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-ocr page 2- -ocr page 3- -ocr page 4- -ocr page 5- -ocr page 6-EXÏRAIT DU REGLEMENT.
Art. 14. Le Conseil désigne les ouvrages a publier, et choisit les personnes les plus capables d’en préparer et d’en suivre lanbsp;publication.
II nomrae, pour cbaque ouvrage a publier, un Cominissaire responsable , chargé d’en surveiller l’exécution.
Le nom de l’Éditeur sera placé a la tête de chaque volume.
Aucun volume ne pourra paraitre sous le nom de la Société sans 1’autorisation du Conseil, et. s’il n’est accompagné d’une declaration du Commissaire responsable, portant que le travail lui a paritnbsp;mériter d’etre publié.
Le Commissaire responsable soussigné declare que l’Edition préparée par M. C. Moreaü da Ghoix de Mazarinades,nbsp;lui a para digne dJêtre pubUée par la Société de l’His-TOIRE DE Fr.ANCE.
Fait a Paris, le 13 octobre 1853.
Certifié,
Le Secrétaire de la Société de I’Histoire de Fr.ince, J. DESNOYERS.
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Discours sur Ie gouuernemeut de la Reyne depuis sa re'gence [ii49].
(1649.)
11 y eii a qui se plaignent du Soleil, paree qu’en Ie regardant fixement, leurs yeux ne peiiuent souffrir l’é-elat de sa luinlère; inais enfiu il n’en arrive autre chosenbsp;sinon que par vne iuste punition les vns en sont aueu-glez, et les autres du moins en sont esblouis. Aussi tonsnbsp;ceux qui oseut parler ou écrire contre la Reyne, aunbsp;lieu d’honorer sa vertu, ne doiuent pas moins attendeenbsp;de leur témérité que d’estre accablez d’une confusionnbsp;éternelle. Ne pas suiure les loix de sa Souueraine j c’estnbsp;n’auoir point de prudence; prendre plaisir a contredirenbsp;ce qu’elle fait, c’est ne pouuoir tempérer ses passions;nbsp;«e pas vaincre Tauersion intéressée qu’on a pour elle,nbsp;^i’est n’auoir point de générosité; et ne luy rendre pasnbsp;respect qu’on luy doit, c’est n’auoir point de justiee;nbsp;par conséquent les Esprits n’ayant pas toutes ces ver-
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tus, on peut dire qu’ils se doiuent plus inettre en peine de corriger leurs crimes que de blasnier l’innocence desnbsp;autres. Ie scay qu’ils croyent auoir beaucoup de süietnbsp;de se plaindre de ce que Ia nécessité de la France em-pescbe qu’ils n’ont pas tous ce qu’ils voudroient pournbsp;satisfaire a leurs voluptez. Ils ne demandent la Paix surnbsp;la terre que pour faire la guerre au Ciel. lis veulent quenbsp;toutes cboses leur soient sousmises , et ne veulent pointnbsp;reconnoistre de puissance, si ce n’est celle de leurs passions. Si ces personnes iugeoient des cboses par con-noissance, ils considéreroient que Ie Roy Henry Ie Grandnbsp;laissa Ia Reyne sa veufue avec la Paix dans son Royaumenbsp;et beaucoup de millions de liures dansla Bastille, et quenbsp;Ie feu Roy son fils a laissé nostre Reyne sa veufue sansnbsp;argent et auec vne guerre contre l’Empereur, contre Ienbsp;Roy d’Espagne et contre beaucoup de Princes Souue-rains leurs alliez. II est facile de faire bien des cbosesnbsp;quand on a de quoy les faire j mais il est impossible denbsp;faire beaucoup de cboses auec rien. II est bien aysé denbsp;discourir et de iuger de tout; mais il est bien difficilenbsp;d’exécuter tout ce qu’on se propose. Nous n’aurionsnbsp;que des Saints sur la terre s’il ne faloit parler que denbsp;la Piété pour estre sauué. Beaucoup en parlent; etnbsp;beaucoup ont enuie d’aller au Ciel; mais quand il fautnbsp;exécuter ponctuellement les loix que Dieu nous a pres-crites, c’est oii l’on fait bien voir la foiblesse de sonnbsp;ame. Ie scay que les Esprits qui trouuent a redire a toutesnbsp;cboses, me répondront que cette Princesse a leué beaucoup d’argent sur ses Subiets; mais oii voudroient-ilsnbsp;qu’elle en eust pris pour lesdéfendre? N’a-t-ellepas en-tretenu de puissantes armées en France et fait donner denbsp;grandes sonuues aux Princes estrangers qui nous ont se-
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t'ourus si puissammént? Et ii’estoit ce pas pouv les exemptcr du iiaufrage qu’elle a clistribué ses bienfaits aux Grandsnbsp;afin d’empescher vne guerre Ciuile, que la feue Reynenbsp;Mère n’a pu éuiter avec tousles auantages qu’elle auoit ?nbsp;Ils disent que toutes les affaires ne sont pas si bien gou-uernées qu’elles Ie deuroient estre, et que l’argent n’estnbsp;pas si bien distribué qu’ils Ie désireroient. C’est ce quinbsp;passe ma connoissance; inais quand cela seroit, ie leurnbsp;auouerois que c’est en eet endroit oli les Souuerainsnbsp;feroient de grandes fautes, au cas qu’ils me püssentnbsp;prouuer que les particuliers missent vn si bon ordredansnbsp;leurs maisons qu’oti leur rendist vn fidéle compte denbsp;tout ce qui s’y fait. S’il est vray qu’vn particulier qui anbsp;douze OU quinze domestiques, ne scait pas tout ce quinbsp;se fait dans sa Maison, comment veulent ils que la Reynenbsp;scache tout ensemble les affaires d’Estat, de lalustice,nbsp;de la Guerre, des Finances et Ie particulier de toutes cesnbsp;choses? Ceux mesmes qui possèdent quelqu’vne de cesnbsp;charges, ne scauent pas comment toutes les autres s’exer-cent, et quelle adresse il y a pour y profiter iniustementnbsp;s’ils en ont enuie; de sorte que puisqu’il n’appartientnbsp;qu’a Dieu de scauoir toutce qui se fait, il est asseurë quenbsp;ceux qui gouuernent les Estats, sont déchargez de leurnbsp;administration quand ils se seruent de personnes qu’ilsnbsp;croyent estre gens de bien et capables des affaires ou ilsnbsp;les employent. C’est pourquoy la Reyne nostre régentenbsp;ne pouuant pas tout sqauoir, et ne se trouuant pasnbsp;d’exemple que depuis la creation du Monde vne per-sonne ait sceu naturellement toutes choses, on ne doitnbsp;pas s’étonner de ce qu’elle s’est reposée touchant lesnbsp;affaires de eet Estat sur la conscience et sur la capacité denbsp;ceux qui auoient csté établis par Ie feu Roy son Espoux.
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lis (liroiit encore que cette Princesse pouuoit doiiner la Paix au commencement de sa Regence, comme s’il eustnbsp;estc facile de s’accorderauecleRoyd’Espagnequi croyoitnbsp;que la mort du feu Roy et Jaieunesse du Roy son fils lujnbsp;causeroient Ie gain de cent victoires. Et puis quand ellenbsp;Teust peu faire, ie suis tëmoin que les Esprits malicieuxnbsp;Vattendojent a ce passage et qu’iJs disoient desia qu’es-tant Espagnole, la Reyne ne manqueroit pas de fairenbsp;vne Paix désauantageuse auec Ie Roy son Frère, etnbsp;qii’en luy rendant toutes les Villes qu’on luyauoit prises,nbsp;elle rendroit par ce moyen toutes les conquestes de lanbsp;France inutiles; qu’elle s’entencloit avec sa Maiesté Ca-tholiqueetqu’elle alloit abandonner l’intérest du Francoisnbsp;pour faire du bien a son Pays; qu’il faloitse méfier d’ellenbsp;ot que pendant qu’elle estoit en France, son cccur estoitnbsp;en Espagne. Mais comme ils ont veu que cette grandenbsp;Princesse n’auoit autre but que la gloire du Roy son filsnbsp;et qu’elle estoit deuenue Franeoise en épousant vn Roynbsp;de France, ils sont demeurez dans Ie silence pour quel-que temps. Enfin Ie Siége de Paris ayant irrité les Esprits, on a pris la licence de parler et d’écrire contre sanbsp;Maiesté, sans considérer Ie respect que les Francoisnbsp;doiuent a la Mère de leur Roy. Et depuis, la Paix ayantnbsp;esté concilie auec cette capitale Ville du Royaume, lesnbsp;]gt;émons n’ont pas laisse' de tenter encore de certainsnbsp;Esprits de luy continuer leur mauuaise volonté. Parisnbsp;les comprend dans son enclos sans que ses Citoyeus ennbsp;soient coupables; car en quelque lieu qii’on se trouue ennbsp;cette grande Ville, on y voit des gens de bien qui aprèsnbsp;auoir clierclié la Paix auec Dieu, ne lacherclient qu’auecnbsp;leur Roy et qu’auec leur Reyne; et Ie inesme Dieu quinbsp;preside sur les Aulcls, y distribue ses graces a tant de
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personnes qu’on y voit reluire la vertu de tous les costez. Le Clergé s’y emploie a estre Ie Médiateur de la Terrenbsp;enuers le Clel. Le Parlement et les autres Magistrats ynbsp;rendent la lustice a tout le monde. La Noblesse y languitnbsp;en l’absence de son Roy et de sa Reyne Les Bourgeois n’espèrent point de repos qu’ils ne les voient éta-blis dans leur Ville; et enfin entre le moindre peuple, ilnbsp;y en a beaucoup qui auoüent qu’ils ne peuuent subsisternbsp;sans leur presence. II n’y a done que de certaines gensnbsp;qui se meslent parmy ce grand nombre, lesquels par vnnbsp;exces de malice, de foiblesse ou de brutalité ne denian-dent que le désordre. Les vns parlent ou écriuent pournbsp;ce qu ils n ont point de part au gouuernement dunbsp;Royaumej les autres par vne mauuaise inclination etnbsp;paree qu’ils ne trouuent bien que ce qu’ils font. II y ennbsp;a qui tirent de l’argent de leurs Ecrits, et quelquesnbsp;autres qui ne scauent pourquoi ils font du bruit.
Grande Ville de Paris, la plus Auguste et la plus pompeuse de 1 Vniuers, empeschez les désordres de cesnbsp;Esprits qui veulent troubler encore vostre repos; inuitez-les a vostre imitation a rendre le respect qu’ils doiuent anbsp;leur Roy et a leur Reyne. S’ils considèrent ce qui sefaitnbsp;dans leurs maisons et dans leurs Ames, ils seront si empeschez a y établir vn bon ordre que ie crois qu’ils nenbsp;penseront plus a vouloir corriger ceux qui les surpassentnbsp;en vertu aussi bien qu’en condition. Faites leur souuenirnbsp;qu’ils sont Chrestiens, et par conséquent que leur deuoirnbsp;est d’adorer vn Dieu auec toutes les puissances de leurnbsp;ame, d'aimer leur prochain pour Dieu et ne rien haïrnbsp;pourl’amour de luy; et faites encore ce que vous pour-
* Le 1'oi est rentré a Paris, le 18 aoiit. La pièce est done antérieurc a rette date.
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rez pour leur persuader que s’ils se font iustice a eux mesmes, ils se rendront dignes de leur salut par Ie méritenbsp;du Sang de leur Sauueur. Ie m’asseure alors que nostrenbsp;Beyne Très-Chrétienne voyant que ces iimes ([ui ontnbsp;cousté la mort dVn Dieu sur Ie Caluaire, seront ainsinbsp;changées en des victimes offertes a leur Créateur en sacrifice, oubliera par sa générosité toutes leurs foiblesnbsp;entreprises; et en nous honorant icy de sa presence auecnbsp;celle du Roy son fils, elle fera naistre vn autre Sièclenbsp;d’or par la Paix uniuerselle qu’elle nous donnera. Enfinnbsp;cette grande Princesse nous ayant ainsi comblez de sesnbsp;faueurs, nous pourrons espérer que Dieu nous combleranbsp;encore de ses graces, et qu’après qu’il nous aura fait iouirnbsp;icy bas de cette paix tant désirée, il nous fera iouir vnnbsp;iour dans Ie Ciel d’vn repos éternel.
(16i9.)
Quest-ce que Dieu ? — C’est l’autbeur de la nature.
Qu’est-ce que Ie monde ?— C’est Ie grand oeuure de Dieu.
Qu’est-ce qum hornme de bien? — L’amour des Anges et la liaine du Diable.
Quest- ce qum pecheur ? — L’hostellerie du Démon.
Ou'est-ce qum impie?—Vn démon incarné.
Qiiest-ce qum Pre'dicateur ? — Vn lioinme dout on croit la parole sans suiure son conseil.
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Qiiest-ce quvn Moine ? — L’épouuantail des eri-fans et Ie mirouer de dëuotion.
Qu’est-ce quvn lesuite ? — Vn sage politique qui se sert adroitement de la Religion.
Qu'est-ce au'vn Roy?—Vu homme qui est tous-iours trompé; vn maistre qui ne scait iamais sou mestier.
Qu'est-ce qu'vn Prince? — Vn criminel que l’on n’ose punir.
Quest-ce quvn President?—lt; Vn homme d’appa-rence graue, dont la parole fait quelquefois tort aux innocens ^t souuent peur aux coupables.
Quest-ce quvn ieune Conseiller ? — Vn homme qui chastie en autruy ce qu’il commet luy mesme, etnbsp;qui parle plus de bouche que d’effet.
Quest-ce quvn Aduocat ? — Vn hardy Orateur qui pour raisons plastrées persuade ce qui ne fut iamais.
Quest-ce qiivn Procureur ? — Vn homme qui auec sa langue scait vuider la bourse de sa partie saus ynbsp;toucher.
Qu'est-ce que la Chicane ? — C’est vn Art qui par moyens subtils enseigne a mesler Ie bien d’autruy avecnbsp;Ie sien.
Qu'est-ce quvn Huissier?— C’est vn homme qui se i’éiouit du mal d’autruy et que l’on peut enrichir anbsp;coups de poing.
Qu'est-ce qu'vn Bourreau ? — Vn meurtrier sans crime.
Qu'est-ce quvn soldat? — Vn homme qui sans cstre criminel ny philosophe, s’expose librement a lanbsp;mort.
Qu'est-ce qu'vn homme riche ? — Celuy que la for-•^mie flatte pour Ie perdre.
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Vn clésespéré volon-Celuy qui n’a mille
Qu est-cc fjiii’ti Capiifiiiie? -taire.
Quest-ce qum pauure ? -obligation a la fortune.
Quest-ce qum Financier ? — C’est vn voleur Royal.
Qu’est-ce qu’cn Partisan? — Vne sangsue du People, vn larron Priuilégié.
Qa'est-ce qu’vn arnoureux? —Vn miserable qui attire la mocquerie, s’il ne réussit pas ; la médisance ,nbsp;s’il réussit.
Qu’est-ce qu’me femme ? — Vn singe raison-nable.
Qu’est-ce qu’me putain ? — C’est vn escueil dont les sages se retirent, et oii les sots font naufrage.
Qu’est-ce qu’m cornard?—Vn homme dont vn chacun dit du bien et que personne n’enuie.
Qu’esl-ce qum Valet? — Vn mal nécessaire.
Qu’est-ce qu’m Page?—Vn seruiteur qui est d’aussi bonne malson que son maistre.
Qu’esl-ce qu’vn Pédant? — Vn animal Indécro-table.
Qu’est-ce qu’m Poële? — Vn suppost de folie.
Qu’est-ce qu vn Comédien ? — Vn homme que l’ou paye pour mentir.
Qu’est-ce cqu vne denote ? — Vne idolle vluante ou bien vn démon déchaisné.
Qu’est-ce que l’argent ? — C’est ce que l’on pert quand on est ieune, que l’on cherche quand on vieillit,nbsp;et Ie premier mobile de toutes choses.
Qu’esl-ce que les habits ? — C’est ce qui couure nostre bonte et descouure nostre vanité.
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Qu’est-ce que la mort ? — T/esgalité de toutes ('hoses.
Qu’est-ce qu’vn tombeau P — Le liet des mortels.
Qu’est-ce qu’me cloche?—Le tambour des prestres.
Quest-ce qu’cn Médecin?—Vn honorable bour-reau.
Quest-ce que les Courtisans ? —Rien de ce que tu en voids.
Quest-ce qu’vn Fauory ?— Le bastiment de Ia fortune.
Qu’est-ce qu’vn premier Ministre ? — L’idole de la Cour.
Qu’est-ce que les charges ? — Honorable gueu-serie.
Quest-ce que la Cour? — L’attrait de la ieunesse et le clésespoir de Ia vieillesse.
Qu’est-ce quvn de'uot 1 — Vn hermite mondain.
Qu’est-ce cjue le manage ? — Le martirologe des viuans.
Qu’est-ce qu vn Abbe ? — Vn réformateur intéressé du temporel des Moynes.
Quest-ce que vieillesse ? — L’ouurage du temps.
Quest-ce cque ieunesse ?— Passage a Ia sagesse.
Qu’est-ce que beauté? — La damnation des hommes et la complaisance des femmes.
Qu’est-ce cque des mouches? — Les balles des mous-quets du Démon.
Quest-ce que Paris? — Le paradis des femmes, Ie purgatoire des hommes et l’enfer des cheuaux.
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CHOIX
Messieües ,
Quand ie considère que ie dois parler de l’emprl-sonnement de trois Princes, dont il y en a deux du sang de France, et qu’il me faut examiner deuant la premièrenbsp;Compagnie du Royaume Ie suiet et les consequencesnbsp;de leur detention, i’appréhende auec beaucoup de raison que mon esprit ne responde pas a la grandeur etnbsp;a l’importance de cette affaire oii il s’agit du salut etnbsp;de la liberté de trois Princes, du repos de l’Estat et denbsp;la fortune de tous les Francois; car puisqu’au lieu denbsp;finir vne guei’re estrangère par vne bonne et honorablenbsp;paix, la France par ce malheureux accident est précipi-tée dans les fureurs d’vne guerre ciuile, qui peut douternbsp;que de ces emprisonnemens ne dépende pas absolumentnbsp;la fortune publique et particuliere de tout Ie monde ?
C’est cette i;aison, Messieurs, c’est l’amour que ie porte a la patrie qui m’engage d’entreprendre au-dessusnbsp;de mes forces, espérant que cette illustre assemblee nenbsp;reconnoistra pas tant de foiblesse dans mon discours quenbsp;de générosité dans mon dessein et de pureté dans mes intentions.
* II a été réimprimé en 1651 sous Ie titre de Relation de tout ce qui s’est fait et passé de Messieurs les Princes.... iusqu’d présent [3142]. P. Coste ennbsp;parle dans son Histoire du prince de Condè, page 127 de 1’éditlonnbsp;de 1695.
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ïe commence done pav l’asseurance que ie recois des mouuemens de ma conscience, et par la connoissancenbsp;que i’ay de vostre zèle au bien public, duquel vous aueznbsp;de tout temps esté les deffenseurs legitimes, aussi biennbsp;que de l’innocence des particuliers, par la iustice quenbsp;vous rendez auec tant de suffisance et d’intégrité.
Et eonsidérant en premier lieu la naissance de deux Princes de Ia maison de Bourbon, ce qui est deu a lanbsp;dignité et a la qualité sacrée des Princes du Sang, anbsp;cause de la proximité qu’ils ont auec Ie Boy, ie nenbsp;puis m’empescher de dire d’abord de deux choses 1’vne ;nbsp;« Qu vne entreprise si téméraire ne peut auoir esté con-ceue ni conseille'e que par Ie plus audacieux de tous lesnbsp;hommes; ou bien que ces Princes sont conuaincus parnbsp;des premies inuincibles et plus claires que Ie iour,nbsp;d’auoir conspire la ruyne de la Monarchie, depuis l’esta-blissement de laquelle nous n’auons point d’exemples pendant douze siècles que sous vne minoi’ité, ny mesme sousnbsp;les règnes des Boys les plus absolus et des Ministres lesnbsp;plus entreprenans, il aye esté rien fait de semblable, si 1’onnbsp;adlouste au nombre et a la qualité des prisonniers lesnbsp;formes de cette resolution et la circonstance des temps, »
Mais qu’importe, dira quelqu’vn , d’auoir des examples, si la raison et la nécessité de l’Estat qui iustifient toutes clioses, ont exigé ce conseil ? Si les temps passeznbsp;ne se sont point trouuez dans des extrémitez si dange-reuses que nous estions, si les Ministres de soixanlenbsp;et trois Boys n’ont pas esté si sages ni si vigoureux quenbsp;Ie nostre , et si les conionctures n’ont point esté si fauo-i’ables qu’a présent, vn bon Politique doit il pour celanbsp;^anquer de faire de grancles choses paree qu’elles sont
Houuelles ?
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(IHOIX
Certainement, si quand toutes ces suppositions se-roient aussi indubitables qu’elles sont constamment fausses, il y auroit néantmoins beaucoup a redire a lanbsp;présomption de celuy qui hazarderoit Ie gouuernemeritnbsp;d’vn si grand Royaume par des moyens si nouueaux, sinbsp;violens et si dangereux pendant vne Régence et pendantnbsp;la guerre. Que dira-t-on s’il se trouue que ces Princesnbsp;soient innocens, et que la Reyne aye esté surprise par lesnbsp;artifices du C. M. dans 1’ordre qu’elle a donné pour eetnbsp;emprisonnement ? Que fera Monseigneur Ie Due d’Or-léans, ce prince incomparable pour sa générosité, pournbsp;sa iustice et pour sa douceur, aussi bien que pour sa sa-gesse, quand il coimoistra que ce fauory luy a pour sonnbsp;intérest particulier et sans consideration de la reputationnbsp;de l’Estat ny du gouuerneinent, dont il est Lieutenantnbsp;general, ny de la qualité de Prince du Sang, suggéré denbsp;si mauuais conseils qui font qu’il n’y a plus rien d’in-uiolable? Que penseront tous les peoples qui se croyoientnbsp;a la veille de la paix, après laquelle ils soupirent depuisnbsp;tant d’années, lorsqu’ils s’en verront plus esloignez quenbsp;iainais, et qu’au lieu d’esteindre vne guerre estrangèi’enbsp;qui leur couste tant de larmes, tant de sang et tant d’ar-gent, ce malheureux en vient d’allumer vne nouuelle ?nbsp;Et vous, Messieurs, qui composez ce grand Sénat, quinbsp;estes les Anges Tutélaires qui gardez ce Royaume, etnbsp;dont Ie rare esprit est a nos affaires ce que les espritsnbsp;administrateurs sont aux Splières qui leur sont com-mises, qui, par vostre prudence lorsque nous auons esténbsp;a Fextrémité des conseils et de l’espérance et dans lanbsp;dernière confusion des affaires, auez releué l’Estat penchant, qui l’auez raffermy, qui auez tant réparé denbsp;ruines et de naufrages que ce Pilote qui conduit nostre
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vaisseau, auoit faits, quel iugeraent ferez vous de celuy que vous auez desia condamné, a qui vous auez par-flonné taut de crimes et d’attentats, quand pour Ie respect de Tauthorité du Roy qui nous donnoit la paix,nbsp;vous en ordonnastes la publication, et que l’on oublie-roit toutes les iniures passées et tous les outrages qu’ilnbsp;nous auoit faits, afin de réconcilier vne fois pour iamaisnbsp;la France auec la France, afin qu’il nous rendist nostrenbsp;Roy qu’il nous auoit enleué, et nos Princes qui auoientnbsp;suiuy Ie Roy par deuoir ? Quel iugement ferez vous,nbsp;Messieurs, quand vous verrez cc inesme liomme, par lesnbsp;mesmes enchantemens dont il s’est desiii seruy tant denbsp;fois , qui diuise encore nos Princes, qui met Ie Sang denbsp;f rance contre Ie Sang de France, qui enfin va aclieuernbsp;la ruyne de l’Estat, si vous n’y mettez la main vne autrenbsp;fois, si vous ne ronipez les charmes dont il abuse son Al-tesse Royale qui ne respire que Ie calme et la tranquilliténbsp;publique , qui veut la paix que nous voulons tous , maisnbsp;que nous ne scaurions iamais auoir pendant que cenbsp;furieux se meslera de nos affaires, qu’il nous diuiseranbsp;les vns d’auec les autres, qu’il portera Ie flambeau donbsp;Prouince en Prouince, et qu'il retiendra ces trois Princesnbsp;dans la captiuité, dont Ie premier est vn conquérantnbsp;fameux par les batailles qu’il a gagnées, et par les villesnbsp;qu’il a prises, qui est la terreur des enneinis, qui a estenbsp;I’amour de la France et qui Ie seroit encore si par vnenbsp;obéyssance aueugle il n’eust esté Ie protecteur de celuynbsp;qui lors nous persécutoit, et dont les deux autres frèresnbsp;fiirent en mesme temps les deffeuseurs de nos biens etnbsp;de nos fortunes ?
1’ai done a faire coiinoistre I’innocencc de ces trois Ih’inces, qui paroistra clairement si l’on examine les
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faux prétextes dont Ie C. s’est seruy, les vëritables motifs qui Tont porté a ces emprisonnemens, et la foiblesse de cette accusation.
I’ay considéré auec soin, Messieurs, la lettre du \ 9 ianuier dernier ‘ qui vous a esté enuoyée sur Ie suietnbsp;de la detention de ces Princes, et laquelle sans doute n’anbsp;rien oublié de ce qui se pouuoit imaginer contre eux,nbsp;puisque Ie Ministre qui l’a composée, est Ie plus hardynbsp;calomniateur qui fut iamais.
Ie ne vous en rapporteray, Messieurs, que trois ou quatre exemples, qui certes sont estranges pour sonnbsp;impudence ou pour ses intrigues. Vous sauez la peinenbsp;que vous eustes a demesler la première accusation qu’ilnbsp;forma contre M. de Beaufort, et combien ce Héros etnbsp;sa vertu sont demeurez en peine et en soupcon par sesnbsp;artifices, et lesquels n’ont pu estre confondus que par lenbsp;iugement de Dieu et le vostre.
La violence faite a MM. de Broussel et de Blanc-mesnil en 1’absence de M. le Prince, et qui fut suiuie des Barricades de Paris, et la résolution de cbassernbsp;huit autres officiers du Parlement, pour ne rien dire denbsp;plus fascheux, fut prise sur les sinistres impressions qu’ilnbsp;donna de leur conduite, encore en I’absence de M. lenbsp;Prince.
Le conseil d’assiéger Paris et d’enleuer le Roy fut formé sur les impostures qu’il allégua. II fit voir tautnbsp;de monstres a I’esprit de la Reyne, il scut par tant denbsp;terreurs persuader les Princes de la ruyne de I’Estat etnbsp;du péril oil se trouuoit la persoiine du Roy, qu’il leurnbsp;sembla toucher le moment de sa perte et d’estre sur les
* Letire du Roy sur la detention dcs Princes de Condéy de Conty et Due de Longueiiille enuoyée au Parlement le 20 ianuier 1650 [2197].
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tords du precipice, et qu’enfin ils n’osèrent y contre-dire. II asseuroit qu’il scauoit infailliblement que Ie lendeinain quelques-vns d’entre vous se deuoient rendrenbsp;Maistres de la personne du Roy pour Ie liurer aux enne-nns; et en mesme temps pour se couurir de eet attentatnbsp;et de toutes les faussetez qu’il auoit employees pour ynbsp;paruenir, il eut Ie crédit de faire escrire au Parlementnbsp;par M. Ie Due d’Orléans et par M. Ie Prince1, quenbsp;c estoient eux qui auoient donné ce conseil, quoy que Ienbsp;Mazarin seul l’eust propose et persuade.
En dernier lieu, I’enlreprise prétendue contre la personne de M. Ie Prince, dans les informations de laquelle M. de Beaufort, M. Ie Coadjuteur et M. de Bruxelles^nbsp;ont ete compris, n estoit ce pas vne pièce de I’inuentionnbsp;de M. qui auoit compose ce stratagesme dans son cabinet, afin de diuiser l’esprit des grands du Royaume, etnbsp;de se deffaire par ce moyen des vns et des autres, s’ilnbsp;pouuoit, OU pour Ie moins, des vns après les autres.
Voila des eschantillons, Messieurs, de ce que scait faire l’ennemy de ces Princes, qui a compose ce grandnbsp;libelle de leur accusation que i’exaraineray très-exacte-tnent après vous auoir suppllé de considérer deux oiinbsp;trois choses. La première que ce monstre est vn estran-ger, qui par vostre arrest de 1’année 1617 rendu sur Ienbsp;suiet du Mareschal d’Ancre1, nommé Conchiny, Italien
nbsp;nbsp;nbsp;heitres du Koy de Son Altesse Royale et de M, Ie Prince au Due denbsp;l^onthazon^ au Préuost des Marchands, etc. [2279].
^ Lettre du Roy a la Cour de Parlement de Paris tant sur ce qui s1est passé ® Paris Ie iï décembre dernier, etc. [2138] ; Requeste de Messieurs Ie Duenbsp;de Beaufort^ ie Coadiuteur et Broussel d Nosseigneurs du Parlement [3479] ,nbsp;autres.
* nbsp;nbsp;nbsp;Arrest de la Cour de Parlement du 8 iuillet 1617 donné contre Ie dé~
marquis déAncre et sa femme [204],
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If
de nation aiissi bien que Mazarinij ue peut teuir la place qu’il fait, et que c’est celuy que vous auez declarenbsp;perturbateur du repos public, ennelny du Roy et denbsp;l’Estat’. En second lieu, que remprisonnement de cesnbsp;Princes est sans exemple pendant la ininorité d’vn Roy,nbsp;qu’il est contre toute sorte de Justice et particulière-rnent contre les dernières Declarations®, dont l’obser-uation a esté tant de fois promise et si solemnellementnbsp;violée en la personne de ces Princes, d’vn Chancelier denbsp;France, d’vn Président de Ia Cliambre des Coniptes %nbsp;d’vne Duchesse*, de deux Princesses ®, sans pariet' denbsp;tant d’autres particuliers, et qu’eufin il est iuste de leurnbsp;produire vn autre accusateur et des témoins, et ne lesnbsp;pas oprimer sans qu’ils ayent droit de se deffendre; etnbsp;que vous. Messieurs, deuez estre les iuges de leur innocence, tous les autres iuges du Royaume en estant iii-compétans, d’autant que Ie Parlement seul est Ie siégenbsp;des Roys et la Cour des Pairs, et que les Princes dunbsp;Sang de France ont dès longtemps ce droit acquis de nenbsp;pouuoir estre iugez, en ce qui touche leur hoiineur, quenbsp;par Ie Roy, leur Souuerain et chef de leur maison,nbsp;dans Ie Parlement, qui est Ie vrai Temple de la iusticenbsp;francolse et Ie plus célèbre theatre du monde.
Le Mazarin désirant couurir la violence de cette action, parle beaucoup de la moderation de son gouuer-nement dans le commencement de cette lettre, et prend pour prétexte qu’il veüt restablir vn ferme repos dans
' Par les arrèts des 8, 13, 2o jam ier et 16 février 1619.
D’octobre 1618. nbsp;nbsp;nbsp;•
^ Le president Perraut, intendant du prince de Condé.
^ La dticliesse de Ijongueville-
^ Charlotte de Montmorenev, priiioesse douairière de Condé, etClaire-Liigéiiie de Maillé, princessc de Condé.
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Campagnes désertes, les Villes ruinées, les Prouinces désolées, qul considéreront les emprisonnemens du président Barillon, du Due de Beaufort, du Maréchal denbsp;la Mothe et de ces trois Princes, qui feront reflexion surnbsp;les proscriptions de tant de Magistrals, et qui escoute-ront les clameurs de tout Ie monde, ne prendront pointnbsp;Ie Mazarin pour vn monstre qui aye ny douceur, nynbsp;moderation, ny bonté, mais pour Ie plus abominable desnbsp;hommes, et que nous eussions exterminé si la Reyne,nbsp;M. et M. Ie Prince ne 1’eussent arraché des mainsnbsp;de la Justice et ne l’eussent protégé contre Ie ressentiment général du Royaume. O mon leune Prince,nbsp;qni estes Ie fruict de bénédiction, l’attente et Ie désirénbsp;des peuples. Prince donné de Dieu pour la grandeur etnbsp;pour la félicité de la France, que les gens de bien et quenbsp;les sages ont de regret de voir que l’Intendant de vostrenbsp;éducation soit celuy qui a esté condamné par la voix denbsp;tous les Peuples et par l’authorité de tous les Parlemens,nbsp;et que celuy qui a les malédictions de toute l’Europe,nbsp;gouuerne ses plus belles espérances.
Mais parlons (cette réflexion est trop douloureuse) et ne cherchons pas plus longtemps en luy ny bonté, nynbsp;modération, puisqu’il n’y en a point; continuons cettenbsp;lettre qui dit qu’il a de bonnes intentions, et que c’estnbsp;pour faire la paix, qu’il a fait emprisonner ces Princes.
Icy, Messieurs, i’appelle a tesmoing toute l’Europe. Que disent les Hollandois de son dessein, sinon que Ienbsp;Cardinal Mazarin a tousiours voulu continuer la guerrenbsp;afin de se rendre nécessaire, qu’ils Pont pressé, qu’ilsnbsp;Pont attendu, et bien que leur alliance ne fust pas de petite considération, néantmoins qu’il Pa méprisée, denbsp;peur d’estre obligé de faire la paix conioinctement auec
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eux ? Que disgjjt Jgg Nonces du Pape, sinon que Ie C. Mazarin n’a iamais voulu la paix ? Qu’a dit M. denbsp;Longueuille a son retour de Munster, oü il auoit esténbsp;enuoyé pour vne négociation si importante, sinon quenbsp;Ie Cardinal Mazarin auoit empesclié que la paix nenbsp;fust signée , que M. Seruien, qui seul auoit son secret,nbsp;sy estoit oppose formellement, et que M. Davaucenbsp;grand Plénipotentiaire qui auoit pris tant de peine anbsp;conduire les choses au point de leur perfection ounbsp;enfin il les auoit mises lorsqu’il en vit Ia rupture, ennbsp;auoit eu des desplaisirs infinis’ ?
Le Cardinal Mazarin peut il contredire tant de tes-moignages ? Se peut il contredire luy mesme, qui a public tant de fois en ce temps la qu’il estoit Ie maistre de la paix ? Non, ces preuues sont trop constantes. On ennbsp;scait trop les particularitez et que la paix non-seulementnbsp;n’a pas esté faite par le Cardinal Mazarin, mais qu’il l’anbsp;formellement empeschée, et que ne scachant plus denbsp;inoyen de s’opposer aux voeux de tous les Francois qui lanbsp;demandoient, il a par vn artifice bien surprenant em-pescbé lesEspagnols d’y consentir, et ainsi nous a rédultsnbsp;a désirer vne cbose impossible puisque la paix ne des-pend plus de nous en l’estat ou nous sommes.
II nous reste après les faux prétextes de cette accusation descouuerte, de faire voir Mout le monde l’intérest
'Claude de Mesmes, comte d’A-vaux, plénipotentiaire de France a Munster. Mausolée de la politique et de la iustice dressé a la mémoire denbsp;deux frères illustres, M. le Comte d^Auaux et M. le president de Mesme,elc.
[2421],
On peut consulter sur ce sujet les neuf pièces indiquées dans la iiste ^l^eonologique des Mazarinades sous la rubrique de Anniuersaire de la nais~nbsp;eance du Roy, a la fin depuis la Lettre de M. Seruien d MM. les médiateursnbsp;t~tl39] jusqu’au Traité de paix entre sa Maicsté Catholique et les sieursnbsp;^^tats Généraux des Pays-Bas [3798].
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veritable du Cardinal Mazarin et de quels motifs il a esté porté pour faire emprisonner ces Princes; ce qui nenbsp;sera pas difficile, tout Ie monde pouuant conclure quenbsp;puisque consfamment ce n’est pas Ie bien du Royaume ,nbsp;il faut nécessairement que ce soit son aduantage particulier. Aussi y trouue-t-il non seulement la seureté denbsp;sa personne et I’establissemeut inébranlable de sa fortune , mais encore sa vengeance, son ambition, son aua-rice et toutes ses esperances satisfaites. Et si quelqu’vnnbsp;en France se laisse persuader d’y auoir part et de profi-terde cette disgrace, ilse trompe asseurement. En voicynbsp;les effets veritables ; I’Estat y perd le repos ; le peuplenbsp;y perd la paix; les Princes y perdent leur seureté et,nbsp;quittant leurs prérogatiues sacrées, deuicnnent commenbsp;les particuliers; les Parlemens y voyent la Tustice et lanbsp;Declaration violee; et les Grands du Royaume se voyentnbsp;sousmis a la domination de cet estranger furieux, témé-raire et vindicatif qui les perdra, quoy qu’ils se flattent,nbsp;les vns apres les autres, et fera gémir tons les gens denbsp;bien sous sa tyrannic, a I’establissement de laquelle nousnbsp;trauaillons nous-mesmes, au lieu de nous y opposer con-ioinctement et de I’exterminer.
Desire-t-on que ie vérifie que c’est vne vengeance de longtemps prémeditée ? Qui ne scait pas qu’lt;a Lens et anbsp;Lérida, le Cardinal de Mazarin fit tout ce qu’il putnbsp;pour perdre M. le Prince ? Tons ses amis ne I’ont-ilsnbsp;pas aduerty bien des fois de ne plus s’engager dans lesnbsp;Armees , on qu’autrement il periroit comme auoit fait lenbsp;Comte de Soissons ? On voyoit bien que ce Ministi'enbsp;craignoit que la valeur de ce Prince ne fust fatale a sanbsp;fortune; et c’est pourquoy il s’en voulut defaire, etnbsp;haissoit celuy qu’il craignoit. Dcpuis ces premiers temps
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sa haine auoit: esté augmentée par les obligations qu'il auoit auec M. Ie Prince : c’est Ie naturel des amesnbsp;lasches de hair ceux ausquels ils sont infiniment rede-Uables. Et paria encore, combien de gens d’esprit ont-ils préueu que celuy qui luy deuoit la vie, luy osteroitnbsp;la liberté ? Mais depuis ce qui arriua pour Ie Pont denbsp;Larche‘, depuis que M. Ie Prince l’eust menace,nbsp;et qu’il eust la faiblesse (il me pardonnera si i’en parlenbsp;ainsi) de se raccommoder auec son Italien , qui n’a pasnbsp;publié tout baut que M. Ie Prince estoit perdu ? Lesnbsp;Grands sont si malbeureux qu’ils ne croyent per-sonne, qu’ils s’asseurent trop sur leur grandeur; etnbsp;pourtant il y a tant d’exemples funestes de leur ruyne,nbsp;qu’il est incomprehensible a ceux qui ont Ie sens commun,nbsp;qu’ils soyent et qu’ils veulent tousiours estre les dupesnbsp;des Fauoris. Il n’y a rien de si saint que nous n’ayonsnbsp;veu prophaner par leur insolence; ce qui a esté de plusnbsp;cber dans les Estats, a esté de lout temps consacré anbsp;leurs interests. C’est Ie premier tesmoignage qu’ils don-nent de leur puissance ; et il y en a fort peu qui n’ayenbsp;eu quelque victime de la Maison Royale. Monstre abominable, que tu deurois estre en horreur a tous lesnbsp;Princes, puisque tu te repais ordinairement du plusnbsp;précieux sang des Estats !
Après cela y a-t-il encore quelqu’vn qui doute de la ioie qu’il a receue de sa vengeance, paree que dans cettenbsp;lettre il a fait l’affligé et a voulu persuader qu’il auoitnbsp;vne répugnance extresme a consentir a cette résolu-
’ Le prince de Condé disait que Ie cardinal Mazarin lui avail promis gouvernement de Pont-de-l’Arclie pour le due de Longueville lors denbsp;h paix de Saint-Germain; et il lui reprochalt aigrement sa mauvaise foi.nbsp;^ ‘-st après une explication vive sur ce sujet qu’un jour il le qulua en luinbsp;: « Adieu, Marj. .
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tion ? Mais sa vengeance n’est que Ie moindre de ses interests. L’asseurance de sa fortune et Testablissement de sa grandeur luy en ont donné d’autres satisfactions ;nbsp;car au lieu qu’il voyoit que son Ministère alloit deuenirnbsp;inutile, puisque la Reyne, Monsieur et M. Ie Princenbsp;vouloient la paix, que Ie Parlement la demandoit aiieqnbsp;instance a cause de l’extresme nécessitë des peuples , etnbsp;que les Espagnols de leur costé la vouloient autant quenbsp;nous, et qu’ainsi il ne seroit plus cette fameuse Idolenbsp;qui recoit depuis si longtemps des offrandes de toutesnbsp;sortes de mains, sa perte et sa cheute sembloient infail-libles. II s’est rendu, par Ie moyen de ces emprisonne-mens, Ie Maistre absolu de tout, paree que la guerrenbsp;ny les voleries, ny sa puissance ne finiront point, quenbsp;tous les iours il faudra faire de nouuelles impositions ,nbsp;qu’il aura vn prétexte perpétuel de retranchement desnbsp;gages des Officiers et de mal payer les rentes de l’Hos-tel de 'Ville, et que non seulement il disposera des charges et des Gouuernemens qui vaqueront doresnauant,nbsp;sans contradiction de personne, mais dès a présent il anbsp;donné tous ceux que possédoient ces Princes, a sesnbsp;creatures et a ceux qui sont dans ses interests ; de sortenbsp;qu’il s’est trouué en vn moment par leurs despouillesnbsp;plus puissant qu’üs n’ont iamais esté, sans parler denbsp;1’espérance qu’il a d’estre bien tost par la délicatesse etnbsp;par Ie peu de santé du Prince de Conty et par la rigueur de sa prison l’héritler de tous ses grands benefices. Voila les véritables motifs de l emprisonnement denbsp;ces Princes. Le reste de l’accusation n’est que pour amu-ser le peuple, et pour tromper les simples qui croientnbsp;tout ce qui est imprimé, et qui se laissent piper par lesnbsp;apparences, lesquelles , comme des Phantómes, achèue-
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DE MAZARIMDES.
font de s’esuanouir a mesure que nous irons plus auant dans cette grande accusation qui a esté l’effort des artifices du Cardinal Mazarin et de l’éloquence de ceux quinbsp;Ie seruent.
H a de'peint M. Ie Prince comme vn Géant qui vouloit empiéter Ie trosne de leurs Maiestez et qui senbsp;vouloit seruir contre eux des biens et de la puissancenbsp;cfu’il tenoit de leurs graces. Pour ruiner ce Prince ennbsp;effet, il l’a fait riche en apparence; et pour l’abbattrenbsp;entièrement, il a esleué sa puissance sur des faux fonde-mens et son ambition sur de vaines imaginations. Lesnbsp;trois moyens de son accusation sont: il est trop riche;nbsp;il est trop puissant; il est trop ambitieux, Sa defensenbsp;seroit aisée en trois parolles; que c’est a la vérité vn desnbsp;Princes du monde Ie plus riche de gloire, de Conquestesnbsp;et de Yictoires; Ie plus puissant pour défendre nosnbsp;frontières, la grandeur de l’Estat et Tauthorité du Roy;nbsp;et Ie plus ambitieux de fidélité pour son Prince, pournbsp;sa parolle et pour ses amis.
Mais comme I’inuectiue faite contre M. le Prince est fort estendue, il la faut examiner plus ample-ment. Il I’accuse d’estre le plus riche suiet qui soit dansnbsp;la Chrestiente. C’est le crime dont les Tyrans accusoientnbsp;autrefois les hommes quand ils vouloient prendre leursnbsp;biens; mais si d’estre riche, c’est vn crime, que le Cardinal a fait d’innocens pour deuenir criminel! Il a plusnbsp;d’or en Italië qu’il ne nous en reste en France; et Tonnbsp;a vérifié, a ce qu’on dit, par les Registres des Banquiersnbsp;qui ont ne'gotie ses affaires, plus de cent soixante et dix-buict millions de liures qui ont esté enuoyez de sonnbsp;ordre et sous son nom en Italic. le veux croire qu’il y anbsp;de la faute en ce calcul; mais il n’y en a point en celuy-
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cy : qiie Ie Cliapeau de Cardinal qu’eut son frère Ie lacobin couste a la France plus de douze millions denbsp;liures. II est certain que Ie Cardinal M. a pris desnbsp;sommes immenses pour la marine, dont il a disposénbsp;sans en rendre comple. II est constant que les Vénitiensnbsp;soustlennent en partie la guerre du Turc par Ie moyeunbsp;de l’argent content que Ie Cardinal a dans leurs banques.nbsp;II est public qu’il n’y a quasi plus d’or ny de bonnenbsp;monnoye en France. Qu’est-elle deuenuePTout Ie mondenbsp;Ie scait. Ce superbe Palais de Rome oii il a fait conduirenbsp;plus de trois cens ballots de meubles des plus précieux denbsp;toute l’Europe, et son Palais de Paris Ie publient asseznbsp;liautement. Nous auons beaucoup de Princes qui n’ontnbsp;point vaillant ses Statues, ses Meubles, sa Bibliothecquenbsp;et ses Escuries, sans y coinprendre ses pierreries. Aprèsnbsp;cela, quelque Eloquence que puisse auoir vostre Ora-teur, il ne persuadera pourtant a personne que vousnbsp;ayez eu raison d’accuser M. Ie Prince d’estre Ie plusnbsp;riche suiet qui soit dans la Chrestienté, et pour cela denbsp;Ie faire emprisonner; et quelque soin au contraire quenbsp;vous ayez pris a vous faire pauure, quelque artifice quenbsp;vous ayez employé pour tromper la Reyne et Monsieurnbsp;sur ce suiet, i’ose me promettre que si iamais ils iettentnbsp;les yeux sur ce discours, ils ne croiront pas que vousnbsp;soyez sans trésors, ny que M. Ie Prince en aye. Cenbsp;n’est pas néantmoins que ce partage ne fut bien iuste.nbsp;Il y a bien de la difference du petit-fils d’vn chapelier anbsp;vn Prince du Sang de France, et qui a l’honneur d’estrenbsp;de la Maison du Roy qui est la plus Illustre race dunbsp;monde et la mieux marquee, puisque les sources d’or etnbsp;les mines qui portent les plus précieuses pierreries, ne
‘ Pictro Mazarini, de Vordre des Jacohins, cardinal de Sainte-Cécile.
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sont pas si riches ny si renommées. Auec cela, M. Ie Pfince n’a point de biens qiie ceux que Monsieur sonnbsp;Pere luy a laissez et qu’il a méritez par des seruices denbsp;soixante années; et vous n’auez que ceux que vous aueznbsp;volez al’Estat depuis six ou sept ans; et cependant vousnbsp;®stes assez imprudent pour luy reprocher de médiocresnbsp;biens sans considérer que vous en auez d’infinis.
Peut-estre vous aurez plus de raison dans la suite de cette lettre, ou vous accusez M. Ie Prince desnbsp;grands establissemens qui sont dans sa maison, soit ennbsp;charges, en gouuernemens ou en biens d’Egllse. A lanbsp;vérité, Ie ramas que vous en auez fait, donne de l’éblouis-sement; et coinme il vous a donné de 1’ennui, vous aueznbsp;cru qu’il pourroit causer de la ialousie contre luy. Ienbsp;veux croire que vous auez réussi et que vous auez sur-pris d’abord beaucoup de person nes; mais sans doutenbsp;tout Ie monde se destrompera, quand ils considèrerontnbsp;qu’il y a blen de la différence entre auoir des chargesnbsp;et des gouuernemens et estre criminel, puisque au contraire ce sont les récompenses de la vertu et des seruices,nbsp;et les marques de l’estime et de la confiance que l’on anbsp;eu de la fidélité de ce Prince, et que ses charges et sesnbsp;gouuernemens l’engageoient plus nécessairement etl’vnis-soient plus inséparablement au seruice du Roy, duquelnbsp;il ne s’est iamais destaché, comme nous Ie scauons tous.nbsp;Comment voudriez-vous condamner ce que la Reyne anbsp;fait par vostre aduis, et ce que Ie défunt Roy, Ie plusnbsp;sage de tous les Roys, auoit fait auparauant elle ? Denbsp;Son règne feu M. Ie Prince n’auoit-il pas la charge denbsp;grand Maistre ? et les mesmes gouuernemens, les establissemens de sa maison estoient-ils moins considérablesnbsp;ils ne sont a présent? Non sans doute, puisqu’il s’en
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faut l’Admirauté qui estoit dans sa familie, les gouuer-nemens de Broüage, des Hes de Ré et d’Oléron, et M. de Brezé, son beau-frère, qui valoit mieux tontnbsp;seul que Broüage et FAdmirauté, et qui mourut d’vnnbsp;coup de canon dans Ie seruice
Mais M. !e Prince n’a-t-il rien mérité de son chef? Ne comptez vous a rien les batailles qu’il a ga-gnées, les villes qu’11 a prises, les merueilles qu’ilafaitesnbsp;en Flandre et en Allemagne, les hazards qu’il a courusnbsp;mille et mille fois, et Ie sang qu’il a respandu pendantnbsp;que vous estiez a la Comédie et a résoudre icy Fempri-sonnement et la mort de Messieurs de Bruxelles, denbsp;Blancinesnil et de beaucoup d’autres ? Comment aprèsnbsp;tant de preuues de sa valeur et de sa fidélité trouuez-vous a redire qu’il y aye moins d’auantage dans sa mai-son qu’il n’y en auoit du viuant du feu Roy et du dé-funct M. Ie Pidnce ? O Ie grand crime, Messieurs!nbsp;Ie moyen de s’en défendre! Ie fds possède Ie bien denbsp;son père; et Ie Roy luy a continué les mesmes graces.
Mais il ne se contentoit pas, dites-vous; il vouloit traiter de Charleuille et acheter de ses deniers Ie montnbsp;Olympe; voila des crimes bien nouueaux! II auoit de-mandé des troupes pour conquérir la Franche Comté etnbsp;la posséder après en Souuei’aineté, ou les conquestes quinbsp;auoient esté faites en Flandres du costé de la mer. 11nbsp;auoit demandé vn corps de caualerie pour aller du costénbsp;du Liége appuyer Ie dessein qu’auoit Ie Prince de Conty,nbsp;son frère, pour la qoadiutorerie de eet Euesché. II auoitnbsp;demandé Fespee de Connestable. 11 auoit demandé plu-sieurs fois FAdmirauté et plusieurs autres choses. Voila
' Armand de Maillé, due de Brézë, ttié au combat naval d’Orbitello.
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bien des demandes; mais voila bien des refus. VoiI.\ bieti des pensees inutiles (si ce n’est a vostre Réthorique)nbsp;lesquelles, ie m’asseure, ne viennent pas toutes denbsp;Ie Prince. Sans doute Ie C. M. luy en a fait proposernbsp;ïa meilleure partie, afin de l’amuser de vaines espérances,nbsp;comme il a bien seen entretenir beaucoup d’autres per-sonnes d’imaginations creuses et qui n’ont produit quenbsp;du vent et des resueries. Si nous scauions, Messieurs,nbsp;combien il a fait en promesses de Prélats et de Cardi-uaux; combien de fois il a marié l’Empereur en Francenbsp;et Ie Roy de Portugal; combien il a fait de Dues et denbsp;Pairs, de Mareschaux de France, de Cheualiers denbsp;l’Ordre, de Généraux d’armée, de Gouuerneurs denbsp;places et de Prouinces; combien il a fait de Secrétairesnbsp;d’Estat, de Surintendans et de Garde des Sceaux; brefnbsp;combien de fois il a marié ses niepces; combien de fortunes il a fait, nous admirerions ce grand Ministre , quinbsp;seul a plus fait de bien que tous les Roys n’en ont faitnbsp;depuis l’establissement de la Monarchie. L’Admirauté,nbsp;1’espée de Connétable, les conquestes de Flandres etnbsp;les autres aduantages qu’il veutqueM. Ie Prince aye dési-•’és, sont asseurément des imaginations Mazarines; maisnbsp;si nous scauions combien, après tant de piperies, il y anbsp;encore de propositions de sa part de cette mesme nature , combien ce négotiateur éternel a sous luy de né-gotians, nous aurions bonte de la foiblesse du siècle quinbsp;ne se peut désabuser de ce charlatan.
Toutes fois sans nous arrester aux pensees dont il accuse M. Ie Prince, ny aux imaginations dont il trompe encore tant de personnes, examinons quels establisse-’uens redoutables M. Ie Prince auoit en sa maison, et sinbsp;la comparaison des gouuernemens, cette accusation
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ne sera pas anssi iniuste que celle des riehessses qu’il a reprochées a M. Ie Prince.
Les gouueniemens de Bourgogne, Bresse et Berry sont les moins considerables du B.oyaume, tant a causenbsp;du peu d’étendue qu’ont ces Prouinces, que de leur situation; outre qu’il n’y a aucune place forte, Bellegardenbsp;excepté. M. Ie Prince, a la vérité , auoit en Champagnenbsp;Stenay et Clermont; mais qu’est-ce pour vn Prince dunbsp;Sang ? car de vouloir mettre en compte Ie Gouuerne-ment de Champagne qu’auoit Ie Prince de Conty, et lanbsp;place de Dampuilliers, il n’y a point d’apparence;nbsp;non plus que du Gouuernement de Normandie qu’auoitnbsp;le Due de Longueuille. Et quand M. le Prince seui eustnbsp;possédé tous ces Gouuernemens, ce n’estoit pas de quoynbsp;balancer I’authorite du Boy, ny pour deuenir redou-tahle a la France, puisque I’Empire et I’Espagne ne luynbsp;sont pas comparables.
Venons maintenant aux establissemens du C. M.; et en faisant la paralelle avec ceux de M. le Prince seul etnbsp;inestne de toute sa familie. Ton verra quelle disproportion il y aura entre les vns et les autres.
I. Le C. M. a le plus puissant et le plus precieux gouvernement du monde. II est gouuerneur de la per-sonne du Roy, qui est le maistre de tous les Gouiier-neurs. La Reyne , outre cela, I’a fait premier Ministrenbsp;et luy a donne sa principale confiance; et ainsi il a lenbsp;gouuernement de ces deux importants Estats, e’est-a-dire du Roy et de la France. II donne des benefices;nbsp;il dispose des Finances et tient I’authorite absolue dansnbsp;le Conseil; bref il coinmande dans la Cour, dans les ar-mees et dans le Royaume, paree que le bien et le manbsp;sont en ses mains et qu’il est le maistre de la bonne
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de la niauuaise fortune. II ordonne de la paix et de la guerre comme il lui plaist. Voicy comnie il en vse : lanbsp;guerre d’Italie pour Portolongone et Pioinbino a esténbsp;cntreprise pour son seul intérest, et pour luy en fairenbsp;vne principauté; ses confidens en ont les gouuerne-¦Rens. Pignerol, Suze et Casal sont en sa dépendance.
Ainsi il est maistre de tous les aduantages que la Ffance a dans la Sauoye et dans l’Italie. Pour la Cata-logne et Ie Roussillon, il en est aussi en possession : Lanbsp;Pare’ et Noailles^ qui ont esté capitaines de ses gardes,nbsp;lui conseruent Rose, Perpignan et Salses; Ie frère denbsp;La Fare est gouuerneur de Balaguier; et Launoy luynbsp;garde Tortose. L’Estrade®, qui a esté aussi son capitainenbsp;des gardes , est pour luy dans Dunquerque. Enfin il y anbsp;peu de places considerables dont il ne soit asseuré par Ienbsp;moyen des personnes qui se sont entièrement déuouées anbsp;son seruice. La Claucire est dans Philisbourg; il a donnénbsp;a Tilladet 1, beau-frère du Thellier®, Brissac, quinbsp;est vn aouuernement de deux a trois cent mille liuresnbsp;de rente. Lanoy est dans Ardres; Chastelnau 1 est a
nbsp;nbsp;nbsp;Charles-Auguste, marquis de La Fare.
* nbsp;nbsp;nbsp;Anne, comte et depuis due de Noailles.
’ Geoffroy , comte d’Estrades, depuis maréchal de France et ambassadeur. Relation conlenant Ie secours ietté dans la ville de GraueVmes par les sohis du Sleur d’Estrades, etc. [3098].
’ Le marquis de Tilladet. On peul consulter sur sa nomination au gourernemeut de Brissac le Manifeste da sieur de Charleuois sur sa déten-lion, etc. [2395]; VEslection du Comte d'Harcourt au gouuerneinenl de V Jl-etc. [1273].
“ Michel Le Tellier alors mlnlstre de la guerre et depuis chancelier de
Erance.
' Jacques, marquis de Castelnau Maurissière, depuis maréchal de Luiice. II est mort en 1058, des suites des blessures qu’il avoit recues anbsp;des Dunes.
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Brest; Ie Comte deBroglie^ est dans laBassée; Nauailles1 est dans Bapaulme; et si ie ne craignois pas d’estre tropnbsp;long dans Ie desnombrement des autres^ il ne seroit pasnbsp;mal aisé de faire connoistre que toutes les recompensesnbsp;sont pour ses domestiques et pour ses creatures, et quenbsp;ceux qui seruent les Princes, n’ont iamais rien. Paluaunbsp;pour cette raison a eu Courtray et Ipres qu’il a perdus, etnbsp;fut préféré a M. de Chastillon ^ Considérez s’il y a quel-qu’vn, ie ne dis pas chez M. Ie Prince, mais chez M. Ienbsp;Due d’Orléans, oü il y a tant de personnes de Nais-sance, de mérite et de seruice, qui aye esté gratifié d’vnnbsp;Gouuernenient semblable a Perpignan, Rose, Dun-querque ou Brissac. Y a-t-il vn des seruiteurs de Monsieur qui aye eu vn Benefice de dix mille liures denbsp;rente? A-t-on donné beaucoup d’esuéchez a sa recom-mandalion ? Et M. Ie Prince a qui on reproebe tant,nbsp;qu’a-t-il fait pour les siens, slnon qu’il a aydé a la promotion de 1’Éuesque d’Angoulesme^ et de l’Archeuesquenbsp;de Bourgesseuleinent, et qu’il a serui a Gasslon pour Ienbsp;baston de Mareschal de France, et a Messieurs de Chastillon pour obtenir Ie Breuet de Due ? Mais les vns etnbsp;les autres ne méritoient ils pas ces recompenses ? Et
N., couite de Broglie, un des faToris de Mazarin. II y a sur lui des anecdotes dans les ^éritables motifs de la retraite de M. Ie Comte d’Har-court ^ etc. [3970], et dans VHistoire veritable d’vn accident tragique ar-7'iué d Pontoise, etc. [1651].
Philippe de Montaut de Benac , comte et piiis diic de Navailles. 11 a éte maréchal de France. On a de lui des Mémoires estimés. II est parlé denbsp;lui dans la Marche de Varmee de Monseigneur Ie Prince au-deuant du Cardinal Mazarin [2408].
^ Gaspard IV de Coliguy ^ due de Chatillon , tué devant Charenton Ie 8 février 1649.
^ Francois de Péricard.
“ Anne de LctIs Ventadour.
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^luand on a fait vn crime a M. le Prince d’auoir iiiter-cede pour ceux qui ont eu recours a sa protection, ^ est ce pas faire entendre aux Grands qu’ils n’ennbsp;doiuent pas vser de mesme? Tout le monde trouueranbsp;ce crime bien léger, et cette accusation bien artificieusenbsp;ct bien deraisonnable; et pour retourner a nostre pa-ralelle, quand on voudra faire comparaison du créditnbsp;tiu auoit M. le Prince, auec l authorite du Cardinalnbsp;ct le grand establissement qu’il s’est fait par le moyennbsp;de ses creatures, quelle difference y trouuerons nous ?nbsp;Le premier Prince du Sang qui sert, qui combat, quinbsp;expose sa vie, qui a conquis tant de places de consequence , ne peut posséder saus crime les bieiifaitsnbsp;qu il a trouuez dans sa uiaison 5 car il est vray qu’ilnbsp;n’en auoit point d’autres, si ce n’estoit Clermont etnbsp;Stenay qui lui auoient este donnez pour recompense denbsp;I’Admiraute; et le Mazarin qui n’auoit rien quand il estnbsp;venu en France, qui n’a seruy qu’a iouer au Hoc et a fairenbsp;des Comedies, a empescher la paix etaruiner laFrance,nbsp;a luy seul, plus de puissance que M. le DUc d’Orleans etnbsp;ees trois Princes ensemble, desquels il a si bien sceunbsp;charmer I’esprit iusques a present qu’ils ont combattunbsp;pour luy, pour eux mesmes et leur propre destruction,nbsp;comme vous voyez, et continueront encore, si Dieu nenbsp;Wr ouure les yeux, afm de connoistre le precipice dansnbsp;lequel ils se iettent et oil ils nous entraisnent auec eux.
Auec cela, toutes ses creatures ne sont pas dans les Gouuernemens des places; il en a d’autres pour lenbsp;^ouuernement des Princes. Les vaillants sont pour lanbsp;giierre; les fourbes, les traistres et les liabiles sont pour
Cour et pour les intrigues dans les maisons des ^cinces, Ce sont ceux-la qui sèraent la diuision parmy
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eux, qui inspirent les defiances, qui proposent et font réussir les grands desseins, qui surprennent, qui cor-rompent et qui font toutes les passe-passe de la Cour.nbsp;Ce sont ces gens la qui ont fait prendre contre Parisnbsp;et contre toute la France Ie party du Cardinal parnbsp;M. et par M. Ie Prince, qui proposèrent (il y a quelquenbsp;temps) Ie changement de tant de Gouuernemens pournbsp;amuser la Cour, qui ont affronté tant de monde, quinbsp;ont fait attenter au carrosse de M. Ie Prince*, qui Tontnbsp;animé d’en descouurir la vérité et qui 1’ont enfin em-prisonné, qui font que Ie Cardinal dit qu’il n’est plusnbsp;Mazarin et qu’il s’appelle Frondeur, qui luy fontnbsp;prendre autant de formes, de couleurs et de visagesnbsp;que les Fables en donnent a Prothée, qui ont rcunynbsp;M. de Beaufort et M. Ie Coadiuteur auec Ie C., commcnbsp;ils auoient racconnnodé M. Ie Prince et Ie M. aprèsnbsp;l’affaire du Pont de Larche; car il y en a qui rassemblentnbsp;et qui raccoininodent, a lout Ie moins en apparencenbsp;et pour quelque temps. II y a des Oublieurs aussi biennbsp;que des Frondeurs. Bref il a des Legions de ces mes-chants Esprits de l’vn et de 1’autre sexe dans sa dépendance, qui ont tant d’adresse et tant d’artifices, tant denbsp;filets et tant de picges qu’il y en a qui pour y auoirnbsp;esté attrapez, ne laisseront pas de s’y reprendre. Tousnbsp;ces gens la sont de la Cabale du M. et trauaillent anbsp;ses fins, et pour l’esléuation de sa grandeur et de sa fortune et pour Ie mariage de ses Niepces qui achèuerontnbsp;l’establissement tout ouuert de sa tyrannie, d’ou s’ennbsp;suiuera infaillibleinent Fanéantisseinent des Parlemens,nbsp;de cette belle Declaration, et la consonimation des cala-mitez publiques.
* Dans hl jouniée du li décenibre 1649.
-ocr page 43-lugez a présent, Messieurs, de la comparalson des forces qu’auoit M. Ie Prince, auec les grands establisse-oiens du C. qui, saus compter la puissance de ses fourbes,nbsp;sans parler du gouuernement du Roy, de celuy de l’Es-, des Princes et de la Cour, a quasi tous les Gouverneurs des Prouinces a luy et toutes les places denbsp;Sauoye et d’Italie, du Roussillon et de Catalogue , de lanbsp;Lorraine, de Flandres et de l’Alsace, au lieu que M. Ienbsp;Rrince, qui mérite tout, puisqu’il conserue tout, et quinbsp;a gagné plus de cent villes a la France, n’auoit qu’anbsp;peine ce que M. son père possédoit du viuant du feu Roy.
Voila 1’inuentaire general et véritable des ricliesscs et des establissemens de M. Ie Prince , dans leqnel il nenbsp;se trouuera rien qui ne fust dans celui de M. son père.nbsp;En pourroit on dire de mesme du C. ? Tout ce qu’ilnbsp;possède , estoit il dans sa familie ? Non, Messieurs ; sanbsp;naissance ne luy a rien donné; sa vertu ne lui a riennbsp;acquis; la fortune seule luy a laissé prendre tout ce qu’ilnbsp;a, et qui deuroit estre plustost partagé entre les vaillansnbsp;et les bons seruiteurs du Roy et de Monsieur qu’entrenbsp;les suiuans, les domestiques, les flatteurs, les courtisansnbsp;de eet Estranger.
Pour deffendre M. Ie Prince de l’ambitlon dont il est accuse, eest oüil y a plus de peine , paree que toutnbsp;Ie monde n’est pas bon luge en cette occasion, oèi il estnbsp;trés aisé de se laisser surprendre et de se tromp er soy-ntesme.
La valeur et l’ainbition ont lant de ressemblance Su’il est bien difficile de les distinguer. A la vérité, ceuxnbsp;considéreront M. Ie Prince dans les batailles denbsp;Roeroy, de Norlingue et de Lens et qui l’aperceurontnbsp;trailers des esclairs et de la fumée des canons, toutnbsp;IInbsp;nbsp;nbsp;nbsp;3
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couuert de feu et de sang, ceux qui Ie verront ensuite chargé de tous ces fameux et superbes trophées, Ienbsp;prendront aisément pour vn Ambitieux, aussi bleu quenbsp;pour vn Victorieux; mais ie m’asseure que les gens denbsp;bien et les bons Francois ne Ie voudront pas condamner,nbsp;puisque les Espagnols et les Allemands en parlent si la-borieusement. II n’y a que la poltronnerie et la subtiliténbsp;d’vn italien qui y puissent trouuer a redire, quand ilnbsp;accuse M. Ie P. de leur donner des batailles auec cenbsp;beau raisonnement (que s’il les gagne, il a droit de de-mander quelque recompense; et s’il les perd, il est plusnbsp;nécessaire). A moins que d’auoir perdu Ie sens, per-sonne ne pouuoit faire vn crime de cela, si ce n’estnbsp;celuy qui fait des crimes de léze maiesté a M. de Bou-queual de porter des glands a son rabbatb Voila denbsp;dignes pensées d’vn si grand ministro! Voila eet bommenbsp;surnaturel, qui est Ie Surintendant de l’éducation etnbsp;I’instructeur du plus grand des Roys ! Il a vne autrenbsp;preuue de l’ambition de M. Ie Prince qui Ie rend aussinbsp;criminel que la première. II a dit : il refuse Ie comman-dement de l’Arraée, cette dernière campagne. C’est vnnbsp;péché d’obmission tout au plus, mais non d’ambition.nbsp;Certainement c’est examiner de bien prés la conduitenbsp;de M. Ie Prince, si en sept ans de trauail, il n’a pas punbsp;mériter vne excuse de trois mois sans deuenir coupable.
Est ce abuser de sa gloire que de n’aller pas tous les ans a la guerre ? Est ce abuser de ses emplois quenbsp;d’auoir apporté aux pieds du Roy toutes les campagnesnbsp;qu’il a faites, tant d’Estendars et de Clefs de villes etnbsp;de places considerables? Si M. Ie Prince n’est pas assez
* Voyez dans Ie premier volume la Lettre a Monsieur Ie Cardinal^ burlesque.
-ocr page 45-quot;saillant, s’il n’en a pas assez fait pour vous et pour ^ Estat, vous estes bien difficile a contenter. II a sacri-fié pour vous plaire, contre sou sens et contre son coeur,nbsp;aussi bien que contre Ie nostre, Ie prix de tant de sev-uices qu’il auoit rendus, qui estoit l’estime et l’affectionnbsp;générale de tout Ie monde; enfin il vous asauué; et vousnbsp;Ie perdez pour recompense.
Que ceux qui se fient en vous, sont aueuglez ! et que ‘e préuoy de grands malheurs pour eux si vous ne ces-sez en effet aussi bien que de nom d’estre M., c’est-a-dire, Ie plus perfide et Ie plus ingrat de tous lesnbsp;hommes! Vous ne ressemblez pas a ce Lion reconnais-sant que 1’ancienne Rome vit combattre pour vn gla-diateur qui lui auoit tiré vne espine du pled, puisqu’ennbsp;ayant autant dans Ie coeur et dans la teste que d’imagi-nations, et en ayant esté déliuré par sa valeur, vous Ienbsp;décbirez a présent et luy ostez la liberté qu’il vous anbsp;Jonnée , et luy voulez rauir l’honneur qu’il vous a con-serué. Est ce paree qu’il n’a pas esté d’auis du mariagenbsp;de votre Niepce, dont il auoit, dites-vous, trouué l’al-liance si fort utile a la France, ou bien paree qu’il auoitnbsp;l’audace de consentir au mariage de M. de Richelieu i’nbsp;N’y a-t-il que vous qui ayez droit de marier vos parentes ? lugez qui vous estes et qui sont vos Niepces; etnbsp;regardez s’il y a rien de plus grand dans Ie Royaumenbsp;4tie M. de Mereoeur, a qui vous en destiniez vne; ienbsp;rt’ose penser aux autres, puisque vostre premier vol vanbsp;si loing. Que ne ferez-vous point quand vous aureznbsp;^’aisle plus forte ? et après, voyez si Ie premier Princenbsp;du Sang est moins que vous, si M”' de Pont ne vautnbsp;pas mieux que toutes vos Niepces , et si tous les Fauorisnbsp;P^uuent entrer en comparaison auec M. de Mereoeur.
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C’est cela que l’on peut uomirier ambition déréglée; c’est abuser de vostre emploi que d’emprisonner lesnbsp;Princes; c’est abuser de l’esprit de Ia Reyne et de celuynbsp;de Monsieur que de leur imposer tant de faussetez pournbsp;leur donner de la colère contre M. Ie Prince. L’Estat oünbsp;estoit la Normandie, Ie Berry et la Bourgogne et Belle-garde, auec cent quarante mousquets, sans poudre etnbsp;sans boulets, sont les preuues conuaincantes de vostrenbsp;calomnie et de leur innocence; et ie m’asseure, Messieurs, que s’il vous plaist de faire reflexion sur Ie passé,nbsp;et sur ce que M. Ie Prince a pu, s’il l’auoit voulu, etnbsp;comme aux derniers temps, il se contentoit a Saintnbsp;Maur de s’amuser et de se diuertir auec ses domes-tiques, vous iugerez sans doute que ce Prince n’auoitnbsp;pas tant d’ambition qu’on luy en donne, et que desnbsp;défauts de la ieunesse, il n’auoit que la simplicité et lanbsp;crédulité qui Ie menèrent a Saint Germain (pour nenbsp;point quitter Ie Roy) et qui 1’ont conduit dans Ie Boisnbsp;de Vincennes, ou les eharmes et la puissance qu’exercenbsp;Ie M. sur l’esprit de la Reyne et de Monsieur, Ie retien-nent, et non pas Ie bien de l’Estat et de la iustice, commenbsp;il Ie veilt faire croire, qui demandent au contraire sanbsp;liberté, laquelle ne peut estre contredite que par denbsp;lasches ennemis, ou par ceux qui ayment mieux partagernbsp;auec luy la tyrannic que de l’abbattre et de la destruirenbsp;entièrement, ou qui preferent leur colère particuliere anbsp;leur bien propre et a la paix générale, qui est pourtantnbsp;si nécessaire au peuple qu’ils trompent et qu’ils acbèuentnbsp;de ruyner en faisant semblant de Ie venger; et cepen-dant ces gens la se font appeler les pères du peuple.
Vous voyez. Messieurs, c[ue tons les crimes que l’on impute a Messieurs les Princes, ressemblent aux pour-
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nous pensions estre sortis pour iainais et qui seront d’autant plus grands que remprisonnement de ces troisnbsp;Princes ne laisse plus rien d’inuiolable a l’audace de lanbsp;fortune, qu’elle entraisne auec soy la ruine des peuplesnbsp;et l’iinpossibilité de faire la paix, et qu’elle donne lanbsp;puissance a M. de se vanger de Paris et du Parlement,nbsp;qu’il a voulu mettre a feu et a sang auant qu’il luy eustnbsp;fait aucune iniure.
Préuenez, Messieurs, s’il vous plaict, par vostre prudence, tant de maux dont nous sommes menacez.nbsp;Souuenez vous que Ie M. est de Sicile, et des cruauteznbsp;qui s’exercent a Naples. Ne considérez pas l’lmprudencenbsp;des premiers mouuemens qui font assez souuent, aussinbsp;bien que Ie menu peuple, des iours de Festes des ioursnbsp;de leur ruine. Faites lustice a ces Princes •, conseruez Ienbsp;Sang Royal qui fait subsister Ie Corps de l’Estat. Re-pensez aux seruices véritables que ces Princes ont rendus,nbsp;et aux auantages que la France a receus de tant de Vic-toires remportées sur les ennemis; dissipez les fauxnbsp;soubcons que l’on a voulu malicieusement faire prendrenbsp;de la fidélité incorruptible de ces Princes; destroinpeznbsp;l’espritdeM.; faites luy connoistre que la protectionnbsp;de M. (^Mazariii) blesse sa reputation, que celaseulfaitnbsp;tout Ie crime de M. Ie P. Failes-le souuenir des persecutions qu’il a souffertes d’vn autre Fauory qui a in-struit celuy cy de ses maximes, de ses artifices et de sesnbsp;exemples. Dites luy que M. Ie P. est Ie reieston illustre,nbsp;Ie greffe u’honneur et de vertu de cette noble Souche denbsp;Montmorency, qu’il est Ie neueu de eet Héros incomparable qui combatit et qui mourut pour luy. Faites-luynbsp;voir Madame la Princesse tout en larmes qui luy demandenbsp;ses enfans; excitez sa gratitude, et que s’il ne peut
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redonner la vie a Tonde, il est en quelque sorte oblige procurer a la soeur et aux neueux la liberté. Enfin,nbsp;Messieurs, faites luy entendre qu’il y a deux Princes denbsp;inaison de Bourbon qui ont Thonneur d’estre de sonnbsp;, que la Nature auec vous luy demande lustice pournbsp;®ux; et s’il n’y a point d’arbre qui ne plie et qui ne senbsp;plaigne, quelque sauuage qu’il puisse estre, quand vnenbsp;tgt;i’anche luy est arrachée par la tempeste, ne doutez pasnbsp;Ie roeilleur Prince du monde ne soit sensiblementnbsp;touché de leur malheur. Pour moi, qui considère cettenbsp;grande Compagnie comme Ie zèle et Ie refuge des Inno-cens, comme Ie temple de la lustice, ou les choses sontnbsp;pesées au poids du sanctuaire, ie sais bien que ces Princesnbsp;ne scauroient manquer d’auoir de puissans protecteurs,nbsp;et cju’après que tant de sages Sénateurs auront remonstrénbsp;a son Altesse Royale que M. Ie P. est son bras droit,nbsp;que Ie bien de TEstat Ie luy demande, cjue c’est Ie moyennbsp;d’auoir la paix, ie me promets et ie m’asseure quenbsp;M. obtiendra du Roy cette grace et s’y portera d’autantnbsp;plus volontiers que de toutes les vertus qui Ie rendrontnbsp;célèbre a tous les sledes, celle de sauuer M. Ie P. luy seranbsp;la plus glorleuse et la plus honorable, la plus vtlle a lanbsp;France et a tous les peuples, et dont Ie Parlement luynbsp;puisse demeurer plus redeuable.
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(18 janvier 1650.)
Les suiets d vne l\epublique ou Monarchie sont heu-reux quand ils viuent selon les lois et qu’ils ne crai-gnent pas que 1’on les recherche, ny que 1’on entre-prenne centre leurs biens et personnes que par les voyes ordinaires de la iustice. Lors vn homme est sans inquietude qui est sans crime ; et celuy la se peut dire aunbsp;milieu de ses enneinis asseure dans ses biens et sa vie,nbsp;qui est innocent. Anciennement la France se gouuernoitnbsp;dans cet ordre et par ces maximes. II n’y auoit pointnbsp;de prisons legitimes que les Conciergeries des Parle-mens et celles des luges ordinaires ; et si quelquefois lesnbsp;Roys s’en sont seruis d’autres, c’a este fort rarement,nbsp;comine es Dues de Nemours, d’Alencon et Connestablenbsp;de Saint Paul; et encore leurs Maiestez en ont tousioursnbsp;laisse I’entiere disposition a leurs luges; sinon depuisnbsp;quelque temps que la flatterie a fait croire aux Ministresnbsp;qu’ils auoient puissance de tout faire irapunément, etnbsp;que non seulement sur vn soupcon, inais mesmesnbsp;que sur I’apprehension de la resuerie d’vn songe, ilsnbsp;pouuoient emprisonner les plus gens de bien; de sortenbsp;que nous auons veu principalement depuis la Regence,nbsp;Pignerol, la Bastille, le Bois de Vincennes et la plus-part des Chasteaux et Citadelles du Royaume remplies
Cette piece repète souvent les arguments du Discours qui précède; mai.s comme elle les développe et les compléte aussi quelquefois, j’ai crunbsp;quHl étall i\ propos d’eu donuer des extraits.
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personnes de toutes conditions et sans en scauoir la raison- et lorsque Ton a voulu en faire paroistre lesnbsp;“motifs a la lustice pour les Dues de Beaufort et de Lanbsp;Mothe, les Parlemens les ont trouuez si foibles que lesnbsp;Ministres n’en ont receu que de la bonte et de la confusion •, ce qui n’a pas néantmoins empesché que ces Inno-oens n’ayent pasty.
Les claineurs et les plaintes d’vn si grand nombre affligez esmeurent et obligèrent, l’année dernière, Ienbsp;Larlement a faire des Remontrances au Roy, a ce quenbsp;pour la seureté des personnes, aucun de quelque qualiténbsp;condition qu’il peust estre, ne seroit traisté a l’auenirnbsp;Oriminellement que selon les formes prescrites par les loixnbsp;ilu Royaunie; ce qui fut accordé par sa Maiesté aunbsp;quinzième article de sa Declaration du 22 octobre 1648.nbsp;^ais vne si sainte Ordonnance n’a pas diuerty les Mi-nistres de continuer leurs désordres. Ils ont tenu vn annbsp;prisonnier Ie Mareschal de Rantzau ‘ sans que Ie Parlement ny les luges ordinaires ayent eu connoissance desnbsp;causes de son emprisonnement, n’y ayant pas eu denbsp;plainte sur la contrauention de cette ordonnance en lanbsp;personne d’vn Officier de la Couronne. Ils ont cru pou-Uoir entreprendre la inesine chose contre deux Princesnbsp;Sang et vn autre Prince des plus considerables quinbsp;^oient en France, ayant fait arrester prisonnier au Boisnbsp;ilo Vincennes Messieurs les Princes de Condé et de Conty,nbsp;®uec M. Ie Due de Longueuille leur beau-frère; etnbsp;‘^’autant que cette action est sans exemple dans la Mi-Oorité des Roys, ils ont voulu la colorer par vne let-
' Le inaréclial de Rantzau fut arrété eu 1649 a Saint-Germain pendant siége de Paris, peut-être a cause de la Lettre de M. Ie maréchal dtnbsp;^°ntzau.... a Monseigneur Ie Due iTOrleans [2024],
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tre ’ qiie l’on a publiéo au nom de sa Malesté, dans la-([uelle ils ont estabü beaucoup de foibles prétextes pour maintenif vne eiitreprise si extraordinaire, qui oste au Roynbsp;Ie plus fort soustien qu’il ait dans sa minorité, et dés-arme Ie plus trioinphant ennemy qu’ait l’Espagne. Etnbsp;coinrne véritablement il falloit que les motifs de cette detention fussent bien puissans pour faire approuuer lanbsp;iustice d’vne telle action, aussi peut on dire sans blessernbsp;Ie respect deu aux Ministres que Ie sieur de Gué-ncgaud auroit mieux fait pour leur gloire de taire la lé-gèreté de ceux qui sont escrits, que de les publier, sinbsp;on ne luy auoit pas donné charge de faire paroistre in-noccns ceux que l’on rendoit malheureux sans estre cou-pables.
Les premiers vsurpateurs et conquérans de Monarchies , comme ont esté les Césars dans l’Empire Romain, les Frederic et Gustaue dans les Royaumes de Danemarknbsp;et de Suède, captiuoient la bienueillance des peuples,nbsp;s’intéressoient dans leurs misères, flattoient leurs mou-uertiens, prenoient leur party et protection dans les rencontres OU ils cherchoient a se déliurer de leurs oppressions. Au contraire il semble que ce Prince se soit estudiénbsp;a s’attirer l’auersion des peuples pour oster tout umbrage a son Roy. Il scauoit bien qu’il falloit peu de cho-ses auec sa reputation et sa gloire pour donner ialousienbsp;a son maistre. La protection qu’il donna I’an passé aunbsp;Cardinal Mazai’in durant les troubles de Paris centrenbsp;tous lesvoeux de la France, en est vne preuue euidentenbsp;et funeste. On peut dire qu’il n’est mainlenant prison-
‘ Du i9 janvier 1650.
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pour auoir empesché Mazarin de 1’estre, et qu’il ® perdu la liberté pourl’auoir conseruée a celuy cy, quinbsp;^ ^ P®yé de sa monnoye ordinaire enuers tous ses bien-faiteurs qu’il fait gloire de destruire. C’est luy qui anbsp;''Hide la question si longtemps débattue entre les Philo-sophes, qui est Ie plus grand benefice, celuy de la créa-bon OU conseruation ; car il les a logez et réduits anbsp;Hiesme point : scauoir au Bois de Vincennes, Cbauigny ‘nbsp;ce Prince.
Paris tendoit les bras a ce Prince et tout Ie Royaume ^ui ouuroit Ie coeur, s’il eust voulu conspirer a la ruynenbsp;de Mazarin , en laquelle néantmoins Ie temps luy a faitnbsp;veoiret a nous qu’il auoit plus d’intérest qu’aucun autre.nbsp;P auroit done profile d’vne si belle occasion et se seroitnbsp;fait aimer dans sa liberté, s’il eust eu dessein de monternbsp;a la Souueraineté, puisqu’il n’y a pas de voyes plusnbsp;courtes et de marches plus faciles aux Couronnes et auxnbsp;Sceptres que la bienueillance des peoples, et auroit esténbsp;plaint et regretté dans sa disgrace.
Chacun scait la consternation que toute la France eut la mort de Messieurs de Guyse a Blois, accusez d’as-pirer a la Souueraineté. L’amour et la créance qu’ilsnbsp;HUoient des peuples, donna au Boy de iustes defiancesnbsp;de leurs desseins. Le deuil general du Royaume pournbsp;^ette perte qui causa vn embrasement vniuersel parniynbsp;peuples, pouuoit confirmer le Roy dans ses ombrages.nbsp;Mais oü sont les acclamations du monde pour ia per-^onne de ce Prince dans les derniers temps et depuisnbsp;4H’il a maintenu le Cardinal? Qui a veu tomber des
' Léon le Boutliilier, comte de Chavigny, mlnlstre secrétaire d’État.
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lannes ou letter des soupirs et des regrets aux peuples en sa disgrace et detention ? Ce seroient la des marquésnbsp;hien plus vraysemblables de ses proiets et de son ambition que tons les foibles moyens qu’on employe pournbsp;attaquer vne fidélité incomparable. II est done vray denbsp;dire par toutes les maximes politiques que la conduitenbsp;qu’a eue M. Ie Prince iusques icy, Ie iustifie asseznbsp;netteinent de la pretention dont on 1’accuse de Souue-raineté.
Car pour auoir desire des places dans les gouuerne-mens, premièrement il n’y en a pas vne qui ne vienne de feu Monsieur son Père. De plus cela est dans l’ordrenbsp;accoustumé et sans enuie. II n’y a point de Gouuerneurnbsp;qui ne possède et ne desire des places dans la Prouincenbsp;qu’il commande, pour y maintenir Tauthorité du Roynbsp;et la sienne. M. Ie Due d’Orléans a dans Ie Languedoc, Montpellier, Ie Pont Sainct Esprit et Brescou.nbsp;M. Ie Due de Bellegarde, Gouuerneur de la Bourgogne auant feu M. Ie Prince, auoit Ie Cbasteau denbsp;Dijon, Verdun, Sainct lean de Laune et Bellegarde,nbsp;que l’on enuie tant auiourd’huy a M. Ie Prince.nbsp;Le Connétable * auoit dans la Picardie, Amiens, Calais,nbsp;et Boulogne; M. de Lesdiguières, dans le Dauphiué,nbsp;le Cbasteau de Grenoble et le Fort de Barrau. Lenbsp;Due de Montbazon a dans celuy de l’Isle de Francenbsp;Cliauny, Soissons et Noyon •, M. de La Meillerayenbsp;en Bretagne, Blauet, Nantes et Guerrande. Et Ton n’anbsp;iamais pour cela accuse aucun de ces Messieurs d’aspirernbsp;a la Souueraineté. Pourquoy done sur de pareils fonde-mens bastir contre celuy cy seul de si différentes consé-
' De Luvnei.
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quences ? Après, l’estat auquel se sont trouuées en sa detention toutes ses places, tant en Bourgogne, Cham-
pagne que ISïorinandie, dépourueues de munitions, de soldats et d’argent, fait bien remarquer 1 iniustice denbsp;ce soupqon et l’innocence des desseins du Prince plusnbsp;tost que son ambition.
C est bien parler légèrement et inutileraent de dire 'l't 11 est Ie plus riebe suiet qui soit au monde. Tous lesnbsp;^lens qu’il possède, ne sont ils pas encore au dessous denbsp;oaissance et hors d’enuie ? Qui auroit droit légitimenbsp;richesses et aduantages d’vne maison et Royaumenbsp;ceux du .Sang et de la familie ? Mais au contraire oil on trouue a redire, c’est que Ie Cardinalnbsp;^stant Ie plus pauure suiet du Roy d’Espagne par sanbsp;ï'aissance, est deuenu auiourdhuy Ie plus riebe Ban-quier et Marchand de France; c’est que tout luy estantnbsp;interdit a cause de son extraction par les loix dunbsp;Royaume, il tient néantmoins et vsurpe tout par sa fa-ueuv et violence.
He plus il n’y a pas de nation ou il n’y ait de plus riebes suiets que M. Ie Prince, comme en Espa-gae Ie Marquis de Cosmar; en Allemagne Ie moindrenbsp;petit Prince suiet de l’Ernpire; en Irlande Ie Comte d’Or-^lont; en Pologne Ie Prince de PLazeuille; en Italië lesnbsp;^onnestables de Colonne; en France M. de Guyse, sansnbsp;parler de la maison de Vendosme.
Et quant aux Bénéfices, il y en auoit deux fois plus entre les mains de M. de Guyse d’auiourd’buynbsp;qu en celles de Monsieur son frère. Mais sans cberchernbsp;autres exemples que Ie Cardinal Mazarin , celuy-cy nenbsp;possède-t-il pas a la bonte de la France plus d’Abbayes
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et de Benefices que Ie Prince de Conty, que M. de Metz ‘ et tons les autres Eclésiastiques ensemble ?
On diroit a entendre cette lettre que tons les Éues-chez et Gouuernemens ne soient remplis que de ses creatures et doinestiques ; et cependant nous n’auons veu que deux personnes paruenir aux Eueschez par sa re-commandation, qui s’y fussent bien esleuez d’ailleursnbsp;par leur mérite ou naissance, scauoir l’Evesque d’An-goulesme d’auiourd’huy, Gentilhomme de condition,nbsp;Nepueu de feu M. d’Eureux* et duquel deux frèresnbsp;auoient esté tuez pour Ie seruice du Roy dans vn mesmenbsp;iour et combat. L’autre est Ie sieur de Memac de la mai-son de Ventadour, nommé a rArcheuesché de Bourges.nbsp;Ou sont ses autres amis, creatures et domestiques quinbsp;ayent eu aucune Abbaye ou Benefice ? Mais pour Ie Cardinal Mazarin, il retient tout pour luy ; et Ie reste qu’ilnbsp;ne peut réseruer, il Ie met en commerce et Ie trocque.nbsp;Y a-t-il vn seul Bénéficier auprès de luy, soit Italien,nbsp;soit Francois, qui ne soit aussitost remply ? N’a-t-il pasnbsp;fait vn Aumosnier de son frère, aux dépens du Roy,nbsp;éuesque d’Orange^, et vn maistre de Chambre, fils d’vnnbsp;linger, Euesque de Coutances ? Les Cardinaux d’Am-boise, de Tournon et Ricbelieu tenoient vn homme dixnbsp;ans auprès d’eux auparauant de 1’aduancer en l’Episco-pat; mais celuy cy les pousse en vn moment. II est vraynbsp;que la gloire de seruir de si grands hommes que les premiers, pouuoit seruir de recompense a ceux qui estoientnbsp;attachez a eux ; mais la bonte de seruir celuy cy ne peut
' Henri de Bourbon, évéque de Metz et abbé de Saint-Germain des Prés.
* FjIo}' Boutault.
' Hyacinthe Serroni.
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excusée ny adoucie que par l’espérance des Béné-et bienfaits, desquels il a l’entière disposition.
Quand aux Goiiuernemens qu’on reproche luy auoir esté accordez ou a ses creatures, excepte Clermont etnbsp;Stenay que lalettre nomme, tons les autres sontoubliez,nbsp;autant qu’il n’y en a pas eu dauantage. Quoy on plain-deux Gouuernemens de Places a vn Prince qui en anbsp;^“ïiquis tant a la France, entre lesquels sont Dunker-j Thionuille et Philipsbourg, les meilleures placesnbsp;de 1 Europe ; qui a estendu ses limites iusques a 1 Ocean;
a subiugué I’AHemagne et fait trembler et périr tant de fois toutes les forces d’Espagne ?
Ca créance qu’il auoit dans les trouppes doit-elle estre Cause de sa perte ? Elle est fondée sur sa valeur etnbsp;^e)nne fortune, qui sont deux cboses fauorables a vn Estat.
Maiesté se plaint elle du crédit qu’il auoit dans les troupes Allemandes ? L’a il offense pour l’auoir employénbsp;passé a désarmer en vn moment Ie Marescbal de Tu-^enue qui amenoit toutes ses forces au secours de Paris,nbsp;elles ne luy eussent écbappé par les seuls moyens etnbsp;P^^tiques du Prince de Condé, qui escriuit aux Colonelsnbsp;^llemands pour les engager et retenir au seruice du Roy.
N est ce pas vne des plus recommandables parties d’vn Capitaine de s’insinuer dans l’esprit des soldats etnbsp;de gagner leur créance ? L’histoire de toutes les nationsnbsp;’^ous apprend qu’vne armee est demy défaite qui estnbsp;conduite par vn General qu’elle n’estime pas. Au con-’^caire, ce ne sont cpie presages de victoires, que bonsnbsp;^^gures et espérances d’beureux succez parmi lesnbsp;®cldats qui se voient coromandez par vn Cbef de répu-*^tiou. Et c’est pourquoy lorsque les armées du Roy
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auoient a leur teste M. Ie Prince, on pouuoit (lire auec vérité et sans vanité ce qu’autrefois disoil Romenbsp;cl’Alexandre Séuère : que la France ne deuoit riennbsp;cvaindrepuisqu’elle auoit Ie Prince de Condé. Si les geusnbsp;de guerre s’adressoient a lui plus souuent cju’a nul autrenbsp;pour obtenir des charges, pouuoit-il en conscience et auecnbsp;honneur s’empescher de les secourir et espargner enuersnbsp;sa Maieste ses recommandations pour ceux qul n’auoientnbsp;pas auec lui espargné leur sang pour son sendee?
C’est vn prince si plein de gloire dans les armes qu’vn homine se sentoit autant oblige de ses sollicitationsnbsp;coinme dcs bienfaicts des autres. Voices on peut dire denbsp;luy ce que plusieurs disoient d’Auguste scion le rapport de Crispus Passienus ; quon prisoit dauantagenbsp;I'estirne qu’apportoient ses bienfaits ou recornmanda-tions que le don, pour ce que le faisant auec connois-sance de cause, il donnoit de I'honneur a celuj uuquelnbsp;il procuroil du hien. Il luy appartenoit a bon titre denbsp;disceruer le poids et le prix de la valeur et mérite desnbsp;soldats et Capitaines; et son approbation pouuoit estrenbsp;vne iuste mesure a sa Maieste pour le cboix et la distribution des graces et faueurs de la guerre. En vn mot,nbsp;s’il eust este cjuestion de scauoir qui estoit le meilleurnbsp;ioueur de Hoc, le Prince ne deuoit pas estre escoutenbsp;contre les aduis du Cardinal, qui ralTine en tons les ieuxnbsp;de passe-passe. Mais pour les charges de la guerre quinbsp;se donnent a la valeur, qui s’acquierent a la pointe denbsp;I’espee et au peril de la vie, il n’y auoit point de suffrages dans le Conseil plus considerables que ceux d’viinbsp;grand Capitaine comme luy, c{ui estoit tesmoin de toutesnbsp;les belles actions (jui s’estoient faites dans les armecs, ctnbsp;qui auoit este si souuent triomphant de I’Espagne cju’il
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pouuoit dire ce que Maximin escriuoit au Sénat de ^oine : qiCil auoit fait tant de prisonniers qua peine
^^tendue de ïEmpire estoit-elle capable de les con-
Les insolences et désordres des troupes ne scauroient ^ui estre imputez, mais au Cardinal qui a rouge les en-*^railles de l’Estat, sucé Ie sang du peuple et espuisé toutnbsp;Je Royaume de finances; estant infaillible que c’est Ienbsp;®^^iiquement d’argent qui empesche la discipline desnbsp;^tniees et qui ouure la porte a toutes les violences qu’vunbsp;^énéral est force de dissimuler, quand on ii’a aucimenbsp;solde a lui donner.
Le Prince de Condé n’estoit pas 1’an passé dans la Lhampagne oü Ton exercoit toutes sortes d’hostilité etnbsp;cruauté contre la religion et païsans de la prouince.nbsp;Les plaintes sont uniuerselles en tous les endroits, lieuxnbsp;pais oil la nécessité de la guerre appelle des troupesnbsp;sans finances. Si la voix des peoples qui languissent dansnbsp;le Royaume, n’est pas assez forte pour se faire entendrenbsp;*ur ce suiet a sa Maiesté, combien a-t-elle veu d’Ambassadeurs et de plaintes de la part de la Duchesse de Sa-tioye * et de la Catalogne * pour y remédier ? Dira-t-onnbsp;que M. Ie Prince est la cause des malheurs qui affligentnbsp;accablent les Prouinces et nations oü il n’a pas esté ?nbsp;Lertes la cause de tous nos maux est en France, quinbsp;6st le Cardinal; et le remède qui est l’argent, pour ceuxnbsp;y font ses troupes, est en Italië, d’oü il ne le fera
' ta Champagne désoléepar Varmée d'Erlach [677].
* nbsp;nbsp;nbsp;t-'Ambassadeur de Sauoie emwje du mandement de son Jltesse.... a la
Régente, etc. [70].
* nbsp;nbsp;nbsp;Ambassadeur des Ètals de Catalogue.... enuoyé dia Reine Régente....nbsp;‘°‘^chant les affaires de ceite Prouince, etc. [71],
II nbsp;nbsp;nbsp;4
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CHOIX
pas retourner. G’est la puissante raison qui diuertit ce Prince de s’engager au commandement de l’arniée, l’esténbsp;passé. Les triomphes et les lauriers cessoient de luynbsp;plaire, qui coustoient tant de larmes et de soupirs aunbsp;peuple. II aiinoit mieux que Ton ne comptast pas sesnbsp;victoires durant cette campagne que de veoir et entendrenbsp;raconter les désordres que sont contraintes de causer desnbsp;troupes qui ne sont pas payees. Et puis certes vn Princenbsp;qui a trauaillé continuellement durant sept années de lanbsp;Régence et qui auoit fatigue et esté tout l’hyuer précédent sous les armes, pouuoit bien se reposer trois ounbsp;quatre mois d’vne campagne suiuante, ny ayant pasnbsp;d’homme qui a Ia fin ne se lasse au trauail et a la peine.nbsp;C’est néantmoins vn des crimes qu’on luy obiecte, duquelnbsp;on n’auroit maintenant aucune peine a Ie iustifier, s’ilnbsp;auoit passé l’hiuer précédent comme l’esté.
Les différentes partialitez qu’il a témoignées auoir pour Ie Gouuerneur de Prouence contre son Parlement, etnbsp;pour Ie Parlement de Bordeaux contre son Gouuerneur,nbsp;ne sont pas si estranges. L’vn est son Gousin germain,nbsp;qui a esté fait prisonnier et fort mal traisté du Parlementnbsp;de Prouence; et l’autre Gouuerneur ne Test pas, etnbsp;d’ailleurs auoit resueillé sans cause et renouuellé tonsnbsp;les troubles de la Guyenné. H y a desia en ce point lanbsp;mesme raison pour laquelle nous remarquons que Ienbsp;Gardinal protégé contre l’Eglise et la Prouince denbsp;Guyenne M. d’Espernon plus que les autres Gouuer-neurs, a cause de l’espérance qu’il a de luy donnernbsp;vne de ses niepces pour M. de Gandalle; outrenbsp;que par vn public consentement on trouue que Messieursnbsp;de Guyenne auoient plus de iustice et de raison de senbsp;plaindre des outrages et entreprises du Due d’Esper-
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non que non pas ceux de Prouence du Comte d’Alets;
partant sans auoir esgard a la parente ou amitié, il pouuoit soustenir Ie mérite de la cause d’vu Parlementnbsp;estre contraire a 1’autre.
/
* • • .
Les propositions qui sont mises en auant, qu’il deman-doit vne armee pour réduire la Franche-Comté et la posséder en Souueraineté, aussi bien que nos autresnbsp;pi’ises de Flandres, sont de la nature des crimes qui sontnbsp;^isez a inuenter contre vn prisonnier, mais difficiles anbsp;Pi'ouuer. Son ambition en cela auroit esté louable; et ilnbsp;y a pas lieu d’excuse ou il n’y a pas de faute. Ce nenbsp;seroit pas Ie premier Prince du Sang et suiet de la Cou-^’Onne qui auroit esté aydé par nos Roys a la conquestenbsp;^’vn pays Souuerain. Charles huictième n’assista-t-il pasnbsp;pareilles entreprises Ie Due d’Orléans son frère‘ anbsp;^onquérir Ie Milanais? La maison de France n’a-t-ellenbsp;souuent employé ses forces et sa puissance pournbsp;^yder les Dues d’Aniou a se rendre Maistres et Souue-'¦^ins de Naples? Henry troisième ne donna-t-il pas desnbsp;forces et du secours au Due d’Alencon son frère pournbsp;conqueste de Flandre ? N’auons-nous pas veu mesmenbsp;00 nos iours Ie feu B-oy Louys treiziesme dompter lesnbsp;*’*gueurs de 1’hiuer et passer les Alpes pour affermir etnbsp;oiaintenir Ie Due de Neuers son suiet en la Duché etnbsp;P^ys de Mantoue? Quel crime done est cea vn suiet Francois de souhaiter d’estre Souuerain aux despens du Roynbsp;d Espagne ? Quel préiudice cela feroit il a la Couronnenbsp;France ? N’y auroit il pas eu moins de péril et plusnbsp;^duantage d’auoir vn si foible voisin pour Souuerain,
' Son cousin; Ie due d’Orléans, depuis Louis XII.
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qu’vn si grand Monarque comme est Ie Roy d’Es-pagne ?
Mais comment ne taire pas ce qui est si fort a sa gloire, d’auoir esté d’aduis l’esté passé de destacher partie denbsp;notre armee de Flandre pour secourir Ie Liége et em-pescher l’oppression d’vne Ville alliée, de laquelle nousnbsp;auions receu tant de secours dans les guerres présentes ?nbsp;N’y auoit il pas plus d’lionneur et d’vtilité pour nosnbsp;armes de les employer a empescher la seruitude de nosnbsp;voisins que de les occuper a piller et brusler quelquesnbsp;villages de la campagne du Haynaut ?
Et pour la Coadiutorerie de Liége, quand vn si glo-rieux Conseil en auroit esté Ie motif, l’effect n’en auroit il pas esté profitable et honorable a la France? Ce nenbsp;scroit pas d’ailleurs Ie premier de la maison de Bourbonnbsp;qui en auroit esté Euesque. Et on demanderoit volontiersnbsp;Ie iugement du Lecteur pour scauoir s’il est plus a propos pour Ie bien de nos affaires que ce soit l’Euesquenbsp;d’Osnabruc d’auiourd’hui que M. Ie Prince de Conty ?nbsp;II y alloit done de l’honneur de la France d’escouter lanbsp;voix du Liége qui imploroit sa protection? et on imputenbsp;a crime a vn Prince d’en auoir donné Ie Conseil!
D’exalter aussi Ie don de Chantilly et de Dampmartin comme vn des plus beaux présents qui s’est iamais fait anbsp;vne seule personne, cela est ridicule, puisqu’on s’estnbsp;moins estonné du retour de ces terres en la maison d’vnnbsp;premier Prince du Sang, beau-frère de M. de Montmorency, que de la réserue qu’en auoit fait Ie feu Roy; etnbsp;que chacun scait que les Roys en France, a 1’imitationnbsp;de 1’Empereur Adrien, ne profitent pas des biens con-fisquez et ne veulent pas qu’ils entrent dans leur Espar-
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son crime ? Le Due de Richelieu n’a pu se marier sans le consentement du Roy et de laReyne; cela estvray,s’ilnbsp;eust fait qiielque alliance hors du Royaume, mais nonnbsp;pas pour celles qui se contractent en France, Pourquoynbsp;maintenant le Due de Richelieu luy auroit-il promis lenbsp;Haure ? Ne payoit-il pas bien ce bon office sur le champ,nbsp;sans luy donner encore de retour la place ?
Le sieur de Guenegaud fait fort bien de passer sous silence les promotions aux Breuets de Dues et Mares-chaux de France qui ont este accordez a la recom-mandalion de M. le Prince. Nous n’auons pour I’vnnbsp;que le Mareschal de Gassion. Chacun a connu par lesnbsp;seruices qu’il a rendus en cette quallte, qu’il meritoit cetnbsp;honneur. La bataille de B.ocroy ou 11 seruit si digne-ment, fut le motif de la recommandation de M. lenbsp;Prince. Ou est en cela la faute et le suiet de ce reproche ?nbsp;Pour le Breuet de Due, on ne peut remarquer que feunbsp;M. de Chastillon, lequel sans appuy de M. le Princenbsp;pouuoit bien se promettre de la Reyne vn traitement pared a celuy de Messieurs de Liancourt et de Tresmes.nbsp;La mort, les seruices de son pere et les siens en tantnbsp;de batailles et de rencontres, n’etoient ce pas de beauxnbsp;degrez pour monter a la gloire et luy faire espérer lanbsp;continuation des honneurs qui auoient este accordeznbsp;pour recompense a son pere ?
Ne seroit il pas a souhaiter a la Reyne pour la gloire de sa Regence et I’aduantage de cette Couronne, qu’ellenbsp;eustsouuentles mesmes occasions de distribuer ses graces?nbsp;L’enuie ne règnera pas tant dans la cour quand ellenbsp;appliquera si iustement ses bienfaits, qui n’auront iamaisnbsp;aucune suite ny consequence a craindre.
Quant a sa pretention a I’Admiraute, elle semble assez
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mste et excusable, puisqu’elle vaquoit par la mort de ®on beau-frère et qu’il eust esté maintenant tres glorieuxnbsp;3 la France de Ie veoir aussi heureusement commandernbsp;sur mer, comme il faisoit sur tei’re. Et certes n’auoit ilnbsp;pas vn fondement bien légitime de croire auec tout Ienbsp;uionde que cette charge passoit par les mains de la Reynenbsp;pour tomber plus doucement en celles du Cardinal, quinbsp;‘ a tousiours depuis maniée et en a retire tons les reuenusnbsp;aduantages ? Mais pendant que Ie Prince triompboitnbsp;oontinueliement sur la terre par Ie succes de ses armes,nbsp;lo Cardinal faisoit triompher 1’Espagnol sur mer, lanbsp;ï^^rance n’ayant eu que malheurs et disgraces dans lesnbsp;^rmées nauales depuis qu’il en a pris la direction. Cenbsp;u’ont esté que sorties de port a contre temps, que bi’i-semens de vaisseauxet escueils de galères. Les meilleuresnbsp;uouuelles qui venoient de la, estoient les moindres pertes;
chacun scait ce que ses chimères du costé d’Italie ont oousté a la couronne et combien la dernlère descentenbsp;^ux Costes de Naples sur ses ordres fut iudicieuse. Tandisnbsp;*iue toute cette grande Ville estoit aux feux et aux armes,nbsp;^’armée nauale cherchoit vn chapeau pour son frère, aunbsp;lieu de prendre vn Royaume pour la France, ou de Ienbsp;faire perdre a l’Espagne. Mais quand l’Espagnol en eutnbsp;eahné les mouuemens et l’eut rédulte a son obéissance,nbsp;pour lors Ie Cardinal qui auoit des intelligences secretesnbsp;^l^ns Ie pais, y enuoya eschouer notre armee et deschar-ger plusieurs pieces de canon sur ses lüuages, que nousnbsp;y laissames pour marque de notre belle entreprise. Sansnbsp;Oous arrester aux éuenemens, qui ne louera la Politiquenbsp;générosité du Cardinal d’auoir trouué plus a proposnbsp;plus glorieux pour la France d’attaquer l’Espagnolnbsp;l^aples dans ses prospéritez que de se ioindre, Fan-
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née de deuant, aux troubles qu’il y auoit pour l’acca-bler ?
II eust été done plusaduantageux a la France que M. Ie Prince eust esté Sur-Intendant des Mers , que Mazarinnbsp;Ie Directeur. Toulon et Marseille ne pleureroient pas Ienbsp;Iriste debris de la puissance qui nous rendoit auparauantnbsp;qu’il s’en fust meslé, redoutables; et nous aurions plus denbsp;reputation sur mer, plus de vaisseaux et de galères dansnbsp;nos ports que nous n auons pas, et plus d’argent dansnbsp;l’Espargne-, les vaisseaux et galères ne s’étant ruinées etnbsp;perdues que pour en auoir trop peu receu et retenu pournbsp;soy, et trop transporté pour luy.
Que si on a donné a ce Prince les Domaines de Clermont et de Stenay, c’a esté pour luy adoucir les ainer-tumes d’vne si belle despouille qu’il méritoit bien et pouuoit obtenir par tant de titres : par la qualité de beaunbsp;frère, par celle de sa naissance et par celle de la iusticenbsp;publique. Vn Prince mérite tout qui conserue tout, etnbsp;qui venoit tout fraischement, anant ces bienfaits, d’em-porter Dunkerque et estendre les limites du Royaumenbsp;et sa gloire.
Quant aux gratifications qui out esté faites de Dan-uilliers au Prince de Conty, la pension de cent mil liures et la place dans Ie Conseil, ca esté vne suite du traistónbsp;de Paris' auec Sa Maiesté; et tandis que les deux frèresnbsp;estoient d’vn parti contraire, oii estoit lors l’intelligencenbsp;entre eux pour rapporter et imputer a l’vn ce qui estnbsp;accordé a l’autre ? Pour l’entrée au Conseil durant lanbsp;minorité elle ne peut estre estimée vne grace a vn Princenbsp;du Sang, qui y a droit fondamental par sa naissance et
* Les Articles de la palx conclue et arrétée. a Ruely etc. [413].
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DE MAZARINADES.
la condition du temps, ainsi que nous avons veu cy dessus.
I-'a permission qu’on donna a feu M. Ie Prince d’ache-Bellegarde de M. Ie Due de Bellegarde, ne méritoit pas d’estre exagérée entre les bienfaits. Car Ie commercenbsp;^st libre en France d’achepter des terres; iusques lanbsp;on y a veu des roturiers acquérir des Duchez, tesmoinnbsp;larlot Ie Duché de Fronssac. C’est vne faueur qui nenbsp;refuse a personne et qu’il n’est pas mesme nécessairenbsp;d® demander au Prince, auquel il suffit de payer lesnbsp;oicts Seigneuriaux, selon la coutume du pays oü lesnbsp;'•^*’i’es sont situées.
Que si cette grace s’entend du gouuernement de Bel-^agarde, les Finances n’en ont point esté espuisées; il a P^y cousté a la Beyne. ï’ay ouy dire qu’il a esté payé aunbsp;^areschal de la Motte par sa prison, et que c’est la seulenbsp;recompense qu’il en a eue, si on ne veut lui mettrenbsp;^‘®rre en Cize‘ en ligne de compte pour eschange; denbsp;^‘^rte que 1’on peut soustenir auec vérité que la seulenbsp;f^Ueur que M. Ie Prince possède personnellement depuisnbsp;Bégence, est ie don , qui n’est pas trop certain , desnbsp;^*^iïiaines de Stenay et Clermont qui n’esgalent pas lanbsp;P^rte qu’il a faite dans sa maison de la Sur-Intendancenbsp;d® la Marine qui luy estoit due par bienscéance, a causenbsp;d® la mort de son beau-frère, tué dans Ie seruice anbsp;Orbitel.
Pour Ie Prince de Condé, on voit par ces remarques querelle d’Allemand qu’on luy a faite, et les foiblesnbsp;‘'«‘sous qu’on a eues de l’arrester auec les autres Princes
Dü il fut enfermé.
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qui ont esté entrainez dans sa disgrace. Ce sont tous pré-textes inuentez pour siller les yeux et amuser Ie monde; car la vérité de l’histoire est que les motifs contenus ennbsp;la leltre n’en sont pas la cause. C’est pourquoy pournbsp;toucher au hut, en laissant au Cardinal les souplesses denbsp;son mestier et les destours, il faut remarquer que depuisnbsp;sa Régence, la Reyne se reposant entièreraent des affairesnbsp;sur Ie Cardinal Mazarin, il a gouuerné comme en Souue-raiu, iusques a ce que la hayne des peuples et des par-lemens esclatast, l’année dernière, contre son mauuaisnbsp;gouuernement. Mais après que la protection de M. Ienbsp;Prince Teut conserué, voulant gouuerner comme aupa-rauant, il tro*.ua que les seruices et la puissance de cenbsp;Prince luy partageoient en quelque facon sa premièrenbsp;authorité; ce qui parut principalement lorsqu’il empes-cha Ie mariage de M. de Mercoeur auec sa niepce Mancininbsp;et que la Sur-Intendance de la Marine, par mesmenbsp;moyen, ne fust donnée aM. de Vendosme, comme il estoitnbsp;stipule dans les conditions du sacrifice de son fils auecnbsp;ladite Niepce.
Mescontentement qui a tellement touché Ie Cardinal qu’il n’a pas eu la force ou discrétion de Ie dissimulernbsp;dans cette lettre, Dieu l’ayant volontiers permis, afinnbsp;qu’il descouurist luy mesme les véritables motifs de la detention du Prince, parmy tant de dëguisemens dont ilnbsp;l’ombrage.
Mals a vray dire pour cette action, Ie Prince mérite d’estre loué de tout Ie monde, et non pas excuse. Aussinbsp;sa conduite fut elle autant uniuersellement approuuéenbsp;comme cette alliance estoit méprisée, laquelle il n’y anbsp;pas d’apparence qu’il ayt iugée fort utile six mois aupa-rauant comme porte ladite lettre, s’il n’auoit lors les
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de se resueiller a ce coup et d’apporter remède a cette entreprise, après laquelle ses auüieurs sont capables denbsp;tout faire, non seulement de casser les dei’nières Declarations, mais aussi de se venger de liiy; tout ce qu’il ennbsp;peut espérer, estant la faueur que promettoit Ie Cyclopenbsp;a Vlysse, d’estre mangé Ie dernier. A luy seul appartientnbsp;par priuilége et prérogatiue spéciale de pouuoir con-noistre de 1 iniure faite a des Princes de cette qualité;nbsp;et son deuoir l’oblige, pour affermir la seureté publique,nbsp;d’examiner les causes de leur emprisonnement et de lesnbsp;chastier s’ils sont coupables; 'mais aussi s’ils sont inno-cens, de faire vne punition exemplaire de ceux qui,nbsp;abusantde laminorité du Roy, ont, contre l’ordre de lanbsp;iustice, execute leur passion sur des suiets si considé-rables. II y a d’autant plus de raison en cette occurrencenbsp;que cette détention est contre les formes et les loix dunbsp;Royaume, lesquelles en temps de minorité doiuent estrenbsp;obseruées sans qu’vne Régente en vertu de son pouuoirnbsp;puisse s’en départir et les violer. Durant icelle, l’empri-sonnement des Princes du Sang est sans exemple, ainsinbsp;que nous auons remarqué; combien a plus forte raisonnbsp;doit toucher celuy cy, qui n’est fondé que sur des intrigues de cour, sur des intérests de la familie de Man-cini et sur des prétextes imaginaires qui peuuent pareil-lement enuelopper quelque innocent que ce soit, contrenbsp;la nécessité du temps qui obligeroit mesme a dissimulernbsp;OU a excuser les défauts du Prince de Condé, s’il ennbsp;auoit aucun, pour s’arrester sur sa valeur, ses grandsnbsp;seruices et sa haute reputation, qui a conserué iusquesnbsp;icy la Régence et l’Estat par ses prospéritez.
Ce prince tient Ie premier rang entre les hommes au salut desquels dans ces temps difficiles de la guerre la
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République est intéressée. II est de ces Soleils et de ces mieres qu’on ne doit point esteindre ny éclipser parmynbsp;s tenèbres qui couurent la France; c’est vn trésor cachenbsp;^lestimable dans les conionctures qui nous pressent,nbsp;sommes enuironnez des ennemis de toute part;nbsp;nous cacbons notre libérateur ! Nous craignons lesnbsp;pagnols; et nous renfermons leur vainqueur !
La lettre rencontre mieux qu’elle ne veut qu’on que Ie suiet de l’auersion que tesmoignent lesnbsp;^pagnols a la conclusion de la paix, procédé de cenbsp;ils vouloient veoir a quoy aboutiroit la conduite dunbsp;ince de Condé ; ils scauoient bien , connoissans l’infi-les fourbes et artifices du Cardinal, qu’oubliantnbsp;bienfaits qu’il en auoit receus, et préférant son inté-*¦651 particulier au bien public de l’Estat, il entreroit ennbsp;nmbrage de sa grandeur et puissance et qu’il abuseroitnbsp;celle de sa Maiesté pour abaisser celle-cy, qui estoitnbsp;vtile et nécessaire a la couronne. lamais suiet d’Espagnenbsp;** a seruy si aduantageusement son Roy qu’a fait Mazarinnbsp;donnant ce conseil, qui, enferniant dans la mesmenbsp;prison Ie bonheur et la valeur de notre nation , ouure ennbsp;**i6sme temps aux ennemis tous les passages du Royaumenbsp;pour ig ruijjer. C’est certes Ie coup qu’attendoit l’Es-pagne pour ne faire iamais la paix, ou nous contraindrenbsp;^ ''lie honteuse pour la couronne; a quoy elle courtnbsp;Dsque d’estre réduite par la priuation d’vn si grandnbsp;*^^*ef et la ruyne en suite des meilleures troupes quinbsp;Lissent en France, lesquelles pour porter son nom,nbsp;** aiioient iamais combattu qu’elles n’eussent vaincu. IInbsp;^^roit honteux au Parlement en cette occurrence denbsp;les bras croisez, patir de si grands Princes, sansnbsp;'niiloir escouter leurs plaintes, luy dont 1’establissement
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est Ie soustien des innocens centre l’insulte des puissances.
Que Ton ne dise pas que la qualité de Prince du Sang est au dessus des loix, que la chose est extraordinaire,nbsp;et par ainsi que cette affaire n’est pas de sa connois-sance. I’aduoue que la qualité des Princes du Sang estnbsp;plus releuée que celle des autres suiets du Roy; mais,nbsp;pour cela ce relief ne doit pas empirer leur condition.nbsp;Au contraire, il doit adoucir pour eux la peine et lanbsp;rigueur des loix et leur donner par preference la meil-leure part a ses indulgences , graces et faueurs. Ils sontnbsp;compris dans la Declaration du Roy qui s’étend a tousnbsp;ses suiets, puis que leur rang ne les exeinpte pas de cenbsp;nombre; et sa Maiesté dans cette mesme lettre faisantnbsp;scauoir au Parlement que son intention est qu’il nenbsp;soit point desrogé aux précédentes Declarations, ellenbsp;lui permet et enseigne d’en appliquer l’effet a cesnbsp;Princes; autrement ses pensees et volontez seroient for-mellement contraires a ses paroles. Aussi cette doctrinenbsp;seroit elle vne nouuelle iurisprudence, démentie parnbsp;toutes nos Annales et les Registres de la Cour qui nousnbsp;apprennent que les Régens mesmes ne sont pas au des-sus des loix.
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DE MAZARINADES.
(18 janvier 1680.)
Novs soussignez, considéi'ant l’estat deplorable au-est auiourd’huy réduit Ie Royaume, et la confusion 4^1 Ie menace d’vne dissipation inéuitable, non sans iustenbsp;^fainte que les ennemis d’iceluy, tant domestiqiies qu’es-*^rangers, ne veulent faire leur profit et se préualoir de sanbsp;^Uyne, s’il n’y est bientót pourueu, auons estimé durantnbsp;bas age du Roy et la détention des Princes du Sang,nbsp;auoir plus conuenable remède pour préueuir et ar-ï'ester vn si grand mal que nous vnir estroitement ensemble soos les articles qui s’ensuiuent :
Premièrement, nous protestons de demeurer fermes de ne nous départir iamais de la tres fidéle obéissancenbsp;trés humble soumission que nous deuons, commenbsp;''eais et naturels suiets de cette Couronne, au Roy, nostrenbsp;ï*rince et souuerain Seigneur.
Et pour ce que notoirement Ie Cardinal et ses fau-’^^Urs se sont saisis et emparez de la personne du Roy et 1’entière administration et absolu gouuernement dunbsp;^¦oyaume qu’ils occupent iniustement et exercent auecnbsp;extresme tyrannic et oppression, et que l’iniuste et
‘fe deliberation de Messieurs les Princes auec les Bourgeois de la ville de etc. [411].
' Ce pamphlet eut tant de succès, qu’on Ie réimprima en 1652, avec la Permission expresse du due d’Orléans, sous Ie titre de : Les Articles de lanbsp;‘Icrniire ' 'nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;- •nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;-nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.....
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violente detention de MM. les Princes, sans crime et cause légitime, contre la foy conclue et arrestee a Bordeaux, fait assez paroistre qu’ils n’ont autre but cpie lanbsp;ruyne de la Maison de Bourbon qui reste seule de lanbsp;Maison Royalle, la mort de nos Princes et en icelle lanbsp;mutuation et subuersion de l’Estat,
Nous promettons employer vnanimement tout nostre poLiuoir, nos vies et nos biens pour la conseruationnbsp;d’iceux, et empescher les miscrables effets de si perni-cieux desseins, faire oster 1’authorité publique des mainsnbsp;de ces vsurpateurs, rendre au Roy Ia dignité de sa Cou-ronne , Ia gardcr et maintenir en son entier, tirer sanbsp;personne de leurs mains , déliurer etmettre en pleine li-berté Messieurs les Princes, réparer l’offense qui leur anbsp;esté faite, en faisant chastier les autlieurs de cette violence et réuoquer toutes les charges et dignitez donnécsnbsp;depuis la detention a ceux qui y ont participé;
Et pour remettre l’Estat en sa première forme, esta-blir sous 1’authorité souueraine du Roy Ie Conseil légitime des Princes du Sang, des autres Princes et officiers de la Couronne et des anciens conseillers d’Estat qui outnbsp;passé par les grandes charges , et ceux qui sont extraitsnbsp;des grandes Maisons et des families anciennes , qui parnbsp;affection naturelle et intérest particulier sont portcz anbsp;la conseruation de l’Estat, a qui de droit, durant Ie basnbsp;aage de nos Roys et pour leur indisposition , Tadminis-tration, gouuernement et direction des affaires publiquesnbsp;sont déférez par les lois anciennes et fondamentales dunbsp;Royaume, qui excluent les femmes et les Estrangers. Etnbsp;que si tant estoit (ce que Dieu par sa bonté veuille des-tourner) que Ie Roy vienne a décéder, déclarons quenbsp;nous entendons recognoistre après sou décez pour nostre
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ï^oy et souuerain Seigneur Monseigneur Ie Due d’An-‘ou, vray et naturel héritier et successeur de la Cou-|onne; et durant sa minorité, Monsieur Ie Due d’Orléans ^gRime Régent et gardien du Royaume, a qui, commenbsp;premier Prince du Sang, cette preeminence appartientnbsp;3Uec Ie Conseil ci dessus pour la commune direction etnbsp;administration des affaires du Royaume, sans souffrir
autre soit admis a la Régence du Royaume, ny mesme la Reyne
mère duRoy, au préiudice des lois de l’Estat. Que s’il arriuoit que ces vsurpateurs qui sont très-^^perts a limiter Ie terme de la vie et completer la mortnbsp;reiix qui seruent d’obstacles a leurs desseins et entre-Prises, qui ont accoustumé d’employer Ie coiisteau et Ienbsp;poison pour en aduancer les effets, viussent a attenternbsp;par ces moyens abominables a la vie du Roy et de Mon-sieur Ie Due d’Aniou, nous lurons deuant Dieu d’en re-ohercher la luste vengeance par toutes voyes de droil et denbsp;lait a nous possibles tant sur eux que sur leurs adherens,nbsp;domestiques et estrangers, afin de laisser en leurs per-^oiines vn exemple memorable a la postéiité tant de lanbsp;fidéle affection de vrais suiets que de la iuste punitionnbsp;d vne perfidie et impiété si détestables; et a cette flnnbsp;omploygj. xios moyens et nostre vie iusques a la dernlèrenbsp;goutte de nostre sang, adiurer nostre postérité d’ennbsp;faire Ie semblable après nous.
Et afin de pouruoir a vn tel accident et a la seureté du Royaume contre les desseins du Cardinal, et aux gouuer-nanient et administration d’ieeluy au deffaut des Princesnbsp;do Sang, ferons assembler les Estats Généraux dunbsp;oyaume en lieu fibre et seur afin d’y apporter l’ordrenbsp;oonuenable et nécessaire.
Eromettons aussi de faire exactement exécuter et uiuio-
-ocr page 76-66 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
lablement obseruer les loix du Royaume et particulière-ment Ie traité de Bordeaux ‘ pour Ie bien commun de tous les Ordres de l’Estat et Ia seureté de tous les bons etnbsp;fidelles suiets du Boy.
Ferons maintenir et entretenir les anciennes alliances, traictez et confederations renouuellez par Ie feu Roy auecnbsp;les Princes, Potentats et Républiques estrangères, amis,nbsp;alliez et confédérez qui sont en la protection de la Cou-ronne, et restablir pour eet effect et remettre en Ia conduite des affaires de l’Estat les anciennes maximes du feunbsp;Roy, dont il s’est si heureusement serui durant son règnenbsp;pour la seureté de son Estat et Ia paix publique de lanbsp;Chrestienté, desquelles l’on s’est départydepuissamort.
Promettons en outre de nous opposer sous l’authorité du Roy par tous moyens a nous possibles, mesme par nosnbsp;iustes armes et assistance des bons alliez et confédérez denbsp;cette Couronne, atous ceuxquivoudroientempescherI’ef-fect de cette vnion, en laquelle nous n’auons autre but quenbsp;de conseruer au Roy l’authorité et dignité de sa Couronne,nbsp;affermir son sceptre en ses mains et de ses légitimes suc-cesseurs, et sous la commune liber té des Francois maintenir nos vies, biens, honneurs et dignitez contre la des-loyauté et perfidie de ceux qui ont coniuré nostre ruynenbsp;auec celle de la Maison royalleet de tout le Royaume.
Et afin qué nous puissions mieux et plus seurement conduire vn si louable et nécessaire dessein pour la commune destinée de I’Estat, I’obseruation des loix publiquesnbsp;et priuées d’iceluy et la ruyne des ennemis du Roy et dunbsp;Royaume par les nostres, et par vne ferme liaison entretenir vne ferme et perdurable conebrde et viure ensem-
' Du 26 decembre 1649. Articles accordezpar leRoyetla Rejne régente, sa mère^ sur les présens mouuemens de la ville de Rourdeaiix [404],
-ocr page 77-67
DE MAZARINADES.
Element
comme vrais membres d’vn mesme corps, soubz
® Chef qui sera cboisi par nous, et suyuant les i’èglemens lt;iui seront (arrêtés) par nous cy après, nous promettons elnbsp;^onnons la main les \ns aux autres, dont Dieu est tes-entre nous, de garder fidellement cette vnion etnbsp;ce qui en dependra, par commun conseil et con-^orde les vns des autres, et par vne mutuelle correspon-^^ce et communication nous maintenir, supporter etnbsp;secourir envers et centre tons; et a cette fin renonconsnbsp;^ tous interests, respects, perils et considerations parti-‘^uliers qui nous pourroient estre proposez au contraire,nbsp;pour conioinctement courir au secours de celuy ou ceuxnbsp;seront assaillis et attaquez en haine de ladite vnionnbsp;en consequence d’icelle, directement ou Indirectement,nbsp;P®*’ quelque voye et par qui que ce soit, en faire nostrenbsp;propre fait et contribuer de bonne foy, a nostre communenbsp;^^ffense et de chacun de nous en particulier, tout cenbsp;^oe Dieu nous donne de pouuoir, sans excuse, remisenbsp;ou tergiuersation, et sans nous pouuoir departir de lanbsp;Presente vnion et association, ny poser les armes qu'ilnbsp;soit pourueu aux choses dessus dictes, ny entendre anbsp;^Ucun accord ny traité de paix, sinon d’vn commun
’^onsentement.
Sera la présente vnion et association tant pour nous ^^0 pour nos enfans et descendans d’eux que nous en-'^®udons y estre compris et auxquels, arriuant le déceznbsp;aucun de nous ou que pour cause nécessaire il fustnbsp;°^ligé de partir du Royaume, nous promettons en cenbsp;rendre le mesme secours et assistance que dessus.
Ct pour éuiter toute diuision et malentendu qui pour-*’°'ent suruenir de nos associez ou de la pluspart d’iceux iuste nombre ausquels nous serons tenus d’acquies-
-ocr page 78-68
CHOIX
eer, sans pour ce prendre prétexte de se refroidir en ce qui sera de cette présente association,
Demeurera Ie présent escrit serré entre nous sans venir en éuidence, sinon lorsque par vn commun aduisnbsp;il sera iugé vtile.
Et pour Ia fin protestons deuant Dieu de garder inuio-lablement les articles cy dessus, Ie prions de nous en faire la grace, et qu’il luy plaise tenir nos bonnes intentions, les conduire et faire réussir a I’affermissement de lanbsp;Couronne et au bien et a la conseruation de nostre patrie.
Le Courrier burlesque de la guerre de Paris, enuojé d monseigneur le prince de Condépournbsp;diuertir Son Altesse durant sa prison : ensemble tout ce qui se passa iusquau retour denbsp;leurs Maiestez[9,UY.
(18 jan-vler 1630.)
Vous la terreur de Tunmers,
Moy courier, suis parti d’Anuers, Pour entretenir Vostre Altesse,
Et pour diuertir sa tristesse. Prince, si mon dessein est grand,
* C’est une seconde edition corrigée du Courrier francais, en vers. — Revue en 1630 pendant la prison du prince de Condé et dédiée au marquis d’Alluye, qui était de la cabale du due de Beaufort, on compreuclnbsp;sans peine le sens des corrections nombreuses que 1’auteur y a faites. Jenbsp;crois qu’on ne sera pas fiché de trouver en regard de ce nouveavi textenbsp;les passages du texte primitif qui s’en éloignent le plus.
L’auteur s’appelait Saint-Julien. II était de Paris, né sur la paroisse de Saint-Paul.
II existe du Courrier burlesque de la guerre de Paris une edition de format in-12, donlies exemplaires soul aujourd’lmi assez rates.
-ocr page 79-Ie prends vostre cceur pour garand,
Et dans vn malheur si funeste Ie luy laisse a faire Ie reste.
C’est luy qui vous consolera,
Qui mieux que moy diuertira E’ennuy mortel qui vous accable.
E’est luy qui combattra Ie diable,
E’il vous tentoit de désespoir,
Et c’est luy qui doit faire voir Que vous, Ie vainqueur d’Allemagne,
La terreur de Flandre et d’Espagne,
Riez du sort et de ses coups
Qui sont grands, maïs bien nvoins que vous.
A done sur cette confiance Que ie prends de vostre constancenbsp;Et de vostre religionnbsp;(Car contre la tentation,
En prenant vn peu d’eau beniste Vous la ferez courir bien viste),
Ie viens pour charmer vos douleurs, lustes dans de si grands malheurs;
Et connoissant que la lecture En peut seule faire la cure,
Ie viens avec ce lënitif
Trés propre a guérir vn captif.
Et pour commencer vne histoire Toute fraiche en vostre mémoirenbsp;Par la mort du grand Ghastillon jnbsp;Voila vos dames, tous de bon;
C’est fait. Dego s’en va. Silence !
Paixla! Monseigneur, ie commence.
L’an estoit encore tout neuf De mil six cens quarante-neuf.
G’estoit la cinquième iournée nbsp;nbsp;nbsp;6 janv.
De l’aisné des mois de l’année,
-ocr page 80-70
Quand Ie Roy vint dans Ie faubourg A l’hostel iadis Luxembourg,
Et qu’vne grammaire nöUuellé Le palais d’Orleans appelle.
La, dans la chambre ou s’alictoit Madame, qui fébricitolt;
« Comment vous portez-vous, ma tanté ? Disoit le Roy. — Vostre seruanté,
Respondit Madame, assez mal. »
Mais la Reine et le Cardinal S’entretenolent dans vne salienbsp;Aiiec son Altesse Royalle.
Ce qu’ils dirent, ie ne scays pas;
Car ils causèrent assez bas;
Mais dans tont ce qu’ils purent dire,
Ie n’y vois point le mot pour rire.
Ils parloient de nous assiéger,
(Fi pour ceux qui veülent manger!),
En quel terme.^ il ne m’importe; nbsp;nbsp;nbsp;'
Soit qu’vn d’eux paria de la sorte :
« II faut affamer ces ingrats,
Ces baricadeurs scélërats 5 — Foin de vous, repartit la Reine.
Oü courrous-nous la pretantaine Auec vn peigne en vn cbausson ? »
Monsienr répéta la chanson :
« Ce qu’on peut prendre, est bon a rendre. » Et le succez a fait comprendrenbsp;Que tons trois conclurent sahs moynbsp;Qu’il falloit emmener le Roy.
Ce soir. Prince, tu fis ripaille Cliez vn fameux pour la bataillenbsp;Qu’il perdit deuant Honnecour *,
' Les pamplilétaires de la Fronde font souvent allusion a cette mal' lieureuse bataille d'Honnecourt. Par exemple, dans le Testament veritable
-ocr page 81-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;71
Grammont, Ie poli de la Cour.
La changeant d’habit et de linge,
Comme l’on voit sauter vn singe Pour la Reine ou Ie Cardinal,
Presto, vous voila sur cheual;
Et tous deux qui ne voyant goutte De Saint Germain prenez la routte.
Unze heures de nuict enuiron,
Vray temps d’amant ou de larron,
Monsieur arriua chez Madame,
Et luy dit : « Dormez-vous, ma femme?
— Ouy, respondit-elle, ie dors.
— Prenez, luy dit-il, vostre corps;
Venez a Saint-Germain en Laye.
— A Saint-Germain, luy dit-elle, aye 1 (Repettant trois fois Saint-Germain),
Mon coeur, ie partiray demain. »
A quoy Monsieur fit repartie ;
« A demain done, soit], la partie; gt;lt;
Et vint dans Ie Palais Royal Auec son confident loyal,
L’abbé, digne de la riviere;
Palais ou I’aube la première Ne treuuant plus leurs Maiestez,
Ains seulement des chatz restez,
Les vit prés Saint-Germain en Laye Auec Messieurs la Mesleraye 1,
Le Cardinal, le Cliancelier,
lt;^ardinal lutes Maaarin [3767], le cardinal lègue au maréchal de Gra-son meilleur cheval « pour s’enfuir auecque furie. »
La porie, Maresclral goutteux ,
Et 1’homme que 1’Hostel de Luyne Mit a couuert de sa ruyne.
Pour le reste de leur party II estoit deuant eux party.
-ocr page 82-72 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Dont Ie dernier ne peut nier Qu’vn pen deuant l’Hostel de Luynenbsp;Le garantit de sa ruine.
Harcourt, Longueuille, Conty,
Et tont le reste estoit party;
Vne nuict que l’excez de boire Nous donna presque a tons la foire,nbsp;(Car pour en parler francliement,nbsp;Tout eut depuis le déuoyement),nbsp;Nuict des EoiSj mais sans Eoy passéenbsp;Nuict fatale, qui commencéenbsp;Par l’abondance d’vn festin,
Nous laissa la faim sur sa fin.
Ces nouuelles ne furent scenes Qu’après les sept heures venues;
Mais sept heures ayant sonné Tout Paris fut bien estonné.
La Bourgeoise estoit soucieuse;
La boulangère estoit ioyeuse 5 Tous les artisans détestoient;
Les Escholiers se promettoient D’auoir campo durant le siége,
Et qu’on fermeroit leur collége;
Les moines disoient chapelets; L’babitant courroit au Palais;
Le plus zellé courroit aux armes;
Le maltotier versoit des larmes;
Et tout regardoit a son pain,
Le soupesant avec la main.
6 janv
C’estoit de lanuier le sixiesme;
Si ce n’est assez du quantiesme,
G’estoit vn triste Mercredy Que fut fait vn coup si bardy,
Et que du Parlement les membres Dispersez par toutes les chambres,
73
Dirent qu’il estoit a propos D’en faire vn seul qui fust plus gros,nbsp;Oü les Escheuins de la Villenbsp;Eurent audience ciuille;
Les gens du Roy pareillenvent.
En suite on fit vn reglement Qu’on feroit garde a chaque portenbsp;Nuict et iour de la mesme sorte.
A cela nul ne contredit;
Et de plus il fut interdit A tous de tout sexe et tout aaenbsp;D’emporter armes ny bagage ‘.
Le reste de ce reglement Est au iournal du Parlement ’.
Ce mesme iour vne cliarette Oü fut treuuée vne cassettenbsp;Que réclama Monsieur Bonneau,nbsp;Trop pleine d’argent bon et beau ,nbsp;Parut au peuple trop chargée,
Dont elle fut fort soulagée.
Et l’on traita pareillement Quelque autre cbaritablement *.
‘ Que commandement seroit fait Aux Gens du Roy du Chasteletnbsp;De prendre garde a la police;
Que les gouuerneurs saus malice Laisseroient passer les marchaiidsnbsp;Par les villes et par les champs;
Qu’il leur seroit faite deffense De loger soldatesque engeancenbsp;Ny d’héberger en. leurs maisonsnbsp;Cc qu’on appelle garnisons.
Journal contenant tont ce qui s’ est fait et passé en la Cour de parlement ‘ ^oris, etc. [1741]. Le reglement a été puhlié sous le litre A'^rrét de lanbsp;“'^'’‘Geparlement... pour la süreté et police de la rille de Paris [216],
Du peut citer le secrétaire d’Etat Guénégaud, qui fit publier une
-ocr page 84-Du depuis les belles cohortes De nos habitans fiers aux portesnbsp;N’ont laissé passer vn festunbsp;Saus luy demander, oü vas-tu 1 ?nbsp;Lors fut vne lettre restéenbsp;Au préuost des marchands portee,nbsp;Qui s adressoit a tout son corps;nbsp;Lettre, oü malgré de vains efforts,nbsp;On ne trouua raison aucunenbsp;Pour ce trou qu’oir fit ^ la Lune,nbsp;Portant sur radnertissementnbsp;Qu’aucuns de nostre Parlementnbsp;Ont eu secretie intelligencenbsp;Auec les ennemis de Francenbsp;On a cru que Sa Maiesténbsp;N’estoit pas trop en seureté,
Et que bien que cela déroge De faire ainsi lacques Desloge,nbsp;Retraitte faite comme il fautnbsp;Valoit bien vn meschant assaut.
7 janv.
Le leudy, la Cour tout entière Résoudoit sur cette matière ;
Mais comme elle estoit au parquet, II luy vint vn autre pacquet,
Dont elle ne fit point lecture,
Monition de Vofficial de Paris obtenue...le li auiil 1649 [2488], etle marquis de Bonelle, gendre du surintendant Bullion.
Dès ce mesme iour sont venues De cette ville aux aduenuesnbsp;Gardes de nobles habitansnbsp;Qui Se sont montrés trés constansnbsp;A la deffense de nos portes,
Et dont les nombreuses cohortes Ne laissent passer sans le motnbsp;Cheual, carrosse ou chariot.
-ocr page 85-75
Non pas seulement 1’ouuerturè,
Et dont Messieurs les gens du Roy Furent creus sur leur bonne foy,nbsp;Disans, que par icelle lettrenbsp;On vouloit Ie Parlement mettrenbsp;Et transferer a Montargis •,
Mais, Messieurs, qui de leur logis N’auoient point acheué Ie terme,nbsp;Dirent qu’il falloit tenir ferme,
Et qu’on iroit Ie Roy prier De vouloir les noms enuoyernbsp;De ceux dont la correspondancenbsp;Estoit dommageable è. la France,nbsp;Afin que 1’ombre dVn gibetnbsp;Punist rombre de leur forfait.
Et lors les gens du Roy partirent; Et selon qu’il fut dit, ils firent;nbsp;Mais ils reuindrent non ouïsnbsp;De Saint-Germain peu réiouïs.
S janv.
Le Vendredy, premier iour maigre, Messieurs sur le traittement aigrenbsp;Qu’on auoit fait aux gens du Roy,nbsp;Ordonnèrent suiuant la loynbsp;Que la Reine auroit remonstrancenbsp;Sur le plus fin papier de France;
Et parceque le Cardinal ‘
Leur sembloit 1 autbeur de ce mal, Qui depuis par son ministèrenbsp;Leur a bien prouüé le contraire,nbsp;lis iugèrent mal a proposnbsp;Qu’il troubloit le commun repos,
Et que quot;veu que le Cardinal Est seul autlieur de tout le malnbsp;Et de la misère présentenbsp;Dont on a preuue suffisante.
-ocr page 86-Qu’il emplissoit sa tirelire,
Qu’il haïssoit nostre bon sire j Luy mandèrent que dans ce ioiirnbsp;II se retirast de la Cour,
Et dans huict de France il fist gil Ie: Sinon, enioint a bourg, a villcnbsp;De luy courir sus comme au loopnbsp;A qui chacun donne son covrp,nbsp;Taloche, coupanne, gringuenaiide,nbsp;Et de luy ietter de l’eau chaude;nbsp;Indulgence a qui l’occiroit;nbsp;Gependant que l’on armeroitnbsp;Pour la seureté des entrees,
Et pour l’escorte des denrées;
Ce mesme iour vinrent icy Messieurs les bouchers de Poissy *,nbsp;Disant que par vne ordonnancenbsp;Le Roy leur a donné vacance,
ö jauv.
Et deffendu de trafiquer Tant qu’il cessast de nous bloquer.nbsp;Le Samedy neuf, fut cboisie ^
Disans que sortis a leur guise Pour auoir de la marchandise,
On leur a fait signlfier Vu arresté du Chancellernbsp;Qui porte vne deffense expressenbsp;D’achepter des bestes a graisse,
Deffend a tous marchands forains D’en déliurer entre leurs mains;
Nonobstant laquelle deffence La ville en eut sa suffisance,
Et ce iour, vescut a gogo
Plus que monsieur de Gainego (Guénégaud).
Quoiqu’a la Reine on veuille dire
Que nous n’auons pas de quoi 1'rire.
Le samedy neuf dudit mois,
Sortit force vaillans bourgeois
-ocr page 87-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;77
De la plus leste bourgeoisie,
Que l’on pensoit faire sortir;
Mais elle n’y put coiisentir.
Néantmoins c’estolt la plus leste; lugez done par elle du reste;
Et dès ce iour l’on connut bien Que la meilleure n’en vaut rien.
Or ce iour, de quelque -village II vint du pain et du fromage',
Mais que nous causa de tourmens,
Et plus qu’aux plus parfaits amans L’esloignement d’vne maitresse,
L’absence des pains de Gonesse!
Que quinze cens colintanpons Assurèrent estre fort bons,
Comme des Gardes quelque bande La pinte de Saint Denis grande,
Gardes qui parurent trés fiers Aux pauures choux d’Auberuillers *.
Ce mème iour, fut restablie La taxe du temps de Corbie ^,
Auec ordre a cbaque habitant De payer vne fois autant;
Que pour ioüyr des benefices Attachez aux premiers offices.
Les conseillers mal-agréez.
En six cens trente cinq créez,
Payeront trois cens mille liures,
Pour faciliter les passages
Aux hommes des proclialns villages
Qui, trouuant libre Ie chemin,
Fournirent les inarchés de pain Qu’on recut auec allégresse.
^ Le Siege êAuberuilliers, en vers burlesques [3669],
Arrét de la Cour de parlement concernant la leuée des deniers pour le Vement des gens de guerre [219].
-ocr page 88-78 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Dont ils feront charger les liures S Ce iour il n’entra pas un boeuf ^;nbsp;Mals les vaillans princes d’Elboeuf,nbsp;Et notamment Ie Dac leur père,nbsp;Fort touché de nostre misère,
Auec vn ioly compliment Se vint offrir au Parlementnbsp;Pour estre Ie chef de 1’armee;
Et sa valeur fut estimée.
Cette nuict, on fut aduerty Que Ie grand Prince de Contynbsp;Auec Ie Due de Longueuillenbsp;Estoient receus dans nostre Ville.nbsp;Monsieur d’Elboeuf fit Ie sermentnbsp;De general du Parlement,
^0 janv.
Dimanche, du mois Ie dixiesme. Monsieur de Conty, ce iour mesme,nbsp;Vint asseurer toute la Cournbsp;De son zèle et de son amour jnbsp;Et Messieurs firent mine bonne
Moyennaiit quoy , comme anciens , Ceux qui succèdent a leurs biens,
Leurs enfants pourront et leurs veufues Disposer de leurs charges neufues,nbsp;Ainsi que d’autres Conseillers jnbsp;Veut la cour qu’emprunt de deniersnbsp;Soit fait tant que la somme montenbsp;A cent mille escus de bon conténbsp;Et cent cinquante mille francs;
Veut que Messieurs les Présidens Et Conseillers de toutes chambres,nbsp;Enquestes, Requestes, ses membres,nbsp;Bref chaque chambre paye autant,
Afin que chacun soit content;
Et que les Maistres des Requestes Tiennent cent mille liures prestes.
Ce iour, 11 entra peu de boeuf.
-ocr page 89-79
A cel appuy de la couronne *
Qui sembloit courbé soubs Ie faix ^.
On fit en suitte deux arrests ;
Le premier que son Eminence Obeïroit sans resistancenbsp;A 1 arrest que rendit la cournbsp;Contre elle, le buictiesme iour;
Enioint qu’on prenne prisonnière ’ Toute la nation guerrière,
Autant que nous en trouuerons A dix postes aux enuirons;
Ordre aux villes, bourgs et villages, D’en faire de cruels carnages;
Deffense de luy rien fournir Que de bons coups a Taduenir;
Qu’en toutes les places frontières Les garnisons seroient entières,
Et de ceux qui contreuiendroient,
La vie et les biens respondroient.
Par I’autre Arrest on donnoit ordre ‘ Aux Escbeuins de ne desmordrenbsp;Des nobles charges qu’ils auoient,
Et de faire comme ils deuoient;
Au Prevost des Marchands de mesme; Et paree qu’il estoit fort blesmenbsp;Depuis que le peuple zélénbsp;Avoit sur luy crié Tolle,
La cour donna des sauues gardes
' A ce fleuron. de la couronne.
. Tout le monde sail que le prince de Conty était contrefait.
de la Cour de parlernent.... par lequel il est défendu d tous gou-tio nbsp;nbsp;nbsp;rilles frontières ou autres places de laisser sortir aucuns ca-
% etc. 1-221].
de la Cour de parlement, toutes les chambres assemblees, etc.
-ocr page 90-80
CHOIX
Pour sa personiie et pour ses hardes'. Le Luudy (si ie n’ay menty),
Monsieur le Prince de Conty Fut receu Généralissimenbsp;D’vn consentement vnanime,
Ayant soubs luy trois Généraux quot;, Dont on feroit bien six Héros :nbsp;Scauoir, le Mareschal La Mothe,
Dont la mine n’est point tant sotte ; Bouillon, et le grand Due d’Elboeuf,
Ce iour, on enroolla solclats ;
Et des canons, gisants a has Dans 1’Arsenal, furent de terrenbsp;Leués sur leurs affusts de guerre.
Scauoir le Due d’Elbeuf pour vn , Braue homme s’il en fut aucuu ;
Le due de Bouillon , dont 1’estinie Vient fort è propos pour ma rime;
Et le grand La Mothe Houdancourt Deuant qui tout le monde court.
Pour Monseigneur de Longueuille ,
Son humeur honneste et ciuile Et son zèle a seruir le Roinbsp;Lui fit refuser de 1’emploi,
Soit qu’il craignist que lalousie S’emparast de la fantalsienbsp;(C’est comme en parle le Courrier)
Du Due d’Elbeuf, fait le premier Général des troupes Royales;
Soit qu’il \oulust fuir les scandales De cette contestation.
II fit yne belle action ;
Car ce Seigneur prudent et sage Donna ses enfans en ostagenbsp;Auec Madame leur mammannbsp;Qui n’est superbe comme vn pan,
Mais dont 1’humeur douce et courtoise Cause auec la moindre bourgeoise.
Le due de Bouillon rimitant En a bien voulu faire autant.
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Qui dans la guerre n’est pas neuf Mais quand au Due de Longueuille,nbsp;Comme il est d’humeur fort ciuille,nbsp;II refusa de prendre employ,
Et
Et pour nous témoigner sa foy, Lalssa ses enfans pour ostages,nbsp;Auec sa femme pour les gages.
c est tout ce qui nous resta
De tout ce qu’il nous protesta.
Dès lors Mars du party contraire De celuy de son petit frèrenbsp;(Car si Mars estoit contre nous ,
Prince, sans doute c’estoit vous) Commandoit les trouppes Royalles,
Qui festèrent les Bacchanales,
Et qui respandirent du vin lusques sur l’autel de Caluin.
A Charenton, dis-ie, vos trouppes'quot; S’enyurèrent comme des souppes;
A Yostre barbe, a vostre nez,
Force pucelages glanez,
Oü quelques ieunes blanchisseuses Se trouuerent assez beureuses.
Dans les enuirons vos soldats Firent de notables dégats,
Des assassinats, des pillages,
Des rauages, des brigandages.
Le Comte d’Harcourt a Saint Clou En fit moins, et tousiours beaucoup.nbsp;Nous n’y pouuions donner remède.
Lors vn Président fut fait aide De Monsieur des Landes Payen,
Qui na que le nom de Payen,
Homme vtile en paix comme en guerre, Qui scait ioüer du cimeterre,
6
-ocr page 92-82 nbsp;nbsp;nbsp;»nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;CliülX
Et s’escrimer dans vu combat,
Bon conseiller, et bon soldat;
II auoit depuis ces vacarmes Sur les bras tont Ie fait des arrnes,nbsp;Quand Broussel auec Menardeaunbsp;Prirent la moitié du fardeaunbsp;Le Mardy, Ie Consell de Villenbsp;Fit vn règlement fort utile,
Scauoir que pour leuer soldats Tant de pied comme sur dadas,nbsp;L’on taxeroit toutes les portes,nbsp;Petites, grandes, foibles, fortes;nbsp;Que la cochère fourniroitnbsp;Tant que le blocus dureroit,
Vn bon cheual auec vn homme, Ou qu’elle donneroit la sommenbsp;De quinze pistolles de poids,nbsp;Payables pour la première fois;
Ce iour, yn arrest donné porte,
Pour rendre la ville plus forte , Qu’on trauaillera tous les ioursnbsp;Aux retranchements des faux bourgs,nbsp;Et qu’a cette fin sera prisenbsp;La terre qui sera de mise,
Sauf d’indemniser par après Et de payer les interestsnbsp;A Messieurs les propriétairesnbsp;Quand on sera sorti d’affaires.
L’on députa, ce mesme iour, Quelques Conseillers de la Cour;
Les vns pour voir si la police S’exercoit auecque iustice,
Pour le commerce des marchands , Pour le supplice des mescliants;
Les autres pour d’autres affaires Et pour les choses nécessairesnbsp;Tant au dedaus comme au dehors;nbsp;Quelques-vns pour les passeports.
-ocr page 93-83
DE MAZAUINADES.
Les petites, vn Mousquetaire,
Ou trois pistolles pour en faire : Hommes chez Ie marchand sortansnbsp;Et tons fins neufs, et tous battans.
Ce iour, en leuant sa béquille Le Gouuerneur de la Bastille,
Qu’on nommoit Monsieur de Tremblay, Luy qui iamais n’auoit tremble,
Viel soldat et viel gentilhomme,
A Monsieur d’Elboeuf qui le somme De luy remettre ce Chasteau,
Respondit très-bien et très-beau Qu’il ne luy plaisoit de le rendre,
Et qu’il prétendoit le deffendre;
Mais il ne fut pas si méchant Que six canons dessus le champnbsp;Ne nous ouurlrent cette place 1
Sans auoir touché la surface.
Ce n’est pas qu’il ne fissent pouf,
Que la garnison ne dist ouf,
Qu’elle ne parust sur la brèche,
Qu’elle n’employast poudre et mèche, Que maint coup ne fust entendu;
Mais c’est qu’il estoit deffendu,
Que dans ce beau siége de balie Aucun costé chargeast a balienbsp;Qu’il neust crié ; Retirez vous,
Cette place bien deffendue
Quoiqu’auancent certauis messieurs, Vulgairement dits des rieurs,
Qu’en nos mains elle estoit remise Trois iours auant qu’elle fust prise,
Que par ieu iona le canon Pour nous faire croire que non;
Et disent plus, les raeschantshommes, Qu’il n’estoit chargé que de pommes
-ocr page 94-CHOiX
Autant pour eux comme pour nous, Sur les mesme peines qu’on donnenbsp;Au meurtrier d’vne personne;
Car quiconque eust fait autrement, Auroit péclié mortellement,
Tout autant qu’en vn homicide.
Vn homme moins vaillant qu’Alcide, Mals certes plus homme d’honneur,nbsp;Broussel, en fut fait gouuerneur;
Et son fils en cette occurrence Fut pourueu de la Lieutenance ‘.
- i 3 jaiiv.
Le Mercredy, mis sur pied fut Le premier Regiment qu’on eut;
Sur pied, non, i’apercois que i’erre.
Les pieds n’en touchoient point a terre; Nos guerriers estoient sur cheuaux ^nbsp;Prets a fuyr deuant les Royaux.
84
Arrivee du due de Beaufort ,
Ce fut cette mesme iournee Qu’vne petite haqueneenbsp;Apporta de nostre costenbsp;Alexandre ressuscite,
Ce grand Beaufort dont la presence Nous rendit beaucoup d’asseursnee,
Ce Héros, ce fils de Henry,
Ce braue, ce Prince aguerry, lusques chez. Renard redoutable ®,nbsp;Ennemy iure de la table.
' II se nommait de La Louvière.
^ Ces troupes a cheual estoient Et de bons roussins les portoient.
Ce fut de lanuier le treiziesme,
Qu’vn braue Marquis que tant i’aiine, Nommé La Boulaye autrement,
Leua le premier régiment.
* Voy. plus haut le Branie Mazarin, etc.
-ocr page 95-Ce fameux fléau des lerzais Quand ils causent comme des iais,
Ce Mars qul bat, qui rompt, qui frappe, Et perce tout iusqu’a Ia nappe,
Ce prince plus blond quTn bassin Et plus déuost quVn capucin,
Qui mit en rut toutes nos femmes Les honnestes et les infames.
Balsa toulours et rebaisa;
Car iamais il ne refusa Ny Harangère ny Marchande,nbsp;leune, vielle, laide, galande,
Qui luy cryoit a qui plus fort : o Baisez my. Monsieur di Biaufort. »nbsp;LVne tendolt vn vilain moufle;
L’autre rendoit vn vilain soufle.
L’vne estaloit ses cheueux blancs ;
L’autre ne montroit que trois dents, Dont rébenne estoit suffisantenbsp;Pour en faire plus de cinquante.
II en balsa prés de trois cens,
Toutes dVn baiser innocent,
Fors vne ieune femme grosse Qui descendit de son carrosse,
Disant, « Mon frulct seroit marqué;
Car dans Ie baiser applicqué Au milieu de sa belle bouche,
II eut vn désir de sa couche,
Et luy demanda rendez-vous,
En la baisant deux autres coups;
Mais il fut depuis a confesse.
Enfin ayant baisé sans cesse,
Aux lieux publics, dans les Marchez Maiiit becs torchez et non torcheznbsp;II fut descendre cbez sa mere
-ocr page 96-A l’Hostel de Monsieur son père*.
Ce mesme iour, quitta son liet La Seine qui des siennes fit ^,
Et se rendit tellement fiére,
La belle dame la Riuière Qui s’estoit laissée engrossernbsp;(Par qui ie vous donne a penser).
Ie ne scay si la desbordée En auoit receu quelque ondéenbsp;D’vn galland appelé Ie Tempsnbsp;Qui fit Ie mauuais fort longtemps;
Mais enfin il est veritable Que pour sa grossesse effroyablenbsp;Dés lors il luy conuint cherchernbsp;Vn autre liet pour accoucher.
Elle vsa force bols en couche,
Comme ie l’ay sceu de la bouche De ses marebands mal satisfaictsnbsp;Qui n’en tirèrent pas leurs frais.
Le pauure pont des Tbuileries Pour en auoir fait railleries,
' Dès ce iour arrest fut donné Par lequel il est ordonnénbsp;Que les meubles cardlnallstesnbsp;Dont on a fait de grosses listes ,
Tous ses biens et ses reuenus Seront saisis et retenus;
Que sera faite rne deffence Aux receueurs de sa financenbsp;Et ses fermiers de payer riennbsp;Que la Cour ne Ie Teuille bien ;
Et le lendemain furent faire,
Suiuant eet arrest, 1’inuentaire \ n Conselller et quelque Huissiernbsp;De la caue iusqu’au greniernbsp;Des meubles trounez dans la casenbsp;Du Cardinal ce grand.....
* Ij’Jugure favorahle a la bonne ville de Paris, etc. [433],
-ocr page 97-87
fut par elle fort maltraitté;
Et quelque moulin mal monté Eut proche du pont Nostre Damenbsp;Le croc en iambe de la Damenbsp;Qui le fit aller a vau l’eau,
Ou firent aussl leur tombeau Vingt et clnq tant mulets que mules,nbsp;Dont les recherches furent nulles;
Et dix sept malheureux mortels Qui dans l’eau s’auouèrent tels.
Or cessa sa rage et sa haine Et promit Madame la Seinenbsp;D’estre plus chaste vne autre fois,
Le dix huitième de ce mois Qu’elle parut fort auallée ,
Qui s’ est du depuis escoullée.
H janv.
Le lendemain, au Parlement Beaufort vint faire compliment,
Ou haranguant sans artifice II demanda tout haut iustice 1
D’vn crime noir et suppose Dont ie suis, dit-il, accuse.
i5 janv.
Le iour d’apres, il fut fait quitte De l’accusation susdite.
Lors le trauail recommenca;
Et le trafic que l’on laissa Pour prendre la noble cuirasse,
Eut son tour et reprit sa place;
Le mousquet au croc fut remis 1.
4 6 janv.
Le Samedy, les eimemis
nbsp;nbsp;nbsp;De rimpertinente malicenbsp;Dont Mazarin auoit usénbsp;Et dont il 1’auoit accuse.
* nbsp;nbsp;nbsp;Ce iour, il nous est rapporténbsp;Que LhoSpita) est arresté
-ocr page 98-88 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Surprirent par supercherie Lagny, riche ville de Brie;
Car Persan, leur chef *, arresta “
Le Maire qui parlementa Sur la parole de ce traistre,
Qui menaca de rauir 1’estre Au pauure Maire qu’il retint,
N’estoit que le Bourgeois atteint De compassion pour son Maire,nbsp;Embrassant vn mal nécessairenbsp;Pour sauuer ce viellard grison,nbsp;Receut enfin la garnison.
Ce iour mesme, vn abbé tres digne
Par 1’ordre de son Eminence,
Sur ce que par sa remonstrance II voulolt dessiller les yeux.
Afin que la Reyne vist mieux L’insolence et les fourberies,
La malice et les volleries Qu’exerce ledit Cardinalnbsp;Qui s’est saisi du Maresclialnbsp;Et tient force gens de sa taille,
C’est a dire de la canaille,
Des mouchards qui vont assiégeans Sa bonne Altesse d’Orléans.
Nostre armée est de beaucoup creue;
Et la leuée est continue;
Si bien qu’on croit qu’en peu de iours D’hommes raarchans sous les tamboursnbsp;De cette gent qu’on nomme drille,
Nous aurons bien quatorze mille ,
Sans comprendre les caualiers nbsp;nbsp;nbsp;,
Dont nous aurons bien six milllers.
' Le marquis de Persan, lieutenant general, l’un des partisans les plus dévoués du prince de Condé. C’est lui qui commandait dans le cbè-teau de Mouron en 1652.
* Persan qui boite d’vne lianche,
Et chef des Bandits mazarins,
Ayant partout volé les grains.
-ocr page 99-89
janv.
^ S janv.
DE MAZARINADES.
Issu d’vne familie insigne Et nostre Archeuesque fntur,
Dont Ie iugement est trés miir,
Et ce que ie trouue admirable,
C’est qu’estant sauant comme vn diable, De plus comme quatre il se bat,
Quand il croit que c’est pour l’Estat, Eut et l’aura pourueu qu’il viuenbsp;En cour voix délibératiue.
II fit depuis vn Régiment.
Le Dimanche, Ie compliment Du Parlement de la Prouencenbsp;Qui demandoit nostre alliance *,
Leu par Messieurs, leur plust bien fort.
Le Lundy, le Due de Beaufort,
Fut fait Pair en pleine audience,
Ou comme tel, il prit séance.
En suitte lecture s’y fit De la lettre qu’on escriuit^
A tous les Parlemens de France *.
• nbsp;nbsp;nbsp;Qui demande de faire ensemblenbsp;Centre le Mazarin qui tremble.
^ Lettre de la Cour de Parlement de Paris enuojèe aux Parlemens du Royaume, etc. [1936].
* nbsp;nbsp;nbsp;Lettre qui portoit l’attentatnbsp;De Mazarin , fameux Corsaire,
Et qu’on appelloit Circulaire.
Par icelle 1’on remontroit Qu’vn Estranger contre tout droitnbsp;S’efforcoit de trousser en mallenbsp;Toute l’autorité Royale ;
Qu’il auoit menti puamment Pour opprimer le Parlementnbsp;Auec la liberté publique;
Que le Cardinal frénétique,
Ce diable d’Enfer trauesty,
Tenoit tout Paris inuestv,
-ocr page 100-CHOIX
Elle fut pliée en presence 5 Et pour la cacheter après ,
On fit venir chandelle exprez,
Ie pense de huict a la liure;
On mit dessus ; port, vne liure.
Dans cette lettre l’on voyolt Que Ie conseil d’vn mal adroitnbsp;Auoit pensé perdre a la Hallenbsp;Toute Fauthoritè Royalle,
Qu’on tasclioit mal heureusement D’anéantir Ie Parlement,
Ce que pour rendre plus facille On avoit bloqué nostre Ville,
Que Paris embreliquoqué De se treuuer ainsi bloqué,
Auoit besoin de 1’assistance De tout Ie reste de la France,
Veu qu’il se confessoit trouble D’estre non pas comme en vn blénbsp;Mais sans bied pris et sans farine,nbsp;Fort proche d’auoir la famine;
Et que s’il ne se repaissoit,
Tout Ie Royaume périssoit.
Le soir, a cbeual trouppes fortes Sortirent par diuerses portesnbsp;Pour la seureté des Marchandsnbsp;Qui portoient des viures des champs
90
^9 janv.
Le Mardy, du costé de Brie
Et que des troupes Polonoisea Faisoient aux marchands mille noises;nbsp;Que Paris craignant ces vautoursnbsp;Demandoit humblement secoursnbsp;Centre la fureur cardinale.
Dont on a tousiours eu de reste, Graces a la bonté célestenbsp;Et les soins de nos Sénateurs
91
DE MAZARINADES,
Sortit auec cauallerie Le généreux prince d’Elboeuf;
Ce fut de lanuier le dix neuf Qu’ayant rencontré quelque bandenbsp;Des volleurs de nostre viande,nbsp;Notamment de cinq cens gorets,
11 prit en main leurs interests,
Et battant ces oyseaux de proye,
Gagna les gorets avec ioye,
Que ces animaux par leurs cris Firent connoistre a tout Paris.
20 janv.
Le Mercredy, le vingt, nous sceusmes Par deux lettres que nous receusmes,nbsp;Que le vaillant comte d’Harcourtnbsp;Deuant Rouen demeura court,
Bien qu’aux portes de cette ville II iurast comme tous les mille;
Contre Ie dire des menteurs.
Le mardy, vinrent quelques hommes Disans qu’au bas païs des pommesnbsp;Monsieur de Matignon leuoitnbsp;Toutes les troupes qu’il pouuoitnbsp;Pour Monseigneur de Longueuillenbsp;Et le secours de nostre ville,
Dont la vertu doit faire peur Aux artisans de son malheur.
Ce iour, toute la Cour arreste Que Meliand a sa requestenbsp;Chez les Comptahles et Fermiersnbsp;Saisira les publics deniersnbsp;Qui de toutes parts feront gillenbsp;Aux coffres de 1’Hostel de Ville ,
Et non a ceux des créanciers ,
Auec deffence auxdits Fermiers, Receueurs, autres gens d’affaires,nbsp;Coraptables et reliquataires ^
De payer le moindre teston Que la Cour ne le trouue bon.
-ocr page 102-Cependant que ce Parlement Ordonna dVn consentementnbsp;Qu’on priroit la Reine Régentenbsp;D’ estre si bonne et complaisantenbsp;De laisser Rouen tel qu’il estnbsp;Deffendre seul son intérest;
Et qu’ailleurs dresseroit sa marche Harcourt, qui vint au Pont de 1’Archenbsp;Monté sur un cheual rouen,
Sans auoir entré dans Rouen.
Dès ce iour, pour la Normandie Terre belliqueuse et bardie,
Le grand Longueuille quitta Paris qui fort le regretta.
La Cour fit deux arrests ensuitte,
Dont IVn porte que sur la fuitte *
De beaucoup de particuliers Sous des habits de Cordeliers,
Et d’autres personnes sorties Que Scarron n’auroit trauesties,
On deffend a grands et petits De prendre plus de faux habits,
Ny de changer leur Seigneurie,
Ne fust ce que par raillerie;
Et parceque les partisans Fuyoient en habits de paysans,
Les leans se faisant nommer Pierres, Les Pierres, Pauls, si qu’en ces guerresnbsp;Souuent nos portiers par ce dolnbsp;Prenoient S. Pierre pour S. Paul;nbsp;Parceque sous vertes mandillesnbsp;Et sous de traitresses guenilles.
' Arrêt de la Cour de Parlement portant defenses a toutes personnes, de changer leurs noms, etc. [228],
93
DE MAZARINADES.
Qul recéloient maiiit quart d’escu,
Les Mallotiers monstroient Ie cu Saus qu’on Ie sceust, tant ces naquettesnbsp;Sur leur mesure sembloient faites,
Tant pour eux leur mine parloit Et tant rien ne les décéloit,
Tant auoit de coi’respondance Get estat auec leur naissance ,
La Cour dit qu’on traitteroit mal Les masques de ce Carnaualnbsp;Portans momons hors de la ville;nbsp;Permis seulement a Virgillenbsp;De sortir ainsi trauesty.
Par l’autre Arrest fut consenty ‘
Qu’on gardast la vielle ordoimance Pour les soldats; auec defense,
Aux gens de guerre, de voler,
De brusler ou de violer;
Ains se contenter de l’estappe Sans a leurs hostes donner tappe,
Et que les biens en patiroient Des chefs qui leurs commanderoient.
Ce iour, les trouppes Polonoises Qui ne cherchoient qu’a faire noises,
Au hourg de Sèure et de Meudon (Dieu -veuille leur faire pardon !),nbsp;Commirent sans les violencesnbsp;Plus d’vn demi-cent d’insolences ^.
* ^rrét de la Cour de Parlement portant defenses aux gens de guerre dc rommettre aucuncs violences, etc. [229],
* Ils pillèrent les sacrés lieux....
Polluèrent plusieurs esglises,
Laissant les Curés sans chemises,
Et qui monstroient leurs nuditez,
A leurs t-oupeaux espouuantez.
-ocr page 104-Dieu, qu’elles ont lait de cocus Pendant ce malheureux blocus !
Que cette race Polonoise
Ell mettant Ville luif dans Ponthoise ,
Nous a laisse d’enfans metis!
Qu’il nous en reste de petits Depuis que les grands sont en voye!nbsp;lamais le Grec ne fit dans Troyenbsp;Ce que dans Meudon elle a fait,
Oil sans laisser vn seul buffet,
Elle roinpit auec rage Les reliques de ce naufrage,
Entr’autres plusieurs pleins tonneaux,
Tant de yins viels que de nouueaux;
Action qui fut si vilaiiie
Que deux de leurs chefs pour leur peine
Par les habitants de ce lieu
Furent enuoyez devant Dieu,
Oil ie croy qu’ils lie furent guère ;
Car Noë se mit en cholère ,
Sachant qu’ils auoient mal traitté Le ius du fruict par luy plante ,
Qui le concha par recompense.
24 jauv.
leudy, fut leue a I’audience La lettre que Ton escriuoit 1
Le plus humblement qu’on pouuoit,
A la Mamman de nostre Sire,
Oil vous pouuez encore lire Les raisons que le Parlementnbsp;Alléguoit de son armement 1
Remontrancc du Parlement enuoyét au Kol et a la Reine régente^ etc1
[3319].
* Le désordre et la tyrannic De son Ministre d’Italie ;
-ocr page 105-Qui sont assez considerables Vendredy, contre les notables,
Et quelques Escheuins d’Amiens, Arrest fut contre ces Chrestiensnbsp;Rendu sur la plainte ciuillenbsp;De l’habitant de cette villenbsp;A la teste chaude et hardy.
L’arrest portoit, du Vendredy Le vingt deux de cette année,
Que sur la requeste donnée
Sous Taueu du grand Due d’Elboeuf,
Ge iour la vestu tout de neuf,
L’vn de nos chefs, illustre prince, Gouuerneur de cette Prouince,
Que le Picard s’assembleroit Et d’autres Escheuins feroit
L’insoleuce de ses supposts Ennemis de nostre repos;
Les ruines inéuitables
Sous qui ces monstres détestables
Auoient engagé tout 1’Estat.
On députa, le mesme iour,
Quelques Conseillers de la Cour Pour faire exécuter eux-mémesnbsp;Vn arrest rendu le quinzlèmenbsp;Qui portoit que seroient saisis,
Et dans l’Hostel de Ville mis.
Les deniers deus par les Comptables.
Deffend aux présens 1’exercice Comme par lettre subrepticenbsp;Qu’on nomme Lettre de Cachet,nbsp;Maintenus ; dit qu’on a mal faitnbsp;De leur donner telles épistresnbsp;Contre la ville et ses viels titres.
L’Arrest estoit fort important Pour conseruer eet habitantnbsp;En l’obéyssance royalenbsp;Contre la ligue cardinale,
95
22 janv.
Ce iour, il arriva deux hommes De la capitale des pommes,
Oui disoient que leur Parlement Auoit enuoyé promptementnbsp;A leurs Maiestés trés chrestiennesnbsp;Porter les trés humbles Antiennes.
23 janv. nbsp;nbsp;nbsp;Samcdj, Ie bruict a couru
Que l’Archiduc auoit paru Sur les asseurances recettesnbsp;De nos frontières despourueuesnbsp;Dont on tiroit des garnisons
Estant ces premiers Esclieulns Accusez d’estre mazarins.
Ce iour, mon coeur estoit en ioye;
Et list la Cour de la Monnoye Arrest que ses malstres batteurs,nbsp;Monnoyeurs et fabrlcateursnbsp;Payeront toutes cboses faitesnbsp;Dor massif, soit plats, solt assiettes,nbsp;Bref tout marc d’or, quatre cens francsnbsp;loincts a vingt et buict escus blancs;nbsp;Pour les cuillers et les escuellesnbsp;Et toutes les autres vaissellesnbsp;Qu’ils trouueroiit de bon argent,
Ils payeront Ie mare content Vingt et six liures et demies;
Entend qu’elles soient conuerties En des espèces du païs,
C’est a dire de beaux louis; Commandement au Contre gardenbsp;De l’escrire et d’y prendre garde;
Et les Monnoyeurs les rompront Deuant ceux qui les porteront,
Sur peine de payer d’amende Cinq cens liures, somme assez grande :nbsp;Sur mesme peine leur eniolntnbsp;D’en prendre et n’en refuser point.
Et de cette taxe susdite Ne rabattre pas vne pite.
' Par les ordres du Cardinal.
-ocr page 107-Pour faire au blocus des cloisous* .
Le Dimanclie et Ie vingt quatre, Sortirent tous prests a se battrenbsp;Force gens bien faits, gros et gras,nbsp;Les cheueux frisez, le poil ras,
Monsieur le Féron, quand i’y pense, Fit vne très-belle ordonnance,
Ce iour ringt et trois de lanuier, Commandant a tout Officiernbsp;Qui sera de garde a la porte,
De faire par ses soins en sorte Que dans le Louure soit conduitnbsp;Le bied qui passe et n’est pas cuit,nbsp;Orge, Froment, Seigle, Farin”,
Pour estre durant la famine Deliurez par des Officiersnbsp;Aux boulangers et patissiers ,
Afin qu’incessamment ils cuisent,
Et que, si lesdits grains leur duisent,
IIs viennent tous les acheter Au Louure oü 1’on les fait porter,
Et ce que i’y trouue 'le drolle,
Sans auoir crédit d vne obolle;
Car rOrdonnarice dit exprès Qu’ils porteront argent tout frais,
Outre qu’ils prometiront de rendre Autant de pain qu’il s’en doit vendrenbsp;Dans les ordinaires niarchez ;
Deffenses d’auoir grains cachez,
Ny sous ombre d’bumeur ciuille En vendre aux habitants de ville ;
Que tel courtois sera pendu ;
Aux Bourgeois aussi deffendu D’en achepter d’eux sur la peinenbsp;D’amender vne cinquantainenbsp;De pistolles ou de louisnbsp;Dont ils seroient peu réiouis.
Aussi scachez la consequence De cette prudente ordonnance :
Le marché suiuant de pain eut Autant et plus qu’il n’en fallut.
97
24 janv. Jouruée denbsp;Juvisv.
98 nbsp;nbsp;nbsp;CHOiX
En Souliers iioirs, en bas de soye,
Tels que ceux qui vont tirer l’oye. Gageons, Prince, que tii m’attensnbsp;A nommer nos fiers habitans,
Qui contre la pluye et l’orage N’auoient porté que leur courage,
Et dont ils auoient pen porté Pour plus grande légèreté.
Ouy, ie veux chanter la iournée La plus celèbre de l’année,
Depuis ditte de Iimisy,
Alorsque Ie Bourgeois choisy,
La pluspart la plume a Foreille, lurant Dieu qu’il feroit merueille,
Et portant la fureur dans I’ceil,
Marchoit pour assiéger Corbeil,
Si la maison du sieur Des Roebes N’en eust empesché les approches.
Sotte et miserable maison ,
Qu’on te mandit auec raison! luuisy, malheureux village,
Ou manqna si peu de courage Qu’ils en auoient apporté tous,
Sans toy Corbeil estoit a nous.
Le Bourgeois alloit en furie, loint qu’on auoit caualerie,
Des fantassins et du canon.
Et puis tu me diras que non!
Ah! maison de Monsieur Des Roches, Que tu nous coustes de reproches!nbsp;Pourtant la sortie eut effet.
Le Pont de Sainct Maur fut deffait, Tandis que nos gens en désordrenbsp;Assez bons chiens s’ils vouloient mordre,nbsp;Le lendemain sont reuenns
-ocr page 109-99
DE MAZAUINADES.
Ayant la pluspart les pieds nuds; D’autres ayant perdu leurs armes;
Et tons pinté comme des Carmes.
Les vns admiroient Ie danger Oü l’on vouloit les engager;
Encor que de cette bataille Se sentit la seule futaillenbsp;Qu’ils percèrent de mille trous,
Et dont enfin a plusieurs coups Ils burent dans cette desroutenbsp;Le sang iusqu’a la moindre goutte.nbsp;Enfin plus mouillez qu’vn canard,
Les enfans criant au Renard,
Ils rentrèrent dans nostre ville En faisant vne longue file;
Tantost formans vn entrechas,
Tantost vomissans sur leurs pas,
Dont le grand Beaufort dans son ire Ne pouuoit s’empescher de rire.
25 janv.
Le lundy ne doit estre obmis Qu’on sceut qu’en Bretagne vn commisnbsp;De Monsieur de La Mesleraye *
N’auoit lemporté qu’vne baye Ayant demandé six milliers,
Tant Fantassins que Caualiers ^;
Que la cour n’auoit fait response Sur la demande de ce Nonce;
Ains deffendu que Chef aucun Leue soldats, ne fust ce qu’vn,
Pour Monsieur de La Mesleraye Contre qui salgne encor la playe
De ce Mareschal fier a bras.
Pour seconder les sots desseins D’vn Cardinal plein de furie.
-ocr page 110-Et Ie trou qu’il fit au iabot D’vn crocheteur; veut que Chabot‘nbsp;Qui sous main leuoit geus de guerrenbsp;Ait a dénicher de la Terre,
Et cependant qu’aux droicts Royaux Soit reioiut Ie droict des Billots *.
ICO
26 janv.
Le Mardy, Ie sieur de Raillière Fut pris en nouant sa iartièrenbsp;Et mené comme vn espion.
L’on ne connoist que trop son nom. II est monopoleur en diable,
* Le due de Rohan-Chabot.
D’oü l’on dit que le tueiir d’liomme, Meilleraye, auolt tous les nnsnbsp;Plus que quatre cens mille francs. '
Ce iour, nostre Cour fist Arrest Dans lequel a Messieurs il plaist,
Pour faire vn reglement utile Aux rentes de 1’Hostel ,de Ville,
Que les rentiers qui sont présens,
A 1’exclusion des afisens,
Soient payez de leurs arrérages;
Le mardy, vinrent quelques bandes, Tant Polonoises qu’Allemandes,
Au Bourg la Reine, prés Paris.
Dieux! quels cruels chariuaris!
Que de mal, de bosse et de playe Faisoient-ils, lorsque La Boulaye,nbsp;Braue Marquis, mit en morceauxnbsp;Plus de trente de ces pourceaux;
Outre que ce chef de courage Ouurit vertement le passagenbsp;A cent quatre-vingt et dix-neufnbsp;Charrettes de bied, sans le beeufnbsp;Qu’au nombre de deux cent soixantenbsp;Ou de trois cens , que le ne mente,
11 amena par son conuoy Malgrc les ennemls du Roy.
-ocr page 111-101
DE MAZARINADES.
Autheur de la taxe effroyable Par qui tant de Gens sont léseznbsp;Dessous Ie faux tiltre d’aisez *.
II fut coffré dans la Bastille Et fit penitence a la Grille ^.
2/ janv.
Le Mercredy, l’on ent aduis Que Messieurs de Lyon rauisnbsp;Faisans des accueils fauorablesnbsp;A tons nos arrests équitables,nbsp;Retinrent les gens que pour vousnbsp;Amenoit vn Due contre nous,
Le grand Schomberg qui prit Tortose Et qui pourroit faire autre chosenbsp;Que de seruir la passionnbsp;D’vn Prodige d’ambition.
Ce iour, nous eusmes asseurance QuVn Moucliard de Son Eminencenbsp;Vint les Chartrains questionnernbsp;S’ils se vouloient Mazariner^
Que Chartres entrant en fredaines Respondit : «Vos fieures quartaines!nbsp;Allez, chien d’espion au grat. »nbsp;lugez s’il retourna bien fat,
’ Arne damnée, esprit malin ,
Vn voleur, bref vn Mazarin.
® Mercredy, vlngt-sept de lanuier, Nosseigneurs ont fait publiernbsp;Vn Arrest du vingt-cinquiesmenbsp;Qui sur la multitude extresmenbsp;Des libelles et qu’aucuns d’euxnbsp;Sont insolens et frauduleux,
Porte qu’Imprimeurs et Libraires Suiuant leurs statnts ordinairesnbsp;Ne feront point d’impressionnbsp;Sans y roettre premier leur nomnbsp;Et de celuy que Ton imprime,
Autant en prose comme en rime.
-ocr page 112-La ville en estat s’estant mise De se garantir de surprise.
Deslors vn Régiment botté Qui n’en estoit pas moins crotté,nbsp;Sortit du costé de la Brie;
D’oü vint a nostre Boucherie ,
Le lendemain, mouton et boeuf, Que ce beau Régiment d’Elboeuf,nbsp;Ensemble des bleds et farines,nbsp;Amena des villes voisinesnbsp;En aussi grande quantiténbsp;Qu’a Paris il en ait esté
Ce mesme iour, chemin facile Fut fait des faubourgs a la ville,nbsp;Comme de la ville aux faubourgs.nbsp;Les iours estoient encor trés courts;nbsp;Mais cela ne fit point d’obstaclenbsp;Qu’vn second fils, second miracle,nbsp;Né, le iour précédent, du suenbsp;De Monsieur son père le Duenbsp;De la Duehé de Longueuille,
' Que iamais il en ait esté
Dans nostre ville auant le siege.
On ne nous escrit rien de Liège; Mais de Sainct Germain on escritnbsp;Que Mazarin, .mescliant esprit,
Pour rompre la correspondance De Paris auecque la France,
A fait arrester les Courriers,
A mis en morceaux leiirs papiers , Deffendu de plus s’entremettrenbsp;De porter ou reporter lettre;
Ce qui n’empesche pas pourtant Qu’on n’en recoiue presque autantnbsp;Qu’on faisoit auant sa deffence,
Et que ne courent par la France De trés bons Aduertissemensnbsp;De ses manuals déportemens.
-ocr page 113-103
DE MAZARINADES.
Né, dis-ie, dans l’Hostel de Ville,
Ne fut a Saiiict lean baptise,
Autretnent christianise,
Ayant la yille pour Maraine,
Madame de Bouillon Paraine;
Car ie n’ose dire Parain Puisque c’est vn mot masculin,
Et que ce fut Dame la Ville Qui tint Ie ieune Longueuille,
Et qui Ie nomma Carolus De Paris5 et s’il en faut plus,
D’Orleans j s’il en faut encore ,
Le comte de S. Paul que i’honore;
Pour la ville estant le Féron *.
La nuict deuant qu’il eust son nom, Les cheuaux légers de Corinthe,
Gens a l’espreuue de la crainte,
Sur le chemin de Long-iumeau Rencontrèrent sous vn ormeaunbsp;Cent deux hommes d’Infanterienbsp;Et deux cens de cauallerie.
Hommes qui n’estoient pas pour nous, Sur lesquels et boutte a grands coupsnbsp;Donna nostre petite trouppe,
Qui pousse, qui bat et qui couppe , Qu’on pousse, qu’on couppe, qu’on bat,nbsp;Qui rend et qui recoit combat,
Et fait ioliment sa retraite,
La partie estant trop mal faite Séuigny commandant pour nous *.
28 janv.
Le leudy, nous apprismes tous Que dans la terre Prouencale
-ocr page 114-104 nbsp;nbsp;nbsp;GHOIX
La procession générale
Que Ie people d’Aix, bon chrestien,
Fit Ie iour de Sainct Sébastien,
Fut interrompue en sa file Par des soldats entrez. en Villenbsp;Sous l’ordre du Comte d’Alets,nbsp;Gouuerneur de la Ville d’Aix;nbsp;Surquoy la populace fiérenbsp;Auec la croix et la bannièrenbsp;Le bénestier et 1’aspergés,
Battit ces geus, et prit d’Alets.
Nous sceumes aussi qu’a Marseille L’on auoit ioué la pareillenbsp;Au ieune Due de Richelieu,
Arresté par ceux de ce lieu,
Qui mesme auoient fait prisonnières Plus des trois quarts de ses Gallères.
30 janr.
Le Samedy trentiesme iour,
De Fordonnance de la Cour Les Conseillers Doux et Viole,
Dont la vertu tient comme colle, Pi'irent la poste en mauiement;
La Cour leur fit commandement Que passe-ports ils déliurassentnbsp;De toute sorte et les signassentnbsp;Tous deux, ou l’vn l’autre absent, etnbsp;(En latin) le Greffier Guyet*.
Ce iour, Ia Cour mit en allarmes Les clinquaillers et vendeurs d’armes;nbsp;Car par Arrest fut deffenclunbsp;Que dorénauant soit vendunbsp;Le mousquet et la bandouillèrenbsp;De Charleuille et de Mézièrenbsp;Ou du païs des Liégeoisnbsp;Plus de huict quarts d’eseus de pois;nbsp;Ny que plus de dix francs on vende
-ocr page 115-105
DE MAZARINADES.
Ce iour, les trouppes d’Alexancli'e, Venant a Bry pour Ie surprendre,nbsp;I’entends vos trouppes , grand Condé ,nbsp;II nous fut a Paris mandé;
Sur quoy nostre Cauallerie Prenant la route de la Brienbsp;Les ennemis fuirent tout net ,
Et pas vu d’eux ne remaiiet;
Mais bien vne quantité grande De bleds et de vive viande,
C’est a dire de bestial,
Qui pour renfort du Carnaual Fut a Paris fort bien receue,
Et dont la Ville fut pourueue.
Lors on tira des Fuzeliers Des Colonelles des quartiers;
Et de la noble Bourgeoisie,
II alk quelque Compagnie Pour faire garde a Cbarenton,
Tandis qu’on menoit, ce dit-on,
La Garnison faire ses orges Deuers Yilleneufue S, Georges,
Et d’autre a Brieconterobert,
Qu’on craignoit qui fust pris sans vert.
31 janv.
Le Dimanche, Monsieur Tancrède
Ceux de Sédan et de Hollande;
Ny plus de vingt et quatre sous Picques de fresne a communs lioms;nbsp;Ny de fortes armcs la paire,nbsp;Ensemble le port, soit plus cbèrenbsp;De douze francs; les pistoletsnbsp;Qui se niontent par des rouets,
Auec les fourreaux, seize liures; Ceux a fusil, dix-huit; les liuresnbsp;De la fine poudre a canon,nbsp;Vingt-quatre sols; 1’autre, vn teston,
-ocr page 116-106 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Fut blessé d’vn coup saus remède ‘, Blessé, dis-ie, d’vn coup mortel,nbsp;L’issu du costé paternelnbsp;Du feu Due de Rohan son père,
Si l’on en croit sa chaste mère;
Au reste vn enfant trés bien né Aussi vaillant qu’infortuné.
II donnolt beaucoup d’espérance ; Mais Ie mauuais destin de Francenbsp;Prit mal a propos Ie toupetnbsp;Contre vn ieune homme si bien faitnbsp;Qui portoit toupet sur sa teste,nbsp;Comme l’on voit dans sa requeste ^.nbsp;Voyons done comme il a péry ;
II reuenoit avec Vitry,
Noirmoutier et d’autre Noblesse Quand pour sa première prouesse,'nbsp;Et pour acheuer son Romant,
II rencontra quelque Allemand De la garnison de Vincennenbsp;Qu’il suiuit a perte d’haleine;
Mais il s’engagea trop auant.
Les ennemis estoient deuant,
Qui saus considérer son age Le traittèrent auecque rage ,
Paree qu’il auoit presque occis De leurs caualliers cinq ou six.
Ils le chargèrent, le blessèrent,
Et dans Vincennes le traisnèrent, Oü le lendemain son déceds
‘ Letlre de consolation enuojée a madame la duchesse de Rohan, etc. [1922]; Regrets de la mort glorieuse de M. Tancrède de Rohan, etc. [3-081].
N. D. T.
^ Madame de Rohan, en la requeste que elle présenta, dit que Tancrède estoit reconnu par le toupet qu’il auoit.
-ocr page 117-107
U' ïéTrier.
DE MAZARINADES.
Finit sa vie et son procez 1.
Lors on eut aduis veritable,
Qu’a S. Germain (chose effroyable!) Monseigneur, vous auiez nuds misnbsp;Tons les gens que vous auiez pris,nbsp;Et que sans balie et sans iaquette 1nbsp;Ils estoient en grande disette,nbsp;Enfermez au tripot du lieunbsp;N’ayant reconfort que de Dieu.
Le Lundy première iournée 1,
Du second mois de cette annèe, Vous fistes le determine,
Dont il prit mal a Fontenay,
A Sceaux, Palaiseau, belle terre Oü vos barbares gens de guerre,nbsp;Firent ès maisons et clochersnbsp;Pis que n’auroient fait des archers,nbsp;Ou les volleurs de S. Sulpice;
Car ils prirent iusqu’au calice, Pissèrent dans le benestier,nbsp;Assommèrent vn marguillier,
' Et lors dans la grande Escurie Le régiment d’infanterienbsp;Du puissant prince de Contynbsp;Dont le feu n’est point ralenty ,
Et qui nous proinet la ruine De rinsolence mazarine,
Dans le manége fit serment A deux Messieurs du Parlement.
“ Et que la rage cardinale
Les a sans iaquette et sans balie.
‘ Et depuis pour fraische nouuelle Qu’il est venu de la gratellenbsp;Au Cardinal a beau museau.
C’est le sujet de la Harangue a la Reynepar messieurs les cures desbourgs da Sceaux, etc. [1539].
-ocr page 118-108 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Des surplis firent chemisettes,
Et beurent Ie vin des burettes, Prirent Ie liure d’Oremusnbsp;Qu’ils ne respectèrent pas plus.
2 Kvrier. nbsp;nbsp;nbsp;Lc Murdj n’cst pas remarquable.
4 nbsp;nbsp;nbsp;leudy quatre , sortant de table
Oil Ton seruit force rosty,
Monsieur le Prince de Conty,
Suiuy d’vne grande cobue Fut faire a ses gardes reuue,
Oil se trouua Monsieur d’Elboeuf Qui n’auoit pris qu’vn iaune d’oeuf,nbsp;Taut son ardeur infatigablenbsp;Le laissoit pen dormir a table;
lour que pour nous faire du mal, Scacbant que force bestialnbsp;Nous venoit du coste de Brie,
Bled, farine, autre drollerie,
Qui sauuolt Paris de la faim,
Et qui rompoit vostre dessein,
Vous pensastes mourir de rage;
Er pour nous boucher ce passage, Ayant en vain attaqué Bry,
Qui n’estoit vostre fauory Depuis qu’a vos belles cobortesnbsp;II auoit refuse les portes,
Vous tournastes vers Lesigny, Chasteau iadis a Concbiny ¦
Oil de la canaille rustique,
Ce iour, a vos gens fit la nique,
Et quelques soldats au milieu
Que par lustice on deuoit vendre Et que Mazarin pent prétendrenbsp;Comme successeur du Marquisnbsp;Et quasi du luesme pais.
-ocr page 119-109
DE MAZARINADES.
Venus de Bry, voisin du lieu , Respondirent auec rudesse :
« Ie sous vallets de Sou Altesse 5 Ce sera pour vne autre fois. «
6 fevricr.
Ce fut Ie cinquiesme du mois Que quelques trouppes ennemies *
Pour poursulure leurs volleries Et Ie dégat du plat pays,
Prirent leur vol de S. Denis.
Hélas! que tu deus estre en trance, Pauure Mesnil Madame Rance!
Ce iour, c’estoit a toy Ie dez;
Tes murs n’estoient pas bien gardez.
Ils mirent au fil de leurs lames Enfans, vieillards, hommes et femmes,nbsp;Et firent acte de larronsnbsp;Par tous les bourgs aux enuirous.
C’est ce iour si ie ne me blouze,
Que TArcbeuesque de Thoulouze Reuint icy de Sainct Germain ;
Mais non, ce fut Ie lendemain.
Nenny, ce fut ce iour-la mesme Qu’estant allé dès Ie troisiesmenbsp;Y faire predicationnbsp;De nostre bonne intention ,
En pfuise d’vne remonstrance,
II ne pust auoir audience;
Et sans qu’oii l oiiist, il auint Que Ie zélé prélat reuint.
Ce iour mérite quelque notte, Puisque Ie Mareschal la Mottenbsp;Ef Ie vaillant Due de Beaufort,
Qu’on appeloit frappe d’abort%
' Que quelques troupes mazarines ’ Qui fait tout nostre reconfort.
-ocr page 120-HO nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Sortis auec Cavalerie
Pour purger les chemins de Brie
Des picoreurs de Saiiict Denis,
Vireiit prés les bois de Bondis Vne forte trouppe et trés grandenbsp;De Caualerie Allemande.
Demander si nos généraux Furent aussitost a leur dos,
C’est pêché mortel que ce doute. L’Allemand fut mis en déroutenbsp;Après s’estre bien défendu,nbsp;lusques la mesme, qu’vn pendu,
Le Capitaine de la trouppe,
(Quand i’y songe ma voix s’étoupe) Vint tirer a brusle-pourpointnbsp;Nostre Due, qui ne bransla point;
Mais d’vn revers de cimeterre Renuersa ce Reistre par terre;
Les vns disent de pistolet.
Enfin le coup ne fut pas laid.
Le drosle en est au cimetière.
Et mord fièrement la poussière.
7 février. Siége de Cha-
Le sept, par vous, braue Condé,
Le Due d’Orléans seconde,
Ayant tiré des voisinages,
Des villes, bourgs, chasteaux, villages, Autant de troupes qu’il en put,
Sans que Paris débloqué fut,
II fit bien de caualerie
Trois mille , et cinq d’infanterie ,
Qui filèrent, toute la nuict.
Vers Charenton a petit bruit
* Lieu dont il auoit connoissance “ Qii’vn chef de grande expérience
-ocr page 121-111
8 février*
DE MAZARINADES.
Lundy liuit, l’aiirore esueillée ‘ Vous trouua dans vne vallée,
Que nous appelons tous Fécamp , Ou Ie volleur est trés fréquentnbsp;Durant tous les mois de Tannêe;nbsp;Mals oü deuant cette iournéenbsp;lamais tant il ne s’en comptanbsp;Que dans ce iour elle en porta.nbsp;La vostre Gros prit la scéance,
Et se saisit de 1’éminence,
Tandis que quelque Régiment Détaché par commandement,nbsp;Alia pour donner l’escaladenbsp;A la malheureuse bourgade.nbsp;Auant qu’aucun fust assommé ,nbsp;Chanleu par vos gens fut sommé *nbsp;De leur remettre cette place,
Qui ne leur fit pas cette grace;
Et sur l’heure les assiégeans De cette brauade enrageansnbsp;Occupèrent les auenuesnbsp;Que nos canons rendirent nues.nbsp;Sans mentir, Ie coup Ie premiernbsp;Les fist plus nettes qu’vn denier;nbsp;Le second rompit quatre cuisses;nbsp;Le troisiesme tua deux Suisses.nbsp;Nauarre, braue Régimentnbsp;Lascha le pied vilainement.
Vingt de ses officiers a terre
Estoit le fidéle gardieii,
Et qu’il le défendroit blen.
' Attaque et prise de Charenton , etc. [431]; Prise de Cliarenton, etc. [2870],
* Le marquis de Clanlou, Louange de feu M. le marquis de Clanleu, etc. [2323].
-ocr page 122-112 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Maudirent mille fois la guerre Qui les emioyoit chez Plutonnbsp;Deuant vu cliétlf Cliarenton.
Vostre Altesse ayaiit sceu l’escarre Qui s’estoit faite de Nauarre,
Pensa creuer dans son pourpoint;
Pourtant elle ne creua point,
Sur Pespérance de com])attre Le badaud qu’on tenoit a quatre,
Qui comme vn Diable iuroit Dieu Qu’il vouloit secourir ce lieu.
II disoit d’elle peste et rage,
Cependant qu’auec aduantage Elle atteudoit ceux de Paris,
Comme le cbat fait la soui'is.
Se fiant sur son éminence,
Elle auoit gravide impatience De taster le ponx au Bourgeoisnbsp;Qui ne sortit pas cette fois.
II est prudent et craint Ia touche, loint qn’il n’aime point la cartouche,
Et qu’elle en auoit fait charger.
Paris n’en vouloit point ronger,
Et certes auecques prudence (Puis qu’on dit quo cette éminence,
Se pouuoit aussi pen forcer Que 1’autre se pouuoit drasser),
Vostre Altesse faisant fanfare,
Commit pour soustenir Nauarre Chastillon auec du renfort,
Ou plutost pour chercher la mort 1;
Ou ne comiite pas moins de dix pièces sur la mort du duo do Clia-tiUoa. Regret de la France sur la mort de M. de Chalillon, nc. [3080]; Lettre de consolation enuoyéc a madame de Cdiatillon, etc. [1921]; Dernièresnbsp;paroles de M. le due de Chatillon, ctc. [1036], etc., etc.
-ocr page 123-113
DE MAZARINADES.
Car, hélas! au bas de son ventre Vne balie de mousquet entre,
Sans respecter ce Due nouueau leime , vaillant, adroit et beau 1.
Tost après vos troupes fdèrent Par des iardins qu’elles forcèrent,
Si qu’il conuint a nos sondarts, Enuironnez de toutes parts,
De faire vne retraite honneste.
Ce ne fut pas sans casser teste,
Et percer maints et maints boyaux De maints et maints et maints Royaux.nbsp;Chanleu deuant qu’il deuint ombre,
En tua de sa main grand nombre, Tant que lardé de plusieurs coupsnbsp;Ce braue prit congé de nous,
Et finit vaillamment sa vie Par vne mort digne d’enuie;
Ayant deuant mis par quartier Vn qui luy présentoit quartier.nbsp;Charenton se rendit en siiite.
La Garnison se mit en fuite,
Qu’on taschoit de secourir, quand II fallut passer par Fecamp;
Et qui deuint en moins d’vne heure Grand prédicateur, ou ie meure,
Puis qu’au iour qu’U est décédé II prescha son cousin Condc ;
Tesmoin ses paroles dernlères Qu’il accompagna de prièresnbsp;Capables de fendre vn roclier.
Aussi ne put pas s’empesclier Condé de lui donner des larmesnbsp;Et trahir Ie Dieu des allarmes,
Ennerais de Dame Piüé;
Mais ce furent pleurs d’amitié A cause de leur parentage.
-ocr page 124-114 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Ce qui n’estoit pas fort facile A nos petlts Messieurs de Ville *.nbsp;Le ioiir que fut pris Charenton ^nbsp;Resuant en soy-mesme Gastonnbsp;Sur rimportance de la pertenbsp;Qu’a sa prise il auoit soufferte,nbsp;Sur la conqueste il raisonna,
Et par conseil l’abandonna, Comme pour son trop d’estenduenbsp;Ne pouuant estre défendue.
II sort; et seulement il rompt Le passage qui mène au pont.
Ce fait, vos troupes défilées Vers Nogent prirent leurs volées;nbsp;Nogent sur Marne, que vos gensnbsp;Plus impiteux que des sergens,nbsp;Surprirent, pillèrent, bruslèrentjnbsp;Et puis après se retirèrent.
iO février.
Le Mercredy, nostre support Sortit de grand matin , Beaufort.nbsp;II avoit la puce a l’oreille.
Laissez lui prendre Cliarenton Puisque le sang de Chastillonnbsp;Et de Saligny le carnagenbsp;N’a que trop payé ce village,nbsp;leunes seigneurs prostituez,nbsp;Parlez done, vous autres tuez,nbsp;Braues officiers de Nauarre,nbsp;L’occasion estoit bien rarenbsp;Pour y perdre trente de vous ?
Au nom de Dieu, reuenez tous; Et que vos ombres vengeressesnbsp;S’attacbent nüit et iour aux fessesnbsp;De celui qui vous bazardanbsp;Et par nos mains vous poignarda;nbsp;C’est Mazarin que ie veux dire,nbsp;L’autheur seul de vostre martyre.
DE MAZAKINADES.
Aussi ce iour, fit-il merueille;
Car dès qu’a Charetiton il fut, L’ennemy soudain disparut,
Et luy présentant Ie derrière
Se retira sur la riuière
Dans les moulins proche du pont,
Oü nostre prince actif et prompt,
Ayant mandé 1’artillerie
Pour battre cette infanterie,
Au nombre de deux a trois cens, Recent vn aduis plus pressantnbsp;Qui Ie fit dénicher bien viste;
Car il sceut qu’auoit pris son giste A Linas Ie fameux conuoynbsp;Qu’Estampe enuoyoit par charroy.nbsp;Noirmoustier lui prestoit main forte;nbsp;Mais pour vne plus seute escortenbsp;La Mothe-Houdancourt et Beaufort,nbsp;C’estoit a qui courroit plus fort,nbsp;Estoient désia dessus la voye,
Quand vn advis on leur enuoye Que le Marescbal de Grammont 1nbsp;S’auancoit en pas de Gasconnbsp;Pour les couper sur leurs passages.nbsp;Nos Généraux prudens et sagesnbsp;Vinrent en ördre niartialnbsp;Receuoir ce grand Marescbal,
Qui monstra brauement la croUpe (Dit la chanson) auec sa troupenbsp;Bien qu elle fust de cinq milliers,
115
Arriuée du conuoy d'Estara-pes.
Ce n’est pas ainsi que le raconte la Défaite d't/ne partk du conuoy des Parisiens dans le village de ^itry, etc. [963].
* Venolt faisant le rodomont.
‘ Avec sa mazarine troupe.
-ocr page 126-116 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Taut fantassins que caualiers,
Laissans tesmoins de sa disgrace Plusieurs Officiers sur la place,
Entre lesquels il dit adieu Au braue colonel Noirlieu,
Qui scauant au faict de la guerre N’en fut pas moins porté par terre,nbsp;Quoy qu’armé comme vn lacquemart,nbsp;Et malgré les ruses de Tartnbsp;S’abbatit en faisant vne essenbsp;Dessous Beaufort, de qui I’adressenbsp;Luy porta Fespée au gosier;
Coup qui Fempescha de crier *
Contre nostre guerre ciuille,
Et d’embrasser eet autre Achille,
Ce Beaufort dont Fillustre bras Combloit de gloire sou trépas;nbsp;Beaufort, dis-ie, qui teste nue,
Sans armes que celle qui tue,
IV’ayant quVn bufle sur Ie corps , Affronta, ce iour, mille morts,
Les poussa, leur dit pis que pendre, Saus qu’elles osassent Ie prendre.
Ce fut lors que nostre Bourgeois ^ Fut aux champs la seconde fois,
Sur Ie bruit de cette rencontre. Chacun d’eux fort zelé se montre.
Ils vont, ils vollent au secotirs;
' Ce qu’il tesmojgnoit par ses yeux,
Qu’il rouloit tristemeut aux cieux.
Ah I qu’il eust fait belle harangue!
Mals il auoit en deux la langue.
Qu’il auroit maudit Ie party!
Qu’il s’en seroit bien repenty!
Qu’il auroit pesté contre luie !
Qu’il auroit baisé nostre Hercule!
-ocr page 127-117
Et 1’on n’entend dans leurs discours Que Vine Beaufort et La Mothe !
II n’en est pas vu qui ne trotte;
Et se trouuent ainsi trottans Plus de trente mille habitans,
Dont l’ardeur fut bien rengainée, Trouuant la bataille gagnéenbsp;Et la victoire qui rioitnbsp;De nos Bourgeois, qu’elle voyoitnbsp;Pester et se gratter la testenbsp;De n’auoir esté de la feste,nbsp;lurans pour faire les mescbantsnbsp;Contre Ie Préuost des Marchands ,
Soit que Madame la Victoire Eust rappellé dans sa mémoirenbsp;luuisy, que ces bons soldatsnbsp;Out promis de ne passer pas,
Et dont ils estoient sur la route.
Bref, ils reuindrent saus voir goute, Confondus auec les pourceaux ,
Les moutons, les bceufs et les veaux *;
II faisoit beau voir en bataille Cinq cens gorets de belle taille;
Leur bataillon sage et discret Laissoit vu estron a regret;
Mals pour mieux obseruer sou ordre Gbacun d’eux passoit saus Ie mordre
• Qui toute la nuit défilèrent
Et dans vn si grand nombre entrèrent Par Saint lacques et Saint Marcelnbsp;Qn’il ne s’en vit iamais de tel.
L’on conté prés de quatre mille Qui furent receus dans la ville,
De ces nourrissans animanx.
‘ Ce» six vers se trouvent textuellement dans les Vershurlesques
-ocr page 128-118 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
En suite on voyoit les moutons Qui faisoient mille plaisans bonds,
Et s’auancoient en criant baye,
Que recent S. Germain en Laye.
Nos chefs entrèrent les premiers Auecques force prisonniers 1.
i I février.
Le leudy, fut pris la Valette,
Fruict de I’Espernone brayette ,
Mais de ces fruicts qui sont bastards.
II fut pris semant des placards, Placards qu’il croyoit pour récoltenbsp;Deuoir produire vne réuolte,
Et qui n’eurent aucun effet,
Si ce n’est que par eux fut fait A eet bomme pourpoint de pierrenbsp;Qu’il eut le reste de la guerre.
Ce iour, certains du Parlement Parlèrent d’accommodement;
Mais soit qu’ils n’eussent pas puissance, Soit pour la raison de 1’absencenbsp;De nos chefs, la cour fut d’auisnbsp;Qu’au lendemain tont fust remis.
^ 2 fcvrier. Hefus (lu Héraut d’arraes quenbsp;la Beyne envoya.
Le Veudredy, le Héraut d’armes Me fit rire iusques aux larmes,
Lorsque ie le consideré Vers la porte Sainct Honoré,
Au matin, qui faisoit maint cerne, Comme ponr inuoquer I’Anerne.
a M. Scarron sur Parriuée du oonuoy, etc. Saint-Julien n’a-t-11 fait ici que reprendre son bien ?
Le sleur de Ferracier Monbrun Et d’Alais, vn grand bomme brun,
Dont Noirmoutier auolt fait prise.
L’vn et l’autre estoient gens de inise Et Marescliaux de Camp tous deux.
-ocr page 129-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;119
Ie Ie vis qui faisoit trois tours,
A peu prés comme font les Ours .
Qu’on fait montrer a la ieunesse,
Et qu’vn bateleur meine en laisse.
Après auoir pyrouetté,
II demanda d’estre escoutté;
Mais Messieurs sans faire response,
Laissèrent ce bizearre nonce,
Ordonnans qu’ii falloit mander Nos Généraux pour procéder,
Et que par vne tolerance La Mothe auroit aussi séance.
Nos Généraux estant venus,
II fut dit qu’on feroit refus D’introduire cette toupie *,
Qui ne manquoit pas de roupie,
Et que Messieurs les geus du Roy Iroient luy citer vne loynbsp;Qui deffendoit d’ouurir la portenbsp;A pas vn homme de sa sorte,
Veu qu’ils n’estoient point ennemis,
Ny souuerains, mais trés soumis Aux volontez de leur Monarquenbsp;(Responce digne de remarque,
Et qui dut rendre bien camus Le Héraut qui ne tournoit plus);
Les mesmes iroient vers la Reine Dire que ce n’est pas par hainenbsp;Qu’on a fait geler son Héraut,
Que Messieurs ont fait comme il faut,
Que c’est marque de leur Science Et non de désobéïssance.
Selon qu’il fut dit, il fut fait;
* Jtidicieux refus du Parlement de donner audience aux deux héraults, etc.
[t'/6e].
-ocr page 130-120 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Et Ie Héraut mal satisfait Mit son cheual a l’escurienbsp;Dans la prochaine hostellerie.
Mais pour aller a Sainct Germain, Monsieur Talon baisa la main.
II repassoit en sa mémoire Qu’il n’eut pas seulement a boirenbsp;La première fois qu’il y fut;
Ce qui fit qu’il se résolut D’ escrire pour son asseurance.nbsp;Cependant Ie Héraut de Francenbsp;Qui fit vn médiocre escot,
^ 3 féviier.
Mais qui dormit comme vn sabot, Ayant encor tourné de mesmenbsp;Partit Ie Samedy treiziesmenbsp;Et deuant plier son paquet,
Laissa sur la barre vn pacquet,
Qui demeura cette semaine Entre les mains du Capitaine.
Ce mesme iour, Ie fils puisne * D’vn potentat infortunénbsp;Fut receu dedans nostre ville,
Oü sa mère avoit pris asile Contre la fureur de l’Anglois,nbsp;Infame bourreau de ses Rois.
^ 4 février.
Le quatorziesme, et Ie Dimanche, Par vn Prélat a barbe blanchenbsp;Fut sacré Monsieur de Bayeuxnbsp;Tandis qu’vn édict rigoureuxnbsp;Qui fut faict en l’Hostel de Ville,nbsp;Ordonna (chose trés vtile)
Aux chefs et maistres des maisons, Nonobstant toutes leurs raisons,
• nbsp;nbsp;nbsp;Le due d’York.
* nbsp;nbsp;nbsp;N. Molé, fils du premier président.
-ocr page 131-121
De porter eux-mesmes en garde Picque, Mousquet on Hallebarde,
Et d’estre chez leurs officiers Aux mandemens particidiers;
De venir quand on les appelle En faction on sentinelle,
Selon l’ordre du caporal Qui bien souuent est vn brutal,
Tousiours ignorant, parfois yure;
Mais bien qu’il ne scache pas viure,
Fit-il en commandant vn rot,
II faut suiure sans dire mot.
Et la prendre mainte roupie Si Ie caporal vous oublie,
S’il cause, s’il dort ou s’il boit,
Sans oser sortir de l’endroit Oü pour sentinelle il vous pose,
Tant qu’il boit, qu’il dort ou qu’il cause.
Mi Icvrier.
Or Ie lundy quinziesme iour,
Le vaillant la Mothe Houdancourt Au Parlement prit la séance,
Et depuis en toute occurence Fut conseiller, ad honores.
^ G février.
On eut aduis le iour d’après,
Que de Soissons l’Escheuinage ‘
Party pour vn pélerinage
Qu’il alloit faire a Sainct Germain,
Le Lieutenant, homme de main S’estant mis trés fort en cholère,
Auoit fait faire vn autre Maire,
* Qu’a Soissons la correspondance Qu’auoient auec son Éminencenbsp;Le Maire et les Escheiiins,
Ayant induir ces mazarins De venir faire cle leur villenbsp;A Sainct Germain offre ciuile.
-ocr page 132-Et créé nouueaux Escheuins.
Que ces premiers ftirent laiiins Lorsque la gueule enfarinéenbsp;Par vne belle, après dineenbsp;, Estans a Soissons retournez,
On leur ferma la porte au nez! Quelqu’vn d’entre eux prit la parole;nbsp;Mais zeste comme il a pris Dole,
Les Portiers sont sourds a sa voix;
Et partout visage de bois.
Ce fut cette mesme iournée Qu’a sept heures la matinee,
Messieurs n’estans point assemblez,
II vint de Chartres force bleds Que fit apporter la Boulaye,
Que quelques vendeuses de raye,
Qui l’allèrent remercier,
Nommoient leur père nourricier.
De fait, ce controlleur des Halles, Esquiuant les trouppes Royalles,
Alloit a la prouision Plus souuent qu’a l’occasion.
\ 7 février.
Les geus du Roy , Ie dix-septiesme, Sous vu passeport du seiziesmenbsp;S’estoient desia mis en cliemin,
Et s’en alloient a Sainct Germain Dire a la Reine en bonne amienbsp;Que par mespris ce ne fut mienbsp;Que son Heraut ne fut admis,
Et qu’il falloit bien qu’elle eust pris Messieurs pour des niais de Sologne,nbsp;Quand de vers Ie bois de Boulognenbsp;Nos gens virent venir d’amontnbsp;Le courtois Maresclial Grammont,
Qui leurs venoit offrir main forte,
-ocr page 133-123
^ 8 fpvrier.
DE MAZARINADES.
Et qui leurs fit tousiours escorte.
leudy, Ie Goiiuerneur de Bry,
Qni depuis Ie fut de Sainct Pry, Connu sous Ie nom de Bourgogne,nbsp;Sur Ie Régiment de Bourgognenbsp;Sortit auec peu de cheuaux,
Et fut vainqueur en peu dermots; Car si de toutes vos deffaittesnbsp;Vous me demandiez les Gazettes,
11 faudroit estre Renaudot,
Qui les donne a son fils en dot *, Auoir les mesmes anantages,
Ses lieux communs et tous ses gages.
Ce iour mesme, il nous fut mandé Que Ie beau frère de Condé,nbsp;Longueuille I’inesbranlable,
Refusoit d’estre Connestable.
Si cela fut en sou pouuoir,
Ie ne scay; mais il dut scauoir Que tel qui refuse, après muse,
Si Ie prouerbe ne s’abuse.
Ce iour, au Parlement on lut La lettre qui surprise fut^ ,
Et que par quelque manigance Escriuoit a Son Éminencenbsp;Le grand liomme Monsieur Cobon.
Il fut dit qu’on l’obserueroit,
Et gardes on luy donneroit,
Comme a Monsieur l’Éuesque d’Aire,
Qu’on croyoit estre du mystère;
Qu’en outre on prendroit au collet
‘ C’étoient les deux fils de Renaudot, Eusèbe et Isaac , qui rédigeoient a Paris, pendant leblocus, le Courrier francais en prose.
® Lettre intcrceptée dusieur ColioH,CJ deuant euesque de Dol, etc. [2243j_
-ocr page 134-Vn^conseiller du Chastelet Launé‘, qui gagnant la guéritenbsp;N’atteudit pas cette visite ^.
Ce iour, TArcheuesque régla Et par son reglement sanglanbsp;Messieurs de ieusne et de caresme,
' Launay Grave figure dans Ie Catalogue des partisans, etc. Voyezplus haut.
* II eut Ie vent de cette affaire,
Tandls que quelque Cominissaire Suiuant eet Arrest prit son volnbsp;Chez Colion, Éuesque de Dol,
Pour apprendre ses monopoles;
Mais il n’en eut que deux paroles ,
A scauoir que les iuges lais Pouuoient retourner au palais;
Qu’il ne connoissoit que Ie Pape ;
Et, comme mordant a la grappe,
11 répétolt souuent cela,
Quand doctement Ie regoula Le iuge qui 1’alla confondre,
Si bien qu’il ne put rien répondre;
Car après auoir rapporté Qu’aux faits de cette qualité,
Qui n’est qu’interroger vn homme,
On se passoit d’aller a Rome,
Et qu’il demandoit ce renuoy Contre 1’autorité du Roynbsp;Qui sur les Euesques de Francenbsp;Garde tousiours pleine puissance,
Sans courir a Sa Sainteté,
Surtout en léze Maiesté,
II lui cita quelque Concile,
D’exemples plus de quatre mille,
Et trop , puisqu’il demeura sot Sans pouuoir répondre vn seul mot,
Sinon ; « Messieurs, au Pape! au Pape!
Ie vais disner; on met ma nappe.
Adieu, ne m’interrompez pas.
Laissez-moi prendre mon repas. «
Sur quoi ces Messieurs emportérent
-ocr page 135-DE MAZAHINADES. nbsp;nbsp;nbsp;125
Qui s en venoient a face blesme,
Victorieux du oarnaual,
Seconder Ie party Royal *,
En nous ostant la Itonne chère;
Maïs la farine estoit trop chère,
Ce qui fit que nostre Pasteur Vsant avec nous de douceur,
Par vne forme d’indulgence Et sans tirer a consequence,
Nous accorda de manger oeuf,
Mouton, goret, volaille, et boeuf,
Fromage, veaux, agueaux, esclanche,
Lundy, Mardy, leudy, Dimanche ,
Et du poisson les Mercredis ,
Les Vendredis et Samedis,
Et toute la Sainte Semaine ,
Temps qu’il laissa soubs le domaine D’vn Caresme trés rigoureux,
Qui fut tout le reste aux Chartreux,
On qui du moins y deuoit estre;
Mais il se vint camper, le traistre,
Chez quelques pauures habitans Qui, disent-ils, deuant ce temps
Certains papiers qu’ils rencontrèrent,
Et quelqu’autre brlnborion Au cabinet dudit Colion ,
Et vinrent chez 1’Euesque d’Aire Qui ne fit pas taut de mystère;
Mais après auoir proteste Pour ceux de cette qualité,
Leur franchise et leur priuilége ,
II respondit dessus -vn siége.
* Pour seconder le Cardinal.
* Reglement de Monseigneur I Illustrissime et Réeérendissime Archeuesque de Paris touchant ce qui doit se pratiquer duranl ce saint temps de caresmenbsp;[196 des additions].
-ocr page 136-126 nbsp;nbsp;nbsp;^ CHÜiX
lainais si long ne ie trouuèrent,
Et dès les Iloys Ie comniencèrent;
Si Lien qu’en mangeant son Larant,
Par vn effet Lien différent,
Sans iours gras Ie gueux fit caresme.
Le riche n’en fit pas de mesme;
Car ayant tousiours force plats,
Sans caresme il fit les iours gras.
19 février.
Le Vendredy, dans I’assemblee Les geus du Roy vinrent d’emblée.
[Is retournoient de Sainct Germain.
Lors ils dirent l’accueil humain Qu’ils auoient receu de la Reine,
Qui sans leurs tesmoigner de hainé,
Leurs auoit fait ciuilité Et promis vne infinitenbsp;De faueurs et de bienueillancenbsp;Dès que par leur obéïssancenbsp;Messieurs du Palais prouueroientnbsp;Les respects dont ils l’asseuroient;
Et que s’ils tenoient leur promesse, lis auroient du pain de Gonesse.
Arrivée de l’a-gent de rarchi-duc.
Cepelidant 1’agent arriua*
Que 1’Archiduc nous enuoya ^,
Et dont disoit la harangère :
lt;c II porte la paix, ma comère. »
' Or ce iour, fut blen ébahie Sou Éminence d’Italienbsp;Quand elle apprit que son argentnbsp;N’auoit pu détourner l’agent,
Lequel rArchiduc de Bruxelle Enuoie a Monsieur de Brouxelle,
Comme au r'este dü Parlement.
® Letlre écrite par V Archiduc Leopold a Messieurs les Présidens, etc. [2222] ; Déclaratioh du due Charles... en faueur de la France, etc. [897]; Extraitnbsp;des registres du Parlement... du féurier 1649 [1336].
-ocr page 137-127
DE MAZARINADES.
II venoit faire complimeiil A nostre auguste Parlement.
Et ce fut ce iour que Ie drosle Nous fit voir sa trogue Espagnolle ,nbsp;four que recru de sou trauailnbsp;II ne prit qu’vue gousse d’ail,
Taut il auoit d’impatieuce D’estre bieu-tost a l’audience ,
Oil la maiu dessus Ie rognou,
II laissa tomber vu oignon Comme il tiroit de sa pochettenbsp;Vne missiue assez bien faitte ,
Qu’auoit escritte 1’Arcliiduc,
Dout ie vous doune tout Ie sue :
lt;t Du dix Féurier a Bruxelle,
Ie l’Archiduc vous escrits celle Que vous reud Ie présent porteur.nbsp;Ie suis Ie garant et rautheui’
De tout ce que dira eet homme. » De ce qu’il dit, voicy la somme :
« L’Archiduc parle par ma voix.
II m’enuoye offrir aux Francois Vne paix qu’ils out taut souhaittée,nbsp;Et qu’on a tousiours reiettée. »
Loi’s il se mit a dire mal Centre Monsieur Ie Cardinal,
En accusant son ministère.
Et dès qu’il luy pint de se taire,
La Cour dit qu’il mettroit au net Ce qu’il a dit; ce qu’il a fait;
Et cependant dans la semaine Qu’on députeroit vers la Reinenbsp;Pour l’instruire de tout cela,
Et prier par ce moyen la De ne faire pas la Normande,
-ocr page 138-128
20 fcTrier.
21 février.
22 février.
CllOlX
Ains comme la Cour luy demande, Et qu’a Messieurs les geus du Roynbsp;Elle donna, leudy, sa foy ,nbsp;Prendre des sentimens de merenbsp;Pour vn peuple qui la réuère,
Et finir vn triste blocus Qui ne fait rien que des cocus.
Le Samedy, cent trois charettes De bleds et de farines faittesnbsp;Renforcèrent nos magazins,
Malgré Messieurs les Mazarins.
Ce conuoy nous vint de la Brie Au nez d’vne troupe ennemie,
Et fut conduit par Noirmoutier, Homme scauant dans le mestier,
Et qui dans cette conioncture Garantit fort bien sa voiturenbsp;Des mains du Comte de Grancey,nbsp;Ou le combat fut balance ;
Mais nous eusmes victoire entière, Peu de nos gens au cimetière,nbsp;Encor que le choc fust trés chaud;nbsp;Monsieur de La Roche-Foucaudnbsp;Et Monsieur de Duras le ieunenbsp;Blessez par marmaise fortune.
Cé mesme iour, les ennemis Traisnèrent canons plus de six,nbsp;Dont ils firent battre en ruynenbsp;Le chasteau de Monsieur de Luyne,nbsp;Lesigny, qui le lendemainnbsp;Fut pris et tout son Saint-Crespin.
Le Lundy, la trouppe Royale Fit Gribouillette générallenbsp;Aux enuirons de Montblery.
Fen suis encor tout almry.
-ocr page 139-129
DE MAZARINADES.
Filler, brusler autour de Chastre,
Battre son hoste comme piastre Ce sont ses péchez veiiiels.
Que seront ses péchez mortels ?
Enfin ayant seen que les nostres Qui viuoient comme des Apostres,nbsp;Venoient avec elle compter,
Elle voulut hien se haster;
Et la cralnte de rendre compte Luy fit faire retraitte prompte.
Ce mesme iour, les Desputez Du Parlement s’estant hotteznbsp;Allèrent par mer et par terrenbsp;Chercher la Reine d’Angleterre ,
Pour mesler ensemble leurs pleurs Et pour compatir aux douleurs '
De cette Princesse affligée Que les Anglois out outragée,
Décollant Ie Roy son espoux.
Bons Dieux, ces peuples sont-ils fous Ensorcelez, mélancholiques,nbsp;Ypocondres ou frénétiques ?
Ont-ils Ie Diable dans les reins D’occire ainsi leurs souuerains,
Comme ils viennent de faire a Londre? L’enfer les puisse-t-il coiifondre!
Mais consolez vous, grand Roy mort, Et prenez quelque reconfort.
Vostre Maiesté n’est pas senile;
La Reyne Stuart, vostre ayeulle,
Eut aussi Ie sifflet coupé.
L’on dit que saus auoir soupé,
Ce peuple en qui malice ahonde, L’enuoya donnir hors du monde.
Elle est encore a s’éueiller.
-ocr page 140-23 février.
24 févri?]
130 nbsp;nbsp;nbsp;CKülX
Pour vous qu’il a fait sommelller, Noble Prince, illustre victimenbsp;De subiets enbardis au crime,
Et qu’on a veu ioüer deux fois A coupe-teste auec leurs Rois,nbsp;Daignez nous dire la ligneenbsp;Qii’a vostre femme si bien neenbsp;Et fille de Henry le Grand,
Vous laissastes lors quand et quand. N est-ce pas six, dont la plus grandenbsp;Se tient a la Haye en Hollande,
Le Prince de Galles l’aisné,
Qui dans I’Ecosse est couronne,
Le Due d’York et sa cadette,
Qui dans Paris font leur retraitte, Deux autres qui chez les Angloisnbsp;Soupirent depuis plusieurs mois.
Le Mardy, pour leur asseurance Nos Deputez a Faudiencenbsp;Receurent des passe-par-tous.
Mercredy vingt et quatre, tous Messieurs assemblez appelèrentnbsp;Les noms de ceux qu’ils députèrent.nbsp;Le premier president Mole,
Avec lequel fut appele Monsieur le President de Mesme,nbsp;Viole de la Chambre mesme;
En suite de ces trois fut hoc Menardeau, Catinat, le Coq,
Cumont, Palluau des Enquestes, Avec le Feure des Requestes.
Dans le cours Monsieur de Saintot, Vint au deuant d’eux au grand trot,nbsp;Auec ordre de les conduire,
Sans qu’il fust permis de leur nuire,
-ocr page 141-131
DE MAZA.RINADES.
lusques au Chasteau de Ruel;
Ordre qui pourtant ne fut tel Qu’estrangère caualerlenbsp;N’eust l’audace et l’effronterienbsp;De roder en monstrant les densnbsp;Prés du char de nos Présidens*.
Enfin nostre ambassade arriue;
Etf 'on la soula comme griue A Ruel, d’ou Ie lendemalnnbsp;Elle partit pour Salnct Germain.
Ce mesme iour, sur l’asseurance Que les Royaux en abondancenbsp;Par Ie pont de Gournay filoient,
Et que Bry siéger ils aloient,
(Lors pour Ie succez de nos armes Nos chefs oyoient vespres aux Carmes),nbsp;Ou scachans que les ennemisnbsp;Deuant Bry Ie siège auoient mis,
Ils sortirent de nostre ville Ayant a leur suite onze mille,
Tant caualiers que fantassins.
Si vous demandez leurs desseins,
Les voicy : L’armée ennemie Estant ce iour la dans la Brie,
Ils alloient d’vn autre costé;
Et pour dire la ve'rité,
Nos chefs dans ces derniers bagarres Ne Krent que iouer aux barres.
Estiez vous deuers Charenton ?
Nous vous cherchions deuers Meudon; Et si des deux partis Ie nostre
Et faire espèce d’insolence;
Mais pour punlr leur violence, Vn d’entr’eux fut fort bien occis;nbsp;Et ses compagnons furent pris.
-ocr page 142-132 nbsp;nbsp;nbsp;ciioix
Rencontra quelque fois Ie vostre,
Oïi l’on fit de petits combats,
Ce fut qu’on ne s’entendit pas.
Ce fut par malheur ou béueue;
Ce fut par rencontre impréuue,
Par quelques soldats trop vaillans,
Par des espions vn peu lens.
Parfois dans quelque caracole,
Souuent contre vostre parole Et tousiours contre nos desseins ,
Nous en sommes venus aux mains;
Mais pour cette fois nostre 'armée Ne fut iamais plus animée;
Et vous fistes bien d’estre ailleurs Pour esuiter de grands malheurs.
Or tresue de la raillerie!
Tandis que vous fustes en Brie,
Nos généraux tenans les champs Ce iour et les autres suiuans,
Donnèrent temps a tout Ie monde D’aller et de courre a la ronde,
Chercher infinite de grains Dont nos greniers furent si plemsnbsp;Que i’en scay plusieurs qui créuèrentnbsp;Des quantitez qui s’y trouuèrent.
25 février.
Les iours suiuans, furent vendus,
Selon plusieurs arrêts rendus *,
Les meubles de Son Éminence,
Qui bien que pleine d’innocence,
Et qu’elle eust protesté d’abus,
II n’en resta pourtatit rien plus.
26 février
Le Vendredy, l’on a nouuelle,
Qui pour nous n’est bonne ny belle,
' Arrêt de la Cow de parlement porlant que les meubles cstant en la maison du cardinal Mazarin seront vendus^ etc. [246].
-ocr page 143-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;133
Que Ie sieur comte de Grancey,
Sans que nous Feussions offense,
Siége de Bri-ironte-llobert.
Avoit mis vn siége funeste Deuant Bry, Ie seul qui nous reste,
Et qu’a Fabord Ie gouuerneur Nommé Bourgogne, homme d’honneur,
Auoit fait iusqu’a Fimpossible,
Percé Fennemy comme vn crible,
Et bien rabattu son caquet A coup de canon et mousquet;
Mais qu’en fiu vne large brescbe Le manque de poudre et de mescbe.
Et le désespoir du secours,
(Qui ne pouuoit pas avoir cours A cause des mauuais passages,
Des défilez et marescages
Que nous ne pouuions pas gaucbir.
Et que nous pouuions moins franchir,
Praslin tenant les auenues.) ^
Faisant sauter Bourgogne aux nuès,
II auoit fait vn bon traitté;
Car tel il luy fut protesté.
Mais, las! ceux qui teuoient le siège 1
Se seruirent du priuilège Qui permet a tous les Normansnbsp;De ne tenir point leurs sermens,
Puisque contre la foy promise
Mais qu’vne brcsche large et grande Que Hst la mazarine bande.
“ Le maréclial du Piessls-Praslin, qui avail le coramanderaent de la e droite de la Seine sous le prince de Condé.
5 Mais cette mazarine bande
Monstra bien qu’elle estoit normande,
Et qu’elle fait profession De n’auoir de religion.
-ocr page 144-i34 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX -
ILs mirent tons iiuds en clieniise La plus grand part de nos soldats,
Qui reuinrent les cliausses Las 1.
Ce fut au cul de la semainé 27 février,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Que nos Deputez vers la Reine
Au Parlement sont reuenus,
Oü deuant sénateurs chenus Et tous nos chefs a l’audiencenbsp;Ayant pris cLacun leur scéance,
La de leur Deputation Ils firent exposition,
Et rapportèrent que la Reine Auoit dit: « Ie n’ay point de liaine;
Et si i’osois Loire du vin,
Nous Leurions ensemLle demain.
Cependant nommez commissaires Qui soient plénipotentiairesnbsp;Tant pour la générale paix,
Que pour décliarger de son faix Le pauure peuple de la France;
Et pendant nostre conférence Ceux qui vous portent a manger,
Pourront passer sans nul danger. »
Ce que la cour treuua trés iuste;
Et nostre Parlement auguste Conclut qu’eu vn certain endroitnbsp;Des Députez on enuoyroit %
Et mesme qu’auant leur sortie La Reine en seroit aducrtie.
Pour eet effet les gens du Roy
Voyez dans le premier volume, Textrait de la Lettre du Père Michel.., a Monseigneur le due d'Angoulesme; Prise de la ville et du cliasteau de Brie-Comte-Robert [2873].
^ Arret de la Cour de parlement pour l'ouuerture de la conférence, etc. [231],
-ocr page 145-DE MAZARINADES,
S’y firent traisner par cliarroy.
Le Dimanche, quelcjue canaille Dont le feu fut vu feu de padie,
Fit manière d’émotion Qui tendoit a sedition.
File en vouloit a la soutanne,
Et prit, ie crois, pour vne canné Monsieur le Président Thoré,
Qui fut a peine retire
Des griffes de nostre fruictière
Qui le traisnoit a la riuière.
Le Lundy premier iour de Mars, Ie fus courre de toutes partsnbsp;Sans apprendre aucune nouuelle.
Le Mardy, nous receusmes celle Qu’escriuoit le Due d’Orleans,nbsp;Laquelle ouuerte, on lut dedansnbsp;Que c’estoit chose trés certainenbsp;Que la volonté de la Reinenbsp;Estoit de fournir tous les ioursnbsp;Que la conférence auroit cours,
De bleds vne quantité fixe Ny plus courte, ny plus prolixe;nbsp;Tant par iour seulement. Sur quoynbsp;La Cour voulut qu’aux gens du Roynbsp;On eust a porter cette lettre,
Veu qu’ils estoient venu promettre A leur retour de Sainct Germainnbsp;Bien plus de beurre que de pain,
Et des passages l’ouuerture,
Ce qui n’estoit qu’vne imposture;
Et qu’ils priroient leurs Maiestez * De faire iour de tous costez,
* Adonc qu’ils prieront Reyne et Roy
De vouloir mieux tenir leur foy.
135
28 févner.
4*’' mars.
2 mars.
136 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Et de nous ouurir les passages,
Veu qu’ils sont de Dieu les images Qui ne nous les boucha iamais,
Et qui se dit Dieu de la paix j Bref, qu ils rompent la conférencenbsp;Sur eet article, auec deffencenbsp;D’entrer en aucun pourparler;
Ains commandement d’enroller Par les prouinces et les villesnbsp;Des soldats tant que tous les mille.
Ils reuinrent, Ie trois de Mars, Moins gais que deuant des trois quarts,nbsp;N’ayant pu tirer de la Reinenbsp;Rien quVne mesure certainenbsp;De muids de bied réduits a centnbsp;Par chaque iour, pour nostre argent,nbsp;Dont seroit faite déliurance,
Moyennant que la conférence Commencast dès Ie lendemain;
Sur quoy Messieurs amis du pain Conclurent qu’vne paix de verrenbsp;Valloit raieux qu’vne forte guerre,nbsp;Qu’vn soupir valoit moins qu’vn rot,nbsp;Qu’vn casque valoit moins qu’vn pot,nbsp;Vne brelte qu’vne lardoire,
Coup a donner que coup a boire,
Et que Ie corps d’vn trépassé Valoit bien moins qu’vn pot cassé,
Vn cabaret mieux qu’vne garde,
Vne plume qu’vne ballebarde,
Mourir saoul que mourir de faim, Voulans que dès Ie lendemainnbsp;Nos Députez fussent en voye.
Ce iour, nous eusmes de la ioye D’apprendre qu’a la fin du temps
-ocr page 147-Nos solclats faisoient battre aux champs,
Etix que pour leur long domicile On nommoit les soldats de ville.
Voyons oü s’addressa leur pas.
Ce fut OU vous ue fustes pas.
Ils campèrent prés de la Seine En toute bourgade prochaine *,
Et se rasseurèrent vn peu,
Ayant de l’eau centre Ie feu,
Auec vn pont sur la riuière Pour par deuant et par derrière,
De tous costez, a gauche a droit S’enfuir quand I’ennemy viendroit;
Pont que pour garantir d’embusche,
Et d’estre brusle comme busche,
Bref pour le sauuer de tout tort,
Aux deux bouts ils firent vn fort.
Le leudy, se bottifièrent Et pour faire accord s’en allèrentnbsp;Le premier President Molenbsp;Dont ie vous ay déia parlé,
Monsieur le President de Mesme,
Dont ie vous ay parlé de mesme,
Les Nemonds et les Le Comeux
o
Presidens au Mortier tous deux;
Deux Gonseillers de la grand’Chambre Dont la vertu sent meilleur qu’ambre :
Messieurs Longueil et Menardeau Pour qui ie veux faire vn rondeau;
Des Enquestes Monsieur La Nauue ,
Homme de bien, ou Dieu me sauue,
Monsieur Le Coq, Monsieur Biteau,
* A Villejuif. Passe temps de Villejuif, etc. [2731]; Promenade des hoiir~ geois de Paris au camp de riUcjuif, etc. [2900]; Soldats sortis de Villejuiuenbsp;tans conge, etc. [3679].
-ocr page 148-Monsieur Violle et Palluau;
Monsieur Le Febure, des Enqnestes;
Briconnet, maistre des Requestes ;
Ensuite vn homme trés prudent Des Comptes premier Président jnbsp;Paris et 1’Escuyer, personnesnbsp;Trés vertueuses et trés bonnes;
Des Aydes, Monsieur Amelot,
Premier Président fort déuot;
Messieurs Bragelonne et Quatre-hommes Qui pourtant ne font pas deux hommes;
Pour nostre ville et le dernier Vn escheuin nommé Fournier *;
Qui tous a Ruel s’arrestèrent.
Ou le lendemain arrnièrcnt Monseigneur le Due d’Orléans,
Et vous qui n’estiez pas céans;
C’est vous Prince, que i’apostrophe,
|l !
Vous qui faisiez le Philosophe Et Thomme d’Estat dans Ruel,
Vous qui traittiez de criminel Vn corps qui sera vostre iuge,
(Disons plustost vostre refuge).
Prince , avouez vous a présent,
M. Ie Prince contesta centrenbsp;Partiele qui por-toit que toutpri-sonnier sera in-terrogé dans lesnbsp;vingt-quatreheu-res.
Ce qui vous sembla malplaisant Auant vostre metamorphose,
Que c’est vne agréable chose De n’estre point pris sans décret,
Et que c’estoit la le secret Qui pouuoit sauuer Vostre Altessenbsp;D’vne captivité traitraissenbsp;Dont on ne se peut garantir,
Et qui vient sans vous aduertir
* Discours prononcé en presence du Roi par le sieur Fournier, etc.
[H39].
-ocr page 149-139
DE MAZARINADES.
Vous voila tombé dans Ie piégc!
Qui l’eust dit que ce prinilége Que vostre interpretationnbsp;A couuert de confusion,
Ce priuilége raisonnable,
Le seul recours d’vn miserable,
De n’estre qu’vn iour en prison Par tyrannie et sans raison,
Et par vne prompte audience Pouuoir monstrer son innocence;
Que ce priuilége si doux,
Qui ne sera meshuy pour vous,
Vous eust vn an après fait faute?
Vous comptiez bien lors sans vostre hoste. Mais trefue de Moralitez.
Reuenons a nos Députez,
Qui dès que dans la conférence Ils eurent veu Son Eminence *,
La regardans a plusieurs fois,
Firent le signe de la croix,
Esbaliis de reuoir vn homme Qu’ils croyoient de retour a Rome,
Et dont les Francois quelque iour Auroient regretté le retour.
Mais cependant pour la grimace Et pour plaire a la Populace,
On le pria de s’en aller Auant qu’on se mist a parler ^.
' Les mains humblement hii baisèrent Et de ce pas le renuoyèrent.
^ Samedy six, la Ville fit Ordonnance qui déconfitnbsp;Messieurs de la boulangerie.
La farine désencbérie
Pal' les bleds que l’on apportoit,
Personne ne s’en ressentoit;
-ocr page 150-140 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Le Dlmanche, ie vis vri homnie Qui disoit que vers Bray sur Sommenbsp;L’Archiduc auoit desia beu,
Et que vers Guise on auoit veu Voltiger les trouppes d’Espagne,nbsp;Que le Due Charles en Champagnenbsp;Pi 'ès d’Auennes se promenoit,
Et farces trouppes qu’il menoit.
Lundy qu’il estoit inutile,
Le Régiment de nostre ville,
Leué non sans beaucoup de frais En vn temps qu’on faisoit la paix,nbsp;loigirit l’armée a Ville-Iuifue,
Qui de loin luy criant, Qui viue?
II creut qu’il estoit desia mort,
Et demanda quartier d’abord.
Monsieur Ie due de Luynes,nbsp;jünséniste, ennbsp;estoit Mestre denbsp;carap.
II estoit fait de lansénistes, D’Illuminés et d’Arnaudistes,
Qui tous en cette occasion Requéroient la confessionnbsp;Dont ils auoient blasmé l’usage.nbsp;I’ouis vn de ce badaudagenbsp;Qui demandoit a Dieu tout basnbsp;La grace qu’il ne croyoit pas.
Ce iour, la Cour tira de peine Le Grand Mareschal de Turenne
Si bien qu’il conuint faire vn ordre Que les appresteurs de quoi mordrenbsp;Eussent a mettre sur leurs painsnbsp;Combien de liures et de grainsnbsp;Pèsent ceux qu’ils mettent en vente,nbsp;Sans qu’aucun y manque ne mente,nbsp;Sur peine d’vn amendementnbsp;Et d’exemplaire chastiment.
Qui n’a voulu seruir la baine Et la passion de la Reine.
-ocr page 151-DE MAZARINAüES. nbsp;nbsp;nbsp;141
Tenu coupable a Sainct Germain Pour n’auoir pas preste Ja mainnbsp;A la ruine de la Frondenbsp;(C’est comme parloit tont Ie mondenbsp;Du prétendu party Royal).
On disoit de ce Mareschal Que pour nostre ville affaméenbsp;II auoit offert son armee.
Nostre Parlement l’accepta,
Et dès ce iour mesme arresta 1
Que Declaration et bulle,
Toute Sentence seroit nulle,
Et tout Arrest fait contre luy;
Ordonnant qtie dès auiourd’huy II reuint s’il pouuoit en France;
Et de plus pour la snbsistauce Que cent mille escus il prendroitnbsp;Ez receptes qu’il trouueroit ^.
Le Mardy, la Cour estonnëe Sur la remonstrance donnéenbsp;Par le Procureur General
Arrét de la Cour de parlement donnd... en faueur du mareschal de Tu-renne, etc. [233].
^ Ce iour, voulut la Cour entière Que de la vente iournalièrenbsp;Des meubles du sleur Cardinalnbsp;Les deniers fussent .a cheualnbsp;Portez entre les mains des hommesnbsp;Nommez pour receuoir les sommes,
Nonobstant opposition,
Saisie ou contestation
Que créanciers de I’Eininence
Aurolent faite a la déliurance,
Sauf è ces gens de se pouruoir Sur d’autres biens que peut auolrnbsp;Et dont n’aura que trop eet bommenbsp;Qu’on ne peut renuoyer a Rome.
-ocr page 152-Que quelqu’vn du party Royal'
Fist déliurer r autre semaine Sous 1’au thorite de la Reinenbsp;Des commissions a certains ,
Aux Damillis, aux Lauerdins,
Aux Galerandes, aux Courcelles De lever des trouppes nouuelles,
Ausquels et tous autres deffend “
Haute et puissante cour qui pend Ceux qui sa volonte violent,
Que plus de soldats ils n’enrollent Sans vn royal commandernent,
Approuue par le Parlement-Deffence a toute ame guerrière,
Gentilhonime ou bien roturière ,
De prendre employ ny s’enroller,
Sous peine de degringoler Du haul de Noblesse en roture,
Ou de roture en sepulture;
Veut que les villes et les bourgs Courent dessus eux comme a Tours,
Qu’ils s’assemblent a son de cloche,
Qu’a pied, qua cheual, ou par coche Ils courrent après tels soldats,
Et qu’ils leur rompent les deux bras.
Le dix, on sceut qu’en Normandie,
Pour ioindre a T armee ennemie,
Le Baron de Marre leuoit Le plus de trouppes qu’il pouuoit :
Mais que Chamboy, guerrier habile,
Lieutenant du grand Longueuille,
' Qu’auojt Monsieur le Cardinal.
“ Ami de la Cour de parlement portant defense a tons genlilshommes et autres de faire aucunes leuées de gens de guerre, etc. [2b4j.
-ocr page 153-Avec cinq ou six cens cheuaux Ayant poursuiuy ces Royaiix 1,
Sceut que dans Ie Chasteau de Chesne Ces gens qu’oii faisoit pour la Reine ,nbsp;Auoient esleu leur rendez vous.
II y courut tout en courroux,
Et par vn plaisant artifice Faisant faire lialte a sa milice,
Luy trentiesme quittant Ie gros Vint a Chesne tout a propos,
Oü sans dire qu’il fust des nostres,
II fut receu corame les autres,
Qui beuuoient tous comme des trous, Et qu’on tua comme des poux ;
Car Chamboy s’estant fait connoistre Se rendit aisément Ie Maistrenbsp;Et les prit tous ou les tuanbsp;Comme vn second Gargantua ^.
nbsp;nbsp;nbsp;Poussant après les Cardinanx.
* nbsp;nbsp;nbsp;leudy de mars onzième iour,
Le Parlement régla la taxe Faite a Paris et non en Saxènbsp;Pour entretenir le soudart,
Auec rabais aux vns d’vn quart; Ordonnant pourtant que les drolesnbsp;Qui seront compris sur les roolesnbsp;De cette diminution ,
Faute de satisfaction,
Demeureront déchus d’icelle Et par vente de leur vaissellenbsp;Par bons exploits et bons recorsnbsp;Ils seront contraints et par corpsnbsp;A payer 1®1 premières sommesnbsp;Auxquelles on taxa les hommes;
Et qu’ainsi tous autres nommez Sur les rooles seront sommez.
Autre Arrest permission donne A toute sorte de personne
-ocr page 154-Vn Députté que députta Monsieur le Due de La Trémouillenbsp;Qui voulant empesclier la rouillenbsp;De son courage martial,
D’apporter des grains è Paris Et de les débiter aux prixnbsp;Qii’ils priseront leur marchandlse;
Ordre a tout boulanger qu’il cuise Toute la farine qu’il a,
En pain bis , blanc qu’il pestrira,
Afin que chacun puisse -viure ,
L’vn de trois , 1’autre d’yne liure;
Permis d’en cuire iusqu’a six,
Mais passé ce poids, plus permis;
Veilt qu’a la Halle soit conduite Toute la farine nou cuitenbsp;Que Paris recolt cliaque lour,
Pour estre, cliacun a son tour,
Livrée a diuerse mesure,
Scauolr : aux hommes de roture Auecque moderationnbsp;Et selon leur condition ;
Pour messieurs de la Bluterie,
Gent qui fait fort la renebérie,
A qui chacun comme a Parquet Crioit ; « Ie suis vostre valet, »
Appelant, durant la famine,
Leur femme commère ou cousine,
Ces gros messieurs, dis-ie, en prendront Autant de sepliers qii’ils voudront;nbsp;Deffences a tout personnagenbsp;D’arrester ou mettre au pillagenbsp;Les farines ni leurs charrois;nbsp;Commandement fait au bourgeois
-ocr page 155-DE MAZAHliNADES. nbsp;nbsp;nbsp;145
L’autre raoitié des fantassins ‘.
La iiuit, les trouppes ennemies Que nous croyions estre endormies,
Vinrent voir ce que nous faisions Et virent que nous acheuionsnbsp;Nostre pont dessus la riuière,
Ouurage qui ne leur plut guère Et qu’elles eussent blen aiménbsp;De voir de loin bien allumé.
Ce fut du costé de la Brie Que parut leur caualerienbsp;Qui vint reconnoistre ce pont;
Mais son retour fut aussi prompt Qu’auoit esté son arriuée ;
Heureuse de s’estre sauuëe,
Puisqu’elle eust bientost veu beau ieu;
Les nostres affligez fort peu D’auoir manqué cette couronne,
Et de n’auoir tué personne,
Veu que c’est vn acte cruel Et que l’on traittoit a Ruel.
D’ou Ie lendemain ils retournèrent,
Et des articles apportèrent^
D’empesclier cette gribouillette Qui des charrettes seroit faite,
De courir sus et d’estriller Ceux qui voudroient ainsi piller.
' Qu’il n’attend rien pour mettre en voye Qu’vn ordre que la Cour enuoye,
Dont il demande 1’vnion Auecque vne commissionnbsp;Pour arriuer en diligence;
Sur quoi k Cour a Vaudience Incorpore par son traitenbsp;Ce Due de bonne yolonté.
® Proch verbal de la conférence faite d Rnel^ elc. [589!2J; Articles de la paix conclvc et arrestee a Ruel, etc. [413].
II nbsp;nbsp;nbsp;10
-ocr page 156-146 nbsp;nbsp;nbsp;CHÜIX
Tons nos Messieurs les Desputez Assez tard, mais assez crottez;
Et dès ce iour les deux armees,
Se sont vniquement aimees.
II n’est pas reste pour vn grain De frondeur ny de Mazarin.
Samedy, la Cour assemblee Parut extresmement troubléenbsp;D’apprendre qiie nos Generaiixnbsp;N’auoient este qu’en certains motsnbsp;Compris an traitté pacifique,
Sans auoir fourny de replique,
Veu que personne de leur part N’auoit conteste pour leur part;
Si bien qu’en cette conloncture II fut dit qu’auant la lecturenbsp;De ce qu’on auoit arreste,
Derechef seroit depute Pour conferer des aduantagesnbsp;De ces illustres personnages,
Et de tous les interessez,
Tant qu’ils eussent dit ; c’est assez, Qu’on supplieroit le Roy de mettrenbsp;En vne seule et mesme leltre.
Ce iour, on eut aduis certain Que Monsieur du Plessis-Praslainnbsp;Auoit des trouppes ennemiesnbsp;Fait vn amas des mieux choisies,nbsp;Pour s’opposer a I’Arcliiducnbsp;Qui s’auancoit d’vn pas caduc,
Et de qui la desmarche lente Ne donnoit pas moiiis d’espouuante.
Umars. nbsp;nbsp;nbsp;Fe Dimanche, les Desputez
En carrosse estoient ia montez, Quand lettre du Roy fut receue
-ocr page 157-147
DE MAZARINADES.
En termes absolus conceue,
Portant vne interdiction De faire dépntation,
Que les articles qu’apportèrent Vendredy, ceux qui conférèrent,nbsp;N’eussent esté vérifiez.
Sur quoy Messieurs furent criez Par l’insolente populace,
Qui les poussoit auec menace,
Disant tout haut : « Ie sons vendus.
Ie serons bien tost tous pendus S’il plaist au bon Dien, ma commère.
C est grand pitié que la misère.
Ils auont signé nostre mort.
C’est fait de Monsieur de Biaufort. Guerre et point de paix pour vn double!nbsp;Mais en dépit de ce grand trouble ,
II fut par Messieurs résolu Que Ie lendemain seroit lunbsp;Le contenu desdits articles,
Et qu’auec palre de besides On examineroit de présnbsp;S’ils portoient vne bonne paix.
Le Lundy, la teste affublée,
Nos chefs estant en Tassemblèe,
Lesdits articles furent leus;
Et la Cour n’en fit point refiis;
Mais seulement pour la réforme De quelqu’vn qui sembloit énorme,nbsp;Ordonna qu’on députeroitnbsp;Et qu’ensemble l’on parleroitnbsp;Pour nos chefs qui feroient escrirenbsp;Ce que chacun pour soy desire,
Pour estre au traicté de Paris Tous les iutéressez compris.
-ocr page 158-148 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Ce Lundy, Ie courrier du Maine, Mit nos esprits hors de la peinenbsp;Oil longtemps ils auoient esté,
La Boullaye, qui commandoitnbsp;les co diers denbsp;^Paris.
Si Ie Diable auoit emporté Le sieur marquis de La Boullaye^,nbsp;Qu’il asseura pour chose vrayenbsp;Auoir paru vers ces quartiers ^nbsp;Auecque force caualliersnbsp;Qui scauoient mener le carrossenbsp;Et ne cherchoient que playe et bosse;nbsp;Que le Marquis de Lauerdinnbsp;Fuyant deuant luy comme vn din,nbsp;Toute la Mancelle contréenbsp;Pour Paris s’estoit déclarée.
Le Mardy, tous nos Desputez Sous des passe ports apportez,
Pour la troisiesme fois marchèrent.
Et comme il estoit dit, allèrent Pour leurs Maiestez suppliernbsp;Que du mois d’Octobre derniernbsp;La Declaration receuenbsp;Après tant d’allee et venuenbsp;Pour le common soulagementnbsp;Ne souffrist aucun detriment *.
’ L’effroy de Saint Germain en Laye.
^ UEntree de M. le marquis de La Boulaye dans la rille du Mans, etc.
[1224],
* Ce mesme iour, Messieurs de Ville Firent vne deffence vtilenbsp;De laisser sortir désormaisnbsp;De Paris poudre ny boulets,
Ny tout ce que la ville enserre D’antres munitions de guerre,
Et, comme disoit la chanson,
Ny plonib, ny mesche, ny canon ;
Mandement a la gent soldate
-ocr page 159-Le Mercredy, lettre ciuille Vint de Monsieur de Longueuille ,nbsp;Qu’il addressoit au Parlement,
Et qui n’estoit qu’vn compliment,
A qui fit aussitost responce La Cour qui pèse tout a l’once.
Or ce iour, le Due de Bouillon Ayant pris congé du bouillon,
Des médecines, des clystères Et des drogues d’apothiquaires,nbsp;N’estant debout que de ce iour,nbsp;Releua La Mothe-Houdancourtnbsp;A Ville luifue oü nostre armeenbsp;S’estoit desia bien enrliumée.
C’est ce mesme iour qu’on a sceu Ou’au Mans auoit esté receunbsp;Nostre Marquis de La Boullaye *,nbsp;Qui bien qu’il criast ; Holla! haye!
De sortir de la ville en li^te Tant de pied comme de clieual,
Tant celle pour le Cardinal Que pour nous; enioint que bien vistenbsp;Ils aillent coucher a leur gistenbsp;Dans leurs ordinaires quartiersnbsp;Sur peine d’estre tous entiers,
Et non d’vne seule partie,
Hachez plus menu que charpie.
* Le grand Marquis de La Boulaye Et que c’estoit chose trés vrayenbsp;Qu’ayant fait fuir l’Abbé Costard,nbsp;Deueiiu soldat sur le tard,
Et qui depuis peu dans le Maine Battoit le tambour pour la Reine ,nbsp;Ensemble 1’Éuesque du Mansnbsp;Qui contre son deuoir armansnbsp;Troussa ses vénérables guestresnbsp;Quand le Marquis auec cent Maistresnbsp;Dedans le Mans mesme est entré.
149
M mars.
Le Due tie Bouillon futtous*nbsp;ionrs malade du-nmt nostre guerre.
150 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Alte, Marquis de Lauerdin!
L’autre ne fut pas si badin Que de tourner iamais visage,
Ains courut tousiours dauantage , Qu’a la parfin nostre Marquisnbsp;Ayant force cbappons conquis,
Les faisoit cuire en cette ville,
Et que ses gens estoient cinq mille.
Vn autre aduis bien plus certain, Fut que Ie Maresebal Praslain,
Qui dVne desmarclie guerrière Estoit allé sur la frontièrenbsp;Taster Ie poux a Léopol,
Auoit pris ses iambes au col,
Sans auoir dit ny quoy, ny qu’est-ce (Ce qui n’est pas grande proüesse),
Et qu’estant icy de retour,
Dans leurs garnisons d’alentour Ses trouppes estoient retournées;nbsp;Trouppes tres mal moriginées,
Et qui contre 1’accord passé D’acte d’hostilité cessé,
Pillèrent toute la clieuance De deux bourgs a leur bienséance,nbsp;Qu’ils treuuèrent sur leur cliemin;nbsp;Chemin que tenant sans dessein,nbsp;Quelque Boullangère badine,
Blanche pour Ie moins de farine,
Qui venoit de vendre son pain,
Se sentit légere d’vn grain,
Sans argent et sans pucelage,
Hormis vne qui fut si sage Que de Ie laisser a Paris,
Qui n eut que son argent de pris.
Le leudy, les chefs de nos bandes,
4 8 mars.
-ocr page 161-151
i 9 mars.
DE MAZARINADES.
Ayant fait chacun des légendes De tons leurs petits interests1,nbsp;Comnairent a Ruel expresnbsp;Pour porter leurs humbles prières,nbsp;Le Due de Bi-issac et Barrières,
Le sieur de Bas et de Grécy^.
Le Vendredy dix-neuf, icy Nous sceusmes que dans la Gascognenbsp;La Reine auoit de la besogne,
Que le Parlement de Bordeaux Tont prest a iouer des cousteauxnbsp;Auoit fait armer a nostre aide.
L’action n’en estoit pas laide 1;
Car le Normand et ce Gascon Et le nostre faisoient tricon 1.
Ce mesme iour, par vne lettre Thoulouse nous faisoit promettrenbsp;Que nous pouuions tenir pour hocnbsp;Le Parlement de Languedoc %
nbsp;nbsp;nbsp;Voyez plus haut Demandes des princes et seigneurs, etc. [997].
“ Maïs touiours vnanimement Avec Messieurs du Parlement.
^ Ce ne sont point des gasconnades.
II fit, l’autre iour, barricades,
Et par la Garonne iura Que le Cardinal périra.
* nbsp;nbsp;nbsp;La Gufenne aux pieds du Kof, etc.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;La Gufenne rictorieuse
contre ses tyrans, etc. [1537], etc., etc.
® Et qu’il a fait vne ordonnance Portant vne expresse deffencenbsp;De reuenir a nos guerriers,
Qui fort peu cliargez de lauriers,
En trouuant Ia couronne chère En ces beaux pais de lanlère,
Par vne horrible trahison Abandonnoient leur garnison,
-ocr page 162-Qui se déclaroit pour Ie nostre Tellement qu’auecque eet autrenbsp;G’estoit vn quatorze bienfait.
Le Samedy ny beau ny laid,
]Vy chaud ny froid, a l’audience Nos Généraux prirent séance,
Et la dirent tous d’vne xoix,
Qu’ils auoient donné cette fois Des propositions a faire *,
Mais qu’ils l’auoient creu nécessaire, Monsieur le Cardinal resté^,
Pour n’auoir plus de seureté,
Scachans bien qu’liomme d’Italie lamais vne offense n’oublie;
Qu’au contraire ils estoient tons prests D’abandonner leurs interestsnbsp;S’il luy plaisoit faire voyage,
Espérant pouuoir mieux en France Faire monstre de leur valllance,
Mieux qu’ils ne firent a Lérida.
Ces Catalans se trompent da
S’ils pensent nous prendre sans mouffles.
Vrayment ce sont de bons inarouffles.
Le Prince est assez empcsclié.
Parbleu! son ebeual a bronclié.
Samedy vingt, Messieurs de Ville ,
Qui faisoient vne longue file,
Furent receus au Parlement Pour receuoir 1’ordre amplementnbsp;De la procession baunalenbsp;Qu’on fait tous les ans généralenbsp;A tel iour que le iour présent,
A cause du retour plaisant De Paris en l’obéissancenbsp;De Henry quatre, Roy de France.
* Declaration faite en Parlement par Monseigneur le Prince de Conty, etc. [9S4].
* Le Cardinal estant resté.
-ocr page 163-153
DE MAZARINADES.
Slnoii, L[ue pour vn tesmoignage Qu’ils seroieut tousiours seruiteursnbsp;De nos illustres sénateurs,
Ils s’en rapportoient a ces iuges,
Protestaiis que dans nos grabuges Ils auoient armé seulementnbsp;Pour Ie public soulagement.
Ce iour, ordonnance Royalle *
Dessus la plainte générale Qu’auoient faite nos Escheuins ,
Qui n’estoient pas des Quinze-vingts,
Voulnt qu’on nous donnast de viures Pain et vin, de quoy nous rendre yures,
Et boire en diable a la santé De sa chrestienne Maiesté;
De toutes parts, par eau, par terre,
Librement comme auaitt la guerre,
Le commerce estant restably Et le reste mis en oubly ^,
Bonne nouuelle pour la pance.
22 mars.
Lundy, vingt et deux en l’absence Du vaillant Prince de Contynbsp;Que la fièure auoit iuuesty *,
Le Coadiuteur en sa place Vint au Parlement, de sa grace,
Ordonnance du Roy.... pour le rétablissement du commerce, etc.[2617],
“ Nonobstant laquelle Ordonnance Nos ennemis font résistance;
Et nous n’auons iamais vn pain Qu’lls n’en retiennent vn lopin.
Mais quoiqu’ils prennent taut de peines,
I’en auois pour trente semaiues;
Et nous pouiions bien nous mocquer Puisque nous n’en saurious manquer.
‘ Vlnt au Parlement l’;\me sainte De l’Arcbeuesque de Corintbe,
-ocr page 164-154 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Dire que Ie iour précédent, L’Archiduc, homme fort prudent,nbsp;Écriuit au Prince maladenbsp;Qu’ayant fait vne caualcade,
Et dit au Mareschal Praslain :
« Ie suis sur ta terre, vilain , »
Pour oster toute defiance Qu’il voulust enuahir la France,
II estoit prest de retourner Si la Reine pour terminernbsp;Les différends des deux couronnesnbsp;Vonloit nommer quelques personnes;nbsp;Et dit nostre frondant pasteurnbsp;Que Conty prenant fort a c«urnbsp;L’occasion aduantageusenbsp;De conclure vne paix heureuse,
Auoit a Ruël depute
Pour derechef estre insisté
Sur ce que l’archiduc propose*,
Qui raéritoit bien vne pose,
Et qu’il coniuroit nostre Cour Par son zèle et par sou amournbsp;De peser vn peu cette affaire,
Et la paix qu’elle pouuoit faire;
Qu’il estoit tousiours prest, -pour luy, D’abandonner dès auiourd’huynbsp;Tout ce qu’il auoit pu préteudrenbsp;Si Messieurs y vouloient entendre;nbsp;Qu’au contraire si Léopolnbsp;Par supercherie ou par dolnbsp;Venoit pour pescber en eau troublenbsp;(Dont i’aurois parié Ie double)
Sur cette chose proposée Qu’on croit vne billeuesée.
155
24 mars.
II declaroit dès a present Qu’il ne Ie trouuoit pas plaisaut,
Que luy mesme sur les frontières Iroit luy tailler des iartières,
Et raccommodant de rosty,
Se monstrer Prince de Gouty.
Sur quoy Messieurs firent escrire Tout Ie coutenu de sou dire.
Ce iour, on sceut qu’a Saint Germain On auoit fait accueil humainnbsp;Aux Desputez de Normandie,
Qui pour cliasser la maladie Dont nous estions tous menacez,
Y venoient comme interessez
Le Mercredy, Ton sceut qu’Erlac ‘ Estoit clos et coy dans Brissac,
Quoy qu’on nous voulust faire entendre
* nbsp;nbsp;nbsp;Le comte d’Erkc, lieutenant general, commandait les Weymariensnbsp;dans 1’armée de Turenne. Le financier Hérard lui avalt compté six centnbsp;mille livres peur payer ses troupes, etl’ayalt ainsi maintenu dans le pariinbsp;du roi.
® Quoique nous venille faire entendre Vn sot Courrier qu’on denroit pendre ,
Et qui prend le nom de la Cour 1;
Imposteur, homme sans amour Sinon pour le party contraire,
Qui deuoit fiien plustost se taire Que de mentir si puamment.
Ca , Mazarin , traistre normand,
Tu t’es seruy de cette fraude Pour nous doniier l’allarme cliaude.
Le fin mathois, le bon ruzé,
Pretends tu point t’estre excnsé Si tu dis que c’estoit son monde?
nbsp;nbsp;nbsp;Courrier de la Courportant les nouuelles de Saint~Qerimin, etc, [S2t].
-ocr page 166-Qii’i] venoit nous réduire en cendre. L’on sceust que Normands Desputeznbsp;S’estoient tous bien fort aheurteznbsp;A l’enuoy de Son Eminence;
Et l’on nous donnoit asseurance Qu’ils ne despliroient leur cahiernbsp;Qu’il n’eust Ie pied sur l’estrier.
Mais s’il est vray qu’ils Ie promirent, Ces Normands après se desdirent,
Et certes autant a propos Qu’il se pust pour nostre repos;
Attends done que ie te réponde.
Scais tu bien que Monsieur d’Erlac louait, ce iour , au triquetracnbsp;Quand tu ie dépeignois en voye.nbsp;1’aduoue auec toi qu’il enuoyenbsp;Cinq OU six galeux de gouiats;
Mais tout cela n’est pas grand cas;
Outre qu’il faut que tu confesses D’auoir pris ton nez pour tes fesses,nbsp;Quand tu nous dis que Ie Hessiennbsp;Penche pour Ie Sicilien,
Puisque Talmont, prince trés braue,
Et Ie gendre de la Landgraue,
Est en marche auec tons ses gens Et nous promet en peu de temp;»
Vne existence merueilleuse.
Mais ta monture estant boiteuse , Courrier dépesché sans besoing,
Tu ne puis pas aller si loing.
Lecteur , si ie 1’ai pris a tasclie,
Ne pense pas que ie me fasche.
Ie ne veux rien que t’aduertir Que ie ne puis ouyr mentirnbsp;Ny mesDie lire de Gazettesnbsp;Pour estre pleines de sornettes.
Lecteur , pour vne bonne fois Ne croy que Ie Courrie?' francoïs.
Les auires, abus , bagatelles!
Mais pour Ie mien , bonnes nouuelles.
157
DE MAZARliNADES.
Car qu’on renuoyast pour leur plaire Vn Ministre si nécessairenbsp;Comme Monsieur Ie Cardinal,nbsp;Quelque sot se fust fait du mal;
Et plus sot qui Fauroit pu croire , Qu'vn Prince ialoux de la gloirenbsp;Eust deffait ce qu’il anoit faitnbsp;En vn fauory si parfait,
Pour quelque courtaut de boutique Qui n’aimoit pas la Politique.
Aussi les Desputez Normands S’ils auoient fait quelques sermensnbsp;De ne desplier point leur Holle ,
Ne gardèrent pas lenr parolle,
Et cette fois manquant de foy Seruirent la France et leur Roy.
Ce mesme iour, fut dit en ville Que Ie grand Due de Longueuillenbsp;Auoit, pour assiéger Barfleur,
Fait partir sous vn chef de coenr * Des tronppes, dès Ie dix septiesme,nbsp;Et que ce chef, Ie dix-neufuiesme,nbsp;Par vn tambour nommé La Fleurnbsp;Fit sommer la ville d’Harfleur,
Qui luy dit : « Vostre fdle Heleine ; Ie suis seruante de la Reine. »
Mais quatre pièces de canon Luy firent bien tost dire non;
Car plus deffaitte qu’vn cadaure, Ayant dépesché vers Ie Haurenbsp;Dont chacun scait qu’elle depend,nbsp;Pour venir estre son garand
' Le Courrier francais en prose 1’appelle Bois-le-Fèure. Relation veritable tie ce qui s’est passé a la prise de la ville de Harfleur, etc. [3214].
-ocr page 168-158 nbsp;nbsp;nbsp;CHUIX
(C’esWt les termes de sa lettre),
Ce gouuerneur se voiilut mettre .nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;En deuoir de la secourir ,
Et pour Fempescher de périr,
Détacha deux cens cinquante hommes Qui venoient en mangeans des pommes,nbsp;Quand sur le cbemin ces mangeansnbsp;Treuuent un party de nos gens.
La peur saisit ces misérables
Qui fuyreiit comme des beaux diables,
Nul ne regardant après soy.
Enfin ils eurent tant d’effroy
Que quand dans le Haure ils entrèrent,
Les bnict heitres du soir frappèrent;
Bien que partis au chant du coq,
Et que Harfleur qui nous est hoe,
Du Haure fust a demi lieue;
Mais la peur qu’ils auoient en queue, Leur fit oublier le cbemin,
Tellement que le lendemain Harfleur nous fit ouurir la porte.
La garnison , n’estant pas forte,
Se rendit a discretion.
Après cette reddition Nos gens furent faire godaillenbsp;Au chasteau de Pierre de taillenbsp;Du sieur de Fontaine Martel;
Chasteau trés fort, mais non pas tel Que les nostres ne le forcèrentnbsp;Et deux canons n’en rapportèrent;
Sans les meubles et le bestail,
Dont ie ne fais point de détail.
25 mars.
Le iour de rAnnonciation.
Le ieudy, iour que Nostre Dame Sceut que de fille elle estoit femme,
Par vne annonciation,
159
DE MAZARINADES.
Tout estoit eii déuotion Quand lettre de cachet venuenbsp;Fit que scéance fust tenue,
Oü quand nos chefs furent venus Tous les premiers propos tenusnbsp;Furent de scauoir si la tresue,nbsp;Ennuyeuse aux gens de la Grèue,nbsp;Et qui finissoit ce iour la,
Passeroit encore au dela;
Tresue qui receut anicroche lusques au Lundy Ie plus prochenbsp;Et compris inclusiuementnbsp;Par vn arrest du Parlement.
Ce iour, a la Ferté sous louarre Vn Mazarin qui disoit ; « Garre,nbsp;Qu’on fasse place a mon cheual.
Ie viens pour Ie Party Royal * Loger icy des gens de guerre, «nbsp;Fut accueilly a coups de pierre,
Et de quelques coups de fusil.
Ie pense que d’vn grain de mil On eust lors bouché son derrière;nbsp;Heureux de retourner arrière,nbsp;Maudissant tout cicatrisenbsp;Le manant mal ciuilisé,
Qui depuis garda ses murailles, Crainte du droict de représailles.
27 mars.
Samedy du mois le vingt sept, Vostre frère encore tout mal faitnbsp;Du reste de sa maladie,
Fit declaration hardie,
Que celles que iusqu’a ce iour II auoit faites a la Cour
Ie viens de par Ie Cardinal.
-ocr page 170-CHOIX
De ne faire aucune demande Pour luy ny pour ceux de sa bande,nbsp;Le Cardinal estant sorty,
Que, foy de Prince de Conty,
Ces declarations signées Qu’on auoit iusqu’icy bernées ,nbsp;lleceuroient applaudissemenlnbsp;Pourueu qu’il plenst au Parlementnbsp;Rendre Arrest, que Son Eminencenbsp;Eust a dénicher de la France,nbsp;Parcequ’il ne pouuoit iamaisnbsp;Autrement conclurre la paix;
Que le feu partout s’alloit prendre S’il n’estoit couuert de sa cendre;nbsp;Qu’il prioit la Cour d’y resuernbsp;Avant mesmes que se lener * 5nbsp;Sur quoy la Cour a sa prièrenbsp;Resua tant sur cette matièrenbsp;Qu’après son resue elle a treuuénbsp;Qu’il auoit le premier resué.nbsp;Cependant pour faire grimace,
Et pour ne fompre pas en face De ce prince qu’elle honoroit,
La Cour dit que l’on enuoiroit Insister sur cette retraitte ,
' Ce que la Cour voulut bien faire; Et dit qu’il estoit nécessairenbsp;Que 1’acte fust enregistrénbsp;Tout entier saus estre cliastré ,
Et qu’vne copie en fust faite Pour estre d’vne mesme traittenbsp;Enuoyée a nos desputeznbsp;Qui sont derechef prieznbsp;D’insister fort pour le voyagenbsp;Du sicilien personnage.
-ocr page 171-Qui ne s’est pas eacore faitte 1.
Ce iour, nous sceusmes que lergay ’,
Du party contraire engage,
Partoit de Sainct Germain en Laye Pour s’opposer a La Boullayenbsp;Qui faisoit merueille en Aniou;
(Car il n’est pas tous les iours fou, Comme il n’est pas tons les iours feste;
Et puis ce n’est que par la teste Qu’il est fol, quand il l’est parfois,nbsp;Notamment les onze des mois.)
Or ce Marquis a teste seiche Estoit entré dedans la Fleche.
Le Dimanche, on sceut qii’è. Bourdeaux Les coups desia pleuuoient a seaux ,
Le tout pour la cause commune. L’habitant au clair de la Lunenbsp;Auoit pris le Chasteau du Hact,
Et depuis auoit fait vn pact D’inuestir le Chasteau Trompette;
Cela n’est pas dans la Gazette 1.
161
Cefutle i I dé-cembre qu’on dit qiie M. dc Lanbsp;Boullaye cria auxnbsp;armes.
28 mars.
Arret de la Cour de parlement sur la proposition faite par Monseigneur Ic Prince de Contj^ etc. [258].
Le marquis de Gerzay.
‘ Ce mesme iour, nous fut rendu Arrest en Bretagne rendunbsp;Dessus des Lettres cachetéesnbsp;Et du dix Féurier datées,
Signé Louis a Saint Germain,
Pour les dormer en propre main,
De ces Lettres vne adressante A Monsieur l’Éuesque de Nante,
Les autres aux Communautez,
Villes, Villages, Bourgs, Citez,
Chasteaux de toute la Prouince,
Pour, au nom de nostre bon Prince,
Estre des desputez nommez IInbsp;nbsp;nbsp;nbsp;11
-ocr page 172-162 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Ce iour mesme, ii vliit vu courrier,
Qui perdit cent fois Tétiier,
Et se pensa casser la teste ,
Taut il pressa sa pauure beste.
On l’auoit fait partir exprès,
Parceque Ie grand due de Retz Aiioit dit : « Nous sommes deux mille;nbsp;Bon iour, Monsieur de Longueuille.
Ie ne vous ay veu de eet au. »
Et cela fut dit dans Rouen.
29 mars. nbsp;nbsp;nbsp;Le ioui’ d’après, en l’assemblée
De diners soucis accablée Scauoir si l’on continueroit,
Comme la Reine desiroit,
Nostre trefue en sou agonie,
Conclut toute la compagnie Qu’elle auoit libéralementnbsp;Vingt et quatre heures seulement;nbsp;Après lesquelles nouueau troublenbsp;Et plus de trefue pour vn double.
Ce mesme iour, fut deffendu Par vn arrest qui fut rendu,
Afin que comme iis sont sommez,
Et que leurs Maiestés commandent,
Dedans Orleans ils se rendent Soit a beau pled, soit sur clieuauxnbsp;Pour estre aux Estats Générauxnbsp;Qui s’y tiendront d’Auiil le seize,
Oil de se trouuer il leur plaise;
Mais hélas! il ne leur plaist pas.
Ces Messieurs qui plaignent leurs pas ,
Ayant veu la Lettre Patente Donnée en l’an cinq cent soixantenbsp;Pour mesme conuocalion,
Avec verification A II Parlement de cette Lettre,
Dirent tons qu’il falloit reinettre
163
DE MAZARINADES.
Qu’ou n’imprimast plus aucmi liure, Dont !e debit auoit fait yiurenbsp;Quelque miserable imprimeurnbsp;Et quelque Burlesque rimeur,
Qui, comme vn second Blithridatte, Estoit plus friand qu’vne chattenbsp;Du poison qui Ie nourrissoit,
Dans l’instairt qu’il Ie vomissoit. Glorieux de la médisancenbsp;Qu’il faisoit de Son Eminence,
II viuoit de son acconit;
Et c’estoit pour lors pain bénit De parler mal du ministère,
De chanter Prince de Lanlère;
(Car on parloit presque aussi mal De vous comme du Cardinal. 1nbsp;On ne vit one tant de satyres,
Ny de meilleures, ny de pires Qu’on en fit de vous et de luynbsp;Et de vous encor aulourd’huy.
La cour sans expres congé d’elle, Sous vne peine corporelle ,
Et qu’Estats ne seront tenus Que sur nouueaux ordres venusnbsp;De nostre Sire et de la Reyne,
Signez par leur Cour souueraine; Cependant que 1’on escrlranbsp;Le plus huniblement qu’on pourranbsp;Pour faire vn refus agréablenbsp;Et prier qu’ordre iuuiolablenbsp;Qu’on obseruoit anciennement,
Ne recoiue aucun détriment;
Et deffence a toute personne,
Fiit il vn docteur en Sorbonne,
De se trouuer a ces Estats Ni de s’assembler en vn tasnbsp;Sous prétexte de tel voyage,
Sur peine d’estre mise en cage,
-ocr page 174-164 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Deffendit de rien imprimer Ce qui ne fit que ranimernbsp;Cette criminelle manienbsp;Que chacun croyoit assoupie;
Mais de qui la démangeaison S’accroist depuis vostre prison.
30 mg,,5 nbsp;nbsp;nbsp;Le Mardy, la nuict estoit close
(L’homme propose et Dieu dispose). Lorsqu’on ne les attendoit plusnbsp;Nos Desputez sont reuenus.
3J mars. nbsp;nbsp;nbsp;Le Mercredy, dans 1’audience
Le procez de la conférence Leu qu’il fut haut de bcmt en bout,nbsp;Au lendemain on remit tout.
¦Iquot; avril. nbsp;nbsp;nbsp;Et le premier d’Auril, fut leue
La Declaration receue ^
Qui nous rendit nostre repos,
Dont voicy les poincts principaux : Nos Arrests, escrits et libellesnbsp;Ne seront que des bagatellesnbsp;Depuis le sixiesme ianuiernbsp;Qu’il fut tant perdu de papier,
Sans que pour chose aucune faitte
‘ Arrest qui tae déplaist si fort Que ie souhaite d’estre mort.
Cet Arrest, Lecteur, est la cause Que tu n’as ny rime ny prose,
Bref rien de moi qui soit entier.
C’est lui qui chastre mon Courrier,
Qui le met en triste équipage ,
En rayant tousiours quelque page Et m’ostant deux vers féminins,
M’en laisse quatre masculins.
De rechef cet arrest me tue.
* Declaration du Roy pour faire cesser les mouuemens et rétablir le repos et ''a tranquilUté de son royaume, etc. [944].
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Personne en soit plus inquiette ;
Ce que pour nouö. rendre plus doux,
Le Roy voulut que‘quot;ontre nous Taut de Lettres expëdiées,
De Declarations criées Du costé de Sa Maiesté,
Tout fut cassé par sa bonté,
Qui prit la place de la haine.
On dit que sa Mamman la Reine,
Létlié est ïe fleuue del’oubly.
Dès le premier beau iour d’Esté , Enuoiroit au fleuue Letbénbsp;Quelqu’vn qui prist de eet eau forte,
Qui fist oubller toute sorte D vnions, ligues et traittez,
Dont ne seroient inquiétez Ceux qui pour faire telle ligue,
Non contens de faire vne brigue,
Ont leué soldats, pris deniers,
Tant publics que particuliers Qu’on maintiendra dans leurs officesnbsp;Biens, honneurs, charges, benefices,
Au mesme estat qu’ils se treuuoient Quand les Parisiens beuuoient,
La nuict des Rois, nuict qu’ils perdirent Le vray pour mille faux qu’ils firent,nbsp;Pourueu qu’ils mettent armes bas,
Et ne s’opiniastrent pas
Aux ligues, s’ils en ont aucune.
Sous couleur de cause commune;
Tous les prisonniers renuoyez;
Tons nos soldats congédiez;
* Mesme que Princes, Gentils hommes', Seigneurs, Prélats, tous autres hommes,nbsp;Qu’on scait auoir coutrihuénbsp;Ou quelque Mazarin tué.
-ocr page 176-Ce qui fut fait 1. La Cout' loyeuse D’vne fin de guerre ennuyeuse,nbsp;L’enregistra , la puLiia,
Vérifia, ratifia,
Et quaud elle fut publlée ,
Registrée et vérifiée,
Dit qu’on priroit leurs Maiestez De rendre a Paris ses beautez,
Sa splendeur et Son Eminence En l’honorant de leur presence ;
Ce qui ne se fit pas si tost Qu’aurolt désiré Ie courtaut;
Car Ie Roy partlt pour Compiègne,
Ou trois mois il tint comme teigne,
Et ne reuint de trés longtemps Au grand deuil de nos babitans.
Ainsl la paix nous fut donnée,
Et nostre guerre terminée.
Ainsi finit nostre blocus.
Ainsi ny vainqueurs ny vaincus,
Nous n’eusmes ny gloire ny bonte.
Nul des partis n’y fit son compte.
Le vostre y souffrit moult ennuis,
Y passa de mauuaises nuicts
Dans vn si grand froid, qu’on presume
Qu’il y gagna beaucoup de rbume.
Le nostre en fut incommode;
Le Carnaual en a gronde.
Enfin veux tu que ie te die ?
Citer Lecteur , si ie ne poursuie ,
Ie suis malade et ne pais;
Et s’il m’est permis de tont dire,
II m’est impossible de rire,
Que du bout des dents, d’vne paix Oil deuienl plus grand que iamais...
Mais brisons la.
-ocr page 177-167
DE MAZAWNADES.
Le Caresine eii a fait sa plainte. Philis, Cloris, Slluie , Amiutenbsp;Y perdirent tons leurs galands.
Le Palais n’eut plus de clialands.
Le procureur fut saus pratique.
Le marchand ferma sa boutique.
\1 Arthamène fut saus debit 1;
Et l’on peiisa chanter l’oljit De Lyhrahim, de Polexandre,
De CUopdtre et de Cassandra, Auec celuy de leurs autheurs,
Leurs libraires et leurs lecteurs.
Le sermon n’eut plus d’audience; Le charlatan plus de créance.nbsp;L’hostel de Bourgogne ferma.
La trouppe du Marais s’arma. lodelet n’eut plus de farinenbsp;Dont il put barbouiller sa mine.
Les marchez n’eurent plus de pain; Et chacun plus ou moins eut faim.nbsp;Mais sitost que par sa presencenbsp;La paix nous promit l’abondancenbsp;Que le Roy seul nous redonna,nbsp;Quant sa Maiesté retourna,nbsp;Aussitost disparut le trouble.
Plus de misère pour vu double. Paris a repris sa beauté.
Tout est dans la Prospérité.
Le marchand est a sa boutique;
Le procureur a sa pratique;
Les hommes de robe au Palais;
Les comédiens au Marais;
CArthamène et Vlhrahim sont de Mquot;' de ScudOTy, Volexandre de DoiT)t)ervilIe, CUopatreeX Cassandre de La Calprenède.
-ocr page 178-168 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Les artisans a leur ouurage.
Les bourgeois sont a leur ménage; Les bonnes femmes au sermon.nbsp;Cormier est a son Galbanon;nbsp;L’apotbicaire a sa seringue;
Et vous, Ie vainqueur de Nortlingue, De Rocroy, de Fribourg, de Lens,nbsp;L’effroy de tons les Castilians,
Estes dans Ie bois de Vincenne.
Dien vous y conserue et maintienne En santé.
(9 mal 1680.)
Puisque la Paix de la France, la liberté des Princes, Ie maintien de 1’authorité des loix et des dernières dé-clarations, Ie soulagement du peuple, la conseruationnbsp;du royaume et Ie repos de la Chrestienté, a quoy Ie Cardinal Mazarin s’oppose et qui ne peuuent désormaisnbsp;s’obtenir que par les armes, m’ont obligée a les prendre,nbsp;puisque i’ay esté portee par Ie conseil des gens de biennbsp;de repousser auec force la violence de la Tyrannic de cenbsp;Ministre, et qu’on a cru nécessaire d’arrester Ie cours denbsp;ses noires perfidies par la bonne foy d’vn traitté qui senbsp;propose pour sa fin des biens si grands et si souhaitables,nbsp;ie seray fort aise de rendre compte au publicq de la con-
I ]y[mt (Je Motteville ne doute pas que cette pièce ne soit de M™' de Longueville elle-même. Villefort se contente de dire que si la duchessenbsp;ne l’a pas faite, elle était bien capable de la faire.
-ocr page 179-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;169
duitte que i’ay tenue pour y arriuer, et de faire con-noistre a tout Ie monde de quelle sorte, ayant tasché autant qu’il m’a esté possible, d’apporter de plus douxnbsp;temèdes aux calamités de l’Estat et aux malheurs denbsp;nostre Maison, voyant mes efforts rebuttez, vne partienbsp;de la familie royalle sur Ie bord du precipice et la Francenbsp;si pröche de sa ruine, il a fallu par la grandeur de ce malnbsp;et par I’extremlte de la persecution qu’on fait souffrir anbsp;nostre Maison et ensemble au reste du Royaume, mettrenbsp;Ie fer dans des blessures enuenimées afin de les guërir,nbsp;et armer contre la domination illégitime d’vn enneminbsp;public, l’équité des loix qui seules ne pouuoient protégernbsp;nostre innocence ny remédier a la perte de l’Estat j nenbsp;souhaittant rien d’auantage des personnes qui verrontnbsp;comme les choses se sont passées depuis la detention denbsp;Messieurs mes frères et de Monsieur mon Marry, jusquesnbsp;au temps oii i’ay conelu auecques Ie Roy d’Espagne lesnbsp;desseins de leur libertë et de la paix des deux couronnesnbsp;et OU M. de Turenne est raarché a la teste d’vne armeenbsp;pour les faire réussir, sinon qu’examinant ces choses sansnbsp;preoccupation, ils fassent généreusement ce que leurnbsp;conscienee et ce qu’ils doiuent a leur patrie leur con-seillent.
La nuict mesme‘ que Ie Cardinal Mazarin, renuersant les loix fondamentales de nostre monarchie, comraist sonnbsp;funeste attentat sur la personne du Prince, m’estant heu-reusement desrobée a sa fureur, commé elle estoit prestenbsp;de m’arracher d’entre les bras de Madame ma Mère, ienbsp;me retirai dans Ie gouuernement de Monsieur mon Marry,nbsp;•¦esolue d’employer, pour remédier a nos misères, Ie seul
’ Du 18 janvier 1650.
-ocr page 180-CHOIX
secours des IoIk et de la bonté de leurs Maiestez. Mais ny la deputation du Parlement de Rouen a qui mes bon'nbsp;nes intentions estoient connues', ny les protestationsnbsp;réitérées d’obéissance que i’enuoyay faire a la Reyne,nbsp;ny Ie calme que ie maintins dans la Normandie, ny lanbsp;soummission de la Noblesse dont i’arrestay les ressenti-mens, ny lant de places que i’ai sacrifices, sans les dé-fendre, a l’ambltion du Cardinal Mazarin, ne l’ayant punbsp;empescher de faire marcher vne armee dans cette Pro-uince et d’y exposer Ie Roy au milieu de la peste®, afinnbsp;de nous en oster Ie gouuernement; et mon innocence,nbsp;ny mon sexe , ny mon rang n'ayant pu me garantie cheznbsp;moy dans la solitude dVne maison de Campagne ou ienbsp;m’estois retiree; la passion déréglée que ce Ministre ap-portoit a couronner sa vengeance par nostre entièrenbsp;ruine, Ie poussant aueuglement a me perdre ou a menbsp;bannir, je fus contrainte de quitter la France; et m’estantnbsp;entbarquée de nuict en vne rade difficile1, pendant 1’hy-uer, par vn mauuais temps et auec vn peril extréme , jenbsp;vins chez les Alliez de la Couronne chercher la tranquilliténbsp;dont les crimes d’vn estranger m’empeschoient de jouirnbsp;dans mon pais. Ainsi done après auoir esté battue d’unenbsp;furieuse tempeste, i’arriuay en Hollande ; mais la persecution du Cardinal Mazarin m’y suiuit. La fureur et lesnbsp;caballes desesEmissairesne purent pas seulement souffrirnbsp;qu’on me fit les ciuilitez qu’on deuoit a ma naissance, etnbsp;obligèrent les Estats de manquer en ma personne au respect qu’on rend partout au sang de nos Roys. Vn pro-
Requeste de la Duchesse Lonoueidlle au. parlement de. Rojien
[3473],
® Le Roi partit de Paris Ie 2 février.
^ De Dieppe.
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si estrange in’ayant assez lemoigné combleii Ie séiour tie ces Prouinces me pouuoit estre suspect et dangereux,nbsp;estant de plus très-certaine de la resolution que Ie Cardinal Mazarin auoit faite de tout entreprenclre plustostnbsp;que de m’y laisser en paix, et par conséquent voyantnbsp;bien que ie courois vn mesme danger dans les autres paisnbsp;de nostre alliance, ie iugeay qu’il ne me restoit aucunnbsp;lieu OU ie pusse estre auec bienséance et en seureté, quenbsp;ceux de nostre Maison; et fis dessein de me rendre anbsp;Stenay oü M. de Turenne s’estoit retire auec quelquesnbsp;vns de nos amis, afin de se garantir de la haine de cenbsp;Ministre qui Ie poursuiuoit comme vn coulpable pareenbsp;qu’il demeuroit dans nos interests et qu’il désapprouuoitnbsp;ses crimes. La consideration du Nonce que sa Sainteténbsp;a destine a l’ouurage de la paix, m’ayant obligee de menbsp;détourner de mon chemin pour Ie voir a Aix ou il demeuroit, m’obligea encore d’y faire vn séiour assez notable. Je voulus esprouuer si ie ne trouucrois point parnbsp;son moyen quelque soulagement a nos infortunes, et sinbsp;la main de cette personne choisie pour trauailler au reposnbsp;de toute l’Europe, ne me Ie donneroit point. Mais lesnbsp;nouuelles qu’on receuoit de Paris, m’ayant fait connoistrenbsp;que la cruauté de nos ennemis qui croissoit de iour ennbsp;iour, m’en ostoit toute espérance, ie continuay ma route.nbsp;En passant par les Estats du Roy Catholique, les peuplesnbsp;las de la guerre, haïssant Ie Cardinal Mazarin odieux anbsp;tout Ie monde, et détestant ses malices qui causent leursnbsp;troubles et les nostres, me demandoient partout la paixnbsp;et me coniuroient instamment de trauailler a la faire.nbsp;C’estoit Ie sentiment du Ministre d’Espagne et Ie souhaitnbsp;des grands seigneurs des Païs-Bas; et i’auoue que ren-contrant tant de bonnes dispositions a vn si grand bien,
-ocr page 182-172 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
ie conceuois des espérances d’en enuoyer des ouuertures a la Reyne et au Parlement dès que ie serois a Stenay, etnbsp;que ie me flattois de la croyance que ie pourrais procurernbsp;par vn heureux accommodement IVnion des deux cou-ronnes et la liberté des Princes. Mais estant arriuée ennbsp;ce lieu, bien loin de trouuer quelque conioncture fauo-rable pour vn si salutaire dessein, ie me suis vue inuestienbsp;par les troupes du Cardinal Mazarin; i’y ay appris quenbsp;non content de la prison et de l’exil qu’il nous fait souf-frir, et de la perte des biens que nous tenions du Roy ,nbsp;dont il nous a despouillez, et ne mettant point de bornesnbsp;a sa vengeance, il employoit la force pour arracher encore Bellegarde qui est nostre patrimoine; i’y ay sceunbsp;que Madame ma Mère enuironnée de gens de guerre anbsp;esté forcée de se dérober de Chantilly Ie iour de Pasques,nbsp;qu’on l’a encore chassée de Paris1 ou elle s’estoit venuenbsp;jetter entre les bras de la lustice, que Madame ma bellenbsp;Soeur s’est retiree auec vn danger extresme®, qu’vne mesmenbsp;fuitte a sauué mon nepueu que son enfance n’eust pasnbsp;garanty. I’y ay sceu que des gens de qualité sont menaceznbsp;de l’exil, pour auoir déploré nostre infortune; que desnbsp;femmes de condition pour la mesme cause courent Ienbsp;mesme danger; que pour ce mesme suiet on a banny desnbsp;Religieux, on a ferme la bouche auxEuesques; que nostrenbsp;amitié fait vn crime ; que la pitié qu’on a de nos maux,nbsp;est punie comme vne méchanceté; que les prisons sontnbsp;pleines de nos domestiques, et qu’enfin la barbarie dunbsp;Cardinal Mazarin se porte contre nous a vn tel exces
nbsp;nbsp;nbsp;Requéte de Ü/”1® la Princesse douairière de Condé pour sa seureté dansnbsp;la ville de Paris, etc. [3477].
* nbsp;nbsp;nbsp;Relation dece qui s’est passé a F arriuée denbsp;nbsp;nbsp;nbsp;la princesse de Condé...,
en la ville de Bordeaux, etc, [3141].
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que ne se trouuant point dans les histoires d’exemple d’vne plus grande innocence que la nostre, il ne s’y en trouuenbsp;point d’vne plus grande fureur que celle qu’il exercenbsp;en nostre endroit. En vn tel estatcognoissant que la douceur ne fait qu’irriter sa tyrannic, et voyant que nostrenbsp;perte estoit inéuitable si je ne ra’y opposois, considérantnbsp;de plus que la Monarchie ne souffre pas moins que nostrenbsp;Maison; que la foy publique des declarations est violée;nbsp;que l’on i'enuerse l’authorité des loix; que les chargesnbsp;de la Couronne et les gouuei’nemens des places et des Pro-uinces qu’on deuroit donner au seul mérite, deuiennentnbsp;Ie prix de nostre Sang et la recompense du detestablenbsp;forfait de ceux qui par 1’espoir de ces recompenses, ayantnbsp;renonce a leur honneur et déuoué leur conscience auxnbsp;lasches interests de leur fortune, soutiennent l’attentat dunbsp;Cardinal Mazarin; que l’argent et les biens qu’il falloitnbsp;réseruer pour la deffense ou pour Ie rétablissement dunbsp;Royaume, sont prodiguez et ne seruent qu’a étanchernbsp;l’auarice des gens dont ce Ministre achepte et paye la fidé-lité et Ie seruice aux despens des peuples •, que la partienbsp;la moins saine d’vne maison estrangère1 dont la puissancenbsp;autant de fois qu’elle a esté esleuée, a osé jetter les yeuxnbsp;sur la Couronne et l’ébranler par la réuolte et la guerre,nbsp;empiète de nouueau vne authorité périlleuse; que cettenbsp;inquisition d’Estat qui ne laisse ny de biens ny d’autho-rité a personne et contre laquelle on a desia eu recoursnbsp;aux armes, reprend de fortes racines; que Ie Clergé estnbsp;mesprisé, la J^oblesse persécutée, les Officiers misérables,nbsp;les peuples ruinez, les gens de bien dans Ie danger etnbsp;dans la crainte; que Ie Cardinal Mazarin se declare en-
Ceci s’ivdresse au comte d’Harcoui’l, de la maison de Lorraine.
-ocr page 184-CHOIX
nemi jure de la paix, ii’ayaut eniprisonne les Princes qui Ie vouloient contraindre a la faire, et ne commettantnbsp;tant de nouueaux crimes que pour en einpescher la conclusion ; qu’ainsi il n’y a a espérer ny de salut pour l’Es-tat, ny de remède a nos infortunes si les choses demeurentnbsp;plus longtemps dans un tel désordre; ces considerationsnbsp;jointes aux remontrances que plusieurs personnes denbsp;condition m’ont enuoyées, que la bonté de laReyne estantnbsp;plus aueuglée que jamais des artifices de son Ministre, etnbsp;la facilité de M. Ie Due d’Orléans s’abaudonnant a lanbsp;conduite de ses faux Tribuns du peuple qui par de sor-dides pretentions d’ennemis déclarez du Cardinal Mazaï'innbsp;se sont rendus ses esclaues’, j’estois la seule personne anbsp;qui il restoit des moyens de mettre vne borne a tant denbsp;malheurs, et que ma conscience, ma naissance et monnbsp;deuoir m’y obligeoient puissamment; et de plus menbsp;trouuant portee a entreprendre vn dessein si grand et sinbsp;glorieux par les instances que m’en font les plus notablesnbsp;personnages de I’Eglise, de l’espée et de la robe, et parnbsp;les supplications que i’en recois des meilleurs habitaiisnbsp;de Paris et des principales villes du Royaume, mais sur-tout me sentant fortifiée en cette occasion de l’affection,nbsp;du conseil et de l’ayde de M. de Turenne dont Ie méritenbsp;et la valeur vont au pair auecles plus. hautes entreprises,nbsp;et qui est également passionné pour Ie seruice du Roy,nbsp;pour Ie bien de Ia France et pour Ie restablissement denbsp;nostre maison; après auoir examiné toutes choses, nousnbsp;auons jugé que Ia liberté des Princes du Saiig, lesquelsnbsp;pendant la minorité doiuent auoir soin de I’Estat, estoitnbsp;Ie premier pas qu’il falloit faire pour preparer la guéri-
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;175
son aux inaux de la France, et que la Paix eusuitte estoit Ie seul remède qu’il falloit apporter aux calamitez qui lanbsp;détruisent; c’est pourquoi SaMajesté Cathollque m’ayantnbsp;fait I’honneur de m’inuiter a la seconder dans Ie désirnbsp;qu elle a de donner a la Chrestienté cette paix qu’elle ncnbsp;point traitter auec Ie Cardinal Mazurin, et qu’ellcnbsp;proteste de receuoir volontiers de la main de Messieurs lesnbsp;princes, nous auons, moy et M. de Turenne, conclunbsp;d’vn commun consentement auee les Ministres d’Espagncnbsp;de joindi’e nos forces a celles de Sa Majesté Catholique etnbsp;de ne point poser les armes que les Prinees ne soient de-livrez*. Corame aussi dès qu’il seront libres, Ie Roynbsp;d Espagne s’est oblige de sa part de conclureincessammentnbsp;cette paix et de se remettre des difflcultez qui s’y pour-ront rencontrer, a l’arbitrage des Prinees. Certes, s’il estnbsp;permis par Ie droit des gens et si la nature nous enseignenbsp;de nous seruir [dejtoutes choses pour nostre conseruationnbsp;lorsqu’on nous opprime iniustemeut, il fautaduouer qu’ilnbsp;se trouue vne extresme satisfaction quand en nous garan-tissant d’vn malheur, nous en garantissons Ie public, etnbsp;qu’il n’est rien si digne de louange, en nous déliurant, quenbsp;de déliurer encore nostre patrie. Et puisque cela est ainsi,nbsp;i’ay tout lieu de croire que m’estant trouuée contraintenbsp;d’employer la force légitime contre l’iniuste et 1’ayantnbsp;fait de sorte que ce que i’entreprends, va moins au salutnbsp;de nostre maison qu’au seruice de mon Prince eta l’uti-lité de mon Pais, il n’y a personne qui aye de la con-seience et du jugement, qui n’approuue ce iuste dessein,nbsp;qui n’y concoure, qui ne l’appuie et qui en quelque facon
' Arücle. principal du traité que Mquot;quot; de LongueuiUc et M, de Turenne ^fitfait auec Sa Maiesté catholique |4Ö0],
-ocr page 186-176 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
ne m’estime heureuse dans mon malheur d’estre Ia cause du restablissement du Royaume.
Ce sont la les ve'ritez dont i’ay estimé qu’il estoit nécessaire que Ie public fust instruit; après quoy il ne me reste rien a adiouter sinon que i’exhorte icy tous les gensnbsp;d’honneur et principalement Ie Parlement et Ie peuplenbsp;de Paris oii il semble que la source et Ie plus solide fondement de Ia Monarchie resident, de ne pas perdre vnenbsp;si lllustre occasion d’ayder a conseruer au Roy son Estat,nbsp;a déliurer dVne prison iniuste les Princes du Sang quinbsp;en sont l’appuy, a rendrela Paix a Ia France et asecouernbsp;Ie ioug insupportable de Ia Tyrannic estrangère; espé-rant que la diuine bonté qui pénètre les sentimens denbsp;mon coeur et qui scait qu’ils sont acheminez a ces fins,nbsp;bénira la justice des armes qu’on employe pour les fairenbsp;réussir, que désillant les yeux de la Reyne , elle luy feranbsp;voir en quel abisme de malheurs Ie Cardinal Mazarinnbsp;tasche a la précipiter, qu'elle détrompera M. Ie due d’Or-léans des mauuais conseils qu’on luy donne , et qu’ellenbsp;fera enfin qu’vn party si vtile et si nécessaire que celuynbsp;de la liberté et de la Paix sera aussi généralement sou-tenu par les gens de bien que ie s9ay qu’il en sera généralement approuué.
177
DE MAZAIUNADES.
(9 niai 1630.)
Nous ne serious pas dignes du nom que l’on nous a donné par derision et que uous auons rendu illustrenbsp;par nostre vertu inesbranlable et par vne fermeté quenbsp;la calomnie n’a peu terrasser, si nous nc Ie purgionsnbsp;auiourd’huy d’vne tache d’huile ou plustost d’vn poisonnbsp;lent et sucré qui menaceroit nostre reputation d’vne mortnbsp;tragique et saus reinède dans quelques iours. La quantiténbsp;de personnes de Cour qui briguent auiourd’huy cettenbsp;qualité de Frondeurs que la fortune a raise a la mode,nbsp;nous donne vne iuste crainte que ces estrangers, preten-dans a nostre adoption, n’ayent point d’autre dessein quenbsp;deprofiterde nostre succession seuleraent et d’hériter parnbsp;adresse d’vn party qui ne s’est forme que pour la def-fense de I’Estat et pour la protection des bons et verita-bles Francois.
Ce succes inespéré nous donne bien, a la vérité, quelque esclat; mais il est important que tout le mondenbsp;s^acbe que si nous auons eu la force de resister a la ten-tation d’vne fortune ieune et pleine d’attraits , nous au-rons le courage de mespriser celle d’vne vieille fardée,nbsp;qui, faute d’vne beauté naturelle, ne doit auoir recoursnbsp;qu’aux encbantemens de Circe pour perdre malicieuse-
* C’est un des pamplilets du cardinal de Retz. « M. le Coadiuteur le faisoit voir a ses anils, ditOmer Talon. II me 1’apporta et dit qu’il etoitnbsp;fait centre son parti. » Les Frondeurs, inquiets de la reddition de Sau-niur et de la prise de Bellegarde, voulaient se rajiprocher du parti desnbsp;princes prlsonniers.
n nbsp;nbsp;nbsp;12
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ment vne petite flotte si glorieusement eschappe'e des es-cueils des Syrènes et de Ia malice de nos mauuais amis et detant de tempestes que nous auons souffertes. Nous nenbsp;sommes point capables, en general, d’vne si estrangenbsp;metamorphose; et si quelques-vns des nostres font nau-frage dans les costes des Lotophages et d’Enarie , si lesnbsp;fruits et les breuuages de la Cour nous dérobent quelques-vns de nos compagnons , leur foiblesse renforceranbsp;nostre courage; et nous fournirons la carrière pour mé-riter la paix qui nous a fait entrer en lice.
Nous n’auons pas veu sans vn extresme regret 1’opi-niastreté du Prince qui s’est oppose a nostre dessein. Le respect que sa condition exigeoit de nous, l’a rendunbsp;long-temps sans effet, nous obligeant a ne lui porternbsp;que des coups fauorables ; mais quand nous auons veunbsp;que son courage estoit inflexible et nostre perte asseurée,nbsp;nous nous sommes a la vérité deffendus, de telle sorte’nbsp;toutefois que 1’on a peu voir que nous désirions plustostnbsp;de le lasser que de l’abattre. Enfin il est tombé; mais ilnbsp;faut que tout le monde scache que c’est d’vn coup qui luynbsp;est venu de dehors la barrière, et que nous ne nousnbsp;vanterons iamais de cette victoire que nous n’auonsnbsp;point trauersée que paree qu’il nous en auoit osté lanbsp;force.
Ce combat nous estoit de mauuais augure et ne luy pouuoit estre que funeste, puisque nous ne remarquionsnbsp;point a ses costés la Fortune de l’Estat preste a secondernbsp;sa valeur, ny cette belle Renommee, sa fidéle compagnenbsp;dans les occasions mémorables de Rocroy, de Thion-uille, de Fribourg, de Worms, de Mayence, de Philis-bourg, de Nordlingue, de Dunquerque, de Lens etnbsp;mille autres fameuses victoires ou conquestes de Villes et
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;179
fle Prouinces. Au contraire il n’y estoit animé que par Ie crouassement des Corbeaux et par les conseils pernicieux
ces ames noires de la Cour qui se préparoient a cueil-lir les fruits d’vne double victoire sur l’vn et sur l’autre f^es deux partis. C’estoit vn arresté des destinées que cenbsp;Prince Ie plus glorieux de nostre age succombast dans vnenbsp;poursuite iniuste et dans l’oppression oii il nous vouloitnbsp;•etter , pour seruir d ’exemple a luy-mesme et a la posté-i'ité de la lustice de Dieu et de la protection des innocensnbsp;contre la puissance des Grands.
Nous auons vne singuliere obligation d’adorer les se-, crets de sa Prouidence, de Ie remercier de ce que sonnbsp;cliastiinent ii’a point esté sanglant iusques a présent et denbsp;Ie supplier qu’il nous conserue ce Prince que nous eussionsnbsp;veu périr auec regret et auec plus de larmes qu’il u’a ré-pandu du sang de nos eniiemis. Nous ne pourrions pasnbsp;estreFrancois auec d’autres sentiinens; et si nous n’auionsnbsp;esté contraints par vne urgente uécessitc a souffrir elnbsp;non a conseiller sa detention, qui nous a affligez par sesnbsp;circonstances qui sont, a la vérité, terribles et qui pour-ront douner lieu a d’estranges entreprises au Ministre quinbsp;a si malheureusement, pour l’Estat, moissonné Ie fro-ment d’vne terre ou il auoit semé la zizanie , nous au-rions esté aussi aises qu’vn amy commun nous eustnbsp;séparez, que nous sommes inconsolables qu’il ait esténbsp;arresté par nostre ennemy commun et qui sans doutenbsp;enuioit la victoire a l’un ou a l’autre des deux Champions.
Nous ne feignons point de publier hautement que ce Prince malheureux est seul cause de son infortune, etnbsp;que nous auons iusques a l’extrémité tenu ferme contrenbsp;les desseins que Ie Cardinal Mazarin auoit de Ie faire
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arrester pour sa querelle particulière trois inois au-parauant, et que nous le protegions lorsqu’il entendoit aux moyens de nous perdre. II n’y a eu sortes de promesses que Ton ne nous ait faites pour conseiitir a cenbsp;dessein insolent et téméraire, mais capable de gagner lenbsp;ccEur des personnes plus ambitieuses et plus curieusesnbsp;de leur grandeur que de leur reputation •, car toutes lesnbsp;hautes Charges et les dignitez plus eminentes eussent estenbsp;remplies des plus considerables des nostres. Tant s’ennbsp;faut que le brillant de ces fausses amorces nous ait peunbsp;charmer la veue que nous auons eu horreur des ténèbresnbsp;de cette perfidie et que nous auons eu plus de compassion pour I’aueuglement du Prince et de haine pournbsp;I’ingratitude decetennemy couuert qui luy auoit obligation de la vie comme de la duree de son Ministère.
Nous auons ioint a nostre interest celuy de la maisoii Royalle et de I’Estat et insiste plus fortement que iamaisnbsp;pour luy faire connoistre le tort qu’il se faisoit, de pre-férer au party des gens de bien ceux du plus perfide desnbsp;hommes. Mais si nous I’auons ébranlé, d’autres Puissances et quelques faux respects assez difficiles a vaincrenbsp;font raffermy; et s’estant inconsidérément laissc sur-prendre a vne infinite d’arlifices que 1’on a employeznbsp;pour luy donner auersion de nous, il a donne dans Icnbsp;piege et a creu que fon auoit attente a sa personne. 11nbsp;est tres-certain que cela s’est publie pour veritable long-temps auparauant qu’il y ait voulu adiouster foy et quenbsp;sa mauuaise fortune a voulu qu’il en alt este persuadenbsp;par des tesmoins que la Cour a prodiiits par vne voye sinbsp;.nouuelle et si inouye qu’il n’y a point d’épithètcs nynbsp;pour ces Ministres ny pour celuy qui les a corrompus.nbsp;Ijcs flatteurs que Ton entretenoit auprès de luy, font
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l)F-] MAZARINAÜES.
encore abuse, lis Tont eschauffe claus la poursuite de la ilescoimerte de cette entreprise et luy ont fait faire eunbsp;public des contenances indignes de sou Sang et de lanbsp;inémoire de ses grandes actions, en Ie préoccupant desnbsp;Occidents tragiques qui enuironnent les grands hommesnbsp;el qni se sont rencontrez si ordinairement en sa Maison.nbsp;Enfin ils Font ietté dans Ia pensee de ce Tyran qui senbsp;plaignoit de Ia miserable condition des‘Princes dont onnbsp;ne croit qu’a la mort seulement en matière de coniurations.
Si Ie mespris dont il nous a traitté, nous a donné suiét de désirer qu’il fust humilié, ce n’estoit point denbsp;la sorte ou du moins par !e Cardinal Mazarin, qui nenbsp;peut estre que raauuais gardien d’vn dépost si cher anbsp;l’Estat et qu’il n’est pas permis cFabandonner a la discretion de 1’ennemy coramun , inais d’vn ennemy timidenbsp;et lasche qui ne peut auoir que de mauuaises nuits, desnbsp;songes terribles et de fascheux réueils, tant cpi’ilaui’adansnbsp;1’esprit ce qu’vn Pape de sa nation mandoit a vn Roy denbsp;Sicile : vita Caroli mors Conradini. Nous frémissonsnbsp;d’horreur quand nous voyons Ie Prince de Condé toutnbsp;prest d’estre la victime d’vn estranger nourry dans cettenbsp;pernicieuse maxime, et quand nous Ie voyons en estat denbsp;préférer vne vie infasme a vne vie glorieuse et vn sangnbsp;venimeux a celuy du plus illustre des Bourbons, etnbsp;enfin quand nous entrons en coinparaisou d’vn Princenbsp;du sang Royal sorty de nos Maistres et qui peut estre vnnbsp;iour 1’ancestre de nos Roys, auec vn homme condamnénbsp;par la voix de tous les Francois et de tout Ie monde etnbsp;que nous ne pouuons absoudre sans nous declarer res-ponsables de la playe dangereuse que nous auons faite anbsp;l’Estat pour arracher de ses mains la Couronne du Roynbsp;dont il faisoit vn bouclier a sa fortune.
-ocr page 192-182 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Les dëportemens du Prince de Condé ne nous ont pas aliénez de telle sorte que nous ayons iuré sa perte. Nousnbsp;ne faisons pas tant d’estat de la vie qu’il nous auroit peunbsp;faire perdre iniusteraent, que de nostre honneur qui estnbsp;Ia seule chose que nous ayons en nostre pouuoir; et l’onnbsp;ne nous peut faire de plus sensible iniure que de nousnbsp;croire d’intelligence auec Ie Cardinal Mazarin contre luynbsp;et mesme de peilser que nous soyons ses amis ny les par-ticipans de son crédit. Nous ne nous excuserions iamaisnbsp;de nous rendre irréconciliables a vn Prince de nostrenbsp;nation pour des actions d’imprudence qui n’ont pointnbsp;réussi, et de nous vnir d’intérest et d’araitié auec vnnbsp;Ttalien qui nous a entrepris ouuertement avec toutes lesnbsp;forces du Royaume et qui a mis en vsage toutes sortesnbsp;de trahisons pour nous faire périr dans des prisons ounbsp;par des supplices infasmes dont il nous a menacez. Nousnbsp;ne voulons pas mesmes douter qu’il nous eust perdus sinbsp;Ia supposition du prétendu assassinat eust préualu surnbsp;nostre innocence et qu’il luy estoit indifférent lequelnbsp;fust péry Ie premier, ou du party de ce Prince contrenbsp;lequel il coniuroit secrètement, ou de celuy du Parlement et des Frondeurs dont il estoit l’enneiny declare.nbsp;Semblable a ce Romain incertain du succez de la guerrenbsp;d’Auguste et d’Antoine, qui instruisoit diuersement deuxnbsp;perroquets pour Ie retour glorieux de l’vn ou de l’autrenbsp;des deux prétendans a l’Empire. II préparoit publique-. ment vn foudre pour les Frondeurs prests a succombei’.
* Le prince de Condé avait accuse Ie due de Beaufort, Ie Coadjuteur et le conseiller Broussel d’avoir formé un complot pour Fassassiner.nbsp;Ccinses de recusation contre M. le Premier Président^ etc. [656]. Requéte denbsp;MM. le Due de Beaufort, le Coadiuteur et Broussel a Nos Seigneurs du Parlement [3479].
-ocr page 193-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;183
«it méditoit couuertement ce mouuffient infasme de sa perfidie qui a éclaté Ie lendemain de la detention dunbsp;Prince, et tont basty des ruines de ses trophées qu’il anbsp;démolis iniurieusement, pour nous faire perdre l’estimenbsp;fle ses conquestes qu’il se prépare d’exposer aux inuasionsnbsp;de l’ennemy pour l’occuper, tandis qu’il poursuiura lanbsp;ruïne de ce Prince infortuné et de toute sa Maison.
Nous déclarons hautement que nous n’auons aucune part en tous ses malheureux desseins et que nous soirimesnbsp;plus prests de nous y opposer que d’y applaudir,puisquenbsp;ce seroit consentir a la ruine de l’Estat et commettre lanbsp;fortune de tous les Francois auec celle de ce mauuais es-tranger. Nous y sommes d’autant plus obligez que nousnbsp;voyons que Ie vulgaire ignorant suit aueuglément les intentions des ennemis du Prince de Condé et qu’il nousnbsp;donne la gloire d’vne entreprise que les autres ont horreur de s’approprier et dont ils veulent estre en estat denbsp;la pouuoir vanger sur nous si leur politique eschouée auxnbsp;portes de Bellegarde ou de Stenay ‘ les oblige a se récon-cilier avec luy. Nous ne sommes pas si peu prudens quenbsp;nous ne scachions bien que tout s’entreprend au nom denbsp;la Fronde et que 1’on ose des choses peut-estre impossibles pour la rendre garante de tous les mauuais succeznbsp;et pour profiter contre elle de tous les auantages qui ennbsp;pourroient réussir , et enfin que la conduite du Cardinalnbsp;Mazarin et de ses affidez tend a nous engager de sortenbsp;qu’il soit en mesme temps puissant sur la vie du Princenbsp;et sur nostre salut.
* La garuison de Bellegarde avail obtenu de sortir de la place avec armes et bagages; el son commandant, le comte de Montmorency-Bout-teville, depnis marécbal de Luxembourg, avail rejoin! la duchesse denbsp;Longueville a Stenay.
-ocr page 194-184 nbsp;nbsp;nbsp;€HO!X
11 a fait seinblant cle fuir % aiin ij’auoir siiiet, a son retour, s’il est aussi lieureux qu’il se promet, cle rentrernbsp;en triomplie et de nous perdre publiqueinent en nousnbsp;accusant de l’auoir poursuiuy; sinon, il nous chargeranbsp;de l’auoir oblige a des resolutions extrauagantes et senbsp;plaindra de n’auoir esté que l’exécuteur de nos conseils;nbsp;si bien que nostre vie, nostre honneur et noslre reputation seront en sa main et qu’il luy sera mesme facile d’en-gager contre nous a mesme temps ce mesme people quinbsp;chante si folement les victoires de la Fronde, et toutesnbsp;les personnes de qualité cjui gcimissent et qui pastissentnbsp;en leur honneur de la prison de Messieurs les Princes etnbsp;delahonte de l’Estat, demeuré au pouuoir d’vn Ministrenbsp;ridicule et deuenu enragé dans les embrassemens d’vnenbsp;fortune qui tarde trop a 1’estouffer.
Nous protestons que c’est auec vn extresme regret que nous voyons la légèreté du petit peuple ou des petits esprits de déclamer contre des personnes d’vne conditionnbsp;si recommandable et nous louer d’vn attentat et d’vnenbsp;intelligence auec Ie Cardinal Mazarin contre les lois dunbsp;Royaume et contre les respects que nous deuons au sangnbsp;Royal, que nous abhorrons par toutes sortes de raisonsnbsp;et qui destruit la plus belle action clu règne present. C’estnbsp;la Declaration d’Octobre mil six cens quarante-huit, ounbsp;nous tenons a si grand honneur d’auoir contribué qu’ilnbsp;n’y a que nos ennemis capitaux cjui puissent dire quenbsp;nous soyons si perdus d’esprit et de sens que de con-sentir qu’elle soit violée en son plus noble article, et
* Le cardinal Mazavin n’a quitté le ministère et Paris qi\c le 6 fé-vrier 1651. Je ne sais done pas ce que vent dire ici le Coadjuteur, a moins qu’il ne prenne le voyage de Guienne pour line f'uite; ce qui, en toutnbsp;cas, reporterait le pamphlet apri’S le 4 juillet 1650.
185
DE MAZARINADES.
tRie nous ayous prostitué oette sainte Vierge, Patrone et I^eotectrice de l’Estat, a son plus grand enneiny et a sonnbsp;Ijourreau. N’importe que M. ie Prince se soit oppose anbsp;la naissance de cette iiouuelle Themis. C’est vne Deessenbsp;aueugle qiii ne considère point ies personnes et qui doitnbsp;accourir a la voix et aux plaintes de tons les affligez; etnbsp;nous exhortons Messieurs du Parlement ses Oraclesnbsp;et ses membres, d’obéir généreusernent aux courageusesnbsp;inspirations qu’elle leur redouble a tout moment, d’ad-louter a la conseruation de I’Estat celle d’vn Prince quinbsp;en a mérité sa part par tant de playes et de trauaux , etnbsp;de deux autres qui ne' sont seconds qu’a luy seul de rangnbsp;et de seruices et qui n’ont de crime que la plus glorieusenbsp;affinité du Royaume et la qualite qui leur deuroit estrenbsp;la plus fauorable.
C’est a cette Cour Auguste d’agir d’authorlte et d’a-cheuer heureusement ce que nous ne pouuons que desi-I'er après nous estre despouillez pour Ic bien de I’Estat du cresdit que nos seruices nous auoient donne aupreznbsp;du public. Nous la coniurons d’user de sa puissancenbsp;qu’elle a recouuree, dans la plus notable occasion qu’ellenbsp;puisse iamais rencontrer pour I’employer si glorieusementnbsp;pour elle et si vtilement pour I’Estat, que Ton peut direnbsp;qu’estant auiourd’buy I’Arbitre du Royaume elle s’en-seuelira dans les ruines dont il est menace, si elle ne senbsp;fait Justice malgre quelque ressentiment particulier quinbsp;I’a trop long-temps reteuue, et suspendu la ioye que Tonnbsp;esperoit de I’accomplissement de la Declaration violee anbsp;I’egard du Prince, outragee dans toutes les Prouinces*
' La Remontrance faite au Roipar HI. le premier Président pour la liherté de Messieurs les Princes [3328] est du 20 janvier 16S1; mats l’idée en avaitnbsp;proposer longtemps auparavant.
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mais bourrelée dans Ie Lymosin particulièrement d’vne fa^on si estrange et par vne prescription si horrible,nbsp;qu’il n’y a point d’exemples de réuolution que l’onnbsp;ne doiue appréhender d’vn peuple si cruellementnbsp;Foule
(15 novembre 1650).
Quel estrange bouleuersement!
On nous mange diuersement Par la Guerre et par la Maltoste.
Ce qui nous reste depuis dix ans Du rauage des Partisans,
Tout d’vn coup la Fronde nous 1’oste.
Ne soyons plus, amis Frondeurs,
Ny demandeurs, ny deffendeurs.
* La Fronde a faitbeaucoup de calembours. Ce n’est lei ni le meilleur, ni le plus mauvais. Foulé, maitre des requétes, était intendant du Limousin. On I’accusait de tyrannic et de cruauté dans la levée desnbsp;tailles. II y a, sous la date du 18 mars 1650, un Arret de la Cow dunbsp;parlement de Bordeaux portant cassation de ses iugements, condamnations etnbsp;ordonnances, etc. [177] ; en 1652 11 fut mis en prison par ordre du parlement de Bordeaux: Relation de ce qui s'est fait et passé en I'emprisonne-ment du sieur Foulé, Maistre des Requestes, etc. [3106].
® Ce pamphlet est d’Isaao de Laffemas. II a été I’objet d’une -violente polémique. Davenne a puWié une Réponse au Frondeur désintéressé, etc.nbsp;[3376] et la Satyre ou Feu aVépreuue del'eau, etc. [3592]. Du ChSteletnbsp;est auteur de VApologie pour Malefas, etc. qui suit [121], Le Faux Frondeur conuerti, etc. [1375]; la Réponse des vrais Frondeurs, etc. [3324] et lanbsp;Défense pour le Frondeur désintéressé, etc. [989] sont anonymes. Laffemas a répondu an Faux. Frondeur conuerti dans une seconde partie dunbsp;Frondeur désintéressé qui ne vaut pas la première.
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Renoncons a nos garanties;
Et démeslons les différens D’entre les petits et les grans,
Sans nous rendre iamais parties.
N’est ce pas vn enchantement De chercher du soulagementnbsp;Dans le desordre et dans la guerrenbsp;La Fronde desormais ne sertnbsp;Qua vous faire manger en vertnbsp;Tons les biens qui sont sur la terre.
Les pauures qui meurent de faim, Demandent la paix ou du pain;
Et ceux qui viuoient de leurs rentes, Forcez par la nécessité ,
Vendent ce qui leur est resté,
Et ne viuent que de leurs ventes.
Ces gens qui faisoient les tribuns,
Ces pères du peuple importuns,
Ont bien engendré des misères, lamais les'enfans de Parisnbsp;Ne se virent si mal nourrisnbsp;Que lorsqu’ils eurent tant de pères.
Les soins de ces réformateurs Qui veulent estre vos tuteurs,
Ne sont point du tout supportables. Sortons de eet aueuglement;
Car pour vn faux soulagement Nous souffrons des maux véritables.
Grand Roy, des Roys le plus liumain. Le remède est en vostre main.
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CHOIX
11 est digue de vos pensees.
Vous pouuez saus bruit, saus esclat Terminer les maux de l’Estatnbsp;Par l’oubli des eboses passées.
Réconciliez ces esprits Qu’vn zèle indiscret a surpris.nbsp;Bannissez loin d’eux Ie diuorce.
La douceur fait par ses appas Ce que la rigueur ne fait pas;
Et r amour entraisne la force.
Frondeurs autrefois si puissans,
Ie vous voy desia lauguissans.
Vostre Fronde a demy destruite Vous fait cognoistre que Ie fruitnbsp;Que vostre grand zèle a produit,
A bien trompé vostre conduite.
II est permis de souhaiter Vu règiie doux a supporter;
Mais tel qu’il est, il Ie faut prendre; Et s’il faut vu tempéramentnbsp;A fabsolu gouuernement,
C’est de Dieu qu’il Ie faut attendre.
Que s’il arriue quelquefois Que des Ministres de uos Roysnbsp;Le gouuernement soit trop rude,nbsp;Lorsqu’ils en seront recberchez,nbsp;Recherchons en nous les pécbeznbsp;Qui causent cette seruitnde.
II est bien vray que les impos Qui nous consommoient iusqu’aux os,
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Les Tailles et la Subsistance , L’Emprunt des maisons, les Toisez.,nbsp;Les Estapes et les Aisez,
Ont dëuoré nostre substance.
Mais Ie remède a nos trauaux Est plus violent que nos maux;
Et cette frondeuse vermine Qui deffendoit nos bastions,
Nous couste douze millions,
Sans la guerre et sans la famine.
Ces gens que nous auons armez, Pires que des loups affamez,
Ont enchëri sur les pillages De ces sergens irréguliers,
Mangeurs de peuple, Fuziliers,
Qui désertoient tous les villages.
Calculons les frais des conuois Que nous ont fait durant trois moisnbsp;Les soldats des Portes Cochères;nbsp;Nous trouuerons que les Flamans,nbsp;Les Lorrains ni les Allemansnbsp;N’ont point eu de troupes si chères.
Souuenez vous , amis Frondeurs, Que ces mutins et ces grondeursnbsp;Qui vouloient forcer vos suffrages,nbsp;Lorsqu’on trauailloit a la paix ,nbsp;Vous assiégeoient dans Ie Palaisnbsp;Et vous estouffoient aux passages.
Que ce douloureux souueuir Vous détache pour l’aduenir
-ocr page 200-De cette iniuste populace
Qui, n’aymant au gouuernement
Que la nouueauté seulement,
Des meilleures choses se lasse.
Fuyez done ces séditieux,
Ces mutins et ces factieux.
Laissez la Fronde a ces canailles;
Et pour esuiter tant de maux, N’enferraez pas vos générauxnbsp;Vne autre fois dans vos murailles.
Pour vous dont les pieux desseins Xous font réuérer comme des saints1,nbsp;Ie n’entends pas bien vos mystères;nbsp;Mais sans pénétrer dans Ie fons,
Si les motifs en estoient bons,
Les effects estoient bien contrair es.
Ie n’ose appeler attentat Vostre grand zèle pour l’Estat.
Voulant nous tirer de souffrance,
Vous ne iugiez pas que ce voeu Pourroit vn iour mettre Ie feunbsp;Dans les quatre coins de la France.
Nous respectons votre support;
Mais puisque vous estes au port Oil toutes les graces arriuent,
Permettez nous de prier Dieu Que ce port ne soit pas Ie lieunbsp;D’oü nos calamitez dériuent.
Les jansénistes. On' salt que leur chef, Ie due de Luynes, comman-dait un régiment de l’armée parlementaire.
-ocr page 201-191
Que nous puissions voir désormais Régner la lustice et la Paix;
Que ces deux Graces s’entrebaisent j Et que, suiuant d’vn coeur loyalnbsp;La voix du Prophéte Royal,
Toutes ces tempestes s’appaisent.
Qu’a 1’aduenir mieux aduisez INous ne soyons plus diuisez;
Mais que, chassant de bonne sorte Ce monstre de diuision,
L’Estat et la Religion
Pour iamais lui ferment la por te.
Que Dieu nous fasse moissonner La Paix que lui seul peut donner,nbsp;Et qu’il la rappelle en ce monde ;nbsp;Que pour comble de nos souhaits,nbsp;INous puissions trouuer cette paixnbsp;Dedans Ie tombeau de la Fronde.
Qu’enfin cette sainte vnion Bannisse la confusionnbsp;Qui fait les discordes ciuiles;
Que Paris soit comme autrefois La bonne ville de nos Roisnbsp;Et la reine des bonnes villes.
-ocr page 202-Escoute, Malefus; il faut que ie te die Que tu nous dols la farce après la Gomédie,
Et que cette iument du coup qu’elle a tiré, Vengera Ie cheual du Baron de Ciré,
Ge grand cheual de Mars qui donna tant de ioye Aux peuples assemblez dans les places de Troye,nbsp;Et qui fut aux limons d’uii sale tombereaunbsp;Pour conduire au marcbé la fiente et Ie bourroau.nbsp;Le sort encore vn coup te rappel! e au ThéMre.
Fera rire bientost le noble et le bourgeois.
Tes sangles, ton béguin et ta dague de bois,
Tes deux pouces passez dans ta double ceinture Donneront du plaisir a toute la nature.
Que l’on trouuera bon de voir ton demi froc Couuert d’vn bonnet rouge et de plumes de coq,
Dc voir ton corps de caute et ta fesse embourrée Danser la Bergamasque et la vieille bourrée !
Tu seras la nourrice ou l’enfant au maillot.
Tu seras compagnon de ce braue Guillot;
Et ta voix ridicule auec ta grosse trogne Fera doubler le prix a l’Hostel de Bourgogne.
Les desseins de Hardy, de Beys ou de Pichou Ne peuuent prés du tien valoir vn tronc de chou.
Le meilleur brodequin d’Aignan ou de La Porte N’estoit qu’vne sauate; et leur muse estoit morte.
' Malefas est Isaac de Laffemas, rauteur du Frondeur désiniércssé qui precede. \ ’Apologie a été composée par Paul Hay, marquis du Chatelet.
-ocr page 203-ÜE MAZAKiNADES. nbsp;nbsp;nbsp;193
H est rieii de pareil a tes doctes cliansoiis.
Ie regrette desia Ie temps que nous passous Priué de la douceur que nous promet la Scènenbsp;Quand ta muse voudra se redonner la peinenbsp;De te feindre amoureux de la vieille Alizon.
Qu’il t’en reste Ie mal ou bien la guérison,
Que tu passes pour laid ou bien pour agréable,
Tu nous seras tousiours également aymable.
Que tu fasses Ie ieune ou Ie vieillard tremblant.
On ne verra plus rien qui vaille Beausemblant *.
Retirez vous d’icy, Fracasse et Belleroze;
Allez porter ailleurs vos vers et vostre proze.
Emmenez Turlupin et tous les lodelets.
Vous 11 aurez plus d’argent que des moindres valets.
Vous n’aurez plus besoin de parterres ou de loges.
Malefas ne va point Commissaire a Limoges.
Puisqu’vn si bon acteur se remet au mestier,
II vauldra, luy tout seul, et Guillaume et Gaultier.
Ce n’est pas que iamais il ait quitté la farce.
Quand Ie falot monta dessus les Fleurs de Lys,
Tantost il fust Roland et tantost Brandelys.
II n’est iamais sans masque; et son humeur bouffonne Contrefait aussi bien Momus que Tisiphone.
Dehors il est hautain, séuère et glorieux.
La morgue en est tragique et Ie front furieux.
II remplit l’vniuers d’eschaffaux et de roues.
Son plaisir est d’abattre et de voir dans les boues Tout ce que Ie destin a fait de plus puissant.
Ce sacre est bien appris a voler l’innocent.
Le sang est son ragoust; et les yeux pleins de larmes • Pour d’autres que pour luy n’ont iamais eu de charmes.
' Beausemblant est la terre oii Laffemas naijuit en Dauphiné. Ses en-¦lemis préteudalent qu’il avait joué sous ce nom a 1’hótel de Bourgogne, nnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;13
194
CHOIX
II a prls sa naissance au dommage public;
Et de tout ce qu’il voit, il est Ie Basilic,
O dieux! quel passe temps quand ce fou sanguiuaire Fait vu valet bourreau, l’autre questionnaire!
Qu’il dit en les parant de eet illustre employ :
« Nous serous compagnons; nous seruirons Ie Boy.
La moisson sera bonne; et i’ay sur mes tablettes Pour vous faire gagner plus gros d’or que vous n’estes.nbsp;Maïs gardez vous aussi qu’au lieu de bien agir,
Vostre incapacité ne me fasse rougir.
I’en voy de si lourdaux que 1’on iroit a Rome Tandis que ces coquins sont a me pendre vn homme.nbsp;L’autre se prend si mal a faire entrer les coins,
Que pour faire vn procés, il faut mille tesmoins;
Et faute d’vn bon mot, vn pauure commissaire Ne pourra nettement acheuer vne affaire.
Or a n’en point mentir, ie scay que ie I’enlends Mieux que les Lugolis et mieux que les Tristans;
Et sans que mon argent courust aucune risque,
Ie pourrois a tous deux leur doiiner quinze et bisque. Le Roy m’a fait I’honneur de le dire en bon lieu;
Et ie scay mon mestier par la grace de Dieu.
Deuant moy les muets disent tout ce qu’ils sauent;
Et les plus innocens a grand peine se lauent.
Ie fais dire en vn iour plus qu’vn autre en vn mois;
Et ie ferois parler vne piece de bois.
La farine et le son, tout passe quand ie blutte;
Et si ie veux trouuer de I’ordure a la fluste,
Addresse ny vertu ne m’en peut empescher.
Mes ruses tireroient de I’huile d’vn rocher.
Mais bien qu’en ce bel art mon industrie excelle,
On ne peut pas tousiours se rompre la ceruelle,
Et suer iusqu’au sang pour faire discourir Vn meschant obstine qui ne veut point mourir,
Et qui faisant le sainct a deux doigts du supplice,
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DE MAZARINADES.
voudra réuéler ny crime ny complice,
Afïin qu’vn people sot mette en pièces mon nom Sous ombre qu’vn pendard aura tousiours dit non.
G est alors que vos soins me doiuent de l’escorte Et peuuent soulager vn homme de ma sorte.
Vn aiz, vn trait de Corde, vn poids mis a propos vaudroient quelquefois six heures de repos,
Et feront sur-le-champ treuuer Ie don des langues A tel qui seroit sourd a toutes mes harangues.
Ha que ie suis trouble! que mes sens sont esmus En me représentant combien ie fus camusnbsp;Quand pour ne scauoir pas estendre la courroye,
Vn Richard se sauua de la fausse monnoye;
Et que pour me fier a l’ouurage d’autruy,
Nous ne pusmes iamais faire parler de luy!
Ie fis bien mes efforts sur cette ame ferrée Qui iamais ne voulust me la mettre en curée;
Mais ie deuois moy mesme adiuster les ressorts,
Et pour tenter l’esprit, taster si bien Ie corps Que i’apperceusse au moins qu’il gagnast son auoinenbsp;Et que l’on l’entendist du petit sainct Antboine.nbsp;Dieux que i’eusse ferme d’vn merueilleux blocusnbsp;Le Palais enchanté de ce père aux escus!
Que i’eusse plumé l’oye et qu’il eust eu de peine A sauuer ses moutons qui portent de grand’ laine!nbsp;Ne songeons plus pourtant a ce maudit voleurnbsp;Contre qui mon addresse a ioué de malheur;
Et songeons seulement a vous rendre capables De mettre a mesme point innocens et coupables.nbsp;Iamais homme entendu ne sera satisfaitnbsp;Quand vous ne ferez rien que ce que cbacun fait;
Et pour tirer vn mot d’vn qui veut bien le dire,
Ie prendrois a regret le soin de vous instruire. Aprenez done tons deux a faire de tels coupsnbsp;Qu’aux grandes actions on ait besoin de vous.
-ocr page 206-J'J6
CHOIX
Ie scay qu’on n’estoit point quand on commenca d’eslre, Et que du premier coup l’apprentif n’est pas maistre;nbsp;Mais sachez que ma main vous peut rendre excellensnbsp;Et Yous faire en vn iour aussi bien qu’en mille ans.
Ne manquez a me voir ni Dimanche ui Feste Quand ie ne feray pas de capture ou d’enqueste.
II ne me faudra pas douze ou quinze lecons Pour vous en enseigner de toutes les facons.
Si iamais vostre esprit est capable d’entendre,
En liuict iours de loisir ie vous feray comprendre La beurrière, les poids, la corde, Ie bandeau,
Le feu, les brodequins, Ie cheualet et l’eaii.
Faisant de mon costé, faites aussi du vostre.
Ne vous quittez iamais. Exercez vous l’vn l’autre.
Et lorsque vous verrez que ie vous estandray
Sur l’ais, sur les tretteaux, sur la croix Saint-André,
Et qu’il ne sera point de morts ni de torture De quoy ie ne vous donne vne ample tablature,
Soyez a m’obseruer actifs et diligens.
Aymez vostre mestier comme d’honnestes gens;
Et que vous puissiez dire en semblable mistere :
« C’est ainsi que Monsieur nous a dit qu’il faut faire. » Rendez vous seulement dignes de ce bonheur;
Vous serez bien venu cbez tous les gens d’honneur.
Et ie me voudrois mal si dans tout le Royaume Quelqu’vn vous prisoit moins que Maistre lean Guillaume'nbsp;N’en desplaise a Messieurs de ce beau Parlementnbsp;Dont les Arrests boiteux marchent si lentementnbsp;Que pour exécuter ce qui sort de leur cage,
Ils ne mëriteroient qu’vn bourreau de village,
Et non pas ce heros de qui les bras pendans Ne sont presque employez qu’a luy curer les deus.
Le bourreau.
-ocr page 207-l^ardieu , ie suis honteux de voir comnie Ton fiusti'e De sou droit légitime vne personne illustrenbsp;Qiii dans les derniers temps mouroit de faim saus moy.
Cela rebute fort de bieu seruir Ie Roy.
On n’en scauroit auoir de prétextes plus amples;
Et ie me mets en quatre après de tels exemples.
Mais quoy? C’est que i’espère et que ie croy qu’vn iour Les hommes de vertu régneront a leur tour,
Et qu’ayant bonne main a cbercber playe et bosse,
Le plus gueux de nous trois aura double carrosse.
Alors, chers compagnons, tous vestus de velours,
Nous pendrons, nous rouerons cent hommes tous les lours. Nous ferons renuerser toutes les loix de Rome.
Vn tesmoin suffira pour condamner vn homme. »
Par ce graue discours, I’excrement du Palais Se met en bonne odeur auprès de ses valets,
Tandis que le badaud se presse a voir la moue D’vn que ce bon Chrestien fait damner sur la roue.
La potence a blesse 1’esprit de ce vautour,
Et n’en guerira point s’il n’y perche a son tour.
La tendent ses desirs; et quoy qu’il en marmotte,
Le malheureux qu’il est, n’a point d’autre marotte.
Quand vne heure de nuict luy ferme la prison,
Que le gibet gamy le chasse a la maison,
II fait venir a luy les enfans de la matte.
Le bourreau réparé d’vn habit d’escarlate Que le roigneur laissa , mourant an carrefour,
Vient pour luy rendre compte et luy faire la com.
L’espion, le tesmoin, le vendeur de complices Et les donneurs d’aduis font toutes ses delices.
E’est la qu’enuironne de ce peiiple iuhumain,
II met iacquette bas, et le verre a la main,
Entonne a haute voix vne chanson pour boire.
E’est la qu’en bégayant il rime quelque hlstoire De ceux que son addresse a mis dans les hazards.
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II chante les frayeurs du cheualier de lars Et iure a ses amis par Ie vin qu’il leur donne,
Que iamais sou aduis n’eslargira personne.
Quand l’Hippocras l’a mis dessus ses grands cheuaux,
II dit qu’il a fait pendre et Dues et Mareschaux,
Qu’il ne pardonne a rien, que quelque temps qui vienne, II faudra tousiours bien que son art se maintienne ,
Que les meilleurs Francois ne seront point contens Que Ie bonheur public n’ait amené Ie tempsnbsp;Oü Ie sort fera voir au peuple miserablenbsp;Malefas chancelier, Hautdessens Connestable.
II leur dit : « Si iamais ie viens a ce crédit,
I’anobliray vostre ordre; et par vn bel Edit Ie purgeray bientost vos charges d’infamie,
Scachant ce que l!on doit a vostre prudhommie.
Vous serez anoblis; et sans payer Ie sceau Et tous les petits droits d’vn partisan nouueau,
Vous aurez sans finance et gages et salaires.
I’aboliray la loy du ban et des galères,
Et celle qui vouloit qu’on eust a tout Ie moins,
Pour faire pendre vn homme, vn couple de tesmoins.
Ie rempliray l’Estat de causes criminelles.
En chasque Parlement ie feray trois ïournelles.
Vous aurez la paulette et la beuuette aussi Qui boira tout Ie vin de Beaune et d’Irancy.
Ce qui vient de Bayonne ou de Troye et de Vanure,
Sera Ie desieusner des officiers du Chanure. »
II en embrasse l’vn; il baise 1’autre au front.
II leur demande ; « Hé! bien m’a-t-on fait vn affront ? I’ay parlé, ce matin, comme eust fait Martillière.nbsp;Montauban^ a iazé comme vne chambrière. «
' Le Chevalier, depuis commandeur de Jars, avail été compris dans Ie procés de Cing-Mars.
“ Montauban et Martillière, avocats célèbres au parlement de Paris.
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DE MAZARINADES.
Puis il boit dans leur verre; ils boiuent dans Ie sien. Et puis chacun s’en va quand il se porte bien;
Sinon que ces Messieurs trop chargez de vendange Se gistent quelquefois dans la première fange,
Quand ce noble troupeau s’eschauffe de santez,
Que leurs foibles esprits par la vigne enchantez Oublient a la fin toute la differencenbsp;ö’entre les Conseillers et les marauts de France.nbsp;Bacchus égale tout; et eet amy des Dieuxnbsp;Mespriseroit vn Roy s’il ne beuuoit Ie mieux.
Dans les charmes plaisans de cette phrénésie,
Chacun d’eux fait et dit selon sa phantaisie.
La liberté rendue a leur profession Fait voir Ie naturel de chaque passion.
Ils se prennent l’vn l’autre; ils s’entreueulent pendre. L’vn se laisse lier; 1’autre se veut deffendre.
L’vn croit estre Ie moine et 1’autre Ie pendard. Malefas couronné d’vne coine de lardnbsp;Tantost pense estre iuge et tantost Gros Guillaume 1;nbsp;Tantost il pense voir quelqu’horrible phantosmenbsp;D’vn homme que sa voix fait manger aux corbeaux,nbsp;Et hurle comme vn fou qui sous de vieux tombeauxnbsp;Du desmon on du loup se croit estre l’image.
Quelque frayeur qu’il ait, il mord dans Ie fromage;
II serre d’vne main son ample gobelet;
La vision dans l’autre a mis vn chapelet;
Et tont d’vn mesme temps eet insensé bourdonne Vne farce, vn arrest, vn que Dieu me pardonne!
A la fin Ie sommeil les vient mettre d’accord.
L’vn se croit condamné; 1’autre pense estre mort.
Et Ie maistre au matin sans colet et sans fraize Se treuue entre les bras du bourreau qui Ie baise.
Tallemant des Beaux dit que Laffemas jouait agreablement en société Ie personnage de Gros-Guillaume.
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CHOIX
11 s’esueille en sursaut; et quand il est leué,
II apporte au conseil tout ce qu’il a resué.
Plein de mesme fureur, eet yurogne déclame Tout ce que peut vomir la gueule d’vn infame.
II tonne; il mord; il gronde; il menace; et pourtant II en a fait brancher qui n’en disoient pas tant.nbsp;lamais il n’a fait voir qu’il ait eu la puissancenbsp;De dire son aduis pour aider I’innocence.
A ses yeux tout est crime et tout digne de mort.
Le suiet de rigueur est toiisiours le plus fort.
Il pend d’vn mesme coup le iuste et le coupable.
Et si la cruaute du sort impitoiable
Eust commis d’autres gens aussi fascheux que luy,
Paris, vous n’auriez plus d’habitans auiourd’huy.
Il salt sonder la peur de celuy que Ton traine Deuant son tribunal pour endurer la gesne,
Promet de le sauuer s’il daigne seulement Accuser quelque riche au milieu du tourment.
Il deuore en esprit son argent et ses rentes.
Il adiouste aussitost des preuues apparentes. L’esperance du bien flatte cet imposteur.
Vn mesme iour le voit et iuge et delateur.
Il marclie; il trotte; il court; il inuente; il suppose; Il forge a tons momens quelque nouuelle chosenbsp;Et veut que nous croyons, tant ce badin est fat,
Que I’ordure qu’il fait, a releue I’Estat.
Escoute encore vn mot : la torcbe, la potence Vengeront tout le mal qu’a fait ton impudence.
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DE MAZARINADES.
(20 janïier 1651.)
Madame,
Depuis que le Ciel consentit a vostre liberté pour fauoriser celle de nos Princes, et que cette prouincenbsp;d’Argonne fut esclairée du flambeau de vos rares vertus,nbsp;Vostre Altesse n’a cessé de nous faire naistre de iour ennbsp;iour des suiets d’admirer vos Actions, toutes esclatantesnbsp;d’vn nouueau lustre des vertus qui estoient enueloppéesnbsp;et cachées sous le voile de sa modestie naturelle, et quinbsp;se descouurent tousiours d’auantage a mesure que l’occa-sion se présente de rechercher et pratiquer les moyensnbsp;nécessaires pour la liberté de nos Princes. Ie scay très-bien. Madame, que toutes les belles vertus qui esclattentnbsp;en vous, seront plutost ternies qu’illustre'es par le vainnbsp;effort de mon discours, qui est incapable de fournir desnbsp;paroles releuées a l’égal de leur mérite; mals il m’estnbsp;impossible de cacher a V. A. que tout le monde nenbsp;remarque rien dans son admirable conduitte qui ne soitnbsp;au dessus de vostre sexe, puis qu’en toutes les expeditions de guerre vous agissez comme vn Alexandre ou vnnbsp;César, tant pour les choses qui regardent les armées, quenbsp;celles qui concernent les fortifications et restablissementnbsp;des places frontières. Cette reparation de Villefranche,
Cette pièce tlVApothéose de Mme la Duchesse de Longueuille qui suil, sont assurément des plus originales. II n’y a pas dans toute la Frondenbsp;un autre exemple d’imaginations pareilles. On y trouve d’ailleurs beaunbsp;lt;^«up de noms des principaux personnages du parti des princes.
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Madame, est encore vn effet de vostre brillante lumière d’esprit qui fait bonte aux personnes les plus consom-mées dans l’aage et dans la cognoissance des choses lesnbsp;plus difficiles. Ce fut en j 545 que cette place fut bastienbsp;par Fran9ois premier et nommée Villefranche pour lesnbsp;franchises, libertez et beaux priuilèges dont ce Monarquenbsp;la decora. Mals comme les villes les plus fortes et les plusnbsp;florissantes ne sont pas tousiours les plus asseurées, qu’ilnbsp;n’y a point de iour sans nuit ny de commencement sansnbsp;fin, Louys treiziesme, de très-auguste mémoire, la fitnbsp;desmolir Tan 1634. Et V. A., portee d’vn iuste et pas-sionné désir de la liberté de deux frères et d’vn mary,nbsp;trois Princes d’inestimable vertu, l’a restablie en l’annéenbsp;dernière 1650, année de réuolution, de liberté et denbsp;lubilé ; et dans buit iours de temps, par les soins et parnbsp;les vigilances ordinaires de Monsieur de Varenne cettenbsp;place se trouue en deffense et en estat de receuoir V. A.nbsp;Vous scauez, Madame, qu’ordinairement les villes et lesnbsp;forteresses portent Ie nom de leurs fondateurs, et qu’acenbsp;suiet les Poëtes nous représentent Ie grand débat d’entrenbsp;Miiierue et Neptune pour Ie nom de la grande ville d’A-thènes. Ce dieu Marin prétendoit luy donner son nomnbsp;pour auoir,parsesgrandesarméesnaualles, pulssammentnbsp;contribué a l’édification et accroissement d’vne ville si superbe; et laDéesse soustenoit qua cause de la Prudencenbsp;et du Conseil qui donnent Ie succez aux armes, elle deuoitnbsp;porter Ie nom de Minerue. C’est ce qui donna lieu anbsp;1’opinion de Platon , qui vouloit mettre les sceptres entrenbsp;les mains des Philosophes; opinion pourtant assez mal
’ II servit dans toutes les campagnes de Turenne en qualité de lieutenant général.
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receue en ce temps, puisque la Philosophie et tons les discours les plus doctes que produisent les Sciences, sontnbsp;[de] foibles pilotis pour I’establissement d’vne haute en-treprise s’ils ne sont secondez du bras de Mars. Mais ennbsp;ce rencontre, Madame , puisque V. A. renferme en ellenbsp;ct les forces de Neptune et la prudence de Minerue, etnbsp;que c’est par ses forces et par son industrie que Ville-franche trouue auiourd’huy son restablissement et sa renaissance dans ses ruines, il me semble que Ie droictnbsp;et la raison veulent que d’oresnauant cette place tiennenbsp;lieu d vn Temple dédié a vostre Générosité et a vostrenbsp;Sagesse. Et comme vn monument si prétieux doit estrenbsp;exactement gardé et deffendu contre les violences et lesnbsp;surprises des ennemys, les clefs et la garde de ce Templenbsp;se rencontrent heureuseraent desposées et confiées k lanbsp;valeur de Monsieur Ie Marquis de la Moussaie, qui en estnbsp;Ie Polémique Agaton souuerain Pontife, qui ne man-quera pas ny de bonté pour régir ses habitans, ny denbsp;générosité pour les défendre, et qui sans doute par vnnbsp;excez de piété qui est inséparablement attaché a la grauiténbsp;de cette Pontificature, s’efforcera de ne donner moinsnbsp;d’esclat a vostre superbe Temple qu’il ne recoit deluydenbsp;lustre et d’honneur par vne charge si éminente. Et d’au-tant que par les Antiquitez de cette prouince,i’apprendsnbsp;que la ville de Stenay tire son nom et son origine dunbsp;dieu Saturne, père de luppiter, Marseille du dieu Mars,nbsp;Luxembourg du Soleil, Arlon de la Lune, Dun de lanbsp;Déesse Dyane, la niche de laquelle ie vois encore auiourd’huy dans les ruines de sa superbe Tour, a l’exemple denbsp;cette vénérable Antiquité, i’appelleray hardiment et nom-meray ce Temple Templum Dese Borboniss, Temple denbsp;la Déesse Borbonie, dans lequel, de l’aduis et par les
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CHOIX
suffrages du Sénat Aréologue, Madarnoiselle de Verpil-lier, vrayment Vertupillier, a mérité par ses rares vertus d’estre VEgérie Longueuillienne; Madarnoiselle de lanbsp;Chatre la Phrixine AuelUde^ Prestresse Vaticiniatrice;nbsp;et Madarnoiselle de Chamilly, qui depuis quelques an-nées embellit les bords de la Meuse , en sera la Najadenbsp;Mosaïque. Et pour la garde de la prétieuse personne denbsp;V. A., nous vous donnons Madarnoiselle de Fermelis,nbsp;digne Amazone Leucociantine. Mesdamoiselles Margue-ritte et Marie Bastiers seront les soeurs Oblates. Mesdames les Comtesses de Chamilly et de Chimereau (Che-merault) paroistront dans Ie culte de vostre diuinité,nbsp;l’vne l'Heronade Glocophile etl'autre Learine Verniquenbsp;printaiiière. Quant a la mignonne Madarnoiselle de Go-fecourt, elle remplira dignement et deslicatement la vocation de la Nappé Eleutherine. Et paree que ce lournbsp;est particulièrement destiné et consacré a la dédicace denbsp;ce Temple, i’en laisse les apparells et les cérémonies anbsp;Monsieur de Varenne Fe'cial pojo Tetragoruque. Lanbsp;confection de l’Hymne est deue a la veine hétéroclyte denbsp;Monsieur Sarrazin “ hjmnifique Tjmpanisateur Lyri-que; la charge des voeux et des prières publiques pournbsp;la liberté de nos Princes, au zèle saerosainct de Monsieur de Sainet-Romain % en qualité de Hyeronphoro-prosefcandre. Pouuoit-on confier en meilleures mainsnbsp;la Préfecture des Argyraspides auxiliaires qu’en celles
* nbsp;nbsp;nbsp;Jean-Francois Sarrazin, secrétaire des commandements du princenbsp;de Conty. II a composé plusieurs pamphlets et notamment Ie Coq anbsp;l’asne, etc., et la Lettre d’en Marguillier, etc., qui font partie de ce re-cueil.
* nbsp;nbsp;nbsp;L'abbé de Saint-Remain fut résident dn roi en Allemagne etnbsp;chargé d’une importante négociation en Portugal au printemps de 16Ö6.nbsp;II était, a l'époque de la Fronde, attaché au prince de Condé.
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de Monsieur Behr ? Que ne dirons-nous pas de la pré-sidence des Aspersions Lustrales que les Aréolo^ues donnent a Monsieur de Chamilly ‘ ? O, Madame , quenbsp;Monsieur de la Pérère honoré de l’office de Flamennbsp;^^orbonial, croniquera subtilernent les antiquitez de cenbsp;Temple! Ie vois desia Monsieur Corber, encore tout es-f^latant du prix de la course de la bague disputée auecnbsp;Monsieur Ie Comte de Chamilly (qul, sans son absence,nbsp;seroit VHyprodromique Iliac sacré), s’enfoncer avecnbsp;plus de vitesse dans les forests de Dyane, pour y prendrenbsp;les victimes qul deuront estre immolées a la Déesse Bour-bonie, bien heureuses de perdre la vie au pied de vos au-tels, et encore heureuses de ce qu’elles auront Monsieurnbsp;de Rochefau pour Stephanateur et Monsieur de Sainct-Mars ® pour Sacrificateur. Mais, Madame, oü eusslons-’tous peu rencontrer vne personne capable de remplir lanbsp;charge de Brilardin, Flammifer, Phosphorin de cenbsp;Temple esclatant, si Monsieur Ie cheualier de Grara-iiiont * ne fust arriué heureusement pour occuper cettenbsp;place, avec la pompe rayonnante de ses vestemens re-camez, et Monsieur de la Roque celle de Phenicoptaire?nbsp;La capaclté scientlfique et la melliflue faconde de Monsieur de Montigny nous ont obligez de luy distribuer lanbsp;dignité de Concionnateur; comiTie les merites emphati-ques de Monsieur de Maressar a l’eslire pour Prestre
' II devint lieutenant general et se rendit célèbre par Ie siége qu’il soutint dans la ville de Grave en 1674.
^ Isaac de la Peyrère, l’auteur des Préadamiies. II a écrlt la Dataille ,
Lens [577].
’ Gentilhomme de la cliambre du prince de Condé. II était de ce fa-'neux escadron de seigneurs et geniilshommes qui suivait partout Ie prince dans Ie combat du faubourg Saint-Antoine.
¦* Celui dont Hamilton a écrit les Mémoires.
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CHOIX
fatidique rendant les oracles. Nous croyons, Madame, que V. A. approuuera Ie choix que nous auons fait denbsp;l’industrieuse personne de Monsieur du Faye pour estrenbsp;Je décorateur des Pegmates et Othomates hyéroglifi-ques de vostreTemple, dans lequel, Madame, Monsieurnbsp;de Vallignie sera XAnathématisateur de la Gent Ru-biconde, et Monsieur de Cheuigny 1 XAueruncateurnbsp;Malominiaire. Que ferons-nous. Madame, de vostrenbsp;GuygnardV Qu’en ferons-nous? Ce que nous en ferons?nbsp;Nous en ferons vostre Turibulaire. Personne ne peutnbsp;disputer a l’adresse confite en grace et parfumée de bonnbsp;air de Monsieur de Villars ’ la prérogatiue de Saliennbsp;Lupercal dans les salutations et Pjriques et Ljdiennes.nbsp;Les soins et les diligences de Monsieur Melon méritentnbsp;bien, Madame, qu’il soit vostre petit Editus, et Monsieur Dosnay Ie Roistelet sacrificule. Mais pourquoynbsp;tardons-nous tant. Madame, a vous présenter Ie gentilnbsp;Monsieur de Gofecour pour Ie Sotorjographe des Pan-cartes, et a régaler V. A. des fruits du lardin mystiquenbsp;d’vn Temple si magnifique? Nous auons commis a eetnbsp;effet Monsieur de Sainct-Martin, collecteur des Man-dragores Sibiliennes, et Monsieur de Toully, Puristenbsp;des Tymiames. Et afin de préuenlr les incursions hos-tilles et vous garantir de la sagette volante et du démonnbsp;Incarnadin, nous auons constitué Monsieur de Bernonnbsp;Hypoloxète de l’équestre garde, et Monsieur Douglas Ienbsp;Stratego Caledonien de la garde pédestre. Et pour ne
II est nommé parmi les combattants du faubourg Saint-Antolne. II figurait, avec Saint-Mars, dans l’escadron du prince de Condé.
^ Dans VApothéose de Mme de Longueuïlle , il est appelé Monguygnard-^ Encore un combattant du faubourg Saint-Antoine. C’est Ie marquis de Villars qui, dans Ie mois de juillet 1652, porta au due de Beaufortnbsp;l’appel du due de Nemours. II est d’ailleurs assez connu.
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DE MAZARINADES.
point attiédir Vostre Altesse par Ie prolixe récit de toutes Jos raisons qui nous ont portez a distribuer les autres pe-tites charges, nous vousdirons laconiquement que Monsieur Dauid est VEruscateur des Agappes; Monsieur denbsp;la Bergerie, curateur des Offrandes; Monsieur de Bonnenbsp;Garde VArchitriclin ; Monsieur Ie Roy Lambubage Bala-et Monsieur de Gouruille ‘ Ie Préconisateur desnbsp;naerueilles de ce Temple sur les riues Sequanoises ,nbsp;Lpgeriques, Dordonniques ^ Garonniques et Gyrondi-ques; et Somraerance % Madame, quoy que subiet in-digne, a esté ehoisi par Ie Sénat Aréologue pour vous ennbsp;apostropher en syncopant Ie Paranymphe; et les peuplesnbsp;et les soldats feront les cris et les acclamations publlques,nbsp;par Ie moyen desquelles Pair retentira de la ioye et de l’al-légresse que leur causent Ie restablissement de leur villenbsp;et vostre lieureuse arrivée en ce lieu, qui infailliblementnbsp;leur sera tousioursfauorable, lorsque par des effets d’vnenbsp;obéyssance et d’vne fidélité parfaite ils feront cognoistrenbsp;a Vostre Altesse qu’ils sont ses très-humbles et très-fidelles seruiteurs.
* Jean Hérault, sieur de Gourville, 1’auteur des Mémoires.
® Sommerance est-il l’auteur de cette pièce singuliere ? Je n’y vois pas de difficulté. N. de Sommerance était lieutenant général civil et crimlnelnbsp;de Stenay. II y a de lui une Harangue faite a Mme la Duchesse de tongue-uille sur la liberlé des princes...- etc. [1S68], sur Ie litre de laquelle il anbsp;pris Ie litre de depute des Trois-Estats de la prouinee d’Argonne.
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CIIOIX
(20 février 1651.)
Ma-dame,
Plus grands et plus périlleux sont les obstacles qu’il conuient de surmonter pour 1’exécutlon d’vn gënéreuxnbsp;dessein, plus riches et plus exquises paroissent les cou-ronnes dues a la générosité de ceux qui en font l’entre-prise. Cette vérité est si entière qu’elle est souslenue parnbsp;vne infinite d’exemples de ces grands Héros de TAntiquité,nbsp;qui par la seule gloire de leurs hautes actions ont donnénbsp;matière d’adniiration a toute la terre, et rendu leursnbsp;noms immortels; entre lesquels Ie gënéreux lason, Roynbsp;de Tessalie, et ces illustres Argonautes, l’eslite et la fleurnbsp;de la Grèce, se sont tellement signalez par cette fameusenbsp;conqueste de la Toison d’or de Phryxe, qu’elle a esténbsp;l’Archétype et Ie modelle sur lequel Philippe, ce grandnbsp;Due de Bourgogne, forma ses hautes actions et luy donnanbsp;subiet de porter au col la Toison d’or, dont il en instituanbsp;l’ordre, que l’Espagne tient encor auiourd’huy de luynbsp;comme héritière de sa vertu aussi bien que deses Estats.nbsp;Cette conqueste. Madame, fut faite dans 1’Isle de Colchosnbsp;l’an 3000 dek creation du monde et semble n’auoiresténbsp;que l’ombre et la flgure de celle qui s’est faite Ie 13 Feb-urier 1651 aux yeux de toute la Chrestienté dans 1’Isle
' Les princes avaient recouvré leur liberté. C’est done par erreur que j’ai inscrit cette piece sous Ie date du 20 jttnvier 1631, dans la Listenbsp;cliroHologique des Mazarinades, II faut la reporter au 20 février.
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Llmicaritos*, Conqueste non pas d’vne Tolson d’or
d’vne matière chymérique et inanimée, mais de la liberté précieuse de prix inestimable de trois Princes dunbsp;Sang de France, l’appuy et Ie support de l’Estat, d’vnnbsp;Héros du Sang de Sainct Louis, qui par ses hauts faitsnbsp;d armes a r’affermy et r’asseuré la Monarchie Francoise,nbsp;chancellante et esbranléepar l’éclypse de son Roy, etmé-^¦ite Ie tittre du plus grand Capitaine de l’Europe et dunbsp;plus redoutable défenseur de la Couronne. L’histoire ounbsp;plustost la Fable marque que la Toisond’or estoitgardéenbsp;dans risle de Colchos par des Taureaux vomissant Ie feunbsp;et les flammes et par vn Dragon espouuantable, qui sa-crifioit a sa colere et a sa rage tous ceiix qui s’en appro-choient. Et la vérité nous a fait voir que nos Princes,nbsp;1’obiet de la rage du Cardinal Mazarin et a présent celuynbsp;de nostre allégresse, estoient gardez dans l’Isle de Limi-caritos par vn Serpent qui ne les auoit cy-deuant em-brassé que pour les estouffer, par vn Cocodrille qui nenbsp;les auoit flatté que pour les déuorer, qui pourtant ingé-Dieux a sa ruine, poussé et emporté par Ie mouuementnbsp;d’vne passion indiscretie et d’vne insolence sans seconde,nbsp;auoit mis dans les fers et sous les barres l’inuinciblenbsp;Atlas de la Monarchie Francoise. Pour paruenir a lanbsp;conqueste de cette insigne Toison d’or, les poëtes ontnbsp;feint que la Déesse Pallas auoit esté l’autrice de la grandenbsp;Nef Argo dans laquelle lason et ses illustres Conquéransnbsp;s’embarquèrent pour Ie voyage de Colchos, dont on ditnbsp;qu’Argus fut l’ouurier. II y en a d’autres qui asseurentnbsp;qu’elle tira son nom, non pas de eet Argus, mais du motnbsp;(^rec Argos^ qui signifie léger, a cause de la vitesse et
' Limicaritos, mot grec qui signifie Havre de Grace.
N. D. T.
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légèreté de ce long et grand vaisseau construit de chesnes d’vne excessiue longueur et d’vne qualité plus le'gèrenbsp;que les autres bols de cette mesme espèce; ce qui nousnbsp;donne suiet de croire (nonobstant ce qu’en dit l’anti-qulté, que Ie mont Pélyon en a fourni Ie bois) que cesnbsp;bois furent coupez dans la forest d’Argonne, qui est com-pose'e de cette sorte de bois léger, oü il est constant quenbsp;lupiter rendoit ses oracles en faueur de la Vierge Éri-gonne, Dryade de ses plus fauorites et fille d’vn des plusnbsp;illustres Druydes de son siècle, qui a donné Ie nom a lanbsp;forest d’Argonne, et la forest au ISfauire Argo, ancienne-ment Argon; et par succession de temps la lettre finallenbsp;N ayant esté élidée, elle a esté simplement appellee Argo.nbsp;Et la veritable histoire porte que lason ayant dans l’es-prit la haute entreprise de la conqueste de la Toison d’or,nbsp;esmeu de la reputation des Druydes Gaulois, se trans-porta dans cette forest d’Argonne, ou ayant admiré lanbsp;structure du Temple superbe de la Déesse Erygonne, bastinbsp;sur Ia cime d’vne montagne oü est a présent la forteressenbsp;de Clermont en Argonne, que Monsieur Ie Prince tientnbsp;auiourd’huide lalibéralité duRoy, il yconsulta l’Oracle.nbsp;II luy respondit qu’il estoit absolument nécessaire quenbsp;cette grande Nef qui deuoit estre I’instrument de sa conqueste, fut bastie et composée de ces beaux chesnes quenbsp;produit cette illustre forest; et lesquels il feroit flotternbsp;a bois perdu par des torrens dans la Meuze, de la Meuzenbsp;dans rOcéan et de l’Océan par les Colonnes d’Hercules,nbsp;qui est Ie destroit Gaditan, maintenant dit Gibraltar,nbsp;pour de la aller en Tessalie oü se deuoit faire son em-barquement; d’oü il appert clair comme Ie iour que Ienbsp;Nauire Argo et ces fameux Argonautes ont pris leursnbsp;noms de la forest d’Argonne. Or lason estant embarqué
DE MAZAUINADES. nbsp;nbsp;nbsp;211
auec ses illustres Auanturiers et estant arriué en Col-clios, par le grand esprit de la Princesse Médée, qui si-gnifiebon Conseil, et par Pincomparable vertu des Compagnons de sa fortune, dompta ces Taureaux iette-feu et •^éfit I’horrible Dragon gardien de ce butin precieux de lanbsp;Toison d’or. Et pour guarantir nos illustres personnagesnbsp;de la cruaute de nostre Buzir et rendre la liberte a Messieurs les Princes, voicy vne autre Pallas; voicy laDeessenbsp;Borbonie ; voicy nostre Heroine, Madame la Duchesse denbsp;Longueuille, Princesse du Sang de France, toute escla-tante de vertu et d’honneur, qui après auoir partage lesnbsp;misères et les souffrances de deux frères et d’vn mary,nbsp;1’obiet de sa victoire, a este reduite et nécessitée, pour senbsp;desrober a la fureur d’vn Faquin vestu de rouge, la bontenbsp;de la France et le rebut de I’ltalie, d’essuyer mille sortesnbsp;de dangers pour aborder lamesme prouince d’Argonne,nbsp;ainsi que nos illustres Argonautes, pour y former sa gé-Dereuse entreprise et bastir dans la forteresse de Stenay,nbsp;situee dans la mesme prouince, la machine si fatale aunbsp;Monstre rouge du sang de toute la France, par le raoyennbsp;du secours et de I’assistance des Princes Chretiens qu’ellenbsp;a este contrainte d’implorer pour s’opposer vigoureuse-ment aux torrents tumultueux d’vn lache et perfide Ministro pendant le règne d’vn Roy mineur, et les inuiternbsp;a cette prétieuse conqueste de la liberte de Messieurs lesnbsp;Princes. C’est en cette rencontre, grande Princesse, quenbsp;vous auez donné des preuues de la fermeté de vostre con-stance et du courage que vostre Altesse a fait esclaternbsp;parmy ce torrent d’afflictions qui s’estoit esleue contrenbsp;Maison Royalle, et que vous auez fait voir que quel-ques obstacles que la fourberie et la malice du démonnbsp;Incarnadin ait peu opposer a vostre vertu, vostre pru-
-ocr page 222-dence iointe a vostre valeur a touiours esté assez puissante pour les surmonter. Le Monstre auoit por té la Francenbsp;sur Ie penchant de sa ruine; et nostre Héroïne, qui ren-ferme en elle les forces de Mars et la prudence denbsp;Minerue, a terrassé l’ennemy irréconciliable de lanbsp;France et acquis a iuste titre Ia qualité de Restauratricenbsp;de La liberté mourante. Médée, par ses enchantemensnbsp;et par ses charmes, contribua puissamment a dompter cesnbsp;monstres gardiens de la riche Toison d’or. Et vous, gé-néreuse Princesse, vous auez, par la prodigieuse force denbsp;vostre esprit et par les charmes sans artifices que la nature vous a si libérallement départis, obllgé S. A. R. etnbsp;l’Auguste Parlement de Paris, la viuante image du Sénatnbsp;Romain, a vous rendre iustice et de suitte abattre a vosnbsp;pieds le Désolateur de la France par les Arrests si célèbresnbsp;des sept et neufième du présent mois de Féurier et annbsp;prononcés et executes par eet Auguste Parlement, qui nenbsp;pouuaut plus souffrir Ia valeur de Monsieur le Princenbsp;oysiue, l’a rendu aux Regions et Légions Francoises etnbsp;qui sans doute les fera vaincre autant de fois qu’il lesnbsp;fera combattre pour Ie seruice du Roy et la conseruationnbsp;duRoyaume. Le valeureux Hercule ne dompta que desnbsp;serpens et des monstres terrestres etborna ses conquestesnbsp;des monts de Calpe et Abyla. Et V. A., Madame, parnbsp;des trauaux inconceuables, a détrosné et vaincu le démonnbsp;Incarnadin, perturbateur de la France et l’ennemy mortel du repos public. Et comme vostre victoire passe et ou-trepasse et les conquestes et les colomnes de Hercules,
* Arrét deNos Seigneurs du Parlement portant Vesloignement du Cardinal Mazarin, etc. [233]; Arrêt de la Cour du Parlement ^ toutes les chambresnbsp;assemblees, portant que le Cardinal Mazarin y ses parens et domestiques es^nbsp;trangers vuideront le RojaumCy etc. [290].
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est blen ralsonnable que vostre Triomphe et vostre Renommée volent pardessus les monts Caucase, Calpe etnbsp;Abyla et qu’elle public par tout I’Univers la défaitte etnbsp;fuitte du démon Incarnadin, exorcise par nostre in-eomparable Archypopontif Monsieur Ie Coadiuteur etnbsp;anathematise par la foudre des Arrests fulminez contrenbsp;net excommunié par Ie grand Parlement de Paris, Ienbsp;premier mobile de la France. Mais, généreuse Princesse,nbsp;1 équité veut que comme nos illustres Argonautes parta-gèrentauec Ie Roy lason 1’honneur et la gloire de leursnbsp;conquestes, aussi bien que les trauaux, la mesme Renommee qui public vostre victoire auec vostre Triomphe,nbsp;face cognoistre a la postérité la valeur et Ia magnanimiténbsp;de ces grands Héros qui ont si généreusement appuyénbsp;Vostre haute entreprise et si libérallement prodigué leursnbsp;Vies et leur sang pour la liberté de Messieurs les Princes.nbsp;C est 1’auis, ce sont les sentimens et les opinions de vostrenbsp;Sénat Aréologue, duquel feu Monsieur Ie Marquis de Ianbsp;^oussaye estoit Ie chef et Ie Polémyque Agaton de vostrenbsp;Temple, et a presentMonsieur Ie Marquis de Sillery, sortinbsp;^’vn Chancelier de France, qui, après auoir contribué parnbsp;savertu éminente a la liberté de Messieurs les Princes, etnbsp;nn avoir apporté Ie premier Theureuse et tant désirée nou-Uelle, a par la gratification de V. A., fondée sur son mérite,nbsp;si dignementremply ces deux charges vacantes; et commenbsp;Vostre Sénat est soustenu et esclairé de cette brillantenbsp;lumière d’esprit, de son aduis et de celuy de Messieursnbsp;*le Sainct-Romain et Sarazin, personnages consomraez ennbsp;toute sorte de science et d’expérience des choses les plusnbsp;difficiles, vos conseillers', et,sur ce ouys Monsieur de la
• inseratur ubi auctoris nostri nomen inersum est.
N. D. T.
' ^icopompus vox graca est, in Argenide, quce significat ut Barclai auctorem libri illudi------ nbsp;nbsp;nbsp;' - --------------------- - nbsp;nbsp;nbsp;^
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Perère, recommandable pour sa grande vertu et doe-trine, vostre Procureur General, et Ransommes, Aduo-cat General du Sénat Aréologue, a esté arresté sous Ie bon plaisir de V. A., que la grandeur du courage, lanbsp;naissance et les hauts faits tVarmes de Monsieur Ie Ma-reschal de Turenne, general de vostre armee, vray hé-ritier de la vertu et de la haute estime du grand Due denbsp;Bouillon, son père, Prince souuerainde Sédan, luy ontnbsp;acquis mesme tittre et qualité du géne'reux Roy lason,nbsp;puisqu’il a esté Ie chef et Ie premier mobile de ce derniernbsp;ouurage et de la périlieuse entreprise, qui de la cap-tiuité, a fait si généreusement passer Messieurs lesnbsp;Princes a la liberté; et Monsieur Ie Comte de Ligniuillenbsp;general de l’armée de S. A. I. de Lorraine, issu de cesnbsp;illustres Maisons de 1’ancienne Cheuallerie du Royaumenbsp;d’Austrasie et d’vn bisayeul décoré de l’Ordre du Sainct-Esprlt, pared honneur que Hercule, après s’estre si-giialé par tant de blessures mortelles en la bataille denbsp;Rhetelle ^ pour dompter comme vn autre Hercule, cenbsp;furieux Sanglier Derymanthe, si fatal a la France, Monsieur Ie Comte de Bouteuille ® Ie pillier et la renaissance
^Défaite de Varmee da Due Charles, commandée par Ie comte de Li^ne~ rille, etc. [966],
* Perdue par Ie maréchal de Turenne, Ie 18 décembre 1630. Lettre de cachet du Roy.,,. contenant tout ce qui s’est fait et passé a la défaile denbsp;rarmee da ricomte de Turenne [1909] ; TMtre du Roy enuojée a Monseigneurnbsp;Ie Mareschal de Lhospital.,., contenant..., tout ce qui s’est fait et passé a,nbsp;Rethel [2186].
“ Francois-Henry de Montmorency, comte de Bouteville, depuis maréchal et due de Luxembourg. C’est lui qui, l’aniiée précédente, com-mandait dans Bellegarde pour Ie prince de Condé et avait été contraint de rendre cette place an Roy. II avait obtenu, par la capitulation, denbsp;rejoindre M*”® de Longueville a Stenay. \jnPrise du Chasteau dePagnynbsp;par Ie sieur de Boutteuille, gouuemeur de Seurre (BeUegarde), etc. [2878]»
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de Ia très-ancienne et illustre maison de Montmorency, que quelqu’vns font descendre de Lisbius de Montmo-*’ency, seigneur Gaulois, qui Ie premier des Gaules senbsp;conuertit en la predication de Sainct-Denis Aréopagytenbsp;et les autres de Lisoye de Mont-Remy, Cheualier qui Ienbsp;premier d’entre Ie peuple Francois, recent Ie baptesme anbsp;Rheims des mains de l’Archeuesque Sainct-Remy, presence du Roy Clouis l’an 499, a mérité par son sang es-pancbé et par la prison qu’il a soufferte pour la liberténbsp;de Messieurs les Princes, de passer icy pour Ie vaillantnbsp;Thésée, fils d’dSgée, Roy d’Athènes, qui par l’excez denbsp;sa valeur, se fit nommer et renommer vn autre Herculenbsp;(ce nom tiré de celuy de Heroncleos, qui veut direnbsp;gloire des béros), après auoir -vaincules Amazones et em-mené leur Royne Hypolitte qu’il espousa, deffait Créon,nbsp;I^oy des Thébains, tué Ie Minotaure, monstre mi-hommenbsp;néde l’accouplage dePaphaé, femme de Minos, auec vnnbsp;Taureau, occis Ie Sanglier qui rauageoit les grains denbsp;Cremion, en faveur des Corintbiens; de mesme que eetnbsp;Héros a fait en faueur du Royaume, en contribuant parnbsp;ses hauts exploits a la destruction de celuy qui rauageoitnbsp;non pas seulement les grains, mais les finances et les peu-ples de France. Messieurs les Comtes de Duras ® et denbsp;Quintin, aisnés des deuxcélèbres maisons de Duras et denbsp;la Moussaye et nepueux de Monsieur leMareschal de Tu-renne, représenteront icy Castor et Pollux, qui par leurnbsp;prodigieuse vertu se sont rendus immortels, ce Polluxnbsp;ayant tué en l’expédition de la Toison d’Or Ie Roy Amy-
* iV^ec in secundis tertiisue consistevB inhouestuni.
illud Ciceronis de Oratore, ad conseruandam illorum dignitatem quibus P^iorem locum occupare non datum^ est.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;N. D. T.
® Henry de Durfort, due de Duras, depuis maréchal de France.
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que qui auolt accoustumé a tuer a coups de cestes les passans dans la forest Bébrycienne^ puisque ce valeureuxnbsp;Comte de Duras, per^ant les legions de l’armée opposée anbsp;son courage, poussa lusques au canon, cy-dessus repre'-senté par Ie Roy Amyque. Messieurs les Cheualiers denbsp;Grammont, de la Rochefoucault, sortis des plus signa-lées maisons du Royaume, seront icy considérez comraenbsp;Nauplius, père de Palamèdes , qui ayant apprls la mortnbsp;de son fils que les Grecs auoient occis par les artifices d’U-lysse et de Dyomèdes, afin de s’en venger, planta desnbsp;feux sur la crouppe du mont Capharée, pour y attirer lanbsp;flotte des Grecs, passant par eet endroit, et qu'en y pre-nant port elle fit naufrage et se fracassast, comme elle fit,nbsp;auxescueils qui en sont voisins; et ces généreux Cheualiers ayant appris l’emprisonnement de Messieurs lesnbsp;Princes, ont fait paroistre hautement leur feu et leurnbsp;courage pour leur liberté. Messieurs les cointes de Grand-Pré ‘, Rosnay et Beauuau descendus des anciennesnbsp;maisons de loyeuse, Luxembourg et Beauuau; Messieurs de Fauge, Cheualler de Riuière,. Daucour,nbsp;Baron de Lanque , Chambois ‘, la Rocque, Gou-
* Jean-Armand de Joyeuse, comte de Grandpré, depuis maréchal de Joyeuse. II est assez curieux que, dans un Avis aux Parlsiens [489], dunbsp;commencement de 1652 , on ait propose de raser sa maison comme cellenbsp;d’un ennemi du prince de Condé.
“ II servit comme aide de camp du prince de Condé au combat du faubourg Saint-Antoine, oü il eut deux chevaux tués sous lui.
^ Ilcoinmanda , avec Taxanne et Clinchamp, l’avant-garde del’armée du prince de Condé, dans sa marclie de Saint-Cloud sur Charenton, Ienbsp;jour du combat du faubourg Saint-Antoine.
^ Le baron de Chamboy. C’était un serviteur de la maison de Longue-¦ville. En 1650, il était gouverneur du Pont de 1’Arche; il fut, la même année, compris dans la capitulation de Montrond : Relation veritable con-tenant les articles accordez a Mme la Princesse et M. le Due d'Anguien, etc.nbsp;[3189]; en 1652, il porta a Paris et lut deyant le due d’Orléans et le
ullle*, Chambon% Chérizy, Dumesnil, Montreuil, Comtes
Chamilly et Chimereau tiendront icy Ie rang de Telamon, père d’Aiax, Roy de 1’Isle de Salaraanie, quiassista Hercule au fameux siége de Troie, qui pour recompensenbsp;de ses seruices luy donna pour femme la fille de Léome-dou; et ces valeureux Héros ayant si forteroent appuyé vosnbsp;genéreux desseins en l’expédition de Ia conqueste de lanbsp;liberté de Messieurs les Princes dans l’Isle de Limicari-tos, pourront espérer a bon droit la recompense deue anbsp;leurs mérites. Les genéreux Dort, La Berge Longpré,nbsp;Montaulieu, du Faye, Phisica, Ricouse, Ayragny , Ga-gnac, Pertuis, Laisbordes, Bernon, Imecour, Marché,nbsp;Briquemau, Bocasse, CIësia, Bigot, la Motte, Cinq-Mars, la Magdeleine, des Forges, et tous les Capitaines,nbsp;Officiers et soldats qui ont si dignement seruy et versénbsp;leur sang pour la déliurance de Messietirs les Princes,nbsp;out mérité par leurs bautes actions la gloire de Zetbes etnbsp;Calais, qui ayant esté fauorablement receuspar Phinée,nbsp;fils d’Agénor, Roy de Phoenicie, en leur voyage de Col-ehos, ils Ie déliurèrent des Harpies qui désoloient sonnbsp;Empire et infectoient sa viande lorsqu’ll estoit sur Ienbsp;point de manger; ainsl qu’ont fait ces illustres Héros,nbsp;qui ont si dignement contribué a la défaitte de la Harpie
prince de Condé, Ie Manifeste de la Noblesse de Normandie par lequel elle declare reconnoitre Son Altesse Royale pour Lieutenant general pour lenbsp;Roy, etc. [2336]. II ne parait pas qu’il ait seryi le prince de Condé clieznbsp;les Espagnols ; car la Muse de la Cour nous le montre gouverneur denbsp;Caen, sous la date du 8 septembre 1637.
* nbsp;nbsp;nbsp;II étalt colonel du régiment de Condé cavalerie. II seryit en qualiténbsp;deinaréclial de camp au combat du faubourg Saint - Antoine; et il ynbsp;fut tué.
‘ II fut gouverneur de Saintes pour la Fronde en 1632. II est, a ce dlte, très-vivement attaqué parnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;de la Guyenne, etc. [13I0J.
* nbsp;nbsp;nbsp;Capitaine des gardes du prince de Condé.
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infame qui a désolé etempestéde son venin de Lermeles Estats de nostre inuincible Monarque, La fidélité et lanbsp;valeur de Messieurs de Méressart, Montigny, Villars etnbsp;Monguignard, qui ont si heureusement conserué la pré-tieuse personne de V. A., comme la géne'rosité et vigilance de Messieurs les Comtes de Chamilly, Varennes,nbsp;Rochefau, Corber et Melon, la citadelle de Stenay ennbsp;Argonne vostre asil, ou sous leur garde aussy asseuréenbsp;que la Targe inuincible d’Aiax, V. A. si tranquillementnbsp;repose parray l’orage de ses afflictions, mérite bien d’es-tre représentée par la valeur du mesme Aiax, l’vn desnbsp;plus grands Capitaines de la Grèce, qui s’estant ioint,nbsp;vn iour, en vn combat opiniastré auec Hercules, rien nenbsp;fut capable de les séparer qu’vne nuict obscure, quinbsp;auec Ie iour termina ce signalé combat; et ces illustresnbsp;Héros après vne victoire si signalée, qui a affranchy lanbsp;France de l’esclauage et des fers sous lesquels sou Con-seruateur gémissoit, pourront dire vn iour qu’ils n’au-ront esté séparez de la société si bien affermie qu’ilsnbsp;auoient contractée pour la liberté de nos Princes que parnbsp;la nuict obscure, qui a voilé et terny pour iamais Ienbsp;lustre Mazarin. O fameux Appelles, glorieux nourrissonnbsp;de 1 Isle de Coo, qui seul iadis fus digne de tirer Ie portrait d’Alexandre Ie Grand, c’est en eet endroit que lesnbsp;armes et la plume me sont tombées des mains; et i’auouenbsp;que i’aurois besoin de la délicatesse de ton pinceau et denbsp;ta main pour représenter au vif Téminente vertu etl’em-barquement périlleux de nostre triomphante Princesse,nbsp;suiuie de ses belles et guerrières Amazones, Mesdemoi-selles de la Chastre, Verpillier, Fermelis et Gofecourt, denbsp;l’esclatante vertu et beauté desquelles Neptune ayant esténbsp;éblouy et touché, avoit desia dépesché les Tritons pour
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^Scorter Ie mesme Dauphin qui luy faclllta iadis les ®oyens de posséder son Amphitritte, afin de luy attirernbsp;liurer cette iilustre flotte. Etc’en estoitfait si la valeurnbsp;de Mars, qui sera icy représenté par Messieurs de Sainct1nbsp;IbalBarière, Tracy, la Roque, Cheualier de Fre-fiüienne, Meressart, Sainct-Romain, Villars, Sarazin etnbsp;Gauffecourt, suiuis des sieurs de Ia Pierre, Exempt desnbsp;Gardes, et Barbier, ne s’y fut oppose, et recoigné Ienbsp;Dauphin et ses Tritons dans les flots et guide nostrenbsp;Héroïne et ses Amazones, qui toutes auec vn couragenbsp;incroyable ont suiuy leur adorable Maistresse, en trauer-sant les mers, percant les forests et franchissant les mon-tagnes pour aborder cette heureuse Prouince d’Argonne,nbsp;heureuse d’auoir admiré et soustenu l’esclat de tant denbsp;vertus; heureuse d’auoir fourny la matière de la liberténbsp;inestimable de Messieurs les Princes, comme elle fit autrefois celle de la fameuse conqueste de la Toison d’or.nbsp;Puis done que ie suis resté sans voix et sans paroles suf-fisantes et proportionnées a l’esgal d’vn si grand ouurage,nbsp;et qu’il n’appartient qua vn autre Apelles d’en entre-prendre Ie Tableau, i’en laisse la description a la doctenbsp;et coulante veine de Monsieur Sarazin, digne seul de eetnbsp;ouurage, ioint que
Pour Ie tirer au vif^ qu’on lui ouure Ie sein,,
Et (Pvn si beau trauail on verra Ie dessein.
Ie roe contenteray seullement d’admirer ces illustres Amazones, comme les Nayades et Nymphes de nostre
II fut, au Combat du faubourg Saint-Antoine, de l’escadron du prince de Condé; et toute la journée, il signala son courage et sa conduite. C’est Ie témoignage que lui rend Marigny dans la Relation veritablenbsp;de ce qui se passa.,,, au combat donné au Raubourg Saint-Jnthoine, etc.1
[3232],
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CHOIX
Meuse, et les Dryades et Hamadriades de nostre illustre forest d’Argonne; et dans l’attente de ce rare ouurage ,nbsp;pour estre inséparablement attaché a ce mien petitnbsp;trauail, qui rendra éternelleraent au sien les foy et hommage qu’vn fidel vassal doit a son Seigneur dominant, ilnbsp;ne seroit pas raisonnable de différer dauantage a louer lanbsp;fidélité, le grand zèle et 1 affection des domestiques denbsp;V. A. pendantI’expedition de Limicaritos, qui pour la fer-meté de leurs affections a vostre seruice, passeront icynbsp;pour des Damons et des Pythias, qui autrefois disputè-rent deuant le Tyran de Syracuse a qui sacrifieroit lenbsp;premier sa vie , pour sauuer celle de son amy. Et pendant que Messieurs de la Roche, Gouruille et la Costenbsp;seront occupez auec la Renommee a faire esclatter parnbsp;toutela terre la fidélité et lavaleur de nos 111ustres Héros,nbsp;ie reprendray le fil et la suitte de mon discours, et vousnbsp;diray, Madame, que nos mesmes Poëtes ont dit qu’aprèsnbsp;ce fameux voyage de Colchos, la Déesse Pallas transportanbsp;dans les Cieux cette célèbre Nauire Argo et qu’elle lanbsp;placa pres du Pole Austral, qui se lèue avec la Lyre et lanbsp;Vierge (qui est la mesme Vierge Erigonne tutélaire de lanbsp;forest d’Argonne, d’ou cette Nef a esté prise pour fairenbsp;veoir que les choses retournent a leur principe) et quinbsp;se couche quant et quant le Sagitaire et I’Archer. Etnbsp;V. A., Madame, sera désormais considérée comme vnnbsp;nouuel Astre qui s’est esleué sur nostre Hémysphère pournbsp;esclairer a iamais toute la France du flambeau de vosnbsp;rares vertus et faire découler ses douces et benignes influences sur tous ceux qui ont pris part dans toutes vosnbsp;afflictions, et fait teste comme des rochers inesbranlablesnbsp;a toutes les atteintes de la mauuaise fortune, et particu-lièrement sur les peuples de cette Prouince d’Argonne,
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out si libérallementsacrifié leurs biens et leurs vies a la liberté de Messieurs les Princes, et sur la glorieusenbsp;ville de Stenay oii l’instrument de la cheute du de'monnbsp;Incarnadin et celuy de vostre Ti’ioniphe a esté forgë. 11nbsp;temps, généreuse Altesse, il est temps de mettre finnbsp;aux trauaux inconceuables que vous auez supportez et denbsp;quitter la charette d’amertume de laquelle Votre Altessenbsp;fut obligee de se seruir en fuyant la persecution Incarnadine, et de monter sur Ie Char de vostre Triomphe pournbsp;iouir de la douceur des fruits de vostre victoire. Alleznbsp;doncque, grande Princesse, allez receuoir les honnestesnbsp;abords de deux Frères et d’vn Espoux, et les applaudis-semens deubs a la Restauration de la liberté mourante.nbsp;Allez acheuer eet ouurage de la Paix généralle que Monsieur Ie Due de Longueuille auoit si heureusement arresté,nbsp;etleDémonlncarnadin si malheureusement refuse a toutenbsp;la Chrestienté. Ne frustrez pas plus long-temps nostrenbsp;inuincible Monarque de son attente. La Reyne vous ynbsp;conuie; Ie Parlement vous tend les bras; les peuples sontnbsp;desia préparez aux cris et acclamations publiques qui sontnbsp;deubs a vostre Triomphe; et les lieux óii vous deuez passer, couchez de Rameaux d’Oliues, deLauriers, d’OEil-lets et de Roses. La France n’attend plus que vostre presence pour consacrer au Temple de vostre mémoire vosnbsp;Trophées et immoler la victime du sacrifice qui est deubnbsp;a vostre Triomphe. Le buseher en est desia agencé; etnbsp;ne reste plus que d’y porter la torche ardente du feu quinbsp;Ia doit consommer auec les fers et les barres qui auoientnbsp;osté la liberté que V. A. a si heureusement redonnée anbsp;Messieurs les Princes. Tout le monde se meurt d’impa-tience de voir paroistre vostre adorable personne sur lenbsp;Trosne magnifique que V. A. s’est érigé et basty de ses
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propres mains, dont vos vertus héroïques ont esté les dégrez aussi bien que les fondemens.
Ridendo dicere verum quis veiat?
Vale, egregie Sarazine; iamiam tud ope emersurus ab lllustrissimse Borboniae Historiarum perplexitate exnbsp;qua tanquam è lahyrintho Ariadne, id est tuo p,lo des-titutus, nonquam potuissem euadere.
(13 février 16S1.)
Auiourd’huy, 14 féurier 1651 , Ie nommé Matliieu, seruant d’ordinaire au palais de Monseigneur I’Eminen-tisslme Cardinal Mazarin, me vint dire en mon logisnbsp;dans la cour de l’Abbaye S. Géneuiefue, que M. Tubeuf,nbsp;président en la Chambre des Comptes, m’auoit demandénbsp;dès Ie soir auparauant et auoit commandé que l’on m’ad-uertist de Ie venir trouuer Ie plus matin qu’il me seroitnbsp;possible; ce qui fut cause que ie me rendis chez monditnbsp;sieur Tubeuf, demeurant derrière Ie Palais-Royal prochenbsp;la Eutte de S. Roch, sur les huitheures; etayant apprisnbsp;du portier que ledit sieur n’estoit encore leué, ie m’en
• La pièce n’a point de titre dans l’original. Celui que j’ai accepté,est emprunté au Catalogue de toutes les oeuvres de Naudé, que Ie P. Louisnbsp;Jacob a placé a la suite de son livre intitulé : G. Naudaii Tumulus.nbsp;Naudé est encore auteur de VAvis a Nos Seigneurs du Parlement sur lanbsp;rente de la bibliothèque de Monsieur Ie Cardinal Mazarin [4761, et de Bibliotheca venalis seu Mazarinas proscriptus [S82J.
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DE MAZARINADES.
vins au palais de M. Ie Cardinal Mazarin, mon maistre, OU Ie nommé Annet, seruant a la garde-robe, m’ayantnbsp;dit que M. Tubeuf s’estoit saisi dudit palais et de tout cenbsp;qui estoit en iceluy, pour la seureté de la somme denbsp;680 000 liures‘qui lui estoient deues par S. E., et qu’ilnbsp;Ui’auoit enuoyé quérir pour auoir les clefs de la biblio-thèque, cela m’obligea d’aller au Palais-Royal sauoir denbsp;M. Euzenat, intendant de la maison de mondit seigneur,nbsp;Ce que ie deuois faire en cette occasion. Sur quoy leditnbsp;Sieur Euzenat me dit que M. Tubeuf estoit venu Ienbsp;iour auparauant luy parler dans sa chambre au Palais-Royal et 1 auoit prié de trouuer bon que pour la seureténbsp;de son deu, il fist faire la saisie mentionnée ci-dessus. Anbsp;quoy ledit sieur Euzenat luy ayant répondu qu’il scauoitnbsp;fort bien que S. E. ne feroit rien perdre a personne etnbsp;uioins a luy qu’a aucun autre, et qu’il pouuoit faire ennbsp;cette occasion tout ce qu’il iugeroit vtile et nécessairenbsp;pour ses asseurances, mondit sieur Tubeuf Ie pria denbsp;'’ouloir bien venir receuoir l’exploit au palais de S, E.;nbsp;de quoy Ie sieur Euzenat s’estoit excuse sur les affairesnbsp;qu’il auoit auec M. de Massac, présent, et qui ne luynbsp;Permettoienten aucune facon d’y pouuoir aller; aioutantnbsp;qu’il y alloit enuoyer M. Ie Normand auquel on pourroitnbsp;laisser ledit exploit. Il me dit aussi qu’il auoit d’autantnbsp;plus volontiers consent! a cette saisie qu’elle estoit capable de mettre ledit palais et Ie peu qui restoit en iceluy,nbsp;u couuert de la fureur et de la violence du peuple, sinbsp;d’auenture il arriuoit quelqu’émotion au cas que Ie Roy
* Le président Tubeuf estcolloqué pour 600 000 livres, valeur de ses ®aisons des rues des Petlts-Champs, Richelieu et Vivien , dans l’Jrrét
la Gourde parlement donnê enfaueur des créanciers du Cardinal Maza-'¦lt;«, etc. (7 sept. 16S1). [300]
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partist de Paris, ou pour d’autres raisons qu’ilestoit aussi difficile de prénoir que d’esuiter; et qu’au reste il nenbsp;voyoit pas que ie deusse i-efuser de faire Ie mesme denbsp;la bibliothèque qu’il auoit fait de tout Ie logis, puisqu’ennbsp;tout cas mondit sieur Tubeuf s’en pouuoit saisir par ius-tice et que comme il estoit bon ami de nostre maistre, ilnbsp;estoit plus a propos de traiter auec luy ciuilement quenbsp;par force et a toute rigueur. Après quoy estant re-tourné au palais Mazarin, ie trouuay M. Tubeuf qui ynbsp;entroit, accompagné d’vn procureur, nommé Ie Blanc,nbsp;d’vn huissier, nommé Darbault, qui faisoit inuentairenbsp;de tout ce qui estoit audit palais, appartenant a S. E., etnbsp;de M. Petit, domestique ancien dudit sieur Tubeuf quinbsp;auoit bien soin de faire fermer toutes les chambres qu’onnbsp;auoit visitées, et d’en prendre les clefs. Et m’ayant ditnbsp;d’abord qu’il m’auoit faitappeler afin que ie luy donnassenbsp;les clefs de la bibliothèque, a cause qu’il auoit fait saisirnbsp;Ie palais et tout ce qui estoit dedans, ie luy répondis quenbsp;ie Ie ferois plus volontiers a luy qu’a homme du monde,nbsp;veu la bonne amitié qu’il auoit tousiours témoignée anbsp;Monseigneur Ie Cardinal auec lequel il s’accommoderoitnbsp;bien, s’il plaisoit a Dieu de Ie ramener a Paris, et qu’ennbsp;cas que de non, ie croyois néantmoins que la bonne cor-respondance continueroit tousiours entr’eux deux et qu’ilnbsp;ne se feroit rien en toutes ces affaires que de gré a gré.
Ensuite de quoy, l’ayant mené a la grande Salie du petit corps de logis qui ioint au grand, ie luy en fis l’ou-uerture; et après luy auoir monstré comme elle estoitnbsp;toute pleine, depuis Ie bas iusqu’au haut, de liures de Droitnbsp;Ciuil et de Philosophic in-folio et de liures de Théologienbsp;in-quarto, ie la fermai a double tour et en consignai lanbsp;clef par ordre de mondit sieur Tubeuf audit Sieur Petit.
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Bela ie Ie menai dans Ie premier entresol des trois grands qui sont sur la montée de la Garde-robe; et après luynbsp;auoir fait remarquer comme il estoit entièrement pleinnbsp;de liures en Médecine, Chimie et Histoire naturelle denbsp;toutes sortes de volumes, voire mesme qu’il y en auoitnbsp;^eaucoup qui estoient rangez a terre et sur Ie plancher,nbsp;faute de place sur les tablettes , ie fermai ledit Entresolnbsp;a double tour et en donnai la clef au mesme Sieur Petit.nbsp;Après quoy, ie menai ledit Sieur Tubeuf au second entresol plein de Bibles en toutes langues, scauoir: Hébraï-ques et autres Orientales, Grecques, Latines de vieille etnbsp;nouuelle edition, Francoises, Italiennes, Espagnoles, Alle-mandes, Flamandes, Angloises, Hollandoises, Polaqués,nbsp;Hongroises, Suédoises, Finlandoises, Galoises, Hiber-noises, Rhuténiques , iusqu’au nombre, auec les autresnbsp;gt;iss. etc, d’enuiron deux cents, comme aussi de com-lïientateurs sur la Bible en toute sorte de volumes; etnbsp;^’ayant aussi ferme a double tour, ie donnai la clef aunbsp;Wlesme Sieur nommé cy-dessus. Ensuite ie luy montrainbsp;Ie troisième Entresol plein de liures m.ss. Hébreux, Sy-*’iaques, Samaritains, Ethiopiens, Arabes, Grecs, Espa-gnols, Prouengaux, Italiens et Latins de toute sorte, tantnbsp;pour les matières que pour les volumes; et l’ayant fermenbsp;et donné la clef comme dessus, ie Ie fis monter a la grandenbsp;Bibliothèque et luy ouuris la première Chambre bautenbsp;exhaussée et pleine, depuis Ie plancher d’en bas iusqu’anbsp;celuy d’en haut, de liures en Droit Canon, Politiquenbsp;et autres matières mesle'es en diuerses sciences. Et passantnbsp;'Ie cette première Chambre a la seconde, ie luy fis entendre comme elle estoit pleine, a la facon de la précé-,nbsp;^ente, de liures Luthériens, Caluinistes, Sociniens etnbsp;^litres hérétiques en toutes langues, comme aussi de liures
II
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Hébreux, Syriaques.
CHOIX
Arabes, Éthiopiens et semblables
Orientaux de toutes les sortes, auec beaucoup qul estoient a terre faute de place sur les tablettes et pupitres.nbsp;Enfin ie Ie menai de ces deux Chambres dans la grandenbsp;Gallerie longue d’enuiton neuf ou dix toises, oii estoitnbsp;toute l’Histoire tant ecclésiastique que profane, tant vni-uerselle que particuliere de toutes les nations auec lesnbsp;350 vol. MSS. in-folio, reliez en maroquin incarnat etnbsp;recueillis par M. Loménie; la Mathématique au nom-bre d’enuiron 3500 vol.; les Pères, la Scholastique , lanbsp;Controuerse, les Sermonaires, les liures de l’Imprimerienbsp;du Louure et quasi toutes les Humanitez , auec plus denbsp;liures coucbez par terre qu’il n’en pourroit tenir dansnbsp;trois chambres de iuste grandeur, et beaucoup de grandsnbsp;volumes de Charles, Estampes, Voyages, Entrees, etc.nbsp;Après quoy , ie luy fis voir comme la porte du costé denbsp;la terrasse estoit fennée a double tour et verrouillée hautnbsp;et bas auec des clauettes abbatues derrière; et l’ayantnbsp;fait sortir de ladite Gallerie et des deux chambres cy-des-sus nommées et ioignantes a icelle par la porte qui estnbsp;sur la montée de la Garde-rob : par laquelle il estoit en-tré, ie la fermai a double tour et en cousignai la clef audit Sieur Petit pour la cinquième et dernière; et ayantnbsp;supplié mondit Sieur Tubeufd’auoir soinet d’empeschernbsp;autant que faire se pourroit, la dissipation de la plusnbsp;belle et de la meilleure et plus nombreuse bibliothèquenbsp;qui ait iamais esté au monde , pulsque a mon auis ellenbsp;passoit les 40 000 vol., dont il y en auoit plus de 12 000nbsp;in-folio, ie me retirai la larme a Tceil pour voir Ie public a la veille d’estre priué dVn si grand trésor et lesnbsp;bonnes intentions de S. E. si mal reconnues qu’au lieunbsp;de luy donner des trophées pour tant de victoires ga-
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les
gnees et tant de villes prises par ses soins, pour auoir administré si heureusement la France parmy tant d’ora-gcs et de tempestes dont elle estoit menacée, pour auoiinbsp;SI fidèlement seruy et si rigoureusement défendu l’autoriténbsp;du Roy et de la Reyne sa mère en qualité de Régente, onnbsp;ae parle maintenant que de Ie bannir, de Ie proscrire etnbsp;lapider, comme s’il estoit I’ennemi iuré de la France; onnbsp;Ie condamne sans aucune.forme de procez ; et l’on excite
communes pour l’assommer; on poursuit ses aims et
domestiques estrangers comme ennemis de la patrie; et 1 on n’oublie aucune sorte d’iniure contre Ie meilleurnbsp;homme du monde et contre Ie plus fidéle et Ie plusnbsp;affectionné Ministre d’Estatquiait iamais esté en France.nbsp;Dieu scait les causes de tous ces désordres, aussi bien quenbsp;des factions qui brouillent maintenant ce Royaume; etnbsp;lorsque les ennemis du Cardinal auront comblé la mesurenbsp;de leurs iniquitez, il scaura bien iustifier 1’innocent et pu-QÏr les coupables.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;G. N.
(16 février 16St).
... II fourba dès sa naissance.
II fut fourbe dans son enfance,
Plus fourbe dans sa puberte',
Trés fourbe en sa virilité,
Mais plus que trés fourbe en eet age,
-ocr page 238-Fourbant toils les iours dauantage;
Fourbe dans son pays natal;
Fourbe a Rome; fourbe a Casal;
Fourbe en Espagne; fourbe en France; Fourbe partout a toute outrance;
Fourbe lorsqu’il estoit Courrier;
Fourbe depuis fait Camerier;
Fourbe dans sa basse fortune;
Mais quand par grace non commune Pour Cardinal on I’eut choisy,
II deuint fourbe eii cramoisy;
Et depuis par vn sort sinistre
Plus fourbe estant fait grand Ministre;
Fourbe dedans; fourbe dehors;
Fourbe dans Tame et par le corps;
Fourbe au coeur et sur le visage;
Fourbe chez luy dans son mesnage; Fourbe a I’Eglise; fourbe en Cour;
Fourbe en tout temps et tout seiour; Fourbe en effects ; fourbe en parolles;nbsp;Fourbe en louis; fourbe en pistolles;nbsp;Fourbe aux plus fourbes financiers;
Fourbe a ses plus grands creanciers; Fourbe dans toutes ses promesses;
Fourbe dans toutes ses caresses;
Fourbe aux bons et fourbe aux meschants; Fourbe en la ville; fourbe aux champs;nbsp;Fourbe a Paris ; fourbe aux prouinces;nbsp;Fourbe au Parlement; fourbe aux Princes;nbsp;Fourbe a la Reine; fourbe au Roy;
Fourbe a vous mesme et fourbe a moy;
A moy, pauure et dolente Europe Que tousiours le malheur galope;
Ouy fourbe aux Francois, aux Flamans, Aux Espagnols, aux Allemans;
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DE MAZARINADES.
Fourbe a ces bonnes gens de Suisses, Après leurs fidelles seruices;
Fourbe aux belliqueux Suëdois;
Fourbe aux fourbes des Hollandois; Aux Transalpins fourbe supresme,
Aux Cardinaux, au Pape mesme; Fourbe a Messieurs les Barberins;nbsp;Fourbe iusqu’a ses Mazarins;
Fourbe sur l’eau; fourbe sur terre; Fourbe au Conseil; fourbe a la Guerre;nbsp;Mais surtout fourbe pour la Paix;
Car il ne la voulut iamais.
Et dans Ie mal qui me déuore ,
Ie puis bien l’appeler encore Fourbe en tous genres et tous cas;nbsp;Fourbe per omnes regulas;
Fourbe par art et par nature ;
Fourbe fourbant outre mesure;
Mais a la fin fourbe fourbe Qu’on a fait venir a iubé;
Car après tant de fourberies Et tant de mazarineriesnbsp;II a délogè, Mazarin,
Sans trompette et sans tambourin.
Sans trompette? Non, ie me trompe; Car on scait bien qu’a son de trompenbsp;De ce Royaume on l’a banny;
Dont Dieu soit a iamais bény.
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(28 février 16S1.)
Sire,
Les grandes Monarchies sont suiettes a tomber de temps en temps en des désordres, auxquels toute la prudence des plus sensez a bien de la peine a trouuer desnbsp;remèdes; soit que les esprits des Souuerains ne puissentnbsp;pas tousiours reluire sur toutes les parties qui composentnbsp;les grands Corps; soit que la foiblesse ou les interests denbsp;leurs Ministres laissent décheoir ou diuiser leur authorité;nbsp;soit enfin que la Prouidence éternelle dont les Décrets sontnbsp;incompréhensibles, se plaise a changer les choses quinbsp;semblent les plus affermies. Il est constant que les Royau-mes et les Empires les plus forts sont ceux qui souffrentnbsp;en de certains temps les plus horribles secousses. Il n’estnbsp;pas nécessaire de rechercher des preuues de cette vériténbsp;dans les histoires anciennes ou modernes des autresnbsp;Estats. La constitution présente de la France ne nous lanbsp;persuade que trop; et Ie déréglement qui va tousioursnbsp;croissant depuis quelques années dans les principales et
' La noblesse s’assembla a Paris en 1651 dans Ie convent des Cordeliers, d’abord pour travailler a la délivrance des princes, puis pour demander la convocation des états généraux. La première séance eut lieunbsp;Ie 25 février; la dernière, Ie 5 mars; niais a partir de cette dernièrenbsp;date jusqu’a la fin de juillet 1652 , il y eut des associations et des réu-nions dans les provinces , sous 1’inHuence des amis ou des agents du cardinal de Retz. C’est un des épisodes les moins connus de la Fronde. Onnbsp;en trouvera un exposé exact, sinon complet, dans ïn BibUographie desnbsp;Mazarinades,h Partiele du Journal de F Assemblée de la Noblesse, etc.
[1750].
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quasi dans toutes les parties de cette Monarchie, nous fait 3ppréhender auec raison quelque decadence ou réuolu-hon estrange.
Sire , on ne s^auroit penser a l’estat florissant de ce ^oyaume, lors de I’auèneinent de Vostre Maiesté a cettenbsp;^ouronne, qu’on ne deplore en mesme temps les confusions présentes. Le feu Roy Père de Vostre Maiesté luynbsp;ï^issa tous ses Estats paisibles au dedans et triomphansnbsp;dehors. L’authorité Royale estoit en vigueur; la Discipline dans les armées; l’Obéissance dans les Prouinces.nbsp;Les Ministres de sa Maiesté estoient en estime; ses Es-dits et Ordonnances exécutées; les Finances autanl biennbsp;administrées que la condition des temps et des guerresnbsp;pouuoit permettre; car encor qu’elles se consommas-scnt pour la plus grande partie dans 1’entretènement denbsp;Uos armées tant Francoises qu’Estrangères, elles ne lais-soient pas de reuenir a nous par vn commerce et vn re-flus qui conseruoit l’abondance. La foy publique quinbsp;fournissoit tant de prompts secours aux nécessitez lesnbsp;plus pressantes de I’Estat, estoit religieusement gardée;nbsp;1^ punition suiuoit les crimes; et la récompense les ac-flons louables.
Aulourd’hui, par vn reuers aussi surprenant comme il cst deplorable, toutes les choses se^trouuent dans vne disposition entièrement contraire : l’autborité Royalle affoiblienbsp;presque anéantie; les armées dans la licence qui est tellenbsp;que les violences et les rauages des gens de guerre dansnbsp;Icurs routes et leurs garnisons n’espargnent pas mesmenbsp;maisons des Gentilshommes qui sont dans le seruice;nbsp;les Prouinces réuoltées; les principaux Ministres de Vos-Maiesté dans le mespris et dans l’horreur; les Edictsnbsp;ilu Prince sans exécution; les Finances ou dissipées ou
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dluerties : ce qui cause la misère el 1 ’attenuation du general et des particuliers; Ie crédit et la foy publique tel-lement ruinez qu’il est impossible de trouuer Ie moindre secours dans les plus grandes nécessitez; en un mot, lesnbsp;démérites et les crimes récompensez, les seruices et lesnbsp;fidélitez punies.
Sire, ce n’est pas icy Ie lieu oii l’on doiue accuser les causes prochaines de tous ces désordres; il suffit de re-présenter a Vostre Maiesté que l’estat présent de ses affaires semble vne manifeste préparation a quelque grandnbsp;changement, et que, pour Ie préuenlr, il est temps denbsp;penser sérieusement aux remèdes salutaires.
Toutes les fortunes des suiets de Vostre Maiesté, de quelque Ordre qu’ils soyent, estant comprises dans cellenbsp;de l’Estat, ils sont tous obligez de parler en cette rencontre et de luy porter leurs remonstrances accompa-gnées de leurs très-humbles supplications; et sur tous,nbsp;ceux qui composent la Noblesse de Vostre Royaume,nbsp;ne peuuent demeurer dans Ie silence sans encourir Ienbsp;blasme d’vne lascheté aussi honteuse, comme elle estnbsp;contraire a leur naissance et a leur profession.
Sire , on ne scauroit présumer que ceux qui sont préposez a l’éducation de Vostre Maiesté , ne luy ayentnbsp;souuent dit qu’Elle ne tient son Royaume que de Dieunbsp;et de l’espée de ses ancestres; qu’il a esté fondé et ci-menté auec Ie sang des premiers Nobles de eet Estat, etnbsp;que leurs descendants et ceux qui dans la suite des tempsnbsp;ont mérité par leurs belles actions d’estre distinguez dunbsp;vulgaire, sont les véritables appuys de cette Monarchie,nbsp;par conséquent les personnes les plus intéressées en sanbsp;conseruation.
Ce n’est pas que par cette preeminence de la Noblesse,
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oous prétendions obscurcir Ie mérite des autres Ordres. Nous scauons que les secours et les Contributions dunbsp;Tiers Estat sont des conditions sans lesquelles tous lesnbsp;plus grands courages ne pourroyent rien produire, etnbsp;que Ie Clergé attire par les prières et par Ie culte denbsp;la vraye Religion l’assistance et les benedictions dunbsp;Ciel.
Mais, Sire, la Noblesse de vostre Royaume se peut vanter que comme elle approche de plus pres de la per-sonne et des functions essentielles de Vostre Maiestéquenbsp;aucun des autres Ordres, elle prend aussi plus de partennbsp;ce qui la touche. Elle reconnoit sa subsistance si estroi-tement liée a celle de la Monarchie que 1’vne ne peut estrenbsp;altérée sans que l’autre souffre, ny renuersée sans quenbsp;1’autre périsse.
C’estsur ce fondement, Sire, qu’vne bonne partie de eet ordre , ioint a plusieurs Princes nez dans vos Estatsnbsp;et sous votre domination, ose se présenter a Vosti-enbsp;Maiesté pour la supplier de vouloir agréer ses Remonstrances et Requestes très-humbles.
Dans l’appréhension qu’ils ont tous d’vne réuolution qui les anéantiroit dans la ruine publique, ils ne peuuentnbsp;plus différer de représenter a Vostre Maiesté que pournbsp;releuer l’authorité Royale au point d’oii elle est déchue,nbsp;restablir l’Ordre en toutes sortes de conditions et pré-seruer 1’Estat de la subuersion doiit il est menacé, il n’ynbsp;a point de remède plus infaillible que celui qui a esténbsp;pratiqué par nos ancestres en des nécessitez pareilles etnbsp;beaucoup plus moindres, qu’est l’Assemblée générale desnbsp;trois Ordres du Royaume.
Sire, dans cette Assemblée, les Députez de toutes les Prouinces, conuoquez au nom de Vostre Maiesté, pour-
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CHOIX
Isïi.
li’
ii
ront auec sa permission luy proposer, suiuant leur conscience et leur honneur , les véritables moyens pour réduire les peuples a leur première obéissance et a lanbsp;contribution nécessaire pour soustenlr nos conquestes etnbsp;la gloire de nos armes; faire rentrer les Officiers tantnbsp;d’espée que de robe dans Ie iuste exercice de leur deuoirnbsp;et de leurs charges; régler l’administration des Financesnbsp;par des Ordonnances et formes nouuelles et inuiolables ;nbsp;trouuer de quoy acquitter les debtes de Vostre Maiesténbsp;et remettre la foy publique si essentielle a la dignité dunbsp;Prince ; faire vne exacte recherche de tous les crimes im-portans et dont la consequence est pernicieuse a l’Estat.nbsp;Enfin Ie consentement de tant de personnes cholsies etnbsp;aduouées des peuples apportera tout ce qui peut seruir anbsp;la reformation des désordres que la licence des guerres anbsp;introduits; et les secoursque Vostre Maiesté peut désirernbsp;dans les nécessitez présentes de son Estat, seront d’au-tant plus exigibles qu’ils sembleront procéder de la bonnenbsp;volonté et meure délibération des suiets.
234
lil
ISiii
SiKE, Vostre Maiesté nous permettra, s’il luy plalst, de luy dire qu’il est temps de trauailler a toutes ces chosesnbsp;et que nous estimons qu’on ne s^auroit réussir plus effica-cement que par cette Assemblée. Comme elle sera plusnbsp;célèbre et plus authentique que nulle autre, nous croyonsnbsp;qu’elle trouuera plus de vénération et de déférence dansnbsp;les esprits des peuples; que les Ordonnances qui émane-ront de l’absolu pouuoir de Vostre Maiesté sur les cayersnbsp;qui luy seront présentez, seront suiuies d’vne obserua-tion purement volontaire, et que Votre Maiesté, imitantnbsp;en cette rencontre la prudence de sesprédécesseurs, n’ennbsp;retirera pas moins d’auantages qu’ils ont fait dans desnbsp;nécessitez moins extresmes.
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Ce seroit vn dénombrement ennuyeux si nous rap-portions icy toutes les Assemblees des Estats Généraux, pour authoriser les motifs de celle-cy. II suffira d’en re-öiarquer quelques exemples des plus conuenables a nostrenbsp;temps et a 1’estat présent des affaires, afin que Vostrenbsp;Maiesté voye que nous ne lui proposons rien qui n aytnbsp;esté pratique en de semblables dësordres.
Après la iournée de Poitiers et la prison du Roy lean, Ie Daufin son fils, depuis Roy, surnommé Charles Ienbsp;Sage, ne fust pas plustost a Paris qu’il y conuoqua lesnbsp;Estats Généraux pour conférer auec eux sur Ie gouuerne-ment du Royaume et les moyens de déliurer Ie Roy sonnbsp;père. Tl est vray que comme les grands remèdes n’opè-rent point sans tourmenter ou débiliter quelque partie,nbsp;les animositez de quelques particuliers de cette Assembleenbsp;causèrent les destitutions de trois ou quatre Officiers;nbsp;mais au fonds elle conspira tousiours a la conseruation denbsp;l’Estat. Et lorsque Ie Roy d’Angleterre, abusant denbsp;l’auantage que luy donnoit la prison du Roy lean, proposa des conditions de paix trop insolentes, l’Assembleenbsp;générale les reietta généreusement et se prépara incontinent a fournir toutes les choses nécessaires pour la continuation de la guerre.
Et nous remarquons encore qu’après Ie Traitté de Bre-tigny les diuerses infractions des Anglois ayant obligé Ie mesme Roy Charles a leur declarer vne nouuelle guerre,nbsp;ses Estats Généraux assemblez de nouueau a Paris l’as-sistèrent par des subsides très-consldérables, dont ilsnbsp;entreprirent et exécutèrent entr’eux-mesmes les leuées.
Louis XI, Prince autant soup^onneux comme il estoit ialoux de son authorité, bien qu’après Ie Traité de Con-flans , il ne se trouuast pas encore trop assuré des Princes
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et des peuples de son Royaume, qui luy auoyent fait vne sanglante guerre sous Ie spécieux prétexte du bien public, et qu’il fust en de continuelles apprehensions desnbsp;machines ouuertes et secretes des Anglois qui estoyentnbsp;alors les ennemis irréconciliables de eet Estat, si nenbsp;laissa-t-il pas parmy tous ces désordres et ses deffiances,nbsp;de convoquer les Estats Généraux a Tours et de les fairenbsp;luges des diffe'rens qu’il auoit tant auec Ie Due de Normandie, son frère, qu’auec les Dues de Bourgogne et denbsp;Bretagne qui avoyent diuisé tout Ie Royaume en factions contraires. En effet cette Assemblee fut si bien in-tentionnée pour Ie bien de 1’Estat qu’elle se sépara auecnbsp;cette prudente resolution : Que leRoy seroit très-humble-ment supplié d’octroyer a Charles, son frère , vn appanage conuenable a sa naissance et a sa dignité; quenbsp;Monsieur seroit prié de s’en contenter; que Ie Duchénbsp;de Normandie estant inalie'nable et ne se pouuant dé-membrer de la Couronne, Ie Due de Bretagne seroitnbsp;sommé de rendre tout ce qu’il auoit pris dans cettenbsp;Prouince; et au cas qu’il en fist refus ou qu’il fust cer-tifié au Roy qu’il eust contracté alliance auec l’Anglois,nbsp;ancien ennemy de la France, que Ie Roy retireroit sesnbsp;villes a main armee et luy feroit la guerre; que pour eetnbsp;effet les trois Estats proraettoient de secourir et seruirnbsp;Sa Maiesté : a scauoir les Ecclésiastiques de leurs prièresnbsp;et de leurs biens temporels , les Nobles et Ie Tiers-Estatnbsp;de leurs biens, de leurs personnes et de leurs vies; enfin que Ie Due de Bourgogne seroit admonesté de nenbsp;point fauoriser les ligues qui se faisoient contre Sanbsp;Maiesté et contre Ie repos de l’Estat, mais bien de con-tribuer comme Prince du Sang Royal et Pair de Francenbsp;a sa reformation par des voyes ciuiles.
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Sire, Ie bon succes de cette Assemblee, dans vne con-joncture de temps et d’affaires si semblables aux nostres, oe doit-il pas nous faire espérer toute sorte de bien denbsp;celle que nous réquérons de Vostre Maiesté ? Et sinbsp;Louis XI, qui estoit vn Roy assez peu aimé de ses suiets,nbsp;recut tant de satisfaction et d’accroissement en son au-thorité de la resolution de ces Estats Généraux, se trou-Uera-t-il des personnes assez soupconneuses pour appré-hender que l’innocence de Vostre Maiesté, si chérie denbsp;tous les Peuples, n’inspire pas aux députez des Prouincesnbsp;des intentions aussi fidellesetaussi généreuses qu’il con-uient pour Ie salut de l’Estat et Ie rétablissement de l’au-thorité Royalle?
Nous abuserions de la bonne volonté de Vostre Maiesté, Sire, si nous lui racontions importunément tantnbsp;d’autres Estats Généraux, dont les Roys vos prédeces-seurs ont tiré de notables auantages :
Ceux qui furent encor tenus a Tours sous Ie mesme Roy Louis XI, par la résolution desquels, conformémentnbsp;a l’intention de sa Maiesté, Ie Due de Bourgogne fut citénbsp;pour respondreau Parlement de Paris sur plusieurs faictsnbsp;dont il estoit chargé;
Ceux qui furent conuoquez dans la mesme ville de Tours au commencement du règne de Charles VIII, surnbsp;Ie suiet de la Régence;
Ceux qui sous Francois P’’ s’opposèrent vigoureusement a l’exécution du Traité de Madrid si désauantageux anbsp;cette Couronne;
Ceux qui sous Henry II luy fournirent Ie secours extraordinaire qu’il demanda après la perte de S. Quentin, pour soustenir la guerre que luy faisoient les Espagnolsnbsp;et les Anglois ioints ensemble;
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Ceux qui durant Ie règne de Francois II furent ou-uerts a Orleans, continuez depuis au mesme lieu dès Ie commencement de la minorité de Charles IX, et quinbsp;pourueurent au payement des debtes du Roy, qui mon-toient alors a plus de quarante millions de liures, sommenbsp;qui estoit beaucoup plus excessiue, eu égard a la condition de ce temps-la, que tous les Emprunts qu’il a con-uenu faire a Vostre Maiesté pour les dépenses extraordi-uaires de la présente guerre;
Enfin ceux qui furent tenus a deux diuerses foys a Blois sous Henry III, lesquels bien que meslez de quel-ques partialitez et accidens tragiques, ne laissèrent pasnbsp;de donner des interualles aux troubles d’Estat et de Religion qui affligeoient alors ce Royaume; outre qu’ilsnbsp;nous ont valu cette belle Ordonnance de Blois, laquellenbsp;iointe a celle d’Orléans, nous fournit vn digeste admirable de toutes les Loys et Règlemens les plus authen-tiques de eet Estat.
Et nous ne pouuons oublier de représenter icy a Vostre Maiesté, Sire, qu’encore que l’Assemblée des Estats Généraux d’Orléans semblast, lorsqu’elle fut proposée,nbsp;aller directement a la destruction du crédit et de 1’autho-rité de Messieurs de Guise, qui gouuernoient sous Ie règnenbsp;de Francois II, si est-ce qu’ils la trouuèrent si raisonna-ble et si nécessaire au bien de l’Estat, qu’ils n’osèrent s’ynbsp;opposer; et l’aduis de l’Admiral de Chastillon qui la de-manda, fut généralement suiui de tous les Notables qu’onnbsp;auoit assemblez a Fontainebleau, et qui opinèrent surnbsp;cette proposition.
Sire, tous ces exemples, ioints aux considérations par-ticulières de l’estat présent des affaires, furent sans doute les véritables motifs qui portèrent Ie Conseil de Vostre
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DE MAZARINADES.
Maiesté a luy persuader, 11 y a plus de deux ans, cette conuocation des Estats Généraux; et les Lettres en ayantnbsp;esté expëdie'es dès ce temps-la par toutesles Prouinces dunbsp;Royaume, afin qu’on procédast a l’eslection des Députeznbsp;et qu’ils se pussent trouuerau temps et lieu de 1’Assembleenbsp;qu’on leur prescriuoit, nous ne pouuons pas comprendrenbsp;Ce qui peut auoir iusques icy empesclié l’effet d’vne si saintenbsp;resolution; car tant s’en faut que les raisons et les néces-sitez des Estats Généraux soyent cessées qu’au contrairenbsp;elles sont deuenues. et deuiennent tousles lours plus pres-santes par Ie continuel accroissement de nos calamitez.
Nous supplions done très-humblement Vostre Maiesté, Sire, et la coniurons par l’intérest et Ie salut de son Es-tat, de ne différer pas d’auantage l’exécution de ce qui anbsp;esté si iudicieusement résolu en son Conseil, les annéesnbsp;passées, touchant cette conuocation des Estats Généraux,nbsp;et de commander de nouueau et très-expressément a tousnbsp;les Bailllfs, Sénéchaux et autres Magistrats des Prouincesnbsp;de son Royaume d’esllre et enuoyer leurs Députez aunbsp;lieu et dans Ie temps qui plaira a Vostre Maiesté de leurnbsp;prescrire, afin que conspirant tous au bien et a la con-seruation de l’Estat, ils proposent lesmoyens qu’lls iuge-ront les plus raisonnables et les plus vtiles pour Ie main-tien de la Monarchie et Ie soulagement des peuples.
(28 févrler 1651.)
La Noblesse ne demande que Ie bien de l’Estat et du public, et rien pour son intérest particulier, remettant
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CHOIX
aux Estats généraux toutes les infractions qui ont esté faites contre leurs droicts, et les réduisant aux Ordon-nances des Rois et arrestez des Estats généraux; et pournbsp;eet effect, elle demande qu’ils soient tenus au plustost dansnbsp;la ville de Paris, qui est Ie principal lieu de la France,nbsp;et Ie plus considérable pour y tenir vne si grande Assem-blée. Ce dessein a esté trouué si iuste par Messieurs dunbsp;Clergé qui est Ie premier Corps, qu’ils se sont ioints auecnbsp;la Noblesse pour demander au plustost lesdits Estats; etnbsp;l’on s’estonne que Ie tiers Estat, qui est Ie plus intéressénbsp;au désordre présent, tant par Ie retranchement, retarde-ment et manuals payement des rentes que par les violences que les gens de guerre font dans les Prouinces fautenbsp;de payement, ne se ioigne auec les deux autres Corpsnbsp;pour demander ensemble lesdits Estats, qui sont vn re-mède innocent pour empescher la suitte des mi1ax qu’anbsp;causez Ie ministère du Cardinal Mazarin et que ceux de sanbsp;cabale s’efforcent tous les iours de continuerb
L’auteur de la Réponse des bourgeois de Paris a la Lettre écrite des prouinces, etc. [3415] dit : « Les Estats Généraux pourrolent commencernbsp;par de la corruption et finir par de nouuelles surcharges.)) N. Pasquier,nbsp;conseiller et maitre des requétes ordinaire de l’Hótel du Roi, a écrit
dans les Remontrances très-humbles a la Reyne mère____pour la conseruatïon
de PEstat pendant la mïnorité du Roj, son jils [3343] : « N’assemblez pas les Estats Généraux. Ils ne réduiroient pas vostre autorité, comme onnbsp;Ie prétend; au contraire. Mais ils pourroient estre vn instrument denbsp;diuision et de trouble. LesGrands s’y feroient des partisans qui agiteroientnbsp;les Prouinces.»
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ÜE MAZARINADES.
(11 mars 16S1.)
Muse qui pinces et fais rire,
Vien a moy de grace et m’inspire L’esprit qul Catulle inspiranbsp;Quand il entreprit Mamurra.
I’en veux aussi bien que Catulle Au tyran qui s’appelle luie;
Mais mon luie n’est pas Caesar. C’est vn caprice du hazardnbsp;Qui naquit Garcon et fut Garee,nbsp;Qui n’estoit né que pour la farce,nbsp;Pour les cartes et pour les dez,nbsp;Pour tous les plaisirs desbordeznbsp;Et pour la perte du Royaume ,
Si quelque Maistre lean Guillaume Ne nous en déliure a la fin.
Et vrayment il sera bien fin S’il s’en sauue, Ie galant homme.nbsp;Haï dans Paris et dans Rome,
Ou diable pourra t’il trouuer
* C’est Ie plus célèbre des pamphlets contre Ie cardinal Mazarin, mais quot;On Ie meilleur. On y trouve si peu d’esprit et de gaieté, il est si plein denbsp;®sletés et d’ordures que je ne 1’aurais pas donné si je n’a-vais craint qu’unnbsp;recueil de mazarinades sans la Mazarinade ne fut pas compris. J’aime anbsp;dire que l’auteur en est resté inconnu. II n’y a, en effet, pas de bonnesnbsp;raisons pour ne pas admettre Ie désaveu que Scarron en a fait dans lesnbsp;flenf quatre vers, etc. [675], et qu’il a renouvelé dans une lettre adressée ènbsp;^a reine mère après la Fronde.
‘ Maistre Jean Guillaume, c’est Ie bourreau. Le Triomphe du faquinis-•linie Cardinal Mazarin , etc. [3883] a lieu en place de Grève, sur fechelle de M' Jean Guillaume.
Il nbsp;nbsp;nbsp;16
-ocr page 252-Vn lieu qui Ie puisse sauuer?
Bou ! ie sens eschauffer ma verue.
Ca, ne disons rien qui ne serue,
Et que cliaque vers ait son trait,
Pour bien acheuer Ie portrait De ce prodige de fortune,
Sans en oublier cbose aucune.
A toy done, Calabrois Romain,
Bon pied, bon ceil, et bonne main.
Pare Ie coup que ie te porte,
Ou que Ie grand Diable t’emporte.
Et toy, mon braue Marigni,
Qui plus qu’aucun sur Ie Zani As décocbé mainte baladenbsp;Escoute ma Mazarinade.
A la malheure, Mazarin,
Du pays d’ou vint Tabarin,
Es tu venu brouiller Ie nostre !
On te prenoit bien pour vn autre Lorsqu’on te croyoit raffiné.
On t’auoit fort mal deuiné.
Et de science et de pratique,
Tu n’es pas vn grand politique.
Tous tes desseins prennent vn rat Dans la moindre affaire d’estat.
Singe du Prélat de Sorbonne ^,
Ma foy, tu nous la bailies bonne.
Tu n’es a ce Cardinal Due Comparable qu’en aqueduc.
Illustre en ta partie honteuse ,
Ta seule braguette est fameuse-Outre cette vertu de Coe,
' Ballade [61]; \es Ballades seruant athisloire, reueueset augmentées [570]. * Le cardinal de Richelieu.
-ocr page 253-DE MAZARIINADES. nbsp;nbsp;nbsp;243
On te llent inuenteur du Hoe,
Du beau ieu de trente et quarante,
De certaine chaize courante Autre cheual de Pacolet,
Et de plus de ce cher ballet,
Ce beau, mals malheureux Orphée^,
Ou, pour mieux parler, ce Morphée Puisque taut de monde y dormit.
Ma foy, ce beau chef d’oeuure mit En grand crédit ton Eminence,
Ou plustost ton Impertinence.
Tes Courtizannes, tes chastrez Y furent les mieux chapitrez.
Pour auoir ferme tes bougettes Aux gueux qu’on appelle Poëtes,
Si chers au feu rouge bonnet Qui scauoit Ie mal quVn sonnetnbsp;Qu’on a mal recompense, causenbsp;Et qui craignoit sur toute chosenbsp;Que par ces diuins affameznbsp;Ses beaux faits fussent diffamez.
Pour auoir, dis ie, enuers Pégaze Esté par trop raquedenaze,
N’en as tu pas bien dans Ie cu ?
Au lieu qu’en donnant quelque escu ,
Ton immortelle renommee Par l’Europe eust esté semée,
Et ne passerois pas partout Pour vn forfante, et haye au bout!
' Voyez, dans lel quot;volume, X’Inuentaire des merueilles du monde rencon-^f'ées dans Ie palais du, cardinal Mazarin.
* Opéra joué par la troupe italienne que Mazarin avait appelée a Paris. Je ne sais plus oü un pamphlétalre a dit :
« Si vous n’êtes italien,
Vous ne verrez pas 1’Orphéc. »
-ocr page 254-244 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Au lieu des vertus cardinales Tu n’as rien que les animales,
Le Vain orgueil dVn Pantalon;
Et tu n’es qu’vn franc estalon,
Vn viel Bougre, ante sur bardache , Et par dessus tout, vn Gauache.nbsp;Ton Esprit, Esprit de Coyon ,
Pour quelque froide allusion Que par hazard il a sceu faire,
Dont on a fait vn grand mistère, T’a fait, mais ie ne scay comment,nbsp;Succéder a feu Maistre Armant.
Ha, ne tranche plus du Ministre.
Tu n’estois né que pour le Cistre ; Mais la fortune en bonne humeurnbsp;T’a fait prince de Parfumeur.
Casse ta garde de Soudrilles;
Va t’en trauailler en Pastilles;
Va t’en trauailler en Jasmin ,
Digne employ de ta blanche main; Et que ta teste chauue et blondenbsp;Se mette a couuert de la Fronde.nbsp;Fuy les Arrests du Parlement;nbsp;Trousse bagage et vistement.
Que ton Altesse Mazarine Craigne le destin de Conchine.
Va, va t’en dans Rome estaller Les biens qu’on t’a laissé voller.
Va, va t’en, Gredin de Calabre, Filocobron, ou Filocabre.
Va, va t’en; repasse les monts ;
Va viste et fay rompre les Ponts ; Car s’il faut que quelqu’vn te suiue,nbsp;Que l’on te demande, Qui viue !nbsp;Que tu répondes ; Mazarin I
-ocr page 255-245
C’est fait de toy, clier Tabarin.
De tes fautes dans la police,
De tes ordres dans la milice Ie ne te reprocheray rien;
Mais ie te veux, homme de bien, Reprocher la cruelle guerrenbsp;Que tu fais viure en cette terre,
Oü tu prétens malgré les dens De tant et tant de braues gensnbsp;Tenir contre vent et maree.
Ton ignorance est auérée;
Et tu n’es, pour trancher Ie mot,
Quoy quVn grand Prélat, qu’vn grand sot. Te souuiens tu bien, Seigneur luie,
Du raisonnement ridicule
Que tu fis, vn iour, sur les Glans ‘ ?
Cela te mit en beaux draps blancs.
Depuis, la nation Francoise A mesprisé la Calabroise.
Te souuient il bien d’Alcala Quand Ganimède ou Quinola,
L’amour de certaine fruictière Te causa maint coup d’estriuière;
Quand Ie cardinal Colonna De paroles te malmena,
Et qu’a beaux pieds comme vn Bricone Tu te sauuas a Barcelonne ?
De Barcelonne, tu gaignas Ton Pays, ou tu besoignasnbsp;Si bien que tu deuins la Gougenbsp;D’vn autre Bougre a bonnet rouge.
O que sll t’eust abandonné,
' Voyez dans Ie t” volume la Lettre a M. U cardinal, burlesque.
-ocr page 256-Ou bien s’11 ne t’eust rien domié,
Ton incroyable destinée Par ce tres sortable Himenéenbsp;De toy, Prince des Maquignons,
Auec la vendeuse d’oignons,
Eust esté bornée en Espaigne A reuendre quelque Chastaigne,
Sans nous faire vn Prince dVn fou,
Et nous Ie mettre sur Ie cou !
Mais ton Altesse Mazarine N’est qu’vne Altesse Triueline.
La fortune se cliangera,
Et son ouurage deffera
Par quelque rude coup de fronde,
Faisant raison a tout Ie monde.
O que l’aueugle resuoit bien Quand au malheur des gens de biennbsp;Elle fit du Val de Mazarenbsp;Sortir ce ministre si rare !
De Mazare, vient Mazarin,
Des Canaries, Canarin;
Comme on dit Ie Manceau du Maine, Le Tourangeau de la Touraine,nbsp;Basque, Champagne on le Picard,
Ou quelque autre nom d’autre part; Comme en vsent en nostre Francenbsp;Les faquins de basse naissance.
Tu nous as, par adresse ou non, Escamoté quelque renom.
Moy, ie crois que c’est par fortune. Ne m’en porte point de rancune.
Ie deffere a la verité Plus qu’a la Cardinalité.
Va, va t’en done ou l’on t’enuoye ; Qu’icy iamais on ne te voye.
-ocr page 257-247
Va rendre compte au Vatican De tes meubles mis a l’encan;
Du vol de nos tapisseries;
De celuy de nos Pierreries;
Du sale tralie de Mondin Autre Gredin fils de Gredin;
De tes deux cens robes de chambre; De tes excez de musque et d’ambre;nbsp;De tes habits, vieux et nouueaux;nbsp;Du beau palais de tes cheuaux ^ ;nbsp;D’estre cause que tout se perde;
De tes canecons pleins de merde;
De tous tes manquemens de foy;
De la nourriture du Roy;
De l’impudente simonie Que tu fais sans cérémonie;
De tes conseils si violens;
De tes procédez insolens;
Du désordre de nos armées;
De nos Prouinces affamées;
De Courtray d’ou par trahison Tu fis sortir la garnison ®;
De Lérida deux fois manquée,
Quoy que deux fois bien attaquée ;
-ocr page 258-Du fruict du grand combat de Lens Perdu par tes conseils trop lens;
De la Catalogne réduite Au désespoir par ta conduite;
Du Due de Guize mal logé Dans Naples qu’on a négligé;
De la dizette des Prouinces;
Du péril que courent nos princes,
Qui sont a la guerre, tandis Qu’en ton palais tu t’ébaudis;
Du Due de Beaufort mis en cage, Digne effect de ton grand courage;nbsp;DVn Mareschal de France prisnbsp;Pour la récompense et Ie prixnbsp;D’auoir bien fait a Barcelonne 1;
Du vol du Duebé de Cardonne; D’auoir fait prendre vn faux bouillonnbsp;Au feu président Barillon;
De la Reyne persuadée De ta sincérité fardée;
Des Anglois qui n’ont point de pain, Que tu laisses mourir de faim ^;
Et de leur Reyne désolée De ses bagues par toy volées ;
Du Vénérable Parlement Traitté par toy peu dignement;
Et de la pauure France Etique Par ton auarice Hydropique;
De 1’argent qu’on a destourné Au nom de Portolongone;
D’auoir, courretier de Priape,
Le maréchal de La Mothe Houdancourt, due de Cardone.
® Les Anglais qui étaient vénus a Paris avec Henriette de France, femme de Charles Iquot;.
-ocr page 259-249
Supprlmé Ie Neueu du Pape 1,
Pour plaire a ce beau Cardinal A qui tu seruois d’vrinal;
De la paix que tu pouuois faire,
A l’Europe si nécessaire,
Et qui fut par toy néantmoins Refusée aux yeux de témoinsnbsp;Qui comme ils sont tous gens notables,nbsp;Ne peuuent estre reprochables;
De nostre Monarque enleué,
En quoy ton Altesse a resué;
De la grande ville bloquée;
De toute la France attaquée,
Laquelle te l’a bien rendu,
Dont ie te tiens trés confondu;
D’auoir appaisé la Guyenne Selon ta méthode ancienne ;
Et de Richon qui fut pendu,
Plaise a Dien qu’il te soit rendu! Comme aussi du pauure Canole,
Puisses tu perdre la parole De la facon qu’il la perditnbsp;Quand a Bourdeaux on Ie pendit 1!nbsp;D’auoir perdu par ignorancenbsp;L’authorité des Rois de France;
D’auoir au soldat estranger Offert la France a saccager;
Mais par grand bonheur Léopolde S’est deffié d’vn manigolde.
Francesco Pamphili, neven tl’Innocent X. Le Tableau funeste des barpies de VEstat, etc. [3748].
Le chevalier de Canolle, lieutenant-colonel du régiment de Navailles, fait prisonnier dans Pile de Saint-Georges par les Bordelais, fut pendu ennbsp;teprésailles de 1’exécution de Richon , gouverneur du chateau de Vayresnbsp;pour le parlement de Bordeaux.
-ocr page 260-250 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Dont la parole et Ie cachet Ne seruent que de trébuchet,
Et (deffendez-luy la caballe)
Qui n’est qu’vn Ministre de balie; D’auoir fait eloigner Séguier ,
Ce grand, ce digne Chancelier;
De Gondy dont tu prens ombrage Pour son esprit et son couragenbsp;Et cent vertus que tu n’as point,nbsp;De toy différent en ce point,
Que la dignité Cardinale D’vn Cardinal Sardanapale,
En tous ses plaisirs criminel, Recoit vn opprobre éternel,
Et que de ce Prélat illustre La pourpre receuroit du lustre;nbsp;D’auoir osé choquer Gaston,nbsp;Prince en sagesse vn vray Caton,nbsp;En valeur vn autre Alexandre;nbsp;Estoit-ce a toy de l’entreprendre?nbsp;Pauure rat qu’on vit autrefoisnbsp;En petit pourpoint de Chamois,nbsp;Quand, de Sachetti secrétaire,nbsp;Honorable employ pour vn hère,nbsp;Tu seruois aux plus débaucheznbsp;Au ministère des Péchez;
De Crémone, et de son sot siège; De la principauté de Liège,
Dont eust esté Coadiuteur Le frère de ton Protecteur 1,
Si par mille pratiques sourdes, Ton esprit trop fertile en bourdesnbsp;N’eust traistreusement éludé
Le prince de Conty.
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Les desseins du vaillant Condé,
Qui depuls, ó Ie plus grand traistre De ceux qui se meslent de l’estre,
Pour t’auoir si bien protégé,
Se voit dans Ie Haure logé,
Luy dont Ie bras fut ton iEgide j Qui te tira comme vn Alcidenbsp;Des mains du peuple, vn autre Hydra,nbsp;Lequel enfin se préuaudianbsp;Des fureurs dont il est capable;
Et lors, Ministre détestable,
Bougre , des Bougres Ie maieur,
Des politiques Ie mineur,
Par qui la France est décriée,
De ses amis désalliée,
Par qui Ie commerce est perdu,
Enfin tout l’Estat confondu,
Alors, dis-ie, Ie plus sot homme Qui soit iamais sorti de Rome,nbsp;Reietton de feu Gonchini,
Pour tout dire Mazarini,
Ta carcasse des-entraillée Par la canaille tirailléenbsp;Ensanglantera Ie paué;
Ton Priape haut esleué A la perche sur vne gaulenbsp;Dans la capitale de la Gaule,
Sera Ie iouet des laquais,
L’objet de mille sobriquets,
De mille peintures grotesques,
Et mille Epitaphes burlesques.
Hé bien, ó Cardinal pelé!
N’est-ce pas a moy bien parlé.^
Tu ne scauras pas qui te tire Par derrière cette satyre?
-ocr page 262-luie, ladis l’omnipotent,
Tu voudrois bien m’en faire autant;
Et tu me voudrois bien pis faire,
Prince malgré toy débonnaire.
Pouuant bien faire a tons, dy-moy,
Pour quoy n’as-tu faict bien qu’a toy?
Sergent a verge de Sodome,
Exploittant par tout le Royaume,
Bougre bougrant, bougre bougre,
Et bougre au supreme degré,
Bougre au poil et bougre a la plume,
Bougre en grand et petit volume,
Bougre sodomisant I’Estat,
Et bougre du plus haut karat,
Bougre a chèures, bougre a garcons,
Bougre de toutes les facons,
Bougre venant en droite ligne,
Bougre Docteur in vtroque,
Pippeur, Magicien quoque,
Homme aux femmes et femme aux hommes Pour des poires et pour des pommes,
Comme deffunt lean Foutakin*,
Fils et petit fds d’vn faquin Qui diffames la Gaze Vrsinenbsp;Par I’alliance Mazarine^,
Qui de Maraux fais des Abbez,
Aux liures préfères les dez,
A tous les gens d’esprit est rogue,
Et pourtant d’vn Roy Pedagogue,
Ha ! que ne puis-ie d’vn reuers
* Ltttre de la signora Foutakina a messer lulio Mazarini, etc. [1948].
® Le père du Cardinal avail épousé en secondes noces une dame de la maison des Ursins.
-ocr page 263-253
DE MAZARINADES.
Accompagner ces petits vers,
Ou sur ta teste chauue et folie Appliquer vne croquignolle!
Mais Ie temps tout amènera j Et la fronde t’acheuera.
Ministre a la teste de courges,
En fauteuil les armes de Bourges, On te reuerra dans Paris;
Et la comme au trébuchet pris,
Et de ta rapine publique,
Et de ta fausse Politique,
Et de ton sot gouuernement,
Au redoutable Parlement Dont tu faisois si peu de conté,nbsp;Vltramontain, tu rendras compte;nbsp;Puis après ton compte rendu,nbsp;Cher luie, tu seras pendunbsp;Au bout dVne vielle potence,
Sans remors et sans repentance, Sans Ie moindre mot d’examen,nbsp;Comme vn incorrigible; Amen!
-ocr page 264-On ne peut mieux respondre a de mauuais discours que par de bonnes aetions. La reputation de Monsieurnbsp;Ie Coadiuteur est autant au-dessus de la calomnie et denbsp;l’imposture que son coeur est au«dessus de la crainte etnbsp;son esprit au-dessus de l’intérest. Ie ne pretends pointnbsp;de respondre pourluy a ces infames libelles quiinfectentnbsp;Ie monde. Ie ne les lis qu’auec mépris quand ie les con-sidère comme des Ouurages malheureux de ces mesmesnbsp;mains qui nous ont voulu consacrer autrefois Ie Mazarin.nbsp;Ie regarde comme des trophées éleuez a la gloire de Monsieur Ie Coadiuteur tous les traicts que tracent contrenbsp;luy ceux qui ont assiégé Paris. Ie leur pardonne mesmenbsp;en quelque manière Ie ressentiment qu’ils ont des obstacles qu’il a mis a leur fureur en tant d’occasions oii ilsnbsp;ont essayé d’opprimer la liberté publique. Ie ne trouuenbsp;pas estrange que les nouuelles obligations n’ayent pu effa-cer deleurs esprits la douleur qu’ils ont conceue de n’auoirnbsp;pu ruiner la capitale du Royaume et de n’auoir pas eunbsp;la liberté tout entière de nager dans Ie sang de ’ses Ci-toyens. Ie leur fais assez de lustice pour excuser ces trans-
255
DE MAZARINADES.
ports; et au lieu de leur respondre par des inuectiues quiaussi bien n’adiousteroient rien a la connoissance pu-blique que l’on a de leur noir et infidèle procédé, ou parnbsp;des Apologies peu nécessaires, a mon sens, a vne conduitenbsp;aussi nette que cel Ie de Monsieur Ie Coadiuteur, ie menbsp;contenteray de faire présentement auec douceur pour sanbsp;deffense ce qu’vn des plus grands hommes de l’anciennenbsp;Rome fit autrefois auec approbation pour sa proprenbsp;gloire. Après que ce Capitaine si glorieux par la con-queste de 1’Afrique eut rendu Rome entièrement victo-rieuse dans ces fameuses guerres qui domptèrent l’orgueilnbsp;de Carthage, il fut accuse par ses ennemis ; et il dispersanbsp;toutes ces calomnies par cette belle et fiere parole: « Aliens au Temple remercier les Dieux du bonheur que ienbsp;vousay acquis par mes victoires. » Peuples, souffrez quenbsp;i’anime auiourd’huy de ces mesmes paroles vne voix plusnbsp;modeste, mais qui pourroit vous dire auec autant de ius-tice : tc Allons au Temple rendre grace au Ciel de la tyrannic renuersée, du Mazarin chassé, de vos rentes con-seruées, de nos Princes en liberté, des taxes supprimées,nbsp;de la liberté publique establie. » Ce sont des Ouuragesnbsp;auxquels toute la France auoue queM. Ie Coadiuteur n’anbsp;pas peu contribué sous les ordres de son Altesse Royale.nbsp;Et vous, lasches imposteurs et infames bastards de la legitime Fronde, demeurez dans Ie silence, vous qui déchi-rez Ie nom de Mazarin après auoir tousiours respecté sanbsp;personne; qui 1’attaquez mort après l’auoir adoréviuant;nbsp;qui luy faisiez lachement la cour dans son antichambre,nbsp;cependant que nostre illustre Prélat s’opposoit généreu-sement a la naissance et au progrez de son pouuoir; quinbsp;t^ombattiez sous ses ordres dans les Troupes qui assié-geoient Paris, cependant que ce généreux Protecteur de
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CHOIX
nostre liberté exposoit sa vie pour vous défendre; qui vous cherchiez des graces et des bienfaicts de ce Ministrenbsp;au mesme moment que Monsieur Ie Coadiuteur refusoitnbsp;les biens et les grandeurs qui luy estoient offertes auecnbsp;abondance; qui au préiudiee des paroles données et Traiteznbsp;signez auez conserué dans la Cour les restes et les creatures du Cardinal Mazarin, a l’instant que vous en chas-siez ceux qui auoient eu Ie plus de part a son esloigne-ment; qui auez tousiours esté ses Esclaues tant qu’il anbsp;esté dans la puissance, et qui ne reconnoissez plusnbsp;l’authorité Royalle depuis qu’elle est priuée d’vn Ministrenbsp;foible et timide qui vous obligeoit de Ie souffrir a forcenbsp;des bienfaicts dont il contentoit ’vostre auarice; vous enfin qui ne vous estes brouillez auec les amis du Mazarinnbsp;que paree qu’il n’a pas esté en leur pouuoir d’assouuirnbsp;vostre ambition, qui n’attaquez présentement son ombrenbsp;que pour vous vnir peut-estre comme vous auez fait ennbsp;de pareilles rencontres, plus estroitement a sa personne,nbsp;et qui serez, quoy que vous puissiez dire, tousiours Ma-zarins, c’est-a-dire ennemis du public, Fauteurs des Partisans, obstacles de la Paix généralle que vous empescheznbsp;par vos brouilleries. Ne prétendez plus d’abuser les espritsnbsp;crédules par vos calomnies et par vos impostures; nousnbsp;abhorrons Ie Mazarin; mais l’auersion que nous auonsnbsp;pour luy, passe iusques au poinct que nous ne voulonsnbsp;pas mesme Ie receuoir pour vn prétexte. C’est de quoynbsp;présentement vous Ie faites seruir. Vous l’appliquez anbsp;tout vsage; vous traittez de fauteurs du Mazarin ceux quinbsp;se sont tousiours opposez auec Ie plus de vigueur a sa tyrannic, paree que leur naturel libre et courageux vousnbsp;fait appréhender l’authorité légitime. Vostre aueuglementnbsp;est estrange. II est de la mesme nature de celuy qui vous
-ocr page 267-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;257
persuada que vous prendriez Paris en troisiours*. Vous vous imaginez que vous porterez les yeux de tous les Peu-ples si vniquement sur Ie Cardinal Mazarin qu’ils ne s’a-perceuront pas qu’il s’eslèue vn autre Tyran parmi eux.nbsp;Nous haïssons celuy qui est a Cologne; nous exposeronsnbsp;nos biens, nos fortunes et nos vies pour nous opposernbsp;aux^moindres apparences de son retour. Vostre conduitenbsp;passée nous peut faire croire auec raison que ce seranbsp;peut-estre contre vous que nous prendrons les armes surnbsp;Ce suiet. Mais toute sorte de tyrannie nous est odieuse.nbsp;Nous n’auons point combattu pour Ie choix des Tyrans^;nbsp;et quand la plus saine partie de la France s’est opposéenbsp;aux desseins du Cardinal Mazarin et que vous auiez com-muns auec luy, ce n’a pas esté pour esleuer vostre puissance, mais au contraire pour sousmettre a nostre ieunenbsp;Monarque celle que vous vsurpiez dans la foiblesse denbsp;son gouuernement, et par les moyens que vous en laissoitnbsp;prendre ce Ministre foible et timide. Quelques apparencesnbsp;contraires que vous en donniez, on voit Ie regret quenbsp;vous auez de sa perte par l’appréhension que vous té-moignez que l’on en establisse de plus forts et de plusnbsp;vigoureux dans Ie Conseil du Roy. Vous protestez de n’ynbsp;entrer iamais tant qu’il y en aura auxquels vous n’aureznbsp;pas donné vostre consentement. On peut dire que cette Dé-claration n’est pas respectueuse pour rlt;authorité Royalle.nbsp;Les suiets de quelque condition qu’ils soient, ne parlentnbsp;pas d’ordinaire auec cette hauteur; mais nostre estonne-ment augmente quand nous cousidérons qu’elle regarde lanbsp;personne de Monsieur de Chasteauneuf. Son désintéresse-öient si connu a toute la France laisse croire que ceux qui
' Le prince de Condé est assez clairement désigné dans ce passage.
’ Et inleux encore dans celni-ci.
II nbsp;nbsp;nbsp;17
-ocr page 268-258 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
désaprouuent son establlssement, veulent entretenir la confusion et Ie dësordre dans les Finances et ne sont pasnbsp;brouillez auec les Partisans; et sa fermeté et son experience donnent suiet de craindre que ceux qui se déclarentnbsp;contre luy, n’appréhendent la fin des désordres publicsnbsp;dans lesquels ils trouuent leurs auantages particuliers.nbsp;On préfère a ce grand homme qui a vieilli dans Ie seruicenbsp;des Rois et qui a tant de part a la défaite du Cardinalnbsp;Mazarin , Monsieur Ie Chancelier que nous scauons auoirnbsp;tousiours esté esclaues de ses volontez. On luy préfèrenbsp;Monsieur de Chauigny que toute la France connoist pournbsp;auoir esté l’vn des plus violents et plus dangereux instru-mens de la tyrannic du Cardinal de Richelieu. On luynbsp;préfère Ie Président de Maisons noircy par tant de vole-ries , par tant de trahiSons; et par vne métamorphosenbsp;estrange et faite, pour ainsi dire, contre tous les ordresnbsp;de la nature, ces scélérats en vn moment deuiennent gensnbsp;de bien; et au goust dépraué de ces malades furieux, nosnbsp;véritables amis, les anciens Protecteurs de la liberté pu-blique, contre leur propre honneur, contre leur proprenbsp;bien, contre leur propre seureté, en vn instant deuiennentnbsp;Mazarins. Si toute la France estoit assemblée pour cher-cher des précautions contre Ie retour de ce Ministre, ienbsp;ne scay si on en pourroit trouuer de plus grande quenbsp;Festablissement des personnes qui ont Ie plus contribuénbsp;a sa perte, paree que l’intérest particulier se ioignant ennbsp;cette rencontre auec Ie public, seroit sans doute iugé capable de dissiper toutes les inquiétudes et de leuer tousnbsp;les soupeons. Ie n’entends point parler en ce lieu de Monsieur Ie Coadiuteur. Quoy que ie n’aye pas l’honneur d’es-tre connu de luy et qu’il n’y ait que Ie party du biennbsp;public, auquel ie me suis tousiours attaché auec vigueur.
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;259
qui m’obllge de dire mes sentimens en cette occasion, le n’ignore pas ses sentimens au poinct de ne scauoir pasnbsp;que ce mesme esprit qui luy a fait refuser depuis troisnbsp;3ns deux fois Ie Chapeau de Cardinal, quatre-vingt millenbsp;liures de rentes en Benefices, soixante mille escusd’argentnbsp;comptant, place dans les Conseils en deux différentesnbsp;occasions, l’oblige a y renoncer encore en celle-cy. L’onnbsp;verra par les suites des années que ses maximes sont fortnbsp;éloignées de ces emplois, qu’il n’a esté engage dans lesnbsp;affaires que par les [raisons] qu’il a eu d’entrer dans lanbsp;defense de Paris, et que ses interests ne feront iamais au-cune part des affaires publiques.
{ G juillet 1651).
Comme Paris est diuisé en autant de partis que de families , i’ay creu que pour réunir les esprits, il ne falloit
* Le cardinal de Retz n’avoue pas ce pamphlet dans ses Mémoires. II Qe me parait pourtant pas douteux qu’il ne l’ait écrit. L’auteur de lanbsp;Lettre d'vn Bovdelois, etc. [1352J dit : a I’ai recu vostre dcrnière qui.nbsp;m’estonna fort d’apprendre que les auis de M. le Coadiuteur se sontven-dus publiquement. Ie n’admire pas tant leur bon marclié que la nécessiténbsp;oil le bon prélat est réduit, d’auoir, a ce qu’on dit, trop dépensé. C’estnbsp;sans doute pour se dédoinmager du refus qu’il dit auoir fait de bénéficesnbsp;^'t d’argent pendant le blocus de Paris... » Puis il ajoute un peu plus bas :
Afin que vous conceuiez mieux ma pensee dangt; la suite de ce discours,
m’adresserai a ce messire lean, Francois ou Paul a ce qiion dit. » II y ^ OU d’autres réponses encore a VAduis désintéressé^ par exemple la Réponsenbsp;d vn veritable désintéressé, etc. [3392] , le Bon frondeur qui fronde les mau-t^nis frondeurs, etc. [^89], Ie Frondeur bien intentionné, etc. [1451], Lanbsp;*iïeilleure et la plus compléte est sans contredit la Lettre d’vn margiuller denbsp;Paris, qu’on trouvera plus loin.
-ocr page 270-260 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
que faire reflexion sur les choses et l'estat présent des affaires. C’est ce qui doit régler les suffrages du peuple ,nbsp;qui se voit a présent 1’arbitre de sa fortune et de celle denbsp;l’Estat.
Tout Ie monde est d’accord que la source et l’origlne de nos maux est Ie Cardinal Mazarin. 11 faut done voirnbsp;sans passion et sans intérest qui sont ceux qui ont vigou-reusement attaqué le monstre et qui font défait auecnbsp;toutes ses forces et tout son venin, afin de reconnoistrenbsp;nos Liberateurs et nos Héros et ne pas perdre la memoirenbsp;de leur vertu sur des soupcons imaginaires et malicieuse-ment inuentez.
le ne pretends pas faire icy des Eloges et des Pané-gyriques. le n’ay esté, graces a Dieu, iusques a présent qu’a moy mesme et a mon pays. le parleray seulementnbsp;des choses conneues a toute la France : La vérité nenbsp;souffre point d’ombres ni de couleurs.
le prie tons les bons Franqois de se ressouuenir auec moy de ceux qui ont les premiers rompu nos chaisnes.nbsp;le laisse a part ce qui s’est passé dans le Parlement ; Lanbsp;matière est trop grande pour n’en faire qu’vn petitnbsp;Traitté. Mais de tous les particuliers qui ont assisté lanbsp;cause publique, ie ne voy personne qui se soit exposénbsp;dauantage a I’orage et a la tempeste que Monsieur lenbsp;Coadiuteur.
Quand on a veu la liberte opprimée par I’emprisonne-ment de Monsieur de Broussel et des aiitres Magistrats, l’intérest de sa fortune particuliere ny la crainte de lanbsp;disgrace de la Cour ne l’empeschèrent pas de porter sesnbsp;sentimens iusques dans le Palais Royal et d’y condamnernbsp;a la face de la Reyne la mauuaise et pernicieuse conduite du Cardinal Mazarin. 11 fut luy seul de tous les
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;2G1
Grands du Royaume qui n’eust point de lasche complaisance et qui décria les Conseils violens. II se jetta dans les interests du Peuple lorsqu’il estoit abandonné et qu’onnbsp;faisoit passer pour vn crime la conseruation des Loixnbsp;de l’Estat.
II n’eust pas si tost découuert la conspiration qui se formoit contre Paris par toutes les puissances du Royaume,nbsp;qu’il chercha les moyens de Ie défendre. II demeura aunbsp;milieu de nous pour courir la mesme fortune; et l’onnbsp;peut dire que sa vertu et sa générosité ne fortifièrent pasnbsp;seulement nos esprits; elles esbranlèrent mesme les plusnbsp;résolus du party contraire et y iettèrent enfin la deffiancenbsp;et Ie désespoir.
Quand les affaires furent accommodées, il rendit au Roy ses respects et ses obéyssances. Mais bien que toutenbsp;la France eust dès lors retourné a l’idolatrie et sacrifiénbsp;comme auparauant au Cardinal Mazarin et a sa fortune,nbsp;il reuint luy seul de la Cour auec sa pureté. On ne putnbsp;iamais l’obliger de rendre a Compiègne, ou il fust saluernbsp;leurs Maiestez, vne visite indifférente au Cardinal. II nenbsp;put seulement souffrir son visage; c’estoit l’ennemy denbsp;l’Estat.
Le Cardinal estant de retour dans Paris et les interests de M. le Prince ne pouuant plus s’accommoder auecnbsp;ceux de la Cour, tout le monde scait auec quelle franchise M. le Coadiuteur s’engagea auec luy pour destruirenbsp;eet Infame Ministre, et que si M. le Prince ne se fustnbsp;pas réconcilié, il auroit luy mesme défait le corps et nonnbsp;pas 1’ombre qu’il poursuit a présent auec tant de pompenbsp;et de parade.
Les Princes ay ant esté emprisonnez, il n’y auoit plus que M. le Due d’Orléans qui pouuoit défaire eet ennemy
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commun. La couioncture des affaires et ses interests particuliers pouuoient balancer son esprit. Néantmoins,nbsp;M. Ie Coadiuteur ayant eu riionneur d’approcher sonnbsp;Altesse Royalle, il inesnagea si bien eet ouurage quenbsp;M. Ie Prince y a trouué sa liberté, et toute la Francenbsp;la perte et la ruine de son ennemy.
Néantmoins, comme si ces illustres et glorieuses actions, qui ont eu tant de fois 1’applaudissement du Peuple, estoient a présent des songes, il s’est esleué unenbsp;nouuelle secte parmy nous, qui veut défigurer toutes cesnbsp;belles véritez et qui sous les apparences d’vn bien quenbsp;nous n’auons pas encore veu, nous veut faire oubliernbsp;celuy qu’on nous a desia fait, et nous faire deschirernbsp;ceux qui méritent de nous vne veneration éternelle.
Parcequ’ils publient auoir change d’inclination, ils veulent aussi que les autres ne soient plus ce qu’ils ontnbsp;tousiours esté; que leurs actions passées, qui ont esténbsp;tant de fois condamnées par toute la France, soient denbsp;fortes asseurances de leur bonne conduite a l’aduenir,nbsp;et qu’vne suitte de tant de généreux desseins accomplisnbsp;et acheuez ne puissent être la marque de Ia perséuérancenbsp;et d’vne vertu inébranlable.
Enfin on veut que M. Ie Coadiuteur soit Mazarin, qu’il trauaille au restablissement de ce malheureuxnbsp;et perfide Ministre. On tasche de persuader qu’il veutnbsp;monter par la aux honneurs et aux dignitez et y trouuernbsp;sa grandeur et sa fortune. Voyla Ie langage de certainesnbsp;gens aclieptez, qui a desia surpris tous ceux qui, sansnbsp;faire reflexion, se sont effrayez du Mazarinisme.
Ie ne veux point deffendre M. Ie Coadiuteur par toutes les actions de sa vie. Files ont assez découuerlnbsp;son inclination et fait connoistre a toute Ia France qu’il
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;263
hait mortellement les Tyrans et la Tyrannie. On va ra-reinent contre son propre génie. C’est comme l’eau qui ne remonte iamais contre sa source.
Ie me contenteray seulenient de faire voir comme M. Ie Coadiuteur a vescu depuis les iniustes soupqonsnbsp;qu’on a voulu mettre dans l’esprit des Peuples.
Quand M. Ie Prince se retira de Paris et qu’il fist proposer dans Ie Parlement l’esloignement de ceuxnbsp;qui auoient tousiours esté contraires au bien public etnbsp;dans les interests du Cardinal1, on s^ait quel fust sonnbsp;aduis, et que la calomnie qu’on auoit dès lors préparéenbsp;contre luy, se destruisit par Ie seul bruit de sa gloire etnbsp;de sa reputation.
Lorsqu’on a délibéré sur Ie mariage de M. de Mer-cceur ® et sur les intelligences sécrettes que plusieurs personnes auoient eues auec Ie Cardinal et auec ceux quinbsp;sont dans sa faction, il a tousiours suiui Ie plus fort aduisnbsp;qui a esté ouuert dans Ie Parlement. II n’a iamais manquénbsp;d’occasion d’acheuer vne victoire a laquelle il n'a pas lanbsp;moindre part.
Cependant si l’on veut s’arrester a quelque Populace ramassée ou a ceux qui sont ialoux de sa gloire, c’estnbsp;auiourd’huy Ie seul Mazarin du Royaume. II abandonnenbsp;son triomphe; il rend les armes a son ennemy défait etnbsp;abbatu. De conquérant, il veut deuenir esclaue et captif.nbsp;Bref, ce n’est plus M. Ie Coadiuteur.
Certes si ce langage se tenoit chez les estrangers qui
nbsp;nbsp;nbsp;Le Tellier, Servieii et de Lyonne, Lettre de M. Ie Prime d Messieursnbsp;du Parlement [2028 j; Relation de tout ce qui s'est passe au Parlement lenbsp;8 iuillet [3148].
* nbsp;nbsp;nbsp;Arrêt de la Cour de parlement donna enfaueur de Monseigneur le Primenbsp;contre le cardinal Mazarin et ses adherents [297].
-ocr page 274-264 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
ont ouy parler de nos affaires, et de ceux qui se sont si-gnalez en tant d’illustres rencontres, ils prendroient ce discours pour vne fable; et de quelque légèreté dont nousnbsp;soyons accusez, ils ne pourroient croire que dans vnnbsp;mesme temps on reuérast la vertu et qu’on luy fist desnbsp;iniures publiques.
Mais comme la calomnie ne manque point d’artifices pour défigurer les plus belles actions, on veut que lesnbsp;aduis généreux de M. le Coadiuteur qui paraissent anbsp;la face de la Justice, ne soient que des dissimulationsnbsp;et des feintes. Quoy qu’il soit tousiours semblable a soynbsp;mesme, ce ne sont que des deguisemens et des perfidies.nbsp;On pretend que c’est seulement pour entretenir sonnbsp;credit et sa reputation parmy le Peuple. On veut ren-uerser par des imaginations inspirees par ses ennemisnbsp;tout I’honneur et la gloire de sa vie.
Si cette sorte d’accusations estoit escoutee, la plus constante vertu seroit tousiours suspecte. II n’y auroitnbsp;plus de confiance, qui est 1’ame de la société ciuile. Nousnbsp;n’auons point de régie de Fhomme de bien que ses actions. Son coeur est reserue a Dieu seul. Et si la charitenbsp;nous apprend d’auoir tousiours bonne opinion de nostrenbsp;prochain, nous deuons principalement cette iustice a vnenbsp;personne qui est dans le Sacerdoce et dans les premièresnbsp;dignitez de I’Eglise.
Aureste, quand le peuple n’auroit point, comme il a, des gages asseurez de la fidélité de M. le Coadiuteur et qu’on mesureroit ses desseins, comme lanbsp;plus part de ceux des Grands , par son interest particulier ou par I’esclat de sa gloire et de sa reputation, onnbsp;ne voit pas qu’il puisse trouuer ny I’vn ny I’autre dans lenbsp;restal)lisseinent du Cardinal Mazarin.
iiii:
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II perdrolt dans vn iour tont l’honneur qu’il a acquis depuis tant d’années et auec tant de peril.
II ne peut pas aussi espérer son esléuation dans ce funeste retour. Le Cardinal n’a iamais peu souffrir de compagnon ni de Maistre.
Enfin M. le Coadiuteur n’y perderoit pas seule-ment sa grandeur et sa gloire; il y perdroit mesme sa seureté. Quelle confiance pourroit il prendre auec vnnbsp;Italien qui a manque de foy a toute la terre, qui s’estnbsp;ioué de la parole Royalle comme de la sienne, et qui faitnbsp;encore vanité de violer ce qu’il y a de plus sainct et denbsp;plus sacré parmy les hommes ?
Comme on a done veu que tous ces bruits se dissi-poient par la moindre reflexion qu’on pouuoit faire sur la vertu de M. le Coadiuteur, et en considérant mesmenbsp;ses interests, on s’est aduisé de publier qu’il alloit aunbsp;Palais Royal, qu’on parloit de le faire Ministre et de lenbsp;mettre dans les Conseils du Roy.
Pour moy, ie ne suis pas encore si scauant. Ce faict ne m’est pas connu.
Ie scay bien qu’il a paru iusques a présent le plus désintéressé de tous les hommes du monde; qu’il refusa géné-reusement le Chapeau de Cardinal qu’on luy offrit plusieurs fois pendant le blocus de Paris, afin qu’il ne s’opposastnbsp;pas si hautement qu’il faisoit aux Intérests du Ministre etnbsp;que la cause du Peuple ne luy fust pas du tout si cbère.
On scait aussi que dans le temps qu’il mesnagea la liberté de M. le Prince et l’exil du Mazarin auprès denbsp;son Altesse Royalle, on luy voulut encore donner lenbsp;Chapeau et qu’a diuerses autres fois on luy a offertnbsp;1’Abbaye d’Ourcan, vne pension de vingt mille liures etnbsp;«nquante mil escus d’argent comptant.
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Tout cela n’a iamais pu leuter son honneur et sa gloire; il a tousiours mieux aimé qu’on Ie connust parnbsp;l’esclat de ses belles actions que par la grandeur de sanbsp;fortune.
Mais quand Ie bruit seroit veritable qu’on veut mettre M. Ie Coadiuteur dans Ie Ministère, bien qu’ilnbsp;ayt declare hautement plusieurs fois qu’il n’auroit iamaisnbsp;cette pensee, doit on croire pour cela que M. Ie Coadiuteur soit dans les interests du Cardinal Mazarin ?
La condition du Roy et celle de 1’Estat seroit bien maheureuse si tous ceux qui pourront entrer dores-nauant dans Ie Conseil du Roy, passoient pour Mazarins.nbsp;Tout Ie monde fuiroit Ie seruice du Roy et de l’Estat,nbsp;comme vne fatalité a sa fortune, paree qu’il n’y a personae qui se veuille charger volontairement de la hainenbsp;publique.
Ie demanderois volontiers a ceux qui se laissent si fa-cilement surprendre, si, quand Ie Cardinal a esté chassé, on auoit rnis dès lors M. Ie Coadiuteur dansnbsp;Ie Conseil, il y eust eu des personnes qui se fussentnbsp;plaintes de ce digne choix. Au contraire, tout Ie Peuplenbsp;auroit crié victoire et tesmoigné de la ioye dans Ie public.
D’oii vient done ce changement? Vaut il mieux que des Mazarins demeurent auprès du Roy et dans sonnbsp;Conseil pour fomenter leur vengeance et entretenir lesnbsp;esprits ulcérez, que ceux qui peuuent guérir la playenbsp;et qui ont tousiours esté dans les interests du peuple?nbsp;Nous n’auons combattu que pour eet aduantage; et anbsp;présent nous ne voulons pas nous en seruir. Nous vou-lons estouffer nostre triomphe. Nous ne connoissonsnbsp;pas que ce sont nos ennemis qui nous eslèuent contrenbsp;nous mesmes.
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prebende son retour, principalement n’estant plus compose de ses anciens et véritables amis.
L’on cbassera, dit-on, ceux qui s’y opposeront; et leur sort sera sans doute funeste. Ce n’est done plus pournbsp;l’intérest public que certaines gens s’eslèuent centrenbsp;M. Ie Coadiuteur. On dit seulement que Ie chemin denbsp;la Cour est périlleux pour luy, que tout est a craindre,nbsp;quelques asseurances qu’on luy donne de restablir lesnbsp;Lois et de faire iustice au peuple.
Quoy, sur des éuénemens incertains et sur de simples defiances, on ne doit point escouter des propositionsnbsp;salutaires! Ceux qui peuuent bien faire et qui ont tous-iours bien fait, refuseront d’entrer dans les affairesnbsp;pour empeseber la ruyne de l'Estat! Il faut done toutnbsp;abandonner au sort de la fortune et demeurer tousioursnbsp;dans la confusion et dans Ie désordre. On ne peut fairenbsp;autre ebose (ce me semble) pour contenter Ie peuplenbsp;que de eboisir ceux qui ont tousiours défendu ses interests. C’est en cela que consiste toute sa seureté et sonnbsp;repos.
Enfin s’il estoit vray qu’on voulust approcher M. Ie Coadiuteur de la Cour et qu’il se iettast dans Ie perilnbsp;dans lequel on dit qu’il s’engage, les plaintes qu’onnbsp;fait faire contre luy, seroient encore plus iniustes.nbsp;Quoy, dans vn temps qu’il se sacrifieroit pour Ie publicnbsp;et qu’il bazarderoit sa.propre seureté pour inspirer denbsp;généreuses maximes et restablir Ie bonbeur et la féli-cité des peupies, seroit il iuste d’attaquer dans ce tempsnbsp;la, comme on fait, sa reputation et sa gloire? II deuroitnbsp;receuoir plustost des benedictions, des remerciemens etnbsp;des éloges.
Ainsi c’est a nous auiourd’bui a ne point prendre Ie
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change et a ne pas esleuer des hommes dont nous ne pourrions pas estre les maistres, comme nous Ie sommesnbsp;de ceux qu’on veut nous faire abandonner. Ie ne veuxnbsp;accuser personne ny faire croire que ceux qui ont esténbsp;autrefois Mazarins, peuuent plustost Ie deuenir quenbsp;ceux qui ne Tont iamais esté. Ie ne pretends point nonnbsp;plus rappeller dans les esprits les entreprises faitesnbsp;contre nostre liberté. Ie souhaite de tout mon coeurnbsp;(quelque grands qu’ayent esté nos maux) que la mé-moire en soit a iamais enseuelie. Ie ne veux pas mesmesnbsp;que ces nouuelles accusations, quoyque dictées par Ienbsp;Roy mesme nous rendent suspect Ie party qu’on veutnbsp;faire prendre au peuple auec tant de chaleur et d’arti-fice. Nous deuons suspendre nostre iugement la dessus,nbsp;puisque Ie Parlement y délibère. Voyons seulement sinbsp;dans les grandes maximes i’Estat y peut trouuer sa seu-reté et Ie peuple ses aduantages.
II n’y a rien de plus constant dans la politique, que Ie crédit est tousiours plus dangereux dans la personnenbsp;des Princes qu’en celle des particuliers. Comme ceux denbsp;ce rang la ont Fame grande, cette maxime ne recoit pasnbsp;de distinction. On n’examine pas si les Princes ont denbsp;bonnes ou de mauuaises intentions. Leur naissance lesnbsp;eslèue assez sans les esleuer dauantage. C’est pour celanbsp;qu’autrefois on ne leur donnoit iamais de Gouuerne-mens ni de places fortes.
Mais ce qui nous doit encore empescher d’entrer si aueuglément dans les intérests de ceux qui nous recher-chent auiourd’huy auec tant de caresses et de belles
* Réponsc que lo, Reine a donnée a Messieurs les gens du Roi.,.^ aprés la ^^ciure.,,, de la lettre de Monsieur Ie Prince [3451].
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protestations, c’est que nous n’y voyons pas la con-fiance entière. C’est vne vérité qui est tous les iours dans la bouche du peuple et qu’il connolst a ses des-
pens, que
les Princes font tousiours leurs affaires, et
non celles du public.
On dit mesme que ceux qui nous promettent auiour-d’huy de belles cboses pour nous engager auec eux , les ont promises autrefois et qu’ils ne les ont pas tenues.
La renommee a public que dès le commencement de nos affaires et auparauant le blocus de Paris, ils auoientnbsp;promis a quelques vns qu’ils seroient nos protecteurs.nbsp;Cependant on les vit incontinent api'ès a la teste desnbsp;troupes ennemies.
Leurs inclinations ou plustost leurs interests ayant change quatre ou cinq mois apres la Paix faite, ils nousnbsp;eschapperent bientost et a grand nombre de personnesnbsp;illustres qui s’estoient généreusement vnies au desseinnbsp;qu’ils auoient fait paroistre auec beaucoup d’esclat. Pournbsp;auoir fraternisé quelque temps auec eux, ils ne nousnbsp;furent pas dans la suite plus fauorables. Ils taschèrent denbsp;faire périr nos Libérateurs et nos Héros par des voyesnbsp;toutes contraires a nos mceurs et a nostre franchise ‘.
Depuis qu ils sont sortis de prison , ils n’en ont pas fait meilleur visage a ceux qui auoient le plus trauaille anbsp;leur liberté; au contraire, ils les ont perséculez. Ilsnbsp;n’ont pas craint de releuer en public les conseils qu’ilsnbsp;auoient demandez auec instance et qu’on leur auoitnbsp;donnez auec la sincérité du coeur.
lis ne semblent pas dénier absolument, dans la Res-
' C’est le procés du due de Beaufort, du Coadiuteur et de Broussel. Ex-trait, des registres du Parlement [1350].
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ponse qu’ils ont faite a l’Escrit du Roy n’auoir rien sceu du changement de Conseil qui fust fait a Pasquesnbsp;dernier, mais qu’ils n’y auoient pas entièrement résisté.nbsp;Cependant ils n’en communiquèrent rien a son Altessenbsp;Royalle, a laquelle ils paraissoient ioints d’intérests etnbsp;qui leur auoit fait tant de graces et rendu de si bonsnbsp;offices. Au contraire, ils luy protestèrent auec sermentnbsp;estre eux mesmes surpris de ce changement et n’en auoirnbsp;lamais eu aucune connoissance. Ainsi comparons lesnbsp;soupcons de part et d’autre; nous verrons que ceuxnbsp;qu’ils nous veulent donner de nos anciens amis, sontnbsp;bien moindres que ceux que nous pouuons prendre denbsp;leur conduite. De confiance, nous n’en pouuons auoirnbsp;du tout. C’est hastir sur vn sable mouuant et sur desnbsp;espérances incertaines.
Que peut on done faire dans ce combat d’esprits? A quoy peut on se résoudre? Cela n’est pas difficile : ils disent tous qu’ils veulent faire Ie bien • M. Ienbsp;Prince n’a qu’a s’vnir pour cela. La diuision n’en estnbsp;pas la marque. H n’y a rien qui engendre l’amitiénbsp;comme la conformité des inclinations et des sentimens.
Ouy, mais Ie bien ne peut se faire que dans les Con-seils du Roy. C’est Ie centre de la fortune publique. M. Ie Prince n’y peut trouuer de seureté.
En peut on imaginer d’autres que celles qui lui ont esté desia baillëes ; la parole du Roy, de la Reyne, denbsp;M. Ie Due d’Orléans , enregistrée au Parlement, lesnbsp;Chambres assemblees^?
* nbsp;nbsp;nbsp;Seconde lettre écrite a Messieurs da Parlement par M. Ie Prince denbsp;^ondé, etc. [3617].
* nbsp;nbsp;nbsp;Rédt sommaire de ce qui s’est passé au Parlement sur Ie suiel de la retraite de M. Ie Prince^ etc. [2998].
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Tout cela n’est rien, dit on. Combien de fois a-t-on manqué a des paroles plus solennelles? On se ioue tousnbsp;les iours des Ordonnances des trois Estats et des Declarations vériflées.
Cependant Ie peuple ny Ie Parlement dont M. Ie Prince reconnoist mieux qu’il ne faisoit autrefois 1’au-thorité, ne luy peuuent pas faire donner d’autres asseu-rances. II ne demande pas pour ostages des places fortesnbsp;et des Gouuernemens de Prouince; il en a desia assez. Sinbsp;on manque a la parole, il peut attendee du Parlementnbsp;et du Peuple Ie mesme secours qu’il en a desia receu.
Mais il vaut bien mieux ne tenter point la fortune. M. Ie Prince demande seulement qu’on Ie laisse en reposnbsp;dans Paris. II pretend qu’il y peut bien demeurer sansnbsp;voir Ie Roy.
Pour moy, ie crois que cela est absolument contraire a l’authorité Royalle, au crédit et a la reputation denbsp;1’Estat.
Le Connestable de Montmorency s’estant retire de la Cour, changea mesme la face de la maison qu’il choysitnbsp;alors pour sa retraite, paree qu’elle estoit tournee dunbsp;Costé de Paris, croyant qu’vn suiet ne pouuoit pointnbsp;soustenir le visage de son Prince irrité ny regardernbsp;seullement le lieit de son séiour et de sa demeure. Cenbsp;grand homme voulut que ses respects parussent mesmenbsp;dans les choses inanimées et que la figure et la formenbsp;de son Palais fussent des témoignages publics et éternelsnbsp;de sa submission.
Outre cela, le crédit de l’Estat, qui en est toute la force, ne se peut conseruer dans cette diuision. Tousnbsp;les Estrangers considéreront auec nous M. le Princenbsp;dans Paris , marcher dans les rues, faire renconti’e du
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dans les lieux publics et a la face de toute la terre, sans pourtant aller a la Cour. Quelque innocent quenbsp;soit M. Ie Prince, il n’y a pas vn de nos voisins qui,nbsp;faisant reflexion sur cette démarche, ne se persuadenbsp;^ysément qu’il y a deux partis dans l’Estat oü vnenbsp;extresme foiblesse dans l’autborité et Ie gouuernement,nbsp;flui sont deux choses tres périlleuses.
II faut done que M. Ie Prince sorte de Paris s’il ne peut surmonter ses defiances. Et cependant, s’il sort denbsp;Paris, il est a craindre, dit on, qu’il ne fasse la guerrenbsp;ciuile.
C’est faire tort a M. Ie Prince de faire ce iuge— ment de luy. Il ayme trop son pais, il ayme trop sanbsp;reputation et sa gloire pour nous armer contre nousnbsp;mesmes et pour nous consommer entièrement par vnenbsp;guerre ciuile. Ces pensees funestes sont bien esloignéesnbsp;d’vn grand Prince comme il est. II ayme bien mieuxnbsp;défaire les ennemis de l’Estat que deschirer sa patrie etnbsp;ses concitoyens.
Mais on ne scait pas quelquefois oü peut se porter Vn Prince irrité. Les soupeons faux ou véritables fontnbsp;les mesmes impressions sur l’esprit. Chacun croit auoirnbsp;la lustice de son costé et se pouuoir seruir de toutesnbsp;sortes de moyens pour la deffendre.
Si nous estions réduits a ces deux extresmitez, il seroit bien plus a craindre que Ie Roy estant mescontent denbsp;Paris qui maintiendroit vn subiet contre luy, qui luynbsp;doit encore plus de submission que personne, paree qu’ilnbsp;doit l’exemple aux autres, ne s’en retirast enfin luynbsp;®aesme et que cette retraite ne fust plus dangereuse quenbsp;la retraite de M. Ie Prince.
II est vray, dira-t-on, que la volonté du Roy est
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que tout e monde deineure sous la protection des Loix et de la Justice. Nostre Monarchie est libre. La violencenbsp;y a tousiours esté condamnée.
Ce n’est point aussi vne violence qu’on fait a M. Ie Prince de désirer de luy qu’il aille voir Ie Roy. Cenbsp;sont les Loix fondamentales de 1’Estat qui l’y obli-gent. Le Parlement l’a mesme ordonné. Les Princes nenbsp;sont pas comme des particuliers. II faut nécessairementnbsp;qu’ils soyent a la Cour ou qu’ils en soyent esloignez anbsp;cause des soupcons et des oinbrages.
Qu’auons nous done a faire dans cette malheureuse conioncture? Nous n’auons qu’a suiure nostre pointe, anbsp;aebeuer la perte du Cardinal, si l’on croit qu’elle nenbsp;soit pas tout entière. I’abhore le Mazarin plus quenbsp;personne; et si i’en estois creu, on feroit sa figurenbsp;comme celle des Monstres qui ont déserté des paysnbsp;tous entlers et qu’on porte dans les prières publlquesnbsp;pour remercier Dieu de ce qu’il nous en a déliurez, etnbsp;afin que l’horreur qu’on en doit auoir passe ainsi dansnbsp;tous les siècles.
Mais ce n’est pas seulement ou se doiuent porter nos pensees. Nous deuons redoubler nos efforts pour fairenbsp;changer le Conseil du Roy, qui est la source féconde denbsp;nos biens ou de nos maux, et pour faire cbasser ceux quinbsp;restent qui sont suspects au public, et que l’on maintientnbsp;par des artifices secrets, pendant qu’on en cbasse d’au-tres qui n’estoient pas plus meschans ny plus perfides.
Nous deuons aussi employer tous nos soins pour ob-tenir au commencement de la Maiorité vne chambre de lustice, composée des plus séuères Magistrats dunbsp;Royaume, et qu’on y confisque sans distinction le
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corps et les biens de ceux qui ont si insolemment volc Ie Roy et Ie public.
On dit que M. Ie Prince nous promet toutes ces belles choses.
Le secours de M. Ie Prince n’est point nécessaire pour cela. II ne nous faut point tant de Chefs. Nousnbsp;deuons nous ressouuenir que nous auons pensé périrnbsp;dans le blocus de Paris pour auoir trop de Ge'néraux.nbsp;Les interests des Grands sont bien différens de ceuxnbsp;du peuple.
Et de faict, ayant leu auec attention la Response de M. le Prince a l'Escrit du Roy, il semble qu’il demandenbsp;tout autre chose. II y a vn endroit qui peut iustementnbsp;augmenter nos deffiances. II profeste qu’il n’entreranbsp;point au Palais Royal, qu’il n’ira point a la Cour tantnbsp;qu’on mettra des gens dans le Conseil sans son consen-tement.
Si ie ne scauois que eet article a esté mis dans la Response de M. le Prince contre le sentiment d’vne per-sonne d’érudition et de mérite, ie croirois que ce seroit vne augmentation de rimprimeur ou de celuy qui l’au-foit descrite. M. le Prince n’entrera point dans lenbsp;Conseil tant quon j mettra des gens contre son con-senternent. C’est done tout de bon (comme a dit sonnbsp;premier Manifeste ‘) que M. le Prince veut estre auiour-d’hui luy seul l’Arbitre et le Modérateur de l’Estat. Cettenbsp;protestation est vne irréconciliation iurée auec la Cour;
' C’est apparemment le Manifeste de Monseigneur le Prince de Condé touchant les réritables raisons de sa sortie hors de Paris, faite le 6 juillet, etc.nbsp;[2372], Le coadjuteur ne savalt-il pas que ce pamphlet est de Mathieunbsp;du Bos? Le Manifeste veritable des intentions de M. le Prince, etc. [2404]nbsp;6st, je crois, postérieur de quelques jours a VAduis désintiressé.
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tellement que si nous entrons dans ses interests, quel-que bon Conseil que Ie Roy choisisse a sa Maiorité, et quand il prendroit les plus gens de bien du Royaume,nbsp;il nous faudra nous y opposer auec M. Ie Prince et nousnbsp;priuer ainsi d’vn bien que nous attendons auec tantnbsp;d’impatience et sans lequel Fauthorité s’en va perduenbsp;et peut estre la Monarchie.
Peut il estre aduantageux poür nous d’authoriser les clameurs de certaines petites gens qui ne demandentnbsp;que Ie désordre, d’applaudir a vne reuendeuse desnbsp;Halles qu’on produit comme vne femme mystérieusenbsp;paree qu’elle est la plus bardie et la plus insolente denbsp;son quartier‘? ^^oulons nous assister de nos forces vnnbsp;nommé Pesche^ et luy fournir les moyens d’acheuernbsp;Fattentat et Ie parricide qu’il commenca, Lundy dernier, en la personne de nostre Prélat et de nostrenbsp;Père.
Nous scauons bien que M. Ie Prince déteste ces actions sacrile'ges et qu’il les a condamnées publique-ment. Cependant comme son mécontentement augmentenbsp;malgré luy Faudace et la témérité de ces perfides et denbsp;ces malheureux, les Loix seront bien encore plus im-puissantes si nous escoutons fauorablement, comme onnbsp;a fait depuis quelques iours, des fausses et ridicules impressions qu’ils veullent ietter dans Ie peuple. Ils ferontnbsp;périr incontinent nos plus illustres citoyens et passernbsp;pour Mazarins tous ceux qui seront contraires a leur
* Dame Anne.
® Lettre écrite a son Altesse Royale par Ie sieur Peuche, de la Pesche, etc. [2210]. Le Journal contenant ce qui se passe de plus remarquable dans Ienbsp;Royaume, etc. [1740] raconte que le 15 septembre 1652 le Coadjuteurnbsp;fut insulté par Pesche dans le palais d’Orléans.
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dessein ou qui n’auront pas Thonneur des bonnes graces de M. Ie Prince.
Si Ie Peuple est sage, il ne doit point encore prendre party. S’il vent attendre, il sera par ce moyen maistrenbsp;de sa fortune. II suiuera ceux qui feront le bien et quinbsp;luy rendront lustice. Mais il faut vn bien de duree etnbsp;ne se laisser pas surprendre par vne fausse lueur. Voilanbsp;mon sentiment que i’ay voulu donner au Public pour lenbsp;detromper. II se peut faire que ie me trompe moynbsp;mesme. Si cela est, ie seray fort aise que quelqu’vn m’ennbsp;aduertisse. Ie ne suis point ialoux de mes sentimens.nbsp;Ie me rendray bientost aux leurs; i’en fais dès a presentnbsp;nia declaration solemnelle.
(6 juillet 1631.)
Monsieur ,
Pay leu \Aduis désintéressé sur la conduite de M, le Coadiuteur; et suiuant ses ordres et le vostre,nbsp;I’en ay fait part aux plus notables bourgeois de monnbsp;quartier. C’est vne chose bien faseheuse de voir ce Prélatnbsp;réduit a composer des Apologies dans vn temps oil il nenbsp;deuroit plus auoir d’autre pensee que de continuer sesnbsp;intrigues, afin d’entrer dans le Ministère. Si les mouue-niens qui nous agittent depuis quatre ans, ne doiuent
' Elle est de Jean Francois Sarrazin, alors secrétaire du prince de Conty, On salt que Patru a écrit la Réponse du Curé^ etc. [3428].
-ocr page 288-cesser que lorsqu’il y aura part, pleust a Dieu pour son repos et pour Ie nostre qu'il y feust desia solidementnbsp;estably! Sans mentir, il faut aduouer que c’est vnnbsp;homme admirable; il est scauant; il est ferme; et l’onnbsp;voit dans toutes ses actions Ie caractère d’vn espritnbsp;poussé d’vne belle ambition. 11 est éloquent; et il ne fitnbsp;iamais mieux que de mettre luy mesme la main a lanbsp;plume pour faire son Panégyrique. Estant nostre Arche-uesque, il n’y a pas d’apparence qu’il voulust nous direnbsp;des choses qui ne sont pas; et puisqu’il publie que ius-qu’icy il n’a point eu d’autre obiet que sa propre gloirenbsp;et sa reputation (pensee digne d’vn grand prélat), i’es-time qu’il est a propos de Ie croire.
Cependant, comme les sentimens des hommes ne sont pas tousiours semblables, lorsque i’ay fait la lecturenbsp;de son escrit, il s’est trouué des personnes fort biennbsp;instruites des choses de ce monde qui ne sont pas de-meurées d’accord de tout ce qu’il met en auant; et pareenbsp;qu’il est important que vous scachiez ce qui fust dit dansnbsp;notre conuersation, i’ay cru que vous seriez bien aisenbsp;que ie vous en fisse part, et puisqu’vne petite incommo-dité m’oblige de garder la chambre et m’empesche denbsp;pouuoir aller vous rendre visite, ie vous fisse s^auoir parnbsp;escrit toutes les obseruations que l’on fit sur ce Manifeste de M. Ie Coadiuteur.
Toute la compagnie dit qu’il estoit vray que Ie iour de Femprisonnement de M. de Broussel (qui fut, ce menbsp;semble, Ie iour que l’on chantoit Ie Te Deum pour lanbsp;quatrième bataille que M. Ie Prince auoit gagnée),nbsp;M. Ie Coadiuteur fit paroistre tout Ie zèle qu’vn prélatnbsp;doit auoir pour la conseruation d’vn bon citoyen, qu’ilnbsp;dit ses sentimens a la Reyne auec générosité et qu’ayant
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esté traisté de tribun du peuple, il fit connoistre qu’il auoit du crédit dans Paris. Ie me souuiens fort biennbsp;^ncore de ce que Ie Mercredy au soir I’on me vint direnbsp;sa part, et a tous nos quarteniers aussi, et des bar-i’icades qui Ie lendemain, estonnèrent Ie Ministre quinbsp;^Uoit donné vn si mauuais conseil a Sa Maiesté.
On dit qu’il estoit vray que Ie Roy s’estanl re-bré a Sainct Germain, M. Ie Coadiuteur voulut de-iiieurer a Paris et que bien qu’il eust enuoyé vn Gen-tilbomme a la Reyne pour 1’asseurer du contraire, il Ie fit arrester au bout de la rue de INostre-Dame, et que nenbsp;craignant point d’exposer sa personne pour asseurer nosnbsp;fortunes, lorsque nos troupes sortoient pour aller anbsp;quelque entreprise, il les haranguoit hardiment a lanbsp;porte de la ville et les encourageoit auec ses benedictions.
On demeura d’accord que les affaires ayant esté ac-commodces, M. Ie Coadiuteur alia a Compiègne saluer leurs Maiestez sans rendre visite au Cardinal Mazarin;nbsp;niais on dit que c’estoit vne condition du traicté quenbsp;Seruient' auoit fait auec luy, et que pour garder vunbsp;Peu plus longtemps les debofs, il auoit esté résolu que
* Abel de Servien, marquis de Sablé, secrétaire d’État. Ilserait difficile de dire quel role il a joué dans la Fronde. Dans une lettre qu’il a Merite a Bartet Ie 30 juin 1631, Ie cardinal Mazarin dit que de Lyonne,nbsp;particulièrement Servien, sont tons deux causes de toute la hainenbsp;fiu’on a eue contre lui; ct 1’auteur du Mercurc de la. Cour, etc. [2452],nbsp;daus les statuts des chevaliers de la Paille, ordonne de croire
« Que Ie coadiuteur qui lorgne Pour estre ministre d’Estat,
Aussi bien que Seruien Ie borgne,
Est de la fronde un apostat. »
^oyez plus loin Ie Secret de la Cour,
M. Ie Coadiuteur ne verrolt Ie Mazarin que dans Ie Palais Royal; et en effet nous scauons tons qu’il Ie vit plu-sieurs fois depuis son retour; et nous en fusmes scanda-lisez.
On dit qu’il estoit vray que M. Ie Prince ayant rompu auec Ie Cardinal Mazarin, M. Ie Coadiuteur luynbsp;fit offres de seruices et de barricades, mais que M. Ienbsp;Prince aima mieux remettre ses interests entre les mainsnbsp;de son Altesse Royalle que de remettre les armes entrenbsp;les mains du peuple, iugeant bien que cela seroit denbsp;Irop grande consequence pour Ie seruice du Roy et pournbsp;Ie repos public.
On demeura d’accord que les Princes ayant esté em-prisonnez, M. Ie Coadiuteur mesnagea si bien l’esprit de M. Ie Due d’Orléans qu’il Ie fit declarer hautementnbsp;contre Ie Cardinal Mazarin et pour la liberté de M. Ienbsp;Prince; mais après auoir longtemps aglté si M. Ie Coadiuteur prit cette conduite pour rendre seruice aunbsp;Prince ou pour ses interests particuliers, toute la compagnie conclut que s’il eust pu cbasser Ie Cardinal dunbsp;Ministère sans faire sortir MM. les Princes de prison,nbsp;il n’eust pas manqué de Ie faire; qu’en effet il fit toutnbsp;son possible pour se rendre maistre de leurs personnes;nbsp;que lorsque le Mareschal de Turenne approcholt denbsp;Paris, il vouloit qu’on les amenast dans la Bastille, etnbsp;que lorsqu’il vit qu’on les conduisoit au Haure, désespé-rant de voir reussir son dessein et appréhendant lenbsp;retour du Cardinal, après la bataille de Rethel, il senbsp;ioignit au party de MM. les Princes pour trouuer sanbsp;seurete, et que ce fut encore a des conditions si duresnbsp;qu’il voulut plustost se faire connoistre le tyran que lenbsp;liberateur de M. le Prince.
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DE MAZARINADES.
On ne demeura pas d’accord que la suite de tous les desseins de M. Ie Coadiuteur pust estre la marque d’vnenbsp;vertu inébranlable et que toutes les actions passées denbsp;M. Ie Prince eussent esté condamnées par toute lanbsp;France ; au contraire, on dit que l’on auoit veu souuentnbsp;M. Ie Coadiuteur occupé a chanter des Te Deum pournbsp;les belles et glorieuses actions que M. Ie Prince auoitnbsp;faites, mais que M. Ie Coadiuteur n’auoit point encorenbsp;iusques ici obtenu de son chapitre vn seul Te Deumnbsp;pour tout ce qu’il auoit fait.
On dit qu’il estoit vray que lorsque M. Ie Prince auoit demandé 1’esloignement de ceux qui estoient dansnbsp;les interests du Cardinal, M. Ie Coadiuteur en auoitnbsp;esté d’aduis, et que pour se faire encenser par Ie peuple,nbsp;il auoit fait imprimer son opinion1; mais quelqu’vnnbsp;adiousta qu’il auoit en cette occasion manqué a ce qu’ilnbsp;auoit promis a M. de Lyonne dans les secrettes conférences qu’il auoit eues auecque luy, 'et que dans la déli-bération qui se fit sur Ie manage de M. de Mercoeur, ilnbsp;auoit suiuy fièrement les conclusions de Messieurs lesnbsp;gens du Roy.
Dans l’endroit oü il est dit que si M. Ie Coadiuteur consentoit au retour du Card. M. ou prenoit quelquenbsp;secret engagement auec luy (comme il auoit desia faitnbsp;autrefois, lorsqu’il l’auoit iugé nécessaire a ses intérests),nbsp;il perdroit ce qu’il auoit acquis d’bonneur et de crédit,nbsp;on dit que malheureusement pour luy cela n’estoit desianbsp;que trop vray.
Avis de monseigneur Ie Coadiuteur... pour Péloignement des créatures du cardinal Mazarin , etc. [506]. Le Cardinal couvient en effet dans sesnbsp;Mémoires que c’est lui qui le fit publier, après s’en étre concerté avec lanbsp;reine.
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Sur ce que l’on dit que pour deCrier M. Ie Coadiu-teur, on s’est aduisé depuis peu de publier qu’il alloit au Palais Royal, qu’on parloit de Ie faire Ministre etnbsp;de Ie mettre dans les Conseils du Roy, on demeura d’ac-cord que la chose estoit vraye; que Mme de Cheureusenbsp;auoit négocié son accommodement; qu’il auoit esté introduit secrettement cliez la Reyne par Courtois; qu’ilnbsp;auoit respondu a Sa Maiesté de M. Ie Due d’Orléans,nbsp;du Parlement et du peuple; et qu’il estoit facile de iugernbsp;qu’il y auoit longtemps qu’il aspiroit au Ministère, quel-que protestation qu’il fist du contraire; que la retraitenbsp;qu’il auoit faite du Luxembourg n’auoit pas esté longue;nbsp;et que se piquant d’auoir pour les grandeurs vn mesmenbsp;esprit que Dioclétien et Charles Quint, il estoit coramenbsp;Ie premier, bientost ennuyé de la vie contemplatiue, etnbsp;comme l’autre, repenti d’auoir quitté la Cour pour Ienbsp;cloistre.
On ne demeura pas d’accord que durant Ie blocus de Paris, il eust refusé plusieurs fois Ie chapeau de cardinalnbsp;et préféré la cause du peuple a cette éminente dignité;nbsp;maïs, au contraire, on dit qu’vne des principales raisonsnbsp;qui Ie détacha des intérests de M. Ie Prince de Conty,nbsp;fust que ce Prince consentit, pour l’accommodement desnbsp;affaires, qu’on donnast a 1’abbé de La Riuière Ie chapeaunbsp;qu’il prétendoit gagner dans nostre party.
On ne demeura pas aussi d’accord qu’il eust tousiours mesprisé de se faire connoistre par l’éclat de sa fortunenbsp;et que, lorsqu’il négocioit pour la liberté de MM. lesnbsp;Princes, il eust refusé Ie chapeau de cardinal; au contraire, on dit que, désirant d’vn costé de cacher sonnbsp;ambition et de l’autre d’y satisfaire, il tira vn escritnbsp;particulier de M. Arnault, par lequel ledit sieur Arnault
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s’obligeolt de faire en sorte que M. Ie Prince seconde-roit la nomination qu’il espéroit que M. Ie Due d’Or-léans deuoit faire de sa personne pour Ie cardinalat.
Pour l’abbaye d’Orcan, on dit qu’il estoit vray qu’il l’auoit refusée; mais on expliqua cette affaire, en nousnbsp;asseurant que dans I’accommodement qu’il auoit faitnbsp;auec la cour, on luy auoit promis Ie premier beneficenbsp;considerable qui vacqueroit; et ayant vacqué vne abbayenbsp;de beaucoup plus grande consideration ’ que celle d’Or-can, Ie Cardinal, qui vouloit la retenir pour soy, quoynbsp;qu’il fust engage a donner la première vacante auditnbsp;sieur Coadiuteur, escriuit a MM. Le Tellier et Seruientnbsp;pour faire en sorte que M. le Coadiuteur se contentastnbsp;de celle d’Orcan; que M. Le Tellier ne voulust point senbsp;charger de cette négociation, que M. Seruient l’accepta,nbsp;et que M. le Coadiuteur refusa l’abbaye d’Orcan, maisnbsp;non pas 1’autre, qui estoit d’vn plus grand reuenu.
Sur ce que M. le Coadiuteur demande s’il seroit dans les interests du Mazarin quand bien il entreroit pré-sentement dans le Ministère, et si tout le monde n’eustnbsp;pas esté bien aise qu’il y eust esté estably après l’expul-sion du Cardinal, toute la compagnie conclut qu’ilnbsp;estoit impossible, dans l’estat présent des affaires, qu’ilnbsp;y entrast sans auoir traitté avec le Cardinal; que la Reynenbsp;conseruant tousiours beaucoup d’affection pour ce Mi-nistre, tous ceux qui prétendoient receuoir quelquenbsp;grace de Sa Maiesté, commencoient l’establissement denbsp;leur fortune en luy promettant de contribuer leurs soinsnbsp;pour son retour; et que la Reyne, après la sortie dunbsp;Mazarin, n’eust iamais consenti que M. le Coadiuteur
' Le Bon Frondeur, etc. [S89] dit que c’était l’abbaye de Corble.
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CHOIX
eust entree dans Ie Conseil du Roy, pulsque Sa Maiesté eust approuué, par ce consentemenl, la conduite de cenbsp;Prélat, qu’elle a si souuent accuse d’ingratitude et denbsp;faction.
Quand a l’article oü il est dit que M. Ie Coadiuteur est trop prudent pour entrer dans Ie Ministère par Ianbsp;voye du Mazarin, et encore qu’on Ie veuille attirer parnbsp;des protestations contraires, il s^ait bien qu’il n’y a pasnbsp;trop de confiance a la Cour, et que les choses passéesnbsp;peuuent estre Ie fondement d’vne iuste et veritablenbsp;crainte, chacun dit que M. Ie Coadiuteur n’auoit pasnbsp;suiet de se plaindre de la Cour, puisque, outre la di-gnité auec laquelle il pretend estre a couuert de toutenbsp;sorte de ressentiment, en ayant recu tant d’autresnbsp;graces pour ceux de sa faction, il a tousiours manque anbsp;ce qu’il auoit promis a la Reyne et a ses Ministresjnbsp;qu’il estoit bien plus heureux que M. le Prince qui au-roit tousiours fidèlement seruy Leurs Maiestez et quinbsp;cependant auoit este recompense de tant de seruices parnbsp;vne prison de treize raois, reconneue iniuste par vnenbsp;Declaration du Roy, vérifiée dans le Parlement1; et quenbsp;c’estoit a M. le Prince a dire que les choses passéesnbsp;peuuent estre le fondement d’vne iuste et veritablenbsp;crainte.
On examina fortement I’article ou il est dit qu’il ne faut point trop esleuer les hommes dont nous ne pour-rions pas estre les maistres, et ou il est parle de cesnbsp;nouuelles accusations enuoyees au Parlement contrenbsp;M. le Prince, et des maximes de cette politique qui
Declaration du Roy pour Pinnocence de Monseigneur le Prince de Conde, etc. [947],
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asseure que Ie crédit est plus dangereux dans la per-sonne des Princes que des particuliers, on iugea que tout ce raisonnement partoit dVn esprit fort ambitieuxnbsp;et dont les proiets estoient espouuantables, puisqu’ilnbsp;auoit regret de ne pouuoir se rendre maistre du sangnbsp;Royal. Ah! Monsieur Ie Cure, que veut dire cela? Sont-ce des sentimens qu’vn Prélat doiue insinuer dans l’es-prit des peuples ? Cet escrit anglois qu’on a fait bruslernbsp;depuis peu par la main du bourreau, a-t-il quelquenbsp;chose de plus pernicieux ? Quand aux accusations,nbsp;chacun dit que la Déclaration de son Altesse Royalle ‘ lesnbsp;auoit détruites, a Ia confusion de ceux qui les ont calom-nieusement inuentées; que tous les Ministres les désad-uouoient; et que ces abominables monstres de seditionnbsp;qui auoient donné ce pernicieux conseil a la Reyne,nbsp;n’auoient garde de se nommer, de peur d’estre déchireznbsp;par les fidèles seruiteurs de la Maison Royalle; que M. Ienbsp;Prince demandoit iustice tous les iours; que 1’on vouloitnbsp;user sa patience par des délais; que l’on vouloit gagnernbsp;la Maiorité du Roy par des continuelles remises; et quenbsp;ceux qui donnent de tels conseils, ont vne politique quenbsp;tous les suiets du Roy doiuent appréhender; qu’il n’ynbsp;auoit point d’apparence qu’ils eussent dessein de leurnbsp;faire iustice quand ils auroient Tauthorité en main dansnbsp;vne maiorité, puisqu’ils la refusoient au premier Princenbsp;du sang, iniustement calomnié dans les derniers ioursnbsp;de la Régence; qu’ils vouloient, par cette conduite,nbsp;obliger M. Ie Prince a se retirer, de peur qu’il ne fust Ienbsp;témoin de leurs factions et l’obstacle de toutes leurs
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intrigues; que les remonstrances du Parlement sur ce suiet auoient este' trés rigoureuses; que M. Ie premiernbsp;Président auoit dit que l’on ne pouuoit douter de la fidé-lité de M. Ie Prince, puis qu’il l’auoit si souuent scelléenbsp;auec son sang Royal, et que si Ie papier qui a esté en-uoyé au Parlement, n’eust porté Ie nom du Roy, onnbsp;l’eiist traitté comme vn escrit qui n’estoit point reuestunbsp;de toutes les formes nécessaires. Vous entendez biennbsp;que cela veut dire biffé et lacéré.
Sur l’article oü il est dit que les Princes qui nous promettent auiourd’huy de belles cboses, les ont autrefois promises et ne les ont pas tenues, et qu’auparauantnbsp;Ie blocus ils auroient donné parole qu’ils seroient nosnbsp;protecteurs, et cependant qu’on les vit incontinentnbsp;après a la teste des troupes ennemies, on asseura qu’ilnbsp;estoit faux que M. Ie Prince se fust iamais engage auecnbsp;M. Ie Coadiuteur, et qu’après Ie retour du Roy en cettenbsp;ville, M. Ie Prince demanda a M. Ie Coadiuteur, ennbsp;présence de M. Ie Prince de Conty, de M, de Champla-treux et de trente autres personnes de qualité, s’ilnbsp;estoit vray qu’il luy eust iamais donné aucune parolenbsp;d’engagement , et que M. Ie Coadiuteur demeuranbsp;d’accord qu’il n’en auoit iamais recu de M. Ie Prince;nbsp;cela fut asseuré par cinq ou six qui assistoient a la lecture de l’escrit.
Aux reproches que l’on fait a M. Ie Prince d’auoir voulu faire périr M. Ie Coadiuteur par des voyes con-traires a nos moeurs, quelqu’vn dit que ce malheureuxnbsp;procés auoit causé bien du désordre, mais qu’il estoitnbsp;bien mal aisé de démesler toutes ces intrigues; qu’ilnbsp;estoit certain que M. Ie Cardinal s’en estoit seruy pournbsp;perdre M. Ie Prince, mais que 9’auoit esté de concei’t
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auec M. Ie Coadiuteur, qui, plus de quinze iours aupar-auant sa iustlfication, alloit tous les soirs au Palais Royal, de'guisé avec des habits de couleur et desnbsp;plumes; que c’estoit luy qui auoit pris soin de seruir denbsp;parrain a Descoutures; qu’il l’auoit recommandé aunbsp;Cure de Saint lean de Grèue; qu’il Ie tint cache dansnbsp;Ie clocher de son Eglise durant tout Ie procez; que c’estoit M. Ie Coadiuteur qui auoit sollicité l’amnistie denbsp;Descoutures, de Desmartinaux, Canto et Sociando‘;nbsp;enfin, que depuis ce temps la on auoit vu M. Ie Coadiuteur en parfaite intelligence auec les ennemis de M. Ienbsp;Prince.
Dans l’endroit ou il est dit que M. Ie Prince a réuélé les conseils que M. Ie Coadiuteur luy auoit donné auecnbsp;sincéritc de coeur, et que par sa response il ne nie pasnbsp;absolument de n’auoir rien sceu du changement de con-seil qui fust fait a Pasques dernier, chacun se récria quenbsp;M. Ie Prince n’auoit rien dit que tout Ie monde ne sceustnbsp;desia; mais que M. Ie Coadiuteur auoit fort déguisé lanbsp;vérité dans Ie Parlement, puisqu’il n’auoit pas dit, quenbsp;sur la proposition qu’il auoit faite^, M. Ie Prince auoitnbsp;respondu qu’il n’entendoit point la guerre des tuilles etnbsp;des pots qu’on iette par les fenestres; ce qui eust faitnbsp;iuger que M. Ie Prince n’auoit rien aduancé qui ne fustnbsp;vray, et que quant au changement de Conseil, on nenbsp;trouua que trop de iustification dans la response denbsp;M. Ie Pi’ince.
Sur Partiele oii il est dit qu’on ne peut auoir du tout de confiance en M. Ie Prince, que c’est bastir sur vn
' Tériiohis dans Ie procés de Beaufort, Gondy et Broussel.
* D’enlever de vive force les sceaux au premier président Molé.
-ocr page 298-sable mouuant et sur des espérances incertaines, teute la Compagnie iugea que M. Ie Coadiuteur fait cette plaintenbsp;peur quelques interests particuliers, peur lesquels ön nenbsp;crut pas qu’il fust a propos d’approuuer toutes les intrigues qu’il fait auec de Cheureuse pour se venger; onnbsp;adiousta que nous ne deuons auoir que Ie bien publicnbsp;deuant les yeux; et l’on demanda ensuite si l’on deuoitnbsp;se fier a vn homme qui fait seruir Ia chaire de vérité anbsp;ses cabales, qui proteste mille fois Ie iour qu’il a renoncenbsp;aux affaires, qu’il ne se mêle pas de siffler les linottes,nbsp;et qui cependant court Ie iour et la nuit pour cabaler*, etnbsp;veut auec te'mérité disputer dans Paris Ie paué au premier prince du sang a qui il doit toutes sortes de respects , et fait mille intrigues pour diuiser la maisonnbsp;Royalle dont la reunion est Ie seul moyen pour donnernbsp;la paix a l’Estat.
‘ « Quand M. Ie coadiuteur voudra agir sincèrement, il ne se fera pas ieter vn manteau sur la tête a la sortie des assemblees ni enleuer par desnbsp;affidez.... Pourquol enuoie-t-il Matarel solliciter de sa part les librairesnbsp;qui estoient sur Ie Pont-Neuf, pour les faire venir au Palais auec desnbsp;armes a feu et des baïonnettes, leur promettant leur rétablissement surnbsp;ledit pont, de la part de la reyne ? »
Le Son Frondcur, etc. [S89].
« Faut-il connoistre tous les déguisemens que le cardinal (de Retz) a pris pour se rendre méconnaissoble lorsqu’il intriguoit auec ceux de sanbsp;faction, tantost auec de grandes moustaches noires a 1’espagnole, appli-quées adroitement sur ses ioues, auec des raanteaux d’écarlate et desnbsp;grègues rouges de mesme couleur; tantost a la caualière auec grandsnbsp;buffles, auec des caudebecs furieusement retroussés a la mauuaise et denbsp;petites brettes tralnantes soutenues de ces beaux baudriers de quinze ounbsp;vingt pistoles qui lui couuroient presque tout le corps?,.. Faut-il qu’oiinbsp;ait tenu compte de toutes les maisons bourgeoises que le cardinal de Retznbsp;a bonorées de ses visites pour haranguer les pères de familie et les engager au parti qu’il embrassoit aupréiudice de nostre repos? Faut-il qu’onnbsp;n’ait pas ignoré vn seul festin de tous ceux qu’il a fait faire, pour y trai-ter, de sa part, les bons bourgeois qu’il vouloit gagner ? »
Anatomie de la politique du Coadiuteur y etc. [83].
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On demeura d’accord queM. Ie Prince deuoit prendre confiance a la parole Royale, poiirueu que ses ennemisnbsp;n’eussent pas assez de crédit dans Ie Conseil pour fairenbsp;prendre des resolutions contraires aux bonnes et iustesnbsp;intentions de Sa Maiesté.
On dit qu’il estoit vray que M. Ie Prince ne demandoit pas de place forte pour ostage, qu’il ne faisoit pas commenbsp;M. Ie Coadiuteur, qui vouloit auoir Ie Mont Olympenbsp;pour son ami ‘ et pour la seureté de ceux de sa cabalenbsp;lorsqu’il se réconcilia; mais quand on leut que si l’onnbsp;manquoit de parole a M. Ie Prince^ il deuoit attendee dunbsp;Parlement et du Peuple Ie mesme secoui’s qu’il en a desianbsp;receu, on s’escria que la raillerie estoit forte, puisquenbsp;M. Ie Coadiuteur en auoit respondu depuis peu a la Cour.
Sur Ie reproche que l’on fait a M. Ie Prince qu’il ne va point au Palais Royal, que les loix fondamentales l’ynbsp;obligent et que Ie Parlement l’a ordonné, cbacun ditnbsp;qu’il estoit iuste que M. Ie Prince rendist ses respects aunbsp;Roy; que Son Altesse ne désiroit rien auec tant de cha-leur; que si toutes les loix fondamentales de l’Estatnbsp;estoient bien obseruées , les Princes du sang seroient au-Irement considérez dans Ie Conseil du Roy, puisqu’ilsnbsp;sont les legitimes administrateurs de l’Estat durant lesnbsp;minoritez de nos Roys; que Ie Cardinal Mazarin commenbsp;estranger n’auroit iamais esté admis dans Ie ministère;nbsp;que MM. de Gondy comme estrangers n’auroient iamaisnbsp;eu entree dans Ie Conseil de nos Pioys; qu’ils n’auroientnbsp;iamais esté pourueus des premiers bénéfices du Royaume;nbsp;que M. Ie Coadiuteur ne seroit point auiourd’buy eunbsp;estat de vouloir aller témérairement du pair avec nos
’ II l’obtlnt en effet pour Ie marquis de Lalgue, tandis que Ie marquis de Noirmoutier, un auti e de ses amis, était gouverneur de Charleville.
II nbsp;nbsp;nbsp;19
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Princes , et seroit trop heureux de faire paroistre son habileté dans la banque de Florence; qu’au reste lorsquenbsp;Ie Parlement auoit desire de M. Ie Prince qu’il allast a lanbsp;Cour, il auoit satisfait au de'sir de la Compagnie, et quenbsp;si depuis ce temps la il n’y estoit point retourné, M. Ienbsp;Due d’Orléans en auoit fait scauoir la raison; que cettenbsp;alternatiue d’y aller nécessairement ou de se retirer tou-eboit fort au cceur des ennemys de M. Ie Prince, qui nenbsp;souhaitoient pas tant les auantages de Son Altesse qu’ilsnbsp;luy donnassent ce conseil sans auoir tramé quelque des-sein contre sa personne, ou que sans doute ils auoientnbsp;beaucoup d’impatience de Ie voir sortir afin de rendrenbsp;sa conduite suspecte; que Ton voyoit bien que ceux quinbsp;veulent gouuerner, ne regardent que leurs seuls interests,nbsp;puisqu’ils publient qu’il vaut mieux faire la guerre ciuillenbsp;que de souffrir M. Ie Prince en repos dans Paris et denbsp;luy permettre de se iustifier des calomnies qu’on luy impose; enfin chacun conclut que les ambitieux vouloientnbsp;entrer dans Ie ministère, par la porte mesme de la sedition s’il est nécessaire.
On demeura d’accord qu’il falloit que M. Ie Prince contribuast a faire punir ceux qui ont volé Ie public; etnbsp;personne ne doutoit que ce ne fust son intention.
Sur Partiele oü il est dit que M. Ie Prince proteste de ne point aller a la Cour tant qu’on mettra dans Ienbsp;Conseil des gens contre son consentement, bien loinnbsp;d’appeler cette declaration vne irréconciliation iuréenbsp;auec la Cour, on demeura d’accord que M. Ie Prince anbsp;iuste suiet de craindre que l’autorité du gouuernementnbsp;ne soit entre les mains de ses ennemis irréconciliables;nbsp;et cbacun dit que c’estoit vne chose deplorable de souf-frir que 1’intérest de deux ou trois particuliers mette
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1 Estat en confusion, et que les peuples estoient bien in-öocens de complaire a leurs passions; et ie vous de-mande en effet, Monsieur Ie Cure, si leur presence est plus nécessaire a Paris que celle de nos Princes.
Quand aux crieries de Dame Anne et de Pesche, tout Ie monde dit que c’estoit des enfans de chceur éleuez parnbsp;M. Ie Coadiuteur; qu’il y a trois ans que l’vn et l’autrenbsp;chantoit les lecons du bréuiaire qu’il leur auoit ensei-gnées, et qu’il ne deuoit accuser de leur doctrine pei’sonnenbsp;que luy mesme; mais en mesme temps toute la compagnie qui S9auoit l’histoire du Lundy’, se mocqua dunbsp;hasard qu’on pretend que M. Ie Coadiuteur y courut,nbsp;puisque ce ne fut qu’vne terreur panique, et que depuisnbsp;mesme il a fait faire des complimens aux amis de M. Ienbsp;Prince qui estoient incapables de ces actions.
Voila ce qui fut dit a plus pres, lorsque ie faisois la lecture de \Auis désintéressé. Vous iugerez par la quenbsp;nos bourgeois sont assez blen Instruits et qu’ils sontnbsp;bien las de toutes les intrigues que ces esprits brouillonsnbsp;qui n’ont fait autre chose que de cabaler toute leur vie,nbsp;continuent de faire pour troubler l’Estat et la familienbsp;Royalle. Toute la Compagnie se leuant dit qu’il estoitnbsp;facile de iuger que la confusion dans laquelle nous nousnbsp;voyons, n’a point d’autre cause que Ie mécontentementnbsp;de Mine de Clieureuse et de M. Ie Coadiuteur, ct qu’onnbsp;laissoit a iuger ce qu’il y a de gens d’honneur et de bonsnbsp;Francois dans Ie Royaume, s’il estoit iuste de persecutornbsp;vne branche de la Maison Royalle, d’exposer la fortune
* La séance famcuse du parlement dans laquelle Ie cardinal de Retz fut prls entre les deux portes de la grand’chambre par Ie duo de Lanbsp;Rochefoucauld, eut lleu Ie 21 aoüt; il faut done reporter la Lettre aprèsnbsp;cette date, mais avant celle de la majorité du roi, qui est Ie 7 septembre.
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de tous les particuliers aux désordres d’vne guerre ciuile, enfin, d'allumer Ie feu par tout Ie Eoyaumenbsp;paree que M. Ie Prince de Conty n’a point espousenbsp;Mile de Cheureuse et que M. Ie Coadiuteur n’a point eunbsp;Ie chapeau de cardinal, quoique M. Ie Coadiuteur soitnbsp;la cause qui par des einpressemens trop intéressez, anbsp;empesclié que Ie manage n’ait esté execute, et que M. Ienbsp;Prince n’ait iainais formé d’obstacle a la promotion oünbsp;M. Ie Coadiuteur aspire depuis Ie commencement denbsp;toutes les factions qu’il fomente dans Ie Pioyaume.
La Requeste des trois Estats touchant Ie lieu et les Personnes quon doit choisir pour VAs-semblée des Estats Généraux, eonforme a lanbsp;proposition que son Altesse Royale en a faitnbsp;a leurs Maiestez, et aux sentimens de Messieurs les Princes dont les Conseils doiuentnbsp;estre principalement suiuis et préférez a tousnbsp;les autres [3495] *.
(17 aoüt 1651.)
Puisque ce n’est que par vne pure continuation des bontez de la Reyne que les Estats Gënéraux sont promisnbsp;pour Ie mois procliain et que la passion héroïque de reformer les abus qui se sont glissez dans Ie Gouuerne-
* Les états généraux, convoqiiés d’abord pour Ie 15 mars 1649, oubliés après la paix de Saint-Gennain , avaient été, sur les poursuites de J’assemblée de la noblesse tenue aux Cordeliers de Paris, appelés denbsp;nouveau a se réunir a Tours Ie 8 septembre 1651. Ordonnance pour lo-coiinocaüon des trots Estats de. la ville^ etc. [2620], fut publiée Ie 22 aont.
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ment, la rendit, il y a quelque temps, complaisante a la iusle poursuite que la Noblesse faisoit ou pour en ob-tenir Ie consentement ou pour procéder a la moderationnbsp;certains débordemens par lesquels l’ambition alloitnbsp;désordonnant tout ce qu’il y auoit de mieux régie dans lanbsp;Monarchie, ie pense que sa lustice ne se lassera point denbsp;signaler généreusement par des coups de cette na-•^Ure et qu’afm de ne captiuer point la liberté qu’on doitnbsp;a ces Augustes Assemblees pour la decision Souuerainenbsp;de tous les points importants qui peuuent tomber dansnbsp;des controuerses d’Estat, elle leur donnera la dispositionnbsp;du lieu que les Politiques désintéressez trouueront Ie plusnbsp;a propos, pour ne laisser point aucun doute de la sincé-Hté de ses intentions dans Ie dessein qu’elle a de rap-peler Ie calme après les secousses de tant de tempestesnbsp;Passées et d’ordonner ce déréglement general qui bou-leiierse depuis tant de temps Ie plus bel ordre de nosnbsp;affaires par la confusion de mille conionctures d’Estat.
Cette nécessité de ne letter point indifféremraent les yeux sur toute sorte de ville pour en faire Ie lieu de cettenbsp;Assemblee, est auiourd’huy principalement si indispensable qu’il ne faut point estre que fort légèrement versénbsp;dans la politique pour ne voir pas que ce seul cboix doitnbsp;®stre l’infaillible préiugé des bons ou manuals succeznbsp;^a’on peut espérerdes Estats Généraux, et qu’il n’est quenbsp;^•¦op asseuré par les iustes soubcons que tant de defiancesnbsp;passées nous font conceuoir, que toutes nos plus fortesnbsp;cspérances auorteront malheureusement, a moins que Ienbsp;choix qu’on fera, pour en faire Ie beu de cette Augustenbsp;^-ssemblée , ne rasseure plus probablement les esprits desnbsp;Peoples dans les iustes attentes de leurs premières pré-^^ntions.
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Ie sqay bien cjue Ie iugement de ce choix n’a pas beau-coup exercé Ia Politique de nos Pères et que si Ie bien de cette Assemblee n’a point esté presque de tout tempsnbsp;regardé qu’auec vne entière indifference, on a néant-moins iugé qu’il falloit en laisser la seule dispositionnbsp;toute Souueraine au caprice des Roys, et que c’estoit anbsp;leurs seules inclinations qu’il falloit régler en cela la né-cessité que ie pretends auiourd’huy faire examiner auecnbsp;toutes les raisons de la Politique; mais les diuersesnbsp;conionctures dont nos nouueaux intrigueurs ont pesle-meslé les affaires de la Monarchie, feront qu’on ne menbsp;condamnera pas si facilement dans Ie dessein que i’ay, denbsp;faire iuger auec reflexion ce qu’on n’a presque iamaisnbsp;regardé qu’auec indifference; et les schismes d’Estatnbsp;fomentez auiourd’huy par la diuision de tout ce qu’il ynbsp;a de plus grand dans la Monarchie, feront consentirnbsp;auec moy les plus opiniastres qu’en effet on n’a pointnbsp;dessein de régler les désordres de l’Estat a moins qu’onnbsp;ne se résolue de tenir les Estats Généraux a Paris.
II semble premièrement qu’on ne pourroit s’opinias-trer de les tenir ailleurs sans donner vn iuste suiet de se défier du dessein qu’on a de brasser encore quelquenbsp;raauuais party; et cette resistance qu’on fait pour n’ennbsp;honorer point la capitale de la Monarchie, n’appuye quenbsp;trop probahlement Ie soubcon de ceux qui n’ont iamaisnbsp;remarquéde sincérité dans Ie gouuernement, depuis quenbsp;les soupplesses d’Italie s’y sont glissées par les détestablesnbsp;intrigues du Cardinal Mazarin; car si Ie dessein de tenienbsp;les Estals Généraux est sincere, si la réforme des abusnbsp;qui dérèglent auiourd’huy toute Ia conduitte des affaires?nbsp;en est la principale fin, si les intelligences de eet Estatenbsp;n’ont point de plus ferme dessein que celuy de reroettre
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les affaires dans Tadmirable posture du siècle d’or de Henry Ie Grand , si leurs intentions ne sont point con-teaires a celles qu’ils prétendent que nous considérionsnbsp;en leurs personnes, pourqiioy n’ont-ils point cette complaisance pour la passion généralle de tous les peuples quinbsp;demandent vnanimeinent par les illustres bouches de sonnbsp;Altesse Royale et des Princes du Sang qu’on ne choisissenbsp;point d’autre lieu pour en faire celuy de cette Assembleenbsp;générale que la ville capitale de la Monarchie?
La principale raison qui fait que les moins cacbez se deflient de cette opiniastreté, n’est empruntée que de lanbsp;connoissance qu’on a que ce iugement de tenir ailleursnbsp;les Estats Generaux que dans Paris est directement contraire a celuy de toute la France, et qu’il n’est que lesnbsp;seuls intéressez pour Ie party du Cardinal Mazarin quinbsp;i’oidissent leurs Maiestez contre les instantes supplications que l’Estat leur fait, de ne vouloir pas frustrer lanbsp;lustice de ses espérances du plaisir qu’il aura de voir tenirnbsp;toette Assemblée généralle dans leur bonne ville de Paris.
Afin que les Mazarins ne puissent que faussement m’ac-cuser que ie procédé contre eux auec trop d’animosité dans la créaiice que ie veux faire conceuoir aux peuplesnbsp;que c’est par leurs seules intrigues que leurs Maiesteznbsp;i'eculent de complaire a cette inclination généralle denbsp;tous les Estats, ie pense que ie n’ay qu’a leur faire voirnbsp;que c’est par Ie motif de leurs intérests particuliers qu’ilsnbsp;opiniastrent leurs Maiestez a ce changement de lieu etnbsp;qu’ils pressentent assez probablement qu’ils seroient tropnbsp;foibles dans la plus forte ville de la Monarchie pour fairenbsp;feussir les secretes menées qu’ils continuent encore denbsp;brasser sous main pour Ie restablissement du Cardinalnbsp;Alazarin.
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Comine Ie dessein general et la dernière et première fin des Estats Ge'néraux n’est autre que de pouruoir auxnbsp;désordres qni se sont coulez dans Ie gouuernement parnbsp;la mauuaise conduite du Ministro, et comme il est vraynbsp;que toule la decadence de nos affaires ne doit estre im-putée qu’a l’incapacité ou a la malice du Cardinalnbsp;Mazarin qui en a presque souuerainement gouuerné Ienbsp;timon , il ne faut point douter que les Estats Générauxnbsp;ne lancent derechef autant de foudres sur la teste de cenbsp;malheureux qu’ils trouueront a reformer de désordresnbsp;causez par son imprudence, et qu’ils ne ietteront pasnbsp;plus souuent les yeux sur la mauuaise posture de nosnbsp;affaires qu’ils se sentiront obligez par vn généreux inté-i’est de vengeance de renouueller contre luy toutes leursnbsp;premières indignations pour acheuer de luy rauir en-tièrement la ressource ou faire auorter l’espérance qu’il anbsp;de restablir encore vn iour sa fortune par les intrigues denbsp;ses creatures.
Ainsitoutle monde consent, autant que tous les bons Francois Ie désirent, que Mazarin doit infailliblementnbsp;receuoir Ie coup de grüce dans l’Assemblée des Estatsnbsp;Généraux et que c’est a cette illustre occasion que lesnbsp;bons destins de la France se sont réseruez pour ne laissernbsp;plus de fondement a l’appréhension de son retour, lors-que la Justice prononcant ses Oracles par la bouche denbsp;tous les demy-dieux de Ia Monarchie fera retentir vn Arrest sans appel contre ce proscrit, tant pour décriernbsp;a iamais sa mémoire dans les Annales que pour mettrenbsp;mesme les Souuerains dans l’impuissance de Ie pouuoirnbsp;restablir sans choquer les Loix fondamentales de eetnbsp;Estat.
Les moins politiques concoiuent bien que les créa-
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DE MA.ZA11INADES.
tures de ce proscrit qui n’ont point encore perdu l’es-pérance de son restablissement, ne donneroient point Ie loisir a cette Assemblee généralle defulminer auec tantnbsp;d’importunité sur la teste du Maistre si la petitesse dunbsp;lieu leur faisoit espérer que leurs monopoles secondez denbsp;la vigueur auec laquelle ils les pousseront, et de Tautho-rité Souueraine qui les protégeroit, pourroient facüe-ment triompher de toutes les plus iustes poursuites desnbsp;sincères zélateurs du progrès des affaires d’Estat, sansnbsp;crainte qu’ils peussent estre forcez par aucune puissancenbsp;domestique a se soumettre aueuglément malgré leur resistance a toutes les decisions des Estats Généraux.
C’est pour cette raison prlncipalement que ie sous-tiens que tous les peuples doiuent viuement intéresser leurs très-humbles supplications enuers leurs Maiesteznbsp;pour les prier de n’exposer pas les belles espérances desnbsp;Estats Généraux a l’éuidence des troubles qui doiuentnbsp;s’en ensuiure, si ces brouillons aussy descriez par 1’infa-inie de leur nom que par les fourbes de leurs déporte-mens se trouuent en estat de pouuoir faire triomphernbsp;leur party par l’impuissance que la ville ou les Estats senbsp;tiendront, aura de les ranger a leur deuoir, et par l’lm-punité qu’ils présenteront eux-mesmes dans les résis-tances criminelles qu’ils opposeront a toutes les decisionsnbsp;qui ne fauoriserolent pas Ie dessein de disposer les affaires au restablissement du Cardinal Mazarin.
N’est-il pas vray et n’auons-nous pas trop iuste fondement de craindre que ces brouillons abusant insolein-nient de l’authorité Souueraine de leurs Maiestez dont ils ont malicieusement surpris les bontez par les soupplessesnbsp;de leurs artifices, captiueront a tel point la liberté desnbsp;Estats Généraux par l’appréhension qu’ils leur feront
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auoir d’vne force ouuerte, que cette lllustre Assemblee se verra tlranniquement réduite a la funeste nécessité de nenbsp;pouuoir rien résoudre que ce qui flattera leurs inclinations OU qui ne choquera pas du moins Ie dessein qu’ilsnbsp;ont de rebastir leur fortune sur les debris de la Monarchie ?
S’il arrive néantmoins que les Députez de toutes les Prouinces ayent encore assez de fermeté parmy tant denbsp;menaces pour procéder en désintéressez a la réforme desnbsp;abus de l’Estat, doit-on croire que les assassinats quinbsp;sont les plus ordinaires ressources des Mazarins, ne ra-moliront pas cette vigueur des plus déterminez et que lanbsp;liberté que ces tiranneaux auront d’interprëter des coupsnbsp;mesme de générosité pour des attentats manifestes surnbsp;les droits de l’authorité Royale, ne leur permette denbsp;tenir tousiours Ie fer brillant sur les reins de ceux quinbsp;seront pour s’opposer hardiment a l’iniustice de leursnbsp;pretentions ?
S’il est vray, comme il n’est que trop constant par les authentiques Declarations de leurs Maiestez et par lesnbsp;Arrests de toutes les Cours souueraines de la Monarchie *, que la seule conduite du Cardinal Mazarin a porténbsp;la desolation dans i’Estat depuis qu’il en a eu Ie timonnbsp;entre les mains, il est encore vray par mesme consequence que ses creatures et ses Partizans en ont esté lesnbsp;complices et que c’est auec leurs mains qu’il a pillé toute
' Les arrêts des parlements de Rouen et de Bordeaux sont du 15 fé-vriei 1651. Celui du parlement de Toulouse est du 20; celui du parlement d’Aix du 23; celui du parlement de Paris du 23; celui du parlement de Rennes, enfin, du 22 mars. II n’y avait alors de Declaration du roi que celle qui avait été rendue contre les cardinaux et qui est dunbsp;18 avrll.
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Ia France, qn’il a miné tons les Peuples, qu’il a mis Ie feu aux quatre coins de la Monarchie et qu’il a malheu-reusement commence d’ébranler Ie tróne sans espérancenbsp;de Ie pouuoir iamais r’affermir comme il estoit aupa-rauant, a moins queles Estats Généraux ne soient en li-berté de retrancher vigoureusement tous les abus pournbsp;r’asseurer auec plus de fermeté les fondemens du trónenbsp;Francois sur Ie bel ordre et la symmetrie Monarchiquenbsp;des affaires d’Estat.
Faut-il estre beaucoup préuoyant pour iuger que cette Assemblee généralle des Estats de la Monarchie se verranbsp;réduite a Fimpuissance de reformer les désordres qui sontnbsp;prouenus de ces fatales sources, par celle qu’elle aura denbsp;ne pouuoir pas résister aux monopoles de tout Ie Party,nbsp;et que les Mazarins appuyez de l’authorlté Souuerainenbsp;renforceront si puissamment leur cabale de tout ce quinbsp;pourra la rendre inuincible dans la foiblesse du lieu, quenbsp;les Estats Généraux ne prononceront peut estre pasnbsp;d’autres Arrests que ceux qui leur seront dictez par lesnbsp;purs caprices de eet ennemy du repos public ?
Les apparences n’en sont pour Ie moins que trop rai-sonnables; car qui est-ce qui pourra s’opposer a l’inius-tice de leurs prétentions ? Qui sera Ie hardy qui voudra heurter généreusement leur pouuoir pour opiner en désintéressé contre les abus que leur mauuaise conduite anbsp;fait glisser dans Ie gouuernement? Les plus détermineznbsp;ne seront-ils pas obligez de caler voile dans Ie desseinnbsp;qu’ils auroient de fulminer généreusement sur les restesnbsp;de la fortune du Cardinal Mazarin, lorsqu’ils remarque-ront queses créatures appuyées de 1’autborité Souuerainenbsp;seront incessamment aux escoutes, et qu’ils seroient pournbsp;s’irriter dangereusement de leurs suffrages s’ils ne fauo-
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risoient du moins pas l’indifférence dans laquelle ils pretendent faire languir les espérances du restablissement de leur Maistre pour les faire puis après éclater dans lesnbsp;effets auec plus de triomfe ? La Fronde ne sera-t-elle pasnbsp;obligee de succomber honteusemeiit a toutes les pour-suites de ce malheureux.Party lorsqu’estant destituée desnbsp;secours de S. A. R. et des Princes du Sang qui ne s’ynbsp;trouueront point, elle n’aura plus qu’vn reste de voixnbsp;qui ne luy permettra pas seulement d’éclater auec asseznbsp;de vigueur pour signaler vne pasmoison généreuse parnbsp;vne sincere confession de sa Captiuité ?
Politiques désintéressez, c’est de vos iugements que ie pretends authoriser la vérité de ces propositions : Onnbsp;s’en va tenir les Estats Généraux ou a Blois ou a Tours;nbsp;leurs Maiestez y seront accompagnées de tout ce que Ienbsp;Party Mazarin a de plus fort et de plus vigoureux dansnbsp;l’Estat; leurs bontez y seront malicieusement obsédées,nbsp;comme elles ont esté malheureusement surprises par lesnbsp;artifices de ces imposteurs; Son A. R. ne s’y trouueranbsp;point, de peur que sa presence ne Ie rendist complice,nbsp;dans la créance des peuples, de tous les désordres qu’ilnbsp;préuoit deuoir estre les infaillibles effets de cette Assemblee, et par les pressentimens desquels il a iugé que lanbsp;qualitë de Lieutenant General de l’Estat Tobligeoit denbsp;n’y donner point son suffrage et de faire tous ses effortsnbsp;pour en diuertir Ie conseil de Leurs Maiestez. Si lesnbsp;Princes de Condé et de Conty veulent s’exposer a lanbsp;mercy de leurs ennemis, ils n’ont qu’a s’arracher d’entrenbsp;les bras des Parisiens qui les considèrent comme les sin-cères Protecteurs de leur liberté, pour aller faire triom-pher les passions enragées des Mazarins par vne mauditenbsp;vengeance qu’ils ont préméditée de longue main contre
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DE MAZARINADES.
ceux qui ne sont coupables que de n’auoir point voulu seulement complaire au dessein que ces malheureuxnbsp;brassent secrètement pour Ie restablisseinent du Cardinalnbsp;Mazarin.
Ie ne piiis pas croire que Ie Due de Beaufort, quelque généreux qu’il soit, doiue estre si prodigue de sa vie etnbsp;de sa reputation que de se mettre au hazard ou d’es-pouser trop honteusement toutes les passions du Partynbsp;qu’il a si constainment combattu, ou de s’exposer en lesnbsp;choquant de se voir égorgé par ceux qui se flatteront,nbsp;dans 1’absence des Parisiens, de l’espérance d’vne impu-nité. Si Ie Due de Nemours ne s’en absente point, ianbsp;créance publique sera bien frustrée ; et Ie généreux atta-ebement que ses inclinations toutes béroïques luy ontnbsp;donné et que la Justice luy fera conseruer inuiolable-ment pour les intéréts de Monsieur Ie Prince, c’est-a-dire du Roy et de son Estat, ne luy permettra sans doutenbsp;pas d’aller accroistre les suffrages des Mazarins par lanbsp;nécessité des complaisances que les plus vigoureux serontnbsp;obligez dedonner a la violence de ces tyrans.
Si la prudence doit conseiller a tons les ennemis du Mazarin, c’est-a-dire a tous les bons Francois, de ne s’ynbsp;trouuer point et s’il est vray toutefois que la iustice denbsp;. l’Estat exige de cette Assemblee Généralle que toute sortenbsp;de ressources soient entièreinent oslées au restablisse-ment de ce Proscrit, la France a-t-elie raison d’en es-pérer vn si fauorable succez? Si les Protecteurs de la li-berté des Peoples n’y sont point, qui brizera les fersquinbsp;nous captiuent depuis si longtemps soubs la tyrannic desnbsp;Emissaires du Mazarin? Si Ie Lieutenant General de l’Es-tat iuge qu’il a raison d’en appréhender Ie succez, quinbsp;sera Ie déterminé qui ne Ie redoutera point? Si la Poli-
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CHOIX
tique oblige les Princes du Sang de s’en absentee, que doit-on pressentir du succez de cette Assemblee si ce n’estnbsp;vne continuation des désordres qui seront d’autant plusnbsp;mortels a la tranquillité des Peuples que plus leur accom-modeinent semblera deuoir estre impossible api’ès l’im-puissance apparente des Estats Généraux ? Qui parleranbsp;contre Mazarin et contre les Complices de ses déporte-mens s’il n’y doit auoir que des Mazarins ou si la liberténbsp;de ceux qui pourroient encore auoir assez de générositénbsp;pour en parler, se trouue captiuéepar la tyrannic de sesnbsp;partizans? Et n’est-il pas a présumer que les Mazarinsnbsp;réformeront l’Estat au gré de leiirs caprices, que toutesnbsp;les conclusions des Estats Généraux ne seront que desnbsp;pures complaisances a l’iniustice de leurs desseins etnbsp;qu’on y disposera si parfaitement les affaires qu’onnbsp;n’en fera paroistre Ie visage que soubs vn nouueaunbsp;masque artificieusement déguisé pour en amuser pendant quelque temps Ie désir insatiable de la passionnbsp;des Peuples ?
Toutes ces reflexions politiques ne laissent point douter de la nécessité que les besoins de l’Estat imposeroient anbsp;leurs Maiestez de faire Ie choix de la Ville Capitale pournbsp;y tenir TAssemblée des Estats Généraux si leurs bontez nenbsp;se trouuoient méchamment surprises par les artifices de •nbsp;ces ennemis du repos public qui pressentent trop infail-liblement que tous leurs monopoles seroient impuissantsnbsp;dans cette grande Cilé et que les poursuittes de la Frondenbsp;venant a préualoir victorieusement sur toutes les inius-tices de leur party, il seroit a craindre qu’il ne fust enfinnbsp;réduit hors d’espérance de toute ressource par la nécessité que l’honneur imposeroit a tous les véritables zéla-teurs de la tranquillité de l’Estatde fulminer entièrement
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sur toutes les espérances que les Émissaires de ce Pro-scrit ne laissent pas encore de conseruer pour Ie restablis-sement de sa première fortune.
En effet les Mazarins auroient beau se passionner dans Paris pour la querelle de leur Cardinal, ils auroient beaunbsp;produire ses déportemens sous les faux masques dont i!snbsp;ont accoustumé de couurir ses plus peruerses intentions,nbsp;les intelligences de l’Estat qui se trouuei’oient dans cettenbsp;Assemblee Généralle, seroient trop éclairées pour n’ennbsp;découurir entièrement toutes les fourbes, et leur Justicenbsp;trop puissamment secondée de la xigueur des peuplesnbsp;pour appréhender que la liberté de leurs iugemens deutnbsp;en aucune facon estre captiuée par les violences tvran-niques des Mazarins.
C’est dans cette puissante Aille que les suffrages des Députez seroient libres paree que les ennemis de leur liberté seroient en impuissance de les captiuer. C’est lanbsp;mesme qu’on pourroit sans apprehension fermer toutesnbsp;les portes par lesquelles Ie Cardinal Mazarin espèrenbsp;tousiours de reatrer dans Ie Gouuernement, paree quenbsp;ses Émissaires n’oseroient seulement pas y former lanbsp;moindre opposition et que la Politique mesme les obli-geroit d’y donner leur propre consentement pour nenbsp;sembler point estre de contraire auis a la passion généralle de toute la France. C’est dans eet abrégéde la Monarchie que les dieux de la réforme pourroient impuné-ment fulminer sur toute sorte d’abus i^arce que la passion des peuples seroit entièrement complaisante a tousnbsp;ieurs iugemens, comme ils ne manqueroient pas de s’é-leuer vnanimement contre ceux qui voudroient en en-ebaisner la liberté. C’est dans Paris, dis-ie, que cettenbsp;illustre Assemblée n’auroit point d’autre subiect de
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cralndre que de n’estre pas assez rigoureiise pour tran-clier vigoureusement tout ce que la mauuaise Politique des intëressez auroit fait glisser de mauuais esprit dansnbsp;la conduite de l’Estat; que ce mesme Consistoire desnbsp;dieux mortels de cette Monarchie pourroit librementnbsp;faire reuomir Ie sang des peuples dont les sangsues denbsp;eet Estat se sont criminellement engraissées depuis tantnbsp;de temps; que Ie mauuais maniement des finances pourroit librement estre réformé pour Ie soulagement desnbsp;pauures Peuples qui gémissent depuis longtemps sousnbsp;l’oppression tirannique de ces voleurs publics, pareenbsp;que Ie Lieutenant General de l’Estat ne manqueroit pasnbsp;de se trouuer a toutes les Assemblees pour les animernbsp;par son exemple a retrancher généreusement toute sortenbsp;d’abus, paree que Monsieur Ie Prince, exempt de toutesnbsp;les iustes apprehensions qui luy feroient regarder ailleursnbsp;cette troupe de voleurs auec trop de defiance après lesnbsp;calomnies qu’ils ont inspirées a leurs Maiestez, feroitnbsp;triomfer librement eet Illustre Génie qui luy a tousioursnbsp;fait espouser auec vne passion héroïque tous les intérestsnbsp;de FEstat, paree que les Députez qui seroierit encore ounbsp;directement ou par reflection attachez au party du Cardinal Mazarin , n’oseroient seulement pas ouiirir lanbsp;bouche que pour conclure auec tont Ie reste a l’achèue-ment de sa perte, de peur de se voir exposez au sifflementnbsp;de tons les généreux, et paree que si les Mazarins auoientnbsp;seulement eutrepris de brasser quelque séditieux partynbsp;pour attenter sur la liberté des Estats, ils ne tarderoientnbsp;guères de se voir engloutis par vn soulèuement generalnbsp;que Ie people feroit pour en faire main basse et les sa-crifier entièrement a 1’indignation de toute la Monarchie.
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Ces raisons ne laissent point douter de la nécessité qu on a de n’assembler point ailleurs les Estats Générauxnbsp;que dans Paris, a inoins qu’on ne soit en dessein non pasnbsp;de reformer tousles débordemens de l’Estat, mais de lesnbsp;establir encore plus puissamment que iamais, et de fortifier les peuples dans la créance qu’ils ont qu’on n’a pointnbsp;fie plus veritable dessein , quelque apparence qu’on fassenbsp;Voir du contraire, que celuy de restablir le Mazarin,nbsp;puisqu’il n’est que ce seul moyen qui puisse entièrementnbsp;Viiiner toutes les esperances que ce Proscrit n’a pas manque de conseruer iusques a present pour la reparation denbsp;sa gloire et le restablissement de sa fortune.
Outre qu’il me semble qu’en disant qu’il n’y a que les seuls Mazarins qui respirent apres ce cliangement de lieu,nbsp;et que Son Altesse Royale, Messieurs les Princes et tousnbsp;les peuples généralement souhaitent que la Ville Capitalenbsp;fie la Monarchie ne solt point frustree de cet honneur,nbsp;'e pense qu’on ne peut choquer cette iuste passion denbsp;eeux qui sont interessez pour le bien de I’Estat, afin denbsp;fauoriser le party d’vn estranger proscrit, sans donnernbsp;Occasion de croire sans aucune téinérité qu’on pretendnbsp;Element brlder ailleurs Pautborite souuerainedes Estatsnbsp;Cénéraux que I’apprehension de se voir mal traister nenbsp;leur laisse iamais porter d’autres iugemens que ceux quinbsp;^eront au gré de I’ambition des Mazarins, puisque n’es-^^nt point de raison seulement apparente qui iuslifie lanbsp;'nécessité de les tenir ailleurs, il n’en est point entière-^ent qui ne conclue que celle de les tenir dans Paris estnbsp;indispensable, suppose qu’on ayt vne sincere intentionnbsp;les assembler pour retrancher sans espargne tous lesnbsp;nbus que le manuals gouuernement a fait glisser dans
1’Estat.
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CHOIX
Fuisqu’il est constant par la suite de toutes ces raisons inuincibles qu’il est absolument nécessaire, tant pour Ienbsp;repos de l’Estat que pour l’lionneur de Leurs Maiestez,nbsp;qu’on tienne les Estats dans Paris, ie pense qu’il ne menbsp;sera pas fort difficile de nommer les personnes desquellesnbsp;on doit faire choix pour les y députer, et que mesmenbsp;les nécessitez précédentes pourront seruir de préiugez anbsp;cette Eslection, si ceux qui sontdestinez pour les clioisir,nbsp;veulent tant soit peu se désintéresser pour en examiner lanbsp;valeur.
Pour eet effect il est a propos de considérer quelle est la fin des Estats Généraux, pour quel dessein estce qu’onnbsp;les assemble et qu’estce qu’on se propose lorsque les soinsnbsp;de l’Estat font conclure ses intelligences a la nécessiténbsp;de ces assemblees. S’il est vray, comme personne n’ennbsp;doute point, que la réforme générale de tous les abusnbsp;qui sont entrez dans Ie Gouuernement par la corruptionnbsp;des loix, est la seule et dernière fin des Estats, il estnbsp;encore plus vray que Ie seul et l’infaillible moyen denbsp;paruenir a cette fin n’est autre que la resolution etnbsp;bonne intelligence de ceux qui sont Députez, pour ynbsp;porter les besoins des peuples et les nécessitez desnbsp;Prouinces; car comme cette Assemblée générale de toutnbsp;ce qu’il y a de plus eboisi dans l’Estat, c’est vn corps anbsp;plusieurs testes, il est impossible absolument que les de-libérations puissent estre bien concertées au soulagementnbsp;des Peuples a moins que la Concorde ne soit la présidentenbsp;de leur conseil et que la discorde ne soit en impuissancenbsp;d’y pouuoir semer auctine pomme de diuision pour ennbsp;bannir Ie repos et la tranquillité de la paix.
Puisquece n’est que la seule mésintelligence qui puisse
faire auorter les espérances que les Peuples con^oiuent
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du succez des Estats Généraux, il me semble que pour obuier a cette funeste des-vnion, il seroit a propos de nenbsp;choisir point les personnes qui sont obligees de la fo-nienter par la nécessité qu’ils ont de s’intéresser pour lanbsp;gloire de leur party , et que les Maisons de Ville et lesnbsp;assemblees des Prouinces particulières ne doiuent pointnbsp;auoir auiourd’huy de plus grand soin que celuy d’exa-miner sérieusement Ie génie et l’attachement des personnes qu’ils sont en dessein de nommer, pour en fairenbsp;les entremetteurs et les Anges tutélaires des nécessiteznbsp;publiques dans 1’Assemblee des Estats Généraux. Et puis-qu’il n’est que trop constant par la funeste expériencenbsp;de toutes les calamitez passées, que les Mazarins sont lesnbsp;véritables Lutins de nostre repos et les Anges Apostatsnbsp;de la Monarchie, n’est-il pas vray que les Prouinces etnbsp;les Maisons de Ville qui tireront leurs Députez de cettenbsp;pépinière de brouillons, seront tombées ou dans l’aueu-glement ou dans Ie sens réprouué, puisque les besoins denbsp;1’Estat exigeant nécessairement pour vn premier coup denbsp;lustice qu’on restablisse les Loix que ces corrupteurs ontnbsp;iinpunément débauchées , il n’est pas possible d’en espé-t’er eet aduantageux succez si les Mazarins mesmes sontnbsp;6a estat de pouuoir empescher cette réforme en ne luynbsp;donnant seulement pas leurs suffrages.
Mais néantmoins ie soustiens que dans cette precaution *^écessaire pour ne députer point aucun Mazarin, il fau—nbsp;droit principalement ietter les yeux sur les Partisansnbsp;^assaux et sur les Frondeurs peruertis afin de les regar-der auec dédain comme estant marquez au caractère desnbsp;•’eprouuez et de se garder bien de leur confier Ie sang desnbsp;^6up]es qu’ils mettroient infailliblementa l’enchère pournbsp;1 ïtbandonner au plus offrant. II peut estre arriué que la
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passion ou la consideration innocente de l’intérest particulier aura fait gi’ossir Ie party du Cardinal Mazarin lorsque ce voleur n’auoit encore succé nostre sangnbsp;qu’auec ses souhaits et qu’il estoit en estat de continuer ses soins aussy généreusement qu’il auoit commencenbsp;pour les interests de la France; et ie pense que ceux quinbsp;se sont déuouez a luy depuis cette innocence de sa conduite , auroient du moins en apparence plus de raison denbsp;iustifier l’attachement qu’ils ont témoigné pour la def-fense de son party.
Mais ceux qui cabalent pour luy, après auoir géne— reusement frondé, ceux qui veulent Ie receller lorsqu’ilsnbsp;Ie voyent chargé de toutes les plus riches dépouilles denbsp;l’Estat, ceux qui se rendent ses Apologistes lorsque tousnbsp;les Parlemens de France concluent a sa condamnation,nbsp;cenx qui Ie mettent a l’abry lorsque la iustice du Ciel etnbsp;de la terre foudroye sur l’insolence de ses déportemens,nbsp;et qui ne s’attachent a luy que par Ie lien honteux denbsp;l’intérest et sur l’espérance qu’ils ont d’esleuer leur fortune ou de la couurir du moins d’escarlate * par lanbsp;faueur de son restablissement, ceux la, dis ie, doiuentnbsp;estre censez parmy les plus redoutables; et les Prouin-ces ou les Maisons de Ville qui les dépiitent, ontnbsp;tousiours assez de raison pour en rétracter la parole, sansnbsp;qu’on les puisse blasmer pour ce changement que denbsp;s’estre enfin reconnus.
Vn esprit qui n’a fait que voltiger par tous les partis, qui se donne a prix d’argent, qui se laisse gagner parnbsp;l’espérance d’vn heau chapeau, qui met sa faueur a
' Ceel s’adresse évidemment au Coadjufeur, ainsi que Ie paragraph® suivaiit.
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I’encan, qui est auiourd’huy Frondeur et demain Maza-nn , qui fait tantost Ie passionné pour Ie seruice de S. A. R. et qui s’en éloigne puis après pour Ie choquer,nbsp;qui s’engage par affection auec les Princes de la Frondenbsp;et qui s’en dégage par intérest, qui fulmine contre lesnbsp;iniustes emprisonnemens et qui les pratique puis après,nbsp;celuy la, dis ie, ne doit estre choisi que pour aller pré-sider dans l’assemblée des intrigueurs et pour aller sender les schismes de la diuision mesme dans la plus'fortenbsp;tranquillité de la paix. Et si Ie malheur vouloit que quel-que Prouince ou quelque Maison de Ville se fust asseznbsp;oubliée pour députer des esprits de cette nature, ie nenbsp;doute pas quelesEstats Généraux ne deussent commencernbsp;leurs scéances par les iustes oppositions qu’ils forme-roient a ce choix.
Ainsi ie conclus que si leurs Maiestez condescendent a la proposition que S. A. R. a fait de tenir les Estatsnbsp;Généraux dans Paris, et si les Prouinces prennent gardenbsp;de n’enuoyer que des Députez qui soient reconnus pournbsp;leur Constance et leur générosité, toute la France a iustenbsp;suiet de considérer les Estats Généraux comme la seulenbsp;et dernière ressource de ses malheurs; comme au contraire il ne faut point douter que ce dernier remède desnbsp;maladies mortelles de l’Estat ne soit entièrement affoiblynbsp;par les iniustes et tyranniques cabales des Mazarins si lanbsp;petitesse du lieu secondée de l’alliance criminelle de certains Députez les met en estat d’en pouuoir tellementnbsp;brider les suffrages par l’appréhension des assassinats,nbsp;qu’on n’y puisse rien determiner qu’au gré de leur ambition.
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Les Particularitez des cérémonies ohseruées en la maiorité du Roy, auec ce qui s’est fait etnbsp;passé au Parlement, Ie roy séant en son Lietnbsp;de lustice [2714],
(7 septembre 1651.)
Vn ancien Autheur rapporte que TEinpereur Constance, après auoir fait son entree solennelle dans la ville de Rome et auoir magnifiquement considéré sesnbsp;superbes Palais, ses Temples, ses Emphithéatres et toutnbsp;ce qui s’y voyoit de plus remarquable, fut saisi d’vnnbsp;tel rauissement qu’il ne put s’empescher de se plaindrenbsp;de la Renommee, d’autant que sa coustume estantd’exa-gérer toutes choses et de les porter beaucoup au dela denbsp;leur iuste grandeur, elle s’estoll montrée a l’endroit denbsp;Rome ou foible, ne pouuant exprimer par Ia force de sesnbsp;paroles les merueilles et les beautez qu’elle enfermoit,nbsp;ou malicieuse, en les rabaissant a dessein afin d’obscur-cir l’esclat de sa gloire. Certes la crainte que tout Parisnbsp;ne formast contre moy la mesme plainte que ce grandnbsp;Empereur fit contre la Renommee, m’empescheroit denbsp;parler de la magnificence qui Ie tient encore dedans l’es-tonneraent, si ie ne m’y sentois force par Ie désir denbsp;faire part a toute la France de la ioye dont nous auonsnbsp;esté comblez, et de Tinstimire de l’ordre tenu dans cettenbsp;belle pompe dont voicy Ie récit :
Le leudy septième de Septembre ayant esté cboisi par Sa Maiesté pour aller au Palais y tenir son Liet de lustice et entrer en maiorité, les Regimens des Gardes
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Francoises et Suisses furent commandés dès les quatre heures du matin pour la garde des portes du Palais etnbsp;des auenues depuis Ie Palais Cardinal, scauoir Ie longnbsp;de la rue Sainct-Honoré, de la Ferronnerie, de Sainct-Benys depuis les Saincts-Innocens iusques a la portenbsp;de Paris, de Sainct-Iacques de la Boucherie, du pontnbsp;Nostre-Dame, du Marché-Weuf, de la rue Neufue-Sainct-Louis et de Saincte-Anne, qui estoit Ie cheminnbsp;que deuoit tenir Sa Maiesté. Les boutiques, chambresnbsp;et toits qui sont dans eet espace, furent remplis d’vn sinbsp;grand nombre d’échafauts et de peuple, que depuis lesnbsp;quatre heures du matin iusques a onze, tout Paris sem-bloit estre contenu dans quelques-vnes de ses rues, sinbsp;bien que Pon pouuoit dire alors que la mellleure partienbsp;de cette grande et populeuse ville estoit comme dé-serte.
Sur les neuf heures et demie commenca la marche du
a
Cortege de Sa Maiesté, scauoir ; d’vn grand nombre de caualerie se suiuant a la file et se rangeant dans la cournbsp;du Palais.
Après eux raarchoit la Compagnie des Cheuaux Légers de la Reyne, conduits par Ie Marquis de Sainct-Maigrin,nbsp;paroissant auec sa grace ordinaire , augmentée par lanbsp;beauté de son équipage. Cette Compagnie, leste a mer-ueille, estoit suiuie de celle de Sa Maiesté, qui ne lüynbsp;cédoit en rien.
Le grand Préuost de l’Hostel superbemènt vestu et monté sur vn cheual barbé, couuert d’vne housse denbsp;brocart, alloit après a la teste de la Compagnie de sesnbsp;Gardes.
Ensuite marchoient les Cent Suisses de la Garde du Roy, conduits par vn de lenrs Officiers, aiissy vestu a
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l’auantage, son cheual caparassonné et couuert d’vne housse de satin incarnat, garnie d’vne broderie et den-telle d’or.
Après les Cent Suisses, marchoit vn grand nombre de Seigneurs que 1’on appelle Ia Noblesse dorée, dans l’é-quipage Ie plus pompeux qu’il se puisse imaginer, telnbsp;ayant au seul harnois de son cheual pour quatre millenbsp;escus de broderie.
Après cette Noblesse qui sembloit emporter sur ses habits toute la dépouille des Indes et du Pérou, mar-choient a pied les Gardes du Corps de sa Maiesté quinbsp;estoient suiuis de six Hérauts d’armes, reuestus de leursnbsp;cottes de velours violet parsemées de Fleurs de lysnbsp;d’or.
Marchoient ensuite les Mareschaux de France qui ne cédoient en rien aux premiers, tant en la richesse denbsp;leurs habits qu’en la beauté et parure de leurs che-uaux.
Entre les Mareschaux de France et les Valets de pied de Sa Maiesté, paroissoit Ie Comte d’Harcourt, seul anbsp;cheual, tenant en main l’espée de grand Escuyer.
Après vne troupe de Valets de pied paroissoit Ie Roy a cheual, auec vne grace et vne maiesté qui tiroient desnbsp;larmes de ioye des yeux de tous les spectateurs et des crisnbsp;de f^ive Ie Roj de toutes les bouches.
Autour de Sa Maiesté marchoient les Princes, Dues et Pairs de France.
Venoient après les Gardes de la Reyne qui parut dans son carrosse, dans lequel estoient Monsieur Ie Due d’An*nbsp;iou en vne porlière et Monseigneur Ie Due d’Orléans anbsp;1’autre.
Derrière Ie carrosse, estoient les Officiers de la Reyne,
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ensuite d’iceux les Compagnies des Gens d’armes de Leurs Maiestez.
Auec ce beau Cortege, Ie Roy alia descendre au bas des dégrez de la Saincte Chappelle, oü il monta pour entendre la Messe, ayant esté auparauant re^u par Messieurs du Parlement.
La Messe acheuée, SaMaiesté alia seseoir dans son Liet de Justice, oü après les cérémonies accoutumées et les re-merciemens faits a la Reyne sa Mère, Ie Roy demandanbsp;que les Déclarations cy deuant faites en faueur de Monsieur Ie Prince deCondé fussent leues etcouchées sur lesnbsp;registres de la Cour. Et ainsice grand Prince a commencénbsp;a nous donner des preuues de sa Justice et prudence etnbsp;des arrhes asseurez du bonheur dont toute la France doitnbsp;iouir tant qu’elle sera soumise a la conduite d’vn si sagenbsp;Monarque.
Sur les douze heures et demie , toutes les cérémonies estant acheuées, Sa Maiesté s’en retourna au Palaisnbsp;Royal dans Ie carrosse de la Reyne dans lequel estoientnbsp;Monsieur Ie Due d’Aniou, Frère vnique du Roy, etnbsp;Son Allesse Royale, auec la mesme suite qui l’auoit ac-compagné. Et ce fut alors que Ton entendit Ie tonnerrenbsp;des boettes et canons tirez de la Grèue, de l’Arsenal etnbsp;de la Bastille qui firent leur deuoir d’imiter par leursnbsp;bouches enflammées les cris d’allégresse que Ie peuplenbsp;poussoit dans l’air en réiouissance d’vne action si célèbrenbsp;et désirée depuis si longtemps.
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(1quot; janvier 1632.)
)
De mettre a prix la leste et la vie des hommes, en sorte que celuy qui se voit sousmis a vn iugement si ri-goureux, ne considère plus tous les autres hommes quenbsp;comme autant de furies et de hourreaux qui pensentnbsp;auoir droit de Ie massacrer, et regarde toute la terrenbsp;deueiiue comme Ie theatre de son supplice, c’est sansnbsp;doute vn suiet capable de toucher de compassion les amesnbsp;les plus dures et les plus insensibles; mais que ce genrenbsp;de condamnation , ou inouy en tant de lieux du monde,nbsp;OU reserué a la punition des plus scélérats d’entre tous lesnbsp;Corsaires et les brigands publics, soit pratique nouuel-lement et ou? dans vn pais estimé iusques a cette heurenbsp;l’asyle general des malheureux, et par qui ? par vnnbsp;peuple renommé sur tous les autres aussy bien pour lanbsp;douceur que pour la grandeur de son courage, et contrenbsp;qui ? contre vn Chef des Conseils du Roy, contre vnnbsp;premier Ministre d’Estat, d’autant moins digne d’vn sinbsp;rude traitement que ses plus cruels ennemis ne l’osent
’ Cette pièce a été attribuée a Martineau, évéque de Bazas; a Colion , évéque de Dol, a Servien et a Silhon. Je penclierais plus volontlers pournbsp;1’uii des deux prélats. Toujours est-il que les Sentimens d' vn fidelle subietnbsp;du Roj eurent une sorte de caractère ofiiclel pulsqu’ils furent d’abordnbsp;imprlmés au Louvre, Cette edition la ne se vendait pas. Celle qui fut li-vrée au commerce, ne parut que Ie jeudi saint. Elle se distingue de lanbsp;première en ce qu’elle contient un passage oü il est parlé de 1’arrét contrenbsp;l’amiral de Coligny, et qu’elle n’a que quarante-hult pages.
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accuser de la moindre cruauté , contre vn cardinal de la Maistresse auguste de toutes lesEglises et contre vn Princenbsp;de Ia Ville capitale du Royaume de lésus-Christ, ie disnbsp;hardiraent que c’est vn prodige d’inhumanité qui doitnbsp;attirer l’horreur de tous les siècles et couurir d’vn op-probre éternel et ineffacable ceux qui se glorifient d’ennbsp;estre les autheurs.
On s^ait assez que Monseigneur Ie Due d’Orléans, par vn malheur deplorable en vn si grand Prince, n’a pasnbsp;eu peil de part a vne entreprise si estonnante ; mais aussynbsp;ceux qui scauent quelle est la bonté et la tendresse de sonnbsp;naturel, tout humain et tout royal, ne doutent pointnbsp;qu’en cette occasion il n’ait agi par des impressionsnbsp;estrangères, que Ton n’ait séduit son esprit pour abusernbsp;de la sincérité de ses intentions, et qu’il n’ait souffertnbsp;violence auant que de la faire ou de l’autboriser parnbsp;son suffrage.
I’en dis de même du puissant Sénat qui a prononcé eet arrest funeste tumultuairement et a 1’impourueu , senbsp;laissant aller au torrent d’vne cabale nee de I’animositénbsp;de peu de personnes offencées et intéressées, n’estantnbsp;pas croyable qu’vne Compagnie qui a receu du Roy loutnbsp;ce qu’elle a d’authorité, et qui pour l’ordinaire a parunbsp;ne point auoir de sentiment plus vif ny plus pressantnbsp;que pour la defense de son Prince, ait esté capable d’elle-mesme et par son propre mouuement d’vne resolutionnbsp;de cette qualité.
Mais quant a ceux qui ont esté les principaiix et les véritables instrumens de cette action toute extraordinaire , a quoy pensoient-ils ? et de qiiel esprit, de quelnbsp;génie auoleiit-ils l’ame poüssée et transportée ? Qu’a denbsp;ooininun la France auec vn dessein, ie ne dis pas si per-
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nicieux , maïs si bas et si sanglant, ou si contraire a Thumanité et a la générosité Francoise ? pour satisfairenbsp;la haine et la passion de peu d’auares , d’ambitieux et denbsp;brouillons centre vn Ministre qui s’est oppose a leursnbsp;factions et a leurs cabales , de tout ce qu’il y a denbsp;Francois, falloit-il en faire des bourreaux par vn arrestnbsp;public et solemnel de la première des Cours souuerainesnbsp;de l’Eslat •, abandonner a l’audace et a la rage du dernier des hommes vne teste couronnée de la pourprenbsp;Romaine; la proposer pour rancon des criminels quinbsp;l’auroient coupëe; promettre ou vendre aux voleurs etnbsp;aux meurtriers Fimpunité de leurs exces pour vn assas-sinat et pour vn parricide; et signaler 1’essay d’vne procédure si peu clirestienne sur vne personne honorée denbsp;Ia plus éminente des dignitez sacrées, après celle dunbsp;très-sainct et du très-heureux Père de tous les fidelles ?
Et en effect, représentons-nous que quelque furieux , sous couleur d’exécuter Ie iugement d’vne Compagnienbsp;souueraine, vinst a plonger ses mains dans Ie sein etnbsp;dans Ie sang de ce Prélat infortuné; qui ne frémiroitnbsp;d’horreur a la nouuelle d’vne violence si tragique ? Quinbsp;de tous ceux qui ont souhaité et coniuré Ie plus ardem-ment sa perte, ne changeroit sa haine et sa vengeance ennbsp;effroy et en pitié ? Et qui ne seroit saisi de douleurnbsp;voyant ou Ie nom Francois malheureusement flétry parnbsp;I’infamie et par l’atrocité d’vn attentat qui paroistroitnbsp;d’autant plus iniuste qu’on auroit voulu l’appuyer denbsp;1’authorité des Loix et de la Justice ; ou Ie plus venerable de tous les ordres du Royaume outrage et rendunbsp;méprisable par vne blessure et par vne Infraction si insupportable de ses immunitez et de ses priuiléges, quenbsp;les Souuerains mesmes qui ont eu quelque teinture de la
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piété chrestienne, ont tousiours réuérez; ou enfin Ia maiesté du Siège Apostolique violée presque au premiernbsp;chef par Ie massacre et par la mort de l’vn de ses membres principaux qui forment et composent selon les Canons et Ie sentiment commun des Doctcurs Ie corpsnbsp;inuiolable de lésus-Christ en terre ? Dieu par sa sainctenbsp;grace nous veuille préseruer d’vn accident si horrible et
si detestable!....................
Et pour examiner Ie premier de ces trois chefs qui prouuent en cette rencontre l’innocence du Cardinalnbsp;Mazarin et Ie mettent a couuert également de la puissance des Magistrals et de la violence des particuliers, ynbsp;a-t-il homme si ignorant et si peu versé dans les cous-tumes et dans les loix de ce Royaume qui ne scachenbsp;que les Euesques , et par conséquent ceux a qui la Francenbsp;donne vn rang d’honneur beaucoup plus esleué quenbsp;celuy des Euesques, ne reconnaissent point, hors lesnbsp;causes ciuiles, la iuridiction des Cours séculières et nenbsp;répondent point directement deuant Ie tribunal des lugesnbsp;laicques, non pas même en cas de crime de lèse-Maiesté? Cette vérité ne doit pas estre prouuée parnbsp;d’autres témoins que par ceux mesmes, lesquels aunbsp;préiudice de Fauthorité de leurs anciens arrests ontnbsp;vsurpé celle de iuges en vn faict dont la connoissance,nbsp;par leur propre aueu, ne leur appartient point. Le grandnbsp;Roy Francois ayant résolu de faire Ie proces a deuxnbsp;Euesques qui luy auoient manqué de fidélité en coniu-rant contre son sendee auec les ennemis , et ayant con-sulté le Parlement des Pairs sur vne affaire de cettenbsp;importance , cette Cour auguste répondit a eet augustenbsp;Prince, que son pouuoir Royal ne s’estendoit pas a cesnbsp;matières et que dans 1’ordre commun et légitime, elles
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deuoient être terminées par vn iugement Episcopal et Apostolique. Et sans mentiiq cette venerable Compagnienbsp;ne pouuoit donner a son Roy vn aduis plus sage, plusnbsp;iudicieux, plus éuangélique, ny mieux fonde sur la pratique des Royaumes Chrestiens, et particulierement dunbsp;premier de tous , qui est le Royaume de France.
Et quant a ce qui nous touche pour la preuue d’vne coustume si louable , il me suffira dans vne infinitenbsp;d’exemples que I’histoire nous rapporte , d’en choisirnbsp;quelques vns dont les premiers ont paru sous la plus an-cienne race de nos Princes, dont la memoire est en benediction pour auoir produit les premiers Roys Chrestiens de nostre nation; et les autres sous la seconde,nbsp;dont la gloire doit estre immortelle pour auoir hasty vnnbsp;nouuel empire destine a la defense de 1’Eglise vniuer-selle et du Royaume eternel de lesus-Christ en la per-
sonne de son Vicaire general en terre.........
• ••••• • »•«•«»•••• ••••» •••• Et pour quel suiet done, et par quel mystere faudra-t-ilnbsp;qu’vn seul Cardinal Mazarln n’ait point de part a vnenbsp;immunite et a vne prerogatiue si considerable des Prelatsnbsp;de PEglise sainte? Estce peut estre que Ton n’estime pasnbsp;qu’il soit raisonnable d’estendre aux cardinaux du throsnenbsp;de sainct Pierre ce priuilege des Euesques ? Cette défaitenbsp;seroit insensee, ridicule et opposee au sentiment communnbsp;de toute PEglise, par le consentement vnanime de laquellenbsp;ces premiers appuis de la chaire des Apostres, ces enfansnbsp;choisis de la mere des fidelles, ces assistants et electeursnbsp;sacres du chef visible du corps mystique de lesus-Christ,nbsp;ces Peres reuestus et couuerts de pourpre par vn droictnbsp;particulier en temoignage de leur dignité Royale senbsp;voyent esleuez a vn si haul comble de grandeur et de
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gloire cjue selon la' pensee de tons les Docteurs les loix publiques ne les peuuent obliger si elles ne les marquentnbsp;^xpressément, comme il fut allégué dans Ie sainct Concilenbsp;general de Trente. Estce que les crimes et les désordresnbsp;'niputez a ce deplorable Cardinal sont des désordres etnbsp;des crimes inouis? et qii’ils surpassent incomparablementnbsp;ceux qui n’ont pas priué de eet auantage les anciensnbsp;Euesques, dont ie viens de parler? Mais Ie Cardinalnbsp;Mazarin a-t-il eu, comme eux, des intelligences ou signénbsp;des traitez auec les ennemis de l’Estat ? A-t-il, commenbsp;eux, corrompu la fidélité des suiets du Roy? L’a-t-il,nbsp;comme eux, exposé a la risée et a la fureur de sesnbsp;rebelles? L’a-t-il, comme eux, traité d’excommunié,nbsp;esloigné des autels et du commerce des Chrestiens ? Luynbsp;a-t-il, comme eux, rauy la liberté auec la couronne, ounbsp;attenté, comme eux, sur sa personne et coniuré sa mort?nbsp;Qu’on eboisisse Ie moindre de ces excez dont les anciensnbsp;Prélats de France ont esté coupables ou chargez , et quenbsp;I’on consulte la haine ou l’enuie la plus implacable quinbsp;se soit allumée depuis peu d’années contre ce Ministrenbsp;malbeureux; il est sans doute qu’elle n’oseroit, ie ne disnbsp;pas Ten accuser, mais l’en soupeonner.
Que si 1’ayant trouué pur et innocent de toutes fautes mesmes apparentes enuers son Roy et son Prince souue-i’ain, on recherche les iniures qu’il auroit pu faire auxnbsp;particuliers, on verra pour la pluspart qu’ayant comblénbsp;de graces les vns, et pardonné, souffert ou dissimulé lesnbsp;outrages des autres, il ne s’est procuré rinimitié et attirénbsp;la persécution de tous que par l’excez de ses largessesnbsp;enuers les vns, et de sa patience enuers les autres; l’ou-bly des iniures ne luy estant pas moins naturel que Ienbsp;souuenir Test pour l’ordinaire au reste des hommes, et
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sa bonté ayant paru si rare et si inüincible que ses en-nemis sont tousiours en estat de pouuoir l’offenser ou se réconcilier auec luy impunément, s^achant qu’ils font lanbsp;guerre ou la paix auec vn homme qui ne se venge point.nbsp;Ie ne veux done point que Ton considère les seruices si-gnalez qu’il a rendus par ses soius et ses conseils au Roynbsp;et a l’Estat : L’Espagne domptée, I’Italie protegee,nbsp;I’AHemagne pacifiée, les espérances des ennemis et nosnbsp;frontières tousiours reculées, iusques a tant que Ie tu-multe des nouuelles intrigues eust trauersé Ie cours denbsp;nos prospéritez domestiques et estrangères. Que l’onnbsp;n’ait égard purement qu’a l’innocence de ses inoeurs etnbsp;de sa conduite; faut-il qu’autrefois des Prélats atteintsnbsp;de crimes les plus noirs et les plus irrémissibles ayentnbsp;pu d’abord se garantir de la séuérité des Cours Royalesnbsp;et Ciuiles pour ne respondre et ne comparoistre quenbsp;deuant leurs confrères, et qu’vn seul Cardinal Mazarinnbsp;qui les précède en rang et en honneur et dont la vienbsp;particuliere et l’administration publique n’ont esté su-iettes iusques a cette heure a aucun reproche iuste et lé-gitime, trouue eet azile et ce port ferme a la defense denbsp;sa réputation, de ses biens, de son salut et de sa di-gnité ?
Mais en cette occasion n’appuyons pas Ie droit infail-lible de ce Cardinal, ny sur les exemples les plus mé-morablesde ce qui s’est veu et pratiqué de tout temps en France, ny sur Ie témoignage et les arrests expres denbsp;ceux qui ont depuis peu entrepris de Ie iuger. Consul-tons l’oracle de l’vne des plus sainctes et des plus inuiola-bles conuentions qui ayent esté passées entre nos Roysnbsp;et les Souuerains Pontifes. Ce fameux Concordat arresténbsp;depuis plus de cent trente ans entre Ie Pape T.éon X et
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Ie grand Roy Francois, et ensuite vérifié et enregistré dans cette première de nos Compagnies souueraines etnbsp;obserué de part et d’autre auec tant de religion, nenbsp;porte-t-il pas formellement qu’en cas de crime Ie Papenbsp;enuoyera et commettrades luges sur les lieux pour cou-noistre des crimes des Éuesques; mais pour les Cardi-öaux de l’Eglise Romaine, il en retient les causes et s’ennbsp;réserue a luy seul la connoissance ?
Que peut-on souhaiter de plus décisif, de plus au-thentique , de plus fort, de plus inuincible en faueur de ce Prélat ? En haine d’vn seul homme, est-il iuste de vio-ler la sainctetéd'vn traité si solemnel ? Ne pouuons-nousnbsp;estre luges d’vn coupable prétendu sans esbranler lesnbsp;fondemens de la lustice? Et pour authorise!’ vn parricide en la personne d’vn Cardinal, faut-il deuenirnbsp;infidelle au Pape mesrne et au souuerain maislre de lanbsp;Foy ?
11 est done visible que Monsieur Ie Cardinal peut esta-blir la première nullitc de sa condamnation sur l’incom-pétence et sur l’entreprise de ses luges : il est Cardinal; en matière criminelle, il ne doit répondre qu’a 1’Église.
Mais supposons néantmoins que ceux qui Pont iugé, Qe soient blasraables d’aucune vsurpation et qu’ils soientnbsp;demeurez dans les limites de leur puissance légitime;nbsp;ont-ils suiuy 1’ordre de la lustice? ont-ils gardé scrupu-leusement, comme Ie réquéroit vne si grande affaire, lesnbsp;formes iuridiques et accoustuinées en pareilles occasions? Le Cardinal Mazarin est accusé d’estreentré dansnbsp;Ic Royaume au préiudice de la déclaration du Roy'; et
Cardinal Mazarin____de rentree
au
* Declaration du Roy portant defenses dans ce Royaume , etc. [925].
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la-dessus on condamne ce Prélat, on Ie proscrit, on met sa vie en proye a la rage des meschans. Mais dans vnenbsp;rencontre si importante, ne falloit-il pas employer auecnbsp;la dernière exactitude les formes ordinaires qui accom-pagnent les iugemens publics et solemnels et quipeuuentnbsp;estre appelés auec raison Ie fondement des Loix, la lu-mière de la Justice, Ie rempart de Tinnocence, Fame desnbsp;conseils et vn frein qui arreste la licence et la témérité denbsp;ïuges passionnez ou corrompus ?
On asseure done que Ie Cardinal Mazarin est entré en France et que par cette entree il a violé les defenses dunbsp;Roy; mais dans cette occasion, l’ordre naturel de la Justice ne demandoit-il pas que l’on s’éclaircist et que 1’onnbsp;informast iuridiquement d’vn faict de cette consequence?nbsp;Or oü sont les tesmoins qui chargent ce coupable? De-uant quel Juge ont-ils faict serment de ne point blessernbsp;la vérité ? Et les a-t-on ensuite confrontez, selon qu’ilnbsp;s’obserue en pareilles occasions ? Toute la depositionnbsp;que Ton a receue, est celle de Monseigneur Ie Due d’Or-léans, dont la naissance et la condition Royalle ne per-mettoient pas que Pon pratiquast en sa personne ce quinbsp;se pratique ordinairement en celle des tesmoins.....
Mals pour venir au suiet particulier dont il s’agit icy, la régularlté de la procédure, en ce qui touche la vie desnbsp;hommes, est vne condition si fondamentalle et si essen-tielle pour authoriser vn meurtre qu’vn docte Religieux,nbsp;illustre par sa probité et par ses ouurages et Confesseurnbsp;du grand Empereur et Roy d’Espagne Charles Quint,nbsp;s’estant propose cette question particullère, de scuuoirnbsp;si on est oblige d’obéyr au Roy quand il nous coininandenbsp;de tuer vn homme, la résout en répondant, qu’on y est
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oblige OU qu’on Ie peut en conscience quand Ie Roy procédé par les formes legitimes; qu’autrement on ne Ienbsp;doit ny on ne Ie peut. Que si la distinction de ce Tbéolo-gien célèbre a lieu a l’égard du Roy dont la puissancenbsp;paroist estre sans limites et a qui mesme la nécessité desnbsp;occasions et des affaires ne permet pas quelquefois denbsp;recourir aux moyens accoustumez, combien plus est-ilnbsp;iuste et nécessaire d’en vser a l’égard des Magistrats quinbsp;n’ont point de part aux mystères de l’Estat et dont l’au-tliorité et laiuridiction doiuenttousiours estre renferméesnbsp;dans les formes qu’il a plu au Roy de leur donner? Etnbsp;1’on croira néantmoins que sous prétexte d’vn comman-dement donné irrégulièrement, sans enqueste, sans té-moins, non par Ie Roy, mais par vn Parlement, non parnbsp;vn oracle du Souuerain, mais par vne ordonnance d’vnenbsp;simple Cour de ses Officiers et de ses ministres, il estnbsp;permis, chose detestable ! de répandre Ie sang d’vn Cardinal et en mesme temps decouurir d’vn deuil general etnbsp;éternel l’auguste corps des Princes de l’Eglise , de qui cenbsp;coup mortel auroit offense sacrilègement la dignité,nbsp;comme l’arrest qui Ie commande, réduiroit, s’il auoitnbsp;lieu, leur personne sacrée a la condition des plus inrnbsp;fasmes criminels!
Mais auouons, ce qui n’est pas, que dans cette occasion Ie Cardinal Mazarin a esté iugé et condamné par ses luges naturels et qu’en Ie condamnant d’vne manièrenbsp;aussy rigoureuse que nouuelle, ils n’ont rien obmis desnbsp;formalitez de la lustice; ont-ils eu matière de con-clure et de prononcer contre luy vn si séuère iuge-inent ?
Vn Prince du sang esleué plus que iamais nul autre on biens, en charges , en Gouuernemens, en places, en
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estime de courage et suffisance extraordinaire dans la guerre, mais qui seroit tousiours bien moins redoutablenbsp;s’il ne l’estoit par les biens-faits de celuy qu’il veut per-dre et que l’on scait luy auoir procure, entre autresnbsp;auantages, la charge de Grand Maistre de la Maison dunbsp;Roy, vn commandement perpétuel de ses armées et desnbsp;Souuerainetez considerables sur la frontière de 1’Estat,nbsp;l’illustre Comté de Dampmartin, l’vne des plus richesnbsp;et des plus nobles terres du Royaume; vn Prince, dis-ie,nbsp;de cette qualité, fait éclater tout d’vn coup son ressentiment contre la Cour, couure et colore de diuers pré-texles Ie dessein de se venger, détache de l’armée tous lesnbsp;Regimens qui estoient sous son nom , leur defend de re-connoistre les ordres du Roy, traicte et s’allie auec l'en-nemy, assemble des troupes et ses amis de tous costez,nbsp;arme, souslesue et met en feu toute la Guyenne et lesnbsp;pais voisins, appelle l’Espagnol, lerecoiten France, luynbsp;donne des villes a fortifier, s’approche etvient en armesnbsp;au deuant duRoy qui Ie poursuit auec des peines insup-portables a la tendresse de son age; et comme si la rebellion des suiets contre les Roys nepouuoit réussir qu’a lanbsp;faueur du parricide des Roys, il enuoye a Londres; ilnbsp;implore Ie secours de ces mains cruelles, encore teintesnbsp;et fumantes du sang de leur Monarque; et les partisansnbsp;de sa cabale publiant dèsia partout l’entrée de quatrenbsp;mil Escossois dans la riuière de Bordeaux, ne craignentnbsp;point de faire d’vne alliance si honteuse vn suiet denbsp;gloire et de trophée.
D’autre costé, Monsieur Ie Cardinal, qui auoit souf-fert durant plusieurs mois , sans plainte et sans murmure les outrages dont on 1’auoit chargé en particulier et ennbsp;public, bien loin de penser aux moyens de se venger et
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d écouter les offres que luy faisoit l’Espagne en cette occurrence, également touché de reconnoissance pournbsp;tant de biens que luy ont fait Ie Roy et eet Estat, et denbsp;douleur pour les maux extresmes dont il voyoit l’vn etnbsp;1’autre menace, se résout constamment de les secourirnbsp;dans vn si éminent danger, d’employer ses soins, sesnbsp;forces, celles de ses amis et enfin sa vie pour vne entre-prise si glorieuse; met en peu de temps sur pied vne ar-mée considérable; recoit du Roy vn commandement expres ‘ de la conduire en France, auec espérance certainenbsp;d’en tirer vn seruice très-notable dans la conioncturenbsp;présente des affaires.
Cependant Messieurs de la Cour du Parlement, ayant seeu l’approche et la démarche de ce Cardinal et son entrée en France auec sou armée, quoy qu’ils ne pussentnbsp;ignorer qu’il y reuenoit par ordre du Roy et en estatnbsp;d’assister Sa Maiesté contre vne faction puissante de rebelles , s’assemblent aussi tost, Ie déclarent criminel denbsp;lèze-Maiesté , mettent sa vie a prix, promettent impuniténbsp;et récompense aux coupables qui l’auroient assassiné , etnbsp;ce qui fait horreur a dire et a penser, ordonnent que sesnbsp;biens seront exposez et vendus publiquement pournbsp;payer la teste de leur Maistre; peu de iours ensuite l’exé-cution de la Déclaration du Roy donnée des longtempsnbsp;Contre la rébellion de Monsieur Ie Prince * est sureise etnbsp;siispendue, pour n’auoir effet que du moment qu’onnbsp;^urareceu desnouueües asseuréesde l’esloignement et denbsp;la retraite du Cardinal hors du Royaume.
En premier lieu done, pour bien iuger si on a con-damné auec iustice Ie retour du Cardinal, considérez
* nbsp;nbsp;nbsp;Lettre du Roj écrite au Cardinal Mazarin [2164].
* nbsp;nbsp;nbsp;declaration du Roy contre les princes de Condéy de Conty^ etc. [906].
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d’vnë patt, que c’ëst Ie Parlement qui ne Ie vent pas; et de l’autre, que c’est Ie Roy qui l’a voiilu ; puis voyez sinbsp;la raison et toüte sorte de deuoirs üe iious ordonnentnbsp;pas de préférer incomparablement la volonté du Roy anbsp;la volonté d’vn Parlement qui ne peut auoir de iuste volonté que celle du Roy; ce qui a fait dirè au plUs éclairénbsp;et au plus admirable des Pères de TÉglise, que si l’Em-pereur commande vné cbose et ses Ministres vne autre,nbsp;il faut obéyr au comtnandement de l’Empereur et nonnbsp;pas a celuy de ses inférieurs et de ses Ministres, n’estantnbsp;pas vn crime aux particuliers de vouloir plustost ce quenbsp;veut Ie Roy, que ce que veulent ses Ministres; maisnbsp;au contraire éstant vn crime manifeste aux Ministresnbsp;dü Roy de vouloir autre chose que ce que Ie Roynbsp;veut.
Remarquez en suitte la différence et Tinégalité du traitement que reqoiuent deux personnes qui arrestentnbsp;sur elles auiourd’huy les yeux de toute la France, oünbsp;pour mieux dire, de toute l’Europe. L’vn va contre Ienbsp;Roy ; et l’autre accourt pour Ie secourir. L’vn a conspirénbsp;aUec les ennernis de cètte Couronne; et l’autre est arménbsp;pour la défendre. L’vn appélle les estrangers par mer etnbsp;par terre; et l’autre les vient chasser. Et tcutes fois,nbsp;chose estrange! on fauorise Ie premier, et on persécutenbsp;Ie second. On fortifie les iniustes enlreprises de l’vn ennbsp;différant de Ie condamner; et on affoiblit les effortsnbsp;louables de l’autre en les traittant de désobéyssance etnbsp;de rébellion. Enfin on absouten quelque manière Ie cou-pable, pour faire paroistre l’innocent plus criminel etnbsp;plus odieux que Ie cöupable mesme. En vérité, plus ienbsp;pense a ce mystère et plus ie me pasme d’estonnement.nbsp;Vit-on iamais qu’vn suiet du Roy ayant traitté auec l’en-
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nemy et l’kyant introduit dans les places de l’Estat, vii Patlement ayt loué son entreprise et l’ayt dëclarée legitime pour vn certain temps et sous certainès conditions?nbsp;Conclure ét arrester que Ton attendra de verifier les declarations portées Cotitre Monsieur Ie Prince, qui com-mande des troupes Espagnoles et leur permet de së fortifier en Güyenne, en Poictou et en Champagne, iusquésnbsp;a tant que Monsieur Ie Cardinal ayt vuidé Ie Royauilie ,nbsp;li’estce pas conclure et arrester que l’Espagnol auranbsp;droict d’y demeurer et de s’y establir tout Ie tëmps quenbsp;Monsieur Ie Cardinal y deméürera ? Et n’estce pas nie-nacer Ie Roy que s’il souffre dans sa Cour vn dë Sesnbsp;Ministres, on souffrira que ses eUnemis deuiennént lesnbsp;maistres de son Estat ?
Enfin, nousviuons dans vn temps si deplorable qü’oti n’appréhende pas de fauoriser manifestemettt vn Prineenbsp;qui entretient vne liaison ouuerte aüec l’ennemy, peunbsp;de temps après qu’oh faisoit vn crime irrémissible anbsp;Monsieur Ie Cardinal d’auoir commerce et intelligencenbsp;aüec Ie Roy. On allèguera peut-estre que Monsieur Ienbsp;Cardinal est conuaincu d’auoir désobéy a la Declarationnbsp;du Roy vérifiée en Parlement aux derniers iours de lanbsp;Minorite, par ou Ie Roy defend a ce Prélat de rentrérnbsp;én France, et a tons les Gouuerneurs de Prouinces et denbsp;places de l’y retirer. Mais si on agit en cëtte bccasiohnbsp;par vn pur esprit de maihtenit la force et Tauthorité desnbsp;Declarations du Roy, d’oü pëut venir qu’on a tant denbsp;2èle pour l’exécution des vries et tant d’indifference pbürnbsp;celle des autres ? Y a-t-il des Loix qui défendent au Cardinal de retoui’ner en France? et n’y en a-t-il point quinbsp;défendent aüx Princes d’y receuoir les ennemis, leurisnbsp;fiottes, leurs armées, et de leur en liürer les villes et les
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ports ? Et pourquoy done s’empresse-t-on auec tant de violence pour venger I’infraction des vnes, et laisse-t-onnbsp;en mesine temps impuny le violement des autres?
Mais pour ce qui regarde la Declaration du Roy tou-chant I’esloignement de Monseigneur le Cardinal, en quel temps, en quel estat Sa Maieste I’a-t-il publiee ?nbsp;Alors le Roy estoit-il Roy ? Estoit-il maistre de sonnbsp;Royaume auant que de I’estre de ses volontez? Etnbsp;auoit-il atteint cette plenitude d’age qui I’esleue au-dessus de luy-mesme et le rend iuge de toutes les actionsnbsp;précédentes de sa vie pour les approuuer on les con-damner selon qu’il luy plaist? D’ailleurs aussy dans cesnbsp;placards insolens et seditieux, ne voyoit-on pas des des-seins et des proiets de nouueautez estranges exposez ennbsp;affiches par tons les coins de Paris? Ne parloit-on pasnbsp;ouuertement de reculer la maiorite du Roy et de donnernbsp;la Regence du Royaume a Monseigneur le Due d’Or-leans, ou de luy continuer pour quelques annees la fonc-tion de Lieutenant General de 1’Estat? Et n’y auoit-il pasnbsp;lieu d’apprehender que latémérité d’innouer et d’entre-prendre, qui va tousiours croissant dans les tumultes po-pulaires, ne se fist vn passage a de plus importans etnbsp;plus iniustes changemens?
II est done sans doute que le Roy ou plustostla Reyne Régente, pour céder a la nécessité du temps qui est biennbsp;souuent laloydesSouuerains, se vit obligee de consentirnbsp;ala Declaration dont il s’agit et qu’on n’ignore pas auoirnbsp;mesme este dressee par Messieurs du Parlement dans lesnbsp;termes qu’il leur plust.
Mals outre que c’a este par vne conduite sage et salu-taire que Leurs Maiestez voulurent en cela condescendre a la passion des ennemis de Son Eminence qui au-
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trernent sur Ie déclin de la minorité et sur 1’accroisse-inent des nouueaux troubles domestiques, auroient pu prendre des resolutions d’vne consequence dangereuse etnbsp;sur tout au milieu d’vne grande ville oii Leurs Maiesteznbsp;mesmes, peu de mois auparauant, n’auoient pas iouy denbsp;la liberté de leurs personnes ;
La loy fondamentale de la Souueraineté ne veut-elle pas que les Roys et les Monarques ne s’engagent pas sinbsp;estroitement a l’obseruation des loix qu’ils font sur desnbsp;occasions particulières, qu’ils ne s’en puissent dispensernbsp;légitimement eux-mesmes selon que Ie demande Ie biennbsp;de leurEstat et de leur seruice; et principalement s’ilsnbsp;accordent vne chose qui de sa nature ne peut qu’estrenbsp;forcée,comme quand ils renoncent aux droicts essentielsnbsp;et attachez inséparablement a leur Couronne, entre les-quels vn des plus sacrez et des plus inuiolables est sansnbsp;contredit la liberté de choisir eux-mesrnes les Ministresnbsp;dont ils composent leurs Conseils et a la fidélité desquelsnbsp;ils commeltent Ie secret des affaires publiques ?
Mais pour continuer a Ie défendre et a Ie iustifier par la bouche mesme de ses ennemis et de ses persécuteurs ,nbsp;l’accusera-t-on de la résolution qu’on prit, il y a deuxnbsp;ans, d’arrester Monseigneur Ie Prince ? Mais cette accusation n’attaque pas moins directement Monseigneur Ienbsp;Due d’Orléans que ce Ministre ; Son Altesse Royale ayantnbsp;eu, comme on scait, la principale part a ce baut des-sein; et sans en recliercher plus curieusement les causes,nbsp;si on en fait vn crime au Cardinal, il aura pour défen-seur Ie Due d’Orléans, qui, ayant approuué et autho-risé cette entreprise, comme luy en est coupable si ellenbsp;fut iniuste, et en doit répondre aussy bien que luy.
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Et devray, si l’on n’eust point transféré Monsieur Ié Prince du bois de Vincennes oü il fut mis d’abord, aunbsp;Haure de Grace, place forte et asseurée a Leurs Maies-tez, Monseigneur Ie Due d’Orléans ne sé seroit péut-estre pas si tost ibis en peine de Ie faire déliurér ; et beau-coup pensent qu il n’a souhaitté de Ie voir librè qüenbsp;depuis qu’il a vu qu’il n’en estoit plus Ie maistre etnbsp;qu’il ne s’est plus imagine d’auoir a son cboix oü de Ienbsp;retenir en prison qu de l’en retirer, Comme quand il estoit au Chasteau de Vincennes a la veue et aiix pbrtes denbsp;Paris. Osera-t-on reletter sür lüy Ie blasme du siiége denbsp;Paris? Son Altesse Royale et Monseigneur Ie Péince quinbsp;estoiént diuisez et cohtraires l’vn a l’autre jjour Ie iusti-fier sue la detention de l’vn des deux, s’accorderont anbsp;l’heure mesme èt se réuniront pour Ie défendre, etnbsp;soustieUdront en sa faueur la iustice de ce siége memorable qU’ils ont fait eux-mesmes et poursuiuy auec tant denbsp;zèle et de vigueur. Les Cours souueraines luy impute-ront-elles les désordres de l’Ëstat qui ont précédé Ienbsp;mécontentement qu’elles ont receu en leur particuliernbsp;par Ie dessein qu’on auoit pris de retranclier les gagesnbsp;de leürs charges ? Ou elles se soht teues quand il falloitnbsp;parler, ou elles ont parlé quand il falloit se taire; et ilnbsp;est visible qüe des remonstrances j des plaintes et des cla-meurs qui n’ont pour principe quele bien particulier denbsp;ceux qui les excitent, portent leur reproche en elles-mesmes et ne méritent en facon du monde d’estre con-sidérées par des personnes sages et dégagées de toutenbsp;préuentlon d’intérest et de passion. C’est ainsi done quCnbsp;Ie Cardinal, quoy qu’agité de tant de disgraces, se
que
trouüe néantmoins dans vn estat si aduantageux
de pöuuoir plaider sa cause impünément deuant ses en-
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et les rendre les témoins de son innocence, en ^esrhe temps qu’ils voudront estre ses luges et qu’ilsnbsp;^Qtreprendront Ie plus ardemhient de Ie condamher ounbsp;Ie persécuter; ce qu’ils n’ont presque iamais fait quenbsp;lorsqu’ils ont deu rèconnoistre ses trauaux et luy décer—nbsp;des couronnes et des triomphes pour les grandsnbsp;seruices qu’il venoit de rendre au Roy et a l’Estat.
A-t-il donné la paix a la capitale du Royaume et a tout Je Royauine en mesme temps? Vne faction puissantes’es-lèue contre luy, aigrit et fortifie les preinieés dégousts denbsp;Monseigneur Ie Prince qu’elle Veut s’acquérir et dontnbsp;elle s’effol'ce par mille artifices de corrompre la fidélité.nbsp;Après la detention de ce Prince, a-t-il réduit auec vnenbsp;incroyable diligence les places de Normandie et denbsp;Bourgogne dans les rigueurs extresmes de l’liyuer, puisnbsp;secouru Guise, dompté Bourdeaux, appaisé toute lanbsp;Güyenne dans les chaleurs extresmes de 1’esté? Pournbsp;loute recompense de si grands seruices, on redoublenbsp;eontre luy les efforts de la cabale et de 1’intrigue aunbsp;iTiesme temps qu’on les pouuoit croire esteintes etnbsp;étouffees.
Cependant Ie Cardinal, battu d’vn si Violent orage, s’en esloigne, ou pour l’appaiser, ou pour Ie fairenbsp;fondre sur ses ennemis; au coeur de l’hyuer il les attaque ; il les cbasse de Rethel; il les défait en bataillenbsp;fangée, ou il taille en pieces leurs meilleures troupes, etnbsp;s’en reuient chargé de trophées ét plein de gloire a lanbsp;Cour du Roy.
Pour de si admirables succez, il se dèuoit bien pro-ï’iettre 1’applaudissemeut public; et il pouuoit bien con-sidérer tant d’ennemis vaincus comme autant de victimes *^apables d’appaiser Ie ressentiment dé ses aduersaires;
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mais au contraire, plus il est glorieux et plus on veut qu’il soit mal-lieureux ; mieux il sert l’Estat et plus onnbsp;l’accuse de Ie troubler. Enfin, de ce vainqueur, on ré-sout d’en faire vn prisonnier et vn coupable a la veue dunbsp;Roy et au milieu de la ville capitale de la France. Ainsinbsp;onvoitque ce n’est pas a ses fautes qu’on en veut, maisnbsp;a sa puissance qui s’accroist auec son bonheur et auecnbsp;ses mérites; et l’on ne doute point que ceux qui taschentnbsp;de nous faire croire que ses crimes out augmenté auecnbsp;ses seruices, n’ayent pris pour rebellion leseffets de sonnbsp;deuoir, et ses seruices pour des crimes; et il est infail-lible que si eet exile reuenoit en France moins accom-pagné et moins en estat de rendre victorieuses les armesnbsp;du Roy par Ie renfort et par la ionction des siennes, onnbsp;n’auroit pas dépeint son retour si pernicieux que l’on anbsp;fait, et peut-estre mesme que la haine de ses condam-nateurs ne seroit pas venue a vn exces si épouuantablenbsp;que de mettre a prix sa teste sacrée et de la sacrifier a lanbsp;fureur des assassins les plus désespérez.........
Mais toi, Paris, maistresse et capitale de toutes les villes de ce grand Estat, ie ne veux point chercher borsnbsp;de toy les interprètes et les témoins de ton deuoir ennbsp;cette conioncture; ie veux seulement te conduire dansnbsp;vne assemblee généralle de tes anciens Pères, te fairenbsp;paroistre en leur presence et te prier en mesme temps denbsp;les considérer, non fragiles et mortels comme ils ontnbsp;esté pendant leur voyage sur la terre, mais incorrupti-bles et glorieux comme ils sont dans Ie ciel; et ils tenbsp;prononceront pour la seconde fois vne loy sacrée qu’ilsnbsp;ont faite et publiée au milieu de toy depuis buit siècles,nbsp;et te commanderont très-séuèrement de l’obseruer, sur
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peine de leur haine et de leurs censures les plus redou-*^3bles.
II est certain (voir Ie slxième concile de Paris) que puissance Royalle est estahlie pour Ie bien et pournbsp;^uduantage de tous ceux qui luy sont soumis, etnbsp;*j[u'elle est obligee de Ie procurer selon les loix denbsp;^ e'quité : et c'est aussipour cela que tous ceux qui luynbsp;^ont sublets, doiuent luy obéyr et la seruir auec fidé-^ité; dautant que celuy qui résiste a vne Puissancenbsp;ordonne'e de Dieu, ainsy que IApostre nous l’ensei-gne, résiste en rnesme temps a l’ordre de Dieu. Carnbsp;comme les sublets désirent que Ie Roy les conserue etnbsp;les protégé selon la lustice et la piété; de mes me ilsnbsp;^ont obligez de leur part de secourir Ie Roy en toutenbsp;franchise, et sonsprétendre de s'en pouuoir dispensernbsp;^'ous aucun prétexte et par aucune excuse que ce soit:nbsp;^t ils sont obligez, en premier lieu, pour Ie salut denbsp;l^ur dme; et en second lieu, pour contribuer a cenbsp;qui regarde la bienséance et l'utilité publique dunbsp;Hoyaume, suiuant la volonté de Dieu; et en s'acquit-tant de ce deuoir, on ne peut point douter qu ils nenbsp;^ati'sfassent tout ensemble au commandement de Dieunbsp;^t d la fidélité quils doiuent au Roy. Et en effet quenbsp;Irs sublets soient tenus de rendre ce seruice d Sa Ma-^esté Royalle, les préceptes de la Loi nous Ie térnoi-gnent ouuerternent; et Ie Seigneur nous lapprend luy-^esnie en CEuangile, quand il dit : Rendez a Césarnbsp;qui est a César, et a Dieu ce qui est a Dieu. Etsainctnbsp;I^ierre dit aussy: Soyez obéissans a toutes sortes de per-®onnes pour I’amour de Dieu; soit au Roy, comrne anbsp;celuy qui tient Ie premier rang; soit a ses Ministres, ennbsp;^onsidérant que c’est luy qui les enuoye et qui leur
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donne authorité. Et vn peu après il dit: Craignez Dieu, honorez Ie Roy. Et VApostre saincl Paul ditnbsp;au mesme sens : Que toute pei’sonne soit soumise auxnbsp;Puissances supérieures; car il n’y a point de Puissancenbsp;qui ne vienne de Dieu; et celles qui sont establies dansnbsp;Ie monde, sont establies de Dieu mesme; et ainsy celuynbsp;qui résiste a quelque Puissance, résiste en mesme tempsnbsp;a la disposition de Dieu, et Ie veste, oü l'ApoUre continue Uien au long de nous instruire sur eet te matière.nbsp;Et Ie mesme aussy escriuant a Tile dit : Aduertissez-les bien de se renclre obéyssans aux Princes et aux Puissances. Et dans sa lettre a Timothée ^ il nous fait voirnbsp;a quel poinct luy estoit précieux Ie salut du Roy, par-lant de cette sorte : Ie vous supplie et vous recom-mande qu’auant toutes choses l’on fasse des prières, desnbsp;supplications et des actions de graces pour tous lesnbsp;hommes, pour les Roys et pour tous ceux qui sont es-leuez en dignité, afin que nous menions vne vie tran-quille et paisible en toute piété et purelé; car c’est vnenbsp;chose bonne et agréable deuant Dieu Nostre Sauueur,nbsp;qui veilt que tous les hommes soient sauuez et qu’ils par-uiennent a la connoissance de la Vérité. Car c est ainsynbsp;que Hiérérnie, Ie diuin Prophete, exhorte de prier pournbsp;la vie du Roy Nabuchodonosor, quoy que ce Roy fustnbsp;idolastre. Cambien plus done toute sorte de personnesnbsp;doiuent-ils implorer auec humilité Ie secours de Dieunbsp;pour la conseruation et pour Ie salut des Roys Chres-tiens? Or ces témoignages diuins peuuent suf fire pournbsp;rnonstrer en peu de paroles comme il faut obéyr a lunbsp;puissance Royalle et auoir soin du salut du Roy. Etnbsp;c’est pourquoy il est nécessaire cpie tout fidelle, poW’nbsp;Ie bien de son salut et pour la gloire de ÏEstat, selon
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lt;iuhl j)laist a Dieu, soit disposé c/e donner au Roy one assistance raisonnahle , comme doiuent faire les membres au chef, et qu’il rechercheplustost l'aduancement,nbsp;^ utdité et la gloire du Rojaume que les aduantagesnbsp;du siècle, afin que Ie Roy et ses sublets conspirantéga-^cnient a s'enlrajder par on secours niutuel et salu-taire, ils méritent ensemble de iouyr on iour de la fé-Hcité du Royauine éternel.
Ce sont les conseils et les loix de tes propres Pères, ó Paris! assemblez chez toy, qui te parlent et t’instruisent,nbsp;par les diuins oracles, de ce.que tu dois a la Maiesté denbsp;ton ieune Roy, et qui semblent maintenant descendus dunbsp;ciel pour te sanuer des embuscbes dangereusesdesbrouil-lons qui te voudroient séduire et t’acheuer de perdre, ennbsp;t’inspirant Ie dessein impie d’vne rebellion infasme et ennbsp;te plongeant dans les misères infinies d’vne guerre ciuilenbsp;et d’vne guerre estrangère tout ensemble. Mais sur toutnbsp;9U mesme temps et sous Ie mesme Louis, Empereur etnbsp;Roy de France, les Éuesques assemblez par l’ordre decenbsp;Roy pour la réfonnation de l’Eglise de Dieu, ne nousnbsp;6nseignent-ils pas a détester générallement toutesorte denbsp;féuolte et d’engagement dans vn party rebelle, quand ilsnbsp;Veulent et ordonnent par vn Canon exprès que ceux quinbsp;^uront suiuy ou fauorisé qui que ce soit contre Ie Roy,nbsp;^ei’ont déposez de leurs ministères, s’ils sont Ecclésias-tiques, ou excommuniez s’ils sont Laicques et Séculiers.
11 est sans doute, dit Ie saint Synode, que quiconque ^ésiste a one Puissance establie de Dieu, selon lanbsp;^^axirne de sainct Paul, résiste a l’ordre de Dieunbsp;'uesnie. Et partant, nous ordonnons d’on communnbsp;udiiis que si on Euesque ou quelque autre d on ordre
-ocr page 346-inférieur dans l’estat Ecclésiastique , soit par crainte OU par auarice ou par quelque auire motif que ce soit,nbsp;abandonne nostre Maistre et Empereur Catholiquenbsp;Louis, OU viole Ie serment de fdélité quil luy a pro-mis, et par vn pernicieux dessein vient d se ioindre,nbsp;comment que ce puisse estre, auec les ennemis de Sanbsp;Maiesté, il soit priué de sa dignité et de son ministèrenbsp;par ene sentence Canonique et Synodale. Et si quelquenbsp;Laieque se trouue coupable dvn pareil attentat, quilnbsp;s’asseure aussj qu’il sera frappé dexcommunicationnbsp;danathesme par tous les Ordres de l'Eglise.
Et après cela, nous mépriseronscette fouclre spirituelle dont nos anciens Pères nous inenacent; et nos Euesquesnbsp;ne paraistront pas auiourd’liuy les successeurs du zèlenbsp;Apostolique de ces véncrables Pères, aussi bien que denbsp;leur tbrosne, pour défendre 1’authorité Royale et ter-rasser par leurs analliesmes tous ceux qui la combattent!
p;i
En effet, on l’attaque témérairement; on cabale ; on remue; on sollicite de tous costez la fldélité des subietsnbsp;du Roy; on traite , on ligue auec les estrangers ; on lesnbsp;introduit dans Ie Royaume, sans autre prétexte que d’unnbsp;ministre rappelé pour Ie seruice de son Prince et nonnbsp;chargé de crimes comme on tasche vainement de Ie fairenbsp;croire, mais de gloire, de mérites, et mal-gré la plusnbsp;noire et la plus furieuse enuie, de triomphes remporteznbsp;sur les ennemis de la Couronne ; et les gens de bien , lesnbsp;vrais suiets du Roy , les vrais amateurs de leur patrie ,nbsp;les Prélats, les Prestres, tous les Ministres de la parolenbsp;de Dieu demeureront muels, froids et insensibles dansnbsp;vn mal si déplorable! Que si les Euesques, ces héritiersnbsp;augustes des Apostres, ne sont point touchez, ce qu’anbsp;Dieu ne plaise, du malheur public et du déchet de l’au-
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thorite Royale, qui leur a tousiours esté si chère et si prëcieuse ; s’ils ne veulent pas considérer que s’il estoitnbsp;permis d’opposer les armes a lavolonté du Roy, les amesnbsp;iinpatientes de la domination ne manqueroient iamais denbsp;Couleur pour l’entreprendre, qu’on ne cesseroit iamaisnbsp;de contróler l’authorité Royalle, sous prétexte de la mo-dérer, et enfin qu’a force de la combattre pour la tem-perer ou pour l’adoucir, on la destruiroit entièrement;nbsp;s lis ne veulent pas considérer que si Ie Roy ne pouuoitnbsp;choisir qu’au gré des Princes les Ministres de son Estat,nbsp;les Ministres de 1’Estat seroient aux Princes et non pasnbsp;a.u Roy, et ne Ie consellleroient iamais selon Ie bien denbsp;Son seruice, mais selon l’intérest de ceux qui pourroient,nbsp;i{uand bon leur sembleroit, les maintenir ou les cliasser;nbsp;s’ils ne veulent pas auoir deuant les yeux que ceux quinbsp;cxcitent ou qui tasclient d’exciter vne guerre ciuile, em-peschent absolument Ie bien tant souhaltté de la paix vni-Uerselle, nos désordres intestins faisant espérer de sinbsp;grands aduantages a nos ennemis dans la continuation denbsp;guerre , et la paix domestique estant la seule voye quinbsp;*ious peut conduire a l’Estrangère; s’ils ne veulent pas,nbsp;dis-ie, deuenir sensibles a tant de iustes considerations,nbsp;® 1’aduantage, a la gloire, au salut, ou de leur Roy ounbsp;de leur patrie , au moins qu’ils se laissent toucher a leurnbsp;propre honneur et a l’excellence de leur propre caractèrenbsp;^'i’on profane et blesse mortellement en la personnenbsp;d’vn Cardinal de l’Eglise de Rome.
Autresfois vn Euesque de France, quoy qu’infasme et coïiuaincu manifestement du crime irrémissible de lèze-^aiesté, ayant esté traitté auec quelque sorte de rigueurnbsp;par Ie Roy mesme qu’il auoit trahy, les autres Euesquesnbsp;^ssemblez pour Ie condamner ne laissèrent pas de se
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plaindre au Roy du traittement peu respectueux que leui' collègue auoit receu, et ne craignirent pas, dit l’histoire,nbsp;de luy faire vne séuère réprimande. Et Ie parricide or-donné, non par vn Roy, mais par vn simple Parlement,nbsp;centre la personne d’vn illustre Cardinal, ne sera pointnbsp;capable d’allumer Ie zèle et l’indlgnation sainte des Eues-ques de ce temps ? Et ne comprennent-ils pas, nenbsp;voyent-ils pas qu’ils sont proscrits en quelque sorte auecnbsp;ce Prélat et exposez auec luy a l’impiété et a la cruauténbsp;des ames les plus désespérées; que tous les couteaux quinbsp;pendent sur la teste du Cardinal, pendent sur leur teste,nbsp;et que la licence de Ie tuer est vne porte ouuerte a la licence et a l’impunité des assasslnats les plus abomina-bles ? Qu’ils pensent done sérleusement a se ressentirnbsp;de l’outrage fait a la saincteté de leur ordre auguste etnbsp;inuiolable, a soustenir la cause de leur dignité sacrée etnbsp;Apostolique, a protéger courageusement vn accuse qui anbsp;pour témoins de son innocence ses propres accusateurs,nbsp;qui ayant esté si longtemps sans charges, sans gou-uernemens, sans places, sans alliances et destitué denbsp;tout autre appuy que celuy de Leurs Maiestez, n’anbsp;point voulu qu’elles eussent d’autre otagé de sa fidéliténbsp;que la facilité de Ie défaire quand elles voudroient, dontnbsp;l’esloignement force et tumultuaire a empire visiblementnbsp;et non pas amendé , comme on prétendoit, la conditionnbsp;des affaires publiques, que l’on n’a iamais plus violemmentnbsp;persécuté que lorsqu’il falloit Ie couronner pour la grandeur et pour Ie bon-heur de ses seruices, contre la testenbsp;duquel on ordonne que les mains de tous les hommesnbsp;soient armées , pendant qu’il est armé pour la defense denbsp;son Roy, et que les véritables gens de bien auouent ingé-nument avoir esté iugé, proscrit et condamné d’vne ma-
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oière si cruelle, sans cause, sans forme, sans ponuoir, J Arrest qui le condamne centre la volonté du Roy,nbsp;^yant si peu de force qu’il paroist plustost vne ven-§eance d’ennemis irritez que la resolution d’vn Senatnbsp;constant, sage, raagnanime et inebi-anlable dans I’amournbsp;•lo la lustice : Vt magis iratorurn hominutn studium,nbsp;^Uam consiantis Seiiatus consilium esse oideatur.
Ordre donné par le Mazarin d son Maistre d’Hostel, pour 'vn plat dont il lt;veut que sanbsp;table particuliere soit seruie pendant tous lesnbsp;iours dll mois de Féurier prochain, laissantnbsp;le reste d la 'volonté du sieur Euzenat [262t]‘.
(9 janvier 1652.)
Mon Maistre d’Hostel verra le Marquis de Vieuille, Sur-Intendant des Finances, de Bourdeaux Intendant, etnbsp;Le Tellier, Secrétaire d’Estat, pour leur dire de ma partnbsp;lt;lue ie luy ay ordonne de me seruir vn plat extraordinaire sur ma table pendant chacun iour du mois denbsp;Léurier prochain, dont il faut qu’ils fournissent lesnbsp;l^éatilles.
S^xvoiR :
Le premier iour de Féurier de I’annee 1652, vn po-tage de santé, gamy du retranchement d’vn quartier des gages des Officiers.
Le T iour, vn potage d’oyson a la purée, gamy du ceculement des rentes de I’Hostel-de-Ville de Paris.
' Euzenat étaitprétre, intendant de la maison du cardinal Mazarin.
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Le 3®, vil potage de poictrine de veau, garny du i’e-trancheinent de toutes les rentes prouincialles.
Le 4% vn potage de béatilles, garny de la reformation de plusieurs billets de l’Espargne, cy-deuant expé-diez sous prétexte des dépenses faites au siége de Créinone.
Le 5', vn plat d’ceufs au beurre noir, garny de la vente de Dunquerque.
Le 6% des tortues en ragoust, garnies des contributions des villes frontières.
Le 7®, des cardons d’Espagne, garnis de la vente des Offices de la Maison de Monsieur leDuc d’Aniou.
Le 8®, des rognons de béliers, garnis de la vente de rArcheuesclié de Thoulouse, Euesché de Poictiers et au-tres benefices.
Le 9®, vne tourte de Franchipane, garnie de la suppression de la charge de Controlleur General des Finances.
Le 10®, vne fricassee de pieds et d’oreilles de porc, garnie de l’augmcntation de quatre Intendans.
Le 11®, des maquereaux, garnis de la creation de deux nouueaux Directeurs.
Le 12®, vn Vilain en ragoust, garny de taxes sur les Greffiers du Conseil pour les faire garder les minutes.
Le 13®, vne piece de boeuf et queue de mouton au naturel , garnies d’emprunts généraux et particuliers sur toutes les villes.
Le 14®, vne longe de porc a la sauce Robert, garnie d’vne année du reuenu des Bénéficiez pour la facilité denbsp;la Coadiutorerie.
Le 15®, vne teste de veau frite , garnie d’vne Declaration pour faire financer les acquéreurs du domaine ius-ques au denier trente.
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Le 16% vne piece de boeuf a la marotte, garnie de la creation d’vne Cour des Aydes a Lion.
Le 17% vn plat d’huistre au demy-court bouillon, §arny de la creation d’vn Parlement aPoictiers.
Le 18®, des trippes de morue fricassees, garnies de la Creation d’vne Cbambre des ComptesaTours.
Le 19% vn potage de lacobins au fromage, garny •i’vne Declaration pour rendre les Compagnies Souue-•quot;aines et Présidiaux Semestres.
Le 20®, vne tourte de pistaches, garnie d’vne Declaration portant banqueroute généralle de loutes les debtes du Roy.
Le 21®, vn plat d’artichaux a la poiurade, garny d’vne Declaration pour 1’hérédité de tons les Gouuer-*iemens de France, moyennant finance.
Le 22®, vne Feuillantine, garnie de la creation des ^Uges Consuls en litres d’Office dans tout le Royaume.
Le 23®, des sardines de Royan, garnies de la Declaration du parisis des voictures et toisé des maisons de ï*aris.
Le 24® vn plat de harans a la sauce rousse, garny du Lontroole des tintures, poids et mesures dans tout lenbsp;Royaume.
Le 25®, vn agneau gras, garny de l’hérédité de tous les Procureurs et des Aduocats du Conseil.
Le 26®, vn oyson sauuage, garny d’vn Office de Con-troolleur-Visiteur des liures des Marchands , auec attri-l^Ution de six deniers pour liures.
Le 27°, vne eschinée aux pois, garnie d’vn Office de ^cntroolleur General de tous les Baptesmes, Mariagesetnbsp;l^Iortuaires.
Le 28®, vn plat d’artichaux en cul, garny de la créa
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tion d’vne charge de Visiteur General de tous les Fonts et Chaussées du Royaume.
Jr;:;’
Cec/ est ma volonté, en tesmoin de quoy i'ay si^iié Ie présent mémoire au camp. Pont-Yonne, Ie quin-ziesme lanuier 1652. Signé, Ie Cardinal Mazariny. Etnbsp;plus bas, par Monseigneur Zungo dej
(24 janyler 1652.) nbsp;nbsp;nbsp;^
le me garderois bien de mettre le nez dans les secrets de la Cour, si ceux qui en deuroient estre les princi-palles intelligences, n’en estoient exclus; et ie croiroisnbsp;que ma curiosité ne se pourroit point porter iusqu’aunbsp;désir de scauoir ce qui se passe dans ces retraitesnbsp;Royalles, sans attenter criminellement au respect quinbsp;leur est deub, si l’iniuste restablissement de celuy quenbsp;la iustice en auoit chassé, ne me dispensoit de m’ennbsp;aprocher auec tant de circonspection, pour y contem-pier la posture auec laquelle l’vsurpateur desire s’y main-tenir malgré toutes les resistances de eet estat.
Si nous le voyons rem onter sur nos espaules auec sa pesanteur ordinaire, ce n’est que pour nous estre sous-mis trop aueuglément aux sermens qu’on nous faisoitnbsp;du contraire et qu’on s’efforcoit presque tous les iours
^ Zongo Ondedei, maitre de cliamlire du cardinal Mazarin, et depuis évéque deFréjus. Lettre d^n marchandde Lïége..^. auec Vinstruction secretenbsp;du Cardinal Mazarin pour Zongo Ondedei^ etc. [1884]; Examen de ïécvdnbsp;dressé par Molé ^ Servien et Zondedei sous le titre de: Edit du Roy portantnbsp;amnistie, etc. [1314],
Ifi:
11'
DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;343
de nous autlioriser par des protestations Royalles, pour nous en faire receuoir la croyance auec moins de soup-9on d’infidélité; et c’est en abusant criminellement denbsp;nostre soumission a escouter ses parolles apparemmentnbsp;Royalles sans les examiner, qu’on a disposé les affaires anbsp;son restablissement, iusque - la que nous ne sommesnbsp;presque plus en estat de former des obstacles a son ambition, sans troubler le repos que nous ne scaurionsnbsp;¦ainais plus fortement establir que sur les debris de sanbsp;fortune.
Cette reflection , nous obligeant a nous précautionner contre les apprehensions raisonnables de quelque sem-blable intrigue, nous fait rechercher quelque acceznbsp;pour nous insinuer dans les secrets de la Cour, et pournbsp;y descouurir les routes que nos ennemis oat tenues etnbsp;qu’ils prétendent désormais tenir, afin de rasseurer vnenbsp;miuste grandeur que toutes les forces de I’Estat auoientnbsp;si victorieusement esbranlee, lorsque conspirant vnani-luement pour brizer les fers qui captiuoient la liberténbsp;de ceux qui auoient affranchy celles des peoples, ellesnbsp;arracherent enfin le gouuernail de cet Estat d’entre lesnbsp;lïiains de ce perturbateur du repos public.
Ses partizans firent semblant d’en receuoir la disgrace par vne complaisance politique, dont ils tacbèrent de deguiser le veritable dépit qu’ils en auoient conceu.nbsp;Mais ils ne quittèrent pas le dessein, ou de faire iouernbsp;quelque intrigue pour disposer les affaires a son restablissement , ou de rasseurer pour le moins leur fortunenbsp;par le concours qu’ils presteroient a la passion de lanbsp;Reyne, laquelle se croyant la plus offensee dans I’esloi-gnement du Cardinal Mazarin , s’interessoit aussi plusnbsp;flue tout autre pour en pratiquer le retour.
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CHOIX
Les intrigues néantmoins en eussent esté fort inipuis-santes si Ie dësespoir du mariage, auquel vne nécessite politique auoit fait consentir Ie Prince de Condé, n’eustnbsp;fait espérer a tout Ie party qu’en ioignant celui denbsp;Mme de Cheureuse qui se sentoit offencée de la rupture de ce mariage, il pourroit peut-estre triompher dansnbsp;Ie dessein de faire réussir celuy qu’il méditoit pour Ie res-tablissement du C. Mazarin. C’est cette ouuerture qui fitnbsp;trouuer la porte du Palais Royal a M. Ie Coadiuteur,nbsp;non point a dessein de contribuer par ses intrigues a cenbsp;restablissement qu’il a tousiours eu raison de redouternbsp;plus que tout autre, mais de se frayer vn chemin aunbsp;Ministère ou au Chapeau Rouge, par la complaisancenbsp;qu’il y téinoigneroit, quoiqu’en intention de ne Ie seconder que pour en faire auorter Ie succez par la sagessenbsp;estudiée d’vne imprudente conduite.
La passion du Comte de Seruient ne se produisoit pas auec plus de sincérité, quoyque néantmoins il y semblastnbsp;engage par la reconnoissance des faueurs qu’il auoitnbsp;receues du Mazarin. Son veritable dessein, en faisantnbsp;l’empressé pour disposer les affaires a ce retour, n’estoitnbsp;autre que de s’ancrer par cette chaleur qu’il témoignoit,nbsp;dans les affections de la Reyne, et d’obliger Ie Cardinalnbsp;Mazarin de luy en faire comettre tout Ie secret, afinnbsp;d’en pouuoir plus heureusement empescber l’exécution ;nbsp;et c’est par ce moyen qu’il espéroit que la Reyne mesmenbsp;fauoriseroit son ambition, lorsqu’après plusieurs inu-tiles efforts elle ne verroit plus de iour a ce restablissement.
Enfin la Reyne reconnaissant bien, après toutes les tentatiues qu’elle auoit fait faire sur 1’esprit inesbranla-ble de M. Ie Prince, que toutes les intrigues estoient
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DE MAZARINADES.
impuissantes, se laissa persuader par son Conseil qu’il falloit en venir a vne force ouuerte, et qu’vn second attentat a la liberté de ce Prince seroit peut-estre pournbsp;réiissir plus heureusement que Ie premier a la faueur denbsp;la Maiorité.
La fin de ce dessein n’estoit autre que de I’exécuter, si toutefois il n’estoit point découuert, ou d’obligernbsp;M. Ie Prince d’en faire esclater quelque mécontentementnbsp;qui Ie fist haïr par l’appréhension de quelque nouueaunbsp;trouble, s’il arriuoit qu’il en fut auerty. Et cette secondenbsp;intention ayant réussi, on ne manqua pas de chargernbsp;son innocence de mille suppositions, en luy imputantnbsp;mille manuals desseins, ausquels on prétendoit faussementnbsp;qu’il prétextoit celuy de maintenir la liberté parcequenbsp;les attentats n’en estoient point visibles a tout Ie monde.
La poursuitte que M. Ie Prince fit pour s’asseurer contre tant de menaces, fut cause de l’esloignement politique, qui fut aparamment pour iamais, mals en effetnbsp;pour quelque temps seulement, des trois personnes quinbsp;sembloient estre les plus attachées au restablissemenl dunbsp;Mazarin ‘; et de l’establissement du conseil qui fut en-suite fait sans Ia participation de Son Aitesse Royalle etnbsp;de MM. les Princes®; mais il marqua trop visiblement Ianbsp;passion que la Cour auoit d’obliger M. Ie Prince d’ennbsp;faire esclater Ie mécontentement par quelque coup hardy,nbsp;qui peust estre capable de donner vn peu plus de couleur au désir qu’on auoit de Ie pousser a bout, pournbsp;frayer vn plus heureux chemin au restablissemenl de cenbsp;meschant Ministre.
' Le Tellier, Servien et de Lyonne avaient quitté la cour Ie 20 juil-let 1631.
* Premier coup d’Etat de la maiorité du Roy, etc. [2846].
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CHOIX
Ie ne doute pas que les sieurs de Chasteauneuf et de Molé, dont Ie premier fut esleué a la charge de Ministrenbsp;d’Estat et Ie second a celle de Garde de Sceaux, ne senbsp;soumissent pour lors a ce choix qu’on faisoit de leursnbsp;personnes; auec intention de donner des preuues d’vnenbsp;gcnérosité telle que leurs seruices passez nous la fai-soient attendee des deux plus anciens officiers de lanbsp;Couronne, et de ne seconder les passions de la Reynenbsp;pour Ie restablissement du Cardinal Mazarin qu’autantnbsp;qu’ils pourroient connoistre que leur complaisance seroitnbsp;inutile a la conduite qui Ie pourroit fauoriser.
C’est du inoins la reflection de ceux qui ont estudié vn peu plus attentiuement la politique de Mme de Che-ureuse, laquelle n’ayant iamais eu de dessein de pro-téger Ie Cardinal Mazarin que pour Ie faire périr plusnbsp;infailliblement, suggéra Ie dessein de poursuiure M. Ienbsp;Prince, moins en intention de Ie pousser a bout, quoynbsp;que néantmoins elle en eust d’en estre rauie, que denbsp;rendre Ie retour du Mazarin impossible par la nécessiténbsp;qu’elle sembloit imposer a son party, de ne Ie rappellernbsp;point en Cour pendant qu’il seroit nécessaire de fairenbsp;croire aux peuples que Ie dessein de son restablissementnbsp;seroit vne fausse apparence que M. Ie Prince prétexte-roit a ses véritables desseins.
De cette pierre elle prétendoit faire deux coups; pre-mièrement elle donnoit assez de loisir a M. de Chasteauneuf de s’ancrer dans Ie Ministère et de se rendre nécessaire dans eet illustre employ, pendant que lanbsp;Cour seroit aux prises auec M. Ie Prince, dont ellenbsp;iugeoit bien que la puissance ne laisseroit iamais voirnbsp;aucun iour au restablissement du Cardinal Mazarin,nbsp;puisque la nécessité de traiter cette raison de prétexte
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deuoit tousiours estre indispensable; secondeinent elle lugeoit bien que si la passion de la Cour n’estoit pointnbsp;assez patiënte pour attendee 1’occasion fauorable a cenbsp;i’establissement, il luy seroit tres facille, par l’entremisenbsp;de M. de Cbasteauneuf, de Ie presser auec vne aparencenbsp;de zelle pour son succez, mais en effet pour Ie fairenbsp;auorter en Ie precipitant auant Ie temps.
Le premier de ces deux coups eust porté, si la passion n’eust prédominé dans le Conseil et si l’impatience denbsp;reuoir le Cardinal Mazarin n’eust oblige la Cour d’ennbsp;haster le restablissement malgré les grandes incommo-ditez qu’elle y peut préuoir, par les grands auantagesnbsp;qu’elle donne a M. le Prince de faire hautement retentienbsp;la iustice des raisons de son armement, qu’on ne scau-roit désormais trailer de prétextes, puisqu’elles sontnbsp;visibles a tout le monde.
Ainsi les plus aduisez se doutent bien que Mme de Cheureuse et son party n’ayant point reussi dans lenbsp;dessein de maintenir M. de Cbasteauneuf dans le Ministère , sur la raison qu’ils ont eu de faire voir dunbsp;danger dans le retour du Mazarin par lequel M. lenbsp;Prince deuoit estre iustifié, ils ont cru qu’après lesnbsp;efforts inutiles qu’ils ont fait pour s’y oposer, il falloitnbsp;tenter de faire triompher leurs intentions en les pi’éci-pltant par leurs conseils.
En effet, a bien considérer les affaires, il semble qu’il n’a iamais estc moins a propos de rappeler le Cardinalnbsp;Mazarin qu’il l’est auiourd’liuy, puisque, pour faire coii-damner M. le Prince dans la crèauce des Peuples, c’estnbsp;a dii'e pour letter la sollitude dans son party, il estoit
* Lcttre du Roy escrite au cardinal Mazarin [216i]; Ordre du Roy.... pour le passage du cardinal Mazarin [262S].
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CHOIX
nécessaire que toute la France ne doutast point de la sin-cérité du bannissemeat de Mazarin, dont on scauoit que l’apréhension feroit grossir Ie party de ceux qui se met-troient en posture de luy vouloir oposer des obstacles.
Voila Ie dessein de Mme de Cheureuse, de M. de Chasteauneuf et de tout son parti. Mais celuy de lanbsp;Reyne, qui se conduit par des intrigues toutes particu-lières, a esté de conclure au restablissement par d’autresnbsp;raisons : premièrement, elle a veu qu’elle auroit beaunbsp;attendee, si elle espéroit que la raison dont M. Ie Princenbsp;pretend iustifier son arniement, puisse passer pour pré-texte, tandis qu’on aura subiet de soubconner qu’estantnbsp;Ie ebef et maitresse de tout Ie Conseil, elle conserueranbsp;tousiours Ie dessein de restablir celuy qu’elle ne croitnbsp;estre chassé que par attentat; secondement, elle a iugénbsp;que deux ou trois petits auantages dont Ie bonheurnbsp;venoit récemment de fauoriser ses armes, rendoit lanbsp;precipitation de ce restablissement moins imprudente,nbsp;par la reflection qu’elle a fait, que la ionction desnbsp;troupes de Mazarin auec les siennes luy pourroitnbsp;faire espérer quelque plus notable succez; troisième-ment, elle a veu qu’il estoit fort a craindre que si cenbsp;retour estoit plus longtemps différé, M. Ie Prince ne senbsp;rendist enfin assez fort pour y former des obstacles inuin-cibles, par la grande aparence qu’il y auoit que Son Al-tesse Royale deuoit pancher de ce cóté la, et par Ie bruitnbsp;qui couroit assez probablement que les Dues de Guise etnbsp;de Nemours venoient pour grossir 1’armée de M. Ienbsp;Prince, Ie premier de six mille Espagnols 1, et Ie second
Manifeste de monseigneur Ie due de Guise touchant..,. les raisons de sa ionction auec M. Ie Prince [2369] ; Manifeste de M, Ie due de Guyse conte^nbsp;nant les véritables motifs de la leuée d'vne armeef etc. [2382].
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de quatre mille Lorrains'; quatriesmement, les Partisans du Mazarin luy ont fait entendre que ce Ministre ne pouuoit rentrer dans l’Estat que par la mesine portenbsp;par laquelle il en est sorty, et que s’il y reuenoit a la fa-ueur des troubles, il ne se pouuoit a tout rompre qu’ilnbsp;n’y demeurast enfin a la faueur d’vn accommodement.
M. de Chasteauneuf qui ne desire rien moins que ce retour, n’a pas manqué d’attaquer fortement toutes cesnbsp;raisons; mais l’opiniastreté des Mazarins pour les fairenbsp;valoir, en a empescbé Ie Iriomphe. Tellement que nenbsp;voyant plus de iour a les pouuoir combattre, il s’estnbsp;auisé de les renforcer en apparence, pour les affoiblirnbsp;en effet auec plus de succez. 11 a done consenti, malgrénbsp;ses véritables sentimens, au dessein de Raster Ie retournbsp;du Mazarin®, non pas comme on dit, parceque Ie Mazarin s’est engage par serment de renoncer pour iamaisnbsp;en sa faueur a la charge de premier Ministre d’Estat ®,nbsp;car on scait qu’il a pour première maxime de n’estrenbsp;point esclaue de ses paroles, mais paree qu’il a iugé quenbsp;la presence de ce proscrit fauoriseroit Ie dessein qu’ilnbsp;a de Ie faire périr, en procurant l’vnion de ceux qui Ienbsp;perdront infailliblement, a moins qu’ils ne Ie regardentnbsp;auec indifference.
Pour faire réussir cette politique, il a fait Ie pas-sionné pour les interests de la Reyne, en luy faisant entendre qu’estant du moins moralement impossiblenbsp;d’arracher Ie Cardinal Mazarin d’entre les mains de
* nbsp;nbsp;nbsp;Entrée et la marche de ïarmee de monseigneur Ie due d^Orléans , etc.nbsp;[1227] ; Lettre da Roy escrite a son Parlement de Paris sur f entree des Es~nbsp;Pagnols, etc. [2162].
* nbsp;nbsp;nbsp;Articles accordez entre MM. Ie cardinal Mazarin ^ Ie Garde des sceauxnbsp;^itateauneuf, etc. [4'02].
Ecttre de M. Ie cardinal Mazarin a M. Ie Préuost des marchands [1985].
-ocr page 360-350 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
tant d’ennemis qui sembloient estre sui’ Ie point de se liguer, il estoit a propos de leur lier les bras par lesnbsp;auances de quelque composition auantageuse.
Ce conseil n’a pas esté désaprouué, quoy qu’en effet il soit trés dangereux pour Ie Cardinal Mazarin, auecnbsp;lequel tout Ie monde scait qu’il n’est pas asseuré de trailer ; et pour Texécuter promptement, la carte blanche anbsp;esté presentee a Son Altesse Royalle et a M. le Prince,nbsp;a celuy la pour le traité du Manage de Mademoisellenbsp;d’Orléans, sa fdle, auec Sa Maiesté, et a l’autre pournbsp;I’enterinement de toutes les propositions qu’il pourranbsp;faire; et tout cela a condition qu’ils cesseront tons deuxnbsp;de s’opposer au retour du Mazarin, auec protestationnbsp;qu’il ne sera iamais parle de luy redonner le gouuerne-ment de I’Estat.
Qui ne iugeroit que cet aduis part d’vne passion sincere pour le restablissement du Mazarin ? mais si Ton veut prendre la peine d’en considerer I’intrigue auecnbsp;plus de reflection, ne iugera-t-on pas que M. de Chas-teauneuf pretend faire connoistre la foiblesse et le des-espoir du Mazarin par les propositions aduantageusesnbsp;qu’il luy fait auancer d’vn accommodement, lors mêmenbsp;qu’il sembleroit deuoir estre en estat de se remettrenbsp;malgre les resistances de tons ses ennemys, pour lesnbsp;obliger par cette connoissance qu’il leur donne de lanbsp;foiblesse de Mazarin , a conspirer plus fortement contrenbsp;luy, que plus ils ont suiet d’en esperer vne glorieusenbsp;défaite ?
La raison que M. de Chasteauneuf a d’esperer que ces propositions de la Cour, quelque avantageuses qu’ellesnbsp;semblent estre, seront rebutees néantmoins de Son Al'nbsp;tesse Royale et de M. le Prince, c’est qu’il a remarque
DE MAZAUINAÜES. nbsp;nbsp;nbsp;351
dans la conduite du Cardinal Mazarin que les belles pi'omesses seruent de bonne aparence a ses fourberiesnbsp;ordinaires lorsque sa fortune est réduite au désespoir, etnbsp;que cette mesme connoissance que Son Altesse Royalenbsp;et M. Ie Prince en ont, ne inanquera pas de les leur fairenbsp;fenuoyer, auec dessein cependant d’en tirer auantagenbsp;par vne plus forte et plus parfaite intelligence.
Ce n’est néantinoins plus Ie seul motif de cette belle intrigue. Ce grand personnage a iugé que pour liguernbsp;plus intimement Son Altesse Royale et M. Ie Prince,nbsp;u’est a dire pour perdre Ie Cardinal Mazarin, il falloitnbsp;tacher de leur faire porter des propositions qui Assent connoistre qu’ils n’agissoient en cette conioncturenbsp;que par le seul motif de leurs interests particuliers , afinnbsp;que leur générosité se trouuant rebutee de cette creance ,nbsp;se roidit d’autant plus fortement contre toute sorte denbsp;Composition, que plus elle auroit raison de craindre quenbsp;le decry de son estime ne s’en suiuit.
Quoy qu’il en soit de tous ces motifs, la proposition du mariage de Mademoiselle d’Orleans auec le Roy n’anbsp;este receue de Son Altesse Royalle que comnie vne vieillenbsp;Intrigue qui ne pouuoit desormais plus seruir qu’anbsp;cffarer son imagination, et qu’il n’estoit en estat de re-garder que comme le masque de toutes les fourberies dunbsp;l^azarin. Et M. le Prince n’a non seulement pas voulunbsp;^scouter les auantages qu’on luy faisoit offrir; maisnbsp;*itesme il a tesmoigne que la seule proposition luy ennbsp;^sioit honteuse, puis que n’ayant iamais eu autre desseinnbsp;dans son armement que celuy de restablir I’authoritenbsp;^oyalle et de procurer le repos a I’Estat par la ruine denbsp;Son perturbateur, 1’honneur ne luy permet pas sans dé-luentir les auances de ses premiers intentions, d’en-
352 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
tendre iamais a aucune sorte de traité, a moins que Ie premier article ne conclue d’abord a la proscription dunbsp;Cardinal Mazarin.
Depuis eet intrigue, les affaires n’ont point change de posture, quoy que les Mazarins bien surpris de cettenbsp;fermeté de Son Altesse Royalle et de MM. les Princes,nbsp;n’ont pas manqué d’en rechercher de nouuelles pournbsp;rasseurer la fortune de leur Maistre. Mais 1’impuissancenbsp;d’en pouuoir rencontrer qui soient assez efficaces, lesnbsp;oblige de consulter Ie désespoir et de hazarder, quoyquenbsp;dangereusement, la voye des armes pour Ie restablisse-ment de leur Mazarin.
(28 janvier 16S2.)
11 n’y a personne en France qui ne s^ache Ie miserable estat auquel Ie Royaume est réduit, et ne préuoye lesnbsp;voleries, inceiulies, violernens, desolations et cruauteznbsp;qui s’y vont commettre, auec des sacrileges et impiéteznbsp;abominables, et Ie peril que court la sacrée et Royalenbsp;Personne du Roy d’estre enleuée du milieu de la France,
* Arrêt de la Cour de parlement donné contre Ie cardinal Mazarin, public Ie 30 décembre 1651 [303]. On lit dans la Relation contenant la suite etnbsp;conclusion du iournal de ce qui s’est passé au Parlement, etc. [3097] que 1®nbsp;1**^ juin 1652 les Enquêtes demandèrent pour la troisième fois Tassembleenbsp;des cliambres afin d’aviser aux moyens de trouver les cent cinquant®nbsp;mille livres pour Ie prix de la tête de Mazarin, disant qu’il y avait desnbsp;gens prêts a faire Ie coup, pourvu que la somme fut mise en mains tierces.
-ocr page 363-DE MAZARINADES. nbsp;nbsp;nbsp;353
d entre les bras de tant de millions de Subiects et fPestre enirnenée en Pays estranger ;
Que Ie Cardinal Mazarin ayant esté reconnu Ennemy du Roy et de l’Estat, sur la plainte vniuerselle et sur lesnbsp;continuclles clameurs de tous les Peuples, n’ayt esté declare tel par tous les Parlemens du Royaume, aueenbsp;deffence de iamais y rentrer. 11 y est ncantmoins rentrénbsp;3 main armee , auec orgueil, insolence etfureur, commenbsp;Vn autre Attila, fléau de Dieu, menassant de mettre toutnbsp;8 feu et a sang pour assouuir sa vengeance et faire inhu-mainement périr tous les sages Parlemens qui Tont sinbsp;mstement condamné, et tous ceux qui n’ont voulu recon-•toistre et adorer ce Tyran.
A cause de quoy certains bons Francois, fidèles Subiects du Roy, aymans sa Royak ct sacrée Personne et Ie salut de leur patrie, voyant que Ie Tyran Mazarin estnbsp;i’vnique et malheureuse cause de tant de maux et misères, se sont associez, coniurez et déuouez pour exécu-ter tous les Arrests du Parlement de Paris et de tous lesnbsp;^litres Parlemens du Royaume, pour chasser du corp:nbsp;de l’Estat eet Esprit immonde du Mazarin par tous lesnbsp;^myens qu’il se pourra, et ne désister iamais de cettenbsp;saincte et salutaire entreprise qu’elle ne soit exéculée,nbsp;'luelques obstacles, empeschemens et difficultez qui s’ynbsp;puissent rencontrer.
Le tout a la gloire de Dieu, a l’honneur du Roy, au i’ien de I’Estat et a la tranquillité publique.
Pour eet effet, ils ont institué vne Croysade et fait les ^ktuts qui en suiuent :
Au NOM DU Père, du Fils et du Sainct Esprit , Amen.
Ï'C sainct nom de Dieu sera réuércminent et conti-n. nbsp;nbsp;nbsp;23
-ocr page 364-354 nbsp;nbsp;nbsp;CHOlX
nuellement inuocqué, et la conduite de son Sainct Esprit déuotement implorée pour les fins de la présentenbsp;Croysade.
II sera tous les iours dit trois Messes par les trois Chapelains de la Croysade, l’vne a six heures du inatin,nbsp;a Thonneur de la trés Saincte Trinité; 1’autre a hulctnbsp;heures, a l’honneur et mémoire de la Mort et Passion dunbsp;Fils de Dieu, nostre Rédempteür; et l’autre a dix heures,nbsp;a l’honneur du Sainct Esprit pour obtenir son assistance.
Ilf
Chacun des associez, coniurez et déuouez tachera d’entendre vne de ces trois Messes; sinon, il dira ennbsp;priué a quelque heure du iour vn Pater et vn Ave Marianbsp;a l’intention et fin de la Croysade.
II sera fait voeu et serment d’Vnion, de Secret, de Fidélité et de Perséuérance par ceux qui cy après entre-ront en cette Croysade, sur l’Autel ou se dira l’vne desnbsp;Messes, et sur la Croix et Missel qui y seront, ainsi quenbsp;ceux qui se sont présentement associez, coniurez et déuouez, ont fait et suiuant la formule qui en a esté dictee.
Ce serment sera receu par Ie Chapelain qui dira la Messe, en presence de l’vn des Directeurs de la Croysadenbsp;et d’vn autré associé.
Il y aura sept Directeurs de la Croysade, qui auront la conduite et disposition de toutes choses, mesme desnbsp;trois cent mille liures que des personiies puissantes ont gt;nbsp;par vn grand zèle et piété, asseuré pour les nécessitez etnbsp;bonnes fins de la Croysade.
Les Directeurs de la Croysade receuront en icelle toutes sortes de personnes, de quelque condition qu’ellesnbsp;soient, pourveu qu’ils soient Francois naturels, qu’dnbsp;leur paroisse qu’ils ayment véritablement Ie Roy et Ienbsp;Royaume poür lesquels la Croysade est instituée.
-ocr page 365-DE MAZARIiNAüES. nbsp;nbsp;nbsp;3S5
Les associez, coniurez et déuouez ne se uoinineront ny descouuriront iamais les vns aux autres pour quelquenbsp;cause et occasion que ce soit.
Ils ne demanderont ny n’admettront iamais aucune dispense du serment et du vceu qu’ils auront fait, maisnbsp;s’y tiendront ferme moyennant la grace de Dieu, iusqu’anbsp;souffrir la mort s’il y escheoit.
Que du susdit fonds de trois cent mille liures qui a esté mis ès mains des Directeurs, et de toutes les autresnbsp;sommes de deniers dont il pourra estre cy apitS aug-menté, il en sera baillé ce qu’ils iugeront conuetiablenbsp;aux différentes per-sonnes des associez, coniurez et déuouez qui sous diuers prétèxtes et par diuers moyensnbsp;yront trauailler aux fins de la Croysade.
Les pauures d’entre les associez, coniurez et déuouez seront secourus du Trézor de la Croysade de tout cé quinbsp;sera nécessaire a leur entretien, spécialetnent Cv-uX quinbsp;entreprendront d’exécuter par leurs propres mams cenbsp;qui conuient au bien public.
II ne sera entrepris et exécuté que sur la pérsonné du Tyran Mazarin.
Si la lustice de Dieu Ie ounit par Ie moyen de la Croysade et par les mains de quelqu’vn des associez, coniurez et déuouez, les autres qui trauailloient a cette fin sans se connoistre ny communiquer, s’arresteront et nènbsp;passeront plus auaiit.
II ne sei'a rien escrit soit des noms et des personnes des associez , coniurez et déuouez, soit des ordres, mémoires , instructions, disnositions et diligences, ny autresnbsp;choses généralement quelconoües| mais Ié tout se feranbsp;verbalement.
Les sept Directeurs auroiit vil conseil de sept autres
-ocr page 366-356
CHOIX
associez^ coniurez et déuouez, auec lequel ils; asseii bleront vn iour de chacun mois pour Iraitter des affairesnbsp;de la Croysade.
Qu’en ces Assemblees se résoudra la continuation ou changement et eslection d’autres Directeurs et conseil-lers, ainsi qu’il sera iugé conuenable.
Les sept Directeurs s’assembleront parliculièrement vn iour de cbacune sepmaine; et l’vn d’eux choisi etnbsp;nommé par les autres aura la garde du Trésor qu’i! dis-tribuera selon l’aduis des autres, saus ordonnance nynbsp;quittance par escrit.
Le Trésor de la Croysade venant a diminuer a cause de Tentretènement des associez, coniurez et déuouez,nbsp;qui entreprendront la deffaite du Tyran Mazarin parnbsp;leurs propres mains, ou par leur Industrie et disposition,nbsp;et par tels instruments qu’ils verront bon estre, les Directeurs pouruoiront ausuplément des fonds par les voyesnbsp;certaines qu’ils scauent, en telle sorte qu’il y ait tousioursnbsp;dans le coffre de la Croysade vn fonds de deux a troisnbsp;cens mille liures pour le moins.
L’exécution des Arrests contre le Tyran Mazarin estant faite, il sera payé a celuy qui l’aura fait, la somme denbsp;cent mille liures outre et pardessus les cent cinquantenbsp;mille liures qui sont asseurez de la part du Parlement,nbsp;et si celuy qui fera ce coup glorieux, mouroit dans Taction , la mesme somme sera payée a sa veufve, enfans etnbsp;héritiers.
Si quelqu’vn des associez, coniurez et déuouez, de ceux qui entrepi’endront la ruine du Tyran Mazarin,nbsp;estoit découuert ou surpris auant Texpédition et que lanbsp;rage du Mazarin se portast a le faire mourir, il seranbsp;donné a sa veufue, enfans et héritiei's , la somme de cin
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*ïuante mille liures, pourueu qu’il ne découure rien des dispositions de la Croysade et ne se déparle du serment.
Le fonds qui se trouuera dans Ie coffre de la Croysade au temps de l’exécution du Tyran Mazarin, après lenbsp;payement des recompenses qui seront deues , sera fidélenbsp;ment distribué entre ceux des associez, coniurez et dë-uouez qui estoient particulièrement employez a icelle; anbsp;quoy les Directeurs procèderont auec prudence et lustice,nbsp;ayant esgard aux diffërentes dispositions, engagemensnbsp;et natures des entreprises.
Que les grands et puissans qui se sont dés maintenant associez, coniurez et dëuouez, et ceux de leurs qualiteznbsp;qui entreront cy après en la présente Croysade , estime-ront et chériront les petits qui sont aussi a présent associez , coniurez et déuouez, et qui seront receus cy aprèsnbsp;dans la Croysade, et leur feront toute sorte de bonnbsp;traittement comme a bons et fidèles confrères, en tellenbsp;sorte qu’entre les vns et les autres il y aye bien-veillancenbsp;et assistance, respect et seruice chacun endroit soy»
Que les présens Statuts seront inuiolablement gardez et obseruez par les associez, coniurez et déuouez présensnbsp;et a venir sur peine de l’honneur et de la vie.
Ainsi a esté promis et solemnellement iuré par soixante dix persoiines de toutes conditions, gensnbsp;de hien et d'lionneur, bons Francois et fidèles ser-uiteurs du Roy, au mois de lanuier de Vanne'enbsp;^ mil six cent cincjuante deux.
Ensuit la formule du voeu et serment solemnel.
Ie, N..., promets a Dieu le Créateur, en présence de tous ses Anges, d’entretenir, garder et obseruer moyen-nant sa grace tous les Articles des Statuts de la Croysade
-ocr page 368-faite pour Ia consei’uation clu Roy et du Royaume, et pour l’entière execution des Arrests solemnels des Parle-rnens du Royaume contre Ie Cardinal Mazarin, en la-quelle Croysade i’ay esté receu associé, coniuré et dé-uoué, de quoy ie fais voeu et serment solemnel sur eetnbsp;Autel- Crqix et Saincts Euangiles, et pour eet effet d’em-ployer, s’il est besoin, toutes mes forces et tout monnbsp;sang, sans y inanquer ny contreuenir sur peine de l’hoit-neur et de la vie. Ainsi Dieu me soit en ayde!
ADVERTISSEMENT.
Ceux qui par la grace de Dieu auront assez d’amour pour Ie Roy et pour la Patrie et désireront enti’er en Ianbsp;présente Croysade, auec les soixante dix associez, con-iurez et déuouez qui y sont a présent, sont aduertis qu’ilsnbsp;n’ont qu’a approuuer la Croysade et louer les Statutsnbsp;d’icelle en tous leurs discours et dans les conuersationsnbsp;familières, compagnies et assemhlées oü ils se trouue-ront, et uue , perséuérant dans ce désir et langage, ilsnbsp;seront, vn iour, abordez et entretenus par vn des associez , coniurez et déuouez qui les aura ouys, obseruez etnbsp;bien considérez, sans estre connu ny soupeonné, lequelnbsp;les conduira ou il eonuiendra pour estre receus en lanbsp;sainete et salutaire Croysade; en quoy il n’y a aucunenbsp;despense a faire, y ayant desia fond§ notable et suffisantnbsp;pour subuenir a toutes cbpses.
Soiï Ie tout a la gloire de Dieu, a l’honneur du Roj, au bien de l’Eslat et a la tranquillité et utilitenbsp;publicjue.
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DE MAZARINADES,
(20 avril 1652.)
Dans les temps oü règne la verin, on peut inger des liommes par leur deuoir; dans les siècles corrompus etnbsp;qui portent pourtant des gens habiles, on en dolt iugernbsp;par les intérests ; dans ceux dans lesquels il se rencontrenbsp;beaiicoup de déprauation auec peu de lumière, commenbsp;est celuy pu nous viuons, 11 faut ioindre les inclinationsnbsp;des hommes auec leurs intérests et faire de ce meslangenbsp;la regie de nostre discernement. Ie pretends sur cettenbsp;maxime rendre iusticea la vérité, que l’on enseuelit plus-tost que l’on ne l’esclaircit, par des raisons assez souuentnbsp;chimériques,appuyées sur des faits tousiours obscurs; etnbsp;ie m’imagine que l’on conuiendra aisémentque la mesurenbsp;dont ie me sers pour la connoissance de ceux qui sontnbsp;présentement sur Ie theatre, n’est pas la moins cerrnbsp;taine.
Si M. Ie Prince eust bien connu ses intérests, il eust esté persuade qu’il n’en auoit point de plus grand aunbsp;monde que de viure selon les deuoirs de sa naissance;nbsp;s’il eust sceu mespriser de foibles aduantages qu’il tiroitnbsp;dans les premières années de la Régence par la complai-:nbsp;sauce qu’il auoit pour Ie Ministère, il eust arresté sansnbsp;peine ce débordement, pour ainsy parler, de la faueurnbsp;qui a failli d’enseuelir l’Estat au commencement dans lanbsp;lyrannie , et depuis dans la confusion; il ne se fust pas
' Ils sont du Cardinal de Rctz qui les avone dans ses Memoires.
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donné la haine publique par Ie siège de Paris et par Ia protection du C. M.; et 11 ne se fust pas mis en suitenbsp;dans la nécessité de roinpre ce sacré noeud qui doit vnirnbsp;la Maison Royalle, pour s’opposer a vne puissance qu’ilnbsp;auoit luy-inesme esleué puisqu’il en auoit souffert Fex-cez. II est done vray que sa conduite a esté contraire anbsp;ses interests; et ses fautes en ce poinct ont esté produitesnbsp;par son inclination qui 1’a porté auec tant de violence anbsp;de petits ménagemens indignes de sa naissance qu’ellenbsp;luy a osté la lumière nécessaire pour discerner ce quinbsp;estoit de ses véritables aduantages. Cela supposé, il n’estnbsp;pas malaisé de connoistre quels sont présentement les interests de M. Ie Prince, puisqu’il n’est pas possible qu’ilnbsp;ne puisse et qu’il n’embrasse ceux auxquels sa conduitenbsp;passée l’a engage et qui de plus sont conformes a son naturel. Tout Ie monde conuient par les experiences pas-sées et par ce que nous voyons nous-mesmes auiourd’huy,nbsp;qu’il y a vn peu trop d’auidité dans l’esprit de M. Ienbsp;Prince ; et il y a beaucoup d’apparenceque si lesgrandesnbsp;victoires qu’il a remportées autresfois contre les ennemisnbsp;de l’Estat,n’ont pu remplir son coeur au poinct qu’il n’ynbsp;demeurast tousiours beaucoup de place pour d’autresnbsp;mouuernens bien éloignez de ceux qui font gagner lesnbsp;batailles, il y a, dis-ie, beaucoup d’apparence qu’ilnbsp;n’aura pas les sentimens plus épurez dansvn temps oü ilnbsp;faut que ses amis aduouent qu’il n’a pas tant de suietnbsp;q’uil n’en a en autresfois, d’esleuer son esprit par lanbsp;veue de ses Lauriers et par la consideration de ses tro-phées.
S’il est done vray que l’inclination de M. Ie Prince soit de considérer tousiours les petits interests, il est anbsp;présumer et mesme a croire que sa conduite suiura a ce
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DE MAZARINADES.
suiet sou naturel. Et ie ne fonde pas cette opinion sur vne conuiction , mais sur Ie particulier de ce que i’ay re-ntarqué dans ces derniers troubles. Nous n’auons pointnbsp;veu que M. Ie Prince se soit pu résoudre depuis troisnbsp;iHois a faire la chose du monde qu’il scait Ie mieux, qui estnbsp;la guerre; nous n’auons point veu que les plaintes d’vnenbsp;belle armee qui dépérissoit par son absence, l’ayent punbsp;obliger a faire vn pas qui pust arrester les négociations;nbsp;nous n’auons point veu que l’apréhension de la perte denbsp;Sa reputation dans les peuples ait eu la force de Ie touchernbsp;iusques au point de I’empescher vn seul moment de traitternbsp;avec Ie Cardinal Mazarin. Cette conduite qui a paru ab-solument contraire a tontes les regies de la veritable Politique, ne peut auoir de source que dans ces mesmesnbsp;niaximes qui Font porté dans les temps paisibles a ne pasnbsp;soustenir auec assez de dignité la qualité de Prince dunbsp;Sang et qui font que dans les troubles il ne remplit pasnbsp;les deuoirs d’vn bon Chef de party. Et de la toutes cesnbsp;fansses mesures, et de la ce peu d’aplication a donnernbsp;1’ordre aux choses, a maintenir les armées, a soustenirnbsp;la reputation de la cause, a mesnager les peuples, a sa-lisfaire ses amis et sesseruiteurs; et de la toutes ces négociations auec Ie Cardinal Mazarin qui ont ietté Ie publicnbsp;dans la defiance et dans l’aigreur et qui ont cause dunbsp;chagrin en paroles et la lethargie en effet.
Ces mauuaises productions d’vne mauuaise cause fi-Cent tenir a Monsieur Ie Prince, par nécessité, la conduite qu’il auoit prise par choix. I.e peu d’ordre qu’il a luis dans son party, fait qu’il ne peul pas estre assez puissant pour se rendre Ie maistre des affaires; Ie grandnbsp;cclat qu’il a fait contre la Cour, fait qu’il n’y peut plusnbsp;prendre de confiance que par des eslablissemens qu’il
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aura tousiours tlessein d’obtenir et qu’il n’obtiendra pourtant iamais; paree qu’il n’a pas pris ses mesures asseznbsp;iustes, OU pour se les procurer par la douceur, ounbsp;pour les acquérir par la consideration du party qu’il anbsp;formp.
Il est done éuident que M. Ie Prince s’est impose a luy-mesme, par sa mauuaise conduite, la funeste néces-sité de conseruer tousiours Ie Cardinal Mazarin pareenbsp;qu’il ne peut auoir d’espérance de faire réussir ses des-seins que sous vn ministère aussy foible que Ie sien, etnbsp;de perpétuer la guerre en France paree qu’il ne peutnbsp;auoir de paix auec luy, oii il trouue sa seureté , que parnbsp;des establissemens qui ne pouuoient estre apcordez qu’anbsp;la force du party qui a perdu toute sa vigijeur par Ienbsp;peil d’ordre qu’il y a mis. II est done vray que l’intérestnbsp;nécessaire de Monsieur Ie Prince est de conseruer Ie Mazarin et de rompre en toute occasion la paix.
II faut auouer qu’il y a beaucoup de raison dans Ie reproebe que l’on fait au Cardinal de Retz, de n’auoir pasnbsp;connu ses véritables interests quandiln’est pas demeurénbsp;précisément dans les bornes de sa profession; et il estnbsp;certain que s’il ne se fust seruy des talens que Dien luynbsp;a donnez, que dans les foiictions Ecclésiastiques, il eustnbsp;réussi dans la réputatiop des hommes d’vne manière quinbsp;n’eust pas esté a la vérité si releuée, mais qui luy eustnbsp;donné plus de douceur, qui eust esté exposéea beaupoupnbsp;moins d’enuie et qui sans contredit eust eu plus d’appro-bation parmy toutes les personnes de piété. A parlei'nbsp;chrestiennement, ce raisonnement est iuste, quoy qu’ilnbsp;puisse receuoir des exceptions et qu’il soit véritable quenbsp;Ie Cardinal de Retz n’est point blasmable, mesme selonnbsp;les regies les plus estroites, s’il se trouue en effet qu’il
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esté engage dans les affaires (comme il a paru par Ie ®iège de Paris dont les interests luy doiuent estre si cliers),nbsp;’ion pas seullement par la politique, mais mesme par lanbsp;’'aison et par Ie deuoir, que l’pn peut dire auec iusticenbsp;’l’i'il ne s’est pas ietté par choix dans les emplois dunbsp;iiionde, mais qu’il y a esté emporté par son obligation.
Ce qui a fait croire qu’il n’y a pas esté force par Ja pure nécessité, est cette pente naturelle que l’on a tous-’oiirs remarquée qu’il auoit aux grandes choses. II estnbsp;difficile de distinguer la gloire de l’ambltion. Elles ontnbsp;Souuept les mesmes effets; elles viennent presque tous-gt;ours de mesme cause; elles ne se rencontrent presquenbsp;iamais que dans les esprits de mesme trempe. Ie voy qu’ilnbsp;y a partage dans Ie monde, laquelle de ces deux passionsnbsp;^st Ie principedes actions de Monsieur Ie Cardinal deRetz.nbsp;ïous ceux qui ne Ie connoissept pas dans Ie particulier,nbsp;font Ie iugement que l’on fait d’ordinaire de tous ceuxnbsp;^ui sont dans les grandes affaires, qui est qu’ils n’ont nynbsp;de régies ny de bornes que celles qu’ils cherchent dansnbsp;^’ambition et qu’ils n’y i-encontrent iamais. Ie voy heau-ooup de gens qui Tapprochent et qui croyent auoir pé-nétré son naturel, qui sont persuadez qu’il est plus tou-par la gloire des grandes actions que par l’amour desnbsp;'^ignitez.
Les premiers fqndent leur opinion sur la mt^xime gé-ttéralle et qui re9oit a la vérité fort peu d’exception, et la dignité de Cardinal a laquelle ü s’est esleué dans vnnbsp;ou l’on a veu peu de particuliers y estre paruenus.nbsp;I^es derniers se confirment dans leurs pensees par ]e mes-Pris que Ie Cardinal de Retz a fait toute sa vie du bien,nbsp;’lui est pour l’ordinaire fort recherché par lesambitieux,
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paree que c’est Tinstrurnent Ie plus propre pour faire réussir leur passion; et adioustons de plus que Ie cardi-nalat en la personne d’vn Archeuesque de Paris n’estnbsp;qu’vne suite fort ordinaire de sa dignité. Lequel qu’ilnbsp;ayt suiuy de ces deux principes , il ne nous est pas malnbsp;aisé de discerner oii sont ses interests. S’il agit par l’a-mour de la gloire, peut-il rien souhaitter auec tant denbsp;passion que I’accomplissement entier de l’ouurage auquelnbsp;11 a tant contribué, de l’expulsion du Cardinal Mazarin,nbsp;puisqu’il a tiré iusques icy la plus grande partie de sonnbsp;esclat de l’opposition qu’il a eue auec ce Ministre? Peut-il rien désirer auec tant d’ardeur que la paix et Ie repos,nbsp;laquelle, s’il y contribue, effacera ce qui peut estre de-meuré d’enuie et de reproche dans l’esclat qu’il s’est acquis dans les troubles et dans les agitations de l’Estat? Etnbsp;si Ie Cardinal de Retz n’a pour regie de sa conduite quenbsp;son ambition, ie Ie trouue néantmoins heureux en vnnbsp;poinct, que s’il prend bien ses inte'rests, comme il faiitnbsp;auouer que iusques icyil les a assez bien entendus, il nenbsp;peut en auolr de veritable et par Ie bon sens et par sa conduite passée qu’a chasser Ie Cardinal Mazarin qui luy estnbsp;vn grand obstacle par la puissance qu’il a dans la Cour,nbsp;et qui par son seul nom, donne plus deforce a Monsieurnbsp;Ie Prince (des interests duquel Ie Cardinal de Retz est fortnbsp;esloigné) que des armées entières; et qu’a procurer lanbsp;paix et particuliere et généralle qui donne l’abondance anbsp;Paris, dont la grandeur estautant son aduantage que ce-luy du public et qui conserue Ie lustre a toutes les grandesnbsp;dignitez Ecclésiastiques, pareilles acelle dont est reuestunbsp;Monsieur Ie Cardinal de Retz; a quoy i’adiouste que 1®nbsp;Cardinal de Retz ayant eu depuis quatre ans tant de partnbsp;a toutes les actions qui ont esté agréables au public : a la
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defense de Paris, a lapaix de Bourdeaux, a lalibertédes Princes, a l’esloigneraent du Cardinal Mazarin, et n’ennbsp;syant euaucune a tout cequ’il y a eude foible et de tra-gtque a la conduite de ce party : au massacre de THostelnbsp;de Ville ‘, a la desolation de nos campagnes, a l’oppres-^•on de Paris, il a vn très-particulier intérest que lesnbsp;affaires finissent paree qu’il en sortauec beaucoup d’hon-öeur et paree que ses ennemis ne les achèuent qu’auecnbsp;honte, liaine et confusion. Il est done vray que son interest est l’esloignement du Cardinal Mazarin et la paixdunbsp;Poyaume.
Ie ne m’estendray point sur les interests de Monsieur Due de Beaufort: il ne lesconnoist pas assezluy-mesmenbsp;pour scauoir en quoy ils consistent •, ny sur ceux de Messieurs de Chauigny et de Longuell et pareüs négociateurs:nbsp;ds ne sont pas assez considerables pour auoir place én cenbsp;deu et pour donner quelque bransle aux affaires; et ienbsp;croirols manquer a la vérité et au respect que ie dois anbsp;Monsieur leDuc d’Orléans, si i’osoisseullement mettre sonnbsp;tiom dans vn ouurage qui porte Ie titre d’Intérest, puis-^Ue toute l’Kurope auoue qu’il n’en a iamais eu d’autresnbsp;luelebien de l’Estat, Ie seruice du Roy, Ie soulagementnbsp;des peuples et la tranquillité publique.
* Ceci montre que les Intérests du temps auraieiit du être rejetés après 4 juillet, dans la Viste chronologique des Mazarinades
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CHOIX
(31 mai 1682.)
Tous les Cheualiers de la Paille,
Estant receus, sont auertis D’exterminer cette canaillenbsp;De Mazarins, grands et petits;
De eroire que son Éminence Est Ie veritable Antéchrist;
Que c’est vertu, non pas offense,
D’auoir la teste du proscrit;
Contre luy d’vn Arrest fort iuste *
Demander l’exécution Sur qui nostre monarque augustenbsp;A fait sa declaration ^ •
Abiurer Ie Mazarinisme Qui s’est dans la Cour introduit,
Comme vne erreur ou bien vn schisine Qui beaucoup d’esprits a séduit;
Que Ie Coadiuteur qui lorgne Pour estre ministro d’Estat,
Aussi bien que Seruien, Ie borgne,
Est de la Fronde vn apostat;
-ocr page 377-N’a point d’autre but que la paix Et que le Cardinal ^detalenbsp;Hors de la France pour iamais j
Criant : Viue le Roi de France! Viuent les princes de Bourbon!nbsp;Point de lule ! point d’Eminence !nbsp;Iamais Cardinal n’y fust bon.
Quand ils seront a la tauerne, Ils boiront tons a la santénbsp;Du Prince, et que le diable bernenbsp;Et lule et sa postérité!
L'Ordre et cérémonie qui se doit ohseriier, tant en la descente de la Chdsse de Saincte Germ-idefue, Patronne de Paris, qu en la Procession d’icelle, qui se fera Mardy 11 de juinXGóélnbsp;pour ohtenir de Dieu la Paix Généralle [2626]
' On trouvera dans la Liste chronologique des Mazarinades, sous la date quot;la 11 juln 1652, les litres d’une douzaine de pieces qui ont élé publiéesnbsp;* eette occasion. Treize chiSses accoinpagiiaient, a la procession géné-^®le, Celle de sainte Geneviève ; saint Marcel; saint Aure, it Saint-Eloy ;nbsp;Saint Magloire, aux Pères de I’Oratoire du faubourg Saint-Jacques;nbsp;®aint Landry, a Saint-Germain 1’Auxerrois; saint Martin èt le chef denbsp;saint Paxan , a Saint-Martin des Champs; saint Merry; saint Honoré,nbsp;sainte Opportune, le chef de saint Benoit, saint Médard et saint Hippo-^yte. ha Liste et les miracles arriuez aux descentes de la chaasse de Sainte Ge-'^^uiefue, etc. [2316],
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qu’il y a trois principales causes pour lesquelles nous honorons les Saincts en ce monde. La première est fon-dée sur ce que dit sainct Paul en l’Epistre aux Romains,nbsp;chap. 2: Gloire ethonneur a celujquiceuure Ie hien et Ienbsp;meten action. Car si les Païens et Ethniquesontesté tel-ment curieux et adonnez a célébrer la mémoire dVnnbsp;Socrate , d’vn Achille, d’vn Hector et de plusieurs autresnbsp;pour leurs vertus et excellences (lesquelles toutes fois nenbsp;sont rien au regard des nostres, d’autant, comme ditnbsp;Lactance, que toute leur lustice est comme vn corpsnbsp;sans chef, estant hors la connoissance du vray Dieu);nbsp;h plus forte raison deuons nous faire résonner et retentirnbsp;les louanges de nos Saincts et Sainctes, lesquels n’ontnbsp;point seullement reluy et excellé en vertus humaines ,nbsp;ains ont esté douez d’vne Foy diuine, d’Espérance etnbsp;Charité , qui sont les trois vertus Théologalles et diuines.nbsp;La seconde est a l’imitation de ludith, laquelle aprèsnbsp;auoir excite son peuple a la penitence, elle obtint enfinnbsp;lavictoire dessus Holofernes; de mesme en nos processionnbsp;et ieusnes nous pouuons appaiser Tire de Dieu iustementnbsp;irrité contre nous pour nos iniquitez. La troisiesme qu’im-plorant la miséricorde dece bon Dieu, nous nous adres-sons a sa bienheureuse Mère et a sa chère Espouse Sainctenbsp;Géneuiefue pour obtenir par leurs prlères ce que nousnbsp;ne sommes pas dignes de demander. Et me semble quenbsp;durant Ie grand miracle des Ardans, il se fit vne procession oil la Chaasse fut descendue et portee en l’Eglisenbsp;N. D. de Paris pour la première fois, et depuis conti-nuée en la mesme sorte iusques auiourd’huy, qu’il seranbsp;for t a propos d’en faire vn brief discours, tant sur lesnbsp;Cérémonies obseruées en la descente de la dite Chaasse,nbsp;que de l’ordre tenu en la Procession d’icelle.
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Premièrement a esté de tout temps pratique que Iprs-qu il est question de descendre Ie Corps Sainct de la dite Vierge, pour porter hors son Église en Procession, ilnbsp;faut que ce soit a la requeste et publication de Messieursnbsp;les Preuost et Escheuins de la ville de Paris, qui viennentnbsp;présenter leur requeste a Messieurs de Nostre Dame , etnbsp;Ce pour quelque vrgence, nécessité ou peril qui soit aunbsp;dommage de la République.
De plus, il faut vn Arrest de Messieurs de la Cour de Parlement; et il faut qu’ils promettent auant que riennbsp;se face, de ne laisser passer aucune chose due a l’hon-neur de la dite Saincte. Car c’est vne maxime généralle,nbsp;ratifiée de toute antiquité , que la dite Procession tantnbsp;au partir qu’au retour doit estre faite auec tout honneurnbsp;et réuérence.
Parquoy Messieurs de Nostre Dame d’vne part, ayant fait leur requeste envers Monsieur l’Abbé et lesnbsp;Religieux de Saincte Geneuiefue d’autre part, si la causenbsp;est nécessaire, ils ne peuuent aucunement estre refusez ,nbsp;Veu que c’est Ie refuge et confort des Parisiens en leursnbsp;nécessitez.
Enfin Ie iour estant pris dVne part et d’autre pour faire les Processions, on fait aduertir toutes les Paroissesnbsp;par Messieurs les Archiprestres de la Magdeiaine et denbsp;Sainct Séuerin pour faire commencerles dites Processions.
D;
La première Procession se fait de la sorte qui suit; c’est que chaque Paroisse et Monastère vont directementnbsp;3 N.-D. de Paris et de la en PEglise de Saincte Geneuiefue , OU la messe est cbantée par Messieurs de Nostre
ame.
La messe ditte , il faut que Monsieur rArcheuesque se transporte au Cbapitre, accompagné du corps de son
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Église, pour declarer par deuant Messieurs les Religleux et Nottaires Royaux qu’il n’innouera rien et qu’il ne pretend aucune lurisdiction sur lesdits Religieux.
Et le iour qu’elle est portee en Procession, on doit tenir les rues par ou passe le Corps Sainct, le plus nette-inent que faire se peut, plus, tapisser deuant les maisonsnbsp;comme le iour de la Feste-Dieu.
Or cependant les Religieux doiuent, en attendant le iour arreste, s’exercer autant qu’il leur est possible etnbsp;que Dieu leur en fera la grace, en tons ieusnes,nbsp;prières , oraisons et autres bonnes oeuures.
La veille estant venue, on dit Vespres et Complies comme la veille de la feste Saincte-Geneuiefue , lesquellesnbsp;finies, les Religieux s’en vont retirer iusques a neufnbsp;heures du soir.
Les neuf hfnires venues, les Religieux viennent aii Chceur et chantent Matines comme au iour de la ditenbsp;feste, lesquelles Matines dites a Minuit, ou vn peunbsp;deuant. Ton dit Prime, Tierce, Sexte, None; et cela dit,nbsp;on descend la Chaasse a la manière qui s’ensiiit.
Premièrement , M. e’Abee s’en vient a I’autel, reuestu en Aube, et la se met a genoux sur vn tapis , le-quel lui est préparé , commence les sept Pseaumes Peni-tentiels; et lui respondent les Religieux, pareillementnbsp;estant a genoux sur des tapis; lesquels finis , Monsieurnbsp;I’Abbe dit les Oraisons et fait 1’absolution que Ton anbsp;accoustume de faire le Jeudi Sainct, adioustant I’Oraisonnbsp;propre a ce que Ton requiert.
Cela fait, le Cheuecier, accompagne d’vn autre religieux , reuestus d’Estolle et nuds pieds, montent a la Chasse pour 1’accommoder et ayder a la descendre.nbsp;Estant en Fair, le Chantre commence le Respond :
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Beata virgo Genouefa ; lequel finy, Monsieur l’Abbé et les Religieux, selon leurs ordres, la vont baiser nudsnbsp;pieds.
En après, Monsieur l’Abbé va commencer la grand’-Messe, la oü tous les Religieux doiuent communier, estant tous nuds pieds; et faut remarquer que pas vnnbsp;Religieux ne dit Messe ce iour la que Monsieur l’Abbé.
La Messe dite, chacun s’en va retirer pendant que Monsieur Ie Baillif, accompagné du Procureur Fiscal, etnbsp;les Sergens de la maison la gardent iusques au matin,
Le matin sur les cinq a six beures , Monsieur Ie lieutenant Criminel, Monsieur le Procureur du Roy, auec les Commissaires et autres Officiers de la Justice, lanbsp;prennent en leur garde , comme ceux qui au nom de lanbsp;Ville en sont les Protecteurs, iurant et affermant lanbsp;gai’der fidellement selon leur deuoir et office; et de faitnbsp;sont tenus la conduire et raconduire et ne la point perdrenbsp;de veue iusques a ce qu’elle soit remontée, faisantnbsp;mesme certain ostage, craignant qu’il n’en viennenbsp;faute.
Les Porteurs, ce iour la , font chanter vne basse Messe a la Chapelle de la Miséricorde, qui est dedans les Clois-tres et la communient tous.
Sur les six a sept heures du matin, les Processions commencent a venir, chaque Paroisse apportant vn Re-liquaire, et estant reuestus de Chappes.
Plus , on doit apporter les corps de S. Paxan , S. Ma-gloire , S. Méderic, S. Landeric, Saincte Auoye, Saincte Opportune et plusieurs autres Sainctes Reliques.nbsp;Messieurs de Nostre Dame en surplis apportent la Chassenbsp;de S. Marcel (car Ton dit en commun Prouerbe quenbsp;Saincte Géneuiefue ne partiroit si S. Marcel ne la ve-
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noit querir) accompagnez de Monsieur I’Archeuesque, reuestu de son habit Ar chi episcopal.
Messieurs de la Cour de Parlement reuestus de leui’S Robes rouges, auec Messieurs de la Cour des Aydes et denbsp;la Chambre des Comptes, Monsieur le Préuost des Mar-chands auec les Escheuins et les Officiers de la ville, ounbsp;estant entrez dans I’Eglise de Saincte Geneuiefue, lenbsp;Chantre de Nostre Dame commence I’Antienne O felixnbsp;Jncilla^ laquelle dite , Monsieur de Paris dit I’Oraison.
En apres, le Chantre de Saincte Geneuiefue commence I’Antienne de S. Marcel, O dulce decus Parisio-nim; et Monsieur I’Abbe dit fOraison. Alors on prend les Chasses et commencent a partir les Processions; etnbsp;en sortant, le Chantre de Saincte Geneuiefue commencenbsp;le Respond de tous les Saincts Concede nobis, lequelnbsp;finy, Ton doit chanter quelque Respond du temps denbsp;quoy on faict la Procession.
Estant arriuez a Petit Pont, on chante le Respond de Saincte Geneuiefue, Aduenisti, ou bien Ingredienti,nbsp;apres lesquels se chante le Respond de la Vierge Marienbsp;Gaude Maria; et en entrant dans fcglise de N. D.nbsp;on commence Iiiuiolata , auec les Orgues et la Musique.
A I’entree de TEglise de N. D., les Porteurs de la Chasse de Sainct Marcel prennent la Chasse de Sainctenbsp;Geneuiefue; et les Porteurs de Saincte Geneuiefue prennent la Chasse de S. Marcel, et alnsl portent les sus-dites Chasses en vn certain lieu dans le Chocur denbsp;I’Eglise N. D. accommode pour cet effect; elfaut notternbsp;que les Porteurs de la dite Chasse de Saincte Geneuiefuenbsp;ne sont reuestus que de linge et nuds pieds; et ceux.nbsp;de S. Marcel sont reuestus de leurs habits ordinaires.
Entrez qu’ds sont, les deux Chantres tant de Saincte
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^éneuiefue que deN. D. commencent la Messe, laquelle dilte par Monsieur 1’Archeuesque, ayant Crosse etnbsp;^ittre; Messieurs de Sainete Géneuiefue estant tousnbsp;Ruds pieds, et aussi Monsieur l’Abbé, lequel auec sesnbsp;Religieux tiennent tousiours Ie costé droit, mesmenbsp;dedans N. D.; et ledit sieur Abbé se met dans lanbsp;chaire Archie'piscopale auec Crosse et Mittre. La grand’-IVlesse estant dite, Ie Chantre de Sainete Géneuiefuenbsp;commenee l’antienne Salue, Regina; laquelle ditte,nbsp;Monsieur l’Abbé dit l’Oraison, estant en la chaire denbsp;Monsieur l’Archeuesque, pendant laquelle Antienne lesnbsp;Porteiirs de la Chasse de Sainct Marcel prennent cellenbsp;de Sainete Géneuiefue et les Porteurs de la Chasse denbsp;Sainete Géneuiefue celle de Sainct Marcel; et ainsi lanbsp;portent iusques deuant la porte de l’Hostel Dieu, qui estnbsp;^uprès du petit Chastelet, la oii ils se disent Adieu lesnbsp;vns les autres. Messieurs de Nostre Dame s’en retournentnbsp;^lïez eux auèc leur Chasse; et Messieurs de Sainete Gé-*ieuiefue s’en reuiennent auec la Chasse.
Les Paroisses qui les accompagnent au retour, sont Sainct Estienne du Mont, Sainct Médard. Les Augustins la conduisent iusques au Petit Pont; les Cordeliersnbsp;‘nsques au carfour de Sainct Séuerin; les Carmes iusquesnbsp;deuant leur Église; et les lacobins iusques a l’Église denbsp;‘Sainete Géneuiefue.
Estant deuant les Carmes, Ie Chantre de Sainct Gé-^^uieue commence Ie Respond Cornelius Centurio; Pnis quand la Procession est arriuée sous Ie portail, lesnbsp;^^cobins s’en retournent; et les Porteurs attendent quenbsp;Religieux soient entrez dans la Nef pour la receuoir.
En entrant, Ie Chantre commence Ie Respond Audiui ^ocem; cela fait, on remonte la Chasse en diligence,
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pendant lequel temps les Religieux sont tons a genoux ; et estant remontée, l’on commence tout aussitót espres, lesquelles dites chacun s’en va se lauer pour senbsp;réchauffer.
Le reste de la iournée, tant les religieux que les Por-teurs de ladite Chasse se doiuent comporter le plus déuo-temerit que faire se peut, en prières et Oraisons, afin d’appaiser Tire de Nostre Seigneur et le rendre propicenbsp;enuers son peuple.
Et faut remarquer que tout le luminaire , tant la veille que le iour, soit cierges, torches , flambeaux , armoiries,nbsp;doiuent estre fournis par Messieurs de la Ville; et fautnbsp;que ce soit toute cire blanche.
Le Cheualier du Guet doit estre soigneux auec tous ses Lieutenans, Exempts et Archers tant a cheual qu’anbsp;pied de se promener par les rues, estant armez de leursnbsp;armes pour empescher les seditions qui se pourroientnbsp;commettre par quelques insolens. Dien nous donne lanbsp;grace que nous Ie puissions appaiser par les prières denbsp;sa Mère et de la bien heureuse Vierge Saincte Géneuiefue,nbsp;a l’honneur de quoy ce présent traicté a esté fait. Ainsi'nbsp;soit-il.
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DE MAZARINADES.
(23 juin 1632).
Ie ne suis ny Prince, ny Mazarln; ie ne suis ny de party, ni de cabale; ie ne suis qu’Esprit et ne fais pointnbsp;de Corps; ie veux la Paix et ie déteste la Guerre; ienbsp;suis bon Francois et ie ne prends part qu’aux seuls interests de ma patrie.
Peuples.
Croyez eet auis aussi désintéressé que véritable; n’en-trez point dans vne querelle oü vous ne pouuez que pcrir. Elle a esté assez fatale a tout Ie Royaume pournbsp;vous en détourner par Ie souuenir des choses passées etnbsp;parl’exemple des malheureux. Vous voyez tout l’Estat ennbsp;combustion, les Prouinces désolées, les Peuples fugitifs,nbsp;les Loix mortes, Ie Commerce rompu partout oü l’ani-mosité des partys a porté ses ressentimens; il n’y a li-berté de respirer que dans les lieux oü la guerre n’anbsp;point encore esté, et dans ces climats heureux que lesnbsp;factieux n’ont pu séduire par leurs intrigues, ny tirernbsp;par leurs promesses de leur deuoir, pour les letter dansnbsp;Ie désordre.
Quel intérest auez vous dans celuy des Princes ? Com-
' 11 est dit dans VEsprit de guerre des Parisiens, etc. [1282], qui est une ï'éponse du parti des princes, qu’un porteur de V Esprit de paix ayant éténbsp;®rrété, il déclara que ce pamphlet lui avait été remis chez Ie Coadjuteur.nbsp;C’est possible; mais l’auteur ne me parait pas moins être Ie père Faure,nbsp;prédlcatcur, confesseur de la reine et successivenient é\ èque de Glan-t^éves, de Montpellier et d’Amiens.
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batent ils póur vous? Sont lis vnis auec vous? Ne trai-teront ils point sans vous ? Serez vous dédommagez de toutes vos pertes ? Et ce peu qui vous reste, sera-t-il con-serué par vos armes ? Pauure Peuple, qui t’exposes iour-nellement a la peste et la famine, en faueur d’vnenbsp;ingrate grandeur dont tu as esprouué si souuent ounbsp;l’inconstance ou I’infidellte! Vse de ta raison on de tonnbsp;experience; ne crois plus ces supérieurs intéressez ounbsp;corrompus qui t’engagent a les seruir pour se dégagernbsp;de leurs téméraires entreprises. Ne vois tu pas bien quenbsp;Ie Parlement se dégage Ie plus adroitement qu’il peut,nbsp;d’vne. liaison qu’il auoue auoir mal faite, et que lesnbsp;mieux sensez pratiquent sourdement leur accommode-meat, pour se libérer de la punition qui pend sur lanbsp;teste des malheureux ou des coupables et dont la foi-blesse ou 1’indifférence des Princes ne les tirera iamais ?
Ie ne parle point en faueur de qui que ce soit; et si tu fais reflection sur la vérité de ce que ie te dis, tunbsp;verras bien que l’esprlt de Paix parle par ma bouche etnbsp;que eet auis est égaleinent sincere et veritable. C’est anbsp;toy d’en profiler et de régler la dessus tes mouuemensnbsp;et tes pensees.
Demande la Paix, pour iouir ou du fruit de ton tra-uail et de tes peines, ou du bien de tes pères. Demande Ie Boy pour l’asseurance et Ie sacré gage de cette paix,nbsp;la prompte punition des coupables et des interrupteursnbsp;de la Paix, qui ne veulent que la confusion pour peschernbsp;en eau trouble et se rendre importans et redoutables anbsp;tes despens, qui ont eux mesmes fait venir Ie Cardinalnbsp;Mazarin pour donner prétexte a leurs mouuemens,nbsp;qui ont autant de peur de voir esteindre l’incendienbsp;qu’ils ont eu d’ardeur a l’allumer.
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S’ils veulent combattre Ie Mazarin, il faut que ce soit par eux mesmes; c’est vn coup de Cabinet et non pasnbsp;lie Rebellion. C’est vne affaire particuliere qu’il ne fautnbsp;pas rendre publique, et qu’ils ont deu démesler dans Ienbsp;secret, par Tauthorite de leur naissance et non pas parnbsp;1’oppression de l’Estat et du Peuple. lis ont deu mesurernbsp;Jeur ressentiment et prendre garde que leur iniure particuliere ne deuinst générale et uniuerselle et que Ienbsp;succez de leur vengeance n’enuelopast la perte dunbsp;Royaume dans celle de leurs ennemis. Mals, pauurenbsp;peuple , ouure tes yeux ; considère si leur dessein est lanbsp;perte du Cardinal Mazarin. Ont-ils voulu empeschernbsp;son entrée? Tu sais bien que les troupes de S. A. R.nbsp;estoient en assez bon nombre et assez bien postées surnbsp;la riuière d’Yonne et depuis sur Loire. La haine desnbsp;peuples estoit presque capable de l’arrester, si elle eustnbsp;esté soustenue par celle des Princes. On a fait la guerre.nbsp;L’ont ils faite a leurs despens ? Soldoyent ils leur armee ?nbsp;He subsiste elle pas sur Ie païsant et sur Ie plat pays ?nbsp;Mais cependant n’ont ils pas fait des propositions,nbsp;ïi’ont-ils pas dressé des articles et cherché les occasionsnbsp;fauorables a leurs desseins, sans y appeller ny Ie Parlement qu’ils ont embarqué, ny les Peuples qu’ils ontnbsp;affligez ?
Si Ie Roy ne leur accorde pas ce qu’ils demandent aux despens des peuples, et si l’on ne donne pas anbsp;Ie Prince Ie meilleur reuenu du Royaume, pournbsp;l'indemniser de la dépence qu’il a faite pour te ruiner,nbsp;^Ux despens de tes rentes et des gages des Officiers; sinbsp;l’on ne fait pas Marchin Maresclial de France, ce laschenbsp;‘léserteur de la Catalogne; si l’on ne satisfait pasnbsp;de Montbazon, les chères délices de ce grand
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génie Ie Due de Beaufort; si Ton ne contente pas Ie Marquis de La Boulaie; enfin si Ie Roy ne souffre pas Ienbsp;partage de son Estat, pour contenter tous ceux qui senbsp;sont iettez dans leurs interests, l’on verra a l’instantnbsp;des menaces de I’establissement d’vne tyrannie. L’on senbsp;vante de faire des assassins en plaine rue; l’on proinet anbsp;la canaille des billets pour piller les inaisons, exposernbsp;cbacun a ses ennemis particuliers, et ceux qui ont dunbsp;bien , a l’auarice des filoux.
II est temps que tu y donnes ordre et promptement. Aussi bien la misère de tant de pauures qui ont amenénbsp;leurs bestiaux, va te donner la peste, qui ii’espargneranbsp;ny les grands ny les petits et qui aura bien tost déserténbsp;Paris et désolé la face de cette grande ville, Ie séiournbsp;des Roys et Tornement de l’Estat.
Crois done l’Esprit de Paix; demande Ie a Dieu a quelque prix que ce solt. Que Ie Roy soit Maistre sansnbsp;condition; Ie Peuple sans oppression ; Ie Royaume sansnbsp;guerre; les Princes en leur deuoir; les Loix en leurnbsp;iuste force; Ie Bourgeois en paix; la Campagne libre;nbsp;Ie Paysan dans sa maison ; les armées sur la frontièrenbsp;et enfin l’ordre restably, pour vser doucement de la vienbsp;et pour faire reüssir Ie dessein legitime que tu doisnbsp;auoir de iouïr de tous ces aduantages. Va t’en en foulenbsp;au Palais d’Orléans a S. A. R. dire que tu es las denbsp;tant de misères, que tu demande ton Roy et la Paix, etnbsp;qu’il vienne sans condition receuoir dans sa bonnenbsp;ville de Paris l’obéïssance et l’amour de ses peuples.
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DE MAZARINADES.
Rédt 'véritable de tout ce qui s'est passé d VHostel de Ville touchant l’Vnion de Messieurs de Ville et du Parlement auec Messieurs les Princes pour la destruction du Cardinal Mazarin [3028]*.
(4 juillet 1652.)
Enfin c’est a ce coup, chers Parisiens, que Ie Ciel vous fauorise puisque Messieurs de Vüle et Messieurs dunbsp;Parlement ont signé l’vnion auec Messieurs les Princesnbsp;pour la destruction du Cardinal Mazarin, puisquenbsp;iamais vous ne fussiez sortis de la misère oü vous estiez,nbsp;si vous n’eussiez pris les arines pour les contraindre a senbsp;ioindre auec ceux qui vous ont monstré auec tant de va-leur que leur sang n’a pas estc épargnépour vous deffen-dre. Mais ie serois trop prolixe si ie voulois vous entretenirnbsp;de la dernière deffaite, veu que vous en auez veu diuersesnbsp;Belations% n’ayant mis la main a la plume que pournbsp;vous reciter ce qui s’est passé a l’Hostel de cette Ville denbsp;Paris touchant l’vnion que Messieurs de l’Hostel de Villenbsp;et du Parlement ont esté contraincts de signer pour senbsp;ioindre auec Messieurs les Princes pour la destruction dunbsp;Mazarin. Vous scaurez done que Monsieur Ie Princenbsp;s’estant acheminé au Palais d’Orléans pour parler a son
' On verra plus loin que ce récit a été écrlt par un témoin oculaire qui était sur la place de Grève pendant 1’incendie.
“ II s’agit ici du combat livré le 2 juillet dans les rues du faubonrg Salnt-Antoine. On trouvera les titres de ces diverses relations dans lanbsp;Liste chronologique des Mazarinades,
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GHOIX
Altesse Royale, vii marchand de eette ville estant a la porte du Palais d’Orleans, luy dit ; « Monseigneur,nbsp;les Boulangers nous ont apporté du pain; mais ils rem-portent de la poudre et des boulets pour nous battre. »nbsp;Sur quoy Monsieur Ie Prince n’a fait que baisser la teste;nbsp;et puis ensuite tous les Princes et Seigneurs sont arriueznbsp;en après afin d’accompagner Messieurs les Princes anbsp;l’Hostel de Ville, afin de scauoir de ces Messieurs s’ilsnbsp;auoient dessein de se ioindre auec eux; oüestans dedans,nbsp;vn Soldat qui gardoit la venue de la rue de la Mortel-lerie, est venu dire aux autres qui gardoient la porte,nbsp;qu’il estoit besoin de scauoir ce qu’ils résouderoient, etnbsp;qu’il falloit enuoyer quelque officier en haut pour scauoirnbsp;si on laisseroit sortir Messieurs de Ville sans auoir signénbsp;rVnion; mais en vn instant on s’est mis a crier : Pointnbsp;de Mazarin! par plusieurs fois des fenestres de l’Hostelnbsp;de Ville, ou Monsieur Ie Due d’Orléans disoit a Messieursnbsp;qu’il les remercioit d’auoir laissé passer ses troupes parnbsp;cette Ville et qu’il ne l’oublieroit pas. Monsieur Ienbsp;Prince leur en ayant dit aulant, puis S. A. R. ayantnbsp;repris la parole, leur a dit qu’il estoit venu aussinbsp;pour scauoir d’eux s’ils estoient résolus de signer l’Vnionnbsp;pour eloigner Ie C. M. Mais ils luy ont répondu qu'ilsnbsp;désiroient auoir encore buit iours. Mais après, Messieursnbsp;les Princes estant sortis de l’Hostel de Ville, ils dirent aunbsp;peuple qu’ils n’auoient pas voulu signer l’Vnion etnbsp;qu’ils eussent a les contraindre et qu’il ne falloit plus denbsp;remise; oir la populace s’estant assemblee, on voulut en-trer dedans; mais ayant ferme la porte, les Bourgeoisnbsp;se mirent a tirer aux fenestres de l’Hostel de Ville, etnbsp;d’autres en deuoir d’aller querir des fagots pour mettrenbsp;Ie feu aux portes d’icelle; mais ceux qui estoient dedans,
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s estant mis en effet de les empescher, ont tiré enuiron quelques quatre vingts coups de fusil par la vlsière denbsp;grande porte, mais sans aucun effet que d’auoir tuénbsp;'ïeux OU trois hommes ; ce qui n’a seruy que de r’animernbsp;^eux qui y estoient, lesquels ayant allumé Ie feu a toutesnbsp;ïes portes , ont fait encor plusieurs de'charges et se sontnbsp;'ïiis a courir de tous costez pour voir s’ils pourroient en-tfer dedans et forcer les portes; mais Messieurs de l’Hos-tel de Ville et du Parlement, ayant veu qu’ils nenbsp;pouuoient pas résister et qu’il falloit signer l’engage-öient auec Messieurs les Princes, ont fait paroistre vnnbsp;drap aux fenestres, tandis qu’vn Trompette les sommoitnbsp;de parler; lequel a esté exposé l’espace d’vn quartnbsp;d’heure, tandis qu’ils escriuoient l’Vnion, lequel ayantnbsp;ietté par la fenestre, ce peuple l’a ramassé a dessein denbsp;lire; mais vne troupe estant surueniie sur nous, nousnbsp;ii’auons pas eu Ie temps de Ie lire qu’a moitié, Ie Peuplenbsp;s’estant ietté sur nous et nous l’ayant décliiré, criantnbsp;^près nous aux Mazarins! Mais ie ne vous diray pas cenbsp;4u’il y avoit dedans, d’autant qu'ils en ont encor ietténbsp;''U autre après celuy la, sinon que voyans qu’on ne ces-soit de tirer, ils ont ietté Ie drap qu’ils auoient exposénbsp;^ la fenestre en bas; ou Ie Peuple l’ayant ramassé et veunbsp;® d n’y auoit point d’argent, s’est mis a crier ; « lettez Ienbsp;feu ; il faut tout tuer. Point de quartier! point denbsp;'lUartier! » Et l’ayant ietté au feu, ils ont encor ietté vnnbsp;¦^utre billet pour monstrer qu’ils désiroient l’Vnion , du-*l*Jel la teneur ensuit : « IJVnion de la Ville et dunbsp;Parlement auec Messieurs les Princes pour la destruction du Cardinal Mazarin. » Signé Lemaire*.
' Greffier en l’Hntel de Ville.
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CHOIX
Mais Ie Peuple n’a pas délaissé de redoubler ses charges et de tirer encor aux fenestres ; puis se sont mis encor anbsp;porter des pieces de hois pour acheuer de brusler lanbsp;grand’porte ; mais les Messieurs voyans qu’ils estoient ennbsp;danger de périr et que l’on ne cessoit point de tirer et
vn
de ener
Point de quartier 1 en ont ietté encor autre, lequel ayant esté porté a S. A. R., l’a signénbsp;aussi tost et a enuoyé Monsieur Ie Due de Beaufortnbsp;pour pacifiei- Ie tout. Mais cela n’a pas empesché qu'ilnbsp;n’y ait eu plusieurs de Messieurs de tuez et toutes lesnbsp;portes de l’Hostel de Ville bruslées. Mais ce seroit faii’enbsp;tort aux Parisiens et a tous ceux qui se sont trouuez ennbsp;ce rencontre , que de ne pas louer la prudence qu’ilsnbsp;ont eue en se monstrant plus sages que non pas les Sol-dats, veu qu’ayant tiré d’vne caue plusieurs pieces denbsp;vin et l’ayant exposé en pleine Grèue pour Ie boire, ilsnbsp;n’en ont iamais voulu gouster, disant ; cc Ne buuonsnbsp;point. Point de vin ! Point de vin ! » et ie vous asseurenbsp;que si nous secondons nos Princes et que Ie courage nenbsp;nous manque non plus que la, nous emporterons la vie-toire sur tous les Mazarins, moyennant le secours dunbsp;Tout Puissant, lequel ie prie de vouloir seconder nosnbsp;desseins afm que , iouissant d’vne parfaite Paix, nousnbsp;puissions luy rendre grace des benefices qu’il nous a fait*nbsp;et fait tous les iours.
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Liste générale de tons les morts et blessez, tant Mazarins que Bourgeois de Paris, a la géné-reuse résolution faicte d VHostel de Villepournbsp;la destruction entïere des Mazarins, ensemblenbsp;Ie suiet de l’Institution de 1’ Ordre des Cheua-liers de la Paille par l’ordre de Messieurs lesnbsp;Princes et de Mademoiselle [2320].
(4 juillet 1632.)
leudy, quatriesme iour de luillet, Messieurs les Princes auec Mademoiselle se transportèrent tous anbsp;^Hostel de Ville pour faire conclusion de toute 1’assem-^lée et faire vne Vnion générale par ensemble. Et cha-^tin désirant de voir cette fin et Mademoiselle estantnbsp;•Contente de voir cette amitié si grande pour Ie seruicenbsp;Roy et de Messieurs les Princes, il fut conclud ainsinbsp;Su’il auoit esté faict a la bataille dernière, que tous lesnbsp;'^oldats sous la conduite de Monsieur Ie Prince porte-*‘oient vne reconnoissance de leur partie, scauoir de lanbsp;Prille tous a leur chapeau; et Mademoiselle voyant Ienbsp;P^uple si animé au seruice de leur liberté, c’est-a-direnbsp;Paix en ce Royauine , elle ordonna que chacun porte-'’oit de la paille au chapeau, tant que la Paix fut faite;nbsp;'^ont son Altesse Royale et Messieurs les Princes et aussinbsp;^l-sdemoiselle en portoient les premiers; et que si aucunnbsp;J auoit qui ne voulust accepter cette belle marque, ilnbsp;^eroit déclaré Mazarin. L’Assemblée estant finie, lesnbsp;Princes et Mademoiselle se retirèrent sans aucune satis-
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faction. Le peuple se souleuant contre les Mazaï-ins, Ie feu y fut mis; et chacun animé, de part et d’autre, se de-fendit pour la destruction entière de cette engeance,nbsp;l’ayant bien fait paroistre par la mort de tant de brauesnbsp;Bourgeois et gens de mérite dont s’ensuiuent les noms :
Monsieur Boulanger, blessé au bras gauche ;
Monsieur de lanury, dit de Feran, conseiller, place Maubert, tué;
Monsieur de Precen, inarchand de fer, rue Galande, dit la place Maubert, tué;
Le fils de Monsieur Flexelle y a esté tué;
Le Vicaire de Sainct lean en Grèue fut bruslé dans les flammes pensant se sauuer.
Celuy de Sainct Sauueur, pareillement bruslé.
Le Curé de Sainct Barthélemy, estropié d’vne busche que l’on iettoit dans le feu;
Le Curé de Sainct Symphorien, blessé a la cuisse ;
Le Vicaire de Sainct Estienne n’eust aiicun mal; mals sa Constance fut telle qu’il demeura trois heures entièresnbsp;entre trois Archers de la Ville qui estoient tuez, dontnbsp;nous dirons les noms cy dessous;
Le premier est Garualet dans la rue des Petits Champs;
Le second est Maurice, a la rue de Croisay, proche la rue des Célestins;
Le troisiesme est du faulxbourg Sainct Germain, a Ia Marmite.
Plus , Monsieur Yon, escheuin, blessé au bras;
Monsieur Ie Mair, Greffier en l’Hostel de Ville, blesse au bras ‘;
' Le Maire ne fut pas seulement blessé au bras. Attaqué dans son bu' i’eau par des borames qui cherchalent la caisse de la ville, il recut plu-.sieurs coups de b.aïonnctte. II fut enfin, après une éiifrgiquc défen e.
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Monsieur l’Enfant, marchand en la rue Sainct Denis, ^lessë.
Le Pre'uost des Marchands fut blesse' a l’espaule par vn Archer ou quelque autre personne inconnue, dans leurnbsp;•iéroute, dont il demeura ti’ois heures sans dire mot,
scachant s’il contrefaisoit le mort ou viuant; puis ^Près il reuint a luy et sortit par vne fenestre qui iettenbsp;^ans l’église dn Saint Esprit, vis a vis du grand Autel,nbsp;auec les Escheuins.
Deux Crocheteurs, deraeurant l’vn et l’autre dans la tUe de la Mortellerie au Coq, proche du petit lardinet,nbsp;y ont esté tuez;
Deux compagnons Coutelliers, demeurant dans la rue
la Coutellerie, l’vn au Coutelas, et l’autre a la Halle-^arde, y ont esté tuez.
Plus, vn nommé Liégault, blessé a la gorge d’vn ^*^Up de mousquetade;
Deux Trompettes, arriuez de la part du Roy au ^ï’éuost des Marchands, tuez et bruslez, se voulantnbsp;^auuer;
Vn Chanoine du Sepulchre, Mazarin, tue;
Le Vicaire de Sainct Leu Sainct Gilles, blessé a la 'baisse d’vn coup de mousquet;
Vn Marchand de fer de la rue Sainct Martin, proche 'quot;^ainct lulien le Ménestrier, blessé.
Llusieurs Portefez , Charbonniers et autres gens Vauaillant sur le port, y ont esté blessez.
de racheter ce qui lui restait de vie a prix d’argent. L’assemblée de
'’dlepritj le 18 juillet, une deliberation par laquelle, en reconnaissance ses services et en témoignage de satisfaction pour son courage, ellenbsp;‘‘t conserva son office de greffier « pour en disposer par sa veuve, en-'^uts et béritiers après sa mort, a leur volonté. »
tr nbsp;nbsp;nbsp;2.3
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Monsieur Mathieu, Médeciu , demeurant en la Mon-tagne Saincte Géneuiefue, blessé au bras droit.
Deux Colonels, Mazarins, y estant Incognito, l’vn blessé a la cuisse et l’autre au costé
(4 juillet 16S2).
Ie ne puis comprendre I’emportement ou plustost Faueuglement de nostre siècle; ie ne void personne quinbsp;ne se pique de Politique; ie ne void personne qui nenbsp;decide sur les affaires d’Estat; et ie ne void personnenbsp;qui les cognoisse. Le vulgaire ne se contente pas denbsp;former des coniectures; il pénètre iusques dans le secret des cabinets ; il perce les mystères les plus cacheznbsp;11 aioute a des cognoissances imaginaires des phantaisiesnbsp;chimériques. Ainsl tout est plein de fausses lumièresjnbsp;alnsi les impressions ou iettées par 1’artifice des impos-teurs, ou naissantes dans les esprits par vn raisonne-inent bizarre et mal fondé estouffent les plus bellesnbsp;véritez; ainsi nous calomnions nos libérateurs *, et nousnbsp;couronnons nos tyrans.
* L’exempiaire de la Bibliothèque nationale porte une note manuscrit® d’une écriture du temps, qui est ainsi concue; « Tuez ; M. LeGras,nbsp;Maistre des Requestes; M. Miron, maistre des comptes, qui sont leSnbsp;2 collonnels sy dessus, des plus affectionnez pour ie parti des Princes. “nbsp;Je trouve en effet Miron, sieur du Tremblay, maitre des Comptes, dausnbsp;la Liste de messieurs les colonels de la vïlle de Paris, etc., en 1649 [SSO'?]»nbsp;raais point Le Gras.
Ce pamphlet est avoué par le cardinal de Retz dans ses Mémoires.
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I’ay essayé, pour me tirer de ces labyrintes dans les-^uels nos esprits se trouuent enueloppez, de démesler confusions; ie me suis propose de ne plus cherchernbsp;^3 vérité dans Ie discernement des faits, qui recoiuentnbsp;Vne infinite de iours tout différends, qui sont contesteznbsp;Risques dans leurs moindres circonstances par les deuxnbsp;partis; et i’ay voulu iuger du vray par Ie vray sem-blable , qui ne fait pas tousiours, a la vérité, vne raisonnbsp;démonstratiue, mais qui est pourtant assez souuent etnbsp;presque tousiours opposé au faux, et a mon sens lanbsp;fegle Ia plus certaine dans ces sortes de süiets si dluer-sifiez, si mystérieux, si pleins d’obscuritez et de nuages,nbsp;que 1’on peut dire auec beaucoup de raison qu’il estnbsp;impossible de les pénétrer par d’autres moyens.
Sur ce fondement, i’ay fait des reflections sur la plus grande partie de tout ce qui s’est fait depuis nos der-niers troubles. I’espère de les donner au Public dansnbsp;quelque temps. Celles que vous lisez présentement sur lanbsp;Conduite de M. Ie Cardinal de Retz, ne seruent quenbsp;fl’essay pour vn plus grand ouurage; ie les ay choisis denbsp;preference pour eet effet parceque les bruits que l’onnbsp;a respandu contre luy, m’ont paru plus particulièreinentnbsp;que tous les autres opposez au vraysemblable.
Les Libelles qui ont esté composez depuis quelque temps sur son suiet, nous veulent faire croire qu’il anbsp;soustenu les intérests du Mazarin. Y a-t-il apparencenbsp;qu’il souhaltte la conseruation et qu’il procure l’agran-i^issement dVn Ministre qu’il a attaqué dans sa plusnbsp;gcande puissance, qu’il a cruellement offensé dans vnenbsp;'ufinité de rencontres différentes et dont la grandeurnbsp;^st incompatible auec la sienne par la ialousie naturellenbsp;fl^i est entre eux par leurs dignitezPLe Cardinal de Retz
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est il assez stupide pour prendre confiance aux promesses du Cardinal Mazarin ? Le Cardinal Mazarin est il assez hardi pour ne pas craindre la vigueur du Cardinalnbsp;de Retz? Le Cardinal de Retz a-t-il paru iusques icy asseznbsp;attaché aux interests de M. le Prince pour auoir procure le retour du Cardinal Mazarin, qui luy a redonnénbsp;tous les aduantages que les succez si mallieureux qu’ilnbsp;auoit eus en Guyenne, luy auoient fait perdre? Lenbsp;Cardinal de Retz trouuoit il quelque utililé a la seulenbsp;chose qui estoit capable d’obliger Paris a receuoirnbsp;M. le Prince? Si le Cardinal de Retz vouloit agir ennbsp;hoinme de bien, se pouuoit il résoudre a contribuer anbsp;vne action si fatale a I’Estat? et si l’ambition estoitnbsp;le Principe de sa conduite, preuoit il ie restablisse-ment du Mazarin, d’vn Ministre tout puissant a lanbsp;Cour, d’vn Fauory qui ne laisse aucune part dans lesnbsp;affaires, inesine a ses ineilleurs ainis; se seruoit il,nbsp;dis ie, de sou restablissement coinme d’vn instrumentnbsp;fort propre pour conteuter sa passion ? Cela peutnbsp;estre vray; mais il faut auouer que cela n’est pas vray-semblable.
On nous a voulu persuader par vne infinite d’escrits et de discours respandus dans le Public, que M. le Cardinal de Pietz auoit des négociations a la Cour. Est ilnbsp;croyable que ses intrigues, ses cabales, ses traittez ayentnbsp;esté si secrets que l’on n’ait iamais pu, ie ne dis pas lenbsp;conuaincre, mais auancer vne seule preuue particuliere;nbsp;que ceux qui auoient tant d’intérest a iustifier ce qu’ilsnbsp;publioient si hautement, ayent esté obügez de se con-tenter de letter des bruits vagues, des bruits que Ponnbsp;iette également contre les plus innocens et contre lesnbsp;plus coupables? et y a-t-il apparence qu’vn liomme ob-
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serué par vn Prince qui a clans les mains toutes les forces (1 vn grand party, qui a tant d’intelligences dans la Cour,nbsp;pu dissimuler si adroitement sa conduite qu’il 1’aitnbsp;^bsolument cachée, au mesme temps que les négocia-*^*ons faites auec Ie Cardinal Mazarin par Chauigny',nbsp;par Faber, par Montaigu, par Gaucourt, par Gouruille,nbsp;ont esté scenes iusques dans leurs moindres eircon-stanees, ont esté éuentées a la Cour, ont esté publiéesnbsp;flans Paris et ont esté eonfirmées ensuite par la notoriéténbsp;publique? II est presque impossible que les actions dunbsp;Cardinal de Retz eussent esté plus couuertes. Cela pour-tant peut estre vray; mais il faut auouer que cela n’estnbsp;pas vray semblable.
A-t-on rien oublié pour reietter tout ce qui a paru de laugueur dans Ie Party des Princes sur les artifices denbsp;Ie Cardinal de Retz? Auec combien d’emportementnbsp;plustost de fureur a-t-on exaggéré Ie pen d’effort quenbsp;^ on fit a l’entrée du Cardinal Mazarin pour arrester sanbsp;’Oarche? A qui s’est on pris du peu d’ordre qui parois-*oit dans les affaires, du peu de concert qui paroissoitnbsp;Poiir les desseins? Le Cardinal de Retz s’opposoit a l’es-tablissement d’vn Conseil; le Cardinal de Retz empes-^hoit la leuée de l’argent et des troupes; le Cardinal denbsp;^cetz faisoit des cabales dans le Parlement; il partageoitnbsp;^ ^i'inée; il 1’empeschoit d’agir; enfin le Cardinal de Retznbsp;®*toit la veritable remore de ce grand vaisseau qui, sans
' On ne compte pas inoins de cinq pamphlets sur les négociations de Z; les Articles de la paix proposez d Saint-Germam en haycy etc.
P ^' j ; Auerlissement aiix bons bourgeois .uir le siilet de la conférence^ etc-»
X Journal veritable et désintéressé de fout ce qui s'*est fait et passé tant ,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Germain en Laye^ etc. [1764]; Lettre di’vn bourgeois de Paris escrile
^ien ami de la vïlle de Lyon, etc. [1354] ; Pelatiou veritable de tout ce s est passé d Saint-Germain en taye [3218],
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ses impressions occultes, alloit brauer les tempestes et donner la loy a tout Ie Royaume. Quand la postériténbsp;apprendra que M. Ie Prince trouua a son retour denbsp;Guyenne vne armee de dix mil hommes composée denbsp;vieilles troupes, qu’il en prit possession par vn aduan-tage signalé sur les trouppes du Mareschal de Turenne*,nbsp;sans contredit plus foibles que les siennes, qu’il entranbsp;dans Paris auec les nouuelles de cette victoii’e, qu’il futnbsp;receu au Parlement auec acclamation^; et quand la postérité verra ensuitte qne tout ce Party s’est éuaporé,nbsp;que ces dix mil hommes sont demeurez sans chefs, quenbsp;ce qui en est resté, n’y a seruy qu’a'faire passer ennbsp;triomphe deuant les bourgeois de Paris les instrumensnbsp;de leur ruyne; quand, dis ie, la postérité lira les deuxnbsp;parties de cette histoire, elle aura peine a se résoudrenbsp;d’accuser Ie Cardinal de Retz d’auoir ralenti la vigueurnbsp;du Party. Elle iugera sans doute qu’il y a plus d’apa-rence de reietter les manquemens que l’on a remarquénbsp;dans la conduite des affaires, deuant que M. Ie Princenbsp;fust venu de Guyenne, sur ses creatures et sur ses négo-ciateurs que sur M. Ie Cardinal de Retz; ils s’estoientnbsp;assez intéressez a faire que M. Ie Due d’Orléans ne fustnbsp;pas maistre des choses pour ne pas souhaitter qu’il y eustnbsp;assez de vigueur dans Ie Party pour Ie i’endre indépen-dant de M. Ie Prince. Chauigny, qui tiroit toutes sesnbsp;forces de la protection et de la confiance de M. 1^nbsp;Prince, selon les régies de la basse politique dont il fait
' Le combat de Bleneau. II y en a plusleurs récits, et entre autres la Relation veritable de ce qui s^est passé entre Varmee de MM, les Princes etnbsp;les troupes Mazarines^ etc. [3229]-
^ Relation sommaire et veritable de tout ce qui s'*est passé aupadement dans les deux dernières assemblees, etc. [3177]; Particularités du resultat d^snbsp;trois (ïssemblées du parlement, etc- [2717],
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profession, luy vouloit conseruer, ou pour mieux dire, 3cquérir la consideration qu’il auoit perdue par lesnbsp;i^auuais succez de Berry et de Guyenne. II peut tombernbsp;dans les esprits des hommes des soupqons assez raison-Qables que la mesme conduite qui a esté tenue par lesnbsp;Partisans de M. Ie Prince, deuant qu’il soit reuenu denbsp;Guyenne, pour Ie rendre absolument maistre du Party,nbsp;a esté continuée par luy mesme pour ne pas chasser Ienbsp;Mazarin, a la conseruation duquel il a trop d’intérestnbsp;pour Ie perdre. Seroit il croyable que si 1’on eust agy denbsp;bonne foy, on eust laissé périr vne telle armee; on eustnbsp;pris des mesures si peu certaines auec l’Espagne; on senbsp;fust chargé de la haine et de l’enuie que portent natu-i’ellement des traittez faits auec les Estrangers, et quenbsp;1’on eust donné Ie temps au Cardinal Mazarin de re-cueillir les fruits qu’on en pouuoit tirer? Y a-t-il appa-i'cnce qu’il eust fait si bon marcbé de sa prostitutionnbsp;bonteuse du sacré caractère de Ministère que d’estre Ienbsp;Gorrespondant de Paris a Bruxelle et que ses négocia-tions auec l’Espagne eussent si mal réussi, s’il n’eust eunbsp;intérest de les faire éclatter d’vn costé pour se donnernbsp;de la considération a la Cour, et d’en empescher Ienbsp;succez d’autre part pour faire réussir celles qu’il auoitnbsp;auec Ie Cardinal Mazarin ? Aura-t-on facilité a se persuader que Ie Cardinal de Retz se soit opposé a 1’esta-blissenient d’vn Conseil qui n’est pas encore formé‘nbsp;depuis cinq semaines qu’il est de notoriété publiquenbsp;'lu’il n’y a pas fait obstacle? Est ce Ie Cardinal de Retznbsp;•^lui fomentoit la diuision dans Ie party, si elle a éclatténbsp;sans comparaison dauantage depuis qu’il ne s’est plus
* Ls conseil de la Lieutenance générale. Relation vérilahle de tout cc qui fait et passé au Parlement... Ie 26 iuillet, etc. [3250].
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meslé des affaires ? Est ce Ie Cardinal de Retz qui brouilla a Orleans MM. de Beaufort et de Nemoursnbsp;Est ce lui qui a oblige depuis quatre iours la pluspartnbsp;des Officiers généi’aux de l’armée de M. Ie Prince denbsp;quitter son seruice ® ? A-t-Il produit toutes ces disputesnbsp;bizarres qui enricbiront vn iour vn Catholicon et quinbsp;rendront ridicule vn consell qui deuroit estre fort sé-rieiix? Est ce Ie Cardinal de Retz qui oste la reputationnbsp;de la cause commune par l’establisseraent dans Ie Conseilnbsp;de la Lieutenance générale de Ministres décriez et haïsnbsp;dans Ie public? N’y a-t-il pas beaucoup de raison de senbsp;persuader que les pas dans lesquels on a voulu engagernbsp;Monsieur et Ie public, comme la Lieutenance générale, lanbsp;préuosté des marchands et Ie gouuernement de Ianbsp;Ville’, n’ont esté soubaittez que pour en tirer des conditions plus auantageuses de la Cour ? Peut on, dis Ie,nbsp;en douter, voyant Ie peu d’effort que 1’on a fait pournbsp;soustenir des démarches d’vne si grande conséquence?nbsp;Enfin seroit il possible que toutes les affaires du partynbsp;fussent tombées dans vne déplorable decadence depuisnbsp;que Ie Cardinal de Retz ne s’en mesle plus, s’il eust esténbsp;la cause de leur ruyne quand il estoit tons les iours anbsp;Luxembourg? Cela peut estre vray; mals il faut auouernbsp;que cela n’est pas vray semblable.
Ie ne puis passer sous silence Ie murmure qui s’éleua contre Ie Cardinal de Retz sur Ie suiet de la retraitte denbsp;M. de Lorraine et ie me donne la gloire a moy mesine
* nbsp;nbsp;nbsp;Entreuue de Mgrs les dues de Beaufort et de Nemoursy etc. [12S9].
* nbsp;nbsp;nbsp;Les comles de Tavaniies, de Valon et de Chavagnac.
® La lieutenance générale avait été donnee auducd’Orléans, laprevóte des marchands a Broussel, Ie gouvernement de Paris au due de Beaufort.
^ On peut voir entre autres la Trahison du due Charles tramée par Ie roi dAugletcrre et Ie cardinal de RetZy etc, [3792].
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ne m’estre pas laissé surprentlre a des impostures ‘^ont les autheurs mesmes rougirent par la declarationnbsp;Publique de Monsieur. Deuant mesme que Ie partieuliernbsp;fust conneu, ie ne pouuois comprendre qn’vn soupeonnbsp;de cette nature peust tombersur M. Ie Cardinal deRetz.nbsp;Ie voyois que son intérest estoit que Monsieur eust toutenbsp;la consideration du party, que M. Ie Due de Lorrainenbsp;demeurast dans ses interests, peu affeetionné a M. Ienbsp;Prince, et auec qui, par conséquent, il pouuoit auoirnbsp;des liaisons tres esti’oites. II m’estoit impossible denbsp;trouuer des raisons qui peussent l’auoir obligé de eon-tribuer a ce changement; ie trouuois mesme des contradictions dans tout ce qu’on disoit contre luy sur ce suiet,nbsp;Quelle apparence qu’vn homme, qui ne trauailloit tonsnbsp;les iours, a ce que disoient ses ennemis, qu’a brouillernbsp;Monsieur et M. Ie Prinee, se peust oster a soy mesmenbsp;I’instrument Ie plus puissant et Ie plus certain de sonnbsp;dessein? Quelle apparence que Ie Due de Lorraine senbsp;soit plus tost retiré du seruice de Monsieur par les con-seils de M. Ie Cardinal de Retz, que par Ie refus de sesnbsp;places que M. Ie Prinee luy auoitpromis de luy rendre’,nbsp;et par Ie mescontentement qu’on luy donnoit tous lesnbsp;iours a dessein, selonles régies de la Politique ordinaire?nbsp;II y auroit bien de la difficulté a prouuer que Ie Cardinalnbsp;de Retz, qui tiroit toute sa considération de celle denbsp;Monsieur, ait eu suiet de se réiouyr de la retraitte donbsp;M. de Lorraine, et que M. Ie Prinee ent raison de s’ennbsp;affliger. Cela peut estre vray; mais il faut auouer quenbsp;cela n’est pas vray semblable.
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Quand on n’a pas de faits particuliers a appuyer,^ on se iette d’ordinaire dans des inuectiues générales; onnbsp;s’abandonne a sa passion; et l’on donne de faussesnbsp;couleurs auec lesquelles on essaye de déguiser les vé-ritables apparences. Le Cardinal de Retz passe dansnbsp;la réputation du monde pour ne pas manquer de forcenbsp;et de vigueur. Sous ce prétexte les mesmes personnesnbsp;qui l’accuseroient, s’il leur plaisoit, de foiblesse,nbsp;Taccusent de violence, essayent de le décrier commenbsp;vn esprit trop altier et trop ferme, le traitent de mes-cbant, luy font conceuoir des desseins tyranniques etnbsp;exhalent en iniures la rage que peut estre ils ont con-ceue de ne l’auoir pas fait plier par leurs menaces etnbsp;de ne l’auoir pu tromper par leurs artifices. Ie ne lenbsp;connois point; ie ne iuge de son naturel que par lesnbsp;apparences; ie suy le dessein de mon ouurage; et surnbsp;ce proiet après beaucoup de réflexions, ie me convainsnbsp;moy mesme par Tinnocence de sa conduite. Quelle ap-parence cju’vn esprit qui ne respire que le sang et lenbsp;carnage, se solt contenu dans l’espace de quatre an-nées pleines de grands mouuemens, dans les quels ilnbsp;a tenu vne des places les plus considérables, se soit,nbsp;dis ie, contenu dans vne modération si réguliere qu’ilnbsp;ait enfermé dans son cceur toute sa violence, sans ennbsp;faire iaraais éclatter vne seule action dans le public?nbsp;est il possible qu’vne ame de cette trempe soit tousloursnbsp;demeurée dans la deffenslue, mesme dans les temps oünbsp;il n’a manqué ni d’occasions ni de prétextes pour iusti-fier l’offensiue? Est il croyable qu’vn emporté ait témoi-gné si peu de ressentiment des iniures receu’es, desquellesnbsp;il a trouué tant de lieux de se venger? Oii est le sangnbsp;respandu par ses conseils ? A-t-il eu part aux massacres
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de l’Hostel de Ville qui sègneront aux siècles a venir dans Ie cceur de tous les bons Francois, qui demandentnbsp;lustice au ciel et qui doiuent animer la terre contre vnnbsp;crime si noir et si tragique ? Ie Cardinal de Retz a-t-ilnbsp;part a toutes ces cruautez, a toutes ces inhumaniteznbsp;effroyables qui ont esté souffertes dans les portes denbsp;Paris, qui ont osté les enfans aux pères, les pères auxnbsp;enfans, qui ont rauagé nos campagnes, qui ont déserténbsp;nos villes , qui ont profane nos Autels ? Ie ne sais pas sinbsp;Ie Cardinal de Retz a essayé de nous faire tous ces inauxnbsp;quand il s’est meslé de nos affaires et quand Ie siége denbsp;Paris nous les pouuoit faire appréhender auec plus denbsp;suiet qu’il n’y en a paru dans ces derniers troubles; maisnbsp;s’il en a eu les desseins, il faut aduouer qu’il a esté biennbsp;heureux de n’y auoir pas réussi. Quand il n’y auroit quenbsp;l’ordre que l’on a veu dans toutes les choses auxquellesnbsp;il a eu part, on ne scauroit, sans passer pour caloninia-teur, blasmer sa conduite de violence; les éuénemensnbsp;selon toutes les apparences luy sont fauorables; il menbsp;semble que Ie passé ne nous doit faire appréhendernbsp;quoi que ce soit de l’aduenir. N’est ce pas vne imagination extrauagante de se persuader que Ie Cardinal denbsp;Retz fasse des proiels conti’aires au repos, a la grandeur,nbsp;a l’abondance de Paris ? quel intérest luy peut estre plusnbsp;cher et plus considerable que celuy d’vne ville de laquellenbsp;il tire tout son esclat, tout son bien, toute sa considéra-tion, toute sa force? Est il probable qu’vn archeuesquenbsp;de Paris puisse iamais auoir des intérests séparez dunbsp;lieu de sa résidence, oil il doit viure et mourir ? Est il
* La meilleure pièce sur ces événements est Ie Redt veritable de tout ce qui s’est passé a VHostel de Ville touchant Vmibn de messieurs de la Ville etnbsp;du Parlement avec messieurs les Princes, etc. [3023]. Voir page 379.
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croyable qu’il ne fasse pas tous ses efforts pour se con-seruer par toute sorte de voie les bonnes graces d’vn peuple qu’il doit regarder comme ses enfans ? Ces senti-mens sont si vray semblables, que ie crois qu’on leurnbsp;peut donner Ie nom de vrais.
Vous voyez que les bruits que l’on a semez contre Ie Cardinal de Retz, sont assez opposez au vray serablable.nbsp;II reste a examiner en deux paroles ce qui est vray sem-blable de sa conduite; i’entends de celle qu’il peut auoirnbsp;tenue depuis ces derniers temps , sur laquelle ie remarquenbsp;que par la comparaison que l’on en peut faire auec lanbsp;passée, il y a beaucoup d’apparence qu’il est demeurénbsp;sans action et dans Ie repos, paree qu’il a conmi que l’onnbsp;ne pouuoit trauailler auec bonneur et auec seureté dansnbsp;vn party ou l’oa trahit continuellement Monsieur quinbsp;seul a de bonnes intentions, ou l’on ne fait la guerre quenbsp;pour piller, oii on ne la veutpas assez forte pourchassernbsp;entièrement Ie Mazarin, ou l’on ne cherebe que desnbsp;aduantages particuliers, et ou l’on ne Ie désiroit que pournbsp;Ie sacrifier et pour en faire ses conditions meilleures. Ienbsp;dis qu’il y a beaucoup d’apparence que Ie Cardinal denbsp;Retz n’a aucune part a toutes ces affaires, paree que lanbsp;vérite nous force d auouer que l’on a remarque dansnbsp;toutes celles dont il s’est meslé, plus de concert, plus denbsp;conduite, plus de vigueur et plus de foy que nous n’ennbsp;voyons dans celle de laquelle il s’agit auiourd’huy. C’estnbsp;en effet la marque la plus forte de la profession qu’il faitnbsp;de ne prendre plus aucune part a toutes les affaires; etnbsp;il est vray semblable qu’il ne s’en est retire que par lanbsp;raison que i’ay desia touchée du mauuais ordre que 1 onnbsp;affecte d’y tenir. La bonté auec laquelle Son Altessenbsp;Royale Ie traitte, fait bien voir qu’il n’y est oblige par
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aucun changement qui soit arriué du costé du Luxembourg ; et pour ce qui est des violences, il est assez en possession de n’en point reconnoistre que celles qu’ilnbsp;se fait a luy inesme. Nous auous veu la sedition régnernbsp;dans Ie Palais; nous l’auons veu triompher de l’Hostelnbsp;de Ville; et nous auons veu que Ie cloistre ne I’a pasnbsp;appréhendée.
Tarif du prix dont on est conuenu dans xne assemblee de notables tenue en présence denbsp;messieurs les Princes pour récompenser ceuxnbsp;qui déliureront la France du Mazarin, qui o,nbsp;été iustement condamné par arrét du parlement [3752]
(20 juillet 1652).
A celuy qui, après l’auoir tué, luy coupera la testc et la portera par les rues de Paris, en signe de paix, lanbsp;somme de cent mille escus, et permission a lui seul, ounbsp;a ceux qui l’auront de luy, de Palier porter par toutesnbsp;les villes, bourgs et villages du Royaume pour en tirernbsp;les profits que Pon a coustume d’accoi'der a ceux quinbsp;portent la teste du loup.
A celuy qui, après Pauoir heureuseinent guetté, lors-qu’il paroistra a la fenestre, luy fera sauter, par quelque bon coup de fusil, ce peu qu’il a de ceruelle, dix millenbsp;escus.
Au soldat qui, Ie voyant a la teste de son bataillon,
* On salt qu’il est de Marjgiiy.
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au lieu de Ie saluer, luy tirera vu coup de mousquet, cinq mille escus; et sera anobli, lui et sa postéi’ité; etnbsp;au cas que Ie soldat fust découuert, ce qui pourtant n’estnbsp;pas facile lorsque tout vn régiment fait vne salue, Tof-ficier qui Ie fera sauuer, aura dix mille escus.
Que si tout Ie corps s’intéresse a la conseruation de celuy qui aura execute vn coup si important a l’Estat,nbsp;il sera recognu par MM. les Princes pour vieux corps etnbsp;entretenu, soit en temps de paix, soit en temps de guerre,nbsp;par la ville de Paris; ct Ie fond sera pris préférablementnbsp;a toutes autres assignations sur celuy des entrees.
A celuy qui, dans l’approche des armées ou a quelque siége de ville, luy tirera vn coup de pistolet et se sauueranbsp;dans les troupes de MM. les Princes ou dans la place as-siégée, la somme de quatre mille escus, si c’estvn simplenbsp;caualier, et de dix mille escus si c’est vn officier; et luynbsp;seront expédiées Lettres de Comte ou de Marquis, a sonnbsp;choix, dont MM. les Princes solliciteront la verificationnbsp;dans le Parlement, dans la Chambre des Comptes etnbsp;dans la Cour des Aydes, sans qu’on luy fasse valoir lesnbsp;breuets de Marescbal de Camp ou de Lieutenant generalnbsp;dont il sera gratifie.
A celuy qui, ayant loue quelque maison commode prés de celle du Mazarin, luy tirera par la fenestre denbsp;son logis vn coup de fusil charge de balles ramées etnbsp;empoisonnées et se sauuera ensuite sur vn bon clieualnbsp;qu’il aura soin de faire tenir prest, la somme de sixnbsp;mille escus.
A celuy qui l’arquebusera lorsqu’il sera dans l’église, chose qui ne doit donner aucun remords de conscience,nbsp;attendu la declaration de la Sorhonne, six mille escus.
A celuy qui se seruira d’vne arquebuse a vent pour le
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tuer commodément saus que l’on en puisse entendre Ie bruit, dix mille escus.
A celuy qui chargera ses pistolets de poudre blanche ahn qu’il puisse exécuter facilement l’entreprise sansnbsp;estre descouuert, la somme de dix mille escus.
A celuy qui, se glissant adroitement a sa suite, lors-qu’il se fera porter en chaise, luy tirera vn coup de niousquelon par dessus l’épaule du porteur, et se iettera,nbsp;pour se sauuer, dans la maison la plus proche dans la-quelle on luy donnera retraite fauorahle pour auoir seruinbsp;l’Estat, vingt mille escus. ’
Au canonier qui, Ie voyant dans vne hatterie, mettra Ie feu dans vne harrique de poudre pour Ie faire sauter ,nbsp;cinquante mille escus.
Aux Fantassins ou Cheuaux Légers qui, faisant sem-blant d’auoir tiré par mesgarde, Ie tueront, vingt mille escus.
Aux Gensdarmes et Cheuaux Légers de la garde ou autres qui, lorsque Ie Roy sera a la chasse accompagnénbsp;du Mazarin, donneront a ce Sicilien Ie coup mortelnbsp;dans quelque fort ou faux fuyant, cinquante millenbsp;escus.
A celuy qui iettera vne grenade dans sa chamhre, dans son carrosse ou dans sa chaise et Ie tuera , trois millenbsp;escus.
A celuy qui, ayant vne maison pres de la sienne ou en louera vne pour faire vne mine sous la caue de son logisnbsp;et Ie fera sauter, soixante mille escus.
A celuy qui mettra vne bombe dans vne chambre au-elessous de la sienne et la fera heureusement iouer, pa-eeille somme.
A celuy qui, dans vne chambre au-dessus de la sienne,
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mettra vne bombe chargée de poudre d’or fulminant pour faire miner Ie plancher et l’accablera sous les ruines, pareille somme de soixante mille escus.
A celuy qui luy fera présent de quelques petites boëtes, ballots OU coffres remplis d’artifices quine prendront feunbsp;que lorsqu’il les ouurira, en cas que Ie coup réussisse, lanbsp;somme de cinquante mille escus.
A celuy qui, se coulant dans la pi’esse , s’approchera de luy, portant sous son manteau vne arbaleste a la Gé-noise, etluytirera vne aiguille pointuedans Ie corps, lanbsp;somme de trente mille escus.
A celuy qui Ie tirera d’vn coup de flèche , se seruant d’vne arbaleste ordinaire, deux mille escus.
A celuy qui, sous prétexte de luy donner quelqu’aduis secret, mettra dans son chapeau vn bon pistolet et Ienbsp;tuera, cinquante mille escus.
A celuy des Gardes du Corps du Roy ou des Cent Suisses , arcbers du Grand Préuost, archers de la Porte, Sol-dats des Gardes Francoises ou Suisses qui, Ie voyant passer, mettra a fin I’entreprise, cinquante mille escusnbsp;auec vne compagnie dans vn vieux Corps.
A tous Moines, Hermites ou gens déguisez de la sorte qui porteront dans la grand’manche poignards, pistolets ou armes propres pour exécuter vn semblable coupnbsp;et l’exécuteront heureusement, cinquante mille escus; etnbsp;outre seront obtenusdu Saiiict Père, pour les premiers,nbsp;dispenses de leurs voeux, et du Parlement arrests pour lesnbsp;faire rentrer dans I’lieredite paternelle.
A celuy de ses domestiques qui, Ie seruant a table, luy donnera vn coup de couteau empoisonné dans les lom-bes, la somme de cinquante mille escus.
A l’abbé de Palluau, camérier du Mazarin, au ras
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(ju’il facllite 1’entrée et la sortie de 1’exécuteur d vne en-treprise si généreuse et si saincte, Ie Chapeau et la Cha-pelle de son maistre.
Aux pages ou laquais qui, estant derrière son car-fosse, luy appuieront pistolet, mousqueton ou autre arme et en déliureront Ie monde , vingt cinq millenbsp;escus.
Aux valets de chambre qui l’estoufferont entre deux couettes, ou qui a coups de sacs de son, de sable ounbsp;d’os de morts piles Tassomineront, ou qui, pour l’es-touffer, mettront en vsage nceuds coulans, seruiettes etnbsp;ceintures, ouqui, lui faisant la barbe, appuieront for-tement Ie rasoir, ou, en lui donnant la chemise, l’em-barrasseront et Ie dagueront facilement a bons coups denbsp;poignards ou de bayonnettes empoisonnées et exécu-teront l’Arrest du Parlement, soixante et dix mille escus.
A tous ceux de ses domestiques et Officiers de sa maison qui Ie tueront ou l’ameneront vif ou mort dans Paris,nbsp;cent mille escus; et seront absous de toutes les peinesnbsp;portées par les Arrests contr’eux et seront declares Fron-deurs et gens de bien , d’honneur et de probité.
Aux cochers et postillons qui, leconduisant pres d’vn precipice, Ie verseront adroitement, en cas qu’ils luynbsp;fassent rompre Ie col, quarante mille francs; en casnbsp;qu’il n’ait qu'vn bras cassé , deux mille francs; pour lesnbsp;iambes, quatre mille; pour les iambes et les bras, buitnbsp;'itille; pour 1’épine du dos, dix mille escus.
A l’Escuyer qui trouuera moyen de déguiser vn sau-teur ou trottier en guildine et luy causera quelque des-cente de boyau, en sorte qu’il deuienne inhabile au coït, Jtiille pistoles et vue cbaisne d’or auec la médaille de.snbsp;Princes et de la Viile de Paris.
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A tous Pontoniers, Batellers et Voituriers par eau qui) Ie menant, feront renuerser Ie bateau ou trouuerontnbsp;moyen de Ie faire couler a fonds et se sauueront ensuitenbsp;a la nage, neuf mille francs.
A tous Gouuerneurs de Places qui l’arresteront ou Ie feront tuer, sera donnée la propi’iété de ladite place poutnbsp;en iouir eux et leurs enfans iusques a la troisième generation , auec les cinquante mille escus portez par l’Arrestnbsp;du Parlement.
A tous Médecins qui, Ie traitant des maladies ordi-naires et extraordinaires , luy ordonneront des remèdes conformes a l’Arrest du Parlement et nécessaires au salidnbsp;de l’Estat, la somme portee par ledit Arrest.
A I’Apothicaire qui infusera ou dissoudra dans ses remèdes arsenic, sublime, réagal, oppion, sue denbsp;napele, aconit, if, ellébore, essence de tabac, sue denbsp;crapaud , sueur de rousseau, poudre de diamant, pierrenbsp;de cautère, verre pile et autres sues et herbes salutairesnbsp;pour Ie public en la personne dudit Mazarin, la somro®nbsp;de cinquante mille escus , sans préiudice de ses frais dontnbsp;il sera remboursé.
Au Cbirurgien qui, en Ie saignant, trempera sa lan-cette dans quelque poison, la somme de soixante mill^ liures.
Item , a l’Apothicaire qui, luy donnant vn lauement, empoisonnera Ie canon, vingt mille liures.
Au Cuisinier qui, dans ses ragouts, mettra lièure marin, cantaride, fiel de taureau, éponge préparée gt;nbsp;araignée et les autres ingrédiens dénommez dans Ie premier article de Tapothicaire, la somme de trente millenbsp;liures.
Aux Sommeliers qui empolsonneront les fruits, com-
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poles f confitures et Ie gobelet et prépareront son vin 3uec tant cl’art que mort s’en ensulue, dix millenbsp;^scus.
A tous lardiuiers et lardinières, Bouquetiers et Bou-^uetières qui luy présenteront bouquets parfumez auec poison, mille escus.
A tous Parfumeurs et Gantiers qui seruiront Ie public sa personne , comme faisoit celuy de la Reine Catherine , trois mille escus.
A tous Cordonniers qui empoisonneront Ie roussi et 1’escarpin, la soinme de deux mille escus.
A tous Secrétaires, Courriers ou Messagers qui luy porteront pacquets bien et düment préparez, en cas quenbsp;Ja chose re'ussisse au contentement du public, la sommenbsp;portee par l’Arrest.
Au Courtisan qui, approchant Sa Maiesté, luy désil-Jera les yeux et lui faisant connoistre Ie miserable estat iJe son Royaume, la fera consentir a la Conchinade, lanbsp;thesme recompense du Mareschal de Vitry.
A celuy des Mareschaux de Villeroy, du Plessis, de Turenne, de La Ferté et d’Hocquincourt qui, aprèsnbsp;J auoir fait assommer, ramcnera Ie Roy dans sa bonnenbsp;^ille de Paris, l’espée de Connestable.
A ceux qui sont pourueus de breuets de Dues et Pairs, ®n cas qu’ils méritent de 1’Estat par vne si belle et bonnenbsp;Action, la verification de leurs Lettres en Parlement non-rifistant toutes oppositions.
A toutes femmes et lilies de la Cour ou autres de la ^ille qui l’esuenteront auec des esuentails empoisonnés,nbsp;qui luy fourreront dans Ie gosier ces certains busquesnbsp;laine ou de velours pour 1’estouffer, la somme denbsp;r^inquante mille escus dont elles seront dotées par Ie Par-
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lement et mariées dans Tan, sans que leur age leur puisse nuire ni préiudicier.
Aux femmes qui, Ie voyant passer par la rue, luy fe-ront tomber sur la teste grais , pots d’oeillets ou bonnes grosses pierres et l’assommeront, la mesme recompensenbsp;qu’eut la bonne femme vénltienne pour auoir tué Ie Tié-poly.
A ceux qui, iouant auec luy Ie soir, feront semblant de se quereller, et, après auoir soufflé les flambeaux, anbsp;beaux coups de chandelier de Dieu ou d’autres armes ennbsp;déferont Ie public, si ce sont financiers, la Surinten-dance des finances; si ce sont ecclésiastiques, des Eues-chez; si ce sont gens d’espée, des Gouuernemens et desnbsp;dignitez; si ce sont gens de Robe, des Charges de Secrétaires d’Estat ou d’autres a leur choix.
A tous Sorciers, Vaudois, Magiciens et Nécroman-ciens qui, employant les secrets de leur art et Ie pouuoir de leur Maistre , par herbes, charmes, billets, imagesnbsp;de cire et paroles, déliureront Ie monde de ce malbeureuXnbsp;Estranger, qui en est Ie perturbateur, la somme portéenbsp;par rArrest, auec Ie restablissement de leur bonnenbsp;fame et renommee, en sorte qu’ils puissent aspirernbsp;et estre pourueus de toutes Charges, Offices et Bé-néfices.
A tous Confesseurs qui fortifieront dans ce pieux des-sein ceux qui, par foiblesse d’esprit et scrupule sans fondement , leur reuèleroient a la confession, les Abbayes et autres Bénéfices du défunct.
Si quelqu’vn, poussé de l’esprit de Dieu et touché de la misère publique , préfère Ie salut du Roy et de l'Estatnbsp;au sien particulier dans l’exécution d’vne si haute entre-prise et digne d’vne récompense éternelle, la somme de
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quatre cent mille liures sera donnée a ses héritiers; et outre ce, luy sera fait vn tombeau deuant Ie grand autelnbsp;de 1’Égl ise Cathédrale de Paris, deuant lequel seranbsp;outretenue éternellement vne lampe aux despens dunbsp;public.
Que si tons ceux qui sont inuitez par ce présent mé-'Uoire, fait pour Ie bien du seruice du Roy et du ïl^oyaume , ne pouuoient heureusement exécuter leursnbsp;genéreux desseins, toutefois pourueu qu’il soit connunbsp;par quelqu’effusion notable de son sang qu’ils ont ha-ïardé Ie coup, ils seront récompensez de la somme denbsp;quarante mille francs.
Et afin que l’on ne doute point de la certitude de la i'écompense, on sera auerty que les sommes, poftées parnbsp;oe mémoire, sont entre les mains de M. Ie Comte de Fon-^railles, demeurant rue d’Aniou pres des Enfants Rouges , qui les déliurera ou en deniers comptants ou parnbsp;lettres de change, payables a Venise, Amsterdam ounbsp;ïfambourff. au choix dudit executeur qui doit s’asseurer
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que, pourueu qu’il fasse bien son deuoir, on ne Ie chi-oanera pas sur la recompense; au contraire, il sera gra-dfié du change en cas qu’il veuille receuoir la somme ^ors de Paris.
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CHOIX
[4007] *.
(7 aout d652.)
Puisque la colère de Dieu, si iustement irritée parnos péchez, a permis que lorsque la France faisoit tremblernbsp;tons ses ennemis et estoit en estat de pouuoir donner lanbsp;paix au reste de l’Europe, comme elle l’auoit donnée anbsp;l’Allemagne, et de se la procurer a soy-mesme auec tantnbsp;d’auantage qu’elle n’auroit pas este moins durable quenbsp;glorieuse, elle se trouue auiourd’huy reduite, par noSnbsp;diuisions domestiques, dans vne telle extrémité de mal'nbsp;beur qu’il faut auoir renonce a I’amour de sa patrie et anbsp;tout sentiment d’humanité pour ne pas contribuer»nbsp;comme quelques gouttes d’eau afin de tascher a esteindrenbsp;eet embrazement, et ses larmes en la presence de DieUnbsp;et ses aduis a ceux qui peuuent s’en seruir pour Ie bieonbsp;general de tout Ie Royaume, ie m’estime d’autant plu*nbsp;oblige a parler dans vne occasion si pressante que ie n’aynbsp;point veu dans tous les Ecrits qui ont paru iusques icy gt;nbsp;qu’on ait approfondy iusques dans leur source les causesnbsp;des maux qui nous font périr, ny qu’on ait leué ce voil®nbsp;funeste qui empesche presque généralement tout 1®nbsp;monde de discerner les ténèbres d’auec la lumière, les
’ On a attrlbué ce pamphlet au père Faure, confesseur de reine, et depuis évéque d’Amlens. Mailly Ie proclame un pen empltatiqueroen*nbsp;« l’ouvrage Ie plus satisfaisant, Ie plus raisonnable qui soit sorti de 1*nbsp;presse dans ce temps d’extravagances. »
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interests cachez d’auec Ie zèle apparent et les faux pré-textes d’auec les intentions véritables.
leprotestedeuantleDieu viuant et qui peutd’vn coup tonnerre me réduire en poudre si ma protestationnbsp;n’est véj'itable, que ie ne suis par sa grace porté en cecynbsp;ny d’aucun intérest ny d’aucune haine, et que si ie menbsp;sentois pressé de l’escrire par les raisons que ie viens denbsp;i'eprésenter, ie n’aurois iamais pume résoudre de mettrenbsp;la main a la plume pour dire des choses qui seront d’au-tant plus mal receues de la pluspart de ceux qu’elles re-gardent, qu’ils scauent en leur conscience qu’elles sontnbsp;plus véritables.
II faut done voir clairement quelles sont les causes de nos maux, afin de iuger des remèdes qui sont ca-pables de les guérir. Et e’est ce que ie vais tascher denbsp;faire.
La premiere cause est sans doute nos péchez, dont nous ne sqaurions demander pardon a Dieu auec trop denbsp;soupirs , de gémissemens et de larmes, ny en faire vnenbsp;trop séuère pénitence. Personne n’ignore quelle futnbsp;celle des Niniuites; mais, au lieu de I’imiter, onse contente de les imiter et mesme de les surpasser dans leursnbsp;offenses.
Quant aux causes secondes, la dissipation des Finances peut passer sans difficulté pour la principale et la première de toutes. On ne scauroit penser sans horreur a lanbsp;manière dont elles ont este administrées depuis le tempsnbsp;du Cardinal de Richelieu. Au lieude choisir des hommesnbsp;dignes de remplir la charge de Surintendant, qui est lanbsp;plus importante du Royaume, principalement durantnbsp;^ne aussy grande guerre que celle que nous soustenonsnbsp;depuis tant d’années , puisqu’elle en fait mouuoir tons
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CllOlX
les ressorts, on a veu vn Mareschal Desliat disposer plus absolument des trésors de l’Estat que les autres ne disposent de leur bien propre, et faire en mesme temps auxnbsp;portes de Paris, en Auuergne et en Aniou des despencesnbsp;et des bastimens que Ie Roy, son maistre, n’auroit osénbsp;entreprendre; Versailles, qui ne seroitpas vne trop bellenbsp;maison pour vn particulier, ayant esté la seule que cenbsp;grand Prince aitbastie durant tout son règne. On a veunbsp;vn Bullion, ce monstre d’inhumanité, d’impudicité etnbsp;d’auarice, voller auec la mesme hardiesse que d’autresnbsp;me'nageroient l’argent du public, et laisser des biens sinbsp;prodigieux, non-seulement en argent mais en fonds, quenbsp;ce grand nombre de terres qui pourroient toutes ensemble composer vne prouince, sont des marquesnbsp;tousiours visibles de la vérité de ce que plusieurs per-sonnes scauent ; que ce redoutable Ministre, qui s’estoitnbsp;rendu Ie maistre de son maistre, disoit qu’il auoitnbsp;tousiours dans sa boiste de quoy faire pendre ce Surin-tendant, afin de Ie tenir sans cesse dans vne dépendancenbsp;absolue et vne obéissance aueugle. On a veu, commenbsp;des Harpies subalternes nées pour la ruyne du peuple,nbsp;vn Cornuel qui estoit l’ame damnée de Bullion, ce quinbsp;est tout dire en vn mot pour exprimer sa vertu et sanbsp;probité; vn Bordier, qui, tirant son illustre naissancenbsp;d’vn Chandelier de Paris, a despencé plus de trois centnbsp;mille escus a bastir sa maison du Rincé (^Raincj) parnbsp;vne insolence sans exemple, mais qui mériteroit pournbsp;l’exemple qu’on Ie logeast a Montfaucon qui en est toutnbsp;proche; vn Galland qui, estant fils d’vn paysan de Cbas-teau-Landon, s’est fait si riclie en peu d’années qu’vnnbsp;Président au Mortier ' n’a point eu bonte d’espouser sa
* Le président Le Coigneux.
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1)1£ JIAZAKINADES.
vefiie; vii Lambert, fils fi’vn Procureur des Comptes , qui, portant eucore plus dans Ie coeur que sur Ie visagenbsp;Ie caractère d’vn luif, a laissé quatre millions cinq centnbsp;mille liures de bien dont Ie Président Viole, ce bonnbsp;Francois et ce fidelle seruiteur du Koy, a eu pour sa partnbsp;plus de quatre cent mille liures ; vn Ie Camus qui, estantnbsp;venu de rien et ayant au moins dix enfans, a laissé aunbsp;moins vn million de liures a chacun; vn Bretonuilliersnbsp;qui, n’estant autresfois qu’vn simple Receueur généralnbsp;des Finances de Limoges, a gagnétantde millions cpi’estant assez bon homme d’ailleurs, il en auoit bonte luy-mesme; vn de Bordeaux qui, pour n’en auoir pas dunbsp;tout tant, ne doit pas estre accusé de négligence puis-qu’il a tousiours esté beaucoup plus ardent et plus hardynbsp;que luy pour en acquérir; et vn ïubeuf qui, de petitnbsp;commis du Mareschal Desfiat, est deuenu en peu d’an-nées Intendant des Finances, Président des Comptes etnbsp;aussi riche qu’il est grand ioueur. Ie serois trop long si ienbsp;voulois nommer tous ceux qui ont fait comme en vn moment tant de fortunes prodigieuses, et ce grand nombrenbsp;de Partisans et de Traittans sortis de la lie du peuple,nbsp;dont les noms n’ont esté connus que par la somptuositénbsp;de leurs festins, Ie luxe de leur train et de leurs meu-bles, la magnificence de leurs bastimens et les crisnbsp;qu’ont poussez iusques au ciel les aisez, la pluspartnbsp;mal aisez, dont ils ont rauy Ie bien, et tant de pau-ures officiers qu’ils ne se sont pas contentez de priuernbsp;entièrement de leurs gages par des taxes continuelles,nbsp;mais qu’ils ont mesme réduits a s’enfuyr et a se ca-cher pour conseruer leur liberté, en les voulant con-traindre par vne barbaric inimaginable de payer surnbsp;leur autre bien encore d’autres taxes qu’ils ne pou-
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uoient prendre sur leurs gages paree qu’ils n’en iouis-soient plus.
Voila au vray en quel estat estoient les Finances lors de la mort du feu Roy. Voyons maintenant de quellenbsp;sorte elles ont esté depuis administrées. On ne scauroitnbsp;sans iniustlce accuser la Reyne d’auoir eu dessein d’a-masser de grands trésors durant sa Régence, puisqu’aunbsp;contraire chacun scait qu’elle doit beaucoup et qu’ellenbsp;n’a pu acheuer l’Eglise du Val-de-Grace, qui est Ie seulnbsp;bastiment qu’elle a entrepris. Mais Ie Cardinal Mazarinnbsp;estant entré auec vne authorité absolue dans Ie ministère et ayant trouué les affaires du Roy dans la ncces-sité oü tant de voleries les auoient réduites, fit-il parnbsp;l’establissement d’vne bonne Chambre de Justice (ie disnbsp;bonne a la difference de ces autres Chambres, non pasnbsp;de iustice, mais d’iniustice, que nous voyions si souuentnbsp;auparauant et qui ne seruoient qu’a autoriser les crimesnbsp;au lieu de les chastier), fit-il, dis-ie, par l’establissementnbsp;d’vne bonne Chambre de Iustice, remettre dans les cof-fres du Roy, pour Ie soutien de l’Estat et Ie soulagementnbsp;du peuple, ce que ces sangsues auoient desrobbé? Abolit-il Ie luxe que ces volleurs auoient introduit et qui anbsp;cause vn luxe general par la peine que chacun auoit denbsp;souffrir que des gens de néant parussent si fort au-dessusnbsp;d’eux? Et enfin choisit-il pour Surintendant vn si hommenbsp;de bien, si homme d’honneur et qui eust les mains sinbsp;pures qu’il peust, autant par son exemple que par sanbsp;probité et par ses soins, apporter des remèdes aux mauxnbsp;que ses prédécesseurs auoient faits ? Au contraire , il senbsp;rendit Ie protecteur de ces Harpies; il fit des principauxnbsp;d’entr’eux ses familiers auec lesquels il passoit les nuicts anbsp;iouer grand ieu : ce qui est vn crime et vn grand crime a
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ceux qui sont employez dans les Finances. II souffrit que, par vne auarice infame, des personnes des plus qualifie'esnbsp;de la Cour et des Officiers des Cours Souueraines fussentnbsp;leurs associez dans les prests et dans les prests sur prests,nbsp;qui estoit vne vsure iusques alors inouye. II renchéritnbsp;encore sur ce luxe general, en ne se contentant pas dunbsp;superbe Salon que Ie Cardinal de Richelieu auoit faitnbsp;bastir pour ses comedies, mais en Ie faisant rompre ennbsp;partie pour donner place aux iminenses machines de cetlenbsp;ennuyeuse Comédie ’ qui cousta cinq cens mille francs aunbsp;Roy de l’argent du peuple; et il fit vn bastiment pournbsp;ses cheuaux, dont la magnificence surpasse celle des palais des Princes. Enfin pour couronner toutes ces bellesnbsp;reformations, il choisit pour Surintendant Ie plus vi-cieux, Ie plus insolent et Ie plus hardy volleur qui fustnbsp;en France, en mettant Demery dans les Finances. Cetnbsp;horame, dont Ie père estoit vn paysan d’vn village de lanbsp;République de Syene, nommé Particelle, duquel il por-toit Ie noin, dont Ie frère auoit fait amende honorablenbsp;a cause d’vne banqueroute a laquelle il auoit part, et quenbsp;chacun scauoit auoir este tout prest d’estre pendu a Toursnbsp;en IfilQ pour des maluersations qu’il auoit faites dansnbsp;la charge de Controlleur de I’Argenterie , ioignant a sesnbsp;debordemens publics et a son audace sans pareille vnenbsp;cruaute si impitoyable qu’il rioit en ecorchant tout lenbsp;monde, porta les esprits dans le desespoir.
C’est la la source la plus apparente de nos malheurs et IVn des plus grands crimes du Cardinal, quoyque ienbsp;n’ignore pas que le Trafic sacrilege des Benefices qu’il anbsp;estably iusques a donner a des Séculiers et mesmes a des
' li’opéra d’Orpliée.
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gens d’espée, ses doniestiques, des pensions sur des Éues-chez et Archeueschez, ne soit encore beaucoup plus grand deuant Dieu, puisque c’est distribuer a des lay-ques, comme vn blen profane, Ie patrimoine sacré denbsp;lésus-Christ.
Mais voyons la suitte. LeParlement, dont la lascheté auoit esté telle que de n’oser, pendant les quatre premières années de la Régence, faire vne seule remonstrance au Roy et a la Reyne touchant ces extremes dés-ordres, quoy que son deuoir I’y obligeast, voyant quenbsp;Demery vouloit toucher a ses gages, sertueille, fait parnbsp;la consideration de son intérest ce que la consideration denbsp;son honneur n’auoit pas esté capable de luy faire faire,nbsp;s’assemble , donne 1’Arrest d’vnion auec les Compagniesnbsp;Souueraines, excite les autres Parlemens et, par vne au-dace criminelle, ne pretend rien moins que de s’ériger,nbsp;sinon de nom , au moins par effect, en tuteur des Roys.nbsp;En quoy ie n’entends nullement parler de ceux qui nenbsp;s’estant iamais despartis du respect qu’ils doiuent a leurnbsp;Souuerain, ont gémy en leur cceur et tesmoigné sur leurnbsp;visage et dans leurs aduis la douleur qu’ils ressentoientnbsp;de l’estrange égarement de leurs confrères, mais de ceuxnbsp;qui font gloire de porter eet infame nom de Frondeurs,nbsp;qui sera en horreur a toute la postérité, et dont Brousselnbsp;est le Patriarche.
Le Coadiuteur de Paris, dont 1’ambition n’a point de hornes, ne pouuant se résoudre d’attendre que le tempsnbsp;1’esleuast a la dignité que sa naissance, son esprit et sanbsp;charge pouuoient iustement luy faire espérer, fut rauynbsp;de rencontre!' cette occasion. Et ainsi, au lieu de letternbsp;de r eau pour tascher d’esteindre le feu qui s’allumoitnbsp;dans cette capitale du Royaume, qui doit vn iour estre
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DE MAZARINADES.
son siege, il y ietta de l’huile pour en accroistre l’embra-sement, et a enfin réussi si heureuseinent ou, pour mieux dire, si malheureusement dans son dessein qu’il a esténbsp;honoré decelte pourpre qui Ie déshonore, estant teinte,nbsp;comme elle est, du sang qui inonde auiourd’huy lanbsp;France par cette cruelle guerre ciuile dont il est vnenbsp;des principales causes, et faisant voir par l’vn desnbsp;plus pernicieux exemples qui fut iamais, que cette éminente dignité, au lieu d’estre en sa personne la recompense d’vn grand seruice, est la recompense d’vnnbsp;grand crime.
Ce seroit icy Ie lieu de parler des Barricades et du siége de Paris; mais comme ils ne sont que trop connusnbsp;de tout Ie monde par les malheureux effects qu’ils ontnbsp;produits, ilme suffira de dire que peu de gens ont re-marqué, ce me semble, que Ie Roy n’en voulant qu’aunbsp;Parlement et non pas a Paris, ils n’eurent en effect pournbsp;cause que ce que Paris prit la querelle du Parlement con-tre Ie Roy
Après que ce grand orage fut passé et qu’il sembloit qu’on deust iouir de quelque calme, ceux qui nenbsp;pouuoient espérer d’arriuer promptement que par Ienbsp;trouble au but ou leur ambition les portoit, s’aduisè-rent de la fourbe de loly ® et choisirent la Boulaye pour
* C’est la these des pamphlets royallstes en 1649.
® Le 11 décemhre 1649, Guy Joly, un des syndics des rentiers de 1’Hötel de Ville, feignit d’avoir reen un coup de pistolet dans son car-rosse et d’avoir en Ie bras fracassé. H porta plainte au parlement; Moyensnbsp;des VQquestes pvéseniées d la cour par M. GuyJo/j ,etc.[^515]. Lehut de cettenbsp;fourberie était de soulever Ie peuple contre Ie cardinal Mazarin. Le marquis de La Boulaye parcourut en effet les rues aux environs du Palais,nbsp;wiant aux armes! mais personne ne bougea; ct ce pauvre complotnbsp;tt’aboutit qu’a une accusation de tentative d’assassinat que le prince denbsp;Gondé lanca contre le due de Beaufort, le coadjuteur et le vieux Brous-
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exciter, sous ce prétexte, par vn crime qiii raeritoit mille roues, vne sedition générale dans Paris. Monsieur lenbsp;Prince tesmoigna chaleur pour le chastiment des cou-pables et demanda iustice pour luy mesme sur I’opinionnbsp;qu’il eut auec beaucoup d’apparence, qu’apres auoirnbsp;manqué le dessein d’exciter vne sedition, ils I’auoientnbsp;voulu faire assassiner. C’est icy ou ceux qui viendrontnbsp;apres nous, auront peine a croire que la trahison et lanbsp;perfidie ait pu aller aussi auant que le Cardinal fut capable de la porter. Car en mesme temps qu’il tesmoi-gnoit d’estre entierement attaché a Monsieur le Prince,nbsp;depuis s’estre accommodé auec luy par I’entremise denbsp;Monsieur le Due d’Orléans, et I’animoit a perdre lenbsp;Coadiuteur dont il se déclaroit I’ennemy mortel, en ap-profondissant I’affaire de la Boulaye et I’assassinat qu’ilnbsp;croyoit auoir este entrepris contre sa personne, il trait-toit en ce mesme temps auec le Coadiuteur et tous lesnbsp;autres ennemis iurez de Monsieur le Prince pour arrester Monsieur le Prince; et buit iours auparauant sanbsp;detention qui estoit résolue, il y auoit desia quinze iours,nbsp;et qu’on chercboit a tous momens I’occasion d’executer,nbsp;il luy donna vn escrit de sa main et signe de luy, auxnbsp;asseurances duquel il estoit absolument impossible de riennbsp;adiouster. Ainsi, lorsque Monsieur le Prince auoit suietnbsp;de se croire le mieux a la Cour, puisqu’il a’auoit acquisnbsp;la haine du peuple que pour auoir seruy le Roy durantnbsp;le siège de Paris, il se trouua dans le Bois de Vincennesnbsp;par vn effect de la sincérité et de la iustice de ce Minis-
sel. Il n’y a pas de doute que La Boulaye n’ait agi en cette circonstance pour le compte de Gondy; car, peu après rarrestadoii des princes, il ynbsp;eut une Declaration du Roy portant abolition générale de ce qui s'est passenbsp;en la ville de Paris Vonziesme décemhre 1649, etc, [921].
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ti’e; et vne amnistie généralle pour la Boulaye et ses ad-hérans , iointe mesme a des recompenses , fut aussy vn illustre tesmoignage de l’équité et de la prudence de sanbsp;politique.
Vne prison si iniuste et dont toutes les fausses cou-leurs que Ie Cardinal employa dans cette lettre de cachet qu’il tiroit vanité d’auoir faite*, ne peurent souffrir la lumière du Soleil sans disparoistre aussy tost, excita vnenbsp;plaincte si générale contre luy qu’après Ie retour du Roynbsp;du voyage de Guyenne, il fut contrainctde s’en aller; etnbsp;la liberté de Monsieur Ie Prince fut résolue a des conditions qui ne luy estoient pas désagréables, quoy qu’ellesnbsp;fussent très-aduantageuses pour Ie Roy. Mais par vn aueu-glement et vne impudence inimaginable, Ie Cardinalnbsp;deuanca les Députez de Sa Maiesté qui alloient aunbsp;Haure les luy porter, et Ie mit en liberté sans aucunesnbsp;conditions : ce qui a esté 1’vne des principales causesnbsp;des malheurs dans lesquels nous sommes maintenant,nbsp;ainsi que la suitte Ie fera voir.
lusques alors Monsieur Ie Prince, non seulement n’auoit rien fait d’indigne de la grandeur de sa nais-sance, mais il l’auoit encore surpassée par la grandeurnbsp;de ses actions. Il auoit porté la terreur du nom Francois partout oil il auoit porté les armes du Roy. IInbsp;pouuoit compter ses campagnes par Ie gain des plusnbsp;grandes batailles qui ayent esté données, et par la prisenbsp;des plus fortes places qui ayent esté assiégées de nostrenbsp;siècle. II passoit dans tout Ie Septentrion pour vn autrenbsp;Roy de Suède, et dans tout Ie reste de l’Europe pour Ie
' Lmre du Roy sur la detention des Princes etc. [2197] , elle est du ^9 janvier 1650.
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plus heureux, Ie plus vaillant el Ie plus grand Capitaine du monde; et enfin pour comble de gloire , il faisoltnbsp;mestier d’vne inuiolable fidélité enuers son Roy etnbsp;d’vne ardente passion enuers sa patrie.
Mais par vn changement non moins estrange et deplorable que criminel et funeste, eet Astre qui lancoit de toutes parts les rayons d’vne si viue lumière, estnbsp;comme tombé du firmament dans vn abysme d’aueugle-ment et de tënèbres. Monsieur Ie Prince au lieu de nenbsp;penser qu’a iouir d’vne reputation dont sa prison auoitnbsp;encore rehaussé l’esclat et Ie lustre , au lieu de ne pensernbsp;qu’a reconnoistre par de nouueaux seruices l’extrêinenbsp;obligation qu’il auoit au Roy de luy auoir donné Ie gou-uernement de Guyenne qui vaut trois fois celuy de Bour-gongne qu’il auoit auparauant, au lieu de ne penser qu’anbsp;contraindre par de nouueaux trophées nos ennemis denbsp;consentir a vne paix qui ne luy auroit pas esté moinsnbsp;glorieuse qu’vtile et honorable a la France, on Ie vit senbsp;retirer de la Cour, aller en Berry, passer en Guyenne,nbsp;allumer la guerre de tous costez, se saisir de 1’argent dunbsp;Roy, surprendre ses places, oublier iusques a vn telnbsp;poinct sa qualité de Prince du Sang de France, l’oseray-ie dire et Ie croira-t-on vn iour? que de fléchir Ie ge-nouil deuant l’Espagne , rechercher son assistance pournbsp;faire la guerre a son Maistre^ a son bienfaiteur, a sounbsp;Roy, deuenir client et pensionnaire de celuy dont il fou-droyoit auparauant les armees, establir dans Bouvg etnbsp;dans la Guyenne ceux qu’il auoit forcez dans ïhion-uille, dans Dunquerque et dans d’autres places dunbsp;Luxembourg et de la Flandre, et pour comble de transport et de fureur, irnplorer le Démon a son secours eunbsp;iinplorant cehiy de Cromwel, ce démon sorty do 1’enfer
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DE MAZARINADES.
pour treinper dans Ie sang de son Roy et d’vn des ineil-leurs Roys du monde ses mains parricides et sacriièges, Ce Mahomet de nostre siècle qui en renuersant toutes lesnbsp;diuines et humaines, fait Ie Prophete et affecte denbsp;''*Ure comine vn simple particulier lorsqu’il est en effetnbsp;^ Vsurpateiir et Ie lyran de 1’Angleterre.
Voila ce qu’a fait Monsieur Ie Prince, sans que ny la ct’ainte de Dieu qui tonne sur la teste des ingratsnbsp;des rebelles, ny la crainte de ternir deuant lesnbsp;^oinines toute la gloire de ses actions passëes, ny lanbsp;Cfainte de rendre son nom incomparablement plus odieuxnbsp;^ toute la postérlté que ne Test encore auiourd’huy celuynbsp;Charles de Bourbon, ait pu destourner son esprit dunbsp;'^essein qu’il auoit formé par vne ambition inconceuablenbsp;se rendre Maistre absolu d’vne grande partie dunbsp;^oyaume.
Chacun scait qu’il prit pour prctexte d’vn tel crime 'l’te Ie Cardinal qui estoit alors hors de France, deuoitnbsp;Ceuenir ; comme si quand il auroit desia eslé de retour, ilnbsp;*''eust pas den se contenter de se retirer dans son gou-’^ernement ou dans l’vne de ses places, pour représenternbsp;la au Roy Ie tort qu’il se seroit fait en Ie rappellant,nbsp;plus tost que de se serulr de son gouuernement et de sesnbsp;places pour mettre Ie feu dans Ie Royaume, pour ap-Pcler les Estrangers a sa ruine et pour causer ces mauxnbsp;®^Us nombre dont ceux que nous voyons, font vne partie.
Le Roy par vn tres sage Conseil va en Berry, s’asseure 'Ic Bourges, bloque Montrond et s’aduance iusques anbsp;^uictiers. L’approche de sa Maiesté ne fut pas néantmoinsnbsp;'^^Pable d’arrester l’audace de Monsieur le Prince, lesnbsp;^®stes espérances qu’il auoit concues, lui faisant croirenbsp;il pouuoit tout entreprendre. Et ainsi au lieu de céder
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a la presence de son Maistre, il osa attaquer Colgnac presqu’a sa veue; mais il connut par la sorte dont Ienbsp;Cointe d’Harcourt luy fit lener Ie siège par la manièrenbsp;dont il Ie poussa a Tonnay Charante% et paria promptitude auec laquelle il Ie contraignit de porter dans lanbsp;Guyenne la guerre qu’il auoit promis auec tant de bra-uade et de pompe a ces rebelles par éminence de Bourde-lois de porter a cent lieues d’eux, il connut, dis-ie, quenbsp;s’il estoit Ie mesme Capitaine, il ne commandoit plus lesnbsp;mesmes soldats, que s’il estoit Ie mesme general, il n’estoitnbsp;plus a la teste des mesmes armées, de ces armées victorieuses des plus belliqueuses nations du monde. Il connutnbsp;la difference qu’il y a de combattre pour Ie seruice de soonbsp;Boy, sans rien craindre que de ne rencontrer pas des occasions assez périlleuses pour luy tesmoigner sa fidélité, ou denbsp;sentir sa conscience bourrelée de mille remords et d’auoirnbsp;continuellement deuant les yeux 1’image affreuse d’vne prison , si Ie sort des armes luy estoit contraire. 11 éprouuanbsp;a Miradoux% a la louange immortelle de ces deux brauesnbsp;Regimens, Champagne et Lorraine , quVn village poU'nbsp;uoit, sans estre force, tenir durant quatorze iours contrenbsp;celuy qui n’en auoit employé que treize a prendre DuO'nbsp;querque.
Ainsi Monsieur Ie Prince après la leuée de ce slèg^
* Relation veritable de ce qui s'estpassé a la leuée du siége de Cognac, etc. ^3211]; Véritable ïournal de ce qui est passé pendant Ie siége de Cognac,nbsp;[3938]; Lettre du Roy,.. sur la défaite des troupes de M, Ie Prince de Cond^nbsp;deuant la ville de Cognac, etc.
^ Relation véritable de la défaite de cinq cents cheuaux.,. ei de la pTi^^ de Tonné-Charente par M. Ie Comte d’Harcourt [3238].
® La levée du siége de Miradoux par Ie prince de Condé a fourni auJf écrivains du temps Ie sujet de sept ou huit pièces. Voir la tiste cfironOquot;nbsp;logique des Mazarinades a Ia date du 27 février 1632.
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DE MAZARINADES.
cstoit pres de se voir réd uit ou a implorer la niiséricorde du Roy, OU a receuoir la honte, mille fois pire que lanbsp;Wort, d’aller augmenter dans Madrid Ie nombre desnbsp;Courtisans du Roy d’Espagne. Mais il trouua sou azylenbsp;dans Paris par Ie moyen du retour du Cardinal a lanbsp;Cour, dont il me faut parler maintenant et dont ie nenbsp;Scaurois parler qu’auec des souspirs meslez de larmes.
L’esloignement de ce malheureux Ministre, confirmé par diuerses Declarations du Roy vérifiées auoit donnénbsp;Vne telle ioye a toute la France qu’excepté ces furieuxnbsp;Bourdelois et ceux qui estoient particulièrement déuoueznbsp;a Monsieur Ie Prince, tout Ie reste estoit demeuré dansnbsp;Ie deuoir; et Ie Parlement de Paris, nonobstant lanbsp;cabale que Monsieur Ie Prince y a tousiours entretenue,nbsp;auoit vériflé Ia Declaration qui Ie noircit du crime denbsp;léze Maiesté b Ainsi Ie Roy estoit sur Ie poinct de chastiernbsp;bautement sa rebellion, de restablir glorieusement sounbsp;authorité, de rendre Ie calme a son Estat et de fairenbsp;ensuitte vne paix géne'ralle tres aduantageuse, si d’vnnbsp;costé les artifices de Monsieur Ie Prince qui durant qu’ilnbsp;déclamoit Ie plus centre Ie Cardinal et prenoit pournbsp;Prétexte de sa réuolte Ie dessein de son retour, négocioitnbsp;avec luy par Gouruille qui l’alla trouuer a Cologne , afinnbsp;de Ie porter a reuenir, et si d’vn autre costé la Princessenbsp;Balatine, Ie mareschal du Plessis, Senétaire, Ie père, etnbsp;^luelques autres personnes de la Cour n’eussent par vnenbsp;lasche complaisance et par vn pur mouuement d’intérest
* nbsp;nbsp;nbsp;Declaration du Roy portant qu’a Tauenir aucuns étrangers... qui auront
promus d la dignité de Cardinal, rïauront plus entree au Conseil, etc.
Declaration du Roy portant defense au Cardinal Mazarlut,, de reUr *lt;'^gt;-dansle royaume, etc. [925].
* nbsp;nbsp;nbsp;Declaration du Roy contre les princes de Condé, Conty,,, et autres leursnbsp;adherents, etc. [906].
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particulier fortitié la Keyne dans Ie dessein de Ie rappeller sous prétexte de maintenir l’authorité du Roy, et en luy alléguant pour cela l’exemple de la faute qu’auoitnbsp;faite Ie feu Roy de la Grande Rretagne en abandonnantnbsp;Ie Comte de Statford a la fureur du Parlement d’Angle-terre; quoy que eet exemple soit tres différent de celuynbsp;dont il s’agit, paree que Ie Vice Roy d’Irlande auoittoutesnbsp;les bonnes qualitez qui manquent au Cardinal, qu’il estoitnbsp;si innocent que ses cnnemis qui estoient ses juges, furentnbsp;réduits pour trouuer quelque couleur a Ie condamner,nbsp;de faire par vne iniustice et vne illusion abominable a lanbsp;iustice vne loy toute nouuelle qu’ils révoquèrent aussjnbsp;tost après qu’il fut iugé , et qu’au lieu qu’ils vouloient anbsp;quelque prix que ce fust auoir sa teste , cbacun demeu-roit d’accord que Ie Roy pouuoit permettre au Cardinalnbsp;non seulement de demeurer en lieu de seureté, mais danbsp;iouir de tous ses benefices et de tout son bien.
la
Monsieur Ie Due d’Orléans qui iusques alors n’auod pas voulu s’engager dans les interests de Monsieur lanbsp;Prince, fut si extresmement touché d’apprendi'e que lanbsp;Cardinal se mettoit en estat de reuenir, qu’il se résolut;nbsp;bien qu’auec vne extresme repugnance (car il faut rendrenbsp;ce tesmoignage a la vcrité) de signer l’vnion auec Monsieur Ie Prince*. Mais il laissa passer Ie Cardinal au lieOnbsp;de l’en empescher, comme il auroit pu Ie faire s’il fu^’*'nbsp;monté a cheual auec cc qu’il auroit fort facilement ras-semblé dans vne telle rencontre, et ce qu’il auoit desi*nbsp;des troupes entretenues sous son nom, quoy qu’en effectnbsp;elles soyent au Roy, lesquelles il ioignit depuis sousnbsp;commandement deValon a celles de Monsieur Ie Prince^
’ jirlicles et conditions dont S. .d. R. et M. Ie Prince sont conuenus ponf '^expulsion du Cardinal 31azarin , etc. [424].
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commandées par Tauannes , et a celles des Espagnols , commandées par Glinchan, dont les Dues de Beaufort etnbsp;de Nemours furent généraux.
Le Parlement de Paris scachant Ie Cardinal a la Cour, surseoit pour vn mois 1’effect de la Declaration qu’ilnbsp;auoit vérifiée contre Monsieur le Prince; ce qui estnbsp;vne entreprise sur l’authorité du Roy dont on ne pour-Poit assez s’estonner si elle n’estoit encore moins considerable que la hardiesse qu’il eut de luy donner placenbsp;sur les Fleurs de Lys, quoy que declare criminel denbsp;léze Maiesté, quoy que portant Fescharpe rouge etnbsp;quoy que faisant trophée de Fenlèuement d’vn quarter des Troupes du Roy qu’il vouloit faire passer pournbsp;Vne bataille genéralle remportée sur son armeenbsp;Le seul Président de Bailleul eut le courage de luy direnbsp;^u’il s’estonnoit qu’il osast ainsi prendre sa place. Maisnbsp;s il se mit en deuoir de soustenir par cette action 1’hon-*ieur de la Compagnie qu’il présidoit, 1’insolence quenbsp;Oombre de factieux eut de luy faire vne huée que denbsp;petits escoliers auroient eu bonte de faire dans vnenbsp;'klasse, fit voir combien cette mesme Compagnie dégénéré maintenant de la gloire de ses prédécesseurs,nbsp;*lont il ne faut pas s’estonner puisque cette malheu-^euse Paulette qui expose au plus offrant et derniernbsp;^Uchérisseur le pouuoir de iuger souuerainement denbsp;*^08 biens, de nostre honneur et de nos vies, faitnbsp;^titrer dans ces charges qui deuroient estre la recompense du scauoir et de la vertu, ou des personnes ]a
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plupart de très-petlte naissance et de nul méinte, ou de ieunes gens qui surpassent les Courtisans en beauxnbsp;habits, en belles liurées et en toutes sortes de dissolutions , qui font gloire de paroistre auec plus de galons et de poincts de Gennes , et plus poudrez et plusnbsp;frisez que des ferames, au cours, au bal, a la comédie,nbsp;dans les palais des Altesses et dans ces Académies oünbsp;les cartes et les dez sont les liures qu’ils estudient pournbsp;apprendre a bien rendre la iustice, et les impiétez etnbsp;les blasphesmes, les diets et les paroles notables de cesnbsp;Sages, non pas de l’ancienne Grèce, mais de la nouuellenbsp;France,
I’espère que ceux qui liront cecy, pardonneront bien cette petite digression a la douleur qui me presse, denbsp;voir ainsy, a la bonte de nostre siècle, toutes lesloix ren-uersées par ceux qui deuroient les maintenir, de voir quenbsp;de ieunes escoliers si ignorans que nul particulier ne lesnbsp;voudroit prendre pour arbitres dVne affaire de vingtnbsp;escus, deuiennent au sortir du college, auec vne peaunbsp;de parchemin qui leur en couste quarante mille, lesnbsp;arbitres de la fortune de tout Ie monde, et que leurnbsp;presumption va iusques a se croire plus capables de déci'nbsp;der les affaires les plus importantes de l’Estat que n’au-roient fait les Silleris, les Villeroys, les leannins aprèsnbsp;auoir passé toute leur vie a s’instruire de la veritablenbsp;politique dans les négociations, les ambassades et les plusnbsp;importans emplois que les plus grandes affaires des plu®nbsp;grands Empires puissent fournir aux plus grands Mi*nbsp;nistres.
Mais pour reprendre la suitte de mon discours, comme lorsque Ie Cardinal estoit hors de France, Monsieur 1^nbsp;Prince auoit tousiours négocié auec luy, aussy n’a-t d
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DE MAZARINADES.
point discontinue depuis son retour ’: ce cpie nul de eeux lt;iui sont tant soit peu informez de ce qui se passe, nenbsp;peut ignorer. Mais paree qu’autant que Monsieur Ienbsp;Prince est attaché a ses interests, autant Monsieur Ienbsp;Hue d’Orléans proteste de n’en auoir point, et qu’ainsinbsp;A. R. ne desire pas moins que Ie Cardinal se i’e-hre, que Monsieur Ie Prince l’appréhende, a causenbsp;qu’il perdroit par la Ie prétexte qu’il luy importe sinbsp;fort de conseruer pour en profiter dans toutes lesnbsp;rencontres qui s’offriront a son ambition démesurée,nbsp;d n’a pas esté au pouuoir de Monsieur Ie Princenbsp;d’exécuter son traicté, quelque passion qu’il en eust.nbsp;Mais lorsque Ie Due de Lorraine est venu a la prièrenbsp;de Monsieur Ie Due d’Orléans pour sauuer ce qu’ilsnbsp;auoient de Troupes dans Estampes dont Ia perte estoitnbsp;sans cela inéuitable, il s’est bien gardé de luy rendrenbsp;Clermont et Stenay paree qu’il l’auroit obligé par lanbsp;de s’attacher aux intérests de Monsieur Ie Due d’Orléans et aux siens \ ce qui auroit contrainct Ie Cardinal de s’en aller et luy auroit fait perdre non seulementnbsp;Ces deux Places, mais les aduantages incomparable-nient plus considérables qu’il veut retirer en consentantnbsp;que Ie Cardinal demeure, ou que s’il s’esloigne, ce nenbsp;Soit que pour peu de temps et seulement pour la forme.
Ainsi Ie Due de Lorraine voyant qu’il auoit rendu a Monsieur Ie Due d’Orléans par la leuée du siège d’Es-tampes dont il a esté en effet la seule cause, l’assistancenbsp;qu’il auoit désirée de luy, et qu’il falloit ou donner ba-
’ II envova notamment Ie 28 avril 1652 a Saint-Germain Ie duo de Rohan , Ie comte de Chavigny et Gouks, secrétaire des commandemenisnbsp;du due d’Orléans. Voir sous cette date la Liste chronologïque des Mazari-
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taille au Marescha! de Tiirenne qiii estoit tout prest de rattaquei’1, ou exéciiter Ie Traitté qu’il auoit fait auec Ienbsp;Roy , de ne se mesler plus des affaires des Princes et denbsp;sortir de France dans quinze iours, lorsque Ie siège d’Es-tampes seroit leué, il prit Ie party qu’il auroit fallu auoirnbsp;perdu l’esprit pour ne pas prendre, qui estoit de ne pointnbsp;hazarder vn combat paree que s’il luy eust esté désaduan-tageux, coinmeily auoit grande apparence, il eust perdunbsp;en perdant son armee la seulle chose qui !e rend considerable , n’ayant plus ny estat ny places, et que s’il l’eustnbsp;gagné, ce n’auroit pu estre qu’auec vne si grande pertenbsp;que ce qui luy seroit resté de Troupes dans vn pais es-tranger (pour ne pas dire enneiny, puisque la folie denbsp;Paris a estë telie que delereceuoir auec des acclamationsnbsp;publiques lorsque son armee désoloit ses campagnes auecnbsp;des cruautez inimaginables) Ie rendroit si pen considérénbsp;de ceux mesmes pour lesquels il auroit hazardé toute sanbsp;fortune, qu’ils luy auroient donné la loy, après les auoirnbsp;tirez de l’estat oü ils estoient, de ne pouuoir esuiter de lanbsp;rcceuoir du Roy, leur maistre.
La retraite du Due de Lorraine, l’arriuée du Mares-chal de la Ferté auprès du Roy .auec quatre mil hommes et la foiblesse des Troupes des Princes augmentant Ie désir et l’impatience de Monsieur Ie Prince de voir sonnbsp;Traitté auec Ie Cardinal execute, il accorde de tout sonnbsp;ccEur qu’il demeure. Mals Monsieur Ie Due d’Orléansnbsp;Insiste a voulolr qu’il s’en allle, et ne veut point s’enga-ger a consentir qu’il reuienne dans quelque temps. Lenbsp;Cardinal, au contraire, croyant que l’estat des choses luy
Relation générale contenant au vrat ce qui s'est passé entre les deux amices a Villeueaue.-Saint-Georges , etc. [3171 j. On peut quot;Voir d ailleurs lanbsp;TAsle chvonologique des Mazarinades i\ la date dii 16 juin 1652,
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est fauorable, s’opiniastre a ne point s’esloigner dii tout; laReyne fortlfie Ie Roy clans ce sentiment; Leurs Males-tez viennent de Melun a Sainct-Denys auec toute l’ar-mée; et on fait vn pont de bateaux sur la Seine : ce quinbsp;donna l’alanne aux Troupes des Princes qui estoient anbsp;Sainct-CIou et a Poissy
Cette approche du Roy faisantappréhender a Monsieur Ie Prince que les seruiteurs de Sa Malesté dans Ie Parlement ne reprissent coeur, il ne fut pas fasché que pournbsp;les intimider, on les maltraitast, comme on fit au sortirnbsp;de Ia Grand’Chambre et Monsieur de Beaufort, cenbsp;grand Héros, autrefois ITdole de Paris, iouant plus tostnbsp;Ie personnage d’vn Brasseur de bière et d’vn Arteuellenbsp;que non pas celuy d’vn Prince, commanda aux coquinsnbsp;qui auoient fait toute cette émeute, de se trouuer, l’a-près disnée, a la place Royalle % oii s’estant rendus aunbsp;noinbre de trois ou quatre mille, il les alia haranguernbsp;auec son eloquence ordinaire, qui luy réussit si biennbsp;qu’ils ne manquèrent pas Ie lendemain au sortir de I’as-sembléedu Parlement de faire de si belles descharges surnbsp;des Présidens au Mortier et des Conseillers cju’ils en ren-dirent quelques-vns vaillans malgré eux pour se sauuer,nbsp;et apprlrent aux autres cju’on peut courir autant de fortune au milieu des rues de Paris que dans vne grandenbsp;bataille.
* Relation contenant tont ce qui s’est passé au comhat donné entre Varniée de Messieurs les Princes et celle du Mareschal de Turenne , etc. [3102] .
^ C’est l’émeute du 25 juin 1652 qu’on a appeléela Guerre des Menar-deaux. Veritable relation de ce qui s'est fait et passé au Parlement... Ie mardi 23 iuin^ etc. [3943] ; la Guerre des Menardeaux, etc. [1524]; et d’autres
encore.
Supplication ou Requeste présentée... par les bourgeois qui s’estoient assemb/ez... d la Place Rorale, etc. [3733].
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Voila sincèrement et en pende mots l’estat des affaires iusques a la fin de luin 1652 , que i’escris cecy ‘, et lesnbsp;principales causes de nos malheurs. La dissipation et lesnbsp;maluersations des Finances, la mauuaise conduite et lanbsp;foiblesse du Cardinal Mazarin, les cabales et les intrigues du Cardinal de Retz, les entreprises et les attentatsnbsp;du Parlement ont fourny de suiet et de moyen pournbsp;commencer a esbranler rauthoritéRoyalle qui est la bazenbsp;et Ie fondement de l’Estat; l’ambition effrénée de Monsieur Ie Prince a ioint vne guerre ciuile a vne guerre es-trangère; la trop grande facilité, pour ne pas dire Ienbsp;manque de vigueur de Monsieur Ie Due d’Orléans, anbsp;perdu les occasions d’esteindre ce feu dans sa naissance,nbsp;soit en empeschant M. Ie Prince de prendre les armes ounbsp;en se declarant son ennemy s’il les prenoit, soit en s’opposant au retour du Cardinal Mazarin ou par la forcenbsp;au passage des riuières, ou par la fermeté de ses Coii-seils en se rendant a Poictiers auprès du Roy; la flatterienbsp;de quelques Courtisans intéressez a fortifié et fortifie encore auiourd’huy par vn crime detestable et contre leurnbsp;propre conscience l’esprit de la Reyne a conseruer cenbsp;Ministre fatal a la France malgré les voeux de toute Ianbsp;France; et enfin la Reyne, par vne fausse persuasion denbsp;maintenir Tauthorlte du Roy son fils, met en proye Ienbsp;Royaume du Roy son fils et ces conquestes qui nous ontnbsp;couste tant de sang et de millions, en abandonnant lesnbsp;vnes a I’inuasion des ennemis et en abandonnant I’autrenbsp;a la fureur des armes estrangères et a la rage des nostresnbsp;propres.
* Cette pièce est done antcrieure au combat du faubourg Saint-An-toine. Je 1’ai rejetée trop loin dans la Liste chronologlque des Maza-rinades.
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C’est icy oü i’auoue que les paroles me manquent; et Dieu me garde de les égaler a mon suiet, II faudroit estrenbsp;vn Démon pour pouuoir auec vn charbon tiré de l’Enfernbsp;faire vn crayon qui fust capable de représenter toutes lesnbsp;horreurs, toutes les inbumanitez, tous les meurtres,nbsp;tous les violemens, toutes les impiétez et tous les sacrileges que commettent toutes ces armées qui ne sont plusnbsp;composées d’bommes mais de Démons. Et quand ie nenbsp;serois pas Cbrestien, et par conséquent tres persuadé desnbsp;cbastimens espouuantables de l’autre vle, il me suffiroitnbsp;de croire vn Dieu pour ne pouuoir douter que rien nenbsp;l’empescbe d’exterminer tous ces tygres impitoyables etnbsp;ces scélérats d’vne manière terrible que paree que desnbsp;crimes si monstrueus ne s^auroient estre punis que parnbsp;des suppliers éternels.
Que tous ceux qui ont contribué a cette guerre, qui la fomentent, qui la soustiennent et qui, pouuant em-peseber les désordres abominables qu’elle cause, nenbsp;Ie font pas, iugent done, s’ils croyent vn Dieu, quelsnbsp;cbastimens ils doiuent attendre de sa iustice.
Que Ie Cardinal Mazarin qui est Ie suiet de cette san-glante tragédie et pour lequel ie proteste sur mon salut n’auoir ny aversion ny baine particuliere, non plus quenbsp;contre aucun de tous ceux dont ie parle dans ce discours,nbsp;ne croye pas mal employer vne beure de temps pournbsp;faire vne réflexion sérieuse du compte qu’il luy faudranbsp;fendre vn iour deuant Ie tribunal redoutable de lésus-Christ (ce qui sera peut estre plus tost qu’il ne pense), etnbsp;Ce qu’il pourra respondre lorsque ce nombre innom-brable de pauures, de vefues, d’orpbelins , de femmes,nbsp;de filles et de Vierges consacrées a Dieu, auec vne voixnbsp;®iille et mille fois plus forte que celle du sang d’Abel,
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l’accuseront d’estre la principale cause de leur ruine to-talle, de la mort cruelle de leurs maris, de la fin tra-gyque de leurs pères et de la perte irreparable de leur honneur; lorsque tant de Prestres l’accuseront d’auoirnbsp;esté cause qu’ils ont esté arrachez du pied des Autels,nbsp;chassez de leurs Eglises, pillez, massacrez ou rendus er-rans et vagabons et réduits auec tout ce pauure peuplenbsp;que Dieu auoit sousmis a leur conduitte, a mener vnenbsp;vie si deplorable qu’ils s’estimeroient beureux de la finirnbsp;en se donnant la mort si les loix du Christianisme Ie pou-uoient permettre; et enfin lorsque Ie sang mesme denbsp;lesus Christ 1’accusera qu’il a esté cause qu’on 1’a traitténbsp;d’vne manière dont l’horreur, faisant glacer Ie miennbsp;dans mes veines, ne me permet pas de représenter lesnbsp;sacrilèges plus que diaboliques.
Mais quand Ie Cardinal ne seroit pas Chrestien comme il est, quand il ne seroit point touché de l’appréhensionnbsp;du iugement de Dieu, peut-il bien vouloir passer pournbsp;coupable aux yeux de toute l’Europe et de tous les siè-cles a venir de la plus haute ingratitude qui fust iamais,nbsp;en refusant de se retirer avec seureté et avec la iouissancenbsp;de tout son bien pour faire cesseries maux de la France,nbsp;a laquelle il doit toute sa grandeur et sa fortune ? Peut ilnbsp;eslre si insensible aux mtérests de nostre ieune Monarquenbsp;pour lesquels il est obligé par tant de bienfaits d’auoirnbsp;encore plus de passion que s’il estoit son suiet, que denbsp;ne vouloir pas non seulement par sa retraite, mais auxnbsp;dépens de sa propre vie s’il en estoit besoin, procurer Ienbsp;repos et Ie calme a son Estat ? Et enfin peut il estre sinbsp;méconnoissant des extresmes obligations qu’il a a la Reyne,nbsp;que de vouloir, en s’opiniastrant a demeurer, faire quenbsp;Ie Roy luy reproche vn iour, comme il Ie luy reproche-
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JDE MAZAKiNADES.
roit sans doute, que par Ie plus méchant conseil qui fust lamais, elle l’auroit porté a préférer aux voeux de toutnbsp;son Royaume et au salut de son Estat Ia conseruationnbsp;d’vn Ministre que la haine généralle conceue contre luynbsp;rend de'sormais incapable de Ie bien seruir, quand il se-roit Ie plus grand Ministre du monde ? Car ne seroit cenbsp;pas préférer la conseruation du Cardinal au salut denbsp;l’Estat que d’accorder a Monsieur Ie Prince pour Ienbsp;inaintenir en effect, quoy qu’on l’esloignast pour peu denbsp;temps en apparence, les conditions dont on scait qu’ilsnbsp;sont demeurez d’accord ensemble, et qu’il importe ex-tresmeraent d’examiner, afin que les Peuples et particu-lièrement Paris ouurent les yeux pour connoistre iusqucsnbsp;a quel poinct les Grands se iouent d’eux, et de quellenbsp;sorte ils sacrifient a leurs interests et a leur ambitionnbsp;leur repos, leurs biens et leurs vies.
Au lieu de se contenter de remettre a Monsieur Ie Prince par vne amnistie les plus grands crimes que puissenbsp;commettre vn suiet contre son Roy et vn Prince contrenbsp;Ie Monarque du sang duquel il est descendu,
On luy donne des millions par eet infasme Traitté, paree qu’il en a receu du Roy d’Espagne et qu’il a prisnbsp;tout ce qu’il a pu rauir de 1’argent du Roy.
On luy donne Ie Gouuernement deProuence pour Monsieur Ic Prince de Conty, son frère, paree que PJonsieur Ie Prince de Conty a commence de se faire connoistre ctnbsp;continue de se signaler par'la rebellion et paria réuolte.
On luy donne Ie Gouuernement d’Auuergne pour Ie l^uc de Nemours, paree que Ie due de Nemours n’anbsp;point bonte de deuoir a Monsieur Ie Prince pour auoirnbsp;lïianqué a son deuoir, ce qu’il deuoit attendee du Roynbsp;s’il se fust acquitté de son deuoir.
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On luy donne Ie Baston de Mareschal de France et la LIeutenance généralle de Guyenne pour Marchin, eetnbsp;infasme déserteur, ce traistre, qui ayant esté honoré parnbsp;Ie Roy de la charge de Vice Roy de Catalogue, si esleuéenbsp;au dessus de la bassesse de sa naissance, a en effect liurénbsp;la Catalogne au Roy d’Espagne, non seulement ennbsp;l’abandonnant dans Ie temps ou elle auoit Ie plus besoinnbsp;d’assistance, mais en débauchant tout ce qu’il a pu desnbsp;Troupes de Sa Maiesté qu’il commandoit, pour les amener a Monsieur Ie Princece qui seroit vn exemplenbsp;plus préiudiciable a l’Estat que la perte de toute vnenbsp;prouince.
On luy donne vn autre Baston de Mareschal de France ou la dignité de Due et Pair a son choix pour Doi-gnon, ce petit cadet de Sainct Germain Beaupre, pareenbsp;que tenant de la trop grande bonté du Roy Brouage etnbsp;d’autres gouuernemens dont vn Prince qui se seroit si-gnale par des seruices tout extraordinaires, se seroitnbsp;estimé trop bien récompensé, il a par vne perfidie dé-testable et que nul supplice ne peut expier, employé ennbsp;faueur de Monsieur le Prince les places et les vaisseaux dunbsp;Roy contre le Roy mesme et paree qu’il traitte avecnbsp;Cromwell, ce qui est le crime des crimes.
On luy donne des Lettres de Due et Pair de France a Montespan, paree qu’il ne se peut rien adiouster a sonnbsp;infidélité enuers son maistre.
On luy donne asseurance de Cent mil escus pour le Due de la Rochefoucault, paree que pour le seruir, ünbsp;n’a perdu aucune occasion de desseruir son souuerain.
‘ Jrrét de la Cour du parlement de Toulouse,,, contre la defection de Mar-sin et ses troupes, etc. [3S7].
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On restablit a sa prière Ie Président de Maisons dans Ia charge de Sur Intendant des Finances , paree qu’il I’anbsp;exercée auec tant de suffisance et de probité qu’il a ré-paré en peu de temps les bresches que ses grandes pertesnbsp;au ieu et les immenses dépenses de sa royalle maison denbsp;Maisons auoient faites en son bien.
On donne en sa faueur vne grande somme au Président Viole, paree qu’il a esté Frondeur enragé dans Paris, Chef du Conseil des factieux endiablez de Bour-deaux et Sur Intendant des Finances pillées et rauies anbsp;force ouuerte dans les receptes du Roy.
Et on luy accorde encore d’autres conditions non nioins honteuses, et mesme pour des femmes, que i’au-rois honte de rapporter.
Cela se peut il nommer vn accommodement de Monsieur Ie Prince auec Ie Roy? Et ne seroit ce pas plus tost Vn véritable partage de l’Estat entre Ie Roy et Monsieurnbsp;Ie Prince, puisqu’il deviendroit par ce moyen Due denbsp;Guyenne, Comte de Prouence, maistre non seulementnbsp;des places qu’il tient dèsia, mais de toutes celles qu’ilnbsp;feroit conseruer a ceux qui ont mérité par leur dés-obéis-sance de les perdre auec la vie; Distributeur des Gouuer-nemens de Prouinces, des Duchez et Pairies, des Officesnbsp;de la Couronne et de tant de charges importantes; Egal-lement puissant sur Ia terre et sur la mer; En pouuoirnbsp;de se vanger de ceux de toutes ces grandes prouinces surnbsp;lesquelles s’estendroit sa domination, qui n’ont pas suiuynbsp;Son party; et en estat de recommencer quand il luynbsp;plairoit, sous Ie mesme prétexte du Cardinal ou surnbsp;quelqu’autre, vne nouuelle réuolte auec d’autant plusnbsp;d’aduantage que eet exemple mille fois plus pernicieuxnbsp;H^’on ne sgauroit croire, de donner è l’infidélité et au
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démérite les recompenses qui ne sonl deues qu’a la fidé-lité et au mérite , attireroit a luy tous les meschans dont Ie nombre n’est que trop grand dans vn siècle aussy cor-rompu que Ie nostre, et décourageroit tous les gens denbsp;bien; ce qui Ie rendroit si formidable par luy mesmenbsp;qu’y ioignant encore Ie secours qu’il pourroit tirer desnbsp;Espagnols , ses fidelles alliez, qui après auoir esprouuénbsp;que l’vnion de nos forces a porté leur Monarcbie iusquesnbsp;sur Ie bord du precipice, ne perdronl iamais d’occasionnbsp;de nous ruiner en nous diuisant, on pourroit dire auecnbsp;vérité cpi’il n’y auroit pas seuleinent vn Hoy ennbsp;France, mais qu’il y en auroit deux, dont eet vsurpa-teur et ce Tyran qui régneroit au dela de la riuière denbsp;Loire, pourroit exciter a toute heure vne nouuellenbsp;guerre au Roy légitime et allumer dans tout Ie reste denbsp;ses Prouinces vn feu semblable a celuy qui embrasenbsp;maintenant Paris et qu’il entretient et qu’il augmentenbsp;auec tant de soin pour faire tourner les eboses au poinctnbsp;qu’il desire.
Le i’emède a vn mal si redoutable et dont la seule pensee donne de Tborreur a ceux qui n ont pas perdunbsp;auec le iugement 1’amour de leur propre salut et de leurnbsp;patrie, estant d'esloigner de bonne foy et pour iamais lenbsp;Cardinal, puisque cela estant, Monsieur le Prince nenbsp;scauroit prétendre que l’abolition du crime qu’il a com-mis par sa réuolte, et que leurs maiestez seront receuesnbsp;dans Paris et dans toutes les autres villes du Royaume,nbsp;non seulement auec les respects qui leur sont deus, maisnbsp;auec des larmes de ioye et tous les applaudissemens ima-ginables, seroit il bien possible que la Reyne par vnnbsp;aueuglement prodigieux et en se laissant flatter a cesnbsp;personnes qui ne se soucient pas que tout se perde
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DE MAZARINADES.
pourueu qu’ils trouuent dans la ruine publique l’esta-^lissement de leur fortune partlculière, voulust pour re-teiiir Ie Cardinal, abandonner les interests du Roy son fils, abandonner les interests de la France, abandonnernbsp;les siens propres ? Seroit il bien possible qu’elle voulustnbsp;'l'^e Ie Roy luy reprochast a l’auenir, que toute la Francenbsp;luy reprochast a jamais et qu’elle se reprochast vn iournbsp;fieuant Dieu elle mesme a elle mesme d’auoir par vnenbsp;fausse générosité fait vne telle brèche a la Couronne denbsp;Son fils par Ie conseil qu’elle luy auroit donné de senbsp;fendre inflexible a l’esloignement de ce Ministre si ar-fiamment souhaité de tous ses peuples?
Au nom de Dieu, Madame, laissez vous toucher a nos ^oeux , comme il s’est laissé toucher aux vostres en nousnbsp;fionnant ce grand Prince par vne espèce de miracle lors-4^6 nousn’osions plus nous Ie promettre. Considérez , ienbsp;'’ous supplie, mais auec les sentimens d’vne Reyne trésnbsp;^hrestienne comme vous Testes, auec les sentimens d’vnenbsp;l^oyne qui fait profession de piété comme vousfaites, auecnbsp;l®s sentimens qu’auroit eu sans doute la Reyne Blanchenbsp;®gt;elle se fust trouuée dans vne semblable rencontre, cou-^•dérez, s’il vous plaist, la resolution que vous deueznbsp;l**'endre dans cette importante affaire qui arreste mainte-^'^nt sur Vostre Maiesté les yeux de toute l’Europe. II n’ynbsp;Madame, que Tvn de ces deux aduis a prendre : ounbsp;conseruer Ie Cardinal, soit en ne permettant pasnbsp;'lu’il s’en aille, soit, s’il se retire, en Ie rappellant dansnbsp;temps dont on conuiendra auec les Princes , auquel casnbsp;tombera inéuitablement dans les inconuéniens quenbsp;“ remarquez; ou de Tesloigner pour tousiours et denbsp;‘'tune foy, auquel cas Ie Roy fera tomber les armes desnbsp;des Princes, conseruera son Estat en son entier,
II. nbsp;nbsp;nbsp;28
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restablira glorieusement son authorité, gagnera Ie coeur de tons ses suiets, redonnera Ie calme a son Royaumenbsp;et contraindra l’Espagne de consentir a vne paix quinbsp;estant iuste, ne sgauroit pas n'estre point auantageusenbsp;a la France, l ose croire, Madame, que s’il plaist anbsp;V. M. d’exaininer cela deuant Dien auec la responsenbsp;que i’ay rendue a ce qu’on luy allègue du feu Roynbsp;d’Angleterre touchant Ie Comte de Stratfort, elle nenbsp;iugera pas qu'il y ait lieu de délibérer a préférer tant denbsp;biens a tant de maux.
Et vous, Sire, qui auez ce merueilleux aduantage qu’au milieu de tant de souffrances qui réduisent vosnbsp;peuples au désespoir et tirent des larmes de sang dunbsp;coeur de tous les véritables Francois , non seulement onnbsp;n’accuse vostre Maièsté de rien, mais on considère sonnbsp;innocence comme l’ancre sacrée qui nous reste etnbsp;qui peut nous garantie du naufrage, faites quenos espé-rances ne soient pas vaines. Nous vous regardons gt;nbsp;Sire, comme vn Roy donné du Ciel pour Ie bonheui’nbsp;de la France; agissez comme vn Roy qui seroit descendunbsp;du Ciel. Nous vous regardons comme Ie successeur denbsp;saint Louis ; agissez comme vn autre saint Louis. RendeZnbsp;a Dieu ce que vous deuez a Dieu, en exterminant lesnbsp;impiétez et les crimes abominables qui ont contraint sanbsp;iustice d’appesantir sa main par les fléaux qui nous acca-blent. Rendez a la Reyne vostre Mère en qualité de fil*nbsp;ce que Dieu vous oblige de luy rendre; et réunissez anbsp;vous par vostre bonté et par vn oubly du passé toute lanbsp;maison Royale. Rendez a vos peuples ce que vous lemnbsp;deuez, non seulement en qualité de Roy, mais de père,nbsp;puisque les suiets d’vn Roy tres Chrestien ne sont pa*nbsp;seulement ses suiets, mais ses enfans. Cboisissez poui
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DE MAZARINADES.
Mi
mistres les plus grands personnages et les plus ver-^Ueiix de vostre Estat. Que Ie seul nom de Fauory vous en horreur par Ie souuenir de tant de maux que ceuxnbsp;ont remply ces places fatales aux Monarques et auxnbsp;Monarchies, ont causez a vostreRoyaume. Faitesrefleurirnbsp;lustice. Restablissez la discipline militaire. Réglez lesnbsp;désordres des Finances. Rannissezleluxe. Enrichissezvosnbsp;^^¦ouinces par l’augmentation du commerce sur la mernbsp;sur la terre. Et faites auec l’assistance deDieu que parnbsp;changement miraculeux et digne du fils aisné denbsp;jÉglise on voie succéder la piété a l’impiété, l’vnion anbsp;diuision, la lustice a 1'iniustice, la discipline a lanbsp;^*cence, 1’ordre au désordre, la modestie au luxe,nbsp;^ abondance a la ne'cessité et enfin vn siècle d’or a l’vnnbsp;^^s plus malheureux siècles qui fut iamais.
Mais , SiEE, vn si grand ouurage ne peut s’accomplir dans Ie calme; ce calme ne peut arriuer que par lanbsp;Paix générale; cette paix générale ne se peut faire qu’ennbsp;*’^itte d’vne paix domestique ferme et asseurée; cettenbsp;P^ix domestique ne peut estre ferme et asseurée que parnbsp;^ esloignement du Cardinal; et eet esloignement ne dé-P^nd que d’vne seule parole de vostre Maiesté. Ainsi,nbsp;si iamais Roy a pu faire voir qu’il est l’image vi-'^^nte de Dieu , vostre Maiesté Ie peut faire maintenant,nbsp;P'^isque comme Dieu en créant Ie monde tira par vnenbsp;®^Ule parole la lumière des ténèbres et 1’ordre qui reluitnbsp;tout l’vniuers, de la confusion du cahos, vostrenbsp;^^iesté peut par vne seule parole faire esclater Ie iournbsp;'^^^s cette nuict funeste qui nous enuironne, et changernbsp;telle sorte la face des choses que nous croirons estrenbsp;vn nouueau monde. Seroit-il bien possible, Sire,nbsp;^Uand mesme la Reyne vostre Mère trompée par les dé-
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testables conseils qu’on luy donne, s’opposeroit dans vostre esprit a ce dessein , que vostre Maiesté ne voulustnbsp;pas par vne seule parole garantir son Royaume du perilnbsp;qui Ie menace, et en Ie tirant d’vn abysrae de malheur,nbsp;Ie combler de félicité et de gloire.
Mais si Dieu pour la punition de nos péchez ne permet pas que cette image si sincere et si naïue de nos mauxetnbsp;des remèdes qu’on y peut donner, arriue iusques a leursnbsp;Maiestez par I’obstacle qu’y apporleront ceux qui ontnbsp;tant de suiet de craindre qu’elles ne connoissent la vé-rité, que deuons-nous faire et quelle resolution deuons-nous prendre pour nous empescher de perir ? le croynbsp;que toutes les personnes non passionnees qui liront cecy,nbsp;iugeront que si pour estre capable d’en dire son aduis,nbsp;il suffit d’estre détacbé de tout autre interest que denbsp;celuy du bien public, i’ay droict de dire le mien pareenbsp;que ceux a qui Ton donne le nom odieux de Mazarins,nbsp;le nom factieux de Princes et le nom detestable de Par-lementaii’es, seront egalement meconlens de moy etnbsp;qu’ainsi il ne peut y auoir que les bons et veritablesnbsp;Francois qui soient satisfaits de ce discours.
Ie dis done sans crainte et auec I’asseurance que me donne le tesmoignage de ma propre conscience, que si lenbsp;Roy, nonobstant toutes les remonstrances et les supplications quiluy ont este faites iusques icy d’esloigner le Cardinal, veut absolument le conseruer, il faut se soumettre etnbsp;luy obeir. Ilfaut que Paris luy ouure ses portes, sinon auecnbsp;ses acclamations de ioye ordinaires, au moins auec le*nbsp;mesmes respects. Nous luy deuons cela comme a nostrenbsp;Roy puisque Dieu nous le commande; et nous nous lenbsp;deuons a nous-mesmes puisqu’il n’y a point d’hominenbsp;raisonnable qui ne demeure d’accord qu’encore que le
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Cardinal soit tel que ie l’ay représenté, dix Ministres semblables a luy ne scauroient faire en dix ans autantnbsp;maux que nous en souffrons depuis deux mois etnbsp;lt;iue nous en souffrirons tousiours de plus en plus si nousnbsp;Hoiis portons dans la réuolte.
Que si nous en vsons de la sorte et n’employons autres ^rmes pour combattre Ie Cardinal que nos prières et nosnbsp;larmes enuers Dieu et enuers Ie Roy, afin qu’ils nous ennbsp;déliurent, ne deuons-nous pas espérer que sa Maiesténbsp;®stant pleinement satisfalte de nostre obéissance et mieuxnbsp;iöformée qu’elle n’est du tort que lui fait eet infortunénbsp;^inistre, elle écoutera fauorablement nos plaintes;nbsp;®lle exaucera nos voeux et fera par elle-mesme et auecnbsp;*oye, en l’esloignant volontairement, ce qu’on ne lanbsp;®9auroit contraindre de faire, quand on Ie pourroit,nbsp;®ans ruiner toute la France en l’exposant en proye a lanbsp;'^^ngeance de ses anciens et irréconciliables enneinis etnbsp;^ la fureur de tant de nouueaux tyrans qui s’élèueroientnbsp;'lans la pluspart de nos propres Prouinces et de nosnbsp;places.
Voila sans déguisement et saus artifice aussi bien que ®ans intérest et sans passion ce que i’estime que l’on doitnbsp;laire. Mais il n’y a point de temps a perdre pour se ré-®audre. Le moindre moment importe de tout, lorsqu’onnbsp;®at sur le bord du precipice; et cette conioncture estnbsp;Mle que trois lours, deux iours, vn iour de retarde-*^^nt peut encore si fort accroistre nos maux qu i!s de-''lendront, possible, irrémédiables.
Crand Diev, qui depuis tant de siècles faites des ^'^Ifacles continuels pour soustenir cette Monarchie, nenbsp;P^rinettez pas qu’estant encore assez puissante pour fairenbsp;^''embler ses ennemis, elle se destruise par elle-mesine.
-ocr page 448-438 nbsp;nbsp;nbsp;CHOIX
Inspirez aux peuples des sentimens d’amour, de respect et d’obeissance pour leur Roy. Faites que loute la maisoBnbsp;Royale et tous les ordres du Royaume conspirent ensemble pour la grandeur et la féliclté du Royaume; etnbsp;que cette reunion générale qui ne scauroit pas ne pointnbsp;produire la paix générale, appaise nos douleurs, es-suye nos larmes et adoucisse de telle sorte la mémoü’®nbsp;de nos maux passez que nous ne nous en souuenionsnbsp;que pour vous rendre des actions de graces immof'nbsp;telles d’auoir fait céder vostre iustice a vostre démencenbsp;en arrestant le cours de vos chastimens qui, quelqne*nbsp;terribles qu’ils soient, sont beaucoup moindres que noSnbsp;péchez.
(7 aout 1652.)
A VOUS Membres d’vn Parlement Basty, le bou Dieu scait comment,
Paris enuoye cette lettre,
Non qu’il veuille vous recognoistre Comuie les luges souuerains ,
Mais comme fieffés Mazarins;
Et comme tels pour vous apprendre Qu’a vous n’appartient pas d’entendre,
Ny de vuider aucun Procez,
A moins que de commettre excez Et violer la loy ciuile,
Qui taut aux champs comme en la ville Nous permet luges recuser,
Quand sur eux on trouue a gloser.
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Or dessus vous vn chacun glose Et produit bien plus d’vne causenbsp;Pour clore vostre digne becnbsp;Et mettre vos Arrests a sec.
Primo^ l’ou vous tieut vn peu bestes (Vous verrez tantost si vous Testes);nbsp;Secundo, pour intéressez;
Et si cela n’est point assez,
Tertio, pour gens de qui Ie nombre De son corps ne peut faire T ombre;nbsp;Quarto, pour des gens vacabons,
Et comine vn huis hors de ses gonds; Enfin pour gens de Triquenique,
A qui Ton doit faire la nique,
Et qu’on va chiffler au Palais Si vous y reuenez iamais.
Primo, si bestes on vous nomme, Qui de vous se pourra dire homme?nbsp;Et n’est ce pas vn trait d’oysonsnbsp;D’auoir délaissé vos maisons,
Paris et la Chambre dorée,
Ou la Justice est adorée,
Pour suiure ce Maistre Jean-cü Qui vous a fait placer Ie cunbsp;Dans vne ville de Pontoise,
Pour trancber, dans ce nid a rat Des luges du plus haut karat.nbsp;Secundo, n’est il pas visiblenbsp;Que celuy qui rend tout possible,nbsp;I’entens Ie diable d’intérest,
Vous a fait ployer Ie iarret Et prosterner deuant la bestenbsp;Dont vous auez proscript la teste.'*nbsp;Premièrement, vous présidentnbsp;Dont la bai'be cut tant d’ascendant
Sur la pauure badauderie 1,
Et pourquoy si sainct et pieux,
Estes vous si peu soucieux Du bien de nostre ieune Prince,
Dont on rend Ie crédit si mince,
Si ce n’est que vos interests
Vous touchent vn pen de plus prests?
La Mitre et la rouge Calotte,
Dont vostre espérance on balotte,
Les abbayes et les Sceaux
Sont, direz-vous, de bons morceaux,
Et méritent bien que Ton choye La main qui tient si belle proye.
Et vous Président de Noyon^.
Pourquoy faites-vous Ie coyon;
Vous, qui iadis aux assemblées,
Donniez de si rudes sanglées A ce faquin que vous suiuez?
Nous iurerions que vous creuez,
Si nous ne scauions qu’vne crosse D’vn Genest peut faire vne rosse,
Comme l’Éuesché de Beauuais,
D’vn homme de bien vn mauuais.
Et vous Coigneux, que la grand’chambre Rend plus froid que neige en décembre,nbsp;Qui vous rend si fort différendnbsp;De feu Monsieur vostre Parend?
Ie veux dire feu vostre père,
Qui fuioit comme vne vipère
nbsp;nbsp;nbsp;Le premier président, Mathieu Molé. Poëme sur la barbe du prem.nbsp;présid. [2305].
* nbsp;nbsp;nbsp;Nicolas Potier de Novion, président au mortier. II était désignénbsp;pour étre ehassé de Paris, ainsi que Menardeau, dansla Trés humble re~nbsp;ntontrance des bons bourgeois de Paris a nos seigneurs du parlement^ etc.
[38)3].
-ocr page 451-Les Cardin aux et leur faueur.
Et vous tout de contraire humeur Courez après son Éminence,
Et prenez en main sa deffence?
Ah! ie comprens vostre raison ;
Vn Breuet en vostre maison (Mais Ie Breuet d’vne abbaye)
Vous peut faire aymer chose haye.
Ainsi vous aymez Mazarin'
Et Eaideau suit Ie mesme traiir^,
Faisant voir qu’vn grand lansen) ste Peut estre grand Mazariniste,
Et qu’on peut saus difficultez Conioindre ces deux qualiteznbsp;Auecque vne bonne abbaye,
Portant tiltre de Baronnye,
Comtne fait celle de Berné Dont on luy bailla par Ie né,
Lorsque feu sou oncle fit flaudre Pour en l’autre monde se rendre,
Et la voir si Ie Cardinal Fait loger les siens bien ou mal.
Perrot, Tubeuf et Bragelonne®
Nous scauons bien ce qu’on vous donne,
Et ce qu’on ne vous oste pas
-ocr page 452-Pour suiure de Seue Mandas De la Barre et de Ville-Neufue,
Gens qui font tout pourueu qu’il pleuue;
Aussi bien comme Tambonneau,
Lefèure ^ et Ie gros Menardeaii Qui pour obtenir Vintendancenbsp;Est Mazarin a toute outrance.
Quant a vous, Monsieur Champlastreux,
Vous seriez vn malencontreux ,
Et de Saincte Croix vostre Frère%
Si Ie tran tran de vostre père Vous ne suiuiez de point eir point;
Car aussi bien n’en est-il point De plus lourd ny de plus facilenbsp;Pour enrichir vostre familie,
Et vous faire bien tost bailler L’écritoire de Ie Tellier.
Vous enfin Maistres des Requestes,
Et tout ce que de luges estes En vostre Parlement chétif,
Auez vous quelqu’autre motif,
Pourquoy vous laissiez vos confrères,
Qui pourtant disent des lanlères Et de vous et de vos Aivests,
‘ « Mandat, Ie ventre, paree qu’Il a bon appétit. » Le Mercure de la Cour, etc.
* « Lefèure et Fraguier, les iambes , paree qu’ils sauent se sauuer du danger; et comme on dit, au dlable les iambes qui ne sauuent pas ienbsp;corps. » Le Mercure de la Cour, etc.
’ Jean Molé, sieur de Champlastreux, et Francois Molé, abbé de Sainte-Croix, fils du premier président et couseillers. « Champlastreux,nbsp;Sainte-Croix et Menardeau en seront les parties honteuses parceque cenbsp;sont des gens acacher plulót qu’a produire. » Le Mercure de la Cour, etc.nbsp;Onavaitparlé de Champlètreux pour remplacer le secrétaire d’Etat Lenbsp;Tellier, éloigné de la Cour sur les instances du prince de Conde.
C’est Menardeau, le conseiller, qui est le héros de la Guerre des Me-nardeaux, etc. [152J1.
-ocr page 453-Que celuy de vos interests?
Sans vous bouffer de colère,
Auouez Ie nous, la Berchère, d’Orgeual et vous Balthazar,
Et sans vous letter au bazar De demeurer dedans Pontoisenbsp;Pour iuger Perrette et Francoise.
Reuenez ioindre vostre Corps,
Qul dans Paris et non debors,
A son siege et son domicile,
Ou mesme Thomme de Sicilië Qui vous mesprise et qui les cralnt,nbsp;Bongré malgré sera contraintnbsp;De rendre compte a nostre maistre,nbsp;(Quand tout de bon il voudra l’estre)nbsp;Des désordres qu’il a commis.
Et pour lors Messieurs mes amis, Vous cognoistrez que frenesienbsp;Auoit vostre teste saisie,
Et qu’elle auoit besoin de sens,
De croire que malgré deux cens Qul n’ont ceruelle ny mains gourdes,nbsp;Quatorze ou qulnze happelourdesnbsp;Pouuoient absoudre et maintenlrnbsp;Ce fat qu’on ne peut trop punir;
Et qu enfin ni loix ni prophètes, N’authoriza ce que vous faites,nbsp;Quaud Parlement vous appelez,nbsp;Quati’e teigneux et deux pelez.
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CHOIX
Les lustes plaintes de la Crosse et de la Mitre da Coadiuteur de Paris portant par farce Ienbsp;deuil de Madame de Rhodez, sa soeur dlami-tié, auec la Requeste présentée par eux a Messieurs du Parlement et ïArrest donné ennbsp;consequence d’icelle [i785].
(7 aout 1652.)
Quoy! nous portons Ie deuil de Madame de Rhodez! Vne femme nous couure d’vn habit noir; et vn Prélatnbsp;qui deuroit nous considérer auec honneur, nous expose anbsp;la honte et a l’infamie 1 Que dira-t-on a Rome quand onnbsp;scaura 1’iniure que nous faisons a toutes les Crosses et anbsp;toutes les Mitres? Le Pape fera vne Rulle par laquelle ilnbsp;ordonnera que les Gondys ne seront iamais honorez desnbsp;dignitez de l’Église; et peut estre nous déclarera-t-il ex-communiez d’auoir souffert ce changement. Les Cardi-naux tiendront vn consistoire auquel nous serons citez denbsp;comparoistre; et cependant deffense de continuer lenbsp;dueil. Les Archeuesques assembleront vn Concile national et nous desclareront indignes de seruir a aucun denbsp;leur Corps; les Euesques de la Prouince nous enuoye-ront des Lettres de cachet et nous sommeront de vuidernbsp;promptement l’Archeuesché de Paris; les Abbez mesmesnbsp;ne voudront plus aller après nous; et tout le clergé senbsp;scandalizera de notre lascheté. Mals quoy, nous ne pou-uons pas nous opposer a des tirans qui nous ont habilleznbsp;par force. Nous auons résisté fort longtemps; nous ennbsp;faisons des plaintes en public. Il ne reste plus qu’a s a-
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dresser a Messieurs du Parlement et leur demander a cstre deschargez du deuil que nous portons. Cette procédure nous iustifiera en Cour de Rome. Le Pape, lesnbsp;Cardinaux, Archeuesques, Euesques et Abbez n’aurontnbsp;rien a nous reprocher. Nous serons exempts de blasmenbsp;et hors de mesdisance; et si quelque iniurieux nous attaque en nostre honneur, nous le deffendrons l’espée anbsp;la main. Nostre Palais estremply d’hommes armez. Tousnbsp;les braues affectionnez au party Mazarin y font foulenbsp;auec allégresse ; et les Prélats qui le fréquentoient autresnbsp;fois auec liberté, n’y osent plus entrer qu’auec passeportnbsp;et en saluant les armes. Ne nous mettons plus en peinenbsp;de nostre deffense : nous la chercherons chez nous sinbsp;les forces nous manquent d’autre part.
Si nous faisions pourtant vne sérieuse reflexion sur nostre conduite malheureuse, nous trouuerions en nousnbsp;des suiets de désespoir et de rage. A-t-on iamais veu vnnbsp;Coadiuteur si peu estimer les présens et les biens quinbsp;doiuent le rendre le premier Pasteur d’vne ville? A-t-onnbsp;iamais veu vn Prestre se mesler d’intrigues auec lesnbsp;femmes et quitter l’Autel pour caioller dans les ruellesnbsp;de liet? A-t-on iamaiz veu vn Archeuesque preschernbsp;dans des Églises pour animer le peuple a la destruction de ses ennemis? A-t-on iamais veu vn cardinal sinbsp;ruse et si adroit a composer des libelles séditieux quinbsp;déclarent criminels d’Estat ceux qu’il déclaroit inno-cens, il y a vn an ? Pourquoy done, en nous plaignant denbsp;nostre robbe de deuil, ne nous plaindrions-nous pas desnbsp;caballes de celuy qui nous Ia fait porter? II y a long-temps que nous connoissons les visites trop fréquentesnbsp;qu’il rend a la Duchesse de Cheureuse, a la Marquisenbsp;Bampu et a Madame de Rhodez. Les visites nocturnes
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qu’il faisoit a la dernière, ne luy ont-elles pas cause vne maladiè mortelle ? Tout Ie monde scait qu’il n’osoit lanbsp;voir pendant Ie iour et que, quand il y alloit la nuit, ilnbsp;falloit auoir deux carrosses pleins d’hommes, lesquels,nbsp;auec des mousquetons, estoient aux aduenues des ruesnbsp;d’Orléans et des vieilles Estuues. Les bourgeois du quar-tier de la Croix du Tiroir et des enulrons de l’Hostelnbsp;de Soissons et les Prud’hommes‘ tesmoigneront par-tout cette vérité qui teriiit nostre reputation et exposenbsp;nostre honneur a vne médisance horrible. Mais quenbsp;pouuons nous faire en ce rencontre? Notre consciencenbsp;n’est point complice de tous ces crimes. Nous ne sommes point attachez a vn coeur criminel. Nostre deuoirnbsp;n’est point a I’accompagner dans la conuersation desnbsp;Dames. C’est a TEglise oil nous presidons; et la nousnbsp;sommes esleuez au dessus de sa teste, auec respect etnbsp;soumission de la part de ceux qui nous considèrent.
Il ne faut done point nous estonner si nous auons perdu I’affection des Parisiens. Nous auons murmure denbsp;leur inconstance, mais a tort. Nous ne scauions pas encore toutes les intrigues que nostre Maistre faisoit iouernbsp;contre eux. Son dessein n’estoit p^s tant de les protegernbsp;comme de les abattre. Il a voulu se seruir de leurs testesnbsp;pour s’esleuer a la dignlte de Cardinal, a laquelle il estnbsp;paruenu par trahisons et par fourberies, en renoncant anbsp;la lustice de la Fronde et aux sentimens des gens d’hon-neur. Combien luy auons nous veu commettre de lasche-tez pour conduire son entreprise a execution? En quelsnbsp;lieux n’auons nous point este portez pour abuser les esprits foibles et pour conuaincre les obstinez deuant et
* Baigneurs fameux.
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après sa promotion au Cardinalat? Que n’a-t-on point promis a Messieurs Ribier et Ie Feure de Caumartin pournbsp;l’engager a leur prester de l’argent? Tous ces deux Co-rinthiens ne sont ils pas intéressez dans sa fortune? Zanbsp;Signora Olimpia Ie scait fort bien; et l’Abbé Char-rié’ en diroit exactement toutes les circonstances.
Mais pourquoy nous arrester si longtemps a examiner Ie malheur de nostre Maistre et ses iniustices, puisqu’elles sont connues d’vn chacun. II est vray quenbsp;pour nous plaindre de la violence que l’on exerce ennbsp;nostre endroict, il faut donner des preuues des tyranniesnbsp;qu’il a coinmises enuers les autres, et tesmoigner parnbsp;l’infortune de ceux cy que nostre douleur n’est pas particuliere. Quelqu’vn nous dira peut esti'e que nous auonsnbsp;mauuaise grace de faire esclater nos plaintes a la face denbsp;tout vn peuple qui ne scaura pas discerner la iustice desnbsp;vns ny l’iniustice des autres; que pour nostre reputationnbsp;il falloit plustost souffrir nostre iniure que la repoussernbsp;auec calomnie. Il est vray que ce procédé eust esté rai-sonnable s’il ne se fust point attaqué a nostre honneur.nbsp;Nous auons esté obligez de deffendre nostre innocence;nbsp;car en ce rencontre Ie silence nous faisoit criminels etnbsp;nous rendoit incapables d’estre iamais portez par aucunenbsp;teste ecclésiastique.
Nous voyons auec quel mespris les autres Mitres et Chapeaux rouges nous considèrent. On nous accuse denbsp;lascheté; et on nous impose des crimes que nous ne con-noissons point. Nous ne voyons plus la teste que nousnbsp;deurions voir dans I’Eglise. Elle n’a plus de pieds pournbsp;venir a I’Autel. Nous sommes dans vne oysivete de péché
‘ Agent du coadjuteur a Rome ponr 1’affaire du Chapeau.
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mortel; et néantmoins on nous couure d’vn crespe a la Rhodienne. II semble qu’il vienne des mains du Turc anbsp;dessein de nous empescher l’approche du Temple denbsp;Dieu, a l’honneur duquel nous deurions sacrifier tousnbsp;les iours. Ce seroit Ie seul moyen de rentrer dans nos-tre innocence, de nous faire chérir des peuples et denbsp;faire voir aux grands diuisez que nous ne nous intéres-sons plus que pour leur vnion et leur Concorde.
Mais nous entendons desia autour de nous vn bruit qui nous auertit que cela ne sera iamais qu’auparauantnbsp;nostre Maistre n’aye fait penitence de ses crimes; qu’ilnbsp;nous faut prendre vne bonne resolution, et qu’il y va denbsp;nostre conscience a nous libérer de ses mains. On nousnbsp;reproche desia nostre foiblesse. On croit que nous sommes gagnez pour nous désister de nostre requeste. C’estnbsp;pourquoy il faut poursuiure généreusement. Nos plaiutesnbsp;sont iustes et raisonnables. Iamais Prélats et Coadiu-teurs n’ont fait porter Ie deuil a leur Crosse et a leurnbsp;Mitre pour la mort d’vne femme comme celle cy, qui n’estnbsp;son alliée que par intrigue et qu’il appelloit sa soeur parnbsp;raison de Politique et non de Chrestien. Mettons donenbsp;promptement la main a la plume pour dresser nostrenbsp;Requeste. Nous la donnerons a M. de Machault pournbsp;la rapporter au Parlement, lorsque les Chambres serontnbsp;assemblees. C’est vn iuge aussi généreux que désintéressé, qui nous rendra bonne iustice. Escriuons présen-teinent ;
TRÈS HUMBLE REQUESTE
(/e la Crosse et de la Mitre da Coadiuteur de Paris pre'sente'e a Nosseigneurs da Parlementnbsp;assemhlez /e 12 aoust 1652.
SuppLiENT humblement la Crosse et la Mitre du Coad-
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iuteur de Paris, Disant qu’au préiuclice de leur honneur, rópulation , Droits et Prérogatiues, lean Francois Paulnbsp;de Gondy, Arclieuesque de Corinthe, Coadiuteur a l’Ar-clieuesché de Paris, et Cardinal de la saincte Eglise Ca-tliolique, Apostolique et Romaine, les auroit forcez anbsp;prendre Ie deuil de la mort de Louise de Lorraine, fillenbsp;bastarde du Cardinal de Lorraine et de la Mareschale denbsp;l’Hospital, autrefois appellee Madame des Essarts, veufuenbsp;du Marquys de Rhodes, cy deuant grand Maistre desnbsp;Cérémonies de France; et que non content d’auoir exercénbsp;en leur endroit vne violence de cette qualité contre tou-tes voyes deues et raisonnables, il les laisse encore dansnbsp;Vne oisiueté criminelle, sans assister a 1’Office Diuin ,nbsp;sans approcher de l’Autel et sans faire les fonctions denbsp;Prélat; que les autres Crosses et Mitres prétendentnbsp;les faire dégrader des Litres d’lllustrissimes et de Réué-i'endissimes, ce qui leur seroit vn affront tres sensible etnbsp;qui pourroit apporter vne confusion dans l’Eglise, !a-quelle ne s’esteindroit pas si facilement; ce considéré ,nbsp;NOSSEIGNEÜRS, il vous plaise y apporter vn remèdenbsp;prompt et asseuré, ordonner que nos habits de deuil.nbsp;Voiles et crespes noirs seront donnez a d’autres; quenbsp;Uostre Maistre, Ie Coadiuteur de Paris, sera obligé denbsp;dire vne Messe basse tons les iours; que les premiersnbsp;T)imanches du mois, les bonnes festes de l’année etnbsp;les iours des Saincts Apostres, il la chantera auec lesnbsp;ornemens pontificaux, et que deffenses seront faitesnbsp;aux autres Crosses et Mitres de nous disputer riionneurnbsp;et Ie rang qui nous appartient et de nous attaquer ennbsp;quelque facon que ce puisse estre; et vous ferez bien.
Cette requeste n’a pas esté plustost inise entre les inains de Monsieur de Machault, qui cxpédie les affaires
II
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auec avitant de lustice que de promptitude, qu’il a pris occasion de la rapporter, ce matin, au Parlement, lesnbsp;Chambres assemblees. Après la lecture d’icelle faite, onnbsp;a mandé Ie sleur de Becliefer, Substitut du Procureurnbsp;General du Roy, lequel a consenty pour sa Maiesté quenbsp;Ie contenu en ladite Requeste fust accordé a la Grosse etnbsp;a la Mitre du Coadiuteur de Paris ; et qua l’égard d’ice-luy Coadiuteur, il luy seroit fait deffense d’oresenauaiitnbsp;d’attenter aux Priuiléges et exemptions des ornemensnbsp;Pontificaux et Sacerdotaux, et que pour reparation de lanbsp;violence et Tyrannic a eux faites contre les Loix denbsp;l’Église, 11 sera tenu de garder Ie silence pendant Ie sé-iour du Cardinal Mazarin en France et de prier Dieunbsp;pour la Paix Générale, pour la tranquillité du Royaume,nbsp;pour l’eslolgnement de la Reyne et pour la mort du Tyrannbsp;qu’elle protégé, qui est lules Mazarin.
Le Substitut du Procureur Général retire, il y a eii plusieurs aduis differens. Les vns tendoient a enuoyer lenbsp;Cardinal de Retz dans la Conciergerie du Palais pournbsp;I’empescber d’auoir intelligence auec le Mazarin et denbsp;mettre sa Crosse et sa Mitre sur la teste de Monsieurnbsp;Deslandes Payen. Les autres vouloient qu’il fust inforniénbsp;plus amplement de sa violence, et cependant sursis-Quelques vns estoient d’aduis de remettre 1’affaire anbsp;Mercredy et d’attendre la présence de Son Altessenbsp;Pioyale; mals Monsieur Ie Prince a opine a donnernbsp;TArrest qui ensuit :
Arrest, de la Cour tlonné contre la Crosse et la Mitre dll Coadiuteur de Paris.
Ce iour, la Cour, toutes les Cbambres assemblees, Monsieur le Prince de Conde y estant, ayant délibére sur
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vne requeste de la Grosse et de la Mltre du Coadiuteur de Paris presentee par Monsieur de Machault, et ouynbsp;sur ce Bechefer, Substitut du Procureur General dunbsp;Roy, luy retire, la matière mise en deliberation, Laditenbsp;Cour considérant l’iniustice du Coadiuteur de Paris et lanbsp;violence qu’il a exercée contre sa Crosse et sa Mitre, Anbsp;ordonné et ordonne qu’ils seront deschargez de porternbsp;Ie deuil pour quelque mort que ce soit, quand seroit lanbsp;sienne propre; qu’a l’aduenir il n’vsera plus de tyrannicnbsp;enuers ses ornemens Pontificaux et que deffenses luy seront faites d’auoir aucun commerce auec son cber amy Ienbsp;Cardinal Mazarin, qu’il n’écrira point a la Reyne, a Ianbsp;Cheureuse, ny a ceux qui sont du party contraire au biennbsp;Public, et qu’il ne rendra iamais aucune visite a Madamenbsp;Dampu pour éuiter Ie scandale et Ie désordre qui ennbsp;pourroit arriuer; et que pour la contrauention par luynbsp;faite aux Ordonnances Ecclésiastiques, il sera condamne'nbsp;a payer la somme de vingt mil escus pour la Subsistancenbsp;de l’Armée du Prince et de garder Ie silence pendant Ienbsp;séiour du Cardinal Mazarin en France. Et sera Ie pre'sentnbsp;Arrest leu, public et affiche par tous les Carrefours denbsp;cette Ville et Faux bourgs de Paris, et enuoyé a tous lesnbsp;Bailliages et Sieges Présidiaux et autres du ressort, pournbsp;estre pareillement leu et public; et donné aduis d’iceluynbsp;aux autres Parlemens inuitez de donner pareil Arrest.nbsp;Fait en Parlement Ie douzième Aoust mil six cent cin-quante deux.
Signé DU TILLET.
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CHOIX
(19 aout 16o2.)
Cüiniiie ie n’ay pas tant d’hoiTeur de la pierre qui m’est iettoe, que i’ay de ressentiment contre celuy quinbsp;me 1’a iettée , ie ii’ai point tant d’auersion contre celuynbsp;qui me Llesse et qui n’y peuse, comme i’en ay contrenbsp;celuy c[ui le conseilie a me ma! faire et sans les suggestions et impulsions duquei Ie ne receurois point de tort.nbsp;Ie pardonne trés vol on I Iers au Pi'ince sous la dominationnbsp;duquei la prouidence de Dieu m’a réduit, toutes lesnbsp;charges et impositions qu’il me fait souffrir, pour lanbsp;créance que i’ay que ce mal ne m’arriue pas de son grénbsp;et de son inuenlion; mais i’ay vn grand ressentimentnbsp;contre le donneur d’aduis et le mauuais conseiller quinbsp;me met a ranqon et qui me persecute. Ie regarde inonnbsp;Roy; ie le choye et le respecte, comme vne personnenbsp;sacréc; mais i’ay en horreur le barbare officier qui menbsp;tyrannise. C’est pourquoy ie fals tont ce qui m’est possible pour éuiter le coup dont il me veut frapper. Ienbsp;me soustrais; ie in’en fuis; et si ie ne puls escliappcr,nbsp;ie pars et me défens le plus accortement que ie puis. Ienbsp;ruse enfin ; et ie me sauue par les faux fuyans et parnbsp;les cquiuoques, quaiul ie n’ay plus d’autre refuge ; ayantnbsp;ouy dire assez souuent qu’il est loisible de frauder lanbsp;Gabelle, principalement quand elle est excessiue; et
* Declaration du Roy portant trajislalion du parlement de Paris en la rille dePontoise, tic. [94.2],
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neantinoins paree qiie cette leuée se fait sous lo nom et par rauthorité du Prince, Ie particulier qui tascheroitnbsp;d’y résister par vne voye de fait, coinmettroit vne rebellion. Mais autre chose est quand tout Ie peuple par vnnbsp;mouueinent et par vn interest commun se sousleuenbsp;contre l’oppression ; car alors ce n’est plus vne rebellionnbsp;et vne désobéyssance; c’est vn procez, dont la contestation se forme par vne guerre; et la decision s’en faitnbsp;par ie sort des armes selon la volonté de Dieu, qui estnbsp;Ie souuerain du Roy et du peuple et Ie dernier iugenbsp;d’appel. On demandera, et on trouuera estrange, comment il se fait que ce qui est rebellion et désobéyssaacenbsp;a vn particulier, quand il est entrepris par tout vn peuple, deuient vne guerre légitime, veu que Ie plus ou Ienbsp;inoins, selon la philosophie , ne change pas la substance.nbsp;II faut respondre que cette maxime est vraye auxehosesnbsp;physiques; mais elle recoit explication aux morales etnbsp;politiques. Et premièrement toute désobéyssance n’estnbsp;pas rebellion. Si Ie Prince ou son Ministre ordonnenbsp;quelque chose qui soit contre la loy do Dieu, Ie refusnbsp;d’y obéyr n’est ny rebellion ny crime; au contraire, cenbsp;seroit vn crime que d’y obéyr : Sperne potestaterii ti-mendo potestateni, dit sainct Augustin; c’est a dire,nbsp;Tu peux impunément, voire mesme tu dois mespriser Ienbsp;commandement de la puissance humaine pour satisfairenbsp;a celuy du Tout-Puissant. Secondement, si Ie Piance tenbsp;fait vn tel commandement qui de soy n’est pas contre lanbsp;loy de Dieu, mais néantmoins est iniuste, paree qu’ijnbsp;est excessif, en ce cas-la c’est Ie Prince qui pêche, pareenbsp;qu’il agit contre la loy de Dieu , qui 1 oblige a faire ius-tice; maistoyenl’exécutant, lu n offenses pas; au contrairenbsp;Dl en fais exercice de patience. Or cette patience est
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louable; et la resistance que tu ferois au contraii’e, seroit inutile,'seroit demauuais exemple, etteseroit pre'-i udiciable. En ce cas la il faut que tu obéysses; et Ienbsp;Magistrat qui agit sous l’authorité du Prince, t’y peutnbsp;contraindre par ainendes, par peines et einprisonnemens.nbsp;Et quoy que l’imposition soit excessiue et iniuste en soy,nbsp;néantmoins par relation au repos public que tu ne doisnbsp;pas troubler par ton impatience, il est iuste que tu lanbsp;subisses. Mais si la charge et la coruée est vniuersellementnbsp;imposée sur tous les habitans du pais, et que ne la pou-uant plus supporter, ils se resoluent de la refuser, etnbsp;qu’en vengeance de ce refus on procédé contre eux parnbsp;outrages et guerre declarée, qu’on les affame , qu’on lesnbsp;massacre, qu’on viole leurs femmes et leurs filles, lanbsp;nature alors s’esleue contre Ie prétendu droict ciuil dontnbsp;Ie Prince se veut préualoir, et présente Ie bouclier de ianbsp;defense légitime contre la force et la violence : Vim vinbsp;defendere omnes leges et omnia lura permittunt. Carnbsp;alors Ie respect estant perdu de la part du peuple et Ienbsp;Prince s’estant depouillé de toute charité et ne rendantnbsp;plus iustice ny protection , la liaison mutuelle est dissoute;nbsp;il n’y a plus ny Prince ny subiects; et les choses sontnbsp;réduites a la matière première. Alors il arriue que lanbsp;forme du gouuernement se change totalement; car ounbsp;ia Monarchie passe en Aristocratie ou en estat populaire ; ou bien si les peuples ne sont pas entièrement dé-gcustez de la Royauté, ils la transfèrent a vne autrenbsp;familie, ou ils se soumettent a vne autre nation plusnbsp;puissante et réglée par de meilleures loix. Ainsi les Hol-landois se mirent en estat populaire; ainsi les villes sub-iectes aux cheualliers Teutoniques se donnèrent au Roynbsp;de Pologne. Voilales extrémitez ou les violens Conseillers
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et les fauorls récluisent les Princes et les peuples. Que deuiennent donctous ces commandemens de sainct Pierrenbsp;et de sainct Paul, si exprez et si reitérez dans Ie Nou-ueau Testament, de 1’obéyssance qu’il faut rend re auxnbsp;puissances supérieures ? Les Docteurs respondent facile-inent a ces passages, Ie principal desquels est Ie IS”nbsp;chap, de l’Epist. aux Rom. Ils reinarquent que sainctnbsp;Paul écriuoit sous Néron qui dominoit tout ce grandnbsp;empire Remain , dans lequel les Chrestiens ne faisoientnbsp;qu’vne petite poignée d’hommes, lesquels estant per-suadez de la liberté de l’Euangile, et comme ils n’estoientnbsp;plus sous la seruitude de la Loy ancienne, pouuoientnbsp;prétendre et se faire accroire qii’üs n’estoient plus obli-gez a l’obéyssance des Princes Séculiers. Pour cette raisonnbsp;l’Apostre prend soin de les instruire et de les tenir ennbsp;douoir et en sousmission; mais i! ne iustifie pas poiirnbsp;cela lesexcez et les cruautez de Néron, qui fut condamnénbsp;incontinent après par Ie consenteraent de tont Ie Sénatnbsp;et de tout Ie Peuple. Et quand sainct Pierre comraandenbsp;aux Seruiteurs d’obéyr a leurs Maistres, etiam djscolis,nbsp;ce mot signifie seulement quand ils sont moroses et denbsp;mauuaise humeur. Autre chose est quand ils tuent etnbsp;qu’ils massacrent; alors cette obligation nest plus dansnbsp;ses hornes. Alors la nature se declare et prend la defense légitime pour elle-mesme et foule aux pieds Ienbsp;prétendu droict ciuil, en la mesme sorte que font cesnbsp;Lyons appriuoisez, quand ils ont souffert de leurs maistres quelque grand outrage qui les met au bout de leurnbsp;patience et de leur docilité. C’est ce qui vient d’arriuernbsp;depuis nos iours dans plusieurs prouinces de l’Europe.nbsp;Or il ne faut point aller a Delplies pour scauoir qui anbsp;poussé les Princes dans ces precipices et qui leur a
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bandé les yeux pour ne les pas apperceuoir. Ce sont les infulèles conseillers et les Patrons cle l’authorité abso-lue. Vne domination modérée n’est pas suiette a ces ac-ciclens; et si elle recoit quelque atteinte, c’est par l’at-taque du dehors. Car par elle raesine et de son estoc ,nbsp;elle est presque immortelle, ne plus ne moinsqu’vn corpsnbsp;bien tempéré et sobrement nourry, qui desoyne formenbsp;ny fièure ni abcez et qui ne peut estre endommagé quenbsp;par des accidens estrangers. Qu’heureux seroient les Roysnbsp;si OU pouuoit purifier leurs cours de la contagion de cesnbsp;pestes! Or cela n’est pourtaut pas impossible; car nousnbsp;scauons qu’il y a des Royaumes en Europe oil Ie nomnbsp;de fauory n’est non plus en vsage que la chose. Pour-quoy la France, l’Espagne et l’Angleterre ne s’en pour-roient-elles pas bien passer? Mais puisque cettemauditenbsp;engeance est si opiniastre a nous affliger et qu’ils nenbsp;veulent pas démordre ny se destacher de nostre peau ,nbsp;quoyqu’ils regorgent de nostre sang, soyons de nostrenbsp;part perséuérans a nostre légitime defense ; et tascbonsnbsp;d’en dégouster nos Rois et nos Reines qui la proté-gent.
Quant aux fauoris et fauteurs de la puissance absolue, il ne leur faut pas tant de respect; nous auons assez denbsp;qualité et de charactère pour leur parler du pair. Quenbsp;si leur orgueil les empesche de nous escouter, nous sommes contens de n’en estre pas creus ; mais nous lour pro-duirons les aduis des sages anciens, selon que la mé-moire nous fournira. Et premièrement Polybe leur ap-prendra qu’il faut faire vne notable difference entre lanbsp;Monarchie et la Royauté. C’est vne puissance légitimenbsp;déférée par la volonté et Ie choix du peuple. La Monarchie, c’est vnepuissaricc violente qui domine contre Ie gré
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fle sublets et qui les a sousinis contre leur gré. La ïl^oyauté se gouuerne par la raison ; la Monarchie a discretion et selon la conuoitise du commandant. La finnbsp;la Royauté, c’est l’vtilité commune; la fin du Monar-^{ue, c’est la slenne particuliere. Arlstote, Ie Roy des esprits et du raisonnement humain, ditque legouuernementnbsp;^onarchique , c’est-a-dire d’vn seul, est bestial commenbsp;celui du Roy des abeilles, qui les régit sans conseil; que lanbsp;Royauté, c’est vn gouuernement propre des hommes,nbsp;qui s’administre par conseil et par communication denbsp;1’aduis des personnes bien sensées. Cicéron, Ie prince desnbsp;philosophes Latins aussi bien que des Orateurs, ditnbsp;après Aristote, et auec Ie consentement de tous les Po-litiques, que les peuples ont esleu les Roys pour leurnbsp;faire iustice et pour les protëger; pour eet effect, qu’ilsnbsp;Ont choisi les plus vertueux et les plus sages. Et quandnbsp;Cicéron , Polybe et Aristote ne l’auroient pas dit, peut-d entrer dans Ie sens coinmun qu’on en aye peu usernbsp;^utrement? Ces mesmes grands génles nous disent quenbsp;les gouuerneurs des peuples et des républiques, soient-ils Roys, Empereurs, Electeurs , Consuls , ou qualifieznbsp;de tels autres noms qu’on voudra, ne doiuent point estrenbsp;considérez autrement que comme sont les tuteurs a 1’es-gal de leurs pupiles : Ft tutela, sic procuratio reipu-^licse, ad eoruni vtilitalem qui commissi sunt, non adnbsp;^orum quihus commissa est, referenda est. Cic., lib. 1.nbsp;^fficioruni. Cet oracle est si vtile , si beau et d’vnenbsp;'mérité si indubitable qu’il deuroit estre escrit dans tonsnbsp;*cs palais des Princes, dans tous les auditoires de ius-dce et dans toutes les chambres du conseil public. Fa-i^ins-Maximus, au Rapport de Tite-Liue, sur ce que Ienbsp;•ciine Scipion vouloit passer son armee en Afrique con-
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tre Ie consentement du Sénat, auanca son aduis en ces termes : 1'estime , Per es conscrits, que Scipion a esiénbsp;créé consul pour Ie Men de la répuhlique et pour Ienbsp;nostre ^ et non pas pour Ie sien particulier. Le mesmenbsp;se peut dire a tons ceux a qui on donne le commande-ment pour gouuerner vne nation, de quelques noinsnbsp;qu’ils soient honorez. Et comme ce consul ou ce dicta-teur est oblige d’agir et de se régir par iustice pendantnbsp;son année ou ses six mois, le Roy pareillement estnbsp;oblige d’administrer iustice pendant tout le cours de sanbsp;vie et de son règne. On ne les a iamais esleus sous d’au-tres conditions ; et il ne peut pas tomber dans le sensnbsp;de qui que ce soit, que iamais vne communaute, pournbsp;barbare qu’elle aye puestre, se soit forme vn chef pournbsp;en estre affligee et gourmandee. Cela estant ainsi, denbsp;quelque date que soit I’origine d’vne Monarchie, elle nenbsp;peut pas prescrire la liberte de la nation qui lui a donnenbsp;I’estre et le commencement. C’est vne maxime indubitable en Droict, que les gens de robbe ne doiuent pasnbsp;ignorer, que, nemo potest siM- mutare causain posses-sionis. Hue Capet fut esleupar les estats deFrance pournbsp;régner equitablement et suiuant les loix du pais; il ennbsp;fit le serment solemnel lors de son sacre; il a par consequent transmis le royaume a sa postérité , a cette mesmenbsp;condition. Si Louis XI a entrepris quelque chose aunbsp;dela, il a pesche contre son deuoir et centre son tiltre;nbsp;et les Estats tenus a Tours sous Charles VIII, son fds ,nbsp;ont este bien fondez a remettre les choses en leur premier estat et dans les homes de 1’équité. Les Roys quinbsp;ont suiuy depuis, se sont maintenus dans vne louablenbsp;moderation. Louis XII a mérité le nomde Père du Peu-ple. Henry IV, nourry dans la licence des guerres, hors
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de Ia discipline de la vraye Religion, attaqué pav les acmes, irrité par les plumes, diffamé par vn million d’in-uectiues , estant paruenu enfin a la Royauté , il s’y est comporté si légalement qu’il n’a iamais fait bresche anbsp;aucune loy fondamentale de l’Estat, n’a iamais coutraintnbsp;aucune compagnie de Judicature , n’a pas mesme molesténbsp;aucun particulier de ceux qui les composoient, iusques-la que pour faire passer l’Edict de Nantes, il prit soinnbsp;d’honorer Ie Président Séguier de l’ambassade de Ve-nise pour éuiter sa contradiction. Nous scauons encorenbsp;que s’estant échappé a quelque parole vn peu dure centre Ie Président de Harlay, il Ie renuoya quérir dès Ienbsp;lendemain pour luy en faire des excuses. C’est pournbsp;cette i’aison plustost que pour ses exploits militaires, quenbsp;nous luy auons donné Ie titre de Grand; et ce fut ennbsp;cette veue qu’on mit sous son pourtraict (ie pense que cenbsp;fut Ie Cardinal du Perron) :
Ce grand roy que tu vois, de sa guerrière lance Subiusua ses suiets contre lui réuoltez:
O nbsp;nbsp;nbsp;'
Mais d’vn plus braue coeur, quand il les eut domtez,
Luy mesme se vainquit, oubliant leur offense.
C’est ce modèle que Ie Mareschal de Villeroy deuroit faire voir a son disciple, et non pas des exemples d’authoriténbsp;absolue, que les Grecs appelleroient tyrannie. Quant anbsp;cette clause impérieuse laquelle on a coustume d’apposernbsp;a la fin des ordonnances et lettres Royaux, Car iel estnos-tre bon plaisir, c’est vne légere obiection, de laquellenbsp;néantmoins tons les autres peuples nous font reproche,nbsp;comme de la marque de nostre esclauage. Mais ceux quinbsp;sont tant soit peu intelligens dans nos formalitez, sca-Uent que ces tenues ne signifient autre chose, sinon :nbsp;tale est placitum nosü'um; tel est notre Conseil. II
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depend, puis après, des Parlemens ou des autres moin-di’es luges d’examiner la iustice de telles Lettres et de les verifier siellessont trouuées legitimes et raisonnables.nbsp;Mais de penser que ce mot de car, soit vne causatiue, quinbsp;influe vn charactère d’authorité aux lettres et qui tiennenbsp;lieu d’vne raison ineluctable, il n’y a point d’apparence;nbsp;et la pratique des lurisdictions ordinaires y résiste, quinbsp;refuse tous les iours des lettres m unies et fermées denbsp;cette clause. Et c’est ce mr la qu’onpourroit iustemcntnbsp;abandonner a la correction des Docteurs de l’Acadé-mie, non seulement comme inutile, mais comme denbsp;pernicieuse consequence. Or, la première ordonnancenbsp;oil nous trouuons qu’il a esté mis en vsage, c’a esténbsp;celle de Charles VIII, de l’an 1485, par laquelle ilnbsp;defend les habits d’or et de soye aux gens de moindrenbsp;condition et les réserue pour la noblesse. A la fin denbsp;cette ordonnance il adiouste : Car tel est nostre plaai-sir. A la vérité on ne peut pas dire que Ie Royaume denbsp;France se peut plaindre d’vn tel édict; et on pourroitnbsp;bien Ie pardonner a ce Roy la, quand il n’auroit pasnbsp;allégué d’autre raison. C’est vne des confusions de nostre siècle que les gens de néant s’habillent et se meu-blent aussi somptueusement que les Princes et qu’ilsnbsp;ne leur laissent aucun discernement. Et ce n’est pasnbsp;simplement vne faute de bienséance que Ie luxe ; c’estnbsp;l’origine de toutes les concussions et de tous les volsnbsp;publics.
Reuenons a cette puissance absolue; et disons qu’elle n’est pas compatible auec nos moeurs, soit chrestiennes,nbsp;soit francoises. Il ne faudroit plus d’Estat; il ne fau-droit plus de Parlement; il faudroit abolir Ie sacre denbsp;nos Rois et Ie serment qu’ils font sur les saincts Euan-
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giles, de reridre iustice, d’empescher les exactions et de traicter lews subiets auec équité et misericorde:nbsp;Ce sont les propres termes de la formule de leurs ser-luens. Nous n’auons pourtant pas faute d’Escriuains, quinbsp;par Ie litre de leurs offices, et pour se monstrer exces-siueinent fiscaux, portent cefte authorité absolue aunbsp;dela de toutes hornes, iusque a souslenir que les Roisnbsp;peuiient dispenser de la simonie.
Mais ce qu’ils en ont dit, soit en plaidant ou en es-criuant, c’a esté par vn zèle de party; les vns pour refuter les premiers Huguenots qui vouloient mettrenbsp;l’Estat en République; les autres pour s’opposer auxnbsp;attentats et pernicieuses maximes de la Ligize. Et aunbsp;lieu de se tenir dans des opinions mode're'es, ils se sontnbsp;ieltez aux extrémitez, en attribuant aux Princes plusnbsp;de pouuoir qu’il ne leur est expedient d’en auoir pournbsp;leur propre seureté. Bodin en sa Republique, leg. 2, cha-pitre 3, pense beaucoup dire et croit que c’est vnenbsp;grande bonté aux Rois de se sousmettre aux loix de lanbsp;nature; quant aux loix ciuiles, il estime qu’ils sontnbsp;releuez par-dessus d’vne grande hauteur! C’est dans cenbsp;chapitre oii il est si téméraire de qualifier d’imperti-nence Ie discours d’Aristote sur la diuision qu’il faitnbsp;des différentes Royautez, au 14“ cbap. du 3 1. de sesnbsp;Rolitiques. Mais dans cette partie, c’est vn indiscrctnbsp;zelé et qui n’est pas demeuré sans réplique. Cuias (quinbsp;viuoit du mesme temps), auec beaucoup moins d’affec-tation, et beaucoup plus grande cognoissance, a escritnbsp;viie decision capitale sur cette matière, en ces termos :nbsp;Hodic Principes nonsunt soluti lepibus, quod est cer-lissinmrn, quoniam iwunt in leges Patrias; c’est surnbsp;loy 5. ff. de lust. et lure. Lo Pythagore des Gaulcs,
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Ie Seigneur de Pibrac, qui auoit esté aduocat general du Parlement, autant passionné pour l’honneur du Roynbsp;coinme equitable aux interests du peuple, ne feint pointnbsp;de dire qu’il bait ces mots de puissance absclue. Aunbsp;reste, toutes ces flatteries d’adorateurs qui font des Pa-négériques aux Empereurs, toutes ces paroles de braue-ries que les poëtes mettent en la bouclie de leurs roisnbsp;de theatre, ne sont pas des autlioritez considerablesnbsp;pour establir cette puissance excessiue ; au contraire , cenbsp;qui est prononcé par vn Atreus, vn ïhyestes ou vnnbsp;Tibère, doit estre abliori’é par vn bon Prince. II fautnbsp;plustost prendre langue et instruction de pliilosophes,nbsp;qui auancent leurs maximes en cognoissance de causenbsp;et sur des fondemens de raison et d’équité. Or , on n’ennbsp;trouuera aucun qui approuue cette puissance sans limi-tes : l’vn veut qu’il y ait vn Conseil compose de gensnbsp;expérimentez; l’autreveut qu’ily ait vne loy dominante,nbsp;dont vn Prince ne soit que l’exécuteur et l’estre. L’em-pire de la loy, dit Aristote , c’est quelque chose de diuiii,nbsp;de permanent et d’incorruptible; l’empire absolu denbsp;l’homme seul est brutal, a cause de la conuoitise et denbsp;la fureur des passions, et ausquelles les Princes sont su-iets, aussi bien et plus que les autres hommes. Nosnbsp;aduersaires obiectent et disent; si celuy qui commande,nbsp;est régie et circonscrit par les loix, s’il est attaché a desnbsp;gens de conseil, ce n’est plus vn Roy; ce n’est qu’vnnbsp;simple Magistrat. Nous répondons que nous ne dispu-tons pas du nom ny des termes, mais que nous trauail-lons a la definition et a l’établissement solide et legitimenbsp;de la chose. Ce que nous appelons Roy en France, ennbsp;Allemagne c’est vn Empereur; en Moscouie c’est vnnbsp;due; a Constantinople c’est vn grand Seigneur 5 mais
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partout, de ees Seigneurs et de ces Roys, les peuples ea attendent iustice, protection et soulagement. Ennbsp;fjuelques endroits les Roys iouyssent d’vne pleine souue-raineté ; en d’autres ils ne sont que feudataires; les vnsnbsp;et les autres obligez de rendre iustice. Il y en a qui sontnbsp;électifs; il y en a de successifs; mais tous égalementnbsp;obligez a rendre iustice et a régir en équité. Pour eetnbsp;effetilsont des officiers et des gardes, tant pour l’exécu-tion de leurs volontez que pour la conseruation de leursnbsp;personnes ; encore est-il a considérer que ce noinbrenbsp;de gardes qu’on leur donne, doit estre limité et modérénbsp;pour deux respects; d’vn costé afin qu’ils soient plusnbsp;forts que les partlculiers , pour les tenir en deuoir; etnbsp;de 1’autre, afin qu’ils ne soient pas trop puissans pournbsp;opprimer toute ia cite. C’est Ie tempérament et les precautions que baille Ie grand Aristote, dont l’authoriténbsp;est preferable a celle de suppóts de la domination violente. Au reste, on peut apprendre de ce sage philoso-phe , et l’expérience nous Ie monstre , qu’autant qu’il ynbsp;a de nations diuerses, autant y a-t-il de différentes formules de gouuernement, selon lesquelles elles ont esta-bly leurs souuerains, en leur imposant des noms selonnbsp;leurs diuers langages. Mais toutes ces nations conuien-nent en ce principe, a ce que iustice leur soit adminis-trée. Toutes les autres qualitez sont accidens et circon-stances. La Iustice fait Ie corps et la substance de lanbsp;Royauté; c’est celle qu’on a requise en la creation desnbsp;premiers Roys, lorsqu’on les a esleus. Deus' iudiciumnbsp;tuumRegi Da; c’est celle qu’on demandepour les Roysnbsp;successifs, et iustitiam tuam filio Regis.
On peut dire a présent de la Politique ce qu’Hippo-crate a dit de la Médecine, a scauoir que de tous les
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arts il n’eii est pas cle si illustre que celuy qui enseigne a procurer la santé des hommes; mais que par l’igno-rance de plusieurs qui Tont voulu pratiquer sans en auoirnbsp;eu la cognoissance, leurs mauuais succcz ont ietté dans Ienbsp;décry et rendu infame vn art si auguste et si diuin. Toutnbsp;de mesme ces harpies infernales qui ont cause tons lesnbsp;maux quo nous auons ressenty et qui nous accablentnbsp;niaintenant. Radix omnium: rnaloj'um, dit saint Paul,nbsp;est cupiditas. I. a. tim. 6, v. 10.
Ce soulèuement general qui est arriué presque dans toules les monarchies de l’Europe, nous montre quenbsp;Dien est grandement courroucé contre nous. Reuenonsnbsp;encore vn coup a la puissance absolue. Les Roys veulentnbsp;s’attrihuer cette primauté par laquelle dans sa dernièrenbsp;Declaration il commande aux Princes de se trouuer ab-solument prés de sa personne. Ie prononce dans la loynbsp;de Moyse qu’il n’y a que Dieu seul qui peut commandernbsp;absolument, et que les Princes du sang ne sont suiets lt;anbsp;aucune puissance souueraine que par deuoir d’honueur.nbsp;C’est pourquoy ie soustiens que la puissance absolue doltnbsp;estre reiettée, et que les lolx fondamentales de l’Estatnbsp;n’authorisent point les Roys de dépouiller leurs suiets denbsp;biens et d’honneurs, pour affermir leur puissance. Aussinbsp;est-il vray que les Parlemens sont obligez par toute sortenbsp;de deuoirs de ne point abandonner les Princes et les peu-ples , desquels ils sont les protecleurs pour leur deffensenbsp;et leur bien particulier; duquel Aristote parle quand ilnbsp;dit, que c’est luy seul qui attire a soy efficacieusement ianbsp;volonté, amabile quidam bonum unicuique autein proprium. Leur honneur et leur propre vic qui sont ennbsp;commun peril, les doiuent porter a faire tous les efforisnbsp;possibles pourvenir a bout de leur dessein. Dieuaueugla
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les yeux de Pharaon et endurcit son cceur pour ne pas entendre sa volonté, qu’il luy estoit manlfestée par lanbsp;touche de Moyse. Mais nonobstant l’aueuglement etnbsp;obstination de ce Roy, par son bras estendu et puissant,nbsp;d retira et arracha, pour ainsi dire, des mains de ce ty-fan de la puissance absolue son peuple. Nous pouuonsnbsp;espérer vne pareille déliurance.
(24 septenibre 1632.)
Comme tous les membres du corps s’entre aydent na-turellement a se guérir de leurs maladies et que Ie feu s’estant pris a vne maison, tous ceux qui en sont, accou-rent pour l’esteindre; ainsi Tauthorité Royale estant at-taquée comme elle l’est maintenant, auec tant d’excès etnbsp;de scandale, tous les suiets du Roy indifféremment sontnbsp;obligez de s’armer pour la deffendre : in C/'imine Maies-tatis omnis homo miles.
Qu’il vous plaise done , Nosseigneurs , de remarquer icy deux considerations tres importantes au bien publicnbsp;des affaires, a l’acquit de vos Charges et au repos denbsp;la France. La première et générale vous fera souuenirnbsp;que si vostre Office vous donne droit d’estre Mediateursnbsp;entre Ie Souuerain et Ie peuple et d’estre vn noeu sacrénbsp;qui les vnisse et les albe estroitement ensemble, vousnbsp;'^stes beaucoup plus inférieurs a l’vn que Supérieurs anbsp;1’autre.
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Que la Monarchie a deuancé de pres de neuf siècles rinstitution du Parlement tel qu’il est a ceste heure; quenbsp;l’authorité de eet Auguste Corps n’est ny première, nynbsp;absolue, ny indépendante; mais qu’elle est seulementnbsp;empruntée, limitée et soumise a vn plus haut ressort;nbsp;que les Roys de France sont les seuls Pères véritables etnbsp;les seuls luges Souuerains de leurs Suiets; que pour cestenbsp;raison leurs Vassaux leur prestent serment de fidélité etnbsp;leur rendent vne parfaite et religieuse obéissance; que,nbsp;comme Ie rayon dériue du Soleil et n’a de clarté que cellenbsp;qui luy vient de ce Roy des astres, ainsi vostre puissancenbsp;découle toute entière de celle du Monarque, selon l’aueunbsp;syncère que vous auez fait vous mesmes depuis peu, dansnbsp;la dernière de vos Remonstrances contre Ie cardinal Ma-zarin
Ce qui nous fait bien voir que, comme vn ruisseau se tariroit luy mesme s’il ëpuisoit la source qui luy donnenbsp;la naissance, ainsi vostre autboritë se perdroit enfin etnbsp;se dëtruiroit iufailliblement elle mesme, si elle entrepre-noit de ruiner celle du Roy, dont elle tire son principe;nbsp;que si les Roys vous ont fait l’honneur de vous ressentirnbsp;de 1’ëclat de leur pourpre, ils n’ont iamais eu 1’intentiounbsp;de s’en despouiller eux mesmes, et s’il leur a plu de vousnbsp;laisser vne partie assez considërable de leur autboritë, ilsnbsp;ii’ont iamais pensé a vous associer a la Maiestë de 1’Em-pire, qui réside originairement et incommuniquablementnbsp;en leur personne sacrée.
Que l’establissement. Ia distinction et la multiplication
* Relation véritable de ce qui s^est fait et passé dans Vaudience donnee a ^aint-Denys.,. a MM. les députés du Parlement, etc. [3201] ; Relation de cenbsp;qui s'est passé a la Cour en la reception de MM. les députés du Parlement denbsp;Paris [3114].
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des administrateurs de la lustice, la prouision de vos Offices , Ie serment de fidélité, Ie Mare d’Or, Ie droit Annuel, Ie rachapt de la Paulette, les Éuocations, du moins cn certains cas les lettres de lussion, Ie rétrécissementnbsp;OU l’estendue de vostre Jurisdiction a telles matières ounbsp;a telles personnes qu’il plaist a sa Maiesté, les termesnbsp;mesmes dont vos ai’rests sont conceus et signifiez, Denbsp;PAR LE Roy, marquent assez éuidemment les iustes limi-tes de vostre pouuoir et la soumission en laquelle vousnbsp;deuez demeurer.
Que I’autliorite de Roy et celle de luge estant deux choses inseparables, Ie Roy se seruant de vous comme denbsp;1’vn des doigts de sa main de Justice, il ne la quitte nonnbsp;plus que son Sceptre et son Espée, quand il en donne lanbsp;gai’de et l’vsage a son Connestable; qu’il n’appartientnbsp;nullement aux Subalternes de trancher du Souuerain etnbsp;qu’il n’y a que Ie Prince qui puisse dire auec authoriténbsp;absolue : Tel est wostre plaisir.
Que Ie nom de Parlement, dans sa première Institution, n’appartient qu’aux Estats Généraux composez des Ordres du Royaume; qu’il n’a esté reserué a vostre Jl-lustre Corps que pour Ie soulagement des Princes et desnbsp;Suiets, afin que la Justice fust i-endue et plus prompte-ment et plus facilement.
Que l’autre Tiltre qui rend vos Arrests solennels, est celuy de la Cour, paree que vous devez marcher auec etnbsp;après Ie Prince qui la réunit en sa personne : les Aiglesnbsp;(•ffe) se trouuant tousiours auec Ie corps, et Ie corps, anbsp;moins que de faire vn monstre, ne subsistant que parnbsp;fivnion auec son Chef; que toute l’authorité enferme'enbsp;^ous ces deux noms se borne dans les Arrests pour lanbsp;Justice contentieuse et dans les Remonstrances pour
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les Edits du Souueraiu ; qu’on n’en peut prétendre da-uantage sans vsurpation; que les dépositaires d’vne chose n’en sont pas les propriétaires et que, quand vous serieznbsp;les Tuteurs du pupille, vous n’en seriez pas les pères pournbsp;cela.
Que la vente des charges dont l’abus augmente a l’in-finy, ne vous donne pas plus de droits que quand elles se donnoient au pur mérite, par commission, par choixnbsp;et Election gratuite, et pour les exercer autant de tempsnbsp;qu’il plairoit au Roy, ce qui depend encore du bon plai-sir seul de sa Maiesté; que les enfans qui sont entrez ennbsp;la place de leurs pères, ne se peuuent attribuer vne plusnbsp;grande lurisdiction que celle qu’ils ont receue par droitnbsp;d’hérédité.
Que de se figurer que Tauthorite souueraine résidasl toute entière en Nosseigueurs du Parlement, ce seroitnbsp;vne vision d’vn esprit malade et vne folie toute pure.nbsp;Nous auons appris dès Ie berceau et succé avec Ie laitnbsp;ceste veritable maxime, que Ie point qui ferme la cou-ronne de France, est indiuisible; que les Roys ne doiuentnbsp;et mesme ne peuuent partager Ie droit et la gloire denbsp;l’Empire auec qui que ce soit. Outre que l’entreprise dunbsp;contraire choqueroit directement la Maiesté du Prince,nbsp;ce seroit vn larcin commis sur les autres Ordres dunbsp;Royaume et vn déréglement prodigieux qui offenseroitnbsp;aussi tous les autres Parlemens.
L’authorité politique est estendue en tout Ie corps de l’Estat, en telle sorte qu’elle ne laisse pas d’estre recueil-lie dans Ie Chef, comme tous les sens ont Ie siége dansnbsp;la teste. C’est ceste partie, maistresse et Reyne de toutesnbsp;les autres, qui en possède seule la perfection et la pléni-tude. On a eu recours a l’assemblée des Estats Généraux
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dans les nécessitez ou dans les occasions extraordlnaires, comme au temps de Charles Martel, de Hugues Capet,nbsp;du Roy lean, de Francois F’’, et en d’autres semblablesnbsp;occurences. Mais cpii s’imagina iamais que Ie premier etnbsp;ie second Ordre de ce Royaume Tres Cbrestien n’eussentnbsp;aucune part a la direction et a la conduite des affairesnbsp;publiques ?
Nosseigneurs du Clergé sont trop ialoux de leurs privileges et du rang qui leur est deu par la Sainteté de leur Caractère, pour vouloir estre exclus des communs soinsnbsp;de la Patrie ou n’y estre appellez que pour occuper lanbsp;dernière place. Cette généreuse Noblesse a l’amour desnbsp;fleurs de Lys empreint trop auant dans son lllustre sangnbsp;pour abandonner la plus riche succession de leurs an-cestres.
Les Parlemens ne sont ny Ie Total ni Ie principal. Ils tiennent lieu seulement dans Ie Tiers. Celuy de Paris,nbsp;parses lettres circulaires1, confesse que les autres doi-Uent au moins luy estre associez, comme ils partagentnbsp;auec luy vne mesme au thorite. Ce sont dix frères d’vnnbsp;mesme père et d’vne mesme mère, qui sont Ie Roy et lanbsp;France, qui ne meurent iamais. L’aisné, pour auoir vnenbsp;portion plus grande, n’exclut pas entièrement les Puis-nez.
Mais, quand on les verroit tous assemblez en vn mesme corps, leur authorité seroit tousiours empruntée et limi-tée; elle seroit tousiours soumise a celle du Roy; elle seroit tousiours relatiue a celle des Estats Généraux; elle nenbsp;seroit au plus qu’vn Tiers; Nosseigneurs mêmes ne nient
Lettre d'enuoi de CArrest da Parlement de Paris en date du 20 iuillet, etc. [184-5] ; Lettre circulaire du Parlement de Paris enuoyée a tous les Parlemensnbsp;de France , etc. [1822].
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pas que Ie Clergé et la Noblesse ne soient les deux premières parties.
Nous voyons mesme, par la généreuse réponse des vns et par Ie discret silence des autres, que tons ces Par-lemens ne s’accordent pas tousiours en mesme sentiment;nbsp;que, ne considérant la Politique que comme vn obietnbsp;hors de leur sphere, a Paris on l’euuisage d’vne facon,nbsp;et partout ailleurs on la regarde d’vne autre; ce qui faitnbsp;aussi que vos iugemens les plus esclatans et les plus so-lennels, bien loin d’estre suiuis, se trouuent quelquefoisnbsp;directement choquez et combattus par des Iugemens con-traires des autres Cours du Royaume. Et en effet quellenbsp;cérémonie et quelle pompe n’auez-vous pas apportées anbsp;l’Arrest célèbre et inouy iusqu’a cette heure, par lequelnbsp;vous auez déclaré Monseigneur Ie due d’Orléans Lieutenant Général de la France*, et donné sous son Altessenbsp;Royale Ie commandement des Armées a Monseigneur Ienbsp;Prince? Et cependant nous avons veu que cette nou-ueauté a paru si illégitime a tous les autres Parleraensnbsp;du Royaume qu’au lieu de l’approuuer, comme vousnbsp;1’espériez, ils Tont reiettée d’vn commun accord et def-fendu rigoureusement de la reconnoistre en l’estenduenbsp;de leurs ressors; en quoy celuy de Toulouse® mesme a
^ Cela n’est pas tout a fait exact. Les Frondeurs firent publier plusieurs pièces ; Relation veritable de tout ce qui s'est passé aux trois dernières assem*nbsp;blees du Parlement tenues les 18, 19 et 20 iu'dlet^ etc. [3252]; Kécït véti-
table de tout ce qui s^est fait et passé.....en parlement.,, les 19 20 iuil*
lety etc. [3026]; Declaration du Parlement par laquelle S, A. R. est dé* clarée Lieutenant général de VEstat, etc. [900]; mais Ie Parlement n ynbsp;eut aucune part. Au contraire, il protesta par la publication du Veritablenbsp;arrest du Parlement.... les 19 et 20 iuillet, etc. [3920]. C’était tout ce quinbsp;lui restait de force et de liberté.
® Je ne connais pas ces defenses. Loin de la , je trouve un Arret de la Cour du Parlement de Toulouse donné, les chambres assemblees, contre l^nbsp;retour du Cardinal Mazarin^ du 29 décembre 1651 [359]-
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tesnioigné vne fermeté si grande que bien que eet hon-tieur de la Lieutenance Générale fust apparemment très-auantageux a son Gouuerneur, qui l’avoit accepté, il n’a pas laissé de Ie condamner comme vne entreprise détes-table, et de déclarer ceux qui l’auroient appuyée ou fa-uorisée, criminels de Leze Maiesté; toutes ces Compagnies et toutes ces Cours non moins souueraines que lanbsp;Vostre, nous faisant connoistre dans cette rencontre quenbsp;Vos intentions et vos ordres bien souuent ne sont pas Ianbsp;régie de leurs iugemens, niais la matière de leurs censures.
Que si l’inexpérience, la sollicitation, Ie tumulte, et, si on ose parler auec Ie vulgaire deuant Nosseigneurs, sinbsp;Ia Fronde n’auoit pris, comme elle a fait, Ie plus hautnbsp;ton, l’age, la sagesse, rauthorité et les lumières de lanbsp;Vraye prudence n’eussent pas manqué de se déclarer ennbsp;faueur de la lustice et de la vérité, Le nombre, graces anbsp;Dieu, est assez grand, et la qualité eneore plus remar-quabie, de ceux qui confessent que se séparer de I’autho-rité Royale, c’est se ^erdre, et qu’il n’y a point de Palx,nbsp;de Ministère, de Gouuernement ny de condition qui nenbsp;doiuent estre préférez a toute sorte de Guerre Ciuile.
Et c’est, Nosseigneurs, la seconde reflexion particuliere que l’on vous remonstre en tout respect, auec la soumission deue a la Cour, scauoir ; l’estat miserable sousnbsp;lequel nous gémissons. Espérons que vostre bonte et vos-tre vigilance trauailleront désormais a la guérison denbsp;Dos maux, puisque vous n’en pouuez ignorer la cause.nbsp;A la vérité, toute la Fi’ance et mesme toute l’Europenbsp;s’estonne d’vn changement si soudain et d vne conduitenbsp;si estrange.
Nous autres gens simples et pacifiques, auons bien de
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la peine a deuiner qul c’est qui a noircy la blancheur des Lys et qui a meurtry l’esclat de l’or? Quomodo obscu-ratum. est aurum, mutatus est color optimus ? Le Cardinal naturalise Francois par son humeur, par sa vertu,nbsp;par son mérite, par vos arrests, par le choix et par lesnbsp;emplois tres illustres et tres auantageux au bien de cenbsp;Royaume dont le deffunct Roy Louis XIII, d’heureusenbsp;memoire, I’a honore, n’est pas autre qu’il estoit quandnbsp;vous avez veu son administration toute remplie de bon-heur et de sagesse et accompagnee d’vne foule de succesnbsp;extraordinaires et admirables, tandis qu’on luy a laisse lanbsp;liberte d’agir et que chacun est demeure dans les fonc-tions et dans les limites de sa Charge. Nous auons raisonnbsp;de vous demander, Nosseigneurs, d’oii vient le changement de nostre fortune et la cause de nos disgraces.
Comme les peoples doiuent respect a vos Charges et obeyssance a vos Arrests, paree qu’ils portent le carac-tère Royal, vous deuez, par vne obligation réciproque,nbsp;soulagement a leur misère et instruction a leur ignoF nee.nbsp;Et véritablement nous ne conceuons pas bien que vousnbsp;ayez la balance en main pour ne la faire pencher qu’oünbsp;il vous plaist. Vous ne voudriez pas n’estre assis sur lesnbsp;Fleurs de Lys que pour les fouler et les flétrir. On anbsp;peine a se figurer qu’estant les gardes et les dépositairesnbsp;de Tautliorité Royale, quelques vns paroissent agir commenbsp;feroient des Ysurpateurs; qu’ayant de vous mesmes prisnbsp;la qualité de Tuteurs de la Veufue et de l’Orphelin-, vousnbsp;procuriez ou n’empeschiez pas leur oppression; que de-uant estre, non pas les Maistres et les Capitaines, maisnbsp;les sages Pilotes de nostre nauire, vous n’ayez pas préueunbsp;la tempeste, ou que, l’ayant préueue, vous ne l’apaisieznbsp;pas, OU qu’au moins ne la pouuant calmer, vous ne ca-
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liez pas les voiles pour diminuer d’autant la fureur de l’orage.
Qu’estant Curateurs du bien public, vous ne vous soyez aperceus qu’il estoit blessé que quand vos interestsnbsp;ont esté choquez par vn Edit du Roy qui n’auoit riennbsp;d’extraordinaire, et que vous auez cru la saison fauo-rable pour accroistre vostre authorité; que Ie droit desnbsp;remonstrances ne vous estant point osté, vous ayez passénbsp;cette ligne qui fait la separation entre Ie Trosne et Ienbsp;Tribunal.
Mais, a n’en point mentir, nous pensons voir des ombres OU des songes quand nous voyons ce que nous ne pouuons pas encore croire en Ie voyant; ce que nos pèresnbsp;n’ont iamais veu, et ce que ceux qui viendront aprèsnbsp;nous, auront peine a croire ; que eet Auguste Parlementnbsp;ait seruy de Theatre a la faction; qu’elle y ait changenbsp;aussi souuent de face qu’on feroit en vne Comédie; quenbsp;la leunesse ou la violence y ait fait prendre des conclusions tumultuaires; que Ia Religion et l’intégrité de lanbsp;Cour se soit laissé surprendre iusque la que d’approu-uer Ie Recours aux Espagnols, des voyages en Flan-dres et Tentrée de leurs Enuoyez en vos Assemblees;nbsp;que tant d’artifices, d’intrigues et de souplesses ayentnbsp;esté ou ignorées ou plustost dissimulées; qu’après lanbsp;conclusion du traitté de paix et vne Amnistie généralenbsp;de tous costés, on se soit encore laissé fasciner par lesnbsp;mesmes enchantemens et les mesmes prétextes de l’ad-ministration du Cardinal.
Que les voyages de Normandie ét de Bourgogne qui nous ont paru des torrens de conquestes, la leuée in-
’ En 16S0. Le roi était part! In 2 février poni' la Normandie, et Ie a mars ponr la Bourgogne.
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espérée du siége de Guyse, suiuie peu après de la reduction de Bourdeaux et du pacifiement de la Guyenne1, tant de glorieux succez quVne mesme année auoit veunbsp;naistre, couronnez auant qu’elle finist, et comblez aunbsp;coeur de l’hyver par la prise de Bétel et par la défaitenbsp;des Troupes ennemies^ qui venoient Ie secourir et prendre leurs quartiers d’hyver dans Ie voisinage de Paris;nbsp;enfin que l’esclat de tant de seruices n’ait fait que rallu-mer ou vostre vengeance ou vostre auersion contre ce-luy qui les auoit rendus; que vous ayez voulu que Ienbsp;bonheur d’auoir chassé les Ennemis du Royaume vousnbsp;fust vne raison de Ten chasser luy mesme; que vous luynbsp;ayez declare la Guerre pour auoir donné la Paix et Ienbsp;calme a tout l’Estat; et qu’afin, disiez vous, d’affermir cenbsp;calme et cette paix, vous ayez entrepris de forcer Ie Boynbsp;et de luy oster la liberté, pour Ie faire consentir a cellenbsp;d’vn grand Prince qui n’en deuoit vser que pour nousnbsp;la rauir et pour nous rendre esclaues de l’Espagne. Quelnbsp;mystère est celuy cy, Nosseigneurs ? Pour empescher lanbsp;Guerre, vous la renouuellez; pour establir la Paix, vousnbsp;bannissez celuy qui venoit de la faire dans Ie Boyaume,nbsp;pour estre suiuie aussitost de la générale, et deliurez celuy qui la deuoit rompre au mesme temps que les chais-nes de sa prison, en appellant et en attirant comme il anbsp;fait de tous costez les Ennemis les plus implacables dé lanbsp;France, pour la mettre en proye et pour l’abandonner anbsp;leur fureur!
Mais ce qui surpasse toute créance, c’est que la lustice cesse d’etre lustice pour Ie seul Cardinal Mazarin; que
1quot; octobre 16S0. Declaration du Roi accordée d son Parlement et vilU de Bordeaux^ etc. [902].
^ 18 décembre 1650.
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1'on bouche les oreilles a la voix de son innocence ou de sa lustification; qu’on ouure des voyes pleines de nou-Ueauté et de cruauté pour Ie rendre coupable. Si, Nos-seigneurs, vous ne voyez pas la collusion des Princes etnbsp;Ie trafic des Grands, la Justice a bien plus d’vn voile surnbsp;les yeux. Si, reconnoissant fort bien que sous Ie nom etnbsp;Ie prétexte du Cardinal, on vise directement a la Reynenbsp;et on attaque mortellement l’authorité du Roy, vous Ienbsp;souffrez, a qui est-ce désormais que les oppressez doiuentnbsp;recourir? Si vostre zèle n’enuisageoit que Ie bien publicnbsp;et Ie soulagement du pauure peuple, d’oü vient que l’onnbsp;n’a rien auancé dans ces matières et que Ton n’en parlenbsp;point du tout dans vos assemble'es ?
Pardonnez nous, Nosseigneurs, si nous ne pou-uons conceuoir que vous ayez renfermé Ie restablisse-ment des affaires et Ie salut de toute Ia France dans l’esloignement d’vn seul homme. S’il est coupable dunbsp;moindre des crimes dont l’accusent les Colporteurs dunbsp;Pont Neuf, vos Arrests sont infiniment trop doux; s’ilnbsp;est innocent, ils tiennent autant de Ia rigueur quenbsp;de l’iniustice. Soit qu’il soit coupable ou innocent, quinbsp;ne s’estonnera qu’en Ie iugeant, vous n’ayez gardé nynbsp;la compétance ny l’ordre ny les formes de la Justice;nbsp;donnant contre luy eet Arrest sans exemple qui met sanbsp;teste a prix, qui Ie rend la victiroe de la plus sangui-naire barbarie et fait également horreur a la Religion etnbsp;a I’Estat?
Falloit-il, a la bonte de nostre siècle, voir éclore de vos bouches et de vos mains vn monstre semblable a ce-luy-la, que vous détestez vous mesmes au fonds de vosnbsp;consciences ?
S’il y a de l'horreur en cette entreprise, il n’y a pas
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moins de honte dans la vente d’vne Blbliothéque' qui ne pouuoit estre qu’innocente. Au moins si ce rarenbsp;ouurage, recueilly si curieusement des deux parties dunbsp;monde, auoit esté confisqué en faueur du public! Aunbsp;moins si la distraction en anoit esté faite par des voyesnbsp;legitimes et honnestes ! Au moins si les Vendeurs publicsnbsp;n’auoient pas esté les acheteurs particuliers! Au moinsnbsp;si l’employ des deniers ne marquoit pas ou vne anaricenbsp;sordide ou vne mesquinerie infame ou vne lasche vengeance !
Et icy, Nosseigneurs, permettez nous de vous declarer auec ingénuité que bien souuent on nous fait vne de-mande qu’il nous est trés malaisé et comme impossiblenbsp;de résoudre sans blesser ou la reputation ou la dignité denbsp;vostre Illustre Compagnie. Représentez-vous, nous dit-on, qu’vn homme et mesme vn estranger ayant desseinnbsp;de releuer la gloire de ce grand Royaume, aussi biennbsp;par celles des sciences et des beaux Arts que par celle desnbsp;conquestes et des victoires, ait enuoyé dans les lieux lesnbsp;plus éloignez du monde pour y rechercher et y recueillirnbsp;a quelque prix que ce pust estre les plus riclies Monu-mens de TAntiquité et les faire transporter dans la cé-lèbre ville de Paris; qu’a ce dessein il ait employé dansnbsp;les pais estrangers Ie crédit que lui donnoient Ie rang qu’ilnbsp;tenoit, et Ie poste releué qu’il occupoit auprès d’vn grandnbsp;Monarque triomphant partout de ses ennemis; qu’ayantnbsp;commence eet ouurage dans Rome, sa Patrie, il en aitnbsp;despouillé sa propre Patrie pour en enrichir et orner lanbsp;France; qu’il ait assemble auec tant de soins et de des-
' Arrest de la Cour de parlement portant cpCil soit fait fonds de cent cin-quante mille Uitres pour exécuter VAvrest dit mois de décemhre contre Ie Cor^ dinal Mazarin, etc. [322].
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pense vn prodigieux et incomparable amas de volumes de toute sorte, pour repaistre la curiosité louable desnbsp;Scauans j que pour entretenir ce Trésor de liures inestimable et infiny, il ait assigné vn fonds considerable surnbsp;ses propres benefices; qu’en ayant destine et voué l’vsagenbsp;au public, il ait voulu Ie mettre sous la protection de lanbsp;Cour des Pairs et du premier Parlement du Royaume ;nbsp;et toutefois que de ce rare ornement de la France, denbsp;cette source inépuisable de toutes les bonnes et bellesnbsp;choses, Ie mesme Parlement qui en deuoit estre Ie def-fenseur et Ie garde, en ait fait vn prix pour acheter lanbsp;teste OU pour payer l’assassinat de son autheur, aussinbsp;bien accuse sans auoir failly que iugé sans estre ouy, etnbsp;dans Ie temps que l’vnique crime qui 1’auoit soumis a vnenbsp;condamnation si rigoureuse, n’estoit autre que l’enuienbsp;qu’il s’estoit cause'e par la fidëlité et la grandeur de sesnbsp;seruices.
Quelle apparence, nous disent-ils, quelle teinture, quelle ombre de lustice trouuez-vous dans vn procédé sinbsp;estrange et si barbare? Et nous vous supplions, Nossei-gneurs, de nous faire entendre nettement ce qu’il fautnbsp;fespondre a vne question si embarrassante, que les per-sonnes mesmes les moins intelligentes et les plus gros-sières ne cessent de nous faire.
Mais ce que vous deuez vous mesmes, Nosseigneurs, souhaiter que la postérité ne ci'oye iamais, c’est que cenbsp;Venerable et Auguste Parlement de Paris ait préfere lanbsp;profanation des choses saintes, Ie violement, l’incendie,nbsp;Ie rauage, Ie pillage, Ie brigandage, la desolation desnbsp;Prouinces, des Villes et de la Campagne, enfin tous lesnbsp;funestes effets d’vne guerre ciuile et Ie bouleuersementnbsp;general de toute la France a la demeure d’vn homme en
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France, qui, en s’éloignant du Roy, a plustost suiuy la moderation de son esprit qu’il n’a cédé a la violence denbsp;ses ennemis et a la force de leurs armes. Vostre sagesse,nbsp;Nosseigneurs, a-t-elle oublié qu’il faut tolérer ce quenbsp;l’on ne peut oster que par des voyes toutes pernicieusesnbsp;et toutes criminelles, et que de deux maux inéuitables,nbsp;vous estiez obligez de souffrir Ie moindre ?
Mais quoy ? est-ce bien cette sage et iuste Compagnie qui permet et qui approuue que les Impriraeurs de Parisnbsp;n’enfantent que des Monstres et que les Crieurs remplis-sent les rues d’infamies ou de sottises ? que les Princesnbsp;et les Grands, qui ont plus d’adresse, se seruent desnbsp;mains de la Justice (qui n’en deuroit point auoir) pournbsp;ietter la pomme de discorde et pour allumer et fomenternbsp;Ie feu de la diuision? que les peuples secouent Ie ioug denbsp;l’obéyssance, sans préuoir qu’après cela, comme Lyonsnbsp;et Taureaux qui ont rompu leurs attaches, ils se ietterontnbsp;sur ceux qui les gardent et déuoreront leurs maistres ?nbsp;Tesmoin ce que l’Armée fait a Bordeaux, et ce que lanbsp;populace a commence de faire a Paris, ou lorsqu’elle anbsp;paru et vous a poursuiuis les armes a la main, ala sortienbsp;de ce lieu sacré que vous appelez Ie Temple de lustice1, ounbsp;lorsqu’ayant bruslé la Maison de Ville®, elle la remplitnbsp;du sang et du carnage de tant d’Illiistres Citoyens.
Sont-ce bien les Protecteurs de la France et les Tu-teurs de Tauthorité Royale qui laissent esbranler la Cou-ronne sur la teste de leur légitime Monarque ? Sont-ce ces graues Sénateurs, ces Testes Sages et ces Couragesnbsp;incorruptibles qui souffrent impunément qu’on traitte
nbsp;nbsp;nbsp;Le 25 juin 1652.
* nbsp;nbsp;nbsp;Le 4 juUlet de la méme année.
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auec l’Espagnol ennemy, qu’on recoiue de son argent et de ses troupes, qu’on leur donne des places de seureté,nbsp;qu’on les conduise au combat contre des armées ou estoitnbsp;Ie Roy en personne ? Et ce qui est incroyable, et ce quenbsp;les ennemis n’auroient iamais l’audace d’entreprendrenbsp;eux-mesmes, qu’on ait eu l’insolente témérité de pointernbsp;et de tirer Ie Canon sur l’Oingt du Seigneur et de com-mettre ce sacrilege, non seulement dans la ville d’Estam-pes ou les rebelles auroient pu reieter leur faute sur lesnbsp;Espagnols qui estoient enfermez auec eux, mais dansnbsp;celle de Paris oü l’on a veu, chose estrange, la Bastille,nbsp;qui doit estre vn fort de l’authorité du Boy, tonner etnbsp;foudroyer contre la personne du Roy mesme! Sont-cenbsp;ces sages Catons, ces fameux Maistres de la lurisprudencenbsp;qui commettent de continuelles Antinomies, ou crimi-nelles ou honteuses ou ridicules ?
Le blocus de Paris a assez fait connoistre la bonne foy de ceux qui les ont trompez pour leur argent; et ils s’ynbsp;fient vne seconde fois! Cette grande ville qui s’accablenbsp;de son propre poids, n’a desia que trop esprouué l’hu-meur des Princes et des Grands; et ils se laissent encorenbsp;bercer et endormir au mesme bransle! Ils sentent leurnbsp;mal; ils en voyent le remède; et ils ne veulent pas s’ennbsp;seruir! L’absence du Roy les ruine de fond en comble;nbsp;personne ne le nie. Sa chère pre'sence seroit la ressourcenbsp;dans leur malheur; tout le monde le public bautement.nbsp;Toutes fois, s’ils prient sa Maiesté d’y venir, c’est auecnbsp;des conditions que les égaux n’oserolent proposer. S’ilsnbsp;1’inuitent de s’approcher, au même temps ils abattent lesnbsp;Ponts, ferment les passages, luy opposent des armées etnbsp;n’ont iamais sceu se résoudre a luy ouurir les Portes etnbsp;a le conuier sans exception et sans réserue a reuenir dans
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Ie premier siége de son Empire, accompagné de tout ce qu’il honore de sa bienueillance et de sa protection.
Ils ont condamné vn Prince qui n’a rien de petit que de s’estre lié a ce qui est moindre que luy; et ils l’admet-tent en leurs deliberations auant que d’estre iustifié,nbsp;mesme tandis qu’il est actuellement dans la continuationnbsp;du mal contre lequel ils ont prononcé! Ils font condes-cendre la bonté et la clémence du Roy a quitter lesnbsp;aduantages de ses armes victorieuses et du bon droict de sanbsp;cause, pour esloigner ses armées de dix lieues, afin d’es-pargnef Ie contour de sa bonne ville de Paris.
Après cela, qui Ie pourra iamais croire? on permet qu’on lèue des troupes dans Paris, non-seulement contrenbsp;la volonté et conti’e Ie seruice du Roy, mais pour lesnbsp;employer a combattre des Armées qu’il commande luy-mesme! On trouue bon qu’elles y demeurent, qu’ellesnbsp;volent, qu’elles pillent, qu’elles viuent sur Ie voisinage. Onnbsp;voit venir des Armées Estrangères qui n’ont de disciplinenbsp;que la science du pillage, de l’embrasement et du meur-tre; cependant on s’en resiouit; onyapplaudit; onsouffrenbsp;leurs logemens a deux ou trois lieues de la mesme ville;nbsp;on est fasché de quoy la sagesse et la prudence du Ministro a inieux aimé leur mesnager vne honorable retraite ‘nbsp;que de les vaincre, faisant battre les Francois contre lesnbsp;Francois.
Voila, Nosseigneurs, en toute hurnilité, respect et in-génuité, la Requeste que l’amour de la France et de la Paix nous fait présenter aux pieds de la Justice et entre
* La retraite due de Lorraine Ie 16 juin 1652. Veritable traité... entre Ie Roy et Ie Due Charles de Lorraine^ etc. [3968] ; Particularité du traité dunbsp;Due de Lorraine auec Ie Cardinal Mazarin., etc. [2720]; Articles da traiténbsp;accordé entre Ie duc de Lorraine et Ie Cardinal Mazarin, etc. [423] etnbsp;autres.
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les mains de nostre Illustre Sénat, afin qu’il vous plaise, pour la gloire de Dieu, pour la conseruation de l’autho-rité Royalle, pour Ie bien public de la France, pour Ienbsp;soulagement du pauure Peuple, pour l’acquit de vosnbsp;Charges et de vos consciences et pour vostre propre reputation, Ordonner par vn Arrest public, solennel et ir-réuocable, non tel qu’ont esté ceux que vous auez donneznbsp;et qu’on a partout mesprisez iusqu’a cette heure, paree,nbsp;dit-on, qu’ils venoient d’vne puissance rebelle a la puissance souueraine, au lieu que nous voyons gue ceux denbsp;vos confrères retirez a Pontoise par ordre du Roy sontnbsp;reconnus et honorez par tout Ie Royaume auec vne en-tière réuérence pour cette raison seule que ceux qui lesnbsp;ont donnez, sont appuyez de l’approbation et de l’aueunbsp;de sa Maiesté et qu’ils luy ont fait paroistre la syncériténbsp;de leurs intentions pour Ie bien de son Seruice, en senbsp;rangeant auprès de sa personne pour obéir a sesnbsp;Ordres.
Et nous vous supplions de nous permettre, Nossei-gneurs, de faire icy vne petite digression pour vous de-inander la resolution d’vne difficulté qui nous trauaille et nous met depuis quelque temps en inquietude; car sinbsp;ceux mesmes qui se sont destachez de vostre Corps pournbsp;s’assembler oü il a plu au Roy, et auec eux tous les autresnbsp;Parlemens du Royaume, font si peu d’eslat de vos Arrests qu’ils ne craignent pas de les reietter par d’autresnbsp;tout contraires, iusques la que celuy de Toulouse nousnbsp;deffend de les reconnoistre sur peine de la vie; dites-«ous, de grace, IN osseigneurs, pourquoy prétendez-vousnbsp;fiue nous préférions Ie iugement d’vne seule Cour, quinbsp;®st la vostre, au iugement de toutes les autres, qui sont ennbsp;grand nombre, et principalement lorsque d’vne part lanbsp;nnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;31
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violence de la populace et des Princes vous a raui la li-berté de vos opinions, et que de l’autre vous condainnez vn premier Ministre d’Estat par des Arrests que la passion qui vous aninie contre luy, a seule pu vous inspirer;nbsp;d’oLi vient aussi que les autres Cours qui agissent libre-ment et qui n’ont pas la mesme bayne contre Ie mesnienbsp;bomme, ne Ie traitent pas dans la rigueur dont vousnbsp;1’auez traité, mais la condamnent ouuertement. Est-ilnbsp;iuste, nous dit-on, de préférer l’aduis d’vn Parlementnbsp;captif et offense a ceiuy de tant d’autres qui ne sont nynbsp;esclaues ny passionnez ? de quelle ioye ne serions-nousnbsp;pas touchez, Nosseigneurs, si vous nous faisiez Ie bien denbsp;nous instruire familièrement et claireinent sur tous cesnbsp;doubles si considerables et qui estant bien éclaircis, nousnbsp;donneroient tant de facilité de sauuer l’bonneur de vos-tre Compagnie qui nous est si chère et a qui les moin-dres gens ont la hardiesse de faire ces reprocbes! Mais,nbsp;pour conclure enfin et pour ne pas abuser de vostre patience plus long temps, qu’il vous plaise, Nosseigneurs,nbsp;ordonner par vn Arrest ferme et estably sur Ie fondement inesbranlable de l’authorité Royalle, que désormaisnbsp;elle sera partout reconnue comme elle doit; que cbacuonbsp;se tiendra dans son rang et dans son deuoir ; que Ie Parlement reprendra son zèle ancien et son ancienne conduite; que les Pensions et les traitez auec les Espagnolsnbsp;seront désaprouuez et chastiez; que les Troupes Enne-mies seront repoussées; que la Guerre ciuile sera en-tièrement estouffée, a quelque prix que ce soit; que l’onnbsp;trauaillera continuellement a la reunion de la Maisoflnbsp;Royalle; que Ie pauure Peuple sera soulagé de tant Aenbsp;calamitez, et que toute la France estant en paix enfl-ployera toutes ses forces et toute son industrie a procu^
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rer celle de toute l’Europe et de toute la Chrestienté; et vous ferez bien.
¦Aduis important et nécessaire aux Corps de Fille, Bourgeois et Citoyens de la Ville denbsp;Paris sur la prochaine election dixn Préuostnbsp;des Marchands, par lequel par de grandes etnbsp;importantes raisons il leur est monstré quenbsp;pour Ie bien et salut de la Ville il est nécessaire de procéder a Velection d’xn Préuostnbsp;des Marchands suiuant les anciens Droicts etnbsp;Vsages et comme il a esté pratique dansnbsp;l’élection de Monsieur de Broussel, Conseillernbsp;en Parlement, sans plus receuoir Ordre njnbsp;Lettre de Cachet de la Cour ny d’vne autrenbsp;Puissance , comme contraire aux Ordon-nances; auec la Response aux Ohseruationsnbsp;contraires et les moyens pour se restablir dansnbsp;eet ancien Droict d’Election [522].
(24 septembre 1652.)
Comme la puissance des Roys s’estaugmentée de temps en temps, leurs Fauoris et premiers Ministres qui ontnbsp;abuse de leur authorité, ne se sont pas contentez, pournbsp;auoir Ie gouuernement de 1 Estat, de disposer des prin-cipalles charges du Royaume dans la lustice, Financesnbsp;et Guerre; ils ont encore voulu se rendre Maistres desnbsp;Villes; et, pour y paruenir, ils ont creu ne pouuoirnbsp;mieux faire que d’entreprendre sur leur liberté dans Ic
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choix de leurs magistrals municipaux; et, comme ils ont regardé Ia Ville de Paris comme la Capitalle du Royaumenbsp;et celle qui donne Ie mouuement a toutes les autres, leurnbsp;principal soin a esté de luy oster sa liberté dans l’élec-tion d’vn Préuost des Marchands, qui est Ie chef de cesnbsp;magistrats municipaux, et de luy en donner vn a leur dé-uotion, s’estant persuadez que, s’asseurant de cette Villenbsp;par ce moyen, ils s’asseureroient en mesme temps etnbsp;d’vn mesme coup de toutes les autres. Mais, craignantnbsp;qu’vne oppression si violente et odieuse ne causast vnenbsp;iuste indignation, capable d’alienner Ie cceur de ses ha-bitans de l’amour qu’ils ont naturellement pour les Roys,nbsp;en la priuant de ce Droict légitime d’Election, ils luy ennbsp;ont laissé les anciennes formes; car, quoy qu’elle ne soitnbsp;plus libre en son choix, néantmoins, comme si elle auoitnbsp;encore cette liberté, dans cette occasion, les Ministres senbsp;seruant du nom du Roy, ne font que proposer a l’As-semblée, par la Lettre de Cachet du Roy qu’ils y en-uoient par forme de recommandation, celuy qu’ils dési-rent introduire en cette place comme digne de leurnbsp;suffrage. Mais on s^ait que cette recommandation doitnbsp;auolr son effet, comme auoit celle des Empereurs Remains pour Ie Consulat; de sorte que, quoy qu’on continue d’obseruer les anciens vsages, de donner sa voixnbsp;aussy bien a celuy que les Ministres présentent pour I0nbsp;Préuost des Marchands, qu’aux Escheuins, néantmoinsnbsp;l’Assemblée n’ose pas en nommer vn aulre, scachant biennbsp;que cette nomination n’auroit pas lieu et que les Ministres employeroient la violence pour la faire casser et sub-stituer en sa place celuy qu’ils auroient propose.
Cette vsurpation sur Ie droict qu’auoit la Ville de Paris d’élire vn Prévost des Marchands, a commence en
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l’année mi[ cinq cent quatre-vingt quatorze. Get abus s’est ensuite estendu dans les Prouuinces dans lesquellesnbsp;les Gouuerneurs, comme ils sont tousiours a la déuotionnbsp;des Minlsti’es, aussi pour leur intérest et pour leur con-sell, ils ont employé leur authorité pour faire donner cesnbsp;charges a leurs creatures, principalement dans les Villesnbsp;Capitalles de leurs Gouuerncmens, afin de pouuoir parnbsp;Ce moyen disposer faeileinent de toute la Prouince; cenbsp;qui a principallement esclaté dans les Prouinces denbsp;Guyenne et de Prouenee, ou les Villes ont esté forcéesnbsp;de reeeuoir pour leurs Chefs eeux qui leur ont esté pré-sentez par les Gouuerneurs, lesquels, pour authorisernbsp;cette iniustice et oppression, ont extorqué des Lettres denbsp;Cachet du Roy, par lesquelles ils ont fait noinmer ceuxnbsp;de leur faction.
Les Afilles ont longtemps souffert cette contrainte, ne Voyant pas que la Justice fust assez forte ny vigoureusenbsp;pour les en déliurer. Mais, comme eet attentat contre Ienbsp;droit naturel du peuple a esté suiuy de plusieurs actionsnbsp;de violence et d’oppression contre Ie seruice du Roy etnbsp;bien de l’Estat et des peuples, au préiudice des lois fon-damentalles du Royaume, que les premiers Ministres ontnbsp;commises pour contenter leur ambition et auarice, ainsinbsp;que nous auons veu et éprouué malheureusement pendant
Ministère du deffunct C. de Richelieu, et après son dé-cez, celuy du Cardinal Mazarin, Ie Parlement, a qui il appartient de maintenir les Loix de l’Estat, ne pouuantnbsp;plus souffrir les désordres du Ministère qui alloient des-truire l’ancien Gouuernement et les Prineipes de Ia Mo-‘larchie Francoise, a tant fait par ses soings et créditnbsp;'lu’il a obtenu du Roy cette célèbre Déclaration du moisnbsp;^’octobre f648, laquelle sert de barrière aux viollences
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du Ministère et remet les anciennes Loix. en lenr vigueur. Les peuples en ayant en connoissance, plusieurs Villesnbsp;des Prouinces, et entr’autres de Guyenne et de Pro-uence, en execution d’icelle^ se sont pourueues contre cesnbsp;innouations et [ont] procédé dans les élections suiuantnbsp;leurs anciens droicts et vsages, par Ie support des Parle-mens, lesquels, reprenant leur première authorité, ontnbsp;mieux fait valoir la iustice qu’ils n’auroient fait aupa-rauant.
Ces exemples doiuent exciter la Yille de Paris d’en vser de mesme pour l’élection d’vn Préuost des Mar-chands. Elle Ie doit plus que les autres Villes paree que,nbsp;comme elle est douée d’vn grand nombre de priiiiléges,nbsp;franchises et immunitez, tant a cause de sa qualité denbsp;première de l’Empire Francois que des signalez ser-uices qu’elle a rendus aux Roys dans les plus urgentesnbsp;ne'cessitez de l’Estat, et que depuis cette violence on anbsp;enfreint impunément ses priuiléges, que la corruption,nbsp;la violence et ie Monopole y ont cause d’horribles dés-ordres et que présentement elle doit craindre plus quenbsp;iamais la vengeance du Ministère, a cause de l’assistancenbsp;qu’elle a donnëe a Ia Iustice du Parlement. Le seulnbsp;moyen qu’elle a pour sa seureté, garaiitir ses priuilégesnbsp;d’vne perte toute entière, faire réparer le dommagenbsp;qu’elle a souffert en iceux, trouuer son soulagement etnbsp;le remède a ses maux, est de se restablir en la coustumenbsp;en laquelle elle a vescu pendant tant de siècles, de senbsp;choisir vn Préuost des Marcliands; a quoy elle est d’au-tant plus obligee qu’outre son intérest particulier, elle ennbsp;a vn autre général qui luy doit estre aussi eber, qui estnbsp;le payement des rentes constltuées sur l’Hostel de Villennbsp;dans lequel tout le Royauine est intéressé. Et elle n aura
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iamais vne occasion plus fauorable pour réussir dans ce glorieux dessein que celle qui s’offre présentement; et.nbsp;ce d’autant plus que par Ie choix libre qui vient d’estrenbsp;fait, suiuant les anciennes formes, de Monsieur de Brous-sel pour Préuost des Marchands^, sur la demission denbsp;Monsieur Le Febure, elle a commence a secouer Ie iougnbsp;qu’on luy auoit impose et est rentree en ses anciensnbsp;droicts; de sorte qu’il ne luy reste plus inaintenant qu’anbsp;continuer dans eet vsage immemorial et se maintenir vnenbsp;liberté qu’elle a recouurée, laquelle luy ramènera tous lesnbsp;biens que luy a osté cette contraincte, et déliurera desnbsp;inaux et inconuéniens qu’elle lui a causez, ainsi qu’il estnbsp;aisé de faire voir en peu de parolles.
Le droict des villes en France, sans parler de celles des autres Royaumes et pays, de s’eslire des Magistratsnbsp;est aussi ancien que leur fondation; car, dès le momentnbsp;que les peuples se sont assemblez en diners lieux pour ynbsp;bastir des villes afin de viure en société, la première pensee qu’ils ont eue, a estè de choisir parmi eux certain nom-bre de personnes de la plus haute vertu, suffisance etnbsp;fidélité, et ceux qu’ils ont estimé estre les plus zélez,nbsp;pour auoir la garde et gouuernement des villes; et soitnbsp;qu’elles se soient establies par la permission des anciensnbsp;Seigneurs des Gaulles auxquels elles se sont soubmises,nbsp;soit que depuis leur establissement elles se soient ran-gées sous leurs Seigneuries, ca tousiours eslé auec cettenbsp;condition que le droict de s’eslire des Officiers de villenbsp;leur demeureroit.
Mais entre les villes de France, les villes Capitalles des
' Particularitez de ce qui s’est fait H passé... pour l'election de 31. de l^roussel, etc. [2704]. L’élection eut lleu le 6 juillet.
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Prouinces, et, sur toutes les villes, celle de Paris, Capi-talle du Royaume, a eu vne grande passion pour ce droict d’élection. Ces Magistrats ont eu diuers noms en France,nbsp;suiuant les diuerses Prouinces, et ont esté diuersementnbsp;instituez. A Thoulouze, ils ont Ie nom de Capitouls; anbsp;Bourdeaux, on les appelle lurats; dans les autres villes denbsp;la Guyenne et Languedoc et en toute la Prouence, onnbsp;les nomine Consuls; et dans les autres Prouinces, onnbsp;leur baille la qualité d’Escheuins. En quelques villes, onnbsp;a estably sur eux vn premier Officier, lequel en quelquesnbsp;vnes est nommé Ie Maire; et en d’autreson luy a donnénbsp;vn autre tittre. Dans Ia ville de Paris, Ie premier Officiernbsp;a la qualité de Préuost des Marchands.
Les villes se sont maintenues dans la liberté de les es-lii’e pendant vn temps immemorial; car, sous la domination des anciens Seigneurs des Gaulles, celle des Ro-mains, et depuis eux, sous le Règne des deux premières Races de nos Roys et bien auant dans la troisième, ellesnbsp;sont demeurees en cette possession sans qu’aucune denbsp;ces puissances les ait troublees en ce droict; et la première fois que les ministres de nos Roys ont voulu I’en-treprendre, toutes les villes, et principalement celle denbsp;Paris, s’y sont vigoureusement opposees et n’ont pointnbsp;craint d’en porter leurs plainctes aux Estats Généraux denbsp;France assemblez a Blois, sur lesquelles il a esté ordonnénbsp;par I’art. 373 en termes exprès que toutes les electionsnbsp;de Preuosts des Marchands ^ Maires, Escheuins, Capitouls, lurats, Consuls, Conseillers et Gouuernearsnbsp;des villes se fassent lihrement et que ceux qui par autres vojes entreront en telles charges, en soyent osteznbsp;et leurs noms rayez des Registres.
Les villes, dans leur fondation, oaten plusieui’s gran-
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des et importanles raisons pour se constituer cette ioy d’élection : Ia première et principalle, qu’estant nèes litres, elles ne pouuoient mieux marquer leur liberté et lanbsp;rendre perpétuelle qu’en se donnant l’authorité de s’es-lire des Magistrats; la seconde, que , pour leur seureté,nbsp;deffense et police, faire obseruer les conditions de leurnbsp;establissement et maintenir leurs priuiléges, trauailler anbsp;leur vtilité et gloire, entretenir leur commerce et raesinenbsp;1’augmenter, il leur estoit nécessaire d’estre goiiuerncesnbsp;par des Officiers auxquels elles peussent prendre vne en-tiere confiance; qu elles ne pouuoient la trouuer si leursnbsp;Officiers n’auoient vne probité singuliere, vn couragenbsp;inuincible dans les temps difficiles, et vne rare fidélité;nbsp;qu’ils ne pouuoient rencontrer des personnes auec cesnbsp;qualltez que par Ie cholx qu’elles en feroient parmy leursnbsp;Citoyens, tant paree que les Citoyens estoient obligez aunbsp;bien et salut de leur ville par leur naissance et fortune,nbsp;que paree qu’elles auoient vne parfaite connoissance denbsp;leurs vies et moeurs; la troisième, que, s’agissant de leurnbsp;gouuernement particulier, personne ne deuoit s’en ines-ler que ceux lesquels y auoient intérest, qui sont les citoyens, toutes autres personnes leur deuant estre suspec-tes. D’ailleurs elles ont considéré que ce droict d’électionnbsp;leur estoit d’autant plus nécessaire que, pouuant estrenbsp;trompees dans Ie eboix de leurs Magistrats par la dupU-cité de leur ceeur, elles deuoient auoir Ie pouuoir de des-tituer ceux qui trahiroient leur cause et manqueroient anbsp;leur deuoir; qu’elles ne pouuoient prétendre ce droictnbsp;de destitution si elles n’auoient celuy d’élection; que cesnbsp;Magistrats estant l’ouurage de leurs suffrages, ils se sen-tiroient obligez de respondre a la bonne estiine qu’onnbsp;auoit eue de leur vertu par leurs déportemens; que pour
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cntretenir vne vnion et intelligence parfaite entre les Ci-toyens, et principallement vne obéyssance des inférieurs enuers les supérieurs, elles deuoient s’eslire ceux quinbsp;auroient Ie commandement, ne pouuant auoir de 1’a-mour et du respect pour ceux que n’auoit pas choisisnbsp;leur coeur; que ce droict d’élection leur estant nécessaire, elles ne deuoient point hésiter a Ie prendre, pareenbsp;que leurs Seigneurs pouuoient seuls s’y opposer pournbsp;leurs intérests, mais que ne voulant l’establir contrenbsp;leurs seruices, mais seulement pour veiller a leur bien etnbsp;seureté, ils ne pouuoient blasmer ny se tenir offenseznbsp;d’vn aduantage qui appartenoit a des gens d’vne condition libre; bien daduantage que non seullement ce droictnbsp;ne choqueroit point les intérests de leurs Seigneurs,nbsp;mais leur seroit aduantageux, paree que les villes rem-plissant ces charges de gens de bien par Ie choix qu’ellesnbsp;en feroient, leurs Seigneurs pourroient s’asseurer qu’ellesnbsp;ne manqueroient iamais a la fidélité et obéyssance qu’ellesnbsp;leur deuoient, et que d’ailleurs, donnant leur consente-inent a eet usage, ils feroient cesser les partialitez desnbsp;villes, dangereuses a vn Estat, et se concilieroient l’a-mour des peuples; que, tout au contraire, c’estoit exposer et meltre en danger leurs vies et biens auec leursnbsp;priuiléges que de souffrir que leurs officiers leur fussentnbsp;donnez par des mains estrangères, ouurir la porte desnbsp;maisons et Hostels de ville a la corruption et y donnernbsp;entrée a des personnes suspectes qui abandonneroient lesnbsp;intérests de la chose publique pour leur profit particulier , introduire dans l’enceinte de leurs murailles la dis-corde et les diuisions, mettre en commerce leurs personnes et fortunes, enfin perdre leurs libertez et dcuenirnbsp;esclaues.
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Outre ces raisons généralles, les villes Capitalles des Prouinces en ont eu de particulières pour se conslituernbsp;cette loy. Elles ont iugé que les autres villes du pays, senbsp;formant a leur raodèle, suiuroient leur exeinple; ce quinbsp;entretiendroit vne vnion parfaite entr’elles pour leurnbsp;bien commun. En second lieu, elles ont veu qu’estantnbsp;obligees de veiller non seulement a leur deffense et salut,nbsp;mais aussl a celuy de toute la Prouince, a cause de l’es-troite liaison qu’il y auoit de leurs interests auec ceuxnbsp;des autres villes du Territoire, ayant des Magistrals denbsp;la qualite requise, ils soustiendroient non seulement leurnbsp;cause, mais celle de toute la Prouince. C’est par cesnbsp;raisons que la ville de Paris, Capitalle du Royaume, pardessus toutes les autres villes, a voulu auoir ce droict parnbsp;prérogaliue. Mais si les villes ont eu de puissantes considerations pour establir ce droict d’election, elles en ontnbsp;eu de plus puissantes pour Ie conseruer et s’y maintenir,nbsp;principalenient sous Ie Règne de nos derniers Roys, pendant lequel les Ministres ont vsurpé l’authorité Royalle,nbsp;dans la crainte qu’elles ont eu qu’ils n’entreprissent surnbsp;cette liberté. En effet, mesurant leurs passions par lanbsp;puissance de leurs Maistres, ils ont attaqué ce droictnbsp;d’élection et violente les villes en plusieurs Prouinces,nbsp;mesme la ville de Paris, dans Ie choix de leurs Officiers;nbsp;et, quoy qu’elles aient inutilement résisté a cette forcenbsp;maieure, néantmoins elles n’ont iamais abandonné eetnbsp;aduantage; et les Prouinces de Prouence et Guyennenbsp;n’ont laissé passer aucune occasion de réclamer contrenbsp;cette vsurpation.
Les peuples n’ont pas esté trompez dans les espéran-ces qu’ils auoient conceues de ce droict d’éleclion; car, pendant Ie temps que les villes en ont iouy, elles n’ont
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souffert aucune diminution dans leurs priuiléges; et Ia puissance redoutable du Ministère n’a point eu d’entréenbsp;dans leurs murailles. L’authorité des Ministres, leursnbsp;promesses ny leurs menaces et la corruption du monopolenbsp;n’ont pu ébranler Ie courage ny corrompre l’intégrité denbsp;ceux auxquels les libres suffrages des peuples ont donnénbsp;ces charges publiques, comme nous en auons la preuuenbsp;dans nos Histoires. Tout au contraire, aussitost que lesnbsp;Ministres se sont ingérez de mettre dans ces places desnbsp;personnes a leur déuotion , elles ont i’cceu de grandesnbsp;pertes en leurs priuiléges et esté exposées aux passionsnbsp;des fauoris et brigandage du monopole. La raison denbsp;cette difference est que les villes, pendant Ie tempsnbsp;qu’elles ont esté en possession de ce droict, ont tous-iours cboisi pour leurs Magistrats les plus gens de biennbsp;et les mieux intentionnez de leurs Citoyens, de sorte quenbsp;leur choix a esté la marque de leur vertu. Et les Ministres , au contraire, comme ils ne subsistent que par lanbsp;violence et ne s’agrandissent que dans l’oppression desnbsp;peuples, ils ont rempli ces charges de personnes cor-rompues de leur faction et caballe ; de sorte que leur es-tablissement a esté Ie signe de leur corruption.
La ville de Paris a éprouué plus que pas vne autre cette vérité. Lorsque la charge de Préuost des Marchandsnbsp;a esté dans Ia disposition des Bourgeois de Ia ville, ellenbsp;est demeurée florissante dans l’obseruation de ses priuiléges et immunitez; et Ie monopole n’y a pu introduirenbsp;aucun droict sur son commerce et ses denrées. Mais de-puis qu’elle est tombée dans Ie pouuoir du Ministère,nbsp;principalement depuis celuy du deffunct Cardinal de Richelieu, on a donné atteinte a ses priuiléges et immunitez ; la corruption et Ie monopole y ont régné absolu-
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ment; et la police a eslé negligee et abanclonnée. Premièrement, non seulement la contagion du Ministère a attaqué Ie Chef des Officiers de cette ville, inaisnbsp;tout Ie Corps. Les elections des Esclieuins et des autresnbsp;Officiers n’ont plus esté que des pratiques contre lesnbsp;bonnes moeurs; et on n’a plus veu ces charges rempliesnbsp;de l’élite des gens de bien, comme auparauant. Pour cenbsp;qui est de la violence, c’est dans cette ville que les troisnbsp;tirans, les deffunets Mareschal d’Ancre et C. de Richelieunbsp;et présentement Ie Cai'dinal Mazarin, ont fait arresternbsp;les Princes du Sang et les plus grands du Royaume; c’estnbsp;dans cette mesme ville, en laquelle Ia seureté publiquenbsp;doit estre toute entière pour les Prouinciaux qui s’y ren-dent pour leurs affaires et commerce, qu’ils ont esté vio-lemment emprisonnez par les émissaires des Partizansnbsp;pour des taxes solidaires. Le monopole n’y a pas moinsnbsp;fait de rauages que la violence. On ne s’est pas contenténbsp;d’augmenler les anciens droicts d’entrée sur toutes lesnbsp;marchandises; on en a estably de nouueaux. Les den-rées qui auoient esté iusques a présent exemptes de lanbsp;maltote, y ont esté suiètes; on a érigé en tittre d’Officenbsp;fermé les menus Offices de la police qui auoient tous-iours esté en la main et a la nomination du Préuost desnbsp;Marchands, auec attribution de nouueaux droicts sur lenbsp;public; et on en a créé de nouueaux auxquels on a ac-cordé les mesmes droicts. Rien daduantage, la ville denbsp;Paris a esté plus mal traittée que celles qui payent lanbsp;taille. On a veu ses Bourgeois liurez a Ia haine, rage etnbsp;malice des Partizans par des taxes d’aisez qu’ils ont faitnbsp;payer auec des rigueurs et cruautez insupportables, com-prenant dans leurs roolles non seulement ceux qui en es-toient capables, mais beaucoup d’autres, comme leurs
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ennemys pour s’en venger, ou gens de bien pour les op-primer. Ce n’a pas este assez de violer les priuileges de cette ville, d’imposer de nouuelles charges sur les denreesnbsp;et marchandises a la foule du public, d’obliger les Pro-uinciaux, ceux qui y estoient présens, d’en sortir, et lesnbsp;autres de n’y pas venir, soit pour euiter leur emprison-nement, soit pour ne pouuoir supporter la chèreté desnbsp;viures et des autres choses nécessaires a la vie, on a encore entrepris de rauir aux Bourgeois de cette ville lenbsp;meilleur de leur bien. Le monopole, par la lascbete desnbsp;Officiers de la Ville, a impunement retranclie des quar-tiers de rentes sur toutes sorte de nature, et de ceux des-quels on a mis le fond entre les mains des payeurs. Cesnbsp;payeurs, ou plustost voleurs des rentes, par leur artificenbsp;et malice, n’en ont paye qu’vne partie, et ce auec lesnbsp;plus mauuaises especes qu’ils ont peu trouuer, comme sinbsp;ces deniers estoient a eux et qu’ils en fissent vne aumosnenbsp;charitable aux Rentiers. I.es Rentiers qui se sont plaintsnbsp;de ces maluersations, n’ont paseu raison; ou, s’ils en ontnbsp;eu aucune, c’a este auec de si grandes longueurs et auecnbsp;si peu de profit qu’ils ont perdu I’enuie de faire plus aucune poursuitte ; ce qui marque quelque intelligence se-crète et criminelle qu’ils ont eu auec eux pour la ruinenbsp;des rentes ; et on scait ce qu’elles seroient deuenues si onnbsp;n’eust point estably des scindicqs pour leur conseruation’;nbsp;en quoy ces Officiers sont d’autant plus coupables quenbsp;toute la France a interest au payement des rentes et s’ennbsp;repose sur leurs soings et intégrité, ayant este preposeznbsp;pour veiller a leur seureté et payement. Le manque de
’ Moyens Irh-importants et nécessaires pour reformer Vabus.... dii pavement des rentes de I'Holel de Ville, etc. [2520]. Liste de MM- les deputes...-sur le fait des rentes, etc. [23Ü8].
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police a fait autant de préiudice que Ie moiiopole. Les taxes pour Ie prix du bois, cbarbon et autres marcban-dises et denrees qui arriuent par eau, n’ont point esténbsp;obseruces par la conscience de ces Officiers. Les Mar-chands de bois et de charbons et autres out exigé publi-quement, en la presence des Officiers de la police desnbsp;Bourgeois, de plus grandes sommes qu’ils ne doiuentnbsp;prendre par les Règlemens; et les Officiers de police,nbsp;desquels Ie deuoir est de tenir la main a l’exécutionnbsp;d’iceux, au lieu de s’en acqultter, ils ont pris eux mesmes des droicts qui ne leur sont pas deubs, par des voyesnbsp;rigoureuses. L’Hostel de ville a sceu et cognu ce brigan-dat^e et l’a toléré; et si on s’en est plaint et qu'on luynbsp;ait demandé iustice de ces voleries, les longueurs et lanbsp;difficulté qu’il a apportées a la rendre, sont cause qu’onnbsp;a mieux aimé laisser cette exaction entre les mains de cesnbsp;voleurs que d’en poursuiure la restitution. Tous ces mauxnbsp;et désordres ne seroient pas arriuez si la ville de Paris fustnbsp;demeurée en sa liberté de s’eslire vn Préuost des Mar-chands; car cette charge n’estant plus dans sa dépendance , mais dans celle des Ministres, ceux qui y sontnbsp;mis de leur main pour eslre continuez dans eet employ,nbsp;les deux ans passez, suiuent aueuglément leurs passions;nbsp;de sorte que leur continuation n’est plus la recompensenbsp;des seruices qu’ils ont rendus a la chose publique, maisnbsp;a ces Ministres.
Ces raisons vous doiuent exciter, braues et illustres Citoyens et Bourgeois de la ville de Paris, descendus dunbsp;Sang de ces généreux Francs qui n’ont rien tant chéri aunbsp;monde que leur liberté, de vous conseruer vn anciennbsp;droict de liberté naturelle dans lequel vous estes rentrez.nbsp;C’est pour cette querelle iuste et légitime que vous deuez
-ocr page 506-plus volontiers exposer vos vies et vos biens que pour l’expulsion du Cardinal Mazarin; ear quoy que son retour ait ramené vne grande calamité et soit dangereuxnbsp;pour la ville de Paris, néantmoins cette misère n’est pasnbsp;comparable a celle que vous souffrirez si les Ministresnbsp;continuent a vous donner vn Préuost des Marchands;nbsp;car Ie mal de ce rappel peut finir ou par Ie décez de cenbsp;ïvran ou en perdant les bonnes graces de la Reyne, etnbsp;ne peut regarder que vos personnes et biens présens;nbsp;mais la continuation de cette vsurpation fera vn malnbsp;perpétuel, lequel, s’augmentant tous les iours, passera anbsp;vostre postérité. Aurez-vous moins de courage et de gé-nérosité que vos pères, qui ont estably ce droict pour leurnbsp;honneur, leur bien et salut, Font si fortement deffendunbsp;pendant vn si long temps centre les entreprises qu’on anbsp;faites pour Ie supprimer, et n’en ont point quitté la possession qu’auee vne sensible douleur et protestation d’ynbsp;rentrer dès Ie moment que la violence n’auroit plus sonnbsp;cours ? Ferez vous difficulté de maintenir vn aduantagenbsp;que la nature vous a donné, que les Roj^s vous ont laissénbsp;et qui vous a esté confirmé par les Estats de Blois ? Hési-terez vous a vous declarer pour vne cause de laquelle ilnbsp;ne s’agit de rien moins que de choisir la vie ou la mort,nbsp;Ie bien ou Ie mal, vne félicité perpétuelle pour vous etnbsp;vos enfans ou vne calamité éternelle pour vous et pournbsp;eux, enfin la liberté ou 1’esclauage; car c’est deuenirnbsp;libre que se eonseruer ce droict, puisqu’il ne vous restenbsp;plus que cette marque de vostre ancienne liberté naturelle; et c’est retomber dans l’esclauage que de souffrirnbsp;la continuation de cette contrainte. Ha 1 si l’amour denbsp;vostre liberté, de vos vies et biens vous est cher, commenbsp;il doit estre, si vous aimez vos enfans et si vous auez
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encore quelque honneur et courage et n’auez point dégénéré de la vertu militaire de ces anciens Paiaslens, ne permettez pas qu’on charge de nouueau vos mainsnbsp;des fers que vous auez brisez. Mais, si vous prenez cettenbsp;résolution, comme vous la deuez prendre, c’est mainte-nantqu’il fautl’exécuter. Vous n’en aurez iamais vne occasion plus propice ny fauorahle; car c’est dans Ie tempsnbsp;présent que la violence est abattue aux pleds de la ius-tice et que Ie monopole a perdu ses forces; et on nenbsp;s^ait pas de quelle durée sera ce bouheur paree quenbsp;Ie C. Mazarin prétend, en se restablissant, restablir anbsp;main armée la tyrannic et Ie monopole. Enfin c’estnbsp;maintenant que Monsieur Ie due d’Orléans a esté dé-claré Lieutenant Général du Roy pendant sa détentionnbsp;par Ie C. Mazarin; et vous deuez espérer de sa bonté etnbsp;iustice toute sorte de contentemenl.
On vous pourra dire, pour ralentir ces bons desseins, que, depuis l’année 1594, la ville de Paris a tousioursnbsp;souffert que les Roys luy ayent proposé vn Préuost desnbsp;Marchands et qu’ayant coïtsenti a eet vsage, quoy quenbsp;nouueau, elle a perdu son droict, ayant cessé d’en iouirnbsp;pendant ce temps, et ne peut rcclamer contre cette nou-Uelle pratique sans offenser l’authorité du Roy et encou-rir son indignation.
Mais cette obiection ne doit pas estre considérée, paree que, outre que ce temps n’est pas suffisant pournbsp;acquérir vne prescription contre vne communaute anbsp;celuy qui n’a point de droict, d’allleurs il est notoirenbsp;que ce nouueau vsage est vne violente vsurpation sur vnnbsp;droict naturel, public et commun, contre lequel on nenbsp;peut prescrire par quelque temps que ce soit; et il nenbsp;^aut pas prendre ce changement pour la volonté des
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Roys, mais pour celle de leurs Ministres, qui se seruent de leur nom pour leurs desselns. Ainsi ce ne sera pointnbsp;offenser Ie Roy ny blesser son authorité que de se resta-blir dans vne prérogatlue que la naissance vous donnenbsp;et laquelle ils n’ont point voulu vous oster. Quoy quenbsp;c’en soit, vne lettre de cachet ne peut pas préualoir surnbsp;les Ordonnances du Royaume; et on n’est point obligenbsp;d’y defférer au préiudice des loix fondamentales de l’Es-tat. C’est pour cela que ce droict d’élection estant nenbsp;auec vous, approuué par les Roys, confirmé par lesnbsp;Estats généraux du Royaume, il ne peut estre destruitnbsp;par lettres de cachet sous Ie nom du Roy, extorquées parnbsp;de mauuais Ministres contre ses intentions, lesquelles onnbsp;doit tousiours présumer n’estre point contraires aux loixnbsp;de l’Estat et a la Justice.
Le moyen de se conseruer ce droict est qu’il se fasse présentement vne Assemblee généralle en la Maison etnbsp;Hostel de ville, la plus solemnelle qui se pourra faire,nbsp;dans laquelle il sera délibéré sur les moyens propres etnbsp;nécessaires pour rentrer pleiflement et entièrement dansnbsp;ce droict d’élection et s’y maintenir contre les entrepri-ses des Ministres. On peut proposer celuy qui s’ensuitnbsp;comme trés propre, scauoir : que deputation sera faitenbsp;incessamment vers le Roy, et maintenant vers Monsieurnbsp;le Due d Orleans, son Lieutenant Général, pour le priernbsp;de laisser iouir la ville de Paris de son droict d’vne librenbsp;élection du Préuost des Marchands, comme elle en iouis-soit auparauant l’année 1 594, et qu’il ne sera plus en-uoyé lettres de cachet sur ce suiet; et afin que eet esta-blissement solt stable et ferme, que le Roy, et maintenantnbsp;Monsieur le due d’Orléans, représentant sa personne,nbsp;sera prié d’enuoyer vne Déclaration par laquelle, en tant
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que besoin est et seroit, on coniirmera eet ancien droict d’élection, et lettres de cachet ne seront plus enuoyéesnbsp;a TAssemblée sur Ie choix d’vn Préuost des Marchands ;nbsp;et cependant qu’on ne receura point lettres de cachetnbsp;du Roy pour la prochaine election, comme contrairesnbsp;aux Loix et Ordonnances du Royaume; mais sera procédé comme il a esté fait dans celle de Monsieur denbsp;Brousse), et que cette deliberation sera confirmee parnbsp;Arrest du Parlement.
On pourra prendre dans 1’Assemblée d’autres moyens pour se maintenir dans cette liberté, laquelle fera cessernbsp;les misères que souffre la ville de' Paris, réparera sesnbsp;dommages, restablira les choses dans l’estat qu’elles es-toient auparauant Ie ministère du deffunct C. de Richelieu, et produira [non seulement] a cette ville, mais anbsp;toute la France les biens que l’ou doit attendee de l’ad-Qiinistration de gens de bien qui n auront point d’au-b’es interests que ceux du bien public; et on se doit pro-tuettre que les moyens qui seront pris dans TAssemblée,nbsp;téussiront paree que Monsieur Ie Due d’Orléans ayantnbsp;tesmoigné tant de zèle pour Ie soulagement des peuples etnbsp;l^it paroistre vne si grande auersion contre la violencenbsp;des Ministres et l’oppression des Partizans, il ne man-4Uera pas, dans vne occasion si importante au bien denbsp;•^ette ville, de luy renclre iustice et donner sa protectionnbsp;pour mériter entièrement son ainitié et Ie coeur desnbsp;Pouples.
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CHOIX
[3998],
(26 septembre 1652.)
LA REYNE.
Cet attachement pour Ie Cardinal Mazarin a fondé dans la sotte créance de certains Ie soubcon d’vn ma-riage entre luy et la Reyne*. II en est beaucoup qui ennbsp;ont iugé auec moins de moderation. Tout Ie monde anbsp;conclu que cette princesse estoit ou mal conseillée ounbsp;mal intentionnée. Ce dernier est plus probable.
Lorsqu’on luy a représenté qu’elle s’en alloit ruiner tout l’Estat, n’a-t-elle point respondu que, si Ie pain luinbsp;manquoit en France, son frère estoit assez puissant poiu'nbsp;luy en donner en Espagne. Si cela marque que nostrenbsp;desolation luy est fort indifférente, elle monstre encorenbsp;bien plus, en abusant de nostre soumission, que nostrenbsp;aueuglement est bien pitoyable. Obéir a qui nous oO'nbsp;trage; respecter qui nous persecute; permettre qu’vunbsp;implacable s’assouuisse aux despens de tout nostre Estat;nbsp;si nous ne sommes aussi sots qu’elle est enragée, que s’ei‘nbsp;faut-il ?
’ « S’il est vray, ce qu’on dit, qu’lls soientliez ensemble par vu manage de conscience et que Ie père Vincent, supérieur de la mission, ait ratibenbsp;Ie contrat, ils peuuent tont ce qu’ils font, et dauantage, ce que nous nenbsp;voyons pas. » iRe(]ueste ciuile contre la conclusion de lapaix [3468].)
II est fait mention de ce mariage dans Ie Silence au bout du doigt [3674Jr et par son Testament veritable, etc. [3767J Mazarin laisse au bon pèrenbsp;cent son plus authentique bréuiaire.
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Ne s’est-elle pas vantée qu’elle ruyneroit tie bon coeur la moitié de la France pour se venger de l’autre, et parnbsp;raesme moyen de toutes deux ? Ne luy a-t-on pas ouynbsp;dire qu’elle allumeroit les guerres ciuiles pour y fairenbsp;périr les plus redoutables ennemis du Roy, son frère,nbsp;puisqu’elle n’auoit peu les faire périr en les abandonnantnbsp;au milieu du danger, comme M. Ie Prince de Condé etnbsp;M, Ie Cointe d’Harcourt deuant Lérida? N’a-t-elle pasnbsp;protesté qu’elle n’entreroit iamais dans Paris que dansnbsp;vn vaisseau flottant sur Ie sang de ses ennemis? Ne luynbsp;a-t-on pas veu donner ordre, chemin faisant, de ruynernbsp;Ie reste des moissons que la fureur des soldats auoit es-pargnées? Ne scait-on pas qu’elle demande a ceux quinbsp;viennent de Paris, si elle peut encore espérer que la famine la vengera bientost de cette grande ville? Bon Dieu!nbsp;quelles paroles! Si elle n’a frémy en les aduancant, ilnbsp;faut bien qu’elle ait vn coeur a l’espreuue de tout sentiment bumain.
Elle a désia réussi dans la pluspart de ses intentions. Des quatre parties de‘la Fi'ance, Irois sont sur les dents.nbsp;II n’y a que Paris qui lui pèse beaucoup sur les bras,nbsp;paree qu’il a encore vn peu de pain; mais si nous nenbsp;Hous resueillons pas vn peu, il est a craindre qu’elle ennbsp;viendra bientost a bout.
Ils ( les princes ) n’en veulent qu’au Mazarln ; et nous en voulons au Mazarin et a la Reyne, encore plus a lanbsp;Reyne qu’au Mazarin. Ce n’est pas a Pespée qui fait Ienbsp;meurtre, mais au bras qui l’a maniée, que la lustice s’ennbsp;doibt prendre. Le Mazarin n’a esté que I’instrument desnbsp;passions de la Reyne. Il n’a rien fait qu’elle n’aytvoulu,nbsp;paree qu’elle 1'eust bien empesché de faire si elle ne l’eust
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point voulu; mais si Ie Cardinal Mazarin vouloits’enrichir, la Reyne voiiloit nous appauurir; et eet Estranger n’anbsp;iainais eu de mauuais dessein que cette Eslrangère n’aytnbsp;encore fait paroistre innocent en enchérissant par dessiis.
Le feu Roy, qui cognoissoit fort bien la Reyne, ne lui vouloit iamais laisser la Régence. Les flatteurs luy flrentnbsp;succomber, mais après auoir ouy dire de la bouche d’vnnbsp;Roy mourant ; (c Hélas / vous ne cognoissez point lanbsp;dame 1 » Nous la cognoissons bien maintenant; maisnbsp;nous la cognoistrons encore inieux si nous voulons auoirnbsp;la patience d’estre vn peu plus scauans. Hélas! quenbsp;nostre ignorance nous estoit bien plus aduantageuse etnbsp;qu’il nous eust mieux valu de ne scauoir point cenbsp;qu’elle scauoit faire, paree que nous ne scaurions pasnbsp;maintenant que nous viuons sous la tyrannic.
LE ROY.
Qui a esleué le Roy ? N’est ce pas le Mazarin ? Qui le possède? N’est ce pas la Reyne? Qui le fait agir? N’est cenbsp;pas l’vn et l’autre ? Ie soustiens done qu’il ne peut estrenbsp;bon Roy qu’auec miracle, paree qu’il n’a iamais apprisnbsp;l’art de régner que de ceux qui ne le scauent point.
Le Mazarin l’a esleué ; il faut done qu’il en ayt fait vn fourbe; car il ne peut luy auoir appris que ce qu’il scait-Si le Roy est fourbe, malheur a l’Estat qu’il gouuernera!nbsp;IjU Reyne le possède; elle ne luy fera done gouster qu®nbsp;du sang; car ee n’est que le sang qu’elle respire.nbsp;peut-on espérer de tout cela ?
Quelque beau naturel que le Roy ayt eu, estant tendre, il a esté capable de receuoir toute sorte d’impr®®®tons. H
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n a peu receuoir que les impressions qu’on luy a données. ^eux qui luy ont donné des impressions, sont ceux quinbsp;1’ont esleué ou qui Ie possèdent encore. Ceux qui Tontnbsp;®sleué et qui Ie possèdent encore, sont tous ou violensnbsp;OU fourbes ou sanguinaires ou cruels ou vindicatifs.nbsp;Peut-il done auoir receu des impressions qui ne soient
mesme nature ?
Cette humeur, naturellement bieu faite, mais néaut-Kioins desbauchée par l’artifice, ne scauroit estre corri— gée que par viie espouse. La Reyne consentira-elle aunbsp;ttiariage ? Si la politique n’est point menteuse, elle Ienbsp;différera tant qu’elle pourra, paree que Ia continuationnbsp;de son pouuoir est incompatible auec Ie mariage du Roy.
II y faudra néantmoins consentir, paree que les néces-sitez de l’Estat Ie requerront. On parle de Mademoiselle. Ie croy bien que cela se feroit si la lustice estoit escou-tée; mais cette Princesse est trop généreuse et trop clair-Uoyante. II faut vn naturel moins ingënieux ou plusnbsp;lasebe pour mériter que la Reyne ne s’y oppose point;nbsp;OU pour Ie moins il faut que la Reyne soit sans pouuoir.nbsp;La vertu est auiourd’huy désaduantageuse pour les affaires d’Estat, paree que les meschans gouuernent. Pournbsp;luériter d’estre esleué, il faut faire voir qu’on ne Ie mé-dte point. Néantmoins, si l’Estat m’en croit, il crèueranbsp;plustost que de permettre 1’entrée du liet Royal a d’au-tre qu’a la fille des deux branches Royalles d’Orléans etnbsp;de Montpensier.
LE DUG D’ORLÉANS.
II est bien constant que Ie Due d’Orléans a escouté Routes sortes de personnes. Le Coadiuteur, la Che-
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ureuse, Chasteauneuf et Ie reste des Mazarins n’ont ia-mais esté rebutez. II est bien probable que les conseils de ces Messieurs n’ont iamais vise a terminer les affairesnbsp;paree que leurs interests, dit-on, ne s’y retrouuoient pas.
On dit que Ie Coadluteur a tousiours fomenté dans l’esprit du due d’Orléans vn certain deffy de la puissancenbsp;du Prince de Condé. Si cela n’est pas vray, cela n’estnbsp;pas trop mal fondé. Le Coadiuteur hayt Ie Prince denbsp;Condé. Cette haine ne peut subsister que par le soup9onnbsp;qu’il entretient dans l’esprit du Due d’Orléans pour s’ynbsp;rendre nécessaire. Si le Due d’Orléans s’est deffié dunbsp;Prince de Condé, il n’a iamais agi auec vigueur pour seconder ses desseins. Raisonne la dessus qui voudra.
quot;Vn homme qui entend tout le monde, ne peut qu’il n’en recoiue des impressions diuerses, a moins qu’il nenbsp;soit indépendant de toute sorte de conseil estranger. Lenbsp;due d’Orléans n’a pas cette qualité, paree qu’il se deffienbsp;par trop de soy mesme, quoyqu’il puisse et qu’il sqachenbsp;plus que tous les autres. Se peut il done que les parti-zans de deux partis contraires l’aieiit attaqué sans le fairenbsp;bransler diuersement selon les mouuemens qu’il en rece-uoit? Qui regoit le bransle de diuers mouuemens, n’agitnbsp;iamais vniformément. Si le Due d’Orléans n’a point aginbsp;vniformément, le party qu’11 appuyoit par préférence, nenbsp;pouuoit qu’il ne marebast d’vn pied languissant. Ie n’ennbsp;dis pas daduantage, paree que tout le monde en dit assez.
LE PRINCE DE CONDÉ.
Le Prince de Condé a l’esprit percant, ambitieux, hardy, vigilant, actif, infatigable, a l’espreuue de lanbsp;fortune et des reuers. Voila les qualitez qu’on luy donne.nbsp;Elles sont en elles mesmes toutes innocentes; elles peu-
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uent estre mauuaises dans leurs obiects. Ses ennemis mettent ces qualitez dans l’excez; ses amys les retien-nent dans la moderation et dans les hornes. N’escoutonsnbsp;ni les vns ni les autres; parlons auec indifference; etnbsp;iugeons de tout cela sans passion.
Auant Ie blocus de Paris, c’estoit Ie Dieu de 1’Estat. II n’y auoit que l’enuie qui lui peust contester pour lorsnbsp;ces sept qualitez susnommées dans leur plus parfaitenbsp;moderation; mais Penuie n’est que 1’ombre de la vertu.nbsp;Après Ie siege, la haine a change les iugemens, pareenbsp;qu’elle a altéré les imaginations dans ceux qui ne règlentnbsp;leurs iugemens qua l’intérest.
Mais, sans flatter Ie dé, quel fut Ie crime du Prince de Condé dans ce siége? C’est sa trop grande passionnbsp;pour maintenir l’Autborité Royalle; c’est sa trop grandenbsp;soubmission aux ordres d’vne souueraine. Parlons fran-chement: luy, qui estoit inuincible, se laissa vaincre parnbsp;les larmes de la Reyne. Elle engagea sa parole par sesnbsp;adresses de femme et par ses charmes de souueraine. Sanbsp;parole engagée l’obligea a la poursuite qui a cause toutesnbsp;ses trauerses et les nostres. lusques la ie ne vois point denbsp;plus grand manquement que celuy de n’auoir point esténbsp;prophéte pour préuoir les fautes de ce dessein.
Les autres disent que si Pambition de ce Prince n’eust esté fort modérée, il n’y auoit pas plus loing de luy a lanbsp;Souueraineté que de Sainct Germain a Paris. I’en iugenbsp;autant, et auec moy tous les plus sensez. Pourquoy est cenbsp;done qu'il ne se laissa point gagner a ce charme ? Pareenbsp;qu’il n’est pas moins vainqueur de 1’ambitiou que de nosnbsp;ennemis; paree qu’il vouloit seruir, non pas destruirenbsp;son Roy. Il n’a done point esté malheureux que d’auoirnbsp;esté suiet d’vne femme ou de n’auoir pu désobéyr sans
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fonder Ie soubcon raisonnable d’vne ambition déréglëe.
Laissons Ie siége. Passons a son emprisonnement. Qu’est ce qui l’arreste ? Quel crime ? Quel attentat ?nbsp;C’est son courage; c’est sa vertu; et, par contre coup,nbsp;c’est 1’ingratilude; c’est la mécognoissance. S’il eustpeunbsp;craindre ses obligez, ou si ses obligez eussent eu dunbsp;coeur, il estoit sans danger. La Reyne ne Ie fait arresternbsp;que paree qu’il 1’a seruie, paree que s’il ne l’auoit pointnbsp;seruie, elle n’eust seulement pas osé ietter les yeux surnbsp;luy que pour l’admirer.
Me voila maintenant oii tout Ie monde m’attend. On croyoit que Ie Mazarinisme ne dureroit pas quinze iours.nbsp;Les commencemens fortifioient cette créance. L’vnionnbsp;qu’on espéroit plus forte entre luy et Ie Due d’Orléans,nbsp;n’y contribuoit pas de peu. Le Coadiuteur et la Che-ureuse , sa coadiutrice, ne paroissoient plus deuoirnbsp;estre en crédit. Le Mareschal de L’Hospital et le Pré-uost des Marchands1 n’estoient plus regardez que commenbsp;des instrumens sans force. Enfin on espéroit tout de luy.
On scait comment il a fait quand il a esté le maistre : a Chastillon, a Sainct Denys, au faux bourg Sainct Antoine. De la on peut coniecturer ce qu’il eust fait si sesnbsp;volontez eussent esté les maistresses dans les autres occasions.
Quel est done ce fatal ressort de tous les grands des-seins de l’Estat? Quand le Prince arriua, il eut vne grande armée a conduire, vne puissante ligue de Maza-rins dans Paris ^ rompre, l’esprit du Due d’Orléans a
Bromsel.
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mesnager. Chacun des trois demandoit Ie Prince tout entier. II a fallu néantmoins qu’il se soyt partagé pournbsp;se donner aux vns et aux autres selon leurs besoins.nbsp;Quelque lent qu’on soyt, pourueii qu’on aille quand onnbsp;trouue tant d’obstacles , on va bien viste. Quand Ienbsp;Prince s’est donné a son armee, il en a bien battu les en-nemis; quand il a entrepris la llgue des Mazarins, s’il nenbsp;l’a rompue, il l’a bien affoiblie; quand il s’est attachénbsp;au Due d’Orléans, il en a, dit on, presque détaché Ienbsp;Coadiuteur; il est du moins asseuré que les visites n’ennbsp;ont point esté si fréquentes. Si, pendant qu’il eust esté anbsp;la teste de ses troupes, quelqu’autre que luy eust esté capable de rompre la ligue des Mazarins, de fortifier Ie Duenbsp;d’Orléans contre la souplesse du Coadiuteur, ie ne doubtenbsp;pas que nous n’eussions desia oublié Ie nom de Mazarin;nbsp;mais comme il a fallu qu’il se soyt partagé a tant de né-cessitez, les affaires ont esté plus lentes que l’impatiencenbsp;des peuples.
Quelques passionnez en attendoient plus de violences. Ils disent qu’il falloit se défaire du Coadiuteur puisque Ienbsp;Coadiuteur estoit vn obstacle au bien public. Si ce prélat ne meurt que par les mains ou par les ordres de cenbsp;Prince, il sera immortel. II ne doit périr que par 1’entre-prise de quelqu’esprit plus bas et de quelque plus laschenbsp;main. Le Prince n’est capable que de faire des coups denbsp;Prince. Si le public se ressent des intrigues du Coadiuteur, que le public se venge. C’est a tort que le publicnbsp;attend que le Prince soit l’instrument de ses passions. IInbsp;trauaillera bien pour ses intérests; mais il ne les pousseranbsp;point par vn coup de lascheté.
D’autres passionnez, aussi fols que les précédens, disent que le Prince ne deuoit point mesnager le Due
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d’Orléans et Ie Parlement auec tant d’attachement. Ces politiques ne regardent que leurs interests. Ils voudroientnbsp;qu’vn premier prince du sang se fust comporté en tribunnbsp;du peuple. IIs voudroient qu’il eust iustifié par sa conduite les calomnies de la Cour, qui ne reproche aunbsp;Prince que la violence; mais il a démenty ces reprochesnbsp;par l’expérience d’vne moderation inouye. Les violencesnbsp;sont des brutalitez lorsqu’elles ne se font que par Ie caprice d’vn particulier; lorsqu’elles se font par Ie concertnbsp;des sages, ce sont des Coups d’Estat.
Si vos affaires auoient eu tant de langueur, quot;Éelles de la Cour en auroient eu plus de vitesse; car il n’est pasnbsp;possible qu’vn party soit lent sans que Ie contraire nenbsp;s’en préualle.
Quels sont les auantages de Ia Cour? Qu’a-t-elle pro-fité de cette langueur prétendue? Auec buit mille hommes Ie Prince en a fait périr vingt-cinq mille; il a dis-sipé la ligue qu’elle fomentoit depuis si longtemps dans Paris ; il a fait auorter tous ses desseins. II a sauué Parisnbsp;lorsqu’elle Ie destinoit au sang et au carnage ; il a fait cenbsp;que tout autre que lui ne pouuoit point faire. Si c’estnbsp;languir, Ie procédé de la Cour est done mort, ou nosnbsp;impatiences sont trop précipitées.
t.E PARLEMENT.
Le Parlement a-t-il plustost esté Mazarin que Prince, ou au contraire? ou bien n’a-t-il point esté nynbsp;l’vn ny Pautre? Si l’on considère le Parlement par lesnbsp;. particuliers en détail, il a bien plustost esté Mazarin quenbsp;Prince, paree qu’il y auoit plus de Mazarins que denbsp;Princes. Si Ton considère le Parlement sous le titre de
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corps souuerain, sans se réfléchir au particulier qui Ie compose, il a fort nagé entre deux eaux. Au reste, ienbsp;pense qu’il n’a esté véritablement ni Prince ni Mazarin.
11 est vrai que Ie Parlement a bien choque Ie party Mazarin; mais il n’a pas assez fauorisé celuy du Princenbsp;pour Ie rendre maistre de son compétiteur. Si Ie Parlement a choqué Ie Mazarin, c’est qipon Fa tant poussénbsp;qu’il n’a pu s’empescher de Ie heurter. S’il a fauorisé Ienbsp;party du Prince, c’est qu’on luy a arraché ses faueurs.
Faut-il done accuser Ie Parlement ? Nenny. Le Parlement est auguste et venerable; mais il en est beaucoup de ceux qui le composent, qui ne relèuent pas beaucoupnbsp;son prix. I’av le bonheur de n’en connoistre pas vn denbsp;ceux qui sont de cette estoffe. Pour récompenser ceux-que ie cognois, il faudroit faire vingt ou trente Gardes desnbsp;Sceaux et autant de Secrétaires d’Estat.
LE DUG DE BEAUFORT.
IjC Duc de Beaufort, sans contredit, est bon Prince. Le Coadiuteur, dans ses escrits, a beau le comparer anbsp;des brasseurs de bierre ou a des .Arteuelles ‘; il a beau lenbsp;nommer Fidole du temps; tous ces outrages ne flétrissentnbsp;en rien la gloire de ses actions. Quelque louange que lenbsp;duc de Beaufort mérite, ie croy qu’il est inimitable en cenbsp;qu’il est Fennemy le plus irréconciliable du Mazarin etnbsp;du Coadiuteur.
Tout ce que ie trouue a redire en luy, c’est qu’il a trop espargné ce dernier depuis qu il a reconnu qu’il
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n’estoit pas digne de ses affections; mais les heros de son génie ont plus de bras que d’yeux. Ne Ie flattons pasnbsp;luy-mesme. Disons ce qu’il doit faire, puisqu’il ne Ie faitnbsp;point. Ce n’est pas Ie tout que de hayr vn ennemy lors-que 1’ennemy ne se borne point réciproqueraeut a sanbsp;haine. La haine du Coadiuteur n’est inféconde que pareenbsp;qu’elle est impuissante. S’il auoit Ie dessus sur luy, il Ienbsp;presseroit tant qu’il Ie crèueroit. II faut done que Ie Duenbsp;de Beaufort se serue de 1’aduantage qu’il a, et qu’il fassenbsp;ressentir au Coadiuteur qu’il a plus de pouuoir que luy,nbsp;en Ie faisant traiter comme vn ennemy impuissant.
Mais non; ie ne conseille pas encore cela au Due de Beaufort. Qu’il suiue sa générosité; et, pour maltraiternbsp;bien rudement Ie Coadiuteur, qu’il Ie mesprise, qu’il luynbsp;tesmoigne, en dédaignant de Ie maltraiter, qu’il nenbsp;mérite seulement pas qu’il Ie maltraité. Le Coadiuteurnbsp;ne craint rien a l’égal du mespris. C’est l’escueil de sanbsp;patience; c’est le suiet de son impatience.
Ie scay bien qu’il n’a point tenu au Coadiuteur que ce schisme n’ait esté ietté dans l’intelligence de ces deuxnbsp;Princes (le prince de Condé et le due de Beaufort). Lenbsp;Marquis de Chasteauneuf y a trauaillé, mais n’y a pasnbsp;réussi. Madame de Montbazon a mesme esté sollicitéenbsp;pour ce mesme dessein par vn des plus proches de cenbsp;nouueau Cardinal; mais on luy a respondu qu’on n’estoit pas seulement en estat d’en vouloir escouter les premières propositions.
Le Due de Beaufort voit bien que le Coadiuteur ne voudroit le désvnir d’auec le Prince de Condé que pournbsp;le perdre heureusement après l’auoir désvni. Tous lesnbsp;généreux luy pèsent sur les bras. Le Coadiuteur ne veut
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point d’amis s’il ne les commande. II n’y a que les las-ches qui s’y soumettent.
Disons done que Ie Due de Beaufort va de bon pied; qu’il est homme de eceur et d’honneur; qu’il est biennbsp;attaché au party, comme il l’a tousiours bautement tes-moigné. II ne faut pas laisser de luy dire qu’il est a propos qu’il donne de l’esperon au Préuost des Marchands,nbsp;dont on ne craint pas moins la moderation que l’impé-tuosité de son prédécesseur.
LE COADJUTEUR.
Le Coadiuteur est vn ambitieux; cela est constant. C’est vn intrigant; cela ne se contredit point. C’est vnnbsp;hardy; tout le monde en tombe d’accord. C’est vn violent; personne n’en iuge autrement. Voilh bien des qua-litez qui sont incompatihies auec Ia supériorité.
Mais OU dit-on qu’il aspire? Au Ministère d’Estat. Que fera-t-il pour y arriuer ? Tout. Que faut-il faire pour ynbsp;arriuer? II faut destruire tous ceux qui peuuent s’y op-poser. Qui sont ceux qui s’y peuuent opposer? Ceux quinbsp;ont desia ressenti l’effet de la puissance des Fauoris et quinbsp;doiuent estre au dessus par Ie mérite de leurs vertus etnbsp;de leur naissance. C’est le Due d’Orléans; c’est le Princenbsp;de Condé. Le premier n’est point a craindre, paree que,nbsp;outre qu’il est trop bon, la proximité du Trosne le metnbsp;a i’abry des violences. Le second est redoutable, pareenbsp;qu’il est ambitieux et qu’il est en estat de craindre ceuxnbsp;que la faueur fait approcher du Trosne pour y seruir denbsp;premiers ministres.
Pourquoy est-ce done que le Coadiuteur a plus estudié de s’attacher au Due d’Orléans qu’au Prince de Condé,
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puisque ce dernier est a craindre et que 1’autre ne 1’est plus a cause de sa trop grande bonté ? La raison en est claire :nbsp;Ie Prince de Condé ne veut point d’autre maistre que Ienbsp;Roy. Le Coadiuteur veut commander a tous ceux qui se-ront au dessous du Roy. L’vn et l’autre visent a mesme but;nbsp;le premier par le mérite de ses vertus et de sa naissance;nbsp;le second par les suggestions seules de son ambition.
Le Coadiuteur ne bait pas Monsieur le Prince de Condé; mais il aime la souueraineté. Et comme il voitnbsp;qu’il n’y peut arriuer par confidence, a moins qu’il nenbsp;destruise le Prince, il n’obmet que ce qu’il ne scait pasnbsp;pour s’en défaire.
Toutes ces réflections, qui ne sont pas moins infailli-bles que les véritez de l’Éuangile, font conclure a certains politiques que si le Prince estoit réduit au choix OU a Ia nécessité de supporter l’vn des deux cardinauxnbsp;dans le ministère, ou Mazarin ou Gondy, il supporteroitnbsp;le Mazarin. Ie n’en doute pas. Tous les sages sont dansnbsp;ce mesme sentiment. Le Mazarin a desia tant pillé qu’ilnbsp;n’est plus a craindre pour ses pilleries, paree qu’il s’estnbsp;remply. Le Coadiuteur, outre qu’il est gueux, s’est encorenbsp;tellcment eiidebté qu’il est a craindre que le peuplenbsp;payeroit ses debtes. Le Mazarin n’a point de parensnbsp;dont l’éléuation par sa faueur puisse faire ombre a nosnbsp;Grands et diuiser par mesme raison cet Estat. Le Goad-iuteur en a vn si grand nombre qu’il seroit obligé par sesnbsp;raisons politiques de renuerser tous les autres pour esle-uer les siens.
Voila les raisons générales. Pour les particubei’cs : Mazarin n’est ni cruel, ni sanguinaire, ni violent. Poutnbsp;ce qu’on peut dire de luy, e’est que e’est vn fourbe, vn
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DE MAZARINAUES.
auare, vn ingrat et vn sot politique. Le Coadiuteur a toutes les mauuaises qualitez du Mazarin; mais il n’a pasnbsp;lesbonnes. II est cruel et violent, tesmoin quand il futnbsp;d’aduis qu’il falloit sousleuer le peuple pour arracher lesnbsp;sceaux au Premier Président. II est superbe et arrogant,nbsp;tesmoin lorsqu’il voulut, l’aii passé, a la porte de lanbsp;Grand’chambre du Palais, entrer de pair auec le Princenbsp;de Condé, si ce dernier, iustement ialoux de son rang,nbsp;ne l’eust rudement repousse. II est hardy et entrepre-nant, comme i! le fit paroistre, l’année passée, dans toutes les assemblees du Parlement, ou il ne venoit iamaisnbsp;qu’auec vne escorte de general d’armée.
Mais, pour coniecturer ce qu’il seroit s’il estoit premier Ministre d’Estat, il faut scauoir que, parlant vn iour au comte de Lègues [marquis de Laigue], commenbsp;on dit, et au marquis de Noirmoustier, il leur asseuranbsp;que, si le Mazarin eust esté plus séuère, c’est a dire plusnbsp;cruel, il ne fust iamais deschu de son rang. Il vouloitnbsp;dire par la, dit la glose ; Si i’estois iamais ce que le Mazarin a esté, ie vous asseure. Messieurs, que si ie tenoisnbsp;en prison quelque Due de Beaufort, quelque Maresclialnbsp;de La Mothe ou quelque Prince du Sang qui m’eussentnbsp;choqué, ie ne permettrois iamais qu’ils en sortissent quenbsp;les pieds deuant. Mon Dieu! Mon Dieu! Mon Dieu!nbsp;que Ie Mazarin reuienne plustost!
Cela me feroit quasi croire ce que certains ont remar-qué, que M. le Prince de Condé n’a point poursuiui le Mazarin si viuement qu’il eust fait s’il n’eust redoubté cenbsp;successeur par la faueur du Due d’Orléans et par lanbsp;Vengeance de la Eeyne. Ie ne sqais s il 1 a fait; mais ienbsp;suis bien asseure qu’il 1’a deub faire et que le Coadiuteurnbsp;ïi’a que trop tesmoigné que s’il arriuoit iamais a la con-
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CHÜIX
fidence du Roy, il tascheroit d’y débuter par la perte du Prince. Cela veut dire (fue si les peuples veulent que Ienbsp;Prince les défasse du C. Mazariu, il est iuste que lesnbsp;peuples mettent Ie Prince a l’abry de ce qu’il doibt crain-dre du costé du Coadiuteur.
On a tort de reproclier au Coadiuteur qu’il est Maza-rin, cela est vray; car il ne Test pas; mais néantmoius, cela n’empesche pas qu’il ne l’ait soustenu. Voila lanbsp;raison : Ie Coadiuteur ne peut s’esleuer au ministère quenbsp;par la faueur de la Reyne et par la perte du Mazarin.nbsp;Pour mériter la faueur de la Reyne, il faut qu’il la flattenbsp;oil il luy démange, c’est a dire qu’il appuye apparem-ment les interests du Mazarin, quoyqu’en effet il Ie dé-teste. Pour perdre Ie Mazarin, il faut qu’il ne désemparenbsp;iamais l’esprit du due d’Orleans. Pour donner encore a lanbsp;Reyne vn motif de l’aimer, il faut qu’il se porte pour vnnbsp;des plus grands ennemys du Prince de Condé. Voyla biennbsp;des contradictions qu’il a a mesnager. Ce n’est pas tout.
Pourquoy s’oppose-t-il si fortement aux poursuites du Prince de Condé contre Ie Mazarin ? car il est assez constant que, sans la lenteur que les intrigues du Coadiuteurnbsp;ont causée dans l’esprit du Due d’Orléans, Ie Prince au-roit desia terrassé tout Ie party de Mazarin. Et si les ap-parences ne sont pas trompeuses, nous Ie pouuons asseznbsp;coniecturer de ce qu’il a fait, lorsqu’il a eu Ie loisir de senbsp;dérober aux intrigans pour prendre l’espée.
Le Coadiuteur veut bien que Ie Mazarin soit esloigué; mais il seroit bien marry que le Prince de Condé 1 eustnbsp;destruit par la force. Voila pourquoy il l’a tousiours af-foibly en s’efforcant d’affoiblir le concours du Due d Orleans. Mais pourquoy cela? me dira quelqu’vn. C est que
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si Ie parly Mazarin venoit a succoinber par viie extresme et visible foiblesse, Ie Prince auroit assez de force pournbsp;frustrer Ie Coadiuteur de respérance qu’il a dans Ie Ministère et pour empescher la Reyne mesnie de l’y esle-uer; au lieu que si Ie Mazarin ne succombe que lorsnbsp;même qu’il sera encore en estat de pouuoir résister, ilnbsp;laissera la Reyne en estat de pouuoir faire choisir aunbsp;Roy celuy qu’elle voudra; et Ie Prince n’aura pas asseznbsp;de pouuoir pour l’einpescher; et la Reyne sera bien aisenbsp;de porter son choix sur Ie Coadiuteur, tant en recognois-sance de la complaisance qu’il luy a tesmoignèe pour Ienbsp;restablissement du Mazarin, que paree qu’elle Ie iugeranbsp;capable de seconder aueuglément toutes ses intentionsnbsp;pour la venger bautement du Prince de Condé.
PARIS.
Ie n’appelle pas Parisien celuy qui est né dans Paris; maïs i’appelle Parisien celuy qui espouse les interests denbsp;Paris sans anemie reflection a ses interests particuliers.nbsp;En ce sens, ie croy qu’il n’y a point de Parisiens dansnbsp;Paris, paree que tous les Parisiens sont partagez a lanbsp;deffense de ceux que l’intérest ou 1’affection leur faitnbsp;choisir. Ainsi Paris oblige tout Ie monde; et Paris n’o-blige personne. II en est de mesnie de luy que du Parlement. Le Parlement oblige les vns et les autres pareenbsp;qu’il a des particuliers dans son Corps qui sont partageznbsp;selon leurs interests ou selon leurs inclinations; niaisnbsp;pour luy il n’oblige personne. Paris est pour le Prince ;nbsp;Paris est pour le Mazarin, paree que Paris a des particuliers qui sont pour le Prince, et d’aulres qui sont pour
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CHOIX
Ie Mazarin; mais en soy Paris n’est ni pour l’vn ni pour l’autre, paree qu’il n’espouse pas, coinme il faut, les interests de l’vn ni de I’autre.
A la iournée du faux bourg Sainct—Anthoine, oü Ie Prince de Condé sauua Paris, Paris fit néantmoins cog-noistre qu’il estoit Prince et qu’il estoit Mazarin tout ensemble. Son affection fut problématique en ce iour; etnbsp;Mazarin et Ie Prince eurent esgaleinent subiect de s’ennbsp;offenser et s’en tenir obligez.
Im. Vérité
cuntlnuanl de prononcer ses oracles.
LE PREMIER PRF:SIDENT.
Tout Ie monde conuient que Ie Premier Président fait Ie politique et Ie grand homrae d’Estat. Cela veut direnbsp;qu’il croit l’estre; mais cela ne conuainepas qu’il Ie soit.nbsp;II est plus probable qu’il ne l’est pas pour cette seulenbsp;raison qu’il Ie croit estre.
Le Premier Président affecte vne facon stoïque. II fait 1’apatbique et le hardy. Lorsqu’il a plus de subiect denbsp;craindre, c’est alors qu’il se roidit le plus pour ne trembler pas. Ses regards sont estudiez; sesmouuemens sontnbsp;tous composez; sa barbe mesine ne se remue iaiuaisnbsp;qu’auec compas. II parle fort peu; mais il est einpha-tique. II ne rit que fort rarement; sa démarche est ma-iestiieuse; son maintien graue; son visage fort venerable.
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La piétë donne la dernière couleur a tout oet extérieur. Voila vne belle apparence. Si les effets iie la démententnbsp;point, c’est vn grand homme. S’ils sont contraires, c’estnbsp;vn grand fourbe. Parlons-en vn peu.
Si le Premier President est désintéressé, ie m’en rap-porte. Le bruit, neantmoins, qui court du contraire, n’est pas trop desraisonnable. II est constant que depuis cesnbsp;derniers mouuemens il a pani diuerseinent intéressé, tan-tost pour le Prince de Conde, tantost pour le Mazarin.
Lorsque les Sceaux furent donnez au Premier Président, il estoit dans les interests du Prince. Lorsqu’ils luy furent ostez pour estre redonnez au marquis denbsp;Cbasleauneuf, il en sortit. Qu’est-ce qui I’obligeoit a cenbsp;changement ? Si nous deuons dcferer a la raison et a lanbsp;créance publique, c’est I’esprit de vengeance qui le des-taclia du Prince, paree qu’il crut que le Prince luy pou-uoit conseruer les Sceaux s’il se fust bien Intéressé pournbsp;luy. Ce motif de changement est lasche. Celuy qui dé-laisse vn party par la seule raison que ses intérests nenbsp;s’y retrouuent pas, ne le condamne pas; mais il se con-damne luy mesme en ce qu’il tesmoigne qu’il ne veut senbsp;donner qu’au plus offrant. Si c’est estre homme d’Es-tat, il faut réformer le Polibe et le Taclte. Passons outre.
Pendant I’emprisonnement des Princes, le Premier Président fit le lanus ou le Gérion, c’est a dire I’hommenbsp;a deux ou trois visages. Il portoit bien les intérests dunbsp;Prince de Condé; mais la force luy manquoit pour lesnbsp;soustenir. Quelqu’iniustice qu’il vist en son einprisonne-ment, il n’en dit mot iiisqu a ce que sa lascheté lui fistnbsp;voir que la tyrannic n’estoit pas assez absolue pour luynbsp;fermer la bouche. 11 paria: mais c’est qu’il ne pouiioit
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CHOIX
plus se taire. 11 se déclara lorsqu’il vit que raesme ceux qui estoient moins que luy, s’estoient desclarez. II fit l’em-presse pour I’eslargissement des Princes lorsqu’i! recog-nut que la tyrannie n’estoit plus en estat de Ie pouuoirnbsp;plus refuser. Lorsque Ie torrent des voix l’emportoit, ilnbsp;parloit hautement, faisant Ie fier pour la defense desnbsp;Princes. Lorsque les autres se taisoient, il se tenolt dansnbsp;Ie silence, n’osant parler a moins qu’il n’y fust inuité parnbsp;l’exeinple de quelqu’vn qui fust plus hardy que luy....
Cette politique est-elle d’vn homme d’Estat? Le Premier Président est a qui plus luy donue; il attaque qui luy donne le moins. Il regie l’estime de celuy qu’il fauo-rise, a ce qu’il en recoit. II se fait achepter pour se re-üendre a celuy qui luy donnera le plus, tellement quenbsp;ceux qu’i! sert, ne tiennent rien, a moins qu’ils ne lenbsp;inettent en estat de ne pouuoir rien espérer de plus grandnbsp;que ce qu’ils luy donnent. Voila la politique des Suisses.
Le Premier Président a vieilly dans le Palais; aussi l’entend-il bien. II n’est entré dans l’Estat que lorsqu’vnnbsp;désintéressé de son aage en voudroit sortir; faut-il s’es-tonner s’il ne Teutend point. Aussi dit-on que c’est parnbsp;cette seule raison qu’il n’y est pas intelligent, que lenbsp;Mazarin Ta choisi paree qu’il ne eraint que ceux qui ennbsp;scauent plus que luy, et qu’il scait, outre cela, qu’il estnbsp;des vertueux de la grand’manche. Ie m’en rapporte.
D’oü vient done cette hardiesse, cette grauité, eet aius-tement extérieur, composé a la politique, qui semblent des vertus d’Estat? De sa barbe, de sa robe longue, d vnenbsp;présomption particuliere, d’vn extérieur de piété et de lanbsp;couslunie qu’il a de prononcer sou iugement saus appel.
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l)K MAZARfNAOES.
LA DULHESSE DE CHEÜREUSE.
On ne peut pas nier a Ia Duchesse de Clieureuse qu’elle n’ait beaucoup entrepris. Tout lè monde scaitnbsp;qu’elle a donné Ie bransie a plusieurs grands mouue-mens et qu’elle a esté I’intelligence de plusieurs grandsnbsp;desseins; mais Ie malheur est qu’on ne luy en attribuenbsp;pas vn de bon. On dit qu’elle remue beaucoup, maisnbsp;qu’elle n’establit iamais vne affaire. On dit qu’elle mesienbsp;bien vne intrigue, mais qu’elle ne peut iamais la démes-ler. On dit qu’elle sort fort bien d’vn labyrintbe, maisnbsp;non pas sans s’engager d’abord dans vn autre. Ou ditnbsp;qu’elle trouble bien, mais qu’elle ne calme iamais. Bref,nbsp;on dit qu’elle brouille bien, et c’est tout dire. Mais celanbsp;est-il vi’ay ? II faut Ie voir.
II est probable que ses principes né sont pas plus as-seurez que ceux du Cardinal de Retz, son coadiuteur dans 1’intrigue, puisqu’ils ne branslent que par mesrae mouue-ment, ils n’agissent que par mesme principe. Les principes du Cardinal de Retz ne sont pas fort approuuez. Onnbsp;ne luy donne tout au plus que des souplesses et des bri-coles dans la Politique, paree qu’on ne luy voit pointnbsp;produire aucun beau coup d’Estat; et comme on voitnbsp;qu’il est assez intriguant pour désordonner Ie plus belnbsp;ordre, on dit qu’il est ou Ie bon disciple ou Ie bon col-lègue de la Cheureuse.
Cette conformité de génie qu’on recognoist dans les deux, fait qu’on en recherche plus curieusement la vériténbsp;pour n’en déférer qu’auec raison. On examine la conduitenbsp;de la Duchesse de Cheureuse; on n’y rencontre iamaisnbsp;qu’vne importune suite de souplesses qui s’engagent in-
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sensibleinent l’vne après l’autre et clont elle ne se dégage iainais. On examine Feconomie du Coadiuteur; et Ianbsp;mesme confusion la rend désagréable; mais pour desnbsp;Coups d’Estat, c’est a dire pour des traits de prudencenbsp;qui fassent voir vn nouueau iour aux affaires dans leurnbsp;plus grand embarras, ie pense que ny 1’vn ny l’autre n’eunbsp;ont iamais produit. La première n’a brouille les cartesnbsp;que pour en aller iouer Ie ieu hors de l’Estat. Elle n’estnbsp;rentree que par la porte qu’elle auoit ouuerte, c’est anbsp;dire par les troubles. Elle n’y vit que par les tempestesnbsp;qu’elle a souleuées ; point d’ordre, point de calme,nbsp;point d’économie dans sa conduite. Le Cardinal denbsp;Retz ne brouille pas moins. Sa conduite n’est autrenbsp;chose qu’vne suite de souplesses entrelacées les vne.snbsp;auec les autres. II ne finit iamais, paree que, en sornbsp;tant d’vn abysme , il tombe dans vn autre. II a l’in-trigue inespuisable, paree qu’il n’a point de prudencenbsp;qui la puisse bomer par aucun coup d’Estat.
Pour intriguer, il faut estre hardy au dela de la moderation ; la Duchesse de Cheureuse Pest dans la perfection. II ne faut iamais se rebuter; elle est a l’espi’euue des refus; et son Altesse Royalle le pourroit bien tes-moigner. II ne faut iamais agir que par le motif de l’in-térest : c’est le seul de ses principes, comme il a tous-iours paru. Il faut estre de deux visages : le Mazarinnbsp;peut bien estre tesmoin qu’elle entend ce mestier. Ijnbsp;faut faire semblant de hayr ceux qu’on aime, et d’ai-mer ceux qu’on bait : elle triomphe dans ce dégui-senient. Il faut estre actif, prompt et vigoureux : c estnbsp;son genie. Et, pour conclure en vn mot, il faut tousioursnbsp;engager les affaires, solt en semant de faux bruits, soit
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en diuisant les vns d’auec les autres, soit en faisant nais-tie de nouuelles conionctures, soit en faisant tirer toutes choses en longueur pour se rendre nécessaire : c’est ennbsp;quoy l’esprit de la Duchesse de Cheureuse se fait remar-quer parmy les plus intelligens.
LE COMTE D’HARCOURT.
Le Comte d’Harcourt est soldat, dit on; mais il n’est pas capitaine. 11 a le bras bon; mais il a la teste foible.nbsp;Il fait bien; mais il délibère mal. II a Taction forte;nbsp;mais sa conception est foible. C’est vn Briare; mais pournbsp;cent bras, il n’a pas vn cerueau____
Ceux tjui le défendent, disent qu’il a tousiours laissé les branches pour ne s’attacher qu’au tronc. Ceux qui Tac-cusent, disent qu’il s’attache aueuglément; qu’il a trop denbsp;complaisance pour vn homme de coeur; qu’il ne se re-cognoist pas, paree qu’il se prostitue a toute sorte d’em-ploys; qu’il cherche Thonneur, mais par les voies denbsp;Tintérest, ou qu’il cherche plustost ou il y a a gagner, quenbsp;OU il y a a se signaler.
On dit qu’il obéyt aueuglément; qu’il ne regarde pas si le ministre est tyran, mais s’il est fauory. Cela est biennbsp;honteux; mais cela est-il vray ? Après Taction qu’il fitnbsp;en escortant les Princes iusques au Haure, on n’en anbsp;iamais douté. II est vray que cette complaisance estoitnbsp;bien honteuse et qu’on s’estonna bien de voir qu’vnnbsp;prince de Lorraine faisoit le Grand Préuost après auoirnbsp;esté général d’arméeh
* Cl Pour vingt mille francs, le corate cl’Harcourt a vendu sa nalssance et sa venouimée, après avoir vendu sa conscience. »
T’Ejcpédition héroique. du comle d’Harcourt, etc. [1333].
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CHOIX
Cependant c’ést, uii graad preneur de ville». Cazal et Turin valent bien Villeneuue et La Réole. II s’est rendunbsp;maistre de ces deux la; pourquoy a-t-11 escboué deUantnbsp;ces deux cy'? La ralson, dit-on, en est claire. 11 auoitnbsp;des bras et des testes deuant Cazal et deuant Turin. llnbsp;n’auoit que des bras deuant Villeneuue. Turenne, Dunbsp;Plessis, La Mothe lui manquoient. Quand il est tout seul,nbsp;il ne fait rien. Quand il est en Compagnie, il fait desnbsp;merueilles; mais c’est qu’il faut que les autres fassentnbsp;tout. II ne paye que de boiine mine; point de ieu si onnbsp;ne luy conduit la main.
LF. MARESCHAL DE TURENNE.
Le Marescbal de Turenne est braue; mais il est mal-heureux. S’il auoit le bonheur, il auroit les quatre vertus que Cicéron demandoit autrefois a vn general d’armée.nbsp;Ses pertes luy sont illustres; ses désaduantages ne déro-gent en rien a sa gloire. Qu’il soit vainqueur ou qu’ilnbsp;soit vaincu, on dit tousiours qu’il a bien fait. Aussi il nenbsp;perd iamais qu’il ne gagne. Depuis ces troubles, la ba-taille de Sommepuits prés de RhéteP, la déroute de Chas-tillon’, la iournée du faux bourg Sainct.Anthoine luy ontnbsp;esté toutes aduantageuses pour ce qui est de la gloire,nbsp;mais toutes désaduantageuses pour ce qui est du profit;
* nbsp;nbsp;nbsp;Le siége de Villeneuve d'Agen est un des grands événements de ia
Fronde dans la Guienne. .11 fut levé Ie 2 juillet nbsp;nbsp;nbsp;Levée du siége de
Villeneuue d*Agénols^ etc. [2298J. —Relation veritable de ce qui s*est
et passé a Vattaque de la ville de la Réole, etc. [3199].
“ Plus connue sous le nom de bataille de Rethel, le 18 décembre •—Lettre du Roi..., contenant.... fout ce. qui s'est fait et passé a Rethel. etc.nbsp;[2186].
* nbsp;nbsp;nbsp;G*cst le combat de Bleneau, Ie 7 avril 1652.
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DE MAZARINADES.
car 11 n’a lamais esté vainqueur. Cette cognoissance qu’on a de son destin, fit dire a certains, lorsqu’il accepta l’em-pioy de general de I’amiee mazarine, qu’il estoit braue,nbsp;mais que sa brauoure ne seruiroit que pour rendre nosnbsp;triompbes plus illustres, paree qu’il estoit en prescription d’estre tousiours vaincu. Ne luy disputons pas lanbsp;gloire d’estre grand capitaine; il Test sans contredit____
Après ce qu’il fit pendant reinprisonnement du Prince, est-il bien croyable qu’il fasse ce qu’il fait auiourd’huy ?nbsp;II en est en cela de luy comme des autres : il ne tra-uaille que pour l’intérest-, c’est Ie dieu du eoeur. Lanbsp;gloire n’est que Ie dieu de la bouche. Si Ie Prince, dit-on,nbsp;luy eust voulu promettre la lieutenance de Guyenne et Ienbsp;Duché d’Albret, si Ie Due d’Orléans luy eust voulu don-ner Ie commandement de ses troupes et l’oster au Duenbsp;de Beaufort, on croit qu’il ne se fust pas fait Mazarin.nbsp;Le désespoir et l’intérest l’ont ietté dans ce party.
En tout cas, ie ne le blasme que d’auoir cru triom-pher d’vn party que son maistre appuye. Ie ne le blasme que d’auoir cru trouuer ses interests chez le plus intéressé de tous les hommes. Ie ne le blasme que d’auoirnbsp;pris vn party choqué de toute la haine de l’Estat. Ie ne lenbsp;blasme que d’auoir cru trouuer l’intérest en le cberchant.nbsp;Vn braue comme luy ne doit viser qu’a la gloire. Tous lesnbsp;autres obiects le doiuent faire rougir; et s’il aime autrenbsp;chose que ce qui fait l’honneste homme, il cesse de l’estre.
LE CARDINAL MAZARIN.
11 est vray que le Mazarin n’a fait que ce que tous ses
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prédécesseurs dans Ie Ministère ont fait; inais son malheur est qu’il n’a pu piller que ce qui estoit nécessaire pour subsister, et qu’en ostant ce mauuais reste, il a faitnbsp;crier au voleur. S’il eust pu piller sans tont rauir, il eustnbsp;esté vn voleur impuny. II a esté raalheureux en ce qu’ilnbsp;est venu Ie dernier et qu’il a esté oblige de piller ce qu’onnbsp;ne pouuoit perdre sans perdre patience. Quand vn peunbsp;ple est ricbe, les premiers voleurs d’Estat pillent sansnbsp;danger paree qu’ils pillent dans l’abondance. Les secondsnbsp;commencent a faire murmurer, paree qu’on voit du dé-croissement dans les finances. Les derniers sont heureuxnbsp;s’ils ne sont assommez, paree qu’ils ne peuuent rien prendre sans prendre tout.
On ne nie pas que Mazarin ne soit vn voleur : c’est son premier mestier; c’est Ie mestier de ses pères; c’estnbsp;la profession de ses ancestres; mais on s^ait que, parmynbsp;les Ministres d’Estat, il n’a pas esté Ie seul voleur. II anbsp;peut estre esté Ie plus insatiable ou Ie plus prompt a vo-ler ; et c’est de quoy ie l’accuse. S’il nous eust despouil-lez peu a peu, nous eussions encore esté assez sots pournbsp;n’en dire mot. Au lieu de retenir le manteau, nous luynbsp;aurions peut estre donné la chemise. Son auidite Fanbsp;perdu; et 1’énormité de son butin Fa rendu trop visiblenbsp;pour le tolérer.
Cette auidité n’est pas la seule cause de la perte du Mazarin. Il a voulu se rassasier de Fhonneur comme ilnbsp;se rassasioit de la substance du peuple. Cette mesme qua-lité de coquin de naissance luy a cause cette soif d’hon-neur inaltérable. Pour la contenter a Fesgal de Fautre, ilnbsp;a fallu d’abord faire marcbepied de tout ce qu’il y a eunbsp;de grand dans FEslat. Les grands s’en sont rebutez; les
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génércux se sont liguez; et tous vnanimemeiit ont conspire sa ruine.
Pour moi, ie n’accuse Ie Mazarln que d’auoir eu vne politique qui ne luy a point réussi. C’est vn coquin denbsp;fortune qui a eu de 1’ambition. II en a suiuy les mouue-mens; il les a mesnagez Ie mieux qu’il a pu. Si la politique des Estats se mesnageoit comme Pintrigue desnbsp;flious et des bandits, il y eust peut estre réussi. II n’es-toit que pour estre charlatan ou tout au plus estafiernbsp;dans quelque maison de Cardinal. II a veu que la Francenbsp;n’estoit pas trop difficile pour lechoix des hommes d’Es-tat; il y est reuenu; il a réussi; on l’a receu a brasnbsp;ouuerts. Tous les grands luy ont fléchi Ie genouil. Lesnbsp;pcuples Tont adoré. La Reyne l’a fait son indépendant.nbsp;Pourquoy l’accusons-nous ?
Ne scauions-nous pas qu’il estoit d’Italie? qu’il n’estoit entré dans nos bonnes graces que par vn trait de fourbe? Ne nous auoit-on pas dit qu’il estoit surnomménbsp;Ie pipeur et Ie charlatan par antonomaze ? Pouuions-nousnbsp;ignorer qu’il eust fait Ie mestier d’introduire les ambassadeurs de Vénus ou les estalons d’amour?
Ce n’cst pas luy qui est coupable, mais ceux qui l’oiit protégé et Ie protégent. Il a fait ce qu’il deuoit faire etnbsp;que tout autre que luy n’eust pas manqué de faire s’ilnbsp;1’eust peu. Tous ses manquemens et tous ses attentatsnbsp;sont les crimes de ses protecteurs. Ce sont eux qui doi-uerit estre punis de toutes ses maluersations. C’est a euxnbsp;que la lustice s’en doit prendre.
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CHOIX
Relation 'veritable de ce qui s'est passé a Pon-toise, en la reception des six Corps des Mar-chands; ensemble leurs Harangues, et ce qui leur a esté répondu par le Roy et la Reyne
[3218].
(29 septembre 1682.)
Le Dimanche, vingt-neufiesme Septembre, arriuèrent a Pontoise, sur les trois a quatre heures apres midy, lesnbsp;Dëputez des six Corps des Marchands Bourgeois de lanbsp;ville de Paris, au nombre de soixante et dix, taut Drap-piers, Epiciers, Merciers, Pelletiers, Bonnetiers, qu’Or-pheures, tous conduits par le sleur Patin, Ancien et grandnbsp;Garde de la Drapperie, lequel, en cette qualité, portoitnbsp;la parolle.
Lors de leur arriuée, le E.oy estoit dans la cour du Cbasteau, accosté sur vne espèce de Balustrade, accom-pagné du sleur de Vitermont et autres Capitaines et Officiers du Régiment des Gardes qui venoient d’arriuer denbsp;Dunquerque ou ils estoient en garnison lors de sa prise,nbsp;et rendoient compte a sa Malesté de ce qui s’y estoit passé.
Le Roy voyant arriuer cette quantité de Carrosses remplis de Bourgeois escortez d’enuiron cent cinquantenbsp;Caualliers, demanda ce quec’estoit; a quoy fut respondunbsp;([ue c’estoient les Députez des Bourgeois de sa bonne villenbsp;de Paris qui le venoient supplier d’y retourner. Aussinbsp;tost il partit du lieu oii il estoit, et alia dans vn Jardin dunbsp;Cbasteau, ou, après auoir demeuré vne grosse demienbsp;heure, il en sortit et monta en sa charabre.
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DE MAZARINADES.
La Reyne estolt pour lors a Yespres aux Carmélites, d’oü estant reuenue au Chasteau, en descendant de sonnbsp;Carrosse, d’vn air riant, dit a Monsieur Ie Comte d’Or-val, son Escuyer : « Hé bien, Monsieur Ie Comte, Messieurs de Paris sont-ils arriuez ? » Et ainsi montant en sonnbsp;appartement, elle demanda ou estoit Ie Roy, qui parutnbsp;aussitost et retourna a la promenade dans Ie mesme Jar-din d’oii il estoit sorti peu auparauant. Sur les sixnbsp;heures du soir, Ie Roy tint Conseil ou fut résolu quenbsp;Ie lendemain Lundy, Audience seroit donnée sur Ie midynbsp;a ces Messieurs les Députez, qui en attendant se logè-rent oü ils peurent.
Le Lundy 30, sur les sept heures du matin, ces Messieurs en Corps furent trouuer Monsieur le Lieutenant Ciuil dans son logis, au Couuent des PP, Cordeliers, etnbsp;la le prlèrent de les vouloir présenter a leurs Maiestez ;nbsp;sur quoy, après s’estrc excusé sur ce que Monsieur lenbsp;Préuost des Marchands Le Fèure estoit a Pontoise etnbsp;que c’estoit son fait, a cause que cette Députation n’es-toit composée que de Marchands, il ne laissa néantmoinsnbsp;d’en accepter la charge sur ce qui luy fust représenténbsp;qu’il estoit leur luge naturel et qu’ils ne connoissoientnbsp;Monsieur le Préuost des Marchands qu’en certaines cho-ses, et que sa Jurisdiction ne s’estendoit pas sur toutnbsp;comme celle du Lieutenant Ciuil, qui estoit le veritablenbsp;luge de la Police. II n’estoit plus question que de Ia Cérémonie ; pourquoy faire quatre des principaux furentnbsp;prier Monsieur de Saintot pour accompagner Monsieurnbsp;le Lieutenant Ciuil; ce qu’il fit; et, des Cordeliers, tousnbsp;furent en corps faire leurs visites.
Ils commencèrent par celle de Monsieur le Sur-Inten-dant des Finances qui les receut fort bien; et après
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CHOIX
auoir ouy Ie sieur Patin, il respondit que toute la disposition de la Cour estoit de donner a la Compagnie ce qu’elle désiroit; que de sa part il contribueroit a toutnbsp;ce qu’il pourroit pour faire voir a Messieurs de Parisnbsp;l’affection qu’il auoit pour Ie retour de Sa Maiesté dansnbsp;sa bonne Ville ; après leur auoir dit que véritablement ilnbsp;y auoit quelque chose a redire au procédé des Bourgeois,nbsp;sur ce que Ie Boy estant a S. Germain en Laye, les Pré-uost des Marchands, Escheuins et Bourgeois de la villenbsp;de Paris auoient pris des passe ports de son Altessenbsp;Royalle pour venir trouuer Ie E.oy a Saint Germain, etnbsp;que cela l’auoit d’autant plus estonné que la Métropoli-taine du Royaurne, ceste grande ville et ce monde, s’es-toient soumis a demander des Passeports a d’autres qu’anbsp;leur Souuerain. A cela luy fut respondu que ce n’auoitnbsp;point esté par marque de soubmission, mais seuleraentnbsp;pour éuiter les fréquentes incursions des gens de guerre,nbsp;qui, violant la foy publique, ródoient partout sans aucunnbsp;respect ni consideration. En suitte de quoy il asseura lanbsp;Compagnie et de son affection et de son seruice.
De la on fut chez Monsieur Ie Chancelier logé aux Vrsulines; lequel n’estant pas encore en estat d’estre veu,
qui,
auec
on fut cbez Monsieur Ie Garde des Sceaux.
tendresse, receut la Compagnie et dit que la Cour ne respiroit que Paris; qu’il approuuoit fort Ie zèle des Dé-pulez; maïs que ce n’estoit pas encore tout fait; que lanbsp;personne du Roy ne pouuoit pas estre en seurcté dansnbsp;vne ville tandis qu’il y auroit des ennemis de son Estat;nbsp;que Paris n’estoit remply que de gens de gucrre, allansnbsp;et venans; que de sa part il estoit obligé de représen-ter les inconuéniens qui en pourroient arriuer; qu ilnbsp;scauoit fort bieu , et par experience, que tons les bons
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Bourgeois n’auoient iamais manqué et d’affection et de fidélité enuers Ie Boy; que s’il y auoit eu du désordrenbsp;parmy eux, que ce ne pouuoit estre que la Canaille quinbsp;l’eust cause, et non les gens de bien; qu’il feroit ce qu’ilnbsp;pourroit pour que Ie Roy retournast en bref a Paris; quenbsp;toute la disposition y estoit ainsi qu’il l’auroit désia dit;nbsp;mals que parauant il falloit pouruolr a la seureté de lanbsp;personne du Roy. A quoy fut respondu que toute la seureté y estoit et que lors de l’approcbe de sa Maiesté,nbsp;on sortiroit de Paris soixante mille hommes pour luynbsp;aller au deuant, et qu’il n’y auoit que sa présence quinbsp;pourroit apporter Ie calme et la tranqulllité dans la villenbsp;et dissiper les menées de certains factieux qui estoientnbsp;aux gages de ceux qui taschoient de fomenter Ie désordre. Ce qu’ayant ouy, il remercia la Compagnie, l’as-seura de sa protection et de son seruice, et dit que Ienbsp;Roy donneroit audience sur Ie midy.
De la on retourna cbez Monsieur Ie Cliancelier, qui d’vne grace toute extraordinaire recent Ia Compagnie,nbsp;approuuant son affection auant que Pon luy eust dit au-cune chose; et comme il vit que Pon se préparoit a lanbsp;harangue, s’estant vn peu retire pour donner moyen a lanbsp;pluspart de la Compagnie d’entrer, Ie lieu estant vn peunbsp;serré, il entendit mot pour mot ce que Ie sieur Patin luynbsp;dit; a quoy il respondit ponctuellement, asseura la Compagnie de Paffection du Roy enuers ses suiets, et parti—nbsp;culièrement enuers les Parisiens; que iamais Ie Roy,nbsp;quoyque ieune, n’auoit tesmoigné pendant ces troublesnbsp;aucun ressentiment contre Paris ; que souuentes fois ilnbsp;luy auoit ouy dire qu’il Paymoit; qu’il n’y auoit du toutnbsp;rien a craindre, mais tout a espérer de sa clémence et denbsp;sa bonté; qu’il espéroit que sa Maiesté, croissant en
II 34
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CHOIX
age, croistroit aussi en affection et en bonne volonté; et que quant a la Reyne, il falloit tout espérer d’elle; quenbsp;la sincérité de ses actions feroit paroistre Ie contraire denbsp;ce que l’on auoit creu; qu’il auoit pris la liberté de luynbsp;reprësenter plusieurs fois et en particulier que depuisnbsp;vingt ans qu’il auoit l’honneur d’estre dans la charge denbsp;Chancelier, il n’auoit iamais connu dans les Parisiens quenbsp;fidélitë et amour pour Ie seruice du Roy; et que la dessusnbsp;la Reyne luy auoit fait l’honneur de luy dire qu’elle Ienbsp;scauoit bien et qu’elle se porteroit aussy tousiours pournbsp;eux; que ce qu’il disoit, il Ie disoit auec sincérité et qu’ilnbsp;ne parloit que du plus profond de son cceur; que Ienbsp;Roy, la Reyne et toute la Cour estoient tons disposez aunbsp;retour de Paris et que pour luy il y apporteroit ce qu’ilnbsp;pourroit; mais qu’ayant l’honneur d’estre du Conseilnbsp;du Roy, il n’osoit s’engager a luy faire entreprendre cenbsp;voyage, estant trés périlleux de Ie faire aller dans vnenbsp;Ville dont il n’estoit pas asseuré, non plus que ceux quinbsp;venoient de parler; que, bien que les bourgeois Ie sou-haitassent auec passion, ainsi qu’ils Ie tesmoignoient, ilnbsp;n’estoit pas a propos que iiy luy ny ceux du Conseil l’ynbsp;fissent aller ; que c’estoit a la Compagnie a Ie demahdernbsp;a la personne mesme du Roy et a luy déduire les raisonsnbsp;qui Ie pourroient émouuoir a entrer a Paris, soit pour lanbsp;seureté de sa personne, soit aussi pour y receuoir lesnbsp;vcEux et les obéyssances de tous ses fidels suiets; quenbsp;cela estant, pourueu qu’il y eust après la moindre appa-rence, Ie Roy ne manqueroit pas de s’approcher de lanbsp;Ville; qu’il l’y porteroit autant qu’il pourroit, et quenbsp;l’on se pouuoit en tout asseurer de sa personne, piiisquenbsp;estant Parisien, il y estoit doublenient oblige. Après quoy,nbsp;il remercia la Compagnie de rhonneur qu’elle luy auoit
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fait de cette visite, et la conduisit iusques a la porte de sa chambre, ou ayant salué les vns et les autres, il les as-seura, tant en general qu’en particulier, de son affectionnbsp;et de son seruice, et qu’ils auroient audience sur Ienbsp;midy.
Du logis de Monsieur Ie Chancelier, on fut chez Monsieur du Plessis Guénégault, et de la au logis de Monsieur Le Tellier, ou se trouua Monsieur Seruien, auxquelsnbsp;après pareilles Harangues que deuant, ils asseurèrentnbsp;la Compagnie de leurs seruices et bonnes volontez; quenbsp;le Roy et la Reyne estoient tout a fait disposez au retournbsp;de Paris; qu’en ce qui dépendroit d’eux, ils feroientnbsp;leur possible, iusqu’a se rendre supplians enuers le Roynbsp;pour la satisfaction de Messieurs les Bourgeois de Paris;nbsp;qu’outre que c’estoit leur patrie, ils estoient eneorenbsp;obligez par affection et pour beaucoup d’autres considerations a souhaiter le Roy dans Paris et la tranquilliténbsp;dans le Royaunie. Ce qu ayant dit, on les asseura que lenbsp;Roy approchant de Paris, 011 feroit vne baye de cefit milnbsp;hommes depuis Paris iusques a S. Denys, lesquels nenbsp;respiroient que la sacrée personne du Roy et sa presence.nbsp;Sur quoy ils asseurèrent que ce seroit en bref, mais qu’ilnbsp;falloitvoir leRoy et qu’ils auroient audience sur le midy.
L’beure venue, les Marcbands s’assemblèrent dans le lardin des Pères Cordeliers, et de la furent en Corps etnbsp;en Ordre au Cbasteau, reuestus de leurs Robbes de Garde,nbsp;et la furent introduits par le Sieur Saintot, Maistre desnbsp;Cérémonies , qui les eonduisit dans la Galerie Neufue oiinbsp;ils furent bien vne demy beure, attendant que le Roynbsp;fust reuenu de la Messe; après quoy estant de retour,nbsp;ils furent conduits dans vne Salie ou estoit Sa Maiesté,nbsp;^ccompagnée de la Reyne sa Mère, de Monsieur le Due
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d’Aniou, cle Monsieur de Vendosme et autreg Grands Seigneurs du E-oyaunie, de Monsieur Ie Chancelier, de Monsieur Ie Garde des Sceaux, de Monsieur Ie Sur-Intendant des Finances, de Messieurs les Secrétaires d’Estat et au-tres Officiers de la Couronne. La les Députez prosterneznbsp;a deux genoux aux pieds de sa Maiesté, Ie sieur Patin fitnbsp;sa harangue, supplia tres humblement Ie Roy d’honorernbsp;Paris de sa presence et d’y apporter la Paix et la tranquil-lité tant désirée de ses fidels suiets; que c’estoit la Ienbsp;seul motif de leur legation, d’asseurer sa Maiesté de lanbsp;fidélité et de l’obéyssance des Bourgeois.
II n’eust pas finy que Ie sieur Brun, vn des Gardes des Marchands Merciers, fist sa Harangue et au Roy et anbsp;la Reyne, et dans la suitte de sou discours entrecouppénbsp;de sanglots, beignant en pleurs, eust Ia force par l’affec-tion et par Ie zèle qu’il tesmoignoit au seruice du Roy, denbsp;tirer les larmes de sa Maiesté et de la pluspart de I’assem-blée, protestant qu’11 ne souhailtoit de viure que pour senbsp;sacrifier au seruice et a l’obéyssance qui estoit deue a sanbsp;Maiesté, et qu’il désiroit auoir cent mil vies pour les luynbsp;pouuoir offrir et les sacrifier a ses pieds •, que son coeurnbsp;parloit pour cent mil hommes qui auoient la mesme affection que luy, coniurant la Reyne de porter Ie Roy anbsp;la Paix, de faire qu’elle fust donnée, et de la donnernbsp;elle-mestne. Ce discours ainsi naturellement anime', etnbsp;sans aucun artifice de Réthorique, tira du Roy quelquesnbsp;parolles bien veillantes; et la Reyne qui dit auoir lesnbsp;sentimens du Roy, asseura la Compagnie de toute affection que Ie Roy leur tesmoigneroit tousiours et leur ennbsp;donneroit en peu de temps des premies qu’ils en auroientnbsp;toute satisfaction ; qu’il estoit asseuré de leur fidélité, etnbsp;trés rauy de les voir; que ce n’estoit pas luy qm estoit
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cause de tant de désordres, et qu’il estoit aussi bien qu’elle, trés fasché de ce qu’ils auoient tant souffert etnbsp;de ce qu’üs souffroient tant encore. A quoy fut respondunbsp;qu’il n’y auoit que la seule absence du Roy qui faisoitnbsp;souffrir Paris, et que sa seule presence estoit capable d’ennbsp;guérir tous les maux; que cinquante mil, voire centnbsp;mille hommes ne respiroient autre chose et que si sanbsp;Maiesté laissoit eschapper cette occasion, on ne pourroitnbsp;pas scauoir ce que ces gens la pourroient deuenir; quenbsp;sa Maiesté estoit de rechef trés humblement suppliée denbsp;mettre ordre a ces désordres, d’honorer Paris de sa presence et d’y apporter la paix.
La, Ie sieur Perrichon, aussi l’vn des Gardes des Mar-chands Merciers et l’vn des Maistres de l’Hoslel-Dieu de Paris, prit la parole, représenta au Roy la misére pu-bliquej que Ie dépeuplement de la campagne et la ruinenbsp;des Fermiers et des Laboureurs, auec Ie peu qu’on auoitnbsp;receu au bureau de Ia recepte généralle de l’Hostel-Dieu,nbsp;estoit cause que Pon ne pouuoit plus entretenir aucunsnbsp;pauures , bien loin d’en substanter trois mille que l’onnbsp;estoit prest de renuoyer et de mettre sur Ie carreau, n’ynbsp;ayant en l’Hostel-Dieu aucun moyen pour eux; qu’ilnbsp;pleust a sa Maiesté et a la Reyne de pouruoir a vne tellenbsp;nécessité; que leurs Fermiers se préualant de la guerrenbsp;11e se mettoient en nulle facon en peine de payer; quenbsp;la presence du Roy dans Paris y apportant Ia paix estoit Ie vray moyen de faire subsister Ie pauure et Findi-gent; qu’il ne tenoit qu’a sa sacrée personne que la cha-rité, la plus haute des vertus, ne fust exercée; qu’il estoitnbsp;trés humblement supplié de mettre la main a I’ceuure, etnbsp;que par ce moyen , en Ie faisant et donnant a son peuplenbsp;ce qu’il luy demandoit auec tant d’instance et de lustice,
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il surpasseroit en grandeur et en vertu tons les Roys ses prédécesseurs.
Le Roy pressé de douleur et de tendresse, ayant peine a luy respondre, dit seulement qu’il les remercioit; et lanbsp;Reyne en continuant dit qu’il ne falloit point douter denbsp;la bonne volonté du Roy, et qu’il estoit asseuré de la fi-délité et affection de ses fidels suiets et des bons Pari-siens; fit leuer la Compagnie qui auoit tousiours pavlé anbsp;genoux et la face contre terre; et après auoir dit qu’ennbsp;peu on feroit en sorte de les satisfaire et que l’on en re-chercheroit incessamment les nioyens, le sieur de Saintotnbsp;eut ordre de les faire retirer ; et sortirent par vne autrenbsp;porte après s’estre deux a deux prosternez aux pieds dunbsp;Roy. Ils s’en retournèrent au Couuent des Cordeliers oilnbsp;ils furent conduits par Monsieur le Comte de Nogent,nbsp;qui les asseura de la bonne volonté de la Reyne et quenbsp;tout iroit a leur contentement.
I’espère, Dieu aydant, donner a ma Patrie la satisfaction qu’elle pourra désirer des véritables relations de ce qui se passera en Cour pendant que i’y feray séiour,nbsp;espéraut continuer celle cy dessus auec autant de vé-rité et d’affection pour mes Compatriottes.
(1652.)
II est de Sicile natif.
II est tousiours prompt a mal faire. II est fourbe au superlatif.
II est de Sicile natif.
I
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II est d’vn naturel tardif :
II est lasche. II est mercenaire.
II n’est pas trop persuasif.
II n’a iatnais eu l’esprit vif.
II n’est ni galant, ni naïf.
II n’est qu’a son bien attentif.
Si Ie nostre Ie rend pensif,
Ce n’est que pour nous Ie soustraire; Et d’vn accord consécutifnbsp;Le peuple ne cesse de braire ;
II est de Sicile natlf.
II est tousiours prompt a mal faire.
On ne scait quel est ce chétif,
Quel est son père présomptif,
D’ou nous est venu ce faussalre,
S’il est noble ou s’il est métif;
Et la Cour, comme le vulgaire ,
Chante pour tout point décisif :
II est de Sicile natif.
II est tousiours prompt a mal faire.
Puisqu’il est si vindicatlf,
Que son poison est corrosif,
Et qu’il a l’asme sanguiuaire,
Qu’vn diable est son maistre instructif, Qu’il n’est point de préseruatif,
De remède confortatif,
De vuide, ni de lënitif,
Qu’on manque de restauratif Et qu’il n’est aucun correctifnbsp;Contre ce ministre offensifnbsp;Dont nostre perte est le motif,
II n’est rlen de plus positif Que le Chrestien, comme le Juif,
-ocr page 546-Peut (i’vn accent alternatif Dire au moins pour se satisfaire :
I] est de Sicile natif.
11 est tousiours prompt a mal faire.
Ce faquin est gras comme suif Et n’est pas beaucoup maladif.
II n’est ui fourbu ni poussif;
Mais pour Ie point génératif II aime Ie copulatif;
Autrefois on Ie vit passif;
Maintenant on Ie croit actif;
Et quoique pour chose si claire II est fort sur Ie négatif,
On peut soustenir Ie contraire :
II est de Sicile natif.
II est tousiours prompt a mal faire.
Chez lui, tout est impératif;
Et comme il scait peu la grammaire , 11 ne connoit point Ie datif;
II pretend faire vn positif De tout pronom démonstratif.
II fait vn grand préparatif Dont il sera mémoratifjnbsp;Mais on scait que ce fugitifnbsp;Ne fut iamais expéditif,
Qu’il n’a pas 1’esprit inuentif Et que ce n’est qu’vu apprentifnbsp;Dans la science militaire.
II est mescbant. II est craintif.
II est de Sicile natif.
II est tousiours prompt a mal faire.
Quoiqu’il soit fort appréhensif.
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11 pille tousiours en corsaire.
II charge d’vn bien excessif Aussi bien galère qu’esquif.
11 a des tables d’or massif,
Dont on fait ailleurs innentaire.
Sons lui tont Ie peuple est captif.
II est de Sicile natif.
11 est tousiours prompt a mal faire.
Mais qu’il ne soit plus si rëtif De peur qu’vn bois de chesne ou d’ifnbsp;N’empesche vn bourreau d’estre oisifnbsp;Et quVne leltre circulairenbsp;Ne prone encore d’vn ton plaintif :
II est de Sicile natif.
11 est tousiours prompt a mal faire.
II est fourbe au superlatif.
II est de Sicile uatif.
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CHOIX
Relation véritahle des particularitez ohseruées en la reception du Roy dans sa bonne Villenbsp;de Paris , et tout ce qui s est fait et passé ennbsp;Parlement Ie Lundy 21 octobre 1651 , ennbsp;presence de son Alt. Roy alle et autres Duesnbsp;et Pairs de France, auec la Harangue faitenbsp;par M. Ie Préuost des Marchands a sa Ma-iesté [3260j.
I!'.' j
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(21 octobre 1652).
w
IfI'^ 1
Monseigneur Ie Due d’Orléans s’estant renclu au Palais sur les huict heitres du matin, acconipagné de Monsieur Ie due de Beaufort, Monsieur Ie Mareschal d’Es-tampes et autres Seigneurs, et ayant pris sa place a I’accoustumee, Monsieur Ie Président de Nesinond luy anbsp;adressé la parole et dit qu’il auoit receu Lettre de Cachet de la part du Boy, qu’il a presentee a la Compagnie,nbsp;sur la suscription de laquelle il y auoit :nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nostre amé
et féal Monsieur de Nesrnond., nostre Conseiller dEs-lat et Président en nostre Parlement^ qui porte :
Qu’il aye a se trouuer Ie Mardy 22 d’Octobre en son Chasteau du Louure pour receuoir et entendre ses vo-lontez sur toutes les affaires présentes.
Aucuns de Messieurs se sont plaints de ce que plu-sieurs d’entre eux auoient été ohmis et auxquels on n’a-uoit pas escrit, qu’il semhloit qu’il y eust du particulier, que l’on vouloit demeurer dans vne dissimulation tropnbsp;secrette, pour leur iouer quelque piece dans ce temps.
II est arriué qu’vn particulier est entré dans 1 Assem-
blée et a présenté vn gros pacquet; lequel ayant esté dé-ployé, il se seroit trouué qu’il y auoit dans ledit pacquet six autres petits pacquets.
Le premier pour Messieurs de la grand’Chambre, et les autres pour les cinq autres Chambres des Enquestesnbsp;du Parlement de Paris, lesquels ayant esté aussi ouuerts,nbsp;il s’y est trouué plusieurs particularitez qui seroient tropnbsp;prolixes a reciter.
Messieurs de Paris ayant sceu le lour pris par sa Ma-iesté pour y reuenir, lis enuoyèrent par toutes les Par-roisses et Églises commander de cariilonner; ce qui a esté fait depuis les trois heures de releuée iusques a l’ar-riuée de sa Maiesté en son Louure;
Et le soir du mesme iour, faire les feux de ioie par toutes les rues de la Ville, pour tesmoigner le grandnbsp;contentement qu’elle auoit de voir son Roy auec elle.
Dès les huict heures du matin, vne Compagnie des Archers de la ville a cheual, auec leurs hocquetons etnbsp;trompettes, s’allèrent rendre a 1'Hostel du Mareschal denbsp;rHospital, Gouuerneur de Paris, pour le conduire et ac-compagner a la Maison de Ville, pour, auec Messieursnbsp;les Préuost des Marchands, Escheuins et les Mandez,nbsp;aller receuoir le Roy a son arriuée.
Au deuant du Roy, allèrent toute la Noblesse des qua-tre Académies, trés bien montez et couuerts, iusques au dela du Cours a la Reyne.
Quantité de Seigneurs et Nobles furent iusques a Ruel, OU le Roy fut receu par Madame la Duchesse d’Ai-suillon et disna au Chasteau auec Monsieur le Due
o
d’Aniou, son frère.
Monsieur le Préuost des Marchands, Escheuins et Officiers de Ville et vn grand nombre de Bourgeois man-
-ocr page 550-dez, tous a cheual, auec les trois Compagnies d’Archers et d’Arbalestriers, sortirent aussi iusques au dela dunbsp;Cours.
Tl y auoit vne multitude infinie de Peuple de tous les quartiers de la Ville, curieux de voir arriuer Ie Roy anbsp;Paris.
Auparauant arriuèrent a Paris Monsieur Séguier, Chancelier de France, Monsieur Ie Premier Présidentnbsp;Molé, Garde des Sceaux, Messieurs les Présidens denbsp;Nouioa et Le Coigneux, les Secrétaires d’Estat, partienbsp;des Gardes Francoises et Suisses.
Sur les six a sept heures du soir, le Roy arriua a Paris par la porte S. Honoré et alia descendre aunbsp;Louure.
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Sa Maiesté estoit accompagnée de Monsieur le due d’Aniou, son frêre, du Roy d’Angleterre, du Due denbsp;Vendosme, du Cardinal de Retz, de plusieurs Dues etnbsp;Pairs de France,
Des sieurs d’Estrées, de l’Hospital et de Villeroy, Ma^ reschaux de France,
Des quatre Compagnies des Académies,
Et d’vn grand nombre de Noblesse.
Entre trois heures de releuée iusques a I’arriuee du Roy a Paris, l’on carillonna par toutes les Paroisses etnbsp;Églises de Paris;
Et au soir les Canons de l’Arsenal et de la Grèue, au nombre de quarante-six, auec quantité denbsp;Boetes;
Et par toutes les rues de Paris, les Feux de ioye et des Lanternes allumées aux fenestres, auec cris denbsp;Roy] et mousquetades, ce qui dura iusques a dix et onzenbsp;heures du soir.
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DE MAZARINADES.
Harangue de Monsieur Ie Préuost des Marcfiands faicte au Roy.
SXRE,
Votre bonne Ville de Paris veut tesmoigner a Vostre Maiesté la grande ioye qu’elle a de son heureux retournbsp;en icelle. Elle la considère comme son Soleil dont lanbsp;presence dissipera tous les nuages obscurs et ténébreuxnbsp;d’ennuy et de tristesse qu’elle a soufferts pendant son absence. Elle se promet auiourd’buy iouir des iours d’Al-cyon, exempts d’orages, de tempestes et de tourbillons.nbsp;Ce luy est vne Iris Thaumentide qui luy donne asseu-rance d’vne bonne Paix, dans laquelle elle reprendra sonnbsp;ancienne splendeur et reuerra la prospérité en ses families; et, nonobstant toute la mauuaise saison qu’ellenbsp;a eue durant quelques années, cela n’a rien diminué denbsp;l’estimation naturelle qu’elle a d’aymer son Roy, ainsinbsp;qu’elle a fait entendre a vostre Maiesté par les Députeznbsp;des six Corps des Marchands, par la boucbc de ses Colonels et par la nostre, sans se départir iamais du seruicenbsp;et de l’obéyssance qu’elle a tousiours eue singuliere, protestant de vouloir viure et mourir auec cette gloire d’es-tre fidèles a^Vostre Maiesté, de laquelle,
SiRE ,
Ils veullent estre creus
Tres humbles et tres obéyssants seruitcurs et Subiects.
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Argus, II, 209. Aristide, I, 236. Aristote, I, 63, 390, 406 ; II, 4S7, 461, 462. Arnauld, gén. des Carabins,!!, 282. Arnoul, financier, I, 125. Arteveld (Jacques), II, 425. Assur, I, 72. Atrée, II, 462. Attila, I, 388. Aubert, financier, I, 118. Aubrav (Dreux d’), lieutenant civil au Chatelet de Paris, I, 214. Aubry, president de la Chambre des Comptes, I, 210 Auguste, I, 364, 390; II, 48. Aumale { Charles de Lorraine, due d’), I, 14. Avaux (Claude de Mesmes, comte d’), II, 19. Aymon (les quatre fils), I, 355. Ayragny, II, 217. B Baebaumont (Francois Le Coigneux, sieur de), conseiller au parlementnbsp;de Paris, I, 181, 436. Bachelier, financier, I, 129, Bailleul (Louis de), président.i,mortier au parlement de Paris, I, 174; II, 421. Baiots, financier, I, 132. Balthazar, conseiller au parlement de Paris, IL 443. Balzac (Jean-Louis Guez de), I, 491. Barbe, financier, I, 134. Barberini (Antonio), cardinal, I 96,99, 154. Barbier (Louis), abbé deLa Rivière, évéque de Langres, I, 104, 166,nbsp;174. Barbier, financier, I, 138. Barbier, II, 219. Barclai (Jean), II, 213. Barillon (Jean-Jacques de), président a mortier au parlement de Paris, I, 29, 101, 292, 306, 333,nbsp;334; II, 17, 37, 248. Barin (sieur de La Galissonnière), maltre des requétes, I, 216. |
Barrières, II, 151, 219. Bartet, agent du cardinal Mazarm , II, 279. Barlhélemy (sieur d’Oynville), mai-tre des Comptes, I, 213. Bas (le sieur de), II, 151. Bastier (Miles Marguerite et Marie), II, 204. Bautru (Bernard de), avocat au parlement de Paris, I, 211,479. Bautru (Guillaume), I, 55, 123, 174, 303, 411,503; II, 441. Bautru-Nogent, financier, I, 114. Bazinière (de La), financier, I, 129. Beaufort (Francois de Vendome, due de), I, 101, 110, 112, 183,nbsp;220, 306, 308, 334, 413, 421,nbsp;433, 436, 501, 503, 504, 505,nbsp;506; II, 14, 15, 18, 32, 37, 41,nbsp;68, 84, 87, 89, 99, 109, 114,nbsp;115, 116, 147, 174, 182, 206,nbsp;248, 270, 287, 301, 365, 378,nbsp;382, 392, 413, 421, 425, 509,nbsp;513, 523, 538. Beaumais, mercier, I, 519. Beaupuy (le sieur de), gentilhomme dn due de Beaufort, I, 433. Beaurain, financier, I. 133. Beausemhlant , nom de comédie qu’on prétait a Isaac de Laffemas, II, 193. Beauveau (le comte de), II, 216. Becbefer (de), substitut du procureur general du roi prés du parlement de Paris, II, 450, 451. Bebr, II, 205. Bellegarde (Roger, due de), II, 44, 57. Belleroze (Pierre le Messier, dit), comédien, I, 438 ; II, 193. Bellièvre (N. Pomponne, sieur de) cliancelier de France, I, 444- Belbèvre (Nicolas Pomponne de), président a mortier au parlementnbsp;de Paris, depuis premier président, I, 211. Bénicourt (de), armurier, a 1’en-seigne de la Chasse-Royal^i 1, 291. Benoise, conseiller au parlement de Paris, I, 216. |
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Clré (Ie baron de) , II, 192. Clanleu (Ie marquis de), I, 273; II, 111, 113. Claudian , poëte latin, I, 397. Claudius, censeur, I, 394. Claudius César, empereur, I, 59. Clément (Jean), coutelier, I, 519. Clesia, II, 217. Clinchamp (Bernardin de Bourgue-¦ville, baron de), II ,421. Clodion Ie Chevelu, I, 388. Clovis, I, 281 ; II, 215. Colion (Antliyme-Denis), évêque de Dol, I, 121, 179, 185, 196; II,nbsp;123, 124, 314. Colbert, financier, 123. Coligny (Gaspard II, amiral de), II, '314. Colonna, Ie cardinal, II, 245. Colonne, Ie connétable, 1, 154. Comines (Philippe de), I, 229, 392. Condé (Henri II de Bourbon, prince de), ;1, 150,156, 163 ,nbsp;465, 498. Condé (Louis II de Bourbon, prince de), I, 8, 32, 56, 92, 106, 149,nbsp;173, 177, 180,184, 192, 193,nbsp;197, 198, 202, 231 , 234, 263,nbsp;272,298 , 327 , 336,344, 432,nbsp;433, 435,436,445, 470,472,nbsp;479, 482, 498, 511; II, 14, 15,nbsp;18, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26,nbsp;27, 28, 30, 31, 32, 33. 34, 36,nbsp;38, 41, 44, 45, 47, 48, 49, 53,nbsp;54, 55, 57, 50, 60, 63, 68, 81,nbsp;105, 110, 113, 133, 178, 181,nbsp;182, 204, 210, 214, 217, 2l9,nbsp;247, 250, 254, 257, 261, 263,nbsp;265, 269, 271, 272, 273, 275,nbsp;278, 280, 284, 286, 289, 290,nbsp;300, 304, 313, 325, 327, 329,nbsp;330, 344, 345, 346, 348, 350,nbsp;359, 361, 364, 367, 377, 379,nbsp;380, 383, 388, 390, 393, 413,nbsp;414, 415, 416, 417, 418 , 419,nbsp;420, 421, 422,424,426, 429,nbsp;431, 432,450 , 470,501,504 ,nbsp;5 10, 511, 512, 614 , 510 , 523. Condé ( Charlotte-Marguerite de Montmorency, princesse douai-_ rièrede), I, 173; II, 16, 172. Condé (Claire-Eugénie de Maillé- |
Brézé, princesse de), I, 173, 202, 219;II, 16, 172. Conradin, II, 181. Constance, 1’empereur, II, 310. Constantin, musicien du temps, I, nbsp;nbsp;nbsp;17, 142. Conty (Armand de Bourbon, prince de), I, 56,161, 173,182,268,nbsp;414, 420, 431, 432, 472, 511; II, nbsp;nbsp;nbsp;14,22,26, 28,41,46, 52,nbsp;56, 63, 72, 78, 80, 107, 108,nbsp;152, 153, 160, 204, 250, 277,nbsp;282,286,292, 300, 325, 419,nbsp;429. Coquelav, conseiller au parlement dePaïis, I, 214. Corbet, II, 205, 218. Core, grand prêtre d’Israël, I, 69. Cornuel (Claude), financier, 1,113, 114, 118, 120; II, 408. Cosmar (Ie marquis de), II, 45. Cosnac (Daniël de), archevéque d’Aix , 1, 125. Costar (1’abbé Pierre), II, 149. Coste (Pierre), II, 10. Cottignon, 1,221. Cottiiiet (Arnould), libralre, I, 497. Coudray (N. du), conseiller au parlement de Paris , 1, 23. Coulanges (de), financier, I, 134. Coulon (Jean), conseiller au parlement de Paris, I, 181,217. Courtin, conseiller au parlement de Paris, I, 221. Courtin, maitre des requétes, 1,216. Courtois, valet de chambre de la reine mère, II, 282. Couttayes (Ie sieur de), 1, 513. Crécy (Ie sieur de), II, 151. Créon , roi des Thébains, II, 215. Crépin, conseiller au parlement de Paris, I, 211. Créquy (Francois de Bonne, marquis de), 1, 174. Cresson (Ie sleur de), I, 431. Crispus Passienus, II, 48. Cromwel (Olivier), II, 4l6y'*30. Cugnac (Ie marquis de), I. ¦^96. Cujas (Jacques), 1, 460 ; II, 461. Cumont ( sieur de ) gt; conseiller au parlement de Paris, I, 215; II,nbsp;130. |
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TABLE ALPHABÉTIQUE.
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LaBerg«rie (M. de), II, 207. Laboulaye (Maximilieii Eschalard, marquis de), I, 112, 297, 348,nbsp;357, 422, 435; II, 84, 100, 122,nbsp;148, 149, 161, 378, 413, 414. La Chltre (Mile de), II, 204, 218. La Claucire, II, 29. La‘ Coste (peut-etre Pierre Coste), II, 220. La Croix (de), maitre des Comptes, I, 213. Lactance (Lucius, Coelius, Firmia-nus), II, 368. La Fare (Charles-Auguste, marquis de), II, 29. La Ferté(Marc), I, 210. Laffemas (Isaac de), maitre des re-qiiétes,!, 217;II,186,192, 198. Laffemas (N., abbé de), 1,295,349. Lafleur, tambour, II, 157. La Forests, financier, 1,115. LaGastine (de), I, 221. Lagneau, astrologue, I, 177. La Grange (de), sieur de Marcon-ville, conseiller au parlement de Paris, 1,216. La Grange (sieur de, maitre des Comptes), I, 215. Laigue (le marquis de), II, 289, 513. Laisbordes, II, 217. Laisne, conseiller au parlement de Paris, I, 213. La Lous'ière (sieur de), lieutenant-gouverneur de la Bastille, II, 84. La Magdeleiue, II, 217. La Magne ou Lumagne, financier, I, 116. Lamoignon (Guillaume de , sieur de Bayille), maitre des requétes, I, nbsp;nbsp;nbsp;211. Lambert, financier, I, 135, 136 ; II, 409. La Motte, II, 217. La Moussaie (N., marquis de), II, 203, 213. La Nauve (sieur de), conseiller au parlement de Paris, I, 215; II,nbsp;137. Landais (Pierre), favorx de Pran-cois II, due de Bretagne, I, 164, 410. |
Langue (le baron de), II, 216. Languet, financier, I, 134. Lantot, financier, I, 121. Lapat, financier, I, 132. La Peyrère(Isaac de), II, 205, 214. La Piardière, financier, I, 124. La Pierre (le sieur de), exempt des gai'des du prince de Condé, 11,nbsp;219. La Porte, arlequln de la Comédie italienne, II, 192. La Raillère, financier, I, 118, 121, 122, 128, 442,458; II, 100.nbsp;Larcher, sieur d’Esboulets, I, 222.nbsp;La Roche (le sieur de), II, 220. La Rochefoucauld (I’rancols VI, due de), n, 128, 291, 430. La Rochefoucauld (le chevalier de) II, 216 La Roque (sieur de), II, 205, 216, 219. La Trousse (de), I, 351. Launay Grave (Jean de), conseiller au chatelet de Paris, I, 121, 122,nbsp;137; II, 124. Launov (le comte ^e), I, 182; II, 29. Laurent, prends ton verre, I, 494. Laverdin (le marquis de). II, 148, 150. La Baillie (sieur de), I, 217. Le Blanc, procureur. It, 224. Le Camus, controleur general des finances, 1, 117, 118, 119, 123,nbsp;138, 323; II, 409. Le Clerc, financier, I, 133. Le Coigneux (Jacques), président a mortier au parlement de Paris, I, nbsp;nbsp;nbsp;116, 174, 210; II, 137, 408,nbsp;440, 441, 540. Le Coq (Jean), sieur de Goupillier, conseiller au parlement de Paris. II, nbsp;nbsp;nbsp;130, 137. Le Dru (Nicolas), I, 311. L’Eclanche, I, 494. Lefebure, tresorier de France, I, 114, 211. Le Feron (N.), president aux enquêtes et prévót des marchands de Paris, I, 137, 217; II 97nbsp;103, 487, 527. Lefèvre (Louis-Francois, sieur de |
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léans, comte de Saint-Paul, puis duo de), I, 177; II, 102. Lopes, marchand portugais, I, 5S, 303. Loppin (Isaac), I, 377. Lorraine (Charles IV, due de), I, 272; II, 126, 140,214,392,393,nbsp;423, 424, 480. Lorraine (Charles de), cardinal, II, 449. Lothaire, roi de France, I, 61. Lottin (N.), président du grand-conseil, I, 4. Lottin, conseiller au parlement de Paris, I, 216. Lottin (sieur de Charni), nialtre des requêtes, I, 216. Louet, guépein, I, 88. Louis Ie Débonnaire, empereur, I, 61 ; n, 333. Louis 11, roi de France, I, 81. Louis VII, dit Ie Jeune, roi de France, I, 392. Louis XI, roi de France, I, 36S, 392, 409, 442; II, 233, 237,nbsp;438. Louis XII, roi de France, 1, 380, 401, 444; II, 31,438. Louis XIII, roi de France, I, 28, 83, 296, 401, 409, 476; II, SI,nbsp;202,472, Louis XIV, roi de France, I, 34, 173, 473, 510, 314; II, 301. Loyseau (Charles), I, 366. Lucrèce, I, 369. Luynes (Charles d’Albert, due de), connétable de France, I, 62; II,nbsp;44. Luynes (Ie due de), I, 264, 433; II, 128, 140, 190. Luynes , commissaire général aux saisies réelles, I, 133. M Machault (Francois de), conseiller au parlement de Paris , 1, 221 ;nbsp;II, 448, 449, 431. Macliiavel (Nicolas), I, 6, 99, 236, 278, 319, 337, 344, 347, 380,nbsp;312. Machoire (1’ahhé de La), I, 4)4. |
Macquars, financier, I, 113 Magalotti, marcchal de camp, I, 138. Maillet, financier, I, 116,123. Mailly (Jean-Baptiste), I, 203, 339, 437, 301 ; 11, 406. Maisons (René de Longueil, sieur de), président a mortier au parlement de Paris, II, 238, 431. Mallet, financier, I, 127, 130. Mamurra, II, 241. Mancini (Laure-Victolre), nlèce du Cardinal Mazarin, I, 104; II, 38. Mandat (Galiot), conseiller au parlement de Paris, II, 442. Manicamp (Louis de Madalllan de Lesparre, marquis de), I, 304. Manzini, beau-père du cardinal Mazarin, I, 268. Manzini (la), soeur du cardinal Mazarin, I, 292. Mare Antoine, triumvir, I, 169, 382. Marc Aurèle, I, 353. Marcellus (Quintus), consul, 1,39. Marche, II, 217. Marchin ou Marsin (Jean-Gaspard-Ferdinand, comte de), IJ, 377, 430. Marcillac, financier, 1, 132. Maressar ou Meressars (M. de), II, 203, 218, 219. Margonne, financier, I, 113. Marie Stuart, reine d’Ecosse, II , 129. Marie Tudor, reine d’Angleterre, I, 60. Marigny (Jacques Carpentler de), II, 242, 397. Marillac (Louis de), maréchal de France, I, 401, 436. Marillac (Michel de) , garde des sceaux de France, 464. Marin (Claude), intendant des finances, I, 118, 138. Marin (dit Rigny ], financier I 126. Marius, I, 371. Marre (le baron de), II, 142. Mars, II, 81,203, 212, 219. Marsillac(N. de La Rochefoucauld, prince de), I, 431. |
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Mercoeur (Louis de Vendóme , due de), I, o09; II, 35,38,263,281.
Merlin-Coccaïe, I, 471.
Mérovée, roi des Francs, I, 388.
Mesme (Henry, sieurde), président a mortier au parlement de Paris,nbsp;I, 209; II, 19, 130, 137.
Mestrezeau, I, 13.
Metz (Henry de Bourbon, évéque de), abbé de Saint-Germain desnbsp;Prés, II, 46.
Meusnier, financier, I, 136.
Mlchaut, financier, I, 12o.
Michel (Ie Père), de 1’ordre des Ca-maldoli de Grosbois, 1,263, 433, 502; II, 134.
Mignot, financier, I, 123.
Milet, procureur au parlement de Paris , 1, 221.
Mlleti, 1, 311.
Minerve, II, 202, 212.
Miron (Jacques, sieur du Tremblay), maitre des comptes et colonel de la milice, I, 213 ; II, 386.
Mithridate, roi de Pont, II, 163.
Mittanour (Dufour Jean), I, 319.
Mizelas, Ie vieil, roi de Pologne , 1,60.
Moïse, 1, 69 ; II, 463.
Mole ( maitre), receveur des rentes de la cour des Comptes, I, 213.
Molé (Malthieu) , premier président du parlement de Paris, I, 18,nbsp;124 209,430; II, 130,137, 183,nbsp;287,342,346,439,316,328,340.
Molé (N.), évéque de Bayeux, II, 120.
Mommirot, financier, I, 136.
Momus , II, 193.
Monaco (Ie prince de), I, 97.
Mondini ou Mondin (l’abbé), do-mestique du cardinal Mazarin, I, 98, 410, 311 ; II, 247.
Monguignard, 11, 218.
Monnerot, financier, I, 123, 129.
Montaigu (Jean de), intendant des finances et grand maitre de F ranee , I, 394.
Montaigu (lord), II, 389.
Montauban, avocat au parlement
de Paris, II, 198.
Montaulieu, II, 217.
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Montauron , financier, I, 133.
Montbazon (Hercule de Rohan, due de), gouverneur de Paris et denbsp;l’ile de France, I, 167, 173;nbsp;II, 15, 44.
Montbazon (Marie de Rohan, du-chesse de), I, 174 ; II, 377, 310.
Montecot (sieur de), maitre des re-quêtes, I, 216.
Montelon , avocat au parlement de Paris, 1, 220.
Montespan (Louis de Pardaillan de Gondrin , marquis de), II, 430.
Montigny (M. de), II, 203, 218.
Montmaur (Ie sleur de), I, 209.
Montmorency (Lisblus de), II, 213.
Montmorency (Anne de), conné-table de France, I, 409 ; II, 271.
Montmorency (Henri II, due de), maréchal de France, I, 401; II,nbsp;52.
Montpensier ( Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de), Mademoiselle, I, 103, 173, 202; II,nbsp;330, 383, 303.
Mont-Remy (Lysoie de ), II, 213.
Montreuil, 11,217.
Morin, financier, I, 136.
Mortemart (Ie marquis de), I, 174.
Mothe - Houdancourt ( Philippe de La), due de Cardone , maréchalnbsp;de France, I, 101 , 106 , 112 ,nbsp;184, 306, 334, 413, 422, 434,nbsp;304; II, 17, 41, 57, 80, 109,nbsp;115, 117, 119, 120, 149, 248,nbsp;313,322.
Mothe-Houdancourt (Henry de La), archevéque d’Auch, I, 101, 434.
Motteville (Francoise Bertaud, dame de), I, 431 ; II, 168.
Mousseau, financier, I, 131.
Moussy (sieur de), maitre des Gomptes, 1, 214.
Moysel, financier, I, 121.
Muissat, financier, I, 136.
Mutl (la), steur du cardinal Mazarin, I, 292.
N
Naboth, I, 261.
Nabuchodonosor, I, 437 ; II, 334.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Naudé (Gabriel), bibliothécaire du Olier (Jean-Jacques)j curé de Saint-cardinal Mazarin, I, 1, 28, 39, Sulpice, 1,519.
56, 65, 92, 123, l'i9, 246, 263, Olimpia(MaïdalcbbiiPamphili, dite 268, 289, 293, 295, 314, 348, la signora), II, 447.
358, 408,425, 437; II, 222. Ondedei (Zungo), maitre de cham-Nauplins, II, 216. nbsp;nbsp;nbsp;bre du cardinal Mazarin. II, 342.
Navailles (Philippe de Montaut de Orgeval (d’), conseiller au parle-Benac, comte et puis due de), ment de Paris, II, 443. marécbal de France. II, 30. Orieux (sieur d’), président en lanbsp;Negoras, I, 58.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;des Aydes, I, 210.
Nemours (Jacques d’Armagnac, due Orléans (Gaston duo de), frère de
de), II, 40. nbsp;nbsp;nbsp;Louis XIII, I, 1, 8, 104, 105,
voie, duc'de), I, 433; II, 206, 301, 348, 392, 421, 429.
Neptune, II, 202, 218.
Néron, empereur, II, 455.
Nerva, l’empereur, I. 168.
Nesmond (Francois-Théodore de), président a mortier au parlement de Paris, I, 211; II, 137,nbsp;538.
Ne'vers (N. de Gonzague, due de), 11,51.
Nicolaï (Nicolas de), président en la chambre des Comptes, I, 209,nbsp;450.
Noailles (Anne, comte et puls due de), II, 29.
Noé, Ie patriarebe, II, 94.
Nogent (Ie comte de), II, 534
Nemours (Chorles-Amédée, de Sa- 151, 152, 154, 156, 159, 165, ¦nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;166,.173, 177, 180, 184, 192,
193, 197, 198, 202, 231, 234, 265, 344, 469, 480 ; II, 12, 15,nbsp;17, 22, 24, 30, 31, 32, 41, 44,nbsp;63, 65, 71, 88, 110, 114 135,nbsp;138, 174, 176, 216, 227, 250,nbsp;261, 265, 271, 280, 282, 283,nbsp;285, 290, 300, 309, 312, 313,nbsp;315, 322, 328, 329, 330, 345,nbsp;349, 350, 364, 365, 366, 377,nbsp;378, 380, 382, 383, 390, 392,nbsp;393, 396, 414, 420, 423, 424,nbsp;426, 450, 470, 497, 499, 503,nbsp;506, 507, 511, 513, 514, 520,nbsp;523, 538.
Noire (maitre), sienr de La Plan- Ortis (d’), I, 13.
chette, I, 214. nbsp;nbsp;nbsp;Orval (Ie comte d’), écuyer de la
Noirlieu (Ie marquis de), II, 116. reine, II, 527.
Nolrmoutlers (Louis de La Tré- Orviétau (1’), charlatan fameux, 1, mouille, marquis de), 1,112,431;nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;271,
II, 106, 128, 289, 513. nbsp;nbsp;nbsp;Oudin (Antoine), I, 511.
Normand (1’abbé), domestique du Oudinet. I, 15, cardinal Mazarin, I, 518.
Nostradamus (Michel), I, 15, 27, nbsp;nbsp;nbsp;p
416,
Nouveau, intendant de la justice en Paget, financier, 1,127. la généralité de Paris, I, 126, Palamèdes, II, 216.
Novion (Nicolas Potier, sieur de), Pallas, II, 209.
président a mortier au parlement Pallu, l’ainé, financier, I, 136. de Paris, I, 181, 186, 211, 450; Palluau (Philippe de), maréchal denbsp;II, 440, 540.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Cleramhaut, I, 151, 336; II, 30,
247.
O nbsp;nbsp;nbsp;Palluau, (I’abbé de), maitre de
chambre du Jcardlnal Mazarin,
Oems , général de 1’armée weyma- II, 400.
rienne, I, 509. nbsp;nbsp;nbsp;Palluau (N.sieur duFay),conseiller
Orléans (Marguerite de Lorraine, duchesse d’), I, 173, 202; II, 71.nbsp;Ormond (Ie comte d’), II, 45.
-ocr page 569-559
560
Ricouse, II, 217. nbsp;nbsp;nbsp;Saint Georges, 1, 26.
Rieux (N. de Lorraine, comte de), Salut-Germain Beaupré ^sienr
11,430. nbsp;nbsp;nbsp;t eur de),
Riote, financier, I, 128. nbsp;nbsp;nbsp;Saint Grégoire, pape, I, 69.
RIvière ^le clievaller de), II, 216. Saint Hippolyte, II, 367.
Rober’val (Gilles-Personne de), géo- Saint Jean Chrysostome, I, 149.
metre, I, IS.
Robin, sieur de Varize, I, 218. Rochefau (M. de), II, 205, 218.nbsp;Rocollet (Pierre), imprimeur et li-braire ordinaire du roi, I 473.nbsp;Rodolphe, I, 69.
Rohan iHenry de Chabot, due de), II, 100.
Roban (Tancrède de), II, 105. Roisi (Ie comte de), I, 433.
Roland, personnage de comédie, II, 193.
Rolet, financier, I, 134.
Saint-Joseph (dom Pierre de), de l’ordre des Feuillants, I, 277.
Saint-Julien, poëte burlesque, I, 109, 436; II, 68, 118.
Saint Landry, II, 367, 371.
Saint Louis, roi de France, I, 392 ; II, 434.
Saint-Luc (Francois d’Espinay, marquis de), I, 433.
Saint Magloire, II, 367, 371.
Saint-Maigrin (Jacques-Estuer de La Vauguyon, marquis de), I 503,nbsp;504; lï, 311.
Rolland, neveu de Charlemagne, I, Saint Marcel, II, 367. 371.
333. nbsp;nbsp;nbsp;Saint-Marc (M. de),’gent’ilhomme
Rolland, financier, 1,118. nbsp;nbsp;nbsp;de la chambre du prince de Con-
Rollln de La Haye, libraire, I, 493. dé, 11, 205, 217.
Remand, financier, I, 134. nbsp;nbsp;nbsp;Saint-Martin (M. de) II 206 367
Roquelaure (Gaston-Jean-Baptiste, Saint Médard, II, 367 nbsp;nbsp;nbsp;’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’
marquis, puis due de), 1,126, Saint Merry, 11, 367, 371
Saint Paul, apötre, II, 334, 368, 433.
Saint Paxan, II, 367, 371.
Saint Pierre, apötre, I, 426, 499; II, 333, 453.
Saint-Pol (Louis de Luxembourg, comte et connétable de), II, 40,nbsp;33.
c nbsp;nbsp;nbsp;Saint Remy archevêque de Reims,
II, 215.
Sachetti (Ie cardinal), I, 96; 11, 2Ö0. Saint-Romain (1’abbéde), 11, 204,
Sainctot (Nicolas de), maitre des ^ 213, 219.
Rose, financier, I, 127, 134. Roseret, financier, I, 132, 134.nbsp;Rosnay (Ie comte de), II, 216.nbsp;Rouilly, financier, I, 133.
Roulin, I, 494.
Ruellan, maitre des requêtes, t, 218.
cérémonies, I, 513.
Saint Ambroise, I, 449. Saint-André (de), financier, I, 131.nbsp;Saint Augustin, I, 63 ; II, 453.nbsp;Saint Aure, II, 367.
Saint Benoit, II, 367.
Saint Bernard, I, 68. Saint-Chamond (Melchior-Mitte denbsp;Chevrières, marquis de), 4o4,
Saint-irbar (Ie comte de), gentil-bomme du prince de Conty, I, 432.
Sainte Agnès, I, 468.
Sainte Avoye, II, 371.
Sainte Catherine, I, 468. Sainte-Croix (Francois-Molé, abbénbsp;de), conseiller clerc au parlementnbsp;de Paris, II, 442.
Saint Denis, l’Aréopagyte, II, 21a. Sainte Genevieve, II, 367,368,371, SamtFélix.1. IS.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;374.
II
562
Sainte Opporlune, II, 367, 371. Sévigné (Ie chevalier de), II, 103. Saintot (Nicolas), maitre des céré- Sévigné (Marie de Rabutin-Chan-moiiies, it, 130, 527, 531.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;tal, marquise de), I, 351; 11,103.
Salomon, I, 68. nbsp;nbsp;nbsp;Sévin (Charles), conseiller au parle-
Saluste, 1, 240. nbsp;nbsp;nbsp;lement de Paris, I, 213.
Samuel, financier, I, 123. nbsp;nbsp;nbsp;Sigismond, roi de Pologne, I, 367.
Sanguin, conseiller en la cour des Silhon (Jean), I, 32; II, 314.
Aydes, 1,212. nbsp;nbsp;nbsp;Sillery (Nicolas Brulart de), chance-
Sara (Henry ou Robert), libralre, I, lier de France, I, 461.
497. nbsp;nbsp;nbsp;Sillery (Ie marquis de), II, 213.
Sarrazin (Jean-Francois), secrétaire Sinon, I, 6.
du prince de Conty, I, 175; 11, Sirot (Ie baron de), maréchal de 204, 213, 219, 222, 277.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;camp, I, 188.
Saturne, II, 203. nbsp;nbsp;nbsp;Sociando, II, 236.
Sauvain, financier, I, 130. nbsp;nbsp;nbsp;Soissons (Charles de Bourbon,
Savaron (Jean), I, 441. nbsp;nbsp;nbsp;comte de), II, 20.
Savoie-Carignan (Thomas, prince Solon, I, 58.
de), I, 182. nbsp;nbsp;nbsp;Sommerance (N. de), lieutenant gé-
Scarron (Paul), conseiller au parle- néral civil et criminel de Stenay, ment de Paris, I, 473.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;II, 207.
Scarron (Paul), poëte burlesque, I, Sourdis(Charlesd’Escoubleau, mar-109, 268, 423, 471; II, 92, 118, quis de), I, 436.
241. nbsp;nbsp;nbsp;Souvray (Ie commandeur de), I,
Schomberg (Charles, due de), ma- 503. réchal de France, I, 410, 508; Souvré (Ie comte de) I, 174.
II, 101. nbsp;nbsp;nbsp;Stevin, I, 15.
Scipion 1’Africain, I, 379. nbsp;nbsp;nbsp;Strafford (Thomas de Wentworth,
Scipion Ie Jeune, II, 457. nbsp;nbsp;nbsp;comte de), II, 420, 434.
Séguier (Antoine), président au parlement de Paris, II, 459.
France, I, 265. Suétone, I, 389.
Scudéry (Madeleine de), II, 167. Strozzi (Philippe), maréchal de
Séguier (Pierre), chancelier de Fran- Sully (Maximilien de Béthune, due ce, I, 11, 156, 159, 174, 252, de), I, 409.
457; II, 71, 76, 250, 258, 529, Sylla, I, 368, 371.
539.
Séjan, I, 364. nbsp;nbsp;nbsp;T
Senecey (Ie marquis de), I, 441.
Senneterre (N., comte de), 11,419. Tabouret, financier,!, 121, 128. Séiineterre (HenrydeSalnt-Nectaire, Tacite, I, 59,64.
123, 174 Senoc, financier, 1,134.
Sercelles (sieur de), I, 219.
Sercote, joueur fameux, I, 135. Serroni (Hyacinthe), évèque d’Oran-ge, II, 46
Tallemant, financier, I, 127. Tallemant des Réaux, I, 113, 411;nbsp;II, 199.
Talon (Omer), avocat général au parlement de Paris, ï, 28, 222,nbsp;501; II, 120, 177.
dit de), maréchal de France, I, Tacite, empereur, I, 401.
Servien (Abel, marquis de Sablé), se- Tamboneau (Michel), président au crétaire d’État, 1, 104;II, 19, parlement de Paris, II, 441,442.nbsp;263, 279, 283, 314, 342, 344, Tardieu (Pierre), lieutenant crinn-343, 366, 531.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;nel au Chételet de Paris, I,
Sève (N. de, sieur de Chatignon- Tarente (Henri-Charles de La Tré-villc),luaitredesrequeles, 11,442. mouille, prince de), Igt; 433.
-ocr page 573-5S3
Targoii, Ij Ig
Tarquin le Superbe, I, 369. Tavannes (Jacques de Saulx. conite
/le), IIj 392j 421.
Telamon roi de 1’ile de Salamine.
H, nbsp;nbsp;nbsp;217.
Terrat, financier, I, 129.
Thalès, le philosopiie, I, 3b9. Théodebert, roi d’Austrasie, I, 394.nbsp;Théodoric, roi des Gotlis, I, 368,nbsp;388.nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;’
Théodose, empereiir, I, 397, 402 449.
Tbésée, II, 215.
Tbévenini (l’ahhé), I, 510.
Thibeuf (sieur dé Bouville), con-seiller au parlement de Paris et colonel de la milice, I, 218.nbsp;Thoré (N. Particelli, sieur de), président au parlement de Paris,
I, nbsp;nbsp;nbsp;311; II, 133.
Thou (Franeois-Auguste de), con-seiller au parlement de Paris, I, 401; II, 33.
Thou (Auguste de), président aux enquêtes, I, 213.
Thucydide, I, 64.
Thyeste, II, 162.
Tibère, I, 364, 442; II, 462. TilJadet (le,marquis de), gouverneurnbsp;de Brissac, II, 29.
Tillet (du), président aux requétes du palais, I, 221.
Tillet (sieur du), conseiller au parlement de Paris, I, 213.
Tillet (Jean du), greffier du parlement de Paris, II, 431.
Timothée, disciple de saint Paul, II, 334.
Tiriot (Jean), ingénieur, auteur de la digue de la Rochelle, I, 13.nbsp;Tisiphone, II, 193.
Tite, disciple de saint Paul, II, 334. Tite-Live, I, 466,
Torelli, I, 311.
Toully (M. de), II, 206.
Tournon (Francois de), cardinal, II, 46.
Tracy ou Trassi (le sieur de) ,
I, 433; II, 219.
Trajan , I’enipereur, I, 138, 390, 401.
Travor, I, 13.
Tremblay (sieur du), gouverneui de la Bastille, I, 210; II, 33.
Tresmes (N. Potier, due de), II,
34.
Tréville (M. de), I, 436.
Trimouille (Henry due de La ), I, 434; II, 144.
Tristan I’Ermite, I, 409.
Tubeuf (Charles., baron de Blan-sac), president a mortier au parlement de Paris, I, 55, 121, 123, 124, 126, 129, 174, 412; II,nbsp;222,223,409,441.
Tureune (Henry de La Tour-d’Au-vergne, vicomte de), I, 203, 272, 434, 509 ; II, 47, 140, 133, 169,nbsp;171, 174, 173, 202, 214, 213,nbsp;280, 390, 403, 424, 423, 522.
Turgot (N.), conseiller au grand conseil, I, 4.
Turlupin, II, 193.
u
Ulysse, roi d’ltliaque, II, 60, 216.
Uncelenus, I, 327.
Ursina (Portia), femme de Pietfo Mazarini, I, 292.
V
Valentinois (César Borgia, comte de), I, 380.
Valette (Jean-Louis, chevalier de La), I, 179, 183, 190, 217; II,nbsp;118.
Valignie(de),II, 206.
Vallicont, financier, I, 113.
Vallon (N. comte de), II, 392, 420.
Vanel (Claude, dit Trécourt), financier, I, 122, 128.
Varenne (le comte de), lieutenant general, II, 202, 204, 218.
Varin (Jean), graveur et maitre de la monnaie de Paris, I, 125.
Variqnet (Pierre), lihraire, I, 497 .
Vassant, financier, I, 130.
Vcndónie (César, due de), I, 433, 509 ; II, 58, 532, 540.
Verderonne (Claude de Laubepine, baron de), gentllhomme du due
-ocr page 574-pus DE LA. TABLE ALTHABETIQUE.,
-ocr page 575-Pages.
1. nbsp;nbsp;nbsp;Discours sur Ie gouvernement de la reine depuis sa ré-
gence....................................... \
2. nbsp;nbsp;nbsp;Catéchisme des courtisans de la cour de Mazarin....... 0
3. nbsp;nbsp;nbsp;Discours au parlement sur la détention des Princes,...nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;10
4. nbsp;nbsp;nbsp;Factum pour luessieurs les Princes {extrait).......... 40
5. nbsp;nbsp;nbsp;L’ünion ou Association des princes, etc.............. 63
6. nbsp;nbsp;nbsp;Le Courrier burlesque de la guerre de Paris, etc...... nbsp;nbsp;nbsp;68
7. nbsp;nbsp;nbsp;Manifeste de madame la duchesse de Longueville...... 168
8. nbsp;nbsp;nbsp;Apologie des Frondeurs.......................... 178
9. nbsp;nbsp;nbsp;Le Frondeur désintéressé (extrmV).................. 188
10. nbsp;nbsp;nbsp;Apologie pour Malefas.......... 192
11. nbsp;nbsp;nbsp;Le Temple de la déesse Borbonie.................. 201
12. nbsp;nbsp;nbsp;Apothéose de madame la ducbesse de Longueville, etc.. 208
13. nbsp;nbsp;nbsp;Remise de la bibliothèque de Mgr le cardinal Mazarin par
le sieur Naudé entre les mains de M. Tubeuf....... 222
14- La Juliade, etc. {extrait)......................... 227
18. Requête de la noblesse pour 1’assemblée des états gé-
néraux...................................... 230
16. nbsp;nbsp;nbsp;Declaration des prétentions de la noblesse, etc........ 239
17. nbsp;nbsp;nbsp;La Mazarinade.................................. 241
18. nbsp;nbsp;nbsp;Défense de 1’ancienne et légitime Fronde............ 284
19. nbsp;nbsp;nbsp;Avis désintéressé sur la conduite de Mgr le coadjuteur.. 259
-ocr page 576-566 nbsp;nbsp;nbsp;TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
20..Lettre d’un marguiller de Paris a son cure, etc....... 277
21. nbsp;nbsp;nbsp;La Requête des trois Estats touchant le lieu et les per-
22. nbsp;nbsp;nbsp;Les Particularités des cérémonies observées en la majo-
rité du Roy, etc............................... 310
23. nbsp;nbsp;nbsp;Les Sentiments d’un fidéle sujet du Roy sur l’arrêt du
Parlement du 29® décembre {extrait).............. 314
24. nbsp;nbsp;nbsp;Ordre donné par le Mazarin a son maitre d’hótel pourun
plat dont il yeut que sa table particulière soit servie
pendant tous les jours du mois de février, etc....... 339
2o. Le Secret de la Cour............................. 342
26. nbsp;nbsp;nbsp;Croisade pour la conservationnbsp;nbsp;nbsp;nbsp;dunbsp;nbsp;nbsp;nbsp;Roy et du royaume. . 3S2
27. nbsp;nbsp;nbsp;Les Intéréts du temps............................ 359
28. nbsp;nbsp;nbsp;Statuts des chevaliers de la Paille,nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;etc............... 366
29. nbsp;nbsp;nbsp;L’ordre et cérémonie qui se doit observer en la descente
de la cbasse de Sainte Genevieve, etc............. 367
30. nbsp;nbsp;nbsp;L’Esprit de paix................................. 373
31. nbsp;nbsp;nbsp;Récit véritable de tout ce qui s’est passé 5 1’hótel de
ville touchant 1’Union, etc.................. 379
32. nbsp;nbsp;nbsp;Liste générale des morts etblessés.... a la généreuse ré-
solution faite a 1’hótel de ville, etc............... 383
33. nbsp;nbsp;nbsp;Le Vraisemblable sur la conduite de Mgr le cardinal de
Retz........................................ 386
34. nbsp;nbsp;nbsp;Tarif du prix dont on est convenu____pour récompenser
ceux qui délivreront la France de Mazarin, etc...... 397
33. La Vérité toute nue, etc.......................... 406
36. nbsp;nbsp;nbsp;Satyre du parlement de Pontoise................... 438
37. nbsp;nbsp;nbsp;Les Justes plaintes de la Crosse et de la Mitre du coad-
juteur de Paris, etc............................. 444
38. nbsp;nbsp;nbsp;Le Raisonnahle plaintif sur la dernière déclaration du
Róy......................................... 452
39. nbsp;nbsp;nbsp;Requéte des peuples de France.... a Nos Seigneurs de
la cour de parlement, etc.......................
40. nbsp;nbsp;nbsp;Avis important et nécessaire aux corps de ville, bour
-ocr page 577-567
rages.
41. nbsp;nbsp;nbsp;La Vérité prononcant ses oracles sans flatterie {extrait). 500
42. nbsp;nbsp;nbsp;La Vérité continuant de prononcer ses oracles [extrait).. 516
43. nbsp;nbsp;nbsp;Relation veritable de ce qui s’est passé a Pontoise en la
reception des six corps des marchands, etc......... 526
44. nbsp;nbsp;nbsp;Virelay sur les vertus de sa faquinance.............. 534
45. nbsp;nbsp;nbsp;Relation veritable des particularités observées en la ré-
ception du Roy dans sa bonne ville de Paris, etc.... 538
FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES.
Iniprimerie de Ch. Lahure (ancienne maison Crspelet) nie de Vaugirard, 9, prés de 1’Odéon.
-ocr page 578- -ocr page 579- -ocr page 580- -ocr page 581- -ocr page 582-.i .gt; ^ nbsp;nbsp;nbsp;4nbsp;nbsp;nbsp;nbsp;.:f
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