DV ROY HENRY IV.
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le n’ay pen Encore facisfaire ma curiofite dcpuis'^ le temps qiic i’ay remarqué auec de reftonnement,,nbsp;beaucoup de trouble dans I’adion de ceux qui paf-fène pardeflus ccPonc^amp; Tappareil extraordinaireounbsp;Ics Gitoyens m’ontparu :Ic lesay veu marcher armeznbsp;animez, comme pour repouffer gcncrcufemencnbsp;I ennemy qui les voudroit aihegcr, 6c plufieurs bruitsnbsp;de trompettes amp; de tambours de touscoftez, m’ontnbsp;lait connoiftre que dans I’cneeinte de cette grandenbsp;Villc le calme aiioit fait place au defordre; ces Chanteurs aulTi qui fi fouuent m’importunent auec leursnbsp;Voix enroüées,ont(ce me femble) plufieurs fois cileuenbsp;le ton pour faire fonner les noms de qiielqises braues gt;nbsp;ï^rinces amp;vaillansCapitaines,efleu.zdenouueaupournbsp;fjcneraux des armies Fi'ah^oifes. ll eft encore venunbsp;Pjfquesa mesorcillesles boiirdonncmensde ces con-teurs de nouuel{es, amp; veritablement,quoy que routesnbsp;ail tres fois ie les aye extremcment mefprifeZjl’arr
deur qui nic paroiffoit dans les yeux des vns,amp;Ia con-fternacion fur Ie vifage des autres, m’ontfait naiftrc Tenuic d’apprendre les caufes de tous ces mouuemens:nbsp;maisde touscoftcz ie n’ay entendu que les trirtcsef-fets de la licence duSoldat infolent, lots que Ja fureurnbsp;du General leur permet derauagcr Ia campagne. Lesnbsp;pauures Païfans fe lamentöient pour leurs maifonsnbsp;bruflées, pillées, Sc tous leurs bienscnicuez par cesnbsp;loups rauilLms, amp;deploroient la pitoyable fortunenbsp;de leurs enfans,reftez de Ia proye de ces impicoyables,nbsp;a qui lesmeurtres amp; les violemens feruent deicuxiesnbsp;plus ordinaires. Vn nombrc infiny d’autrcs miferesnbsp;me firenc vcritablement companion,«S: ie fus fur toutnbsp;puifTamment touchéalavcue de pluficurs innocen-tes Rcligieufcs, que fans doute la peur d’elprouuer lanbsp;barbarie de l’impie ennemy,obligcoi£ a quitter leurnbsp;retraite, amp; a fc mefler parmy Ie feite du monde, aprcsnbsp;que leur vceu les en auoit feparées. Toutes ces chofcs,nbsp;mon Fils,m ont d’abord faitcraindrc,que pat vne fu-nelte aduanture 1’ennemy n eull emporté des aduan-tages trcs-grands a Ia ruinc de la France j car que pou-uois-ic foup^onner autrechole, voyant faire Icuée dcnbsp;tant de milice,amp;: la proclamation de nouueauxnbsp;fi cc n ell que nos Soldats Scnos Capitaincs,cy deuantnbsp;fignalez par tant de belles aótions, amp;par tant devi-«Sloircs funelles al’EfpagnCjauoicnt luccombé, nonnbsp;fous la vcrtu, car il ne peut cftre, mais par les caballesnbsp;êc les trahifons des eltrangers. Oüy, mon Fils, i’auoisnbsp;joccafion de croirc la dcftaite de ces fleuriifantcs ar-inées,amp; la morcou laprifedc nos Gucrricrs, quan^
-ocr page 5-il paroifloit a mes yeux tant demprelTemcnt peur amafTcr de nouuellcs trouppes.
Mais qir’efi dei enu ce Prince de Condé,braue par fes fameufes deffaires dc Rocroy, de Lens amp; ranc d‘au-rres? Ou cft ce Comte d Harcour dont iesgenereufesnbsp;aólionsoncelclatrcfi hauremcnr,a la bonte des Efpa-gnols aux llles, a Cazal, a Thurin, amp;: prelque par tournbsp;OU il a porté fonefpéc? Oü font tant d'auties vail-ians, difois je, car ie n'ay iamais püconicntir a croi-re que I'cnncmy eurtvaincii ii enticrement, qii il ncnbsp;nous en fuft rede aiicun ? Pourquoy done n’cn pa-roift il point, n’ont-ib plus Ie mefme zeleamp;Ies mef-mes paflionspour la deftenledenollre querel!c?Pour'nbsp;roit-il cürc arnué que rEltranger eufè gaigné leursnbsp;inclinations, ie nevoudrois pas les foupconncrct’vnenbsp;iacheté ü infame, apres ce quils ont cxccmé pournbsp;cetre Couronne? Cell a vous done, mon Fils, que icnbsp;demande rcfclairciflemcntde touresccs cholcsiTi-rez moy de Ia peine ou me met ce que i’entends dire,nbsp;que Fans cll blocquc amp; afliegé, que 1’on veut l’affa-mer, amp;rle reduire en Fclfatou il s eft veu parmava-leur, lots que la iulf ice de ma caufe feconda fi heureu-fement mes arnies, que mesSubjets rcconnurenc leiirnbsp;Roy amp; leur faute dans laruinedu party ouilselloientnbsp;cmbarralTez, par les artifices de ceux qui naiioientnbsp;pour moy amp; pour la Couronne, que de tres-perni-cieufes intentions, Faduoue encore maintenant, quenbsp;ce fuft par vne toute particuliere aftiftance dc Dieunbsp;que i’cn vins a bout, Sc le fuis tres certain qu’vne parelde entreprife ne l^auroic plus leüftir qua la confu-
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ceux qui la voudroicnt executer,amp;que I’EC-pagnc auec routes fes puiflanceSjfe trouucroic trop loible pour former raifonnablcment vn cleflein denbsp;cetfc importance; outreque ie f^ay par combien denbsp;pertes, moy,amp; puis vous, fauons affoiblie,amp; que tancnbsp;de triomphcsremportez furellejOnt mis la France ennbsp;clèat de Ia faire trembler, bien loin d’en craindrcnbsp;quclquc chofe : Ces raifons ant difïippé mes premieres apprehenfions j mais dautrcs conlidcrations menbsp;rameinent de nouuelles craintes, amp; poflible que c’eftnbsp;auec trop de iuftice que ce (oucy fe rccueille tres-for-tement en moy. Ce n’eft pas d’aujourd’huy que iaynbsp;preueu d’infaillibles defordres, par Ie trop de puilTan-cequhdepLiis moyaefté mifeentrelesmainsdesMi-niftresd Èftat,lefqiiels en abufent Ie plus fouuenc: Etnbsp;certes (s’il y a quelque chofe a fouhaitner dans voftrenbsp;regne) il faut que ie vous die, mon Fils,que voftrcnbsp;bonté auoit trop efleué Ic Cardinal de Richelieu, amp;nbsp;luy auoit foulfert prendre trop de credit,il sen eftnbsp;préualu fansdoute beaucoup, amp;:quoy que Ton aycnbsp;remarqué fa paffion pour l’intercft de l’honneur de lanbsp;France,l’onne f9auroitneantmoins dourer,quepournbsp;vouloir trop agrandir Ic corps de cét Elfat, il ne laysnbsp;bien amaigry, 6c ii ell trop vray qu’il a mine des fon-demens pour Ie rehauffcr. Touresfois fa naiffance n’c-ftoir pasodieufe,amp;: lifTuede fesentreprifesfcrt afaiu-ftih cation, 6c les grandcs chofcs que fon Genie, veri-tablement extraordinaire, afceu conduire pour nosnbsp;aduantages, amp; dedans 6c dehors le Royaume,doiucntnbsp;en quelque falt;^on rendreplusfupportable ladiffipa-
-ocr page 7-tiolldc beaucoup dcFinances arriuée de fon femps, non pourtantpas faite hors dc Franccjamp;quc (i eile ennbsp;aapauury vne partic, 9’a efté en mefme temps pournbsp;enrichii rautic. Les bruits quiont couru du'mauuaisnbsp;^nuueriiement qu’a piattiqué Ie Cardinal Mazarinnbsp;depuisquclquesannécs, me fait parlcrde Iafacon,amp;nbsp;le vous iureque iay dc tres-grands domes fur luy, ap-picncz-moy fi mes foup^ons s’accordentauecla vc-rité,amp; fi ie fuis bon prophete,lors qu’il pafle chez moynbsp;pour Tautheur des difgraccs prefentes. Ie fais ce iuge-mentconrcquemmentaceluy que i’ay conceudc fonnbsp;minifterCjdont les perfidesdefieinsont pour but I’ex-rrême mifere du Pcuple,la ruine de ia Noblefied ab-baifTemcnc des Magiftrats, a la bonte cternclle desnbsp;Princes quile {ouffrent.Sicilien/ubjet dc i’Efpagno},nbsp;amp;L Miniftrc d’Eftat en France, ie le crois pour moy af-{czmeFchant pour luy imputer tousles mal-hcurs quinbsp;nous peuLient trauerfcr pendant qu’il fera Fejour dansnbsp;nosEftatSjSi ie fouhaitterois qu’ii fufl: pour iamaisnbsp;purge dc parcils monllres. ll mefafchc de ceque ienbsp;luis envn lieu ou la relation des cuenemens ne paf-'nbsp;fe iuFques a moy que par la bouche des derniersdesnbsp;hommes, amp; que i’en fois inftruic par la canaille, carnbsp;ainfi ie demeurclong temps en peine dcuant que fca-uoir la verité dece qui le palle j iufques icy on ne m’anbsp;pas veu rechcrcher auec cmprelFemenc des nouuelles,nbsp;aiifii n’en ayde iamais attendti de fi extraordinaires:nbsp;Vous cftes dans Ic’plus beau quartier de Paris,amp; ie fuisnbsp;afl'curé que tantde peiTonnes de condition qui foncnbsp;Vos voifins, n’y en debitent que de tres-afieuréesi ie
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vous demande tres-inftammcnt de men faire part, amp; decontcntcr mon imparience par la voye ciu pre-fent porccur, c’efl la plus commode que i’aye fccunbsp;trouiier amp; hier au foir fono-eaiitau deflein de vousnbsp;coniuirer en cetce occurrence, ie vis pafTer vn de mesnbsp;vieux feruitcursdont i’ay connu aurrcsfoislahdeiiié,nbsp;ici’appellay, amp;par moncomman dement, cettenuid:nbsp;il m'a apporté du papier aucede iancre, dont ie menbsp;fuisferuyalafaucurd’vn flambeau :Il vous rendra Ienbsp;mefme office, amp; ie me promets de vous la farisfadionnbsp;que iedefiredanslaconiondurcdes affaires, qui manbsp;laiflè beaucoup deftonnement. Cette merueiile denbsp;nous voir en Bronze erci ireamp; raifonner, lurprendranbsp;fort iepionde,mais qu’on ne s’eftonne point pournbsp;cc prodige, car s’il pronoftique du mal-heur, cc n eftnbsp;qu’alaruine amp; a laconfufion des Autheurs de iafouf-france publique,pour lavcngcance de nos fideles Pa-rifiens, done les eoeurs font toufiours embrazez denbsp;zele pour leurRiby,amp;: d’vn refped inuiolable.Ou heu-reux puiflent-ils viure a iamais apres auoir clitfré leursnbsp;perfecuteurs, amp; deftruit tous Icurs ennemis. Mon an-cre cfl: acheuée : Adieu, c’eil
Du Pont neuf i deux hcurcs aprts nnnuit,!c 26 Marsnbsp;de 1’amiée 164?.
Voflre Pere tres-affedionné, Henry oeBovrbon,nbsp;en Bronze.
La Refpnfe a» premier tour-