tabouret fris d’vn fripier de ceste Ville, depuis no-taire et ensuite mal to tier, associé dudit Catelan, a fait de son chef toutes les taxes, créations et augmentationsnbsp;de Greffiers du Royaume, par Ie moyen de quoy ce dróle,nbsp;outre ses superbes bastiments et plusieurs acquisitionsnbsp;qu’il a faites a la campagne, a donné en mariage depuisnbsp;six mois a vne sienne fille plus de six cens mille liures, etnbsp;en a asseuré autant après sa mort.
Lantot, beau-frère dudit Tabouret, est son associé.
De Launay ®, Conseiller au Chastelet, et principal as-
* nbsp;nbsp;nbsp;Moysel est un des partisans contre lesquels est dirigé Ie Factum notablenbsp;pour Thomas Carrel^ etc. [1363].
* nbsp;nbsp;nbsp;Il en est de méme de Tabouret, qui figure sous Ie nom de Teruobatnbsp;dans la Farce des courüsans de Pluton^ etc. [1372].
® « Le ieudy 25 [février] la Cour nomma des commissaires pour in-struire le procés.... de Launay Grave. »
Ze Courrier francois^ etc. [830], 7® arrivée.
II y a dans VArrêt du conseil d'^en haut, etc. [382], un sonnet aux partisans sur remprisonnement de La Raillière et de Launay Grave.
Launay fut compris dans le procés intenté a Cohon, évêque de Dpi, pour sa lettre interceptée, etc. [2243]. «Mais, dit l’aiUeur du Courriernbsp;burlesque de la guerre de Paris,
«.....Gagnant la guérite
[II] n’attendit pas cette visite.»
-ocr page 140-122
CHOIX
socié dudit Catelan, est cause de tous les maux qu’il a faits, luy en ayant fourny les moyens et l’argent.
La Railliere*, a este fermier des Aydes auec Ie nommé duMousseau, oü ils ont volé les rentiers et l’Hostel denbsp;Ville par les presents et corruptions qu’ils ont faites auditnbsp;Deinery [d EsmeryJj en consideration de quoy Fon a di*nbsp;uerty auxdits rentiers trois quartiers et demy enti^ers denbsp;leurs rentes en vne seule fois, sans compter les autresnbsp;friponneries et pillages qui ont esté faits depuis sur les-dites rentes, tant par retranchement qu’autreraent, Ienbsp;tout inontant a douze millions de liures ou peu s’en faut;nbsp;et outre ledit LaRaillière, auec Ie nommé Vanel ditTré-court, qm sont a présent Fermiers des entrees, ont faitnbsp;Ie traité de quinze cens mille liures de rentes sur lesditesnbsp;entrees créées en 1644, pour raison de quoy ils ónt taxénbsp;sous ce titre d’aisez qui bon leur a semblé, et sous denbsp;faux Rolles ont exigé lesdites taxes auec des violencesnbsp;borribles en ceste Yille de Paris et en la campagne, quoynbsp;que, par l’Edict d’aliénation desdites rentes, il soit ex-pressément porté qu’il n’en pourroit estre fait aucunnbsp;traité. Leurs principaux associez en iceluy sont lesdits
' « Le nommé La Raillère, assez connen pour les maux qu’lls a faits au peuple, tant comme principal arcboutant de Particelle, dit d’Emery,nbsp;cy-deuant surintendant des finances, que pour auoir fait imposer plu-sieurs droits sur TEntrée du rin et esté l’Auteur, Partisan et exacteur denbsp;ce droit tyraimique impose et leué sous le nom qu’il leur donnoit (anbsp;fausses enseignes d’aisez) , a esté descouuert seruant d’Espion dansnbsp;la Ville pour le cardinal Mazarin ; pour quoy il a esté arresté etnbsp;emprisonné a la Bastille. »
Le Cowrier francais, etc. [830], 2' arrlvée.
Les commissaires qui devaient le juger ne furent noinmés que le 25 fé-™er. On peut consulter sur La Raillère les pièccs citées dans les notes relatives a Catelan, a Launay Grave, et de plus la Lett re de La Raillère,nbsp;pnsonnier a la Conciergerie, a Catelan, etc. [1942]. li’emprisonncmcnt denbsp;re financier célèbre ful un des cvencments dc la Fronde.
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Demery [d’Esmery], Petit, Bordier, Galand, de Bordeaux, de Mons, Le Camus, de Halus, Samuel, Colbert, Picard, Housset, Payen et plusieurs autres.
Et Demery [d’Esmery], outre les pillages et voleries qu’il a faites publiquement et qui sont notoires a vnnbsp;cbascun, a fait rembourser sur le fonds du Boy plusieursnbsp;rentes sur les tailles et autres natures, en faueur de cinqnbsp;OU six femmes, ses bonnes amies, qu’il a enrichies extrê-mement en diuers temps par des moyens illicites; et lors-qu’il n’a pu faire croiser ledit remboursement sur lenbsp;fonds du Boy, il a baillé les fermes et traitez de Sa Ma-iesté a vil prix a ses maltotiers confidents, a la chargenbsp;de satisfaire audit remboursement et mesme a ceux desnbsp;rentes de son beau-père Le Camus et de toute sa familie ;nbsp;de sorte que par ce moyen il a excroqué aux Financesnbsp;du Boy plus de quatorze millions de liures.
Tuboeuf', dans ses commencements Scribe a la suite du Conseil, estant paruenu a l’Intendance, a introduitnbsp;les prests sur les deniers du Boy en faueur de la veufuenbsp;Deffiat, de la veufue Le Camus et autres, lesquelles pour
* « Etvn Tubeuf qui, de petit Gommis du Mareschal Desfiat [d’Effiat], est deuenu en ])eu d’années Intendant des Finances, Président des Gompies, et aussi riche qu’il est grand joueur. »
La vérité toute mie, etc. [4006].
Tubeuf fut un des amis les plus constants du cardinal Mazarin. « 1 ay veu, dit 1’auteur du Qu'as-tu vu de la cour? etc. [5941], i’ay veu MM. denbsp;Senneterrt», Tubeuf et Bautru disgraciez pour n’auoir pas assez protégénbsp;M. le Gardinal et pour auoir conseillé 1’extinction du prest.... »
En février IGol, il se fit remetti e les clcfs de la bibliotlièque du cardinal Mazarin pour sureté de la somme de six cent quatre-vingt mille livres. qu’il réclaniait du cardinal : Remise de la bihUotJièqiie de Mons. le cardinalnbsp;Mazarin par le sieur JSaudé, etc. [3289] ; et il est compris dans VArrét denbsp;la cour de parlement doimé en faveur des créanciers du cardinal Maza-riii, etc. [300], pour une somme de six cent mille livres provenant de sesnbsp;maisons des rues des Petits-Champs, Richelieu ft Vivien.
-ocr page 142-124
CHOIX
quatorze cens mille liures que l’on feignoit qu’elles auan-coient au Roy, tiroient des remboursemens du double, c’est-a-dire deux millions buit cens mille liures; et pournbsp;cette difference de quatorze cens mille liures, l’on pre-noit prétexte d’amortir au profit du Roy cent mille liuresnbsp;de rentes sur les tailles qui pouuoient valoir au prixnbsp;courant enuiron trois cens mille liures; tellement quenbsp;l’on faisoit perdre au Roy onze cens mille liures qui es-toient partagées entre lesdits prétendus presteurs et l’In-tendant et ses commis. Aussi voit-on que leditlubert [Tu-boeuf], qui n’a iamais en deux mille escus de patrimoine,nbsp;son grand-père estant boucher, possède des biens in-nombrables, tant en charges, Palais, inaisons des Champsnbsp;que deniers comptans , outre les despenses immensesnbsp;qu’il a faites, tant pour Ie ieu que pour les femmes, estant certain qu’il s’est trouué telle nuict qu’il a perdunbsp;cent mille escus. II a intérest auec La Meilleraye 1 etnbsp;plusieurs autres leurs amis et confidens dans les impostsnbsp;et Billots de Bretaigne, qui ont esté aliénez depuis dixnbsp;ans a moins d’vn million de liures, quoy que ce soit vnenbsp;ferme de plus de cinq cens mille liures par an.
La Piardière, commis dudit Tuboeuf, est vn pauure garcon de Loches, destitué par sa naissance de toutesnbsp;sortes de biens de fortune; cependant par les contributions qu’il a cues aux friponneries et corruptions de sonnbsp;maistre, et par 1’interest qu d a pris dans plusieurs affaires auec des traitans, se trouue possesseur auiourd’huynbsp;de plus d’vn million de liures.
Charles de La Porte, due de La Meilleraye, mareclial de France, lieutenant general de Bretagne sous Ie gouvernement d’Anne d’Autriche.
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DE MAZARINADES.
Autres Maltotiers qui ont entré iiidiffér eminent en toutes sortes d’affaires.
Guerin, du Faux bourg S. Honoré, entr’autres affaires, a esté au sol pour liure et a fait Ie traité du do-hiaine auec Berault, Piry, Maillet et autres. Mignot, commis de Mauroy, Intendant, a fait plusieurs traitez.
Michaut, comrnis de Charron, Intendant, Item’Le Royer, cy deuant commis du Controlle, Item auec denbsp;Billy, Guerin et Espinay, ses compagnons.
linbert, cy deuant commis de des Noyers, Item L’Es-cuyer, qui demeure vers les grandes Escuries, qui estoit cy deuant Commédien.
Peraction et Amat sous-fermiers des Gabelles de Dau-phiné, oil lis font maintes griuelées.
Varin', entrepreneur de la monnoye au moulin, y a fait plusieurs falsifications et maluersations par Ie moyennbsp;desquelles il s’est puissamment enrichy. Chantefort, cynbsp;deuant commis de des Noyers, a si bien volé dans lesnbsp;fortifications qu’il a fait faire, qu’il est riche de plus denbsp;quatre a cinq cens mille escus.
Arnoul, autre commis dudit des Noyers.
Item., longlas, Thrésorier de France a Montpellier, par plusieurs traitez qu’il a fails en Languedoc; il demeure pres le Palais Cardinal.
Momeret [Monnerot^], Brossamin et autres, leurs asso-
* Jean Varin, graveur et maitre cle la Monnaie.
« Je crois mesme que Varin,
Au lieu de battre sa monnoye,
A fait libelle contre moi. »
Le Mazarin portant la hotte, etc. [2434].-
^ Daniel de Cosnac, archeveque d’Aix, racotite dans ses Mémoires^
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ciez, ont fait tous les traitez qui ont cause les retranclie-mens lt;les rentes des tailles et des gages, droits et reuenus des Officiers, du taillon et autresj ledit Monnerot de-nieure rue de Richelieu; et ledit Brossarain rue des Fos-sez Montmartre.
Bins, cy-deuant lacquais de Tuboeuf, entr’autres traitez qu’il ^ faits, a entrepris auec vn nommé Boulay les estappes de la Gënéralité de Paris, dont ils n’ont riennbsp;payé OU fort peu de chose a tous les particuliers qui ontnbsp;entrepris la fourniture desdites estappes; fauorisez parnbsp;1’Intendant Nouueau de la lustice en ladite Gënéraliténbsp;moyennant vn pot-de-vin de vingt mille liures qu’ilsnbsp;liiy ont donnë, en consideration duquel ledit Intendantnbsp;leur aceorda des conditions plus auantageuses sur Ie traiténbsp;desdites fournitures d’estappes. Ledit Boulay demeurenbsp;proche la porte Richelieu.
Marin, dit Rigny, a ëté généralement de toutes sortes de traitez, tant directement qu’indirectement, et par sesnbsp;vsures illicites a gaignë plus de deux millions dont il estnbsp;réputé riche, n’ayant eu que dix mille escus en mariage,
1.11, p. 29, une anecdote qui très-probablement se rapporte a Monnerot ; « On n’a jamais vu, dit-il, dans un si petit endroit tant de diamants, de pierreries, d’or et de broderies que 1’on en voyoit dans une grandenbsp;bibliotlièque des Récollets au milieu du port de Saint-Jean de Luz, oilnbsp;l’on avoit étalé tons les meubles et habits qui étoient préparés pour Ie rotnbsp;et pour son équipage. Je m’y trouval un jour que Sa Majesté vint elle-même voir ce spectacle dont elle fut ravie. Et M. de Roquelaure étant ènbsp;la suite, Ie roi lui demanda qu’est-ce qu’il disoit de tout ce qui paroissoitnbsp;dans ce lieu. M. de Roquelaure avec son accent gascon lui dit; « Par-« bleu , Sire, il me semltle que Moncrot se marie— » Je ne sals si cettenbsp;raillerie fit quelque effet sur Sa Majesté; mais il est certain que dans lanbsp;recherche qui fut faite quelques années après sur les partisans, Moncrotnbsp;fut un des plus exactement recherchés ct qu’il mourut en prison, n’ayantnbsp;voulu on pu payer sa taxe. »
On peut bien croire que Daniel de Cosnac avait écrit Moncrot,
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;127
sans aucun patrimoine de son chef. 11 demeure prés les petits Augustins Deschaussez.
Rambouillet et autres ont esté Fermiers des cinq grosses Feirnes, dont les droits ont esté augmentez denbsp;leur temps du tiers; ensuite et par Ie moyen de quoy, denbsp;gueux et incommodes qu’ils estoient, ils possèdent desnbsp;i'ichesses immenses qui montent pour eux deux a plus denbsp;SIX millions de liures. Ils demeurent rue des Fossez Montmartre. Valleman [Tallemant] père et fils', ont esté leursnbsp;associez, et outre ont fait plusieurs traitez, notammentnbsp;contre les Controlleurs, Conseruateurs des Fermes et leursnbsp;Lieutenans, dont ils ont mangé les reuenus, sous pré-textes tant pour remboursement, restablissement qu’aug-mentation de gages et droits, et ont eu pour commis etnbsp;associez les nommez Mallet et Préuost.
La succession de Vidal, dont la veufue demeure rue des Fossez Montmartre, peut bien estre mise en ce Catalogue, ledit du Vidal ayant fait plusieurs affaires et trait-tez auec Ie Roy, notamment en la Prouince de Languedoc, OU il a esté Fermier de la Patente, auec les nommeznbsp;Pellissier et Rose, et a laissé plus d’vn million de liuresnbsp;de bien.
Boudon, cy-deuant Procureur a Montpellier, s’estant ietté dansles traittez en ladite Prouince de^Languedocnbsp;auec iceluy du Vidal et autres, a fait plusieurs affairesnbsp;qui ont mesme causé de grandes seditions dans la Prouince, et s’est enrichy excessiueinent. Il demeure rue desnbsp;Bons Enfans, du costé des petits Champs.
La succession de Paget est d’autant plus recherchable qu’il a esté vn donneur d’auis fieffé, qui ne s’est enrichy
* Tallemant jeune est nommé dans la Luie. de messieurs les colonels de la vilie de Paris, etc. [2307]-
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CHOIX
que par mauuaises voyes, ayant en dernier lieu doniie I’aduis de la creation des Greffiers des feuilles des rentesnbsp;de I’Hostel de Ville, qui est vne inuention trés préiudi-ciable au general et au particulier des rentiers, et toutnbsp;fauorable aux payeurs, afin d’esloigner les payemensnbsp;qu’ils doiuent faire; aussi ce traité, qui a esté fait parnbsp;ledit Paget, n’a esté que pour donner lieu au nommé Ienbsp;Sage, son beau frère, qui luy preste son nom pourl’exer-cice des quatre Offices de Payeurs des rentes des huictnbsp;millions de Tailles, de conseruer Ie fond du maniementnbsp;desdits Offices, comme luy et tous les autres Payeurs desnbsp;rentes font au préiudice des i’entiers.
Memmin et Chauuin, oncle et neueu, demeurant en mesme maison rue des Fossez Montmartre, ont esté aussinbsp;de toutes sortes d’affaires. Peirat, demeurant en la mesmenbsp;rue, a esté associé de de Mons, Picard, Tabouret, Lanbsp;Raillière et Vanel en toutes les affaires qu’ils ont faites,nbsp;notamment aux taxes de confirmation d’hérédité et droitnbsp;Royal, Chambre de lustice, Offices et quatriennaux,nbsp;taxes d’aisez, a eu la iurisdiction, recouurement et maniement de la pluspart desdites affaires, auec vn nomménbsp;Rabouin, beau-frère dudit de Mons, lesquels ont ensemble exercé de grandes rigueurs contre les coinpris aux-dites taxes, a l’effet de quoy ils ont fait agir vn nomménbsp;Chartier, cy-deuant lacqiiais dudit Peirat, auquel leditnbsp;Peirat, pour recompense de ses seruices, a fait espousernbsp;vne sienne bonne ainie qu’il qualifie sa niepce.
Portier, Pordet, Riote ont fait plusieürs affaires très-préiudiciables au public, entr’autres les Greffes et notifications, taxes d’aisez dans les Prouinces et autres de cette qualité; ledit Portier demeure rue Montmartre.
Bossiiel, qui demeure en la mesme rue, est Fermier
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des Gabelles de Lyonnois et Languedoc, auec les nom* mez Terrat, Chory, Lombart, Chalanges et autres, etnbsp;ont consommé de taxes tous les Officiers desdites Gabelles pendant Ie temps de leur Bail, afin de profiter denbsp;leurs reuenus; outre plusieurs autres affaires qu’ils ontnbsp;faites, notamment ledit Bossuel par la faueur du sieurnbsp;Président Pérault‘, son beau frère ou cousin, qui y pre-noit intérest auec luy.
Bachelier, qui demeure derrière S. Leu, a aussi fait auec ledit Manerot [Monnerot] et Brossamin plusieursnbsp;affaires oü il s’est extrêmement enrichy depuis dix ounbsp;douze ans en ca, qu’il fit vne notable banqueroute anbsp;Lyon; ce qui ne l’a point empesché, deux ans après,nbsp;d’achepter vne charge de Payeur des rentes sur les huictnbsp;millions de tailles, et ensuite vne autre de Receueur general des finances a Orleans.
De la Garde, qui demeure en la rue Montmartre, pro-clie l’esgoust en l’Hostel de Bouillon, qu’il a acquis depuis peu, ayant quitté sa boutique de compagnon drap-pier pour se ietter dans la maltote, il y a si bien réussi par la faueur et protection de Tuboeuf, en considerationnbsp;de la part qu’il luy donnoit dans ses entreprises, qu’ilnbsp;est en réputation de posséder plus d’vn million d’or.
La succession de la Eazinière^ ne doit pas estre exempte d’vne légitime recberche, sa naissance et la condition denbsp;lacquais ou il a esté esleué, ne pouuant pas luy auoirnbsp;donné les auantages d’vne si grande fortune que celle ounbsp;il est mort.
' Le président Perrault, de la chambre des Comptes, était intendant du prince de Condé. On a de 16bl une Apologie pour monsieur le président Perrault [129].
» Trésorier de TÉpargne, qui avail épousé Ia fameuse M*'' de Che-merault.
I nbsp;nbsp;nbsp;9
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Gedoln et Chatlus, ses comniis, ne doiuent pas estre pareillement exempts. La succession de Martineau estantnbsp;de mesme temps et categorie, ne doit pas non plus estre
espargnee.
La succession de Gamier, Ite?n, ayant este vn des principaux piliers tie maltote de son temps, tant parnbsp;creation de nouueaux Offices que par attribution denbsp;droit et taxes sur les anciens.
La succession de Denouueau et celle de Vassant sont de mesme categorie, et aussi celle de G rsenlat [Gorsen-lart], qui sont tous gens de néant, et neantmoins ontnbsp;laisse des biens innombrables par les pillages qu’ils ontnbsp;faits dans les Finances du Roy.
De Combes a este de tous les traitez qui se sont faits depuis vingt-cinq a trentc ans, tant par establissementnbsp;de nouueaux droits de Ferme que creation et autres, oil ilnbsp;a acquis de si grands biens qu’encore que de son chefnbsp;il ne soit qu’vn pauure malotru, il a bien eu faudacenbsp;d’acquerir vne maison qui a este a vn Chancelier, oilnbsp;il deineure a present.
Mailer, qui demeure proche FHostel d’Espernon, a este le confident et associé dudit Combes, oil de pauurenbsp;garcon venu de Senlis, n ayant pas vaillant cent escus ,nbsp;il a acquis de trés grands biens, en sorte qu’il passe au-ioiird’huy pour vn des plus riches hommes de Paris.
Sauuain, fils d’vn bastelier d’Ararnon en Languedoc, estant venu estre lacquais en cette ville et ensuitte fripiernbsp;et vendeur de vieilles hardes, s’estant associé et intriguenbsp;auec ledit de Combes deffunct et autres, a bien eu fef-fronterie d’acquérir la Baronnie dudit lieu d’Arainon,nbsp;qui est vne des plus anciennes et nobles terres de France,nbsp;qui liiY a coiisté cent mille escus; et dans 1’auidité qu’il
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a eue cl amasser du bien par toutes sortes de voyes, ayant fait vne fausseté dans l’expédition d’vn Arrest du Con-seil qui luy seruolt de tittre pour la perception de cjuel-ques nouueaux droits, au lieu d’en estre puny selon lanbsp;rigueur des Ordonnances, il fut par faueur condamnénbsp;seulement a faire vne amende honorable; ce cjui l’anbsp;exempté. II demeure deuant Ie grand portail Sainct Eus-tache.
De Sainct André, fils d’vn franclopin de Bourgogne, vint lacquais en ceste ville, ou il s’est enrichy par plu-sieurs exactions et concussions qu’il a faites en la sousnbsp;ferme des droits d’ayde en l’eslection de Chartres et Piti-uiers; a traitté de l’attribution des droits des cinq solsnbsp;pour Parroisse des Esleus et Officiers des Greniers a Sel,nbsp;et plusieurs autres traitez qu’il a faits. II demeure aussinbsp;proche de S. Eustache.
Mousseau, beau fils dudit Sainct André, a esté son associé en toutes lesdites affaires. II demeure en mesmenbsp;maison.
Berault, Garde des Bolles, qui demeure prés Ie Chan-celier, a commencé sa fortune par la fabrication des mon-noyes défectueuses, ayant entrepris de faire des Doubles jusqu’a enuiron cinquante mille escus; mais au lieu denbsp;ce, outre l’altération qu’il y a apportée et tjui a causé Ienbsp;clécry general de toutes ces espèces et réduction d’icellesnbsp;a la moitié de leur valeur, il en a fait fabriquer plus denbsp;vingt fois autant qu’il ne luy estoit permis; d’ou sontnbsp;venues les grandes richesses qu’il possède.
Bordier, fils du Receueur des Tailles de Paris, a fait plusieurs traitez ou il s’est enrichy, entr’autres l’abonne-ment du Domaine.
Forcoal est venu laccjuais en cette ville; et, après auoir
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receu maints coups de bastonnade qui luy ont esueillé 1’esprit, il s’est iette dans la maltote des Aydes, petit ratnbsp;de caue, ou a force de friponneries et de voleries, ayanfnbsp;commence d amasser quelque chose, il se fit du viuantnbsp;de Baiots, Fermier de Normandie, oü ayant eu matièrenbsp;d’exercer auantageusement sa mauuaise inclination, ilnbsp;s’est rendu si puissant qu’enfm il est paruenu a la Fermenbsp;générale qu’il exerce impunément auec vn Office denbsp;Greffier du Conseil, mange et consomme en taxes tonsnbsp;ceux qui ont des droits et reuenus sur les Aydes, mesmenbsp;les rentiers assignez sur icelles, tant a I’Hostel de Villenbsp;que d’aliénation; de sorte que l’on ne peut Ie punir tropnbsp;seurrement après tant d’insignes voleries, considéré quenbsp;sa femme estoit chétiue seruante d’vne blanchisseuse lors-qu’il l’espousa. Il demeure rue Chappon en vne superbenbsp;maison qu’il a acquise depuis peu. Ses associez en laditenbsp;Ferme des Aydes sont les cy après nommez :
Marcillac, demeurant rue Michel Ie Comte, et demeu-rant aux Marais, rue d’Anjou, Mousseau, dont il est cy deuant parlé, Betaut, Huron, Lapat, Roserot [Roseret’],nbsp;Verselin et autres, sont esleuez par les mesmes degreznbsp;dans les mesmes qualitez.
Durot, qui demeure rue du Temple, a esté de plu-sieurs traitez.
Drouin, qui demeure rue du Grenier Sainct Lazare, Item, entr’autres du traité de la réduction des droitsnbsp;de 1634.
Verdier et Pauillon^ demeurans aux Marais, entre
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plusieui’s affaires qu’ils ont faites, sont encore Fermiers du Conuoy de Bourdeaux auec Prier et gaignent desnbsp;sommes immenses.
Beaurain, qui demeure rue du Grand Chantier, prés les Enfans Rouges, a esté intéressé en toutes sortes d’affaires.
Montauron, qui demeure dans la mesme rue, Item, et a esté Ie factotum des Sur Intendans et Intendans de-puis vingt ans, qui luy ont fourny de quoy satisfaire auxnbsp;despenses excessiues qu’il a faites auec les deniers dunbsp;Roy, a quoy il n’auroit pu subuenir autrement, estantnbsp;vn pauure soldat de fortune.
Piry demeure aux Marais vers la rue Charlote, qui esté de plusieurstraitez, entr’autres deceluy duDomaine.
Berault, qui demeure aux Marais, Item, rue S. Francois, Itendu et Longuet^ son beau frère, qui demeure rue Tibaut Todée [Thibaut aux dez], ont esté en toutesnbsp;sortes d’affaires généralement, oü ils ont gaigné les grandsnbsp;biens qu’ils possèdent.
La succession de défunt d’Aluimare, dont l’héritier, qui demeure proche Ie Grenier a Sel, est de mesme ca-tégorie.
Deodati, qui demeure rue des Rosiers.
Item nbsp;nbsp;nbsp;qui demeure rue des Bourdonnois prés
l’Hostel de Villeroy.
Item la succession de Rouilly.
Item les deux de Luynes, dont l’vn est Coinmissaire
que la Cour, suiuant 1’Arrest par elle cy deuant rendu, a ordonné estre portez ès coffres de l’Hostel de Ville. »
Le Courtierfrancois, etc. [830J, 2' arrivée.
' II était en 1649 trésorier général de TExtraordinaire des guerres. II fut cliargé des Taxes faites des maisons siscs aux enuirons de Paris, etc.nbsp;[3753].
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General aux saisies réelles, et deraeure rue Ste Croix de la Bretonnerie.
Barbe, qui demeure rue des Francs Bourgeois, a esté aussi de tous les traitez; les deux Guénégaud Item ’, etnbsp;la succession de leur pere; Jean et Rolet, leurs coinniis jnbsp;Item de la Place et Rozerot [Roseret], commis de Petit.
loly, payeur des rentes des Aydes, leur associé, de-ineure rue du Temple, prés la rue Pastourelle.
Housset, Trésorier des parties casuelles, a esté de toutes affaires, tant en qualité de commis de Rabatus,nbsp;dans la desroute duquel il a estably sa fortune, que de-puis qu’il a exercé sa charge, et demeure Vieille rue dunbsp;Temple. Masel, pauure garcon de Surenne, s’est enri-chy par les mesmes voyes, et demeure vers la Placenbsp;Royale, proche l’Hostel de Carnaualet.
Senoc, demeure Cousture Ste-Catlierine et a esté de tous les traitez.
De Coulanges père et fils, rue S.-Antoine; Item. Dournet, loly et Romanet, beau père et gendre; Item,nbsp;la succession de Lataignan.
JifeOT Rose cy-deuant munitionnaire; /few , Languet et de Repas ont esté de tous les traitez des nouueauxnbsp;Offices establis sur les ports. Ledil Languet demeurenbsp;rue des Deux Boules.
Les rHuillier frères. Item, outre les vsures notoires qu’ils ont commis, eux et plusieurs marchands sans foynbsp;comme eux et sans Religion.
Le Tardif, qui a fait Ie traité des toisez des maisons en suitte de plusieurs autres, comme celuy de Testablis-sement du sol pour liure et maltotes de cette qualité.
’ J’ai cite dans la Bibliographic des Mazarinades le passage du Parle-ment burlesque de PontoUe [2701], tjui concerne.
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Guignot, ladis pauure vagabond, sans cognolssance de père ny de mère, s’est enrieliy du temps de Bullion pournbsp;estre entré en quelque maltote.
Le Clerc, Trésorier de l’extraordinaire, et Ie Page, ses compagnons d’Offices, gens venus de néant, possèdentnbsp;des biens immenses par les voleries qu’ils ont faites dansnbsp;leurs charges.
Bersaut [Bertaut] et Angrand ont si bien ioué leur per-sonnage dans les consignations qu’ils s’y sont extrême-Jnent enrichis.
La succession de Guilloty, l’vn des intéressez aux Gabelles, peut bien estre comprise en ces recherches.
La succession de Fieubet* n’en doit pas estre exempte, scachant que de pauure garcon venu de Languedoc, ilnbsp;est mort puissaminent riche pour auoir manié les deniersnbsp;duRoy; etl’on peut iuger des grands biens qu’il a laissez par l’article suiuant.
La succession de Lambert®, fils d’vn Procureur des Gomptes, commis dudit Fieubet, peut contribuer plus
‘ nbsp;nbsp;nbsp;((.... Fieubet qui I’inteiTonipt,
Luy dit : (( Vous oublies le plonib.
(( Et puis i’ay dedc^ns ma valize (( De quoy cliasser fainéantize;
« 1’ay triquetrac, cartes et dez (( Qui ne sont nulleinent pipez,
« Et tels qu’on s’en sert chez Sercole, c( Chez qui, tous les iours, ie tripote. »
On peut Vüir d’ailleurs Tarticle du Parlement burlesque de Pontoise^ etc. [2701], dans la Bibliographie des Mazarinades,
* «Vn Lambert, fils d’vxi Procureur des Comptes, qui, portam encore plus dans le cceur que sur le visage le caractère d’vn luif, a laissé quatrenbsp;millions cinq cens mil liiires de bien, dont le président Viole, ce bonnbsp;Francois et ce fidele seruiteur du Roy, a eu pour sa part plus de quatrenbsp;cens mil liures. »
La Vérité toute mie, etc. [1007].
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cl’vn million aux despenses présentes, sans estre incommode, ledit Lambert estant mort riche de plus de cinq OU six millions de liures, ou peu s’en faut, outre lesnbsp;grands biens et belles maisons qu’il a laissez tant auxnbsp;champs qu’a la ville.
La succession de Bretonuilliers‘ est encore d’vne classe plusreleuée, en ce que, nonobstantle grand nombre de sesnbsp;enfans, il a donné a sa fille en mariage vn million de liures.
Muissal, pauure petit lacquais de Morin, a si bien agy, a l’exemple d’vn si bon maistre, qu’a force de pilleriesnbsp;il s’est extrêmement enrichy.
Flauriau, pauure garcon de Tours, a présent Fermier de la Patente du Languedoc, a fait si grand nombre denbsp;traitez, a l’exemple deBonneau, son maistre, qu’il est trésnbsp;puissamment riche.
Pallu l’aisné, et Pertel, Ie payeur des rentes, ont fait Ie semblable, tant aux sous Fermes du pied fourché etnbsp;des Aydes qu’en plusieurs traitez et recouurement denbsp;taxes qu’ils ont entrepris.
Mommirot, cy deuant coinmis de Bretonuilliers, a si bien volé Ie Roy et son maistre qu’il est extrêmementnbsp;riche et derneure en ITsle.
Les Groin, frères et fils du maistre du cabaret de la Pomme de Pin, a force de pillages qu’ils ont faits dansnbsp;la subsistance lors de l’establissement d’icelle, ont acquisnbsp;de grands biens et possèdent des charges de finances trésnbsp;considerables.
Meusnier a fait de mesme, tant par ces voyes que par
' « Vn Bretonuilliers qui n’estant autrefois qu’vn simple lleceueur gé-ïiéi-al des Finances de Limoges, a gagné tant de millions, qu’estant assez bon bomme d’ailleurs, il en auoit bonte liiy-mesme. »
La Vérité toute nuc, etc. [4007].
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1 intérest qu’il a eu a plusieurs traitez, notamment en 1 establissement du sol pour liure.
Launay Graué’ a fait plusieurs pillages dans la Géné-ralite d’Orléans pour Ie recouurement des tailles qu’il auoit en party, y ayant entretenu cinq ou six compagniesnbsp;de fuzeliers qui ont tout perdu la Prouince, et outre anbsp;esté de tous les traitez et particulièrement de celuy desnbsp;taxes des deniers aisez.
Martin, Intendant de l’Escurie du Roy, a si bien pillé dans ladite Intendance que les toui’s de baston luy ontnbsp;valu pour entretenir Ie faste et Ie luxe de sa despense.
Le Feron ® a tellement auily les rentes de l’Hostel de Ville par Ia tolerance qu’il a fait du retranchementnbsp;d’icelles, moyennant les finances qu’il en a touché pournbsp;se laisser corrompre et souffrir ledit retranchement sansnbsp;se plaindre, comine il deuroit auoir fait pour l’intérêt dunbsp;public, et est en possession de sommes immenses en deniers contans, outre les cent mille escus qui luy sontnbsp;deubs par les fermiers des Gabelles, et les deux cens millenbsp;liures par les payeurs des rentes sur les Tailles. II de-nieure rue Barre du Bec.
Guillard, qui demeure vers Sainct-Paul, s’est meslé de toutes les affaires; et Blessier Item.
losselin, qui demeure dans l’Isle, a tant volé a la cbambre aux deniers du Roy que ladite Cliambre en estnbsp;si despourueue qu’il ne s’en trouue point pour la despense et bouche de sa Maiesté.
Villete a entre autres traittez celuy des Courriers de Bordeaux, ou il s’est extrêmement enrichy auec ses asso-ciez. II demeure aux Marais.
' Voir plus haiit, page 131.
“ Prévót des inarchands de Paris.
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Ue Vic, qui demeure au fauxbourg S. Germain, a fait plusieurs traittez, notamment en la Prouince de Normandie.
Le Cliancelier* a esté partisan des boues et de tons les partis. Son bisayeul estoit Apothiquaire; son ayeul, Procureur, a este enterre sous les Charniei’s de S. Seuerin,nbsp;oil estoit son epitaphe^, qui a esté tiré par force. Lenbsp;Gros, qui demeure rue Gille-Seine, a fait plusieurs traittez et a esté associé de S. Garnier. Keruet, qui demeurenbsp;prés l’Hostel de Nemours, a esté de tous les traittez sansnbsp;exception, tant auec Galand, Marin et Bonneau qu’auecnbsp;Catelan, de Mons, le Camus et autres. Ligours et Pidou,nbsp;qui a esté commis de Barbier et luy a inspire toutes lesnbsp;maltotes qu’il a faites, en quelque facon que ce soit, etnbsp;est vn pauure garcon qui de son chef n’auoit aucunenbsp;chose, et qui s’est enrichy aux friponneries et diuertis-sement qu il a fait des effects de défunt son maistre. Lenbsp;Vanneur, qui demeure aux Marais du Temple, s’est enrichy pour auoir diuerty les effets dudit Barbier proue-uant des recouurements qui luy auoient esté confiez, etnbsp;s’est pariuré en Tastice pour se conseruer lesdits effectsnbsp;et deniers recelez lorsqu’après la moit dudit Barbier onnbsp;luy en a demandé compte. Gathon, les loubert frères etnbsp;les nommez Polier père et fils, demeurans au fauxbourgnbsp;S. Germain, ont fait le semblable. Dufresne, Aduocat,nbsp;et luignon. Procureur en Parlement, ont tant fait que denbsp;pauures garcons qui ne possédoient rien, ils sont auiour-d’huy très-opulents. Caissant a fait le mesme dans le re-
' Pierre Séguler. On va volr, page 139 , clans les Dluerses pièces sur les colonnes etpiliers des maltótiers [1161], les V'iugt rimes sur leur patriarehe.nbsp;^ Elle était a Vciurée cle la petite porte a main gauclie.
Jucrtisscnient a Cofion, éucsque de Dol^ elc. [444 ),
-ocr page 157-139
MAZARINADES.
couurement des taxes dont Galand 1’auoit chargé, Masse-rot a esté lacquais et deineure derrière Ie Palais Royal, a pris les Tailles des Généralite/ d’Orléans et de Mou-lins.
(26 janvier 1649.)
'lt; Dedans Ie Parlement eet liorame que l’on hue,
Qui d’vn lieu sacrosainct a fait vne cohue,
Son corps est aussi droit que son ame est bossue.
Tont Ie iour 11 est frold', toute la nuit il sue.
Sou oeil est assez doux; mais sa langue nous tue. lainais a faire bien sou coeur ne s’éuertue.
Sa conscience craint surtout vne reuue.
Son conseil fait souuent faire quclque béuue.
11 est doux au sccller; il ne mord ny ne rue.
Saturne dominant rend son bunieur bourriic.
Alercure Ie suljtll lui fait la main croebue.
Véiiiis Ie rend suspect d’vne tête fourebue,
11 platre pour argent vne affaire perdue.
Au lieu de son mouton^ la France il a toiidue.
Sou estoile sur uous cent diseraces inline.
[1 croit que nous aurons a iamais la berlue.
De son abaissement sa fortune est venue.
' Le patriarche des Maltóliers est ici Ie chancelier Séguier. Le texte de celle piece a été corrigé sur une copie manuscrite qui est a la hibliothè-que de Sainte-Geneviève.
’ Los Séguier portent d’azur au chevron d’or, accopipagné en chef do deux éloilos de inéine, ct en pointe, d’un agncau d’argent.
-ocr page 158-140
CHOIX
La reine l’a connu lorsqu’elle étoit en mue. Son nom se trouue escrit au milieu de la rue’nbsp;Si tu ne sais qu’il est, vas, tu n’es qu’vne gru(
Orgueilleux bastiments oü l’iniuste abondance Monstre au peuple Fhorreur de sa nécessité,
Censeurs qui, sans parler, reprochez a la France Ou son peu de courage, ou sa stupidité,
Ie ne puis contempler vostre magnificence
Que, d’vn esprit bouillant et d’yn ceil courroucé,
Voyant que les cbeuaux sont traités d’éminence,
Et qu’on les voit loger en cette qualité,
Non, ie ne puis vous voir, éclatante écurie,
Que, d’vn fibre discours, soudain ie ne m’écrie ;
O trop sensible abus d’vne minorité!
L’on peut voir aisément, dans Ie siècle ou nous sommes. Tout ce que des tyrans a dit Tantiquité,
Puisqu’encore aux cbeuaux on fait manger les hommes.
On dit (peut-estre on dit mal)
Que la grande armée de Flandre Ne prend rien , mais ne fait que rendre ;
Au contraire du cardinal,
Qui prend tout et ne veut rien rendre.
' Le cliaucelier était, dlt-on, dans Ie parti des boues de Paris. Voyez lo Catalogue des partisans, page 138.
® Mazarin. II n’y a peut-étre rien qui alt élé plus souvent et plus vive-ment reproché au cardinal que ces écuries.
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DE MAZARINADES.
Air de cour nouueau sur la plainte de 1’Amour contre la Guerre parisiermc-Sur Ie chant : De la Courante de la Reyne, etc.
Que vous nous causez de tourment,
Fascheux Parlement!
Que vos Arrests
Sont ennemis de tons nos interests!
Le cardinal a perdu tous ses charmes.
Tout ett en armes;
Et les Amours
Sont effrayez par le bruit des Tambours.
La Guerre a cbasse I’Amour,
Ainsi que la Cour;
Et de Paris
La peur bannit et les Jeux et les Ris.
Adieu le Bal; Adieu les promenades,
Les Serenades;
Car les Amours
Sont effrayez par le bruit des Tambours.
Mars est vn fort mauuais Galand II est insolent.
Et la beauté
Perd tous ses droits auprès deLaFerté^.
On ne peut pas accorder les Trompettes Et les Fleurettes;
Car les Amours
Sont effrayez par le bruit des Tambours.
' Elle est de Blot. On en trouve deux couplets dans le Recueil general de toutes les chansons mazarinistes, etc. [303S]. Le refrain est cite dans lanbsp;Lettre a monsieur le cardinal^ burlesque.
^ Le maréchal de La Ferté.
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Mars oste tous les reuenus A Dame Vénus.
Les chères soeurs
N’ont a présent ny argent ny douceurs.
On séduiroit pour vn sac de farine La plus diuine;
Car les Amours
Sont effrayez par Ie brult des Tambours.
Place Royale ou tant d’Amants Monstroient leurs tourraents,
On leur destin
Estoit tousiours flatté par Constantin *,
On n’entend plus au lieu de tant d’Aubades Que mousquetades;
Et les Amours
Sont effrayez par le bruit des Tambours.
Que de plalsirs fait le Blocus A tant de Cocus!
Car desormais
11s n’auront plus chez eux tant de plumets.
Les caiolleurs, ces diseurs de sornettes,
Font leurs retraittes;
Et les Amours
Sont desertez par le bruit des Tambours *.
' UAgréable rédt des barricades de Paris nous montre Constantin « son-nant 1’atarme en faux bourdon de barricade en barricade. »
* Ce couplet rst dans tous les imprimés suivi d’un autre que j’ai cite sous le n“ 305b de la Bibliographic des Mazarinades, mais que je n’ai pasnbsp;reproduit ici, paree qu’évidemment il n’appartient pas a la chanson.
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(26 janvier 1649.)
II n’y a rien qui altire dauantage 1’aclmiration et 1’affeo-Don des hommes que les beautez de l’Art et de la Nature. L’artifice d’vn Peintre qui semble forcer la Nature anbsp;venir dans ses ouurages, a plus d’appas pour les curieuxnbsp;que la subtilité et les raisonnements des Philosophes; etnbsp;les charmes que l’amour a rencontrés dans les desertsnbsp;agréablement affreux, ont attiré les hommes auec plusnbsp;de facilité que 1’Escole du diuin Platon, qui semble auoirnbsp;familiarise auec la Diuinité pour en apprendre les secrets.
Le désir de voir ces beautez a fait mespriser aux hommes ce qu’ils auoient de plus cher, et les a poussés a com-mettre leur vie a l’inconstance de la mer et du hazard.nbsp;Pa curiosité leur a donné des mespris pour leur pays etnbsp;de r amour pour les Barbares.
Tous ont esteint l’amour de leurs maisons dans le désir de voir les raretez du monde. II n’y a que le seul Cardinal Mazarin qui semble auoir appelé dans sa rnai-son l’Art et la Nature auec leurs ornemcns et les auoirnbsp;contraint de loger dans son Palais, lequel ie vous prie denbsp;considérer auec moy, et toutes ses beautez promptement,nbsp;de peur que quelque Suisse ne nous chasse et rauisse sesnbsp;raretez a nos yeux.
Au premier aspect, ce superbe Palais rnonstre qu’il ne loge rien que de superbe. Les plus célèbres Ingénieurs
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semblent y auoir lalssé toute leur industrie; et i'esprit des plus expérimentez Architectes s’y est perdu auec lesnbsp;richesses de la France; en sorte que l’on peut dire :
Omnis Mazareis cedat labor sedibus;
Vnum pro cunctis fama loquatur opus.
Entrons dans le Palais. I’apercois vn Cadran qui inon-tre qu’il n’y a rien icy de plus cher que le temps, puisque la France alloit aclieter vn million vn seul moment dunbsp;temps de son Eminence.
Honteuse nudite des statues. — Donnons la liberte de nos yeux a la curiosite qui nous conduit dans vnenbsp;Sale basse, bien sale a la vérité; car vn grand nombrenbsp;de Statues y sont vn peu trop au naturel; et la licence denbsp;leurs representations blesse les yeux des spectateurs etnbsp;semble leur dire qu’on descouuroit icy les choses les plusnbsp;cachet's dans la nature.
Mais on oste vn Tapis qui nous fait voir vne Table au-tant rare que belle. On la nomine ÏMpis azurus. Ea nacre et I’or enchassez dans cette pierre si bien polie font igno-rer son prix. La variété de ses couleurs rend les regar-dans variables dans sa considération; et I’agreable confusion de ses richesses confond leurs regards et leursnbsp;esprits.
Deux rares Cabinets d’Ebène bien ornez. — Les spectateurs sont arrachez de cette Sale pour entrer dans vne autre. La cui’iosite chasse d’icy toute sorte de respectsnbsp;et rend les espaces de la porte trop petits. Cette Salenbsp;présente premièrement a nos yeux deux I’ares Cabinetsnbsp;d’Ebène si belle et si luisante qu’on diroit que ce soit vnenbsp;glace noire, dont la purete recoit nos regards facilement,nbsp;les conduit partout, et innocemment descoiiure ses se-
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;145
crets. Plusieurs petits Tableaux enchassez achèuent la beauté de ces deux Cabinets, qui sont portés par quatrenbsp;petits Lions de cuiure si bien doré qu’il fait bonte a l’ornbsp;mesme. Dessus 1’vn des deux vne Licorne, de mesme ma-tiere que les Lions, prend Tessor auec ses aisles, et parnbsp;son vol artificiel semble auoir inspire a ses admirateursnbsp;Ie desir de voler.
Table de niarbre taillée en fleurs bien rapportées au corps. —Nous quittons ces Cabinets et vn grand nombrenbsp;de Statues dont l’artifice et Tantiquité les fait admirernbsp;sans pouuoir les priser, pour arrester nos considerationsnbsp;sur vne autre Table dont la beauté fait mespriser cellenbsp;qui fait Tornement de la Sale précédente. Lorsque nousnbsp;la considérons, il nous semble voir vn beau Parterre seménbsp;de Fleurs. Il faut aduouer que 1’Art est vn admirable lar-dinier, puisqu’il seme le Marbre de Fleurs d’autant denbsp;diuerses couleurs qu’vn lardin bien cultiué en peut four-nir. La diuersite des couleurs du Marbre artificiellementnbsp;taillé fait la diuersité des Fleurs. Vne main ingenieusenbsp;contraint la dureté du Marbre de fleurir et la fermeténbsp;mesme de prendre la forme de la fragilite. Les pieces denbsp;ce Marbre, formées par le trauail en Fleurs, ont vn rapport admirable auec le fonds de la Table, qui est denbsp;mesme matière et de couleur noire, pour nous faire pa-roistre par ce doux meslange et combat de contraires couleurs qu’il faut chercher nostre plaisir dans la meslee, etnbsp;que nos félicitez sortent des combats.
Sale des Antiques oil il pa vne Statue scale que Ion dit coaster deux mil escus. — Cette Sale nous donnenbsp;l’entrée d’vne autre ou l’Antiquité semble auoir apporténbsp;toutes ses Merueilles. Icy les plus fameux Sculpteurs re-connoissent leur ignorance. Le nombre des Statues leur
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donne de l’estonnement; et la Sculpture les fait désespé-rer de pouuoir iamais porter leur artifice iusques a la perfection.
Les Francois auoient mesprisé tousiours ces Idoles; mais ce pompeux Cardinal les a rendu chères, en leurnbsp;faisant bailler de l’or pour auoir des pierres taillées.
Ie ne m’estonne point de ce qu’il ayme ces figures de inarbre. Tous les Italiens regardent ces formes insensi-bles comme leurs viues images. Pour leur tesmoignernbsp;nostre amour, nous désirons que, puisqu’ils ont tant denbsp;passion pour du marbre figure, ils soient change/ heu-reusement en la chose avmée.
Table oü les pierres pre'cieuses et Vor font vti agre'a-hle meslange, — La rareté de ces ouurages rencontre des admirateurs; mais elle n’en trouue point tant qu’vnenbsp;riche et royale Table qui estale au milieu de cette Salenbsp;les richesses de l’Orient; Royale, a la vérité, puisqu’ellenbsp;a seruy au plus grand des Roys, Henry IV. Les pierresnbsp;précieuses, enchassées dans son marbre comme des Astres,nbsp;ont eu honte d’auoir de Fesclat dans Ie Louure, puisquenbsp;leur Soleil n’y répandoit plus ses lumières. Elles se sontnbsp;éclypsées aux yeux de la Cour dans ce Palais, auec la sin-cérité des loix establies par ce victorieux Monarque et lanbsp;félicité des peuples.
Nostre curiosité ne peut encore se renfermer dans cette Sale. Elle passe dans la Galerie des Antiques. Rome luynbsp;a donné ses Empereurs. Alexandre y est reprësenté auecnbsp;esclat eu Porphire; et beaucoup d’autres Statues d’Alba-tre y perdent leur blancheur, tant il est vray que la can-deur se perd facilement dans la maison des Grands.
De cette Galerie, on monte dans vne autre que 1’Art et la Nature seinblent auoir pris plaisir a enricbir.
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Cabinets d'Escaille-Tortue. — II n’y a rien de plus poli et plus droit que les Cabinets d’Escaille-Tortue.
Table de marbre taillée en forme d'oyseaux. — Le inarbre des Tables semble auoir perdu sa pesanteur pournbsp;prendre Tagilité de diuers oyseaux, qui y sont si biennbsp;representez qu’on diroit que ce marbre tasche a quitternbsp;sa solidité pour prendre l’essor en haut; ce qui nous en-seigne que l’Art élèue icy les choses les plus grossièresnbsp;au-dessus des subtilitez naturelles, et qu’on a tousioursnbsp;fait régner dans ce Palais l’artifice.
C’est par son moyen que ce Cardinal a contraint pres-que toutes les Nations de la Terre a contribuer a 1’orne-ment de cette Galerie.
LTtalie luy a donné ses Statues et ses Tableaux. Les Césars, representez en Porphire et arrangez icy par ordre,nbsp;font aduouer qu’il n’y a rien de plus auguste.
Tableau de la Fierge, — Parmy cette Antiquité profane , vn beau et rare Tableau de la Vierge fait dire a tous que la Piété est icy seulement en peinture.
Liet d’Yuoire. — L’Afrique luy a donné son Yuoire pour en faire vn liet oii I’liomme le plus mélancholiquenbsp;pourroit endormir ses soins.
Damas s’est dépouillé de son Damas, et Ia Turquie de ses Tapisseries pour en orner les Chambres de sonnbsp;Éminence, dont les lambris sont d’or, paree que ce puissant Génie logeoit tousiours ses désirs bien haut.
Statue de marbre qui repre'sente la Charitë. — Toutes ces richesses peuuent bien arrester nos sens, mais nonnbsp;pas les captiuer. La Charité a pour eux de plus bellesnbsp;chaisnes que l’or et l’argent. Icy la Charité les rauit, encore qu’elle soit de marbre. La statue d’vne femme quinbsp;semble donner la vie auec son laict a vn enfant qu’elle
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CIIOIX
serre amoui’eusement entre ses bras, représente cetle noble vertu. II semble que l’amour anlme ce marbre, etnbsp;qu’il luy aye donné la forme de son visage et de ses yeuxnbsp;pleins d’appas. Le lieu obscur ou est eet ouurage accom-ply, fait croire a tous qu’on condamnoit icy la Chariténbsp;aux fers et aux pi’isons; et l’insensibilité de ce marbrenbsp;monstre que cette Maison ne loge rien que d’insensible,nbsp;et que s’il y a de la charité, elle est de pierre.
Chaise du Cardinal admirable, — L’Ambition a basty ce riche Palais; mais la Crainte s’en est fait vn autrenbsp;bien différent. H y a vne Chaise, dans vn lieu de cettenbsp;maison, reculé et obscur, dans laquelle, si quelqu’un s’as-sied, par des ressorts inconnus, tirant vne corde, il descend ou monte selon les mouuements de ses désirs ou denbsp;la Crainte, les planchers estant percez pour eet effect elnbsp;pour donner vn chemin libre a la Crainte, qui ne trouuenbsp;son salut que dans la fuite. Cette Passion accompagnenbsp;partout l’Ambition; elle la suit sur les Throsnes et lanbsp;fait regarder en bas et appréhender sa chute.
Conclusion morale. —Fuyons de cette Maison, puis-que le siege de la Crainte y est. Cette Passion estouffe en nos cceurs la curiosité. Nous ne voulons plus considérernbsp;ces richesses que comme vn threzor de misères; car parinynbsp;ces rarelez, le repos y est bien rare; et aucc cel or onnbsp;achète bien cher des soins el de la crainte.
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DE MAZARINADES.
(26 janvier 1649.)
Monseignevr, ie ne suis ny vassal, ny domestique de Vostre Altesse; ie suis Francois; et cette qualité m’o-Dlige de vous honorer comme Prince du sang de France,nbsp;et comme celuy dont les grandes actions ont rendu eetnbsp;Estat Ie plus florissant et Ie plus glorieus des Royaumes.nbsp;Ie croy que tons les autres ont eu pared respect pournbsp;vostre mérite, et qu’ils ont creu la patrie dans vn comblenbsp;de prospérité, quand ils Font ven triompher par vosnbsp;armes. II n’y a personne qui n’ait fait des veeus pournbsp;Taccroissement de vostre honneur, et pour vostre con-seruation; et si vos victoires vous ont cousté quelquesnbsp;gouttes de sang®. Ton en a pleuré la perte auec plus denbsp;tendresse que l’on a témoigné de ioye de l’aduantagenbsp;qui nous en reuenoit.
Toute la France craignoit pour vous et pour elle la valeur fatale des deux fameus Enguiens, vos prédé-
* Naudé revient trois fois sur cette Lettre; et toujours il Ia cite comme un des plus remarquables pamphlets. Guy Patin la range parmi les meil-leurs dont il attend un recueil. I^a Seconde lettre n’est pas du méme auteur ; et elle est loin d’avoir eu Ie même succès.
** « Les nouuelles qu’on apporta de Flandre, causèrent cette emotion générale quand elles publioient tout liaut que Ie Prince de Condé, qu’onnbsp;auoit ven triomphant et glorieux quelques iours auparauant dans la iour-née mémorable de Lens, auoit receu vn coup de mousquet a Ftirne, ennbsp;sortanl de la trancliée. n
Le Politique du temps, ete, [2812],
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cesseurs, quelle enseuelist auec tant de larmes dans Ie pi-intemps de leurs années. Vous estiez ses délices, etnbsp;Tespérance de sa protection. Enfin, elle se promettoitnbsp;tout de vous, et n’appréhendoit rien deses ennemis.nbsp;Vous auez esté Ia seule consolation quiluy soit restéedenbsp;la mort de Monseigneur le^Prince de Condé, vostre Père •nbsp;OU du moins auez-vous donné vne longue intermissionnbsp;au regret éternel qu’elle en deuoit auoir, paree que l’onnbsp;vous a longtemps veu suiure ses bons sentiments et sesnbsp;préceptes dans les conseils.
Vous ne cessiez pas pour cela d’estre Ie mesme Enguien dans la guerre; et vous l’avez aduantageusement fait voirnbsp;h cette fameuse iournée de Lens, ou vous suppléatesnbsp;aiiec tant de bon-heur au mauuais soin, et a l’impru-dence de ceux que Ton appeloit nos ministres. Vous sur-montastes les espérances que l’on pouuoit auoir d’vnenbsp;campagne, au succèz de laquelle ils auoient si mal pour-ueu que ce ne fut pas sans suiet s’ils furent soupeonneznbsp;de trahisoit et d’intelligence auec nos ennemis : ie diraynbsp;encore d’attentat a vostre reputation et a vostre personae. L’on auoit eu mesme opinion du voyage deV. A.nbsp;en Catalogne, oü l’on scait que vous fustes abandonné,nbsp;et que I on nevous enuoya rien de tout ce qui estoit nécessaire, mesme pour y soutenir l’effort que fit l’Espa-gne, et que la seule presence du Prince de Condé ynbsp;maintint nos affaires, et y occupa les forces destinéesnbsp;pour opposer a la réuolte de Naples, si mal ménagée denbsp;nostre costé.
C’est peut estre la principale raison qui nous a emeu contre la domination tyrannique de lules Mazarin. Aprèsnbsp;qu’il ent épuisé presque tout Ie Koyaume de ses finances , l’on n’appréhenda pas sans raison qu’il ne prccipi-
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tast V. A. dans vn dernier peril oü vostre valeur suc-combast souz Ia force des ennemis, par les artifices parricides de ce traistre Sicilien.
N ayant pu vous perdre, et continuant ses pernicieux desseins sur eet Estat, il a voulu vous gaigner, de craintenbsp;que celuy qui auoit prodigué sa vie pour la France, ne lanbsp;voulust encor hazarder pour la déliurer de son oppression. II estoit asseuré de la facilité de M. Ie Due d’Or-féans par Ie moyen d’vn valet qui Ie gouuerne‘, et quinbsp;estouffe dans Ie point de sa production tous les bonsnbsp;désirs deS. A. R.; et vous estiez Ie dernier but de sa politique. Toute l’Europe ne s’estonnera pas sans suietnbsp;qu’vn acheteur, si mercenaire et si auare, alt pu s’ac-quérir vne personne si importante, dans vne saison sinbsp;contraire et sur Ie point de sa ruine.
Vous deuiez estre alors Ie plus offense. II venoit de liurer aux ennemis vne des principales conquestes denbsp;V. A.^; il marchandoit auec eux pour la dernière; ilnbsp;ostoit cette recompense a vn seigneur de marque, dignenbsp;d’vn plus grand employ, et mettoit dedans Ypre la mesmenbsp;creature qui auoit perdu Courtray, et a qui nos loix de-uoient faire perdre la testeBref, comme s’il se fustnbsp;ouuertement declare ialoux et ennemy de vostre gloirenbsp;et de vostre reputation, il voulut troubler impudemmentnbsp;les benedictions publiques que l’on vous donnoit, et lanbsp;réiouyssance qu’on témoignoit du gain de votre dernierenbsp;bataille, par l’emprisonnement de deux magistrals1, etnbsp;nous voulut faire connoistre que vous n’auiez vaincu que
nbsp;nbsp;nbsp;L’abbé de La Rivière.
* nbsp;nbsp;nbsp;Courtray pris par les Espagnols en 1646.
* nbsp;nbsp;nbsp;Le comte de Palluau, depuls marécbal de Clérembaut.nbsp;¦1 Le président de Blancmesnil ctle conseiller Broussel.
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la France, ny combattu que pour raffermissement de sa tyrannie.
L’énormité d’vne si estrange action émut les plus tièdes des Parisiens. I!s ne croyoient pas qu’il fust possible d’en esti’e spectateur sans en estre complice, si l’onnbsp;ne la vengeoit; et l’on vous désiroit pour chef d’vne resolution prise pour vostre honneur et pour celuy de lanbsp;patrie. Vous vintes, Monseignevr; vous ne vous en res-sentistes pas; mals quoy qu’il en soit, vous pacifiastes cenbsp;de'sordre au gré de tous les intéressez', auec vne légallténbsp;qui vous contimia I’amour des peuples. L’on apporta vnnbsp;temperament aux désordres de l’Estat; et l’on publianbsp;cette belle declaration qui doit estre doresnauant Ie fondement inébranlable de la Monarchie®. L’authorité d’vnnbsp;bon Roy n’y est point lezée; les Princes qui sont les premiers obiets de la persecution des fauoris, y trouuent leurnbsp;seureté; Ie Roy y recouure ses finances dérobées; et Ienbsp;peuple y rencontre cette tranquilité depuis si longtempsnbsp;troublée par 1’insolence des manuals Ministres et par lesnbsp;rapines sanguinaires des Partisans.
Monseigneur Ie Due d’Orléans et Vostre Altesse 1’ont appvouuée, puisqu’elle s’est faite de vostre consentementnbsp;et par vostre conseil, a la supplication du Parlement quinbsp;n’a point vsé d’autres forces que de celles de la raison.nbsp;La Cour est reuenue a Paris; et la ville en a rcceii vnenbsp;ioye inexprimable. L’on n’a parlé d'autre chose depuis,nbsp;que de l’exécution des articles ordonnez, non plus par
* La pacification d’octobre 1648. Le Politique du temps^ etc., que j’ai cité plushaut, a été écrit pour prouver que tout 1’honneur de i’accoin-modement revenait au prince de Condé.
® Declaration du rot portant règlcmeni sur Ic fait de la lustice, police , finances et soulagcment des suiets de Sa Maiestv, vcriftée en parlement Icnbsp;^2i octobre 1648 [936].
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Ie Parlement, maïs par ie Roy; et paree qu’il estoit impossible que l’on ne clécouurist les lareins du Cardinal Mazarin, seul autheur de tous nos maux, ce chef desnbsp;volleurs de i’Estat, tout-puissant auprès de la Royne-Régente, s’est seruy de tont son crédit pour l’em-pescher.
Le bruit est tout cornmun qu’il vous entretient de gi'andes espérances pour estre protégé de Vostre Al-tesse; mais que peut-il vous promettre verbalement pournbsp;vne action indigne de vostre sang et de vostre vertu, quenbsp;l’on ne vous accorde, en effet, pour ce que vous aueznbsp;desia mérité ? Et, n’est-ce pas vne extreme insolence anbsp;ce perfide de vous proposer, pour prix de son salut,nbsp;de nouueaux Estats qui vous sont deuz pour vos services , et que vous ne pouuez receuoir que de la main denbsp;ceux contre lesquels il vous arme. C’est faire peu de casnbsp;de ce que vous auez fait auec tant de gloire •, et c’est vnenbsp;étrange témérité d’estimer plus que tant de villes con-quises et batailles gagnées, la deffense du plus cruel en-nemy de 1’Estat. II n’y va point de vostre honneur de lenbsp;maintenir; au contraire, c’en est fait, et vous perdez lenbsp;fruit de toutes les obligations dont la Franee vous est re-deuable, si vous vous seruez contre elle-même de la reputation que vous auez acquis pour elle.
Si Votre Altesse daignoit ietter les yeux sur 1 Estat raisérable ou elle se voit réduite par l’oppression de Ianbsp;guerre intestine que luy ont fait depuis la Régence tantnbsp;de corbeaux épars dans les prouinces, créatures et émis-saires de Mazarin qui Font déuorée iusques aux intes-lins , il est sans doute que vous auriez horreur de sonnbsp;misérable cadaure si rongé en toutes scs parties. Songeznbsp;que c’est Ic patrimoinr dc vos ayeux et qui pourra estre
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celui de vostre postérité; et considérez que la Royne, Monseigneur Ie Due d’Orléans et vous, iouez l’héritagenbsp;de vos enfans contre vn infame filou, qui vous iouenbsp;luy-mesme, et qui hazarde, pour la plus abominablenbsp;teste du monde, vos personnes, vos biens et vostrenbsp;honneur.
II a tousiours vescu et ioué aux dépens d’autrui, comme celuy qui n’estoit né que pour la perte du public. Lanbsp;fortune accoucha de ce monstre adultérln pendant sonnbsp;diuorce avec la vertu; et elle ne l’a promené vagabon-dant par tant d’Estats que pour donner vn vain éclat anbsp;sa puissance. Ie connois son pays; et la Sicile mesine,nbsp;qui ne l’aduoue que pour nostre bonte, m’a fait scauoirnbsp;son origine chez vn cabaretier de ses parens, en la villenbsp;de Palerme, a mon retour de Malte. I’y sceus la banque-route de son père, qui estoit chapelier et boutonnier denbsp;son métier, et comme il se retira a Rome, oü Ie P. lulionbsp;Mazarini, lésuite, son frère, Ie mit en condition. II ynbsp;vola beaucoup pour amasser vn peu de bien ; il y marianbsp;quelques filles et mist son fils auprès du Connestable Colonne. De la, il passa au seruice du cardinal Antonionbsp;Barberin, et n’y eut pas Ie rang que l’on eust donné anbsp;celuy que l’on eust creu deuoir vn iour prétendre de s’al-lier auec cette maison. Il s’y signala par ses debauches,nbsp;et fut l’intendant des plaisirs deshonnestes de la Cournbsp;Romaine.
Ce fut luy qui donna conseil au Cardinal Antonio de se défaire d’vn neueu du Pape d’auiourd’huy* qu'il auoitnbsp;esloigné de ses bonnes graces. II fut mal-traitté a coups
’ Francesco PanfiU , neveu du pape Innocent X. On peut lire sur cc sujet Ie Tableau funeste des harpies de VEstat et des tyrans du peuple , etc.
[3743].
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de bastons; et, craignant iustement Ie dernier effet de la haine italienne, il ne put pas mesme éiiiter la mort dansnbsp;1’armée de l’Empereur, oü il fut assassiné par Ie ministère deMazarin, qui, suiuantla bonne coustume de sonnbsp;pays, ne pouüoit souffrir viuant aucun de tous ses enne-inis, particulièrement celuy-cy, qui estoit autant brauenbsp;qu’il estoit lasche et poltron. C’est Ie suiet de son ini-mitié contre Ie Pape, et de l’exclusion qu’il fit donnernbsp;par l’Ambassadeur de France pour Télection de sa Sain-teté. Depuis , il continua dans Ie libertinage et donna aunbsp;ieu et aux intrigues Ie reste de son temps. C’est ce quinbsp;Ie fit connoistre et qui Ie fit rebuter du seruice d’Espagnenbsp;par les ministres du Roy Catholique, qui ne trouuoientnbsp;en luy ny vertu, ny sincérité, ny capacité pour seruirnbsp;dans les employs qu’il briguoit.
II prit par despit Ie party de France; et ceux qui ont escrit de la paix de Casal, l’ont assez mal a propos louénbsp;pour luy complaire, de ce qu’il y eut du bon-heur‘. Lanbsp;fortune qui Ie conduisoit aueuglément dans Ie piége oünbsp;il doit périr, luy prépara cette entree en France, oü ilnbsp;fut bien receu du Cardinal de Richelieu, qui ne putnbsp;mieux faire veoir qu’il s’estimoit au-dessus de la pourpre,nbsp;que d’en reuestir son valet. Ie l’appelle valet; car toutnbsp;Paris scait comme il vesquit, et que ceux de la Cliambrenbsp;du Cardinal de Ricbelieu luy faisoient présent de sesnbsp;vieilles hardes pour Ie rhabiller, iusques a des souliersnbsp;et des vieux gands. 11 doit encor son chapeau a 1’auer-sion que Ie mesme Cardinal auoit contre ceux de nosnbsp;Éuesques qui Ie pouuoient inériter. Le sieur de Chaui-gny. Secrétaire d’Estat dans l’employ des affaires estran-
' Eiitre ceux qui l’ont loué assez mal a propos, il faut dier l’auteur de la Lettrc a monsieur le Cardinal, burlesque.
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gères, qui l’auoit pris en affection et qui Ie receuoit tous les iours a sa table, y apporta des soins extraordinaires,nbsp;dont nous auons veu la recompense dans la Régencenbsp;d’auiourd’hy, que 1’on peut appeller l’interrègne desnbsp;Francois et I’Empire du Sicilien.
L’Histoire ne perdra rien de la plainte de tous les peuples qu’il a fait gémir dedans et dehors Ie Royaume ,nbsp;par la guerre qu’il a continuée pour affermir son autho-rité; et Vostre Altesse en entendra parler toutes les nations, qui ne pourront que vous blasmer de l’auoir voulunbsp;arracher des mains de la lustice et de luy auoir voulunbsp;liurer la lustice mesme, pour esteindre ce petit reste denbsp;la splendeur de nostre ancienne Monarchie, que la ty-rannie n’a pu offusquer.
Seroit-il bien possible que vous eussiez ignore qu’il a fait ses efforts pour entrer au seruice de M. Ie Due d’Or-léans, et pour oster a la Royne et a M. Ie Prince, pèrenbsp;de V. A., la part que Ie feu Roy leur auoit donnée a lanbsp;Régence du Royaume ? Ce fut vn valet a louer l’espaccnbsp;de quelque temps; tout Ie monde l’auoit en horreur; etnbsp;il n’y eut que Monsieur 1’Éuesque de Beauuais qui senbsp;laissa surprendre par ses fourbes, qui l’ont éloigné de lanbsp;Cour et du Conseil de la Royne : Sa Maiesté ayant parnbsp;mal-heur pris plus de créance en vn homme de cettenbsp;qualité qu’en tout ce qu’elle auoit auprès d’elle de gensnbsp;de bien et d’honneur, desquels on espéroil que son gou-uernement seroit aussi plein de iustice qu’elle auoit té-moigné de zèle et de compassion pour les misères pu-bliques dans vne vie priuée.
Depuis que Sa Maiesté l’a appellé au Ministère, a-on veu autre chose que ieux, que ballets , que comédies,nbsp;que farceurs, que houffons et que traitres dans la maison
-ocr page 175-du B-oy? Et ne pcut-on pas clire que tout l’Eslat a été mordu de la Tarentule? C’esl \ne beste de son pays,nbsp;dont la morsure et Ie chant excitent diuerses passions:nbsp;quelques-uns rient et dansent sans suiet; et les autres pleu-rent amèrement; et tous quclquefois iusques a la mort,nbsp;si elle n’est préuenue de celle de eet animal immonde.nbsp;II en a été de mesme souz son administration et dansnbsp;nostre seruitude : pendant que toute la cour estoit dansnbsp;des délices imaginaires par ses encliantemens, les Pro-uinces gémissoient souz Ie ioug et sous l’oppression denbsp;ses harpies; et ces cruels comités et ces bourreaux denbsp;l’Estat les tenoient dans vne captiuité plus autliorisée quenbsp;la puissanee légitime que les Roys donnent aux grandsnbsp;qui les gouuernent. Ils n’ont point été trailtez en suietsnbsp;par ces Traittants et Partisans, mais comme des voleursnbsp;questionnez et gehennez pour descouurir la cache denbsp;leur larcins. Enfin, il ne leur restoit qu’vne ame affligéenbsp;de la prison d’vn corps qui estoit encor souuent prison-nier et hors d’estat d’aller chercher vne vie moins mi-sérable hors du pays natal.
II a rendu Ie noin et I’Empire des anciens peuples Francs ridicules a tous leurs voisins et méprisables a lanbsp;poslérité; et Ton ne parlera iamais des Vespres Sici-Hennes auec tant d’exagération que de la licence quenbsp;nos Princes ont permise au dernier homine de la plusnbsp;basse populace de Sicile. Toutes les Histoires nous met-tent ce pays en horreur; nos Roys Font eu en abomination ; et aucun d’eux n’a perdu Ie désir d’expier sur cettenbsp;nation perfide Ie sang de ses suiets victimez dans cettenbsp;terre de Lestrigons. Ce sang crie vengeance a sa Patrie,nbsp;par la bouche de ses enfans tourmentez par ce Phalarisnbsp;Palermitain , et vous demande 1’exécution de l’Arrest de
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1’an 1617, si vous ne voulez plustót luy permettre la satisfaction qu’obtinrent les Cypriots que les luifs auoientnbsp;mis a feu et a sang souz l’EinpIre de Traian. II fut dé-fendu a tout luif de niettre Ie pied dans leur isle, anbsp;peine de la vie; et 1’on n’excepta pas de la rigueur denbsp;cette loy les exilez et les amis des Romains, et non pasnbsp;mesme ceux qui aborderoient par la contrainte des ventsnbsp;OU que la tempeste y auroit iettez1.
Ce Sicilien icy s’est voulu exempter du crime de sa patrie par de plaisantes attestations, qu’il estoit d’vnenbsp;race de vieille faction Angeuine ou Fran^oise; et il eutnbsp;bien mieux fait de la renier comme vne marastre qui nenbsp;luy auoit donné aucun bien, et de se dire Bourgeois denbsp;1’Vniuers et fils de la terre, comme les Cyclopes, ses com-patriotes, que d’attribuer a ses ayeux tout ce qui s’estnbsp;pu faire de notable par les habitans de Mazarini en Si-cile, dont les Seigneurs et Comtes que i’ay veus, et quinbsp;se surnomment Branciforte, Ie désauouent de 1’affiniténbsp;qu’il a voulu faire auec eux, comme encor Ie defunctnbsp;Magalotti, Maresclial de camp, tué deuant La Motte,nbsp;qui a nié en ma presence qu’il fust son parent, auecnbsp;tant d’auersion pour cette proximité, qu’il disoit mesmenbsp;qu’il aimeroit mieux n’estre pas son amy, s’il falloit estrenbsp;l’vn et l’autre ensemble1.
nbsp;nbsp;nbsp;Dyon. Cass. :Tn e4 insulè, duce Artemione conspirantcs ludsei circi-ter centum et quadraginta capitum millia trucidArunt. Què facti atroci-tate, ludaeus de ccetcro legibus et penis Cyprum attingere proHibetur, sinbsp;vel vi tempestatis, vel per errorem illuc delatus fuerit, ceu capite damna-tus, statim morte mulctatur. N. D. T.
* nbsp;nbsp;nbsp;II y a sur Magalotti une anecdote de ce genre dans la Lettre du sicurnbsp;Pt'poli^ comte holognois, etc. [2205]. Cependant Magalotti avalt recu Ienbsp;commandement du siege de la Motbe avec promesse du b4ton de mare-chal aprèsla prise de la place-, mais il y fut tué.
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Si la generoslté Francoise vous empesche de consentir qu il porte la peine de la barbarie de son pays par re-prézailles, comme estant Ie premier qne nous ayonsnbsp;trouiie en France, n’empescbez pas qu’il ne soit puny denbsp;ses crimes personnels, qui sont la mine de la mesmenbsp;France, et l’intelligence qu’il a auec nostre ancien en-nemy, son prince naturel; du inoins, veuillez estre sonnbsp;luge auec Ie Parlement: et ne croyez pas qu’il soit plusnbsp;honorable a V. A. de l’auoir protégé contre la Justice etnbsp;contre Ie ressentiment général de tout Ie Royaume.nbsp;Aymez-vous mieux conseruer sa personne que vostrenbsp;honneur et I’amour des peuples ? et voulez-vous qu’ilnbsp;échappe auec ce suiet de vanité, que des Princes qui ontnbsp;d’autant plus de suiet de Ie haïr qu’ils ont part a l’Estatnbsp;qu’il a pillé, se soient exposez et opposez pour sa dé-fense ?
Serons-nous tousiours si mal-heureux que de voir Vostre Altesse dans des bazars continuels par ses me-nées? Il ne vous a fait combattre que pour vous perdre;nbsp;et ce pernicieux dessein n’aura-il esté sans effet que pournbsp;vous conseruer pour luy-inesme, contre vn peuple quinbsp;seul a prié Dieu pour vostre conseruation ? lettez lesnbsp;yeux sur la lustice de la Requeste; considérez vostrenbsp;condition; examinez celle de l’accusé; voyez de quellesnbsp;armes il est poursuivy; et si i’ose dire d'auantage, songeznbsp;vne fois seulement que Monseignevr Ie Due d’Orléans etnbsp;vous estes inuestis par certaines gens de sa Cabale etnbsp;qui courent sa fortune, qui vous obseruent et vous ob-sèdent, pour empescher que la Justice qui vous suit, etnbsp;qui vous tend les bras, ne puisse vous approcher. II y ennbsp;a sans doute auprès de vous qui sont a ses gages et quinbsp;ne sont ny a Vostre Altesse, ny a la patrie. Ils se veulent
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CHOIX
auec luy mettre a 1’abry du Sacré Sang de nos Roys; mais eest en vain; et ie prie Dieu qu’il les choisisse anbsp;vos costés sans qu’il vous touche de son foudre.
Voslre Altessene peut les garantie de sa valeur, ny de sa qualité, contre celuy qui vous les a données, et quinbsp;peut bien vous empescher de rien entreprendre sur lesnbsp;siens. Dieu oste souuent Ie courage aux Princes; maisnbsp;nous Ie prions de vous conseruer Ie vostre, et qu’il vousnbsp;donne de meilleures inspirations, afin que nous ne nousnbsp;plaignions pas iusteinent de vostre fureur et que vos enne-mis n’attribuent pas a vne seule impétuosité ce que vousnbsp;auez fait au dela des frontières, comine ce que vous faitesnbsp;iniustement aux portes de Paris, sans y auoir esté pro-uoqué que par de mauuais conseillers. Vous estes Ienbsp;seul Prince qui l’ait iamais entrepris; et Dieu veuille quenbsp;vous ne seruiez point d’exeraple a ceux qui viendrontnbsp;après vous! 11 est vray que vostre Bisayeul paternel ennbsp;est venu la , et qu’il y fut défait par vostre Bisayeul ma-ternel, qui mourut victorieux ; mais q’a esté pour sanbsp;querelle parliculière, pour sa Religion, et contre lanbsp;tnesme faction de la Cour que vous soutenez : encor ennbsp;vsa-il comme vn enfant qui porte respect a la maison denbsp;son père; et nos ancêtres nous ont appris qu’il ne futnbsp;fait aucun désordre dans les villes et dans les maisonsnbsp;mesmes éparses a la campagne, qui appartenoient a sesnbsp;ennemis.
Cependant nous entendons ejue vostre armee n’a laissc a commettre aucun acte d’hostililé partout ou elle anbsp;passé, et qu’elle a fait dans Saint-Denys ce que Ie Turcnbsp;n’a point cominis dans lliérusalem. Celte ville est dédiéenbsp;au Patron des Boys, de la Maison Royale et du Royaumenbsp;de France ; c’est Ie sanctuaire ct !e sacré dépost de vos
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augustes Prédécesseurs. Est-il possible que Vostre Al-tesse ait pu commander on bien souffrir vn si sensible outrage centre leur glorieuse mémoire, et que Ie respectnbsp;des cendres du grand Saint Louis, de qui vous descendez,nbsp;et dont vous portez Ie noni et les arines, ne vous ait punbsp;destourner d’vn si étrange procédé contre vne ville innocente , et de si longtemps protegee et possédée par lesnbsp;Bourbons ? Elle appartient a Monseigneur Ie Prince denbsp;Conty, vostre frère; et cela feroit croire que vous estesnbsp;deuenu Pennemy de vostre maison comme de vostre pa-trie, et qu’vne passion estrangère auroit étouffé dansnbsp;'Vn si grand cceur et l’amour Francois et 1’amour fra-ternel.
Pardon, Monseigneur, si i’ose vous dire que Son Al-tesse a fait vn coup d’Estat qui vaut toutes vos grandes victoires, et que, si vous auez Ia force et la vaillance desnbsp;Bourbons, il est Ie principal héritier de la sagesse de sonnbsp;père, et de l’affection qu’il portoit a la France et auxnbsp;Parlemens. 11 sera éternellement loué d’auoir préféré Ienbsp;salut des Citoyens a tous ses biens et au soutien de lanbsp;fortune d’vn indigne estranger; et Vostre Altesse, ré-ueillée quelque iour comrne vn autre Philippe de Macedoine, s’accusera d’auoir blasmé sa générosité, etiasaintenbsp;resolution de Aladame de Longueuille, vostre sojur, etnbsp;de Monseigneur Ie Due, son mary. Si Ie conseil de cenbsp;sage Prince, digne successeur de la branche restaura-trice de l’Estat et de la reputation de ces grands comtesnbsp;de Dunois, eust pu rappeller en vous les sentimens d’vnnbsp;vray père de la patrie, comme vous en auez esté Ie pro-tecteur, vous attiriez sur vous toutes les benedictionsnbsp;que Dieu depart ordinairement aux prières d’vn peuplenbsp;iuste; vous terrassiez la fortune; vous renuersiez Ienbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tl
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throstle qu’elle s’est éleué sur nos épaules; et vous resta-blissiez Ie Royaume dans ce repos, que vous l’obligez de chercher par la voye des armes en se defendant contrenbsp;vous-mesrne.
Tout Ie monde est soldat pour vne telle occasion, qui est Ie prétexte Ie plus spécieux des armes du Roy dansnbsp;TAllemagne; ainsi, Monseignevr , vous auez affairenbsp;contre tout ce qu’il y a de Francois, contre vos plus af-fectionnez seruiteurs, contre vos parens, et contre ceuxnbsp;mesmes qui vous ont accompagné dans vos conquestes etnbsp;qui ont donné de leur sang pour sauuer celui de V. A.nbsp;Vous ne poiiuez pas espérer, comme vn autre Pompée, denbsp;faire naistre des Legions d’vn coup de pied; la terre quenbsp;vous foulezest vostre ennemie; et elle n’enfantera pointnbsp;de Soldats que pour vous combattre et pour la défendre.
Ces estudieurs de bons mots, ces lasches Parasites et ces plaisans impies que Pon souffre auec tant d’impa-tience sur Ie theatre de la Cour, ont beau vous prédirenbsp;de grands progrez et vous promettre vne Scène Tragico-mique de nos Magistrals et des principaux Bourgeois denbsp;Paris traisnaus les chaisnes de leur ville a la suite denbsp;vostre triompbe, ils font vne mauuaise application dunbsp;seul exemple qui soit dans nos Croniques, qui nous ennbsp;donnent beaucoup d’autresdusupplice delacorde qu’ontnbsp;subi leurs semblables, et qu’ils ne peuuent éuiter quenbsp;par Ie feu , qui doit estre la punition de quelques-vns.
Ce n’est point icy Ie tumulte extrauagant d’vne inso-lente populace; c’est vn armement nécessaire, authorise par ceux qui sont les déposilaires de 1’authorité du Roynbsp;dans sa minorité , contre l’ennemy de son Estat et pournbsp;la liberté ancienne. C’est plustdt vne inspiration du cielnbsp;qui demande la ruine des meschans, et qui les veut oster
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de dessus la face de la terre1, et la confiance que nous auonsen sa miséricorde, et la consolation d’vne mortglo-rieuse, plus desirable qu’vne vie languissante, nousrendentnbsp;plus aguerris que la plus vieille milice. Tout Ie Royaumenbsp;est dans vne mesnie vnion, et dit, comme les Macha-bées ; Releuons l’abaissement de nostre peuple et com-battons pour nostre nation^ et pour nostre loy^ et pournbsp;nos saints^. Nos Rois sont nos Dieux; et nos Parle-inens et nos Pasteurs sont nos Saints. Ils ont I’espritnbsp;de Dieu et nous peuuent dire ; Ne craignez point lanbsp;puissance ny le nomhre de cos ennemis; soustenez cou-rageusement, et ne tremblez point. Le Seigneur auranbsp;pitié de nous; il ca dé faire auiourd! huj cette nrmée ennbsp;nostre presence; et les estrangers apprendront quenbsp;nous auons qui nous défende et qui nous deliure denbsp;Vesclauage'-. II y a longtemps que tant de saintes amesnbsp;implorent la lustice Diuine contre cet ennemy de la paixnbsp;publique et contre ses supposts; et le Ciel ne resonne anbsp;present d’autres echos que de ces paroles ; Mon Dieu,nbsp;cengez-nous de cet homme et de son armee; faites-lesnbsp;tomber sous le glaiue. Veuillez corn ressouuenir desnbsp;blasphesmes de ses gens; et ne Ï endurez pas plus long-temps sur la terre
Vne seule considération retient nostre courage; et c’est pourtant ce qui nous anime d’auantage; c’est que
nbsp;nbsp;nbsp;Erigamus deiectionem populi nostri; et pugnemus pro populo nostronbsp;et sanctis iiostris. N. D. T.
® Ne timueritis multitudinem eorum, et impetuiii eorum ne formidetis. Miserebitur nostri Dominus et conteret exercitnm istum, ante faciem nos-tram, hodiè; et scient omnes gentes, quia est qui redimat et liberet Israel.nbsp;Machab., Bib., 1. N. D. T.
* nbsp;nbsp;nbsp;Fac vindictam in homine isto et exercitu eius et cadat in gladio; memento blaspbemias eorum et ne dederis eis ut permaneant. Ibid. N. D. T.
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CHUIX
uous ayons a coinbattre au noui du l\oy contre nos frères, qui ont suiuy Ie Roy, quaiid ce Rauisseur de toutnbsp;ce que nous auons de plus cher et de plus précieux, nousnbsp;l’a enleué, et contre des Princes que eet imposteurnbsp;aueugle pour rendre sa ruine plus cëlèbre par leur perilnbsp;OU par leur perte. Nous prions Dieu que cette guerre senbsp;termine plus doucement, et qu’il vous illumine de lanbsp;mesme grace qu’il répandit sur la Noblesse de Bretagne,nbsp;sur Ie point de s’entretuer pour Pierre Landais, tils d’vnnbsp;chauffetier, et fauory de Francois II, due de Bretagne,nbsp;et que les deux armées s’vnissent pour liurer son sem-blable a la potence.
¦Ï1
Nostre siècle a besoin de eet exemple pour espérer vn meilleur gouuernement a l’auenir, et pour la consolationnbsp;de ses souffrances; et V. A. n’a que ce moyen pour rentrernbsp;dans l’amour et dans l adiniration des Peuples. Aprèsnbsp;cela, nousioindrons toutes nos forces pour contraindre lesnbsp;ennemis du dehors a nous offrir la paix, que ce traisti’enbsp;a refusee a toute la chrestiente; et nous recouureronsnbsp;vne nouuelle vie par vostre faueur. Autrement nous nousnbsp;tenons obligeza défendre nostre liberie, le repos de nosnbsp;families et de nos vies : Cest la preuue de la plus par-faite sagesse que de se resoudre a tons les dangers, etnbsp;de tout entreprendre pour le salat de la Re'publique.nbsp;Nous sommes nez pour elle plus que pour nous; et nousnbsp;ne pouuons iamais mieux employer vne vie que nousnbsp;deuons aussi bien au destin, quen la sacrifiant a lanbsp;patrie : cest vne debte de Véternité que tout I age d'vnnbsp;homme ne peut acquitter'^.
Helas! en quels termes serons-nous reduits de dé-
’ Sapiens, qui omnia Reipublicse caus4 suscipienda pericula parabit. Ssepè ipse sccum loquetur ; non milii soli, sed etiam atque adeo multo
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fendre 1 honneur de la Couronne, et de la nation contrc ceux qui y ont plus de part. Les fauoi’is ont accoustuménbsp;de briguer I’amour du peuple pour opprimer plus facile-ment les Princes. C’est quasi la seule marque, et Ie premier témoignage qu’ils doiuent donner de leur puissance; et il y en a eu fort peu qui n’ayent eu quelquenbsp;victime de vostre Royale inaison. Les témoignages ennbsp;sont trop récens de toutes parts, et en la personnenbsp;inesme de Monseigneur Ie Prince de Condé, père denbsp;V. A., qui n’en est écliappc que par bonheur, et pai'nbsp;vne prudence singuliere. Nous n’auons iamais ven lesnbsp;Roys séuir contre leur sang si fréquemment, que lors-qu’ils ont abandonné Ie gouuernail de l’Estat a quelquenbsp;mignon. Si les grands du Royaume ne sesoumettent serui-lement a des commandemens deshonnestes, il croit qu’ilsnbsp;luy enuient sa fortune, et les traitte en ennemis; maisnbsp;comme cette administration, dont il abuse, appartientnbsp;naturellement aux enfans de France, quel milieu peut-onnbsp;trouuer entre ces deux oppositions? et que doit-on pensernbsp;d’vne alliance entr’eux, sinon au desaduantage de celuynbsp;qui a Ie droit et rauthorilé ? Il est au pouuoir de Monseigneur Ie Due d’Orléans, et de vous, Monseigneur,nbsp;d’abolir auiourd’huy ce nom et ce ministère omineuxnbsp;qui a trop dure pour nostre bien, et qui ne peut plusnbsp;subsister après tant d’exemples, qu’a l’abbaissement etnbsp;pour 1’extinction de nos families.
Les Parlemens y apportent rautliorité des Loix; tons les Francois conspirent a ce dessein ; il n’y a que vousnbsp;qui reteuez sur la maison Royalle vn ioug infame uue
j)Olius, iiatus sum patriae.Vita quse fato ilebetur, saluti patrise potissimuiii solvatiir,... Quid csl (|uod a me satis pi persolui possit? C'ic. ad Ham.
N. n. T.
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CHOIX
Ie peuple ne peut souffvir, et qu’il secoue sl géiiéreuse-ment. Nous sommes en armes pour cela; et vous vous faites Capitaine des gardes d’vn homme indigne de la plusnbsp;basse charge d’auprès de V. A., sl bien qu’il faut vnenbsp;armee pour amener vn criminel infame qui ne deuroitnbsp;estre traisné que par des sergens.
Ne voulez-vous point vous souuenir que c’est vne cor-neille déguisée, et que, quand on a voulu commencer a la plumer, tout ce qu’elle avoitd’éelat estoit emprunté?nbsp;II n’a d’esprit que pour tromper par de fausses appa-rences, et pour corrompre de nostre argent les femmesnbsp;de la Cour et quelques intéressez; il ne scait rien denbsp;toutes les sciences, quoy qu’il ait fait i'amasser vne richenbsp;bihliothèque; il n’a bien fait a aucun veritable docte;nbsp;nous n’auons pour toutes pieces de sa composition quenbsp;des Commentaires sur les brelans; et Ia seule statue quinbsp;restera de luy en France, sera Ie valet de carreau dans Ienbsp;Hoe Mazariii. II ne parle qu’indiscrètement; il ëcorebenbsp;Ie francois; et ses comparaisons ne sont que de mécha-niques dans ses harangues. II n’a pour Conseillers cjuenbsp;des infames, pour domestiques que des criminels denbsp;France ou des bandits d’Italie, pour intrigues que desnbsp;garces et des filous, pour amis que des voleurs et desnbsp;blasphémateurs, des ioueurs et des bouffons, qui ne con-noissent rien et qui sont indignes de prendre aucunenbsp;part en nos affaires.
Auec ces belles perfections, il nous enlèue nostre Roy, nostre Royne et nos Princes. Nous sqauons bien parnbsp;quel artifice il a eu Monseigneur Ie Due d’Orléans ; etnbsp;il est tout public qu’il s’est serui, pour Ie persuader, d’vnnbsp;noiumé Barbier, fils d’vn mouleur de bois, sous promesse de faire ce pedant vn Cardinal de La Riiiière,
-ocr page 185-Mais 1’on ne peut s’imaginer par quel conseilY. A. s est voulue letter dans ce party, ny qui vous aura pu porternbsp;a dire dans vostre lettre écrite a la Ville', que Ie Parlement s’entendoit auec les ennnerais de l’Estat, ny comment vous auez a mesme temps commence la guerrenbsp;eontre Paris. Est-ce que cette ville deuoit adiouster foynbsp;a cette calomnie doublement insigne, par la qualité desnbsp;accusateurs surpris et trompez par la malice du Siciliennbsp;et par celle des accusez ? ou bien la croyez-vous si laschenbsp;que d’exposer a la passion d’vn enragé la seule marquenbsp;qui luy reste de sa maiesté, et de ce qu’elle a d’auanta-geux sur toutes les villes du monde ?
Quoy ! ce Parlement qui s’est déuoué a la prospérité de l’Estat, seroit liuré? V. A. refuse d’abandonner l’en-nemy du Royaume; et nous vous en abandonnerions lesnbsp;protecteurs! que deuiendrions-nous ? Que deuiendroitnbsp;Paris, que Ie theatre d’vne proscription plus sanglantenbsp;et plus fréquente que Constantinople ? Vous auez pournbsp;prétexte l’authorité d’vn Roy mineur; en quoy peut-ellenbsp;auoir esté violée en la personne d’vn usurpateur, que Ienbsp;Parlement poursuitpour rendrecompte des finances qu’ilnbsp;a volées et au Prince pupille, et a son Estat, et qu’il anbsp;transportées hors du Royaume ? Le Parlement qui a vé-rifié la Régence de la Royne, l’a-ll érigée en tyrannicnbsp;pour luie Alazarin, Sicilien, et ennemy originaire de lanbsp;France ? S’est-il absolument dëmis de la connoissancenbsp;qu’il a droit de prendre des affaires publiques ? et ceuxnbsp;que les Roys reconnoissent pour luges de leurs causesnbsp;Ciuiles et des conspirations des Princes du Sang, n’au-ront-ils point ce droit contre vn homme si inférieur a
* Lettre de Monsieur le Prince a M. de Montbazon et a Messieurs les Pré-rost des marchands, etc. [2274],
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leur qualité ? Peut-il estre leur Inge, si cette auguste Compagnie n est iusticiable que de soy seule, si vous ne Ie pouuez estre vous mesmes qu’auec eux, et si les Roysnbsp;soumettent leurs interests a leurs arbitres?
L’empereur Nerua protesta en plein Sénat qu’il ne permettroit iamais la mort d’aucun des Sénateurs; et ilnbsp;garda sa parole enuers ceux mesmes que l’on accusa d’a-uoir attente a sa vie. Ce sage Prince n’ordonna iamaisnbsp;rien de son mouuement, et prenoit Ie conseil des prin-cipaux’. Enfin Adrien, quoy que cruel, iura encore qu’ilnbsp;ne souffriroit pas qu’vn Sénateur fust condamné que parnbsp;Ie Sénatb II en a esté de mesme de nos Roys : les plusnbsp;anciens auoient accoustumé de résoudre toutes les affaires de l’Estat dans les champs de Mars, puis de May ,nbsp;parceque, dans ces mois, il se faisoit vne conuocationnbsp;d’Estats pour aduiser aux besoins et a la reformation dunbsp;Royaume. Ils onl depuis transporté ce droit au Parlement de Paris, auec mesme authorité, pour estre lugenbsp;equitable entr’eux et Ie peuple ; ils y ont gardé leurnbsp;place et en ont assigné d’autres aux Princes, et aux plusnbsp;grands de leur Couronne.
Vostre Altesse est nee Conseiller de cette Cour Sou-ueraine, qui est la veritable Image du Sénat Romain souz les Empereursl C’est Ie vray lieu du throsne denbsp;nos Roys, et Ie veritable conseil de Paris, de toute la
' Dyon. Cass. \ Tn curia iurauit suo iussu neminem Senatorum occi-sum iri. Quoci sacramentum, quamuis eliam insidiis petitus esset, invio-iaium servauit; nihil unquam de suo arbitrio statuit, sed Principes viros in consilium semper adhibebat. N. D. T.
* ^lius Spartianus in Senatiu quoque excusatis quae facta erant, iurauit se nunquam Senatorem nisi ex Senatüs sententie puniturum. N. P- 1'
® Summum populi Romani, populorumque et gentium omnium consilium Senatus. Cicero^ pro Domo sua, N. P T.
-ocr page 187-France, et des nations mesmes estrangères qui s’y sont soumises. L on n’y trauaille que pour la gloire et pai’nbsp;honneur. Ces saints Aréopages taschent, par leurs peinesnbsp;et par leurs veilles, a nous donner Ie repos et les plai-sirs d vne douce vie; ils suent pour Ie bien du public; ilsnbsp;s exposent courageusement a l’inimitié des meschans, etnbsp;ont quelques fois a combattre contre les plus puissans*.nbsp;Ils se sont conseruez iusqu’a maintenant auec vne reputation entière; les Roys les plus victorieux et les plusnbsp;puissans les ont honorez, et y ont eux-mesmes conduitnbsp;les Princes, leurs voisins, pour leur faire voir ce r’a-courcy de la grandeur et de la dignité de leur Estat; etnbsp;les fauoris les veulent abbaisser iusques a venir receuoirnbsp;leurs commandeinens et prendre leurs Arrests par écritnbsp;dans leur garderobe.
Ie prendray la liberté de vous dire que c’est vn bon-heur a V. A. de n’estre iusticiable que d’vne si célèbre assemblee, et que c’est ce qui asseure vostre condition.nbsp;Toutes fois, vous estes en armes pour exterminer son au-thorité et pour changer cette Monarchie en vn Estatnbsp;Despotique. L’on dit plus, I on dit que l’on demande lesnbsp;testes des plus gens de bien, et que l’on a desia disposénbsp;de leurs biens de la ville et de la campagne. Voila Ie suietnbsp;de la guerre dont nous ne pouuons parler plus véritable-meiit qu’auec Cicéron, discourant de celle de Marc-An-toine, et dire comme luy : Cette guerre icj n’estpointnbsp;vne discorde ciuile ; elle ii!est allurnée que par l’espé-
' Idem jgt;ro Sextio ; Qui autem bonara famam, bonorura quse sola verb gloria noraiuari potest, expetunt, otium quserere debent et voluptates;nbsp;non sibi, sudandum est; bis pro communibus commodis adeunda: ini-micitiEe, subeundse ssepe pro Republica tempeslates; cum mullis audaci-bus improbis, nontmnquam ctiam potenlibus dimicandum. N. D. T.
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ranee de quelques meschans qui ont adnoté nos biens , et qui desia les partagent entr^eux^ chacun selun sa vo-lonté^. Après vous auoir exorté a r’eatrer dans vous-mesmes, et dans l’intérest de la Patrie, si vous persisteznbsp;a la molester, ie tourneray ma voix vers Ie Parlement; etnbsp;ie l’exciteray d’appuyer son authorité de toutes les forcesnbsp;de la France.
Ie me seruiray des paroles du mesme Cicéron®, du-quel il a execute Ie conseil. II s’est préparé a poursuiure l’autheur de nos maux dès Ie iour de la fuitte. Le peuplenbsp;s’est déclaré pour luy; et l’on doit espérer que ce malnbsp;naissant prendra bientost fin par la diligence de ces Ma-gistrats. L’on n’a point perdu de temps; les leuées sontnbsp;faites; et nous auons d’excellens chefs. La Renommeenbsp;n’attend que de les voir partir pour publier auec la lus-tice de notre cause, la punition et la vengeance de l’or-gueil de ce meschant gladiateur estranger. II connoistranbsp;que ce n’est point a Paris qu’il fait la guerre, et qu’il anbsp;affaire a tout le Royaume. II s^aura que c’est de la puis-
* Hoe bellum non ex dlssensione partinm, sed ex nefari^ spe perdi-tlssimorum ciuium excitatum, quibus bona fortuiiseque nostr® notatse suilt, et iam ad cuiusque opinionera distributae. N. D. T.
® Vndè est adhuc bellum nisi ex retardatione et morÉi? Vt primum post discessum latronis, vel potiüs desperatam fugam, liberè Senatus
habere potuit, semper flagitaui, ut conuocareniur____Si ex eo tempore
dies nullus intermissus esset, bellum profeetó nullum liaberemus. Omne malum nascens facile opprimitur; Inueteralum fit; pleriimque robus-
tius____ quamobrem Legatorum mentionem nullam censeo faciendam;
rem administrandam arbitror sine vlli morSk et confestim gerendam een -seo ; tumultum decerni, iustitiam indui, saga sumi, dico opportere; de-lectum haberi sublatis vacationibus in vrbe, et in Italië, prteterea Gallis tota. Qu:b si erunt facta, opinio ipsa et fama vestrae seueritatis obruetnbsp;scelerati gladiatoris amentiam. Sentiet sibi bellum cum Eepublicsl essenbsp;susceptum; experietur consentientis Senatus neruos atque vires; namnbsp;niinc, quidem partium contentionem esse dictitat. Cicero, Philipp- 3.
N. D. T.
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sance et de la force d’vn peuple dont il ne croyoit trioin-pher quepar la diuision qu’il attendoit. La ville de Paris sera louee éternellement d’vne si généreuse action qu’ellenbsp;eust volontiers cédée a Vostre Altesse j elle aura Ie titrenbsp;de protectrice de eet Estat, que vous deuriez auoir am-bitionné pour couronner vne vie cy-deuant toute héroï-que, que vous exposez contre vostre terre natale, pournbsp;appuyer Ie plus détesté de tous les hommes.
Vostre frère puisne vous enleuera 1’appanage quivous deuoit estre pluscher’. Et ce ieune Scipion sera plus es-timé de la conseruation d’vn Citoyen que vous ne pourreznbsp;estre du carnage de tant d’ennemis; et la France auranbsp;cette gloire de s’estre déllurée par ses seules forces, etnbsp;mal-gré les vostres, de son persécuteur, et du plus mediant de tous les tyransqui l’ayent opprimée. Ie n’ay quenbsp;Ie temps de finir pour prendre les armes; et il n’en restenbsp;pas dauantage a Vostre Altesse pour les quitter, et pournbsp;changer cette resolution désespérée contre votre pays etnbsp;contre vostre Sang, en celle de les seconder dans leur généreuse entreprise, et de rendre la paix a ce Royaurne anbsp;qui l’on ne fait la guerre que sur l’espérance de vostrenbsp;courage et de vostre fortune.
Ie prie Dieu et les Patrons de cette ville qui ont chassé les Huns et les autres nations barbares de ses murailles,nbsp;qu ils vous touchent Ie cceur et qu’ils vous fassent desisternbsp;de vostre entreprise par vn sage conseil, plustost que denbsp;vous Immilier par nos forces, et qu’ils ne permettent pasnbsp;que la postérité puisse dire que nous ayons trouué nostrenbsp;salut dans la perte de nostre premier Prince du Sang.
' Cicero. Galliaque quje semper prsesidet atque prjesedit huic imperio U))ertatique communi, verèque laiidetur, quod se suosque vires non tra-didit sed op]gt;osnit Anlonio. N, D. T.
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CHOIX
Agréez, s’il vous plaist, ce dernier sentiment que ie ne pourrois exprinier de bouche sans y mesler des lannes,nbsp;et me faites 1’honneur de croire que ie voudrois mourirnbsp;pour vostre seruice en toute autre occasion que celle-cy,nbsp;qui arme tous les bons Francois contre vous, puisquenbsp;vous auez autrefois agree que ie me donnasse riionnexirnbsp;de me dire de V. A., Monseignevr, Ie très-humble etnbsp;très-obéissant seruiteur,
GEORGES DE PARIS.
{26 janvier 1649 )
Monsieur et très-eher Ainy, les désordres suruenus depuis peu ont oblige tout Ie monde de pouruoir plusnbsp;tost a ses affaires les plus pressantes que de penser a sanbsp;satisfaction particuliere et a celle que 1’on doit a ses amis,nbsp;L’intérest que chacun doit prendre de se conseruer, etnbsp;particulièrement ceux qui sont obligez de se tenir présnbsp;de leurs Maiestez, a fait garder Ie silence pour ne pointnbsp;tomber dans quelque faute qui pust blesser la reputationnbsp;et la fidélité. Mais croyant non pas de vous descouurirnbsp;vn secret, mais de vous demander aduis sur Ie fait de manbsp;eharge, et scauoir si, selon l’occurrence, ie m’en suisnbsp;bien acquitté, ie vous diray que Ie conseil estant prisnbsp;d’esloigner leurs Maiestez de Paris pour éuiter Ie perilnbsp;dont la brutalité d’vn peuple esmeu sembloit les menas-ser, ie fus commandé auec mes compagnons d’aller anbsp;S. Germain on T^aye faire les logemens, quoy qu’il fust
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presque nuict; ce qui nous embarrassa beaucoup. Tou-tesfois nous y trauaillasmes auec toute la diligence possible. IXous clescendismes droit auchasteau, oü nous trou-uasraes Ie vieil occupé par la Reine d’Angleterre, et Ie neuf qui tomboit en ruine, telleinent que la nécessité nousnbsp;contraignit de visiter les hoslelleries et y faire logement.
Nous cboisismes pour Ie Roy Ie Mouton. Monsieur fut logé au Papillon; et la Reine au Chapeau rouge; inaisnbsp;parceque Ie logis et principaleinent les cbambres estoientnbsp;mal accommodées, nous y logeasmes son train; et sa per-sonne eut pour elle Ie Saucisson d’Italie, bien qu’il luynbsp;fust fort agréable pour sa gentillesse. Les filles furent logees a la Petite Vertu. Monsieur Ie Cardinal fut logé anbsp;la Harpe, la Couronne luy ayant esté desniée; et ses gensnbsp;au Loup d’or et d’argent. 11 y eut grande contestationnbsp;pour ce dernier, parceque les Députez, tant des Parle-mens que des Communes, y vouloient loger, disant leurnbsp;appartenir de droit; mais, a cause de la faueur, il fallutnbsp;céder aux gens de son Éminence; et lesdits Députez furentnbsp;logés a la Raquette. Son Altesse Royale eut pour elle Ienbsp;Mulet bardé. Madame fut logée au Silence. Mademoiselle fut logée a l’Empereur; mais ce logis estant des-couuert, elle fut contrainte de se tenir a l’Espérance.nbsp;Madame la Princesse douairière fut logée a la Vertu.nbsp;Monsieur Ie Prince fut logé aux Quatre Vents; Madamenbsp;la Princesse a l’Asseurance; monsieur Ie prince de Contynbsp;au Signe de la Croix; monsieur Ie Due de Longueuille anbsp;la Prudence, et Madame a l’Escu; Messieurs du Parlement a la lustice. Monsieur de La Meilleraie fut logénbsp;aux Crocheteurs; mais il fallut oster l’enseigne, craintenbsp;de désordre'. Monsieur de Montbazon prit la Corne, son
' On disait que I’liomme qui avait été tué par Ie maréchal de La Meil-
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logis ordinaire, et madame sa femme la Magdeleiiie; monsieur de Cheureuse Ie Grand Cerf; monsieur Ie Ma-reschal de L Hospital Ia Corne d abondance et sa femmenbsp;Ie Publiquain; monsieur de Souuré les Trois Pucelles;nbsp;sa femme la rue de l’Arbre sec; monsieur de Liancourtnbsp;Ie Chapelet; monsieur Ie Marquis de Mortemart la Bou-teille; monsieur de Créquy la Grosse teste; monsieur denbsp;Roquelaure Ie Mont de piété; monsieur Ie Mareschal denbsp;Villeroy Ie Pauure homme; monsieur de loyeuse Ie Biennbsp;aduisé; monsieur de Senneterre Ie Mauuais Larron. Messieurs lesCapitainesdes gardes du Corps estoient loge's anbsp;la Gage; mais a cause de leur absence, Ie logis demeuranbsp;vacant jusqu’a ce que monsieur deChauigny fust contraintnbsp;de 1’occuper. Puis monsieur de Rodes fut logé au Re-gnard; madame de Flaire au Tabouret; monsieur lo Chan-celier au Grand Turc; messieurs du Conseil a la Chauuenbsp;souris; monsieur l’Abbé de La Riuière a Ia Fortune;nbsp;monsieur Ie Comte de Brienne a la Double Escritoire;nbsp;monsieur de La Vrillère a l’Ours; monsieur de Guéné-gaut au Veau; monsieur Le Tellier au Champignon;nbsp;monsieur le Commandeur de lars au Grand Guillaume ;nbsp;monsieur de Botru au gros Baston; monsieur Ie premiernbsp;Président au Singe qui pisse; le Président Le Coigneuxnbsp;au Couteau saus dos; le Président Le Bailleur (Bailleul)nbsp;au Rêueur; monsieur de Brousselle au Bon secours;nbsp;monsieur Tubeuf au Nombre d’or, tout proche Ia Festenbsp;dominicalle; le Pouruoyeur du Roy a 1’Hospital; les Officiers du Roy a l’Aumosne. Voila, cher Amy, commenbsp;chacun a esté logé selon son mérite,
leraye, sur le Pont-Neuf, d’un coup de pistolet, le jour des Barricades, était le syndic des crocheteurs. Voy. VAgréahle rédt des Barricades.
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Coq a l’asne ou Lettre hvrlesque dv sievr Voi-tvre ressvscité au prevx cheualier Gxichens, maréchal de Gramont, sur les affaires etnbsp;nouuelles du temps [797] ^.
(26 janvier 1649.)
Trouvez bon que ie vous escriue,
Sans vous informer du Qui Vine,
Et sans regarder de trauers Cette trouppe de petits vers,
Parceque Paris les fait naistre,
Paris que vous prendrez peut-estre,
Mais aussi peut-estre que non.
De braues gens y tiennent bon,
Qui ne parlent pas de se rendre,
Mais iurent de vous aller prendre.
Ie scay, comme ils sont gens de bien,
Qu’ils ne iureroient faux pour rien.
Ainsi vous pouuez vous attendre,
Puisqu’ils ont iure de vous prendre,
Que pour rien ils n’y manqueront,
Mais bien qu’ils vous enleueront,
Auec vn peu moms de caresses Que l’on n’enlèue des Maistresses.
Vous plaist-il familièrement,
En attendant eet enlèuement,
Que vous débitions des nouuelles Et vous en comptions des plus belles?
* Cette pièce est de Jean-Francois Sarrazin. Le maréchal de Gramont, a qui elle est adressée, avait le commandement supérieur de la rive gauche pendant le hlocus. Son quartier general était a Sceaiix.
-ocr page 194-Voicy, Monsieur le Mareschal, Vn assez fascheux Garnaual,
Oil les Corselets, les Salades Font les habits des Mascarades,
Oil les Mousquets et les Canons Massent et toppent les Mommons.nbsp;A mon sens telle Mommerienbsp;Est vne droite diablerie.
N’en parlons plus ; elle fait peur. Nous tenons icy, pour le seur,
Que vous passez mal vostre vie, Que la Campagne vous ennuie,
Et que vous regrettez Paris,
Oil maintes dolentes Cloris Plaignent vostre fuitte inhumainenbsp;Et chante : Birene, Birene.
Or ie donnerois force argent Pour voir vn peu presentementnbsp;Quelle est vostre Galanterie ,nbsp;Comme auprès de Dame Marie,
La fille de maistre Denis, Cabarettier de Sainct-Denis,
Vous auez la puce a I’oreille, Comme vous lui contez merueille,nbsp;Comme vous traittez de Soleilnbsp;Les Boulangères de Corbeil.
A cette heure mesme peut-estre, Chantez-vous sous vne fenestrenbsp;Pour quelque ioly bauoletnbsp;Vn des plus beaux Airs de Boisset;nbsp;Et la fille en fait raillerienbsp;Auec vn valet d’escurie.
Dieux! pour en estre la reduit Falloit-il sortir a minuit?
Mais quoy ? vous estiez en colère;
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Et vous auiez fait bonne chère ‘.
Pnis vous pensiez qu’en deux marcbex Les Badauts seroient dépeschez,
Que Ie Peuple armé de furie Fronderoit sur la fronderie,
Et qu’vn Samedy seulement Estrangleroit Ie Parlement.
II est vray que gens sans farine Sont d’vne humeur assez mutine;
Mais gens qui sont enfarinez,
Font aux autres vn pied de nez.
Nous en auons en abondance.
Ainsi faites la consequence.
Pour changer vn peu de discours, Scachez que depuis peu de ioursnbsp;Nostre Ducliesse incomparable1
A fait vn enfant adorable,
Et que Ie Préuost des Marchands L’a nommé Paris d’Orléans.
En naissant il a voulu boire.
Par la commence son Histoire. Demandez a quelque Allemantnbsp;Si c’est vn beau commencement.nbsp;Lagneau, Goizel et nos Prophètes,nbsp;Comme de bruyantes trompettes,nbsp;Disent desia que eet enfantnbsp;Doit estre vn Héros triomphant,nbsp;Egalant en valeur guerrière
On sait que Ie 3 janvier, veille du depart du roi, Ie due d’Orléans, Ie prince de Condé et Ie cardinal Mazarin avaient soupé chez Ie maréchalnbsp;de Gramont.
2 La duchesse de Longueville, accouchée Ie 28 janvier daiis l’hótel de ville de Paris, du fils qu’elle perdit en 1672 au passage du Rhin. C’estnbsp;done sous la rubrique de Vjrrestation de La Raillère, Ie 26, que j’auraisnbsp;dü placer Ie Coq a ïasne dans la liste chronologique des Mazarinades,
I nbsp;nbsp;nbsp;12
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Messieurs ses Oncles et son Père,
Et représentant la beauté De la Dame qui l’a porté;
Ce qui se voit dans les Planètes Auec de fort bonnes lunettes.
Mais pour finir eet entretien,
Tous vos amis se portent bien;
Et ie crois qu’ils prendront la peine, Dans la fin de cette semaiue,
De voiis aller voir de plus prés.
Ils ont leurs équipages prests,
Et sont tous dans l’impatience De rompre auec vous vne lance.
II n’est pas iusqu’aux Citadins Qui ne fassent les Paladins,
Vous menacent auec brauade D’escalade et de camisade.
Vous direz qu’ils sont des badins.
Ils Ie sont moins que vos blondius;
Et les balles de mousquetades Leur passent pour noix de muscades-Ie pense aussi que les Normansnbsp;Vous porteront leurs complimens.
C’est vne nation peruerse Qui demande partie aduerse;
Et sur ce suiet vous diron :
^ furore Normanorum^
Ou plustost de toute la France;
Car a vray dire, ie pense Que vous aurez de tous costeznbsp;Vne troupe de députez,
Aussi soumise , aussi ciuile Que celle du haut Longueuille 5nbsp;Et vous verrez de main en mainnbsp;Xja Cour fort grosse a Sainct-Gcrmain.
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IvLES Mazarin
SERA MIS AV EOIJ(.
M. VI. IL. 1649.
(11 fevrier 1649.)
Pauure peuple de Paris, que ie plains ta simplicité et ton aueuglement. Dis-moy les sublets de plainte que tunbsp;as de l’administration de la Reyne. T’a-t-on chargé denbsp;nouueaux imposts? II me semble plustost que tu as eunbsp;des descharges de millions a la fois et des graces et desnbsp;soulagemens au dela de ce que la nécessité de soustenirnbsp;deux pesantes guerres pouuoit permettre®. Cependant
* C’est Ie premier des Ijillets que Ie chevalier de La Vaiette sema par les rues de Paris dans la nuit du 11 février. II est de Coliou, évéque denbsp;Dol, s’il faut en croire 1’auteur du Conseil necessaire donné aux bourgeoisnbsp;de Paris, etc. [760].
2 « La reyne ayant remis vne partie des tailles, elle fut obligée dé manquer a ceux qui luy auoient fait des prests et auances sur ses reuenus.nbsp;Les particuliers retirèrent leur argent des mains des financiers. De la desnbsp;faillites a Paris et dans toutes les villes de commerce, r
Avis sincere aux bourgeois de Paris, etc. [543],
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CHOIX
quelle rage te possède de prendre les armes contre ton Roy, vn Roy mineur, vn Roy innocent, donné de Dieu,nbsp;vri Roy tousiours triomphant de ses ennemis, a qui tanbsp;rebellion, si elle duroit, va rauir des mains 1’aduantagenbsp;de conclure la paix la plus glorieuse que la France aitnbsp;faitedepuis l’origine de la monarchie? On veut luy volernbsp;Ie plus beau fleuron de sa Couronne. On attaque direc-tement son authorité, qui est ce qui Ie distingue du restenbsp;de ses subiets. Le Parlement, ernporté par les factieux,nbsp;veut bastir vne puissance nouuelle et iusqu’a présent in-cognue dans ce Royaume sur les ruines de la Royauté.nbsp;II veut de l’Estat du monde Ie plus inonarchique en composer vn gouuernement monstrueux de deux cens testes.nbsp;Et tu n’adhères pas seulement a ce detestable projet; tunbsp;le soustiens au peril de ton repos, au hazard de tes biens,nbsp;de l’honneur de tes families, de leur subsistance et de tanbsp;propre vie. Quelle fin peust auoir cette affaire si tu t’opi-niastres a la soustenir, qu’vn gouffre de misères et denbsp;calamitez, que l’horreur des guerres ciuiles, que l’effu-sion de beaucoup de sang Francois et l’aduantage desnbsp;ennemis de l’Estat? Car enfin quelle raison peut donnernbsp;la souueraine puissance a des gens ordinaires qui n’ontnbsp;rien par dessus les autres que la fortune d’auoir pu achep-ter des charges bien chèrement? Et crois-tu, quand Dieunbsp;ne prendroit pas en main la cause d’vn Roy mineur qu’onnbsp;veut opprimer, quand le Roy n’auroit pas pour te ranger en ton deuoir, toutes ces braues troupes qui ont misnbsp;si bas nostre ennemy, auparauant si formidable, crois-tu,nbsp;dis-ie, que le Due d’Orléans, le Prince de Condé, tantnbsp;de Princes et grands du Royaume, tout l’Ordre Ecclé-siastique et tant de généreuse noblesse pussent iamaisnbsp;souffrir la domination illégitime, de gens qui leur sont
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en toutes facons si fort inférieurs? Ouure les yeux, pau-ure peuple. Voy dans quel precipice on t’engage. Ce n’est point contre toy que Ie Souuerain est irrité. II scait quenbsp;tu as este abuse sous l’apparence d’vn faux bien. 11 nenbsp;scauroit te faire du mal qu’il n’en ressente Ie contrecoupnbsp;plus viuement que toy. Il n’est done pas a croire qu’ilnbsp;en ait l’intention , si tu ne l’y forces. Il veut seulementnbsp;oster des mains aux factieux du Parlement les armesnbsp;dont ils luy ont fait tant de mal. Faut-il que tu sacrifiesnbsp;tout pour l’intérêt d’vn petit nombre de séditieux ? Quenbsp;t importe que les Présidens de Nouion et Blancmesnilnbsp;n’ayent pu auoir la coadiutorerie de l’Euesché de Beau-uais pour vn de leurs proches? et pourquoy t’intéressernbsp;a la vengeance qu’ils veulent prendre de 1’éloignementnbsp;de leur oncle ‘ ? T’imagines-tu que Broussel eust fait sinbsp;fort ton tribun s’il eust pu obtenir pour son fils la Compagnie aux gardes qu’il poursuiuoit? Que te soucies-tu sinbsp;Ie Président Viole n’a pu estre admis en la charge denbsp;Chancelier de la Reyne? et prendrois-tu Coulon pournbsp;vn grand législateur, luy qui fait vanité publique d’estrenbsp;vn dissolu en toutes desbauches, et qu’on a souuent dé-libéré de chasser du Parlement pour l’infamie de sa vienbsp;et pour la prostitution qu’il faisoit luy mesme de sa familie? T’a-t-on offensé quand on n’a pu satisfaire Guirynbsp;sur la charge qu’il vouloit d’introducteur des Ambassadeurs? Et crois-tu que les barbes vénérables de Vialarnbsp;et Bachaumont et d’autres ieunes fous de cette partie quinbsp;se nomment eux mesmes par raillerie les pet-ts pères dunbsp;peuple et les tuteurs des Boys, soient fort propres a reformer l’Estat? Enfin rien ne se raeut dans cette grandenbsp;machine que par des ressorts intéressez. Cependant tu
* Polier, évèque de Beauvais et aumónier de la reine.
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y prestes ton bras comme si elle ne trauailloit que pour ton aduantagOj quoy que ce ne soit qu’a ta destruction.nbsp;Crois-tu que Ie party en soit deuenu beaucoup plus utilenbsp;ou plus fort pour y voir quelques Princes a la teste ? Ilsnbsp;te donnent leur assistance pour prolonger tes misères, etnbsp;non pas pour les finir. Ils te sacrifieront pour auoir plusnbsp;aduantageusement leur compte, et ne se soucieront pasnbsp;fort des hostages qu’ils t’ont donnez. N’as-tu pas l’exem-ple du Prince Thomas qui reprit toutes les places dunbsp;Piedmont sur les Espagnols, quoique sa femme et ses en-fans fussent entre leurs mains? Le Prince de Conty estnbsp;vn ieune Prince qui a de bonnes intentions, niais quenbsp;son beau frère a desbauché sous prétexte de luy fairenbsp;acquérir de la gloire. Le Due de Longueuille n’est auecnbsp;toy que paree qu’on luy a refuse le Haure, après qu’onnbsp;luy auoit desia doané Caen et le Comlé de lous. At-tends-tu des conseils fidèles et de durée d’vn homme quinbsp;a manque a son Maistre, qui luy auoit fait I’honneur denbsp;1’appeller dans les siens, qui luy auoit fait tant de gracesnbsp;et qui a tourne casaque aussi souuent que I’occasion s’ennbsp;est offerte? La Rhetorique naturelle du Due d’Elbeufnbsp;pourra elle persuader qu’il prenne autre interest en cettenbsp;affaire que d’auoir le gouuernement de Montreuil qu’onnbsp;a refuse auec raison a vne personne de sa condition, etnbsp;qui a porte si longtemps I’escbarpe rouge‘? Le Due de
* Le due d’Elbeuf avail été exile a cause de la part que sa femme, Cathe-rine-Henriette, fille légitimée de Henri IV et de Gabrielle d’Estrees, avail prise a des intrigues de cour contrele cardinal de Richelieu. II était passénbsp;en Angleterre. Voy. plus loin Demandes des princes ei seigneurs^ etc. [997].
« Le mesme iour (24- mars). . la Cour délibéra sur la permission que Monsieur le Prince de Harcourt, fils ainé de Monsieur le Due d’Elbeuf,nbsp;demandoit de leuer des troupes dans le territoire de Montreuil sur la mer,nbsp;ou il est allé a cause de la mort de Monsieur le Comte de Launoy, son Beau-pere, qui en estoit goiiuerneur; et fut ordonné que mondit sieur le due d’El-
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Bouillon veut Sédan; et serois-tu si eni'agé que de con-tribuer a donner vne entree seure aux ennemis pour ra-uager la Champagne par leurs courses et venir iusqu’a tes portes quand l’enuie leur en prendroit? Le Coadiu-teur veut se venger de ce qu’on a rabattu le vol tropnbsp;hautain qu’il prenoit, voulant ioindre le commandementnbsp;temporel au spirituel, c’est a dire le gouuernement denbsp;Paris a I’Archiepiscopat. Ce sont la les arboutans quinbsp;appuyent ta désobéissance. Le motif de leur mesconten-tement est paree qu’ils veulent des places. Cependant sinbsp;ie ne me trompe, il me semble que le Cardinal, qu’ilsnbsp;deschirent et noircissent tant, n’en a aucune, et qu’ilnbsp;s’en est deffendu tousiours aussi viuement que les autresnbsp;les ont reclierchées. ïe vois bien qu’il a sceu contribuernbsp;a accroistre le royaume de places et de Prouinces en-tières; mais il n’a sceu encore donner les mains a prendre aucun establissement pour luy; et il fait voir vn exem-ple de moderation iusqu’a present incogneu dans cetnbsp;estat qu’vn premier Ministre, apres six ans d’heureusenbsp;administration, ne se treuue auoir ny charge de la Cou-ronne, ny gouuernement de Prouince, ny place, nynbsp;autre bien que quelques Abbayes pour soustenir sa di-gnité. Cependant ie remarque que ceux qui sont si em-portez contre luy, et qui trauaillent tant a animer lesnbsp;peuples, n’en ont autre suiet que la fermeté qu il a euenbsp;a ne pas conseiller au Roy qu’il se laissast despouiller denbsp;son authorite el de ses places. Ie considère aussi qu’il n’anbsp;iamais fait mal a personne qu’aux ennemis de la France;nbsp;et sans cette douceur qui luy est naturelle, tu ne verrois
beuf, Gouuerneur de la Prouince dePicardle, dont cette ville depend, don-neroit ordre a la seureté de ladlte place, selon qu’il -verrolt en estrebesoln. j Le Courrier francais, etc. [830] H' arrivee.
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CHOIX
pas auiourd’huy ny Ie Due de Beaufort, ny Ie mareschal de La Mote ala teste de tes troupes rebelles. Enfin, peuplenbsp;abuse, dessille tes yeux. Ceux qui ont Ie principal intérestnbsp;au bien de 1’Estat, te rnonstrent assez ce que tu dois faire. Tunbsp;ne scaurois faillir de marcher dans Ie chemin oii tu vois Ienbsp;Due d’Orléans si auant engage, si constant et si zélé, oünbsp;tu vois Ie Prince de Condé Ie seconder de tout son pou-uoir. II faut bien que les Conseils du Cardinal soient bons,nbsp;puisque ces deux personnes-la les approuuent. Crois-tu,nbsp;quand Ie Cardinal seroit esloigné, que Ie Due d’Orléansnbsp;et Ie Prince de Condé, qui ont exposé si gayement leurnbsp;vie pour releuer l’authorité Royale et la gloire de nosnbsp;armes, voulussent iamais donner les mains a la ruine denbsp;l’Estat et receuoir la loy de quatre hommes du Parlement qui, pour se rendre les maistres, prétendent de ren-uerser tous les fondemens de la monarchie? Considèrenbsp;combien l’estat oü tu te trouues, est différent de cettenbsp;opulence qui t’a rendue la ville du monde la plus heu-reuse. Prends garde a ce qu’est deuenu ton commerce;nbsp;que tu es a la vellle de crier a la faim; qu’il n y auranbsp;plus de rentes payées; que tu vas tomber en vne entièrenbsp;désolation; que ta grandeur est ta foiblesse; que tu esnbsp;desia exposée a la mercy et au pillage de la canaille etnbsp;des vagabons; qu’on te saignera de tous costez iusqu’anbsp;l’agonie; que tu entretiendras les deux partis a tes despens ; que les troupes dont tu prétends tirer ta deffense,nbsp;te rongeront elles mesmes iusqu’aux entrailles; mais considère plus que tout cela que pour plaire aux factieux dunbsp;Parlement, tu te iettes dans la rebellion; que tu prendsnbsp;les armes contre Ie Souuerain que Dieu t’a donné, et quenbsp;tu cours risque de perdre son amour et peut-estre tonnbsp;bonheur.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;£e Désintéressé a Paris.
-ocr page 203-Le Parlement veut despouiller Ie Roy de son authorité pour s’en reuestir. Les Princes qui se sont vnis au Parle-voudroient bien s’accommoder de son bien et denbsp;ses places^
Et vous, pauures Bourgeois de Paris, sacrifiez vostre repos, hazardez vostre vie, vuidez le fonds de vos bourses,nbsp;vous réduisez a la faim, prenez les armes contre vostrenbsp;Roy et ne trauaillez qu’a vostre ruine pour apuyer, sansnbsp;le scauoir, les iniustes pretentions des vns et des autres.nbsp;C’est bien se tourmenter pour se rendre criminels etnbsp;malheureux toute vostre vie, quoy qu’il arriue; car ounbsp;le Roy demeurera le maistre, comme il y a grande ap-parence, et si auant cela vous ne réparez vostre crime,nbsp;et ne regaignez son affection par quelque marque de lanbsp;vostre, il vous fera seruir, vous et vos families, d’exem-ple a la postérité par vn chastiment memorable de la rebellion que vous commettez; ou le Parlement et lesnbsp;Princes auront le dessus (ce qui fait horreur, seulementnbsp;a le penser, a tout bon Francois), et au lieu d vn Roy,nbsp;d’vn légitime Souuerain qui vous chériroit auec tendressenbsp;et ne songeroit qu’a vostre soulagement et a vous rendrenbsp;heureux, vous aurez quatre cens tyranneaux qui vous des-chireront et vous opprimeront de mille taxes, comme ilsnbsp;ont desia commence; et vostre opiniastreté n’aura seruy
’ Second billet de Cohon, distribué par le chevalier de La Valette.
* Voyez plus loin les Demandes des princes et généraux, etc. [997],
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qu’a allumer et nourrir vne guerre ciuille qui rendra la France Ia proye de ses ennemis, et changera vostre ville,nbsp;la plus belle du monde et la plus lieureuse, en vn theatrenbsp;d’horreur et de misères.
Le Cardinal est vn meschant homme paree qu’il n’a pas voulu consentir a la destruction de la Royauté, ounbsp;aucuns du Parlement visent pour gouuerner eux mesmes.nbsp;C’est vn perturbateur du repos public parcequ’il n’estnbsp;pas d’accord de contenter Nouion, Blancmesnil, Viole,nbsp;Broussel et autres, ny les Princes dans ce qui leur estoitnbsp;venu a la teste de prétendre. II trouble le Royaume, luynbsp;qui a incessamment trauaillé et auec force a le conseruernbsp;en tranquillité pendant toute la Régence, et a la procurer au dehors. II n’a, ny luy ny aucun de ses parens,nbsp;place, ny charge, ny gouuernement, ny estahlissement;nbsp;et c’est vn ambitieux, vn intéressé, vn perfide. Les autres prétendans n’ont rien contribué comme luy auxnbsp;conquestes qui ont esté faites, et ne laissent pas de de-mander les meilleures places du Royaume et des gracesnbsp;qu’ils n’ont point méritées.
Le Cardinal s’entend auec les Espagnols pour trahir l’Estat, pour les en rendre maistres. II faut qu’il soitnbsp;bien habile et qu’il les dupe bien finement de conseruernbsp;ainsi leurs bonnes graces lorsque le Royaume s’accroist,nbsp;toutes les années, de places et parfois de Prouinces en-tières a leurs despens. Si le bon Dieu nous assiste tous-iours de Ministres si meschans, nous mettrons bientostnbsp;en chemise le Roy d’Espagne de son consentement.
Le Cardinal est vn cruel, vn violent, vn sanguinaire. Cependant on voit la Bastille remplie depuis quinze ioursnbsp;de plus d’Officiers et seruiteurs du Roy qu’elle .n’a esténbsp;de meschans et de criminels dans les six années de la Ré^
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gence; ou ie ne scay pas qu’il y ait eu autre sang répandu que celuy d’yn Italien qui donnoit des aduis aux Es-pagnols.
Le Cardinal est vn Croesus, vn voleur de deniers pu-blicsj il a englouty tout l’argent de France. Cependanl nous aprenons qu’il n’a pas de quoy viure, et que sanbsp;^aison est tous les iours sur le point de renuerser. Ilnbsp;faut qu’il soit bien cruel a soy mesme de ne mettre pasnbsp;ses trésors au iour dans cette occasion oii il va du toutnbsp;pour luy, et oü il ne luy seruiroit de rien de les auoirnbsp;sauuez s’il se perdoit'.
Enfin, les autres mettent tout s’en dessus dessoubs, font prendre lesarmes au peuple contre leur Roy. Ce-pendant ils ne sont ny perturbateurs, ni mesclians, nynbsp;gens qui se remuent pour autre intérest que pour le biennbsp;public. Pauure peuple, dessille tes yeux! Permettras tunbsp;d’estre sacrifié pour des Interests particuliers de nullenbsp;consideration, et de plus pour des gens qui se mocquentnbsp;de toy dans le temps mesme que tu sers a leurs fins ? Nenbsp;scais tu pas que ces braues Princes, passementez et bro-dez a tes despens, boiuent tous les iours , l’vn et l’autre ,nbsp;a la santé des badaus de Paris ? L’vn d’eux disoit, il y nnbsp;quelques iours, qu’il falloit prier Dieu qu’ils fussentnbsp;longtemps dupes; l’autre, que c’est faire vne guerrenbsp;bien commode d’auoir beaucoup d’argent, coucher dansnbsp;de bons draps et ne se battre point. Ou sont ces deuxnbsp;cens mil hommes qui deuoient sortir pour engloutir d’vnnbsp;morceau les troupes qui t’affament ? Pour toutes les taxesnbsp;qu’on a faites sur toy, dont le Roy auroit pu leuer centnbsp;mil hommes, qu’as tu encore que deux mil meschans
* On peut lire .i ce sujet uue curieuse anecdote dans la Lettre d'm secrétaire. de saint Innocent, etc,, qui suit.
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fantassins et huit cens cheuaux de mesme, qui n’osent monslrer Ie nez hors la ville, sans se recoigner aussi-tostnbsp;dans tes portes, tesmoin la belle esquipée de Corbeil ‘ ?nbsp;vSi tu ne m’en crois pas pour Ie nombre, donne toy lanbsp;peine de les compter aux reuues ®; et ne t’estonne pasnbsp;apres cela si tous leurs exploits ne vont qu’a faire cuirenbsp;quelque pain aux fauxbourgs, et a l’escorter a la balienbsp;pour persuader aux niais qu’ils 1’ont conquis a la pointenbsp;de 1’espée en rase campagne.
Tes Généraux et autres chefs n’ont pas laissé de toucher quatre a cinq cens mil escus. II est vray que la pluspart d’entr’eux, clinquantez comme ils sont, valentnbsp;bien pour Ie moins les troupes qu’ils s’estoient cbargeznbsp;de leuer. On controle les actions du Roy quand il donnenbsp;mil escus a des Officiers qui vont respandre leur sangnbsp;a la campagne contre les ennemis de l’Estat. C’est vnnbsp;prodigue, vn dissipateur. Les Finances sont mal admi-nistrées quand on donne deux mil escus pour leuer vnenbsp;compagnie de cheuaux légers qui va en des pays esloi-gnez pour Ie seruice de sa patrie; et c’ést estre fort mo-dere^ grand ceconome et bon mesnager des deniers pu-
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blies, quand on donne icy des cinquante mil francs en puie gratification a des particuliers qui ont pris partynbsp;contre leur Souuerain, quand on paye des quinze milnbsp;francs pour leuer vne compagnie seule. Tu peux facile-ment t esclaircir de ces véritez; et si tu en doutes tantnbsp;soit peu, la seconde touche qu’on se prépare de donnernbsp;a ta bourse, ne t’en rendra que trop certain; comme lanbsp;troisieme et la quatrième qui suiuront bientost les au-tres, acheueront de te mettre aux abois si tu ne prensnbsp;auant cela quelque resolution généreuse pour romprenbsp;les fers de la tyrannie qu’on t’impose Pourquoy souf-frir si longtemps vn ioug si rude qu’il ne nous soit pasnbsp;seulement permis de parler, parceque ceux que nousnbsp;faisons volontairement nos maistres, ne trouuent pas bonnbsp;que nous Ie puissions faire que comme ils nous sifflent?nbsp;Ils en veulent au Cardinal. Cependant qui ne scait quenbsp;s’il eust voulu satisfaire les chefs de parti du Parlementnbsp;que ie t’ay nommez, et conseiller qu’on donnast Sedan,nbsp;Ie Haure, Montreuil et autreschoses de pareille nature,nbsp;Ie bien public se fust bien porté; il n’en seroit pas Ie per-turbateur; il auroit esté Ie meilleur Ministre qui futnbsp;iatnais ; il faudroit Ie canoniser.
Est il possible après cela que tu sois encore dupe et que tu laisses si long temps abuser de ta bonté? Vangenbsp;plustost ton Roy désobéy, mal traité, offense, attaqué •,nbsp;vange toy toy inesme des maux que tu souffres et denbsp;ceux oil l’on ne se soucie guères de te plonger a l’ad-uenir. Quand tu n’aurois autre chose a craindre que denbsp;perdre pour tousiours la présence de ton Roy, ce quinbsp;t’est infaillible si tu t’opiniastres en ta rebellion, ne con-
' Les arrets du parlement pour la levee cles taxes de guerre sont du 9 janvier et des 13, 16 et 22 fóvrier.
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siclère tu point quelle seroit pour toi la grandeur de cette perte, et que cette presence est ce qui t’enrichit etnbsp;te donne la splendeur et l’opulence par dessus les autresnbsp;villes ? Oü irois tu chercher Ie payement de tant d’ar-gent que la Cour te doit ? Ne t’apercois tu point que sinbsp;elle faisoit son séiour en quelqu’autre ville, tous tes artisans seroient a la faim et qu’il se dépenseroit a Parisnbsp;inoins de douze millions de liures par an qu’on ne £ait ?
Declare toy seulement; et tu seras Ie maistre de ces factieux criminels qui t’ont arme contre ta patrie. Tunbsp;auras les benedictions du Ciel, les graces de ton Roy etnbsp;l’applaudissement de tous les bons Francois. Oblige Ienbsp;Parlement a sortir de Paris; et tu obligeras ton Roy a ynbsp;retourner, et auec lui Ie bonbeur, l’abondance, Ie commerce, la tranquillité, la seureté et enfin toute sorte d’o-pulence, de félicité et contentement.
Lc roi 'veut que Ie parlement sorte de Paris, etc.
[2762]
(11 février 1649.)
Le Roy veut que Ie Parlement sorte de Paris parce-qu’il ne croit pas y pouuoir estre en seureté tant que les factieux de la compagnie y conserueront la puissancenbsp;qu’ils ont vsurpée.
* Ce pamphlet n’a de titre iii dans Tcdition originale, ni dans la réim-pression qui en a été faite a Paris parmi les Diiterses pieces de ce qui sest passé a Saint-Germain en Taye., etc. [1160]. II est de Renaudot, au moinsnbsp;a ce que prétend 1’auleur de la Conférence secrete du cardinal Mazarinnbsp;auec le gazetier [742]. II complete les deux billets colportés par le clieva-’nbsp;lier de La Valette; et il n’y a pas lieu de douter qu’il n’ait été répandunbsp;dans Paris a peu prés en méme temps et de la mémc manière.
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DE MAZARINADES.
Les factieux veulent que Ie Parlement demeure dans Paris parcequ’ils craignent, s’il alloit ailleurs, que Ie Roynbsp;n eust plus de facllité de réprimer les attentats qu’ilsnbsp;contmuent de faire sur son auctorité; d’autant qu’ils nenbsp;pourroient pas alors étouffer les sentimens des bien in-tentionnez de la compagnie, comme ils font auiourd’huynbsp;dans Paris par la crainte qu’ils leur impriment desnbsp;roouuemens du peuple, s’estant rendus maistres absolusnbsp;de son esprit par diuers artifices.
Voyla véritablement en quoy consiste tout Ie différend lt;iui menace la desolation de tant de families et dont né—nbsp;cessairement s’ensuiura , s’il est poussé aux extrémitez,nbsp;ou la ruine de Paris, Ie Roy ayant Ie dessus, ou Ie bou-leuersement general de la Monarchie, Ie Parlementnbsp;deuenant Ie maistre.
Voila la question qui est a decider, scauoir qui, du Roy ou du Parlement, sera obey en France;
Scauoir si Ie peuple de Paris aymera mieux ou fauo-riser la désobéyssance d’vn petit nombre de particuliers pour les auoir auec soy, soustenant pour eux vnenbsp;guerre a ses despens, et s’exposant mesme a mourir denbsp;faim ; ou bien se ranger en son deuoir et iouyr de la presence du Roy, et de la maison Royale et de toute lanbsp;Cour, auec vn plein repos et toute sorte de félicité ;
Enfin scauoir s’il est plus iuste que Ie Roy desloge de sa ville capitale, ou que quelques-vns de ses sublets s’ennbsp;retirent pour quelque temps, iusques a ce que leur séiournbsp;y soit compatible avec celuy du Roy.
Le Parlement reconnoissant combien il se rendroit odieux s’il s’engageoit ouuertement dans vne contestationnbsp;si extrauagante, vous a donné le change (mes diers Pa-risiens) et a mis en ieu le Cardinal, dont il n’estoit nul-
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lement question , vous faisant croire que c’est luy qui vous affame, et que tous ces mouuements cy ne sontnbsp;excitez que pour son intérest, et par son caprice *, maisnbsp;ne vous apperceuez vous point, pauures abusez, quenbsp;cette cause la mesme ne seroit pas plus plausible ny meil-leure a soustenir que 1’autre ?
Ie n’entreprens point icy de deffendre Ie Cardinal. Supposons mesme que sa conduite ne soit pas bonne,nbsp;qu’il soit noircy de plus de crimes que ne disent tous nosnbsp;libelles , qu’il soit vn perfide, vn violent, vn intéressé,nbsp;qu’il ait fait enuahir Ie tiers de la France par les Espa-gnols, que ses seruices soient autant de trahisons; maisnbsp;en quel endroit de ses Registres Ie Parlement trouuera-t-il qu’il puisse prescrire a son Roy Ie choix de ses mi-nistres ? Quelles loix du Royaume ou quel vsage lui don-nent l’auctorité d’obliger Ie Souuerain a les esloignetnbsp;quand ils ne luy sont pas agréables ? Quel droit a Ienbsp;Parlement, n’estant institué que pour rendre Ia iusticenbsp;aux particuliers, de mettre la main au gouuernement denbsp;1’ Estat? Sommes-nous en quelque République ? Et Ie Roynbsp;n’est-il plus que nostre Doge ? S’il faut changer Ie Ministère, n’est-ce pas a la Reine, conseillée par Ie Duenbsp;d’Orléans et par Ie Prince de Condé, a Ie faire, et nonnbsp;pas au Parlement ?
Le Roy voyant que Ie Parlement attaque son autho-rité et met tout en confusion, luycommande de sortir de Paris. Le Parlement refuse d’obéyr a son maistre et or-donne par vn Arrest que le Cardinal sur qui il n’a aucunnbsp;pouuoir, sortira du Royaume
Si le Cardinal estoit Ministre du Parlement, il pourroit
* Du 8 janvier l6-i9.
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ié chasser; inais chasser Ie domestique d’vn autre, il rne seinble que la bien-séance, la coustume et la raison veu-lent que nous nous adressions a son maistre; autreinentnbsp;il est inutile et mesme ridicule de luy donner congé; et anbsp;plus forte raison si ce maistre la est aussi bien Ie nostrenbsp;que Ie sien.
I^e Parlement n’enseigne pas fort l’obéyssance. Peut il trouuer a dire que Ie Cardinal n’exécute pas ses ordresnbsp;si luy mesme mesprise ceux de son maistre ?
Mais tout cecy n’est point Ie fait dont il s agit. Que Ie Cardinal soit dansles affaires ou non, tousiours faudroit-il decider quelle des deux authoritez doit préualoir ; ounbsp;celle du Roy qui a heureusement régi Ia Monarchie,nbsp;douze cens ans durant, ou celle que Ie Parlement a en-ualiie depuis buit mois et qu’il veutse conseruer auiour-d’huy par la prise des armes contre Ie Souucrain ?nbsp;Tousiours faudroit il voir si Ie Due d’Orléans et Ie Princenbsp;de Condé souffriroienl d’estre dégradez et que Ie Parlement deuenant Roy, diners marchands, confituriersnbsp;et artisans, pour appartenir de pres a des Officiers de cenbsp;Corps la, vinssent a tenir Ie rang des fils de France et desnbsp;Princes du Sang.
II ordonne au
nous l’obligerons.
Parlement de sortir de Paris; Ie Parlement veut y de-meurer par vne désobéyssance saus excuse (n’y en ayant aucune légitime quand Ie maistre commande); et nousnbsp;sommes si aueuglez que de prendre les armes pour ap-puyer sa rebellionquel autre party restoit a prendre aunbsp;Roy, s’il vouloit se conseruer cette qualité, que de nousnbsp;réduire tous deux par la faim dans nostre deuoir? Ainsynbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;13
On nous fait accroire (mes chers compatriotes), que Ie Roy veut nous exterminer, qu’il veut nous affanier. II nenbsp;veut que ce a quoy
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ce n’est pas Ie Roy qui nous affanie; c’est nous qui Ie voulons bien estre. Ce n est pas Ie Roy qui nous attaque jnbsp;c’est nous qui sommes les agresseurs. Si nous obligionsnbsp;Ie Parlement a sortir de Paris, Ie Roy nous assure qu’ilnbsp;nous viendroit voir Ie mesme iour.
Si Ie Parlement ayme Ie bien public autant qu’il Ie veut faire croire, si sa principale visée, comme il pro-teste, estnostre soulagement et nostre repos, que ne nousnbsp;en donne-t-il vne preuue, qui luy est si facile ? Nostrenbsp;tranquillité depend de sa sortie. Nous serons heureux dèsnbsp;qu’il aura obey. Nous aurions l’abondance de toutes cho-ses et n’entendrions plus parler de gens de guerre ny dansnbsp;Paris ny aux enuirons. Cependant il veut que nous souf-frions; il aime mieux que nous soyons enueloppez dans sonnbsp;chastiment, nous qui n’auons eu aucune part a ses fautesnbsp;passées. Est-ce la auoir passion pour nostre bien?
Le Roy nous promet vn oubly general de tous nos excez. S’il nous reste dans l’esprit quelque scrupule lanbsp;dessus, et que nous ayons peine a croire qu’on ait pournbsp;nous tant de bonté après de si grandes fautes, enuoyonsnbsp;nos Escheuins et des Députez des six corps des mar-chands a S. Germain stipuler toutes nos seuretez. Onnbsp;nous assure qu’elles ne nous seront pas refusées et qu’onnbsp;n’y desire rien de nous, si ce n’est que nous ne nousnbsp;mesllons pas de l’affaire. Refuserons-nous nostre indifference a nostre maistre pour qui nous serions plustostnbsp;obligez de respandre iusqu’a la dernière goutte de nostrenbsp;sang ? Il faut que Dieu veuille bien nostre chastimentnbsp;puisqu’il ne nous donne pas seulement la force de con-sentir a nostre bonheur.
Remettons-nous vn peu en mémoire les crieries et le vacarme que le Parlement a fait tout l’Esté et tout l’Au-
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tomne contre la violence de la Régence, contre la dissipation des Finances et pour faire soulager Ie pauure peuple. C’estoient la les trois points principaux oü sein-bloient aboutir toutes leurs clameurs, les trois prétextesnbsp;specieux et en apparence désintéressez par lesquels ilnbsp;nous a artificieusement engagez a suiure a tastons tousnbsp;ses nioindres mouuemens comine des oracles. Cependantnbsp;qui ne voit auiourd’huy que nostre conduite sous sa direction canonise cede de la Reine et Fadministration denbsp;Ja Régence, puisqu’il est constant en premier lieu quenbsp;öous dissipons plus d’argent en vne semaine pour faire aunbsp;Roy vne meschante et impuissante guerre et pour enrichirnbsp;des Princes, que Ie Roy n’en despensoit en deux inois,nbsp;soustenant la guerre en tant d’endroits et auec tant denbsp;gloire et d’auantage contre toute la maison d’Autriche?
Pour ce qui est des violences, en peut-on imaginer aucune qui puisse esgaler celle d’attaquer vn Roy mineur lorsqu’il a sur les bras d’autres ennemis trés considerables, vouloir abattre son authorité, diuiser l’Estat, etnbsp;donner lieu par ce moyen aux Espagnols de reprendre ennbsp;peu de temps et auec facilité ce qui a cousté la vie a tant denbsp;braues gens et espuisé la plus pure substance des peuples?
Y a-t-il de plus grande violence que de tenir en captiuité des Ambassadeurs contre Ie droict des gens ?nbsp;Que d’emprisonner des Euesques et les empeschernbsp;d’aller dans leurs Dioceses contre Ie droict diuin ?nbsp;Que de retenir par force tant de gens de bien qui somnbsp;au désespoir de se voir enfermez dans vne ville rebelle ,nbsp;et qui hazardent leur vie a tous momens pour secouernbsp;Ie ioug de cette tyrannic, tesmoin l’Euesque d’Authun*?
* Arrét de la cour de parlement portant defense d toutes personnes.... de changer leurs noms et se frauestir pour sortir de la i’ille.... du 20 ian-
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Y en a il de plus estrange que d’oster iusques a la li-berté de la voix et des plaintes a des misérables qui souf-frent? que de menacer de mort ceux qui seroient si har-dis que d’ouurir la bouche pour parler du bien et du repos de Paris ‘ ? que de remuer iusqu’aux cendres denbsp;nos pères et fouiller dans les sepultures pour trouuer denbsp;l’argent ? que de songer a vendre les Calices, a despouil-ler les Eglises et les reliques de leur argenterie et denbsp;leurs richesses, coinme si Ie Turc estoit a nos portes ?nbsp;enfin que de remplir les cachots de la Bastille d’inno-cens, saus en interroger aucun depuis plus d’vn mois,nbsp;après taut de diligences que Ie Parlement a fait luynbsp;mesme auprès du Roy pour faire régler qu’on fustnbsp;oblige d’interroger cliaque prisonnier dans les vingtnbsp;quatre heures de sa detention , conformément aux Or-donnances, dont il se moque lorsque Tobseruation Ienbsp;regarde et non pas Ie Roy ?
Pour ce qui est du soulagement du peuple, ha! que nous esprouuons bien a nos despens si Ie Parlement a eunbsp;a ccEur pour Ie procurer en effet ou seulement a lanbsp;boucbe, pour nous entraisner a Ie seruir dans les autresnbsp;desseins qu’il formoit! Qui ne touche au doigt auiour-d’huy que toutes les charges que Ie peuple a suporténbsp;uier 164'9 [228]. Arrêt.... portant defences...» de laisser passer aucunesnbsp;personnes.... auec passeport que par les portes Saint^Iacques et Saint-Denys^ du .29 januier [235]. Arrêt.... portant quaucunes personnes nenbsp;pourront sortir de cette ville en vertu de passeports après huitaine du iournbsp;et de la date d'iceux^ du H féurier [344]. Le iamp; février, Ie parlement fitnbsp;donner des gardes a Cohon, évéque de Dol, et a Boutaut, évéqüe d’Aire,nbsp;accusés de correspondance avec Ie cardinal Mazarin. Voyez la Lettre in~nbsp;terceptée du sieur Cohon, elc. [2243],
* Arrêt de la cour de parlement portant defense a taus imprimeurs...» d^if/ipnmer, etc. [232].
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DE MAZARINADES. iusqu icy, estoient incomparablement plus douces et plusnbsp;légères que ce que Ie Parlement luy mesme nous faitnbsp;souffrir présentement de capitations , d’extorsions e,t denbsp;violences ? N'a-t-il pas fait plus payer aux seuls habitansnbsp;de Paris en quinze iours de ces désordres que ne montenbsp;la descbarge d’vne année entière que Ie Roy leur auoitnbsp;accordée, quoy qu’elle fust tres considerable? et eet argent la est employé a faire la guerre a nostre Souuerain;
1 autre l’estoit a abattre la puissance des ennemis de eet Estat.
On nous forge, cliaque iour, cent impertinences et cent chimères pour nous obliger a souffrir nos mauxnbsp;sans nous plaindre. On nous dépeint la Cour affaméenbsp;elle mesme dans S. Germain; Ie Roy sur Ie poinct d’ennbsp;partir pour aller a Chartres ; Ie Due d’Orléans tousioursnbsp;a la veille de nous venir Irouuer; Ie Prince de Condé ennbsp;dessein de se retirer dans son gouuernement, connoissantnbsp;la foiblesse du party oü il est engage; Ie Cardinal tenantnbsp;tousiours ses cheuaux sellés pour prendre la fuite. Onnbsp;nous repaist d’espérances d’enlèuemens de quartiers, denbsp;défaites des gens de guerre du Roy, de leur débandementnbsp;faute d’estre payez. On nous dit que Ie Roy n’a pas vnnbsp;sol ny moyen d’en auoir, qu’il n’a presque point denbsp;troupes et n’en peut assembler ny leuer dans aucun lieu.nbsp;On nous amuse d’ouuerture des passages pour les viures,nbsp;de ionctions de Parlemens, de Declarations d’arméesnbsp;pour nostre party, de secours considerables qui vien-dront de Normandie, de réuoltes de Villes et de Pro-uinces entières; et enfin on nous iure que Ie feunbsp;alumé dans Paris suiura indubitablement tout Ienbsp;Royaume.
Premièrement faisons vn peu reflexion quelle dok
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estre nostre impiété et nostre fureur de demeurer dans vn party qui met tout son salut en 1’embrasement generalnbsp;de 1 Estat et qui Ie desire auee autant d’ardeur que tousnbsp;les bons Francois et tous les gens de bien ont d’horreurnbsp;seulement d’y songer. Croirons nous que Dieu puissenbsp;iamais bénir nos desseins et nos actions si nous faisohsnbsp;de si détestables souhaits ?
Que vous estes abusez (mes bons compatriotes); mais ie veux bien auoir la charité de vous détroinper en vousnbsp;apprenant ce que i’ay veu moy mesme a S. Germainnbsp;dans vn voyage que i’y ay fait trauesty, par curiositénbsp;pour scauoir la vërité des choses.
Scachez done que toute la Cour est en ce lieu la, auec toutes les commoditez qui nous manquent icy, qu’ellenbsp;est plus remplie de Princes, de Grands Seigneurs et denbsp;Noblesse , qui y accourt de toutes les Prouinces , qu’ellenbsp;n’a iamais esté, qu’elle s’y tient en pleine seuretë, ayantnbsp;outre ses propres forces, des quartiers auancez que toutenbsp;nostre mllice et trente fois autant n’oseroyent affronter;
Que Ie Roy ne fait point estat de partir de la que pour rentrer a Paris ou de vostre bon grë ou par force;
Que Ie Duo d’Orlëans ayme trop l’Estat et a trop d’intërest au soutien de l’authoritë Royalle pour prendrenbsp;iamais Ie party de ceux qui la veulent abattre, et quenbsp;d’ailleurs il sent trop son coeur et sa naissance pournbsp;s’abaisser si fort que de venir prester serment de fidélitënbsp;au Parlement;
Que Ie Prince de Condë a tant d’horreur et outre cela si mauuaise opinion de tout ce que nous faisons, qu’il nenbsp;parle iamais que du restablissement de l’authoritë du Roynbsp;et de la mettre mesme en plus haut point qu’elle n’a iamais esté, que comme d’vne chose aussi infaillible que
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iuste : iugez si eest la vne disposition a quitter Ie party oü il est;
Que Ie Cardinal se porte mieux que ne voudroient ses ennemis, qu’ü ng gg nullement en peine des Arrestsnbsp;qu on a donnez contre luy, parcequ’estant egallementnbsp;iniustes et impuissans, il est assure que s’ils laissent quel-que tache, ce sera plus tost a l’honneur de ceux qui l’at-taquent sans suiet auec tant de rage, qu’a sa reputationnbsp;qwi se trouue assez establie par les seruices qu’il a rendusnbsp;a I’Estat.
I’ay sceu d’ailleurs qu’aucun Parlement du Royaume n’a donné d’Arrest semblable et qu’il n’y a point denbsp;Présidial dans Ie ressort du Parlement de Paris qui l’aitnbsp;enregistré, nonobstant les ordres expres qu’ils en auoientnbsp;receu de luy, Ouy bien qu’ils ont vérifié la Declarationnbsp;du Roy qui leur attribue Ie pouuoir de iuger souueraine-ment ‘, ce qui les a de nouueau engagez et toutes les villesnbsp;oü ils resident, a suiure aueuglément les volontez dnnbsp;Roy;
Que c’est vn amuse badaux que les deffaites des troupes du Roy et les enlèuemens de quartiers qu’on nous fait espérer. Nous n’auons osé les regarder dans Ie commencement du blocus, lorsqu’il n’y auoit dans chacunnbsp;que quelques compagnies ; et 1’on veut que nous les ém-portions maintenant qu’ils sont fortifiez des meilleuresnbsp;troupes de 1’Europe!
De plus i’ay bien trouué qu’il passe cbaque iour quan-tité de soldats de Paris a 1’armée; mais nul de 1’armee a Paris. Et il ne faut pas s’en estonner, veu que les bu-
* Declaration du Roy par laquelle les présidiam du ressort du parlement de Paris ont pouuoir de iuger souuerainement, etc., du 6 féurier 1649nbsp;[918].
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tins qu’ils font dans les conuois qu’ils détroussent a chaque moment, sont des charmes bien plus puissansnbsp;pour attirer et arrester la soldatesque, que Ie peu d’ar-gent qu’on luy donne icy au iour la iournée.
I’ay remarqué en outre que vraysemblablement Ie Roy ne manquera pas d’argent. I en ay veu arriuer estant anbsp;la Cour des voitures considerables qu’on disoit estrenbsp;suyuies d’autres de diners endroits; a quoy il y a grandenbsp;apparence; les Prouinces estant comme elles sont, dansnbsp;Ie calme; et d’ailleurs Ie fonds de nos rentes qui ne senbsp;payeront plus icy, ne scauroit luy manquer. I’ay veunbsp;aussi que l’argent ne s’employe la qu’aux despenses nécessaires , et encore auec vne grande économie; et icynbsp;nous Ie iettons auee prodigalité pour les superflues. Leursnbsp;Princes auancent du leur propre pour soustenir les affaires ; et nous ne s^aurions assouuir la conuoitise desnbsp;nostres • et ce n’est pas merueille puisqu’ils ne se sontnbsp;iettez auec nous que pour remplir leurs bourses.
ISous despensons cinquante mil francs par iour, croyans d’auoir pres de cinq mil cheuaux et douze milnbsp;hommes de pied. On trouue bien ce nombre ou a peunbsp;prés dans les reuues de la Place Royale, ou nos générauxnbsp;font lesRodomons, et veulent tout engloutir; mais a lanbsp;campagne, il est tousiours dimlnué des deux tiers.
Voulez-vous scauoir comment, faisant vne si prodi-gieuse despence, nous demeurons tousiours foibles et sommes battus partoutPC’estparcequ’aParisnous payonsnbsp;vn soldat quatre fois, et qu’a la campagne quatre soldatsnbsp;ne se battent pas pour vn.
Nous entretenons plus de généraux pour trois ou quatre meschans mil hommes que nous auons, que Ie Roy ne faitnbsp;en tontes les armécs qu’il est oblige de tenir sur pied.
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11 est certain que la despence que nous faisons, tyran-nisant Ie tiers et Ie quart et prenant l’argent a tort et a trailers, ou il se trouue, sans autre forme ny raison quenbsp;la volonte de nos nouueaux Seigneurs, et cela pour fairenbsp;vne guerre au légitime Souuerain, il est sans doute, dis-le, que cette despence suffiroit au Roy pour entretenirnbsp;toutes les armées de terre et de mer et contraindre lesnbsp;ennemis a faire vne paix glorieuse pour la France.
Comment accordera-t-on ee qu’on nous presche con-tinuellement de l’armée du Roy avec ce qui se passe cha-que iour ? Nous voyons que cette armee la est nécessai-rement séparée en diuers quartiers fort esloignez les vns des autres; et cependant ils ne sont pas seulement tousnbsp;en entière seureté ; mais nous ne scaurions faire sortirnbsp;toute nostre caualerle de Paris qu’on ne luy coure susnbsp;aussitost et qu’on ne l’oblige a la retraite ou a la fuite.
Chacun de leurs quartiers est tousiours prest a com-battre toutes nos forces; et on nous veut persuader que Ie Roy n’a point de troupes l II faut bien ou que lesnbsp;nostres soient bien foibles, ou qu’elles ne valent rien,nbsp;OU que nous soyons trabis, ou que les autres soient ennbsp;plus grand nombre qu’on ne nous veut dire.
Pour les ouuertures des passages, si nous réussissons tousiours comme a Corbeil ‘ et a Charenton*, nous pou-uons bien nous recommander a nos magazins du Louurenbsp;et voir combien de iours encore ils nous einpescherontnbsp;de mourir de faim. Hors de cela, ie ne voy pas grandenbsp;ressource aux exploits de nos braues combatans. Onnbsp;vient leur enleuer sur la moustache en plein iour vnnbsp;poste retranché et qu’on auoit incessamment fortifié de-gt;
' Journée de Juvisj, Ie 21 janvier,
quot; Prise de Charenton, Ie 8 février.
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puis quinze iours, muny de tout iusqu’a quautité de feux d’artifice, et cela a la veue de Paris, et qui plus est, denbsp;toutes nos forces, et saus auoir eu que les troupes d’vnnbsp;de leurs quartiers; et elles ne laissent pas de nous présenter Ie combat, au mesme temps qu’elles enuoient denbsp;l’autre costé a l’assaut; et elles emportent des fortifications défendues par trois mil hommes, que nous auionsnbsp;clioisis pour les meilleurs, et qui l’estoient en effet, sansnbsp;qu’vn seul des nostres ait éuité la mort ou la prison; etnbsp;tout cela ne peut obliger nos troupes a s’aduancer vnnbsp;seul pas, ni a quitter Ie poste qu’elles auoient choisi pournbsp;s’enfuyr en seureté dans nos portes.
Monsieur et Monsieur Ie Prince ne manquent iamais a monter a cheual dès que nous sortons. Ils se trouuentnbsp;en personne a cette execution; ils y hazardent leurs vies;nbsp;et nous sommes encore si idiots et si foibles que de nousnbsp;laisser siffler qu’ils sont au désespoir d’estre a Saint-Germain, que Ie Cardinal les a enleuez avec Ie Roy,nbsp;qu’ils n’y demeurent que pour empescher la suite desnbsp;mauuais conseils dudit Cardinal, qu’ils bruslent d’enuienbsp;de faire que Ie Roy satisface Ie Parlement! Cependantnbsp;les prières de la Reine, de Madame, de Mademoiselle ,nbsp;de Madame la Princesse, et de toute la Cour ne peuuentnbsp;obtenir qu’ils n’aillent en personne en tous les lieux oünbsp;il y a occasion de battre nos troupes; et nous serons sinbsp;dupes de croire qu’ils n’agissent que molement et contrenbsp;leur gré!
Pour la ionction des Parlemens, nous laisserons-nous tousiours surprendre a eet artifice grossier dont on nousnbsp;bufle, lorsqu’on fait aller au Palais et a la Maison denbsp;Ville des personnes apostées, comme s’ils estoient dépu-tez des autres Parlemens et ayant charge d’eux de pour-
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suiure l’vnion avec celuy de Paris? On les appelle en presence de beaucoup de monde; on leur fait desgoïsernbsp;ce qu’il a esté concerté qu’ils diroient; et on sort apresnbsp;auec des exclamations au peuple, comme s’il ne man-quoit plus rien a sonbonheur, et qu’il dust estre asseurenbsp;pleinement de 1’heureux accomplissement de tout ce qu il
I’ay apris bien loin de cela, que Ie Parlement de Oiion a fait vne enqueste curieuse pour trouuer vn sedinbsp;tieux et Ie faire pendre, qui auoit affiche la nuit auxnbsp;portes d’vne Église l’Arrest donné icy contre Ie Car inbsp;naP, et que toutes les Compagnies souueraines de Bourgogne ont enuoyé a Saint-Germain protester de leurnbsp;obéyssance par leurs députez.
Le Parlement de Dauphiné a donne ordre aux siens de dire au . Roy qu’il déteste la conduite de celuy denbsp;Paris et qu’il mourra pour son seruice, s’il est nécessaire.
Le Parlement de Bourdeaux auoit résolu d’enuoyer cacbetée a la Reyne la Lettre de celuy de Paris ^ si ellenbsp;luy eust esté présentée.
11 n’y a rien de si faux que l’Arrest imprime, et public dans Paris comme donné par le Parlement de Bretagne contre le Cardinal On y deuoit plustost publier
‘ C*est apparemment d’après cette pièce que Mailly raconte la même anecdote. En tout cas, il est certain qu’il se trompe quand il la met surnbsp;le compte du Courrier de la Cour, etc. [821].
^ Lettre de la cour de parlement de Paris encojée aux parlemens, etc. [1936].
® Arrêt de la cour de parlement de Rennes en Bretagne contre le nommé lules Mazarin, etc. [3-15], k Ce iour, dit le Journal du Parlement,nbsp;sous la date du 7 fé-vrier, les colporteurs ayant vendu par Paris vn arrêtnbsp;du parlement de Bretagne contre le cardinal Mazarin, et ledit arrêt s’estantnbsp;trouué faux, les exemplaires en furent saisis et déchirés, auec defense denbsp;les plus exposer. »
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les deffences tres-expresses qu’il a faites de leuer des gens de guerre dans la Prouince, autrement que sur lesnbsp;Commissions du Roy, qu il a en mesme temps enuoyénbsp;asseurer de sa parfaite obéyssance. Cependant la plusnbsp;veritable consequence qii’on puisse tirer a mon aduis denbsp;cette supposition d’Arrest, aussi bien que de l’autrenbsp;qu’on fait de faux députez des autres Parlemens, c’estnbsp;qu’il faut que nos affaires soient bien désespérées puis-qu’elles ne sont appuyées que sur de si foibles fonde-inens, et que nostre cause soit bien mauuaise puisqu’ellenbsp;a besoin d’estre soustenue par tant de faussetez et d’artifices.
Le tumulte arriué a Aix pour vn soufflet donné au laquais d’vn Conseiller a esté aussitost appaisé qu’esmeu ‘nbsp;et semble mesme n’estre arriué que pour vn plus promptnbsp;accommoderaent de l’affaire des deux Sémestres, afin denbsp;faire cesser non-seulement le désordre, mais toute occasion de brouillerie a l’aduenir. Cependant le Parlementnbsp;a enuoyé vn courrier extraordinaire au Roy pour l’as-seurer de son entière obéyssance.
Le Parlement de Thoulouze a fait dire et escrit au Roy qu’il maintiendroit tout le Languedoc dans vn pleinnbsp;calme et qu’il donneroit en cette occurrence des preuuesnbsp;d’vne fidélité inuiolable.
II n’y a eu que Rouen seul que les cabales du Due de Longueuille ont porté a nous imiter; mais quel secoursnbsp;pouuons-nous en attendee ?Croirons-nous que Rouen seulnbsp;puisse plus a trente lieues, pour forcer les quartiersnbsp;du Roy, que Paris qui n’en est qu’a vne heure de che-
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min et qui a dix fois autant d’habitaiis el de riehesses ? I’ay apris mesme que Ie Comte d'Harcourt est en cettenbsp;Prouince la auec vn corps de caualene capable de dissi-per OU de battre tout ce qui voudroit s assembler) etnbsp;d üilleiu's on m'a assure qidil arriuoit de tous costez tantnbsp;de troupes pour 1’armée du Roy qu’on auoit dépeschénbsp;sur leur marehe pour les enuoyer autre part, comme ynbsp;estan t inutiles. Quel effort peut faire après cela Ie Duenbsp;de Longueuille? Cependant nous fondons toute nostrenbsp;ressource sur cette cbimère.
Le Due de Bouillon nous promet aussi qu il disposera de sou frère et de son armee; mais on ne dit pas icy cenbsp;que i’ay trouué a Saint-Germain, que ie Maresebal denbsp;Turenne a escrit au Roy et a la Reyne pour les assurernbsp;de sa fidélllé, y adioustant mesme qu’il seroit inconsolable si on 1’auoit creu capable d’adbérer au crime du Due.
Pour conclusion, on ne nous amuse que de chimères et d’illusions) et nous sommes si peu aduisez que nousnbsp;nous payons de cette monnoye et nous disposons inesmenbsp;a souffrir les dernières extrémitez pour des gens qui,nbsp;après auoir bien exténué nos corps et nos bourses, nousnbsp;sacrifieront a la fin pour se sauuer, si nous n’auons lanbsp;prudence de les preuenir. Tirons-nous de tant de misères par vne généreuse resolution : nostre Roy nousnbsp;tend les bras et ne veut qu’vne bien petite marque denbsp;nostre amour pour donner des preuues solides du sien etnbsp;venir rendre Paris beureux par ses bienfaits et par sanbsp;presence. Nous voyons qu’il prend plus de soin de nousnbsp;tesmoigner sa tendresse a mesure que nos affaires pren-nent vn plus mauuais train. II a eu mesme la bonté pournbsp;nous sauuer, de relascber beaucoup enuers eeux du Parlement, tasebant encore vne fois de les redulre a leur
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deuoir par la douceur et applanissant les chemins pour les y porter; tesmoin les Declarations qu’il a enuoyéesnbsp;a eux et a iious“. Serons-nous si aueuglez que de résisternbsp;encore a tant de graces ? et ne faut-il pas croire quenbsp;nostre ruïne est resolue dans Ie Ciel si nous résistonsnbsp;plus longtemps a la voix qui nous appelle ?
Ie m’assure que plus des deux tiers d’entre vous ont horreur de nostre rebellion et des cruautez qu’on nousnbsp;contraint d’exercer contre nous-mesmes. Qui est celuynbsp;qui se peut vanter d’auoir quelque chose de propre ?nbsp;Tout est a vous, Messieurs, qui nous tenez Ie pied sur lanbsp;gorge et prenez nostre bien. Nous voila enfin dans vosnbsp;fers. Nous n’auons pu supporter des charges ordinairesnbsp;establies depuis quinze ou vingt années; et nous souf-frons auiourd’hy qu’on nous inette tons a la faim, quenbsp;nos petits enfants courent Ie risque de mourir a la mam-raelle de leurs mères, ne trouuant plus que succer; etnbsp;nous ne l’endurons pas seulement; nous l’approuuons;nbsp;nous Ie louons, et croyons faire des merueilles. Prenonsnbsp;courage (mes chers compatriotes ); obligeous Ie Parlement a obéyr au Roy et a sortir de Paris. Les gens denbsp;bien de la Compagnie béniront vne si douce violencenbsp;qui les affranchira de la tyrannic des factieux qui les en-traisnent dans leurs détestables resolutions.
Ie voy bien que vous estes de mon aduis, mais que personne n’ose encore s’en expliquer a son compagnon.nbsp;II y a quatre cens mil hommes dans cette pauure villenbsp;qui n’attendent que l’heure de voir quelque bon Francois qui ait la générosité de se declarer Ie premier pournbsp;se ioindre aussitost a lui.
' Declaration du roi, du 3 féurier 1649, par laquelle sont donnés six iours aux habitans de Paris pour rentrer dans leur deuoir [912].
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Si vous ne iugez pas qu’il soit encore seur de s assembler en public, pour concerter la chose, que chacun en confère auec ses amis en secret. Qui nous empesche après,nbsp;allant a la garde ou dans l’occasion de quelque sortie,nbsp;de prendre Ie chemin du Palais et de declarer a nosnbsp;nouueaux Maistres qu’il faut qu’eux et nous reconnois-sions l’ancien et Ie légitime et qu’ils sortent de Paris.
Le Roy a eu la bonté de leur enuoyer donner pleine seureté, qu’il ne sera point touché a leurs personnes nynbsp;a leurs biens , sans excepter mesme d’vne si grande gracenbsp;les plus factieux et les plus criminels d entr eux. Persis-teront-ils après cela a nous vouloir encore enseuelir dansnbsp;leurs ruines? et s’ils le font, le souffrirons-nous ? Courage done (mes braues Concitoyens)} et n’attendons pasnbsp;les dernières extrémitez a prendre vne résolution quinbsp;sera alors nécessaire, mais sans mérite auprès du Roynbsp;paree qu’elle ne dépendra plus de nostre volonté et quenbsp;nous y serons absolument contraints.
(H février 16-49.)
Le Roy voulant pouruoir a la subsistance et entrete-nement des troupes que sa Maiesté est obligée d’entre-
' « L’esprit du Cardinal Mazarin, tousiours porté au mal et a Ia havne particuliere qu’il a conceue iniustement contre le Parlement et la villenbsp;Capitale du Royaume, ne se contentant pas de l’oppression qu’il s’estnbsp;efforcé de leur faire par la voye ouuerte des armes, a encore voulu se
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CHOIX
tenir et de faire séiourner aiix enuirons de Paris pour rëprimer la rebellion et Ie reduire a son obéyssance, etnbsp;pour eet effet assurer vn fonds certain a prendre surnbsp;lesterres, inaisons et heritages appartenant aux bourgeois, habitans et officiers de ladite ville : sa Maiesténbsp;estant en son conseil, la Reyne Régente sa mère présente, a ordonné et ordonne cjue lesdites terres, inaisonsnbsp;et heritages, appartenant aux dits bourgeois, habitans etnbsp;officiers de ladite ville de Paris, seront taxes par vn rollenbsp;qui en sera arresté au conseil de sa Maiesté, pour l’en-trétenement et subsistance desdites troupes, et que troisnbsp;iours après la signification qui sera faite desdites taxesnbsp;aux receueurs et fermiers desdites terres, inaisons et hé-ritages, ils payeront en ce lieu entre les mains du sieurnbsp;Longuet, trésorier général de l’extraordinaire desnbsp;guerres, commis par sa Maiesté a la reeöpte desditsnbsp;deniers; autrement et a faute de ee faire dans leditnbsp;temps, Ie recouurement desdits deniers sera fait par les
seruir des Inuentions de son pays , ayant fabriqué auec ses fauteurs et adherens yn instrument auquel 11 a donné pour titre Arrest du Conseil,nbsp;qui porte vne taxe a prendre sur tous ceux qui sont demeurans dans lanbsp;Ville de Paris pour sauuer du feu et du pillage de ses Satellites les Chas-teaux et autres Maisons champestres qu’ils ont a la campagne et enuironsnbsp;de ladite Ville. La Cour de Parlement en ayant eu aduis, y a pourueu parnbsp;sa prudence accoustumée et a, Ie Lundy 22 dudit mois de Feburier,nbsp;donné arrest par lequel elle a fait deffense a toutes personnes de payernbsp;lesdites prétendues taxes et ordonné que Ie Sieur Fouquet, Maistre desnbsp;Requestes, apporteroit au Greffe de la Cour Ie pouuoir qu’il auoit denbsp;faire la leuée d’icelles, et lusques a ce qu’il eust satisfait, qu’il demeure-roit Interdit de la fonction de son office. »
Le Courrier francais, etc. [830], 6® arrixée.
« Après les princes et quelques partisans, qui possède tout l’argent de France, sinon eux {les magistrals du parlement) ? A qui appartiennentnbsp;les plus riches fermes, les plus superbes chasteaux, les plus belles terres etnbsp;les mcilleurs fiefs nobles de la campagne, sinon è eux ? »
Refutation de la réponse saus iugement au bandeau de la lustice [3068],
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troupes d’infanterie et de caualerie de sa Maiesté; chacune desquelles sera donné vn rolle particulier desnbsp;dites taxes par cantons pour leur tenir lieu de monstres,nbsp;subsistances et recrues, lesquelles ils exécuteront contrenbsp;les y dénoinmés par saisie et vente de tons les meubles,nbsp;bestiaux et materiaux qui se trouueront dans lesditesnbsp;maisons, mesme par coupe des bois de haute futaye etnbsp;taillis et autres voyes qui leur seront ordonnees par sanbsp;Maiesté comme pour ses propres deniers et affaires. Enbsp;sera le present Arrest exécuté nonobstant opposition ounbsp;empeschement quelconque. Fait au Conseil d Estat unbsp;Roy, sa Maiesté y estant, la Reyne Régente sa merenbsp;présente, tenu a Saint Germain en Laye, le quinzièmenbsp;iour de feburler 1649. Signé de Guénégatjd.
Role des taxes.
Les terres de Champlastreux et Le Plessis Vallée, ap-partenans au sieur Molé, cy deuant premier président de la Cour de Parlement, transférée a Montargis, paye-ront pour partie de la subsistance et entrètenement desnbsp;troupes de sa Maiesté, comme il est dit dans 1’Arrest, lanbsp;somme de huit mil liures;
La terre de Goussainuille, appartenant au sieur Nicolai, président en la Chainbre des Comptes, hull mil liures ;
La terre du Mesnil Sainct Denys, appartenant au sieur de Montmaur, quatre mil liures;
Les terres de Roissy, Eponé, Rray sur Seine, Balagny, appartenans au sieur de Mesme, cy deuant président ennbsp;ladite cour, six mil liures;
Les terres du Mesnil et Moregard, appartenans au Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;ii
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sieur Amelot, Premier Président a la Cour des Aydes^ six mil liures ;
La terre de nbsp;nbsp;nbsp;^ appartenant
au sieur d’Orieux, président en la Cour des Aydes, trois mil liures;
La terre de Fontenay sur Marie, appartenant a la veuue du sieur Meliand deux rail liures ;
Vne maison a Saint Cloud, appartenant au sleur Le Coigneux *, cy deuant président en ladite cour, six milnbsp;liures;
Les terres de Vatan et Bréuannes, appartenans au sieur Aubry, président en la Chambre des Comptes ,nbsp;quatre mil liures;
La terre de La Ferté en Normandie, appartenant au sieur Mare La Ferté, quatre mil liures ;
A^ne maison sise a Vitry, appartenant au sieur Le Noir, président en la Cour des Aydes, trois mil liures;
La terre du Tremblay, appartenant au sieur du Tremblay, quatJ'e mil liures ;
Le terre d’Hésanuille, appartenant a maistre Prélabé, deux mil liures ;
Vne maison sise a Saint Aubin, appartenant au sieur de Grieux, président en ladite Cour des Aydes, troisnbsp;mil liures ;
La terre du Plessis et vne ferme dans Vilpinte, appartenans au sieur de Flexelle, président en la Chambre des Comptes, quatre mil liures;
La terre d’Aury La Chapelle, appartenant au sieur de'
* Procureur general au parlement de Paris.
II passait pour 1’auteur de la Trh humble remontrance du Parlement at¥ iïoy etala Ueyne Régentc [3814^.
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Brion, président en la Cour des Aydes, trois mil Uur es;
La terre de Ville Eurard, appartenant au sieur Dollu, deux mil Uur es ;
La terre de Courberon, appartenant au sieur de Nes-nion’, cy deuant président en la Cour de Parlement, six mil Uur es ;
La terre de Berny, appartenant au sieur de Bellieure, cy deuant président en ladite cour, six mil Uur es;
La terre de Magnanuille, appartenant au sieur Bris-sonnet, maistre des requestes, quatre nul liures;
La terre de Baudle, appartenant au sieur de Lamoi-gnon, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre de Bonnelle, appartenant au sieur de Bon-nelle, trois mille liures;
Vne raaison sise dans Ie village d’Aty, appartenant au sieur Bouclierat, maistre des requestes, quatre milnbsp;liures ;
La terre de Villebon, appartenant au sieur Potier 1, cy deuant président en ladite cour, six mil liures;
La terre de Beauregard, appartenant au sieur Ardier, président en la Chambre des Comptes, quatre milnbsp;liures ;
La terre de Morman, appartenant au sieur Lefebiu-e, trésorier de France, deux mil liures;
La terre du Viuier, appartenant au sieur Crepin, ey deuant conseiller en ladite cour, trois mil li-ures ;
II présida la chambre de la Tournelle pendant Ie procés de Bernard deBautru, dont il prit Ie parti avec une grande passion. Factum pou¥nbsp;M. Bernard de Bautru, etc. [1366],
“ De Novion,
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La terre de Reze, appartenant au sieur Besnard %
(JUiCLtVG Tïltl llltT6S y
La terre de Montrenet, appartenant au sieur Garnier, .présidenten la Cour des Aydes, trois mil Uures;
Vne maison sise a Pontoise, appartenant au sieur de Brousselle, cy deuant conseiller en ladite cour, troisnbsp;mil Uures ;
La terre de Creuan, appartenant au sieur Le Nain, cy deuant conseiller a ladite cour, trois mil Uures;
La terre de Gayonnet, appartenant au sieur Vion , deux mil Uures ;
La terre de Lartiges, appartenant au sieur Le Meus-nier cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Uures;
La terre de Romilly, appartenant au sieur Duret de Cheury % quatre mil Uures;
La terre de Nogent les Vierges, appartenant au sieur de Cliaillou, maistre des comptes, trois mil Uures;
La terre de laussigny, appartenant au sieur de Bra-gelonne, conseiller en la Cour des Aydes, deux mil Uures;
La terre de Roquancourt, appartenant au sieur San-guin, conseiller en la Cour des Aydes, deux mil Uures;
Vne maison sise a Sussy, appartenant au sieur Gon-tier, cy deuant conseiller a la cour, trois mil Uures;
La terre de Liury, esleclion de Melun, et vne maison sise a Cuuilly, eslection de Paris, appartenans au sieurnbsp;Lionne, grand audiencier, trois mil Uures;
* Voyez le Parlement burlesque de Pontoise, etc. [2701],
® 11 fut en 1650 un des commissaires du parlement pour la pacification de Bordeaux. Procès-verbal fait par messieurs Le Musnier et Bitaut, etc.nbsp;[2893].
^ Président au parlement.
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La terre de la Brosse, appartenant a maistre Mole, receueur des rentes de la Cour des Comptes, deux rndnbsp;liures ;
La terre de Tauerny, appartenant au sleur de Lesca-lopier, deux mil liures;
La terre d’Oalle, appartenant au sleur Champeron, cy deuant conselller en la cour, trois mil liures;
La terre de Nuë, appartenant au sleur Chezelles , deux mil liures ;
La terre de La Grange, appartenant au sleur Séuln, cy deuant conselller en la cour, trois mil liures ;
La terre d’Euesquemont, appartenant au sleur Lesse-ullle, maistre des comptes, trois mil liures;
La terre de Torcy, appartenant au sleur de La Crolx, maistre des comptes, trois mil liures;
Yne terre au village de Montauban, appartenant au sleur de Vlllebols, deux mil liures;
Les moullns de Gonesse, appartenant au sleur Lalsné, cy deuant conselller en la cour, trois mil liures;
La terre d’Oynullle, appartenant au sleur Barthélémy, maistre des comptes, trois mil liures;
La terre de Valenton, appartenant au sleur Godefroy, deux mil liures ;
La terre d’Escharcon, appartenant au sleur Bouguler, cy deuant conselller en la cour, trois mil liures;
La terre de Bagneux, appartenant au sleur Chapeller, auocat general en la Cour des Aydes, deux mil liures;
La terre de Vanure, appartenant au sleur Préuost ’, cy deuant conselller en la cour, trois mil liures ;
‘ Charles Prevost, conselller clerc. En 1649, 11 fut payeur de 1’armée pai'leinentalre; en 1652, 11 préslda les assemhlées royallstes dii Palalsjnbsp;Royal. Arrél du parlement de Pontoisc, etc. f334].
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Vne terre a la Planchette, appartenant a maistre Noire, mil Uur es ;
La terre de Chatenay et vne ferme a Saint Denys en France, appartenant au sieur de Longueil cy deuantnbsp;conseiller a la cour, trois mil Uur es;
La terre de 1 Espine, appartenant au sieur de Moussy, maistre des comptes, trois mil liures ;
La terre de Richebourg prés Clermont, en Normandie, appartenant au sieur Jassaut, maistre des recjuestes quatre mil liures ;
La terre de Gilvoisin, appartenant au sieur Gobelin , deux mil liures;
La terre de Ludy, prés Melun, appartenant au sieur Payency deuant conseiller en la cour, trois milnbsp;liures ;
La terre de Bisseuil, appartenant au sieur Amelot, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre de Briére Ie Cbastel, appartenant au sieur Merat, maistre des comptes, trois rnil liures ;
La terre de Poully et autres lieux en dépendans, appartenant au sieur Coquelay, cy deuant conseiller en la cour, trois mil liures;
La terre d’Auffemont, appartenant au sleur Lieutenant ciuil de Paris six mil liures;
La terre de Bernières, appartenant au sieur de Ber~ niéres, maistre des requestes, quatre mil liures;
La baronnie de Melay, prés Cbartres, appartenant
* On lui attribue les Articles accordés cntre messieurs Ie cardinal Mazarin, Ie garde des sceaux Ckateauneufy etc. [402].
^ Deslandes Payen, On lui a dédié en 1649 Ie Discours adressé aux soldats-. francoiSy etc. [1101]. Esprit de guerre des ParisienSy etc. [1281], Ie rangeer»nbsp;parmi les parlementaires frondeurs.
® Dreux d’Aubray. Voyez Ie Silence au hout da doigt [3674].
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au sieur de Thou, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre du Tremblay, appartenant au sieur Miron maistre des comptes, trois mil liures;
La terre d’Autheuil, appartenant au sieur Viallard, quatre mil liures ;
La terre de Périgny, appartenant au sieur Le Picard, maistre des requestes, quatre mil liures;
Les terres du Blancmesnil et de Groslay, appartenans au sieur Potier, cy deuant président aux Enquestes,nbsp;quatre mil liures ;
La terre de Boisgreffier, pays d’Aunis, appartenant au sieur de Cumont, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures;
La terre de Baillet, en France, appartenant au sieur Dubois, deux mille liures;
La terre de Gois, pres Prouins, appartenant au sieur du Tillet, cy deuant conseiller en ladite cour, trois milnbsp;liures ;
La terre du Boulay, appartenant au sieur Fauier, maistre des requestes, quatre mil liures ;
La terre de Cbastillon, appartenant au sieur Lieutenant criminel auChatelet de Paris®, quatre mil liures;
La terre de Neuuille, appartenant au sieur de La Grange, maistre des comptes, trois mil liures;
Vne maison sise a Issy, appartenant au sieur de La Nauue, conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Villemenen, appartenant au sieur Lieutenant particulier au Chatelet, deux mil liures;
‘ II figure sur la Liste de Messieurs les colonels de la ville de Paris, etc. f2307].
* Tardieu.
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Vne maison sise a Putheaux, appartenant au sieur Benoise, cy deuant conseiller, quatre mil liures;
La terre des Meures, prés Montfort, appartenant au sieur Courtin, maistre des requestes, quatre mil li-^nbsp;ures;
La terre de La Gallissonniere, appartenant au sieur Barrin, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre du Tremblay et de Mousset dans ledit Tremblay, appartenans au sieur de Bermond, (cy deuant) conseiller en la cour, trois mil liures;
La terre de Bougiual, appartenant au sieur Goret, trois mil liures;
La terre de Sainct Germain prés Corbeil, appartenant au sieur Le Roy, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures;
Vn tiers dans la terre de S. Peccais, appartenant au sieur Lottin, cy deuant conseiller en ladite cour, troisnbsp;mil liures ;
La maison de Villetou, sise a Noisy, appartenant au sleur de Villefort, deux mil liures;
La terre de Brière, appartenant au sieur Maupeou, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures •
La terre de Marcouuille, prés Pontoise, appartenant au sieur de La Grange, cy deuant conseiller en laditenbsp;cour, trois mil liures;
La terre de Charni, appartenant au sieur Lottin, maistre des requestes, quatre mil liures;
La maison de Chauconin, appartenant au sieur Pinon, deux mil liures;
La terre de Courtault et autres lieux, appartenans au sieur de Montecot, maistre des requestes, quatre milnbsp;liures ;
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La terre de Louure, appartenant au sieur Le Féron, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures ;
La terre de La Magdelaine, appartenant au sieur de Bragelonne\ cy deuant président aux Enquestes, quatrenbsp;mil liures;
La terre de Champigni, appartenant au sieur Bo-chard, maistre des requestes, quatre mil liures;
Les terres de Mesni, Ecouard et Noisi, appartenans au sieur Coulon*, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures;
La terre de Fourqueux, appartenant au sieur Bou-uard, (cy deuant) conseiller en ladite cour, trois mil liures ;
I;es terres d’Erblay, Gentilli et Etrichi, appartenans au sieur Préuost, maistre des requestes, trois mil liures;
Ija terre de Messy, appartenant au sieur de La Baillie, deux mil liures;
La terre du Tillet pres Gonesse, appartenant au sieur Girard, cy deuant conseiller en ladite cour, trois milnbsp;liures;
Vne maison sise aNogent, appartenant au sieur de Laffemas®, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre de Pontcarré, appartenant au sieur de Pont-carré, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures ;
La terre de La Guette, appartenant au sieur de Broue, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre d’Ebli, appartenant au sieur Cbarlet, deux mil liures ;
' Voyez le Mercure de la Cour, etc. [2452], et le Parlement burlesque de Pontoise, etc. [2701].
“ On peut consulter sur Coulon le premier billet du clievalier de La Valette : Lis et fais. Voyez plus haut.
’ Isaac dc Laffemas. II est auteur du Frondcur désintéressé [1452],
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La terre de Yilleregi, appartenent au sieur de Ville-regi, cy deuant conseiller en laditecour, trois mil liures ;
La terre de Pruneuault, appartenant au sieur Foulé*, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre de Nouan, appartenant au sieur de La Barre, ey deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre de Houille, appartenant au sieur Briu, trois mil liures;
La terre de Tore en Bourgogne, appartenant au sieur de Tore’, cy deuant président aux Enquestes,nbsp;mil liures;
Les terres de Tillemon et Beaumont, appartenans au sieur Le Nain, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre de Varize, appartenant au sieur Robin, mil liures ;
La terre du Val Cocatrice, appartenant au sieur Thi-beuf’, cy deuant conseiller en laditecour, trois mil liures;
La maison de Plaisance, appartenant au sieur de Ville-sauin, quatre mil liures;
La terre de Seri et maison de Cbatou, appartenans au sieur PortaiP, cy deuant conseiller de la cour, troisnbsp;mil liures;
La terre de Tiersan, appartenant au sieur Ruellan, maistre des requestes, quatre mil liures;
Les terres de Chizay et Vualli, appartenans au sieur
* nbsp;nbsp;nbsp;Voyez VArrét de la cour de parlement de Bordeaux portant cassationnbsp;des iugemens.... du sieur Foulé^ etc. [177j, et la Relation de ce qui s'estnbsp;fait et passé en l’emprisonnement du sieur Fouléy etc. [3106].
® Fils du surintendant d’Émery.
^ Un des colonels de la ville de Paris. Voyez la Liste ^ etc. [2307].
* nbsp;nbsp;nbsp;II est auteur du Discours sur la deputation du parlement a M. le princenbsp;de Co7u/e [1147], et suivant le cardinal de Retz, le rédacteur de lanbsp;claration du roiportant defenses au Cardinal Mazarin.,.. de renirer dans lenbsp;rofaumCy etc. [925].
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Bitault', cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil Uur es;
La terre de Montanglos, appartenant au sleur Quatre-sols, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Sercelles, appartenant au sieur de Ser-celles, deux mil liures;
La terre de S. Dyé prés Blois, et la ferme de Cauue-gny prés Eeauuais, appartenans au sieur Perrot, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre de Gournay, appartenant au sieur Amelot, maistre des requestes, quatre mil liures;
La terre du Chemin prés Lagny, appartenant au sleur Violle’, cy deuant président aux Enquestes, quatre milnbsp;liures ;
La terre des Pippes prés Grosbois, appartenant au sieur Godard, trois mil liures;
La terre de Martroy, appartenant au sieur Pinon, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Noisy prés Royaumont, appartenant au sieur de Meaupeou, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures;
Vne maison sise au village de Clamard, appartenant au sieur Desnoyers et ses liéritiers, mil liures;
La terre de Malmaison, appartenant au sieur Perrot’, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
‘ Commissaire du parlement, avec Le Musnier, pour la pacification de Bordeaux.
* II était commis a la déllvrance des passe-ports pour le parlement. Le cardinal de Retz le nomme un des auteurs de la Requête de madame lanbsp;princesse de Condé (2 dëcembre 1680) [34-75]. II y a contre lui un Arrétnbsp;de la cour de parlement, ctc. (1684) [341].
^ Voyez VEsprit de guerre des Parisiens, etc. [1282] et le Mercure de la Cour, etc. [2482],
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t
La terre d’Eauboime, appartenant au sieur Eau— bonne, cy deuant conseiller en ladite cour, trois milnbsp;Uures;
Vne inaison sise a Auberuilliers, appartenant au sieur Montelon, auocat, deux mil liures;
La terre de L’Essart, appartenant au sieur Besnard, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Marly la Ville, appartenant au sieur d’Ho-dicy ( hodicq ) 1, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre de Mortefontaine, appartenant a la veuue du sieur Hautraan, trois mil liures;
La terre de Jusanuigny, appartenant au sieur Mollé, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre de Brou, appartenant au sieur Feydeau^, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Quincy, appartenant a la veuue du sieur de Quincy, deux mil liures;
Les terres de Griselles et Chaumoy, appartenantes au sieur de Boulx, cy deuant conseiller en ladite cour, troisnbsp;mil liures ;
La terre de Viermes et vne maison sise a Suresne, ap-partenans a la veuue du sieur Boulanger, cy deuant président aux Enquestes, quatre mil liures;
La terre du Fay, appartenant au sleur Palluau, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de La Douze, appartenant au sieur Charton’,
nbsp;nbsp;nbsp;Voyez XEsprït de guerre des Parisiens^ etc. [1282].
* nbsp;nbsp;nbsp;Abbé de Bernay. Voyez Ie Parlement burlesque de PontoisCy etc. [2701].nbsp;^ II fut, en 1650, impliqué dans Ie procés du due de Beaufort, de
Gondy et de Broiissel. Voyez les Causes de recusation contre monsieur Ie premier président^ ctc. [636], et VArrét de la cour de parlement^ etc. [278|.
-ocr page 239-DE MAZARINADES.
cy deuant président aux Reqiiestes du Palais, quatre wil Uur es;
La terre de Margency, appartenant a la veuue du sieur président Fayette, deux mil liures;
La terre de Nogent et dépendances, appartenant au sleur du Tillet, cy deuant président aux Requestes dünbsp;Palais, quatre mil liures;
La terre de Fleury, appartenant au sieur de Machault, ey deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Chanvry, appartenant au sleur de Cotti-gnon, trois mil liures;
Vne maison, sise au village de Villepreux, appartenant au sieur de Gondy, trois mil liures;
La terre et seigneurie d’Auron, appartenant au sieur de Bretonuilliers, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures ;
Vne maison sise au village de Fontenay sous Rayeux, appartenant a maistrenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Milet, cy deuant procu
reur en ladite cour, mil liures;
La terre de Bourdeux et La Morlay, appartenans au sieur de Bocquemare', cy deuant président aux Requestesnbsp;du Palais, quatre mil liures;
Vne maison prés S. Cloud, appartenant au sieur de La Gastine, deux mil liures;
T^a terre de Chailly, appartenant au sieur de Grasse-teau, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures ;
La terre de Giury, appartenant au sieur Courtin, cy deuant conseiller a ladite cour, trois mil liures;
' II est qualifié de royaliste dans V Esprit de guerre des Paris lens, etc. [1282], On peut d’ailleurs consult er ce pamplilet sur les partis que sui-vaient les divers membres du parlement en 1652.
-ocr page 240-222 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
La terre de Rubelle, appartenant au sieur Bonneau, cy deuant conseiller en ladite cour, trois mil liures;
La terre de Gagny, appartenant au sieur Fezzary, deux mil liures;
La terre de La Houssaye, appartenant au sieur Pelle-* tier, cy deuant conseiller en ladite cour, trois milnbsp;liures ;
Vne maison appelee Ableiges, appartenant a la veuue du sieur d’Ableiges, trois mil liures;
La terre de Caumartim et Lhennitage, appartenans au sieur Le Fèure, cy deuant conseiller en ladite cour,nbsp;trois mil liures;
La maison de Villers sur Marne, appartenant au sieur Gaumont, trois mil liures,
La maison d’Esboulets, appartenant au sieur Larchei*, deux mil liures;
La teri’e de La Garenne Ahebly, appartenant au sieur Charlet, cy deuant conseiller en ladite cour, trois milnbsp;liures ;
Vne maison sise au village de Montreuil, appartenant a maistrenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Drouet, cy deuant greffier en ladite
cour, deux mil liures;
Vne maison sise au village de S. Maur, appartenant au sieur Formé, deux mil liures;
La maison et terre de TEstang et Garches, appartenant au sieur Talon, cy deuant auocat general au parlement, trois mil liures;
La terre de Breuiande, appartenant au sleur Mélian, cy deuant procureur general, quatre mil liures;
La terre de nbsp;nbsp;nbsp;appartenant au sieur de Bignon,
cy deuant auocat general en ladite cour, trois mil liures.
-ocr page 241-DE M\Z4RINADES. nbsp;nbsp;nbsp;‘^23
Somme totale du oontenu au présent rolle : cinq cent vingt-trois mil liures.
Fait et arrêté au Conseil d’Estat du Roy, sa Maieste y estant, la Reyne Régente sa mère présente, suiuantnbsp;1 Arrest donné en iceluy, ce iourd’huy 15* iour de Fe-urier 1649. —¦ Signé ; Louis, et plus bas ; de GuÉwé-
GAüD.
(19 férrier 1649.)
Espagnols, nos bons amis (Au moins si l’on vous veut croire),
Ce que vous auez promis,
Est-il fable ? est-il histoire ?
Vous nous aimez, dites-vous.
Done les brebis el les loups Sont en Paix dans la campagne;
Etl’ bn scait en toutes parts Que les fiers Lyons d’Espagnenbsp;Ne sont plus que des renards!
En vain, pensant nous tromper,
* l’Agent de 1’Archiduc Léopold, Lieutenant général du Roy d’Espagne au Pays bas, qui, Ie mesme iour dix-neufiesme Feurier, se présenta cn Tassemblée du Parlement, auec lettres de créance de son Maistre, dat-tées a Bruxelles du 10 iour de ce mois, qui fit entendre que Ie pouuoirnbsp;qul luy estoit donné, estoit d’offrir, de la part du Roy Catholique et denbsp;son Altesse Impériale, la Paix, et dire qu’ils mettoient entre les mains denbsp;Messieurs du Parlement leurs interests et celuy du Due de Lorraine, quinbsp;estoient inseparables..,. »
Le Courrier francais [SiO], 6' arrivée.
-ocr page 242-221
CHÜIX
L on nous fait ce beau message \
Car pour se laisser clupper,
Toute la France est trop sage.
Vous pouuez en yn moment Reprendre facilementnbsp;Tant de villes occupées;
Cependant vous aymez mieux Offrir mesmes vos espéesnbsp;Et vous soumettre en ces lieux 1nbsp;O fourbes! l’on voit au iournbsp;Le motif de vos grimaces.
Quoy! les Huissiers de la Cour Ont-ils les clefs de vos Places ?
Rare exemple d’amitié!
Vn Mineur vous fait pitié ;
Le peuple oppressé vous touche! Hypocrites, scélérats,
Dont le cceur dement la bouche, Paris ne vous croira pas.
Dom loseph (sauf le respect Que l’on doit a l’ambassade),
Ma foy, vous m’estes suspect De donner vne cassade.
Vous le diray ie, en vn mot? L’Espagnol n’est pas si sotnbsp;Que de passer la frontière.
Et s’il cherche le cercueil,
La France est vn Cimetière Bien digne -de son orgueil.
Mais pour vous ouurir mon cceur, (Sans pourtant qu’il vous desplaise),nbsp;le vous croys fils d’vn Ligueurnbsp;A grand busc et grande fraise.
Vous estes mal desguisé,
Francois Espagnolisé.
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Et malgré vostre impudence, Cette belle iuuentionnbsp;De la lettre de Credencenbsp;N’a fait nvdle impression.
Or, Espagnol on Francois,
On tons deux, vaille cpie vaille, Vous estes tont dVne voixnbsp;Sifilé iusqu’a la canaille.nbsp;L’escliai’pe d’incarnadinnbsp;Ne pare en vous qu’vn badin,nbsp;Qu'vn homme a timbre malade;nbsp;Et de loing comrae de prés,
Le peuple fait pettarade
Dès qu'il voit Monsieur i’Exprès.
En vain Monsieur fEnuoyé, Pour éterniser nos noises,
Vous auez tont employé Les Marguerites Francoises;
En vain pen ruse matois.
En assez manuais patois,
Vous faites le préambule Oil vous parlez d’vn sccoursnbsp;Aussi foible et ridiculenbsp;Que Test vostre lieau discours.
A/ antez moins superbement La puissance de Castille.nbsp;D’Espagne on veut sculementnbsp;Bes gaus et de la pastille.
La France la connoist bleu.
L’on scait qu’ellc ne peut rien, Que sa folblesse cst extresme.nbsp;Sans la mort de Ridieiieu,nbsp;Abstre Monarque luy mesmenbsp;N’aurolt plus ny feu uy lieu.
Ce généreux iubumain,
15
-ocr page 244-226 nbsp;nbsp;nbsp;CK05X
Qui defend que Ie pain n’entre,
De son inuincible main Vous a frottez dos et ventre.
Quatre fois ce fier héros,
Qui vient si mal a propos Camper trop prés de Gonesse,
A vu fuir deuant luy
Les troupes de cette Altesse
Que l’on nous offre auiourd’huy.
Vous nous porteriez malheur.
A son nom l’Espagne tremble.
Et, malgré nostre valeur,
Nous serious battus ensemble.
Ouy, vous estes des mocqueurs.
Les vaincus et les vainqueurs Ne vont point sous mesme enseigne.nbsp;Et ie vous trouue plaisansnbsp;De prétendre que l’on craignenbsp;Ceux qui nous ont craint dotize ans.
Vingt mille contre ses coups Ne feroient pas plus que quatre.nbsp;Nous nous battrons bien sans vous,nbsp;Si nous auons a nous battre.
Enfin, Seigneur Dom loseph,
Pour vous Ie faire plus bref, Remontez sur vostre Mule;
Ou d’vn peuple mutiné,
Pour ce discours ridicule Illescas sera berné.
Allez manger vos oignons,
Parmy vos plaines stériles ;
Ou les mains sur les roignons,
Vous panader dans vos villes;
Mais ne parlez plus si haut Pour amuser Ie badaut.
-ocr page 245-DE MAZAUiNADES.
Que vostre Arcbiduc ne bouge; Car pour ne desguiser rien,
Vne escbarpe blancbe et rouge Fait borreur aux gens de bien.
Ce dessein est crlminel;
Et les Francois sont fidelles. Bruxelles n’est pas Broussel;
Et Broussel n’est pas Bruxelles. Lorsque nous faisons les fous,nbsp;Cela se passe entre nous.
Ce n’est que vapeur de bile;
Mais si vous vous faites voir, .Adieu la Guerre Ciuile.
Tout ira vous receuoir.
Vous verrez confusément Auancer vers la frontièrenbsp;Vieux corps, nouueau Régiment,nbsp;Caualier, Porte Cocbère,
Piquez d’vn iuste courroux.
Tout marcbera contre vous, Messieurs a la mine baue;
Et d’vn auertin saisi,
Le courtaut qui fait Ie braue,
Ira iusqu’a luuisi.
Enfin, Espagnol douteux,
Ne contez plus ces soruettes.
Qui les croit, entre nous deux,
A teste a porter sonnettes. Ridicules capitans,
Nains qui faites les Titans,
Pleins de foiblesse et d’audace, Bientost iusques a Madiidnbsp;Nous irons vous rendre gi'acenbsp;Des secours qu’on nous offrit.
-ocr page 246-228
CHOIX
Bandeau leué de dessus les yeux des Parisiens pour hien iuger des mouuemens présens et denbsp;la partie qu eux et tous les bons Francois ynbsp;doiuent tenir [S74]'.
(19 février 1649.)
Les Roys, pour auoir les mains bien longues, ne les ont pas moins fortes; surtout en France oü les Suietsnbsp;n’ont iamais presume de pouuoir vaincre leur Maistre :nbsp;ce nom de Roy, imprlmant vne telle terreur, mesmesnbsp;dans les esprits les plus audacieux, qu’il ne s’en est pointnbsp;trouué qui l’ayent osé directement choquer, mais seule-ment sous Ie prétexte d’vne reformation Ie plus souuentnbsp;imaginaire, décriant d’ordinaire Ie gouuernement présent et amusant la populace de l’espérance d’vn ineilieurnbsp;et du bien public; Au lieu de quoy ces entreprises contrenbsp;ceux qui gouuernent, se terminent tousiours a la ruinenbsp;du peuple qui s’est laissé abuser a cette fausse appa-rence; bien loin d’apprendre des exemples passez quenbsp;ces réformateurs n’ont iamais tendu qua leurs fins par-ticulières, qu’ils ont en definitive bien sceu distin-guer des générales dont ils couurent leurs mécontente-mens.
II faut estre bien ieune, ignorer Fliistoire ou auoir oublié ce que nous auons veu et apris de nos pères, pournbsp;douter de cette vérité.
Aussi la Maiesté de nos Roys est elle Timage de la Di-
* C’est encore line piece sortie des presses de Saint-Germain.
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vine : celuy qui attaque l’vne , se ])rend a 1 autre. Et comine il n’y a point de iuste cause de blasphemer Dieu,nbsp;il n’y en a point de s’attaquer a la puissance Souuerainenbsp;par luy ordonnée. Si l’on en permet la moindre ouuer-ture, la Royauté cesse de l’estre et demente litigieusenbsp;entre ceux qui estoient Suiets et celuy qui estoit Roy,nbsp;mais ne sont plus ny 1’vn ny l’autre, puisque leur posi-sition depend de la decision de ce qu’on veut mettre ennbsp;question pour scauoir qui est celui qui en doit estre creu.
n’y a point de remontrances, quelquebmnilité qu elles puissent feindre, qui, lorsqu’on cesse d’obéir, ne soientnbsp;des rebellions, non guères disseinblables des reuerencesnbsp;que faisoient les luifs au Sauueur du monde en Ie cruci-fiant. T.es prièrcs nous sont bien permises ; mais si ellesnbsp;ne sont pas trouuécs iustes, eest impiété contte Ie Ciel,nbsp;c’est attentat contre Ie Roy de se mutiner a l’encontre,nbsp;et voidoir, a la mode du géant de la Metamorphose, employer la force pour contraindre a obtdr celuy qui doitnbsp;commander. lamais, le dit Philippe de Comines, aucunnbsp;suiet ne s’est bien trouue d’auoir mesmes essaye de fairenbsp;peur a son Maistre.
Tout ce qui s’ecarte tant soit peu de I’entiere obeys-sance, ouure la portc a la reuolte, dont la témérité fait marcher d’vn pas cgal ses raisons auec celles du Souue-rain; voire se donne tousiours I’.auantagc et fait perdrenbsp;d abord aussl aisement la bonne cause que Dauid perdilnbsp;la sienne denant son people débauclié p.ar les caioleriesnbsp;d’Absalon ; n’y ayant rien de plus aisc a suborner quenbsp;les affections d’vne populace a qui la domination présente est tousiours odleuse. Mais le retour n’est iainaisnbsp;loin, comine il se voit en I’histoire de ce Roy, et entrenbsp;tant d’autres, en cede de ce Royaume laiu malgre tons
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CHOIX
ses factieux, se trouue en son premier estat depuis tant de siècles.
Se dispenser icy de cette Loy, c’est rendre la condition d’vn Roy de France, dont les prérogatiues surpassent celles de tons les autres Monarques du monde, inférieurenbsp;a celle du moindre de ses Génëraux d’armée, voire denbsp;ses Capitaines, aux ordi-es desquels vn Soldat n’oseroitnbsp;résister ny réuoquer en doute sa puissance, et refusernbsp;l’obéissance au moindre officier qu’il aura estably sur luynbsp;et sur ses compagnons; sans parler de TÉglise, laquellenbsp;ouuriroit la porte a toutes sorles d’hérésies, si elle don-noit la licence a chacun de résister a son Chef. Et ceuxnbsp;qui employent auiourd’buy Ie nom du Parlement pournbsp;faire tant de bruit, voudroyent ils qu’il fust permis anbsp;d’autres qu’a ceux de leurs Corps de donner des Arrestsnbsp;en la matière qui leur est commise, quelque iustice éui-dente c[ui parust dans les griefs d’vne parlie opposantenbsp;a leur exécution, qui n’est pas mesmes empêchée parnbsp;les requestes ciuiles qu’on leur présente? D’ou vientnbsp;done qu’ils ne rendent pas au Roy en leur cause la iustice a laquelle ils veulent que tous les autres se tien-nent?
Mais posé que Ie pouuoir du Roy ne fut plus Souue-rain, a quoy ne scauroit consentir aucune ame, non seu-lement francoise, mais chrestienne, puisque nostre Seigneur et ses Apostres s’y sont eux mesmes assuiettis et nous ont enioint d’estre suiets aux puissances Souue-raines, mais raisonnable puisque c’cst Ie droit des gensnbsp;qui ne se peut violer sans passer pour brutaux, si estcenbsp;que cette puissance de contróler les Roys ne doit pasnbsp;estre au premier occupant. Et ie ne voy pas de raisonnbsp;pour que Ie Parlement de Paris, qui n’est qu’vn des
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DE MAZARINADES. neuf Parlemens de France, a tons lesquels la seule ms-tice distributiue de leur ressort, entre leurs lusticiables ,nbsp;a este confiee par Ie Roy ct ses prédécesseiirs, se puissenbsp;attribuer Ie droit de syndiquer les actions du Roy et denbsp;la Royne régen te, sa mère, plustost que les buit autresnbsp;Parlemens et vn plus grand nombre d’autres Compagnies aussi Souueraines que la leur, etqui ont a la veritenbsp;mesine pouuoir du Roy de iuger les différens entre tousnbsp;les particuliers, inais seulement tantqiiilplaira ci sa Ma-iesté, comine ils verront dans leurs Lettres; plustost encorenbsp;que Ie Lieutenant General du Roy en toutes ses Prouincesnbsp;et armées, qui est Son Altesse Royale, et que Ie premiernbsp;Prince du Sang, qui est Ie Prince de Condé; lesquelsnbsp;ont tant contribué a la gloire de cette Couronne et quinbsp;sont incomparablement plus intéressez que tons ces Corpsnbsp;la dans la conduite et conseruation de l’F-stat ; duquelnbsp;ces neuf Parlemens, quand ils seroient tous ensemble,nbsp;comme il n’y en a qu’vn, ne font qu’vne petite portion,nbsp;assauoir vne partie du tiers Estat; TÈglise composant lanbsp;première, et la Noblesse la seconde : de sorte qu’vn desnbsp;cadets de Rretagne auroit aussi bonne grace qu’eux denbsp;vouloir faire la loy a ses aisnez.
Mais accordons a ceux dn Parlement (car leur autbo-rité a préualu cbez eux sur tous les autres cette possession sans titre qu’il n’y a point d’autre Parlement en France que Ie leur, sauf Ie droit d’autruy qui ne Ie leurnbsp;accorde pas), concédons qu’ils ayent droit de reformer,nbsp;et quoy? Sera-ce l’Estat? I! n’est pas de leur gibier : ilsnbsp;ne doiuent tenir en cette action que Ie rang de simplesnbsp;suiets; et quand ils en auroient la commission des Estatsnbsp;généraux, approuuée du Roy qui en est Ie Chef, ils de-uoient au moins commencer par eux mesmes pour em-
-ocr page 250-232 nbsp;nbsp;nbsp;CIIOIX
pesclier qii’on ne leur reprochast ce qu’on lt;lisoil a cette Lamie qui voyoit clair partout ailleurs que cheznbsp;elie.
C’est Ia oü ils eussent fait voir qu’ils estoient vérita-blement touchez de conipassioa enuers leurs compa-triotes, ostant ou du moins diminuant leurs épices et autres droits, puisqu ils sont obligez de rendre la iusticenbsp;gratuitement aux suiels du Iloy, abolissant les chicaneries, abrcgeant la longueur des procez et iugeant som-mairement ceux que l’on peut vuider sur Ie champ, aunbsp;lieu de les appointee contre l’Ordonnance et les rendre,nbsp;coinme ils sont, immortels; qui est Ie plus grand fleaunbsp;du Royauine, qui abat Ie plus les courages des Francoisnbsp;et les détourne de l’exercice des arines et des autres arts,nbsp;voire se trouue la plus certaine et plus ordinaire minenbsp;des families. C’est alors que i’on eust inféré qu’ils auoientnbsp;de bonnes intentions pour Ie bien public; au lieu denbsp;quoy, sans donner ordre aux ahus, a la reformation des-quels ils ne sont pas seulement bien fondez, inais y sontnbsp;obligez par Ie deuoir de leurs charges, ils s’ingèrent sansnbsp;aueu a mettre leur faux en la moisson d’autruy, senbsp;inonstrant grands zélateurs du bien public, lorsqu’üs nenbsp;troiment point d’autre remède pour se garantir des taxesnbsp;qu’on leur deinande pour iouir de la Paulette, ce quinbsp;fait appeler par quelques vns nos désordres la guerre dunbsp;droit annuel.
Mais posons Ie cas, Messieurs, que vous ayez commence a régler les abus que vous laissez chez vous, et dont il vous importe peu que tout Ie monde se trouuenbsp;mal puisque vous vous en portez bien; est-ce a coupsnbsp;d’épée et de canon que la reformation de l’Estat se doitnbsp;faire, ou bien par vos loix, auxquelles ces violences sont
DE MAZAUINADES. nbsp;nbsp;nbsp;2,33
si contraires, que Ie bruit des vns empesclie qu on ne puisse prester audience aux autres.
Nous auons, ce dites vous, esté obügez a prendre les armes par la nécessité, maitresse des Loix. Ceux qui tra\-tent les cas de conscience, ne demeureront pas d’accordnbsp;qu il y ait aucune iuste cause de leuer les armos contrenbsp;son Prince, non plus que d’estre parricide. TNul espritnbsp;bien sense ne dira aussi que le Roy ait commande aunbsp;Parlement ni aux Habitans de Paris cboses impossibles,nbsp;comme 11 I’eust fallu pour rendre cette nécessité absolucjnbsp;la seule condition qui vous pouuoit aucunement excusernbsp;deuant les liommes, mais non pas deuant Dieu, qui nousnbsp;commande, estaut persécutez eii vneville, de fuir cnnbsp;r autre.
Sa Maieste auoit seulemeut ordonné aux vns d’aller résider en vne ville de leur ressort*, qui n’est esloignéenbsp;que de vingt-quatre lieues de leur deineure, le plus vieuxnbsp;d’entr’eux en faisant souuent plus de cent quand 11 luynbsp;plaist d’y aller en commission; et aux autres de ne fauo-riser point le seiour des premiers en vn lieu qui leur estnbsp;interdit pour des raisons notoires et que le Souuerain nenbsp;seroit pas mesmes tenu de leur rendre, comine il a fait.nbsp;La crainte que les esprits deffians veident iolndre dunbsp;chastiment pour leur tumulte, estolt cessée par le premiernbsp;retour du Roy a Paris, et se pouuoit plulost accrolstrenbsp;que diminuer par la continuation de leur désobéissance,nbsp;si la bonté de leurs Malestez n’estoit en possession, nonnbsp;seulemeut de pardonner aux Suiets hurailiez, mais encorenbsp;de ne penser qu’a rextrémité et a regret a dompter lesnbsp;rebelles, estant résolues a ne dénier leurs bonnes graces
* Declaration du rol par Jaquelle la séance du parlement de Paris est traus^ férée en la ville de Moritargisy etc. [9i 7J.
-ocr page 252-234 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
qu’a ceux qui clemeureront opiniatres a les refuser. C’est recourir a vn eschappatoire trop ridicule pour s’y arrester, de dire que vous n’en voulez pas au Roy. II fautnbsp;laisser aux enfans ce discours auec des noix pour les ennbsp;amuser; et 1 on ne doit plus rien trouuer estrange denbsp;ceux qui osent appeler Ie party du Roy celuy que Ie Roynbsp;en personne, la Royne Régente, sa mère, son Altessenbsp;Royale, Ie Prince de Condé et les Officiers de sa Cou-ronne assiégent, et conti’e lequel sa Maiesté pointe sesnbsp;canons. Changez auparauant les noms a toutes les autresnbsp;choses, et ne parlez plus partout ailleurs que par anti-phraze, conime icy; et alors nous vous pourrons entendre. Le Roy enuoye-t-il des Héraulds’ a son parti?nbsp;Et s’il leur en enuoye, les refusent-ils ? Le Roy traite-t-il par députez auec lui mesine ? II n’y eut iainais que lenbsp;visionnaire Antiphon qui se saluoit, s’interrogeoit et senbsp;répondoit, qui en vsoit de la sorte.
Vous auez bien de la peine a couurir vos actions de plus de feuilles qu’il n'en faudroit pour faire vn gros volume; mais si Ton veut donner le tort a l’agresseur, estcenbsp;le party du Roy qui a donné le premier branie a cesnbsp;Mouuemens et auquel, par conséquent, on doit imputernbsp;Ia cause de nos troubles, comine c’est celuy lequel remuenbsp;l’eau, auparauant tranquille, qui la trouble? Ne sont-cenbsp;pas vos fréquentes assemblees de Chambres* faites contrenbsp;ses defenses? Est-ce doncluy qui a interrompu le calmenbsp;OU estoit la France, il y a buit mois? Qui vous a ern-pesché de les laisser ëcouler, et autant encore s’il eustnbsp;esté besoin pour laisser faire la paix générale, que cesnbsp;tumultes ont einpeschée?
‘ VEmioi a Paris lt;Prn héraut iVarmes de la part du roi, etc. [1262],
* Assemblee.'! de la cliambre de Saint-Louis en 1648.
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puisqiie Ie mal dont vous vous plaignez, dure, a vostre dire, il y a quarante ans, et que Ie Parlement nenbsp;s est souleué que depuis kuit mois, la cause de eet arme-ment en doit estre altribuée au Parlement et non pas anbsp;ce mal inuétéré, qui n’a pas toutefois einpesché pendantnbsp;ces cinq années dernières que la France ait triomphé denbsp;ses enneniis, ce qu’elle n’a cessé de faire que depuis vostrenbsp;soulèuement, que vous appelierez comine il vous plaira.
Les charges, dites vous, estoient insupportables et les finances mal ménagées; Ie Cardinal premier Ministrenbsp;gastoit tout. Ces plaintes sont aussi vieilles que cette Monarchie ; les régences particulièrement n ayant iamaisnbsp;esté exemptes de calomnies. Sans recourir aux exemplesnbsp;éloignez de nostre mémoire et de celle de nos pères,nbsp;Catherine de Médicis, l’vne des plus sages et vertueusesnbsp;Princesses de son age, n’auoit elle pas, au dire des fac-tieux de son temps, fait mourir ses en fans l’vn aprèsnbsp;l’autre, pour estre tousiours régente? La défunte Reinenbsp;Mère, aussi grandement vertueuse, n’a-t-elle pas esté sinbsp;publiquement blasmée de n’auoir pas assez soigneuse-naent recherché les autheurs de la mort de Henri Ienbsp;Grand, son époux, qu’il lui fallut souffrir dans les articles de la Conférence de Loudun que Ie parti contrairenbsp;employast qu’on feroit la recherche des autheurs de eetnbsp;assassinat ?
L’Arrest que vous prétendez auoir donné sans exploit ny aucune forme de justice, depuis vostre interdiction ,nbsp;contre ce Cardinal', monstre assez que vostre haine vousnbsp;rend incapables de connoistre de ce qui Ie concerne.
* Anit de lacour de parlement donné— Ie huiiième iour de ianuier 16t9, par leqncl il est ordonné que Ie cardinal Mazarin vuidcra Ie rojaume, ctc.nbsp;[217],
-ocr page 254-236
CÜOIX
C’cst pourqiioy ceiix qui voiulroient parler en sa fnueur, ce que ie ne pretends pas ici, cleuroient choisir des iugesnbsp;moins passionnez, Mais il y aura bien pen de candeurnbsp;cn ceux qui ne confesseront pas que c’est par sa tropnbsp;grande douceur qu il est auiovud’huy persecute. Aussi nenbsp;vous plaignez vous pas moins des autres que de luy;nbsp;mais la difference est que vous Ie craignez moins quenbsp;vous ne faisiez - son piedecesseur^ qm a bien fait voirnbsp;par les resnes qu’il vous tenoit hautes, qu’il vous con-noissoit mieux que luy qui vous les a tant relascbées.
II est vray que la charge des imposts a esté grande; mais elle ne pouuoit guères estre inoindre en vn Estatnbsp;qui soustenoit seul la principale dépense que luy et tousnbsp;ses alliez out faite en vne guerre de quatorze ans contrenbsp;1 Empereur, Ie Roy d’Espagne et tous leurs Confederez,nbsp;auec les prodigieux succez que tout Ie monde admire,nbsp;qui méritoient d’autres complimens des Francois qui ennbsp;ont remporte l’honneur, que des factions qui ont obligonbsp;leur Roy victorieux de ses ennetnis a sortir de nuit de sanbsp;ville capitale pour Ie iuste soupcon qu’il auoit des siens :nbsp;ce que la posterité aura de la peine a croire, et rougiranbsp;pour ceux a qui cette ingratitude ne fera point aujour-d’huy de bonte.
Et toutefois depuis la Régence, les tailles ont élé di-minuees de quinze millions, outre les trentc-cinq autres millions dont Ie peuple fut decharge, I’annee passéc : cenbsp;qui n’a pas empesché qu’on n’ait remué Ciel et terrenbsp;contre la Reyne pour la reiidre par la odieuse. Et quantnbsp;a ceux qui ont manié ces finances, ie ne pretends pas nonnbsp;plus parler a leur iustification. II y a trop d’auersionnbsp;contr’eux par ceux mesmes qui ne les connoissent nonnbsp;plus que Ie paysan faisoit Aristides qu’il bannissoit. Sen-
lement vous reniarqueray ie que ceux qii’on a détesté en vn temps, sontsouuent teniis pour des Saints en vn autre.nbsp;Tant nostre humeur est volage! ce qui n’empesche pasnbsp;que Ie pauure peuple ne patisse tousiours de ces iuge-inens teméraires.
Toutes ces raisons cessant, qu’vn esprit non passionné lugera possible dignes de quelque consideration, voyons,nbsp;comme dit Bodin en sa République, parlant des clian-gemens qu’on fait en vn Estat, si Ie vieil edifice de nostrenbsp;Monarchie ne receuroit point plus de dommage par I’é-branlement qu’on luy apporteroit en l’application denbsp;uouueaux matériaux, que d’affermissement par ce changement la : veu que nous scauons bien ce que nous vou-lons quitter, mais non pas ce qui luy succi^dera. Et si Ianbsp;fin participe de ses moyens, iugeons par la comparaisonnbsp;du gouuernement que Ie Parlement de Paris impugne,nbsp;tit de celuy qu’il exerce a présent, auquel des deux ilnbsp;vaudroit mieux se ranger.
II se plaint des grandes charges du peuple et des profusions des sommes qui ont esté employees a la solde de plus de cent mille hommes de guerre, qui ont si glorieu-sement combattu pour la dignitc de celle Couronne; etnbsp;cependant ils ont pour faire la guerre au Boy, plus des-pensé d’argent en deux mois que sa Maiesté ne faisoit ennbsp;six contre les ennemis déclarez de la France.
Ils ont voulu réduire Ie Roy a ne retenir point, sans I’interroger, plus de vingt-quatre heures vn prisonniernbsp;d’Estat'; et ils ont en ce temps rempli la seule Bastillenbsp;de plus d’accusez (dont la pluspart n’en scauent pas encore le suiet) qu’il n’y en a eu durant les six annees qu’anbsp;dure la Régence.
' Par ia déclaraTion (lu 22 octohre 1648.
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lis ont blasmé les partisans d’auoir ruiné les affaires du Roy; et eux ont rafflé toutes ses tailles^ qui deuoientnbsp;entrer en son espargne, et tons les autres deniers publics,nbsp;iusques a auoir vendu Ie sel des greniers de saMaiesté anbsp;la moitié de son prix, sans auoir oublié Fargent de plu-sieurs particuliers sur lequel ils ont pu mettre la main,nbsp;qu’ils ont confisque sans forme de iustice.
Ils se sont plaints qu on leur ostoit leur liberté ; et ils ont tenu iusques aux Ambassadeurs et aux Euesques pri-sonniers dans leur Ville.
Mais possible que leur gouuernement, que Dieu nous réserue après que les troupes de Paris et celles que luynbsp;promettent les Princes et les Seigneurs mal-contans, au-ront dissipé toutes les armées du Roy, sera plus douxnbsp;lorsqu’ils seront venus a bout de leurs desseins. Pour ennbsp;iuger, voyons quels ils sont.
Sans s’arrester a ce qu’ils en ont public dans leurs écrits, notamment dans celui qui est intitule : Le Contract de mariage du Parlement auec la Pille de Paris^, qui ne se peut lire sans Findignation de tous lesnbsp;gens de bien, le premier de ces desseins qu’ils ne peu-uent désauouer, puisque c’est la principale question quinbsp;les arreste auiourd’huy, nous fera connoistre le reste. Ilsnbsp;veulent donner des Ministres au Roy, changeans ceuxnbsp;qui ne sont pas a leur gré; qui seroit proprement estrenbsp;les maistres et les Directeurs du Conseil du Roy et de lanbsp;personne du Roy mesme (comme il a paru en ce qu’ilsnbsp;ont osé appeller enlèuement sa sortie de Paris sans leur
* nbsp;nbsp;nbsp;Arrtt de la cour de parlement povtant que tous les deniers publics..., jg-ront saisis et mis ès coffres de l'’liólel de vdle [227]. On peut voir encore
Arrets concernant les deniers des recettes générales de I Auvergne et de Rheims [238 et 239].
* nbsp;nbsp;nbsp;Voyez page 39.
-ocr page 257-congé ) puis qu’il ne se feroit rien dans la Cour que par leurs ordres et par ceux de leurs creatures. lugez oü lesnbsp;affaires d Estat en seroyent réduites, comment Ie secretnbsp;seroit obserué entre trois cens curateurs du Roy, aus-quels vn beaucoup plus grand nombre des autres Parle-mens et Cours Souueraines auroit mesme pouuoir qu’euxnbsp;de s adioindre.
Qui nous cautionnera que ces Éphores, non au nom-^re de sept comme a Lacédémone, mais de plus de sept föis septante, pourroyent conuenir entr’eux du choixnbsp;de ces ministres et demeurer d’accord du reste ? A fautenbsp;de quoy, combien de mouuemens et de guerres ciuilesnbsp;Qous causeroient leurs différens auis et intéréts de tantnbsp;de dluerses families? Y auroit-il assez de finance en l’es-Pargne pour con tenter leur auidité, assez de charges etnbsp;d’honneurs pour satisfaire a leur ambition ? Car de senbsp;feindre vne République ou les hommes fussent sans cesnbsp;passions et sans toutes les autres, elle ne se trouueroitnbsp;pas mesmes chez Platon.
Et quand ils seroient tombez d’accord de mettre d autres Ministres et d’autres Officiers de la Couronne a leur déuotion, qui nous asseurera qu’ils feront mieuxnbsp;que les autres ? Ne voyez-vous pas que sans parler desnbsp;guerres perpétuelles auxquelles donneroit lieu Ie iustenbsp;interêt de nos Princes, tant qu’ils eussent extermine,nbsp;comme ils feroient vray semblablement, tous ces Ixions,nbsp;nous ne serions pas plus auancez que Ie premier iour?nbsp;Pourquoy done trauailler ainsy enuain et pour obtenirnbsp;vne chose non seulement incertaine, mais qui nous plon-geroit en de plus grands maux et raoins rémédiables qu’anbsp;présent ?
Ceux qui recherchent de plus loing les causes de nos
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troubles présens, pour y apporter Ie remède aux Estats généraux que nous touchons1, les trouuent clans eet abusnbsp;de la lustice, lequel l’ayant rendue arbitraire et remisnbsp;en la liberté des Cours Souueraines de se dispenser de lanbsp;Loy et de l’Ordonnance, a mis I’lionneur, la vie et lesnbsp;biens des hommes en leur puissance; ce qui les ayantnbsp;fait craindre et respecter d vn chacun , les Compagniesnbsp;dont Ie ressort s est trouué grand, comme celuy denbsp;Paris, se sont tellement enflez de ce pouuoir excessifnbsp;que ne se contentant pas de volr les particuliers assuietisnbsp;a leurs volontez, dont par ce moyen ils dependent, ellesnbsp;ont voulu étendre leur domination iuscpies sur Leursnbsp;Maiestez et sur leur Conseil.
lies
A ces Mouuemens encore n’a pas peu serui Ie prix excessif ou l’ambition des hommes en cette considerationnbsp;a fait monter leurs Offices, qui n’en vaudroient pas Ienbsp;quart, s’ils les exercoient selon leur institution et con-formément aux Ordonnanees. Et comme au payement denbsp;ces sommes immenses, plusieurs d’entr’eux se sont obli-gez au dela de leur bien et de celuy de leurs femmes, Ienbsp;mauuais estat ou se trouuent leurs affaires , les rend ,nbsp;comme dit Saluste en la eoihuratiou de Calilina , autantnbsp;amateurs de changemens dans l’Estat cjue les autres de lanbsp;tranquillité publique : qui est aussi 1’vne des causes de lanbsp;dissenlion ejui se trouue dans ce Corps, la plus sainenbsp;partie estant contrainte de ceder a i'autre : qui les a faitnbsp;assembler plusieurs fois contre les defenses expresses denbsp;Leurs Maiestez et prendre des resolutions dans leurs assemblees, lesquelles si elles n'eussent tendu, comme e
deuoient, qu’a supplier Ie Roy et sou Conseil de rémé-
Les États généraux étaient coiivoqnés pour Ie 15 mars.
-ocr page 259-dier aux désordres qu’ils trouuoient en ses Finances, et aux autres abus dont ils se plaignenl, ils ne les eussentnbsp;pas fait iinprimer et publier*, comme ils ont fait, auantnbsp;que la Declaration du Roy y fut interuenue; dérobantnbsp;par ce péculat a Sa Maiesté 1’affection de ses peuplesnbsp;pour se l’appliquer par vn moyen infaillible de se fairenbsp;agreer de tout Ie monde, c’est a dire en publiant qu’ilnbsp;ne faloitplos payer.
'Moyen d’autant pluslascbe que ce Corps l’employa en 'rn teinps oü la crise des affaires mettoit 1’Estat en peril,nbsp;se seruit de Pauantage qu’vn ennemi généreux n’au-’’nit pas voulu prendre sur son ennemi, si occupé et af-foibli par vne si longue maladie dans la minorité de sonnbsp;lorsque 1’Espagnol puissamment armé sur la fron-Dère estoit prest d’entrer en France, comme il eust faitnbsp;la memorable victoire de Lens ne luy eust fait obstacle.
Le Conseil du Roy, bien qu’il connust la mauuaise intention desdemandes de ce Corps, ainsi faites a contretemps, n’ayant pas laissé de les luy accorder sur la pro-niesse de cesser ses assemblees, elles n’ont pas laissé denbsp;eontinuer; et tant s’en fautquele Parlement en ait tes-moigné satisfaction que les Rarricades se firent eii mesmenbsp;temps; et sans en plus parler, puisqu’elles sont condam-nées a vn éternel oubli, il n’a pas depuis voulu per-mettre que le Roy tirast du secours présent de ce qu’onnbsp;luy auoit laissé de son reuenu après vne si grande largesse.
Car les grandes despenses de la guerre ay ant consume, dès le viuant du feu Roy, deux années de son
' Rédt de ce qui i'est passé en tassemlilée des cours soxiueratnes, assemhlées la chambre de Sainl-Louis [2989].
I nbsp;nbsp;nbsp;16
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reuenu par auance, et la continuation des mesmes frais n’ayant pas permis qu’on les ait remplacez, on auoitnbsp;tousiours este contraint de traiter pour 1’auance qu’ilnbsp;faloit fournir pour 1 année courante et la suiuante. Quenbsp;font ces Messieurs? ils 1’empeschent et Ie font empescher,
Voila oü se trouuoient réduites les affaires du Roy lors de sa sortie de Paris, sans vous parler des médi-saiices publiques, iniures atroces etlibelles diffamatoires,nbsp;précurseurs et compagnons inseparables de la réuolte,nbsp;beaucoup moins excusable a la Ville de Paris qui ne s’estnbsp;énorgueillie au point de reiimber contre son Maistre quenbsp;par l’abondance que sa presence luy auoit acquise aprèsnbsp;l’auoir enrichie de la dépouille des autres , tous les Seigneurs et gens de condition tant soit peu remarquablesnbsp;y estant iusques alors venus manger les trois quarts dunbsp;reuenu de leurs villages, au lieu qu’ils l’employent main-tenant a leur faire la guerre, comme les Bourgeois, cenbsp;qu’ils auoient gagné auec eux.
Despence qui acheuera bientost de les ruiner, si Ie re-pentir ne succède promptenient a leur faute, de laquelle ils trouuent autant de marques qu’il y a d’endroits oü ilsnbsp;peuuent letter leur veue.
Regardent-ils Ie Louure ou Ie Palais Cardinal, de-meures de leurs Maiestez ? Ils leur représentent la mesme horreur que fait Ie corps du Solell eclipse, presages desnbsp;changemens ordinaires qui Ie suiuent; auiourd’huy aussinbsp;déserte de Noblesse, comme tous leurs quartiers qu’ellenbsp;peuploit; ou s’il y en reste, ce sont des gens armeznbsp;contre Ie Roy, qui piafent a leurs depends, en attendant qu’ils soient admis a poursuiure la remission denbsp;leurs crimes, s’ils ne se hastent de l’abolir par l’amnistienbsp;que la bonté Royale leur présente.
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;243
lettent-ils les yeux sur Ie Palais destine a rendre la luslice? II ne sert plus que de cohue aux brigues desnbsp;factieux; 1 appellant et I’intime n’y ont plus affaire , lesnbsp;plus iudicieux ne se voulant pas trauailler inutilement anbsp;soliciter leurs procez deuant des luges qui ont biennbsp;d autres affaires en teste et dont les Arrests aussi biennbsp;Ö ont plus de force, comtne ayant este interdits et leurnbsp;pouuoir oste par celuy qui le leur auoit donné’.
Leurs marchands après auoir débité quelques bau-'Ifiers a leur nouuelle milice pour des espèces qu’ils peu-^^nt aisement reconnoistre, paree qu’elles sont toutes forties de leurs bourses, ont loisir d’aller a la garde sansnbsp;^fainte de perdre leurs chalans, ne s’y faisant plus d’em-plète, tout le commerce estant interrompu, leurs lettresnbsp;d eschange protestees, et en vn mot tout leur creditnbsp;perdu.
Portent-ils leur vue dans la campagne de dessus les durables de leur ville ? Tout y fume d’embrasemens ;
y est désolé de saccagemens. Ils y ont appelle par leur désobéissance les Alemans, les Polonois et autresnbsp;ïiations estrangères , qui leur apprennent la pratique denbsp;la guerre, qu’ils n’auoyent auparauant veue que dans lesnbsp;Gazettes ; ce Royaume seul s’estant trouue iusques anbsp;présent garanti du logement d’ennemis par la sage conduite et preuoyance de nos généraux et de ce Cardinalnbsp;qu ils blasment tant, aussi bien que ses prédécesseurs.
Voila tous les auantages que la Ville de Paris a iusques a present receus de la réformation du Parlement. Lenbsp;temps leur apprendra le reste. Car pour la ruine qu’iis
' Declaration du roi portant suppression de toutes les charges et offices dont sont pouruus lessens cy-deuant tenant la cour de parlement de Paris etcnbsp;[941],nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'
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ont causée a vingt mil families, ie n’enparle point, puis-qu’il sufïit a leur dire que c’estoyent des Partizans ou de leurs amis et alliez; de sorte qu’ils ont démenti lanbsp;maxime de la Physique, qui veut que la generation denbsp;l’vn vienne de la corruption de l’autre; et Ie prouerbe,nbsp;que l’vn ne perd point que l’autre n’y gagne, ne pou-uant montrer qui a gagné a leur reformation qui a causenbsp;tant de pertes.
D’ou il me semble desia voir que non seulement Ie simple bourgeois, mais Ie Parlement a bonte de cettenbsp;équippée; mals comme il est plus malaizé de se retirernbsp;d’vn manuals pas que d’y glisser, ils trouuent de la peinenbsp;a en sortir.
Courage néantmoins, mes chers compatriotes; perdez cette fausse opinion qu’il y ait du désbonneur a quitternbsp;son erreur. Leurs Maiestez font la moitié du chemin.nbsp;Elles ont plus d’intérest en vostre conseruation qu’ennbsp;vostre perte. Ne résistez pas plus longtemps a leurs ten-dresses. Ayez seulement enuie d’estre sauuez; vous Ienbsp;serez. A plus forte raison serez-vous exempts de mal,nbsp;puisque ceux qui vous Pont procure, sont receus ennbsp;grace. Ouurez vostre cceur a vostre Roy qui y veut ve-nir loger. Dieu mesme , tout bon qu’il est, ne scauroitnbsp;habiter chez nous, si nous ne l’y voulons receuoir; etnbsp;cette reception ne se fait pas sans vne preparation pré-cédente. Toute celle que leurs Maiestez requièrent denbsp;vous, c’est la mesme affection qu’elles vous offrent. Re-fuserez-vous vn si précieux trésor a si bon marché ? Ienbsp;ne Ie puis croire.
Sur tout aprèsla funeste catastrophe qu’a naguères eu Ie soulèuement du Parlement d’Angleterre contre sonnbsp;Roy, pour lequel les Anglois disoyent au commencement
-ocr page 263-auoii pi is les arnies. Barbaric execrable et pleiue d’horreur, qui doit eniouuoir tous les Rois et tous les peu-p es, et particulierement porter tous les coeurs verita-j nbsp;nbsp;nbsp;Francois a se presenter en foule aux pieds de
eur Roy et lui parler en ces termes : « Sire, comme exemple des entreprises du Parlement d’Angleterre anbsp;authorise les actions du nostre enuers le vulgaire, quinbsp;Q a pas sceu distinguer I’equiuoque du nom de Parlement qui signifie en Angleterre les trois Estats généraux,nbsp;lieu qu’il ne comprend en France qu’vne partie dunbsp;troisienie, nous auons telle auersion a 1’ënormité dunbsp;'^ï'inie de celuy-la, qui a ose mettre ses mains parricidesnbsp;son Roy, que pour la tesmoigner a Yostre Maieste,nbsp;*^ous luy venons protester que si le Parlement de Parisnbsp;change de dessein de s’opposer a vos volontez, nousnbsp;•Ic qui depend I’usage des mots, le contraindrons a change de nom et rendrons celuy de Parlement aussi odieuxnbsp;^ la postérité, que Test auiourd’huy celuy deTyran, de-la violence d’aucuns de ceux qui portoyent ce nom,nbsp;^•^parauant si réuéré qu’il seruoit de tilre aux Souue-mins.
'lt; Mais nous esperons que ce Corps si cupide d’hon-*icur et dans lequel il y en a plusieurs qui ne peuuent cstre accusez que de foiblesse ou conniuence , ne nousnbsp;Voudra pas laisser tout entier celuy d’auoir sacrifie,nbsp;comme nous faisons a Yostre Maieste, nos biens et nosnbsp;vies, pour aller éprouuer contre les Espagnols qui nousnbsp;ont voulu seduire, ce que peuuent toutes vos armesnbsp;iointes ensemble, s’ils ne se veulent a I’instant reduirenbsp;a la raison par vne paix aussi glorieuse a I’Estat que cellenbsp;*1® 1’Empire , et qu’ils ont eux mesmes cy deuant con-¦'^entie; ne pouuant souf’frir que nostre procédé puissc
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en aucune facon préiudicier a la gloire de nostre Prince légitime, ny méliorer la condition des anciens ennemisnbsp;de sa Couronne. »
Acheué dirnprimer Ie vingt septiesme féurier 1649.
(J9 février 1649.)
Au R. P. Confesseur de la Reyne :
Mon Père, dans la difficulté qu’il y a d’aborder la Reyne, ie vous adresse cette Lettre afin de la présenternbsp;a sa Maiesté. Vous auez intérest qu’elle luy soit fidèle-ment rendue et qu’elle la Ilse auec attention, puisqu’ilnbsp;y va de vostre conscience, aussy bien que de la sienne ,nbsp;dont vous rendrez compte a la Justice de Dieu.
Madame, encore que ie scache bien que depuis quel-que temps votre Maiesté se soit rendue inaccessible et inexorable aux remoiitrances et aux prières, qu’elle aitnbsp;non seulement fermé les oreilles, mais mesme chassé denbsp;sa presence et banni de la Cour tous ceux qui affec-tionnez au seruice du Roy et au repos de la France, ontnbsp;par vn zèle de charité Chrestienne et vn coeur véritable-ment Francois, essayé de lui représenter l’estat déplo-rable ou se trouuent réduits tous les peuples par la
* C’est, au jugement de Naudé et de Guy Patin , un des meilleurs pamphlets.
DE MAZA.RINA.DES-
mauuaise administration de ceux qui régissent soubs sou authorité, néantmoins comme la foy m’apprend que lesnbsp;Grands sont en la main de Dieu, qu’il change leur du-rete et les ainolist par sa miséricorde quand il luy plaist,nbsp;et que nostre Seigneur nous coinmande dans 1’Euangilenbsp;de demander auec instance, ayant luy mesme accordenbsp;aux clameurs importunes d’vne femme ce qu auparauantnbsp;il auoit refusé a sa prière auec iniure, I ay creu qu en innbsp;Dieu toucheroit Ie coeur de vostre Maieslé, qu il ne pernbsp;mettroit pas que les larmes de tant d innocens fussenbsp;inutilement respandues, que les voeux qu ils font meesnbsp;samment prosternez a ses pieds deuant 1 Autel, seroiennbsp;exaucez, qu’il romproit les charmes dont ses ennemis etnbsp;ceux de l’Estat ont enchanté vostre Maiesté, et osteroitnbsp;ces cataractes funestes de dessus vos yeux , afin de fairenbsp;voir a vostre Maiesté, auec horreur, la condition mal-beureuse et pire que celle des chiens, oix sont reduits lesnbsp;Suiets du Roy et les siens.
Personne, Madame, n’a iamais douté de la piété de vostre Maiesté. Elle en a donné et donne incessammentnbsp;des tesmoignages trop sensibles. TSous scauons quelle anbsp;la conscience timorée •, que la seule ombre du pêché ve-uiel luy fait peur; et par ainsi que ces extremes malnbsp;beurs qui commencent auec tant de barbarie et qui nenbsp;sont pas prests de prendre fin , si Dieu, par sa misennbsp;corde, n’y met la main , ne s^auroient prendre^ eurnbsp;source tant dans Ie coeur tout déuot de vostre Maieste,nbsp;que de la mauuaise impression que luy en peuuent auoirnbsp;fait des Théologiens Mahumétans, non Éuangéliques.
On Ie dit, Madame, et nous Ie tenons comme article de cféance, tant nous sommes affermis dans les bonsnbsp;sentimens que nous aiions de ceux de vostre Maiesté,,
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qu’il s’est trouué des personnes si esloignées des loix du Christianisme et si peruerties de iugement, qu’elles ontnbsp;bien osé luy persuader que non seuleinent elle pouuoitnbsp;mais qu elle deuoit traitter Paris, Ie Parlement et toutenbsp;la Fi’ance auec la rigueur sans exemple dont nous voyonsnbsp;les estranges coinmencemens; qu’il y alloit de son hon-neur et de sa conscience, aussy bien que de la grandeurnbsp;du Roy, dont elle doit maintenir et conseruer l’autho-rité; que c’estoit vne rebellion forinée qu’il falloit pu-nir, a peine d’en estre responsable deuant Dieu et de-uant les hommes; et que dans l’excès et dans la suitenbsp;de cette vengeance, il n’y auoit pas pour vostre Maiesténbsp;matière de péché véniel.
O Dieu! O Sauueur! O Sang adorable respandu en la Croix! O Corps sacré immolé tous les iours sur nosnbsp;Autels! Se peut il bien faire que parmy ceux qui sontnbsp;destinez au ministère d’vn si auguste sacrifice, il s’ennbsp;trouue dont les pensees soient si sacrilèges, qu’aprèsnbsp;vous auoir preste leurs mains et leur bouche pour offrirnbsp;vostre corps en victime agréable a vostre Père, ils lesnbsp;prestent en suitte a Satan pour se faire des victimes san-glantes de vos enfans ? Que la raesme langue qui vous anbsp;serui d’instrument pour former vostre corps , seruenbsp;d’instrument au démon pour inspirer dans l’esprit d’vnenbsp;si vertueuse Princesse des sentimens si barbares? Etnbsp;que vostre chair viuante et vostre sang tout bouillantnbsp;puissent compatir auec eux dans vn mesme cceur desnbsp;Maximes si cruelles et si inouyes ?
Que vostre Maiesté, Madame, pardonne ce transport a ma douleur. C’est pour son intérest et non pour Ienbsp;mien que ie me sens animé. L’honneur qu’elle nie faitnbsp;de m’escouter quelquesfois, et de me communiquer auec
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confiance de ses actions de piété, ne peniiet pas tjue ie souffre auec silence l’outrage signalé que l’on fait en cenbsp;point, et a sa conscience et a son honneur. II faut quenbsp;ie crie et que ie fasse violence, pour la garantie desnbsp;uiains de ces harpies qui s’efforcent, par ces malheu-leux dogmes, de sacrifier son ame aux enfers et sa reputation a vne infamie éternelle. Ouy, Madame , c est leurnbsp;1'ut et non pas Ie repos de vostre cceur. Ils taschent,nbsp;coinme Satan fit a nostre Seigneur, de seduire vostrenbsp;créance sous Ie inanteau de la vertu, scachant bien qu lisnbsp;u en viendroient pas a bout sous celuy du vice; et apresnbsp;auoir, mais en vain, employé tous leurs efforts pournbsp;reudre vos mains sacrileges en les armant contre Ie sanc-tuaire, ils les arment contre Ie peuple, sans distinctionnbsp;de sexe, d’age ny de profession, afin qu’ils fassent parnbsp;cette voye ce qu’ils n’ont pu faire par 1’autre, el quenbsp;Ie sang des enfans a la mamclle, meslé avec celuy denbsp;leurs mères, celuy des Prestres parmi celui des Laïques,nbsp;et celuy des Vierges consacrées a Dieu avec celuy desnbsp;autres filles, ils dressent vne hecatombe aux démons dunbsp;corps, du sang et de la vie des innocens et de l’ame denbsp;vostre Maiesté.
Ie ne doute point, Madame, que ces paroles ne vous touchent. Ie scay que vostre Maiesté ne les pourra lirenbsp;sans frémir, et qu’efles luy glaceront Ie cceur •, mais lanbsp;preuue luy en fera cognoistre la vérité, a la confusionnbsp;de ces faux Profetes, a la gloire de Dieu, au bien dunbsp;Roy et de ses Suiets, et a sa propre consolation. Lesnbsp;Parisiens, dit-on, sont rebelles. II les faut punir et lesnbsp;exterminer. II n’y a point de péché; au contraire, il y anbsp;obligation, afin de niaintenir Tautborité du Roy, a quoynbsp;vostre Maiesté s’est engagée par serment lorsqu’elle a
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accepté la Régence. Ainsi, Madame, s’ils sont rebelles, vous auez raison ; mais s’ils iie sont point rebelles, maisnbsp;au contraire fidèles Suiets et seruiteurs, il faut que vostrenbsp;Maiesté aduoue qu’elle est bomicide de tant d’ames quinbsp;périssent, el responsable a la Justice de Dieu et a cellenbsp;duRoy, de toutes les cruautez, les vols, les viols et lesnbsp;sacrileges qui ont été exercez et qui continuent sousnbsp;vostre authorite. Ainsi toute la difflculté consiste anbsp;scauoir s ils sont rebelles ou obeyssansj ce qui ne senbsp;peut mieux cognoistre qu’en examinant ce que c’est quenbsp;Rebellion et quels sont ses effets.
On appelle Rebellion vne désobéyssance des Sublets aux loix et aux ordonnances iustes et legitimes de leurnbsp;Souuerain; Vn soulèuement des peuples contre leurnbsp;prince, qui, a main armee, attentent a sa personne sacréenbsp;OU troublent Ie repos de son Estat, qui se cantonnent dansnbsp;les Prouinces pour y establir vne république, qui appel-lent l’Estranger a leur secours en se mettant sous sa protection , ou luy liurent entre les mains les Villes et lesnbsp;Prouinces, en Ie reconnoissant pour leur Roy aupréiu-dice de celuy que Dieu leur a donné, et auquel ils sontnbsp;tenus d’obéyr. On appelle Rebellion lorsqu’on fermenbsp;les portes de la Ville a son Roy, qu’on Ie chasse de sonnbsp;Palais, qu’on Ie poursuit a main armee, qu’on se laissenbsp;corrompre par l’Estranger, et esleudnt ses enseignes aunbsp;milieu du peuple, on emploie vie et biens pour sonnbsp;seruice.
Voyla, Madame, Ie Tableau au naturel de la Rebellion ; voyla sa naïfue peinture avec ses véritables cou-leurs. Que vostre Maiesté maintenant les considère i’vne après l'autre, et auec la force de eet esprit dontnbsp;elle a coustume d’vser au iugement des choses de cette
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importance, elle voye s’il y en a quelqu’vne dont elle puisse faire reproche au Parlement ny aux Parisiens.nbsp;Ou sont les loix et les ordonnances dont ils se sont rendus réfractaires? Au contraire, on les veut faire crimi-nels de ce qu’ils en demandent l’exécution pour l’hon-ueur et Ie hien du Roy et celuy de tous ses Suiets.
Quel attentat ont ils commis contre la personne sa-du Roy ? Ont ils de l’auersion pour ce Prince si parfait et de corps et d’esprit ? Ils Ie demandent auecnbsp;soupirs. L’ont ils chassé de son Palais? Ils se plaignentnbsp;de son enlèuement. Ont ils refuse de contribuer aux ne-cessitez de la guerre ? Ils se sont espuisez et reduits a lanbsp;besace pour y subuenir. Ont ils fait des ligues pournbsp;perdre 1’Estat ? Ils ne font que des remontrances pournbsp;sa conseruation contre ceux qui Ie ruinent. Enfin senbsp;Sont ils armez pour 1’Estranger ? Luy ont ils fourny anbsp;soubs main des hommes, de l’argent ou des viures? L’ontnbsp;ds appellé a leur secours ? Se sont ils donnez a luy ? Anbsp;présent qu’on les poursuit, qu’on les persecute, qu onnbsp;les traitte auec plus de cruauté que ne feroit pas Ienbsp;Turc, s’il estoit aux portes de Paris, l’appellent ils? Senbsp;donnent ils a luy? Et pariny les Courriers qu’on a ar-restez, a-t-on intercepté des lettres que Ie Parlement aitnbsp;escrites en Espagne, en Flandres, en Hollande ou en An-gleterre, afin d’auoir des forces pour sa protection ?
Les Parisiens ont ils faict comnie les Catalans ? Ont ils renonce a la domination de France pour se mettrenbsp;sous celle d’Espagne , et en auoir vn viceroy ? A-t-onnbsp;veu Paris, pour vne imposition de néant, remply de sangnbsp;et de carnage comme Naples ? Et a son imitation tuer,nbsp;massacrer et chasser tous les iidèles seruiteurs du Roynbsp;comme ont fait les Neapolitains ? le ne parle point de
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!a furie enragée des Anglois qui, par vn execrable regicide, ont fait vn Original effroyable a la postérité sur lequel les plus detestables rebelles puissent tirer desnbsp;copies.
Qu’ont ils done fait qui les fasse rebelles ? et qui mérite Ie sacrifice de toutes les vies iusqu’a celles des en-fans ? qui oblige vostre Maiesté d’attirer les forces des places frontieres et de prouoquer iusques aux enfers,nbsp;afin de causer Ie sac de cette Ville incomparable l’a-brégé du monde et les merueilles de l’Vniuers ? Depuisnbsp;vingt-cinq ans, ils sont, auec Ie reste de l’Estat, chargeznbsp;et surchargez de toute sorte de subsides. II n’y a pointnbsp;eu d’années qu’on n’aitfaitde nouuelles impositions. Onnbsp;a multiplié les Officiers sans nombre. II n’a pas esténbsp;iusqu’aux boues dont on n’ayt trouué l’inuention de tirernbsp;de r or et de l’argent LesNoms ont plustost manqué aunbsp;prétexte des leuées a ceux qui les imposoient, que Ienbsp;payement. Parmy tous les fardeaux insupportables anbsp;d’autres espaules qu’a celles des Francois, on a tousioursnbsp;patienté auec douceur; on s’est laissé non pas tondre,nbsp;mais escoreber. L’exemple des Estrangers n’a iamais faitnbsp;d’impression dans les cceurs contre Ie deuoir de vraisnbsp;Chrestiens et de fidèles Suiets. On s’est laissé ouurir lesnbsp;veines et espuiser Ie sang sans dire mot; et comme onnbsp;est venu iusqu’a l’extrémité et a la défaillance, qu’a-t-on encore fait ? on a pleuré, on a gémy, on a prié, on anbsp;supplié, on a eu recours a votre Maiesté auec des humiliations plus profondes que l’on n’en tesmoigne pas anbsp;Dieu, et auec des gémissemens de coeur plus amers que
* On avait créé une taxe pour l’enlèvement des boues de Paris, et on avait mis cette laxe en parti. Le chancelier Séguier était accuse d’avoirnbsp;lin intcrét dans le parti des bones.
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ceux que 1’on demande pour Ie Sacrement de Penitence. Enfin Ie coeur de vostre Maiesté, Madame, qui est denbsp;ceux que Dieu demande pour soy dans l’Escriture, c’estnbsp;n dire de chair, non pas de bronze ou de diamant, en anbsp;f^ste touché. Les larmes publiques ont esté accompa-gnées des vostres. Vos souspirs, par vn Écho sacré, ontnbsp;respondu a ceux de tout Ie peuple. Vostre Maiesté a faitnbsp;tout ce qu’elle pouuoit pour Ie soulagement des miséra-dans la conioncture pressante des affaires; elle anbsp;fait vne Declaration qui portoit quelqua relasche a tantnbsp;de soufrances On l’a receue comme venant de la mainnbsp;de Dieu; on en a fait des feux de ioye et chanté des Tenbsp;Tgt;eum d’actions de graces. Mais en mesme temps, o malheur ! ceux qui abusent du Nom du Roy et de vostre au-thorité, ont change nos ioyes en larmes et nos cantiquesnbsp;en gémissemens. La première Declaration étoit encorenbsp;®oitte de l’impression qu’on en a vue une seconde quinbsp;eéduisoit les choses en pire estat qu’elles n’estoient aupa-rauaut, qui remettant les Tailles en party, remettoit Ienbsp;peuple sous la barbarie des Partisans, qui renouuellantnbsp;les prests auec vne nouuelle méthode, establissoit vnenbsp;nouuelle sorte d’vsure, infame et tyrannique, innouyenbsp;iusqu’a présent, contraire a l’Éuanglle, a l’vsage de l’É-glise et a ses Canons, et pour vne saignée du bras quenbsp;1 on faisoit auparauant au peuple, donnoit la liberté anbsp;ces voleurs publics de leur couper auec impunité lanbsp;veine iugulaire.
Ah! Madame, ah! Madame, que ie dirois de grandes choses a vostre Maiesté, si i’osois rappeler Ie passé sansnbsp;crainte de luy blesser Ie coeur ! Qu’il y a longtemps que
' Ea déclarallon du 22 octobre 1648.
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les Francois auroient eu iuste suiet de se sousleuer et qu’ils 1’auroient pu, ne manquant point de coeur ny denbsp;forces pour se maintenir, s’ils estoient Machiauélistes,nbsp;et pour dire tout, s’ils estoient Italiens et non pointnbsp;Francois. Ie demanderois a vostre Maiesté quels senti-mens elle auoit de 1 estat des peuples sous la régencenbsp;du cardinal de Richelieu, du viuant du feu Roy. Ie lanbsp;supplierois de rappeler sa mémoire pour se souuenirnbsp;combien de fois elle en a pleuré; et iugeant des misèresnbsp;dont Ie peuple estoit opprimé, par ce qu’elle soufroitnbsp;en sa personne propre, n’estimoit elle pas la conditionnbsp;des Francois plus dure et moins supportable que cellenbsp;des esclaues? Et néanmoins, Madame, i’ose dire a vostrenbsp;Maiesté, que ce n’estoit que l’ombre de ce dont la réa-lité fait en nos iours horreur au Ciel et a la terre; et cenbsp;qui est plus estrange, durant la régence d’vne Princesse,nbsp;de vertu incomparahle, comme tout Ie monde reconnoistnbsp;et admire vostre Maiesté. On ne voyoit pas pour lors ^nbsp;comme on fait a présent, les gens de guerre , destineznbsp;pour la defense de 1’Estat contre les ennemis, employeznbsp;pour estre les Sergens des Partisans, afin de piller etnbsp;ruiner Ie peuple. Nous n’auions iamais appris en Francenbsp;qu’il falloit des fuzilliers pour letter la taille. Cette racenbsp;maudite est trop execrable pour auoir son inuentionnbsp;parinyles peuples qui se disent Chrestlens. On les a veusnbsp;oster Ie pain aux mères et Ie laict aux enfans; rauir lesnbsp;brebis et laisser les aigneaux dans la neige; renfermernbsp;les troupeaux dans les estables sans souffrir qu’on leurnbsp;donnast a manger, afin qu’ils y périssent de faim. Onnbsp;les a veus auec blasphesmes prendre les Prestres a lanbsp;barbe, battre, blesser, tuer, brusler, sans qu’on ait osénbsp;se plaindre, a cause de la protection qu’ils auoient au-
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pres des Intendans. On a veu les prisons pleines de ini-sérables pour raison de la taille, oii ils ont deineure les deux et les trois années, cependant que leurs enfans demandant l’aumosne ne trouuoient point de pain pournbsp;les nourrir. On a veu des brigands voler et assassinernbsp;les Marchands en pleine campagne et au milieu dunbsp;I^oyautne, sous prétexte de traitte foraine, sans qu’on en
peu auoir raison , mesme dans Ie Conseil Priue du On a veu, dans la plus grande fertilité des années,nbsp;les pauures paysans manger l’herbe, et qui eussent creunbsp;d estre a la nopce, ayant du pain que 1 on donne auxnbsp;chiens, paree qu’ils n’auoient pas vn sol pour en ache-ter. Et pour ne proposer point des exemples esloignez,nbsp;eombien de fois vostre Maiesté, Madame, a elle este im-Portiinée des clameurs et des plaintes de toute sorte denbsp;personnes et de toules conditions , dedans et dehors denbsp;Paris, sans qu’elles ayent receu aucun soulagement,nbsp;parceque vostre Maiesté, obsédée, a tousiours esté di-uertie de 1’inclination naturelle qu’elle a a la compassion, sous des prétextes impies et cruels que 1’on qualifienbsp;du nom de Politique.
Parmy tant de si rudes traittemens et durant tant d’an-nées, qu’a on dit? qu’a on fait? L’Eglise et la Noblesse ont esté dans l’oppression comme les autres. Quelle emotion a on fait pour cela? A on fait ligue? s’est on sou-leue? a on pris les armes, encore qu’il y en eust iustenbsp;suiet, contre les sangsues humaines qui, de laquais etnbsp;banqueroutiers, sont deuenus grands Seigneurs et pos-sedent des biens immenses qu’ils ont vole auec impunité,nbsp;et mine I’Estat sous le nom du Roy et vostre authorité?
Mais on les a prises? Ouy, mais quand? Lorsqu’on s’est veu assailly par le fer, le feu, le sang et la faim.
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les plus extraorclinalres et cruels ennemis de la vie des hommes; lorsqu’on s’est veu assiégé de tous costez par des
démons, nonpardeshommes; lorsqu’onaveulesAllemans et les Polonois voler, violer et piller plus cniellement qu’ennbsp;vu pais de conqueste; lorsqu’on a entendu publier les defenses d apporter a Paris aucuns viures sur peine de la vie;nbsp;lorsqu’on a veu les villages pillez et désolez pour marquenbsp;de ce que 1 on préparoit aux Parisiens. Mais encore qu’anbsp;on fait auec ces armos? On a tascbe a se conseruer de lanbsp;surprise et d’vn pillage general, a se garantir des coureursnbsp;qui viennent voler iusques deuant les portes. Et si l’onnbsp;s’est auancé plus auant, c’a esté pour aller chercher dunbsp;pain, afin que les pauures ne mourussent pas de faim. Encore ne l’a on pu auoir qu’au prix de beaucoup de sang.nbsp;Et voila. Madame, ce que ces scauans en la Théologienbsp;de Machiauel veulent faire passer dans l’esprit de vostrenbsp;Maiesté pour rebellion, dont Dieu qui voit tout et qui pé-nètre les coeurs, sera enfin Ie luge et prendra Ie party denbsp;la lustice, comme non seulement Paris, maïs toute lanbsp;France l’en supplie auec des larmes et des gémissemens.
Mais si Ie Parlement, si Paris est rebelle, qu’est-ce que les habitans de la campagne ont fait a vostre Maiesté? De quoy sont coulpables les pauures villageois quenbsp;Ton a mis en chemise et a la besace, ne leur laissant pasnbsp;seulement de la paille pour coucher, ny des portes anbsp;leurs maisons pour se défendre de la rigueur de l’Hyuer ?nbsp;Hé, l’oseray-ie dire a vostre Maiesté? et Ie pourra ellenbsp;bien entendre sans mourir de chagrin ? De quel crimenbsp;estoient coulpables les femmes et les filles des villagesnbsp;conuoisins que pour l’expier, il ait fallu les exposer a lanbsp;barbarie des Soldats pour estre violées? qu’on les ayenbsp;veu rallies d’entre les bras de leur Pasteur ou elles s’es-
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toient réfugiées, traisnées dans TEgUse, et la leur pudeur et leur virginité prostituees en la presence de lesus Clu istnbsp;au S. Sacrement de TAutel, afin de ioindre Ie sacrilege aunbsp;rauissenientj et faire voir lt;ju'on n est pas moms ennemynbsp;de Dieu qug (Jgg hommes ? Oseray le encore faire vnenbsp;demande? Quel tort auoit receu vostre Maieste des Eglisesnbsp;pour en punition estre exposées au pillage , iusqu auxnbsp;nappes, aux Croix, aux Calices et au Ciboire ou reposenbsp;le corps de lésus Christ? Sans parler des autres propha-nations insolentes et sacrileges qui y ont este commises.
Et puls Ton dlra que cela est iuste! et puis 1 on asseurera Vostre Maiesté qu’il n’y a point matière de peche veniel!
flatteuse mais abominable et sacrilege Théologie! Allez, esprits de ténèbrcs, instrumens d Enfer, demonsnbsp;*leguisez, Athées exécrables! Si l’on va au clel par cettenbsp;^eye, quel chemin faut-il tenir pour aller en Enfer? Sinbsp;1 On opère son salut parmy les vols, les raeurtres, les viols,nbsp;les rauages, les sacrileges, quelles actions faut-il fairenbsp;pour fabriquer sa torture et trauailler a sa damnation ?nbsp;Si c’est la conduite qu’il faut tenir pour viure auec lesnbsp;^nges et les Bienheureux, enseignez-nous celle qiii rendnbsp;les hommes compagnons des Diables, afin que nous tas-ohions de I’éuiter.
Mais il semble, Madame, que ie voy vostre Maiesté rougir, et d’vn mouuement de colèrc respondrc qu ellenbsp;ne participe point a tous les crimes auxquels elle ne vou-droit pas inesme penser-, qu’elle ne les a point comman-dez, au contraire, qu’elle les improuue et les déteste. Ienbsp;ne doute point qu’il ne soit ainsy, mais mon souhaitnbsp;seroit que cette excuse, quoy que veritable, fust legitimenbsp;deuant Dieu pour le repos et la descharge de vostre conscience. Ouy, Madame! et plust a Dieu que ce fust asseznbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;17
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pour satisfaire a cette supresrae lustice deuant laquelle les Rois ne sont pas plus fauorablement traittez que lesnbsp;autres hommes.
Mais vostre Maiesté est mieux instruite que cela. Elle scait trop bien, et ses Directeurs ne peuuent pas dire Ienbsp;contraire, que les fautes des seruiteurs sont imputées aunbsp;Maistre lorsqu il les peut corriger, qu’il Ie doit et ne Ienbsp;fait pas; quEli, dans 1’Escriture, mourut malheureuse-ment pour auoir toléré les crimes de ses enfans; que lesnbsp;loix Diuines et humaines punlssent les Capitaines pournbsp;les outrages causez par leurs Soldats, encore qu’ils nenbsp;soient pas commis en leur presence, qu’ils les défendentnbsp;et qu’ils en ayent du déplaisir; que les Princes sont res-ponsables de toutes les fautes de ceux qui agissent sousnbsp;leur conduite; et encore qu’ils n’ayent point de Supérieur, de la lustice duquel ils relèuent, et dont ils appré-hendent les chastimens, leur condition en cela en estnbsp;d’autant plus dangereuse, plus a craindre et plus a plain-dre qu’ils ont pour luge de leurs actions celuy qui en estnbsp;Ie témoin; que Ie mesme Dieu qui voit et lit iusqu’aunbsp;centre de leur cceur, est Ie Souuerain incorruptible quinbsp;prononcera l’Arrest dont il n’y aura point d’appel. Ainsi,nbsp;Madame, et suiuant la maxime que nous faisons nous-mesmes ce que nous faisons par les mains d’autruy, ie Ienbsp;diray, mais auec larmes et Ie respect que ie dois a vostrenbsp;Maiesté, que c’est elle qui fait tous les outrages et causenbsp;tous les maux. C’est elle qui pille, qui tue, qui meurtrit,nbsp;qui assassine, et par vne inuention du Démon, centre lanbsp;Nature et la possibilité de sou sexe, qui rauit la pudeurnbsp;aux femmes et aux filles la virginité. Et parmy tous cesnbsp;désordres incroyables, il ne se trouuera pas vn péchénbsp;véniel!
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Hé quoy! pilier les Eglises, prophaner les clioses Sainctes, fairg maison de Dieu non-seulement vnenbsp;retraite de voleurs, maïs vn lieu infame pour la prostitution et Ie rauissement de la pudicité des Vierges Francoises par la rage des Polonois et des Allemans, passeranbsp;pour vne action légitime? Si les vols, les viols, les sacri-, les cruautez, les barbaries sont permises sous vnnbsp;pretexte de guerre, pourquoy blasmons-nous les Turcs etnbsp;les Hérétiques dans les ruines dont nous voyons encorenbsp;fumer les vestiges ? Les Sarrasins et les Barbares qui tien-les Chrestiens a la chaisne, par l’auersion qu’ils ontnbsp;^ nostre Religion et au Sauueur que nous adorons, lesnbsp;^eaittent-ils auec la séuérité, pour ne dire la cruauté,nbsp;^'tec laquelle vostre Maiesté souffre, mais que Ton ditnbsp;elle fait traitter les Suiets du Roy et les enfans de lé-Christ, tout nuds, dans les plus aspres rigueurs denbsp;^ Hyuer, a Sainct Germain dans vn tripot’ ou au bois denbsp;Vincennes dans vne caue, oii trois cens sans paille n’ontnbsp;autre chaleur que celle de la puanteur des excréinensnbsp;que la nature les contraint de se faire IVn sur l’autre?nbsp;Sont-ce les loix de la guerre, mesme entre les plus Bar-tares? Et tout cela est Chrestien? et tout cela d’vnenbsp;Princesse qui entend tous les iours la Messe, qui Corn-ntunie souuent, qui fréquente Ie Sacrement de Penitence,nbsp;et qui n en est point toucbée et ne s’en confesse point,nbsp;parcequ il n y a pas mesme de pécbé véniel! Et si Ton
’ (( L’on a en aduis de Sainct Germain en Laye que quelques Habitans des villages et autres particuliers que ceux des Troupes Ma7.ai'ines auolentnbsp;prins prisonniers, ont esté si mal traittez d’enx qne mesme ils les ont dé-pouillez tous nuds comme Esclaues, et les ont laissez de la sortc pendantnbsp;la rigueur du froid de cette saisoii, enfemez dans Ie leii de Paulme denbsp;Sainct Germain en Laye.
Courrier francais, etc, [830], 3' arrivée.
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rendra compte a Dieu d’une parole oiseuse, et de la-quelle personne n’est offense, sera-on canonize pour auoir versé Ie sang des innocens? lésus Christ récom-pensera-il de sa gloire au dernier iour ceux qui aurontnbsp;fait périr par Ie fer, par Ie feu et par la faim les enfansnbsp;qu’il a enfantez en la Croix, dans l’effort et l’exceznbsp;de ses souffrances, luy qui proteste de précipiter ennbsp;Enfer ceux qui leur auront refuse du pain en leur néces-sité ?
Ah! Madame, ce ne sont pas les maximes de l’Euan-gile! Et il est bien estrange qu’au mesme temps que tout Paris est prosterné dans les Eglises, en la presence denbsp;lésus Christ exposé sur les Autels, pour demander a Dieunbsp;la conseruation de vostreMaiesté et la prolongation desanbsp;vle, vous défendiez, sous peine de la vie, de leur rien ap-porter, afin que dans huict iours vous offriez a la mort vnenbsp;Hostie de quatre cens mille vies! Cependant qu’ils crient anbsp;Dieu du plus profond de leur ame qu’il conserue Ie Roy,nbsp;vous prononcez l’Arrest pour la leur rauir par Ie plus cruelnbsp;Tyran de la vie, qui est la faim! Vous demandez leurnbsp;mort cependant qu’ils ne souspirent que pour vostre vie!nbsp;Vous appelez les Estrangers pour les opprimer, scachantnbsp;bien que les vrais Francois n’auroient pas assez de cceurnbsp;pour se souler du sang de leurs compatriotes auec tantnbsp;d’inbumanité, cependant qu’ils prouoquent les Anges denbsp;vous estre fauorables. Et vous mettez les armes en lanbsp;main de la colère, du despit, de la perfidie, de l’auaricenbsp;et de l’intérest pour couper les testes et les mains quinbsp;sont esleuées vers Ie Ciel afin d’implorer son secoursnbsp;pour la santé du Roy, pour la prospérité de ses armesnbsp;contre ses ennemis, pour Ie repos et la tranquillité denbsp;son Estat et pour l’heureux succez de vostre régence.
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Ainsi faisant vn crime de leurs voeuxj et vne impiete de leurs prieres, vous changez les louanges qu ils meritentnbsp;en iniures, les recompenses honorables en supplices; etnbsp;comme si ce n’estoit pas assez de leur oster la vie, vousnbsp;voudriez leur rauir l’honneur et la conscience, si vousnbsp;pouuiez, en les faisant passer pour rebelles et factieux, etnbsp;tout cela auec lustice et sans apprébension d’offensernbsp;[Dieu] non pas mesme véniellement.
lo supplierois volontiers vostre Maiesté, Madame, ^u elle demandast a ces Casuistes admirables l explicationnbsp;ot I intelligence de l’bistoire tragique de Nabotb; qu ilsnbsp;iuy rapportassent auec fidélité quel en estoit Ie suiet,nbsp;^uels en furent les acteurs, Ie commencement, Ie progrez,nbsp;fin et la suitte, ainsi que nous l’apprenons de 1 Escri-ture Saincte. Nabotb auoit vne vigne qui luy apparte-quot;oit, et non pas au Roy; les Francois ont des biens quinbsp;leur appartiennent, et non pas a leur Prince , quoy quenbsp;veuillent dire les faux Miuistres et les perfides Partisans.nbsp;Le Roy voulut auoir la vigne de Nabotb par Ie seul motif de ses plaisirs; les Ministres, sous l’autorlté du Roy,nbsp;ayant desia raui plus des trois quarts, veulent auoir Ienbsp;reste des facultez du peuple, pour assouuir leurs passionsnbsp;et leurs auarices. Nabotb fit des remonstrances au Roy;nbsp;Ie Parlement, au Nom de tons les Suiets du Roy, en anbsp;fait et réitéré plusieurs fois de tres iustes et tres impor-tantes. Pour forcer Naboth a perdre la vie auec sa vigne,nbsp;on inuente cruellement qu’il a mal parlé du Roy; pournbsp;rauir la vie aux Francois auec leurs biens, on supposenbsp;inalitieusement qu’ils sont rebelles. le ne fais pas I’appli-cafion du reste de I’histoire. Fasse nostre Seigneur parnbsp;sa misericorde qu’elle soit défectueuse pour nostre regard etqu’elle n’arriue iamaisl
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Ie laisse vostre Maiesté dans ces pensees, mais entre les bras de la Croix et dans les playes du Crucifié, afinnbsp;de les mieux digérer et d’en tempérer les amertumes parnbsp;Ie meslange de celles de eet ayraable Sauueur. C’est dansnbsp;ce cceur sacré, Madame, dans ce cabinet Royal, dansnbsp;cette fournaise de charité, que ie coniure vostre Maiesténbsp;par tous les sentimens d’vne ame Chrestienne et par ellenbsp;inesme, de considérer auec attention et peser auec Ienbsp;poids du sanctiiaire Ie dessein, l’esprit et la conduite denbsp;ce Dieu miséricordieux, de ce Roy clément, de ce Pèrenbsp;benin et débonnaire Seigneur, et d’en faire la comparai-son auec les vostres. Cependant que prosterné aux pieds,nbsp;de sa Croix, les larmes aux yeux, les sanglots en la bouche,nbsp;les souspirs dans Ie cceur, ie ne me contenteray pas de Ienbsp;supplier, mais ie Ie coniureray auec tous les fidèles Francois, par la vertu et les mérites de son sang, de conser-uer vostre Maiesté dans 1’éminence et l’esclat de la piéténbsp;et de la vertu, nécessaires a vne grande Princesse qui,nbsp;par l’effet de deux Sacreraens, porte les titres glorieux denbsp;Trés Chrestienne et Tres Catholique. Qu’il luy remettenbsp;par sa iniséricorde tous les meurtres, les vols, les viols,nbsp;les incendies et les sacrileges qui ont esté commis sousnbsp;son authorité, et qu’elle a tollérez par vne consciencenbsp;erronée, formée par des Casuistes ignorans et malitieux.nbsp;Qu’il luy donne a 1’aduenir de raeilleurs conseils, plusnbsp;Chrestiens et moins intéressez. Qu’il couronne sa Ré-gence des bénédictions du Ciel et des acclamations desnbsp;peuples; et qu’il la rende a iamais triomphante dans sonnbsp;amour et dans I’histoire.
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DE MAZARINADES.
(19 février 1649.1
Nous sommes courus dans nos bois par ces tygres plus ®ruels que ceux de la Libye, qui n’ont iamais fait de tortnbsp;anciens pères bermites. La couleur innocente de nosnbsp;habits leur inspire vne rage forcenée contre tout ce qu ilnbsp;y a de candeur 5 et nostre pauurete qui nous a tousioursnbsp;asseurés dans les passages les plus infestés, fait que nostrenbsp;®3ng est désiré par ces gouffres insatiables qui ne peu-'lent souffrir que rien échappe a leur fureur que ce quinbsp;peilt satisfaire leur auarice. lis font toutes sortes denbsp;peophanations autour des abbayes d’Yerre et de larcy;nbsp;et il faut que ces sainctes Vierges, espouses de lésusnbsp;Christ, composent tous les iours pour la seureté de vingtnbsp;quatre heures de leur honneur. Ces Vestales sacrées quinbsp;croyoient pouuoir garder ce feu éternel qu’elles ont pre-féré a vne flamme légitime qui leur eust donné vn as-seuré secours dans les villes, dans les bras de leurs ma-ris et en la iuste valeur de leurs enfans et de leursnbsp;procbes, sont a tout moment dans la crainte de se voirnbsp;1’opprobre de cette nation maudite qui a fait des dé-
* Guy Patin faisait grand cas de ce patnplilet. Naudé en parle avec éloge. Je regrette de n’avoir pu qu’en extraire quelques pages. L’ahbayenbsp;de Grosbois était une fondation du due d’Angouléme,
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bauclies et des ordures qui ne se peuuent descrire, dans les vaisseaux sacrés, et a qui il ne reste plus que de com-mettre genéralement ce sacrilege abominable que l’onnbsp;nous dit auoir esté perpétré sur quelques religieusesnbsp;particulières.
II y a peu de Francois, il est vray, qui soient accuses de ces impiétés. II est vray que c’est pour vn Italiennbsp;qu’elles se commettent, et pour vn Cardinal et que lanbsp;Reyne qui Ie soustient contre la iuste indignation desnbsp;peuples, n’est point Francoise non plus; mais ce sontnbsp;des princes qui les ont introduits dans Ie centre de l’Es-tat; et c’est vn Comte franqois qui les commande ennbsp;Brie , qui approuue toutes ces abominations et qui par-tage tous ces larcins; c’est Ie comte...‘, Monseigneur;nbsp;c’est ce Vulcain malheureux et ce miserable boiteux quinbsp;a l’ame encore moins droicte que Ie corps et que Dieunbsp;atteindra Ie premier, aussitost que sa iustice sera satis-faite de nostre persecution. II a vole Lezigny^et Panfou.nbsp;Il a coupé iusques a des tableaux dans leur enchasseurenbsp;pour les emporter, et n’a pas emporte les chasteaux etnbsp;les maisons que parcequ’ils estoient attaches a la terre;nbsp;mais il les a désolés.
C’est vn homme dont les crimes ont fait cognoistre son nom et qui n'a fait que des ennemis dans sonnbsp;propre pays oil la bassesse de son extraction le rend mé-prisabie par les hommes et oil le peuple deteste sa violence et son humeur tyrannique. Nous auons vn de nosnbsp;peres qui cognoist sa race et qui nous a asseure que le
^ Le comte, clepuis maréclial cle Grancey.
* Le chitieau cle Lezigny était ati due de Luynes, qui commandail u» des regiments de la Fronde.
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nom qu il porte luy est commun, comme Ie sang et Ie cceur, avec la plus commune populace de— etnbsp;lt;ju il na point d’alliance recommandable que par sanbsp;roere seulement, fdle d’vn Mareschal de France quinbsp;estoit vn athée ’ et Ie principal de ces ministres qui dé-pranèrent les moeurs du due d’Alen^on et d’Aniou,nbsp;frère de Henry III, qu’ils portèrent a vouloir régner parnbsp;force et par citadelles sur les Flamans et Brabanconsnbsp;qui l’auoient appelé, recuet declare leur prince légitime.
s est donné a Monsieur Ie Due d’Orlcans qui 1 a fait Maresebal de Camp et gouuerneur de...; et ces bien-faits sont des marques qu’il a fort pen seruy S. A. R.nbsp;si ce ri’est que la iugeant capable de quelque ialousie desnbsp;exploits de Monsieur Ie Prince, il trauersa ses desseinsnbsp;au siége de Thionuille en donnant passage a des troupesnbsp;qui entrèrent dans la ville pour la défendre.
11 est venu a celte guerre contre sa patrie avec l’espé-rance d’vne proye infaillible. II a ruiné tous les lieux ou il a passé. II a assiégé Brie-Comte-Robert qui a esté dé-lue parson gouuerneur* avec tous les témoignagesnbsp;d’vne valeur et d’vne générosité singulières; mais commenbsp;la place n’estoit pas tenable sans vn puissant et présentnbsp;secours, il fallut la rendre par composition. H l’accordanbsp;pour esuiter la perte des siens et promit de laisser sortirnbsp;les soldats assiégés el de conseruer les biens des bourgeois et l’bonneur de leurs femmes et de leurs filles;nbsp;mais il faussa cette fidélité que les Tures mesmes nenbsp;rompent que rarement et iamais sans prétexte. Lesnbsp;soldats parisiens furent fouillés, puis battus, puis des-pouillés, puis tués pour la pluspart et rctenus captifs.
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Diray ie Ie reste ? et si ie Ie dis, oü pourray ie prendre des couleurs assez noires ? Il en fut de mesme, Monseigneur, de tout ce qui fut promis pour les bourgeois ; mais il en fut pis que dans vne ville prise de forcenbsp;et emportee d assaut ou Ie general, pour peu qu’il soitnbsp;liomme, pour peu qu il soit humain, pour peu qu’il nenbsp;soit pas diable, ne donne qu’vne ou deux ou trois heu-res de temps au plus pour Ie pillage; mais Ie pillagenbsp;dure encore; et i’appréhende de dire Ie reste; mais ilnbsp;faut que ie dise tout afin que tout Ie monde scache lanbsp;cause du tonnerre qui gronde et qui va tomber sur cenbsp;chefcriminel et sur celuy de tous ses complices. Commenbsp;il est ordinaire quand il arriue quelqu’orage ou quelquenbsp;lauasse, que ceux qui sont dans la campagne, cherchentnbsp;l’abri de quelqu’arbre, et que moins il s’en rencontre,nbsp;plus il s’y trouue de gens, il en a esté de mesme dans lanbsp;pauure ville de Brie. Les nobles qui n’auoient point denbsp;maisons fortes, les laboureurs et enfin tout ce qu’il ynbsp;auoit de families éparses dans la campagne, s’y estoit retire. La ville rendue , les femmes et les filles et parminbsp;elles plusieurs damoiselles ioignirent a la seureté de lanbsp;Capitulation et la parole d’vn gentilhomme l’azyle desnbsp;Églises. Cet azyle fut violë, comme si ce n’eust pas esténbsp;assez pour ces troupes enragées d’auoir violé l’article desnbsp;biens qu’ils pillèrent. Ils forcèrent les Pasteurs et lesnbsp;Prestres de leur ouurir la porte de cette sacrée bergerie.nbsp;Ces pillards et ces paillards partagèrent ces pauures bre-bis confusément, sans espargner mesme les aigneaux denbsp;lait qu’ils ont fait mourir et expirer sous des tourmensnbsp;que la nature defend aux bestes féroces et qu’elles n’ontnbsp;iamais practiqués. Des Damoiselles de condition sontnbsp;escheues par sort aux plus infames qui leur ont osté les
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moyens de se défaire et d’aller porter iusques au ciel dans des mains sanglantes cette saincte virginité que lesnbsp;lois de Dieu et de l’honneur les obligent de garder plusnbsp;cherement que leur vie qu’il ne leur est permis de perdrenbsp;volontairement que pour la conseruation de ce trezor.
11 m’est tantót échappé de dire que ce miserable Cardinal, eet opprobre de 1’Église, ce destructeur d eglises, eet ennemy de tons les Chrestiens, tiroit sa naissancenbsp;des ennemis et des bourreaux de Icsus Christ. II me seranbsp;l*ien aisé de Ie prouuer quoique ie ne puisse pas donnernbsp;leus les dégrés de cette sanguinaire extraction. Ie 1 aynbsp;appris dans nos maisons religieuses d’Italie ou Ie bruitnbsp;de sa fortune prodigieuse rappella presqu’aussi soudai-Uement la mémoire de ses ancestres ebez ceux qui estoientnbsp;de son pays, qui m’ont asseuré qu’il estoit né a Palermenbsp;de Pierre Mazarin, marchand de chappelets, qui chan-gea de pays par banqueroute et par la force du destin etnbsp;de la malediction des luifs qui portent la peine de leurnbsp;péché par toutes les nations de la terre oü ils seruent,nbsp;horsmis en France oü les bonnes lois sont renuersees etnbsp;les mesebans esleués en fortune a proportion de leursnbsp;crimes et de l’esloignement de leur pays. Les peres denbsp;ce Pierre estoient de la ville de Mazarin! en Sicile oü dsnbsp;abiurèrent la profession du ludaïsme; et, se voyant sans,nbsp;surnom dans vne religion nouuelle , ils prirent celui denbsp;la ville de leur naissance sous lequel ils furent baptisez.nbsp;II y en a encore beaucoup qui portent ce nom en Sicile,nbsp;qui sont ou Barqueroles ou Tauerniers ou Bandis. Ienbsp;n’en cognois point de banqueroutier que Ie père des deuxnbsp;Eminences auxquelles se doibt estaindre cette branchenbsp;tnasculine, seule noble de celle maison.... II a remarié
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CHOIX
son père a vne dame de la maison des Vrsiiis pour tasclier a tirer de cette alliance des héritiers qui fussentnbsp;plus considerables par leurs parens; mais il en est ar-riué comme de 1 accouplement des animaux de diuersesnbsp;espèces qui n engendrent point ou qui n’enfantent quenbsp;des monstres. Toute cette ample succession et cette par-tie de la couronne du feu roy dont il s’est veu l’vn desnbsp;principaux heritiers, ces deniers transportés par diuersesnbsp;flottes en Italië^ doiuent passer pour la plus grande par-tie après lui a Manzini, voyer et l’vn des moindres cita-dins de Rome, son beau frère duquel il esleuoit Ie fils anbsp;Paris dans vn éclat pareil a celui des enfans de France.nbsp;Il auoit la chambre de Monsieur Ie Prince de Conty aunbsp;collége de Clermont, sa chaire dans les classes; et riennbsp;ne faisoit la difference de ce prince phantastique a eetnbsp;autre effectif sinon qu’il receuoit plus d’honneurs etnbsp;qu’il estoit autrement suiuy, seruy et meublé____
Plaintes dv Carnaval et de la foire Saint-Germain, en vers burlesques [279^]'.
(19 février 1649.)
Vien-ca, ma petite belote;
Approche-toy, muse falote,
Chère Maistresse de Scaron,
Qui n’aimes pas Vair fanfaron Dont se cbantent les funéraillesnbsp;Des Héros morts dans les batailles;
' Naudé doiine a ceUe pièce Ie troisièine i'aiig parini celles « clonl on peut faire estime. »
-ocr page 287-269
DE MAZARINADES.
Et quoy que nous nous préparions A donner quelques horionsnbsp;Sur les oreilles Polonoises,
Alemandes, Basques, Francoises,
Et celles généralement Que condamne Ie Parlement,
Ie ne veux maintenant descrire Que des choses qui feront rire,
Sur la fesle du Carnaual Troublée par vn Cardinal.
La veille de l’Epiphanie,
Ou d’vne plaisante manie Dont l’usage a fait vne loy,
Chacun veut crier ; Ie Roy boy! Lorsque tout Ie monde en gogaillenbsp;Ne songe qu’a faire ripaille,nbsp;Lorsqu’vu enfant est ordonnénbsp;Pour dire ; Foebe Domine,
Départant a toute la troupe Du pain qui fait yuider la coupe,
Et qui fait des Roys dans Ie vin,
Qui sont suiets Ie lendemain,
Payant auec la bonne chère Leur mouarcbie imaginaire,
Carnaual, Ie Dieu des loueurs, Amoureux , Gourmands et Beuueurs,nbsp;Et des amateurs de la dance,
Qui vient touslours après la Pance, Pensoit cliommer, comme autresfois,nbsp;La gaillarde feste des Roys,
Et que la coustume ancienne Feroit aussi chommer la sienne,nbsp;lusqu’a celle du Mardy gras,
Oil l’on crèue de bons repas,
Parmy les ieux des Bacchanales
-ocr page 288-270 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
D’orgies et de Saturnales.
II scauoit bien que parmy nous On y voit tel nombre de fousnbsp;De tons sexes et de tons ages,
Qu’on n y voit presque point de Sages 5 Et qu’on ne consentiroit pointnbsp;Qu’il perdist de son embonpoint;
Mais vn Cardinal, faux Apostre,
Le iour des Roys, fit que Ie nostre Deuant le iour prit le cbeminnbsp;De la Ville de Saint Germain.
Cette nouuelle inopinëe,
Dans vne fameuse iournée,
Surprit le Noble et le Bourgeois Et mesmes iusqu’au Vülageois;
Sur tout le Parlement Auguste Qui rien ne pense que de iuste,
Dans l’enlèuement de son Roy, N’estant pas capable d’efffoy,
En sentit pourtant quelqu’attainte;
Car la prudence est vne crainte,
Mais qui se tempère aisément Par les régies du iugement.
Ce corps, tout compose de testes, Auoit bien prévu les tempestesnbsp;Qui se formoient depuis six mois,nbsp;Auant cette veille des Roys,
Par les opinions sinistres De ceux qu’on appelle ministres,
Dont le chef est le Cardinal,
Fort mal voulu du Carnaual.
Pour reuenir done a mon conté, Plein de colère et plein de bonte,
Ce grand Dieu des Plats et des Pots Débuta par ces beaux propos :
-ocr page 289-quot; Quoy, dans Paris, la bonne Ville,
Oü i’ay compté plus de cent mille Qui n’aimoient rien que les Festins,
Qui dansoient comme des Lutins,
Qui se piquoient de Serenades,
De Momons et de Mascarades,
Et qui chantoient tant de chansons Dans la rue et dans les maisons;
Dans ce Paris ou les délices Se trouuent dans tous exercices,nbsp;rnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Ou les Brilles et les Filoux,
Le soir après qu’ils étoient soux De yin, de tabac et de bierre,
L’vn deuant, 1’autre derrière,
Surprenoient le Bourgeois craintif Qui se retiroit tout plaintif,
Que sou manteau, l’honneur des Gaules,
Ne fust plus dessus ses épaules;
Dans Paris ou les cabarets Sont partout voisins de si prez;
Paris ou l’on voit tant de Garces,
De bouffons, de ioueurs de farces,
Ou l’on voyoit l’Oruiétan *
Faire si bien le Gapitan,
Les deux Triuelins, les machines,
Et mille nouueautez badines;
Daus Paris ou les fils gaillards,
En despit des Pères vieillards,
Menolent la vie detestable Qui fait sauter du lit a tablenbsp;Couuerte de nape ou tapis,
Pour manger, ou pour faire pis;
' Charlatan fameux dont les pamphletaires ont quelquefois empruntd ie nom. Voyez le Dialogue de lodelet et de tOruiétan, etc, [1080], et lesnbsp;Sanglots de VOruiétanj etc. |3S84]-
-ocr page 290-272 nbsp;nbsp;nbsp;‘nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Car c’est pis quand les testes foles Perdent des monceaux de Pistoles,
Quand trois dez sortant du cornet Mettent tons leurs coffres a net;
Dans ce Paris nul ne s’appreste A chominer dignement ma feste,
Et personne ne songe a moy Depuis qu’on enleua Ie Roy.
Tont Ie monde est dans l’linmeur sombre. On volt des soudrilles saus nombre,
Qui furent iadis mes supposts;
Eux qui vuidoient si bien les pots,
Ils les remplissent de leurs testes,
De peur de certaines tempestes,
Qui grondent voirement dans 1’air,
Mais qui se forment dans Ie fer,
Dans Fairain et autres matières,
Qui font bossus les cimetières.
Plusieurs voudroient continuer Le plaisir qu’ils ont a iouer,
Et se chauffant aux corps-de-gardes, Engageroient plustost leurs hardes;
Mais tousiours quelque Qui va la? D’oiivlent cecy? D’ou vient cela?
Et quelque nouuelle impréuue Partout a Finstant répanduenbsp;Leur fait perdre tout le plaisirnbsp;Qu’en paix ils prenoient a loisir.
L’vn iure que Monsieur le Prince Mène le Roy dans sa Prouince;
Et F autre dit qu’en peu de temps 11 entrera dans Orleans.
L’autre, que le Due de Lorraine Et le Mareschal de Turennenbsp;Se sont desia mis en ebemiu
-ocr page 291-273
Pour Paris ou pour Sainct-Gerniain; Vn autre de meilleure gracenbsp;Vient s’informer en quelle placenbsp;II pourra trouuer a bon prixnbsp;Des pains qui ne soient pas petits,nbsp;Et dit qii’il a veu de charrettesnbsp;Plus de deux mille toutes prestesnbsp;Pour vn conuoy de Longiumeau,nbsp;D’Estampes ou de Palaiseau;
Vn autre parle des rauages Que l’Ennemy fait aux passages,
Au Bourg la Reyne, a Meudon*; Mdis lis plaignent tous Charenton^,nbsp;Protestent qu’en cette occurrencenbsp;Paris manqua de diligencenbsp;Et qu’il eust bien pu secourirnbsp;Tant de gens qu’il laissa mourir,nbsp;Puisqu’il fust sorti de la villenbsp;De Bourgeois plus de trente mille ;nbsp;Mais vn autre qui est plus fin,
Dit qu’on n’a perdu qu’vn moulin, Et que Ghastillon et tant d’autresnbsp;Ont bien payé la mort des nostres,nbsp;Outre qn’il espère dans peunbsp;Venger mieux Ie braue Clanleu ;
Au autre qui n’a veu de guerre Ny iamais ouy de tonnerrenbsp;Que celuy de nostre Arsenal,
Croit eii scauoir plus qu’Annibal, Et raisonnant sur la sortie,
Dit qu’il falloit qu’vne partie
‘ Harangue a la Reine par messieurs les cures des bourgs de Sceaux, etc. [tb39]; Ie Depart des Allemands et des Polonois du chateau de Meudonnbsp;[1003],
“ La prise de Cluirtnlon est du 8 févricr.
S’eu allast droit a Saint-Denis,
Oil restoit fort pen d’enuemis.
Vn bourgeois tout plein de courage Dit que s’il sort, il fera rage,
Et qu il ne craiut point le trespas Plus que le reste des soldats.
On entend iusqu’aux harangères,
De teste et de langue légères,
Qui disent ; « le sommes perdus 5 Commère, ie sommes vendus. »
Mais laissons la la populace Qui sans suiet crie et menace,
Et qui iaze indiscrètement De la Cour et du Parlement,
En faisant tous les politiques Dans la place et dans les boutiques.nbsp;Pestons contre cet Animalnbsp;Qu’on appelle le Cardinal.
Est-il possible qu’vn infame Qui sert d’homrne et seruit de femme,nbsp;Pratiquant en ses ieunes ansnbsp;L’Amour qui ne fait point d’enlans,nbsp;Cet liomme qui fait des despencesnbsp;En pommades et en essencesnbsp;Plus que n’en faisoient autresfoisnbsp;Pour leur maison force grands Roys,nbsp;Que celuy qui monstre a la Francenbsp;Des ragousts de resiouyssance,
Que le berlandier si fameux,
Qui sans le ieu n’estoit qu’vn gueux, Cet bomme qui tient a grand gloirenbsp;Et croit estre bien dans I’histoirenbsp;Pour auoir este le Parrainnbsp;Du hoc appele Mazarin,
Qni laissant perir nos armees,
-ocr page 293-275
Par son auarice affamées,
Fit icy venir de si loin,
A force d’argent et de soin,
He ridicules personnages Allee de lasciues images *;
Quoy, ce Zany, ce Pantalon,
Ce Phorphante, ce Violotl,
Ge longleur qu’on déguise en Prestre, Qui ne vent et qui ne doit l’estre,nbsp;Viendra troubler mes passe-temps,
En France receiis de tons temps,
Pour faire voir au lieu de Masques Des Peaux de Renard et des Casques,nbsp;Et nous fera deuenir sourdsnbsp;A force d’ouyr les tamboursnbsp;Et les fifres et les trompettesnbsp;Qui rompent les plus dures testes!nbsp;Sera-t-il dit que ce vilain,
Pour estre dans vn Sainct Germain, De l’autre ait empesché la Foirenbsp;Oil i’auois mis toute ma gloire,
Oil l’on voyoit tous les hyuers Les raretez, que l’vniuersnbsp;Produit dedans cbaque contrée,
Oil l’on rencontrolt dès Fentrée Des sauteurs, des faiseurs de tours,nbsp;Des hommes qui monstrent des ours,nbsp;Des Singes, des Marionnettes,
Et mille conteui’s de sornettes;
Et lorsque l’on estoit dedans,
L’on y voyoit autant de geus Que de sortes de marchandises,
De meubles et de friandises;
Les acteurs de la comédie italieniie.
-ocr page 294-C’est la qu’on voyoit des tableaux D’hommes, de bestes et d’oyseaux,nbsp;Et que 1’on voyoit eii naturenbsp;Ce que Fon voyoit en peintnre,
Et ce qu’ailleurs on ne voit pas.
C’est Ia qn on a ven de gros chats, Enfermez dans de belles cages,nbsp;Oublier leurs humeurs sauuages.nbsp;C’est Ia qu auec certains iettonsnbsp;Qui valent souuent dix testons,
On iouoit vaisselle et monnoye,
L’vn estant triste, Fautre en ioye.
Ce detestable Cardinal,
Outre Ie festin et Ie bal,
Priue Paris de ses délices,
Lny qui n’aime rien que les vices;
Si c’estoit vn graue Caton,
N’eust-il pas de barbe au menton, Mesmes s’il estoit vn pen sage,
S’il estoit scanant pcrsonnage,
Ie souffrirois sans murmurer L’affront qu’il me fait endurer.
Mais n’estant qu’vn sot, vn paguote , N’ayant dans sa teste a calotenbsp;Que de la fumée et du vent,
Ie Ie trouue trop insolent.
Toutes fois, malgré sa malice,
Qui me rend vn mauvais office, Dans mon extresme afflictionnbsp;I’ay cette consolationnbsp;Que mon ennemy Ie Caresmenbsp;De liiy sera traité de mesine,
Et qu’on ne Fobseruera pas IS on plus que moy dans les repas.nbsp;Ainsi se ioignant a la France
277
DE JSAZARINADES.
Qvii !e Ta poiirsuiiire a outrance, Le Caresme et Ie Carnaualnbsp;Feront la guerre au Cardinal. »
^'Mechisme des PoTtiscins^ ou Resolutions theo~ ^(^giques touchant I!imposition, leuée et emploinbsp;finances, dressé par demandes et par ré-ponses, pour plus grande fa ei lite, par Ie R-P- ö. P. D. S. J. L032]'.
(19 févr.?er 1649.)
Pemande : Qv’est-ce que Ie Roy ? l^espoiice : Yous m’auriez fait plus cle plaisir de menbsp;ï^letnander ou’est-ce que Dieu, puisqu’a l’imitation d’vnnbsp;Ancien, après auoir pris du temps pour y respondre, ienbsp;®erois quitte en auouant mon Ignorance; car auiourd’huynbsp;Fa flaterie met la Royauté en vn tel point, l’Interest,
1 Ambition et TAuarice s’en forment Tne idee si estrange ^ue, si Dieu venoit en terre, non plus dans la vie ab-iecte de lésus Christ, mais dans l’esclat, la splendeur etnbsp;la vertu d’vn de ses Séraphins, a peine trouueroit il place,nbsp;non pas dans la maison du Roy, mais parmy les domes-tiques d’vn Fauory.
D. Ie ne m’informe point quel peut estre Ie sentiment de ceux fjui n’ont point d’autre Dieu que leur intérest,nbsp;ny d’autre Religion que la satisfaction de leurs sens. Ie
’ L’aiiteur est Ie R. P. dom Pierre de Saint-Josepli, de Pordre des Femilants. Après la paix de Saint-Gsrmain, on a donné dc ce parapldetnbsp;«ne snite qni n’a ni lo meme sens, r.1 Ie méme inlérét.
-ocr page 296-278 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
ilemande quel est Ie vostre et quel doit estre celuy d’vn veritable Chrestlen.
R. Puisque vous Ie désirez ainsi et qu’il ne m’est pas permis de vous refuser, et que d’ailleurs dans les Caté-cliismes que nous dressons pour l’instruction des enfansnbsp;dans les mystères de nostre créance, nous commenconsnbsp;par l’estre de Dieu, qui est Ie fondement de tout, ennbsp;leur apprenant ce qu il est, encore que nous scacliionsnbsp;par la foy que Dieu est incomprehensible, et que nousnbsp;n’ayons point de noms ni de termes par lesquels nous Ienbsp;puissions parfaitement exprimer ny définir; de la mesmenbsp;manière et par proportion pourtant, car il ne faut iamaisnbsp;faire de parallèle des hommes auec Dieu, ie diray que Ienbsp;Roy est l’iraage viuante de Dieu, Ie caractère sacré de sanbsp;maiesté, de sa grandeur, de son authorité et de son in-dépendance; Ie premier mobile sous eet Empire immua-ble qui par ses ordres donne Ie branie et Ie mouuementnbsp;a tons les inférieurs; c’est Ie Souuerain visible sous Ienbsp;suprème inuisible pour la direction et l’exercice de sanbsp;prouidence et de la iustice temporelle sur les hommesnbsp;sans autre dépendance que celle de Dieu; en vn motnbsp;c’est Ie premier rayon émanë de ce Soleil Incréé, Ie premier ruisseau de eet Ocean Infini, qui communique lesnbsp;lumières et les eaux pour la direction des corps et desnbsp;biens de fortune et auquel en cette qualité nous sommesnbsp;attachez après Dieu par plus de deuoirs qu’a aucunenbsp;autre puissance temporelle.
D. Ije Roy est il Ie maistre de la vie de ses subiects ?
R. Ouy, mais non pas en la manière que l’entend la Politique de Machiauel, mais en celle que nous appre-nons de rÉuangile, c’est a dire qu’exercant la iustice denbsp;Dieu sur les hommes, il a droit de leur oster la vie ou de
-ocr page 297-DE MAZARllNADES.
la leur conseruer conformément aux lois de Dieu et non autrement, ou a celles qu’il a establies et qui ne déro-gent point a celles de Dieu s’il ne veut pécber; car c estnbsp;vne chose qu’il faut bien obseruer, et qui sert cotnme denbsp;fondement aux responses qu’on doit faire a toutes lesnbsp;questions qui se peuuent proposer en ces matieres . quenbsp;les Roys ne sont pas d’eux mesmes absolus et indépen-dans; qu’il n’y a que Dieu qui possède cette perfectionnbsp;par soy mesme et de soy mesme; et qu’ils dependentnbsp;absqlument de luy et ne peuuent rien au dela de ses loisnbsp;de ses ordonnances, comme les Gouuerneurs des Pi onbsp;«inces sont obliges de suiure les ordres et les commande-®ens des Roys. Et c’est pour cette raison que, dansnbsp;Ancien Testament, il estoit ordonné au Roy de prendrenbsp;Ie liure de la Loy de la main du Prestre; et dans celuynbsp;de la I^ouuelle Alliance on luy fait baiser Ie liure de l’E-^angile lorsqu’il assiste au sacrifice auguste du Corps denbsp;lésus Christ, pour lui monstrer Pobligation qu’il a denbsp;suiure les ordres de Dieu et de l’Éuangile , et la protestation contimielle qu’il fait de les obseruer. Ainsi Ienbsp;droict de vie et de mort qu’a Ie Souuerain sur ses subjects, doit estre réglé par les regies dinines et xnfailllblesnbsp;lorsqu’il s’agit ou de tirer vengeance des crimes ou denbsp;pardonner aux coupables. Et c’est sur ce fondement quenbsp;Salnct Paul les propose comme rcdoutables, n ayant pasnbsp;inutilement Ie glaiue a la main; et que Ie Cbancelier refuse de sceller les lettres de grace lorsqu’il voit qu elles
ne sont pas dans 1 ordre de la lustice.
D S’il y a des limites au pouuoir des Roys touchant
la vie des hommes, y en a-t-ii aussi en ce qui regarde leurs facultez? Le Roy nest il pas Ie maistre de tous lesnbsp;hiens de ses Subiects? N’a-t-il pas droict d’eu disposer
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CHOIX
selon son plaisir, sans autre motif ny consideration que sa seule volonte ? En sorte que, quand il prendroit tout,nbsp;il n’useroit que de son droit; et s’il en laisse quelquenbsp;chose , c est vne grace et vne aumosne qu’il fait, de la-quelle on lui a obligation et a laquelle il n’estoit pointnbsp;oblige.
R. Nullement. Ce sont des maximes impies, damna-bles et abominables qui ne scauroient estre approuuees ni authorisees parmi les peoples les plus barbares et lesnbsp;plus desnaturez, et qui n’ont este inuentees que depuisnbsp;quelques annees par des sangsues populaires, par desnbsp;hommes de gonrmandise, de luxure et d’auarice pournbsp;seruir de pretexte aux vols et aux violences qu’ils ontnbsp;faites a I’oppression de tout le monde, qui sont causenbsp;des troubles et des mouuemcns que nous voyons a nostrenbsp;grand regret, et dont les sentimens auroient este tonsnbsp;contraires s’ils auoient este en estat d’estre presses, aunbsp;lieu que, non pas leur mérite, mais la fortune ou le manuals Génie de la France les auoit inis en celuy de inettrenbsp;les autres au pressoir afin d’en exprimer le sang, commenbsp;11s ont fait presque iusqu’a la dernlère goutte. Il fautnbsp;done raisonner sur les biens cle la mesme sorte et parnbsp;proportion que sur les vies et mettre en tout et partoutnbsp;les lois de Dieu, cle I’Euangile et de la Charite, commenbsp;vn flambeau pour seruir de conduite afin d’esuiter lesnbsp;escueils et les precipices qui se rencontrent dans les fonc-tions de la puissance Souueraine.
D. Eh quoy ? le Roy n’a-t-il pasle pounoir de mettre des impositions et desleuces sur ses Peuples?
R. Ouy. Aussi ne scauroit on tirer le contraire de ce que nous venons de dire ou nous n’auons respondu qu’anbsp;la folie des impies qui, voulant tout mettre en la liberie
tlu Roy, vle biens, sans autve regie nl raison que sa seiile volonté, iustifieroient les cruautez des plus bar-bares et rendroient les plus cruels tyrans impeccablesnbsp;tlans leur conduite, lis peuuent done imposer des contributions 5 ils peuuent faire des leuées ^ maïs tousioursnbsp;dans l’ordre de la lustice Chrestienne et dans les circon-stances nécessaires pour faire qu’elles ne soient pas cri-minelles.
Enseignez nous quelles sont ces conditions; cat c’estle point Ie plus important en cette matière et sansnbsp;lequel, n’y estant pas instrults conime il faut, nous nenbsp;^eaurions a quoi nous résoudre dans les occurrences quinbsp;*0 peuuent présenter.
I’aduoue que cette question est de grande conse-quence et bien nécessaire; mais aussy vous diray ie 'Pi’elle en enueloppe et enferme tant d’autres aiiec ellenbsp;, pour lui donner tout Ie iour qu’elle demanderoitnbsp;qu’il n’y restat rien a expliquer, il faudroit composer vn volume de plus de trente feuilles. Néanmoinsnbsp;pour vostre satisfaction présente, en attendant peutnbsp;estre que ie Ie fasse plus a loisir, ie tascheray de 1 es-olaircir par quelques vérités que ie proposeray sans autrenbsp;orclre que celuy auec lequel elles se présenteront a manbsp;mémoire : 1. Que conune diuers royaumes peuuent estrenbsp;régis par diuerses lois, ie ne traitte ces matières quenbsp;pour la France et par les regies soubs lesquelles les Francois doiuent estre régis; 2. Que Ie royaume de Francenbsp;n’esl pas vn Estat tyrannique oii Ie Souucrain n’ait pournbsp;obiect de sa conduite que sa seule passion ; 3. Que c’estnbsp;vn royaume Chrestien et Catbolique et qui depuis Clouisnbsp;a fait sloire de se tenir ferme aux maximes de TEuan-
ö
gile par dessus tous les royaumes de la terre, ce qui a
-ocr page 300-282 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
clonné a nos Roys Ie nom glorieux de Trés Chrestiens; 4. Que nos Roys ont leur doinaine séparé d’auec celiiynbsp;de leurs subiects; 5. Que plusieurs prouinces de la Francenbsp;ne sont pas nees auec I’Estat et n’y ont point este vniesnbsp;par les conquestes de nos Princes, mais se sont volontaire-inent soumises et donnees auec des conditions et des ré-serues tant pour leurs personnes que pour leurs biens,nbsp;auec les contributions qu elles deuroient faire, et la ina-nière auec laqucWe elles les feroient; ce que les Roysnbsp;ont stipule, accorde et promis et ont oblige tant eux quenbsp;leurs successeurs a les entretenir; car si les contratsnbsp;entre particuliers sont reciproquement obligatoires, il nenbsp;faut point douter qu’ils ne le soient dauantage lorsqu’ilsnbsp;regardent le public ou des coinmunautez et qu’i n’y aitnbsp;obligation en conscience de les obseruer de part etnbsp;d’autre auec sincérité et bonne foy. De ces vérités quinbsp;sont notoires d’elles mesmes, il s’ensuit que le droict quenbsp;le Roy a de faire des impositions et des leuees sur sesnbsp;subiects, doit estre reduit dans les limites de la nécessiténbsp;lorsque son domaine n’est passuffisant pour y subuenir,nbsp;et selon les concordats pour les Prouinces qui se sontnbsp;donnees.
D. Mais sans faire distinction de Prouinces, dites nous (juelles sont ces nécessités.
R. Ces nécessités sont la conseruation de la personne du Roy; son racliapt s’il estoit en captiuité; la deffensenbsp;de I’Estat contre les ennemis estrangers et domestiques;nbsp;le repos et la tranquillité des peoples contre les factions,nbsp;les rébellions, les vols, les iniustices, les violences desnbsp;particuliers et toutes choses généralement quelconquesnbsp;qui causent la.ruine ou dommage notable au bien public;nbsp;car comme le Roy n’est pas inoins oblige de proteger
-ocr page 301-son peuple et Ie deffendre de 1’oppression qui lui est faite par les puissans dans son Royaume que de I’incurslonnbsp;et muasion des ennemis estrangers, Ie peuple n’a pasnbsp;luoins d’obligation de contribuer pour sa deffense contrenbsp;ceux la et sa déliurance de ses ennemis domestiques, quenbsp;contre ceux qui combattent sous la liurée d’vn princenbsp;estranger. Ainsi il n’y a point de doute qne Ie Roy peutnbsp;iuiposer et que Ie peuple doit contribuer ce qui est necessaire en telles occurrences—
1^. Quelles impositions se peuuent et doiuent faire ?
On ne scauroit bien constamment ny auec vne determination arrestee respondre a cette demande. II y en ^ ^e plusieurs sortes. Les vnes se font par impositionnbsp;pecuniaire sur les fonds ou sur les personnes ou sur tousnbsp;les deux, qu’on nomme tailles réelles, personnelles etnbsp;quot;tixtes; les autres sur les denrées nécessaires a la vie etnbsp;Sui croissent dans Ie Royaume, comme sur Ie vin et Ienbsp;; les autres sur les choses qui entrent des Royaumesnbsp;estrangers, qu’on appelle douanes ou traittes foraiues.nbsp;Pour celles qui regardent les tailles mixtes, 11 semblenbsp;qu’elles soient les plus iustes et les plus équitables; carnbsp;comme l’Estat contient et Ie sol et les hommes, il estnbsp;bien raisonnable que l’vn et l’autre contribuent a sa con-seruation dans vn ordre et proportion conuenahle. Pournbsp;celles qui concernent les cboses necessaires a la vie etnbsp;qui croissent dans Ie Royaume, ce sont les plus dures etnbsp;les moins Chrestiennes; car quelle apparence de mettrenbsp;de l’encbère sur ce dont les pauures ne se peuuent passernbsp;et que la natui’e nous donne pour notre entretien ounbsp;sans trauail ou auec vn peu de trauail ? N’est ce pas asseznbsp;que ie paye ou pour ma terre ou pour ma personne selonnbsp;rua condition et mon trauail, sans payer pour Ie vin qui
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CHOIX
vient sur ma terre, qui n’est que Ie fruict de mon fonds et de mon labeur? II n’en est pas de mesme des douanesnbsp;et traittes foraines^ lesquelles estant des marqués de l’au-tliorite du Prince, llennent en quelque sorte de la naturenbsp;de son domaine; d’autant que Ie Roy estant Ie maistrenbsp;de son Estat, il a droll par cette seule consideration ,nbsp;sans autre necessite, d empescher ou de permettre lenbsp;commerce auec les estrangers, principallement pour lesnbsp;choses dont on peut se passer facilement et qui pournbsp;Fordinaire ne seruenl qu’au luxe et a !a vanite; de faconnbsp;qu’il peut tirer recognoissance de la permission qu’ilnbsp;donne du transport réciproque de ces marchandises dedans ou dehors son Eoyaume. Mais aussi cette taxe doitnbsp;estre inodérée, ne dolt estre que dans les villes fron-tières pour les entrees ou sorties du Royaume, et nonnbsp;pas dans Ic Royaume pour ce qui passe d’vne prouince anbsp;Fautre; ce qui seroit rendre FEstat estranger a soynbsp;mesme; ny pour toiites les entrees de villes lesquelles,nbsp;quelque litre spécieux qu’on Icur donne, sont tousioursnbsp;des marques de diuision entre les frères dans vne niesinenbsp;maison et sous vn mesuie pere.
D. Vous venez d’auancer vne parole qui m’estonne et qui en fera bien eslonner d’aiitres : eh qiioi! !e Roy estnbsp;il de moindre condition qu’vn particulier? Ne pent ilnbsp;pas disposer de son bien comme il lui plaist? Ne peut i!nbsp;pas le mettre en parti? Et ceux qui en traltent de cettenbsp;sorte, sont ils pires que ceux qui font vn autre traficnbsp;pour Fauancement de leurs families et Fclciiatiou denbsp;leurs enfans? Y a-t-il rien en cela qui ne soit licite?
R. Yous n’estos pas le premier qui auez propose ccttc difficulte. C’est le manteau dont se couurent tons les
-ocr page 303-hommes cju’on nomme d’affaires, pour voler auec impu-nite et en bonne conscience si leur seinble, et Ie B-oy et ses subiects. C’est sous ce beau prétexte que leurs mai-sons sont cimentées du sang des peoples, que leursnbsp;ameublemens sont composes des larmes des veufues etnbsp;tpt ils portent sans rougir iusqu’au pied de 1 autel et a lanbsp;Table de lésus Christ la pourpre et Ie luxe tirés de lanbsp;substance des orphelins et des misérablcs. Or pour vousnbsp;feleuer de eet estonnenient et les désabuser, il faut ob-seriier que dans Ie fait ce n’est pas Ie noni qui fait Ienbsp;^riine^ mais la chose qui est exprimée par ce nom; ienbsp;veux dire que ce n’est pas Ie tenue de Parti ou de Partisan qui est odieux et a détester; c’est ce qui nous estnbsp;®^§nific par iceux.
O. C’est ce qu’il y a longtemps que ie desire de sca-uoir et que ie vous prie de m’enseigner.
-fi. Les norns, comme vous scauez, n’ont point de signification que celle que les hommes leur donnent ou qni prend cours dans la suite des temps. Ainsi ces motsnbsp;de PAirri et de partisan, comme ces autres de traiténbsp;ct dcTRAiTANT, qui discnt Ia mesme chose, ne disentnbsp;tien de soy de mauuais, et sont indifférens pour estrenbsp;appliques en hien ou en mal; de manière que tous lesnbsp;Marchands qui viuent de leur tralie et en gens de bien,nbsp;peuuent estre appelés traitans, et toutes leurs ventes etnbsp;achapts des traitoz; mais ie prends ces mots selon Ienbsp;cours commun qu’ils ont en France depuis quelques an-nëes ou Ton appelle traitans ou partisans vne secte denbsp;personiies qui composent auec Ie Roy do certaines sommes liquides que la nécessitë des temps l’oblige de leuernbsp;sur ses peuples, a beaucoup moins qu’elles ne se monteatnbsp;comme au quint ou au quart prés; et les contrats et
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actes par lescpxels ils stipulent, c’est cc qu’on nomme
TRAITEZ OU PAKTIS.
D. Et qu’y a-t-il en tout cela qui ne soit iuste et honorable ?
R. Vous Ie conceurez plus facilement si nous en expo-sons Ie fait, suiuant la méthode des lurisconsultes quand il s agit de quelque resolution. Supposons done parnbsp;exemple que pour les nécessitez de la guerre et l’entretiennbsp;des armées il aye fallu imposer et leuer sur Ie peuplenbsp;douze millions de liures que l’on a distribuées partie ennbsp;augmentation de tailles , partie en taxes sur les officiers,nbsp;et partie en creation de nouueaux offices. Pour leuernbsp;cette somme, on traitte auec des personnes qui s’ennbsp;chargent moyennant neuf millions qu’ils fournissent aunbsp;Roy, OU peut estre moins, Ie reste leur reuenant bonnbsp;pour leurs peines. Ie dis ence cas que ces personnes of-fensent Dieu inortellement, qu’elles volent ce quart aunbsp;Roy et a l’Estat, qu’elles sont obligees de Ie restituer;nbsp;et il n’y a personne qui les en puisse dispenser.
D. Mais ils font des auances et rendent 1’argent plus promptement et plus prest au besoin.
R. II n’impörte, parceque, si tout chi’estien est oblige d’assister son prochain gratuitement, lorsqu’il est néces-sité, principalement s’il Ie peut faire sans aucune perte,nbsp;il y a bien plus d’obligation d’assisler Ie Roy qui est Ienbsp;père et Ie protecteur du peuple, et pour les ne'cessitez denbsp;l’Estat; et si l’on ne peut pas auancer quelque chose la-quelle reuient tousiours, comment est ce qu’on contri-bueroit de sa bourse aux despenses nécessaires pour Ienbsp;bien du public ? loinct que, comme tous les interests desnbsp;particuliers sont essentiellement engages dans ceux dunbsp;general, tous ces traitans ou partisans cjur font partie du
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corps de l’Estat, sont obligez d’y contribuer; ce qu’üs ne peuuent molns faire que par Tauance des sommes qui
remennent auec Ie temps.
¦ö. Si cela est ainsi que vous dites, les tresoriers de 1’espargneet autres ne sont pas sans défaut puisque leursnbsp;plus grands profits viennent des auances qu’ils font, etnbsp;des grosses remises qui leur sont faites; ce qui met Ienbsp;prix de leurs charges a des sommes immenses au delanbsp;des gages qui leur sont attribuez.
II n’y a point de difficulté en cela. Leur condition dans ces occasions n est point differente d auec celle desnbsp;partisans dont ils peuuent porter Ie nom puisqu’ils ennbsp;font 1’office.
ö, Mais les vns et les autres ne prennent point ces Stosses sommes dans leur bourse. II les empruntent dunbsp;ders et du quart dont ils payent l’intérest; ce qui n’estnbsp;pas raisonnahle qu’ils fassent a leurs despens.
fi. A cela ie responds deux choses : Premièreraent que les obligations de ces particuliers qui leur prestentnbsp;auec intérest, sont usurières et par ainsi suiettes a restitution; en second lieu qu’il y a bien de la difference denbsp;prendre de l’argent d’autruy a cinq ou six pour cent,nbsp;afin
d’auancer au Roy pour après Ie reprendre sur soy inesrne, et cependant en retenir par ses mains et ennbsp;prendre quinze, dix-huit ou vingt pour cent; et c’estnbsp;pour ce suiet que tous ces Partisans ou Trezoriers sontnbsp;punissables puisque, faisant auance du bien d’autruy, ilsnbsp;en prennent plus du Roy qu’ils n’en donnent pas auxnbsp;particuliers •, ce qu’on ne scauroit desauouer estre vn volnbsp;public, punissable par toutes les Lois diuines et hu-maines, si 1’on ne veut renoncer non seulement au Chris-tianisme mais au sens commun............
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D. Depuis quelques annees, on a iniieiitc une nou-uelle sorte d’linpositlon sous le iiom d’Aisez et sous Aisez, qui a fait beaucoup de bruit et dont plusieurs senbsp;plaignent et a inon iugement auec raison. le vous prienbsp;de m’en dire le vostre.
B.. A cela ie ne scay que vous respondre. Le coeur me saigne quand i y pense. Cette inuention n’est pas desnbsp;hommes. Elle ne peut estre sortie que de I’Enfer pournbsp;la I'uine uniuerselle de 1 Estat en general et de chacunnbsp;en particulier; qui met les Francois dans vne conditionnbsp;plus rude qu’ils ne seroient pas sous la domination dunbsp;Turc et par laquelle 11 n’y a personne dans le Royaume,nbsp;de quelque condition qu’il soit, qui puisse s’asseurernbsp;d’auoir vn teston en propre et dont il puisse faire estat.
D. Ie vous prie de me Texpliquer plus clairement.
R. C’est que sous la domination duTurc les taxes sont arrestees et publiques, oil chacun scait ce qu’il doit parnbsp;teste, après quoi il possede son bien en repos et tran-quillite. An lieu que si outre les Tailles et mille impositions qui sont sur les denrces, que Ton rend infinies parnbsp;des augmentations si estranges que les peiiples succom-bent sous le faix; si, dis ie, outre cela il est permis a vnnbsp;Ministre ou a vn Fauory qui abusera de I’authoritc dunbsp;Prince, de taxer les particuliers quand bon lui sernblera,nbsp;eta telles sommes qu’il lui plaira, sous pretexte qu’ilsnbsp;sont accoinmodez dans leur condition, et les contraindrenbsp;de payer ou de gré ou de force, qui ne voit que c’estnbsp;mettre tout le bien des particuliers au pillage de ces in-satiables et qui ne diront iamais : C’est assez, encorenbsp;qu’ils ne trouuent plus rien a prendre. Il y a encore vnnbsp;autre mal dans cette maudite inuention. C’est la méthode que Ton a tenue pour ces leuces; car ie ne diray
289
DE MAZARINADES.
en ceci que ce dont ie suis téinoiix : qu’ayant fait signi-fier des taxes d’Aisez, ceux auxquels la signification estoit faite, ayant recours aux. Partisans a Paris ou a leursnbsp;sous Traitans ou Gommis dans les prouinces, en estoientnbsp;facilement dispenses, en donnant a sous main Ie quartnbsp;OU Ie tiers de leur taxe; au Ueu desquels on en substi-tuoit d’autres. Si bien que c’estoit vne porte ouuerte anbsp;vu brigandage publie; et pour vn million, par exemple,nbsp;de traité qui en venoit au R-oy ou, pour mieux dire^ anbsp;ses Fauoris, il s’en leuoit quatre ou cinq sur Ie pauurenbsp;Peuple. lugez si en ce cas la condition des Francois quinbsp;disent fibres pardessus toutes les nations du monde,nbsp;^ ®st pas plus malheureuse que celle de ceux que nousnbsp;^Ppelons esclaues sous l’Empire du Turcl
(4 mars 1649.)
Monseigneur, nous ne serious pas dignes de nostre fionne fortune, si nous tardions dauantage a vous enrc-ïnercier, auec tous les témoignages d’vne très-sensibicnbsp;obligation. Nous ne pouuons souffrir que tout Ie mondenbsp;se plaigne de vostre Éminence, et que personne ne s’ennbsp;louë. Vos bien-faits sont trop visibles pour les dissimulcr;nbsp;et nous ksreceuons dans vn temps qui les rend encornbsp;plus considerables, et qui confond Ia calomnie de tous
' Ce pamptitel n’est clté qu’cn passant par Nauclé. 11 méritait mieux,
1 nbsp;nbsp;nbsp;19
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CHOIX
vos ennemis. L’on vous accuse de vouloir faire périr de faim la ville de Paris ; mais est-il rien de plus ridicule ?nbsp;puisque c’estoit nostre corps qui s’en deuoit Ie premiernbsp;sentir, et qui deuoit plutost tout seul satisfaire a vostrenbsp;fureur, comme celuy qui a tousiours vescu dans Ie glo-rieux mépris des richesses, qu’il professe auec tous lesnbsp;Maistres des autres arts nobles et libéraux, qui ne gar-dent rien d vn iour a 1 autre. Tous les bourgeois estoientnbsp;munis de tout ce qui leur pouuoit estre nécessaire pendant vn blocus de plus d’vn an. Nous n’auions ny argentnbsp;ny viures; toutes fois graces a Dieu, et a vostre Éminence, Monsieur saint lules nostre second patron, nousnbsp;sommes auiourd’huy les mieux accommodez j et nousnbsp;craignons plus de manquer d’ancre et de papier, que denbsp;pain et de vin, ny de viande.
C’est vne chose admirable aussi de quelle facon nous trauaillons. Vostre vie est vn suiet inépuisable pour lesnbsp;autheurs et infatigable pour les Imprimeurs. C’est Ie plusnbsp;heureux métier de Paris; et Ie gain est auiourd’huy comparable a sa dignité. II ne se passe point de iour que nosnbsp;presses ne roulent sur plus d’vn volume de toutes sortesnbsp;d’ouurages, tant de vers que de prose, de Latin que denbsp;Francois, tant en charactères Romains qu’en Italiques,nbsp;comme gros canon, petit canon, parangon, gros romain,nbsp;saint augustin, cicero etc. Vne moitié de Paris imprimenbsp;OU vend des imprimez; l’autre en compose; Ie Parlement, les Prélats, les Docteurs, les Prestres, les Moines,nbsp;les Hermites, les Religieuses, les Cheualiers, les Aduo-cats, les Procureurs, leurs Clercs, les Sécrétaires de Saintnbsp;Innocent, les filles du Marais, enfin Ie Cheual de Bronzenbsp;et la Samaritaine écriuent et pari ent de vous. Pierre dunbsp;Quignet ne scauroit plus garder Ie silence qu’ont rompu
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sera vn Cénotaplie-, et ia France particulièrement comp-tera ses années par celle de vostre supplice, qui sera celle de sa liberté. Ce sera pour lors qu’il faudra s’em-ployer nuit et iour a en faire des relations auec diuersesnbsp;figures en taille de bols; l’on criera vostre clescente auxnbsp;enfers , vostre rencontre avee Ie Marquis d’Ancre, vostre entretien auec lean Procbyte, qui sonna les Vespresnbsp;Siciliennes , les reproches que Monsieur Ie Présidentnbsp;Barillon vous fera du Sein d Abraham , vostre testamentnbsp;de mort\ les regrets de vos Niepces % les consolationsnbsp;a la Muti, la Martinozzi et la Manzini, vos soeurs, lesnbsp;iustes reproches de la Signora Portia Vrsina a Pietronbsp;Mazarini, vostre père, sur I’inegalitc de leur Mariage,nbsp;l’année Climatérique de la race Mazarine , contenant Ienbsp;progrez et la fin de la fortune des deux cardinaux auecnbsp;leur apothéose, et autres galanteries qui se débiteront,nbsp;bonnes ou mauuaises, pour les recueils que les curieuxnbsp;font de tout ce qui se public.
Nous espérons que ce supplice sera pared a celuy de Saint lean de Latran, nostre principal patron. II a esténbsp;Ie vostre, quand vous auez esté chanoine de son Eglisenbsp;a Rome. La France qui vous donna sa voix pour cettenbsp;dignité, que vous ne méritiez pas, vous condamne réci-proquement a la peine qu’il n’auoit pas meritée. Conso-lez-vous. Monseigneur, de ce qu’elle sera extraordinaire,nbsp;et que les Césars et la plus grande part des personnes il~nbsp;lustres ont fait vne fin tragique ; peut estre que les tour-
' II y aen cffet deux testaments du cardinal Mazarin; run, Testament solemnel du cardinal Mazarin, etc. [3766], est de 1649, mais du 19 janvier, et par conséquent antérieur au Remerciment; I’autre, Testament dunbsp;cardinal Mazarin, qu'il a renouvelé a son départ [3764], est de 1631.
“ Les Soupirs et regrets des nieces de Mazarin, etc. [3708] ?
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;293
mens vous seront plus doux que I’appi’ehension qm vous bourelle si cruellement dans vostre conscience. Nousnbsp;sommes obligez de faire des vceux tons contraires a cenbsp;Romain, qui pria les Dieux que l’empereur Adrian, quinbsp;Ie faisoit tuer, ne pust pas mourir quand il voudroit.nbsp;Vostre Éminence nous a fait viure; et nous ioignons nosnbsp;interests et nos prières auec ceux de toute la France, anbsp;ce que la mort vous déliure bien-tost des misères de lanbsp;^ie. C’est vn droict que vous deuez a la justice diuine etnbsp;Éumame, et a la nature, contre qui vous auez pecbé, etnbsp;H^ie vous ne pouuez satisfaire que par vne genéreuse resolution d’expier vos crimes en expirant. C est ce quenbsp;desirent tres passionnément pour Ie salut de Vostre Éminence, Monseigneur, vos tres-obligez et tres-affectionnez
^sruiteurs.
[472]
( 4 mars 1649.)
Madame, voicy Ie coup de partie qui doit decider de §fandes affaires. lusques icy, Ie Roy règne paisiblement;nbsp;'vostre Maiesté est Régente; et Paris en estat et en vo-ionté et mesme en impatience de reuoir bientost l’vn etnbsp;i'autre. 11 ne faut qu’vn seul moment et vne resolutionnbsp;ntal prise pour changer toutes ces choses puisqu’elles sontnbsp;cn leur penchant et que la Monarchie de France est si
' Naudé range ce pamphlet parmi les pièces soutenues et raisonnées. II attrihue a l’ahbé de Chamhon, frère de du Chatelet.
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vieille, que Ie moindre accident peut la mettre a son dernier période. lusques a cette heure, Madame, Ie Con-seil d’en liaut a eren que Ie Parlement auoit tort; ie nenbsp;diray point maintenant ce qui en est; mais tons les peoples de France soustiennent Ie contraire; etils sont biennbsp;résolus de maintenir que Tauthorité du Roy ordinaire etnbsp;l’extraordinaire mesme, estendue iusques oü les néces-sitez d’vne longue guerre la pouuoient raisonnablementnbsp;porter, n’a point esté violée. Cet intérest public, iointnbsp;peut estre a celuy de quelques particuliers, produira,nbsp;auec Ie temps, d’estranges monstres et qui pourroientnbsp;aussi bien renuerser des Royaumes comme des maisonsnbsp;Bourgeoises et des chaumières de Paysans. II semble,nbsp;Madame, que Ie Ciel, depuis trente ans, ait coniuré lanbsp;ruine de toutes les Monarchies. C’est pourquoy il fautnbsp;éuiter soigneusement ce qui peut donner lieu a des ré-uolutions si funestes. Quand Ie bon Pilote voit que lanbsp;tempeste est trop forte, il abbaisse les voiles. Faites ennbsp;de mesme, Madame ; ne risquez point Ie tout pour vnenbsp;petite partie; et n’obligez point le Roy a conquérir desnbsp;villes en France, comme il fait en Espagne. Cela arriueranbsp;néantmoins. Madame, si vous continuez d’oster le painnbsp;et la paix aux Parisiens, puisqu’ils seront forcez de re-chercher l’vn et l’autre par les armes. Et comme lesnbsp;affaires ne finissent iamais par oü elles commencent,nbsp;Dieu seul peut cognoistre les accidens qui en pourrontnbsp;suruenir; mais les hommes et les Roys mesmes les peu-uent bien appréhender. Quoy qu’il en soit, qui ioue,nbsp;hazarde; et qui fait la guerre, peut aussi tostperdre quenbsp;gagner. Le subiect armé contre son Maistre deuient sonnbsp;esgal; et l’authorité d’vn Prince est bien heurtée plusnbsp;furieusement par des Canons que par des remonstrances.
-ocr page 313-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;295
Oi;, Madame, Ie remède a tous ces inconueniens est de choisir promptement les moindres; c’est a dire de nenbsp;point reietter les propositions tres humbles de Messieursnbsp;les Députez, crainte que les peuples affamez ne pei'dentnbsp;légitimement Ie respect qu’ils doiuent a Vostre Maieste,nbsp;et crainte aussi que ces réuolutions si merueilleuses et sinbsp;préiudiciables a tant de Royaumes n’achèuent leurnbsp;cours au préiudice du vostre, si vous ne luy donneznbsp;liien tost la pak, en mettant fin a toutes ces guerresnbsp;tant domestiques qu’estrangères. EBP
(4 mars 1649.)
Monseigneur, Monsieur, ou sieur lules,
Ie serois des plus ridicules,
Si i’entreprenois auiourd’huy De parler de vous comme autruy.
Quoy qu’on permette ou qu’on ordonne,
Jules, ie ne suis pas personne A suivre vn sentiment commun ,
Et railler de vous ny d’aucun.
Ie laisse agir la populace ;
Qui Ie voudra faire, Ie fasse.
Ie n’en dis mot; car aussi bien Ce procédé n’est pas cbrestien.
Et puls clnq cens lettres escrites,
Qui ne sont rien que des redites,
' Naudé met cette lettre au-dessus des pièces burlesques de Scarron. auteur est 1’abbé de Laffemas, fils d’Isaac de Laffemas.
-ocr page 314-Ne me laisseroient pas de quoy Faire quelque chose de moy.
Ie ne ferois, a bien Ie dire,
Que copier et que transcrire,
Et n aurois pas de ce costé,
La gloire d’auoir inuenté.
Done, si ie produis quelque chose En ces Carmes que ie compose,
Ce n’est que pour me diuei’tir,
Ou, pour mieux parler, compatir A tous les maux ou nostre Francenbsp;Se trouue depuis xostre absence;
Car si nous vous tenions icy,
Nous aurions nos iustes aussi *.
Hélas! depuis vostre sortie Teute la ioie est amortie.
On n’entend plus parler de bal;
Et dans Ie temps du carnaual,
Les canons et les mousquetades Ont pris la place des aubades;
Et l’on chante, que les Amours Sont effrayez par les tambours^.
S’il nous auoit esté facile De vous tenir eit cette ville,
Enuiron deuers ce bon temps,
Nous aurions esté plus contens.
Le bourgeois eust quitté Ie casque.
On eut ven la canaille en masque Se reiouyi', et(corame on dit)
’ Les plèces d’or et d’argent a 1’effigie de Louis XIII. On ne leur donne pas d’autre nom dans les Mazarinades. Un poëte du temps a écrit lenbsp;yoyage des iustes en Italië^ etc 4063].
“ C’est la clianson qui court. N. D. T.
C’est la Plainte de PAmour contre la guerre parisienne^ Voyez plus haut les Diuerses pieces sur les colonnes et piliers des Maltotiers, etc.
-ocr page 315-Crier ; il a chic au lit.
Mais, helas! quoy qu’il en pust estre,
Vous n’auez point voulu parestre,
Ayant préféré Sainct Germain A Paris que croyez sans pain ;
Ce qui, pourtant, n’est qu’vne baye ;
Car Ie Seigneur de La Boulayë Ce grand Gassion de Conuoy*,
Nous ameine touiours de quoy Nous garentir de la famine,
Soit büeufs, soit moutons , soit farine , Cochons, et d’autres bestiaux,
Auoine, foin pour nos cheuaux,
Enfin Ie gaillard ne sort guères Qu’auccque ses portes cocbères .
II ne reuienne du danger
Pour nous donner de quoy manger.
Mais tout cela, quoy qu’on en die,
N’est pas pour faire longue xie;
Et ie Grains fort que Ie blocus Ne mette a sec tons nos escus;
Car Blocus est xn capitaine Qui nous donne bien de la peine,
Et qui, sans se mouuoir d’vn lieu,
En peut bien faire iurer Dieu.
C’est vn mal que vostre Éminence Nous fait souffrir par son absence.
Vons deuriez estre , en ce besoin,
Vn peu plus prés, on bien plus loin.
Outre qu’en ce temps difficile Personne n’a ny croix ny pile;
Les riches sont bien empeschez.
B y a de ce passage un curieux commentaire dans la Lettre ioviale c •’’'I’lis de La Boulaje. Voyez plus loin.
S’lls ont des biens, ils sont cachez;
Les Marchands ferment leur boutique;
Les procureurs sont sans pratique;
Les Patissiers, pour Ie Douzain,
Au lieu de gasteaux font du pain;
Les Vendeurs de vieille feraille,
Les crieurs d’huistres a Tecaille,
Les apprentifs et les plus gueux Ne sont pas les plus malheureux;
Car, n’ayant aucun exercice,
D’abord comm’ en titre d’office,
Eux et Messieurs les Crocheteurs,
Se sont tous fails Colle-porteurs;
Et, si tost que Ie iour commence,
Grient sans mettre d’Eminence,
Volcy rArrest de Mazarin Foicy VArrest de Mascarin,
La Lettre du caualier George^,
(Si Ie nom n’est xray, l’on Ie forge);
Puis, voicy Ie Courier francais ®
Arriué la septiesme fois ;
Foicy la France mal régie ;
Puis, Tostre généalogie ^;
La Lettre au Prince de Condé ®
Après, Maximes autentiques,
* nbsp;nbsp;nbsp;Arrêt de la cour de parlement..., par lequel il est ordonné que Ie cardinalnbsp;Mazarin vuidera Ie royaume^ etc. [217j.
® Lettre du cheualier Georges de Paris a monseigneur Ie prince de Condé [2099]. Voyez plus haut.
® Lc Courtier francois apportant toutes sortes de nouuelleSj etc. [830],
* nbsp;nbsp;nbsp;Je ne Tai jamais rencontrée.
“ Généalogie ou Extraction de la vie de lules Mazarin^ etc. [1478].
® Lettre d’vn religieux enuoyée a monseigneur Ie prince de Condé, etc. [1895]. Voyez plus haut.
-ocr page 317-Tant morales que politiques Remonstrances du Parlement^,
Qui sont faites fort doctement;
Item, la Lettre circulaire *,
A qui vous seruez de matière;
Lettre de consolation A Madame de Chastillon'';
Bref, tout au long de la iournée Chascun, comme vne ame damnée,
S’en va criant par-cy par-la Et vers, et prose, et coetera,
II n’importe pas sous quel titre.
Car c’est voua seul que l’on chapitre;
Et, sous d’autres noms, quelquefois On vous donne dessus les doits.
De dire par quelle espérance D’honneur, de gain, on de vengeance ,
Les bons et les mauuais Autheurs Donnent matière aux Imprimeurs,
C’est ce que ie ne puis blen dire;
Ie scay bien qu’on en voit escrire Quelques vns par ressentiment,
Et d’autres par emolument;
Et comme chacun veut repaistre,
Le valet qui n’a plus de maistre,
Ne voit point de plus prompt mestier,
Que de débiter le cahier,
Ou bien, dans la falm qui le presse
’ Maximes morales et chrestiennes pour le repos des consciences dans les “ffaires présentes^ etc. [2427].
* Tres-humble remontrance du parlement au roi et a la reine régente. [3814],
^ Relation de ce qui s'est passé a Paris depuis Penlèuement du roi iusqua présent, etc. [3H7J.
Retire de consolation enuoyée a de Chastillon, etc. [1921].
Combattre pour Saincte-Gonesse*.
II n’est pas iusques a lodelet ^
Qui II ait en main le pistolet,
Ayant adioint a sa cabale Les gens de la Troupe Royale ;
Si bien qu’eux tous, iusqu’aux Portiers, Ont cuirasse et sont Caualiers,nbsp;Tesmoignant bien mieux leur couragenbsp;En personne qu’en personnage.
Chacun va cherchant son salut, Diuersement au même but;
Car vostre Troupe Théatine® ,
Qui fait vceu d’estre peu mutine,
Ne croyant point de seurete En nostre Ville et Vicomte,
A fait Flandre et dans des cachettes A serré les Marionettes,
Quelle faisoit voir cy-deuant Dans les derniers iours de I’Auant,nbsp;Voulant cette Troupe uouuelle,
Aller se reioindre a Bringuelle, lusqu’a tant que, dans ce quartier,
Soit en partie, ou tout entier,
Vous reueniez prendre seance
' Aller cherclier du grain aGonesse. N. D. T.
* Jodelet cst un des persounages de la Fronde. On a publle le Dialogue de lodelet et de I’Oruiatan, etc. [1080], les Entrcticns serieux de lodelet etnbsp;de Gilles le niais, etc. [1257], et lodelet sur I'emprisonnement des princes
[1736].
^ Les Theatins, outre la predication qu’ils faisoient cet Aduent dernier, en Italien, voulant émouuoir l’assemblée par les yeux aussi bien que par les oreilles, faisoient parestre des petits personages pareils a ceuxnbsp;qu’on voit passer au-dessus de 1’borloge du Marché-Neuf, quand lesnbsp;lieures sonnent, pour représenter quelque histoire sainte; ce qui teiioitnbsp;plus de 1’artifice de 1’Italien que de la deuotion du Francois.
N. D. T.
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DE MAZARINADES.
Au Palais de vostre Éminence, Poiirveu que vouliez cherchernbsp;Deslits afin de vous couclier;
Car, pour ne vous y point attendre, Ces iours passez on a fait vendrenbsp;Vostre précieux demeurant,
Et vos meubles au plus offrant, Excepté la Bibliotlièquenbsp;Qui demeure pour hypothèquenbsp;A tous les scauans de Paris,
Qui n’estoient point vos fauoris; Encor qu’en bonne consciencenbsp;Ils méritent blen recompense,
Estant certain que la pluspart Ont mis maints deniers au hazard,nbsp;Soit en Liure, ou Thèse, ou Peinture,nbsp;Afin d’estre en bonue posturenbsp;Et d’obtenir asseurémentnbsp;Quelque notable appointement,
Auoir Benefices ou Charges;
Mais vous n’êtes pas des plus larges; Et ie croy bien que ces Messieursnbsp;Peuuent chercher fortune ailleursnbsp;S’ils ne Pont déia toute faite;
Car ie voy que vostre retraite Va vous oster tout Ie moyennbsp;De iamais leur faire du bien,
Que par vostre retraite inesmc,
Qui leur feroit vn bien extresmo ;
Car vous les pouuez obliger Allant au pays Estranger.
Ie scay bien que cela vous peine; Mais vostre repugnance est vaine.
En vain cherchez vous des détours.
II faut partir auant trois iours,
-ocr page 320-Ne fondex point Yostre espérance Snr l’effet de la Conférence^,
Ou bien sur la facilité De quelqu’honeste Depute.
A moins que Ie peuple ne parle, Que maistre lean et maistre Charle,nbsp;Maistre Pierre et maistre Bastien,
N ayent dit •. Ie Ie voulons bien^
Ce n’est pas encor chose faite; Encor faudroit-il que Perrette,nbsp;Dame Lubine et dame Alisnbsp;Vous pussent souffrir a Paris,
Et prissent vostre affaire a tasche, Comm’ au quartier de S. Eustache,nbsp;Elles firent pour leur Cure,
Qui depuis leur est demeuré^
Ha! que s’il m’eust esté facile, Quand vous estiez en cette ville,
De vous aborder quelquefois,
Et vous parler de viue voix,
Vous seriez encore a vostre aise,
Et n’auriez point fait de fadaize, Pourueu que mes petits auisnbsp;Eussent par vous esté suiuis.
Mais il nous estoit impossible.
Vous estiez tousiours inuisiblej Et l’on pouuoit mettre en escritnbsp;Dessus vostre porte, Cy-git!
' De Ruel. Les deputes du parlement partirent de Paris Ie i mars.
II y eut, quelquès années auparauant, dans la paroisse de Saint-Eus-tache, après la mort du cure, rne émeute de femmes qui vouloient que la cure passat au neueu du défunt. La reine ayant dit a vne deputationnbsp;des insurgées qui auoit été admise deuant elle : « Vous 1’aimiez donenbsp;Ijien? — Ehl Madame, lui fut-il répondu, nous sommes accoutuméesnbsp;depuis cent ans a les voir se succéder de père en fils. » N. D. T.
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Cependant qu’en vostre Antichambre Ou fumoit Ie lasmin et TAmbre,nbsp;L’Intendant et Ie Cordon bleunbsp;Pestoient ensemble auprès du feu,nbsp;Scachant bien que pour toute affaire,nbsp;Soit importante, ou nécessaire,
Vous teniez en main Ie Cornet,
Ou railliez dans Ie Cabinet,
Auec Bautru, Lopes et d’autres %
Qui sont bien d’aussi bons apostres, Et deux Singes sur vos genoux,
Qui dansoient parfois auec vous.
Ce n’est pas viure a nostre mode.
Le Francois a d’autre méthode;
Et vous n’auriez pas fait tant mal D’imiter le feu Cardinal,
Dont le discours et le visage Gagnoient le coeur du plus sauuage;nbsp;Donnant au monde tour a totirnbsp;Vos audiences chaque iour.
Vous deuiez imiter eet homme,
Et ioindre l’addresse de Rome A la science qu’11 auoitnbsp;De Politique et d’homme adroit.nbsp;Comme vous auiez la puissance,
Et de deniers grande abondance, Vous pouuiez finir nos langueursnbsp;Et par la Paix gagner les cceurs.nbsp;Elle n’estoit que trop facilenbsp;Grace au généreux Longueuille,
Si vous n’auiez point trauersé Ce qu’il auoit bien commence,
* Voyez plus haut sur Bautru et sur Lopes \Adieu et passeport de Ma-etc.
-ocr page 322-304 nbsp;nbsp;nbsp;CIIOIX
Voila ce qu’il vous faüoit faire Pour estre longtemps nécessaire.
Sur tout il se faloit garder,
Sans vn peu trop se hazarder,
De toucher aux Cours Souueraiues,
Qui pour la pluspart sont hautaines,
Et sanglent vn homme tout net Par arrest de six cens dlx-sept%
Et de lanuier, en cette année,
Oil Ton vous l’a belle donnée.
Voila ce que c’est de s’ingérer Aux affaires de FEstranger.
Excusez, lules, ie vous prie,
Si, d’vne plume si hardie,
Ie semble auiourd’huy vous parler.
Ie ne scaurois dissimuler.
Ie dis icy ce que ie pense,
Non par esprit de médlsance ,
Mais bien par Ie dépit que i’ay,
Que vous n’auez point ménagé Cet honneur que vous auiez d’estrenbsp;Aussi puissant que nostre Maistre,
Faire de nouueaux Réglemens,
Disposer des Gouuernemens,
Conférer tous les Bénéfices,
Créer, supprimer les offices,
Bref, de faire, selon vos voeux,
Les hommes grands ou malheureux.
Taut s’en faut que ie vous accuse,
Fay touslours fait parler ma Muse Auec des termes de respect,
Si que ie crains d’estre suspect,
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Et besoin est que ie m’explique Selon l’air de la voix publique.nbsp;Pourquoy vous traitterois-ie mal?nbsp;Vous êtes vn grand Cardinal,
Vn homme de haute entreprise, Vingt fois Abbé, Prince d’Eglise,nbsp;Quoy que ne soyex in sacris,
N’ayant Ordres donnez ny pris,
Et n’ayant point de Caractère,
Non plus que Tart du Ministère.
II est vray qu’en ce dernier point, Cher lules, vous ne scauez pointnbsp;La science ny la pratiquenbsp;Du gouuernement Politique.
Ie vous en parle franchement;
Et chacun dit communément Que si, par Ie conseil d’vn autre,nbsp;Loin de faire suiure Ie vostre,
Vous vous fussiez pü contenter D’obéyr et d’exécuter,
Vous auriez tousiours fait merueille, Tesmoin faction non pareillenbsp;Que vous fistes pres de Cazal.
On n’a iamais rien fait d’égal.
II faut que tout cbacun l’auoue Et qu’en passant ie vous en loue.nbsp;Sans contredit, ce coup fut beau;nbsp;Maïs ce fut vn coup de chapeau.nbsp;Depuis, sans se faire de feste,
II falloit faire vn coup de Teste,
Ou fuir les degrez les plus hauts Peur de faire voir vos défauts;
Pour Ie moins, si ce vous fut force De prendre a cette douce amorce,nbsp;I’entends, l’honneur de dominer.
20
-ocr page 324-II s’y falloit mieux gouuerner.
II falloit estre faiiorable,
Doux, humain, visible, traictable ,
N auoir aucune passion,
Abohr la proscription,
Ne causer la mort a personne,
(Pour Ie moins a la Barillonne*).
Ce n’est pas tout que s’esleuer •
L’esprit est a se conseruer.
Vous connolssez bien quelles peines Vous font Pierr’Encise et Vincennes ’.
Vous en connois'ez Ie hazard j Mais, lules, c’est vn peu trop tard.
II faut, maintenant, faire gille ,
Vous en retourner en Sicile,
Et, soit auiourd’huy, soit demain,
Fuir, pour iamais, de S. Germain.
II ne faut point que l’on diffère.
Cet Arrest, ou doux ou séuère,
Est tout prest a s’exécuter.
Et, si vous ne voulez vous haster,
Ie crains bien fort, que chez vos niepces,
Ne portiez pas toutes vos pieces,
Et ne partiez de S. Germain Vn peu léger de quelque grain.
Ie scay fort bien, ne vous déplaise,
Qu’auiourd’huy vous seriez bien aise,
Si l’on vous venoit asseurer Qu’ici vous pouuez demeurernbsp;Dans Ie calme et parmy la gloire.
‘ Le cardinal Mazarin était accuse d’avoir fait empoisonner Ie président deBarillon, prisonnier d’État a Pignerol. Voyez plus haut la Lettre d^vn relïgïeux, etc.
* Pierre-Encise, oü avail été detenu le maréchal de La Mothe Houdan-court, et Vincennes, d’ou s’était évadé le due de Beaufort.
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Mais, comme vous auez méxnoire,
Ie veux vser avec raison De la mesme comparaison,
Qu’au poinct des affaires troublées, Vous fistes sur nos assemblees,nbsp;Parlant a Monsieur Boucqueual.
Or ca, Monsieur Ie Cardinal, Parlons en saine conscience,
Et souffrez auec patience Ce raisonnement délicat.
Vous portez des Glands au Rabat*. Si, d’autborité souueraine,
Le Roy, ie ne dis pas la Reyne, Alloit dire : Ie vous defendsnbsp;De plus iamais porter des glands.
Ie veux qu’il ne soit point blasmable De s’orner de chose semblable.
Mais, si le Roy le défendoit.
En conscience auriez-vous droict D’en porter, malgré sa defense ?
Cela presse vostre Eminence.
Or venez ca, Respondez-nous !
Tont de bon, en porteriez-vous Non; vous n’en auriez point enuie;nbsp;Vous n’en auriez de vostre vie;
’ Le cardinal Maïarin ayant appris que l’vnion des cours souueraines Pourroit miner son authorité, tascha d’attirer les plus forts des compa-gnies; et, voulant vn iour persuader a M. deBoucqueval, Doyen du grandnbsp;ronseil, que les assemblées n’estoient point permises, il se seruit de lanbsp;'^^ntparaison des glands; il lui dit en ces mesmes termes ; « Venez ca,nbsp;de Boucqueual, vous portez des glands. Si le Boy vous défendoit d’ennbsp;porter, vous seroit-il permis d’en auoir après sa defense? Respondez,nbsp;disoit-il, cela vous presse. Or ie dis de niesme, puisque le Roy vous dé-l^end de vous assembler, pourquoy, etc. » Cette comparaison seruit lenbsp;deraain de roatière a tous les rieurs.
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Et sans vous enquérir, pourquoyi* Vous voudriez obëyr au Roy.
Ainsi Ie Roy, dont la prudence Met toutes choses en balance,
Par Arrest de son Parlement,
Vous enioint, sans retardement,
De quitter la France, et sur peine D’encourir l’excès de sa haine.nbsp;Pourquoy done ne partez-vous pas ?nbsp;Et qui peut retenir vos pas?
Est-ce point que vous voudriez dire Que nostre Prince a moins d’empirenbsp;Sur les hommes hauts et puissansnbsp;Que sur leurs colets et les glands ?nbsp;Non, non; sans tarder dauantage,nbsp;Allez, partez , pliez bagage,
Crainte que Monsieur de Beaufort Ne vous enuoye vn passe-portnbsp;Pour aller iusqu’en l’autre monde,nbsp;Malgré Ie bi-a.s qui vous seconde;
Car ny nos généraux. ny luy,
Ne vous donneront point d’appuy. Puisqu’ils veulent, par leur vaillance ,nbsp;Restablir nostre pauure Francenbsp;Dans son ancienne liberté,
Vous n’estes pas en seureté. N’attendez pas que nos villagesnbsp;Soient réduits aux derniers pillages;nbsp;Et suffise que Charenton
Vous couste Ie grand Chastillon.
Ny Ie combat ny la victoire Ne vous scauroient donner de gloire;
Et ie mets au rang des mal-heurs
O
Vn bien qui vous couste des pleurs. Quand , par la suite d’vne guerre,
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Vous aurez rauagé Nanterre,
Meudon, Suresne et S. Denis,
Vous serez les premiers punis ;
Car ne leur laissant pas la maille,
Ils ne payeront plus de Taille;
Et Ie Prince en maiorité Dira bien que sa Maiesté,
Au temps de sa plus tendre enfance, Estoit soubmise a 1’Éminence.
Voyant son domaine enuahy,
II dira que Ton l’a trahy,
Et quVn Ministre bien habile Ne deuoit point donner de Ville,
Du moins en Souueraineté,
Si force ce n’auoit esté.
Mais ce raisonnement me passe.
Ie vous demande encore grace ; Peut-estre vn peu trop librementnbsp;I’expose icy mon iugement;
Non par vn esprit de censure;
Ie l’ai desia dit, et i’en iure.
Au contraire, c’est par pitié,
Ou par vn reste d’amiiié
Que ie vous parle en ceste sorte,
Et sans que l’humeur me transporte. Certes, nous auons, presque tous,nbsp;Suiet de nous loüer de vous.
Pour Ie moins oserois-ie dire,
Quand tout Ie monde en deuroit rire, Que vous auez fait de grands biensnbsp;A Messieurs les Parisiens.
L’Esté, vous faisiez d’eau de Seine Arrouser Ie Cours de la Reine ;
Et, qui plus est de vostre estoc,
Leur a»iez introduit Ie Hoe,
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Estably la plaisanterie,
Et fait bastir vne Escurie ‘
Digne de vous, grand Cardinal.
Pardon j la rime de Clieual M a ietté dans cette pensee,
Qui par vn mal-henr s’est glissée;
Enfin, vous auez apporté Qnelque chose a cette Cite;
Si bien que chacun, on ie meure ,
S’entretient de vous a toute beure.
Mesme, depuis vostre depart,
Les bons Beuueurs, a tont hazard ,
Vous loüent de leur mal-henr mesme ;
Car cela fait que ce Caresme'
Le poisson se vendant trop cher,
Ils peuuent manger de la cher ;
Et nonobstant le Priuilége,
Ils doiuent cette grace au Siége,
Non pas au S. Siége Remain,
Mais au siége de S. Germain.
Vne chose seule me ronge Et me fait peine quand i’y songe jnbsp;Ceux qui restent de vostre cournbsp;Sont cachez icy tont le iour ;
Et pas vn n’ose plus parestre,
De crainte d’estre pris pour traistre.
Mesme on dit que Cantarini ^,
Qui rimoit a Mazarini, ‘
Ne trouuant point chez qui se mettre,
' Un poëte a fait sur cette écurie des vers qui ont été publiés dans les Dinerses pieces sur les colonnes et piliers des Maltotiers, etc. Voyez plnsnbsp;liaut.
® Reglement de Monseigneur.... archcuesque de Paris, touchant ce qui se doit pratiquer dans ce saint te,mps de caresme [196 du Supplément].
* Cantiu’ini était le banquier du cardinal Ma/.arin.
311
S’est fait abréger d’vne lettre;
Et voyant que son nom en Rin Rimoit encor a Mazarin,
Dust il auoir vn nom Arabe,
11 retranche vne autre syllabe.
Vn chacun d’eux fuit ce trantran, Hormis Fhomme a rOruiétan,
A cause qu’il est populaire,
Et que sa drogue est nécessaire.
Mais pour Monsieur Particelli,
Les sieurs Miletti, Torelli,
Aussi bien que toute la trouppe, N’osent plus auoir I en crouppe;
Et, de peur d’estre criminel,
Torelli se nomme Torel.
Vous en voyez de qui la mine, Pour paroistre vn peu fourbe et fine,nbsp;Fait qu’ils passent pour estrangers;nbsp;Et pour éuiter tons dangers,
Ils disent qu’ils sont de Prouence, Encore qu’ils soient de Florence,
Et quelquefois Siciliens;
Car baste pour Italiens.
C’est pour cela que ce bon homme, Qui monstroit la langue de Rome,nbsp;Oudin, n’ose plus faire bruit* ;
Et s’il l’enseigne, c’est de nuit.
‘Oudin est-il auteur de Ma/arinades? Voici ce qu’ou lit dans les En-‘'etiens burlesques de M’ Guillaume, etc. [1247].
« N’en déplaise a ce romaniste Dont Ie style est cent fois plus tristenbsp;Qu’vn bonnet sans coiffe de nuit,
Dont les écrits font peu de bruit,
Quoique vers la Samaritaine On les voie aller par centaine. »
-ocr page 330-II cache son Dictionnaire,
Et met en terre sa Graramaire;
Et ceux qu’il enseignoit aussi N osent pas dire ; Signor si.
Pourtant ce n’est rien que folie;
On n en vent point a I’ltalie;
Mais on confond I’ltalien Auecque le Sicilien.
Pour moy, ie ne fais pas de mesme;
Car, malgre ce peril extresme,
Et deuant tout le genre humain,
Fauoiie que ie suis Romain.
Ouy, ie le suis; et ie me picque D’estre trés parfait catholique ;
Mais quelque Romain que ie sois,
Ie scay parler en bon Francois.
Plust au ciel, pauure Seigneur lule,
Que n’eussiez point este credule Aux conseils de certains esprits,
Et qu’eussiez fait, comme i’ecris,
C’est a dire auecque franchise.
Quoyque Ton fasse mine grise Partout a vos rouges habits,
Yous seriez encor a Paris,
Dans la gloire et dans la puissance;
Au lieu que vous estes en transe,
Et n’auez (peur du courre sus)
Que des sommes interrompus;
Attendant que Ton execute
Get Arrest qui vous met en butte
Au moindre homme qui I’aura beau.
Et Ton difa comme au Rondeau*,
’ C’est le rondeau qui fut fait après la mort de feu M. le cardinal de Richelieu ; « II est passé 1’éraiuent personnage, etc. » N. D. T.
313
11 est passé Ie personnage,
Sans qu’on aioute, c’est dommage;
Si ce n’est qu’vn coeur attendry Vous voyant peut-estre meurdry,nbsp;Découuert et sans sepulture,
Puisse plaindre vostre auenture,
Dlsant, quand vous serez passé,
Vn Requiescat in pace.
Pour moy i’en ferois dauantage Si vous auiez plié bagage,
Non pas vous souhaitant la paix;
Car vous ne l’aimates iamais;
Mais, puisque vous aimez la guerre, Sitost que vous serez par terre,
Ie veux supplier Ie Seigneur De quitter, en vostre faueur,
Ses qualitez accoustumées Pour celle de Dieu des Armées.
Soubs ce titre, ie vous prédis De l’employ dans Ie Paradis.
La, vous pourrez estre Ministre,
Si, par quelque accident sinistre,
Ou vous ne vous attendez pas,
Vous n’üllez trauailler plus bas.
Ie ne vous en puis rien promettre. Adieu, c’est trop pour vne lettre.
Ie suis vn modeste Frondeur Qui me dis vostre seruiteur,
N1C01.AS LE DRU .
A Paris, de Mars Ie neufiesme ,
Qui n eut ny Foire ny Caresme; L’an que Ie Roy, Ie iour des Roys,nbsp;Partit pour la seconde fois,
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CHOIX
Se relii’ant de cette ville Pour sauuer Fhomme de Sicile ,nbsp;Bont bien luy prit, et que Parisnbsp;Fut assiégé saus estre pris.
Non damna damnis, Bella non licet bellis, Referre; pacem optare, pro dolis, praestat,nbsp;Si Christianae quid valet fides legis.
Giet tumultus, lulius, vetans pacem j Me optare mortem lulio putas? Nolim.
Sedet tumultus, et Quiescat in pace.
Sommaire de la doctrine c'vrieuse dv Cardinal Mazarin par lui déclarée en vne lettre quilnbsp;escrit a vn sien Confidentpour se purger denbsp;rArrest du Parlement., et des Faicts dont ilnbsp;est accusé.
Ensemble la response a icelle, par laquelle il est dissuade de se représenter au Parlement [3683]'.
(S mars 1649.)
SALUT.
AU LECTEÜR,
Amy lecteur , Cette lettre du Cardinal Mazarin, qui contient vn abrégé de ses pernicieuses Maximes, m’es-tant tombée entre les mains, i’ay douté si ie deuois la
‘ C’est, d’après Naudé, im modèie des honnes pièces.
-ocr page 333-donnei' au public, de crainte que les simples n y trou-uassent de quoy se surprendre par les faux appas de ce Ministre et la couleur de ses raisons. Mais apres lesnbsp;auoir bien considérées , et recogneu que, prises mesnienbsp;^uec Ie sens qu’il leur donne , elles font beaucoup plusnbsp;pour sa condamnation qu’elles ne sont capables de Ienbsp;iustifier, i’ai cru que ie ne deuois priuer les curieux denbsp;lïi satisfaction qu’ils pourront auoir par la lecture de cesnbsp;Maximes si extraordinaires, qui feront voir que ce n estnbsp;P^s 'sans raison que ce Ministre tyran a attire sur luynbsp;1 indignation de tous les gens de bien. Et néantmoins,nbsp;comme il s’en trouue qui n’ont pas assez de lumiere pournbsp;pénétrer sa malice a trauers des faux iours qu’il a donnenbsp;a sa conduite, ie te promets (cEer Lecteur), a mon premier loisir, la response a ces pernicieuses Maximes; parnbsp;laquelle ie te feray yoir qu’il n’y a iamais eu de Tyrannbsp;aussi inique qu’il aye pu estre, qui ait commence ses oppressions sur des fondemens si dangereux que sontnbsp;ceux que Ie Cardinal Mazarin establit pour raison de sanbsp;Doctrine; me réseruant encores de te descouurir pournbsp;lors les Maximes de sa Politique, qu’il appelle Secretie,nbsp;lesquelles ie te reserue pour ce temps.
Adieu Lecteur, et lis attentiuement.
Et premièrement la lettre Cardinal Mazarin d T. T. son Confident.
Monsieur, la conduite de mon entreprise n’ayant vn succes si heureux, comme ie me l’estois promis, ie voidsnbsp;bien qu’il me faut chercher vne autre voye, pour menbsp;gt;’establir au rang que i’ay acquis dans Ie Royaume;
-ocr page 334-316 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
m’estant du tout impossible de mettre Ie Parlement et Ie Peuple a la raison, attendu la mutuelle vnion de toutesnbsp;les Prouinces et leurs intelligences auec vne partie denbsp;nos gens de guerre, aux efforts desquels nostre party nenbsp;pourra résister, lorsque toutes leurs forces seront assemblees pour nous combatre, c’est pourquoy ayant d’ail-leurs aussi esprouue que ie ne pouuois estre en seureténbsp;en aucun autre Royaume ou Republique, qui tous ontnbsp;refuse de me receuoir, quoy que mon or et mon argentnbsp;y soient en dépost, et que i’aye employé tout mon créditnbsp;pour les en conuier, i’ay résolu auparauant que d’attendee que ceux du party contraire ayent aucun aduan-tage sur moy, d’aller me iustifier au Parlement des accusations que l’on m’impose, pour faire leuer l’Arrestnbsp;qu’ils ont donné contre moy sans aucune formalité; cenbsp;qui produit, ce m’a-on dit, vne nullité en la forme, etnbsp;m’ouure Ie moyen de me faire releuer de la condamna-tion portee en iceluy. Mais pour y paruenir et ne riennbsp;faire auec légèreté, ie me suis fait enuoyer par vn de mesnbsp;amis, qui a cognoissance des intentions de ceux qui menbsp;veulent du mal, vn Mémoire des Faits et Articles surnbsp;lesquels ils pourront me faire interroger 5 lequel ayantnbsp;receu de sa courtoisie, i’ay esté bien aise d’apprendrenbsp;qu’ils n’auoient plus grande instruction contre moy ; cenbsp;qui me donne occasion de demeurer dans Ie dessein quenbsp;i’auois pris. Mais auparauant que de l’exécuter, i’ay encores trouué a propos de communiquer a vne personnenbsp;capable et affectionnée pour mes intérests (comme ienbsp;vous estime. Monsieur), les responses que i’ay prépa-rées sur les calomnies que l’on m’impute, pour voir si ienbsp;ne me trompe pas , de croire qu’estant contraint d’ad-uouer tous les faits dont ie suis accusé , attendu que la
-ocr page 335-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;317
preuue en est maintenant trop facile a mes ennemis , ie puis, par la force de mon raisonnement et de ma Politique , facilement destruire et satisfaire a tous les chefsnbsp;des accusations que Ton me propose, sans laisser aucunnbsp;suiet a mes iuges de réuoquer en doute mon innocence.nbsp;C’est ce qui me fait enuoyer vers vous ce porteur, pournbsp;vous donner auec la présente, Ie Mémoire de ces Faitsnbsp;apostillez de mes Responses, afin que ie puisse receuoirnbsp;vostre sentiment au retour de ce Courier, qui est vnenbsp;'tres fidelle et tres seure. Ie vous prie done de tra-uailler a eet examen auec la fidelité qui vous est ordinaire ; et i’espère que vous iugerez comme moy qu il estnbsp;tgt;ien difficile de surprendre vn Italien rompu dans lesnbsp;grandes affaires, quand il a Ie temps de preparer sanbsp;defense , et qu’il faudroit auoir beaucoup d’addressenbsp;pour me susciter des accusations auxquelles ie ue puissenbsp;satisfaire par mes artifices. Espérant done de vos nou-velles, ie suis, Yostre seruiteur et amy,
I. M. C.
A Saint-Gerraain-en-Laye, Ie 16 iour de féurier 1649.
^nsiiit Ie Memoire enuoyé par Ie Cardinal Mazarin d son Confident, ou VInterrogatoire qu’il s’est fait;nbsp;Accompagné de ses Responses.
\ . Int. Premièrement , Interrogé de mon Nom et tJe ma Qualité ?
Resp. Ie respondray que ie m’appelle lulles Mazarin; E't quant a ma qualité, que ie portele tittre de Cardinalnbsp;la saincte Église Romaine , et grand Ministre dunbsp;^oyaume de France ; laquelle dignité de Ministre te-
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CHOIX
nant Ie premier lieu dans l’Estat après Ie Roy, me ren-droit indépendant de quelque iuridiction que se peust estre, n’estoit que le me submets volontairement a cellenbsp;du Premier Parlement du Royaume , dans le dësir quenbsp;i’ay de faire paroistre mon innocence aux yeux de toutenbsp;la France, contre toutes les accusations que la liberténbsp;du temps a fait éclater contre moy, et dans Tasseurancenbsp;que i’ay que ce Parlement, instruit de la vérité de mesnbsp;intentions, ne dégénérera pas de son intégrité ordinaire, pour me rendre la iustice que i’attends.
2. nbsp;nbsp;nbsp;Int. De mon Origine et de mon Pays ?
Resp. Que ie tiens a gloire d’auoir pris naissance de Mazara, ville de Sicilië , parcequ’estant des dépendancesnbsp;du Royaume d’Espagne, celuy de France m’est d’autantnbsp;plus particulièrement oblige, si, quittant les interests denbsp;mon Roy naturel, i’ay laissé mon pays pour me donnernbsp;entièrement a ce Royaume.
3. nbsp;nbsp;nbsp;Int. De mon Père et de mon Extraction ?
Resp. Que ie m’estonne , comme mes ennemis ont Youlu prendre aduantage de ce que la fortune de mesnbsp;parens ne correspond pas a la mienne, et se soient fortnbsp;estudiez a chercher les moyens d’auilir ma familie, veunbsp;que c’est le plus grand honneur qu’ils me puissent faire,nbsp;puisqu’ils font voir par ce moyen que, comme vn autrenbsp;Cicéron, le rang que ie tiens, n’est deu qu’a mon mérite, et que ie suis d’autant plus digne de le conseruer,nbsp;que ie l’ay acquis par mes seuls artifices.
4. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Quels biens ma naissance m’a donnez; com-bien il m’en est écheu par donation , succession ou au-trement ?
Resp. Que ie ne rougiray iamais de dire que ie dois tous les biens que ie possède a la libéralité du Roy; et
-ocr page 337-quoy que véritablement sa recognoissance ait été grande en mon endroit, i’ose néanmoins me vanter que laReynenbsp;m a souuent lesmoigné que les trauaux et les soins quenbsp;ie prenoispour leRoyaume, n’estoient pas suffisainmentnbsp;récotnpensez a l’occasion des nécessitez de l’Estat.
5. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si dans les seruices que i’ay rendus a l’Estat,nbsp;i’ay tousiours correspondu au rang que la Reyne m’anbsp;donné en son Conseil, et a la fidélité qu’vn premiernbsp;Ministre d’vn Royaume doit a la couronne qu’il sert ?
Resp. Que les personnes qui ont este dans 1 employ des grandes affaires, en rendront tesmoignage pour moy;nbsp;et puis dire iustement que par ma subtilité, i’ay mis lesnbsp;affaires a vn tel point, qu’il n’y a que moy qui puisse ynbsp;donner vn heureux succes par la continuation de mesnbsp;artifices; et tout autre qui en verroit les intrigues, sansnbsp;en scauoir Ie secret, croiroit que i’ay ioué a tout perdrenbsp;en quantité de rencontres, oü ie feray néanmoins voirnbsp;1’aduantage éuident de la France.
6. nbsp;nbsp;nbsp;Int. S’il n’est pas vray que i’ay tousiours préférénbsp;lïies interests a tous ceux du Royaume ?
Resp. Que ie n’ay pas creu qu’en faisant les affaires du Roy, ie deusse négliger les miennes et que, iusques anbsp;présent, ie n’ay pas trouué de véritable Politique quinbsp;^’aye enseigné Ie contraire; que Machiauel mesme, tresnbsp;^ffectionné pour les interests du Prince, Ie conseille;nbsp;tnais qu’il ne se trouuera que pour mon vtilité particuliere , i’aye consenty a aucune chose qui pust causernbsp;quelque perte considérable a la France, si l’on considèrenbsp;*won procédé dans les maximes d’Estat, et non pas auecnbsp;¦''ne exacte recherche particulière de mes actions, quinbsp;n’estant considérées dans toute leur suite et les liaisonsnbsp;qn elles ont eu l’vne auec l’autre, pourroient estre esti-
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mees par ceux qui n’ont vne veritable cognoissance de la Politique, n’auoir pas tousiours esté aussi sincères commenbsp;mes pensees Tont esté, n’ayant iamais eu de soin plusnbsp;particulier en mon administration que d’accomoder mesnbsp;interests auec ceux du Roy et de l’Estat.
7. Int. Si ie n’ay pas transporté grande quantité d’or et d argent hors du Royaume ? Si n’aguères ie n’aynbsp;pas faict passer douze mulcts chargez d’or et de pier-reries que i’entioyois a M. mon père ? Si ie n’ay pasnbsp;des sommes considerables, tant sous mon nom que ceuxnbsp;de mes Confidens, aux banques de Venise et d’Amsterdam, et au Mont de Piété de Rome? Si pour transporternbsp;Tor plus facilement, ie n’ay pas fait fondre les lustes etnbsp;les Pistoles en lingots ? Si ie n’ay pas acheué vn des plusnbsp;somptueux edifices qui soit dans Rome, que i’ay achetenbsp;bien cherement ? Et si pour orner ce Palais, ie n’ay pasnbsp;fait transporter les plus beaux et plus exquis meubles denbsp;1’Europe? Pourquoy ayant profite de ces biens en cenbsp;Royaume, ie ne les y ay pas consommez, et employez ennbsp;acquisitions de belles terres ? Et pourquoy il semble quenbsp;i’aye affecte de n’acquerir aucuns biens en France ?
Resp. Que ie m’estonne comme Ton me propose pour crimes des actions qui tournent a I’vtilite du Roy et anbsp;I’honneur de I’Estat; car qu’y a-t’il rien de plus glorieuxnbsp;a la France, que de faire paroistre aux Estrangersnbsp;qu’elle n’est ingrate a ceux qui luy rendent quelque ser-uice, et d’attirer par ce moyen le coeur de tous ceux quinbsp;luy peuuent apporter quelque auantage ? Et ce sans in-teresser les finances du Royaume, puisque ie puis direnbsp;auec vérité, qu’il ne s’est pas transporté par mon ordrenbsp;et pour mon particulier plus de trente millions , depuisnbsp;le terns qu’il y a que i’ay I’honneur d’estre employe
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dans Ie haul Ministère, qui est peu a comparaison des 1 ichesses qui sont en ce Royaume j ce qui a néantraoinsnbsp;cause l’admiration de toute l’Italie, et fait connoistrenbsp;4UX Estrangers la puissance de ce Pays. D’ailleurs,nbsp;qu ayant sceu par la longue experience que i’ay des af-faires, que la Fortune d’vn Estranger est exposée a denbsp;gcandes calomnies, dont l’exemple est auiourd’hui apparent dans les affaires du Temps , il est sans doute quenbsp;gens d’esprit m’eussent accuse de peu de préuoyance,nbsp;ie n auois mis mes biens en tel estat de sortir Ie moinsnbsp;interesse qu’il m’eust esté possible ^ si la persecution denbsp;ceux qui me veulent du mal, eust esté plus violente etnbsp;pius puissante. Et ceux qui considèreront de pres, ver-''cnt encores que ce que ie n’auois aucuns biens considerables en France, a beaucoup seruy pour ma conser-uation, ayant i’etenu des plus considerables de monnbsp;party, qui m’eussent abandonné si, par ma perte, il ynbsp;cust eu quelque confiscation de consequence a espérer ;
quoy I’anthorite du Roy eust sans doute esté blessée, puisqu’il dépend de sa grandeur de maintenir ce qu’ilnbsp;^ esleué, et de me conseruer en vn estat qui puisse exciter les bons esprits de luy vouer leurs seruices,
8. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie scay que les transports d’argent et d ornbsp;®cnt centre les Ordonnanccs Royaux ?
Resp. Qu’il est hors de propos, pour blasmer mes Actions, de me proposer les Ordonnances, puisque représentant la personne du Roy, c’est inoy qui en dispense les autres.
9. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si pour auoir occasion de transporter eetnbsp;^*’gent, ie n’ay pas pratiqué les sièges de Piombino etnbsp;‘ie Portolongone, quoy que ceux qui auoient quelque
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ges ne pouuoient apporter aucun honneur a la France ? Si pour Ie mesme suiet, ie n’ay pas affecté de faire desnbsp;leuées de gens de guerre chez les Polonois , Allemans,nbsp;Écossois et Anglois, afin de trouuer quelque prétexte anbsp;la sortie de 1 argent hors de France, quoique 1’on ayenbsp;iamais manque d hommes en ce Royaume , et que lesnbsp;Estrangers que 1 on y fait venir, coustent quatre foisnbsp;autant que les soldats Francois, qui valent néantmoinsnbsp;mieux dans les armées que ceux des autres Nations ?
Resp. Qu’il suffit de dire pour me iustifier de ces, sièges, que ne paroissant pas que dans leurs entreprisesnbsp;ils fussent domageables a Ia France, Ie manuals succes n’en doit faire blasmer les desseins, estant incer-tain si d’autres eussent réussi plus fauorablement quenbsp;ceux-la, et que la commodité que i’en ay retiree, ne menbsp;peut estre imputce, puisqu’il n’importoit a l’Estat denbsp;quel costé il attaquast son ennemy, pourueu qu’il en pustnbsp;espérer de l’auantage. Et me suffit aussi pour ma iusti-fication, que les leuées de gens de guerre chez les Estrangers ayent apporté cette vtilité a la France, de con-seruer des hommes pour les occasions pressantes, sansnbsp;que la commodité que i’en tire, puisse passer pour crimi-nelle, veu qu’il suffit qu’elle ne combatte pas les inté-rests de Ia France pour estre a 1’abry de tout reproche.
10. Int. Si ie n’ay pas diuerty Ie fonds des finances du Roy et employé plus d’argent aux machines des théa-tres et balets qu’a eelles de la guerre ?
Resp. Que ce faict ne consiste qu’en interprétation, et que ces profusions ne me seront pas imputées a crime,nbsp;quand on scaura qu’il ne coustoit chose quelconque aunbsp;Roy des balets et des comédies qui luy ont doiiné tantnbsp;de plaisir, parceque les auances se prenoient véritable-
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ment dans les cofres de sa Maiesté; mais ayant eu soin de les faire repre'senter au Public après que Ie Roy et sanbsp;Cour y auoient pris leur satisfaction, ie retirois par mesnbsp;geus beaucoup plus que les auances n’auoient cousté; cenbsp;^ue i’einployois aux recompenses que la Reine me per-Bïettoit de prendre pour mes seruices, dont les financesnbsp;sa Maiesté se trouuoient d’autant deschargées.
'l 1. Int. Si ie n’ay pas pris des profits sur Ie pain *^6 munition destine pour la nourriture des gens denbsp;guerre ?
Resp. Que c’est m’accuser d’auoir trop bien mesnagé finances du Roy, parceque de vérité ayant veu ennbsp;quelques années que Ie soldat, estant auancé dans Ie paisnbsp;^Unemy, auoit moyen de subsister des pillages qu’il fai-Soit, i’ay donné ordre a quelques personnes interposéesnbsp;de souffrir aux entrepreneurs du pain de munition qu’ilsnbsp;Ie diminuassent de quelques onces, a la charge qu’il leurnbsp;seroit moins baillé a proportion du prix conuenu auecnbsp;®Ux, ayant depuis employé cette diminution vtilementnbsp;puur quelques affaires secretes.
quot;iS. Int. Si, abusant de l’authorité que la Reine m’a ^OQnée, ie n’ay pas disposé des principales charges etnbsp;'offices du Royaume indifféremment a toutes sortes denbsp;personnes, sans auoir égard aux mérites, pourueu qu’ilnbsp;en fust donné récoropense; et si particulièrement ienbsp;^ pas tiré vne somme trés considerable pour pouruoirnbsp;^e sieur d’Eroery de la Surintendance, et Monsieur Ie Ca-du Controole général des Finances?
R^sp. Que cette demande contient ma deffense; car puisque la Reine a laissé les grandes charges du Royaumenbsp;^ discretion, il est hors de doute que i’en puis dispo-a telles conditions que ie trouueray raisonnables,
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moyennant que i’en pouruoye des personnes qui n’en soient incapables, et qui scachent exercer les functionsnbsp;des charges que ie leur commets.
13. Int. Si ie n’ay soutenu les Partisans pour mon intérest particulier, parcequ’il ne s’adiugeoit pas de partynbsp;au Conseil, que 1’Adiudication ne me donnast vn droictnbsp;et recompense tres considerable ?
Resp. Que i’ay tousiours estimé que la direction des finances par party estoit trés auantageuse a la France, anbsp;cause de la facilité el prompt secours que les affaires du'nbsp;Roy en recoiuent; ce qui rend l’intérest des particuliersnbsp;fott peu considerable, qui se plaignent de ce que par cenbsp;moyen il se lèue beaucoup plus d’argent qu’il ne se fe-roit dans la forme oi’dinaire, et que, par vne iniusticenbsp;apparente, il se voit que ceux par Ie moyen desquels cesnbsp;deniers sont leuez, y profitent plus que Ie Roy mesme,nbsp;outre les recompenses qu’ils sont obligez de donner anbsp;ceux qui leur facilitent ces partis, paree qu’ou l’intérestnbsp;du Roy et de l’Éstat se rencontre, celuy de ses subietsnbsp;ne luy doit estre oppose; et Ie Prince, ny ses Ministresnbsp;qui gouuernent Ie Royaume, comme Pères communsnbsp;autant des vns que des autres, ne doiuent considérer sinbsp;les biens de l’vn de ses subiets passent a Fautre, pourueunbsp;qu’ils demeurent tousiours dans Ie Royaume. Et n’im-porte en fa^on quelconque a la conseruation de 1’Estat,nbsp;si Ie riche est dépouillé pour en couurir Ie pauure, pourueu qu’il en demeure tousiours vn riche sur qui Ie Roynbsp;puisse leuer les droicts qui luy appartiennent. De la s’en-suit que ce n’est pas vn crime d’Estat d’auoir profité desnbsp;partis, particulièrement s’il est remarqué que ce quinbsp;m’estoit baillé, n’alloit pas a la diminution du party, quinbsp;entroit entièrement, pour mon regard, dans les coffres de
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sa Maiesté; et ma part ne consistoit qu’en vn présent que Ie Partisan me faisoit a sa discretion, et qui n’alloit qu’anbsp;sa charge.
Int. Si, sous Ie prétexte des Comptans, ie ne me suis pas fait bailler plusieurs sommes considerables, quenbsp;* appliquées a mon profit?
Jlesp. Que ce faict est veritable; mals qu’il ne m’est ^alomnieux, parceque i’ay fidelleinent précompté cesnbsp;sommes sur Ie courant de mes pensions, la Reine ayantnbsp;*rouué tant de sincérité en mon procédé, qu’elle m’anbsp;Porinis de tirer mes récompenses en telle manière que ienbsp;^roirois Ie plus expédient, sur ce que ie luy ay donné anbsp;ontendre qu’il n’estoit pas a propos que mes gages etnbsp;pensions passassent par les formalitez ordinaires des Fi-Uances, suiectes a vne infinite d’Officiers qui, n’ayantnbsp;connoissance de Ia despense qu’il conuient de faire a vnnbsp;Ministre, s’en pourroient formaliser, et exciter du bruitnbsp;Parmy Ie peuple; a quoy toutes personnes intéresséesnbsp;'^^us les affaires publiques doluent particulièrement pren-^re garde.
'15- Int. Si, par ces moyens et plusieurs autres des-^Uels ie me seruois, ie n’ay pas tiré des sommes im-®*enses des coffres du Roy?
^Gsp. Que ie ne dois rendre compte de eet article, P^tceque la Reine m’ayant trouué assez fidelle pour lais-a ma discrétion les sommes que ie dois toucher parnbsp;^liacim an pour mes gages et pensions; et sa Maiesténbsp;^yant la disposition absolue de toutes les Finances dunbsp;aussi bien que les autres affaires, il s’ensuit que lesnbsp;^iens que i’ay acquis en France, ne me peuuent estrenbsp;®ouiez, et encore moins imputez a crime, suppose que lanbsp;^^antité s’en trouue exhorbitante, parceque l’acquisition
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que i’en ay faite, a eu pour fondement vne authorité absolue.
16, nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie ne me suis pas serui de Leony et d’au-tres banqueroutiers pour attirer a moy l’argent de plu-sieurs Bourgeois de Paris, ayant souffert qu’ils ayent faitnbsp;banqueroute a leurs créanciers, après m’estre emparénbsp;de leurs biens ?
Resp. Que eet artiele est veritable; et néantmoins que l’on n’en peut tirer aucun aduantage contre moy, pareenbsp;que Leony mesme demeura d’aeeord que ie luy auoisnbsp;preste des sommes tres considerables; de sorte qu’ennbsp;prenant ses effets et ses biens, ie n’ay fait que recouurernbsp;ce qui m’appartenoit a iuste titre. Et si en cela i’ay esténbsp;plus aduisé que les autres créanciers, ie n’en dois riennbsp;qu’a ma vigilance, n’ayant pas creü deuoir négliger 1’oc-casion dont on m’a donné aduis, de me saisir de sesnbsp;biens, parceque ne consistans qu’en choses mobiliaires,nbsp;on m’a fait entendre que les ayant pris en ma possession, les autres n’y pouuoient rien réclamer, d’autantnbsp;qu’en France, ce m’a-on dit, meubles n’ont suite par hy-pothèque.
17. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si, estant Estranger, ie ne me tiens pas incapable de tenir Ie rang que ie tiens en France? Si ienbsp;scay que par les Ordonnances du Royaume les charges,nbsp;et particulièrement celles de consideration, et les Benefices m’estoient interdits, comme n’estant origlnaire Francois , et que ces Ordonnances ont esté renouuellées parnbsp;vn Arrest notable de reglement de l’an 1617, que l’onnbsp;appelle du Marquis d’Ancre?
Resp. Que lorsque défunct Monsieur Ie Cardinal de Richelieu me proposa de m’esleuer et de me faire succe-der en sa place, il m’aduertit que eet inconuénient l’auoit
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plusieurs fols arresté d’y songer, et que i’auois a y prendre garde; mais que pour luy il n’estimoit pas dans les régies de la veritable Politique, ni que Ie Parlement, parnbsp;son Arrest, ait pü imposer ce ioug a son Roy, de ne senbsp;seruir de telles personnes qu’il trouuera bon pour lanbsp;conduite de ses affaires, ny mesme que les Roys, parnbsp;leurs Ordonnances, ayent pu establir cette loy a l’égard
leurs successeurs; et que, pour mon particulier, ces Arrests et ces ordonnances ne me deuoient donner aucunnbsp;®uiet d’appréhension , veu que tant que ie pourrois menbsp;^aintenir, personne n’auroit la hardiesse de s’en vou-loir seruir contre moy; que lorsqu’vn Ministre a laissénbsp;prendre quelque ascendant sur soy, ceux qui ont la puissance de Ie choquer, ne manquent pas d’occasion; et quenbsp;pour luy, quoy qu’il ne fust Estranger, il scauoit fortnbsp;bien que ses ennemis n’eussent manqué de prétexte pournbsp;Ie déposséder, s’il eust souffert que Ie Roy les eust entendus ; et qu’enfin ie deuois m’asseurer sur cette maxime,nbsp;^ne la conseruation de l’estat dVn Ministre ne despendnbsp;Pss de la force des Ordonnances ny des loix du Royaume,nbsp;*®3is de la seule bonne volonté du Roy ou de celuy quinbsp;^e représente.
18, Int. Si, en abusant de rauthorité de la Régence, ®t en estendant Ie pouuoir plus qu’il ne doit estre parnbsp;les lolx fondamentales du Royaume, ie n’ay pas exercenbsp;*tton ministère comme si i’eusse administre 1 Estat sousnbsp;'’ri Rov maieur, en promettant des villes en souuerainetenbsp;^ Alonsieur Ie Prince, en faisant créer indifféremmentnbsp;Routes sortes d’Offices, et fait plusieurs autrcs actes sem-blables, qui dependent de la pleiue puissance du Roy,nbsp;'I»! ne peut estre exercée par qui que ce soit, sinon ennbsp;'l^clque occasion vrgente, dans les formes ordinaires,
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c’est a dire auec Faprobation des Estats et du Parlement qui les represente ?
Piesp. Que ie n’ay iamais mis de difference entre I’au-^ thorite du Roy, exercee par luy mesme, estant maieur,nbsp;et celle qui est confiee a vne Régente pendant sa mino-rité, et que ie suis bien asseure que ceux qui font tantnbsp;de bruit sur cette difference qu’ils se sont imaginée, nenbsp;m en scauroient monstrer le fondement. Et qu’en toutnbsp;cas, pour moy, ie ne puis estre blasmé, si, par la bonténbsp;de la Reine, ayant eu le pouuoir de la Regence entre les_^nbsp;mains, i’ay tasche de I’estendre autant que i’ay pu pournbsp;riionneur de sa Maieste, ayant este du deuoir de ceuxnbsp;qui croyent auoir droict de I’empescher, d’en restrain-dre les limites, s’ils iiigeoient que ie les portois tropnbsp;auant.
19. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie n’ay pas empesche que le Parlement ynbsp;donnast ordre, en interrompant leurs Assemblees, et ba-nissant ceux que ie croyois auoir plus de zele pour s’op-poser a mes entreprises ?
Resp. Que le Parlement et moy estans dans des senti-mens contraires, et nous appuyans chacun d’vne autho-rité opposée, ils ont peu faire de leur part ce qu’ils ont creu nécessaire pour l’achèuement de leurs desseins • maisnbsp;aussi ne doit-on trouuer estrange si de ma part i’ay faitnbsp;ce que i’ay peu pour conseruer ce que ie croy auoir légi-timement estably.
20. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Pourquoy, ayant fait accorder a la Reine vnenbsp;Declaration’ qui regie les plus pressans désordres denbsp;I’Estat, et fait promettre au Parlement quelques articlesnbsp;secrets, sous la foy desquels cette Compagnie se repo-
La Declaration dii 22 octobre 1648.
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soit, ie n’en ay rien voulu exécuter, et esté Ie premier a y contreuenir.
Resp, Parceque I’experience a fait voir a la Reine et a son conseil que, pour entretenir cette Declaration, ilnbsp;falloit renuerser les maximes par lesquelles Ie grand Cardinal de Richelieu auoit si heureusement commence denbsp;gouuerner Ie Royaume, et que i’ay du depuis fomenté parnbsp;^es belles instructions qu’il m’en a donné et que ie faisnbsp;gloire de tenir d’vn si grand Politique; ce que sa Maiesténbsp;son Conseil n’ont trouué a propos de faire; d’autantnbsp;^ue ce seroit souffrir que l’authorité du Roy retournastnbsp;du haut point ou nous 1’auons esleuée, a celuy dont lesnbsp;anciens Rois se sont contentez auec beaucoup d’incom-inodité, assuiettis qu’ils ont esté aux formalitez des Es-tats et des assemblees de leurs peuples pour les chosesnbsp;de consequences, ezquelles toutefois l’authorité absoluenbsp;du Roy esclate bien mieux qu’ez affaires communes etnbsp;iournalières.
21. Int. Si ie n’ay pas fait plusieurs leuées de deniers dans Ie Royaume en vertu d’Edicts non vérifiez, et si,nbsp;facilitant par trop les entreprises des Partisans, ie n’aynbsp;pas souffert qu’il se soit communément donné des Arrests au Conseil, par lesquels il estoit ordonné que foynbsp;Seroit adioustée aux coppies collationnées d’iceux par vnnbsp;Secrétaire du Roy comme aux propres originauxet sinbsp;'e n’ay pas sceu que la plus grande partie de gens d’affaires possédans ces offices de Secrétaires pouuoientnbsp;par ce moyen fauoriser les fourbes les vns des autres?
Resp. Pour respondre a eet article, il n’est besoin que
' On peut consulter sur cette pratique Ie Factum notable pour Thomas Oorre/, huissier sergent a cheual au Chastelet de Paris, etc. [1363].
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de considérer que Ie Roy est niaistre absolu des vies et biens de ses sublets, et que si les précédens Roys out faitnbsp;verifier leurs Edicts et Declarations ez Cours Souue-raines, ce n a esté que pour donner plus de couleur etnbsp;d’apparence a ce qu’il estoit par eux ordonné, parcequenbsp;les peuples estoient accoustumez a eet vsage, ou lorsqu’ilsnbsp;out souhaite que leurs volontez fussent transmises a lanbsp;posterite 5 d ou vient que defunct Monsieur Ie Cardinal denbsp;Richelieu et moy ayant esleué par nos soins fauthoritenbsp;du Roy a vn tel poinct, que sans aucune consideration,nbsp;ses volontez sont absolument exécutées par ses sublets,nbsp;nous auons cru inutile de nous arrester a ces verifications; principaleinent lorsque nous auons préueu que lesnbsp;Edicts dont l’exécution estoit nécessaire pour nos des-seins, souffriroient quelque resistance dans les formaliteznbsp;de la lustlce.
22. nbsp;nbsp;nbsp;lm. Si ie n’ay pas préueu que les aduances etnbsp;prests que i’ay introduits, alloient a la ruine de l’Estat,nbsp;et que les Finances se trouueroient a la fin tanl accabléesnbsp;d’intérests, que Ie Roy auroit de la peine a s’en des-charger ?
Resp. Qu’au contraire c’estoit par ce moyen que i’es-pérois sans formalitez exercer la Chambre de lustice, et retirer des Partisans ce qu’ils auroient gaigné auec si peunbsp;de peine, ayant tousiours eu intention, lorsque Dieu auroit donné la paix a la France, de confisquer tous lesnbsp;prests faits par les Partisans et autres gens d’affaires, pournbsp;la peine de leurs maluersations.
23. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si, sans tirer argent de mes coffres, ie n’aynbsp;pas trouué cette inuention de récompenser mes confi-dens aux despens du Roy et de ses sublets, en leur fai-sant achepter des rentes sur 1’Hostel de Ville au denier
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2 OU 3, que ie leur faisois incontinent racheter au denier 12 et 14.
Resp. Qu’en cela l’intérest du Roy n’est pas blessé, puisqu’il ne paye que ce qu’il doit; non plus que celuynbsp;des particuliers, veu que l’on n’a encore veu que l’onnbsp;ait vsé de contraintes pour leur faire vendre leurs rentes,nbsp;^t que d’ailleurs quand elles leur seroient demeurées,nbsp;roanquans de faueur, ils ne pouuoieht espérer pared ra-chapt et aduantage que mes amis qui sont employez dansnbsp;Ie seruice du Roy, recoiuent par ce moyen.
24. Int. Pourquoy i’ay souffert tant de désordres dans la leuée des Finances, que d’auoir permis aux gens d’affaires d’estre arbitres et les maistres des taxes, dont ilsnbsp;auoient pris Ie party; commeil estarriué clans Ie traitténbsp;des Aisez, ou il s’est veu que les particuliers qui auoientnbsp;esté cottisez, apportans Ie tiers ou Ie quart de leurs taxesnbsp;aux Traittants, ils auoient incontinent vn arrest de descharge pur et simple, qui ne despendoit que de la vo-lonté du Partisan, lequel ensuite faisoit adiouster qui bonnbsp;luy sembloit sur son rooie, et bien souuent tel que celuynbsp;qui estoit deschargé auoit pour ennemy, et nommoit ennbsp;sa place, auquel il faisoit porter, capable ou non de cenbsp;faire, la taxe entière, comme s’il n’auoit rien receu dunbsp;premier ?
Resp. Qu’vne seule raison satisfait a ceprétendu dés-•^fdre, lequel nous auons esté oblige de souffrir, parce-Hue les Traittans s’estant rendus adiudicataires de ce P^rty, sous l’espérance qu’on leur auoit donnée, que lanbsp;^declaration par laquelle il estoit authorisé, seroit véri-fiée au Parlement, ce que cette Compagnie ayant refusé,nbsp;^près toutefois que nous eusmes touché les aduances de
party, nous ne peusmes trouuer de plus prompt re-
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méde pour contenter les Partisans, qui nous importu-noient de toute part afin d’auoir des recouurements des pertes qu’ils souffroient a cette occasion , s’estant rencontré quantite de lieux ou les Taxez se préualans desnbsp;defences qu ils obtenoient du Parlement, de les con-traindre pour leurs taxes, que de leur permettre de leuernbsp;ce qu’il leur seroit possible en vertu de ce party, et denbsp;recouurer leurs pertes comme ils pourroient, 1’estat desnbsp;affaires du Roy ne nous permettant pas de leur assigneenbsp;d’autres recouuremens.
25. Int. Pourquoy, pour faire réussir mes desseins, vsant mal de l’authorité du Roy, ie me suis seruy denbsp;moyens si extraordinaires que de bannir des Magislratsnbsp;sans autre suiet que d’auoir expliqué Jeurs pensees auecnbsp;trop de liberté, et maintenu contre ma volonté les droictsnbsp;qui leur appartiennent, et d’esloigner deux Ministres denbsp;la Cour*, dont l’expérience de l’vn et Tintégrlté de l’autre,nbsp;accompagnées d’vne longue fidélité vers la Reine, estoientnbsp;recommandables , sous prétexte que la grande piété denbsp;l’vn ne pouuoit compatir auec la conduite des affairesnbsp;d’Estat, et que ie redoutois pour mon intérest particulier l’esprit entreprenant de l’autre?
Resp. Que l’vtilité de l’emprisonnement des Magistrats paroit par l’exemple des affaires du temps, qui sansnbsp;doubte ne seroient en eet estat, si Ie peuple m’eust permis de continuer mes entreprises, qui se iustifient asseznbsp;en ce qu’il se voit qu’elles n’auoient aucune intention quenbsp;Ie maintien de rauthorlté Royalle. Que l’esloignementnbsp;de Monsieur l’Euesque de Beauuais n’est pas moins iuste,nbsp;non pas que ie tienne absolument que la déuotion soit
’ Polier, évéque de Beauvais et aumónier d'Anne d’Autriche; Léon Le Bouthilier, comte de Chavigny.
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tousiours incompatible auec Ie ministériat, mais parceque dans Ie rencontre particulier, ou il s’agissoit de continuer Ie Gouuernement de TEstat dans les fondemens etnbsp;maximes que defunct Monsieur Ie Cardinal de Richelieunbsp;auoit commence d’establir, et qui ne paroissent pas auxnbsp;yeux d’vn chacun aussi sincères qu’elles sont en vérité ,nbsp;ie vis fort bien de la facon qu’il s’y prenoit, que la grandenbsp;piété a laquelle il est attaché', estoit vn puissant obstaclenbsp;pour Ie faire rëussir en son administration; et de faict ilnbsp;pensa mettre la diuision dans Ie Conseil et fist quelquenbsp;impression dans l’esprit de la Reine lorsqu’il appuya sinbsp;fort les moyens de paix, qu’il s’aduisa vn iour de mettrenbsp;en deliberation, en vn temps qu’elle ne pouuoit encorenbsp;estre proposée, pour songer a son accomplissement. Etnbsp;enfin que i’ay eu aussi raison de procurer 1’emprisonne-ment du sieur de Chauigny, et que c’a esté auec suietnbsp;que i’ay douté l’effet de ses entreprises, qui alloient a Ianbsp;subuersion de l’Estat, ayant recognu par l’examen quenbsp;i’ay fait de son procédé, qu’il estoit trop estudic pournbsp;n’auoir autre dessein que celuy qu’il me tesmoignoit; etnbsp;qne si ie n’eusSe arresté Ie cours de ses pratiques, il n’eustnbsp;plus tardé longtemps a iouer au boute-hors; en quoynbsp;sans doute l’Estat eust beaucoup souffert, attendu lesnbsp;particulières connoissances que i’ay des affaires dunbsp;^oyaume, que ie ne puis descouurir que quand ie verraynbsp;1^ nécessité de me donner un successeur.
26. Int. Si ie n’ay pas employé Ie poison pour me ^éfaire de defunct Monsieur Ie Président Barillon ‘ etnbsp;Pourquoy i’ay mis au hazard les vies de Messieurs de
' D’est une des accusations qui reviennem Ie plus souvent dans les pamphlets. Il „’en est pourtant pas dit un mot dans les Dernières actions et P^foles du président de Barillon, ctC. [1030].
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Beaufort et de la Motte Houdancourt, en leur suscitant des accusations qui ont paru calomnieuses par l’e'uène-rnenl, et par les Arrests qui sont interuenus a leur descharge en deux Cours de Parlement?
Resp. Que par ma qualité de Ministre représentant identiquement la personne du Boy, ie ne dois rendrenbsp;compte a qui que ce soit de la mort de ses sublets, parce-que leurs vies es tans sousmises a nos authoritez, nous ennbsp;pouuons disposer ainsi que nous trouuons bon pour lenbsp;maintien de son Estat. De la vient qu’il suffit que i’aye “nbsp;iuge que Monsieur le President Barillon auoit este et se-roit vn obstacle a Tauancement de mes desseins dans lanbsp;conduite duRoyaume, pour enauoir putirer raison paisa mort, en laquelle les gens d’esprit estimeront beau-coup ma prudence de m’estre seruy d’vne voye extraordinaire et secrete , parceque ie ne le pouuois autrementnbsp;sans interesser vn grand Corps, qui par le ressentimentnbsp;qu’il estoit oblige de tesmoigner, eust pu apporter quel-que desordre dans I’Estat; et que Ton ne me doit im-puter si i’ay prononce cette condamnation sans information et sans forme, d’autant que par cette representationnbsp;de la personne du Prince, ie possède en moy la dispensenbsp;de toutes les Loix et Ordonnances du Royaume, qui nenbsp;sont establies que pour la conduite des luges ordinairesnbsp;et des esprits communs, afin qu’eux qui ne possedentnbsp;cette infaillibilite de iugement, qui est le partage desnbsp;grands esprits, ils trouuent vn ordre dans ces formaliteznbsp;pour ayder leurs deliberations. Que quant a Messieursnbsp;de Beaufort et de la Motte, ils ont tout suiet de senbsp;louer de moy, si ayant iuge que leurs morts n’estoientnbsp;absolunient vtiles a I’Estat, ie les ay renuoyez a des iuri-dictions ordinaires, pour estre eslargis auec absolution.
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27. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si pour me rendre maistre absolu de Ia per-sonne du Roy, ie n’ay pas esloigné des Capitaines de sesnbsp;gardes, et congédié sa garde de mousquetaires a cheual,nbsp;1‘emplie de Gentilshommes trés affectionnez au seruice denbsp;sa Maiesté, pour ne les auoir pu faire condescendre anbsp;•ïies desseins?
Resp. Qu’il est important au bien de l’Eslat qu’en ayant la généralle administration, ie puisse disposer denbsp;toutes les personnes qui y tiennent quelque rang considerable ; et que si i’auois suiuy exactement les mémoiresnbsp;de Monsieur Ie Cardinal de Richelieu, la France ne senbsp;verroit en l’Estat qu’elle est, parceque i’aurois mis dansnbsp;les charges et places de consequence des personnes denbsp;mon intelligence, desquels i’aurois mieux dispose que ienbsp;n’ay fait dans cette vrgente necessité du Royaume.
28. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie n’ay pas eu intelligence auec l’ennemynbsp;de l’Estat, et a cette occasion interrompu Ie cours desnbsp;heureux succès de la France? Si pour faciliter la prise denbsp;Courtray, très-nécessaire au Royaume pour la corres-Pondance des villes des Pays-Bas, ie n’ay pas employénbsp;^Qearmée qui n’étoit que trop suffisante pour résister anbsp;Celle de l’Archiduc Leopold, au siége de la ville d’Ypre,nbsp;1^1 ne se peut garder toutefois et quantes que l’Espagnol
trouuera en estat de l’assiéger, et que pour luy en donner plus de moyen, i’ay empesché qu’elle ne fust for-tifiée ? Si en cette mème année après auoir laissc périrnbsp;^'^Ptnée par les incommoditez qu’elle souffrit, et la ne-ccssité de viures et d’argent, qui firent passer plusieursnbsp;de uos soldats dans les armées ennemies, ie ne suscitaynbsp;la hattaille de Lens, en laquelle, sans vne grace par-dculière du Ciel, 1’ armee du Roy deuoit indubitable-iïgt;ent succomber? Si pour priuer la France de ses raeih
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leurs chefs, ie ne leur ay fait hazarder plusieurs battailles en Catalogue et auxPays-Bas, ezquelles ils deuoient périr,nbsp;n’estant leur courage et bonne conduite ? Si pour faciliternbsp;la mesme prise de Courtray, ie n’en fis pas sortir aupa-rauant Ie siège par vn ordre secret Ie sieur Paluau, gou-uerneur, auec vne partie de la garnison, sous prétextenbsp;de donner secours a Monsieur Ie Prince au siège d’Ypre?nbsp;Si par Ie mesme moyen ie n’ay pas liuré Mardic en Ienbsp;dégarnissant de monde ? Si, dans Ie quartier d’Hyuer denbsp;46, ie n’empeschay pas, sous prétexte de la paix qul se-traittoit, que les recrues fussent leuées; ce qui fut causenbsp;qu’au commencement de la campagne suiuante Ie Roynbsp;n’eutaucune armee considerable au champ , de sorte quenbsp;l’Archiduc eut moyen de prendre tel aduantage qu’ilnbsp;vouliit ? Et si enfin après auoir fait bruit par les Géné-raux, l’armëe estant en campagne, pour fauoriser Ie siègenbsp;de Landrecie, ie ne fis point venir deuers moi les sieursnbsp;Gassion et de Ranssau [Rantzau] , Généraux, sous prétexte de les accommoder de quelque différent qu’ilsnbsp;auoient ensemble, afin, pendant leur absence, de donnernbsp;loisir aux ennemis de former Ie siège, alnsi qu’ils firent?nbsp;Si depuis ces deux Généraux ayant résolu de secourirnbsp;cette ville, cowme il leur estoit aisé de faire, ie ne les ennbsp;empescbay pas par ordre que ie leur enuoyay de ne riennbsp;hazarder ? Si pour faire perdre l’armée du Roy, conduite par Monsieur Ie Prince deuant Leyrida, ie n’ad-uertis pas les Ministres d’Espagne de ce siège, de sortenbsp;que s’y estans préparés , Monsieur Ie Prince trouua au-tant de monde dans la ville pour la deffendre qu’il ennbsp;auoit conduit pour l’attaquer? Si lors qu’au commencement des campagnes les armées du Roy ont esté victorieuses et se sont trouuées en estat de conquérir desPro-
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üinces entières, ie ne les ay pas laissé périr par les ne-cessitez que ie leur ay fait souffrir ? Et enfin si pour tous '^es seruices que i’ay rendus a l’Espagnol, ie n’ay pas receunbsp;pensions de luy et souffert que d’autres suiets dunbsp;^oy en re9eussent, ayant esté aduerty qu’il y auoit dansnbsp;ï’aris vn agent du Roy d’Espagne, lequel payoit les gagesnbsp;peusionnaires qu’il auoit en France, sans que ie m’ennbsp;mis en peine et aduerty Ie Conseil?
Resp. Que la response a tous les chefs de eet article Gespend de la pl us sublime Politique, qui a mesme esténbsp;*Qcognue au diuin Machiauel et que peu de personnesnbsp;Pourront comprendre, a moins que de pénétrer hiennbsp;^i^ant dans Ie secret de eet art; que néanmoins pour ennbsp;^¦endre quelque raison , puisqu’il semble que l’on veuilienbsp;particulièrement insister sur ce poinct, qui de vériténbsp;paroist Ie plus spécieux de tous ceux qui iusques a présent m’ont esté proposez, ie diray ce qui eust esté trésnbsp;'’tile a l’Estat de ne pas diuulguer; que Ie meilleurnbsp;inoyen que i’aye inuenté pour la conseruation de l’Estat,nbsp;^^puis que i’exerce Ie ministère, a esté de pratiquer desnbsp;J*itelligences auec l’ennemy, par Ie moyen de quoy en luynbsp;^'ssant aller quelquefois de petits aduantages, afin denbsp;P^roistre affectionné a son seruice , rien des secrets dunbsp;°nseil d’Espagne ne m’estoit caché , dont i’ay tiré denbsp;^es grands profits pour faire réussir les affaires de lanbsp;tance et obtenir les grandes victoires, desquelles ellenbsp;^ 6st veue victorieuse, depuis que i’ay entrepris sa con-et que ie me suis seruyde ces artifices; dont ayantnbsp;'•ousiours trouué quelque prétexte d’excuse vers Ie Roynbsp;Espagne pour entretenir cette pratique, et qui ayantnbsp;communiquée a mes ennemis, par vne ame infidellenbsp;i eniployois a cette négociation sans luy en dire Ienbsp;1 22
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secret, ils ont pris subiet d’en faire vu chef cl’accusation contre moy, quoy que les iudicieux voient fort bien quenbsp;ces intelligences n’alloient qu’au bien general de lanbsp;France, qui auoient encores eet effet, outre celuy que ienbsp;viens de reniarquer, que i’attirois par ce rooyen de trésnbsp;grandes sommes de deniers des coffres de nos ennemis,nbsp;dont Ie Royaume profitoit, et particulièrement ceux em-ployez aupres de moy pour Ie seruice du Roy, auxqiielsnbsp;donnant cette liberte de receuoir ouuertement ces pensions, cette tolerance apportoit ce bien a l’Estat, que parnbsp;ce moyen ils ne mandoient rien au Conseil d’Espagne,nbsp;qu’ils ne me l’eussent communiqué auparauant; au lieunbsp;que si i’eusse voulu empescher ce commerce, et que ienbsp;n’eusse tesmoigné estre du party aussi bien qu’eux, ilsnbsp;m’eussent si bien cache leurs pratiques que ie n’ennbsp;eusse en aucune cognoissance, et qu’au lieu que ie pro-fitois pour la conduite de l’Estat de ce qu’ils mandoientnbsp;au roy d’Espagne, la France, a cause de ces intelligences,nbsp;en eust receu un notable domage; puisque ceux qui sontnbsp;employe/ dans les grandes affaires, ont remarqué cettenbsp;maxime, qu’il est impossible , quelque diligence ^u’on ynbsp;puisse apporter, qu’ils n’ayent tousiours quelqu’vn denbsp;ceux qui sont auprès d’eux, qui n’ayent des secrettesnbsp;pratiques auec ceux du party contraire ; Et ainsi nenbsp;louera-t’on pas mon adresse, non-seulement par mes artifices d’auoir attiré en France les Finances d’Espagne,nbsp;mais mesme d’auoir espargné les profusions qu’il falloitnbsp;,faire chez les ennemis, pour pratiquer de notre part cesnbsp;intelligences auec eux, puisque sans m’en mettre ennbsp;peine , elles m’estoient descouuertes iournellement sousnbsp;prétexte de fauoriser leur party ?
29. Int. Si ie n’ay pas empesché l’effet de l’entre-
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DE MAZARINADES.
prise de Naples, qui auoit cousté tant de peine au dé-ftinct Cardinal de Richelieu, en retardant Ie secours destine pour y enuoyer ? Si ie n’ay pas fait surprendre Monsieur de Guise entre les mains de nos ennemis ? Etnbsp;®i lorsque ie fus congratuler Madame sa inère du secoursnbsp;Hue ie luy préparois, ie n’auois pas receu les nouuellesnbsp;'lesa prise?
Que c’est Ie seul poinct oü i’ay renuersé a des-sein les entreprises de Monsieur Ie Cardinal de Riche-1'eu; et ce qui m’a excite a Ie faire, a esléce que i’ay ap-pris de l’Histoire, que les desseins sur l’Italie n’auoient J^niais apporté aucun profit aux Francois, et qu’il fal-eit nécessairement que les esprits et la conduite denbsp;'^eux de ce Royaume cédassent a cette nation subtile etnbsp;gUerrière tout ensemble; au lieu que les habitans de lanbsp;l^rance doiuent aduouer s’ils veulent recognoistre la vé-rité, que ce climat ne leur octroye que la dernière denbsp;Ces deux qualitez, et qu’il faut qu’ils obseruent religieu-^cnient cette maxime, de n’attaquer iamais ceux de cettenbsp;*t4tion sans tres grande nécessité, puisque ce n’est pasnbsp;^^^ut d’entreprendre et d’auoir des desseins de conqué-mais qu’il faut pour estre estimez iustes et raison-'t^bles, qu’ils re^oiuent quelque apparence dans leur exé-^tition ; D’oü vient que l’on ne doit trouuer estrange sinbsp;9 ay iugé a propos d’attaquer Ie Roi d’Espagne dunbsp;qu’il est Ie plus fort, non phis que si ayant sceunbsp;^ prise de Monsieur de Guise, ie ne l’ay si tost voulunbsp;cclarer a Madame sa mère, d’autant que ie fus biennbsp;de lui tesmoigner auparauant quelque affection pournbsp;familie, afin de me raaintenir en ses bonnes graces,nbsp;Ministre deuant auoir cette adresse de se conseruer,nbsp;' peilt, tous ceux qui sont en quelque consideration
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GHOIX
dans Ie Royaume; ee (jni retourne au bien et a l’vnion de l’Estat.
30. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie ne suis pas la cause de la mort du Roynbsp;d Angleterre, oncle de sa Maiesté, ayant continué indis-crètement les pratiques que Ie defunct Cardinal de Richelieu y auoit commence , pour allumer la guerre en cenbsp;Royaume ?
Resp. Que i ay receu la nouuelle de cette mort auec douleur, et que ie n en dois estre considéré comme lanbsp;cause, non plus que defunct Monsieur Ie Cardinal; d’aü-tant que i’ay trouué sur ses mémoires , qu’il n’auoit sus-cité cette guerre que pour diuertir Ie secours qu’ilnbsp;scauoit de bonne part que Ie Roy d’Angleterre deuoitnbsp;enuoyer a celuy d’Espagne, lorsque 1’armée du Roy vou-droit assiéger Dunkerque et les autres villes qu’il nenbsp;pouuoit voir en nos mains sans ialousie; mais que Monsieur Ie Cardinal auoit fait estat que Ie party du Roinbsp;d’Angleterre subsisteroit plus longtemps, et que c’estoitnbsp;son intention de luy prester secours et de Ie desgagei’nbsp;de cette oppression , lorsqu’il auroit eu fait la paix auecnbsp;l’Espagne; a quoy il destinoit Ie reste de nos troupes,nbsp;pour empescber les désordres que les soldats accoustU'nbsp;mez en la guerre causent en vn Estat, quand ils se trou-uent oisifs.
31. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si la paix nous ayant été offerte par Ie Roynbsp;d’Espagne et ses confédérez auec des conditions tre-snbsp;aduantageuses pour la France, ie n’en ay pas détournenbsp;l’effet et plutost souffert la désunion de nos Alliez q^^®nbsp;d’y vouloir entendre, pour cette seule considératioo ?nbsp;que ie ne pourrois me maintenir pendant la paix, comto®nbsp;ie fais en temps de guerre ? Si a cette occasion ie nnbsp;pas rendu Monsieur Ie Due de Longueuille malconteot
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ayant veu que ie me seruois de 1’industrie d’vn Plénipo-tentiaire qui n’estoit desa condition, poui’empescher ^ effet de ce que ce Prince auoit arresté ?,Et si ie ne scaynbsp;pas que rArchiduc Leopold en a depuis peu rendu tes-iiioignage au Parlement?
Resp. Que si l’on considère la paix comme fait Ie ^oininun du peuple , c’est a dire comme Ie seul et vniquenbsp;kien de 1’Estat, ie pourrois véritablement encourir quel-^Ue sorte de blasme en ce rencontre; mais si esleuantnbsp;pensees, on considère que la guerre et la paix sontnbsp;Jadifférentes au bien de l’Estat, pourueu qu’il trouuenbsp;moyens de subsister en l’vn ou en l’autre aduanta-§quot;Usement, il n’y a personne, pour peu illumine qu’ilnbsp;en l’art de régner, qui ne iuge mon procédé très-'adicieux, s’il scait que defunct Monsieur Ie Cardinalnbsp;de Richelieu n’a pas taiit declare la guerre dans 1’espé-*¦^006 de prendre quelques villes sur l’ennemy , qui se-peu en comparaison de la despense qu’il faut fairenbsp;pour les conquérir, que pour auoir suiet d’éleuer pen-'¦ant ce temps 1’authorité du Roy au poinct oiiil l’amise;
*1U il n’eust pu faire en temps de paix. C’est pourquoy ^^st auec beaucoup plus de raison qu’ayant entreprisnbsp;®®ieuer de la mesme facon l’authorité de la Régence ,nbsp;^y procure de tous mes efforts la continuation de lanbsp;nefaisant rien contre inoy ce qu’on obiecte pournbsp;t'lasiner, que dans cette pratique i’ay aussi bien eunbsp;Consideration Ie maintien de mon authorité que denbsp;du Roy et de la Reine; d’autant que cherchant anbsp;conseruer, c’est donner inoyen a leurs Maieste/ denbsp;ö^t'der cette puissance absolue que nous leur auons don-sur leurs subiets; pour laquelle maintenir, il est né-®®'*aire qu’elle soit aydée par vn ministre absolu et
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nourry dans nos maximes; Ayant fait en sorte que cette dignité est maintenant plus nécessaire a la France ennbsp;l’estat que les choses sont réduites, que toutes les autresnbsp;ensemble.
32. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si cette prorogation de la guerre n’a pasnbsp;esté cause des progrez du Turc en la Chrestienté, lesnbsp;Princes Chrestiens estans empeschez en cette guerre do-mestique ? Si Ie Pape et les Vénitiens ne m’en ont pasnbsp;fait reproche? Et si ie n’en ay pas tiré recompense dunbsp;Turc ?
Resp. Que ie n’ay pas creu que Tintérest general de la Chrestienté deust estre preferé au bien particulier denbsp;la France, tel que ie viens de Ie monstrer en respondantnbsp;en Partiele précédent. Et si en seruant mon Maistre, Ienbsp;Turc s’est persuadé que ie luy rendois seruice pour sanbsp;seule considération, il est certain que ie n’ay deu refuser ses présens , puisqu’ils ne m’obligeoient a faire chosenbsp;quelconque qui ne fust pour Ie seruice du Roy de France-
33. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Pourquoy i’ay enleué nuictamment Ie Roynbsp;hors de Paris et mis la confusion dans toute la France?
Resp. Que la raison n’en est appuyée que sur ce fondement légitime, de maintenir Pauthorlté Royalle , qU® ses subiets vouloient auilir en seseimant de eet aduantag®nbsp;qu’ils tenoient Ie Roy et ses Ministres en leur puissance-
34. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Pourquoy done, pour trouuer prétexte »nbsp;eet enlèuement, et pratiquer la désvnion entre Ie Pa®'nbsp;lement et les Bourgeois, i’ay tasché de calomnier cettenbsp;Compagnie par la lettre que ie fis enuoyer a l’Hostel d®nbsp;Ville, et par les libelles que i’ay du depuis semez dansnbsp;les rues’ ?
etc-
' Lettres et declaration du Roy sur Ie suiet de sa sortie de Paris, [8289], Les libelles sont ap^tareinmeni les deux billets : A gt;/ui nime
-ocr page 361-Resp. Que les maximes d’Estat ne veulent pas que ^ on descouure tousiours au peuple les véritables motifsnbsp;actions de ceux qui en ont la conduite; et quoy quenbsp;^ authorité Royalle soit vn prétexte trés equitable, quenbsp;**eanmoins parcequ’en certains rencontres elle cboquenbsp;liberté des peuples, cela en imprinie quelque auersionnbsp;Jans les esprits des moins obéissans, qui ne considèrentnbsp;point que Ie Roy ne s’eslèue et n’establit son pouuoirnbsp;pour mieux les deffendre contre les ennemis com-*®ons. De la vient que i’ay cru a propos de reietter lanbsp;®®rtie du Roy sur les entreprises du Parlement contrenbsp;personne, afin que Ie peuple en conceuant quelquenbsp;‘odignation contre eux, il refusast de prester assistance ;nbsp;'^ont cette Compagnie ne me doit s^auoir manuals gré,nbsp;pUisque tout mon procédé n’a esté que pour Ie maintiennbsp;de l’authorité Royalle, auquel elle est obligee aussi biennbsp;^Ue moy.
35. Int. Si ie n’ay pas donné conseil a la Reine de ^'oiner Paris ?
Resp. Que ce n’a iamais esté mon dessein de faire au-désordre en la ville, mais bien d’en affoiblir insen-^^^^lement les forces, en ostant les Compagnies souue-*'^mes et la Cour de sa Maiesté, paree qu’ayant recognu H'io la grandeur de cette ville seruoit de contre poids anbsp;^Otborité du Roy, i’ay creu qu’il alloit de mon Minis-|ere et de mon deuoir de retraneber eet empeschementnbsp;^ puissance absolue de sa Maiesté.
Lis et fais, répandus dans Paris par Ie chevalier de La Valette la nuit du 11 février. II résulterait ainsi de ce passage que j’ai eunbsp;placer Ie Sommaire de la doctrine curieuse dans la Liste chronologi-^ Mazarinades, sous la date du 8 janvier. J’aurais dü la reporternbsp;l''^ti prés vers l’ouverture des conférences de Euel.
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36. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Siiene me suis pas seruy de charmes et autresnbsp;inuentions diaboliques pour me conseruer la bonne vo-lonté de la Reine, et pour attirer de mon party Messieurs Ie Due d Orleans et Ie Prince de Condé?
Resp. Que i’ay tousiours eu horreur pour les sortileges; et néanmoins qua mon aduénement au Ministère, vn de mes Confidens me congratula d’auoir employé Ienbsp;sort pour Ie faict sur lequel ie responds; mais que ie nenbsp;l’ay iamais aduoué, et luy ay refuse mesme quelque recompense qu’il croyoit obtenir de moy a cette occasion.
37. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si toute ma religion n’est pas établie sur lanbsp;doctrine de Machiauel, ne tesmoignant aucun zèle pournbsp;la loy Chrestienne, veu qu’il semble que ie n’approchenbsp;des Sacremens et fasse cas des mistères de l’Église quenbsp;pour me purger de l’infidélité dont on me pourroit accuser?
Resp. Que ma qualité de Cardinal me laue assez de cette accusation, et que cette dignité me doit rendrenbsp;tres ardent pour la doctrine qu’enseigne TEglise Catho-lique, Apostolique et Romaine; mais que ce qui trompenbsp;ceux qui examinent de si pres mes actions, est que i’es-time que la déuotion extérieure n’est pas celle qui doiuenbsp;estre la plus affectée.
38. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ie n’ay pas exercé la simonie la plusnbsp;odieuse' qui fut iamais, en baillant des millions a ceuxnbsp;qui se sont employez vers Ie Pape pour obtenir a mo»nbsp;frère, Ie Cardinal de Sainte Cécile, Ie chapeau auec Ie*nbsp;quel il est mort ?
Resp. Que cette accusation seroit bonne a proposer a vne personne qui tiendroit vn moindre rang dans I’Eglist^;nbsp;mais qaen estant vn des Princes, i’ay pu me dispense!
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(quoy que disent les Canonistes du contraire) de toute tache de simonie. ainsi que i’ay appris d’vn tres subtilnbsp;Politique.
39. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si ayant pris Ie soin de faire diuertir Ie Roynbsp;et sa Cour par les Comédiens que ie luy ay fait venirnbsp;3’Italie , et les somptueux balets qui ont estez danceznbsp;deuant sa Maiesté par mon ordre, ie n’ay pas souffertnbsp;qu il y receust de très-mauuaises instructions par lesnbsp;discours scandaleux que tenoient les acteurs, et par leursnbsp;actions qui n’estoient Ie plus souuent que maquerellagenbsp;de l’vn et de 1’autre sexe ?
Hesp. Qu’il en va autrement de l’instruetion des ieu-ïies Princes que des autres enfans, parceque les vns ayant a gouuerner vn Estat et viure auec les ineschansnbsp;aussi bien qu’auec les bons, il est a propos qu’ils co-gnoissent Ie mal comme Ie bien , dont ceux qui ne sontnbsp;de cette condition peuuent se dispenser dans leur vienbsp;particuliere.
40. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Quelles sont les maximes desquelles ie menbsp;suis seruy pour administrer l’Estat ?
Hesp. Que i’en ay declare vne partie en me iustifiant des accusations qui me viennent d’estre obiectées en 1’in-terrogatoire que ie preste; Que pour les autres elles dependent de la Politique secrette qu’il importe au biennbsp;de l’Estat de tenir cachée, paree qu’elle paroist plus insupportable aux peuples qui ne sont versez en cettenbsp;Science, de laquelle inesine pour cette raison ie me suisnbsp;^bstenu de parler en mes Responses, quoy qu’elle eustnbsp;Pu me seruir extresmement pour iustifier mes actions etnbsp;conduite.
41. nbsp;nbsp;nbsp;Int. Si affectionnant Ie bien de l’Estat, comme ienbsp;‘^’s, ie n’eusse pas mieux fait de retourner en Italië pour
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rendre Ie repos a ce Royaume que ie lui oste par ma presence ?
Resp. Que ie ne pourrois faire vn plus grand préiu-dice a 1 authorite du Roy et de la Reine, et que ce seroit mesme prolonger les troubles du Royaume , paree quenbsp;donnant eet aduantage aux peuples de m’esloigner pournbsp;leurs plaintes, ils ne manqueroient pas lorsqu’ils au-roient couceu vne pareille indignation contre celuy quinbsp;me succéderoit, de susciter les mesmes emotions qu’ilsnbsp;ont fait en ce temps contre moy ; ce qui arriueroit indu-bitablement, puisqu’a ce qu’ils tesmoignent, ce n’est pasnbsp;tant ma personne qu’il leur déplaist, que la facon de la-quelle ie conduis l’Estat; d’ou vient que tous ceux quinbsp;sont auiourd’huy proche de leurs Maiestez et qui nenbsp;manqueront pas d’artifices pour s’y maintenir, estantnbsp;nourris dans les mesmes maximes, il est impossible quenbsp;l’Estat change de conduite, et par conséquent que lesnbsp;suiets de plaintes pour les peuples cessent si Ton n’y ap-porte vn autre remède, et qu’il ne leur soit puissammentnbsp;resisté; de softe que pour Ie bien de l’Estat, i’ay iugénbsp;mon restablissement d’vne telle consequence, que i’ainbsp;conseillé a la Reine de plustost hazarder la Couronne denbsp;son fils , que de ne pas tirer raison de l’iniure qui m’estnbsp;faite, et de ne me restablir au rang que ie tenois dans Ienbsp;Royaume.
42. Int. Si i’entends prendre droict par les informations qui ont esté ou seront faites contre moy ?
Resp. Que très-volontiers , pourueu qu’elles ne con-tiennent autres choses que les chefs sur lesquels on me vient d’interroger.
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Im response a la lettre du cürdirtal Mazarin.
Monseigneur,
I’ay cru que la consequence de 1’affaire que vous me faites I’honneur de me communiquer par celle que i’aynbsp;receue de vostre Éminence, désiroit vne plus promptenbsp;response que celle que vous demandez de moy. C’est Ienbsp;suiet pour lequel ie vous enuoye ce Courrier extraordinaire , pour vous mander mon sentiment, touchant lanbsp;comparution que vous auez résolu de faire au Parlement , pour vous purger des calomnies que l’on vousnbsp;impose, et vous dire auec liberté ( puisque vous me tes-moignez Ie souhaitter ainsi) que vous deuez bien vousnbsp;donner de garde de mettre votre dessein a execution surnbsp;la confiance que vous auez de la iustice des Responsesnbsp;que vous auez dressées contre les Faicts dont on vousnbsp;accuse; car combien que vostre Politique et Art de régnernbsp;vous mettent a couuert de tout reproche, vous deueznbsp;néantmoins considérer que ceux deuant qui vous aueznbsp;a vous représenter, ne cognoissent pas les maximes denbsp;Machiauel ny de Monsieur Ie Cardinal de Richelieu, nonnbsp;plus que celles que vous auez inuentées par vos artificesnbsp;(puisque c’est vn des mots de Part), pour regies de leursnbsp;lugemens, comme vous vous les estes proposez pour butnbsp;et conduite de vos actions; de sorte que ie suis faschénbsp;de vous dire, Monseigneur, que Ie Parlement qui ne re-cognoist autre loy en ce Royaume, a l’égard de telle per-sonne que ce puisse estre, que les Ordonnances Royaux,nbsp;trouueroit en vos Responses, de la facon qu’elles sontnbsp;conceues par votre Mémoire, plus de cent chefs pournbsp;prononcer vostre condamnation. C’est pourquoy, Mon-
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seigneur, pour ne pas flatter vostre Éminence en vn rencontre oü il importe de luy declarer la vérité , ie se-rois d’aduis puisque vous me faites l’honneur de partici-per a vos conseils, que vous chercliiez vostre salut parnbsp;tout autre moyen que celuy que vous me proposez. Ienbsp;vous prie de receuoir ce sentiment de celuy qui ne s’estnbsp;porté a vous Ie dire auec tant de liberté, que dans Ienbsp;dessein que i’ay de vous tesmoigner que ie suisnbsp;De vostre Éminence,
Monseigneur,
Vostre très-lmmble et très-obéissant seruiteur,
T. T.
De Paris ce 2 iour de mars 1645.
(4 raars 1649 )
En ce mois de Mars bien nommé,
Ou Mars s’est si bien escrimé,
A Paris, la plus rude escrime Est de la prose et de la rime.
Mais si dans ce siècle peruers,
Oü tant de gens vont de trauers.
La mienne ne choque personne,
Elle est la seule qui pardonne;
Car il n’est si peu médisaut Qui n’ait a médire a présent.
’ G’est, au jugement de Naudé, la cinquième entre les pieces dont on pent faire estime.
-ocr page 367-Mais trèue d’iniures : silence, le veux loner vne excellence.
Ce litre vous est bien acquis Autant que celuy de Marquis ,
Marquis dont le courrier raconte Plus que d’aucun Baron ny Comte,
Et qui narguez les fanfarons,
Soit Marquis, Comtes on Barons,
Marquis encor a meilleur litre Sur VOS terres qu’en mon Epistre,
Qui ne croyriez pas vous tromper,
Vous changeant contre vn Due et Pair,
Fleur de la valeur Poiteuine;
Qui par ce nom ne vous deuine,
II n’entend pas a demy mot Et ne boit pas a vostre escot.
Pour vous la bonne renommee Tout cet Hyuer s’est enrumee;
Et son mary, le bon renom,
S’enroue a chanter vostre nom;
A qui ie crieray de loin vine,
En attendant que ie vous suiue;
Vos coureurs vn pen trop ardens Ont mis les miens dessus les dents.
Tandis qu’ils sont sur la litière,
La Muse a beau prendre carrière.
On vous proclame a haute voix Le grand Gassion des conuois *.
Ce titre voue est vn reproche;
Et cette comparaison cloche.
Aux conuois, sauf correction,
Vous n’estes point vn Gassion.
burl,
Le mot est de l’abbé de Laffemas dans la Lettre a monsieur le Cardinal.
¦estjue, voyez plus baut.
350 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
II prit mal Ie soin qui yous touche,
De courir sus aux conuois de bouche, Quoy qu’il eust dans ses beaux exploits,nbsp;Comme vous, Ie coeur tout Francois.
Au viure, il ent 1’ame Espagnole.
II eust vescu d’vne brignolle;
D OU vient qu'il a bien escorte Des conuois de sobriété ;
D’armes, bpulets, poudres et mesche, De toute munition seiche.
Vous plus fin, sans comparaison, Munissiez vostre garnisonnbsp;De munition grosse et grassenbsp;Et des beaux fruits de vostre cbasse,
De conuois pour Ie Mardy Gras,
Que Gassion ne festoit pas.
Mal vit qui se réfectionne De conuois a la Gassionne.
Done vous nommer vn Gassion Aux conuois de refection,
C’est vous dégrader de vous mesme Et nommer Mardy Gras Caresme.
Ce preux faisoit des prisonniers Qui diminuoient ses greniers,
Et qui mangeant Ie pain de France,
A leurs vainqueurs faisoient despense. Vous faites en grand mesnagernbsp;Des prisonniers bons a manger,
Qui ne mangent point, chose estrange , Pareeque d’emblée on les mange;
Et vons enleuez des quartiers Qui sont des troupeaux tout entiers.
Si Gassion dans nostre armee Ou dans nostre ville affameenbsp;Eust este le seul pouruoyeur,
-ocr page 369-Ge discours me donae frayeur,
11 auroit rendu vaine et nulle La dispense qui nous vaut Bulle *;
Et sans crainte de se damner,
Ce huguenot m’eust fait ieusner.
II eust réduit les boucheries A quester dans nos escuries.
On eust rosty iusqu’aux cheuaux Qui seruent a vos grands trauaux.
I’ay leu qu’vn Seigneur D. L. T. “
Grugeoit des rats en sausse douce.
On eust fait par nécessité Ce qu’il faisoit par volupté.
On eust fait cuire a des brochettes Des souris en guise d’allouettes;
Et si nos chats eussent rongé Nos souris sans nostre congé,
Nostre recours sur les chats mièures Nous les eust fait gTuger en lièures.nbsp;Auiourd’huy sans tant de faconnbsp;On prend pour farine du son.
Sacs de piastre eussent eu la mine D’estre pris pour sacs de farine.
C’eust esté la prouision Que nous eust laissé Gassjion.
On ne pent sans mahce noire Barbouiller sa noble mémoire;
Mais ie dy, sans Ie blasonner,
Qu’il ieusnoit et faisoit ieusner.
Au contraire vostre prudence Nous fut la corne d’abondance.
' Les Parisiens avaient été dispenses de faire maigre par un règlement 1’archevéque en date du 18 février.
* De La Trousse. N’ai je pas Ui cette anecdote dans les lettres de de Sévigne ?
352 nbsp;nbsp;nbsp;GUOIX
Comes en abondance au moins Nous venoient de vos nobles soins,nbsp;Cornes d’honneur et de conquestesnbsp;Qui tenoient a de grosses testes,
Et ces testes a de gros corps Qu on pouuoit nommer boeufs pour lors;nbsp;Mais bientost dans mainte bedainenbsp;Ces bestes prenoient forme humaine.nbsp;Vous nous sustentiez de bon suenbsp;De ces gros oyseaux de Sainct Luc,
De ces pigeons de riche taille Et dont Poissi nous rauitaille.
Paris nommoit ses nourissiers VouE et vos lestes Officiers;
De quoy Corbeil n’estoit point aise;
Ce mot soit dit par parenthèse.
La haute classe des censeurs,
Des raffinez et cognoisseurs N’a pu que sur Ie tard cognoistrenbsp;Que vous scauez des coups de maistre.nbsp;Vostre bras, quoy qu’esgal, tousiours,
Ne s’est pas mis a tous les iours.
Vos plus généreuses coruées Au besoin s’estoient resei uées.
II falloit pour vous mettre aux champs, Voir liguez luges et Marcliands;
II falloit voir les barricades Deuant que voir vos caualcades.
Certes Madame la faueur N’a point tenté vostre ferueur;
Et vous n’auez pris exercice Que pour Damoiselle lustice.
La ville auec ses Escheuins Vous deust regaler de bons vins.
Baise mains de la Bourgeoisie
3r)3
Sont deus a vostre courtoisie.
Les trafficants du pié fourché Vous font des vceux en plein marché.nbsp;Sans vous les bouchers sans pratique,nbsp;Cliaugeant d’art et non de boutique,nbsp;Faute de bceufs et de moutons,nbsp;Auroient vendu des rogatons,
Comme vne fort légere viande Dont la Bourgeoisie est friande.
Mais vostre grosse venaison Nourrit mleux nostre garnison.
Ie diray plus : vostre prouesse A muny de coeur et d’adressenbsp;Tels qui n’en auolent pas beaucoup,nbsp;Qui n’auoient iamais veu Ie loupnbsp;Ny la guerre qu’en la Ga/.ette,
Ou de loin par vne eschauguette. Vous meniez bien ces caualiersnbsp;Quoy que montez sur des malliers.nbsp;lis se piquoient tant de brauourenbsp;Qu’ils se délassoient mesme a courre;nbsp;Et courant de nuict comme vous,nbsp;Sans craindre loups ny loups-garous,nbsp;Après vous ils fendoient les crottes,nbsp;Sans crainte d’y laisser les bottes,nbsp;Comme a Ville luif nos Courtaus ‘
’ C’est la journée de Juvisy.
« Le Dimanche ou Ie vingl-quatre {janvier^. Sortirent tous prests a se battre,
Sans manteaux, en mignard-souliers,
Le bas de soye et les cartiers
(Car ceux qui craignoient plus les crottes,
N’auoient que de petites bottes).
Gage, Lecteur, que tu m’attends A nommer nos fiers habitans
23
-ocr page 372-354 nbsp;nbsp;nbsp;CIIOIX
Qui 11 estoient pas des plus riistaus.
De peur de laisser dans la neige Leurs pieds trop légers pour vn siège,
Ils y laissèrent leurs souliers,
Non par paires, mais par milliers.
Cette restiue infanterie Suit mal vostre uauallerie.
Que de faux braues de Paris Sur vos pas se sont aguerris!
Le Soleil enuioit la Lune,
Qui les voyoit brusquer fortune,
Faisant de nuict maint coup hardy Qu’il eust fait beau voir a midy.
Que dans la conqueste des vaches lis ont rabatu de moustaches!
Qu’lls ont sanglé de horions Sur salades et morions !
Ils ne chargeoient point en pagnottes Les casques et les bourguignottes.nbsp;lis tailladoient a tour de brasnbsp;Les cuirasses et buffles gras,
Les casaquins et les casaques,
Et des Reistres et des Polaques;
Cognant sur ces rustres minois Comme comedies sur des nois.
On ne verra point de recrue De ces mangeurs de viande crue,
De peur qu’ils ont d’auoir a dos Des guerriers cy deuant badaus.
Ainsi par vous s’est aguerrie
Qui contre la pluye et l’orage N’auoient porté que leur couragenbsp;Et qui la plus part les pieds nuds,
De luvisy sont reuenus. gt;gt;
Le Cowrier francais [830], 3' arrivée.
-ocr page 373-355
Ea fleur de la badauderie. lamais ny Maugis d’Aigremontnbsp;Ny tous les quatre fils Aymondnbsp;N’entraisnèrent portes cochères.
Vous rendiez ces portes légères,
Puisque c’estoient cheuaux legers Qiii vous suiuoient par les dangers.
Maïs depuis peu cette leunesse Court a la Hotte de Gonesse;
Dès que Ie pain fait son reflus,
Ces coureurs ont les pieds perclus.
Pour vous qui galoppez trop viste,
Qui cliangez trop souuent de giste ,
Ou plustost qui ne gistez point,
Vostre liet est vostre pourpoint.
Si parfois vostre corps sommeille,
Vostre ame a la puce a l’oreille.
Rolland sur son haut destrier Donnoit Ie pied dans l’estrier;
Et sa valeur si bien iuchée Perdoit Ie soin de la couchée.
Vous non plus que luy las d’aller, ïousiours les deux iambes en l’air.
Et Ie corps ferme dans la selle,
Comme en bronze on voit Mare Aurclle, Mais non comme luy permanant,
Postez du Leuant au Ponant,
Trottez de l’vn a l’autre Pole;
Mais ces mots sentent l’hyperbole;
Disons vray : par monts et par vaux, lour et nuict sur vos giands cheuauxnbsp;Vous renouuellez la courantenbsp;De la cheualerie errante.
Paris qui vous a fait venir,
N’a pu lougteinps vous contenir.
II faut bien vne autre carrière A vostre agilité guerrière.
On disoit a vostre despart :
Ce braue s’en va quelque part.
Depuis i’ay sceu que c’est au Maine Que vostre valeur se promène,
Pour y grossir des pelotons Non plus de boeufs ou de moutons,
Non plus de trouppeau, mais de trouppe, Rude aux coups autant qu’ii la souppe;nbsp;Geus au Maine aussi bien choisisnbsp;Que nos guerriers eu Parisis.
La fureur des Normands fut grande.
Après cela ie vous demande S’il fera bon estre ennemynbsp;Des Manceanx, Normands et demy,nbsp;Manceaux plus dangereux aux hommesnbsp;Que les Normands Ie sont aux pommesnbsp;Et plus qu’eux diables en procez.
Mais dans Ie doute dn succez
S’ils sont bien chez eux, qu’ils s’y tiennent;
Ou s’il est bon qu’ils nous soustiennent,
Paris receura volontiers
Vn renfort de leurs coquetiers.
En ce cas donnez leur escorte;
Ie vous en prie et vous exhorte En Thonneur des conuois passeznbsp;Que nous auons bien fricassez.
Seigneur, conuoyez nous encores,
Au lieu de ces grosses pécores,
Vn conuoy de cbapons du Mans,
La charge de mille iumens,
Par paniers bons a barricades ,
En cas d’assauts ou d’ambuscades;
Et couronnez vos bons exploits
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Par Ie plus friand des conuois.
Après, que Ie grand la Boulaye N’ait aux combats bigne ny playenbsp;Et despense moins ses deniersnbsp;En chlrurgiens qu’en cuisiniers.
Quand ie fais rencontre en campagne De ces gros buffles d’Allemagnenbsp;De * * on de * * Pons,
Sur Ie qui yiue, ie respons ;
R.espect de Saint Germain en Laye, Viue Ie brane la Boulaye,
Par qui grassement ie vescus Sur la moustache du blocus.
11 passe enfin comme tont passe,
Et vient de fondre auec la glace. Pourueu qu’il n’y retourne plus,
Dieu Ie conduise; et ie conclus Que Dieu vous conduise vous mesme,nbsp;Pour reuenir après Caresmenbsp;Manger chez vos confédéreznbsp;Des chapons que vous conuoirez.
Que vostre valeur les conuoye Ou que vostre ordre les enuoye,nbsp;Pourueu qu’ils viennent a bon port,nbsp;Nous vous en payerons Ie portnbsp;En santez, payement commode.
Payer en or n’est plus la mode.
Qu’ils viennent plus tost que plus tard; Nous changerons leur plume en lard.nbsp;Pour eux nous ferons sans lésinenbsp;Des feux de ioye a la cuisine;
Et grande chère auec grand feu,
C’est nostre compte et vostre ieu.
Si la feste n’est assez bonne Pour vous conuier en personne,
358
Ie Ie dis et
Qu’il vienne persoimellement Vingt mille chapons seulement.nbsp;Que de chapons dans vne Epistre!nbsp;Mais i en snis sur vn bon chapltre;nbsp;Et ie n’ay point des complimensnbsp;Si gras que vos chapons du Mans.
ne m en puis taire,
Ie Ie redis et réiière,
Que, foy d Autheur, ie vous respons De faire honneur a vos chapons.
C est la mon dernier mot pour rire. C’est Ie mieux que vous puisse escrircnbsp;Geluy qui fut, est et seranbsp;Votre trés humble et cetera.
Si ie signois Cheualier George^ I’aurois menty non par la gorge,
Mais i’aurois menty par les doits.
Fait a Paris en badaudois,
L’an que toute arme estoit fourbie, Pendant vn Caresme ampbibie,nbsp;Moitié chair et moitié poisson,
Moitié fariue et moitié son.
(4 mars 1649.)
Messieurs, i’ay a vous deraander pardon d’abord i’ose faire porter a cette lettre Ie titre d’auis a vostre
* II n’y a peut étre pas de Mazarinade qui ait fait plus de bruit dans Ir temps et recu plus d’éloges. Naudé la cite comme un exemple de ceqnr
-ocr page 377-cour, parcequ’il semble que ie veuille donner de la lu-fflière au soleil, ou des eaux a l’Océan; néanmoins mon excuse vous paroistra peut-estre legitime, si ie vous disnbsp;(jue les plus grands esprits, pour estre trop attachez auxnbsp;deflexions qu’ils font sur de hautes affaires, choppent as-sez souuent en celles qui sont fondamentales, parcequ’ilsnbsp;les negligent comme leur parolssant trop petites. L’on anbsp;demarqué Ie tour que fit vne Milésienne au Philosophenbsp;Tlialès : elle Ie voyoit tousiours occupé dans la contemplation des astres, et les yeux fichez sur les cieux, etnbsp;aiesme en marchant par les rues; pour luy faire pressen-Dr qu’il deuoit penser premièrement a ses pieds, elle mitnbsp;^uelque escabelle deuant luy, qui Ie fit tomber. C’est ennbsp;'^ain qu’on coupe les branches de ces mauuaises plantesnbsp;qui s’attachent aux bonnes; si l’on n’en arrache la ra-cine, Ie premier printemps leur redonne la naissance, etnbsp;les fait bien souuent repousser auec plus d’étendue. IInbsp;Vous en peut arriuer de niesme dans la conioncture desnbsp;affaires présentes; car si vous ne déracinez les désor-
suiit lesbonnes pièces dansleurs formes extérieures : 1’lmpression, Ie litre, Uoiiiljre des feuilles, et dans leurs formes intérieures : la compositionnbsp;w Ie style. Guy Patin en fait grand cas; et Mailly ne manque pas de lanbsp;®‘gnaler.
Df's son apparition , une vive polémique s’engagea sur plusieurs pas-®^ges de la Lattre et particulièrement sur celui-ci: « Les roys cesseiit d’estre *Vys quand ils abusent de leur authorité. Les suiets sont dcliés de leursnbsp;^^cincns quand les roys contreuiennent aux leurs. » On ne compte pasnbsp;agt;oins de neuf pièces de cette controverse qui sont : Róponse ct réfuta-du discours intitule : Lettre d’auis, etc. [3443]; Réplique au suffisant etnbsp;'^”ptieux censeur de la Lettre d’auis, etc. [3353]; Censure de l’iusuffisante etnbsp;P'c!endue réponse fake a la refutation de /«Lettre d’auis, etc. [669] ; Véri-censure de la Lettre d’auis, etc. [3924); Donion du droit naturel di-rtc. [M70]; Ruine du mal nomtné ou Ie foudroiement du Donion, etc.
Retorquement du foudre de Jupinet, etc. [3526]; lugement et cen-des trots lihelles: la Réplique, Ie Doiiion et Ie Retorquement, etc.
' nbsp;nbsp;nbsp;; Discours chrétien et politique de. la puissance des roys.^ etc. [11031.
360
CIIOIX
dres qui s’attachent maintenant au Ministère, vous y pourrez bien en effet apporter quelque amendement;nbsp;mais Ie principe y demeurant, ce sera tousiours a recom-mencer; et vous vous exposerez au hazard de les reuoirnbsp;dans peu de temps régner, et peut estre auec beaucoupnbsp;plus de violence. Prenez done en bonne part, Messieurs,nbsp;quelques reflexions que faisoit naguère vne compagnienbsp;assez considerable dans la Prouince sur les mal-heurs denbsp;nos iours, et qu elle me pria de vous addresser. Ie 1’au-rois fait plustot sans que nous ne receuions a tóutenbsp;heure de la part des Ministres de Saint-Germain quenbsp;des gazettes et des billets, ou 1 on disoit que Paris estoitnbsp;aux abois, que l’ardeur des bourgeois n’estoit qu’vn feunbsp;de paille, que Ia prise du village de Charenton et denbsp;Brie auoit mis la consternation si auant dans leurs espritsnbsp;qu’ils estoient prests de se mutiner contre vous et contrenbsp;vos chefs, que la diuision s’estoit mesme desia glisséenbsp;parmy les Généraux; en vn mot, qu’ils estoient sur Ienbsp;point d’aller a Sainct-Germain, la corde au col, pournbsp;demander pardon de ne s’estre pas laissé mourir denbsp;faim. En effet vne nouuelle qui nous vint en mesmenbsp;temps de Paris , nous confirmoit en quelque facon toutnbsp;cela, qui portoit que vous parliez desia d’accomodement,nbsp;et que mesme vous condescendiez a vne paix, dont lesnbsp;articles estoient fort peu auantageux, pour ne pas direnbsp;pis. Mais vostre poste nous a enfin désabusez et asseureZnbsp;du bon ordre de vostre ville et de la bonne intelligencenbsp;qui est entre les Bourgeois et vous. Ce qui m’a oblige denbsp;despescher la présente et de vous l’enuoyer, afin que sinbsp;vous venez a quelques termes d’accomodement, vousnbsp;examiniez quelques causes que ie marque, d’oii nousnbsp;croyons que prouiennent tons nos maux, et que vous
DE MAZARIIVADES. nbsp;nbsp;nbsp;361
y apportiez Ie retnède que vous iugerez estre nécessaire.
La première cause que nous trouuions, est que vous ne faites pas assez de reflexion sur ce que vous estes.nbsp;Nous ne sommes généreux qu’autant que nous lecroyonsnbsp;estre, comme nous ne sommes poltrons que pour auoirnbsp;trop de defiance de nos forces; c’est pourquoi, dit-on,nbsp;Lieu ne voulut pas donner aux animaux la connoissancenbsp;de ce qu’ils pouuoient; autrement Tliomme n’auroit ia~nbsp;inais pu en venir a bout ny les dompter comme il fait.nbsp;Si vous auiez considéré plustost Ie rang que vous teneznbsp;dans l’Estat, et Ie suiet de vostre establissement, vousnbsp;n’auriez pas supporté toutes les indignitez qu’il vous anbsp;fallu misérablement souffrir durant Ie règne passé etnbsp;pendant la Régen ce ; et vous vous seriez opposez forte-ment a tant de concussions qui se sont commises a l’op-pression des peoples, dont vous deuez estre les Pères etnbsp;les Protecteurs.
Car I’on ne peut oster a vostre Parlement, qu’il ne soit Ie soleil de toute la France et peut estre de toute l’Eu-rope, puisqu’il n’y a guère de Prince qui n’en reuère lesnbsp;Arrests (tesmoins les sentirnens de 1’Archiduc Léopoldnbsp;flu’il vous a fait déclarerpar son courier*) et qui ne croyenbsp;pas qu’ils partent de la cour de ces grands Aréopages ounbsp;du Sénat Romain en sa splendeur. Comme a vray dire,nbsp;vous n’estes ni moins Vénérables ni moins Augustesnbsp;qu’eux; et si vn second Cynéas vous voyoit en corps, ilnbsp;pourroit dire a iuste titre ce que dit l’ancien , en voyantnbsp;la cour Romaine : que la vostre ne lui sembleroit pas vnenbsp;assemblée d’hommes., mais vn consistoire de Rois. Sou-
* heritable harangue faite a messieurs du parlement par Ie conrrier..,. /’archidtic Léopoldy ctr. [3936].
-ocr page 380-362 nbsp;nbsp;nbsp;CHOiX
uenez-vous done, Messieurs, que vous estes ces Dieux Consentes^ sans lesquels les Roys ne peuuent rien faire denbsp;iuste ny de consequence dans le gouuernement de leursnbsp;peuples; que vous deuez estre I’azile et les Genies tute-laires de toutela France, la Lumière des bonnes moeurs,nbsp;et les Maistres de 1 équité; que vous estes les premiersnbsp;mobiles qui faites mouuoir toutes les Prouinces par lenbsp;contrepoids de vos iugements, et que vous les emporteznbsp;par rapidite; en vn mot, que vostre Compagnie doitnbsp;estre composée de tout ce qu’il y a de meilleur et de plusnbsp;excellent en tout le Royaume, puisque de vous dependnbsp;toute la lustice qui s’y exerce. Aussi n’y a t’il personnenbsp;qui vous dispute ces qualitez; toutes les 'Villes et lesnbsp;Prouinces se rendent obeissantes a vos Arrests; et tonsnbsp;vos frères des autres Parlemens ne parlent de vousnbsp;qu’auec des respects qui vous sont deus, et par vostrenbsp;mérite et par le droict d’ainesse et de primogeniture; si bien qu’il vous est trés facile maintenant, et ienbsp;dis dauantage , vous estes obligez de reprendre vos premières brisées, et de rentrer dans la glorieuse iouissancenbsp;de tous vos droicts et priuilèges, pourueu que vous soyeznbsp;aussi généreux et constans a les poursuiure, que les Prouinces sont disposées de vous assister de ce qui vous seranbsp;nécessaire.
La seconde chose que nous remarquions pour estre la véiiaiité des cause dc HOS malhcurs, est la vénalité de vos charges ;nbsp;ticé'^rausede^nosnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;deuroicnt estre que des récompenses d’honneur
et de mérite, comme elles estoient autrefois; et néan-moins elles sont montées a des sommes si excessiues, que la perte d’vne seule emporte bien souuent auec soy lanbsp;ruïne totale d’vne , et parfois de plusieurs families. Denbsp;la vLent que pour vous en exempter, vous estes con-
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traints de les rachepter par la Paulette, et de verifier tous les Edicts que la tyrannie des Ministres vous enuoye,nbsp;pour la crainte que vous auez ou de les perdre tout anbsp;fait, OU d’en estre du moins interdits; ou bien s’ilsnbsp;n’osent pas tousiours se porter a ces excès de violence etnbsp;qu’ils vous trouuentdans vne ferme resolution de ne riennbsp;passer a l’oppression du peuple, ils taschent de gagnernbsp;les vns d’entre vous par des pensions , et les autres parnbsp;de belles espérances, sappans ainsi les fondemens denbsp;vostre Authorité, suiuant les erres et les instructions dunbsp;Cardinal de Richelieu, ingénieux raais detestable artisannbsp;de tous les maux que nous souffrons, et dont la tyrannie insupportable, iointe a l’esclauage que quelques-vnsnbsp;des vostres voulurent subir sous ce superbe fauory,nbsp;donna lieu a empiéter sur vous, et a faire de la Francenbsp;comme d’vne terre de conqueste. Et loutesfois n’en pou-uant encore auec tout cela venir a bout, parcequ’il senbsp;trouuoit tousiours nombre de braues hommes qui s’op-posoient vertement a ses damnables desseins , il donnanbsp;telle impression d’eux au Roi defunct, de la facilité du-quel il abusoit, que i’ay ouy dire a des personnes quinbsp;1’approchoient d’assez prés , que s’il eust pu, sans fairenbsp;vne iniustice trop manifeste, et sans renuerser les loisnbsp;de I’Estat, il eust extermine iusques au dernier Conseil—nbsp;ler du Parlement, pour en faire vn tout nouueau a sanbsp;fantaisie. C’estoit le souliait de cet Empereur, ou plus-tost tyran des Romains, qui desiroit quo le Senat n’eustnbsp;qu’vne tête pour la faire sauter tout d’vn coup. Vousnbsp;auez encore este pis sous I’empire du Sicilien , de quinbsp;Vous n’auez iamais pu auoir vne belle parole, si ce n’estnbsp;colle qu’il fit dire a vn des Princes qui le protègent, lors-fiue vous vous plaigniez de I’enleuement d’vn de vos
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Frères, que Ie Roy pouuoit faire de ses valets ce qu’il vouloit; faisant sans doute allusion a de semblables denbsp;Caligula qui appelloit Ie Sénat Romain , seruos suos to-gatos, cest-a-dire, selon la propriété des mots de cenbsp;temps-la, ses esclaues de longue robe.
C’est vne guerre que les Mignons des Princes ont tousiourseue auec des Compagnies semblables a la vostre,nbsp;sur la pensee qu ils ont que leur tyrannic ne peut sub-sister auec des ames entieres et desintéressées; a moinsnbsp;({ue ce ne soient des Mignons et des Ministres aussi gensnbsp;de bien quel’estoient Mecenas et Agrippasous Auguste,nbsp;qui bien loin de porter leur Maistre a rabaisser l’autho-rité du Sénat, contribuèrent de tout leur pouuoir a ennbsp;augmenter Ie lustre et Ia splendeur, tesmoin la reueuenbsp;qu’il en fit, oii il cassa tous ceux qui s’y estoient intrusnbsp;par r insolence des guerres. Tibère son successeur futnbsp;déférant a cette mesme Compagnie pendant qu’il futnbsp;maistre de son esprit, lui renuoyant la connoissance denbsp;la pluspart des affaires, iusques-la mesmes qu’il protestanbsp;de n accepter l’empire que pour en suiure les conseils,nbsp;et se ioindre aux Consuls , pour Ie bien des affaires pu-bliques*. Mais quand Séian se fut emparé de son esprit,nbsp;l’on ne vid plus que des proscriptions et des bannisse-mens dans eet ordre, pareeque ce monstre se voyoit en-uironné d’autant d’ennemis qu’il y auoit de Sénateurs ;nbsp;si bien que pour en gagner partie, il se desfaisoit desnbsp;plus gens de bien, se montrant ouuertement protecteurnbsp;des Délateurs, et faisant controuuer mille faux crimesnbsp;Pratiquedenos et former vne infinite d’aceusations sans fondemens.
temps.
Alors les moins courageux se rendoient ses esclaues, pour
‘ Tacitc, 1. Ij ^érin. N. I). T.
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ne pas tomber dans Ie malheur de leurs frères ; et luy qui se seruoit adroitement de I’occasion , remplissoit Ienbsp;Sénat de ses creatures , afin que désormais il ne s’y putnbsp;rien passer a son désaduantage. Ces temps-la estoientnbsp;véritablement pleins de désordre; mais qu’estoit-ce ennbsp;comparaison de ceux-cy ? ils n’auoient tout au plus qu’anbsp;combattre l’ambition de ceux qui voulant monter auxnbsp;Magistrats par quelque moyen que ce fust, abandon-noient Ie party de leurs frères; car les dignitez de Séna-teur ne coustoient rien; et 1’interdiction estoit plustostnbsp;vne descharge d’affaires que la perte d’aucun bien quinbsp;fust affecté a la charge; mais auiourd’huy vous aueznbsp;l’ambition a combattre des vns qui vous traliissent surnbsp;l’espérance qu’ils ont d’estre esleuez a quelque chose denbsp;plus éminent, et la lasclieté des autres qui vous aban-donnent pour les pensions qu’ils prennent, et pour lanbsp;crainte qu’ils ont d’vne interdiction ou d’vn bannisse-ment.
Si Ie mal est done si grand, pourquoy l’entretient-on ? Quelle apparence y a t’il de fomenter vne playe quinbsp;consomme tout Ie corps ? Sommes-nous insensibles ius-ques au point que de ne voir pas, ou de n’estre pas tou-chez des rauages que cause ce désordre ? Prenez garde,nbsp;Messieurs, comme il en est tousiours allé de pis en pisnbsp;depuis que vos charges ont commencé a se vendre. Auantnbsp;Louis XI, les Roys ne leuoient rien sur leurs suiets quenbsp;par Ie consentement des États, ou qui ne fust du moinsnbsp;authorise par la cour du Parlement; mais ce Prince quinbsp;les mit hors de page, commenca de se seruir en ses parentes des termes de certaine science, plain pouuoir etnbsp;^whorité; et pourimprimer de la crainte dansles espritsnbsp;des Officiers de lustice qui s’en formalisoient, il proposa
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CHOiX
a I’instigation de ses courtisans de mettre leurs charges . en vente. Le plus fort I’emporte, dit-on. Le vulgaire desnbsp;hommes se porte plus chaudement a poursuiure ses intéréts que ceux du public. Afin que Ton ne touchast pasnbsp;la corde qui faisoit mal a leurs oreilles, ils baissent lanbsp;testC; et ne s’opposent a rien. De quoy les Roys suiuansnbsp;faisant leur profit, ne manquèrent pas de remettre I’vnnbsp;en auant, sans crainte de perdre I’autre; si bien quenbsp;Louis XII vendit tous les Offices des finances, sans toucher toutesfois a ceux de la lustice, qui estoit vnenbsp;adroite procedure , pour les desvnir par les diuers trais-temens qu’il leur faisoit*; mais Francois n’ayant plusnbsp;que ceux-ci a mettre a la raison, les obligea tous sansnbsp;distinction a acheter leurs Offices, et dès-lors establitnbsp;le bureau des Parties Casuelles, pour seruir, dit Loyseaunbsp;au liure second des Offices , d’echoppe et de boutique anbsp;cette marchandise nouuelle. le ne parle point de lanbsp;plainte qu’en firent les parlemens aux Estats de Bloisnbsp;derniers, ny des diuerses propositions qui furent faitesnbsp;pour tascher de les contenter. Le dernier coup de massuenbsp;vous fut donne Fan 1604 par vn nomme Charles Paulet,nbsp;sécrétaire de la Chambre du Roy, parain de la Paulette,nbsp;qui fut le premier partisan de vos charges, moyennantnbsp;le soixantième denier de la finance. Qu’est-il arriué de-puis? Il n’est pas besoin de vous en parler. Vous le sca-uez mieux que moy; tout ce qu’on en peut dire, est quenbsp;le mal est a sa crise, et qu’il faut ou périr ou le guérlr.
Troisième eau- Ie pourrois rapporter pour la troisième cause de nos se reieitee sur les j^alJ^0,jrs la promotion Qui se fait des races partisanes
aux charges de Conseillers et de Présidens, pour estre
' Ce fut 1’au 1522. N. D. T.
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les Émissaires des Ministres, sans que i’estime auec plus de douceur que ne font la pluspart des hommes, qu’il nenbsp;faut pas tant prendre garde a la naissance d’vn Réci-piendalre, qu’a sa vertu et a son mérite. Et néanmoinsnbsp;quand ie fais reflexion sur les inconuéniens qui en arri-uent, ie suis comme force a renoncer a mon sentiment;nbsp;coinme en effect il n’est pas croyable qu’vn homme attaché de fortune et d’intérest a vn Ministre, ahandonnenbsp;ce qui Ie touche , pour suiurele party de ceux dont il estnbsp;l^ay; ce seroit s’abandonner soy-mesme; et s’il s’ennbsp;trouue quelques-vns d’assez généreux pour renoncer anbsp;loutes ces alliances plastrées par les concussions et ci-uientées par des larcins , comme il s’en est trouué en vosnbsp;grabuges, 1’on peut dire que c’est vn prodige, et que lanbsp;fortune leur a esté marastre, de faire prendre a ces bellesnbsp;ames des corps empestés de la corruption Partisanne. Ilnbsp;y a encore vne autre raison qui regarde I’honneur denbsp;vostre Compagnie, de n’y admettre personne qui sentenbsp;la lie, et qui fasse dire de tout le corps qu’il n’est compose que d’ames venales, c’est-a-dire que de Partisans.nbsp;I estime cette raison plus forte sans comparaison quenbsp;*^oute autre. Toute Compagnie doit s’estudier a acquérirnbsp;*10 I’estime , a amplifier son authorité, et a la conseruer;nbsp;ct il est sans doute qu’en quelque lieu que ce soit, lesnbsp;personnes de condition sont tousiours plus respectées etnbsp;flu’on les croit moins susceptibles de faire vne laschetenbsp;flue d’autres. C’est pourquoy en plusieurs endroits Tonnbsp;^cquiert la ISoblesse dans vn Conseiller, comme aVenise,nbsp;^laaguse, a T^uremberg et en Pologne , depuis I’edict denbsp;^‘gismond de I’an 1050, qui portoit que nul ne pourroitnbsp;estre receu Sénateur a moins que son pere ne fut noble.
Exemples.
I-cs Romains requeroient bien en leurs Senaleurs
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qu’ils eussent trente mil escus vaillans, pour auoir tie quoy s’entrelenir en vn estat sortable a leur condition;nbsp;mais outre cela il a este longtemps que pour estre admisnbsp;en 1’ordre, il falloit auoir exercé quelqu’vne des hautesnbsp;Magistratures. C est pourquoy de cinq ans en cinq ansnbsp;les Censeurs enregistroient au rooie du Sénat tous ceuxnbsp;qui auoient eu des charges publiques. Et quand Sylla lenbsp;voulut remplir et en mettre au lieu de ceux qu’on auoitnbsp;fait mourir, il institua vingt Questeurs; et César qua-rante après luy, afin qu’a l’instant ils eussent entree aunbsp;Sénat, et le pouuoir d’opiner. Et quoy que sous lesnbsp;Empereurs il y ait eu quelque relache pour le fait desnbsp;charges, néanmoins les sages et vertueux Princes n’ynbsp;ont iamais voulu admettre aucun lihertin ou fils d’af-franchy, qui estoient sans comparaison plus considerables que tout le tas des Partisans, parceque hors le malheur de la guerre, qui les auoit rendus eux ou leursnbsp;parens esclaues, il n’y auoit bien souuent rien a repro-cher a leur vie. Et bien dauantage, Alexandre Seuerusnbsp;ne voulut iamais en admettre en l’ordre des Cheualliers,nbsp;qui n’estoient que mitoyens, parcequ’il estoit la pépinièrenbsp;et le séminaire du Sénat. C’est l’estime qu’on a tous-iours fait de eet ordre supresme ; si bien qu’au tempsnbsp;mesme de la decadence finale de I’Empire, l’on n’y re-ceuoit que des personnes de qualilé, connues par leurnbsp;vertu et par leurs mérites, suiuant ce qu’en dit Théodo-ric et Cassiodore : Admittendos in Senatum examinarenbsp;cogit sollicitiüs honor Senatüs.
Quntrième cau-e, la désvnlon.
De toutes ces causes en naist vne quatrième, qui est vn monstre : scauoir, la diuision et la désvnion de vostrenbsp;Compagnie; monstre voirement, si nous n’aimons mieuxnbsp;1’appeler vne peste, qui vous infectant, porte en suitte
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auec soy 1’infection et corruption par toute la France. Messieurs, croyez moy : vous n’auez rien a craindre desnbsp;ai’ines du deliors; et quand vos ennemis auroient autantnbsp;de Prouinces pour eux qu’ils en ont contre, ils ne vousnbsp;peuuent rien faire, pourueu que vous conspiriez tous anbsp;vrie mesme fin et que vous fassiez la paix, ie ne dis pasnbsp;dedans de ia ville seuleinent, mais dans vous mesmes.nbsp;Ie ne scaurois penser a cette prodigieuse grandeur oii estnbsp;*itontée la République Romaine, sans entrer dans desnbsp;b'ansports d’estonnemens et sans conceuuoir comme vnnbsp;prodige leur iudicieuse conduite; car, qui est ce qui l’anbsp;3insi esleuée ? ce n’a pas esté Ie nombre des armées qu’ellenbsp;^ntretenoit ? Au commencement elle n’estoit composëenbsp;fpie de trois mil hommes de pied et de trois cens clieuaux;nbsp;et toutefois a peine estoit-elle establie, qu’elle se suscitenbsp;des guerres de gaieté de cceur. Ce n’estoit pas sur la for-teresse de ses remparts qu’elle se fioit? A peine y auoit-ilnbsp;^Rielque terrasse pour renfermer enuiron mille maisons,nbsp;plustost chaumières qui furent premièrement basties.nbsp;®stoit-ce point l’intelligencc qu’ellc auoit auec les villesnbsp;^oisines? Rien loin de cela, il n’y en auoit point qui nenbsp;*^3schat de 1’étouffer dans Ie berceau. Qu’estoit-ce done ?nbsp;“^^Us doute il n’y a point d’autre cause liumaine quenbsp;^ '’nion admirable de toutes ses parties. Il n’y auoit pointnbsp;citoyens depuis le plus grand iusques au plus petit,nbsp;^{Ui ne concourust a I’augmentation de la ville auec autantnbsp;^'jirdeur que s’il eust cm pouuoir s’acquerir vnRoyaumenbsp;My tout seul. Que ne fist point le Senat après I’adulterenbsp;'^“niinis en la personne de Lucrèce ? Ie rapporteray volon-en passant I’histoire de ce temps-la, qui a heaucoupnbsp;i^onformite auec la conioncture de vos affaires. Le
Or nbsp;nbsp;nbsp;•
'-nat auoit esté maltraité parTarquin le Superbe, qui en 1nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;24
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auoit fait mourir les principaux, banny les autres, ou fait languir dans des prisons autant qu’il pouuoit s’iina-giner y en auoir qui détestoient sa tyrannic. Lc peu quinbsp;en restoit, estoient si effrayez de ces cruautez inouyes,nbsp;qu’ils n’osoient pas inesme lascher vne parole qui appro-chast de la plainte; si bien qi’.3 quand Brutus s’en vintnbsp;du camp de deuant Ardée a Rome et qu’il descouurit sonnbsp;dessein, a peine Ie peurent-ils croire et n’osèrent se declarer iusques a ce qu il les eut rasseurez. Qui ne se fustnbsp;pas douté de quelque fourbe de la part d’vn homme quinbsp;estoit du sang Royal ? Enfin les voila assemblez, et dansnbsp;la resolution de ne plus receuoir Tarquin; l’affaire estnbsp;cominuniquée au peuple; tout Ie monde y consent. Malsnbsp;comment se défendre ? Leur ruine estoit ce semble iné-uitable ; Ie roy estoit deuant Ardée auec vne puissantenbsp;armee; et eux n’auoient pas vn homme sur pied, ny pasnbsp;vne place que leur ville. Les bourgeois ne sont pas d’or-dinaire bons soldats hors de leur foyer. N’importc, 1^*nbsp;iustice de leur cause les anime; Brutus leur lèue toutenbsp;crainte en leur monstrant que l’armée Royale estoit fati-guëe des guerres passées, que les soldats n’auroient paSnbsp;d’autres sentimens que leurs concitoyens, et que quandnbsp;mesme il y en auroit de mal affectionnez, leurs femmesynbsp;enfans et proclies parens et tout leur bien estoient eUnbsp;ville, qui seruoient d’ostages trés asseurez. Incontinentnbsp;tout Ie monde prend les annes; Ie Sénat donne ordrcnbsp;au dedans; et luy, accompagné des plus courageux, s ennbsp;va deuant Ardée. L’armée luy tend les bras; et Ie ïyraunbsp;est contrahit de s’enfuir. Ce n’est pas Ie tout : Ie vod^nbsp;aussitót reuenu aux portes de Rome auec les forces denbsp;Porsenna et la réduit aux abois. Qu’ariue-t-il ?nbsp;prodiges sur des prodiges. L’vn arrcste toute l’armee
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DE MAZARINADES.
Malheur de Ia désvnion.
ennemie au bout d’vn pont, pendant qu’on Ie rompt derrière luy, et tout chargé de coups se iette dans Ie Tibre et se sauue deuers les siens. Vn autre s’en va au campnbsp;de Porsenna et Ie fait trembler par sa Constance. II n’ynbsp;a pas iusques aux filles qui disputent auec les hommes anbsp;qui fera plus paroistre de gcnérosité. Personne ne veutnbsp;escouter aucune proposition du Tyran; tout Ie monde luynbsp;résiste; en vn mot, et luy et ceux qui l’assislent, sontnbsp;eontraints de leuer Ie siège, voyant qu’il n’y a pas moyennbsp;de les désvnir. Vous n’estes pas, graces a Dieu, en cesnbsp;extrémitez-la; mais, cependant, appliquez eet exemple anbsp;Vos affaires; et vous verrez qu’il n’y a guère de difference,nbsp;sinon qu’vn grand Roy leur faisoit la guerre sous Ie nomnbsp;d vn Tyran, et pour un Tyran, et que les Tyrans vous lanbsp;font sous Ie nom d’vn Roy enfant et innocent. Faitesnbsp;vous vn modale de conslance et de géne'rosité sur cesnbsp;hommes-la; et apprenez que rien ne vous peut perdre mnbsp;Vous les imitez. Souuenez-vous que quelques emotionsnbsp;diuisions qui soient arriuez entre Ie Sénat et Ie peuple,nbsp;pendant que eet excelent ordre s’est tenu estroitementnbsp;Vny, rien n’a pu ébranler 1’Etat Remain, non pas mesmenbsp;sedition des Gracches; mais dans la guerre ciuile entrenbsp;Sylla et Marius, les Sénateurs s’estans partagez, l’on vidnbsp;^ieiitót les testes voler, et les proscriptions enrègne. Gesarnbsp;*1 auroit iamais entrepris de porter les armes contre sanbsp;patrie, sans qu’il estoit asseurc de la fidélité des tri-^uns, et qu’il y auoit intelligence auec quelques Séna-teurs; et ie puis dire que iamais les Ministres n’auroientnbsp;Entrepris ce qu’ils ont fait sans l’intelligence qu’ils ontnbsp;**^ènagée auec partie de vostre Compagnie. Mallieureuxnbsp;‘Qtérests , qui portez les esprits a des aueuglcmcns sinbsp;•estranges! Tel les réclame auiourd’liuy qui en portera la
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CHOIX
peine ! Et Dien qui venge les crimes tost ou tard, per-mettra qu’eux ou leurs enfans subiront Ie ioug qu’ils peuuent secouer auec taiit d’auantages. Qu’ils prennentnbsp;garde qu i! nc leur arriue Ie mesme qu’a ceux des Remainsnbsp;que ie viens de dire, qui sans gouster Ie fruict qu’ilsnbsp;auoient espéré de leurs trahisons, furent enseuelis misé-rablement dans les diulsions ciuiles, dont ils estoient lanbsp;cause. Messieurs, ces exemples vous doiuent faire appré-liender, pensez y bien; et scacliez que si iamaisvous aueznbsp;a en parler hautement, c est a présent, ou il y va denbsp;vostre authoritc, de l’honneur de vostre Compagnie, dunbsp;salut de vos frères, de la liberté de vos Concltoyens, en vnnbsp;mot, du repos de toute la France. Ce n’est pas a présentnbsp;qu’il faut s’estudier a obligerles Ministres. Si vous l’aueznbsp;fait par Ie passé, vous en estes loüables , paree que peutnbsp;estre pressentiez-vous les maux qui sont arriuez; maisnbsp;c’en est fait, Ie masque esftombé; et il est besoin auiour-d’huyd’vne concorde et d’vne conspiration vnanime pournbsp;Ie bien public et pour la punition des meschans.
Moyens d’ac-comodemens in-coinpatibles aiiec Ie temps ou uous
Véritablement il y a lieu de s’estonner qu’il y en ait encore entre vous qui proposent des voyes d’vne paix sinbsp;des-auantageuse lorsque Ie peuple est Ie plus animé, etnbsp;que vous voyez que toute la Noblesse qui n’a point d’at-tache d’intérest a la conseruation des Ministres, vousnbsp;offre son courage et que toutes les Prouinces vous tendentnbsp;les mains. Pleust a Dieu que tout fust bien pacific ! tousnbsp;les gens de bien ont a Ie souliaiter; et il n’y a que Ie*nbsp;mauuais Francois qui demandent la continuation desnbsp;désordres; maiss’il est permis d’argumenter de Tauenn’nbsp;par Ie passé, que peut-on espérer d’vn accomodementnbsp;auec ces gens-ia, sinon la desolation entière de toute 1^nbsp;France? Vous scauez, Messieurs, quelles paroles on vous
-ocr page 391-tint a la prise de Monsieur de Broussel. La Reyne vous «emercia du bon ordrc que vous auiez apporté a pacifiernbsp;i emotion des Bourgeois; elle en fit autant a Messieursnbsp;ee la ville; et en vous rendant vos frères, elle protestanbsp;'lu’elle tenoit en faueur tous vos procédés, et que biennbsp;iein de s’en ressentir, comme Ie simple vulgaire s’imagi-elle vous en auoit de très-sensibles obligations. Quinbsp;®st-ee qui eust rien soupconné de funeste en ces paroles-si la suitte ne nous l’auoit appris ? Peu de temps aprèsnbsp;fait déloger Ie Boy de Paris dVn grand matin, sansnbsp;tambours ny trompettes. Incontinent Paris est inuesty denbsp;totites parts de gens de guerre; néanmoins parcequenbsp;^^sMinistres trouuèrent qu’ils s’estoient mespris en leurnbsp;'^alcul, et qu’ils n’auoient pas assez bien pris Ie tempsnbsp;d’exécuter leurs damnables desseins, vous y allastes; et ilsnbsp;entendirent a vos remontrances; et après plusieurs alléesnbsp;venues ennuyeuses aux gens de bien, ils font enfinnbsp;'^ondescendre la Reyne a cette belle declaration ‘ quinbsp;^ieuoit servir de pierre fondamentale au gouuernement.nbsp;Elle s’y porta, ce sembloit, sans réserue; les Princes ynbsp;^'gnent; tout Ie monde s’en réiouit; voila Ie Roy de retournbsp;^ Paris auec toute sa cour; toute la ville goute Ie calmenbsp;^près forage; enfin tout est en paix. Mais combien durenbsp;*^6la ? autant qu’il en faut pour bloquer Pai’is et pournbsp;^aire amasser des troupes de toutes parts, afin de fairenbsp;Périr en vn moment cette puissante ville. Pour en auoirnbsp;^'tiet, on contreuient ouuertement aux principaux poinctsnbsp;la Declaration. Vous voüa aussitót dans la defiance;nbsp;®tix font prendre au Roy vne seconde fiiite, vne beurcnbsp;^Pi'ès minuit, pour reuenir comme ils font les armes a
' nbsp;nbsp;nbsp;22 octobre 1648.
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la main et vous contrainclre cle leur porter vos testes. Tout Ie monde est imbu de ce procédé; la foy publique ynbsp;est violée; les droits diuins et humains sont renuersez;nbsp;et nonobstant cela vous y enuoyez; la Ville y va; vousnbsp;faites des remonstrances par escrit; vous faites représenternbsp;de bouclie; a tout cela la response est qu’il faut périr-Et apres cela vous tenterez encor des voyes de douceur ?nbsp;Pourquoy ? est-ce pour prier les Ministres de vous par-donner? Vous deuez croire que si l’impuissance^ne lesnbsp;en empesche, il n’y a point de pardon pour vous. Est-cenbsp;pour obuier au pillage de la France et a sa ruïne totale ?nbsp;Au contraire, il n’y a point de guerre qui ne soit plus anbsp;souhaiter que la meilleure paix auec ces gens-la. Dieunbsp;scait quel traittement ils luy feroient après auoir rcconnunbsp;les bonnes inclinations qu’ont les peuples pour eux. Est-ce pour faire voir la iustice de vostre procédé, et lesnbsp;mettre entièrement dans Ie tort ? Conime s’ils n’yestoientnbsp;pas desia, et que la France ne sceust pas de quelle faconnbsp;vous vous estes comportez.
Le Parlement ne doit point mettrenbsp;bas les annes.
Mais l’on me dira qu’il est bien raisonnable que Ie Parlement fasse Ie premier pas, que ce seroit réduire lanbsp;Reyne a des submissions indignes de sa qualité que denbsp;lavouloirobliger a vous offrirla paix, et qu’il vautmieuxnbsp;que vous en ayez l’affront, que non pas elle.Ie voudroisnbsp;qu’il ne tint qu’a des submissions de la France qui a lesnbsp;mesmes intérests que vous, que nous n’eussions vne veritable paix; mais comme il nous est permis de douter denbsp;la iustice de leurs procédés, ie prétends que vous deueZnbsp;retenir vos armos, et que la Reyne doit commander a sesnbsp;Ministres de mettre bas les leurs, qu’elle doit desboucheinbsp;Paris et rendre la liberté du commerce, sans parldnbsp;qu’elle vous liure l’autheur de ces désordres, auant qu®
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laniais vous songlez a aucun accomodement. Cette proposition est bien bardie, pour ne pas dire insolente*, il est vray, eu égard a nostre esclauage passé, cjui.ne nousnbsp;®Ost pas permis de parler si librement; mais, graces anbsp;I^ieu, nous goustons au moins en ce moment la douceurnbsp;Saturnales, comme faisoient les esclaues chez lesnbsp;^*iciens Romains, qui pouuoient ces iours-la reprocher
* nbsp;nbsp;nbsp;leurs Maistres tous leurs défauts sans crainte du sup-P^'ee. Ie prétends pourtant qu’il n’y a rien de plus iuste;nbsp;*^ar en quoy ne Ie seroit-il pas ? Tout Ie pis qu’on peut
est que Ie Parlement auroit eu Ie dessus, qu’il auroit ^^du a la Reyne céder au temps et accorder tout, et quenbsp;'^Gtte leuée de boucliers que ses Ministres ont fait, passenbsp;passera pour ridicule; et après ccla quelle conclusion ?nbsp;Le Parlement en abusera-t-il ? Voudra-t-il secouer Ienbsp;loug de l’obéissance ? Esteindra-t-il les loix pour lanbsp;'defense desquelles il est armé ? Cela ne peut tomber sousnbsp;sens commun de ceux qui scauent comme quoy Mes-®*eurs du Parlement ont agy depuis Ie mois de may der-S’ils eussent eu de manuals desseins aux Barricades,
* nbsp;nbsp;nbsp;leur estoit trés aisé deles exécuter; ils pouoientenseue-^ sous vne mesme ruine tout ce qu’ils eussent voulu,nbsp;^*'squ’il y auoit cent mille hommes sous les armes qui
faisoient qu’attendre leur ordre. Ij’ou peut dire que iours durant, ils ont esté maistres absolus de Paris,nbsp;qu’ils n’auoient que trop de personnes a exécuter leursnbsp;'^'^tumandcraens. C’estoit du temps assez pour prendrenbsp;^^*Jrs auantages; mais cette Auguste Compagnie a les lysnbsp;*'^‘°pbien grauezenl’ame, pour en vouloir ala tige. Biennbsp;niesme de se préualoir de tant de bonne volonténbsp;^lU Oil leur tesmoignoit pour se vanger de leurs enne-ils s’en seruent pour pacifier tout, et vsent auec tant
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de moderation de cette victoire qu’au moment que parut Monsieur de Broussel en la ville, ils font mettre bas lesnbsp;armes; et en moins d’vn rien tout fust aussi caltne quenbsp;s’il n’y eust pas eu de bourasque.
La France scait combien ils ont été rebutez de fois a Sainct-Germain après la première fuite qu’on a fait prendre au Roy; on les renuoyoit souuent sans les entendrenbsp;Oprès les auoir fait garder Ie mulet, comme on dit, des sixnbsp;beures entièresj parfois on leur donnoit audiancg a vnenbsp;lieure de nuict; parfois on passoit Ie temps a des badi-neries; on différoit Ie plus souuent pour vne autre fois;nbsp;enfin que ne leur a-t-on point fait ? Et eependant a-t-onnbsp;ouy dire qu’ils ayent entretenu des intelligences secretesnbsp;auecles ennemis del’Estat, comme on leur avoulu impo-ser, cette dernière fuite? Ils scauoient fort bien que Ienbsp;suiet de la première estoit pour exécuter Ie mesme des-sein qu’ils taschent d’exécuter a présent; les troupesnbsp;commen^oient a faire des hostilitez; elles approchoientnbsp;de Paris de tous costez; mais paree que c’estoit en vnenbsp;saison ou il ne falsoit pas bon pour les Ministres, on lesnbsp;leurre de la Declaration dernière. L’on scauoit a Parisnbsp;leur impuissance; et il estoit aisé d’aller querir Ie Roynbsp;Sainct-Germain, et Ie ramener, ce qui n’est pas sans exeiu-ple, et faire pis si Ie Parlement eust voulu. Ceux qui ontnbsp;enuie de brouiller, ne perdent point Ie moment si pré'nbsp;cieux; et des gens si éclairés n’auroient pas fait desnbsp;de clerc si manifestes. La Reyne croit-elle estre plus eonbsp;seureté a Sainct-Germain qu’elle n’estoit pour lors ? EH®nbsp;a des forces véritableraent; mais elles sont dissipées etnbsp;éparses en trop d’endroits pour pouuoir empeseber qt**^nbsp;cent mille hommes* qui peuuent sortir de Paris,n’aillet'*'
' On ne s’étonnera pas trop de ces cent mille hommes si on prci'
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1’inuestlr. C’est ce qu’on a propose clèsle commencement et qui a aussi esté reietté, pour ne point s’opposer a lanbsp;liberté et aux contenlemens. L’on ne peut done pas ius-ques icy se plaindre que Ie Parlement ait abusé insolem-ment de l’auantage qu’il a eu; car quoy que la Declaration dernière soit au nom du Roy, toutesfois, il n’ennbsp;faut point faire la petite bouclie, les Ministres ne Tontnbsp;consentie que par force; tout Ie monde Ie scait; et leursnbsp;procédez Tont bien fait voir depuis. L’on pouuoit direnbsp;pour lors que Ie Parlement auoit eu Ie dessus aussi biennbsp;qu’aux Barricades; et cependant quel auantage en tire-t-il ? A-t-il voulu lasser par des voies indirectes 1’Autbo-i'ité Royale? A-t-il remué ou tenté autre chose que ce quinbsp;estoit contenu dans sa Declaration ? N’a-t-il pas poursuivynbsp;I’establissement de la chambre de lusticc, pour trouuernbsp;de l’argent au Roy; a quoy les Ministres se sont tousioursnbsp;opposez ? En quoy Ie peut-on done accuser, si cc n’estnbsp;de trop de douceur et d’auoir, après tant de fourbes etnbsp;fle crimes, toléré des harpies dans Ie Ministère ?
Ie veux done qu’on dise que la Reyne a cede, et qu’elle y a esté contrainte, que cette leuée de boucliersnbsp;^ quoy l’ont engagée ses Ministres, n’a fait qu’apprester anbsp;cire et qu’a faire voir la foiblesse de son party; quel malnbsp;Cu peut-il arriuer ? elle est bien asseurée qu’on ne luy ennbsp;Veut non plus qu’au Roy ny a aucun de la inaisonnbsp;Royale, et que tout ce qu’elle risque en ces accomo-demens, est qu’il luy faille abandonner ses Ministres, etnbsp;notamment celuy qui a Ie plus de part en ses bonnesnbsp;graces, qui est remettre Ie pays en seureté, et luy re-
S'U’de que dans V.-iitis trés iuste et trés legitime au Roj tres chrestien, etc. [532] Isaac Loppin pretend démonlrer que !e rol coinmande a soixantenbsp;¦^allions de sujets.
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clonner Ie calmc, et que d’ailleurs Ie Parlement ait con-tentenient, tant pour luy que pour les peuples et les Princes qui Ie protègent. II n’y a personne qui doute quenbsp;ceux qui se sont rangez de son party, ne Tont fait qu’ennbsp;consideration du repos public et de l’auersion qu’ils ontnbsp;pour Ie mauuais Ministère. Le rang que les Princes vnisnbsp;tiennent a la cour, ne leur permet pas de penser a vnnbsp;changement d Estat, comme ceux de Sainct-Germain pu-blient. Ils ne peuuent prétendre au dessus de ceux, quinbsp;tiennent le party des Ministres, comme aussi ils nenbsp;peuuent estre plus bas qu’au second lieu; tellement quenbsp;la Reyne peut dissiper tous les orages qui s’en vontnbsp;fondre sur elle, en donnant satisfaction au Parlement etnbsp;aux Princes. Que si elle suit ses mauuais conseillers, ellenbsp;met le Royaurne en vn danger imminent, et l’expose ennbsp;proye. Quand 1’on s’embarque en de semblables affaires,nbsp;1’on n’en voit point les issues. II n’y a que Dien seul anbsp;qui tous les momens sont présens, qui les connoisse.nbsp;Tout ce que la prudence humaine nous enseigne, est denbsp;prcuenir les mal-heurs tant que nous pouuons, et de nenbsp;nous pas engager en haute mer, quand nous voyons lanbsp;tempeste qui s’appreste. La Reyne défuncte fournlt d’vnnbsp;puissant exemple, pour faire appréhender a la Reynenbsp;Regente pareil traitement qu’elle a receu. Cette leconnbsp;luy deuroit estre utile, et luy apprendre, que quand lenbsp;Roy sera maieur, il peut auoir vn Ministre semblable aunbsp;Cardinal de Richelieu, qui luy pourra faire souffrir lesnbsp;mesmes rigueurs qu’il fit souffrir a la défuncte. Et si celanbsp;est, a qui aura-t-elle recours ? aux Ministres d’auiour-d’hui ? c’est vne folie de croire qu’ils subsistent, quandnbsp;par impossible on les lairroit en France iusques a cenbsp;temps la. II n’y a point d’enfant qui ne soit bien aise de
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sortir de dessous la férule de ses maistres; et quelque traitemeiit que fasse Ie Cardinal au Roy, qu’il taschenbsp;d’obséder par des charmes de libertinage et de contente-mcnt, quand il sera capable d’agir de luy mesnie, cenbsp;sera Ie premier dont il se défera; ioint que dès a présent il est tres mal en son esprit, et que bien qu’il n’ynbsp;ait que ses émissaires auprès de luy, ils ne scauroientnbsp;empcscher qu’il ne tesmoigne Ie mescontentement qu’ilnbsp;a, et Ie peu de plaisir qu’il prend a entendre parlernbsp;des défaites imaginaires des troupes Parisiennes, qu’onnbsp;public incessamment a ses oreilles. Aura-t-elle les Parle-iiiens et la Justice de son costé ? elle ne Ie peut espérer,nbsp;puisqu’elle contribue de toutes ses forces a les destruire.nbsp;Sera-ce point les peuples ? belas, elle en est bien cloi-gnée! l’affection qu’ils ont eu pour elle, quant ils 1’ontnbsp;veue dans 1’oppression d’vn insolent Ministre, s’estnbsp;changée en vne estrange auersion; ouy en aucrsion , sinbsp;ie l’ose dire, puis qu’au lieu du soulagement qu’ils espé-foient d’elle, ils ne voyent que des surcharges d’oppres-sion de sa part, et que comités a leurs portes qui lesnbsp;traittent comme des forcats.
Ie crois avoir suffisamment montré que la Reyne ne •'isque rien en faisant mettre bas les armes a ses Ministres.nbsp;Voyons maintenant a quel danger s’exposeroit Ic Parle-Wient, s’il faisoit, comme on demande, Ie premier pas, etnbsp;s’il se soumettoit encore vne fois après tant d’autres.nbsp;Quelle seureté y auroit-il pour luy ? Ie peu de fidéliténbsp;4u’on a expérimenté dans les Ministres, deia par deuxnbsp;^ois, ne permet pas d’en tenter vne troisiesme. Ce ne se-*¦^11 pas faire en gens prudens, que de recberclier lesnbsp;precipices qu’ils ont éuitez. Après la victoire de Scipionnbsp;les Carthaginois, 1’on proposa dans Ie Sénat ce qu’il
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en falloit faire. Cn. Cornelius Lentulus fut d’auis de les ruiner tout-a-fait, parceque de tons les traittez qu’onnbsp;auoit fait auec eux, ils n’en auoient pas obseruc vn;nbsp;qu’ils ne demandoient iainais la paix, que quand ils n’ennbsp;pouuoient plus, et que puisque Ton ne leur pouuoit osternbsp;la perfidie qui leur estoit naturelle, au moins leur falloit-il oster la puissance de nuire. Et quoy que eet aduis nenbsp;fust pas suiuy pour 1 heure, néanmoins I’on y fust obligenbsp;apres, a cause de ce qui arriua depuis, c’est a dire anbsp;cause de Ia foy qu’ils violèrent après tant de traittez, etnbsp;qu’ils violoient sans cesse. Aussi quel traitté peut-onnbsp;faire auec les Ministres qui font comme on tient quenbsp;faisoient Alexandre sixiesme, et son neueu Ie comte denbsp;Valentinois, que Machiauel met pour Ie parangon desnbsp;Princes ? car quelque paix ou accord qu’ils fissent, ilnbsp;n’y auoit iamais de seureté, d’autant qu’Alexandre nenbsp;faisoit rien de ce qu’il disoit, et que Ie Comte ne disoitnbsp;rien de ce qu’il faisoit. L’histoire marque les grandsnbsp;sermens qu’il fit pour asseurance de la paix auec lesnbsp;Princes qui s’étoient liguez contre luy, lesquels aprèsnbsp;auoir attirez sous ombre de bonne foy, il fit après cruel-lement mourir; sur quoy Alexandre dit en riant, qu’ilnbsp;auoit ioué vn tour d’Espagnol; lecon aux Princes vnisnbsp;de ne se fier iamais a des infracteurs de Ia foy publique,nbsp;imitateurs encore en ce point de Maximilien premier,nbsp;qui disoit qu’il ne faisoit iamais de traitté avec Louysnbsp;douziesme, que pour 1’abuser et l’amuser, et pour senbsp;vanger de dix-sept iniures qu’il prétendoit auoir re-cues des Francois. Et quoy. Messieurs, les Princesnbsp;oseront-ils donner leur foy a des gens qui n’en ont point ?nbsp;Et si vous entendez a vn accord, croyez-vous qu’ils Ienbsp;tiennent, eux qui ont de grands interests a prendre
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leui’s seuretez? Penscz-vous qu’il iouent a des ieux d’enfans? Et les Prouinces qiii sont pour vous, quenbsp;diront-elles? Et celles qui ne sont pas encore cléclarées,
Ie voudront-elles faire, si elles entendent que vous trait-tiez de paix? C’est vn artifice, ne vous y fiez pas; et tout ce que prétendent les Ministres, est de vous osternbsp;1’appuy que vous auez en Fvnion qui vous rend inuin-cibles. Puisqu’il n’y a done point de foy, a quoy pensentnbsp;ceux qui concluent aux voyes de douceur et a des articlesnbsp;si plastrez? ü^’en a-t-on pas fait de bouclie et parescrit?
Qu’a produit la soubmission du Parlement, sinon des traittemens qu’on ne receuroit pas mesine du Turc? 11nbsp;ii’en faut pas espérer d’autres a Pauenir; n’en douteznbsp;point.
Mais quoy, sera-t-on tousiours en guerre? Et si la Preuuesqueia Reyne ne veut faire mettre bas les armes, v aura-t-il
, nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;«nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;faire.
moyen cie subsister? Le peuple sera-t-il tousiours dans l’oppression? Pourrous-nous voir emporter ou romprenbsp;leurs meubles, et eux-mesmes traisner comme des scélé-*‘ats a la queue des cheuaux, saus estre touchez? véri-^^tblement, quant aux peuples, cela est digne denbsp;•^oinpassion, particulièrement pour le menu de Paris etnbsp;des enuirons; mais quelque chose qu’il perde, il nenbsp;^ Gn plaint pas sur l’espérance qu’il a que vous le proté-gerez comme vous auez commence. II est tout persuadenbsp;'lu’a des maux violens qu’il soiiffroit, il faut endurernbsp;de violens remèdes. Ccla ne sert qu’a l’aigrir tous lesnbsp;iours contre la milice Cardinale, qui est plus en hazardnbsp;P^Gla campagne chez les paysans, qu’elle n’est entre lesnbsp;i^ains de nos soldats; au contraire, quand ils voyentnbsp;^®Gix-ci, tout leur est ouuert; l’on n’entend que desnbsp;benedictions sortir de leur bouche, et que des prières a
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Dieu que vos bons desseins réussissent. Vous deuez vous seruir de cette affection pendant qu’elle dure, et en fairenbsp;vostre profit. lis ayment mieux perdre leur bien pour lanbsp;deffense de la iustice, et souffrir tout d’vn temps la der-nièrc violence des Ministres, que de languir perpétuelle-inent sans mesmes oser se plaindre.
La première raison est quenbsp;cette paix est des-
Mais ie dis plus ; 11 n’est pas possible de faire paix auec Ic Conseil de la Reyne; premièrement, parcequ’onnbsp;n’en sauroit^^faire qui ne soit honteuse; secondement,nbsp;paree qu’elle ne se peut faire du tout. Permettez moy,nbsp;Messieurs, de vous faire voir les trois raisons dont senbsp;scruit autrefois Ciccron en pareille occasion contre Marc-Antoine, fauteur de la tyrannic, d’ou les Remains ne fai-soient que sortir après la mort de César. Le Sénat fitnbsp;force procédure contre luy et mesme le déclara Pertur-bateur du repos public et ennemy de la Patrie; no-nobstant quoy , il se trouua des Sénateurs accomodans,nbsp;qui firent plusieurs ouuertures de paix; et Ciccron quinbsp;prévoyoit de loing le carnage que ce Barbare tyran au-honneste. 7,Piii- i’oit cxercé, si les esprits de la Cour se portoient a lesnbsp;“•nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;entendre, s’y opposa vertement et en remonstra les con
sequences par ces raisons : premièrement, il fait voir que cette paix seroit honteuse , paree que les Arrests dunbsp;Sénat deuoient être sacrez et inuiolables, et que la lége-retéetriuconstance estant blasmables en qui que ce soit,nbsp;cllcs le sont encore beaucoup plus dans vn si augustenbsp;corps : quelle apparence y auroit-il done de casser lesnbsp;Déci;els qui auoient esté faits contre luy, ce qu’il estoitnbsp;nécessaire de faire pour en venir a vn accomodement ^nbsp;quelle bonte ne seroit-ce point au Sénat dereceuoir celuynbsp;qu’il venoit de declarer ennemy du public, et dont dnbsp;auoit loué et recompense les ennemis? Messieurs, vous
-ocr page 401-La deuxiesme raison est quenbsp;cette paix estnbsp;dangcrcuse.
auez dans toiites vos procédures fait voir clairement combien Ie Ministère du Cardinal de Mazarin vous de-plaist^ et combien il est pernicieux a l’Estat; vous l’aueznbsp;déclai’é Perturbateur du repos public et ennemy du Iloynbsp;et du Royaume; vous auez confisqué ses biens coinmenbsp;d’vn criminel. Quelle apparence done d’en veiiir a vnnbsp;accomodenient? vous paroissoit-il lors de vos procedures,nbsp;criminel et perturbateur du repos public; et auiourd’huynbsp;innocent ?ce seroit faire tort a vos iudicieuses conduites;nbsp;et il n’y a point de si petit raisonnement qui ne vous con-damnast de boutade et de passion aueuglée. Si vous estesnbsp;daus Ie sentiment que vous estiez pour lors, et s’il vousnbsp;paroit criminel en tout temps, poiiuez-vous éuiter qu’onnbsp;ne vous accuse de légèreté et d’inconstance, si vous en-tendez a vn accomodement ? De quelque costé que vousnbsp;tourniez , il n’y a point de paix a faire qui ne soit hon-teuse a vostre Compagnie, a moins que vous ne la don-niez. Turpe est (dkoitCicéron au Sénat Romain) jutowonbsp;(^onsilio orbis terras, prassertim in re lam perspicudnbsp;ronsiliuminlelligendi defuisse. Secondement, Ie mesmenbsp;orateur fait voir qu’vne paix ne pouuoit estre sans danger, parceque ses parens et amis demeurans en la villenbsp;et estans extresmement puissans ne manqueroient pas anbsp;prendre leur temps, et a remuer tout de iiouueau quandnbsp;l’on y penseroit Ie moins; que les gens de bien quinbsp;s’estoient déclarez contre eux, se trouuei’oient exposez anbsp;leur rage, et qu’ainsi l’Estat ne pouuoit éuiter sa ruine.nbsp;Messieurs, vous iugez bien ce qu’il y a a craindre sinbsp;'^ous faites la paix. Il n’est pas possible de faire desnbsp;R’aittez sans que les parties relasclient cliacune de leurnbsp;eosté; autrenient si l’vne retenoit tout son droit et quonbsp;1 antre relaschat tout, ce seroit vn partage mal fait oü
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tout seroit d’vn costc et rien de l’autre; ce qui s’appelle donner Ia loy et non pas traitter. Si done vous en veneznbsp;a vn accomodement, qui est-ce qui donnera la loy ? Lanbsp;Reyne ne pretend pas vous la donner, a mon aduis,nbsp;estant en la posture oü vous estes. Vous ne pouuez nounbsp;plus prétendre la luy donner absolument; cela passe-roit pour vne insolenee qui ne seroit pas supportablenbsp;dans des suiets. II faut done de nécessité que vous re-lasehiez de vos droits ; et que relaseherez vous?' sera-eenbsp;que vous permettrez que Ie Cardinal demeure en Franeenbsp;en quelqu’vne de ses Abbayes? ie ne croy pas que vousnbsp;en ayez la pensee, non plus que ie ne croy qu’on ait anbsp;Saiuct-Gerinain la pensee de vous Ie demander, celanbsp;estant moralement impossible. Sera ce a condition quenbsp;!e Cardinal sortira de Franee, qui est l’vnique pierrenbsp;d’achopeinent ? nous n’en sommes plus dans ces termesnbsp;la; les eboses ont change de face; et ceux qui Ie protè-gent et qui Ie suiuent, ne sont pas moins criminels quenbsp;luy pour ne pas dire plus. Si vous vous contentez denbsp;bannir Ie Cardinal, tous ces gens Ia demeureront; et sinbsp;cela est, en quelle asseurance serez vous, s’ils viennent anbsp;reprendre leur credit, comme 11 leur sera facile quandnbsp;vous aurez mis les armes bas. En quel état i-éduiront ilsnbsp;la Franee ? des paix de contrainte sont a des ames ven-geresses des esguilions et des flammes dans Ie coeur quinbsp;ne s’esteignent iainais; nous en avonsveu I’experience;nbsp;mais ce n’a esté que ieu au regard de ce qui se fera sinbsp;vous relaschez. Comment pourront subsister les Princesnbsp;qui ont auec ardeur embrassé vostre party? seront ils ennbsp;seureté de leurs testes s’ils sont contraints d’obéir a ceuxnbsp;centre qui ils sont armcz? seront ils en égale puissance ¦nbsp;cela ne se peut; deux contraires, disent les philosophes,
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DE MAZARINADES.
se peuuent endurer en vn mesme suiet; et en magere de grandeur et de grandeur ennemie, 11 n’y peut y auoir de pared. Quoy done, donneront ils la loy ? 11nbsp;serolt nécessaire pour Ic repos du public; mals cela nenbsp;fera pas dans vn accomodement; et par conséquent 11nbsp;6st moralement Impossible de faire la palx, sans s’exposernbsp;^ vn danger trés éuldent. Mals cela est étrange : Ie nenbsp;^eux point de palx , qul est la chose du monde la plusnbsp;^ouhaltable ? Ie reponds ce que fit Clcéron ; Nee egonbsp;peicem nolo; sed pacis nomine helium involutum re-formido ; quare si pace frui volumus ^ helium geren-duni est; si helium omittemus, pace nunepmm frue-^lur.
La troislesme raison que la piiixnbsp;ne se peut faiix*.
De ces deux raisons, l’on tire la troislesme par vne consequence nécessaire, que cetle palx ne se peut faire;nbsp;car de quel front vous pourront regarder ces gens la, qulnbsp;se sont vantez de lauer leurs mains en vostre sang ? qulnbsp;iie demandoient pas moins que hult Conseillers et quatrenbsp;Présidens a leur choix , pour les iinmoler a leur fureurnbsp;‘^onime des victimes ? Et vous comment pourrez vous lesnbsp;*’^garder de bon ceil ? Serez vous tousiours dans la dé-^*3nce, OU tousiours en armes ? Cela ne se peut faire. Etnbsp;peuple qul n’aura peut estre pas tant de retentie quenbsp;'^ous, pourra-t-il voir de ses yeux des gens qui ontnbsp;^Xercé tous les Actes d’hostilitc imaginables sur tout cenbsp;4’^i luy appartenoit ? qui ont public partout qu’ils nenbsp;*^ettroient iamais les armes bas qu’après auoir fait vnnbsp;'dlage de Paris, et réduit les Bourgeois a aller la cordenbsp;col demander pardon ? qui en ont propose Ie pillagenbsp;^ leurs soldats, au lieu de solde et d’autres recompenses?nbsp;^^'1 autborisent Ie viol et les larcins et les sacrileges? Etnbsp;, pourront ils voir des Bourgeois qui leur ont fait la
-ocr page 404-nique et qui leur ont appris, en tant de rencontres, qu’ils auoient plus de courage qu’eux et moins de témé-rité, après tant de libelles qu’ils ont fait publier, ou ilsnbsp;ont décoimert leur infamie et rénormité de leurs crimes,nbsp;enfin après les auoir fait démentir de ce qu’ils se sont sinbsp;insolemment vantez ? Ie ne dis rien des autres Parle-inens, auec qui vous auez fait alliance; ie ne parlenbsp;point des gens de guerre que vous faites venir, ny desnbsp;seigneurs que vous auez engagez en vostre party; ils nenbsp;scauroient faire de paix s’ils nela donnent. Il est important et pour eux et pour vous qu’ils subsistent; et celanbsp;estant, ie consens trés librement a la paix. Tont Ie mondenbsp;aura suiet d’estre réioui, et de bénir Dieu pour Ie soinnbsp;que vous auez eu d’vn pauvre Estat desolé. Autrementnbsp;rnourons plustost que de rentrer dans la seruitude, quinbsp;ne scauroit estre que plus rigoureuse que la mort. No'nbsp;men pacis dulce est, et ipsa res salutaris; sed inter pa~nbsp;cern et seruitutem plurirnüm interest. Pax est trail'nbsp;qiiilla libertas; seruitus malorum omniumpostremutUinbsp;non modo bello sed etiam morte repellendum.
Pdais après tout, dira t’on, il faudra que Ie Roy soit Ie maistre. Ie I’auouë; et personne ne Ie luy dispute. L®nbsp;Reyne veut restablir son authorité qu’elle pretend estrenbsp;fort lezée en tous ces grabuges. Elle Ie veut rendre ab-solu au point qu’il estoit quand elle a pris la Régence-Les Roys ne prennent point la loy de leurs sublets, ma'®nbsp;les sublets de leurs Roys; et faut tost ou tard qu’ils senbsp;rendent obéissans. Qui est ce qui doute de cela? Maisnbsp;y a bien a distinguer entre la puissance d’vn Roy ui^'nbsp;ieur et celle de ses Ministres dans sa minorité. Le R^Tnbsp;n’est pas a present en estat d’agir de sa personne; *nbsp;faut done que ceux qui ont le plus d’intérest en la con
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seruation de son Royaume, reprennent 1’insolence de ces zélez Ministres cjui sous ce masque de 1’authorité Royale,nbsp;ti’anchent du Souuerain et rauagent Ie Domaine dunbsp;Roy comme vne terre ennemie. Est il possible que si Ienbsp;Roy auoit la connoissance des misères de son peuple, ilnbsp;ii’en fust pas touché sensiblement? et ces harpies nenbsp;songent qu’a se repaistre du peu de sang qui leur reste.
Ces voleurs détestables nous ont depuis trente ans Question si !e voiilu faire passer pour légitime vne Polytique de Tyran, est maistrenbsp;public par tout que Ie Roy a droict de vie ou de nos biens.nbsp;*^ort sur ses subiets, que nos vies et nos biens sont anbsp;^uy, et qu’il en peut disposer comme bon luy semble,nbsp;eomme en estant Ie Maistre Souuerain. II est vray quenbsp;les subiets sont obligez naturellement d'employer leursnbsp;vies et leurs biens pour Ie seruice de leur Prince ; maisnbsp;il y a bien de la difference entre ces deux propositions:
Ie Prince peut prendre et disposer de nos vies et de öos biens a sa fantaisie; et nous deuons employer viesnbsp;biens pour Ie Prince. La première suppose vne puissance despotique et seigneuriale; et la seconde vne su-goltion dans Ie subiet qui l’oblige a seruir son Princenbsp;dépens de son sang et de ses biens, quand la néces-sRé est grande. lamais la France n’a esté en gouuerne-**tent despotique, si ce n’est depuis trente ans que nousnbsp;^^ons esté soumis a la Miséricorde des Ministres etnbsp;^^posez a leur tyrannic. Ceux qui ne philosophent quenbsp;les choses présentes, et qui ne portent pas leurnbsp;^^Pi'it a rechercher la vérité, croyant que c’est asseznbsp;'l’estre imbu d’vn Tout Ie monde Ie dit ^ s’estonneroiitnbsp;estre de cette proposition; mais qu’ils apprennentnbsp;^tie France est vne pure Monarchie Royale , ou Ienbsp;ï^tince est oblige de se conforraer aux loix de Dieu, et
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OU son peuple obéissant aux sierines clemeure dans la li-berté naturelle et dans Ia propriété de ses biens; au lieu que la Despotique gouuerne des sublets comme viinbsp;père de familie ses esclaiies. Tel est Ie gouuerneinent dunbsp;Turc, qui pour ceia s’appelle Ie Grand Seigneur, qulnbsp;peut sans iriiustice mander a ses Eassas de luy apporternbsp;leurs testes, s etaiit fait maistre paria voye des armes etnbsp;ayant tousioiirs retcnu Ie pouuolr de Conquérant, quinbsp;donne, suiuant Ie droict des geus, la puissance cte traitternbsp;en esclaues ceux qu’on subiugue.
La France n’est pas vne terre de conquestc : o’est ce qu’il faut prouuer j et pour eet effet, il est besoin denbsp;prendre la chose dans sa source. Mérouée, que nousnbsp;pouuons ajtpeler nostre premier Eoy, plus a propos quenbsp;ny Pharamond, ny Clodion Ie Cheuelu, qui ne régnèrentnbsp;iamais en nostre France , ayant amené vne armee considerable au deca du llbin, et mesme pris Trèues, fut priénbsp;par Aëtius, gouuerneur dans les Gaules pour l’empereur,nbsp;de ioindre ses forces auec les siennes et celles de Théo-doric, Roy des Gots, pour cbasser Attila qui rauageoitnbsp;la Gaule auec vne armee deplus de cinq cens mille oom-battans.
Mérouée ne demanda pas mieux , tant pour i’espé-rance du butin, que pour signaler son courage en quel-que belle occasion; ce qu’il fit, en effet, dansla batalH^ Catalonique, oii Attila fut défait et contraintde quitter l3nbsp;France. Deux choses furent fauorablesa notre Mérouee •'nbsp;i’vne que Théodoric y fut tué, et l autre qu’inconlinentnbsp;Aëtius fut aussi assassiné par Ic commandement de TEei'nbsp;pereur. Les Gaulois demeuroient aiirsi en proye; si bu'i'nbsp;que iottans les yeux sur Mérouée, qui auoit acqeisnbsp;grande reputation dans la bataille, ils Ie prlrent poui
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et Paris premièrement et puis d’autres villes luy ouurircntles porles, ayaat appris auec combien de douceur il traittoit celles cjiii I’anoient receu. Le voila Mais-tre sans coup férir; et pas vae de nos histoires ne ditnbsp;autre chose, siaon qii’après cette bataille la estant allc-chë par la beauté et bonté du Pays, il gagna quelquesnbsp;''dies qui le receareat a bras ouuerts après la mortnbsp;d’Aëtius. Et pour monstrer que nosGaulois se soumirentnbsp;'^olontairement a luy, et que iamais i!s n’y furent con-*^caints par la voye des armes , c’est qu’ils cbassèrent sonnbsp;fils Chilpéric, tout Roy qu’il estoit, a cause de ses vices,nbsp;ct qu’ils auoient élcu selon la forme ordinaire, et rap-Pelèrent vn Giilon qui estoit Romain, pour se i'emettrenbsp;Sons la domination de l’Empereur. Elire et destituer nenbsp;sont pas des marques d’vn peuple subiugué, mais cl’vnnbsp;peuple libre qui prend vn chef pour estre protégé contrenbsp;ses ennemis. Ie passe quantité d’autres raisons que ienbsp;pourrois alléguer; mais pour faire court, ie viens a lanbsp;^luestion; et dès que les Roys de nos temps ne peuuentnbsp;pi'étendre sur la France autre droict que celui qu’auoitnbsp;l^ïérouée, puisque iamais le gouuernement n’a manqué ,nbsp;que s’il y a eu quelque changement, ce n’a esté quenbsp;fi^us la succession de nos Princes, sans que la Francenbsp;cessé d’estre Monarchie , de sorte que Pon peut tirernbsp;cette consequence , que la France n’estant point terrenbsp;fic conqueste, ne peut estre traittée en esclaue; estantnbsp;^fiose inouie que de dire qu’vn chef a qui l’on se sou-*^ct volontairement, ait le mesme droict sur ceux quinbsp;^ ^ssuiettissent, qu’vn Maistre ou Seigneur sur sesnbsp;Esclaues. Aussi les bons Empereurs Romains ne vou-loient pas qu’on les appelast Fomini, c’est-a-dire, Sei-8*ieurs, mais bien Princes; ) esmoin Suétone dans la vie
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d’Auguste; et Pliiie ie ieune disoit a Traian : Prindpis secleni ohtines ne sit Domini locus. Cette differencenbsp;fut bien retnarque'e par les anciens Perses, qui appe-loient, au rapport d’Herodote, Cyrus I’aisne Roy, Cam-bises Seigneur, et Darius Marchand, parceque I’vn s’es-toit inonstre Prince donx et debonnaire ; I’austre hautainnbsp;et superbe; et le troisiesme trop exacteur et trop auare.nbsp;La definition de Roy qu’apporte Aristote, au 3® de lanbsp;Repub., s’accorde auec ce que nous auons auance ,nbsp;oil il dit que le Roy deuient Tyran pour peu qu’ilnbsp;force la volonte de ses sublets; ce qu’il faut prendre,nbsp;non pas au pied de la lettre , autrementil n’auroit paslenbsp;pouuoir de leur donner la loy, et les plus iustes dunbsp;monde deuiendroient Tyrans; mais en sorte qu’il doitnbsp;luy mesme obeir aux loix de la Nature, et gouuerner lesnbsp;suiets par la iustice naturelle, qui vent qu’on rende anbsp;cbacun ce qui luy appartient. Cela paroist par les marques qu’il donne de son administration, dont les princi-pales sont de craindre Dieu sur lout, d’auoir de ia compassion des affligez, d’aimer ses sublets, de se rendrenbsp;ennemy des meschans , et en vn mot, iuste enuers tous gt;nbsp;n’estant pas plus dispense de la loy de Dieu que le restenbsp;des hommes ; mais au contraire estant oblige d’y obéitjnbsp;et les sublets aux sienues. Ton peut dire que cette loinbsp;de Dieu doit estre la maistresse et la Reine de toutes Ic*nbsp;actions de part et d’autre. Et pleust a Dieu que cela fust •nbsp;nous ne verrions pas le deplorable estat oil est auioin’'nbsp;d’huy la France reduite, et ne souffririons pas que desnbsp;Ministres insolens nous fissent passer pour constant qu^nbsp;les lolx d’vn Estat ne peuuent subsister sans quelque m'nbsp;iustice.
ci:!?t”au*noy*'”” Nëauinoins Ton m’obiectera qu’outre cette obeissance^
-ocr page 409-Ie subiet est oblige a quelque redeuance enuers son Prince, et que iamais Pon a veu cle subiets sans rendre tribut;nbsp;d oil vient que lorsque l’on demanda a nostre Seigneurnbsp;s il falloit rendre Ie tribut a César, il donna ouuertement
V
3 entendre qu’ouy, en disant : Rendez a César ce qui est ^ César. Tout cela est vray *, mais il y a bien a distin-gUer entre Ie Tribut pris génëralement et la qualité dunbsp;Tribut. II n’y a point de subiet qui ne doiue, en qualiténbsp;de subiet, quelque tribut a son prince, qui n’est autrenbsp;eliose, a le bien prendre, qu’vne subsistance qu’on luynbsp;donne pour I’entretien de sa maison et pour les affairesnbsp;concernent la seureté et le repos de I’Estat. Et c’estnbsp;‘^e que nous appellons Doniaine; duquel les Rois de lanbsp;première et seconde i-ace, et inesme beaucoup de la troi-siesme se sont contentez sans rien leuer au dela sur leursnbsp;subiets, si ce n’estoit en quelque cas extraordinaireIlnbsp;est a remarquer que ce Domaine est inalienable parcc-que jes subiets Pont affecte au commencement a la subsistance des Rois et qu’ils se sont obligez a luy en payernbsp;rcuenus de droict naturel; de sorte que quiconquenbsp;*ielefait, outre qu’il offense Dieu mortellement, estnbsp;®ncore oblige airestitution, parcequ’ils s’en sont dessaisisnbsp;faueur de la subsistance du Prince. Mais ce qui est anbsp;^9ter, ils ne se sont iamais deportez de la connoissanccnbsp;des subsides extraordinaires qu’il a fallu leuer sur eux ,nbsp;n’y a nulle prescription qui ait pu acquerir aux Rois lenbsp;droict de faire des leuées sans leur consentement, pournbsp;'Pielque cause que ce soit. La raison de cecy se tire denbsp;la maxime que nous auons posée ; que le Roy n’a pointnbsp;de droict sur les biens des parliculiers; et partant il ne
^ ' Quand ie parle des peuples, ie n’entends pas les particuliers; mais Estats et les parlemens qui sont pour le peuple. N. D. T.
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peut les obliger a les luy ballier sans iniustice. Aussi voyons nous que les premiers Roys qui ont commence anbsp;lener sur Ie peuple, en ont fait vn poinct de consciencenbsp;et s en sont accnsez deuant Dieu comme d’vne chose in-iuste et qui ne leur estoit pas deue; Tesinoin S. Louisnbsp;qui cominanda a Philippe, son fils aisné et successeur, denbsp;remettre les Tailles qu’il auoit esté contraint de lener anbsp;cause des guerres, et luy défendit d’en leuer aucune sinbsp;l’urgente nécessité ne l y obligeoit ; ce qui fait voir quenbsp;la taille n’étoit pour lors qu’vn subside extraordinaire ,nbsp;non plus que la leuée de Louis Ie leune de vingt partiesnbsp;du reuenu de ses sublets pour vne fois seulement. Tellenbsp;fut encore la Maletote de Charles VL Et parceque lesnbsp;Estats virent que depuis S. Louis, les leuees se fai-soient comme ordinaires, il y fust arreste en presence denbsp;Philippe de Valois Tan 133, qu’il ne s’en feroit aucunenbsp;sur le peuple sans son consentement. Les Deputez desnbsp;trois Estats tenus a Tours firent a Louis XI, par forme denbsp;don pour deux ans seulement, quelque somme considerable comme vn octroy qui fust esgale sur lesdits Estats,nbsp;sans toutesfois tirer a consequence et sans que ledit octroy pust estre appele Taille ou impost. Et fut remonstrénbsp;aux Estats tenus en la mesme ville sous Charles VIII parnbsp;Philippe de Commines, qu’il n’y auoit point de Princenbsp;qui eust pouuoir de leuer impost sur ses sublets, nynbsp;prescrire ce droict, sinon de leur consentement. Boonbsp;Dieu que nous sommes a present esloignez de cette condition la! En ces temps-la, si quelque nécessité pressantenbsp;obligeoit lesRoysaexiger quelque tribut de leurs sublets,nbsp;c’etoit auec des protestations de le supprimer aussitostnbsp;qu’ils en seroient deliurez ; ainsl que fit Philippe leLong)nbsp;qui mit le premier vn double sur la liure de sel; et de-
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DE MAZARINADES.
puis Philippe de Valois déclara par lettres patentes de 1’an 1328, qu’il ne vouloit ny n’entendoit que Ie droictnbsp;de Gabelle, qiii estoit pour lors de quatre deniers pournbsp;liure, fut incorporé au Domaine, Est-ce Ia vne marquenbsp;d’vne puissance souueraine sur nos biens! La Monarchie est la mesme qu’elle estoit; Ie Roy a présent regnant l’a eue par succession. En ce temps la l’on ne le-uoit rien sur les sublets que par leur consentement; etnbsp;auiourd’huy on leur rauit tout ce qu’ils ont en dépitnbsp;d’eux. Considérez cecy, infasmes Partisans; et cessez denbsp;nous vouloir faire passer Ie gouuernement de France pournbsp;despotique.
Imptjts, causes
¦ gr bles.
Ce sont la les lecons que Ia Reyne deurolt faire ap-prendre au Roy son fils; elle deuroit luy représenter par ces exemples qu’il ne doit pas abuser de sou authorité ,nbsp;et que les Tailles qui montent auiourd’huy a des sommesnbsp;si excessiues, ne luy sont point deues selon les loix dunbsp;Royaume, et que iamais les Roys ses prédécesseurs nenbsp;les ont leuées que par violence ou par tolerance. II estnbsp;^cay que c’est la vne science que nous ne scauons pointnbsp;auiourd’lmy, ou nous sommes si accoustumeza l’esclauagenbsp;3Ue nous ne pouuons croire que nos pères ayent iamaisnbsp;csté libres; mais qu’elle luy apprenne s’il luy plaist, que
n’est pas Ie plus sur pour vn Roy que de tenir ses sublets en bride par la violence des cxtorsions; car ennbsp;pensant leur oster les moyens de se rebeller, on nenbsp;captiue pas leurs volontez pour cela; et tost ou tard, anbsp;la moindre espérance de mieux , ils secouent volontaire-lucnt Ie ioug, saus auolr égard ny a serment, ny a respect. Qu’elle luy fasse voir que les inuenteurs de nou-'^^aux imposts ont eu pour l’ordinaire des fms fortnbsp;*^^agiqnes, et que les Roys n’ont pas esté exempts du
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bouleuersement, tanl en leurs personnes qu’en leurs Estats; car sans parler des notes d’infamie, dont lesnbsp;peuples marquent la reputation des Princes pour telnbsp;suiet, comme firent les Romains a l’endroit de leursnbsp;Censeurs Licius et Claudius, qu’ils nommèrent les Sau-niers, pour tesmoigner la liaine qu’ils leur portoient,nbsp;sans parler encore d’vn certain Adieus, Roy des Ly-diens, cjui fut pendu par ses suiets, les pieds en haut etnbsp;la teste en la riuière , a cause des subsides qu’il vouloitnbsp;exiger, qu’elle scacbe que Philistus fut en partie causenbsp;de la baine que les Syracusains conceurent contre Denys Ie leune, leur Tyran, et finalement de sa perte, anbsp;cause des exactions violentes qu’il exerqoit sur eux. Aunbsp;corainencenient de cette Monarchie vn nominé Proclètes,nbsp;fut lapidé par les liabilans de Trèues, pour auoir con-seillé au Roy ïhéodebert de charger ses sublets de nou-ueaux subsides; Ie raesme malheur enseuelit Théodoric,nbsp;Roy de France, et lui fit perdre sa couronne. II n’y anbsp;pas vn siècle que Georges Preschon fut cruellement exe'-cuté a mort, et que Henry, Roy de Suède, dont il estoitnbsp;Ie Gouuerneur, fut chassé de son Estat pour Ie mesmenbsp;suiet. Nos Hlstoires nous marquent vne infinite de pa-reils exemples. Du temps de Charles V surnommé Ienbsp;Sage, I’on massacra deux Mareschaux de France; etpeunbsp;s’en fallut que Ie troisiesme n’eust la mesme fm; et lanbsp;fureur se porta si auant que l’on esgorgea des Dadersnbsp;iusques sur les Autels, comme des victimes publiques.nbsp;Sous Charles VI, toute la France ne fut elle pas sur Ienbsp;point de changer de Maistre; et quoy que les leuées etnbsp;contributions se fissent auec quelques formes d’Estats etnbsp;pour la nécessité, néanmoins Ie peuple falsant tousioursnbsp;instance contre lean de Montaigu, intendant des
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finances, autheur de nouuelles Daces, Ton fut contraint de l’abandonner, et eut la teste trancheeaux Hales, auecnbsp;vne Doloire, quoy qu’il eust fait bastir les Célestins etnbsp;donné la grosse cloche de Nostre-Danie.
Mais a quoy bon chercher des Histoires anciennes, puisque nous voyons tous les iours par effet la hainenbsp;que les peuples portent aux Partisans, n’y ayant pres-fpie point de Prouince ny de ville, en France ou l’onnbsp;i^’en ait massacre quelqu’vn depuis trente ans ?
Et ne sert de rien de dire que ceux qui Font fait, en ont esté punis, et que les Villes qui ont refuse d’obéyrnbsp;nux ordres des Partisans supérieurs, ont esté traittez ennbsp;nnnemies par les gens de guerre qu’on y a enuoyez pournbsp;viure a discretion, tesmoin la ville d’Angers l’an passé,nbsp;ilnesert, dis-ie, rien de parler de la sorte. L’on ne peutnbsp;pas vaincre les sentimens ny les volontés; tel voit vnnbsp;exemple de chastiment deuant soy qui espère eslre plusnbsp;beureux dans Ie mesme crime, et Ie pouuoir éuiter. Cenbsp;sont des secrets qui se mesnagent en haut, et oü nousnbsp;w’y voyons rien.
Ie scais bien qu’on peut encore repartir que quand les peuples se sont souslexiez, l’on a sceu prendre Ie tempsnbsp;et les chastier a propos; que les vrais poliliques dissimu-^ent pour quelque temps, iusques a ce que cette liitte in-fiomptable ait poussé son plus grand effort; que cenbsp;seroit letter de rimile dans Ie feu que de vouloir clias-fier vn peuple quand tout conspire a la révolte, maisnbsp;'Id’on luy cede quelque chose en apparence, pour luynbsp;®errer plus fortement après la bride et luy donner denbsp;^’esperon; que les Roys ne sont iamais chiches d’accordernbsp;^ leurs sulets ce qu’ils veulent en eet estat la, parce-
ils n’en tiennent rien s’ils ne veulent; si bien qu’après
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tout les rebellions causent vn mal inéuitable a des sublets. Quand i’aduouerols tout cela, c’est présenter a des peuples animez vn mauuais miroir que de leur faire voirnbsp;qii’il n y a iainais eu de seureté a s’accomoder auec lesnbsp;Roys j car qui est ce qui ne voit pas que pour éuiter pared cliatiment, il n’y a rien qu’on ne fasse? Quand cenbsp;scroit auec la plus grande iniustice du monde qu’on dé-trosneroit les Roys legitimes, néanmoins cette consideration ne touche point a 1 esgal de la peine qu’on se re-présente qu’il faut souffrir; et l’on se iettera plustostnbsp;entre les mains d’vn Barbare et d’vn ennemy que denbsp;s’accomoder auec vn Prince qui ne propose pour articlesnbsp;que des roues et des gibets; car au moins a t’on espé-rance d’vn plus fauorable traittement sous quelque autrenbsp;que ce soit. La pluspart des réuolutions des Estats sontnbsp;arriuées par la; et sans que i’appréhende d’abuser dunbsp;temps et d’estre trop long, i’en marquerois assez pournbsp;preuue de mon dire.
Lecon au Roy. Ie reuiens done a ma proposition et dis que la Reyne deuroit faire lire et comprendre ces Histoires la au Roynbsp;son fils et Ie nourrir dans vn amour de ses sublets, aunbsp;lieu de l’animer a la vengeance pour les Parisiens et tonsnbsp;ses autres fidèles Seruiteurs ; car si les peuples , commenbsp;il est infalllible, ont connoissance de cette nourriture,nbsp;que diront-ils en eux-mesmcs, s’ils ne !e déclarent toutnbsp;haut ? Que peuuent-ils attendre de meilleur que par Ienbsp;passé? Quoy, il y atrente ans qu’ils sont sous vne tyran-nie, et ils en voyent trente autres qui viennent ou d’a-uantage, qu’il leur faudra estre encor pis ? A quoy senbsp;doiuent ils résoudre? Les traicts de la nécessité sontnbsp;cuisans ; et tel se voit obligé de faire ce qu’il n’auroit la-mais pensé. C’est vn pernicieus conseil qu’on a donne
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y la Reyne de lui faire risquer Ie tout pour Ie tout; elle commence a en voir la consequence ; elle n’a cru n’auoirnbsp;qtie Ie Parlement de Paris en teste ; elle luy fait la guerre;nbsp;ct ie ne scay si elle n’a point affaire de luy auiourd’liuynbsp;pour estre maintenue; et ie ne scay s’il en pourroit ve-nir a bout quand il l’entreprendroit. Elle a iette Ie dé lanbsp;pcemière, et luy en suite; ils n’en sont plus maistres, nynbsp;1 vn ny l’autre. C’est a la fortune a iouër a son tour,nbsp;oti plustost a Dieu a faire voir vn effet de sa souuerainenbsp;ptiissance.
La Reyne ne doute pas, si on ne la flatte, que tout Ie •oonde la condamne; et si la voix du peuple est la voixnbsp;de Dieu’, qu’elle tire la consequence. C’est vne desnbsp;grandes marqués qu’il y ait d’vn changement d’Estat,nbsp;quand les peuples n’ont plus de respect ni de craintenbsp;pour leurs Souuerains, et quand ils les mettent au pisnbsp;faire. Denis Ie Tyran voulut bien changer de baterie,nbsp;Ruand on luy rapporta que ses sublets ne se soucioientnbsp;plus de ses rages ny de ses tourmens; mais il n’en estoitnbsp;pius temps; et il iugea bien qu’il estoit perdu, comme ennbsp;effet; si tost que son ennemy se fust presenté vers Syracuse, tout Ie monde s’y retira comme a vn azyle, etnbsp;fut abandonné misérablement, despouillé de sonnbsp;®stat et réduit .a l’esclauage. Voila co qu’il faut repré-Senter au Roy d’vn costé pour luy faire appréliender denbsp;*^d1 traitter ses peuples, et de l’autre ces sainctes instructions que donne 1’Empei'eur Théodose a son fils liono-dans Claudian, oü il apprendra en substance que
. ' Dii pamphlétaire a traité cette question e.r professo clans une piece in-|‘ngt;lée ; question : si la voix du peuple est la voix de Dieu [2951] ; et iiii [[f're a écrit résoluinent Que la voix du peuple est la voix de Dieu, etc.nbsp;i Voir aussi Remède aux malheurs de l’Estat de France, etc. [3270].
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les armes ne mettent pas les couronnes a l’abry des coups de la fortune, maïs bien l’amour des sublets;nbsp;qu’vn Prince ne se peut faire aimer par force, et que Ienbsp;Diadesme qui ne subsiste que par les picjues des gardes,nbsp;est bien pres de sa cheute; que celuy qui pense espou-uanter les autres par Ie nombre de ses Satellites, craintnbsp;plus qu’il n est craint, et que pour estre en seureté, ilnbsp;vaut mieux faire Ie père et Ie citoyen que de faire volei’nbsp;les testes des Princes ou des Conseillers, qui peuuentnbsp;faire ombrage.
Qui terret, plus ipse timet. Sors ista tyrannis
Conuenit; inuideant claris, fortesque trucident.
Tu ciuem patremque geras, tu consule cunctis.
Nee tibi, etc.
O que c’est vne pernlcieuse Politique que de porter les Roys a faire tout ce qu’ils peuuent plustost que cenbsp;qu’ils doiuent, et que c’est mal connoistre les fonde-mens d’vne Monarchie Royale que de vouloir faire passer vne authorité sans hornes pour légitime!
Car outre que de cette facon il n’y auroit nulle difference entre vn Roy et un tyran, a prendre mesme Ie mot en sa plus odieuse signification, il est constant a qui-conque l’examinera de prés, que dès lors qu’vn Roynbsp;abuse du pouuoir que Dieu lui donne en cette qualité,nbsp;et qu’il contreuient a son deuoir, il cesse d’estre Roynbsp;et les subiets d’estre sublets. La raison en est éuidente,nbsp;mais raal-goustée par les Politiques du temps; a quoynbsp;pourtant ils n’ont point de repartie. La voicy : Quaiidnbsp;les Roys viennent a la couronne, ils iurent sur les sainclsnbsp;Éuangiles qu’ils maintiendront 1’Église de Dieu a leuinbsp;pouuoir; qu’ils obserueront les loix fondamentales denbsp;l’Estat, et qu’ils protégeront leurs subiets selon Dieu et
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raison, alnsi que cle bons Roys cloiuent faire; etmoyen-nant ce sennent, les peuples sont obligez de leur obéyr comme a des Dieux sur terre; et Ie serment qu’ils ennbsp;ont fait aux premiers Roys, dure encor a présent, anbsp;cause de la succession perpétuelle qui s’entretient en lanbsp;r’rance. L’vn et l’autre serment est respectif; et commenbsp;Ie Roy peut iustement faire punir par toutes les voyesnbsp;d’vne iustice risoureuse des subiets contreuenans a lanbsp;promesse qu’ils ont faite de luy obéyr comme a leur lé-g'time Monarqiie , dans tous les articles qui ne choquentnbsp;point les trois fondamentaux que i’ay posé; de mesmenbsp;les subiets sont-ils exempts de l’obéissance, quand lesnbsp;Roys violent leur serment; car s’ils renuersent les loisnbsp;de 1’Église, qui est Ie subiet qui leur obéyra, ou qui estnbsp;oblige de leur obéir ? C’est la grande question mesrne dunbsp;temps de Henry IHI; a quoy il ne put trouuer de solutionnbsp;qn’en se rendant catholique. S’ils contreuiennent aux loixnbsp;fondamentales de l’Estat, comme s’ils prétendoient fairenbsp;toniber Ie Royaume en quenouille, vendre et aliénerleurnbsp;Domaine, les subiets sont exempts de leur en redonnernbsp;'’O autre, et de leur obéyr en l’autre point. Tout cela estnbsp;sans difficulté ; et il faut conclure qu’il en va de mesmenbsp;pour la troisiesme circonstance du serment, que si lesnbsp;^oys ne protégent leurs subiets selon Ie droict et lanbsp;Caison, conformément aux Lois de Dieu et aux Or-^lonnances des Estats que les Cours soimeraines sontnbsp;obligez de faire exécuter, comme les ayant en dépost, lesnbsp;^'^biets sont exempts de l’obéyssance; et bien d’auan-s’ils sont opprimez iniustement et auec vne violencenbsp;^yraiinique, qui ne peut compastir auec la Monarchienbsp;^°yale, oü les sublets ne s’obligent aux Roys que pournbsp;estre protégez conü’e ceux qui pourroient troubler
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leur repos; tellement que, s’ils Ie troublenteux mesmes, ils cessent d être Roys, et les sublets d’etre sublets. Aussinbsp;voyons-nous que, quoique les Romains n’eussent riennbsp;tant a coeur que d estendre leur selgneurle et de fairenbsp;de nouuelles conquestes, neanmoins ils n’ont iamais authorise les reuoltes des sublets contre leurs princes legitimes qu en cas d une inluste oppression ; et est certainnbsp;que les Peuples ont plustost eu recours a eux, qu’euxnbsp;aux Peuples pour faire cbasser les Roys qui abusoientnbsp;de leur autborilé; tesmoln les villes de la Grèce qui leurnbsp;enuoyèrent des Deputes pour les prier de les aller se-courir contre leurs tyrans. II est vray qu’ils estoient biennbsp;aises de rencontrer des occasions et des prétextes si fauo-rables; car comme ils croyoient que c’eust esté vne in-iustice que d’exciter vne réuolte et de corrompre desnbsp;sublets, aussi s’imaginoient ils qu’ils eussent commis vnenbsp;lascheté trop grande s’ils les eussent laissez dans vne oppression inluste quand ils auoient recours a eux; tant ilnbsp;est vray que les sublets ne sont obligez aux Roys qu’au-tant qu’ils sont Roys et qu’ils n’abusent pas de leur au-thorité. II n’en va pas de mesme dans la Monarchie Sei-gneuriale, ou les sublets sont bien obligez par sermentnbsp;au Monarque, sans que Ie Monarque s’oblige a rien s’ilnbsp;ne veut; et de quelque violence qu’il en use enuers eux,nbsp;ils n’ont iamais de iustes suiets de se rebeller (ie parlenbsp;icy selon Ie droict desgens, et non pas selon les maximesnbsp;du Cliristianisme). La raison est parceque Ie Monarquenbsp;ne se défait iamais de la qualité de Seigneur, et qu’vnnbsp;Seigneur, a prendre Ie mot en sa rigueur, n’a pointnbsp;d’autre loy que son espée, pouuant de droict quand dnbsp;veut, rauir et biens et vie-s detous les sublets, faire d'au-tres colonies et de nouuelles peuplades, comme il s®
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pouuoit quand il les a premièrement assuiettis par la 'quot;oye des armes.
II faut done que Ie Prince d’vne monarchie Royale soit soumis a ses subiets et qu’il n’ose faire ce qu’il voudroitnbsp;^ien, crainte de les offenser ? Nullement; mais Ie Roy etnbsp;ses subiets ayans vn niesme Dieu pour maistre, ses loixnbsp;ses commandemens doiuent estre la régie de leurs ac-*‘ons. Les grands Politiques oseront ils dire que Traian’nbsp;*^0 se comporta pas en Empereur quand il fit Lieiniusnbsp;Sura préfet du prétoire, et qu’en luy donnant l’espéenbsp;qui estoit la marque de sa eharge, il luy dit: «ie tenbsp;‘lonne eette espée, Sura, dont tu me seruiras fidèlementnbsp;Si le te eommande quelque chose selon Ie droit et Tequité;nbsp;sinon, ie te dispense de ton obéyssance, et seray biennbsp;aise que tu t’en serues contre moy-mesme.» Pensons nousnbsp;qu’Alexandre Seuerus eust moins de pouuoir et d’au-thorité que Caligula et qu’Héliogabale parcequ’il n’ennbsp;^busoit pas comme eux ? que Tacitus fust moins Empe-i’eur que les autres parcequ’il ne vouloit rien faire sansnbsp;^ nduis et le consentement du sénat? et pour parler denbsp;*'os Roys, Louis XII, qui estoit les délices du peuple etnbsp;faisoit conscience de leuer quelque chose sur luy,nbsp;^tainte de le faire crier, estoit il moins Roy et moins ab-®olu que n’estoient ses deuanciers ? Henry IIII a-t-il eunbsp;*®oins d’authorité que Louis XIII pour n’auoir pas faitnbsp;Sauter la teste a des Montmorency, a des Marillac, a desnbsp;Thou, a des Cinq-Mars, et pour n’auoir pas fait tantnbsp;®*'^prisonner et exiler de Conseillers et de Présidensnbsp;y en a eu sous le règne précédent, et depuis lanbsp;^^gence ? Mais le malheur est qu’on ne fait iamais con-
en la vie de Traian. N. D. T.
X
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ceuoir aux Roys ce qu’ils doiuent, mais ce qu’ils peu-uent et combien leur authorlté a d’étendue, contre la maxime et 1 instruction que donnoit Ie grand Théodosenbsp;a son fils.
' Nee tibi quid liceat, sed quid fecisse decebit,
Occurrat, mentemque domet respectus honesti.
Le Parlement D OU vicnncnt donc tous ces désordres? C’est de vous, cause du malheur j^jegsieurs papdonncz moy, si ie le dis; ear si vous vousnbsp;ce.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;opposiez vertement a ces iniustes et tyranniques procé
dures dès leur naissance, on ne les verrolt esclore qu’a la confusion de leurs autheurs et a 1’iionneur de vostrenbsp;compagnie. N’y a t il pas lieu de s’estonner que vousnbsp;qui estes les dépositaires de ce qu’il y a de plus sacrénbsp;dans nos loix, ayez si longtemps toléré le trafic infamenbsp;du sang des sublets du Roy? I’ay cent fois ouy dire dansnbsp;les Prouinces que tout le mal ne venoit que de vous,nbsp;qu’on ne demandoit pas mieux qu’a secouer ce ioug insupportable des Ministres Partisans, pourueu que vousnbsp;donnassiez le bransle, puisque vostre Parlement est sansnbsp;contredit le premier mobile de la France; et ie puis ad-iouster auec vérité que vous estes complices de tout lenbsp;mal qui s’est fait depuis tant d’années, hormis le mols denbsp;May dernier, que vous commencastes enfin a vous réueil'nbsp;Ier d’vne malheureuse lethargie qui vous a si longtempsnbsp;tenus sans poux et sans mouuement.
II me souuient a ce propos, de certains discours qu’on dit que tint le Plaisant, autrement le bouffon du Roygt;nbsp;sur Ie suiet des duels du grand Boutheuille, qui auodnbsp;desla tué seize Gentilshommes au combat d’homme n
* ClaviUian av. 4. Cons, d’hom. N. IX T.
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;403
liomme; et comme on deinandoit au Roy sa grace pour Ie seixiesme et que Ie Roy n’en vouloit point ouyrnbsp;parler, a cause de tant de meurtres qu’il auoit commis,nbsp;ce fou lui dit que Routheuille n’en auoit tué qu’vn etnbsp;lt;]ue Ie Roy auoit tué les autres; paree que, s’il l’eustnbsp;puny dès Ie commencement, selon les ordonnances, ilnbsp;n’en eust pas tué dauantage. I’en puis dire autant denbsp;vous, Messieurs, et prendre la liberté d’vn fou qui estoitnbsp;sage, en vous remonstrant que si vous auiez chastié dèsnbsp;Je commencement les brigandages du règne passé, nousnbsp;u’en serions pas ou nous sommes maintenant.
A qui pensez vous que les peuples puissent adresser leurs plaintes, si ce n’est a vous? Iront ils au Conseil dunbsp;oü l’on ne met quasi plus que des Partisans, pournbsp;se plaindre des extorsions qu’ils font ? c’est a dire, irontnbsp;ils deuant des luges qui sont parties ? Il n’y a pas d’ap-parence •, et Ie peu de iustice qui s’y rend, fait mesmenbsp;appréhender aux plus iustes d’en auoir des Arrests a leurnbsp;aduantage. Pourquoy vérifiez vous les Edits du Roy?nbsp;Est ce par forme seulement et par vne vieille coustume?nbsp;OU bien si c’est parceque vous seruez de barrière a cettenbsp;^utborité Royale et que vous auez droit d’examiner s’ilsnbsp;®ont iustes? Vous scauez mieux que moi que les peuplesnbsp;o ont aucune voix délibératiue en tout cela, si ce n’estnbsp;par vous qui estes comme leurs Députez; et quand i’aynbsp;^it qu’ils estoient parfois exempts de l’obéissance, ie n’en-*^onds pas que les particuliers se puissent arroger Ienbsp;^foict; autrement ils se feroient iustice a eux mesmesnbsp;selon leur caprice, ce qui ne se peut pas; mais bien quandnbsp;sont authorisez par vos Arrests qui tiennent lieu d’Es-^^ts et d’ordonnances.
Souuenez vous done, s’il vous plaist, que depuis que
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les Parlemens sédentaires sont instituez ponr rendre plus complétement la lustice aux sublets du Roy, I onnbsp;n’a tenu les Estats que pour remédier aux désordres quinbsp;arriuent de temps en temps en l’administration; qu’onnbsp;leur a donne les Ordonnances, comme en dépost, pournbsp;les faire exécuter en leur forme et teneur, et qu’ils ennbsp;sont chargez tant de la part du Souuerain que des Sublets ; si bien que 1 on peut eonelure conformément a manbsp;proposition, que toute la corruption qui arriue dans l’ad-ministration de l’Estat, ne prouient que de la lasehe tolerance des Parlemens et que les Roys et les peuplesnbsp;leur peuuent demander raison d’vne iustiec si mal admi-nistrée.
Response du Parlement.
response.
Ie scay bien que vous me direz que vous estes trop pres du soleil pournecligner pas les yeux, qu’il se trouuenbsp;trop peu d’aiglons parmy vous qui puissent en supporternbsp;les rayons, que la violence d’vn costé et la diuision denbsp;vostre compagnie de l’autre vous a forcez de faire desnbsp;cboses que vous S9auiez estre eontre la iustice, qu’il y anbsp;peu de Catons en ce sièele qui aillent au Palais au trauersnbsp;des pieques et qui fassent trembler les armes sans armes,nbsp;comme fit l’ancien d’Vtique celles de son collègue qui Ienbsp;Response a la vouloit cmpesclier de parler pour Ie bien publie. Voila,nbsp;ce me semble, ce que vous pouuez répliquer a ceux quinbsp;vous accusent de trop de conniuence. Mais parlons, ienbsp;vous supplle, sérieusement ; est ce la faire l’office denbsp;sages et de sages souuerains? Si vous n’estes establls qu®nbsp;pour faire la volonté du Roy a l’aueugle, a la bonnenbsp;heure; mais en ce cas la il n’a que faire de vous; et lesnbsp;peuples encore moins; Ie conseil d’en haut suffit, puis'nbsp;qu’aussi bien l’on n’a point d’autre raison, sinon que;nbsp;sic volo, sic iubeOf sit pro ratione voluntas. Qu’est ü
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besoln que des peuples viennent de si loin vers vous, si vostre pouuoir ne s’étend qu’a faire iustice entre Pierre etnbsp;lacques ? Hs trouueront Ia mesme chose auprès d’euxennbsp;leurs Présidiaux et Sénéchaussées; et s’il n’y auoit quenbsp;cela, 1’on pourroit dire qu’il n’y auroit rien de si inutilenbsp;•pie les cours du Parlement. Mais i’ay d’autres senti-mens pour vos Compagnies; et vous mesmes deuez ennbsp;^uoir de bien plus grands, parceque vous en connoisseznbsp;Ie mérite.
Charges des Censcillers,
Tellement que si vous m’accordez que vous auez droiet, eomme il est vray, de vous opposer hautement a la vexation des peuples et de casser les faux arrests du Conseilnbsp;d’en haut, quand ils choquent vostre liberté et cellenbsp;des peuples, vous m’accorderez aussi que vous estes obli-gez de Ie faire généreusement, on qu’il faut abandonnernbsp;vos charges.
Ce n’est pas en l’administration de la Iustice qu’il faut chercher a plaire aux Roys, si ce n’est en la rendantnbsp;^onne; ce n’est pas la oü il faut pallier la vérité. Lanbsp;Justice est trop auguste d’elle mesme et donne tropnbsp;aduantages a vn homme de coeur pour en estre trahie;nbsp;si la flatterie est pardonnable a des Courtisans, ellenbsp;criminelle dans des luges, qui ne sont iuges que pournbsp;punir, puisqu’elle est la mère de 1’iniustice. L’escholenbsp;la Cour est bien différente de celle du Parlement; ennbsp;^®lle la on apprend a plastrer adroitement et a cherehernbsp;quoy plaire aux Roys; et en celle cy toutes les pen-doiuent tendre a chastier les fourbes et a rendre lanbsp;Justice; tellement qu’estant impossible de seruir deuxnbsp;’’^nistres si différens, sans hair l’vn et aimer l’autre, 1’onnbsp;peut dire d’vn magistrat qui fait Ie courtisan par inté-*’est OU par affection, qu’il quitte son office de luge pour
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estre fourbe, a moins qu’il n’en vse comme falsoit Ca!-listhène cliez Alexandre. Ce grand Philosophe, voyant que son maistre se mesconnoissoit et qu’il se portoit anbsp;des exces de violence et de bouche, mal séans a la reputation qu’il acquéroit en ses conquestes, I’aduertissoit denbsp;ses défauts auec beaucoup de liberté; ce que Ie Roy auoitnbsp;bien de la peine a souffrir; tellement qu’Aristote, crai-gnant qu’il ne luy en prit mal, luy dit vn iour : « Callis-thène, ou il ne faut point approcher des Roys, ou il lesnbsp;faut vn peu flatter. » Au contraire, rëplique Callisthène,nbsp;K OU il ne les faut point approcher, ou il faut leur dire lanbsp;vérité. )) Ie pardonnerois a des Courtisans quand ils nenbsp;seroient pas si rigoureux; mais il n’est pas supportablenbsp;de voir des luges s’accomoder au temps et feindre denbsp;s’opposer a l’iniustice quand ils la voyoient si manifeste.
Ouy, mais Ie mauuais traittement qu’on a fait a ceiix qul ont cette fermetc que ie dis qu’il faut auoir, n’est ilnbsp;pas suffisant d’estonner les mieux intentionnez? II estnbsp;vray. Messieurs, que vous pouuez dire ce que disoit autrefois Cicéron en cas pared : Tenehainur undique, ne-que quominus seruirernus, recusauiinus; sed mortemnbsp;et eiectionem quasi maiora timebamus, qure muJtbnbsp;fuere minora. En effect, Ia mort et Ie bannissement denbsp;vos frères estoient pour vous faire appréhender de dii'Cnbsp;vos sentimens auec liberté; mais vous auez enfin reconutinbsp;({ue les maux qu’ils ont soufferts, estoient bien moindre*nbsp;que ceux qu’on vous a fait souffrir depuis, s’il est vraynbsp;qu’il n’y a point de tourment plus rigoureux a des boiU'nbsp;mes de cosur que de viure sans honneur, ou que de moU'nbsp;rir lentement par des apprehensions continuelles. C’estnbsp;vne chose faite; recueillez vos esprits maintenantj et ra-
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de
oiniez vos courages. Toute Ia France vous tend les bras; oe la clélaissez pas; elle fait ses efforts et fouille Ie reste
ses veines pour vous assister; vnissez'vous estroite-oient; car l’vnion de vostre Compagnie est plus forte que toutes les armes que l’ou vous scauroit opposer; d’ounbsp;quot;vient que ce n’estoit pas sans raison que Ie Sénat Ro-*nain s’assembloit Ie plus souuent au temple de la Concorde, et que Q. Marcius estant censeur, fit mettre ennbsp;toutes les Cours des statues de cette Déesse, auec desnbsp;¦A-Utels, pour monstrer que Ie Sénat ne se deuoit iamaisnbsp;Partager en opinions.
Ma.
tientis Senatüs; c’est, Messieurs, vostre tres humble, et tres obéyssant seruiteur.
C’est a quoy toute la France vous coniure; et moy par-Dculièrement, qui finis par ces paroles de Cicéron :
sen-
'gna cw, magnum numeri est enurn et idem
Au Lecteür,
II y a desia longtemps que cette lettre deuoit pa-coistre; mais quelques considerations en ont empes -L’autheur a mandé qu’elle seroit suiuie en bref ^ vne autre a la ville de Paris, oü il doit monsti-er Fln-'•Ci'est qu’elle a de se tenir vnie auec la cour du Par-^Cinent, et quelques auis sur Ie fait de la police ou 1’onnbsp;'Oanque. On l’attend a la première poste; car il est esloi-Sné de cette Ville.
Monsieur, le ne pense pas que vous trouuiez manuals que ie n employe point icy le nom de Monseigneur; ienbsp;m’en suis empesche par la rencontre de l’Arrest du huitnbsp;ianuier dernier, que Nosseigneurs de Parlement ontdonnénbsp;contre vostre Eminence. C’est pourquoy ie me sers dunbsp;terme dont nous trailtons ceux qui écriuent commenbsp;nous; car aussi bien i’ay appris que vous estes le plusnbsp;grand barbouilleur de papier qui soit au monde. Receueznbsp;done, mon cher camarade, la lettre que ie vous escris.
Depuis que vous vous meslez du Gouuernement des affaires de France, i’ay tousiours oüy dire que vostrenbsp;conduite ne valoit rien ; et i’ay fait ce que i’ay pü pournbsp;Jésabuser les peuples de la créance qu’ils auoient ennbsp;vostre politique. I!s se flattoient tellement en leur opi'nbsp;nion que le cardinal de Riclieüeu vous auoit choisi pournbsp;luy succéder en cette administration, que iusques a cenbsp;qu’ils aient veu que vous auez perdu la tramontane etnbsp;que vostre petite ceruelle se trouuoit au bout de sesnbsp;finesses, il m’a esté impossible de leur persuader qu®nbsp;vous estes le plus ridicule Ministre qui ait iamais esté, I®nbsp;vous assure qu’a présent ils le croyent; et quand vou^nbsp;vous estes engage en cette dignité de fauory, vous n’aueZnbsp;pas sceu que nous auons des exemples dans nos histoires,nbsp;de ceux qui ont possédé les Roys, qui ont fait des fii**
* CVst une des bonnes pièces, au jugement de Naudé.
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fort élolgnées de celles qu’ils s’estoient proposées. H y a eu véritablement de grands hommes; et les Roys qui lesnbsp;ont choisis pour estre soulagez dans Ie pesant fardeau denbsp;leur Royaume, nous font voir que celle de trouuer vnnbsp;bon Ministre, c’est la peine la plus insuportable. Charlesnbsp;cinquième, surnommé Ie Sage, comme il estoit Princenbsp;de grand sens, n’ayma iamais que des seruiteurs biennbsp;sencez ; ainsi il affectionna Ie Connétahle du Guesclin anbsp;cause de ses rares vertus. Charles VII, pour Ie mêmenbsp;suiet, admit au Gouuernement de son Estat lean d’Or-léans, appelé pour ses mérites Ie bon Comte de Dunois,nbsp;auquel la France demeure encore rcdeuable auiourd’huynbsp;pour les continuels seruices qu’il a rendus a cette Cou-ronne pendant Ie cours de sa vie; Louis XI clioisit Tristan l’Ermitte: Ie Roy Francois I aima radiniral de Bon-niuet pour Ia gentillesse de sa personne; Henri II es-leua Montmorency pour son courage; et Charles IX tintnbsp;leMareschal de Reez pour sa bonne conduitte. Heny IIInbsp;agrandit d’Espernon pour son esprit; Henri IV Ie Duenbsp;de Sully pour l’instrument de ses desseins. Louis XIII senbsp;trouua oblige, pour Ie bien de son royaume, de se confiernbsp;au cardinal de Richelieu. Voila, Monsieur, vn petitnbsp;abrégé des fauoris, mais grands hommes, et s’il les fautnbsp;Considérer par les grandes et importantes affaires qu’ilsnbsp;Ont adretteinent et généreusement démeslées. Vousnbsp;auoiierez auec moy que vous auez bien manqiié en toutenbsp;vostre conduite; et il vous estoit autant facile de vousnbsp;*naintenir en l’estat que vous vous estes trouué après lanbsp;ïïiortdu grand Armand, qu’il est aiséa vn filsde familienbsp;de se conseruer Ie repos dans vne grande succession quenbsp;son père luy auroit laissée.
Du temps de Charles AHII, Francois, due de Bretagne,
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se laissa posséder par vn Tailleur nomnié Landais, auquel les Grands du pais firent faire Ie proeez. I’ay grand peurnbsp;que eet exemple ne vous touche; et 1’liistorien qui ennbsp;escrit, dit qu il estoit fin Tailleur. On peut dire de vousnbsp;que vous estes vn fin Lapidaire ou Tailleur de Diamans;nbsp;et parmy les plus grandes affaires de l’Estat, importantesnbsp;a faire, 1 Abbé Mondin ou Lescot ‘ suruenant, vous lesnbsp;attiriez dans Ie plus secret de vostre cabinet, et laissiez-lanbsp;Ie Courrier et 1 Ambassadeur dans vostre anti-chambrenbsp;se ioüer auec vos singes , pendant que vous visitieznbsp;I’escrin de vos diamans. On scait que 1’an passé vousnbsp;enuoyastes Lescot en Portugal auec des letti’es de changenbsp;pour plus de trois millions de liures, et des lettres denbsp;créance pour autant d argent qu’il en faudroit pournbsp;achepter ce qu’il auroit trouué a Lisbonne. Mais cesnbsp;bassesses ne nous arrestent pas. II y a tousiours quelquenbsp;chose en Thomme de foible; et les plus grands person-nages ont tousiours eu quelque chose qui les ont faitnbsp;remarquer pour n’auoir pas toutes les perfections denbsp;l’esprit. Vous estes venu en France la première fois ennbsp;assez menu équipage, si vous vous souuenez qu'au voyagenbsp;de Nancy, n’ayant pu trouuer de giste, vous fustes con-traint de coucher dans Ie carosse du feu Maresebal denbsp;Schomberg; et Ie lendemain matin, les cochers Ie voulantnbsp;mettre en estat de marcher, vous éueillèrent assez rude-ment. Ie vous dis cecy en passant, afin de vous faire voirnbsp;que Ton vous connoist. Vostre condition est si releuéenbsp;dans Rome qu’il me souuient qu’vn bonneste homnienbsp;écriuant de Rome a Paris, a vn sien ainy, Ie querelloitnbsp;de ce que de Paris il ne luy auoit pas mandé que vostre
* Voir plus bas Ie Courrier dn femps, etc.
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;411
mère estoit morte a Rome, oü on ne la connoissoit pres-que points
Ie ne scaurois laisser passer vostre témérité. Quancl Vous auez voulu entreprendre sur la liberté cle Messieursnbsp;du Parlement, vous auez bien manqué d’adresse en cenbsp;rencontre. Vous croyiez peut-estre que c’estoient desnbsp;luges de la rotte de Rome que Ia pourpre d’vn cardinalnbsp;eblouit. Leur pourpre esclatte bien d’auantage; et vousnbsp;deuez vous ressouuenir d’vn certain mot que vous distnbsp;'vn iour Bautru; lorsque vous voyiez qu’il faisoit tantnbsp;d’honneur a vn Conseiller des Enquestes et lui en deman-diez la raison, il vous dit qu’il flattoit Ie chien qui Ienbsp;poiirroit mordre quelque iour^ Pensez-vous qu’il soitnbsp;Prophette? II y a bien des cbiens dans Ia meutte qui Ienbsp;prendront bien-tost aux fesses; inais puisque nous sommes sur ce propos, que pensez-vous que Ie Parlement fassenbsp;de vos Conseillers qui vous ont si bien conduit ? on peutnbsp;bien dire que les oublieux vous ont conduit dans Ie precipice, quelque bonne lanterne qu’ils ayent pü auoir 5 maisnbsp;ds se sauueront, ces matois; et vous, vous y périrez.
Consultez maintenant vostre Conseil; vous en auez mutant besoin que iamais. L’Arrest du Parlement du 8nbsp;ïanuier ® n’est pas grande chose, a ce que vous dites;nbsp;cassez-Ie par vn Arrest du Conseil d’en haut. Certaine-Hient vn Guénégaud en parchemin préuaudra sur vnnbsp;Giiyet®; mais on dit que ce n’est pas a présent; ou dunbsp;*^oins sera t’il aussi bien execute que celuy qu’on publia
' Le Cowrier du temps dit la soeur de Mazarin.
Tallemant desRéaux a recueilli celte anecdote dans ses Historiettes Qui ordonne au cardinal Mazarin de sortir du royaume.
^ Secrétaire d’État.
Greffier du pariement.
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CHOIX
a Poissy ces iours passez, portant defenses de vendre aucun bestial sur peine de Ia vie II est vray qu’il fustnbsp;obey en ce point; mais les marchands débitèrent leursnbsp;marchandises a la Chaussée; et par ainsi, Paris n’a pointnbsp;manque de son ordinaire; et vostre dessein de l’affamernbsp;n’a pas bien réussi. S^auez-vous bien que i’ay désabusénbsp;beaucoup de personnes qui disoient que vous auiez plu-sieurs biens en France, et que la maison que vous aueznbsp;derriere Ie Palais Cardinal, estoit de grand prix? il estnbsp;vray qu’il y a du trauail pour de grandes sommes; et ilnbsp;est très-aisé d’acquérir du bien a oe prix-la. Celuynbsp;qui Tacheta de M. Ie President de Duret ^ vous passa vnnbsp;bail de six mil liures; et pour faire quelques accomode-mens pour vous, il fit quelques auances dont il fit desnbsp;parties; et comme l’appétit vient en mangeant, vousnbsp;ordonnastes vne gallerie a Pasques; en sorte que de toutenbsp;la despense qui a esté faite, vous Ia deuez toute entière.nbsp;Plusieurs marchands de cette ville ont esté pipez par ceuxnbsp;qui se meslent de vos affaires. Vous me direzque la plus-part des grands Seigneurs font de mesme. II est vray,nbsp;si c’est par cette action que vous voulez faire voir votrenbsp;Eminence; car ie ne voy en vous ny en vostre espritnbsp;rien d’éminent pour tout. On ne doute pas que quinzenbsp;iours auant Ie despart du Roy, pour fauoriser la sortienbsp;de vos meubles hors de cette ville, vous fistes courir Ie
' « Le inesmc lour (8 janvier) les Bouchers estant a Poissy au mar-ché, leur fut signifié vn Arrest rendu par le Chancelier, par lequel defenses leur estoient faites d’achepter aucun bestial pour mener a Paris,... no-nobstant lesquelles defenses, la Ville ne laissa d’estre pourueue suffisam-ment. »nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Le Courrier francais [830], 1*' arrivée.
^ Duret de Chevry, président au parlement de Paris. II y a la une er-reur. La maison appartenait au président Tubeuf qui la vendit a Mazarin moyeniiant six cent mille livres. Voir Arrest de la cour de Parlement dnnnenbsp;en faucur des créanciers du cardinal Mazarin, etc. [300] ,
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bruit que Ie Cardinal Grimaldy alloit loger a Chaillot; et soubs ce pretexts, ce que vous auiez de plus précieuxnbsp;3 Paris, fut transporlé de ce costé la, soit a Ruel ou plusnbsp;^oin; mais on trouuera bien tout auec Ie temps. On scaitnbsp;bien que lors de la sortie de M. d’Emery de la Surinten-‘Jance, vous empruntastes de tout Ie monde, iusques anbsp;Desbournais qui vous presta dix mil liures. Les Francoisnbsp;lie sont point si dupes que de croire que vous ayez esté anbsp;eette extrémité; et l’orsque vous distes a Madame la Du-chesse d’Aiguillon que vostre père auoit emprunté douzenbsp;mil liures pour les funérailles de votre frère Ie Prescheurnbsp;il me souuient qu’elle vous fist response qu’il valoitnbsp;mieux que l’on crust que vous auiez douze millions quenbsp;d auoir esté réduit a cette extrémité d’emprunter vne sinbsp;modique somme.Cela seroit-il bien possible que cela fust?
Si la coustume estoit en France de mettre les testes a prix, oü dormiriez-vous en seureté ? y a-t-il aucun de vosnbsp;valets en qui vous vous puissiez confier ? vous les auez sinbsp;mal récompensez qu’il n’y en a aucun qui ne s’eïïbrcastnbsp;lie l’auoir de cette sorte. Mais la France a des loixnbsp;bien plus douces; ses formes ne se cbangent point; et
Parlement veut que son Arrest soit execute. Le Due lie Bouillon qui a tant souffert depuis qu’on luy pro-met de liquider son affaire de Sédan; Monseigneurnbsp;1® Due de Beaufort après vne prison si violente denbsp;^mit d’années iniustement passées au bois de Vincen-; le Mareschal de la Motte, dont l’on ne peut asseznbsp;admirer la vertu après auoir receu vn si rude trai-tement de vostre Eminence, et tant d’autres braues gensnbsp;Htie vous auez consommez de patience, en seront les exé-
Pierre Mazarin, cardinal de Sainte-Cécile.
414 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
cuteurs; ils feront la perquisition de vostre personneaux quatre coins et au milieu du Royaume; et si vous lesnbsp;échappez, ie 1 iray dire a Rome. Vous pensez estre ennbsp;grande seureté proche la personne du Roy. Détrompeznbsp;vous, ie vous prie; la France en l’estat qu’elle est, anbsp;besoin d vn autre Ministre; et Ie Roy d’vne autre personne pour veiller a son education.
Combien auez-vous leurré de personnes de condition pour les engager au seruice de l’éducation de Monseigneur, frère du Roy, ie m’en rapporte a Monsieur denbsp;Fontenay, que vous engageastes en l’Ambassade de Romenbsp;pour vn peu de temps, au braue comte de Cesy, qui ennbsp;a receu mille lettres et qui en cette qualité a esté logénbsp;dans Ie chasteau de Fontainebleau. Pensez-vous auoirnbsp;fait vn grand bien au Précepteur du Roy ‘, de luy auoirnbsp;donné TEuesché de Rhodez, pour Ie prieuré de Poissynbsp;que vous auez donné a l’abbé de la Machoii’e. Cela s’ap-pelle escroquer vn benefice. Toutes ces fagons vous dé-crient fort en France. On ne trouue pas fort estrangenbsp;que vous ayez bienné l’abbé de la Riuière du Chapeau denbsp;Cardinal; cela s’appelle en langage Badaudois pain beny.nbsp;Ie vous enuoye vn Rondeau qu’on a fait sur ce suiet,nbsp;après que i’auray finy ma lettre; car aussi bien depuisnbsp;que son Altesse de Conty a fait donner les passeportsnbsp;pour les Messagers, i’auray beaucoup de lettres a fairenbsp;pour les Seruantes de Paris qui sont en peine de leursnbsp;bons amis les soldats des Gardes, que l’on dit que vousnbsp;auez enuoyé a Saint-Denis pour estre noyez. II est vraynbsp;que l’argent que vous leur auez fait donner, ne les feranbsp;point couler a fond,
* Ij’abbé de Beaumont de Péréfixe.
A Ia Riuière auint cas fort nouueau,
Et trés facheiix quand on luy dit : u tout beau,
Vous n'estes pas encor du consistoire »
Car pour sa teste xn Capelan doit croire,
Qu’vn chapeau rouge est vn trop lourd fardeau.
Vn prince veut en affubler sa peau;
D’y résister vous passeriez pour veau;
Et comme vn asne on vous naeneroit boire A la riuière
Quoy vous ranger dans Ie sacré troupeau,
Vous dont Ie père et Ie gris de bureau Dedans Montfort gauloit et pomme et poire!
Rentrez chez vous, pédant a robe noire;
Ou Pon renuoye et 1’homme et Ie cbapeau A la riuière.
A trompeur, trompeur et demy, Seigneur lules. Puis-que vous auiez trouué vne bonne place en France et que les peuples estoient accoutumez d’auoir vn Cardinal,nbsp;vous vous y deuiez tenir et ne rlen entreprendre. Ie vaisnbsp;dresser vn petit discours pour vous faire voir vos fautes,nbsp;afin de vous donner moyen de faire vne bonne confessionnbsp;générale; car on dit que ce que vous auez de plus court,nbsp;est la mémoire. Ressouuenez-vous du Proverbe de votrenbsp;pays,
Ché ben sta, no si moue.
C’est assez vous dire vos fautes; mais prenez garde a ^ous; car les Arrests de la Cour du Parlement sont d’vnnbsp;grand poids; et très-difficile de les éulter. Quoyque monnbsp;style'soit de très-bas pris, néanmoins ie vous diray cenbsp;petit passage d’Horace :
Raro antecedenten! scelestum
Deseruit pede poena claudo.
Monsieur, vostre seruiteur et bon amy,
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Les Triolets du temps, selon les 'visions dlvn petit fils du grand Nostradamus, faits pournbsp;la consolation des bons Francois et dédiés aunbsp;Parlement [3339]'.
(4 mars 1649.
Parisiens, ne resuez pas tant.
La defense est tousiours permlse.
En ce malheureux accident,
Parisiens, ne resuez pas tant.
Ca, ca, vite; il faut de 1’argent.
Donnons tout, iusqu’a la chemise.
Parisiens, ne resuez pas tant.
La defense est tousiours permlse.
Suluons nostre illustre Pasteur®.
On ne peut après luy mal faire.
C’est vn maistre prédicateur.
Suiuons nostre illustre Pasteur,
Cet autre Paul, ce grand Docteur Que toute l’Eglise réuère.
Suiuons nostre illustre Pasteur,
Ou ne peut après luy mal faire.
Ie veux moi mesme aller aux coups,
Moi qui ne suis qu’homme d’estude.
* nbsp;nbsp;nbsp;On les attribue Jean Duval, auteur du Parlement burlesque de Pon'nbsp;toise [2701].
* nbsp;nbsp;nbsp;Jean Francois Paul de Gondy, archevéque de Corinthe et coadjuteurnbsp;de Paris.
Pour donner bon exemple a tous,
Ie veux moi mesme aller aux coups.
S’il faut mourir, ie m’y résous,
Encor que la mort soit bien rude.
Ie veux moi mesme aller aux coups,
Moi qui ne suis qu’homme d’estude.
Qu’ils prient bien, nos ennemis,
S’ils out la piété dans Pame.
Ce saint deuoir leur est permis.
Qu’ils prient bien, nos ennemis,
Sainct Germain, Sainct Cloud, Sainct Denys; Nous auons pour nous Nostre Dame.
Qu’ils prient bien, nos ennemis,
S’ils ont la piété dans l’ame.
Nos greniers sont remplis de blé. Qu’on en fasse de la farine.
Le peuple a tort d’estre trouble. Nos greniers sont remplis de blé.nbsp;On ne scauroit estre accable,
D’vn an entier, de la famine.
Nos greniers sont remplis de blé. Qu’on en fasse de la farine.
Les cabarets sont tous ouuerts. Cbascun y boit; chascun y mange.nbsp;On y trouue des vins diuers.
Les cabarets sont tous ouuerts.
Et e’est la que i’ai fait ces vers Qui sentent la saulce a I’orange.nbsp;Les cabarets sont tous ouuerts.nbsp;Chascun y boit; chascun y mange.
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Fourbisseurs, ne vous lassez pas. Armuriers, traualllez sails cesse.
C’est pour ai’mer tous nos soldats. Fourbisseurs, ne vous lassez pas.
II faut couper iambes et bras A ceux qul nous tiennent Gonesse.nbsp;i'ourbisseurs, ne vous lassez pas.nbsp;Armuriers, trauaillez sans cesse.
Puisque c’est a nous les canons Auec les boulets et la poudre ,nbsp;Bourgeois, si mes conseils sont bons,nbsp;Puisque c’est a nous les canons,
Pour immortaliser vos noms,
Allez partout porter la foudre, Puisque c’est a nous les canonsnbsp;Auec les boulets et la poudre.
Aux ai’mes! ils sont aux fauxbours! Laquais, mon pot et ma cuirasse.nbsp;Qu’on fasse battre les tambours.
Aux armes! ils sont aux fauxbours! Allons auec vn prompt secoursnbsp;Contre cette meschaute race.
Aux armes! ils sont aux fauxbours! Laquais, mon pot et ma cuirasse.
Ne vous prëcipitez pas tant,
Caualier de portes cochères.
Vostre cbeual est bien pesarit.
Ne vous prëcipitez pas tant.
Gardez d’vn mauuais accident Qui pourroit gaster nos affaires.
Ne vous prëcipitez pas tant,
Caualier de portes cochères.
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Allons, puistjue i’ai pris mon pot, Allons, qu’on s’auance et qii’on tue.nbsp;Allons, auec ordre au grand trot;nbsp;Allons, puisque i’ai pris mon pot.nbsp;Allons frapper sans dire mot.
Allons, la visière abattue.
Allons, puisque i’ai pris mon pot. Allons, qü’on s’auance et qu’on tüe.
Hëlas! que de malheureux corps Dont la rage a fait vn parterre!
Que de blesses et que de morts!
Hél as! que de malheureux corps! Les foibles ont souffert des forts.nbsp;Voila les beaux fruits de la guerre.nbsp;Hélas I que de malheureux corpsnbsp;Dont la rage a fait vn parterre!
Francois qui combattez dehors, Pourquoi causer tant de misères?nbsp;Songez en faisant vos efforts,nbsp;Francois qui combattez dehors,
Que vous auez dans ce grand corps Vos femmes, filles, soeurs et mères.nbsp;Francois qui combattez dehors,nbsp;Pourquoi causer tant de misères?
Si vous auez vos mesmes coeurs En cette funeste auenture,
Francois, cruels persécuteurs,
Si vous auez vos mesmes coeurs, Gardez y parmi vos rigueursnbsp;Vn sentiment pour la nature,
Si vous auez vos mesmes coeurs En cette funeste auenture.
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Courage ! l’accord s’en va fait.
Ie viens de l’apprendre des astres. Francois, tout nous vient a souhait.nbsp;Courage! I’accord s’en va fait.
Vous en verrez bientost I’effet Par la fin de tons nos désastres.nbsp;Courage! 1’accord s’en va fait,nbsp;le viens de I’apprendre des astres.
II n aura pas ce qu’il pretend, L’Espagnol qui cherche ses villes.nbsp;C’est en vain qu’il est si content;
II n’aura pas ce qu’il pretend.
Qu’il ne se chatouille pas tant Pendant nos discordes ciuiles.
II n’aura pas ce qu’il pretend, L’Espagnol qui cherche ses villes.
Le Roy sera bientost icy.
Que chascun en saute de ioie!
Ne nous mettons plus en soucy.
Le Roy sera bientost icy.
II va reuenir, Dieu mercy!
C’est le ciel qui nous le renuoie.
Le Roy sera bientost icy.
Que chascun en saute de ioie!
Monsieur le prince de Conty Auec son zèle et sa prudencenbsp;A bien soustenu son party,nbsp;Monsieur le prince de Conty.nbsp;L’Vniuers doit estre aduertynbsp;Qu’il a sauue la pauure France,nbsp;Monsieur le prince de Contynbsp;Auec son zèle et sa prudence.
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II Ie faut louer hautement,
Ce valllant due de Longueuille. Bourgeois, Messieurs du Parlement,nbsp;II Ie faut louer hautement.
II a trauaillé puissamment Au bien de la cause cluile.
II Ie faut louer hautement,
Ce valllant due de Longueuille.
Ce généreux due de Beaufort Sera hlen auant dans l’histoire.
Dieu l’a tlré d’vn cruel fort,
Ce gënéreux due de Beaufort,
Pour seruir icy de renfort Et pour releuer nostre gloire.
Ce généreux due de Beaufort Sera bien auant dans l’histoire.
Monsieur d’Elbeuf et ses enfans Ont fait tous quatre des merueilles.nbsp;Qu’ils sont pompeux et triomphans,nbsp;Monsieur d’Elbeuf et ses enfans !
On dira jusqu’a deux mille ans Comme des choses nompareilles :nbsp;Monsieur d’Elbeuf et ses enfansnbsp;Ont fait tous quatre des merueilles.
Admirons Monsieur de Bouillon. C’e.st vn Mars quoiqu’il ait la goutte.nbsp;Son conseil s’est trouué fort bon.nbsp;Admirons Monsieur de Bouillon.
II est plus sage qu’vn Caton.
On fait bien alors qu’on 1’escoute. Admirons Monsieur de Bouillon.nbsp;C’est vn Mars quoiqu’il ait la goutte.
Get inuincible mareschal 1
Qu’on a tenu dans Pierre Ancise, Après qu’il fut franc de ce mal,
Cet inuincible marescbal,
II presta son bras martial Pour meltre Paris en franchise;
Cet inuincible maréchal
Qu on a tenu dans Pierre Ancise.
Ie ne puis taire ce grand cceur’
Que tout Paris vante et caresse;
C’est ce marquis tousioni’s vainqueur. Je ne puis taire ce grand coeur.
C’est Ie capitaine sans peur Qui trauaille et combat sans cesse.
Ie lie puis taire ce grand coeur Que tout Paris van te et caresse.
Viue, viue Ie Parlement Qui va mettre la paix en France!nbsp;Qu’on chante solemnellementnbsp;Viue, viue Ie Parlement!
II oste tout deréglément Pour nous oster toute souffrance.nbsp;Viue, viue Ie Parleinentnbsp;Qui va mettre la paix en France!
nbsp;nbsp;nbsp;Le maréchal de La Motte Houdancourt.
* nbsp;nbsp;nbsp;Le marquis de La Boulaye.
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(H mars 1649.)
Ma foy, laous en avions dans 1’aile.
Les Frondeurs nous la baillent belle.
Male peste de FVnion!
Le Bied ne vient plus qu’en charrette. Confession, communion,
Nous allons mourir de disette.
Qu’en dites vous, troupe Frondeuse; Moitié charme, moitié morueuse?
Oir sont done tons vos gens de main?
Auec vos quatre cens mille hommes A peine trouuons nous du pain,
Pauures affamez que nous sommes.
Dans toute la France on s’estonne Que vostre intention si bonnenbsp;Vous succède si pauurement.
On y trouue beaucoup a mordre.
Six semaines de Reglement Font pis que vingt ans de désordre,
Dès les premières Barricades,
Sans recommencer les Frondades,
II falloit mieux prendre son temps;
Et non pas comme des iocrisses,
En soudrilles et Capitans Despenser toutes vos espices.
' Je ne vois pas de difficulté a ce que le sleur S. solt Scarroii
Tandis que Ie Prince nous bloque, Et prend bicoque sur bicoquenbsp;Et la Riuière baut et bas,
Nous ne nous occupons qu’a faire, Au lieu de sieges et combats,
Des chansons sur lère lanlère.
Nos Chefs et nos braues cohortes N’ont pas plustost passé les portesnbsp;Qu’ils les repassent vistement.
Nous mettons nos gens en bataille. Ie Polonois et l’Allemandnbsp;Croquent cependant la volaille.
Vsons bien de la Conférence. Remettons la Paix dans la France ,nbsp;Ou tout est, vous m’entendez bien.nbsp;Finissons la guerre Ciuile;
Et que Ié pain quotidien Reuienne a Paris la grand’ Ville !
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DE MAZARINADES.
Maximes morales et chrestiennes pour Ie repos des consciences dans les affaires présentes,nbsp;pour seruir d’instruction aux cures, aux confess eurs, aux prédicateurs, dressées et en-uoyées de Saint Germain en Laye par xnnbsp;théologien, fidele officier du Roi, a Messieursnbsp;du Parlement [2427] ^.
{IS mars 1649.)
La première maxime chrestienne qu’il faut poser dans cette conioncture, qui est comme la base et Ie fondement de toutes les autres, et sans laquelle aucun ne senbsp;peut dire veritable chrestien, est Thonneur, la réuérencenbsp;et Ie respect que l’on doit au Roy ; car Tauthorité royalenbsp;estant d’institution diuine, quoique plusieurs Roys nenbsp;soient que'de celle des hommes, ce caractère de la ma-iestë de Dieu qu’ils portent auec tant d’esclat, exige né-cessairement de leurs sublets des respects conformes anbsp;Cette grandeur; et cette loy d’obligation d’honneur en-Uers les Souuerains passe par proportion dans toute sortenbsp;d’inférieurs a l’endroit de tous ceux qui leur sont pré-posez; et ainsi les Magistrats sont vénérables par Ie ca-i'actère de la puissance de Dieu qu’ils exercent sousnbsp;l’aiUhorité du Roy, quand d’ailleurs ils ne Ie seroient pasnbsp;par Ie défaut de leur conduite particuliere.
' Naudé range ce pamphlet parml les pièces soutenues ct raisonnées ;
11 n’a pas tort.
426
CHOIX
De cette première maxime vient la seconde qui est 1’obéyssance que 1 on doit au Roy, non pas aueuglenbsp;comme on voudroit Ie persuader faussement, mais conforme aux lois de Dieu, aux régies de l’Éuangile et denbsp;l’Église Catliolique, Apostolique et Romaine; car commenbsp;les Roys sont les TJeutenans de Dieu pour la conduitenbsp;temporelle des hommes, c’est de luy et non pas d’euxnbsp;mesmes qu’ils doiuent prendre les Loix et les Ordon-nances nécessaires pour leur conseruation; et commenbsp;l’ame est plus précieuse que Ie corps, et l’intérest dunbsp;salut preferable a celui de la fortune, les maximes denbsp;nostre Religion doiuent estre les régies de la Politique;nbsp;si bien que, tant que les Roys commandent des choscsnbsp;qui ne choquent point Ie salut, les sublets sont teniisnbsp;d’obéyr; mais dés lors qu’ils passent les bornes, Sainctnbsp;Pierre nous apprend la response que nous deuons faire ;nbsp;qu’il n’y a point d'apparence de rendre de l’obéyssancenbsp;aux hommes au préiudice de celle que nous deuons anbsp;Dieu.
III.
Cette obéyssance et les respects n’obligent point les peuples a l’endroit du conseil des Ministres et des Fauo-ris ; car c’est vne théologie inconnue de 1’Antiquité qu’onnbsp;nous a voulu faire passer depuis quelques années par lesnbsp;artifices du défunct Cardinal de Richelieu, de déclarernbsp;crimes de léze maiesté les fautes commises a l’endroictnbsp;des Fauoris et des Ministres qu’on appelle d’Estat. Nousnbsp;ne trouuons pas cette maxime dans l’Éuangile; nulnbsp;des Conciles ne l’a establie; aucun des Pères ne 1 a en-seignée. Ce n’est que l’effect d’vn faste par trop or-
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gueilleux. Autreraent il faudroit dire qii’il y auroit plu-sieurs Roys dans vn Royaume, si les mesmes deuoirs qu’on rend au Souuerain, estoient rendus a leurs Mi-nistres.
Ces mesmes deuoirs n’obligent point par égale obligation enuers les personnes préposées a la Régence de l’Estat durant la minorité des Roys; car encore que lesnbsp;Regents ou Regentes soient d’vne condition plus releuéenbsp;et dans vn estat plus sublime que celuy des Ministres, ilsnbsp;sont tousiours néanmoins dans vn ordre extresmementnbsp;inférieur a celui de la dignité Royale; et tout ce qu’onnbsp;leur doit dans cette qualité, n’est que la déférence quenbsp;deuroit rendre vn seruileur a celui qui seroit Ie tuteur denbsp;son maistre. C’est pourquoy ie remarqueray en passantnbsp;Ie zèle indiscret, ou, pour mieux dire, ignorant, denbsp;quelques vns qui, au commencement de cette Régence,nbsp;auoient fait adiouter dans l’oraison que l’on fait pournbsp;Ie Roy, après ces paroles : Pro rege nostro TMdo~nbsp;uico, ces autres ; Et pro Jnnd Regind nostrd; car Ienbsp;Royaume de France ne tombe point en quenouille; et sanbsp;Souueraineté ne se partage point en deux auec vn pou-uoir égal.
Dela vient que les Regents et Régentes ny tout leur Conseil, Ministres et Fauoris, n’estant pas souuerains, nenbsp;peuuent point, durant leur Régence et la minorité desnbsp;Roys, faire aucun changement ny establissement qui aitnbsp;force de Loy; car la puissance de faire des Loix est vnnbsp;effect de rauthorité absolue qui reside dans la seulë per-sonne du Prince, et incommunicable a qui que ce soit;nbsp;de manière que les Regents n’estant que tuteurs, a pro-
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CHOIX
prement parler, ils n’ont que Ie droit de conseruer non pas de destruire, de changer ou d’innoner; si bien qu’ilsnbsp;ne peuuent faire aucunes Loix ni Ordonnances, ni au-cune creation d Offices, qui sont toutes fonctions de Roynbsp;maieur et independant. Et il y a lieu de s’estonner comment les Cours souueraines ont toléré des creations d’Of-fices durant la minorité du Roy, lesquels il pourra cassernbsp;sans faire iniure a personne, estant deuenu maieur;nbsp;puisque c’est faire Ie souuerain et entreprendre sur l’au-ihorité inseparable de sa personne que de mettre desnbsp;nouueaux Officiers dans son Estat. Aussi la dernière Declaration, prononcée par Ie Parlement pour Ie soulage-inent du peuple et dont l’infraction est cause de tous cesnbsp;mouuemens, n’est pas vne forme de Loy ni d’Ordon-nance nouuelle, mais vne correction des défauts et suppression des abus qui s’estoient glissez insensiblementnbsp;contre les Loix et les Ordonnances au préiudice desnbsp;sublets du Roy, par l’auarice et Tirréligion non seule-ment des Ministres d’Estat, mais encore d’vne infinitenbsp;de petltes sangsues qui ne se pouuoient saouler du sangnbsp;de leurs frères.
Ensuite de l’obligation de prier qui est vne function du coeur, vient celle du corps et des biens de fortune parnbsp;laquelle les sublets sont obliges d’employer l’vn etnbsp;l’autre pour la conseruation de la personne du Roy et Ianbsp;manutention de son Estat. De cela, outre les raisons quinbsp;seruent d’appuy aux maximes précedentes, il y en a encore deux particulières extresmement pressantes : l’vnenbsp;que comme les enfants sont obligez par la loi de la na-
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ture d’employer ce qu’ils ont de vie et de biens pour !a protection de leur père et la conseruation de sa familie,nbsp;personne ne peut rcuoquer en doute que cette mesmenbsp;loy ne passe dans les peoples pour leur apprendre cenbsp;qu’ils doiuent a leur Prince et a l’Estat, a moins que denbsp;renoncer au sens common et dire que les Roys ne sontnbsp;pas les pères de leurs subiects. L’autre raison regardenbsp;les interests de chaque particulier ; car, comme tout vnnbsp;Estat n’est qu’vn Corps dont Ie Souuerain est Ie Chef,nbsp;vne partie ne peut souffrir que l’autre ne participe a sanbsp;douleur; ainsi comme tous les peoples ont vne liaisonnbsp;auec Ie Prince dont les interests ne se peuuent séparer,nbsp;il n’y a personne dans l’Estat qui, par la considerationnbsp;de ses interests propres, ne soit oblige d’employer corpsnbsp;et biens pour la conseruation de ceux du public dans les-quels tous les particuliers sont essentiellement engagez. 11nbsp;n’y a qu’vne chose a obseruer en telle rencontre, qui estnbsp;que l’assistance de corps et de biens qui se doit fairenbsp;pour la personne du Roy ou Ie hien de l’Estat, doitnbsp;estre selon la condition des personnes et au prorata denbsp;leurs facultez, au sol la liure, tous y estant ëgalementnbsp;obligez; de sorte que c’est vn abus deplorable et dontnbsp;les confesseurs rendront compte a Dieu, ce que nousnbsp;auons veu en France depuis vingt ans, que les vns, aunbsp;lieu de contribuer aux frais de la guerre, se sont seruisnbsp;de ces occasions funestes pour s’enrichir et se gorger denbsp;biens du sang de leurs frères.
X.
Et comme la personne des Roys est la chose la plus précieuse et la plus sacrée que les peuples puissent auoir,nbsp;après celles de la Religion, aussi n’y a-t-il rien qu’ils ne
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CHOIX
soient obligez de faire et d’entreprendre pour les main-tenir dans la seureté de leur vie, dans la liberté souue-raine de leur indépendance, pour empescher qu’ils ne soient enleuez ou traduits en captiuité ou pour les ennbsp;tirer si par quelqu’occasion ils y sont tombez. Cettenbsp;maxime ne demande point de preuue; elle est notoirenbsp;par elle mesme. Ce n’est que l’extrait et l’esprit de toulesnbsp;les autres; ou pour parler plus conformément a la raison,nbsp;elle en est Ie premier mobile et Ie fondement; car s’ilnbsp;n’y auoit point d’obligation pour ce qui regarde la per-sonne du Prince, il y en auroit encore moins pour cenbsp;qui touche les choses particulières de son Estat; et sinbsp;celles la exigent par lustice et les personnes et les biensnbsp;pour leur defense, ce n’est que comme par vne dépendance et suite nécessaire de ce qu’ils sont tenus de fairenbsp;pour empescher ou destruire tout ce qui altère ou dimi-nue les prérogatiues essentiellement annexées a la per-sonne du Souuerain. H y a done plus d’obligation et denbsp;deuoir de s’vnir et de prendre les armes pour s’opposer anbsp;1’enlèuement d’vne personne si sacrée ou pour la retirernbsp;de cette violence qui est vne pure captiuité, qu’il n’y ennbsp;a pas pour la défense de tout ce qu’on pourroit s’ima-giner au dessous d’clle.
-ocr page 449-Monsieur Ie Prince de Conty demande d’auoir entrée et place dans Ie Conseil du Roy ; vne Place forte dansnbsp;son gouuernement de Champagne; Ie retour de Madame de Cheureuse *; qu’on fasse Due et Pair Ie Marquisnbsp;de Noirmoustier®; qu’on lui donne 42,000 liures; qu’onnbsp;accorde Ie tabouret a la femme du Prince de Marsillac*;nbsp;qu’on paie audit Prince 18,000 liures par an qu’onnbsp;auoit accoustumé de leuer pour des Fuzeliers en Poitou,nbsp;quoique lesdits Fuzeliers ne subsistent pas; qu’on donnenbsp;la généralité des Galères au Due de Retz; qu’on fassenbsp;Cheualier de TOrdre Ie Comte de More; qu’on fasseMa-reschal de Camp Ie sieur de Cresson; qu’on paie les pen-
' Les Mémoires de M™' de Motteville coiitiennerit cette pièce a peu prés tout entière sous Ie litre de : Demandes particulières de messieurs lesnbsp;généraux et autres intéressés*
“ II y avail done dès ce temps-la quelque chose entre Ie prince et M”' de Chevreuse ?
^ Louis de La Trémouille, marquis de Noirmoutier, a signé en 1649 Ie Serment de Vvnion des princes et selpnenrs ^ etc, [3663]; il a été chercher,nbsp;pour Ie compte de la Fronde, des troupes de l’archiduc Leopold [Manifeste pour 31. Ie due de Bouillon et messieurs les autres généraux, etc. [240:2]
yiÈtat de la marche et Ie lieu oil est d présent Varmee de ïarchidiu: Leopold, etc. [1290]). On Ie voit figurer dans Ie Salut de la France dans les ormes de la rille de Paris [3576]. II est entré après 1649 dans la cabale dunbsp;'^oadjuteur, qu’il a abaudonnée en 1632. Voir la Véritable fronde des Pa-etc. [3934],
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slons de Sainct Ybar, et qu’on les assigne doresenauant sur vne abbaye; que tous les edifices appartenant et dependant de l’abbaye de Sainct-Denys ‘ et situés dans lanbsp;yllle soient reinis en l’estat qu’ils étoient auant Ie sixiesmenbsp;Tanuier; que Ie Roy donne des commissions de Lieute-nans généraux, Mareschaux de Camp et Mareschaux denbsp;Bataille et aulres commandemens a ceux qui les ontnbsp;exercez dans l’armée de Paris et de Normandie ; et enfinnbsp;que les troupes de Paris demeurent armées et soientnbsp;payees des deniers du Roy, qui seront remls entre lesnbsp;mains du Parlement, iusqu’a l’entière execution dunbsp;traité et iusqu’a ce qu’on ait donné pleine et essentiellenbsp;satisfaction aux demandes particulières tant de son Al-tesse que des autres personnes intéressées.
Monsieur Ie Due de Longueuille demande vne charge de la Couronne, vn Gouuernement de considerationnbsp;dans la Normandie' et la suruiuance de tous ses Gou-uernemens et Charges a celui de ses enfans qui Ie sur-uiura; qu’on lui paie en assignations sur la Prouincenbsp;tous les deniers qui lui sont deus pour pensions et auan-ces; qu’on fasse Due et Pair Monsieur de Matignonnbsp;et qu’on donne la suruiuance de sa Charge a son fils?
' Le prince de Conty était abbé de Saint-Deiiis.
• On salt qu’une des causes pour lesqiielles le prince de Condé se brouilla avec Mazarin en 1 GoO, fut Ia fermeté du cardinal a refuser au duenbsp;de Longueville le gouvernement de Pont-de-1’Arche. Le prince de Goud®nbsp;prétendait que la promesse lui en avail été faite lors de la paix de Saiutnbsp;Germain.
’ nbsp;nbsp;nbsp;« Le Mardy (19 janvier) vinrent quelques hommes
Disant qu’au bas pais des pommes Monsieur de Matignon leuoitnbsp;Toutes les trouppes qu’il pouuoitnbsp;Pour Monseigneur de Longueuille, etc. »
Le Courrier francais [1830], 2- arrivée.
cju’on fasseaussi Due et Pair Ie Marquis de Beuuron* et qu’on donne la suruiuance de ses charges a son fils;nbsp;qu’on fasse Cheualier de l’Ordre Ie Comte de Roisi, etnbsp;qu’on lui donne la Lieutenance de Roy au Bailliage denbsp;Caen; et qu’on mette en liberté Ie sieur de Trassi.
Monsieur Ie Due de Beaufort demande Ie Gouuerne-ment de Bretagne pour Monsieur de Vendosme, son père; son dédominagement des maisons et chasteaux quinbsp;lui ont été razez en Bretagne du temps du feu Roy; Ienbsp;paiement de tous les arrérages de ses pensions; Ie retour de Beaupuy et son rétablissement dans ses charges;nbsp;et l’abolition de ceux qui ont aidé a Ie faire sauuernbsp;du Bois de Vincennes.
Monsieur Ie Due d’Elbeuf demande Montreuil*; Ie paiement de tout ce qui est deu a Madame sa femme;nbsp;cent mille francs pour Ie Comte de Rieux son second
' Le marquis deBeuvron, en forcant a sortir du Vieux Palais de Rouen te marquis de Saint-Luc qui s’y était glissé pour lacher de surprendre lanbsp;^ille, contribua puissamment a maintenir 1’autorité du due de Longue-'ille dans la capitale de la Normandie.
“ « Le mesme iour (24 mars).... la Cour délibéra sur la permission que Monsieur le Prince de Harcourt, Ills aisné de M. le Due d’Elbeuf, deman-doit de leuer des troupes dans le Territoire de Montreuil sur la mer— etnbsp;fut ordonné que mondit sleur le Due d’Elbeuf, Gouuerneur de la Pro-Uince de Picaidie dont cette ville depend, donneroit ordrea la seureté denbsp;ladite Place, selon qu’il verroil en estre besoin. »
Le Cou]TÏerfrancoïs\W^^'\^ 11* arrivée,. On peut Yoir les Remarques irnportantes— sur les actions et la conduitenbsp;•fe M, le due d'Elbenf, etc. [3267]. J’ai cité dansla BihUogrnphie desnbsp;l^Iazarinndes sous le titre de Triolets de Saint-Germain [383b], les fameuxnbsp;triolefg intitules iP* d^Elheuf et ses enfans,
“ Rédt du duel deplorable entre messieurs les dues de Beaufort et de Ne-^tours^ avec ce qui s'est passé dans le Luxembourg entre M. le Prince et le comte Rieux [2992]. La comte avail donne un soufflet au prince de Condénbsp;'lui soutenait contre lui le prince de Tarente dans une question de préséance.
I nbsp;nbsp;nbsp;28
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fils; el: recompense desseruices du Comte de Lillelmnne, son cadet.
Monsieur Ie Due de Bouillon demande Sedan ou vne prompte recompense de ce qu’il vaut; qu’on oste Ienbsp;Gouuernement d’A.uuergne au Due de Chaune et qu’onnbsp;Ie lui donne; qu’on reconnoisse pour princes de Francenbsp;luy et tous ceux de sa maison; qu’on rende Ie comman-dement de I’armee d’Allemagne a Monsieur Ie Mares-clial de Turenne; qu’on donne audit Mareschal Ie Gouuernement de la haute et basse Alsace*; qu’on lui donnenbsp;encore en propre les domaines de Thone et d’Haguenau,nbsp;et tous les autres que Ie Roy possèdeen Alsace; et qu’onnbsp;lui donne Ie Gouuernement de Philisbourg.
Monsieur Ie Mareschal de la Motte^ demande la recompense du Gouuernement de Bellegarde et ses estats et reuenus depuis six ans; cent mille liures de la ran-con du Marquis de Pouar; cinq cent mille liures pour lanbsp;non iouissance pendant quatre ans du Duché de Car-done qu’il pretend lui appartenir; cent mille liures d’vnnbsp;don que Ie feu Roy lui fit et dont il n’a pu rien toucher;nbsp;toutes ses pensions, estats et appointemens pendant sanbsp;prison ; et qu’on lui redonne son régiment de Caualerie.
Monsieur Ie Due de la Trimouille demande Ie Comté de Roussillon en propre a cause des droits de sa tri-saïeule; demande Amboise, Montrichard et Bléré qu’ilnbsp;dit lui appartenir, comme au seul héritier de la Maisonnbsp;d’Amboise; Ie Comté de Guines comme estant de 1’an-cien domaine de la Maison de la Trimouille; lettres de
' II est assez remarquable que Turenne ait recu plus tard de Louis XI^ Ie gouvernement de cette province.
^ L’abbé Henry de la Mothe Houdancourt, frère du maréchal, a pubb en 16^9 cinq pamphlets pour la defense du general de la Fronde. Votrnbsp;Premier factum ou Defense^ etc. [SSiO].
distraction du Comté de Ijaual, du présidial de Chasteau Gontier; et que Ie cotitrat de vente qu’il fit auéc fednbsp;Monsieur Ie Cardinal de Richelieu de la Baronnie dénbsp;risie Bouchard soit rompu.
Monsieur Ie Marquis de Vitry ‘ demande dès lettres de Due et Ie tahouret pour sa femme.
Monsieur Ie Due de Luynes^ demande Ie rètour dë Madame de Cheureuse; vingt deux mille eseus et la ré-paration des dommages qu’il a soufferts en sa Maison dënbsp;Lésigny®.
Monsieur Ie Comte de Fiesque* demande Ie tahourët pour sa femme.
Monsieur Ie Marquis de la Boulaye® la suruiuanee de la Charge de Colonel des Cent Suisses qu’a Monsieur Iénbsp;Due de Bouillon®.
* nbsp;nbsp;nbsp;Harangue fake a messieurs du der gé par M. Ie marquis de Vitry.... pournbsp;trailer auec eux du mojen de paruenir aux Estats généraux [1571].
“ « L’on a tiré Cent hommes de chaque Colonnelle des Bourgeois de Paris pour composer™ Régiment, appellé Ie Régiment de Paris, qui énbsp;pour Mestre de Camp Monsieur Ie Due de Luynes, pour estre prest auxnbsp;occasions impréueues, etc. » Le Courrier francais [830], 6' arrivée.
On 1’appelait le régiment des jansénistes. Voir plus loin le Courriér burlesque de la guerre de Paris.
^ On peut voir plus haut sur les dommages de la maison de Lésigny li Eettre du père Michel____ d monseigneur le due cPAngoulesme, etc.
^ II était de la compagnie du due de Beaufort dans l’affaire du jardin Renard (la Soupe frondée [3701]). 11 était 1’un des presidents de 1’assem-hlée de la noblesse en 1651 {Harangue fake par Monsieur le Comte de Fies-
que____a messieurs du clergéetc. [1601]). Ilasigné en 1652 les nbsp;nbsp;nbsp;cl
conditions dont Son A It esse Royale et Monsieur le Prince sont conuenus pour ^expulsion du Cardinal Mazarin, etc. [121]. II était alors de la faction dunbsp;prince de Condé.
“ La Declaration du roi portant abolition générale de ce qui s’est passé en
rille de Paris Vonziesme décembre dernier, 16-19, etc. [921] le regarde. II ®’agit de la tentative d’assassinat faite sur le prince de Condé. 'VEntrée denbsp;Monsieur le Marquis de la Boulaye dans la rille du Mans, etc. [1224].
* nbsp;nbsp;nbsp;Son beau-père.
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Monsieur Ie Comte de More’demande qu’on reuoie Ie proces du Mareschal de Marillac, oncle de sa femme;nbsp;qu’on lui donne Ie Gouuernement de Verdun, Ia Lieute-nance de Roy des trois Éueschés et deux cent mille li-ures qu’il dit luy estre deus.
Monsieur Ie Marquis d’Allui® demande qu’a cause qu’il a eu dans sa Maison cent mille liures de reuenu en benefices de toute ancienneté, qu’on oste Ie Gouuernementnbsp;de Foix a Monsieur de Treuille pour Ie luy donner, ounbsp;qu’on luy accorde la suruiuance de la Charge du Marquis de Sourdis, son père, a Orleans.
Monsieur Ie Marquis de Cugnac demande qu’on lui rende son régiment et qu’on Ie paie de tous les arréragesnbsp;de ses pensions.
Monsieur de Mata demande sept mille escus pour les arrérages de sa pension.
Monsieur Ie Clieualier de Bruges demande de commander Ie régiment de caualerie de la Reyne et qu’on lui paie toutes ses pensions.
* nbsp;nbsp;nbsp;C’est contre lui que Ie prince de Condé a fait Ie triolet : « C'est ui*nbsp;tigre affamé de sang, etc. »; et Bachaumont ces deux : « Je suis d’auis denbsp;batailler, etc. Buffle a manclies de velours, etc. » Triolets deSaint-Gerviairtnbsp;[38oS]. On lui attribue, en collaboration avec Ie président de Longuciljnbsp;les Articles accordés entre Messieurs Ie Cardinal Mazarin^ Ie Garde des sceau^nbsp;Chateauneiif, etc.
* nbsp;nbsp;nbsp;II était de la cabale du due de Beaufort. Saint-Julien lui a dédié 1^nbsp;Courrier burlesque de la guerre de Paris, etc., qu’on trouvera plus loin.
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DE MAZARIIVADES.
(22 mars i649.)
Ie scay bon gré a nos Prédicateurs de ne s’estre point encore ingérez d’animer lepeuple a la iuste guerre oü ilnbsp;s’est embarqué de lui inesme par vne légitime défensiue.nbsp;Et de vérité il ne faloit pas de consultation ni d’exlior-tation, oil il n’y auoit pas de doute. On me veut oster Ienbsp;pain et la vie; ie la conserue; ie la defends : cela est naturel. Les hommes et les bestes sont en possession de cenbsp;droict; il est escrit dans Ie coeur de tous les animauxnbsp;auparauant Ie Décalogue et la Loi des douze Tables.nbsp;Mais parcequ’il y a des esprits dénaturez qui voudroientnbsp;étouffer la lumière de cette vérité, et qui se sont ietteznbsp;dans vn abbrulissement pire que celui de ISabuchodono-sor, par l’auersion qii’üs ont de Dieu et de toute huma-nité, ilfaut empescher que leur contagion et leur exemplenbsp;ti’en attire d’autres qui ne sont pas encore totalementnbsp;corrompus. Car par malheur nous sommes d’vne légerenbsp;ct inconstante nation, qui fait toutes choses par modenbsp;et par singerie, sans considérer ce qui est utile, ce quinbsp;est honneste et conuenable. Patience, si eet abus se ter-
' Guy Patin veut que ce pamphlet solt repute un des meilleurs. Naudé Ie ‘klasse parmi les pièces soutenues ct raisonnées. II loue surtout 1’auteur « denbsp;ft’auancer rien qui ne soit véritahle. «Mailly au contraire signale \e Manuelnbsp;•^omme Ie plus affreux de tous les libelles.
11 y en a une suite qui est intltulée ; Epilogue ou Dernier appareil du bon ^itoyen sur les misères pubUques [1264]; mais commeelle n’est qu’un dé-¦'’eloppeineut et une exagération des doctrine du pamphlétaire, je n’al pasnbsp;'^tu qu’il fc,t nécessaire de la donner.
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minoit aux habits et s’il n’auoit lieu que parmy la ieii-nesse de TAcadémie ou du Régiment des Gardes; mais bien nos vieillards mesmes, auxquels il siéroit de se tenirnbsp;aux moeurs anciennes, se laissent emporter au torrent dunbsp;temps présent, et changent leurs glands et leurs cordonsnbsp;de chapeau a l’appétit et a la mode des ieunes gens. Vnnbsp;Barbier, vn Tailleur, vn maistre a danser vn peu entre-prenans et inuenlifs vont changer loute la face de lanbsp;Cour en moins de huict iours, aussi facilement que Belle-rose‘ fera la Scène de son Theatre. Depuis trois ioursnbsp;les femmes ont pris les manches de nos chemises; il senbsp;trouuera bientost quelque efféminé qui prendra celles desnbsp;femmes; et a l’instant tous les gentils en feront de mesme.nbsp;Ces choses semblent de peu d’importance; mais ellesnbsp;font conséquence et argument pour les plus grandes. Vnnbsp;Blasphémateur du Marais du Temple ou de chez la B—nbsp;n’a pas plustost inuenté vn nouueau reniement, qu’il senbsp;communique par tous les Eerlands de la Ville et du faux-bourg Sainct Germain et retentit en la bouche de tousnbsp;les laquais. Les bons compagnons en parlent huict ioursnbsp;plus tost pour en faire part dans les Prouinces. II n’y ®nbsp;qu’en France que eet abominable abus se pratique. Carnbsp;en quel autre endroit de la lerre estdl sorty de la bouchenbsp;d’vn homme ce vilain refrain de débauche : Pour rnof,nbsp;par raison, ie butte a deuenir beste brutte? Cependantnbsp;nous l’auons entendu chanter, et auons veu des Spiri'nbsp;tuelles qui trouuoient que c’esloit vne belle rencontre-Quel aueuglement et quelle fureur ? Comme aussi de vou-loir introduire parmy nous des abominations (jui ne sontnbsp;point du ci'u de nos Prouinces, qui sont contre Ie goust
* II y anne Lettre de Belleroze d Vahhé de la Rliuère [1902].
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DE MAZARINADES.
et Ie gré de nos tempéramens, et qui ne kous appartien-nent non plus que les Hammes du Mout ^tna a celui de Montmartre? Cependant pour complaire a quelque coryphee de volupté déprauée, nous voyons que de vilainesnbsp;gens s’entretiendront de ces saletez et en feront suiet denbsp;vanité, qui d’ailleurs n'en ont pas mesme la lentation;nbsp;ce qui ne vient que de cette conformité et mode mau-dite, par laquelle nous adhërons aux manuals exemples.nbsp;Dieu souuerain, quelle grande reformation vous ferieznbsp;dans eet Estat, si vous luy vouliez clonner vn bon Roy ?nbsp;Nous n’aurions point affaire de Prédicateurs ny de Pasteurs; nous pourrions fermer Ie liure de vos Escrituresnbsp;et de vostre Euangile; nous nous sanctifierions sur Ienbsp;modèle et Ie patron d’vn pieux et sage Prince. Donnez-le-nous tel, ó grand Dieu! esleuez cettuy-cy dans la discipline de vostre Loy; inspirez-luy la pitié et la iustice,nbsp;et ne souffrez pas qu’il prenne Ie mauuais air d’vne per-nicieuse education; chassez de bonne heure ce mallieu-reux Demon qui possède sa Cour et sa personne; nousnbsp;vous en prions au nom de nostre Seigneur lésus Christ,nbsp;vostre fils, et y ioignons les veeux de tout ce grandnbsp;Royaume. Après auoir mis Dieu de nostre costé par vnenbsp;humble, feruente et confiante inuocation, essayons denbsp;ramener et de conuertir ces consciences confisquees quinbsp;s’opposent au bien public, et qui ont renonce a l’buma-nité, et qui, par vne orgueilleuse opiniastreté nous veu-lent asseruir et assuiettir contre I’esperance de liberténbsp;que la Prouidence nous promet. Mais est-il done possible qu’il y aye des hommes qui veuillent estre esclauesnbsp;de leur consentement? Régulièrement il n’y en doit pointnbsp;auoir; il y en a néantmoins; et nous auons veu dans lesnbsp;Loix Romalnes que des hommes libres se sont vendus
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et rendus esclaues a prix d’argent; encore aulourd’liuy nous en voyons qui s’obligent dans les Galères aux suié-tions de la peine et de la seruitude. Bien dauantage, ilnbsp;s’est trouue vn homrne dans l’année du cointe Maurice,nbsp;pendant Ie dernier siege de Reinbergue, lequel, moyen-nant vne somme de cent escus, s’offrit a estre pendunbsp;pour vn autre sur lequel Ie sort d’vne decimation estoitnbsp;tombé. Son dessein estoit de laisser cette somme a sanbsp;femme ou a ses enfans, ne se voyant pas en estat de leurnbsp;laisser rien du tout lorsqu’il mourroit, ou par maladie,nbsp;OU par la fortune des armes. Ces pensees la sont horribles et monstrueuses; mais enlin il y a des testes asseznbsp;creuses pour les former; et il se trouue des hommes quinbsp;ont dépouillé rimmanité : desTimons, des Lycantropes,nbsp;desquels on ne doit attendee ny religion vers Dieu, nynbsp;piété pour la patrie. Leur Dieu, c’est leur auarice; etnbsp;cette auarice est la Métropole et l’Arsenal de tdus lesnbsp;maux et de tous les crimes. C’est cette auarice qui a faitnbsp;les flatteurs et les donneurs d’aduis; c’est elle qui a faitnbsp;les Maletostiers, les Fuseliers et les Intendans. Couronsnbsp;a cor et a cry cette monstrueuse beste, qui est pire quenbsp;les Allemands et les Polaques, et plus pernicieuse a eetnbsp;Estat que Ie Mazarin mesme. Elle estseule capable d’oc-cuper toutes nos forces; tant elle est terrible, tant ellenbsp;est opiniastre et acharnée! et ie ne scay si l’armée denbsp;Paris et celle de Monsieur de Lonoueuille seront suffi-
O
santes pour la mettre a la raison. Voicy néantmoios deux aduis que ie tiens indubitables, si on les veut exe-cuter de bonne foy. C’est vne séuère Chambre de lusticenbsp;contre les Maletostiers, leurs fauteurs et adhérans, etnbsp;vne Loy sumptuaire. Par la Chambre de lustice on feranbsp;repetition et reparation de tous les larrecins du passe;
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par vne Loy siimptuaire, on préuiendra ceux de l’adue-nir. Si quelqii’vn a quelque meilleur aduis a proposer, ie suis prest de l’entendre et d’y adherer; car dans cettenbsp;nécessité vrgente, si nous ne déposons toute sorte denbsp;ialousie et d’attachement a nostre propre sens, nous nenbsp;ferons rien qui vaille; et il nous arriuera coinme auxnbsp;consultations oü 1’on appelle les Médecins des deux Fa-cultez. Pendant qu’ils contestent du poinct d’honneur etnbsp;refusent de passer a l’aduis les vns des autres, Ie inaladenbsp;meurt entre leurs mains. Ne vous souuenez-vous pointnbsp;des Estats de six cens quatorze? Leur deputation coustanbsp;plusieurs millions aux Prouinces de France. Ils vindrentnbsp;icy disputer de la Chappe a l’Euesque et de la puissancenbsp;du Pape. Le Cardinal du Perron estalla ses belles co-gnoissances et trionfa de bien dire; Ie sieur Sauaron pro-duisit les fruits de ses longues et scauantes lectures; lesnbsp;Euesques de Montpellier, de Grenoble, du Belley firentnbsp;des predications tres ingénieuses et trés éloquentes; lesnbsp;marquis de Senecey et du Pont S. Pierre, Présidens denbsp;la Noblesse, et plusieurs autres grands Seigneurs y pro-testèrent vn grand zèle. En fin de compte, la Francenbsp;leur demeura redeuable de leur bonne volonté; et nullenbsp;fétormation ne s’en ensuiuit'. Si au lieu de consominernbsp;le temps en prefaces et en emulations d’élocjuence, ilsnbsp;fussent entrez en rnatière utile et nécessaii’e, il en eustnbsp;réussi quelque bon effet. Mais ces grandes et cérémo-nieuses conuocations, et qui sont faites par le cboix desnbsp;Lauoris qui gouuernent et qui tiennent la bourse, ne
' Dans ses Rcmontrnnces irès humbles a la Reine mère, etc. [3343], Nico-bis Pasquier dit : « N’assemblez pas les Estats généraux. lis ne réduiroient pas votre autorité, coinme on le pretend, au contraire; mais ils pourroientnbsp;étre vn instrument de diuision et de trouble. »
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produisent que du faste, de I’ambitlon et de la vanité. Des Eslats libres et des deputations legitimes faites parnbsp;Ie libre choix des Ecclésiastiques, des Nobles et du Tiersnbsp;Estat pourroient produire quelque important succez.nbsp;Mais auant que cette assemblee se puisse faire seure-ment et légitimement, les années entières se passerontjnbsp;et cependant on fera du feu de nos autres villages, ainsinbsp;que de Charenton. Mais pourquoy nous amuser a vnenbsp;conuocation d’Estats Généraux? Cliaque Prouince ne lesnbsp;peut-elle pas assembler sans frais et sans indiction ? Cha-que Parlement n’est-il pas compose des mesmes per-sonnes qui composent les Estats? Messieurs les Euesquesnbsp;et la haute Noblesse n’y ont-ils pas entree, séance etnbsp;voix délibératiue ? Et lorsqu’ils feront la première démarche pour procurer Ie bien du peuple, ne seront-ilsnbsp;pas secondez de ses voeux, prières et acclamations ? Nenbsp;peuuent-ils pas concerter auec les notables Bourgeois etnbsp;Marchands sur les occurrences diuerses par des assemblees de ville, et par des accommodemens conuenables,nbsp;sans s’arrester trop superstitieusement aux rangs et auXnbsp;formalitez qui suffoquent la iustice? Que cbaque Parlement recherche les cruautez et les exactions qui ont esténbsp;faites dans son destroit, et qu’il les punisse; cela se peutnbsp;faire sans toucher aux droicts Royaux ny a Fauthoriténbsp;Royale : au contraire, c’est au nom de cette authorité etnbsp;selon sa droicte intention qu’ils agiront. Que veulentnbsp;done dire nos aduersaires quand ils allèguent que la M»'nbsp;ieste Royale est offensée lorsque Fon crie au meurtrenbsp;sur Foppression d’vn Fuselier ou d’vn Gabeleur? Quell®nbsp;parente y a-t-il entre la Raillière et Catelan auec nosnbsp;Roys, pour qualifier de rebellion la iuste resistance qu®nbsp;1’on fait a leurs exactions? Que veut dire cettuy-la qugt; ^
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mis dans son placart que FEstat de France est Ie plus Monarchique du monde'? comment cela se peut-il entendre qu’a nostre lionte et a la confusion de nos Roys ?nbsp;Qu’il nous dise vn peu ce que c’est qu’vne Monarchienbsp;excessiue. Et quelle autre satisfaction prétendent cesnbsp;gens-lii, sinon qu’en réduisant leurs Concitoyens et Com-patriotes sous Ie pressoir et la torture, de s’criger en satellites et en confidens de cruautez, de voluptez et denbsp;toutes sortes de pernicieux conseils? Ils se distinguerontnbsp;peut-estre par emplois et par offices, comme ils ontnbsp;desia fait : Fvn prendra Fintendance du Theatre et desnbsp;Comedies; Fautre des festins et de la bonne chère; Fau-tre des cartes et des dez; ils auront mesme Fimpudencenbsp;d’y faire attribuer des titres et des priuilèges; ce seranbsp;peu de chose de les dénoinmer comine ceux de Tibère ounbsp;de Caligula ; ^ Voluptatihus, a Tripudüs, a Prostibalis.nbsp;II y aura vn grand Blasphémateur, vn grand Fuselier,nbsp;vn grand Berlandier, vn maistre des impies, etc. Le papier Francois résiste a Fescriture de cette infamie; etnbsp;voila a peu pres le href estat des Officiers de ton Mo-narque extraordinaire, dont Dieu nous préserue s’il luynbsp;plaist; car par sa diuine grace, nous n’en auons point encore veu en ce Royaume et dans cette zóne tempéréenbsp;de la France , qui ayent approche' de ces excez. Etnbsp;Louis XI, dont on parle tant, ne peut estre valable-ment accuse que de trop de morosité sur ses, vieux ans,nbsp;et de trop de ialousie de son successeur; ce qui lenbsp;ietta dans des terreurs qui le rendirent moins accessiblenbsp;et moins pitoyable aux necessitez de son peuple, dontnbsp;il a mérité le I’eproche et la malédiclion iusques a nos
* L’auteur de Lis et fats. Voir plus haul.
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iours; au lieu que nous adorons la bonté et la man-suétude de Louis XII, et que nous adinirons la clé-mence de Henri IV, pour auoir adinis Ie Due du Mayne a son étroite confidence et bienueillance, qui lui venoitnbsp;de contester sa couronne, et pour s’estre sincèrement ré-concilié auec tous ses ennemis, et qui vouloit mesme par-donner au Mareschal de Biron, sans la resistance géné-reuse que lui firent Ie Chancelier de Bellièure et Ienbsp;Président de Ilarlay, dont la mémoire soit en éternellenbsp;bénédiction. C’estoit vn Roy celuy la; c’estoient des Ma-gistrats, dont les statues deuroient estre érigées au plusnbsp;éminent lieu de la grand’Chambre du Parlement. Loinnbsp;done, impudent Escriuain, ton Monarque exorbitant.nbsp;Nous en voulons vn régulier et modéré, et qui ne soitnbsp;point empoisonné par tes pernicieuses instructions. Nenbsp;va done point déclarer a notre ieune Roy, ny a la Reyne,nbsp;sa mère, ce qui se passa sous Charles VI, si tu ne leurnbsp;expliques de bonne foi la vérité de cette histoire, et si tunbsp;ne leur fais aussi entendre les malheurs des Roys et desnbsp;Reynes qui ont abusé de leur autborité. Ie m’estonne ennbsp;eet endroit, et tous les gens de bien tombent dans lanbsp;mesme pensee, d’ou vient que nos Capucins qui n’ontnbsp;rien ny a prétendre, ny a craindre, quand ils preschentnbsp;deuant les Roys, ne leur disent franchement les vériteznbsp;nécessaires dont la connoissance et la pratique establi-roit leur condition, et leur gagneroit la bienueillance desnbsp;peuples, au lieu que la flatterie et Ie mensonge les esblouit,nbsp;et les fait cbanceler et soulèue tout Ie monde contre leurnbsp;gouuernement ? Est il iamais arriué qu’vne discrete etnbsp;pieuse réprimande aye fait tort a vn Prince ? N’arriue-t-il pas tous les iours que les flatteries les perdent ct lesnbsp;damnent ? Ie ne veux pas néantmoins qu’on leur rompe
-ocr page 463-la teste par vne longue narration des histoires passées, ny qu’on lasse leursyeux par des lectures importunes. Qu’onnbsp;les auertisse seulement de considérer ce qui se passe dansnbsp;les Royaumes voisins. Qu’ils demandent a Renaudot cenbsp;qui s’est fait ces derniers mois a Constantinople1; car Ienbsp;cas d’Angleterre est trop odieux. Est il possible qu’onnbsp;les laisse dans l’ignorance de ces véritez? Est il possiblenbsp;qu’ils n’en scacbent pas faire l’application ? Cependantnbsp;il n’est que trop certain qu’on leur cèle, ou qu’on leurnbsp;déguise les plus importantes occurrences. Ie ne l’auroisnbsp;pas creu si ie ne l’auois appris de trés bonne part. Yne.nbsp;personne familière a Monsieur d’Engoulesme Ie coniu-rant de contribuer ses soins au bien de l’Estat dans lesnbsp;oecasions présentes, et que tout dépendoit de 1’éloigne-ment du Cardinal Mazarin, qu’il auoit qualité et autbo-rité pour porter cette parole a la Reyne, il responditnbsp;qu’il n’osoit pas l’entreprendre. Ie scay encore d’aussinbsp;bonne part, qu’vne autre personne s’entretenant, il y anbsp;quelques années, auec ce inesme prince sur Ie subiet dunbsp;Cardinal de Richelieu, et qu’il ne deuoit pas lui rendrenbsp;tant de deference, il lui répliqua que ce n’estoit point anbsp;luy a s’opposer a eet important Ministre, et luy alléguanbsp;pour toute excuse les respects que luy rendoit Ie feunbsp;Prince de Condé ; de sorte que si les personnes de cettenbsp;qualité, de cette experience et suffisance n’osent con-trarier vn Eauory ny proposer vn auis salutaire, quand
Théophraste Renaudot avail raconté dans sa Gazette la revolution qui 'tvait couté Ie tröne et la vie au sultan Ibrahim en 1648 ; et il dirigeaitnbsp;iiinprimerie du roi a Saint-Germain.
Cette revolution de Consïantinople a été 1’occaslon de deux pamphlets: ^'Entreiuie du sultan Hibraim.... et du roi dljngleterre aux Champs Elyséesnbsp;[1261], et la Leltre de consolation entiofce dans les Champs Eljsées au sultannbsp;^‘hraim, etc. [1924].
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il n’est pas du gout du Souuerain, nous ne deuohs plus rien attendre, sinon du costé de Dieu ou de quelqu’vnnbsp;de ses Propliètes. A présent néantmoins que la Piscinenbsp;est esmeue, et qu’il se présente quelque espérance denbsp;guérison pour ce pauure Estat, qui est paralytique de lanbsp;plus grande partie de ses membres, si nous sommes asseznbsp;heureux pour y bien réussir, ie voudrois qu’entre lesnbsp;bons régimes qui seront proposez pour l’auenir, il y eutnbsp;vn iour de la semaine auquel leurs Maiestez prissent lanbsp;peine d’entendre les plaintes de leurs sublets; que pournbsp;eet effet, et pour leur adoucir ce trauail, ils eussent desnbsp;Introducteurs, des Auditeurs et autres Officiers, commenbsp;sont les Prestaues de Septentrion , et les Chaoux d’O-rient; mais surtout de bons et ficlèles Ecclésiastiques, tan-tost d’vn ordre et tantost d’vn autre, qui seroient por-teurs et rapporteurs des supplications du peuple vers Ienbsp;Prince, et des bienfaits du Prince vers Ie peuple, Hincnbsp;preciun, hinc dono?'um, comme les bons génies desnbsp;Philosopbes Platoniques, ou, pour mieux dire, commenbsp;nos Anges Gardiens et Mediateurs; ils en seroient biennbsp;plus sages et plus absolus, et leur authorité bien plus af-fermie par la bienueillance de leurs sublets. Mais vnenbsp;chose pouuons nous dire sans flatterie et sans desguise-ment, que les Princes ne sont point tant coupables denbsp;nos maux, comme sont les flatteurs et les perfides Conquot;nbsp;selllers; et peut-être que Ie plus ferme d’entre nous, s ilnbsp;étolt attaqué d’autant detentations et de secousses qu’onnbsp;leur baille, chancelleroit et succomberoit plus lourde-ment et dangereusement qu'ils ne font pas. C’est pour-quoi il faudroit faire vne instante et sérieuse poursuitenbsp;contre ces faux Ministres qui les assiègent, les possèdentnbsp;et les charment. Car puisque les Princes ne voyent et
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n’entenclent que par leurs organes arlificieux, il est impossible qu’ils soient informez de la vérité des clioses^ impossible qu’ils en iugent autrement que par l’informa-tion corrompue qu’ils en ont. Au reste les gens de bien,nbsp;qui pourroient leur parler franchement et consciencieu-sement, leur sont descriez comme des fous et des extra-uagans; et comme leur propre modestie les retient,nbsp;l’impudence des mesclians les rebutte, et la calomnie lesnbsp;décrédite. Comment est-ce done que les Roys sauront lanbsp;vérité ? Peut-estre par les réuélations immédiates denbsp;Dieu; cela est fort rare. Ils la pourroient apprendre desnbsp;Ministres de l’Eglise, si on leur en laissoit la liberté, etnbsp;si leurs Fauoris ne les promenoient pas a tel auditoirenbsp;qu’il leur plaist, et ne leur donnoient pas les impressions et les préuentions d’esprit pour leur faire haïr ceuxnbsp;cy OU ceux la. Ont ils pas descrié comme vn hérétiquenbsp;l’vn des plus zélez Prédicateurs qui aye paru de nosnbsp;iours? En ont ils pas emprisonné vn autre? Ont ils pasnbsp;formé ce scrupule, qu’il n’est pas expédient qu’vn mesmenbsp;homme soit Confesseur et Prédicateur du Roy de peurnbsp;de taxer en preschant les fautes qu’il auroit ouyes ennbsp;Confession ? Nous ne voulons pas faire les Roys de pirenbsp;condition que les autres fidèles, en leur ostant Ie choixnbsp;de leurs Confesseurs; mais si aurions nous grande raisonnbsp;de désirer qu’ils en changeassent quelquefois et en es-sayassent des plus capables qui fussent informez desnbsp;désordres et des nécessitez publiques, et pourueus d’vnenbsp;excellente vertu. Est il possible que ce vieux Cordeliernbsp;Espagnol qui n’entend ny ne parle nostre langue et quinbsp;commerce quelconque parmi nous, soit capable denbsp;diriger la conscience d’vne Reyne de France, préposée anbsp;si vaste Royaume, chargée et responsable du gouuer-
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nementcle tant d’ames et de tant d’affaires? II seroitdonc d’vne extresme importance, que tandis que Ie Roy estnbsp;en aage de receuoir instruction et correction, on luynbsp;pourueust pour Confesseur du plus sage et plus conscien-cieux Ecclésiastique de tout son Royaume, qui Ie nour-riroit aux maximes de l’Éuangile, en la crainte de Dieu,nbsp;au respect de sa mère et en l’amour de son peuple. Lors-qu il sera en aage de discretion, ce seroit vn excellentnbsp;conseil de luy persuader d en auoir plusieurs, et de leurnbsp;commander en qualité de Roy, de lui bien commandernbsp;en qualité de Pasteurs; et après leur auoir fait ce com-mandement au nom de la Maiesté, de se sousmettre puisnbsp;après a eux a titre de fragilité, d’humanité et de filiation.nbsp;L’ancienne Théologie des Poëtes étoit celle cy, que lu-piter, Ie Roy des hommes et des Dieux, auolt estably lesnbsp;Destinées, qu’après les auoir vue fois establies, il leurnbsp;obéissoit tousiours. Semel iussit, semper paret. Onnbsp;condamne, et peut estre a bon droict, cette pompe extérieure et cette dignité esclatante des Prélats de l’Eglise ;nbsp;mais si en retrenchant quelque chose de ce lustre, ils senbsp;maintenoient en la solide et légitime autborité de leursnbsp;prédécesseurs, ils remédieroient a beaucoup de crimes etnbsp;d’inconuéniens ou Ie Magistral séculier n’ose pas s’lnter-poser. Mais nous auons veu, hélas ! a la confusion d’vnnbsp;Royaume Trés chrestien, qu’vn généreux Prélat voulantnbsp;faire Ie deu de sa charge, et se présentant pour apaisernbsp;vne effroyable sédition, est impudemment qualifié dunbsp;nom de Tribun par des bouffons de cour, et est con-traint de s’en retourner sans effet, après de trés prU'nbsp;dentes, tres sainctes et tres charitables supplications*; ct
' Le coadjiiteur, qui fut en effet très-mal recu au Palais-Itoyal dans la journée des barricadest.
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qui scail si toute cette fascheuse suite n’a point esté la vengeance de ce mespris ? N’aigrissons point eet vicèrenbsp;en Ie remaniant; mais rendons Ia louange a la raémoirenbsp;des siècles passez. Ceux de la ville d’Antioche pendantnbsp;vne sedition abbatirent les statues de Tlmpératrice.nbsp;L’Empereur Théodose venoit a main armee, pour vengernbsp;cette iniure ; l’Éuesque Flauianus alia au deuant. Durantnbsp;son voyage, toute la ville estoit en inquietude et en apprehension ; on fit des prières publiques dans TÉglise; etnbsp;saint Chrysostóme, qui estoit comme Ie Coadiuteur deinbsp;eet éuesché par les bons offices qu’il y rendoit, montoitnbsp;tous les iours en chaire, et les fournissoit de consolationsnbsp;et d’exhortations sur l’occurrence et la nécessité qui lesnbsp;pressoit; et entre les autres , se fondant sur rauthoriténbsp;et sur Ie charactère de ce sainct Euesque, ii leur disoit :nbsp;Comment est ce que celuy qui a pouuoir de remettre lesnbsp;crimes et les iniures qui sont commises contrè Dieu,nbsp;n’aura pas Ie crédit de composer de celles qui sontnbsp;faites contre l’Empereur, qui n’est qu’vn homme ? II ennbsp;arriua selon la créance et la prediction de saint Chrysostóme. Le saint Patriarche s’estant présenté a l’Empe-reur, les armes luy tombèrent des mains; et il se défitnbsp;auec sincéritéet générosité de tous ses ressentimens, sansnbsp;aucune réserue de vengeance. Ce même Empereur, fortnbsp;peu d’années après, ayant exercé quelque séuérité contrenbsp;la ville de Thessalonique, il souffrit auec patience la correction et pénitence publique qui luy fut imposée parnbsp;1’Archeuesque de Milan, sainct Ambroise.
Ainsi en vsoient les anciens Princes Chrestiens; ainsi en vseroient ceux de nostre siècle s’ils h’estoient pas ob-sédezde tant d’impies et perfides Courtisans. Mon aduianbsp;seroit, puisque nous en sommes sur l’article de la Reli-Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;29
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gion, que dans Ie Fornmlaire des Prosiies on excommu-niast par chaque Dimanche tous Flatteurs et Fauoris indignes, ainsi que les Sorciers et les Noueurs d’esguil-lettes. Aussi bien a-t’on tousiours creu que ces violentesnbsp;et incompréhensibles affections que les Princes tesmoi-gnent a ces damnables personnes, estoient conciliées parnbsp;charactères et sortileges. C’est assez de ce chef. Disonsnbsp;quelque chose de nos Magistrats séculiers, de leur pou-uoir en general, et de leur légitime procédure dans lesnbsp;affaires présentes. Les sieursMolé, Aiole, Nouion, Ni-colaï' sont citoyens de Paris, puisqu’ils y sont nez, bap-tisez et demeurans ; par consequent obligez a toutes lesnbsp;fonclions de bons et fidèles habitans, et en communionnbsp;de toutes sortes d’intérests auec les autres Bourgeois. Cenbsp;qui les distingue du commun des autres, ce sont lesnbsp;charges de Magistrature qu’ils y exercent, et pour les-quelles Ie peuple leur est oblige de respect et d’obéis-sance, a cause du rang Cju’ils tiennent dans les Compagnies souueraines, auec lesquelles cognoissans et iugeansnbsp;des différens des parties en la forme qu’il leur est presente par les Loix, et au nombre compétent et limité parnbsp;les mesmes Loix, ils font Arrest dont il n’y a pointnbsp;d’appel. D’ou il s’ensuit qu’ils n’ont pas vne simple subordination a la Maiesté Royale, mais qu’ils en font portion en fait de iudicature, comme les Connestables etnbsp;Généraux d’armées au fait des armes; car c’est vnenbsp;maxime qu’il faut tenir pour certaine, et les supposts denbsp;la domination violente ne la scauroient destruire, quenbsp;tout de mesme que l’ame raisonnable qui est répandue
* Molé, premier président du parlement de Paris; Viole et Polier de Noyion,presidents au mortier; Nicolaï, premier président de la charobrenbsp;des comptes.
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dans vn corps, en ce membre cl, elle informe, et fait vn bras, en eet autre, vne iambe, vne cuisse, vne dent, vnnbsp;doigt, et ainsi du reste; tout de mesme en arriue-t’i!nbsp;dans Ie corps politique d’vn Estat, de quelque nom qu’ilnbsp;soit qualifié, soit Monarchique, Aristocratique ou De'mo-cratique; c’est a sqauoir que Tauthorité, Ie drolct et lanbsp;faculté qu’a ce peuple la de se gouuerner et de se main-tenir, se répand et se communique par tout Ie corps politique; la teste duquel s’appelle vn Roy, vn Empereur ounbsp;vn Due; les autres parties nobles et principales sontnbsp;Conseillers, Magistrals, Gouuerneurs, Capitaines, Consuls, Escheuins; celles d’au dessous sont Marchands, La-boureurs, Matelots, Artisans ; et enfin les plus basses sontnbsp;Manoeuures, Portefaix, Mendians et autres personnes quinbsp;composent la multitude. De la composition de tous cesnbsp;membres réussit vn corps politique et moral, lequel nenbsp;sqauroit se bien porter, ny subsisler, que par la parfaitenbsp;correspondance, liaison etcontinuité de tous ses membres.nbsp;Alterius sic altera poscit opem res et coniurat amice.nbsp;Or ceci n’est point vne chimère de speculation; c’est vnnbsp;discours fondé en l’Escriture saincte au chapitre dou-zième de la première Epistre aux Corinthiens, oii il [est]nbsp;démonstré que Dieu qui anime l’Église par son Sainct-Esprit, il Ie distribue non seulement au chef, mais encore aux moindres membres, selon Ia proportion et 1’v-sage de chacun d’iceux. Ainsi deuons nous dire de lanbsp;Maiesté et du pouuoir qui appartient a chaque peuplenbsp;pour se régir, maintenir et conseruer. I!s en ont donnénbsp;la principale fonction a leurs chefs; mais ils ne s’en sontnbsp;pas priuez totalement; ils n’ont pas entendu se rendrenbsp;^sclaues ny deuenir stupides et insensibles comme de.snbsp;troncs de bois ; de sorte que nostre Seigneur lesus-Christ
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ne dédaignant pas de communiquer son Esprit au moin-dre fidéle, ny de se qualifier l’vn de ses membres, on ne fait point de tort au Prince quand on soustient que lesnbsp;Magistrats, chacun dans leur competence, ont vne participation de son authorité, plus ou moins grande, selonnbsp;1’étendue et la dignité de leurs charges, et selon les di-uerses fortunes qui arriuent au Souuerain. Par exemple,nbsp;quand nos Roys ont entrepris des voyages d’Outre mer,nbsp;il est certain que les Magistrats auoient plus de pouuoirnbsp;et plus d’erapire que pendant leur presence et residencenbsp;actuelle. Le mesme arriue t’il dans les interrègnes; Ienbsp;mesme encore pendant les minoritez. Quand est de cenbsp;pouuoir absolu , infini, indépendant, et qui n’a point denbsp;hornes, il n’appartient qu’a Dieu seul, lequel ayant vnenbsp;bonté, vne sagesse et vne puissance infinies, il n’ennbsp;scauroit mal vser. Et ceux qui veulent mettre la Maiesténbsp;a ce haut point transcendant et exorbitant, ils pèchentnbsp;contre la propre seureté des Princes, et ne font riennbsp;pour eux mesmes; car nous voyons par les histoiresnbsp;qu’ils ont esté les premiers écrasez et chastiez par la rigueur de leurs propres aduis. Ce n’est pas que nous pré-tendions icy en fortifiant le party des Magistrats, affoi-blir Tauthorite légitime du Prince ny rien innouer ennbsp;1’Estat d’vne Monarchie de douze cens ans, sous laquellenbsp;nos prédécesseurs ont vescu. Ie veux croire que nul Pa-risien et nul Francois, en sa plus cruelle oppression,nbsp;n’est pas capable de former cette pensee ; et la calomnienbsp;du placard n’est assistée d'aucune apparence, quand il ditnbsp;que deux cens Conseillers du Parlement se veulent érigernbsp;en Tyrans, pour gourmander toute le reste de la France *•
* La pièce intitulée : Le Bandeau leué de dessus les yeux des PartsienSy ctc-Voir plus haut.
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C’est bien mal entendre leur inteiilion, veu qu’iis n’ont iamais prétendu autre chose que repurger eetnbsp;Estat de la vermine des Partisans et de leurs fau-teurs; car quant a l’intérest et a l’honneur des Princes ^nbsp;ni mesme a leurs délices et a leurs pompes, Ie plus impudent calomniateur ne peut pas dire qu’on aie iamaisnbsp;fait la moindre proposition de leur rien retrancher. Aunbsp;contraire on a trouue a dire que les pensions et autresnbsp;dépenses de cette nature qu’il a plu a leurs Maiestez denbsp;faire a la Reyne d’Angleterre, ayent esté employees dansnbsp;des comptans, comme des parties honteuses et indignesnbsp;d’estre auouées et mises au iour. On n’a iamais trouuénbsp;a redire a la magnificence de leurs Palais; bien au contraire , Ie people en voyant Ie luxe des Fauoris et desnbsp;Financiers a tousiours murinuré de ce qu’on n’acheuoitnbsp;pas Ie bastiment du Louure. Tout ce grand appareil denbsp;Gardes Escossoises , Suisses , Francoises n’a iamais esténbsp;controllé ny du Parlement ny du peuple; ouy biennbsp;celles qui ont esté vsurpées par Ie defunct Cardinal etnbsp;par celui-cy. Les seules liurées du Roy, sur les espaulesnbsp;du moindre valet de pied, sont respectées et chéries par-tout. Encore dans ce temps malheureux, auquel on ventnbsp;affamer Paris, les Pouruoveurs de leurs Maiestez sontnbsp;piiuilegiez, et enlèuent tout ce qu’il leur plaist dans nosnbsp;marebez; et dernièrement que par vn stratagême, qu’onnbsp;ne peut honnestenient nommer, on fit cesser l’ordinairenbsp;des Officiers du Roy, il n’y eust bon Bourgois qui n’ennbsp;fust indigné, et qui ne fist offre de sa bourse pour répa-l er ce scandale. Mais comme cette affection est deüe aunbsp;Roy et a la familie Royale, c’est vn souslèuement de coeurnbsp;ot vne auersion générale que Ie Peuple, Ie Parlement,nbsp;tous les INobles ont contre les Fauoris, Flatteurs, et
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autres brigans pubücs ; et l’on s’estonne auec suiet par quelle fatalité la Reyne aime mieux voir triompher cettenbsp;canaille, que de consentir a la lustice qu’on luy en de-inande depuis tant d’années. II y a quelque temps qu’ilnbsp;inourut vn Gommis de finances nommé ***, qui n’auoitnbsp;ny femme ny enfans et auoit peut estre plus de reuenunbsp;(jue tous les Dues de Virtemberg ensemble. Ce bien lanbsp;estoit acquis de sorte que son propre père fit consciencenbsp;d’y vouloir participer. On proposa que Ie Roy s’en de-uoit emparer. Les Brigans Maiours s’y opposèrent et n’ennbsp;voulurent pas permettre Inconsequence. Mais posons quenbsp;Ie bien de ce Financier fust trés légitimenient acquis;nbsp;n’eust-il pas esté de plus iuste conqueste que la subsis-tance imposée sur cinquante villages, ou la taxe de centnbsp;aisez qui n’ont trempé ny dans les prests ny dans les autres vsures? II est sans doute. Or qui est ce qui empes-che nos Princes de comprendre ces véritez ? Les flatteurs,nbsp;les bouffons , les impies. Qui les en pourroitbien esclair-cir? Les bons Conseillers de quelque robe qii’ils fus-sent; car ce seroit gi’and pitié qu’il n’y eust de probiténbsp;en France que sous la soustanne du bonhomme Brous-sel. Mais qu’on ne s’attache point simplement aux gensnbsp;de la robbe; il y a tant de bons gentilshommesdans lesnbsp;Prouinces, qui ont renonce a la Cour et a toutes sesnbsp;pompes, et qui ne seruent plusqu’a decider les différensnbsp;de la chasse et de la primauté du pain bénit. Vne dou-zaine de ces gens la ne cousteroient pas tant a entrete-nir qu’vne trouppe de Comédiens d’Italie. Nous ennbsp;auons de plus qualifiez qni ont veu plusieurs règnes, etnbsp;qui ont pratique dans les Royaumes estrangers, comwenbsp;vn bonhomme Bethune, vn Sainct-Chaumont', et tant
* marqu)!» df* Saint-diamond t et non Saint-Chaumont, est mort a
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d’autres, que leur modestie retient dans leurs maisons. II y a aussi de bons et saincts Euesques qu’il faudroitnbsp;appeller, et chasser ceux qul sont de mauuais exemple.nbsp;Ainsi on pourroit facilement paruenir a vne heureuse reformation, sans toutefois rien diminuer de la grandeurnbsp;et de la Maiesté de nos Roys; car ie voudrois tousioursnbsp;insister sur ce poinct et leur faire bien comprendre, quenbsp;l’intention du peuple ne fut iamais cie rien diminuer denbsp;leurs richesses, domaines, commoditez et magnificences;nbsp;mais seulement de reformer Ie luxe et la tyrannic desnbsp;Fauoris et des Maletostiers et de leurs adbérans Ornbsp;ce légitime dessein ne peut estre pris pour vn retressis-sement de la grandeur et de I’amplitude Royale, puisquenbsp;Dieu mesme tout puissant qu’il est, n’est pas moins grandnbsp;pour estre dans Timpossibilitc de mal faire. Cela estantnbsp;ainsi, on ne peut pas iustement accuser ny Ie Parlementnbsp;ny la ville de Paris d’auoir voulu tant soit peu effleurernbsp;la Maiesté Royale; au contraire, !e vrai et vnique dessein des gens de bien et des fidèles subiets du Roy, c’estnbsp;de ne souffrir pas qu’i! s’efflue vne Oligarchie dans l’Es-tat, et qu’vne centaine de brigans oppriment tout vnnbsp;Royaume pour viure dans les superfluitez et dans les dé-lices. La iustice de ce bon dessein ne pouuant estre con-tredite, et la Reyne mesme la cognoissant assez en sanbsp;conscience, quelle difficulté peut elle faire de consentirnbsp;a cette reformation ? Les Maletostiers par leurs Placardsnbsp;forment deux obiections : la première est vn poinctnbsp;d’honneur; ils ne veulent pas que cette reformationnbsp;vienne de l’instinct et du chef de ceux du Parlement,
Paris Ie 10 septembre 1649. Le sleur de Figuière, un de ses domestiques, a publié, lamémeannée, Les dernières paroles de M. deSaint-Chamond,tXc.nbsp;[1033],
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ny de l’instance du peuple, ny qu’a leur appétit Ie Sou-uei’ain soit oblige d eloigner aucun deses Ministres’. Par cette raison d honneur, il s’en suiura que ny Roynbsp;ny Prince, ny aucun hoinme de coeur ne deura point senbsp;défaii’e d’aucune inauuaise habitude dont son Confes-seur, OU son Cure, ou quelque domestique consciencieuxnbsp;luy aura donne laduis, de peur que eet aduis ne luynbsp;derobe Ie merite et la gloire de l’action. L’autre obiec-tion quel’on fait a Messieurs du Parlement, est qu’ilsnenbsp;sont pas portez a poursuiure cette reformation par vnenbsp;générosité et par vne iustice gratuite , mais par vn ressentiment du refus de quelques pretentions qu’auoientnbsp;aucuns d’entre eux. Hé bien, accordons que quelquesnbsp;vns estoient piquez de ce ressentiment; on en a nomménbsp;six ou sept; il en reste deux cens autres; que leur peutnbsp;on reprocher ? Le droict annuel ? Ils Tont mesprisé.nbsp;Bien dauantage; il y en a plusieurs qui sont parens etnbsp;alliez des Partisans. Le sentiment néantmoins du vrainbsp;honneur les a telieinent saisis qu’ils ont dit: périssentnbsp;nos alliances et nos espérances, et que rhonneur de lanbsp;Iustice soit restably! Secondement, et sans demeurernbsp;d’accord que ces dénommez ayent agy par esprit d’intérest et de vengeance , est-ce vne chose qui doiue semblernbsp;nouuelle ou estrange, que la Iustice se rende sur lanbsp;poursuite des intéressez ? On exécute au milieu d’vnenbsp;place publique vn voleur de grands chemins sur la solicitation d’vne veuue qui se plaint que son mari a estenbsp;détroussé et assassiné. La iustice qui s’en fait, est ellenbsp;moins légitime, et ne réussit elle pas au bien du commerce et a la seureté publique? Se fait-il quelque chose
' La pièce intitulée : Le rot igt;eut que Ie parlement Jiorte de Pa/vV, etc-^oir plus haut.
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en ce monde sans rimpulsion et Ie motif de l’intérest ? N’est ce pas Ie premier mobile de toutes les amitiez etnbsp;de toutes les haines ? Et sied il bien a des esclaues de fa-ueur, a des idolatres d’argent et a des ames corrompuesnbsp;iucques dans Ie pepin de reprocher a ceux du Parlementnbsp;que quelque intérest les a esmeus a s’é'uertuer et a tra-uaillei au soulagement du peuple? Depuis quand cesnbsp;Épicuriens de la Yille-neufve* sont ils deuenus Stoi-ques, pour pxcfendre, que !a vertu n’a pas besoin denbsp;l’esguillon et de la chaleur des passions ? Vt iugulentnbsp;homines^ surgunt de nocte latrones; vt te ipsum serues,nbsp;non expergisceris? II n’y aura ny perfidie ny cruauténbsp;qu’ils n’exercentpour la conseruation de leurs prests usu-raires; et les bons Cltoyens et les Magistrats legitimesnbsp;ne s’opposeront pas a tous ces desbordemens, et ne s’es-ueilleront pas enfin sur Finiiasion et Ie pillage de ces bri-gans ? Or ce n’est pas merueille qu’ils se soient ainsi ral-liez entr’eux et qu’ils employent toutes sortes d’artificesnbsp;pour se maintenir dans leurs depredations; mais ce quinbsp;désole les gens de bien et qui désespère les affligez, c’estnbsp;de voir qu’ils ont préoccupé les oreilles et les affectionsnbsp;des Princes, auprès desquels ils ont décrié Ie peuple etnbsp;calomnié les Magistrats. La troisième obiection qu’ilsnbsp;font au Parlement, c’est la ieunesse et I’inexpérience denbsp;quelques vns\ Or c’est a Monsieur Ie Chancelier qui lesnbsp;a introduits, de garantir eet inconuénient; mais ce nenbsp;sont point ces ieunes-la qui se font escouter dans lanbsp;Compagnie. Ce sont ceux du moyen aage qui sont borsnbsp;de rimpéluosité de la ieunesse, et qui ne sont pas encore
' Villeneuve en Gravois; cVst aiijourcriuii Ie quartier que traverse la *’ue Bourbon-Villeneiive.
’ Lis et fais. Voir plus haiit.
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affoiblis par la decrepitude. Au reste, on ne conteste point qu’il n’y en puisse auoir parmi eux d’imparfaitsnbsp;et de défectueux; inais ce n’est pas en la veue et dunbsp;costé que les ennemis de la Compagnie les considèrent;nbsp;Ie plus coupable et Ie plus meschant a leur gré, c’est ce-luy auquel nous venons d’ériger des statues et des images1; ils Ie tiennent pour vn séditieux et pour vn séduc-teur; et nous Ie tenons pour vn liomme iuste et innocent,nbsp;qui a fait vne habitude de vertu par vne pratique denbsp;cinquante ans, depuis lesquels il a exercé l’Office de Judicature irréprochablement. Sous Ie règne de trois Iloys,nbsp;et sous deux Régences , sous la censure de six premiersnbsp;Présidens, a la veue de mille Conseillers, en mille im-portantes affaires, ce sénateur a rendu des preuues denbsp;sa générosité, de sa piété et de son zèle; et a l’aage denbsp;soixante et quatorze ans, et sur l’aduis de Catelan ou denbsp;la Raillière , on Ie surprend, et'on l’enlèue comme vnnbsp;criminel; et a moins que du seeours de quatre cent milnbsp;ames qui se soulèuent en sa faueur, on ne sait pas anbsp;quelle fin on Ie destinoit. Voicy maintenant qu’a son su-iet tout ce grand peuple qui I’a secouru, est en proscription et en peril de mourir de faim. Cependant onnbsp;nous vent faire croire que ce n’est point au peuple a quinbsp;on en veut \ mais seiilement qu’on le veut obliger a senbsp;défaire du Parlement. Or ny le peuple n’est pas resolunbsp;de liurer le Parlement, ny de se laisser mourir de faim.nbsp;II y a deux mois qu’il demande a sortir, et a combattre;nbsp;la seule prudence des généraux qui cherchent leiirs me-sures, le retient; il est animé et persuade de la bonté de
nbsp;nbsp;nbsp;Le bonhomme Broussel ; « II n’y a point de rue ou 1’on ne voie sonnbsp;portrait. » Auis sincere aua; 6our§-eois de Paris, etc. [543],
* nbsp;nbsp;nbsp;Lis et fais.
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sa cause. C'est vne iuste défensiue. Les Théologiens en parleront a leur mode; et chacun s^ait ce que Ie Prouin-cial des Capucins en dist a Ia Reyne, huit iours après sanbsp;retraite de Paris; il n’auoit esté suborné de personne,nbsp;ny pris autre instruction que de l’esprit de Dieutnbsp;Mais voicy comme les lurisconsultes en discourent aunbsp;titre De lustitid et, iure : ils disent qu’il y a vn droictnbsp;naturel comprenant tous les animaux et tous les hommes,nbsp;qui leur fournit vn instinct pour leur propre conserua-tion, non seulement de I’indiiiidu, mais mesme de l’es-pèce. C’est de la que vient la conionction du masle etnbsp;de la femelle; de la vient Ie mariage, la procreation etnbsp;Péducation des enfans. Subordinément il y a vn droictnbsp;des gens qui appartlent seulement aux hommes; maisnbsp;aussi comprend il tous les hommes, comme la Religionnbsp;et la créance de Dien, la piété vers les parens et la pa-trie, la resistance aux iniures et aux torts qu’on nousnbsp;veut faire, que nous appellons légitime defense; et quenbsp;commé ainsi soit que par la nature nous soyons tous al-liez et apparentez les vns auec les autres, il s’ensuit quenbsp;c’est vne abomination quand vn liomme dresse des em-biisches pour surprendre, pour tromper et pour offen-ser vn autre homme. Ils adioutent que par ce droict desnbsp;gens, les guerres ont commence, que les peoples se sontnbsp;dislingucz, recueillis ctcantonnez, que les Royaumes senbsp;sont formez, et qu’on a estably des Roys. De eet endroitnbsp;si notable, nos politiques qui ne recognoissent pointnbsp;d’Euangile, et qui n’admirent que la prudence huinaine,nbsp;pourroient prendre suffisante instruction et apprendrenbsp;premièrement qu’il y a vn DIeu, par Ie consentement denbsp;toutes les nations, qui sont vniuersellement imbues denbsp;fette cognoissance; secondement qu’il faut aimer sa pa-
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CHOIX
trie et ses parens •, et Ie troisième précepte vniuersellement recu, c’est la défense légitime. Ce sont trois grandsluris-consultes qui nous font cette lecon, et qui estoient pournbsp;Ie inoins aussi qualifiez que nos Chancelliers et premiersnbsp;présidens. Et lustinian, Empereur de l’vne et l’autrenbsp;Rome, prescriuant desLoix a toute la terre, commence sonnbsp;Digeste par ces trois capitales maximes, sur lesquelles etnbsp;a propos du suiet que nous traitons, il y a lieu de louernbsp;ce grand Docteur de la France, lacques Cuias, lequelnbsp;interprétant exactement et philosophiquement ces termesnbsp;de Pomponius, Veluti er ga Deum religio : vt parenti-bus et patrise pareamus, il escrit ainsi : Ordo non placet; nam prima officia dehemus Deo; secunda Patrise;nbsp;iertia parentibus. Si la patrie marche en ce rang etnbsp;immédiatement après Dien, quelle est la peruersité, l’ini-quité et la scélératesse de ceux qui en abandonnent l’hon-neur, et ne se soucient pas de la voir réduire en seruitude?nbsp;Aussi voyons-nous que ce sont des Siciliens, des Ange-uins et des Catelans qui ont résolu la destruction de cettenbsp;grande Cite; et il est presque impossible d’imaginer qu’vnnbsp;homme baptise dans la Paroisse de S. Eustache ou denbsp;Sainct Méderic puisse contribuer ny consentir a Ia minenbsp;de Paris. II est pareillement veritable que ces mangeursnbsp;de Chrestiens, auparauant que d’en venir h ces extrémi-tez, il faut qu’ils ayent efface Ie caractère de riiumaniténbsp;auec celuy de leur Baptesine par vne lougue habitude denbsp;mal faire et par vne resolution affectée de ne pas croirenbsp;en Dieu. C’est sur ce fondement qu’ils n’ont pitié denbsp;personne, qu’ils en prennent de toutes parts, et qu’ilsnbsp;ne sont interrompus ny inquiótez dans leurs délices d’au-cun scrupule ny d’aucun remords. Quelqu’vn d’entr’eiixnbsp;qui n’est plus au monde, corame on Fauertissoit que du
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temps du Chancelier de Sillery, on n’vsoit pas de si vio-lentes procédures, il respondit : De ce temps la, nous craignions tont; a présent, nous ne craignons rien. Pournbsp;paruenir a cette audace, il y a deux voies : la premièrenbsp;et la plus battue, c’est vne mauuaise naissance, destituéenbsp;d’instruction et de discipline; ils n’ont entendu ny Ca-téchisme ny préceptes; on les a mis ieunes dans vn Ber-lan OU chez vn Financier, comme en conditions plusnbsp;aduantageuses que celles d’vn College ou dVn mestiernbsp;légitime; ils n’ont veu que des dez et des cartes; ils n’ontnbsp;ouy ni veu que de mauuais commerces ; c’est par or etnbsp;par argent que leurs Maislres ont acquis ces belles mai-sons et ces beaux meubles, et qu’ils ont marié leurs fdlesnbsp;auec toute cette Noblesse; ils feront par conséquent surnbsp;ces exemples tont ce qui leur sera possible pour auoirnbsp;de l’or et de l’argent, qui est la moanoie de toutes lesnbsp;commoditez et de toutes les dignitez. L’autre cheminnbsp;qui conduit a cette insolente cruauté, c’est celuy quenbsp;tiennent les persones d’vne extraction ingénue, lesquelsnbsp;ayant esté bien instruits de ieunesse, et se trouuant dansnbsp;les aises de la vie, ils s’y abandonnent si désordonnément,nbsp;que pour en iouir plus pleinement et d’vne félicité plusnbsp;entière, par estude et par force d’esprit (ainsi qu’ils par-lent), ils trauaillent a estouffer toutes les seinences denbsp;vertu qui ont esté iettées dans leurs ames, et ne veulentnbsp;plus escouter ny les conseils des gens de bien ny lesnbsp;reproclies de leurs consciences; c’est alors qu’ils fontnbsp;passer leurs crimes et leurs impiétez en aphorismes, qu’ilsnbsp;se mocquent des moeurs et des créances anciennes, etnbsp;renoncent a toute piété vers Dieu et a toute piété versnbsp;les hommes. De ces deux espèces de gens sont composeznbsp;tons ceux qui oppriment le Peuple, qui offusquent la
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Noblesse, et qui scandalisent l’Église. On s’estonnera icy, et a bon droict, et c’est ce qui rauit nos voisins ennbsp;admiration, veu que ces gens-la ont coniuré contre Ienbsp;repos public et que ce sont les monstres et les pestes denbsp;la société liumaine, d’oü vient que par vn concours etnbsp;a cry public on ne s’eslèue pas contre eux, comme onnbsp;fait a rencontre des loups et des sangliers qui rauagentnbsp;la campagne. En voicy deux ou trois raisons; c’est qu’ilsnbsp;ont des Protecteurs et des Sauuegardes; et tout de mesmenbsp;que les cerfs et les sangliers ruinent impunément lesnbsp;moissons des laboureurs quand ils ont vn seigneur ou vnnbsp;puissant voisin qui aime la chasse et qui defend d’auoirnbsp;des chiens et de porter l’arquebuse; ainsi en arriue-t’ilnbsp;quand Ie Prince ou Ie liaut Magistrat entreprend Ia protection du Partisan, et qu’il destine sa table et sa maisonnbsp;pour ses diuertissemens, et sa bourse pour les fonds denbsp;son espargne. Au temps passé, ainsi que nous l’auonsnbsp;appris des vieilles gens, l’alliance de ces gens-la estoitnbsp;prise pour vne pollution et vne de'rogation a Noblesse ;nbsp;maintenant on en fait le soustien des maisons, et de leurnbsp;argent on en repare les families ruineuses et délabrées-Dieu scait quelle postérité il en reussitl Allez puis aprèsnbsp;déférer en lustice vn Financier ou vn Traitant qui s’estnbsp;fortifie de telles alliances? L’autre raison, sous I’om-bre et le benefice de laquelle ces gens-la Irouuent leurnbsp;abry et leur éuasiou c’est la formalite de lustice, Is'nbsp;quelle formalite, quand elle est sincèrement et fidèl^'nbsp;ment obseruée, est d’vn tres grand et tres nécessairenbsp;vsage; mais quand elle est trop superstitieusement ap*nbsp;pliquée, elle deuient vn retardement et vn obstacle aunbsp;bien public; comme aussi quand elle est malignement etnbsp;frauduleusement administrée, elle dégénéré en illusion
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DE MAZARINADES.
et en iuiustice; et c’est dedans ces prestiges et parmi ces ombres que Ie cauteleux lusticier fauorise et fait échappernbsp;qui bon lui semble, contre la droite intention de laLoy.nbsp;Telle estoit la iustice des anciens Pharisiens, contre la-quelle l’Euangile est tout plein de reproches et d’inuec-tiues. La manière d’Epaminondas estoit bien plus franchenbsp;et plusbrièue. II enuoya vn homme de mérite, qui auoitnbsp;bien serui en guerre, chez vn ricbe de Thèbes luy de-mander mil escus. Celuy cy vint tout a 1’instant trouuernbsp;Epaminondas pour scauoir de luy a quel tittre il Ie con-damnoit de bailler cette somme a ce Soldat : c’est, dit-il,nbsp;parcequ’il a bien serui la République, et qu’il en a be-soin, et que tu es vne personne inutile, et qui en as plusnbsp;que tu n’en mérites. Ce mandement fut execute, et n’ex-cita ny sedition ny murmure; il passa pour vne actionnbsp;de Iustice; et nous sommes si malbeureux et si traistresnbsp;a nostre bonheur, que pour mil francs qu’on aura impose sur vne femme qui a plus de dorures cju’vne Reynenbsp;de Saba, on veri’a des families en rumeur, qui crient aunbsp;meurtre et qui se scandalisent de cette rigueur; et ce-pendant ils ne firent iamais de conscience de la ruine denbsp;plusieurs milliers d’hommes, qui ont esté dépouillez parnbsp;1’Exacteur qui a basty tons ces Palais et amassé vne mon-tagne d’or. II y a quelques années qu’vn homme asseznbsp;imaginatif nous surprit fort agréablement par vne visionnbsp;qu’il nous raconta ; il nous dit qu’il venoit de voir dansnbsp;des chaudières et des marmites bouillantes des Electionsnbsp;toutes entières; il sortoit de l’Église Nostre Uame; ienbsp;crus que c’estoit que dans la meditation des quatre finsnbsp;dePhomme, il auoit eu quelque forte imagination desnbsp;peines d’Enfer. Il nous expliqua enfin sa figure, en nousnbsp;disant qu’il venoit d’vne maison du Cloistre oü l’on at-
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tencloit Monsieur Deffiat a diner, et qu’il auoit veu des potages et des bisques de prix inestimable capables d’ab-sorber les Generalitez de la Touraine et du Berry. C’estnbsp;contre ce grand luxe que les geus de bien sont irritez, etnbsp;conlre ceux qui l’entretiennent. Si quelques Conseillersnbsp;du Parlement de Paris ont pris a tasche de vouloir mettrenbsp;des hornes a ces grands excez, Ie Garde des Seaux denbsp;Marillac y auoit trauaillé de son temps; et si tous lesnbsp;Législateurs ont eu égard a ce désordre, escoutera-t-onnbsp;des Bouffons de Cour et des Gourmands contre des intentions si louables? N’est ce pas vne impudence capi-tale de présenter a la Reyne vne bouchée de pain et luynbsp;faire a croire qu’elle vaut vne pistolle a Paris’; et cesnbsp;railleries sanglantes, iointes a 1’histoire de Charlesnbsp;sixiesme, ne sont elles pas damnables ? Messieurs du Parlement, Messieurs les Princes, et tous vous autres bonsnbsp;Francois qui voulez la réformation de PEstat et Ie sou-lagement du peuple, ne deschargez pas toute vostre indignation sur Ie Ministre Estranger; il n’en seroit iamaisnbsp;venu la, s’il n’y auoit esté porté par la trahison denbsp;quatre ou cinq domestiques, qui luy ont donné des aduisnbsp;et luy ont déclaré Ie foible du Maistre et de la Mais-tresse. Ainsi conseillèrent ils Conchine; ainsi seruirentnbsp;ils les Luynes; ainsi se prostituèrent ils au Cardinal denbsp;Richelieu; ainsi raillèrent ils la Reyne mère, qu’ilsnbsp;auoient tant idolatrée. On les connoit; on scait leursnbsp;malices; on en sent Ie préiudice; et on les épargne!nbsp;Permettez nous au moins de les nommer et d’en faire vnnbsp;catalogue public, comme on fait des Interdits en 1’Es-tude des Notaires. Cependant il n’y a ny Prince ny Ma-
* Une note manuscrite de l’exemplaire de Ia bildiothèqiie de Sainte-Geneviève altrjl)ue cette impudence a Baulni.
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gistrat, pour vaillant et innocent qu’il puisse estre, pour e'minent que soit Ie dégré de sa naissance, ou de sanbsp;vertu, qui se puisse assurer d’estre hors des prises etnbsp;des atteintes de leur insolence. Nous auons ouy dire denbsp;fort bonne part que Ie feu Roy ayant esté trauaillé du-rant toute vne nuict d’vn songe qui luy représenta lesnbsp;détresses ou estoit la Reyne sa mère, et les reprochesnbsp;qu’elle luy en faisoit, il s’esueilla en sueur et en fièure 5nbsp;dont son Médecin Rouuard ayant donné aduis au Cardinal de Richelieu, on attira les Bouffons, lesquels surnbsp;l’après dine'e entretenant ce trop crédule Prince de dif-fërens suiets, l’vn d’entr’eux ayant voulu faire Ie récitnbsp;d’vn songe qu’il feignoit d’auoir eu quelque nuict au-parauant, qui luy auoit donné de l’inquiétude, les autresnbsp;1’entreprirent, Ie raillèrent, et Ie traitèrent de ridicule;nbsp;ainsi pensèrent-ils éluder cette inspiration du Ciel. Lenbsp;Roy néantmoins estonné de sa vision, s’en déclara aunbsp;Cardinal, qui la scauoit desia, lequel adroitement luynbsp;dit qu’il falloit done rappeler la Reyne sa mère, maisnbsp;qu’il falloit que ce fust honorablement et en payant lesnbsp;dettes qu’elle auoit contractées chez les Estrangers, etnbsp;qu’il en feroit dresser l’estat. II n’est pas besoin d’en direnbsp;la suite; suffit de faire paroistre de quels artifices et denbsp;quels charmes ces pernicieuses gens la ensorcellent etnbsp;daninent les Princes. Non, ny les luifs, ny les Vsuriers,nbsp;ny les faux Monnoyeurs ne sont point si dangereuxnbsp;dans les Républiques. C’est néantmoins du milieu de cesnbsp;gens la que nous attendons l’éducation de nostre ieunenbsp;Prince. Pensez, Messieurs du Parlement, si vous n’ennbsp;tleuez point faire vn article expres de vostre Conférence; et voyez si le feu Prince de Condé a voulu quenbsp;Messieurs ses enfans pendant leur ieunesse, et tant qu’ilnbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;30
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a vescu, fussent lialenez de ces pestes. II se présente vn quatriesme obstacle centre les bons desseins de ce Party;nbsp;c’est la ialousie de plusieurs Officiers, qui ont regret denbsp;voir accroistre 1’authorité du Parlement et qui se con-fondent de leur paresse et de leurs lasches conniuences;nbsp;car quant a ceux qui ont eu participation de profit auecnbsp;les Traitans, ils sont gibier de Tournelle et de Chambrenbsp;de lustice; mais il y a de pacifiques Seigneurs, qui ver-roient toute la ville en feu et ne voudroient pas contri-buer vn verre d^eau pour l’assoupir et pour l’esteindre,nbsp;pourueu qu’ils eussent asseurance de n’en estre pointnbsp;endommagez. Du coin de leur feu, et derrière leurs pa-rauens ils preuoyent des consequences; ils appréhendentnbsp;des changemens en l’Estat et en la Religion. Cependantnbsp;ny eux ny ceux qui les conseillent, n’ont point Ie vrainbsp;zèle de l’Estat ny de la Religion; si ont bien celuy denbsp;leurs interests. Pi'iuatse res semper offecerunt, dit Ienbsp;grand Historiën, officientque publicis consiliis, dit Ienbsp;grand Prophete Ïite-Liue. Mais pour trailer dignementnbsp;ce suiet, il y faudroit employer plusieurs Philippiques.nbsp;II reste de toucher vn mot de 1’intérest du menu peuplenbsp;de Paris, lequel se remetlant a Messieurs les Princes etnbsp;Magistrals d’auancer les propositions plus releuées etnbsp;plus générales, il demande en son particulier la continuation du Commerce et des manufactures pour Ie sous-tien de sa vie, et ne souhaij;e rien tant que Ie retour denbsp;leurs Maiestez auec l’ancienne Cour francoise ; car pournbsp;ce qui est du Ministre Estranger, il en a plus d’liorreurnbsp;que de la faim et^de la'guerre, ainsi qu’Il l’a fait souuentnbsp;entendre par ses cris et par Ie zèle de ses sorties, doutnbsp;1’effet n’a esté retardé que par la prudence des généraux*nbsp;Ainsi depuis deux mois, quelques secousses d’affiictiou®
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DE MAZARINADES.
et de tentations qu’on luy aye données, il n’a point fait iour pour se désunir. Et c’est vne manifeste prouidencenbsp;de Dieu qu’vne si vaste ville si peu disciplinée, se soitnbsp;si paisibleinent conduite et maintenue. N’est-ce pas vnenbsp;autre merueille que nous deuons adorer Ie ventre centre terre , que nonobstant la persecution de nos ennemisnbsp;qui nous enuironnent de toutes parts, il se trouue dunbsp;pain suffisamment pour nourrir tout ee grand peuple,nbsp;chargé de plus de cinquante mil mendians. II paroistnbsp;bien par ce rayon de miséricorde que Dieu ne nous veutnbsp;pas encore abolir pour ce coup et que Ie ieusne foreénbsp;conioint auec nos volontaires mortifications, produiranbsp;bientost vn bon amendement a nos mceurs, et ensuitenbsp;vne salutaire déliurance. C’est Tespérance que les gensnbsp;de bien de ee Party eoncoiuent; c’est a quoy ils exlior-tent de trauailler ceux de l’autre, s’il s’y irouuoit quel-que ame consciencieuse et généreuse. Mais est-il donenbsp;besoin d’vne vertu extraordinaire et héroique pour porter vne parole de iustice a l’oreille d’vne Reyne et denbsp;deux Princes ? Est-ce vne médecine si amère et si dégous-tante que la proposition d’vn bon conseil ? Ne s’est il peunbsp;rencontre!’ aucune creature parmy tant de denotes, quinbsp;aie osé présenter cette potion, que la femme d’vn Apo-thicaire Espagnol ? Quoi ? il s’est trouue assez de zèlenbsp;pour abattre de la chaire vn des plus grands prédica-teurs de l’Eglise par vn concert de femmes et par vnenbsp;ialousie d’cscole; et on redoutera de faire vne pieusenbsp;proposition pour vn bien public ? Pieuses ames de l’vnnbsp;et de l’autre sexe qui gouuernez cette princesse depuisnbsp;tant d’années, et qui sauez si bien flescbir ses inclinations a la mesure de vos intérests, n’auriez vous aucunnbsp;sentiment des misères publiques et de l’honneur de vos-
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tre Patrie? Abanclonnez vous Ie salut de vostre mais-tresse? N’oserez-vous pas hazarder vn conseil Éuangéli-que entre sa confession et sa communion ? Elle en fait de si fréquentes. O Confessions! O Communions fréquot;nbsp;quentes ! Que ne vous iustifiez vous par vous mesmes ?nbsp;Et pour quoy donnez-vous tant d’auantages a la Théologie d’Arnault ? Sainctes religieuses du Val de Grace, onnbsp;ne vous exliorte poinct de prétendre aux Martyres desnbsp;Saincte Agnès et Saincte Catherine; faites seulementnbsp;eet effort sur vous , de supplier la Reyne de pouruoir aunbsp;Roy son fils d’vne bonne action. Qu’oii secularise Ie plusnbsp;solitaire des Chartreux, Ie plus austère des Capucins pournbsp;habiter auec luy dans son Louure et pour l’informer ennbsp;la crainte de Dieu, qui est Ie commencement de toutenbsp;sapience; et que tous perfides Courtisans en soient pournbsp;iamais esloignez. Que si vous estes trop timides pour proposer ce conseil, et que les respects humains vous inter-disent la parole, nous nous adressons a vous, Sérénissimenbsp;Infante, qui régnez dans les deux par Ie titre de vostrenbsp;perséuérante vertu. Isabelle Claire Eugenie modèlenbsp;parfait des saintes veuues et des sages Princesses, pre-nez soin d’Anne Marie Mauricette d’Autriche, vostrenbsp;Niepce et nostre Reyne; impétrez luy la grace de nousnbsp;gouuerner sur Ie patron de vos bons exemples. Et puisnbsp;que les Princes auec tant de libéralitez et de bienfaitsnbsp;ne peuuent que rarement trouuer dans leurs Cours desnbsp;Conseillers fidèles et généreux, enuoyez de l’autre mondenbsp;quelque intelligence lumineuse qui instruise cette PriH'nbsp;cesse de son deuoir, et qui la fasse fleschir sous la puis-
* Fille de Philippe II, roi d'Espagne, et d’Élisabeth de France, goutct name des Pays-Bas. Elle était alors veuve d’Albert d’Autriche, fil*nbsp;Maximilien II.
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santé main de Dieu. Nous vous remettons librement et respectueusement ce poinct d’honneur et consentonsnbsp;trés volontiers qu’elle tienne plustost cette grace denbsp;vostre intercession et de la miséricorde de Dieu, quenbsp;ny de la compassion de nos misères, ausquelles elle estnbsp;endurcie , ny des remonstrances du Parlement qu’on luynbsp;fait mespriser, ny du secours de nos amis, ny de la resistance de nos armées.
*
Avant la palx de Saint Germain.
Gaston , Gaston , resueille toy!
Entends mes cris j assiste moy Contre ces trois Tyrans dont ie suis deschirée;
Ces trois Monstres cruels ont ma perte iurée.
Fay pour m’en garentir, de semblables efforts.
Ie dors.
Fils d’vn père si glorieux,
Qui par des conseils généreux Me gouuerna, vingt ans, sans compagnon ny maistre!nbsp;Dois-ie pas espérer que tu feras paroistrenbsp;Des sentimens pareils a ceux qu’il ent pour lors.^
Ie dors.
Sois touché des cris douloureux De tant de peuples malheureux.
' On y a publié une réponse sous ce litre ; Le Prince esueillé [2866], ni.ais avec peu de siiccès.
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Le pillage, Ie fer, Ie feu, la faim, la rage,
Changent tout en déserts. Soufffe tu eet outrage? Veux tu point arrester ces barbares efforts?
Ie dors.
Las! mon intérest est le tien.
Nous nous prestons esgal soustien.
Ta grandeur se perdra si l’on me peut destruire. Désille vn peu tes yeuxj soulage mon martyre;
Ou ie vay succomber sous de si grands efforts.
Ie. dors.
Vn prince indigne de ce Rang ‘
Veut par le fer et par le sang S’esleuer au sommet oti son orgueil aspire.
Tout obstacle est fascheux a qui veut vn Empire.
II n’y scauroit monter sans te mettre dehors.
Ie dors.
Ces raisons ne te touchent pas.
Quoy! s’il me réduit au trespas,
Que deuiendra ton nom, ta grandeur, ta puissance ? II ne t’en restera qu’vne vaine apparence.
Tu seras son iouet; que deuiendras tu lors?
Ie dors.
Va, France, loin de moy gémir,
Luy dit Gaston ; ie veux dormir.
Ie nasquis en dormant. I’y veux passer ma vie. lamais de m’esueiller il ne me prit enuie.
Toy, ma Femme et ma Fille, y perdez vos efforts Ie dors.
‘ Ijp prince de Condé.
-ocr page 489-Filles du ciel, gentilles Muses Qui n’estes laydes ni camuses,
Obligez tant vos Imprimeurs Qu’ils puissent deuenir rimeurs;
Faites qu’ils aient pour vne heure (Si c’est trop, pas tant n’y demeure)
Non les béquilles ni le nom Du petit poëte Scarron,
Mais l’esprit et l’humeur Grotesque Auecques sa veine burlesque,
Pour dresser ce remerciment Plus en Francois qu’en allemant.
Vous y estes quasi tenues;
Car par nous vous estes connues;
Et si de vous n’auons secours,
A d’autres nous aurons recours.
I’inuoqueray Merlin Cocquaye Et sa dame Oliue Ia guaye,
Afin qu’ils inspirent en nous Quelque compliment qui soit doux,
Aussi chaussant qu’vn bas de laine Et qui guérisse la migrainenbsp;De ceux a qui nous le dirons,
Et mesme a ceux qui le liront;
Car nos auteurs qui ne sont bestes,
Sont sublets a ces maux de testes.
C’est vu mestier de grand tracas
-ocr page 490-472 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
De composer tant de fracas,
De fadaises, de gogiienettes De bagatelles, de sornettes.
II est vray qii’ils se vendent mieux Que tous ces ouuragcs pieuxnbsp;Qu on imprime, la Quarantaine,
Dont 1 on ne vend qu’vn par sepmaine.
Sans tons ces petits rogatons,
Sans les Condés et les Gastons,
Sans les pasquils et vaudeuilles Sans les écrits des plus habiles,
Sans Riuière et sans Cardinal,
Nous allions bien souffrir du mal.
Sans Ie petit bossu en poche ‘
Nostre mine estoit bien proche;
Et sans les riches curieux Ma femme eust bien chié des yeux.
Les Libraires, la Librairie,
Les Imprimeurs, la Confrérie,
Les Relieurs et les Colporteurs Eussent souffert de grands malheurs.
Enfin sans ces petits ouurages Les demy ceints, les pucellages,
Les bagues et les beaux atours Eussent fait eschauffer les fours.
II eust fallu emprunter, vendre,
Mourir de faim ou s’aller pendre;
Mais grace a tous ces bons esprits.
Nous ne sommes point lii réduits.
Les sols, les deniers pesle-mesle Tomhent sur nous comme la greslenbsp;Quand quelque chose de nouueau
' Le prince de Conty, c’est-a-dlre les pampldets sur Ie prince de Conty; comme plus haut les pamphlets sur les Condés et sur les Gastons, sur Lanbsp;Bivière et sur le cardinal Mazarin.
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Vient de chez nous ou du Bureau
Disons plustost ; comme la neige Qui depuis cinq mois nous assiège.
Mais en cherchant mon compliment Ie m’egare insensiblement.
Ie ne scay ce que ie veux dire;
A grand peine Ie puis ie escrire.
Les beaux mots, le raisonnement Manquent a mon remerciment.
Helas ! si i’estois fils d’apostre Ma foy, i’en vaudrois bien vn autre;
Et ie n’aurois pas de tintoin A trouuer les mots au besoin.
Bon chat, bon rat; vaille que vaille; Combattons d’estoc et de taille.
Prenons la science au colet Ainsi que Ton fit Corolet*
Lorsqu’en habit de capitaine II crioit a perte d’haleinenbsp;Dans toute la cour du Palaisnbsp;Que le peuple vouloit la paix.
Helas! ce grand homme de guerre Fut qtiasy renuerse par terre,
Dont i’aurois eu mille regrets,
Parcequ’il nous vend des Arrests Et qu’il est le cocq des Libraires,
Sans faire tort aux autres frères;
Mais auec son gallon d’argent
‘ Le bureau d’adresse ou se vendait la Gazette.
^ Le père de Scarron était surnommé Scarron Vapólre.
’ Pierre Rocollet, Fun des impriraeurs et libraires ordinaires du roi. Dans XÉtat de la France pour I’aunee 1660 qu’il a ajoute au Nouveaunbsp;theatre du monde de DavHj, edition de 1661, Antoine Estienne raconte quenbsp;Louis XIV fit remettre a Rocollet tine médaille d’or avec une chaine dunbsp;méme métal pour le récompenser de sa loyale et courageuse conduite pendant la Fronde.
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11 est bien mieux mis qu’vn sergent; Et s’il n’eust tost crié : Renguaine!
II estoit mort, chose certaine.
Mais reuenons a nos moutons.
Graues autheurs de rogatons De qui chacun fait grande estime,
Soit pour la prose ou pour la rime,
Ie crois que vous estiez caches Aussi loing que nos vieux pëchésnbsp;Alors que toutes les maltotesnbsp;Vouloient opprimer tous les holtes;nbsp;Car en ce temps les saiisonnetsnbsp;Comme poissons estoient muets.nbsp;L’esclat de la rouge Calottenbsp;Vous donnoit a tous la menotte;
Mais s’en allant a Sainct Germain,
II vous a délié la main.
Vos escrits, l’encre, l’huile ou graisse Ont bien fait cheminer la presse.
Les partisans ou maltotiers Ont bien releué nos mestiers.
Nous auions aussi triste mine Que Ie pain a la Mazarine,
Quand la démangeaison a pris A tous vos excellents esprits.
Nous sommes huit cents, voire mille Qui tous les iours courons la ville,nbsp;Depuis Ie matin iusqu’au soir,
Offrant par vn humble deuoir Vos oeuures a qui les demande;
Et si ne faut point qu’on marchande. Six deniers pour quatre feuilletsnbsp;Entrent dans mon gousset tout nets,nbsp;L’imprimeur payé de sa feullle.
Que cela dure, Dieu Ie veuille;
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Car pourtant sans Ie Partisant Nous serions tons morts a présent,nbsp;Au lieu que de tant de huéesnbsp;Nous restent les voix enrouéesnbsp;D’avoir crié haut et souuent.
Foin! ie m’empestre trop auant. Pour faire vne action de grace ,nbsp;Dedans tu filet ie m’enlasse
t
Qui n’a commencement ni fin.
Si i’estois vn homme latin,
I’aurois mis en quatre paroles Sans mentir et sans hyperboles :
Ie vous remercie, Orateurs,
Rares Esprits, braues Autheurs, Composeurs de rimes burlesques,nbsp;Inuenteurs de tittres grotesques,nbsp;Aduocats, Pedants, Escoliers,
Qui fessiez si bien les cahiers.
Vos ouurages faits a I’enuie Nous ont a tons sauue la vie.
Si vous continuez tousiours A faire de pareils discours,
Pourueu qu’on ne nous fasse niche, Chacun de nous deuiendra riche;
Et ie diray comme dit on : Quelquefois le malheur est bon.nbsp;Pour acquérir de la finance,nbsp;Pourueu qu’on sauue la potencènbsp;Et le fouet et la fleur de lyS,
Baste du reste. Ie finis,
Après que pour nos compagnies Ie proteste a ces grands géniesnbsp;Que ce qui viendra de leur part.nbsp;Sera si matin et si tardnbsp;Crié par nous a voix si forte,
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De rue en rue, de porte en porte, Qu’ils auront grand contentementnbsp;D’ouyr publier hautementnbsp;La production de leur ceruelle.
Bon soir; ie n’ay plus de chandelle. Contentez vous d’vn iraprimeurnbsp;Qui ne fut iamais grand rimeur,
Qui ne scait régie ni méthode,
Mais qui fait des vers a sa mode Que l’on chante sur le Pont Neufnbsp;L’an mil six cent quarante neuf.
[4063]'.
Avant la paix de Saint Germain.
Ou diable allez-vous nos lustes, lustes de nom, d’effet iniustes,
De laisser sans secours vn peuple désolé?
II ne faut pas courir si viste Pour arriuer a Rome au giste,
Si vous n’auez dessein que d’estre au lubilé.
Si l’on vous met en pliantaisie Qu’ayant suruescu I’lieresie,
Rome en attend de vous la satisfaction,
Reiettez ces fausses alarmes 5 Car n’estant que sang et que larmes,nbsp;Pourroit-elle augmenter vostre punition.^
’ On sait que les premiers louis furent fiappés en 1640 et 1641 sousl® règne de Louis XIII dont ils prirent le surnoin de lustes.
Quoy, pas vn de vous ne m’écoute!
Et suiuaiit tousioiirs vostre route,
Tout commerce entrc nous sera done interdlt!
N’est -ce point qu’estant pieces rondes,
Vous cherchez, ainsi vagabondes,
Vn lieu oü vous scauez qu’ils sont fort en crédit,
Non, non, vous n’estes point capables De sentimens si délectables;
Mais gardez-vous aussi d’vn acte indecent (sic).
Et que, desmentant vostre titre,
Au pays ou règne la mytre Les lustes a la fm ne perdent ITnnocent*.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;,
Adieu; ie n’ay plus d’espérance Dc vous reuoir iamais en France.
Voulans vous retenir, soudain vous écoulez.
Vous passez les Monts et Marseille;
Et ie pense qu’a la pareille ,
Vous qu’on vient de voler, a présent vous volez,
I’entends desla que ITtalie Se mocque de nostre folie,
Et fait d’estonnement mille signes de croix;
Nommant la France ridicule,
De laisser prendre par vn luie Tant de médailles d’or de ses augustes Roys.
D’allleurs elle se formalise ,
Qu’estant au pays de l’Eglise,
Vous soyez pris au corps par des banquiers actifs;
Et la chose luy semble estrange Qu’vn Cardinal vous mette au change;
Car e’est liurer Ie luste vne autre fois aux luifs.
' Le pape était Innocent X : et les frondeurs accusaient Mazarin d’as-pirer au souverain pontificat.
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Ie crois pourtant qu’vne partie De vous est seulement partie,
Et que luie a d’aucuns donne part au gasteau. Aussi dit-on qu’il se contentenbsp;D auoir vingt mille eseus de rentenbsp;Pour Ie gouuernement qu’a laissé Pontchasteau.
II est vray que la médisance Fait la guerre a son Eminence,
Et I’accuse de faire vn énorme pêché,
Disant qu’il vend les Bénéfices;
Mais, malgré les manuals offices ,
On scait que', s’il les vend, il en fait bon marché.
Toutesfois ses humeurs discreties,
Le portent a tenir secretes Les libéralitez qu’il départ aux humains.
Sa droite a sa gauche les cache;
Et la peur qu’il a qu’on le sache, L’empesche de les faire en quantité de mains.
Mais courage! si la disette Du luste que l’oii met en pochette,nbsp;Retranche nos repas, et nous fait aller nuds,nbsp;D’autres viennent a leur place,
Qui réparent cette disgrace;
Car Messieurs de la Cour nous sont tous reuenus.
Ces fascheuses harpies
Le grand Maistre ‘ et le Cardinal,
Après auoir pris nos coppies,
Ont enleué Foriginal.
' Le maréchal de La Meilleraye, grand maitre de 1’artillerie et surlnten* dant des finances.
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DE MAZARINADES.
(16 avril 1649.)
I’auois eu de la peine a adiouster foy a la nouuelle qu’on m’auoit escrite de Paris , que Ie Parlement auoitnbsp;depute vers Monsieur Ie Prince pour lui tesmoigner lanbsp;ioye que la Compagnie auoit de son retour et l’asseurernbsp;en mesme temps de ses soubmissions et de ses respects;nbsp;mais cette nouuelle m’ayant esté depuis confirmee , i’a-uoue que i’ay esté saisi d’estonnement et d’indignationnbsp;tout ensemble d’apprendre que cette Compagnie autres-fois si Auguste et si Généreuse se soit abbaissée a vne sinbsp;prodigieuse lacheté.
Car sans parler qu’il n’y a point d’exemple dans les Registres que Ie Parlement de Paris ayt iamais fait ennbsp;vne pareille occasion des semblables complimens vers desnbsp;Princes du Sang, qui sont suiets du Roy aussi bien quenbsp;Nous, qui sont sousmis aux mesmes loix qui nous lient,nbsp;et n’ont autre aduantage que d’estre les premiers Gen-tils Hommes du Royaume, on ne pouuoit point d’ailleursnbsp;tirer en exemple la Députation qui auoit esté faite vers
' Ce pamplilet est de Paul Portail, conseiller au parlement de Paris, et de la cabale du coadjuteur. Un avocat au conseil privé, Bernard de Bau-tru, fut accuse, non pas de 1 avoir ecrit, maïs de Pavoir fait imprimer. IInbsp;fut en consequence successivement traduit devant Ie Chatelet et devant Ienbsp;parlement, cliambre de la Tournelle. La peine qui était requise contrenbsp;lui, n’était rien moins que la mort, par la loi de famosis libellis, parl’éditnbsp;de Mantes, par l’ordonnance de Moulins et par l’édit de pacification denbsp;Henri III, 1877; mais il fut acquitté devant les deux juridictions. Voir Ienbsp;Pactum pour M. Bernard de Bautru, etc. [1366j.
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CHOIX
Monsieur Ie Due d’Orléans, lequel estant fils de France, Oncle du Roy et Lieutenant general de la Couronne,nbsp;est infiniment esleué au dessus d’vn Prinee du Sang etnbsp;mérite partant des honneurs singuliers; et Ie Parlementnbsp;a fait sans doute vne iniure très-sensible a son Altessenbsp;Royale de luy auoir esgalé vn hoinme qui ne luy parlenbsp;que Ie chapeau a la main.
Mais quand ie fais reflexion sur les thoses qui [se] sont passées depuis trois mois, quand ie me représentenbsp;deuant les yeux les Images encore toutes fraisches desnbsp;cruautez horribles que Ie Prinee a fait exercer, quand ienbsp;me ressouuiens des récits funestes qu’on in’a faits des actesnbsp;d’hostilité qu’il a coinmandées, de la desolation des Villesnbsp;et des Villages, du violeinent des femmes et des filles ,nbsp;de la profanation des Eglises, sans respecter Ie Mystèrenbsp;adorable de nos Autels, quand ie trouue icy depuis tan-tost huict iours que i’y suis arriué, les marques des trai-temens Barbares que Ie Prinee a fait souffrir a tant denbsp;personnes innoeentes; mais quand ie songe au desseinnbsp;furieux qu’il auoit entrepris de faire périr par Ie fer etnbsp;par Ie feu cette grande ville, la commune patrie de tonsnbsp;les Francois, ie ne puis supporter que Ie Parlement au-quel il doit conté de ses actions et de sa vie, Ie soit allenbsp;trouuer pour luy faire, auec vne bassesse indigne, vnenbsp;espèce de remerciment des maux horribles qu’il a cau-sez. N’estoit ce pas [assez] qu’il fust libre de reuenir 3nbsp;Paris et qu’on perdist Ie souuenir des mouuemens denbsp;haine et d’auersion qu’on auoit coneeu si iustementnbsp;contre luy? Falloit 11 encore Ie receuoir auec pompe dansnbsp;nos murailles et qu'il y soit entré plus glorieux que s dnbsp;y fust entré par la bresche? Car qu’auroit-il fait autrenbsp;chose dans vne victoire sanglante que de faire nager son
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cheiial, pour vser de ses tenues, dans Ie sang des Pari-siens et trioinpher ainsi de nos vies, de nos biens et de nos corps? Mais toutes ces choses estoient suiettes parnbsp;leur condition a l’empire de la Fortune. Nous pouuonsnbsp;perdre auec courage les faux biens qui nous sont estran-gers; et quand l’iniustice ou Ia violence nous les ostent,nbsp;nous ne perdons rien qui soit a nous, selon les senti-mens mesmes des Philosophes Payens.
II n’y a que l’amour de la Patrie et de la liberté au-quel il n’est pas permis aux gens de bien de pouuoir re-noncer. C’est vn bien qui nous appartient proprement, que l’vsurpation des Tyrans ne peut nous rauir et que lanbsp;Nature et la raison, qui sont les deux puissances legitimes auxquelles nous deuons nos premiers respects,nbsp;nous ont confirmé comme vn dépost sacré qu’elles nousnbsp;obligent de garder et de deffendre iusques a la mort.nbsp;Celui qui par foiblesse ou par intérest pert Ie désir denbsp;conseruer sa liberté, il manque en premier lieu par sonnbsp;pernicieux exemple contre Ie deuoir qui Tattaclie a lanbsp;société ciuille; il se trabit soy mesme et efface en quel-que sorte ce rayon d’indépendance que Dieu a grauénbsp;dans nos ames en nous formant a son Image, de ne re-cognoistre point de Souuerain sur la terre en Ia conduitenbsp;de nostre raison et de nos pensées.
Mais quand ceux qui sont establis dans Ie Gouuerne-nement d’vn Estat, pour estre les protecteurs de la liberté publique, s’abandonnent tous les premiers aux tyrans qui les veulent opprimer, quelle espérance peut-il rester de se pouuoir conseruer, si ceux qui en doiuentnbsp;estre les plus fermes appuls, la vendent et la traliissent?nbsp;Nous apprenons des Ilistoires que la puissance des Em-pereurs Romains ne seroit iamais montee au comble denbsp;Inbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3t
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l’insolence oü elle a esté, si la lacheté tlu Sénat n’eiist fortifié par ses complimens infiimes les progrez de lanbsp;Tyrannic. Et sur quoy il est important que les Officiersnbsp;du Parlement fassent vne sérieuse reflexion. Ils doiuentnbsp;prendre garde que leur institution cstant aussi anciennenbsp;que la Monarchie, ils sont les dépositaires des Loix fon-damentales de l’Estat et sont obligez en leurs consciencesnbsp;et par Ie deuoir de leurs Charges de s’opposer aux en-treprises des Ministres et des Fauoris et de renoncernbsp;plus tost a leurs dignitez que de souffrir que les loixnbsp;soient violées. II n’appartlent pas a la vérité a des per-sonnes priuées d’examiner la conduite des Souuerains;nbsp;mais pour ceux que la nécessité de leur employ engagenbsp;de veiller a la seureté des peuples , qu’ils se souuiennentnbsp;qu’ils répondront deuant Dieu de la negligence qu’ils ynbsp;apporlent, et que toutes les oppressions qui s’autorisentnbsp;par leur tole'rance criminelle, leur seront quelque iournbsp;imputées. Si Ie Parlement eust fait quelque reflexion surnbsp;ces deuoirs, il n’auroit pas sans doute depute vers Monsieur Ie Prince; car puisque les marques d’honneur nenbsp;se rendent qu’a la qualité des personnes ou hien a leurnbsp;vertu, il a esté désia ohserué qu’il n’y auoit pointnbsp;d’exemple qui l’ohlige a cette cérémonie, puisqu’onnbsp;ne Tauoit iatnais pratiquée enuers les Princes du Sang.nbsp;D’ailleurs Ie traitement cruel que Paris a receu de cenbsp;Prince, ne luy auoit pas mérité eet honneur. Certes ilnbsp;n’estoit pas iuste qu’il receust des témoignages de nostrenbsp;amour et de nosti’e estime pour auoir entrepris de per-dre la Ville Capitale du Royaume, que l’Histoire mar-quera sans doute comme vn reproche éternel contre sanbsp;mémoire. Ouy, ce dessein furieux flestrit cette haute reputation qu’il auoit acquise; et comrae la gloire des ba-
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tailles gagnées se pai tnge auee la conduite des Chefs , la valeur des Soldats et auec la Fortune qui y preside Ienbsp;plus souuent, la Postérité iugera sans doute des moyensnbsp;et des qualitez de ce Prince par Taction la plus remar-quable de sa vie. Et quand elle verra que pendant la mi-norité de son Roy il a voulu ruiner Paris, qui est nonnbsp;seulement Tornement, mais Tabrégéde tout leRoyaume,nbsp;elle lira auec horreur vne entreprise si detestable et con-sidérera ce Prince comme vn Monstre né pour la ruinenbsp;et la desolation de son Pais.
Mais quelle bonte sera ce au Parlement dont on sqait que Ie soing se doit employer a punir les violences publi-ques, d’auoir non seulement dissimulé par leur silence ,nbsp;ce qui serolt encor tolerable pour Ie bien de la Paix,nbsp;mais d’auoir honoré TAutheur de tant de maux d’vnenbsp;Deputation qui ne luy estoit point deuo, quand il seroitnbsp;mesme reuenu tout couuert de Lauriers gaignez sur lesnbsp;anciens Ennemis de celte Couronne ? N’est-ce pas dé-cerner Ie Triompbe a celuy qui n’a pas esté Ie vainqueur ,nbsp;mais Ie flambeau fatal d’vne guerre Ciuille qu’il avoit al-lume'e ? Et cette prostitution ne marque-t-elle pas la foi-blesse d’vn corps qu’il falloit par prudence cacher a ceuxnbsp;qui ne cberchent que Toccasion d’abattre ce qui luynbsp;veste d’autborité?
Les peuples voisins louoient autres fois Ie gouuerne-ment de la France parceque la puissance Royalle, di-soient ils, y est tempérée par Tauthorité des Parlemens, lesquels encor bien qu’ils tirent leur pouuoir de celuynbsp;que Ie Roy leur communique, tout ainsi que les Astresnbsp;empruntent leur lumière de celle du Soleil, néantmoinsnbsp;on peut dire que comme les Philosopbes nous enseignentnbsp;que les Astres ont vne lumière qui leur est propre, d’au-
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CItOIX
tant que la lumière est vne qualité du Ciel, les Parle-mens aussi, et entre autresceluy de Paris a vne authorité non participée, selon les loix fondamentales de la Monarchie, soit parcequ’il a vn establissement aussi ancien quenbsp;celuy de la Royauté, ainsi qu’il a esté desia obserué, soitnbsp;enfin que les Roys luy ayent confié comme vn dépostnbsp;Ie soin et la conseruation des loix, auxquelles ils outnbsp;bien voulu eux mesmes s’assuiettir a l’exeinple de Dieunbsp;qui, dans la conduite de l’Vnivers, selon la pensee d’vnnbsp;Père de I’Eglise, a commandé vne seule fois pour obéyrnbsp;tousiours.
Que si Ie Parlement doit apporter Ie tempérament si nécessaire aux entreprises continuelles des Ministres etnbsp;des Fauoris qui abusent de la puissance Royalle, ne luynbsp;peut on pas faire a présent vn iuste reproche qu’il pertnbsp;par sa faute vn aduantage si vtile au public et si glorieuxnbsp;a luy mesme ? Car encor qu’on ne doiue pas, peut estre,nbsp;approuuer tout ce qu’il a fait depuis vn an, puisque l’onnbsp;en recoit si peu de fruit, et qu’d soit assez manifeste parnbsp;1’éuénement et la lascheté bonteuse de quelques vns quenbsp;ceux qui ont fait Ie plus d’esclat dans la Compagnie ,nbsp;n’ont esté animez que par des intérests de Familie et parnbsp;des mouuemens de caprice, sans aucun dessein du biennbsp;public, ceux qui estoient bien intentionnez, deuoientnbsp;songer qu’il falloit tousiours faire vne retraite honorable et laisser la terreur et la crainte a ceux qui lesnbsp;auoient attaquez, que Ie Parlement n’auoit pas fait sesnbsp;derniers efforts, afin de retenir et d’empescher les ministres de ne rien entreprendre de nouueau a l’ad-uenir.
Et tout au contraire, n’a-t-on pas veu des Conseillei'S de la Cour dans l’anti-cbambre du Cardinal Mazauin
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DE MAZARINADES.
presser en foule pour luy demancler pardon des clioses qui s’estoient passées, et luy tesmoigner Ie desplaisir qu’ilnbsp;leur restoit d’auoir esté gens de bien? Ie ne me plains pasnbsp;tant de ces actions priuées qui inontrent bien a la vériténbsp;la bassesse de quelques particuliers; mais qu’il soit ditnbsp;que Ie Parlement ait depute vers Monsieur Ie Prince,nbsp;que la Postérité lise que Monsieur Ie Prince a receu com-pliment pour auoir assiégé Paris, désolé la Campagne anbsp;dix lieues a la ronde, abandonee a l’insolence barbarenbsp;des Soldats estrangers non seuleraent tant de femmesnbsp;innocentes, mais Ie Sanctuaire roesme du Dieu viuantnbsp;qu’on a prophané par des sacrileges horribles, c’est cenbsp;que ie trouue insupportable a des Francois qui estantnbsp;nais libres par leur condition deurolent plus tost mourirnbsp;que commettre des lacbetez.
Dauantage comme les Princes ne souffrent ordinaire-ment pour punition de leurs excez que la haine des peuples qu’ils affligent, qui est sans doute vne punitionnbsp;plus grande qu’ils ne pensent, s’ils y faisoient reflexion ,nbsp;estoit il iuste, mais estoit il a propos de rendre a Monsieur Ie Prince eet honneur qu’il ne inéritoit point ? Nenbsp;falloit il pas qu’il reconnust la faute qu’il auoit com-mise, par les marques de nostre mespris et de nostre auer-sion ?
Mais qui ne scait d’ailleurs les desseins ambitieux que l’esprit de ce Prince médite depuis quelque temps, et lanbsp;demande qu’il auoit faite et qu’on luy auoit accordée,nbsp;des places de Clermont, Stenay et lamets en souuerai-neté ? Ne fait elle pas voir qu’il souffre auec quelque impatience la qualité de Subiect?Tousles Princes, disoit vnnbsp;de nos Roys , aspirent a l’indépendance; de la naissentnbsp;tant de remuemens et tant de guerres Ciuilles que nous
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CHOIX
esprouuons. Et c’est pourquoy il est important de les abaisser et qu’üs croyent qu’il leur est impossible denbsp;faire rcussir leurs enlreprises pernieieuses. Or commenbsp;Ie Parlement de Paris peut seul empescher les factionsnbsp;naissantes, il est de son deuoir principalement dans lanbsp;minorité du Roy de ne plus souffrir qu’il s’élèiie qüel-qu’vn qui puisse faire vn party dans Ie Royaume; et ilnbsp;doit employer ses soins d’en ruiner tous les prétextes etnbsp;les causes mesme les plus esloignées ; et par cette raisonnbsp;il est de la prudence du Parlement de tesmoigner courage et fermeté a vn Prince qui a fait voir par cette der-nière entreprise que son esprit remuant n’en demeureranbsp;pas la et que c’est vn fléau que Dieu nous prépare pournbsp;aflliger ce Royaume.
Mais la dernière et la plus importante raison pour la-quelle Ie Parlement a eu tort de faire cette Deputation, [est] que eet estrange abbaissement qui n’estoit pasnbsp;d’ailleurs nécessaire, conflrme en premier lieu les senti-mens des Peuples dans Ie mauuais bruit qu’on a faitnbsp;courir que les Députez du Parlement auoient esté cor-rompus dans les négociations de la Paix et qu’ils ontnbsp;plié dans vn temps oir il y auoit suiect d’espérer quclquenbsp;soulagement dans les misères publiques, soit par l’acbe-minement de la Paix générale qui nous estoit offerte,nbsp;soit par Ie changement du Ministériat qui estoit vn pointnbsp;[dans] lequel il semble qu’il ne falloit point conclure.nbsp;Or comme la fin perpétuelle des Ministres a esté denbsp;désvnir les Peuples [d’auec] les Parlemens, ils ne maii-quent pas sans doute de profiter de cette occasion; etnbsp;comme ils se persuadent auoir suiect d’abbattre leutnbsp;authorité et de restablir Ie gouuernement absolu qu’ilsnbsp;ont pratique depuis quelques années, ie ne doute p^s
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qu’ils ne reprennent blentost Iciirs conseils violens et que la Lasscsse de coeur qu’ils ont recognue par cettenbsp;Deputation, ne leur donne espérance de pouuoir ruynernbsp;facilement cette Compagnie qui les auoit retenus iusquesnbsp;icy dans les hornes de quelque moderation.
II n’est pas tres difficile de conceuoir ce qu’ils feront, par ce qu’ils ont desia entrepris. On a veu trois ioursnbsp;après la publication de la Paix vn Arrest du Conseilnbsp;d’En haut éuoquer les appellations comme d’abus etnbsp;casser vn Arrest du Parlement qui en auoit retenu lanbsp;cognoissance. On a desia veu les Commissions Souue-raines de l’Hostel restablies. On entend tous les ioursnbsp;les plaintes des cruautez horribles que les gens de Guerrenbsp;commettent dans les pays du Maine et d’Aniou et auxnbsp;enuirons de Sens pour s’estre déclarez en faueur denbsp;Paris et du Parlement; ce qui est manifestement violernbsp;la dernière Declaration’. Et cependant Ie Parlement estnbsp;dans Ie silence et souffre [auec] vne extresme ingratitudenbsp;qu’on maltraité ceux qui ont attiré sur eux les maux qu’onnbsp;leur fait endurer, pour auoir embrassé sa querelle. Ilnbsp;permet que 1’on viole a ses yeux les articles d’vne Paixnbsp;si solennellement iurée ; et il se persuade cependant quenbsp;la tempeste ne retombera pas dessus luy, comme si lesnbsp;Ministres ne conseruoient pas dans leur cocur vne hainenbsp;cnragée contre vne Compagnie qui est capable d’estrenbsp;vn obstacle perpétuel a leur dessein et qui les auroitnbsp;perdus en cette dernière occasion si elle en eust poussénbsp;auec vigueur Ie conseil qu’elle auoit si généreusementnbsp;proietté. C’est d’ailleurs vn aueuglement prodigieux quenbsp;de s’imaginer que quand la tyrannie des Ministres sera
' Declaration du roi pour faire cesser les mouuemens et rétahlir Ie repos et la tranquilité de son royaume, etc.
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establie, qu’ils ne se ressouuiennent plus que Ie Parlement a eu des Princes Génëraux d’Armée qui ont com-mandé sous ses Ordres; car outre que s’il faut iuger de l’aduenir par Ie passé, nous auons veu que les Ministresnbsp;ne sont pas si sages pour oublier leurs ressentimens denbsp;vengeance, qu’ils ont desia de la peine de dissimulernbsp;(ce qui fait voir en passant la foihlesse de leur esprit etnbsp;de leur conduite d’estre touchez des passions vulgairesnbsp;dont celuy qui se mesle du Gouuernement, doit estrenbsp;exempt selon les regies de la Politique).
Mais quand les Ministres oublieroient Ie passé, ce que ie ne crois pas, c’est encor vne remarque fondée sur desnbsp;exemples des liistoires anciennes que Ie gouuernementnbsp;violent et tyrannique exerce ses premiers efforts sur ceuxnbsp;qui luy sont plus proches et qui ont plus de droict et denbsp;pouuoir de luy résister. La raison est cpie cette sorte denbsp;gouuernement ne se peut establir parfaitement tant qu’ilnbsp;reste quelqu’vn qui a droict de résister au progrcz dunbsp;mal, parceque cette puissance illégitiine est retardee ounbsp;par la pudeur ou par la crainte qu’il ne la destruise parnbsp;des entreprises trop hardies. C’est done pour cela qu’ellenbsp;n’a point de suiet de souffrir qu’il y ait quelque obstaclenbsp;qu’on puisse opposer a ses excez.
Qui peut douter done après cela qu’en fort peu de temps Ie Parlement ne soit l’obiet de la persecution desnbsp;Ministres et qu’ayant destaché les peuples, s’il leur estnbsp;possible, de l’amour et de l’vniou parfaite qu’ils ont ius-ques icy gardée auec eet illustre Corps, qu’ils n’en abat-tent l’authorité ou par la proscription de tous les gensnbsp;de bien, ou par quelque création nouuelle, comme onnbsp;commence desia de nous en menacer. Que si cela arriue,nbsp;qui ne voit qu’il ne restera plus de rempart pour b’
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DE MAZARINADES.
liberté publique? qu’11 n’y aura plus d’azyle qui solt in~ uiolable pour conseruer les innocens et les opprimez ?nbsp;que les Prouinces seront de nouueau exposées a Taulditénbsp;insatiable des Partisans? En vain on réclamera l’autho-rité des loix; elles seront trop impuissantes pour secourirnbsp;les foibles; et l’bonneur des femines, la pudicité desnbsp;Vierges, nos biens et nos vies seront la proye du Tyrannbsp;qui s’élèue, et des Complices qui fauorisent ses desseins.
Il ne faut point douter que ces choses n’arriuent si Ie Parlement est vne fois opprimé. Et quand ie songe anbsp;cette lache Deputation, il me semble desia qu’elles sontnbsp;arriuées. Mais d’autre part, lorsque ie fais reflexion quenbsp;cette Deputation n’a pas esté Fonurage de tout Ie Parlement, que Ie plus grand nombre y a contredit, et quenbsp;la pluspart des Enquestes et des deux Cbambres des Re-questes du Palais ont refuse généreusement de députer,nbsp;qnand ie me ressouuiens que ce n’a taut esté vne Deputation du Parlement de Paris qu’vne Cabale formée denbsp;quelques particuliers corrompus, timides, esclaues etnbsp;despendans de la Cour, ie sens mes espérances renaistre;nbsp;et ie me fortifie dans cette créance qu’il reste encore desnbsp;gens de bien dans la Compagnie, qui n’ont pas fléchi Ienbsp;genouil deuant Baal, et qu’on n’a pas veu a Sainct Germain aller a 1’adoration infame du Cardinal, que Ie plusnbsp;grand nombre ayme Ie public et ne souffrira point quenbsp;la liberté soit opprimée. On ne peut pas leur i’eprochernbsp;la Paix qu’ils ont consenlie. Elle estoit en quelque faconnbsp;nécessaire pour Ie bien de l’Estat et de Paris, et pour nenbsp;pas tomber dans la puissance de quelques Généraux quinbsp;ont trahy vne si bonne cause par les intelligences secreties qu’ils ont tousiours conseruées auec ia Cour, parnbsp;Ie mauuais vsage, pour ne pas dire Ie honteux larcin de
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nos deniei’S, et par la laclieté d’auoir laissé prendre tons nos postes sans resistance.
Qu’on ne reproclie done point an Parlement vne Paix qu’il a creue nécessaire, II faut que les peuples se con-fient a la protection de cette Compagnie Illustre qui estnbsp;disposee plus que iamais de s’opposer auec vigueur auxnbsp;entreprises des Ministres, qui n’a autre but dans ses con-seils que le soulagement des peuples, et qui faisant gloirenbsp;de mespriser ses propres interests, ne sera point diuertienbsp;d’vne si iuste resolution ny par la foiblesse des Chefs, nynbsp;par la corruption des pensionnaires, ny par la craintenbsp;de perdre leurs Charges et leurs emplois. C’est a quoy lenbsp;Parlement se trouue engage par le zèle du bien public,nbsp;par la nécessité de son institution, par I’exemple de sesnbsp;prédécesseurs, et par le deuoir de la dignite de la Compagnie qui se trouue si fort engager.
Et vous, Prince malheureux, qui estiez nagueres I’ob-iect de nos plus chères affections, et pour qui nous auons fait tant de veeux et tant de prières, et qui estes a present le suiect de nos haynes les plus mortelles, que nousnbsp;regardons comme nosfre ennemy irreconciliable, etnbsp;comme le fleau dont Dieu menasse encor ce Royaume,nbsp;ne tirez point de vanite, s’il vous plaist, de cette Deputation qui vous flatte. Ce n’est point vne Deputation dunbsp;Parlement, puisqu’elle n’a este ny délibérée ny arresteenbsp;par 1’aduis de la Compagnie. C’est vne visite de quel-ques particuliers, et qui vous est plus iniurieuse qu’ellenbsp;ne vous est honorable, puiscpie la plus saine partie dunbsp;Parlement a résisté auec courage a vn abaissement sinbsp;honteux. Mais scachez que vous estes hay de tons lesnbsp;Francois, que vostre nom est en abomination dans lesnbsp;Prouinces, et que les Parisiens ne vous voyent qu’auec
-ocr page 509-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;491
mépris et vne horreur secrette qui procluira en temps et heu des effets plus estranges que vous ne pensez pas.nbsp;N’est-ce point vne punition visible de Dieu sur les dés-ordres de vostre vie et les impiétcs sacrileges dont vousnbsp;estes coupable, qu’ayant pu estre arbitre, a vostre retournbsp;de Flandre’, des diffcrends du Parlement et du Minis-tériat, ayant pu decider glorieusement vne querelle sinbsp;importante par l’autliorité que Ie succez de vos armesnbsp;vous auoit acquise dans les esprits des vns et des autres,nbsp;vous auez par vn aueugleiner.t prodigieux cboisi Ie plusnbsp;mauuais party, et au lieu d’aspirer a la gloire du libéra-teur de la France, au lieu de vous maintenir dans l’amournbsp;du Peuple en procurant quelque addoucissement a leurnbsp;misère, vous auez protégé vn Estranger, seruy d’instru-ment a sa vengeance et entrepris de ruyner vostre patrie,nbsp;si Dieu n’eust dissipé par sa prouidence la rage et la fu-reur de vos Conseils. Mais prenez garde qu’il n’exercenbsp;encor sur vous des chastimens plus rigoureux. Le tempsnbsp;viendra sans doute que vous aurez besoin de réclamernbsp;la protection du Parlement que vous auez voulu oppri-mer; et le premier F'auory nous vengera des maux etnbsp;des cruautez que vous auez causées^ Ce sera lorsquenbsp;vous implorerez en vain l’ordonnance de la seureté pu-blique que vous auez violée’; et le Peuple innocent quenbsp;vous auez voulu faire périr par Ia faini, se rira de vostrenbsp;disgrace et escoutera auec ioye ou tout au moins avec in-
' Le Politique du temps touchant ce qui s'cst passé depuis le 26 ao«( 4648, etc. [2812] a été écrit justement pour prouver que le prince cle Condénbsp;avail en effct joué ce róle d’arLitre a la satisfaction et pour 1’avantage denbsp;tons.
“ On sait que ce temps cominenca en effet le 18 janvier 1630. La prediction de Portail est assurémcnt fort remarquable.
* L’ordonnance du 22 octobre 1648.
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CHOIX
difference la nouuelle de vostre prison et Ie traitement rigoureux que l’on vous fera ressentir.
(16 avrll 1649.)
Sollicité d’vn mouuement Qui depuis peu trés viuementnbsp;Pique ma verue et me conuienbsp;De contenter vn peu l’enuienbsp;D’vn imprimeur de mes amisnbsp;Qu’vn destin fauorable a misnbsp;Du nombre de ceux qui se moquentnbsp;Des faux confrères qui les choquent,
Et qu’on a grandement loué N’auoir nom d’autheurs aduoué,
Quoique defense trés expresse De ne rien mettre sous la pressenbsp;Qui des affaires de ce tempsnbsp;Fust au lecteur vn passe temps,
Ie veux d’vn style magnilique De tout Ie Corps typographiquenbsp;Chanter la persecution,
Pour mettre en execution La burlesque et folie promessenbsp;Que ce matin après la messenbsp;Auec trois sermens de rimeurnbsp;I’ay faite a ce rare imprimeur,
Qui m’a sans aucun artifice Tracé Ie plan de Tédifice.
Muse que semble posséder Scarron a qui ie voy céder
-ocr page 511-Tous ceux dont la pliilosophie Auiourd’huy se burlesquefie,
Guidant ma main et moii crayon,
Fay briller vn petit rayon De ce feu sainct et poëtiquenbsp;Qui fait dans vn corps tont étiquenbsp;Danser, comme Balzac escrit,
La sarabande a son esprit.
Dy moy, pour despeindre vn ouurage,
Fatal au plus ferme courage,
Quel grand subiect eut Ie pouuoir De Ie former et d’ëmouuoirnbsp;Dans Ie pays latin vn tronblenbsp;Qui de nuict en nuict se redouble,
Et faire enleuer dans Paris,
Non les femmes a leurs maris Par des Mazarinistes infames,
Mais bien les maris a leurs femmes;
Tesmoin nostre charmant Courrier*
Qni, gissant partout sans fonrrier.
Trés rarement chargé de baye,
Pendant la fuite de La Haye^
Pour diuertir (foy de rimeur)
La femme de son imprimeur.
Tout seul, manque d’autre sequelle,
Passoit doucement auec elle Loin de la lumière et du bruictnbsp;Vne bonne partie de la nuict;
Fentends, quoi que croire on en veuille,
' Le Courrier francais, etc. [830], en prose.
* Rollin de La Haj e, rue d’Ecosse prés le Puits-Certain. 11 a imprimé les douze miméros du Courrier et rneine le Coitrrier extraordinaire appor-tantles nouuelles de la reception de messieurs les gens du roi a Saint-Germain en Laye, etc. [827]. Je n’ai pas pu savoir a quelle occasion il a éténbsp;contraint de se soustraire par la fuite aux poursuites de la justice.
-ocr page 512-Non en personne mais en feullle,
Couchant, dit-on, non dans Ie liet,
(Car la iamais elle ne liet),
Mais par vn sort insupportable Sur vn bane auprès de la table,
Oil mille fois multiplié,
Encore humide et non plié,
Comme vn bon soldat sur la dure,
Puisque sa inaistresse l’endure, lusqu’a l'aurore Ie galandnbsp;Attendoit maint et maint chaland;
Dy moy, dis-ie, Muse folastre Dont mon esprit est idolastre,
Pour quel crime et pour- quel delict On alia prendre dans Ie liet,
Sans respect de sa barbe blanche,
Ce pauure diable de rEclanche ‘,
Ce charmant vieux fou de Roulin Qui mieux qu’asne rime a moulin,
Chère Muse, enfin ce bonliomme
Que Laurent Pr ends ton verre on nomme.
Lorsque, l’orage ayant creué,
Nostre Roy nous fut enleué,
A peine eusmes nous veu la perte Que nous en auons tous soufferte,
Que par vn inste mouuement,
Que causoit son enlèuement,
Vne demangeaison d’escrire,
Prenant aux doigts de la Satire,
Mit au vent, dit-on, dans Paris Tant de plumes et tant d’escritsnbsp;A Muse pauure et mercenaire
* Apparemraent rEdanche , Roulin et Laurent Prends ton ferre étaient des crieurs, des colporteurs; car je ne les vols point sur ma liste des wn*nbsp;primeurs et llbralres.
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Qu’vsant du prouerbe ordinaire,
On pouuoit dire comme on dit Qu’ils auoient pissé tous au lit.
A inoins qu’on ne fust insensible, fl estoit alors impossiblenbsp;D’entendre partout sans frémirnbsp;Mille et mille presses gémirnbsp;Non de la peine coustumièrenbsp;Qu’elles ont de mettre en lumière,nbsp;Depuis Ie soir iusqu’au matin,nbsp;Francois, hebreu, grec et latin,nbsp;Non, dis-ie, si dire ie l’ose,
De leur trauail, mais de sa cause, Estant mille fois en effectnbsp;La cause pire que l’effect,nbsp;Puisqu’enfin elle n’estoit autrenbsp;Qne leur infortune et la nostre;nbsp;Grace aux bons et manuals autheursnbsp;Mille offices de colporteurs,
Tous de creation nouuelle.
Faire braire a pleine ceruelle Et d' Vn stentorique gosier.
Chargés de boutiques d’osier.
Dans vne publique disette
Cent et cent marcbands de gazette.
Sages deputes de Rouen
Qui fistes, et non sans Hahen,
A Sainct Germain tant de vacarme Pour n’auoir vu, non sans allarme,nbsp;Croistre vostre grand Parlementnbsp;Que de la moitié seulement.
Et vous faisant tenir a quatre,
Pour en faire vn peu trop rabattre, Auez peut-estre non sans fruitnbsp;Si iustement fait tant de bruit,
-ocr page 514-496
CllOiX
Qu’eussie/.-vous fait si vostre nombre Qui n’estoit a peine qu’viie ombrenbsp;De cil des porte-rogatons,
L’enst esgale,
sages Catons?
O
Vieux et nouueaux dans leur office,
Tous a la fois en exercice,
Crioient comme fous, I’vn ; Voicy Des maux de France le recy;
L’autre entonnoit dVn son grotesque La Lettre clu Cardinal burlesque 1 5nbsp;Bref pour mille autres pieces tousnbsp;Couroient les rues comme des fous.
Tant que dans vn subiect de larmes Dura I’insolence des armes,
Quoique ne pouuant I’endurer,
Nostre Parlement vit durer Celle des plumes occupeesnbsp;A battre, autant ou plus qu’espees,
Chacune, par decret du ciel,
Versant autant d’encre que de fiel;
Et maint autbeur de bonne grace,
Sur le papier faisant main basse,
Donnoit et de taille et d’estoc,
Et tousiours ferme comme vn roc,
Ne lascboit pied que sa furie Ne fondist dans rimprimerie;
Mais lorsqtie sans empeschement DVn salutaire aboucbementnbsp;Paris vit naistre I’esperancenbsp;DVne fouree conference,
On commenca de reprimer Cette licence d’imprimer °.
nbsp;nbsp;nbsp;Lettre a M. le cardinal burlesque : elle est plushaut.
• nbsp;nbsp;nbsp;On avail commencé aiiparavant; car il y a, sous la date du 25 janvier»
-ocr page 515-Lieutenant ciuil et Commissaires,
A espionne bien leurs affaires;
Pour enipescher de barbouiller, Chez les iniprimeurs vont fouillernbsp;De nuict par cruaute extresmenbsp;lusqu’au fond de la caue mesme.
Ce fut done enuiron ce temps Que nous eusmes le passe tempsnbsp;De voir, ainsi qu’on le remarque,nbsp;Sortir au iour sans nom ni marquenbsp;De la presse de Variquet,
De Preuetay, Sara et Cottinet,
Qui ne se vend et ne s’acbète Qu’entre chien et loup en cachette,nbsp;De satyriques ouurages en vers,nbsp;louxte sur exemplaires d’Anuers.nbsp;Mais puisque Fimprimeur me pressenbsp;De fournir le mien a sa presse,nbsp;le fais iudicieusementnbsp;Sa fin de son commencement,
Amy lecteur, et te proteste Que tu verras bientost le reste.
32
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CHOIX
(3 juin 1649.)
Vous supplient trés liumblement Ceiix de vostre Gouuernementnbsp;Dont la main faconne la vigne,
D’auoir audience bénigue.
La grandeur que vous possédez,
Fait que si vous nous accordez De parler auec hardiesse,
Nous vous appellerons Altesse Et tous les autres plus beaux motsnbsp;Qui peuuent rebausser vn los;
Disans que toute nostre troupe Qui ne met de l’eau qn’en sa soupe,
Honoroit vostre géniteur,
Qui Taymoit aussi de bon cceur,
Puisqu’il chinquoit a tasse pleine,
A longs traits et perte d’baleine,
Dedans Paris et dans Dijon ,
Nostre vin qu’il trouuoit si bon;
Que depuis la meschante guerre Que Ie Diable mit sur la terrenbsp;Le matin d’après Ie Roj boit,
Aucun batelier on ne voit Ramer pour Paris sur Yonne,
Afin de luy vendre la tonne De nos vins plus délicieuxnbsp;Et rapporter des escus vieux.
499
Que Bacchus, fasché contre vous, Nous fait ietter a vos genous;
Qu’il dit que iamais vostre père Contre luy ne fut en colère;
Qu’il n’empeschoit point ses bateaux De porter yla ses tonneaux ,
Ny mesme sa douce moutarde Dont Ie Badault se papelardenbsp;Alors qu’il mange, Ie matin,
De la saulcice ou du boudin,
Ou bien quelque fameuse andouille, Faisant la nique a la patrouille;
Et de plus il estoit tant bon D’y porter du bois et charbon....
Qu’aussy nostre main libérale Dessous 1’autorité Royalenbsp;Luy payoit tousiours promptementnbsp;Son plat et son appointement;
Que ce prince estoit politique;
Qu’il scauoit mesme la pratique; Qu’il estimoit les Parlemens;
Qu’il calmoit les soulèuemens;
Qu’il estoit déuot a l’Esglise Oil Sainct Pierre a sa chaire mise;nbsp;Qu’il aymoit les religieuxnbsp;Et faisoit des actes pieux;
Qu’il ne vuidoit point leur besace; Qu’il aymoit la dame Fricacenbsp;Qui faisoit bien les saupicquets;nbsp;Qu’il haïssoit les afliquetsnbsp;Et toutes les femmes infames;
Qu’il prisoit les honnestes dames; Que, sans iurer Ie nom de Dieu,
II iuroit seulement Mebieu;
-ocr page 518-500 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Qu’il payoit tousiours Ie salaire De monsieur sou apothicaire,
Estant encor sur Ie bassin,
Aussi bien cjue sou médecin;
Qu’eir sou temps on voyolt nos filles, Belles, lionnestes et gentilles,
Danser sous l’orme a petits bonds Alnsi que de petits moutons;
Que nos gars plus remplis d’audace Se faisolent souuent la grimace,nbsp;Estans l’vn de l’autre ialouxnbsp;Qui seroit plustost leur époux;
Qu’ils estoient en bonne posture Auec beaux gants, belle ceinture,nbsp;Auec du volet au chapeaunbsp;Et des toufets au renouueaujnbsp;Que la fluste alloit en cadence;
Que si dans ou dehors la danse Quelqu’vn vouloit de son grouinnbsp;Choquer le muzeau de Gatin,
L’ayeul y prenoit bientost garde, Encore mieux la mere mouchardenbsp;Qui les contenoit dans I’lionneur;
In vous PLA,isE, braue Seigneur, Remettre la France en honneurnbsp;Et dans Paris, la grande ville,nbsp;Ramener nostre Roy pupille ,
Sa mere Régente et la Cour____
D’oster I’impost et le peage Qui ne sont de I’ancien vsage;
De prier Dieu soir et matin;
Ne point banter le libertin;
Garder la loi que Dieu nous donne; Honorer la triple Couronne;
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DE MAZARINADES.
Prendre Ie conseil des vieillars Ecarter ces ieunes raillarsnbsp;Qui ne sont propres qua la dansenbsp;Et qui font vn Dieu de leur pause.
(18 juin 1649.)
L’affront en est encore vne fois demeuré aux Pertur-bateurs du repos public. Ie les nomine ainsi puisqu’au milieu du calme et de la paix ils recueillent par leursnbsp;insolences et leurs discours iniurieux vne querelle oiinbsp;ils n’ont eu et n’auront iamais que de la confusion.
Monsieur de Beaufort, ce Démon Tutélaire de Paris, ce Père du peiiple, inaccessible aux offres aduantageuses,nbsp;inesbranlable dans les perils et inodéré dans les vic-toires; ce Prince, dis ie, qui a despouillé d’honneur lesnbsp;brouillons de l’Esfat, en donnant du pain a Paris, vientnbsp;de soustenir 1’lionneur de Paris en ostant Ie pain etnbsp;quelque chose auec a ces brouillons.
Mais ie voudrois bien demander a ces Messieurs la en
• C’est Ie pamphlet qu’Omer Talon et Mailly client sous Ie tltre Inexact de Ie Branie des Mazarins, dans la maison de Renard et fait par M. Ie due denbsp;Beaufort. II y a sur Ie même sujet la Relation de ce qui s’est passe aux Tui-leries entre M. Ie due Beaufort, etc. [3123], la Nappe renuersée chez Renard,nbsp;etc. [252b], la Soupe frondce [3704], Ie Grand Gersay hattu, etc. [IblO],nbsp;la Dèroute des cahalistes ou iardin de Renard, etc. [1048], Ie Combat géné^nbsp;reux de Mgr Ie due de Beaufort, etc, [714].
-ocr page 520-502 nbsp;nbsp;nbsp;CHOTX
quoy conslste l’honneur et la vertu, et quels Ge'néraux sont dignes de mespris, ou ceux de Paris, ou ceux denbsp;Sainct Germain.
Si nous raisonnons en Chrestiens sur ce fondement que la Charité est la Reyne des vertus , et Ie niueau surnbsp;lequel tournent toutes les bonnes actions , nous trou-uerons que les Généraux de Paris en protégeant l’inno-cent et Ie foible, en donnant du pain a des millions denbsp;personnes, en deffendant les Autels et les Vierges eontrenbsp;l’insolence du soldat, inéritent bien plus d’lionneur etnbsp;de louange que ceux de l’autre party, qui ont commisnbsp;toutes les inhumanitez et toutes les barbaries.
Si nous passons des vertus Chrestiennes aux Morales, y auoit il rien de plus lasche parmy les Payens quenbsp;d’abandonner la Patrie a l’esclauage et a la Tyrannie?nbsp;y auoit il rien de plus honteux que de préférer son intérest particulier au bien public ? et rien de plus infamenbsp;que de renoncer a sa conscience et a sa raison pournbsp;suiure aueuglément les passions d’autruy ?
Mais pour iuger de la cause par les effetts, qu’ont fait ces généraux de Sainct Germain ? lis ont exposé 1’au-thorité Royale; ils ont conceu vne montagne et n’ontnbsp;accouclié que d’vne souris; ils ont pris Cbarenton etnbsp;Brie; ils ont forcé les cabanes des pauures villageois etnbsp;les Vierges désarmées1, et ont perdu tant d’honneur,nbsp;qu’il ne leur en reste que ce que nous leur en auonsnbsp;voulu laisser.
Les Généraux de Paris ont sauué l’autborité Royale, protégé les Autels et la lustice, soustenu auec de mau-uaises troupes tons les efforts d’vne armee Royale ,
0x1 peut voir plus haut la Leltre du pcre Michel^ etc.
-ocr page 521-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;503
nourri Paris contre les espérances de nos ennemys mesmes.
Nonobstant tout cela, il faut que ces Messieurs rail-lent, et que par vne lasche ingratitude ils mettent en compromis l’honneur de ceux qui leur ont sauué et l’hon-neur et la vie. Ignorent ils que c’est a la moderation denbsp;nos Genéraux et du Parlement qu’ils doiuent leur salut?nbsp;et que s’ils eussent eu Ie moindre désir de vengeance,nbsp;tout estoit perdu pour eux? Mais il est temps de venirnbsp;a nostre histoire; et faisons voir comme la bonté a encore vne fois triomphé de l’ingratltude, l’innocence denbsp;la calomnie, la moderation de l’insolence et Paris denbsp;ses ennemys.
Monsieur de Beaufort ayant ouy dire que ces Messieurs faisoient quelques petits discours de raillerie des Frondeurs de Paris, comme ils les appellent, qu’ils lesnbsp;mettoient sur Ie tapis dans leurs festins, et aiguisoientnbsp;leurs beaux esprits auec la chaleur du vin a inuenter desnbsp;tenues picquants et rallleurs pour contenter en quelquenbsp;faqon Ie despit qu’ils ont d’auoir chié dans leur bonnet;nbsp;Monsieur de Beaufort, saus s’esmouuoir beaucoup surnbsp;Ie champ, apprit, quelques iours'après, qu’üs deuoientnbsp;souper splendidement chez Renard*. Faisant semblantnbsp;d’aller au Cours (car la niaison de Renard est scituéenbsp;sur Ie chemin), Monsieur de Beaufort demande : Quinbsp;soupe céans ? On luy dit qu’il y auoit Monsieur de Can-dale, Monsieur de Souuray, Monsieur de Gerzé, Monsieur du Fróttoir, Monsieur de Saint Maigrin, Ie Commandeur du lars, Monsieur Bautru et quelques autres
‘ La malson de Renard était au Rout du jardin des Tuileries, a peuprès a I’endroit oü se termine aujourd’hui la terrasse des Feuillants.
-ocr page 522-504
CHOIX
qu’on ne pust nommer1. Monsieur de Beaufort ayant recognu que sa cabale estoit la, monte fort froidementnbsp;accompagné de Monsieur Ie Due de Retz, de Monsieurnbsp;de La Motte Houdancourt et de quelques autres Seigneursnbsp;de marque \ Entrez qu’ils furent dans la chambre, Monsieur de Beaufort et les autres saluèrent la compagnienbsp;du costé qu’estoit assis Monsieur de Candale; et a l’autrenbsp;on remarqua que quatre ou cini:| ne se mirent pas dansnbsp;leur deuoir. Cela ne fit pas mal au dessein de Monsieurnbsp;de Beaufort que la ciuilité auroit peut estre destourné.nbsp;II dit d’abord, iettant premièrement les yeux sur cesnbsp;quatre Messieurs qui auoient peur d’engraisser leurs castors, et puis vers Monsieur de Candale et les autres :nbsp;« Vous auez la quatre grands coquins a vostre table. »nbsp;Ces paroles prononcées d’vn ton Martial et d’vn air me-nacant, ietta la glace dans les entrailles de toute la compagnie, quoyqu’échauffez de la bonne clière et du vinnbsp;puissant. Chascun tascha de se saisir de son espée; et cenbsp;qui fit rire Monsieur de Beaufort, fut I’empressement denbsp;du Frottoir qui se saisit d’vne espe'e, de mesme que s’ilnbsp;s’en pouuoit seruir. Monsieur de Beaufort l’enuisageantnbsp;d’vn souris dédaigneux et mesprisant : « Ma foy, tu au-i’ois meilleure grace a tenir vn cornet et piper Ie dé,nbsp;comme tu fais tous les iours, qu’a te saisir d’vne espéenbsp;dont ie crois que tu aurois peine a te seruir. »
Monsieur de Beaufort a qui la présence d’esprit ne manque iamais, dit a Monsieur deLaMotteHoudancourt:nbsp;lt;( Monsieur, ie vous prie, ayez soin de mon Cousin
L’auteur de la Soupe frondée nomme, avec Gersay, Candale, Saint-Megrin, Vigneul, Manicamp, du Frétoy et Boutteville.
“ La Motte Houdancourt, Brissac , Fontrailles et Fiesque [la Soupf frondée]^
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DE MA.Z,UUNA.DES.
(c’estoit Ie Due cle Caaclale). Ie suis marry qu’il s’est rencontré en si mauuaise Compagnie. Ce n’est pas a luynbsp;que nous en voulons. » Cela dit, il prit Ie coing de lanbsp;nappe qu’il ne renuersa qu’a demy, soit qu’elle fust tropnbsp;bien couuerte, ou que Ie Prince se contenta de témoi-gner médiocrement son mespris selon sa moderationnbsp;ordinaire. Pour moy, ie veux croire qu’ils doiuent beau-coup d’obligation a la presence de Monsieur de Candale.nbsp;D’autres disent que Monsieur de Beaufort les railla asseznbsp;plaisamment et qu’il dit a Monsieur de Candale et auxnbsp;autres du party ciuil : « Messieurs, ie m’estonne que vousnbsp;n’ayez pas icy les vingt-quatre violons. Vostre chèrenbsp;n’est pas complete •, mais en voila quatre ou cinq qiii lesnbsp;valent bien. » Ie crois que ces Messieurs se fussentnbsp;souhaité bien loin de la et qu’ils eussent voulu n’auoirnbsp;jamais raillé les Frondeurs.
Monsieur de Beaufort se contenta de leur auoir fait I’affront et leur dit en se retirant : « Messieurs, vousnbsp;apprendrez vne autre fois a mieux parler. » Cela leur fitnbsp;perdre l’appétit. Toutes les viandes leur semblèrent malnbsp;assaisonnées; et ils deschargèrent toute leur mauuaisenbsp;humeur sur Ie cuisinier, a qui ils auoient donné desnbsp;louanges au premier seruice. II y en eut vn de la Compagnie qui dit qu’il n’y auoit pas de quoy rire et que cenbsp;n’estoit pas vn temps de s’ammuser a manger, que Ienbsp;procédé de Monsieur de Beaufort ne leur promettoit riennbsp;de bon, que Ie peupie qui estudie ses sentimens et quinbsp;espouse si ardemment ses intérests, pourroit changer lanbsp;farce dans vne tragédie, si cela venoit a leurs oreilles etnbsp;que Benard y pourroit bien perdre sa vaisselle d’argent etnbsp;eux leurs oreilles. On approuua ce conseil; et ces Messieurs , sans plus tarder, se retirèrent doucement ebez
-ocr page 524-606 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
eux et partlrent Ie lendemain, quelques vns disent Ie soir mesme, pour la Cour, pour leur faire scauoir que quoynbsp;que les vingt-quatre violons ne soient pas a Paris, on nenbsp;laisse pas d’y faire tres bien danser la courante qu’onnbsp;appelle la Mazarine,
Monsieur de Beaufort alia coucher chez les Preu-d’hommes pour estaindre dans Ie bain la noble cbaleur que toute sa vertu auoit eu peine de contenir a la presence de ses ennemys. Toute la nuit, trois Mareschauxnbsp;de France firent la patrouille par Paris, crainte qu’ilnbsp;n’arriuast quelque désordre; et Ie lendemain Ie Préuostnbsp;des Marchands et quelques Escbeuins furent chez Monsieur Ie Chanoelier pour lui témoigner que les Bourgeoisnbsp;ne faisoient que se rire de cela, que la oü Monsieur denbsp;Beaufort auroif de l’aduantage, il ne faut rien craindre,nbsp;mais qu’ils Ie prient de faire en sorte qu’on recominandenbsp;bien a la Cour de ne point esueiller cette grosse bestenbsp;qui commence désia a s’assoupir, en remonstrant que Ienbsp;moyen de la gagner, c’est de la caresser et non pas lanbsp;picquoter a tous momens.
-ocr page 525-507
(17 julllet 1649.)
De Dantzic du 23 iuillet 1649.
Nicolas Canasille, consul de la nation francoise en ceste ville , a receu plusieurs ballots de draperies denbsp;laines et de soyes, castors et toilles fines qui lui ont esténbsp;enuoyées par le Cardinal Mazarinl sous l’adresse dunbsp;Comte de Bregi Flexelles, Ambassadeur pres de sa Ma-iesté Polonnoise, afin d’esuiter par l’adueu que eet Ambassadeur en fait, le payement des droits de Tole. Ellesnbsp;ont estc bien vendues a des marebands de Varsau, Cra-kau et Léopol. Ledit Nicolas Canasille a employé lanbsp;plus grande partie de l’argent qui en est prouenu, ennbsp;Martres Zibellines, Benards noirs et autres fourrures ex-quises et en vn seruice tout entier d’ambre blanc qu’ilnbsp;renvoye audit sieur cardinal auec quelques autres rareteznbsp;de ce pays, sur lesquelles il fera vn profit notable. L’E-vesque de Varmie, cydeuant Ambassadeur extraordinairenbsp;en France, en ayant esté aduerty, les a voulu faire saisirnbsp;pour se rernbourser de la somme de dix mille tallersnbsp;(thalers) dont il fust trompé par le Cardinal Mazarini
* II est de Fouquet de Crolssy, conseiller au parlement de Paris, 1’un des plénipotentiaires francais a Munster , grand frondeur et partisannbsp;du prliire de Condé jusque chez l’Espagnol. Giiy Patin arak un goutnbsp;particulier pour ce pamphlet dont il parle en plusieurs endroits de sesnbsp;heitres.
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CIIOIX
dans l’achapt d’vne croix que son Éminence lui vendit pourdoimer de la part de Sa Maiesté Polonnoise anostrenbsp;Roynelors de ses fiancailles a Paris. Nostre Sénat n’apasnbsp;voulu que ce différend esclatast.
De Rome du 26 luillet 1649.
iNous auons appris par les dernières lettres de France qu’vne des soeurs de l’Eminentissime Cardinal Mazarinnbsp;estoit morte en cette ville. On ne scait pas bien encorenbsp;laquelle c’est des deux. Peut-estre qu’auee Ie temps onnbsp;s’en esclaircira
De Sainct Quentin du 10 aoüt 1619.
A l’arriuée du cardinal Mazarin en cette ville, Nostre Bourgeoisie s’est mise en armes; et Ton a crié Viue Ienbsp;Roy! sur la créance qu’on auoit que Sa Maiestc nousnbsp;bonoroit de sa presence; mais nous auons esté surpris,nbsp;voyant que les compagnies des Gardes, les Gendarmes etnbsp;Cbeuaux-Légers, commandez par Monsieur Ie Marescbalnbsp;de Schomberg, ne venoient icy que pour escorter sonnbsp;Éminence, et que les Marescliaux Du Plessis et de Ville-roy auoient eu ordre de quitter la personnc du roy et denbsp;Monsieur pour suiure ce Ministre. II a beaucoup trauaillénbsp;icy a marchander luy mesme les bleds, les faire met-Ire au moulin, faire cuire les pains de munition. C’es-toit sa principale occupation, si ce n’est qu’il se délas-sast quelquefois de ces grandes fatigues a quelques re-
’ C’est 1’original de 1’anecdote racontée par Ie cardinal de Retz sur Ie père de Mazarin.
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prises de hoc ou il a monstre vne adresse merueilleuse au grand estonneinent de tons les corps de cette ville.nbsp;Ses trois tables serules de mets les plus excpiis et occu-pees par Messieurs de Vandosme et de Mercoeur qui,nbsp;comme ses cliers fiiturs alliez estoient en toute hiiini-lite assis au dessous de lui, trois Mareschaux de France,nbsp;grand noinbre de Ministres de 1’Estat et de Mareschauxnbsp;de Camp, Commandeurs et Cheualiers de Malthe, ontnbsp;bien iustifie, a la bonte de ses ennemis, sa Royale magnificence. Son buffet d’or massif et de meSme caract que ce-luy de nos Louys tenoit toute la grande Salle de nostrenbsp;maison de Ville. Ceux de sa suite respandoient icynbsp;en mesme temps plusieurs bruits pour tenir le peuple
en admiration de ses grands desseins____et en effet____il
a veil les Ei-lacs ^ Cette fierce nation s’est adoucie a sa presence, luy a fait hommage comme au distributeur etnbsp;possesseur de toutes les finances de France. Les Géné-raux Oems et Flechenstein se sont enyurez pour I’amournbsp;de luy. Il a recogneu les caresses de ces braues estrangers;nbsp;et pour se les asseurer, il leur a fait vne ample distribution de pieces de toille, chemises et rabats sans glans,nbsp;coiffesde nuict, manchettes, gans de Cerf et de Daim anbsp;franges d’or et d’argent, baudriers en broderies, gardesnbsp;d’espees, fourreaux de pistolets, le tout tire de ses Maga-
* On a fait un pen plus tard sur le projet de mariage du due de Mercoeur et de la niece de Mazarin VAnlinopcler, etc. [93], le Poulet [2831], lanbsp;Sauce du Poulet [3397], la Salade en réponse a la Sauce du poulet [3373],nbsp;la Lettre de HI. le due de Beaufort a M. le due de Mercoeur, etc. [2021], lanbsp;Réponse de M. le due de Mercoeur, etc. [3408], la Lettre de la prétenduenbsp;i»quot;' de Mercoeur, etc. [1941], enfin VEntreticn de M. le due de Fen-dosme, etc. [1238].
Le corps d’arinée allemand du general Erlac qui s’etait séparé de Tu-renne pendant le blocus de Paris et que la Fronde a tant maltraité dans ses pamphlets.
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CHOIX
zins et enuoyé a son Éminence par ses Gommis l’abbé Mondini* et Tiieuenini. Et puis tlites que ce grand lulesnbsp;ne vaut pas bien Ie grand Armancl.
De Paris du 13 aoüt 1649.
Leieune LescotMarchand louailler, est de retour de Lisbonne d’oü il a apporté pour buit cent mil liures denbsp;diamans au cardinal Mazarini pour entretenir Ie commerce qu’il en fait faire par Ie nommé Mondini et sesnbsp;autres facteurs tant ecclésiastiques que séculiers.
Le dix huitiesme du mois d’Aoust Leurs Maiestez trés Chrestiennes firent leur entree en cette ville. Le peuplenbsp;les receut avec des acclamations extraordinaires et lémoi-gna tant de respect pour la pcrsonne du Roy qu’il dissi-mula en sa presence vne partie de la haine qu’il conseruenbsp;tousiours pour le Cardinal Mazarini La ieunesse denbsp;nostre Prince ne luy empescbe pas de cognoistre la grandenbsp;affection de ses bons suiets; et on remarque qu’il dit, es-tant arriué dans le Pallais Royal, accompagné des vceuxnbsp;et des cris de ioye des Habitans de sa bonne ville, qu’ilnbsp;n’auoit iamais receu tant de satisfaction, qu’on auoit eunbsp;grand toi’t de luy donner de mauuaises impressions de
* L’abbé Mondini est nommé dans la Réponse au libelïe intitule: Bons auis sur plusieurs mauuais auis [3377].
® Voir la Lettre du secrétaire de saint Innocent^ etc., qui précède,
® II n’y a pas moins de trente pamphlets qui témoignent des sentiments du peuple. Je citerai seulement VEntree pompeust et magnijique du roinbsp;Louis XIV en sa bonne ville de Paris^ etc. [12:29]. Vers présentés au roi a sonnbsp;entréey etc. [4019]. Vive le roi! des Parisiens, etc. [4044]. Le plus heureii^nbsp;iour de l'année par le retour de Leurs Maiestez, etc. [2803]. Le Roi trïoin^nbsp;phant au milieu du peuple, etc. [3557], Paris triomphant et consolé parnbsp;reux retour de Leurs Maiestez^ etc. [2698].
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leur ficlélité Pt qu’vne autre fois il ne se laisseroit pas en-leuer pour leur faire la guerre. Le Cardinal Mazarini auoit l’honneur d’estre dans le carrosse de Sa Maiesté auecnbsp;toute la maison Royalle, a l’exception de Monsieur lenbsp;Prince de Conty qui se trouua le mesme iour indispose.
Cette ioye si publique qui a continué plusieurs iours et plusieurs nuicts dans Paris, fait assez cognoistre l’im-prudence de ce Ministre de s’estre si longtemps opposenbsp;au retour du Roy qui eust rétabli la confiance et em-pesclié les désordres qui sont surueniis dans les Pro-uinces pendant son absence; mais il est difficile denbsp;vaincre Ia peur naturelle qui le saisit aux occasions lesnbsp;plus importantes. La bonté que la Royne a pour luy, lanbsp;protection que Son Altesse Royalle lui promit en ce rencontre , la valeur de Monsieur le Prince qui estoit a sesnbsp;costés, ne peurent l’assurer. II fallut encore négocier quel-ques iours auparauant auec les Bateliers et acbepter d’eux lanbsp;paix. Encores ne fut-il pas satisfait de la promesse qu’ilsnbsp;firent d’oublier tout le passé pourueu qu’il voulust mieuxnbsp;viure a l’auenir. Il luy fallut des ostages et en nombrenbsp;considerable qui luy furent présentez au Bourget. Ce nenbsp;fut pas encores assez. II leur fit renouueller leur parollenbsp;en présence de Leurs Maiestez. Véritablement après vnenbsp;déclaration si fauorable, son coeur se desserra. II ne putnbsp;contenir sa ioye; il les embrassa avec tendresse, leurnbsp;frappa dans la main; et pour gagner leur confiance et lesnbsp;préparer a la persuasion, il leur fit vne ample distribution de Louys d’or; puis les entretint d’affaires d’Estat,nbsp;leur paria de ses négociations et les voulut faire iuges denbsp;sa conduite passée. Leur facilité a receuoir ses présents etnbsp;lepeu de contradiction qu’ils apportèrent a ses puissantesnbsp;considerations politiques, appuyées d’vn raisonnement
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CHOIX
esleiié et confirme'es par rauthorité de Machiauel, cité tres a propos a ces dignes auditeurs, luy fit espérer qu’ilnbsp;pourroit auec Ie temps les gagner et les nieltre de sonnbsp;costé. Pour s’insinuer dauantage dans leurs esprits, ilnbsp;leur fit cognoistre auec beaucoup d’adresse de quellenbsp;consideration ils estoient a l’Estat pour l’vnion et lesnbsp;forces d’vn corps si considerable. Il s’enquist ensuite s’ilsnbsp;n’auoient point quelques interests particuliers; et appre-nant de leur bouche leur grande contestation auec lesnbsp;Tonneliers, il déclara aussitót qu’il s’en rendoit iuge,nbsp;auec obligation de condamner ces derniers comme lesnbsp;plus foibles et les moins a craindre. Enfin il se séparanbsp;d’eux auec beaucoup de ciuilité, les reconduisit iusquesnbsp;hors de sa chambre, disant tout liaut qu’ils estoient dé-putez d’vn corps auquel eet honneur estoit deu.
Le 20 du mois, Ie Cardinal Mazarini mena Ie Roy a Cballiot pour auoir le diuertissement du ieu de 1’oyenbsp;que les Bateliers luy donnèrent sur la riuièreb Sa Ma-iesté estoit sur les terrasses du dernier iardin qui regardenbsp;sur 1’eau, et se faisoit admirer d’vn nombre infiny denbsp;peuples qui ne pouuoient se lasser de la contempler.nbsp;Mais ils furent scandalisez et eurent peine de souffrir lenbsp;Cardinal Mazarini proche de sa personne, appuyé sur lenbsp;mesme balustre, faisant le beau, radoucissant son visagenbsp;de rose, parlant couuert a son maistre, badinant auec luy,nbsp;luy prenant ses mains Royalles et les meslant auec lesnbsp;siennes, villaines, impures et complices de ses ordures.
Le corps des Tonneliers ayant sceu la Declaration que eet arbitre equitable auoit faite en faueur des Bateliers,nbsp;par cette seule consideration qu’ils estoient les plus forts
* On a public sur cette féte YOiseau de riuière ou le Tournoi naual^ etc. [2587]j et VOye. royale tirée deuant leurs Maiestez, etc. [2586].
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DE MAZARINADES.
et les plus entreprenans, a fait vnion auec les Croche-teurs et les Portechaires. lis firent leurreueue et se sont trouués plus de douze mille, tons capables de iouer dunbsp;pic et du crocq; ce qu’ils out fait sqauoir au Cardinalnbsp;Mazarini auparauant qu’il iugeast leur différent auec lesnbsp;Battelliers. L’on ne doute plus qu’il ne se declare pournbsp;les premiers qui sont les plus forts, si ce n’est qu’a sonnbsp;ordinaire il veille negotier et se rendre médiateur entrenbsp;des personnes si considerables a l’Estat. Le sieur Sainc-tot‘, ambassadeur du Cardinal Mazarini au Royaume desnbsp;Halles, y a été enuoyé pour faire vne alliance offensiuenbsp;et deffensiue entre ces peuples et son Eminence. 11 n’y anbsp;pas trouué la facilité qu’il s’estoit promise, n’ayant punbsp;obtenir d’eux qu’vne trefue pendant quelques mois; etnbsp;encore ca esté a condition qu’oii osteroit les taxes qu’onnbsp;auoit mises sur les boutiques de leur Cite.
D’Amsterdani, ce 1quot; septenibre 1649.
II est icy arriué, cette semaine, plusieurs vaisseaux des Indes. Entre les autres richesses dont le bon voiliernbsp;estoit chargé, il a apporté vne douzaine de singes lesnbsp;plus beaux et les plus rares qu’on aye encore veus en cesnbsp;quartiers. La Cardinal Mazarin les a fait venir pour lesnbsp;mettre en sa garderobe et ses antichambres, afin de di-uertir ceuxqui luy font la cour et iuger par la ciuilité et
' Nicolas de Sainctot, maiti-e des cérémonies. « II (le cardinal de Retz) a conférence.... tantost auec le maresclial de THopital et Sainctot, etc. »nbsp;La Veritable fronde des Parisiens, etc. [3934]. On peut consulter d’ailleursnbsp;l’article de la Censure ou Refutation du lihelle intitule : Soupirs francais surnbsp;ia paix italienne [674] et celui du Confiteor du Chancelier, etc. [731], dansnbsp;la IJil/liograpIne des Jlazarinades.
I nbsp;nbsp;nbsp;33
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Ie bon traitement qii’ils feront a ces animaus, fauoris de Son Éminence, de Taffection qu’ils ont pour sounbsp;seruice.
(18 aoüt 1649.)
II paroist enfin mon Soleil,
Ge beau Louis qui me contente!
Ah! que son visage est venneil!
II paroist enfin mon Soleil.
Ah! que ie Ie vois de bon oeil Après vne si longue attente!
11 paroist enfin mon Soleil,
Ce beau Louis qui me contente!
A r aspect d’vn astre si beau Qui tout charme et que tout adore,
Mes soins s’en vont dans Ie tombeau,
A l’aspect d’vn astre si beau;
Et saisi d’vn plaisir nouueau,
Ie bénis sa diuine aurore,
A l’aspect d’vn astre si beau Qui tout charme et que tont adore.
Chantez partout ; Viue Ie Fils!
Chantez partout ; Viue la Mère!
Peuples qui viuez dans Paris,
Chantez partout ; Viue Ie Fils!
Qu’on n’entende plus d’autres ci’is.
On ne verra plus de misère.
-ocr page 533-Chantez partout : Viue Ie Fils! Chantez partout : Viue la Mère!
Qu’on s’aille diuertir au Cours;
II vaut bien mieux qu’on se promène. Pour entretenir les amours,
Qu’on s’aille diuertir au Cours.
Qu’on passe doucement les iours,
S’il se peut toute la seinaine.
Qu’on s’aille diuertir au Cours;
II vaut bien mieux qu’on se promène.
Que cbascun cherche du plaisir Au Luxembourg, aux Tuileries;nbsp;Autant qu’on aura du loisir,
Que cbascun cherche du plaisir. Galans, selon vostre désir,
Débitez vos galanteries.
Que chascun cherche du plaisir Au Luxembourg, aux Tuileries.
Courage, réiouissez-vous,
II en est temps, belles Coquettes.
Les voila de retour, vos fous! Courage, réiouissez-vous.
Vous les verrez a vos genoux, Ghargez de poudre et de fleurettes.nbsp;Courage, réiouissez-vous,
II en est temps, belles Coquettes.
Puisque mon cher prince est ici, Adieu, chagrin; adieu, tristesse.
Ie ne vcux plus estre en souci, Puisque mon cher prince est ici.
Mes maux sont finis, Dieu merci!
Et ie reprends mon allégresse.
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CHOIX
Puisque niou cher prince est iel, Adieu, chagrin; adieu, tristesse.
Mon nauire est en seureté Plus que iamais dessus la Seine.nbsp;Quoiqu’on m’ait tant persecute ,nbsp;Mon nauire est en seureté.
Louis a tout vent arresté Et in’a mis hors de toute peinc,nbsp;Mon nauire est en seureténbsp;Plus que iamais dessus la Seine.
L’Archiduc n'a qu’a reuenir Pour m’endormir auec ses charmes.nbsp;Ie l’ai bien dans mon souuenir.nbsp;L’Archiduc n’a qu’ii reuenir.
Paris méprise a l’aduenir Autant ses douceurs que ses armes.nbsp;L’Archiduc n’a qu’a reuenirnbsp;Pour m’endormir auec ses charmes.
Ie lie craiiis aucun danger Puisqu’a présent Ie Roy me garde.nbsp;Du Francois ni de l’Estrangernbsp;Ie ne crains plus aucun danger.
Et si quelqu'vn veut m’outrager, N’ai ic pas bonne saiiuegarde?
Ie ne crains plus aucun danger Puisqu’a présent Ie Roy me garde.
517
DE MAZARINADES.
[2903]
(Après la paix de Saint-Gc-i-niain.)
Peuple de Paris, courez de iour a autre au Palais, Faites qu’au plustost Messieurs du Parlement, i’entendsnbsp;ceux qui sont recognus pour véritables Francois, s’as—nbsp;semblent; qu’ils appellent des députez de chascun Parlement de France, gens de bien et bons compatriotes;nbsp;que sans s’amuser a certains ordres soupconnez qui, sousnbsp;prétexte de police, eslouffent les meilleurs desseins, clias-cun quartier depute quelques habitans pour s’assemblernbsp;en vne chambre du Palais et aduiser a ce qu’on voiranbsp;bon estre; et ainsi dans les autres communautez dunbsp;Royaume qui auront leurs députez en celle-ci, gens recognus de nulle mauuaise intrigue et de probité.
Que toute la populace et pauures contraignent les bien-faisans qu’on recognoistra qui se sont donnez a Dien et au secours du prochain, s’assembler en vne chambre du Palaisnbsp;pour pouruoir aux nécessitez d’vn chascun sur Ie bien qu’onnbsp;désignera estre propre pour eet effet; ce qui profilera aussinbsp;a l’aduenir, tant pour toutes sortes de personnes incommo-dces, que nommément pour les pauures soldats estropieznbsp;OU non et leurs families qui auront seruy Ie roy et l’Estat.
* Ce nom de Francois jeté dans Ie litre me porie ,a croix’e que Ie pamphlet est de Francois D,avenrje. On peut eonsidter sur ce fou célèhre i’article de YAmbassade de la bonne paix générale^ elc. [68], dans la Ili-hiwgraphic des MazariiiaJes.
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Et afin qu’on aye plus de facilité a faire cette iusle contrainte, voicy les adresses de quelques-vns :
Le feu sieur baron de Ranty, ne pouuant ayder, si ce n’est par ses prières, profitera beaucoup si on va cheznbsp;luy s’enquester de ceux qui estoient de sa pieuse intelligence, tant dans cette ville que dans les Prouinces, pournbsp;le soulagement des pauures principalement honteux, Sanbsp;maison est en la paroisse Saint Paul, rue Beautreillis,nbsp;proche l’Arsenal;
Monsieur l’Éuesque du Belley';
Le sieur Regnard, pres les lilies Saint Thomas, prés le fauxbourg Montmartre;
Les sieurs de Chaumuel, le sieur abbé de Matha et autres aux Incurables;
Le sieur abbe' Nonnand*, prés la porte Saint Michel; le sieur de Couttayes, vers la Pitié, ioignant l’Image Saintnbsp;Louys;
Les sieurs Curez de Saint Germain 1’Auxerrois, Saint Merry, Saint Nicolas du Chardonnet et autres zélez pournbsp;les pauures, entre lesquels ie ne nomine point leur chef.nbsp;Monsieur Ie Coadiuteur de Paris, qui estendra aussinbsp;bien ses soins sur les pauures que sur le reste du public.
Le sieur Camus, Fauxbourg Saint lacques, aux Car-mélites, et ceux que feront cognoistre les charitables et nullement bigottes habitudes, comme en ont de certainsnbsp;a la mode qui d’vn costé adorent le Veau d’or de la Cournbsp;et ses diaboliques maximes, et de l’autre veulent couurirnbsp;leur hypocrisie de quelqu’apparence de bien, ou pensent
* nbsp;nbsp;nbsp;Jean-Pierre Camus, évéque de Belley. II était alors retiré aux Incurables de Paris.
* nbsp;nbsp;nbsp;Maitre de cliambre du cardinal Mazarin. L’auteur de VMnfer bur^nbsp;lesque, etc. [1216] norame Tabbc Le Normand qui parle avcc science de lanbsp;Prouidence,
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s’absoudre de leurs brigandages par quelques aumosnes d’vn bien qui ne leur appartient pas, et, en laschantnbsp;cinq sols, croyent pouuoir en retenir douze mille....
II ne faut se soucier des grands honneurs et moyens, seulement de la puretë d’intention; et Dieu confond parnbsp;la prière d’vn homme de bien et sa simplicité les con-seils des prudens du siècle; ce qui me fait nommer en-suite Ie bon Pauure Ie Coustellier ® rue de la Coustel-lerie a la Rose Blanche, Ie Mercier^, Frère Michel vis anbsp;vis Saint Paul. Outre qu’entre ces personnages ci dessusnbsp;désignez qui n’ont pas moins de iugement et de qualiténbsp;que de piété, il s en trouuera que la charité fera agir ennbsp;ce que Ie soupcon d’ambition leur feroit fuir.
II faut demander pleine liberté d’escrire ou faire im» primer de bons aduis ou autres choses profitables au public, sauf a cstre discutées ; et l’on verra en consequencenbsp;que l’F.stat sera en asseurancc; les incendies, les vols,nbsp;les sacrileges et autres crimes et desseins énormes serontnbsp;supprimez; vn ordre certain empescliera la confusionnbsp;que l’incertitude d’vn mal aussi certain, si on n’y pour-uoit, qu’est la mort naturelle, fortifie; les honnestesnbsp;bourgeois riches ne seront appauuris; les médiocres nenbsp;seront réduits au néant ni les pauures au désespoir,nbsp;comme les pernicieux conseils prétendent. N’est-ce pas
’ Lettre d'vn hon pauure escrite a madame la Princesse douairière ^ etc
[f 83i].
“ Jean Clément, coutelier. 11 fut 1’un des collaborateurs laïques de M. Oilier, cure de Saint-Sulpice, et du célèbre controversiste, Ie P. Vé-ron, dans l’ceuvre dek conversion des protestants. Voir la Haranguepro-jwncée aux pieds du roi et de la reine.... par M. Clément, etc. [1608], Unnbsp;nommé Miltanour a public, probablement en IGoO, M Jpothéose ou Ie Memorial de la de partout célèhre miraculeuse du bienhcureiix maistrc leannbsp;Clément, etc. [136].
’ Beaumais, compagnon de Clément.
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vne chose estrange que des atheismes, des inensonges execrables, des flatteries et autres telles dangereuses pratiques peuueiit estre ouuertement imprimez et qu’onnbsp;n’ose parler d’vn bon aduis, de dire qu’en bien faisantnbsp;et publiant des choses chrestiennes et profitables an public, on apprehende les Ministres de la Justice qui, forceznbsp;par la verite, auoient iusteinent condanme ce qu’ils ontnbsp;par apres indignement approuue, sauf I’honneur desnbsp;bons, partie par vne pusillanimite bonteuse, partie parnbsp;vne correspondance criminelle deuant Dieu et deuant lesnbsp;hommes; leuriniuste acquiescement ayant remis ou plus-tost entretenu dans ces monstres impitoyables la fureurnbsp;et la rage pour I’exercer plus audacieusement.
(Après la paix de Saint Germain.)
Helas! puisque la paix est faite,
II nous faut sonner la retraite P Nous ne pouuons plus dans Parisnbsp;Faire rouller auec grands crisnbsp;Les pieces que nostre génienbsp;Inucntoit pour la compagnienbsp;De messieurs les colleporteurs,
Aussi bien (pie nous grands menteurs.
Nos libelles estoyent en prose,
Qui n’estoit pas trop bien eselose;
Car les périodes carrez Ne s’y trouuent pas mesurez.
-ocr page 539-521
DE MAZAUINADES.
Quelquefois nos pièces Grotesques Estoyent faites en vers burlesques,
Et nos sérieuses aussi.
Après, nous prenions grand souci De pouuoir trouuer des bons tiltresnbsp;Afin de n’estre point belistres,
Et de contente!’ les humeurs De tant de diners Imprimeurs,
Qui ne faisoient pas trop de conté De nos cayers. Lorsque sans bontenbsp;Ils nous entendoient commancernbsp;Le discours de nous aduancernbsp;De l’argent pour boire chopine,
Ils nous faisoient fort froide minej Et après auec vn ceil douxnbsp;Ils nous disoient : « Voila cinq sous.nbsp;Sans doute vous aurez le reste,nbsp;Croyez-le, l’on vous en proteste,nbsp;Quand le papier sera vendu. »
Ayant leur propos entendu,
Nous disions sans arrogance « Messieurs, nous aurons patience!nbsp;Hélas! que nous serions contans,
Et que nous passerions le temps,
Si vous en vendiez quatre rames. Nous irions voir de ieunes femmes;nbsp;Car nous en aurions quatre escus.
En suite le gaillard Bacchus Nous mettroit en sa confrairie.
Nous irions a la Boucherie Prendre des membres de Mouton;nbsp;Nous serions doux comme vn Ca ton;nbsp;Et nous passerions la semaine,
Oü sans nous mettre trop en peine De la paix et des bons accords.
-ocr page 540-Nous nous traitterions bien le corps! Ha! que nous serions bien en pressenbsp;Pour auoir du pain de Gonnessenbsp;Du ceruelat et du iambon. »
11s respondoient ; « Ge seroit bon. Venez demain en diligence;
Vous aurez vostre recompence. » Apres ils nous disoient adieu;
Ainsi nous sortions de leur lieu.
Le lendemain Theure arrinee,
Que la piece estoit acheuee,
Nous estions prests pour aller voir, Comme c’estoit nostre deuoir,
Si la piece s’estoit vendue.
Lors d’vne mine morfondue Ils nous disoient, qu’en vériténbsp;L’on n’en auoit pas acheptenbsp;Vne rame du tout entière,
Et qu’ainsi nous ne ganions guère; Et pour nous vn peu consoler,
Ils commencoient a nous parler, Qu’ils croyoient mesme que les Piesnbsp;Fissent comme nous des copies;
Car plus de trente tous les iours, Toutes diuerses, auoyent cours.nbsp;Mettant la main a la pochette,
Ils nous disoient : «le vous regrette. Vostre peine mérite plus. »
Apres ces discours superflus,
Ils nous donnoient quelque monnoye Pour nous mettre le coeur en ioye,nbsp;Nous promettant qu’a I’aduenir,
Afin de nous entretenir,
Ils nous donneroient dauantage.
Ccla nous donnoit du coura.ge.
-ocr page 541-52.‘5
Maintenant que voila la paix,
Que nous sommes bien attrapésl Nous ne scauons filer ny coudre,
Ny moins a quoy nous faut résoudre. Alors que la guerre reignoit,
Chacun de nous ne se pleignoit.
II faisoit tousiours bonne chère,
Et se moquoit de la misère.
II se leuoit de grand matin Pour aller gouster du bon vin.
Son cceur estoit plein de liesse Quaud il auoit fait vne piecenbsp;Qu’il portoit a son Imprimeur,
Aussi bien que luy bon Grumeur.
II trauailloit ainsi qu’en barbe Pour la copie de la barbe;
C’est a dire pour vn festin Qui duroit depuis Ie matinnbsp;lusque qu’il eust la rouge trognenbsp;Semblable a celle d’vn iuroene.
Le lucre et la nécessité,
Le plaisir et la volupté,
Dans la passée conioncture,
Nous ont contraints, ie vous asseure, De forcer nos corps et nos sensnbsp;Pour faire trois mille cinq censnbsp;Odes, Pocmes, on Libellesnbsp;Qui remplissoient nos escarcellesnbsp;D’argent que selon nos désirsnbsp;Nous employ ons pour nos plaisirs!
Las! il nous faut plier bagage;
Ce qui nous fait mourir de rage.
Nous voudrious bien pouuoir tousiours Faire de semblables discours;
Mais puisque la guerre est finie,
-ocr page 542-524 nbsp;nbsp;nbsp;CIIOIX DE MAZAPilNADES.
De mesme en nostre compagnie,
II nous faut prendre des bourdons Pour aller gaigner les pardons.nbsp;Adieu done, chère Imprimerie;nbsp;Adieu, ce n’est pas raillerie.
II nous faut quitter tes supposts Qui nous faisoient vuider les pots.nbsp;Nos escrits ne sont point en vogue.nbsp;Voicy Ie dernier Epiloguenbsp;Que nous faisons pour esmounoirnbsp;Les peuples a nous receuoirnbsp;Dans leurs festins et leurs beuuettes.nbsp;Nous leur seruirons d’iuterprètes;nbsp;Nous leur expliquerons 1'accordnbsp;Qui nous cause ce grand remord.
Le désespoir qui nous transporte, Nous force a parler de la sorte.nbsp;Nous voudrions que le Paradisnbsp;Gardast la Paix et ses Edits.
Nous viurions ioyeux dans la guerre Auec le flacon et lo verre.
FIX DU PREMIER VOLUME.
-ocr page 543-I'agcs,
1 Agréable récit do ce qiii s’est passé aux dernières barricades
de Paris, etc...................................... 1
2. nbsp;nbsp;nbsp;Requeste des trois Estats présentée a Messieurs du Parle
ment............................................ 28
3. nbsp;nbsp;nbsp;Requeste burlesque des partisans au Parlementnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;[extrait)...... nbsp;nbsp;nbsp;3^
i. nbsp;nbsp;nbsp;Contract de mariage du Parlement avec la villenbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de Paris____ nbsp;nbsp;nbsp;39
5. nbsp;nbsp;nbsp;Le passe-port et 1’adieu de Mazarin, etc.................. 50
6. nbsp;nbsp;nbsp;Raisons d’Estal contre le ministère estranger.............. 56
7. nbsp;nbsp;nbsp;L’Anathème et 1’excommunication d’vn ministre d’Estat estran
ger.............................................. 65
8. nbsp;nbsp;nbsp;Les soubaits de la France a monseigneur le due d’Angou-
0. nbsp;nbsp;nbsp;Dialogue de deux Guépeinsnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;sur les affaires du temps....... 88
10. nbsp;nbsp;nbsp;Lettre d’vn rellgieux enuoyée a monseigneur le prince de
11. nbsp;nbsp;nbsp;Vers burlesques enuoyez a monsieur Scarron sur 1’arrluée du
convoy a Paris.................................... 109
12. nbsp;nbsp;nbsp;Catalogue des partisans, etc............................ M3
13. nbsp;nbsp;nbsp;Diuerses pièces sur les colonnes et piliers des maltótiers, etc.
[extrait)......................................... 139
H. Inuentaire des meruellles du monde rencontrées dans le palais
du Cardinal Mazarin................................ 143
15. nbsp;nbsp;nbsp;Lettre du clieualier Georges de Paris a monseigneur le prince
de Condé......................................... 149
16. nbsp;nbsp;nbsp;Les logemens de la Cour a Saint-Germain en Laye......... 172
17. nbsp;nbsp;nbsp;Coq a 1’asne ou Lettre burlesque du sieur Voiture ressuscité au
preux clieualier Guichens, nbsp;nbsp;nbsp;etc........................ 175
18. nbsp;nbsp;nbsp;Lis et fais........................................... 179
-ocr page 544-38.
39, 30nbsp;31,
33
33
33,
36
Pages.
A cj ui ay me la \ érité.................................. 183
Le Hoi veilt que Ie Parlement sorte de Paris, etc........... 190
T.axe.s faites des maisoiis sises aux enuirons de Paris et ail-
lems, etc......................................... 307
Ode sur dom Joseph de Illescas, prétendu eiiuoyé de 1’archi-
duc Leopold...................................... 233
Bandeau leué de dessus les yeux des Parislens, etc.......... 338
Decision de la question du temps, nbsp;nbsp;nbsp;etc.................... 336
Lettre du père Michel, religieux hermite de 1’ordre des Camal-doli prés Groshois, a monseigneur le due d’Angoulesme, etc.
{extrait)........ 363
Plalnte du carnaual et de la folre Saint-Germaln, etc........ 368
Catéchisme des partisans, ou Resolutionsthéologiquestouchant
rimposltlon, leuée et emploi des finances, etc. [extrait)... nbsp;nbsp;nbsp;277
Remerciment des imprimeurs a monseigneur le Cardinal
Mazarin...............-......................... 389
Advis a la Reyne sur la conférence de Ruel............... 293
Lettre a monsieur le Cardinal, burlesque.................. 293
Sommaire de la doctrine curieuse du cardinal Mazarin, etc... nbsp;nbsp;nbsp;313
Lettre louiale a monsieur le marquis de La Boulaye, etc____ nbsp;nbsp;nbsp;338
Lettre d’avis a messieurs du Parlement de Paris, escrite par
vn prouincial..................................... 338
Lettre d’vn secrétaire de saint Innocent a lules Mazarin..... nbsp;nbsp;nbsp;308
Les Triolets du temps, etc. {extrait)...................... 316
Sur la Conference de Ruel en mars, etc.................. 323
Maximes morales et chrestionnes pour le repos des consciences
dans les affaires présentes, etc. (extrait)................. 423
Demandes des princes et seigneurs qui ont pris les armes aiiec
le Parlement et peuple de Paris....................... 331
Le Manuel du bon citoyen, etc......................... 437
La France parlant a monsieur le due d’Orléans endormy... . nbsp;nbsp;nbsp;369
Le Burlesque remerciment des imprimeurs et colporteurs aux
auteurs de ce temps................................. 371
Le Voyage des lustes en Italië et autres lieux.............. 376
Discours sur la députation du Parlement a monsieur le prince
de Condé........................................ 379
. La Nocturne chasse du lieutenant ciuil.................... 392
. Requeste présentée a monseigneur le Prince par les vignerons
de son gouiiernement de Bourgogne, etc. [extrait)........ 398
. Le Branie Mazarin dausé au souper de quelques-vns de ce
parti la chez monsieur Benard, nbsp;nbsp;nbsp;etc.................... 301
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Pages.
47. nbsp;nbsp;nbsp;Le Courrier clii tempS;, etc. ( extrait)..................... 507
48. nbsp;nbsp;nbsp;Triolets de ioie cliantez par Paris pour cliasser la melancolie. 514
49. nbsp;nbsp;nbsp;Prompt et salutaire quis. Vive Jesus-CIirist! etc. [extvait)....nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;517
50. nbsp;nbsp;nbsp;L’Adieu et le désespoir des autheurs et escriuains de la
guerreciulle, etc................................... 520
Iinprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crapelet) rue de Vaugiravd, 9, pr6s de 1’Odéoii.
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